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Full text of "Encyclopédie, ou, Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers \"

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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/encyclopdieoud02alem 


ENCYCLOPEDIE, 

o  u 

DICTIONNAIRE   RAISONNÉ 

DES    SCIENCES, 

DES   ARTS   ET  DES    MÉTIERS. 

TOME     SECOND. 

B  =  CEZ 


ou 

DICTIONNAIRE    RAISONNÉ 

DES    SCIENCES, 

DES    ARTS    ET    DES    MÉTIERS, 

PAR   UNE   SOCIÉTÉ  DE   GENS  DE  LETTRES. 

Mis  en  ordre  &  publié  par  M.  DIDERO  T,  de  l'Académie  Royale  des  Sciences  &  des  Belles- 
Lettres  de Pruffe  ;  &  quant  à  la  Partie  Mathématique,  par  M.  D'ALEMBERT, 
de  l'Académie  Royale  des  Sciences  de  Paris ,  de  celle  de  Pruffe ,  &  de  la  Société  Royale 
de  Londres. 

Tantum  ferles  juncluraque  pollet , 
Tantum  de  medio  fumptis  accedït  honoris!   HoRAT» 

TOMESECOND. 


Chez 


PARIS, 

rue  Saint  Jacques ,  à  la  Science. 
Saint  Jacques ,  à  la  Plume  d'or. 
Imprimeur  ordinaire  du  Roy ,  rue  de  la  Harpe. 
Saint  Jacques ,  à  Saint  Landry ,  &  au  Griffon. 


M.    D  C  C.    L  I. 

AVEC     APPROBATION     ET     PRIVILEGE     DU     R  0^ 

^      r' 

>    i 


AVER  TIS  SEMENT 

DES 

EDITEURS. 

LA  reconnoiffance  8:  l'équité  nous  obligent  à  commencer  cet  Avertiffement  par  an- 
noncer les  Savans  qui  ont  bien  voulu  concourir  à  la  compofîtion  de  ce  fécond 
Volume  &  des  fuivans. 

Nous  ne  pouvons  trop  nous  hâter  de  publier  que  M.  de  Buffon  nous  a  donné  pour  uri 
des  Volumes  qui  fuivront  celui-ci  l'article  Nature  ;  article  d'autant  plus  important ,  qu'il 


paroitre  dans  les  fujets  qu'il  traite. 

M.  le  Chevalier  de  Jaucourt,  que  la  douceur  de  fon  commerce  6k  la  variété  de 
fes  connoiffances  ont  rendu  cher  à  tous  les  gens  de  Lettres ,  &  qui  s'applique  avec  un  fuc- 
cès  distingué  à  la  Phyfique  6k  à  l'Hiftoire  Naturelle  ,  nous  a  communiqué  des  articles  nom- 
breux ,  étendus ,  &  faits  avec  tout  le  foin  poiïible.  On  en  trouvera  plufieurs  dans  ce  Vo- 
lume ,  &  nous  avons  eu  foin  de  les  désigner  par  le  nom  de  leur  Auteur.  Ces  articles  font 
les  débris  précieux  d'un  Ouvrage  immenfe ,  qui  a  péri  dans  un  naufrage ,  &  dont  il  n'a 
pas  voulu  que  les  relies  fufîent  inutiles  à  fa  patrie. 

M.  de  Mondorge,  généralement  eltimé  par  la  fineffe  de  fon  goût,  &  par  fon  amour 
éclairé  pour  les  Lettres  6k  pour  les  Beaux- Arts  ,  a  donné  fur  la  Gravure  en  couleur,  un  Mé- 
moire important,  dont  on  fera  ufage  à  l'article  Gravure. 

M.  Venel  ,  dont  nous  avons  parlé  avec  éloge  dans  le  Difcours  Préliminaire  ,  &  qui 
nous  avoit  déjà  communiqué  plufieurs  éclairciflemens  utiles ,  ne  s'ell  pas  borné  à  ce  tra- 
vail ;  il  a  bien  voulu  fe  charger  d'un  grand  nombre  d'articles ,  à  la  fin  defquels  on  verra 
fon  nom ,  &  dont  quelques-uns  fe  trouvent  déjà  dans  ce  Volume. 

M.  l'Abbé  de  Sauvages,  de  la  Société  royale  des  Sciences  de  Montpellier,  auteur  de 
plufieurs  excellens  Mémoires ,  imprimés  dans  le  recueil  de  l'Académie  des  Sciences  de 
Paris ,  a  fourni  un  morceau  curieux  fur  les  Toiles  peintes ,  6k  un  autre  fur  le  Sel  de  marais. 

Mais  nous  devons  fur-tout  beaucoup  à  une  Perfonne  ,  dont  l'Allemand  elt  la  Langue  ma- 
ternelle ,  6k  qui  elt  très-verfée  dans  les  matières  de  Minéralogie  ,  de  Métallurgie  ,  6k  de  Phy- 
fique ;  elle  nous  a  donné  fur  ces  différens  objets  une  multitude  prodigieufe  d'articles  ,  dont 
on  trouvera  déjà  une  quantité  considérable  dans  ce  fécond  Volume.  Ces  articles  font  ex- 
traits des  meilleurs  ouvrages  Allemands  fur  la  Chimie  ,  que  la  Perfonne  dont  nous  parlons 
a  bien  voulu  nous  communiquer.  On  fait  combien  l'Allemagne  elt  riche  en  ce  genre  ;  & 
nous  ofons  en  conféquence  alTùrer  que  notre  Ouvrage  contiendra  fur  une  fi  vafte  matière 
un  grand  nombre  de  choies  intéreilantes  6k  nouvelles ,  qu'on  chercheroit  en  vain  dans  nos 
livres  François. 

Ce  Savant  ne  s'efl:  pas  contenté  de  nous  rendre  un  fi  grand  fervice.  Il  nous  a  fourni  encore 
plufieurs  articles  fur  d'autres  matières  :  mais  il  a  exigé  que  fon  nom  demeurât  inconnu  ;  c'eit 
ce  qui  nous  empêche  de  faire  connoître  au  Public  le  nom  de  ce  Philofophe  citoyen ,  qui 
cultive  les  Sciences  fans  intérêt ,  fans  ambition ,  6k  fans  bruit  ;  6k  qui ,  content  du  plaitîr 
d'être  utile ,  n'afpire  pas  même  à  la  gloire  fi  légitime  de  le  paroitre. 

Les  feules  critiques  auxquelles  nous  nous  croyons  obligés  de  répondre  dans  cet  Ouvrage , 
confïitentdans  les  plaintes  de  quelques  perfonnes  à  qui  on  n'aura  pas  rendu  juftice.  Nous  tâ- 
cherons d'y  fatisfaire  d'une  manière  digne  d'elles  6k  de  nous  ;  6k  nous  commencerons  aujour- 
d'hui par  M.  Vaucanfon.  Cet  illuitre  Académicien ,  célébré  dans  l'Encyclopédie  aux  arti- 
cles Automate  6c  Androide  ,  comme  les  hommes  fupérieursle  doivent  être ,  s'eit  plaint 
avec  raifon  de  l'article  Asple  ,  dans  lequel  on  a  fait  fur  un  fimple  oui-dire  une  expofition  in- 
fidèle 6k  peu  favorable  d'une  très-belle  machine  de  fon  invention ,  dont  il  a  publié  la  descrip- 
tion depuis,  6k  dont  on  a  paru  vouloir  partager  la  découverte,  quoique  fans  aucune  inten- 
tion de  la  partager  en  effet ,  mais  par  un  fimple  mal-entendu  qu'il  importe  peu  de  détailler 
Tome  II.  A 


*J 


A  VERTlSSEMENT,fsc. 


ici.  La  confiance  avec  laquelle  M.  Vaucanlbn  a  bien  voulu  s'adrefTer  à  nous ,  a  été  reçue 
de  notre  part  avec  tous  les  égards  que  l'on  doit  aux  vrais  talens  ;  il  nous  a  paru  aufïi  fàtis- 
fait  de  nos  procédés  ,  que  nous  l'avons  été  des  tiens  ;  &  nous  fommes  convenus  de  ré- 
former cet  article  ,  &  de  distribuer  avec  le  fécond  volume  la  feuille  corrigée.  M.  Vau- 
canlbn a  fait  plus  :  il  a  bien  voulu  nous  avertir  de  quelques  erreurs  où  l'on  ell  tombé  dans 
ce  même  article  ,  en  fuivant  à  la  lettre  le  règlement  de  Piémont ,  qui  paffe  néanmoins 
pour  le  meilleur  qu'il  y  ait  en  fon  genre  ;  &  ces  erreurs  feront  rectifiées  par  la  même  occa- 
fion  dans  la  nouvelle  feuille. 

On  a  attribué  par  méprife  dans  le  Difcours  Préliminaire  la  dernière  édition  de  Daviler 
à  M.  Blondel  ;  il  n'eft  Auteur  que  des  Planches.  L'édition  eft  d'un  homme  de  Lettres  très- 
connu  par  fon  goût  &  par  fes  lumières ,  M.  Mariette  ,  dont  le  Traité  des  Pierres  gravées 
a  été  fi  bien  reçu  du  Public. 

On  ne  doit  point  perdre  de  vue  en  lifant  cet  Ouvrage  ,  i°.  que  chacun  des  Auteurs  ré- 
pond de  (es  articles ,  &  ne  répond  que  des  liens  :  c'eft  pour  cela  qu'on  a  defigné  ceux  de 
chacun  par  une  marque  diftinétive  ;  20.  que  l'Encyclopédie ,  quoiqu'elle  renferme  certai- 
nement ,  &  de  l'aveu  de  tout  le  monde  ,  un  très-grand  nombre  de  chofes  qui  lui  font  pro- 
pres ,  ne  peut  &  ne  doit  être  néanmoins  dans  fa  plus  grande  partie ,  qu'un  recueil  de  ce  qui 
le  trouve  ailleurs.  Plufieurs  de  ceux  qui  ont  travaillé  à  ce  Dictionnaire  ont  cité  fort  exac- 
tement les  fources  où  ils  ont  puifé  ;  les  autres  l'auroient  dû  faire  fans  doute  :  mais  quand 
les  articles  empruntés  fans  citation  ,  font  bien  faits  d'ailleurs  ,  l'inconvénient  qui  réfuîte  de 
cette  omifTion  par  rapport  à  l'Ouvrage  ,  paroît  allez  léger.  Au  refte  ,  il  fera  facile  ,  fi  le 
Public  le  juge  à  propos ,  de  donner  dans  un  des  Volumes  fuivans  la  lifte  des  principaux 
ouvrages  qui  ont  fervi  à  la  compofition  de  l'Encyclopédie  ;  on  a  déjà  averti  dans  le  Dif- 
cours Préliminaire  que  tous  les  Dictionnaires  ont  été  plus  ou  moins  utiles ,  quoique  plufieurs 
des  Auteurs  n'y  ayent  eu  nullement  recours. 


ïlj 


CORRECTIONS     ET     ADDITIONS 

Pour  le  Premier  Volume. 


D 


A  N  S  le  Dificours  préliminaire ,  page  xlj.  liane 
31  &  33  ,  au  lieu  de  ces  mots ,  des  nouvelles  vues ,  li- 
fe^  des  vues  nouvelles,  ibid,  ligne  S J.  depuis  le  mot 
entr'autres ,  efface^  le  rejle  de  laphrafe. 

A  Carticle  ABDICATION,  au  lieu  de  Philippe  IV. 
lif.  Philippe  V. 

A  t article  AbrA,  ligne  pénultième  ,  au  lieu  de  16  , 
lif.  61. 

AT  article  Acanthe  ,  en  Architecture  ,  lig.  33  ,  au 
lieu  de  Villapaude ,  lif.  Villapande. 

A  l'article  Acceptation  , p.  68,  col.  1,  lig.  17, 
au  lieu  de  par  lef quelles  ,  lif.  par  laquelle. 

Quelques  erreurs  de  copijle  s' étant  gliffées  dans  Cim- 
preffwn  de  la  Table  des  Accords,  article  ACCORD 
du  volume  précédent ,  on  a  cru  devoir  rétablir  ici  le 
commencement  de  cette  Table. 

TABLE    DE    TOUS    LES    ACCORDS 

reçus  dans  l'harmonie. 

Accords    fondamentaux. 

Accord  parfait ,   &  fes  dirivés. 

Sa  tierce  au  grave.     Sa  quinte  au  grave. 


Le  fon  fondamental 
au  grave. 


-ïï- 


-G: 


-P- 


Jjl 


Accord  parfait.  Accord  de  fixte.         Accord  de  fixte  quarte. 

Cet  accord  conrtitue  le  ton,  &  ne  fe  fait  que  (ur 
la  tonique  ;  fa  tierce  peut  être  majeure  ou  mineure, 
&  c'elt  ce  qui  conftitue  le  mode. 

Accord  Jenfible  ou  dominant ,  &  fes  dérivés. 

Sa  feptieme  au  gr. 
-©• 


Le  Ton  fondamental     Sa  tierce  au     Sa  quinte  au 
au  grave.  grave.  grave. 


â 


Accord  lenfible.  De  fauffe  quinte.  De  petite  fixte    De  triton, 
majeure. 

Aucun  des  fons  de  cet  accord  ne  peut  s'altérer. 
Accord  de  feptieme  ,  &  fis  dérivés. 


Le  fon  fondamental 
au  grave. 


Sa  tierce  au 

grave. 


Sa  quinte  au     Sa  feptieme  au  gr. 
grave.  ^x. 


m 


a 


n: 


-| 


Accord  de  feptieme.  De  grande  fixte.  De  petite  fixte     De  féconde, 
mineure. 

La  tierce,  la  quinte,  8c  la  feptieme  de  cet  accord 
peuvent  s'altérer. 

Accord  de  fplieme  diminuée  ,  &  fes  dérivés. 


Le  fon  fondamental 
au  grave. 


Sa  tierce  au 
grave. 


Sa  quinte  au     Sa  feptieme  au  j 
grave.  £j_ 


H 


3E# 


Accord  de  feptieme  De  fauiTe  quinte  De  tierce  min.    De  féconde 
diminuée.  &  fixte  maj.  &  triton.         fuperrlue. 

Aucun  des  fons  de  cet  accord  ne  peut  s'altérer. 


Accord  de  fixte  ajoutée  ,  &  fes  dérivés. 

Le  fon  fondamental   Sa  tierce  au        Sa  quinte  au     Sa  fixte  au  grave» 
au  grave.  grave.  grave.  _@.  = 


^h— m 


X': 


AccorG  w  uxte     Accord  ajouté     Accord  ajouté    Accord  ajouté 
ajoutée.  de  petite  lixte.       de  féconde.  de  feptieme. 

Je  joins  ici  par-tout  le  mot  ajouté,  pour  distinguer 
cet  accord  &  fes  renverfés  des  productions  fembla- 
bles  de  Y  accord  de  feptieme. 

Ce  dernier  renverfementqui  porte  le  nom  $  accord 
ajouté  dejeptieme ,  eft  très-bon ,  &  pratiqué  par  les 
meilleurs  Muficiens, même  par  tel  qui  le  defaprouve  ; 
mais  ce  n'eft.  pas  ici  le  lieu  de  m'étendre  fur  ce  fujet. 

Accord  de  fixte  fuperflue ,  &C 

N.  B.    Voye^  à  Carticle  ACCORD  le  relie  de  la 

table. 

A  Carticle  ACCOUPLEMENT  ,  ligne  5  ,  au  lieu  de 
Manfard,  lif.  François  Manfard. 

Ibid.  ligne  \  1  ,  au  lieu  de  DesbrolTes ,  lif  de  BrolTe, 
C'elt  ainli  que  fe  nommoit  ce  fameux  architecte  , 
qu'on  a  appelle  mal-à-propos  Desbrojjes  dans  le  pre- 
mier  volume  de  l'Encyclopédie. 

A  Carticle  ADRIANISTES  ,  à  la fin  il  faut  Lindan, 
au  lieu  de  Lidan. 

A  Carticle  Adrumete,  au  lieu  de  Byfance,  lifiç 
Byfacène. 

A  la  fin  de  Carticle  AGIR,  ajoute^:  cet  article  ell 
tiré  du  Traité  des  premières  vérités ,  dans  le  Cours  des 
Sciences  du  P.  Bulrier  ,  Jeluite. 

Dans  Cart.  AGNUS  ScYTHICUS  ,p.  179  ,  col.  2, 
lig.  28  <S°  19 ,  au  lieu  de  Sigifmond,  d'Hesberetein  , 
lij.  Sigifmond  d'Herbeiliain.  Ibid.  page  itfo  ,  col.  1 , 
lig.  10 ,  au  lieu  J'après ,  lif.  avant. 

A  Carticle  ALASTOR ,  au  lieu  ^'Ophnéus  &  Dyc= 
téus ,  lif.  Orphnéus  &  Nyctéus. 

A  la  fin  de  Carticle  Alcôve  ,  ajoute^:  On  a  fait 
alcôve  maiculin  ,  quoique  Defpreaux  ait  dit  une  al- 
côve enfoncée ,  en  parlant  du  lit  de  la  MollefTe  ;  parce 
qu'il  lemble  que  l'ufage  fait  aujourd'hui  alcôve  plus 
mafeulin  que  teminin.  Au  refte  on  peut  lui  donner  quel 
genre  on  veut ,  cela  eft  affez  indifférent  ;  l'étymolo- 
gie  de  ce  mot,  qui  eftpeu  connue  S:  allez  obfcure,  ne 
rournilîant  fur  ce  point  aucune  décifion.  Iln'en  eft  p3S 
de  même  à' antichambre  &  à' 'automne,  dont  nous  avons 
fait  le  premier  teminin ,  &  le  fécond  mafeulin  ,  con- 
tre l'ulage  qui  paroît  commencer  à  s'établir  ,  &  qui 
néanmoins  n'a  pas  encore  pris  le  deffus.  Il  nous  pa- 
roît ridicule  de  taire  chambre  féminin,  &  antichambre 
mafeulin  :  à  l'égard  d'automne  ,  tout  concourt  à  le 
rendre  maiculin  ;  les  trois  autres  faifons  qui  font  de 
ce  genre  en  notre  langue, &  l'étymologie  autumnus 
mu  elt  du  maiculin.  La  terminailon  par  un  e  muet  ne 
prouve  rien  en  faveur  du  genre  ;  car  verre ,  tonnerre  , 
ccc.  &  une  infinité  d'autres ,  font  mafculins,  quoique 
termines  par  un  e  mua. 

En  général ,  c'eft  fur-tout  où  nous  en  voulions 


IV 

venir ,  fl  faut  diftinguer  dans  les  langues  Pufage  ab- 
solument établi ,  de  celui  qui  ne  l'eft  pas  encore , 
&  qui  veut ,  pour  ainfi  dire ,  s'établir.  On  doit  abfo- 
lumentfe  fonmertre  au  premier  ;  à  l'égard  du  fécond, 
on  doit  s'y  oppofer  quand  il  n'eft  pas  raifonnable. 
Si  nos  pères  avoient  fuivi  cette  maxime  ,  ils  n'au- 
roient  pas  laiffé  vieillir  une  infinité  de  mots  &  de 
conftruûions  énergiques  ,  dont  nous  regrettons  au- 
jourd'hui la  perte. 

Dans  t article  ALGEBRE ,  ligne  1 5  ,  au  lieu  d'avec 
lif.  contre.  A  la  fin  du  mime  article,  ajoute^  :  Cet  ar- 
ticle traduit  en  partie  de  Chambers,  mais  corrigé  & 
fort  augmenté ,  a  été  tiré  par  cet  auteur  du  Lexique 
mathématique  de  Harris ,  un  des  ouvrages  qui  ont 
été  annoncés  dans  le  Profpeclus  comme  ayant  fervi 
à  la  composition  de  l'Encyclopédie. 

A  la  finie  V  article  Ame  ,  p.  340  ,  immédiatement 
avant  la  lettre  (  AT)  ajoute^:  Une  partie  de  cet  article 
a  été  tirée  d'un  Traité  de  M.  Jacquelot,  fur  l'exiftence 
de  Dieu. 

Ame  ,  en  Lutherie ,  eft  un  petit  morceau  de  bois 
placé  droit  près  du  chevalet ,  entre  les  deux  tables 
des  inftrumens  à  archet.  Le  fon  de  ces  inftrumens 
dépend  en  partie  de  la  pofition  de  Vame. 

A  la  fin  de  l  article  Amitié  ,  ajoute^  :  Voye^  le 
Traité  de  la  Soc.  civile  du  P.  Buffier. 

A  la  fin  de  V  article  An,  ajoute^  :  Cet  article  traduit 
de  Chambers ,  &  augmenté  ,  a  été  tiré  par  l'auteur 
Anslois  des  élémens  de  Chronologie  de  M.  "Wolf. 
A  la  fin  de  V  article  Ana  ,  ajoute^; 
Ana  ,  (  Littérature.  )  on  appelle  ainfi  des  recueils 
des  penfées ,  des  difeours  familiers ,  &  de  quelques 
petits  opufcules  d'un  homme  de  lettres ,  faits  de  ion 
vivant  par  lui-même,  ou  plus  fouvent  après  ia  mort 
par  fes  amis.  Tels  font  le  Menagiana ,  le  Bolœana , 
&c.  &  une  infinité  d'autres.  On  trouve  dans  les  Mé- 
moires de  Littérature  de  M.  l'abbé  d'Artigny  ,  tome  I. 
un  article  curieux  fur  les  livres  en  ana ,  auquel  nous 
renvoyons  :  tout  ce  que  nous  croyons  à  propos  d'ob- 
ferver  ,  c'eft  que  la  plupart  de  ces  ouvrages  contien- 
nent peu  de  bon ,  affez  de  médiocre ,  &  beaucoup  de 
mauvais  ;  que  planeurs  deshonorent  la  mémoire  des 
hommes  célèbres  à  qui  ils  femblent  confacrés  ,  & 
dont  ils  nous  dévoilent  les  petiteffes ,  les  puérilités  , 
&  les  momens  foibles  ;  qu'en  un  mot,  félon  l'expref- 
fion  de  M.  de  Voltaire  ,  on  les  doit ,  pour  la  plupart, 
à  ces  éditeurs  qui  vivent  des  fottifes  des  morts. 

Dans  r article  ANALOGIE  ,  les  deux  premiers  alinéa 
&  les  deux  derniers  font  de  M.  du  Marfais. 

A  la  fin  de  t 'article  Anatomie  ,  ajoute^  :  La  chro- 
nologie des  Anatomiftes  qu'on  trouve  dans  cet  arti- 
cle ,  plus  exafte  &  plus  complette  que  celle  du  dic- 
tionnaire de  Médecine  de  M.  James  ,  a  été  faite  d'a- 
près un  mémoire  communiqué  par  l'un  des  plus  fa- 
vans  Se  des  plus  refpeâables  Médecins  de  l'Europe. 
A  l'article  ANTIPODES  ,  p.  513,  lig.  50 ,  après  ces 
mots ,  du  côté  du  fait ,  ajoute^  :  Je  dois  avertir  au 
refte  que,  félon  plufieurs  auteurs,  ce  Virgile  n'étoit 
que  prêtre  ,  au  moins  dans  le  tems  de  cette  affaire  , 
&  qu'il  n'a  été  évêque  de  Saltzbourg  que  depuis;  que 
félon  d'autres  enfin,  il  n'a  jamais  été  évêque  ;  quef- 
tion  très-peu  importante  dans  le  cas  dont  il  s'agit. 
Je  fuis  fort  étonné ,  &c. 

A  l'article  APPROCHES  ,p.  558,  col.  1  ,  ligne  23  , 
au  lieu  de  ferpe ,  Ufi.  fape. 

A  l'article  APPROXIMATION  ,  p.  559,  col.  1  ,  li- 
gne 11  ,  au  lieu  de  -~0  ,  lif.  j^-^. 

A  C article  ARABES  ,  on  a  écrit  par  mégarde  en  deux 
ou  trois  endroits  Iilamime  pour  /'ïllamifme  ,  qui  ejl  la 
mime  chofe  que  le  Mahométifme. 


A  l"  article  Arc  A  DE ,  en  Jardinage }  lig.  16  >  au  lieu, 
de  fendues  ,  lif.  formées. 

A  l'article  ARCHITECTE,/.  616.  col.  1,  lig.  21, 
au  lieu  de  Desbroffes,  lif.  de  Broffe. 

lbid,  lig.  14,  après  ces  mots  du  Val-de-Grace ,  ajoùr 
tei  du  Palais-royal. 

A  [article  ARCHITECTURE  ,  p.  618  ,  col.  1  ,  li- 
gne 47  ,  au  lieu  de  Cambray ,  lif.  Chambray. 

Dans  la  même  page  ,  col.  1  ,  lig.  \  ,  au  lieu  de  ces. 
mots  dont  nous  avons  un  excellent  traité  du  Jardi- 
nage ,  mette^  qui  a  defiiné  les  planches  de  l'excellent 
traité  du  Jardinage  de  M.  d'Argenville ,  dont  il  eft 
parlé  dans  le  Dilcours  Préliminaire  ,/>.  xlij. 

A  la  fin  </'AristotÉlisme  ,  ajoute^  :  L'auteur  a 
cru  pouvoir  femer  ici  quelques  morceaux  de  l'ou- 
vrage de  M.  Deilandes ,  qui  tont  environ  la  dix-  par- 
tie de  ce  long  article  ;  le  refte  eft  un  extrait  fubftan- 
tiel  6c  raiionrïc  de  l'hiftoire  Latine  de  la  philofophie 
de  Brucker  ;  ouvrage  moderne,  eftim=  des  étrangers, 
peu  connu  en  France ,  bc  dont  on  a  fait  beaucoup  d'u- 
fage  pour  la  partie  philofophique  de  l'Encyclopédie, 
comme  dans  l'article  Arabes  ,  &  dans  un  très-grand 
nombre  d'autres. 

A  l'article  ARITHMÉTIQUE  UNIVFRSELLE  ,  pa- 
ge GjG  ,  col.  2  ,  lig.  57  ;  &  p.  677  ,  col.  I  ,  lig.  12  , 
on  a  mis  par  mégarde  40  au  lieu  de  60  }  comme  la  fuite 
du  difeours  le  montre. 

A  l'article  Arme,  2.  689,  lig.  1 1,  col. t. ,  à  compter 
<T  en-bas  ,  au  lieu  de  Lerngei ,  lif.  Langey. 

A  l'article  ASTRONOMIE  ,p.  784  ,  lig.  53  ,  au  lieu 
^'Achilles  Sîatius ,  lif.  Achillcs  Tatius  ,  comme  il  ejl 
écrit  plus  bas  ,  p.  787,  col.  1 ,  vers  la  fin. 

A  la  fin  de  l 'article  AUDACE,  ajoute^  :  Nous  difons 
avec  raifon  qu'audace  fe  prend  toujours  en  mauvaife- 
part  :  en  vain  nous  objedteroit-on  qu'on  dit  quelque- 
fois une  noble  audace  ;  il  eft  évident  qu'alors  l'épithete 
noble  détermine  audace  à  être  pris  dans  un  fens  favo- 
rable ;  mais  cela  ne  prouve  pas  que  le  mot  audace  , 
quand  il  eft  leul ,  fe  prenne  en  bonne  part.  Il  n'eil 
prefque  point  de  mot  dans  la  langue ,  qui  ne  fe 
puiffe  prendre  en  bonne  part ,  quand  on  y  joint  une 
épitheie  convenable  :  ainfi  Flechier  a  dit  une  prudente 
témérité ,  en  parlant  de  M.  de  Turenne.  Cependant  un 
écrivain  aura  raifon  quand  il  dira  que  le  terme  de  té- 
mérité ,  &  une  infinité  d'autres ,  fe  prennent  toujours 
en  mauvaife  part.  Il  eft  évident  qu'il  s'agit  ici  de  ces 
termes  pris  tout  feuls  ,  &  fans  aucune  épithete  fa- 
vorable néceftaire  pour  changer  l'idée  naturelle  que 
nous  y  attachons. 

A  la  fin  de  l'article  AUGUSTINIENS  ,  ou  lit;  ce  fyf- 
tème  approche  fort  du  Thomifme ,  pour  l'état  de  na- 
ture innocente ,  &  du  Molinifme ,  pour  l'état  de  na- 
ture tombée  :  les  mots  Molinifme  &  Thomifme  font 
ici  vifiblement  tranipofés. 

N.  B.  Un  mal  entendu  ,  qui  n'aura  pas  lieu  dans 
ce  volume  &  dans  les  fuivans  ,  eft  caufe  que  dans  le 
premier  volume  la  lettre  de  M.  l'abbé  Yvon  fe  trou- 
ve aux  articles  Agir,  Amitié,  Amour,  Adultè- 
re ,  Action  ,  qui  ont  été  fournis  par  une  "auti  :  p .  i  ■ 
forme.  Au  refte  les  éloges  qu'on  a  donnés  dans  le  Dif- 
eours Préliminaire  aux  différens  auteurs  de  l'Ency- 
clopédie, fuppofent  que  les  articles  qui  ponent  leur 
nom  ,  don;  par  conféquent  ils  répondent  feuls,  & 
qu'on  a  dû  croire  leur  appartenir  ,  foient  en  effet  à 
eux.  Le  travail  des  éditeurs,  comme  éditeurs  ,  con- 
fifte  uniquement  à  réunir  &  à  publier  l'ouvrage  des 
autres  avec  le  leur  :  mais  ils  n'ont  jamais  prétendu 
s'engagei ,  ni  à  réformer  les  articles  faits  par  d'au- 
tres ,  ni  à  remonter  aux  fources  d'oii  l'on  a  pu  les 
tirer. 

ENCYCLOPEDIE 


Tome  I.  page  762.  2.  col.  vers  le  bas ,  fupprime^  V  article  Asple  tout  entier,  &  fubjlitue^ce  qui  fuit  : 


*  ASPLE,  ou  mieux  ASPE ,  f.  m.  on  donne  ce  nom 
dans  les  Manufactures  en  foie  de  Piémont ,  indifférem- 
ment au  dévidoir  fur  lequel  on  tire  les  foies  des  co- 
cons ,  &  à  celui  qui  dans  les  moulins  fe  charge  de  la 
foie  organcinée  :  le  premier  s'appelle  afpe  de  filature, 
&  le  fécond  afpe  de  tors.  Mais  dans  nos  manufactures 
-on  a  confervé  à  celui-là  le  nom  (Tafpe  ou  à'afple ,  com- 
me difent  les  ouvriers ,  &  l'on  a  nommé  guindre  ce- 
lui-ci. Le  règlement  de  Piémont  ordonne  Y  afpe  de 
tors  de  9  onces  de  tour  pour  lesorgancins  ,  &de  9  -^ 
pour  les  trames  ;  &  Yafpe  de  filature  de  48  onces  au 
plus,  &  de  40  au  moins.  Ces  afpes  font  l'un  &  l'au- 
tres  des  parallélépipèdes  ,  dont  la  bafe  eft  un  quarré, 
&  dont  les  angles  font  formés  par  quatre  lames  dont 
une  ou  deuxlont  mobiles,  pour  avoir  la  facilité  d'en- 
lever les  écheveaux.Si  on  donne  à  la  baie  de  Yafpe  de 
tors  14  de  nos  pouces  de  diagonale  ,  on  lui  en  trou- 
vera 40  de  tour  ;  il  faudra  que  40  de  nos  pouces  équi- 
valent à  neuf  onces  de  Piémont,  &  que  Yafpe  de  fila- 
ture en  ait  21 3  \  de  tour,  ou  environ  75  de  diagona- 
le ;  dimenfion  beaucoup  plus  grande  que  celle  qu'il  a 
réellement.  Trompé  parcette  contradiction  du  règle- 
ment ,  nous  n'avions  donné  qu'environ  quinze  de  nos 
pouces  de  circonférence  à  Yafpe  de  tors ,  tandis  que 
fa  bafe  en  a  vraiment  quatorze  de  diagonale ,  ainli 
que  M.  de  Vaucanfon  a  eu  la  bonté  de  nous  en  aver- 
tir ;  nous  faifant  remarquer  en  même  tems  qu'il  y 
avoit  faute  dans  le  règlement ,  &  qu'au  lieu  de  neuf 
onces  de  tour  qu'on  y  affignoit  à  Yafpe  de  tors,  c'étoit 
29  qu'il  devoit  y  avoir. 

Ifajpe  de  tors  dans  les  moulins  achevant  tous  fes 
tours  en  tems  égaux ,  moins  il  aura  de  diamètre , 
moins  fera  grande  la  quantité  de  fil  oude  foie  dévidée 
dans  un  de  fes  tours  de  deffus  les  bobines  fur  fa  cir- 
conférence ,  &  plus  par  conféquent  elle  fera  torfe  : 
au  contraire  ,  plus  fon  diamètre  fera  grand ,  plus  fe- 
ra grande  la  quantité  de  foie  qui  parlera  dans  un  de 
fes  tours  de  deffus  les  bobines  fur  fa  circonférence  , 
moins  elle  fera  torfe.  Mais  il  y  a  deux  inconvéniens 
qui  rendent  le  tors  variable  :  le  premier  ,  c'eft  qu'à 
mefure  que  l'écheveaulè  forme  fur  Ya/pe  ,Yépa'i(Yeur 
de  cet  écheveau  s'ajoûtant  au  diamètre  de  Yafpe  ,  il 
y  a  plus  de  foie  portée  de  deffus  les  bobines  fur  fa 


circonférence  dans  un  inftant ,  que  dans  un  autre 
inftant  égal  ;  d'où  il  s'enfuit  que  la  foie  eft  moins 
torfe  à  la  fin  qu'au  commencent,  &  dans  tout  le  tems 
de  la  formation  de  l'écheveau  :  le  fécond,  c'eft  que  les 
bobines  mues  fur  elles-mêmes  par  le  frotement  n'ayant 
aucun  mouvement  régulier,  tordent  irrégulièrement. 

Pour  remédier  au  premier  inconvénient,  les  Pié- 
montois  font  des  écheveaux  très-légers  :  en  effet  >  ce 
qu'ils  appellent  un  marteau  de  foie ,  pefe  environ  huit 
onces ,  &  le  matteau  contient  huit  écheveaux  :  quant 
au  fécond,  peut-être  ne  l'avoient-ils  pas  même  ibup- 
çonné. 

Le  célèbre  M.  Vaucanfon ,  fait  pour  imaginer  & 
perfectionner  les  machines  les  plus  délicates  ,  outre 
la  précaution  de  faire  des  écheveaux  légers,  a  trou- 
vé le  moyen  d'en  répandre  encore  les  fils  fur  une 
zone  de  Yafpe  plus  large  ,  &  il  a  anéanti  l'irrégu- 
larité du  mouvement  des  bobines ,  en  armant  de  pi- 
gnons les  fufeaux ,  &  en  fubftituant  au  frottement 
d'une  courroie  l'engrenage  de  ces  pignons  dans  les 
pas  d'une  chaîne.  Quand  les  afpes  ont  achevé  2400 
révolutions ,  &  que  chaque  écheveau  fe  trouve  avoir 
2400  tours  ,  une  détente  alors  ,  fans  qu'on  touche  au 
moulin  ,  recule  fubitement  les  tringles  où  font  atta- 
chés les  guides  ;  tous  les  fils  de  foie  changent  de  pla- 
ce fur  Yafpe  ,  &  forment  un  nouvel  écheveau  à  côté 
du  premier ,  &  ainfi  de  fuite.  Après  chaque  2.400  ré- 
volutions ,  &  lorfquc  tous  les  afpes  font  couverts  d'é- 
cheveaux ,  incontinent  après  le  dernier  tour  du  der- 
nier écheveau ,  le  moulin  s'arrête  de  lui-même ,  tk. 
avertit  l'ouvrier  par  une  fonnette  de  lever  les  afpes  qui 
font  pleins,  &c  d'en  remettre  de  vuides.  Mais  M.  Vau- 
canfon n'a  point  appliqué  cette  fonnette  à  chaque 
bobine  de  fon  moulin,  pour  avertir  quand  elles  font 
vuides ,  comme  on  l'a  dit  dans  ce  même  article  de 
notre  premier  volume. 

Telles  font  en  partie  les  découvertes  de  M.  Vau- 
canfon :  elles  font  trop  bien  à  lui ,  pour  que  qui  que 
ce  foit  ofe  y  donner  atteinte;  &  c'eft  autant  pour 
défavoùer  ce  qui  pourroit  en  avoir  l'air  dans  l'article 
afpe  tel  que  nous  l'avons  d'abord  publié ,  que  pour 
en  réformer  les  inexactitudes ,  que  nous  le  reftituons 
tel  que  le  voici, 


— ^-^s — 


PEDIE, 


o  u 


AIRE    RAISONNE 

DES    SCIENCES, 

DES    ARTS    ET    DES    MÉTIERS- 


B 


f.  m.  (Gramm?)  c'eft  la  féconde 
lettre  de  l'alphabet  dans  la  plu- 
part des  langues,  &.  la  première 
des  confonnes. 

Dans  l'alphabet  de  l'ancien 
Irlandois,  le  b  eft  la  première 
lettre ,  &  l'a  en  eft  la  dix-fep- 
'  tieme. 

Les  Ethiopiens  ont  un  plus  grand  nombre  de  let- 
tres que  nous  ,  &  n'obfervent  pas  le  même  ordre 
dans  leur  alphabet. 

Aujourd'hui  les  maîtres  des  petites  écoles,  en  ap- 
prenant à  lire ,  font  prononcer  be,  comme  on  le  pro- 
nonce dans  la  dernière  fyllabe  de  tom-be  ,  il  tombe  : 
ils  font  dire  auffi,  avec  un  e  muet,  de,  fe,  me ,  pe  ;  ce 
qui  donne  bien  plus  de  facilité  pour  affembler  ces 
lettres  avec  celles  qui  les  fuivent.  C'eft  une  pratique 
que  l'auteur  de  la  Grammaire  générale  du  P.  R. 
avoit  confeillée  il  y  a  cent  ans,  &  dont  il  parle  com- 
me de  la  voie  la  plus  naturelle  pour  montrer  à  lire 
facilement  en  toutes  fortes  de  langues  ;  parce  qu'on 
ne  s'arrête  point  au  nom  particulier  que  l'on  a  donné 
à  la  lettre  dans  l'alphabet,  mais  on  n'a  égard  qu'au 
fon  naturel  de  la  lettre  ,  lorfqu'elle  entre  en  compo- 
fition  avec  quclqu'autrc. 

Le  b  étant  une  confonne  ,  il  n'a  de  fon  qu'avec 
une  voyelle  :  ainlï  quand  le  b  termine  un  mot,  tels 
'  que  Achab,  Joab,  Moab,  Oreb,  Job,  Jacob,  après  avoir 
formé  le  b  par  l'approche  des  deux  lèvres  l'une  con- 
tre l'autre  ,  on  ouvre  la  bouche  &c  on  pouffe  autant 
d'air  qu'il  en  faut  pour  faire  entendre  un  e  muet ,  & 
ce  n'ell  qu'alors  qu'on  entend  le  b.  Cet  e  muet  eft 
beaucoup  plus  foible  que  celui  qu'on  entend  dans 
fyllabe,  Arabe,  Eufebe,  globe,  robbe.   V.  CONSONNE. 

Les  Grecs  modernes,  au  lieu  de  dire  alpha ,  beta, 
difent  alpha ,  vita  :  mais  il  paroît  que  la  prononcia- 
tion qui  étoit  autrefois  la  plus  autoriiée  &  la  plus 
générale  ,  étoit  de  prononcer  beta. 

Il  eft  peut-être  arrivé  en  Grèce  à  l'égard  de  cette 
Tome  II. 


B 

lettre  ,  ce  qui  arrive  parmi  nous  au  b  :  la  prononcia- 
tion autoriiée  eft  de  dire  be  j  cependant  nous  avons 
des  provinces  où  l'on  dit  ve.  Voici  les  principales 
raifons  qui  font  voir  qu'on  doit  prononcer  beta. 

Eufebe  ,  au  livre  X.  de  la  Préparation  évangélique  , 
ch.  v/.  dit  que  V alpha  des  Grecs  vient  de  Valepk  des 
Hébreux  ,  &  que  beta  vient  de  beth  :  or  il  eft  évident 
qu'on  ne  pourroit  pas  dire  que  vita  vient  de  betkx 
lur-tout  étant  certain  que  les  Hébreux  ont  toujours 
prononcé  beth. 

Euftathe  dit  que  £«  ,  /3h,  eft  un  fon  femblable  au 
bêlement  des  moutons  &  des  agneaux ,  Se  cite  ce 
vers  d'un  ancien  : 

Is  fatuus  perinde  ac  ovis  be ,  be  dicens  incedit. 

Saint  Auguftin,  au  liv.  II.  de  Docl.  chrijl.  dit  que  ce 
mot  Se  ce  fon  beta  eft  le  nom  d'une  lettre  parmi  les 
Grecs  ;  &  que  parmi  les  Latins,  beta  eft  le  nom  d'une 
herbe  :  &  nous  l'appelions  encore  aujourd'hui  beti 
OU  bete-rave. 

Juvenal  a  aulîi  donné  le  même  nom  à  cette  lettre  : 

Hoc  difeunt  omnes  ante  alpha  &  beta  puellœ. 

Belus,  père  de  Ninus ,  roi  desAffyriens,  qui  lut 
adoré  comme  un  dieu  par  les  Babyloniens,  eft  ap- 
pelle fiîiKcç,  &C  l'on  dit  encore  la  ftatue  de  Beel. 

Enfin  le  mot  alphabetum  dont  l'ufagc  s'eft  coniervé: 
jufqu'à  nous,  fait  bien  voir  que  beta  eft  la  véritable, 
prononciation  de  la  lettre  dont  nous  parlons. 

On  divife  les  lettres  en  certaines  claffes,  félon  les 
parties  des  organes  de  la  parole  qui  fervent  le  plus  à 
les  exprimer;  ainii  le  b  eït  une  des  cinq  lettres  qu'on 
appelle  labiales  ,  parce  que  les  lèvres  font  principa- 
lement employées  dans  la  prononciation  de  ces  cinq 
lettres,  qui  font  b,  p ,  m,  f,  v. 

Le  b  eft  la  foible  du  p  :  en  ferrant  un  peu  plus 
les  lèvres ,  on  fait  p  de  b,  Scfe  de  ve  ;  ainfi  il  n'y  a 
pas  lieu  de  s'étonner  li  l'on  trouve  ces  lettres  l'une 
pour  l'autre.  Quintilien  dit  que  quoique  l'on  écrive 

A 


a  B 

obtinuit,  les  oreilles  n'entendent  qu'un  p  dans  la  pro- 
nonciation, optinuit:  c'eft  ainfi  que  de  fcribo  on  tait 

Icnpfi-  .   r   ■    ■  r 

Dans  les  anciennes  înfcnptions  on  trouve  apjens 

pour  akfrns  ,  pleps  pour  plebs ,  poplicus  pour  publi- 
ais ^  &c.  ■  , 

Cuias  fait  venir  aubaine  ou  aubent  d'advena,  étran- 
ger, par  le  changement  de  v  en  b  :  d'autres  difent  au- 
baitis  quafi  alibi  nati.On  trouve  berna  au  lieu  de  verna. 

Le  changement  de  ces  deux  lettres  labiales  v  ,  b, 
a  donné  lieu  à  quelques  jeux  de  mots,  entr'autres  à 
ce  mot  d'Aurélien  ,  au  fujet  de  Bonoie  qui  paflbit  fa 
vie  à  boire  :  Natus  ejl  non  ut  vivat  ,fed  ut  bibat.  Ce 
Bonofe  étoit  un  capitaine  originaire  d'Efpagne;  il  le 
fit  proclamer  empereur  dans  les  Gaules  lur  la  fin  du 
IIIe.  fiecle.  L'empereur  Pi  obus  le  rit  pendre,  Si  l'on 
difoit ,  cejt  une  bouteille  de  vin  qui  ejl  pendue. 

Outre  le  changement  du  b  enp  ou  en  v,  on  trouve 
aulîi  le  b  changé  en /ou  en  <p,  parce  que  ce  lont  des 
lettres  labiales  ;  ainfi  de  0p/x«  eft  venufremo,  6cau 
lieu  àefibilart  on  a  dit  fifilare,  d'où  eft  venu  notre 
mot  fiffler.  C'eft  par  ce  changement  réciproque  que 
du  grec  <*V?«  le^  Latins  ont  fait  ambo. 

Plutarque  remarque  que  lesLacédémoniens  chan- 
geoient  le  ?  en  b  ;  qu'ainli  ils  prononçoient  Bilippe 
au  lieu  de  Philippe, 

On  pourroit  rapporter  un  grand  nombre  d'exem- 
ples pareils  de  ces  permutations  de  lettres  ;  ce  que 
nous  venons  d'en  dire  nous  paroît  iuffifant  pour  faire 
voir  que  les  réflexions  que  Ton  fait  fur  l'étymôlogie, 
ont  pour  la  plupart  un  fondement  plus  lolide  qu'on 
ne  le  croit  communément. 

Parmi  nous  les  villes  où  l'on  bat  monnoie  ,  font 
diftinguées  les  unes  des  autres  par  une  lettre  qui  eft 
marquée  au  bas  de  l'écu  de  France.  Le  B  fait  cor  noî- 
tre  que  la  pièce  de  monnoie  a  été  frappée  à  Rouen. 

On  dit  d'un  ignorant ,  d'un  homme  ians  lettres  , 
qu'i/  ne  fait  ni  a  ni  b.  Nous  pouvons  rapporter  ici  à 
cette  occafion,  l'épitaphe  que  M.  Ménage  rit  d'un 
certain  abbé  : 

Ci-deffous  git  monfîeur  l'abbé 

Qui  ne  Juvoit  ni  a  ni  b  ; 

Dieu  nous  en  domt  bientôt  un  autre 

Qui  j'ache  au  moins  fa  patenotre.  (.F) 

B ,  chez  le*  Grecs  &  chez  les  Romains ,  étoit  une 
lettre  numérale  qui  fignifioif  le  nombre  deux  quand 
elle  étoit  figurée  Amplement;  &  avec  un  accent  déf- 
ions £,  elle  marquoit  deux  mille  chez  les  Grecs. 

B,  dans  les  inferiptions,  lignifie  quelquefois  binus. 
On  y  trouve  bixit  pour  vixit,  berna  pour  verna  ;  par- 
ce que  les  anciens ,  comme  on  l'a  dit  plus  haut,  em- 
ployoient  fouvent  le  b  pour  l'v  confonne. 

Les  Egyptiens  dans  leurs  hiéroglyphes  ,  expri- 
moient  le  b  par  la  figure  d'une  brebis,  à  caufe  de  la 
reflemblance  qu'il  y  a  entre  le  bêlement  de  cet  ani- 
mal &  le  Ion  de  la  lettré  b.  {G) 

B ,  FA  ,  SI ,  ou  B  FA ,  B  MI ,  ou  Amplement  B , 
cil  ie  nom  d'un  des  fept  ions  de  la  gamme  de  l'Areîin , 
dans  lequel  les  Italiens  &  les  autres  peuples  de  l'Eu- 
rope répètent  le  b  ;  parce  qu'ils  n'ont  point  d'autre 
nom  pour  exprimer  la  note  que  les  François  appel 
lent  fi.  Voye?^  G  A  M  M  E . 

B  MOL  ou  BÉMOL  ,  cara£tere  de  Mufique  qui 
a  à  peu-pi  es  la  figure  d'un  b ,  &  fait  abbàifler  d'un 
k-ml-ton  mineur  la  note  à  laquelle  il  eft  joint. 

Guy  d'Arezzo  ayant  autrefois  donné  des  noms  à 
'fix  des  notes  de  l'octave,  lama  la  fêptieme  fans  autre 
nom  que  celui  de  la  lettre  b,  qui  lui  eft  propre,  com- 
hne  le  c  à  Y  ut,  le  d  au  ré ,  &c.  Or  ce  b  ie  chantoit  de 
deux  manières  ;  favoir,  à  un  ton  au-'deflus  du  la  fé- 
lon l'ordre  naturel  de  la  gamme,  ou  feulement  à  un 
Terni-ton  du  même  la,  lorfqu'on  vouloit  conjoindie 
les  deux  téu'acordes.  Dans  le  premier  cas  le  fi  ion- 


B 

nant  affez  durement  à  caufe  des  trois  tons  confécu- 
tifs  ,  on  jugea  qu'il  failoit  à  l'oreille  un  effet  fembla- 
ble  à  celui  que  les  corps  durs  &  anguleux  font  à  la 
main  ;  c'eft  pourquoi  on  l'appella  b  dur,  ou  /•  quarre^ 
b  quadro  :  dans  le  fécond  cas,  au  contraire,  on  trouva 
que  le  y?  étoit  extrêmement  doux  à  l'oreille;  c'eft: 
pourquoi  on  l'appella  b  mol ,  8c  par  la  même  analo- 
gie on  Pauroit  encore  pu  appeller  b  rond. 

Il  y  a  deux  manières  d'employer  le  /'  mol  :  l'une 
accidentelle,  quand  dans  le  cours  du  chant  on  le 
place  à  la  gauche  d'une  note  ;  cette  note  eft  prelque 
toujours  la  note  ienfible  dans  les  tons  majeuis,  &C 
quelquefois  la  fixieme  note  dans  les  tons  mineurs, 
quand  il  n'y  a  pas  à  la  clé  le  nombre  de  bémols  qui 
doit  y  être.  Le  b  mol  accidentel  n'altère  que  la  note 
qu'il  touche,  ou  tout  au  plus,  celles  qui  dans  la-même 
melure  le  trouvent  fur  lé  i   h  ;rdj  iai.s  aucun 

figne  contraire. 

L'autre  manière  eft  d'employer  le  b  mol  à  la  clé, 
&  alors  il  agit  dans  toute  la  fuite  de  l'air,  6c  fur  tou- 
tes les  notes  qui  lont  placées  parallèlement  à  lui  iur 
la  même  ligne  ou  dans  le  même  efpace,  à  moins  qu'il 
ne  foit  contrarié  accidentellement  par  quelque  diefe 
ou  b  quatre ,  ou  que  la  clé  ne  change. 

La  pofition  des  b  mois  à  la  clé  n'tft  pas  arbitraire  : 
en  voici  la  raifom  ils  lont  deftinés  à  changer  le  lieu 
des  lemi-tons  de  l'échelle  :  or  ces  deux  iemi-tons  doi- 
vent toujours  garder  entr'eux  un  intervalle  prelcrit, 
c'eft-à-dire  il  faut  que  leurs  notes  homologues  foient 
entr 'elles  à  la  diftance  d'une  quai  te  d'un  côté,  & 
d'une  quinte  de  l'autre  ;  ainfi  la  note  mi  intérieure 
de  ion  lemi-ton,  fait  au  grave  la  quinte  du  fi ,  qui 
cil  ion  homologue  dans  l'autre  femi-ton',  6c  à  l'aigu 
la  quarte  du  même  fi  ;  &  la  note  fi  fait  au  grave  la 
quarte  du  mi,  6c  à«l'aigu  la  quinte  du  même  mi. 

Si ,  par  exemple ,  on  donnoit  un  b  mol  au  mi  ,  le 
fem:-ron  changeroit  de  lieu,  &  ie  trouve)  oit  deicendu 
d'un  degré  eutie  le  ré  6c  le  mi  b  mol.  Or  dans  cette 
pofition  il  eft  évident  que  les  deux  femi-tons  ne  gar- 
deroient  plus  entr'eux  la  diftance  preicrite  ;  car  le  ré 
qui  feroit  la  note  inférieure  de  i"un  ,  teroit  au  grave 
la  fixte  du  fi,  for.  homologue  dans  l'autre,  &  à  l'aigu 
la  tierce  du  même  /:  ;  £c  ce  (i  feroit  au  grave  la  tierce 
du  ré,  &  à  l'aigu  la  iixie  du  même  ré  :  ainfi  les  deux 
iemi-tons  ieroient  trop  près  d'un  côté,  6c  trop  éloi- 
gnés de  l'autre. 

L'ordre  des  b  mois  ne  doit  donc  pas  commencer 
par  mi ,  ni  par  aucune  autre  note  de  l'octave  que  par 
fi ,  la  ieule  qui  n'a  pas  le  même  inconvénient  ;  car 
bien  que  le  lemi-ton  y  change  de  place,  &  ceftant 
d'être  entre  le  fi  6c  Vut,  deicende  entre  le  fi  b  mol 
6c  le  la,  toutefois  l'ordre  preferit  n'eft  point  détruit  ; 
car  le  la  dans  ce  nouvel  arrangement  ie  trouve  d'un 
côté  à  la  quarte  ,  6c  de  l'autre  à  la  quinte  de  mi  fon 
homologue ,  &  réciproquement. 

La  même  ràifon  qui  fait  placer  le  premier  b  mol 
fur  le  y?,  fait  mettre  le  fécond  fur  le  mi,  6c  ainfi  de 
fuite ,  en  montant  de  quarte ,  ou  en  delcendant  de 
quinte  jufqu'au/è/,  auquel  on  s'arrête;  parce  que 
te  b  mol  de  Vut  qu'on  trouverait  enfuite,  ne  diffère 
point  du//  dans  la  pratique.  Cela  fait  donc  une  fuite 
de  cinq  b  mois  dans  cet  ordre  : 

1^345 
/,     mi,    la,    re,  fol. 

Toujours  par  la  même  raifon  ,  on  ne  fauroit  em- 
ployer les  derniers  b  mois  à  la  clé  ,  fans  employer 
aiifîi  ceux  qui  les  précèdent;  ainfi  le  b  mol  du  mi  ne 
le  pôle  qu'avec  celui  du//,  celui  du  la  qu'avec  le3 
deux  précédens ,  &c. 

Nous  donnerons  au  mot  ClÉ  une  formule  pour 
trouver  tout  d'un  coup  fi  un  ton  ou  un  mode  donné 
doit  porter  des  b  mois  à  la  clé ,  6c  combien. 

B  QUARRE  ou  BEQUARRE,  figne  de  Mufique. 


B  A  A 

qui  s'écrit  ainii  £f  ,  &  qui  placé  à  ia  gauche  d'une 
note,  marque  que  cette  note  ayant  précédemment 
été  baiffée  par  un  b  mol ,  ou  hauffée  par  un  diefe  , 
doit  être  remife  à  fon  élévation  naturelle  ou  diato- 
nique. 

Le  b  quarre  fut  inventé  par  Guy  dArezzo.  Cet  au- 
teur qui  donna  des  noms  aux  fix  premières  notes  de 
l'oftave ,  n'en  laiffa  point  d'autre  que  la  lettre  b  pour 
exprimer  le  fi  naturel  ;  car  chaque  note  avoit  dès-lors 
la  lettre  correfpondante  :  &c  comme  le  chant  diato- 
nique de  ce  fi  eft  affez  dur  quand  il  monte  depuis  le 
fa ,  il  l'appella  Amplement  b  dur  ou  b  quatre ,  par  une 
allufion  dont  j'ai  déjà  parlé  au  mot  B  MOL. 

Le  b  quarre  iervit  dans  la  iuite  à  détruire  l'effet  du 
b  mol  antérieur  fur  une  note  quelconque  ;  il  fuffifoit 
pour  cela  de  placer  le  b  quarre  à  la  gauche  de  cette 
note  :  c'eft  que  le  b  mol  fe  plaçant  plus  ordinaire- 
ment fur  ley^ ,  le  b  quarre  qui  venoit  enfuite  ne  pro- 
duifoit  en  le  détruifant  que  fon  effet  naturel  ,  qui 
étoit  de  repréfenter  la  note  fi  fans  altération.  A  la 
fin  on  s'en  Iervit  par  extenfion  &  faute  d'autre  figne , 
à  détruire  auiîi  l'effet  du  diefe  ;  &  c'eft  ainfi  qu'il 
s'employe  encore  aujourd'hui.  Le  b  quarre  efface  éga- 
lement le  diele  ou  le  b  mol  qui  l'ont  précédé. 

Il  y  a  cependant  une  diftin&ion  à  faire.  Si  le  diefe 
ou  le  b  mol  font  accidentels  ,  ils  font  détruits  fans 
retour  par  le  b  quarre  dans  toutes  les  notes  qui  lui- 
vent  fur  le  même  degré  ,  jufqu'à  ce  qu'il  s'y  préfente 
un  nouveau  b  mol  ou  un  nouveau  diefe.  Mais  fi  le 
b  mol  ou  le  dièfe  font  à  la  clé ,  le  b  quarre  ne  les  ef- 
face que  pour  la  note  qu'il  précède ,  ou  tout  au  plus 
pour  la  mefure  où  il  fe  trouve  ;  &  à  chaque  degré 
altéré  à  la  clé  ,  il  faut  fans  ceffe  un  nouveau  b  quarre. 
Tout  cela  eft  affez  mal  imaginé  :  mais  tel  eft  l'ufage. 

Quelques-uns  donnoientun  autre  fens  au  b  quarre , 
&  lui  accordant  feulement  le  droit  de  rétablir  les 
dieies  ou  b  mois  accidentels  ,  lui  ôtoient  celui  de 
rien  changer  à  la  dilpolition  de  la  clé  ;  de  forte  qu'en 
ce  lens  le  b  quarre  lur  un  fa  diéfé ,  ou  fur  un  //  bé- 
molilé  à  la  clé  ,  ne  ferviroit  que  pour  détruire  un  diefe 
accidentel  fur  ce  fi ,  ou  un  b  mol  fur  ce  fa  ,  &  figni- 
fieroit  toujours  un  fa  diefe  ,  ou  unfibmol. 

D'autres  enfin  le  fervoient  bien  du  b  quarre  pour 
effacer  le  b  mol ,  même  celui  de  la  clé ,  mais  jamais 
pour  effacer  le  diefe.  C'eft  le  b  mol  feulement  qu'ils 
employoient  dans  ce  dernier  cas. 

Le  premier  ufage  prévaut  à  la  vérité  ;  ceux-ci  font 
plus  rares  &  s'aboliffent  tous  les  jours  :  mais  il  eft 
bon  d'y  faire  attention  en  lifant  d'anciennes  muli- 
ques.  (  S  ) 

*  B,  en  Ecriture;  cette  lettre  confidérée  dans  fa 
forme  italienne  ,  eft  compofée  de  deux  i  l'un  fur  l'au- 
tre ,  &  conjoints  avec  l'o  :  dans  fa  forme  coulée ,  c'eft 
la  tête  de  la  féconde  partie  de  1'*,  Yi  &  l'o  :  dans  la 
ronde ,  c'eft  la  quatrième  &  huitième  partie  de  l'o , 
1'/,  &c  le  fécond  demi-cercle  de  l'o. 

La  première  partie  des  deux  premiers  6 ,  fe  forme 
par  le  mouvement  limple  des  doigts  ,  du  plié  &  de 
l'allongé  :  la  féconde  partie  du  même  b ,  &  le  dernier 
b  en  entier ,  fe  forment  par  un  mouvement  mixte  des 
doigts  &  du  poignet. 

B  A 

*  B  A ,  (  Géog.  mod.  )  ville  d'Afrique  dans  la  Gui- 
née ,  au  royaume  d'Arder. 

BAAL  ou  BEL,  (  Hijl.  anc.)  nom  qui  fignifieyèi- 
gneur  en  langue  Babylonienne,  &  que  les  Affyriens 
donnèrent  à  Nemrod  ,  lorfqu'après  ia  mort  ils  l'ado- 
rèrent comme  un  Dieu.  Baal  étoit  le  dieu  de  quelques 
peuples  du  pays  du  Chanaan.  Les  Grecs  diient  que 
c'étoit  Mars ,  &  d'autres  que  c'étoit  ou  Saturne  ou  le 
Soleil.  L'hiftorien  Jofephe  appelle  le  dieu  des  Phéni- 
ciens Baal  ou  Bel,  dont  Virgile  parle  dans  l'Enéide 
comme  d'un  roi  de  Tyr  : 
Tome  II, 


B  A  A  ? 

Implevitque  mero  pateram  ,  quam  Belus ,  &  omnes 
A  Belofoltti. 
Godwin  ,  fondé  fur  la  reffemblance  des  noms , 
croit  que  le  Baal  des  Phéniciens  eft  le  même  que 
Moloch  :  le  premier  iignifîe  feigneur ,  &  le  fécond  , 
prince  ou  roi.  Cependant  d'autres  penfent  que  ces 
peuples  adoroient  Saturne  fous  le  nom  de  Moloch  , 
ÔC  Jupiter  fous  celui  de  Baal:  car  ils  appelloient  ce 
dernier  dieu  ,  Baalfemen  ,  le  feigneur  du  ciel.  Quoi 
qu'il  en  (bit  de  ces  différentes  opinions ,  le  culte  de 
Baal  fe  répandit  chez  les  Juifs ,  &  fut  porté  à  Car- 
thage  par  les  Tyriens  lés  fondateurs.  On  lui  facrifioit 
des  viftimes  humaines,  &  des  enfans,  en  mémoire 
de  ce  que  fe  trouvant  engagé  dans  une  guerre  dan- 
gereuie ,  il  para  fon  fils  des  ornemens  royaux ,  Se 
l'immola  fur  un  autel  qu'il  avoit  dreffé  lui-même. 
Jérémie  reproche  aux  Juifs  qu'ils  brùloient  leurs  en- 
fans  en  holocaufte  devant  l'autel  de  Baal  ;  &  dans 
un  autre  endroit ,  que  dans  la  vallée  d'Ennon  ils  fai- 
foient  paffer  leurs  enfans  par  le  feu  en  l'honneur  de 
Moloch.  Les  Rabbins  pour  diminuer  l'horreur  de  cette 
idolâtrie  ,  s'en  font  tenus  à  cette  féconde  cérémonie. 
Non  comburebant  illos ,  difent  -  ils  de  leurs  ancêtres  , 
fed  tantum  traducebant  illos  per  ignem.  Mais  ii  dans  le 
culte  de  Baal  il  n'en  coûtoit  pas  toujours  la  vie  à 
quelqu'un  ,  fes  autels  au  moins  étoient  fouvent  teints 
du  fang  de  fes  propres  prêtres ,  comme  il  paroît  par 
le  fameux  facrifice  oii  Elie  les  défia.  Incidebant  fe 
juxta  ritumfuum  cultris  &  lanceolis,donec  profunderen- 
turfanguine.  Lib.  III.  Reg.  Voye^  BELUS.  (G) 

*  BAALA  ,  (  Géog.fainte.  )  ville  de  la  Paleftine 
dans  la  tribu  de  Juda  ,  où  l'arche  fut  en  dépôt  pen- 
dant vingt  ans.  Il  y  eut  dans  la  tribu  de  Juda  une  au- 
tre ville  de  même  nom ,  qui  paffa  enfuite  dans  celle 
de  Siméon. 

Baala  ,  montagne  de  la  Paleftine  ,  qui  bornoit  la 
tribu  de  Juda  du  côté  du  Nord. 

B  AAL  AM ,  ville  de  la  Paleftine  dans  la  demi-tribu 
de  Manaffés. 

*  B  AAL-BERITH ,  (  Myth.  )  Ce  mot  eft  compofé 
de  Baal  ,  feigneur ,  &  de  berith  ,  alliance ,  Dieu  de 
F  alliance.  C'eft  fous  ce  nom  que  les  Carthaginois , 
&  avant  eux  les  Phéniciens ,  prenoient  à  témoin  les 
dieux  dans  leurs  alliances. 

*  BAAL-GAD  ou  BAGAD,  ou  BEGAD  ,  (  Hift. 
anc.  &  Myth.  )  idoles  des  Syriens  ;  leur  nom  eft  com- 
pofé de  baal  ,  feigneur  ,  &  de  gad,  hafard  ou  for- 
tune ,  dieux  de  la  fortune  ou  du  hafard.  Le  dieu  du  ha- 
fard eft ,  après  le  dieu  du  tonnerre  ,  un  de  ceux  qui 
a  du  avoir  le  premier  des  autels  parmi  les  hommes. 

*  BAAL-HASOR,  (  Géog.fainte.  )  lieu  voifrn  de 
la  tribu  d'Ephraim ,  où  Abfalon  vengea  le  viol  de 
fa  feeur  Thamar. 

*  BAAL-HERMON  ,  (  Géog.fainte.  )  montagne 
&  ville  au-delà  du  Jourdain  ,  au  nord  de  la  tribu  de 
Manaffés. 

B  A  ALITES ,  f.  m.  pi.  (  Hift.  anc.  )  fede  d'impies , 
parmi  le  peuple  d'Ifrael.  Ils  adoroient  Baal  ,  ou  l'i- 
dole de  Bel.  Nous  liions  dans  le  troiiieme  livre  des 
Rois ,  qu'Achab  &  Jefabel  iàcrirïoient  tous  les  jours 
à  cette  idole;  &  qu'Elie  ayant  convaincu  de  fuperi- 
tition  les  prêtres  de  ce  faux  dieu  par  un  miracle  qu'il 
fit  à  la  vue  d'Achab  &  du  peuple  ,  ces  facrificateurs 
au  nombre  de  quatre  cens  cinquante  furent  tous  mis 
à  mort.  Ancien  Tejlament ,  III.  liv.  des  Rois ,  ch.  xviij, 

Voyc^  Baal.  (G) 

*  B  A  ALMEON  ,  (Géog.fainte.)  ville  de  la  Palefti- 
ne ,  bâtie  par  la  tribu  de  Ruben. 

•BAAL-PHARASIM  ,  (Géog.fainte.)  ville  des 
Phililtins  dans  la  tribu  de  Juda. 

*  BAAL-THAMAR,  (Géog.fainte.)  plaine  dans  la 
tribu  de  Benjamin ,  où  toutes  les  tribus  s'affemble- 
rent  pour  venger  l'outrage  fait  à  la  femme  d'un  Lé- 
vite de  la  tribu  d'Ephraim. 

Aij 


4  B  A  B 

BAAL-TSEPHON.  Voyei  Beelzephon. 

*  BAAL-PEOR,  eMyth.  )  de  Baal,  feigneur,  & 
de  Peor,  nom  d'une  montagne  ;  dieu  que  les  Arabes 
adoraient  fur  la  montagne  de  Peor  :  on  croit  que  c'eft 
le  Piiapc  des  Grecs.  On  l'appelle  encore 

*  BAAL-PHEGOR  ou  BEELPHEGOR,  ou  BEL- 
PHEGOR.  Voy&{  Belphegor. 

*  BAALTIS ,  i.  f.  (Mytk.)  déeffe  adorée  des  Phé- 
niciens :  on  la  fait  fœur  d'Aftarté ,  &  femme  de  Sa- 
turne, dont  elle  n'eut  que  des  filles.  On  croit  que  ce 
fut  la  diane  des  Grecs  ,  révérée  particulièrement  à 
Biblos  fous  le  nom  de  Baaltis. 

B AANITES  ,  f.  m.  pi.  (  Hifi.  eccléf.  )  hérétiques , 
fe&ateurs  d'un  certain  Baanès  ,  qui  le  difoit  diiciple 
d'Epaphrodite  ,  &c  femoit  les  erreurs  des  Manichéens 
dans  le  ix.  liecle,  vers  l'an  810.  Pierre  de  Sicile, 
Hifi.  duManick.  renaijfant.  Baronius,  A.  C.  8 10.  (G) 

*  B AAR ,  (  Géog.  )  comté  d'Allemagne  en  Suabe , 
dans  la  principauté  de  Furftemberg  ,  vers  la  fource 
du  Danube  &  du  Neckre  ,  proche  la  forêt  Noire  & 
les  frontières  du  Brifgaw.  On  appelle  quelquefois  les 
montagnes  d'Abennow  de  l'on  nom  ,  montagnes  de 
Baar. 

*  BAARAS ,  (  Géog.  &  Hi(l.  nat.  )  nom  d'un  lieu 
&  d'une  plante  qu'on  trouve  fur  le  mont  Liban  en 
Syrie  ,  au-deflùs  du  chemin  qui  conduit  à  Damas. 
Jofcphe  dit  qu'elle  ne  paroît  qu'en  Mai,  après  que  la 
neige  eft  fondue;  qu'elle  luit  pendant  la  nuit  comme 
un  petit  flambeau  ;  que  fa  lumière  s'éteint  au  jour  ; 
que  fes  feuilles  enveloppées  dans  un  mouchoir  s'é- 
chappent &  difparoiffent  ;  que  ce  phénomène  auto- 
rife  l'opinion  qu'elle  eft  obfédée  des  démons ,  qu'elle 
a  la  vertu  de  changer  les  métaux  en  or  ,  &  que  c'eft 
par  cette  raifon  que  les  Arabes  l'appellent  Y  herbe 
d'or  ;  qu'elle  tue  ceux  qui  la  cueillent  fans  les  pré- 
cautions néceffaires  ;  que  ces  précautions  font  mal- 
heureufement  inconnues  ;  qu'elle  fe  nourrit ,  lelon 
quelques  Naturaliftes  ,  de  bitume  ;  que  l'odeur  bitu- 
mineufe  que  rend  fa  racine ,  quand  on  l'arrache ,  fuf- 
foque  ;  que  c'eft  ce  bitume  enflammé  qui  produit  fa 
lumière  pendant  la  nuit  ;  que  ce  qu'elle  perd  en  éclai- 
rant n'étant  que  le  fuperflu  de  fa  nourriture  ,  il  n'eft 
pas  étonnant  qu'elle  ne  fc  confume  point  ;  que  fa  lu- 
mière ceffe  quand  ce  fuperflu  eft  confirmé  ;  &  qu'il 
faut  la  chercher  dans  les  endroits  plantés  de  cèdres. 
Combien  de  rêveries  !  &  c'eft  un  des  hiftoriens  les 
plus  fages  &  les  plus  refpeûés  qui  nous  les  débite. 

BAAT,f.  m.(Co/«.)  monnoie  d'argentdu  royaume 
de  Siam.  Le  baat  fert  aufli  de  poids  ;  fa  forme  eft  un 
quarré  fur  lequel  font  empreints  des  caraûeres  affez 
reffemblans  à  ceux  des  Chinois  :  mais  ils  font  mal 
frappés.  Comme  on  altère  fouvent  le  baat  par  fes 
angles  ou  côtés,il  ne  faut  le  prendre  ni  comme  poids, 
nienpayementjfansen  avoir  fait  l'examen. Son  poids 
eft  de  trois  gros  deux  deniers  &  vingt  grains,  poids  de 
marc  de  France  ;  fon  titre  neuf  deniers  douze  grains  : 
il  vaut  deux  livres  neuf  fols  fept  deniers  argent  de 
France.  Cette  monnoie  a  cours  à  la  Chine  ;  on  l'ap- 
pelle tical.  Foye^TiCAL. 

*  BABA  ,  (  Géog.  )  ville  de  la  Turquie  en  Europe, 
dans  la  baffe  Bulgarie  ftir  la  mer  Noire,  vers  les  bou- 
ches du  Danube  ,  entre  Proftoviza  &  Catu. 

*  BABEL ,  (  Hijl.facr.  ant.  )  en  Hébreu  confufion, 
nom  d'une  ville  &  d'une  tour  dont  il  eft  fait  mention 
dans  la  Genefe,  chap.  ij.  fituées  dans  la  terre  de  Sen- 
naar,  depuis  la  Chaldée,  proche  l'Euphrate,  que  les 
defeendans  de  Noé  entreprirent  de  conftruire  avant 
que  de  fe  difperfer  fur  la  lurface  de  la  terre ,  &  qu'ils 
méditoient  d'élever  jufqu'aux  cieux  :  mais  Dieu  ré- 
prima l'orgueil  puérile  de  cette  tentative  que  les  hom- 
mes auroient  bien  abandonnée  d'eux-mêmes.  On  en 
attribue  le  projet  à  Nemrod,  petit-fils  de  Cham  :  il  fe 
propofoit  d'éternifer  ainfi  fa  mémoire,  &  de  fe  prépa- 
rer un  afyle  contre  un  nouveau  déluge.  Onbâtiflbit 


B  A  B 

la  tour  de  Babel  l'an  du  monde  1801.  Phaleg ,  le 
dernier  des  patriarches  de  la  famille  de  Sem ,  avoit 
alors  14  ans  ;  &  cette  date  s'accorde  avec  les  obfer- 
vations  céleftes  que  Callifthene  envoya  de  Baby- 
lone  à  Ariftote.  Ces  obfervations  étoient  de  1903 
ans  ;  &  c'eft  préciiément  l'intervalle  de  tems  qui  s'é- 
toit  écoulé  depuis  la  fondation  de  la  tour  de  Babel 
jufqu'à  l'entrée  d'Alexandre  dans  Babylone.  Le  corps 
de  la  tour  étoit  de  brique  liée  avec  le  bitume.  A  pei- 
ne fut-elle  conduite  à  une  certaine  hauteur  ,  que  les 
ouvriers  ceflant  de  s'entendre ,  furent  obligés  d'aban- 
donner l'ouvrage.  Quelques  auteurs  font  remonter  à 
cet  événement  l'origine  des  différentes  langues  :  d'au- 
tres ajoutent  que  lespayens  qui  en  entendirent  parler 
conlufément  parla  fuite,  en  imaginèrent  la  guerre  des 
géans  contre  les  dieux. Cafaubon  croit  que  la  diverfité 
des  langues  fut  l'effet  &  non  la  caufede  la  divifiondes 
peuples  ;  que  les  ouvriers  delà  tour  de  Babel  (a  trou- 
vant ,  après  avoir  bâti  long-tems  ,  toujours  à  la  mê- 
me diftance  des  cieux,  s'arrêtèrent  comme  fe  feroient 
enfin  arrêtés  des  enfans  ,  qui  croyant  prendre  le  ciel 
avec  la  main  ,  auroient  marché  vers  l'horifon  ;  qu'ils 
fe  difperierent ,  6c  que  leur  langue  fe  corrompit.  On 
trouve  à  un  quart  de  lieue  de  l'Euphrate  ,  vers  l'o- 
rient ,  des  ruines  qu'on  imagine  ,  fur  allez  peu  de 
fondement ,  être  celles  de  cette  fameufe  tour. 

*  BABEL-MANDEL,  (  Géog.  mod.  )  détroit  ainfi 
appelle  de  l'Arabe ,  bab-al-mandab ,  porte  de  deuil , 
parce  que  les  Arabes  prenoient  le  deuil  pour  ceux  qui 
le  paffoient.  Il  eft  à  1  z.  40.  de  latit.  entre  une  île  & 
une  montagne  de  même  nom  ,  &  joint  la  mer  Rouge 
à  l'Océan. 

*  BABEURRE ,  f.  f.  (Œconom.  rufi.)  efpece  de  li- 
queur féreufe  que  laiffe  le  lait  quand  il  eft  battu  ,  & 
que  fa  partie  graffe  eft  convertie  en  beurre.  La  ba- 
beurre prife  en  boiflbn  rafraîchit  &  humefte. 

*  BABIA  ,  f.  f.  (Myth,  )  déeffe  révérée  en  Syrie , 
&  furtout  à  Damas.  On  y  donnoit  le  nom  de  babia 
aux  enfans  ;  ce  qui  a  fait  conje&urer  que  la  babia 
étoit  déefie  de  l'enfance. 

BABILLER  ,  v.  n.  le  dit  en  Vénerie  d'un  limier  qui 
donne  de  la  voix  :  ce  limier  babille  trop  ,  il  faut  lui  ôter 
le  babil,  ou  le  rendre  fecret. 

*  BABOLZA,  (Géog.  anc.  &  mod.  )  ville  de  la 
baffe  Hongrie  dans  FEfelavonie ,  entre  Paffega  &  Zi- 
geth,  vers  la  Drave.  Baudrand  croit  que  c'a  été  l'an- 
cien Manfuetinium  ,  ou  pons  Manfuetinus. 

BABORD.  Voyei  Basbord. 

BABOUIN ,  f.  m.papio  (  Hifi.  nat.  Zoolog.  )  ;  c'eft 
ainfi  que  l'on  appelle  de  gros  finges  qui  ont  des  queues, 
6c  qui  font  différens  des  Cynocéphales  :  on  diftingue 
les  babouins  à  longue  queue  ,  &  les  babouins  à  courte 
queue.  Voye^  SlNGE.   (  /) 

*  BABUL ,  (  Géog.  )  ville  des  Indes  orientales , 
dans  une  île  du  fleuve  Indus.  Quelques-uns  croyent 
que  c'eft  Cambaya,  &  d'autres  Patan. 

*  BABYCA ,  (  Géog.  &  Hifi.  anc.  )  lieu  entre  le- 
quel &  le  Cnacion  les  Lacédémoniens  tenoient  leurs 
affemblées.  Ariftote  dit  que  le  Cnacion  eft  la  rivière, 
&  que  le  Babyca  eft  le  pont  ;  ce  qui  rend  ce  que  l'on 
vient  de  dire  des  Lacédémoniens  entièrement  inin- 
telligible ;  car  entre  un  pont  &  une  rivière  quel  el- 
pace  y  a-t-il  où  un  peuple  puiffe  s'affembler  ? 

*  BABYLONE  ou  BABEL  ,  (  Géog.  anc.  &mod.  ) 
capitale  ancienne  de  la  Chaldée  ,  dont  il  refte  à  pei- 
ne quelques  ruines.  Voyei  dans  les  hiftoriens  anciens 
&  modernes  les  merveilles  qu'on  en  raconte  :  ce  dé- 
tail eft  hors  de  notre  objet.  On  croit  que  Bagdat  eft 
au  lieu  où  étoit  l'ancienne  Babylone  :  mais  ce  fait 
n'eft  pas  confiant  ;  il  y  a  fur  les  autres  endroits  où 
on  la  fuppofe  les  mêmes  incertitudes  ;  les  uns  en 
font  Felouge  fur  l'Euphrate  ,  à  caufe  de  fes  grandes 
ruines  ;  d'autres  II  ou  Elle,  à  caufe  d'un  amas  de  Dé- 
combres qu'on  appelle  encore  la  tour  de  Babel.      „,- 


BAC 

*  BABYLONE  ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  ville  de  l'E- 
gypte près  du  Nil  ;  le  grand  Caire  s'eft  formé  de  fes 
ruines. 

Bac  à.  naviguer ,  c'en"  en  Marine  un  petit  bâtiment 
dont  on  le  fert  fur  les  canaux  &  les  rivières  pour  por- 
ter le  brai  &  le  goudron.  (  Z  ) 

Bac  eft  encore  fur  les  Rivières  un  bateau  grand  , 
large  &  plat,  dont  on  fe  fert  pour  paffer  hommes  , 
bêtes  6c  voitures. 

11  y  a  aux  environs  de  Paris  pluiieurs  bacs  ,  dans 
les  endroits  éloignés  des  ponts. 

Bac  ,  en  Jardinage  ;  on  appelle  ainfi  un  petit  baf- 
fin ,  lbit  quarré  foit  rond  ,  placé  d'efpace  en  efpace 
dans  les  quarrés  d'un  potager ,  avec  un  robinet  pour 
arroler.  A  Verfailles ,  à  Sceaux,  il  y  en  a  dans  cha- 
que petit  jardin.  (K) 

BAC  A  JET  TREMPE  ,  en  terme  de  Brafieur,  eft  ce- 
lui qui  eft  polé  fur  les  chaudières  &  qui  a  trois  trous, 
un  de  chaque  côté  ,  pour  pouvoir  jetter  d'une  chau- 
dière dans  l'autre  ;  celui  de  devant  eft  pour  jetter  les 
eaux  chaudes  des  chaudières  dans  la  cuve  matière,  par 
le  moyen  de  la  gouttière  à  jet  trempe.  Voye^  BRAS- 
SERIE &  Cuve  matière. 

Bac  A  LA  DÉCHARGE  ,  dans  les  Brafferies  ,  eft  un 
bac  qui  eft  liir  un  des  bords  d'une  des  chaudières  , 
dans  lequel  on  jette  les  métiers  lorfqu'ils  font  cuits 
pour  les  laiffer  refroidir.  Voye^  BRASSERIE  &  MÉ- 
TIERS. 

Bac  A  FORMES,  en  terme  de  Rafinerie  de  fucre  , 
c'eft  une  grande  auge  de  bois  très-lain ,  en  planches 
de  quatre  pouces  d'épaifteur,  longues  de  8  à  9  ,  & 
larges  de  4  à  5  ,  dans  laquelle  on  met  les  formes  en 
trempe.  Voye^  Trempe  &  Formes. 

Bac  A  CHAUX ,  en  terme  de  Rafinerie  de  fucre ,  c'eft 
un  grand  baffin  en  maffif  de  brique  &  de  ciment ,  por- 
tant 9  à  10  pies  de  long  fur  4  à  5  de  large  ,  6c  6 
de  profondeur,  dans  lequel  l'on  éteint  la  chaux 
dont  on  a  befoin  dans  les  clarifications.  Voye^  Cla- 
rifier. 

Bacasucre,««  terme  de  Rafinerie  de  fucre  ,  n'eft 
autre  chofe  que  pluiieurs  efpaces  féparés  par  des 
cloifons  de  planches ,  dans  îefquelles  on  jette  les 
matières  triées  6c  forties  des  barils. 

BAC  À  TERRE  ,  en  terme  de  Rafineur  de  fucre  ,  c'eft 
une  auge  de  bois  de  même  que  le  bac  à  tormes(foyei 
Bac  à  formes  )féparé  en  pluiieurs  chambrettes  où 
l'on  délaye  la  terre.  Voye^  Terre.  A  chaque  extré- 
mité 6c  au-deffus  de  ce  bac ,  on  voit  une  planche 
percée  au  milieu ,  &  qui  fert  de  traverfe  à  deux  bouts 
de  chevrons  qui  font  attachés  au  plancher.  C'eft  dans 
le  trou  de  cette  planche  que  s'emmanche  un  ballet 
dont  on  fe  fert  pour  palTer  la  terre  par  la  coulereffe. 

Voyt{  COULERESSE. 

*  BAC  A  ,  (Géog.  fainte.)  ville  de  la  tribu  d'Afer, 
au  pié  du  mont  Liban. 

*  BAC  A ,  ou  BAZA ,  (Géog.)  ville  d'Efpagne ,  au 
royaume  de  Grenade.  Long.  15.34.  ^at-  37-  l8- 

*  BAÇAIM ,  (Géog.)  ville  d'Afie  ,  avec  port ,  au 
royaume  de  Vifapour ,  fur  la  cote  de  Malabar.  Long. 

t)0.  40.  lat.  ig. 

*  BACALA  ,  (Géog.)  ville  de  la  prcfqu'île  de  Ju- 
catan,  dans  l'Amérique  feptentrionale,  près  du  golfe 
d'Honduras  ,  entre  Valladolid  &  Salamanque. 

*  BACALAOS,  (Géog.)  terre  de  l'Amérique  mé- 
ridionale ,  dont  on  ne  nous  dit  rien  de  plus. 

*  BACAR,  (Géog.  anc.  &  mod.)  nom  d'une  vallée 
fituée  dans  la  partie  feptentrionale  du  mont  Liban , 
que  les  Latins  appelloient  hurea  Thraconitis. 

*  BACAR  ,  ou  BAXAR,  (Géog.)  contrée  duMo- 
gol ,  fur  le  Gange.  Becaner  en  eft  la  capitale. 

*  BAÇA-SERAY,  ou  BACHA-SERAI,  (Géog.) 
ville  de  la  prefqu'ile  de  Crimée ,  dans  la  petite  Tar- 
tarie.  Long.  32.  Jo.  lat.  46.  30. 

.    *  BACAY,  (Géog.)  ville  de  l'Inde,  delà  le  Gange, 


BAC  5 

capitale  du  pays  de  même  nom ,  fur  la  rivière  de 
Pegu. 

BACCALAURÉAT  ,  f.  m.  le  premier  des  degrés 
qu'on  acquiert  dans  les  facultés  de  Théologie  ,  de 
Droit,  6c  de  Médecine.  Vqye-^  Bachelier. 

BACCARAT ,  (Géog.)  ville  de  France  ,  en  Lor- 
raine ,  fur  la  Meurte  ,  entre  Nanci  &  Eftival. 

BACCARACH ,  (Géog.)  ville  d'Allemagne  ,  dans 
le  bas  Palatinat,  furie  Rhin.  Long.  zâ.  lô.  lat.  4Q. 
àj. 

BACH  ,  (Géog.)  ville  de  la  baffe  Hongrie  ,  au 
comté  de  Toln  ,  iur  le  Danube. 

BACCHANALES,  adj.  pris  fubft.  (Hijl.  anc.)  fêtes 
religieufes  en  l'honneur  de  Bacchus,  qu'on  célébroit 
avec  beaucoup  de  folennité  chez  les  Athéniens ,  où 
l'on  en  diftinguoit  de  diverfes  fortes  ;  d'anciennes  , 
de  nouvelles  ,  de  grandes  ,  de  petites  ,  de  printanie- 
res,  d'automnales,  de  nocturnes  ,  &c.  Avant  les  olym- 
piades ,  les  Athéniens  marquoient  le  nombre  des  an- 
nées par  celui  des  bacchanales  ,  autrement  nommées 
orgies  ,  du  mot  Grec  e'p>iî,  fureur,  à  caufe  de  l'en- 
thoufiafme  ou  de  l'ivreffe  qui  en  accompagnoit  la 
célébration  :  elles  tiroient  leur  origine  d'Egypte ,  6c 
furent  introduites  en  Grèce  par  Melampe. 

A  Athènes  l'Archonte  régloit  la  forme  &  l'ordon- 
nance des  bacchanales  ,  qui  dans  les  premiers  tems  fe 
paffoient  fort  fimplement  :  mais  peu  à  peu  on  les 
accompagna  de  cérémonies  ou  ridicules  ou  infâmes. 
Les  prêtreffes  ou  bacchantes  couroient  de  nuit ,  à 
demi-nues  ,  couvertes  feulement  de  peaux  de  tigres 
ou  de  panthères  paffées  en  écharpe ,  avec  une  cein- 
ture de  pampre  ou  de  lierre  ;  les  unes  échevelées  Se 
tenant  en  main  des  flambeaux  allumés  ,  les  autres 
portant  des  thyrfes  ou  bâtons  entourés  de  lierre  & 
de  feuilles  de  vigne,  criant  6c  pouffant  des  hurlemens 
affreux.  Elles  prononçoient  fur-tout  ces  mots ,  e'uoÎ* 
ZaCoi,  ivoi  e«k%é,  ou  «  1  «'*%«,  ou  m  Beô^t.  A  leurs  cris 
fe  mêloit  le  fon  des  cymbales ,  des  tambours ,  &  des 
clairons.  Les  hommes  en  habits  de  fatyres  fuivoient 
les  bacchantes,  les  uns  à  pié,  d'autres  montés  fur  des 
ânes  ,  traînant  après  eux  des  boucs  ornés  de  guirlan- 
des pour  les  immoler.  On  pouvoit  appeller  ces  fêtes 
du  Paganifme  le  triomphe  du  libertinage  6c  de  la  dif- 
folution  ;  mais  fur-tout  les  bacchanales  nocturnes  oii 
il  fe  paffoit  des  choies  û  infâmes,  que  l'an  568  de 
Rome  ,  le  fénat  informé  qu'elles  s'étoient  introdui- 
tes dans  cette  ville  ,  défendit  fous  les  peines  les  plus 
grieves  de  les  célébrer.  C'eft  avec  raifon  que  les  pè- 
res de  l'églife  ont  reproché  aux  payens  ces  defordres 
&ces  abominations.  (G) 

BACCHANTES ,  prêtreffes  de  Bacchus ,  nom  que 
l'on  donna  d'abord  à  des  femmes  guerrières  qui  fui- 
virent  Bacchus  à  la  conquête  des  Indes  ,  portant  des 
thyrfes  ou  bâtons  entortillés  de  pampres  de  lierre  & 
de  raifins ,  6c  faifant  des  acclamations  pour  publier 
les  victoires  de  ce  conquérant.  Après  l'apothéolé  de 
ce  prince  ,  elles  célébrèrent  en  fon  honneur  les  bac* 
chanales.  De-là  les  mylîercs  de  Bacchus  furent  prin- 
cipalement confiés  aux  femmes  ;  &  dans  les  ancien- 
nes bacchanales  de  l'Attique  ,  ces  prêtreffes  étoient 
au  nombre  de  quatorze.  Il  eft  pourtant  tait  mention 
dans  l'antiquité  d'un  grand-prêtre  de  Bacchus,  firef- 
pe£té  de  tout  le  peuple ,  qu'on  luidonnoit  la  première 
place  dans  les  ipectacles.  Platon  bannit  de  fa  répu- 
blique la  danfe  des  bacchantes,  Sileur  cortège  com- 
polé  de  nymphes  ,  d'egipans  ,  de  filenes,  &  de  faty- 
res ,  qui  tous  enfemble  imitoient  les  ivrognes  ,  6c 
prelque  toujours  d'après  nature  ,  fous  prétexte  d  ac- 
complir certaines  expiations  ou  purifications  reli- 
gieufes.  Ce  philofophe  penfe  que  ce  genre  de  danfe 
n'étant  convenable  ni  à  la  guerre ,  ni  à  la  paix  ;  &:  ne 
pouvant  fervir  qu'à  la  corruption  des  mœurs,  il  doit 
être  exclus  d'un  état  bien  police.  Tacite  racontant 
les  débauches  de  Meffaline  &  de  fes  femmes,  en  fait 


é  BAC 

ce  portrait  tout  femblable  aux  extravagances  des 
bacchantes.  Feminœ  pellibus  accincla  affultabant ,  ut 
facrificantes  vel  infanientes  bacchce.  Ipfa  crine  fiuxo , 
thyrfum  quatiens,  juxtaqut  Silius  kedera  cinclus  ,  genre 
cothurnos  ,  jacere  caput ,  flrepente  circum  procaci  choro. 
««Les  femmes  de  Meffaline  revêtues  de  peaux  bondif- 
»  ibient  &  folâtroient  comme  les  bacchantes  dans 
»  leurs  facrifices  ;  elle-même  les  cheveux  épars  agi- 
»  toit  un  thyrfe  ;  Silius  (  ion  amant  )  étoit  à  les  côtés , 
»  couronné  de  lierre ,  chauffé  d'un  cothurne  ,  jettant 
*.  la  tête  deçà  &  delà ,  tandis  que  cette  troupe  laicive 
»  danfbit  autour  de  lui..»  (G) 

BACCHE  ,  f.  m.  dans  la  Poëjie  Greque  &  Latine  , 
efpece  de  pie  compofé  de  trois  fyllabes  ;  la  première 
brève  ,&  les  deux  autres  longues,  comme  dans  ces 
mots  ,  egëjlâs  ,•  ava.ru 

Le  bacche  a  pris  fon  nom  de  ce  qu'il  entroit  fou- 
vent  dans  les  hymnes  compofées  à  l'honneur  de  Bac- 
chus.  Les  Romains  le  nommoient  encore  cenotrius , 
tripodius,faltans,  &  les  Grecs  ;7«fia///3cç.  Diom.  ///. 
pag.  4 J 5.  Le  bacche  peut  terminer  un  vers  hexa- 
mètre. l'oye{  PlÉ  ,  &c  (G) 

*  BACCHIONITES ,  f.  m.  pi.  (Hifi.  anc.)c'é- 
toient ,  à  ce  qu'on  dit ,  des  philoibphes  qui  avoient 
un  mépris  fi  univerfel  pour  les  chofes  de  ce  bas  mon- 
de ,  qu'ils  ne  fe  refervoient  qu'un  vaiffeau  pour  boire  ; 
encore  ajoûte-t-on  qu'un  d'entre  eux  ayant  apperçu 
dans  les  champs  un  berger  qui  puifoit  dans  un  ruif- 
ièau  de  l'eau  avec  le  creux  de  fa  main,  il  jetta  loin 
de  lui  fa  taffe  ,  comme  un  meuble  incommode  &  fu- 
perflu.  C'eft  ce  qu'on  raconte  auffi  de  Diogene.  S'il 
y  a  jamais  eu  des  hommes  auffi  delintéreffés ,  il  faut 
avouer  que  leur  métaphyfique  &  leur  morale  méri- 
teraient bien  d'être  un  peu  plus  connues.  Après  avoir 
banni  d'entre  eux  les  diihnctions  funeffes  du  tien  & 
du  mien,  il  leur  reftoit  peu  de  chofe  à  faire  pour  n'a- 
voir plus  aucun  fujet  de  querelles ,  &  fe  rendre  auffi 
heureux  qu'il  eit  permis  à  l'homme  de  l'être. 

*  BACCHUS,  (Myth.)  dieu  du  Paganifme.  On 
diffingue  particulièrement  deux  B-acchus  :  celui  d'E- 
gypte ,  fils  d'Ammon,  &  le  même  qu'Ofiris;  celui 
de  Thebes ,  fils  de  Jupiter  &  de  Semelé ,  auquel  on  a 
fait  honneur  de  toutes  les  actions  des  autres.  L'E- 
gyptien fut  nourri  à  Nifa ,  ville  de  l'Arabie  heureufe , 
&  ce  fut  lui  qui  fit  la  conquête  des  Indes.  Orphée 
apporta  fon  culte  dans  la  Grèce ,  &  attribua  par  adu- 
lation les  merveilles  qu'il  en  racontoit  à  un  Prince 
de  la  famille  de  Cadmus.  Voye^  Osiris. 

Le  Thébain  acheva  dans  la  cuiffe  de  fon  père  le 
refte  du  tems  de  la  groffeffe  de  fa  mère ,  qui  mourut 
for  fon  feptieme  mois.  Euripide  dans  fes  Bacchantes , 
dit  que  Jupiter  dépofacet  enfant  dans  un  nuage  poul- 
ie dérober  à  la  jaloufie  de  fa  femme  ;  &  Euffathe , 
qu'il  fut  nourri  fur  le  mont  Meros,  qui  fignifie  cuiffe, 
équivoque  qui  aura  vraiffemblablement  donné  lieu 
à  la  première  fable.  Bacchus  alla  à  la  conquête  des 
Indes  à  la  tête  d'une  troupe  de  femmes  &  d'hommes 
armés  de  thyrfes  &  de  tambours.  Les  peuples  effrayés 
de  la  multitude  &  du  bruit,  le  reçurent  comme  un 
dieu  ;  &  pourquoi  fe  feroient-ils  défendus  contre  lui  ? 
il  n'alloit  point  les  charger  de  chaînes  ,  mais  leur  ap- 
prendre la  culture  de  la  vigne.  On  dit  qu'il  fit  des 
prodiges  dans  l'affaire  des  Géans.  On  le  repréfente 
îbus  la  figure  d'un  jeune  homme ,  lans  barbe ,  joufflu  , 
couronné  de  lierre  ou  de  pampre ,  le  thyrfe  dans  une 
main  ,  &  des  grappes  de  railin  ou  une  coupe  dans 
l'autre.  On  lui  immoloit  le  bouc  &  la  pie  ;  le  bouc 
qui  mange  les  bourgeons ,  la  pie  que  le  vin  fait  par- 
ler. La  panthère  lui  étoit  confacrée  ,  parce  qu'il  fe 
couvrait  de  fa  peau.  Voye^  Semelé  ,  Bimater  , 
Dionysils.  Liber,  Bromius,  &c 

BACHA,. PASCHA ,  ou  PACHA,  fobft.  m.  (Hi/l 
mod.  )  officier  en  Turquie.  C'eit  le  gouverneur  d'une 
province^  d'une  ville,  ou  d'un  autre  département  ; 


BAC 

flOuS  dîf  ons  le  bâcha  de  Baiylone  ,  le  bâcha  de  Natotic% 
le  bâcha  de  Bender ,  &c. 

Dans  les  bâchas  font  compris  les  beglerbegs ,  & 
quelquefois  les  fangiacbegs,  quoiqu'ils  en  foient  quel- 
quefois diftingués ,  &  que  le  nom  de  bâcha  fe  donne 
proprement  à  ceux  du  fecondordre,c'eft-à-dire  à  ceux 
devant  qui  l'on  porte  deux  ou  trois  queues  de  che- 
val ,  qm  font  les  enfeignes  des  Turcs  ;  d'où  vient  le 
titre  de  bâcha  à  trois  queues.  Ceux-ci  lont  appelles  be- 
glerbegs ,  &  les  fangiacbegs  ne  font  porter  devant  eux 
qu'une  queue  de  cheval  attachée  au  bout  d'une  lan- 
ce. Voye^  Beglerbeg  6-  Sangiac. 

Le  titre  de  bâcha  fe  donne  auffi  par  politeffe  aux 
courtifans  qui  environnent  le  grand-feigneur  à  Conf- 
tantinople ,  aux  officiers  qui  fervent  à  l'armée  ,  &C 
pour  ainli  dire ,  à  tous  ceux  qui  font  quelque  figure 
à  la  cour  ou  dans  l'état. 

Le  grand-feigneur  confie  aux  bâchas  la  conduite 
des  armées  ;  &  pour  lors  on  leur  donne  quelquefois 
le  titre  de  feraskier  ou  de  bach-bog ,  c'eft-à-dire  général, 
parce  qu'ils  ont  fous  leurs  ordres  d'autres  bâchas. 
Comme  on  ne  parvient  communément  au  titre  de 
bâcha  que  par  des  intrigues ,  par  la  faveur  du  grand- 
viiir  ou  des  fultanes ,  qu'on  achette  par  des  préfens 
conlidérables ,  il  n'elt  point  d'exaôions  que  ces  offi- 
ciers ne  commettent  dans  leurs  gouvernemens ,  foit 
pour  rembourfer  aux  Juifs  les  fommes  qu'ils  en  ont 
empruntées ,  foit  pour  amaffer  des  tréfors  dont  fou- 
vent  ils  ne  jouiffent  pas  long-tems,  &  qu'ils  ne  tranf- 
mettent  point  à  leur  famille.  Sur  un  léger  méconten- 
tement, un  foupçon,  ou  pour  s'approprier  leurs  biens, 
le  grand-feigneur  leur  envoyé  demander  leur  tête  , 
&  leur  unique  réponfe  eff  d'accepter  la  mort.  Leur 
titre  n'étant  pas  plus  héréditaire  que  leurs  richefles  , 
les  enfans  d'un  bâcha  traînent  quelquefois  leur  vie 
dans  l'indigence  &  dans  l'obfcurité.  On  croit  que  ce 
nom  de  pafcha  vient  du  Perfan  pait /chats,  qui  figni- 
fie pie  de  roi ,  comme  pour  marquer  que  le  grand-fei- 
gneur a  le  piê  dans  les  provinces  où  fes  bâchas  le  re- 
préfentent.  Cependant  ce  titre  n'elt  en  ufage  qu'en 
Turquie  ;  car  en  Perle  on  nomme  émirs  ou  kams  les 
grands  feigneurs  &  les  gouverneurs  de  province.  (6) 

*  BACHARA ,  (  Géog.  )  ville  de  la  grande  Tar- 
tarie  en  Afie ,  dans  l'Usbech ,  fur  une  rivière  qui  va 
le  jetter  dans  la  mer  Cafpienne. 

BACHE  ou  BACHOT ,  f.  m.  ce  font  de  petits  ba- 
teaux dont  on  fe  fert  fur  les  rivières  ;  on  nomme  ainfî 
ceux  dont  on  fe  fert  à  Lyon  pour  paffer  la  Saône.  (Z) 

Bâche,  (Jardin.  &  Hydraul.  )  c'eft  un  coffre  ou 
une  cuvette  de  bois  qui  reçoit  l'eau  d'une  pompe 
afpirante  à  une  certaine  hauteur ,  où  elle  eff  reprife 
par  d'autres  corps  de  pompe  foulante  qui  l'élevent 
davantage.  (K  ) 

*  Bâche  ,  f.  f.  (  Comm.  &  Roui.  )  grande  couver- 
ture de  groffe  toile  que  les  rouliers  &  voituriers  éten- 
dent fur  leurs  voitures  ,  pour  garantir  de  la  pluie  &£ 
des  autres  intempéries  de  l'air  ies  marchandiles  dont 
elles  font  chargées.  Cette  couverture  eff  bandée  par 
des  cordes  qui  partent  de  fon  milieu  &  de  fes  angles  , 
&  qui  fe  rendent  à  différentes  parties  latérales  de  la 
voiture.  11  y  a  entr'elle  &  les  marchandifes  un  lit  de 
paille  fort  épais. 

BACHELIER ,  f.  m.  (  Hifi.  mod.  )  dans  les  écri- 
vains du  moyen  âge,  étoit  un  titre  qui  fe  donnoit, 
ou  à  ceux  d'entre  les  chevaliers  qui  n'avoient  pas  al- 
lez de  bien  ou  affez  de  vaffaux  pour  faire  porter 
devant  eux  leurs  bannières  à  une  bataille ,  ou  à  ceux 
même  de  l'ordre  desBannerets,  qui,  n'ayant  pas  en- 
core l'âge  qu'il  falloit  pour  déployer  leur  propre  ban- 
nière ,  etoient  obligés  de  marcher  à  la  guerre  fous  la 
bannière  d'un  autre;  voye^  Banneret.  Camden  & 
d'autres  définiffent  le  bachelier,  une  perfonne  d'un 
rang  moyen  entre  un  chevalier  &  un  écuyer ,  moins 
âgé  ôc  plus  récent  que  celui-là,  mais  iùpérieur  à  ce- 


BAC 


Iui-cî ,  vqyei  Chevalier  ,  &c.  D'autres  veulent  que 
le  nom  de  bachelier  ait  été  commun  à  tous  les  degrés 
compris  entre  le  fimple  gentilhomme  &  le  baron. 

Quand  l'amiral  n'étoit  ni  comte  ,  ni  baron  ,  il  étoit 
nommé  bachelier  ;  &C  «  il  eft  à  noter  que  quand  l'ami- 
»  rai  va  par  le  pays  pour  aflembler  vaiffeaux  de 
»  guerre  ,  ou  pour  autre  affaire  du  royaume  ,  s'il  eft 
»  bachelier,  il  recevra  par  jour  quatre  chelins  fter- 
»  lins  ;  s'il  eft  comte  ou  baron ,  les  gages  feront  à 
»  proportion  de  l'on  état  &  rang  ». 

Le  titre  de  bachelier  fe  donnoit  plus  particulière- 
ment à  tout  jeune  homme  de  condition  qui  faifoit  fa 
première  campagne ,  &  qui  recevoit  en  conléquence 
la  ceinture  militaire. 

Bachelier,  fignifîoit  encore  celui  qui  dans  le 
premier  tournois  où  il  eût  jamais  combattu ,  avoit 
vaincu  quelqu'un. 

On  difoit  anciennement  bacheliers  au  lieu  de  bas 
chevaliers ,  parce  que  les  bacheliers  formoient  le  plus 
bas  ordre  de  chevaliers  ;  ils  étoient  au-deflus  des  ban- 
nercts,  &c.  Foye^  Chevalier. 

On  appelle  maintenant  ceux-ci  équités  aurati,  à  cau- 
fe  des  éperons  qu'on  leur  met  lors  de  leur  réception. 
D'abord  cette  dignité  ne  fe  donnoit  qu'aux  gens 
d'épée  :  mais  dans  la  fuite  on  la  conféra  aulfi  aux  gens 
de  robbe  longue.  La  cérémonie  en  eft  extrêmement 
fimple.  L'afpirant  s 'étant  mis  à  genoux ,  le  roi  le  tou- 
che doucement  d'une  épée  nue ,  &  dit  ,yô/5  chevalier 
au  nom  d&  Dieu;  &C  après,  avance ,  chevalier,  foye^ 
Chevalier  6- Noblesse. 

Bachelier  ,  eft  encore  un  terme  dont  on  fe  fert 
dans  les  univerjités  pour  deiïgner  une  perfonne  qui  a 
atteint  le  baccalauréat,  ou  le  premier  degré  dans  les 
Arts  libéraux  6c  dans  les  Sciences,  foye^  Degré. 

C'eft  dans  le  treizième  liecle  que  le  degré  de  ba- 
chelier a  commencé  à  être  introduit  par  le  pape  Gré- 
goire IX.  mais  il  eft  encore  inconnu  en  Italie.  A  Ox- 
ford ,  pour  être  reçu  bachelier  es  Arts ,  il  faut  y  avoir 
étudié  quatre  ans,  trois  ans  de  plus  pour  devenir 
maître  es  Arts ,  6c  lept  ans  encore  pour  être  bachelier 
en  Théologie. 

A  Cambridge ,  il  faut  avoir  étudié  près  de  quatre 
ans  pour  être  fait  bachelier  es  Arts ,  &  plus  de  trois 
ans  encore  avant  que  d'être  reçu  maître  ,  &  encore 
fept  ans  de  plus  pour  devenir  bachelier  en  Théologie. 
Il  ne  faut  avoir  étudié  que  fix  ans  en  Droit  pour  être 
reçu  bachelier  de  cette  faculté. 

A  Paris,  pour  palier  bachelier  en  Théologie,  il  faut 
avoir  étudié  deux  ans  en  Ph  lotophie,  trois  en  Théo- 
logie, &  avoir  foûtenu  deux  examens,  l"un  fur  la 
Philol'ophie ,  6;  l'autre  fur  la  première  partie  de  la 
fomme  de  faint  Thomas ,  qui  comprend  les  traités  de 
Dieu ,  &  des  divins  attribut  s  de  la  Trinité,  &  des  anges. 
Ces  deux  examens  doivent  le  faire  à  un  mois  l'un  de 
l'autre ,  devant  quatre  docteurs  de  la  faculté  de  Théo- 
logie, tirés  au  fort ,  avec  droit  de  ûiii'rage.  Un  feul 
mauvais  billet  ne  laifle  au  candidat  que  lu  voie  de  l'e- 
xamen public  qu'il  peut  demandera  ia  faculté.  S'il 
le  trouve  deux  fuffrages  défavorables,  il  eft  jrefufé 
fans  retour.  Lorfque  les  examinateurs  font  unanime- 
ment contens  de  la  capacité,  ;i  choifit  un  prilident 
à  qui  il  fait  figner  les  trK.es;  &  quand  le  fyndic  les  a 
vilées,  6c  lui  a  donné  jour,  i:  doit  les  foûtenir  dans 
l'année  à  compter  du  jour  de  fon  fécond  examen. 
Dans  quelqu'une  des  écoles  de  la  faculté  ,  c'e'Và-dire, 
des  collèges  ou  des  communautés  qui  font  de  fon 
corps ,  cette  thefe  rouie  fur  les  mêmes  traités  théolo- 
giques ,  qui  ont  ferv  i  :  à  ce  fécond  e  ::îmen, 
&  on  la  nomme  tentative.  Le  préfident ,  quatre  bache- 
liers en  licence,  &  i  trsamis,  y  dilputent 
contre  le  répondant;  dix  docteurs  qu'on  nomme  cen- 
seurs y  affilient  avec  droit  de  fi 
de  licence  l'ont  auffi,  mais  pour  la  forme  ,  leins  voix 
n'étant  comptées  pour  rien.  Chaque  çenieur  a  deux 


BAC  7 

billets ,  l'un  qui  porte  fufficiens ,  &  l'autre  incapax.  Un 
feul  fufFrage  contraire  fuffit  pour  être  refufé.  Si  le 
candidat  répond  d'une  manière  fatisfaifante,  il  va  à 
laffemblée  du  premier  du  mois,  qu'on  nomme  prima 
menjis ,  fe  préfenter  à  la  faculté  devant  laquelle  il 
prête  ferment.  Enfuitele  bedeau  lui  délivre  les  lettres 
de  baccalauréat,  &  il  peut  le  préparer  à  la  licence. 

On  diftingue  dans  la  faculté  de  Théologie  de  Paris 
deux  fortes  de  bacheliers  :  l'avoir  bacheliers  du  premier 
ordre,  baccalaurei  primi  ordinis  ,  ce  l'ont  ceux  qui  font 
leur  cours  de  licence  ;  &  ceux  du  fécond  ordre,  bac* 
calaurei fecundi  ordinis ,  c'eft-à-dire  les  ûmples  bache- 
liers  qui  afpirent  à  faire  leur  licence  ,  ou  qui  demeu- 
rent limplement  bacheliers.  L'habit  des  uns  6c  des  au- 
tres eft  lafoutane,le  manteau  long,  6c  la  fourrure 
d'hermine  doublée  de  foie  noire. 

Pour  palier  bachelier  en  Droit  à  Paris ,  il  faut  l'a- 
voir étudié  deux  ans  ,  6c  avoir  foûtenu  un  acfe  dans 
les  formes.  Pour  être  bachelier  en  Médecine  ,  il  faut , 
après  avoir  été  quatre  ans  maître  es  Arts  dans  l'uni- 
verlîté  ,  faire  deux  ans  d'étude  en  Médecine  &  fubir 
un  examen  ,  après  quoi  on  eft  revêtu  de  la  fourrure 
pour  entrer  en  licence.  Dans  l'univerfité  de  Paris , 
avant  la  fondation  des  chaires  de  Théologie,  ceux 
qui  avoient  étudié  fix  ans  en  Théologie ,  étoient  ad- 
mis à  faire  leurs  cours,  d'où  ils  étoient  nommés  bac- 
calarii curfores  :  &c  comme  il  y  avoit  deux  cours ,  le 
premier  pour  expliquer  la  bible  pendant  trois  an- 
nées confécutives  ;  le  fécond,  pour  expliquer  le  maî- 
tre des  fentences  pendant  une  année  ;  ceux  qui  fai- 
foient  leur  cours  de  la  bible  étoient  appelles  bacca- 
larii  biblici  ;  &  ceux  qui  étoient  arrivés  aux  fenten- 
ces, baccalarii  fententiarii.  Ceux  enfin  qui  avoient 
achevé  l'un  6c  l'autre  étoient  qualifies  baccalarii  for- 
mati  ou  bacheliers  formés. 

Il  eft  fait  mention  encore  de  Bacheliers  d'É- 
glise ,  baccalarii  ecclefix ,  l'évêque  avec  les  chanoi- 
nes &  bacheliers ,  cum  conjîlio  <S*  conj'enfu  omnium  ca- 
nonicorum  Çuorum  &  baccalariorum.  Il  n'y  a  guère  de 
mot  dont  i'origine  foit  plus  difputée  parmi  les  cri- 
tiques que  celui  de  bachelier ,  baccalarius  ou  b.icca- 
laureus  :  Martinius  prétend  qu'on  a  dit  en  latin  l-acca- 
laureus  ,  pour  dire  bacca  laured  donatus,  6c  cela  par 
allulîon  à  l'ancienne  coutume  de  couronner  de  lau- 
rier les  poètes,  haccis  lauri,  comme  le  fut  Pétrarque 
à  Rome  en  1341.  Alciat  6c  Vives  font  encore  de  ce 
fentiment ,  Rhenanus  aime  mieux  le  tirer  de  baculus 
ou  baccilus ,  un  bâton,  parce  qu'à  ieur  promotion  , 
dit-il ,  on  leur  mettoit  en  main  un  bâton ,  pour  mar- 
quer l'autorité  qu'ils  recevoient,  qu'ils  avoient  ache- 
vé leurs  études ,  &  qu'ils  étoient  remis  en  liberté  ;  à 
peu  près  comme  les  anciens  gladiateurs,  à  qui  l'on 
mettoit  à  la  main  un  bâton  pour  marque  de  leur  con- 
gé; c'eft  ce  qu'Horace  appelle  rude  donatus.  Mais 
Spelman  rejette  cette  opinion  ,  d'autant  qu'il  n'y  a 
point  de  preuve  qu'on  ait  jamais  pratiqué  cette  cé- 
rémonie de  mettre  un  bâton  à  la  main  de  ceux  que 
l'on  ctéo'it  bacheliers  ;  6c  d'ailleurs  cette  étymologie 
conviendrait  plutôt  aux  licentiés  qu'aux  bacheliers , 
oui  font  moins  cenfés  avoir  combattu  qu'avoir  fait 
un  premier  efiai  de  leurs  forces ,  comme  l'infinue  le 
nom  de  tentative  que  porte  leur  thefe. 

Parmi  ceux  qui  foutiennent  que  les  r. 
litaires  font  les  plus  anciens  ,  on  compte  Cujas,  qui 
les  fait  venir  de  buccellarii,  forte  de  cavalerie  fort 

e  autrefois  ;  du  Cange ,  qui  les  tire  de  b 
ria ,  forte  de  fiefs  ou  de  fermes  qui  contenoient  plu- 
lijurs  pièces  de  terre  de  douze  acres  chacune,  ou  de 
ce  que  deux  bœufs  pouvoient  labourer.  Selon  lui  les 
poffeffeurs  de  ces  bacca  Ués  bache- 

liers. Enfin  Cafeneuve  &  Hauteferre  font  venir  ba- 
cheliers de  baculus  ou  bacillus,  un  bâton ,  à  caule  que 
les  jeunes  ca\  aliers  s'exerçoient  au  combat  avec  des 
bâtonSj  ainfi  que  les  bacheliers  dans  les  univcrllu» 


8 


BAC 


s'exercent  par  des  difputes.  De  toutes  ces  étymolo- 
gies  la  première  eft  la  plus  vraiffemblable ,  puifqu'il 
n'y  a  pas  encore  long-tems  que  dans  l'univerfité  de 
Paris  la  thefe  que  les  afpirans  à  la  maîtrife  es  Arts 
étoient  obligés  de  foûtenir,  s'appelloit  Vaàc  pro  lait- 
rea  artium.  Ainfi  de  bacca  lauri ,  qui  fignifie  propre- 
ment h  fruit  ou  la  graim  de  laurier ,  arbre  confacré 
de  tout  tems  à  être  le  fymbole  des  récompeniès  ac- 
cordées aux  favans,  on  a  fait  dans  notre  langue  ba- 
chelier pour  exprimer  un  étudiant  qui  a  déjà  mérité 
d'être  couronné.  (G) 

Bachelier,  (Commerce.}  c'eft  un  nom  qu'on 
donne  dans  quelques-uns  des  fix  corps  de  marchands 
de  Paris,  aux  anciens  &£  à  ceux  qui  ont  paffé  par  les 
charges ,  &  qui  ont  droit  d'être  appelles  par  les  maî- 
tres &  gardes  pour  être  préfens  avec  eux  &  les  affil- 
ier en  quelques-unes  de  leurs  fondions ,  particuliè- 
rement en  ce  qui  regarde  le  chef-d'œuvre  des  afpi- 
rans  à  la  maîtrife.  AÏnfi  dans  le  corps  des  marchands 
Pelletiers  le  chef-d'œuvre  doit  être  fait  en  préfence 
des  gardes,  qui  font  obligés  d'appeller  avec  eux  qua- 
tre bacheliers  dudit  état. 

Le  terme  de  bachelier  eft  auffi  en  ufage  dans  le  mê- 
me fens ,  dans  la  plupart  des  communautés  des  Arts 
&  Métiers  de  la  ville  de  Paris.  Voyei  Communau- 
té. (G) 

*  BACHER  une  voiture,  (Commerce  &  Roulage.  ) 
c'efl  la  couvrir  d'une  bâche,  f^oye^  Bâche. 

BACHIAN,  (Géog.  mod.)  île  des  Indes  orientales, 
ïine  des  Moluques,  proche  la  ligne. 

BACHOT,  fub.  m.  fur  les  rivières ,  c'eft  un  petit 
bateau  qui  prend,  en  payant,  les  palTans  au  bord 
d'une  rivière  &  les  met  à  l'autre  bord  ;  il  y  en  a  fur 
la  Seine  en  plufieurs  endroits.  Voye^  Bachoteurs 
&  Bachotage. 

♦BACHOTAGE,  f.  m.  (Police.)  c'eft  l'emploi 
de  ceux  qui  ont  le  droit  de  voiturer  fur  la  rivière 
dans  des  bachots ,  au-deffus  &c  au-deflbus  de  la  ville. 
Foye{  Bachoteurs. 

*  BACHOTEURS ,  fub.  m.  (Police.  )  ce  font  des 
bateliers  occupés  fur  les  ports  de  Paris  &  en  autres 
endroits  des  rives  de  la  Seine ,  à  voiturer  le  public 
fur  l'eau  &  dans  des  bachots  au-deffus  &c  au-deffous 
de  la  ville.  Ils  font  obligés  de  fe  faire  recevoir  à  la 
ville  :  ils  ne  peuvent  commettre  des  garçons  à  leur 
place  :  leurs  bachots  doivent  être  bien  conditionnés. 
Il  leur  eft  défendu  de  recevoir  plus  de  feize  perfon- 
nes  à  la  fois  ;  leurs  falaires  font  réglés  ;  ils  doivent 
charger  par  rang  ;  cependant  le  particulier  choifit  tel 
bachoteur  qu'il  lui  plaît.  Ils  font  obligés  d'avoir  des 
numéros  à  leurs  bachots.  Un  officier  de  ville  fait  de 
quinze  en  quinze  jours  la  vifite  des  bachots  ;  &  il  eft 
défendu  aux  femmes  &  aux  enfans  des  bachoteurs  de 
fe  trouver  fur  les  ports.  On  paye  par  chaque  per- 
fonne  quatre  fous  pour  Sève  &  S.  Cloud;  deux  fous 
pour  Chaillot  &  Paffy  ;  deux  fous  ûx  deniers  pour 
Auteuil;  &  ainfi  à  proportion  de  la  diftance,  &  à 
raifon  de  deux  lois  pour  chaque  lieue ,  tant  en  def- 
cendant  qu'en  remontant.  Le  bachoteur  convaincu 
d'avoir  commis  à  fa  place  quelqu'homme  fans  ex- 
périence ,  ou  d'avoir  reçu  plus  de  feize  perfonnes , 
eft  condamné  pour  la  première  fois  à  cinquante  li- 
vres d'amende,  confiscation  des  bachots ,  trois  mois 
de  prifon  ;  il  y  a  punition  corporelle  en  cas  de  réci- 
dive &  exclulîon  du  bachotage.  C'eft  au  lieutenant 
de  police  à  veiller  que  les  bachoteurs  ne  fe  prêtent  à 
aucun  mauvais  commerce.  Il  leur  eft  enjoint  par  ce 
tribunal  de  fermer  leurs  bachots  avec  une  chaîne  & 
un  cadenat  pendant  la  nuit. 

BACHOU,  f.  m.  (terme  de  Boyaudier.  )  c'eft  ainfi 
que  ces  ouvriers  appellent  des  efpeces  de  hottes  dans 
lefquelles  les  boyaux  de  moutons  ou  d'agneaux  font 
portés  de  la  boucherie  dans  leurs  atteliers. 

BACILE,  criihmum,  (Hijl,  natur,  bçtan,)  genre 


BAC 

de  plante  à  fleurs  en  rofe  difpofées  en  ombelle  ;  ces 
fleurs  font  compofées  de  plufieurs  pétales  arrangés 
fur  un  calic-e ,  qui  devient  dans  la  fuite  un  fruit  à  deux 
femences  plates  légèrement  cannelées,  qui  fe  dépouil- 
lent ordinairement  d'une  enveloppe.  Ajoutez  aux  ca- 
ractères de  ce  genre ,  que  les  feuilles  font  charnues  , 
étroites,  &  fubdivifées  trois  à  trois.  Tournefort, 
infl.  rei  herb.  Voye{  Plante.  (V) 

*BACKON,  (Géog.)  ville  de  la  Moldavie,  fur 
la  rivière  d'Arari,  proche  des  frontières  de  la  Va- 
la  chie. 

*  BACLAGE,  f.  m.  (terme  de  Comm.  &  de  Rivière.) 
c'eft  l'arrangement  fur  les  ports  de  Paris  des  bateaux 
qui  y  arrivent  les  uns  après  les  autres ,  pour  y  faire 
la  vente  des  marchandées  dont  ils  font  chargés.  Bâ- 
clage le  dit  auffi  du  droit  qu'on  paye  aux  officiers  de 
ville  chargés  de  cet  arrangement.  Ils  fe  nomment  dé- 
bacleurs.  fbye^DÉBACLEURS,  DÉBACLER,  DÉBA- 
CLAGE. 

*  BACLAN,  (  Géographie.  )  pays  de  la  Perfe  dans 
le  Chorafan ,  près  de  Balche ,  &  vers  la  rivière  de 
Gihon. 

BACLER  les  ports  y  (Marine.)  c'eft  les  fermer  avec 
des  chaînes' &  des  barrières.  (Z) 

*  BACLER  un  bateau  (term.  de  Comm.  &  de  Riv.  ) 
c'eft  placer  dans  le  port  un  bateau  commodément  & 
fûrement  pour  la  charge  &  la  décharge  de  fes  mar- 
chandifes  ;  ce  qui  s'exécute*en  l'attachant  avec  des 
cables  &  cordages  à  des  anneaux  fixés  aux  ponts  & 
fur  le  rivage  pour  cet  effet. 

BACONISME  ou  PHILOSOPHIE  DE  BACON. 
Bacon,  baron  de  Verulam  &  vicomte  de  S.  Alban, 
naquit  en  Angleterre  l'an  1560.  Il  donna  dans  l'on 
enfance  des  marques  de  ce  qu'il  devoit  être  un  jour  ; 
&  la  reine  Elifabeth  eut  occaiîon  plufieurs  fois  d'ad- 
mirer la  fagacité  de  fon  efprit.  Il  étudia  la  philofo- 
phie  d'Ariftote  dans  l'univerfité  de  Cambridge  ;  & 
quoiqu'il  n'eût  pas  encore  feize  ans ,  il  apperçut  le 
vuide  &  les  abfurdités  de  ce  jargon.  Il  s'appliqua  en- 
fuite  à  l'étude  de  la  politique  &  de  la  jurifprudence, 
&  fon  mérite  l'éleva  à  la  dignité  de  chancelier  fous 
le  roi  Jacques  premier.  Il  fut  aceufé  de  s'être  laiffé 
corrompre  par  argent;  &  le  roi  l'ayant  abandonné , 
il  fut  condamné  par  la  chambre  des  pairs  à  une 
amende  d'environ  quatre  cents  mille  livres  de  notre 
monnoie;  il  perdit  fa  dignité  de  chancelier,  &  fut 
mis  en  prifon.  Peu  de  tems  après ,  le  roi  le  rétablit 
dans  tous  fes  biens  &  dans  tous  les  honneurs  qu'il 
avoit  perdus  :  mais  fes  malheurs  le  dégoûtèrent  des 
affaires  ,  &  augmentèrent  fa  paffion  pour  l'étude. 
Enfin  il  mourut  âgé  de  66  ans,  &  fi  pauvre,  qu'on 
dit  que  quelques  mois  avant  fa  mort  il  avoit  prié  le 
roi  Jacques  de  lui  envoyer  quelques  fecours  ,  pour 
lui  épargner  la  honte  de  demander  l'aumône  dans  fa 
vieilleffe.  Il  falloit  qu'il  eût  été  ou  bien  defintéreffé 
ou  bien  prodigue,  pour  être  tombé  dans  une  fi  gran- 
de indigence. 

Le  chancelier  Bacon  eft  un  de  ceux  qui  ont  le  plus 
contribué  à  l'avancement  des  Sciences.  Il  connut 
très-bien  l'imperfeefion  de  la  Philofophie  fcholafti- 
que,  &  il  enfeigna  les  feuls  moyens  qu'il  y  eût  pour 
y  remédier.  «  Il  ne  connoiffoit  pas  encore  la  nature, 
»  dit  un  grand  homme ,  mais  il  favoit  &  indiquoit 
»  tous  les  chemins  qui  mènent  à  elle.  Il  avoit  me- 
»  prifé  de  bonne  heure  tout  ce  que  les  univeriités 
»  appelloient  la  Philofophie,  &  il  faifoit  tout  ce  qui 
»  dépendoit  de  lui ,  afin  que  les  compagnies  infti- 
»  tuées  pour  la  perfection  de  la  raifon  humaine ,  ne 
»  continuaffent  pas  de  la  gâter  par  leurs  quiddites , 
»  leurs  horreurs  du  vuide,  leurs  formes  fubftanciel- 
»  les ,  &  tous  ces  mots  impertinens  ,  que  non-feule- 
»  ment  l'ignorance  rendoit  relpeftables,  mais  qu'un 
»  mélange  ridicule  avec  la  religion  avoit  rendu  fa- 
»  cres  », 

II 


BAC 

Il  compofa  deux  ouvrages  pour  perfectionner  les 
Sciences.  Le  premier  eft  intitulé  de  r  accroi\jement  & 
de  la  dignité  des  Sciences  :  il  y  montre  l'état  où  elles 
fe  trouvoient  alors  ,  &  indique  ce  qui  reftoit  à  dé- 
couvrir pour  les  rendre  parfaites.  Mais  il  ajoute  qu'il 
ne  faut  pas  efpérer  qu'on  avance  beaucoup  dans  cet- 
te découverte ,  fi  on  ne  fe  fert  d'autres  moyens  que 
de  ceux  dont  on  s'étoit  fervi  jufqu'alors.  Il  fait  voir 
que  la  Logique  qu'on  enfeignoit  dans  les  écoles ,  étoit 
plus  propre  à  entretenir  les  difputes  qu'à  éclaircir  la 
vérité,  &  qu'elle  enfeignoit  plutôt  à  chicaner  fur  les 
mots  qu'à  pénétrer  dans  le  fond  des  choies.  Il  dit 
qu'Ariftote ,  de  qui  nous  tenons  cet  art ,  a  accom- 
modé fa  phyfique  à  fa  logique ,  au  lieu  de  faire  fâ 
logique  pour  fa  phyfique,  6c  que  renverfant  l'ordre 
naturel ,  il  a  aflujetti  la  fin  aux  moyens.  C'eft  au/fi. 
dans  ce  premier  ouvrage  qu'il  propofe  cette  céiebre 
divifion  des  Sciences  qu'on  a  fuivie  en  partie  dans 
ce  Dictionnaire.  Voye^  le  Difcours  préliminaire. 

C'eft  pour  remédier  aux  défauts  de  la  Logique  or- 
dinaire ,  que  Bacon  compofa  fon  fécond  ouvrage  in- 
titulé Nouvel  Organe  des  Sciences  :  il  y  enfeigne  une 
Logique  nouvelle,  dont  le  principal  but  eft  de  mon- 
trer la  manière  de  faire  une  bonne  induction  ,  com- 
me la  fin  principale  de  la  logique  d'Ariftote  eft  de 
faire  un  bon  iyllogifme.  Bacon  a  toujours  regardé 
cet  ouvrage  comme  fon  chef-d'œuvre  ,  &  il  fut  dix- 
huit  ans  à  le  compofer.  Voici  quelques-uns  de  les 
axiomes  qui  feront  connoître  l'étendue  des  vues  de 
ce  grand  génie. 

«  i.  La  caufe  du  peu  de  progrès  qu'on  a  faits  juf- 
»  qu'ici  dans  les  Sciences ,  vient  de  ce  que  les  hom- 
»  mes  fe  font  contentés  d'admirer  les  prétendus  for- 
»  ces  de  leur  efprit ,  au  lieu  de  chercher  les  moyens 
»>  de  remédier  à  fa  foiblefTe. 

»  z.  La  logique  fcholaltique  n'eft  pas  plus  propre 
»  à  guider  notre  efprit  dans  les  Sciences  ,  que  les 
»  feiences  ,  dans  l'état  où  elles  font ,  ne  font  propres 
»  à  nous  faire  produire  de  bons  ouvrages. 

»  3.  La  logique  icholaltique  n'eft  bonne  qu'à  en- 
»  treicnir  les  erreurs  qui  font  fondées  fur  les  notions 
»  qu'on  nous  donne  ordinairement  :  mais  elle  eft  ab- 
»  folument  inutile  pour  nous  faire  trouver  la  vérité. 

»  4.  Le  Iyllogifme  eft  compofé  de  propoiïtions. 
»>  Les  propoiïtions  font  compolées  de  termes ,  6v  les 
»  termes  font  les  fignes  des  idées.  Or  fi  les  idées  ,  qui 
»>  font  le  fondement  de  tout ,  font  confufes ,  il  n'y  a 
»  rien  de  folide  dans  ce  qu'on  bâtit  deffus.  Nous  n'a- 
»  vons  donc  d'efpérance  que  dans  de  bonnes  induc- 
»  tions. 

»  5.  Toutes  les  notions  que  donnent  la  Logique 
»  &  la  Phyfique  ,  font  ridicules.  Telles  font  ics  no- 
»  tions  de  fubjlance ,  de  qualité ,  de  pefanteur ,  de  lége- 
»  reté,  &c 

»  6.  Il  n'y  a  pas  moins  d'erreur  dans  les  axiomes 
»  qu'on  a  formés  jufqu'ici  que  dans  les  notions  ;  de- 
»  lortc  que  pour  faire  des  progrès  dans  les  Sciences, 
»  il  eft  néceffaire  de  refaire  tant  les  notions  que  les 
»  principes  :  en  un  mot ,  il  faut ,  pour  ainli  dire,  re- 
»  fondre  l'entendement  ». 

»  7.  II  y  a  deux  chemins  qui  peuvent  conduire  à 
»  la  vérité.  Par  l'un  on  s'élève  de  l'expérience  à  des 
>»  axiomes  très-généraux ,  ce  chemin  eft  déjà  connu  : 
»  par  l'autre  on  s'élève  de  l'expérience  à  des  axio- 
»  mes  qui  deviennent  généraux  par  degrés ,  jufqu'à 
»  ce  qu'on  parvienne  à  des  choies  très-générales:.  Ce 
»  chemin  eft  encore  en  friche  ;  parce  que  les  hom- 
»  mes  fe  dégoûtent  de  l'expérience, &  veulent  aller 
»  tout  d'un  coup  aux  axiomes  généraux ,  pour  fc  re- 
»  pofer. 

»  8.  Ces  deux  chemins  commencent  tous  les  deux 

»  à  l'expérience  &  aux  chofes  particulières;  mais  ils 

»  font  d'ailleurs  bien  différens  :  par  l'un  on  ne  fait 

»>  qu'effleurer  l'expérience  ;  par  l'autre  on  s'y  arrête  : 

Tome  II, 


BAC  9 

»  par  le  premier  on  établit  dès  le  fécond  pas ,  des 
»  principes  généraux  &  abftraits  ;  par  le  fécond ,  on 
»  s'élève  par  degrés  aux  choies  univerfelles ,  &c. 

»  9.  Il  ne  s'eft  encore  trouvé  perfonne ,  qui  ait  eu 
»  aflèz  de  force  &  de  confiance ,  pour  s'impofer  la 
»  loi  d'effacer  entièrement  de  fon  efprit  les  théories 
»  &  les  notions  communes  qui  y  étoient  entrées  avec 
»  le  tems  ;  de  faire  de  fon  ame  une  table  rafe  ,  s'il 
»  eft  permis  de  parler  ainfi  ;  &  de  revenir  fur  les  pas 
»  pour  examiner  de  nouveau  toutes  les  connoifi'an- 
»  ces  particulières  qu'on  croit  avoir  acquifes.  On 
»  peut  dire  de  notre  raifon  ,  qu'elle  eft  obicurcie  & 
»  comme  accablée  par  un  amas  confus  &  indigeïtè 
»  de  notions  ,  que  nous  devons  en  partie  à  notre  cré- 
»  dûlité  peur  bien  des  chofes  qu'on  nous  a  dites, au 
»  hatard  qui  nous  en  a  beaucoup  appris,  &  aux  pré- 
»  jugés  dont  nous  avons  été  imbus  dans  notre  en- 

»  tance Il  faut  fe  flatter  qu'on  réufTira  dans 

»  la  découverte  de  la  vérité  ,  &  qu'on  hâtera  les 
>»  progrès  de  l'efprit ,  pourvu  que ,  quittant  les  no- 
»  tiens  abftraites ,  les  Spéculations  Métaphyfiques  , 
»  on  ait  recours  à  l'analyie  ,  qu'on  décompofe  les 
«  idées  particulières  ,  qu'on  s'aide  de  l'expérience, 
»  &  qu'on  apporte  à  l'étude  tin  jugement  mûr,  un 
»  efprit  droit  tk.  libre  de  tout  préjugé.  .  .  .  On  ne 
»  doit  efperer  de  voir  renaître  les  Arts  &  les  Scien- 
»  ces ,  qu'autant  qu'on  refondra  entièrement  les  pre- 
»  mieres  idées,  &  cjue  l'expérience  fera  le  flambeau 
»  qui  nous  guidera  dans  les  routes  obfcures  de  la  vé- 
»  rite.  Perfonne  jufqu'ici ,  que  nous  fâchions  ,  n'a  dit 
»  que  cette  réforme  de  nos  idées  eût  été  entreprife, 
»  ou  même  qu'on  y  eût  penfé  ». 

On  voit  par  ces  Aphoiilmes,  que  Bacon  croyoit 
que  toutes  nos  connoijjances  viennent  des  Jens.  Les  Pé- 
ripatéticiens  avoient  pris  cette  vérité  pour  fonde- 
ment de  leur  philofophie  :  mais  ils  étoient  fi  éloignés 
de  la  connoître,  qu'aucun  d'eux  n'a  fû  la  dévelop- 
per ;  &  qu'après  pli.lieurs  fiecles  ,  c'étoit  encore  une 
découverte  à  faire.  Perfonne  n'a  donc  mieux  connu 
que  Bacon  la  caufe  de  nos  erreurs  :  car  il  a  vu  que 
les  idées  qui  font  l'ouvrage  de  l'efprit ,  avoient  été 
mal  faites  ;  &  que  par  conféquent ,  pour  avancer 
dans  la  recherche  de  la  vérité  ,  il  falloit  les  refaire. 
C'eft  un  conieil  qu'il  répète  fouvent  dans  fon  nou- 
vel org.zne.  «  Mais  pouvoit-on  l'écouter,  dit  l'auteur 
»  de  l'Effai  fur  l'origine  des  connoifTances  humai- 
»  nés  ?  Prévenu,  comme  on  l'étoit,  pour  le  jargon 
»  de  l'école ,  &  pour  les  idées  innées ,  ne  devoit-on 
»  pas  traiter  de  chimérique  le  projet  de  rcnouveller 
»  l'entendement  humain  ?  Bacon  propofoit  une  mé- 
»  thode  trop  parfaite  pour  être  l'auteur  d'une  révo- 
»  lution;  ot  celle  de  Deicarte's  devoit  réufîïr,  parce 
»  qu'elle  laiflbit  lubrifier  une  partie  des  erreurs.  Ajoù- 
»  tez  à  cela  que  le  philofophe  Anglois  avoit  des  oc- 
»  cupationsqui  ne  luipermettoient  pas  d'exécuter  en- 
»  fièrement  lui-même,  ce  qu'il  confeilloit  aux  au- 
»  très.  Il  étoit  donc  obligé  de  fe  borner  à  donner 
»  des  avis  qui  ne  pouvoient  taire  qu'une  légère  im- 
>»  prelîion  fur  des  elprits  incapables  d'en  fentir  la  fo- 
»  lidité.  Defcartes  au  contraire  ,  livré  entièrement 
»  à  la  Philofophie  ,  &  ayant  une  imagination  plus 
»  vive  &  plus  féconde,  n'a  quelquefois  lubttiuié  aux 
»  erreurs  des  autres  que  des  erreurs  plus  léduilantes , 
»  qui ,  peut-être ,  n'ont  pas  peu  contribué  à  fa  répu- 
»  tation  ». 

Le  foin  que  Bacon  prenoit  de  toutes  les  Sciences 
en  général ,  ne  l'empêcha  pas  de  s'appliquer  à  quel- 
ques-unes en  particulier;  &  comme  il  croyoit  que  la 
Philofophie  naturelle  eft  le  fondement  de  toutes  les 
aunes  Sciences,  il  travailla  principalement  à  la  per- 
fectionner. Mais,  il  fit  comme  ces  grands  Architectes, 
qui  ne  pouvant  fe  refoudre  à  travailler  d'après  les 
autres ,  commencent  par  tout  abattre  ,  &:  élèvent  en- 
fuite  leur  édifice  fur  un  delîein  tout  nouveau.  De 


io  BAC 

même ,  il  ne  s'amufa  point  à  embellir  ou  à  réparer 
ce  qui  avoit  déjà  été  commencé  par  les  autres  :  mais 
il  fe  propofa  d'établir  une  Phyfique  nouvelle ,  fans  lé 
fervir  de  ce  qui  avoit  été  trouvé  par  les  anciens , 
dont  les  principes  lui  étoient  fufpeârs.  Pour  venir  à 
bout  de  ce  grand  deflein ,  il  avoit  réfolu  de  faire  tous 
les  mois  un  traité  de  Phyfique  ,  &  il  commença  par 
celui  des  vents.  Il  fit  enfuite  celui  de  la  chaleur ,  puis 
celui  du  mouvement ,  &  enfin  celui  de  la  vie  &  de 
la  mort.  Mais ,  comme  il  étoit  impoflible  qu'un  hom- 
me feul  fit  toute  la  Phyfique  avec  la  même  exactitu- 
de ,  après  avoir  donne  ces  échantillons  pour  fervir 
de  modèle  à  ceux  qui  voudroient  travailler  fur  fes 
principes  ,  il  fe  contenta  de  tracer  groflierement  & 
en  peu  de  mots  le  deflein  de  quatre  autres  traités ,  & 
d'en  fournir  les  matériaux  dans  le  livre  qu'il  intitula 
Sylva  fylvarum  ,  où  il  a  ramaffé  une  infinité  d'expé- 
riences ,  pour  fervir  de  fondement  à  fa  nouvelle  phy- 
fique. En  un  mot  perfonne ,  avant  le  chancelier  Ba- 
con ,  n'avoit  connu  la  Philoiophie  expérimentale  ;  & 
de  toutes  les  expériences  phyliques  qu'on  a  faites  de- 
puis lui ,  il  n'y  en  a  prefque  pas  une  qui  ne  foit  in- 
diquée dans  fes  ouvrages. 

Ce  précurléur  de  la  Philofophie  a  été  aufli  un  écri- 
vain élégant ,  un  hiflorien ,  un  bel  efprit. 

Ses  Eflais  de  morale  font  très-eftimés  ,  mais  ils 
font  faits  pour  inftruîre  plutôt  que  pour  plaire.  Un 
efprit  facile,  un  jugement  fain,  le  philofophe  fenfé  , 
l'homme  qui  refléchit  y  brillent  tour-à-tour.  C'étoit 
un  des  fruits  de  la  retraite  d'un  homme  qui  avoit 
quitté  le  monde ,  après  en  avoir  foûtenu  long-tems 
les  profpérités  &  les  difgraces.  Il  y  a  aufli  de  très- 
belles  choies  dans  le  livre  qu'il  a  fait  de  la  Sagejfe  des 
anciens ,  dans  lequel  il  a  moralifé  les  fables ,  qui  fai- 
foient  toute  la  théologie  des  Grecs  &  des  Romains. 

Il  a  fait  encore  Yhilloire  de  Henri  VII.  roi  d'Angle- 
terre, où  il  y  a  quelquefois  des  traits  du  mauvais  goût 
de  fon  flecle,  mais  qui  d'ailleurs  efl:  pleine  d'efprit,  & 
qui  fait  voir  qu'il  n'étoit  pas  moins  grand  politique 
que  grand  philofophe.  (C) 

B  A  C  O  T I ,  i.  1.  (  Hijloirc  moderne.  )  nom  que  les 
peuples  du  Tonquin  donnent  à  la  grande  Magicien- 
ne, pour  laquelle  ils  ont  une  extrême  vénération,  & 
qu'ils  confultent  outre  les  deux  fameux  devins ,  le 
Tayboutkle  Tay-pkouthouy.hoii'quunQ  mère  ,  après 
la  mort  de  fon  enfant ,  veut  favoir  en  quel  état  efl 
l'ame  du  défunt  ;  elle  va  trouver  cette  efpece  de  Si- 
bylle, qui  fe  met  aufli-tôt  à  battre  fon  tambour  pour 
évoquer  l'ame  du  mort  ;  elle  feint  que  cette  ame  lui 
apparoît ,  ck  lui  fait  connoître  li  elle  efl  bien  ou  mal  : 
mais  pour  l'ordinaire  elle  annonce ,  à  cet  égard ,  des 
nouvelles  coniolantes.  Tavernier,  voyage  des  Indes. 

*  B  ACQUET  ,  f.  m.  {Arts  méchaniques)  on  donne 
ordinairement  le  nom  de  bacquet  à  un  vaifieau  de 
bois ,  rond ,  oval  ou  quarré ,  d'un  pié  &  demi  ou  mê- 
me davantage  de  diamètre  ,  plus  ou  moins  profond , 
fait  de  plufieurs  pièces  ou  douves  ferrées  par  des  cer- 
ceaux de  fer  ou  de  bois  ,  &  defliné  à  contenir  de 
l'eau  ou  des  matières  fluides.  Le  bacquet  efl:  à  l'ufage 
des  Verriers  ,  ils  y  rafraîchiflènt  leurs  cannes  ;  des 
Cordonniers ,  ils  y  font  tremper  leurs  cuirs  ;  des  Braf- 
feurs ,  ils  y  mettent  de  la  bière ,  ou  y  reçoivent  la  le- 
vure au  fortir  des  tonneaux  ;  des  Marchands  de  vin , 
ils  y  retiennent  le  vin  qui  s'échappe  de  la  canelle  des 
pièces  en  perce  ;  des  Marchands  de  poiflbn  ,  ils  y 
con'fervent  leur  marchandée  ;  des  Maçons  ,  ils  y 
tranfportent  le  mortier  au  pié  de  l'engin  ,  pour  être 
élevé  de-là  au  haut  des  échaffaux  ;  des  Carriers  ,  ils 
s  en  fervent  pour  tirer  le  moellon  &  les  autres  pierres 
qu  ils  ne  peuvent  brider  avec  le  cable  ;  &  d'un  grand 
nombre  d'autres  ouvriers  :  nous  allons  faire  mention 
de  quelques-uns; 

Bacquet  ,  ujîencile  d' 'Imprimerie ,•  ç'cft  une  pierre 


BAC 

de  trois  pies  de  long  fur  deux  &  demi  de  large ,  Cfciv 
fée  à  trois  pouces  de  profondeur,garnie  fur  Tes  bords 
de  bandes  de  fer  ,  &  percée  au  milieu  d'une  de  fes 
extrémités  ;  l'Imprimeur,  qui  veut  laver  fa  forme  , 
bouche  le  trou  avec  un  tampon  de  linge  ,  la  couche 
au  fond  du  bacquet,  &c  verfe  deffus  une  quantité  luffi- 
fante  de  leflive  pour  la  couvrir  ;  là  il  la  brofle  jufqu'à 
ce  que  l'œil  de  la  lettre  foit  net  ,  après  quoi  il  dé- 
bouche le  trou  pour  laifler  écouler  la  leflive  ,  retire 
fa  forme,  &  la  rince  avec  de  l'eau  claire  :  ce  bacquet 
doit  être  pofé  ou  fupporté  fur  une  table  de  chêne  à 
quatre  pies  bienfolides. 

Bacquet  ,  che^  les  Marbreurs  de  papier ,  efl  une 
efpece  de  boîte  ou  caifle  de  bois  ,  plate  ,  fans  cou- 
vercle ,  quarrée  ,  longue  de  la  grandeur  d'une  feuille 
de  papier  à  l'écu ,  &  de  l'épaiflèur  d'environ  quatre 
doigts  :  elle  fe  pofe  fur  la  table  ou  l'établi  du  Mar- 
breur ,  qui  y  verfe  de  l'eau  gommée  jufqu'à  un  doigt 
du  bord  ;  c'efl  fur  cette  eau  que  l'on  répand  les  cou- 
leurs que  doit  prendre  le  papier  pour  être  marbré. 
Voye^  Planche  du  Marbreur  en  F.  fig.  première. 

BACQUET  ,  cke^  les  Relieurs  &  Doreurs;  c'efl  un 
demi-muid  fcié  par  le  milieu  ,  où  l'on  met  de  la  cen- 
dre jufqu'à  un  certain  degré,  &  par-deflus  de  la  pouf- 
fiere  de  charbon  pour  faire  une  chaleur  douce ,  ca- 
pable de  lécher  la  dorure. 

BACQUET,  en  terme  de  Chaudronnier,  fe  dit  en  gé- 
néral de  tous  vaiflèaux  de  cuivre  imparfaits  ,  &  tels 
qu'ils  fortent  de  la  manufacture  &  de  la  première 
main. 

BACQUETER ,  verb.  adt.  en  bâtiment,  c'efl  ôter 
l'eau  d'une  tranchée  avec  une  pelle ,  ou  une  écope. 

BACQUETER  Veau  ,  en  Jardinage  ,  c'efl  la  répan- 
dre avec  une  pelle  de  bois  fur  le  gafon  d'un  baflin  , 
pour  arrofer  le  deflus  des  glailes.  (  K  ) 

BACQUETURES  ,  f.  f.  pi.  terme  de  Marchand  de 
vin  ,  c'efl  ainfi  qu'ils  appellent  ce  qui  tombe  des 
canelles  des  tonneaux  en  perce  ,  &  des  mefures 
quand  ils  vendent  &  verfent  le  vin  dans  les  bouteil- 
les. Ils  difent  qu'ils  envoyent  ce  vin  au  Vinaigrier  , 
&  ils  le  devroient  faire. 

*  B  ACTRE  (  Géographie  anc.  &  mod.  )  rivière  que 
les  modernes  nomment  Bufchian  ,  ou  Bachora  ;  elle 
fe  joint  à  notre  Gehon ,  ou  à  l'Oxus  des  anciens. 

*  BACTRES  (  Géographie  anc.  &  mod.  )  capitale 
de  la  Battriane  ,  fur  le  fleuve  Bactre  ;  c'efl  aujour- 
d'hui Bag-dafan  ou  Termend  :  elle  efl  voifine  du  mont 
Caucafe. 

*  BACTREOLE,  f.  f.  cke{  les  Batteurs  d'or,  rognures 
de  feuilles  d'or  ;  on  les  employé  à  taire  l'or  en  co- 
quille. Voyt{  Or. 

*  BACTRIANE  ,  f .  f .  (  Géographie  anc.  &  mod.  ) 
ancienne  province  de  Perfe ,  entre  la  Margiane  ,  la 
Scythie ,  l'Inde  &  le  pays  des  Meflagetes  ;  c'efl  au- 
jourd'hui une  contrée  de  la  Perfe  ,  formée  en  partie 
du  Chorafan ,  &  en  partie  du  Mavaralnahar ,  ou  plus 
communément  Usbeck ,  en  Tartarie. 

BACTRIENS ,  f.  m.  pi.  peuples  de  la  Baûriane. 

*  BACU  ,  BACHIE ,  BACHU ,  BARVIE  (Géog.y 
ville  de  Perlé ,  fur  la  mer  Cafpienne ,  &  dans  la  pro- 
vince de  Servan.  Il  y  a  près  de  la  ville  une  fource 
qui  jette  une  liqueur  noire  dont  on  fe  fert  par  toute 
la  Perle  ,  au  lieu  d'huile  à  brûler.  Elle  donne  l'on  nom 
à  la  mer  qu'on  connoît  fous  celui  de  mer  de  Bacu  , 
ou  mer  de  Sala. 

BACULOMETRIE  ,  f.  f.  c'efl  l'art  de  mefurer 
avec  des  bâtons  ,  ou  des  verges  ,  les  lignes  tant  ac- 
ceflîbles  qu'inacceflibles.  Voye{  Accessible,  Ar- 
pentage ,  Mesure  ,  Lever  un  plan  ,  &c.  (E  ) 

*  BADACHXAN  ou  BADASCHIAN,  ou  BUS- 
DASKAN  (  Géographie  anc.  &  mod.  )  ville  d'Afie  , 
dans  1e  Mavaralnahar ,  dont  elle  efl:  la  capitale  ; 


BAD 

quelques  Géographes  prétendent  que  c'eft  l'ancienne 
Baclres. 

*  BADAI  (  Géographie  &  Hifloire.  )  peuples  de  la 
Tartarie  déferte  ,  qui  adoroient  le  foleil  *  ou  un  mor- 
ceau de  drap  rouge  élevé  en  l'air  ,  qui  enétoit  appa- 
remment la  bannière  ou  le  fymbole. 

*BADAJOZ  (  Géographie.  )  ville  d'Efpagne  ,  ca- 
pitale de  l'Eitramadure  ,  fur  la  Guadiana.  Long,  il, 
XJ.  lat.  38.  33. 

*  BAD  ARA  (  Géographie.  )  petite  ville  des  Indes , 
capitale  de  la  contrée  du  même  nom  ,  dans  la  pref- 
qu'île  de  l'Inde  ,  deçà  le  Gange  ,  au  Malabar ,  pro- 
che Calicut. 

*  BADE  ou  BADEN  (  Géographie.  )  ville  d'Alle- 
magne ,  dans  le  cercle  de  Suabe.  Long.  26.  54.  Lai. 
48.60. 

*BADE.  Le  margraviat  de  Bade  eft  divifé  en  deux 
parties ,  le  haut  &  le  bas  margraviat  ;  il  eft  borné  au 
îeptentrion  par  le  Palatinat  &  Pévêché  de  Spire  ;  à 
l'orient ,  par  le  duché  de  "SVirtemberg  &  la  princi- 

fauté  de  Furftemberg  ;  au  midi ,  par  le  Brilgaw  ;  à 
occident ,  par  le  Rhin. 

*  BADE  ou  BADEN  (  Géographie.  )  ville  de  Suiffe, 
dans  le  canton  de  même  nom  ,  fur  le  Limât.  Long. 
2.5.  55.  lat.  4j.  zy, 

*  BADE  ou  BADEN  {Géographie.)  ville  d'Allema- 
gne ,  dans  l'archiduché  d'Autriche  ,  fur  le  Suechat. 
Long.  34.  20.  lat.  48. 

*  B  ADEBOU  (  Géographie.  )  petit  pays  d'Afrique, 
fur  la  côte  de  l'Océan ,  dans  le  pays  des  Nègres ,  au 
nord  de  la  rivière  de  Gambie. 

BADELAIRE ,  f.  f.  vieux  mot  qu'on  a  confervé 
dans  le  Blaion ,  &  qui  fignifie  une  épée  faite  en  fabre  , 
c'eft-à-dire ,  courte  ,  large  &c  recourbée  :  on  croit  que 
ce  mot  vient  de  baltearis  ,  à  caufe  qu'un  baudrier 
étoit  autrefois  appelle  baudel;  d'où  vient  que  quel- 
ques-uns difent  baudelaire.  (  V  ) 

*  BADENOCH  (  Géographie.  )  petit  pays  de  l'E- 
cofle  feptentrionale  ,  dans  la  province  de  Murray  , 
vers  les  montagnes  &  la  petite  province  d'Athol. 

•BADENWEILER  (  Géographie.  )  ville  d'Allema- 
gne ,  dans  le  Brifgaw  ,  proche  du  Rhin.  Long.  z5. 
20.  lat.  4J.  55. 

•BADIANE  (Semence  de)  ou  ANIS  DE  LA 
CHINE  (  Hilloire  nat.  &  mat.  med.  )  c'eft  un  fruit 
qui  repréfente  la  figure  d'une  étoile  ;  il  eft  compolé 
de  fix  ,  fept  ou  d'un  plus  grand  nombre  de-  capfules 
qui  fe  réunifient  en  un  centre  comme  des  rayons  ; 
elles  font  triangulaires  ,  longues  de  cinq  ,  huit  &  dix 
lignes ,  larges  de  trois  ,  un  peu  applatics  &  unies  par 
la  bafe.  Ces  capfules  ont  deux  écorces ,  une  extérieu- 
re ,  dure  ,  rude ,  raboteufe ,  jaunâtre ,  ou  de  couleur 
de  rouille  de  fer; l'autre  ,  intérieure,  prefqu'offeufe, 
lifle  &  luifante.  Elles  s'ouvrent  en  deux  panneaux 
par  le  dos ,  lorfqu'elles  font  feches  6c  vieilles ,  &  ne 
donnent  chacune  qu'un  leul  noyau  lifle  ,  luifant ,  ap- 
plati ,  de  la  couleur  de  la  graine  de  lin  ,  lequel ,  fous 
une  coque  mince  &  fragile  ,  renferme  une  amande 
blanchâtre,  graflé,  douce,  agréable  au  goût,  &  d'une 
faveur  qui  tient  de  celle  de  l'anis  &  du  fenouil ,  mais 
qui  eft  plus  douce.  La  capiule  a  le  goût  du  fenouil , 
un  peu  d'acidité  ,  &  une  odeur  feulement  un  peu  plus 
pénétrante.  Ce  fruit  vient  des  Philippines ,  de  la  Tar- 
tarie ck.  de  la  Chine  ;  l'arbre  qui  le  porte  s'appelle 
panfipanfi  ;  fon  tronc  eft  gros  ci  branchu  ;  il  s'élève 
à  la  hauteur  de  deux  bradés  ik  plus.  De  fes  branches 
lbrtent  quinze  feuilles  alternes  ,  rarement  crénelées , 
pointues ,  longues  d'un  palme,  &  large  d'un  pouce 
&  demi.  Les  fleurs  font ,  à  ce  qu'on  dit ,  en  grappes , 
grandes  comme  celles  du  poivre  ,  &:  paroiflent  com- 
me un  amas  de  pluiieurs  chatons. 

La  femence  de  badiane  donne  de  l'huile  eflenticlle, 
limpide ,  fubtile  &  plus  pénétrante  que  celle  d'anis  ; 
elle  en  a  les  propriétés.  Les  Orientaux  lui  donnent  la 
Tome  If. 


B  A  F 


11 


préférence  ;  elle  fortifie  l'eflomac  ,  chafle  les  vents 
&  excite  les  urines.  Les  Chinois  la  mâchent  après  le 
repas  ;  ils  l'infufent  aufli ,  avec  la  racine  de  ninzin  , 
dans  Peau  chaude,  &  en  boivent  en  forme  de  thé. 
Les  Indiens  en  tirent  aujourd'hui  un  efprit  ardent  ani- 
fé ,  que  les  Hollandois  appellent  anis  arak,  &  dont  on 
fait  grand  cas. 

BADIGEON  ,  f.  m.  en  Architecture  ,  eft  un  enduit 
jaunâtre  qui  fe  fait  de  poudre  de  pierre  de  faint-Leu, 
détrempée  avec  de  l'eau  :  les  Maçons  s'en  fervent 
pour  diftinguer  les  naiflances  d'avec  les  panneaux  , 
fur  les  enduits  &  ravallemens.  Les  Sculpteurs  l'em- 
ployent  auflî  pour  cacher  les  défauts  des  pierres  co- 
quillieres  ,  &  les  faire  paroître  d'une  même  couleur. 

BADIGEONNER  ,  c'eft  colorer  avec  du  badigeon. 
un  ravallement  en  plâtre ,  fait  fur  un  pan  de  bois ,  ou 
fur  un  mur  de  moellon,  de  brique,  &c.  La  plupart 
des  ouvriers  mettent  au  badigeon  de  l'ocre  pour  le 
rendre  plus  jaune  ,  mais  il  n'y  en  faut  point  ,  cette 
teinte  devant  plutôt  imiter  la  pierre  dure  d'Arcueil , 
qui  eft  prefque  blanche  ,  que  celle  de  iaint-Leu  ,  qui 
eft  plus  colorée.  (P) 

BADINANT,  adj.  (Manège.)  on  appelle  ainfi  un 
cheval  qu'on  mené  après  un  carrofle  attelé  de  fix  che- 
vaux, pour  le  mettre  à  la  place  de  quelqu'un  des  au- 
tres qui  pourroit  devenir  hors  d'état  de  lervir.  On 
l'appelle  aufli  le  volontaire.  (V) 

*  BADONVILLERS  ,  (Géog.)  ville  de  Lorraine  , 
dans  la  principauté  de  Salmes. 

*  BADOULA,  (Géog.)  petite  ville  du  royaume 
de  Candie  ,  dans  l'île  de  Ceylan ,  à  douze  lieues  du 
Pic  d'Adam.  ^ov^Adams'  Pic. 

*  BADUKKA  ,  (Hift.  nat.  bot.)  nom  propre  du 
Capparis  ,  arbore/cens  ,  indica  ,  flore  tetrapetalo.  Le  fuc 
de  fa  feuille  mêlé  avec  la  graifle  de  fanglicr  ,  forme 
un  Uniment  pour  la  goutte  ;  la  déco&ion  des  fleurs  tk. 
de  la  feuille  purge  &  déterge  les  ulcères  de  la  bou- 
che ;  &c  le  fruit  pris  clans  du  lait  nuit  à  la  faculté  d'en- 
gendrer dans  l'un  &  l'autre  fexe. 

*  BADWEISS ,  ou  BADENVEISS ,  ville  de  Bo- 
hême ,  cercle  de  Bethyn ,  près  Muldav. 

*  B  AEÇ  A  ,  (Géog.)  ville  d'Efpagne ,  dans  l'Anda- 
loufie  ,  fur  le  Guadalquivir.  Long.  14.  58.  lat.  37. 
45. 

*  BAECA  ,  (Géog.  mod.)  ville  du  Pérou,  dans  la 
province  de  Los  Quixos  ,  proche  la  ligne. 

*  BALTIQUE, (Géog. anc.  &  moi.)  une  des  parties 
dans  lefquelles  les  Romains  avoient  divilé  l'Elpagne. 
La  Taraconoife ,  &  la  Lulitanie  étoient  les  deux  au- 
tres :  la  Bœtique  fut  ainli  appellée  du  Bœtis ,  aujoiw- 
d'hui  le  Guadalquivir ,  &  comprenoit  l'Andaloufie  , 
avec  la  plus  grande  partie  du  royaume  de  Grenade. 

*  BAFFA,  (Géog.  anc.  &  mod.)  ville  de  l'île  de 
Chypre,  bâtie  furies  mines  de  Paphos  la  nouvelle. 
Long.  50.  lat.  34,  5o- 

Il  y  a  dans  la  même  île  un  cap  &:  une  petite  île  qui 
ne  font  pas  éloignées  de  Bafta ,  &  qui  portent  le  même 
nom.  Le  cap  s'appelle  aufli  Capo  bianco  ,  ôcs'appel- 
loit  jadis  Drepanum  promontorium. 

*  BAFFETAS  ,  f.  m.  (Commerce.)  toile  grofle  de 
coton  blanc ,  qui  vient  des  Indes  orientales.  La  meil- 
leure eft  de  Surate  ;  la  pièce  a  1 3  aulnes  |  de  long  , 
fur  j  de  large  ;  il  y  en  a  de  moins  large.  On  diflingue 
les  baffètas  par  les  endroits  d'où  ils  viennent,  &  par 
Tannage  qu'ils  ont  ;  il  y  a  des  ba  fêtas  Orgaris ,  Nol- 
faris,  Gaudivis,Nerindes  &  Dabouis  ;  ils  font  étroits, 
ils  n'ont  que  \  de  large  ,  &  \  aune  de  long  ;  il  y  a 
des  baffètas  Narrow-Wifh  de  13  aunes!  de  long , 
furf  aune  de  large;  Broad-With  de  14  ™lnes  de 
long  ,  fur  \  de  large  ;  Broad-Biw ,  &  Narrov-Brov , 
quiVie  font  que  des  toiles  écrites  ,  les  unes  de  14  >'!.- 
nés  de  long ,  fur  f  aune  de  large ,  &  les  autres  de  la 
même  longueur,  fur  \  de  large.  Il  y  a  un  auti . 

Bij 


il  B  A  G 

tas  qui  vient  aurTi  des  Indes  orientales ,  &  qu'on  noffl- 
mc  Shaub.  f^oye^  SHAUB. 

*  BAFFIN:S-BAIE,o«BAIEDEBAFFIN,(G<V) 
baie  dans  les  terres  arctiques  :  elle  s'étend  depuis  le 
jO  jufquau  80  degré di  latitude,  foye^  BAIE. 

*  BAGAIA  ,  BAGI ,  VAGAI ,  (Géog.)  ville  de 
Numidie ,  en  Afrique;  elle  s'appelloit  auffi  jadis  Tkéo- 
doric,  de  Théodore  épouié  de  l'empereur  Juftinien. 

*  BAGACE ,  f.  f.  (Sucrerie.)  c'eft  ainfi  qu'on  nom- 
me les  cannes ,  après  qu'elles  ont  parlé  au  moulin. 
On  les  conferve  dans  des  hangars  qu'on  appelle  ca- 
fés, pour  être  brûlées  fous  les  poelles  à  lucre ,  quand 
elles  feront  feches.  C'eft  l'ouvrage  des  négrefles  d'en 
faire  des  paquets  au  fortir  des  cylindres  du  moulin  : 
on  nourrit  les  chevaux ,  les  bœufs ,  les  cochons ,  avec 
celles  qui  trop  brifées  &  réduites  en  trop  petits  frag- 
mens ,  ne  peuvent  entrer  en  paquets  ;  trois  jours  de 
foleil  fuffifent  pour  les  lécher  ;  au  lieu  de  paille  & 
de  feuilles  de  cannes  ,  on  les  met  fous  les  premières 
chaudières  dans  les  endroits  où  le  bois  eft  commun  , 
&  fous  les  dernières  chaudières  lorfque  le  bois  eft 
rare.  Voye^  Sucre  ,  Sucrerie. 

*  BAGAGE  ,  f.  m.  on  donne  ce  nom  en  général  à 
tout  équipage  de  voyage  ;  &c  il  s'appbque  particu- 
lièrement à  celui  d'une  armée.  P'oye^  Armée 

*  BAGAMEDER  ,  BAGAMEDRI  ,  BAGAMI- 
DRI ,  haute  Ethiopie ,  ou  partie  de  l'Abyffinie ,  com- 
pris le  Nil  jufqu'à  la  fource  de  la  Tacaze.  Cette  con- 
trée eft  diviiée  en  treize  petites  provinces  ,  &  le 
Bashlo  la  fépare  du  royaume  d'Amahara. 

BAGAUDE,  (Hifl. anc.)  c'eil  ainfi  queles  anciens 
Gaulois  ,  fur-tout  depuis  le  tems  de  Diocletien ,  ap- 
pelaient un  larron  ;  &  de-là  eft  venu  le  mot  de  ba- 
gauda  ,  ou  bagaudia  ,  qui ,  félon  Profper  en  fa  chroni- 
que ,  &  Salvien,  liv.  V.  fignifîe  un  brigandage ,  une 
émotion  de  peuple  ,  une  /édition  ,  un  foulevcment  depay- 
fans.  (G) 

*  BAGDAD  ,  (Géog.)  ville  d'Afie ,  fur  la  rive 
orientale  du  Tigre.  Long.  63.  là.  lat.  Jj.  là. 

C'eft  auffi  une  partie  de  la  Turquie  en  Afie  ,  &  un 
de  fes  gouvernemens  généraux. 

*  BAGE-LE-CH  AT  E  AU ,  (Géog.)  ville  de  BrelTe, 
du  diocefe  de  Lyon.  L'archiprètre  de  Bage-le-Ckdteau 
eft  compofé  de  la  paroiffe  de  cette  ville  &  de  Pont- 
de-Vaux  ,  de  S.  Trivier,  &  d'autres  paroifies  moins 
confidérables. 

*  BAGHARGAR,(GVoo\) grand paysdela grande 
Tartarie  ;  il  s'étend  d'occident  en  orient  ;  il  eft  borné 
au  feptentrion  par  les  Kaimachites,  au  levant  par  le 
royaume  de  Tendu  ,  au  midi  par  la  Chine,  &  au 
couchant  par  le  Thibet. 

*  BAGIAT ,  (Géog.)  petit  pays  à  l'occident  de  la 
mer  Rouge  ,  compris  entre  l'Ethiopie  ôc  la  Nubie. 

*  BAGNA-BEBUSSO  ,  ou  BILIBUSSA  ,  (Géog. 
anc.  6*  mod.)  ville  de  la  Turquie  en  Europe  ,  fur  la 
Stromona,  dans  la  Macédoine ,  aux  confins  de  la  Ro- 
manie  &  de  la  Bidgarie  :  c'étoit  autrefois  Heraclea 
Sintica. 

*  BAGNAGAR,o«EDERABAD,  o«GOLCON- 
DE,  (Géog.)  ville  d'Afie  ,  au  Mogol  ,  capitale  du 
royaume  de  Golconde  ,  proche  la  rivière  de  Nerva. 
Long.  £)(}.  lat.  là.  30. 

*  BAGNARA ,  (Géog.)  ville  maritime  d'Italie ,  au 
royaume  de  Naples,  dans  la  Calabre  ultérieure.  Long. 
33. 48.  l*t-  38.  là. 

* BAGNAREA  ,  (Géog.)  ville  dTtalie ,  dans  le 
patrimoine  de  S.  Pierre ,  dans  la  terre  d'Orviette. 
Long.  2£>.  40.  lat.  42.  36. 

BAGNE  ,  f.  m.  c'eft  ainfi  qu'on  nomme  dans 
quelques  Verreries  en  botiteilles  ,  le  poinçon  dans  lequel 
on  pafle  au  tamis  la  terre  à  pot  au  fortir  du  moulin  , 
&  la  terre  greffe  bien  moulue  &  bien  épluchée ,  pour 
faire  de  l'une  &  de  l'autre  la  matière  des  pots.  Voyx* 
'Verrerie  ,  &  Pot. 


B  A  G 

*  BAGNERES  ,(Géog.)  ville  de  France,  au  comté 
de  Bigorre  ,  en  Gafcogne  ,  fur  l'Adour.  Long.  ij. 
42.  lat.  43.30.- 

.  *  B AGNI  D'ASINELLO ,  ou  BAINS  DE  VITER- 
BE ,  (Géog.  anc.  &  mod.)  ces  bains  font  dans  le  pa- 
trimoine de  S.  Pierre,  où  quelques  auteurs  croyent 
que  ce  fut  l'ancienne  ville  d'Etrurie ,  appellée  Fa- 
num  foltumnœ. 

B AGNOLOIS  ou  B AGNOLIENS ,  f.  m.  pi.  (  Hifl. 
eccléf.  )  fefte  d'hérétiques  qui  parurent  dans  le  vm. 
fiecle ,  &  furent  ainfi  nommes  de  Bagnols ,  ville  du 
Languedoc  au  diocefe  d'Usés,  où  ils  étoienten  aflez 
grand  nombre.  On  les  nomma  auffi  Concordois  ou  Go- 
çoeois ,  termes  dont  on  ne  connoît  pas  bien  la  vérita- 
ble origine. 

Ces  Bagnolols  étoient  des  Manichéens.  Ils  rejet- 
toient  l'ancien  Teftament  &  une  partie  du  nouveau. 
Leurs  principales  erreurs  étoient,  que  Dieu  ne  crée 
point  les  âmes  quand  il  les  unit  au  corps  ;  qu'il  n'y 
avoit  point  en  lui  de  prefeience  ;  que  le  monde  eft 
éternel,  &c.  On  donna  encore  le  même  nom  à  une 
fe£te  de  Cathares  dans  le  xill.  fiecle.  V.  Cathares. 

*BAGNOLS,(  Géog.  )  petite  ville  de  France 
dans  le  bas  Languedoc  ,  proche  de  la  Oefe.  Longit. 
22.  13.  lat.  44.  10. 

*BAGOE,  (Myth.)  nymphe  qui  enfeigna ,  dit- 
on  ,  aux  Tolcans  à  deviner  par  les  foudres.  Quel- 
ques-uns croyent  que  c'eft  la  fibylle  Erythrée,  con- 
nue fous  le  nom  d'Hérophile  :  d'autres  prétendent 
que  Bagoe  eft  poftérieure  à  Hérophile  ,  la  première 
d'entre  les  femmes  qui  ait  rendu  des  oracles. 

*BAGRADE,(  Géog.  anc.  &  mod.  )  fleuve  de 
l'ancienne  Caramanie  ,  connu  maintenant  fous  le 
nom  de  Tijîndon.  Il  a  fa  fource  dans  les  montagnes 
de  cette  province ,  pafle  à  Pafagarde ,  &  fe  jette  dans 
l'Océan  Perlique. 

Il  y  a  en  Afrique  un  fleuve  du  même  nom  ;  les  fa- 
vans  le  nomment  Bagrada  ,  Bragada ,  Macar ,  Ma- 
cra ,  Bucara,  Pagrarda.  Il  couloit  près  d'Utique  ;  & 
ce  fut  fur  fes  bords  qu'un  ferpent ,  dont  la  dépouille 
étoit  de  cent  vingt  pies  de  long ,  arrêta,  dit-on,  l'ar- 
mée d'Attilius  Réçulus. 

*  BAGUE  ,  f.  f.  (  Hifl.  anc.  &  mod.  )  c'eft  un  petit 
ornement  circulaire  d'or,  d'argent,  &  de  quelques 
autres  matières ,  qu'on  porte  à  un  des  doigts.  L'ufage 
ne  paroît  pas  en  avoir  été  fort  commun  en  Grèce  du 
tems  d'Homère.  Ce  poète ,  qui  a  mis  en  œuvre  pref- 
que  tous  les  objets  connus  de  fon  tems  ,  ne  parle  des 
bagues  ni  dans  l'Iliade ,  ni  dans  rOdyflee  :  mais  les 
Egyptiens  s'en  fervoient  déjà  ;  car  nous  liions  que 
Pharaon  donna  à  Jofeph  fa  bague  à  cacheter.  Les  plus 
anciens  Romains  appelloient  la  bague  ungulum  ;  & 
les  Grecs  &  les  Romains  ,fymbolum.  La  Mythologie 
nous  explique  à  fa  manière  l'origine  des  bagues  à 
pierre  :  elle  dit  que  Jupiter  inftruit  par  Prométhée 
que  l'enfant  qu'il  auroit  de  Thétis  le  déthroneroit  , 
permit  à  Hercule  de  le  détacher  du  Caucafe  ,  mais  à 
condition  que  Prométhée  porteroit  toujours  au  doigt 
une  bague  avec  un  petit  morceau  de  rocher ,  afin  qu'il 
fût  vrai  qu'il  y  étoit  toujours  refté  attaché ,  ainfi  que 
Jupiter  l'a  voit  juré. 

On  faifoit  des  bagues  de  fer ,  d'acier ,  d'or ,  d'ar- 
gent ,  de  bronze ,  &c  &  on  les  portoit  au  petit  doigt 
de  la  main  gauche ,  ou  au  doigt  que  nous  nommons 
V annulaire.  II  y  en  avoit  de  creufes  &  de  folides.  On 
les  chargeoit  de  pierres  précieufes.  Elles  fervoient  de 
fceaux  ;  &  leur  figure  ne  varioit  pas  moins  que  leur 
matière.  Nous  en  avons  repréfenté  quelques-unes 
dans  nos  Planches  d'antiquités.  Voye^  PI.  J.fig.  ix. 

L'ufage  des  bagues  s'eft  tranfmis  jufqu'à  nous.  Nous 
en  portons  de  fort  riches.  Voye^  fur  leur  ufage,  tant 
ancien  que  moderne  ,  l'article  Anneau. 

Bagues  &  Joyaux  ,  terme  de  £>>vit}{e  dit  des  or« 


B  A  G 

nemens  précieux  des  femmes ,  ou  de  l'argent  même 
qui  leur  eft  accordé  par  contrat  de  mariage  pour  leur 
en  tenir  lieu. 

La  ftipulation  des  bagues  &  joyaux  eft  fur-tout  ufi- 
tée  en  pays  de  Droit  écrit ,  où  elle  tient  lieu  de  la  fti- 
pulation de  préciput ,  &  fait  partie  des  gains  de  fur- 
vie,  auffi-bien  que  l'augmentde  dot.  F.  Préciput, 

AUGMENT  DE  DOT,  &  GAIN  DE  SURVIE.    {H) 

Bague,  c'eft,  en  Marine,  une  petite  corde  mife 
en  rond ,  dont  on  le  fert  pour  faire  la  bordure  d'un 
œil  de  pié  ou  œillet  de  voile.  Vqye^  Œil  de  pie  , 
&  (Eillet  de  voile.  (  Z  ) 

Bague  ,  f.  f.  (  Manège?)  c'eft  un  anneau  de  cuivre 
qui  pend  au  bout  d'une  efpece  de  potence ,  &  qui 
s'en  détache  facilement  quand  on  eft  affez  adroit  pour 
l'enfiler  avec  une  lance  en  courant  à  cheval  de  toute 
fa  vîtefle  ;  c'eft  un  exercice  d'académie.  Courir  la 
bague,  Voye^  Courir.  Avoir  deux  dedans,  Voye%_ 
Dedans.  (  V) 

Bagues  ;  on  appelle  ainfi ,  dans  les  jeux  a" anches 
•de  C  Orgue ,  une  frette  ou  un  anneau  de  plomb  D , 
(fig.  44.  PL  d'Orgue)  fondé  fur  le  corps  du  tuyau. 
Cette  bague  a  un  trou  pour  parler  la  rafette  a  b  ,  au 
moyen  de  laquelle  on  accorde  les  jeux  d'anches. 
Foyt{  Trompette.  Lorfque  le  tuyau  eft  placé 
dans  fa  boîte  A  B  ,  la  bague  D  doit  porter  fur  la 
partie  fupérieure  de  cette  boîte  ,  dans  laquelle  elle 
entre  en  partie  ,  èl  doit  y  être  ajuftée  de  façon  que 
l'air  contenu  dans  cette  boîte  ,  ne  puifte  trouver 
d'iftue  pour  fortir  que  par  l'anche  du  tuyau.  Voye^ 
Orgue. 

BAGUENAUDIER  ,  f.  m.  eolutea,  (Hift.  nat.) 
genre  de  plante  à  fleur  papilionacée.  Il  fort  du  calice 
un  piftil  qui  devient  dans  la  fuite  une  capfule  mem- 
braneufe ,  enflée  comme  une  veffie  ,  dans  laquelle  il 
y  a  des  femences  qui  ont  la  forme  d'un  rein.  Tour- 
nefort,  Infi.rei  herb.  Voye^  PLANTE.   ( /) 

Son  bois  eft  clair ,  fes  feuilles  rondes,  petites ,  d'un 
verd  blanchâtre,  avec  des  fleurs  jaunes.  Cet  arbre 
fe  dépouille  l'hyver ,  &  fe  marcote  ordinairement , 
quoiqu'il  donne  de  la  graine.  Sa  graine  étant  mitre, 
devient  jaune.  (/Q 

BAGUER ,  v.  aft.  terme  de  Tailleur ,  de  Couturière , 
&c.  c'eft  arranger  les  plis  d'un  habit,  &  les  arrêter 
enfemble  avec  de  la  foie  ou  du  fil. 

*  BAGUETTE ,  f.  f.  On  donne  communément 
ce  nom  à  un  petit  morceau  ,de  bois  de  quelques  li- 
gnes d'épahTeur  ,  plus  ou  moins  long  ,  rond  &  flexi- 
ble. On  employé  la  baguette  à  une  infinité  d'ufages. 
Le  bois  dont  on  la  fait ,  varie  félon  fes  ufages.  On 
en  fait  même  de  fer  forgé. 

Baguette  divine  ou  divinatoire.  On  donne 
ce  beau  nom  à  un  rameau  fourchu  de  coudrier  , 
d'aune  ,  de  hêtre  ou  de  pommier.  Il  n'eft  fait  aucune 
mention  de  cette  baguette  dans  les  auteurs  qui  ont 
vécu  avant  l'onzième  fiecle.  Depuis  le  tems  qu'elle 
eft  connue  ,  on  lui  a  donné  différens  noms  ,  comme 
caducée,  verge  a" Aaron ,  &c.  Voici  la  manière  dont 
on  prétend  qu'on  s'en  doit  fervir.  On  tient  d'une 
main  l'extrémité  d'une  branche,  fans  la  ferrer  beau- 
coup ,  enforte  que  le  dedans  de  la  main  regarde  le 
ciel.  On  tient  de  l'autre  main  l'extrémité  de  l'autre 
branche ,  la  tige  commune  étant  parallèle  à  l'hori- 
fon  ,  ou  un  peu  plus  élevée.  L'on  avance  ainfi  dou- 
cement vers  l'endroit  où  l'on  foupeonne  qu'il  y  a  de 
l'eau.  Dès  que  l'on  y  eft  arrivé ,  la  baguette  tourne  & 
s'incline  vers  la  terre  ,  comme  une  aiguille  qu'on 
vient  d'aimanter. 

Suppdfé  ce  fait  vrai,  voici  comment  M.  Formey 
croit  pouvoir  l'expliquer  par  une  comparaifon  entre 
l'aiguille  aimantée  &  la  baguette.  La  matière  magné- 
tique fortie  du  fein  de  la  terre  s'élève  ,  fe  réunit  dans 
une  extrémité  de  l'aiguille  ,  où  trouvant  un  accès 
facile ,  elle  chaffe  l'air  ou  la  matière  du  milieu  ;  la 


B  A  G 


'? 


matière  chaftée  revient  fur  l'extrémité  de  l'aiguille  , 
&  la  fait  pancher ,  lui  donnant  la  direction  de  la  ma- 
tière magnétique.  De  même  à  peu-près ,  les  particu- 
les aqueufes ,  les  vapeurs  qui  s'exhalent  de  la  terre , 
&  qui  s'élèvent ,  trouvant  un  accès  facile  dans  la  tige 
de  la  branche  fourchue,  s'y  réunifient ,  l'appefan- 
tiffent,  chaifent  l'air  ou  la  matière  du  milieu.  La 
matière  chaffée  revient  fut  la  tige  appefantie ,  lui 
■dorme  la  direction  des  vapeurs  ,  &  la  fait  pencher 
vers  la  terre ,  pour  vous  avertir  qu'il  y  a  fous  vos 
pies  une  fource  d'eau  vive. 

Cet  effet,  continue  M.  Formey  ,  vient  peut-être 
de  la  même  caufe  qui  fait  pencher  en  bas  les  bran- 
ches des  arbres  plantés  le  long  des  eaux.  L'eau  leur 
envoyé  des  parties  aqueufes  qui  chaffent  l'air ,  pé- 
nètrent les  branches >  les  chargent,  les  affaifTent,  joi- 
gnent leur  excès  de  pefanteur  au  poids  de  l'air  fupé- 
rieur  ,  &  les  rendent  enfin  autant  qu'il  fe  peut ,  pa- 
rallèles aux  petites  colonnes  de  vapeurs  qui  s'élèvent. 
Ces  mêmes  vapeurs  pénètrent  la  baguette  &  la  font 
pencher.  Tout  cela  eft  purement  conjectural. 

Une  tranfpiration  de  corpufcules  abondans,  gref- 
fiers ,  fortis  des  mains  &  du  corps  ,  &  pouffes  rapi- 
dement ,  peut  rompre  ,  écarter  le  volume ,  ou  la  co- 
lonne de  vapeurs  qui  s'élèvent  de  la  fource ,  ou  tel- 
lement boucher  les  pores  &  les  fibres  de  la  baguette , 
qu'elle  foit  inacceffible  aux  vapeurs  ;  &  fans  l'action 
des  vapeurs ,  la  baguette  ne  dira  rien  :  d'où  il  i emble 
que  l'épreuve  de  la  baguette  doit  fe  faire  fur-tout  le 
matin  ;  parce  qu'alors  la  vapeur  n'ayant  point  été 
enlevée,  elle  eft  plus  abondante.  C'eft  peut-être 
auffi  pour  cette  raifon  que  la  baguette  n'a  pas  le  même 
effet  dans  toutes  les  mains ,  ni  toujours  dans  la  même 
main.  Mais  cette  circonftance  rend  fort  douteux  tout 
ce  qu'on  raconte  des  vertus  de  la  baguette. 

On  a  attribué  à  la  baguette  la  propriété  de  décou- 
vrir les  minières ,  les  thréfors  cachés  ,  &  qui  plus 
eft  les  voleurs  &  les  meurtriers  fugitifs-.  Pour  cette 
dernière  vertu ,  on  peut  bien  dire  credat  Judœus  Apel- 
la.  Perfonne  n'ignore  la  fameufe  hiftoire  de  Jacques 
Aymar,  payfan  du  Lyonnois  ,  qui  guidé  par  la  ba- 
guette divinatoire  ,  pourfuivit  en  1692  un  meurtrier 
durant  plus  de  quarante-cinq  lieues  fur  terre  ,  &  plus 
de  trente  lieues  fur  mer.  On  fait  aujourd'hui  à  n'en 
pouvoir  douter ,  &  on  le  croira  lans  peine  ,  que  ce 
Jacques  Aymar  étoit  un  fourbe.  On  peut  voir  le  dé- 
tail de  fon  hiftoire  dans  le  dictionnaire  de  Bayle, 
article  Rhabdomancie.  A  l'égard  des  autres  effets  de 
la  baguette  ,  la  plus  grande  partie  des  Phyficiens  les 
révoquent  en  doute.  (  O  ) 

Baguette  deMeper.  ^js^Nepfr. 

Baguette  noire  ,  (  Hijl.  mod.  )  L'huiffier  de  la 
baguette  noire ,  c'eft  le  premier  huiflier  de  la  chambre 
du  roi  d'Angleterre  ,  appelle  dans  le  livre  noir ,  lator 
virgee  nigree  &  kajliarius  ;  &  ailleurs ,  virgi-bajulus. 
Voye^  Huissier.  Sa  charge  eft  de  porter  la  baguetu 
devant  le  roi  à  la  fête  de  S.  George  à  Windfor.  Il  a 
auffi  la  garde  de  la  porte  de  la  chambre  du  chapirre, 
quand  l'ordre  de  la  Jarretière  eft  affemblé  ;  &  dans 
le  tems  que  le  parlement  tient ,  il  garde  la  chambre 
des  pairs.  Sa  marque  eft  une  baguette  noire ,  qui  a  un 
lion  d'or  à  l'extrémité.  Cette  baguette  eft  en  Angle- 
terre une  marque  d'autorité  ,  comme  les  malles  le 
font  en  d'autres  pays.  (  G  ) 

Baguette,  en  Architeclun ,  eft  une  petite  mou- 
lure compofée  d'un  demi-cercle  ,  que  la  plupart  des 
ouvriers  appellent  afiragale.  Voye^  ASTRAGALE.  (P) 

Baguette,  che^  les  Arquebufîers  ,  c'eft  un  mor- 
ceau de  baleine  ou  de  bois  de  chêne  de  la  longueur 
d'un  canon  de  fufil  :  il  a  par  en -haut  le  diamètre 
du  canon  ;  il  eft  ferré  par  le  bout.  Son  autre  extré- 
mité eft  menue  &  fort  déliée;  du  relie  il  cil  rond 
dans  toute  fa  longueur,  &  fert  à  bourrer  un  tu,d 
quand  on  le  charge. 


H 


BAG 


Baguette  ,  che^  les  Artificiers.  Il  y  ea  a  de  plu- 
sieurs fortes  :  les  unes  qu'on  devroit  appeller  des  fiou- 
Ivirs  ou  refouloirs  ,  font  courtes ,  eu  égard  à  leur  grof- 
feur ,  &  tantôt  marlives ,  tantôt  percées ,  fuivant  leur 
axe  ;  elles  font  dcilinées  à  charger  les  cartouches  des 
fufées  de  toutes  efpeces  de  matières  combuftibles. 
Les  autres  longues  &t  minces  ,  fervent  à  diriger  la 
courfe  des  fufées  volantes ,  &  à  les  tenir  dans  une 
fituation  verticale ,  &  la  gorge  d'où  fort  le  feu  ,  tour- 
née en  bas.  Voyc^  Fusée  volante,  &  Planche  I. 
de  V Artificier  ,fig.  i.  R,  une  baguette  égale  dans  toute 
fa  longueur ,  pour  rouler  les  cartouches.  Voye^  C  ar- 
touche.  Fig.  2.  M,  une  baguette  avec  un  manche 
plus  gros,  pour  les  petites  fufées  ;  &cfig.  3-  une  ba- 
guette avec  un  manche  plus  petit ,  pour  les  greffes 
fufées.  Aoy£7  Artific.  PL  II.  fig.  23  •  une  baguette  à 
charger  ,  percée  par  le  bout  d'un  trou  A I ,  égal  en 
largeur  &  profondeur  à  la  groffeur  &  à  la  longueur 
de  la  broche  qu'il  doit  recevoir  entièrement  :  figure 
24.  une  baguette  à  charger,  plus  courte  d'un  quart , 
percée  dans  fa  longueur  d'un  trou  16 ,  dont  l'ouver- 
ture eft  égale  au  diamètre  de  la  broche ,  pris  au  tiers 
de  fa  longueur ,  &  profonde  de  la  longueur  du  refte 
de  la  broche  :  fig.  25.  baguette  à  charger ,  diminuée 
de  la  longueur  d'un  tiers  plus  que  la  précédente  ,  & 
percée  d'un  trou  3  c ,  dont  l'ouverture  eft  égale  au 
diamètre  de  la  broche  pris  aux  deux  tiers  ,  &C  pro- 
fonde du  tiers  de  fa  longueur  :  fig.  z6.  baguette  ap- 
pellée  le  maj/ifi,  longue  de  deux  diamètres  du  cali- 
bre ;  &  maftive  ,  parce  qu'elle  ne  fert  qu'à  charger 
la  partie  de  la  fuiée  qui  eft  au-deffus  de  la  broche.  Le 
manche  de  ces  baguettes  doit  être  garni  d'une  virole 
de  cuivre ,  &  non  de  fer ,  de  peur  d'accident. 

Baguette  ,  chéries  Ciriers.  Les  Ciriers  ont  deux 
fortes  de  baguettes  :  les  baguettes  à  mèches  ,  ôc  les  ba- 
guettes à  bougies  ou  chandelles.  Ils  enfilent  dans  les 
premières  leurs  mèches ,  lorfqu'elles  font  coupées  de 
longueur  :  ils  enfilent  dans  les  fécondes  leurs  bou- 
gies ,  quand  elles  font  achevées.  Outre  ces  deux  for- 
tes de  baguettes ,  les  Chandeliers  en  ont  une  troifie- 
me,  c'eft  une  baguette  à  tremper:  c'eft  celle  fur  la- 
quelle les  mèches  font  enfilées  ,  lorfqu'ils  font  de  la 
chandelle  à  la  main ,  en  trempant  à  plufieurs  reprifes 
les  mèches  dans  l'abyfme.  Voye7^  Abvsme.  Les  ba- 
guettes à  bougies  &  à  tremper  font  longues ,  légères 
&  flexibles.  Celles  à  mèches  font  beaucoup  plus 
fortes. 

Baguette,  terme  de  Courroyeur  ;  c'eft  un  bâton  ou 
perche  fur  laquelle  ces  ouvriers  étendent  leurs  cuirs , 
toutes  les  fois  qu'ils  ont  été  foulés  à  l'eau  ,  afin  de  les 
y  faire  lécher.  Voye?^  CoURROYER. 

Baguette,  outil  d 'Hongrieur ;  c'eft  un  morceau 
de  bois  affez  long  &c  rond ,  mais  qui  diminue  de  grof- 
feur  en  allant  du  milieu  aux  extrémités ,  comme  un 
fufeau.  Il  fert  à  ces  artifans  pour  unir  &  applanir 
leurs  cuirs ,  en  les  roulant  defîus  avec  le  pié.  Voye^ 
HONGRIEUR ,  &  la  figure  E ,  Planche  de  FHongrieur. 

Pour  cet  effet ,  les  hongrieurs  ont  dans  une  cham- 
bre une  efpece  d'élévation  de  planche  ,fig.  5.  Planche 
de  PHongrieur,  a  a  g,  fur  le  plancher  ou  le  pavé ,  qui 
va  un  peu  plus  en  montant  du  côté  du  mur  qu'à  l'ex- 
trémité oppofée:  deux  morceaux  de  bois,  a  fi,  de , 
dreffés  depuis  le  pavé  jufqu'au  plancher,  à  la  diftance 
d'environ  trois  pies  l'un  de  l'autre ,  font  joints  à  la 
hauteur  de  quatre  pies  par  un  autre  morceau  de  bois 
h  c ,  qui  les  traverfe.  L'ouvrier  étend  Ion  cuir  F  fur 
cette  efpece  de  parquet  ;  il  y  place  fa  baguette  entre 
les  plis  du  cuir  :  alors  il  monte  deffus ,  &  en  s'ap- 
puyant  avec  les  mains  fur  la  traverfe  de  bois  b  c  ,  il 
foule  le  cuir  en  reculant ,  &  répète  la  même  opéra- 
tion juiqu'à  ce  que  ce  cuir  fort  rendu  maniable. 

Baguettes  de  tambour  ,  (Z,«/A.)  ce  font  deux 
morceaux  de  bois  qui  ont  chacun  un  pié  ou  quinze 
pouces  de  longueur ,  fur  neuf  lignes  ou  environ  de 


BAH 

diamètre  par  le  bout  qu'on  tient  à  la  main ,  d'où  ils 
vont  toujours  en  diminuant  jufqu'à  l'autre  bout,  qui 
a  la  forme  &  les  dimenfions  d'une  greffe  olive  ;  ils 
font  tournés  au  tour,  d'un  bois  dur  &  léger  comme 
l'ébene  ;  &  l'on  s'en  fert  pour  battre  la  caiffe  ou  le 
tambour,  t'ye^  Tambour.  VoyeT figures  16  &  ij  , 
Planche  2.  de  Lutherie. 

Baguettes  de  tymballes  ;  ce  font  deux  mor- 
ceaux de  bois  de  bouis ,  qui  font  garnis  par  un  bout 
de  petites  courroies  capables  de  recevoir  les  deux 
doigts  du  milieu ,  &  deftinées  à  les  manier  commo- 
dément ,  dont  le  fut  eft  partout  à  peu  près  de  la  mê- 
me groffeur ,  &  n'a  pas  plus  de  fept  à  huit  pouces  de 
longueur ,  &  qui  font  terminés  chacun  par  une  efpece 
de  tête  de  l'épaiffeur  de  trois  à  quatre  lignes ,  du  dia- 
mètre de  lept  à  huit ,  &  de  la  forme  d'un  champignon 
plat  &  arrondi  par  les  bords,  f^oye^  la  même  Planche 
de  Lutherie  que  nous  venons  de  citer. 

Baguette  deTympanon,  Psaltérion,  &c. 
ce  font  deux  petits  morceaux  de  bois  de  bouis ,  de 
cornouiller  ,d'ébene ,  &c.  recourbés  par  un  bout ,  & 
quelquefois  terminés  de  l'autre  par  un  anneau  ;  d'une 
ligne  &  demie  ou  deux  au  plus  d'épaiffeur  par  le  bout 
qu'on  tient  à  la  main ,  d'où  ils  vont  toujours  en  dimi- 
nuant. Ils  font  recourbés  par  un  bout,  afin  que  ce 
bout  s'applique  facilement  fur  les  cordes  qu'on  veut, 
fans  toucher  à  d'autres  :  ils  ont  un  anneau  pour  les 
tenir  plus  commodément ,  en  y  plaçant  le  doigt.  On 
prend  entre  les  doigts  celles  qui  n'ont  point  d'an- 
neaux. 

Baguettes  de  tambourin,  foit  à  cordes,  foit 
à  caiffe.  Ces  baguettes  ne  différent  guère  de  celles  du 
tambour  que  par  les  dimenfions.  Celle  du  tambourin 
à  cordes  eft  plus  courte  &  plus  menue  que  celle  du 
tambour  ;  celle  du  tambourin  à  caiffe  ou  de  Provence 
eft  plus  menue ,  mais  plus  longue. 

Baguette  ,  bâton  dont  le  Fauconnier  fe  fert  pour 
faire  partir  la  perdrix  des  buiffons  ,  &  pour  tenir  les 
chiens  en  crainte. 

*  BAHAMA,(  Géog.  mod.  )  île  de  l'Amérique 
feptentrionale ,  l'une  des  Lucayes ,  qui  donne  le  nom 
au  canal  de  Bahama. 

*  BAHANA,  (  Géog.  )  ville  d'Egypte  fituée  dans 
la  Thébaïde  inférieure  ,  près  de  Fium ,  fur  un  lac 
formé  de  la  décharge  des  eaux  du  Nil ,  &  qu'on  ap- 
pelle mer  de  Jofieph. 

BAHAR,  BAHAIRE,  ou  BAIRE,  f.  m.(Comm.) 
poids  dont  on  fe  fert  à  Ternata ,  à  Malacca,  à  Achem, 
&  en  plufieurs  autres  lieux  des  Indes  orientales, 
auffi-bien  qu'à  la  Chine. 

Il  y  en  a  de  deux  fortes ,  l'une  qu'on  appelle  grand 
bahar ,  &  l'autre  que  l'on  nomme  petit  bahar.  Le  pre- 
mier revient  à  48 1  livres  4  onces  de  Paris ,  de  Straf- 
bourg  ,  d'Amfterdam ,  &  de  Beiançon;  &  le  fécond  à 
401  livres  7  onces  de  Paris. 

Le  bahar  de  la  Chine  eft  de  300  catis,  mais  qui 
n'en  font  que  200  de  Malaca,  chaque  catis  de  la  Chi- 
ne ne  contenant  que  16  taëls.Letaëlpefantuneréale 
6c  demie  de  huit ,  eft  de  dix  mas  ou  maies ,  &  cha- 
que mas  de  dix  condorins.  Voy.  Condorin,  Mas, 
Tael. 

Le  bahar  de  Moka ,  ville  d'Arabie ,  eft  de  420  li- 
vres. (G) 

*  BAHEL  SCHULLI ,  (Hift.  nat.  &  bot.  )  arbrif- 
feau  épineux  qu'on  appelle  auffi  GeniJlafpinoJ'a  indica. 
verticillata  ,Jlore purpureo  cœruleo ,  qui  étoit  aux  Indes 
dans  les  lieux  aquatiques.  Il  y  en  a  une  efpece  qui 
vient  dans  les  fables ,  dont  les  tiges  &  les  feuilles 
font  d'un  verd  gai ,  &  les  fleurs  font  blanches ,  avec 
une  teinte  d'azur. 

Ray  attribue  à  la  décoction  de  fa  racine  &  à  fes 
feuilles  cuites  &  confites  dans  du  vinaigre  ,  la  venu 
d'exciter  les  urines ,  &  de  remédier  à  leur  fuppref- 
ûon ,  furtout  û  la  décottioa  s'eft  faite  dans  l'huile  du 


BAH 

ficus  infernalis  ;  il  ajoute  que  fes  feuilles  réduites  en 
poudre  &  prifes  dans  de  l'huile  tirée  par  exprefîion 
des  fleurs  du  ficus  infcrnalis ,  réfolvent  les  tumeurs 
des  parties  naturelles. 

BAHEM.  Dans  le  Ier  livredes  Machabées,  il  efl  dit , 
que  leroiDemetrius  écrivit  au  grand  prêtre  Simon, 
en  ces  termes  :  coronam  auream  &  bahem  quam  mififlis , 
fufeepimus.  Les  uns  croyent  que  ce  nom  bahem  ligni- 
fie des  perles  ;  d'autres  un  habit.  Le  Grec ,  au  lieu  de 
bahem,  lit  bainam  ,  que  Grotius  dérive  de  bais,  une 
branche  de  palmier.  Ce  fentimentparoît  le  meilleur. 
II  étoit  affez  ordinaire  d'envoyer  ainfi  des  couronnes 
&  des  palmes  d'or  aux  rois  vainqueurs  en  forme  de 
préfens.  Machab.  I.  exiij.  v.  Jj.  Syr.  ad.  i.  Mack. 
xiij.  3j.  (G) 

BAHIR,  c'eft-à-dire  illujlre.  Buxtorf  a  remarqué 
dans  fa  bibliothèque  des  Rabbins ,  que  les  Juifs  ont 
un  livre  de  ce  nom.  Il  ajoute  que  c'eit  le  plus  ancien 
de  tous  les  livres  des  Rabbins  ;  qu'il  y  elt  traité  des 
plus  profonds  myfteres  de  la  cabale  ;  que  ce  livre  n'a 
point  été  imprimé  ;  qu'on  en  voit  feulement  plufieurs 
paffages  dans  les  ouvrages  des  Rabbins  ;  que  l'auteur 
fe  nommoit  Rabbi  Nechonia  Ben  Hakkana  ,  &  qu'il 
vivoit ,  félon  les  Juifs ,  en  même  tems  que  Jonathan , 
auteur  de  la  paraphrafe  Chaldaïque ,  c'elt-à-dire  en- 
viron quarante  ans  avant  Jefus-Chrilt.  Le  même  Bux- 
torf s'efl  fervi  du  témoignage  de  ce  livre  pour  prou- 
ver l'antiquité  des  points  voyelles ,  qui  iont  écrits  au 
texte  Hébreu  de  la  bible  :  mais  cette  preuve  eftmau- 
vaife,  le  bahir  n'étant  point  un  ouvrage  aufîî  ancien 
qu'il  a  prétendu.  M.  Simon  a  mis  dans  le  catalogue 
des  auteurs  Juifs,  que  l'on  a  depuis  peu  imprimé  en 
Hollande,  un  petit  livre  intitulé  Bahir:  mais  il  dit 
qu'il  n'y  a  pas  d'apparence  que  ce  foit  l'ancien  bahir 
des  Juifs ,  qui  eit  beaucoup  plus  étendu.  (G) 

*  BAHREIN  ou  BAHRAIN ,  (Géog.)  province  de 
l'Arabie  heureufe ,  fur  le  golfe  Perfique ,  avec  île  de 
même  nom. 

BAHU ,  f.  m.  en  Architecture  ;  c'eft  le  profil  bombé 
du  chaperon  d'un  mur,  de  l'appui  d'un  quai ,  d'un  pa- 
rapet, d'une  terraffe  ou  d'un  foffé,  &  d'une  baluf- 
trade. 

BAHU.  On  dit  en  terme  de  Jardinage  ,  qu'une  plate- 
bande  ,  qu'une  planche ,  ou  qu'une  couche  de  terre 
eft  en  bahu ,  loriqu'elle  eil  bombée  fur  fa  largeur 
pour  faciliter  l'écoulement  des  eaux ,  &c  mieux  éle- 
ver les  fleurs.  Les  platebandes  fe  font  aujourd'hui  en 
dos  d'une  ou  de  carpe ,  c'elt-à-dire  en  glacis  à  deux 
égoûts.  (P) 

*  BAHURIN ,  (Géog.  anc.  &  mod.)  ville  de  la  Pa- 
lestine ,  de  la  tribu  de  Benjamin  ,  fur  une  haute  mon- 
tagne, aux  confins  de  la  tribu  deJuda;  on  l'appelle 
aujourd'hui  Bachori. 

*  BAHUS  ,  (  Géog.  )  ville  de  Suéde,  capitale  du 
gouvernement  de  même  nom ,  fur  un  rocher  dans 
une  ile  formée  par  la  Gothelbe.  Long.  zq.  zo.  lat. 
5y.  52. 

BAHUTIER,  f.  m.  ouvrier  dont  le  métier  elt  de 
faire  des  bahus ,  coffres ,  valifes ,  malles,  &c.  &  au- 
tres ouvrages  de  cette  nature ,  couverts  de  peau  de 
veau ,  de  vache ,  d'ours  ,  &c.  mais  non  de  chagrin. 
Les  ouvrages  en  chagrin  iont  reiervés  aux  guaîniers. 
Les  bahutiers  font  de  la  communauté  des  coffretiers. 

BAI ,  adj.  (  Manège.  )  poil  de  cheval  tiran*  fur  le 
rouge  :  ce  poil  a  plufieurs  nuances ,  lavoir ,  bai  clair, 
bai  doré  ,  bai  brun  ,  bai  châtain  ,  bai  cerife ,  bai  miroité 
ou  à  miroir,  lorfqu'on  diftingue  des  taches  rondes  fe- 
mées  par  tout  le  corps ,  &c  d'un  bai  plus  clair  que  le 
refle  du  corps.   (  V) 

BAJAMO  (  le  )  Géog.  petite  contrée  de  l'île  de 
Cuba  ,  une  des  Antilles.  Voye^  Antilles. 

BAIANISME.  /^{Bayanisme. 

B AJ ARIA  ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  rivière  de  Sicile 
qu'on  appelle  encore  Amirati  ;  elle  le  jette  dans  la 


B  A  I 


M 


mer  deTofcane  à  côté  de  Palerme.  CeûVElcutherus 
des  anciens. 

BAIE  ,  BÉE ,  f.  f.  ou  JOUR  ,  terme  a" Architecture  : 
on  nomme  ainfi  toutes  fortes  d'ouvertures  percées 
dans  les  murs  pour  éclairer  les  lieux  ,  comme  croi- 
fées  ,  portes ,  &c  On  dit  baie  ou  bée  de  croilée  ,  & 
baie  ou  bée  de  porte ,  &c.  (  P  ) 

Baie  ,  f.  f.  en  Géographie  ,  petit  golfe  ou  bras  de 
mer  qui  s'avance  dans  la  terre  ,  &  dont  le  mi- 
lieu en-dedans  a  plus  d'étendue  que  l'entrée  ,  ou  ce 
qu'on  nomme  Vembouchure  de  la  baie.  Telle  elt  la 
baie  d'Hudfon  dans  l'Amérique  feptentrionale.  Voyer 
Golfe.  (O) 

Baie  ,  f.  f.  bacca  ,  (  Hijl.  nat.  bot.  )  fruit  mou  , 
charnu,  fucculent,  qui  renferme  des  pépins  ou  des 
noyaux  :  tels  font  les  fruits  du  laurier ,  du  troène , 
du  myrte  ,  &c.  Lorlquc  de  pareils  fruits  font  diipo- 
fés  en  grappe ,  on  leur  donne  le  nom  de  grains ,  au 
lieu  de  celui  de  baie  :  par  exemple  ,  on  dit  un  grain 
de  raijin  ,  un  grain  defureau,  &c.  Tournefort.  (/) 

*  Baie,  (Géog.  anc")  villed'Italie  dansce  que  nous 
appelions  aujourd'hui  la  terre  de  Labour  ,  proche  de 
Naples ,  à  l'occident.  Il  n'en  reite  rien  qu'un  lbùter- 
rein  appelle  le  Cento  Camerelle,  les  cent  petites  cham- 
bres ,  &  quelques  ruines  du  pont  que  Caligula  vou- 
lut conltruire  fur  le  golfe  qui  léparoit  2?a/e  de  Pouz- 
zol.  On  préfume  que  les  Cento  Camerelle  fervoient 
de  cafernes  à  la  chiourme  Romaine. 

BAIGNER  ,  v.  act.  (  Gramm.  )  c'eft  plonger  un 
corps  nud  dans  l'eau  ,  ou  plus  généralement  dans  un 
fluide,  afin  que  fes  parties  en  l'oient  appliquées  im- 
médiatement à  la  peau.  Voye-^  Bain. 

Baigner,  fe  dit  en  Fauconnerie  de  l'oifeau  de 
proie,  lorfque  de  lui-même  il  lé  jette  dans  l'eau  ou 
qu'il  fe  mouille  à  la  pluie  ,  ou  qu'on  le  plonge  dans 
l'eau  quand  on  le  poivre. 

BAIGNEUR,  f.  m.  (Hifl.  anc.  )  valet  des  bains 
chez  les  anciens.  Athénée  dit  que  ces  fortes  de  do- 
meltiqucs  avoient  une  chanfon  particulière  :  mais 
s'il  étoit  permis  aux  perfonnes  qui  fervoient  aux  bains 
de  chanter ,  il  n'étoit  point  honnête  à  ceux  qui  fe  bai- 
gnoient  d'en  faire  autant  ;  car  Théophrafte  ,  eh.  iv. 
des  Caracl.  failant  la  peinture  de  l'homme  grolîïer ,  le 
reprélente  chantant  dans  le  bain.   (  G  ) 

Baigneur  ,  f.  m.  c'elt  celui  qui  tient  des  bains 
chez  lui  pour  la  commodité  du  public.  Les  Baigneurs 
font  appelles  Etuvijles  ,  &  font  corps  avec  les  Per- 
ruquiers-Barbiers. 

*  BAIGNEUX  ,  (  Géog.  )  ville  de  France  en  Bour- 
gogne ,  diocefe  de  Dijon. 

BAIGNOIRE,!',  f.  elt  une  cuve  de  cuivre  rouge 
de  quatre  pies  &  demi  de  longueur  ,  fur  deux  &  de- 
mi de  largeur ,  arrondie  par  les  angles  ,  ik  qui  a  en- 
viron 26  pouces  de  hauteur  ,  fervant  à  prendre  le 
bain.  Ces  baignoires  font  étamées  en-dedans  pour 
empêcher  le  verd-dc-gris  ,  &:  font  (auvent  décorées 
en-dehors  de  peintures  à  l'huile  relatives  à  leur  ufa- 
ge.  Pour  plus  de  propreté  &  de  commodité  ,  l'on  pô- 
le dans  le  dedans  des  linges  piqués  ,  des  oreillers  , 
&c.  aux  deux  cotés  de  ces  baignoires  ,  dans  lelquel- 
les  on  le  tient  alhs:  à  leurs  extrémités  fupérieurcs» 
font  placés  deux  robinets  à  droite  &  à  gauche  ,  l'un 
pour  diltribuerde  l'eau  chaude  amenée  de  l'etuve  , 
l'autre  de  l'eau  froide  amenée  duréfervoir.  Au  tord 
de  la  baignoire  elt  pratiquée  une  bonde  que  l'on  le- 
vé pour  faire  écouler  l'eau  à  mefure  que  l'on  a  bc- 
loin  d'en  remettre  de  la  chaude  ,  ou  de  la  renouvel- 
1er,  lelon  le  tems  qu'on  veut  reltcr  au  bain.  Cette 
bonde  fermée  contient  l'eau  ,  &  loriqu'elle  elt  levée 
elle  la  précipite  dans  un  tuyau  de  décharge  ,  qui 
l'expulfe  dans  les  baffes  cours  ou  dans  les  puifards 
pratiqués  exprès. 

Ces  baignoires  font  ordinairement  placées  dans 
des  niches  qui  prennent  le  phii  fouventla  forme  d'un 


i6 


B  A  I 


de  leurs  grands  côtés,  &  font  couvertes  d'un  balda- 
tjuin  ou  impérial  décoré  de  mouffeline ,  toile  de  co- 
ton ,  toile  peinte  ,  ou  perle ,  comme  il  s'en  voit  au 
château  de  S.  Cloud,  de  Sceaux ,  &c. 

Par  économie  ces  baignoires  lé  font  quelquefois  de 
bois,  &  fe  portent  en  ville  chez  les  particuliers,  lors- 
qu'ils font  obligés  pendant  l'hyver  de  prendre  les 
bains ,  par  indifpofition  ou  autrement.  ÇP  ) 

M.  Burette ,  dans  les  Mém.  de  VAcad.  des  Belles- 
Lettres,  remarque  que  dans  les  thermes  des  anciens 
il  y  avoit  deux  fortes  de  baignoires  ;  les  unes  fixes  ,  & 
les  autres  mobiles  ;  &  que  parmi  ces  dernières  on  en 
trouvoit  de  faites  exprès  pour  être  fufpendues  en 
l'air ,  &  dans  lefquelles  on  joignoit  le  plailir  defe  bai- 
gner à  celui  d'être  balancé  ,  &c  comme  bercé  par  le 
mouvement  qu'on  imprimoit  à  la  baignoire.  (  G  ) 

Les  baignoires  de  cuivre  font  l'ouvrage  des  chau- 
deronniers  ;  les  tonneliers  font  &.  relient  celles  de 
bois. 

BAIGNOIRE  ,  chéries  Hongrieurs ;  c'eft  ainfi  qu'ils 
appellent  la  poelle  dans  laquelle  ils  font  chauffer  l'eau 
d'alun  &  le  firif  qu'ils  employent  dans  l'apprêt  de 
leurs  cuirs.  Voye?  la  vignette ,  PI.  de  VHongrieur. 

*  BAIGORR1,  (  LE  )  Géog.  petit  pays  de  France 
dans  la  baffe  Navarre ,  entre  les  confins  de  la  haute 
Navarre  à  l'occident ,  &  le  pays  de  Cife  à  l'orient. 

*  BAIKAL ,  lac  de  Sibérie  d'où  fort  la  rivière 
d'Angara.  Il  a  en  long.  iz5-i30. 

BAIL  ,  f.  m.  terme  de  Droit ,  eft  une  convention 
par  laquelle  on  transfère  à  quelqu'un  la  joiiiffance 
ou  l'ufage  d'un  héritage ,  d'une  maifon ,  ou  autre  for- 
te de  bien ,  ordinairement  pour  un  tems  déterminé  , 
moyennant  une  rente  payable  à  certains  tems  de 
l'année  que  le  bailleur  ftipule  à  fon  profit ,  pour  lui 
tenir  lieu  de  la  joiiiffance  ou  de  l'ufage  dont  il  fe  dé- 
pouille. Il  y  a  auffi  des  baux  par  lefquels  on  promet 
de  faire  certains  ouvrages  pour  un  certain  prix.  Voy. 
Louage  ,  Location. 

Le  bail  des  chofes  qui  produifent  des  fruits  eft  ce 
qu'on  appelle  bail  à  ferme.  /^oyc^FERME. 

Le  bail  des  chofes  qui  ne  rapportent  point  de  fruits 
eft  ce  qu'on  appelle  bail  à  loyer.  Voye^  Loyer. 

Chez  les  Romains  les  baux  ne  fe  faifoient  pas  pour 
un  tems  plus  long  que  cinq  années.  Parmi  nous  ils 
ne  paffent  jamais  neuf  ans,  à  moins  qu'ils  ne  foient 
à  vie  ou  emphytéotiques.  Voye{  Emphytéotique. 

Les  baux  fe  font  pardevant  notaire  ou  fous  feing 
privé.  Ils  font  également  obligatoires  d'une  &  d'au- 
tre manière  :  feulement  s'ils  ne  font  faits  que  fous 
Signature  privée ,  ils  n'emportent  point  hypothèque 
fur  les  biens  du  bailleur  ni  du  preneur.  Les  Anglois 
font  auffi  des  baux  de  vive  voix. 

Tous  ceux  qui  ont  la  libre  administration  de  leur 
bien  en  peuvent  faire  des  baux  ;  ceux  même  qui  n'en 
ont  que  l'ufufruit  le  peuvent  auffi  ;  tels  qu'un  mari , 
une  femme  douairière ,  un  tuteur ,  un  bénéficier  ;  Se 
dans  l'ufage  commun,  ceux  qui  entrent  en  joiiiffance 
après  eux  doivent  entretenir  les  baux  qu'ils  ont  faits. 

L'obligation  de  celui  qui  fait  le  bail  eft  de  faire 
jouir  le  fermier  ou  locataire  de  la  chofe  donnée  à  fer- 
me ou  à  loyer ,  ou  de  lui  payer  des  dommages  &  in- 
térêts qui  l'indemnifent  de  la  perte  qu'il  fouffre  par 
l'inexécution  du  bail. 

Mais  il  peut  en  demander  la  réfiliation ,  pour  dé- 
faut de  payement  ;  ii  le  locataire  ou  fermier  dégra- 
de l'héritage  qu'il  tient  à  bail;  fi  la  maifon  tenue  à 
bail  menace  ruine  ,  &  qu'il  y  ait  néceffité  de  la  re- 
bâtir ;  fi  le  propriétaire  d'une  maifon  de  ville  veut 
occuper  fa  maifon  en  perfonne  ;  &  dans  tous  ces  cas 
le  propriétaire  ne  doit  pas  des  dommages  &  intérêts 
au  fermier  ou  locataire. 

Celui  qui  fuccede  au  propriétaire  n'eft  engagé  à 
entretenir  le  bail  par  lui  fait ,  que  quand  il  lui  fucce- 
de à  titre  univerfel;  c'eft-à-dire,  à  titre  d'héritier, 


B  A  I 

de  donataire  ou  légataire  univerfel  ;  mais  non  pas 
s'il  lui  fuccede  à  titre  fingulier ,  foit  lucratif  ou  oné- 
reux. 

Le  fermier  ou  locataire  de  fon  côté  eft  obligé  à 
trois  choies  :  i°.  à  joiiir  en  bon  père  de  famille  ,  à 
ne  point  faire  de  dégradations  dans  les  lieux  dont  il 
a  la  joiiiffance ,  &  même  à  y  faire  les  réparations 
locatives  ou  viagères  auxquelles  il  s'eft  obligé  par 
fon  bail:  z°.  à  payer  le  prix  du  bail,  û  ce  n'eft  que  le 
fermier  ait  foufîert  des  pertes  confidérables  dansl'ex- 
ploitage  de  fa  ferme  par  des  cas  fortuits;  ce  qu'on 
appelle  en  Droit  vimaires ,  du  Latin  vis  major,  com- 
me grêle  ,  feu  du  ciel  ,  inondations ,  guerre ,  &c. 
auquel  cas  l'équité  naturelle  exige  qu'il  lbit  fait  une 
diminution  au  fermier  :  30.  à  entretenir  le  bail ,  c'eft- 
à-dire ,  à  continuer  l'habitation  ou  l'exploitage  jus- 
qu'à l'expiration  du  bail. 

Lorfque  le  terme  du  bail  eft  expiré  ,  fi  le  locataire 
continue  à  occuper  la  maifon  ,  ou  le  fermier  à  ex- 
ploiter la  ferme ,  quoiqu'il  n'y  ait  point  de  conven- 
tion entre  les  parties ,  le  filence  du  propriétaire  fait 
préfumer  un  confentement  de  fa  part ,  tk.  cela  forme 
un  contrat  entre  les  parties  qu'on  appelle  tacite  ré- 
conduclion.  Voye^  RÉCONDUCTION. 

Le  bail  à  rente ,  fuivant  la  définition  que  nous  avons 
donnée  du  mot  bail  au  commencement  de  cet  arti- 
cle ,  eft  moins  proprement  un  bail  qu'une  véritable 
aliénation,  par  laquelle  on  transfère  la  propriété  d'un 
immeuble  à  la  charge  d'une  certaine  iomme  ou  d'u- 
ne certaine  quantité  de  fruits  que  le  poffeffeur  doit 
payer  à  perpétuité  tous  les  ans. 

Le  bail  à  rente  diffère  de  l'emphytéofe  en  plufieurs 
chofes  ,  mais  singulièrement  en  ce  que  de  fa  nature 
il  doit  durer  à  perpétuité  ,  moyennant  la  preftation 
de  la  rente  par  le  tenancier  ;  au  lieu  que  l'emphytéo- 
fe finit  fouvent  après  un  tems  déterminé ,  comme  de 
99  ans  ,  ou  de  deux  ou  trois  générations.  Voye\  Em- 

PHYTÉOSE. 

Bail  Emphytéotique,  voyei Emphytéose. 

Bail  a  cheptel  ,  voye^  Cheptel. 

Bail  judiciaire  ,  voye^  Judiciaire. 

On  appelle  auffi  bail  l'expédition  même  du  trait» 
appelle  bail ,  qu'on  levé  chez  le  notaire  devant  le- 
quel il  a  été  paffé. 

Bail  eft  encore  fynonyme  à  ce  qu'on  appelle  au- 
trement baillie  ,  ou  garde-noble  ,  ou  bourgeoife.  Voye^ 
Garde. 

Bail ,  dans  les  anciennes  coutumes ,  Signifie  aufli 
la  tradition  d'une  chofe  ou  a" une  perfonne  à  quelqu'un  ; 
en  ce  fens  on  dit  qu'il  y  a  bail  quand  une  fille  fe  ma- 
rie ,  parce  qu'elle  entre  en  la  puiffance  de  fon  mari  ; 
&  quand  fon  mari  meurt  il  y  a  desbail ,  parce  qu'elle 
eft  affranchie  par  fa  mort  de  la  puiffance  maritale. 
Foye{  Desbail  &  Puissance  maritale.  (  H) 

BAILE  ,  f.  m.  m.  terme  de  Palais  ulité  particulière- 
ment en  Béarn ,  oit  il  fe  dit  de  certains  huifliers  fu- 
balternes  qui  ne  peuvent  exploiter  que  contre  les  ro- 
turiers ,  à  la  différence  des  veguers  qui  exploitent 
contre  les  gentilhommes.  Voye^  Veguer.  (  H) 

Bai  LE ,  f.  m.  (  Polit.  &  Comm.  )  nom  qu'on  donne 
à  Conftantinople  à  l'ambaffadeur  de  la  république  de 
Venife  réfident  à  la  Porte. 

Outre  les  affaires  de  politique  &  d'état  dont  ce  mï- 
niftre  eft  chargé ,  il  fait  auffi  les  fondrions  de  conful 
de  la  nation  auprès  du  grand  Seigneur  ,  &  c'eft  pro- 
prement de  lui  que  dépendent  les  autres  confuls  éta- 
blis dans  les  échelles  du  levant ,  qui  ne  font  pour  la 
plupart  que  des  vice-confuls.  Vqye^  Consul.  (G) 

B  AILLE-BOUTE  ,  f.  f.  c'eft  parmi  les  Marins  une 
moitié  de  tonneau  en  forme  de  baquet.  Les  vaiffeaux 
de  guerre  ont  une  baille  amarrée  à  chaque  hune, 
pour  y  enfermer  des  grenades  &  autres  artifices  que 
l'on  couvre  de  peaux  fraîches,  s'il  eft  polîible,  pour 
les  garantir  du  feu. 

On 


B  A  I 

On  met  dans  des  bailles  le  breuvage  que  l'on  diftri- 
bue  tous  les  jours  aux  gens  de  l'équipage.  Il  y  a  auffi 
des  bailles  à  tremper  les  écouvillons  dont  on  fe  lert 
pour  rafraîchir  le  canon.  Il  y  a  des  bailles  pour  mettre 
tremper  le  poiffon  tk  la  viande  falée. 

On  le  lert  quelquefois  des  bailles  pour  puifer  l'eau 
qui  entre  dans  le  rum  ou  fond  de  cale.  (  Z  ) 

BAILLEMENT,  f.  m,  (Phyfiolog.)  ouverture  in- 
volontaire de  la  bouche  ,  occaiionnée  par  quelque 
vapeur  ou  ventuoiité  qui  cherche  à  s'échapper ,  &  té- 
moignant ordinairement  la  fatigue ,  l'ennui ,  ou  l'en- 
vie de  dormir. 

Le  remède  qu'Hippocrate  preferit  contre  le  bâille- 
ment ,  eft  de  garder  long-tems  fa  relpiration.  Il  re- 
commande la  même  chofe  contre  le  hocquet.  Voye^ 
HOCQUET.  Suivant  l'ancien  fyftème ,  le  bâillement 
n'eft  jamais  produit  fans  quelque  irritation  qui  dé- 
termine les  efprits  animaux  à  couler  en  trop  grande 
abondance  dans  la  membrane  nerveufe  de  l'œfopha- 
ge ,  qu'on  a  regardée  comme  le  fiége  du  bâillement. 
Quant  à  cette  irritation ,  on  la  fuppofe  occafionnée 
par  une  humeur  importune  qui  humeûe  la  mem- 
brane de  l'œfophage  ,  &  qui  vient  ou  des  glandes 
répandues  dans  toute  cette  membrane  ,  ou  des  va- 
peurs acides  de  l'eftomac  rafTemblées  fur  les  parois 
de  l'œfophage.  Par  ce  moyen  les  fibres  nerveufes  de 
la  membrane  du  gofier  étant  irritées ,  elles  dilatent 
le  gofier ,  &  contraignent  la  bouche  à  fuivre  le  mê- 
me mouvement. 

Mais  cette  explication  du  bâillement  a  depuis  peu 
donné  lieu  à  une  nouvelle  plus  méchanique  &  plus 
fatisfaifante. 

Le  bâillement  eft  produit  par  une  expanfion  de  la 
plupart  des  mufcles  du  mouvement  volontaire ,  mais 
fur-tout  par  ceux  de  la  relpiration.  Il  fe  forme  en 
infpirant  doucement  une  grande  quantité  d'air,  qu'on 
retient  &  qu'on  raréfie  pendant  quelque  tems  dans 
les  poumons  ,  après  quoi  on  le  laiffe  échapper  peu 
à  peu ,  ce  qui  remet  les  mufcles  dans  leur  état  na- 
turel. 

De-là  ,  l'effet  du  bâillement  eft  de  mouvoir ,  d'ac- 
célérer &  de  diftribuer  toutes  les  humeurs  du  corps 
également  dans  tous  les  vaiffeaux,  &c  de  dilpofer  par 
conféquent  les  organes  de  la  fenfation  Se  tous  les 
mufcles  du  corps  ,  à  s'acquiter  chatun  de  leur  côté 
de  leurs  fondions  refpe&ives.  Voy.  Boerhaave,  InJI, 
méd.%.  638.  (L) 

Bâillement  ,  f.  m.  ce  mot  eft  auffi  un  terme  de 
Grammaire  ;  on  dit  également  hiatus:  mais  ce  dernier 
eft  latin.  Il  y  a  bâillement  toutes  les  fois  qu'un  mot 
terminé  par  une  voyelle  ,  eft  fuivi  d'un  autre  qui 
commence  par  une  voyelle ,  comme  dans  il  m'obligea 
à  y  aller;  alors  la  bouche  demeure  ouverte  entre  les 
deux  voyelles ,  par  la  nécefîité  de  donner  paflage  à 
l'air  qui  forme  Tune ,  puis  l'autre  fans  aucune  con- 
ionne  intermédiaire  ;  ce  concours  de  voyelles  eft 
plus  pénible  à  exécuter  pour  celui  qui  parle ,  &  par 
coniéquent  moins  agréable  à  entendre  pour  celui 
qui  écoute  ;  au  lieu  qu'une  confonne  faciliteroit  le 
paflage  d'une  voyelle  à  l'autre.  C'eft  ce  qui  a  fait 
que  dans  toutes  les  langues ,  le  méchaniime  de  la 
parole  a  introduit  ou  l'elilion  de  la  voyelle  du  mot 
précédent,  ou  une  confonne  euphonique  entre  les 
deux  voyelles. 

L'elilion  fe  pratiquoit  même  en  profe  chez  les 
Romains.  «  Il  n'y  a  perlonne  parmi  nous,  quelque 
»  greffier  qu'il  ioit ,  dit  Cicéron  ,  qui  ne  cherche  à 
»  éviter  le  concours  des  voyelles,  &  qui  ne  les  réu- 
»  mile  dans  l'occafion.  Quodquidan  latina  linguafic 
obj'ervat  ,  ne/no  ut  tam  rujïicus  Jit ,  quin  vocales  nolit 
conjungere.  Cic.  Orator.  n.  i5o.  Pour  nous,  excepté 
avec  quelques  monofyllabes,  nous  ne  failons  uiage 
de  l'elilion  que  lorf'que  le  mot  fuivi  d'une  voyelle 
eft  termine  par  un  e  muet  ;  par  exemple,  unejincerc 
Tome  II* 


B  A  I 


17 


amitié,  on  prononce  fincer-amitié.  On  élide  aufli  Fi 
de  fi  en  fi  il ,  qu'on  prononce  s'il;  on  dit  aufli  m'a- 
mie  dans  le  ftyle  familier ,  au  lieu  de  ma  amie  ou  mon 
amie  :  nos  pères  difoient  m' amour. 

Pour  éviter  de  tenir  la  bouche  ouverte  entre  deux 
voyelles,  &  pour  fe  procurer  plus  de  facilité  dans  la 
prononciation  ,  le  méchaniime  de  la  parole  a  intro- 
duit dans  toutes  les  langues  ,  outre  l'élifion  ,  l'ufage 
des  lettres  euphoniques ,  &  comme  dit  Cicéron ,  on 
a  facrifié  les  règles  de  la  Grammaire  à  la  facilité  de 
la  prononciation  :  Confuetudini  auribus  indulgenti  li- 

benter  obfequor Impetratum  ejl  à  confuetudine  ut 

peccare  fuavitatis  caufâ  liceret .  Cicer.  Orator.  n.  i58. 
Ainli  nous  difons  mon  ame  ,  mon  épée  ,  plutôt  que  ma 
ame ,  ma  épée.  Nous  mettons  un  t  euphonique  dans 
y  a-t-il ,  dira-t-on  ;  Se  ceux  qui  au  lieu  du  tiret  ou 
trait  d'union  mettent  une  apoftrophe  après  le  /  ,  font 
une  faute  :  l'apoftrophe  n'eft  deftinée  qu'à  marquer 
la  luppreflion  d'une  voyelle ,  or  il  n'y  a  point  ici  de 
voyelle  élidée  ou  iùpprimée. 

Quand  nous  difons}? l'on  au  lieu  défi  on,  V  n'eft 
point  alors  une  lettre  euphonique  ,  quoi  qu'en  dilè 
M.  l'abbé  Girard ,  tom.  I.  p.  344.  On ,  eft  un  abrégé 
de  homme  ;  on  dit  l'on  comme  on  dit  l'homme.  On  m'a 
dit ,  c'eft-à-dire  ,  un  homme  ,  quelqu'un  m'a  dit.  On  , 
marque  une  propofition  indéfinie ,  individuum  vagum. 
Il  eft  vrai  que  quoiqu'il  ioit  indifférent  pour  le  fens 
de  dire  on  dit  ou  l'on  dit ,  l'un  doit  être  quelquefois 
préféré  à  l'autre ,  félon  ce  qui  précède  ou  ce  qui  luit , 
c'eft  à  l'oreille  à  le  décider  ;  &  quand  elle  préfère 
l'on  au  fimple  on ,  c'eft  fouvent  par  la  raifon  de  l'eu- 
phonie ,  c'eft-à-dire  par  la  douceur  qui  réfulte  à  l'o- 
reille de  la  rencontre  de  certaines  fyllabes.  Au  refte 
ce  mot  euphonie  eft  tout  grec,  su,  bien,  &  <pmh,fon. 

En  grec  le  v ,  qui  répond  à  notre  n ,  étoit  une  lettre 
euphonique,  fur-tout  après  l\  &c  Vi  :  ainli  au  lieu  de 
dire  ux<xri  àivS'pîç,  vigtnti  viri ,  ils  dilent  sj^cw  àWW , 
fans  mettre  ce  v  entre  les  deux  mots. 

Nos  voyelles  font  quelquefois  fuivies  d'un  fon  na- 
fal,  qui  fait  qu'on  les  appelle  alors  voyelles  na/ales. 
Ce  fon  nafal  eft  un  fon  qui  peut  être  continué  ,  ce 
qui  eft  le  caractère  diftinûif  de  toute  voyelle  :  ce  fon 
nafal  laiffe  donc  la  bouche  ouverte  ;  &  quoiqu'il  ioit 
marqué  dans  l'écriture  par  un  n  ,  il  eft  une  véritable 
voyelle  :  Se  les  poètes  doivent  éviter  de  le  faire  fui- 
vre par  un  mot  qui  commence  par  une  voyelle  ,  à 
moins  que  ce  ne  ioit  dans  les  occafions  où  l'ufage  a 
introduit  un  n  euphonique  entre  la  voyelle  naiaîe  & 
celle  du  mot  qui  luit. 

Lorfque  l'adjectif  qui  finit  par  un  fon  nafal  eft  fuivi 
d'un  fubftantif  qui  commence  par  une  voyelle ,  alors 
on  met  Yn  euphonique  entre  les  deux,  du  moins  dans 
la  prononciation  ;  par  exemple  ,  un-n-enfant ,  bon-n- 
homme  ,  commun-n-accord ,  mon-n-ami.  La  particule 
on  eft  aufli  fuivie  de  Yn  euphonique ,  on-n-a.  Mais  ii 
le  fubftantif  précède,  il  y  a  ordinairement  un  bâille- 
ment; un  écran  illuminé  ,  un  tyran  odieux  ,  un  entretien 
honnête ,  une  citation  équivoque  ,  un  parfum  incommode; 
on  ne  dira  pas  un  tyran-n-odieux ,  un  entretien-n-hon- 
nêtt ,  &C:  On  cl it  auffi  un  bafiin  à  barbe,  &  non  un  baf- 
fin-n-à  barbe.  Je  l'ai  bien  que  ceux  qui  déclament  des 
vers  où  le  poète  n'a  pas  connu  ces  voyelles  natales  , 
ajoutent  l'«  euphonique  ,  croyant  que  cette  n  eft  la 
confonne  du  mot  précédent  :  un  peu  d'attention  les 
détromperait  :  car,  prenez-y- garde  ,  quand  vous 
dites  il  eft  bon-n-homme  ,  bon-n-ami ,  vous  prononce  I 
bon  &  enfuite  -n-homme  ,  -n-ami.  Cette  prononciation 
eft  encore  plus  defagréable  avec  les  diphthongues 
nafales  ,  comme  dans  ce  vers  d'un  de  nos  plus  beaux 
opéra  : 

Ah  !  j'attendrai  long-tems,  la  nuit  cfi  loin  encore  ; 

où  l'aûeur  pour  éviter  le  bâillement  prononce  loin-n- 
encon  }  ce  qui  eft  une  prononciation  normande. 

C 


i8 


B  A  I 


Le  b  &  le  d  font  auffi  des  lettres  euphoniques.  En 
latin  ambirt  eft  compofé  de  l'ancienne  prépofition 
am ,  dont  on  fe  fervoit  au  lieu  de  circitm  ,  &  de  ire  ; 
or  comme  am  étoit  en  latin  une  voyelle  nafale,  qui 
étoit  même  élidée  dans  les  vers  ,  le  b  a  été  ajouté 
entre  am  &  ire ,  eupkoniœ  caufâ. 

On  dit  en  latin  profum ,  projumus ,  profiti  ;  ce  verbe 
eft  compofé  de  la  prépofition  pro  ,  &c  dejhm  :  mais  fi 
après  pro  le  verbe  commence  par  une  voyelle ,  alors 
le  méchanifme  de  la  parole  ajoute  un  d ,  profum ,  pro- 
d-es ,  pro-d-ejl ,  pro-d-sram  ,  &c.  On  peut  faire  de  pa- 
reilles obfervations  en  d'autres  langues;  car  il  ne  faut 
jamais  perdre  de  vue  que  les  hommes  font  par-tout 
des  hommes,  &  qu'il  y  a  dans  la  nature  uniformité  &c 
variété.  (F) 

BAILLER,  v.  neut.  refpirer  en  ouvrant  la  bouche 
extraordinairement  &  involontairement.  Bâiller  d'en- 
nui, bâiller  de  jommeil.  V.  BAILLEMENT  ci-dejfus.  (Z.) 

BAILLET,  adj.  (Manège.*)  cheval  baillet ,  eft  celui 
qui  a  le  poil  roux  tirant  fur  le  blanc.  (^) 

*  BAILLEUL  ou  BELLE  ,  ville  de  France  ,  au 
comté  de  France.  Long,  zo  %5.  lac.  ào  46. 

BAILLEUR ,  f.  m.  terme  de  Pratique,  eu  celui  des 
deux  parties  contractantes  dans  un  bail ,  qui  loue  ou 
afferme  fa  propre  choie.  Il  eft  oppolé  à  preneur.  Voy. 
Preneur.  (H) 

BAILLI ,  1.  m.  (  Hijl.  mod.  &  Jurijprud.  )  on  entend 
en  général  par  ce  mot,  un  officier  chargé  de  rendre 
la  juftice  dans  un  certain  diftrict  appelle  bailliage. 
Vqye{  BAILLIAGE. 

Ce  mot  eft  formé  de  baile ,  vieux  terme  qui  ligni- 
fie gouverneur ,  du  Latin  bajulus  qui  a  la  même  figni- 
fîcation. 

Pafquier  afTùre  que  les  baillis  étoient  originaire- 
ment une  forte  de  ïubdélégués  ,  que  l'on  envoyoit 
dans  les  provinces  pour  examiner  fi  les  comtes ,  qui 
alors  étoient  les  juges  ordinaires  ,  rendoient  exacte- 
ment la  juftice.  Loyfeau  rapporte  plus  vraiffembla- 
blement  l'origine  des  baillis  ,  à  l'ufurpation  &  à  la 
négligence  des  grands  feigneurs ,  qui  s'étant  empâ- 
tés de  l'adminiftration  de  la  juftice  ,  &  étant  trop 
foibles  pour  ce  fardeau  ,  s'en  déchargèrent  fur  des 
députés  qu'on  appella  baillis.  Ces  baillis  eurent  d'a- 
bord rinfpe&ion  des  armes  ôt  l'adminiftration  de  la 
juftice  &  des  finances  :  mais  comme  ils  abuferent  de 
leur  pouvoir ,  ils  en  furent  infenfiblement  dépouillés , 
&  la  plus  grande  partie  de  leur  autorité  fut  trans- 
férée à  leurs  lieutenans  ,  qui  étoient  gens  de  robe  : 
en  France  les  baillis  ont  encore  une  ombre  de  leurs 
anciennes  prérogatives ,  ôc  font  confidérés  comme 
les  chefs  de  leurs  diftri&s  :  c'eft  en  leur  nom  que  la 
juftice  s'adminiftre  ;  c'eft  devant  eux  que  fe  patient 
les  contrats  &  les  autres  aftes ,  &  ce  font  eux  qui  ont 
le  commandement  des  milices. 

C'eft  de-là  que  les  baillis  d'Angleterre  ont  pris  leur 
nom  &  leur  office  :  comme  il  y  a  en  France  huit  Par- 
lemens ,  qui  font  des  Cours  fuprèmes  ,  des  arrêts  def- 
quels  il  n'y  a  point  d'appel  ;  &  que  dans  le  reflbrt  de 
plufieurs  parlemens ,  ou  de  différentes  provinces  ,  la 
juftice  eft  rendue  par  des  baillis  ou  du  moins  par 
leurs  lieutenans  :  de  même  il  y  a  en  Angleterre  diffé- 
rens  comtés  ,  dans  lefquels  la  juftice  eft  adminiftrée 
par  un  vicomte  ou  shérif,  qui  paroit  vraifîémblable- 
ment  avoir  été  appelle  bailli ,  &  fon  diftrict  bailliage. 

Le  bailli  dans  l'origine  étoit  donc  un  feigneur, 
qui  avoit  dans  l'étendue  de  fon  bailliage,  l'adminif- 
tration de  la  juftice ,  le  commandement  des  armes  & 
le  maniement  des  finances.  De  ces  trois  prérogati- 
ves ,  il  ne  leur  relie  plus  que  le  commandement  du 
ban  &  de  l'arriere-ban.  Quant  à  l'adminiftration  de 
la  juftice ,  ce  ne  font  plus  que  des  juges  titulaires.  Les 
fentences  &  les  commiffions  s'expédient  bien  en  leur 
nom  :  mais  ce  font  leurs  lieutenans  de  robe  qui  ren- 
dent la  juftice.  Les  baillis  des  fiéges  particuliers  ref- 


B  A  I 

fortifians  au  bailliage  général ,  ne  font  proprement 
que  les  lieutenans  de  ceux-là. 

On  diftingue  de  ces  baillis  royaux  ,  les  baillis  fei- 
gneuriaux  par  la  dénomination  de  haut-jufticiers. 
Quelques-uns  de  ceux-ci  reffortiffent  aux  bailliages 
royaux  ,  lefquels  reffortiffent  au  parlement  ;  mais  il  y 
a  des  baillis  haut-jufticiers  qui  reffortiffent  nuement 
au  parlement ,  tels  font  les  baillis  des  duchés-pai- 
ries. (H) 

*  Bailli  (  Hijl.  mod.)  nom  d'un  grade  ou  di- 
gnité dans  l'ordre  de  Malte.  On  en  diftingue  de 
deux  fortes  ,  les  baillis  conventuels  Se  les  baillis  capi- 
tulâmes. Les  premiers  font  les  huit  chefs  ou  piliers  de 
chaque  langue.  Voye^  Pilier  &  Langue.  On  les  ap- 
pelle conventuels ,  parce  qu'ordinairement  ils  réfident 
dans  le  couvent  de  la  religion  à  Malte. 

Les  baillis  capitulaires ,  ainfi  nommés,  parce  que 
dans  les  chapitres  provinciaux  ,  ils  ont  féance  immé- 
diatement après  les  grands-prieurs,  font  des  cheva- 
liers qui  poffedent  des  bailliages  de  TOrdre.  La  lan- 
gue de  France  a  deux  bailliages,  dont  les  titulaires 
font  le  bailli  de  la  Morée  ou  commandeur  de  S.  Jean 
de  Latran  à  Paris ,  &  le  grand  tréforier  ou  comman- 
deur de  S.  Jean  en  l'île  proche  de  Corbeil.  La  langue 
de  Provence  a  le  bailliage  de  Manofque  ;  &  celle 
d'Auvergne  ,  le  bailliage  de  Lyon.  Il  y  a  de  même 
des  bailliages  &  des  baillis  capitulaires  dans  les  autres 
langues.  V~oye^  Malte.  (G) 

BAILLIAGE ,  f.  m.  (  Jurij'p.  )  eft  tout  le  territoire 
où  s'étend  la  jurifdiclion  d'un  bailli.  Un  bailliage 
principal  en  contient  pour  l'ordinaire  plufieurs  au- 
tres ,  lefquels  connoiffent  des  mêmes  matières ,  & 
reffortiffent  à  ce  bailliage  principal ,  lequel  connoît 
exclufivement  aux  autres  en  dernier  reflbrt  des  cas 
préfidiaux  :  car  ces  bailliages  fupérieurs  équivalent 
pour  l'autorité  aux  préfidiaux  &  aux  fénéchauffées, 
dont  ils  ne  différent  que  par  le  nom.  Voye^  Prési- 
dial,  &  Bailli. 

On  appelle  auffi  bailliage  l'office  même  du  bailli. 
On  donne  auffi  le  même  nom  au  lieu  où  il  tient  fa 
féance.  (  H) 

Baillie  ,  f.  f.  (  Jurifprudence)  terme  de  coutumes , 
eft  fynonyme  à  garde-noble  ou  bourgeoife.  Voyeç_ 
Garde. 

Baillistre  ,  f.  m.  (  Jurifprudence)  vieux  terme 
encore  ufité  dans  quelques  coutumes ,  qui  eft  fyno- 
nyme à  tuteur  ou  gardien  ;  &  eft  dirivé  de  baillie  ,  qui 
dans  les  mêmes  coutumes  fignifie  tutelle  ou  garde. 
Voye^  Baillie. 

BAILLIVAGE ,  ou  Balivage, {.  m.  (Juri/prudence) 
terme  d'eaux  &  forêts ,  eft  l'étiquette  ou  la  marque 
des  baliveaux  qui  doivent  refter  fur  pié  dans  les  bois 
coupés  ou  à  couper.  Voye^  Baliveau.  (  //) 

BÂILLONNÉ ,  adj.  (  terme  de  Blafon  )  il  fe  dit  des 
animaux  qui  ont  un  bâton  entre  les  dents  ,  comme 
les  lions ,  les  ours  ,  les  chiens ,  &c. 

Bourneus  au  pays  de  Vaux  ,  d'argent  au  lion  de  fa- 
ble bâillonne  de  gueules  à  la  bordure  componnée  d'ar- 
gent &  de  fable.  (  V) 

BAILLOGUES ,  f.  f.  c'eft  ainfi  que  les  plumajfiers 
nomment  des  plumes  de  couleurs  mêlées  ;  blanches , 
&  noires  ,  par  exemple. 

BAILLOTTE,  f.  f.  (  en  terme  de  Marine)  c'eft  un 
feau. 

BAINS  ,f.  m.  (termed'Arc  hiteclure)  grands  &fomp- 
tueux  bâtimens ,  élevés  par  les  anciens  pour  l'orne- 
ment &  la  commodité.  Il  faut  diftinguer  les  bains  en 
naturels  ou  en  artificiels.  Les  bains  naturels  font  ou 
froids  comme  l'eau  des  rivières ,  ou  chauds  comme 
ceux  des  eaux  minérales,  propres  à  la  guérifon  de  plu- 
fieurs maux.  Voyei  Eaux  Minérales  ,  &  plus  bas 
Bain  en  Médecine. 

Les  bains  artificiels ,  qui  étoient  plutôt  pour  la  pro- 
preté du  corps  que  pour  la  fanté ,  étoient  chez  les 


B  A  I 

anciens  des  édifices  ou  publics  ou  particuliers.  Les 
bains  publics  ont  été  en  ufage  en  Grèce  &  à  Rome  ; 
mais  les  Orientaux  s'en  fervirent  auparavant.  La 
Grèce  connoiffoit  les  bains  chauds  dès  le  tems  d'Ho- 
mère ,  comme  il  paroît  par  divers  endroits  de  l'O- 
dyffée  ;  &  ils  étoient  ordinairement  joints  aux  gym- 
nafes  ou  paleftres  ,  parce  qu'en  fortant  des  exerci- 
ces on  prenoit  le  bain.  Vitruve  a  donné  une  deferip- 
tion  fort  détaillée  de  ces  bains ,  par  laquelle  il  paroît 
qu'ils  étoient  compofés  de  lept  pièces  différentes  , 
la  plupart  détachées  les  unes  des  autres  ,  &  entre- 
mêlées de  quelques  pièces  devinées  aux  exercices. 
Ces  lept  pièces  étoient:  i°.  le  bain  froid  ,frigida  la- 
yatio ,  en  Grec  Xourpov  :  i°.  Yelœothejlum ,  c'elî-à-dire  , 
la  chambre  oii  l'on  fe  frottoit  d'huile  ;  30.  le  lieu  de 
rafraîchiffement,/r/g7<AwK/«  ;  40.  le  propnigeum,  c'eft- 
à-dire  l'entrée  ou  le  veltibule  de  Yhypocaujlum  ou  du 
poelle  ;  50.  l'étuve  voûtée  pour  faire  fuer,  ou  le  bain 
de  vapeur ,  appelle  tepidarium  ;  70.  le  bain  d'eau  chau- 
de, calida  lavatio,  auxquels  il  faudrait  joindre  Vapo- 
dyterion ,  ou  garde-robe ,  li  toutefois  ce  n'eft  pas  la  mê- 
me choie  que  le  tepidarium. 

Quant  aux  bains  détachés  des  paleftres  ,  il  refaite 
de  la  defeription  qu'en  fait  Vitruve  :  i°.  que  ces  bains 
étoient  ordinairement  doubles ,  les  uns  pour  les  hom- 
mes ,  les  autres  pour  les  femmes  ;  du  moins  chez  les 
Romains ,  qui  en  ce  point  avoient  plus  confulté  les 
bienféances  ,  que  les  Lacédémoniens  ,  chez  qui  les 
deux  fexes  fe  baignoient  pêle-mêle  :  20.  que  les  deux 
bains  chauds  fe  joignoient  de  fort  près,  afin  qu'on 
pût  échauffer  par  un  même  fourneau ,  les  vafes  de 
l'un  &  de  l'autre  bain  :  30.  que  le  milieu  de  ces  bains 
étoit  occupé  par  un  grand  bafïin ,  qui  recevoit  l'eau 
par  divers  tuyaux  ,  &  dans  lequel  on  defeendoit  par 
le  moyen  de  quelques  degrés  ;  ce  baffin  étoit  envi- 
ronné d'une  baluitrade  ,  derrière  laquelle  régnoit  une 
efpece  de  corridor  ^fchola  ,  affez  large  ,  pour  contenir 
ceux  qui  attendoient  que  les  premiers  venus  lortil- 
fent  du  bain  :  j°.  que  les  deux  étuves  ,  appellées  la- 
conicum  &  tepidarium  ,  étoient  jointes  enfembîe  :  6°. 
que  ces  lieux  étoient  arrondis  au  compas,  afin  qu'ils 
rectifient  également  à  leur  centre  la  force  de  la  va- 
peur chaude  ,  qui  tournoit  &  fe  répandoit  dans  toute 
leur  cavité  :  70.  qu'ils  avoient  autant  de  largeur  que 
de  hauteur  jufqu'au  commencement  de  la  voûte ,  au 
milieu  de  laquelle  on  laiffoit  une  ouverture  pour 
donner  du  jour ,  &  on  y  lufpendoit  avec  des  chaînes 
un  bouclier  d'airain ,  qu'on  hauffoit  ou  baiffoit  à  vo- 
lonté ,  pour  augmenter  ou  diminuer  la  chaleur  ;  8°. 
que  le  plancher  de  ces  étuves  étoit  creux  &  fafpen- 
du  pour  recevoir  la  chaleur  de  ïhypocaujle  ,  qui  étoit 
un  grand  tourneau  maçonné  deffous ,  que  l'on  avoit 
foin  de  remplir  de  bois  &  d'autres  matières  combuf- 
tibles  ,  &  dont  l'ardeur  fe  communiquoit  aux  étuves 
à  la  faveur  du  vuide  qu'on  laiffoit  fous  leurs  plan- 
chers :  90.  que  ce  fourneau  fervoit  non-feulement  à 
échauffer  les  deux  étuves, mais auffi  une  autre  cham- 
bre appelles  vafarium ,  lituée  proche  de  ces  mêmes 
étuves  &  des  bains  chauds  ,  ik  dans  laquelle  étoient 
trois  grands  vafes  d'airain ,  appelles  milliaria  à  caufe 
de  leur  capacité  ;  l'un  pour  1  eau  chaude ,  l'autre  pour 
la  tiède  ,  &  le  troilîeme  pour  la  froide.  De  ces  vafes 
partoient  des  tuyaux  qui  correlpondant  aux  bains  , 
y  portoient  par  le  moyen  d'un  robinet  l'eau ,  fuivant 
les  befoins  de  ceux  qui  fe  baignoient. 

A  l'égard  de  l'arrangement  ou  dilpofition  de  ces 
divers  appartenons  des  bains ,  voici  ce  qu'on  en  fait  : 
on  y  voyoit  d'abord  un  grand  balîin  ou  \  ivier  appelle 
en  grec  Kc)-.vjjiC»(lf.  à ,  en  latin  natatio  &  pi  fana,  qui  oc- 
cupoit  le  coté  du  nord ,  &  où  l'on  pouvoit  non-lculc- 
ment  le  baigner,  mais  même  nager  très-commodé- 
ment. Les  bains  des  particuliers  avoient  quelquefois 
de  ces  pifeines ,  comme  il  paroît  par  ceux  de  Pline  & 
de  Ciceron.  L'édifice  des  bains  etoit  ordinairement 
Tome  II, 


B  A  I 


!9 


expofé  au  midi ,  &  avoit  une  face  très-étendue  ,  dont 
le  milieu  étoit  occupé  par  Yhypocaufle,  qui  avoit  à 
droite  &  à  gauche  une  fuite  de  quatre  pièces  fembla- 
bles  des  deux  côtés ,  &  difpofées  de  manière  qu'on 
pouvoit  paffer  facilement  des  unes  dans  les  autres» 
Ces  pièces  nommées  en  général  balnearia,  étoient 
celles  que  nous  avons  décrites  ci-deffus.  La  falle  du 
bain  chaud  étoit  une  fois  plus  grande  que  les  autres  , 
à  caufe  du  grand  concours  du  peuple  qui  y  abordoit, 
&  du  long  lejour  qu'on  y  faifoit  d'ordinaire. 

Les  anciens  prenoient  ordinairement  le  bain  avant 
fouper ,  &  il  n'y  avoit  que  les  voluptueux  qui  fe  bai- 
gnaffent  à  la  fuite  de  ce  repas.  Au  iortir  du  bain ,  ils 
fe  taifoient  frotter  d'huiles  ou  d'onguens  parfumés 
par  des  valets  nommés  alyptœ  ou  uncluarii.  Les  bains, 
fi  on  en  croit  Pline ,  ne  furent  en  ufage  à  Rome  que 
du  tems  de  Pompée  ;  dès  lors  les  édiles  eurent  loin 
d'en  faire  conftruire  plufieurs.  Dion,  dans  la  vie 
d'Augufte  ,  rapporte  que  Mécène  fit  bâtir  le  premier 
bain  public  :  mais  Agrippa  ,  dans  l'année  de  Ion  édi- 
lité ,  en  fît  conitruire  centfoixame  &  dix.  A  l'on  exem- 
ple, Néron,  Vefpafien,  Tite,  Domitien,  Severe  , 
Gordien ,  Aurelien  ,  Diocletien ,  &  prefque  tous  les 
empereurs ,  qui  cherchèrent  à  fe  rendre  agréables  au 
peuple,  firent  bâtir  des  étuves  &  des  bains  avec  le 
marbre  le  plus  précieux ,  &  dans  les  règles  de  la  plus 
belle  architecture  ,  où  ils  prenoient  plailir  à  fe  bai- 
gner avec  le  peuple  :  on  prétend  qu'il  y  avoit  jufqu'à 
800  de  ces  édifices  répandus  dans  tous  les  quartiers 
de  Rome. 

La  principale  règle  des  bains  étoit  d'abord  de  ne 
les  ouvrir  jamais  avant  deux  ou  trois  heures  après 
midi,  enfuite  ni  avant  le  foleil  levé,  ni  après  le  fo- 
leil  couché.  Alexandre  Severe  permit  pourtant  qu'on 
les  tint  ouverts  la  nuit  dans  les  grandes  chaleurs  de 
l'été,  &  ajouta  même  la  libéralité  à  la  complaifan- 
ce  ,  en  foufniffant  l'huile  qui  brûloit  dans  les  lampes. 
L'heure  de  l'ouverture  des  bains  étoit  annoncée  au 
fon  d'une  efpece  de  cloche  :  le  prix  qu'il  falloit  payer 
pour  entrer  aux  bains  étoit  tres-modique ,  ne  montant 
qu'à  la  quatrième  partie  d'un  as ,  nommée  quadrans  ; 
ce  qui  valoit  à  peu  pies  un  iiard  de  notre  monnoie. 
Le  bain  gratuit  étoit  au  nombre  des  largelles  que  les 
empereurs  taifoient  au  peuple  à  l'occaiion  de  quel- 
que réjoùiffance  publique  :  mais  auffi  dans  les  cala- 
mités on  avoit  foin  de  lui  retrancher  cette  commodi- 
té ,  ainfi  que  le  plailir  des  fpectaclcs.  (G) 

*  Tout  fe  paffoit  dans  les  bains  avec  modeftie  :  les 
bains  des  femmes  étoient  entièrement  iéparés  de  ceux 
des  hommes  ;  &  ç'auroit  été  un  crime ,  lî  l'un  des  fe- 
xes avoit  paffé  dans  le  bain  de  l'autre.  La  pudeur  y 
étoit  gardée  jufqu'à  ce  fcrupule ,  que  même  les  en- 
fans  pubères  ne  fe  baignoient  jamais  avecleurs  pères, 
ni  les  gendres  avec  leurs  beaux-peres.  Les  gens  qui  fer- 
voient  dans  chaque  bain ,  étoient  du  lexe  auquel  le 
bain  étoit  deitiné.  Mais  quand  le  luxe  &  la  vie  volup- 
tueufe  eurent  banni  la  modeftie,  ce  que  la  débauche 
fe  fut  gliffée  dans  toute  la  ville,  les  b.i:ns  n'en  furent 
pas  exempts. Les  femmes  s'y  mêlèrent  avec  les  hom- 
mes ,  &  il  n'y  eut  plus  de  diitinftion  ;  pluueuj  s  perfon- 
nes  de  l'un  «  l'autre  (exe  n'y  alloient  même  que  pour 
fatisfaire  leur  vue  ,  ou  cacher  leurs  intrigi  . 
menoient  des  efclaves  ou  fervantes ,  pour  u  r<  ei  les 
habits.  Les  maîtres  des  bains  affectoient  même  d'en 
avoir  de  plus  belles,  les  uns  que  les  autres  »  pour  s  .u- 
tirer  un  plus  grand  nombre  de  chalaris. 

Tout  ce  que  les  magiftrats  purent  faire  d'abord, 
ce  fut  de  défendre  à  toutes  perlbnnes  de  i--  tervirde 
femmes  ou  de  tilles  pour  garder  lc>  habits ,  ou  pour 
rendre  les  autres  fervices  aux  /•.. 
notées  d'infamie.  Maisl'empereur  Adrien  défendit  ab- 
folumentce  mélange  d'hommes  &  de  lemmesfousde 
rigoureufes  peines.  Ma;  -   Uexandre  Se\  ère 

confirmèrent  cette  même  loi  ;  6c  fous  leur  règne , 

Cij 


ao  BAI 

les  bains  des  hommes  &  ceux  des  femmes  furent  en- 
core une  fois  féparés,  &  la  modeftie  y  fut  rétablie. 

Les  uftenciles  ou  inftrumens  des  tains ,  outre  les 
vafes  propres  à  faire  chauffer  &  à  verfer  l'eau ,  étoient 
les  baignoires,  les  étrilles.  Fyfcr  Baignoire, 
Etrille. 

Les  bains  particuliers ,  quoique  moins  vaftes  que 
les  bains  publics ,  étoient  de  la  même  forme ,  mais 
fouvent  plus  magnifiques  &  plus  commodes ,  ornés 
de  meubles  précieux,  de  glaces,  de  marbres,  d'or& 
d'argent.  On  pouvoit  s'y  baigner  à  toute  heure  ;  & 
l'on  rapporte  des  empereurs  Commode  &  Galien , 
qu'ils  prenoient  le  bain  cinq  ou  fix  fois  le  jour.  Mém. 
diCAcai.  dis  Belles  Lettres  ,  tomel.  &  III.  (G) 

*  Parmi  nous,  les  bains  publics  fur  la  rivière,  ne  font 
autre  chofe  que  de  grands  bateaux ,  appelles  loue , 
faits  de  fapin,  &  couverts  d'une  greffe  toile,  autour 
defquels  il  y  a  de  petites  échelles  attachées  par  des 
cordes ,  pour  defcendre  dans  un  endroit  de  la  rivière 
oii  l'on  trouve  des  pieux  enfoncés  d'efpace  en  efpa- 
ce ,  qui  foûtiennent  ceux  qui  prennent  le  bain. 

Nous  appelions  bains  domejliques  ceux  que  l'on  pra- 
tique dans  la  maifon  des  grands  ou  des  particuliers  : 
ils  fe  prennent  dans  des  baignoires  de  métal ,  dans 
îefquelles  l'eau  eft  amenée  par  des  conduits  de  plomb 
qui  defcendent  d'un  réfervoir  un  peu  élevé,  rempli 
de  l'eau  du  ciel ,  ou  par  le  fecours  d'une  pompe.  Ces 
tuyaux  garnis  de  robinets ,  viennent,  avant  d'entrer 
dans  la  baignoire,  fe  diftribuer  dans  une  cuve  placée 
fur  un  fourneau ,  qui  la  tient  dans  un  degré  de  cha- 
leur convenable. 

Ces  bains  font  compofés  d'un  appartement  diftri- 
bué  en  plufieurs  pièces:  favoir,  d'une  anti-chambre 
pour  tenir  les  domeftiques  pendant  que  le  maître  eft 
au  bain ,  d'une  chambre  à  lit  pour  s'y  coucher  au  for- 
tir  du  bain,  d'une  falle  oit  eft  placée  la  baignoire , 
d'un  cabinet  à  foûpape  ou  d'une  garderobe  ,  d'un  ca- 
binet de  toilette ,  d'une  étuve  pour  fécher  les  linges 
&  chauffer  l'eau ,  de  dégagement,  &c.  Il  eftaffez  d'u- 
fage  de  placer  deux  baignoires  &  deux  lits  dans  ces 
appartemens ,  ces  bains ;  le  prenant  ordinairement  de 
compagnie,  lorfqu'oneft  en  fanté. 

Ces  bains  doivent  avoir  un  petit  jardin  particidier 
pour  faire  prendre  de  l'exercice,  fans  être  vu,  aux 
perfonnes  qui  prennent  ces  bains  plutôt  par  indifpo- 
îition  que  par  propreté. 

Ces  appartemens  font  ordinairement  décorés  de 
lambris  ,  de  peintures ,  dé  dorure  ,  &  de  glaces. 
C'eft  dans  cette  occafion  qu'un  Architecte  qui  a  du 
génie,  peut  donner  carrière  à  fon  imagination,  ces 
ibrtes  de  pièces  n'étant  pas  fufceptibles  de  la  fé- 
vérité  des  règles  de  l'art.  Au  contraire  j'eftime  que 
c'eft  dans  ces  fortes  de  pièces  feulement  qu'il  con- 
vient de  répandre  de  l'élégance  &  de  l'enjouement  : 
dans  l'ordonnance  de  la  décoration  de  ces  petits  ap- 
partemens ,  les  Vateaux ,  les  Lancrets ,  peuvent  y 
donner  le  ton ,  auflî-bien  que  les  ornemens  arabel- 
ques,  les  plans  de  Chinois ,  les  magots,  &c.  Tout  eft 
de  leur  reffort ,  pourvu  qu'il  y  foit  ajufté  avec  goût 
&  dilcemement.  (P) 

Bain  de  fanté  ou  de  propreté  (  en  Médecine.  )  Les 
Médecins  toujours  attentifs  à  chercher  des  fecours 
contre  les  maladies  ,  remarquèrent  les  bons  effets 
qu'il  produifoit,  &  le  mirent  au  nombre  de  leurs 
remèdes. 

On  ordonna  le  bain  de  différentes  façons,  c'eft-à- 
dire ,  qu'il  y  en  eut  de  chauds  &:  de  froids ,  de  géné- 
raux &  de  particuliers. 

Dans  les  bains  généraux ,  foit  chauds  ou  froids , 
le  corps  eft  plongé  jufqu'au-deffus  des  épaules;  dans 
les  particuliers,  on  ne  trempe  que  la  moitié  du  corps, 
ce  qui  s'appelle  demi-bain.  Celui  oii  on  ne  trempe  que 
les  pies  &  une  partie  des  jambes,  s'appelle  pédiluve. 
On  peut  aulîi  rapporter  aux  bains  particuliers  les  di- 


B  A  I 

verfes  efpeces  de  fomentations ,  &  les  douches.  V~oyt\ 
Fomentation  &  Douche. 

Les  différentes  qualités  de  l'eau,  que  l'on  employé 
pour  le  bain,  en  changent  la  propriété.  Dans  les  cas 
où  on  a  intention  de  ramollir  les  libres ,  &  de  procu- 
rer quelque  relâchement  dans  toute  l'habitude  du 
corps ,  le  bain  chaud  d'eau  douce  fimple ,  ou  mêlée 
avec  desmédicamensémolliens,  fatisfera  à  cette  in- 
dication. 

Quand  il  eft  queftion  de  refferrer  la  texture  des 
fibres,  de  leur  rendre  le  reflort  qu'elles  auront  perdu, 
rien  de  plus  convenable  que  le  bain  d'eau  froide  ; 
je  déduirai  par  la  fuite  les  railons  de  cette  diverfité. 

On  a  encore  diviié  les  bains  en  domeftiques ,  qui 
font  ceux  que  l'on  prend  chez  foi  ou  chez  les  Bai- 
gneurs, &  que  l'on  compofe  de  plufieurs  façons;  il 
y  en  a  de  lait,  de  décodions  de  plantes  émollientes, 
d'eau  de  fon ,  &c.  en  bains  d'eaux  minérales ,  qui  font 
ou  thermales  ou  acidulés ,  dont  les  effets  font  diffé- 
rens ,  félon  les  principes  que  ces  eaux  contiennent  : 
en  bains  d'eau  de  rivière ,  de  fleuve  ou  de  mer  ;  &  en 
bains  fecs ,  tels  que  ceux  d'efprit  de  vin  ;  ceux  de  va- 
peurs du  cinabre ,  que  l'on  nomme  fumigation.  Voye^ 
Fumigation:  ceux  de  marc  de  raifm,  de  cendres , 
de  fels ,  de  fable ,  &c.  auxquels  on  peut  encore  join- 
dre l'application  des  boues  ou  bourbes  fur  tout  le 
corps,  qui  fe  pratique  en  quelques  endroits. 

Pour  expliquer  l'aftion  des  bains,  il  faut  d'abord 
pofer  pour  principe  que  l'eau  qui  en  fait  la  bafe,  pé- 
nètre par  fa  fluidité  prefque  tous  les  corps ,  &  fur- 
tout  ceux  dont  la  texture  eft  aflez  lâche ,  pour  que 
l'eau  puiffe  trouver  entre  les  fibres  dont  ils  font 
compofés ,  des  interftices  que  l'on  appelle  pores. 
Koye{  Pore. 

Le  corps  humain  eft  un  de  ceux  dans  lefquels  on 
en  remarque  en  plus  grand  nombre  ;  la  déperdition 
de  fubftance  à  laquelle  il  eft  fui  et  par  la  tranfpira- 
tion  ,  prouve  affez  ce  que  j'avance.  Lorfque  le  corps 
fe  trouve  expofé  à  un  certain  volume  d'eau  capable 
de  le  preffer  de  tous  les  côtés,  &  dont  chaque  goutte 
a  une  pefanteur  naturelle ,  elle  s'inlinue  dans  chacun 
de  fes  interftices ,  dont  elle  augmente  la  capacité  par 
le  relâchement  que  procure  l'on  humidité  :  parvenue 
après  un  certain  tems  julqu'à  l'intérieur  du  corps , 
elle  fe  mêle  avec  le  lang  ;  aidée  d'ailleurs  par  les 
contractions  réitérées  du  cœur ,  qui  augmentent  à 
proportion  de  la  preffion,  elle  détruit  la  cohéfion  trop 
forte  des  molécules  du  fang ,  le  fait  circuler  avec 
plus  de  facilité,  &  le  rend  plus  propre  aux  fecrétions  ; 
augmente  celle  des  elprits  animaux ,  fi  néceffaire 
pour  l'entretien  des  forces  &  l'exécution  de  toutes 
les  fonctions  ,  en  même  tems  qu'elle  met  le  fang  en 
état  de  fe  dépouiller  des  parties  nuifibles  que  fon 
trop  grand  épaifliffement ,  ou  fa  trop  grande  lenteur 
à  circuler  ,  y  avoient  amaffées. 

Ces  principes  pofés ,  il  ne  fera  pas  difficile  de  dé- 
duire les  railons  des  phénorr  :nes  qu'on  oblèrve ,  fé- 
lon le  degré  de  chaleur  ou  de  froid  des  eaux  qu'on 
employé ,  &  la  différence  des  matières  dont  elles  font 
imprégnées.  En  augmentant  la  chaleur  de  l'eau  fim- 
ple ,  on  lui  donne  un  degré  d'élafticité  dont  elle  eft 
redevable  aux  parties  ignées  qu'elle  contient ,  &  qui 
la  rendent  plus  pénétrante.  Lorlqu'elle  fe  trouve  char- 
gée de  parties  ferrugineufes  ,  &:  chaudes  en  même 
tems ,  fon  reffort  &  fon  poids  font  augmentées  en  rai- 
fon  réciproque  de  la  chaleur,  &  de  la  quantité  de  fer 
dont  elle  eft  chargée  ,  &  qui  la  rend  propre  à  guérir 
plufieurs  maladies  qui  ont  pour  caufe  l'embarras  du 
lang  dans  fes  couloirs.  Si ,  au  contraire ,  on  employé 
l'eau  froide  ,  les  effets  en  feront  différens  ;  car  quoi- 
que la  fluidité  &  l'humidité  foient  la  même ,  le  froid 
loin  de  dilater  les  pores  de  la  peau  ,  les  refferre  en 
quelque  forte ,  empêche  une  trop  grande  évacuation 
par  la  tranlpiration ,  porte  le  calme  dans  la  circula- 


B  A  I 

tîon  du  fang ,  lorfqu'elle  eft  déréglée  ,  &  détruit  par 
ce  moyen  les  caules  des  maladies  occafionnées  par 
ce  dérangement.  Willis  nous  en  donne  un  exemple 
dans  ion  traité  de  la  Phrenéfie  ,  à  l'occafion  d'une  fille 
qui  tut  guérie  de  cette  maladie  par  un  feul  bain  froid 
que  l'on  lui  Ht  prendre  :  cette  malade  étoit  dans  cet 
état  depuis  plufieurs  jours  ;  les  laignées ,  les  délayans, 
les  amples  boiffons  émulfionnées  ,  &c.  n'avoient  pas 
pu  diminuer  la  fièvre  violente  dont  elle  étoit  atta- 
quée ,  &  la  ibif  qui  la  dévoroit.  Le  bain  d'eau  limple 
pris  dans  la  rivière,  pendant  un  quart-d'heure,  calma 
tous  les  accidens ,  lui  procura  un  lommeil  tranquille, 
&  elle  fut  guérie  fans  avoir  befoin  d'autres  remèdes. 
On  trouve  dans  la  pratique  plufieurs  exemples  de  ces 
guérifons  miraculeules  arrivées  par  hafard  ;  car  iou- 
vent  des  gens  attaqués  de  phrenéfie  fe  font  jettes 
d'eux-mêmes  dans  des  fontaines  ou  baffins,  &  ont  été 
guéris. 

Ce  que  l'on  peut  encore  afîurer ,  c'eft  que  l'ufage 
des  bains  de  rivière  ,  pendant  les  chaleurs  de  l'été  , 
eit  un  fur  préfervatif  contre  les  maladies  qui  régnent 
ordinairement  dans  cette  faifon. 

Il  relie  à  préfent  a  chercher  la  raifon  des  effets 
du  bain  de  mer  ,  que  l'on  regarde  comme  le  remède 
le  plus  falutaire  contre  la  rage  ,  &  que  je  tâcherai  de 
déduire  des  mêmes  principes  :  ce  qui  ne  fera  pas  im- 
pofîible  en  faifant  attention  d'abord ,  que  la  fluidité 
&  l'humidité  que  nous  trouvons  dans  l'eau  commii7 
ne,  fe  rencontre  dans  l'eau  de  mer  ;  que  fa  pefanteur 
eft  augmentée  par  le  fel  qu'elle  contient ,  &  qui  lui 
donne  une  qualité  beaucoup  plus  pénétrante  ;  enfin, 
que  la  terreur  du  malade  ,  née  de  l'appareil  &  du 
danger  où  il  fe  trouve  lorlqu'on  le  plonge  ,  fait  un 
contrafle  capable  de  rétablir  le  dérèglement  de  l'ima- 
gination ,  qui  eft  auffi  dérangée  dans  ce  cas ,  que  dans 
la  phrenéfie  la  plus  violente  :  d'ailleurs ,  on  prend  la 
précaution  d'aller  à  la  mer  pour  y  être  plongé ,  lorl- 
que  l'on  a  le  foupçon  d'être  attaqué  de  la  rage  ,  fans 
en  avoir  de  certitude.  Voye^  Rage. 

On  conçoit  aifément  que  les  bains  de  vapeurs  pé- 
nètrent la  texture  de  la  peau ,  &  parviennent  par  les 
pores  jufques  à  l'intérieur  ,  où  elles  occasionnent  à 
peu  près  les  mêmes  effets  que  fi  l'on  avoit  appliqué 
les  médicamens  dont  on  les  tire  ;  c'eft  ce  que  l'on 
éprouve  de  la  part  de  l'efprit-de-vin  ,  de  celui  de  va- 
peurs de  cinabre  ,  qui  excitent  même  quelquefois  la 
îalivation,  effet  que  produifent  les  frictions  mercuriel- 
les  ;  enfin  celui  de  marc  de  raiiin  en  pénétrant ,  foit 
par  fa  chaleur ,  foit  par  les  parties  fpiritueufes  qu'il 
contient ,  donne  de  nouveau  aux  fibres  le  reflort  qu'- 
elles avoient  perdu  ,  &  les  rétablit  dans  leur  état  na- 
turel. 

On  doit  prendre  les  précautions  fuivantes  pour  ti- 
rer quelque  fruit  de  l'ufage  du  bain ,  de  quelque  ef- 
pece  que  ce  foit  :  il  faut  fe  faire  faigner  &  purger , 
le  prendre  le  matin  à  jeun  ,  ou  fi  c'eft  le  foir,  quatre 
heures  après  le  repas  ,  afin  que  la  digeftion  des  ali- 
mens  foit  entièrement  finie  ;  fe  repofer ,  ou  ne  faire 
qu'un  exercice  très-moderé  après  que  l'on  eft  forti 
du  bain;  enfin  ne  fe  livrer  à  aucun  excès  pondant  tout 
le  tems  que  l'on  le  prendra  ,  &  dans  quelque  faifon 
que  ce  foit ,  ne  point  fe  baigner  lorlque  l'on  eft  fati- 
gué par  quelque  exercice  violent.  V.  Eaux,Eavx 
THERMALES,  EAUX  ACIDULES  ou  FROIDES.  (jV) 
Bain  ,  en  Chimie ,  fe  dit  d'une  chaleur  modérée 
par  un  intermède  mis  entre  le  feu  &  la  matière  fur 
laquelle  on  opère ,  &  ce  bain  eft  différemment  nom- 
mé ,  félon  les  différens  intermèdes  qu'on  y  employé. 
C'elt  pourquoi  on  dit  bain  de  mer ,  ou  par  corrup- 
tion bain-marie  ,  lorlque  le  vafe  qui  contient  la  ma- 
tière fur  laquelle  on  opère ,  eft  pofé  clans  un  autre 
vaiiîeau  plein  d'eau,  de  forte  que  le  vafe  foit  entou- 
ré d'eau,&  que  ie  vaiffeau  qui  contient  l'eau,  foit  im- 
médiatement pofé  fur  le  feu.  Voye^no> 


BAI  il 

mie.  On  pourroit  auffi  employer  d'autres  fluides  que 
1  eau ,  comme  l'huile ,  le  mercure  même ,  pour  tranf- 
mettre  différentes  chaleurs ,  ce  qui  feroit  différentes 
efpeces  de  bain-marie. 

On  dit  bain  de  vapeur,  lorfque  le  vafe  qui  contient 
la  matière  eft  feulement  expoie  à  la  vapeur  de  l'eau 
qui  eft  fur  le  feu.  Voye^  nos  figures.  Le  bain  de  vapeur 
dans  un  vaiffeau  ouvert  ,  ou  qui  laifle  échapper  la 
vapeur  qui  s'exhale  de  l'eau  ,  eft  moins  fort ,  c'eft-à- 
dire ,  donne  une  chaleur  plus  douce  que  ne  la  donne 
le  bain-marie  de  l'eau  bouillante  :  mais  fi  le  vaiffeau 
eft  fermé  exactement ,  &  qu'on  pouffe  le  feu  deffous, 
il  devient  plus  fort  que  le  bain-marie  ;  il  tient  alors 
de  la  force  de  la  machine  de  Papin ,  ce  qui  fait  voir 
qu'on  peut  taire  un  bain  de  vapeur  très-fort ,  au  lieu 
que  le  bain-marie  ne  peut  avoir  que  les  différens  de- 
grés de  chaleur  de  l'eau  tiède  ,  de  l'eau  chaude  ,  de 
l'eau  frémiffante  &  de  l'eau  bouillante.  Il  eft  vrai 
que  la  chaleur  de  l'eau  bouillante  n'eft  point  une  cha- 
leur invariable  ;  elle  eft  différente  félon  que  l'eau  eft 
différente  ,  &  fuivant  la  différente  pefanteur  de  l'air. 
L'eau  bouillante  qui  tient  en  diffolution  des  fels  ,  eft 
plus  chaude  qu'une  eau  bouillante  qui  feroit  fimple 
&  pure.   Foye{  Digestoire. 

La  chaleur  de  l'eau  bouillante  eft  plus  grande  quand 
le  baromètre  eft  plus  élevé ,  c'eft-à-dire  ,  quand  l'air 
eft  plus  pefant  ;  &  elle  eft  moindre  quand  le  baromè- 
tre eft  plus  bas ,  c'eft-à-dire ,  quand  l'air  eft  plus  lé- 
ger. L'eau  bouillante  ,  fur  le  fomir.et  d'une  haute 
montagne  ,  a  moins  de  chaleur  que  l'eau  bouillante 
dans  un  fond ,  parce  que  plus  l'air  eft  pefant ,  &  plus 
il  prefîè  fur  la  lùrface  de  l'eau  ,  &  par  conféquent 
plus  il  s'oppofe  à  l'échappement  des  parties  de  feu  qui 
font  en  mouvement  dans  l'eau,  6V  qui  la  traverfent. 
C'eft  pourquoi  la  plus  grande  chaleur  que  puuTe  avoir 
l'eau ,  n'eft  pas  dans  le  tems  qu'elle  bout  ie  plus  fort, 
c'eft  dans  le  premier  inftant  qu'elle  commence  à  bouil- 
lir. Ces  connoiffances  ne  font  pas  inutiles  :  il  tant  y 
faire  attention  pour  certaines  expériences. 

On  dit  bain  de  fable  ou  de  cendre  ,  lorf  qu'au  lieu 
d'eau  ,  on  met  du  fable  ou  de  la  cendre.  Voyç{  nos 
figures  de  Chimie. 

Bains  vaporeux,  font  termes  de  Médecine,  qui  ne  figni- 
fient  autre  chofe  que  ce  qu'on  entend  en  Chimie  par 
bain  de  vapeur.  Le  bain  vaporeux  eft  une  eipece  d'é- 
tuve  qui  fe  fait  en  expolant  le  malade  à  la  vapeur 
chaude  d'une  eau  médicinale ,  ou  de  décoctions  d'her- 
bes appropriées  à  la  maladie  qu'on  veut  guérir.  (Jf) 
Bain  ,  en  Chimie  &  à  la  Monnoie  ;  on  dit  qu'un 
métal  eft  en  bain ,  lorfque  le  feu  i'a  mis  en  état  de 
fluidité  :  c'eft  alors  qu'on  le  remue  ,  ou  qu'on  le  braf- 
fe  avec  des  cuillieres  de  fer,  fi  c'eft  argent  ou  cuivre; 
pour  l'or,  il  ne  le  brade  point  avec  le  fer,  mais  avec 
une  efpece  de  quille  faite  de  terre  à  creufet ,  Cv  cuite. 
Foyei  Brasser  ,  Brassoir  ,  Quille. 

Bain  ,  eft  un  terme  'génétique  ,  il  le  prend  chez 
un  grand  nombre  d'Artiftes ,  &  pour  les  Ûque       .    I 
pour  les  vaiffeaux  dans  lefquels  ils  donnent  qi 
préparations  à  leurs  o 

Bain  ou  BouiN  ,  terme  ."Architecture  ;  on  d 
çonner  à  bain  ou  àbouin  de  mortier ,  lorfqu'on  polo  les 
pierres,  qu'on  jette  les  n     juons,  Cv  qu  on  ai 
pavés  en  plein  mortier.  (P) 

Bain,  mettre  a  bain ,  en  Maçonnerie,  c'eft  employer 
à  la  liaifon  des  parties  d 

quantité  de  plâtre  qu'il  eit  poffible  ;  on  ie  l 

mot  bain,  parce  qu'alors  les  pierres  ou  moellons  .ont 
entièrement  couverts  &  em'uits  de  tout  cote. 

Bain  ,  c  eft  ainfi  que  les  Pluma-fiers  appellent  une 
poelle  de  cuivre  battu  dans  laquelle  ils  plongent  ou 
jettent  les  plumes  qu'ils  veulent  mettre  en  couleur. 
Ils  donnent  auffi  ce  nom  à  la  matière  colorante  con- 
tenue dans  la  poelle. 

Bain,  ie  dit  che^  les  Teinturiers  ,  ou  de  la  cuve 


il  B  A  I 

-qui  contient  les  ingrédiens  dans  lefquels  on  met  les 
étoffes  pour  les  colorer ,  ou  des  ingrédiens  même  con- 
tenus dans  la  cuve  ;  ainlï  l'on  dit  mettre  au  bain ,  & 
l'on  dit  auffi  bain  d'alun ,  bain  de  cochenille  ,  &c. 

Bain  (  chevaliers  du  )  (  Hijl.  mod.  )  ordre  militaire 
intitulé  par  Richard  II.  roi  d'Angleterre  ,  qui  en  fixa 
le  nombre  à  quatre  ,  ce  qui  n'empêcha  pas  Henri  IV. 
fonfucceffeur  de  l'augmenter  de  quarante-deux  ;  leur 
deviié  étoit  très  in  uno  ,  trois  en  un  feul ,  pour  ligni- 
fier les  trois  vertus  théologales.  Leur  coutume  étoit 
<le  lé  baigner  avant  que  de  recevoir  les  éperons  d'or: 
mais  cela  ne  s'obiérva  que  dans  le  commencement , 
&  s'abolit  enfuite  peu  à  peu ,  quoique  le  bain  fût  l'o- 
rigine du  nom  de  ces  chevaliers  ,  &  que  leurs  ftatuts 
portaffent  que  c  'étoit  pour  acquérir  une  pureté  de  cœur 
&  avoir  Vame  monde  ,  c'eft- à-dire  pure.  L'ordre  de 
chevaliers  du  bain  ne  le  confère  prefque  jamais  ,  fi  ce 
n'eft  au  couronnement  des  rois  ,  ou  bien  à  l'inftalla- 
tion  d'un  prince  de  Galles,  ou  d'un  duc  d'Yorck.  Ils 
portent  un  ruban  rouge  en  baudrier.  Camden  &  d'au- 
tres écrivains  diiént  que  Henri  IV.  en  fùtl'inftituteur 
en  1399  ,  à  cette  occafion  :  ce  prince  étant  dans  le 
bain ,  un  chevalier  lui  dit  que  deux  veuves  étoient 
venues  lui  demander  jultice  ;  &  dans  ce  moment  il 
fauta  hors  du  bain  en  s'écriant  que  la  jufiiee  envers fes 
fujeis  étoit  un  devoir  préférable  au  plaifir  de  fe  baigner , 
&  enfuite  il  créa  un  ordre  des  chevaliers  du  bain  :  ce- 
pendant quelques  auteurs  Ibûtiennent  crue  cet  ordre 
exiftoit  long-tems  avant  Henri  IV.  &  le  font  remon- 
ter jufqu'au  tems  des  Saxons.  Ce  qu'il  y  a  de  certain , 
c'elt  que  le  bain  ,  dans  la  création  des  chevaliers , 
avoit  été  long  -  tems  auparavant  en  ulage  dans  le 
.royaume  de  France  ,  quoiqu'il  n'y  eût  point  d'ordre 
de  chevaliers  du  bain. 

L'ordre  des  chevaliers  du  bain ,  après  avoir  été  com- 
me enléveli  pendant  bien  des  années,  commença  de 
renaître  fous  le  règne  de  Georges  premier ,  qui  en 
créa  folennellement  un  grand  nombre.  (G) 

BAJON,  f.  m.  on  appelle  ainfi  fur  les  rivières  la 
plus  haute  des  planches  ou  des  barres  du  gouvernail 
d'un  bateau  foncet.  (Z) 

*  BAI  ONE.  Voyei  Bayone. 

BAlONE,dite  Baionade  Gali^ia  (Géog.  anc.  &  mod.') 
ville  maritime  d'Efpagne  ,  dans  la  Galice  ,  à  l'em- 
bouchure du  Minho.  Quelques  Géographes  la  pren- 
nent pour  les  Aqucz  Celina  de  Ptolomée  ;  d'autres 
veulent  que  ce  foit  Orenfe ,  fur  la  même  rivière  que 
Baione  :  fa  long,  eft  g.  &  fa  lat.  41.  64. 

BAJOYERS  ou  JOUILLIERES,  f.  f.  pi.  (Hydraul.) 
font  les  ailes  de  maçonnerie  qui  revêtiffent  l'efpace 
ou  la  chambre  d'une  éclufe  fermée  aux  deux  bouts 
par  des  portes  ou  des  vannes  que  l'on  levé  à  l'aide 
de  cables  qui  filent  fur  un  treuil ,  que  plulîeurs  hom- 
mes maneuvrent. 

On  pratique  le  long  des  bajoyers ,  des  contreforts , 
des  enclaves  pour  loger  les  portes  quand  on  les  ou- 
vre ,  &  des  pertuis  pour  communiquer  l'eau  d'une 
éclufe  des  deux  côtés  ,  fans  être  obligé  d'ouvrir  fes 
portes.  (K) 

*  On  donne  auffi,  fur  les  rivières,  le  nom  de  ba- 
joyers aux  bords  d'une  rivière ,  près  les  culées  d'un 
pont. 

B  AJOIRE  ,  f.  f.  à  la  Monnoit ,  c'eft  une  pièce ,  ou 
médaille  qui  a  pour  effigie  deux  têtes  de  profil ,  qui 
femblent  être  appuyées  l'une  fur  l'autre ,  telle  que 
l'on  en  voit  de  Louis  &  de  Carloman ,  de  Henri  IV 
tk  de  Marie  de  Medicis. 

BAJOUES  f.  f.  pi.  ou  COUSSINETS,  (Jrtsmé- 
chaniques.  )  ce  font  des  éminences  ou  boffages  ,  qui 
tiennent  aux  jumelles  d'une  machine  ,  telle  que  le 
tire-plomb  dont  les  Vitriers  fe  fervent  pour  fondre  le 
plomb  qu'ils  employent  pour  les  vitres.  Voye^  Tire- 
plomb. 

B  AIRAM ,  f.  m.  (Hijl.  mod.)  nom  donné  à  la  gran- 


B  A  I 

de  fête  annuelle  des  Mahométans.  Voye^  Fête  ,  &c. 
Quelques  Auteurs  écrivent  ce  mot  plus  conformé- 
ment à  l'orthographe  orientale  beiram;  c'eft  originai- 
rement un  mot  Turc  ,  qui  fignifîe  à  la  lettre  un  jour 
de  fête  ,  ou  unejolennité.  C'elt  la  pâque  des  Turcs. 

Les  Mahométans  ont  deux  bairams ,  le  grand  &  le 
petit ,  que  Scaliger  ,  Erpenius ,  Ricaut ,  Hyde,  Char- 
din ,  Bobovius  ,  &  d'autres  écrivains  Européens  , 
prennent  ordinairement  l'un  pour  l'autre ,  donnant  à 
ce  que  les  Turcs  appellent  le  petit  bairam  ,  le  nom  de 
grand;  &  au  contraire.  Le  petit  bairam  dure  trois  jours, 
pendant  lefquels  tout  travail  ceffe ,  &  l'on  s'envoye 
des  préfens  l'un  à  l'autre  avec  beaucoup  de  marques 
de  joie.  Si  le  lendemain  du  ramadhan  fe  trouve  fi  nébu- 
leux &  couvert  qu'on  ne  puiffe  pas  voir  la  nouvelle 
lune  ,  on  remet  le  bairam  au  lendemain  :  il  commence 
ce  jour-là  ,  quand  même  la  lune  leroit  encore  cachée , 
&  il  eft  annoncé  par  des  décharges  de  canon  au  fé- 
rail ,  &  au  lbn  des  tambours  &  des  trompettes  dans 
les  places  publiques.  En  célébrant  cette  fête  ,  les 
Turcs  font  dans  leurs  mofquées  quantité  de  cérémo- 
nies ,  ou  plutôt  de  iîmagrées  bifarres  ,  &  finiffent  par 
une  prière  folennelle  contre  les  infidèles  ,  dans  la- 
quelle ils  demandent  que  les  princes  Chrétiens  foient 
extirpés  ;  qu'ils  s'arment  les  uns  contre  les  autres,  &c 
qu'ds  donnent  ainfi  occalîon  à  la  loi  Mahométane 
de  s'étendre.  On  fe  pardonne  mutuellement  les  inju- 
res ,  &  l'on  s'embraffe  en  dhant  ,  Dieu  te  donne  la 
bonne  pique. 

Autant  la  rigueur  du  ramadham  a  été  extrême  , 
autant  la  débauche  &  l'intempérance  règne  pendant 
les  jours  du  bairam  :  ce  ne  font  que  feltins  &  réjoùif- 
iances  ,  tant  dans  le  férail  où  le  Sultan  admet  les 
grands  de  l'empire  à  lui  baifer  la  main ,  &  marche 
avec  eux  en  pompe  jufqu'à  la  grande  molquée  ,  que 
dans  la  ville ,  où  tous  les  Turcs  jufqu'aux  plus  pau- 
vres ,  tuent  des  moutons ,  auxquels  ils  donnent  le 
nom  &  agneau  paj'cal ,  non  fur  le  même  fondement 
que  les'Juifs  ,  mais  en  mémoire  du  facrifice  d'Abra- 
ham ,  dans  lequel ,  difent-ils ,  l'ange  Gabriel  apporta 
du  ciel  un  mouton  noir,  qui  depuis  très  -  long  -  tems 
avoit  été  nourri  en  paradis  ,  &  qu'il  mit  en  la  place 
d'Ifaac.   Voyei  Ramadhan.  (  G  ) 

BAISÉ  ,  bout  baifé.  On  donne  ,  dans  les  manufac- 
tures où  Con  tire  la  foie  ,  le  nom  de  bout  baifé  à  une 
portion  de  fils  de  foie ,  compofée  de  deux  fils  ou  da- 
vantage ,  qui  fe  font  appliqués  l'un  fur  l'autre ,  félon 
leur  longueur  pendant  le  tirage  ,  &  fe  font  collés  en- 
femble  en  fe  fechant.  Il  eft  très -important  d'éviter 
ce  défaut.  Une  foie  où  les  baifemens  de  fils  auroient 
été  fréquens,  fe  devideroit  avec  peine.  Voye-^  l'arti- 
cle Tirage  de  soie. 

Baisé  ,  adj.  (  Pajfement.  )  fe  dit  du  tiffu  d'un  ou- 
vrage qui  a  été  peu  frappé  par  le  battant ,  &  où  la 
trame  n'eft  pas  ferrée.  Le  baifé  elt  pofitivement  le 
contraire  de  frappé.  Voye^  Frappe. 

BAISE-MAIN  ,  f.  m.  (  Hijl.  anc.  &  mod.  )  marque 
d'honneur  ou  de  reipett  prefqu'univerfellement  ré- 
pandue par  toute  la  terre ,  &  qui  a  été  également  par- 
tagée entre  la  religion  &  la  fociété.  Dès  les  tems  les 
plus  reculés  ,  on  faluoit  le  foleil ,  la  lune ,  &  les  étoi- 
les en  baifant  la  main.  Job  fe  défend  de  cette  iùperf- 

tition  :  fi  vidi  folem autlunam &  ofculatusfum 

manum  meam  ore  meo.  On  rendoit  le  même  honneur 
à  Baal.  Lucien  ,  après  avoir  parlé  des  différentes  for- 
tes de  facrifices  que  les  perfonnes  riches  offroient  aux 
dieux  ,  ajoute  que  les  pauvres  les  adoroient  par  de 
fimples  baijé-mains.  Pline  de  Ion  tems  mettoit  cette 
même  coutume  au  nombre  des  ufages  dont  on  igno- 
roit  l'origine  :  In  adorando ,  dit-il ,  dexteram  ad  ofeulum 
referimus.  Dans  l'Eglife  même,  les  évêques  ce  les  offi- 
cians  donnent  leur  main  à  baifer  aux  autres  miniftres 
qui  les  fervent  à  l'autel. 

Dans  la  fociété ,  faction  de  baifer  la  main  a  toû- 


B  A  I 

jours  été  regardée  comme  un  formulaire  muet,  pour 
afTùrer  les  reconciliations ,  demander  des  grâces ,  re- 
mercier de  celles  qu'on  a  reçues ,  marquer  fa  véné- 
ration à  les  fupérieurs.  Dans  Homère ,  le  vieux  Priam 
baifc  les  mains  d'Achille  ,  lorfqu'il  le  conjure  de  lui 
rendre  le  corps  de  fbn  fils  Hedlor.  Chez  les  Romains 
les  tribuns ,  les  confuls ,  les  dictateurs  donnoient  leur 
main  à  baifer  à  leurs  inférieurs  ,  ce  que  ceux-ci  appel- 
loient  acccdcre  admanum.  Sous  les  empereurs ,  cette 
conduite  devint  un  devoir  ellentiel,  même  pour  les 
grands  ;  car  les  courtifans  d'un  rang  inférieur  étoient 
obligés  de  le  contenter  d'adorer  la  pourpre  en  fe  met- 
tant à  genoux  ,  pour  toucher  la  robe  du  prince  avec 
la  main  droite  qu'ils  portoientenfuite  à  leur  bouche  : 
honneur  qui  ne  fut  enfuite  accordé  qu'aux  confuls 
&  aux  premiers  officiers  de  l'Empire  ,  les  autres  fe 
contentant  de  faluer  le  prince  de  loin  en  portant  la 
main  à  la  bouche ,  comme  on  le  pratiquoit  en  ado- 
rant les  dieux. 

La  coutume  de  baifer  la  main  du  prince  ,  eft  en 
ufage  dans  prefque  toutes  les  cours  de  l'Europe ,  & 
fur-toutenEfpagne,  où  dans  les  grandes  cérémonies 
les  grands  font  admis  à  baifer  la  main  du  roi.  Dap- 
per ,  dans  fon  Afrique ,  afiure  que  les  Nègres  font  en 
pofleflion  de  témoigner  leurs  refpefts  pour  leurs  prin- 
ces ou  chefs  par  des  baije-mains.  Et  Fernand  Cortez 
trouva  cette  pratique  établie  au  Mexique  ,  où  plus 
de  mille  feigneurs  vinrent  le  faluer  en  touchant  d'a- 
bord la  terre  avec  leurs  mains  ,  &  les  portant  en- 
fuite  à  leur  bouche.  (  G  ) 

BAISE -MAIN,  en  Droit,  fignifie  Y  offrande  qu'on 
donne  aux  curés.  Les  curés  de  Paris ,  dit-on  en  ce  fens , 
n'ont  point  la  dixme  :  ils  n'ont  que  le  baife-main.  Cette 
expreflion  vient  de  ce  qu'autrefois  en  fe  préfentant 
à  l'offrande ,  on  baifoit  la  main  du  célébrant.  (  i7) 

BAISER ,  terme  de  Géométrie.  On  dit  que  deux  cour- 
bes ,  ou  deux  branches  de  courbes  fe  baifent ,  lorf- 
qu'elles  fe  touchent  en  tournant  leurs  concavités  vers 
le  même  côté  ;  c'eft-à-dire ,  de  manière  que  la  conca- 
vité de  l'une  regarde  la  convexité  de  l'autre  :  mais 
fi  l'une  tourne  fa  concavité  d'un  côté  ,  Si.  l'autre  d'un 
autre  côté ,  ou  ce  qui  revient  au  même  ,  fi  les  deux 
convexités  fe  regardent  ,  alors  on  dit  fimplement 
qu'elles  fe  touchent.  Ainfi  le  point  baijant  &c  le  point 
touchant  font  différens. 

On  employé  plus  particulièrement  le  terme  de 
baifer ,  pour  exprimer  le  contadl  de  deux  courbes  qui 
ont  la  même  courbure  au  point  de  contacï ,  c'eft-à- 
dire  ,  le  même  rayon  de  développée.  Le  baifement 
s'appelle  encore  alors  ofculation.  y.  Osculation  , 
Développée,  Courbure,  &c  (O) 

*  B  AISSAN  ,  (  Géog.  )  ville  d'Afrique  dans  la  Bar- 
barie, à  feize  mille  de  Tripoli. 

*  BAISSER  ,  abaiffer,  (  Gramm.  )  Baiffer  {q  dit  des 
objets  qu'on  veut  placer  plus  bas ,  dont  on  a  diminué 
la  hauteur,  &  de  certains  mouvemens  du  corps.  On 
baifft  une  poutre  ,  on  baiffe  les  yeux.  Abaiffer  fe  dit 
des  chofes  faites  pour  en  couvrir  d'autres  ;  abaifferlc 
deflus  d'une  caflette  ;  abaiffer  les  paupières.  Exhauf- 
fer,  élever  ,  font  les  oppofés  de  baiffer;  lever,  relever, 
font  les  oppofés  d 'abaiffer.  Baiffer  eft  quelquefois  neu- 
tre ;  abaiffer  ne  l'eft  jamais.  On  baiffe  en  diminuant  ; 
on  le  baiffe  en  fe  courbant  ;  on  s'abaiffe  en  s'humi- 
liant  ;  les  rivières  baiffent  ;  les  grandes  perfonnes  font 
obligées  de  fe  baiffer  pour  palier  par  des  endroits 
moins  élevés  qu'eux  ;  il  eft  quelquefois  dangereux  de 
s' abaiffer.  Synom.  Franc. 

Baisser  les  hanches,  fe  dit ,  en  Manège ,  du  che- 
val. Voyc^  Hanches.  (V) 

Baisser  la  lance.  Voye{  LANCE.   (  V) 

*  Baisser  la  vigne  ,  (  Agriculture.  )  c'eft  lier  les 
branches  taillées  à  l'échalas. 

BA1SSIERE  ,  f.  f.  (  Vinaigrier.  )  c'eft  ainfi  qu'on 
appelle  cette  liqueur  trouble  &  chargée ,  qui  couvre 


B  A  K 


n 


la  lie  de  PépaiiTeur  de  quelques  lignes ,  plus  ou  moins, 
lorfqu'un  tonneau  d'huile  ou  de  liqueur  fermentée  , 
quelle  qu'elle  foit ,  tire  à  fa  fin.  On  dit  baifjhre  de 
vin ,  de  cidre ,  de  bierre. 

BAISSOIRS ,  f.  m.  pi.  c'eft  le  nom  qu'on  donne 
dans  les  Salines  ,  aux  réfervoirs  ou  magafins  d'eau. 
Le  bâti  en  eft  de  bois  de  chêne  &  de  madriers  fort 
épais ,  contenus  par  de  pareilles  pièces  de  chêne  qui 
leur  font  adoffées  par  le  milieu.  La  fuperficie  de  ces 
magafins  eft  garnie  &  liée  de  poutres  auffi  de  chêne , 
d'un  pié  d'épaifleur,  &  placées  à  un  pic  de  diftance 
les  unes  des  autres.  Les  planches  &  madriers  qui  les 
compofent ,  font  garnis  dans  leurs  joints  de  chan- 
touilles  de  fer ,  de  moufle  &  d'étoupe,  pouffées  à  force 
avec  le  cifeau  ,  &  goudronnées.  Le  bâti  eft  élevé  au- 
defliis  du  niveau  des  poelles.  Ce  magafin  d'eau  eft  di- 
vifé  en  deux  baiffoirs ,  ou  parties  inégales  ,  qui  abreu- 
vent à  Moyenvic  cinq  poelles  par  dix  conduits.  Voyt^ 
la  quantité  d'eau  &  le  toifé  de  ces  baij/oirs ,  à  l'aiticle 
Saline.  Elles  font  élevées  au-deflus  du  niveau  des 
poelles,  &  fupportées  par  des  murs  d'appui ,  diftans 
les  uns  des  autres  de  trois  pies  ou  environ  ;  ce  qui 
en  affûre  la  folidité.  Voye^  Planche  1.  des  Salines  ; 
8 ,  8 ,  les  auges  qui  conduilent  les  eaux  aux  baijjoirs. 

BAJULE  ,  Bajulus  ,  (Hift.  anc.~)  nom  d'un  magif- 
trat  du  bas  Empire.  On  croit  que  c'étoit  le  nom  qu'on 
donnoit  aux  perfonnes  chargées  de  l'éducation  du 
préfomptif  héritier  de  la  couronne  dans  l'empire  de 
Conftantinople  ;  &  l'on  tire  ce  mot  du  Latin  kaju- 
lart ,  porter  ;  comme  pour  lignifier  que  les  inftitu- 
teurs  de  ce  prince  l'avoient  porté  entre  leurs  bras  ,  & 
on  en  diftinguoit  de  plufieurs  degrés.  Le  précepteur 
portoit  le  titre  de  grand  bajule ,  &  celui  de  bajule  fim- 
plement étoit  donné  aux  foûprécepteurs.  Si  l'expref- 
fion  n'étoit  pas  noble  ,  elle  étoit  du  moins  énergique 
pour  infinuer  que  l'éducation  d'un  prince  eft  un  tar- 
deau  bien  redoutable.  (<?  ) 

Bajule,  {Hijl.  mod.  )  miniftre  d'état  chargé  du 
poids  des  affaires.  Notre  hiftoire  remarque  que  Char- 
lemagne  donna  Arnoul  pour  bajule ,  c'eft-à-dire  pour 
miniftre ,  à  fon  fils  Louis  d'Aquitaine  ;  &  les  Italiens 
entendent  par  bajule  d'un  royaume  ,  ce  que  les  An- 
glois  nomment  protecteur  ,  ce  ce  que  nous  appelions 
régent  du  royaume  dans  une  minorité.    (  G  ) 

B  AI  VE  ,  f.  m.  (  Hijl.  mod.  )  taux  dieu  des  Lapons 
idolâtres  ,  qu'ils  adorent  comme  l'auteur  de  la  lu- 
mière &  de  la  chaleur.  On  dit  communément  que 
c'eft  le  foleil  ;  d'autres  croyent  que  c'eft  le  feu  ;  6c 
quelques-uns  rapportent  qu'autrefois  parmi  ces  peu- 
ples, le  grand  dieu  Thor  étoit  appelle  Thiermes  ou 
Aijke,  quand  ils  l'invoquoient  pour  la  conlervation 
de  leur  vie  ,  &  pour  être  défendus  contre  les  inllil- 
tes  des  démons  ;  mais  qu'il  étoit  nommé  Baive ,  lorf- 
qu'ils  lui  demandoient  de  la  lumière  &  de  la  chaleur. 
Ces  idolâtres  n'ont  aucune  figure  particulière  de  ce 
dieu ,  foit  parce  qu'il  eft  vifible  de  lui-même ,  ou  plu- 
tôt parce  que  félon  les  plus  intelligens  dans  les  n\  i- 
tercs  de  cette  fupcrftition  ,  Thor  &  Baive  ne  font 
qu'une  même  divinité ,  adorée  fous  différens  afpefts. 
Scheffer,  hijl.  de  Laponie.   (<?) 

*  BAKAN ,  (  Géog.  )  ville  de  Perfe  dans  le  Chir- 
van ,  à  l'extrémité  du  golfe  de  Guillan  fur  la  mer 
Cafpienne.  Long.  8$.  lat.  40.  20. 

*  BAKINGLE  ,  (  Géog.  )  l'une  des  Philippines 
dans  l'océan  de  la  Chine,  elle  â.  douze  ou  quinze 
lieues  de  tour. 

BAKISCH.  Voyei  Bacar. 

*  BALAATH  ou  BAALATH,  (Géog./ainte.)  ville 
de  Paleftine  dans  la  tribu  de  Dan. 

BALADIN  ,  f.  m.  danftur farceur ,  bouffon  ,  qui  en 
danfant,  en  parlant  ou  en  agiflant ,  fait  des  pollures 
de  bas  comique.  Le  bon  goût  lémbloit  avoir  banni  des 
fpeâacles  de  France  ces  fortes  de  caractères ,  qui  y 
étaient  autrefois  en  ufage.  L'opéra  comique  les  y 


*4 


BAL 


avoit  fait  revivre.  La  fagefle  du  gouvernement  en 
aboliflant  ce  fpe&acle  ,  auffi  dangereux  pour  les 
mœurs  que  préjudiciable  au  progrès  &  à  la  perfec- 
tion du  goût ,  les  a  fans  doute  bannis  pour  jamais. 
Voye[  Opéra  comique.  (5) 

BALADOIRE  ,  adj.  danfe  baladoire ,  il  le  décline  : 
ce  font  les  danfes  contre  lefquelles  les  faints  canons, 
les  Pères  de  l'Eglife  &  la  difcipline  eccléliaftique  fe 
font  élevés  avec  tant  de  force  :  les  Payens  mêmes 
réprouvoient  ces  danfes  licencieufes.  Les  danleurs  & 
les  danfeufes  les  exécutoient  avec  les  pas  &  les  geftes 
les  plus  indécens.  Elles  étoient  en  ufage  les  premiers 
jours  de  Tan  &:  le  premier  jour  de  Mai.  foy.  Danse. 

Le  pape  Zacharie  en  744  fit  un  décret  pour  les 
abolir ,  ainfi  que  toutes  les  danfes  qui  fe  taifoient 
fous  prétexte  de  la  danle  facrée. 

Il  y  a  plufieurs  ordonnances  de  nos  Rois  qui  les  dé- 
fendent ,  comme  tendantes  à  la  corruption  totale 
des  moeurs.  Recueil  tTédits  ,  ordonnances  &  déclara- 
tions des  Rois  de  France.  (5) 

*  BALAGANSKOI ,  (  Géog.  )  ville  des  Moscovi- 
tes dans  la  Sibérie ,  partie  de  la  grande  Tartarie  : 
elle  eft  fur  la  rivière  d'Angara  ,  au  1 14.  degré  de  Ion- 
git.  &  au  à  O  •  de  lat. 

*  BALAGNE  (  la  )  Géog.  petite  contrée  fepten- 
trionale  de  l'île  de  Corfe  :  Calvi  en  eft  la  capitale. 

*  BALAGUATE  ,  ou  BALAGATE  ,  province 
d'Afie  au  Mogol  :  Aurengabad  en  eft  la  capitale. 

*  BALAGUER ,  (  Géog.  )  ville  d'Efpagne  dans  la 
Catalogne  furlaSegre.  Long.  18.  zS.lat.  41.38. 

*  BALAI ,  f.  m.  en  général ,  infiniment  deftiné 
principalement  à  ramafler  des  ordures  éparfes  ,  &  à 
en  nettoyer  les  corps  ou  les  lieux.  Les  balais  domef- 
tiques  font  faits,  ou  de  petites  branches  de  bou- 
leau &  de  genêt  attachées  avec  trois  liens  d'oiier  ou 
de  châtaigner  à  l'extrémité  d'un  gros  manche  de  bois 
long  &  rond  ;  ou  de  joncs  ficelles  &  fixés  fur  le  man- 
che avec  un  clou  ;  on  les  poifle  fur  la  ficelle  quand 
ils  doivent  fcrvir  aux  cochers  &  palfreniers  ;  ou  de 
barbe  de  rofeaux  ;  ou  de  plumes ,  ou  de  crins  ,  ou 
poils  de  fangliers  collés  avec  de  la  poix  de  Bour- 
gogne dans  une  large  patte  de  bois  percée  de  plufieurs 
trous,  &  emmanchée  d'un  long  bâton  placé  perpen- 
diculairement au  milieu  de  la  pâte.  Ce  font  des  Bû- 
cherons qui  font  les  premiers ,  &  les  Vergetiers  qui 
font  les  féconds.  Les  balais  de  bouleau  fervent  à  net- 
toyer les  cours  ,  les  cuilines ,  les  rues  ,  &  tous  les  en- 
droits oii  il  s'amafte  de  grofles  ordures.  Les  balais  de 
crin  ou  de  poil  ne  s'employent  que  dans  les  appar- 
temens  frottés ,  où  il  fe  fait  plus  de  pouffiere  que  d'or- 
dure. Les  balais  de  plumes ,  félon  que  le  manche  en 
eft  court  ou  long  ,  retiennent  le  nom  de  balai,  ou 
s'appellent  houjfoirs.  Les  balais  de  plumes  fervent 
pour  les  glaces  ôc  les  meubles ,  &  ce  font  auffi  les 
.Vergetiers  qui  les  font. 

Les  Orfèvres  greffiers  donnent  le  nom  de  balai  à 
un  vieux  linge  attaché  au  bout  d'un  bâton  qui  leur 
fert  à  nettoyer  l'enclume. 

Il  y  a  encore  d'autre  fortes  de  balais  :  mais  l'ufage 
&  la  forme  en  font  fi  connus,  qu'il  feroit  inutile  d'en 
faire  mention  plus  au  long. 

BALAI  du  Ciel  ,  en  Marine ,  c'eft  le  vent  de  nord- 
eft ,  qu'on  appelle  ainli  à  caufe  qu'il  nettoyé  le  ciel  de 
nuages.  (-Z) 

BALAI ,  (  Chirurgie.  )  broj/cs  ou  vergettes  de  I'efto- 
mac, inftrumentdont  on  peut  fe  fervir  fort  utilement 
pour  repoufler  quelques  corps  étrangers  arrêtés  dans 
î'œfophage  ,  les  retirer  s'il  eft  poffible ,  ou  changer 
leur  mauvaife  détermination  en  une  meilleure. 

Cet  infiniment  eft  compofé  d'un  petit  faifeeau  de 
foies  de  cochon  ,  les  plus  molles  &  les  plus  fouples  , 
attachées  à  une  tige  de  fil  de  fer  ou  de  léton  flexible. 
Voye^  Plan.  XXVIll.  fig.  2.  il  a  été  inventé  pour 
balayer  i'eftomac ,  ôc  provoquer  le  vomillement. 


BAL 

Pour  en  faire  ufage ,  on  fait  avaller  au  malade  un 
verre  d'eau  chaude  ,  afin  de  délayer  les  mucofités 
glaireufes  qui  féjournent  dans  I'eftomac  ;  on  trempe 
le  petit  balai  dans  quelque  liqueur  convenable ,  on 
l'introduit  dans  I'œfophage  ,  &  on  le  conduit  douce- 
ment &  avec  précaution  jufque  dans  I'eftomac  ;  on 
lui  fait  faire  des  mouvemens  en  divers  fens  de  haut 
en  bas  &  de  bas  en  haut ,  comme  on  fait  au  pifton 
d'une  feringue  ;  puis  on  retire  tout-à-fait  l'inftrument: 
le  malade  rejette  la  liqueur  qu'il  a  bûe  ,  &c  les  hu- 
meurs que  le  balai  a  détachées  des  parois  de  I'efto- 
mac. 

Les  Médecins  étrangers  qui  fe  fervent  de  cet  inf- 
trument,  recommandent  de  réitérer  cette  opération 
de  tems  en  tems  :  ils  prétendent  que  ce  remède,  qu'ils 
regardent  comme  excellent  &  iupérieur  à  tous  les 
purgatifs ,  eft  capable  i'eul  de  conduire  les  hommes  à 
une  extrême  vieillefle ,  fi  on  le  répète  d'abord  toutes 
les  femaines  ,  puis  tous  les  quinze  jours ,  &  enfin  ré- 
gulièrement tous  les  mois.  Ces  belles  promefles  n'ont 
encore  furpris  la  bonne  foi  de  perfonne  en  France. 

M.  Houftet ,  membre  de  l'Académie  royale  de  Chi- 
rurgie ,  a  vu  en  Allemagne  un  homme  qui  fe  fervoit 
de  cet  initrument  pour  gagner  de  quoi  vivre  :  il  fe 
l'introduifoit  dans  I'eftomac  ;  il  le  tournoit  en  diver- 
fes  manières  ,  comme  font  les  Cabaretiers  lorfqu'ils 
rincent  leurs  bouteilles  avec  leur  goupillon  ;  cet  hom- 
me le  retiroit  enfuite ,  tk.  rejettoit  par  le  vomiffement 
la  liqueur  qu'il  bûvoit  auparavant.  (  F) 

Balai  ,  f.  m.  c'eft  ainfi  qu'on  nomme  en  Faucon* 
r.erie  la  queue  de  l'ôifeau. 

BALAIEURS  PUBLICS ,  (  Police.  )  gens  établis 
par  la  police  pour  le  nettoyement  des  places  &  des 
marchés.  Voye^  Placier. 

BALAIEUR  d'un  navire ,  (  terme  de  Marine.  )  c'eft 
celui  qui  eft  chargé  de  le  tenir  net. 

BALAIS  ,  (  HÏJI.  nat.  )  rubis  balais ,  rubinus  balaf- 
fius ,  pierre  précieuiê  mêlée  de  rouge  &  d'orangé.  On 
a  donné  à  ce  rubis  le  nom  de  balais  ,  pour  le  diftin- 
guer  des  autres  rubis.  Voye\_  Rubis. 

On  a  prétendu  dériver  le  mot  balais  du  nom  d'un 
royaume  où  il  fe  trouve  de  ces  rubis  ,  &  qui  eft  fitué 
en  terre  ferme  entre  ceux  de  Pégu  &  de  Bengale.  Il 
y  a  eu  encore  d'autres  opinions  fur  cette  étymologie. 

*  BALAMBUAN  ,  ou  PALAMBUAN ,  (  Géog. 
mod.  )  ville  d'Afie  dans  les  Indes  fur  la  côte  orienta- 
le de  l'île  de  Java  ,  dans  le  pays  de  mêmes  noms  , 
dont  elle  eft  capitale.  Longit.  133.  latit.  méridion. 
y.  âo. 

BALANCE  ,  f.  f.  eft  l'une  des  fix  puifiances  fim- 
ples  en  Méchanique ,  fervant  principalement  à  faire 
connoître  l'égalité  ou  la  différence  de  poids  dans  les 
corps  pefans  ,  &  par  conféquent  leur  marie  ou  leur 
quantité  de  matière. 

Il  y  a  deux  fortes  de  balance ,  1' 'ancienne  &  la  mo- 
derne. 

\J ancienne  ou  la  romaine  ,  appellée  auffi  pefon  , 
conlifte  en  un  levier  qui  fe  meut  fur  un  centre  ,  & 
qui  eft  fufpendu  près  d'un  des  bouts.  D'un  côté  du 
centre  on  applique  le  corps  qu'on  veut  peier  ;  de 
l'autre  côte  l'on  fufpend  un  poids  qui  peut  glifler  le 
long  du  levier  ,  &  qui  tient  la  balance  en  équilibre  ; 
&  la  valeur  du  poids  à  pefer  s'eftime  par  les  divi- 
fions  qui  font  marquées  aux  différens  endroits  oii  le. 
poids  glifiant  eft  arrêté. 

La  balance  moderne  ,  qui  eft  celle  dont  on  f  e  fert 
communément  aujourd'hui ,  conlifte  en  un  levier  fut 
pendu  précifément  par  le  milieu  :  il  y  a  un  plat  ou 
baffin  fufpendu  par  une  corde  à  chacun  des  deux 
bouts  du  levier  :  dans  l'un  &:  l'autre  cas  le  levier  eft 
appelle  jugum  ,  traverfant  ou  jléau  ,  dont  les  deux: 
moitiés  qui  font  de  l'un  &  de  l'autre  côté  de  l'axe  fe 
nomment  brachia  ,  ou  les  bras,  la  partie  par  où  on  le 

tient 


BAL 

tient  trutina ,  anfc  ou  chaffc  ;  la  ligne  fur  laquelle  le 
levier  tourne  ,  ou  qui  en  divife  les  bras ,  s'appelle 
Vaxe  ,  ou  eflieu.  ;  ôc  quand  on  la  confidere  relative- 
ment à  la  longueur  des  bras ,  on  ne  la  regarde  que 
comme  un  point ,  &C  on  l'appelle  A:  centre  de  la  balan- 
ce }  les  endroits  oùfe  placent  les  poids  le  nomment 
points  de  fufpenjton  ,  ou  d'application. 

Le  petit  ftyle  perpendiculaire  au  fléau  ,  &  qui  fait 
connoître ,  ou  que  les  corps  font  en  équilibre ,  ou 
qu'ils  pefent  plus  l'un  que  l'autre ,  s'appelle  Y  aiguil- 
le ,  en  Latin  examen. 

Ainfi  dans  la  balance  romaine  le  poids  qui  fert  à  con- 
trebalancer ceux  qu'on  veut  connoître,  eft  le  mêmei, 
mais  s'applique  à  différens  points  ;  au  lieu  que  dans 
la  balance  ordinaire  le  contrepoids  varie ,  &  le  point 
d'application  eft  toujours  le  même. 

Le  principe  fur  lequel  la  conftruction  de  l'une  & 
l'autre  balance  eft  fondée  eft  le  même,  &  le  peut  com- 
prendre par  ce  qui  fuit. 

Théorie  de  la  balance.  Le  levier  A  B  (  Voy.  Plan,  de 
"Michan.  fig.  p.  )  eft  la  principale  partie  de  la  balan- 
*e:  c'eft  un  levier  du  premier  genre ,  &  qui  au  lieu 
d'être  pofé  fur  un  appui  en  C,  centre  de  fon  mouve- 
ment, eft  fufpendu  par  une  verge ,  qui  eft  attachée 
au  point  C;  de  forte  que  le  méchanifme  de  la  balance 
dépend  du  même  théorème  que  celui  du  levier.  Poy. 

t,fcVlER. 

Donc  comme  le  poids  connu  eft  à  l'inconnu ,  ainfi 
la  diftance  depuis  le  poids  inconnu  jufqu'au  centre  du 
mouvement  eft  à  la  diftance  où  doit  être  le  poids  con- 
nu, pour  que  les  deux  poids  fe  tiennent  l'un  l'autre 
fcn  équilibre  ;  &  par  conféquent  le  poids  connu  fait 
connoître  la  valeur  du  poids  inconnu. 

Car  comme  la  balance  eft  un  vrai  levier,  fa  pro- 
priété eft  la  même  que  celle  du  levier  ;  lavoir ,  que 
les  poids  qui  y  font  fufpendus,  doivent  être  en  faifon 
inverfe  de  leurs  diftances  à  l'appui,  pour  être  en 
équilibre.  Mais  cette  propriété  du  levier  que  l'expé- 
rience nous  manifefte  ,  n'eft  peut-être  pas  une  chofe 
facile  à  démontrer  en  toute  rigueur.  Il  en  eft  à  peu- 
près  de  ce  principe  comme  de  celui  de  l'équilibre  ; 
on  ne  voit  l'équilibre  de  deux  corps  avec  toute  la 
clarté  poffiblc  que  loricrue  les  deux  corps  font  égaux, 
&  qu'ils  tendent  à  fe  mouvoir  en  fens  contraire  avec 
des  vitcffes  égales.  Car  alors  il  n'y  a  point  de  raifon 
pour  que  l'un  fe  meuve  plutôt  que  l'autre  ;  &  fi  l'on 
veut  démontrer  rigoureufement  l'équilibre  lorfque 
les  deux  corps  font  inégaux ,  &  tendent  à  fe  mou- 
voir en  fens  contraire  avec  des  vîteffes  qui  foient 
en  raifon  inverfe  de  leurs  maffes ,  on  eft  obligé  de 
jappellcr  ce  cas  au  premier ,  où  les  maffes  &  les  vî- 
teffes font  égales.  De  même  on  ne  voit  bien  claire- 
ment l'équilibre  dans  la  balance  que  quand  les  bras 
en  font  égaux  &  chargés  de  poids  égaux.  La  meil- 
leure manière  de  démontrer  l'équilibre  dans  les  au- 
tres cas,  eft  peut-être  de  les  ramener  à  ce  premier, 
fimple  &  évident  par  lui-même.  C'eft  ce  qu'a  fait  M. 
Newton  dans  le  premier  livre  de  fes  Principes ,  fic- 
tion première. 

Soient ,  dit-il ,  {fig.  3.  n°.  4.  Méch.)  OK,  OL,  des 
bras  de  levier  inégaux,  auxquels  foient  iufpcndus 
les  poids  A,  P  ,•  fort  fait  OD  —  à  OL  ,  le  plus  grand 
des  bras,  la  difficulté  fe  réduit  à  démenrrer  que  les 
poids  A,  P,  attachés  au  levier  LOD,  font  en  équi- 
libre. Il  faut  pour  cela  que  le  poids/*  foit  égal  à  la 
partie  du  poids  A  qui  agit  fuivant  la  ligne  DC  per- 
perpendiculaire  à  OD  ;  car  les  brasOX,  OD,  étant 
égaux ,  il  faut  que  les  forces  qui  tendent  à  les  mou- 
voir ,  foient  égales ,  pour  qu'il  y  ait  équilibre.  Or 
l'action  du  poids  A  ,  fuivant  D  C ,  eft  au  poids  A , 
comme  DC  à  DA ,  c'eft-à-dire,  comme  OK  à  OD. 
Donc  la  force  du  poids  A  fuivant  DC—  — — —  .  Et 

comme  cette  force  eft  égale  au  poids  P,  &c  que  OL 
Tom,  II, 


BAL 


25 


:=  OD,  on  aura  — ^ =/",  c'eft-à-dire,  que  les 

poids  A ,  P,  doivent  être  en  raifon  des  bras  de  le- 
vier OL,  OK,  pour  être  en  équilibre. 

Mais  en  démontrant  ainfi  les  propriétés  du  levier, 
on  tombe  dans  un  inconvénient  :  c'eft  qu'on  eft 
obligé  alors  de  changer  le  levier  droit  en  un  levier 
recourbé  &  brifé  en  fon  point  d'appui ,  comme  on 
le  peut  voir  dans  la  démonftration  précédente;  de 
forte  qu'on  ne  dér.;ontre  les  propriétés  du  levier 
droit  à  bras  inégaux  que  par  celles  du  levier  courbe , 
ce  qui  ne  paroit  pas  être  dans  l'analogie  naturelle. 
Cependant  il  faut  avouer  que  cette  manière  de  dé- 
montrer les  propriétés  du  levier  eft  peut-être  la  plus 
exacte  &  la  plus  rigoureufe  de  tontes  celles  qu'on  a 
jamais  données. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  c'eft  une  chofe  affez  finguliere 
que  les  propriétés  du  levier  courbe ,  c'eft-à-dire  dont 
les  bras  ne  font  pas  en  ligne  droite ,  foient  plus  fa- 
ciles à  démontrer  rigoureufement  que  celles  du  le- 
vier droit.  L'auteur  du  traité  de  Dynamique,  imprimé 
à  Paris  en  1743  ,  a  réduit  l'équilibre  dans  le  levier 
courbe  à  l'équilibre  de  deux  puiffances  égales  &  di- 
rectement oppolees  :  biais  comme  ces  piarïances 
égales  &  opposes  s'évrmoù-iïent  dans  le  cas  du  le- 
vier droit,  la  ci.  Monftiaùon  pour  ce  dernier  cas  ne 
peut  être  tirée  qu'indirectement  du  cas  général. 

On  pourreit  démontrer  les  propriétés  du  levier 
droit  dont  les  puiffances  font  parallèles,  en  imagi- 
nant îoure<-  ces  pu'ffances  redu'.es  à  une  feule ,  dont 
la  direction  paffe  par  le  point  d'appui.  C'eft  aùifi  que 
M.  Varignon  en  a  ufé  dans  fa  Mécanique.  Cette  mé- 
thode entre  plufieurs  avantages,  a  celui  de  l'élégance 
&  de  l'uniformité  :  mais  n'a-t-elle  pas  auffi ,  comme 
les  autres,  le  défaut  d'être  indirecte ,  &  de  n'être  pas 
tirée  des  vrais  principes  de  l'équilibre  ?  Il  faut  ima- 
giner que  les  dueefions  des  puiffances  prolongées 
concourent  à  l'infini  ;  les  réduire  enfuite  à  une  feule 
par  la  décompofition ,  èc  démontrer  que  la  direction 
de  cette  dernière  paffe  par  le  point  d'appui.  Doit-on 
s'y  prendre  de  cette  manière  pour  prouver  l'équili- 
bre de  deux  puiffances  égales  appliquées  fuivant  des 
directions  parallèles  à  des  bras  égaux  de  levier  ?  Il 
femble  que  cet  équilibre  eft  auffi  lîmple  ôc  auffi  fa- 
cile à  concevoir,  que  celui  de  deux  puiffances  op- 
pofées  en  ligne  droite  ,  Se  que  nous  n'avons  au- 
cun moyen  direct  de  réduire  l'un  à  l'autre.  Or ,  fi 
la  méthode  de  M.  Varignon  pour  démontrer  l'équi- 
libre du  levier  eft  indirecte  dans  un  cas ,  elle  doit 
auffi  l'être  nécessairement  dans  l'application  au  cas 
général. 

Si  l'on  divife  les  bras  d'une  balance  en  parties  éga- 
les, une  once  appliquée  à  la  neuvième  divilîon  de- 
puis le  centre ,  tiendra  en  équilibre  trois  onces  qui 
feront  à  la  troiùeme  de  i'autre  côté  du  centre  ;  & 
deux  onces  à  la  fixieme  diviiion  agifïent  auffi  forte- 
ment que  trois  à  la  quatrième,  &c.  L'action  d'une 
puifjancc  qui  fait  mouvoir  une  balance  ,  eft  donc  en 
raifon  coinpofée  de  cette  même  puiffance ,  &  de  fa 
dillance  du  centre. 

Il  eft  bon  de  remarquer  ici  que  le  poids  preffe  éga- 
lement le  point  de  fulpeniîon ,  à  quelque  diftance 
qu'il  en  foit  fufpendu,  &  tout  comme  s'il  étoit  atta- 
ché immédiatement  à  ce  point  ;  car  la  corde  qui  lul- 
pend  ce  poids  en  eft  également  tendue  à  qii< 
endroit  que  le  poids  y  foit  placé. 

On  fentbienâu  refte  que  nous  taifonsid  abftrac- 
tion  du  poids  de  la  corde  ,  &:  que  rîou  ;  né  la  regar- 
dons que  comme  une  ligne  fans  épaifleur  ,  car  le 
poids  de  la  corde  s'ajoute  à  celui  du  corps  qui  y  eft 
attaché ,  &  peut  faire  un  effet très-fenfiblé ,  fi  la  corde 
eft  d'une  longueur  conlidérable. 

Une  balance  eft  dite  être  en  équilibre ,  quand  les 
a&ions  des  poids  fur  les  bras  de  la  balanc.  pour  la 


26 


BAL 


mouvoir,  font  égales,  de  manière  qu'elles  fe  de- 
truifent  l'une  l'autre.  Quand  une  balance  eft  en  équi- 
libre, les  poids  qui  font  de  part  &  d'autre  font  dits 
équipondérans ,  c'eft-à-dire ,  qui  fe  contrebalancent. 
Des  poids  inégaux  peuvent  fe  contrebalancer  auffi  : 
mais  il  faut  pour  cela  que  leurs  diftances  du  centre 
foient  en  raifon  réciproque  de  ces  poids  ;  enforte  que 
fi  l'on  multiplie  chaque  poids  par  fa  diftance  ,  les 
produits  foient  égaux  :  c'eft  fur  quoi  eft  fondée  la  conf- 
truction  de  la  balance  romaine ,  ou pefon.  Voye^  Ro- 
maine ,  ou  Peson. 

Par  exemple ,  dans  une  balance  dont  les  bras  font 
fort  inégaux ,  un  baffin  étant  fufpendu  au  bras  le  plus 
court ,  &  un  autre  au  plus  long  bras  divifé  en  parties 
égales  :  fi  l'on  met  un  poids  dans  le  baffin  attaché 
au  plus  petit  bras,  &  qu'en  même  tems  on  place  un 
poids  connu,  par  exemple  une  once,  dans  le  baffin  at- 
taché au  plus  long  bras,  &  qu'on  faffe  gliffer  cebaffin 
fur  le  plus  long  bras  jufqu'à  ce  que  les  deux  poids 
foient  en  équilibre  ;  le  nombre  des  divifions  entre  le 
point  d'appui  &£  le  poids  d'une  once ,  indiquera  le 
nombre  d'onces  que  pelé  le  corps  ,  &  les  fous-divi- 
fions  marqueront  le  nombre  de  parties  de  l'once. 
C'eft  encore  fur  le  même  principe  qu'eft  fondée  la 
balance  trompeufe ,  laquelle  trompe  par  l'inégalité  des 
bras  ou  des  baffins  :  par  exemple  ,  prenez  deux  baf- 
fins  de  balance  dont  les  poids  foient  inégaux  dans  la 
proportion  de  10  à  9  ,  &  fufpendez  l'un  &  l'autre  à 
des  diftances  égales  ,  alors  fi  vous  prenez  des  poids 
qui  foient  l'un  à  l'autre  comme  9  a  1  o  ,  &  que  vous 
mettiez  le  premier  dans  le  premier  baffin  ,  &  l'autre 
dans  le  fécond ,  ils  pourront  être  en  équilibre. 

Plufieurs  poids  ïiifpendus  à  différentes  diftances 
d'un  côté ,  peuvent  fe  tenir  en  équilibre  avec  un 
poids  feul  qui  fera  de  l'autre  côté  ;  pour  cet  effet ,  il 
faudra  que  le  produit  de  ce  poids  par  fa  diftance  du 
centre  ,  foit  égal  à  la  fomme  des  produits  de  tous  les 
autres  poids  multipliés  chacun  par  fa  diftance  du 
centre. 

Par  exemple ,  fi  on  fufpend  trois  poids  d'une  once 
chacun  à  la  deuxième  ,  troifieme  ,  &  cinquième  di- 
vifion  ,  ils  feront  équilibre  avec  le  poids  d'une  once 
appliqué  de  l'autre  côté  du  point  d'appui  à  la  diftan- 
ce de  la  dixième  divifion.  En  effet ,  le  poids  d'une 
once  appliqué  à  la  deuxième  divifion  fait  équilibre 
avec  le  poids  d'un  cinquième  d'once  appliqué  à  la 
dixième  divifion.  De  même  le  poids  d'une  once  ap- 
pliqué à  la  troifieme  divifion  fait  équilibre  à  -^  d'on- 
ce appliqués  à  la  dixième  divifion ,  &  le  poids  d'une 
once  à  la  cinquième  divifion  fait  équilibre  au  poids 
d'une  demi-once  à  la  dixième  divifion  ;  or  un  cinquiè- 
me d'once  avec  ^  d'once  &  une  demi-once ,  font 
une  once  entière.  Donc  une  once  entière  appliquée 
à  la  dixième  divifion ,  fait  feule  équilibre  à  3  onces 
appliquées  aux  divifions  2 ,  3  ,  &  5  ,  de  l'autre  côté 
du  point  d'appui. 

Donc  auffi  plufieurs  poids  appliqués  des  deux  cô- 
tés en  nombre  inégal ,  feront  en  équilibre ,  li  étant 
multipliés  chacun  par  fa  diftance  du  centre  ,  les  fom- 
mes  des  produits  de  part  &  d'autre  font  égales  ;  &  fi 
ces  fommes  font  égales  ,  il  y  aura  équilibre. 

Pour  prouver  cela  par  l'expérience ,  fufpendez  un 
poids  de  deux  onces  à  la  cinquième  divifion ,  &  deux 
autres  chacun  d'une  once  à  la  deuxième  &  à  la  fep- 
tieme  ;  de  l'autre  côté  fufpendez  deux  poids  d'une 
once  auffi  chacun  à  la  neuvième  &  dixième  divifion. 
Ces  deux  tiendront  en  équilibre  les  trois  autres  ;  la 
démonftration  en  eft  à  peu  près  la  même  que  de  la 
proportion  précédente. 

Pour  qu'une  balance  foit  jufte ,  il  faut  que  les  points 
de  fulpenfion  foient  exactement  dans  la  même  ligne 
que  le  centre  de  la  balance,  &  qu'ils  en  foient  égale- 
ment diftans  ;  il  faut  auffi  que  les  bras  foient  de  lon- 
gueur convenable ,  afin  qu'on  s'apperçoive  plus  ai- 


BAL 

fément  s'ils  font  égaux  ,  &  que  l'erreur  qui  peut  ré» 
fulter  de  leur  inégalité  ,  foit  au  moins  fort  petite  ; 
qu'il  y  ait  le  moins  de  frottement  qu'il  eft  poffible 
autour  du  point  fixe  ou  centre  de  la  balance.  Quand 
une  balance  eft  trompeufe  ,  foit  par  l'inégalité  de  fes 
bras  ,  foit  par  celle  de  fes  baffins  ,  il  eft  bien  aifé  de 
s'en  affûrer  :  il  n'y  a  qu'à  changer  les  poids  qui  font 
dans  chaque  baffin ,  &  les  mettre  l'un  à  la  place  de 
l'autre  ;  ces  poids  qui  étoient  auparavant  en  équili- 
bre, cefferont  alors  d'y  être  fi  la  balance  eft  trom- 
peufe. Voye^  Appui 

Balance  de  M.  de  Roberval,  eft  une  forte  de  le- 
vier ,  où  des  poids  égaux  font  en  équilibre,  quoi- 
qu'ils paroiffent  fitués  à  des  extrémités  de  bras  de 
leviers  inégaux.  Voye^  Levier. 

Balance  Hydrostatique,  eft  une  efpece  de 
balance  qu'on  a  imaginée ,  pour  trouver  la  pefanteur 
fpécifique  des  corps  liquides  &  folides.  Foye^  Gra- 
vité ,  ou  Pesanteur  spécifique. 

Cet  infiniment  eft  d'un  ufage  confidérable  pouf 
connoître  les  degrés  d'alliage  des  corps  de  toute  ef- 
pece t  la  qualité  &  la  richeffe  des  métaux,  mines, 
minéraux ,  &c.  les  proportions  de  quelque  mélange 
que  ce  foit ,  &c.  la  pefanteur  fpécifique  étant  le  feul 
moyen  de  juger  parfaitement  de  toutes  ces  chofes. 
Voyei  Poids,  Métal,  Or,  Alliage,  &c. 

L 'ufage  de  la  balance  hydrojlatique  eft  fondé  fur  ce 
théorème  iïArchimede ,  qu'un  corps  plus  pefant  que 
l'eau,  pefe  moins  dans  l'eau  que  dans  l'air,  du  poids 
d'une  maffe  d'eau  de  même  volume  que  lui.  D'où  il 
fuit  que  fi  l'on  retranche  le  poids  du  corps  dans  l'eau  , 
de  fon  poids  dans  l'air ,  la  différence  donnera  le  poids 
d'une  maffe  d'eau  égale  à  celle  du  lolide  propofé. 

Cet  infiniment  eft  repréfenté  dans  les  Planches 
c\  Hydrojlatique ,  fig.  34.  &c  n'a  pas  befoin  d'une  def? 
cription  fort  ample.  On  pefe  d'abord  dans  l'air  le 
poids  E ,  qui  n'ert  autre  chofe  qu'un  plateau  garni  ou 
couvert  de  différens  poids ,  &  le  poids  qu'on  veut  me- 
furer ,  lequel  eft  fufpendu  à  l'extrémité  du  bras  F,  en- 
fuite  on  met  ce  dernier  poids  dans  un  fluide ,  &  on  voit 
par  la  quantité  de  poids  qu'il  faut  ôter  de  deflùs  le  pla- 
teau E ,  combien  le  poids  dont  il  s'agit  a  perdu ,  & 
par  conféquent  combien  pefe  un  volume  de  fluide 
égal  à  celui  du  corps. 

Pour  pefer  un  corps  dans  l'eau ,  on  le  met  quelque- 
fois dans  le  petit  fceau  de  verre  /  K,  &  alors  on  ne 
doit  pas  oublier  de  couler  le  plateau  R  fur  le  petit 
plateau  quarré  H,  afin  que  le  poids  de  ce  plateau  , 
qui  eft  égal  à  celui  du  volume  d'eau ,  dont  le  feau 
occupe  la  place ,  puiffe  rétablir  l'équilibre. 

A  l'égard  des  gravités  fpécifiques  des  fluides ,  on 
fe  fert  pour  cela  d'une  petite  boule  de  verre  G ,  de 
la  manière  fuivante. 

Pour  trouver  la  pefanteur  fpécifique  d'un  fluide , 
fufpendez  à  l'extrémité  d'un  des  bras  F  un  petit  baf- 
fin ,  &  mettez  dedans  la  boule  G  ;  rempliffez  enfuite 
les  deux  tiers  d'un  vaiffeau  cylindrique  O  P ,  avec 
de  l'eau  commune  :  lorfque  vous  aurez  mis  la  boule 
dedans ,  il  faudra  mettre  fur  le  plateau  E ,  de  pe- 
tits poids,  jufqu'à  ce  que  les  bras  E ,  F,  demeurent 
dans  une  poiition  horilontale. 

Ainfi  l'excès  du  poids  de  la  boule  fur  celui  d'un 
égal  volume  d'eau ,  fe  trouvera  contrebalancé  par 
les  poids  ajoutés  au  plateau  E,  ce  qui  la  fera  demeu- 
rer en  équilibre  au  milieu  de  l'eau.  Or  concevons 
à  préfent  cette  boule  ainfi  en  équilibre,  comme  fi 
elle  étoit  réellement  une  quantité  d'eau  congelée 
dans  la  même  forme  :  fi  à  la  place  de  l'eau  qui  envi- 
ronne cette  partie  congelée ,  nous  fubftituons  quel- 
qu'autre  liqueur  de  différente  pefanteur ,  l'équilibre 
ne  doit  plus  fubiiiler,  il  faudra  donc  pour  le  réta- 
blir, mettre  des  poids  fur  celui  des  plateaux  E ,  F, 
de  la  balance  qui  fera  le  plus  foible. 

Ces  poids  qu'il  aura  fallu  ajouter  dans  la  balance , 


BAL 

feront  la  différence  en  gravité  de  deux  quantités  ;  , 
l'une  d'eau  ,  l'autre  de  la  liqueur  qu'cfn  a  voulu  exa- 
miner,  &  dont  le  volume  eft  égal  à  celui  de  la  bou- 
le de  verre.  Suppofons  donc  que  le  poids  du  volu- 
me d'eau  dont  la  boule  occupe  la  place,  foit  de  803 
grains  ;  fi  nous  ajoutons  à  ce  nombre  celui  des  grains 
qu'il  aura  fallu  ajouter  fur  le  plateau  auquel  la  boule 
eft  attachée,  ou  fi  nous  ôtons  de  803  grains  le  nom- 
bre de  ceux  qu'il  auroit  fallu  mettre  fur  le  plateau 
oppofé ,  le  relie  fera  le  poids  du  volume  du  fluide 
égal  à  celui  de  la  boule ,  &  la  gravité  fpécifique  de 
l'eau  fera  à  celle  de  ce  fluide  comme  803  eft  à  ce 
refte  ;  enfin  fi  on  divife  ce  même  refte  par  803  ,  lé 
quotient  exprimera  la  gravité  fpécifique  du  fluide , 
l'unité  exprimant  celle  de  l'eau. 

Pour  rendre  ceci  plus  fenfible  par  un  exemple, 
fuppofons  qu'on  veuille  favoir  la  gravité  du  lait  : 
plongeant  dans  cette  liqueur  la  boule  telle  qu'elle 
eft  attachée  à  la  balance,  on  trouve  qu'il  faut  mettre 
28  grains  fur  le  plateau  auquel  elle  eft  fufpendue , 
pour  rétablir  l'équilibre  :  ajoutant  donc  28  grains  à 
§03  ,  la  fomme  lera  83  1  ;  &:  ainfi  la  gravité  fpécifi- 
que du  lait  fera  à  celle  de  l'eau,  comme  803  3831. 
On  peut  donc  par  le  moyen  de  la  balance  hydrofati- 
que  :  i°.  connoître  la  pefanteur  fpécifique  d'une  li- 
queur; 2°.  comparer  les  pefanteurs  fpécifiques  de 
deux  liqueurs  :  30.  comparer  les  gravités  fpécifiques 
de  deux  corps  folides  ;  car  fi  deux  corps  folides  pe- 
fent  autant  l'un  que  l'autre  dans  l'air ,  celui  qui  a  le 
plus  de  pefanteur  fpécifique,  pefera  davantage  dans 
l'eau  :  40.  comparer  la  gravité  fpécifique  d'un  corps 
ïblide  avec  celle  d'une  liqueur  ;  car  la  gravité  fpéci- 
fique du  corps  eft  à  celle  de  la  liqueur ,  comme  le 
poids  du  corps  dans  l'air,  eft  à  ce  qu'il  perd  de  lbft 
poids  dans  la  liqueur.  Voye^  aujji  Aréomètre. 

Le  Docteur  Hook  a  imaginé  une  balance  hydrofati- 
que  qui  peut  être  d'une  grande  utilité  pour  examiner 
la  pureté  de  l'eau,  &c.  Elle  conlifte  en  un  ballon  de 
Verre  d'environ  trois  pouces  de  diamètre ,  lequel  a 
tin  col  étroit  d'une  demi-ligne  de  diamètre  :  on  char- 
ge ce  ballon  de  minium  afin  de  le  rendre  tant  foit  peu 
plus  pefant  qu'un  pareil  volume  d'eau ,  on  le  trempe 
enfuite  dans  l'eau  après  l'avoir  attaché  au  bras  d'une 
exafte  balance,  quia  un  contrepoids  à  l'autre  bras.  Ce- 
la fait,  on  ne  fauroit  ajouter  à  l'eau  la  plus  petite  quan- 
tité de  fel ,  que  le  col  du  ballon  ne  s'élève  au-deflus 
de  l'eau  d'un  demi-pouce  plus  qu'il  n'étoit  d'abord. 
En  effet ,  l'eau  devenant  plus  pelante  par  l'addition 
du  fel ,  le  ballon  qui  y  étoit  auparavant  en  équilibre , 
doit  s'élever.  Tranfa'cl.  Pkilofoph.  n°.  igj. 

Plufieurs  favans  fe  font  donné  la  peine  de  rédiger 
en  table  les  pefanteurs  d'un  grand  nombre  de  matiè- 
res tant  folides  que  fluides  :  on  doit  aflûrément  leur 
favoir  gré  de  ce  travail ,  &  l'on  en  fent  toute  la  dif- 
ficulté, quand  on  penfe  aux  attentions  fcrupuleufes, 
Se  au  tems  qu'on  eft  obligé  de  donner  à  ces  fortes  de 
recherches  :  mais  leurs  expériences ,  quelque  exac- 
tes qu'elles  ayent  été ,  ne  peuvent  nous  fervir  de  rè- 
gle que  comme  des  à-peu-près  ;  car  les  individus  de 
chaque  efpece  varient  entr'eux  quant  à  la  denlité , 
&  l'on  ne  peut  pas  dire  que  deux  diamans  ,  deux 
morceaux  de  cuivre ,  deux  gouttes  de  pluie ,  foient 
parfaitement  femblables.  Ainli  quand  il  eft  queftion 
de  favoir  au  jufte  la  pefanteur  fpécifique  de  quelque 
corps ,  il  faut  le  mettre  lui-même  à  l'épreuve  ;  c'eft  le 
fcul  moyen  d'en  bien  juger.  Au  refte  on  fera  fans  dou- 
te bien-aife  de  trouver  ici  une  table  drefiée  fur  des 
expériences  fort  exactes.  Il  fuffit  de  dire  qu'elles  font 
de  M.  Mujjckcnibroek.  Les  pefanteurs  fpécifiques  de 
toutes  les  matières  énoncées  dans  cette  table ,  font 
comparées  à  celles  de  l'eau  commune,  &  l'on  prend 
pour  eau  commune  celle  de  la  pluie  dans  une  tempé- 
rature moyenne;  ainli  quand  on  voit  dans  la  table  , 
eau  de  pluie  1 ,  000.  or  de  coupelle  19,  640.  air  1 , 
Tome  II, 


BAL 


27 


OOi  4-,  c'eft-à-dire,  que  la  pefanteur  fpécifique  de 
l'or  le  plus  fin,  eft  à  celle  de  l'eau,  comme  19  4-  à- 
peu-près  à  1 ,  &  que  la  pefanteur  de  l'air  n'eft  pref- 
que  que  la  millième  partie  de  celle  de  l'eau. 

Table  alphabétique  des  matières  les  plus  connues ,  tant 
folides  que  fluides  ,  dont  on  a  éprouvé  la  pefanteur 
fpécifique. 

Acier  flexible  &  non  trempé 7 

Acier  trempé 7 

Agate  d'Angleterre 2 

Air o 

Albâtre j 

Alun 1 

Ambre 1 

Amiante  .    . 2 

Antimoine  d'Allemagne 4 

Antimoine  d'Hongrie 4 

Ardoife  bleue 3 

Argent  de  coupelle 11 

Bifmuth o 

Bois  de  brefil 


cèdre 
orme 


gayac  

ébene  

érable o 

frêne o 

bouis 1 

Borax 1 

Caillou 2 

Camphre o 

Charbon  de  terre 1 

Cinabre  naturel 7 

artificiel 8 

Cire  jaune o 

rouge 2 

blanche  2 

Corne  de  bœuf 1 

cerf 1 

Cryftal  de  roche   .  .  .  . 2 

d'Iflande 2 

Cuivre  de  Suéde 8 

jette  en  moule 8 

Diamant 3 

Ecailles  d'huître 2 

Encens  1 

Eau  commune  ou  de  pluie 1 

diftillee o 

de  rivière 1 

Efprit-de-vin  reftifié o 

de  térébenthine o 

Etain  pur 7 

allié  d'Angleterre 7 

Fer »  •  7 

Gomme  Arabique 1 

Grenat  de  Bohême 4 

de  Suéde  3 

Huile  de  lin o 

d'olive o 

de  vitriol 1 

Karabé  ou  ambre  jaune 1 

Lait  de  vache » 1 

Litarge  d'or 6 

d'argent 6 

Magnefe 3 

Marbre  noir  d'Italie 2 

blanc  d'Italie 1 

Mercure *3 

Noix  de  galle ' 

Or  d'eflai  ou  découpé J9 

de  Guinée ï° 

Os  de  bœuf I 

Pierre  fanguine 4 


73?. 
704. 
512. 
00 1  ~* 
872. 

714. 
040. 

913. 

000. 
700. 
500. 
091. 
700. 
030. 
613. 
600- 

337- 

177. 

755- 

84Ï- 
03a. 

720. 
542. 

995- 

240. 
300. 
200. 

995- 

689. 

500. 
840. 

875- 
650. 
720. 
784. 
000. 
400. 
092. 
071. 
000- 

993- 

009. 
866. 
874. 
320. 
471. 
645. 

375- 
360. 

978- 
932. 
913. 
700. 
o6j. 
030. 
000. 
040. 

53°> 

704. 
707. 

593- 
034. 
640- 
888» 
656. 
363, 


iS  BAL 

Pierre  calaminairc «     5»     °Ô61. 

à  fufil  opaque 2  >      541- 

tranfparente 2j     641. 

Poix *>      M°- 

Sang  humain « I  »     04°* 

Sapin °>     5  5°- 

Sel  de  glauber i>     M^- 

ammoniac !>     453* 

gemme 2»      J43* 

•    polychrefte 2>      x4^- 

Soufre  commun 1 ,     800. 

TalcdeVenife  .  .  .  .  . 2.,     78o« 

Tartre *>     849. 

Turquoife 2.,      5°8- 

Verd-de-gris 1 ,     7 »  4- 

Verre  blanc 3»     I5°- 

Verre  commun *■>     620. 

Vin  de  Bourgbgne    .  .  .  . o,     953. 

Vinaigre  de  vin  .  . 1»     on. 

Vitriol  d'Angleterre 1 ,     880. 

Yvoire »,     825. 

Cet  article  eft  en  partie  de  M.  Formey.  (O) 

■  *  Balancé  ,'  voye?  Romaine  -,  Fléau,  Peson  , 
Porte-Balance.  La  balance  commune  n'eft  autre 
chofe  quwnjliau  fufpendu  par  le  milieu ,  &  foûtenant 
par  fes  extrémités  des  plateaux  ou  balîins  attachés 
avec  des  cordes;  Voyei  fig.  5.  du  Balancier,  une  ba- 
lance qui  ne  diffère  de  la  commune  que  parce  qu'elle 
eft  plus  petite',  &  qu'elle  a  un  porte-balance  ;f,f,  le 
fiiau  ou  travefjin;  l,  la  languette;  p,  un  des  pivots  ; 
il  a  fon  correspondant  ;  b,  le  braïé;  c,  la  chajje;  q.q, 
les  deux  baffins  ou  plateaux  ;  s ,  s,  s,  les  cor J«  qui 
les  foûtiennent  ;  r ,  r,  les  crochets  ou  anneaux  qui  em- 
braffent  les  cordes. 

La  balance  fine  ou  le  trebuchet ,  ne  diffère  de  la  ba- 
lance commune,  que  parce  qu'étant  deltinée  à  pefer 
des  matières  précieulès ,  oir  la  moindre  quantité  de 
îrop  ou  de  trop  peu ,  fait  une  différence  confidérable 
pour  le  prix;  elle  eft  fort  petite,  &  travaillée  avec 
la  dernière  précifiort. 

Balance  Jbùrde:  celle-ci  a  les  bouts  de  (on  fieau 
plus  bas  que  fon  clou;  &  fa  chappe  foùtenue  en  l'air 
par  une  guindole  ou  guignole  ;  elle  eft  d'ufage  dans 
les  monnoies. 

Balance  d'ejfai ,  c'eft  la  balance  de  la  figure  5  en- 
fermée dans  une  lanterne  de  verre  avec  Ion  porte- 
balance  ,  comme  on  voit  figure  7  ;  comme  on  y  pelé 
l'or  &  l'argent ,  on  a  pris  la  précaution  de  la  lanter- 
ne ,  contre  l'agitation  que  l'air  pourroit  caufer  à  lés 
baffins. 

Balance  de  chandelier  :  celle-ci  quand  elle  eft  pe- 
tite, a  les  baffins  en  forme  de  féaux,  on  y  met  la 
chandelle  debout  ;  &  quand  elle  eft  grande ,  fes 
baffins  font  prefqu'entierement  plats ,  afin  qu'on  y 
puiffe  coucher  la  chandelle.  C'eft  du  reffe  la  même 
chofe  que  la  balance  commune. 

En  général ,  il  y  a  autant  de  différentes  fortes  de 
balances  poffibies  ,  que  de  moyens  différens  poffiblcs 
d'établir  &  de  rompre  l'équilibre  établi  entre  les 
différentes  parties  d'un  levier ,  ou  d'un  corps  qui  en 
fait  la  fonction. 

Balance  ,  Libra^A'flron.')  elt  auffi  un  des  douze 
figues  du  zodiaque,  préc'iiémeht  oppofé  au  bélier: 
on  l'appelle  Balance  ,  parce  qUe  les  jours  &  les  nuits 
font  d'égale  longueur  lôrfqué  le  foleil  entre  dans  ce 
fi'gne ,  ce  qui  arrive  à  l'équinoxe  d'automne. 

Le  catalogue  Britannique  met  les  étoiles  de  la  conf- 
tellatwn  de  la  balance  au  nombre  de  46.  (O) 

Balance  ,  f.  f.  (e'nMydiolog.')  eft  le  fymbole  de 
l'équité.  La  Jùftice  la  tient  à  la  main.  Celle  que  re- 
prélente  le  feptieme  figne  du  zodiaque  fut  à  l'ufage 
tfjJftrée  ;  ce  fut-là  qu'elle  dépofa  cette  jufte  balance, 
lorlqu'elle  fe  retira  de  la  terre  au  ciel,  à  l'approche 
cîu  fiecle  de  fer. 


BAL 

"Balance  de  Commerce,  fignifie  une  égalité 
entre  la  valeur  des  marchandées  achetées  des  étran- 
gers ,  &c  la  valeur  des  productions  d'un  pays  trans- 
portées chez  d'autres  nations. 

Il  eff  néceffaire  que  cette  balance  foit  gardée  parmi 
les  nations  commerçantes  ;  &  fi  elle  ne  peut  l'être  en 
marchandées ,  elle  le  doit  être  en  efpeces. 

C'eft  par  ce  moyen  qu'on  connoît  fi  une  nation 
gagne  où  perd  par  ion  commerce  étranger  ou  par 
quelque  branche  de  ce  commerce,  &  par  conféquent 
ii  cette  nation  s'enrichit  ou  s'appauvrit  en  le  conti- 
nuant. 

Il  y  a  diverfes  méthodes  pour  arriver  à  cette  con- 
noifîancê. 

i°.  La  plus  reçue  eff  de  prendre  une  exacte  notion 
du  produit  que  rapportent  à  proportion  les  marchan- 
difes  exportées  ou  envoyées  à  l'étranger,  &  les  mar- 
chandiies  importées,  c'eff-à-dire  celles  qu'on  a  tirées 
de  lui.  Si  les  premières  excédent  les  dernières ,  il 
s'enfuit  que  la  nation  qui  a  fait  les  exportations  eft 
en  chemin  de  gagner ,  dans  l'hypothele  que  l'excé- 
dent eit  rapporté  en  argent  monnoyé  ou  non  mon- 
noyé  ;  &  ainfi  augmente  le  thréior  de  cette  nation. 
Mais  cette  méthode  eit  incertaine  ,  parce  qu'il  eft 
difficile  d'avoir  un  compte  véritable  des  marchan- 
dées ,  foit  importées  foit  exportées ,  les  regiftres 
des  douanes  ne  pouvant  pas  les  fournir  à  caufe  des 
contrebandes  qui  ie  font  particulièrement  de  mar- 
chandifes  belles  &  rares ,  comme  points,  dentelles, 
joyaux ,  rubans  ,  foies ,  toiles  fines  ,  &c.  qu'on  peut 
cacher  en  un  petit  volume  ;  &  même  des  vins,  eaux- 
de-vie,  thé ,  6-e.  à  quoi  il  faut  ajouter  les  divers  ac- 
cidens  qui  affeûent  la  valeur  du  fonds  foit  forti  foit 
rentré  ,  comme  pertes  faites  fur  mer ,  par  marchés  , 
banqueroutes ,  laiiies ,  &c.  D'ailleurs  ,  pour  ce  qui 
concerne  les  négoces  particuliers ,  il  y  a  divers  pays 
où  les  ouvrages  de  nos  manufactures  que  nous  y  en- 
voyons ne  font  pas  en  grande  confidération  ;  cepen- 
dant ce  que  nous  en  rapportons  eff  néceffaire  pour 
pouffer  notre  commerce  en  général,  comme  le  trafic 
en  Norvège  pour  dumairein  &  des  provisions  nava- 
les. D'un  autre  côté  le  commerce  de  la  compagnie 
des  Indes,  orientales  eft  beaucoup  plus  avantageux  , 
parce  que  les  marchandées  importées  excédent  de 
beaucoup  les  marchandifes  exportées  ,  que  nous 
vendons  beaucoup  des  premières  aux  étrangers  ,  ôç 
que  nous  en  coniumons  beaucoup  dans  le  royaume , 
par  exemple ,  des  indiennes  &  des  foies  au  lieu  des 
toiles  &  loies  des  autres  pays,  qui  nous  coûteroient 
plus  cher. 

2.0.  La  deuxième  méthode  eft  d'obferver  le  cours 
du  change  ;  car  s'il  eft  ordinairement  au-deffus  de  la 
valeur  intrinfeque  ou  de  l'égalité  des  efpeces  étran- 
gères ,  nous  perdons  non-feulement  par  le  change , 
mais  encore  par  le  cours  général  de  notre  commer- 
ce. Mais  cette  méthode  eft  encore  imparfaite  ,  puif- 
que  nous  trafiquons  dans  plusieurs  pays  où  le  cours 
du  change  n'eft  point  établi. 

30.  La  troifieme  méthode ,  qui  eft  du  chevalier 
Jof.  Child ,  fe  prend  de  i'accroiflement  ou  de  la  di- 
minution de  notre  commerce  &  de  nos  navires  en 
général  ;  car  fi  ces  deux  points  viennent  à  diminuer, 
quelque  profit  que  puiffent  faire  des  particuliers ,  la 
nation  perd ,  &  elle  gagne  dans  l'hypothele  contraire. 
Cet  auteur  établit  comme  une  règle  infaillible,  que 
dans  toutes  les  parties  du  monde  où  le  commerce  eft 
grand ,  continue  fur  ce  pié  &  augmente  de  jour  en 
jour  auffi-bien  que  le  nombre  des  navires ,  par  fuc- 
ceffion  de  tems  ce  commerce  doit  être  avantageux  à 
la  nation,  même  dans  le  cas  où  un  gros  commerçant 
fe  ruine  ;  car  quoi  qu'il  puiffe  perdre,  quelle  multi- 
tude de  gens  qui  gagnent  par  fon  moyen  !  le  roi ,  les 
officiers  des  douanes  ?  les  charpentiers  de  vaiffeau. 


BAL 

brafleurs,  boulangers ,  cordiers-manufacturiers,  cor- 
diers,  porteurs,  charretiers,  mariniers,  &c. 

4°.  Une  dernière  manière  eft  d'obferver  l'augmen- 
tation &  la  diminution  de  notre  argent ,  foit  mon- 
noyé  foit  en  lingots  :  mais  celle-ci  cil  la  moins  fen- 
fible  &  la  moins  palpable  de  toutes  ;  car  l'argent  pa- 
roît  aux  yeux  du  vulgaire  plus  abondant  lorsqu'il  en 
a  moins  affaire ,  &  plus  rare  félon  que  les  occafions 
de  l'employer  font  plus  fréquentés  &  plus  avanta- 
gcufes  :  par  ce  moyen  il  femble  que  nous  ayons  plus 
d'argent  lorfque  nous  avons  moins  de  commerce  : 
par  exemple ,  quand  la  compagnie  des  Indes  orien- 
tales a  un  grand  débit  à  faire ,  l'argent  le  trouve  pour 
l'ordinaire  plus  rare  à  Londres ,  parce  que  l'occafion 
engage  les  particuliers  à  en  employer  quantité  qu'ils 
avoient  amaffé  à  cette  intention.  Ainfi  un  haut  prix 
d'intérêt  fera  que  l'argent  paroîtra  plus  rare ,  parce 
que  chacun  auflî-tôt  qu'il  en  peut  raffcmbler  quelque 
iomme  cherche  à  la  placer.  Child,  Difc.fur  le  comm. 
ck.  ix.  Chambers,  Diclionn.  (G) 

B  ALAN  C  E  ,  en  termes  de  teneurs  de  livres  à  parties  dou- 
bles ,  fignifie  Y  état  final  ou  la  folde  du  grand  livre  ou 
livre  de  raifon,  ou  d'un  compte  particulier. 

Balance,  fe  dit  encore  de  la  clôture  de  l'inven- 
taire d'un  marchand ,  qui  fe  lait  9  crédit  &  en  dé- 
bit, dans  lequel  il  met  d'un  côté,  qui  eft  la  gauche, 
l'argent  qu'il  a  en  caiffe ,  fes  marchandifes ,  dettes 
actives ,  meubles  &  immeubles  ;  &  en  crédit  du  côté 
de  la  droite ,  fes  dettes  paflîves  &  ce  qu'il  doit  payer 
en  argent;  &z  quand  il  a  défalqué  ce  qu'il  doit  d'un 
côté  de  ce  qu'il  a  d'effets  d'un  autre ,  il  connoît ,  tout 
étant  compenfé  &  balancé ,  ce  qui  doit  lui  relier  de 
net  &  de  clair ,  ou  ce  qu'il  a  perdu  ou  gagné. 

On  fe  fert  quelquefois  du  mot  de  bilan  au  lieu  de 
balance ,  mais  improprement.  Bilan  a  une  autre  li- 
gnification plus  précife.  Voye^  BILAN. 

Balance  ,  fignifie  aufli  la  déclaration  que  font 
les  maîtres  des  vaiffeaux  ,  des  effets  6t  autres  mar- 
chandifes dont  ils  font  chargés.  Ce  terme  eft  en  ufa- 
ge  en  ce  fens  parmi  les  marchands  qui  trafiquent  en 
Hollande  par  les  rivières  du  Rhin  &  de  la  Meufe.(G) 
BALANCÉ,  ad),  terme  de  Danfe.  Le  balancé  cil  un 
pas  qui  fe  fait  en  place  comme  le  pirouetté ,  mais  or- 
dinairement  en  préfence,  quoiqu'on  puiffe  aufli  le 
faire  en  tournant.  Comme  ce  n'eft  que  le  corps  qui 
tourne ,  &  que  cela  ne  change  aucun  mouvement , 
je  vais  décrire  la  manière  de  le  faire  en  préfence. 

Il  eft  compoié  de  deux  demi-coupés,  dont  l'un  fe 
fait  en-avant ,  &  l'autre  en-arriere  ;  favoir ,  en  com- 
mençant vous  pliez  à  la  première  pofition  ,  &  vous 
portez  le  pié  à  la  quatrième ,  en  vous  élevant  deffus  la 
pointe;  enfuite  de  quoi  vous  polez  le  talon  à  terre  ; 
&  la  jambe  qui  eft  en  l'air  s'étant  approchée  de  celle 
qui  eft  devant ,  &  fur  laquelle  vous  vous  êtes  élevé, 
vous  pliez  fur  celle  qui  a  fait  ce  premier  pas ,  & 
l'autre  étant  pliée  fe  porte  en-arriere  à  la  quatrième 
pofition  ,  &  vous  vous  élevez  deffus  ,  ce  qui  h'nit 
ce  pas. 

Le  balancé  eft  un  pas  fort  gracieux  que  l'on  place 
dans  toutes  fortes  d'airs ,  quoique  les  deux  pas  dont 
il  eft  compoié  foient  relevés  également  l'un  &  l'au- 
tre, &  de-là  vient  qu'il  s'accommode  à  toutes  fortes 
de  melures,  parce  que  ce  n  eft  que  l'oreille  qui  aver- 
tit de  preffer  les  mouvemens  ou  de  les  rallentir.  Voy. 
Position. 

Il  eft  fort  ufité  dans  les  menuets  figurés  aufli-bien 
que  dans  les  menuets  ordinaires  ,  de  même  qu'au 
paffe-pié.  On  le  fait  à  la  place  d'un  pas  de  menuet , 
dont  il  occupe  la  même  valeur  ;  c'eft  pourquoi  il 
doit  être  plus  lent ,  puifquc  ces  deux  pas  le  font  dans 
l'étendue  des  quatre  que  le  pas  de  menuet  contient. 
Voyei  Menuet. 
BALANCEMENT,  f.  m.  Voye~x  Oscillation. 
BALANCER  U  croupe  au  pas  ou  au  trot  t  fe  dit ,  en 


BAL 


29 


termes  de  Manège ,  du  cheval  dont  la  croupe  dandine 
à  fes  allures  ;  c'eft  une  marque  de  foibleffe  de  reins 

tn 

BALANCER;  fe  balancer  dans  l'air,  fe  dit,  en  Fau- 
connerie ,  d'un  oifeau  qui  refte  toujours  en  une  place 
en  obièrvant  la  proie. 

B  A  L  A  N  c  E  R  le  dit  auffi ,  en  Vénerie ,  d'une  bête  , 
qui,  chaffée  des  chiens  courans,  eftlaffée  ck  vacille 
en  fuyant  :  on  dit  ce  chevreuil  balance. 

Un  lévrier  balance  quand  il  ne  tient  pas  la  voie 
jufte  ,  ou  qu'il  va  &  vient  à  d'autres  voies. 

Balancer.  On  dit  dans  les  manufactures  de  foie 
qu'une  liffe  balance ,  quand  elle  levé  ou  baiffe  plus 
d'un  côté  que  d'un  autre  ;  ce  qui  eft  de  conféquence 
dans  le  travail  des  étoffes  riches. 

La  liffe  balancée  ou  qui  ne  baiffe  pas  jufte  à  un  ac- 
compagnage ,  fait  que  la  dorure  eft  féparée  ou  bar- 
rée. Voy?l  ACCOMPAGNAGE,  DORURE,  ÉTOFFES 
OR  ET  ARGENT. 

*  BALANCIER,  f.  m.  ouvrier  qui  fait  les  différens 
inftrumens  dont  on  fe  fert  dans  le  commerce ,  pour 
peler  toutes  fortes  de  marchandifes.  On  fe  doute  bien 
que  la  communauté  des  balanciers  doit  être  fort  an- 
cienne. Elle  eft  foûmife  à  la  jurifdidfion  de  la  cour 
des  monnoies  ;  c'eft  là  que  les  balanciers  font  admis 
à  la  maîtrife  ;  qu'ils  prêtent  ferment  ;  qu'ils  font  éta- 
lonner leurs  poids,  &  qu'ils  prennent  les  matrices  de 
ces  petites  feuilles  de  léton  à  l'ufage  des  joailliers  & 
autres  marchands  de  matières  ,  dont  il  importe  de 
connoître  exactement  le  poids.  Chaque  balancier  a 
fon  poinçon  ;  l'empreinte  s'en  conferve  fur  une  table 
de  cuivre  au  bureau  de  la  communauté  &  à  la  cour 
des  monnoies.  Ce  poinçon  compofé  de  la  première 
lettre  du  nom  du  maître,  furmontée  d'une  couronne 
fleurdelifée  ,  lert  à  marquer  l'ouvrage.  La  marque 
des  balances  eft  au  fond  des  baffins  ;  des  romaines  , 
au  fléau;  &  des  poids,  au-deffous.  L'étalonnage  de 
la  cour  des  monnoies  fe  connoît  à  une  fleur  de  lis 
feule,  qui  s'imprime  aufli  avec  un  poinçon.  D'autres 
poinçons  de  chiffres  romains  marquent  de  combien 
eft  le  poids.  Les  feuilles  de  léton  ne  s'étalonnent 
point  ;  le  balancier  les  forme  fur  la  matrice  ,  &  les 
marque  de  fen  poinçon.  Deux  jurés  font  chargés  des 
affaires ,  des  vilites ,  &  de  la  difeipline  de  ce  corps. 
Us  reftent  chacun  deux  ans  en  charge  ;  un  ancien  fe 
trouve  toujours  avec  un  nouveau.  Un  maître  ne  peut 
avoir  qu'un  apprehti  ;  on  fait  cinq  ans  d'apprentif- 
fage  ,  &  deux  ans  de  fervice  chez  les  maîtres.  Il  faut 
avoir  fait  fon  apprentiffage  chez  un  maître  de  Paris , 
pour  travailler  en  compagnon  dans  cette  ville.  Les 
afpirans  doivent  chef-d'œuvre  ;  les  fils  de  maître  ex- 
périence. Les  veuves  jouiffent  de  tous  les  droits  de 
la  maîtrife  ,  excepté  de  celui  de  faire  des  apprentis. 
Les  deux  jurés  balanciers  ont  été  autorifés  par  des 
arrêts  à  accompagner  les  maîtres  &  gardes  des  fix 
corps  des  marchands  dans  leurs  vifites  pour  poids  & 
mefures  ;  &  il  feroit  très  à-propos  pour  le  bien  public 
qu'ils  fiffent  valoir  leur  privdége.  Ils  ont  pour  patron 
S.  Michel. 

Balancier  ,  f.  m.  (  en  Méchanique')  ;  ce  nom  eft 
donné  communément  à  toute  partie  d'une  machine 
qui  a  un  mouvement  d'ofcillation ,  &  qui  fert  ou  à 
ralentir  ou  à  régler  le  mouvement  des  autres  parties. 
/  Vn '«(  les  articles  fuivans. 

Balancier:  on  donne  ce  nom  dans  les  groffes 
forges  ,  à  la  partie  ou  anfe  de  fer  F  recourbée  en 
arc  ,  paflee  dans  un  crochet  attaché  à  la  perche  élaf 
tique  G  F ,  à  l'aide  de  laquelle  les  foufflets  font  bail- 
les 6v  relevés  alternativement  par  le  moyen  des  chaî- 
nes K  F ,  K  F,  qui  fe  rendent  deux  à  deux  à  des 
anfes  plus  petites ,  ou  à  de  petits  crochets  arcués  & 
fufpendus  aux  extrémités  du  babaiàtr  F.  /'.  Grosses 
FORGES  ,  vignette  de  la  Planche  III.  On  voit  dans  la 
.  ///.la  même  machine  :  F  eft  la  perche ,  E  le 


3° 


BAL 


BAL 


balancer  de  k  perche  ;  D  D,  les  balanciers  pins  petits 
des  foufflets;  ce  ce,  chaînes  des  petits  balanciers  on 
des  bafcules.  »     »  « 

BALANCIER  (  *»w  d'Horloger)  c  eft  un  cercle 
<l'acierou  deléton  (jfc  ^3-7^-  ^  *0.  d'Horlogerie) 
qui  dans  une  montre  fert  à  régler  &  modérer  le  mou- 
vement des  roues.  Voye^  Échappement. 

Il  eft  compofé  de  la  zone  ABC  que  les  horlogers 
appellent  le  cercle  des  barettes  B  D  ,  &  du  petit  cercle 
T  qu'ils  appellent  le  centre. 

On  ignore  l'auteur  de  cette  invention ,  dont  on 
.s'elt  fervi  pour  la  mefure  du  tems  jufqu'au  dernier 
fiecle ,  où  la  découverte  du  pendule  en  a  fait  aban- 
donner l'ufage  dans  les  horloges. 

On  donne  au  balancier  la  forme  qu'on  lui  voit 
(fig.  4$)-yl.  )  afin  que  le  mouvement  qu'il  acquiert 
neYe  confume  point  à  furmonter  de  trop  grands  frot- 
lemens  fur  les  pivots.  La  force  d'inertie  dans  les  corps 
en  mouvement ,  étant  toujours  la  mafle  multipliée 
par  la  vîtefle,  (  Foyei  Inertie  )  la  zone  ABC  fort 
diltante  du  centre  de  mouvement  équivaut  à  une 
malle  beaucoup  plus  pelante.  Il  fuit  de  cette  confi- 
dération ,  qu'on  doit  autant  qu'il  eft  pofîible ,  dil'po- 
•fer  le  calibre  d'une  montre  ,  de  façon  que  le  balan- 
cier l'oit  grand,  afin  que  par-là  il  ait  beaucoup  d'iner- 
tie. Foyei  Calibre. 

Voici  à  peu  près  l'hiftoire  des  différentes  métho- 
des ,  dont  on  a  fait  ufage  dans  l'application  du  ba- 
lancier aux  horloges ,  avant  que  l'addition  du  relfort 
fpiral  l'eût  porté  au  degré  de  perfection  ,  où  il  cil 
parvenu  fur  la  fin  du  dernier  lîecle.  Toute  la  régu- 
larité des  horloges  à  balancier  vint  d'abord  de  la  for- 
ée d'inertie  de  ce  modérateur  ,  &  de  la  proportion 
confiante  qui  règne  entre  l'action  d'une  force  fur  un 
corps,  &  la  réacfron  de  ce  corps  fur  elle.  Cet  effet 
réiultoit  nécellairement  de  la  difpofition  de  l'échap- 
pement (  Voyei  Échappement.  Voyei  Action  cv 
Réaction.  Voyti  Inertie.  )  On  attribue  cette  dé- 
couverte à  Pacifiais  de  Veronne.  Voye^  HORLOGE. 

Tous  les  avantages  que  les  mefures  du  tems  fai- 
tes fur  ces  principes  ,  avoient  fur  celles  qui  étoient 
connues lorfqu 'elles  parurent,  telles  que  les  clepfiy- 
dres,  fabliers  &  autres,  n'empêchoient  pas  que  leurs 
irrégularités  ne  fulTent  encore  fort  conliderables  ; 
elles  venoient  principalement ,  de  ce  qu'une  grande 
partie  de  la  force  motrice  le  confirmant  à  furmon- 
ter le  poids  de  toutes  les  roues,  &  la  réfiftance  eau- 
fée  par  leurs  frottemens  ;  la  réaclion  fe  trouvoit  tou- 
jours inférieure  à  l'action ,  &  le  régulateur  fuivoit 
trop  les  différentes  impreflions  qui  lui  étoient  com- 
muniquées par  le  rouage  qui  lui  oppofoit  toujours 
des  obfiacles  fupérieurs  à  la  force  qu'U  en  recevoit. 

Voulant  obvier  à  cet  inconvénient ,  dans  les  hor- 
loges deftinées  à  relier  conftamment  dans  une  mê- 
me lituation  ,  les  anciens  horlogers  s'aviferent  d'un 
artifice  des  plus  ingénieux  :  ils  difpolérent  le  régula- 
teur de  façon ,  qu'il  pût  faire  des  vibrations  indé- 
pendamment de  la  force  motrice;  ils  mirent  en  ulage 
l'inertie  du  corps  &  fa  pefanteur. 

Ils  polèrent  l'axe  du  balancier  (  voyq  la  fig.  ZJ.  PL 
,5.  d" Horlogerie)  perpendiculairement  à  l'horif on, dif- 
férent beaucoup  de  jeu  à  lès  pivots  en  hauteur ,  paf- 
ferent  enfuite  un  fil  dans  une  petite  fente  pratiquée 
dans  le  pivot  fuperieur  au-deffus  du  trou  dans  lequel 
il  rouloit  ;  enfuite  de  quoi  ils  attachèrent  les  deux 
bouts  de  ce  fil  à  un  point  fixe,  tellement  que  le  ba- 
lancier lùfpendu  ne  portoit  plus  fur  l'extrémité  de 
■fan  pivot  inférieur.  Si  i'on  tournoit  alors  le  régula- 
teur ,  les  fils  s'entortillant  l'un  fur  l'autre ,  faifoient 
élever  le  balancier  tant-lbit-peu  ;  abandonné  en- 
fuite  à  lui-même  ,  il  defeendoit  par  l'on  poids  &  les 
détortilloit  :  or  cela  ne  le  pouvoit  faire  ,  fans  qu'il 
acquit  un  mouvement  circulaire.  Pourfuivant  donc 
i'a.  route  de  l'autre  côté  ,  il  entortilloit  de  nouveau 


les  fils,  rctomboit  enfuite,  &  auroit  toujours  conti- 
nué de  le  mouvoir  ainfi  alternativement  des  deux 
côtés ,  fi  la  réliltance  de  l'air ,  le  frottement  des  fils 
&  des  pivots  n'eufient  épuifé  peu  à  peu  tour  fon 
mouvement. 

Cette  méthode  d'appliquer  deux  puiflances  de  fa- 
çon qu'elles  faffent  faire  des  vibrations  au  régula- 
teur, donne  à  ce  dernier  de  grands  avantages.  Voye^ 
Ressort  spiral. 

La  conltruction  précédente  auroit  été  bien  plus 
avantageule  ,  fi  ces  fils  toujours  un  peu  élaftiques 
n'eulfent  pas  perdu  peu  à  peu  de  cette  élafticité  ; 
de  plus  les  vibrations  de  ce  régulateur  ne  s'ache- 
voient  point  en  des  tems  égaux  ;  Se  les  petits  poids 
ou  autrement  dit  régules  P  P  qu'on  mettoit  à  diffé- 
rens  éloignemens  du  centre  du  régulateur ,  pour  fi- 
xer la  durée  des  vibrations ,  ne  pouvoient  procurer 
une  exaftitude  alTez  grande.  En  cherchant  donc  à 
perfe&ionner  encore  le  balancier  ,  on  parvint  enfin 
à  lui  afibeier  un  refibrt. 

Remarque  fur  la  matière  du  balancier.  Quelques  Hor- 
logers prétendent ,  que  le  balancier  des  montres  doit 
être  de  laiton,  afin  de  prévenir  les  influences  que  le 
magnétiime  pourroit  avoir  fur  lui  ;  ils  ne  font  pas 
attention ,  que  peair  éviter  un  inconvénient  auquel 
leur  montre  ne  fera  peut  être  jamais  expofée,  ils  lui 
donnent  des  défauts  très-réels  ;  parce  que  i°.  le  lai- 
ton étant  fpécifiquement  plus  pelant  que  l'acier,  & 
n'ayant  point  autant  de  corps ,  les  balanciers  de  ce 
métal  ne  peuvent  être  aufli  grands  ;  &  comme  par-là 
ils  perdent  de  la  force  d'inertie  ,  on  eft  obligé  de 
les  faire  plus  pefans  ,  pour  que  la  malfe  compenfe 
la  vîteffe  ;  d'oii  il  réfulte  une  augmentation  confidéra- 
ble  de  frottement  fur  leurs  pivots  ;  z°.  l'allongement 
du  cuivre  jaune  par  fa  chaleur  ,  étant  à  celui  de  l'a- 
cier dans  le  rapport  de  17  à  10  ,  les  montres  oii  l'on 
employé  des  balanciers  de  laiton  doivent ,  toutes  cho- 
fes  d'ailleurs  égales  ,  être  plus  fufceptibles  d'erreurs 
par  les  différens  degrés  de  froid ,  ou  de  chaud  aux- 
quels elles  font  expolées. 

Remarque  fur  la  forme  du  balancier.  Comme  par  leur 
figure  les  balanciers  prélentent  une  grande  étendue , 
&  qu'Us  ont  une  vîtefle  beaucoup  plus  grande  que 
le  pendule  ,  leur  mouvement  doit  être  par  con- 
fisquent plus  fufceptible  des  différences  qui  arrivent 
au  milieu  dans  lequel  ils  vibrent;  ainfi  après  avoir 
difpofé  leurs  barettes  de  façon  que  l'air  leur  oppofe 
peu  d'obftacles,  il  feroit  bon  encore  (  dans  les  ou- 
vrages dont  la  hauteur  n'eft  pas  limitée  )  de  leur  don- 
ner la  forme  par  laquelle  ils  peuvent  préfenter  la 
moindre  furface.  Par  exemple  ,  le  cercle  du  balan- 
cier au  lieu  d'être  plat,  comme  on  le  fait  ordinaire- 
ment, devroit  au  contraire  être  une  efpece  d'anneau 
cylindrique ,  parce  que  le  cylindre  prélente  moins 
de  furface,  qu'un  parallélépipède  de  même  mafle 
que  lui ,  &  d'une  hauteur  égale  à  l'on  diamètre  (T) 

Balancier  (  en  Hydraulique  )  eft  un  morceau  de 
bois  frété  par  les  deux  bouts ,  qui  fert  de  mouve- 
ment dans  une  pompe  ,  pour  faire  monter  les  trin- 
gles des  corps.  (  K  ) 

Balancier  ,  (  Monnoyage.  )  c'eft  une  machine 
avec  laquelle  on  fait  fur  les  flancs  les  empreintes 
qu'ils  doivent  porter  ,  félon  la  volonté  du  prince. 

Cette  machine  repréferttée  Plan.  I.  du  Monnoyage 
fig.  2.  eft  compofée  du  corps  S RR S  :  il  eft  ordinai- 
rement de  bronze ,  &  toujours  d'une  feule  pièce.  Les 
deux  montans  S  S  s'appellent  jumelles.  La  partie  l'u- 
périeure  7Tqui  ferme  la  baie  ou  ouverture  A  H9 
s'appelle  le  fommier  ;  elle  doit  avoir  environ  un  pie 
d'épaiflèur.  La  partie  inférieure  de  la  baie  eft  de  mê- 
me fermée  par  un  focle  fondu  avec  le  refte  ,  en  for- 
te que  les  jumelles ,  le  fommier  &  le  focle  ne  for- 
ment qu'un  tout  ;  ce  qui  donne  au  corps  plus  de  fo- 
lidité  <k  de  force  quç  fi  les  pièces  étoient  aflemblées, 


BAL 

Le  focle  a  vers  Tes  extrémités  latérales  deux  émi- 
nences  qui  fervent  à  l'affermir  dans  le  plancher  de 
Fattelier  ,  au  moyen  d'un  chaffis  de  charpente  qui 
l'entoure.  Ce  chaffis  de  charpente,  dont  les  côtés 
font  prolongés  comme  on  voit  en  A ,  fig.  z.  n°.  z.  eft 
fortement  fcellé  dans  le  plancher  ,  fous  lequel  eft  un 
maffif  de  maçonnerie  qui  foûtient  toute  la  machine. 

La  baie  eft  traverfée  horifontalement  par  deux 
moifes  ou  planchers  H,  I,  ordinairement  fondus  de  la 
même  pièce  que  le  corps.  Ces  deux  moifes  font  per- 
cées chacune  d'un  trou  quarré  dans  lequel  pane  la 
boîte  E  E.  Les  trous  des  moifes  doivent  répondre  à 
celui  qui  eft  au  fommier ,  qui  eft  fait  en  écrou  à  deux 
ou  trois  filets  ;  cet  écrou  fe  fait  en  fondant  le  corps 
fur  la  vis  qui  doit  y  entrer ,  &  qu'on  enfume  dans  la 
fonte  pour  que  le  métal  ne  s'y  attache  point. 

Cette  vis  a  une  partie  cylindrique  qui  paffe  dans 
le  corps  de  la  boîte  E  E  ,  &  y  eft  retenue  par  une 
clavette  qui  traverfe  la  boîte,  &  dont  l'extrémité  eft 
reçue  dans  une  rainure  pratiquée  fur  la  furface  de  la 
partie  cylindrique.  C'eft  le  même  méchanifme  qu'à 
la  prefle  d'Imprimerie.  Voy.  Presse  d'Imprimerie. 

Si  la  boîte  n'eft  point  traverfée  par  une  clavette 
qui  la  retienne  au  cylindre  qu'elle  reçoit,  elle  eft  re- 
pouffée  par  quatre  refforts  fixés  fur  la  moifefupérieu- 
re  d'un  bout ,  &  appuyant  de  l'autre  contre  des  émi- 
nences  réfervées  à  la  partie  fupérieure  de  chaque  cô- 
té de  la  boîte  ;  en  forte  qu'elle  eft  toujours  repouffée 
en-haut ,  ôc  obligée  de  fuivre  la  vis  à  mefure  qu'elle 
s'éloigne. 

Ce  fécond  méchanifme  eft  défectueux  ;  parce  que 
l'aclion  du  balancier,  quand  il  preffe ,  eft  diminuée 
de  la  quantité  de  l'aûion  des  petits  refforts  employés 
pour  relever  la  boîte.  La  partie  fupérieure  de  la  vis 
eft  quarrée  en  A,  &  reçoit  le  grand  levier  ou  la  barre 
B  C,  qui  eft  de  fer  ainfi  que  la  vis.  Cette  barre  a  à  fes 
extrémités  des  boules  de  plomb  dont  le  diamètre  eft 
d'environ  un  pié  ,  plus  ou  moins  ,  félon  les  efpeces  à 
monnoyer  :  car  on  a  ordinairement  autant  de  balan- 
ciers que  de  différentes  monnoies ,  quoiqu'on  pût 
les  monnoyer  toutes  avec  le  même.  Les  extrémités 
du  levier  ,  après  avoir  traverfe  les  boules  de  plomb, 
font  terminées  par  des  anneaux  D  ,  femblables  à 
ceux  qui  terminent  le  pendant  d'une  montre  ,  mais 
mobiles  autour  d'un  boulon  vertical.  On  attache  à 
ces  anneaux  autant  de  cordes  ou  courroies  de  cuir 
nattées  en  rond ,  qu'il  y  a  d'ouvriers  qui  doivent  fer- 
vir  la  machine. 

La  partie  inférieure  E  E  de  la  boîte  eft  creufe  :  el- 
le reçoit  une  des  matrices  ou  coins  qui  porte  l'em- 
preinte d'un  des  côtés  de  la  pièce  de  monnoie.  Cette 
matrice  eft  retenue  dans  la  boîte  avec  des  vis  ;  l'au- 
tre matrice  eft  affujettie  dans  une  autre  boîte  Havec 
des  vis.  On  pofe  cette  boîte  fur  le  focle  ou  pas  de  la 
baie  :  &  qu'on  ne  foit  pas  étonné  qu'elle  ne  foitque 
polée  ;  l'adion  de  la  vis  étant  toujours  perpendicu- 
laire ,  &  le  poids  de  la  matrice  affemblée  avec  la 
boîte ,  très-confidérable ,  il  n'y  a  aucune  raifon  pour 
que  cet  affemblage  fe  déplace. 

Devant  le  balancier  eft  une  profondeur  dans  la- 
quelle le  monnoyeur  place  fes  jambes  ,  afin  d'être 
affis  au  niveau  du  focle ,  &  placer  commodément  le 
flanc  fur  la  matrice. 

Tout  étant  dans  cet  état ,  en  forte  que  l'axe  de  la 
vis  ,  celui  des  boîtes  E  E  H ,  foient  dans  une  même 
ligne  perpendiculaire  au  plan  du  focle  ;  li  on  conçoit 
que  des  hommes  foient  appliqués  aux  cordons  dont 
les  extrémités  du  levier  font  garnies  ,  &  qu'ils  tirent, 
enlorte  que  la  vis  tourne  du  même  fens  dont  elle  en- 
tre dans  fon  écrou  ;  la  matrice  dont  la  boîte  fupé- 
rieure eft  armée  s'approchera  de  l'autre;  &  lî  l'on 
place  un  flan  fur  celle-ci ,  comme  on  voit  en  H,  il 
fe  trouvera  pris  ôc  preffé  entre  les  deux  matrices  d'u- 


BAL 


31 


ne  force  confidérable ,  puifqu'elle  équivaudra  à  l'ac- 
tion de  dix  à  douze  hommes  appliqués  à  l'extrémité 
d'un  levier  très-long  ,  &  chargé  par  fes  bouts  de 
deux  poids  très-lourds.  Après  que  le  flan  eft  mar- 
qué ,  deux  hommes  tirent  à  eux  des  cordons  dans  un 
fens  oppofé  ,  &  font  remonter  la  vis  :  le  monnoyeur 
faifit  cet  inftant  pour  chaffer  le  flan  marqué  de  def- 
fus  la  matrice  H ,  &  y  en  remettre  un  autre.  Il  doit 
faire  cette  manœuvre  avec  adreffe  &  promptitude  ; 
s'il  lui  arrivoit  de  n'être  pas  à  tems ,  il  Iaifferoit  le 
flan  fur  la  matrice ,  &  ce  flan  recevroit  un  fécond 
coup  de  balancier.  Les  flans  ont  été  grailles  d'huile 
avant  que  d'être  mis  fur  la  matrice. 

BALANCIER  ,  (  terme  de  Papetier.  )  c'eft  un  infini- 
ment de  fer  à  l'ufage  de  quelques  manufactures  de 
papier  dans  lefquelles  il  tient  lieu  de  la  dernière  pi- 
le ,  appellée  pile  à  l'ouvrier.  Cet  infiniment  eft  com- 
pote de  trois  barres  de  fer  ,  qui  forment  comme  les 
trois  côtés  d'un  quarré  ;  favoir ,  deux  montans  6c 
une  traverfe.  La  traverfe  eft  attachée  au  plancher 
par  deux  anneaux  de  fer  ,  &  les  deux  côtés  parallè- 
les defeendent  jufqu'à  la  hauteur  de  l'arbre  de  la 
roue.  L'une  des  deux  eft  terminée  par  une  efpece  de 
crochet  qui  s'attache  à  une  manivelle  de  ter  qui  eft 
au  bout  de  l'arbre  du  moulin  ;  l'autre  branche  eft 
fort  large  par  en-bas ,  &  forme  une  efpece  de  grille 
à  jour.  Le  mouvement  que  la  roue  communique  à 
un  des  montans  ,  fe  communique  auffi  à  la  branche 
terminée  en  quille  ;  &C  cette  branche  va  &  vient  con- 
tinuellement dans  une  efpece  d'auge  remplie  d'eau  & 
de  pâte  fine  ;  ce  qui  achevé  de  la  délayer  6c  de  la 
mettre  en  état  d'aller  en  fortant  de-là  dans  la  chau- 
dière. 

BALANCIER  ,  f.  m.  partie  du  Métier  à  bas  ,  fixée 
par  deux  vis  fur  chaque  extrémité  des  épaulieres.  Il 
étoit  compote  dans  les  anciens  métiers  de  deux  bar- 
res parallèles  14,14,  15,15,  affemblées ,  comme 
on  voit  Plan.  III.  fig.  1 .  où  celle  d'en-bas  eft  termi- 
née par  deux  petits  crochets.  On  a  corrigé  le  balan- 
cier dans  les  métiers  nouveaux,  en  fupprimant  la 
barre  15,  15,  avec  fon  tenon ,  &  en  lui  lubllituant 
fur  la  barre  14  ,  14,  à  égale  diftance  des  épaulieres, 
deux  vis  dont  la  tête  percée  &  placée  fous  la  barre 
14,  14,  peut  recevoir  deux  petits  crochets  qui  ont 
les  mêmes  fondions  que  ceux  de  la  pièce  qu'on  a 
fupprimée  ,  &  qui  donnent  encore  la  facilité  de  hauf- 
fer  &  de  baiffer  les  crochets  à  diferetion.  f^oye^  à 
l'article  Bas  AU  MÉTIER,  à  la  féconde  opération  de 
la  main  d'oeuvre  ,  qu'on  appelle  le  foncement  de  pic , 
l'ufage  du  balancier.  Mais  oblèrvez  que  fi  cette  faci- 
lité de  baiffer  tk.  de  hauffer  les  crochets  à  diferetion 
perfectionne  la  machine  ,  en  donnant  lieu  à  un  tâ- 
tonnement à  l'aide  duquel  on  obtient  le  point  de  pré- 
cilion  qu'on  cherche  ,  on  n'eut  pas  eu  befoin  de  tâ- 
tonner,  s'il  eût  été  poffible  aux  ouvriers  qui  conftnii- 
fent  les  métiers  à  bas  de  fe  conformer  avec  exacti- 
tude aux  proportions  du  modèle  idéal  qui  exilloit 
dans  la  tête  de  l'inventeur. 

BALANClNES,oa  VALANCINES  ,  f.  f.  (  Mari- 
ne. )  ce  font  des  maneuvres  ou  cordes  qui  defeen- 
dent des  barres  de  hune  &  des  chouquets ,  &  qui  vien- 
nent former  des  branches  fur  les  deux  bouts  de  la 
vergue ,  où  elles  parlent  dans  des  poulies.  On  s'en 
lert  pour  tenir  la  vergue  en  balance  lorfqu'elle  eft 
dans  fa  lituation  naturelle ,  ou  pour  la  tenir  haute  & 
baffe ,  félon  qu'il  ell  à  propos.  Voye^  Plan.  I.  la  fi- 
tuation  &  la  forme  des  balancines. 

Balancines  de  la  grande  vergue  ,  Plan.  I.  n°.  48. 
Balancines  de  la  vergue  de  milene  ,  Plan.  I.n  .  4g. 
Balancines  de  la  civadiere ,  PI.  I.  n°.  5o.  Les  balan- 
cines de  la  civadiere  font  amarrées  au  bout  du  beau- 
pré ,  &  fervent  auffi  pour  border  le  perroquet.  11  y 
a  deux  poulies  courantes  dont  les  cordes  viennent  le 
terminer  au  château  d'avant ,  cv  outre  cela  aux  deux 


32  BAL 

tiers  de  la  vergue  de  civadiere  il  y  a  deux  poulies 
doubles ,  &  de  grands  cordages  pour  tenir  la  vergue 
ferme  :  le  tout  le  rendant  au  château  d'avant ,  elles 
fervent  à  apiquer  la  vergue  de  civadiere  lorfque  l'on 
va  à  la  boidine.  f^oyei  Plan.  I.  le  beaupré  en  Z  ,&  la 
civadiere  n° .  10. 

Balancints  de  la  vergue  de  perroquet  de  mifene , 
PL  I.  n°.  86. 

Balancines  de  grand  perroquet ,  PL  I.  n°.  85. 

Balancints  du  grand  hunier  ,  voye^  PL  I.  vergue 
du  grand  hunier  ,  cot.  S. 

Balancines  de  la  vergue  de  perroquet  de  foule , 
PL  I.  n°.  84. 

Balancines  de  la  vergue  de  foule  ,  voye{  PL  I.  la 
vergue  de  foule  cotée  2. 

Balancines  de  la  vergue  du  perroquet  de  beaupré, 
voye^  PL  I.  la  vergue  du  perroquet  de  beaupré  cotée  1 1 . 
{Z) 

BALANCINE  de  chaloupe ,  (  Marine.  )  c'eft  la  ma- 
neuvre  ou  corde  qui  foûtient  le  gui.  Foyei  Gui. 

*  BALANÇONS  ,  f.  m.  pi.  (  Œconom.  ruft.)  c'eft 
ainfi  qu'on  appelle  en  Languedoc  de  petites  pièces 
de  bois  de  fapin  débitées  :  on  les  y  eftime  à  trois 
livres  la  douzaine. 

*  BALANÉOTE ,  (  Géog.  anc.  )  ville  de  la  Cilicie 
fur  les  confins  de  cette  province  :  Jolephe  qui  en  fait 
mention  ne  dit  rien  de  plus  de  la  fituation. 

*  BALANGIAR ,  (  Géog.  )  ville  capitale  de  Tar- 
tarie ,  au  nord  de  la  mer  Cafpienne. 

BALANT,  f.  m.  (  Marine.  )  le  balant  d'une  ma- 
«euvre  eft  la  partie  qui  n'eft  point  halée  :  il  fe  dit 
mifli  de  la  maneuvre  même  lorfqu'elle  n'eft  point 
employée.  On  dit  tenir  le  balant  d'une  maneuvre,  pour 
dire  V  amarrer  de  telle  forte  quelle  ne  balance  pas.  (Z) 

*  BALANTES,  f.  m.  pi.  (  Géog.)  peuples  d'Afri- 
que au  pays  des  Nègres ,  fur  la  côte  de  l'Océan , 
Vers  les  Biffaux. 

BALANUS  MYREPSICA ,  voyei  Nephriti- 
CUM  LIGNUM  ou  BEN. 

*  B ALAOU,  f.  m.  {Hifl.  nat.)  poiflbn  fort  commun 
à  la  Martinique  ;  il  fe  prend  à  la  lueur  des  flam- 
beaux :  il  eft  de  la  grandeur  de  la  fardine  ,  excellent 
au  goût ,  &  mal  décrit  par  les  auteurs. 

*  BALARES,  f.  m.  pi.  (  Hifl.  anc.  )  nom  que  les 
habitans  de  l'île  de  Codé  donnoient  aux  exilés  ,  & 
les  habitans  de  Carthage  à  ceux  de  leur  ville  ou  de 
leur  territoire  ,  qui  l'abandonnoient  pour  habiter  les 
montagnes  de  la  Sardaigne. 

BALARUC,  (  Eaux  de  )  voyei  Eau. 

BALAUSTES  ,  f.  f .  (  Mat.  med.  )  Les  balaufles 
font  les  fleurs  du  grenadier  fauvage  ;  on  en  extrait  le 
lue  de  la  même  manière  que  de  Thypocifte. 

Elles  font  aftringentes  comme  les  cytines  ,  d'une 
nature  terreufe  ,  épaiffifiantes ,  rafraîchiffantes  ,  & 
defliccatives  :  on  les  employé  dans  les  flux  de  tou- 
te efpece  ,  comme  dans  la  diarrhée  ,  la  dyflenterie, 
&  pour  arrêter  les  hémorrhagies  des  plaies. 

On  doit  les  choifir  nouvelles ,  bien  fleuries  &  d'un 
rouge  vif:  elles  donnent  de  l'huile  avec  du  fel  effen- 
tiel ,  &  aflez  de  terre.  (Ar) 

*  BALAUSTIER  ,  f.  m.  (  Jardinage.  )  c'eft  ainfi 
qu'on  nomme  le  grenadier  fauvage.  Voye^  Grena- 
dier. 

*  BALASSOR  ,  f.  m.  (  Commerce.  )  étoffe  faite  d'é- 
corce  d'arbre  que  les  Anglois  apportent  des  Indes 
orientales  :  on  ne  nous  dit  point  ni  de  quel  arbre  on 
prend  l'écorce ,  ni  comment  on  la  travaille. 

BALATS  ,  f.  m.  (  Marine.  )  c'eft  un  amas  de  cail- 
loux &  de  fable  que  l'on  met  à  fond  de  cale ,  pour 
que  le  vaifleau  entrant  dans  l'eau  par  ce  poids  de- 
meure en  affiette  ;  c'eft  ce  qu'on  appelle  autrement 
lefl.   Voye^  Lest.   (Z) 

*BALBASTRO,(  Géog.  )  ville  d'Efpagne  au 


BAL 

royaume  d'Aragon  fur  le  Vero.  Long.  zy.  5o.  lai, 
41.  5o. 

*  BALBEC  ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  ville  d'Afie 
dans  la  Syrie  ;  il  y  a  de  beaux  reftes  d'antiquités. 
Lon.  33.  lat.  33.  z5. 

*  BALCH  ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  ville  de  Perfe 
fituée  dans  le  milieu  du  Chorafan ,  fur  la  rivière  de 
Dehash.  Quelques  Géographes  la  prennent  pour 
l'ancienne  Chariafpa  ,  ou  Zariafpa  ,  ou  Baftres. 

BALCON  ,  f.  m.  terme  eTArchitecl.  faillie  pratiquée 
fur  la  façade  extérieure  d'un  bâtiment  ,  portée  par 
des  colonnes  ou  des  confoles  ;  on  y  fait  un  appui 
de  pierre  ou  de  fer  qui ,  lorfqu'il  eft  de  maçonnerie  , 
s'appelle  baluflrade  ;  &  quand  il  eft  de  ferrurerie  , 
s'appelle  auffi  balcon  :  il  en  eft  de  grands ,  de  moyens 
&  de  petits ,  félon  l'ouverture  des  croifées  ou  avant- 
corps  qui  les  reçoit.  Voye^  BANQUETTE  ,  terme  de 
Serrurerie. 

Ce  mot  vient  de  l'Italien  balcone ,  formé  du  Latin 
palcus  ,  ou  de  l'Allemand  palk ,  une  poutre.  Covar- 
ruvias  le  fait  venir  de  fict^Xuv  ,/acere ,  lancer, fondé 
fur  l'opinion  que  les  balcons  étoient  de  petites  tou- 
relles élevées  fur  les  principales  portes  des  forteref- 
fes ,  de  defliis  lefquelles  on  lançoit  des  dards,  &c.  fin- 
ies ennemis.  (P) 

Balcons  ,  en  Marine ,  ce  font  des  galeries  couver- 
tes ou  découvertes ,  qu'on  fait  aux  grands  vaifleaux 
pour  l'agrément  ou  la  commodité.  Voye^  Galerie. 

U) 

*  BALDIVIA ,  (  Géog.  )  port  &  place  confidéra- 
ble  du  Chili ,  entre  les  rivières  de  Callacalla  &  de! 
Potrero ,  à  leur  embouchure  dans  la  mer  du  Sud. 
Long.  306.  5z.  lat.  mérid.  3g.  58. 

*  B  ALE  ,  (  Géog.  )  ville  de  Suifie ,  capitale  du  can- 
ton de  même  nom.  Long.  z5.  i5.  lat.  4J.  40. 

*  BALEARES ,  f.  m.  pi.  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  îles 
de  la  Méditerranée ,  près  des  côtes  de  Valence  en 
Efpagne  ,  connues  aujourd'hui  fous  le  nom  de  Mayor- 
que  &  Minorque.  On  donna  le  nom  de  Baléares  aux 
habitans  de  ces  îles  ,  à  caufe  de  leur  habileté  à  fe  fer- 
vir  de  la  fronde  ;  puis  celui  de  Gymnetes,  &  aux  îles 
celui  de  Gymnefies ,  parla  même  raifon. 

BALEINE,  f.  f.  balœna,  {Hifl.  nat.)  poiflbn  du 
genre  des  cétacées,  le  plus  grand  de  tous  les  ani- 
maux :  c'eft  pourquoi  on  a  donné  le  nom  de  baleine 
aux  plus  gros  poifîbns ,  quoique  de  difterens  genres. 

Les  baleines  que  l'on  prend  fur  la  côte  de  Bayonne 
&  dans  les  Indes ,  ont  environ  trente-lix  coudées  de 
longueur  fur  huit  de  hauteur  ;  l'ouverture  de  la  bou- 
che eft  de  dix-huit  pies  ;  il  n'y  a  point  de  dents ,  mais 
il  fe  trouve  à  la  place  des  lames  d'une  forte  de  corne 
noire ,  terminées  par  des  poils  aflez  femblables  à  des 
foies  de  cochon ,  qui  font  plus  courts  en-devant  qu'en 
arrière.  On  a  donné  le  nom  de  fanons  aux  lames  qui 
font  dans  la  bouche.  On  les  fend  pour  les  employer 
à  ditférens  ufages  ;  c'eft  ce  qu'on  appelle  la  baleine 
dont  on  fe  fert  pour  faire  des  corps  pour  les  femmes  , 
les  bufques  ,  &c.  La  langue  eft  d'une  fubftance  fi 
molle  ,  que  lorfqu'on  l'a  tirée  hors  de  la  bouche  de 
l'animal ,  on  ne  peut  plus  l'y  faire  rentrer.  Les  yeux 
font  à  quatre  aunes  de  diftance  l'un  de  l 'autre  ;  ils 
paroiflent  petits  à  l'extérieur  :  mais  au-dedans  ils  font 
plus  grands  que  la  tête  d'un  homme.  La  baleine  a  deux 
grandes  nageoires  aux  côtés ,  il  n'y  en  a  point  fur  le 
dos.  La  queue  eft  fi  grande  &  fi  forte  ,  que  lorfque 
l'animal  l'agite  il  pourroit ,  dit-on ,  renverfer  un  pe- 
tit vaifleau.  Le  cuir  de  la  baleine  eft  fort  dur,  &  de 
couleur  noire  ;  il  n'y  a  point  de  poils  ;  il  s'y  attache 
quelquefois  des  coquillages  ,  tels  que  des  lépas  &  des 
huîtres.  Le  membre  génital  eft  proportionné  à  la 
grofleur  du  corps.  Rondelet. 

On  trouva  près  de  l'île  de  Corfe  ,  en  1620,  une 
baleine  qui  avoit  cent  pies  de  longueur.  Son  lard  pe- 
foit  cent  trente -cinq  mille  livres,  Il  fallut  employer 

les 


BAL 

les  forces  de  dix-fept  hommes  pour  tirer  du  corps  de 
i'animal  le  gros  inteilin ,  dont  la  capacité  étoit  fi  gran- 
de ,  qu'un  homme  à  cheval  auroit  pu  y  entrer.  L'épi- 
ne du  dos  étoit  compofée  de  trente-deux  vertèbres. 
Cette  baleine  étoit  femelle  &  pleine.  On  retira  de  la 
matrice  un  fœtus  qui  avoit  trente  pies  de  longueur, 
&  qui  pefoit  quinze  cents  livres. 

On  dit  qu'on  a  vu  des  baleines  qui  avoient  jufqu'à 
deux  cents  pies  de  longueur.  Quelqu'énorme  que  cet 
animal  ioit  par  lui-même ,  je  crois  qu'on  auroit  vou- 
lu l'aggrandir  encore  davantage  par  l'amour  du  mer- 
veilleux. On  prétend  à  la  Chine  qu'on  y  a  vu  des 
baleines  longues  de  neuf  cents  foixante  pies  ;  d'autres 
ont  comparé  ces  grands  poifîbns  à  des  écueils ,  à  des 
îles  flottantes,  &c.  Quoi  qu'il  en  foit  de  ces  relations , 
on  affûre  que  les  premières  baleines  qu'on  a  pêchées 
dans  le  Nord ,  étoient  beaucoup  plus  grandes  que 
celles  qu'on  y  trouve  à  préfent;  fans  doute  parce 
qu'elles  étoient  plus  vieilles.  On  ne  fait  pas  quelle 
efl  la  durée  de  la  vie  de  ces  animaux;  il  y  a  apparen- 
ce qu'ils  vivent  très-long-tems. 

L'eitomac  de  la  baleine  cil  d'une  grande  étendue  ; 
cependant  on  n'y  a  pas  vu  des  choies  d'un  grand  vo- 
lume. Rondelet  dit  qu'on  n'y  trouve  que  de  la  boue , 
de  l'eau,  de  l'algue  puante,  &  qu'on  en  a  tiré  quel- 
quefois des  morceaux  d'ambre.  Il  foupçonnoit  que 
la  baleine  n'avaloit  point  de  poiffons ,  parce  qu'on 
n'en  avoit  pas  vu  dans  fon  eftomac  :  mais  Wïllugby 
fait  mention  d'une  baleine  qui  avoit  avalé  plus  de 
quarante  merlus,  dont  quelques-uns  étoient  encore 
tout  frais  dans  fon  eltomac  ;  d'autres  difent  que  ces 
grands  poifîbns  vivent  en  partie  d'infecles  de  mer , 
qui  font  en  affez  grand  nombre  dans  les  mers  du  Nord 
pour  les  nourrir,  &  qu'on  a  trouvé  dans  leur  ellomac 
dix  ou  douze  poignées  d'araignées  noires ,  des  an- 
chois, &  d'autres  petits  poiffons  blancs,  mais  jamais 
de  gros.  Les  baleines  mangent  une  très-grande  quan- 
tité de  harengs. 

On  dit  que  ces  poiffons  s'élèvent  perpendiculai- 
rement fur  leur  queue  pour  s'accoupler  ;  que  le  mâ- 
le &la  femelle  s'approchent  l'un  de  l'autre  dans  cet- 
te fituation  ;  qu'ils  s'embraflent  avec  leurs  nageoi- 
res, 6c  qu'ils  relient  accouplés  pendant  une  demi- 
heure  ou  une  heure.  On  prétend  qu'ils  vivent  en  io- 
ciété  dans  la  fuite,  &  qu'ils  ne  le  quittent  jamais. 
La  femelle  met  bas  dans  l'automne.  On  afiûre  qu'il 
n'y  a  qu'un  baleinon  par  chaque  portée  ;  mais  il  ell 
auffi  gros  qu'un  taureau  ;  d'autres  difent  qu'il  y  en  a 
quelquefois  deux  ;  la  mère  l'alaite  en  le  tenant  avec 
fes  nageoires ,  dont  elle  fe  fert  auffi  pour  le  conduire 
&  pour  le  défendre. 

M.  Anderfon  ell  entré  dans  un  détail  tres-fatis- 
faifant  fur  les  différentes  efpcces  de  baleines,  dans 
fon  Hifloire  naturelle  cTIflande  &  du  Groenland ,  &c. 
Selon  cet  auteur,  la  véritable  baleine  de  Groenland  , 
pour  laquelle  fe  font  les  expéditions  de  la  pèche  ,  a 
des  barbes  &  le  dos  uni.  C'eft  celle  que  Ray  diitin- 
gue  par  cette  phrafe:  balcena  vulgaris  edentula ,  dorfo 
non  pinnato.  La  groffeur  énorme  de  ce  poifibn  fait 
qu'il  n'approche  guère  des  côtes  d'Iflande  ,  &  le  re- 
tient dans  des  abyfmes  inacccffibles  vers  Spitzberg , 
&  fous  le  pol  du  Nord.  Il  a  jufqu'à  foixante  ou  foixan- 
te &  dix  pies  de  longueur.  La  tête  feule  fait  un  tiers 
de  cette  malle.  Les  nageoires  des  côtes  ont  depuis 
cinq  jufqu'à  huit  pies  de  long  ;  la  gueule  efl  horilbn- 
tale,  un  peu  recourbée  vers  le  haut  aux  deux  extré- 
mités :  elle  tonne  à  peu-près  deux  demi-lunes  ;  elle  a 
trois  ou  quatre  brafles  de  largeur  ;  fes  coups  font  très- 
violens,  fur-tout  lorfque  ce  poifibn  ell  couché  fur  le 
côté:  c'ell  par  le  moyen  de  fa  queue  que  la  baleine 
fe  porte  en  avant;  tk  on  efl  étonné  de  voir  avec 
quelle  vîtefie  cette  mafia  énorme  fe  meut  dans  la 
mer.  Les  nageoires  ne  lui  fervent  que  pour  aller  de 
côté.  L'épidcrme  de  ce  poilfon  n'elt  pas  plus  épais 
Tome  II, 


A  L 


V> 


que  du  gros  papier  ou  du  parchemin.  La  peau  efl  de 
l'épaifieur  du  doigt,  &  couvre  immédiatement  la 
graifle,  qui  efl  épaiffe  de  huit  pouces  ou  d'un  pie  ; 
elle  efl  d'un  beau  jaune  ,  lorfque  le  poifibn  fe  porte 
bien.  La  chair  qui  fe  trouve  au  -  défions  ell  maigre 
&  rouge.  La  mâchoire  fupérieure  efl  garnie  des 
deux  côtés  de  barbes  qui  s'ajultent  obliquement 
dans  la  mâchoire  inférieure  comme  dans  un  four- 
reau, &  qui  embraflent,  pour  ainli-dire ,  la  langue 
des  deux  côtés.  Ces  barbes  font  garnies  du  côté"  de 
leur  tranchant  de  plufieurs  appendices ,  &  font  ran- 
gées dans  la  mâchoire  comme  des  tuyaux  d'ormie  . 
les  plus  petites  devant  &  derrière,  &  les  plus  gran- 
des dans  le  milieu  :  celles-ci  ont  lix  ou  huit  pies  & 
plus  de  longueur.  La  langue  ell  adhérente  prefqu'en 
entier;  ce  n'eil,  pour  ainfi  dire,  qu'un  morceau  de 
graifle  :  mais  il  efl  fi  gros,  qu'il  fuffit  pour  remplir 
plufieurs  tonneaux.  Les  yeux  ne  font  pas  plus  grands 
que  ceux  d'un  bœuf,  &  leurcryfhillindefféche  n'ex- 
cède pas  la  groffeur  d'un  gros  pois  ;  ils  font  placés 
fur  le  derrière  de  la  tête,  à  l'endroit  où  elle  ell  le 
plus  large.  Les  baleines  ont  des  paupières  ce  des  four- 
cils.  On  ne  voit  dans  ces  poiffons  aucune  apparence 
d'oreilles  au  dehors ,  cependant  ils  ont  l'ouie  très-bon- 
ne; &  fi  on  enlevé  l'épidcrme  ,  on  apperçoit  derrière 
l'œil,  &  un  peu  plus  bas,  une  tache  noire,  &  dans 
ce  même  endroit  un  conduit ,  qui  ell  fans  doute  ce3 
lui  de  l'oreille.  Les  excrémens  de  la  baleine  reficm- 
blent  affez  au  vermillon  un  peu  humeclé  ;  ils  n'ont 
aucune  mauvaife  odeur.  Il  y  a  des  gens  qui  les  re- 
cherchent, parce  qu'ils  teignent  d'un  joli  rouge ,  & 
cette  couleur  ell  affez  durable  fur  la  toile.  La  baleine 
mâle  a  une  verge  d'environ  fix  pies  de  longueur; 
fon  diamètre  efl  de  fept  à  huit  pouces  à  fa  racine ,  &c 
l'extrémité  n'a  qu'environ  un  pouce  d'epaiffeur  :  cet- 
te verge  ell  ordinairement  renfermée  dans  un  four- 
reau. Les  parties  naturelles  de  la  femelle  reflemblent 
à  celles  des  quadrupèdes  :  l'orifice  extérieur  paroit 
fermé  pour  l'ordinaire  ;  il  y  a  de  chaque  côté  une 
mammelle  qui  s'allonge  de  la  Longueur  de  lix  ou  huit 
pouces,  &  qui  a  dix  ou  douze  pouces  de  diamètre, 
lorfque  la  baleine  alaite  fes  petits.  Tous  les  pécheurs 
du  Groenland  afiùrent  que  l'accouplement  de  ces 
poiffons  fe  fait  comme  il  a  été  dit  plus  haut.  M.  Du- 
dley  rapporte  dans  les  Tranfaclions  philofophiques  , 
n°-  38  J.  article  z.  que  la  femelle  fe  jette  fur  le  dos 
&  replie  fa  queue,  &  que  le  mâle  fe  pofe  fur  elle 
&  l'embrafie  avec  fes  nageoires.  Ce  font  peut-être, 
dit  M.  Anderfon ,  des  baleines  d'une  autre  efpece  que 
celle  du  Groenland,  qui  s'accouplent  ainfi.  Selon 
M.Dudley,  l'accouplement  ne  fe  fait  que  tous  les 
deux  ans  ;  la  femelle  porte  pendant  neuf  ou  dix  mois , 
6c  pendant  ce  tems  elle  ell  plus  graffe ,  fur-tout  lorf- 
qu'elle  ell  près  de  fon  terme.  On  prétend  qu'un  em- 
bryon de  dix-fept  pouces  ell  déjà  tout  à-fait  formé 
&  blanc  :  mais  étant  parvenu  au  terme,  il  efl  noir 
&  a  environ  vingt  pies  de  longueur.  La  baleine  ne 
porte  ordinairement  qu'un  fœtus,  &  rarement  deux. 
Loriqu'elle  donne  à  téter  à  fon  petit,  elle  fe  jette  de 
côté  lur  la  furface  de  la  mer,  ec  le  petit  s'attache  à 
la  mammelle.  Son  lait  ell  comme  le  lait  de  vache. 
Lorfqu'elle  craint  pour  fon  petit ,  elle  l'emporte  en- 
tre les  nageoires. 

M.  Anderfon  décrit  plufieurs  autres  efpeces  de 
baleines,  qu'il  appelle  le  nord-caper ,  legibbar,  le  " 
/on  Je  Jupiter ,  le pflock-fifch  ,  ècleknotenou  knobbel- 
pfih;  &  il  rapporte  auffi  au  genre  des  baleines  la  //- 
corne  de  mer  ou  nerwal,  le  cachalot,  le  marjouin-Jbuf* 
fleur  ou  tunin  ,  le  dauphin ,  &  Vépée  de  mer.  /  byi  I 
tacée,  Poisson.  (/) 

*  Pêche  de  la  baleine.  Del  -  qui  fe  font 

dans  l'Océan  &  dans  la  Méditerrai  us  diffi- 

cile fans  contredit  &  la  plus  périlleufe  efl  ta 
des  baleines,  Les  Bafoues.  &  fuMout  ceux  qui  babi- 

•  L 


34  BAL 

tentle pays  de  Labour,  font  les  premiers  qui  Payent 
entreprise,  malgré  l'âpreté  des  mers  du  Nord  &  les 
montagnes  de  glace ,  au-travers  delquelles  il  falloit 
palier.  Les  Bafques  font  encore  les  premiers  qui 
ayent  enhardi  aux  différens  détails  de  cette  pêche  , 
les  peuples  maritimes  de  l'Europe ,  &  principalement 
les  Hollandois  qui  en  font  un  des  plus  importons  ob- 
jets de  leur  commerce,  &  y  employent  trois  à  qua- 
tre cents  navires,  &  environ  deux  à  trois  mille  ma- 
telots: ce  qui  leur  produit  des  fommes  très-confidéra- 
bles;  car  ils  fourninent  feuls  ou  prefquefeuls  d'huile 
&  de  fanons  de  baleines.  L'huile  lert  à  brûler  à  la  lam- 
pe ,  à  faire  le  favon ,  à  la  préparation  des  laines  des 
Drapiers ,  aux  Courroyeurs  pour  adoucir  les  cuirs  , 
aux  Peintres  pour  délayer  certaines  couleurs,  aux 
gens  de  mer  pour  en  grailler  le  brai  qui  lert  à  endui- 
re &  fpalmer  les  vaiïleaux,  aux  Archite&es  &  aux 
Sculpteurs  pour  une  efpece  de  détrempe  avec  céru- 
fe ,  ou  chaux  qui  durcit ,  fait  croûte  fur  la  pierre ,  & 
la  garantit  des  injures  du  tems.  A  l'égard  des  fanons , 
leur  ufage  s'étend  à  une  infinité  de  chofes  utiles  :  on 
en  fait  des  bufques,  despiquùres,  desparafols,  des 
corps  &  autres  ouvrages. 

Les  Bafques  qui  ont  encouragé  les  autres  peuples 
à  la  pêche  des  baleines ,  l'ont  comme  abandonnée  : 
elle  leur  étoit  devenue  prefque  dommageable,  parce 
qu'ayant  préféré  le  détroit  de  Davis  aux  côtes  de 
Groenland,  ils  ont  trouvé  le  détroit,  les  trois  der- 
nières années  qu'ils  y  ont  été,  tres-dépourvû  de  ba- 
leines. 

Les  Bafques  auparavant  envoyoient  à  la  pêche 
dans  les  tems  favorables ,  environ  trente  navires  de 
deux  cents  cinquante  tonneaux ,  armés  de  cinquante 
hommes  tous  d'élite ,  avec  quelques  moufles  ou  de- 
mi-hommes. On  mettoit  dans  chacun  de  ces  bâti- 
mens,  des  vivres  pour  fix  mois,  confiftans  en  bif- 
cuit,  vin,  cidre,  eau,  légumes  &c  fardines  falées. 
On  y  embarquoit  encore  cinq  à  fix  chaloupes  ,  qui 
ne  dévoient  prendre  la  mer  que  dans  le  lieu  de  la 
pêche ,  avec  trois  funins  de  cent  vingt  brafles  cha- 
cun ,  au  bout  defquels  étoit  faille  &  liée  par  une  bon- 
ne épiflure ,  la  harpoire  faite  de  fin  brin  de  chanvre , 
&  plus  mince  que  le  fiinin.  A  la  harpoire  tient  le  har- 
pon de  fer  dont  le  bout  eft  triangulaire  oc  de  la  figure 
d'une  flèche,  &  qui  a  trois  pies  de  long,  avec  un  man- 
che de  bois  de  fix  pies ,  lequel  fe  fépare  du  harpon 
quand  on  a  percé  ia  baleine ,  afin  qu'il  ne  puifle  rel- 
lortir  d'aucune  manière.  Celui  qui  le  lance  fe  met  à 
l'avant  de  la  chaloupe,  &  court  de  grands  rifques, 
parce  que  la. baleine,  après  avoir  été  blefîée,  donne 
de  furieux  coups  de  queue  &  de  nageoires,  qui  tuent 
fouvent  le  harponneur,  &  renverlént  la  chaloupe. 

On  embarquoit  enfin  dans  chaque  bâtiment  delti- 
né  à  la  pêche ,  trente  lances  ou  dards  de  fer  de  quatre 
pies ,  avec  des  manches  de  bois  d'environ  le  double 
de  longueur  ;  quatre  cents  bariques  tant  vuides  que 
pleines  de  vivres  ;  deux  cents  autres  en  bottes  ;  une 
chaudière  de  cuivre  contenant  douze  bariques  &  pe- 
fant  huit  quintaux  ;  dix  mille  briques  de  toutes  efpe- 
ces  pour  conftruire  le  fourneau ,  &  vingt-cinq  bari- 
ques d'une  terre  grafle  èc  préparée  pour  le  même 
ufage. 

Quand  le  bâtiment  eft  arrivé  dans  le  lieu  oùfe  fait 
le  paflage  des  baleines,  on  commence  par  y  bâtir  le 
fourneau  deftiné  à  fondre  la  graille  &  à  la  convertir 
en  huile  ;  ce  qui  demande  de  l'attention.  Le  bâtiment 
fe  tient  toujours  à  la  voile ,  &  on  fufpend  à  les  côtés 
les  chaloupes  armées  de  leurs  avirons.  Un  matelot  at- 
tentif eft  en  vedette  au-haut  du  mât  de  hune  ;  &  dès 
qu'il  apperçoit  une  baleine ,  il  crie  en  langue  Bafque 
balia  ,  balia;  l'équipage  fe  difperfe  aufli-tôt  dans  les 
chaloupes ,  &  court  la  rame  à  la  main  après  la  baleine 
apperçue.  Quand  on  l'a  harponnée  (l'adreife  confifle 
à  le  faire  dans  l'endroit  le  plus  fenlible  )  elle  prend 


BAL 

la  fuite  &C  plonge  dans  la  mer.  On  file  alors  les  fu- 
nins mis  bout  à  bout ,  &  la  chaloupe  fuit.  D'ordinaire 
la  baleine  revient  fur  l'eau  pour  refpirer  &  rejetter 
une  partie  de  Ion  fang.  La  chaloupe  s'en  approche  au 
plus  vite,  &  on  tâche  de  la  tuer  à  coups  de  lance  ou 
de  dard ,  avec  la  précaution  d'éviter  fa  queue  &  fes 
nageoires,  qui  feroient  des  bleflures  mortelles.  Les 
autres  chaloupes  fuivent  celle  qui  eft  attachée  à  la 
baleine  pour  la  remorquer.  Le  bâtiment  toujours  à  la 
voile  ,  la  fuit  auflî ,  tant  afin  de  ne  point  perdre  fes 
chaloupes  de  vue,  qu'afin  d'être  à  portée  de  mettre  à 
bord  la  baleine  harponnée. 

Quand  elle  eft  morte  &  qu'elle  va  par  malheur 
au  fond  avant  que  d'être  amarrée  au  côté  du  bâti- 
ment, on  coupe  les  funins  pour  empêcher  qu'elle 
n'entraîne  les  chaloupes  avec  elle.  Cette  manœuvre 
eft  abfolument  néceiîaire ,  quoiqu'on  perde  fans  re- 
tour la  baleine  avec  tout  ce  qui  y  eft  attaché.  Pour 
prévenir  de  pareils  accidens ,  on  la  fufpend  par  des 
funins  dès  qu'on  s'apperçoit  qu'elle  eft  morte  ,  &c  on 
la  conduit  à  un  des  côtés  du  bâtiment  auquel  on  l'at- 
tache avec  de  grollés  chaînes  de  fer  pour  la  tenir  lur 
l'eau.  Auflitôt  les  charpentiers  fe  mettent  deftus  avec 
des  bottes  qui  ont  des  crampons  de  fer  aux  femelles, 
crainte  de  glifler  ;  &  de  plus  ils  tiennent  au  bâtiment 
par  une  corde  qui  les  lie  par  le  milieu  du  corps.  Ils 
tirent  leurs  couteaux  qui  font  à  manche  de  bois  & 
faits  exprès  ;  &c  à  mefure  qu'ils  enlèvent  le  lard  de 
la.  baleine  fulpendue,  on  le  porte  dans  le  bâtiment, 
&  on  le  réduit  en  petits  morceaux  qu'on  met  dans  la 
chaudière ,  afin  qu'ils  foient  plus  promptement  fon- 
dus. Deux  hommes  les  remuent  fans  cefle  avec  de 
longues  pelles  de  fer  qui  hâtent  leur  dilfolution.  Le 
premier  feu  eft  de  bois  ;  on  fe  lert  enfuite  du  lard  mê- 
me qui  a  rendu  la  plus  grande  partie  de  ion  huile  , 
&  qui  fait  un  feu  très- ardent.  Après  qu'on  a  tourné 
6c  retourné  la  baleine  pour  en  ôter  tout  le  lard ,  on. 
en  retire  les  barbes  ou  fanons  cachés  dans  la  gueule, 
&  qui  ne  font  pas  au-dehors  comme  plufieurs  Natu- 
raliftes  fe  l'imaginent. 

L'équipage  de  chaque  bâtiment  a  la  moitié  du  pro- 
duit de  l'huile  ;  &  le  capitaine ,  le  pilote  &  les  char- 
pentiers ont  encore  par-deflus  les  autres  une  gratifi- 
cation fur  le  produit  des  barbes  ou  fanons.  Les  Hol- 
landois ne  le  font  pas  encore  halardés  à  tondre  dans- 
leurs  navires  le  lard  des  baleines  qu'ils  prennent ,  &C 
cela  à  caule  des  accidens  du  feu ,  qu'ils  appréhendent 
avec  jufte  raifon.  Ils  le  tranlportent  avec  eux  en  ba- 
riques pour  le  fondre  dans  leur  pays ,  en  quoi  les 
Bafques  fe  montrent  beaucoup  plus  hardis  :  mais  cet- 
te hardiefle  eft  récompenlée  par  le  profit  qu'ils  font, 
&  qui  eft  communément  triple  de  celui  des  Hollan- 
dois ,  trois  bariques  ne  produifant  au  plus  fondues, 
qu'une  barique  d'huile.  Voye[  le  recueil  de  différens  trai- 
tés de  Phyjïque ,  par  M.  Dellandes. 

C'eft  à  un  bourgeois  de  Cibourre ,  nommé  Fran- 
çois Soupite ,  que  l'on  doit  la  manière  de  fondre  Se 
de  cuire  les  grailles  dans  les  vaifleaux  ,  même  à  flot 
&  en  pleine  mer.  Il  donna  le  delîêin  d'un  fourneau 
de  brique  qui  le  bâtit  fur  le  fécond  pont  :  on  met  fur 
ce  fourneau  la  chaudière ,  &  l'on  tient  auprès  des 
tonneaux  d'eau  pour  garantir  du  feu. 

Voici  maintenant  la  manière  dont  les  Hollandois 
fondent  le  lard  de  baleine ,  qu'ils  apportent  par  petits 
morceaux  dans  des  bariques.  Une  baleine  donne  au- 
jourd'hui quarante  bariques  :  celles  qu'on  prenoit  au- 
trefois en  donnoient  jufqu'à  lbixante  à  quatre-vingts. 

On  voit ,  fig.  première  des  planches  qui  fuivent  cel- 
les de  notre  hiftoire  naturelle ,  une  coupe  verticale 
des  bacs ,  de  la  chaudière  &  du  fourneau  à  tondre  la 
lard.  On  place  les  tonneaux  A  A  pleins  de  lard  qui  a 
fermenté ,  fur  le  bord  du  bac  D  ;  on  vuide  ces  ton- 
neaux dans  ce  bac  ;  on  y  remue  le  lard  afin  de  le  dé- 
layer, &.  de  le  difpofer  à  lé  fondre.  On  met  le  feu  au 


BAL 

fourneau  C ,  dont  on  voit  le  cendrier  en  E ,  &  la  gril- 
le en  F i  on  jette  le  lard  du  bac  B  dans  la  chaudière 
G ,  placée  dans  un  maffif  de  brique  &  de  maçonne- 
rie ,  fur  le  fourneau  C.  Les  bacs  1,2,3,  C1IU  f°nt 
tous  moins  élevés  les  uns  que  les  autres  ,  communi- 
quent entr'eux  par  les  gouttières  H  ;  ils  font  pleins 
d'eau  fraîche.  Lorfque  le  lard  ell  délayé  ,  on  le  jette 
du  bac  B ,  dans  la  chaudière  G ,  comme  on  vient  de 
dire.  Onl'ylailTe  fondre  ;  à  mefure  qu'il  le  fond,  l'hui- 
le fe  forme  &  s'élève  à  la  furface.  On  la  ramaffe  avec 
des  cuillieres ,  &  on  la  jette  dans  le  bac  1  :  à  mefure 
qu'elle  s'amaffe  dans  le  bac  1  ,  elle  defcend  dans  le 
bac  2 ,  &  du  bac  2,  dans  le  bac  3 .  Au  fortir  du  bac  3 , 
on  l'entonne  dans  des  barriques  pour  être  vendue. 
On  la  fait  pafTer  fuccefTivement  par  ces  bacs  pleins 
d'eau,  afin  qu'elle  fe  refroidifle  plus  promptement. 
Après  qu'on  a  enlevé  l'huile,  il  refte  dans  la  poelle 
un  marc  ,  des  grillons  ,  ou  ,  pour  parler  la  langue  de 
l'art,  des  crotons.  On  prend  ces  crotons  ,  èk  on  les 
jette  fur  un  grillage  de  bois  dont  un  des  bouts  porte 
fur  le  maffif  de  la  chaudière ,  &  l'autre  bout  à  l'ex- 
trémité d'un  long  bac  qui  correfpond  à  toute  la  lon- 
gueur du  grillage ,  &  qui  reçoit  l'huile  qui  tombe  des 
crotons  qui  s'égouttent  fur  le  grillage.  Voye^fig.  z. 
A  ,  bac  où  l'on  met  le  lard  au  fortir  des  barriques. 
JB,  fourneau.  C,  cendrier.  D,  grille.  E  ,  chaudière. 
G  H ,  grillage  à»égouttcr  le  croton.  I K  ,  bac  qui  re- 
çoit les  égouttures.  Fig.  j.  plan  des  mêmes  chofes. 
A  y  bac  à  lard.  C ,  chaudière.  D  E  ,  grillage.  F  G  , 
bac  à  égouttures. 

Les  Bafques ,  dans  le  commencement,  faifoient  la 
pêche  dans  la  mer  Glaciale  ,  ck  le  long  des  côtes  de 
Groenland ,  où  les  baleines,  cru 'on  appelle  de  grande 
baie,  font  plus  longues  &  pins  grafles  que  dans  les 
autres  mers  :  l'huile  en  ell  auffi  plus  pure  ,  ck  les  fa- 
nons de  meilleure  qualité ,  fur-tout  plus  polis ,  niais 
les  navires  y  courent  de  très-grands  dangers  ,  à  cau- 
fe  des  glaces  qui  viennent  fouvent  s'y  attacher ,  ck 
les  font  périr  fans  reflburce.  Les  Hollandois  réprou- 
vent tous  les  ans  de  la  manière  du  monde  la  plus 
trille. 

Les  côtes  de  Groenland  ayant  infenfiblement  re- 
buté les  Bafques ,  ils  allèrent  faire  leur  pêche  en 
pleine  mer,  vers  File  de  Finlande,  dans  l'endroit 
nommé  Sarde ,  ck  au  milieu  de  plufieurs  bas-fonds.Les 
baleines  y  font  plus  petites  qu'en  Groenland ,  plus 
adroites  ,  s'il  ell  permis  de  parler  ainli  d'un  pareil  ani- 
mal, ck  plus  difficiles  à  harponner,  parce  qu'elles 
plongent  alternativement ,  <k  reviennent  fur  l'eau. 
Les  Bafques  ,  encore  rebutés,  ont  quitté  ce  parage  , 
&  ont  établi  leur  pêche  dans  le  détroit  de  Davis  , 
vers  l'île  d'Infeo,  fouvent  environnée  de  glaces,  mais 
peu  épaifîès.  Ils  y  ont  trouvé  les  deux  elpcces  de  ba- 
leines connues  fous  le  nom  de  grandes  baies ,  ck  de 
.Sarde.  Foye^  la  pèche  des  baleines ,  dans  l'ouvrage  de 
M.  Dellandes,  que  nous  avons  déjà  cité. 

La  pêche  des  baleines  ,  que  nous  avons  apprife  aux 
Hollandois  ,  ell  devenue  fi  confidérable  pour  eux , 
qu'ils  envoyent  tous  les  ans  fur  nos  ports  lept  à  huit 
mille  barrils  d'huile ,  ck  du  fa  von  à  proportion. 

Quelqu'utile  que  l'oit  cette  pèche  ,  il  s'ell  paffé  des 
fiecles  fans  que  les  hommes  ayent  oie  la  tenter.  C'é- 
toit ,  au  teins  de  Job  ,  une  entreprife  qu'on  regardoit 
comme  fi  fort  au-delîus  de  leurs  forces  ,  que  Job 
même  fe  fert  de  cet  exemple  pour  leur  faire  fentir 
leur  foibleffe  ,  en  comparailôn  de  la  toute-puifTance 
divine.  An  extrahere  poteris  leviathan  hamo  ,  6-  /une 
ligabis  linguam  ejus  ?  Numquid pones  circulant  in  nari- 
bus  ejus  ,  aut  armilla  perforabis  maxillam  ejus  ?  Num- 
quid multiplicabit  ad  te  preecs  ,  autloquetur  tibi  mollia  } 
Numquid  faciet  tecum  pactum ,  &  accipics  cum  fervum 
J'empiternum  ?  Numquid  illudes  ci  quaji  avi  ,  aut  ligabis 
tum  ancillis  tuis  ?  Concident  cum  amici  ?  Dividcnt 
illum  negociatores  }  Numquid  implebis  fagenas  pelle 
Tome  II, 


A  L 


55 


ejus  ,  &  gurgujlium  pijcium  capite  illius  }  Pont  fuper 
cum  manum  tua  m  ,  mémento  beili  ;  nec  ultra  addas  loqui, 
«  Homme,  enleveras-tu  la  baleine  avec  l'hameçon, 
»  ck  lui  lieras-tu  la  langue  avec  une  corde  ?  Lui  paf- 
»  leras-tu  un  anneau  dans  le  nez ,  &  lui  perceras-tu 
»  la  mâchoire  avec  le  fer  ?  La  réduiras-tu  à  la  fup- 
»  plication  ck  à  la  prière  ?  Fera-t-eile  un  pade  avec 
»  toi ,  &  fera-t-elle  tonefclave  étemel?  Te  joùeras- 
»  tu  d'elle  comme  de  l'oifeau  ,  ck  fervira-t-elle  d'a- 
»  nullement  à  ta  fervante  ?  Tes  amis  la  couperont- 
»  ils  par  pièces ,  &  tes  négocians  la  trafiqueront-ils 
»  par  morceaux  ?  Rempliras-tu  ton  filet  de  fa  peau  , 
»  &  de  fa  tête  ,  le  réfervoir  des  poillbns  ?  Mets  ta 
»  main  fur  elle  ;  fouviens-toi  de  la  guerre  ,  &  ne 
»  parle  plus  ». 

En  vain  les  incrédules  voudroient-ils  mettre  en 
contradiction  le  difeours  de  Job  avec  l'expérience 
d'aujourd'hui  :  il  ell  évident  que  l'Ecriture  parle  ici 
d'après  les  notions  populaires  de  ces  tems-là  ,  com- 
me Jofué  quand  il  dit,  arrite-toi  Soleil,  L'exemple  du 
livre  de  Job  ell  bien  choifi  ;  montre  parfaitement 
la  hardieffe  de  la  tentative  des  Bafques,  ck  prouve 
qu'une  exaûitude  ferupuieufe  ck  peu  néceffaire  dans 
des  raifonnemens  phyliques  ,  nuiroit  fouvent  au  lu- 
blime. 

Les  anciens  ne  difent  autre  chofe  des  baleines ,  fi- 
non  qu'elles  le  jettent  quelquefois  d'elles-mêmes  à 
terre  pour  y  jouir  de  la  chaleur  du  lbleil  qu'elles  ai- 
ment ,  &  que  d'autres  échouent  ou  font  poulTées  fur 
les  bords  de  la  mer,  par  la  violence  de  les  values. 
Si  Pline  rapporte  que  i'empereur  Claude  a  donné  le 
plaifir  ,  au  peuple  Romain ,  d'une  elpece  de  pêche 
où  l'on  prit  une  baleine ,  il  oblèrve  en 'même  tems 
que  ce  monilre  marin  avoit  échoué  au  port  d'Ortie  ; 
qu'auffi-tôt  qu'on  l'apperçut  dans  le  détroit,  l'empe- 
reur en  fît  fermer  l'entrée  avec  des  cordes  &  des  fi- 
lets ,  ck  que  ce  prince  ,  accompagné  des  archers  de 
la  garde  prétorienne,  en  fît  monter  un  certain  nom- 
bre dans  des  efquifs  &  des  brigantins  ,  qui  lancèrent 
plufieurs  dards  à  cet  animal ,  dont  il  fut  bielle  à  mort  ; 
que  dans  le  combat ,  il  jetta  une  fi  grande  quantité 
d'eau  par  l'on  évent  ou  tuyau  ,  qu'il  ert  mit  à  fond 
l'un  des  efquifs  :  mais  cette  hiitoire  ell  rappc^P 
comme  un  fut  rare  &  fingulier;  ainli,  il  demeWc 
toujours  pour  conllant  que  Fufage  de  cette  pêche  n'é- 
toit  pas  commun. 

Et  pourquoi  l'auroit-iï  été  ?  on  ne  connoiflbit  pref- 
que  pas ,  dans  ces  premiers  tems ,  le  profit  qu'on  en 
pouvoit  tirer.  Juba  ,  roi  de  Mauritanie ,  écrivant  au 
jeune  prince  Caïus  Céfar  fils  d'Augufte  ,  lui  manda 
qu'on  avoit  vu  en  Arabie  des  baleines  de  fix  cens  pies 
de  long  &  de  trois  cens  foixante  pies  de  large ,  qui 
avoient  remonté  de  la  mer  dans  un  fleuve  d' Arcadie, 
où  elles  avoient  échoué.  Il  ajoute  que  les  marchands 
Alîatiques  recherchoient  avec  grand  foin  la  graiffé 
de  ce  poillbn,  &  des  autres  poillons  de  mer;"qu'ils 
en  frottoient  leurs  chameaux  pour  les  garantir  des 
grolles  mouches  appellées  taons  ,  qui  craignent  fort 
cette  odeur.  Voilà  ,  félon  Pline,  tout  l'avantage  que 
l'on  droit  alors  des  baleines.  Cet  auteur  fait  enîùite 
mention  de  quarante-deux  fortes  d'huile,  ck  l'on  n'y 
trouve  point  celle  de  ce  poifîbn  :  on  favoit  encore  li 
peu  profiter  de  ce  poûTon ,  fous  les  règnes  de  Vefpa- 
lien  ,  de  Tite  ,  de  Domitien  &  de  Nerva  ,  que  Plutar- 
que  rapporte  que  plufieurs  baleines  avoient  échoué  en 
donnant  ùc  travers  aux  côtes  de  la  mer,  comme  un 
vailleau  qui  n'a  point  de  gouvernail  ;  que  lui-même 
en  avoit  vu  dans  l'île  d'Ancire  ;  qu'une  entre  les  au  - 
très ,  que  les  flots  avoient  jettée  mr  le  rivage  proche 
la  ville  de  Bunes,  avoient  tellement  irttèôe  l'air,  par 
fa  putréfadfion  ,  qu'elle  avoit  mis  la  pefte  dans  la 
ville  &  dans  les  environs. 

Voici  comment  on  prétend  que  nos  Bifcayens  du 
cap-Breton,  pies  de  Bayonne,  &  quelques  autres  pê 


36 


A  L 


chcurs ,  ont  été  engagés  à  la  pêche  des  baleines.  Il  pa- 
roît  tous  les  ans  fur  leurs  côtes ,  vers  l'hy  ver,  de  ces 
haleines  apis,  n'ont  point  d'évent,  &qui  iont  fortgraf- 
ies  :  l'occafion  de  pécher  de  ces  poiffons  le  préfenta 
donc  dans  leur  propre  pays ,  &  ils  en  profitèrent.  Ils  fe 
contentèrent  de  ces  baleines  pendant  fort  long-tems  : 
mais  l'obfervation  qu'ils  firent  enfuite ,  que  ces  monf- 
trueux  poifTons  ne  paroiffoient  dans  les  mers  de  ce 
pays-là  qu'en  certaines  laitons ,  &  qu'en  d'autres 
tems  ils  s'en  éloignoient ,  leur  fit  naître  le  deffein  de 
tenter  la  découverte  de  leur  retraite.  Quelques  pê- 
cheurs du  cap-Breton  s'embarquèrent  &  firent  voile 
vers  les  mers  de  l'Amérique  ,  &  l'on  prétend  que  ce 
fut  eux  qui  découvrirent  les  premiers  les  îles  de  Ter- 
re-Neuve ,  &  la  terre-ferme  du  Canada  ,  environ 
cent  ans  avant  les  voyages  de  Chriflophle  Colomb , 
&  qu'ils  donnèrent  le  nom  de  cap-Breton  ,  leur  pa- 
trie ,  à  une  de  ces  îles,  nom  qu'elle  porte  encore. 
Vqyei  Corneil.  "Witfl.  Ant.  Mang.  Ceux  qui  font  de 
ce  fentiment  ajoutent  que  ce  fut  l'un  de  la  nation  de 
ces  Bifcayens  qui  donna  avis  de  cette  découverte 
à  Colomb  ,  l'an  1491,  &  que  celui-ci  s'en  fit  hon- 
neur :  d'autres  croyent  que  ce  ne  fut  que  l'an  1  504 
que  ce  premier  voyage  fait  entrepris  par  les  Bafques, 
auquel  cas  il  feroit  poitérieur  à  celui  de  Colomb. 
Quoi  qu'il  enfoit,  il  eft  certain  qu'ils  découvrirent , 
dans  les  mers  qui  font  au  nord  de  l'Amérique  ,  un 
grand  nombre  de  baleines  ,  mais  en  même  tems  , 
qu'ayant  auffi  reconnu  qu'elles  font  encore  plus 
abondantes  en  morues,  ils  préférèrent  la  pêche  de 
ce  dernier  poiflon  ,  à  la  pêche  de  l'autre. 

Lorfque  le  tems  approche  où  les  navires  baleiniers 
doivent  revenir ,  il  y  a  toujours  des  matelots  en  len- 
tinelle  dans  le  port  de  Succoa.  Les  premiers  qui  dé- 
couvrent un  bâtiment  prêt  à  arriver ,  fe  hâtent  d'al- 
ler à  fa  rencontre,  &  le  font  payer  un  droit  de  30 
fous  par  homme.  Quelque  tems  qu'il  rafle  ,  ils  s'em- 
barquent fans  rien  appréhender ,  ôc  le  chargent  de 
mouiller  le  bâtiment  à  un  des  endroits  connus  de  la 
bonne  rade. «Il  eft  , dit  M.  Deflandes  ,  ailé  de  voir 
»  que  l'intérêt  feul  ne  les  guide  point:  rien  ,  en  effet, 
»  n'eft  plus  modique,  fur-tout  dans  les  mauvais  tems, 
m^  lorfque  la  mer  brife  contre  une  côte  toute  de 
»^er  ,  que  la  rétribution  qu'on  leur  donne  :  mais  ils 
»  feroient  infiniment  affligés  de  voir  périr  leurs  com- 
»  patriotes  ,  &  c'eft  un  fervice  d'humanité  qu'ils  le 
»  rendent  mutuellement  ». 

*  Baleine  ,  (  le  blanc  de  )  n'eft  autre  chofe  qu'une 
préparation  de  cervelle  de  cachalots ,  qui  fe  tait  à 
Bayonne  &  à  Saint  Jean  de  Luz.  Prenez  la  cervelle  de 
cet  animal  ;  fondez-la  à  petit  feu  ;  jettez-la  enfuite 
dans  des  moules  comme  ceux  des  fucreries  ;  laiffez- 
la  égoutter  lbn  huile  &  fe  refroidir  ;  refondez-la  en- 
fuite  ,  &  continuez  de  la  faire  égoutter  &  fondre  jul- 
qu'à  ce  qu'elle  foit  bien  purifiée  &  bien  blanche  : 
coupez-la  enfuite  &  la  remettez  en  écaille  de  la  for- 
me de  celles  qu'on  nous  vend.  Il  faut  choilîr  ces 
écailles  belles  ,  blanches ,  claires ,  &  tranfparentes , 
d'une  odeur  fauvagine  ,  &  fans  aucun  mélange  de 
cire  blanche,  &  les  tenir  dans  desbarrils  ou  des  vaif- 
feaux  de  verre  bien  fermés. 

Je  ne  prétens  point  contiedire  M.  Pomet  fur  la 
nature  &  la  manière  défaire  le  blanc  de  baleine ,  dit 
M.  James  dans  fon  Dictionnaire  de  Médecine;  j'ai 
pourtant  vu ,  ajoûte-t-il ,  du  blanc  de  baleine  qui  n'a- 
voit  effuyé  aucune  préparation ,  &  qu'on  s'étoit  con- 
tenté de  mettre  dans  des  facs  de  papier  pour  en  ab- 
forber  l'huile  ;  &  je  puis  affiner  que  ce  n'eft  ni  l'huile, 
ni  le  fperme  de  la  baleine ,  mais  une  lubftance  parti- 
culière qu'on  trouve  dans  la  tête  de  ce  poiffon.  On  le 
trouve  auffi  dans  d'autres  endroits  que  la  tête;  mais 
il  y  eft  moins  bon.  Foye^  à  t 'article  Cachalot  ,  ce 
qu'il  y  a  de  vrai  ou  de  faux  dans  ce  fentiment  de  M. 
James. 


BAL 

Baleine  ,  {le  blanc  de  )  Mat.  med.  eft  un  remède 
dans  plufieurs  cas  ;  on  l'employé  d'ordinaire  pour  les 
meurtriffures ,  les  contulîons  internes,  &  après  l'ac- 
couchement; c'eft  un  balfamique  dans  plufieurs  ma- 
ladies de  la  poitrine;  il  déterge  &.  confolide  :  il  eft 
très-iùr  &  très-efficace  dans  les  toux  qui  viennent 
d'un  catarrhe  opiniâtre,  d'érolîon,  d'ulcération,  auffi- 
bien  que  dans  les  pleuréfies  &  les  abfcés  internes  ; 
c'eft  un  confolidant ,  lorfque  la  mucofité  des  inteftins 
a  été  emportée  par  l'acrimonie  de  la  bile ,  comme 
dans  les  diarrhées  &  les  dyffenteries.  Il  convient  auffi 
dans  les  ulcères  des  reins  &  pour  Pépaiffiffement  du 
fang  ;  il  ramollit  &  relâche  les  fibres  ;  il  contribue 
fouvent  à  l'expulfion  de  la  gravelle ,  en  élargiffant 
les  paffages;  -on  l'employé  en  forme  d'éiechiaire  & 
de  bol ,  avec  des  conferves  convenables  &  autres 
choies  de  cette  efpece  ;  &  lorfqu'on  a  eu  le  foin  de  le 
mêler  comme  il  faut,  il  eft  difficile  que  le  malade  le 
découvre  fous  cette  forme  :  on  le  dilibut  auffi  par  le 
moyen  d'un  jaune  d'œuf ,  ou  bien  on  le  réduit  en 
émulfion  ;  la  dofe  ordinaire  eft  d'environ  demi-o;ros. 

Employé  à  l'extérieur  il  eft  émollient,  confon- 
dant ;  il  lert  fur-tout  dans  la  petite  vérole ,  &  l'on  en 
oint  les  pullules  lorfqu'elles  commencent  à  fe  durcir, 
après  l'avoir  mêlé  avec  de  l'huile  d'amandes  douces. 
Il  n'y  a  pas  long-tems  qu'on  s'en  lert  dans  cette  mala- 
die ,  quoiqu'il  ait  été  en  uiage  du  teïns  de  Schroder , 
pour  diffiper  les  crevaffes  que  laiffent  la  galle  &  les 
pullules. 

On  l'employé  fouvent  comme  un  cofmétique  dans 
le  fard ,  &  dans  les  pâtes  avec  lefquelles  on  fe  lave  les 
mains.  (Ar) 

Baleine,  {en  Agronomie.  )  eft  une  grande  conftel- 
lation  de  l'hémifphere  méridional  fous  les  Poiffons  , 
&  proche  de  l'eau  du  Verfeau.  V.  Constellation. 

Il  y  a  dans  la  baleine  22  étoiles  félon  le  catalogue 
de  Ptolomée  ;  2 1 ,  lelon  le  catalogue  de  Tycho  ;  22  , 
félon  Heveihis;  &  78,  dans  le  catalogue  Britanni- 
que. (O) 

B ALE VRES  ,  f.  f.  pi.  (  terme  d'Architecture.  )  du  La- 
tin bislabra ,  qui  a  deux  lèvres  ;  c'eft  l'excédent  d'une 
pierre  fur  une  autre  pi  es  d'un  joint,  dans  la  douille 
d'une  voûte  ,  ou  dans  le  parement  d'un  mur  ;  &c  on 
retaille  les  balevres  en  ragréant  :  c'eft  auffi  un  éclat 
près  d'un  joint  occalionné  dans  la  pierre  ,  parce  que 
le  premier  joint  étoit  trop  ferré.  (  P) 

Balevres  ,  (  en  Fonderie  en  grand.  )  on  donne  ce 
nom  à  ces  inégalités  qu'on  apperçoit  fur  la  fui-face 
des  pièces  fondues  ,  &  qu'il  faut  reparer  enfuite  : 
elles  font  occalîonnées  dans  là  fonte  en  grand  par  les 
cires  ,  &  les  jointures  des  affiles  :  on  a  foin  par  cette 
railon  que  les  jointures  des  affiles  tombent  aux  en- 
droits de  la  figure  les  moins  remarquables ,  afin  que 
les  balevres  en  foient  plus  faciles  à  reparer;  dans  la 
fonte  en  petit ,  les  balevres  viennent  des  défauts  del'af- 
femblage  des  pièces  qui  compofent  le  moule  &  les 
cires.  On  a  ainfi  que  dans  la  fonte  en  grand,  l'atten- 
tion de  les  écarter  des  parties  principales ,  &  la  même 
peine  à  les  reparer. 

*  B  ALI,  (Géog.)  ville  d'Afie,  capitale  de  l'île  & 
du  royaume  de  même  nom,  aux  Indes.  Long.de  F  île 

133-13*- *"*•  9- 

*  Bali  ,  (Géog.')  royaume  d'Afrique,  dans  l'A- 
byffinie  :  le  fleuve  Havafch  le  traverfe. 

BALISCORNE ,  ou  BASSECONDE ,  f.  f.  on  don- 
ne dans  les  grojfes  forges  ce  nom  à  une  pièce  de  fer 
MX,  fixée  fur  le  deffus  de  la  caiffe  des  foufflets  par 
des  attaches  de  fer  NN ,  qui  l'embruffent  :  le  bout 
M  en  eft  arrondi ,  &c'eft  fur  cette  partie  que  portent 
les  cammes  de  l'arbre  qui  fait  bailler  la  caiffe.  Voye^_ 
Planche  FI  I.  fig.  l.  des  grojfes  forges. 

BALISES ,  f.  f.  (  termes  de  mer  &  de  rivières.  )  c'eft 
une  marque  que  l'on  met  fur  un  banc  dangereux  pour 
avertir  les  yaiffeaux  de  l'éviter,  Ces  marques  font    v 


BAL 

différentes  ;  quelquefois  c'eft  un  mât  ou  une  pièce  de 
bois  qu'on  élevé  deffus,  ou  aux  extrémités  ;  d'autres 
fois  c'eft  un  tonneau  flottant  amarré  avec  des  chaî- 
nes Se  des  ancres  fur  le  fond  du  banc  :  on  met  des  ba- 
lifes  pour  indiquer  un  chenal  ou  une  parle  dangereu- 
fe  :  on  fe  fert  également  du  mot  de  bouée  pour  expri- 
mer ces  marques. 

Balise  ,  fe  dit  aufîî  de  l'efpace  qu'on  eft  obligé  de 
biffer  le  long  des  rivages  des  rivières  pour  le  halage 
des  bateaux. 

BALISER  un  chenal  ou  unepajfc ,  c'eft  y  mettre  des 
balifes.  (Z) 

BALISEUR ,  f.  m.  {terme  a" Eaux  &  Forêts.}  eft  un 
officier  chargé  de  veiller  aux  terres  des  riverains  ,  à 
l'effet  d'en  reculer  les  limites  du  côté  du  bord  de  la 
rivière,  àladiftance  preferite.  V.  Riverain.  (H) 

BALISIER ,  f.  m.  cannacorus  ,  {Hifl.  nat.  bot.')  gen- 
re de  plante  à  fleur  liliacée  monopétale  en  forme  de 
tuyau,  divifée  en  fix  parties,  dont  l'une  forme  une 
forte  de  languette  qui  femble  tenir  lieu  de  piftil ,  & 
qui  a  au  fommet  comme  une  étamine;  le  calice  eft 
en  forme  de  tuyau;  il  embraffe  la  fleur,  &  devient 
dans  la  fuite  un  fruit  oblong  ou  arrondi,  membra- 
neux ,  divifé  en  trois  loges ,  &  rempli  de  femences 
prefque  fphériques.  Tournefort,  Injl.  rei  herb.  Voye^ 
Plante.  (/) 

BALISTE,  f.  f.  (  Art.  milit.  )  eft  une  machine  de 
guerre  dont  fe  fervoient  les  anciens  pour  lancer  des 
traits  d'une  longueur  ck.  d'un  poids  furprenant;  elle 
chaffoit  aufîî  des  balles  ou  boulets  de  plomb  égaux 
au  poids  des  gros  traits  qu'elle  lançoit. 

Les  écrivains  de  l'antiquité ,  au  moins  le  plus 
grand  nombre ,  font  oppolés  les  uns  &  les  autres  à 
l'égard  de  la  balijle  &  de  la  catapulte,  f^oye^  Cata- 
pulte. Ils  confondent  fouvent  ces  deux  machines  , 
qui  fuivant  M.  le  Chevalier  de  Folard  différent  beau- 
coup entr'elles  dans  leur  ufage  comme  dans  leur  conf- 
trudtion. 

Ammien  Marcellin  exprime  la  catapulte  par  le  ter- 
me de  tormentum ,  &  quelquefois  cY onagre.  Voy.  ONA- 
GRE. Froiffart  fe  fert  de  celui  cY  engin  :  celui-ci  eft 
trop  général  ;  car  on  peut  entendre  par  ce  terme  la 
balijle  &  la  catapulte.  Il  y  a  auffi  des  auteurs  qui  lui 
ont  donné  le  nom  de  feorpion  :  mais  le  feorpion  chez 
ceux  qui  paroiffent  les  mieux  inftruits ,  n'eft  autre 
choie  que  la  balifle.  Voye?v  Scorpion. 

«  La  balijle ,  dit  M.  le  Chevalier  de  Folard ,  dont 
nous  tirons  la  defeription  fuivante,  »  formoit  com- 
»  me  un  arc  brifé  ;  elle  avoit  deux  bras ,,  mais  droits , 
»  &  non  pas  courbes  comme  l'arc  d'une  arbalète, 
»  dont  les  forces  agiffantes  font  dans  les  refforts  de 
»  l'arc  même  dans  fa  courbure  :  celles  de  la  balijle  font 
»  dans  les  cercles  comme  celle  de  la  catapulte:  cela 
»  nous  difpenfera  d'entrer  dans  une  deicnption  trop 
»  détaillée  de  (es  différentes  parties.  La  figure  entera 
»  infiniment  mieux  comprendre  la  ftructure  &  la  puif- 
»  fance  qui  la  fait  agir,  que  l'explication  ne  pour- 
»  roit  faire  ».  Vcye\  cette  figure ,  PI.  XII.  de  Fortifica- 
tion :  elle  a  pour  titre  Balifle  Je  flege.  Voici  le  détail  de 
fes  principales  parties. 

Une  balifle  de  cette  efpece  lançoit  des  traits  de 
foixante  livres ,  longs  de  trois  pies  neuf  pouces  ik. 
neuf  lignes  :  cela  veut  dire ,  s'il  faut  s'en  fier  à  Vi- 
truve,  dit  le  Chevalier  de  Folard  ,  «  que  les  trous 
v  des  chapiteau  .  étoient  de  huit  pouces  neuf  lignes 
»  de  diamètre,  c'eil-à-dirc,  le  cinquième  delà  lon- 
»  gueur  uirtrait.  Elle  eft  compofée  d'une  bâte  i ,  des 
»  dix  montans  3 ,  4,  de  quinze  diamètres  6c  dix  li- 
»  gnes  de  hauteur  fans  les  tenons  des  deux  traver- 
»  ians  5,6:  leur  longueur  eft  de  dix-fept  diamètres 
»  dix  lignes  ;  7,  font  lus  deux  chapiteaux  du  traver- 
»  fant;  5 ,  8,  les  chapitaux  de  celui  d'en-bas  6  ;  ces 
»  deux  traverfans  font  foûtenus  &  fortifiés  des  deux 
»  poteaux  équarris  9  ;  de  cinq  diamètres  de  hauteur 


B  A  L 


J7 


»  fans  les  tenons  ,  &  de  deux  pies  de  greffent  corn-' 
»  me  les  montans.  L'intervalle  d'entre  les  deu 
»  teaux  9,  &  les  deux  montans  3,4,  où  l'ont  pia- 
»  ces  les  chapiteaux,  eft  de  lept  diamètres  environ  5 
»  iofont  les  deux  écheveaux  de  cordes  de  droit  &  de 
»  gauche;   1 1  les  deux  bras  engagés  dans  le  1 
»  des  cheveaux:  leur  longueur  eftde  dix  diamètres , 
»  compris  les  deux  crochets  qui  font  à  l'extrémité  de 
>»  chaque  bras  ,  où  la  corde,  ou  pour  mieux  dire,  lé 
»  gros  cable  eft  attaché  comme  la  corde  d'une 
»  1ère.  Ce  cable  doit  être  compofé  de  plulicurs  cor- 
»  des  de  boyaux  extrêmement  tendu  :  il  faut  qu'il 
»  foit  d'abord  un  peu  court,  parce  qu'il  s'allonge  & 
»  fe  lâche  dans  le  bandage  :  on  raccourcit  en  le  tor- 
»  dant. 

»  Les  bouts  des  bras  n'ont  point  de  cuilleron  coin- 
>>  me  celui  de  la  catapulte  ;  à  cela  près  ils  doivent  être 
»  femblables,  parfaitement  égaux  dans  leur  molle"  . 
»  dans  leur  longueur,  dans  leur  poids,  &  il  faut  qu  :  • 
»  ne  plient  point  dans  le  plus  violent  effort  de  leur 
»  teniion.  Les  traits  13  ne  doivent  pas  moins  être 
»  égaux  en  tous  fens  que  les  Bras,  qui  feront  placés 
»  fur  une  même  ligne  parallèle  ,  à  même  hauteur  par 
»  conséquent,  &  au  centre  des  deux  écheveaux  dans 
»  lefquels  ils  font  engagés. 

»  Les  deux  montans  3  ,  4,  doivent  être  courbes  à 
»  l'endroit  14  où  ils  frappent  dans  la  détente.  Dans 
»  cette  courbure  on  y  pratiquera  les  couffinets  15; 
>>  cet  enfoncement  fait  que  les  bras  fe  trouvent  pa- 
»  ralleles  à  Fécheveau ,  &  qu'ils  décrivent  chacun 
»  un  angle  droit  dans  leur  bandage,  c'eft-à-dire  dans 
>»  leur  plus  grande  courbure,  li  importe  peu,  à  l'é- 
»  gard  des  balijles,  que  les  deux  bras  frappent  de 
»  leurs  bouts  ou  de  leur  milieu  contre  les  deux  coui- 
»  linets  ;  ainfi  on  peut ,  autant  qu'on  le  juge  à  pro- 
»  pos,  diminuer  de  la  largeur  desdeux  chaflis  où  font 
»  placés  les  deux  écheveaux  de  cordes,  fans  retran- 
»  cher  de  leur  hauteur, 

»  L'intervalle  d'entre  les  deux  poteaux  9 ,  qui  doit 
»  être  au  milieu  des  deux  traverliins,  oit  l'on  intro- 
»  duit  l'arbrier  16  ,  doit  être  un  peu  plus  étroit  que 
»  l'arbrier,  afin  de  pratiquer  une  entaille  dans  l'in- 
»  teneur  des  poteaux  9  de  deux  où  trois  pouces  des 
»  deux  côtés  ,  afin  de  le  tenir  ferme.  C'eft  fur  cet  ar- 
»  brier  que  l'on  place  le  gros  trait  &c  que  l'on  pratique 
»  un  canal  parfaitement  droit;  la  longueur  le  prend 
»  fur  la  courbure  des  deux  bras  avec  la  corde  iz: 
»  ainfi  on  connoit  la  longueur  qu'il  faut  donner  au 
»  canal  &  jufqu'à  l'endroit  où  la  noix  17  de  la  dé- 
»  tente  fe  trouve  placée  pour  recevoir  la  corde  de 
»  l'arc  à  fon  centre.  Cette  noix  fert  d'arrêt,  &  la  dé- 
»  tente  eft  femblable  à  celles  des  arbalètes.  11  y  a  une 
»  choie  à  obièrver  à  l'égard  de  l'arbrier  :  il  faut  qu'il 
»  foit  placé  jufte  à  la  hauteur  de  la  corde  qui  doit  l'ri- 
»  fer  deffus;  car  fi  elle  étoit  plus  haute,  elle  ne  pren- 
'»  droit  pas  le  trait;  &  fi  elle  appuyoit  trop  fortement 
»  deffus,  il  y  auroit  du  frottement  fur  le  canal  oii  le 
»  trait  cil  étendu  ,  ce  qui  diminueroit  la  puiilance  qui 
»  le  chaffe. 

»  A  deux  niés  en-deçà  de  la  détente  efl  le  tr.iv  il 
»  1  8  ,  autour  duquel  fe  dévide  la  corde  ;  &  lorfqu'on 
«  veut  bander  la  machine,  on  accroche  la  corde 
»  l'arc  à  fon  centre  par  le  moyen  2  fer 

»  19.  Cette  main  a  deux  crochets  qui  faififfentla  eor- 
»  de  en  deux  endroits  pour  l'amener.  La  diftance  d  un 
»  crochet  à  l'autre  doit  être  plus  grande  que  ia  lar 
»  de  la  noix,  qui  doit  avoir  une  ouverture  au  milieu 
»  comme  celle  des  arbalètes ,  dans  laquelle  on  inl 
»  duit  le  talon  du  trait  contre  la  1  prend  à 

»  la  noix. 

»  J'ai  dit  que  les  deux  montans  j 
»  pu\  es  fur  leur  baie  à  tenons  &  à  m  h  1 
»  voient  être  appuyés  &  retenus  (  ncoi  s\ 
»  fautes  contreiichvï.  Héron  6c  Vitn 


38 


BAL 


»  mettent  une  efpece  de  table  ou  d'échafaudage  10 , 
»  fiir  lequel  l'arbrier  eft  en  partie  ibûtenu  ,  dont  la 
»  hauteur  jointe  à  l'épaifl'eur  de  l'arbrier  devoit  ar- 
»  river  jufte  à  la  hauteur  de  la  corde  n.  Je  crois, 
»  dit  toujours  M.  de  Folard ,  que  cette  table  n'étoit 
»  faite  que  pour  aider  à  foûtenir  l'arbrier ,  qui  de- 
»  voit  être  compoié  d'une  groffe  poutre  de  leize  dia- 
»  mètres  &  de  deux  pies  de  longueur ,  d'une  de  lar- 
»  geur&  d'une  d'épaifl'eur  ,  conforme  au  trait  qu'elle 
»  lançoit.  Ajoutez  la  force  extraordinaire  du  banda- 
»  ge,  capable  de  faire  plier  la  plus  forte  poutre,  fi 
»  ion  épaiiieur  ne  iurpaiïe  fa  largeur.  J'imagine  tou- 
»  tes  ces  raifons  ,  pour  prouver  la  néceflité  de  cette 
«  table,  parce  que  je  n'en  vois  aucune  autre  ;  car  à 
»  parler  franchement,  cette  charpente  paraît  un  peu 
»  fuperflue  :  mais  comme  il  faut  refpecter  l'antiquité 
»  &  l'expérience  de  ces  fortes  de  machines  que  nous 
»  n'avons  point,  nous  hafardons  cette  ftmeture  dans 
»  ce  qui  nous  a  paru  inutile ,  qui  ne  l'eft  peut-être 
»  pas  ». 

Cette  réflexion  de  M.  de  Folard  eft  d'autant  plus 
jufte ,  que  les  anciens  s'étant  expliqués  d'une  manière 
fort  obfcure  fur  les  différentes  machines  de  guerre 
qui  étoient  en  ufage  de  leur  tems ,  il  eit  bien  difficile 
de  fe  flatter  d'avoir  deviné  jufte  tout  ce  qui  concerne 
ces  machines  :  auffifîM.  de  Folard,  dit  un  habile  jour- 
naliste ,  napas  toujours  donné  dans  le  vrai  à  cet  égard , 
toujours  peut-on  dire  qu'on  lui  a  de  grandes  obligations , 
&  qu'il  en  a  peut-être  approché  plus  que  tous  ceux  qui  ont 
travaillé  avant  lui  fur  le  mémefujet.  Bibliothèque  rai- 
fonnée  des  favans  de  l'Europe ,  tome  V. 

Au  refte  les  anciens  hiftoriens  rapportent  des  ef- 
fets de  ces  machines  qui  nous  paroiflent  prefqu'in- 
croyables.  M.  de  Folard  a  eu  foin  de  les  rapporter 
dans  lbn  Traité  de  l 'attaque  des  places  des  anciens.  Voy. 
Catapulte.  (Q) 

BALISTIQUE,  fubft.  fem.  (  Ord.  encyclop.  Enten- 
dement, Raijbn ,  Philojbphie  ou  Science.  Science  de  la 
nature.  Mathématiques.  Mathématiques  mixtes.  Mécha- 
nique.  Dynamique.  Dynamique  proprement  dite.  Balif- 
tique.)  c'eit  la  feience  du  mouvement  des  corps  pe- 
fans  jettes  en  l'air  fuivant  une  direction  quelconque. 
Ce  mot  vient  du  Grec  $-1xXù>  ,  jacio ,  je  jette. 

On  trouvera  à  l'article  Projectile  les  lois  de  la 
Balijliquc.  La  théorie  du  jet  des  bombes  eft  une  par- 
tie coniidérabie  de  cette  feience,  &  c'eit  principale- 
ment cette  théorie  qu'on  y  traite.  Nous  avons  là-dei- 
fus  pluiieurs  ouvrages ,  VArt  dejetter  les  bombes  de  M. 
Blondel ,  de  l'Académie  des  Sciences  ,  un  des  pre- 
miers qui  aient  paru  fur  cette  matière  ;  le  Bombardier 
français  par  M.  Belidor ,  &c  Mais  perfonne  n'a  traité 
cette  feience  d'une  manière  plus  élégante  &  plus 
courte  que  M.  de  Maupertuis ,  dans  un  excellent  mé- 
moire imprimé  parmi  ceux  de  l'Académie  des  Scien- 
ces de  Paris  de  1732  ;  ce  mémoire  elt  intitulé  Balif- 
tique  arithmétique ,  &  on  peut  dire  qu'il  contient  en 
deux  pages  plus  de  choies  que  les  plus  gros  traités 
que  nous  ayons  fur  cette  matière.  M.  de  Maupertuis 
cherche  d'abord  l'équation  analytique  de  la  courbe 
AMB  (fig.  4J.  Méch. ) ,  que  décuit  un  project ile  A 
jette  fuivant  une  direction  quelconque^/?;  il  trou- 
ve l'équation  de  cette  courbe  entre  les  deux  coor- 
données^ T,  x,  &  T  M,y  ,  &:  il  n'a  pas  de  peine  à 
faire  voir  que  cette  équation  eft  celle  d'un  parabo- 
le. En  faifantj-  =  o,  dans  cette  équation,  la  valeur 
correfpondante  de  x  lui  donne  la  partie  A  B  du  jet  ; 
pour  avoir  le  cas  ou  la  portée  A  B  du  jet  elt  la  plus 
grande  qu'il  eft  poflible  ,  il  prend  la  différence  de  la 
valeur  de  A  B ,  en  ne  fanant  varier  que  la  tangente 
de  l'an<de  de  projection  RAB  ;  &  il  fait  enfuite  cette 
différence  =  o  ,  fuivant  la  règle  de  maximis  &  mini- 
mis ,  ce  qui  lui  donne  la  valeur  de  la  tangente  de  l'an- 
gle deprojeftion,  pour  que  ^5  foit  la  plus  grande 
qu'il  eft  poflible ,  &  il  trouve  que  cette  tangente  doit 


BAL 

être  égale  au  rayon,  c'eft-à-dire ,  que  l'angle  BAR 
doit  être  de  45  degrés.  Pour  avoir  la  hauteur  t  m  du 
jet,  il  n'y  a  qu'à  faire  la  différence  dej  =  o,  parce 
que  t  m  eit  la  plus  grande  de  toutes  les  ordonnées. 
Pour  frapper  un  point  donné  n  avec  une  charge  don- 
née de  poudre ,  il  iubftitue  dans  l'équation  de  la  pa- 
rabole ,  à  la  place  de  x ,  la  donnée  AI,  &  à  la  place 
dej,  la  donnée  In,  &  il  a  une  équation  dans  la- 
quelle il  n'y  a  d'inconnue  que  la  tangente  de  l'angle 
de  projeûion  RA  B ,  qu'il  détermine  par  cette  équa- 
tion ,  &c.  &  àinii  des  autres. 

Au  refte ,  la  plupart  des  auteurs  qui  ont  traité  juf- 
qu'à  prélent  de  la  Baliflique,  ou ,  ce  qui  eft  prefque  la 
même  choie ,  du  jet  des  bombes ,  ne  l'ont  fait  que  dans 
la  fuppofition  que  les  corps  fe  meuvent  dans  un  mi- 
lieu non  réiiftant  ;  fuppofition  qui  eft  allez  éloignée 
du  vrai.  M.  Newton  a  démontré  dans  fes  principes  , 
que  la  courbe  décrite  p^r  un  projectile  dans  un  milieu 
fort  réiiftant ,  s'éloigne  beaucoup  de  la  parabole  ;  & 
la  réiiftance  de  l'air  eft  affez  grande  pour  que  la  dif- 
férence de  la  courbe  de  projection  des  graves  avec 
une  parabole  ne  foit  pas  inieniible.  C'eft  au  moins 
le  fentiment  de  M.Robins,  de  la  Société  royale  de 
Londres  ;  ce  favant  a  donné  depuis  peu  d'années  un 
ouvrage  Anglois ,  ietitulé  A  new  principles  ofgunnery  , 
nouveaux  principes  d' 'Artillerie  ;  dans  lequel  il  traite 
du  jet  des  bombes ,  &  en  général  du  mouvement  des 
projecfiles ,  en  ayant  égard  à  la  réfiftance  de  l'air, 
qu'il  détermine  en  joignant  les  expériences  à  la  théo- 
rie ,  il  n'y  a  point  de  doute  que  la  BaliÇtique  ne  le  per- 
fectionnât confidérablement,  ii  on  s'appliquoit  dans 
la  fuite  à  envifager  fous  ce  point  de  vue  le  mouve- 
ment des  projectiles.  Voyt[  Résistance. 

Selon  d'autres  auteurs ,  qui  prétendent  avoir  aulîi 
l'expérience  pour  eux,  la  courbe  décrite  dans  l'air 
par  les  projectiles  eft  à  peu-près  une  parabole,  d'où 
il  s'enfuit  que  la  réfiftance  de  l'air  au  mouvement  des 
projectiles  eft  peu  confidérable.  Cette  diverfité  d'o- 
pinions prouve  la  néceflité  dont  il  ieroit  de  conftater 
ce  fait  de  nouveau  par  des  expériences  iùres  Se  bien 
conftatées.  (O) 

BALIVEAU  ,  f.  m.  {terme  d'Eaux  &  Forets. ,)  ligni- 
fie un  jeune  chêne ,  hêtre  ou  châtaignier  au  deflbus 
de  quarante  ans,  refervé  lors  de  la  coupe  d'un  taillis. 
Les  ordonnances  enjoignent  d'en  laifler  croître  en 
haute-futaie  feize  par  chaque  arpent ,  afin  de  repeu- 
pler les  ventes.  {H) 

*  On  peut  conlidérer  les  baliveaux  par  rapport  aux 
bois  de  haute-futaie,  &  par  rapport  aux  taillis.  Par 
rapport  au  premier  point,  M.  de  Reaumur  prétend 
dans  un  mémoire  fur  l'état  des  bois  du  royaume  , 
imprimé  dans  le  recueil  de  l'Académie ,  année  IJZI  , 
que  les  baliveaux  font  une  mauvaife  reflburce  pour 
repeupler  le  royaume  de  bois  de  haute-futaie,  parce 
qu'une  très-grande  partie  périt;  car  n'ayant  pas  pris 
dans  les  taillis  qui  les  couvroient  toute  la  force  né- 
ceflaire  pour  réiifter  aux  injures  de  l'air ,  on  ne  peut 
leur  ôter  cet  abri  fans  inconvénient.  Des  hfieres  en- 
tières de  jeunes  futaies  ont  péri  dans  un  hy ver  froid  , 
mais  non  exceiîivement  rude,  après  qu'on  eut  coupé 
pendant  l'été  d'autres  lifieres  qui  les  couvroient.  Il 
en  arrive  amant  aux  arbres  rélervés  au  milieu  de  fo- 
rêts abattues.  Des  baliveaux  qui  ont  échappé  aux  in- 
jures de  l'air,  peu  échappent  à  la  coignée  du  bûche- 
ron ;  il  en  abbat  au  moins  une  partie  dans  la  coupe 
fuivante  du  taillis  :  les  morts  lui  donnent  occafion 
d'attaquer  les  vifs  ;  &  il  eft  de  notoriété  que  dans  la 
plupart  des  taillis,  on  ne  trouve  que  des  baliveaux  de 
deux  à  trois  coupes.  Mais  indépendamment  de  cela, 
dit  M.  de  Reaumur,  ces  baliveaux  ne  feront  pas  des 
arbres  d'une  grande  reflburce  ;  ils  ont  peu  de  vigueur 
&  font  tous  rabougris.  S'ils  n'ont  pas  péri,  ils  font 
reftés  malades  ;  &  quelque  bon  qu'ait  été  le  terrein  , 
jamais  baliveau  ne  parviendra  peut-être  &  n'eft  par- 


BAL 

venu  à  devenir  un  arbre  propre  à  fournir  une  longue 
poutre ,  un  arbre  de  preflbir ,  ni  quelqu'autre  iem- 
blable  pièce  de  bois.  Cela  ell  sûr  au  moins  par  rap- 
port aux  baliveaux  réfervés  dans  les  taillis  qu'on  cou- 
pe de  dix  ans  en  dix  ans  au  plutôt.  Ils  ne  font  jamais 
hauts  de  tige ,  &C  croiflent  toujours  en  pommiers. 

Ces  inconvéniens  des  baliveaux  feront  d'autant 
moindres  ,  que  le  taillis  fera  coupé  dans  un  âge  plus 
avancé  ;  mais  à  quelqu'âge  qu'on  le  coupe  ,  on  ne 
peut  pas  efpérer  que  les  baliveaux  réparent  les  fu- 
taies qui  s'abbattent  journellement. 

Quant  au  fécond  point ,  la  confervation  des  taillis 
par  les  baliveaux  ;  il  ne  faut  ,  dit  le  même  auteur  , 
que  parcourir  les  taillis  oii  les  baliveaux  ont  été  le 
mieux  confervés  ;  on  trouvera  qu'au- deflbus  &  tout 
autour  du  baliveau ,  fur-tout  quand  il  eft  parvenu  à 
âge  d'arbre ,  la  place  eft  nette  ,  &  que  les  fouches 
font  péries ,  parce  qu'elles  fe  font  trouvées  trop  à 
l'ombre  :  aufii ,  bien  des  particuliers  qui  fouhaitent 
abattre  leurs  baliveaux  ,  ne  le  fouhaitent  que  pour 
conferver  leurs  taillis.  Si  les  baliveaux  donnent  quel- 
ques glands  aux  taillis ,  ils  les  leur  font  donc  payer 
cher  ;  d'ailleurs  ces  glands  tombant  au  hafard  fur  la 
furface  de  la  terre,  &  la  plupart  fous  l'arbre  même, 
ne  réuffiflent  guère. 

M.  de  Buffon  s'accorde  en  ceci  avec  M.  de  Reau- 
mur.  «  On  fait,  dit  cet  académicien  ,  dans  un  mé- 
»  moire  fur  la  confervation  &  le  rétablijjement  des  fo- 
»  rets,  année  1739  ,  que  le  bois  des  baliveaux  n  eft 
»  pas  de  bonne  qualité ,  &  que  d'ailleurs  ces  bali- 
»  veaux  font  tort  aux  taillis.  J'ai  obfervé  fort  fou- 
»  vent  les  effets  de  la  gelée  du  printems  dans  deux 
»  cantons  voifins  des  bois  taillis.  On  avoit  confervé 
»  dans  l'un  tous  les  baliveaux  de  quatre  coupes  fuc- 
»  ceffives  ;  dans  l'autre  on  n'avoit  réfervé  que  les 
»  baliveaux  de  la  coupe  aftuelle.  J'ai  reconnu  que  la 
x  gelée  avoit  fait  un  îi  grand  tort  au  taillis  iurchargé 
»  de  baliveaux ,  que  l'autre  taillis  l'a  devancé  de  près 
»  de  cinq  ans  fur  douze.  L'expofition  étoit  la  même  : 
»  j'ai  fondé  le  terrein  en  différens  endroits ,  il  étoit 
»  femblable.  Ainfi,  continue  M.  de  Buffon  ,  j'attri- 
»  bue  cette  différence  à  l'ombre  &  à  l'humidité  que 
»  les  baliveaux  jettoient  fur  le  taillis ,  &  à  l'obftacle 
»  qu'ilsformoient  au  defféchement  de  cette  humidité 
»  en  interrompant  l'aûion  du  vent  &  du  foleil.  Il  fe- 
»  roit  donc  à  propos  de  recourir  à  des  moyens  plus 
»  efficaces  que  les  baliveaux ,  pour  la  reftauration  de 
»  nos  forêts  de  haute-futaie ,  &  celle  de  nos  bois  tail- 
»  lis  ».  Voye{  FORÊTS  ,  TAILLIS. 

*  BALKE  ou  BALKHE,  (  Géog.  )  ville  d'Aile ,  au 
pays  des  Usbecs  ,  dans  la  province  du  même  nom  , 
fur  la  rivière  de  Dilhas.  Long.  85.  lat.  36.  40. 

*  BALLADE ,  f.  f.  (  Belles-Lettres.  )  pièce  de  vers 
diftribuée  ordinairement  en  trois  couplets ,  tous  les 
trois  de  même  mefure  &  fur  les  mêmes  rimes  mafeu- 
lines  &  féminines,  afùijettie  à  un  refrein  qui  fert  de 
dernier  vers  à  chaque  couplet ,  &  terminée  par  un 
envoi  ou  adrefle  qui  doit  auffi  finir  par  le  refrein.  Le 
nombre  des  vers  du  couplet  n'eft  point  limité.  Ce 
font  ou  des  quatrains ,  ou  des  fixains  ,  ou  des  hui- 
tains  ,  ou  des  dixains  ,  ou  des  douzains  ;  l'envoi  eft 
ordinairement  de  quatre  ou  de  cinq  vers  ,  mais  quel- 
quefois tous  féminins.  Voilà  du  moins  les  lois  aux- 
quelles Jean  Marot  s'eft  conformé  dans  fes  trois  bal- 
lades d'amour  ,  dont  les  deux  dernières  font  excel- 
lentes ;  elles  font  de  vers  de  dix  fyllabes  ;  c'eft  la 
mefure  affeftée  à  cette  forte  d'ouvrage  :  il  y  a  ce- 
pendant des  ballades  en  vers  de  huit  fyllabes.  On 
ne  fait  plus  guère  de  ballades ,  &  je  n'en  fuis  pas  trop 
furpris  ;  la  ballade  demande  une  grande  naïveté  dans 
le  tour,  l'cfprit,  le  ftyle ,  &  la  penfée,  avec  une 
extrême  facilité  de  rimer.  Il  n'y  a  prelque  que  la 
Fontaine  qui,  réunifiant  toutes  ces  qualités,  ait  lit 


39 


BAL 

faire  des  ballades  &  des  rondeaux  depuis  Clément 
Marot. 

BALLE,  f.  f.  fe  dit  en  général  de  tout  corps  à  qui 
l'on  a  donné  artiftement  la  figure  fphérique  ,  ainfi 
on  dit ,  une  balle  de  paume  »  une  balle  de  coton  , 
&c. 

*  BALLE  ,  f.  f.  ÇHi/I.  anc.  &  gymnaf.  )  infiniment 
dont  les  anciens  fe  fervoient  dans  la  danfe  appelles 
fphérijlique.  Voye{  SphÉRISTIQUE. 

Les  différens  jeux  de  balle  produifoient  parmi  les 
anciens  différens  effets  relatifs  à  la  confervation  d^ 
la  fanté.  Les  grands  mouvemens  que  ces  jeux  occa- 
fionnent ,  les  rendent  utiles  lorlque  l'exercice  eft 
néceffaire ,  &  que  les  perfonnes  font  en  état  de  le 
fupporter.  Ils  donnent  de  la  vigueur,  &  font  allon- 
ger les  fibres  mufculeufes  &  nerveufes  ;  auffi  voit-on 
qu'entre  les  jeunes  gens  ,  ceux  qui  y  font  exercés , 
font  communément  plus  grands  ,  plus  forts,  &  plus 
alertes  que  les  autres,  f^oye^  Exercice  ,  Gymnas- 
tique ,  Jeu. 

Balle  ,  dans  VArt  milit.  comprend  toutes  fortes 
de  petites  boules  ou  boulets  pour  les  armes  à  feu  , 
depuis  le  canon  jufqu'au  piftolet.  Voye^  Boulet  , 
Arme  à  feu,  Canon,  &c 

Celles  qui  fervent  pour  les  canons  font  de  fer  ; 
celles  des  moufquets ,  carabines ,  &  piftolets  ,  font 
de  plomb.  On  a  voulu  fe  fervir  de  balles  de  fer  pour 
ces  armes  :  mais  on  a  reconnu  qu'outre  leur  légèreté 
qui  ne  permet  pas  de  tirer  juite ,  elles  ont  encore  le 
défaut  de  rayer  le  canon  du  fufil. 

Il  faut  remarquer  que  quoiqu'on  dife  ordinaire- 
ment un  boulet  de  canon,  on  dit  auffi  qu'une  pièce  de 
batterie  porte  36 ,  33  ,  ou  24  livres  de  balle.  On  dit 
encore  charger  le  canon  à  balle  ,  pour  dire  charger  à 
boulet.   (Q) 

*  Les  balles  dont  on  charge  les  petites  armes  à  feu , 
fe  fabriquent  de  la  même  manière  que  les  dragées 
moulées ,  mais  dans  des  moules  plus  grands.  Voyc{ 
Varticle  Fonte  de  la  dragée  au  moule.  Il  y  en  a  de  26 
fortes  différentes  ,  numérotées  félon  la  quantité  ou  le 
nombre  qu'il  faut  pour  faire  une  livre  pelant.  La  for- 
te la  plus  grofie  eft  des  huit  à  la  livre  ;  la  forte  fui- 
vante  eft  de  feize  à  la  livre  ,  &  chaque  balle  pefe 
une  once.  La  plus  petite,  qui  approche  beaucoup  de 
la  dixième  forte  de  dragée  ,  eft  des  1 20  à  la  livre. 
Voye7^  la  Table  à  Varticle  cité. 

On  appelle  balles  ramées ,  deux  balles  attachées  en- 
femble  par  un  fil  de  fer  ;  &  balle  de  calibre ,  celle  qui 
eft  de  même  groffeur  que  le  calibre  du  fufil. 

*  Comme  il  importe  aux  chafieurs  qui  ont  quel- 
quefois occafion  de  tirer  du  poiffon  dans  l'eau  ,  de 
lavoir  fi  les  balles  y  fouffrent  ou  non  de  la  réfraction  , 
je  vais  rapporter  quelques  expériences  que  M.  Car- 
ré ,  de  l'académie  royale  des  Sciences  ,  a  fait  faire  , 
&  qu'on  peut  voir  dans  le  recueil  de  cette  académie 
année  1705.  On  tira  un  fufil  chargé  à  balte  deux  coups 
dans  un  baffin  de  pierre  plein  d'eau  ,  de  deux  pies 
&  demi  de  diamètre  ,  profond  de  feize  pouces,  fous 
un  angle  de  20  degrés  &  fous  celui  de  80  :  mais  le 
grand  effort  de  l'eau  contre  les  parois  du  baffin  où 
l'on  avoit  mis  les  ais ,  le  dérangèrent  tellement  qu'on 
ne  put  lavoir  fi  les  balles  fouffroient  quelque  dérange- 
ment dans  la  direction  de  leur  mouvement.  Le^  ex- 
périences réitérées  dans  des  bennes  pleines  d'eau  ont 
été  accompagnées  du  même  inconvénient  :  elles  ont 
été  brilées  fur  le  champ ,  &  ce  fuient  les  cerceaux 
d  en-bas  que  l'eau  fit  cafi'er. 

On  feroit  tenté  de  croire  que  c'étoit  la  balle  qui 
faifoit  bnfer  les  vaiffeaux  en  piiffant  à  travers  les 
ais ,  &  non  le  mouvement  de  l'eau  :  mais  l'expérience 
qui  fuit  ne  lailîe  aucun  doute  que  , .'  ne  fo  t  la  der- 
nière de  ces  caufes.  Un  coup  fut  tire  dans  unecaiffe 
quarrée  d'un  pie  de  haut ,  &  de  fiac  pouces  d'épaif- 
feur,  dont  les  quatre  ais  qui  faifoient  la  longueur 


40 


BAL 


BAL 


avoient  chacun  un  pouce  d'épaiffeur,  &  les  deux 
bouts  en  avoient  chacun  deux  ,  afin  d'y  bien  atta- 
cher les  autres  avec  force  clous  :  on  avoit  rempli  ce 
vaiffeau  par  une  petite  ouverture  ;  les  ais  turent  per- 
cés par  la  balle  fans  en  être  brifés  :  mais  l'eau  s'en 
tourmenta  de  manière  qu'elle  fit  écarter  ces  ais  les 
uns  des  autres,  &  que  la  caiffe  fut  rompue. 

Il  fallut  donc  pour  obtenir  un  réfultat  exa£t  fur  la 
réfraction,  recommencer  les  expériences  dansun  bal- 
fin  de  pierre  :  on  en  prit  un  dont  la  longueur  intérieu- 
re étoit  de  trois  pies  trois  pouces ,  la  largeur  d'un  pie 
huit  pouces ,  &  la  profondeur  d'un  pié  &  un  pouce  ; 
on  fit  placer  à  fon  côté  le  plus  éloigné  un  ais  pour 
recevoir  les  balles  ;  un  autre  ais  vertical  &  pareil 
à  celui-là  occupoit  le  milieu  du  badin  ;  &  au-deffus 
du  côté  le  plus  voifin  du  tireur  ,  un  carton  :  l'arque- 
bufe  étoit  arrêtée  fixe  à  huit  pies  du  badin.  La  balle 
a  percé  le  carton  :  mais  elle  eit  tombée  appiatie  ,  à 
peu  près  comme  une  pièce  de  douze  fols  ,  entre  le 
carton  &  le  premier  ais.  Au  fécond  coup ,  la  balle 
s'eft  divifée  en  trois  morceaux  applatis  ,  fans  avoir 
atteint  le  premier  ais.  On  a  tiré  deux  autres  coups 
avec  une  forte  charge ,  fans  trouver  de  balles  dans 
le  fond  du  badin  ni  contre  les  ais  :  ces  balles  avoient 
près  de  quatre  lignes  de  diamètre  ;  elles  étoient 
faites  exprès  pour  l'arquebufe  ,  &  ne  pouvoient  en- 
trer dans  le  canon  qu'en  les  pouffant  avec  une  ba- 
guette de  fer. 

On  a  mis  dans  un  réfervoir  de  10  pies  en  quarré 
deux  ais  parallèles  entre  eux  &  à  l'honfon  ,  &  à  un 
pié  de  diltance  l'un  de  l'autre  :  celui  de  deffus  ne  fai- 
fant  qu'un  même  plan  avec  la  furface  de  l'eau  ,  on  a 
tiré  deux  coups  fur  cet  ais  ,  fous  un  angle  de  30  de- 
grés ,  avec  une  égale  charge  de  poudre  ;  le  premier 
avec  une  arquebufe  dont  le  canon  avoit  trois  pies 
deux  pouces  fix  lignes  de  long  ,  ôc  la  balle  trois  lignes 
\  de  diamètre  ;  leVecond  avec  un  fufil  dont  le  canon 
avoit  trois  pies  dix  pouces  trois  lignes  de  long  ,  &C  la 
balle  fept  lignes  de  diamètre  :  la  groffe  balle  a  percé 
les  deux  ais ,  &  traverfé  par  conléquent  toute  l'éten- 
due de  l'eau  qui  étoit  entre  eux  ;  au  lieu  que  la  petite 
n'a  percé  que  l'ais  fupérieur  ,  &  s'eft  arrêtée  appia- 
tie fur  fais  inférieur  :  d'oii  l'on  a  conclu  que  le  fulil 
étoit  plus  propre  pour  l'expérience  de  la  rétraction 
q*ie  l'arquebufe. 

On  a  attaché  au-deffus  du  badin  de  pierre  qu'on  a 
décrit  plus  haut ,  un  fufil  fur  deux  appuis  fixes  ,  dont 
l'un  étoit  à  cinq  &  l'autre  à  fept  pies  de  diftance  du 
badin  :  on  l'a  affûré  &  rendu  immobile  fur  ces  ap- 
puis :  il  faifoit  avec  l'honfon  ,  ou  la  furface  de  l'eau 
ou  du  badin ,  un  angle  de  vingt  degrés  ;  il  étoit  char- 
gé du  poids  de  trois  deniers  vingt  grains  de  poudre  , 
avec  une  balle  de  fept  lignes  de  diamètre  ,  qui  pefoit 
dix-fept  deniers  fix  grains.  La  balle  a  percé  le  carton , 
le  premier  ais ,  &  s'eft  arrêtée  dans  le  fécond  :  on  a 
vuidé  l'eau ,  &  les  centres  des  trois  trous  le  font  trou- 
vés exactement  dans  la  même  direction. 

La  même  expérience  réitérée  a  donné  la  même 
choie  :  en  augmentant  la  charge  ,  on  a  remarqué 
que  la  balle  entroit  moins  ;  &  chaffée  par  fept  deniers 
fix  grains  de  poudre ,  elle  s'eft  appiatie  d'un  côté ,  & 
a  peu  frappé  l'ais  du  milieu. 

Chaflee  de  l'arquebufe  avec  la  même  charge,  elle 
s'eft  divifée  en  deux  parties  ,  chacune  inégalement 
appiatie,  fans  avoir  touché  l'ais  du  milieu.  Chadée 
de  la  même  arme  avec  la  moitié  de  la  charge ,  elle 
n'a  point  atteint  l'ais  du  milieu  ,  &c  n'a  perdu  que 
peu  de  fa  fphericité. 

Une  balle  de  fept  lignes  pouffée  avec  une  forte 
charge  dans  un  réfervoir  de  40  pies  de  diamètre , 
profond  de  fix  pies ,  contre  un  linge  parallèlement 
étendu  à  la  furface  de  l'eau,  à  deux  pies  de  profon- 
deur ,  eft  reftée  fur  ce  linge  appiatie ,  mais  fort  iné- 
galement. 


La  balle  de  même  calibre ,  chaffée  de  la  même  ar- 
me avec  un  tiers  de  poudre  de  plus,  s'eit  divifée  en 
plulieurs  petits  morceaux  de  la  groffeur  d'une  len- 
tille, &£  diveriement  figurés. 

La  balle  tirée  perpendiculairement  à  la  furface  de 
l'eau  ,  s'eft  appiatie  affez  régulièrement. 

Quand  on  tire  dans  l'eau  ,  il  s'en  élevé  une  quan- 
tité plus  ou  moins  grande ,  &c  plus  ou  moins  haut , 
félon  la  charge  :  quand  la  charge  eft  forte  ,  l'eau  s'é- 
lève jufqu'à  vingt  pies. 

La  balle  de  fept  lignes  chadée  par  quatre  deniers 
de  poudre  ou  environ,  entre  affez  avant  dans  l'eau 
fans  perdre  de  fa  fphericité  ;  chalïce  par  huit  deniers 
de  poudre  ,  elle  en  perd  la  moitié  ;  par  douze  deniers, 
elle  la  perd  entièrement  ;  &c  par  leize  ,  elle  fe  diviie 
en  plulieurs  parties. 

D'où  il  s'enfuit  i°.  que  la  commotion  communi- 
quée à  l'eau  par  la  balle  eft  très-conlidérable  ;  en  ef- 
fet fi  l'on  tire  fur  une  rivière  ,  on  en  fentira  le  riva- 
ge ébranlé  fous  les  pies  :  2.0.  que  plus  la  charge  eft 
forte ,  moins  la  balle  fait  de  progrès  dans  l'eau  :  3°. 
qu'il  n'y  a  point  de  réfraction  fenfible  :  40.  par  con- 
léquent qu'il  ne  faut  tirer  dans  l'eau  ,  ni  au -délions 
ni  au-deffus  de  l'objet  qu'on  veut  atteindre  :  50.  qu'il 
ne  faut  employer  qu'une  petite  charge. 

Mais  on  fait  qu'une  balle  qui  pallè  à -travers  un 
morceau  de  bois  mobile  fur  des  gonds ,  &  fort  épais , 
ne  fe  défigure  prefque  pas ,  &c  ne  lui  communique 
aucune  impullion  ;  tandis  qu'il  eft  confiant  par  les  ex- 
périences qui  précèdent,  qu'elle  s'applatit  fur  l'eau, 
&  occafionnc  une  grande  commotion  à  tout  le  riva- 
ge. D'où  vient ,  peut-on  demander  ,  la  différence  de 
ces  phénomènes  ?  l'eau  feroit-eile  plus  difficile  à  di- 
viler  que  le  bois  ? 

Voici  comment  je  penfe  qu'on  pourroit  répondre 
à  cette  objection  :  qu'un  corps  mû  ne  communique 
du  mouvement ,  au  moins  de  trandation ,  à  un  au- 
tre ,  qu'autant  que  cet  autre  lui  rélifte  ou  s'oppofe  à 
fon  mouvement.  Ayez  un  corps  ,  même  mou  ,  ren- 
dez-le réfiftant ,  &  auffi-tôt  vous  lui  communiquerez 
beaucoup  de  mouvement ,  &  à  tout  ce  qui  l'envi- 
ronnera. Si  vous  enfoncez  doucement  un  bâton  dans 
l'eau,  vous  la  divilerez  fans  peine  ,  &  prefque  fans 
l'agiter  ;  fi  vous  la  frappez  avec  impétuofité ,  vous 
donnez  lieu  à  fon  élafticité  ,  &  en  même  tems  à  fa 
réliftance  ;  vous  lui  communiquez  beaucoup  de  mou- 
vement, mais  vous  ne  la  divifez  pas  :  voilà  pour  le 
corps  duide.  Quant  au  corps  folide ,  ce  corps  folide 
ne  peut  réfifter  à  la  balle  qui  vient  le  frapper  3  que 
par  l'adhélion  de  les  parties  :  fi  l'adhéfion  de  ces  par- 
ties n'eft  rien  relativement  à  la  vîteffe  de  la  balle  qui 
le  vient  frapper  ,  il  eft  évident  qu'il  ne  peut  être  mû 
d'un  mouvement  de  trandation ,  parce  que  rien  ne 
réfifte  à  la  balle.  Qu'on  fuppofe  une  porte  ouverte 
percée  d'un  trou  couvert  d'une  toile  d'araignée  ;  fi 
j'applique  mon  doigt  contre  les  endroits  folides  de 
la  porte ,  ces  endroits  réfiftant  à  fon  impullion  ,  la 
porte  tournera  fur  les  gonds  &  le  fermera  :  mais  elle 
reftera  immobile  avec  quelque  vîtelfe  que  je  porte 
mon  doigt  contre  elle ,  li  je  l'applique  contre  la  toile 
d'araignée  :  or  tout  le  tiffu  de  la  porte  devient  toile 
d'araignée ,  relativement  à  la  vîteffe  d'une  balle  chaf- 
fée par  un  fufil  ;  &  l'adhélion  des  parties  n'eft  pas 
affez  grande  pour  donner  lieu  à  l'élafticité. 

Mais  on  pourra  demander  encore  pourquoi  l'é- 
lafticité de  l'eau  frappée  avec  vîtedè  a  plutôt  lieu  , 
quoique  fes  molécules  n'ayent  prefqu'aucune  adhé- 
rence entr'elles ,  que  l'élafticité  du  bois  dont  les  mo- 
lécules tiennent  les  unes  aux  autres  très-fortement. 
Il  faut ,  je  croi,  recourir  ici  à  la  denfité ,  à  la  conf- 
titution  particulière  des  corps  ;  &  de  ces  deux  càufes , 
la  dernière  &  la  principale  nous  eft  malheureufement 
très-peu  connue. 

Balle  À  feu  ,  eft  dans  l'Artillerie ,  un  amas  d'arti- 
fice 


BAL 

fice  de  figure  ronde  ou  ovale  de  différentes  grofleurs , 
«qui  fe  jette  à  la  main  ou  avec  le  mortier. 

Manière  la  plus  ufitée  pour  faire  des  balles  à  feu.  L'on  fe 
fertpour  faire  des  balles  à  feu  d'une  livre  de  falpetre  , 
d'un  quarteron  de  fleur  de  foufre,deux  onces  depouf- 
fier  broyé  paffé  par  le  tamis  de  foie  ,  &  mêlé  avec 
l'huile  de  pétrole  ou  huile  de  lin  ;  il  faut  en  faire  de 
petites  boules  de  la  groifeur  d'une  balle  ,  les  percer 
quand  elles  feront  humides ,  y  mettre  de  la  corde 
d'amorce  en  travers  ,  les  parler  quatre  à  quatre 
ou  deux  à  deux  ,  &  les  rouler  dans  le  pouffier  vif , 
après  quoi  cela  prend  feu. 

Autre  manière  pour  faire  les  balles  à  feu  ,  qui  peu- 
vent s'exécuter  dans  les  mortiers.  Il  faut  avoir  un  porte- 
feu  d'un  pié  &C  demi  ou  de  deux  pies  de  longueur , 
fuivant  la  groifeur  dont  on  voudra  faire  la  balle  ,  fur 
un  pouce  on  un  pouce  &  demi  de  diamètre ,  lequel 
fera  chargé  d'une  compofition  que  l'on  aura  faite 
avec  deux  livres  de  falpetre  ,  une  livre  de  foufre  , 
&  demi-livre  de  poudre  ;  le  tout  bien  pilé  féparé- 
ment ,  le  parler  dans  un  tamis  bien  fin  ,  &  après  mê- 
ler le  tout  enfemble  autant  qu'il  fe  pourra. 

En  cas  que  le  feu  foit  trop  lent ,  on  y  ajoutera  un 
peu  de  poudre  pilée  ;  &  s'il  brûle  trop  vite  ,  on  y 
ajoutera  un  peu  de  falpetre  pour  le  faire  durer  da- 
vantage. Le  milieu  de  la  balle  fera  un  petit  fac  rem- 
pli de  même  compofition.  Les  porte- feux  feront  paf- 
ïés  au-travers  de  ce  lac  ;  &  par-deflus,  pour  couvrir 
la  balle,  on  mettra  de  gros  copeaux  avec  de  la  filafle, 
que  l'on  fera  tremper  dans  un  grand  chaudron  ou 
chaudière ,  dans  laquelle  on  mettra  6  à  7  livres  d'hui- 
le de  lin  ,  &  autant  d'huile  de  térébenthine  ,  avec 
8  ou  9  livres  de  goudron  ou  poix  que  Ton  fera  chauf- 
fer doucement,  &  qu'on  remuera  bien  fouvent  ;  & 
lorfque  le  tout  fera  bien  lié  ,  l'on  fera  tremper  dans 
la  chaudière  la  filafle  &  les  copeaux  ,  que  l'on  met- 
tra à  part  pour  les  faire  lécher  à  demi  ;  &  après  on 
fera  tremper  aulîï  de  la  vieille  toile  bien  grofliere  , 
qui  fcrvira  pour  envelopper  la  balle.  Il  faut  avoir  du 
foufre  pilé  fans  être  pallé  au  tamis  ,  &  du  falpetre, 
&  en  jetter  fur  la  toile  ,  comme  auffi  fur  la  filafle  & 
les  copeaux  à  part,  pour  que  le  feu  foit  plus  clair. 
Il  faut  obfervcr  qu'il  faut  mettre  de  tems  en  tems  du 
fil  de  ter  autour  de  la  matière  qu'on  mettra  dans  la 
boule  pour  la  faire  tenir  ,  &  ne  la  pas  trop  prelfer  , 
parce  que  le  feu  leroit  trop  lent.  Quand  la  matière 
efl:  un  peu  mouvante  ,  la  flamme  en  eft  plus  grande. 
Si  l'on  veut  davantage  prefier  le  feu  ,  il  faut  pren- 
dre trois  livres  de  poudre  pilée  ,  une  livre  de  char- 
bon pilé  ,  mêler  le  tout  enlemble  ,  &  après  l'étendre 
fur  une  table  ,  &  faire  rouler  la  balle  fur  cette  ma- 
tière lorfqu'elle  fera  garnie  de  copeaux  &  de  filafle, 
&C  après  l'on  mettra  la  toile  par-delfus  ;  ou  fi  l'on  ne 
veut  pas  fe  fervir  de  toile  pour  ia  dernière  envelop- 
pe, l'on  peut  y  faire  une  petite  caille  de  bois  d'en- 
veloppe léger  ;  le  tout  dépend  de  la  conduite  de  l'of- 
ficier qui  s'en  doit  fervir  ;  il  peut  ie  corriger  à  la  pre- 
mière ou  féconde  balle  qu'il  tera  jouer. 

Autre  manière  de  compofition  de  balles  à  feu  qui  fe 
jettent  avec  le  mortier ,  rapportée  dans  le  Bombardier 
François  de  M.  Belidor.  Pour  compofer  ces  fortes  de 
balles  il  faut  30  livres  de  poudre  ,  <;  livres  de  poix- 
blanche  ou  réfine  ,  10  livres  de  poix  noire,  2  livres 
de  fuif  de  mouton  ,  2  livres  d'étoupes  ,  4  grenadei 
chargées ,  4  cordes  pour  les  montans  ,  grofles  envi- 
ron comme  le  doigt,  longues  chacune  de  6  pics  & 
demi  ;  6  brafles  de  corde  de  la  groifeur  du  petit  doigt, 
&  delà  toile  pour  un  lac  de  1 1  pouces  de  diamètre, 
fur  22  pouces  de  hauteur. 

Il  tant  faire  fondre  la  poix  dans  une  chaudière  ou 
marmite  de  fer  ;  &  lorfqu'elle  fera  fondue  ,  y  jetter 
les  deux  livres  de  fuif  de  mouton  ,  que  l'on  aura  eu 
foin  de  faire  bien  hacher:  le  tout  bien  incorporé  en- 
femble ,  on  le  remuera  de  tems  en  tems  avec  la  foa- 
Tome  II, 


BAL 


41 


Iule  de  fer ,  &  l'on  en  ôtera  avec  Fécumoire  les  corps 
étrangers.  On  retire  cette  chaudière  de  deflus  le  feu 
pour  la  porter  la  plus  chaude  qu'il  fe  peut ,  auprès 
d'une  autre  chaudière  de  fer  ,  que  l'on  aura  fait  en- 
terrer de  façon  qu'il  y  ait  un  glacis  autour  d'environ 
fix  pouces  ,  pour  que  la  compofition  que  l'on  verfe 
doucement  dans  cette  autre  chaudière  ,  ne  s'écarte 
pas.  Il  faudra  échauffer  la  chaudière  enterrée  avec 
un  peu  de  braife  ,  de  façon  qu'on  la  puifle  toucher 
de  la  main ,  &c  la  bien  nettoyer  avec  un  fac  à  terre 
pour  qu'il  ne  refte  point  de  feu.  Enfuite  on  y  verfe 
la  compofition ,  fur  laquelle  on  répand  peu  à  peu  les 
trente  livres  de  poudre  ,  en  faifant  remuer  toujours 
avec  deux  fpatules  ou  pelles  de  fer  rondes.  Cette 
poudre  bien  mêlée  avec  la  compofition  ,  on  y  met 
l'étoupe  par  petits  morceaux  ,  faifant  toujours  re- 
muer à  force  de  bras  pour  qu'elle  s'imbibe  parfaite- 
ment ;  après  quoi  on  formera  la  balle  à  feu.  Pour  cela 
on  noue  les  quatre  cordes  enlemble  dans  leur  milieu, 
ce  qui  forme  huit  montans  ;  on  pôle  le  culot  du  lac  fur 
le  nœud  ;  on  met  dans  le  fond  environ  un  tiers  de  la 
compofition  ,  fur  laquelle  on  met  encore  deux  gre- 
nades ,  que  l'on  couvrira  d'un  autre  tiers  de  compo- 
fition. On  lie  enfuite  le  fac  avec  une  ficelle  par  le 
haut  à  dix- huit  pouces  ou  environ  de  longueur  ;  puis 
on  raflemble  les  huit  montans ,  qu'on  lie  au-deflus  du 
fac  avec  une  autre  ficelle  ,  obfervant  que  le  fac  foit 
toujours  bien  droit  ôc  bien  à-plomb  fur  l'on  culot, 
que  les  montan?  foient  également  diflans  les  uns  des 
autres  le  long  du  lac.  Ces  précautions  priles ,  on  cor- 
delle  la  bulle  à  feu ,  fermant  le  culot  comme  celui  d'un 
panier  ;  on  continue  julqu'à  la  moitié  de  la  hauteur 
de  la  balle  ,  obfervant  de  bien  tirer  les  montans  à  me- 
lure  que  l'on  monte  les  travers  ,  qui  doivent  être 
diflans  de  deux  pouces  les  uns  des  autres.  On  lie  les 
montans  à  demeure  avec  de  la  ficelle ,  &  on  conti- 
nue de  cordeler  jufqu'en  haut  ,  ferrant  les  montans 
également ,  afin  qu'ils  reftent  droits  autant  qu'il  fe 
pourra,  &  bien  partagés. 

Cette  balle  à  feu  qui  doit  avoir  la  forme  d'un  œuf 
étant  faite  ,  on  fait  un  anneau  avec  le  refle  des  mon- 
tans ;  on  les  lie  avec  de  la  ficelle  pour  pouvoir  y  paf- 
fer  un  levier ,  pour  la  tremper  dans  une  chaudière  où 
efl  pareille  compofition  que  celle  des  tourteaux  , 
pour  la  goudronner  de  tous  côtés  ;  après  quoi  on  la 
met  dans  de  l'eau  pour  la  refroidir  :  on  perce  enfuite 
deux  trous  auprès  de  l'anneau  avec  une  cheville  de 
bois  d'environ  un  pouce  de  diamètre  &  de  cinq  à 
fix  pouces  de  profondeur  ,  obfervant  que  ces  deux 
chevilles  puiflent  fe  joindre  en  un  point.  On  a  foin 
de  bien  grailler  les  chevilles  qui  doivent  relier  dans 
la  balle  julqu'à  ce  que  l'on  veuille  l'exécuter  ,  afin 
qu'alors  on  puifle  les  retirer  aifément.  On  remplit  les 
trous  qu'elles  laiflent ,  avec  de  la  compofition  pareille 
à  celle  des  fulées  de  bombe,  obfervant  de  la  battre 
avec  une  machine  de  cuivre  ou  de  bois ,  crainte  d'ac- 
cident :  mais  lorfque  l'on  ne  veut  pas  garder  long- 
tems  la  balle  à  feu  ,  on  charge  les  fulées  de  fuite  au 
moment  qu'elle  efl  froide ,  de  la  façon  qu'il  efl  dit  ; 
on  les  coeffe  avec  de  la  cire  préparée,  y  mettant  à 
chacune  un  petit  bout  de  ficelle  pour  les  reconnoître 
au  befoin.  La  balle  à  feu  s'exécute  dans  le  mortier 
comme  la  bombe.  Les  bombardiers  mettent  le  feu 
en  même  tems  aux  fulées;  &  lorfqu'on  les  voit  bien 
allumées ,  on  met  le  feu  au  mortier. 

Quand  on  fe  fert  de  balles  à  feu  pour  découvrir 
les  travailleurs  de  l'ennemi,  il  faut  faire  enforte  de 
pointer  le  canon  de  manière  qu'elles  ne  montent  point 
fort  haut,  de  crainte  qu'elles  ne  s'entei  ;  ont.  Elles  fer- 
vent auffi  pour  mettre  le  feu  dans  les  mapalins  à  fou- 
rage  ,  de  même  que  dans  les  maifons  ;  &  en  ce  cas , 
on  donne  au  mortier  le  degré  d'élévation  née. 
pour  que  la  balle  tombe  fur  les  toîts  comme  la  bom- 
be ,  &  qu'elle  les  perce.  On  peut  mettre  dans  la  balle 


A% 


BAL 


ùfeu  avec  les  grenades,  des  bouts  de  canon  de  fil* 
fils  ,  de  piftolets  remplis  de  poudre  &  de  balles.  Les 
grenades  y  font  miles  pour  écarter  ceux  qui  vou- 
draient l'éteindre. 

On  peut  encore  mettre  dans  la  balle  à  feu  une  bom- 
be de  fis  pouces  au  lieu  de  grenades.  On  place  pour 
cet  effet  environ  un  tiers  de  composition  au  fond  du 
lac  ,  fur  laquelle  on  pofe  un  tourteau  goudronné  , 
enfuite  la  bombe  la  fufée  en  bas.  On  peut  mettre  aurïï 
dans  la  balle  à  feu  quatre  lits  de  tourteaux  &c  de  gre- 
nades avec  fulées. 

Compofition  de  balles  à  feu  qu  on  jette  avec  la  main. 
Il  faut  prendre  fix  livres  de  foufre  tamifé  ,  autant  de 
poulverin,  autant  de  falpetre,  &  autant  de  crylïal 
minéral ,  une  livre  &C  demie  de  camfre  ,  trois  quar- 
terons de  vif-argent ,  une  livre  Se  demie  de  colopha- 
ne ,  trois  livres  d'huile  de  pétrole ,  fix  onces  de  gom- 
me Arabique  ,  une  livre  &  demie  de  fel  ammoniac  , 
&  une  demi-pinte  d'efprit-de-vin.  On  fait  diffoudre 
le  camfre  dans  l'efprit  -  de  -  vin ,  la  gomme  dans  un 
peu  d'eau  ;  après  quoi  on  y  met  de  l'efprit-de-vin  , 
on  mêle  bien  enfemble  le  foufre ,  le  poulverin  ,  le 
falpetre  ,  le  cryftal  minéral ,  &  la  colophane  ,  hu- 
mectant de  tems  en  tems  cette  compofition  avec  le 
camfre  diffous ,  la  gomme  &  l'huile  de  pétrole. 

Après  que  tout  a  été  mis  en  pâte  &c  bien  mêlé  à 
force  de  bras ,  on  en  fait  des  pelotes  qui  pefent  en- 
viron quatre  livres.  On  partage  le  vif-argent  en  au- 
tant de  parties  égales  qu'on  a  fait  de  pelotes.  On 
perce  chacune  de  ces  pelotes  de  plufieurs  petits  trous 
avec  une  cheville  de  bois  graiffée  ;  on  y  met  cette 
partie  de  vif-argent ,  puis  on  reflerre  les  trous  ;  on 
enveloppe  la  pelote  avec  un  peu  de  filaffe  &  de  l'é- 
ioupe ,  &  du  papier  gris  que  l'on  entortille  avec  du 
gros  fil  :  on  la  trempe  dans  le  goudron ,  enfuite  on 
la  couvre  d'une  groffe  toile  ,  que  l'on  trempe  une 
féconde  fois  dans  le  goudron  ;  après  quoi  on  la  trem- 
pe dans  l'eau  ;  on  y  fait  un  trou  avec  une  cheville 
de  bois  graiffée  qui  ne  pafTe  pas  le  centre  de  la  pe- 
lote ,  &  on  le  remplit  de  la  compofition  des  fufées  à 
bombes.  On  fe  fert  de  ces  fortes  de  balles  à  feu  pour 
éclairerunterreinoccupéparl'ennemi.  S.Remy.  (Q) 

Balle  LUISANTE ,  cheç  les  Artificiers  ,  on  appelle 
ainfi  une  efpece  d'artifice  femblable  aux  étoiles ,  & 
qui  n'en  diffère  que  par  la  compofition  ,  la  groffeur  , 
&  la  couleur  du  feu.  Voici  la  manière  de  le  faire. 

Prenez  fix  onces  de  foufre ,  deux  onces  d'antimoi- 
ne crud  ;  de  falpetre  ,  de  colophane ,  &  de  charbon , 
de  chacun  quatre  onces  :  ou  bien  de  falpetre ,  de  co- 
lophane ,  de  charbon  ,  de  chacun  deux  onces  ;  & 
d'antimoine  ,  de  foufre  &  de  poix  noire ,  de  chacun 
une  once. 

Après  avoir  bien  pilé  ces  matières  ,  on  les  fera 
fondre  dans  un  vaiffeau  de  cuivre  ou  de  terre  ver- 
niffée ,  dans  lequel  on  jettera  des  étoupes  de  chanvre 
ou  de  lin  autant  qu'il  en  faudra  pour  abforber  toute 
la  matière  fondue  ;  pendant  qu'elle  le  refroidira  ,  on 
en  fera  des  pelotons  de  la  groffeur  qu'on  voudra ,  &c 
on  les  amorcera  de  pâte  de  poudre  écrafée ,  dans  la- 
quelle on  les  roulera,  ou  on  les  enveloppera  de  coton 
d'étoupille  :  il  faut  cependant  prendre  garde  de  ne 
pas  faire  ces  balles  li  groffes  qu'elles  ne  puiffent  être 
totalement  confommées  en  retombant  du  pot  d'une 
fiifée  volante  ,  crainte  qu'elles  ne  retombent  en  feu 
fur  les  fpe&ateurs ,  ou  fur  des  maifons  où  elles  pour- 
roient  mettre  le  feu. 

Balles  a" Imprimerie  ;  ce  font  deux  morceaux  de 
bois  creufés  ,  furmontés  d'un  manche  auffi  de  bois , 
parfaitement  reffemblant  à  un  entonnoir.  Le  creux 
-de  cet  infiniment  fe  remplit  de  laine  bien  nette  & 
bien  cardée ,  laquelle  y  eft  maintenue  par  deux  cuirs 
apprêtés  &  attachés  avec  de  petits  clous  tout  autour 
de  la  bouche  de  l'entonnoir  ;  c'eft  avec  ces  deux  uf- 
tenciles  que  l'on  empreint  d'encre  la  forme.  Voye^ 


BAL 

Planche  IV.  A  qui  repréfente  les  deux  balles  pofées 
l'une  fur  l'autre  fur  les  chevilles  de  la  preffe. 

Balles  TEIGNEUSES  ,  terme  d'Imprimerie.  Lorf- 
que  les  cuirs  neufs  refuiént  l'encre ,  faute  de  n'avoir 
pas  été  affez  corroyés ,  ce  qui  fait  paraître  fur  les 
balles  des  taches  noires  &  blanches ,  on  dit  que  ces 
balles  font  teigneufes.  Pour  remédier  à  ce  défaut ,  l'on 
eft  contraint  de  démonter  &  corroyer  de  nouveau 
les  cuirs,  de  lesfaupoudrer  même  de  cendre  pour  im- 
biber le  trop  d'humidité  dont  ils  fe  trouvent  furchar- 
gés  en  quelques  endroits.  Les  balles  peuvent  encore 
devenir  teigneufes  li  la  laine  de  dedans  fort  par  les 
bords  ;  car  alors  il  fe  forme  une  efpece  de  duvet ,  qui 
f  e  mêle  avec  l'encre ,  &  introduit  fur  la  forme  nom- 
bre d'ordures  qui  empliffent  l'œil  de  la  lettre. 

Balle  ,  che^  Us  Paumiers  ;  c'eft  un  corps  fphéri- 
que  fait  de  chiffons  de  laine  couverts  de  drap  blanc 
d'environ  deux  pouces  &  demi,  ou  trois  pouces  au 
plus  de  diamètre  ,  dont  on  fe  fert  pour  joiier  â  la 
paume:  il  doit  être  bien  rond  &  bien  ficelé.  Les  fta- 
tuts  des  Paumiers  ordonnent  qu'il  foit  couvert  de 
drap  neuf,  &  qu'il  pefe  en  tout  dix-neuf  eftelins. 
L'eftelin  vaut  la  vingtième  partie  d'une  once.  Pour 
faire  la  balle  ,  il  faut  avoir  du  chiffon ,  une  malle  de 
bois  &c  rinftrument  appelle  bilboquet.  On  prend  du 
chiffon  ,  on  en  forme  un  peloton  que  l'on  ficelle ,  on 
le  bat  dans  le  bilboquet ,  afin  de  noyer  la  corde  dans 
l'étoffe  dont  il  eft  fait.  Quand  il  a  la  groffeur  conve- 
nable ,  on  le  revêt  de  drap  blanc  :  on  le  finit  enfuite 
fur  le  bilboquet ,  où  on  le  remet  pour  abattre  la  cou- 
ture de  fon  vêtement  ,  &  la  balle  eft  faite.  Voye^ 
Paumier  ,  Bilboquet  ;  &  la  figure  de  cet  infini- 
ment dans  la  Planche  du  Paumier. 

Balle,  terme  de  Commerce;  on  appelle  ainfi  cer- 
taine quantité  de  marchandifes  enveloppées  ou  em- 
paquetées dans  de  la  toile  avec  plufieurs  tours  de 
corde  bien  ferrés  par-deffus ,  après  les  avoir  bien 
garnies  de  paille  pour  empêcher  qu'elles  ne  fe  bri- 
fent  ou  ne  fe  gâtent  par  l'injure  du  tems. 

On  dit  une  balle  d'épicerie ,  de  livres ,  de  papier," 
de  fil ,  &c.  &  l'on  met  fur  les  balles  des  marques  & 
numéros  ,  afin  que  les  marchands  à  qui  elles  font  en- 
voyées puiffent  les  reconnoître. 

Une  balle  de  coton  filé  eft  ordinairement  de  trois 
ou  quatre  cents  pefant.  Une  balle  de  foie  crue  pefe 
quatre  cents.  Une  balle  de  groffe  toile  eft  de  trois, 
trois  &  demie  ou  quatre  pièces. 

Selon  M.  Chambers ,  une  balle  de  laine  en  Angle- 
terre eft  la  valeur  de  la  charge  d'un  cheval ,  &  con- 
tient deux  cents  quarante  livres  de  poids. 

Vendre  des  marchandifes  fous  cordes  en  balles  ou 
en  balles  fous  cordes  ,  c'eft  les  vendre  en  gros  fans 
échantillon  &  fans  les  déballer. 

On  appelle  marchandifes  de  balle  certaines  quin- 
cailleries &  autres  ouvrages  qui  viennent  de  cer- 
tains pays ,  particulièrement  de  Forés  ,  &  qui  font 
ordinairement  fabriqués  par  de  mauvais  ouvriers. 

Une  balle  de  dez  eft  un  petit  paquet  en  papier ,  qui 
contient  une  ou  plufieurs  douzaines  de  dez  à  jouer. 

On  nomme  porte-balles  les  petits  merciers  qui  vont 
par  la  campagne ,  &  qui  portent  fur  leur  dos  des  bal- 
les de  menue  mercerie.  (  G  ) 

*  Balle,  (  (Economie  rufliq.  )  c'eft  la  pellicule  qui 
enveloppe  le  grain ,  &  que  les  fléaux ,  le  van  &  le 
crible  en  détachent.  Les  laboureurs  l'appellent  me- 
nue paille.  On  la  mêle  avec  l'avoine  des  chevaux  ; 
on  la  donne  en  bûvée  aux  vaches  ;  elle  peut  nourrir 
toutes  fortes  de  beftiaux  ;  elle  fait  mûrir  les  fruits 
&  les  conferve ,  &  l'on  en  couvre  la  glace  &  la  neige 
que  l'on  réferve  pour  l'été. 

BALLET ,  f.  m.  danfe figurée  exécutée  par  plufieurs 
perfonnes  qui  repréfentent  par  leurs  pas  &  leurs  gef- 
tes  une  aft ion  naturelle  ou  merveilleufe ,  au  fon  des 
inftrumens  ou  de  la  voix. 


BAL 

Tout  ballet  fuppofe  la  danfe,  &  le  concours  de 
deux  ou  de  pluûeurs  perfonnes  pour  l'exécuter.  Une 
peribnne  feule  ,  qui  en  danlant  repréfenteroit  une 
aftion ,  ne  formeroit  pas  proprement  un  ballet  ;  ce 
ne  feroit  alors  qu'une  forte  de  pantomime.  Voye\_ 
Pantomime.  Et  plufieurs  perfonnes  qui  repréfen- 
teroient  quelque  action  fans  danfe  ,  formeroient  une 
comédie ,  &  jamais  un  ballet. 

La  danfe ,  le  concours  de  plufieurs  perfonnes ,  & 
la  repréfentation  d'une  aftion  par  les  geftes  ,  les  pas , 
Se  les  mouvemens  du  corps ,  font  donc  ce  qui  coniti- 
tue  le  ballet.  II  eft  une  efpece  de  poëlie  muette  qui 
parle ,  félon  l'exprefîlon  de  Plutarque  ;  parce  que 
fans  rien  dire ,  elle  s'exprime  par  les  geftes ,  les  mou- 
vemens &  les  pas.  Claufis  faucibus  ,  dit  Sidoine  Apol- 
linaire, &  loquente  geftu ,  nutu ,  crure,  genu,  manu, 
rotatu,toto  in  fchemate  ,  vel  femel  latebit.  Sans  danie 
il  ne  peut  point  exifter  de  ballet  :  mais  fans  ballet  il 
peut  y  avoir  des  danfes.  Voye^  Danse. 

Le  ballet  eft  un  amufement  très-ancien.  Son  ori- 
gine fe  perd  dans  l'antiquité  la  plus  reculée.  On  danfa 
dans  les  commencemens  pour  exprimer  la  joie  ;  & 
ces  mouvemens  réglés  du  corps  ,  firent  imaginer 
bientôt  après  un  divertiffement  plus  compliqué.  Les 
Egyptiens  firent  les  premiers  de  leurs  danfes  des  hié- 
roglyphes d'action,  comme  ils  en  avoient  de  figurés 
en  peinture ,  pour  exprimer  tous  les  myfteres  de  leur 
culte.  Sur  une  mulique  de  caractère  ,  ils  compolc- 
rent  des  danfes  fublimes ,  qui  exprimoient  &  qui  pei- 
gnoient  le  mouvement  réglé  des  aftres  ,  l'ordre  im- 
muable ,  Se  l'harmonie  confiante  de  l'univers. 

Les  Grecs  dans  leurs  tragédies  introduifirent  des 
danfes ,  &  fuivirent  les  notions  des  Egyptiens.  Les 
chœurs  qui  fervoient  d'intermèdes ,  danloient  d'a- 
bord en  rond  de  droite  à  gauche  ,  Se  exprimoient 
ainfi  les  mouvemens  du  ciel  qui  fe  font  du  levant  au 
couchant.  Ils  appelloient  cette  danfe  flrophes  ou  tours. 

Ils  fe  tournoient  enfuite  de  gauche  à  droite  pour 
repréfenter  le  cours  des  planètes  ,  Se  ils  nommoient 
ces  mouvemens  antijlrophes  ou  retours  ;  après  ces  deux 
danfes  ,  ils  s'arrêtoient  pour  chanter  :  ils  nommoient 
ces  chants  épodes.  Par-là  ils  repréfentoient  l'immobi- 
lité de  la  terre  qu'ils  croyoient  fixe.  foye{  Chœur. 

Théfée  changea  ce  premier  objet  de  la  danfe  des 
Grecs  ;  leurs  chœurs  ne  furent  plus  que  l'image  des 
évolutions  Se  des  détours  du  fameux  labyrinthe  de 
Crète.  Cette  danfe  inventée  &  exécutée  par  le  vain- 
queur du  Minotaure  &  la  jeunefle  de  Delos  ,  étoit 
compofée  dejtrophes  &  <1' ami  flrophes ,  comme  la  pre- 
mière ,  &  on  la  nomma  la  danfe  de  la  grue ,  parce 
qu'on  s'y  fuivoit  à  la  file ,  en  faiiant  les  diverfes  évo- 
lutions dont  elle  étoit  compofée  ,  comme  font  les 
grues  lorfqu'elles  volent  en  troupe.  Voye\  Grue. 

Les  ballets  furent  conftamment  attachés  aux  tragé- 
dies Se  aux  comédies  des  Grecs  ;  Athénée  les  appelle 
danfes  philofophiques  ;  parce  que  tout  y  étoit  réglé  , 
&  qu'elles  étoient  des  allégories  ingénieufes,  Se  des 
repréfentations  d'aftions  ,  ou  des  choies  naturelles 
qui  renfermoient  un  fens  moral. 

Le  mot  bail  a  vient  de  ce  qu'originairement  on  dan- 
foiten  jouant  à  la  paume.  Les  anciens, attentifs  à  tout 
ce  qui  pouvoit  former  le  corps  ,  le  rendre  agile  ou 
robufte ,  &  donner  des  grâces  à  les  mouvemens , 
avoient  uni  ces  deux  exercices  ;  enforte  que  le  mot 
ballet  eft  venu  de  celui  de  balle  :  on  en  a  fait  bal ,  bal- 
let, ballade ,  &  baladin  ;  le  ballar  Se  ballo  des  Italiens, 
&  le  bailar  des  Efpagnols  ,  comme  les  Latins  en 
avoient  fait  ceux  de  ballare  ,  &  de  b  allât  or ,  &c. 

Deux  célèbres  danfeurs  furent  en  Grèce  ies  inven- 
teurs véritables  des  ballets ,  Se  les  unirent  à  la  tragé- 
die &  à  la  comédie. 

Batile  d  Alexandrie  inventa  ceux  qui  repréfen- 
toient les  aftions  gaies  ,  Se  Pilade  imroduiiit  ceux 
Tome  II, 


BAL 


4? 


qui  repréfentoient  les  a  Étions  graves ,  touchantes ,  & 
pathétiques. 

Leurs  danfes  étoient  un  tableau  fidèle  de  tous  les 
mouvemens  du  corps,  &  une  invention  ingénieufe 
qui  fervoit  à  les  régler ,  comme  la  tragédie  en  repré- 
sentant les  paffions,  fervoit  à  rectifier  les  mouvemens 
de  l'ame. 

Les  Grecs  avoient  d'abord  quatre  efpeces  de  dan- 
feurs qu'on  nommoit  hylarodes ,  fimodes ,  magodes,  & 
lyfiodes  ;  ils  s'en  fervoient  pour  compofer  les  danfes 
de  leurs  intermèdes.  V.  ces  mots  à  leurs  differ.  articles. 

Ces  danfeurs  n'étoient  proprement  que  des  bouf- 
fons ;  Se  ce  fut  pour  purger  la  feene  de  cette  indé- 
cence ,  que  les  Grecs  inventèrent  les  ballets  réglés  , 
Se  les  chœurs  graves  que  la  tragédie  reçut  à  fa  place. 

Les  anciens  avoient  une  grande  quantité  de  bal- 
lets ,  dont  les  fujets  font  rapportés  dans  Athénée  ; 
mais  on  ne  trouve  point  qu'ils  s'en  foient  fervis  au- 
trement que  comme  de  limples  intermèdes.  Voye^ 
Intermède.  Ariftote,  Platon,  &c  en  parlent  avec 
éloge,  Se  le  premier  eft  entré,  dans  fa  Poétique,  dans 
un  très-grand  détail  au  fujet  de  cette  brillante  partie 
des  fpecîacles  des  Grecs. 

Quelques  auteurs  ont  prétendu  que  c 'étoit  à  la 
cruauté  d'Hyeron  tyran  de  Syracufe  ,  que  les  ballets 
dévoient  leur  origine.  Ils  difent  que  ce  prince  foup- 
çonneux  ayant  défendu  aux  Siciliens  de  fe  parler, 
de  peur  qu'ils  ne  confpirafient  contre  lui  ;  la  haine 
&  la  néceffité  ,  deux  fources  fertiles  d'invention ,  leur 
ftiggérerent  les  geftes  ,  les  mouvemens  du  corps  Se 
les  figures ,  pour  fe  faire  entendre  les  uns  aux  au- 
tres :  mais  nous  trouvons  des  ballets ,  &  en  grand 
nombre,  antérieurs  à  cette  époque;  &  l'opinion  la 
plus  certaine  de  l'origine  des  danfes  figurées,  eft  celle 
que  nous  avons  rapportée  ci-deflus. 

Le  ballet  pafTa  des  Grecs  chez  les  Romains ,  &  il  y 
fervit  aux  mêmes  ufages  ;  les  Italiens  Se  tous  les  peu- 
ples de  l'Europe  en  embellirent  fucceftivement  leurs 
théâtres ,  Se  on  l'employa  enfin  pour  célébrer  dans 
les  cours  les  plus  galantes  Se  les  plus  magn'fiques,  les 
mariages  des  rois,  les  naiffances  des  princes,  &  tous 
les  évenemens  heureux  qui  intérefioienr  la  gloire  Ôc 
le  repos  des  nations.  Il  forma  feul  alors  un  très-grand 
fpeftacle  ,  Se  d'une  dépenfe  immenle ,  que  dans  les 
deux  derniers  fiecles  on  a  porté  au  plus  haut  point 
de  perfection  &  de  grandeur. 

Lucien  qui  a  fait  un  traité  de  la  danfe  ,  entre  dans 
un  détail  tort  grand  des  fujets  qui  font  propres  à  ce 
genre  de  fpectacle  :  il  femble  que  cet  auteur  ait  pré- 
vu l'ufage  qu'on  en  feroit  un  jour  dans  les  cours  les 
plus  polies  de  l'Europe. 

On  va  donner  une  notion  exa£te  de  ces  grands 
ballets ,  aujourd'hui  tout-à-fait  hors  de  mode  ;  on  a 
vu  quelle  a  été  leur  origine ,  &  leur  fuccès  ;  on  verra 
dans  la  fuite  leurs  changemens  ,  leur  décadence  ,  Se 
le  genre  nouveau  qu'elle  a  produit  :  des  yeux  philo- 
fophes  trouvent  par-tout  ces  commencemens  ,  ces 
progrès  ,  ces  diminutions  ,  ces  modifications  diffé- 
rentes ,  en  un  mot ,  qui  font  dans  la  nature  :  ma 
fe  manifeftent  d'une  manière  encore  plus  fenlible 
dans  l'hiitoire  des  Arts. 

Comme  dans  fon  principe,  le  ballet  qÛ  la  repréfen- 
tation d'une  choie  naturelle  ou  merveilleufe,  il  n'eft 
rien  dans  la  nature  ,  Se  l'imagination  brillante  des 
Poètes  n'a  pu  rien  inventer,  quinefùtdefonreflbrt. 

On  peutdivifer  ces  grands  ballets  en  hiJloriqua,j.i- 
buleux  ,  &c  poétiques. 

Les  fujets  hifloriques  font  les  aftions  connues  dans 
l'hiitoire  ,  comme  le  liège  de  Troie  ,  les  victoires 
d'Alexandre,  &c. 

Les  (ujetsjàbuleux  font  pris  de  la  fable  ,  comme  le 
jugement  de  Paris,  les  noces  de  Thctis  ce  Pelée,  la 
naiflance  de  Vénus,  &c. 

Les  poétiques,  qui  loin  les  plus  ingénieux  ,  font  de 


44 


BAL 


plufieurs  efpeces,&  tiennent  pour  la  plupart  de  l'his- 
toire &  de  la  fable. 

On  exprime  par  les  uns  les  chofes  naturelles ,  com- 
me les  ballets  de  la  nuit ,  des  i'aifons  ,  des  tems ,  des 
âges,  &c.  d'autres  font  des  allégories  qui  renferment 
un  fens  moral,  comme  le  ballet  des  proverbes  ,  celui 
des  plaifirs  troublés ,  celui  de  la  mode ,  des  aveugles,  de 
la  curiojlté ,  &tc. 

Il  y  en  a  eu  quelques-uns  de  pur  caprice  ,  comme 
le  ballet  des  pojlures  ,  &  celui  de  bicêtre  ;  quelques  au- 
tres n'ont  été  que  des  expreSîîons  naïves  de  certains 
évenemens  communs ,  ou  de  certaines  chofes  ordi- 
naires. De  ce  nombre  étoient  les  ballets  des  cris  de 
Paris  ,  de  la  foire  S.  Germain ,  des  pajfc-tems ,  du  car- 
naval, &c.  Enfin  l'hiftoire  ,  la  fable,  l'allégorie  ,  les 
romans ,  le  caprice ,  l'imagination  ,  font  les  fources 
dans  lefquelles  on  a  puifé  lesfujets  des  grands  ballets. 
On  en  a  vu  de  tous  ces  genres  différens  réuSfir,  &c 
faire  honneur  à  leurs  différens  inventeurs. 

Ce  Spectacle  avoit  des  règles  particulières ,  &  des 
parties  eSïentielles  &  intégrantes  ,  comme  le  poëme 
épique  &  dramatique. 

La  première  règle  eft  l'unité  de  deffein.  En  faveur 
de  la  difficulté  infinie  qu'il  y  avoit  à  s'afTujettir  à  une 
contrainte  pareille ,  dans  un  ouvrage  de  ce  genre  ,  il 
fut  toujours  difpenfé  de  l'unité  de  tems  &  de  l'unité 
de  lieu.  L'invention  ou  la  forme  du  ballet  eft  la  pre- 
mière de  fes  parties  effentielles  :  les  figures  font  la 
féconde  :  les  mouvemens  la  troifieme  :  la  Mufique 
qui  comprend  les  chants ,  les  ritournelles ,  &  les  fym- 
phonies  ,  eft  la  quatrième  :  la  décoration  &  les  machi- 
nes font  la  cinquième  :  la  Poëfie  eft  la  dernière  ;  elle 
n'étoit  chargée  que  de  donner  par  quelques  récits  les 
premières  notions  de  l'action  qu'on  repréfentoit. 

Leur  divifion  ordinaire  étoit  en  cinq  actes  ,&  cha- 
que acte  étoit  diviié  en  3  ,  6  ,  9 ,  &  quelquefois  1 2 
entrées. 

On  appelle  entrée  une  ou  plufieurs  quadrilles  de 
danfeurs,  qui  par  leur  danfe  représentent  la  partie  de 
l'action  dont  ils  font  chargés.  Voye^  Entrée. 

On  entend  par  quadrille ,  4,6,  8  ,  &  jufqu'à  1 2 
danfeurs  vêtus  uniformément ,  ou  de  caractères  dif- 
férens, fuivant  l'exigence  des  cas.  f^oye^  Quadril- 
le. Chaque  entrée  étoit  compofée  d'une  ou  plufieurs 
quadrilles  ,  félon  que  l'exigeoit  le  Sujet. 

Il  n'eft  point  de  genre  de  danfe ,  de  forte  d'inftru- 
mens,  ni  de  caractère  de  lymphonie  ,  qu'on  n'ait  fait 
entrer  dans  les  ballets.  Les  anciens  avoient  une  fin- 
guliere  attention  à  employer  des  inftrumens  différens 
à  mefure  qu'ils  introduiloient  fur  la  fcene  de  nou- 
veaux caractères  ;  ils  prenoient  un  foin  extrême  à 
peindre  les  âges ,  les  mœurs  ,  les  parlions  des  perfon- 
nages  qu'ils  mettoient  devant  les  yeux. 

A  leur  exemple  dans  les  grands  ballets  exécutés 
dans  les  différentes  cours  de  l'Europe  ,  on  a  eu  l'at- 
tention de  mêler  dans  les  orcheftres ,  les  inftrumens 
convenables  aux  divers  caractères  qu'on  a  voulu 
peindre  ;  &  on  s'eft  attaché  plus  ou  moins  à  cette 
partie ,  félon  le  plus  ou  le  moins  de  goût  de  ceux  oui 
en  ont  été  les  inventeurs ,  ou  des  lbuverains  pour 
lefquels  on  les  a  exécutés. 

On  croit  devoir  rapporter  ici  en  abrégé  deux  de 
ces  grands  ballets ,  l'un  pour  faire  connoître  les  fonds , 
l'autre  pour  faire  appercevoir  la  marche  théâtrale 
de  ces  fortes  de  Spectacles.  C'eft  du  favant  traité  du 
P.  Ménétrier  Jéfuite  ,  qu'on  a  extrait  le  peu  de  mots 
qu'on  va  lire. 

Le  gris  de  lin  étoit  le  fujet  du  premier  ;  c'étoit  la 
couleur  de  Madame  Chrétienne  de  France ,  ducheffe 
de  Savoie ,  à  laquelle  la  fête  étoit  donnée. 

Au  lever  de  la  toile  l'Amour  déchire  fon  bandeau  ; 
il  appelle  la  lumière  ,  &  l'engage  par  fes  chants  à  fe 
répandre  fur  les  aftres  ,  le  ciel ,  l'air ,  la  terre ,  & 
l'eau  ,  afin  qu'en  leur  donnant  par  la  variété  des  cou- 


BAL 

leurs  mille  beautés  différentes ,  il  puiffe  choifir  la  plus 
agréable. 

Junon  entend  les  vœux  de  l'Amour,  &  les  remplit  ; 
Iris  vole  par  fes  ordres  dans  les  airs ,  elle  y  étale  l'é- 
clat des  plus  vives  couleurs.  L'Amour  frappé  de  ce 
brillant  Spectacle  ,  après  l'avoir  confideré  ,  fe  dé- 
cide pour  le  gris  de  lin ,  comme  la  couleur  la  plus 
douce  6c  la  plus  parfaite  ;  il  veut  qu'à  l'avenir  il 
foit  le  fymbole  de  V  amour  fans  fin.  Il  ordonne  que  les 
campagnes  en  ornent  les  rieurs  ,  qu'elle  brille  dans 
les  pierres  les  plus  précieufes,  que  les  oifeaux  les 
plus  beaux  en  parent  leur  plumage ,  &  qu'elle  ferve 
d'ornement  aux  habits  les  plus  galans  des  mortels. 

Toutes  ces  chofes  différentes  animées  par  la  dan- 
fe ,  embellies  par  les  plus  éclatantes  décorations , 
foùtenues  d'un  nombre  fort  confidérable  de  machi- 
nes furprenantes  ,  formèrent  le  fonds  de  ce  ballet, 
un  des  plus  ingénieux  &  des  plus  galans  qui  ayent 
été  représentés  en  Europe. 

On  donna  le  fécond  à  la  même  cour  en  1634, 
pour  la  naiffance  du  cardinal  de  Savoie.  Le  fujet  de 
ce  ballet  étoit  la  Ferita  nemica  délia  apparenta  folleva- 
ta  dal  tempo. 

Au  lever  de  la  toile  on  voyoit  un  chœur  de  Faux 
Bruits  &  de  Soupçons ,  qui  précedoient  l'Apparence 
&  le  Menfonge. 

Le  fond  du  théâtre  s'ouvrit.  Sur  un  grand  nuage 
porté  par  les  vents ,  on  vit  l'Apparence  vêtue  d'un 
habit  de  couleurs  changeantes ,  &  parlemé  de  glaces 
de  miroir ,  avec  des  ailes ,  &  une  queue  de  paon  ; 
elle  paroiffoit  comme  dans  une  elpece  de  nid  d'011 
fortirent  en  foule  les  Menfonges  pernicieux,  les  Frau- 
des ,  les  Tromperies  ,  les  Menfonges  agréables ,  les 
Flatteries ,  les  Intrigues ,  les  Menfonges  bouffons ,  les 
Plaifanteries,  les  jolis  petits  Contes. 

Ces  perfonnages  formèrent  les  différentes  entrées , 
après  lefquelles  le  Tems  parut.  Il  chaffa  l'Apparence, 
il  fit  ouvrir  le  nuage  fur  lequel  elle  s'étoit  montrée. 
On  vit  alors  une  grande  horloge  à  fable  ,  de  laquelle 
fortirent  la  Vérité ,  &  les  Heures.  Ces  derniers  per- 
fonnages, après  différens  récits  analogues  au  fujet, 
formèrent  les  dernières  entrées  ,  qu'on  nomme  le 
grand  ballet. 

Par  ce  court  détail ,  on  voit  que  ce  genre  de  fpec- 
tacle  réuniffoit  toutes  les  parties  qui  peuvent  faire 
éclater  la  magnificence  &C  le  goût  d'un  fouverain  ;  il 
exigeoit  beaucoup  de  richeffe  dans  les  habits  ,  &c  un 
grand  foin  pour  qu'ils  fuffent  toujours  du  caractère 
convenable.  Il  falloit  des  décorations  en  grand  nom» 
bre ,  &  des  machines  furprenantes.  foye^  Décora- 
tion, &  Machine. 

Les  perfonnages  d'ailleurs  du  chant  &  de  la  danfe 
en  étoient  prefque  toujours  remplis  parles  Souverains 
eux-mêmes ,  les  Seigneurs  &  les  dames  les  plus  aima- 
bles de  leur  cour  ;  &  fouvent  à  tout  ce  qu'on  vient 
d'expliquer ,  les  princes  qui  donnoient  ces  fortes  de 
fêtes  ajoùtoient  des  préfens  magnifiques  pour  tou- 
tes les  perfonnes  qui  y  repréfentoient  des  rôles  ;  ces 
préfens  étoient  donnés  d'une  manière  d'autant  plus 
galante ,  qu'ils  paroiffoient  faire  partie  de  l'action  du 
ballet,   Voye^  SAPATE. 

En  France ,  en  Italie  ,  en  Angleterre ,  on  a  repré- 
fenté  une  très-grande  quantité  de  ballets  de  ce  genre  : 
mais  la  cour  de  Savoie  Semble  l'avoir  emporté  dans 
ces  grands  ipectacles  fur  toutes  les  cours  de  l'Euro- 
pe. Elle  avoit  le  fameux  comte  d'Aglié  ,  le  génie  du 
monde  le  plus  fécond  en  inventions  théâtrales  & 
galantes.  Le  grand  art  des  fouverains  en  toutes  cho- 
ses elt  de  Savoir  choifir  ;  la  gloire  d'un  règne  dépend 
prefque  toujours  d'un  homme  mis  à  fa  place ,  ou  d'un 
homme  oublié. 

Les  ballets  repréfentés  en  France  jufqu'en  l'année 
1671,  furent  tous  de  ce  grand  genre.  Louis  XIV.  en  fit 
exécuter  plufieurs  pendant  Sa  jeuneffe ,  dans  lefquels 


BAL 

il  danfa  lui-même  avec  toute  la  cour.  Les  plus  célè- 
bres font  le  ballet  des  Profpérités  des  armes  de  la  Fran- 
ce, danfé  peu  de  tems  après  la  majorité  de  Louis  XIV. 
Ceux  d'Hercule  amoureux,  exécuté  pour  fon  mariage  ; 
d'Alcidiane ,  danfé  le  ^Février  1 6  5  8  ;  des  Saifons , 
exécuté  à  Fontainebleau  le  23  Juillet  1661;  des 
Amours  déguifés,  en  1664  ,  &c. 

Les  ballets  de  l'ancienne  cour  furent  pour  la  plu- 
part imaginés  par  Benferade.  Il  faifoit  des  rondeaux 
pour  les  récits  ;  6c  il  avoit  un  art  fingulier  pour  les 
rendre  analogues  au  fujet  général ,  à  la  perfonne  qui 
en  étoJt  chargée  ,  au  rôle  qu'elle  repréfentoit ,  &  à 
ceux  à  qui  les  récits  étoient  adreffés.  Ce  poëte  avoit 
un  talent  particulier  pour  les  petites  parties  de  ces 
fortes  d'ouvrages  ;  il  s'en  faut  bien  qu'il  eût  autant 
d'art  pour  leur  invention  &  pour  leur  conduite. 

Lors  de  l'établifTement  de  l'opéra  en  France ,  on 
conferva  le  fond  du  grand  ballet  :  mais  on  en  chan- 
gea la  forme.  Quinault  imagina  un  genre  mixte ,  dans 
lequel  les  récits  firent  la  plus  grande  partie  de  l'ac- 
tion. La  danfe  n'y  fut  plus  qu'en  fous-ordre.  Ce  fut 
en  1 67 1 ,  qu'on  repréfenta  à  Paris  les  Fêtes  de  Bacchus 
&  de  l'Amour ,  cette  nouveauté  plût  ;  &  en  168 1  ,  le 
Roi  &  toute  fa  cour  exécutèrent  à  Saint-Germain  le 
Triomphe  de  l'Amour,  fait  par  Quinault,  &  mis  en 
mufique  par  Lully  :  de  ce  moment  il  ne  fut  plus  quef- 
tion  du  grand  ballet,  dont  on  vient  de  parler.  La  dan- 
fe figurée  ,  ou  la  danfe  fimple  reprirent  en  France  la 
place  qu'elles  avoient  occupée  fur  les  théâtres  des 
Grecs  oc  des  Romains  ;  on  ne  les  y  fit  plus  fervir  que 
pour  les  intermèdes  ;  comme  dans  PJiché,  le  Maria- 
ge forcé  ,  les  Fâcheux ,  les  Pygmécs  ,  le  Bourgeois  Gen- 
tilhomme ,  &c.  Le  grand  ballet  fut  pour  toujours  relé- 
gué dans  les  collèges.  Voye^  Ballets  de  Collè- 
ge. A  l'opéra  même  le  chant  prit  le  deffus.  Il  y  avoit 
plus  de  chanteurs  que  de  danfeurs  paffables  ;  ce  ne 
fut  qu'en  168 1  ,  lors  qu'on  repréfenta  à  Paris  le 
Triomphe  de  C Amour ,  qu'on  introduiiit  pour  la  pre- 
mière fois  des  danfeufes  fur  ce  théâtre. 

Quinault  qui  avoit  créé  en  France  l'opéra  ,  qui  en 
avoit  apperçu  les  principales  beautés  ,  &  qui  par  un 
trait  de  génie  fingulier  avoit  d'abord  fenti  le  vrai  gen- 
re de  ce  fpectacle  (Voy»i  Opéra)  n'avoit  pas  eu  des 
vues  aufli  juftes  fur  le  ballet.  Il  tut  imité  depuis  par 
tous  ceux  qui  travaillèrent  pour  le  théâtre  lyrique. 
Le  propre  des  talens  médiocres  efl  de  fuivre  fervile- 
ment  à  la  pifte  la  marche  des  grands  talens. 

Après  fa  mort  on  fît  des  opéra  coupés  comme  les 
fions ,  mais  qui  n'étoient  animés ,  ni  du  charme  de 
fon  ftyle ,  ni  des  grâces  du  fentiment  qui  étoit  fa  par- 
tie fublime.  On  pouvoit  l'atteindre  plus  aifément 
dans  le  ballet,  où  il  avoit  été  fort  au-deiîbus  de  lui- 
même  ;  ainfi  on  le  copia  dans  fa  partie  la  plus  délèc- 
tueufe  jufqu'en  1697,  que  la  Mothe  ,  en  créant  un 
genre  tout  neuf,  acquit  l'avantage  de  fe  faire  copier 
à  fon  tour. 

L'Europe  Galante  efl  le  premier  ballet  dans  la  for- 
me adoptée  aujourd'hui  fur  le  théâtre  lyrique.  Ce 
genre  appartient  tout-à-fait  à  la  France ,  &  l'Italie 
n'a  rien  qui  lui  reffemble.  On  ne  verra  fans  doute 
jamais  notre  opéra  parler  chez  les  autres  nations  :  mais 
il  eft  vraiffemblable  qu'un  jour ,  fans  changer  de  mu- 
fique (  ce  qui  eft  impoffible  )  on  changera  toute  la 
conftitution  de  l'opéra  Italien ,  6c  qu'il  prendra  la 
forme  nouvelle  &C  piquante  du  ballet  François. 

Il  coniifte  en  3  ou  4  entrées  précédées  d'un  pro- 
logue. 

Le  prologue  &  chacune  des  entrées  forment  des 
a&ions  fèparées  avec  un  ou  deux  divertiffemens  mê- 
lés de  chants ,  &  de  danfes. 

La  tragédie  lyrique  doit  avoir  des  divertiffemens 
de  danfe  &  de  chant ,  que  le  fonds  de  l'action  amené. 
Le  ballet  doit  être  un  divertilVement  de  chant  &  de 
danfe,  qui  amené  une  acuon ,  6c  qui  Lui  lert  de  fonde- 


BAL 


45 


ment ,  &  cette  action  doit  être  galante ,  intéreffante , 
badine ,  ou  noble  luivant  la  nature  des  fujets. 

Tous  les  ballets  qui  font  reliés  au  théâtre  font  en 
cette  forme  ,  &c  vraiffemblabiement  il  n'y  en  aura 
point  qui  s'y  foûtiennent ,  s'ils  en  ont  une  différente. 
Le  Roi  Louis  XV.  a  danfé  lui-même  avec  fa  cour , 
dans  les  ballets  de  ce  nouveau  genre ,  qui  furent  re- 
préfentés  aux  Thuileries  pendant  fon  éducation. 

Danchet ,  en  fuivant  le  plan  donné  par  la  Mothe , 
imagina  des  entrées  comiques  ;  c'eft  à  lui  qu'on  doit 
ce  genre ,  fi  c'en  eft  un.  Les  Fêtes  Vénitiennes  ont 
ouvert  une  carrière  nouvelle  aux  Poètes  &  aux  Mu- 
ficiens  ,  qui  auront  le  courage  de  croire ,  que  le  théa- 
tre  du  merveilleux  eft  propre  à  rendre  le  comique. 

Les  Italiens  paroiffent  penfer  que  la  mufique  n'eft 
faite  que  pour  peindre  tout  ce  qui  eft  de  plus  noble 
ou  de  plus  bas  dans  la  nature.  Ils  n'admettent  point 
de  milieu. 

Ils  répandent  avec  profufion  le  fublime  dans  leurs 
tragédies  ,  &  la  plus  baffe  plaifanterie  dans  leurs 
opéra  bouffons ,  &  ceux-ci  n'ont  réufli  que  dans  les 
mains  de  leurs  muficiens  les  plus  célèbres.  Peut-être 
dans  dix  ans  penfera-t-on  comme  eux.  Platée,  opéra 
bouffon  de  M.  Rameau,  qui  eft  celui  de  tous  les  ou- 
vrages le  plus  original  &  le  plus  fort  de  génie ,  dé- 
cidera fans  doute  la  queilion  au  préjudice  des  Fêtes 
Vénitiennes  &  des  Fêtes  de  Thalie,  peu  goûtées  dans 
leurs  dernières  reprifes. 

Peut-être  la  Mothe  a-t-il  fait  une  faute  en  créant 
le  ballet.  Quinault  avoit  fenti  que  le  merveilleux 
étoit  le  fond  dominant  de  l'opéra.  Voyer^  Opéra. 
Pourquoi  ne  feroit-il  pas  auffi  le  fond  du  ballet  r  La 
Mothe  ne  l'a  point  exclu  :  mais  il  ne  s'en  eft  point 
fervi.  Il  eft  d'ailleurs  fort  fingulier  qu'il  n'ait  pas 
donné  un  plus  grand  nombre  d  ouvrages  d'un  genre 
fi  aimable.  On  n'a  de  lui  que  l'Europe  galante  qui  l'oit 
reliée  au  théâtre  ;  il  a  cru  modefteir.ent  fans  doute 
que  ce  qu'on  appelle  grand  opéra,  étoit  leul  digne  de 
quelque  confîdération.  Son  efprit  original  l'eût  mieux 
fervi  cependant  dans  un  genre  tout  à  lui.  Il  n'eft 
excellent  à  ce  théâtre  que  dans  ceux  qu'il  a  crées. 
Voyei  Pastorale  6-  Comédie-Ballet. 

Il  y  a  peut-être  encore  un  défaut  dans  la  forme 
du  ballet  créé  par  la  Mothe.  Les  danles  n'y  font  que 
des  danfes  fimples  ;  nulle  action  relative  au  fujet  ne 
les  anime  ;  on  danfe  dans  l'Europe  galante  pour  dan- 
fer.  Ce  font  à  la  vérité  des  peuples  différens  qu'on 
y  voit  paroître  :  mais  leurs  habits  plutôt  que  leurs 
pas  annoncent  leurs  divers  caractères  ;  aucune  adfion 
particulière  ne  lie  la  danfe  avec  le  refte  de  l'acle. 

De  nos  jours  on  a  halardé  le  merveilleux  dans  le 
ballet,  &  on  y  a  mis  la  danfe  en  aûion  :  elle  y  eft 
une  partie  neceffaire  du  fujet  principal.  Ce  genre, 
qui  a  plû  dans  fa  nouveauté  ,  préfente  un  plus  grand 
nombrede  reffourecs  pouiTamuiementdufpeclateur, 
des  moyens  plus  fréquens  à  la  poelïe,  à  la  peinture, 
à  la  mufique,  d'étaler  leurs  richeffes  ;  &au  théâtre 
lyrique  ,  des  occafions  de  faire  briller  la  grande  ma- 
chine ,  qui  en  eft  une  des  premières  beautés  :  mais 
il  faut  attendre  la  reprife  des  Fêtes  de  l'Hymen  &  de 
l'Amour,  pour  décider  fi  ce  genre  eft  le  véritable. 

De  tous  les  ouvrages  du  théâtre  lyrique ,  le  ballet 
cil  celui  qui  paroit  le  plus  agréable  aux  François.  La 
variété  qui  y  règne,  le  mélange  aimable  du  chant 
&  de  la  darne,  des  adions  courtes  qui  ne  fauroient 
fatiguer  l'attention  ,  des  fêtes  galantes  qui  fe  fuece- 
dent  avec  rapidité  ,  une  foule  d'objets  piquans  qui 
paroiffent  dans  ces  fpeâacles,  forment  un  enfemble 
charmant  ,  qui  plaît  également  à  la  France  6c  aux 
étrangers. 

Cependant  parmi  le  grand  nombre  d'auteurs  cé- 
lèbres qui  fe  font  exerces  dans  ce  genre,  il  y  en  a 
fort  peu  qui  Payent  tait  avec  fucces  :  ona  encore 
moins  de  bons  ballets  que  de  bons  opéra ,   iî  on  on 


46 


BAL 


excepte  les  ouvrages  de  M.  Rameau  ,  du  fort  def- 
quels  on  n'oie  décider ,  &  qui  conferveront,  ou  per- 
dront leur  fupériorité ,  félon  que  le  goût  de  la  na- 
tion pour  la  mufique  le  fortifiera ,  ou  s'affoiblira  par 
la  fuite.  Le  théâtre  lyrique  qui  peut  compter  à  peu- 
près  fur  huit  ou  dix  tragédies  dont  la  réuffite  eft  tou- 
jours lûre  ,  n'a  pas  plus  de  trois  ou  quatre  ballets 
d'une  relfource  certaine  ;  Y  Europe  galante ,  les  Elé- 
mens ,  les  Amours  des  Dieux ,  &i  peut-être  les  Feus 
Greques  &  Romaines.  D'où  vient  donc  la  rareté  des 
talens  dans  un  pareil  genre  ?  Eft-ce  le  génie  ou  l'en- 
couragement qui  manquent  ?  Plutarq.  Sid.  Appoll. 
Athên.  Arij}.  Poétique.  Platon.  Hijl.  de  la  danfe  par 
Bonnet.  Lucien.  L.  P.  Meneftrier,  Jef.  Traité  des 
Ballets ,  &c.  (B  ) 

Ballets  de  chevaux.  Dans  prefque  tous  les  car- 
roufels  ,  il  y  avoit  autrefois  des  ballets  de  chevaux  qui 
faifoient  partie  de  ces  magnifiques  fpectacles.  Pluvi- 
nel ,  un  des  écuyers  du  roi ,  en  fit  exécuter  un  fort 
beau  dans  le  fameux  carroufel  de  Louis  XIII.  Les 
deux  qui  paiTent  pour  avoir  été  les  plus  fuperbes  , 
font  ceux  qui  furent  donnés  à  Florence  ,  le  premier 
en  1 608  ,  le  dernier  en  1615. 

On  lit  dans  Pline  ,  que  c'eft  aux  Sibarites  que  l'on 
doit  l'invention  de  la  danfe  des  chevaux  :  le  plaifir 
étoit  le  feul  objet  de  ce  peuple  voluptueux  ;  il  étoit 
i'ame  de  tous  fes  mouvemens ,  &  de  tous  fes  exerci- 
ces. Athénée ,  d'après  Ariftote ,  rapporte  que  les  Cro- 
toniates  ,  qui  faifoient  la  guerre  à  ce  peuple  ,  s'étant 
apperçûs  du  foin  avec  lequel  on  y  élevoit  les  che- 
vaux ,  firent  fecretement  apprendre  à  leurs  trom- 
pettes les  airs  de  ballet  que  les  Sibarites  faifoient  dan- 
fer  à  ces  animaux  dociles.  Au  moment  de  la  charge, 
lorfque  leur  cavalerie  s'ébranla  ,  les  Crotoniates  fi- 
rent fonner  tous  ces  airs  diiférens ,  &c  dès-lors  les  che- 
vaux Sibarites ,  au  lieu  de  fuivre  les  mouvemens  que 
vouloient  leur  donner  les  cavaliers  qui  les  montoient, 
fe  mirent  à  danfer  leurs  entrées  de  ballet  ordinaires , 
&  les  Crotoniates  les  taillèrent  en  pièces. 

Les  Bifaltes  ,  peuples  de  Macédoine  ,  fe  fervirent 
du  même  artifice  contre  les  Cardiens,  au  rapport  de 
Charon  de  Lampfaque. 

Les  ballets  de  chevaux  font  compofés  de  quatre  for- 
tes de  danfe  ;  la  danfe  de  terre-à-terre ,  celle  des  cour- 
bettes ,  celle  des  caprioles  ,  &  celle  d'un  pas  &c  un 
faut. 

La  danfe  de  terre-à-terre  eft  formée  de  pas  ,  &  de 
mouvemens  égaux ,  en  avant ,  en  arrière ,  à  volte  fur 
la  droite  ou  fur  la  gauche  ,  &  à  demi-volte  ;  on  la 
nomme  terre-à-terre  ,  parce  que  le  cheval  ne  s'y  éle- 
vé point. 

La  danfe  des  courbettes  eft  compofée  de  mouve- 
mens à  demi  élevés ,  mais  doucement ,  en  avant ,  en 
arrière  ,  par  voltes  &  demi-voltes  fur  les  côtés  ,  fai- 
sant Ion  mouvement  courbé  ,  ce  qui  donne  le  nom  à 
cette  efpcce  de  danfe. 

La  danfe  des  caprioles  n'eft  autre  chofe  que  le  faut 
que  fait  le  cheval  en  cadence  à  tems  dans  la  main  , 
&  dans  les  talons ,  fe  laiffant  foûtenir  de  l'un  ,  &  ai- 
der de  l'autre  ,  foit  en  avant  en  une  place  ,  fur  les 
voltes  &  de  côté  :  on  n'appelle  point  caprioles  tous 
les  fauts  ;  on  nomme  ainfi  feulement  ceux  qui  lont 
hauts  &  élevés  tout  d'un  tems. 

La  danfe  d'un  pas  &  d'un  faut  eft  compofée  d'une 
capriole  &£  d'une  courbette  fort  baffe  ;  on  commen- 
ce par  une  courbette ,  &  enfuite  ,  raffermi (fant  l'aide 
des  deux  talons ,  &  foûtenant  ferme  de  la  main  ,  on 
fait  faire  une  capriole ,  &  lâchant  la  main  Se  chaffant 
en  avant ,  on  fait  faire  un  pas  :  on  recommence  après 
fi  l'on  veut ,  retenant  la  main  &  aidant  des  deux  ta- 
lons ,  pour  faire  faire  une  autre  capriole. 

On  a  donné  le  nom  d'airs  à  ces  différentes  danfes, 
ainfi  on  dit  air  de  terre-à-terrt ,  &c. 


BAL 

Dans  ces  ballets  ,  on  doit  obferver,  comme  dans 
tous  les  autres ,  l'air,  le  tems  de  l'air,  &  la  figure. 

L'air  eft  le  mouvement  de  la  fymphonie  qu'on  exé- 
cute ,  &  qui  doit  être  danfée.  Le  tems  des  airs  font  les 
divers  paffages  que  l'on  fait  faire  aux  chevaux  en 
avant ,  en  arrière ,  à  droite  ,  à  gauche  :  de  tous  ces 
mouvemens  fe  forment  les  figures .  &  quand  d'un  feul 
tems  fans  s'arrêter ,  on  fait  aller  le  cheval  de  ces  qua- 
tre manières  ,  on  appelle  cette  figure  faire  la  croix. 

Ces  partages  ,  en  terme  de  l'art ,  s'appellent /w/^ 
fades. 

Les  trompettes  font  les  inftrumens  les  plus  propres 
pour  faire  danfer  les  chevaux  ,  parce  qu'ils  ont  le 
loifir  de  prendre  haleine  lorfque  les  trompettes  la  re- 
prennent ,  &  que  le  cheval ,  qui  eft  naturellement  fier 
&  généreux  ,  en  aime  le  Ion  ;  ce  bruit  martial  l'ex- 
cite &  l'anime.  On  drefî'e  les  chevaux  encore  à  dan- 
fer au  fon  des  cors  de  chatte  ,  &  quelquefois  aux  vio- 
lons :  mais  il  faut  de  ces  derniers  inftrumens  un  fort 
grand  nombre ,  que  les  fymphonies  foient  des  airs  de 
trompettes  ,  &  que  les  baffes  marquent  fortement  les 
cadences. 

Selon  la  nature  des  airs  on  manie  les  chevaux  ter- 
re-à-terre ,  par  courbettes  ,  ou  par  fauts.  • 

Il  n'eft  pas  étonnant  qu'on  ch  efîe  des  chevaux  à  la 
danfe  ,  puifque  ce  font  les  animaux  les  plus  mania- 
bles ,  &  les  plus  capables  de  dilcipline  ;  on  a  fait  des 
ballets  de  chiens  ,  d'ours  ,  definges ,  d'éléphans  ,  ce  qui 
eft  bien  plus  extraordinaire.  Voye?^  Danse.  Elien  , 
Martial  ,  Athénée  ,  Pline  ,  Ariflote  ,  Charon  de  Lamp- 
faque ,  &c. 

Ballets  aux  chanfons  ;  ce  font  les  premiers  bal- 
lets qui  ayent  été  faits  par  les  anciens.  Eriphanis , 
jeune  greque  ,  qui  aimoit  pafîionnément  un  chaffeur 
nommé  Menalque  ,  compofa  des  chanfons  par  lef- 
quelles  elle  fe  plaignoit  tendrement  de  la  dureté  de 
fon  amant.  Elle  le  fuivit ,  en  les  chantant ,  fur  les 
montagnes  &  dans  les  bois  :  mais  cette  amante  mal- 
heureufe  mourut  à  la  peine.  On  étoit  peu  galant , 
quoi  qu'en  difent  les  Poètes  ,  dans  ces  tems  reculés. 
L'aventure  d'Eriphanis  fit  du  bruit  dans  la  Grèce  , 
parce  qu'on  y  avoit  appris  fes  chanfons  ;  on  les  chan- 
toit ,  &  on  repréfentoit  fur  ces  chants  les  aventures, 
les  douleurs  d'Eriphanis ,  par  des  mouvemens  &  des 
geftes  qui  refîembloient  beaucoup  à  la  danfe. 

Nos  branles  font  des  efpeces  de  ballets  aux  chan- 
fons. Voye^  Branle.  A  l'opéra  on  peut  introduire 
des  ballets  de  ce  genre.  Il  y  a  une  forte  de  pantomi- 
me noble  de  cette  elpece  dans  la  troifieme  entrée  des 
Talens  Lyriques,qui  a  beaucoup  réuffi,&  qui  eft  d'une 
fort  agréable  invention.  La  danfe  de  Tcrpjichore ,  du 
prologue  des  Fîtes  Greques  &c  Romaines ,  doit  être 
rangée  auffi  dans  cette  claffe.  Le  P.  Ménétrier ,  traité 
des  Ballets. 

Ballets  de  collège  ;  ce  font  ces  fpectacles  qu'on 
voit  dans  les  collèges  lors  de  la  diltribution  des  prix. 
Dans  celui  de  Louis  le  Grand  ,  il  y  a  tous  les  ans  la 
tragédie  &  le  grand  ballet ,  qui  tient  beaucoup  de 
l'ancien,  tel  qu  on  le  repréfentoit  autrefois  dans  les 
différentes  cours  de  l'Europe ,  mais  il  eft  plus  chargé 
de  récits ,  &  moins  rempli  de  danles  figurées. 

Il  fert  pour  l'ordinaire  d'intermèdes  aux  actes  de 
la  tragédie  ;  en  cela  il  rend  afî'ez  l'idée  des  intermè- 
des des  anciens. 

Il  y  a  plufieurs  beaux  ballets  imprimés  dans  le  fé- 
cond volume  du  P.  le  Jay  Jéfuite.  On  trouve  le  détail 
de  beaucoup  de  ces  ouvrages  dans  le  Père  Méné- 
trier ,  qui  en  a  fait  un  favant  traité  ,  £v  qui  étoit 
Thomme  de  l'Europe  le  plus  profond  fur  cette  ma- 
tière. (B) 

*  BALLIMORE  (  Géog.  )  ville  de  la  province  de 
Leinlter,  en  Irlande  ;  elle  eft  entièrement  environ- 
née d'un  marais. 

B  ALLIN,f.  m,  {Commerce.)  on  nomme  ainfi  à  Bour- 


BAL 

deaux,  à  Bayonne  &  dans  les  autres  villes  de  com- 
merce de  la  Guyenne ,  ce  qu'on  appelle  à  Paris  em- 
ballage. (  G  ) 

*  BALLINASLOE  {Géog.  )  petite  ville  delà  Con- 
nacie  ,  en  Irlande  ,  fur  la  Sue  ,  dans  la  province  de 
Rofcommon  ,  à  dix  milles  d'Athlane ,  fur  le  grand 
chemin  de  Gallowai.     » 

*  BALLINEKIL  (  Géog.  )  ville  d'Irlande ,  dans  la 
province  de  Leinfter  ,  au  comté  de  la  Reine. 

*  BALLON  (  Géog.  )  ville  de  France ,  au  diocefe 
du  Mans ,  fur  la  rive  droite  de  l'Orne.  Long.  ly.  3o. 
lac.  48.  10. 

*  Ballon,  f.  f.  on  donne  en  général  le  nom  de  bal- 
lon à  tout  corps  fait  par  art ,  dont  la  figure  eft  fphé- 
rique  ou  à  peu  près ,  &  qui  eft  creux ,  de  quelque  ma- 
tière qu'il  foit  compolé  ,  &  à  quelque  ufage  qu'on 
l'employé.  Il  ne  faut  pas  croire  que  tout  ce  à  quoi  la 
defcription  précédente  pourra  convenir  s'appellera 
ballon ,  mais  feulement  que  ce  qu'on  appelle  ballon 
aura  la  plupart  de  ces  conditions. 

BALLONS  <&  grenades  ,  bombes  &  cailloux ,  font , 
dans  V Artillerie  ,  des  efpeces  de  cylindres  compolés 
de  chacune  de  ces  différentes  chofes ,  lefquelles  s  exé- 
cutent avec  le  mortier.  (  Q  ) 

Ballon  ,  terme  d'Artificier  ;  les  Artificiers  appel- 
lent ainfi  une  efpece  de  bombe  de  carton  qu'on  jette 
en  l'air  comme  une  véritable  bombe,  par  le  moyen 
d'un  mortier.  L'effet  de  cet  artifice  eft  de  monter 
avec  une  très-petite  apparence  de  feu,  &  d'en  jetter 
fubitement  une  grande  quantité  après  être  parvenu 
au  fommet  de  fon  élévation,  à  la  différence  des  bom- 
bes ,  qui  ne  doivent  crever  qu'à  la  fin  de  leur  chute. 
Voyt{  Bombe.  On  les  divife  en  ballons  d'air ,  & 
ballons  d'eau. 

Comme  cet  artifice  eft  fait  pour  être  jette  en  l'air, 
il  eft  évident  qu'il  n'y  a  point  de  figure  qui  lui  con- 
vienne mieux  que  la  iphérique,  qui  préfente  toujours 
une  furface  &  une  réfiftance  égale  au  fluide  de  l'air 
de  quelque  côté  qu'elle  fe  tourne  ;  c'eft  pour  cette 
raifon  qu'on  fait  les  balles  ,  boulets  &  bombes  d'Ar- 
tillerie rondes  en  tous  fens  ,  plutôt  que  cylindriques  ; 
cependant  les  Artificiers  femblent  préférer ,  pour  les 
ballons ,  la  figure  cylindrique  à  la  fphérique  ,  pour 
leur  donner  plus  de  capacité  &  plus  de  commodité  à  y 
ranger  de  certaines  pièces  d'artifices  dont  on  doit  les 
remplir. 

Lorfqu'on  fait  les  ballons  fphériques ,  il  y  a  deux 
manières  de  préparer  les  cartouches  pour  les  remplir; 
l'une  eft  de  former  deux  hémifpheres  qu'on  remplit 
chacune  à  part ,  qu'on  applique  enfuite  l'une  contre 
l'autre  ,  &c  qu'on  lie  par  des  bandes  de  carton  &  de 
toiles  croifées  &  collées  ;  cette  manière  a  des  incon- 
véniens  pour  la  réunion  qui  devient  difficile  à  caufe 
des  évafemens  inégaux  qui  fe  forment  en  chargeant. 

L'autre  eft  de  tonner  le  cartouche  avec  des  fu- 
feaux,  &  de  ne  les  coller  premièrement  qu'à  moitié, 
ou  aux  deux  tiers  de  leur  longueur ,  enlorte  qu'il  y 
refte  une  ouverture  fuffilante  pour  y  introduire  la 
main  ,  fi  elle  eft  nécefiairc  pour  l'arrangement ,  ou 
feulement  un  trou  de  grandeur  convenable  pour  y 
introduire  les  artifices  &  la  fulée  de  communication, 
qu'on  appelle  le  porte-feu.  Lorfque  tout  eft  en  place , 
on  replie  les  bouts  des  fufeaux  à  mefurc  que  le  ballon 
fe  remplit  ,  en  le  collant  par  le  moyen  des  doubles 
qui  croifent  fur  les  pièces  de  l'intérieur  ;  6c  enfin , 
pour  le  former  tout-à-fait ,  on  colle  les  pointes  de 
ces  fufeaux  fur  le  bout  du  porte-feu  ,  qui  fort  d'en- 
viron un  pouce  hors  du  ballon  ,  ce  qui  affermit  très- 
bien  toutes  ces  parties,  &  fournit  le  moyen  d'arran- 
ger &  de  remplir  commodément  &  exactement  tout 
le  vuide  du  ballon. 

On  commence  par  mettre  au  fond  du  ballon  ,  une 
certaine  quantité  de  relien ,  ou  de  poudre  grenée , 
proportionnée  à  fa  grandeur ,  comme  une  ou  deux 


BAL 


47 


onces  ,  mêlée  d'un  peu  de  poulverin  pour  fervir  de 
chaffe  ,  qui  fait  crever  la  bombe  &  pouffe  fa  garnim- 
re  au-dehors  :  comme  il  eft  à  propos  que  cette  chaffe 
foit  retenue  où  on  l'a  mife  ,  &  qu'elle  ne  fe  répan- 
de pas  ailleurs  lorfqu'on  renverle  ou  qu'on  remue 
la  bombe  chargée  ,  on  la  couvre  d'un  lit  de  coton 
d'étoupille  en  feuille  mince ,  c'eft-à-dire,  Amplement 
étendue  fans  être  filée  ;  d'autres  la  renferment  dans 
un  fac  de  papier  plat ,  &  mince  ,  qu'on  arrange  de 
manière  qu'il  occupe  le  fond. 

On  met  enfuite  au  milieu  un  cartouche  vuide  po- 
fant  fur  ce  fac, pour  y  conferver  le  paffage  du  porte- 
feu  ,  &  l'on  arrange  autour  de  ce  cartouche ,  la  gar- 
niture du  ballon  ,  qui  peut  être  de  différentes  efpeces 
d'artifices. 

La  première  eft  celle  dont  l'effet  produit  la  cheve- 
lure ,  laquelle  eft  faite  de  cartouches  de  lardons  ,  ou 
de  tuyaux  de  rofeaux  coupés  de  la  longueur  du  bal- 
lon ^  &  remplis  d'une  composition  lente  faite  de  trois 
parties  de  poulverin ,  de  deux  de  charbon  &  d'une 
de  foufre  humecté  d'un  peu  d'huile  de  prétrole  ,  enfin 
amorcés  par  le  bas  de  pâte  de  poudre  écrafée  dans 
de  l'eau  pure  ,  ou  de  l'eau-de-vie ,  qu'on  fera  enfuite 
fécher  ;  on  arrange  tous  ces  artifices  dans  le  cartou- 
che autour  de  celui  qui  fait  le  paffage  du  porte-feu  , 
&  après  qu'il  eft  plein ,  on  y  introduit  le  porté-feu 
tout  chargé  jufqu'à  ce  qu'il  pofe  fur  la  chaffe  ,  & 
comme  il  eft  lié  au  couvercle  ,  on  colle  ce  couver- 
cle par  les  bords  déchiquetés  ,  fur  celui  du  cartou- 
che ,  &  le  ballon  eft  fini. 

La  féconde  efpece  de  garniture  eft  celle  des  fer- 
penteaux  ,  qu'on  arrange  comme  les  tuyaux  de  ro- 
feaux dont  nous  venons  de  parler  ,  la  gorge  en  bas 
fur  la  chaflé. 

La  troilieme  eft  compofée  de  fauciffons  volans  dont 
on  peut  faire  tirer  les  coups  fucceffivcment  en  fai- 
fant  les  gorges  de  matières  lentes ,  toutes  inégalement 
longues ,  comme  des  tuyaux  d'orgue  ;  &  comme  cet 
arrangement  laiffe  du  vuide  fur  les  plus  courts  ,  on  y 
peut  mettre  des  étoiles  ou  des  étincelles  de  feu. 

La  quatrième  efpece  de  garniture  eft  celle  des  étoi- 
les ,  qu'on  arrange  par  lits  fur  la  poudre  de  la  chaffe> 
en  les  couvrant  de  poulverin  mêlé  d'un  peu  de  char- 
bon ,  &  continuant  ainfi  jufqu'à  ce  que  le  ballon  foit 
plein. 

La  cinquième  efpece  eft  celle  des  balles  luifantes 
qu'on  arrange  de  même  par  lits ,  comme  les  étoiles. 

Ballon  ;  les  artificiers  appellent  ainfi  de  gros  car- 
touches ,  qu'on  jette  avec  le  mortier.  On  les  remplit 
ordinairement  de  ferpenteaux ,  qui  font  gros  comme 
des  fufées  par  terre,  mais  non  pas  tout-à-fait  fi  longs. 
On  y  met  aufti  deux  petits  fauciffons  de  la  même  lon- 
gueur &c  de  la  même  grofîeur,  qui  ayant  pris  feu  par 
leur  amorce  font  crever  le  cartouche.  Celui-ci  a  par 
le  bas  un  porte-feu ,  à  l'embouchure  duquel  il  y  a 
une  amorce  faite  avec  du  coton  trempé  dans  de  la 
poudre  comme  l'étoupille. 

Ce  cartouche  fe  fait  fur  un  gros  rouleau  de  bois  t 
autour  duquel  on  roule  des  cartes  fortes ,  que  l'on 
colle  avec  de  la  colle  forte  pour  les  faire  tenir  enfem- 
ble.  Après  l'avoir  étranglé  par  le  bas  ,  on  y  fait  un 
trou  pour  le  portc-teu ,  qui  fe  fait  comme  pour  les 
fufées  par  terre  :  fa  composition  eft  cependant  plus 
lente,  car  elle  eft  femblable  à  celle  des  fufées  volan- 
tes. On  remplit  enfuite  le  cartouche  de  fèrpèflteaus  , 
&  quelquefois  d'étoiles,  après  quoi  on  l'étrangle  par» 
dcffllS.  Voyei  SAUCISSON,  FUSEE,  ÉTOILE,  SER- 
PENTEAU, &C. 

Voyei  Planche  de  l'Artificier  ,fig.  61.  un  ballon  ou 
bombe  d'artifice  fphérique  ;fig.  65.  un  mbrtier  à  ballon  ; 
fig.  63.  un  ballon  achevé  &  couvert,  avec  la  fufée 
qui  doit  y  porter  le  tcu  \fig.  64.  la  coupe  d'un  ballon 
tout  chargé,  auquel  le  teù  fe  communique  par  le 
porte-feu  pratiqué  au  fond  du  ballon;,  qui  pôle  lux 


4§ 


BAL 


la  chafle  dans  le  mortier  ;  Ufig.  66.  un  ballon  d'ar- 
tifice qui  en  enferme  un  autre. 

Ballon,  en  Chimie,  eft  un  gros  vaifleau  de  verre 
dans  lequel  on  reçoit  les  efprits  volatils  qu'on  diftille, 
c'eft  une  efpece  de  récipient.  Lorfque  le  vaifleau  dans 
lequel  on  reçoit  ce  que  l'on  diftille  eft  petit  ou  médio- 
cre on  l'appelle  récipient;  fi  au  contraire  ce  vaifleau 
eft  "rand,  pour  que  les  efprits  fulphureux  ou  volatils 
ayent  la  liberté  de  s'y  mouvoir  &  de  fe  condenfer  en 
goutte  contre  une  furface  plus  étendue  ,  on  l'appelle 
ballon ,  parce  qu'ayant  le  cou  très-court  &  la  figure 
ronde ,  il  reflemble  à  celle  d'un  ballon.  {M) 

Ballon,  en  Marine,  c'eft  une  efpece  de  brigan- 
tin ,  dont  on  fe  fert  dans  le  royaume  de  Siam  ;  ce  font 
des  bâtimens  fort  étroits  &  d'une  extrême  longueur, 
qui  ont  le  devant  &  le  derrière  fort  relevés  &  ornés 
de  fculpture  ;  il  y  en  a  de  tout  dorés ,  où  l'on  met 
jufqu'à  cent  vingt  &  même  cent  cinquante  rameurs. 
Au  milieu  eft  une  efpece  de  petit  dôme  que  les  Sia- 
mois appellent  chimie  ,  qui  forme  une  chambre  cou- 
verte de  riches  étoffes .  avec  des  rideaux  de  la  même 
étoffe.  Quelquefois  cette  chirole  eft  furmontée  d'une 
pyramide  ou  d'un  clocher  fort  haut.  Les  bords  de  ces 
bâtimens  font  à  fleur  d'eau,  &  les  extrémités  qui  font 
recourbées  s'élèvent  fort  haut ,  la  plupart  repréfen- 
tant  des  figures  de  dragons ,  de  ferpens ,  ou  d'autres 
animaux.  Ces  ballons  ont  pour  l'ordinaire  cent  ou 
cent  vingt  pies  de  long ,  &  n'en  ont  guère  que  fix  de 
large  ;  ils  vont  avec  beaucoup  de  vîtefle.  (Z  ) 

Ballons  ,  f.  m.  pi.  c'eft  ainfi  qu'on  appelle  chez 
les  potiers  de  terre ,  les  mottes  de  terre  préparées  &C 
prêtes  à  être  miles  en  œuvre  ;  &  dans  les  Verreries , 
les  mottes  de  terre  à  pot ,  prêtes  à  faire  des  pots.  Voy. 
.Verrerie  &  Pot. 

BALLOT,  f.  m.  (Comm.)  petite  balle  ou  paquet 
de  marchandises.  On  le  dit  quelquefois  des  grofles 
balles.  Voye{  Balle. 

Ballot  ou  Ballon,  dans  le  commerce  de  verre 
de  Lorraine ,  fignifie  une  certaine  quantité  de  tables 
de  verre  plus  ou  moins  grande,  félon  fa  qualité.  Le 
ballot  de  verre  blanc  contient  vingt-cinq  liens ,  à  rai- 
fon  de  fix  tables  au  lien  ;  le  ballot  de  verre  de  couleur , 
feulement  douze  liens  &  demi ,  &  trois  tables  au  lien. 
Foye{  Lien  ,  Table  ,  Verre. 

Ballot,  s'entend  aufli  dans  le  commerce  des  vian- 
des boucanées  que  font  les  boucaniers  de  S.  Domin- 
gue  ,  d'un  certain  poids  que  chaque  paquet  doit  avoir. 
Ordinairement  le  paquet  eft  de  60  livres  de  viande 
nette,  non  compris  l'emballage.  Voy.  Boucanier. 

BALLOTADE ,  f.  f.  (Manège.)  c'eft  un  faut  qu'on 
fait  faire  à  un  cheval  entre  deux  piliers ,  ou  par  le 
droit ,  avec  juftefle ,  foùtenu  de  la  main  &  aidé  du 
gras  des  jambes  ,  enforte  qu'ayant  les  quatre  pies  en 
l'air ,  il  ne  montre  que  les  fers  de  ceux  de  derrière , 
fans  détacher  la  ruade  &  féparer.  A  la  capriole  ,  il 
rue  ou  noue  l'aiguillette  ;  à  la  croupade ,  il  retire  les 
pies  de  derrière  fous  lui,  au  lieu  de  montrer  fes  fers 
comme  il  fait  en  maniant  à  ballotade  ;  c'eft  ce  qui  fait 
leur  différence.  Quand  un  cheval  eft  lafle  d'aller  à 
capriole ,  &  que  Ion  grand  feu  eft  pafle  ,  il  fe  met  de 
lui-même  à  ballotades,  puis  à  croupades,  à  moins  que 
le  poinçon  bien  appuyé  ne  lui  fafle  noiier  l'aiguil- 
lette &  continuer  l'air  des  caprioles.  Faire  la  croix 
à  ballotades ,  c'eft  faire  ces  fortes  d'airs  ou  de  fauts 
d'une  haleine  en-avant ,  en-arriere  &  fur  les  côtés  , 
comme  une  figure  de  croix.  La  ballotade  eft  un  faut 
où  le  cheval  lèmble  vouloir  ruer ,  mais  ne  le  fait 
pourtant  pas  ;  ce  n'eft  qu'une  demi-ruade ,  faifant 
feidement  voir  les  fers  des  jambes  de  derrière,  com- 
me s'il  avoit  envie  de  ruer.  {V) 

BALLOTE,  (Hift.  nat.  bot.)  genre  de  plante  à 
fleur  monopétale  labiée ,  dont  la  lèvre  fupérieure  eft 
Creufée  en  forme  de  cuiÛiere ,  la  lèvre  inférieure  eft 


BAL 

divifée  en  trois  parties  ;  celle  du  milieu  eft  la  plus 
grande  ,  fa  figure  approche  de  celle  d'un  cœur  ;  le 
piftil  fort  du  calice ,  il  eft  attaché  comme  un  clou 
à  la  partie  poftérieure  de  la  fleur ,  &  il  eft  environné 
de  quatre  embryons  ,  qui  deviennent  autant  de  fe- 
mences  oblongues ,  renfermées  dans  une  capfule  qui 
a  fervi  de  calice  à  la  fleur ,  &  qui  eft  en  forme  de 
tuyau  à  cinq  faces.  Tournefort ,  Inft.  rei  herb.  Voyez 
Plante.  (/ ) 

BALLOTER,  v.  neut.  (Hifl.  mod.)  manière  de 
donner  ion  fuffrage  dans  les  élections  ,  &c.  par  le 
moyen  de  certaines  petites  balles  de  diverfes  cou- 
leurs ;  en  France  on  les  nomme  des  ballotes  :  l'ufage 
eft  de  les  mettre  fecretement  dans  une  boîte.  (Cr) 

BALLOTER ,  v.  acL  dans  les  Fonderies  de  fer ,  c'eft 
mettre  la  verge  fendue  en  paquets.  Pour  cet  effet 
l'ouvrier  fe  place  devant  une  table  ,  telle  qu'on  la 
voit  au  bas  de  la  Planche  F III.  des  groffes  forges. 
Cette  table  eft  couverte  de  fourchettes  de  deux  for- 
tes ;  les  unes  ont  leur  manche  au  milieu  du  crochet , 
d'autres  l'ont  à  une  des  extrémités  du  crochet.  C'eft 
fur  les  premières  que  l'ouvrier  commence  le  ballo- 
tage  ;  quand  le  paquet  ou  la  botte  contient  le  nom- 
bre de  verges  qui  convient ,  il  la  jette  fur  les  fécon- 
des ;  des  fécondes  il  pafle  fur  les  crochets  fixés  dans 
l'épaifleur  de  la  partie  antérieure  de  fa  table  ou  de 
fon  établi.  Là  l'établi  a  une  chaîne  ,  elle  fert  à  l'ou- 
vrier pour  ferrer  fa  botte,  en  bien  appliquer  les  bar- 
res les  unes  contre  les  autres,  &  en  placer  mieux  & 
plus  facilement  les  liens.  Il  la  lie  en  trois  endroits,  au 
milieu  &  vers  les  deux  bouts  :  fes  liens  font  de  fer. 
Ainfi  dans  la  planche  que  nous  venons  de  citer,  lafg. 
J.  eft  vers  le  haut  un  ouvrier  qui  ballote  ;  vers  le  bas 
eft  la  table  à  balloter ;  ce  eu.  cette  table  ;  dddd  font 
quatre  fourchettes,  dont  la  queue  eft  à  l'extrémité  du 
crochet  :  ee  font  deux  fourchettes  placées  entre  les 
quatre  précédentes ,  dont  la  queue  eft  au  milieu  du 
crochet  :  ff  font  deux  crochets  fcellés  dans  l'épaif- 
feur  de  la  table  :  /  la  cifaille  à  couper  les  liens  :  kkk 
trois  bottes  liées  :  h,i  deux  fourchettes  féparées  de 
la  table ,  une  de  chaque  efpece. 

BALOTRES  ,  f.  f.  ou  principale  lijfe  de  Gabari  ;  ce 
font,  en  Marine,  de  longues  pièces  de  bois,  qui  dans 
la  conftrudtion  d'un  vaifleau ,  déterminent  la  forme 
qu'il  doit  avoir  ;  c'eft  pourquoi  on  les  appelle  aufli 
formes  de  vaiffeau.  (Z  ) 

B  ALOTIN  ,  terme  de  Jardinage ,  efpece  de  citron- 
nier. Voye{  Citronnier.  (&) 

*  BALOWA,  (Géog.)  ville  d'Afle,  dans  l'Indof- 
tan,  au  royaume  de  Decan. 
BALSARA.  Voyei  BASSORA. 
BALSAMINE  ,  balfamina  ,  f.  f.  (ffijl.  nat.)  genre 
de  plante  à  fleur  polypétale  irréguliere.  Cette  fleur 
eft  compofée  de  quatre  pétales  ou  de  fix  :  dans  celle 
qui  a  quatre  pétales  ,  la  fupérieure  forme  une  forte 
de  voûte  ;  l'inférieure  eft  concave  &  terminée  par 
un  prolongement  en  forme  de  queue.  Les  deux  péta- 
les des  côtés  font  fort  étendus  &  accompagnés  d'une 
oreille  :  les  fleurs  à  fix  pétales  font  très-rares  :  le  pé- 
tale inférieur  n'a  point  de  prolongement  en  forme  de 
queue  :  le  piftil  fe  trouve  au  milieu  de  ces  fleurs  en- 
tre deux  petites  feuilles.  Quand  la  fleur  eft  paflee, 
ce  piftil  devient  un  fruit  arrondi  des  deux  côtés  dans 
quelques  efpeces,  &  reflemblant  à  une  filique  dans 
quelques  autres.  Ce  fruit  a  des  fortes  de  muicles  , 
qui  le  rendent  élaftique  lorfqu'il  s'ouvre.  Il  renferme 
des  femences  attachées  à  un  axe  ou  placenta.  Tour- 
nefort ,  Inft.  rei  herb.  Voye^  Plante.  (/) 

On  peut  repiquer  la  balfamine  fur  d'autres  couches 
pour  l'avancer.  On  la  tranfporte  au  bout  de  fix  fe- 
maines  dans  les  parterres  :  on  la  place  parmi  les  fleurs 
baffes ,  afin  de  ne  lui  point  ôter  le  foleil  :  on  la  met 
aufli  dans  des  pots  :  elle  veut  être  fouvent  arrofée. 

m 


BAL 


BAL 


49 


*  Le  fruit  de  la  balfamini  et!  de  toutes  Tes  parties 
celle  dont  on  fait  le  plus  d'ufage  en  Médecine  :  il 
pane  pour  vulnéraire ,  rafraîchiflant ,  &  un  peu  def- 
ficcatif;  il  appaifc  les  douleurs ,  furtout  celles  des 
hémorrhoïdes  ;  il  efl  bon  extérieurement  pour  les 
hernies,  les  brûlures  ,  &  les  bleflures  des  nerfs.  Le 
baume  tiré  du  fruit  de  cette  plante  trempé  clans  l'hui- 
le &  fecbé  au  foleil,  et!  excellent  dans  les  bleflures, 
les  idcercs ,  les  hémorrhoïdes ,  les  ruptures ,  &  les 
maladies  de  la  matrice. 

*  BALSAMIQUES,  adj.  pris  fub.  en  Médecine  ;  on 
donne  ce  nom  à  des  remèdes  d'une  nature  un  peu 
acre  &  chaude  :  cette  clafle  comprend  les  céphali- 
ques  ,  apoplectiques  ,  antiparalytiques ,  cordiaux  , 
ipiritueux  ,  &  autres.  On  met  de  ce  nombre  le  bois 
d'aloès  ,  fa  réline ,  fa  teinture  ,  fon  aubier  ;  le  fantal 
citrin ,  fa  teinture  concentrée  en  baume  liquide  ;  l'am- 
bre gris  ,  le  liquidambar,  le  baume  blanc  ,  le  fuccin, 
le  benjoin  ,  le  ilirax  calamité ,  fa  réfine  ;  le  ftirax 
blanc,  le  laudanum,  fa  réfine  ;  les  baumes  du  Pérou, 
de  Copahu  ,  de  Tolu  ;  l'écorce  vraie  de  quinquina  , 
le  cofhis  amer,  la  cafcarille,  la  canclle  ,  le  girofle  , 
la  graine  de  paradis  ,  les  cubebes  ,  le  macis  ,  la  noix 
mufeade,  la  farriette ,  le  thym,  la  rue,  le  ferpolet,  la 
lavande  ,  le  nard  celtique ,  l'origan  ,  le  dictamne  de 
Crète ,  la  marjolaine  ,  la  mélifle  ,  la  molucque  ,  la 
camomille  Romaine  ,  le  marum  de  Syrie ,  le  batîlic  , 
l'aurone,  le  fteechas  ,  le  fpicanar,  le  jonc  odorant  , 
les  feuilles  de  laurier  &  de  myrte  ,  &  toutes  les  hui- 
les de  ces  Amples  obtenues  par  la  diltillation.  Entre 
ces  compofitions ,  Hoffman  compte  les  baumes  apo- 
plectiques de  Crollius ,  de  Sherzerus ,  de  Zeller ,  fon 
baume  liquide  de  vie  ,  l'efprit  de  baume  du  Pérou  , 
les  efprits  de  fuccin  &  de  mairie  ,  l'eau  apoplectique 
de  Sennert ,  l'eau  d'Anhalt ,  l'elfence  d'ambre  ,  les 
efprits  volatils  huileux  ,  faits  en  aromatifant  ces  ef- 
prits avec  les  huiles  de  canellc ,  de  macis  tk  de  cèdre. 

Ces  remèdes  augmentent  la  chaleur  dans  les  foli- 
des  ,  &  donnent  de  la  volatilité  aux  fluides  ,  confé- 
quemment  hâtent  le  mouvement  progreflif  du  fang, 
divifent  les  humeurs  ,  réfolvent  les  obftru&ions  ,  & 
entretiennent  la  tranfpiration. 

On  peut  les  employer  dans  les  maladies  de  la  tê- 
te ,  des  nerfs,  de  l'cltomac ,  &  du  cœur  ;  à  condi- 
tion que  les  corps  ne  feront  pas  pleins  de  fang  &  d'hu- 
meur, que  le  ventre  fera  libre  ,  &  qu'il  n'y  aura  ni 
grande jeunefle  ,  ni  tempérament  fenfible  &c  porté  à 
la  colère. 

BALTAGIS,  f.  m.  (Hijt.  mod.')  forte  d'azamoglans 
ou  valets  du  férail,  occupés  à  fendre ,  feier  &  porter 
le  bois  dans  les  appartenons.  Leur  nom  vient  de  baha, 
qui  en  langue  Turque  fignirie  hache  ou  coignee.  Les 
baltagis  portent  le  bois  partout  le  lérail ,  &  jufqu'aux 
portes  de  l'appartement  des  femmes ,  où  les  eunu- 
ques noirs  viennent  le  prendre,  parce  qu'ils  ont  feuls 
droit  d'y  entrer.  Le  vifir  Mehemet  Kuperli  fous  Ach- 
met  III.  avoit  été  baltagi  ;  &  il  en  retint  le  nom  même 
dans  fon  élévation ,  félon  la  coutume  des  Turcs  ,  qui 
portent  fans  rougir  le  nom  de  leur  première  pro- 
feflion.  Guer,  Mœurs  &  ufag.  des  Turcs,  tom.  II.  (G) 

*  BALTE!,  f.  m.  pi.  (Hijl.  anc.)  c'eit  ainli  qu'on 
appclloit  chez  lès  anciens  les  précinclions  des  théâ- 
tres &  des  amphithéâtres-  Voyc^  Amphithéâtres 
&  Théâtres. 

*  BALTEUS ,  en  Architecture ,  ceinture  de  la  vo- 
lute ionique.  Vitrme  ,  p.  gj '. 

*  BALTIMORE,  (  Gèog.  )  ville  d'Irlande  dans  la 
province  de  Munfter ,  au  comté  de  Corck. ,  fur  la 
baie  de  même  nom. 

*  BALTIQUE ,  (  Mer  )  Gèog.  grand  golfe  entre 
l'Allemagne  &  la  Pologne ,  qui  a  au  midi  le  Dane- 
marck,  la  Suéde  à  l'occident,  la  Laponie  au  fepteri- 
trion ,  la  Bothnie ,  la  Finlande  ,  la  Livonie  ,  la  Cur- 
lande  ,  une  partie  de  la  Pologne  à  l'orient ,  qui  çom- 

Tome  II, 


mimique  à  la  mer  de  Danemarck  par  le  Sund ,  le 
grand  &  le  petit  Bêlt. 

*  B  ALTRAC AN,  (  Hifi.  nat.  bot.  )  plante  qui  croît 
dans  la  Tartarie  ,  qui  a,  dit-on,  la  feuille  de  la  rave, 
qui  poufle  une  tige  plus  grofle  que  le  doigt  ,  qui  s'é- 
lève de  la  longueur  du  bras ,  &  qui  a  la  graine  du  fe- 
nouil ,  feulement  plus  grdffe  ,  &  d'une  odeur  forte. 
Le  baltracan  s'ouvre  dans  la  faifon  ;  fon  écorce  fe  fé- 
pare  ;  il  répand  alors  l'odeur  de  l'oranger.  Les  Tar- 
tares  le  mangent  pour  fe  foùtenir  en  voyage ,  fans 
fel  ni  autre  aflaifonnement  :  fa  tige  eft  un  peu  creufe, 
&  fon  écorce  d'un  verd  jaune.  Barbaro  ,  marchand 
Vénitien  ,  dont  on  a  tire  cette  defeription  li  mal  ar- 
rangée ,  dit  avoir  trouvé  du  baltracan  proche  Croid 
dans  l'Albanie. 

*  BALUCLAVA  ou  JAMBOL  ,  (  Géàg.  anc.  & 
mod.  )  port  de  Crimée  fur  la  mer  Noire.  Long.  J>-±. 
40.  lat.  4.4.60.  Quelques  Géographes  penfent  que 
c'efl  l'ancienne  Pailacium. 

*  BALVE,  (  Géog.  )  ville  de  l'Allemagne  dans  le 
duché  de  Veftphalie. 

BALUSTRADE  ,  f.  f.  en  Architecture  :  on  entend 
par  ce  nom  la  continuité  d'une  ou  plufieurs  travées 
debaluftres,  féparés  par  des  piédeftaux  conflruits  de 
marbre,  de  pierre,  de  fer  ou  de  bois  ,  tenus  de  la  hau- 
teur des  appuis.  Voye{  Appui. 

Les  balujtrades  de  pierre  ou  de  marbre  fervent  à 
deux  ufages  dans  le  bâtiment  :  l'un  pour  fervir  d'ap- 
pui aux  terrafles  qui  féparent  l'inégalité  de  hauteui 
de  terrein ,  dans  un  parc ,  dans  des  cours  ,  ou  dans 
des  jardins  ;  l'autre  pour  tenir  lieu  de  balcon  ou  d'ap- 
pui évuidé  à  chaque  étage  d'un  édifice  ,  ou  pour  lui 
fervir  de  couronnement  lorfque  les  combles  ne  font 
pas  apparens,  comme  au  palais  Bourbon  à  Paris ,  au 
château  deVerfailles,  &  ailleurs  ;  cette  décoration  ne 
devant  pas  avoir  lieu  lorfque  la  néceflité  ou  l'ufagé 
exige  des  combles,  malgré  l'exemple  qu'on  en  voit 
au  palais  du  Luxembourg. 

La  hauteur  des  premières  balujtrades  n'a  d'autre 
fujétion  que  celle  d'être  proportionnée  à  celle  du  cou- 
de ou  hauteur  d'appui  :  celle  des  fécondes  doit  avoir 
en  général  le  quart  plus  un  6e  de  l'ordre  qui  les  foii- 
tient;  c'eft-à-dire,  la  hauteur  de  l'entablement ,  plus 
une  6e  partie.  Elles  font  compofées  ordinairement 
de  trois  parties  principales  ;  lavoir,  d'un  foclc  ou 
retraite  ,  d'un  dez&  d'une  tablette  ;  ces  trois  parties 
comprifes  cnfemble  doivent  fedivifer  en  neuf,  dont" 
on  donnera  quatre  a  la  retraite  ou  focle ,  quatre  au 
dez  ,  &  une  à  la  tablette  :  mais  comme  cette  hau- 
teur de  balujlrade  tenue  extérieurement  du  quart  plus 
un  fixieme  de  l'ordre ,  feroit  fouvent  trop  haute  pour 
fervir  d'appui  du  côté  des  appartenons  ou  terrafles 
fupérieurs  d'un  bâtiment,  alors  le  fol  des  étages  in- 
térieurs peut  être  élevé  jufqu'à  la  hauteur  de  la  re- 
traite, à  2  ou  3  pouces  près. 

L'on  tait  fouvent  des  balujtrades  qui  tiennent  lieu 
d'attique  ou  d'amortiflement  aux  étages  fupérieurs' 
d'un  édifice  ,  &  dans  lefquels  on  n'introduit  point  de 
baluitres ,  ne  devant  les  employer  que  lorlqu'il  y  a 
des  vuides  dans  le  bâtiment;  tels  que  font  les  croi- 
fées ,  les  portes,  les  entre-colonnes  :  or  il  elt  quel- 
quefois des  bâtimens  qui  n'ont  point  d'ouvertures  re- 
marquables ;  alors  il  faut  fouftraire  les  baluflres  dans 
ces.  balujtrades  ,  pour  leur  donner  un  caraâefe  de  fo- 
lidité  qui  réponde  au  relie  de  l'ordonnance  :  mais 
quand  on  en  fait  ufage  ,  il  faut  éviter  d'en  mettre 
plus  de  onze  dans  une  même  travée  ,  ou  moins  de 
cinq,  malgré  l'exemple  dif  château  de  <-  i-';;1"*}'»  où 
fon  n'en  voit  dans  quelques  endroits  que  dei 
quelquefois  une  ;  ce  qui  marque  un  trop  petit  efpa- 
ce  vuide  fur  unie  grande  face  de  bâtiment  d'une  or- 
donnance légère  ;  ce  celui  du  château  d'eau  du  Pa- 
lais-royal à  Paris,  d'un  caractère  rultique  ,  où  l'or^ 
voit  au  contraire  des  travées  qui  en  on:  jnfqu 

G 


50 


BAL 


ce  qui  eft  un  défaut  de  convenance ,  qui  me  fait 
avancer  pour  précepte  que  les  baluftrades  doivent 
t-tre  plus  ou  moins  ornées ,  félon  le  caractere  du  bâ- 
timent qui  les  reçoit  ou  qu'elles  accompagnent  ; 
c'eft-à-dire  ,  que  leurs  profils  doivent  fe  reffenfir  du 
genre  ruffique  ,  folide ,  moyen ,  délicat ,  &  compo- 
fé  ,  ainfi  que  les  baluftres.  Voye^  Balustre  ;  &  fes 
profils  fuivant  les  cinq  ordres  ,  dans  nos  Planches 
d'Architecture.  (P) 

BALUSTRE,  f.  f.  termes  d'Architecture  ,  du  Latin 
balojlrum  ,  fait  du  Grec  &atXc<rtov ,  fleur  du  grenadier 
fauvage  à  laquelle  fa  tige  refTemble  afléz  ,  eft  ordi- 
nairement une  petite  colonne  compofée  de  trois  par- 
ties principales  ;  favoir ,  le  chapiteau  ,  la  tige ,  & 
le  pié  d'ouche.  On  a  foin  que  les  balujlns ,  autfibien 
que  les  baluftrades ,  fe  reffentent  du  caractere  de 
l'édifice  ;  c'eft  pour  cela  qu'on  repréfente  dans  nos 
Planches  à  peu  près  les  cinq  manières  de  les  mettre 
en  uiage.  Les  tofeanes  fe  font  volontiers  quarrées 
par  leur  plan ,  pour  plus  de  rufticité  ;  quelquefois 
même  les  doriques  :  mais  les  autres  fe  font  toujours 
rondes  ,  à  l'exception  des  plinthes ,  des  pies  d'ouches 
&  des  chapiteaux  ;  malgré  l'exemple  de  ceux  du  châ- 
teau de  Sceaux  ,  où  le  tout  eft  cylindrique  ;  ce  qu'il 
faut  éviter.  Les  membres  principaux  des  balujlres 
peuvent  être  ornés  de  moulures  au  choix  de  l'archi- 
tecte :  le  genre  fimple  ,  élégant  &  orné  qui  eft  répan- 
du dans  l'ordonnance  du  bâtiment ,  doit  néanmoins 
lui  fervir  de  règles. 

Pour  trouver  la  proportion  des  principales  parties 
des  baluflres  en  général,  il  faut  divifer  toute  leur  hau- 
teur en  5  ;  une  fera  pour  celle  du  pié  d'ouche  D  ;  les 
4  parties  reftantes  feront  divilées  de  nouveau  en  5  , 
dont  une  fera  pour  la  hauteur  du  chapiteau  E:  enfuite 
on  divifera  la  diftance  depuis  E  jufqu'en  F  encore 
en  5 ,  dont  3  feront  pour  la  hauteur  du  cou  F,  &  les 
deux  autres  pour  la  pance  ou  renflement  G. 

Le  balujlre  tofean  étant  le  plus  mafîif ,  on  doit  don- 
ner à  la  largeur  de  fa  pance  les  y  de  toute  fa  hau- 
teur ,  pendant  que  le  corinthien ,  qui  eft  le  plus  fe- 
velte  ,  n'en  aura  que  le  tiers  ;  la  largeur  des  autres 
fe  trouvera  entre  fes  deux  extrêmes.  Ces  largeurs 
ainfi  trouvées  pour  la  groffeur  de  la  pance  ,  on  les 
divifera  chacune  en  9  ,  dont  4  formeront  celle  du 
cou ,  qui  fervira  aufîi  pour  la  largeur  la  plus  étroite 
du  pié  d'ouche,  ainli  que  l'exprime  la  ligne  ponctuée 
N  :  la  largeur  du  plinthe  du  pié  d'ouche  fera  égale  à 
celle  de  la  pance ,  &  celle  du  tailloir  aura  ~  ou  4-_ 
moins ,  félon  le  caractere  du  balujlre  ;  &  leur  écarte- 
ment  d'une  pance  à  l'autre  fera  tenu  de  la  largeur 
d'un  cou. 

Il  faut  éviter  les  demi-baluflres  dans  l'ordonnance 
des  baluftrades ,  ainfi  que  celles  qui  ne  peuvent  être 
que  feintes  :  cette  mutilation  ou  affectation  eft  con- 
traire au  bon  goût  ;  je  leur  préfère  les  acroteres  //, 
qui  en  font  l'office  avec  plus  de  vraifTemblance.  f. 
Acroteres. 

Ces  balujlres ,  ainfi  que  les  baluftrades  ,  fe  font  de 
différentes  matières  ;  ce  qui  les  fait  nommer  balujlres 
de  pierre  ,  de  marbre  ,  de  bois  ,  de  fer  ,  de  bronze  ,  &lc. 
Celles  qu'on  employé  à  la  décoration  extérieure  des 
bâtimens  ,  différent  en  général  très-peu  des  exemples 
<jue  l'on  a  donnés  dans  les  Planches  :  mais  celles  des 
dedans  varient  à  l'infini  fuivant  les  endroits  où  elles 
font  placées  ,  la  richeffe  de  leur  matière,  &  le  génie 
de  l'architecte  qui  en  donne  lesdeffeins. 

Les  balujlres  dans  les  rampes  d'un  efcalier  font  un 
aiTez  mauvais  effet ,  à  caufe  de  l'obliquité  qu'occa- 
fionnent  ces  rampes ,  aux  moulures  des  pies  d'ou- 
ches &C  aux  chapiteaux  des  balujlres  ;  ce  qui  fait  que 
quelques  architectes  aiment  mieux  faire  régner  ces 
moulures  horifontales  ,  malgré  l'inclinaifon  des  fo- 
cles  &  des  tablettes ,  comme  on  l'a  pratiqué  au  Pa- 
lais-royal; d'autres,  qui  regardent  l'un  6c  l'autre 


B  A  M 

comme  vicieux ,  admettent  l'ufage  des  rampes  de  fer, 
ce  genre  de  rampe  n'exigeant  pas  tant  de  févérité.  Il 
eft  cependant  vrai  que  cette  dernière  efpece  n'a  pas 
à  beaucoup  près  tant  de  dignité  ,  &  qu'elle  ne  pa- 
roît  toiérable  que  dans  les  efcaliers  des  maifbns  des 
particuliers  ;  ceux  des  maifons  des  grands  étant  or- 
dinairement fufceptibles  de  peinture,  de  fculpture  , 
&  d'archite£ture ,  femblent  exiger  des  rampes  qui 
s'affortiffent  à  leur  magnificence.  (P) 

BALUSTRE ,  en  Serrurerie ,  eft  encore  un  ornement 
qui  fe  pratique  fous  l'anneau  d'une  clé  au  haut  de  la 
tige ,  &  qui  eft  appelle  balujlre ,  parce  qu'il  en  a  la 
forme.  Les  clés  de  chef-d'œuvre  ont  ordinairement 
leur  tige  en  balujlre. 

Balustre  ,  en  terme  d'Orfèvre,  eft  une  partie  de  la 
monture  d'un  chandelier  qu'on  voit  ordinairement 
au  milieu  de  cette  monture.  Elle  eft  plus  grofïe  en 
haut  qu'en  bas  ,  &  fe  termine  à  fes  deux  extrémités 
par  un  nœud  d'une  groffeur  proportionnée  à  l'ex- 
trémité où  il  doit  être,  f^oye^  Nœud. 

BALZANE,  f.  f,  (Manège.)  c'eft  la  marque  de 
poil  blanc  qui  vient  aux  pies  de  plufieurs  chevaux  , 
depuis  le  boulet  jufqu'au  fâbot,  devant  &  derrière. 
Ce  mot  vient  de  l'Italien  bal^ano.  On  appelle  che- 
val balzan,  celui  qui  a  des  balzanes  à  quelqu'un  de 
fes  pies ,  ou  à  tous  les  quatre.  On  juge  de  la  bonté 
&  de  la  nature  des  chevaux  ,  félon  les  pies  où  les 
balzanes  &  rencontrent.  Balzan  s'applique  à  l'animal  ; 
cheval  balzan.  Balzane,  c'eft  la  marque  qui  le  diftin- 
gue.  Les  termes  de  travat ,  tranjlravat ,  &  chauffé  trop 
haut ,  appartiennent  aux  balzanes.  Voye^  ces  termes  à 
leurs  lettres.  Quelques  cavaliers  font  allez  fuperfti- 
tieux  pour  s'imaginer  qu'il  y  a  une  fatalité  finiftre 
attachée  à  la  balzane  du  cheval  arzel.  (  V) 

*  BAM  ,  ville  de  la  Caramanie  Perfique.  Longit. 
$4.  lat.fept.  z8.  30. 

*  B  AMB  A ,  (Gèog.)  province  d'Afrique  au  royau- 
me de  Congo. 

Bamba  ,  (Gèog.  anc.  &  mod.)  village  de  la  vieille 
Caftille  ,  jadis  Gueritum ,  ville  de  l'Elpagne  Tarra- 
conoife. 

*  BAMBERG  ,  (  Gèog.  )  ville  d'Allemagne  dans 
la  Franconie  ,  au  confluent  du  Mein  &  du  Rednitz,, 
Long.  z8.  40.  lat.  5o. 

Il  y  a  en  Bohême  une  ville  du  même  nom.  Long. 
34-  20.  lat.  49.  J>3> 

*  BAMBIAIE  ,  f.  m.  (  Hifl.  nat.  Ornyth.  )  oifeaif 
qu'on  trouve  dans  l'île  de  Cuba ,  qui  ne  s'élève  pref- 
que  point  de  terre ,  qu'on  prend  à  la  courfe ,  &  dont 
la  chair  a  bon  goût.  On  ne  nous  dit  rien  de  Ion  plu- 
mage ,  de  fon  bec ,  de  fes  pattes  ,  de  fes  ailes ,  de  fa 
groffeur ,  &c.  ni  des  autres  caractères ,  que  les  Natu- 
raliftes  doivent  faire  entrer  dans  leurs  deferiptions. 

BAMBOCH ADES ,  f.  f.  en  Peinture ,  fe  dit  de  cer- 
tains petits  tableaux  qui  repréfentent  des  fujets  cham- 
pêtres &  grotefques.  L'étymologie  de  ce  mot  vient 
de  Bamboche ,  peintre  Flamand ,  qui  s'eft  particulie- 
ment  adonné  à  ce  genre.  Son  nom  de  famille  étoit 
Pierre  de  Laur  :  mais  les  Italiens  lui  donnèrent  celui 
de  Bamboche  ,  à  caufe  de  la  fingularité  de  fa  taille. 

(*) 

*  BAMBOU  ou  BAMBUCK,  (Gèog.  )  royaume 

d'Afrique  dans  la  Nigritie,  borné  au  feptentrion  par 
les  pays  de  Galam  &  de  Kaffan,  à  l'occident  par  la 
rivière  de  Feleme  &  les  royaumes  de  Kantu  &  de 
Kombregudu  ,  au  midi  par  celui  de  Mankanna ,  &  à 
l'orient  par  des  terres  inconnues. 

*  BAMBOUC',  {Hifl.  nat.  bot.)  bois  extrêmement 
noueux  qui  croît  dans  plufieurs  endroits  des  Indes 
Orientales.  On  dit  que  c'eft  une  efpece  de  canne 
très  -  groffe  &  très  -  haute  ,  dont  les  bamboches  ou 
cannes  légères  que  vendent  nos  Tabletiers ,  ne  font 
que  les  plus  petits  jets.  V.  Tabaxifera  arundo. 

*  BAMBOURG  ,  PAMBOURG ,  PAINBOURG  , 


BAN 

(  -Gêog.  ànc.  ■&  mcd.  )  bourg  du  cercle  de  Bavière  en 
Allemagne ,  dans  le  gouvernement  de  Buchaufen 
fur  PAchza ,  vers  le  nord  du  lac  de  Chiemzée.  Quel- 
ques Géographes  croyent  que  c'eft  l'ancienne  Bada- 
cum  ou  Augufla  Badacum. 

*  BAMB  YCATIENS  ,  f.  m.  pi.  (  Gcog.  anc.  )  peu- 
ples voifins  du  Tigre ,  peut-être  les  habitans  de  Bam- 
byce  ou  Hiérapolis. 

*  BAMFE,  (  Géog.  )  petite  ville  de  PEcofle  fep- 
tentrionale  dans  la  province  de  même  nom,  à  l'em- 
bouchure de  la  Doverne.  Long.  i5.  z5.lat.  5 y.  48. 

*  BAMIA  ,  (  Hijl.  nat.  bot.  )  on  l'appelle  aufîi  alcea 
indica.  Elle  a  la  fleur  large ,  pentapétale ,  avec  un 
vailfeau  féminal  afTez  coniidérable  ,  divilé  en  cinq 
cellules  qui  contiennent  des  femences  en  forme  de 
reins.  Sa  feuille  eft  découpée  ,  dentelée  &  attachée 
à  la  tige  par  des  pédicules.  Elle  croît  en  Egypte.  On 
fe  fert  de  fa  femence  :  elle  eft  d'un  blanc  laie  ;  elle 
répand  une  odeur  qui  tient  de  celle  du  mule.  Les 
Egyptiens  la  font  fécher,  la  broyent  &:  en  mêlent  la 
poudre  à  leur  caffé  ;  ils  lui  attribuent  la  vertu  de  for- 
tifier la  tête  &  l'eftomac.  On  en  ule  en  fumigations. 

BAN  ,f.  m.  (terme  de  Jurifpr.)  eft  une  proclamation 
folennelle  de  quelque  choie  que  ce  foit.  L'origine 
du  mot  eft  incertaine.  Quelques-uns  le  tirent  du 
Breton ,  ban ,  clameur ,  bruit  :  d'autres  du  Saxon  , 
pan ,  une  choie  étendue  :  d'où  ban  ;  &  bande  ,  em- 
ployée pour  une  bannière. 

Bracf  on  fait  mention  de  bannus  régis  ,  ban  du  roi , 
pour  une  proclamation  de  lîlence  faite  par  les  juges 
de  la  cour  avant  le  choc  des  champions  dans  un 
combat. 

Bans  de  mariage,  font  des  avertifTemens  folennels 
de  promenés  de  fuftirs  mariages ,  donnés  dans  l'églife 
paroifliale  avant  la  célébration  des  mariages,  afin 
que  s'il  fe  trouve  quelque  oppofition  à  faire  contre 
l'une  ou  l'autre  des  parties,  comme  pourrailon  d'en- 
gagemens  précédens ,  ou  autre  caufe ,  il  y  ait  lieu 
de  les  faire. 

La  publication  des  bans  fe  fait  à  deffein  de  préve- 
nir les  mariages  clandeftins.  Par  les  lois  de  l'Eglife , 
les  bans  doivent  être  publiés  trois  fois  à  trois  jours 
difFérens  aux  lieux  011  les  parties  demeurent ,  à  peine 
de  nullité  de  mariage.  Il  y  a  peine  d'excommunica- 
tion contre  ceux  qui  connoiflant  des  empêchemens , 
ne  les  déclarent  point. 

Un  curé  ne  fauroit  être  contraint  à  les  publier  lorf- 
qu'il  connoit  dans  l'un  ou  l'autre  de  ceux  qui  fe  pré- 
fentent  au  mariage  quelque  incapacité  ou  empêche- 
ment. 

Si  les  contraclans  font  majeurs ,  le  défaut  de  pu- 
blication de  bans  n'emporte  pas  tout  feul  la  nullité 
de  mariage. 

Ban  ,  en  termes  de  Palais  ,  eft  fynonyme  à  bannijfe- 
ment  :  c'eft  en  ce  fens  qu'on  dit ,  garder  l'on  ban ,  rom- 
pre fon  ban.  (#) 

*  Ban  de  vendange,  c'eft  la  publication  faite  au 
prône  par  les  curés  des  paroilTes  de  village ,  de 
la  permiffion  accordée  par  le  juge  ou  le  feigneur 
à  tous  les  particuliers  de  faire  vendanger  leurs  vi- 
gnes. Le  ban  établi  pour  l'ouverture  des  vendange?', 
eft  fondé  fur  deux  railons  :  Tune  d'empêcher  des  gens 
ignorans,  ou  preffés  par  la  néceffité  de  recueillir  les 
raiiins  avant  leur  parfaite  maturité  ,  &  d'en  faire  de 
mauvais  vins  ;  l'autre  ,  d'empêcher  que  ceux  qui 
vendangeraient  les  premiers  ,  ne  découvriflent  & 
n'expolaifent  au  pillage  les  vignes  de  leurs  voifins. 
Le  ban  de  vendange  fe  publie  fur  l'avis  des  princi- 
paux habitans  des  villages ,  &  des  vignerons  les  plus 
habiles.  Il  anujettittous  les  habitans  indiftinctement, 
à  moins  qu'ils  n'ayent  acquis  un  titre  exprès  qui  les 
en  difpenlé.  Le  leigneur  feul  peut  vendanger  un  jour 
avant  l'ouverture  portée  par  le  ban.  Il  y  a  des  coutu- 
mes où  les  vignes  enfermées  de  clos  tk  de  murailles 
Tome  Hj, 


B  AN 


5t 


font  exceptées  de  la  loi  du  ban  ;  par-tout  la  contra- 
vention eft  punie  par  l'amende  6c  la  faifie  des  fruits. 
Ban  ,  (  Hijl.  rnod.  )  nom  qu'on  donnoit  ancienne- 
ment en  Hongrie  aux  gouverneurs  des  provinces  qui 
relevoient  de  ce  royaume  ,  telles  que  la  Dalmatie  , 
la  Croatie,  la  Servie.  Selon  Leunclavius,  on  n'ac- 
cordoit  ce  titre  qu'aux  princes  du  fang  de  la  maifon 
de  Hongrie  ;  &  encore  aujourd'hui ,  la  dignité  de  ban 
de  Croatie  eft  remplie  par  un  feignenr  de  la  première 
diftinéfion.  Le  pays  dans  lequel  eft  litué  TemelVar, 
s'appelle  encore  aujourd'hui  le  banat  de  TemelVar, 
auquel  fens  le  terme  de  banat  équivaut  à  ceux  de  pro- 
vince ou  de  gouvernement.  Le  ban  avoit  lbus  lui  un 
vice-gérent ,  lieutenant  général ,  ou  lieutenant  de  rot 
au  gouvernement ,  qu'on  nommoit  vict-bahnuS,  On 
croit  que  ces  deux  noms  font  dérivés  des  mots  bant 
bando  ou  banno ,  dont  on  fe  fervent  dans  le  bas  Empire 
pour  fignifier  une  bannière  ou  un  étendart ;  parce  que 
les  habitans  de  ces  provinces  ,  en  tems  de  guerre  , 
étoient  obligés  de  fe  ranger  fous  la  bannière  ou  Pè- 
te ndart  de  leur  gouverneur.  Quelques  Auteurs  pré- 
tendent que  les  Turcs  ont  confervé  ce  nom  de  ban  j 
&  que  les  gouverneurs  à  qui  ils  le  donnent ,  ont  la 
même  autorité  que  les  beglerbegs.  Voye^  Begler- 

BEG.    (G) 

Ban  &  ArrieRe-ban  ,  (  An  milit.  &  Hijl.  mod.  ) 
mandement  public  adrefte  de  la  part  d'un  louverain 
à  fes  vaifaux  de  le  trouver  en  armes  à  un  rendez- 
vous  pour  lervir  dans  l'armée ,  foit  en  perfonne  ,  foit 
par  un  certain  nombre  de  gens  de  pié  ou  de  cheval 
qui  les  repréfentent ,  à  proportion  du  revenu  ou  de 
la  qualité  de  leurs  fiefs. 

Le  ban{e  rapporte  aux  fiefs  ,  &  V arrière- ban  aux  ar- 
riere-fiefs,  félon  quelques-uns  :  mais  d'autres  croyent 
que  le  ban  eft  le  fervice  ordinaire  que  chaque  vaffal 
doit  félon  la  nature  de  les  fiefs  ;  ôc  que  Y  arriere-ban  elt 
un  fervice  extraordinaire  que  les  vaifaux  rendent  au 
roi  ;  d'autres  qui  font  venir  le  mot  d' 'arriere-ban  ,  de 
heri-bannum ,  proclamation  du  maître  ou  leigneur, 
penfent  qu'on  ne  doit  mettre  aucune  diltinction  entre 
ban  &  arriere-ban. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  ces  alfemblécs  de  vafTaux  con- 
voqués par  leurs  feigneurs  fur  les  ordres  ou  à  la  ré- 
quilition  du  roi  ,  ont  commencé  en  France  dès  le 
tems  des  rois  de  la  féconde  race  ,  &  il  en  eft  fait  men- 
tion dans  les  capitulaires  de  Charlemagne  :  mais  elles 
ont  été  plus  fréquentes  fous  les  rois  de  la  troilieme 
race.  Car  on  trouve  dans  la  chambre  des  Comptes 
plufieurs  rôles  pour  le  ban  &  Y  arrière- ban,  datés  des 
années  1216,  1236  ,  1242,  1253  ,&  1272.  Il  pa- 
roît  par  le  dernier,  que  les  feigneurs  fieffés  cités  par 
Philippe-le-Hardi ,  dévoient  fe  trouver  à  jour  prefix 
à  Tours  ,  avec  un  certain  nombre  de  cavaliers  Se  de 
fantaffins  ,  dont  les  uns  alloient  à  leurs  dépens  ,  les 
autres  étoient  défrayés  ;  Se  ceux  qu'on  difpenfoit  dit 
fervice ,  s'en  rédimoient  par  une  lomme  d'argent  ou 
une  certaine  quantité  de  fourrage.  Depuis  ce  prince 
jufqu'à  François  I.  on  trouve  encore  plufieurs  con- 
vocations &  rôles  du  ban  &  de  Yarrierc-ran  ;  dans  lef- 
quels,  outre  les  feigneurs  laïques ,  font  auffi  compris 
les  archevêques,  evèques,  abbés,  prieurs  ,  chapitres, 
les  maires ,  confuls  &  échevins  des  villes.  Les  eccle- 
fiaftiques  étoient  obligés  d'aller  ou  d'envoyer  au  ban 
&  arriere-ban ,  à  caufe  des  fiefs  qu'ils  poifédo:ent. 
Lorfqu'ils  y  alloient  eux-mêmes ,  ils  combartoient  en 
perfonne  ;  témoin  ce  que  Monftrelet  raconte  de  Pierre 
de  Montaigu  ,  archevêque  de  Sens  ,  &  Matthieu  Pa- 
ris ,  de  Philippe  de  Dreux  evèque  de  Béarnais ,  qui 
portoient  la  cuiraffè  6c  combattoient  comme  les  fei- 
gneurs &  barons. 

Dans  la  fuite  ,  les  eccléiiaftiqUesontété  difpenfes 
du  ban  &  arrière  ban  par  plufieurs  lettres  patentes ,  &C 
entre  autres  par  un  acte  du  29  Avril  1636  ,  entre 
Louis  XIII.  &  le  clergé  de  France,  moyennant  cer-- 

<    ij 


5* 


BAN 


taines  fubventions  que  le  clergé  a  promis  de  payer 
au  roi  dans  les  befoins  de  l'état.  Les  rois  de  France 
ont  auffi  exempté  de  ce  fervice  les  bourgeois  de  plu- 
fieurs  villes  de  leur  royaume ,  les  officiers  du  parle- 
ment de  Paris ,  les  fécrétaires  du  roi ,  &c  autres  per- 
fonnes  privilégiées. 

Autrefois  l'aflemblée  du  ban  &  de  Yarriere-ban  fe 
faiibit  par  des  feigneurs  de  la  première  diftinclion 
appelles  miffidominici,  envoyés  ou  députés  du  fouve- 
rain  ;  enfuite  par  les  bannerets  fur  les  ordres  du  roi 
ou  du  connétable.  Depuis  le  roi  a  adreffé  fes  lettres 
aux  i'énéchaux  &  aux  gouverneurs  de  province.  En 
1674  &  en  1689,  Louis  XIV.  ordonna  à  tous  les 
nobles  ,  barons ,  chevaliers ,  écuyers ,  &  autres  non 
nobles ,  communautés  &  autres  vaffaux ,  de  fe  trou- 
ver en  armes  au  jour  &  au  lieu  qui  leur  feroient  dé- 
signés parle  gouverneur  &  lieutenant  général  de  fa 
majelte  en  leur  province ,  pour  aller  joindre  le  corps 
des  troupes  fous  la  conduite  du  chef  qui  feroit  choili 
d'entre  eux ,  afin  de  les  commander  fuivant  la  forme 
accoutumée.  De  la  Roque ,  traité  du  ban  &  arrière- 
ban.  Voye7^  Noblesse  (  G  ) 

Cette  milice  étoit  affez  bonne  du  tems  de  Louis 
XI.  parce  qu'il  s'en  fervoit  fouvent:  elle  commença 
à  dégénérer  du  tems  de  Louis  XII.  &  de  François  I. 
&  elle  tomba  encore  davantage  fous  Henri  II. 

On  n'a  point  affemblé  Y  arriere-ban  en  France  de- 
puis 1674.  M.  de  Turenne  ne  fut  point  content  de 
cette  milice  qui  ne  le  conduilbit  pas  avec  le  même 
ordre  &  la  même  obéiffance  que  les  troupes  réglées. 

<Ç>  ,  ,    , 

BANAL ,  terme  de  coutume ,  fe  dit  d'un  moulin  , 

four ,  preflbir  ou  autre  choie  femblable  ,  que  le  fei- 
gneur  entretient  pour  l'ufage  de  fes  cenfitaires ,  & 
dont  il  peut  les  contraindre  d'ufer.  Voye7^  ci-deflbus 
Banalité. 

BANALITÉ  ,  eft  un  droit  qu'a  le  feigneur  de  con- 
traindre leshabitansde  fon  territoire,  d'aller  moudre 
leur  blé  à  fon  moulin  ,  cuire  à  fon  four ,  ou  porter  la 
vendange  à  fon  preflbir. 

Dans  la  coutume  de  Paris  ,  la  banalité  ne  peut  pas 
s'exiger  fans  titre  ;  ôc  ces  titres  ne  font  pas  réputés 
valables  s'ils  ne  font  avant  vingt-cinq  ans.  (H) 

*  BANANIER,  f.  m.  mufa,  (Hift.  nat.  bot.)  Voici 
fes  caractères.  Sa  racine  pouffe  des  jets,  fa  tige  meurt 
après  avoir  donné  fon  fruit.  Elle  reffemble  à  un  ro- 
feau  ;  elle  n'a  point  de  branches  :  mais  elle  jette  de 
grandes  feuilles ,  d'abord  roulées  comme  au  canna- 
corus,  mais  fe  développant  dans  la  fuite ,  &  formant 
une  elpece  de  couronne  à  fon  fommet.  Les  fleurs  & 
les  fruits  font  en  grappes ,  Se  enfermés  dans  une  gaine 
comme  au  palmier.  Les  fleurs  ont  plufieurs  pétales 
irréguliers  &  portés  fur  le  fommet  de  l'ovaire.  L'o- 
vaire reffemble  à  celui  du  concombre  ;  il  eit  char- 
nu ,  partagé  en  trois  loges ,  bon  à  manger ,  rempli 
de  femences ,  &  garni  d'un  long  tuyau  dont  l'extrémi- 
té eit  arrondie.  Boerhaave  en  diftingue  deux  efpeces. 

Le  fruit  de  cet  arbre  eit  délicat  ;  on  dit  qu'il  ne 
fait  jamais  de  mal  en  quelque  quantité  qu'on  en  man- 
ge. Alpin  nous  affûre  cependant  qu'il  ie  digère  diffi- 
cilement ;  c'eft  la  nourriture  journalière  des  Indiens. 
Ses  teuilles  font  ii  grandes,  qu'elles  peuvent  fervir 
de  vêtement.  La  racine  écrafée  &  bouillie  dans  du 
lait,  eit  bonne  pou»'  abattre  les  vertiges  ;  fon  eau  mê- 
lée avec  du  fucre  appaife  la  chaleur  brûlante  des 
reins  ;  la  décoction  du  fruit  adoucit  la  toux  caufée 
par  des  humeurs  chaudes  &  acres.  On  s'en  fert  dans 
les  inflammations  de  la  plèvre,  du  poumon,  &  des 
reins  ;  enfin  elle  excite  la  femence,  &  provoque  l'u- 
rine. (V) 

*  BAN  ARA  ou  BENARES,  (Géog.)  ville  d'Ane, 
au  Mogol,  dans  le  royaume  de  Bengale.  Long.  101.  - 
30.  lat.  zG.  20. 

BANAUÇON ,  f.  m.  m  Architecture,  nom  du  troi- 


BAN 

fieme  genre  de  machine  des  anciens,  qui  fervoïent 
à  tirer  des  fardeaux.  (P) 

*  B ANBURY ,  (  Gcog.  )  ville  d'Angleterre ,  fur  la 
rivière  de  Chernel,  dans  la  province  d'Oxford.  Long. 
16 .  10.  lat.  Sz.  9. 

BANC  ,  f.  m.  (  Gramm.  )  ce  mot  fe  prend  com- 
munément pour  un  long  fiége ,  à  dos  ou  fans  dos  , 
foûtenu  fur  plufieurs  pies  ;  &  c'eit  du  rapport  que 
d'autres  machines  ont  avec  fa  figure  ou  avec  fon 
ufage ,  qu'elles  ont  pris  le  nom  de  banc. 

Banc  ,  (  terme  deJurifprud.  )  dans  le  chœur  eft  un 
des  droits  honorifiques  qui  appartiennent  au  patron 
d'une  églife ,  ou  au  feigneur  haut-jufticier  dans  la 
haute  juitice  duquel  elle  eft  fituée.  Voyc\  Honori- 
fiques (droits.  ) 

On  appelle  au  Palais  meffieurs  du  grand  banc ,  les 
préfidens  au  mortier ,  parce  qu'en  effet  le  banc  fur 
lequel  ils  font  affis  cil  plus  élevé  que  les  fiéges  des 
autres  confeillers. 

On  appelle  auffi  bancs  au  Palais  des  efpeces  de  bu- 
reaux où  fe  tiennent  les  avocats  &  procureurs  pour 
parler  à  leurs  parties,  (i/) 

Banc  du  roi  ,  (Hijl.  mod.  &  Jurijprud.)  tribunal 
de  juitice  ou  cour  fouveraine  en  Angleterre.  On  l'ap- 
pelle ainfi  ,  parce  qu'autrefois  le  roi  y  préfidoit  en 
perfonne  fur  un  banc  élevé ,  les  juges  étant  aiïïs  à  fes 
pies  fur  des  bancs  ou  fiéges  plus  bas.  C'eft  dans  cette 
cour  que  l'on  plaide  les  caufes  de  la  couronne  entre 
le  roi  &  fes  fujets.  Elle  connoît  auffi  des  crimes  de 
haute  trahifon  &  des  complots  contre  le  gouverne- 
ment. Ce  tribunal  eft  compofé  de  quatre  juges ,  dont 
le  premier  s'appelle  le  lord  chef  de  jujlice  de  la  cour 
du  banc  du  roi.  Sa  jurildict ion  eft  générale ,  &  s'étend 
par  toute  l'Angleterre  ;  il  n'y  en  a  point  dans  ce 
royaume  de  plus  indépendante ,  parce  que  la  loi  fup- 
pofe  que  le  roi  y  préiide  toujours.  Il  y  a  encore  un 
autre  tribunal  nommé  le  banc  commun  ou  cour  des  corn- 
muns plaidoyers ,  qui  eft  la  féconde  cour  de  juftice  du 
royaume ,  où  l'on  porte  les  affaires  communes  &  or- 
dinaires, c'eft-à-dire  les  procès  de  fujet  à  iujet.  On  y 
juge  toutes  les  affaires  civiles  ,  réelles ,  ôc  perfonnel- 
les,  à  la  rigueur  de  la  loi.  Le  premier  juge  de  cette 
cour  ie  nomme  chef  de  lajuflice  des  communs  plaidoyers 
ou  du  banc  commun.  On  y  comptoit  autrefois  cinq  , 
fix ,  fept,  &  jufqu'à  huit  juges  ;  leur  nombre  eft  main- 
tenant réduit  à  quatre ,  comme  celui  des  juges  du 
banc  du  roi.  (C7) 

Banc,  (Comm.)  Les  banquiers  avoient  autrefois 
des  bancs  dans  les  places  publiques  &  dans  les  lieux 
où  fe  tenoient  les  foires;  &  c 'étoit  où  ils  faifoient 
leur  commerce  d'argent  &  de  lettres  de  change. 
Quand  un  banquier  faiibit  faillite ,  on  rompoit  fon 
banc ,  comme  pour  avertir  le  public  que  celui  à  qui 
avoit  appartenu  le  banc  rompu  n'étoit  plus  en  état 
de  continuer  fon  négoce  ;  &  comme  cet  ufage  étoit 
très-ordinaire  en  Italie  ,  on  prétend  que  le  terme  de 
banqueroute  dont  on  fe  fert  en  France  ,  vient  des 
mots  Italiens  banco  rotto,  qui  lignifient  banc  rompu,  y. 
Banqueroute.  Dicl.  du  Comm.  tome  I.  (C7) 

Banc  ,  en  terme  de  Marine,  eft  la  hauteur  du  fond 
de  la  mer ,  qui  s'élève  quelquefois  jufqu'à  fa  furface , 
ou  qui  n'eft  couvert  que  de  très-peu  d'eau  ;  deforte 
que  les  vaiffeaux  ne  peuvent  paffer  deffus  fans 
échouer.  Il  y  a  des  bancs  qui  reftent  entièrement  à 
fec ,  lorfque  la  mer  eft  baffe  ;  ce  qui  s'exprime  en  di- 
fant  que  ces  bancs  découvrent.  Il  y  a  des  bancs  fur  lef- 
quels  il  y  a  affez  d'eau  pour  que  les  plus  grands  vaif- 
feaux puiffent  y  paffer  en  tout  tems  ,  &  même  y 
mouiller ,  tels  que  le  banc  de  Terre-neuve. 

On  appelle  bancs  déglaces ,  de  gros  glaçons  flotans 
qu'on  trouve  quelquefois  à  la  mer.  (Z) 

BANC  de  galère  ,  de  galéajfe ,  de  galiote ,  de  brigan- 
tin ,  &  de  tout  bâtiment  à  ramer.  C'eft  le  lieu  pour 
affeoir  ceux  qui  tirent  à  la  rame,  foit  forçat,  bona- 


BAN 

voglie  ,  ou  matelot  ;  voye^  Planche  II.  le  defîein  d'u- 
ne galère  à  la  rame ,  &  les  forçats  afïïs  fur  le  banc. 

Les  galères  ordinaires  font  à  vingt-cinq  bancs  ;  ce 
qui  fe  doit  entendre  de  vingt-cinq  de  chaque  côté  , 
faifant  en  tout  cinquante  bancs  pour  cinquante  ra- 
mes ,  &  quatre  ou  cinq  hommes  fur  chaque  rame. 

Les  galéaffes  ont  trente-deux  bancs  ,  &  fix  à  fept 
hommes  pour  chaque  rame. 

De  tous  les  bâtimens  à  rame  ,  il  n'y  a  que  les  gon- 
doles de  Vcnife  qui  n'ayent  point  de  banc  ;  car  les  ra- 
meurs nagent  debout. 

Banc  de  chaloupe;  ce  font  les  bancs  qui  font  joints 
autour  de  l'arriére  de  la  chaloupe  en-dedans  pour 
afTeoir  ceux  qui  y  font.  (Z) 

Banc  à  s'afleoir  dans  la  chambre  du  capitaine.  On 
trouve  un  banc  qui  eft  placé  contre  l'arriére  du  vaif- 
feau.  Il  y  en  a  encore  un  autre  à  ftribord  ;  c'eft  par 
l'endroit  qu'occupe  ce  banc ,  &  qu'on  ôte  alors  que 
l'on  pafTe  le  gouvernail  pour  le  monter;  on  le  levé 
aufïï  lorfqu'on  veut  culcr  de  l'arriére  ;  les  affûts  en- 
trent encore  par-là.  On  y  place  quelquefois  un  tuyau 
d'aifement  à  fix  pouces  du  petit  montant  qui  le  foù- 
tient ,  &  à  un  pié  du  bord  du  vaiffeau. 

Banc  à  coucher.  Il  y  en  a  aufïï  un  dans  la  chambre 
du  capitaine.  (Z) 

Banc  d'Hippocrate  ,  (  en  Chirurgie.  )  machiné 
dont  on  fe  fervoit  autrefois  pour  réduire  les  luxa- 
tions &  les  fractures.  C'étoit  une  efpece  de  bois  de 
lit  fur  lequel  on  étendoit  le  malade.  II  y  avoit  un  ef- 
fieu  à  chaque  bout  qui  fe  tournoit  avec  une  mani- 
velle ;  on  attachoit  des  lacs  aux  parties  luxées  ou 
fraûurées  d'un  côté,  &  aux  efïïeux  de  l'autre. En  tour- 
nant les  efïïeux ,  les  lacs  qui  s'entortilloient  autour 
faifoient  l'exteniion  &  la  contre-extenlion  pendant 
que  le  chirurgien  réduifoit  les  os  dans  leur  fituation 
naturelle.  La  Chirurgie  moderne  a  iimplifié  les  mé- 
thodes de  réduire  les  membres  luxés  ou  fracturés ,  & 
ne  fe  fert  plus  de  cette  machine  dont  on  voit  la  def- 
cription  &  la  figure  dans  Oribafe.  Voy.  Extension 
&  MACHINE  pour  la  réduction  des  luxations.  (Y") 

B  ANC  ,  (  en  Architecl.  )  c'eft  la  hauteur  des  pierres 
parfaites  dans  les  carrières. 

Banc  de  VOLÉE  ;  c'eft  le  banc  qui  tombe  après 
avoir  foûchevé. 

Banc  de  ciel  ;  c'eft  le  premier  &  le  plus  dur  qui 
fe  trouve  en  fouillant  une  carrière  ,  &  qu'on  laide 
foùtenu  fur  des  piliers  pour  lui  lervir  de  ciel  ou  de 
plafond.  (P) 

Banc  ,  ÇArdoife.}  On  entend  par  un  banc  dans  les 
carrières  d'ardoife  &  autres,  le  long  parallélépipè- 
de formé  par  deux  foncées.  Les  bancs  s'élèvent  les  uns 
au-deffus  des  autres ,  &  forment  à  droite  &  à  gauche 
une  efpece  d'échelle  ou  plutôt  d'efcalier.  On  ne  peut 
fixer  ni  la  hauteur  ni  la  largeur  du  banc ,  ou  de  cha- 
que degré  de  cet  efcalier  ;  elles  varient  l'une  &  l'au- 
tre félon  la  profondeur,  l'étendue  &  la  nature  de  la 
carrière.  Les  bancs  ou  parallélépipèdes  d'ardoife  n'ont 
pas  la  même  hauteur  fur  toute  leur  longueur.  Ils  vont 
un  peu  en  s'inclinant  vers  le  fond  de  la  carrière ,  & 
forment  une  pente  aux  eaux  vers  la  cuvette  qui  les 
reçoit.  La  hauteur  du  banc  eft  de  neuf  pies  dans  nos 
figures  d'ardoife,  &  fa  largeur  fuit  la  même  échelle. 
La  furface  fupérietire  du  banc  s'appelle  nif.  Voye^  les 
articles  Foncée,  Cuvette,  Nif,  6*  Ardoise. 

Banc  de  Cuve,  ce  font  dans  les  B/affèries,  les  plan- 
chers qui  entourent  les  cuves.  Voye^ Brasserie. 

Banc  ,  en  terme  de  C ardeur ,  c'eft  une  planche  d'en- 
viron un  pié  de  large,  allant  en  pente  par  un  bout,& 
qui  porte  toutes  les  parties  du  roiiet.  Voye^  CAR  i  >i  R . 

BANC  A  TIRER,  (terme  &  outil  de  Chaineticr.  )  Il 
fert  aux  Chaînctiers  pour  paffer  à  la  filière  le  lîl  de 
fer ,  de  cuivre  ou  de  laiton ,  qu'ils  veulent  employer  à 
des  chaînes ,  &  pour  le  diminuer  de  groffeur. 

Ce  banc  à  tirer  eft  fait  comme  ceux  des  Orfèvres  6v 


BAN 


5 


autres ,  &  eft  compofé  d'un  banc ,  d'une  pièce ,  du 
moulinet,  du  noyau  ôc  de  la  filière.  Voye\  Banc 
d'Orfèvre. 

Banc  À  COUPER,  c'eft  chéries Cloutiers d'épingles, 
un  banc  de  figure  prefque  quarrée,  garni  de  rebords 
plus  hauts  fur  le  derrière  que  fur  les'côtés ,  &  le  de- 
vant qui  eft  moins  élevé  que  tout  le  refte.  Les  cil'ail- 
les  font  attachées  au  milieu  par  une  de  leurs  branches. 
Voye^  Cisailles  ,  &  lafi-ure  13  du  banc,  PI.  IL  du 
Cloutier  d'épingles. 

Banc  À  tirer  ,  (  en  terme  cTEpinglier.  )  eft  une  ef- 
pece d'établi  adofte  d'un  bout  fur  un  billot  fendu  à 
deux  ou  trois  endroits  pour  y  battre  la  filière.  Voye^ 
Filière.  Vers  le  même  bout  ou  à  l'autre ,  félon  l'em- 
placement, cilla  bobile,  voye^  Bobile;  plus  loin, 
la  filière  arrêtée  entre  trois  montans.  Derrière  elle, 
on  voit  une  pièce  de  bois  plus  haute  que  ces  mon- 
tans ,  avec  un  coin  ;  c'eft-là  qu'on  place  la  filière  pour 
en  taire  l'effai  :  enfin  vers  cette  extrémité  on  voit  le 
tourniquet  d'oii  dévide  le  fil  que  l'on  tire.  Voye?^  la, 
fig.  PI.  des  Trifileries  &  de  l'Orfèvrerie. 

Banc,  fervant  aux  Fondeurs  de  caractères  d'Im- 
primerie, eft  une  efpece  de  table  oblongue  d'envi- 
ron deux  pies  èc  demi ,  à  hauteur  d'appui ,  fermée  à 
l'entour  par  un  rebord,  excepté  vis-à-vis  l'ouvrier 
où  ce  rebord  finit;  ce  banc  fert  à  recevoir  les  lettres 
à  mefure  qu'on  les  fond,  &de  décharge  pour  plu- 
fieurs  choies  néceffaires  à  l'ouvrier.  Voyt{  la  vignette 
de  la  PI.  I.  du  Fondeur  de  caractères ,  &  la  fig.  2.  de  la 
même  Planche  qui  le  repréfente  en  particulier. 

Banc  d'Imprimerie  ,  eft  une  efpece  de  table  de 
bois  j  longue  environ  de  trois  pies  fur  dix  pouces  de 
large ,  foûtenue  par  deux  tréteaux  garnis  de  planches 
tout  au  tour,  en  confervant  cependant  une  ouvertu- 
re pardevant  qui  forme  un  réceptacle  ou  bas  d'armoi- 
re ;  ce  banc  eft  toujours  finie  à  la  droite  de  l'Impri- 
meur ;  fur  le  premier  bout  il  place  le  papier  trempé 
prêt  à  être  imprimé  ;  à  l'autre  extrémité  ,  il  pofe  cha- 
que feuille  au  fortir  de  la  prelTe  :  les  Imprimeurs  fe 
fervent  de  la  cavité  de  ce  banc,  pour  ferrer  la  laine  , 
les  cuirs ,  les  clous  de  balles ,  les  blanchcts,  Se  autres 
étoffes  ou  uftcnciles  d'Imprimerie. 

Banc  à  river  ,  fig.  Si.  PI.  XVI.  de  l'Horlogerie; 
eft  un  infiniment  dont  les  Horlogers  fe  fervent  pour 
river  certaines  roues  fur  leur  pignon.  On  met  la  par- 
tie B  B  de  cet  outil  entre  les  mâchoires  de  l'étau,  & 
on  fait  entrer  la  tige  du  pignon  fur  lequel  on  veut 
riverune  roue  dans  un  trou  7" convenable;  on  prend 
enfuite  un  poinçon  à  m  er ,  &  on  rabat  la  rivure  à  pe- 
tits coups  de  marteau  fur  la  roue  que  l'on  fait  tour- 
ner avec  le  doigt,  afin  que  les  parties  de  la  rivure 
loient  également  rabattues  de  toutes  parts. 

Comme  il  eft  important  que  les  balanciers  foierit 
rivés  bien  droit  fur  leurs  verges,  &  que  ces  verges, 
vu  leurs  palettes,' ne  pourroient  point  tourner  clans 
un  trou  comme  la  tige  d'un  pignon ,  on  fait  o  ' 
renient  ali  milieu  des  bancs  à  river  une  creufure  ron- 
de L,  dans  laquelle  on  ajufte  une  petite  plaque  P  à 
ir,  de  telle  forte  qu'elle  puific  y  tourner  fans 
beaucoup  de  jeu  :  on  fait  aufïï  au  centre  de  cette  pla- 
que une  ouverture  O,  propre  à  recevoir  le  corps 
d'une  verge  6c  une  de  fes  palettes. 

La  petite  plaque  pouvant,  comme  il  a  e*.^  dir,  tour- 
ner dans  fa  creufure  L,  lorfqu'on  ajufte  une  verge. 
dans  fa  fente  pour  river  le  balancier  fur  fon  affiette  : 
en  tournant  ce  balancier,  on  fait  tourner  la  plaque  , 
&  on  le  rive  fur  fa  vergé,  comme  on  fëroit  une  roue 
fur  fon  pignon.  On  a  lin  outil  de  la  même  forme  qui 
s'ouvre  en  deux  pour  embraffer  la  tige  d'un  pi 
fur  laquelle  c  une  affiette  ;  cette  affiette  re- 

çoit une  roue  que  l'on  y  rive,  en  rabattant  fur  la  roue 
■  &  entaillée,  la  partie  de  l'alfiette  qui  l'ex- 
cède. Comme  la  roue  ou  le  pignon  ne  fauroient  paf- 
fer par  les  trous  du  /'.r'-v.  on  cil  obligé  d'en  avoir  un 


54 


BAN 


qui  fe  fépare  en  deux ,  comme  il  a  été  dît  ;  ordinaire- 
ment les  deux  pièces  du  banc  font  affemblées  enfem- 
ble  à  charnière ,  &  peuvent  s'ouvrir  &  fe  fermer  com- 
me un  compas.  {T) 

Banc  À  CRIC ,  (  en  terme  d'Orfèvre  en  groprie.  )  fe 
dit  d'un  banc  à  tirer,  qui  ne  diffère  du  banc  ordinaire  , 
qu'en  ce  qu'au  lieu  de  fangle,  il  eft  garni  d'une  ef- 
pece  de  cremailliere ,  &  d'une  boîte  qui  renferme  un 
arbre  à  chaque  bout  duquel  on  voit  hors  de  la  boîte 
une  manivelle.  Cet  arbre  fait  tourner  une  roue  de 
rencontre,  qui  s'engraine  elle-même  dans  la  cremail- 
liere ,  qui  le  termine  par  un  crochet  qui  retient  la 
main.  Voye^  Cremailliere  &  Main. 

Voye?K  Planche  dernière  de  l'Orfèvre,  un  banc  à  ti- 
rer &  un  banc  à  cric ,  vignet.fig.  1.2.  ouvriers  qui  tirent 
de  la  moulure  ;  a  tenaille  à  tirer;  b  moulure.  Signet, 
fig.  3,  4, autres  ouvriers  aubancà  cric ;fd g  g  banc , 
t  e  pitons  qui  foùtiennent  la  filière ,  d  le  cric  ,fiajîlie- 
fe.  Fig.  5.  ouvrier  qui  dreffe  les  lames  à  la  lime  avant 
que  de  les  faire  palier. 

Développement  du.  banc  à  cric ,  fig.  a  b  c  b  d  efg  > 
mouvement  hors  de  fa  boîte;  b  b  arbre  oii  l'on  voit 
deux  quarrés  pour  les  manivelles  ;  c  fon  pignon  mon- 
té, qui  fait  mouvoir  la  roue  à  dent  ou  le  hériffon  d , 
dont  le  pignon  ou  la  lanterne  s'engraine  dans  le  cric/, 
au  bout  duquel  eft  un  crochet  qui  tient  un  anneau  g, 
où  l'on  met  les  branches  de  la  tenaille  à  tirer  ;  m  m  la 
cage  ou  boîte  ;  n  n  extrémités  des  vis  qui  fixent  les 
jumelles  ;mm,oo,  les  jumelles  ;  p ,  étrier  fur  lequel 
gliffe  le  cric  ;  q  le  hériffon  ;  r  la  lanterne  ;  h  un  des  pi- 
tons qui  foùtiennent  la  filière  ;  i  rondelle  qui  fe  met 
fous  le  banc  &  l'écrou. 

Développement  du  banc  à  tirer  ,  P  P  Q  Q  RR  S 
boîte  à  filière  pour  tirer  des  moulures  ;  p  p  le  fom- 
mier  ;  Q  Q  le  chapeau  ;  R ,  R  ,  les  vis  qui  appuient 
fur  les  filières,  &  les  tiennent  ferrées  ;  T  clet  pour 
ferrer  les  vis;  V,  V,  les  vis;  X,  X,  les  filières  à 
moulures;  Y  Z  autre  boîte  à  filière  peu  différente  de 
la  précédente  ;  i.  filières  de  deffus;  z.  3-  2..  filières 
de  deffous;  4.  4.  autre  filière;  5.  morceau  tiré  en 
rond  ;  6 .  morceau  moulé.  A  banc  à  tirer  ;  B ,  B ,  pi- 
tons qui  foùtiennent  les  filières;  C,  C,  aîles  du  mou- 
linet ;HH  G  C  F  tambour  fur  lequel  le  roule  la  fan- 
gle du  moulinet;  G,  G,  tourillons  ;  H,  H,  quarrés 
des  moulinets  ;  F  corps  du  tambour  ;  I,  I,  deux  pie- 
ces  quarrées  qui  s'ajuffent  aux  quarrés  du  tambour , 
entre  les  clefs  &  le  moulinet;  5,  t,  deux  tambours  ; 
«la  rondelle;  M,  M,  deux  fupports  du  tambour; 
N,  O,  filières. 

L'affemblage  &  la  fonction  de  ces  deux  machines 
fe  voit  fi  clairement  dans  la  vignette ,  que  ce  que 
nous  en  pourrions  dire  n'ajoûteroit  rien  à  ce  qu'elle 
répré  fente. 

Banc  À  TIRER,  {terme  d'Orfèvre.')  eft  une  pièce  de 
bois  fur  laquelle  les  Orfèvres  tirent  les  fils  d'or  ou 
d'argent  qu'ils  employent.  Elle  peut  avoir  cinq ,  fix , 
fept ,  huit,  &  neuf  pies  de  long,  douze  à  quinze  pou- 
ces de  large ,  fur  quatre  d'épaiffeur.  L'on  perce  fur 
un  bout  de  cette  pièce  deux  trous  qui  fervent  à  met- 
tre les  poupées  qui  tiennent  l'arbre  où  eft  attachée  la 
fangle,  &  où  l'on  met  l'aile.  Voye^  POUPÉE ,  AR- 
BRE, Sangle,  6-  Aile. 

Les  deux  autres  trous  qui  font  vis-à-vis  l'un  de  l'au- 
tre ,  fervent  à  mettre  les  poupées  qui  retiennent  la 
filière ,  &  le  troiiîeme  eft  pour  recevoir  les  gratures 
que  la  filière  fait  à  l'or  ou  l'argent  en  les  tirant  :  elles 
■tombent  dans  un  tiroir  qui  eft  au-deffous.  Il  y  a  enco- 
re quatre  autres  trous  outre  ceux-ci ,  pour  les  pies 
qui  foùtiennent  le  banc;  ces  pies  ont  environ  deux 
fur  trois  pouces  d'équarriffage ,  &  deux  pies  &  demi , 
ou  même  trois  pies  &  demi  de  long  à  deux  pouces  du 
bas:  fous  ces  pies  l'on  met  une  planche  avec  un  re- 
bord de  quatre  ou  cinq  pouces  de  haut ,  pour  ferrer 


BAN 

les  outils  qui  fervent  au  tirage.  Voye^  Tirage  ,  & 
l' article  fuivant. 

Banc  À  DÉGROSSIR,  (chéries  Tireurs  d'or.)  eft  un 
banc  fur  lequel  le  dégrojfeur  donne  le  troifieme  tirage 
à  l'or  par  le  moyen  d'une  bobine  lur  laquelle  il  le  de- 
vide  ,  en  le  faifant  paffer  à  travers  une  filière  appli- 
quée contre  un  faux-ras  retenu  dans  un  ajoux.  Voyei 
Faux-ras  &  Ajoux. 

Banc  À  DORER ,  {cke{  les  Tireurs  d'or.)  eft  compo- 
fé  de  deux  parties  ,  la  tête  &  l'appui  :  la  tête  dans 
laquelle  il  y  a  un  morceau  de  bois  en  forme  de  demi- 
cercle  ,  tient  dans  un  mur;  les  tenailles  entrent  dans 
un  trou  pratiqué  au  milieu  de  ce  cercle ,  par  un  bras , 
tandis  que  l'autre  eft  retenu  par  des  chevilles  de  ter 
fichées  furie  cercle.  Les  tenailles  font  appuyées  dans 
une  encoche  à  l'autre  extrémité  du  banc ,  &  le  lingot 
qu'elles  ferrent  eft  foùtenu  par  l'autre  bout  fur  un 
chenet ,  tandis  qu'on  le  brunit  &  qu'on  le  dore.  Voye^ 
Tireur  d'or. 

BANC  ou  SELLE  À  OURDIR,  {en  Paffementerie.} 
c'eft  un  fiége  deftiné  pour  l'ourdiffeur ,  &  pour  por- 
ter la  manivelle  qui  fait  tourner  Fourdiffoir:  cette 
manivelle  a  en  bas  une  large  poulie  qui  doit  être  pa- 
rallèle à  celle  du  moulin  ;  lur  cette  poulie  eft  paffée 
une  corde  à  boyau ,  qui  après  s'être  croifée  dans  fon 
milieu ,  va  palier  fur  la  poulie  du  moulin  ;  par  le 
moyen  du  croifement  de  cette  corde ,  le  moulin  tour- 
ne du  même  fens  que  la  manivelle  ;  fi  la  corde  lâche 
par  la  fechereffe  du  tems  ou  de  quelqu'autre  maniè- 
re, il  n'y  a  qu'à  reculer  ce  banc  ;  fi  le  contraire  arri- 
ve ,  on  le  rapproche  ;  il  y  a  des  ourdiffoirs  où  l'on  fe 
paffe  de  ce    banc.  Voye^  OURDISSOIR  ;  voye^  au/fi 

PL  de  Passementerie. 

Bancs  ,  {dans  les  manufactures  de  foie.)  ce  font  des 
parties  de  Fourdiffoir.  Des  bancs,  les  uns  font  atta- 
chés au  montant,  les  autres  font  mobiles  :  il  y  a  en- 
tr'eux  une  roue  cavée  fur  fa  circonférence  en  deux 
endroits  différens  ;  les  cavités  font  environ  à  un  pou- 
ce de  diftance  prife  fur  le  diamètre.  Il  pafle  dans  ces 
cavités  une  corde  de  boyau  qui  va  envelopper  la  ca- 
ge de  Fourdiffoir,  &  lui  donner  le  mouvement  que 
la  roue  cavée  reçoit  de  Fourdiffeufe.  Les  bancs  mo- 
biles s'éloignent  &  s'approchent  fuivant  que  la  corde 
a  befoin  d'être  lâchée  ou  tendue,  Voye^  Ourdis- 
soir. 

Banc  ;  on  donne  ,  dans  les  Verreries,  ce  nom  à  un 
fiege  fur  lequel  le  maître  s'affied  pour  taire  l'embou- 
chure, &  poferla  cordeline.  Voye[  Planche  de  Verre- 
rie VI.  fig.  ij.  un  ouvrier  au  banc.  Le  banc  n'a  rien 
de  particulier  que  les  deux  bras  qu'on  fait  plus  longs 
qu'ils  n'ont  coutume  d'être  aux  autres  fiéges  de  cette 
nature ,  afin  que  l'ouvrier  puiffe  y  pofer  &  mouvoir 
commodément  fa  canne ,  en  faifant  l'embouchure  &C 
la  cordeline. 

Banc,  {en  Vénerie.  )  c'eft  ainfi  qu'on  appelle  les 
lits  des  chiens. 

Banc  ;  on  entend  par  ce  mot ,  dans  les  Salines,  un 
endroit  clos ,  couvert ,  pratiqué  au  côté  de  la  poelle, 
&  dont  la  porte  correfpond  à  la  pente  de  la  chèvre  , 
qui  defeend  par  fon  propre  poids ,  &  fe  renverfe  fur 
le  feuil  du  banc ,  lorfque  fe  fait  la  brifée.  Le  fel  de- 
meure dix-huit  jours  dans  les  bancs ,  avant  que  d'être 
porté  dans  les  magalins.  Voye{  Brisée,  Chèvre,  <$• 
SALINE  ;  &C  Planche  II,  des  Salines.  Dans  la  coupe  de 
Fattelier  / ,  / ,  font  deux  bancs. 

Bancs  (controlleurs  des)  ;  officiers  de  falines  :  il  y 
en  a  deux.  Leurs  fonctions  font  d'enregiftrer  par  or- 
dre de  numéro,  &  date  par  date,  tous  les  billets 
de  la  délivrance  journalière;  les  abattues  en  abrégé  , 
par  colonnes  &  ordre  de  poelles  ;  les  fels  à  l'entrée  & 
à  la  fortie  des  bancs  ;  les  bois  de  corde  qui  viennent 
à  la  faline ,  &  d'aflifter  à  toutes  les  livraifons  de  fels 
des  bancs  &  des  magalins  ;  fe  trouver  à  la  brifée  ; 
faire  porter  les  fels  des  bancs  dans  les  magafins  ;  af- 


BAN 


BAN 


Mer  aux  réceptions  de  bois  &  de  fers  ;  en  Un  mot , 
veiller  à  tout  ce  qui  concerne  le  fervice. 

Banc  de  jardin.  Rien  n'eft  linéceffaire  dans  lés 
grands  jardins  ,  que  les  bancs  :  on  en  lbuhaiteroit  à 
chaque  bout  d'allée.  Ils  ont  des  places  affeûées ,  tel- 
les que  font  les  renfoncemens  ,  &  les  niches  dans  les 
charmilles,  les  extrémités  des  allées  ,  les  terraffes  & 
les  beaux  points  de  vue.  Il  y  a  des  bancs  fimples,  des 
bancs  à  doffiers,  6c  des  bancs  dont  le  dos  le  renverlé 
du  côté  que  vous  voulez.  On  en  fait  de  marbre,  de 
pierre ,  &  de  bois  :  ces  derniers  font  les  plus  com- 
muns ;  on  les  peint  à  l'huile  pour  les  conferver.  (K) 

*  B  a  N  c  (  le  grand  )  ,  Géog.  Banc  de  l'Amérique 
feptentrionale ,  vers  la  côte  orientale  de  Terre-neu- 
ve ;  c'eft  le  plus  grand  banc  de  fable  qu'on  connoiffe  ; 
il  n'elî  pas  dangereux.  Les  Européens  y  font  la  pêche 
des  morues. 

Banc  aux  baleines  ,  auffi  dans  l'Amérique  fepten- 
trionale, à  l'occident  du  grand  banc,  &  au  midi  du 
banc  à  vert. 

Banc  de  rîle  de  fable ,  dans  l'Amérique  feptentrio- 
nale ,  au  midi  de  l'île  6c  de  l'Acadie,  dans  la  mer  de 
la  nouvelle  France-. 

Banc  des  lies,  à  l'Amérique  feptentrionale,  dans  le 
grand  golfe  de  S.  Laurent ,  en  Canada ,  au-devant  de 
la  baie  des  Chaleurs. 

Banc  à  vert ,  en  Amérique  ,  près  de  la  côte  méri- 
dionale de  Terre-neuve ,  vis-à-vis  des  baies  de  Plai- 
fance  6c  des  Trépaffés. 

Banc  jacquet  ou  le  petit  banc  ,  en  l'Amérique  mé- 
ridionale ,  à  l'orient  du  grand  banc. 

Banc  des  perles ,  en  l'Amérique  méridionale  ,  fur  la 
côte  de  Carracas  ,  entre  la  ville  de  Rio  de  la  Gâcha 
&  le  cap  de  la  Vêla. 

Banc  des  perles ,  en  Amérique ,  vers  la  côte  de  Ve- 
nezuela ,  en  allant  de  l'île  Marguerite  à  celle  de  la 
Tortue. 

Banc  de  S.  Georges ,  en  l'Amérique  feptentrionale , 
vers  la  nouvelle  Angleterre  &  le  cap  de  fable,  fur  la 
côte  de  l'Acadie.  On  l'appelle  aufîî  banc  aux  Anglois. 

Banc  de  Birnini ,  en  l'Amérique  ,  près  de  l'île  Bi- 
mini  ,  une  des  Lucayes  ,  6c  de  celle  d'Abacoa ,  vers 
la  Floride ,  fur  la  partie  orientale  de  Bahama. 

*  BANCA  (Géog.) ,  île  d'Afie,  dans  les  Indes,  en- 
tre celles  de  Sumatra  6c  de  Bornéo ,  avec  ville  6c  dé- 
troit de  même  nom. 

*BANCALIS  (Géog.),  ville  de  l'île  de  Sumatra, 
au  royaume  d'Achem ,  vers  le  détroit  de  Malaca. 
Long.  nS.  Lit.  i.  5. 

*  BANCHE,  f.  f.  (Hijl.  nat.)  pierre  molle ,  mais 
dure,  comparée  à  la  glaife  ;  M.  de  Reaumur ,  mém. 
del'Acad.  année ijiz,pag.  iz8 >  prétend  que  ce  n'eft 
autre  chofe  que  de  la  glaife  durcie  &  pétrifiée  par 
ce  qu'il  y  a  de  vifqueux  dans  l'eau  de  la  mer ,  &  il  le 
prouve  par  la  dilpolîtion  de  fes  feuilles  &  fa  couleur. 
La  hanche  à  fa  furface  fupérieure  eft  allez  dure;  un 
peu  au-delious  elle  eft  un  peu  plus  molle;  plus  on  la 
prend  bas  ,  moins  clic  efl  dure  6c  moins  elle  eft  dif- 
férente de  la  glaife  ;  en  un  mot,  en  s'approchant  du 
lit  de  pare  glaife ,  elle  paroît  aufïi  infenfiblement  s'ap- 
procher de  la  nature  de  cette  terre  ,  &  cela  par  des 
degrés  lî  infenfibles  ,  qu'il  n'efl  pas  poffible  de  déter- 
miner précifément  où  la  hanche  finit ,  &  où  la  glaife 
commence.  La  hanche ,  de  grile  qu'elle  efl,  devient 
blanche  &  dure  lorfqu'elle  n'eft  plus  humectée  par 
l'eau. 

BANCO  ou  BANQUO  (Commerce);  mot  Italien 
qui  lignifie  banque.  On  s'en  fert  ordinairement  pour 
exprimer  celle  qui  eft  établie  à  Venife. 

Le  banco  de  Venife,  qu'on  appelle  vulgairement 
banco  del  giro ,  eft  proprement  un  bureau  du  dépôt 
public,  ou  une  caille  générale  &  perpétuelle  ouverte 
à  tous  marchands  &  négocians,  &  fondée  par  un 
édit  iolennel  de  la  république ,  que  tous  payemens 


55 


pour  marchandas  en  gros  &  de  lettres  de  change 
ne  fe  pourront  faire  qu'i«  banco  ou  en  billets  de  ban- 
que ;  &  que  tous  débiteurs  &  créanciers  feront  obli- 
gés ,  les  uns  de  porter  leur  argent  à  la  banque  ,  les 
autres  d'y  recevoir  leur  payement  in  banco  Ou  eti 
billets  de  banque  ;  de  forte  que  tous  les  payemens 
fe  font  par  un  fimple  tranfport  des  uns  aux  autres  ; 
celui  qui  étoit  créancier  fur  le  livre  du  banquo  ,  de- 
venant débiteur  des  qu'il  cède  fon  droit  à  un  autre, 
qui  eft  enregiftré  pour  créancier  à  fa  place  ;  de  forte 
que  les  parties  ne  font  que  changer  de  nom,  fans  qu'il 
foit  nécefTaire  pour  cela  de  faire  aucun  payement 
réel  &  effeûif. 

Il  eft  vrai  qu'il  fe  fait  quelquefois  des  payemens 
en  efpeces ,  fur-tout  lorfqu'il  s'agit  du  négoce  en  dé- 
tail ,  ou  que  <les  étrangers  veulent  avoir  de  l'argent 
comptant  pour  emporter  avec  eux ,  ou  que  les  né- 
gocians aiment  mieux  avoir  leur  fonds  en  monnoie 
courante  ,  pour  le  négocier  par  lettres  de  change. 
La  nécefîîté  de  ces  payemens  effectifs  a  donné  lieu 
de  pourvoir  à  un  fonds  d'argent  comptant,  qui  bien 
loin  de  diminuer  le  capital ,  l'augmente  plutôt  par  la 
liberté  qu'il  donne  à  chacun  de  retirer  fon  argent 
quand  il  lui  plaît. 

Par  le  moyen  de  cette  banque  la  république ,  fans 
gêner  la  liberté  du  commerce  6c  fans  payer  aucun 
intérêt,  fe  trouve  maîtrefie  de  cinq  millions  de  du- 
cats à  quoi  le  capital  de  la  banque  eft  limité,  ce  qui 
monte  à  plus  de  trente  millions  de  livres  monnoie  de 
France  ;  elle  répond  du  capital,  &  c'eft  pour  elle  en 
toute  occafion  une  reffource  fùre  qui  la  difpenfe  d'a- 
voir recours  à  des  importions  extraordinaires  ,  mê- 
me dans  les  plus  prenantes  nécefîités.  Le  bon  ordre 
qui  règne  dans  l'adminiitration  du  banco  ,  prouve 
également  l'utilité  &  la  folidité  de  cet  établiffement. 

Dans  le  banco ,  les  écritures  fe  tiennent  en  livres , 
fous  &  deniers  de  gros.  La  livre  vaut  dix  ducats  de 
banco ,  ou  240  gros,  parce  que  le  ducat  eft  compofé 
de  24  gros.  La  monnoie  de  change  s'entend  toujours 
ducat  de  banco,  qui  eft  imaginaire,  ioodefquelsfont 
1  20  ducats  monnoie  courante.  Ainti  la  différence  des 
ducats  de  banco  &  des  ducats  courans ,  eft  de  20  pour 
cent ,  étant  défendu  aux  courtiers  de  traiter  à  plus 
haut  prix. 

Le  banco  fe  ferme  quatre  fois  l'année  ;  favoir ,  le 
20  Mars,  le  20  Juin ,  le  20  Septembre,  &  le  20  Dé- 
cembre ,  6c  chaque  fois  pour  vingt  jours  :  mais  on 
n'en  négocie  pas  moins  fur  la  place.  Il  y  a  encore  des 
clôtures  extraordinaires  qui  lont  de  huit  à  dix  jours, 
pour  le  carnaval ,  la  femaine  fainte ,  6c  on  le  ferme 
encore  chaque  vendredi  de  la  femaine  ,  quand  il  n'y 
a  point  de  fête ,  &  cela  pour  faire  le  bilan.  Voye^  Bi- 
lan. 

M.  Savary,  dans  fon  dictionnaire ,  explique  la  ma- 
nière dont  fe  négocient  ou  fe  payent  les  lettres  de 
change  au  banco,  foyer  le  Dictionnaire  du  Commerce  ,- 
tom.  I.  pag.  8iy.  (G) 

*  BANCOK  (Géog.),  fort  d'Afie,  au  royaume 
de  Siam,  dans  les  Indes.  Long,  il  p.  lat.  ij.  z5. 

*  BANDA  (Géog.)  ,  fept  iles  d'Afie ,  vers  le  qua- 
trième degré  de  latitude  méridionale. 

BANDAGE  ,  f.  m.  (  terme  de  Chirurgie.)  eft  l'appli- 
cation d'une  ou  de  plufîeurs  bandes  autour  d'une 
partie  malade.  L'utilité  des  bandages  elt  de  contenir 
dans  une  lituation  naturelle  les  parties  dérangées  , 
de  faire  compreffion  fur  quelque  vaiffea*i ,  de  m.ur,- 
tenir  les  médicamens  ,  comprefTes ,  &  autres  pièces 
d'appareil.  Un  feul  bandage  produit  quelquefois  les 
trois  effets  en  même  tems. 

Les  bandages  font  différens ,  fuivant  les  parties  fur 
lefquelles  on  applique  les  bandes.  Voyi  Bande. 
Par  rapport  à  leurs  ufages ,  il  y  a  des  banJagcs  con- 
tentifs  ,  uniffans  ,  incarnatifs  ,  divjîjs  ,  compre/fifs  ,  er.~ 
pulfifs.  Voyez  ces  mots. 


5  5 


BAN 


La  méthode  de  faire  chaque  barrage  a  des  règles 
particulières  ,  dont  le  détail  feroit  trop  long.  Il  ne 
faut  pas  en  général  que  les  bandages  lbient  trop  lâ- 
ches ni  trop  terrés.  Il  faut  avoir  foin  de  garnir  de 
linge  mollet  ou  de  charpie  les  cavités  fur  lefquelles 
on  doit  faire  palier  les  bandes,  afin  que  leur  appli- 
cation foit  plus  exaûe. 

Pour  bien  appliquer  une  bande,  on  doit  mettre  la 
partie  en  iituation ,  tenir  le  globe  de  la  bande  dans  la 
main ,  &  n'en  dérouler  à  mefure  que  ce  qu'il  en  faut 
pour  couvrir  la  partie. 

Pour  bien  lever  la  bande ,  il  faut  mettre  la  par- 
tie en  fituation ,  décoller  les  endroits  que  le  pus  ou 
îefang  a  collés,  recevoir  d'une  main  ce  que  l'autre 
aura  défait ,  &  ne  point  ébranler  la  partie  par  des 
fecoulfes. 

On  divife  les  bandages  en  fimples  &  en  compofés. 
Le  fimple  fe  divife  en  égal  &  en  inégal.  L'égal  ell 
appelle  circulaire ,  parce  que  les  tours  de  bande  ne 
doivent  point  fe  déborder.  L'inégal  ell  celui  dont  les 
circonvolutions  font  inégales,  &  plus  ou  moins  obli- 
ques. On  en  fait  de  quatre  efpeces  ,  connues  fous  le 
nom  de  doloire ,  de  moufle  ou  obtus ,  de  renverfé ,  &  de 
rampant'.  Voye{  ces  mots. 

Le  bandage  eft  dit  compofé,  lorfque  plufîeurs  ban- 
des font  coufues  les  unes  aux  autres  en  différens  fens, 
ou  qu'elles  font  fendues  en  plufîeurs  chefs  ;  telles  font 
le  T  pour  le  fondement ,  voye^  T  ;  le  lufpenfoir  pour 
les  bourfes  ,  voye^  Suspensoir  ;  la  fronde  pour  les 
aiffelles ,  le  menton ,  &c.  ¥oyt{  Fronde. 

Le  bandage  à  dix-huit  chefs  eft  un  des  plus  com- 
pofés :  on  s'en  fert  pour  les  fraftures  compliquées 
des  extrémités.  Ce  font  autant  de  bandes  courtes  , 
qui  ne  font  que  fe  croifer  fur  la  partie  ,  &  qui  per- 
mettent les  panfemens  fans  déranger  la  partie  bief- 
fée.  Voye^  la  figure  10.  Planche  XXl. 

On  donne  aulîi  le  nom  de  bandage  à  des  inftru- 
mens  faits  de  différentes  matières  ,  comme  fer,  cui- 
vre ,  cuir ,  &c.  tels  font  le  bandage  pour  contenir  les 
hernies  ou  defeentes  ,  voye^  Braver;  le  bandage 
pour  la  chute  ou  defeente  de  matrice ,  voy.  Chute 
de  MATRiCE;le  bandage  pour  les  hemorrhoides , 
voyei  Hemorrhoides  ;  celui  pour  la  réunion  du 
tendon  d'Achille  ,  voyei  Pantoufle. 

Bandage  de  corps,  eft  une  ferviette  ou  pièce 
de  linge  en  deux  ou  trois  doubles ,  capable  d'entou- 
rer le  corps  ;  voye^fig.  i .  Planche  XXX.  les  extré- 
mités fe  croifent  &  s'attachent  l'une  fur  l'autre  avec 
des  épingles.  Ce  bandage  fert  à  la  poitrine  &  au  bas- 
ventre  :  on  le  ibûtient  par  le  fcapulaire.  KSckvv- 

LAIRE. 

Bandage  pour  la  comprefîion  de  l'urethre ,  dont 
M.  Foubert  fe  fert  à  l'inftant  qu'il  doit  faire  l'opéra- 
tion de  la  taille  à  fa  méthode.  PL  IX.fig.  3.  (Y) 

Bandage  ( terme  de  Fonderie )  ;  les  fondeurs  en 
grand  donnent  ce  nom  à  un  affemblage  de  plufîeurs 
bandes  de  fer  plat,  qu'on  applique  fur  les  moules  des 
ouvrages  qu'on  veut  jetter  en  fonte ,  pour  empêcher 
qu'ils  ne  s'écrafent  &  ne  s'éboulent  par  leur  propre 
pefanteur.  Voye^  FONDERIE  &  les  Planches  des  figures 
de  bronze. 

Bandage  du  BATTANT,  en Paffementerie ,  eft 
une  greffe  noix  de  bois,  plate,  percée  de  plufîeurs 
trous  dans  fa  rondeur,  &  de  quatre  autres  trous  dans 
fon  épaifTeur.  Les  trous  de  la  rondeur  fervent  à  in- 
troduire, à  qhoix  &  fuivant  lebefoin,  dans  l'un  d'eux 
un  bâton  ou  bandoir ,  qui  tient  &  tire  à  lui  la  corde 
attachée  au  battant.  Lorfque  le  métier  ne  travaille 
plus ,  on  détortille  cette  corde  d'alentour  de  ce  bâ- 
ton ,  qui  s'en  va  naturellement  par  fa  propre  force 
^'arrêter  contre  la  barre  d'en -haut  du  chaffis.  Les 
quatre  trous  de  l'épaifTeur  de  cette  noix ,  font  pour 
palier  les  bouts  de  deux  cordes  qui  tiennent  de  part 
cv  d'autre  au  chaffis  du  métier.  Ces  cordes  font  fer- 


BAN 

rées  fortement  par  les  différens  tours  qu'on  leur  fait 
faire  avec  la  noix  ,  au  moyen  du  bâton  ou  bandoir 
qu'on  entonce  dans  les  divers  trous  de  la  rondeur , 
6c  qui  mené  la  noix  à  diferétion.  Deux  cordes  font 
attachées  à  ce  bâton ,  &c  d'autre  part  aux  deux  épées 
du  battant ,  qui  de  cette  manière  eft  toujours  amené 
du  côté  de  la  trame  pour  la  frapper.  Foye^  les  Plan- 
ches du  Paffementier  &  leur  explication. 

Il  y  a  encore  le  bandage  du  métier  à  frange ,  lequel 
eft  attaché  au  derrière  du  métier ,  comme  il  le  voit 
dans  les  Planches  du  PaJJementier  ;  il  fert  par  la  mobi- 
lité d'une  petite  poulie  qui  eft  à  fon  extrémité ,  à 
faire  lever  &  bailler  alternativement  les  liffettes  des 
luilant  &  chaînettes  qui  ornent  la  tête  des  franges. 

*  BANDE  ,  troupe  ,  compagnie,  (  Gramm.  )  termes 
fynonymes,  en  ce  qu'ils  marquent  tous  multitude  de 
perfonnes  ou  d'animaux.  Plufîeurs  perfonnes  join- 
tes pour  aller  enfemble,  font  la  troupe  ;  plufîeurs  per- 
fonnes léparées  de  la  troupe  font  la  bande  ;  plufîeurs 
perfonnes  que  des  occupations ,  un  intérêt ,  un  em- 
ploi ,  réunifient ,  forment  la  compagnie.  Il  ne  faut  pas 
fe  féparer  de  fa  troupe  pour  faire  bande  à  part.  Il  faut 
avoir  l'efprit  &  prendre  l'intérêt  de  fa  compagnie.  On 
dit  une  troupe  de  comédiens ,  une  bande  de  violons ,  <Sc 
la  compagnie  des  Indes.  On  dit  aulîi  une  bande  dV- 
tourneaux ,  des  loups  en  troupe,  deux  tourterelles  de 
compagnie. 

Bande,  eft  encore  fynonyme  à  troupe.  On  dit  d'une 
troupe  de  loldats  qui  combattent  fous  le  même  éîen- 
dart ,  que  c'eft  une  bande. 

Romulus  divifa  les  légions  par  cohortes ,  &  les  co- 
hortes en  manipules ,  du  nom  de  l'enfeigne  fous  la- 
quelle elles  combattoient ,  &  qui  étoit  alors  une  poi- 
gnée  de  foin  au  bout  d'une  pique ,  manipulus.  Foye^ 
Enseigne  &  Légion. 

M.  Beneton  croit  que  le  mot  de  ban  a  donné  ori- 
gine à  celui  de  bande.  D'abord  que  le  ban  étoit  pu- 
blié ,  dit-il ,  tous  les  militaires  d'un  gouvernement 
étant  affemblés  ,  on  les  partageoit  en  différentes  ban-* 
des  ou  compagnies  ;  les  unes  de  cavaliers  ou  d'hom- 
mes d'armes ,  les  autres  de  foldats  ou  fantaffins ,  cha- 
cune fous  le  commandement  d'un  ienior ,  c'eft-à-di- 
re ,  du  plus  élevé  ou  du  plus  confideré  d'entre  tous 
ceux  qui  compolbient  la  bande.  .  . .  Du  terme  de  ban 
font  venus  ceux  de  bande  &  de  bannière  pour  expri- 
mer des  hommes  attroupés  &  des  enfeignes.  Une 
bande  étoit  un  nombre  de  foldats  unis  fous  un  chef, 
&  l'enfeigne  qui  fervoit  à  la  conduite  de  ces  loldats  , 
étoit  aulîi  une  bande  ou  une  bannière.  La  bande  en- 
feigne  donna  fon  nom  à  chaque  troupe  allez  conlidé- 
rable  pour  avoir  une  enfeigne.  Les  bandes  ou  mon- 
tres militaires  d'autrefois ,  étoient  ce  que  nous  ap- 
pelions préientement  des  compagnies. 

Ainfi  dans  nos  hiitoriens  ,  les  vieilles  bandes  figni- 
fient  les  anciens  régimens  ,  les  troupes  aguerries.  II 
y  eft  aulîi  parlé  des  bandes  noires,  foit  que  leurs  en- 
feignes fulîént  noires  ,  foit  qu'elles  portaient  des 
écharpes  de  cette  couleur  ,  comme  c  'étoit  autrefois 
la  mode  dans  les  armées  pour  diftinguer  les  divers 
partis.   (  G  ) 

Bande  (  Hifl.  mod.  )  ordre  militaire  en  Efpagne, 
inftitué  par  Alphonfe  XI ,  roi  de  Caftille ,  l'an  1332. 
Il  prend  Ion  nom  de  banda ,  bande ,  ou  ruban  rouge  , 
paffé  en  croix  au-deffus  de  l'épaule  droite ,  &  au- 
deffous  au  bras  gauche  du  chevalier.  Cet  ordre  n'é- 
toit  que  pour  les  feuls  cadets  des  maifons  nobles.  Les 
aînés  des  grands  en  font  exclus  ;  &  avant  que  d'y 
être  admis  ,  il  falloit  nécellairement  avoir  fervi  dix- 
ans  au  moins  ,  foit  à  l'armée  ou  à  la  cour.  Ils  étoient 
tenus  de  prendre  les  armes  pour  la  défenle  de  la  foi 
catholique  contre  les  infidèles.  Le  roi  étoit  grand  maî- 
tre de  cet  ordre ,  qui  ne  fublifte  plus.  (G) 

Bande  ,  f.  f.  (  Gramm.  )  c'eft  en  général  un  mor- 
ceau de  drap ,  de  toile ,  de  fer ,  de  cuivre  6c  de  toute 

autre 


BAN 

autre  matière ,  dont  la  largeur  &  l'épaiffeur  font  peu 
confidérables  relativement  à  la  longueur. 

Le  mot  bande  prélente  affez  ordinairement  à  l'ef- 
prit,  l'idée  d'attache  &  de  lien;  cependant  ce  n'eft 
pas  là  toujours  la  détonation  de  la  bande. 

Les  termes  bande ,  lijîere  ,  barre ,  peuvent  être  con- 
fédérés comme  fynonymes  ;  car  ils  déiignent  une  idée 
générale  qui  leur  eu  commune ,  beaucoup  de  lon- 
gueur fur  peu  de  largeur  &  d'épaiffeur  :  mais  ils  font 
différentiés  par  des  idées  acceffoires.  La  lifiere  indi- 
que longueur  prife  ou  levée  lur  les  extrémités  d'une 
pièce  ou  d'un  tout  ;  bande,  largeur  prife  dans  la  pièce, 
avec  un  peu  d'épaiffeur  ;  barre ,  une  pièce  ou  un  tout 
même  ,  qui  a  beaucoup  de  longueur  fur  peu  de  lar- 
geur avec  quelqu'épaifleuf.  Ainfi  on  dit  la  lifiere  d'un 
drap  ;  une  bande  de  toile  ;  une  barre  de  fer. 

BANDES  de  Jupiter  (  en  Aflronomie  )  font  deux 
bandes  qu'on  remarque  fur  le  corps  de  Jupiter,  &  qui 
reffemblent  à  une  ceinture  ou  baudrier.  V.  Jupiter. 
Les  bandes  ou  ceintures  de  Jupiter  font  plus  brillan- 
tes que  le  refte  de  fon  difque  ,  &  terminées  par  des 
lignes  parallèles.  Elles  ne  font  pas  toujours  de  la  mê- 
me grandeur ,  &  elles  n'occupent  pas  toujours  la  mê- 
me partie  du  difque. 

Elles  ne  font  pas  non  plus  toujours  à  la  même  dif- 
tance  :  il  femble  qu'elles  augmentent  &  diminuent 
alternativement.  Tantôt  elles  font  fort  éloignées  l'u- 
ne de  l'autre  ;  tantôt  elles  paroiflent  fe  rapprocher  : 
mais  c'eft  toujours  avec  quelque  nouveau  change- 
ment. Elles  font  fujettes  à  s'altérer  de  même  que  les 
taches  du  Soleil  :  une  tache  très-confidérable  que 
M.  Caffini  avoit  apperçue  fur  Jupiter  en  1665  ,  ne 
s'y  conferva  que  près  de  deux  années.  Elle  parut 
pendant  tout  ce  tems  immobile  au  même  endroit  de 
la  furface.  On  en  détermina  pour  lors  la  figure  , 
aurïï  bien  que  la  fituation  par  rapport  aux  bandes. 
Elle  dilparut  enfin  en  1667  ,  &  ne  reparût  que  vers 
l'an  167a  ,  où  l'on  continua  de  l'appercevoir  pen- 
dant trois  années  confécutives.  Enfin  elle  s'eft  mon- 
trée tk.  cachée  alternativement  ;  de  manière  qu'en 
1708  ,  on  comptoit  depuis  1665  huit  apparitions 
complètes.  C'eft  par  les  révolutions  de  cette  tache 
obfervées  un  grand  nombre  de  fois,  qu'on  a  décou- 
vert le  tems  de  la  révolution  de  Jupiter  autour  de 
fon  axe. 

Il  eft  vraiffemblable  que  la  terre  que  nous  habi- 
tons eft  dans  un  état  plus  tranquille  &c  bien  différent 
de  celui  de  Jupiter  ;  puifque  l'on  obferve  dans  la  fur- 
race  de  cette  planète  des  changemens  ,  tels  qu'il  en 
arriverait  fur  notre  globe  ,  fi  l'Océan  par  exemple 
changeant  de  lieu  venoit  à  fe  répandre  indifférem- 
ment fur  toutes  les  terres ,  enforte  qu'il  s'y  formât 
de  nouvelles  mers ,  de  nouvelles  îles ,  &  de  nouveaux 
continens./«/?.  ajîr.  de  M.  le  Monnier. 

M.  Huyghens  a  aufti  découvert  une  cfpecc  de  ban- 
de fort  large  dans  la  planète  de  Mars ,  qui  eft  beau- 
coup plus  foncée  que  le  refte  du  difque ,  dont  elle 
n'occupe  que  la  moitié.   (  0  ) 

BANDES  (  en  Architecture  )  fe  dit  des  principaux 
membres  des  architraves  ,  des  chambranles  ,  impof- 
tes  tk.  archivoltes ,  qui  pour  l'ordinaire  ont  peu  de 
faillie  &  de  hauteur  lur  une  grande  étendue.  On  les 
nomme  auln/i/tc,  du  latin/â/càzjdont  Vitruve  fe  fort 
pour  exprimer  la  même  choie.  V^oyei  Plate-bande. 
On  donne  encore, dans  les  édifices  bâtis  de  brique, 
le  nom  de  bande  aux  bandeaux  de  cette  matière  qui 
font  aux  pourtours ,  ou  dans  les  trumeaux  des  croi- 
fées. 

On  dit  auffi  bande  de  colonne  ,  lorfqu'on  veut  par- 
ler du  boffage  dont  on  orne  quelquefois  le  nud  des 
ordres  ruftiques,  comme  aux  colonnes  du  Luxem- 
bourg pointillees  ou  vermiculées  ;  à  celles  du  vieux 
Louvre  ;  aux  colonnes  taillées  d'omemens  de  peu  de 
Tome  II, 


BAN 


57 


relief,  comme  aux  galeries  du  même  palais  du  côté 
de  la  rivière.  Foye{  Bossages.  (  P  ) 
Bande  (  en  terme  de  Marine  )  fignifie  côté. 
Bande  du  nord ,  c'eft-à-dire  le  côté  du  nord ,  ou 
latitude  feptentrionale. 

Bande  dufud,  ou  latitude  méridionale. 
Bande  fe  dit  encore  du  côté  ou  flanc  du  vaiffeau  : 
avoir  fon  vaifleau  à  la  bande ,  mettre  fon  vaiffeau  à 
la  bande ,  c'eft  le  faire  pancher  fur  un  côté  appuyé 
d'un  ponton  ,  afin  qu'il  préfente  l'autre  flanc  quand 
on  veut  le  nettoyer ,  ou  lui  donner  le  radoub ,  le 
braier,  &  étancher  quelque  voie  d'eau. 

Tomber  à  la  bande,  c'eft  tomber  fur  le  côté. 
Bande  de  Sabords  (  terme  de  Marine  )  c'eft  tou- 
te une  rangée  de  fabords  fur  le  côté  du  vaiffeau. 

Bande,  ou  litre  de  toile  goudronnée,  qu'on  met 
quelquefois  fur  les  coutures  d'un  vaiffeau. 

BanDE(m  termes  de  Chirurgie  )  eft  Une  ligature 
beaucoup  plus  longue  que  large ,  qui  fert  à  tenir  quel- 
que partie  du  corps  enveloppée  &  ferrée ,  pour  la 
maintenir  dans  un  état  lain  ,  ou  le  lui  procurer. 

La  bande  confifte  en  trois  parties  ,  le  corps  tk  les 
deux  extrémités  ,  que  quelques-uns  appellent  têtes  ou 
chefs  ;  &  d'autres,  queues.  Il  y  a  des  bandes  à  un  feul 
chef,  c'eft-à-dire  ,  qui  ne  font  roulées  qu'à  un  bout , 
fig.  2i.  PI-  II.  tk  d'autres  à  double  chef ,  fig.  zz. 
PI.  II. 

De  plus ,  il  y  en  a  qui  font  roulées  également , 
comme  celles  pour  les  fraûures  &  les  diflocations  ; 
d'autres  qui  font  divifées  en  plufieurs  chefs ,  comme 
celles  pour  la  tête ,  le  menton  ;  d'autres  font  compo- 
fées  de  plufieurs  bandelettes  unies  &  coufues  enfem- 
ble ,  comme  celles  pour  les  tefticules.  Quelques-unes 
font  fort  larges ,  comme  celles  pour  la  poitrine ,  le 
ventre ,  &c.  d'autres  étroites  ,  comme  celles  pour  les 
lèvres ,  les  doigts ,  &c.  Guidon  confeille  de  faire  la 
bande  pour  l'épaule ,  de  lix  doigts  de  large  ;  celle  pour 
la  cuifle  ,  de  cinq  ;  celle  pour  la  jambe ,  de  cinq  ;  celle 
pour  le  bras  ,  de  trois  ;  &  celle  pour  le  doigt ,  d'un. 
Il  a  deux  fortes  de  bandes ,  les  unes  font  remèdes 
par  elles  mêmes  ;  telles  font  celles  qui  fervent  aux 
fraclures  fimples  ,  à  réunir  les  plaies ,  arrêter  les  hé- 
morrhagies,  &c.  Les  autres  ne  font  que  contentives , 
c'eft-à-dire  qu'elles  ne  fervent  qu'à  contenir  les  mé- 
dicamens.  La  matière  des  bandes  eft  ordinairement  du 
linge  médiocrement  fin  ,  un  peu  élimé.  Les  bandes 
doivent  être  coupées  à  droit  fil ,  tk  n'avoir  ni  ourlet 
ni  lifiere.  Voye^  Bandage.  (  J") 

Bande,  (  en  Commerce.  )  petit  poids  d'environ 
deux  onces  dont  on  fe  fert  en  quelques  endroits  de  la 
côte  de  Guinée  pour  peler  la  poudre  d'or.  Diclionn. 
du  Commerce  ,  tom.  I.  p.  818.   (  G  ) 

Bande  ,  en  termes  de  Blafon  ,  armoirie  formée  par 
deux  lignes  tirées  diagonalement  ou  tranfverlale- 
ment ,  c'eft-à-dire,  depuis  le  champ  de  l'écuffon  à  la 
droite  ,  julqu'au  bas  de  la  gauche  ,  en  représentation 
d'un  baudrier  ou  d'une  écharpe  paffee  lur  l'épaule. 
La  bande  eft  une  des  dix  pièces  honorables  ordi- 
naires :  elle  occupe  la  troifîeme  partie  du  champ  , 
lorlqu'il  eft  chargé ,  &  la  cinquième  lorfqu'il  eft  uni. 
Elle  eft  quelquefois  dentelce,  engrelée,  &c  les  hé- 
raults  d'armes  parlent  d'une  bande  dextre  &  d'une 
bande  feneftre  :  une  bande  le  divile  en  bandcU:tc  ,  qui 
eft  la  lixieme  du  champ  ;  an  jarretière  ,  qui  oit  la  moi- 
tié d'une  bande  ;  en  valeur,  qui  eft  le  quart  de  la  ban- 
de ;  &  en  ruban  ,  qui  eft  la  moitié  de  la  valeur.  Ban- 
de dextre  elt  celle  qui  fe  nomme  en  terme  propre  & 
abfolu  bande ,  comme  elle  elt  définie  plus  haut:  le 
mot  dextre  lui  eft  annexé  par  l'ufage,  pour  obvier  à 
des  méprifes  &  la  diftinguer  de  la  bande  fenejhe ,  qui 
elt  ce  que  les  héraults  d'armes  François  appellent  bar- 
re. Voy. Barre.  (f  ) 

BAN  ûY.  d'une  [elle  ,  lé  dit  en  Manège  de  deux  pie- 
ces  de  fer  plates ,  larges  de  trois  ^o'gts ,  clouées  aux 
r  H 


$8 


BAN 


arçons  pour  la  tenir  en  état.  Mettre  un  arçon  fur 
bande ,  c'eft  clouer  les  deux  bouts  de  chaque  bande 
à  chaque  côté  de  l'arçon.Outre  ces  deux  grandes  ban- 
des, l'arçon  de  devant  en  a  une  petite  appellée  bande 
du  garot,avec  un  croiffant  pour  tenir  en  état  l'arcade 
du  warot.  L'arçon  de  derrière  a  auffï  une  petite  bande 
pour  le  fortifier,  (f) 

Bande  de  derrière  ,  en  Bourferie ,  c'eft  une  £<z/z- 
de  de  cuir  attachée  aux  deux  bouts  de  la  cartouche 
en-deffous ,  par  laquelle  on  paffe  une  autre  bande  de 
cuir  qui  fert  à  porter  la  cartouche.  V.  Cartouche. 

Bande  ,  cke^  les  Imprimeurs ,  font  deux  grandes 
tringles  de  bois  de  quatre  pies  &  demi  de  long  ,  fur 
trois  pouces  de  large ,  recouvertes  de  lames  de  fer 
poli ,  ou  à  arrête  ,  placées  dans  le  milieu  du  berceau 
de  la  prefTe  ,  &c  fur  lefquelles  roide  le  train.  V.  Ber- 
ceau de  Presse. 

Bandes  DE  TOISES  ,  dans  les  Salines  ,  &  particu- 
lièrement à  Moyenvic ,  ce  font  des  cercles  de  fer 
par  lefquels  le  haut  des  poelles  eft  ceint  &  terminé. 

BANDE  DETOUR,  terme  de  Pdtiffer'u,  long  mor- 
ceau de  pâte  que  les  Pâtiffiers  nomment  ainfi  parce 
qu'il  fe  met  autour  d'une  tourte  ou  d'une  autre  pie- 
ce  ,  pour  en  contenir  les  parties  intérieures  ou  fupé- 
rieures. 

Bande  fe  dit  encore  en  Pâtifferie  d'un  petit  cordon 
de  pâte  qu'on  étend  en  croix  fur  une  tourte  ,  &  dont 
on  forme  plufieurs  petits  quarreaux  qui  fervent  d'a- 
grémens  à  la  pièce. 

Bandes  de  Billard,  terme  de  Paumier ;  ce  font 
quatre  grandes  tringles  de  bois  rembourées  de  lifie- 
res  de  drap  ,  &C  recouvertes  de  morceaux  de  drap 
vert  qui  y  font  attachés  avec  des  clous  de  cuivre  : 
on  fixe  ces  bandes  fur  les  bords  de  la  table  du  billard 
par-deffus  le  tapis  ,  avec  des  vis  qui  entrent  dans  la 
table  ;  ces  bandes  font  rembourées  d'une  manière 
bien  ferme  ,  afin  de  renvoyer  les  billes  qui  viennent 
y  frapper. 

BANDÉ  ,  adj.  (  en  Blafon.  )  terme  qui  convient 
à  l'écuflbn  également  partagé  en  bandes  :  fi  les  par- 
titions font  en  nombre  impair ,  il  faut  d'abord  nom- 
mer le  champ  ,  enfuite  le  nombre  de  bandes.  Voyeç_ 
Bande  &  Parti  bandé. Miolans  en  Savoye ,  bandé 
d'or&  de  gueules.  (V) 

BANDEAU  ,  f.  m.  (e/z  Architecture.  )  plate-bande 
unie  qui  fe  pratique  autour  des  croifées  ou  arcades 
d'un  bâtiment  où  l'on  veut  éviter  la  dépenfe  ,  &  qui 
diffère  des  chambranles  en  ce  que  ceux-ci  font  ornés 
de  moulures  ,  &  que  les  bandeaux  n'en  ont  point , 
à  l'exception  quelquefois  d'un  quart  de  rond  ,  d'un 
talon  ou  d'une  feillure  ,  que  l'on  introduit  fur  l'ar- 
rête du  tableau  de  ces  mêmes  portes  ou  croifées. 

*  Bandeau  ,  f.  m.  c'eft  (  en  Artmilit.  )  le  nom 
d'une  des  pièces  de  la  ferrure  de  l'affût  du  canon  , 
appliquée  fur  le  flafque  à  l'endroit  de  la  croce  dont 
elle  imite  le  cintre.  Elle  fert  à  fortifier  cette  partie  de 
l'affût.  Voye^  à  r article  Canon  le  détail  &  les  pro- 
portions des  parties  de  l'affût.  Dans  celui  d'une  pièce 
de  huit  livres  de  balles,  le  bandeau  peut  avoir  6  pies 
9  pouces  6  lignes  ,  de  largeur  3  pouces  4  lignes,  & 
d'épaiffeur  3  lignes. 

Bandeau  ,  f.  m.  les  ouvriers  qui  exécutent  des 
couronnes  de  fouverains  ,  de  quelque  manière  que 
ce  foit ,  entendent  par  le  bandeau  la  partie  de  la  cou- 
ronne qui  la  termine  circulairement  par  en-bas  ,  & 
qui  ceint  le  front  de  celui  qui  la  porte  :  ainfi,  Planche 
dernière  de  la  Serrurerie  en  omemens  ,  la  partie  de  cou- 
ronne q  q  qu'on  voit  chargée  de  diamans  ,  eft  le  ban- 
deau de  la  couronne. 

Bandeau,  en  Menuifcrie  ,  eft  une  planche  mince 
&  étroite  qui  eft  au  pourtour  des  lambris  par  le  haut, 
&  qui  tient  lieu  de  corniche  lorfqu'il  n'y  en  a  point. 

BANDELETTE ,  f,  f.  (  en  Architecture.  )  moulure 


BAN 

plate  qui  a  ordinairement  autant  de  faillie  que  de 
hauteur,  comme  celle  qui  couronne  l'architrave  tof- 
can  &  dorique  ,  &  qui  fe  nomme  filet  ou  lijïeau ,  fé- 
lon la  place  qu'elle  occupe  dans  les  corniches  ou  au- 
tres membres  d'architecture.   (  P  ) 

BANDER  un  arc  (  terme  a"  Architecture  )  ou  une  pla- 
te-bande ,  c'eft  en  affembler  les  voufîbirs  &  claveaux 
fur  les  cintres  decharpente,&  les  fermer  avec  la  clé. 

On  dit  aufti  bander  un  cable  ,  en  faifant  tourner  le 
treuil  d'un  gruau  ou  la  roue  d'une  grue  pour  élever 
une  pierre.  (  .P) 

Bander  une  voile  ;  c'eft  (  en  Marine  )  coudre  à  la 
voile  des  morceaux  de  toile  de  travers  ou  diagona- 
lement ,  afin  qu'elle  dure  plus  long-tems.  (Z  ) 

BANDER ,  v.  a£t.  en  terme  de  Bijoutier ,  c'eft  redref- 
fer  une  moulure ,  par  exemple  ,  en  la  bandant  au  banc 
fans  la  tirer  avec  violence.  Voye^  Banc. 

Bander  ,  v.  au.  en  terme  de  Pdtiffier,  c'eft  garnir 
une  tourte  de  plufieurs  petits  cordons  en  croix. 

BANDER  le  femple  ,  dans  les  Manufactures  en  foie  & 
boutiques  des  Pafjementiers  ,  c'eft  donner  aux  cordes 
du  femple  une  tenfion  telle  qu'on  puiffe  prendre  li- 
brement les  cordes  que  le  lacs  amené. 

Bander  ,  v.  n.  terme  de  Fauconnerie  ;  on  dit  de 
l'oifeau  qui  fe  tient  fur  les  chiens  faifant  la  creffe- 
relle  ,  cet  oifeau  bande  au  vent. 

Bander  une  balle  à  la  paume  ,  c'eft  enlever  une 
balle  en  mouvement  ou  arrêtée  ,  &  l'envoyer  dans 
les  filets. 

Bander  les  dames  au  trictrac ,  c'eft  les  charger  ou 
en  trop  mettre  fur  la  même  flèche.  Voye^ Flèche. 

*  Bander  ,  (  Géog.  )  ville  du  Mogoliftan  en  Afie , 
dans  le  royaume  &  fur  le  golfe  de  Bengale,  près  de 
Chatigan  ,  &c  à  l'embouchure  la  plus  orientale  du 
Gange. 

*  Bander-Abassi  ,  ou  Gomron  ,  (  Géog.  )  ville 
maritime  d'Afie  dans  la  province  de  Kerman  en  Per- 
fe  ,  fur  le  golfe  d'Ormus.  Long.  y5.  lat.  zj. 

*  Bander-Congo  ,  (  Géog.  )  ville  maritime  d'A- 
fie en  Perle ,  fur  le  golfe  Perlique ,  dans  la  province 
deFarfiftan. 

BANDIER  ,  terme  ufité  en  quelques  Coutumes,  dans 
la  même  fignification  que   banal.  Voye^  Banal. 

(#) 

B  ANDINS ,  f.  m.  pi.  (  en  Marine.  )  ce  font  les  lieux 
où  l'on  s'appuie  quand  on  eft  debout  dans  la  poupe, 
&  qui  fortent ,  outre  la  longueur  du  corps ,  d'environ 
une  toile  pour  foûtenir  avec  les  grandes  confolesune 
efpece  de  banc  fermé  par-dehors  de  petits  baluftres , 
qu'ils  nomment  jaloujîe  de  meflre  de  poupe ,  &  d'une 
pièce  figurée  à  jour  qu'ils  nomment  couronnement.  V. 
dans  la  Planche  III.  fig.  z.  la  lettre  C  qui  marque  les 
bandins.  (  Z  ) 

BANDO  ,  ou  AZMER  ,  voye{  Azmer. 

BANDOIR,  f.  m.  c'eft  ainii  que  les  Paffementiers 
appellent  le  bâton  qui  paffe  dans  la  noix  du  bandage 
du  battant.  Voye^  Bandage. 

BANDOULIERE ,  f.  f.  {Artmilit.)  eft  un  large 
baudrier  de  cuir  pafîé  par-deffus  l'épaule  droite ,  & 
pendant  en  bas  au-deffous  du  bras  gauche ,  porté  par 
les  anciens  moufquetaires  ,  tant  pour  foûtenir  leurs 
armes  à  feu ,  que  pour  le  port  de  leurs  cartouches  ; 
lefquelles  étant  mifes  dans  de  petits  étuis  de  bois  , 
couverts  de  cuir ,  étoient  pendues  au  nombre  de  1  x 
à  chaque  bandoulière. 

Le  mot  eft  originairement  François ,  bandouiller , 
formé  apparemment  de  bandoulier ,  une  forte  de  ban- 
dits infeftans  particulièrement  les  Pyrénées  ;  lefquels 
étoient  autrefois  diftingués  par  cette  pièce  de  four- 
niture ,  &  étoient  eux-mêmes  ainli  dénommés ,  quajî 
ban  de  voliers ,  un  bande  de  voleurs. 

Les  cavaliers  portent  encore  la  bandoulière  de  mê- 
me que  les  foldats.  Ces  bandoulines  font  de  buffle  : 


BAN 

celles  des  premiers  ont  deux  pouces  de  largeur,  & 
telles  des  autres  feulement  un  pouce  &  demi. 

Les  gardes  du  corps  du  Roi  portent  auffi  la  ban- 
doulière i  &c  lorfqu'ils  l'ont  à  cheval ,  ils  y  attachent 
leur  moufqueton  ou  leur  carabine.  Cette  bandoulière 
eft  toute  unie  &  fans  devife.  Le  fond  eft  d'argent , 
parce  que  la  couleur  blanche  a  toujours  été  la  cou- 
leur Françoife ,  foit  dans  les  drapeaux  ,  foit  dans  les 
écharpes:  c'eft  pourquoi  la  bandoulière  de  la  compa- 
gnie Ecoflbife ,  qui  eft  la  plus  ancienne ,  eft  de  blanc 
ou  d'argent  plein.  Quand  les  autres  compagnies  fu- 
rent inftituées  ,  on  ajouta  une  autre  couleur  à  cha- 
cune pour  les  diftinguer.  La  première  &  plus  an- 
cienne de  ces  compagnies,  dont  M.  le  duc  de  Ville- 
roy  eft  aujourd'hui  capitaine,  a  le  verd  ajouté  à  l'ar- 
gent ;  celle  dont  M.  le  duc  de  Luxembourg  eft  capi- 
taine ,  a  le  jaune  avec  l'argent  ;  &  celle  de  M.  le  duc 
de  Charoft  >  a  le  bleu  avec  l'argent.  Daniel ,  hijl.  de 
milice  Franqoife.  Ce  font  les  Ceinturiers  qui  font  & 
vendent  les  bandoulières.  (  Q  ) 

*  BANDURA ,  (  Hijl.  nat.  bot.  )  plante  Indienne 
qui  refTemble  à  la  gentiane  par  fa  graine  &  par  Ion 
fruit  ;  mais  particulièrement  remarquable  par  une 
gaine  &  follicule  qui  a  la  figure  d'un  pénis  ,  de  plus 
d'un  pié  de  long ,  &  plus  gros  que  le  bras.  Elle  eft 
attachée  à  l'arbre  ,  &  eft  à  moitié  pleine  d'une  li- 
queur agréable  à  boire.  Sa  racine  eft  aftringente  ;  fes 
feuilles  rafraîchiffent  &  humeftent  ;  le  fuc  qu'on 
en  tire ,  pris  intérieurement ,  peut  foulager  dans  les 
fièvres  ardentes  ;  &  appliqué  extérieurement ,  gué- 
rir les  éféfipeles  &  les  autres  éruptions  inflamma- 
toires. 

*  BANÉE,  (Géog.fainte.)  ville  de  la  Paleftine 
dans  la  tribu  de  Dan  fur  les  confins  de  celles  de  Juda 
&  de  Benjamin. 

*  BANGOR,  (Géog.  )  ville  d'Angleterre  dans  la 

{irincipauté  de  Galles  au  comté  de  Carnarvan ,  fur 
c  détroit  de  Menay,  vis-à-vis  l'île  d'Anglefey.  Long. 
13.  4.  lut.  53.  14- 

*  BANGUE  ou  chanvre  des  Indes ,  (Hijl.  nat.  bot.~) 
Acofta  dit  que  cette  plante  refTemble  beaucoup  à 
notre  chanvre  ;  que  fa  tige  eft  haute  de  cinq  palmes , 
quarrée ,  d'un  verd  clair  ,  difficile  à  rompre ,  &  moins 
creufe  que  celle  du  chanvre  ;  qu'on  peut  tiller ,  pré- 
parer &c  filer  fon  écorce,  &  qu'elle  a  la  feuille  du 
chanvre. 

Il  ajoute  que  les  Indiens  en  mangent  la  graine  & 
les  feuilles  pour  s'exciter  à  l'acte  vénérien. 

Prife  en  poudre  avec  l'areca ,  l'opium  &  le  fucre , 
elle  endort  ;  avec  le  camfre ,  le  macis ,  le  girofle  & 
la  mufeade,  elle  fait  rêver  agréablement;  avec  l'am- 
bre gris ,  le  mufe  &  le  fucre  en  élecluaire ,  elle  ré- 
veille. 

Elle  croît  dans  rindoftan  &  autres  contrées  des 
Indes  orientales. 

*  BANIALUCH  ou  B AGNALUC  ,  ville  de  laTur- 
qùie  en  Europe ,  capitale  de  la  Bofnie  ,  fur  les  fron- 
tières de  la  Dalmatie ,  proche  la  rivière  de  Setina. 
Long.  35.  20.  lut.  44.  20. 

BANIANS  ou  BANJANS ,  f.  m.  pi.  (Hijl.  ecdêf.) 
fecte  d'idolâtres  répandus  dans  l'Inde ,  mais  principa- 
lement dans  le  Mogol  &  dans  le  royaume  de  Cam- 
baye.  Us  croyent  qu'il  y  a  un  Dieu  créateur  de  l'u- 
nivers :  mais  ils  ne  laiflent  pas  que  d'adorer  le  dia- 
ble qui  eft  ,  difent-ils ,  créé  pour  gouverner  le  mon- 
de &  faire  du  mal  aux  hommes.  Ils  le  repréfentent 
fous  une  figure  effroyable  dans  leurs  mofquées  ,  oh 
leur  bramine  ou  prêtre  fe  tient  afîis  auprès  de  l'au- 
tel ,  &  fe  levé  de  tems  en  tems  pour  faire  quelques 
prières ,  &  marquer  au  front  ceux  qui  ont  adoré  le 
diable.  Il  leur  fait  une  marque  jaune  ,  en  les  frottant 
d'une  compofition  faite  d'eau  &  de  bois  de  fandal  > 
avec  un  peu  de  poudre  de  riz  broyé. 

Leur  dogme  principal  eft  la  métempfycofe  ;  auffi 
Tome  IL 


BAN 


59 


ils  ne  mangent  &  même  ils  ne  vendent  point  de 
chair  des  animaux,  de  poiftbn  ,  en  un  mot  de  tout 
ce  qui  a  eu  vie ,  dans  la  crainte  de  vendre  un  corps 
dans  lequel  pourrait  avoir  paffé  l'ame  de  leur  père. 
Us  fe  font  même  un  point  de  religion  &  un  très-grand 
mérite  de  délivrer  les  animaux  des  mains  de  ceux 
qui  veulent  les  tuer. 

La  purification  du  corps  eft  leur  cérémonie  la  plus 
effentielle  :  c'eft  pourquoi  ils  fe  lavent  tous  les  jours 
jufqu  aux  reins,  tenant  à  la  main  un  brin  de  paille 
que  le  bramine  leur  donne  pour  chaffer  le  malin  ef- 
prit  ;  &  pendant  cette  cérémonie  ,  le  bramine  les 
prêche.  Ils  regardent  tous  les  hommes  d'une  religion 
différente  de  la  leur  comme  impurs ,  &  craignent  tel- 
lement d'avoir  communication  avec  eux,  que  fi  ceux- 
ci  viennent  à  boire  dans  leur  tafTe  ou  fimplement  à 
la  toucher  ,  les  Banians  la  brifent  ;  &  qu'ils  tarri- 
roient  une  fontaine  ou  tout  autre  réfervoir ,  dans  le- 
quel un  Mahométan  ou  un  Juif,  &c.  fe  feraient  bai- 
gnés :  lors  même  qu'ils  fe  touchent  les  ims  les  au- 
tres ,  il  faut  qu'ils  fe  purifient  avant  que  d'entrer  chez 
eux,  de  manger,  &c.  Us  portent  pendue  à  leur  cou  , 
une  pierre  nommée  tamberan  ,  percée  par  le  milieu  , 
&  fufpendue  par  trois  cordons.  Cette  pierre  qui  eft 
de  la  grofleur  d'un  œuf,  repréfente  ,  difent-ils ,  leur 
grand  Dieu  ;  ce  qui  les  rend  fort  refpectables  à  la  plu- 
part des  Indiens.  Les  Banians  font  divifés  en  quatre- 
vingts-trois  caftes  ou  feftes  principales  ,  fans  comp- 
ter les  autres  moins  confidérables  qui  fe  multiplient 
prefqu'à  l'infini  ;  parce  qu'il  n'y  a  prefque  point  de 
famille  qui  n'ait  lès  fuperftitions  &  fes  cérémonies 
particulières.  Les  quatre  premières  feues  auxquelles 
toutes  les  autres  fe  rapportent  ,  font  celles  de  Ceu- 
rawath ,  de  Samarath ,  de  Brinow  ,  &  de  Gocghi. 
Voye{  Ceurawath  ,  Brinow  ,  &c.  Mandeflo ,  tom. 
II.  d'Olearius.   (G) 

m  *  BANISTERE ,  f.  f.  (  Hijl.  nat.  bot.  )  plante  Amé^ 
ricaine  dont  la  fleur  eft  en  papillon ,  &  fait  place  à 
une  femence  unie  ,  femblable  à  celle  de  l'érable. 
Millet  en  diftingue  cinq  efpeces  :  elles  aiment  les 
lieux  chauds ,  les  bois ,  &  s'attachent  aux  arbres  & 
aux  autres  plantes.  Quelques-unes  ont  quatre  à  cinq 
pies  de  haut  ;  d'autres  s'élèvent  à  huit,  dix  ,  douze  , 
quatorze.  Si  elles  ne  rencontrent  point  d'appui,  elles 
fe  rompent.  Les  trois  premières  efpeces  font  commu- 
nes dans  les  bois  de  la  Jamaïque  :  les  deux  autres  ont 
été  trouvées  aux  Indes  occidentales  ,  proche  Car- 
thagene. 

BANLIEUE,  terme  de  Jurifpr.  eft  une  lieue  à 
l'entour  de  la  ville  ,  au-dedans  de  laquelle  fe  peut 
faire  le  ban ,  c'eft-à-dire ,  les  proclamations  de  la 
ville  ,  &  jufqu'où  s'étend  l'échevinage  &  juftice 
d'icelle.  (H) 

*  BANNASSES ,  f.  f.  pi.  c'eft  ainfi  qu'on  appelle 
dans  les  Salines,  des  civières  dont  fe  fervent  les 
focqueurs  pour  porter  les  cendres  du  fourneau 
au  cendrier.  Voye^  Planche  IV.  Jîg.  28.  une  bannajfe. 
Cette  machine  n'a  pas  beibin  de  delcription. 

BANNE  ,  f .  f.  (  Commerce.  )  grande  toile  ou  cou- 
verture qui  fert  à  couvrir  quelque  chofe ,  à  la  ga- 
rantir du  lbleil ,  de  la  pluie  ou  autres  injures  de 
l'air. 

Les  marchandes  Lingeres  appellent  auifibanne  une 
toile  de  cinq  ou  fix  aunes  de  long  ,  &  d'environ  trois 
quarts  de  large ,  qu'elles  attachent  fous  l'auvent  de 
leur  boutique ,  &  qui  leur  fert  comme  de  montre. 

Banne  ,  qu'on  nomrr.e  auffi  manne  cv  mznnett: ,  eft 
un  grand  panier  d'ofier  fendu,  plus  long  que  large, 
&  de  peu  de  profondeur ,  qui  fert  à  embuher  certai- 
nes fortes  de  marchandifes. 

Banne  fe  dit  d'une  grande  toile  dont  on  couvre 
les  bateaux  de  grains  ou  de  drogues ,  d'épiceries  & 
d'autres  marchandifes ,  pour  les  prelcrver  du  mau- 
vais tems, 

H  ,i 


6o 


BAN 


BAN 


Banne  eft  encore  la  pièce  de  toile  que  les  rouliers 
&  autres  voituriers  par  terre  mettent  fur  les  balles , 
ballots  6c  cailles  qu'ils  voiturent,  pour  les  coni'erver. 

(G) 

Banne  ,  f.  f.  voiture  dont  on  fe  fert  pour  tranfpor- 
ter  le  charbon.  Elle  eiî  à  deux  roues  :  la  partie  anté- 
rieure de  fon  fond  s'ouvre  6c  fe  ternie  ;  fe  ferme  tant 
qu'on  veut  coni'erver  la  voiture  pleine  ;  s'ouvre  quand 
on  veut  la  vuider.  Ses  côtés  lont  revêtus  de  plan- 
ches ,  vont  en  s'évafant ,  6c  forment  une  efpece  de 
boîte  oblongue ,  plus  ouverte  par  le  haut  que  par  le 
bas ,  de  quatre  à  quatre  pies  &  demi  de  long  fur  deux 
pies  à  deux  pies  &  demi  de  large  par  le  bas  ,  &  trois 
pies  à  trois  pies  &  demi  de  large  par  le  haut ,  &  fur 
environ  deux  pies  de  hauteur  perpendiculaire.  Voyt\ 
PL  de  charbon ,  la  banne  ABCD,  &  le  développement 
de  fon  fond  6c  de  fon  derrière ,  EFGHIKLM. 

Banne.  Voye{  Bâche. 

BANNEAU  ,  eft  quelquefois  la  même  chofe ,  ou 
lin  diminutif  de  la  banne  ;  quelquefois  c'eft  une  me- 
fùre  des  liquides ,  &  quelquefois  un  vaifl'eau  propre 
a  les  tranfporter.  On  s'en  fert  de  cette  dernière  ef- 
pece pour  porter  la  vendange  ;  &  les  Vinaigriers  qui 
courent  la  campagne ,  ont  auffi  des  banneaux ,  dont 
deux  font  la  charge  d'un  cheval  :  ceux-ci  font  cou- 
verts par-defïïis ,  &  ont  en  bas  une  canclle  ou  robi- 
net pour  tirer  le  vinaigre.  Banneau  eft  auffi  le  nom 
de  tinettes  de  bois ,  qu'on  met  des  deux  côtés  d'un 
cheval  de  bât  ou  autre  bête  de  fommc  ,  pour  tranf- 
porter diverfes  fortes  de  marchandées  :  il  contient 
environ  un  minot  de  Paris. 

BANNERETS  ou  CHEVALIERS  BANNERETS, 
f.  m.  pi.  (  Hijl.mod.  &  Art.  mil.  )  étoient  autrefois  des 
gentilshommes  puiffans  en  terre  &  en  vaflaux ,  avec 
lefquels  ils  formoient  des  efpeces  de  compagnies  à 
la  guerre.  On  les  appelloit  bannerets,  parce  qu'ils 
avoient  le  droit  de  porter  bannière. 

Il  falloit  pour  avoir  cette  prérogative  ,  être  non- 
feulement  gentilhomme  de  nom  6c  d'armes  ,  mais 
avoir  pour  vaft'aux  des  gentilshommes  qui  fuiviffent 
la  bannière  à  l'armée  fous  le  commandement  du  ban- 
neret.  Ducange  cite  un  ancien  cérémonial  manuf- 
crit ,  qui  marque  la  manière  dont  fe  faifoit  le  cheva- 
lier banneret,  &c  le  nombre  d'hommes  qu'il  devoit 
avoir  à  fa  fuite. 

«  Quand  un  bachelier  ,  dit  ce  cérémonial ,  a  gran- 
»>  dément  fervi  &  fuivi  la  guerre  ,  6c  que  il  a  terre  af- 
»  fez  ,  &  qu'il  puifle  avoir  gentilshommes  fcs  hom- 
»  mes  &  pour  accompagner  fa  bannier» ,  il  peut  lici- 
»  tement  lever  bannière ,  &  non  autrement  ;  car  nul 
»  homme  ne  doit  lever  bannière  en  bataille  ,  s'il  n'a 
»  du  moins  cinquante  hommes  d'armes,  tous  l'es  hom- 
»  mes  &:  les  archiers ,  6c  les  arbeleftriers  qui  y  ap- 
»  partiennent  ;  &  s'il  les  a ,  il  doit  à  la  première  ba- 
»  taille  où  il  fe  trouvera  ,  apporter  un  pennon  de  fes 
»  armes ,  &  doit  venir  au  connétable  ou  aux  maré- 
»  chaux,  ou  à  celui  qui  fera  lieutenant  de  l'oit ,  pour 
»  le  prince  requérir  qu'il  porte  bannière;  &  s'ils  lui 
m  odroyent ,  doit  fommcr  les  hérauts  pour  témoigna- 
»>  ge ,  &  doivent  couper  la  queue  du  pennon ,  &c. 
»  Voye^  Pennon  ».  Lors  des  chevaliers  bannerets,  le 
nombre  de  la  cavalerie  dans  les  armées  s'exprimoit 
par  celui  des  bannières  ,  comme  il  s'exprime  aujour- 
d'hui par  celui  des  efeadrons. 

Les  chevaliers  bannerets  ,{\\wàvA  le  P.  Daniel ,  ne 
paroilTcnt  dans  notre  hiftoire  que  fous  Philippe- Au- 
gufte.  Ils  fubtirterent  jufqu'à  la  création  des  compa- 
gnies d'ordonnance  par  Charles  VII.  alors  il  n'y  eut 
plus  de  bannières ,  ni  de  chevaliers  bannerets  :  toute 
la  gendarmerie  fut  mife  en  compagnies  réglées.  Voy. 
Compagnies  d'ordonnance  &  Hommes  d'ar- 
mes ;  voye~  auffi  NOBLESSE.   (Q) 

BANNETON  ,  f,  m.  che^  les  Boulangers,  eft  une 
efpece  de  panier  d'ofier  fans  ances ,  rond ,  &  revêtu 


en-dedans  d'une  toile.  On  y  met  lever  le  pain  rond. 
yoyw  Planche  du  Boulanger  ,fig.  J. 

Banneton  ,  eft  une  efpece  de  cofre  fermant  à 
clé ,  que  les  pêcheurs  conftruifent  fur  les  rivières 
pour  y  pouvoir  garder  leur  poiftbn.  Il  eft  percé  dans 
l'eau  &  fert  de  réfervoir.  On  dit  auffi  bafcule  ou  bou- 
tique. 

BANNETTE,  efpece  de  panier,  fait  de  menus 
brins  de  bois  de  châtaignier ,  fendus  en  deux  6c  en- 
trelacés les  uns  dans  les  autres ,  qui  fert  à  mettre  des 
marchandées  pour  les  voiturer  6c  tranfporter.  Sou- 
vent on  fe  fert  de  deux  bannettes  pour  les  marchandi- 
fes  qui  font  un  peu  de  conféquence  :  on  en  met  une 
deflbus ,  &  l'autre  deffiis  qu'on  nomme  la  coeffè  ; 
quelquefois  on  ne  fe  fert  que  d'une  bannette  avec 
une  toile  par-deffiis. 

Bannette  ,  eft  encore  un  terme  ufité  parmi  les 
Boucaniers  François ,  pour  lignifier  un  certain  nom- 
bre de  peaux  de  taureaux ,  bouvarts  ,  vaches ,  &c. 
La  bannette  contient  ou  deux  taureaux ,  ou  un  tau- 
reau &  deux  vaches ,  ou  quatre  vaches ,  ou  trois  bou- 
varts, autrement  trois  jeunes  taureaux.  On  appelle 
ces  cuirs  bannettes  ,  à  caufe  de  la  manière  dont  ils  font 
plies. 

BANNIE ,  f.  f.  fignifie  en  quelques  coutumes ,  pu- 
blication. On  dit  en  Normandie  banon  dans  le  même 
fens. 

Banni  fe  dit  auffi  dans  quelques  coutumes  adjec- 
tivement ,  6c  fignifie  publié  ou  crié  en  juftice.  C'eft  en 
ce  fens  qu'on  dit ,  une  terre  bannie ,  une  efpave  ban' 
nie.  (#) 

*  BANNIERES  ,{.£.(  Jurifpr.  )  regiftres  diftin- 
gués  de  ceux  des  audiences  ,  pour  l'enregiftrement 
de  toutes  les  ordonnances  &  lettres  patentes  adref- 
fées  au  Châtelet ,  &  pour  tous  les  autres  aâes  dont 
la  mémoire  doit  être  confervée  à  la  poftérité.  Ils  ont 
été  commencés  en  1461  par  Robert  d'Etouteville  > 
prévôt  de  Paris  :  on  les  a  continués  ;  on  en  étoit  en 
1722  au  treizième  volume.  C'eft  l'une  des  attribu- 
tions du  greffier  des  Infinuations ,  qui  a  été  créé  de- 
puis ce  tems  ,  d'en  être  le  dépofitaire  6c  d'en  déli- 
vrer des  expéditions. 

Bannière  ,f.  f.  terme  de  Marine.  Voy.  Pavillon. 
Le  mot  de  bannière  n'eft  en  ufage  que  dans  quelques 
cantons  de  la  Méditerranée ,  où  l'on  dit  la  bannière 
de  France ,  la  bannière  de  Venife ,  pour  dire  le  pavil- 
lon de  France ,  le  pavillon  de  Venife.  Mettre  les  per- 
roquets en  bannière.  Voye^  PERROQUET.  (■£) 

BANNIMUS  ,  (  Hijl.  mod.  )  mot  de  la  balTe  La- 
tinité, qui  exprime  dans  l'umverlité  d'Oxford  l'ex- 
puliîon  d'un  membre  qui  a  mérité  cette  peine.  On 
affichoit  dans  un  carrefour  ou  autre  endroit  public , 
la  fentence  d'expullion,  à  ce  que  nul  n'en  prétendît 
caufe  d'ignorance.  (  G  ) 

BANNISSEMENT  ,  f.  m.  (  Jurifprud.  )  eft  un  exil 
ordonné  par  un  jugement  en  matière  criminelle ,  con- 
tre un  acculé  convaincu. 

Le  bannijfement  eft  ou  perpétuel  ou  à  tems. 

Lorfqu'iî  eft  perpétuel ,  il  équivaut  à  la  déporta- 
tion qui  étoit  en  ufage  chez  les  Romains  ;  il  emporte 
la  mort  civile  ,  &  conféquemment  confifeation  de 
biens. 

Mais  quand  il  n'eft  qu'à  tems ,  il  répond  à  peu  près 
à  la  relégation  des  Romains  ;  il  ne  fait  point  perdre 
au  banni  les  droits  de  citoyen ,  6c  n'emporte  point  la 
confifeation  de  fes  biens. 

La  peine  du  banni ,  cjui  ne  garde  point  fon  ban ,  eft 
la  condamnation  aux  galères.  (H) 

*  BANNOCHBURN  oaBANNOCHRON  (£<%.) 
petite  ville  d'Ecofte  ,  à  deux  milles  de  Sterling  ,  lùr 
une  rivière  de  même  nom. 

BANQUE  ,  {.(.{  Commerce.  )  nous  réunirons  fous 
ce  titre  pluiieurs  expreffions  6l  termes  de  commerce 


BAN 

ufités  dans  le  trafic  de  la  banque ,  comme  avoir  un 
compte  en  banque  ,  avoir  crédit  en  banque  ,  ouvrir  un 
compte  en  banque  ,  donner  crédit  en  banque  ,  écrire  une 
partie  en  banque  ,  créditer  quelqu'un  en  banque ,  écritures 
de  banque. 

Avoir  un  compte  en  banque  ,  c'eft  y  avoir  des  fonds 
&  s'y  faire  créditer  ou  débiter  ,  félon  qu'on  veut  fai- 
re des  payemens  à  fes  créanciers  en  argent ,  ou  en 
recevoir  de  fes  débiteurs  en  argent  de  banque,  c'eft- 
à-dire  ,  en  billets  ou  écritures  de  banque. 

Avoir  crédit  en  banque ,  c'eft  être  écrit  fur  les  livres 
de  la  banque,  comme  ion  créancier  ;  Scy  avoir  débit, 
c'eft  en  être  débiteur. 

Ouvrir  un  compte  en  banque ,  c'eft  la  première  opé- 
ration que  font  les  teneurs  de  livres  d'une  banque , 
lorfque  les  particuliers  y  portent  des  fonds  pour  la 
première  fois. 

Donner  crédit  en  banque  ;  c'eft  charger  les  livres  de 
la  banque  des  fommes  qu'on  y  apporte ,  enforte  qu'on 
fait  débiter  fa  caiffe  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'on  la  rend  dé- 
bitrice à  ceux  qui  y  dépofent  leur  tonds. 

Ecrire  une  partie  en  banque  ;  c'eft  faire  enregiiîrer 
\lans  les  livres  de  la  banque ,  le  tranlport  mutuel  qui 
ié  fait  par  les  créanciers  &  les  débiteurs  des  fom- 
mes ou  de  portions  des  fommes  qu'ils  ont  en  ban- 
que, ce  qu'on  appelle  virement  de  parties.  Foye^S i- 
EEMENT. 

Créditer  quelqu'un  en  banque  ,  c'eft  le  rendre  créan- 
cier de  la  banque  ;  le  débiter ,  c'eft  l'en  rendre  débi- 
teur. 

Ecritures  de  banque  ;  ce  font  les  diverfes  fommes 
pour  lefquelles  les  particuliers  ,  marchands  ,  négo- 
cians  &  autres,  le  font  fait  écrire  en  banque. 

BANQUE  d'emprunt,  en  Hollandois  bankvanleenin- 
ge  ;  c'eft  une  eipece  de  mont  de  piété  établi  à  Amf- 
terdarn ,  où  l'on  prête  de  l'argent  aux  particuliers  qui 
en  ont  befoin  ,  moyennant  qu'ils  y  dépofent  des  ga- 
ges pour  la  fureté  des  fommes  prêtées  ,  &  qu'ils 
payent  l'intérêt  réglé  à  tant  par  mois  par  les  bour- 
guemeftres  ou  échevins  ;  c'eft  ce  qu'on  appelle  plus 
communément  la  mai/on  des  lombards  ,  ou  le  lom- 
bard. Foyei  Lombard. 

Banque  (  Commerce.  )  fe  dit  encore  de  certaines 
fociétés ,  villes  ou  communautés  ,  qui  fe  chargent  de 
l'argent  des  particuliers  pour  le  leur  faire  valoir  à 
gros  intérêts ,  ou  pour  le  mettre  en  fureté. 

11  y  a  plufieurs  efpeces  de  banques  établies  dans  les 
plus  grandes  villes  commerçantes  de  l'Europe,  com- 
me à  Venife  ,  Amfterdam ,  Rotterdam  ,  Hambourg , 
Londres ,  Paris  ,  &c. 

On  peut  voir  ce  que  nous  avons  dit  fous  le  mot 
Banco,  de  celle  de  Venife,  fur  le  modèle  de  laquelle 
les  autres  ont  été  formées ,  &  dans  le  Diclwnnaire  du 
Commerce  ,  de  Savary ,  les  détails  dans  lelquels  il  en- 
tre fur  les  banques  d'Amlïerdam  &  de  Hambourg  , 
aufîi-bicn  que  fur  celle  qui  fut  érigée  en  France  en 
1716  ,  par  le  fieur  LaW  &  compagnie  ,  fous  le  nom 
de  banque  générale  ,  convertie  en  banque  royale  en 
1718  ,  &  dont  les  billets  ,  qui  avoient  monté  à  la 
fomme  de  deux  milliards  fix  cens  quatre-vingts-ieize 
millions  quatre  cents  mille  livres  ,  furent  fupprimés 
par  arrêt  du  confeil  du  io  Oâobre  1720.  Nous  ne 
parlerons  ici  que  de  la  banque  royale  d'Angleterre  &  de 
la  banque  royale  de  Paris  ,  fur  le  pie  qu'elles  fubfiltent 
aujourd'hui ,  &  ce  que  nous  en  dirons  eft  emprunté 
du  même  auteur. 

Banque  royale  d'Angleterre  ;  elle  a  les  mêmes  offi- 
ciers que  l'échiquier.  Voye^  Échiquier.  Le  parle- 
ment en  eft  garant  ;  c'eft  lui  qui  affigne  les  fonds  né- 
ceffaires  pour  les  emprunts  qu'elle  tait  fur  l'état. 

Ceux  qui  veulent  mettre  leur  argent  à  la  banque 
en  prennent  des  billets ,  dont  les  intérêts  leur  (ont 

ayés  ,  jufqu'au  jour  du  rembourfement ,  à  raifon  de 
ix  pour  cent  par  an. 


BAN 


61 


Les  officiers  de  la  banque  royale  font  publier  de  tems 
en  tems  les  payemens  qu'ils  doivent  faire  ,  &  pour 
lors  ceux  qui  ont  befoin  de  leur  argent  le  viennent 
recevoir.  Il  eft  cependant  permis  aux  particuliers  d'y 
laitier  leurs  fonds  ,  s'ils  le  jugent  à  propos  ,  &  les  in- 
térêts leur  en  font  continués  fur  le  même  pié  de  fix 
pour  cent  par  an» 

Comme  il  n'y  a  pas  toujours  des  fonds  à  la  banque 
pour  faire  des  payemens ,  ceux  qui ,  dans  le  tems  que 
la  caiffe  de  la  banque  eft  fermée  ,  ont  befoin  de  leur 
argent,négocient  leurs  billets  à  plus  ou  moins  de  per- 
te ,  fuivant  le  crédit  que  ces  papiers  ont  dans  le  pu- 
blic ,  ce  qui  arrive  ordinairement  fuivant  les  circonf- 
tances  ÔC  le  bon  ou  mauvais  fuccès  des  affaires  de 
l'état. 

Banque  royale  de  Paris  eft  celle  qui  fut  établie  en 
cette  ville  par  arrêt  du  confeil  du  4  Décembre  1718, 
dont  le  fonds  ne  pouvoit  paffer  fix  cens  millions.  On 
appelloit  en  France  bureaux  de  la  banque  royale ,  les 
lieux  où  fe  faifoient  les  diverfes  opérations  de  cette 
banque,  les  payemens  &  les  viremens  de  parties ,  foit 
en  débit,  foit  en  crédit,  pour  ceux  qui  y  avoient  des 
comptes  ouverts.  Les  principaux  de  ces  bureaux, 
après  ceux  de  Paris ,  furent  placés  à  Lyon ,  à  la  Ro- 
chelle ,  Tours  ,  Orléans ,  &  Amiens.  Il  y  avoit  deux 
caiffes  dans  chaque  bureau  ;  l'une  en  argent  pour 
acquitter  à  vue  les  billets ,  &  l'autre  en  billets  pour 
fournir  de  l'argent  à  ceux  qui  en  demandoient. 

«  Dans  les  états  qui  font  le  commerce  d'œcono- 
»  mie  ,  dit  l'auteur  de  Yefprit  des  Loix  ,  on  a  heureu- 
»  fement  établi  des  banques  qui ,  par  leur  crédit  ,  ont 
»  formé  de  nouveaux  lignes  des  valeurs  :  mais  on 
»  auroit  tort  de  les  tranfporter  dans  les  états  qui  font 
»  le  commerce  du  luxe.  Les  mettre  dans  des  pays 
»  gouvernés  par  un  feul ,  c'eft  fuppolêr  l'argent  d'un 
»  côté  &  de  l'autre  la  puiffance  ,  c'eft-à-dire ,  la  fa- 
»  culte  de  tout  avoir  fans  aucun  pouvoir ,  &  de  l'au- 
»  tre  le  pouvoir  fans  aucune  faculté  ».  Efprit  des 
Loix  ,  tom.  II.  pag.  y. 

Les  compagnies  &  les  banques  achèvent  d'avilir 
l'or  &  l'argent  dans  leur  qualité  de  figne,  en  multi- 
pliant par  de  nouvelles  fictions ,  les  repréfentations 
des  denrées. 

Banque,  trafic  ,  commerce  d'argent  qu'on  fait  re- 
mettre de  place  en  place  ,  d'une  ville  à  une  autre  , 
par  des  correfpondans  &  commiffionnaires  ,  par  le 
moyen  des  lettres  de  change. 

Le  mot  banque  vient  de  l'Italien  banca  ,  formé  de 
l'Efpagnol  banco ,  un  banc  fur  lequel  étoient  alfis  les 
changeurs  ,  ou  banquiers ,  dans  les  marchés  ou  pla- 
ces publiques  ,  ou  d'une  table  fur  laquelle  ils  comp- 
toient  leur  argent ,  &  qu'on  nomme  auifi  en  Efpa- 
gnol  banco.  Guichard  fait  venir  le  nom  de  banque  du 
Latin  abacus  ,  table  ,  buffet.  Voye^  ABAQUE. 

Il  n'eft  pas  néceffaire  en  France ,  d'être  marchand 
pour  faire  la  banque  ;  elle  eft  permife  à  toutes  fortes 
de  perfonnes ,  même  aux  étrangers.  En  Italie ,  le  com- 
merce de  la  banque  ne  déroge  point  à  la  nobleffe , 
particulièrement  dans  les  républiques. 

Un  négociant  qui  fait  la  banque  ,  &  qui  veut  avoir 
de  l'ordre  ,  doit  tenir  deux  livres  principaux  ;  l'un  , 
appelle  livre  des  traites  ,  pour  écrire  toutes  les  lettres 
de  change  qu'il  tire  fur  fes  correfpondans  ;  &  l'autre, 
nommé  livre  des  acceptations ,  fur  lequel  il  doit  écrire 
par  ordre  de  date  ,  les  lettres  de  change  qu'il  eft  obli- 
gé d'acquitter ,  en  marquant  le  nom  du  tireur  ,  la 
fomme  ,  le  tems  de  l'échéance  &  les  noms  de  ceux 
qui  les  lui  ont  préfentées. 

Banque  ,  fe  dit  aufîi  du  lieu  où  les  banquiers  s'af- 
fcmblent  pour  exercer  leur  trafic  ou  commerce  ;  on 
nomme  ce  lieu  différemment,  lelon  les  pays:  à  Pa- 
ris ,  c'eft  la  place  du  change  ;  à  Lyon  ,  le  change  ;  A 
Londres  &  à  Rouen  ,  la  bourfe  ;  à  Marfeille  ,  la  lo- 
g',!kç.(G) 


62  BAN 

Banques  à  fil;  ce  font  des  greniers  furies  fron- 
tières de  la  Savoie  ,  voifines  de  la  France ,  où  l'on 
débite  du  fel  aux  faux-fauniers  François ,  à  raifon  de 
ouatre  fous  la  livre  ,  argent  de  France ,  poids  de  Ge- 
nève ,  qui  eft  de  dix-huit  onces  à  la  livre ,  pendant 
que  les  Savoyards  le  payent  quatre  fous  de  Piémont. 
La  livre  de  Piémont  n'eft  que  de  douze  onces  ,  ce  qui 
fait  neuf  deniers  de  plus  fur  l'argent ,  &  un  tiers  fur 
le  poids ,  qui  vaut  un  fou  fept  deniers  ,  c'eft-à-dire  , 
deux  fous  quatre  deniers  fur  le  tout  ;  ainli  la  différence 
eft  de  plus  de  moitié.  C'eft  une  des  fuites  des  traités 
par  lefquels  la  France  s'eft  obligée  à  fournir  à  la  Sa- 
voie jufqu'à  la  concurrence  de  45  à  50  mille  minots 
conduits  &  rendus  dans  les  différens  endroits  indi- 
qués par  les  traités. 

La  France  fournit  encore  5000  quintaux  de  fel  de 
Peccais  à  la  ville  de  Genève  ,  6000  à  la  ville  de  Va- 
lais ,-&  1 512  à  la  ville  de  Sion  :  mais  aucun  de  ces 
pays  ne  fait ,  du  bienfait  du  roi ,  un  ufage  contraire 
à  fa  destination ,  &  les  quantités  fe  confomment  dans 
le  pays ,  foit  par  befoin ,  foit  par  bonne-foi. 

BANQUE  ,  fe  dit  che{  les  Imprimeurs  ,  du  payement 
qu'on  fait  du  travail  aux  ouvriers  de  l'Imprimerie  ; 
le  ]our àzlz  banque  eft  le  famedi  :  on  entend  auffi 
par  banque ,  la  fomme  entière  que  chaque  ouvrier 
reçoit. 

BANQUE  -,  cke{  les  Paffementiers  ,  eft  l'inftrument 
propre  à  porter  les  rochets ,  ou  bobines  ,  pour  our- 
dir :  il  y  a  des  banques  de  plufieurs  fortes  ;  les  unes  , 
outre  cet  ufage  ,  ont  encore  celui  de  pouvoir  fervir 
de  plioir  ;  d'autres  reflemblent  affez  à  ces  porte- 
vailfelles  appelles  drefoirs,  &  ont ,  ou  peuvent  avoir, 
double  rang  de  broches  ;  les  premières  auroient  auffi 
cet  avantage  fi  on  perçoit  des  trous  parallèles  dans 
la  largeur  des  trois  petites  planchettes  qui  font  vues 
droites  dans  nos  planches  de  Paffementerie ,  où  font 
repréfentées  les  deux  fortes  de  banques  dont  nous  ve- 
nons de  parler.  En  pratiquant  ces  trous  parallèles , 
on  auroit  la  facilité  de  mettre  tant  de  rochets  en  ban- 
que que  l'on  voudrait.  On  a  ,  dans  les  mêmes  plan- 
ches ,  une  troifieme  forte  de  banque  ;  c'eft  une  eipece 
de  poteau  quarré  dont  la  largeur  n'elt  pas  ablolu- 
ment  déterminée  ,  puifque  fi  l'on  vouloit  y  mettre 
deux  rangs  de  broches ,  il  faudroit  qu'il  fût  plus  épais 
que  lorfqu'il  n'y  en  auroit  qu'un  rang  ;  on  tait  entrer 
dans  ce  poteau  le  bout  pointu  de  ces  broches  ,  de 
forte  qu'elles  y  demeurent  invariables  :  on  les  place 
parallèlement  les  unes  aux  autres  ;  on  en  peut  met- 
tre tant  qu'il  en  pourra  tenir ,  en  laifiant  toutefois 
une  diftance  telle  que  les  bords  des  deux  rochets  ne 
le  puiflent  toucher  ;  fans  cette  précaution  ils  s'empôr 
cheroient  mutuellement  de  fe  mouvoir  ,  ou  met- 
traient au  moins  les  foies  en  danger  de  carier.  Dans 
le  cas  où  ces  bords  de  rochets ,  ou  bobines  ,fe  trou- 
veraient trop  hauts  ,  &C  que  ce  frottement  tàt  inévi- 
table ,  il  faudrait  pour  lors  efpacer  davantage  les 
broches  les  unes  des  autres  ,  en  laifiant  une  place 
vuide  entre  deux  ,  on  trouverait  ainfi  l'eipace  dont 
on  avoit  befoin  :  mais  à  quoi  bon  cette  grande  quan- 
tité de  broches,dira-t-on  ?  lorfqu'on  aura  lu  à  l'article 
Ourdir  ,  que  l'on  n'ourdifloit  qu'avec  feize  rochets  ; 
il  ne  faut  donc  ,  continuera-t-on  ,  que  feize  broches , 
ou  tout  au  plus  trente-deux ,  ce  qui  n'expofera  plus 
au  frottement  qu'on  craignoit.  Quoique  la  règle  gé- 
nérale foit  d'ourdir  à  feize  rochets ,  ou  tout  au  plus 
à  trente-deux  ,  comme  le  pratiquent  plufieurs  ou- 
vriers qui  par-là  avancent  plus  vite  de  moitié ,  façon 
de  travailler  qui  doit  être  peu  fuivie  ,  parce  qu'il  elt 
bien  plus  difficile  de  veiller  fur  trente-deux  rochets 
que  fur  feize ,  &  par  conféquent  plus  facile  d'échap- 
per un  brin  ,  ou  même  plufieurs  qui  viennent  à  caf- 
iér  :  je  n'en  ferai  pas  moins  pour  la  quantité  de  bro- 
ches à  cette  banque  ;  car  au  même  article  Ourdir  , 
ii  l'endroit  où  il  elt  queltion  des  rubans  rayés  ,  on 


BAN 

voit  qu'il  faut ,  fuivant  le  befoin  ,  changer  de  cou: 
leur.  En  f  uppoiant  qu'on  eût  quatre  couleurs  à  em- 
ployer ,  &  qu'il  y  eut  foixante-quatre  broches  à  la 
banque  ,  on  auroit  quatre  couleurs  fous  la  main  tou- 
tes fois  qu'il  faudroit  qu'on  en  changeât  :  d'abord 
deux  fur  la  même  face  ,  ayant  feize  broches  de  cha- 
que côté  ,  puis  en  retournant  la  banque ,  encore  deux 
autres.  On  voit  que  ces  broches  ne  font  pas  pofées 
herilbntalement ,  mais  qu'au  contraire  le  bout  exté- 
rieur eft  plus  élevé  que  l'autre  ,  en  voici  la  raifon  : 
fi  les  broches  étoient  parallèles  à  l'horifon ,  les  ro- 
chets ,  par  la  vîtefle  avec  laquelle  ils  fe  meuvent , 
(  car  il  faut  qu'ils  faffent  bien  des  tours  pendant  que 
le  moulin  de  l'ourdifibir  n'en  fait  qu'un  )  feroient  en 
danger  de  s'échapper  des  broches  ,  inconvénient  que 
l'on  évite  par  l'inclinaifon  des  broches  :  étant  ainfi 
placées  ,  il  elt  bon  d'ajufter  à  chacune  un  moule  de 
bouton  ,  qui ,  par  fa  convexité  ,  empêchera  que  le 
rochet  ne  frotte  en  tant  de  parties  contre  la  face  plat- 
te  du  poteau  ;  la  planche  d'en  bas  ,  qui  lui  fert  de 
bafe ,  eft  revêtue  des  quatre  côtés  de  triangles  ,  ce 
qui  la  rend  propre  à  contenir  les  rochets  ,  vuides  ou 
pleins  ,  qu'on  y  veut  mettre. 

Banque  ,  partie  du  bois  de  métier  d'étoffe  de  foie. 
C'eft  un  plateau  de  noyer  de  deux  pouces  environ 
d'épaiffeur ,  d'un  pié  de  largeur ,  Se  deux  pies  de 
long ,  dans  lequel  eft  enclavé  le  pié  de  devant  le  mé- 
tier ;  ce  plateau  fert  à  repofer  les  navettes  pendant 
que  l'ouvrier  cefTe  de  travailler ,  &  il  retient  le  te- 
nant de  l'enfuple  de  devant.  Verya^  à  ^article  Ve- 
lours ciselé  y  l'explication  détaillée  des  pièces  du 
métier. 

Banque  ,  (  en  terme  de  Tabletier  Corneder.  )  eft  une 
efpece  de  banc  triangulaire  &  à  trois  pies,  fur  lequel 
l'ouvrier  en  peignes  travaille  à  califourchons ,  &  qui 
a  les  mêmes  parties ,  &  le  même  ufage  que  l'âne. 
Voye^  Ane  ,  machine  ,  defeription  &  figure. 

Banque,  (Commerce.')  c'eft  ainfi  qu'on  nomme 
à  certains  jeux  ,  comme  à  celui  du  commerce  ,  les 
cartes  qui  reftent  après  qu'on  en  a  donné  à  tous  les 
joueurs  le  nombre  qu'exige  le  jeu.  La  banque  s'ap- 
pelle à  d'autres  jeux,  talon,  ou  fond.  Voye^  Talon 
&  Fond. 

BANQUE ,  adj.  (  en  Marine.  )  quelques-uns  appel- 
lent ainfi  un  navire  qui  va  pêcher  la  morue  fur  le 
grand  banc. 

On  dit  auflî  qu'on  eft  banque,  pour  dire  qu'on  eft 
fur  le  grand  banc  ;  &  debanqué ,  lorfqu'on  a  quitté  le 
banc. 

BANQUEROUTE  ,  f .  f .  (  Commerce.  )  eft  l'aban- 
donnement  qu'un  débiteur  fait  de  tous  fes  biens  à  fes 
créanciers  pour  caufe  d'infolvabilité  vraie  ou  feinte  ; 
car  il  y  a  deux  fortes  de  banqueroutes ,  la  banqueroute 
forcée  ,  &  la  frauduliufe. 

La  banqueroute  forcée ,  qu'on  appelle  plus  propre- 
ment faillite ,  eft  celle  que  fait  néceflairement  un 
Marchand  pour  raifon  des  pertes  qui  l'ont  rendu  in* 
folvable.  Voye^  Faillite. 

La  banqueroute  volontaire  ou  frauduleufe  ,  qu'on  ap- 
pelle auffi  Simplement  banqueroute ,  eft  celle  qui  le 
fait  avec  fraude  &  malice  ;  l'infolvabilité  du  débiteur 
n'étant  qu'apparente,  &  les  effets  qu'il  abandonne  à 
fes  créanciers  n'étant  qu'une  partie  de  fon  bien  , 
dont  il  s'eft  réfervé  le  refte. 

La  banqueroute  frauduleufe  eft  mife  au  rang  des  cri- 
mes :  mais  ce  crime  demeure  fouvent  impuni,  parce 
que  les  créanciers  aiment  mieux  traiter  avec  le  ban- 
queroutier ,  &c  lui  faire  des  remués  ,  que  de  perdre 
toute  leur  dette  ;  &  dès  qu'ils  font  d'accord ,  la  juf- 
tice  ordinairement  ne  s'en  mêle  plus.  Voye^  la  peine 
que  les  lois  décernent  pour  la  banqueroute  frauduleufe 
au  mot  Banqueroutier.  {H) 

BANQUEROUTIER,  f.  m.  QÇmmerce.) eu  la 


BAN 

qualification  d'un  marchand,  banquier,  ou  autre 
particulier  qui  a  fait  banqueroute. 

Toutes  les  ordonnances  prononcent  la  peine  de 
mort  contre  les  banqueroutiers  :  mais  dans  Pillage  elles 
ne  font  point  exécutées  ;  on  fe  contente  pour  l'ordi- 
naire de  les  attacher  au  pilori ,  &  de  les  envoyer  en- 
fuite  aux  galères.  (H) 

BANQUET,  f.  m.  (  entermesde  coutumes.')  s'eft  dit 
autrefois  du  repas  qu'un  vaffal  étoit  obligé  de  four- 
nir à  fon  feigneur  une  ou  plusieurs  fois  l'année.  (H) 
Banquet  ,  on  appelle  ainfi  (en  Manège  &  che^  les 
Eperonniers.)la  petite  partie  delà  branche  de  la  bride 
qui  eft  au- défions  de  l'œil ,  qui  eft  arrondie  comme 
une  petite  verge ,  afiemble  les  extrémités  de  l'em- 
bouchure avec  la  branche ,  &  eft  cachée  fous  le  cha- 
peron ou  le  fonceau.  Voyt^  Chaperon,  Fonceau, 
&c.  Ligne  du  banquet ,  eft  une  ligne  imaginaire  que 
les  éperonniers  en  forgeant  un  mors  tirent  le  long 
du  banquet ,  &  qu'ils  prolongent  de  part  &  d'autre  de 
haut  en  bas ,  pour  déterminer  la  force  ou  la  toiblefle 
qu'ils  veulent  donner  à  la  branche  pour  la  rendre 
hardie  ou  flafque.  La  branche  fera  hardie  ,  fi  le  trou 
du  touret  eft  au-delà  de  la  ligne  du  banquet ,  à  l'égard 
de  l'encolure  ;  &  elle  fera  flafque  ou  foible ,  fi  le 
trou  du  touret  eft  au-deçà  de  cette  ligne  à  l'égard  de 
l'encolure.  Voye\  B.fig.  22.  PI-  de  C  Eperonnier.Voye^ 
Branche  ,  Touret  ,  &c.  (  F") 

BANQUETTE  ,  f.  f.  (en  architecture.)  eft  un  petit 
chemin  relevé  pour  les  gens  de  pié  le  long  d'un 
cfuai  ou  d'un  pont ,  &  même  d'une  rue  ,  à  côté  du 
chemin  des  chariots  &  voitures ,  comme  les  banquet- 
tes du  cours  à  Rome ,  &  celle  du  pont-neuf,  du  pont- 
royal  ,  6c  d'autres  à  Paris.  Les  Romains  appelloient 
decurforia  ,  toutes  fortes  de  banquettes. 

On  appelle  aufîi  banquettes ,  des  appuis  de  pierre 
de  14  pouces  de  hauteur  ,  pratiqués  dans  l'épaiffeur 
des  croifées  &  dans  l'intérieur  des  appartemens  ;  on 
s'y  affied,  &  ils  reçoivent  en  dehors  des  balcons  de 
fer ,  dont  la  hauteur  réunie  avec  la  banquette  de  pierre, 
doit  être  celle  du  coude  pour  s'y  appuyer  commo- 
dément. Voye{_  Appui. 

Banquette  eft  encore  le  balcon  qui  pofe  fur  cet  ap- 
pui ;  le  nom  de  balcon  ne  fe  donnant  qu'à  ceux  qui 
occupent  toute  îa  hauteur  depuis  le  defTus  du  par- 
quet jufques  au  fommet  defdits  balcons.  (P) 

BANQUETTE,  (en  terme  de  Fortification.  )  eft  une 
efpece  de  petit  degré  de  terre  que  l'on  conftruit  fur 
le  rempart  des  ouvrages  &  fur  le  chemin  couvert  au 
pié  du  côté  intérieur  du  parapet  :  il  fert  à  élever  le 
foldat  pour  qu!  il  puifîe  tirer  par-deffus  le  parapet. 

La  banquette  a  ordinairement  3  ou  4  pies  de  lar- 
geur, avec  untalud  de  même  étendue  ;  elle  eft  éle- 
vé de  2.  pies  fur  le  terre-plein  du  rempart.  Lorfqu'on 
eft  obligé  d'élever  le  parapet  de  plus  de  6  pies  & 
demi  ou  7  pies  pour  fe  garantir  de  l'enfilade,  on 
conftruit  alors  deux  banquettes  ,  qui  font  deux  elpe- 
ces  de  degrés.  Le  parapet  a  toujours  4  pies  &  demi 
de  hauteur  au-defius  du  terre-plein  de  la  banquette  lu  - 
périeure.  (Q) 

Banquette  ,  (en  Hydraulique.)  eft  un  fentier 
conftruit  des  deux  côtés  de  la  cuvette  ou  rigole  d'un 
aqueduc  pour  y  pouvoir  marcher  &c  examiner  fi  l'eau 
s'arrête  ou  fe  perd  en  quelque  endroit  :  on  donne 
ordinairement  1 8  pouces  de  large  à  ces  fortes  de  ban- 
quettes. (K) 

Banquette  ,  (  en  Jardinage.  )  fe  dit  des  palifia- 
des  balles  à  hauteur  d'appui  ,  qui  ne  doivent  point 
paffer  ordinairement  3  ou  4  pies  de  haut  ;  elles  fer- 
vent dans  les  côtés  des  allées  doubles ,  où  étant  ainfi 
ravalées,  elles  n'interrompent  point  le  coup  d'ceil 
entre  la  tige  des  arbres.  On  ylaili'e  quelquefois  d'ef- 
pacc  en  eipace  des  boules  échappées  de  la  banquette 
même.  (K) 

Banquette  ,  partie  du  métier  d'étoffes  de  foie  ; 


BAN 


63 


la  banquette  eft  un  morceau  de  bois  de  6  pouces  de 
large&  d'un  pouced'épaifTeur;ilfertàl'ouvrierpour 
s'afieoir  quand  il  veut  travailler  ;  il  fait  entrer  cha- 
que bout  de  fa  banquette  dans  l'oreillon  cloué  à  cet 
effet  au  pié  de  devant  le  métier.  Il  feroit  mieux  que 
l'oreillon  ou  porte-banquette ,  ne  fût  point  cloué ,  mais 
qu'il  tut  à  couliffe,  pour  que  l'ouvrier  lehauflatou 
baiffât  fuivant  fa  taille  ;  il  feroit  encore  à  propos  qu'il 
pût  avancer  ou  reculer  la  banquette. 

Banquette  ,  (en  Menuiferie.)  eft  une  boifure 
qu'on  pratique  aux  croifées.  La  tablette  de  deflûs  fe 
nomme  dejjus  de  banquette  ;  &  la  partie  de  devant  , 
devant  de  banquette. 

BANQUIER,  f.  m.  (Commerce.  )  eft  celui  qi  i  ai: 
la  banque  ,  c'eft-à-dire ,  négociant ,  commerçant  ou 
trafiquant  en  argent ,  qui  iait  des  traites  &  renfiles 
d'argent ,  qui  donne  des  lettres  de  change  pour 
faire  tenir  de  place  en  piace  ;  c'eft  proprement  un 
marchand  d'argent.  Les  Anglois  les  appellent  remit- 
ters  ,  ceux  qui  font  des  remues.  On  les  nommoit  au- 
trefois changeurs.  Voye{  CHANGEUR  &  REMISE. 

Il  y  avoit  autrefois  des  elpeces  de  banquiers  chez 
les  Romains  ,  dont  les  fonctions  étoient  beaucoup 
plus  étendues  que  celles  de  nos  banquiers  ;  car  ils 
étoient  officiers  publics  ,  &  tout  à  la  fois  agens  de 
change  ,  courtiers  ,  commiffionnaires  ,  notaires ,  fe 
mêlant  d'achats  &  de  ventes  ,  &  drefi'ant  tous  les 
écrits  &  acles  nécefTaires  pour  tous  ces  divers  ob- 
jets. 

La  différence  du  profit  qu'il  y  a  à  tirer  par  une 
place  ou  par  une  autre, fait  l'art  &  l'habileté  parti- 
culière des  nôtres.  Voye^  C article  Change.  «<  Les ban- 
»  quiers  font  faits  pour  changer  de  l'argent ,  &  non 
»  pour  en  prêter.  Si  le  prince  ne  s'en  lert  que  pour 
»  changer  lbn  argent ,  comme  il  ne  fait  que  de  grof- 
»  fes  affaires  ,  le  moindre  profit  qu'il  leur  donne 
»  pour  leurs  remiles  devient  un  objet  conlidérable  ; 
»  &  fi  on  lui  demande  de  gros  profits ,  il  peut  être 
»  fur  que  c'eft  un  défaut  de  Fadminiflration  :  quand 
»  au  contraire  ils  font  employés  à  faire  des  avan- 
»  ces  »  leur  art  confifte  à  fe  procurer  de  gros  profits 
»  de  leur  argent  fans  qu'on  puifle  les  acculer  d'u- 
»  fiure   ».  Ej prit  des  loix  ,  tom.  II.  p.  yi. 

Les  BANQUIERS  ou  Expéditionnaires  en  cour  de  Ro' 
me  ,  (  Hifi.  mod.  &  Efroit  canon.  )  iont  des  officiers 
qui  font  venir  de  Rome  ou  de  la  iégation  d'Avignon 
toutes  les  bulles,  dif penfes,  provilions  ,  8c  autres  ex- 
péditions que  le  Pape  s'eft  réfervé  d'accorder  leul. 
foyei Expéditionnaire.  (H) 

Banquier  ,  (  terme  de  Jeu.  )  c'eft  celui  qui  taille 
au  pharaon  ,  à  Wbajjette ,  &c.  &  qui  dans  ces  jeux  a 
toujours  de  l'avantage  :  les  auties  joueurs  s'appellent 
ponte.  Foye{ Pharaon  ,  Bassette  ,  Pontf.  (O) 

*  BANSE  ,  f.  m.  (en  Chauderonnerie.)  longue  mtln- 
ne  quarrée  faite  de  branches  d'ofier  ou  de  châtai- 
gner  à  l'ulage  desChauderonniers  :  c'eit  dans  des  ban- 
fes  qu'ils  enferment  &  tranlportent  leurs  ouvrages. 

♦BANTAM,  (Géog.)  ville  d'Afîe  aux  Indes, 
dans  File  de  Java,  capitale  du  royaume  de  même 
nom,  divifée  en  deux  parties  par  une  rivière.  Long. 
12-3-  3-  lat.  merid.  6.  2C. 

*  BANTON,  (Géog.)  île  d'Alie  dans  l'Océan 
oriental  :  c'ell  une  des  Philippines,  lituee  vers  la  par- 
tie méridionale  de  l'île  Manille. 

*  BANTRI ,  ou  bANTREI ,  ville  maritime  de  la 
province  de  Mommonie  en  h  lande  ,  au  lud  -  ouclt  : 
elle  donne  Ion  nom  à  la  baie 

BANVIN ,  1".  m.  terme  de  Coutume  ;  c'eft  une  forte 
de  droit  de  banalité  qui  donne  pouvoir  au  fe  gneuf 
de  vendre  le  vin  de  Ion  cru  avant  qu'aucun  de  les 
vali'aux  commence  à  débiter  le  lien  ,  pourvu  qu'il  le 
vende  en  là  mailon  feigneuriale,  ce  non  ailleurs.  (H) 

BANZA,  vryv;; S. Salvador. 

*  BAOBAB  ,   ou  HAHODA^  ,  (Hifi,  nat.  bot.  ) 


64 


B  A  P 


fruit  d'Afrique  de  lagroffeur  du  limon,  femblableà  la 
courge,  &  renfermant  des  femences,  dures,  noires, 
&  arcuées  par  les  bouts  ;  il  a  la  pulpe  de  la  courge , 
rouge ,  humide ,  &  d'une  acidité  agréable  ,  quand 
elle'eft  récente.  Il  eft  bon  à  manger  ;  6c  dans  l'Ethio- 
pie on  en  corrige  l'acidité  avec  le  fucre  ;  il  rafraî- 
chit &  defaltere  :  les  Ethiopiens  le  prennent  dans  tou- 
tes les  maladies  de  chaleur  ,  les  fièvres  putrides,  & 
les  affecfions  peftilentielles  ;  alors  ou  Ton  mange  la 
pulpe  avec  du  fucre  ,  ou  l'on  boit  le  lue  qu'on  en 
tire  par  expreflion ,  tempéré  par  le  iucre  ;  ou  l'on  en 
fait  un  firop  dont  on  prend  une  doie  convenable. 
Au  grand  Caire  ,  où  l'on  ne  peut  l'avoir  dans  fa  fraî- 
cheur ,  on  réduit  fa  pulpe  en  une  poudre  qui  reltem- 
ble  à  de  la  terre  rougeâtre  ,  afti  ingenîe,  &  d'un  goût 
qui  n'eft  pas  éloigné  de  celui  de  la  terre  de  Lemnos. 
On  ufe  de  cette  poudre  dans  les  fievies  peftilemieî- 
les ,  le  crachement  de  fang ,  les  lientei  ies ,  les  dyffen- 
teries ,  le  flux  hépatique  ,  &  l'excès  des  règles  :  on 
■ordonne  alors  une  dragme  de  cette  terre  dans  l'eau  de 
plantain  ;  d'autres  la  font  prendre  dans  des  décoc- 
tions ou  des  infufions  appropriées.  Prolper  Alpin  , 
qui  fait  mention  du  fruit ,  dit  avoir  vu  l'arbre  ,  & 
l'avoir  trouvé  aflez  refTemblant  à  l'oranger  par  la 
groffeur,  les  feuilles ,  &  le  refte  de  fon  aipecfr 

*  BAPAUME,  (  Géog.  )  ville  de  France  dans  l'Ar- 
tois. Long.  20.  30.  âz.  lat.  5o.  6.  iz. 

BAPTÊME  ,  f.  m.  (  Théo!.  )  facrement  par  le- 
quel on  eft  fait  enfant  de  Dieu  &  de  l'Eglife  ,  &  qui 
a  la  vertu  d'effacer  le  péché  originel  dans  les  en- 
fans  ,  &  les  péchés  actuels  dans  les  adultes. 

Le  mot  baptême  en  général  fignifie  lotion ,  immer- 
sion,  du  mot  Grec  Ç**z]ti> ,  ou  f&a.«rriÇa  f  je  /ave,  je 
plonge  ;  &  c'eft  en  ce  fens  que  les  Juifs  appelloient 
baptême  certaines  purifications  légales  qu'ils  prati- 
quoient  fur  leurs  profélytes après  la  circoncifion.On 
donne  le  même  nom  à  celle  que  pratiquoit  S.  Jean 
dans  le  defert  à  l'égard  des  Juifs ,  comme  une  diipo- 
fition  de  pénitence  pour  les  préparer  ,  foit  à  la  ve- 
nue de  J.  C .  foit  à  la  réception  du  baptême  que  le  Mef- 
fie  devoit  inftituer ,  &  dont  le  baptême  de  S.  Jean 
étoit  abfolument  différent,  par  fa  nature  ,  fa  forme , 
fon  efficace  ,  &  fa  nécefîité ,  comme  le  prouvent  les 
Théologiens  ,  contre  la  prétention  des  Luthériens  & 
des  Calviniftes. 

Le  baptême  de  l'Eglife  chrétienne  eft  appelle  dans 
les  Pères  de  plulieurs  noms  relatifs  à  fes  effets  fpiri- 
tuels ,  comme  adoption ,  renaiffance ,  régénération  ,  re- 
mifflon  des  péchés  ,  renouvellement  de  l'ejpril ,  vie  éter- 
nelle ,  indulgence ,  abfolution  ;  &  par  les  Grecs ,  tan- 
tôt 7TO.XI-)  3  tnata.  4^-âV  ,  régénération  de  Pâme  ,  &  tan- 
tôt xpiiJjuLa, ,  onction;  foit  à  caufe  de  celles  qu'on  y  pra- 
tique, loit  parce  qu'il  nous  confacre  à  J.  C.  quel- 
quefois ç>ti>T!<r/uct  ,  &  (parlcy-cç  ,  illumination  ,  trçça.-)  )ç , 
Jigne  ou  marque  ;  &  par  les  Latins  falut ,  myftere ,  fa- 
crement. Cyprian.  Augujiin.  Tertull.  Cyrill.  Jujlin. 
Chryfojl.  Clem.  Alex.  Eufeb.  Ambrof.  &c. 

La  définition  que  nous  avons  donnée  au  commen- 
cement de  cet  article  ne  convient  donc  au  baptême  , 
qu'entant  qu'il  eft  le  premier  des  facremens  de  la  loi 
nouvelle  :  fa  matière  éloignée  eft  l'eau  naturelle , 
comme  de  rivière  ,  de  fontaine  ,  de  pluie  ,  &c.  par 
conféquent  toute  autre  liqueur,  foit  artificielle  ,  foit 
même  naturelle  ,  telle  que  le  vin  ,  ne  peut  être  em- 
ployée comme  matière  dans  ce  lacrement;  &  les 
exemples  qu'on  cite  au  contraire  ,  ou  font  apocry- 
phes, ou  partoient  d'une  ignorance  groffiere ,  jufte- 
ment  condamnée  par  l'Eglife.  Voye-^  Matière. 

Sa  forme  dans  l'Eglife  Greque  coniifte  en  ces  pa- 
roles :  baptifatur fervus  vel  ferva  Dei  N  in  notnine  Pa- 
tris,  &  Filii ,  &  Spiritus  (ancli  ;  &  dans  l'Eglife  La- 
tine ,  le  prêtre  en  verfant  de  l'eau  naturelle  fur  la  tê- 
te delà  perfonne  qu'il  baptife,la  nomme  d'abord  par 
le  nom  que  lui  ont  donné  fes  parrein  èc  marrei- 


B  A  P 

ne  ,  &  prononce  ces  mots  :  ego  te  baptlfo  ,  in  nominc 
Patris ,  &  Filii ,  &  Spiritus  fancii ,  amen.  Cette  forme 
étant  pleinement  exprimée  dans  les  Ecritures  ,  Mat. 
ch.  xxviij.  verf.  ig.  &  atteftée  parles  écrits  des  plus 
anciens  Auteurs  eccléfiaftiques,  il  s'enfuit  que  tout 
baptême  conféré  fans  une  appellation  ou  invocation 
expreffe  des  trois  perfonnes  de  la  fainte  Trinité  ,  eft 
invalide.  La  doûrine  des  conciles  y  eft  formelle , 
fur-tout  celle  du  premier  concile  d'Arles  tenu  en  3  1 4  ; 
&  l'Eglife  a  mis  une  grande  diftinction  entre  les  héré- 
tiques ,  qui  dans  leur  baptême  confervoient  ou  cor- 
rompoient  cette  forme  ;  le  contentant  à  l'égard  des 
premiers  ,  lorfqu'ils  revenoient  dans  fon  fein ,  de  les 
recevoir  par  la  cérémonie  de  l'impofition  des  mains, 
&  réitérant  aux  autres  le  baptême ,  ou  plutôt  leur 
donnant  le  facrement  qu'ils  n'avoient  jamais  reçu. 
yoye^  Rebaptisans. 

Le  baptême  a  été  rejette  totalement  par  plufieurs 
anciens  hérétiques  des  premiers  fiecles ,  tels  que  les 
Alcodrutes ,  les  Marcofiens  ,  les  Valentiniens ,  les 
Quintilliens ,  qui  penfoient  tous  que  la  grâce  qui  eft 
un  don  fpirituel ,  ne  pouvoit  être  communiquée  ni 
exprimée  par  des  fignes  fenfibles.  Les  Archontiques 
le  rejettoient  comme  une  mauvaife  invention  du 
Dieu  Scbahoth,  c'eft-à-dire ,  du  Dieu  des  Juifs,  qu'ils 
regardoient  comme  un  mauvais  principe.  Les  Seleu- 
ciens&  les  Hermiensne  vouloient  pas  qu'on  le  don- 
nât avec  de  l'eau:  mais  ils  y  employoientlefeu,  fous 
prétexte  que  S.  Jean  Baptifte  avoit  afluré  que  le 
Chrift  baptiferoit  fes  difciples  dans  le  feu.  Les  Ma- 
nichéens &  les  Pauliciens  le  rejettoient  également , 
aufîi  bien  que  les  Maffaliens.  Le  nombre  des  héréti- 
ques qui  ont  altéré  ou  corrompu  la  forme  du  baptê- 
me ,  n'eft  pas  moindre  :  Menandre  baptifoit  en  fon 
propre  nom  :  les  Eluféensy  invoquoient  les  démons; 
les  Montaniftes  y  joignoient  le  nom  de  Montan  leur 
chef,  &  de  Prifcille  leur  prophételfe  ,  aux  noms  fa- 
crés  du  Père  &  du  Fils.  Les  Sabelliens  ,  les  Marco- 
fiens, les  difciples  de  Paul  de  Samofate  ,  les  Euno- 
miens ,  &  quelques  autres  hérétiques  ennemis  de  la 
Trinité  ,  ne  baptifoient  point  au  nom  des  trois  Per- 
fonnes divines  ;  c'eft  pourquoi  l'Eglife  rejettoit  leur 
baptême  :  mais ,  comme  nous  l'avons  dit ,  elle  admet- 
toit  celui  des  autres  hérétiques  ,  pourvu  qu'ils  n'al- 
téraffent  point  la  forme  preferite  ,  quelles  que  fuf- 
fent  d'ailleurs  leurs  erreurs  fur  le  fond  des  myfteres. 
La  difeipline  de  l'Eglife  fur  la  manière  d]adminif- 
trer  ce  facrement,  n'a  pas  toujours  été  la  même  :  au- 
trefois on  le  donnoit  par  une  triple  immerfton  ;  & 
cet  ufage  a  duré  jufqu'au  xne  fiecle.  Il  eft  vrai  que 
dans  le  vie  quelques  Catholiques  d'Efpagne  s'en  te- 
noient  à  une  feule  immerfion  ,  de  peur ,  difoient-ils  , 
que  les  Ariens  n'imaginaflent  que  par  la  triple  im- 
merfion ils  divifoient  la  Trinité  à  l'exemple  de  ces 
hérétiques  :  mais  cette  raifon  frivole  ne  changea  gé- 
néralement rien  à  l'ancien  ufage.  Celui  de  baptilèr 
par  infufion  ,  ou  en  verfant  l'eau  fur  la  tète  ,  com- 
mença ,  félon  quelques-uns  ,  dans  les  pays  fepten- 
trionaux  ,  &  s'introduiiit  en  Angleterre  vers  le  IXe 
fiecle.  Le  concile  de  Calchut  ou  de  Celchyth ,  tenu 
en  816  ,  ordonna  que  le  prêtre  ne  fe  contenteroit 
pas  de  verfer  de  l'eau  fur  la  tête  de  l'enfant ,  mais 
qu'il  la  plongeroit  dans  les  fonts  baptifmaux. 

Les  Ecrivains  eccléfiaftiques  parlent  de  plufieurs 
cérémonies  qu'on  pratiquoit  au  baptême ,  qui  font  au- 
jourd'hui abolies ,  ou  dont  il  ne  refte  que  de  légères 
traces  ;  comme  de  donner  aux  nouveaux  baptifés  du 
lait  &  du  miel  dans  l'Eglife  d'orient  ;  &  dans  celle 
d'occident ,  du  miel  &  du  vin  ,  de  les  revêtir  d'une 
robe  blanche  ,  &c.  de  ne  baptifer  qu'à  jeun ,  de  don- 
ner immédiatementaprès  le  baptême  la  confirmation 
&  l'euchariftie  ,  &c. 

Les  Théologiens  diftinguent  trois  fortes  de  baptê- 
me ;  le  baptême  d'eau ,  dont  nous  venons  de  parler  ; 

là 


B  A  P 

le  baptême  de  feu ,  c'eft-à-dire ,  la  charité  parfaite 
jointe  à  un  ardent  defir  d'être  baptifé ,  c'eft  ce  qu'on 
appelle  auffi  le  baptême  du  S.  Efprit ,  qui  fupplée  au 
baptême  d'eau;  &  le  baptême  de  fang  ,  c'eft-à-dire  , 
le  martyre.  On  ne  baptifoit  autrefois  les  catéchumè- 
nes qu'à  Pâque  &  à  la  Pentecôte  ,  excepté  en  cas  de 
néceffité. 

Le  miniftre  ordinaire  du  baptême  eft  l'évêque  ou 
le  prêtre  :  mais  en  cas  de  néceffité  toutes  perfonnes  , 
même  les  femmes ,  peuvent  baptifer. 

Quelques-uns  ont  prétendu  que  dans  la  primitive 
Eglife  on  ne  baptifoit  que  les  adultes  :  mais  c'eft  fans 
fondement  ;  car  quoiqu'on  n'ait  point  dans  l'Ecritu- 
re de  textes  précis  qui  marquent  que  des  enfansont 
été  baptifés  ,  &  que  quelques  anciens  pères  ,  com- 
me Tertullien,  fuffent  perfuadés  que  de  baptifer  les 
enfans  avant  qu'ils  euflent  atteint  l'âge  de  raifon  , 
c'étoit  les  expofer  à  violer  les  engagemens  de  leur 
baptême  ;  &C  qu'ainfi  il  étoit  de  la  prudence  &  de  la 
charité  de  n'admettre  à  ce  facrement  que  les  adul- 
tes :  il  eft  néanmoins  certain  i°.  que  les  Apôtres  ont 
baptifé  des  familles  entières  ,  dans  lefquelles  il  eft 
très-probable  qu'il  fe  trouvoit  des  enfans  :  z°.  que  la 
pratique  acluelle  de  l'Eglife  à  cet  égard  eft  fondée 
fur  la  tradition  des  Apôtres  ,  comme  l'allure  S.  Au- 
guftin  ,  après  S.  Irénée  &  S.  Cyprien.  Ce  dernier 
fur-tout  confulté  par  l'évêque  Fidus  ,  s'il  ne  feroit 
pas  à  propos  de  fixer  le  tems  du  baptême  des  entans 
au  huitième  jour  après  leur  naiftance ,  comme  celui 
de  la  circoncifion  l 'étoit  chez  les  Juifs,  en  conféra 
avec  foixante-cinq  autres  évêques  aflemblés  en  con- 
cile à  Carthage  en  153  ,  Ôc  répondit  à  Fidus  :  Quod 
tuputabas  elfe  faciendum  ,  nemo  confentit  :  fed  univerji 
potius  judicavimus  ,  nulli  hominum  nato  mifericordiam 
Dei  &  gratiam  denegandam.  Quelqu'autoriiée  que 
fût  cette  pratique  dans  les  premiers  fiecles  de  l'Egli- 
fe ,  il  faut  convenir  qu'elle  n'étoit  pas  généralement 
obfervée  à  l'égard  de  tous  les  enfans  des  fidèles  :  les 
catéchumènes  même  différoient  plufieurs  années  à 
recevoir  le  baptême.  L'hiftoire  eccléfiaftique  nous  ap- 
prend que  S.  Ambroife  ne  fut  baptifé  qu'après  avoir 
été  élu  évêque  de  Milan.  On  fait  que  l'empereur 
Conftantin  ne  reçut  ce  facrement  qu'à  l'article  de  la 
mort ,  ôé  qu'il  eut  en  cela  bien  des  imitateurs  d'un 
nom  illuftre  dans  l'Eglife.  Plufieurs  différoient  ainii 
leur  baptême  le  plus  long-tems  qu'ils  pouvoient,  mais 
par  des  motifs  très  -  différens  ;  les  uns  par  un  efprit 
d'humilité,  dans  la  crainte  de  n'être  pas  aiTez  bien  dif- 
pofés  pour  recevoir  dignement  ce  premier  facrement; 
les  autres  pour  mener  plus  librement  une  vie  déré- 
glée ,  fe  flattant  d'en  obtenir  le  pardon  à  la  mort  par 
l'efficace  du  baptême.  Les  Pères  s'élevèrent  avec  tant 
de  force  contre  les  faufTes  raifons  cv  le  danger  des  dé- 
lais dont  on  ufoit  pour  recevoir  fi  tard  le  baptême, 
qu'ils  réuffirent  peu-à-peu  à  établir  l'ufage  qui  fub- 
iifte  aujourd'hui. 

Quoique  Jefus-  Chrift  foit  venu  dans  le  monde 
pour  ouvrir  à  tous  les  hommes  la  voie  du  falut ,  ce- 
pendant il  étoit  d'ufage  &  de  règle  dans  la  primitive 
Eglife  de  refnfer  le  baptême  à  certaines  perfonnes  en- 
gagées dans  des  conditions  ou  profeffions  notoire- 
ment criminelles ,  comme  incompatibles  avec  la  fain- 
teté  du  Chriftianifme  ;  à  moins  qu'elles  ne  renonçaf- 
fent  à  cette  profeffion  ou  à  cet  état.  De  ce  nombre 
étoient  les  fculpteurs ,  fondeurs  ,  ou  autres  ouvriers 
qui  faifoient  des  idoles  ;  les  femmes  publiques ,  les 
comédiens  ,  les  cochers  ,  gladiateurs,  muficiens,  ou 
autres  qui  gagnoient  leur  vie  àamufer  le  public  dans 
le  cirque  ou  l'amphithéâtre  ;  les  aftrologucs^  devins, 
magiciens  ,  enchanteurs  ,  ceux  qui  étoient  adonnés 
aux  crimes  contre  nature,  ccux-mêmes  qui  étoient 
tellement  pafuonnés  pour  les  représentations  des  jeux 
&  du  théâtre  ,  qu'ils  refufafTent  de  s'en  abftenir  dès 
qu'ils  auroient  embraffé  la  religion  ;  les  concubinai- 
Tome  II, 


B  A  P  65 

res  ,  ceux  qui  tenoient  des  lieux  de  débauche  ;  quel- 
ques-uns même  ont  crû  qu'on  n'y  admettoit  pas  les 
gens  de  guerre  :  mais  l'hiftoire  eccléfiaftique  ne  laiffe 
aucun  doute  que  les  Chrétiens  n'ont  pas  confondu 
une  profeffion  utile  &  honorable  par  elle  -  même  , 
avec  des  arts  ou  des  conditions  réprouvées  par  la  rai- 
fon même.  Bingham  ,  orig.  ecclef.  liv.  XL  ch.  v.  §. 
6.  y.  8.  9.10. 

On  convient  aujourd'hui  qu'on  ne  doit  pas  bapti- 
fer les  enfans  des  infidèles ,  même  fournis  à  la  domi- 
nation des  princes  Chrétiens  ,  malgré  leurs  parens , 
à  moins  que  ces  enfans  ne  foient  en  danger  évident 
de  mort  ;  parce  que  cette  violence  eft  contraire  au 
droit  naturel  qu'ont  les  pères  &  les  mères  fur  leurs 
enfans  ;  &  que  d'ailleurs  elle  expoferoit  le  facrement 
à  Une  profanation  certaine ,  par  l'apoftafie  à  laquelle 
ces  pères  &  mères  engageroient  leurs  enfans. 

Quelques-uns  ont  crû  qu'on  devoit  conférer  le 
baptême  aux  morts  ,  &c  même  qu'on  pouvoit  le  rece- 
voir à  leur  place  ,  fondés  fur  ce  paifage  de  S.  Paul 
aux  Corinthiens  /.  epit.  ch.  xv.  ver/'.  Jo.  alioquin  quid 
facïent  qui  baptijantur  pro  montas  ,  Jî  mortui  non  refur- 
gunt  :  ut  quid  &  baptijantur  pro  Mis  ?  paflao'e  fans 
doute  mal  entendu  ,  oc  qui  à  la  lettre  ne  fignifie  au- 
tre chofe  ,  finon  qu'on  peut  pratiquer  en  mémoire 
des  morts  des  œuvres  de  pénitence  qui  leur  obtien- 
nent la  rérrtiffion  des  péchés  qu'ils  n'ont  pas  fuffifam- 
ment  expiés  en  cette  vie  :  car  le  mot  de  baptême , 
dans  un  fens  général  &  ufité  dans  l'Ecriture  ,  lignifie 
quelquefois  la  pénitence  ,  les  afflictions  &  les  fouf- 
frances.  AinlïdansS.  Luc  ,  Jefus-Chrift  parlant  de  fa 
paffion  ,  l'appelle  un  baptême  :  ch.  xij.  verf.  50.  bap- 
tifmo  habeo  baptifari  ;  &  dans  S.  Marc ,  ch.  x.  verf.  3  8. 
poteflis  ....   baptifmo  quo  ego  baptifor  baptifari.  (G~) 

BAPTEME  du  tropique  ou  de  la  Ligne ,  {en  Marine.} 
c'eft  une  cérémonie  ridicule,  mais  d'un  ufage  ancien 
&  inviolable  parmi  les  gens  de  mer ,  qui  la  prati- 
quent bien  régulièrement  fur  ceux  qui  paftent  pour  la 
première  fois  le  tropique  ou  la  ligne  êquinocliale. 

Chaque  nation  s'y  prend  diverfement,  &  même 
les  équipages  d'une  même  nation  l'exercent  en  dif- 
férentes manières.  Voici  celle  qui  eft  la  plus  ordinaire 
parmi  les  équipages  François. 

Pour  préparatifs ,  on  met  une  baille  au  pié  du  grand 
mât  pleine  d'eau  de  la  mer  ;  le  pilote  pour  l'ordinaire 
fe  met  auprès,  le  vifage  barbouillé,  le  corps  revêtu 
&  tout  entortillé  de  garcettes ,  dont  quelques-unes 
lui  pendent  des  bras.  Il  eft  accompagné  de  cinq  ou 
fix  matelots  habillés  de  même  :  il  tient  entre  l'es  mains 
un  livre  de  cartes  marines  tout  ouvert  ;  aux  environs 
il  y  a  des  matelots  avec  des  féaux  pleins  d'eau  ;  il  y 
en  a  fur  les  vergues  &  fur  les  hunes.  On  amené  celui 
qui  doit  être  baptifé  en  grande  cérémonie  ;  on  le  fait 
alTeoir  fur  une  planche  tenue  aux  deux  bouts  par 
deux  matelots ,  &  pofée  fur  la  baille  pleine  d'eau  ; 
on  lui  fait  jurerfur  le  livre  que  tient  le  pilote, de  pra- 
tiquer furies  autres  la  même  cérémonie ,  lorfque  l'oc- 
calion  s'en  trouvera  ;  &  clans  l'inftant  les  deux  mate- 
lots renverfent  la  planche,  &  font  tomber  l'homme 
dans  la  baille  ;  en  même  tems  ceux  qui  font  à  la  hune 
&  fur  les  vergues  lui  jettent  plufieurs  féaux  d'eau  fur 
le  corps.  Les  officiers  &  les  paflagers  fe  tachettent 
d'une  fi  ridicule  cérémonie,  en  donnant  quelque  ar- 
gent aux  équipages  :  mais  on  ne  fait  point  de  grâce  à 
ceux  qui  ne  donnent  rien.  On  demande  cependant 
permilfion  au  capitaine  pour  faire  le  baptême. 

Un  vaifleau  qui  n'a  point  encore  paffe  la  lig 
le  tropique,  y  eft  fournis:  mais  le  capitaine  le  ra- 
chette  par  quelques  rafraîchiflèmens  qu'il  donne  aux 
gens  de  l'équipage,  autrement  ils  couperoient  1  épe- 
ron ou  quelque  autre  partie  du  v.r.ileuu:  mais  au- 
jourd'hui beaucoup  de  capitaines  abolilfent  cette  ri- 
dicule cérémonie.  (Z) 

*  BAPTES ,  (  les  )  Hijl.  lut,  nom  d'une  comédie 


66 


B  A  P 


compofée  par  Cratinus ,  où  ce  poète  railloit  d'une 
façon  fanglante  les  principaux  perfonnagcs  du  gou- 
vernement. Lorfque  Cratinus  compofa  fes  baptes  ou 
plongeurs  y  la  liberté  de  l'ancienne  comédie  étoit  rel- 
trainte  à  la  cenfure  des  ridicules ,  &  furtout  des  poè- 
tes que  le  gouvernement  n'étoit  point  fâché  qu'on 
décriât  ;  parce  que  de  tout  tems  les  hommes  en  place 
ont  haï  les  fatyriques  &  les  plaifans.  Cratinus  fit  un 
effort  pour  rendre  à  la  feene  comique  les  droits  dont 
on  l'avoit  dépouillée  :  mais  il  fut  la  victime  de  fa 
hardiefle.  Il  éprouva  le  châtiment  auquel  on  dit 
que  M.  deMontauûer,  l'homme  de  la  cour  qui  avoit 
le  moins  a  craindre  de  la  fatyre ,  condamnoit  tous  les 
fatyriques.il  fut  jette  dans  la  mer,  pies  &  mains  lies. 
Baptes  ,  f.  m.  pi.  (  Myth.  )  prêtres  de  Cottytto , 
déene  de  l'impudicité  fort  révérée  à  Athènes  ,  où 
l'on  célébroit  fa  fête  pendant  la  nuit  par  des  danles 
lafeives,  accompagnées  de  toutes  fortes  de  débau- 
ches. Les  baptes  furent  ainfi  nommés  du  mot  Grec 
ïx-'n:  ,  qui  fignifie  laver  ou  tremper ,  parce  qu'ils  le 
plongeoient  dans  de  l'eau  tiède ,  félon  Suidas.  Juvénal 
en  parle  comme  d'une  troupe  d'hommes  li  infâmes , 
que  leurs  déréglemens  déplailoient  à  Cottytto ,  quoi- 
qu'elle ne  fût  rien  moins  que  la  déene  de  la  pudeur. 

(S) 

BAPTISTE,  voyei  ANABAPTISTES  ,    CATABAP- 

TISTES  ,  He.MERO-BaPTISTES. 

Hermites  de  S.  Jean-Baptijle  ,  voy.  HERMITES.  (G) 

BAPTISTERE ,  f.  m.  (  Tkéol.  )  c'eft  le  lieu  ou  l'é- 
difice dans  lequel  on  conferve  l'eau  pour  baptifer.  V, 
Baptême. 

Les  premiers  Chrétiens,  fuivantfaintJuftin  martyr 
&  Tertullien,  n'avoient  d'autres  baptijleres  que  les 
fontaines  ,  les  rivières  ,  les  lacs ,  ou  la  mer ,  qui  fe 
trouvoient  plus  à  portée  de  leur  habitation  ;  &  com- 
me fouvent  la  perfécution  ne  leur  permettoit  pas  de 
baptifer  en  plein  jour ,  ils  y  alloient  de  nuit,  ou  don- 
noient  le  baptême  dans  leurs  maifons. 

Dès  que  la  religion  Chrétienne  fut  devenue  celle 
des  empereurs  ,  outre  les  églifes ,  on  bâtit  des  édifi- 
ces particuliers  uniquement  défîmes  à  l'adminiftra- 
îion  du  baptême ,  ëc  que  par  cette  raiion  on  nomma 
baptijleres. 

Quelques  auteurs  ont  prétendu  que  ces  baptijleres 
étoient  anciennement  placés  dans  le  veftibule  inté- 
rieur des  églifes ,  comme  le  font  aujourd'hui  nos  fonts 
baptifmaux.  C'eft  une  erreur.  Les  baptijleres  étoient 
des  édifices  entièrement  féparés  des  batiliques,  & 
placés  à  quelque  diftance  des  murs  extérieurs  de  cel- 
les-ci. Les  témoignages  de  faint  Paulin ,  de  laint  Cy- 
rille de  Jémfalem ,  de  faint  Auguftin ,  &c.  ne  permet- 
tent pas  d'en  douter. 

Ces  baptijleres  ainfi  féparés  ont  fubfifté  jufqu'à  la 
fin  du  vi.  fiecle,  quoique  dès  lors  on  en  voye  déjà 
quelques-uns  placés  dans  le  veftibule  intérieur  de 
l'églile ,  tel  que  celui  où  Clovis  reçut  le  baptême  des 
mains  de  faint  Remy.  Cet  ufage  eft  enfuite  devenu 
général ,  fi  l'on  en  excepte  un  petit  nombre  d'églifes 
qui  ont  retenu  l'ancien ,  comme  celle  de  Florence , 
&  toutes  les  villes  épifcopales  de  Tofcane,  la  métro- 
pole de  Ravenne ,  &  l'églile  de  faint  Jean  de  Latran 
à  Rome. 

Ces  édifices  pour  la  plupart  étoient  d'une  gran- 
deur coniïdérable  ,  eu  égard  à  la  difeipline  des  pre- 
miers fiecles  ,  le  baptême  nefe  donnant  alors  que  par 
immerfion,  &  (hors  le  cas  de  nécefiité )  feulement 
aux  deux  fêtes  les  plus  iolemnelles  de  l'année,  Pâ- 
que  &  la  Pentecôte.  Le  concours  prodigieux  de  ceux 
qui  fe  préfentoient  au  baptême ,  la  bienieance  qui  de- 
mandoit  que  les  hommes  fulFent  baptifés  féparément 
des  femmes ,  demandoient  un  emplacement  d'autant 
plus  vafte ,  qu'il  falloit  encore  y  ménager  des  autels 
où  les  néophytes  reçufTent  la  confirmation  &  l'eu- 


B  A  Q 

chariftie  immédiatement  après  leur  baptême.  Aufit 
le  baptijlere  de  l'églile  de  fainte  Sophie  à  Conllanti- 
nople  etoit-il  fi  fpacieux,  qu'il  fervit  d'afyle  à  l'em- 
pereur Bafilifque,  8c  deiale  d'afiemblée  à  un  concile- 
fort  nombreux. 

Les  baptijleres  avoient  plufieurs  noms  différens , 
tels  que  ceux  de  Pifcine ,  lieu  d'illumination ,  &c  tous 
relatifs  aux  différentes  grâces  qu'on  y  recevoit  par  le 
facrement. 

On  trouve  peu  de  chofes  dans  les  anciens  auteurs 
fur  la  forme  &  les  ornemens  des  baptijleres,  ou  du 
moins  ce  qu'on  y  en  lit  eft  fort  incertain.  Voici  ce 
qu'en  dit  M.  Fleury  fur  la  foi  d'Anaftafe ,  de  Grégoire 
oe  Tours ,  &  de  Durand ,  dans  fes  Notes  fur  le  pontifi- 
cal attribué  au  pape  Damafe.  «  Le  baptijlere  étoit  d'or- 
»  dinaire  bâti  en  rond ,  ayant  un  enfoncement  où 
»  l'on  defeendoit  par  quelques  marches  pour  entrer 
»  dans  l'eau  ;  car  c'étoit  proprement  un  bain.  De- 
»  puis  on  fe  contenta  d'une  grande  cuve  de  marbre 
»  ou  de  porphyre ,  comme  une  baignoire  ;  &  enfin  on 
»  fe  réduifit  à  un  baflin ,  comme  font  aujourd'hui  les 
»  fonts.  Le  baptijlere  étoit  orné  de  peintures  conve- 
»  nables  à  ce  facrement,  &  meublé  de  plufieurs  vafes 
»  d'or  &  d'argent  pour  garder  les  faintes  huiles  & 
»  pour  verfer  l'eau.  Ceux-ci  étoient  fouvent  en  foi- 
»  me  d'agneaux  eu  de  cerfs ,  pour  repréfenter  l'a- 
»  gneau  dont  le  fang  nous  lave ,  &  pour  marquer  le 
»  defir  des  âmes  qui  cherchent  Dieu ,  comme  un  cerf 
»  altéré  cherche  une  fontaine,  fuivant  l'expreflion 
»  àupfeaume  41.  On  y  voyoit  l'image  de  faint  Jean- 
»  Baptille  &  une  colombe  d'or  ou  d'argent  fufpen- 
»  due  ,  pour  mieux  repréfenter  toute  l'hiftoire  du 
»  baptême  de  Jefus-Chrift ,  &  la  vertu  du  faint-Efprit 
»  qui  defeend  fur  l'eau  baptifmale.  Quelques-uns 
»  même  difoient  le  Jourdain  pour  dire  les  fonts  ». 
Mœurs  des  Chrétiens ,  tit.  XXXVI.  Ce  qu'ajoute  Du- 
rand ,  que  les  riches  ornemens  dont  l'empereur  Conf- 
tantin  avoit  décoré  le  baptijlere  de  l'églile  de  Rome  , 
étoient  comme  un  mémorial  de  la  grâce  qu'il  avoit 
reçue  par  les  mains  du  pape  faint  Sylveftre,  eft  vifi- 
blement  faux ,  puifqu'il  eft  aujourd'hui  démontré  que 
ce  prince  fut  baptifé  à  Nicomédie  peu  de  tems  avant 
fa  mort. 

Il  n'y  eut  d'abord  des  baptijleres  que  dans  les  villes 
feules  épifcopales  ;  d'où  vient  qu'encore  aujourd'hui 
le  rit  Ambroifien  ne  permet  point  qu'on  fa  fie  la  béné- 
diction des  fonts  baptifmaux  les  veilles  de  Pâque  &  de 
Pentecôte ,  ailleurs  que  dans  l'églife  métropolitaine , 
d'où  les  églifesparoifliales  prennent  l'eau  qui  a  été  bé- 
nite pour  la  mêler  avec  d'autre,  depuis  qu'on  leur  a 
permis  d'avoir  des  baptijleres  ou  fonts  particuliers. 
Dans  l'églife  de  Meaux  les  curés  de  la  ville  viennent 
baptifer  les  enfans  depuis  le  famedi  faint  jufqu'au  fa- 
medi  fuivant  fur  les  fonts  de  l'églife  cathédrale.  C'eft 
un  droit  attaché  à  chaque  paroiffe  en  titre  &  à  quel- 
ques fuccurfales  :  mais  non  pas  à  toutes  celles-ci ,  non 
plus  qu'aux  chapelles  &  aux  monafteres ,  qui ,  s'ils  en 
ont,  ne  les  pofledent  que  par  privilège  &  par  con- 
celîion  des  évêques. 

On  confond  aujourd'hui  le  baptijlere  avec  les  fonts 
baptifmaux.  Anciennement  on  diilingr.oit  exacte- 
ment ces  deux  chofes ,  comme  le  tout  &  la  partie. 
Par  baptijlere,  on  entendoit  tout  l'édifice  où  l'on  ad- 
miniftroit  le  baptême  ;  &  les  fonts  n'étoient  autre 
choie  que  la  fontaine  ou  le  réfervoir  qui  contenoit  les 
eaux  dont  on  fe  fervoit  pour  le  baptême.  V.  Fonts. 

*  BAQU1ER,  f.  m.  (Comm.  )  c'eft  ainfi  qu  on  ap- 
pelle à  Smyrne  du  coton  de  baffe  qualité ,  dont  la 
valeur  n'eft  pas  considérable ,  &  qui  ne  s'y  fabrique 
pas  en  grande  quantité. 

BAR ,  en  terme  de  Bâtiment,  eft  une  efpece  de  ci- 
vière avec  laquelle  des  hommes  portent  des  pierres 
ordinairement  de  peu  de  grofleur. 


B  A  R 

Les  'ouvriers  qui  portent  le  bar  fe  nomment  lar- 
geurs. Voye^  Bardeur. 

L'aftion  de  mettre  la  pierre  fur  le  bar  fe  nomme 
barder,  Voye{  BARDER,  (P) 

*  Le  bar  eft  compofé  de  deux  longues  pièces  de 
i>ois  équarries  &c  aflemblées  parallèlement  par  qua- 
tre ou  fix  traverfes  de  deux  pies  de  long  ou  environ. 
Ces  traverfes  n'occupent  que  le  milieu  des  pièces 
équarries,où  elles  forment  un  fond  ouune  grille  fur  la- 
quelle on  pofe  les  fardeaux  ;  le  refte  des  pièces  équar- 
ries  qui  demeure  ifolé  va  en  diminuant ,  eft  arrondi , 

.  fe  termine  par  une  tête  formant  une  coche  ou  un  ar- 
rêt en-deffbus,  &  fert  de  manche  ou  bras  des  deux 
côtés  de  la  grille  ou  du  fond.  L'arrêt  de  la  coche  re- 
tient les  bretelles  des  bardeurs ,  &  les  empêche  de 
s'échapper  des  bras.  Quand  les  poids  font  lourds, 
deux  ou  quatre  maneuvres  fe  mettent  aux  bras ,  & 
deux  autres  parlent  encore  un  levier  fous  la  grille  : 
ces  derniers  s'appellent  arbalétriers. 

Pour  garantir  les  arrêtes  &  autres  formes  délicates 
des  pierres  taillées  ou  fculptées,  de  l'impreffion  des 
traverfes,  on  couvre  la  grille  de  nattes.  Ces  nattes 
s'appellent  torches. 

*  Bar  ,  (  Géog.  )  ville  de  Pologne,  dans  la  Podo- 
lie ,  fur  la  rivière  de  Kow.  Long.  46.  lat.  4g.  i5. 

*  Bar  ,  (  duchl  de  )  Géog.  contrée  de  France  lituée 
des  deux  côtés  de  la  Meule ,  entre  la  Lorraine  &c  la 
Champagne. 

*  Bar-le-duc,  (Géog.)  capitale  du  duché  de 
Bar;  il  y  a  haute  &  baffe  ville  :  celle-ci  eft  fur  la  pe- 
tite rivière  d'Orney.  Long.  zj.  lat.  48.  35. 

*  Bar- sur -Aube,  (  Géog.)  ville  de  France  en 
.Champagne,  capitale  duVallage.  Long.  zz.  zo.  lat. 
48. 14. 

*  Bar-sur-Seine  ,  (  Géog.  )  ville  de  France,  au 
.duché  de  Bourgogne.  Long.  zz.  lat.  48.  5. 

*  BARABA ,  (Géog.)  grand  lac  d'Alie,  au  royau- 
me de  Sibérie ,  rempli  d'un  fel  folide ,  que  les  Mofco- 
vites  coupent  comme  de  la  glace. 

*  BARABINSI  okBARABINSKÔI,  fubft.  m.  pi. 
\  Géog.  )  peuples  de  la  Tartane ,  dans  la  partie  méri- 
dionale de  la  Sibérie ,  tributaires  de  la  Mofcovie. 

*  BARACAQUE,f.  m.  (Hijl.mod.)  nom  de  i'c&e 
&  de  religieux  Japonois ,  dont  la  prière  &  la  médita- 
tion eft  l'occupation  continuelle. 

*  BARACH ,  (Géog.Jkinte.)  ville  de  la  Paleftine , 
dans  la  tribu  de  Dan. 

*  BARACI ,  (  Géog.  )  ville  de  l'île  de  Sardaigne , 
dont  il  ne  refte  que  des  ruines  qu'on  voit  proche  de 
SafTari. 

*  BARACOA ,  (Géog.')  ville  de  l'Amérique,  dans 
l'île  de  Cuba,  avec  un  port,  fur  la  côte  feptentrio- 
nale  de  l'île. 

*  BARAD ,  (  Géog.faïnte.  )  ville  de  la  Paleftine , 
dans  la  tribu  de  Juda ,  proche  la  fontaine  d'Agar. 

*  BARAD  AS ,  f.  m.  c'eft ,  en  terme  de  Fleurijle,  un 
«œillet  rouge-brun ,  à  fleur  large,  grofle ,  feuillue ,  &c 
en  dôme  ;  ni  blanc  ,  ni  carné ,  à  panaches  gros  &c  non 
détachés.  On  ne  lui  laiffe  que  quatre  à  cinq  boutons. 

*  ÈARA1CUS  ou  BURAICUS,  (Myth.)  furnom 
qu'Hercule  prit  d'une  ville  d'Achaie ,  célèbre  par  l'o- 
racle de  ce  héros  :  la  manière  dont  fe  rendoit  cet  ora- 
cle, étoit  finguliere.  Après  qu'on  avoit  fait  fa  prière 
dans  le  temple ,  on  prenoit  quatre  dez  ;  on  les  jettoit 
au  hafard  ;  les  faces  de  ces  dez  étoient  empreintes  de 
figures  hiéroglyphiques  ;  on  remarquoit  bien  les  figu- 
res amenées  ;  &c  l'on  alloit  enfuite  en  chercher  l'in- 
terprétation fur  un  tableau  où  elles  étoient  expli- 
quées. Cette  interprétation  pafToit  pour  la  réponfe 
du  dieu.  Voye^  à  F  article  DÉ,  en  combien  de  fa- 
çons quatre  dez  à  lix  faces  peuvent  être  combinés  : 
vous  trouverez  1296;  l'oracle  auroit  dû  avoir  au 
tant  de  réponfes  ;  mais  il  eu  avoit  bien  moins  &c 
il  étoit  facile  que  la  queftion  de  celui  qui  s'adref- 

T'orne  Ih 


BAR 


67 


foit  à  l'oracle,  fut  de  celles  dont  la  répoftfe  n'étoit 
pas  dans  les  dez:  mais  il  falloit  compter  jufqu  'à  12.96, 
pour  fentir  l'impertinence  de  l'oracle ,  &  le  peuple 
ne  fait  pas  compter  li  loin,  &  quand  il  le  fauroit,  il 
s'en  feroit  un  fcrupule. 

*  BAR  ALIPTON ,  (  Log.  )  nom  par  lequel  on  dé? 
figne  le  premier  mode  indiredt  d'argument  de  1?  pre- 
mière figure.  Le  fyllogifme  en  baralipton ,  a  les  deux 
premières  propofitions  univerfelles  affirmatives ,  & 
la  troifieme  particulière  affirmative,  foye^  Syllo- 
gisme. 

BARALLOTS ,  f.  m.  pi.  (Théol.)  nom  qu'on  don- 
na à  certains  hérétiques  qui  parurent  à  Bologne  en 
Italie ,  &  qui  mettoient  tous  leurs  biens  en  commun, 
même  les  femmes  &  les  enfans.  Leur  extrême  faedi- 
té  à  fe  livrer  aux  plus  honteux  excès  de  la  débau- 
che ,  leur  fit  encore  donner,  félon  Ferdinand  de  Cor- 
doue,  dans  fon  traité  de  Exiguis  annonis,  le  nom  d'o- 
béiflans ,  obedientes.  (G) 

BARAMPOUR,  voye[  Brampour. 

*  BARANCA  DE  MELAMBO,  (la)  Géog.  ville 
de  l'Amérique ,  dans  la  province  de  Sainte-Marthe  , 
en  terre-ferme,  firr  la  rivière  de  la  Magdeleine,  Long. 
306.  lat.  11. 

*  B AR.ANGE ,  f.  f.  c'eft  ainfi  qu'on  appelle  dans 
les  Salines ,  un  mur  d'environ  trois  pies  de  hauteur  , 
placé  en  dedans  du  fourneau ,  entre  les  murs  fur  les- 
quels la  poelle  eft  pofée  :  il  fert  à  la  féparation  des  bois 
6c  des  braifes. 

BARANGES  ,  f.  m.  pi.  (  Hifl.  anc.  )  officiers  qui 
gardoient  les  clefs  des  portes  de  la  ville  où  demeu- 
roit  l'Empereur  de  Conftantinople.  On  prétend  que? 
ce  mot  eft  originairement  Anglois ,  parce  que  ces 
gardes  des  clefs  étoient  pour  l'ordinaire  tirés  des  îles 
Britanniques.  (G) 

*  BARANGUELIS ,  (le)  Géog.  anc.  &  mod.  grand 
étang  d'Egypte,  que  les  Latins  nomment  Jlagnum 
magnum ,  Tenefœ Jinus ,  Sorbonis  Palus,  fur  les  fron- 
tières de  la  Terre-fainte ,  vers  la  côte  de  la  Méditer- 
ranée ;  on  l'appelle  le  golfe  de  Tenefe ,  le  Grand-étang  , 
ou  Stagnone.  11  avoit  autrefois  cent  vingt  mille  pas  ; 
il  eft  aujourd'hui  beaucoup  moindre ,  ôi.  l'on  conjec- 
ture qu'il  fe  remplira. 

*BARANCIA,  (la)  Géog.  grande  rivière  de 
l'Amérique  feptentrionale ,  qui  a  fa  fource  au  Mexi- 
que, traverfe  le  Méchoacan,  le  Gadalajara,  la  pro- 
vince de  Xalifco,  &  fe  jette  dans  la  mer  Pacifique, 
à  l'entrée  de  la  mer  Vermeille.  Sanfon  l'appelle  Ef- 
quitlan. 

.  *  BARANIWAR-,  {Géog.  )  petite  ville  de  la  baffe 
Hongrie ,  au  comté  de  même  nom ,  entre  Bude  ce 
Belgrade,  furie  ruifleau  de  Craflb.  Long.  36.  ZO. 
lat.  46. 

*  BARANOVA ,  (Géog.)  petite  ville  de  Pologne , 
dans  la  haute  Volhinie ,  fur  la  rivière  de  Slucks. 

BARAQUE,  f.  f.  (Architecture.  )  lieu  conftruit  de 
charpente,  revêtue  de  planches  de  bateau,  &  couver- 
te de  dofles,  &  pratiquée  près  d'un  grand  attelier, 
ou  dans  un  grand  chantier,  pour  ferviraux  ouvriers 
de  magalin  pendant  l'hyver ,  &  de  retraite  pendant 
l'ete.  (P) 

Baraque  ,  f.  f.  (en  Art  milit.  )  eftune hute  ou  pe- 
tite loge  pour  des  foldats  dans  un  camp.  Voyc^  Hute. 

Ce  mot  vient  de  barracas  enEfpagnol,  petite  ca- 
bane que  les  Pêcheurs  font  fur  le  bord  de  la  mer.    . 

Celles  pour  la  cavallcrie  étoient  autrefois  appel- 
pcllées  baraques  ;  &  celles  pour  l'infanterie,  huttes: 
mais  le  terme  baraque  eft  à  préfent  ulite  indirïerem- 
ment  pour  les  deux. 

Pour  faire  les  baraques,  on  fiche  quatre  perches 
fourchues  en  terre  ,  &  on  en  met  quatre  autres  en 
travers;  enfuite  on  élevé  les  murailles a\  ec  des  mot- 
tes de  terre ,  des  claies ,  ou  tout  ce  que  le  lieu  fournit 
de  propre  pour  cela  :  ledefîùs  eft  couvert  de  chaume 

l'A 


68 


BAR 


ou  de  gafon,  félon  la  commodité  qu'on  en  a.  Quand 
l'armée  eft  en  quartier  d'hyver,  les  foldats  font  or- 
dinairement des  baraques;  en  été,  ils  fe  contentent 
de  leurs  tentes.  (Q) 

*  BARASA ,  (Géog.fainte.)  ville  de  la  Paleftine, 
dans  la  tribu  de  Gad. 

BAR  AT,  f.  m.  (Commerce.')  vieux  mot  François  & 
hors  d'uiage,  qui  fignifioit  autrefois  tromperie ,  fourbe, 
■tnenjbnge.  C'eft  de  barat  que  vient  le  terme  de  barate- 
rie ,  dont  il  y  a  un  titre  dans  les  ordonnances  de  la 
Marine.  (  G  ) 

BARATHRE,  f.  m.  (Hift.  anc.)  gouffre ,  lieu  très- 
profond  dans  l'Attique ,  où  l'on  avoit  coutume  de  pré- 
cipiter les  fcélérats.  Il  étoit  revêtu  de  pierre  de  taille , 
en  forme  de  puits  ;  &  dans  le  mur  de  revêtiffement, 
on  avoit  (celle  d'elpace  en  efpace ,  des  crampons  de 
fer  crochus ,  dont  quelques-uns  avoient  la  pointe  en- 
haHt,  &  d'autres  de  côté,  pour  accrocher  &  déchi- 
rer les  criminels  dans  leur  chute.  Ce  nom  chez  les 
Grecs  efl  encore  commun  à  toute  forte  de  gouffres , 
d'abîmes ,  &  de  concavités  de  la  terre.  (G) 

BARATTE ,  f.  f.  (  (Economie  ruftiq.  )  vaiffeau  fait 
de  douves ,  plus  étroit  par  en-haut  que  par  en-bas , 
&  qui  fert  à  battre  la  crème  dont  on  fait  le  beurre. 

L'ouverture  de  la  baratte  fe  couvre  avec  une  febille 
trouée  qui  s'y  emboîte ,  &  parle  trou  de  laquelle  paf- 
fe  un  long  bâton  qui  fert  de  manche  au  bat-beurre. 

Le  bat-beurre  eft  un  cylindre  de  bois  épais  d'envi- 
ron deux  pouces ,  percé  de  plufieurs  trous ,  &  emman- 
ché de  plat  au  bout  d'un  long  bâton;  les  trous  du  cy- 
iindre  fervent  à  donner  paffage  au  lait  de  beurre  à 
mefure  que  le  beurre  s'avance. 

Ce  font  les  Tonneliers  qui  fabriquent  &  vendent 
les  barattes  ;  &  elles  font  à  l'ufage  des  habitans  de  la 
campagne. 

BARATTERIE,  f.  f.  {Commerce.)  malverfation , 
tromperie.  Voye^  Barat. 

Barratterie  de  Patron  ,  (  Comment.  )  en  ter- 
mes de  commerce  de  mer,  fignifîe  les  larcins,  dégui- 
femens ,  &  altérations  de  marchandifes  que  peuvent 
caufer  le  maître  &c  l'équipage  d'un  vaiffeau,  &  gé- 
néralement toutes  les  iupercheries  &  malverfations 
qu'ils  mettent  affez  fou  vent  en  ufage  pour  tromper 
ie  marchand  chargeur  &  autres  intéreffés. 

On  trouve  dans  l'ordonnance  de  la  Marine  du  mois 
d'Août  1 68 1 ,  liv.  II.  &  III.  les  détails  des  différentes 
baratteries  que  peuvent  commettre  les  patrons  ou  maî- 
tres de  vaiffeau ,  6c  les  peines  décernées  contr'eux 
dans  ces  occafions.  (G) 

*  BARBA ,  (Géog.)  petite  ville  du  royaume  d'Al- 
ger, en  Barbarie. 

BARB  AC  ANNE ,  f .  f .  (  en  Architecture.  )  c'eft  une 
ouverture  étroite  &  longue  en  hauteur,  qu'on  laiffe 
aux  murs  qui  foûtiennent  des  terres,  pour  y  donner 
de  l'air,  ou  pour  en  faciliter  l'entrée  &  la  fortie  des 
eaux  ;  on  la  pratique  fur-tout  lorfque  l'on  bâtit  en  des 
lieux  fujets  à  l'inondation  ;  elle  fe  nomme  auffi  canon- 
nière. &c  ventoufe ,  ôien  latin  colluviarium.  (P) 

B arb ac anne  ,  f.  f.  c'eft  ainfi qu'on  appelle  enFor- 
tif cation  ,  les  ouvrages  avancés  d'une  place  ou  d'une 
citadelle  ;  le  principal  ufage  de  la  barbacanne ,  eft 
d'être  le  boulevard  des  portes  ou  des  murailles.  Voye^ 

DÉFENSE. 

Ce  nom  rend  le  promurale ,  ante  murale ,  murus  exte- 
rior  des  Romains ,  &  ce  que  les  François  nomment 
contre-mur.  Il  dénote  auffi  un  fort  à  l'entrée  d'un  pont 
ou  à  la  fortie  d'une  ville,  avec  une  double  mu- 
raille ,  comme  celle  que  l'on  voit  à  Rouen  à  l'un  des 
bouts  de  fon  pont  de  bateaux.  C'eft  pourquoi  plu- 
fieurs lui  donnent  encore  le  nom  de  barbacanne.  Il  étoit 
d'uiage  auffi  pour  fignifîer  une  ouverture  des  mu- 
railles ,  par  où  l'on  tire  des  coups  de  moufquet  fur 
l'ennemi  ;  mais  on  ne  s'en  fert  plus  à  prélent,  Voye^ 
Créneau  &  Embrasure.  (Q) 


BAR 

*BARBADE,  (Géog.)'ûeàe  l'Amérique,  &  l'une 
des  Antilles.  Long.  Ji8.  40.  lat.  13.20. 

*BARBANÇON,(  Géog.  )  principauté  dans  le 
Hainault. 

*  BARB  AND  A ,  (Géog.  anc.  )  ville  jadis  considé- 
rable de  la  haute  Egypte  ;  il  n'en  refte  plus  que  quel- 
ques ruines  entre  Girgio  &  Afna. 

*  BARBARA  ,  (Log.)  terme  par  lequel  on  défigne 
le  premier  mode  d'argument  de  la  première  figure  : 
un  fyllogifme  en  barbara  a  fes  trois  proportions  uni- 
verielles  affirmatives.  Voyei  Syllogisme. 

*  BARBARCA ,  (Hift.  nat.  bot.  )  plante  qui  pouf- 
fe plufieurs  tiges  à  la  hauteur  d'un  pié  &  demi ,  bran- 
chues ,  creufes ,  plus  petites  que  celles  de  la  rave , 
&  ayant  quelque  reffemblance  à  celles  du  creffon , 
vertes  ,  noirâtres  &  luifantes  ;  fes  fleurs  font  petites, 
jaunes,  à  quatre  feuilles  difpofées  en  croix.  Il  leur 
fuccede  de  petites  gouffes  tendres ,  rondes  &  lon- 
gues ,  qui  contiennent  des  femences  rougeâtres  :  fa 
racine  eft  oblongue ,  médiocrement  groffe ,  &  d'un 
goût  acre.  Elle  croît  dans  les  champs  ,  &  on  la  culti- 
ve dans  les  potagers. 

Elle  contient  du  fel  effentiel  &  de  l'huile  ;  elle  eft 
déterfive  &  vulnéraire  ;  elle  excite  l'urine  ;  elle  eft 
falutaire  dans  le  feorbut,  les  maladies  de  la  rate  ôcla 
néphrétique. 

BARBARES,  (Philofophie.)  adj.  c'eft  le  nom  que 
les  Grecs  donnoient  par  mépris  à  toutes  les  nations , 
qui  ne  parloient  pas  leur  langue,  ou  du  moins  qui  ne 
la  parloient  pas  auffi-bien  qu'eux.  Ils  n'enexceptoient 
pas  même  les  Egyptiens ,  chez  lefquels  ils  conteffoient 
pourtant  que  tous  leurs  philofophes  &  tous  leurs  lé- 
gislateurs avoient  voyagé  pour  s'inftruire.  Sans  en- 
trer ici  avec  Brucker ,  dans  les  différentes  étymolo- 
gies  de  ce  terme ,  ni  fans  examiner  s'il  eft  compofé 
du  bar  des  Arabes,  qui  fignifie  defert ,  ou  s'il  eft  déri- 
vé du  terme  par  lequel  les  Chaldéens  rendent  le  fo- 
rts ou  l'extra  des  Latins  ;  je  remarquerai  feulement 
que  dans  la  fuite  des  tems ,  les  Grecs  ne  s'en  fervi- 
rent  que  pour  marquer  l'extrême  oppofition  qui  fe 
trouvoit  entr'eux  &  les  autres  nations ,  qui  ne  s'é- 
toient  point  encore  dépouillées  de  la  rudeffe  des  pre- 
miers fiecles ,  tandis  qu'eux-mêmes,  plus  modernes 
que  la  plupart  d'entr'elles ,  avoient  perfectionné  leur 
goût,  &  contribué  beaucoup  aux  progrès  de  l'efprit 
humain.  Ainfi  toutes  les  nations  étoient  réputées  bar- 
bares ,  parce  qu'elles  n'avoient  ni  la  politeffe  des 
Grecs ,  ni  une  langue  auffi  pure,  auffi  féconde ,  auffi 
harmonieufe  que  celle  de  ces  peuples.  En  cela  ils  fu- 
rent imités  par  les  Romains,  quiappelloient  auffi  bar- 
bares tous  les  autres  peuples,  à  l'exception  des  Grecs, 
qu'ils  reconnoiffoient  pour  une  nation  favante  &  po- 
licée. C'eft  à  ptu-près  comme  nous  autres  François  , 
qui  regardons  comme  groffier  tout  ce  qui  s'éloigne 
de  nos  ufages.  Les  Grecs  &  les  Romains  étoient  ja- 
loux de  dominer  plus  encore  par  l'efprit,  que  par  la 
force  des  armes,  ainfi  que  nous  voulons  le  faire  par 
nos  modes. 

Lorfque  la  religion  Chrétienne  parut,  ils  n'eurent 
pas  pour  elle  plus  de  ménagement  qu'ils  en  avoient 
eu  pour  la  philofophie  des  autres  nations.  Ils  la  trai- 
tèrent elle-même  de  barbare  ;  &  fur  ce  pié  ils  oferent 
la  méprifer.  C'eft  ce  qui  engagea  les  premiers  Chré- 
tiens à  prendre  contre  les  Grecs  &  les  Romains,  la 
défenfe  de  la  Philofophie  barbare.  C'étoit  un  détour 
adroit  dont  ils  fe  fervoient  pour  les  accoutumer  peu- 
à-peu  à  refpeder  la  religion  Chrétienne,  fous  cette 
enveloppe  groffiere  qui  leur  en  deroboit  toute  la 
beauté ,  &  à  lui  foûmettre  leur  feience  &  leur  or- 
gueil. Tatien  de  Syrie,  &  difciple  de  S.  Juftin,  leur 
a  prouvé  qu'ils  n'avoient  rien  inventé  d'eux-mêmes, 
&  qu'ils  étoient  redevables  à  ces  mêmes  hommes  , 
qu'ils  traitoient  de  barbares ,  de  toutes  les  connoiffan- 
ces  dont  ils  étoient  ii  fort  enorgueillis.  «  Quelle  eft, 


BAR 

»  leur  réprOchoit-il  malignement,  la  fcience  parmi 
»  vous,  qui  ne  tire  ion  origine  de  quelqu'étranger  ? 
»  Vous  n'ignorez  pas  que  l'art  d'expliquer  les  longes, 
»  vient  de  l'Italie  ;  que  les  Cariens  le  font  les  pre- 
»>  miers  avifés  de  prédire  l'avenir  par  la  diverfe  litua- 
w  tion  des  altres;  que  les  Phrygiens  Se  les  Iiauriens 
»  fe  font  iervis  pour  cela  du  vol  des  oifeaux,  &  les 
»  Cypriotes ,  des  entrailles  encore  fumantes  des  ani- 
»  maux  égorgés.  Vous  n'ignorez  pas  que  les  Chai- 
»>  déens  ont  inventé  l'Aftronomie  ;  les  Perles  la  Ma- 
»  gie;  les  Egyptiens  la  Géométrie ,  &  les  Phéniciens 
»  l'art  des  Lettres.  Celiez  donc ,  6  Grecs ,  de  donner 
m  pour  vos  découvertes  particulières,  ce  que  vous 
»>  n'avez  fait  que  fiuvre  &  qu'imiter  ».  Quoi  qu'il  en 
foit  de  ces  reproches ,  il  efi  certain  qu'ils  font  les  pre- 
miers inventeurs  de  cette  Philolophie  fyitématique, 
qui  bravant  toute  autorité ,  ne  veut  fe  laifler  condui- 
re qu'à  la  lueur  de  l'évidence  dans  la  recherche  de  la 
vérité.  La  Philolophie  des  autres  peuples,  &  même 
des  Egyptiens ,  n'étoit ,  ainfi  que  nous  l'avons  remar- 
qué à  l'article  de  Yame ,  qu'un  amas  de  maximes , 
qui  fe  tranimettoient  par  tradition ,  &  qui  prenoient 
iur  les  efprits  le  même  afcendant  que  les  oracles  de 
leurs  dieux.  Ce  n'eit  qu'en  Grèce  qu'on  ofoit  raifon- 
ner  ;  Se  c'elt  aulîi  là  le  léul  pays  où  l'elprit  fubtil  & 
rafiné  enfantoit  des  fyltemes.  La  Philolophie  des  au- 
tres peuples  n  etoit  ,  à  proprement  parler,  qu'une 
Théologie  myitérieufe.  Ainii  l'on  peut  dire  que  les 
Grecs  ont  été  les  premiers  philofophes,  dans  le  fens 
rigoureux  que  l'ulàgc  attache  à  ce  terme.  (X) 

Barbares  (Lois)  JuriJ'prudence ;  ce  font  celles  qui 
furent  faites  lots  de  la  décadence  de  l'empire  Ro- 
main ,  par  les  differens  peuples  qui  le  démembrèrent, 
tels  que  lesGoths,  les  Vilîgoths,  les  Ripuariens,  les 
Francs-Allemands,  Anglo-Saxons,  &c.  Voye^  au  mot 
Code. 

On  voit  par  ces  lois  la  forme  qui  s'obfervoit  dans 
les  jugemens.  Ils  fe  rendoient  dans  de  grandes  affem- 
blées ,  où  toutes  les  perfonnes  de  diltinction  fe  trou- 
voient.  Pour  les  preuves ,  on  fe  fervoit  plus  de  té- 
moins que  de  titres  ,  par  la  raifon  qu'on  ne  faifoit 
preiqu'aucun  ufage  de  l'écriture  ,  fur-tout  dans  les 
commencemens.  Faute  de  preuves  on  employoit  le 
combat ,  ou  l'on  faifoit  des  épreuves  par  les  élemens. 
Voyt{  Combat  &  Épreuve. 

La  principale  matière  de  ces  lois  étoient  les  crimes, 
&  fur-tout  ceux  qui  étoient  les  plus  fréquens  parmi 
ces  peuples  brutaux ,  tels  que  le  vol ,  le  meurtre  ,  les 
injures ,  en  un  mot  tout  ce  qui  fe  commet  par  vio- 
lence :  ce  qui  regarde  les  fucceflions  ôc  les  contrats 
y  étoit  traité  très-fuccin£tement. 

La  qualité  des  peines  qu'elles  prononçoient  elt  re- 
marquable. Pour  la  plupart  des  crimes  elles  n'ordon- 
noient  que  des  amendes  pécuniaires ,  ou  pour  ceux 
qui  n'avoient  pas  de  quoi  payer,  des  coups  de  foiiet. 
On  ne  puniffoit  point  alors  de  mort  les  criminels  ,  à 
moins  qu'il  ne  fût  queftion  de  crimes  d'état.  Aulïi  ces 
peines  étoient-elles  nommées  comportions ,  comme 
n'étant  qu'une  taxe  de  dommages  &  intérêts  ,  faite 
avec  une  exactitude  furprenante  :  on  y  diltinguoit  la 
partie  Méfiée  ou  mutilée,  la  profondeur,  la  largeur 
de  la  plaie,  ou  le  nombre  des  plaies. 

Ces  lois  font  écrites  d'un  ftyle  li  iimple  Se  fi  court, 
qu'il  feroit  fort  clair  fi  tous  les  termes  étoient  latins  : 
mais  elles  font  remplies  de  mots  barbares  ,  foit  faute 
de  mots  latins  qui  fuflent  propres,  foit  pour  leur  fer- 
vir  de  glofe.  (H) 

BARBARICA1RE,  f.  m.  (Peinture  &  Tapiferie.) 
Le  barbaricaire  elt  un  peintre  qui  exécute  des  repré- 
fentations  d'hommes  Se  d'animaux  en  tapifferie  ou 
avec  des  foies  de  différentes  couleurs.  La  tapifferie 
elt  un  genre  de  peinture,  &  l'on  ne  doit  pas  être  fur- 
pris  que  je  donne  le  nom  de  peintre  à  ces  excellcns 
artifies ,  qui  font  avec  l'aiguille  des  tableaux  auffi 


BAR 


69 


beaux  que  tous  ceux  que  les  peintres  font  avec  le 
pinceau.  Voye^  LlSSE  HAUTE  6*  BASSE. 

*  BARBARICENS  (les)  f.  m.  pi.  (Géog.),  peu- 
ple de  l'île  de  Sardaigne ,  dans  les  montagnes  ;  on  ap- 
pelle leur  quartier  les  barbarias  :  il  elt  divifé  en  trois 
parties ,  la  Barbaria-Bervi ,  au  quartier  de  Valence  ; 
la  BarbariaLolai,  au  même  quartier  ;  mais  l'un  plus  à 
l'orient ,  &  l'autre  plus  au  feptentrion  :  la  Barbaria- 
Sevoli,  dans  les  monts. 

*  BARBARIE ,  f.  f.  (Géog.)  grande  contrée  d'A- 
frique ,  enfermée  entre  l'Océan  Atlantique ,  la  mer 
Méditerranée  ,  l'Egypte ,  la  Nigritie ,  Se  la  Guinée. 
Sa  longueur  de  l'orient  à  l'occident  elt  confidérable  , 
mais  fa  largeur  varie.  Ses  parties  principales  font  les 
royaumes  de  Tripoli ,  de  Tunis ,  d'Alger ,  de  Fez ,  de 
Maroc ,  de  Tafilet,  &  le  Zara  ou  Defert.  Ces  états 
ont  un  grand  nombre  de  ports  fur  la  Méditerranée  , 
Se  les  royaumes  de  Fez  Se  de  Maroc  en  ont  même 
quelques-uns  fur  l'Océan  :  ce  font  ceux  de  Tripoli  , 
de  la  Goulette,  de  Tunis,  d'Alger  &  de  Salé,  où  l'on 
fait  le  plus  de  commerce.  II  y  a  à  Alger  des  mar- 
chands de  toutes  les  nations  ;  les  Juifs  y  ont  un  quar- 
tier. La  marine  des  Algériens  elt  très-forte.  On  peut 
tirer  de-là  des  grains.  Le  commerce  eft  le  même  à 
Couco  :  il  fe  fait  en  grains ,  olives  ,  huiles ,  figues  , 
raifins  fecs  ,  miel ,  Se  cire.  On  y  trouve  aufii  du  fer  , 
de  l'alun ,  &  de  petits  beftiaux.  Il  y  a  peu  de  né- 
goce à  Tripoli.  Il  vient  de  Barbarie  des  plumes  d'au- 
truche ,  de  l'indigo ,  de  l'or  en  poudre ,  des  dattes  , 
des  raifins  de  damas,  des  cuirs  tannés  &  non  tannés , 
du  cuivre ,  de  la  cire ,  de  l'étain ,  des  laines  ,  des 
peaux  de  chèvre ,  du  corail ,  qui  le  pêche  au  baltion 
de  France;  des  grains,  comme  blés,  orges,  lèves, 
millet  ;  des  chevaux.  On  charge  pour  ces  côtes  des 
draps,  de  l'écarlate,  des  velours,  des  taffetas  ,  des 
mouffelines ,  des  foies  apprêtées  ;  des  épiceries ,  des 
drogues ,  du  coton  ,  du  tabac  ,  du  fucre  ,  du  bois  de 
campeche  ,  du  tartre  ,  de  l'alun  ,  du  foufre  ,  de  la 
cochenille ,  du  papier ,  de  l'acier ,  du  fer ,  du  plomb , 
toutes  fortes  de  quincaillerie.  Il  y  a  beaucoup  d'a- 
vantage d'aller  acheter  de  ces  voleurs ,  tout  ce  qui 
n'elt  pas  à  leur  ufage  ,  &  qu'ils  revendent  de  leurs 
prifes.  Il  n'y  a  en  Barbarie  prefque  que  des  monnoies 
étrangères.  Ils  ont  pourtant  leurs  burbas ,  leurs  dou- 
blas ,  leurs  rubics,  Se  quelques -autres  pièces.  Le 
commerce  elt  le  même  par-tout  fur  cette  côte ,  ex- 
cepté à  Salé  Se  au  baltion  de  France.  L'or  Se  l'ivoire 
qui  viennent  de  Salé  en  Europe,  y  font  apportés  de 
Sudan  &  de  Gago  en  Guinée  par  des  cafillas  Arabes. 
Les  plumes  d'autruches  viennent  de  Sara.  Le  com- 
merce de  Tambou&on ,  capitale  de  Gago ,  fe  lait  fin- 
gulierement ,  c'elt  un  échange  d'or  en  fel.  Le  mar- 
chand met  fon  fel  à  terre  fur  des  nattes  de  jonc  &  fe 
retire  :  le  Nègre  vient,  il  examine  le  tas  de  tel  qui 
lui  convient ,  il  met  à  côté  la  poudre  d'or  qu'il  en 
veut  donner,  Se  fe  retire  à  fon  tour  :  le  marchand  le 
rapproche  ;  fi  la  quantité  d'or  lui  convient ,  il  prend 
une  poignée  de  lel  qu'il  met  à  côté  de  l'or  ;  fi  elle 
ne  lui  convient  pas  il  ne  met  rien  ;  il  le  retire  en- 
fuite  :  le  Nègre  le  rapproche  &  emporte  fon  fel  ou 
augmente  la  quantité  d'or,  ou  retire  fon  or,  Se  tout 
cela  fe  fait  fans  parler.  Le  filence  elt  ordonné  par  la 
loi,  comme  le  fcul  moyen  de  prévenir  les  querelles 
entre  les  marchands,  &  il  s'obfen  e  rigoureusement. 

Le  baltion  de  France  fait  faire  la  pêche  du  corail , 
&  en  trafique  particulièrement,  f'oyei  à  l'article  Co- 
rail cette  ptcht  Se  ce  commerce. 

*  Barbarie  (merde),  Géog.  c'eft  ainfi  qu'on  ap- 
pelle toute  la  partie  de  la  Méditerranée,  qui  baigne 
les  côtes  des  royaumes  de  Tunis ,  d'Alger .  &  de  Fez  , 
&  qui  s'étend  jufqu'aux  îles  de  Sicile  &:  de  Sardaigne. 
On  ne  comprend  quelquefois  fous  ce  nom ,  que  ce 
qui  baigne  les  côtes  d'Alger  &  de  Fez. 

*  BARBARIE  (Usjiiclus  ou  bajjes  de  )  ,  Geoe.  anc. 


7o  BAR 

&  moi.  ce  font  les  ecueils  du  golfe  de  Sedra ,  qite  les 
anciens  appdloient  S'y  nis  magna  ou  major.  On  entend 
auin  par  ce  nom  ,  quelquefois  ,  le  golfe  de  Sedra 
même. 

B ARBARIN ,  f.  m.  {Hifl.  nat.  Zoolog.)  poiflbn  de 
mer,  mieux  connu  fous  le  nom  defurmulet.  V.  Sur- 
mulet. 

B arbarin  ,  poiflbn  de  rivière ,  petit  barbeau.  V. 
Barbeau.  (/) 

BARBARISME ,  f.  m.  {terme  de  Gramme)  le  barba- 
rlfme  efl  un  des  principaux  vices  de  rélocution. 

Ce  mot  vient  de  ce  que  les  Grecs  &  les  Romains 
appelloient  les  autres  peuples  barbares,  c'efl-à-dire , 
étrangers;  par  conféquent  tout  mot  étranger  mêlé 
dans  la  phrafe  greque  ou  latine  étoit  appelle  barba- 
rifme. Il  en  efl:  de  même  de  tout  idiotifme  ou  façon 
de  parler ,  Se  de  toute  prononciation  qui  a  un  air 
étranger  ;  par  exemple ,  un  Anglois  qui  diroit  à  Ver- 
failles,  efl  pas  le  roi  allé  à  la  chaffe ,  pour  dire  le  roi 
tfefl-il  pas  allé  à  la  chaffe  ?  ou  jefuisfec  ,  pour  dire 
j'ai  foi/,  ferait  autant  de  barbarifmes  par  rapport  au 
françois. 

Il  y  a  aufli  une  autre  efpece  de  barbarifme;  c'efl 
lorfqu'à  la  vérité  le  mot  efl  bien  de  la  langue ,  mais 
qu'il  efl:  pris  dans  un  fens  qui  n'eft  pas  autorifé  par 
Fiïfagé  de  cette  langue ,  enforte  que  les  naturels  du 
pays  font  étonnés  de  l'emploi  que  l'étranger  fait  de 
ce  mot  :  par  exemple ,  nous  nous  fervons  au  figuré 
du  mot  d 'entrailles ,  pour  marquer  le  fentiment  ten- 
dre que  nous  avons  pour  autrui  ;  ainfl  nous  difons 
"il  a  de  bonnes  entrailles ,  c'eft-à-dire ,  il  efl  compatif- 
'fant.  Un  étranger  écrivant  à  M.  de  Fenelon  ,  arche- 
vêque de  Cambrai,  lui  dit:  Msr ,  vous  ave^pour  moi 
des  boyaux  de  père.  Boyaux  ou  intejlins  pris  en  ce 
fens  ,  font  un  barbarifme ,  parce  que  lelon  l'uiage  de 
notre  langue  nous  ne  prenons  jamais  ces  mots  dans 
le  fens  figuré  que  nous  donnons  à  entrailles. 

Ainfl  il  ne  faut  pas  confondre  le  barbarifme  avec  le 
folécifme  ;  le  barbarifme  efl:  une  élocution  étrangère, 
au  lieu  que  le  folécifme  efl  une  faute  contre  la  régu- 
larité de  la  conflruttion  d'une  langue  ;  faute  que  les 
naturels  du  pays  peuvent  faire  par  ignorance  ou  par 
inadvertance ,  comme  quand  ils  fe  trompent  dans  le 
genre  des  noms  ou  qu'ils  font  quelqu'autre  faute  con- 
tre la  fyntaxe  de  leur  langue. 

Ainfl  on  fait  un  barbarifme ,  i°.  en  difant  un  mot 
tjui  n'eft  point  du  dictionnaire  de  la  langue.  -x°.  En 
prenant  un  mot  dans  un  fens  différent  de  celui  qu'il 
a  dans  l'ufage  ordinaire  ,  comme  quand  on  fe  fert 
d'un  adverbe  comme  d'une  prépofition  ;  par  exem- 
ple ,  il  arrive  auparavant  midi ,  au  lieu  de  dire  avant 
-midi.  3°.  Enfin  en  ufant  de  certaines  façons  de  par- 
ler, qui  ne  font  enufage  que  dans  une  autre  langue. 
Au  lieu  que  le  folécifme  regarde  les  déclinaifons , 
les  conjugaisons ,  &  la  fyntaxe  d'une  langue ,  i°.  les 
déclinaifons ,  par  exemple  ,  les  emails  au  lieu  de  dire 
les  émaux  :  i°.  les  conjugaifons ,  comme  fi  l'on  difoit 
il  allit  pour  il  alla  :  30.  la  fyntaxe ,  par  exemple  ,je 
'n'ai  point  de  l'argent,  pour  je  n'ai  point  d'argent. 

J'ajouterai  ici  un  paflage  tiré  du  IVe  livre  ad  He- 
rennium,  ouvrage  attribué  à  Cicéron  :  La  latinité,  dit 
Fauteur  ,  confjic  à  parler  purement ,  fans  aucun  vice 
dans  V élocution.  «  Il  y  a  deux  vices  qui  empêchent 
»  qu'une  phrafe  ne  foit  latine  ,  le  folécifme  &  le  bar- 
»  barifme  ;  le  folécifme ,  c'efl  lorfqu'un  mot  n'efl  pas 
»  bien  confirait  avec  les  autres  mots  de  la  phrafe  ; 
»  &  le  barbarifme ,  c'efl  quand  on  trouve  dans  une 
»  phrafe  un  mot  qui  ne  devoit  pas  y  paraître  ,  félon 
»  l'ufage  reçu  ».  Latinitas  ef  quœ  ferma ncm  purum  con- 
fervat ,  àb  omni  vitio  rernotum.  Vida  i,i  fermone  ,  quo- 
minus  is  latinus  fit ,  duo  pojfunt  effe  ,•  jblecifmus  &  bar- 
barij'rr.us.  Soucifmus  efl  ,  cum  verbis pluribus  conj'equens 
verbum  fuperiori  non  accommodatur,  Barbarifmus  ejl , 


BAR 

tum  vsrbum  àliquod  vitiofe  effertur.  Rhëtoriconïm  ad 
Herenn.  Lib.  IV.  cap.  xij.  {F) 

*  BARBAT  A  ou  BARBUE ,  (Mytholog.)  furnom 
qu'on  donnoit  à  Venus  ;  en  effet ,  on  la  repréfentoit 
quelquefois  avec  de  la  barbe  &  avec  les  deux  fexes. 

*  BARBATH  ou  MARBATH  {Géog.  anc.  &  mod.y, 
ville  de  l'Arabie  heureufe ,  dans  une  petite  province 
nommé  Sehagt  ou  Hadhramuth ,  qui  efl  l'Adramytene 
des  anciens, 

.  *  BARB ATO  (  Géog.  ) ,  rivière  de  l'Andaloufie , 
en  Efpagne,  qui  coule  dans  l'évêché  de  Cadis ,  &  fe 
jette  dans  l'océan  Atlantique  à  Porto-Barbato. 

*  BARBATO  ou  PORTO-BARBATO  {Géog.  anc. 
&  mod.') ,  petite  ville  d'Efpagne  ,  dans  l'Andaloufie , 
fur  l'Océan  Atlantique,  à  l'embouchure  de  la  rivière 
Barbato.  C'eft,  félon  quelques  Géographes,  la  ville 
Belo  ou  Bello  des  anciens  ;  d'autres  veulent  que  Belo 
ou  Bello  des  anciens  foit  Conil  ou  Belona. 

BARBE,  le  poil  qui  croît  au  menton  &  autres  par- 
tiesdu  vifage,  fur-tout  des  mâles  adultes.  V.  Poil. 
La  barbe  efl  la  première  marque  de  puberté  ;  c'eft 
un  indice  que  la  femence  commence  à  fe  faire  ;  elle 
continue ,  fi  le  fang  produit  la  même  humeur  proli- 
fique :  elle  cefle  de  pouffer,  ou  tombe,  fi  cette  fecré- 
tion  importante  efl  empêchée.  On  connoît  par-là 
pourquoi  la  barbe  &  les  cheveux  tombent  fouvent 
dans  la  vieilleffe.  La  voix  d'un  garçon  reffemble  à 
celle  d'une  fille  avant  la  fecrétion  de  la  iemence  , 
après  quoi  elle  devient  grave  &  rauque ,  &  ce  iymp* 
tome  paroît  avant  la  barbe.  (Z.) 

La  barbe  a  été  aflujettie  à  diverfes  coutumes  &  cé- 
rémonies. Kingfon  nous  affûre  qu'une  partie  confi- 
dérable  de  la  religion  desTartares  coniifle  dans  le 
gouvernement  de  leur  barbe;  qu'ils  ont  tait  une  lon- 
gue &  fanglante  guerre  aux  Perfans ,  &  les  ont  dé- 
clarés infidèles ,  quoique  de  leur  communion  à  d'au* 
très  égards,  précifément  à  caufe  que  ceux-ci  ne  fe 
faifoient  point  la  mouftache  à  la  mode  ou  fuivant  le 
rit  des  Tartares. 

Athénée  remarque ,  d'après  Chryfippe  ,  que  les 
Grecs  avant  Alexandre ,  avoient  toujours  confervé 
leur  barbe ,  &  que  le  premier  Athénien  qui  coupa 
la  fienne  ,  fut  toujours  après  cela  dans  les  médailles 
furnommé  le  tondu ,  x^pw;-  Plutarque  ajoute  qu'Ale- 
xandre ordonna  aux  Macédoniens  de  fe  faire  rafer, 
de  peur  que  les  ennemis  ne  les  priffent  par  la  barbe. 
Quoi  qu'il  en  foit ,  nous  voyons  que  Philippe  fori 
père ,  ainfl  que  fes  prédéceffeurs  Amyntas  &  Arche- 
laiis ,  font  repréfentés  fans  barbe  fur  les  médailles. 

Pline  obferve  que  les  Romains  ne  commencèrent 
à  fe  rafer  que  l'an  de  Rome  454,  quand  P.  Ticinus 
leur  amena  de  Sicile  une  provifion  de  barbiers  ;  ii 
ajoute  que  Scipion  l'Africain  fut  le  premier  qui  fit 
venir  la  mode  de  fe  rafer  chaque  jour. 

Ce  fut  encore  une  coutume  parmi  les  Romains  de 
fe  faire  des  vifites  de  cérémonie ,  à  l'occafion  de  la 
première  coupe  de  la  barbe.  Les  jeunes  gens  commen- 
çoient  à  fe  faire  couper  la  barbe  depuis  l'âge  de  2 1  ans, 
jufqu'à  celui  de  49  ;  paffé  49  ans ,  il  n'étoit  plus  per- 
mis ,  félon  Pline  ,  de  ne  pas  porter  la  barbe  longue. 
Ils  enfermoient  leur  première  barbe  dans  une  petite 
boîte  d'or  ou  d'argent,  qu'ils  confacroient  à  quelque 
divinité ,  &  fur-tout  à  Jupiter  Capitolin,  comme  Sué- 
tone le  remarque  de  Néron.  Les  14  premiers  empe- 
reurs fe  firent  rafer  jufqu'au  tems  de  l'empereur 
Adrien ,  qui  rétablit  l'ufage  de  porter  la  barbe  :  Plu- 
tarque dit  que  le  motif  de  ce  prince  fut  de  cacher  les 
cicatrices  qu'il  avoit  au  vifage. 

Tous  fes  fuccefleurs  l'imitèrent  jufqu'à  Conflan- 
tin.  Les  barbes  reparurent  fous  Héraclius,  &  tous  les 
empereurs  Grecs  l'ont  portée  depuis.  Les  Goths  & 
les  Francs  ne  portoient  qu'une  mouftache  ,  jufqu'à 
Clodion  ,  qui  ordonna  aux  François  de  laiffer  croître 
leur  barbe  iv  leurs  cheveux ,  poux  les  distinguer  des 


BAR 

Romains.  Les  anciens  philofophes  &  les  prêtres  des 
Ju.fs  portoient  de  longues  barbes.  On  veut  que  ce  loit 
auffi  l'origine  du  nom  des  Lombards ,  Longobardi  quaji 
Longo-barbati.  Il  y  a  un  canon  du  concile  de  Cartha- 
ge,  qui  défend  aux  clercs  de  porter  de  longs  cheveux 
tC  de  longues  barbes  :  clericus  nec  comam  nutriat  ,  nec 
barbam  ;  ce  qui  fe  concilie  difficilement  avec  cette 
leçon ,  nec  barbam  tundat.  Grégoire  VII.  dit ,  que  le 
clergé  d'Occident  a  toujours  été  raie.  Aujourd'hui  les 
Occidentaux  le  font  râler  ;  6c  les  Grecs  au  contraire , 
les  Turcs  6c  prefque  tous  les  Orientaux  ont  confer- 
vé  la  mode  de  porter  de  longues  barbes. 

On  uloit  anciennement  de  grandes  cérémonies  en 
béniffant  la  barbe ,  &  l'on  voit  encore  les  prières  qui 
lé  difoient  dans  la  folennité  de  fa  confécration ,  lorf- 
que  l'on  tonfuroit  un  clerc.  Voye{  Tonsure. 

Les  gens  de  qualité  faifoient  râler  leurs  enfans  la 
première  fois  par  desliommes  auffi  qualifiés  qu'eux , 
ou  plus  même  ;  &  ceux-ci  devenoient  par  ce  moyen 
les  parreins  ou  les  pères  adoptifs  des  enfans.  Voye^ 
Adoption. 

Il  eft  vrai  qu'anciennement ,  on  devenoit  parrein 
du  garçon  précifément  en  lui  touchant  la  barbe;  auffi 
voit-on  dans  l'hiftoire  qu'un  des  articles  du  traité 
entre  Clovis  6c  Alaric  ,fut  que  ce  dernier  lui  touche- 
roit  la  barbe ,  afin  de  devenir  le  parrein  de  Clovis. 
Voye{  Parrein. 

A  l'égard  des  eccléfiaftiques ,  la  difeipline  a  confi- 
dérablement  varié  fur  l'article  de  la  barbe  ;  on  leur  a 
quelquefois  enjoint  de  la  porter ,  à  caufe  qu'il  y  a 
quelque  choie  d'efféminé  à  le  la  faire ,  &c  qu'une  bar- 
be longue  fied  bien  à  la  gravité  du  clergé  ;  d'autres 
fois  on  l'a  défendue  comme  fufpecte  de  cacher  de 
l'orgueil  fous  un  air  vénérable.  L'églife  Greque  & 
la  Romaine  ont  été  long-tems  aux  prifes  à  ce  fujet 
depuis  leur  féparation.  Ceux  de  l'églife  de  Rome  fem- 
blent  avoir  encore  eu  plus  de  goût  pour  fe  rafer  afin 
de  contredire  les  Grecs  ;  ils  ont  même  fait  certaines 
conftitutions  expreffes  de  radendis  barbis. 

Les  Grecs ,  de  leur  côté  défendent  la  caufe  des 
grandes  barbes ,  avec  un  zèle  ardent,  &  font  très  fean- 
dalifés  de  voir  dans  les  églifes  Romaines ,  des  images 
de  faints  qui  n'ont  point  de  barbe.  On  trouve  que  par 
les  ftatuts  de  quelques  monafteres ,  les  moines  laïques 
dévoient  laiffer  croître  leur  barbe  ,  6c  les  prêtres  fe 
rafer  ;  &  que  l'on  béniffoit,  avec  beaucoup  de  céré- 
monies ,  les  barbes  de  tous  ceux  qui  étoient  reçus  dans 
les  couvens. 

En  certains  pays  ,c 'eft  porter  le  deuil  que  de  bif- 
fer croître  fa  barbe,  en  d'autres  c'en  eft  un  que  de  fe 
rafer.  Le  père  le  Comte  remarque  l'extravagance  des 
Chinois  dans  leur  affeûation  de  porter  de  grandes  bar- 
bes ,  eux  à  qui  la  nature  n'en  a  donné  que  de  fort  pe- 
tites ,  qu'ils  ont  la  folie  de  cultiver  avec  un  grand 
foin ,  enviant  beaucoup  le  bonheur  des  peuples  de 
l'Europe  à  cet  égard,  &  les  conlidérant  comme  les 
premiers  hommes  du  monde  ,  à  caufe  de  leur  barbe. 
Les  Ruffiens  portoient  encore  leur  barbe  ,  il  n'y 
a  que  très-peu  d'années ,  quand  le  Czar  Pierre  I.  leur 
ordonna  de  fe  rafer  :  mais  nonobftant  Ion  ordre ,  il 
fut  contraint  de  tenir  fur  pied  un  bon  nombre  d'of- 
ficiers ,  pour  la  couper  de  haute  lutte  à  ceux  que  l'on 
ne  pouvoit  réduire  autrement  à  s'en  défaire.  C'eft 
une  remarque  de  Saint-Chryfoftomc ,  que  les  rois  de 
Perle  avaient  leur  barbe  tiffue  ,  &  nattée  avec  un 
fil  d'or.  Quelques-uns  des  premiers  rois  de  France 
faifoient  noiier  6c  boutonner  leur  barbe  avec  de  l'or. 

(G) 

Barbe  d'une  Comète {AJlronom.  ) c'eft  le  nom 
qu'on  donne  à  ces  efpeces  de  rayons  qu'envoyé  une 
comète,  vers  la  partie  du  ciel  où  l'on  mouvement 
paroît  la  porter.  V<rye{  Comète. 

C'eft  en  quoi  la  barbe  de  la  comète  eft  diftinguée 
de  fa  queue ,  qui  le  dit  des  rayons  pouffes  vers  la  par- 


BAR 


71 


tie  d'où  il  femble  que  l'on  mouvement  l'éloigné. 
Foyei  Queue.  En  un  mot  la  barbe  de  la  comète  eft 
une  elpcce  de  chevelure  lumineule  6c  rayonnante 
qid  la  précède  ,  6c  la  queue  eft  une  chevelure  lumi- 
neule &  rayonnante  qui  la  fuit.  La  caufe  de  la  queue 
des  comètes  &  de  leur  barbe  n'eft  pas  trop  bien  con- 
nue, foyei  fur  ce  fujet  les  conjectures  des  philofo- 
phes ,  au  mot  Comète.  (  O  ) 

Barbe  ou  plutôt  Barbette  (  terme  de  l'Art  mi- 
litaire )  tirer  en  barbe  ou  à  barbette ,  c'eft  tirer  le  ca- 
non par  deffusle  parapet,  au  lieu  Je  le  tirer  par  les 
embrafures  ;  auquel  cas  le  parapet  ne  doit  avoir 
que  trois  pies  &  demi  de  hauteur,  au-deffus  de  l'en- 
droit où  le  canon  eft  placé.  On  fait  ordinairement 
de  petites  élévations  de  terre  aux  angles  flanqués 
des  ouvrages  pour  y  placer  du  canon  qu'on  tire  à 
barbette.  Ces  élévations  font  auffi  appellées  barbet- 
tes. On  donne  ce  même  nom  au  canon  ,  qui  eft  tiré 
de  ces  élévations  ;  parce  qu'on  prétend  que  le  canon 
en  tirant  de-là ,  par-deffus  ce  parapet ,  lui  fait  pour 
ainfi  dire  la  barbe,  en  brûlant  l'herbe  de  fa  partie  fu- 
périeure.  (  Q  ) 

Barbe  d'un  vaijfeau  (  Marine.  )  les  barbes  d'un 
vaiffeau  font  les  parties  du  bordage  de  l'avant ,  au- 
près du  rinjot ,  c'eft-à-dire ,  vers  l'endroit  où  l'étra- 
ve  s'affemble  avec  la  quille. 

Barbe  ,  Sainte-Barbe  ,  gardiznnerie ,  chambre  des  ca- 
nonmers  ;  c'eft  ainfi  que  le  nomme  (  en  Marine  )  la 
chambre  des  canonniers ,  à  caufe  qu'ils  ont  choilî 
Sainte  Barbe  pour  patrone.  Lafainte-barbe  eft  un  re- 
tranchement de  l'arriére  du  vailîéau,  au-deffus  de  la 
fonte,  6c  au-deffous  de  la  chambre  du  capitaine.  Le 
timon  paffe  dans  la  fainte-barbe.  Les  vaiffeaux  de 
guerre  y  ont  ordinairement  deux  fabords  pratiqués 
dans  l'arcaffe  ;  on  l'appelle  auffi  gardiennerie ,  à  caufe 
que  le  maître  canonnier  y  met  une  partie  de  ce  qui 
regarde  les  uftenciles  de  Ion  artillerie.  Voj  e^  PL  JK 
fig.l.xP.  107.  (Z) 

Barbe  (  Manège  )  on  appelle  ainfi  un  cheval  de 
Barbarie, qui  a  la  taille  menue  &  les  jambes  déchar- 
gées ,  &  qui  eft  fort  cftimé  pour  fa  vigueur  6c  la  vî- 
tefté.  Voyei  Cheval. 

Les  barbes  font  ordinairement  d'une  taille  déliée  , 
&  ont  les  jambes  bien  écartées.  C'eft  une  maxime 
que  les  barbes  meurent ,  mais  ne  vieilliffent  jamais  ; 
parce  qu'ils  confervent  leur  vigueur  jufqu'à  la  fin  : 
c'eft  pourquoi  on  en  fait  des  étalons.  Leur  feu ,  félon 
le  duc  de  Newcaftle,  dure  autant  que  leur  vie. 

On  dit  que  ces  chevaux  étoient  autrefois  fauva- 
ges ,  &  qu'ils  couroient  çà  &  là  dans  les  forêts  de 
l'Arabie  ;  &  que  ce  ne  fut  qu'au  tems  du  Chèque  If- 
maël  qu'on  commença  à  les  dompter  pour  la  pre- 
mière lois.  Onaffùre  qu'il  y  a  des  barbes  en  Afrique, 
qui  devancent  les  autruches  à  la  courte,  qu'on  vend 
ordinairement  dix  mille  livres  ,  ou  comme  dit  Dap- 
per ,  mille  ducats,  ou  cent  chameaux.  On  les  entre- 
tient toujours  maigres,&  on  les  nourrit  fort  peu  avec 
quelques  grains  &  de  la  pâte ,  ou  comme  dit  Dapper, 
avec  du  lait  de  chameau  qu'on  leur  donne  loir  6c 
matin.  On  conferve  la  généalogie  des  chevaux  bar- 
bes ,  avec  le  même  foin  qu'on  fait  en  Europe  celle 
des  grandes  familles  ;  Se  on  ne  les  vend  jamais  lans 
produire  leurs  titres  de  noblefte.  Il  y  en  a  qu'on  fait 
defeendre  en  droite  ligne  de  l'illuftre  cheval  du  grand 
Dalid. 

La  race  des  chevaux  a  fort  dégénéré  dans  la  Xu- 
midic,les  Arabes  ayant  été  découragés  de  la-confes- 
ver  par-  les  officiers  Turc;. ,  qui  étoient  ail. 
s'en  rendre  maîtres.  Les  Tingitaniens  &  les  Egyptiens 
ont  aujourd'hui  la  réputation  de  conlei  \  ei  la  meil- 
leure race,  tant  pour  la  taille  que  pour  la  beauté. 
Les  plus  petits  de  ces  derniers  ont  ordinairement 
feize  palmes  ,  &  tous  font  formes  ,  l'uivant  leur  ma- 
nière de  s'exprimer ,  comme  la  gat<àile. 


72 


BAR 


Les  bonnes  qualités  d'un  cheval  de  Barbarie  (  ou- 
tre celles  qu'on  lui  fuppole  de  ne  jamais  le  coucher, 
&  de  ne  point  bouger  lorf  que  le  cavalier  vient  à  laif- 
ler  tomber  fa  bride  )  l'ont  d'avoir  une  longue  allure, 
&  de  s'arrêter  court ,  s'il  le  faut,  en  pleine  courfe. 

Le  barbe  n'eft  pas  û  propre  à  être  étalon  pour  avoir 
des  chevaux  de  manège,  que  pour  des  coureurs  ;  car 
il  engendre  des  chevaux  longs  &  lâches  :  c'eft  pour- 
quoi il  ne  faut  point  avoir  de  la  race  pour  le  manè- 
ge ,  s'il  n'eft  court  de  la  tête  à  la  croupe ,  fort ,  rac- 
courci, &  d'une  grande  vivacité  ;  ce  qui  le  trouve 
dans  peu  de  barbes. 

Barbe  ,  ou  Sous-barbe  (  Manège  )  eft  la  partie  de 
la  tête  du  cheval ,  qui  porte  la  gourmette.  C'eft  pro- 
prement le  bout  ou  plutôt  la  jonction  des  os  ae  la  ga- 
nache. Foye{  Ganache. 

Barbes  ,  ou  Barbillons,  (Markhallerie.)  ce 
font  des  petites  excroiffances  de  chair  longuettes  ,  & 
finiflant  en  pointe  ,  qui  lont  attachées  au  palais  lous 
la  langue  du  cheval ,  qui  l'empêchent  de  manger  ,  Se 
qu'on  ôte  pour  cette  raiibn.  (  V) 

Barbe,  (en  Serrurerie*)  eft  une  partie  du  pêne; 
elle  a  la  forme  de  dents,  qu'on  voit  ordinairement  à 
fa  partie  inférieure,  quelquefois  à  la  fupéricure ,  &  à 
l'une  &  à  l'autre.  foye^Planche III.  de  Serrurerie, en 
y&c  en  T.  La  clef  en  tournant  dans  la  ferrure ,  les  ren- 
contre &  fait  avancer  ou  reculer  le  pèle  ou  pêne. 

Il  y  a  différentes  îortes  de  barbes  ;  des  barbes  per- 
dues ,  ou  volantes  ;  ce  font  celies  qui  iont  mobiles , 
&  qui  peuvent  defeendre  &c  monter.  Elles  ne  font 
pas  corps  avec  le  pêne  ;  elles  y  font  feulement  ajul- 
tées,  &  c'eft  par  le  méchaniime  qu'employé  l'ou- 
vrier qu'elles  paroiffent  ou  difparoiifent.  On  trou- 
vera à  i'article  Serrure  ,  plulieurs  exemples  de  ces 
barbes.  Foye^  SERRURE. 

Barbe  DE  BOUC  ,  tragopogon  ,  (Hijl.  nat.  bot.) 
genre  de  plante  ,  dont  la  fleur  eft  à  demi-fleurons 
portés  chacun  fur  un  embryon  ,  &  foûtenus  par  un 
calice  fendu  en  plufieurs  parties  fans  être  écailleux. 
Lorlque  cette  fleur  eft  paffée,  chaque  embryon  de- 
vient unefemence  revêtue  d'une  membrane  ou  d'une 
enveloppe  garnie  d'une  aigrette  ,  &  attachée  fur  la 
couche.  Tournefort,  Injl  reiherb.  Voye^ Plante.  (/) 

*  Le  tragopogon  pratenfe  ,  luteum  ,  inajus  ,  aime  les 
lieux  champêtres ,  les  prés ,  les  pâturages ,  6c  les  ter- 
res graffes  ;  il  fleurit  en  Mai  &c  en  Juin  ,  &  il  ne  tarde 
pas  à  répandre  fa  graine  ;  il  redonne  des  fleurs  en 
Juillet  &  en  Août. 

Sa  racine  échauffe  &  humecte  ;  elle  eft  falutaire 
dans  les  maladies  de  poitrine  ;  fon  lue  lactée  aggluti- 
ne les  ulcères  récens ,  pouffe  par  les  urines ,  &  excite 
les  graviers  à  fortir.  Il  y  en  a  qui  mangent  la  racine 
cuite ,  quand  elle  eft  tendre  :  mais  ils  font  en  petit 
nombre. 

BARBE  DE  CHEVRE  ,  barba  caprœ,(  Hifl.  nat. bot.") 
genre  de  plante  à  fleur  en  rofe ,  compofée  de  plu- 
fieurs pétales  difpolés  en  rond;  le  piftil  fort  d'un 
calice  d'une  feule  pièce  ,  &  devient  dans  la  fuite  un 
fruit  compolé  de  plufieurs  petites  gaines  raffemblées 
en  forme  de  tête.  Chaque  gaine  renferme  une  femence 
ordinairement  oblongue.  Tournefort,  Injl.  reiherb. 
Voye?K Plante.  (/) 

*  La  barba  caprœ ,  jloribus  compaclis  ,  a  la  feuille 
d'un  goût  d'herbe  falé  &c  gluant,  &  rougiffant  un  peu 
le  papier  bleu  ;  la  racine  le  rougit  beaucoup  ;  elle 
eft  ftyptique  &  un  peu  amere.  Il  y  a  apparence  que 
le  feï  de  cette  plante  approche  du  lel  ammoniac  ; 
mais  uni  avec  beaucoup  de  foutre  &  allez  de  terre. 
Elle  donne  par  l'analyie  des  liqueurs  acides  ,  du  fel 
volatil  concret,  beaucoup  de  foutre,  &  allez  de  terre  ; 
auffi  elt-elie  ludoririque  ,  cordiale,  &  vulnéraire  ;  la 
décoction  de  fa  racine  eft  bonne  dans  les  fièvres  ma- 
lignes. Le  vin  oii  on  l'a  fait  bouillir  eft  falutaire  dans 
les  cours  de  ventre  ,  la  dyflenterie ,  le  crachement 


BAR 

de  fang,  &  les  bleffures  internes.  Un  gros  de  fon  ex- 
trait eft  fudorifique  :  mais  il  en  faut  continuer  l'ufage 
pendant  deux  ou  trois  jours.  Il  en  faut  prendre  un 
gros  le  matin  ,  autant  l'apres-midi  ;  Se  le  foir,  la  même 
dofe  avec  un  grain  de  laudanum. 

Barbe  de  Jupiter  ,  barba  Jovis ,  (  Hifl.  nat.  bot.  ) 
genre  de  plante  dont  la  fleur  eft  légumineufe  ;  le  pil- 
til  fort  du  calice,  &  devient  dans  la  fuite  une  fili- 
que  fort  courte  &  prefqu'ovale  ,  qui  renferme  une 
lemence  arrondie.  Tournefort,  Injl.  ni  herb.  Voye^ 
Plante.  (/) 

*  On  ne  lui  attribue  aucune  propriété  médici- 
nale. 

Barbe  RENARD  ,  tragacantka  ,  (Hifl.  nat.  bot.) 
genre  de  plante  à  fleur  légumineuie  ;  le  piftil  fort 
du  calice ,  &c  devient  dans  la  fuite  une  filique  divifée 
félon  fa  longueur  en  deux  loges  remplies  de  quelques 
femences  qui  ont  ordinairement  la  figure  d'un  petit 
rem.  Ajoutez  aux  caractères  de  ce  genre  que  les  feuil- 
les naiffent  par  paires  fur  une  côte  terminée  par  un 
piquant.  Tournefort,  Injl.  rei  herb.  Poye^  Plante. (/) 

*  La  tragacantha  croit  dans  les  provinces  méridio- 
nales de  la  France  &  en  Italie  :  mais  elle  ne  donne 
fa  gomme  que  dans  les  pays  orientaux. 

On  tire  de  la  racine  la  gomme  adragant  des  bou- 
tiques. Foysi  Adragant. 

*  Barbe  a  plufieurs  autres  acceptions  :  voici  les 
principales.  Il  fe  dit  des  petites  arrêtes  qu'on  remar- 
que aux  poiffons  plats ,  &  qui  leur  lervent  de  na- 
geoires ;  voye^  Poisson  ,  Nageoires  :  des  franges 
mollettes  dans  les  plumes  font  garnies  depuis  le  haut 
du  tuyau  jufqu'à  l'extrémité  ;  voyez  P  L  U  M  e  :  des 
poils  dont  certains  épis  de  blé  lont  hériffés  ;  voyeç 
Blé  ,  Épi  :  du  poil  de  certaines  étoffes,  ou  ufées  , 
ou  non  ébarbées  ;  voye^  Draperie  :  de  cette  efpece 
de  duvet  qui  dénote  la  corniption  &  la  moififfure  des 
confitures  gâtées  :  des  petites  molécules  métalliques, 
ou  grains  de  limaille  ,  qui  reftent  attachés  aux  arrê- 
tes de  tous  les  corps  métalliques  limés  ,  après  qu'on 
les  a  limés  ,  &  qu'on  enlevé  ou  avec  le  frailoir ,  ou 
avec  la  lime  même,  ou  avec  la  pierre,  ou  avec  le 
bruniffoir. 

BARBÉ ,  adj.  (en  termes  de  Blafon.  )  fe  dit  des  coqs 
&  des  dauphins  dont  la  barbe  eft  d'un  autre  émail 
que  leur  corps. 

Boucherat ,  dont  il  y  a  eu  un  chancelier ,  d'e- 
zur  au  coq  d'or  bequé,  membre  ,  crèté  &  barbi  de 
gueules.  (  y) 

BARBEAU ,  f.  m. barbus,  (  Hifl.  nat.  Zoolog.  )poif- 
fon  de  rivière ,  ainli  nommé  parce  qu'il  a  quatre  bar- 
billons ,  deux  aux  coins  de  la  bouche ,  ck  deux  au 
bout  du  mulèau ,  qui  eft  allongé  6c  pointu.  Le  barbeau 
n'a  point  de  dents  ;  fes  yeux  font  petits  ;  la  prunelle 
eft  noire  &  environnée  d'un  cercle  doré  ;  la  fente 
des  ouies  eft  petite.  On  a  remarqué  que  ce  poiffon 
vit  allez  long-tems  hors  de  l'eau.  La  ligne  qui  s'étend 
fur  les  côtés ,  depuis  les  ouies  jufqu'à  la  queue  eft 
peu  fenfible  ;  le  dos  eft  d'une  couleur  mêlée  de  verd 
&  de  jaune  ;  le  ventre  eft  blanc.  Il  a  une  nageoire 
fur  le  dos  qui  tient  à  un  fort  aiguillon  ;  deux  au  bas 
des  oiiies;  deux  autres  fous  le  ventre  qui  font  jau- 
nes ;  6c  au-delà  de  l'anus  une  autre  nageoire  qui  eft 
rougeâtre.  La  chair  du  barbeau  eft  blanche  &  molle; 
il  y  a  beaucoup  d'arrêtés;  elle  eft  d'affez  bon  goût, 
fur-tout  lorlque  lepoiilbneftgros.  Rondelet,  Voyt^ 
Poisson.  (  l) 

*  Barbeau,  (Mat.  med.  )  il  faut  préférer  les  pe- 
tits barbeaux  aux  grands  :  il  faut  pour  être  bons ,  qu'on 
les  ait  péchés  dans  des  eaux  pures  &  loin  des  rives. 
Le  barbeau  nourrit  :  mais  il  eft  difficile  à  digérer  ;  les 
parties  les  plus  eftimées  font  le  foie  6c  la  tête. 

Le  Barbeau  ,  (Pêche.  )  eft  fort  avide  à  l'appât  : 
mais  il  eft  rulé ,  à  moins  que  l'épouvante  ne  le  prenne  ; 
alors  il  fe  croit  fort  en  sûreté  s'il  a  la  tête  cachée  ;  la 

pêche 


BAR 

pêche  s'en  fait  de  la  même  manière  que  celle  dé  l'an- 
guille. 
Barbeau  ,  plante.  Voyci  Bluet. 

*  BARBECÎNS,  (GVotr.)  royaume  d'Afrique,  dans 
la  Guinée ,  vis-à-vis  le  cap-Vcrd.  On  dit  que  les  filles 
s'y  font  des  cicatrices  ,  &  s'agrandiflent  la  bouche 
en  fe  féparant  les  lèvres  ,  pour  fe  rendre  plus  jolies, 

BARBEIER ,  BARBOTER ,  FRISER ,  verb.  neut. 
on  dit  en  Marine,  la  voile  barbeie  ,  lorique  le  vaiffeau 
étant  trop  près  du  vent ,  le  vent  rafe  la  voile  ,  &  lui 
étant  prefque  parallèle  ,  la  bat  de  côté  &  d'autre 
fans  la  remplir.  Cette  agitation  continue  juiqu'à  ce 
qu'elle  ait  pris  vent ,  &  alors  elle  ne  barbeie  ou  ne 
friie  plus.  Quand  on  a  mis  le  vent  fur  les  voiles ,  il 
faut  qu'elles  barbeient.  Il  ne  faut  pas  confondre  mettre 
le  vent ,  Reprendre  le  vent.  Voye{  Vent.  (Z) 

*  BARBELA  ,  (  Géog.  )  rivière  d'Afrique ,  dans  le 
Congo  :  elle  palîe  à  S.  Salvador,  &  fe  jette  dans  le 
Zaire,  un  peu  au-defuis  de  lbn  embouchure  dans  l'O- 
céan. 

*  BARBELIOTS  ,  ou  BARBORIENS,  f.  m.  pi. 
fecte  de  Gnoftiques,  qui  difoient  qu'un  Eon  immor- 
tel avoit  eu  commerce  avec  un  efprit  vierge  appel- 
lé  Barbeloth ,  à  qui  il  avoit  accordé  fucceffivement 
la  prefeience,  l'incorruptibilité,  tk  la  vie  éternelle  ; 
que  Barbeloth  un  jour  plus  gaie  qu'à  l'ordinaire ,  avoit 
engendré  la  lumière,  qui  perfectionnée  par  fonction 
de  l'efprit,  s'appelia  Cluiji  ;  que  Chrilt  defira  l'intel- 
ligence &  l'obtint  ;  que  l'intelligence  ,  la  raiion  ,  l'in- 
corruptibilité ,  tk.  Chrift  s'unirent  ;  que  la  raiion  & 
l'intelligence  engendrèrent  Autogène  ;  qu'Autogène 
engendra  Adamas  l'homme  parfait ,  &  fa  femme  la 
connoiflance  parfaite  ;  qu'Adamas  &  fa  femme  en- 
gendrèrent le  bois  ;  que  le  premier  ange  engendra  le 
S.  Efprit,  la  Sagefîe,  ou  Prunic  ;  que  Prunic  ayant 
fenti  le  befoin  d'époux  ,  engendra  Protai  chonte  ,  ou 
premier  prince ,  qui  fut  iniolent  &c  fot  ;  que  Pi  otar- 
chonte  engendra  les  créatures  ;  qu'il  connut  charnel- 
lement Arrogance  ,  &  qu'ils  engendrèrent  les  vices 
&c  toutes  leurs  branches.  Pour  relever  encore  toutes 
ces  merveilles ,  les  Gnôftiqftes  les  débitaient  en  Hé- 
breu ,  &  leurs  cérémonies  n'étoient  pas  moins  abo- 
minables ,  que  leur  doctrine  étoit  extravagante.  Voy. 
Théodoret. 

BARBERIE ,  f.  f.  terme  qui  fe  trouve  employé 
dans  les  ftatuts  des  maîtres  Perruquiers  ,  &c  qui  li- 
gnifie Van  de  rafer  &  de  faire  la  barbe  &  les  che- 
veux. Voye^  Barbier. 

.  *  BARBERINO  ,  (  Géog.  )  ville  d'Italie ,  dans  la 
Tofcane ,  dans  le  Florentin ,  au  pie  de  l'Apennin ,  fur 
la  rivière  de  Siere.  Long.  z8.  55.  lat.  44.  5. 

BARBET  ,  f.  m.  (Chafj'e.  )  gros  chien  à  poil  frifé , 
qu'on  inftruit  à  rapporter,  qui  va  à  l'eau,  &  qu'on 
dreffe  à  la  chafle  du  renard.  On  tond  les  barbets ,  &c 
leur  poil  entre  dans  la  compofition  des  chapeaux. 

*  BARBETS  ,  f.  m.  pi.  (  Géog.  )  habitans  des  val- 
lées du  Piémont ,  de  Luccrne  ,  d'Angrone  ,  de  Pé- 
roùfe,  &  de  S.  Martin. 

.  Barbet  ,  poiffon  de  rivière  ,  mieux  connu  fous  le 
nom  de  barbeau.  Voye?^  BARBEAU.  (/  ) 

*  BARBEYRA  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  , 
dans  le  bas  Languedoc  ,  au  diocèfe  de  CarcafTonne. 

*  B  ARBEZIEUX ,  (  Géog.  )  petite  viUe  de  France, 
en  Saintonge  ,  avec  titre  de  marquifat. 

BARBIER,f.  m.  artifan  qui  fait  la  barbe. II  "y  a  à  Paris 
deux  communautés,  qui  fui vant  leurs  ltatuts,ont  droit 
de  tenir  boutique  ouverte  pour  faire  la  barbe  ,  &  d'y 
mettre  des  baifins  pour  enfeigne. 

La  première  eft  celle  des  maîtres  Chirurgiens  , 
dont  les  bafhns  de  l'enfeigne  doivent  être  jaunes  :  la 
féconde  eft  celle  des  Perruquiers ,  dont  les  balîins 
font  blancs.  Voye^  Chirurgie. 

BARBIER,  f.  m.  (Hijl.  nat.  Zoolog.)  poiffon  de 
mer  du  genre  appelle  anthias ,  félon  Rondelet.  Voy. 
Tome  II, 


BAR 


73 


Anthias.  Voici  comme  il  décrit  ce  poiffon.  Le 
corps  eft  de  couleur  rougeâtre ,  la  tête  eft  ronde  & 
de  différentes  couleurs  ,  le  bec  eft  moufle  ,  les  dents 
font  petites  ;  il  a  fur  le  dos ,  allez  près  de  la  tête  , 
une  nageoire  qui  s'étend  jufqu'à  la  queue  ,  &  dont 
le  premier  aiguillon  eft  long  ,  fort  &  tranchant  :  on 
l'a  comparé  à  un  rafoir  ;  tk.  c'eft  pourquoi  on  a  don- 
né à  ce  poiffon  le  nom  de  barbier.  Il  a  deux  nageoi- 
res auprès  des  oiiies  ;  deux  autres  fous  le  ventre  lon- 
gues &  menues  ;  &  enfin  une  autre  au-delà  de  l'a- 
nus. Toutes  ces  nageoires  font  de  couleur  ronfle.  La 
queue  eft  de  la  même  couleur  ;  elle  eft  terminée  par 
deux  nageoires.  On  a  cru  que  lorfque  le  barbier  étoit 
pris  à  la  ligne  ,  il  la  coupoit  avec  ion  aiguillon  tran- 
chant. Cela  peut  être  :  mais  on  a  prétendu  de  plus 
que  les  autres  poiflbns  de  cette  eipece  venoient  au 
fècours  de  celui  qui  étoit  pris  ,  &  le  délivraient  en 
coupant  la  ligne.  Des  poiflbns  fi  intelligens  pour- 
roient  bien  aufli  arracher  l'hameçon  du  corps  de  celui 
qui  l'auroit  avalé.  Leur  aiguillon  feroit  auffi  propre 
à  cette  opération  qu'à  la  première.  Si  un  de  ces  poif- 
ions  a  jamais  coupe  une  ligne  par  hafard,  je  ne  lerois 
pas  furpris  qu'on  leur  attribuât  des  aclions  qui  fup- 
poient  un  deffein  prémédité  ,  tant  le  commun  des 
hommes  eft  porté  à  croire  des  chofes  dénuées  de 
toute  vraiffemblance.  Voye^  Poisson.  (/) 

EARBILLE ,  f.  f.  (  à  la  Monnoie.  )  ce  font  des  efT 
peces  de  petits  fiJamens  ou  pointes  qui  font  aux 
flancs  ,  &  que  l'on  emporte  en  les  agitant  les  uns 
contre  les  autres  dans  un  crible  de  fer. 

BARBILLON  ,  f.  m.  (  Hifi.  nat.  Zoolog.  )  petit 
barbeau ,  poiffon  de  rivière.  Voye^  Barbeau.  (7  ) 

Barbillon  ,  (  Hijl.  nat.  Zoolog.  )  barbe  ou  pen- 
dant charnu  qui  fait  partie  du  corps  de  certains  poif- 
fons.  Le  nombre  &  la  poiition  des  barbiilons  varient 
dans  les  différentes  efpeces  ;  ils  font  le  plus  fou-vent 
autour  de  la  bouche  ,  comme  dans  le  barbeau ,  le 
furmulet  ,  la  baudroie ,  &c.  Voye^  Rondelet  ,  iiv, 
III.  ch.  xxvj.   (  /  ) 

Barbillons  ,  f.  m.  pi.  (  Fauconn.  )  eft  une  mala- 
die qui  furvient  à  la  langue  des  oiieaux  de  proie  , 
ce  qui  leur  eft  caulée,  à  ce  qu'on  croit,  par  un  rhume 
chaud  qui  tombe  fur  les  glandes  de  la  gorge  ,  tk  les 
fait  enfler. 

*  BJRBITON,  (Hijl.  ancienne.  )  nom  d'un  inf- 
trument  des  anciens.  On  ne  fait  point  ce  que  c'étoit. 
Les  anciens  tk  les  modernes  l'ont  fouvent  confondu 
avec  la  lyre.  M.  Dacier  conjecture  qu'il  étoit  à  cor- 
de ;  &.  fanant  venir  b^rbiton  de  barumiton ,  qui  figniiîe 
groj/e  corde  de  lin ,  il  en  conclut  que  c'étoit  un  infini- 
ment à  groflès  cordes  :  ce  qu'il  y  a  de  certain  ,  c'efl 
que  le  lin  étoit  en  ufage  pour  les  inftrumens  demuli- 
que  ,  avant  que  l'on  eût  trouvé  l'art  d'employer  au 
même  uiage  les  boyaux  des  bêtes.  Horace  l'appelle 
lesbien,  Usboum  barbiton  ,  ode  I.  liv.  I.  &  ode  XXX H. 
même  livre,  Lesbio  primum  modulate  civi  :  «  vous, 
»  b.ubiton,  qui  ave/,  été  touche  la  première  fois  par 
»  un  citoyen  de  Lesbos  »  ;  c'étoit  Alcée,  à  qui  il  attri- 
bue l'invention  ciu  barbiton. 

*  BARBONNE,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France 
en  Champagne,  généralité  de  Châlons. 

*  BAKBORA,  (Géog.)  ville  maritime  d'Afrique 
au  royaume  d'Adel ,  fur  le  détroit  de  Babel-Mandcl. 
Il  y  a  une  île  de  ce  nom  qu'on  appelle  auiïï  Alondi, 
dans  la  mer  Rouge  ,  à  l'occident  de  la  baie  de  Bar- 
bora.  Lat.  environ  10.  43.  long.  64.  J  Z- 

BARBOT  ,  f.  m.  c'eft  ainfi  qu'on  appelle  fui  les 
galères  celui  qui  t'ait  le  poil  aux  forçats. 

»  BARBOTE  ,  f.  f.  borbata ,  (  H:jh  nat.  Z 
poiflbn  qui  fe  trouve  dans  des  rivières  &  des  lacs 
dont  les  eaux  font  tranquilles.  Il  a  un  barbillon  au 
bout  de  la  mâchoire  inférieure  ;  les  dents  font  cour- 
tes &  menues;  le  corps  gluant  ce  couvert  de  petites 
écailles  ;  fa  couleur  cil  mêlée  de  roux  &  de  brun, 

K. 


74 


BAR 


avec  des  taches  noires  ondoyantes.  Ce  poiflbn  a 
deux  nageoires  près  des  oiiies  ;  deux  au-deflbus  ;  & 
au-delà  de  l'anus  une  autre  nageoire  qui  s'étend  juf- 
qu'à  la  queue.  Il  a  fur  le  dos  une  pareille  nageoire 
qui  fe  prolonge  jufqu'à  la  queue  ;  &  devant  cette 
nageoire ,  une  autre  plus  petite.  La  barbote  refiem- 
ble  beaucoup  au  lote  ;  cependant  elle  a  le  bec  plus 
mince ,  la  queue  plus  menue  &  plus  pointue ,  &  le 
ventre  plus  gros.  Le  foie  de  la  barbote  eft  fort  grand 
à  proportion  du  corps  du  poiflbn.  Rondelet.  Voye{ 
Poisson,  (i) 

Barbote  ,  {Mat. med.)  Mujlela  offic.  Schrod.  J30. 
Le  foie  ,  le  ventricule,  &  l'arrête  de  ce  poiflbn  ,  font 
d'ufage  en  Médecine.  Le  foie  fufpendu  dans  un  vaif- 
feau  de  verre  ,  tk  expofé  à  un  degré  modéré  de  cha- 
leur ,  fe  convertit  en  une  liqueur  jaune  tort  falutaire , 
pour  difliper  les  taies  &  éclaircir  la  vue.  On  recom- 
mande fon  ventricule  dans  les  maladies  de  l'utérus  ; 
il  chafle  les  vuidanges  &  appaife  la  colique  ;  fon 
arrête  pulvérifée ,  guérit  l'épilepfie ,  félon  Schroder. 
(N) 

BARBOTINE  ,  f.  f.  (  Hift.  nat.  bot.  &  mat.  Med.  ) 
femen  contra  ,  femen  fanclum ,  ou  femen  fanclonicum  , 
eft  une  femence  menue,  amere  ,  chaude  &  deflicca- 
tive ,  propre  à  faire  mourir  les  vers  qui  s'engendrent 
dans  le  corps  humain ,  fur-tout  dans  celui  des  petits 
enfans.  Voye^  Ver. 

Cette  femence  eft  menue  ,  brune  ,  oblongue  , 
amere  ,  &  d'une  odeur  forte  &  defagréable.  Il  faut 
la  choifir  récente  ,  verdâtre  ,  d'un  goût  amer  ,  aro- 
matique &  defagréable.  Elle  croît  dans  la  Perfe ,  fur 
les  frontières  de  la  Mofcovie.  On  nous  l'apporte  d'A- 
lep ,  &c. 

Les  Naturalises  ne  font  point  d'accord  fur  la  plante 
qui  produit  cette  femence  ,  fur  laquelle  J.  Bauhin  a 
donné  une  longue  diflertation.  Quelques  auteurs 
veulent  que  le  femen  contra  foit  la  graine  d'une  efpe- 
ce  d'abfinthe  appellée  fantonicum  ou  marinum  ab- 
jinthium  :  d'autres  difent  qu'elle  eft  la  graine  de  la 
tanéfie  ;  d'autres  enfin  ,  celle  de  l'auronne. 

Voici  ce  qu'en  dit  M.  Tavernier,  dans  le  fécond 
tome  de  fes  Voyages.  «  Pour  ce  qui  eft  de  la  femen- 
»  cine,  ou  poudre  à  vers ,  on  ne  peut  pas  la  recueil- 
»  lir  comme  on  fait  les  autres  graines.  C'eft  une  her- 
»  be  qui  croît  dans  les  prés ,  &  qu'il  faut  laifler  mù- 
»  rir  ;  &  le  mal  eft,  que  lorfqu'elle  approche  de  fa 
»  maturité  ,  le  vent  en  fait  tomber  une  grande  partie 
»  entre  les  herbes ,  où  elle  fe  perd  :  c'eft  ce  qui  la 
»  rend  chère. 

»  Comme  on  n'ofe  la  toucher  de  la  main  ,  parce 
»  qu'elle  en  feroit  plutôt  gâtée  ,  &  que  même  quand 
»  on  en  fait  ufage ,  on  la  prend  dans  une  écuelle  ; 
»  lorfqu'on  veut  recueillir  ce  qui  eftrefté  dans  l'épi , 
»  on  a  recours  à  cet  expédient.  On  a  deux  paniers  à 
>>  ance  ;  &  en  marchant  dans  les  prés ,  on  fait  aller 
»  un  des  paniers  de  la  droite  à  la  gauche ,  &  l'autre 
»  de  la  gauche  à  la  droite  ,  comme  fi  l'on  fauchoit 
»  l'herbe ,  &  toute  la  graine  tombe  ainfi  dans  ces  pa- 
»  niers  ».  V.  Semen  contra  &  Vermifuge.  (V) 
*  BARBOUDE ,  (%.)  île  de  l'Amérique ,  l'une 
des  Antilles  ,  au  nord  d'Antigoa. 

BARBOUILLER,  v.  ad.  &  neut.  Quand  il  eft 
actif ,  il  eft  fynonyme  kfalirj  quand  il  eft  neutre  , 
il  eft  fynonyme  à  mal  parler,  mal  peindre ,  mal  écrire. 
Barbouiller  ,  terme  d'Imprimeur.  Lorfqu'une 
feuille  imprimée  eft  atteinte  de  noir  dans  les  mar- 
ges ,  ce  qui  ne  peut  arriver  que  par  l'inattention  & 
la  mal-propreté  de  l'ouvrier  de  la  preffe  ,  on  dit  que 
cet  ouvrier  barbouille ,  &  que  la  feuille  eft  barbouillée. 
Barbouiller  ,  en  Peinture,  fe  prend  toujours  en 
mauvaife  part  :  barbouiller  un  tableau  ;  il  a  barbouillé 
ce  tableau ,  &c.  à  moins  qu'on  ne  parle  d'un  homme 
dont  le  métier  eft  de  barbouiller  une  porte ,  des  mu- 
railles ,  des  treillages ,  &c,  en  ce  cas  on  dit ,  un  bar- 


BAR 

bouilleur.  Barbouiller  un  jeu  de  paume  ,  un  plancher ,' 
une  menuiferie ,  &c.  J'ai  fait  barbouiller  ma  maifon 
depuis  le  haut  jufqu'en  bas. 

BARBUE ,  f.  f.  rhombus  lavis ,  (  Hifi.  nat.  Zoolog.  ) 
poifTon  de  mer  très-reflemblant  au  turbot ,  tant  à  l'in- 
térieur qu'à  l'extérieur ,  à  l'exception  des  aiguillons. 
La  barbue  n'en  a  aucun  ni  en-delius  ,  ni  en-deflbus  : 
elle  eft  plus  large  &  plus  mince  que  le  turbot.  Ronde- 
let la  nomme  turbot  fans  piquans.  Foye\  Tur.bot  , 
Poisson.  (/) 

B ARBURES ,  f.  f.  fe  dit ,  en  grande  Fonderie ,  de 
toutes  ces  inégalités  qu'on  apperçoit  fur  une  pièce 
fondue  au  fortir  de  la  foffe  ou  du  moule ,  &  qu'il  faut 
reparer  au  cifeau.  Voye^  Grande  fonderie  & 
Balevre. 

BARBUS,  adj.  pris  fubft.  {Hifi.  eccléf.  )  c'eft  ainfi 
qu'on  nommoit  les  frères  convers  de  l'ordre  deGram- 
mont,  parce  qu'ils  portoient  la  barbe  grande.  Com- 
me ils  avoient  le  maniement  des  biens  temporels,  ils 
vouloient  aufli  ufurper  le  gouvernement  de  l'ordre  , 
&  réduire  les  prêtres  fous  leur  obéiffance  :  mais  ils 
perdirent  leur  caufe.  Mezeray ,  au  règne  de  Philippe- 
Augufie.  {  G  ) 

*  BARBUSINSKOI  ,  (  Géog.  )  ville  d'Afie  dans 
l'empire  Ruffien ,  fur  le  bord  oriental  du  lac  Bailcal , 
à  l'endroit  où  la  rivière  de  Barbuligga  fe  jette  dans 
le  lac. 

*  BARBY  ,  (  Géog.  )  ville  d'Allemagne  dans  la 
haute  Saxe ,  capitale  du  comté  de  fon  nom  fur  l'Elbe. 

*  BARBYTHACE  ou  BARBYTACE,  (  Géog.  ) 
ancienne  ville  du  royaume  de  Perle ,  dont  Pline  dit 
que  les  habitans  travailloient  à  amaifer  de  l'or  pour 
l'enfouir ,  non  par  avarice  ,  mais  par  mépris ,  ôf  dans 
le  deflein  de  priver  les  hommes  d'un  métal  fi  dange- 
reux. 

*  BARCA  ,  {Géog.  )  grande  contrée  d'Afrique  ,  à 
l'orient  du  royaume  de  Tripoli. 

B ARC ADE  de  chevaux ,  f.  f.  {Manège.')  fe  dit  d'une 
troupe  de  chevaux  qu'on  a  achetés ,  &  auxquels  on 
veut  faire  pafler  la  mer.  (  V) 

♦BARCELONE,  (  Géog.)  ville  d'Efpagne  ,  ca- 
pitale de  la  Catalogne  ,  fur  la  Méditerranée.  Long, 
iç).  ôo.  lat.  41.  z6. 

Barcelone  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  en 
Guienne  dans  l'Armagnac. 

*  BARCELONETTE  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de 
France  dans  le  Dauphiné  ,  capitale  de  la  vallée  de 
fon  nom.  Long.  24.  Z3-  lat.  44.  26. 

*  BARCELOR  ,  (  Géog.  )  ville  d'Afie  dans  les  In- 
des ,  fur  la  côte  de  Malabar,  entre  Goa  &  Manga- 
lor.  Long.  cj2.  lat.  13.  4$. 

*  BARCELOS  ,  (  Géog.  )  ville  de  Portugal ,  avec 
titre  de  duché  ,  dans  la  province  d'entre  Douro  & 
Mino,  fur  la  Sourille.  Long,  9. 20.  lat.  41.20. 

*  BARCENA ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  lac  de  l'A- 
byflinie  en  Afrique  ,  au  royaume  d'Amara  ,  fur  les 
confins  du  Zanguebar ,  fous  la  Ligne.  On  croit  que 
c'eft  le  Caloë  de  Ptolomée. 

*  BARCKSHIRE,  (  Géog.  )  province  d'Angle- 
terre au  midi  d'Oxford  :  Reading  en  eft  la  capitale. 

*  BARD  ,  (  Géog.  )  ville  d'Allemagne  dans  la  Po- 
méranie  citérieure ,  &  dans  la  feigneurie  de  même 
nom,  avec  château  &  port  fur  la  mer  Baltique. 

B ARDANE,f.  f.lappa,  {Hifi.nat.  bot.)genre  déplan- 
te dont  la  fleur  eft  à  fleurons  découpés ,  portés  chacun 
fur  un  embryon ,  &  foùtenus  par  le  calice.  Ce  calice 
eft  compofé  de  plufieurs  écailles  terminées  chacune 
par  un  crochet ,  qui  attache  ordinairement  les  têtes 
de  cette  plante  aux  vêtemens.  Lorfque  la  fleur  eft 
paflee  ,  ces  embryons  deviennent  des  lemences  gar- 
nies d'aigrettes  fort  courtes.Tournefort ,  Infi.  reiherb. 
Voyei  Plante.  (  /) 

*  Bardane  (la)  ,perfonata  lappa  major,  {  Mat. 
med.  )  a  la  feuille  amere  ;  le  papier  bleu  n'en  eft  pas 


BAR 

feint.  Son  pédicule  eft  douçâtre  ;  fa  racine  a  d'abord  ie 
même  goût  :  mais  enfuite  on  y  découvre  celui  d'arti- 
chaut. Elle  rougit  un  peu  le  papier  bleu  ;  ce  qui  fait  con- 
jecturer que  le  fel  ammoniac  y  eft  un  peu  plus  dévelop- 
pé quedans  la  feuille.  On  tire  de  cette  plante  par  l'ana- 
îyfe ,  du  fel  volatil  concret  ;  &  l'on  peut  penfer  que 
ion  fel  approche  de  l'ammoniac ,  &  qu'il  eft  nittreux , 
puifqu'il  y  a  détonation  quand  on  brûle  la  feuille. 

La  bardant  eft  diurétique,  fudorifique ,  pectorale  , 
hyftérique  ,  vulnéraire ,  fébrifuge.  Sa  racine  &  fa 
feuille  font  falutaires  dans  la  pleuréfie.  On  en  fait 
prendre  l'eau  à  grands  verres ,  après  avoir  fait  pren- 
dre les  germes  d'une  douzaine  d'œufs  frais ,  délayés 
dans  un  demi-verre  de  la  même  eau.  Sa  déco&ion 
purifie  le  fang  ,  &  foulage  ceux  qui  ont  des  maux 
vénériens.  Il  faut  la  préférer  dans  la  petite  vérole  , 
à  la  tifane  de  feorzonere. 

Les  Auteurs  lui  attribuent  beaucoup  d'autres  pro- 
priétés. Voye^Chifloire  des  Plantes  des  env.  de  Paris. 

*  BARDARIOTES ,  f.  m.  pi.  (  Hift.  anc.  )  foldats 
de  la  garde  de  l'empereur  de  Conftantinople.  Ils 
étoient  vêtus  de  rouge  ,  couverts  d'un  bonnet  à  la 
Perfanne ,  appelle  augurot ,  &  bordé  de  drap  couleur 
de  citron ,  &  armés  de  bâtons  &  de  baguettes ,  pour 
éloigner  le  peuple  du  paflage  de  l'empereur.  Ils  veil- 
loient  aux  portes  du  palais.  Ils  étoient  Perfans  d'o- 
rigine. Ils  avoient  pris  le  nom  de  bardariotes ,  du  fleu- 
ve Bardarius ,  fur  lequel  un  des  empereurs  ,  qu'on  ne 
nomme  pas  ,  les  avoit  tranfportés.  Nicétas  leur 
donne  les  noms  de  bardouques  &  de  manclavites.  Leur 
pofte  à  l'armée  étoit  au  feptentrion  de  la  tente  impé- 
riale ,  où  ils  faifoient  la  garde.  Ils  obéiffoient  aupri- 
micerius ,  ou  comité  de  la  cour.  Macri  penfe  que  les 
bardariotes  font  les  mêmes  que  les  barbutes. 

BARDE,  f.  f.  (  Hifl.mod.  )  c'eft,  en  vieux  langa- 
ge ,  l'armure  des  chevaux  des  anciens  chevaliers  & 
foldats  qui  étoient  équipés  de  tout  point  ;  elle  étoit 
de  fer  ou  de  cuir ,  &  couvroit  le  cou  ,  le  poitrail  & 
les  épaules  du  cheval  ;  c'eft  ce  qu'on  appelloit  equi 
cataphracli.  (  G  ) 

Barde  ou  Panneau  (Manège  &  Sellier.  )  longue 
fellequi  n'a  ni  fer,  ni  bois  ,  ni  arçons,  èk  qui  eft  faite 
de  grofTe  toile  piquée  &  bourrée.  Grifon  &  plufieurs 
autres  auteurs  Italiens ,  veulent  qu'on  fe  ferve  au  ma- 
nège d'une  bardelle  pour  les  poulains  ,  &  d'un  cave- 
çon  à  mettre  fous  leur  nez  ;  c'eft  une  invention  qui 
ne  fert  qu'à  perdre  le  tems  ;  on  appelle  en  Italie 
ceux  qui  trottent  les  poulains  en  bardelle ,  cavalcadours 
O\\fco7^oni.  (V) 

*  Barde  (  île  de  )  Géog.  île  d'Alie ,  fur  la  côte 
de  Malabar  ,  au  nord  &  à  peu  de  diftance  de  Goa. 

Bardé  ,  adj.  terme  de  Blafon ,  il  fe  dit  d'un  cheval 
caparaçonné. 

Riperda,  au  pays  de  Groningue ,  de  fable  au  cava- 
lier d'or,  le  cheval  bardé  &  caparaçonné  d'argent. 

*  BARDEAU,  f.  m.  (Couvreurs.)  ces  ouvriers  ap- 
pellent ainii  de  petits  morceaux  de  mairin  débité  en 
lattes  de  dix  à  douze  pouces  de  long  fur  fix  à  fept  de 
.large  ;  dont  ils  ie  fervent  pour  couvrir  des  bàtimens 

peu  confiderables.  Si  ces  lattes  font  faites  de  douves 
de  vieilles  futailles  ,  on  les  appelle  aufll  des  bardeaux. 

*  BARDENOCHE,  f.  f.  (  Commerce.  )  étoffe  dont 
il  eft  lait  mention  dans  le  tarif  de  la  douanne  de  Lion , 
qui  ie  fabrique  dans  le  royaume  ,  mais  qu'on  ne 
connoît  point  à  Paris. 

BARDER  ,  verb.  acl.  c'eft,  parmi  les  cuifiniers, 
couvrir  une  pièce  de  viande  d'une  bande  de  lard  cou- 
pée fort  mince ,  pour  ralentir  l'aôion  du  feu  fur  cette 
pièce  ,  qui  fe  lécherait  trop  fans  cette  précaution  , 
ou  même  brûleroit ,  Cv  pour  en  relever  le  goût. 

Barder  ,  c'eft ,  en  Architecture ,  l'aftion  de  charger 
une  pierre  fur  un  chariot ,  fur  un  bar(  Voy»\  Bar  & 
Tome  II. 


BAR 


75 


Chariot  )  pom  la  mener  du  chantier  au  pié  du  tas. 

in 

Barder  un  cheval  (  Manège.  )  c'eft  lui  mettre  une 
barde.  Foye^B  arde.  Dans  les  carroufels ,  on  voit  des 
chevaux  bardés  &  caparaçonnés.  K  Carrousels. 

(O 

BARDES,  f.  m.  pi.  (  Hifl.  anc.  )  miniftres  de  la 
religion  chez  les  anciens  Gaulois,  qui  habitoient  dans 
l'Auvergne  &  dans  la  Bourgogne  ,  où  ils  avoient  un 
collège.  Leur  profeflion  étoit  d  écrire  en  vers  les  ac- 
tions immortelles  des  héros  de  leur  nation,  &  de  les 
chanter  au  fon  d'un  infiniment  qui  refiembloit  affez 
à  la  lyre.  Voici  comme  en  parle  Lucain  : 

Vos  quoque  qui  fortes  animas  ,  belloqite  peremptas 
Laudibus  in  longum  vates  dimittitis  œvum  , 
P  lurima  fecuri  fudillis  carmina  Bardi. 

Les  Bardes  &c  les  Druides  différaient  en  ce  que 
ceux-ci  étoient  les  prêtres  &  les  docteurs  de  la  na- 
tion ,  &  que  les  Bardes  n'étoient  que  poètes  ou  chan- 
tres. Cependant  l'autorité  de  ceux-ci ,  quoiqu'infe- 
rieurc  à  celle  des  Druides,  étoit  fi  refpectée  des  peu- 
ples ,  qu'on  racpnte  qu'ils  avoient  fait  quitter  les  ar- 
mes à  des  partis  prêts  à  fe  charger.  Larrey ,  Pafquier 
&  Bodin  leur  donnent  le  titre  de  prêtres  &  de  phi- 
lofophes  ;  &  Olivier  y  ajoute  celui  d'orateurs ,  mais 
fans  fondement.  Strabon ,  plus  voifin  du  tems  auquel 
ont  vécu  les  Bardes  ,  compte  trois  fecres  parmi  les 
Gaulois;  les  Druides,  les  Bardes,  &  les  Evates.  Les 
Bardes ,  ajoûte-t-il ,  font  chantres  6c  poètes  ;  les  Eva- 
tes ,  prêtres  &  philofophes  ;  &  les  Druides  ,  à  la  phi- 
lofophie  naturelle  ,  c'eft-à-dire  la  Phyfique  ,  ajoutent 
la  icience  des  mœurs.  Mais  Hormius  réduit  ces  fec- 
tes  à  deux  claffes  ,  les  Bardes  &c  les  Druides  ;  d'au- 
tres n'en  font  qu'un  corps,  fous  le  nom  générique  de 
Druides.  Olivier  ,  fondé  fur  ce  que  Tacite  traitant 
des  mœurs  des  anciens  Germains  ,  fait  mention  de 
leurs  chants  &  de  leurs  poèmes  hiftoriques ,  veut  que 
ces  peuples  ayent  eu  aufti  des  poètes  nommés  Bardes. 

Bochart  fait  dériver  ce  nom  de  parât  ,  chanter. 
Camden  convient  avec  Feftus  que  Barde  fignitîe  un 
chantre ,  en  Celtique  Bard  :  d'autres  tirent  ce  nom 
de  Bardus ,  ancien  Druide  ,  fils  de  Drys ,  le  cinquiè- 
me roi  des  Celtes.  (G) 

BARDESANISTES  ,  f.  m.  pi.  (Hifl.  ecclêf.  )  nom 
d'une  fe£te  d'hérétiques ,  ainfi  appelles  de  Bardefanes 
Syrien ,  qui  vivoit  dans  le  fécond  fiecle  &  demeurait 
à  Edefle ,  ville  de  Méfopotamie.  Si  l'on  en  croit  faint 
Epiphane  ,  Bardefanes  fut  d'abord  catholique  ,  &  fe 
diftingua  autant  par  fon  favoir  ,  que  par  fa  piété  , 
ayant  écrit  contre  Marcion  &  d'autres  hérétiques. 
Eufebe ,  au  contraire  ,  en  parle  comme  d'un  homme 
qui  a  toujours  été  dans  l'erreur.  Il  fut  d'abord  enga- 
gé dans  celles  de  Valentin  ,  en  reconnut  une  partie  , 
en  retint  une  autre  ,  &  y  en  ajouta  de  nouvelles 
de  fon  propre  fonds.  Quoiqu'il  admît  l'ancien  & 
le  nouveau  Teftament  ,  il  adoptoit  auffi  quelque 
livres  apocryphes;  &  dans  un  de  fes  écrits  intitu- 
lé du  Deflin  ,  il  foûtenoit  que  les  actions  des  hom- 
mes étoient  néceffitées  ,  &  que  Dieu  lui-même  étoit 
fujet  au  deftin.  Il  imagina  aufti  plufieurs  générations 
d'Eons,  voye^EoN  ,  &  nia  la  réfurreefion  des  morta. 
Ses  feftateurs  allèrent  plus  loin  ,  &  nièrent  l'incarna- 
tion &  la  mort  de  Jefus-Chrift  ,  prétendant  que  c'e- 
toit  feulement  un  corps  phantaftique  qui  éroit  ne  de 
la  vierge  Marie  ,  &  que  les  Juifs  avoient  crucifié  , 
par  où  ils  retomboient  dans  l'heréfie  de  Marcion ,  que 
leur  maître  même  avoit  combattue.  Strumziiib  a  écrit 
l'hiftoire  des  Bardcjanifles.  (G) 

BARDEUR  ,  f.  m.  pi.  terme  de  bâtiment,  on  nom- 
me ainfi  les  ouvriers  qui  chargent  les  pierres  far  v.n 
chariot ,  ou  qui  les  portent ,  fur  une  civière  ou  fat  un 
bar  ,  du  chantier  au  pié  du  tas.  /  <m  rç  Bar.  (  P) 

*  B ARDEVICK  (  Géog.  )  ancienne&  grande  vii- 

Kii 


76 


BAR 


le  d'Allemagne  ,  dans  la  baffe  Saxe  ,  maintenant 
bourg  ,  for  la  rivière  d'Ilmeneau. 

Il  y  a  auffi  un  bourg  de  ce  nom  dans  le  comté  de 
Hollande. 

BARDIS  f.  m.  c' eu  ,  en  Marine ,  un  batardeau 
fait  de  planches  fur  le  haut  du  bord  d'un  vaiffeau  , 
pour  empêcher  l'eau  d'entrer  fur  le  pont  lorfqu'on 
couche  ce  vaiffeau  fur  le  côté  pour  le  radouber. 

Bardis  ,  ce  font  encore  des  féparations  de  plan- 
ches ,  qu'on  fait  à  fond  de  cale ,  pour  charger  des 
blés  &  d'autres  grains  ;  les  unes  fe  font  en  travers , 
les  autres  en  long.  (Z  ) 

*  BARDIT  (  Hijl.  anc.)  c'eft  ainfi  que  le  chant  des 
anciens  Germains  eft  appelle  dans  les  auteurs  Latins 
qui  ont  écrit  de  ces  peuples.  Les  Germains  n'ayant 
encore  ni  annales  ni  hiftoires ,  débitoient  toutes  leurs 
rêveries  en  vers  :  entre  ces  vers ,  il  y  en  avoit  dont 
le  chant  s'appelloit  bardit ,  par  lequel  ils  s'encoura- 
geoient  au  combat ,  &  dont  ils  tiroient  des  augures , 
ainfi  que  de  la  manière  dont  il  s'accordoit  à  celui  de 
leurs  voix. 

*  BARDOCUCULLUS  ou  BARDAICUS  CU- 
CULLUS ,  félon  Cafaubon  (  Hijl.  anc.  )  partie  du  vê- 
tement des  Gaulois  de  Langres  &  de  Saintes  ;  c'étoit 
une  efpece  de  cape  qui  avoit  un  capuchon  commo- 
de pour  ceux  qui  ne  vouîoient  pas  être  connus  dans 
les  rues.  Martial  lui  donne  la  forme  d'un  cornet  d'é- 
pices.  Il  y  en  a ,  dit  le  lavant  Père  Montfaucon  ,  qui 
croyent ,  &  non  fans  fondement ,  que  ce  capuchon 
avoit  une  appendice,  &  qu'il  tenoit  à  une  cape  ou  à 
la  penula.  Quoi  qu'il  en  foit ,  on  convient  que  le  cu- 
cullus  étoit  la  même  chofe  que  le  bardocucullus  ;  que 
cet  ajuftement  venoit  des  Gaulois  ;  qu'on  s'en  fervoit 
particulièrement  dans  la  Saintonge  ,  &  que  la  débau- 
che en  fît  paffer  l'ulage  à  Rome  où  on  le  trouva  très- 
propre  pour  courir  la  nuit,  ôc  incognito,  des  avan- 
tures  amoureufes  : 

Si  noclurnus  adulter, 
Tempora  fantonico  vêlas  adoperta   cucullo, 
Satyr.  vin. 

Je  ne  fai  s'il  refte  encore  en  Saintonge  quelque 
veflige  de  l'ufage  du  cucullus  &c  de  la  cape  :  mais  les 
femmes  du  peuple  portent  encore  aujourd'hui  à  Lan- 
gres ,  une  efpece  de  cape  qui  leur  eft  particulière  , 
&  dont  elles  n'ignorent  pas  l'avantage. 

BARDOT  (  Maréch.  &  Manège.  )  on  appelle  ainfi 
un  petit  mulet.  (  f) 

*  B  A  R  D  T  (  Gèog.  )  ville  d'Allemagne ,  dans  le 
duché  de  Poméranie  ,  proche  la  mer  Baltique.  Long. 
3».  lat.  64.  Z3- 

*  BAREITH  (  Gèog.  )  petite  ville  d'Allemagne ,  en 
Franconie ,  dans  le  margraviat  de  Culmbach.  Long. 
Z<).  20.  lat.  50. 

*  BARENTON  (  Gèog.  )  petite  ville  de  France  , 
dans  la  baffe  Normandie  ,  au  diocefe  d'Avranches  , 
vers  la  fource  de  l'Ardée. 

*  BARFLEUR  (  Gèog.  )  ville  de  France  ,  en  Nor- 
mandie,  dans  le  Cotentin.  Long,  l6.z3-3a.lat.4g. 
40.  IJ. 

*  BAPJFOULS ,  f.  m.  pi.  (  Commerce.  )  étoffe  qui  fe 
fait  à  Cantor ,  qui  fert  de  vêtemens  aux  Nègres  ,  & 
qu'ils  échangent  avec  les  Européens  ,  contre  du  fer. 

*  BARGA  (  Gèog.  )  petite  ville  de  Tofcane  ,  en 
Italie ,  fur  la  rivière  de  Scorchio  ,  dans  le  Florentin. 

BARGE, oifeau.  Foye^ Petit  Corlieu. 

BARGE  ,  f.  f.  pi  (  Manne.  )  anciennement  on  fe 
fervoit  de  ce  mot  pour  dire  une  barque  ou  efquif:  à 
Londres  ,  on  dit  encore  la  barge  du  maire. 

*  BARGELACH ,  f.  m.  (  Hijl.  nu.  Ornith.  )  oifeau 
de  Tartarie  ,  qui  habite  les  lieux  deferts ,  où  il  eft  la 
proie  des  faucons  ;  il  a  la  groffeur  de  la  perdrix  ;  la 
forme  de  queue  de  l'hùondelle  ,  oc  les  pies  du  pape- 
guai ,  avec  le  vol  très-rapide  :  aflemblage  de  carac- 


BAR 

teres  qui ,  pouvant  convenir  à  un  grand  nombre  d'oj. 
féaux ,  délignent  allez  mal  le  bargelach. 

»  BARGEMONT  (  Gèog.  )  ville  de  France ,  au 
diocefe  de  Fréjus. 

*  BARGENY  (  Gèog.  )  ville  de  l'Ecoffe  méridio- 
nale ,  capitale  de  la  province  de  Carriek.  Long.  iz. 
38.  lat.  55.  40. 

*BARGUA  DE  REGOA  (Gèog.  anc.  &mod.)  ville 
desCallaïcmesBracariens,appellée7tf/z/0£n^j;cen'e(l 
plus  qu'un  petit  village  au  quartier  de  Tra-las-mon- 
tes ,  province  de  Portugal,  à  l'occident  de  Bragance. 

BÂRGUETTE ,  f.  f.  pl.Jur  les  rivières  ,  efpece  de 
bateau  de  quarante  pies  de  long  ou  environ  ,  qui  fert 
à  paffer  les  chevaux  ,  &  à  porter  des  cordages  pour 
la  manœuvre  de  la  rivière. 

*  B  A  R  I  (  Gèog.  )  ville  d'Italie  ,  au  royaume  de 
Naples ,  capitale  de  la  terre  de  même  nom.  Long.  34. 
3Z.  lat.  41.  Si. 

*BARI(6Vog.)province  d'Italie, au  royaume  de  Na- 
ples, bornée  par  le  golfe  de  Venilè,  la  Capitanate ,  la 
Baiilicate,  &laterredeLecce.  Barien  eft  la  capitale. 

*  BARJAC  (Gèog.~)  petite  ville  de  France  ,  en  Lan- 
guedoc ,  diocefe  d'Usés. 

*  BARIGA  DE  MORE  ,  (.  i.  {  Commerce.  )  foie 
que  les  Hollandois  apportent  des  Indes  orientales.  Il 
y  a  la  fine  &  la  commune  ;  elles  viennent  l'une  ÔC 
l'autre  fur  les  vaiffeaux  de  la  compagnie. 

*  BARJOLS  (  Gèog.  )  ville  de  France  ,  en  Proven- 
ce. Long.  23.  50.  lat.  43.  35. 

*  BARIQUICEMETO  (  Gèog.  )  contrée  de  la 
Terre-ferme  ,  dans  l'Amérique  méridionale  &  le  mi- 
di de  la  province  de  Venezuela  ,  le  long  de  la  rivière 
de  Bariquicemeto ,  qu'on  nomme  auffi  Baria  ,  ou  Rio 
de  S.  Pietro  ,  qui  fe  jette  dans  l'Orenoque. 

*  BARIS  (  Gèog.  )  ancienne  ville  de  Pamphilie ,' 
dans  la  Pifidie  ,  contrée  de  l'Afie  mineure ,  aux  envi- 
rons du  mont  Taurus. 

*  BARKAN  (  Gèog.  )  ville  de  Hongrie  ,  proche  le 
pont  de  Gran. 

*  BARKLEY  (  Gèog.  )  ville  d'Angleterre ,  dans  la 
province  de  Glocefter  ,  fur  la  Saverne.  Long.  i5.  IZ. 
lat.  51.43. 

*  BARLEMONT  (  Gèog.  )  ville  de  Hainault  dans 
les  Pays-bas  ,  fur  la  Sambre  ,  proche  Mons. 

*  BARLENGA  (  Gèog.  anc.  &  mod.  )  petite  île  de 
Portugal  ,  vers  la  côte  de  l'Eftramadure  ,  vis-à-vis 
Santarin.  Il  y  en  a  d'autres  du  même  nom ,  entre  les- 
quelles eft  Barlengote  ;  toutes  s'appellent  les  îles  de 
Barknga.  Barlenga  étoit  connu  des  anciens  fous  le 
nom  de  Londobris  &  cYErythia. 

*  BARLETTE  (  Gèog.  )  ville  d'Italie ,  au  royau- 
me de  Naples  ,  dans  la  terre  de  Bari ,  fur  le  golfe  de 
Venife.  Long.  34.  z.  lat.  41.  30. 

*  BARLINS  .  f.  m.  c'eft  dans  les  manufactures  en 
foie ,  le  nom  d'un  nœud  qu'on  fait  au  commencement 
&  à  la  fin  des  pièces  pour  les  tordre ,  nouer  ou  remet- 
tre. Foyei  Tordre  &  Remettre. 

BARLONG  ,  adj.  ulité  ,  en  Architeclurc ,  pour  Signi- 
fier un  plan,  ou  un  corps  dont  la  bafe  a  plus  d'étendue 
à  la  face  qu'au  côté  :  oblong  eft  le  contraire.  (  P) 

•BARLOVENTO  (les  îles  de)  Gèog.  partie 
feptentrionale  des  Antilles  ;  on  les  appelle  auffi  in  fuie 
ad  ventum  ,  parce  qu'elles  font  expofées  au  vent.  On 
compte  entre  ces  îles  ,  Anguila  ,  feint  Martin  ,  faint 
Barîhelemi  ,  faint  Euftache  ,  faint  Chriftophle  ,  Nie- 
ves  ou  l'iie  des  Neiges ,  la  Barbade  ,  Antigoa  ,  Mont- 
ferrat ,  la  Guadeloupe ,  la  Deiîrade  ,  la  Marigr.lante, 
la  Dominique  ,  la  Martinique  ,  fainte  Lucie  ,  faint 
Vincent ,  la  Barboude ,  Bequia  ,  Grenadille  ,  Grena- 
de ,  ôc  Tabago. 

BARNABÏTES  ,  f.  m.  pi.  (  Hifl.  eccl.  )  congréga- 
tion de  clercs  réguliers  ainii  nommés  de  l  églile  de 
S.  Barnabe  à  Milan ,  où  ils  firent  leurs  premiers  exer- 
cice». Ils  reconnoiflent  pour  inftituteurs  Jacques  An- 


BAR 

toine  Morigia  ,  Barthelemi  Ferrera ,  &  François  Ma- 
rie Zacharie  de  Crémone  ,  gentilshommes  Milanois, 
<pii  jetterent  les  premiers  fondemens  de  leur  ordre  en 
1533.  Ils  furent  alors  approuvés  par  Clément  VII. 
&  par  Paul  III.  en  1553.  Quoiqu'ils  fbient  vulgaire- 
ment connus  fous  le  nom  de  Barnabites  ,  leur  vérita- 
ble titre  eft  celui  de  Clercs  réguliers  de  la  congrégation 
de  S. Paul.  Ils  portentl'habit  noir,  àpeu  prèsfembla- 
ble  à  celui  des  Jéfuites.  Cette  congrégation  a  produit 
beaucoup  d'hommes  distingués  parleur  favoir  &  leur 
piété.  Les  catéchifmes,  les  miffions,&l'inftruction  de 
la  jeunefle  dans  les  feiences  &  les  lettres ,  font  leurs 
emplois  ordinaires. Ils  ont  plufieurs  collèges  enltalie, 
en  Savoie  ,  &  quelques-uns  en  France  ;  fur-tout  ce- 
lui de  Montargis ,  fondé  par  la  libéralité  des  ducs 
d'Orléans.  (G) 

BARNACLE  ,  BARNAQUE  ,  voye^  Bernacle. 

BARNACLES  ,  (  terme  de  BlafonAnglois.  )  Voyei 

Broyé. 

*  BARNAGASSE,  (  Géog.  )  royaume  d'Afrique 
entre  la  haute  Ethiopie  ,  le  Nil  &  la  mer  Rouge  ,  le 
long  de  la  côte  d'Abex  ;  Barra  en  eft  la  capitale. 

*  BARNEVELDT ,  (  Géog.  )  île  de  l'Amérique 
dans  le  détroit  de  Magellan  ,  au  midi  de  la  terre  de 
Feu.  Long.  340.  lut.  56.  20. 

Il  y  a  une  autre  île  de  même  nom  proche  du  Ja- 
pon,/^. 34.  10. 

*  BARNSTABLE  ,  (  Géog.  )  ville  d'Angleterre 
dans  le  Devonshire,fur  la  rivière  de  Taw ,  avec  port. 
Long.  13.42.  lat.  5i.  10. 

*  BAROCHE,  (  Géog.  )  ville  d'Afrique  dans  les 
états  du  Mogol ,  au  royaume  de  Gufarate ,  fur  la  ri- 
vière deNerdaba.  Lat.  zi.  53. 

BarochÉ  ,  adj.  terme  de  Peinture  dont  on  fe  fert 
pour  exprimer  que  le  pinceau  n'a  pas  tracé  nette- 
ment un  contour  ,  &  qu'il  a  éclaboufTé  de  la  couleur 
fur  le  fond  ;  on  dit  :  vous  barocke^  toujours  vos  con- 
tours. Foyei Rechampir.  (/?) 

*  B  AROCO  ,  (  Log.  )  terme  qui  défigne  le  quatriè- 
me mode  d'argument  de  la  féconde  figure.  Unfyllo- 
gifme  en  baroco  a  la  majeure  univerfelle  affirmative  , 
6c  la  mineure  &laconclufion particulières  négatives. 
Voye{  Syllogisme. 

BAROMETRE,  f.  m.  (Phyf.  )  Le  baromètre  eft  un 
inftrument  qui  fert  àmefurer  la  pefanteur  de  l'atmof- 
phere  &c  les  variations  ,  &  qui  marque  les  change- 
mens  dutems.  ^oye^  Atmosphère  &  Tems. 

Ce  mot  elt  compofé  de  Capot ,  poids ,  6c  de  /utTpov , 
mefure.  On  confond  ordinairement ,  quoique  mal-à- 
propos  ,  le  baromètre  avec  le  barofeope  :  celui-ci  ce- 
pendant ne  fait ,  fuivant  la  fignification  du  mot ,  que 
marquer  les  altérations  du  poids  de  l'atmofphere  :  le 
baromètre  non-feulement  marque  ces  altérations , 
mais  encore  les  mefure.  Voye^  Baroscope. 

Le  baromètre  &  les  ufages  font  fondés  fur  l'expé- 
rience de  Toricelli ,  ainfi  nommée  de  Toricelli  ion 
inventeur.  On  prend  un  tuyau  de  verre  rempli  de 
mercure  ,  dont  un  côté  elt  fermé  hermétiquement , 
&  dont  l'autre  bout  qui  elt  ouvert  elt  plongé  dans 
une  cuvette  remplie  de  mercure  :  quand  le  poids  de 
l'atmofphere  diminue ,  la  furface  du  mercure  qui  fe 
trouve  vers  le  bout  inférieur,  6c  lur  laquelle  l'air 
preffe,fe  trouve  moins  comprimée:  ainli  le  mercure 
qui  elt  dans  le  tuyau  defeend  ;  &  au  contraire  fi  le 
poids  de  l'air  augmente  ,  le  mercure  monte  ;  car  la 
colonne  de  mercure  fufpcndue  dans  le  tuyau  elt  tou- 
jours égale  en  pefanteur  au  poids  de  L'atmofphere  qui 
pelé  deiïïis,  comme  il  elt  démontré  à  l'article  Tori- 
celli. 

Dans  cette  explication  nous  fuppofons  que  la 
preffionde  l'air  vienne  uniquement  de  ion  poids,  qui 
comprime  les  parties  fupérieures  fur  les  intérieures. 
Cependant  il  eft  certain  que  plufieurs  cauies  con- 
courent à  altérer  la  preiîion  de  l'air  :  en  général  lu 


BAR 


77 


caufe  immédiate  de  la  preffion  d'un  fluide  élaitique 
tel  que  l'air ,  c'eft  la  vertu  élaitique  de  ce  fluide  ,  & 
non  fon  poids.  On  ne  doit  donc  attribuer  la  fufpen- 
iîon  du  mercure  dans  le  baromètre  au  poids  de  l'air , 
qu'autant  que  ce  poids  eft  la  caufe  principale  de  la 
preffion  de  l'air.  En  effet  le  mercure  du  baromètre  fe 
lbûtient  auflî  bien  dans  une  chambre  exactement  fer- 
mée qu'en  plein  air;  parce  que  l'air  de  cette  cham- 
bre, quoiqu'il  ne  porte  pas  le  poids  de  l'atmofphe- 
re ,  eit  comprimé  de  la  même  manière  que  s'il  le  por- 
toit.  Si  l'air  demeure  de  même  poids,  6c  que  la  com- 
preffion  de  fes  parties  vienne  à  augmenter  ou  à  di- 
minuer par  quelque  caufe  accidentelle  ,  alors  le  mer- 
cure deicendra  ou  montera  dans  le  baromètre  ,  quoi- 
que le  poids  de  l'air  ne  foit  pas  augmenté.  Traité 
des  fluides  ,  Paris  1J44.  p.  61. 

Il  y  a  différentes  efpeces  de  baromètre,  dont  nous 
allons  détailler  ici  les  principales. 

Baromètre  commun.  La  conftru&ion  du  baromètre 
commun  eft  telle. On  remplit  de  mercure  un  tuyau  de 
verre  ,  fermé  hermétiquement:  par  fa  partie  iupé- 
rieure ,  ayant  fon  diamètre  d'environ  ~  de  pouce  , 
&  fa  longueur  au  moins  de  3  £  ;  on  remplit  ce  tuyau 
de  manière  qu'il  ne  refte  point  d'air  mêle  avec  le 
mercure  ,  &  qu'aucun  autre  corpu.fcule  ne  s'attache 
aux  parois  du  tuyau.  Pour  y  réuiïir,  on  peut  fe  fer- 
vir  d'un  entonnoir  de  verre  terminé  par  un  tuyau 
capillaire ,  6c  remplir  le  tube  par  le  moyen  de  cet 
entonnoir. 

On  peut  encore  chafTer  les  bulles  d'air  par  deux 
autres  méthodes:  la  plus  ordinaire  eft  de  remplir  de 
vif-argent  tout  le  tube  ,  à  la  réferve  d'un  pouce  en- 
viron qu'on  laifle  plein  d'air;  on  bouche  avec  le 
doigt  l'orifice  du  tuyau ,  on  lerenverfe  ,  6c  en  faifant 
promener  la  bulle  ,  on  lui  fait  entraîner  avec  elle 
toutes  les  petites  bulles  imperceptibles  ,  après  quoi 
on  achevé  de  remplir  le  tube.  Muffch.  ejf.  de  Pfryf. 

L'autre  méthode  coniiite  à  faire  chauffer  un  tube 
prefque  plein  fur  un  braiier  couvert  de  cendres  ;  on 
le  tourne  continuellement  ;  &  la  chaleur  raréfiant  les 
petites  bulles  d'air  ,  les  fait  fortir  par  l'orifice. 

Quand  on  a  ainii  rempli  le  tuyau  jufqu'au  bord, 
on  bouche  exactement  avec  le  doigt  fon  orifice  ,  en 
forte  qu'il  ne  puiffe  s'introduire  d'air  entre  le  doigt 
6c  le  mercure  ;  enfuite  on  plonge  le  tuyau  dans  un 
vaifîéau  plein  de  mercure  ,  de  façon  cependant  que 
le  tuyau  ne  touche  pas  le  fond  du  vafe  :  à  la  diftan- 
ce  de  28  pouces  de  la  furface  du  mercure  ,  font  at- 
tachées 2  bandes  diviiées  en  3  pouces ,  6c  ces  pouces 
font  fubdivifés  en  un  certain  nombre  de  plus  petites 
parties;  enfin  on  applique  le  tuyau  fur  une  planche  de 
bois ,  pour  empêcher  qu'il  ne  fe  brife  :  on  laifle  dé- 
couvert le  vaifleau  où  le  tuyau  eft  plongé ,  ou  fi  l'on 
veut  on  le  couvre ,  afin  qu'il  n'y  entre  point  de  pouf- 
fiere  ,  &  le  baromètre  eft  achevé. 

Au  lieu  de  plonger  lé  tuyau  dans  un  vaifleau  ,  on 
fe  contente  fouvent  d'en  recourber  l'extrémité  , 
de  forte  que  le  tuyau  a  deux  branches  verticales  , 
dont  l'une  eft  beaucoup  plus  petite  que  l'autre  ,  &  fe 
termine  par  une  efpece  d'entonnoir  fort  large ,  qui  fe 
trouve  rempli  de  mercure  ,  fur  la  furface  duquel  l'at- 
mofphere prefTe ,  6c  fait  monter  ou  defeendre  le  mer- 
cure du  tuyau  d'une  manière  d'autant  plus  fenfiWe  , 
que  la  variation  du  poids  de  l'atmofphere  eft  plus 
grande.  C'eft  le  baromètre  iimple  ou  ordinaire,  f^oye^ 
Planche  Pneumat.  jig.  1 . 

On  a  eflayé  plufieurs  fois  s'il  étoit  pofTïble  de  ren- 
dre les  variations  du  baromètre  plus  fenfibles  ,  afin  de 
pouvoir  mefiirer  la  preffion  de  l'atmofphere  avec 
plus  de  jullefle  ;  ce  qui  a  donné  lieu  a  un  grand  nom- 
bre de  baromètres  de  différentes  iti  uctiu  es ,  comme 
le  baromètre  à  roue  ,  le  baromètre  diagonal  ,  le  baromè- 
tre horifontal ,  &c. 

Defeartes,  6c  enfuite  Huyghens,  fe  font  t'en  is  d'un 


78 


BAR 


tube  AB,(fig.  2.)  fermé enA,&c  ayant  «ne  por- 
tion CD  plus  groffe  que  le  refte  :  la  moitié  de  la  par- 
tie C  D  ,  de  même  que  la  partie  fupérieure  du  tube^, 
eft  remplie  d'eau  ;  &  l'autre  moitié  de  CD  ,  de  mê- 
me que  la  partie  inférieure  du  tube  ,  eft  remplie  de 
mercure.  Il  eft  vrai  que  dans  cette  forte  de  baromètre 
la  colonne  fufpendue  étant  plus  grande  ,  rendoit  la 
variation  plus  lcnfible  :  mais  l'air  renfermé  dans  l'eau 
s'évaporant  par  degrés ,  rempliflbit  l'efpace  vuide  du 
haut  du  tube  ,  &  rendoit  par-là  la  machine  défec- 
tueufe.  Huyghens  imagina  donc  qu'il  valoit  mieux 
placer  dans  le  baromètre  le  mercure  &  l'eau ,  de 
la  manière  fuivante  :  A  D  G  (fig.  J.  )  eft  un  tuyau 
recourbé  fermé  hermétiquement  en  A ,  &  ouvert  en 
G;  les  vahTeaux  cylindriques  BC  &  FE  ,  font 
égaux ,  &  diftans  d'environ  29  pouces  l'un  de  l'au- 
tre ;  le  diamètre  du  tuyau  eft  d'environ  une  ligne  ; 
celle  de  chaque  vaifTeau  eft  de  1 5  ,  &  leur  profon- 
deur d'environ  10  :  le  tuyau  eft  rempli  de  mercure , 
qui  eft  fufpendu  entre  le  vaiffeau  FE  &  le  vaiffeau 
B  C ,  l'efpace  qui  refte  jufqu'à  A  étant  vuide  d'air  & 
de  mercure  :  enfin  on  verfe  de  l'eau  commune  mêlée 
avec  une  fixieme  partie  d'eau  régale  (  pour  que  l'eau 
ne  fe  geîe  pas)  dans  le  tuyau  EFG,  de  manière 
qu'elle  contrebalance  en  partie  le  mercure  CD  F.  Or 
quand  le  mercure  s'élève  le  long  du  tuyau  A  D , 
au-deffus  du  niveau  du  mercure  qui  eft  contenu  en 
F E ,  ce  mercure  en  s'élevant  fait  équilibre  avec 
l'atmofphere  ;  fi  la  prefiion  de  l'atmofphere  augmen- 
te ,  la  colonne  de  mercure  s'augmentera ,  conléquem- 
ment  l'eau  defcendra  ;  li  l'atmofphere  preffe  moins , 
la  colonne  de  mercure  defcendra ,  &  l'eau  montera. 
Par  là  ce  baromètre  indique  beaucoup  mieux  les  plus 
petites  variations  de  l'air ,  que  le  baromètre  commun  : 
car  au  lieu  de  deux  pouces  ,  le  fluide  pourra  varier 
beaucoup  davantage  ;  ce  qui  vient  tant  de  la  grof- 
feur  des  cylindres  par  rapport  aux  tuyaux  ,  que  de 
la  pefanteur  de  l'eau ,  qui  eft  moindre  que  celle  du 
mercure ,  &  dont  les  variations  doivent  être  par  con- 
féquent plus  fenfibles;  car  14  pouces  d'eau  équiva- 
lent à  un  pouce  de  mercure.  En  élargiffant  les  diamè- 
tres des  cylindres  ,  la  variation  fera  encore  plus  fen- 
fible.  Il  y  a  pourtant  encore  cet  inconvénient ,  que 
l'eau  s'évaporera ,  &  rendra  les  variations  défec- 
tueufes  ;  quoiqu'on  puiffe  en  quelque  façon  prévenir 
l'évaporation  en  mettant  une  goutte  d'huile  d'aman- 
des douces  fur  la  furface  de  l'eau. 

Mais  cette  goutte  d'huile  produit  un  autre  inconvé- 
nient ;  car  elle  s'attache  aux  parois  du  tuyau ,  &  fait 
par  conféquent  que  l'eau  après  l'avoir  traveriée ,  & 
quelquefois  s'être  débordée  ,  rend  le  tuyau  opaque. 

Le  plus  grand  défaut  furtout  eft  caufé  par  le  froid  & 
le  chaud ,  qui  font  que  la  liqueur  du  tuyau  E  F  G  eft 
comme  dans  une  boule ,  &  un  tuyau  de  thermomètre. 
En  effet ,  cette  liqueur  le  raréfie  par  la  chaleur ,  &  fe 
condenfe  par  le  froid  ;  d'où  ri  arrive  que  la  hauteur 
de  l'eau  varie  par  la  chaleur  feule  ,  &  fait  par  confé- 
quent  varier  le  mercure  ;  de  forte  que  les  variations 
de  cette  efpece  de  baromètre  font  prefqu'autant  l'effet 
de  la  chaleur  que  de  la  preffion  de  l'air. 

On  a  tâché  depuis  peu  de  rendre  ces  baromètres 
plus  fimples ,  en  iubftituant  de  l'eiprit-de-vin  à  l'eau , 
&  des  boules  aux  cylindres  :  mais  l'efprit-de-vin  eft 
très-fujet  à  s'évaporer  &c  à  fe  dilater  par  la  chaleur  ; 
&  d'ailleurs  le  changement  des  cylindres  en  forme 
de  poires  ,  empêche  de  faire  des  échelles  juftes.  Au 
refte  il  eft  viiîble  que  la  marche  de  ce  baromètre  eft 
contraire  à  celle  du  baromètre  ordinaire  ;  tandis  que 
le  mercure  baiffe  dans  ce  dernier ,  l'eau  &  l'efprit- 
de-vin  s'élèvent  dans  l'autre,  &  réciproquement. 
Mujfck. 

Ainfi  les  défauts  auxquels  ce  baromètre  peut  être 
fujet,  ont  obligé  quelques  autres  à  avoir  recours  au 
baromètre  horifontal  ou  rectangle  AB  CD  (fig,  4.) 


BAR 

Ce  baromètre  eft  formé  de  manière  que  la  branche 
B  C  foit  verticale  ,  &  la  branche  CD  horifontale. 
Il  eft  joint  par  l'extrémité  de  fa  branche  perpendicu- 
laire à  un  vaiffeau^  5,&  les  variations  fontmarquées 
fur  la  branche  horifontale  CD  :  or  l'intervalle  ou  l'ef- 
pace de  variation  peut  être  aufîî  étendu  que  l'on  veut  ; 
car  plus  le  tuyau  B  CD  fera  petit  par  rapport  au  vafe 
A  B,  plus  les  variations  du  mercure  dans  le  tuyau 
A  B,  feront  varier  le  mercure  qui  eft  dans  la  partie 
CD  ;  &  par  conféquent  les  plus  petites  variations 
feront  très- fenfibles.  Le  diamètre  du  tuyau  CD  étant 
donné ,  il  fera  ailé  de  trouver  le  diamètre  du  vaiffeau 
A  B  ,  tel  que  les  parties  de  l'échelle  horifontale  dans 
le  tuyau  DC,  correfpondantes  aux  parties  de  l'é- 
chelle du  vaiffeau  A  B  foient  auffi  grandes  qu'on 
voudra ,  &  ayent  entr'elles  la  même  proportion  que 
les  parties  de  l'échelle  dans  le  vaiffeau  A  .S,puifque  le 
diamètre  du  vaiffeau  eft  à  celui  du  tuyau  en  raifon 
foû-doublée  réciproque  des  parties  de  leurs  échelles: 
de  même  les  diamètres  de  C  D  &  A  B  étant.donnés  , 
auffi  bien  que  la  hauteur  du  mercure  dans  le  vaiffeau, 
la  hauteur  du  mercure  dans  le  tuyau  eft  trouvée  par 
cette  proportion  ;  comme  le  quarré  du  diamètre  du 
vaifTeau  eft  au  quarré  du  diamètre  du  tuyau ,  ainfi 
les  parties  de  l'échelle  du  mercure  dans  le  tuyau  , 
font  aux  parties  correfpondantes  à  l'échelle  du  mer- 
cure dans  le  vaiffeau. 

La  conltruition  de  ce  baromètre ,  de  même  que  du 
baromètre  d'Huyghens ,  eft  établie  fur  un  théorème 
d'Hydroftatique  ;  favoir  ,  que  les  fluides  qui  ont  la 
même  bafe ,  pefent  en  raifon  de  leur  hauteur  per- 
pendiculaire ,  &  non  pas  de  la  quantité  de  leur  ma- 
tière :  ainfi  la  même  pefanteur  de  l'atmolphere  foû- 
tient  le  vif-argent  dont  le  tuyau  A  CD  &  le  vafe  AB 
font  remplis  ,  comme  elle  auroit  foûtenu  le  mercu- 
re dans  le  feul  tuyau  ABC.  Voye{  Hydrosta- 
tique. Ce  baromètre  a  auffi  de  grands  défauts. 

Car,  en  premier  lieu,  l'air  s'introduit  quelquefois 
entre  les  particules  du  mercure  dans  le  tuyau  CD, 
ck  les  écarte  par  conféquent  les  unes  des  autres  lorf- 
que  le  tuyau  eft  trop  large.  Pour  remédier  à  cet  in- 
convénient, on  ne  donne  qu'une  ligne  de  diamètre, 
ou  même  moins,  la  partie  CD,  on  a  foin  que  ce 
petit  tuyau  foit  neuf  &  bien  net .,  &  on  fe  iert  de 
mercure  qui  foit  bien  purgé ,  à  l'aide  du  feu ,  de  tout 
l'air  qu'il  contient:  malgré  tout  cela,  le  mercure  fe 
falit  avec  le  tems  en-dedans  par  l'air  qui  y  entre  ,  ce 
qui  produit  fort  fouvent  quelque  féparation  entre  les 
parties  du  mercure ,  lorfqu'il  fe  meut  de  D  vers  C,  ou 
du  moins  il  s'en  forme  de  petits  globules  ,  lefquels 
s'arrêtent  çà  &  là  dans  la  partie  antérieure  du  tuyau 
qui  fe  trouve  vuide. 

Il  fe  préfente  encore  un  autre  inconvénient  bien 
plus  conlidérable,  qui  vient  du  grand  frottement  du 
mercure  contre  le  verre ,  &  qui  empêche  ce  baromè- 
tre d'être  à  beaucoup  près  auffi  fenfible  que  le  baro- 
mètre ordinaire.  En  effet ,  d'habiles  obfervateurs  nous 
affùrent  avoir  remarqué  fouvent  que  fi  le  mercure 
hauffe  ou  baiffe  d'une  demi-ligne  ou  d'une  ligne  en- 
tière dans  le  baromètre  ordinaire ,  il  demeure  encore  à 
fà  même  place  dans  le  tuyau  CD:  mais  fi  la  varia- 
tion augmente  dans  le  baromètre  ordinaire ,  il  fe  fait 
alors  dans  le  tuyau  CD  un  très-grand  mouvement, 
enforte  que  la  marche  de  ce  baromètre  eft  beaucoup 
moins  réglée  que  celle  du  baromètre  ordinaire.  Mujfck. 
Ces  raifons  font  que  plufieursperlbnnes  préfèrent 
le  baromètre  diagonal ,  dans  lequel  l'efpace  de  varia- 
tion eft  beaucoup  plus  grand  que  dans  le  baromètre 
commun ,  &  duquel  ils  croyent  les  variations  plus 
régulières  que  celles  des  autres.  Le  Chevalier  Mor- 
land  a  imaginé  pour  cet  effet  un  tuyau  incliné  B  E  C. 
(7%.  3.)  car  il  eft  évident  que  le  mercure  s'élevant  à 
la  même  hauteur  dans  un  baromètre  droit ,  &  dans  un 
baromètre  recourbé ,  fes  variations  feront  beaucoup 


BAR 

plus  fenfibles  dans  le  tuyau  inciiné  BEC,  que  fi  ce 
tuyau  étoit  vertical ,  &  d'autant  plus  fenfibles ,  que 
le  tuyau  fera  plus  incliné ,  puifque  le  mercure  ,  pour 
s'élever,  par  exemple,  d'une  ligne  en  hauteur  per- 
pendiculaire ,  aura  trois  ou  quatre  lignes  ou  même 
davantage  à  parcourir  dans  la  longueur  du  tuyau. 
Cette  invention  eft  pourtant  fujette  à  plulieurs  in- 
convéniens  ;  caria  furface  du  mercure  dans  le  tuyau 
B  E,  n'eft  pas  parallèle  à  l'horifon ,  mais  elle  eft  con- 
vexe &  inclinée  ;  or  cela  pofé ,  il  eft  difficile  de  favoir 
à  quel  point  on  doit  fixer  la  hauteur  du  mercure.  De 
plus  le  coude  qui  eft  en  B ,  rend  la  furface  du  tuyau 
fort  raboteufe  en  cet  endroit  là ,  &  les  inégalités  de 
la  furface  produifant  une  réfiftance  à  l'abaiffement 
ou  à  l'élévation  du  mercure ,  les  variations  de  ce  ba- 
romètre ne  font  pas  aufli  promtes  qu'elles  le  devroient 
être.  Ce  dernier  inconvénient  eft  d'autant  plus  grand, 
que  le  tuyau  BEC  fait  un  plus  grand  coude  en  B  ; 
ainfi  la  fenfibilité  ,  pour  ainfi-dire ,  des  variations  de 
ce  baromètre  eft  alors  compenfée  par  leur  lenteur. 
Mufck. 

Baromètre  à  roue  :  c'eft  une  invention  du  docteur 
Hook ,  qui  rend  les  altérations  de  l'air  plus  fenfibles  ; 
il  eft  compofé  d'un  baromètre  commun  vertical ,  au- 
quel on  ajoute  deux  poids  A  &c  B  (fig.3.)  pendus  à 
une  poulie  ,  dont  l'un  eft  en  liberté  à  l'air,  &  l'autre 
reftant  fur  la  furface  du  mercure  dans  le  tuyau,  s'é- 
lève &  s'abaifié  avec  lui.  Le  poids  A  communique 
ion  mouvement  à  la  poulie ,  &:  cette  poulie  a  autour 
de  fon  pivot  une  longue  aiguille  L  K ,  qui  montre  fur 
un  grand  cercle  gradué  MA  O  P ,  les  variations  de 
la  hauteur  du  mercure  dans  le  baromètre.  De  plus ,  le 
tuyau  du  baromètre  eft  furmonté  d'un  gros  globe  A  B, 
&  la  petite  boule  B ,  qui  eft  en  liberté  dans  l'air,  eft 
à  peu-près  égale  en  pefanteur  à  la  boule  A.  Comme 
le  globe  A  B  a  beaucoup  de  diamètre  par  rapport  à 
celui  du  tuyau,  un  abaifiement  peu  coniidérable du 
mercure  dans  ce  globe ,  peut  faire  monter  le  mercure 
dans  le  tuyau  FA,  jufqu'à  la  hauteur  de  (fois  pou- 
ces. Supputons  maintenant  que  toute  la  circoriféren- 
ce  de  la  poulie  F  D  foit  de  trois  pouces ,  elle  fera 
donc  un  tour  lorfquc  le  mercure  montera  ou  s'abaif- 
fera  de  trois  pouces,  de  forte  que  l'aiguille  L  K  fera 
alors  un  tour  aufïi  ;  &  fi  le  diamètre  du  cercle  M  N 
O  P  eft  d'un  pié  ,  le  mercure  ne  pourra  s'abaifler  ou 
s'élever  de  trois  pouces,  que  l'aiguille  ne  parcoure 
environ  trois  pies.  Ce  baromètre  montre  aflez  bien  les 
variations  confidérables  de  la  hauteur  du  mercure  : 
mais  auffi-tôtque  le  mercure  vient  à  baifierou  à  mon- 
ter dans  le  tuyau  A  F ,  &  qu'il  ne  fait  par  conféquent 
que  commencer  à  devenir  un  peu  convexe  ou  un 
peu  concave ,  la  petite  boule  A  n'a  pas  allez  de  mou- 
vement pour  faire  tourner  un  peu  la  poulie  SE), 
parce  que  cette  poulie  eft  fujette  à  quelque  frotte- 
ment fur  fon  axe  :  ce  qui  empêche  d'appercevoir  les 
variations  peu  confidérables  de  la  hauteur  du  mer- 
cure :  mais  lorfque  la  poulie  commence  à  fe  mou- 
voir ,  fon  mouvement  eft  plus  grand  qu'il  ne  devroit 
être  alors.  Voilà  fans  doute  un  inconvénient  auquel 
on  ne  peut  remédier  qu'avec  beaucoup  de  peine.  Ce 
baromètre  eft  encore  iujet  à  d'autres  inconvéniens 
qu'on  a  eu  foin  de  marquer  dans  les  Tranfaclions  Phi- 
losophiques ,  n.  i85.  p.  241.  aufîï  n'en  fait-on  aucun 
ufage.  Mufi'ch. 

Baromètre  conique  :  c'eft  une  machine  plutôt  cu- 
rieufe  qu'utile. Elle  confifte  en  un  tuyau  conique  ver- 
ticalement placé ,  dont  l'extrémité  fupérieure  ,  & 
qui  eft  la  plus  petite  ,  eft  fermée  hermétiquement. 
Ce  baromètre  n'a  point  de  vaifl'eau  ou  de  badin,  fa 
figure  conique  y  fuppléant,  pourvu  que  l'extrémité 
inférieure  de  ce  tuyau  ait  un  diamètre  fort  petit  :  car 
alors  le  mercure  fe  foùtient  de  lui-même  dans  ce 
tuyau,étant  foùtenu  par  les  particules  de  l'air,comme 
par  un  pifton  iblide  ou  un  fond.  Quand  ce  tuyau  eft 


BAR 


79 


rempli ,  fi  le  mercure  s'y  foùtient ,  fon  poids  eft  équi- 
valent au  poids  de  l'atmofphere  ;  &  fi  l'atmofphere 
varie  ,  le  mercure  montera  ou  defeendra.  Ainfi  quand 
le  poids  de  l'atmofphere  s'augmente  ,  le  mercure  eft 
chaflé  dans  la  partie  du  tuyau  la  plus  étroite;  &  par 
ce  moyen  la  colonne  eft  étendue ,  &  fon  poids  eft 
augmenté.  Au  contraire,  quand  l'atmofphere  dé- 
croît ,  le  mercure  s'abaifle  dans  la  partie  la  plus  large 
du  tuyau  ;  &  par  ce  moyen  fa  colonne  eft  plus  cour- 
te ,  tk  fa  preflion  conféquemment  eft  affaiblie. 

Pour  rendre  ceci  plus  intelligible ,  fuppofons  que 
ce  baromètre  foit  repréfenté  par  le  tuyau  A  B  (fi g.  6\) 
qui  eft  conique  ,  &  que  ce  tuyau  étant  renverfé  ,  fe 
trouve  rempli  de  trente  pouces  de  mercure  depuis  A 
jufqu'à  C ;  &c  comme  la  variation  du  mercure  dans  le 
baromètre  eft  de  trente  à  vingt-fept  pouces ,  fuppo- 
fons que  la  même  quantité  de  mercure  A  C  dans  la 
partie  inférieure  du  tuyau  D  B,  ait  la  hauteur  D  B 
de  vingt-fept  pouces  ;  alors  il  eft  certain  que ,  lorf- 
que le  mercure  fe  trouvera  dans  le  baromètre  ordi- 
naire à  la  hauteur  de  trente  pouces  ,  le  mercure  dans 
le  tuyau  A  B  occupera  l'efpace  A  C;  &  quand  le 
mercure  fera  dans  le  baromètre  à  vingt-fept  pouces  , 
le  mercure  du  tuyau  occupera  l'efpace  D  B  ;  ainfi  la 
variation  du  mercure  dans  le  baromètre  fera  depuis  A 
jufqu'à  D ,  qui  eft  un  efpace  de  près  de  trente  pou- 
ces, pendant  que  cette  variation  ne  fera  que  de  tiois 
pouces  dans  le  baromètre  ordinaire.  Ce  baromètre  eft 
de  l'invention  de  M.  Amontons.  Mujfch. 

L'inconvénient  de  ce  baromètre  eft  que  pour  em- 
pêcher le  mercure  &  l'air  de  changer  déplace,  &de 
fe  mêler  enlemble ,  il  faut  que  le  diamètre  intérieur 
du  tuyau  foit  très -petit;  &  cette  petitefle  rend  le 
frottement  de  la  liqueur  fi  fenfible ,  qu'elle  peut  l'em- 
pêcher d'agir  librement  ;  ainfi  cet  infiniment  n'eft 
guère  bon  que  pour  les  Marins  qui  n'y  regardent  pas 
de  fi  près ,  &  qui  s'en  fervent  depuis  trente-cinq  ans , 
parce  qu'il  eft  fort  commode.  En  effet ,  il  fuffit  de  le 
renverier  lorfqu'on  le  veut  garder  ;  &c  quand  on  veut 
connoître  le  poids  de  l'air ,  il  fuffit  de  prendre  le 
tuyau  à  la  main ,  &  de  le  tenir  dans  une  fituation  ver- 
ticale. Pour  empêcher  que  le  mercure  n'en  forte  par 
en-bas ,  comme  il  pourroit  arriver  dans  les  mouve- 
mens  violens  du  vaifieau  ,  on  met  au-deflbus  du 
tuyau ,  proche  de  B ,  un  peu  de  coton  à  travers  le- 
quel l'air  parle  librement  ;  6c  s'il  arrive  alors  par 
quelque  accident  qu'il  tombe  un  peu  de  mercure  de 
la  colonne  A  D ,  il  fuffit  de  retourner  le  tuyau  ;  &  ce 
qui  eft  tombé  fe  rejoint  d'abord  à  la  colonne.  Il  y  a 
encore  un  autre  baromètre  à  l'ulage  des  Marins.  Ce 
baromètre  qui  a  été  aufli  inventé  par  le  docteur  Hook, 
pour  pouvoir  fervir  fur  mer ,  011  le  roulis  du  vaifieau 
rendroit  les  autres  impraticables ,  n'eft  autre  chofe 
qu'un  thermomètre  double  ,  ou  deux  Uibes  à  demi  rem- 
plis d'ei prit-de-vin  ,  dont  l'un  eft  fermé  hermétique- 
ment par  les  deux  bouts ,  &  renferme  une  certaine 
quantité  d'air;  &  l'autre  eft  fermé  par  un  bout,  6c 
ouvert  par  l'autre.  Or  l'air,  comme  l'on  fait ,  agit  fur 
l'efprit-de-vin ,  &  le  fait  monter  par  deux  raifons  ;  par 
fa  propre  gravité,  comme  dans  le  tube  deTorricel- 
li  ;  6c  par  la  chaleur,  comme  dans  le  thermomètre.  Si 
donc  les  deux  tubes  font  divilés  par  degrés ,  enforte 
qu'ils  s'accordent  l'un  avec  l'autre  au  teins  où  l'air  y 
eft  renfermé ,  il  s'enfuit  que  lorfqu'ils  s'accorderont 
encore  enfuite ,  la  preflion  de  l'atmofphere  fera  la 
même  que  dans  le  tems  que  l'air  a  été  renfermé.  *>i 
dans  le  thermomètre  qui  eft  ouvert  à  l'air,  la  liqueur 
eft  plus  haute,  en  confidérant  en  même  teins  com- 
bien l'autre  s'élève  ou  s'abaifle  par  l'opération  de  la 
chaleur  ou  du  froid,  on  verra  que  l'air  eft  plus  pe- 
lant: au  contraire,  quand  le  thermomètre  ouvert  eft 
plus  bas  en  comparailon  de  l'autre,  l'air  eft  plus  lé- 
ger que  dans  le  tems  que  l'inftriiment  a  été  divifé  par 
de-res.  Mais  U  faut  fe  reflbuvcnir  que  la  condenfa- 


So 


BAR 


tion  &  la  raréfaftion  de  l'air ,  fur  quoi  toute  cette 
machine  eft  établie  ,  ne  dépendent  pas  feulement  du 
poids  de  Patmofphere ,  mais  qu'elles  font  auffi  eau- 
fées  par  l'aûion  de  la  chaleur  &  du  froid.  C'eft  pour- 
quoi cette  machine  ne  peut  pas  être  nommée  un  baro- 
mètre, mais  plutôt  un  infiniment  qui  indique  les  al- 
térations de  l'air.  Voyei  Manomètre. 

Cependant  cet  infiniment  eft  regardé  comme  étant 
fort  bon  pour  faire  connoître  fi  le  tems  doit  être 
mauvais  ,  de  même  que  les  changemens  de  vents , 
&C  l'approche  du  froid.  Tra/ifacl.  phïlof.  n°.  42g ,  p. 

Z33- 

Le  baromètre  Jlatique  ,  dont  fe  font  fervi  Boyle  , 
Otto  de  Guericke ,  &c.  eft  défectueux,  tant  par  l'ac- 
tion du  chaud ,  que  parce  qu'il  eft  peu  précis  8c  peu 
commode  :  il  confifte  en  un  affez  grande  bouteille  de 
verre,  tenue  en  équilibre  par  un  poids  de  cuivre  , 
dans  des  baftins  de  balance  fort  légers  :  ces  deux  corps 
étant  d'égale  pefanteur ,  mais  d'inégal  volume ,  fi  le 
milieu  ou  fluide  dans  lequel  ils  pefent  également  eft 
changé ,  le  changement  de  leur  poids  s'en  fuivra  ; 
de  forte  que  fi  l'air  devient  plus  pefant ,  le  corps  le 
plus  grand  deviendra  plus  léger  en  apparence ,  par- 
ce qu'il  perdra  plus  de  fon  poids  que  le  plus  petit, 
qui  eft  le  plus  denfe  :  mais  fi  le  milieu  eft  plus  léger , 
alors  le  corps  le  plus  grand  l'emportera  fur  le  plus 
petit. 

Phénomènes  du  baromètre.  Ces  phénomènes 
font  différens ,  &  les  auteurs  ne  font  pas  plus  d'ac- 
cord fur  leurs  caufes ,  que  fur  l'ufage  que  l'on  en 
peut  faire  pour  prédire  les  changemens  de  tems.  Sur 
le  haut  de  la  montagne  de  Snouden  en  Angleterre  , 
qui  a  1 240  toifes  de  hauteur  ,  le  dofteur  Halley  trou- 
va le  mercure  de  trois  pouces  huit  dixièmes  plus  bas 
qu'au  pié  ;  d'où  il  paroît  que  le  mercure  baiffe  d'un 
■—  de  pouce  par  trente  toifes.  Derham  a  fait  pareil- 
lement des  expériences  de  la  hauteur  du  mercure 
fur  le  haut  &.  au  pié  de  cette  montagne  ,  &c  croit 
qu'il  faut  3  2  toifes  d'élévation  perpendiculaire ,  pour 
que  le  mercure  baiffe  du  ^5  d'un  pouce  :  d'où  cet  au- 
teur a  cru  qu'on  pouvoit  tirer  non-feulement  la  hau- 
teur de  l'atmofphere  ,  mais  aulîi  une  méthode  pour 
mefurer  la  hauteur  des  montagnes.  Suivant  cet  au- 
teur, fi  le  mercure  ici  bas  eft  à  30  pouces,  à  1000 
pies  de  hauteur ,  il  fera  à  28  -—  pouces  ;  à  2000  pies , 
à  2.7  rf0>  à  3000,  26  ^  ;à  4000,  25  ^;  à  5000, 
24  ^~  ;  à  un  mille ,  24  ^  ;  à  deux  milles ,  20  ^  ;  à 
cinq  milles ,  11  ^  ;  à  dix  milles ,  4  ^  ;  à  quinze 
milles ,  1  ^  ;  à  vingt  milles ,  o  ^  ;  à  trente  milles  , 
,-f^  ;  à  quarante  milles ,  rz^-  Mais  on  fuppofe  dans  ce 
calcul  que  l'atmofphere  eft  par-tout  d'une  denfité  à 
peu  près  égale ,  &  que  fi  on  la  divife  en  portions  d'é- 
gale hauteur ,  le  poids  de  ces  portions  eft  prefque  le 
même  ,  ce  qui  eft  bien  éloigné  d'être  vrai  ;  car  l'at- 
mofphere devient  continuellement  moins  denfe  à 
mefure  qu'on  s'éloigne  de  la  terre ,  &  ainfi  une  mê- 
me quantité  d'air  occupe  toujours  un  volume  de  plus 
en  plus  grand.  C'eft  pourquoi  û  on  divife  l'atmof- 
phere en  différentes  couches  toutes  d'une  hauteur 
égale ,  ces  couches  peferont  d'autant  moins  qu'elles 
feront  plus  éloignées  du  centre  de  la  terre.  M.  Ma- 
riotte ,  dans  Ion  effai  fur  la  nature  de  Pair ,  a  donné 
tin  calcul  de  la  hauteur  de  l'atmofphere  ,  fondé  fur 
les  obfervations  du  baromètre  faites  au  fommet  des 
montagnes.  Ce  calcul  eft  fondé  fur  ce  principe  ,  que 
l'air  fe  condenfe  en  raifon  des  poids  dont  il  eft  char- 
gé ;  l'auteur  trouve  1 5  lieues  environ  pour  la  hau- 
teur de  l'atmofphere ,  qui  eft  auffi  à  peu  près  la  quan- 
tité que  M.  de  la  Hire  trouve  par  la  théorie  des  cré- 
pufcules.  M.  Mariotte  ajoute  auffi  à  fon  calcul  un 
effai  de  méthode  pour  déterminer  par  les  mêmes 
principes  la  hauteur  des  montagnes  :  mais  on  regar- 
da aujourd'hui  affez  généralement  toutes  ces  métho- 
des ,  comme  plus  çurieufes  que  fûres  &  utiles.  l'oye{ 
Atmosphère. 


B  A  R 

On  a  trouvé  que  la  plus  grande  hauteur  au  tarfa 
mètre  à  Londres  ,  étoit  à  trente  pouces  | ,  &  fon  plus 
grand  abaiffement  à  28  pouces  ;  à  l'obfervatoire 
de  Paris ,  fa  plus  grande  élévation  eft  de  28  pouces 
-—,  &  fa  moindre  26  ~  fur  la  mefure  du  pié  de  Pa- 
ris ,  qui  eft  plus  grand  de  jf^  que  celui  de  Londres  : 
ces  obfervations  s'accordent  à  celles  qui  ont  été  fai- 
tes par  M.  Wolf  à  Hall  en  Saxe.  A  Alger  le  mercure 
s'élève  à  30  pouces  -^  ou  tV  Par  ^c  vent  de  nord, 
quoique  ce  vent  foit  iouvent  accompagné  de  pluie 
6c  d'orage.  Il  eft  vrai  qu'il  y  a  une  expérience  dans- 
laquelle  la  hauteur  du  mercure  furpaffe  de  beaucoup 
ces  nombres  ;  le  mercure  étant  parfaitement  purifié  & 
fufpendu  dans  un  tube  ,  à  la  manière  de  Torricelli, 
monte  à  la  hauteur  de  75  pies  ,  quoiqu'à  la  moindre, 
fecouffe  il  baiffe  à  la  hauteur  ordinaire.  Ce  phéno- 
mène n'a  pas  caufé  peu  d'embarras  lorfqu'il  a  été. 
queftion  d'en  découvrir  la  caule.  Voici  l'explica- 
tion que  M.  Muffchenbroek  en  donne  dans  fes  Ejjais 
de  Phyjique.  Lorfqu'on  a  purgé  le  mercure  de  l'air 
qu'il  contient,  il  devient  un  corps  beaucoup  plus 
denfe  que  lorfque  l'air  fe  trouvoit  placé  entre  fes 
parties  :  ce  mercure  peut  auffi  alors  s'attacher  fort' 
étroitement  à  la  furface  du  verre  ;  ce  qui  fait  que 
fes  particules  y  retient  fùfpendues  ;  &  comme  ces 
particules  s'attirent  très-fortement ,  elles  foûtiennent 
des  particules  voifines  ,  &c  le  mercure  demeure  fuf- 
pendu par  ce  moyen  à  une  très-grande  hauteur  :  mais 
fi  on  fecoue  le  tuyau ,  alors  les  particules  du  mercu- 
re qui  étoient  contiguës  au  verre  en  font  détachées  , 
&  tout  retombe.  On  peut  voir  dans  l'ouvrage  cité 
l'explication  plus  détaillée  de  ce  phénomène  fingu- 
lier  ,  &  la  réfutation  de  toutes  les  autres  hypothefes 
qu'on  a  imaginées  pour  en  rendre  raifon. 

M.  Boyle  remarque  que  les  phénomènes  du  baro- 
mètre font  fi  variables ,  qu'il  eft  extrêmement  diffi- 
cile de  donner  des  règles  générales  de  fon  éléva- 
tion ,  ou  de  fon  abaiffement.  Il  iemble  cependant  que 
ce  foit  une  règle  affez  générale ,  que  quand  les  vents 
foufflent  de  bas  en  haut ,  le  mercure  eft  le  plus  bas  r 
mais  cela  n'eftpas  toujours  vrai.  L'illuftre  M.  Halley 
nous  a  donné  les  obfervations  fuivantes.  Dans  un 
tems  calme ,  quand  il  doit  pleuvoir ,  le  mercure  eft 
communément  bas  ,  &  il  s'élève  quand  le  tems  doit 
être  ferein.  Quand  il  doit  faire  de  grands  vents  ac- 
compagnés de  pluies ,  le  mercure  defeend  plus  ou. 
moins  bas  ,  félon  le  vent  qui  fouffle.  Toutes  chofes. 
égales ,  la  grande  élévation  du  mercure  arrive  quand 
les  vents  foufflent  de  l'eft ,  ou  du  nord-eft.  Apres  que- 
le  vent  a  foufflé  violemment ,  le  mercure  qui  pendant 
le  tems  que  le  vent  fouffloit  étoit  fort  bas ,  s'élève 
avec  rapidité.  Dans  un  tems  calme,  pendant  lequel 
il  gelé  ,  le  mercure  fe  tient  haut.  Dans  les  lieux 
les  plus  expofés  au  nord  ,  le  mercure  fouffre  plus 
de  variation  que  dans  les  lieux  expofés  au  midi  :  à 
Naples  il  varie  rarement  de  plus  d'un  pouce  ;  au- 
lieu  qu'à  Upminfter  il  varie  de  2  ~  pouces ,  &  à 
Petersbourg  de  3  ^h,  >  Tranfact.  Phil.  n°.  434 ,  p. 
401.  Entre  &  proche  les  tropiques,  le  mercure  ne 
varie  que  peu  ou  point  du  tout. 

Le  doefeur  Beal  remarque  ,  que  toutes  chofes  éga- 
les ,  le  mercure  eft  plus  haut  dans  l'hy  ver  que  dans 
l'été,  &  ordinairement  le  matin  qu'à  midi  ;  qu'il  l'eft 
encore  dans  un  tems  ferein  un  peu  plus  que  devant 
ou  après  ,  ou  que  quand  il  pleut  ;  &:  qu'il  defeend  or- 
dinairement plus  bas  après  la  pluie  qu'auparavant  : 
s'il  arrive  qu'il  s'élève  après  qu'il  a  plù ,  c'eft  ordi- 
nairement une  indice,  de  beau  tems.  Il  arrive  cepen- 
dant des  changemens  conlidérables  dans  l'air,  fans 
que  le  baromètre  varie  feniîblemeht. 

Par  rapport  à  l'ufage  des  baromètres ,  un  habile 
Phyficien  remarque  que  par  fon  fecours,  nous  recou- 
vrons la  connoiffance  qui  eft  dans  les  animaux  ,  &c 
que  nous  avons  perdue ,  parce  que  nos  corps  ne  font 

point 


BAR 

point  expofés  à  l'air  comme  les  leurs  :  &  parce  que 
nous  nous  livrons  à  l'intempérance  ,  &c  que  nous  cor- 
rompons la  fenfibilité  de  nos  organes.  Par  rapport  aux 
prédirions  des  baromares ,  M.Halley  déjà  cité  trouve 
que  l'élévation  du  mercure  préfage  le  beau  tems 
après  la  tempête  ,  &  que  le  vent  îbufTlera  de  l'eft  ou 
du  nord-eft  ;  que  fon  abaiffement  marque  que  ce 
feront  les  vents  de  fud  ou  d'oueft  qui  régneront 
avec  la  pluie  ,  ou  préfage  des  vents  de  tempêtes , 
ou  tous  les  deux  ;  que  dans  l'orage  ,  fi  le  mercure 
vient  à  s'élever,  c'eft  une  marque  que  la  tempête 
parlera  bien-tôt. 

M.  Patrick  remarque  qu'en  été  l'abaiffement  du 
mercure  annonce  le  tonnerre;  &  que  quand  l'orage 
arrive  immédiatement  après  la  chute  du  mercure ,  il 
eft  rarement  de  longue  durée  :  la  même  choie  s'ob- 
ferve  du  beau  tems ,  s'il  arrive  immédiatement  après 
l'élévation  du  mercure.  Enfin  Derham  comparant 
avec  fes  obfervations  celles  que  Scheuczer  a  faites  à 
Zurich  ,  fur  les  baromètres  ,  remarque  que  dans  le 
cours  de  l'année  le  mercure  varie  plus  à  Zurich , 
quelquefois  d'un  &  même  de  deux  pouces  ;  &  il  con- 
clud  de-là  que  la  fituation  de  Zurich  eft  de  près  du 
—^  d'un  mille  d'Angleterre  plus  haute  que  celle  d'Up- 
minfter.  Il  trouve  d'ailleurs  un  accord  remarquable 
entre  les  obfervations  faites  à  Zurich  &  les  fiennes  ; 
un  des  baromètres  fuivant  à  peu  près  les  mêmes  va- 
riations que  l'autre  :  cependant  cet  accord  n'eft  pas 
fi  parfait  que  celui  des  baromètres  des  endroits  plus 
proches ,  comme  ceux  de  Londres ,  de  Paris ,  &c. 

Caufes  des  phénomènes  du  baromètre.  Leshypothefes 
par  lefquelles  on  a  voulu  expliquer  les  phénomè- 
nes du  baromètre  font  prefque  infinies.  Il  eft  vrai 
que  le  poids  de  l'atmofphere  eft  généralement  regar- 
dé comme  la  caufe  principale  des  mouvemens  du 
baromètre  ,  &  les  altérations  de  l'air  comme  la  caufe 
accidentelle  ;  cependant  cette  opinion  n'eft  pas  fui- 
vie  univerfellement.  Un  favant  auteur  ,  par  exem- 
ple ,  regarde  les  changemens  du  baromètre ,  comme 
étant  caufés  par  le  froid  &  par  la  chaleur.  Il  dit  avoir 
fouvent  remarqué  que  dans  les  orages ,  &c.  quand  le 
mercure  eft  bas  ,  il  fe  divife  6c  pouffe  en  en-haut  des 
particules,  qu'il  appelle  des  efpeces  de  pellicules  ou  d'é- 
corchures;  &  il  foùtient  que  toutes  les  fois  que  le 
mercure  defeend  ,  il  eft  plus  ou  moins  dégagé  de  ces 
pellicules  :  que  dans  ce  mouvement  les  parties  du 
mercure  font  refferrées  enfemble ,  6c  que  c'eft  par 
cette  raifon  qu'il  defeend  ;  que  de  plus  il  s'échappe 
alors  de  petites  particules  d'air  ,  qui  étoient  renfer- 
mées dans  le  mercure ,  &  qui  s'élevant  dans  la  par- 
tie fupérieurc  du  tuyau ,  forcent  le  mercure  à  def- 
cendre ,  les  colonnes  en  étant  raccourcies  parla  fortie 
de  ces  particules ,  &  par  leur  pofition  dans  la  par- 
tie fiipérieure  du  tuyau  :  c'eft  pourquoi ,  ajoùte-t-il , 
le  mercure  s'élève  dans  le  tems  très-froid  à  la  même 
hauteur  que  dans  le  tems  tres-chaud ,  entre  les  deux 
tropiques  ,  parce  qu'il  eft  dans  fon  état  naturel  ;  &  il 
baiffe  dans  les  degrés  intermédiaires  de  chaud  6c  de 
froid ,  parce  qu'il  eft  refferré ,  &:  que  fes  parties  font 
comme  refoulées  &  comprimées  enfemble.  Mais  ce 
lentiment  ne  rend  pas  de  raifon  fort  vraifîemblable 
des  phénomènes. 

Les  variations  de  l'atmofphere  doivent  être  regar- 
dées comme  la  caufe  de  celles  du  baromètre  :  mais  il 
n'eft  pas  aifé  de  déterminer  d'oii  viennent  ces  va- 
riations dans  l'atmofphere ,  puifqu'il  eft  difficile  de 
trouver  un  feul  principe  dans  la  nature  auquel  on 
puiffe  rapporter  des  variations  fi  grandes  6c  ri  irré- 
gulieres.  Il  eft  probable  que  les  vents  qui  fou  filent 
de  tel  ou  tel  endroit  les  occafionnent,  de  même  que 
les  vapeurs  &  les  exhalaifons  de  la  terre  :  les  chan- 
gemens d'air  dans  les  régions  voiiines ,  &  même  le 
flux  &  le  reflux  que  la  lune  Occalionne  dans  l'air,peu- 
.Vent  y  contribuer  également. 
Tome  //; 


BAR 


81 


Cette  dernière  caufe  doit  certainement  entrer  par- 
mi celles  qui  produilent  les  variations  du  baromètre  : 
mais  fon  effet  ne  doit  pas  être  fort  confidérable  à  cet 
égard  ;  quoique  l'action  de  la  lune  élevé  à  une  hau- 
teur très-grande  les  eaux  de  l'Océan.  Voici  la  raifon 
de  cette  différence  :  fuppofons  que  l'eau  s'élève  en 
pleine  mer  à  la  hauteur  de  60  pies  par  l'action  de  la 
lune  :  qu'on  mette  à  la  place  de  l'Océan  l'atmofphere 
ou  tel  autre  fluide  qu'on  voudra  ,  il  eft  certain  qu'il 
devra  s'élever  à  peu  près  à  la  même  hauteur  ;  car 
l'atmolphere  ayant  moins  de  parties  que  l'Océan ,  il 
y  aura,  à  la  vérité  ,  une  moindre  malle  à  mouvoir, 
mais  aufîi  la  force  qui  agite  cette  maffe  en  attirant 
chacune  de  fes  parties ,  fera  aufîi  plus  petite  en  mê- 
me raifon.  L'air  s'élèvera  donc  à  la  hauteur  de  60 
pies  en  montant ,  &  defeendra  au-deffous  de  fa  hau- 
teur naturelle  de  l'efpace  de  60  pies,  c'eft- à-dire  qu'il 
variera  en  hauteur  de  1  zo  pies  en  tout.  Or  le  mer- 
cure étant  1 1000  fois  plus  pefant  que  l'air  ,  une  va- 
riation de  1 20  pies  dans  une  colonne  d'air ,  ne  doit 
faire  varier  le  mercure  que  d'environ  deux  lignes. 
C'eft  à  peu  près  la  quantité  dont  on  trouve  qu'il  doit 
hauffer  fous  l'équateur ,  dans  la  fuppolition  que  le 
vent  d'eft  y  faffe  8  pies  par  féconde.  Or  comme  il  y 
a  une  infinité  d'autres  caufes  qui  font  varier  le  ba- 
romètre ,  il  n'eft  pas  furprenant  que  l'on  n'ait  pas  dis- 
tingué la  petite  variation  que  l'action  du  foleil  &  de 
la  lune  y  peuvent  produire  en  élevant  ou  en  abaif- 
fant  les  colonnes  de  l'atmofphere.  Cependant  il  fe- 
roit  à  fouhaiter  que  les  obfervateurs  s'y  rendiffent 
attentifs  dans  la  fuite.  Rech.  fur  les  vents.  Paris  1746. 

Le  lavant  Halley  croit  que  les  vents  &c  les  exha- 
laifons fufiilent  pour  produire  les  variations  du  baro- 
mètre ;  &  d'après  cette  opinion  il  en  a  donné  une  ex- 
plication probable  :  nous  allons  donner  la  fubftance 
de  fon  diicours  fur  ce  fujet.  i°.  Ce  iont,  dit-il,  les 
vents  qui  altèrent  le  poids  de  l'air  dans  un  pays  par- 
ticulier ,  &  cela  ,  foit  en  apportant  enfemble  &  en 
accumulant  une  grande  quantité  d'air ,  &  en  char- 
geant ainfi  l'atmofphere  dans  un  endroit  plus  que 
dans  l'autre ,  ce  qui  arrive  lorfque  deux  vents  fouf- 
flent  en  même  tems  de  deux  points  oppofés  ;  luit  en 
enlevant  une  partie  de  l'air ,  6c  en  déchargeant  par- 
là  l'atmofphere  d'une  partie  de  fon  poids,  &  lui  don- 
nant le  moyen  de  s'étendre  davantage  ;  foit  enfin  en 
diminuant  &  foûtenant ,  pour  ainfi  dire ,  une  partie 
de  la  prefîion  perpendiculaire  de  l'atmolphere  ,  ce 
qui  arrive  toutes  les  fois  qu'un  feul  vent  fouftle  avec 
violence  vers  un  feul  côté  ;  puifqu'on  a  expérimenté 
qu'un  fouftle  de  vent  violent ,  même  artificiel ,  rend 
l'atmofphere  plus  légère ,  &  conféquemment  fait  bail- 
fer  le  mercure  dans  le  tube  qui  le  trouve  proche  de 
l'endroit  où  fe  fait  ce  fouffle  ,  &  même  dans  un  tube 
qui  en  eft  à  une  certaine  diftance.  Voye^  Tranfaclions 
Philofop.  n°.  2Ç)Z. 

20.  Les  parties  nitreufes  &C  froides ,  &  même  l'air 
condcnle  dans  les  pays  du  Nord  ,  6c  chaffé  dans  un 
autre  endroit ,  chargent  l'atmofphere  &  augmentent 
fa  prcflion. 

30.  Les  exhalaifons  feches  &  pefantes  de  la  terre 
augmentent  le  poids  de  l'atmofphere  &  la  force  élaf- 
tique  ,  de  même  que  nous  voyons  la  pefanteur  Ipe- 
cifique  des  menftrues  être  augmentée  par  la  diffo- 
lution  des  fels  &  des  métaux. 

40.  L'air  étant  rendu  plus  pefant  &:  plus  fort  par  les 
caufes  que  nous  venons  de  rapporter,  devient  plus 
capable  de  fupporter  des  vapeurs  ,  qui  étant  mêlées 
intimement  avec  lui  &  y  furnageant,  rendent  le  tems 
beau  &  ferein  ;  au  contraire  l'air  étant  rendu  plus 
léger  par  les  caufes  oppofées  à  celles  que  nous  ve- 
nons de  dire,  devient  hors  d'état  de  foûtenir  les  va- 
peurs dont  il  eft  chargé  ,  lefqtielles  venant  à  fe  pré- 
cipiter en -bas  ,  fe  ramaflent  en  nuages  ,  qui  par  la 
fuite  fe  reuniffent  en  gouttes  de  pluie.  Cela  étant 


8a  BAR 

ainfi ,  il  paroît  affez  évident  que  les  mêmes  caufes 
qui  augmentent  le  poids  de  l'air,  &  le  rendent  plus 
propre  à  Soutenir  le  mercure  dans  le  baromètre  ,  oc- 
casionnent pareillement  le  beau  tems  &  le  chaud  ;  & 
que  la  même  cauSe  qui  rend  l'air  plus  léger  &  moins 
capable  de  ibûtenir  le  mercure ,  produit  les  nuages 
&  la  pluie  :  ainfi ,  i°.  quand  l'air  eft  très-léger  &  que 
le  mercure  du  baromètre  eft  le  plus  bas ,  les  nuées  font 
baffes  &  vont  fort  vite  ;  &  quand  après  la  pluie  les 
nuages  lé  diffipent  &  que  l'air  devenant  calme  &  fe- 
reinYeft  purgé  de  lès  vapeurs  ,  il  paroît  extrême- 
ment net ,  &  on  y  peut  voir  des  objets  à  une  diftance 
considérable. 

2°.  Quand  l'air  eft  plus  groffier  &  que  le  mercure 
eu-  haut  dans  le  tube  ,  le  tems  eft  calme  ,  quoiqu'il 
foit  en  même  tems  quelquefois  un  peu  couvert ,  parce 
que  les  vapeurs  font  diSperSées  également  :  s'il  pa- 
roît alors  quelques  nuages ,  ces  nuages  font  hauts  &C 
le  meuvent  lentement  ;  &  quand  l'air  eft  très-grol- 
fier  &  très-lourd ,  la  terre  eft  ordinairement  environ- 
née de  petits  nuages  épais ,  qui  paroiffent  y  être  for- 
més par  les  exhalaifons  les  plus  groffieres ,  que  l'air 
inférieur  eft  encore  capable  de  Ibûtenir ,  ce  que  ne 
peuvent  plus  faire  les  parties  Supérieures  de  l'air,  qui 
font  trop  légères  pour  cela. 

3°.  Ainfi,  ce  qui  eft  caufe  qu'en  Angleterre,  par 
exemple ,  le  mercure  eft  au  plus  haut  degré  dans  le 
tems  le  plus  froid  quand  le  vent  eft  nord  ou  nord-eft, 
c'eft  qu'alors  il  y  a  deux  vents  qui  Soufflent  en  même 
tems ,  &  de  deux  points  à  peu  près  oppofés  ;  car  il  y 
a  un  vent  de  fud-oueft  conftant ,  qui  fouffle  dans  l'O- 
céan atlantique  à  la  latitude  qui  répond  à  l'Angle- 
terre ;  à  quoi  on  peut  ajouter  que  le  vent  de  nord  y 
amené  l'air  froid  &  condenfé  des  régions  du  nord. 

4°.  Dans  les  régions  du  nord  la  variation  du  mer- 
cure eft  plus  fenfible  que  dans  celles  du  midi  ,  les 
vents  étant  plus  fréquens ,  plus  violens  ,  plus  varia- 
bles &  plus  oppofés  l'un  à  l'autre  dans  les  pays  fep- 
tentrionaux  que  dans  les  méridionaux. 

Enfin ,  il  s'enfuit  de-là  qu'entre  les  tropiques  lava' 
nation  du  mercure  eft  très-peu  fenfible ,  parce  que 
les  vents  y  font  très-modérés ,  &  qu'ils  foufflent  or- 
dinairement dans  le  même  fens. 

Cette  hypothefe  ,  quoiqu'elle  paroiffe  propre  à 
expliquer  plufieurs  mouvemens  du  baromètre ,  n'eft 
pas  cependant  à  l'abri  de  toute  critique  ;  car  i°.  fi  le 
vent  eft  le  feul  agent  qui  produife  ces  altérations  ,  il 
ne  fe  fera  pas  d'altération  fenfible  fi  le  vent  ne  l'eft 
pas ,  &  il  n'y  aura  jamais  de  vent  fenfible  fans  varia- 
tion du  mercure ,  ce  qui  eft  contraire  à  l'expérience. 

2°.  Si  le  vent  eft  le  feul  agent,  les  altérations  de 
ia  hauteur  du  mercure  doivent  être  en  différens  fens 
dans  les  différens  lieux  de  la  terre ,  félon  que  le  vent 
y  fouffle  ou  n'y  fouffle  pas  ;  ainfi ,  ce  qu'un  tube  per- 
dra à  Londres,  fera  regagné  fur  un  autre  à  Paris,  ou 
à  Zurich,  &c,  mais  félon  plufieurs  Phyficiens,  on  re- 
marque le  contraire  ;  car  dans  toutes  les  obfervations 
faites  jufqu'à  préfent,  les  baromètres  de  différens 
lieux ,  diient-ils  ,  s'élèvent  &  baillent  en  même 
tems ,  de  forte  qu'il  faut  qu'il  y  ait  une  égale  altéra- 
tion dans  le  poids  abfolu  de  l'atmoSphere  ,  qui  occa- 
sionne ces  variations.  Ce  fait  eft-il  bien  vrai  ? 

Enfin ,  en  omettant  toute  autre  objeûion ,  la  chute 
du  mercure  avant  la  pluie ,  &  fon  élévation  après  la 
pluie ,  femblent  être  inexplicables  dans  cette  hypo- 
thefe ;  car  en  fuppofant  deux  vents  contraires  qui 
chaffent  les  colonnes  d'air  qui  font  au-deffus  de  Lon- 
dres, tout  ce  qu'ils  pourront  faire,  fera  de  couper 
une  certaine  partie  de  l'air  qui  eft  au-deffus  de  Lon- 
dres: en  conSéquence  il  pourra  arriver  que  le  mercu- 
re baiffe  ,  mais  il  n'y  a  pas  de  raifon  apparente  pour 
que  la  pluie  s'enfiuve.  Il  eft  vrai  que  les  vapeurs  pour- 
ront s'abaiffer ,  mais  feulement  jufqu'à  ce  qu'elles 
viennent  dans  un  air  de  la  même  pefanteur  Spécifique 


BAR 

qu'elles ,  &  arrivées  là ,  elles  y  refteront  fans  des- 
cendre plus  bas.  Leibnitz  a  tâché  de  Suppléer  au  dé- 
faut de  cette  hypothele ,  &  d'en  donner  une  nouvel- 
le. Il  prétend  donc  qu'un  corps  plongé  dans  un  flui- 
de ,  ne  pefe  avec  ce  fluide  que  pendant  qu'il  en  eft 
foûtenu  ;  de  forte  que  quand  il  ceffe  de  l'être  j  c'eft- 
à-dire  qu'il  tombe,  Son  poids  ceffe  de  Saire  partie  de 
celui  Au  fluide ,  qui  par  ce  moyen  devient  plus  léger. 
Ainfi,  ajoûte-t-il ,  les  vapeurs  aqueuSes  ,  pendant 
qu'elles  Sont  Soutenues  dans  l'air  ,  augmentent  Son 
poids  :  mais  quand  elles  tombent ,  elles  ceffent  de 
peSer  avec  lui ,  &  le  poids  de  l'air  eft  diminué  ;  le 
mercure  baiffe  donc ,  &  la  pluie  tombe.  Mais  le  prin- 
cipe de  Leibnitz  eft  faux ,  comme  il  paroît  par  les  ex- 
périences du  docteur  Defaguliers.  D'ailleurs,  en 
fuppofant  que  les  vapeurs  par  leur  condenfation  font 
forcées  de  defeendre ,  &  ceffent  de  pefer  avec  l'at- 
molphere ,  elles  baifferont  jufqu'à  ce  qu'elles  arri- 
vent à  la  partie  de  l'atmoSphere ,  qui  eft  de  la  même 
pefanteur  fpécifique  qu'elles,  &,  ainfi  que  nous  l'a- 
vons déjà  dit  au  lujet  de  M.  Halley ,  y  refteront  fuf- 
pendues  comme  auparavant.  Si  le  mercure  baiffe , 
ce  Sera  Seulement  durant  le  tems  de  cet  abaiffement 
des  vapeurs  ;  car  les  vapeurs  étant  une  Sois  fixées  &c 
en  repos  ,  la  première  peSanteur  renaîtra ,  pour  ainiî 
dire ,  ou  Si  elle  ne  revient  pas ,  au  moins  la  pluie  ne 
Suivra  pas  la  chute  du  mercure* 

Quelques  auteurs ,  pour  expliquer  ces  mêmes  va- 
riations ,  ont  imaginé  l'hypotheSe  Suivante.  Que  l'on 
Suppole  un  nombre  de  véficules  d'eau  flottantes  Sur 
une  partie  de  l'atmoSphere ,  &  Sur  une  partie  déter- 
minée de  la  Surface  du  globe  terreftre  ;  par  exemple  ^ 
iuxA  B,fig.  z  i  ;  fi  les  véficules  Supérieures  Sont  con- 
deniees  par  le  Sroid  des  régions  Supérieures ,  leur  gra- 
vité fpécifique  s'augmentera  &  elles  defeendront  ;  la 
couche  horifontale  i ,  par  exemple ,  defcertdra  à  2 , 
2  à  3  ,  &c.  là  fe  rencontrant  avec  d'autres  véficules 
qui  ne  font  pas  encore  précipitées ,  elles  s'amonce- 
lent  &  fe  changent  en  véficules  plus  grandes ,  com- 
me il  doit  s'enfuivre  des  lois  de  l'attraction» 

Si  nous  choififfbns  le  vent  pour  agent ,  fuppofons 
qu'il  fouffle  horifontalement  ou  obliquement  :  dans 
le  premier  cas  les  véficules  8  feront  chaffées  contre 
9 ,  celles-ci  contre  io ,  &c.  dans  le  Second  cas  la  vé- 
ficule  7  fera  chaffée  contre  4,  8  contre  3  ,  &c.  par  ce 
moyen  les  particules  s'augmenteront  &  formeront 
de  nouvelles  &  de  plus  grandes  véficules  qu'aupara- 
vant; de  forte  que  leur  nombre,  qui  auparavant 
étoit  ;  fi  l'on  veut ,  un  million ,  fera  alors  réduit ,  par 
exemple  à  1 00000. 

Mais  la  même  réunion  par  laquelle  leur  nombre  eft 
diminué ,  augmente  en  quelque  manière  leur  peSan- 
teur Spécifique  ;  c'eft-à-dire  qu'il  y  a  plus  de  matiè- 
res Sous  d'égales  SurSaces  :  ce  qui  eft  aiSément  prou- 
vé par  les  principes  géométriques  ;  car  dans  l'aug- 
mentation de  la  maffe  des  corps  homogènes,  celle  de 
la  Surface  n'eft  pas  auffi  grande  que  celle  de  la  So- 
lidité :  celle  de  la  première  eft  comme  le  quarré  du 
diamètre;  &  celle  de  l'autre,  comme  Son  cube. 

Or  lorSque  la  même  quantité  de  matière  Se  trou- 
ve Sous  une  moindre  Surface ,  elle  doit  perdre  moins 
de  fon  poids  par  la  réfiftance  du  milieu  :  car  il  eft  évi- 
dent  qu'un  corps  qui  fe  meut  dans  un  fluide ,  perd 
une  partie  de  fa  pefanteur  par  le  frottement  de  les 
parties  contre  celle  du  fluide.  Or  ce  frottement  eft 
évidemment  en  raifon  de  la  Surface  ;  c'eft  pourquoi  la 
Surface  devenant  moindre  à  proportion  de  la  maffe , 
la  réfiftance  l'eft  auffi  :  conféquemment  les  véficu- 
les ,  dont  la  pefanteur ,  avant  la  jon&ion  ,  étoit  égale 
à  la  réfiftance  du  milieu ,  trouvant  cette  réfiftance 
diminuée ,  defeendront  avec  une  vîteffe  proportion- 
nelle à  la  diminution  réelle  de  leur  Surface. 

Quand  elles  deScendent  &  qu'elles  arrivent  aux 
parties  plus  groffieres  de  l'atmoSphere  ,  par  exenv 


BAR 

pk ,  aux  points  4,5,  &c.  leur  mafle  &  leur  furface 
font  augmentées  par  de  nouvelles  réunions  ;  &  ainfi 
par  de  nouvelles  &  confiantes  augmentations ,  elles 
deviennent  de  plus  en  plus  capables  de  furmonter  la 
réfiftance  du  milieu ,  &C  de  continuer  leur  chute  à 
travers  toutes  les  couches  de  l'air  jufqu'à  ce  qu'elles 
atteignent  la  terre; leur  mafle  étant  alors  exceflive- 
ment  groflie ,  &  forme  des  gouttes  de  pluie. 

Maintenant  dans  la  defcente  des  vapeurs ,  il  faut 
confidérer  comment  le  baromètre  eft  affe&é  par  cette 
defcente.  Avant  qu'aucune  des  véficules  commence 
à  baiffer  ,  foit  par  l'aftion  du  froid  ,  ou  par  celle  du 
vent ,  elles  nagent  toutes  dans  la  partie  de  l'atmof- 
phere  A  B  DC ,  &c  pefent  toutes  vers  le  centre  E. 
Or  chacune  d'elles  demeurant  refpefrivement  dans 
une  partie  du  milieu ,  qui  eft  d'une  pefanteur  fpécifi- 
que  égale  ,  perdra  une  partie  de  lbn  poids  égale  à 
celle  d'une  partie  du  milieu  qui  auroit  le  même  vo- 
lume ;  c'eft-à-dire ,  que  chacune  d'elles  perdra  toute 
fa  pefanteur  :  mais  alors  cette  pefanteur  qu'elles  au- 
ront perdue ,  fera  communiquée  au  milieu  qui  pref- 
fera  fur  la  furface  de  la  terre  A  B ,  avec  lbn  propre 
poids  joint  à  celui  de  ces  véficules.  Suppofez  alors 
que  cette  preflion  conjointe  agiffe  fur  le  mercure 
élevé  dans  le  baromètre  à  trente  pouces  :  par  la  réu- 
nion des  véficules ,  faite  comme  nous  avons  dit  ci- 
deflus  ,  leur  furface ,  &  conféquemment  leur  frotte- 
ment ,  eft  diminué  :  c'eft  pourquoi  elles  communi- 
queront moins  de  leur  pefanteur  à  l'air ,  c'eft-à-dire 
une  partie  moindre  que  tout  leur  poids  ;  &  con- 
féquemment elles  defeendront  avec  une  vîtefle  pro- 
portionnelle à  ce  qui  leur  relie  de  pefanteur ,  ainiï 
que  l'on  vient  de  le  dire.  Or  comme  les  véficules  ne 
peuvent  agir  fur  la  furface  de  la  terre  A  B  que  par 
la  médiation  de  l'air,  leur  action  fur  la  terre  fera  di- 
minuée en  même  proportion  que  leur  acuon  fur  le 
milieu  ;  d'où  il  eft  évident  que  la  furface  de  la  terre 
A  B ,  fera  alors  moins  preffée  qu'auparavant  ;  &  plus 
les  véficules  garderont  de  leur  poids  qu'elles  n'au- 
ront point  communiqué  au  milieu  ,  plus  elles  accé- 
léreront leur  propre  defcente  ;  c'eft-à-dire  ,  que  la  vî- 
tefle de  l'abaiffement  des  véficules  ira  toujours  en 
augmentant  :  en  effet  ,  quand  les  véficules  defeen- 
dent ,  la  mafle  augmente  continuellement ,  &  au  con- 
traire la  réfiftance  du  milieu  &  la  preflion  fur  la  terre 
diminuent  ,  &  le  mercure  baillera  par  conféquent 
pendant  tout  le  tems  de  leur  chute.  De-ià  il  eft  aifé 
de  concevoir  que  les  véficules  qui  ont  une  tois  com- 
mencé à  tomber ,  continuent  ;  que  le  mercure  com- 
mence à  tomber  en  même  tems ,  &  qu'il  continue  6c 
cefle  en  même  tems  qu'elles. 

On  peut  faire  une  objection  contre  ce  fyftème  ; 
favoir ,  que  les  véficules  étant  mifes  en  mouvement , 
&  heurtant  contre  les  particules  du  milieu  ,  rencon- 
trent une  réfiftance  confldérable  dans  la  force  d'i- 
nertie du  milieu  ,  par  laquelle  leur  defcente  doit  être 
retardée ,  &  la  preflion  de  Fatmofphere  rétablie.  On 
peut  ajouter  que  la  preflion  additionnelle  fera  plus 
grande  à  proportion  de  la  vîtefle  de  la  chute  des  véfi- 
cules ,  une  impulfion  forte  étant  requile  pour  iurmon- 
ter  la  force  d'inertie  des  particules  contiguesdu  mi- 
lieu. 

Mais  les  partifans  de  l'opinion  que  nous  rappor- 
tons ,  croyent  pouvoir  renverfer  cette  objection  par 
la  raifon  &  l'expérience  :  car,  difent-ils ,  outre  que  la 
force  d'inertie  de  l'air  peut  être  très-foible  à  caule  de 
fon  peu  de  denfité ,  nous  voyons  que  dans  l'eau ,  qui 
eft  un  milieu  fort  denfe  &  non  élaftique  ,  un  morceau 
de  plomb ,  en  descendant  à-travers  le  fluide,  pelé  con- 
fidérablement  moins  que  quand  il  y  eftloûtenu  en  re- 
pos. Cependant  ce  fait  eft  nié  par  M.  Muflchenbroek. 
Efays  de  Phyfaue,  §.  234. 

Nous  avons  cru  devoir  rapporter  aflez  au  long 
Cette  explication  qui ,  quoiqu'ingénieufe  ,  n'a  pas,  à 
Tome  il. 


BAR 


83 


beaucoup  près ,  toute  la  précifion  qu'on  pourroit  dé- 
lirer. Mais  dans  une  matière  fi  difficile  ,  il  ne  nous 
refte  prefque  autre  chofe  à  faire ,  que  d'expofer  ce 
que  les  philofophes  ont  penfé.  Voye^  une  d'îffertatïon 
curieufe  ,  de  M.  de  Mairan  ,  fur  ce  fujet ,  Bordeaux 
171  5.  Foye^  aujfi  Muflchenbroek.  Cet  auteur  regar- 
de avec  raifon  les  prédictions  du  baromètre ,  comme 
peu  fîires. 

Voici,  félon  M.  Muflchenbroek ,  la  meilleure  ma- 
nière de  faire  un  baromètre  ordinaire  ou  commun  ;  ces 
fortes  de  baromètres  étant  les  meilleurs  de  tous  ,  à  ce 
qu'il  prétend.  Premièrement ,  on  doit  prendre  du 
mercure  bien  pur ,  &  être  bien  affûré  qu'il  ne  foit 
pas  falfifié  ;  il  faut  le  paflér  par  un  cuir  bien  net ,  & 
le  verfer  dans  un  poellon  neuf  &  verni ,  que  l'on  cou- 
vre d'un  couvercle  qui  s'y  ajufte  bien.  On  doit  met- 
tre ce  poellon  couvert  iur  un  feu  de  charbon  bien 
pur ,  &c  faire  bouillir  le  mercure  :  il  devient  alors 
volatil  ,  mais  on  le  retient  à  l'aide  du  couvercle 
qui  eft  pofé  deflus.  En  faifant  ainfi  bouillir  le  mer- 
cure ,  on  le  purifie  de  l'eau  &  de  l'air  qui  fe  tenoient 
entre  fes  parties.  On  doit  avoir  des  tuyaux  de  verre 
nouvellement  faits  ,  dont  on  fe  fert  pour  les  baromè- 
tres ;  &  afin  qu'ils  ne  foient  ni  fales  en-dedans  ,  ni 
remplis  d'air ,  il  faut  avoir  foin  de  les  faire  fceller  her- 
métiquement de  chaque  côté  dans  la  Verrerie,  avant 
que  de  les  tranfporter.  Lorfqu'on  voudra  les  remplir , 
on  peut  les  ouvrir  par  un  bout  avec  une  lime  ,  &  les 
tenir  pendant  ce  tems-là  près  d'un  feu  oblong,  pour 
les  rendre  également  chauds ,  &  même  fort  chauds , 
afin  que  l'humidité  &  l'air  qui  tient  aux  parois ,  fe  dé- 
tache &  fe  diffipe.  Si  on  néglige  de  prendre  cette  pré- 
caution ,  l'air  s'y  attache  avec  tant  de  force  ,  qu'il 
ne  peut  être  chafle  par  le  mercure  qu'on  verte  dans 
le  tuyau ,  mais  il  refte  fufpendu  en  plufieurs  endroits. 
Pour  réuflîr  encore  mieux  à  purger  ce  tuyau  d'air, 
on  ne  fera  pas  mal  d'attacher  à  un  fil  d'archal  un 
morceau  de  chamois  ou  de  cuir ,  &  d'en  former  com- 
me un  pifton  de  pompe  ,  que  l'on  fera  pafler  dans 
le  tuyau  de  haut  en  bas  ,  &  de  bas  en  haut  à  diverfes 
reprifes,  pour  détacher  l'air  qui  y  tient.  Parce  moyen, 
le  mercure  qui  eft  tout  bouillant,  pourra  alors  diffiper 
l'air,  en  le  faifant  fortir  du  tuyau  chaud.  On  forme 
enfuite  d'un  tuyau  large  de  baromètre  un  petit  enton- 
noir de  verre ,  &  en  l'allongeant  on  le  réduit  en  un 
tuyau  capillaire  ,  lequel  doit  être  un  peu  plus  long 
que  le  tuyau  qu'on  doit  remplir.  Il  faut  d'abord  bien 
nettoyer  la  partie  Supérieure  de  ce  petit  entonnoir , 
&c  la  rendre  bienfeche  &  bien  chaude  en  l'expofant 
devant  le  feu  :  on  l'introduit  enfuite  dans  le  tuyau  du 
baromètre,  enforte  qu'il  pénètre  jufqu'au  fond ,  &  on 
verte  alors  le  mercure  tout  bouillant  dans  ce  petit  en- 
tonnoir ,  qui  doit  être  bien  chaud ,  afin  que  la  cha- 
leur du  mercure  ne  le  fafle  pas  fauter  en  pièces.  Dès 
qu'on  verte  le  mercure  ,  il  fe  précipite  en  bas  ,  rem- 
plit le  tuyau ,  &  s'élève  enfuite  lentement.  On  doit 
avoir  foin  de  verfer  dans  l'entonnoir  fans  aucune  in- 
terruption ,  afin  que  le  mercure  continue  toujours  de 
tomber  fans  s'arrêter  ,  &  que  l'air  n'ait  pas  lieu  de 
s'infinuer  entre  fes  parties.  Lorfque  le  tuyau  fe  trouve 
plein  ,  on  retire  doucement  le  petit  entonnoir.  Voilà 
de  quelle  manière  en  peut  remplir  le  tuyau  auflî  jufle 
qu'il  eft  poflible  ,  &  il  paroît  alors  dans  toute  fa  lon- 
gueur de  couleur  brune  ,  ck  fans  la  moindre  p< 
bulle  d'air.  Si  l'on  n'a  point  de  tuyaux  fcellés ,  il  feut 
avant  que  de  remplir  celui  dont  on  fe  fert ,  le  bien 
nettoyer  en-dedans  ,  en  le  lavant  avec  de  l'elprit-de- 
vin  bien  rc&ifié,  &  en  attachant  au  bas  d'un  fil  de 
laiton  une  petite  couroie  en  manière  de  pifton  de 
pompe,  que  l'on  pouffe  fouvent  dans  le  tuyau  pour 
en  détacher  l'air ,  qui  fans  cela  ne  manqueroit  pas  d'y 
refler  fufpendu.  Après  avoir  ainfi  nettoyé  ce  tuyau  , 
on  doit  le  faire  lécher  devant  le  feu,  &  le  chauffer. 
Baromètre  portatif '3  eft  un  baromètre  conftruit 

Lij 


84 


BAR 


de  manière  qu'on  puiffe  le  transporter  d'une  place  à 
une  autre  ,  fans  le  déranger. 

Il  n'y  a  pas  long-tems  que  le  baromètre  portatif  êtdit 
une  choie  peu  commune  ;  à  prêtent  on  en  tait  de 
portatifs  de  toutes  les  fortes  ;  ils  font  tellement  cons- 
truits ,  que  le  mercure  peut  venir  tout-à-fait  jufqu'à 
l'extrémité  du  tube ,  qui  eft  fermée  hermétiquement  : 
cet  artifice  empêche  le  mercure  de  ballotter  &  de  fe 
répandre  ,  &  ne  l'expofe  point  au  danger  de  caffer  le 
tube.  Pour  cela  on  attache  fur  le  bord  de  la  cuvette 
où  plonge  le  tuyau ,  un  cuir  le  plus  fin  que  l'on  peut , 
par  le  moyen  duquel  le  mercure  eft  contenu  dans  la 
cuvette  ,  &  on  conftruit  le  baromètre  de  manière  que 
fa  partie  Supérieure  fe  termine  par  un  long  cou  étroit  ; 
par  ce  moyen  l'effort  du  mercure  contre  cette  partie 
devient  beaucoup  moins  confidérable ,  &  la  partie 
Supérieure  du  baromètre  eft  moins  en  danger  de  fe 
briler.  Mais  un  tel  baiometre  eft  peu  fîir. 

Phofphore  du  baromètre.  M.  Picard  découvrit  le  pre- 
mier en  1 676  que  le  mercure  de  ton  baromètre  fecoiié 
dans  l'obicurité  donnoit  de  la  lumière  :  mais  quand 
on  voulut  faire  l'expérience  fur  d'autres ,  il  s'en  trou- 
va fort  peu  qui  euflént  ce  privilège. 

M.  Bernoulli  ayant  fait  l'expérience  fur  fon  baro- 
mètre ,  trouva  qu'étant  fecoiié  fortement  dans  l'obi- 
curité ,  il  donnoit  une  foible  lueur. 

Comme  l'on  pouvoit  foupçonner  que  la  lumière , 
ou  du  moins  une  grande  lumière ,  n'étoit  fi  rare  dans 
les  baromètres ,  que  parce  qu'il  n'y  avoit  pas  un  vuide 
parfait  dans  le  haut  du  tuyau ,  ou  que  le  mercure  n'é- 
toit pas  bien  purgé  d'air ,  il  s'affûra  par  expérience 
qu'avec  ces  deux  conditions ,  des  baromètres  n'étoient 
encore  que  très-foiblement  lumineux  ;  &  par  conlé- 
quent  que  ce  n'étoit-là  tout  au  plus  que  des  condi- 
tions ,  &  qu'il  falloit  chercher  ailleurs  une  véritable 
caufe.  De  plus  fon  baromètre  n'étoit  en  expérience 
que  depuis  quatre  femaines ,  lorfqu'il  rendit  de  la  lu- 
mière ;  &  ainfi  on  ne  peut  pas  dire  que  la  raiion  pour- 
quoi plufieurs  n'en  rendoient  pas,  eft  peut-être  qu'il 
y  avoit  trop  peu  de  tems  qu'ils  étoient  en  expérience. 

M.  Bernoulli  avoit  remarqué  que  quand  on  fe- 
coiioit  le  baromètre  ,  &  que  par  conléquent  on  faifoit 
aller  le  mercure  avec  rapidité  ,  tantôt  au-deflus  ,  tan- 
tôt au-deflbus  du  point  d'équilibre ,  la  lumière  ne  fe 
montroit  que  dans  la  defeente  du  mercure  ,  &  qu'elle 
paroifîoit  comme  attachée  à  fa  furtace  iupérieure. 
De-là  il  conjectura  que  quand  par  cette  defeente  il  fe 
forme  dans  un  tuyau  un  plus  grand  vuide  que  celui 
qui  y  étoit  naturellement ,  il  peut  fortir  du  mercure 
pour  remplir  ce  vuide  en  partie,  une  matière  très- 
fine,  qui  étoit  auparavant  renfermée  &  difperiée  dans 
les  interfaces  très-étroits  de  ce  minéral.  D'ailleurs 
il  peut  entrer  dans  ce  même  moment  par  les  pores 
du  verre  ,  plus  grands  apparemment  que  ceux  du 
mercure ,  une  autre  matière  moins  déliée  ,  quoique 
beaucoup  plus  déliée  que  l'air  ;  &  la  matière  fortie 
du  mercure  &  toute  raiîemblée  au-deflus  de  fa  fur- 
face  Iupérieure  ,  venant  à  choquer  impétueufement 
celle  qui  eft  entrée  par  les  pores  du  verre  ,  y  fait  le 
même  effet  que  le  premier  élément  de  Defcartes  fur 
le  fécond,  c'eft-à-dire ,  produit  la  lumière. 

Mais  pourquoi  ce  phénomène  n'eft-il  pas  commun 
à  tous  les  baromètres  ?  Pour  l'expliquer  M.  Bernoulli 
imagina  que  le  mouvement  de  la  matière  Subtile  qui 
fort  du  mercure  avec  impétuosité  ,  loriqu'il  delcend , 
pouvoit  être  détruit ,  affoibli ,  interrompu  ,  par  quel- 
que matière  hétérogène  au  mercure  qui  le  leroit 
amaffée  fur  fa  Surface  Iupérieure ,  &  y  auroit  été 
pouffée  par  ce  minéral  plus  peiant  qu'elle;  que  cette 
eipece  de  pellicule  ne  manquoit  pas  de  le  former  fur 
le  mercure  ,  des  qu'il  n'étoit  pas  extrêmement  pur  ; 
que  même  quelque  pur  qu'il  fût  de  lui-même  ,  il  con- 
traftoit  en  peu  de  tems  par  le  feul  attouchement  de 
l'air ,  les  faletés  qui  composent  cette  pellicule  ;  qu'a- 


BAR 

fin  qu'il  les  contractât  en  un  inftant ,  il  ne  falloit  que 
le  verfer  en  l'air  de  haut  en  bas ,  comme  l'on  fait  or- 
dinairement dans  la  conftrucTion  des  baromètres  ;  que 
ce  mouvement  lui  faiioit  ramaffer  dans  l'air  plus  de 
faletés  qu'il  n'auroiî  fait  durant  plufieurs  jours  étant 
en  repos  ;  qu'enfin  cela  fuppofé ,  une  méthode  sûre 
pour  avoir  un  baromètre  lumineux ,  étoit  de  le  faire 
d'un  mercure  bien  pur,  &  qui  fur-tout, quand  on  le 
feroit  entrer  dans  fon  tuyau  ,  ne  traversât  point  l'air 
&  ne  s'y  fouillât  point. 

Le  1  uccès  des  expériences  répondit  à  tout  ce  rai- 
fonnement  de  M.  Bernoulli,  qu'il  avoit  fait  fans  au- 
cune expérience  préalable ,  excepté  peut-être  ce  qui 
regardoit  la  pellicule  formée  fur  la  Surface  du  vif- 
argent. 

En  effet ,  fi  on  expofe  du  vif-argent  dans  quelque 
vafe  à  l'air  libre  ,  on  trouvera  au  bout  de  quelque 
tems  fa  Superficie  extérieure  trouble  &  couverte  d'une 
pellicule  très-mince,  laquelle  étant  ôtée  par  le  moyen 
d'une  plume  nette  ,  la  furface  redevient  polie  :  mais 
fi  on  le  laille  encore  expoié  à  l'air ,  une  autre  pelli- 
cule ,  d'abord  Semblable  à  une  toile  d'araignée  qui 
s'épaiffit  avec  le  tems  ,  s'étendra  par  deffus.  Cette 
pellicule  paroît  au  microlcope  fort  fèmblable  à  de 
l'argent  battu  en  feuille  :  eneffet,cen'elt  qu'un  tiffu 
très-fin  d'une  efpece  de  moufle  ou  de  poil  très  fin ,  qui 
féparée  du  vif-argent  par  l'agitation  de  l'air ,  eft  re- 
pouflee  à  la  furface  ;  &  fe  mêlant-là  avec  les  corps 
hétérogènes  que  l'air  y  amené ,  forme  cette  efpece 
de  pellicule.  Cette  pellicule  paroît  plus  ou  moins 
dans  toutes  les  liqueurs  expoiées  à  l'air  ;  elle  eft  for- 
mée par  les  corpufcules  qui  s'exhalent  6c  retombent 
enfuite  deffus.  Si  on  laiffe  tomber  de  la  hauteur  d'un 
pié  feulement  une  goutte  de  vif-argent  le  plus  net 
qu'il  Soit  poifible  ,  dans  un  vafe  où  il  y  en  ait  aufli  de 
fi  net ,  que  fa  Superficie  fbit  polie  comme  celle  d'un 
miroir  ;  la  goutte  tombant  Sur  cette  furface  polie ,  la 
ternira  à  l'endroit  où  elle  tombera  ;  preuve  que  toute 
nette  qu'elle  étoit,  elle  avoit  été  infectée  de  l'impu- 
reté de  l'air  :  ainli  quand  on  fait  tomber  le  vil-argent 
goutte-à-goutte  dans  le  baromètre ,  ces  gouttes  tom- 
bant les  unes  fur  les  autres ,  font  crever  les  petites 
pellicules,  qui  bientôt  après  remontent  à  la  iurface, 
&  Se  mettent  entre  la  Surface  convexe  du  mercure 
&  la  Surface  concave  du  verre.  En  effet,  fi  le  tuyau 
étant  ainli  rempli ,  on  le  renverfe  pour  en  faire  le  ba~ 
rometre  en  le  fermant  du  bout  du  doigt ,  on  verra  que 
le  mercure  en  defeendant  dans  le  tuyau ,  laiflera  en 
arrière  des  reftes  de  cette  pellicule  attachés  aux  pa- 
rois du  verre. 

En  Suppoiant  que  cette  pellicule  couvre  exacte- 
ment les  pores  de  la  Surface  du  vif-argent,  il  fera  aile 
de  concevoir  qu'elle  bouche  le  paffage  à  la  matière 
renfermée  dans  le  mercure  ,  de  même  que  le  vif-ar- 
gent qui  pafle  par  les  peaux  de  prefque  tous  les  ani- 
maux ,  n'y  fauroit  paffer  quand  on  n'en  ôte  pas  cette 
peau  fine  que  les  Médecins  appellent  épiderme ,  ou 
cuticule. 

Rien  de  fi  nuifible  à  l'apparition  de  cette  lumière 
que  l'humidité  ;  car  fi  l'on  fait  entrer  de  l'eau  dans  le 
tuyau ,  bien  diSpoSé  d'ailleurs  ,  avec  le  vif-argent,  ou 
même  de  l'eiprit-de-vin  reclilié  (  quoique  l'elprit-de- 
vin  Soit  par  lui-même  inflammable  )  ces  matières  fe 
mettant  dans  le  tuyau  au  haut  du  vif-argent ,  font  l'ef- 
fet de  la  petite  pellicule ,  qui  eft  d'empêcher  la  lu- 
mière. Il  faut  donc  que  le  tuyau  foit  bien  dégraifle 
&  net  en  dedans.  Cela  poié  ,  voici  deux  manières 
pour  empêcher  que  le  mercure  ne  contracte  d'impu- 
retés en  paffant  dansletuvau. 

Première  manière.  Pour  cela  il  faut  plonger  un  tuyau 
d'environ  trois  pies  de  long  dans  un  vafe  d'affez  pe- 
tite hauteur ,  plein  de  mercure  ,  le  faire  tremper  dans 
ce  mercure  affez  profondément ,  &c  incliner  ce  tuyau 
à  la  furface  du  mercure  contenu  dans  le  vafe ,  le  plus 


BAR 

obliquement  que  le  puiffe  permettre  la  hauteur  du 
vafe  (M.  Bernoulli  faifoit  faire  au  fien  un  angle  de 
1 8  degrés  à  peu  près  avec  l'horiion  )  ;  enûtite  fucer 
fortement  par  le  bout  fupérieur ,  de  façon  que  le 
tuyau  s'empliffe  à  la  fin  tout  entier  de  vif-argent. 
Lorfqu'il  en  elt  ainfi  rempli ,  il  faut  faire  boucher 
avec  le  doigt  par  une  autre  perionne ,  le  bout  du 
tuyau  qui  trempe  dans  le  mercure  ,  &  lermer  enfuite 
foi-même  aulîi  avec  fon  doigt  le  bout  fupérieur  du 
tuyau.  (11  faut  fucer  tout  de  iuite,  de  peur  qu'en  re- 
prenant haleine  ,  on  ne  rende  le  dedans  du  tuyau 
humide.  )  Il  eil  évident  qu'en  ce  cas  le  mercure  n'a 
point  été  fali  par  l'air,  fi  ce  n  'eit  peut-être  la  première 
goutte  qui  elt  montée ,  &  qui  a  eifuyé  toutes  ces  fa- 
îetés  ;  auiîî  faut-il  laiffer  entrer  un  peu  de  mercure 
dans  fa  bouche  ;  auquel  cas  ,  cette  première  goutte 
étant  ôtée ,  le  mercure  fera  le  plus  net  qu'il  piaffe 
être.  Le  tuyau  étant  ainfi  fermé  avec  le  doigt  parles 
deux  bouts ,  il  faut  le  mettre  tremper  par  fon  extré- 
mité dans  un  autre  vafe  plus  étroit  que  le  premier  , 
&  rempli  de  mercure  à  une  hauteur  plus  grande  que 
le  vafe  dans  lequel  on  avoit  fait  d'abord  tremper  le 
tuyau.  Si  on  porte  le  tuyau  en  cet  état  avec  le  vale 
dans  Pobfcurité  ,  le  moindre  balancement  y  produira 
une  lueur  capable  d'éclairer  à  un  pié  de  diitance , 
affez  pour  pouvoir  lire  un  caractère  d'une  groffeur 
médiocre. 

IIe  manière.  Il  faut  mettre  perpendiculairement  un 
tuyau  fermé  par  un  bout  dans  un  vafe  plein  de  mer- 
cure ,  où  il  trempe  par  le  bout  ouvert ,  le  pofer  avec 
ce  vafe  dans  la  même  fituation  ,  fous  un  récipient  fait 
exprès  pour  cela,  enfuite  en  retirer  l'air  qui  fortira 
du  tuyau  parle  vafe  en  faifant des  bullesfur  la  iurrace 
du  mercure  qui  y  elt  contenu  :  lorfqu'on  en  aura  retiré 
le  plus  qu'il  fera  poiîible ,  il  faudra  le  laiffer  rentrer  ; 
il  n'en  pourra  monter  dans  le  tuyau  à  caule  du  mer- 
cure où  il  trempe  par  fon  bout  ouvert.  Cet  air  donc 
pelant  fur  la  furface  du  mercure  contenu  dans  le  va- 
fe ,  fera  monter  le  mercure  clans  le  tuyau  à  la  hau- 
teur de  25  à  26  pouces  ,  parce  qu'on  ne  peut  jamais 
tirer  tout  l'air  du  récipient ,  &  que  l'air  qui  dans  ce 
cas  relie  dans  le  tuyau  le  condenie ,  &  augmente 
de  force  à  melurc  que  le  mercure  y  monte.  Cet  air 
étant  très-purifié  à  caule  de  fa  dilatation  ,  le  vif-ar- 
gent en  y  paffant  demeurera  net ,  &  l'expérience  de 
la  lumière  réuffira  aulîi  bien  que  dans  la  première 
manière,  quoiqu'il  y  ait  de  l'air  au  haut  du  tuyau. 
Quelqu'ingénieule  8c  vraiffemblable  que  paroiffe 
cette  explication  ,  néanmoins  l'Académie  des  Scien- 
ces à  qui  M.  Bernoulli  la  communiqua  (  voye^  ann. 
1J01  &  J'uiv.  )  ,  remarqua  pour  lors  que  quelques 
baromètres  donnoient  de  la  lumière  fans  avoir  été 
faits  avec  les  précautions  de  M.  Bernoulli ,  &  que 
quelques-uns  faits  avec  les  précautions  rapportées 
ci-deffus  n'en  donnoient  point.  C'en  fut  affez  pour 
qu'elle  iulpendit  ion  jugement. 

Il  faut ,  lùivant  le  ly 1  terne  de  M .  Bernoulli ,  1  °.  que 
le  mercure  foit  extièmement  pur;  20.  que  le  baro- 
mètre foit  confirait  de  manière  que  le  mercure  en  y 
tombant  ne  traverfe  point  l'air  ;  30.  que  le  vuide  du 
haut  du  tuyau  toit  aulîi  parfait  qu'il  peut  être  ;  car 
il  faut  que  le  choc  des  deux  matières  fubtiles  dont 
parle  M.  Bcrnouilli ,  ne  foit  point  affoibli  par  l'air, 
qui  étant  fort  greffier  en  comparaifon  de  ces  deux 
matières  ,  feroit  l'effet  d'un  lac  de  laine  qui  reçoit  un 
coup  de  canon.  La  différence  d'effet  des  expériences 
de  Groningue  &  de  Paris  fur  des  baromètres  qui  pa- 
roiffoient  avoir  les  mêmes  conditions ,  auffi  bien  que 
le  mercure  qui  y  étoit  enfermé  ,  fit  juger  que  le  mer- 
cure de  M.  Bernoulli  ce  celui  des  baromètres  lumineux 
de  Paris  ,  devoit  avoir  quelque  choie  de  particulier, 
&  rellembler  par  quelqu'accident  à  du  mercure  que 
l'on  auroit  rendu  lumineux  ,  en  y  mêlant  ,  comme 
on  fait  quelquefois ,  du  phoiphore  liquide.  M.  Ber- 


BAR 


85 


noulli ,  fondé  fur  le  fuccès  de  fes  expériences ,  con- 
jecture qu'il  y  a  eu  quelque  faute  dans  celles  de  l'A- 
cadémie. La  méthode  ,  par  exemple  ,  de  remplir  le 
tuyau  avec  une  bourfe  de  cuir,  qu'on  dit  être  équi- 
valente à  la  fienne,  a  pourtant  cela  de  différent ,  que 
c'eft  ici  le  mercure  qui  doit  pouffer  l'air  devant 
lui ,  lequel  en  faifant  quelque  petite  réfillance  ,  peut 
laiffer  attachées  aux  côtés  du  verre  quelques  relies 
ou  bulles  d'air ,  qui  fuffiront  pour  engendrer  la  pel- 
licule ;  au  lieu  que  dans  la  méthode  de  M.  Bernoulli 
pour  remplir  le  tuyau ,  l'air  extérieur  pouffe  le  vif-ar- 
gent en  haut  ,  &  le  vif-argent  ne  fait  que  fuivre  le 
mouvement  de  l'air  intérieur ,  qui  par  fa  raréfaction 
fort  fans  peine  du  tuyau  ;  peut-être  auffi  le  tuyau  de 
l'Académie  n'étoit-il  pas  bien  net.  Les  amples  tuyfeux 
font ,  fuivant  l'expérience  ,  les  meilleurs  ,  parce 
qu'outre  que  le  mercure  dans  lin  tuyau  plus  large  , 
le  meut  plus  librement  que  dans  un  tuyau  étroit , 
où  le  frottement  du  mercure  contre  le  verre  diminue 
la  vîteffe  de  la  defeente  ;  la  pellicule  ,  s'il  s'en  for- 
me ,  doit  auffi  être  plus  épaiffe  dans  un  tuyau  étroit 
que  dans  un  autre;  parce  que  ne  pouvant  s'étendre 
en  large  ,  elle  s'épaiffit  en  hauteur.  Or  le  tuyau  de 
l'Académie  n'étoit  pas  affez  large  ,  félon  M.  Ber- 
noulli ,  n'ayant  qu'une  ligne  &  demie  de  diamètre. 
Il  elt  difficile  de  remplir  le  tuyau  de  mercure  avec 
la  bouche ,  fans  y  mêler  un  peu  d'haleine  ou  de  fa- 
live  ;  pluiieurs  n'y  ont  pu  rénffir.  M.  Bernoulli  dit 
qu'il  le  faifoit  aifément ,  pouvant  d'ailleurs  tirer  ave*; 
la  bouche  ,  d'un  petit  récipient ,  \  de  l'air  qu'il  con- 
tient, fans  le  trop  efforcer.  Il  vaut  mieux  faire  ces 
expériences  de  nuit  que  de  jour  ;  car  quand  on  en- 
tre tout  d'un  coup  dans  l'oblcurité  ,  les  yeux  encore 
frappés  de  l'éclat  d'une  grande  lumière  ,  ne  peuvent 
appercevoir la  foible  lueur  du  baromètre,  qui  paroit 
affez  pendant  la  nuit  obfcure. 

Quant  aux  baromètres  qu'on  dit  n'avoir  pas  été  faits 
avec  les  mêmes  précautions  ,  &  cependant  donner 
de  la  lumière  ,  peut-être  qu'en  y  jettant  le  vif-argent 
on  a  tenu  le  tuyau  fort  obliquement  à  lhoriibn  , 
pour  laiffer  couler  doucement  les  gouttes  de  mercu- 
re comme  dans  un  canal  ;  ce  qui  empêche  l'air  de 
l'infeder  tant  ;  quoiqu'en  ce  cas  il  arrive  fouvent 
qu'il  ne  rend  pas  autant  de  lumière  que  des  baromètres 
taits  par  la  fuction  ,  ou  dans  la  machine  du  vuide; 
peut-être  le  mercure  n'étoit-il  pas  bien  purifié  de 
toute  matière  dont  l'attouchement  de  l'air  put  for- 
mer une  pellicule. 

Cette  lumière  paroit  dans  toute  forte  de  vif-ar- 
gent préparé  à  la  manière  de  M.  Bernoulli  ;  cela  ne 
vient  donc  point  de  quelque  choie  de  particulier 
dans  le  lien  ,  qui  enfermé  dans  le  tuyau  fans  les  con- 
ditions propofées  ,  ne  rend  que  peu  ou  point  de  lu- 
mière. 

Une  des  principales  raifons  qui  fait  que  la  pellicu- 
le du  mercure  empêche  la  lumière  ,  c'eil  peut  -  être 
qu'on  fecoue  trop  uniformément  le  mercure  ,  fe  con- 
tentant de  le  balancer;  auquel  cas  cette  pellicule, 
s'il  y  en  a  ,  ne  fort  point  de  la  iuperficie  du  mercure, 
&  y  demeure  toujours  attachée.  Comme  il  *. 
cile  d'éviter  cette  pellicule  des  baromètres  remplis 
même  à  la  manière  de  M.  Bernoulli,  il  femble  que  fi 
on  pouvoit  la  crever  ,  ce  qui  ié  feroit  en  remuant  le 
mercure  en  tout  fens  ,  comme  on  fait  l'eau  d'une  bou- 
teille qu'on  rince,  il  pourroit  paroitre  de  la  lumière. 
En  effet,  ii  on  tire  l'air  d'une  petite  phiole  pleine  de 
mercure  ,  en  la  mettant  fous  la  machine  pneumati- 
que ,  par  le  moyen  d'un  robinet  cimente  à  ion  cou  , 
&  qu'on  agite  en  tout  fens  le  mercure  qui  y  elt  con- 
tenu ,  on  voit  une  lumière  bien  plus  vive  que  celle 
du  baromètre  ;  &  cela  arrive  avec  to  ite  forte  de  mer- 
cure ,  excepté  lorfque  l'air  n'eft  p  Bernent 
tiré  de  la  phiole  ,  ou  qu'on  y  en  laiffe  entrer  un  peu; 
alors  la  lumière  cil  plus  foible ,  Ôc  diminue  de  plus  en 


S6 


BAR 


Plus ,  nonobftant  l'agitation  réitérée  de  la  phiole , 
même  jufqu'à  difparoître  entièrement  ;  après  quoi  il 
faut  tirer  l'air  de  nouveau  de  la  phiole  ,  lî  on  veut 
qu'elle  paroifTe.  On  voit  au  jour  le  mercure  de  cette 
phiole  dont  la  lumière  elt  affoiblie ,  couvert  d'une 
pellicule  épaiffe ,  &  femblable  à  de  la  pâte  mêlée  de 
pouffiere  ;  d'où  il  paroît  qu'un  peu  d'air  agité  lalit 
fort  le  mercure ,  &  le  couvre  d'une  peau  affez  épaiffe 
pour  empêcher  abfolument  la  lumière  :  car  s'il  n'y  a 
point  d'air, l'agitation  ne  fait  que  rendre  le  mercure 
plus  pur  ;  par-là  fe  délivre  de  tout  ce  qu'il  pour- 
rait contenir  d'étranger ,  qu'il  rejette  à  la  liirface  du 
verre ,  qu'on  voit  auffi  un  peu  trouble  :  ainfi  le  mer- 
cure elt  rendu  de  plus  en  plus  lumineux. 

Si  le  robinet  de  la  phiole  elt  d'airain ,  le  vif-argent 
le  corrompt  :  il  faut  donc ,  pour  l'éviter ,  mettre  un 
bouchon  de  liège  qui  bouche  exactement  la  phiole  , 
&  de  la  cire  par-deffus ,  puis  percer  la  cire  &  le  bou- 
chon de  liège  pour  faire  fortir  l'air  de  la  phiole  fous  la 
machine  pneumatique  ;  enfuite  laiffant  le  récipient 
deffus  fans  rendre  l'air ,  faire  fondre  avec  un  verre 
ardent  la  cire  d'autour  dutrou,qui  le  répandant  alors 
furie  trou ,  le  fermera.  Voilà  donc  un  nouveau  phof- 
phore  perpétuel ,  &  qui  outre  cela  a  l'avantage  de 
pouvoir  fetranfporter  dans  une  phiole  bien  bouchée  ; 
pourvu  que  i°.  cette  phiole  ait  été  bien  nette  ;  z°. 
qu'on  n'ait  pas  beaucoup  remué  le  mercure  avant 
d'en  tirer  l'air;  30.  qu'on  tire  le  plus  d'air  qu'il  foit 
poffible. 

M.  Homberg  a  donné  un  autre  raifon  de  la  lumière 
des  baromètres.  Souvent  pour  nettoyer  le  mercure  on 
fe  fert  de  la  chaux  vive  préférablement  à  de  la  li- 
maille de  fer  ;  alors  le  mercure  qui  s'élevant  dans  la 
diltillation  s'eft  criblé  au  travers  de  cette  matière  , 
peut  en  avoir  emporté  des  parties  capables  par  leur 
extrême  délicateffe  de  fe  loger  dans  fes  interftices  ; 
&  comme  la  chaux  vive  retient  toujours  quelques 
particules  ignées  ,  il  elt  poffible  que  ces  particules 
agitées  dans  un  lieu  vuide  d'air ,  où  elles  nagent  li- 
brement &  fans  être  étouffées  par  aucune  autre  ma- 
tière ,  produifent  un  éclat  de  lumière.  En  effet  plu- 
iieurs  baromètres  faits  de  mercure  ainfi  nettoyé  étoient 
lumineux  :  mais  M.  Homberg  appuyoit  davantage 
fur  le  peu  de  néceffité  des  conditions  de  M.  Ber- 
noulli. 

i°.  Un  mercure  bien  net  ne  contracte  jamais  d'im- 
puretés à  l'air  :  l'expérience  le  prouve.  Il  y  a  donc 
lieu  de  croire  que  celui  de  M.  Bernoulli  n'étoit  pas 
bien  net. 

2°.  Dans  les  baromètres  lumineux  anciens ,  le  mer- 
cure étoit  entré  en  traverfant  l'air. 

30.  M.  Homberg  ayant  vuidé  par  la  féconde  mé- 
thode de  M.  Bernoulli ,  un  tuyau  qui  ne  trempoit 
prefque  point  dans  le  mercure  ,  l'air  en  fortoit  en 
foûlevant  par  fon  reffort  le  tuyau ,  &  fe  gliffant  entre 
fon  bout  &  la  liirface  du  mercure.  L'air  étant  raréfié 
jufqu'à  un  certain  point ,  de  façon  cependant  qu'on 
pouvoit  encore  en  tirer  affez  ,  ne  fortoit  plus ,  parce 
qu'il  n'avoit  plus  la  force  de  foûlever  le  tuyau.  Le 
vuide  du  baromètre  de  M.  Bernoulli  n'étoit  donc  pas 
auffi  parfait  qu'il  pouvoit  l'être. 

Mais  M.  Bernoulli ,  outre  les  réponfes  précéden- 
tes, ajoute  qu'il  paroît  que  M.  Homberg  a  trop  en- 
foncé le  tuyau  dans  le  mercure  pour  en  tirer  l'air  ; 
celui  de  M.  Bernoulli  étoit  prefqu  a  fleur  de  mercu- 
re ,  qui  en  effet  y  efl  monté  à  2.6  pouces  ,  ce  qui  elt 
prefque  la  hauteur  ordinaire;  outre  que  ce  peu  d'air 
reliant  dans  le  tuyau  a  notablement  affoibli  la  lu- 
mière ,  comme  M.  Bernoulli  l'a  remarqué  depuis  : 
ainfi  moins  il  y  a  d'air ,  plus  la  lumière  elt  grande  &c 
durable. 

Quand  le  mercure  de  M.  Bernoulli  ne  feroit  pas  bien 
pur,  l'air  leroit  toujours  la  caufe,  finon  naturelle,  du 
moins  efficiente  du  défaut  de  lumière,  puifque  ce  mê- 


BAR 

me  mercure  en  produit  étant  enfermé  fans  air  dans 
le  vuide.  Mais  M.  Bernoulli  a  trouvé  un  fecret  de  le 
rendre  net  en  le  lavant  bien  avec  de  l'eau  :  on  met 
fur  le  mercure  cette  eau  ,  environ  à  la  hauteur  de 
deux  pouces  ;  on  agite  fortement  le  mercure  qui  fe 
mêle  avec  l'eau  ,  puis  on  le  laiffe  repofer  ;  &  il  re- 
jette à  la  furface  l'eau  fale  &  noirâtre:  on  réitère  la 
lotion  jufqu'à  ce  que  l'eau  ne  paroiffe  plus  ou  pref- 
que point  noirâtre  ,  &  alors  le  mercure  efl  net.  L'ef- 
prit  de  vin  le  lave  plus  vite  &  mieux  que  l'eau  ;  il  s'efl 
même  trouvé  un  mercure  fort  épais  ,  dans  lequel  il 
y  avoit  apparemment  quelque  matière  huileufe  & 
lulphureufe  mêlée  avec  fes  parties  ;  ce  mercure  n'eft 
devenu  affez  net  pour  rendre  de  la  lumière  qu'à  for- 
ce de  lotions  expreffifd'efprit-de-vin.  Le  mercure  de- 
vient li  pur  par  ce  lavement  même  d'eau  feule  ,  qu'il 
rend  quelquefois  de  la  lumière  ,  même  dans  une  phio- 
le pleine  d'air  :  mais  cette  lumière  efl  foible. 

Ce  mercure  ainfi  bien  purifié ,  laiffe  fortir  de  fes 
pores  affez  de  matière  fubtile  pour  vaincre  la  réfif- 
tance  de  l'air. 

Il  faut  bien  fécher  le  mercure  ainfi  lavé ,  en  le  fai- 
fant  pafler  par  un  linge  net  ;  car  la  moindre  humidi- 
té nuiroit  à  l'expérience. 

Quelquefois  le  mercure  même  après  l'agitation 
conlerve  en  fes  pores  une  matière  gluante  cachée  , 
qui  en  les  fermant  ou  les  rendant  roides  ,  empêche  la 
matière  fubtile  de  fortir  ,  &  par  conféquent  la  lu- 
mière de  paroître.  La  roideur  des  pores  peut  faire 
cet  effet  ;  car  il  faut  que  les  pores  fe  rétréciffent  fou- 
vent  pour  laiffer  pafler  cette  matière  :  or  s'ils  ne  font 
pas  flexibles  ils  ne  pourront  fe  rétrécir.  Cela  étant,  il 
paroît  que  le  mercure  qu'on  dit  être  devenu  lumineux 
par  la  diftillation  à  travers  la  chaux  vive,  avoit  cette 
roideur  de  pores  caufée  par  quelque  matière  gluan- 
te qu'il  a  laiffée  dans  la  chaux  ,  en  s'y  filtrant  &  s'y 
purifiant  par-là  ;  &  c'eft  à  cette  feule  purification  que 
M.  Bernoulli  en  attribue  la  lumière  ,  &  non  pas  aux 
particules  ignées  de  la  chaux  ;  de  plus  ces  corpufeu- 
les  ignées  ne  lui  paroiffent  guère  vraiffemblables. 

Ces  parcelles  ignées  deviendroient  enfin  inutiles 
par  le  fréquent  ufage  ,  comme  on  voit  arriver  aux 
autres  phofphores  qui  font  lumineux  par  le  moyen 
de  ces  particules  ignées  ;  ainfi  ce  phofphore  perdroit 
enfin  fa  vertu. 

i°.  Ces  parcelles  ignées  affez  petites  pour  fe  loger 
dans  les  pores  du  mercure  ,  s'échapperoient  quand 
on  fecoueroit  la  phiole  ,  par  les  pores  du  verre  bien 
plus  larges  que  ceux  du  mercure. 

30.  Cela  pofé  ,  la  lumière  paroîtroit  également 
dans  la  defeente  &  Fafcenfïon  du  mercure. 

Dans  l'explication  ,  au  contraire,  de  M.  Bernoulli, 
le  mercure  ne  fait  que  prêter  fes  pores  étroits  à  la 
matière  fubtile  ;  dès  que  cette  matière  en  efl  fortie 
par  l'agitation  ,  il  en  revient  auffi  -  tôt  d'autres  par 
les  pores  du  verre.  Enfin  M.  Bernoulli  gardoit  de- 
puis un  an  un  de  ces  phofphores ,  qui  n'avoit  encore 
fouffert  aucune  altération.  Il  croit  même  qu'une  li- 
queur auffi  pelante  que  le  mercure  ,  pourroit  don- 
ner de  la  lumière  :  &  cela  pofé  ,  fi  on  pouvoit  ren- 
dre l'or  fluide ,  il  feroit ,  félon  lui ,  le  plus  propre  à 
en  donner  ,  étant  le  plus  pelant  de  tous  les  corps ,  le 
plomb  fondu  même  en  pourroit  donner  s'il  étoit  bien 
pur. 

Quant  au  mercure  qu'on  rend  lumineux  en  le  mê- 
lant avec  du  phofphore  artificiel ,  M.  Bernoulli  attri- 
bue cette  lumière  au  phofphore  feul. 

Toutes  ces  lumières  artificielles  font  extrêmement 
délicates.  Il  n'eit  pas  fur  qu'en  maniant  une  phiole  , 
la  lueur  de  la  main  ne  paffe ,  quoiqu'en  très-petite 
quantité ,  au-travers  les  jointures  du  bouchon ,  &  ne 
nuife  à  la  lumière.  Il  faut  être  dans  ces  expériences 
fcrupuleux,  défiant,  &  en  quelque  forte  fuperlfitieux. 
Voici  un  exemple  remarquable  de  la  délicateffe  de 


BAR 

ces  phofphorcs,  M.  Bernoulli  avoit  une  phioîe  qui 
lu  Kbit  parfaitement  &  également  depuis  fix  femai- 
nes  ;  une  miette  du  liège  qui  la  bouchoit  s'étoit 
détachée  &  étoit  tombée  far  la  furface  du  mercure 
où  elle  nageoit.  M.  Bernoulli  brûla  cette  miette 
de  liège  au  foyer  d'un  verre  ardent  ;  &  le  peu  de 
fumée  qui  en  fortit  ,  diminua  confidérablement  & 
fans  retour  la  vivacité  du  phofphore ,  où  il  n'étoit 
arrivé  nul  autre  changement.  Cette  pureté  dont  la 
lumière  a  befoin  ,  fut  fouillée.  M.  Bernoulli  a  offert 
à  l'Académie  de  purifier  le  mercure  dont  elle  fe  fert, 
&  de  le  lui  renvoyer  lumineux.  La  confiance  appa- 
remment qu'on  avoit  en  fa  parole ,  a  empêché  qu'on 
n'exécutât  fa  demande. 

L'Accadémie  en  eft  refté  là  jufqu'en  1713  ,  que 
M.  Dufay  donna  l'on  fentiment  particulier,  joint  à 
Fhiftoire  fuivante  des  fentimens  des  favans  fur  cette 
matière ,  &  à  une  manière  iimple  &c  facile  de  ren- 
dre les  baromètres  lumineux ,  qu'un  Vitrier  Allemand 
lui  avoit  apprife.  En  1706  ,  M.  Dutal ,  Médecin ,  fit 
inférer  dans  les  Nouvelles  de  la  république  des  Lettres , 
un  mémoire  ,  où  il  confirme  la  réufîîte  des  opé- 
rations de  M.  Bernoulli  ,  &  croit  que  l'Académie 
ne  les  a  pas  faites  affez  exactement.  En  1708 ,  M. 
Hauksbée,  après  avoir  décrit  un  phofphore  conf- 
ftruit  avec  un  globe  vuide  d'air,  qu'il  faifoit  tourner 
rapidement  fur  l'on  centre ,  &  qui  par  ce  moyen  ren- 
doit  beaucoup  de  lumière  loriqu'on  en  approchoit 
la  main,  croit  que  la  lumière  du  baromètre  n'eit  caulée 
que  par  les  frictions  du  mercure  contre  les  parois  in- 
térieurs du  tube  vuide  d'air  grofïier. 

En  1710,  M.  Hartfoëker  combattit  les  expérien- 
ces de  M.  Bernoulli ,  niant  tout ,  &  n'apportant  d'au- 
tre raifon  que  la  pureté  du  mercure ,  &  la  netteté  du 
tuyau  ;  ce  qui ,  fuivant  l'expérience  ,  ne  fuffit  pas. 

En  171 5 ,  Jean  Frédéric  Weidler  combattit  auffi 
M.  Bernoulli ,  difant  que  la  pellicule  que  contracte  le 
mercure  en  pâffant  par  l'air  ,  ne  nuit  en  rien  à  la  lu- 
mière ,  qu'il  croit  ne  venir  d'autre  choie  que  de  la  ré- 
percufîion  des  rayons  ,  qui  quoique  dans  l'obfcurité , 
confervent  leur  même  tenfion  &  leur  même  effort. 

En  1716,  Michel  Heufinger  dit  dans  une  differta- 
tion  publiée  lui"  ce  iiijct ,  que  quelques  baromètres  où 
l'on  remarquoit  des  bulles  d'air  étoient  lumineux , 
quoique  moins  ,  à  la  vérité  ,  que  ceux  qui  n'avoient 
point  d'air;  les  bulles  d'air  même  ,  à  ce  qu'il  dit ,  don- 
nent quelquefois  de  l'éclat. La  pureté  du  mercure  n'eit. 
pas  encore  néceffaire,  puilque  vingt-trois  parties  de 
mercure  mêlées  avec  cinq  de  plomb  ,  ont  rendu  de 
la  lumière.  Selon  lui,  les  particules  du  merevire  font 
fpheriques  ,  &  les  interftices  de  ces  petits  globes 
contiennent  beaucoup  de  matière  fubtile ,  qui  s'en 
exprime  lorfqu'on  l'agite.  Le  mercure  n'eit  lumineux 
que  lorfqu'il  defeend  ,  parce  qu'alors  il  abandonne  la 
matière  fubtile  contenue  dans  fes  pores  :  mais  en  re- 
montant il  en  abforbe  une  partie  ,  &  l'autre  s'en  va 
par  les  porcs  du  verre. 

En  1717,  M.  de  Mairan  attribua  cette  lumière  au 
foufre  du  mercure  qui  eft  en  mouvement ,  &c  dit , 
qu'elle  feroit  beaucoup  plus  vive ,  s'il  ne  reftoit  dans 
les  baromètres  ,  les  plus  exactement  vuides  d'air,  une 
matière  différente  de  la  matière  fubtile  &C  de  l'air,qui 
arrête  le  mouvement  de  ce  foufre  &  la  lumière  qui 
en  refaite ,  ce  qui  arrive  fur-tout  lorfque  le  mercure 
monte  ;  au  lieu  que  quand  il  defeend ,  il  y  a  une  par- 
tie du  tuyau  la  plus  proche  de  la  furface  du  mercure 
qui  relie  ,  au  moins  pour  un  moment ,  libre  de  cette 
matière  qui  ne  peut  pas  lùivre  le  mercure  avec  affez 
de  rapidité  ,  cv  qui  par  ce  moyen  donne  lieu  à  ion 
foufre  de  le  développer.  DiJ/'.  furies  Phofpk. 

Il  reftoit  encore  quelque  incertitude  fur  la  manière 
de  rendre  les  baromètres  lumineux.  Les  conditions  ab- 
folument  néceii'aircs  font  : 

i u.  Que  le  tuyau  foit  bien  fec  j  on  le  nettoyé  aifé- 


BAR 


87 


ment  avec  du  coton  attaché  au  bout  d'un  fil  de  fer  ; 
la  moindre  humidité  gâterait  tout  :  mais  ce  n'eit  , 
félon  les  obfervations  de  M.  Dufay ,  qui  a  tourné  de 
bien  des  fens  ces  expériences  ,  que  l'humidité  qui  fe- 
roit au  haut  &  dans  le  vuide  du  tuyau ,  où  la  lumière 
doit  paroitre  ;  hors  de  là ,  le  tuyau  peut  être  humide 
fans  inconvénient. 

i°.  Que  le  mercure  foit  bien  net  :  il  faut  faire  paf- 
fer  le  mercure  par  un  cornet  de  papier  dont  l'embou- 
chure foit  fort  étroite ,  il  y  dépofe  fuffifamment  fes 
impuretés-. 

30.  Que  le  mercure  foit  bien  purgé  d'air  :  verfez 
d'abord  dans  le  tuyau  un  tiers  de  mercure  que  vous 
devez  employer,  puis  chauffez-le  doucement  &  par 
degrés  ,  en  l'approchant  petit  à  petit  du  feu  ;  en  le 
remuant  avec  un  fil  de  fer ,  vous  aiderez  la  l'ortie  des 
bulles  d'air  qui  font  dans  le  mercure  ,  &  que  la  cha- 
leur pouffe  dehors  ;  verfez  un  fécond  tiers  auquel 
vous  ferez  de  même  ,  &  enfin  un  troifieme  auquel 
vous  ne  ferez  rien.  La  purification  des  deux  premiers 
tiers  fuffit  pour  le  tout. 

M.  Dufay  ne  s'eft  point  apperçû  qu'un  différent 
degré  de  chaleur  donné  au  mercure ,  produisît  de 
différence  fenfible  dans  la  lumière.  Voye{ ,  outre  les 
ouvrages  déjà  cités,  la  thefe  de  M.  Bernoulli ,  de  Mer- 
curio  lucente  in  vacuo ,  ibûtenue  à  Bâle  en  1719,  & 
imprimée  dans  le  recueil  de  les  œuvres.  Genev.  1 743 . 

(0) 

BARON ,  f.  m.  (  Hifi.  mod.  )  nom  de  dignité ,  hom- 
me qui  a  une  baronie.  Voye^  Baronie.  Baron  eft  un 
terme  dont  l'origine  &  la  première  fignification  eft 
fort  conteftée.  Quelques-uns  veulent  qu'il  fignifie 
originairement  ùv»p,  homme  ;  d'autres  un  héros  ,  un 
homme  brave  :  ceux-ci  libertinus ,  un  affranchi  ;  ceux- 
là  ,  un  grand  homme  ,  un  homme  riche  ;  d'autres  ,  un 
vaffal.  Ménage  le  fait  venir  de  baro ,  que  nous  trou- 
vons employé  dans  le  tems  de  la  pureté  de  la  langue 
Latine  pour  vir ,  homme  brave ,  vaillant  homme.  De 
là  vint ,  fuivant  cet  auteur ,  que  ceux  qui  avoient 
leur  place  auprès  du  Roi  dans  les  batailles ,  furent 
appelles  baroncs ,  ou  les  plus  braves  de  t armée.  Comme 
les  princes  récompenfent  ordinairement  la  bravoure 
&  la  fidélité  de  ceux  qui  les  environnent,  par  quel- 
ques fiefs  ,  ce  mot  fut  enfuite  employé  pour  déiïgner 
quelques  hommes  nobles,  qui  tenoient  un  fief  immédia- 
tement du  Roi.  Ifidore ,  ck  après  lui  Cambden  ,  regar- 
dent ce  terme  comme  un  mot  qui  a  fignifie  dans  ion 
origine,  un  foldat  mercenaire.  MM.de  P.  R.  le  font 
venir  de  fiâpoç ,  poids  ou  autorité.  Cicéron  employé 
le  mot  de  baro  pour  marquer  un  homme  flupide ,  bru- 
tal. Les  anciens  Allemands  parlent  d'un  baron  com- 
me nous  d'un  vilain  ;  &  les  Italiens  momment  barone  , 
un  gueux ,  un  mendiant.  M.  de  Marca  fait  venir  baron 
du  mot  Allemand  bar  ,  homme  ,  ou  homme  libre  : 
d'autres  en  vont  chercher  l'étymologie  dans  les  lan- 
gues Hébraïque  ,  Gauloife ,  Celtique  :  mais  l'opinion 
la  plus  probable  cil  qu'il  vient  de  l'Efpagnol  varo  , 
homme  brave  ,  noble.  C'eft  de  là  que  les  femmes  ap- 
pellent barons  leurs  maris  ;  de  même  que  les  princes , 
i^ur^  fermiers.  Dans  les  lois  Saliques,  comme  elles 
viennent  des  Lombards ,  le  mot  baron  fignifie  un  hom~ 
me  en  général  ;  &  l'ancien  gloffaire  de  Philomenes 
traduit  baron  par  «1  >!p  ,  homme. 

Baron  ,  eft  employé  en  Angleterre  dans  une  figni- 
fication plus  particulière,  pour  fignifîcr  un  j  <:i gneur  t 
un  lord  ou  pair  de  la  dernière  claffe  ,  c'eft-à  dire  du 
degré  de  nobleffe  qui  eft  immédiatement  au  -  deffous 
des  vicomtes,  &  au-deffus  des  chevaliers  ce  des  ba- 
îonets.  Voye{ Noblesse,  Pair,  cvc 

Les  barons  font  feigneurs  du  parlement  ,  pairs  du 
royaume  ,  &joùiffent  de  leurs  privilèges  ;  ils  ne  font 
pas  ceints  de  l'épée  à  leur  création  ,  &  n'ont  eu  de 
couronne  à  leurs  armes  que  fous  le  règne  de  Charles 


88 


BAR 


II.  qui  leur  accorda  un  cercle  d'or  avec  fix  perles  pla- 
cées au  bord. 

Dans  les  anciennes  archives ,  le  terme  de  baron 
comprenoit  toute  la  nobleffe  d'Angleterre  ;  tous  les 
nobles  s'appelloient  barons ,  de  quelqu'autre  dignité 
qu'ils  fuffent  revêtus  :  c'eft  pour  cette  raifon  que  la 
charte  du  roi  Edouard  I.  qui  eft  une  expofition  de 
tout  ce  qui  a  rapport  aux  barons  de  la  grande  charte , 
finit  par  ces  mots  :  Tejiibus  archiepifcopis ,  epifcopis ,  ba- 
ronibus ,  &c.  La  grande  affemblée  même  de  la  no- 
bleffe ,  qui  eft  compolee  des  ducs  ,  des  marquis  ,  & 
en  outre  des  comtes  &  des  barons ,  eft  compriie  fous 
le  nom  de  Y  affemblée  du  baronage. 

On  diftingue  les  barons  par  leurs  anciens  titres,  qui 
poffédoient  un  territoire  du  roi ,  qui  s'en  réfervoit 
toujours  le  titre  en  chef;  &  les  barons  par  leur  titre 
temporel ,  qui  tenoient  les  feigneuries ,  les  châteaux  & 
places ,  comme  chefs  de  leur  baronie ,  c'eft-à-dire  , 
par  la  grande  fergenterie  :  en  vertu  de  ces  titres  ,  ils 
étoient  anciennement  convoqués  au  parlement  :  mais 
à  préfent  ils  ne  font  feigneurs  lords  du  parlement , 
que  quand  on  les  y  appelle  par  écrit. 

Après  la  conquête ,  les  barons  furent  diftingués  en 
grands  barons  &  en  petits  barons ,  majores  &  minores , 
&  il  leur  fut  accordé  d'être  convoqués  au  parlement  ; 
les  grands  par  une  lettre  immédiate  du  roi ,  les  petits 
par  une  lettre  générale  du  grand  shérif  ou  échevin  , 
ïurle  commandement  du  roi. 

Les  anciens  diftinguoient  les  grands  barons  des  pe- 
tits ,  en  accordant  aux  premiers  haute  &:  même  fou- 
veraine  jurifdi&ion ,  &  aux  féconds  une  jurifdiction 
inférieure  ,  &  fur  des  matières  de  peu  d'importance. 

Les  barons  de  F  échiquier,  font  des  juges  au  nombre 
de  quatre  ,  auxquels  eft  commife  1'adminiftration 
de  la  juftice  dans  les  caufes  d'entre  le  roi  &  fes  fu- 
jets  ,  fur  les  matières  qui  concernent  l'échiquier  & 
les  revenus  du  roi.  Ils  font  appelles  barons  ,  parce 
que  les  barons  du  royaume  étoient  employés  dans 
cet  office. 

Leur  fonction  eft  aufïï  de  voir  les  comptes  royaux  ; 
ils  ont  pour  cette  fin  des  auditeurs  fous  eux  ,  de  mê- 
me que  pour  décider  des  caufes  qui  regardent  les  re- 
venus du  roi ,  ces  caufes  appartenant  en  quelque  fa- 
çon à  l'échiquier. 

Les  barons  de  t 'échiquier  ont  été  jufque  dans  ces  der- 
niers tems  des  gens  favans  es  lois ,  des  anciens  mai- 
res ,  des  perfonnages  importans  &  éclairés  ou  cen- 
fés  tels ,  foit  dans  le  clergé ,  foit  à  la  cour  ;  majores 
&  difcretiores  in  regno,Jive  de  clero  ejjent  ,Jive  de curid. 

Les  barons  des  cinq  ports  font  maîtres  de  la  cham- 
bre des  communes  ,  élus  par  les  cinq  ports  ,  deux 
pour  chacun.  Voye^  Cinq  ports.  Ceux  qui  ont  été 
maires  du  château  de  Corfe  dans  le  comté  de  Dor- 
fet ,  font  nommés  barons.  Les  principaux  bourgeois 
de  Londres  avoient  autrefois  ce  titre. 

En  France  on  entendoit  anciennement  par  barons , 
tous  les  vaffaux  qui  relevoient  immédiatement  du 
Roi  ;  ainfi  ce  mot  comprenoit  les  ducs ,  les  marquis , 
comtes ,  &  autres  feigneurs  titrés  &  qualifiés ,  com- 
me on  le  peut  voir  dans  Aimoin  &  dans  quelques- 
unes  de  nos  vieilles  chroniques,  où  le  Roi  haranguant 
les  feigneurs  de  fa  cour  ou  de  fon  armée ,  les  appelle 
mes  barons.  Mais  maintenant  on  employé  ce  terme 
dans  une  acception  beaucoup  moins  générale  ,  puif- 
qu'il  ne  fignifie  que  le  degré  de  la  nobleffe  ,  qui  eft 
immédiatement  au-deffous  des  ducs ,  des  marquis , 
des  comtes  ôc  des  vicomtes  ,  quoiqu'il  y  ait  en  Fran- 
ce &  en  Allemagne  d'anciens  barons  qui  ne  voudroient 
pas  le  céder  à  des  nobles  illuftrés  depuis  peu  de  ces 
divers  degrés  de  nobleffe.  Nos  auteurs  font  auffi  men- 
tion des  barons  de  Bourges  &  d'Orléans ,  titres  accor- 
dés à  quelques-uns  des  principaux  bourgeois  de  ces 
villes  ,  comme  à  ceux  de  Londres ,  mais  qui  n'em- 
portoient  point  avec  eux  de  caractère  de  nobleffe , 


BAR 

8c  donnoient  feulement  à  ces  citoyens  quelques  pré^ 
rogatives ,  comme  de  n'être  pas  tenus  de  répondre 
en  juftice  fur  certaines  chofes  hors  de  l'enceinte  des 
murs  de  leur  ville.  Les  trois  premiers  barons  de  Fran- 
ce dans  la  nobleffe  ,  étoient  ceux  de  Bourbon ,  de 
Conty  ,  de  Beaujeu:  mais  ces  baronies  ont  été  de- 
puis reunies  à  la  couronne.  Dans  le  clergé  il  y  a  des 
évêques,  des  abbés  ,  &  des  prieurs  barons  ;  foit  qu'an- 
ciennement les  rois  leur  ayent  accordé  ce  titre ,  foit 
qu'ils  poffedent  par  leurs  libéralités  des  baronies ,  ou 
qu'ils  les  tiennent  en  fief  de  la  couronne.  Voye^  No- 
blesse. (G) 

BARONET,  f.  m.  {Hifl.  mod.)  degré  d'honneur  en 
Angleterre ,  qui  eft  immédiatement  au-deffous  de  celui 
de  baron ,  &  au-deffus  de  celui  de  chevalier  ;  ils  ont 
le  pas  fur  tous  les  chevaliers ,  excepté  fur  ceux  de  la 
jarretière.  Voye^  Chevalier,  &c. 

La  dignité  de  baronet  lé  confère  par  patente  ;  c'eft 
le  moindre  degré  d'honneur  qui  foit  héréditaire.  Cet 
ordre  fut  fonde  par  Jacques  1er  en  161 1.  Deux  cents 
baronets  furent  créés  par  ce  prince ,  ik  fixés  pour  tou- 
jours à  ce  nombre  ;  cependant  on  dit  qu'ils  font  au- 
jourd'hui plus  de  huit  cents. 

On  leur  accorda  plufieurs  privilèges ,  pour  être 
poffedés  par  eux  &  par  leurs  héritiers  mâles.  Il  leur 
tut  permis  de  charger  leur  écu  des  armes  d'Ulfter, 
qui  lont  une  main  de  gueules  dans  un  champ  d'argent, 
à  condition  qu'Us  defendroient  la  province  d'Lilfter 
en  Irlande  contre  les  rebelles  qui  l'incommodoient 
extrêmement.  Pour  cet  effet  ils  furent  obligés  de  le- 
ver &  d'entretenir  à  leurs  dépens  chacun  trente  fol- 
dats  pendant  trois  ans ,  ou  de  payer  à  la  chambre 
l'équivalent  en  argent  ;  cette  fomme ,  à  huit  fols  par 
jour  pour  chaque  loldat,  faifoit  1095  livres.  Ils  font 
maintenant  exempts  de  cette  obligation. 

Les  baronets  prennent  place  entr'eux  fuivant  l'an- 
cienneté. Selon  les  termes  de  leurs  patentes,  il  ne 
peut  y  avoir  de  degrés  d'honneur  établis  entr'eux  ; 
il  en  eft  de  même  entre  les  barons. 

Le  titre  dejîr  leur  eft  accordé  par  une  claufe  par- 
ticulière ;  cependant  ils  ne  font  pas  faits  chevaliers  : 
mais  un  baronet  &  fon  fils  aîné  ayant  l'âge  néceffaire, 
peuvent  l'un  &  l'autre  folliciter  l'entrée  dans  l'ordre 
de  chevalier.  (G) 

BARONIE,  1.  f.  {Hifi.  mod.)  feigneurie  ou  fief  de 
baron,  foit  temporel  foit  fpirituel.  Voye^  Baron. 
Dans  ce  fens  baronie  eft  la  même  chofe  que  ce  que 
l'on  appelle  honour  en  Angleterre. 

Une  baronie  peut  être  confidérée  comme  une  fei- 
gneurie pofledée  à  condition  de  quelque  fervice ,  mais 
en  chef  par  le  roi:  elle  eft  ce  qu'on  appelle  autrement 
grande  Jérgenterie. 

Les  baronies  d'Angleterre  dans  l'origine ,  étoient 
mouvantes  du  roi  même,  chef  &  feigneur  de  tout 
le  royaume ,  &  elles  n'étoient  pas  tenues  immédia- 
tement d'un  autre  leigneur.  Par  exemple ,  le  roi  don- 
noit  à  un  homme  l'inveftiture  d'une  grande  feigneu- 
rie dans  le  pays ,  pour  que  celui  qu'il  en  inveftiffoit 
en  jouît ,  lui  ôc  les  héritiers,  comme  la  tenant  du  roi 
&  de  fes  fucceffeurs.  Par  le  fervice  de  baron ,  il  faut 
entendre  le  fervice  de  vingt  chevaliers ,  de  quaran- 
te ,  de  foixante ,  plus  ou  moins ,  fuivant  que  le  roi  le 
déterminoit  par  l'inveftiture.  Dans  les  tems  qui  fui- 
virent  de  plus  près  la  conquête ,  lorf  qu'un  grand  fei- 
gneur ,  great  lord,  recevoit  du  roi  l'inveftiture  d'une 
grande  feigneurie,  cette  feigneurie  étoit  appellée  ba- 
ronie ,  mais  plus  ordinairement  un  honneur,  honour, 
comme  Yhonour  de  Gloucefler ,  Yhonour  de  Walling- 
ford  ,  Y  honour  de  Lancafler ,  Yhonour  de  Richemond  ,  6c 
de  même  des  autres.  Il  y  avoit  en  Angleterre  des  ho- 
nours  déiignés  par  des  noms  Normands  ou  par  d'au- 
tres noms  étrangers ,  c"eft-à-dire  que  quelquefois  ils 
avoient  un  nom  Anglois ,  quelquefois  un  nom  étran- 
ger; cela  arrivoit  quand  la  même  perfonne  étoit  fei- 
gneur 


BAR 

gneur  d'un  ko'nour  en  Normandie  ou  dans  quelqu'ali- 
tre  province  étrangère ,  &  en  même  tems  feigneur 
d'un  honour  en  Angleterre  ;  par  exemple  ,  Guillaume 
de  Forz  ,  de  Force  ou  de  Fortibus  étoit  feigneur  de 
X honour  dy Alhrmale  en  Normandie  ;  il  étoit  aufîî  Iei- 
gneur de  deux  honours  en  Angleterre ,  favoir  Y  honour 
de  Holdcrncfs  &cYhonouràe  Skipton  en  Cravene.  En 
Angleterre  on  nommoit  quelquefois  ces  honours  du 
■nom  Normand,  Yhonour  d'Albemarle  ou  Y  honour  du 
comte  d'Albemarle.  De  même  le  comte  de  Bretagne 
ctoit  feigneur  de  Yhonour  de  Bretagne  en  France,  &C 
de  celui  de  Richemond  en  Angleterre.  On  appelloit 
quelquefois  Yhonour àe  Richemond  du  nom  étranger, 
1' 'honour  de  Bretagne  ou  Yhonour  au  comte  de  Breta- 
gne ,  non  qu'Albemarle  ou  la  Bretagne  fuflcnt  en  An- 
gleterre ,  mais  parce  que  la  même  perfonne  étoit  ref- 
peclivement  feigneur  de  chacun  de  ces  honours  en 
France ,  &c  de  chacun  de  ces  honours  en  Angleterre. 
Voye^  Madox ,  hiji.  des  Baronies ,  &c. 

Les  baronies  qui  appartiennent  à  des  évêques  ,  & 
qui  font  par  quelques-uns  dénommées  regalia  ,  parce 
qu'elles  dépendent  abfolument  de  la  pure  libéralité 
du  prince ,  ne  conlîftent  point  en  une  feule  baronie , 
mais  en  plufieurs;  car ,  tôt  erant  baroniœ ,  quot  majora 
prœdia. 

Suivant  Brafton,  une  baronie  eft  un  droit  indivifi- 
ble  ;  c'en"  pourquoi  s'il  s'agit  de  partager  un  héritage 
entre  co-héritiers  ,  quoique  l'on  puifîe  diviler  quel- 
ques maifons  principales  &c  les  pièces  de  terre  qui  en 
dépendent:  fi  néanmoins  la  maifon  principale  eft  le 
chef-lieu  d'un  comté  ou  d'une  baronie ,  on  ne  peut  la 
morceler;  en  voici  la  raifon  :  le  partage  de  ces  fortes 
de  biens  anéantirait  infenfiblement  plufieurs  droits 
privatifs  des  comtés  &  des  baronies,  ce  qui  tourne- 
rait au  préjudice  de  l'état,  qui  eft  compoie  de  comtés 
&  de  baronies.  ((?) 

*  Baronies  (les),  Giog.  contrée  de  France, 
dans  le  Dauphiné  ,  ainfi  appellée  des  deux  baronies 
de  Meuoillon  &  de  Montauban ,  dont  elle  eft  com- 
pofée. 

BAROSCOPE ,  f.  m.  {Phyfiq.  )  ce  mot  vient  de 
fiâpcç ,  onus ,  poids,  &  ntowés),  video,  je  vois;  ma- 
chine inventée  pour  faire  connoitre  les  changemens 
du  poids  de  l'atmofphere.  Voye^  Baromètre. 

Le  barofeope  ne  fait  qu'indiquer  ou  faire  voir  les 
changemens  du  poids  de  l'atmofphere  ;  le  baromètre 
les  mefure  par  des  degrés  ou  divifions  qui  font  pla- 
cés le  long  du  tuyau  ;  ainfi  ces  degrés  ou  divifions 
font  toute  la  différence  du  baromètre  au  barofeope. 
Au  refte  il  n'y  a  plus  aujourd'hui  de  barofeope  qui  ne 
foit  baromètre ,  &  ces  deux  noms  défignent  abfolu- 
ment le  même  infiniment.  (O) 

BAROTINS.   ^oy^BARROTINS. 

BAROTS.  Voyei  Barrots. 

*  BARQUES  ,  f.  f.  {Hifl.  anc.  &  Navig.)  petits 
bâtimens ,  capables  de  porter  fur  les  rivières  &  mê- 
me fur  la  mer  le  long  des  côtes ,  Cv  les  premiers ,  fé- 
lon toute  apparence ,  que  les  hommes  ayent  conf- 
truits.  On  navigea  anciennement  fur  des  radeaux  ; 
dans  la  fuite  on  borda  les  radeaux  de  claies  faites 
d'ofier  ;  telles  étoient  les  barques  d'UlyfTe,  &  celles 
des  ha'bitans  de  la  Grande-Bretagne  au  tems  de  Cé- 
iar  ;  ils  font ,  dit-il ,  des  carènes  de  bois  léger ,  le  rtfle 
ejl  de  claies  d'ojîer  couvertes  de  cuir.  Les  anciens  ont 
donc  eu  des  barques  de  cuir  coufucs  ;  fans  cela  il  n'eft 
guère  pofTïble  d'entendre  le  cymbafutilis  de  Virgile  : 
mais  ce  qui  doit  paroître  beaucoup  plus  incroyable  , 
c'eft  qu'ils  en  ayent  eu  de  terre  cuite.  Cependant 
Strabon  ,  dont  la  bonne  foi  eft  reconnue  ,  dit  des 
Egyptiens  ,  qu'ils  navigent  avec  tant  de  facilite' ,  que 
quelques-uns  même  Je  fervent  de  bateaux  de  terre;  6c  il 
parloit  d'un  fait  qui  fe  pafloit  de  Ion  tems.  Si  Ton 
croit  aux  barques  de  terre  cuite. des  Egyptiens  fur  le 

Tome  II, 


BAR 


89 


témoignage  de  Strabon ,  on  ne  pourra  guère  rejetter 
les  bateaux  de  terre  cuite ,  voguant  à  l'aide  de  ra- 
mes peintes ,  fur  lefquels  Juvenal  lance  à  l'eau  les 
Agathyrfes.  Mais  ce  n'eft  pas  tout  :  les  Egyptiens  en 
ont  confirait  avec  la  feuille  même  de  cet  arbre  fur 
laquelle  ils  écrivoient ,  &  le  philofophe  Plutarque  ra- 
conte des  merveilles  de  ces  petits  bâtimens  ;  il  nous 
aiTûre ,  dans  fon  traité  d'Ifis  &  d'Ofiris ,  que  les  cro- 
codiles, qui  nuifoient  fouvent  à  ceux  qui  alloient  fur 
de  petites  barques ,  refpecloient  ceux  qui  montoient 
des  barques  de  Papyrus ,  en  mémoire  d'îlis,  qui  avoit 
une  fois  navigé  fur  un  bâtiment  de  cette  efpece.  Les 
feuilles  du  papyrus  étoient  larges  &  fortes ,  &  fur  la 
réfiftance  qu'on  leur  trouve  dans  quelques  livres  an- 
ciens qui  en  font  faits ,  le  P.  Montfaucon  a  compris 
qu'on  pouvoit  ,  en  les  coufant  enfemble  &  en  les 
poifTant ,  en  former  des  barques.  Plufieurs  auteurs 
nous  affûrent  qu'aux  Indes  on  en  confirait  d'un  feul 
rofeau  à  nœuds  &  vuide  en -dedans  ;  mais  fi  gros  , 
dit  Héliodore ,  qu'en  prenant  la  longueur  d'un  nœud 
à  un  autre ,  &  le  coupant  en  deux  par  le  milieu  des 
nœuds,  on  en  formoit  deux  bateaux.  Le  témoignage 
d'Héliodore  eft  un  peu  modifié  par  celui  de  Diodore 
&  de  Quinte-Curce ,  qui  nous  font  entendre ,  non 
pas  qu'on  fît  deux  bateaux  avec  un  morceau  de  can- 
ne ,  mais  qu'on  faifoit  fort  bien  un  bateau  avec  plu- 
fieurs morceaux  de  canne.  Combien  de  faits  dont 
le  merveilleux  s'évanoiiiroit ,  ii  l'on  étoit  a  portée 
de  les  vérifier  ?  Les  Ethiopiens ,  à  ce  que  dit  Pline , 
avoient  des  barques  pliables,  qu'ils  chargeoient  fur 
leurs  épaules  &  qu'ils  portoient  au  bas  des  énormes 
chûtes  d'eau  du  Nil ,  pour  les  remettre  fur  le  fleuve  & 
s'embarquer.  Scheffer  croit  que  c'étoient  des  peaux 
tendues  par  des  ais  circulaires ,  fans  poupe  ni  proue. 
Les  fauvages  d'Amérique  creufent  des  arbres  d'une 
grandeur  prodigieufe  ,  fur  lefquels  ils  s'embarquent 
au  nombre  de  30  à  40  hommes,  &  s'en  fervent,  fans 
autre  préparation  ,  pour  faire  par  mer  des  voyages 
de  70  à  80  lieues  :  voilà  les  premiers  pas  de  la  navi- 
gation. Bien-tôt  on  fît  les  barques  de  matériaux  plus 
folides  que  la  peau ,  la  terre ,  &  le  jonc.  Dans  la  fuite 
on  abattit  les  chênes,  l'on  affembla  les  planches  &: 
les  poutres ,  &  les  mers  furent  couvertes  de  vaif- 
lcaux.  Mais  qu'étoient-cc  encore  que  les  vaiiïeaux 
des  anciens  en  comparaifon  des  nôtres  ?  f^oy.  Navi- 
gation, Vaisseau,  Bâtiment,  &  Canot. 

Barque  (Marine')  ;  on  donne  particulièrement  ce 
nom  à  un  petit  bâtiment  de  mer,  qui  n'a  qu'un  pont 
&C  trois  mâts ,  le  grand ,  celui  de  milene,  &  celui  d'ar- 
timon. Les  plus  grandes  ne  pafîént  guère  cent  ton- 
neaux; les  barques  de  la  Méditerranée  font  appareil- 
lées à  voiles  latines  ou  à  tiers  point.  En  général  on 
donne  le  nom  de  barque  à  différens  petits  bâtimens 
qui  n'ont  point  de  hune  ,  &  qui  fervent  à  porter  des 
munitions ,  &£  à  charger  &  décharger  un  navire. 

Barque  d'avis  ;  c'eft  celle  qu'on  envoyé  pour  por* 
ter  des  nouvelles  d'un  vaifTeau  à  l'autre. 

Barque  longue  ;  c'eft  un  petit  bâtiment  qui  n'eft 
point  ponté ,  &  plus  bas  de  bord  que  les  barques  or- 
dinaires, aigu  par  fon  avant,  &  qui  va  à  voiles  &  à 
rames  ;  il  a  le  gabarit  d'une  chaloupe.  On  l'appelle 
en  plufieurs  endroits  double  chaloupe. 

Barque  droite  ;  c'efl  un  commandement  qu'on  fait  à 
ceux  qui  font  dans  une  chaloupe  ,  de  fe  placer  éga- 
lement ,  pour  qu'elle  aille  droite  fur  l'eau  fans  pen- 
cher plus  d'un  côté  que  de  l'autre. 

Barque  en  fagot  ;  c'eft  tout  le  bois  qu'il  faut  pour 
conftruireune/W^w*:,  qu'on  porte  taillé  dans  un  vain 
feau ,  &  qu'on  peut  aflémbler  dans  le  lieu  où  l'on  en 
a  befoin. 

Barque  à  eau  ;  ce  font  des  petits  bâtimens  dont  on 
fe  fert  en  Hollande  pour  tranfporter  de  l'eau  douce 
aux  lieux  où  l'on  en  manque,  Ôi.  de  l'eau  de  me  pont 


9° 


BAR 


faire  du  fel  ;  ils  ont  un  pont ,  &  on  les  remplit  d'eau 
juSqu'au  pont.  Voye^  Bateau. 

Barque  de  vivandier  ;  c'eft  celle  qu'un  vivandier 
promené  fur  l'eau  le  long  des  quais  ou  autour  des 
Vaiffeaux,  pour  y  vendre  des  vivres.  (Z) 

BARQUE  ,  en  terme  de  Brafferie  ,  eft  une  efpece  de 
baflin  de  bois  de  chêne  fait  avec  des  planches ,  de  fi- 
gure quarrée  ;  il  Sert  aux  Braffeurs  à  mettre  leurs  mé- 
tiers lorsqu'ils  les  retirent  des  chaudières  ou  des 
cuves. 

BARQUEROLLE  ,  BARQUETTE  ,  f .  f .  (  Ma- 
rine. )  bâtiment  médiocre  de  voiture  fansaucunmât, 
qui  ne  va  qu'à  la  rade  &c  de  beau  tems ,  Sans  jamais 
le  haSarder  en  haute  mer. 

BARRA ,  (  Commerce.  )  que  l'on  appelle  quelque- 
fois barro  ;  meSure  de  longueur  dont  on  fe  lért  en 
Portugal  pour  meiùrer  les  draps ,  lérges  ,  toiles,  &c. 
les  fix  barras  font  dix  cabidos  ou  cavidos ,  &  chaque 
-cabidos  fait  quatre  Septièmes  d'aunes  de  Paris.  Foy. 
Cabidos. 

Barra  eft  encore  une  mefure  de  longueur  qui  fert 
en  quelques  endroits  d'ESpagne  à  mefurer  les  étoffes  ; 
c'eft  la  même  chofe  que  la  verge  de  Séville.  Voye^ 
Verge.  (G) 

*  Barra  ,  (  Géog.  )  île  de  l'Océan  à  l'occident  de 
l'Ecoffe.  Long.  10.  bat.  56.  40. 

Il  y  a  un  petit  royaume  de  ce  nom  dans  la  Ni- 
gritie. 

*  Barra  ,  (  Géog.  )  ville  del'AbyrTinie  en  Afri- 
que ,  fur  le  lac  de  Zaflan ,  au  royaume  de  Gorgan  , 
entre  Zaflan  ôc  Gorgan. 

BARRACAN,  f.  m.  (Commerce.}  étoffe  forte, 
dont  la  chaîne  eft  de  laine  d'eftame,  retorSe  ,  la  tra- 
me à  l'ordinaire  ,  &  qui  fe  fabrique  comme  le  drap  ; 
le  nombre  des  fils  eft  plus  conSidérable  ,  proportion 
gardée  ,  que  dans  les  autres  étoffes  ,  parce  que  cel- 
le-ci ne  va  point  au  foulon  :  il  faut  par  la  même  rai- 
ion  qu'elle  foit  frappée  extraordinairement  fort.  V. 
la  manufacture  de  drap  à  F  article  DRAPERIE.  Elle  eft 
au  fortir  du  métier  telle  qu'elle  fera  employée. 

BARRACANÏERS  ,  f.  m.  ouvriers  qui  font  lebarra- 
can.  Voye^  BARRACAN. 

BARRAGE  ,  (  Commerce.  )  droit  établi  pour  la  ré- 
fection des  ponts  &  partages ,  &  particulièrement  du 
pavé.  Ce  droit  s'appelle  ainfi  à  caufe  des  barres  ou 
barrières  qui  traverfent  le  chemin  aux  entrées  des 
villes  &  autres  lieux  où  ce  droit  eft  établi.  Il  n'y  a  guè- 
re que  les  voituriers  qui  le  payent  pour  leurs  char- 
riots  ,  charrettes ,  &  chevaux  de  fomme.  Il  y  a  ce- 
pendant des  lieux  où  toutes  les  voitures  en  général, 
&  même  les  gens  de  pié  ,  ont  coutume  de  le  payer. 
Il  eft  inégal ,  &  plus  ou  moins  fort  félon  les  lieux. 

Les  barrages  ,  &  entr'autres  celui  de  Paris  ,  appar- 
tenans  au  Roi ,  formoient  autrefois  une  ferme  parti- 
culière ,  qui  eft  maintenant  réunie  à  celle  des  aides. 
Le  droit  de  barrage  fe  paye  à  Paris  fur  tout  ce  qui  y 
entre  &  arrive ,  foit  par  terre  foit  par  eau.  Voye^  fur 
cette  matière  les  détails  dans  lefquels  entre  M.  Sa- 
vary ,  Diclionn.  du  Commerce ,  tom.  I.  page  86z  & 
863. 

BARRAGER  ,  commis  établi  aux  barrières  pour 
faire  payer  &  recevoir  les  droits  de  barrage.  Voye^ 
Barrage.  (G) 

*  BARRAUX  ,  (  Géog.  )  ville  de  France  dans  le 
Dauphiné  ,  à  l'entrée  de  la  vallée  de  Grélîvaudan  , 
fur  l'Ifer. 

BARRE  ,  f.  f.  ce  terme  pris  grammaticalement  a 
plufieurs  acceptions  différentes  ,  entre  lef  quelles  les 
deux  fuivantes  font  les  plus  générales.  Il  fe  prend  ou 
pour  un  morceau  de  bois  ,  de  fer ,  ou  d'autre  matiè- 
re, rend,  quarré  ,  ou  à  pans  ,  dont  la  largeur  &l'é- 
paiffeur  font  peu  confidérables  par  rapport  à  la  lon- 
gueur ;  ou  pour  une  ligne  tracée  foit  fur  la  pierre 


BAR 

foit  fur  le  papier.  Dans  le  premier  cas  il  change  quel- 
quefois de  nom ,  félon  la  matière  &  la  force  ;  & 
quoique  l'on  dife  une  barre  de  fer  ou  de  bois  ,  on  dit 
un  lingot  d'or  ou  d'argent ,  une  tringle  de  fer  ,  un 
fil  d'archal.  Voye^  plus  bas  d'autres  acceptions  du 
mot  barre. 

Barre  ,  en  terme  de  Palais  ,  dénote  une  enceinte 
de  menuiferie ,  haute  de  trois  ou  quatre  pies ,  der- 
rière laquelle  les  avocats  font  placés  pour  y  plaider 
des  caufes.  ^oye{  Cour. 

On  l'appelle  en  quelques  endroits  barre  a" audience  , 
&  dans  d'autres  auditoire  :  eile  répond  à  ce  qui 
étoit  appelle  parmi  les  Romains  caufidica.  On  l'ap- 
pelle barre  parce  qu'elle  eft  formée  par  une  barriè- 
re ,  appellée  auffi  par  des  auteurs  cancelli ,  barreaux, 
&  caulœ  ,  parc  ,  par  une  métaphore  prife  d'un  lieu 
où  parquent  les  moutons. 

La  dénomination  de  barre  ou  barreau  eft  aufîï  don- 
née aux  bancs  où  les  gens  de  loi  ou  les  avocats  font 
affis.  à  caufe  de  la  barre  ou  barrière  qui  fépare  les 
confeillers  ,  des  plaideurs  ,  procureurs  &  autres. 

En  Angleterre  les  gens  de  loi  qui  font  appelles 
à  la  barre ,  c'eft-à-dire ,  qui  ont  leur  licence  pour 
plaider  ,  appelles  licentiati ,  ou  licentiés  ,  font  nonv 
mes  barriflers.  Voye^kv>\OCk.T. 

Barre  s 'eft  dit  auffi  d'une  exception  contre  une 
demande  ou  plainte.  Voye^  Exception. 

L'auteur  des  termes  de  pratique  définit  barre  un 
moyen  rapporté  par  le  défendeur  dans  un  procès , 
par  lequel  l'acf  ion  du  demandeur  eft  détruite  pour 
toujours. 

On  diftinguoit  la  barre  en  perpétuelle  Se  temporelle. 

Barre  perpétuelle  eft  celle  qui  éteint  l'adion  pour 
toujours. 

Barre  temporelle  ,  n'eft  qu'une  exception  dilatoire. 
ï'oyei  Dilatoire.  (H) 

*  Barre -sacrée  ,  (  Hifi.  anc.  Myth.  )  infini- 
ment de  bois  en  forme  de  caffette  ,  partagé  par  deux 
feeptres  pofés  en  fautoir ,  dont  les  Égyptiens  fe  fer-» 
voient  dans  leurs  facrifices  &  pour  leurs  divinations» 
Kirker.  Obel.  Pamph.  &  Œdip.  jEgypt. 

Barres  ,  (Hijl.  mod.  )  mot  dont  On  s'eft  autre- 
fois fervi  pour  exprimer  un  exercice  d'hommes  ar- 
més &  combattans  enfemble  avec  de  courtes  épées, 
dans  un  efpace  fermé  de  barreaux  ou  barrières  qui 
les  léparoient  des  fpecfateurs.  ^ôyrçLiCE.  (G) 

Barres  ,  (Jeu.  )  eft  encore  le  nom  que  les  jeunes 
gens  donnent  à  un  jeu  qui  confifte  à  fe  féparer  en 
deux  troupes ,  à  venir  fe  provoquer  réciproquement, 
à  courir  les  uns  contre  les  autres  entre  des  limites 
marquées  ;  en  forte  que  fi  quelqu'un  de  l'un  ou  de 
l'autre  parti  eft  pris  par  fes  adverfaires ,  il  demeure 
prifonnier  jufqu'à  ce  que  quelqu'un  de  fon  parti  le 
délivre ,  en  l'emmenant  malgré  les  pourfuites  du  parti 
contraire.  (G) 

Barres  (  en  Mufique  )  ,  font  des  traits  tirés  per- 
pendiculairement à  la  fin  de  chaque  mefure  fur  les 
lignes  de  la  portée ,  pour  féparer  la  mefure  qui  finit 
de  celle  qui  recommence.  Ainfi  les  notes  contenues 
entre  deux  barres  forment  toujours  une  mefure  com- 
plète ,  égale  en  valeur  &  en  durée  à  chacune  des 
autres  mefures  comprifes  entre  deux  autres  barres, 
tant  que  le  mouvement  ne  change  pas.  Mais  comme 
il  y  a  plufieurs  fortes  de  mefures  qui  différent  con- 
sidérablement en  durée  ,  les  mêmes  différences  fe 
trouvent  dans  les  valeurs  contenues  entre  les  deux 
barres  de  chacune  de  ces  efpeces  de  mefures.  Ainfi 
dans  la  meSure  à  3  tems  qui  Se  marque  par  ce  Signe  \, 
&  qui  Se  bat  lentement ,  la  Somme  des  notes  com- 
prises entre  deux  barres  doit  faire  une  ronde  &  de- 
mie ;  &  dans  cette  autre  meSure  à  trois  tems  | ,  qui 
Se  bat  vîte  ,  la  même  Somme  ne  Sait  que  trois  cro- 
ches ;  de  forte  que  quatre  fois  la  valeur  contenue 


BAR 

«ntre  deux  barres  de  cette  dernière  mefure  ,  ne  font 
qu'une  fois  la  valeur  contenue  entre  deux  barres  de 
l'autre. 

Le  principal  ufage  des  barres  eft  de  distinguer  les 
mefures ,  &  d'en  indiquer  le  frappé  qui  le  fait  tou- 
jours fur  la  note  qui  fuit  immédiatement  la  barre.  El- 
les fervent  aufTi  dans  les  partitions  à  montrer  les  me- 
fures correfpondantes  dans  chaque  portée.  Voy.  Par- 
tition. 

Il  n'y  a  guère  que  cent  ans  qu'on  s'eft  avifé  de  ti- 
rer des  barres  de  mefure  en  mefure  :  auparavant  la 
mufique  étoit  fimple  ;  on  n'y  voyoit  guère  que  des 
rondes  ,  des  blanches  &  des  noires  ,  peu  de  croches, 
prefque  jamais  de  doubles  croches ,  avec  des  divi- 
sions moins  inégales  ;  la  mefure  en  étoit  plus  aifée 
à  fuivre.  Cependant  j'ai  vu  nos  meilleurs  Muficiens 
fe  trouver  embarraffés  à  bien  exécuter  l'ancienne 
mufique  d'Orlande  &  de  Goudimel  :  ils  fe  perdoient 
dans  la  mefure,  faute  des  barres  auxquelles  ils  étoient 
accoutumés ,  &  ne  fuivoient  qu'à  peine  des  parties 
chantées  autrefois  couramment  par  les  Muficiens 
d'Henry  III.   (  S  ) 

Barre  ,  en  terme  de  Blafon  ,  dénote  une  pièce  ho- 
norable qui  reffemble  de  près  à  la  bande  ,  dont  elle 
ne  diffère  qu'en  ce  qu'elle  eft  plus  étroite,  &  en  ce 
que  la  barre  peut  être  placée  dans  telle  partie  du 
champ  qu'on  veut  ;  au  lieu  que  la  fafee  ou  bande  eft 
confinée  à  un  feul  endroit.  Voye^  Fasce.  (  V") 

Barre  ,  en  Fauconnerie  ,  fe  dit  des  bandes  noires 
qui  traverfent  la  queue  de  l'épervier. 

Barre  ,  (  Commerce.  )  mefure  de  longueur  dont 
on  fe  fert  en  Efpagne  pour  mefurer  les  étoffes  ,  ainfi 
qu'on  fait  de  l'aune  en  France. 

Il  y  a  trois  fortes  de  barres  ;  celle  de  Valence,  celle 
de  Caftille  ,  &  celle  d'Arragon. 

La  barre  de  Valence  contient  deux  pies  neuf  pou- 
ces fept  lignes  ,  qui  font  dix  treizièmes  de  l'aune  de 
Paris  ;  de  manière  que  treize  barres  de  Valence  font 
dix  aunes  de  Paris. 

La  barre  de  Caftille  contient  deux  pies  fept  pouces 
deux  lignes  &c  un  peu  plus  ,  qui  font  cinq  îèptiemes 
de  l'aune  de  Paris  ;  ainli  fept  barres  de  Caftille  font 
cinq  aunes  de  Paris. 

La  barre  d'Arragon  eft  à  quelques  lignes  près  fem- 
blable  à  celles  de  Valence  &  de  Caftille  ;  en  forte 
que  trois  barres  d'Arragon  font  deux  aunes  de  Paris. 

(G) 

Barre  ,  (  Marine.  )  c'eft  un  amas  de  fable  ou  de 
vafe  qui  fe  forme  à  l'entrée  des  rivières  ou  des  ports, 
&  qui  la  bouchent  de  façon  qu'on  n'y  peut  arriver 
que  de  haute  mer  ,  ou  quelquefois  par  des  ouvertu- 
res &  des  intervalles  qu'on  y  trouve  ,  &  qui  forment 
des  paffes  qu'on  appelle  chenal.  Ces  fortes  d'endroits 
s'appellent  havre  de  barre ,  rivière  de  barre.  Voye^  HA- 
VRE.  (Z) 

Barre  :  ce  mot ,  dans  la  Marine,  fe  joint  à  plu- 
fieurs  autres,  &c  a  des  Significations  particulières, 
dont  on  peut  voir  ci-deflous  les  principales. 

Barres  d'arcaffe  ;  c'eft  un  terme  commun  à  la  gran- 
de barre  d'arcalTe ,  ou  liffe  de  hourdi ,  &  aux  petites 
barres  d'arcaflè ,  ou  barres  de  contr'arcaffe  ou  contre- 
liffes  ;  elles  font  toutes  à  l'arcaffe  du  vaiffeau ,  &  le 
Soutiennent.  La  grande  barre  d'arcaffe  eft  la  plus  hau- 
te ,  &  pofe  par  ion  milieu  fur  le  haut  de  l'étambord, 
&  par  les  bouts  fur  les  eftains  ;  c'eft  le  dernier  des 
bouts  de  l'arriére  qui  affermit  la  poupe.  Voye^Và  po- 
sition de  la  grande  barre  d'arcafTc  ,  PL  IV.Jig.  Z.  &C 
la  forme  de  cette  pièce,  Plan.  Vl.fig.  Jf).  Voye^ 
Lisse  de  hourdi. 

Barres  iïarcafjes  ,  contreliffes  ,  barres  de  contr'ar- 
caffe ;  ce  font  celles  qui  fe  pofent  au-deffous  de  la 
liffe  de  hourdi;  elles  font  affemblées  à  queue  d'aron- 
de  dans  les  eftains  ik.  avec  l'étambord  par  une  en- 
Tome  II, 


BAR 


91 


taille  qu'on  leur  fait.  Voye^_  leur  pofition ,  Plan.  IV. 
fig.i.  n°  11. 

Barre  de  pont  ;  c'eft  une  autre  barre  d'arcafTe  fur 
laquelle  on  pofe  le  bout  du  pont  du  vaiffeau  ;  elle  eft 
parallèle  &  prefque  femblable  à  la  liffe  de  hourdi.  V. 
laPl.IV.fig.  r.tfi  10. 

Barre  d'arcajfè  de  couronnement  ;  c'eft  une  longue 
pièce  de  bois  qui  lie  le  haut  du  vaiffeau  parfon  cou- 
ronnement. Voye^  PI.  Ill.jîg.  1.  le  couronnement  du 
vaiffeau  coté  N  N. 

Barres  de  cabefian  ;  ce  font  des  pièces  de  bois 
quarrées  qui  fervent  à  faire  virer  le  cabeftan.  Voyc^ 
Cabestan. 

Barres  de   virevattx  ,  voye^  Vl  RE  VAUX. 

Barres  d'ecoutille  ;  ce  font  des  traverfes  de  bois  ,' 
ou  des  pièces  de  bois  étroites  qui  traverfent  les  pan- 
neaux des  écoutilles  par-deffous ,  pour  en  tenir  les 
planches  jointes  :  quelques-uns  les  appellent  taquets 
de  panneaux. 

Barre  de  Gouvernail,  (Marine.)  c'eftune  lon- 
gue pièce  de  bois ,  qui  d'un  bout  entre  dans  une 
mortoife  qui  eft  dans  la  tête  du  gouvernail  pour  le 
faire  mouvoir  ,  &  l'autre  bout  eft  attaché  avec  une 
cheville  de  fer  à  une  boucle  de  même  métal  à  la  barre 
nommée  manuelle  ,  que  le  timonier  tient.  V.  PI.  IV. 
Jig.  l.  la  barre  du  gouvernail  cotée  177. 

Ce  terme  de  barre  eft  équivoque  ;  on  le  prend  quel- 
quefois pour  le  timon  ,  tx.  quelquefois  pour  la  ma- 
nuelle ou  la  manivelle.  V.  Timon  &  Manivelle. 

Changer  la  barre  du  gouvernail ,  c'eft  la  taire  tour- 
ner d'un  autre  côté. 

Barre  à  bord  :  barre  de  gouvernail  toute  à  bord, 
c'eft-à-dire ,  pouffée  contre  le  côté  du  vaiffeau ,  ou 
auffi  loin  qu'elle  peut  aller. 

Pouffe  la  barre  à  arriver  ;  c  'eft  lorfqu'on  veut  or- 
donner au  timonier  de  pouffer  la  barre  au  vent  ,  en 
forte  que  le  vent  donne  à  plein  dans  les  voiles  pour 
arriver. 

Pouffe  la  barre  à  venir  au  vent,  ou  pouffe  la  barre  fous 
le  vent  ;  c'eft  afin  de  faire  venir  le  vaiffeau  au  lof, 
c'eft-à-dire  ,  mettre  la  barre  fous  le  vent  pour  virer. 

BARRES  de  hune  (  Marine.  )  barreaux  ,  tijfeaux  ;  ce 
font  quatre  pièces  de  bois  mifes  de  travers  l'une  fur 
l'autre  ,  qui  font  faillie  autour  de  chaque  mât,  au- 
deffous  de  la  hune  ,  pour  la  foùtenir  ,  &  même  pour 
fervir  de  hune  aux  mâts  qui  n'en  ont  point.  Elles  font 
pofées  en  croix  au-deffous  du  ton  des  mâts  ,  &  fer- 
vent à  foùtenir  les  haubans  ,  les  mâts  de  hune  ,  les 
perroquets ,  les  effais  &  diverfes  manœuvres  Se  pou- 
lies. Elles  font  un  peu  arquées ,  le  concave  en  dedans  ; 
voyeç_  à  la  Planche  première  ,  aux  articles  des  M  ATS  , 
les  chiffres  iz  ,  13  &1  1-4,  le  ton  ,  le  chouquet  &  la  hu~ 
ne  ;  au-deffous  font  placées  les  barres ,  barreaux  ou 
teffeaux.  Leur  croix  traverfe  le  vaiffeau  par  le  mi- 
lieu 6c  de  bord  à  bord  ;  aux  angles  de  ces  barres ,  il 
y  a  de  petits  cops  de  mouton,  par  où  font  amarres  de 
petits  haubans  qui  traverfent  aux  grands  haubans 
pour  les  affermir ,  voye[  à  la  Planche  première  ,  le  chif- 
fre 14 ,  ces  petits  haubans. 

Les  barres  des  perroquets  fervent  à  tenir  le  bâton 
du  pavillon.  On  donne  autant  de  longueur  aux  barres 
de  hunes ,  que  le  fond  de  la  hune  a  de  largeur. 

Les  grandes  barres  de  hune  d'un  vaiffeau  de  cent 
trente-quatre  pies  de  long  de  l'étrave  à  l'étambord, doi- 
vent avoir  cinq  pouces  &  demi  d'épais ,  &  fept  pou- 
ces &  demi  de  large  ;  toutes  les  autres  font  moins  lar- 
ges à  proportion ,  &  auffi  plus  plates  &  plus  min- 
ces ;  leur  longueur  doit  être  d'environ  neuf  pies  & 
demi. 

Celles  du  mât  de  mifene  doivent  avoir  huit  pies  & 
demi  de  long. 

Celles  du  mât  d'artimon  ,  quatre  pies  &  demi. 

Celles  de  beaupré  ,  quatre  pies  &  demi ,  de  même 
que  celles  du  grand  mât  de  hune, 

M  ij 


91 


BAR 


Celles  du  mat  de  hune  d'avant  doivent  avoir  trois 
pies  &  demi. 

Celles  du  perroquet  de  fougue,  deux  pies. 

Celles  du  grand  perroquet ,  &  du  petit  beaupré , 
deux  pies. 

Celles  du  perroquet  de  mifene ,  un  pie  &  demi  au 
moins. 

Ces  mefures  ne  font  pas  invariables  ;  il  y  a  des 
conllru&eurs  qui  prétendent  que  la  longueur  des  bar- 
res de  hum ,  qui  font  placées  dans  la  longueur  de  pou- 
pe à  proue  ,  doit  être  du  tiers  de  la  largeur  du  vaii- 
feau  ,  que  chaque  fix  pies  de  leur  longueur  leur  doit 
donner  cinq  pouces  d'épaifTeur  de  haut  en  bas  ,  & 
que  leur  largeur  doit  être  des  quatre  cinquièmes  par- 
ties de  leur  épaiïTeur. 

A  l'égard  de  celles  qui  font  pofées  dans  la  largeur 
du  vaifléau  ,  ou  qui  le  traverfent  d'un  bord  à  l'autre  ; 
elles  doivent  être  un  peu  plus  courtes ,  quoiqu'égales 
en  largeur  :  mais  en  épaifleur  de  haut  en  bas  ,  elles 
doivent  avoir  auffi  un  quart  moins  que  de  largeur. 

Les  barres  de  hune  du  mât  de  mifene  doivent  être 
d'une  fixieme  partie  plus  courtes  que  celles  du  grand 
mât.  Les  barres  du  mât  d'artimon  à  peu  près  la  moitié 
de  celles  du  grand  mât ,  tant  en  longueur  ,  largeur , 
qu'épaifTeur.  Celles  de  beaupré ,  qui  doivent  être  po- 
fées tout-à-fait  de  niveau, ont  les  mêmes  proportions 
que  celles  de  l'artimon ,  auffi-bien  que  celles  du  grand 
mât  de  hune ,  &  celles  du  mât  de  hune  d'avant  doi- 
vent être  d'une  dixième  partie  plus  petites. 

Les  barres  de  hune  du  grand  perroquet  doivent  être 
en  toutes  proportions  de  la  moitié  de  celles  du  grand 
mât  de  hune  :  il  en  doit  être  de  même  à  l'égard  des 
barres  du  mât  de  hune  d'avant  :  celles  du  perroquet 
d'artimon  doivent  être  un  peu  plus  petites  que  celles 
du  grand  perroquet ,  &  celles  du  perroquet  de  beau- 
pré leur  doivent  être  égales. 

Barres  de  cuifine  ;  ce  font  des  barres  de  fer  qui  fer- 
vent à  foûtenir  les  chaudières  qu'on  met  fur  le  feu  ; 
elles  font  pofées  de  long  &c  de  travers  dans  les  cuifi- 
nes  des  vaifTeaux. 

Barres  ou  Barrières  des  ports  (  Marine.  )  ce  font 
de  longues  poutres  dont  on  ferme  les  entrées  des 
ports  ,  mais  plus  fouvent  on  fe  fert  de  chaînes.  (Z) 

Barre  ,  terme  de  rivière ,  pièce  de  bois  dans  une 
éclufe  ,  qui  foûtient  les  aiguilles. 

Barre  ,  terme  de  rivière  ,  certain  flot  particulier  à 
la  rivière  de  Seine  ;  ce  flot  efl  haut  environ  de  deux 
pies  ,  &  vient  fort  impétueufement  avec  le  flux  de 
la  mer  ,  ce  qui  le  rend  dangereux  pour  les  batteaux 
mal  fermés. 

La  barre  n'eft  fenfible  que  jufqu'au  Pont-de-1' Ar- 
che. 

Barres  (  Manège.  )  ce  font  les  parties  les  plus  hau- 
tes de  la  gencive  du  cheval ,  où  il  n'y  a  jamais  de 
dents  ;  elles  font  fituées  entre  les  dents  mâchelieres 
&  les  crochets  de  part  &  d'autre  de  la  bouche  ; 
c'elt  où  fe  fait  l'appui  du  mors  de  la  bride  ,  qui  fert 
à  conduire  le  cheval.  C'efl  un  défaut  à  cet  animal 
d'avoir  les  barres  rondes  &  peu  fenfibles  ;  car  encore 
que  le  canon  fnnple  (  voye^  Canon  )  porte  fur  la 
langue  ,  les  barres  ne  laiflent  pas  d'en  refïentir  l'effet 
au  travers  ,  tant  elles  font  fenfibles  &  délicates.  Il 
faut  aux  chevaux  qui  ont  les  barres  rondes  &  peu  fen- 
fibles ,  un  mors  qui  en  réveille  le  fentiment ,  tel  qu'un 
mors  qui  tient  de  l'entier  ,  c'eft-à-dire  ,  qui  ne  plie 
point  dans  le  milieu  de  la  liberté  de  la  langue.  Les 
barres  tranchantes  marquent  une  bouche  extrême- 
ment fine.  On  dit  que  la  lèvre  d'un  cheval  arme  la 
barre  ,  pour  dire  qu'elle  la  couvre. 

Barre  (  Manège.  )  c'efl:  un  morceau  de  bois  gros 
comme  la  jambe  ,  rond  &  long  de  fept  à  huit  pies , 
percé  d'un  trou  à  chaque  bout ,  pour  y  arrêter  deux 
cordes ,  dont  l'une  s'attache  à  la  mangeoire  &  l'au- 
tre au  poteau.  F.  Mangeoire  ,  Pote  av.  Ce  font 


BAR 

ces  morceaux  de  bois  qui  féparent  les  chevaux  Tu» 
de  l'autre  dans  une  écurie  :  il  font  ordinairement  fuf- 
pendus  à  un  pié  &  demi  de  terre.  Les  chevaux  s'erre- 
barrent  quelquefois.  Voye^  EMBARRER.  (  V} 

Barre  d'appui  (  Architecture.  )  les  ouvriers  l'appel- 
lent platte-bande  d'appui  ou  plaque  bande  quarderonnéet 
parce  qu'il  y  a  deux  quarts  de  rond  aux  deux  côtés 
pour  adoucir  les  arrêtes  :  c'elt ,  dans  une  rampe  d'ef- 
calier ,  ou  un  balcon  de  fer  ,  la  barre  de  fer  applattie 
fur  laquelle  on  s'appuie,  &  dont  les  arrêtes  font  ra- 
battues. (P) 

*  Barre  de  godet;  c'efl  une  barre  de  fer  plat  en  vo- 
lute par  fa  partie  faillante ,  &  qui  par  l'autre  bout  qui 
porte  fur  les  entablemens  efl  à  harpon  ou  à  patte ,  & 
qui  a ,  à  un  pié  de  fa  partie  faillante ,  une  bride  pour 
foûtenir  les  bords  du  godet  de  plomb ,  communément 
dit  gouttière. 

*  Barre  de  languettes  ;  c'efl  une  barre  de  fer  plat 
toute  droite  ,  qui  fe  pofe  aux  manteaux  de  chemi- 
née ,  &  fert  à  foûtenir  la  languette  de  la  cheminée  , 
ou  fon  devant  ;  elle  efl  plus  en  ufage  pour  les  chemi- 
nées de  brique ,  que  dans  les  autres  ;  parce  que  la  bri- 
que ne  fe  foûtenant  pas  par  elle-même ,  comme  le 
plâtre ,  elle  a  befoin  de  cet  appui. 

*  Barre  de  lintot  ou  Lintot  ;  c'efl  une  barre  de  fer 
plat ,  ou  quarré  ,  qui  fe  pofe  au  lieu  de  lintots  de  bois 
aux  portes  &  aux  croifées  ;  on  en  met  auffi  aux  croi- 
fées  bandées  en  pierre  ,  pour  en  empêcher  l'écarte- 
ment. 

*  Barre  de  trémie  ;  c'efl  une  barre  de  fer  plat  coudée 
à  double  équerre  à  chacune  de  fes  extrémités  ,  & 
dont  l'ufage  efl  de  foûtenir  les  plâtres  des  foyers  des 
cheminées  ;  elle  fe  place  dans  les  trémies  obfervées 
dans  les  planchers  ,  où  elle  pofe  fur  les  folives  d'en- 
chevêtrure. 

Barre  ,  che^  les  Fontainiers  ;  on  appelle  barre  de 
foudure  une  pièce  étendue' en  long  ,  compofée  de 
plomb  &  d'étain ,  pefant  environ  18  à  20  livres.  V. 
Soudure.  (/C) 

BARRE  fendue  ,  ou  fondue  ;  verge  de  barre  fondue  ; 
petite  barre  de  deffous  ;  barre  de  derrière  ;  barre  à  aiguil- 
les ,  &c.  parties  du  métier  à  faire  des  bas.  Voye-^  l'ar- 
ticle Bas. 

Barre  ,  outil  de  Charron  ;  c'efl  une  efpece  d'effieu 
de  fer  de  la  longueur  de  quatre  pies ,  de  trois  pouces 
d'épaifTeur ,  quarré  au  milieu ,  &C  arrondi  par  les  deux 
bouts  ;  il  fert  aux  Charrons  à  conduire  deux  grandes 
roues  à  la  fois. 

Barre  {[Menuiferie.  )  s'entend  des  pièces  de  bois 
qu'on  met  aux  contrevents,  aux  portes,  &c.  pour  en- 
tretenir les  planches  enfemble.  Voyt^  1 .  z.  Plane.  IV. 
di  Menuiferie  ,fig.  J. 

Barres  à  queues  (  Menuiferie.  )  ce  font  celles  qui 
entrent  dans  les  montans ,  comme  celles  des  portes 
de  granges  ,  qui  font  à  bâtis ,  &  dont  les  barres  font 
emmanchées  à  queue  d'aronde  dans  les  montans. 

Barre  ,  che^  les  Tonneliers  ,  ell  une  pièce  de  bois 
que  ces  ouvriers  appliquent  en  travers  fur  chacun  des 
fonds  d'une  futaille,  6c  qu'ils  y  affujettiflént  avec  des 
chevilles  qui  appuient  par  un  bout  fur  cette  traverfe,' 
&  de  l'autre  entrent  dans  des  trous  pratiqués  avec  le 
barroir,  dans  ce  qu'on  appelle  le  peigne  du  jable.  La 
barre  fert  à  maintenir  les  douves  des  fonds  ,  &  empê- 
che qu'elles  ne  fe  déplacent  de  dedans  le  jable.  Voye{ 
Peigne  de  jable  &  Barroir. 

Barre  ,  terme  de  Tourneur ,  efl  un  long  morceau  de 
bois  qu'on  appelle  auffi  appui  &  fupport ,  que  l'ou- 
vrier a  devant  lui  en  tournant,  &  fur  lequel  il  appuie 
fes  outils.  Voyc{  Tour, 

Barre  à  dégager  (  Verrerie.  )  il  y  a  deux  barres  à  dé- 
gaSir  i  l'une  grande,  l'autre  petite  :  elles  ont  l'une  & 
l'autre  le  même  ufage.  Les  tifeurs  s'en  fervent  pour 
dégager  la  grille ,  &  mettre  le  four  en  fonte.  La  gran- 
de a  onze  pies  de  longueur  fur  quatorze  lignes  d  e-r 


BAR 

païffeur ,  dans  îa  partie  où  elle  eft  quarrée  ;  cette  par- 
tie équarrie  a  vingt-deux  pouces  de  long  ;  le  refte  eft 
arrondi.  La  petite  n'a  que  fept  pies  de  long. 

Barre  à  porter;  c'eft.  ainfi  qu'on  appelle ,  dans  les 
Verreries  ,  un  initi  ument  ,  ou  barre ,  qui  lert  à  tranf- 
porter  le  port  de  l'anfe  dans  la  tonnelle.  Voye^  Ver- 
rerie ,  Pot,  Tonnelle. 

Barre  à  repaffer  (  Verrerie.  )  infiniment  de  fer  ou 
de  bois  ,  dont  on  le  lert  dans  la  préparation  des  bri- 
ques ,  pour  la  conftruction  des  fourneaux  de  Verre- 
rie ou  autres.  Cette  barre  eft  quarrée  ;  elle  a  neuf  à 
dix  lignes  d'épailîeur  ;  l'ouvrier  la  tient  entre  les 
mains  ;  &c  quand  il  a  placé  les  briques  feches  dans  la 
boîte  qui  en  détermine  les  dimenfions  ,  il  applique  la 
barre  fur  les  bords  de  la  boîte  ,  il  la  tire  fortement  à 
lui  en  fuivant  toujours  les  bords ,  &  enlevé  dans  ce 
mouvement  l'excédant  de  brique. 

*  Barre  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  ,  dans  le 
Gévaudan  ,  au  diocefe  de  Mende. 

BARRÉ  (os  )  Voyez  Os  &  Hanche,  &  Dents 

BARRÉES.  Voyei  DENT. 

Barrés  ,  adjetL  (  Hift.  eccléf.  )  ancien  nom  des 
Carmes ,  que  l'on  appelloit/nvcs  Barrés ,  parce  qu'ils 
avoient  des  habits  barrés  &c  bigarrés  de  blanc  &  de 
noir,  ce  que  l'on  voit  encore  dans  les  vieilles  pein- 
tures du  cloître  de  leur  grand  couvent  de  la  place 
Maubert  à  Paris.  Voici  quelle  fut  l'occafion  de  ces 
fortes  d'habits  des  religieux  Carmes  :  les  Sarrafîns  , 
après  s'être  rendus  maîtres  de  la  Terre-fainte  ,  dé- 
fendirent à  ceux  de  cet  ordre  de  porter  capuches 
blancs ,  non  plus  qu'aucun  autre  habit  blanc  ,  parce 
que  le  blanc  étoit  parmi  eux  une  marque  de  diftinc- 
tion  &  de  noblefle.Les  Carmes  alors  furent  contraints 
de  fuivre  la  coutume  des  Orientaux ,  &  de  prendre 
des  manteaux  barriolés  :  étant  patTés  en  occident  avec 
cette  forte  d'habits  ,  ils  y  furent  appelles  les  frères 
Barrés  ,  nom  qui  eft  demeuré  à  une  rue  du  quartier 
faint  Paul ,  où  ils  eurent  leur  première  maifon,jufqu'à 
ce  qu'ils  furent  tranfportés ,  fous  le  règne  de  Philippe 
le  Bel ,  à  la  place  Maubert.  Ils  étoient  venus  en  Fran- 
ce fous  le  pontificat  d'Honoré  IV.environl'an  1285: 
mais  dans  la  fuite  ces  religieux  reprirent  leurs  pre- 
miers habits  blancs,  ainlî  que  Tritheme  le  remarque 
de  Laudibus  Camelit.  I.  VI.  Dominicus  macer.  Il  y  a  eu 
autrefois  des  gens  d'églife  qui  portoient  aufïi  des  ha- 
bits bigarrés.  On  a  vu  dans  le  cabinet  de  M.  Conrad , 
un  abbé  habillé  partie  de  noir  &  de  rouge,  juiqu'au 
bonnet ,  ainfi  que  les  confuls  de  plulieurs  villes.  Le 
concile  de  Vienne  a  défendu  aux  eccléiîaftiques  de 
tels  habits  ,  qui  étoient  appelles  vejles  virgata.  (  G  ) 

Barré  (  en  arme  de  B  la  fon  )  le  dit  lorlque  l'écu 
eft  divilé  en  forme  de  barres ,  en  un  nombre  pair 
de  partitions  ,  &  qu'il  eft  compote  de  deux  ou  de 
plulieurs  couleurs,  réciproquement  mêlées.  Il  faut 
dire  le  nombre  de  pièces  ;  par  exemple  ,  barré  de  tant 
de  pièces.  Si  les  divifions  font  en  nombre  impair , 
il  faut  d'abord  nommer  le  champ  ,  &  exprimer  le 
nombre  des  barres.  Voyez  Barre. 

Barré  Bandé  ,  terme  d'ufage,  lorfque  FécufTon 
eft  également  divilé  en  barres  &  en  bandes ,  par  des 
lignes  tranfverfales  ,  &  des  lignes  diagonales  ,  en  va- 
riant mutuellement  les  couleurs  dont  il  eft  formé. 
C'eft  ainli  que  l'on  dit ,  il  porte  barré ,  bandé,  or ,  & 
fable.  Contre-BARRÉ.  /•'oy^;  Contre.  Urtieres  en 
Savoie  ,  maifon  éteinte  ,  barré  ,  d'or  &  de  gueules , 
à  la  bande  de  lolanges  accollées  de  l'un  en  l'autre. (V) 

BARRÉ  ,  adj.  (  terme  de  Palais  )  fynonyme  à  par- 
tagé; ainfi  lorlqu'on  dit  que  les  juges  ou  les  avis  font 
barrés ,  c'eft-a-dire  qu'il  y  a  deux  fentimens  ouverts 
par  la  chambre ,  lefquels  font  tous  deux  appuyés 
d'un  égal  nombre  de  lùfFragcs.  Voyez  Partage. 
Voyez  ailfFl  COMPARATEUR.    (  H) 

BARREAU  ,  fubft.  m.  en  terme  de  Palais ,  fignifioit 
dans  l'origine  une  barre  de  fer  ou  fermeture  de  bois  à 


BAR 


9s 


hauteur  d'appui,  qui  féparoit  l'enceinte  où  étoient 
aftis  les  juges  d'avec  les  parties  extérieures  du  tribu- 
nal où  étoient  les  avocats ,  &  autres  praticiens:  mais 
par  exteniion  ce  terme  a  fignifié  dans  la  fuite  le  corps 
même  des  praticiens ,  avocats, procureurs ,  &c.  C'eft 
dans  ce  dernier  fens  qu'on  dit  les  maximes  du  barreau , 
l'éloquence  du  barreau.  Quelquefois  même  ce  mot  eft 
pris  dans  une  plus  grande  étendue  encore  ,  comme 
lynonyme  au  forum  des  Latins  ;  &  alors  il  s'entend 
collectivement  de  tous  les  officiers  de  juftice  ,  magif- 
trats  &  praticiens  ;  en  un  mot  de  tout  ce  qu'on  ap- 
pelle autrement  gens  de  robe.  (H) 

BARREAU  ,  f.  m.  (  en  Architecture  )  fe  dit  de  toute 
barre  de  fer  ou  de  bois  quarré ,  employée  dans  un 
bâtiment.  Voyez  Barre. 

Barreau  Montant  de  Costiere,  c'eftàune 
grille  de  fer,  dans  l'endroit  011  porte  le  barreau,  que 
la  porte  de  fer  eft  pendue  ;  &  le  barreau  montant  de 
battement  eft  celui  où  la  ferrure  eft  attachée. 

Barreau ,  le  dit  en  particulier  des  barres  de  fer ,  ou 
de  bois ,  qui  grillent  les  fenêtres  ou  defTus  de  porte , 
ou  qui  font  le  même  office  dans  les  grilles  ou  portes 
de  fer. 

Barreau  à  pique ,  ce  font  dans  les  grilles  de  fer  des 
barreaux  qui  palfent  par  la  tra verte  du  haut ,  qui  l'ex- 
cédent &  qui  fe  terminent  en  pointe. 

Barreau  à  flamme ,  ce  font  dans  les  grilles  de  fer 
des  barreaux  qui  paffent  par  la  traverfé  du  haut ,  qui 
l'excédent  &  dont  l'extrémité  eft  terminée  en  poin- 
te, &  repliées  en  ondes. 

BARREAU  ,  f.  m.  (  partie  d'une preffe  d 'Imprimerie^ 
c'eft  une  barre  de  fer ,  de  quatre  pouces  de  circon- 
férence ,  quarrée  par  le  bout  qui  traverfé  la  partie 
fupérieure  de  l'arbre  de  la  prefîe  &  la  partie  inférieu- 
re de  la  vis ,  où  il  eft  arrêté  par  des  clavettes  ;  le 
barreau  eft  coudé  &  arrondi  dans  le  refte  de  la  lon- 
gueur ,  qui  eft  environ  de  trois  pies  ;  fon  extrémité 
fe  termine  en  pointe  ,  mais  elle  eft  garnie  &  revêtue 
d'un  manche  de  bois  tourné ,  poli ,  de  la  longueur 
d'un  pié ,  fur  fix  à  fept  pouces  de  circonférence,  & 
plus  gros  dans  fa  partie  fupérieure.  C'eft  de  cet  agent 
que  dépend  tout  le  jeu  d'une  preffe  ;  on  ne  peut  lans 
lui  faire  mouvoir  la  vis  dans  Ion  écrou  ,  ni  le  pivot 
dans  fa  grenouille.  Voyez  PI.  quatrième  de  1  "Imprime- 
rie ,  fig.  première  &  féconde  BCD.  D  eft  la  poignée 
du  manche  de  bois. 

*  BARRE  M  E  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  , 
dans  la  haute  Provence ,  fur  la  rivière  d'AfTc. 

BARRELIERE ,  f.  f.  (  Hifl.  nat.  bot.  )  genre  de 
plante  ,  dont  le  nom  a  été  dérivé  de  celui  du  P.  Bar- 
relier  Jacobin  ,  dont  le  nom  eft  bien  connu  des  Bota- 
niftes.  La  fleur  de  ce  genre  de  plante  eft  monopé- 
tale &C  faite  en  forme  de  mafque  ;  la  lèvre  fupérieure 
eft  relevée  &  l'inférieure  divilée  en  trois  parties.  Il 
s'élève  du  fond  du  calice  un  piftil  qui  eft  attaché 
comme  un  clou  à  la  partie  poftérieure  de  la  fleur,  & 
qui  devient  dans  la  fuite  un  fruit  membraneux  oblong 
à  quatre  angles,  compofé  d'une  leule  capfule  rem- 
plie de  lémences  plates  &  arrondies.  Plumier,  noya 
plant.  Amer.  gen.  Voyez  PLANTE.   (/) 

BARRER  des  articles  fur  fon  livre  ,  en  terme 
de  Commerce ,  lignifie  effacer,  rayer  les  articles  portés 
en  crédit  fur  un  journal  ou  autre  regiftre  ,  pour  faire 
voir  qu'on  en  a  reçu  le  payement. 

On  barre  aiiflî  tout  autre  crédit ,  billet ,  obligation , 
quand  on  veut  l'annuller.  On  appelle  cette  opération 
barrer  par  ce  qu'on  nomme  barres,  les  lignes  ou  traits 
de  plume  ,  dont  on  croife  ce  qu'on  veut  qui  demeure 
inutile  dans  quelqu'acre  ou  regiftre.   (6) 

BARRER  les  veines  d'un  cheval  (  Maréchal  &  Ma- 
nège )  eft  une  opération  qu'on  fait  fur  elles  pour  ar- 
rêter le  cours  des  mauvaifes  humeurs  qui  s'y  jettent. 
O  n  ouvre  le  cuir  ,  on  dégage  la  veine  ,  on  la  lie  def- 
f  us  &  deflbus ,  &  on  la  coupe  entre  les  deux  liga- 
tures. 


94 


BAR 


Quoique  je  fois  perfuadé  du  peu  d'effet  de  cette 
opération  ,  je  vais  cependant  la  décrire ,  à  caufe 
qu'elle  ne  peut  faire  aucun  mal ,  &  qu'elle  eft  par 
elle-même  fort  peu  à  craindre. 

On  barre  les  veines  des  cuifTes  pour  les  maux  de 
jambes  &  des  jarrets  ;  aux  paturons  pour  les  maux 
de  foie  ;  aux  larmiers  &  aux  deux  côtés  du  cou ,  pour 
ceux  des  yeux  :  on  peut  encore  barrer  en  plulieurs 
endroits.  Dans  toutes  ces  parties  ,  excepté  aux  lar- 
miers ,  on  barre  les  veines  de  la  manière  que  je  vais 
enfeigner  ,  après  quoi  j'indiquerai  la  façon  de  prati- 
quer la  même  opération  fur  les  larmiers. 

Quand  oii  veut  barrer  la  veine  de  la  CuilTe ,  on 
abat  le  cheval  (vôye{  Abattre  )  enfuite  on  frotte 
bien  avec  la  main  les  endroits  où  l'on  veut  barrer , 
pour  faire  pouffer  la  veine  ,  c'cft-à-dire ,  un  peu  au- 
deffus  du  jarret  &  vers  le  milieu  de  la  jambe  ;  ce  qui 
s'appelle  barrer  haut  &  bas  :  enfuite  on  fend  la  peau 
en  long  dans  ces  deux  endroits  avec  le  biftouri  ;  & 
ayant  découvert  la  veine  ,  on  paffe  par-deffous  la 
corne  de  chamois  ,  avec  laquelle  on  la  détache  dou- 
cement ,  en  allant  &  venant,  de  toutes  les  petites  fi- 
bres qui  y  font  attachées  :  on  la  lie  enfuite  aux  deux 
endroits  de  deux  nœuds  ,  avec  une  foie  en  double  , 
l'ayant  fendue  pour  la  faire  faigner  après  la  première 
ligature  ,  qui  eft  celle  du  jarret  ;  puis  on  la  coupe  en 
haut  &c  en  bas  entre  les  deux  ligatures  :  au  moyen 
de  quoi  la  portion  de  veine  qui  eft  entre  deux  ne  re- 
cevant plus  de  fang  par  la  fuite  ,  s'applatit  &  devient 
inutile.  Cette  opération  feroit  bonne  ,fi  l'humeur  qui 
incommode  la  partie ,  n'y  communiquoit  que  par 
cette  branche  de  veine  ,  ce  qu'on  ne  fauroit  admet- 
tre lorfqu'on  fait  l'Anatomie  &  le  cours  du  fang  ; 
puisqu'elle  s'y  rend  par  une  infinité  de  rameaux. 

On  ne  barre  point  lorfque  la  partie  eft  enflée  ;  par- 
ce que  l'enflure  refteroit  indépendamment  de  l'opé- 
ration ,  &  qu'on  auroit  quelquefois  bien  de  la  peine 
à  trouver  la  veine. 

Quand  on  barre  les  veines  du  cou ,  on  le  fait  deux 
doigts  au-deffus  de  l'endroit  où  l'on  faigne  :  il  n'y  a 
qu'une  circonftance  à  omettre ,  qui  eft  de  ne  pas 
couper  la  veine  entre  les  deux  ligatures  ;  car  s'il  ar- 
rivoit  que  la  ligature  d'en  haut  vint  à  couler ,  ce 
qui  peut  aifément  fe  faire  par  le  mouvement  de  la 
mâchoire  du  cheval ,  celui-ci  perdroit  tout  fon  fang. 
L'opération  achevée  ,  on  remplit  la  plaie  de  fel. 

On  peut  barrer  les  larmiers  fans  incifion  :  mettez 
pour  cet  effet  au  cou  la  corde  à  faigner ,  les  veines 
s'enfleront  ;  paffez  enfuite  au-travers  de  la  peau  fous 
la  veine ,  une  aiguille  courbe  enfilée  d'une  foie  en 
double  ;  faites-là  fortir  de  l'autre  côté  :  ôtez  l'aiguille 
&  nouez  la  foie  ferme  ,  puis  graiffez  la  partie  ,  elle 
enfle  beaucoup  ;  mais  l'enflure  difparoît  au  bout  de 
neuf  jours.  L'endroit  fe  pourrit,  la  veine  fe  confoli- 
de ,  l'endroit  où  l'on  a  fait  la  ligature  tombe ,  &  la 
veine  fe  trouve  bouchée. 

Solleyfel  enfeigne  à  arracher  la  veine  du  jarret  : 
mais  comme  il  avertit  en  même  tems  qu'il  y  a  du 
rifque  à  courir,  de  la  douleur  &c  de  l'enflure  à 
effuyer ,  il  engage  plutôt  à  n'y  pas  fonger  qu'à  répe- 
ter l'opération. 

Le  barrement  de  la  veine  eft  très-bon  pour  ôter  la 
difformité  des  varices  ;  car  comme  celles-ci  ne  font 
occafionnées  que  par  le  gonflement  de  la  veine  qui 
paffe  par  le  jarret ,  on  empêche  le  fang  d'y  couler , 
au  moyen  de  quoi  la  varice  s'applanit  &c  ne  paroît 
plus. 

Barrer  les  chevaux  (  Manège  )  c'eft  les  féparer 
les  uns  des  autres  dans  l'écurie ,  en  mettant  des  bar- 
res entr'eux.  Voye{  Barre.  (  f) 

Barrer  fe  dit ,  en  terme  de  ChaJJe ,  d'un  chien  qui  ba- 
lance fur  les  voies. 

Barrer  ,  ç'eft  chei  les  Layetiers  mettre  des  bar- 


BAR 

res  de  bois  le  long  des  couvercles  pour  mieux  tenir 
les  planches  dont  ils  font  compofés. 

Barrer  une  futaille  ,  terme  de  Tonnelier  ;  c'eft  ap- 
pliquer des  barres  en-travers  fur  les  douves  des  fonds, 
6c  les  y  affujettir  avec  des  chevilles.  Ce  mot  fe  dit 
auffi  des  trous  qu'on  fait  avec  le  barroir  dans  les  pei- 
gnes du  jable.  f^oye^  Barre. 

♦BARRETTE  ,  f.  f.  (Hift.  mod.  eccléf.)  bonnet 
que  le  pape  donne  ou  envoyé  aux  cardinaux  après 
leur  nomination.  En  France  ,  le  Roi  donne  lui-même 
la  barrette  aux  cardinaux  qui  ont  été  faits  à  fa  nomi- 
nation. A  Venife ,  ce  font  les  nobles  qui  la  leur  por- 
tent. La  barrette  étoit  originairement  un  bonnet  de 
toile  mince  ,  &  qui  s'appliquoit  exactement  fur  les 
oreilles  ;  une  efpece  de  béguin  d'enfant ,  qui  n'étoit 
qu'à  l'ufage  des  papes ,  &  qui  dans  la  fuite  a  été  ac- 
cordé aux  cardinaux. 

Barrette  ,  en  général  veut  dire  ,  parmi  les  Hor- 
logers ,  une  petite  barre  :  mais  on  donne  ce  nom  à  des 
chofes  très-  différentes.  C'eft  ainfi  que  l'on  appelle  , 
par  exemple ,  une  très-petite  barre  que  l'on  met  dans 
le  barrillet  pour  empêcher  que  le  reffort  ne  s'aban- 
donne. Voye^  lafig.  4g.  1  b  ,  PI.  X.  de  F  Horlogerie. 

Barrette  l'une  roue  ,  fignifie  encore,  parmi  les 
Horlogers ,  ce  que  l'on  appelle  rayon  dans  une  roue 
de  carroffe.  Voye^  Roue.  Au  moyen  de  ces  barrettes 
on  rend  la  roue  beaucoup  plus  légère ,  en  lui  confer- 
vant  cependant  une  certaine  force. 

Barrette,  s'entend  aufîi,  en  Horlogerie ,  d'une 
petite  plaque  pofée  fur  l'une  ou  l'autre  platine  ,  & 
dans  laquelle  roule  le  pivot  d'une  roue  ,  au  lieu  de 
rouler  dans  le  trou  de  la  platine,  foye^  lafig.  4J.  b, 
Plane he  X.  de  i  Horlogerie. 

Elles  font  en  général  fort  utiles ,  en  ce  que  i°.  elles 
allongent  les  tiges  des  roues,  &  par  là  leur  donnent 
beaucoup  plus  de  liberté  ;  &  i°.  qu'elles  donnent 
moyen  de  faire  des  figerons ,  chofe  très  -  effentielle 
pour  conferver  l'huile  aux  pivots  des  roues,  f^oye^ 
Pivot  ,  Tige  ,  Tigeron  ,  Platine  ,  &c.  Dans  les 
montres  limples  bien  faites  ,  il  y  a  ordinairement 
deux  barrettes ,  l'une  à  la  platine  de  deffus ,  &  l'autre 
à  la  platine  des  piliers.  La  première  fert  pour  le  pi- 
vot de  la  roue  de  champ  d'en  haut ,  &  l'autre  pour 
le  pivot  de  cette  roue  ,  &  celui  de  la  petite  roue 
moyenne.  (  T  ) 

BARRICADE,  terme  de  guerre ,  eft  une  efpece  de 
retranchement  fait  à  la  hâte  avec  des  tonneaux  ou 
paniers  chargés  de  terre ,  d'arbres ,  des  paliffades ,  ou 
chofes  femblables,  pour  mettre  une  place  ou  un  pofte 
en  état  de  fe  défendre  contre  l'ennemi.  On  fait  fervir 
ordinairement  à  cet  ufage  des  pieux  ou  des  poteaux 
traverfés  de  bâtons  ,  &  ferrés  par  le  bout:  on  a  cou- 
tume de  les  planter  dans  les  paffages  ou  brèches  , 
pour  arrêter  également  la  cavalerie  &  l'infanterie. 
Foye{  Palissade.  (  Q  ) 

BARRIERE  ,  f.  f.  (  Gramm.  )  fe  prend  ou  pour  un 
affemblage  de  planches  deftiné  à  fermer  un  paffage 
à  l'entrée  d'une  ville  ou  ailleurs  ;  c'eft  en  ce  fens 
qu'on  dit,  la  barrière  de  Vaugirard,  la  barrière  de  Sève  : 
ou  pour  les  limites  d'un  état  ;  l'on  dit  les  Alpes  fer- 
vent de  barrière  à  l'Italie  :  ou  en  différens  autres  fens , 
qu'on  peut  voir  ci-deffous. 

Barrière  virginale  ,  virginale  clauflrum  ,  en 
Anatomie  ;  c'eft  la  même  chofe  que  V hymen.  Voye%_ 
Hymen.  (Z.) 

Barrière,  Traité  de  la  Politique ,  eft  celui  qui 
fut  conclu  en  1716  entre  l'empereur  Charles  VI.  & 
les  Hollandois  ;  il  contient  29  articles  :  en  vertu  de 
ce  traité,  les  Hollandois  ont  droit  de  mettre  des  gar- 
nifons  de  leurs  troupes  dans  les  villes  de  Namur , 
Tournai ,  Menin  ,  Furnes  ,  "Warneton  ,  Ypres  ,  le 
fort  de  la  Knoque ,  &  dans  les  villes  de  Dendermon- 
de  &  de  Ruremonde.  La  garnifon  doit  être  moitié 


BAR 

Hollandoife ,  &  moitié  Autrichienne.  Ces  troupes 
ou  ceux  qui  les  commandent  en  leur  nom  ,  font  obli- 
gés à  prêter  ferment  de  fidélité  à  la  maiion  d'Autri- 
che ,  avant  que  d'entrer  dans  ces  garnifons, 

Barrière,  (Commerce.)  On  appelle  ainfi  dans 
les  principales  villes  de  France  ,  particulièrement  à 
Paris ,  les  lieux  où  font  établis  les  bureaux  des  en- 
trées ,  &  oii  les  commis  en  reçoivent  les  droits  ,  fui- 
vant les  tarifs  ou  pancartes  réglées  au  confeil  du  roi. 

On  leur  a  donné  le  nom  de  barrières ,  parce  que  les 
paflages  par  lefquels  arrivent  les  voitures  &  les  mar- 
chandées fujettes  aux  droits ,  font  traverfés  par  une . 
barre  de  bois  qui  roule  fur  un  pivot ,  &  qui  s'ouvre 
ou  le  ferme  à  la  volonté  du  commis. 

Il  y  a  à  Paris  foixante  barrières ,  qui  font  toutes  pla- 
cées à  la  tête  des  fauxbourgs ,  &  dans  vingt-deux  def- 
quelles ,  outre  les  commis  du  barrage ,  il  y  a  des  com- 
mis pour  la  douane  qui  examinent  les  lettres  de  voi- 
ture ,  reçoivent  les  principaux  droits ,  &  veillent  aux 
intérêts  des  fermiers  généraux.  Les  autres  barrières 
ne  font ,  pour  ainli  dire ,  que  des  barrières  fuccurla- 
îes  ,  pour  tenir  plus  libres  les  premières,  qui  ne  man- 
queroient  pas  d'être  embairaiVées  s'il  n'y  avoit  qu'el- 
les qui  fufîent  ouvertes. 

C'eft  à  ces  foixante  barrières  que  toutes  les  voitu- 
res ,  &c  ceux  qui  font  chargés  des  denrées  comprifes 
dans  les  tarifs  ,  doivent  s'arrêter  ,  fourFrir  la  vilite  , 
&  payer  les  entrées.  Les  commis  ont  même  la  per- 
mifîion  de  vifiter  les  carrofles,  berlines,  chaifes ,  <S*c. 
des  particuliers  ,  les  porte-manteaux ,  vailles ,  cof- 
fres ,  pour  voir  s'il  n'y  a  point  de  marchandile  de 
contrebande.  Voye^  fur  cette  matière  le  Diciionn.  du 
Comm.  (G) 

Barrière  ,  en  Architecture ,  eft  un  afTemblage  de 
pièces  de  bois  qui  fert  de  bornes  ou  de  chaînes  au- 
devant  ,  &  dans  les  cours  des  hôtels  &c  palais.  (P) 

BARRIERES ,  en  termes  de  Fortification ,  font  des  el- 
peces  de  portes  faites  dans  un  paiTage  ou  un  retran- 
chement ,  pour  pouvoir  en  défendre  l'entrée ,  & 
en  faciliter  la  fortie. 

On  les  fait  communément  de  grands  poteaux  d'en- 
viron quatre  à  cinq  pies  de  long ,  &  placés  à  la  diftan- 
ce  de  dix  pies  les  uns  des  autres,  avec  des  folives  en 
travers ,  afin  d'empêcher  les  chevaux  &  les  hommes 
de  forcer  le  partage.  Dans  le  milieu  eft  une  barre  de 
bois  qui  eft  mobile  ,  &  que  l'on  ouvre  &  ferme  à  fon 
gré.  Les  barrières  qui  ferment  les  portes  ou  les  ouver- 
tures des  lignes  de  circonvallation ,  font  à  fléau  tour- 
nant fur  un  poteau  ,  dont  le  fommet  taillé  en  pivot , 
eft  planté  fur  le  milieu ,  où  il  partage  l'ouverture  en 
deux  partages  égaux.  Ce  fléau  bat  contre  les  deux 
autres  poteaux  plantés  aux  deux  extrémités  des  paf- 
fages ,  avec  des  entailles  pattées  ,  auxquelles  il  s'ac- 
croche 6c  fe  ferme  avec  une  cheville  plate.  Attaque 
des  places ,  de  Vauban.  (  Q  ) 

Barrière,  (Manège.)  petit  parc  fermé  où  l'on 
faifoit  les  joutes,  les  tournois,  les  courfes  de  bague  , 
&c>  Sitôt  qu'un  cheval  de  bague  a  franchi  la  barrière, 
il  court  de  toute  fa  force.  (  V) 

BARRIERE ,  en  terme  de  Metteur-en-oeuvre ,  n'eft  au- 
tre chofe  qu'une  bande  en  manière  d'anfette  ,  dans 
laquelle  on  arrête  le  ruban  d'un  bracelet.  Vaye^  An- 

SETTE. 

BARRIL  ,  (Commerce.)  vaifleau  oblong  de  forme 
fphérique ,  ou  plutôt  cylindrique ,  lervant  à  contenir 
diverfes  efpeces  de  marchandifes,  tant  feches  que  li- 
quides: il  eft  plus  petit  que  le  tonneau.  V.  Mesure. 

Le  barrit  Anglois  ,  mefure  de  vin ,  contient  le  hui- 
tième d'un  tonneau  ,  le  quart  d'une  pipe ,  la  moitié 
d'un  muid  ,  ce  qui  fait  trente -une  melures  &  demie 
de  celles  que  l'on  nomme  en  Angleterre  galions  ,  & 
qui  contiennent  quatre  pintes  de  Paris.  Le  barrit  con- 
tient trente  -  lix  gallons  de  bierre  ,  ÔC  trente  -  deux 
d'aile.  ^ov^Pipe,  Tokneav,  6-f, 


BAR 


95 


Le  barrit  de  bierre  >  de  vinaigre ,  ou  d'autre  liqueur 
dont  on  veut  faire  du  vinaigre  ,  doit  contenir  trente- 
quatre  de  ces  mefures ,  fuivant  l'étalon  de  la  quarte 
d'aile,  réglé  par  l'ordonnance  de  Guillaume  III.  c. 
xxj.  dixième  &  onzième  année  de  fon  règne. 

Le  barrit  de  Florence  eft  une  mefure  de  liqueurs 
qui  contient  vingt  bouteilles ,  ou  le  tiers  d'une  étoile  > 
ou Jtaïo.  Savary  l'appelley/dr. 

Barrit  eft  encore  en  ulage  pour  figoifier  une  cer- 
taine quantité  de  marchandifes ,  un  certain  poids  qui 
change  fuivant  la  diverfité  des  denrées. 

Le  barrit  de  harengs  doit  contenir  trente-deux  gal- 
lons ,  mefure  de  vin,  c'eft-à-direfoixante-quatre  pots 
de  Paris ,  ce  qui  fait  environ  vingt-huit  gallons ,  fui- 
vant l'ancienne  règle  >  &  cela  va  pour  l'ordinaire  au 
nombre  de  mille  harengs  laites. 

Le  barrit  de  faumon  doit  contenir  quarante-deux 
gallons ,  ou  quatre-vingts-quatre  pots  de  Paris.  Et  le 
barrit  d'anguilles  autant. 

Le  barrit  de  favon  doit  contenir  deux  cens  cin- 
quante-fix  livres, 

Nous  nous  fervons  également  en  France  du  mot 
de  barrit  pour  une  certaine  quantité  de  marchandi- 
fes. On  dit  un  barrit  d'efturgeon ,  de  thon  ,  d'anchois  ; 
un  barrit  ou  caque  de  poudre  pour  les  vaifleaux ,  eft 
ordinairement  de  cent  livres  :  on  dit  encore  un  bar- 
rit àe  chair  falée  ;  un  barrit  d'huile  d'olive  ;  un  barrit 
de  câpres  ,  d'olives ,  de  vinaigre  ,  de  verjus  ,  de  mou- 
tarde ,  pour  dire  un  barrit  plein  de  l'une  de  ces  cho- 
fes.  (G) 

Barril  ,  (  Marine.  )  Barrit  de  galère  ,  c'eft  un  bar* 
/■//qu'un  homme  peut  porter  plein  d'eau  ,  &  dont  il 
fe  fert  pour  en  remplir  les  barriques  ,  que  l'on  ne  peut 
tranfporter  ou  à  la  fontaine  ou  à  la  rivière ,  où  l'on, 
va  faire  l'eau. 

Barrit  de  quart  ;  c'eft  le  barril  de  galère  qu'on  don- 
ne plein  d'eau  le  foir  à  ceux  qui  doivent  taire  le  quart 
de  la  nuit. 

Barrils  où  l'on  met  les  viandes. 

Barrit  de  poudre  ;  c'eft  fur  mer ,  comme  on  la 
déjà  dit ,  cent  livres  de  poudre  miles  dans  un  barril. 

Barrils  à  bourfe  ;  c'eft  un  barril  couvert  de  cuir  , 
où  le  canonnier  met  de  la  poudre  fine  :  on  l'appelle 
ainfi  à  caufe  qu'il  fe  ferme  comme  une  bourfe.  (Z) 

Barrils  foudroyans  6-  flamboyans  ,  font 
dans  r Artillerie  ,  des  barrils  remplis  d'artifices  qu'on 
fait  rouler  fur  l'ennemi  lorfqu'il  veut  franchir  les 
brèches  &  monter  à  l'aflaut.  (  Q  ) 

Barril  de  trompes  ,  terme  d' Artificier  >  c'eft  un 
afTemblage  de  plufieurs  artifices  appelles  trompes, 
enfermés  dans  un  barrilou  fourreau  de  toile  goudron- 
née, pour  les  faire  partir  de  deflus  l'eau  ,  où  on  le 
fait  enfoncer  jufqu'au  collet  par  le  moyen  d'un  con- 
tre-poids. 

Barril  à  scier,  (  Tonnelier.)  c'eft  un  infini- 
ment fur  lequel  les  Tonneliers  pofent  les  douves 
qu'ils  veulent  rogner  avec  la  feie.  Il  confifte  en  deux 
moitiés  de  barrils  a juftées  l'une  au-defîus  de  l'autre  par 
trois  douves  communes  ;  chacune  de  ces  moitiés  a 
deux  fonds  ,  de  forte  que  cet  infiniment  peut  fervir 
à  trois  ufages.  i°.  Il  leur  fert  d'efeabeau  pour  feier 
les  douves  qu'ils  pofent  deflus ,  en  appuyant^ncore 
un  genou  fur  la  douve  pour  Paflujettir.  z°.  Il  peut 
leur  fervir  de  fiége  pour  s'afleoir  dans  leurs  bouti- 
ques ;  &  en  troilieme  lieu  ,  il  peut  encore  leur  fervir 
comme  d'un  réfervoir  pour  y  ferrer  ce  qu'ils  veu- 
lent ,  au  moyen  d'un  trou  pratiqué  au  fond  fupérieur 
de  chaque  barrit.  Cer  infiniment  a  deux  pies  ou  en- 
viron de  hauteur  en  tout.  L'efpace  qui  eft  entre  cha- 
que barril  eft  vuide  ,  pour  donner  plus  de  légèreté  à 
la  machine  totale  qui  eft  ronde  ,  Se  d'environ  un  pié 
de  diamètre.  Voye{  PL  II.  du  Tonnelier  ,fig.  z. 

BARRILLAGE,  f.  m.  (Commerce.)  fe  dit  des  petit? 


96 


BAR 


BAR 


barrils  qui  tiennent  environ  la  huitième  partie  du 
muicl  &  au-deffous. 

En  fait  de  commerce  de  falinc  ,  barrillage  s'entend 
de  toutes  fortes  de  tonneaux  ou  futailles ,  comme 
gonnes ,  hambourgs ,  barrils  ,  demi-barrils ,  &c.  Il  y 
a  des  contrôleurs  du  barrillage  de  la  faline. 

L'ordonnance  des  Aides  de  1680,  tit.  4.  des  en- 
trepôts &  du  barrillage  ,  détend  exprefTément  de  faire 
le  barrillage  ,  c'eft- à -dire  de  faire  arriver  du  vin  en 
bouteilles ,  cruches  ou  barrils ,  ni  vaiffeaux  moindres 
que  muid,  demi- muid,  quart  &  huitièmes  ,  à  l'ex- 
ception des  vins  de  liqueur  qui  viennent  en  caiffe. 
Il  n'eft  pas  même  permis  aux  débitans  d'avoir  chez 
eux  du  vin  en  bouteilles  ,  cruches  &  barrils.  (  G) 

BARRILLARD  ,  f.  m.  (Marine.)  c'eft  ainfi  qu'on 
appelle  fur  les  galères  l'officier  qui  a  foin  du  vin  & 
de  l'eau. 

B  ARRILLATS,  f.  m.  pi. dans  les  ports  où  il  y  a  un 
arfenal  de  Marine  ,  on  donne  ce  nom  aux  ouvriers 
qui  travaillent  aux  futailles. 

BARRILLET,  f.  m.  diminutif  de  barril,  fe  dit  de 
fout  vàiffeau  qui  a  la  forme  du  barril ,  &  qui  eft  plus 
petit.  Vqyt{  Barril. 

Barrillet  ou  Caisse  ,  (en  Anatomie.)  fignifîe 
une  affez grande  cavité  derrière  le  tambour  de  l'o- 
reille ;  elle  eft  doublée  d'une  membrane  qui  a  plu- 
fieurs  veines  &  artères.  On  dit  que  dans  les  enfans 
elle  eft  pleine  d'une  matière  purulente  ;  elle  a  dans 
fa  cavité  quatre  petits  os  ,  qui  font  le  marteau,  l'en- 
clume ,  l'étrier ,  &c  l'orbiculaire.  Voyt{  Oreille  ,  & 
Tympan.  (L) 

Barrillet,  f.  m.  (Hydraulique.)  eft  un  corps  de 
bois  arrondi  en  dedans  6c  en  dehors ,  avec  un  clapet 
poié  fur  le  deffus.  Ce  corps  loge  dans  une  pompe  à 
bras  qui  n'a  point  de  corps  de  pompe  ,  &  fert  de  fond 
au  jeu  du  pittoh,  qui  fait  lever  le  clapet  du  barillet, 
&  enfuite  le  fait  refermer  ;  &  au  moyen  de  la  filaffe 
dont  il  eft  garni,  l'eau  ne  peut  retomber  dans  le  puits 
quand  la  loûpape  eft  fermée. 

On  appelle  encore  quelquefois  barrillet  le  pifton 
d'une  pompe  à  bras  qui  n'a  point  de  corps  de  pompe, 
mais  qui  joue  dans  im  tuyau  de  plomb  ,  &  qui  tire 
l'eau  par  afpiration  d'un  puits  ou  d'une  citerne. 

Ces  fortes  de  barrillets  font  attachés  à  une  ance  de 
fer  fufpendue  à  une  verge  auffi  de  fer  ;  &  ils  ont  fur 
le  deflùs  un  clapet  qui  s'ouvre  &  fe  ferme  à  chaque 
coup  de  pifton.  Voye^  Pompe  ,  Piston  ,  Cla- 
pet. (K) 

Barrillet,  nom  queles  Horlogers  donnent  à  une 
efpece  de  boîte  cylindrique  ou  tambour ,  qui  con- 
tient le  grand  refTort.  Voye^  la  figure  46 ,  4  J ,  49. 
Planche  X.  de  V Horlogerie . 

Il  eft  compofé  de  deux  parties ,  du  barillet  B  pro- 
prement dit ,  &  de  fon  couvercle  C.  Le  barillet  a 
dans  fa  partie  B  un  rebord  pour  empêcher  la  chaîne 
de  gliffer  ;  &  dans  le  dedans  vers  le  milieu  de  fa  hau- 
teur ,  un  crochet  auquel  s'attache  l'œil  d'un  bout  du 
refTort.  Ce  crochet  eft  tourné  en  fens  contraire  de 
celui  qui  eft  à  l'arbre ,  afin  que  le  refTort  foit  attaché 
fixement  à  l'un  &  à  l'autre  :  par  ce  moyen ,  on  bande 
le  refTort,  en  faifant  tourner  le  barillet;  car  on  fait 
mo  uvoir  en  même  tems  le  bout  du  refTort  qui  lui  eft 
attacha,  &  l'autre  bout  fixé  à  l'arbre  étant  immobi- 
le ,  cette  opération  doit  néceffairement  produire  cet 
effet .  Foy'e{  Crochet. 

On  diitingue  dans  les  montres  &  dans  les  pendu- 
les les  barillets  par  les  parties  auxquelles  ils  fervent  ; 
comme  barillet  du  mouvement ,  de  la  fonnerie ,  &c. 
dans  les  pendules  ,  fur-tout  dans  celles  que  l'on  fait 
en  France  ,  comme  il  n'y  a  pas  de  fufée ,  le  barillet 
eft  denté  à  fa  partie  inférieure ,  &  engrené  dans  le 
pignon  de  la  première  roue  du  mouvement,  ou  de  la 
fonnerie  ;  de  façon  que  le  refTort  étant  bandé  ,  fait 
tourner  le  barillet ,  qui  communique  ainfi  le  mouve- 


ment à  toute  la  machine.  Voyc^  lafig.  io.Q,W ,  A 
Voyei  Montre  ,  Ressort  ,  Arbre  de  barillet, 
Pendule,  Sonnerie,  &c  (  T) 

*  BARRILLIER ,  f.  m.(Hift.  mod.  )  nom  d'un  de 
ces  anciens  officiers  de  l'échanfonnerie  du  roi  &  des 
princes ,  qui  avoient  foin  du  vin.  Il  en  eft  parlé  dans 
l'état  des  officiers  de  l'échanfonnerie  du  tems  de  S. 
Louis,  en  1261. 

BARRIQUAUT ,  f.  m.  (  Commerce.  )  fe  dit  de  cer- 
taines petites  futailles  ou  tonneaux  ,  dont  les  gran- 
deurs ne  font  point  réglées  :  on  dit  un  barriquaut  de 
fucre ,  un  barriquaut  de  foufre  ,  &c.  (  G) 

BARRIQUE ,  f.  f.  (  Tonnellier.  )  tonneau  Ou  fu- 
taille ,  fait  de  mairrain  &  cerclé  de  cerceaux  de 
bois  liés  avec  de  l'ofier,  &  propre  à  contenir  plu- 
fieurs  fortes  de  marchandifes  ,  &  partievdierement 
de  l'eau-de-vie. 

Les  barriques  n'ont  pas  de  grandeur  réglée  par^- 
tout  :  à  Paris  il  faut  quatre  barriques  pour  faire  trois 
muids. 

Ce  font  les  Tonnelliers  qui  fabriquent  &  relient 
les  barriques. 

Les  quatre  barriques  de  vin  font  à  Paris  trois  muids, 
à  Bordeaux  un  tonneau  fix  tierfons  ,  en  Anjou  deux 
pipes.  La  barrique  contient  210  pintes  de  Paris ,  ou 
vingt-fix  feptiers  un  quart  de  feptier  ;  ce  qui  revient 
à  360  pintes  de  Hollande. 

La  barrique  fe  mefure  encore  par  verges  ou  vettes, 
&  varie  pour  le  nombre  de  ces  verges  ou  vettes  dans 
prefque  tous  les  endroits» 

En  Angleterre  la  barrique  de  vin  ou  d'eau-de-vie 
eft  de  foixante  &  trois  gallons ,  ce  qui  revient  à  25a 
pintes  de  Paris  ;  quatrede  ces  pintes  faifant  le  gallon. 
^ôj-.Gallon.  On  met  les  fardines&  leur  huile  auffi- 
bien  que  celle  de  morue  en  barrique.  (G) 

BARROYEMENT  ,  f.  m.  vieux  terme  de  Prati- 
que ,  qui  fignifîe  un  délai  de  procédure, 

BARROYER ,  v.  neut.  vieux  terme  de  Pratique  , 
qui  fignifioit  à  la  lettre  faire  des  procédures  à  la  barrt 
de  la  cour ,  &  en  général  injlruire  un  procès.  Il  ne  le 
dit  plus  à  préfent  que  par  dérifion.  (H) 

BARROIR  ,  f.  m.  (outil  dont  fe  fervent  les  Tonne- 
liers. )  c'eft  un  inftrument  fait  en  forme  de  longue 
tarriere ,  dont  la  mèche  eft  étroite  &  amorcée  par  le 
bout.  C'eft  avec  cet  outil  qu'on  perce  des  trous  au- 
defîus  du  jable ,  pour  y  faire  entrer  les  chevilles  qui 
tiennent  les  barres  des  futailles.  Voye^  Planche  II» 
du  Tonnelier  ,  figure  première. 

BARROTÉ  ,  adj.  (  en  Marine.  )  on  dit  vàiffeau  bar- 
roté,  lorfque  le  fond  de  cale  eft  tout  rempli ,  ou  rem- 
pli jufqu'aux  barrots. 

BARROTS  ,  ou  Baux  ,  (Marine.)  Voyei  Bau. 
Quoiqu'on  fe  ferve  indifféremment  des  termes  de 
baux  &  de  barrots ,  il  eft  pourtant  certain  que  ceux 
qui  font  les  plus  exacf  s ,  ne  fe  fervent  de  celui  de  bau. 
que  pour  les  folives  du  premier  pont ,  &  qu'ils  em- 
ployent  celui  de  barrot  pour  les  folives  des  autres 
ponts.  Voye{  Planche  V '  I ,  figure  8.  la  forme  de  cette 
pièce  de  bois. 

Il  y  a  les  barrots  des  gaillards.  Voye^  leur  Jituation, 
Planche  IF.  fig.  prem.  n°.  142. 
Les  barrots  de  la  dunette,  n°.  i5l. 
Les  barrots  du  celtis  ,  n°.  128.  (Z) 
BARROTINS  ,  (Marine.)  lattes  à  baux  ;  ce  font 
de  petits  foliveaux  qu'on  met  entre  les  baux  &  les 
barrots  fous  les  ponts  pour  les  foùtenir.  Voye^  PI. 
VI.  fig.  10  ,  la  forme  de  cette  pièce  de  bois. 

Barrotins  du  premier  pont.  Foye^  leur fltuation  PI, 
I  F.  fig.  prem.  n°.  y 2. 

Barrotins  du  fécond  pont ,  n°.  120. 
Barrotins  des  gaillards,  n°.  143- 
Barrotins  d'ècoutilles ,  demi-baux  ou  demi-bar- 
rots  ;  ce  font  en  Marine  des  bouts  de  baux  &  de  bar- 
rots ,  qui  fe  terminent  aux  hiloires  &  qui  font  foûte-- 

nus 


BAR 

nus  par  des  pièces  de  bois  nommées  arcboutans  ,  mi- 
fes  de  travers  entre  deux  baux.  Voye^  la  forme  de.  cette 
pièce  Planche  FI. figure  il. 

Barrotins  de  caillebotis  y  ce  font  de  petites  pie- 
ces  de  bois  qui  fervent  à  faire  les  caillebotis  ,  & 
auxquelles  on  donne  la  tonture  ou  rondeur  du  pont 
du  vaifTeau  en  fa  largeur.  Voye^  Caillebotis.  (Z) 

*  BARROU,  (le)  Géog.  rivière  d'Irlande  ,  dans 
la  province  de  Leinfter;  elle  paffe  à  Caterlogh  &  à 
Leighlin ,  reçoit  la  Nure  6c  la  Sheire ,  forme  le  Havre 
de  Waterford ,  &  le  jette  dans  la  mer  d'Irlande. 

BARSANIENS  ,  ou  SEMIDULITES  ,  f.  m.  plur. 
(Jttift.  eccléf.')  hérétiques  qui  s'élevèrent  dans  le  vie. 
fiecie.  Ils  foûtenoient  les  erreurs  desGadanaïtes,  & 
faifoient  conlifter  leurs  facrifîces  à  prendre  du  bout 
du  doigt  la  fleur  de  farine ,  6c  à  la  porter  à  la  bouche. 
S.  Jean  de  Damas  ,  des  Héref.  Baronius  A.  C.  iji. 
n\y4.'G) 

BARTAVELLE,  f.  f.  (oifeau.) Perdrix  rouge. 

*BARTHELEMI,  (Saint)  Géog.  petite  ile  de 
l'Amérique ,  l'une  des  Antilles ,  au  midi  de  celle  de 
S.  Martin,  lat.  ij. 

*  BARTHELEMITES ,  f.  m.  pi.  (  Hift.  ecclef.  ) 
clercs  féculiers  fondés  par  Bartheiemi  Hobzauzer  à 
Saltzbourg,  le  Ier  Août  1640,  &  répandus  en  plu- 
fieurs  endroits  de  l'Empire ,  en  Pologne  ,  &  en  Cata- 
logne. Ils  vivent  en  commun  ;  ils  font  dirigés  par  un 
premier  préfident ,  6c  des  prélidens  diocéfains  :  ils 
s'occupent  à  former  des  eccléfiaftiques.  Les  préfidens 
diocéfains  font  fournis  aux  ordinaires  ;  &  iis  ont  fous 
eux  les  doyens  ruraux.  Ces  degrés  de  fubordi 

&  quelques  autres  ,  répondent  avec  fuccès  au  but  de 
leur  inltitution  :  un  curé  Banhelemite  a  ordinairement 
un  aide  ;  &  fi  le  revenu  de  fa  cure  ne  fumt  pas  pour 
deux  ,  il  y  eft  pourvu  aux  dépens  des  curés  pl.is  ri- 
ches de  la  même  congrégation  :  tous  font  engagés 
par  vœux  à  fe  fecourir  mutuellement  de  leur  liiper- 
flu ,  fans  être  privés  cependant  de  la  liberté  d'en  dif- 
pofer  par  legs  ,  ou  d'en  affilier  leurs  parens.  Ce  fonds 
augmenté  de  quelques  donations  ,  fuffit  à  l'entretien 
de  plufieurs  maifons  dans  quelques  diocefes.  Quand  il 
y  en  a  trois  ,  la  première  eft  un  féminaire  commun 
pour  les  jeunes  clercs,  où  ils  étudient  les  humanités  , 
la  Philolophie  ,  la  Théologie  ,  &  le  Droit  canoni- 
que. On  n'exige  aucun  engagement  de  ceux  qui  font 
leurs  humanités  :  les  philofophes  promettent  de  vi- 
vre &  de  perfévérer  dans  l'inftitut  ;  les  théologiens 
en  font  ferment.  Ils  peuvent  cependant  rentrer  dans 
le  monde  avec  la  permiffion  des  fupérieurs  ,  pourvu 
qu'ils  n'ayent  pas  reçu  les  ordres  facrés.  Les  curés 
&  les  benéticiers  de  l'inftitut  habitent  la  féconde  mai- 
fon  ;  la  troiiieme  eft  proprement  l'hôtel  des  invalides 
de  la  congrégation.  Innocent  XI.  approuva  leurs 
conftitutions  en  1680.  La  même  année  l'empereur 
Léopold  voulut  que  dans  fes  pays  héréditaires  ils 
fuflent  promus  de  préférence  aux  bénéfices  vacans; 
&  le  même  pape  Innocent  XI.  approuva  en  1684  les 
articles  furajoûtés  à  leurs  règles  pour  le  bien  de  l'inf- 
titut. 

*  BARUA ,  (  Géog.  )  ville  d'Afrique  dans  l'Abyffi- 
nie  ,  capitale  du  royaume  de  Barnagaflé  ,  lituée  près 
du  fleuve  de  Marabu. 

BARUCH ,  (  Prophétie  de  )  Théolog.  nom  d'un  des 
livres  de  l'ancien  Teftament ,  qui  contient  en  fix 
chapitres  les  prophéties  de  Baruck  ,  fils  de  N->ri  ou 
Nerias  ,  &  difcipîe  ou  fecrétaire  du  prophète  Jére- 
mie.  Nous  n'avons  plus  l'exemplaire  Hébreu  de  la 
prophétie  de  Baruch:  mais  on  ne  peut  clouter  qu'il 
n'ait  écrit  en  cette  langue  ,  comme  les  frequens  Hé- 
braïfmes  dont  elle  eft  remplie  le  font  connoître.  On 
en  a  deux  verrions  Syriaques  :  mais  le  texte  Grec  pa- 
roît  plus  ancien.  Les  Juifs  ne  reconnoiflent  point  ce 
livre  pour  canonique  ;  &  on  ne  le  trouve  point  dans 
les  catalogues  des  livres  facrés  d'Origene ,  de  Mcli- 
Tome  II, 


BAS 


97 


ton  ,  de  S.  Hilaire  ,  de  S.  Grégoire  de  Nazianze  ,  de 
S.  Jérôme  ,  &  de  Rufin.  Mais  dans  le  concile  de  Lao- 
dicee, dans  S.  Cyrille,  S.  Athanafe,  &  S.  Epiphane, 
il  eft  joint  à  la  prophétie  de  Jéremie.  La  prophétie  de 
Baruch  doit  être  auffi  coinprife  fous  le  nom  de  ce  der- 
nier prophète,  dans  les  catalogues  des  Latins;  car 
S.  Auguitui ,  &  plufieurs  autres  Pères  ,  citent  les  pro- 
pEçties  de  Baruch  fous  le  nom  de  Jéremie.  Dupin, 
Dijfen.prélim.  fur  la  Bible.  (  G  ) 

BARULES,  f.  m.  pi.  {Hift.  ecd.  )  certains  héréti- 
ques dont  parle  Sanderus ,  qui  foûtenoient  que  le  fils 
de  Dieu  avoit  pris  un  corps  phantaftique  ;  que  les 
âmes  avoient  toutes  été  créées  avant  la  naiflance  du 
monde  ,  &  qu'elles  avoient  toutes  péché  à  la  fois. 
Sander.  h&rêf.  149.   (  G  ) 

*  BARUSSES  ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  cinq  îles  de 
l'Océan  oriental ,  qui ,  à  en  juger  par  ce  que  Ptolo- 
mée  en  dit ,  pourroient  bien  être  celles  que  nous  con- 
noiflons  fous  le  nom  de  Philippines.  Mercator  croit 
que  ce  font  celles  de  Manclanao  ,  Cailon ,  Sabut ,  & 
les  voifines  de  Circium  ;  &  Baudrand ,  celles  de  Ma- 
caffar,  Gilolo  ,  Ceram ,  &  autres  connues  fous  le 
nom  de  Moluques. 

BARUTH,  (  Commerce.  )  mefures  des  Indes  qui 
contient  dix-lept  gantans  ;  c'eft-à-dire  cinquante  à 
cinquante-fix  livres  de  poivre  poids  de  Paris,  f^oye^ 
Gantan.  (<?) 

*  BARUTH,  (Géog.)  ancienne  ville  de  Turquie 
dans  ta  Syrie ,  fur  le  bord  de  la  mer.  Long.  Sz.  60. 
lat.  33.  30. 

*  BARWICK,  ou  BERWICK,  (Géog.)  ville 
d'Angleterre  dans  le  Northumberland ,  à  l'embou- 
chure de  la  Tweede. 

*  BARZOD  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  la  haute 
Hongrie  ,  dans  le  comté  de  même  nom  ,  fur  la  riviè- 
re de  Hernath.  Le  comté  de  Bar^od  eft  borné  au 
feptentrion  par  ceux  de  Sembin  &  de  Torna  ;  à  l'oc- 
cident par  ceux  de  Gomor  &  de  Sag  ;  au  midi  par  ce- 
lui de  Hcrwecz  ;  &  à  l'orient  par  celui  de  Chege. 

*  BAS,  adj.  terme  relatif  à  la  diftance  ,  ou  la  di- 
menfion  en  longueur  confidérée  verticalement:  haut 
eft  le  corrélatif  de  bas.  L'ufagc  ,  la  coutume,  les  con- 
ventions, l'ordre  qui  règne  entre  les  êtres,  &  une  in- 
finité d'autres  caules  ,  ont  affigné  aux  objets  ,  foit  de 
l'art ,  foit  de  la  nature  ,  une  certaine  diftance  ou  di- 
menfion  en  longueur  confidérée  verticalement.  Si 
nous  trouvons  que  l'objet  foit  porté  au-delà  de  cette 
diftance  ou  dimenfion  ,  nous  difons  qu'il  eft  haut  ; 
s'il  refte  en-deçà  ,  nous  difons  qu'il  eft  bas.  Il  femble 
que  nous  placions  des  points  idéaux  dans  les  airs  , 
qui  nous  fervent  de  termes  de  comparaifon  toutes 
les  fois  que  nous  employons  les  termes  bas  Se  haut 
ou  élevé.  Nous  diions  d'un  clocher  qu'il  eft  bas ,  &c 
d'une  enfeigne  qu'elle  eft  haute  ;  quoique  de  ces  deux 
objets  l'enleigne  foit  le  moins  élevé.  Que  fignifîcnt 
donc  ici  les  mots  haut  &  bas  ?  linon  que  relative- 
ment à  la  hauteur  ou  à  la  diftance  verticale  à  laquelle 
on  a  coutume  de  porteries  clochers,  celui-ci  eft  bas  ; 
6c  que  relativement  à  la  hauteur  à  laquelle  on  a  cou- 
tume de  pendre  les  enfeignes ,  celle-ci  eft  haute.  Voi- 
là pour  la  diftance  &  pour  l'art  ;  voici  pour  la  di- 
menfion &  pour  la  n  iture.  Nous  difons  ce  chêne  eft 
bas ,  6c  cette  tulipe  eft  haute  :  ce  qui  ne  fignifîe  autre 
chofe,finon  que  relativement  à  la  dimenfion  verticale 
que  le  chêne  &:  la  ttdipe  ont  coutume  de  prendre , 
l'un  pèche  par  défaut ,  &  l'autre  par  excès.  C'eft 
donc  dans  l'un  &  l'autre  cas  Poblervation  6c  l'expé- 
rience qui  nous  apprennent  à  faire  un  ufage  conve- 
nable de  ces  fo- rcs  de  mots, qu'il  ne  faudroit  peut- 
être  pas  définir,  puifque  l'exactitude  ,  quand  on  fe 
la  propofe  ,  rend  la  définition  plus  obfcure  que  la 
chofe.  Mais  on  n'écrit  pas  pour  fes  contemporains 
feulement. 

Bas  ,  C  Manne.  )  les  hauts  6c  les  bas  du  vaiiTeau; 
V  N 


98 


BAS 


les  hauts  du  vaiffeau ,  ce  font  les  parties  qui  font  fin- 
ie pont  d'en-haut  ;  &  les  bas,  celles  qui  font  deffous. 

iZ) 

B  AS  LE  P  AVI  LLON  ,  mettre  bas  le  pavillon  (  Marine  ) 

-c'eft-à-dire  abaiffer  le  pavillon  pour  fe  rendre  ou 
pour  faluer  un  vaiffeau  plus  puiffant  à  qui  l'on  doit 
■cet  honneur. 

On  dit  de  même  avoir  les  mâts  de  hune  à  bas.(Z~) 
Bas  ,  adj.  (  en  Mufique.  )  fignifie  la  même  choie 
eue  grave,  &  eft  oppofé  à  haut  ou  aigu  :  on  dit  ainfi 
que  le  ton  eft  trop  bas ,  qu'on  chante  trop  bas  ,  qu'il 
faut  renforcer  les  fons  dans  le  bas.  Bas  lignifie  aufîi 
quelquefois  doueement ,  à  demi-voix,  &c.  6c  en  ce 
.iens  il  eft  oppofé  à  fort  ;  on  dit  parler  bas  ,  parler 
chanter  ou  plalmodier  à  bajje  voix  :  il  chantoit  ou 
parloit  li  bas  qu'on  ne  l'entendoit  point. 

Coule^Ji  lentement ,  &  'm'urthureçji  bas , 
Qu'IJfé  ne  vous  entende  pas. 

La  Mothe  ,  Opéra  d,IJfé.  (  S  ) 

BAS  ,  (Man.~)  mettre  bas  ,  porter  bas.  Voy . PORTER. 

Avoir  les  talons  bas.  Voye{  TALON.  (  V) 

BAS  fe  prend  en  Vénerie ,  en  Chajfe  ,  pour  peu  éle- 
vé :  on  dit  bas  voler,  ou  bavoler,  en  parlant  de  la  per- 
drix ,  ou  autres  oifeaux  qui  n'ont  pas  le  vol  haut. 

Bas  ,  f.  m.  (  Bonneterie ,  &  autres  marchands  ,  com- 
me PeauJJîer,  &c.  )  c'eft  la  partie  de  notre  vêtement 
quifert  à  nous  couvrir  les  jambes  :  elle  fe  fait  de  lai- 
ne ,  de  peau ,  de  toile  ,  de  drap  ,  de  fil ,  de  filofelle  , 
de  foie  ;  elle  fe  tricote  à  l'aiguille  ou  au  métier.  Voy. 
pour  les  bas  tricotés  à  l'aiguille,  l'article  Tri  coter. 
Voici  la  defeription  du  bas  au  métier,  6c  la  manière 
de  s'en  fervir.  Nous  avertirions  avant  que  de  com- 
mencer, que  nous  citerons  ici  deux  fortes  de  Plan- 
ches :  celles  du  métier  à  bas ,  qui  font  relatives  à  la 
machine  ;  6c  celles  du  bas  au  métier ,  qui  ne  concer- 
nent que  la  main  d'oeuvre.  Ainfi  la  PL  III.  fig.  y. 
du  métier  à  bas ,  n'eft  pas  la  même  Planche  que  la 
PI.  III.  fig.  y.  du  bas  au  métier. 

Le  métier  à  faire  des  bas  eft  une  des  machines  les 
plus  compliquées  &  les  plus  conféquentes  que  nous 
ayons  :  on  peut  la  regarder  comme  un  feul  6c  unique 
raifonnement ,  dont  la  fabrication  de  l'ouvrage  eft 
la  conclufion  ;  aufîi  regne-t-il  entre  fes  parties  une  fi 
grande  dépendance ,  qu'en  retrancher  une  feule  ,  ou 
altérer  la  forme  de  celles  qu'on  juge  les  moins  im- 
portantes ,  c'eft  nuire  à  tout  le  méchanifme. 

Elle  eft  fortie  des  mains  de  fon  inventeur  pref- 
que  dans  l'état  de  perfection  où  nous  la  voyons  ;  & 
comme  cette  circonftance  doit  ajouter  beaucoup  à 
l'admiration,  j'ai  préféré  le  métier  tel  qu'il  étoit  an- 
ciennement ,  au  métier  tel  que  nous  l'avons ,  obfer- 
vant  feulement  d'indiquer  leurs  petites  différences  à 
mefure  qu'elles  fe  préfenteront. 

On  conçoit ,  après  ce  que  je  viens  de  dire  de  la 
liaiion  &  de  la  forme  des  parties  du  métier  à  bas , 
qu'on  fe  promettrait  en  vain  quelque  connoiffance 
de  la  machine  entière ,  fans  entrer  dans  le  détail  6c 
la  defeription  de  ces  parties  :  mais  elles  font  en  û 
grand  nombre ,  qu'il  femble  que  cet  ouvrage  doive 
excéder  les  bornes  que  nous  nous  fommes  preicrites, 
&  dans  l'étendue  dudifeours,  &  dans  la  quantité 
des  Planches.  D'ailleurs,  par  où  entamer  ce  dif- 
conrs  ?  comment  faire  exécuter  ces  Planches?  La 
liaifon  des  parties  demanderait  qu'on  dît  &  qu'on 
montrât  tout  à  la  fois  ;  ce  qui  n'eft  poffible ,  ni  dans 
le  difeours ,  où  les  chofes  fe  fuivent  néceffairement , 
ni  dans  les  Planches  ,  où  les  parties  fe  couvrent  les 
unes  les  autres. 

Ge  font  apparemment  ces  difficultés  qui  ont  dé- 
tourné l'utile  6c  ingénieux  auteur  du  Spectacle  de  la 
nature ,  d'inférer  cette  machine  admirable  parmi  cel- 
les dont  il  nous  a  donné  la  defeription  :  il  a  fenti 
qu'il  falloit  tout  dire  ou  rien;  que  ce  n'étoit  point  ici 


BAS 

un  de  ces  méchanifmes  dont  on  pût  donner  des  idées 
claires  &  nettes ,  fans  un  grand  attirail  de  Planches 
tk  de  difeours  ;  6c  nous  fommes  reftés  fans  aucun  fe- 
cours  de  fa  part. 

Que  le  lecteur,  loin  de  s'étonner  de  la  longueur 
de  cet  article  ,  foit  bien  perluadé  que  nous  n'avons 
rien  épargné  pour  le  rendre  plus  court ,  comme  nous 
efpérons  qu'il  s'en  appercevra,  lorfqu'il  coniidérera 
que  nous  avons  renfermé  dans  l'efpace  de  quelques 
pages  l'énumération  &  la  defeription  des  parties  , 
leur  méchanifme  ,  &  la  main  d'œuvre  de  l'ouvrier. 
La  main  d'œuvre  eft  fort  peu  de  chofe  ;  la  machine 
fait  prefque  tout  d'elle-même  :  fon  méchanifme  en 
eft  d'autant  plus  parfait  &  plus  délicat.  Mais  il  faut 
renoncer  à  l'intelligence  de  ce  méchanifme ,  fans 
une  grande  connoiffance  des  parties  :  or  j'ofe  affûrer 
que  dans  un  métier  ,  tel  que  ceux  que  les  ouvriers 
appellent  un  quarante-deux  ,  on  n'en  compterait  pas 
moins  de  deux  milles  cinq  cens  ,  tk  par-delà ,  entre 
lefquelles  on  en  trouverait  à  la  vérité  beaucoup  de 
femblables  :  mais  fi  ces  parties  femblables  font  moins 
embarraffantes  pour  l'efprit  que  les  autres  ,  en  ce 
qu 'elles  ont  le  même  jeu,  elles  font  très-incommo- 
des pour  les  yeux  dans  les  figures ,  où  elles  ne  man- 
quent jamais  d'en  cacher  d'autres. 

Pour  furmonter  ces  obftacles ,  nous  avons  crû  de- 
voir fuivre  ici  une  efpece  d'analyfe  ,  qui  confifte  à 
diftribuer  la  machine  entière  en  plufieurs  affembla- 
ges  particuliers  ;  repréfenter  au  -  deffous  de  chaque 
affemblage  les  parties  qu'on  n'y  appercevoit  pas  dif- 
tinclement  ;  affembler  fuccefïïvement  ces  affembla- 
ges  les  uns  avec  les  autres ,  &  former  ainfi  peu-à- 
peu  la  machine  entière.  On  paffe  de  cette  manière 
d'un  affemblage  fimple  à  un  compoié ,  de  celui-ci  à 
un  plus  compoié,  6c  l'on  arrive  fans  obfcurité  ni  fati- 
gue à  la  connoiffance  d'un  tout  fort  compliqué. 

Pour  cet  effet  nous  divifons  le  métier  à  bas  en  deux 
parties  ;  le  fût  ou  les  parties  en  bois  qui  foûtiennent 
le  métier,  &  qui  fervent  dans  la  main  d'œuvre  ;  6c 
le  métier  même ,  ou  les  parties  en  fer ,  6c  autres  qui 
le  compofent. 

Nous  nous  propofons  de  traiter  chacune  féparément. 
Mais  avant  que  d'entrer  dans  ce  détail ,  nous  rap- 
porterons le  jugement  que  faifoit  de  cette  machine 
un  homme  qui  a  très-bien  fenti  le  prix  des  inventions 
modernes.  Voici  comment  M.  Perrault  s'en  exprime 
dans  un  ouvrage ,  qui  plaira  d'autant  plus  ,  qu'on 
aura  moins  de  préjugés.  «  Ceux  qui  ont  affez  de  gé- 
»  nie  ,  non  pas  pour  inventer  de  femblables  chofes, 
»  mais  pour  les  comprendre ,  tombent  dans  un  pro- 
»  fond  étonneraent  à  la  vue  des  refforts  prefqu'infi- 
»  nis  dont  la  machine  à  bas  eft  compofée  ,  6c  du 
»  grand  nombre  de  fes  divers  6c  extraordinaires 
»  mouvemens.  Quand  on  voit  tricoter  des  bas ,  on 
»  admire  la  foupleffe  6c  la  dextérité  des  mains  de 
»  l'ouvrier ,  quoiqu'il  ne  faffe  qu'une  feule  maille  à 
»  la  fois  ;  qu'eft-ce  donc  quand  on  voit  une  machine 
»  qui  forme  des  centaines  de  mailles  à  la  fois  ,  c'eft- 
»  à-dire  ,  qui  fait  en  un  moment  tous  les  divers  mou- 
»  vemens  que  les  mains  ne  font  qu'en  plulieurs  heu- 
»  res  ?  Combien  de  petits  refforts  tirent  la  foie  à 
»  eux ,  puis  la  laiffent  aller  pour  la  reprendre  ,  6c 
»  la  faire  paffer  d'une  maille  dans  l'autre  d'une  ma- 
»  niere  inexplicable  ?  &  tout  cela  fans  que  l'ouvrier 
»  qui  remue  la  machine  y  comprenne  rien,  en  fâche 
»  rien ,  &  même  y  fonge  feulement  :  en  quoi  on  la 
»  peut  comparer  à  la  plus  excellente  machine  que 
»  Dieu  ait  faite  ,  &c  ». 

«  Il  eft  bien  fâcheux  6c  bien  injufte ,  ajoute  M.  Per- 
»  rault ,  qu'on  ne  fâche  point  les  noms  de  ceux  qui 
»  ont  imaginé  desmachinesfimerveilleules,  pendant 
»  qu'on  nous  force  d'apprendre  ceux  des  inventeurs 
»  de  mille  autres  machines  qui  fe  préfentent  û  natu- 
»  Tellement  à  l'efprit ,  qu'il  fuffiroit  d'être  venus  des 


BAS 

»  premiers  au  monde  pour  les  imaginer  ». 

Il  efl  confiant  que  la  machine  à  bas  a  pris  naiffance 
en  Angleterre  ,  &  qu'elle  nous  efl  venue  par  une  de 
ces  fiipercheries  que  les  nations  Te  font  permiles  de 
tout  tems  les  unes  envers  les  autres.  On  fait  fur  fon 
auteur  &  fur  fon  invention  des  contes  puériles ,  qui 
amuferoient  peut-être  ceux  qui  n'étant  pas  en  état 
d'entendre  la  machine  ,  feroient  bien  ailes  d'en  par- 
ler,  mais  que  les  autres  mépriferoient  avec  raiion. 

L'auteur  du  Dictionnaire  du  Commerce  dit  que  les 
Anglois  fe  vantent  en  vain  d'en  être  les  inventeurs, 
8c  que  c'efl  inutilement  qu'ils  en  veulent  ravir  la  gloi- 
re à  la  France  ;  que  tout  le  monde  fait  maintenant 
qu'un  François  ayant  trouvé  ce  métier  fi  utile  &  fi 
furprenant ,  &  rencontrant  des  difficultés  à  obtenir 
un  privilège  exclufif  qu'il  demandoit  pour  s'établir 
à  Paris ,  pafTa  en  Angleterre  ,  où  la  machine  fut  ad- 
mirée &  l'ouvrier  récompenfé.  Les  Anglois  devin- 
rent fi  jaloux  de  cette  invention  ,  qu'il  fut  long-tcms 
défendu ,  fous  peine  de  la  vie ,  de  la  tranfporter  hors 
de  l'île  ,  ni  d'en  donner  de  modèle  aux  étrangers:  mais 
un  François  les  avoit  enrichis  de  ce  préfent ,  un  Fran- 
çois le  rellitua  à  fa  patrie  ,  par  un  effort  de  mémoire 
&  d'imagination,  qui  ne  fe  concevra  bien  qu'à  la  fin 
de  cet  article  ;  il  fit  conftruire  à  Paris ,  au  retour  d'un 
voyage  de  Londres  ,  le  premier  métier ,  celui  fur  le- 
quel on  a  conllruit  ceux  qui  font  en  France  &  en 
Hollande.  Voilà  ce  qu'on  penfe  parmi  nous  de  l'in- 
vention du  métier  à  bas.  J'ajouterai  feulement  au  té- 
moignage de  M.  de  Savari ,  qu'on  ne  fait  à  qui  l'at- 
tribuer en  Angleterre ,  le  pays  du  monde  où  les  hon- 
neurs qu'on  rend  aux  inventeurs  de  la  nation,  leur 
permettent  le  moins  de  relier  ignorés. 
DU  FUST. 

i .  Les  deux  pies  de  devant  qui  foûtiennent  le  fiége 
de  l'ouvrier.  Fig.  i .  Planche  I. 

2.  Les  deux  pies  de  derrière, 

3.  La  traverfe  d'en-bas ,  à  laquelle  efl  attachée  la 
patte  qui  arrête  les  marches. 

4.  La  traverfe  du  haut  du  Juge. 

5.  La  traverfe  allcgie.  On  pratique  ordinairement  à 
fa  furface  5  ,  une  eipece  de  rainure  allez  large  ,  fur 
laquelle  l'ouvrier  met  les  choies  qui  lui  font  commo- 
des en  travaillant. 

6.  La  traverfe  du  contre-poids. 

7.  La  traverfe  d'en-bas. 

8.  8.  Les  deux  têtes  du  fût.  Leur  partie  antérieure 
devroit  être  en  bifeau. 

9.  9.  Deux  pattes  de  fer  qui  tiennent  le  métier  fixe. 

10.  Le  fiége  de  V  ouvrier. 

11.  11.  Deux  gouffets  qui  fervent  à  foûtenir  le  fiége. 

14.  Support  du  gouffet. 

15.  15.  Traverjes  qui  fervent  de  fupports  aux  gouf- 
fets. 

16.  16.  Supports  des  monta ns  de  devant. 

17.  17.  Les  deux  montans  de  devant. 

18.  18.  Gouffets  des  montans  &  des  pies  de  derrière. 

19.  19.  &  19.  19.  Ouvertures  pratiquées  à  chaque 
ttte ,  pour  y  fixer  les  grandes  pièces  du  métier. 

20.  20.  &c  Les  vis  avec  leurs  oreilles ,  qui  fervent 
à  tenir  les  parties  du  fut  fermement  affcmblées. 

2 1 .  Un  arrêtant.  Ainli  V arrêtant  efl ,  comme  on 
voit ,  un  morceau  de  fer  fendu  d'une  ouverture  ob- 
longue,  qui  lui  permet  d'avancer  ou  de  reculer  à 
diferétion  fous  la  tête  de  la  vis ,  qui  le  fixe  au  côté 
intérieur  du  montant ,  6c  terminé  d'un  bout  par  une 
pointe  dont  l'ufage  efl  d'arrêter  le  crochet  inférieur 
de  l'abattant,  &  de  l'empêcher  d'avancer  trop  en- 
devant  ;  c'efl  de  cet  ufage  que  cette  pièce  a  pris  le 
nom  d'arrêtant.  Il  y  a  un  autre  arrêtant  à  la  furface 
&  à  la  hauteur  correfpondante  de  l'autre  montant. 

22.  Un  petit  coup.  Le  petit  coup  ell  une  eipece  de 
yis ,  dont  la  tête  a  une  éminence  ù  laquelle  on  porte 

Tome  II, 


BAS 


99 


le  bout  du  crochet  inférieur  de  l'abattant  quand  on 
travaille  :  cette  éminence  efl  coupée  en  plan  incliné 
vers  le  fond  du  métier ,  &  permet  au  crochet  de  s'é- 
chapper prcfque  de  lui-même. 

23  .  23.  Les  êcrous  à  oreilles  de  V arrêtant  &  du  petit 
coup. 

24.  24.  Deux  broches  de  fer,  capables  de  recevoir 
chacune  une  bobine. 

25.  Une  bobine  dans  fa  broche. 

26.  26.  Deux paffe- foies.  Les  paffe-foies  font  deux 
morceaux  de  fer  recourbés,  comme  on  voit,  &  per- 
cés de  trous,  par  lefquels  on  fait  parler  la  foie ,  qu'ils 
dirigent  &  empêchent  de  s'attacher  aux  objets  cir- 
convoilins. 

27.  Un  rouloir  avec  les  crochets  qui  le  fufpendent. 
Le  rouloir  efl  un  infiniment  qui  fert  à  plier  l'ouvrage 
à  mefure  qu'il  fe  fait.  Il  faut  y  diflinguer  plufieurs 
parties.  La  barre  1,2,  plate  qui  tient  unis  les  côtés 
3,4  par  leurs  extrémités  fupérieures.  La  barre  ronde 
5  ,  6  qui  s'ajufle  dans  les  trous  percés  aux  extrémités 
inférieures  des  côtés,  comme  nous  Talions  dire.  La 
noix  7 ,  la  gâchette  8  ,  le  reffort  9 ,  le  bouton  1 0 ,  la  trin- 
gle  13  ,  14;  la  barre  ronde  efl  faite  en  douille  par  les 
deux  bouts  ;  la  noix  ce  le  bouton  ont  chacun  une  émi- 
nence ou  efpece  de  tourillon ,  par  lefquels  ils  s'adap- 
tent ,  l'un  à  un  bout  &  l'autre  à  l'autre  bout.  Ces  ef- 
peces  de  tourillons  font  percés  d'un  trou,  qui  ont  leurs 
correfpondans  à  la  douille  qui  les  reçoit.  On  voit  ces 
trous  1 1 ,  1 2  :  on  place  dans  chacun  une  goupille  qui 
traverfe  la  douille  &  les  tourillons ,  &  qui  fixe  le  bou- 
ton à  l'une  des  extrémités  de  la  barre  ronde,  &c  la  noix 
à  l'autre  extrémité.  D'où  il  arrive ,  que  cette  barre 
pafTée  dans  les  ouvertures  pratiquées  au  bas  des  cô- 
tés du  rouloir,  peut  tourner  dans  ces  ouvertures,  mais 
ne  peut  s'en  échapper ,  &  que  la  noix  efl  tenue  appli- 
quée au  côté  3  ,  où  l'extrémité  de  la  gâchette  entre 
dans  fes  dents  &c  y  refle  engrainée,  en  vertu  du  ref- 
fort qui  pouffe  fon  autre  extrémité. 

L'extrémité  de  la  gâchette  peut  bien  s'échapper  des 
dents  de  la  noix ,  &  laifler  tourner  la  barre  ronde  fur 
elle-même,  en  un  fens ,  mais  non  dans  l'autre,  c'efl- 
à-dire  que  l'ouvrage  peut  s'envelopper  fur  elle,  &  ne 
peut  fe  développer. 

La  tringle  1 3  ,  14  fert  à  diriger  l'ouvrage. 

Vue  du  fût ,  dont  on  a  féparé  un  des  côtés  pour 
découvrir  les  parties  fuivantes.  Planche  II.  fig.  1 

I .  2.   1 .  Les  trois  marches. 

3 .  3 .  Qjiarrés  de  bois  qui  les  féparent. 

4.  Qjiarrêde  bois  percé  par  le  milieu ,  qui  écarte  de 
la  marche  du  milieu  les  deux  autres. 

5 .  5 .  Extrémité  de  deux  marches. 

6.  6.  Traverfe  de  bois,  fur  laquelle  les  marches  5,  5 
peuvent  agir. 

7.  Traverfe  de  derrière, 

8.  Crochet  de  fer  qui  part  d'un  bout  de  la  ferrure  ou 
de  l'anneau  de  l'extrémité  de  la  marche  du  milieu  , 
&c  qui  embrafle  de  l'autre  bout  la  partie  la  plus  baffe 
de  la  petite  anfe. 

9.  9.  Cordes  qui  partent  de  l'extrémité  des  marches 
5,5,  paflent  fur  le  tambour  de  la  roue  1 3  ,  &  la  font 
mouvoir  de  gauche  à  droite ,  &  de  droite  à  gauche  X 
diferétion. 

10.  10.  Cordes  qui  partent  des  extrémités  de  la  tra- 
verfe 6,  6,  &i  la  tiennent  fufpendue  en  vertu  de  leurs 
crochets  10 ,  10 ,  qui  s'arrêtent  à  ceux  du  balancier. 

I I .  Pane  Je  fer  attachée  à  la  traverfe  4,  qui  reçoit 
un  boulon,  fur  lequel  font  foûtenues  les  marches  qu'il 
traverfe ,  &  dont  l'extrémité  qu'on  n'apperçok  pas 
ell  reçue  dans  un  piton. 

1 2.  Patte  de  fer  qui  tient  la  roue  fufpendue  par  une  des 
extrémités  de  fon  axe  ou  arbre  ;  on  conçoit  bien  que 
l'autre  extrémité  efl  lbùtenue  de  la  même  manière. 

n.  La  roue  avec  ion  arbrt  &c  fon  tambour,  dont  elle 
i  Nij 


ÏOO 


BAS 


ne  l.iiffe  appercevôif  que  le  quarré. 

14.  La  tige  du  contre  -  poids  ;  cette  tige  eft  mobile 
de  bas  en  haut  dans  la  patte  1 5. 

1  5.  La  patte  du  contre-poids. 

Fig.  2.  Une  poulie  avec  fon  fil  de  foie.  Cette  poulie 
n'eft  autre  choie  qu'un  fil  de  laiton,  auquel  on  a  fait 
une  boucle  à  chaque  bout  ;  le  fil  de  foie  pane  par  ces 
boucles ,  &  le  poids  du  fil  de  laiton  l'empêche  d'ap- 
procher des  objets  circonvoilins ,  &  l'aide  à  fe  dévi- 
der de  deffus  la  bobine.  Quand  la  poulie  n'eft  pas 
affez  lourde  pour  la  foie  ,  on  y  attache  une  carte. 

Voilà  le  fût  du  métier  ancien ,  auquel  on  n'a  pref- 
que  point  fait  de  changement  depuis  :  on  a  feulement 
lupprimé  les  quarrés  qui  féparent  les  marches  ;  on  a 
allegi  les  pattes  qui  fufpendent  la  roue.  Au  lieu  de 
donner  une  patte  à  la  tige  du  contre-poids ,  on  a  percé 
2a  traverfe  par  le  milieu  d'un  trou  quarré ,  &  l'on  a 
fait  parler  la  tige  par  ce  trou,  dont  on  a  garni  l'ouver- 
ture Supérieure  d'une  plaque  de  fer ,  afin  qu'elle  ne 
fût  point  endommagée  par  la  chute  du  contre-poids  : 
on  en  a  encore  amorti  le  coup ,  en  attachant  un  mor- 
ceau de  cuir  à  la  tête  de  la  ùgt  ou  branche  du  contre- 
poids: cette  tête  doit  être  elle-même  percée;  on  ver» 
ra  dans  la  fuite  par  quelle  raifon. 

Voilà  tout  ce  qui  concerne  le  fut  &  fes  parties. 
Nous  n'avons  rien  dit  de  leur  alTemblage,  parce  qu'il 
n'a  rien  de  particulier  ,  &  qu'il  eft  tel  qu'on  le  voit 
dans  les  figures.  Pafïbns  maintenant  au  métier. 
DU  MÉTIER  ET  DE  SES  PARTIES. 

Pour  faciliter  l'intelligence  de  cette  machine ,  nous 
allons  diftribuer  fes  parties  en  plufieurs  affemblages, 
qui  s'aflembleront  eux-mêmes  les  uns  avec  les  au- 
tres ,  &c  dont  on  verra  réiulter  peu  à  peu  la  machine 
entière. 

Premier  AssEiMBLAGE.  Plane.  IL.  fig.  3. 

Les  pièces  entièrement  femblables  de  part  &  d'au- 
tre, 1 ,  II ,  2 ,  3  ;  1 ,  II ,  2 ,  3  ,  s'appellent  les  grandes 
pièces ,  &  ce  font  en  effet  les  plus  grandes  qu'il  y  ait 
dans  le  métier:  elles  forment  le  devant  du  métier  par 
leur  faillie  1  ,11.  1 ,  II.  &  le  derrière  par  leur  hauteur 
d'équerre  2,3;  2,3.  Leur  faillie  1 ,  2  ;  1,  2  s'appelle 
avant-bras.  L'avant-bras  a  à  fon  extrémité  1,1,  une 
charnière ,  &  à  fon  extrémité  2,2,  une  éminence 
oblongue&parallélogrammatique,  qu'on  appelle  Yo- 
reille  de  la  grande  pièce.  Cette  oreille  eft  percée  de  plu- 
fieurs trous ,  qui  fervent  à  fixer  par  des  vis  la  grande 
pièce  fur  la  tête  àxifàt. 

Les  pièces  entièrement  femblables  &  femblable- 
ment  placées  4,  5  ;  4,  5,  s'appellent  les  épaulieres  ; 
elles  s'affemblent  par  leurs  ouvertures  quarrées  avec 
V arbre  6 ,  7 ,  dont  elles  reçoivent  les  quarrés. 

hapiece  6 ,  7  s'appelle  Y  arbre  ;  les  deux  extrémités , 
dont  on  en  voit  une  repréfentéejfg.  4.  lont  terminées 
l'une  &  l'autre  par  un  quarré  1  ,  &  par  un  tourillon  2. 
L'ouverture  5  quarrée  des  «/£«/«>•«  4, 5;  4,  5,  reçoit le 
quarré  de  Y  arbre ,  dent  le  tourillon  eft  reçu  dans  le 
nœud  3  ou  3  de  la  grande  pièce  :  ainfi  les  épaulieres  font 
fixées  fur  Y  arbre ,  mais  Y  arbre  tourne  dans  les  nœuds 
3  ,  3  des  grandes  pièces. 

L 'arbre  a  dans  fon  milieu  une  faillie  ou  efpece  d'o- 
reille 8  ,  qu'on  appelle  le  porte  faix  de  l'arbre.  On  voit 
à  chaque  nœud  3,3,  des  grandes  pièces  1 ,  II ,  2,  3  ; 
i,II,2,  3  ,  un  bouton  en  vis  9 ,  9 ,  qui  s'enlève  & 
permet  de  couler  de  l'huile  dans  le  nœud  3 ,  3  quand 
il  en  eft  befoin. 

La  PARTIE  10,10  s'appelle  la  barre  de  derrière  d' en- 
haut  :  elle  s'attache ,  comme  on  voit  ici ,  au  derrière 
des  grandes  pièces  &  en-dehors. 

La  PARTIE  11,11  s'appelle  la  barre  de  derrière  d? en- 
bas  :  elle  s'attache ,  comme  on  voit,  au  derrière  des 
grandes  pièces  en-dedans. 

L'ufage  de  ces  deux  barres  eft  de  foûtenir  le  porte- 
faix £  en-bas. 


BAS 

Le  porte-faix  d'en-bas  ,  fig.  5.  eft  compofé  de 
plufieurs  pièces  :  d'une  roulette  1  attachée  à  la. pièce  2 , 
qui  conferve  le  nom  de  porte  -faix  d'en-bas  ;  d'une 
chappe  3  ,  qui  palTe  fur  le  porte-faix  ,  qui  y  eft  fixée, 
&  qui  foùtient  la  roulette  ;  &  d'un  boulon  4 ,  qui  tra- 
verfe les  côtés  de  la  chappe  &  la  roulette  mobile  fur 
ce  boulon. 

Ce  petit  alTemblage  fe  fixe ,  fig.  J.  au  milieu  de  la 
barre  d'en-haut  &c  de  la  barre  d'en-bas  ,  &C  entre  ces 
barres,  comme  on  le  voit  en  12. 

LaPARTlE  13,13  s'appelle  gueule  de  loup  :  lagueule 
de  loup  eft  fixée  au  milieu  de  la  barre  d'en-bas. 

Les  nouveaux  métiers  ont  deux  gueules  de  loup , 
attachées  à  la  barre  d'en-bas  à  des  diftances  égales 
des  grandes  pièces.  Les  parties  par  lefquelles  elles  font 
fixées  à  la  barre ,  font  ouvertes  félon  leur  longueur , 
afin  qu'elles  puilfent ,  comme  on  l'a  dit  de  Yarrrétant , 
giiffer  fous  la  tête  des  vis  qui  les  fixent  ,  &  s'arrêter 
à  telle  hauteur  qu'on  délire  :  ce  qui  eft  très-effentiel. 

La  partie  14,  14,  15  ,  1 5  ,  fixée  par  deux  vis  fur 
chaque  extrémité  des  épaulieres ,  s'appelle  le  balan- 
cier. Il  eft  compofé  de  deux  barres  parallèles  14  ,  14  y 
15,  15,  qui  font  alTemblées ,  comme  on  voit ,  &dont 
celle  d'en-bas  15,  1 5  ,  eft  terminée  par  deux  petits 
crochets. 

On  a  corrigé  ce  balancier  dans  les  métiers  nou- 
veaux ;  on  a  fupprimé  la  barre  15,15  avec  fon  tenon, 
&  on  lui  a  fubftitué  fur  la  barre  14,  14,  à  égale  diftan- 
ce  des  épaulieres  ,  deux  vis  arrêtées  par  des  écrous  à 
oreilles  ,  placés  fur  la  furface  fupérieure  de  cette 
barre.  La  tête  de  ces  vis  fe  trouve  donc  fous  cette 
barre.  Cette  tête  percée  peut  recevoir  deux  petits 
crochets  ;  &  ces  petits  crochets  font  les  mêmes  fonc- 
tions que  ceux  de  la  pièce  15,15  qu'on  a  fupprimée. 
D'ailleurs  ,  à  l'aide  des  écrous  à  oreilles  ,  on  peuthauf- 
fer  &  bailfer  ces  crochets  à  diferétion. 

La  PARTIE  16,16  s'appelle  le  grand  rejfort.  Son 
extrémité  1 6  eft  terminée  par  un  petit  tourillon  ,  qui 
entre  dans  l'enfoncement  ou  coup  de  pointe  1 6  du  por- 
te-faix d'en-bas  ;  &  fon  extrémité  16  s'ajufte  par  un 
autre  tourillon  dans  l'extrémité  de  la  vis  17 ,  qui  tra- 
verfe le  porte-faix  d'en-haut,  &  à  l'aide  de  laquelle  il 
eft  évident  qu'on  peut  bander  ou  relâcher  à  diferé- 
tion le  grand  rejfort  ,  dont  l'effort  tend  à  relever  les 
épaulieres  avec  le  balancier ,  en  faifant  tourner  Y  arbre 
fur  lui-même. 

Voilà  le  premier  alTemblage  :  j'avertis  qu'avant 
de  palfer  au  fécond,  il  faut  avoir  celui-ci  très-fami- 
lier ;  finon  les  pièces  venant  à  fe  multiplier  ,  &  les 
affemblages  mal-compris  s'affemblantenfuite  les  uns 
avec  les  autres ,  formeront  des  malles  confufes  où 
l'on  n'entendra  rien.  On  en  jugera  par  le  fécond  af- 
lemblage ,  qui  ne  diffère  du  premier  que  par  un  très- 
petit  nombre  de  pièces  fur-ajoûtées ,  &  qui  commen- 
ce toutefois  à  devenir  un  peu  difficile  à  bien  failir. 
Second   Assemblage.   Planche  LU.  fig.  i. 

Cet  alTemblage  eft  formé  des  pièces  de  i'affem- 
blage  précédent ,  auquel  on  a  ajouté  les  pièces  fui- 
vantes. 

Dans  les  nœuds  1,  1  des  grandes  pièces ,  font  placées 
les  pièces  17,  18,  19;  17,  i8,i9:ces  pièces  s'appel- 
lent les  bras  depreffe  ;  elles  font  fixées  dans  les  nœuds 
1  ,  1  par  un  boulon  &  par  une  goupille.  Il  taut  diftin- 
guer  dans  le  bras  de  preffe  trois  parties  :  1 7 ,  le  noeud 
de  la  charnière  du  bras  ;  ce  noeud  s'ajufte  ,  comme  on 
voit ,  dans  la  charnière  de  l 'avant-bras  de  la  grande  pie- 
ce  ,  &  s'y  retient ,  comme  nous  avons  dît  :  1 8 ,  le  croif- 
fant  du  bras  ;  &l  19,1a  patte. 

La  patte  du  bras  de  preffe  eft  garnie  d'une  vis  avec 
Yécrou  à  oreilles  20,  20;  20,  20:  cette  vis  s'appelle 
vis  de  marteau.  Son  extrémité  inférieure  vient  frap- 
per ,  dans  le  travail ,  fur  la  grande  pièce  :  mais  elle  ne 
permet  au  bras  depreffe  de  defeendre ,  qu'autant  qu'on 
le  juge  à  propos. 


BAS 

La  PARTIE  21,21  ,fig.  2.  s'appelle  la  grande  anft. 
Le  lieu  qu'elle  occupe ,  &  la  faculté  de  fon  jeu ,  exi- 
gent le  coude  qu'on  lui  voit  :  elle  fe  fixe  ,  comme  on 
vo\tfig.  i.  fur  chaque  patte  des  bras  de  preffe ,  aux 
lieux  21,  2i. 

La  partie  22,  zi,fig.  3.  s'appelle  la  petite  anfe. 
Ses  deux  crochets  fe  placent  aux  deux  angles  du  cou- 
de de  la  grande  anfe,  comme  on  voit  fi g.  i. 

La  partie  23  ,  23  s'appelle  le  crochet  de  la  petite 
anfe  ,fig.  2.  PL  3.  S'il  y  avoit  eu  de  la  place  ,  on  le 
verroit  dans  le  coude  de  la  petite  anfe. 

La  partie  24,  24  qui  part  de  l'extrémité,  J%.  1. 
de  la  branche  ou  tige  du  contre-poids ,  eft  une  cour- 
roie de  cuir  qui  vient  parler  fur  la  roulette  du  porte- 
faix a" en- bas,  &c  s'attacher  par  fon  extrémité  24,  au 
milieu  du  coude  de  la  grande  anfe. 

La  partie  25  ,fig.  1.  eft  un  contre-poids  attaché  , 
comme  on  voit,  à  la  branche  ou  tige  26  du  contre-poids 
qu'on  doit  reconnoître ,  &  dont  nous  avons  parlé  à 
propos  au  fût. 

Le  crochet  23  ,  23  ,fig.  -4.  dont  un  des  bouts 
embraffe  le  coude  de  la  petite  anfe ,  tient  par  fon  au- 
tre bout  à  l'anneau  de  la  marche  du  milieu ,  comme 
on  peut  voir fi g.  1,  PI.  II. 

Corollaire    premier. 

D'où  il  s'enfuit  :  i°.  qu'en  appuyant  du  pié  fur 
cette  marche  ,  fig.  1.  PI.  II.  le  crochet  23  ,  23  ,fig.  1. 
PI.  II.  fera  tiré  en-bas;  que  la  petite  anfe  22,22,  fig.  1. 
PI.  III.  le  fuivra  ;  &  que  la  petite  anfe  fera  defeendre 
la  grande  anfe  21,  21:  mais  la  grande  anfe  21,  21  ne 
peut  defeendre  que  les  bras  depreffe  17,  18,  19;  17, 
18,  19  ;  ou  plutôt  leurs  vis  de  marteau  20  ,  20 ,  ne 
viennent  frapper  fur  les  grandes  pièces  1 ,  II ,  2  ,  3  ;  1  , 
11,2,  3  ;  que  la  courroie  24 ,  24  qui  parle  fur  la  rou- 
lette du  porte-faix  d'en-bas ,  ne  foit  tirée  en  embas  ; 
qu'elle  ne  fafle  monter  la  tige  ou  branche  26  du  con- 
tre-poids ,  &c  que  cette  tige  n'entraîne  en-haut  le  con- 
tre-poids 25. 

Corollaire  II. 

D'où  il  s'enfuit  :  20.  que  fi  on  levé  le  pié  de  deffus 
la  marche  ,  alors  tous  les  mouvemens  le  feront  en 
iens  contraire.  Rien  ne  retenant  plus  le  contre-poids 
25  ,  il  defeendra  ;  fa  branche  26  defeendra  avec  lui  ; 
la  courroie  24  ,  24  avec  la  branche  :  mais  la  courroie 
parlant  fur  la  roulette  ,  ne  peut  defeendre  qu'elle  ne 
tire  en-haut  &  ne  fafle  monter  la  grande  anfe  21,  21. 
La  grande  an  je  montera  ;  les  bras  depreffe  ij ,  18,19; 
17,  18,  1 9  fe  relèveront  ;  la  petite  anfe  22,22  mon- 
tera ;  fon  crochet  23  ,  23  la  fuivra  ;  &  la  marche  fui- 
vra le  crochet ,  fe  relèvera ,  &  tout  fe  reftituera  dans 
l'état  que  repréfente  h  fig-  1.  de  cette  PL  III. 

Ce  fécond  affemblage  forme  ce  qu'on  appelle  com- 
munément la  cage  du  métier,  ("a  carcaffe  ,  fon  corps, 
lés  parties  grolfieres.  Nous  allons  palier  à  ce  que  les 
ouvriers  appellent  Vainc  du  métier.  Les  parties  le  mul- 
tiplieront ici  au  point ,  que  je  ne  peux  trop  confeiller 
au  lecteur  de  fe  familiariler  avec  ce  fécond  aflembla- 
ge ,  &  avec  le  jeu  &  les  noms  de  (es  parties. 
Troisième  Assemblage,  même  PL  III.  fig.  s. 

On  voit  dans  h  figure  3.  de  cette  planche ,  quatre 
pièces  affemblées.  Les  <i^ux  pièces  femblables  27 , 
28 ,  29  ;  27  ,  28  ,  29  ,  s'a ppel lent  porte-grilles  ou  cha- 
meaux de  la  barre  fondue  :  la  pièce  qu'on  appelle  bois 
de  grille ,  &  dont  nous  allons  parler,  fe  fixe  fur  leurs 
parties  28  ,  29  ;  28  ,  29,  par  des  vis  &c  des  écrous  à 
oreilles.  Les  extrémités  des  vis  parlent  dans  les  ouver- 
tures longitudinales  qu'on  y  voit  :  on  leur  a  donné 
cette  figure  ,  afin  qu'on  pût  les  avancer  ou  reculer  à 
diferétion.  La  pièce  30,  30  s'appelle  petite  barre  de 
dejfous  j  &  celle  31,31  >  qui  eft  fixée  fur  le  milieu 
de  la  petite  barre  de  deffous,  eft  un  porte-roulette  gar- 
ni de  la  roulette ,  du  boulon  de  la  roulette }  tk.  de  la  gou- 
pille du  boulon. 


BAS  ioi 

"La  figure  G.  eft  l'aflemblage  des  pièces  précéden- 
tes ,  &  du  bois  de  grille  garni  de  fa  grille.  On  voit  3  2 , 
3  2  ;  3  2,  3  2 ,  les  vis  qui  traverfent  le  bois  de  grille  33,33, 
qui  parlent  dans  les  ouvertures  longitudinales  des 
parties  28  ,  29  ;  28  ,  29  des  chameaux,  &  qui  fixent 
le  bois  de  grille  fur  ces  chameaux.  La  grofe  pièce  33  , 
3  3  s'appelle  bois  de  grille.  La  grille  eft  l'aflemblage  de 
deux  rangées  parallèles  &  perpendiculaires  des  pe- 
tits reflbrts  plantés  dans  le  bois  de  grille.  Il  eft  très-à- 
propos  de  connoître  la  configuration  de  ces  petits 
reflbrts  ,  &  d'en  examiner-  l'arrangement.  Ils  font 
planté;,  parallèlement  :  ils  biffent  entre  eux  un  petit 
efpace  ;  &  ceux  qui  forment  la  ligne  de  derrière  , 
correfpondcnt  exactement  aux  intervalles  que  bif- 
fent entr'eux  ceux  qui  forment  la  ligne  de  devant. 
L'extrémité  fupérieure  de  chacun  de  ces  petits  ref- 
forts  eft  renverfée  en-arriere  ,  &  forme  une  efpece 
de  plan  incliné.  La  partie  qui  eft  immédiatement  au- 
deffous  de  ce  plan  incliné  eft  une  cavité  ,  qu'on  peut 
regarder  comme  formée  de  deux  autres  petits  plans 
inclinés ,  dont  la  rencontre  forme  un  angle ,  &c  fait 
le  fond  de  la  petite  cavité.  La  partie  qui  eft  immé- 
diatement au-deffous  de  la  petite  cavité  ,  eft  un  qua- 
trième plan  incliné ,  qui  a  le  refte  du  refibrt  pour  fa 
longueur. 

La  figure  y.  eft  un  des  petits  refforts  de  grille  déta- 
ché. La  partie  a  b  eft  le  premier  plan  incliné  ;  la  par- 
tie b  c  eft  le  fécond  ;  la  partie  c  d  eft  le  troilieme  ; 
&C  la  partie  df  eft  le  quatrième. 

Là  figure  8.  eft  ce  qu'on  appelle  la  barre  fondue  ou 
fendue  :  barre  fondue  ,  parce  que  la  partie  inférieure 
de  fon  chaflîs  eft  coulée  &i  remplie  d'étain  ;  barre  fen- 
due, à  caufe  des  ouvertures  ou  fentes  que  laiflent  en- 
tr'eux les  petits  quarrés  de  cuivre  dont  elle  eft  gar- 
nie. Cette  barre  fondue  ou  fendue  eft  compofée  de  plu-, 
lieurs  pièces  dont  nous  allons  parler.  34,  34^4,  34, 
font  deux  côtés  du  chajjis  .'35,  3  5  ;  3  5  ,  35,  font  deux 
pièces  de  commodité  qui  s'ajuftent ,  comme  on  les  voit 
avec  les  deux  côtés ,  &  qui  fervent  à  fupporter  la 
barre  fondue  .-36,36;  36,36,  font  deux  charnières 
dont  l'ulage  eft  de  recevoir  les  contre-pouces  ;  pièces 
dont  nous  allons  parler.  On  voit,_/%.  r».  une  de  ces 
charnières  :  elle  eft  percée  à  fa  partie  inférieure  de 
deux  petits  trous  ,  dans  lcfquels  on  fait  palier  une 
goupille  qui  traverfe  en  même  tems  les  deux  côtés 
de  la  barre  ,  6c  qui  fixe  la  charnière  entre  ces  côtés. 
Les  deux  quarrés  de  la  partie  fupérieure  font  aulli 
percés  dans  le  milieu  ,  de  même  que  tous  les  quarrés 
&  autres  parties  prifes  entre  les  côtés  de  la  barre  fon- 
due. On  dira  tout  à  l'heure  l'ulage  de  ces  ouvertures. 
Les  pièces  37 ,  37  ,  font  deux  autres  charnières  ,  toutes 
femblables  aux  précédentes  ,  &  pareillement  affem- 
blées avec  les  côtés  de  la  barre  fondue  ;  mais  dontl'u- 
fage  eft  de  recevoir  d'autres  pièces  qu'on  appelle  tï- 
rans  .-38,38,38,38,  &c.  font  les  cuivres  de  la  barre 
fondue.  On  voit  ,fig.  10.  la  forme  d'un  de  ces  cuivres. 
Leur  partie  inférieure  ou  leur  queue  s'infère  entre 
les  côtés  de  la  barre  fondue ,  &  le  quarré  de  la  partie 
fupérieure  demeure  fupporté  fur  ces  côtés.  Ces  deux 
parties  font  percées  l'une  &  l'autre ,  comme  on  voit , 
&  comme  nous  avons  dit.  Tous  ces  cuivres  font  exac- 
tement femblables  ;tous  placés  parallèlement  les  uns 
aux  autres  ,  &  laiffant  tous  entr'eux  le  même  petit 
intervalle.  Quand  on  les  a  bien  difpolés ,  on  coule 
de  l'ctain  dan^  le  deffous  du  chaffis  de  la  barre  fon- 
due ;  cet  étain  rempliffant  exactement  le  chalîîs,  en- 
tre clans  les  trous  pratiqués  aux  queues  des  cuivres , 
&  les  fixe  folidement  dans  la  dilpolirion  qu'on  leur 
a  donnée.  C'eft  le  nombre  de  ces  cuivres  qui  mar- 
que la  fineffe  d'un  métier  ;  plus  il  y  a  de  cuivres, 
plus  un  métier  eft  fin.  L'intervalle  du  premier  au  der- 
nier cuivre  eft  ordinairement  de  quiii7C  pouces.  On 
pourroit  le  prendre  plu-  grand:  mais  l'expérience  l'a 
déterminé  de  cette  longueur.  On  divUe  cet  intervalle 


iOl  BAS 

en  parties  de  trois  pouces  ;  &  s'il  y  a  dans  chaque  in- 
tervalle de  trois  pouces  vingt  cuivres ,  on  dit  que  le 
métier  eft  un  vingt;  s'il  y  en  a  trente  ,  on  dit  que  le 
métier  eft  un  trente  ;  &  ainfi  de  fuite.  J'ai  vu  des  mé- 
tiers dont  la  barre  fondue  portoit  jufqu'à  quarante- 
deux  cuivres  ,  par  trois  pouces. 

On  ajufte  aux  extrémités  de  la  barre  fondue  la  pièce 
quarrée  39  ,  qu'on  voit  fig.  il,  percée  dans  le  milieu 
&  allongée  à  fon  angle  inférieur  en  tourillon.  Cette 
pièce  eft  fixée  à  chaque  extrémité  de  la  barre  fondue 
par  une  vis  &  fon  écrou.  Cette  vis  traverfant  les  cô- 
tés de  la  barre  fondue  avec  la  pièce  à  tourillon ,  fert  en 
même  tems  à  ferrer  ces  côtés.  La  pièce  3  5  de  la/g'. 
il.  eft  la  pièce  de  commodité ,  féparée  de  l'affemblage 
de  \difig.  S- 

La  figure  1 .  PL  IV.  eft  un  affemblage  des  porte- 
grilles  zj,  28 ,  19  ;  17  ,  28  ,  29  ;  de  la  petite  barre  de 
deffous  30 ,  30,  qu'on  ne  voit  pas  ;  de  la  roulette  fi- 
xée fur  fon  milieu  ,  que  le  bois  cache  auffi  :  du  bois 
de  grille ,  garni  de  fa  grille  3  3  ,  3  3  ;  de  la  barre  fondue^ 
entière  34,34;34,34,  avec  les  pièces  de  commodité 
35,  35;  des  charnières  à  contre-pouces  37,  37;  des 
charnières  à  tirans  3  6  ,  3  6  ;  des  cuivres  3  8  ,  3  8  ,  ère.  des 
quarrés  à  tourillon  39,  39. 

J'obferverai  ici  que  la  barre  fondue  n'eft  pas  tout-à- 
fait  la  même  dans  les  nouveaux  métiers ,  que  dans 
celui  que  je  viens  de  décrire  ;  on  a  fupprimé  les  pie- 
ces  de  commodité  ,  &  le  quarré  à  tourillon  n'a  pas 
tout-à-fait  la  même  figure  :  la  barre  fe  termine  d'u- 
ne façon  un  peu  plus  limple. 

La  pièce  40  s'appelle  platine  à  ondes,  fig.  2.  il  faut 
diftinguer  dans  cette  pièce  plufieurs  parties,  qui  ont 
toutes  leurs  ufages  ,  comme  on  verra  dans  la  fuite,  a, 
la  tête  de  la  platine  ;  b  ,fon  bec  ;  c ,  le  deffous  du  bec  ; 
d ,  la  gorge  ;  e ,  le  ventre  jf,  la  queue. 

On  voit  fig.  3  ,  une  pièce  qui  s'appelle  onde,  41. 
On  voit  que  l'onde  eft  fendue  par  la  partie  antérieu- 
re ,  qu'elle  a  une  éminence  au  milieu  ;  que  cette  émi- 
nence  eft  percée  ,  &  que  fa  queue  fe  termine  en  poin- 
te moufle.  La  tête  de  la  platine  à  onde  s'infère,  s'at- 
tache &  fe  meut  dans  la  fente  de  la  tête  de  l'onde  ; 
&  ces  deux  pièces  affemblées  fe  placent  entre  les  in- 
tervalles que  laiffent  entr'eux  les  cuivres  de  la  barre 
fondue ,  de  manière  que  l'ouverture  de  l'éminence  de 
l'onde,  réponde  aux  ouvertures  des  deux  cuivres  en- 
tre lefquels  elle  eft  placée  ,  &  que  fa  queue  s'avan- 
ce jufte  au  fond  de  la  cavité  d'un  reflbrt  de  grille. 
Co  RO  L  LA  I  RE   II. 

Il  s'enfuit  de-là  qu'il  faut  autant  de  platines  à  on- 
des que  d'ondes ,  autant  d'ondes  que  de  cuivres ,  au- 
tant que  de  reftorts  de  grille  ;  &  que  les  queues  des 
ondes  doivent  être  alternativement  un  peu  plus  cour- 
tes &  un  peu  plus  longues  ;  plus  longues  en  celles 
qui  vont  jufqu'au  fond  de  la  petite  cavité  des  reftorts 
de  grille  de  la  féconde  rangée  ;  plus  courtes  en  cel- 
les qui  ne  vont  qu'au  fond  de  la  petite  cavité  des 
reftorts  de  grille  de  la  première  rangée. 

On  voit  ,fig.  4.  tous  les  intervalles  laiffés  entre  les 
cuivres  remplis  d'ondes  garnies  de  leurs  platines , 
40,  40,  40,  &c.  L'ufage  des  cuivres  eft  maintenant 
évident  ;  on  voit  qu'ils  fervent  à  tenir  les  ondes  pa- 
rallèles ,  &  à  les  empêcher  de  vaciller  à  droite  ou  à 
gauche. 

On  a  repréfentt  ,fig.  5.  la  pièce  appellée  un  tirant, 
qui  doit  remplir  la  charnière  de  barre  fondue  ,  que 
nous  avons  appellée  charnière  de  tirant ,  &  que  nous 
avons  chiffrée/^,  l ,  36.  Le  tirant  42  ,fig.  4 ,  reffem- 
ble  exactement  à  la  partie  antérieure  d'une  onde  ;  il 
fait  en  deffus  &  en  deffous  les  mêmes  coudes  :  il  a 
l'éminence  pareille  &  pareillement  percée;  il  eft  feu- 
lement plus  fort  ;  &  au  lieu  d'avoir  l'extrémité  anté- 
rieure fendue  ,  il  l'a  propre  à  être  ajuftée  dans  le 
porte-tirant. 


BAS 

On  voit  ,fig.  4 ,1e  tirant  42  dans  fa  charnière,  dont 
la  figure  n'eft  pas  inutile  ;  car  on  doit  s'appercevoir 
que  fes  deux  quarrés  font  deftinés  à  tenir  le  tirant , 
parallèle  aux  ondes  &  non  vacillant. 

La  pièce  43  ,  44 ,  45  ,fig.  4 ,  qu'on  voit  dans  la  char- 
nière que  nous  avons  chiffrée  37  ,fig.prem.  s'appelle 
contre-pouce  :  fa  partie  antérieure  43  ,  a  la  forme  d'un 
pouce  ;  elie  eft  chargée  d'un  contre-poids  44  :  il  y  a 
en  deffous  une  éminence  comme  aux  tirans  &  aux  on- 
des ,  &  fa  partie  poftérieure  45  fe  termine  par  un 
quarré  plat  &  percé  dans  le  milieu. 

Les  contre-pouces  ,  les  tirans  ,  les  charnières  des  con- 
tre-pouces ,  les  charnières  des  tirans  &  toutes  les  ondes 
avec  les  cuivres ,  font  traverfées  par  une  verge  ron- 
de ,  qu'on  appelle  verge  de  barre  fondue.  On  voit  en 
46  l'extrémité  de  cette  verge.  Les  tirans ,  les  contre- 
pouces  &  les  ondes,  peuvent  fe  mouvoir  librement 
fur  elle  ;  &  elle  fert  comme  d'axe  &  de  point  d'appui 
à  toutes  ces  parties. 

On  a  ajufté  à  l'extrémité  de  la  barre-fondue ,  la  rou- 
lette 4J  dans  fon  tourillon  ,fig.  4. 

La  pièce  48  ,  48 ,  qu'on  voit,  fig.  4,  ajuftée  par  fes 
extrémités  quarrées ,  fur  les  extrémités  de  même  figu- 
re des  contre-pouces  ,  s'appelle  la  bafcule.  Il  faut  que 
le  bec  du  contre-pouce  avec  le  poids  dont  il  eft  char- 
gé ,  foit  plus  lourd  que  la  partie  poftérieure  avec  la 
partie  de  bafcule  qu'elle  foûtient  ;  car  l'ufage  du  con- 
tre-pouce &  de  fon  contre-poids,  eft  de  faire  relever 
la  bafcule  d'elle-même  ,  quand  en  lâchant  le  pouce , 
on  ceffe  de  preffer  le  contre-pouce  en  deffous ,  &  d'ap- 
pliquer la  bafcule  fur  la  queue  des  ondes. 

Si  l'on  revient  à  la  pièce  de  commodité  de  la  bar- 
re fondue  ,  fig.  1 ,  on  appercevra  à  l'extrémité  de  fa 
partie  poftérieure  un  petit  tenon  o  ;  c'eft  fur  ce  petit 
tenon  qu'eft  foùtenue  la  barre  à  chevalet,  ou  la  ma- 
chine 49  ,  49,  qu'on  voit  paflée  fous  la  queue  des 
ondes  ,fig.  4.  Dans  les  métiers  nouveaux,  la  barre 
à  chevalet  ne  porte  que  iur  les  grandes  pièces. 

On  diftingue  dans  le  chevalet  plufieurs  parties  ; 
50 ,  <jO ,  s'appelle  la  barre  à  chevalet  ;  5  1  ,  la  joue  du 
chevalet  ;  52,  le  corps  du  chevalet  ,"53,  l's  de  la  corde 
à  chevalet  ;  54,  la  roulette  de  la  barre  à  chevalet.  Les 
joues  &  le  corps  du  chevalet  tiennent  enfemble  :  cet 
affemblage  eft  mobile  le  long  de  la  barre  à  chevalet  : 
c'eft  la  même  corde  qui  part  d'une  des  s  53  ,  paffe 
fur  une  des  roulettes  49  de  la  barre  à  chevalet,  va  s'en- 
velopper fous  la  roue  du  fût  13  ,pl.  2  ,fig.  prem.  & 
fe  rend  à  l'autre  s  5  3  ;  elle  eft  cloiiée  fous  la  roue. 
Corollaire  IV. 

D'où  il  arrive  qu'en  appuyant  fur  la  marche ,  1 , 

5  ,  qui  eft  à  gauche  ,fig.  1.  PL  II.  cette  marche  fai- 
fant  tourner  le  tambour  de  la  roue  1 3  ,  de  droit  à  gau- 
che ,  la  roue  1 3  tourne  en  même  fens  ;  le  corps  du 
chevalet ,  PL  4  ,  fig.  4.   5 1  ,  eft  tiré  en  même  fens , 

6  il  va  le  long  de  la  barre  à  chevalet  50,  50,  de 
droite  à  gauche ,  jufqu'aux  arrêts  55,55  de  la  barre 
à  chevalet  :  c'eft  le  contraire ,  fi  lorfque  le  chevalet  eft 
aux  arrêts  55  de  la  barre  à  chevalet ,  on  vient  à  ap- 
puyer fur  la  marche  qui  eft  à  droite. 

Corollaire  V. 
Mais  le  corps  du  chevalet  faifant  comble  51 ,  & 
étant  un  peu  plus  élevé  que  la  pofition  prefqu'hori- 
fontale  des  ondes  ,  ou  que  les  petites  cavités  des  ref- 
forts  de  grille  où  leurs  queues  font  placées  ,  ne  peut 
paffer  fous  ces  queues  fans  les  chaffer  de  ces  cavi- 
tés ;  c'eft  ce  qui  produit  ce  cliquetis  allez  long  qu'on 
entend ,  lorfque  l'ouvrier  travaille.  Il  eft  caufé  par 
l'adtion  du  comble  5  1  du  chevalet,  contre  le  défions 
de  la  queue  des  ondes  ;  par  la  réaûion  des  reftorts  de 
grille ,  des  cavités  defquels  les  queues  des  ondes  ne 
peuvent  s'échapper ,  fans  repouffer  ces  reflbrts  &  le 
trouver  enfuite  fur  le  petit  plan  incliné ,  qui  forme 


BAS 

leur  extrémité  &  qui  facilite  cette  réacTion  ;  &  par 
la  chute  de  la  tête  des  ondes  fur  une  pièce  dont  nous 
parlerons  ,  &  qu'on  appelle  la  barre  à  moulina ,  con- 
tre laquelle  les  têtes  des  ondes  viennent  frapper.  C'eft 
pour  que  cette  chute  fe  faffe  ,  qu'on  a  pratiqué  en 
deffous  de  Y  onde  entre  fa  tête  &  fon  éminence,  un 
coude  ou  vuide.  Moyennant  ce  vuide ,  l'onde  n'eft 
point  gênée  dans  fon  mouvement  par  la  barre  fondue , 
qui  ne  laiffe  pas  d'avoir  de  la  largeur  ;  c'eft  par  cette 
raifon  qu'on  a  pratiqué  le  même  coude ,  ou  vuide 
aux  tirans. 

La  bafcule  fert  à  faire  fortir  les  queues  des  ondes 
des  cavités  des  refTorts  de  grille  &c  à  les  faire  defcen- 
dre  ;  &  le  chevalet ,  à  les  chaffer  des  mêmes  cavités 
&  à  les  faire  monter. 

Dans  les  nouveaux  métiers  ,  comme  il  n'y  a  point 
de  pièces  de  commodité ,  la  barre  à  chevalet  porte  lur 
les  longues  pièces  ;  elle  s'y  fixe  à  l'aide  de  deux  cha- 
meaux ,  qui  ont  chacun  une  vis  quarrée  avec  un  pe- 
tit tourillon  ,  qui  entre  dans  le  deffous  de  la  barre  à 
chevalet. 

Voilà  le  troifieme  affemblage  ,  ou  l'ame  du  métier. 
Nous  allons  pafTer  au  quatrième ,  qui  ne  fera  que 
l'afTemblage  du  fécond  &  du  troifieme  ;  de  même 
que  le  fécond  n'étoit  que  l'afTemblage  du  premier  6c 
de  quelques  autres  parties. 

Quatrième  Assemblage  ,  PI.  4,fig.  6. 
Ce  quatrième  affemblage  eft  compofé  du  fécond 
&  du  troifieme.  C'eft  la  cage  du  métier  dans  laquelle 
on  a  placé  l'ame. 

Nous  avons  donné  ci-deffus  un  détail  fi  exacT  des 
parties  de  ces  deux  dirlércns  affemblages  &  de  la  ma- 
nière dont  elles  font  affemblées ,  que  nous  pourrions 
nous  contenter  d'obferver  ici ,  que  l'ame  ou  le  troi- 
fieme affemblage  eft  mobile  dans  le  fécond  ou  dans 
la  cage  ;  que  la  barre  fendue  ou  fondue  ÔC  toutes  fes  ap- 
partenances font  foûtenues  par  la  gueule  de  loup  ,13, 
13  ,fig.  3  ,  PI.  II.  attachée  à  la  barre  de  derrière 
d'en  bas ,  qui  eft  fixée  aux  hauteurs  d'équerre  des 
grandes  pièces  ,  &  par  les  deux  roulettes  47,  47  ,fig. 
6 ,  PL  4.  placées  aux  extrémités  de  la  barre  fondue  ; 
que  la  roulette  de  la  petite  barre  de  deffous  du  bois 
de  grille  entre  &  fe  meut  dans  la  gueule  de  loup  ;  que 
les  deux  roulettes  de  l'extrémité  de  la  barre  fondue 
parlent  &  fe  meuvent  fur  les  grandes  pièces  ;  &  que 
l'afTemblage  entier  que  nous  avons  appelle  l'ame  du 
métier,  peut  s'avancer  en  devant  ôc  fe  reculer  en 
arrière. 

Mais  pour  faciliter  au  lccTcur  l'intelligence  de  la 
machine  ,  nous  allons  lui  rappeller  toutes  les  pièces 
de  ce  quatrième  affemblage  ,  avec  leurs  principales 
correfpondances  ,  dans  l'ordre  où  il  a  vu  naître  cet 
affemblage. 

I,  2,  3  ;  1,  2,3.  Les  grandes  pièces. 

4,  <j  ;  4,  5.  Les  épaulieres  fixées  dans  le  quarré  de 
V arbre  ,6,7. 

6  ,  7.  L 'arbre  mobile  fur  fes  tourillons  placées  dans 
Us  nœuds  3,3,  des  grandes  pièces. 

8.  Le  porte-faix  de  l'arbre. 

9.  Bouton  pour  couler  de  l'huile  dans  le  nœud. 

10.  10.  Barre  de  derrière  <£ en-haut. 

II.  11.  Barre  de  derrière  £  en-bas.  Ces  deux  barres 
fervent  à  fixer  entr'clles  le  porte-faix  d'en  bas ,  avec 
fa  chappe  &  fa  roulette. 

12.  Porte-faix  d'en  bas  avec  fa  chappe  &  fa  rou- 
lette ,  fixés  entre  les  barres  de  derrière. 

1  3.  Gueule  de  loup  fixée  à  la  barre  tic  derrière  d'en- 
bas  ,  qui  reçoit  la  roulette  de  la  petite  barre  de  def- 
fous de  la  barre  fondue. 

14,  14,  15,  15.  Le  balancier  fixé  fur  les  épaulieres 
à  quelque  diftance  de  leurs  nœuds. 

16,  16.  Le  grand  refjort  placé  entre  les  deux  por- 
te-faix. 


BAS 


103 


17,  18,19.  J7»  '8,  19.  Les  barres  de  preffe  affem- 
blées  avec  les  grandes  pièces. 

20,  20.  Vis  de  marteau  avec  fon  écrou ,  placée  fur 
les  pattes  des  bras  de  preffe. 

21,21.  Les  extrémités  de  la  grande  anfe ,  fixées  fur 
les  extrémités  des  bras  de  preffe. 

21,  22.  Les  deux  crochets  de  la  petite  anfe. 

Le  nœud  4  de  Yépauliere  droite ,  couvre  la  partie 
de  la  courroie ,  qui  prend  au  milieu  de  la  grande  anfe 
&  qui  paffe  fur  la  roulette  au  porte-faix  d 'en-bas  ;&  la 
barrefondue&ti'es  parties  empêchent  qu'on  ne  voye  la 
fuite  de  la  courroie  ,  aller  de  deffus  la  roulette  du  por- 
te-faix d'en  bas ,  au  fommet  de  la  tige  ou  branche  du 
contre-poids  :  on  n'apperçoit  qu'une  partie,  26,  26, 
des  branches  de  la  petite  anfe. 

27,  28,  29.  Un  des  chameaux  ou  porte-grille  ;  l'autre 
eft  cache  par  les  platines  à  ondes. 

Le  bois  de  grille  cache  la  petite  barre  de  deffous  30, 
3 1 .  avec  fon  porte-roulette  &  fa  roulette  que  reçoit  la 
gueule  de  loup;  on  n'apperçoit  que  l'extrémité  32.  de 
la  vis  qui  fixe  le  bois  de  grille  lur  le  chameau  du  côté 
droit ,  que  l'extrémité  3  3 .  du  bois  de  grille,  &  que  les 
extrémités  des  petits  refforts  plantés  dans  le  bois  de 
grille  &c  formant  la  grille. 

34.  34.  Les  extrémités  des  deux  barres  qui  forment 
le  chaffis  de  la  barre  fondue. 

35.  Une  des  pièces  de  commodité  qui  foûtiennent  le 
chevalet  par  un  piton  qui  entre  dans  un  trou  pratique 
au-deffous  de  la  barre  à  chevalet. 

36.  Un  des  quarrés  de  la  charnière  du  tirant. 

37.  37.  Les  quarrés  des  deux  charnières  des  contre- 
pouces.  Les  ondes  42  couvrent  les  cuivres  de  la  barre 
fondue. 

38.  Pièce  quarrée  prife  entre  les  côtes  de  la  barre 
fondue,  de  l'angle  inférieur,  de  laquelle  part  un  tou- 
rillon dont  on  voit  47  l'extrémité  à  travers  la  roulette 
47  du  côté  droit. 

39.  39.  39.  Platines  à  ondes  fixées  àl'extrémité  des 
ondes. 

40.  Ondes. 

41.  41.  41.  Partie  de  la  furface  fupérieure  des  cuivres 
de  la  barre  fondue. 

42.  Un  tirant  dans  fa  charnière. 

43 .  44,  45.  Un  contrepouce  avec  fon  poids ,  dans 
fa  charnière. 

46.  L'extrémité  de  la  verge  qui  traverfe  les  contrepou- 
ces ,  les  tirans  ,  les  cuivres  &  les  ondes. 

47.  Roulettes  de  la  barre  fondue. 

48.  48.  La  bafcule  fixée  fur  les  extrémités  de  der- 
rière des  contre-pouces. 

On  voit  très-bien  le  chevalet  49.  50.  51.  52.  53. 
54.  avec  toutes  les  parties  :  mais  on  ne  voit  point  le 
tourillon  de  la  pièce  de  commodité  qui  le  lupporte. 

Voilà  le  détail  de  ce  quatrième  affemblage  :  j'y  ai 
rappelle  toutes  les  parties  dont  nous  avom  fait  men- 
tion jufqu'à  prélent;  tant  celles  qu'on  voit  dans  fa  fi- 
gure, que  celles  qu'on  n'apperçoit  point  du  tout,  ou 
qu'on  n'apperçoit  qu'en  partie.  Nous  pouvons  donc 
pafTer  maintenant  au  cinquième  affemblage  ,  &  nous 
tenir  pour  perfuadés  que  ce  fera  plutôt  l'effet  de  l'i- 
nattention du  lecteur ,  ou  plutôt  celui  de  la  compo- 
fition  de  la  machine, que  notre  faute  ,  fi  l'on  ne  nous 
a  pas  entendus  jufqu'à  préfent. 

Cinquième  Assemblage.  Planche  V. 

On  voit  dans  la  première  figure  de  cette  Planche 
ce  cinquième  affemblage  complet. 

La  pièce  <j6  ,  56 ,  figure  1  &  2,  qui  fert  de  bafe  à 
toutes  les  autres  ,  s'appelle  corps  de  barre  à  aiguilles  : 
ce  corps  de  barre  à  aiguilles  a  une  petite  faillie  ou 
cordon  qu'on  apperçoit  au  lieu  57.  On  fixe  lur  cette 
faillie  la  petite  barre  de  h  figure  J,  qu'on  ne  peut 
appercevoir  dans  h\  figure  première  qu'on  appelle  queue 
(Tarondedu  corps  de  barre  à  aiguilles.  La  furtace  infé- 
rieure de  cette  pièce  eft  plate  ;  fa  fupérieure  eft  un 


104 


BAS 


BAS 


talus  ou  bifeau  un  peu  convexe  ;  ce  bifeau  eft  tourné 
vers  le  fond  du  corps  de  barre  à  aiguilles.  On  en  verra 
tout-à-1'heure  l'ufage. 

Les  pièces  58 ,  58 ,  figure  première  ,  font  appcllées 
par  les  ouvriers  étochios ,  figure  4,  58;  elles  font  pla- 
cées fur  le  corps  de  barre  qu'elles  traverfent ,  par  un 
tenon  quarré  qui  les  tient  fermes  &  immobiles  fur 
ce  corps  ;  elles  font  au  niveau  de  fa  faillie ,  &  elles 
font  appliquées  exa&ement  contre  la  queue  d'aronde. 
Les  pièces  59 ,  59,  5 9, figure  première  ,  &c.  font  des 
plombs  à  aiguilles  avec  leurs  aiguilles ,  rangés  fur  la 
queue  d'aronde,  entre  les  deux  étochios.  On  voit ,  figu- 
re <j  &  6 ,  un  de  ces  plombs  à  aiguilles  avec  fes  trois 
aiguilles.  On  a  pratiqué  à  ce  plomb  ,  en  le  coulant , 
une  petite  échancrure  à  fa  partie  antérieure  de  def- 
fous.  La  queue  d'aronde  a  exactement  la  forme  de 
cette  échancrure  ;  enforte  qu'elle  remplit  les  échan- 
Crures  de  tous  les  plombs  à  aiguilles.  Il  n'eft  pas  inu- 
tile de  remarquer  que  la  partie  poftérieure  de  deffus 
du  plomb  à  aiguille  eft  en  talus. 

Les  pièces  60  ,  60  ,  figure  première ,  font  des  plaques 
de  barre  à  aiguilles  :  ces  pièces  font  plates  en  deffus  ; 
mais  leur  partie  antérieure  de  deffous ,  imite  exacte- 
ment le  talus  de  la  partie  poftérieure  de  deffus  du 
plomb  à  aiguille.  Les  plombs  à  aiguille  font  donc  fi- 
xés inébranlablement  entre  les  plaques  &  la  queue 
d'aronde  ;  entre  les  plaques  qui  s'appliquent  exacte- 
ment fur  le  talus  de  leur  partie  poftérieure ,  &  la 
queue  d'aronde  qui  remplit  les  échancrures  de  leur 
partie  antérieure.  Ces  plaques  font  fixées  fortement 
fur  le  corps  de  barre  par  deux  vis  qui  les  traverfent 
chacune,  &le  corps  de  barre. 

Les  pièces  61 ,  6  2  ;  6 1  ,  62 ,  s'appellent  des  corps  de 
Jumelles  ;  ces  corps  de  jumelles  font  fixés  fortement 
par  leurs  pattes  62,62,  fur  le  corps  de  barre  à  plati- 
nes. Il  faut  y  remarquer  deux  chofes  ;  leur  extrémi- 
té fupérieure ,  avec  la  faillie  qui  eft  au-deffous ,  & 
parallèle  à  cette  extrémité.  Cette  configuration  a  fon 
ufage  ,  comme  on  verra  dans  la  fuite. 

Les  jumelles  des  nouveaux  métiers  font  mieux  en- 
tendues ;  la  plaque  fupérieure  61  de  la  jumelle  eft 
percée  au  milieu  &  traverfée  d'une  vis  qu'on  peut 
avancer  ou  reculer  ;  &  au  lieu  d'une  faillie  S,  S , 
telle  qu'on  la  voit  ici ,  elles  ont  une  autre  plaque  pa- 
rallèle &  femblable  à  celle  de  l'extrémité  6 1  ,  percée 
pareillement  &  traverfée  d'une  vis ,  dont  la  tête  eft 
au-deffous  de  la  plaque ,  &  qu'on  peut  auffi  avancer 
&  reculer  ;  ce  qui  met  moins  de  difficulté  dans  la 
conftruftion  du  métier ,  &  plus  de  facilité  dans  le 
travail ,  comme  on  verra  quand  je  parlerai  de  la  main 
d'eeuvre. 

Les  pièces  63,  63  ,  placées  perpendiculairement 
fur  le  corps  de  barre  &  parallèlement  aux  jumel- 
les ,  s'appellent  les  moulinets. 

Il  y  a  dans  les  moulinets  plufieurs  parties  à  diftin- 
guer  :  64  ,  64 ,  le  corps  du  moulinet ,  qui  fe  termine 
par  un  tenon  quarré  que  le  corps  de  barre  reçoit  dans 
un  trou  quarré  ;  6  5  , 6  5  ,  le  reffort  du  moulinet.  Ce  ref- 
fort  eft  mobile  dans  une  charnière  66 ,  qui  traverfe  le 
corps  du  moulinet  de  dehors  en  dedans.  La  queue  de 
ce  reffort  porte  fur  un  autre  reffort  placé  plus  bas  qui 
la  relevé  ;  67.  tenon  qui  traverfe  le  corps  du  moulinet, 
&  qui  eft  traverfe  par  l'arbre  du  moulinet  qu'il  tient 
ferme  &  dirige  ;  68.  croifée  du  moulinet  ;  69.  roue  den- 
tée du  moulinet  ;  80.  arbre  du  moulinet. 

La  pièce  81,  81,  que  traverfe  l'extrémité  en  vis 
de  l'arbre  à  moulinet ,  s'appelle  boîte  à  moulinet  :  c'eft 
en  effet  une  boîte ,  ouverte  par  fa  partie  antérieure, 
&  mobile  le  long  du  corps  à  moulinet,  à  l'aide  de 
l'arbre  à  moulinet.  Cette  boîte  reçoit  une  barre  de  fer 
quarrée  82,  82,  appellée  barre  à  moulinet ,  que  le 
rejfort  courbe  83,83,  83 ,  fixé  par  fes  extrémités  aux 
côtés  des  deux  boîtes ,  tient  dans  l'état  où  on  la  voit. 
Ce  reffort  courbe  eft  encore  attaché  par  fon  milieu 


à  la  barre  à  moulinet.  Cette  barre  peut  fe  mouvoir  en 
devant  &  en  arrière  :  mais  il  eft  évident  que  fi  quel- 
que puiffance  la  pouffe  en  arrière,  le  reffort  la  repouf- 
fera en  devant ,  &  la  reftituera  dans  la  fituation  où 
on  la  voit  dans  cette  figure ,  auffi-tôt  que  la  puiffance 
ceffera  d'agir. 

La  barre  à  moulinet  étant  renfermée  par  fes  extré- 
mités dans  les  boîtes ,  fon  reffort  étant  fixé  par  fes 
extrémités  au  côté  des  boîtes  ,  il  eft  évident  que  l'arA 
bre  de  moulinet  faifant  monter  ou  defeendre  les  boî- 
tes ,  fera  pareillement  defeendre  ou  monter  avec 
elles  la  barre  &  fon  reffort.  Fin  du  cinquième  affem- 
blage. 

Sixième  Assemblage. 

Pour  avoir  le  fixieme  affemblage ,  il  ne  s'agit  que 
d'affembler  cet  affemblage  avec  le  quatrième  ;  & 
c'eft  ce  qu'on  voit  exécuté  dans  la  figure  y.  de  la  même 
Planche  V. 

Le  corps  de  barre  à  aiguille  56 ,  0 ,  eft  fixé  fur  les 
grandes  pièces  ;  de  manière  que  les  platines  à  ondes 
font  paffées  entre  les  aiguilles  de  deux  en  deux ,  & 
font  toutes  voifines  des  plombs  à  aiguilles  ;  que  les 
jumelles  font  entre  les  bras  deprejfe ,  &  que  l'extrémité 
des  jumelles  eft  appliquée  fur  les  épaulieres,  entre  leurs 
nœuds  &  les  extrémités  du  balancier. 
Corollaire   VI. 

On  voit  que  fans  la  plaque  de  l'extrémité  àes  ju- 
melles qui  contient  les  épaulieres,  le  grand  reffort  fai- 
fant tourner  l'arbre  du  métier  ,  emporteroit  au  der- 
rière du  métier,  &  les  épaulieres  tx  le  balancier  qui  leur 
eft  attaché. 

Corollaire  VIL 
On  voit  encore  qu'il  eft  à  propos  que  cette  plaque 
Aes  jumelles  (bit  traverfée  d'une  vis ,  dont  l'extrémité 
donne  furies  épaulieres  ;  car  par  ce  moyen,  on  tien- 
dra les  épaulieres  à  telle  hauteur  qu'on  voudra. 
Corollaire  VIII. 
On  voit  en  troifieme  lieu  que  la  faillie  de  la  jumelle 
ne  fervant  qu'à  empêcher  Yépauliere  de  defeendre  trop 
bas  quand  on  travaille  ,  il  vaudroit  mieux  fubftituer 
à  cette  faillie  immobile  telle  qu'on  la  voit  ici ,  une 
autre  plaque  parallèle  à  celle  du  deffus  delà  jumelle, 
&  traverfée  d'une  vis ,  dont  la  tête  feroit  en  deffous. 
Par  le  moyen  de  cette  vis ,  l'épauliere  ne  defeendroit 
qu'autant  qu'on  le  jugeroit  à  propos  ;  &  l'on  verra , 
quand  nous  parlerons  de  la  main  d'eeuvre ,  combien 
il  eft  important  de  jouir  de  ces  avantages  ,  qu'on 
s'eft  procurés  dans  le  nouveau  métier. 

Je  crois  qu'il  eft  affez  inutile  de  rentrer  dans  une 
énumération  complète  de  toutes  les  parties  dont  ce 
cinquième  affemblage  eft  formé  :  il  nous  fuffira,  après 
ce  que  nous  avons  dit  jufqu'à  préfent ,  d'obferver 
deux  chofes  ;  l'une  concernant  cet  affemblage ,  ôc 
l'autre  concernant  les  différences  de  l'ancien  métier, 
tel  que  nous  le  donnons  ici ,  &  du  nouveau  métier. 
Cet  affemblage  eft  formé  de  trois  maffes  impor- 
tantes ;  la  cage  avec  fes  appartenances ,  comme  grande 
anfe  ,  petite  anj'e  ,  crochet  de  petite  anfie ,  branche  de  con- 
tre-poids, &  contre-poids,  &c. 

L'ame  ou  la  barre  fondue  avec  fes  appartenances ,  com- 
me porte-grille ,  bois  de  grille  ,  grille ,  platines  à  ondes t 
ondes  ,  tirans  ,  contre-pouces  ,  bajcule  ,  &c 

La  barre  à  aiguilles  avec  fes  appartenances  ,  comme 
aiguilles  avec  leurs  plombs,  jumelles ,  moulinets ,  boites, 
barre  à  moulinet ,  rejfort  à  moulinet ,  &C. 

Les  différences  de  l'ancien  métier  &  du  nouveau, 
font  très-légères  ;  elles  ajoutent  à  la  vérité  quelque 
chofe  à  la  perfeûion  du  métier  ;  mais  elles  ajoutent 
encore  davantage  à  l'honneur  de  l'inventeur  :  car  on 
remarquera  que  fi  ce  métier  devoit  être  exécuté  par 
des  êtres  infaillibles  dans  leurs  mefures ,  tk  mis  en 

oeuvre 


BAS 

œuvre  par  des  êtres  infaillibles  dans  leurs  mouve- 
mens  ,  il  auroit  fallu  le  laiffertel  qu'il  étoit.  On  s 'eft 
feulement  ménagé  par  les  changemens  qu'on  y  a  faits, 
la  commodité  de  tâtonner,  &  d'atteindre  dans  k  pra- 
tique à  cette  précifîon  géométrique  que  la  machine 
avoit  dans  l'efprit  de  fon  inventeur.  Paffons  au  fep- 
tieme  affemblage. 

Septième    Assemblage.  PI.  VI. 
La  fig.  première ,  Planche  VI.  montre  ce  feptieme 
affemblage  tel  que  nous  Talions  détailler. 

La  pièce  qu'on  voit  84.  84../%.  2  &cfig.  3-  s'appelle 
barre  à  platine  ;  les  groffes  pièces  85.  85.  auxquelles 
elle  eft  fixée  ,fig.  2.  s'appellent  abattans. 

La  pièce  $6.  86.  qu'on  voit  fig.  4.  &  qu'on  n'ap- 
perçoit  pas  ,fig.  première,  s'appelle  le  chaperon  de  la 
barre  àplatine  ;  il  eft  placé  à  la  partie  fupérieure  pof- 
îérieure  de  la  barre  à  platine. 

La  pièce  87.  87.  qu'on  voit  fig.  5.  mais  qu'on  n'ap- 
perçoit  pas  ,  fig.  première  ,  s'appelle  queue  a"aronde  de 
la  barre  à  platine.  Cette  queue  d'aronde  le  fixe  à  la  fail- 
lie 88.  88.  ou  au  cordon  qu'on  voit  à  la  barre  à  pla- 
tine ,fig.  3.  nous  parlerons  de  fa  figure  &  de  fon  ufa- 
ge  plus  bas.  Il  fuffit  de  dire  ici  qu'elle  fert  à  fixer  les 
platines  à  plomb ,  &  qu'elle  en  eft  couverte ,  de  mê- 
me que  la  queue  d'aronde  de  la  barre  à  aiguilles  étoit 
couverte  des  plombs  à  aiguilles  ,  &  fervoit  à  les  fi- 
xer. 

La  barre  à  platine  a  pareillement  fes  deux  étochios 
89.  89.  fig.  2.  fixés  aux  extrémités  de  la  queue  a"a- 
ronde ,  &  au  niveau  de  la  faillie ,  ou  du  cordon  de  la 
barre  à  platine.  On  voit  ,fig.  2.  89.  89.  ces  deux  éto- 
chios ;  ils  ont  la  même  figure  &  le  même  ufage  que 
fur  la  barre,  à  aiguilles. 

Les  pièces  qu'on  voit  ,fig.  2.  90.  90.  &  fig.  6.  90, 
s'appellent porte-tirans  ;  ils  ont  une  ouverture  à  la  par- 
tie fupérieure ,  par  laquelle  ils  font  attachés  ,fig.  2. 
fermement  au  corps  de  la  barre  àplatine ,  &  une  char- 
nière à  la  partie  inférieure ,  dont  on  verra  l'ufage. 

Les  pièces  qu'on  voit,  fig.  2.  91.  91.91.  &cfig.  y. 
91.  s'appellent  platines  à  plombs  avec  leurs  plombs  à 
platines  ;  elles  font  composées  de  deux  parties ,  la  fu- 
périeure qu'on  voit  fig.  8.  &  qu'on  nomme  plomb  à 
platine  ,  &  l'inférieure  qu'on  voit  fig.  f).  qu'on  nom- 
me platine  à  plomb. 

Le  plomb  àplatine  a  deux  fentes  à  fa  partie  large  , 
&  reçoit  dans  ces  fentes  deux  platines  à  plomb  qu'on 
y  fixe  ,  enforte  qu'il  en  réfulte  le  tout  de  la. fig.  y.  ce 
tout  a  à  fa  partie  poftérieure  un  petit  crochet  qu'on 
"voit  fig.  8.  la  queue  d'aronde  a  à  fa  partie  poftérieure 
une  entaille  en  biféau ,  toute  femblable  à  ce  crochet , 
enforte  que  tous  les  crochets  des  plombs  à  platines 
rempliffent  l'entaille  ou  le  bifeau  de  la  queue  d'aron- 
de ,  à  laquelle  ils  demeurent  fufpendus  par  leurs  cro- 
chets ;  ils  font  appliqués  du  refte  contre  le  corps  de 
la  barre  à  platines. 

On  les  fixe  contre  le  corps  de  la  barre  à  platines  par 
les  plaques  de  barres  à  platines ,  91.  92.  &  qui  font  elles- 
mêmes  fortement  attachées  par  deux  écrous  &  deux 
vis  ,  comme  on  vohfig.  2. 

Les  pièces  93.  93.  qu'on  voit,  fig.  2.  attachées 
au  corps  de  barres  à  platines  par  des  éminences  qui 
entrent  dans  une  charnière  qui  tient  au  corps  de 
barre  à  platines ,  &  qui  leur  permet  de  le  mouvoir  , 
s'appellent  pouces  :  on  verra  ci-après  l'ulage  des  pou- 
ces. 

Paffons  aux  grandes  pièces  85,85  ,fig.  2.  on  les 
appelle  abattans  ;  il  faut  y  diftinguer  plufieurs  par- 
ties: on  voit  fur  leur  furface  antérieure  une  pièce  94, 
94 ,  qu'on  appelle  garde  platine  ;  fur  leur  furtace  pof- 
térieure une  pièce  95,95  ,  qu'on  appelle  le  croc/ut  de 
dedans  de  l'abattant ,  &  fous  leur  partie  intérieure  , 
une  pièce  96  ,  96 ,  qu'on  appelle  le  crochet  de  dejjous  des 
abattans.  Il  n'y  a  pas  une  de  ces  pièces  qui  n'ait  fon 
ufage  relatif  à  fon  lieu  &  à  fa  configuration  :  mais 
Tome  II, 


BAS 


ro5 


cet  ufage  ne  s'entendra  bien  que  quand  la  machine 
entière  fera  formée,  &  que  nous  traiterons  de  la  main- 
d'œuvre. 

La  pièce  qu'on  voit,  fig.  2.  97 ,  97 ,  fixée  au  bas  des 
abattans  par  fes  extrémités ,  &  recevant  fur  fon  mi- 
lieu les  queues  des  platines  à  plomb  ,  s'appelle  la  barre 
à  poignée.  Les  parties  ab  ,AB ,  font  celles  que  l'ou- 
vrier tient  dans  fes  mains ,  dont  les  doigts  paffent  en 
deffous ,  &  le  pouce  en  deffus ,  de  manière  qu'il  puiffe 
être  appliqué  contre  la  partie  que  nous  avons  appel- 
lée  pouce  ;  cette  barre  s'appelle  auffi  barre  à  boite  , 
parce  qu'elle  forme  une  efpece  de  boîte  dans  laquelle 
les  queues  des  platines  à  plomb  font  enfermées. 

On  voit  ,fig.  10.  le  deffus  de  cette  boîte  :  les  ex- 
trémités de  ce  deffus  font  faites  en  coin  ,  &  s'ap- 
pliquent dans  les  lieux  cd,  CD  de  la  barre,  jf^.  2.  où 
elles  font  retenues  par  deux  goupilles  dont  on  voit 
les  trous  en  e ,  £  ,  à  la  barre. 

Ce  deffus  ne  gêne  pas  les  queues  des  platines  à 
plomb.  Voilà  toutes  les  parties  qui  forment  le  feptie- 
me affemblage. 

Il  ne  s'agit  plus  que  d'ajouter  cet  affemblage  au  fi- 
xieme  affemblage  pour  avoir  le  huitième  :  c'eft  cette 
addition  que  nous  allons  confidérer. 

Huitième  Assemblage.  Plane.  VI. 
On  voit  dans  cette  fig.  1.  le  feptieme  affemblage 
joint  au  fixieme. 

L'extrémité  fupérieure  des  abattans  eft  ajuftée  dans 
la  charnière  des  épaulieres  ;  les  tirans  font  pris  dans  la 
charnière  des  porte-tirans  ;  les  pouces  répondent  au-def- 
fous  de  la  partie  antérieure  des  contre-pouces  ;  les  pla- 
tines à  plomb  rempliffent  les  intervalles  vuides  qui 
reftoient  entre  les  aiguilles.  Il  y  a  entre  chaque  aiguille 
une  platine  ;  il  ne  s'agit  plus  que  d'attacher  en  A ,  a  , 
fur  les  bras  de  prejfe ,  la  pièce  98  ,  98  ,  qu'on  voit  fig. 
iz.  &  qu'on  appelle  la  prefje  ;  que  de  placer  toute 
cette  machine  fur  le  fût ,  ou  fur  le  bois  ,  &  que  de 
travailler. 

Car  voilà  la  machine  entière  &  complette  :  voilà 
ce  qu'on  appelle  le  métier  à  bas  :  voilà  toutes  fes  par- 
ties ,  &  la  manière  dont  elles  s'affemblent  ;  il  ne  refte 
maintenant  que  d'en  expliquer  le  jeu ,  ou  que  de  trai- 
ter de  la  main-d'œuvre. 

OliSERVATIOK. 
Mais  avant  que  de  paffer  au  dernier  affemblage  , 
celui  du  métier  avec  fon  fût  ,  j'obferverai  qu'il  faut 
une  extrême  précifîon  dans  la  configuration  des  par- 
ties du  métier.  Il  faut  que  les  intervalles  que  laiffent 
entr'eux  les  cuivres  ,  répondent  bien  exactement  aux 
rejforts  de  grille  ;  que  l'épaiffeur  des  plombs  à  aiguilles 
foit  bien  compallée  pour  qu'il  n'y  ait  pas  plus  de 
plombs  à  aiguilles  que  de  platines  à  ondes,  &  que  cha- 
que platine  à  onde  laiffe  toujours  entr'elle  Se  celle  qui 
la  fuit  trois  aiguilles  ;  que  les  plombs  à  platines  aplomb 
foient  bien  compaffés ,  pour  que  l'épaiffeur  d'un  de  ces 
plombs  foit  double  de  l'épaiffeur  <Tun  plomb  à  ai- 
guilles ;  que  les  deux  platines  que  porte  chacun  de  ces 
plombs ,  fe  rencontrent  bien  dans  les  deux  interval- 
les que  laiffent  entr'elles  les  trois  aiguilles  prifes  entre 
chaque  platine  à  ondes ,  &  que  toutes  ces  parties  dé- 
licates fe  meuvent  librement  les  unes  entre  les  au- 
tres. 

Corollaire  IX. 
J'ai  dit  que  l'intervalle  de  barre  fondue  fur  lequel 
font  difpofés  les  cuivres  étoit  de  quinze  pouces  :  j'ai 
travaillé  chez  le  lieur  Barrât,  le  premier  ouvrier 
dans  fon  genre  ,  &  le  dernier  qu'on  verra  peut- 
être  de  la'même  habileté  ,  fur  un  quarante-cLu\  , 
c'eft-à-dire,  un  métier  qui  portoit  fur  chaque  trois 
pouces  de  barre  fondue,  quarante-deux  cuivres.  La 
barre  fondue  entière  avoit  donc  deux  cens  dix  cuivre-  ; 
il  y  avoit  donc  deux  cens  dix  ondes ,  deux  cens  dix 
platines  à  ondes  ,  quatre  cens  vingt  platines  à  plomb  , 


io6 


BAS 


&  fix  cents  trente  aiguilles.  On  verra  dans  la  fuite  que 
chaque  aiguille  fait  fa  maille  ,  &  que  par  conséquent 
l'ouvrier  faifoit ,  ou  pouvoit  faire  fur  ce  métier  ,  fix 
cents  trente  mailles  à  la  fois. 

Mais  il  eft  à  propos  de  donner  ici  la  repréfentation 
d'une  aiguille  :  on  en  voit  une  dans  cette  planche  , 
fig.  il.  il  faut  y  diftinguer  trois  parties  ;  fon  bec  a  , 
fa  chaffe  b,&£  (a  queue  c  :  fon  bec  eft  élaftique  ,  &  quand 
il  elî  prefïe  ,  il  lé  cache  dans  la  chaffe  b  ;  la  queue  c 
eft  prife  dans  le  plomb  à  aiguilles.  Nous  avons  donne 
à  l'article  Aiguille  ,  la  manière  de  travailler  les  ai- 
guilles du  métier.  On  a  pour  ce  travail  une  machine 
tout-à-fait  commode ,  &  très-curieufe  ;  elle  eft  de  l'in- 
vention du  fieur  Barrât ,  &  il  y  a  bien  de  l'apparence 
qu'elle  diffère  peu  de  celle  qu'a  dû  imaginer  l'inven- 
teur du  métier  ;  car  ce  n'étoit  pas  allez  que  d'avoir 
imaginé  la  machine  ;  fon  exécution  a  dû  offrir  des 
difficultés  étonnantes  ,  &  elle  n'a  pu  avoir  lieu  que 
ces  difficultés  ne  fuffent  levées  ;  pour  cet  effet ,  il  a 
fallu  trouver  les  moules  des  plombs  à  platines  &.  des 
plombs  à  aiguille  ;  car  s'il  avoit  fallu  égaliler  ces 
plombs  à  la  lime  ,  on  n'auroit  jamais  fini  :  il  a  fallu 
trouver  le  moyen  de  pratiquer  en  tres-peu  de  tems 
des  chaffes  à  des  aiguilles  fines  comme  des  cheveux. 
Il  ne  faut  donc  pas  regarder  l'inventeur  de  la  machi- 
ne à  faire  des  bas ,  comme  un  homme  qui  a  imaginé 
une  choie  leule ,  très-difficile  à  la  vérité  ,  &  qui  l'a 
imaginée  auffi  parfaite  prefque  qu'elle  le  pouvoit 
être;  mais  comme  un  homme  qui ,  lui  feùl ,  a  encore 
furmonté  tous  les  oblfacies  qui  s'oppoloient  à  l'exé- 
cution de  la  machine  ;  &  ces  obftacles  font  de  nature 
à  ajouter  beaucoup  à  l'honneur  de  celui-là  fëul  qui 
les  auroit  furmontés.  Il  faut  coniulter  pour  cet  effet 
les  articles  de  ce  Dictionnaire  ,  Moule  &  Ai- 
guille. 

Neuvième  Assemblage.  Plane.  VII. 

Ce  neuvième  ailémblage  eft  la  machine  entière  fur 
(onfùt. 

Elle  eft  compofée  i°.  de  la  cage  ,  &  de/es  dépen- 
dances. 

2°.  De  Vame  ,  &  defes  dépendances. 

3°.  D [es  moulinets  avec  leurs  dépendances. 

40.  Des  abat  tans ,  c-C  de  leurs  dépendances. 

Paffons  maintenant  à  la  main-d'œuvre. 

.  MAIN-D'ŒUVRE  ou  travail  des  bas  fur  le  métier 
à  bas. 

Je  diviferai  la  main-d'œuvre  en  fept  opérations  prin- 
cipales. La  formation  des  mailles  eft  le  but  de  ces  fept 
opérations.  La  première  confifte  à  cueillir;  la  fécon- 
de, à  foncer  au  pié,  &  à  former  l'ouvrage  ;  la  troifieme  , 
à  amener  fous  les  becs  ;  la  quatrième  ,  à  former  aux  pe- 
tits coups  ;  la  cinquième  ,  à  prejjer  les  becs  ,  &  à  faire 
pajjer  la  maille  du  derrière  Jur  les  becs  j  la  fixieme  ,  à 
abattre  ;  la  leptieme  ,  à  crocher. 

Première  Opération.  Cueillir. 

Pour  rendre  cette  opération  &  les  fuivantes  très- 
intelligibles  ,  j'ai  fait  repréienter  les  platines  à  ondes  > 
&  les  platines  à  plomb  ,  en  grand. 

Il  y  a  une  petite  opération  préliminaire  à  toute  au- 
tre ,  c'eft  de  noiier  la  foie  à  la  première  aiguille ,  com- 
me on  voit  Planche  I.  du  bas  au  métier  ,fig.  i.  tkfig.  Z. 
au  point  î  ,  puis  de  la  palier  fous  la  féconde  ai- 
guille ,  &  de  lui  faire  faire  un  tour  fur  cette  féconde 
aiguille ,  en  la  ramenant  deffus  ;  de  la  conduire  fous 
la  troifieme  aiguille  ,  &  de  lui  faire  faire  un  tour  fur 
cette  aiguille  ,  en  la  ramenant  deffus  ;  de  la  conduire 
fous  la  quatrième  aiguille  ,  &  de  lui  faire  faire  un  tour 
fur  cette  quatrième  aiguille  ,  en  la  ramenant  deffus  , 
&  ainfi  de  fuite  ,  jufqu'à  ce  qu'il  n'y  ait  plus  d'aiguil- 
les ,  &  placer  ce  commencement  d'ouvrage  fous  la 
gorge  des  platines ,  comme  on  l'y  voit  fig.  première  : 
cela  fait ,  voici  comment  on  travaille. 


BAS 

Le  premier  mouvement  du  cueillir  confifte  à  preru 
dre  la  foie  au  fortir  de  deffous  la  dernière  aiguille,  8c 
de  l'étendre  fous  les  becs  ,  comme  on  le  voit  en  3  , 4 , 
fig.  première  fkfig.  J.  &  2. 

Le  fécond  mouvement ,  à  prejfer  fur  la  première 
marche  à  gauche  ou  à  droite  ,  lelon  le  côté  où  fera 
le  corps  du  chevalet  :  s'il  eft  à  droite  ,  comme  on  le 
luppole  ici ,  on  preffera  du  pié  la  première  marche  à 
gauche  ;  il  part  de  l'extrémité  de  cette  marche  une 
corde  qui  paffe  autour  du  tambour  de  la  roue  ;  voy. 
la  PI.  II.  fig.  1 .  n° q.  cette  corde  8  fera  tourner  le  tam- 
bour &  la  roue  13  de  droite  à  gauche  :  mais  il  y  a 
autour  de  la  roue  une  corde  qui  va  de-là  fur  les  rou- 
lettes de  la  barre  à  chevalet ,  &  de  ces  roulettes  aux 

5  du  corps  à  chevalet  ;  Voye^  PI.  IV.  fig.  6 '.  n°.  54,  5  4  ; 
le  corps  à  chevalet  5  1  même  fig.  gliffera  donc  le  long 
de  la  barre  à  chevalet  50  de  droite  à  gauche  :  mais 
comme  le  comble  5  2  du  corps  à  chevalet  eft  plus  haut 
que  la  queue  des  ondes ,  il  accrochera  en  paffant  les 
queues  des  ondes  ,  les  chaffera  de  la  petite  cavité  c 
des  refforts  de  grille  ,fig.  1.  PI.  IV.  &  le  deffous  de 
la  tête  de  toutes  les  ondes  fera  forcé  de  defeen- 
dre  fur  la  barre  à  moulinet ,  voye{  PL  5. fig.  I.  &fig.  J» 

6  s'y  tiendra  comme  collé ,  par  l'act  ion  du  petit  plan 
incliné  a  b  ,  qui  termine  les  refforts  de  grille.  Voye^ 

fig.  1.  PI.  IV.  Or  la  tête  des  ondes  ne  peut  defeen- 
dre  ,  que  les  platines  à  ondes  qui  font  alfemblées  avec 
les  ondes  ne  defeendent  auffi  :  mais  en  defeendant , 
leurs  becs  rencontreront  néceffairement  la  foie  qu'on 
a  étendue  deffous ,  l'entraîneront  avec  eux  ,  comme 
on  voit  PI.  I.  fig.  4.  Ôt  lui  donneront  la  difpofition 
qu'on  lui  voit  fig.  4.  à.  ou  6.  c'eft-à-dire,  qu'elle 
formera  des  boucles  entre  la  féconde  &  la  troifieme 
aiguille ,  entre  la  cinquième  &  la  fixieme ,  entre  la 
huitième  &  la  neuvième,  &  ainfi  de  fuite.  Fin  de  la 
première  opération, 

II.  Opération.  Foncer  du  pié  &  former  C ouvrage. 

Lé  premier  mouvement  de  cette  opération  fe  fait 
du  pié  dont  on  a  cueilli  &  des  deux  mains.  L'ouvrier 
prend  la  barre  à  poignée  des  deux  mains ,  de  manière 
que  les  pouces  (oient  appliqués  contre  les  pièces  ap- 
pellées  pouces.  Voye^  Pi.  Vil.  fig.  1 .  les  mains  font  en 
AA,tk  les  pouces  en  B  B.  Il  fait  enfuite  trois  ac- 
tions à  la  fois  ;  il  preffe  du  pié  la  marche  15,  fig.  z. 
Plan.  II.  dont  il  a  cueilli  ou  fait  marcher  le  corps  à 
chevalet  de  droite  à  gauche  ;  il  tire  des  mains  perpen- 
diculairement en-bas  la  barre  à  poignée  A  A  ,fig.  I. 
PL  VII.  &  il  preffe  avec  fes  pouces  fortement  con- 
tre les  pouces  B  Byfig.  1.  Pi.  VII.  voyons  quel  eft  le 
réfultat  de  ces  aclions. 

Il  part  des  extrémités  de  la  traverfe  6, 6,  fig.  i.Pl. 
II.  qui  paffe  fous  les  marches  1,2,3,  des  cordes  9 , 
9,  avec  leurs  crochets  10,  10,  qui  vont  prendre  les 
crochets  du  balancier  15,  15  ,  PI.  H.  fig.  3-  la  mar- 
che 1,5,  même  Plan.  fig.  1.  étant  preffée  ,  preffe  la 
traverfe  6,6:  d'ailleurs  le  balancier  14,  14,  15,15, 
fig.  3.  même  PI.  eft  attaché  fur  les  épaulieres ,  comme 
on  voit  en  14,  14  ;  les  épaulieres  reçoivent  dans  leurs 
charnières  les  abat tans  ,  PI.  VI.  fig.  l.  85  ,  8 5  ;  85  , 
85  :  la  barre  à  platines  eft  attachée  aux  abattans  ,  mê- 
me PI.  &  fig.  l.  n°  84 ,  84.  L'acf  ion  du  pié  fur  la  mar- 
che tend  donc  à  faire  defeendre  les  abattans ,  &  avec 
les  abattans  ,  la  barre  à  platines  ,  avec  la  barre  à  plati- 
nes ,  les  platines  à  plomb  ,91,91,91,  même  Plan, 

fis-*-   .  ...  ,.      . 

L'acf  ion  des  mains  qui  tirent  perpendiculairement 
en-bas  les  abattans ,  tend  auffi  à  faire  defeendre  les 
abattans  ,  la  barre  à  platines  ,  &  les  platines  à  plomb. 

Les  adf  ions  du  pié  &  des  mains  conlpirent  donc  ici. 
L'adion  des  pouces  contre  les  pièces  appellées  pou- 
ces ,  tend ,  fig.  6.  PI.  IV.  à  lever  la  partie  antérieure 
des  contre-pouces  43  ,  43 ,  par  conféquent  à  taire 
baiffer  leur  partie  poftérieure  45  ,  ôc  à  appliquer  la 


BAS 


BAS 


10/ 


hafcule^S  ,  48  ,  fur  les  queues  des  ondes,  ou  à  les  fai- 
re baifler,  ou  à  relever  leur  tête  ,  ou  à  relever  les 
platines  à  ondes. 

Les  trois  a&ions  combinées  de  ce  mouvement  ten- 
dent donc  à  produire  deux  effets  contraires  ;  l'un 
d'abaifTer  les  platines  à  plomb  ,  l'autre  de  relever  les 
platines  à  ondes. 

Le  fécond  mouvement  de  cette  opération  confifte 
à  ménager  doucement  ces  deux  effets  contraires,  à 
les  combiner  finement ,  &  à  faire  enforte  que  les  pla- 
tines à  ondes  remontent  d'entre  les  aiguilles  ,  à  peu 
près  de  la  même  quantité  que  les  platines  à  plomb  y 
descendent  ;  en  forte  que  les  becs  des  unes  &c  des  au- 
tres fe  trouvent  tous  de  niveau  fous  les  aiguilles  , 
comme  on  voit  PI.  1.  du  bas  au  métier fig.  y. 

Il  s'eft  donc  fait  dans  cette  féconde  opération  une 
nouvelle  diftribution  de  la  foie,  comme  on  voit  fig. 
y.  8-  &<).  &  formé  une  boucle  entre  chaque  aiguille  : 
mais  les  nouvelles  boucles  s'étant  formées  aux  dé- 
pens des  précédentes  ,  elles  font  toutes  égales  &  tou- 
tes plus  petites  que  les  premières  formées  par  les 
feules  platines  à  ondes. 

C'étoit  pour  donner  lieu  à  cette  diltribution  de  la 
foie  entre  toutes  les  aiguilles  ,  au  retréciffement  des 
boucles  formées  par  les  platines  à  ondes  ,  &  à  la  for- 
mation des  boucles  faites  parles  platines  à  plomb  aux 
dépens  des  premières  ,  que  l'on  a  fait  un  peu  relever 
les  platines  à  plomb  ;  car  fi  on  n'eût  point  fait  relever 
les  platines  à  plomb ,  que  feroit-il  arrivé?  c'eft  que 
ces  platines  euffent  tenu  tendues  fur  les  aiguilles  les 
portions  de  foie  1 ,  2  ;  3 , 4,  fig.  3.  ou  1 ,  2  ;  3 ,  4  ,fig.  6. 
PI.  1.  du  métier  à  bas  ,  &  que  les  platines  à  plomb  FE, 
D  C ,  &c.  venant  à  s'appliquer  fur  les  mêmes  por- 
tions ,  auraient  produit  l'un  ou  l'autre  de  ces  effets  , 
ou  enfoncé  les  trois  aiguilles  contenues  fous  chaque 
portion ,  ou  rompu  la  foie  :  au  lieu  que  les  platines  à 
ondes  A  B  remontant  un  peu  ,fig.  4.  &  6.  même  PI. 
lorfque  les  platines  à  plomb  C  D ,  E  F ' ,  rencontrent 
les  portions  de  foie  1,2;  3,4,  fig.  G.  &  6.  elles  font 
defcendre  fans  peine  cette  foie  fous  les  aiguilles  ,  & 
la  diltribuent  entr'elles  fans  les  forcer.  Mais  chaque 
boucle  des  platines  à  ondes  ne  perdant  qu'autant  de 
foie  qu'en  prend  chaque  platine  à  plomb ,  6c  ces  pla- 
tines ceffantles  unes  de  remonter,  &  les  autres  de 
defcendre  entre  les  aiguilles,  lorfque  leurs  becs  font 
tous  de  niveau  fur  les  aiguilles  ,  comme  on  les  voit 
PI.  I.  du  bas  au  métier  ,fig.  J.8.  Q.  toutes  les  bou- 
cles font  égales ,  &  la  foie  fe  trouve  diftribuée  entre 
les  aiguilles ,  comme  on  voit  fig.  y.  &  8.  La  portion 
1 ,  2  faite  à  la  mam  fig.  y.  eft  fous  les  gorges  des  plati- 
nes, ck  la  portion  3,  4  fous  les  becs.  Fin  de  la  féconde 
opération. 

III.  Opération.  Amener  l'ouvrage  fous  becs. 

Cette  opération  s'exécute  d'un  feul  mouvement , 
compofé  de  deux  actions  ;  l'une  de  laiffer  remonter 
les  abattans  ,  &  l'autre  de  tirer  la  barre  à  poignée  en- 
devant. 

Il  eft  évident  que  pour  baifTer  les  abattans ,  &  met- 
tre les  platines  à  plomb  de  niveau  avec  les  platines  à 
ondes  ,  il  a  fallu  vaincre  l'action  du  grand  reflort  ; 
car  ,  PL  VI.  fig.  1.  le  grand  reffort  16  ,  16  ,  agif- 
fant  par  fon  extrémité  fupérieure  contre  le  portefaix 
8  de  X arbre  6 ,  7,  tend  à  le  taire  tourner  :  or  Varbre  ne 
peut  tendre  à  tourner  qu'il  ne  donne  le  même  effort , 
la  même  tendance  aux  épauliercs  <;  ,  85  ;  85,  5  : 
mais  les  épaulicres  reçoivent  dans  leurs  nœuds  les 
abattans  85,  8 5  ;  85,  85  :  le  grand  reflort  tend  donc 
à  relever  les  abattans. 

Ainli  pour  laiffer  remonter  les  abattans ,  il  n'eft 
queftion  que  de  lâcher  des  mains  ,  ne  point  retenir 
la  poignée  A  B  ,  6c  que  de  laiffer  agir  le  grand  ref- 
fort ;  obfervant ,  tandis  que  le  grand  reflort  fait  re- 
monter les  abattans  ,  de  tenir  les  pouces  B  B  forte- 
ment appliqués  contre  les  contrepouces  C  C,  PI.  f  II. 
Tome  IIt 


fig.  1.  car  par  ce  moyen  les  pouces  B  B  ne  ceflant 
point  d'agir  contre  les  contrepouces  C  C ,  la  partie 
antérieure  des  contrepouces  e  e  fera  levée  à  mefure 
que  les  abattans  remonteront;  leur  partie  poftérieure 
dd  baiffera  d'autant  ;  labafcule//fera  toujours  ap- 
pliquée fur  les  queues  des  ondes  ;  la  tête  des  ondes  g  g 
fuivra  le  mouvemement  de  la  barre  à  platine  h  h  , 
qui  remontera  avec  les  abattans ,  &  les  platines  à  on- 
des demeureront  toujours  de  niveau  avec  les  platines 
à  plomb. 

L'autre  adion  dont  le  mouvement  de  cette  troi- 
fieme  opération  eft  compofé ,  confifte  à  tirer  la  barre 
à  poignée  A  A  en  devant. 

Cette  action  fe  fait  horifontalement  :  mais  on  ne 
peut  tirer  la  barre  à  poignée  A  B  ,fig.  1.  PI.  kl.  en 
devant ,  que  tout  ce  que  nous  allons  dire  ne  s'enfui- 
ve  ;  voyez  PI.  VI.  fig.  1 .  la  barre  à  platine  84 ,  84 ,  eft 
tirée  en  devant ,  car  elle  eft  attachée  aux  abattans  ; 
les  platines  a  ondes  s'avancent  en  même  tems  en  de- 
vant ,  &  toujours  parallèles  aux  platines  à  plomb  ; 
parce  que  la  barre  fondue  eft  contrainte  d'avancer  , 
en  vertu  des  titans  qui  tiennent  à  elle  d'un  bout ,  & 
de  l'autre  aux  porte-tirans  50  ,  90  ,  même  PI.  fig.  2. 
qui  font  attachés  à  la  barre  à  platines. 

Par  le  mouvement  compoié  de  ces  deux  aôions , 
lesbecs  àes platines  a  £  s'élèvent  au-deflusdes  aiguil- 
les, les  défions  des  becs  font  amenés  un  peu  au-delà 
de  leurs  têtes  c  d,  &  la  foie  fe  trouve  dilpolée  com- 
me on  la  voit  PI.  I.  du  bas  au  métier ,  fig.  10.  il.  il. 
mais  alors  la  branche  des  crochets  {  de  deflbus  des 
abattans  eft  appliquée  contre  les  petits  coups  x  fig. 
I.  Pi.  VII.  Fin  de  la  troifieme  opération, 

IV.  Opération.  Former  aux  petits  coups. 

Le  premier  mouvement  de  cette  opération  con- 
fifte à  laiffer  remonter  l'extrémité  des  crochets  j  de 
deflbus  des  abattans ,  aux  petits  coups  x ,  Plan.  VII. 
fig.  1.  Ce  mouvement  fe  joint  prefqu'au  premier 
mouvement  de  l'opération  précédente  :  la  furface  . 
en  talus  ,  ou  le  deflbus  du  petit  coup  x ,  fe  trouve 
alors  appliqué  à  la  furface  en  talus  pareillement  de 
l'extrémité  du  crochet  £.  Mais  comme  le  grand  ref- 
fort 16  ,  16  ,  tend  toujours  à  relever  les  abattans  , 
il  tend  en  même  tems  à  féparer  l'extrémité  du  cro- 
chet 1 ,  de  l'éminence  du  petit  coup  x. 

Le  fécond  mouvement  confifte  à  empêcher  cette 
féparation  par  de  petites  fecouffes  ,  qui  font  un  peu 
glifferle  talus  de  l'extrémité  du  crochet  çfùr  le  talus 
intérieur  de  l'éminence  du  petit  coup  x.  Ces  fecouf- 
fes ont  pour  but  de  corrompre  &  corroyer  la  foie 
fous  les  becs  d'aiguilles  ,  &  de  la  tenir  tendue  en  de- 
vant, &  prefque  de  niveau  avec  les  becs,  comme  on 
voit  PI  I.  du  bas  au  métier  ,  fig.  10.  u.  iz. 

Il  faut  toujours  tenir  les  pouces  de  la  main  forte- 
ment appuyés  contre  les  pouces  de  la  machine  ,  afin 
que  les  têtes  des  ondes  demeurant  toujours  appliquées 
à  la  barre  à  platines  ;  les  platines  à  ondes  &  les  platines 
aplomb  demeurent  toujours  de  niveau;  car  cela  eft 
eflentiel ,  comme  il  eft  facile  de  s'en  appercevoir.  Fin, 
de  la  quatrième  opération. 

V.  OPÉRATION.    Donner  le  coup  de  prefife  ,  &  faire 

pafier  l'ouvrage  de  defjous  la  gorge  des  platines  fur  les 

becs  des  aiguilles. 

Le  premier  mouvement  de  cette  opération  con- 
fifte à  abandonner  les  abattans  à  eux-mêmes  ,  tenant 
toujours  les  pouces  des  mains  fortement  contre  les 
pouces  B  B  de  la  machine  ,  &:  les  platines  à  ondes  bien 
paralleks  en  tout  fens  aux  platines  aplomb.  L'action 
du  grand  reflort  16  ,  16,  fera  remonter  les  abattons* 
jufqu'à  ce  que  les  épaulicres  00  l'oient  appliquées  aux 
arrétans  de  l'extrémité  des  jumelles  p p  ,  comme  on 
voit  PI.  Vil.  fig.  1. 

Mais  lorfque  les  abattans  feront  remontés  à  cette 
hauteur,  alors  le  ventre  n  des  platines  correfpondra. 

Oij 


io8 


BAS 


ou  fe  trouvera  à  la  hauteur  des  aiguilles ,  comme  on 
voit  même  PI.  même  fig.  l .  &C  PL  IL  bas  au  métier , 
fig.  l.ab. 

Le  fécond  mouvement  confifte  à  appuyer  forte- 
ment le  pié  fur  la  marche  du  milieu  ;  &  voici  le  ré- 
fultat  de  ce  mouvement.  La  marche  baiffe  ,  tire  à  elle 
le  crochet  de  h  petite  anfe,ce  crochet  tire  la  petite  an- 
Je ,  la  petite  anfe  tire  la  grande  anfe  ,  la  grande  anfe 
fait  defeendre  les  bras  de  la  preffe ,  &  la  prefle  fe  trou- 
ve appliquée  fur  les  becs  des  aiguilles ,  dont  elle 
force  les  pointes  à  fe  cacher  dans  les  chaffes  ,  com- 
me on  voit  fig.  1.  PL  IL  du  bas  au  métier. 

Letroifieme  mouvement ,  c'eft  tandis  que  la  preffe 
eft  fur  les  becs  des  aiguilles ,  de  faire  paner  l'ouvra- 
ge qui  eft  contre  les  ventres  des  platines ,  comme  on 
voit  PI.  II.  fig.  i.  au-delà  des  chaffes  des  aiguilles  , 
comme  on  voitfig.  4.  mime  PI.  ce  qui  s'exécute  en 
tirant  la  barre  à  poignée  brufquement  en  devant ,  èc 
horiibntalement. 

Le  quatrième  mouvement ,  d'ôter  le  pié  de  deffus 
la  marche  du  milieu  ;  d'où  il  s'enfuit  que  rien  n'em- 
pêchera plus  la  grande  anfe  qui  eft  tirée  en-haut  par 
la  lifiere  de  cuir  ou  la  courroie  ,  qui  paffe  fur  la  rou- 
lette du  porte-faix  a" en-bas,  &  qui  fe  rend  à  la  bran- 
che du  contre-poids ,  de  remonter  &  d'entraîner  avec 
elle  &  faire  relever  les  bras  de  preffe;  ce  qui  féparera 
la  preffe  de-deffus  les  becs  des  aiguilles ,  &  permettra 
à  la  pointe  de  ces  becs  de  fortir  de  leurs  chaffes.  Fin 
•de  la  cinquième  opération. 

Sixième  Op ération.  Abattre  L'ouvrage. 

Il  n'y  a  qu'un  mouvement  affez  léger  à  cette  opé- 
ration ,  il  conlifte  à  tirer  la  barre  à  poignée ,  &  à  faire 
avancer  les  ventres  àesplatines  jufqu'entre  les  têtes  des 
aiguilles;  il  eft  évident  que  ces  ventres  placés,  com- 
me on  les  voit,  PI.  II.  du  bas  au  métier , fig.  3.  feront 
paffer l'ouvrage,  de  l'état  où  on  le  voit,  fur  les  becs 
des  aiguilles ,  fig.  4.  1,1,  dans  l'état  où  on  le  voit 
fig:$-\,4,  cm  fig.  6.  5,  6. 

Voilà  la  formation  de  la  maille  :  la  feptieme  opé- 
ration n'y  ajoute  rien  ;  elle  reftitue  feulement  &  le 
métier  èc  l'ouvrage  déjà  fait,  dans  une  pofition  à 
pouvoir  ajouter  de  nouvelles  mailles  aux  mailles 
qu'on  voit ,  ou  dans  l'état  oii  il  étoit  quand  on  a  com- 
mencé à  travailler. 

Septième  Opération.  Croc  fier. 

Cette  opération  n'a  qu'un  mouvement  :  mais  c  eft 
le  plus  coniidérable  &  le  plus  grand  de  tous. 

Quand  on  eft  fur  le  point  de  crocher,  le  métier  fe 
trouve  dans  l'état  fuivant  :  les  ventres  des  platines 
font  au  niveau  des  têtes  des  aiguilles,  &  par  confé- 
quent  le  deflbus  des  becs  fort  au-deffus  des  aiguilles  ; 
les  crochets  de-deffousdes  abattans  font  au-deffus  des 
petits  coups,  comme  on  les  voit  PI.  VII.  fig.  1.  & 
les  épaulieres  fous  les  arrétans  des jumelles  ,  comme  on 
les  voit  même  figure. 

Pour  crocher,  on  applique  la  branche  du  crochet  £ 
de-deffous  des  abattans ,  contre  les  arrétans  y  ;  on  tire 
perpendiculairement  en-bas  les  abattans  par  la  barre 
à  poignée  A  A  ;  tenant  toujours  les  branches  des  cro- 
chets appliquées  à  l'éminence  t  des  arrétans  qui  diri- 
gent dans  ce  mouvement  :  on  fait  defeendre  de  cette 
manière  les  platines  à  ondes  &  les  platines  à  plomb  , 
jufqu'à  ce  que  le  haut  de  leurs  gorges  M,  foit  à  la  hau- 
teur de  N ,  ou  des  têtes  des  aiguilles  :  puis  du  même 
mouvement  continué  horifontalement,  on  repouffe 
en  arrière  les  abattans  auffi  loin  que  l'on  peut  ;  &  l'on 
laiffe  remonter  le  métier  qui  va  de  lui-même ,  s'arrê- 
ter au-deffbus  de  la  barre  à  aiguilles  ,  où  il  rencontre 
un  crochet  prêt  à  recevoir  celui  qui  eft  placé  au  der- 
rière des  abattans,  &  qu'on  appelle  crochet  de-defjus  des 
abattans. 

Il  eft  évident  que  dans  ce  mouvement  le  haut  de  la 
gorge  M  des  platines  a  emporté  avec  lui  l'ouvrage 


BAS 

qui  étoit  fous  les  b;cs,  en  le  faifant  gliffer  le  long  de* 
aiguilles  ;  que  les  becs  des  aiguilles  font  vuides  ;  que  le 
deflbus  des  becs  des  platines  à  ondes  &  des  platines  à 
plomb ,  fe  trouve  entre  les  aiguilles;  que  l'ouvrage 
fait  eft  caché  pour  celui  qui  ne  voit  le  métier  qu'en 
face,  67.  qu'il  le  voit  alors  comme  il  eft  repréfenté 
PI.  II. fig.  8.  du  bas  au  métier,  c'eft-à-dire,  prêt  à  tra- 
vailler de  nouveau,  ou  à  faire  de  gauche  à  droite  ce 
qu'il  a  exécuté  de  droite  à  gauche. 

C  eft  maintenant  qu'on  doit  avoir  conçu  comment 
fe  fait  la  maille ,  qu'il  eft  à  propos  de  revenir  fur  les 
parties  du  métier  6c  fur  leurs  configurations,  dont  on 
n 'étoit  pas  en  état  auparavant  de  bien  entendre  les 
propriétés. 

Commençons  par  les  marches  ;  elles  font  au  nom- 
bre de  trois,  PI.  II.  fig.  1.  du  métier  à  bas;  c  eft  la  mê- 
me corde  qui  va  de  la  première  1 ,  5.  au  tambour  de 
la  roue  17.  &  de  ce  tambour  à  la  troineme  1,5.  d'où 
il  s'enfuit  que  fi  l'on  preffe  du  pié  celle  qui  eft  à  gau- 
che ,  on  fera  tourner  la  roue  de  droite  à  gauche ,  Se 
qu'en  prenant  du  pié  celle  qui  eft  à  droite  ,  la  roue 
tournera  de  gauche  à  droite. 

C  'eft  la  même  corde  qui  paffe  fous  la  roue  du  fût , 
011  elle  eft  clouée,  &  qui  va  fe  rendre  d'un  bout  fur 
une  des  roulettes  de  la  barre  à  chevalet,  &  de  l'autre 
fur  l'autre  roulette,  &  s'attacher  aux/  qui  par- 
tent du  corps  de  ce  chevalet,  comme  on  voit  PI.  IV. 
fig.  6.  n°.  49.  49. 

On  conçoit  actuellement  ce  que  nous  avons  dit  de 
V  arrêtant,  ou  de  cette  partie  y  t  qu'on  voit  PI.  VII. 
fig.  1.  Il  a  fallu  néceffairement  fe  ménager  la  facili- 
té de  l'avancer  ou  de  la  reculer,  en  pratiquant  à  la 
partie  appliquée  &  fixée  au  montant  une  ouverture 
longinidinale  r  :  trop  avancé  en-devant ,  ou  trop  peu, 
le  tond  des  gorges  àesplatines  ne  pourroit  plus  venir 
chercher  l'ouvrage  abattu,  en  vuider  les  aiguilles, 
l'entraîner  derrière ,  &  donner  lieu  à  la  continuation 
du  travail. 

Au-deffbus  de  Y  arrêtant ,  on  voit  la  pièce  appellée 
le  petit  coup  x ,  même  Planche  &  même  figure.  Sans 
ce  petit  coup,  qui  eft  ce  qui  règle  l'ouvrier,  ouand 
il  forme  l'ouvrage  &  corrompt  la  foie  amenée  fous  les 
becs  des  aiguilles  ;  il  feroit  expofé  à  avancer  le  deflbus 
des  platines  trop  en-avant ,  à  caffer  la  foie ,  ou  à  rom- 
pre les  becs  des  aiguilles. 

Voilà  ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable  fur  le  fût 
&  fes  parties.  Paffons  au  métier,  Se  parcourons  fes 
aflêmblages. 

On  s'eft  ménagé  aux  gueules  de  loup  13.  la  même 
commodité  qu'aux  arrétans,  celle  de  les  haufler  & 
baiffer  à  diferétion ,  afin  d'ajufter  convenablement  la 
barre  fondue.  PL  II.  fig.  3. 

On  fent  de  quelle  importance  eft  le  grand  reflbrt 
16,  16.  c'eft  par  ion  moyen  que  les  abattans  font  rele- 
vés fans  que  l'ouvrier  s'en  mêle.  PL  II.  fig.  3.  lavis 
iy.  qui  fertà  le  bander  ou  aie  relâcher,  eft  très-bien 
imaginée. 

Le  balancier  14,  14,  15,  15,  n'eft pas  une  pièce 
inutile  ;  il  met  à  portée  le  pié  d'aider  la  main  ;  à  vain- 
cre la  réiîftance  du  grand  reflbrt  toutes  les  fois  qu'il 
faut  faire  defeendre  les  abattans.  Or  ce  mouvement 
fe  faifant  Couvent,  on  n'a  pu  apporter  trop  d'atten- 
tion à  foulager  l'ouvrier. 

La  patte  du  bras  de  preffe  17,  18,  iÇ),fig- 1.  PL  III. 
eft  garnie  d'une  vis  20,  20,  dont  on  va  fentir  toute 
la  finefle  :  fans  cette  vis ,  l'ouvrier ,  en  donnant  le 
coup  de  preffe ,  feroit  expofé  ou  à  rompre  toutes  les 
aiguilles ,  fi  la  preffe  s'appliquoit  trop  fortement  fur 
elles,  ou  à  ne  pas  cacher  leurs  becs  dans  leurs  chaffes, 
fi  elle  ne  s'appliquoit  pas  affez.  Mais  qui  le  dirigera 
dans  cette  opération  ?  les  vis  appliquées  à  l'extrémité 
des  bras  de  prejje ,  qui  permettront  à  ces  bras  de  def- 
eendre fuffifamment ,  &  à  la  preffe  de  s'appliquer 
convenablement  fur  les  becs  £  aiguilles. 


BAS 

Mais  c'eût  été  bien  du  tems  de  perdu  pour  l'ou- 
vrier ,  &  bien  de  la  peine  réitérée  ,  s'il  eût  fallu  re- 
lever la  prefle  &  la  loûtenir  :  aufîi  le  relevé -t-elle 
d'elle-même  ,  à  l'aide  de  la  courroie  panée  de  la  gran- 
de anfe  fur  la  roulette  Au  porte  -faix  a"  en-bas ,  &  atta- 
chée à  la  branche  du  contre-poids. 

On  s'en-  encore  ménagé  aux  porte-grilles  ,  PI.  III. 
fig.  3.  le  même  avantage  qu'aux  gueules  de  loup ,  & 
qu'aux  arrètans.  Leur  ouverture  longitudinale  x  x  , 
permet  aufiî  de  les  avancer  ou  reculer  à  difcrétion. 

Le  porte-roulette  fixé,  même  fig.  au  milieu  de  la 
petite  barre  de  deffous ,  facilite  avec  les  roulettes  de 
l'extrémité  de  la  barre  fondue  ,  le  mouvement  en-ar- 
riere  ou  en -devant,  de  tout  ce  qu'on  appelle  Yame 
du  métier,  que  l'ouvrier  fait  en  travaillant  avancer 
ou  reculer  toutes  les  fois  qu'il  tire  à  foi  ou  repouffe 
les  abattans  ;  ce  qui  lui  arrive  très  -  fouvent.  Aufli 
louai-je  beaucoup  ceux  qui  ont  diminué  le  poids  de 
ces  parties ,  en  ajoutant  une  roulette  à  la  petite  barre , 
&  une  gueule  de  loup  à  la  barre  de  derrière ,  pour  re- 
cevoir la  roulette  ajoutée. 

Il  y  a  plufieurs  choies  à  confidérer  dans  les  reflorts 
de  grille.  PI.  III.  fig.  6.  Premièrement ,  ils  font  dif- 
pofés  fur  deux  rangées  parallèles  de  manière  que 
les  reflorts  de  la  rangée  de  derrière  répondent  aux 
intervalles  que  laiflent  entre-eux  les  reflorts  de  la 
rangée  de  devant  :  c'en:  le  feul  moyen  qu'il  y  eût 
peut-être  de  leur  donner  la  force  qui  leur  eft  nécef- 
îaire  pour  l'ufage  auquel  ils  font  employés.  Si  on  les 
eût  tous  placés  fur  une  même  rangée ,  ils  auraient 
été  plus  petits  &  trop  foibles.  Voilà  pour  leur  arran- 
gement. 

Secondement,  ils  font  compofés  de  quatre  plans 
inclinés  ,  difpofés  à-peu-près  en  zig-zag.  Lorfque  la 
queue  de  l'onde  efl"  chaffée  de  la  cavité  c  ,  figure  y. 
même  PI.  par  le  corps  du  chevalet ,  elle  écarte  le  ref- 
fort ,  qui  revient  enfuite  fur  elle  quand  elle  eft  fortie , 
&  qui  la  repoufl'e  d'autant  plus  vivement  ,  qu'alors 
elle  fe  trouve  fur  un  plan  incliné  a  b ;  c'eft  le  même 
effet  quand  elle  eft  chaffée  de  fa  cavité  en  -  défions 
par  la  bafcule  :  elle  écarte  pareillement  le  reffbrt  qui 
revient  enfuite  fur  elle ,  avec  d'autant  plus  de  viva- 
cité qu'elle  le  trouve  encore  fur  un  plan  incliné  c  d. 
La  méchanique  n'eft  pas  différente  ,  quand  chaffée 
de  fa  cavité ,  foit  en-deffus ,  foit  en-deffous ,  elle  y  eft 
ramenée  ;  elle  ne  peut  y  defeendre  que  par  une  efpcce 
d'échappement  fort  prompt  ,  puilqu'elle  y  eft  tou- 
jours conduite  par  un  petit  plan  incliné  c  d ,  c  b. 

Ce  n'eft  pas  une  petite  affaire  que  de  bien  difpo- 
fer  les  cuivres  de  la  barre  fondue.  Leur  ufage  eft  d'em- 
pêcher les  ondes  de  vaciller  dans  leur  mouvement  de 
chute.  Si  l'on  a  bien  compris  ce  que  j'ai  dit  jufqu'à 
préfent ,  on  doit  s'appercevoir  qu'il  y  a  un  rapport 
bien  déterminé  entre  le  nombre  des  reflorts  ,  les  in- 
tervalles qu'ils  laiflent  entr'eux  ;  le  nombre  des  cui- 
vres, leur  épaiffeur;  les  ondes,  leur  longueur  ,  leur 
nombre  ,  leur  épaiffeur  ;  les  platines  à  ondes ,  leur 
nombre  ,  leur  épaiiîeur  ;  les  platines  à  plomb  ,  leur 
nombre  ,  leur  longueur  ,  leur  épaiffeur  ;  les  plombs  à 
platines  ,  leur  nombre  ,  leur  épaiffeur  ;  les  aiguilles  , 
leur  nombre ,  leurs  intervalles  ;  les  plombs  à  aiguille , 
leur  nombre ,  leur  épaiffeur  :  &  que  l'une  tic  ces  cho- 
ies étant  donnée,  tout  le  refte  s'enfuit.  Il  y  a  très- 
peu  d'ouvriers  en  état  de  combiner  avec  précilion 
toutes  ces  chofes  ,  fur-tout  quand  il  s'agit  de  taire  un 
métier  un  peu  fin;  comme  un  quarante ,  un  quarante- 
un  ,  un  quarante-deux  ,  &c. 

La  méchanique  des  contre-pouces  43  ,  44,  45  ,  PI. 
IF. fig.  4.  mérite  bien  un  coup-d'ceil.  Ces  pièces  font 
chargées  à  leur  extrémité  d'un  contre-poids  44  ,  qui 
ne  permet  à  la  bafcule  d'agir  fur  les  queues  des  on- 
des ,  qu'à  la  volonté  de  l'ouvrier.  Il  y  a  lur  les  ondes 
deux  actions  oppofées  pendant  tout  le  travail ,  îx  el- 
les ont  leurs  effets  fuccelfivement ,  lelon  les  mouve- 


BAS 


109 


mens  des  abattans.  Ces  deux  actions  font  l'aûion  de 
la  bafcule  48  ,  48 ,  par  le  moyen  des  pouces  &  contre- 
pouces  fur  la  queue  des  ondes  ,  &  l'action  de  la  barre  à 
platines  fur  leur  tête.  Lorfque  l'ouvrier  tire  les  abat- 
tans perpendiculairement  en  bas ,  alors  la  barre  à  pla- 
tine ,  ou  fon  chaperon ,  c'eft-à-dire  cette  petite  plaque 
qui  lui  eft  appliquée  par  derrière  &  qui  fait  émincn- 
ce ,  preffe  fortement  fur  leurs  têtes,  les  entraîne  dans 
la  même  direction  ,  &  les  réduit  dans  le  parallélifme 
avec  les  platines  à  plomb ,  malgré  Paftion  des  pouces 
fur  les  contre-pouces ,  &  celle  des  contre-pouces  fur  la 
bafcule ,  &  celle  de  la  bafcule  fur  les  queues  des  ondes  : 
mais  lorfque  l'ouvrier  laiffe  agir  le  grand  reffort ,  & 
que  les  abattans  abandonnés  à  eux-mêmes  font  rele- 
vés, alors  rien  ne  s'oppofe  à  l'action  des  pouces ,  des 
contre-pouces  &  de  la  bafcule,  qui  fublifte  pendant  tout 
le  travail;  &  les  ondes  fe  relèvent,  &  leurs  queues 
rentrent  dans  leur  cavité  ,  ou  defeendent  au-deffous, 
félon  que  l'ouvrier  le  veut. 

Comme  il  falloit  que  dans  tous  les  mouvemens  les 
platines  à  ondes  &  les  platines  aplomb  raflent  toujours 
exactement  parallèles  en  tout  fens  les  unes  aux  autres, 
quoique  les  platines  à  ondes  appartinffent  à  la  barre 
fondue  ,  &  que  les  platines  aplomb  appartinffent  à  la 
barre  à  platines  ,  c'étoit  donc  néceffité  que  la  barre  fon- 
due le  prêtât  &  fuivît  tous  les  mouvemens  de  la  barre 
à  platines  :  c'eft  ce  qui  s'exécute  par  le  moyen  des  ti- 
rans  qui  répondent  d'un  bout  à  la  barre  fondue ,  &  de 
l'autre  à  la  barre  à  platines ,  &  par  le  moyen  des  trois 
roulettes  de  l'ancien  métier,  &  des  quatre  du  métier 
nouveau  ,  dont  deux  fe  meuvent  dans  les  gueules  de 
loup ,  &c  deux  fur  les  grandes  pièces. 

Paffons  maintenant  aux  moulinets.  Comme  nous 
n'en  avons  rien  dit  jufqu'à  préfent,  &  que  nous  avons 
cependant  traité  de  prefque  tout  ce  qui  concerne  la 
main-d'œuvre  ,  on  leroit  tenté  de  croire  au  moins  que 
ces  parties  &  toutes  celles  qui  leur  appartiennent  , 
comme  la  boite  ,  la  barre ,  &  le  reffort  à  moulinet,  font 
fuperflues ,  &  qu'il  n'y  a  pas  non  plus  grand  befoin 
de  jumelles.  On  va  voir  combien  ce  loupçon  eft  éloi- 
gné de  la  vérité. 

Pour  bien  entendre  ce  qui  fuit ,  il  faut  examiner  un 
peu  la  configuration  d'une  onde  en-deJJ'ous.  On  voit , 
PI.  IV.  fig.  3.  que  depuis  a  jufqu'à  b  elle  eft  comme 
arrondie  ,  &  qu'elle  eft  évidée  depuÎ6  b  jufqu'à  c.  La 
partie  arrondie  a  b  forme  la  tête.  Lorfque  le  chevalet 
paffant  fous  la  queue  de  Yonde,  fait  defeendre  cette 
partie  a  b  ,  elle  s'applique  fur  la  barre  à  moulinet  82 , 
82  ,  PL  V.fig.  1.  enlorte  qtie  toutes  les  têtes  des  on- 
des font  rangées  fur  la  barre  à  moulinet ,  quand  le  corps 
à  chevalet  a  fait  fa  courle.  D'où  il  s'enfuit  évidem- 
ment que  plus  cette  barre  fera  haute  ,  moins  les  tètes 
des  ondes  delcendront,  moins  les  platines  à  ondes  at- 
tachées à  ces  têtes  delcendront  entre  les  aiguilles  ; 
moins  les  becs  des  platines  delcendront  au-defibus  des 
aiguilles  dans  la  première  opération  de  la  main-d 'œu- 
vre ouïe  cueillernent ;  moins  les  boucles  de  foie  for- 
mées entre  les  aiguilles  feront  grandes  ;  moins  les 
mailles  feront  lâches  :  mais  cette  barre  à  moulinet  étant 
enfermée  dans  des  boîtes  81,81,  qui  peuvent  fe  hauf- 
fer  ou  le  bailler  à  l'aide  des  arbres  à  moulinet  68,81; 
68  ,  81,  qui  les  traverfent,  on  pourra  donc  hauffer  ou 
bailler  cette  barre  à  dilcrétion,  &  faire  un  ta.*  plus 
ou  moins  ferré.  Voilà  l'ufage  de  la  barre  en  elle-mê- 
me &  de  fa  mobilité  le  long  des  corps  de  moulinet  ; 
mais  ce  n'eft  pas  fans  raifon  qu'on  lui  a  attaché  pol- 
térieùrement  un  reffbrt  83  ,  83 ,  83 ,  à  l'aide  duquel 
elle  peut  aller  &  venir  dans  les  boites. 

Pour  fentir  l'ufage  de  ce  reffort  &  de  la  mobilité 
de  la  barre  dans  lès  boîtes ,  il  faut  relire  ou  le  rappel- 
ler  la  dernière  opération  de  la  main -d  œuvre  ou  du 
crochement  :  il  coniifte  à  faire  defeendre  les  platines 
jufqu'à  ce  que  leurs  gorges  l'oient  un  peu  plus  bas 
que  les  têtes  des  aiguilles ,  &.  que  ces  gorges  puiflènt 


no  BAS 

embraffer  l'ouvrage  qui  remplit  ces  têtes ,  &  le  rem- 
porter en-arriere. 

Mais  pour  exécuter  ces  mouvemens ,  comme  il  y 
a  loin  de  la  barre  à  moulinet,  fur  laquelle  les  têtes  des 
ondes  étoient  placées ,  jufqu'aux  têtes  des  aiguilUs , 
il  a  fallu  amener  les  têtes  des  ondes  &  les  platines  qui 
y  font  attachées ,  en-devant  ;  c'eft  ce  que  l'ouvrier  a 
fait ,  en  tirant  à  lui  la  barre  à  poignée  ou  les  abattans. 
Il  a  fallu  faire  defcendre  les  platines,  &  par  confé- 
quent  les  têtes  des  ondes  auxquelles  elles  font  affcm- 
blées,  pour  que  les  gorges  des  platines  le  trouvaffent 
un  peu  au-deffous  des  têtes  des  aiguilles  ;  c'eft  ce  qu'il 
a  fait  en  tirant  les  abattans  aufii  bas  qu'ils  pouvoient 
defcendre ,  &  fe  laiffant  diriger  par  les  arrêtans.  C'eit 
pour  rendre  polTible  ce  dernier  mouvement ,  que  l'on 
a  évidé  les  ondes  en-dcffous  ;  car  fi  elles  avoient  été 
par- tout  de  la  même  largeur,  elles  n'auroient  pu  def- 
cendre ;  la  barre  à  moulinet  fur  laquelle  elles  auraient 
continué  de  porter ,  les  en  aurait  empêché  :  mais 
en  les  évidant ,  elles  ont  celle  de  porter  fur  la  barre  à 
moulinet,  Se  en  les  évidant  affez,  elles  n'ont  rien  ren- 
contré d'ailleurs  qui  les  gênât  dans  leur  defcente ,  & 
qui  empêchât  la  gorge  des  platines  de  parvenir  juf- 
qu'au-deffous  des  becs  des  aiguilles. 

Mais  ce  n'étoit  pas  tout  ;  il  falloit  que  ces  gorges 
remportaient  l'ouvrage  de  défions  les  becs  des  aiguilles 
en-arriere  :  pour  cet  effet,  l'ouvrier  tenant  ces  gorges 
entre  les  têtes  des  aiguilles ,  les  repouffe  en-arriere  : 
mais  en  les  repouffant  en-arriere ,  qu'arrive-t-il  ?  c'eff 
que  le  talon  de  l'échancrure  des  ondes  rencontre  la  bar- 
re à  moulinet.  Si  cette  barre  à  moulinet  étoit  immobile 
dans  les  boîtes ,  elle  arrêterait  ce  mouvement  hori- 
fontal ,  &  l'ouvrage  ne  ferait  point  remporté  en-ar- 
riere par  les  gorges  ;  auffi  l'a-t-on  fait  mobile  :  le  ta- 
lon de  l'échancrure  des  ondes  la  fait  reculer;  l'ouvra- 
ge eft  remporté  par  les  gorges  ;  les  ondes  fe  relèvent  ; 
leurs  talons  ceffent  d'appuyer  contre  la  barre  à  mou- 
linet ;  le  reffort  circulaire  qui  agit  contre  cette  barre 
la  reftitue  dans  fon  premier  état ,  &  elle  eft  difpofée 
à  recevoir  de  rechef  la  tête  des  ondes  dans  leur  chu- 
te ,  qui  fe  fera  au  nouveau  cueillement. 

Voilà  les  ufages  de  ces  parties,  qui  paroiffoient  fi 
fuperflues.  On  a  dentelé  la  roue  69  du  moulinet ,  fi- 
gure première  ,  Planche  V.  afin  qu'on  pût  favoir  de 
combien  on  hauffoit  ou  baiffoit  la  barre  à  moulinet , 
&  évaluer  à  peu  près  par  ce  moyen ,  de  combien  on 
relâchoit  ou  refferroit  les  mailles,  &  relâcher  &  ref- 
ferrer  également  de  chaque  côté.  La  partie  68  ,  68  , 
qu'on  appelle  croifee  du  moulinet ,  iert  de  poignée  à 
Y  arbre ,  &  puis  c'eft  tout. 

Il  ne  nous  refte  pins  qu'un  mot  à  dire  des  jumelles, 
61,  61,  fig.  l.  Plane.  V.  des  platines  tant  à  ondes  qu'à 
plomb ,  Se  des  gardes-platines.  On  a  pratiqué  aux/w- 
melles  6 1 , 6 1 ,  deux  arrêtans  5 ,  5 ,  l'un  en-deffus  6 1 ,  &£ 
l'autre  en-deffous  5.  L'ufage  de  celui  de  deffus  eft  de 
contenir  à  une  jufte  hauteur  les  épaulieres  &  les  abat- 
tans qui  y  font  affemblés  ,  malgré  l'aftion  du  grand 
reffort.  Voye[  même  Planche ,  fig.  y.  L'ufage  de  celui 
de  deffous  eft  d'empêcher,  dans  le  crochement ,  les 
mêmes  épaulieres,  ainfi  que  les  abattans  &  par  confé- 
quent  les  gorges  des  platines ,  à  defcendre  trop  au-def- 
fous  des  têtes  des  aiguilles ,  &  de  les  brifer  6c  fauffer 
toutes. 

Toutes  les  ûnuofités  que  l'on  remarque  aux  plati- 
nes, PI.  IV.  fig.  2.  ont  leur  raifon.  On  peut  diftin- 
guer  quatre  lieux  principaux  dans  ces  parties  :  leur 
bec  b  ,  qui  prend  la  foie  étendue  fur  les  aiguilles  &z 
la  fait  defcendre  entr'elles  :  le  deffous  du  bec  c ,  qui 
amené  la  foie  bouclée  fous  les  becs  &  la  corroie  :  le 
ventre  e  ,  qui  abat  l'ouvrage  :  la  gorge  d  ,  qui  le  re- 
prend &  le  ramené  en-arriere  :  la  queue  f ,  qui  s'em- 
boîte dans  la  barre  à  poignée  ,  &  l'empêche  de  vacil- 
ler. S'il  n'y  avoit  point  de  garde-platine  94 ,  94 ,  Pi. 


BAS 

FI.  fig.  2.  quand ,  dans  la  troifieme  opération,'  on 
amené  l'ouvrage  fur  les  becs  avec  le  ventre  des  pla- 
tines ,  ce  ventre  viendroit  frapper  contre  la  preffe 
qui  eft  alors  appliquée,  &  fe  défigurerait  :  mais  ie  gar- 
de-platine empêche  ce  choc  ;  il  permet  aux  ventres 
des  platines  d'approcher  affez  de  la  preffe ,  pour  que 
l'ouvrage  foit  bien  amené  fur  les  becs ,  mais  non  de 
la  frapper ,  en  rencontrant  lui-même  affez-tôt  pour 
prévenir  cet  inconvénient,  le  bras  deprejfe. 

Il  furvient  en  travaillant  plufieurs  accidens,  &  il 
y  a  plufieurs  autres  chofes  à  obferver,  dont  je  vais 
faire  mention. 

Lorfqu'il  fe  rencontre  des  nœuds  dans  la  foie  ou 
qu'elle  fe  caffe  ,  on  ne  peut  continuer  l'ouvrage  fans 
faire  ce  que  les  ouvriers  appellent  une  enture. 

Pour  enter,  on  étend  bien  fur  les  aiguilles  la  partie 
du  fil  de  foie  qui  tient  à  l'ouvrage  ,  &  l'on  couche 
l'autre  partie,  non  pas  bout  à  bout  avec  la  première: 
mais  on  la  paffe  entre  la  cinq ,  la  fept ,  &c  avant  le 
bout  du  fil  qui  tient  à  l'ouvrage;  enforte  que  le  fil  le 
trouve  double  fur  ces  cinq ,  fept  aiguilles  ,  &  l'on 
continue  de  travailler  comme  fi  le  fil  étoit  entier. 

Tout  bas  fe  commence  par  un  ourlet  ,  &  voici 
comment  on  s'y  prend  pour  le  faire.  On  paffe  la  foie 
dans  la  tête  de  la  première  aiguille ,  Se  on  l'y  ar- 
rête en  la  tordant;  on  embraffe  enfuite  en-deffous  les 
deux  fuivantes  ;  on  la  ramené  en-deffus  fur  la  pre- 
mière ;  puis  on  la  paffe  en-deffous,  &  on  embraffe  la 
quatrième  &  la  cinquième  fur  lefquelles  on  la  ra- 
mené ,  &  fur  la  troifieme  fous  laquelle  on  la  paffe , 
&  on  embraffe  la  fixieme  &  la  feptieme  fur  lefquel- 
les on  la  ramené  ,  &  fur  la  cinquième  lous  laquelle 
on  la  paffe  enfuite  ,  &  on  embraffe  la  huitième  &C 
la  neuvième ,  &  ainfi  de  fuite. 

Un  bas  n'eft  pas  par-tout  de  la  même  venue  ;  on 
eft  obligé  de  le  rétrécir  de  tems  en  tems.  Suppofons 
donc  qu'on  ait  à  rétrécir  d'une  maille ,  on  prend  un 
petit  outil  qu'on  appelle  poinçon ,  on  s'en  lert  pour 
porter  la  maille  de  la  troifieme  aiguille  fur  la  quatriè- 
me aiguille ,  la  maille  de  la  féconde  fur  la  troifieme  , 
la  maille  de  la  première  fur  la  féconde,  &  la  première 
fe  trouve  vuide. 

On  demandera  peut-être  pourquoi  on  porte  la  troi- 
fieme maille  fur  la  quatrième  aiguille ,  &  non  la  pre- 
mière fur  la  féconde  tout  d'un  coup  ;  puifqu'il  faut 
qu'il  fe  trouve  deux  mailles  fur  une  aiguille  ,  pour- 
quoi donner  la  préférence  à  la  quatrième?  Je  répons 
que  c'eft  afin  que  la  lifiere  foit  plus  nette  ;  car  fi  la 
maille  double  fe  trouvoit  au  bord  de  la  lifiere ,  elle 
tirerait  trop.  Il  faut  même ,  fi  l'on  veut  que  la  lifiere 
ne  foit  pas  trop  ferrée ,  bien  repouffer  l'ouvrage  en- 
arriere,&  ne  pas  accoller  la  platine  avec  la  foie  quand 
on  la  jette. 

Au  refte,  on  rétrécit  d'une  maille  de  chaque  côté 
du  métier  de  quatre  rangées  en  quatre  rangées  ,  & 
l'on  ne  commence  à  rétrécir  qu'à  un  pouce  au-deffus 
de  la  façon,  ou  de  cet  ornement  qu'on  pratique  au- 
deffus  des  coins. 

Il  arrive  quelquefois  ,  après  le  coup  de  preffe  , 
qu'un  bec  d'aiguille  ne  fe  relevé  pas ,  mais  demeure 
dans  fa  chaffe  ;  lors  donc  qu'on  a  cueilli  &  qu'on  vient 
à  abattre  l'ouvrage ,  il  y  a  une  maille  qui  n'ayant  pas 
été  mile  dans  la  tète  de  l'aiguille  ,  mais  ayant  paffé 
par-deffus ,  ne  fera  pas  travaillée  ,  &  qu'il  faudra  re- 
lever ;  il  pourra  même  fe  trouver  plufieurs  mailles 
non-travaillées  de  fuite  ;  pour  les  relever,  voici  com- 
ment on  s'y  prendra  :  on  faifira  la  dernière  qui  eft 
bien  formée  à  l'ouvrage ,  avec  le  poinçon ,  &  on  la 
paffera  dans  la  tête  de  la  tournille  ou  d'une  aiguille 
emmanchée,.puis  on  prendra  avec  le  poinçon  la  bride 
de  deffus  cette  maille  ;  on  paffera  cette  bride  fur  la 
tournille  ;  à  mefure  qu'elle  avancera  le  long  du  bec, 
la  bonne  maille  fortira  de  deffous,  &  bientôt  la  bon- 
ne maille  fe  trouvera  entièrement  fo/tie  &  fort  loin 


BAS 

du  bec ,  &  la  bride  à  portée  de  parler  defîbus.  On  l'y 
fera  donc  parler  ;  puis  quand  elle  y  fera ,  on  preffera 
avec  le  poinçon  le  bec  de  l'aiguille  &  l'on  le  tiendra 
dans  la  chafle  ;  cependant  on  tirera  la  tournille  ,  ce 
qui  fera  avancer  fa  bride  dans  la  tête  de  la  tournille 
&  parler  la  bonne  maille  par-deffus  le  bec,  alors  la 
maille  fera  relevée  :  on  continuera  de  cette  manière 
s'il  y  en  a  plufieurs  de  tombées ,  traitant  toujours  cel- 
le qui  fe  trouvera  dans  la  tête  de  la  tournille  comme 
la  bonne,  &  la  bride  d'au-deffus  comme  la  mauvaife 
ou  comme  la  maille  à  relever  ;  &  quand  on  en  fera 
à  la  dernière,  on  la  mettra  dans  la  tête  de  l'aiguille. 
Voye\  cette  maneuvre  ,  Planche  III.  du  bas  au  métier , 
figurez,  3.  On  entend  -par bride,  la  petite  portion  de 
foie ,  qui  au  lieu  de  parler  dans  la  tête  de  l'aiguille  , 
a  parle  par-deffus  6c  n'a  point  été  travaillée. 

J'obferverai  pourtant  qu'il  faut  faire  cette  opéra- 
tion en-deffous  ou  à  l'endroit,  c'eft-à-dire ,  du  côté 
de  l'ouvrage  qui  ne  regarde  pas  l'ouvrier ,  fans  quoi 
les  mailles  relevées  formeront  un  relief  à  l'envers , 
&  par  conféquent  un  creux  à  l'endroit. 

Il  arrive  encore  qu'il  fe  forme  des  mailles  doubles  ; 
cet  inconvénient  arrive  de  plufieurs  façons  :  s'il  y  a 
quelque  groffeur  dans  la  matière,  fi  une  aiguille  a  le 
bec  de  travers ,  s'il  y  a  quelque  aiguille  fatiguée  qui 
ne  prefTe  pas ,  une  aiguille  n'aura  point  de  maille  6c 
fa  voifine  en  aura  deux. 

Dans  ce  cas ,  de  deux  mailles  on  arrête  la  premiè- 
re fous  le  bec  de  l'aiguille  ;  on  fait  tomber  la  fécon- 
de ;  cette  féconde  tombée ,  formera  une  bride  qu'on 
relèvera  &  qu'on  portera  fur  l'aiguille  vuide. 

Il  y  a  encore  des  mailles  mordues  ;  on  entend  par 
Une  maille  mordue ,  celle  qui  eft  moitié  dans  la  tête 
de  l'aiguille ,  moitié  hors ,  ou  qui  eft  à  demi  tombée. 
On  fait  entièrement  tomber  la  maille  mordue ,  &  on 
îa  relevé  en  plein. 

Les  ouvriers  entendent  par  la  tige  du  bas,  ce  pouce 
d'ouvrage  qui  eft  au-deffus  des  façons  &  fur  lequel  on 
rétrécit. 

Sur  un  métier  de  quinze  pouces ,  on  laiffe  du  mi- 
lieu d'une  façon  au  milieu  de  l'autre ,  cinq  pouces  & 
un  quart.  Si  le  métier  a  moins  de  quinze  pouces,  la 
diftance  du  milieu  d'une  façon  au  milieu  de  l'autre 
diminuera  proportionnellement. 

Quand  on  travaille  la  façon  ,  on  continue  de  ra- 
petiffer  d'une  aiguille  de  chaque  côté  de  quatre  en 
quatre  rangées.  Pour  reconnoitre  les  milieux  des  fa- 
çons ,  on  fait  un  peu  lever  les  deux  aiguilles  qui  les 
indiquent. 

On  fait  ufage  dans  les  façons  de  deux  efpeces  de 
mailles ,  qui  ne  font  pas  de  la  nature  de  celles  dont  le 
refte  du  bas  eft  tricoté  ;  ce  font  les  mailles  portées  & 
les  mailles  retournées.  On  entend  par  une  maille  por- 
tée, celle  qui,  fans  fortir  de  fon  aiguille,  eft  portée 
dans  la  tête  de  celle  qui  la  fuit  immédiatement ,  en 
allant  vers  la  gauche  de  l'ouvrier;  &c  par  une  maille 
retournée  on  entend  celle  qu'on  fait  tomber  &  qu'on 
relevé  fur  la  même  aiguille,  de  manière  qu'elle  Éaflê 
relief  à  l'envers  &  creux  à  l'endroit  du  bas.  Pour  cet 
effet  on  n'a ,  comme  nous  l'avons  dit  à  Poccafion  des 
mailles  tombées ,  qu'à  la  relever  du  côté  du  bas  qui 
regarde  l'ouvrier. 

Les  façons  faites ,  il  s'agit  de  partager  les  talons. 
Pour  cet  effet  on  prend  la  maille  des  aiguilles  qui 
marquoient  les  milieux  des  façons,  &  on  la  jette  fur 
les  aiguilles  voifines,  en  allant  à  la  gauche  de  l'ou- 
vrier ;  puis  on  prend  la  maille  de  chacune  des  aiguil- 
les voifines  de  ces  aiguilles  vuides,  en  allant  adroite, 
&  on  la  jette  fur  les  aiguilles  qui  leur  font  voifines , 
en  allant  auffi  à  droite. 

On  a  donc  en  deux  endroits  de  la  largeur  du  bas 
deux  aiguilles  vuides ,  qui  partagent  cette  largeur  en 
trois  parties. 

On  travaille  ces  trois  parties  avec  trois  fils  de  foie 


BAS  m 

féparés" ,  &  qu'on  jette  chacun  féparément.  Jetter  eft 
fynonyme  à  cueillir. 

De  ces  trois  parties ,  celle  du  milieu  eft  pour  le 
defTus  du  pré ,  6c  les  deux  autres  font  les  deux  par- 
ties du  talon.  On  travaille  le  defTus  fans  le  rapetiffer. 
Pour  les  parties  du  talon ,  on  les  rétrécit  chacune 
d'une  maille  de  fix  rangées  en  fix  rangées  ;  &  cette 
maille  on  la  prend  à  leurs  extrémités  ou  aux  côtés 
qui  doivent  fe  réunir  pour  former  la  couture  du  ta- 
lon ,  ou  fur  la  première  &  la  dernière  ai<milles  plei- 
nes ,  ou  fur  l'aiguille  pleine  la  plus  à  droite  de  l'ou- 
vrier ,  &  fur  l'aiguille  pleine  la  plus  à  gauche  ;  car 
ce  n'eft  lu  que  plufieurs  manières  différentes  de  défi- 
gner  les  mêmes  aiguilles. 

On  continue  de  rapetiffer  ou  rétrécir  les  parties 
du  talon  de  la  manière  que  nous  avons  dit ,  jufqu'à 
ce  qu'elles  n'ayent  plus  chacune  que  deux:  pouces 
&  demi.  Alors  on  forme  la  pointe  du  talon,  en  ré- 
trécilTant  ces  deux  parties  de  la  manière  fuivante. 
Pour  la  partie  qui  eft  à  droite  de  l'ouvrier , on  compte 
les  aiguilles  pleines  en  allant  de  droit  à  gauche ,  & 
on  jette  la  maille  de  la  quatrième  aiguille ,  fur  la  fixie- 
me  aiguille  ;  la  maille  de  la  troifieme  aiguille  auffi 
fur  la  lixieme;  la  maille  de  la  féconde  aiguille  fur  la 
cinquième,  &  la  maille  de  la  première  aiguille  fur 
la  quatrième ,  qui  eft  la  feule  qui  refte  vuide.  Pour 
la  partie  du  talon  qui  eft  à  gauche  ,  on  compte  les 
aiguilles  pleines ,  en  allant  de  gauche  à  droite ,  6c  on 
jette  la  maille  de  la  quatrième  aiguille  ,  fur  la  fixieme 
aiguille  ;  la  maille  de  la  troifieme  aiguille  pareille- 
ment fur  la  fixieme  ;  la  maille  de  la  féconde  aiguille 
fur  la  cinquième ,  &  la  maille  de  la  première  aiguille , 
fur  la  quatrième  qui  eft  la  feule  qui  refte  vuide.  On 
continue  ces  rapetiffemens  fmguliers ,  trois ,  quatre , 
cinq  fois ,  félon  la  finette  du  bas  ,  &  cela  de  quatre 
en  quatre  rangées. 

On  finit  les  talons  par  une  rangée  lâche.  Cette 
rangée  lâche  fe  fait  en  defeendant  les  platines ,  com- 
me quand  on  veut  croifer ,  &  en  repouflànt  la  barre 
à  moulinet  avec  le  talon  des  ondes. 

On  avance  enfuite  fous  les  becs,  en  prenant  b'.'p. 
garde  d'amener  trop  ;  car  on  jetteroit  le  deffus  du 
pié  en  bas. 

On  a  fait  cette  rangée  lâche ,  afin  de  pouvoir  ,  à 
l'aide  de  la  tournille,  la  divifer  en  deux  &  terminer 
le  talon.  Pour  cet  effet ,  on  prend  la  première  maille 
avec  la  tournille  ,  &  la  maille  fuivante  avec  le  poin- 
çon ;  à  mefure  que  la  féconde  parle  fur  le  bec  de  la 
tournille ,  l'autre  fort  de  défions  la  tête.  Celle-ci  eft 
loin  du  bec  ,  quand  celle-là  eft  à  portée  d'entrer  def- 
fous.  On  l'y  fait  donc  entrer ,  &  quand  elle  y  eft ,  on 
preffe  le  bec  de  la  tournille  avec  le  poinçon  ;  on  tire 
la  tournille ,  6c  la  première  paffe  fur  le  bec  6c  forme 
avec  celle  qui  eft  défions  ,  le  commencement  d'une 
efpecc  de  chaînette,  qu'on  exécute  exactement,  com- 
me quand  on  relevé  des  mailles  tombées  ;  avec  cette 
différence  que  les  mailles  tombées  fe  relèvent  dans 
une  direction  verticale  ,  &  que  cette  chaînette  fe  for- 
me horifontalement. 

Pour  arrêter  la  chaînette,  on  fait  fortir  la  dernière 
maille  qui  eft  fous  la  tête  de  la  tournille ,  en  avan- 
çant la  tournille  ;  on  met  le  fil  de  foie  à  fa  place  :  on 
prelfe  enfuite  le  bec  de  la  tournille  ;  on  tire  la  tour- 
nille ,  &  la  maille  paffe  fur  le  bec  &  par  conféquent 
le  fil  de  foie  à  travers  elle.  On  recommence  cette 
opération  plufieurs  fois  ;  cela  fait  on  jette  bas  les  ta- 
lons fans  aucun  dansicr  ,  &  l'on  continue  le  deffus 
du  pie. 

Avant  que  d'achever  le  bas ,  j'ob&rverai  que  l'on 
pratique  une  rangée  lâche  ,  &  fur  (  S  e  quel- 

ques autres  à  l'ordinaire,  toutes  les  fois  qu'on  veut 
©ter  un  ouvrage  de  deffus  le  métier  ,  fans  donner 
lieu  aux  mailles  de  s'échapper. 

Le  deffus  du  pié  s'achève  comme  on  fa  commen- 


ii2  BAS 

ce  ;  quand  il  eft  achevé,  on  monte  le  talon  fur  le 
métier ,  non  par  le  côté  de  la  lifiere  de  derrière,  mais 
par  l'autre  côté.  Pour  cet  effet,  on  décroche  le  mé- 
tier ;  on  tourne  de  ion  côté  l'endroit  de  l'ouvrage  ; 
on  prend  la  féconde  rangée  de  mailles  après  la  lifie- 
re &  on  la  fait  parler  dans  les  aiguilles ,  en  tenant 
l'ouvrage  d'une  main  au-deffus  des  aiguilles  ,  &c  fai- 
fant  palfer  chaque  maille  de  la  rangée  dans  chaque 
aiguille. 

En  s'y  prenant  ainfi ,  il  eft  évident  que  quand  après 
avoir  croche  6c  cueilli ,  comme  on  le  dira  ,  on  abattra 
l'ouvrage  ,  l'envers  fe  trouvera  vers  l'ouvrier.  Lorf- 
que  les  mailles  font  paffées  fur  les  aiguilles  ;  on  laiffe 
l'ouvrage  fur  elles ,  &  on  le  repouffe  fort  avant  vers 
le  derrière  du  métier  ,  afin  qu'il  fe  trouve  dans  la 
gorge  dis  platines  ,  lorfqu'on  crochera  en  dedans  ; 
c'eft-à-dire  fans  avancer  le  métier  en  devant  ,  en 
tirant  les  abattans  perpendiculairement  :  puis  on  pra- 
tique une  enture  du  côté  de  la  façon  :  on  double  la 
foie  à  cette  enture ,  fur  fept  aiguilles  feulement.  On 
cueille  fur  elle  avec  la  main ,  de  peur  que  l'ouvrage 
qui  eft  fous  les  gorges  qui  font  fort  petites  &  qu'il 
remplit,  ne  laiflaflent  pas  tomber  les  platines  entre 
les  aiguilles  ,  autant  qu'il  le  faut  pour  la  formation 
des  mailles.  On  amené  fous  les  becs  ,  &  l'on  achevé 
l'ouvrage  à  l'ordinaire.  Voilà  comment  on  commen- 
ce le  coin  :  voici  comment  on  le  continue. 

Après  avoir  cueilli  une  féconde  fois ,  on  rapetiffe 
les  coins ,  où  l'on  pratique  ce  que  les  ouvriers  ap- 
pellent les pajfemens  ,  de  la  manière  fuivante. 

On  prend  la  cinquième  aiguille  en  comptant  de  la 
pointe  du  coin ,  &  l'on  jette  la  maille  fur  la  quatriè- 
me aiguille  ;  puis  on  paffe  la  foie  fur  ces  quatre  ai- 
guilles ,  &  l'on  forme  quatre  mailles  avec  le  poinçon. 

On  prend  enfuite  la  fixieme  aiguille  ,  &  l'on  jette 
fa  maille  fur  la  quatrième  ;  puis  on  paffe  la  foie  fur 
ces  quatre  aiguilles ,  &  l'on  forme  quatre  autres  mail- 
les avec  le  poinçon.  On  prend  enfuite  la  feptieme  ai- 
guille ,  &  l'on  jette  fa  maille  fur  la  quatrième  ;  puis 
on  paffe  la  foie  fur  les  quatre  aiguilles ,  &c  l'on  forme 
qnatre  autres  mailles  avec  le  poinçon  ;  enfuite  on 

f>rend  la  huitième  aiguille  ,  &  Von  jette  fa  maille  fur 
a  quatrième  ;  puis  on  paffe  la  foie  fur  ces  quatre  ai- 
guilles ,  &  l'on  forme  quatre  dernières  mailles  avec 
le  poinçon. 

Cela  fait ,  il  eff  évident  que  l'on  a  quatre  aiguilles 
vuides ,  &c  quatre  aiguilles  pleines  ;  on  prend  la  qua- 
trième des  pleines ,  &C  on  h  jette  fur  la  neuvième  ai- 
guille ;  la  troifieme  des  pleines ,  &  on  la  jette  fur  la 
huitième  aiguille  ou  la  première  des  vuides;  la  fécon- 
de des  pleines  ,  &  ainfi  de  fuite.  On  fait  là-deffus 
deux  rangées ,  &  l'on  recommence  les  mêmes  paffe- 
mens  ,  jufqu'à  ce  que  le  coin  ait  deux  pouces  &  demi 
de  large  par  le  bas.  On  le  finit  par  une  rangée  lâche , 
fur  laquelle  on  fait  quatre  à  cinq  rangées  à  l'ordinai- 
re ,  pour  que  la  foie  ne  fe  défile  pas. 

Pour  former  la  maille  fur  les  quatre  aiguilles  ,  on 
paffe  la  foie  dans  leurs  têtes  ,  on  repouffe  l'ouvrage 
au-delà  des  têtes  ;  puis  avec  le  poinçon  on  preffe  le 
bec  de  chaque  aiguille ,  on  retire  l'ouvrage ,  &  la 
maille  formée  à  l'ouvrage  paffe  fur  les  têtes ,  &c  for- 
me de  nouvelles  mailles  avec  la  foie  qu'on  y  a  mife. 

Il  ne  reffe  plus  que  la  femelle  à  faire  :  pour  cet 
effet ,  on  monte  les  coins  par  leur  largeur  bout-à- 
bout  ,  ce  qui  forme  un  intervalle  de  cinq  pouces  ; 
c'eft  là-deffus  qu'on  travaille  la  femelle  à  laquelle  on 
donne  la  longueur  convenable. 

Les  grands  bas  d'hommes  ont  ordinairement  tren- 
te-neut  pouces ,  depuis  le  bord  de  l'ourlet  jufqu'à  la 
pointe  du  talon. 

Les  grands  bas  de  femmes  n'ont  ordinairement  que 
vingt-neuf  pouces ,  depuis  l'ourlet  jufqu'à  la  pointe 
du  talon. 

Les  grands  bas  d'hommes ,  depuis  le  bord  jufqu'à 


BAS 


!a  façon  ,  portent  18  pouces  ;  les  grands  bas  de  fem- 
mes ,  dix-neuf  pouces. 

La  façon  dans  les  grands  bas  d'hommes  &  les 
grands  bas  de  femmes  ,  eft  de  deux  pouces. 

Le  talon  commence  à  la  hauteur  des  coins  ,  &  il 
a  jufqu'à  fa  pointe  ,  neuf  pouces  dans  les  hommes . 
&c  huit  pouces  dans  les  femmes. 

Les  coins  ont  pour  les  hommes  &  pour  les  fem- 
mes ,  la  même  hauteur  que  les  talons. 

Les  talons  finis ,  on  les  met  bout-à-bout  &  l'on 
travaille  la  femelle ,  de  neuf  pouces  &  demi  pour  les 
hommes ,  &  de  huit  pouces  &  demi  pour  les  femmes. 

Apres  les  talons  finis ,  on  continue  le  deffus  du 
pié ,  à  quatre  pouces  pour  les  femmes  ,  &C  à  cinq 
pouces  pour  les  hommes. 

Dans  toutes  ces  dimenfions,  on  obferve  les  ré- 
tréciffemens  que  nous  avons  preferits ,  dans  l'article 
de  la  main-d'œuvre ,  &  qu'il  eft  inutile  de  répéter  ici. 

On  voit ,  Planche  II 1.  du  bas  au  métier  ^fig.  10.  un 
modèle  de  façon  ;  il  eft  tracé  fur  un  papier  divifé  en 
petits  quarrés  de  dix  en  dix.  La  ligne  A  B  la  par- 
tage en  deux  parties  égales  ;  chaque  petit  quarré  re- 
prélente  une  aiguille  :  le  petit  quarré  A  repréfente 
l'aiguille  qui  marque  le  milieu  de  la  façon  ,  &  chaque 
rangée  de  mailles  eft  repréfentée  par  chaque  rangée 
de  petits  quarrés. 

Pour  exécuter  la  façon  qu'on  voit  ici  repréfentée  » 
il  faut  donc  faire  aux  mailles  marquées  par  chaque 
petit  quarré  ,  quelque  changement  qui  les  diftingue 
fur  le  bas  :  pour  cet  effet ,  on  les  porte ,  ou  on  les  re- 
tourne ;  ainfi  tous  les  petits  quarrés  marqués  d'un 
point  défigneront  des  mailles  portées  ou  retournées. 

Nous  avons  déjà  dit  qu'une  maille  portée  étoit  cel- 
le dont  la  foie  paffoit  fous  deux  têtes  d'aiguilles ,  fous 
la  tête  de  lbn  aiguille  propre ,  &  fous  la  tête  de  l'ai- 
guille voifine  ,  en  allant  de  droite  à  gauche  de  l'ou- 
vrier ;  &  que  la  maille  retournée  étoit  celle  qu'on  fai- 
foit  tomber  ,  &  qu'on  relevoit  fur  l'envers  de  l'ou- 
vrage ,  enforte  qu'elle  étoit  en  relief  fur  l'envers ,  & 
par  conféquent  en  creux  fur  l'endroit. 

Mais  les  mailles  ne  fe  portent  ou  ne  fe  retournent 
pas  indistinctement  partout.  On  voit  évidemment  que 
des  mailles  qu'il  faut  altérer  pour  diftinguer  la  façon, 
on  ne  peut  porter  celles  qui  fe  fuivent  immédiate- 
ment. Quand  il  faut  altérer  la  maille  d'une  aiguille, 
fi  celle  qui  lui  eft  voifine  ,  en  allant  de  droite  à  gau- 
che ,  ne  doit  point  être  altérée ,  on  peut  ou  la  porter 
ou  la  retourner  :  mais  fi  elle  doit  être  auffi  altérée ,  il 
faut  la  retourner. 

Ainfi  dans  le  deffein  de  façon  qu'on  voit ,  toutes 
les  mailles  de  maffes  noires  doivent  être  retournées, 
&  toutes  les  mailles  des  autres  maffes  qui  font  rares, 
&  qui  laiffent  entr'elles  des  mailles  qu'il  ne  faut  point 
altérer ,  peuvent  être  ou  portées  ou  retournées. 

Les  ouvriers  qui  conftruifent  des  métiers  à  bas  ,  fe 
fervent  d'inftrumens  comme  le  rabot  des  verges  ,  le 
moule  à  repaffer  les  cuivres ,  le  moule  pour  hacher 
les  platines,  la  fraife  ,  la  lime  à  queue  d'aronde  ,  le 
chevalet  pour  les  platines  ,  le  chevalet  pour  les  cui- 
vres ,  la  machine  à  percer  les  aiguilles ,  &  fon  détail, 
le  moule  à  fondre  les  plombs  à  aiguilles  &  les  plombs 
à  platines  ,  le  bruniffoir  ,  les  tourne-à-gauche  ,  les 
becs  d'âne  ,  les  clouyeres ,  la  chaffe-ronde  ,  le  poin- 
tot ,  la  tranche ,  les  perçoires  plate  &  ronde  ,  les  bro- 
ches ,  la  griffe ,  les  mandrins  ,  le  moule  à  bouton ,  le 
poinçon  :  entre  ces  inftrumens  ,  il  y  en  a  qui  font 
communs  au  faifeur  de  métier  ,  &  à  celui  qui  s'en 
fert.  On  trouvera  leurs  ufages  aux  articles  de  leurs 
noms  ,  &  leurs  figures  fur  les  planches  du  métier  à 
bas. 

La  première  manufacture  de  bas  au  métier  fut  éta- 
blie en  1 6  5  6  ,  dans  le  château  de  Madrid ,  au  bois  de 
Boulogne.  Le  fuccès  de  ce  premier  établiffement  don- 
na 


BAS 

na  lieu  à  l'érection  d'une  communauté  de  maîtres- 
ouvriers  en  bas  au  métier  ;  &  on  leur  donna  des  lta- 
tuts.  Par  ces  ftatuts,  on  régla  la  qualité  &  la  prépa- 
ration des  foies  ,  le  nombre  des  brins  de  ces  foies  ,  la 
quantité  des  mailles  vuides  qu'il  faut  laiffer  aux  li- 
fieres  ,  le  nombre  d'aiguilles  fur  lequel  fe  doivent 
faire  les  entures ,  &  le  poids  des  bas. 

Il  fut  ordonné  trois  ans  d'apprentiflage  &  deux  ans 
de  fervice  chez  les  maîtres ,  pour  le  devenir  ;  la  con- 
noiflance  du  métier,  &  de  fa  main-d'œuvre  ,  &  un 
chef-d'œuvre  qui  confiite  en  un  bas  façonné  aux  coins 
&  par-derriere. 

Les  ouvriers  en  bas  ne  travaillèrent  qu'en  foie  juf- 
qu'en  1 684,qu'il  leur  fut  permis  d'employer  des  laines, 
le  fil ,  le  poil ,  le  coton  ,  à  condition  toutefois  que  la 
moitié  des  métiers  d'un  maître  feroient  occupés  en 
foie ,  &  les  autres  en  matière  dont  le  filage  leroit  fin. 
Cette  indulgence  eut  de  mauvaifes  fuites ,  &  en  1 700, 
fa  Majefté  ordonna  à  tous  maîtres  faheurs  de  bas  au 
métier  de  fe  conformer  au  règlement  iuivant. 

I.  Défenfe  d'établir  aucun  métier  ailleurs  qu'à  Pa- 
ris ,  Dourdan  ,  Roiien ,  Caën  ,  Nantes ,  Oléron,  Aix, 
Touloufe  ,  Nii'mes  ,  Usés  ,  Romans  ,  Lyon  ,  Metz  , 
Bourges  ,  Poitiers  ,  Orléans ,  Amiens  &  Rheims  ,  oit 
ils  étoient  déjà  établis. 

II.  De  travailler  dans  lefdites  villes  &  leur  ban- 
lieue fans  être  maîtres. 

III.  De  faire  basy  caleçons  ,  camifolles  ,  &c.  fur  au- 
tres métiers  que  des  vingt-deux ,  à  trois  aiguilles  par 
plomb. 

IV.  D'employer  des  foies  fans  être  débouillies  au 
favon  ,  bien  teintes  ,  bien  defléchées  ,  nettes  ,  lans 
bourre  ,  doubles ,  adoucies  ,  plates  &  nerveufes. 

V.  D'employer  de  l'huile  dans  ledit  travail. 

VI.  D'employer  pour  le  noir  des  foies  autres  que 
non  teintes  ,  dont  les  ouvrages  feront  envoyés  faits 
aux  Teinturiers. 

VII.  De  travailler  en  foie  pure  ,  ou  en  poil  &  lai- 
ne ,  fur  un  autre  métier  que  d'un  dix-huit  au  moins  , 
à  trois  aiguilles  par  plomb ,  &  de  mettre  moins  de 
trois  brins  ,  deux  de  loie  ,  ou  poil ,  &  un  de  laine. 

VIII.  De  taire  des  ouvrages  en  laine ,  fil  &  coton 
fur  un  autre  métier  que  de  vingt-deux ,  à  deux  ai- 
guilles par  plomb. 

IX.  De  mettre  dans  les  ouvrages  de  fil ,  coton  ,  lai- 
ne &  caftor ,  moins  de  trois  brins  ,  8c  d'employer 
aucun  fil  d'eftame ,  ou  d'eftain  tiré  à  feu ,  parmi  les 
trois  fils. 

X.  De  mettre  en  œuvre  de  mauvaife  marchan- 
dife. 

XI.  De  manœuvrer  mal. 

XII.  De  négliger  les  lifieres ,  &  de  n'y  point 
laifier  de  maille  vuide. 

XIII.  De  faire  les  entures  de  moins  que  de  cinq  à 
fix  mailles  ,  &  de  négliger  de  remonter  les  talons  & 
les  bords. 

XIV.  De  fouler  les  ouvrages  au  métier  avec  au- 
tre chofe  que  du  favon  blanc  ou  verd ,  à  bras  ou  aux 
pies. 

XV.  Aux  Foulcurs  de  fe  fervir  d'autres  inftrumens 
que  de  râteliers  de  bois  ou  à  dents  d'os ,  ôt  aux  Fou- 
loniers  de  recevoir  des  bas. 

XVI.  De  donner  aux  ouvrages  moins  de  deux  eaux 
vives  ,  après  les  avoir  dégrailîés. 

XVII.  De  fe  fervir  de  pommelles  &  cardes  de  fer 
pour  apprêter ,  appareiller. 

XVIII.  De  débiter  aucun  ouvrage  fans  porter  le 
plomb ,  qui  montrera  d'un  côté  la  marque  du  maître , 
de  l'autre  celle  de  la  ville. 

XIX.  Permifîîon  aux  privilégiés  de  fc  diftinguer 
par  la  fleur-de-lis  jointe  à  l'initiale  de  leurs  noms. 

XX.  Seront  les  articles  ci-deffus  exécutes  à  peine 
de  confifeation  des  métiers ,  &  de  cent  livres  d'a- 
mende. 

Tome  II. 


BAS 


JI3 


XXI.  Défenfe  aux  maîtres  de  mettre  en  vente 
d'autres  marchandiles  que  celles  qu'ils  auront  fabri- 
quées ,  eux  ,  leurs  apprentifs  ou  compagnons. 

XXII.  Permiffion  aux  maîtres  de  faire  peigner, 
carder  ,  filer ,  mouliner ,  doubler  ,  &c.  les  foies  dont 
ils  auront  befoin. 

XXIII.  Détcnfe  de  tranfporter  hors  du  royaume 
aucun  métier,  fous  peine  de  confifeation  ,  &  de  mil- 
le livres  d'amende. 

XXIV.  Défenfe  aux  maîtres  de  bas  au  métier, 
d'entreprendre  fur  ceux  au  tricot  ;  &.  à  ceux-ci  d'en- 
treprendre rien  iur  les  premiers. 

Louis  X  I V.  en  conîéquence  de  ces  reglcmens  , 
avoiteréé  des  charges  d'impudeurs,  de  contrôleurs, 
de  viliteurs  ,  de  marqueurs  ,  &c.  Les  marchands  fa- 
briquans  en  payèrent  la  finance ,  &  en  acquirent  les 
droits  :  mais  comme  la  communauté  étoit  compoiee 
de  maîtres  privilégiés  &  d'autres  ,  cette  acquifition 
occafionna  de  la  divifion  entre  les  maîtres  ,  les  pri- 
vilégiés fe  tenant  exempts  des  droits ,  &  les  non-pri- 
vilegiés  prétendant  les  y  foûmettre.  Louis  XV.  fixa 
en  1720,  la  police  de  ces  fabriquans  ,  &  fit  ceffer 
leurs  querelles  .11  voulut  que  les  métiers  difperfés  dans 
les  lieux  privilégiés ,  comme  le  faubourg  faint  An- 
toine, le  Temple,  faint  Jean  deLatran,  &c  payafTent 
trente  livres  par  métiers  ;  que  les  brevets  des  appren- 
tifs fuffent  de  cinq  années.  Les  autres  articles  font  re- 
latifs à  l'acquit  des  dettes  de  la  communauté ,  Se  aux 
autres  objets  femblables.  Voyei^  le  Diclion.  du  Com- 
merce. 

Bas  d'ejïame  ;  ce  font  ceux  qui  fe  font  avec  du  fil 
de  laine  très-tors  ,  qu'on  appelle//  d'ejiame  ou  d'ef- 
tain. Voyc^  EsTAME. 

Bas  drappés  ;  ce  font  ceux  qui  fabriqués  avec  de  la 
laine  un  peu  lâchement  filée  ,  qu'on  appelle./?/  de  cra- 
me ,  ont  paffé  à  la  foule  ,  8t  ont  enluite  été  tirés  au 
chardon. 

Bas  à  étrier  ;  ce  font  des  bas  coupés  par  le  pic ,  qui 
ne  couvrent  que  la  jambe  :  il  y  a  encore  des  bas  de 
chamois ,  qui  font  du  commerce  des  PeaufTiers ,  &  des 
bas  de  toile,  qui  font  du  commerce  des  Lingeres.  On 
n'exécute  pas  feulement  des  bas  fur  le  métier,  on  y 
fait  auffi  des  culotes ,  des  caleçons ,  des  mitaines ,  des 
vefles  ,  &  je  ne  doute  pas  qu'on  n'y  fît  des  habits. 
Il  eft  évident  ,  par  les  defleins  qu'on  exécvite  aux 
coins ,  qu'on  pourroit  y  faire  des  fleurs  &:  autres  def- 
feins,  &  qu'en  teignant  la  loie,  comme  il  convient 
qu'elle  le  toit,  on  imiteroit  fort  bien  fur  les  ouvrages 
de  bas  au  métier  ,  &  le  chiné  6c  le  flambé  des  autres 
étoffes.  Foyei  Chiner  è  1:lamblr. 

*  Bas  (  tile  de  )  Gîog.  petite  île  de  la  mer  de  Bre- 
tagne, vis-à-vis  Saint-I'ol-de-Léon. 

Bas-BORD  (  Marine.  )  vaijfeau  de  bas-bord  ;  c'elt  un 
vaifleau  peu  élevé  ,  &  qui  ne  porte  qu'un  tillac  ,  ou 
couverte ,  &  va  à  voiles  &  à  rumes  comme  les  galè- 
res ,  galiotes  &  femblables  bâtimens.  Le  brigantin  , 
qui  ne  porte  pas  couverte ,  efl  un  vaifleau  de  bas-bord. 

Bas-bord  ou  Bâbord  (Marine.')  c'elt  le  côté  gau- 
che du  navire,  c'elt-à-dire  ,  celui  qui  relie  à  la  gau- 
che lorfqu'on  elt  à  la  poupe  ,  &  qu'on  regarde  la 
proue  ;  il  efl  oppofé  à  Jlribord ,  qui  efl  le  côté  droit. 

Bas-bord  tout  ;  c'elt  un  commandement  que  1  on 
fait  au  timonnier  de  pouffer  la  barre  du  gouvernail  à 
gauche  tout  autant  qu'il  efl  poffible. 

BAS-BORDES  ou  B  AS-BORD AIS  (  Marine.  )  on 
appelle  ainli  la  partie  de  l'équipage  qui  doit  taire  le 
quart  de  bas-bord.  Voyt\  0 L'ART. 

BAS-FOND  ,  1".  m.  (  Marine.  )  c'ert  un  endroit  de 
la  mer  où  le  fond  efl  plus  élevé  ,  &  fur  lequel  il  n'y 
a  pas  afïèz  d'eau  pour  que  les  vaiffeaux  puiflent  y 
pallèr  fans  échouer.  Voyt{  Banc  &  Basses.  (Z) 

BAS-JUSTICIER  ,  f.  m.  (.-■'  --'•)  «eigneur 

de  fief,  quia  droit  de  bafie-juftice.  toy^  Justice. 

Quelques  coutumes  lui  accordent  lur  les  denrées 


1 14 


BAS 


ou  les  bcftiaux  qui  féjournent  fur  fa  feigneurie ,  un 
droit  qu'elles  appellent  levage,  voye{  Levage;  les 
efpaves  immobihaircs,  voyt[  Espave  ;  le  droit  de 
banalité,  &  autres,  voyei Banalité.  {H) 

BAS-MÉTIER,  1".  m.  {Rubanier-Pajjementier.)  c'eft 
celui  fur  lequel  on  fait  quantité  de  petits  ouvrages  ; 
il  peut  fe  poier  fur  les  genoux.  Foyei  Agrément. 

BAS-OFFICIERS,  f.  m.  pi.  {Art  mille.  )  ce  font 
dans  les  compagnies  de  cavalerie  &  de  dragons ,  les 
maréchaux  des  logis ,  &  dans  l'infanterie ,  les  fer- 
gens.  Ils  n'ont  point  de  lettres  du  roi  pour  avoir  leur 
emploi ,  qu'ils  ne  tiennent  que  de  l'autorité  du  colo- 
nel &  de  leur  capitaine.  {Q) 

BAS-RELIEF ,  f.  m.  {en  Architecture.')  ouvrage  de 
fculpture  qui  a  peu  de  faillie ,  &  qui  eft  attaché  lur 
un  fonds;  on  y  repréfente  des  hiftoires,  des  orne- 
mens,  des  rinceaux  de  feuillages  ,  comme  on  en  voit 
dans  les  frifes ,  &  lorfque  dans  les  bas-reliefs  il  y  a  des 
parties  faillantes  &  détachées ,  on  les  nomme  demi- 
boffes.  Foye{  SCULPTURE.  {P) 

BAS-VENTRE,  f.  m.  tout  ce  qui  eft  au-deflbus 
du  diaphragme  dans  la  cavité  du  ventre.  Voyc{  Ab- 
domen, (t) 

*  BASA  AL ,  f.  m.  {Hijl.  nat.  bot.)  nom  d'un  arbre 
des  Indes ,  qui  croît  dans  les  lieux  labloneux ,  parti- 
culièrement aux  environs  de  Cochin  ;  il  porte  des 
fleurs  &  des  fruits  une  fois  l'an ,  depuis  la  première 
fois  qu'il  a  commencé  à  produire,  jufqu'à  fa  quinziè- 
me année. 

La  décoction  de  fes  feuilles  dans  l'eau ,  avec  un 
peu  de  gingembre  ,  foulage  dans  les  maux  de  gorge  : 
on  frotte  le  front  &  les  tempes  des  phrénetiques , 
avec  fes  baies  frites  dans  le  beurre.  Ses  amandes 
tuent  les  vers. 

*  BAS  AN,  (  Géog.  fainte.  )  ancien  pays  de  la  Ju- 
dée ,  enAfie,  entre  le  Jourdain,  la  mer  de  Galilée, 
le  royaume  de  Galaad,  &  les  montagnes  d'Hermon , 
ou  de  Seïr  ou  du  Liban.  Moyfe  le  conquit  fur  Og ,  & 
le  donna  à  la  tribu  de  Mariaffé  ;  il  s'appella  dans  la 
fuite  Trachonite. 

BAS  ANNE ,  f.  f.  (Tannerie  ou  Megie.)  c'eft  une  peau 
de  bélier ,  mouton  ou  brebis ,  paflee  avec  le  tan  ou 
avec  le  redon.  La  bafanne  a  difterens  ufages  fuivant 
les  différens  apprêts  qu'elle  a  reçus  :  on  en  fait  des 
couvertures  de  livres ,  des  porte-feuilles  ;  on  en  cou- 
vre des  chaifes ,  fauteuils ,  banquettes ,  &c.  on  l'em- 
ployé auffi  à  faire  des  tapifleries  de  cuir  doré.  Voye\_ 
Cuirs. 

Il  y  a  plufxeurs  fortes  de  bafannes  ;  favoir  les  bafan- 
nes  tannées  ou  de  couche ,  les  bafannes  coudrées ,  les 
bafannes  chipées ,  les  bafannes  paifées  en  mefquis ,  & 
les  bafannes  aludes. 

Les  bafannes  tannées  ou  de  couche  ,  font  celles  qui 
ont  été  étendues  de  plat  dans  la  fofle ,  pour  y  être 
tannées  comme  les  peaux  de  veaux ,  mais  qu'on  n'y 
a  pas  laiffées  fi  long-tems.  On  en  fait  des  tapifTeries 
de  cuir  doré. 

Les  bafannes  coudrées,  celles  qui  après  avoir  été 
dépouillées  de  leur  laine  dans  le  plein ,  par  le  moyen 
de  la  chaux ,  ont  été  rougies  dans  l'eau  chaude  avec 
le  tan.  On  en  fait  le  même  ufage  que  des  bafannes 
tannées. 

Les  bafannes  chipées,  celles  auxquelles  on  a  donné 
un  apprêt  particulier  appelle  chipage.  Voye{  Chi- 
page. 

Les  bafannes  pajfées  en  mefquis ,  celles  qui  ont  été 
apprêtées  avec  le  redon,  au  lieu  de  tan.  V.  Redon. 

Les  bafannes  appellées  aludes,  celles  qu'on  teint 
ordinairement  en  jaune,  verd  ou  violet,  &  qui  font 
fort  velues  d'un  côté.  On  les  appelle  aludes,  parce 
qu'on  fe  fert  d'eau  d'alun  dans  les  difterens  apprêts 
qu'on  leur  donne.  Cette  efpece  de  bafanne  eft  tout- 
à-iait  différente  des  autres  ;  on  ne  l'employé  d'ordi- 


BAS 

naire  qu'à  couvrir  des  livres  &  des  porte-feuilles  d'é- 
coliers. Foyei  Tannerie  6*  Megie. 

*BASARUCO,  f.  m.  {Commerce.)  petite  monnoie 
d'étain,  d'ufage  aux  Indes:  il  y  en  a  de  deux  fortes; 
les  bons  font  d'un  fixieme  plus  forts  que  les  mauvais  ; 
trois  bafarucos  valent  deux  reys  de  Portugal.  Voyt^ 
Rey. 

*  BASCAMAN,  {Géog.  fainte.)  ville  de  la  Palefti- 
ne ,  de  la  tribu  de  Gad. 

*  BASCARA ,  {Géog.)  ville  de  la  partie  de  l'Afri- 
que, que  les  Arabes  appellent  Aufath  ou  moyenne , 
ou  le  Biledulgerid. 

*  BASCATH ,  {Géog.  fainte.)  ville  de  la  Paleftine, 
dans  la  tribu  de  Juda ,  entre  Lachis  &  Eglon. 

B ASCHI  ou  B ACHI ,  f.  m.  (  Hijl.  mod.  )  chez  les 
Turcs ,  joint  à  un  mot  qui  le  précède ,  fignifie  le  chef 
ou  le  premier  d'un  corps  d'officiers  du  férail.  Ainfï 
bogangi  bachi  fignifie  le  chef  des  fauconiers,  &  bof 
tangi  bachi ,  le  chef  des  jardiniers ,  ou  fur-intendant 
des  jardins  du  grand-feigneur. 

Bafchi-capou-oglani ,  nom  qu'on  donne  à  l'eunu- 
que qui  commande  aux  portiers  de  l'appartement  des 
fùltanes ;  bafchi  fignifîant  chef,  capou,  porte,  &  oglan, 
officier  ou  valet.  RiCAUT,  de  Vempire  Ottoman.  {G) 

BASCULE,  f.  f.  {Méchanique.)  eft  une  pièce  de 
bois  qui  monte ,  defeend,  fe  haufle ,  &  fe  baifle  par 
le  moyen  d'un  effieu  qui  la  traverfè  dans  ia  longueur, 
pour  être  plus  ou  moins  en  équilibre.  Ce  peut  être 
encore  le  contre-poids  d'un  pont-levis ,  ou  d'un  mou- 
lin à-vent  ,  pour  en  abattre  le  frein  :  elle  a  l'on  axe  ou 
œil  par  où  pafle  un  boulon  qui  la  foûtient  fur  un  bâti 
de  charpente.  En  général ,  bafade  eft  proprement  un 
levier  de  la  première  efpece ,  où  le  point  d'appui  fe 
trouve  entre  la  puiflance  &  la  réfîftance.  {K) 

B  A  s  c  U  L  E  ,  f.  f.  terme  de  Fortification ,  font  deux 
poutres  ou  folives ,  dont  une  partie  s'avance  en-de- 
hors de  la  porte ,  &  foûtient  des  chaînes  attachées 
au  pont-levis  ;  &  l'autre  eft  en-dedans  de  la  porte , 
&  foûtient  des  contre  poids  qui  mettent  la  bafcule  en 
équilibre,  enforte  qu'en  appuyant  fur  l'un  des  bouts  , 
l'autre  haufle.  Voye^  Pont-levis.  (Q) 

Bascule,  c'eft  dans  une  grofle  horloge,  un  le- 
vier, dont  un  bout  donne  fur  la  roue  de  cheville  d'u- 
ne fonnerie,  &  l'autre  tire  un  fil  de  fer  ou  de  cuivre  , 
pour  faire  lever  le  marteau.  Voye^  l'article  Hor-. 
loge  de  clocher:  voye^  auffi  ïafig.à.Pl.  II.  de 
f Horlogerie.  {T) 

Bascule,  partie  dubas-au-métier;  wjc^Bas-au- 
métier. 

Bascule,  terme  de  rivière ,  voyej  Banneton. 

Bascules  du  positif,  ou  Petit  Orgue  ,  repré- 
fentées  dans  les  Planches  n°.  zz.  font  des  règles 
A  B  de  bois  de  chêne ,  de  cinq  ou  fix  pies  de  long  , 
plus  larges  dans  leur  milieu  qu'à  leurs  extrémités  ;  ces 
règles  font  pofées  de  champ  &  par  lé  milieu  fur  un 
dos  d'âne  F,  qui  eft  garni  de  pointes  G.  Ces  pointes 
entrent  dans  un  trou  percé  au  milieu  de  la  baj'cule.  Ce 
trou  doit  être  un  peu  plus  ouvert  par  le  haut  que  par 
le  bas  qui  porte  fur  le  dos  d'âne  ;  &  cela  feulement 
dans  le  fens  de  la  longueur  de  la  bafcule.  A  l'extrémi- 
té B  de  la  bafcule  eft  un  petit  trou  percé  verticale- 
ment ,  deftiné  à  recevoir  une  pointe  ou  épingle ,  qui 
eft  emmanchée  à  l'extrémité  inférieure  de  la  pilote 
E  C  ;  les  pilotes  font  des  baguettes  de  bois  de  chêne, 
de  quatre  ou  cinq  lignes  de  diamètre;  leur  partie 
fupérieure  traverfè  une  planche  D ,  D ,  D,fig.  zo. 
percée  d'autant  de  trous  qu'il  y  a  de  pilotes,  dont  le 
nombre  eft  égal  à  celui  des  touches  du  clavier ,  au- 
deflbus  defquelles  elles  doivent  répondre  ;  enforte 
que  lorfque  les  pilotes  font  parlées  dans  les  trous  du 
guide ,  leurs  extrémités  fupérieures  portent  contre  le 
deffbus  des  touches  à  un  demi-pié  près  ou  environ 
de  l'extrémité  antérieure  des  touches.  L'extrémité^ 
des  bafcules  répond  fous  le  fommier  du  poiîtif ,  qui  eft 


BAS 

garni  en-deffous  de  pointes  de  fbr ,  entre-deux  des- 
quelles les  bafcules  fe  meuvent.  Ces  pointes  s'appel- 
lent le  guide  des  bafcules.  Elles  fervent  en  effet  à  les 
guider  dans  leurs  mouvemens. 

Lorfque  l'Organifte  baiffe  une  touche  du  clavier, 
elle  comprime  la  pilote  E  C,  qui  fait  baiffer  l'extré- 
mité B  de  la  bafcule ,  &  par  conféquent  hauffer  l'ex- 
trémité^, qui  foule  en-haut  le  petit  bâton  qui  tra- 
verfe  la  bourfette;  ce  qui  fait  ouvrir  la  foupape,  la 
foupape  étant  ouverte ,  laiffe  aller  le  vent  dans  la  gra- 
vure du  fommier.  V.  Sommier,  Positif,  Bour- 
sette,  &c. 

Ces  bafcules  qui,  du  côté  des  pilotes,  n'occupent 
que  la  même  étendue  que  le  clavier,  font  divergentes 
du  côté  du  fommier  du  pofitif,  où  elles  occupent  la 
même  étendue  que  les  loupapes  de  ce  fommier.  La 
place  de  ces  bafcules  dans  l'orgue  >  eft  fous  le  pont  qui 
eft  entre  le  grand  orgue  &  le  pofitif,  fur  lequel  le  liè- 
ge de  l'Organifte  eft  placé.  L'extrémité  qui  porte  les 
pilotes ,  entre  dans  le  pié  du  grand  orgue ,  6c  l'autre 
-extrémité  dans  le  pofitif  au-deftous  du  fommier. 

Bascules  brisées  de  l'orgue,  repréfentées 
fg.zff.  PI.  d'Orgue,  font  compolées  des  deux  baf- 
cules CH ,  HD  ,  articulées  eniémble  par  des  en- 
tailles à  moitié  bois,  comme  on  voit  en  H;  elles 
font  montées  fur  un  châffis  A  B  ,  dans  lequel  font 
affemblées  à  queues  d'aronde  deux  barres  de  bois  E, 
garnies  de  pointes ,  qui  entrent  dans  le  milieu  des 
bafcules ,  6c  qui  leur  lérvent  avec  le  dos  d'âne  des 
barres  E  E ,  de  point  d'appui.  Au  milieu  du  chaffis, 
qui  eft  l'endroit  où  les  deux  bafcules  fe  réunifient  ^ 
iont  deux  règles  ou  barres  H  G  ;  l'inférieure  H  eft 
garnie  de  chevilles  de  fer,  entre  deux  defquelles  les 
bafcules  peuvent  fe  mouvoir.  Cette  barre  avec  les 
pointes  s'appelle  le  guide  :  vis-à-vis  du  guide  &  au- 
deffus ,  eft  une  autre  barre  G  ,  dont  l'ufage  eft  d'em- 
pêcher les  bafcules  de  fortir  d'entre  les  chevilles  du 
guide. Le  contre-dos  d'âne  K  fait  la  même  fonction;  il 
iert  à  empêcher  les  bafcules  HD  de  fortir  des  pointes 
de  la  bârie  E  ,  vis-à-vis  de  laquelle  il  eft  placé.  Aux 
deux  extrémités  C  D  des  bafcules  ,  on  met  des  an- 
neaux de  fil  de  fer  :  ceux  de  la  partie  C  doivent  être 
en-deflbus ,  pour  recevoir  la  targette  C  L  ,  qui  dcf- 
cend  de  la  bafcule  au  clavier  ;  6c  ceux  de  la  partie  D 
doivent  être  en-deffus ,  pour  recevoir  la  targette  D 
M ,  qui  monte  de  la  bafcule  au  fommier 

Les  bafcules  brifîes  font  une  manière  d'abrégé  (  V. 
Abrégé  )  ;  car  elles  font  convergentes  du  côté  des 
targettes  du  clavier  ,  où  elles  n'occupent  pas  plus 
d'étendue  que  les  touches  du  clavier  auxquelles  elles 
répondent  perpendiculairement  ;  &  du  côté  de  celles 
du  fommier  elles  font  divergentes ,  &  occupent  la 
même  étendue  que  les  ioûpapes  auxquelles  elles 
communiquent  par  le  moyen  des  targettes  DM,  & 
des  bourfettes.  Voyc^  Boursettes  &  Sommier. 

Lorfqu'on  abaiffe  une  touche  du  clavier,  la  tar- 
gette CL  qui  y  eft  attachée  tire  en  en-bas  l'extrémi- 
té C  de  la  bafcule  C  H ,  qui  a  ion  point  d'appui  au 
point  E.  L'extrémité  C  ne  lauroit  baiffer  que  l'au- 
tre extrémité  H  ne  levé  :  mais  cette  partie  reçoit 
l'extrémité  de  l'autre  bafcule  D  H;  par  conféquent 
elle  doit  l'élever  avec  elle  vers  la  barre  G  ;  ce  qui 
ne  fe  peut  faire  fans  que  la  bafcule  H  D  ne  defeende, 
&  n'entraîne  avec  elle  la  targette  D  M ,  qui  commu- 
nique par  le  moyen  d'une  bourlctte  à  la  foupape 
correfpondante  du  fommier  qui  fera  ainfî  ouverte. 
Lorfqu'on  lâchera  le  doigt ,  le  reffort  qui  renvoyé  la 
foupape  contre  la  gravure ,  tirera  en  haut  la  tar- 
gette MD  ,  qui  relèvera  l'extrémité  D  de  la  bafcule, 
&  fera  par  conféquent  baiffer  l'autre  extrémité  H, 
qui  parce  qu'elle  appuie  fur  l'extrémité  de  l'autre 
bafcule ,  la  fera  baiffer  avec  elle  ,  &  par  conféquent 
lever  par  l'autre  extrémité  C ,  qui  tirera  en  en-haut 
Tome  II. 


BAS 


115 


la  targette  CL,  &  la  touche  du  clavier  qui  y  eft  at- 
tachée. 

Les  bafcules  ont  différens  noms ,  fuivant  l'ufage 
qu'on  en  fait. 

La  bafcule  d'un  loquet  eft  une  pièce  de  fer  d'en- 
viron deux  pouces  de  long  ,  percée  d'un  trou  qu ai- 
re long  ,  &  potée  au  bout  de  la  tige  du  bouton 
ou  du  lafferet  de  la  boucle  d'un  loquet  à  bafcule  : 
cette  tige  excède  l'épaiffeur  de  la  porte  du  côté  ou 
le  battant  doit  être  pofé  ,  de  l'épaiffeur  de  la  bafcule 
qui  eft  arrêtée  fur  la  tige  par  une  goupille  ou  un 
écrou  :  on  place  enfuite  le  battant  du  loquet  de  façon 
que  la  bafcule  ait  le  plus  gros  de  fa  queue  du  côté  où 
la  vis  arrête  le  battant  fur  la  porte  ;  &  cela  afin  que 
la  tête  du  battant  ait  plus  de  poids  pour  retomber 
dans  le  mentonnet.  Il  faut  par  cette  même  raifon 
pofer  la  bafcule  à  deux  pouces  de  la  vis  quittent  la 
queue  du  battant ,  de  forte  qu'en  tournant  le  bouton 
toit  à  droite  foit  à  gauche  ,  on  faffe  lever  le  battant. 
Il  faut  remarquer  qu'en  tournant  le  bouton  &  la  bou- 
cle dans  le  même  fens  que  l'on  tourne  la  clé  d'une 
porte  pour  l'ouvrir ,  le  battant  fera  plus  doux  à  le- 
ver ;  6c  qu'au  contraire  on  le  trouvera  plus  rude  en 
tournant  de  l'autre  fens  :  car  la  vis  qui  tient  la  queue 
du  battant  eft  ici  le  point  d'appui  ;  6c  le  battant  pefe 
d'autant  plus  que  l'aftion  de  la  bafcule  fe  fait  fur  lui 
dans  un  point  plus  proche  de  cette  vis. 

Bafcule  qui  fert  de  fermeture  aux  vanteauxde  por- 
te ou  d'armoire.  Cette  bafcule  eft  compefée  de  deux 
Verroux ,  l'un  pour  fermer  en  entrant  dans  la  tra- 
verfe  du  haut,  &  l'autre  pour  fermer  en  entrant  dans 
la  traverfe  d'en-bas  :  ils  font  montés  fur  platines  ; 
leurs  queues  viennent  fe  joindre  à  la  traverfe  du  mi- 
lieu des  vanteaux  ;  elles  font  coudées  en  croiffant , 
l'une  d'un  fens,  &  l'autre  d'un  autre  fens  ,  &  per- 
cées d'un  trou  à  l'extrémité  du  croiffant;  ces  extré- 
mités viennent  fe  pofer  fur  les  étochios  qui  font  à 
chaque  bout  d'un  T;  ce  T  eft  fur  un  étochio  rivé  fur 
une  platine  quarrée  qui  s'attache  fur  le  vanteau  de 
la  porte  ou  armoire  avec  quatre  ris  ;  le  T  ei\  per- 
cé d'un  trou  dans  fon  milieu  ,  entre  les  deux  éto- 
chios de  l'extrémité  de  les  bras. 

Pour  ouvrir  ou  fermer  la  bafcule,  on  prend  un  bou- 
ton qui  eft  à  l'extrémité  de  la  main  du  T  :  li  on  meut 
ou  levé  la  bafcule  verticalement ,  l'on  ouvre  ;  fi  on 
la  baiffe  perpendiculairement,  on  ferme. 

Cette  bafcule  eft  couverte  par  la  gâche  encloifon- 
née  de  la  ferrure  :  lorfque  la  bafcule  eft  pofée  à  une 
porte  où  il  n'y  a  point  de  gâche,  la  platine  eft  or- 
dinairement à  panache  &  polie  ;  &  l'étochio  qui  porte 
la  bafcule ,  à  grand  bouton  plat ,  affez  large  pour  cou- 
vrir le  T ,  avec  les  deux  bouts  des  croiffans  montés 
fur  les  étochios  du  bout  des  bras  du  T. 

La  forte  de  bafcule  dont  nous  venons  de  parler 
peut  être  compofée  de  deux  verroux  à  reffort ,  d'un 
7*  avec  fa  rivure  ,  &  d'une  platine  :  mais  tout  s'exé- 
cutera comme  à  la  précédente. 

Bafcule  à  pignon  ;  elle  ne  diffère  de  la  précédente 
qu'en  ce  que  les  queues  des  verroux  font  droites  ,  &: 
fendues  de  la  quantité  de  la  courfe  des  verroux  ,  & 
que  les  côtés  de  ces  queues  qui  fe  regardent  font  à- 
dents  ou  à  crémaillères ,  6c  s'engrainent  dans  un  pi- 
gnon compris  entr'eux.  Pour  ouvrir  cette  bafcule ,  on 
prend  un  bouton  rivé  fur  la  queue  du  verrou  d'en- 
bas  ,  &  en  le  levant  il  fait  tourner  le  pignon  ,  qui 
fait  defeendre  le  verrou  d'en-haut ,  &  monter  le  ver- 
rou d'en-bas. 

Foye{  Serrurerie,  PI.  V.fig.  5.  une  bafule  5,6, 
7 ,  8 ,  9  ;  6  le  bouton  ;  6 ,  7  ,  8  ,  le  T;  9  ,  9 ,  les 
verroux  :  hfig.  1,2,3,4,  représente  la  même  baf- 
cule ,  avec  fa  platine  à  panache  ,  la  bafcult  couverte. 
Même  Pl.Jig.  I.  eft  une  bafcule  à  pignon  :  H,  H , 
le  pignon  ;  1 ,  K ,  les  verroux  à  dents ,ED,  GFi 
extrémités  des  verroux. 

Pij 


ïi6 


B  A  S 


PI.  Vit.  Serrur.  fig.  A  B  CD  E  :  A  B  ,  battant  du 
loquet  ;  E  ,  bafculc  ;  D  ,  bouton  ;  C  C ,  crampon  : 
au  lieu  de  bouton  on  a  quelquefois  un  anneau  ou 
une  boucle  ,  comme  on  voit  dans  la^.  F  G. 

BASE  :  la  bafe  d'une  figure ,  en  Géométrie  ,  eft  pro- 
prement ,  &  en  général ,  la  plus  baffe  partie  de  fon 
circuit.  Voye^ Figure. 

La  bafe  clans  ce  fens  eft  oppofée  aufommct,  comme 
à  la  partie  la  plus  élevée. 

On  appelle  bafe  d'un  triangle ,  un  côté  quelconque 
de  cette  figure  ,  quoiqu'à  proprement  parler ,  le  mot 
bafe  convienne  au  côté  le  plus  bas ,  fur  lequel  le 
triangle  eft  comme  appuyé  :  ainfi  la  ligne  A  B  eft 
la  bafe  du  triangle  A  B  6"(  Planch.  Géom.fig.  68.  )  ; 
quoiqu'en  d'autres  occafions  les  lignes  AC ou  BC, 
en  puiffent  être  la  bafe.  Dans  un  triangle  rectangle  , 
la  bafe  eft  proprement  le  côté  oppofé  à  l'angle  droit , 
c'eft-à-dire ,  Yhypothénufe.  Voye-r  HYPOTHÉNUSE.  La 
bafe  d'un  triangle  ifolcele  eft  proprement  le  côté  iné- 
gal aux  deux  autres.  La  bafe  d'un  folide  eft  la  fur- 
face  inférieure  ou  celle  fur  laquelle  toute  la  figure 
eft  appuyée,  ou  peut  être  cenfée  appuyée.  Voycr 
Solide. 

Àinlî  le  plan  D  F  E  eft  la  bafe  du  cylindre  A  B 
D  E,(PL  Géom.fig.  56.  ) 

La  bafe  d'une  fection  conique  eft  une  ligne  droite 
qui  le  forme  dans  l'hyperbole  &  la  parabole  par  la 
commune  feclion  du  plan  coupant ,  &c  de  la  bafe  dû 
cône,  Voye^  Cône  6-Conique. 

Base  diftinfte ,  en  Optique ,  voye^  Distinct.  (.£) 
Base  ,  f.  f.  en  terme  de  Fortifications,  fe  dit  de  la  lar- 
geur des  différens  ouvrages  de  fortification  par  le 
bas  :  ainfi  l'on  dit  la  bafe  du  rempart ,  celle  du  para- 
pet ,  du  revêtement ,  &c.  Voye{  Rempart  ,  Para- 
pet ,  &c.  (  Q  ) 

Base  du  Cceur  ,  en  Anatomie  ,  la  partie  fupé- 
rieure  &  large  de  ce  vifcere  ,  d'où  partent  quatre 
gros  vaiffeaux  ,  deux  artères  ,  l'aorte  ,  &  l'artère 
pulmonaire  ;  &  deux  veines ,  la  veine  cave  &  la  vei- 
ne pulmonaire.  Voyelles  Planch.  d'Anatom.  &àl'art. 
Anat.  Leurs  explications.  V.  auffîC(5.VR  ,  AoRTE  ,  &c. 

On  donne  auffi  ce  nom  à  la  partie  principale  de 
l'os  hyoïde ,  &  au  grand  côté  de  l'omoplate.  Voye^ 
os  Hyoïde  &  Omoplate.  (Z) 

Base  des  sabords,  c'eft  en  Marine  le  bordage 
qui  eft  entre  la  préceinte  &  le  bas  des  fabords.  (  Z) 

*  B  ASENTELLE ,  (  Géog.  anc.  )  ville  d'Italie  dans 
la  Calabre  ,  où  l'empereur  Othon  IL  fut  vaincu  & 
fait  prifonnier. 

*  BASIEGES ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France ,  au 
Languedoc  ,  dans  le  diocèfe  de  Touloufe ,  entre  cette 
ville  &  Carcaffonne. 

*  BASIENTO  ,  (  Géog.  )  rivière  du  royaume  de 
Naples  qui  a  fa  fource  près  de  Potenza  ,  dans  la  Ba- 
filicate ,  traverfe  cette  province ,  &  fe  jette  dans  le 
golfe  de  Tarente. 

B  ASILAIRE,  adj.  pris  f.  en  Anatomie  ,  épithetes 
de  différentes  parties  qui  font  confidérées  comme  fer- 
vant  de  bafes  :  c'eft  dans  ce  fens  que  l'os  facrum  & 
fos  fphénoïde  ont  été  appelles  os  bafilaires.  Foy.  Os 
Sacrum  &  Sphénoïde.  (  L  ) 

Basilaire  ,  ou  Cunéiforme  ,  apophyfe  de  l'os 
occipital ,  qui  s'articule  avec  l'os  fphénoïde.  Voye^ 
Occipital  6-Sphénoïde. 

L'artère  bafilaire  s'avance  fous  la  protubérance 
annulaire  ,  où  elle  diftribue  plufieurs  branches  ;  & 
lorfqu'elle  eft  parvenue  à  l'extrémité  de  cette  apo- 
phyfe ,  elle  fe  divife  en  deux  ,  &  s'anaftomofe  avec 
les  branches  poftérieures  de  la  carotide.  Voyc-?  Pro- 
tubérance ,  Carotide,  6-e  (I) 

BASILE  (  Ordre  de  S.  )  ordre  religieux ,  &  le 
plus  ancien  de  tous.  Il  a  tire  fon  nom  ,  félon  l'opi- 
nion la  plus  commune,  de  S.  Bafile ,  évêque  de  Céfa- 
rée  en  Cappadoce ,  qui  vivoit  dans  le  ive  fiecle,  & 


BAS 

qui  donna  des  règles  aux  cénobites  d'orient,  quoiqu'il 
ne  fut  pas  l'inftituteur  de  la  vie  monaftique  ,  dont 
long-tems  avant  lui  l'hiftoire  de  l'Eglife  fournit  des 
exemples  fameux ,  fur-tout  en  Egypte. 

Cet  ordre  a  toujours  fleuri  en  orient  ;  &  prefque 
tous  les  religieux  qui  y  font  aujourd'hui  en  fuivent 
la  règle.  11  paffa  en  occident  environ  l'an  1057.  Le 
pape  Grégoire  XIII.  le  réforma  en  1 579  ,  Se  mit  les 
religieux  d'Italie  ,  d'Efpagne  ,  &de  Sicile,  fous  une 
même  congrégation. 

On  dit  que  S.  Bafile  s'étant  retiré  dans  la  province 
de  Pont  vers  l'an  3  57,  y  refta  jufqu'en  362.  avec  des 
folitaires ,  auxquels  il  preferivit  la  manière  de  vivre 
qu'ils  dévoient  obferver  en  faifant  profelfion  de  la 
vie  religieufe.  Enfuite  Rufin  traduifit  ces  règles  en 
Latin  ;  ce  qui  les  fit  connoître  en  occident ,  quoi- 
qu'elles n'y  ayent  été  fuivies  qu'au  XIe  fiecle.  Dans 
le  xve  le  cardinal  Beffarion  ,  Grec  de  nation,  &  re- 
ligieux de  l'ordre  de  S.  Bafile ,  les  réduilît  en  abrè- 
ge, &  les  diftribua  en  23  articles.  Le  monaftere  de 
S.  Sauveur  deMefïïne  en  Sicile  eft  chef  d'ordre  de 
S.  Bafile  en  occident  ;  &  l'on  aflure  qu'on  y  récite 
l'office  en  Grec.  Le  Mire,  de  Orig.  Ordin.  relig.  (G) 
BASILE ,  f.  m.  (  Menuifirie,  )  eft  la  pente  ou  incli- 
naifon  du  fer  d'un  rabot ,  d'une  varlope  ,  &  généra- 
lement de  tous  les  outils  de  Menuifier  qui  font  mon- 
tés dans  des  fûts ,  &  qui  fervent  tant  à  dreffer  le  bois 
qu'à  pouffer  des  moulures.  La  pente  que  l'on  donne 
à  ces  fers  dépend  de  la  dureté  des  bois  ;  pour  les 
bois  tendres  elle  forme  avec  le  deffous  du  fût  un  an- 
gle de  douze  degrés ,  &  pour  les  bois  durs  elle  for- 
me un  angle  de  dix-huit  degrés.  On  remarque  que 
plus  l'angle  eft  aigu ,  plus  il  a  de  force  ;  à  moins  que 
le  bois  ne  foit  fi  dur ,  qu'il  ne  puiffe  être  coupé.  Dans 
ce  cas ,  le  fer  fe  place  perpendiculairement  au  fut  ; 
&  au  lieu  de  couper ,  il  gratte. 

BASILIC  ,  bafilifcus ,  f.  m.  {fiifl.  nat.)  animal  fa- 
buleux que  les  anciens  mettoient  au  rang  des  fer- 
pens  ou  des  dragons  :  on  le  croyoitde  médiocre  grof- 
feur  ,  &  on  prétendoit  qu'il  avoit  fur  la  tête  des  émi- 
nences  en  forme  de  couronne.  On  a  diftingué  trois 
efpeces  de  bafîlics  ;  les  uns  brùloient  &  enflammoient 
tout  ce  qu'ils  regardoient  ;  les  autres  caufoient  par 
le  même  moyen  la  terreur  &  la  mort  ;  les  bafîlics  de 
la  troifieme  efpece  avoient  la  funefte  propriété  de 
faire  tomber  la  chair  de  tous  les  animaux  qu'ils  tou- 
choient  :  enfin  il  y  avoit  une  autre  efpece  de  bafilic 
qui  étoit  produit  par  les  œufs  des  vieux  cocqs  ,  &c. 
Toutes  ces  abfurdités  n'ont  été  que  trop  répétées 
par  les  Naturaliftes  :  on  peut  juger  par  ce  que  nous 
en  avons  dit  ici ,  que  de  pareils  contes  ne  méritoient 
pas  d'être  rapportés  plus  au  long.  (/  ) 

Basilic  ,ocimum,  (Hifl.nat.  bot.*)  genre  de  plante 
à  fleur  monopétale  labiée ,  dont  la  lèvre  fupérieure 
eft  relevée ,  arrondie  ,  crénelée ,  &  plus  grande  que 
l'inférieure ,  qui  eft  ordinairement  rrifée  ou  légère- 
ment échancrée.  Il  fort  du  calice  un  piftil ,  qui  eft 
attaché  comme  un  clou  à  la  partie  poftérieure  de  la 
fleur  ,  &  environné  de  quatre  embryons  qui  devien- 
nent dans  la  fuite  autant  de  femences  oblongues  , 
enfermées  dans  une  capfule  qui  a  fervi  de  calice  à 
la  fleur.  Cette  capfule  fe  divife  en  deux  lèvres ,  dont 
la  fupérieure  eft  relevée  &  échancrée  ;  l'inférieure 
eft  dentelée.  Tournefort,  Inlî.  rei  herb.  V.  Plante. 

On  diftingué  ,  en  Jardinage ,  quatre  fortes  de  bafî- 
lics :  trois  domeftiques ,  dont  l'un  eft  appelle  le  grand 
bafilic  ;  l'autre,  le  petit;  le  troifieme,  le  panaché  ;  tic 
le  quatrième  eft  le  fauvage ,  qui  fe  divife  encore  en 
deux  efpeces  :  tous  fleuniiént  l'été  ,  tk  viennent  de 
graine. 

Les  bafîlics  ne  craignent  point  d'être  arrofés  en 
plein  foleil  :  on  les  élevé  fur  couche  &  fous  des  clo- 
ches au  mois  de  Mai.  Quand  ils  font  en  état  d'être 


BAS 

îfanfplantés  ,  on  les  porte  en  motte  dans  les  parter- 
res, &  on  en  garnit  les  pots.  Il  faut  en  excepter  le 
petit  bafilic  ,  qui  eft  trop  délicat  &  qui  veut  une  terre 
plus  légère ,  compofée  de  deux  tiers  de  terreau ,  &c 
l'autre  de  terre  de  potager  bien  criblée.  Onl'arrofe 
fréquemment  ;  on  coupe  avec  des  cifeaux  fa  tête  pour 
l'arrondir ,  &  on  le  fait  lécher  pour  les  courbouillons 
de  poiifon  :  d'autres  le  mettent  en  poudre  pour  fer- 
vir  à  plufieurs  fauces.   (  K  ) 

Basilic  ,  {Artillerie.}  étoit  autrefois  une  pièce 
de  canon  de  quarante -huit  livres  de  balle,  qui  pe- 
ibit  environ  fept  mille  deux  cens  livres.  Il  ne  s'en 
fond  plus  de  ce  calibre  en  France  :  mais  il  y  a  en- 
core plufieurs  arfenaux  dans  leiquels  il  le  trouve  de 
ces  anciennes  pièces.  (  Q  ) 

*  BASILIC ATE  ,  (la)  Géog.  province  d'Italie 
au  royaume  de  Naples  ,  bornée  par  la  Capitanate  , 
la  Calabre  citérieure  ,  les  terres  de  Bari ,  d'Otrante, 
le  golfe  de  Tarcnte ,  &  les  principautés.  Cirenza  en 
elt  la  capitale. 

BAS1LICON,  (Pharmatie.)  nom  que  les  Apothi- 
caires donnent  à  un  onguent  fuppuratif.  Voici  com- 
ment il  fe  prépare.  Prenez  réfine  de  pin  ,  poix  na- 
vale, cire  jaune,  de  chaque  une  demi-livre  ;  huile 
d'olive ,  une  livre  &  demie  :  faites  les  fondre  au  bain- 
marie  ;  partez  enfuite  le  tout.  Cet  onguent  eft  nom- 
mé auffi  tetrupkarmacon  :  c'eft  un  des  meilleurs  lup- 
puratifs  que  nous  poffédions.  Lemery  ajoute  à  cette 
formule  la  térébenthine  de  Venife. 

Bafilicon  veut  dire  royal ,  à  caufe  des  grandes  ver- 
tus de  cet  onguent.  (A7) 

*  BASILICUM  ,  (  Hift.  anc.  )  efpece  d'ajuftement 
Ou  de  vêtement  des  anciens ,  dont  la  nature  nous  eft 
encore  inconnue. 

B  ASILIDIENS  ,  f.  m.  pi.  (Hift.  ecclèf.)  nom  d'an- 
ciens hérétiques ,  feûateurs  de  Bafilide  ,  qui  vivoit 
Vers  le  commencement  du  II.  ficelé. 

Ce  Bafdide  étoit  forti  de  l'école  des  Gnoftiques  , 
dont  le  chef  étoit  Simon  le  Magicien.  Il  croyoit  avec 
lui  que  J.  C.  n'avoit  été  homme  qu'en  apparence  , 
&  que  fon  corps  n'étoit  qu'un  fantôme  ;  qu'il  avoit 
donné  fa  figure  à  Simon  le  Cyrénéen  ,  qui  avoit  été 
crucifié  en  fa  place. 

Nous  apprenons  d'Eufcbe  que  cet  impofteur  avoit 
écrit  vingt  -  quatre  livres  fur  les  Evangiles ,  &  qu'il 
avoit  feint  je  ne  fai  quels  prophètes  ,  à  deux  defquels 
il  avoit  donné  les  noms  de  Bareaba  &  de  Barcoph. 
Nous  avons  encore  les  fragmens  d'un  évangile  de 
Bafilide. 

Ses  difciples  prétendoient  qu'il  y  avoit  des  vertus 
particulières  dans  les  noms  ,  &  enfeignoient  avec 
Pythagore  &C  avec  Platon ,  qu'ils  n'avoient  pas  été 
inventés  au  hafard ,  mais  qu'ils  fignifioient  tous  quel- 
que choie  de  leur  naturel.  Bafilide  pour  imiter  Py- 
thagore ,  vouloit  que  fes  difciples  gardaiTent  le  lilen- 
ce  pendant  cinq  ans.  Voyt\  Nom  ,  Pythagori- 
cien, &c. 

Suivant  la  doctrine  de  leur  maître  ,  ils  croyoient 
que  l'ame  étoit  punie  en  cette  vie  des  péchés  qu'elle 
avoit  commis  auparavant  :  ils  enfeignoient  la  mé- 
tempfycofe  ,  &  nioient  la  réfurreâion  de  la  chair  ; 
parce  que ,  difoient-ils,  le  falut  n'avoit  pas  été  promis 
au  corps.  Ils  ajoûtoient ,  que  dans  chaque  homme  il 
y  avoit  autour  de  l'ame  raifonnable  plufieurs  elprits 
qui  excitoient  les  différentes  paffions  ;  que  loin  de  les 
Combattre  il  falloitleur  obéir,  &  fe  livrer  aux  delirs 
les  plus  déréglés.  Clément  Alexandrin  ,  Strom.  liv.  II. 
&1K  (G) 

*BASILIGOROD,  {Géog.)  ville  de  l'empire 
Ruffien  dans  la  Tartarie  Mofcovite ,  fur  la  rive  droite 
du  Volga  au  confluent  de  la  Sura. 

*  BÀSILIMPHA  ,  (  Gcog.  )  rivière  de  Diarbeck 
dans  la  Turquie  en  Alie  ;  elle  fe  jette  dans  le  Tigre , 
entre  Molul  &  Tuiit. 


BAS  il? 

*  BASILÎNDE  ,  f.  f.  (Myth.)  nom  d'une  efpece 
de  tête  que  les  Tarentins  célébroient  en  l'honneur 
de  Venus.  Pollux  prétend  ,  liv.  IX.  que  c'étoit  un  jeu 
des  Grecs ,  dans  lequel  celui  que  le  fort  avoit  fait  roi , 
commandoit  cmelque  choie  aux  autres.  Lex.  Jurid. 
Calv. 

*  BASILIPOTAMO ,  (Géog.  anc.  &  mod.)  rivière 
de  Grèce  en  Morée ,  dans  la  province  de  Sacanie  : 
elle  reçoit  d'autres  rivières  ,  &  fe  jette  dans  la  mer 
au  golfe  de  Caftel-Rampani.  Les  anciens  l'ont  appel- 
lée,  ou  Hemerus  ,  ou  Marathon  ,  ou  Eurotas. 

BASILIQUE ,  f.  f.  (  Hift.  anc.  &  mod.  )  mot  tiré  du 
Grec /Sair/AïJç,  roi  ;  c'eft-à-dire,  mai/on  royale.  C'é- 
toit à  Rome  un  bâtiment  public  &  magnifique  ,  où 
l'on  rendoit  la  juftice  à  couvert  ;  ce  qui  le  diitinguoit 
Au  forum ,  place  publique  ,  où  les  magiftrats  tenoient 
leurs  féances  en  plein  air.  Il  y  avoit  dans  ces  bafili- 
ques de  vaftes  falles  voûtées ,  oc  des  galeries  élevées 
fur  de  riches  colonnes  :  des  deux  côtés  étoient  des 
boutiques  de  marchands  ,  &  au  milieu  une  grande 
place  pour  la  commodité  des  gens  d'affaires.  Les  tri- 
buns &  les  centumvirs  y  rendoient  la  juftice  ;  &  les 
jurifconfultes  ou  légiftes  gagés  par  la  république  ,  y 
répondoient  aux  confultations.  C'eft  ce  qu'a  voulu 
dire  Cicéron  dans  une  épitre  à  Attieus ,  bafilicam  fut' 
beo  ,  non  villam  ,  fréquentai  formianorum  ;  parce  qu'on 
venoit  le  confulter  de  toutes  parts  à  fa  maiion  de  cam- 
pagne ,  comme  s'il  eut  été  dans  une  bafilique.  Les 
principales  bafiliques  de  Rome  étoient  Julia  ,  Porcia 
Sifimini  Sempronii ,  Cad ,  Lucii ,  ainfi  nommées  de 
leurs  fondateurs,  &  la  banque,  bafilica  argentariorum. 
G.i  en  conftruilit  d'autres  moindres  pour  les  mar- 
chands ,  &  011  les  écoliers  alloient  faire  leurs  décla- 
mations. Le  nom  de  bafdique  a  palfé  aux  édifices  dé- 
diés au  culte  du  vrai  Dieu  ,  &  aux  chapelles  bâties 
fur  les  tombeaux  des  martyrs  :  ce  nom  paroît  fur- 
tout  leur  avoir  été  affect é  en  Grèce.  Ainfi  l'on  nom- 
moit  à  Conftantinople  la  bafdique  des  faints  Apôtres , 
l'églife  oii  les  empereurs  avoient  tait  tranfporter  les 
reliques  de  quelques  Apôtres.  Il  étoit  défendu  d'y  en- 
terrer les  morts  ,  &  les  empereurs  même  n'avoient 
leur  fépulture  que  fous  les  portiques  extérieurs  ,  ou 
le  parvis  de  la  bafdique. 

Le  nom  de  Bafilique  lignifiant  maifon  royale  ,  il  eft 
vifible  que  c'eft  à  caule  de  la  louveraine  majefté  de 
Dieu  ,  qui  eft  le  roi  des  rois  ,  que  les  anciens  au- 
teurs eccléfiaftiqucs  ont  donné  ce  nom  à  l'Eglife  , 
c'eft-à-dire  au  lieu  où  s'affcmblent  les  Fidèles  pour 
célébrer  l'office  divin. 

Ce  mot  eft  fouvent  employé  dans  ce  fens  parfaint 
Ambroife ,  S.  Auguftin  ,  S.  Jérôme  ,  Sidoine ,  Apolli- 
naire ,  &  d'autres  écrivains  du  IV.  &c  du  v.  fiecle. 

M.  Perrault  dit ,  que  les  bafiliques  différoient  des 
temples  en  ce  que  les  colonnes  des  temples  étoient 
en-dehors  ,  &  celles  des  bafiliques  en-dedans.  Poyt^ 
Temple. 

Selon  Bellarmin  ,  tom.  II.  de  fis  controverfes  ,  voici 
la  différence  que  les  Chrétiens  mettoient  entre  les 
bafiliques  &  les  temples.  On  appelloit  bafiliques  les 
édifices  dédiés  au  culte  de  Dieu  &  en  l'honneur  des 
faints  ,  fpécialcment  des  martyrs.  Le  nom  de  temples 
étoit  propre  aux  édifices  bâtis  pour  y  célébrer  les 
myfteres  divins  ,  comme  nous  l'apprennent  S.  Bail- 
le ,  S.  Grégoire  de  Nazianze,  &c.  Quelques  anciens , 
comme  Minutius  Félix  ,  dans  fon  ouvrage  intitulé 
Octavitii ,  ont  foûtenu  que  le  Chriftianilme  n'avoit 
point  de  temples  ,  que  cela  n'étoit  propre  qu'au  Ju- 
daïfine  &  au  Paganifme  :  mais  ils  parlent  des  temples 
deftinés  à  offrir  des  facririces  fanglans  ,  &:  à  immoler 
des  animaux.  Il  eft  certain  que  les  lieux  deftinés  à 
conferver  &  honorer  les  reliques  des  martyrs  étoient 
proprement  appelles  bafiliques  ,  ÔC  non  pas  temples. 
Les  Grecs  font  quelquefois  mention  des  temples  des 
martyrs  ;  mais  ils  parlent  des  lieux  qui  étoient  con- 


ii8 


BAS 


facrés  à  Dieu  &  dédiés  au  culte  des  martyrs,  Gom- 
me confacrés  à  Dieu  ,  ils  étoient  appelles  temples  ; 
car  c'eft  à  lui  feul  qu'on  peut  ériger  des  autels  &  of- 
frir des  facrifîces  :  mais  comme  deftinés  à  la  vénéra- 
tion des  faints  ,  ils  avoient  feulement  le  nom  de  ba- 
jiiiques.   (  G  ) 

Basiliques,  adj.  pris  fubft.  (Jurifprud.)  recueil 
des  lois  Romaines  ,  traduites  en  Grec  par  ordre  des 
empereurs  Bafile  &  Léon ,  &  maintenu  en  vigueur 
dans  l'empire  d'Orient  juiqu'à  fa  diflblution.  Voye^ 
Droit  civil. 

Les  bafdiques  comprennent  les  inftitutes ,  le  digef- 
te  ,  le  code  &  les  novelles  ,  avec  quelques  édits  de 
Juftinien  &  d'autres  empereurs.  Le  recueil  étoit  de 
foixante  livres,  &  s'appelloit  par  cette  raifon  i%wov 
to.  ,  foixante.  On  croit  que  c'eft  principalement  l'ou- 
vrage de  l'empereur  Léon  le  philofophe  ,  &  qu'il  l'in- 
titula du  nom  de  fon  père ,  Baille  le  Macédonien,  qui 
l'entreprit  le  premier.  Des  foixante  livres  il  n'en  relie 
aujourd'hui  que  quarante-un.  Fabrolus  a  tiré  en  quel- 
que façon  le  fupplément  des  dix -neuf  autres  du  Sy- 
nopfis  bafilicon  ,  &LC. 

Basilique,  adj.  pris  fubft.  (Hijl.  anc.)  dans  l'em- 
pire Grec  ,  dénomination  qui  le  donnoit  aux  manda- 
taires du  prince  ,  ou  à  ceux  qui  étoient  chargés  de 
porter  l'es  ordres  oC  les  commandemens.  Voye^  Man- 
dement. (G) 

Basilique,  adj.  pris  fubft.  en  Anatomit ,  nom 
d'une  veine  qui  naît  du  rameau  axillaire ,  qui  court 
dans  toute  la  longueur  du  bras.  Foye^  les  PI.  dAnat. 
&  leur  explication  dans  V article  ANATOMIE. 

La  bafidique  eft  une  des  veines  que  l'on  a  coutume 
d'ouvrir  en  faignant  au  bras.  Voye^  PhlÉbotomie. 

BASILIQUE  ou  bajïlica ,  eft ,  en  Agronomie ,  le  nom 
d'une  étoile  fixe  de  la  première  grandeur  dans  la  con- 
ftellation  du  Lion  :  elle  s'appelle  aufîî  Regulus  &  cor 
Leonis  ,  ou  cœur  du  Lion.  V.  LlON.   (  O  ) 

*  BASILISSA,  (  Myth.  )  nom  fous  lequel  Venus 
étoit  honorée  par  les  Tarentins. 

*  BAS1LUZZO ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  île  de  la 
mer  de  Tofcane ,  appeîlée  jadis  Herculislnfula:  c'eft 
une  des  îles  célèbres  de  l'Ypare. 

*  BASIN ,  f.  m.  (  Commerce  &  Tijferans.  )  étoffe 
croifée  ,  toute  fil  &  coton  ;  la  chaîne  eft  fil ,  la  trame 
coton.  Il  y  a  des  bafins  unis ,  figurés ,  ras  &  velus  ;  & 
dans  toutes  ces  fortes ,  on  en  diftingue  une  infinité 
d'autres  relativement  à  l'aunage  &  à  la  condition. 
Les  manufactures  principales  en  font  à  Troies  ,  à 
Roiien ,  &  dans  le  Beaujolois.  Ils  ne  le  travaillent  pas 
autrement  que  la  toile  ,  quand  ils  font  unis  :  ils  lé  font 
à  la  marche ,  quand  ils  font  figurés  ;  le  nombre  de 
liffes  &  de  marches  eft  déterminé  par  la  figure ,  & 
c'eft  la  trame  qui  la  fait  ;  parce  qu'étant  de  coton  & 
plus  groife  que  la  chaîne  ,  elle  forme  un  relief,  au 
lieu  que  la  chaîne  fe  perdrait  dans  la  trame  :  les  ve- 
lus font  tirés  au  chardon. 

Il  eft  ordonné  par  les  reglemens  de  donner  aux  ba- 
fins unis  ou  rayés ,  demi-  aune  &  un  pouce  de  large 
en  peigne  &  furie  métier;  vingt -quatre  portées  de 
quarante  fils  chacune  ,  voye^  Portée  &  Peigne  ; 
6c  vingt-quatre  aunes  de  longueur  :  aux  bafins  à  pe- 
tites raies ,  cent  foixante  raies  :  aux  bafins  à  trente-fix 
barres ,  demi  -  aune  un  pouce  de  large  en  peigne  , 
vingt-deux  portées  de  quarante  fils  chacune ,  &  trois 
raies  à  chaque  barre  :  aux  bafins  étrois  ,  unis  ck  à  pe- 
tites raies ,  ou  à  vingt-cinq  barres ,  demi-aune  moins 
r^  de  large  en  peigne ,  vingt-quatre  aunes  de  long  : 
aux  unis ,  vingt  portées  :  à  ceux  à  petites  raies ,  cent 
quarante  raies;  &  à  chacune  des  vingt-  cinq  barres , 
trois  raies  :  aux  bafins  à  la  mode ,  demi-aune  un  pou- 
ce de  large ,  &  vingt-quatre  de  long  ;  s'ils  font  larges , 
demi-aune  moins  ~  de  large  ,  &  vingt -deux  aunes 
de  long  ;  s'ils  font  étroits ,  avec  un  nombre  de  por- 


BAS 

tées  ou  de  raies  convenable  à  la  largeur  &  à  leitf 
degré  de  fineffe  ;  &  à  tous ,  la  chaîne  de  fils  de  coton 
filés  fin  ,  lans  aucun  mélange  d'étoupe  ,  chanvre  ou 
lin,  les  barres  &  raies  de  fil  de  coton  retors. 

Quoique  les  manufactures  de  France  fournillent 
d'excellens  bafins ,  on  en  tire  cependant  de  l'étranger. 
Il  en  vient  de  Hollande ,  de  Bruges ,  &  des  Indes.  Les 
bafins  de  Hollande  font  ordinairement  rayés  :  ils  font 
fins  &  bons.  Us  portent  de  largeur  cinq  huitièmes 
d'aune ,  &  de  longueur  environ  douze  aunes.  Ceux 
de  Bruges  font  unis ,  rayés  à  petites  raies  impercep- 
tibles ,  à  grandes  raies  ou  barres  de  trois  petites  raies, 
&  à  poil.  Les  unis  ou  à  poil  ont  environ  cinq  douze 
de  large ,  &  douze  aunes  de  long  ;  &  les  rayés  ,  un 
pouce  de  moins  f«ir  la  largeur,  &  les  deux  tiers  de 
moins  fur  la  longueur.  Il  y  en  a  de  quatre  lortes , 
qu'on  diftingue  à  la  marque.  Ceux  qui  font  marqués 
à  deux  lions  rouges  s'appellent  bafin  double  lion  ;  à  un 
feid  lion  ,  bafin  fimple  lion  ;  à  un  £  ,  bafin  B  ;  â  un  C, 
bafin  C.  Voye^  dans  le  dictionnaire  de  Commerce  le  dé- 
tail de  toutes  ces  marques. 

Les  bafins  des  Indes  font  blancs  &  fans  poil  ;  les 
uns  croifés  ck.  ferges  ;  les  autres  à  carreaux  &:  ouvrés. 
Les  meilleurs  fe  fabriquent  à  Bengale  ,  Pondichery  , 
&  Belcafor. 

Il  n'eft  pas  befoin  d'avertir  que  les  barres  dans  ce 
genre  d'étoffe  ,  ou  plutôt  de  toile  ,  font  faites  par 
certains  fils  de  chaîne  filés  plus  gros  que  les  autres  , 
&  placés  à  des  diftances  égales ,  &  que  les  raies  font 
faites  par  des  fils  de  la  chaîne  filés  moins  gros  que 
ceux  qui  forment  les  barres ,  mais  plus  gros  que  les 
autres ,  placés  à  des  diftances  égales  fur  la  barre. 

BASIOGLOSE  ,  adjett.  prislubft.  en  Anatomie  3 
nom  d'une  paire  de  mufcles  de  la  langue;  ils  vien- 
nent de  la  baie  de  l'os  hyoide  &  de  la  partie  voiûne 
de  la  grande  corne  de  ce  même  os ,  &  s'infèrent  aux 
parties  latérales  de  la  racine  de  la  langue.  (V) 

B  ASIO-PHARYNGIEN,  en  Anatomie ,  nom  d'une 
paire  de  mufcles  du  pharynx.  Voye\_  Hyo-pharyn- 
GIFN.  (Z.) 

*  BASIRI ,  {Géog.)  rivière  de  Perfe  qui  arrofe  la 
province  de  Kirman ,  la  ville  de  ce  nom ,  celle  de 
Bafiri,  &  fe  jette  dans  le  golfe  d'Ormus. 

*  BASKIRIE  ,  (Géog.)  contrée  de  la  Tartarié 
Mofcovite  ,  bornée  au  nord  par  les  Tartares  de  Tu- 
men ,  à  l'orient  par  les  Barabinskoi ,  &  par  les  terres 
d'Ablai  ;  au  midi ,  par  la  montagne  de  Sortora  ;  &  à 
l'occident  par  le  duché  de  Bulgare. 

*  BASKRON  ,  PASCATIR,  owPASCHARTI, 
(  Géog.  )  province  de  la  Tartarié  Mofcovite ,  bornée 
à  l'orient  par  les  Kalmuks  ;  au  midi  par  la  grande  No- 
gaia  ;  au  couchant  par  lariviere  de  Kam ,  &  au  nord 
par  la  Permia  Velchi ,  &  par  une  partie  de  la  Si- 
bérie. 

BASOCHE  ,  f.  f.  (Jurijprud.  )  eft  la  communauté 
des  clercs  du  Parlement  de  Paris,  laquelle  tient  une 
efpece  de  jurifdiftion ,  où  fe  jugent  les  différends  qui 
peuvent  naître  entre  eux.  Ils  s'y  exercent  auffi  à  plai- 
der des  caufes  fur  des  queftions  difficiles  ou  fingulie- 
res.  La  bafoche  a  entre  autres  officiers  un  chancelier 
&  un  thréforier  de  la  bafoche;  il  y  avoit  même  autre- 
fois un  roi  de  la  bafoche.  (  H) 

*  BASQUES  (les)  f.  m.  pi.  Géog.  petit  pays  de 
France  ,  vers  les  Pyrénées ,  entre  l'Adour  ,  les  fron- 
tières d'Efpagne  ,  l'Océan,  &le  Bearn;  il  comprend 
le  Labour  ,  la  baffe  Navarre,  &  le  pays  de  Soûle. 

*  BASRACH ,  Voyei  Bassora. 

*  BASS ,  (  Géog.  )  petite  île  d'Ecoffe,  dans  le  golfe 
d'Edimbourg. 

*  BASSANO,  {Géog.)  petite  ville  d'Italie  ,  dans 
l'état  de  Venife  ,  au  Vicentin  ,  fur  la  rivière  de 
France. 

BASSANO  ,  ou  BASSANELLO  ,(Géog.  anc.  &  mod.) 
ville  d'Italie,  dans  le  patrimoine  de  S.  Pierre  ,  au 


BAS 

confluent  du  Nere  &  du  Tibre ,  près  du  lac  que  les 
anciens  appelloient  lacus  Vadimenii. 

BASSAREUS  ,  adj.  pris  fubft.  (  Myth.  )  furnom 
donné  à  Bacchus  ;  foit  du  Grec  JZolvÇuv ,  crier ,  parce 
que  dans  les  myfteres  les  Bacchantes  jettoient  de 
grands  cris  ;  foit  d'une  forte  de  chauffure  Lydienne 
nommée  baffareum.  On  donnoit  auffi  aux  prêtreffes 
de  ce  Dieu  le  titre  de  baffarides ,  que  l'ancien  fcho- 
liafte  tire  d'une  robe  ou  vêtement  qui  alloit  jufqu'aux 
talons,  &  que  les  Africains  &  les  Thraces  appelloient 
baffyris  &  baffara.  Mais  Bochart  dans  Ion  Chanaa- 
na,  liv.  I.  c.  i$.  dit  que  ce  mot  vient  de  l'Hébreu 
baff'ar ,  qui  fignifie  la  même  choie  que  le  rfuyâv  des 
Grecs ,  qui  veut  dire  vendanger  ;  étymologie  qui  vaut 
bien  les  deux  précédentes.  (G) 

BASSE ,  ou  BATURE  ,  f.  f.  c'eft  (  en  Marine)  un 
fond  mêlé  de  fable  de  roche  ou  de  cailloux ,  qui  pa- 
raît à  la  furface  de  l'eau  :  quand  on  voit  la  mer  brifer 
défais  ,  alors  on  nomme  cet  endroit  bature  ou  bri- 
fant.  (Z) 

Basse  ,  adj.  fém.  Voye^  Bas. 

Basse  ,  adj.  pris  fubft.  eft  celle  des  parties  de  la 
Mufique  qui  eft  au-deftbus  des  autres  ;  la  plus  baffe 
de  toutes ,  d'où  vient  fon  nom  de  baffe.  t'oye^  Par- 
tition. 

La  baffe  eft  la  plus  importante  des  parties  ;  parce 
que  c'eft  fur  elle  que  s'établit  le  corps  de  l'harmonie  : 
auffi  eft-ce  une  eipece  d'axiome  parmi  les  Muficiens, 
que  quand  la  baffe  eft  bonne  ,  rarement  l'harmonie 
eft  mauvaife. 

Il  y  a  plufteurs  éfpeces  de  baffes  ;  biffe  fondamentale, 
dont  nous  terons  un  article  particulier. 

Baffe  continue  ,  ainfi  appellée  parce  qu'elle  dure 
pendant  toute  la  pièce  :  (on  principal  ulage ,  outre 
celui  de  régler  l'harmonie ,  eft  de  foûtenir  les  voix  , 
&  de  conferver  le  ton.  On  prétend  que  c'eft  un  Lu- 
dovico-Viana ,  dont  nous  en  avons  un  traité  ,  qui  au 
commencement  du  dernier  fiecle  la  mit  le  premier 
en  ufage. 

Baffe  figurée  ,  qui  au  lieu  de  s'arrêter  fur  une  feule 
note,  en  partage  la  valeur  en  plufteurs  autres  notes 
fous  un  même  accord,  f^oye^  Harmonie  figurée. 

Baffe  contrainte  ,  dont  le  fujet  ou  le  chant ,  borné 
à  un  petit  nombre  de  mefures  ,  recommence  fans 
ceffe  ,  tandis  que  les  parties  fupérieures  pourfuivent 
leur  chant  &  leur  harmonie  ,  &  les  varient  de  diffé- 
rentes manières.  Cette  baffe  appartient  originaire- 
ment aux  couplets  de  la  chaconne  :  mais  on  ne  s'y 
affervit  plus  aujourd'hui.  La  baffe  contrainte  defeen- 
dant  diatoniquement  ou  chromatiquement,  &  avec 
lenteur  ,  de  la  tonique  à  la  dominante  dans  les  tons 
mineurs  ,  eft  admirable  pour  les  morceaux  pathéti- 
ques :  ces  retours  périodiques  affeûent  inienfible- 
ment  l'ame ,  &  la  difpofent  à  la  trifteffe  &  à  la  lan- 
gueur. On  en  voit  de  fort  beaux  exemples  dans  plu- 
fteurs feenes  des  opéra  François. 

Baffe  chantante  ,  eft  l'efpece  de  voix  qui  chante  la 
partie  de  la  baffe.  Il  y  a  des  baffes  récitantes  6c  des 
baffes  de  chœur  ;  des  concordans  ou  baffes-tailles ,  qui 
tiennent  le  milieu  entre  la  taille  &  la  baffe  ;  des  baffes 
proprement  dites  que  l'ufage  fait  encore  appeller  au- 
jourd'hui baffe-tailles  ;  &  enfin  des  baffe-contres  ,  les 
plus  graves  de  toutes  les  voix,  qui  chantent  la  baffe 
fous  la  baffe  même ,  &  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec 
les  contre-baffes  qui  font  des  initrumens.  Voye^  Con- 
TRE-BASSE. 

Basse  fondamentale,  eft  celle  qui  n'eft  for- 
mée que  des  ions  fondamentaux  de  l'harmonie  ;  de- 
forte  qu'au-deffous  de  chaque  accord  ,  elle  fait  en- 
tendre le  vrai  fon  fondamental  de  cet  accord  ;  par 
où  l'on  voit  qu'elle  ne  peut  avoir  d'autre  contextuie 
que  celle  de  la  fucceffion  fondamentale  de  l'har- 
monie. 

Pour  bien  entendre  ceci ,  il  faut  favoir  que  tout 


BAS 


1  19 


accord  ,  quoique  compofé  de  plusieurs  fons ,  n'en  a 
qu  un  qui  foit  fondamental  :  favoir  celui  qui  a  pro- 
duit cet  accord  ,  &  qui  lui  fert  de  bafe.  Or  la  baffe  qui 
règne  au-deffous  de  toutes  les  autres  parties,  n'ex- 
prime pas  toujours  les  fons  fondamentaux  des  ac- 
cords :  car  entre  tous  les  fons  d'un  accord  ,  on  eft 
maître  de  porter  à  la  baffe  celui  qu'on  croit  préféra- 
ble ,  eu  égard  à  la  marche  de  cette  baffe  ,  au  beau 
chant ,  ou  à  l'expreffion.  Alors  le  vrai  fon  fondamen- 
tal ,  au  lieu  d'être  à  fa  place  naturelle,  qui  eft  la 
baffe,  fe  tranfporte  dans  les  autres  parties  ,  ou  même 
ne  s'exprime  point  du  tout;  &  un  tel  accord  s'appelle 
accord  renverfé.  Dans  le  fond ,  un  accord  rcnverle  ne 
diffère  point  de  l'accord  diied  qui  Ta  produit  ;  car  ce 
font  toujours  les  mêmes  ions:  mais  ces  ions  formant 
descombinaiions  différentes,  on  along-temspri5  ces 
combinailons  pour  autant  d'accords  fondamentaux, 
&  on  leur  a  donné  différens  noms ,  qu'on  peut  voir 
au  mot  accord,  &  qui  ont  achevé  de  les  diftinguer; 
comme  fi  la  tiiftéience  des  noms  en  produiibit  réel- 
lement dans  les  choies.  M.  Rameau  a  fait  voir  dans 
fon  traité  de  T Harmonie  ,  que  plufteurs  de  ces  préten- 
dus accoids  n'étoient  que  des  renvei  iemens  d'un  leul. 
Air.fi  l'accord  de  lixte  n'eft  que  l'accord  parfait  dont 
la  tierce  eft  tranfportéc  à  la  b^ffe  :  en  y  portant  la 
quinte  ,  on  aura  l'accoid  de  fixte  quarte.  Voilà  donc 
trois  combina. ions  d'un  accord  qui  n'a  que  trois  fons; 
ceux  qui  en  ont  quatre,  font  fufceptibies  de  quatre 
combinaiions  ;  car  chacun  des  fons  peut  être  porté 
à  la  baffe  :  mais  en  portant  au-deffous  de  celle-ci  une 
autre  baffe,  qui  fous  toutes  les  combinaifons  d'un 
même  accord  ,  préfente  toujours  le  fon  fondamental, 
il  eft  évident  qu'on  réduit  au  tiers  le  nombre  des  ac- 
cords confonans  ,  &  au  quart  le  nombre  des  diflb- 
nans.  Ajoutez  à  cela  tous  les  accords  par  fuppofition, 
qui  le  réduilent  encore  aux  mêmes  fondamentaux  ; 
vous  trouverez  l'harmonie  fimphnée  à  un  point  qu'on 
n'eût  jamais  eipéré  de  l'état  de  confufifcr.  où  étoient 
fes  règles  julqu'au  tems  de  M.  Rameau.  C'eft  certai- 
nement ,  comme  l'oblerve  cet  auteur ,  une  choie  tres- 
étonnante  qu'on  ait  pîipoufierla  pratique  de  cet  Art 
julqu'au  point  où  elle  eft  parvenue  ,  fans  en  connoî- 
tre  le  tondement ,  &c  qu'on  ait  trouvé  exactement 
toutes  les  règles ,  avant  que  de  trouver  le  principe 
qui  les  produit. 

La  marche  ou  le  mouvement  de  la  baffe  fondamen- 
tale le  règle  fur  les  lois  de  la  uicceffion  harmonique; 
de  forte  que  fi  cette  baffe  s'écarte  de  l'ordre  prêtent , 
il  y  a  faute  dans  l'harmonie. 

Bien  moduler  &  obferver  la  liaifon ,  font  les  deux 
plus  importantes  règles  de  la  b.ffejondamentale.  )  oya 
Harmonie  &  Modulation.  Et  la  principale  règle 
méchanique  qui  en  découle,  eft  de  ne  faire  marcher 
la  baffe  fondamentale  que  par  intervalles  conionans, 
lice  n'eft  feulement  dans  un  acte  décadence  rompue, 
ou  après  un  ateord  de  leptieme  diminuée,  qu'elle 
monte  diatoniquement.  Quanta  la  defeente  diatoni- 
que, c'eft  une  marche  interdite  à  la  baffe Jonaumen ta- 
ie, ou  tout  au  plus  tolérée  dans  le  cas  de  deux  accords 
parfaits  fépares  par  un  repos,  exprimé  ou  fous-enten- 
du ;  cette  règle  n'a  point  d'autre  exception.  Il  eft  vrai 
que  M.  Rameau  a  fait  defeendre  diatoniquement  la 
baffe fondamentalt  ions  des  accords  de  feptieme,  mais 
nous  en  dirons  la  raiionaux  mots  Cadence  &  Dis- 
sonance. 

Qu'on  retourne  comme  on  voudra  une 
mentait}  li  elle  eft  bien  faite  on  n'y  trouver.!  jamais 
que  ces  deux  choies:  ou  des  accords  parfaits  iur  les 
mouvemens  confonans,  fans  Iei'quels  ces  accords 
n'auroîent  point  de  liaifon  ;  ou  des  accords  diilonans 
dans  des  ades  de  cadence;  en  tout  autre  cas,  la  dif- 
fonance ne  fauroit  être  ni  bien  placée  ni  bien  famée. 

Il  s'enfuit  de-là  que  la  baffe  fondamental*  ne  peut 
jamais  marcher  que  d'une  de  ces  trois  manières: 


î2o  BAS 

i°.  monter  ou  defcendre  de  tierce  ou  de  fixte  ;  2°.  de 
quarte  ou  de  quinte;  30.  monter  diatoniquement  au 
moyen  de  la  diffonance  qui  forme  la  liaifon ,  ou  par 
licence  fur  un  accord  partait.  Toute  autre  marche 
de  la  baffe  fondamentale  eft  mauvaife. 

Quoique  la  baffe  fondamentale  doive  régner  géné- 
ralement au-deffous  de  la  baffe  continue,  il  eft  pour- 
tant des  cas  où  celle-ci  defeend  au-deffous  de  la  fon- 
damentale ;  tels  font  ceux  des  accords  par  fuppolition, 
ainfi  appelles ,  parce  que  la  baffe  continue  fuppofe  au- 
deffous  de  l'accord  un  nouveau  Ion  qui  n'eft  point 
de  cet  accord ,  qui  en  excède  les  bornes ,  &  qui  ainfi 
fe  trouve  au-delfous  de  la  baffe  fondamentale.  Voye^ 
Supposition. 

La  baffe  fondamentale ,  qui  n'en"  faite  que  pour  fer- 
vir  de  preuve  à  l'harmonie ,  fe  retranche  dans  l'exé- 
cution ,  &  fouvent  elle  y  feroit  un  fort  mauvais  ef- 
fet. Elle  produirait  tout -au -moins  une  monotonie 
très-ennuyeufe  par  les  retours  fréquens  du  même  ac- 
cord, qu'on  deguife  ôc  qu'on  varie  plus  agréable- 
ment ,  en  le  combinant  différemment  fur  la  baffe  con- 
tinue. (5) 

En  général,  les  règles  rigoureufes  de  la  baffe  fonda- 
mentale peuvent  fe  réduire  à  celles-ci. 

i°.  Il  doit  toujours  y  avoir  au  moins  un  fon  com- 
mun dans  l'harmonie  de  deux  fons  fondamentaux 
confécutifs.  Voye\_  Liaison. 

20.  Dans  toute  dominante  la  diffonance  doit  être 
préparée ,  à  moins  que  la  dominante  ne  foit  tonique. 

30.  Toute  dominante  doit  defcendre  de  quinte,  & 
toute  fous-dominante  doit  monter  de  quinte.  V.  Dis- 
sonance, Dominante  ,  Sous-dominante  ,  Pré- 
parer ,  &c.  On  trouvera  à  ces  articles  les  raiions  de 
ces  règles. 

Au  relie  la  baffe  fondamentale  prend  quelquefois 
des  licences  ;  on  peut  mettre  de  ce  nombre  les  ac- 
cords de  feptieme  diminuée ,  &  les  cadences  rom- 
pues, dont  ofrpeut  cependant  donner  la  raifon.  Voyc^ 
Septième  diminuée  &  Cadence. 

Règles  de  la  baffe  continue.  La  baffe  continue  n'eft 
qu'une  baffe  fondamentale ,  renverfée  pour  être  plus 
chantante.  Ainli  dès  que  la  baffe  fondamentale  eft  faite, 
on  trouvera  une  baffe  continue  par  le  renverfement 
dès  accords.  Voye^  Accord.  Par  exemple ,  cette 
baffe  fondamentale  monotone  ut  fol  ut fol  ut  fol  ut,  peut 
donner  cette  baffe  continue  plus  chantante  ut  fi  ut  ré 
mi  fa  mi.  La  baffe  continue  n'eft  obligée  de  fe  confor- 
mer à  la  baffe  fondamentale,  que  lorfqu'elle  approche 
des  cadences,  ou  qu'elle  s'y  termine.  La  baffe  conti- 
nue admet  auffi  les  accords  par  fuppofition.  Voye{  Ac- 
cord &  Supposition.  Toute  note  qui  porte  dans 
la  baffe  continue  l'accord  de  fauffe  quinte ,  doit  mon- 
ter enfuite  diatoniquement  ;  &  toute  note  qui  porte 
l'accord  de  triton,  doit  defcendre  diatoniquement. 
yoye{  Fausse-quinte  &Triton.  On  trouvera  les 
raifons  de  toutes  ces  règles  à  leurs  dîfférens  articles. 

Règles  que  doit  obferver  le  deffus  par  rapport  à  la  baffe 
fondamentale.  Toute  note  du  deffus  qui  fait  diffonance 
avec  la  note  qui  lui  répond  dans  la  baffe  fondamenta- 
le, doit  être  préparée  Ôtfauvée.  Voye^  Harmonie  , 
Dessus,  Composition,  Préparer,  Sau- 
ver, &c 

La  connoiffance  de  la  baffe  fondamentale ,  ou  la  rè- 
gle pour  trouver  la  baffe  fondamentale  d'un  chant  don- 
né ,  dépend  beaucoup  de  celle  du  mode ,  ou  de  la  mo- 
dulation, foy^  Mode.  (O) 

Basse  de  Viole,  inftrument  de  Mufique.  Voye^ 
Viole,  &  la  table  du  rapport  &  de  l'étendue  des 
inllrumens  de  Mufique.  Cet  inftrument  a  fept  cordes, 
dont  la  plus  groffe  à  vuide  eft  à  l'uniffon  du  la  du  ra- 
valement des  clavecins,  ou  du  la  du  16  pie.  La  plus 
petite  ou  la  chanterelle,  eft  à  l'uniffon  du  rcqui  fuit 
immédiatement  la  clef  de  cfolut. 

Basse  de  Flûte  à  bec,  inftrument  dont  la  figu- 


BAS 

re  &  la  tablature  eft  entièrement  femblable  à  celle 
de  Yd  flûte-à-bec  décrite  à  fon  article ,  dont  la  baffe  ne 
diffère  qu'en  grandeur.  Cet  inftrument  fonne  l'otla- 
ve  au-deffous  de  la  flùte-à-bcc ,  appellée  taille.  Son 
ton  le  plus  grave  eft  à  l'uniffon  du  fa  de  la  clef  f  ut 
fa  des  clavecins,  &  il  a  une  13e  d'étendue  jufqu'au 
ré  à  l'oct ave  de  celui  qui  fuit  immédiatement  la  clé 
de  c  fol  ut.  Foye{  la  table  du  rapport  de  C  étendue  des 
inflrumens  de  Mufique. 

Basse  de  Flûte  traversiere  ,  repréfentée 
PI.  IX.  de  Lutherie ,  fig.  34.  &  fuiv.  eft  un  inftru- 
ment qui  fonne  la  quinte  au-deffous  de  la  flûte  tra- 
verfkre,  &  qui  lui  eft  en  tout  femblable ,  à  cela  près, 
qu'il  eft  plus  grand ,  &  qu'il  eft  courbé  dans  la  pre- 
mière partie ,  pour  que  l'embouchure  a  foit  plus  près 
de  l'endroit  où  il  faut  poier  les  mains.  Le  coude  B 
qui  joint  la  pièce  où  eft  l'embouchure  avec  le  refte 
de  l'inftrument,  eft  un  tuyau  de  laiton  qui  entre  par 
chacune  de  fes  extrémités  dans  des  boîtes  ou  noix 
pratiquées  aux  extrémités  des  pièces  qu'U  faut  join- 
dre. Les  trous  1  ,  2,  3  ,  4  &  6  auxquels  les  doigts  ne 
lauroient  atteindre,  vu  la  grandeur  de  l'inftrument, 
fe  bouchent  avec  les  clés  que  l'on  voit  vis-à-vis.  Ces 
clés  font  tellement  fabriquées,  que  lorsqu'elles  font 
abandonnées  à  leurs  reflorts ,  elles  laiffent  les  trous 
qui  font  vis-à-vis ,  ouverts ,  &  que  lorfque  l'on  ap- 
puie deffus  avec  un  doigt ,  Us  font  fermés ,  la  foupa- 
pe  de  ces  clés  étant  entre  la  charnière  &  le  point  où 
on  applique  le  doigt  ;  au  lieu  qu'à  la  clef  du  mi  b  moly 
c'eft  la  charnière  qui  eft  entre  la  foûpape  &  l'endroit 
où  on  pôle  le  doigt.  Cet  inftrument  fert  de  baffe  dans 
les  concerts  de  flûte.  Son  ton  le  plus  grave  eft  à  l'u- 
niffon du  fol  qui  fe  trouve  entre  la  clé  de  fut  fa  & 
de  c  fol  ut  des  clavecins;  ce  qui  eft  ,  comme  on  a  dit 
ci-devant ,  une  quinte  au-deffous  des  flûtes  ordinai- 
res qui  ont  deux  pies  de  long.  Voye{  Flûte  TRA- 
VERSIERE, &  la  tablature  de  cet  inftrument,  qui 
fert  pour  celui-ci ,  obfervant  toutefois  de  commen- 
cer par  le  fol  5  e.  On  façonne  cet  inftrument  qui  eft  de 
bouis  ou  de  quelqu 'autre  bois  dur,  furie  tour,  com- 
me tous  les  autres  inflrumens  à  vent,  f^qye^  l'article 
Flûte  traversiere  &  Tour  à  Lunette  ,  &  la 
table  du  rapport  &  de  l'étendue  des  inflrumens  de  Mu- 
fique. 

Basse  des  Italiens,  c'eft  le  même  inftrument 
que  celui  que  nous  appelions  baffe  de  violon.  Voye^ 
Basse  de  Violon.  Avec  cette  différence  qu'ils  l'ac- 
cordent une  tierce  mineure  plus  bas,  enforte  que  le 
fon  le  plus  grave  de  cet  inftrument  fonne  l'uniffon 
de  Va  mi  la  du  1 6  pié.  Voye^  la  table  du  rapport  de  re- 
tendue de  tous  les  inflrumens  de  Mufique. 

Basse  de  violon,  inftrument  de  Mufique  en 
tout  femblable  au  violon  ,  à  l'exception  des  oiiies  , 
qui  font  en  C,  au  lieu  qu'au  violon  elles  font  en  S , 
&  en  ce  qu'il  eft  beaucoup  plus  grand ,  &  qu'on  le 
tient  entre  fes  jambes  pour  en  joiier.  On  le  conftruit 
fur  le  moule  repréfenté  fig.  2.  PL  XII.  de  Lutherie. 
Foye{  Violon  &  Viole. 

Cet  inftrument  fonne  l'o&ave  au-deffous  de  la 
quinte  de  violon  &  la  douzième  au-deffous  du  vio- 
lon ,  &  l'uniffon  des  baffes  du  clavecin  depuis  le  cfol 
ut  double  oftave  au-deffous  de  celui  de  la  clé  de  c 
fol  ut  ou  l'uniffon  du  huit  pié  ouvert,  Voye^  la  table  du 
rapport  de  l'étendue  des  inflrumens  de  Mufique. 

Basse  ou  Calade,  f.  f.  (Manège.1)  pente  douce 
d'une  colline  ,  fur  laquelle  on  accoutume  un  cheval 
à  courir  au  galop ,  pour  lui  apprendre  à  plier  les  jar- 
rets, (r) 

Basse-contre,  f.  f.  acteur  qui  dans  les  chœurs 
de  l'opéra  &  autres  concerts  chante  la  partie  de  baffe- 
contre. 

Il  y  a  peu  de  baffe-contres  à  l'opéra  ;  l'harmonie  des 
chœurs  y  gagneroit ,  s'il  y  en  avoit  un  plus  grand 
nombre.  (2?) 

Basse- 


BAS 

BASSE-COUR  ,  f.  f.  terme d' 'Architecture ;  on  appelle 
ainfi ,  dans  un  bâtiment  conllruit  à  la  ville ,  une  cour 
féparée  de  la  principale,  autour  de  laquelle  font  éle- 
vés des  bâtimens  deftinés  aux  remifes ,  aux  écuries , 
ou  bien  où  font  placés  les  cuifines ,  offices,  communs , 
&c.  Ces  bajfes-cours  doivent  avoir  des  entrées  de  dé- 
gagement par  les  dehors ,  pour  que  le  fervice  de  leurs 
bâtimens  le  puifTe  faire  commodément  &  fans  être  ap- 
perçû  des  appartenons  des  maîtres  ôc  de  la  cour  prin- 
cipale. 

Pour  l'ordinaire  ces  bajfes-cours  ont  des  iffues  dans 
la  principale  cour;  mais  la  largeur  des  portes  qui  leur 
y  donnent  entrée  s'accordant  mal  avec  l'ordonnance 
d'un  bâtiment  régulier ,  il  eft  mieux  que  les  équi- 
pages ,  après  avoir  amené  les  maîtres  près  le  veftibu- 
le ,  s'en  retournent  par  les  dehors  pour  aller  à  leur 
destination. 

On  appelle  à  la  campagne  baffe-cour,  non -feule- 
ment celles  qui  fervent  aux  mêmes  ufages  dont  nous 
\renons  de  parler ,  mais  aufîî  celles  deftinées  au  pref- 
foir ,  fellier ,  bûcher ,  ainfi  que  celles  des  beftiaux , 
des  grains,  &c.  (P) 

Basse-eau  ,  ou  Basse-mer  (Marine)  ;  fe  dit  de 
la  mer  retirée ,  &  lorfque  l'eau  n'eft  pas  plus  haute 
qu'elle  étoit  avant  que  la  mer  commençât  à  monter , 
ce  qui  eft  entièrement  oppofé  à  plaine  mer.  (Z  ) 

Basse-enceinte  ,  f.  f.  c'eft  la  même  choie  que 
la  fauffe-braie  ,  en  terme  de  Fortification,  V.  FAUSSE- 
Braie.  (Q) 

Basse-justice.  (Jurisprudence.)  Voyz^  Justice  , 
&  Foncière.  V.  aujjî ci-deffus  Bas-justicier.  (H) 

Basse-taille  ,  f.  m.  a£teur  de  l'opéra  ou  d'un  con- 
cert qui  chante  les  rôles  de  baffe-taille.  Voy.  BASSE. 

Ces  rôles  ont  été  les  dominans  ou  en  fous-ordre , 
dans  les  opéra ,  félon  le  plus  ou  le  moins  de  goût  que  le 
public  a  montré  pour  les  afteurs  qui  en  ont  été  chargés. 

La  baffe-taille  étoit  à  la  mode  pendant  tout  le  tems 
que  Thevenard  a  relié  au  théâtre  :  mais  les  composi- 
teurs d'à  prefent  font  leurs  rôles  les  plus  brillans  pour 
la  haute-contre. 

Les  rôles  de  Roland,  d'Egée,  d'Hidraot,  cTAmadis 
de  Grèce ,  ôcc.  font  des  rôles  de  baffe-taille. 

On  appelle  Tancrede  l'opéra  des  baffe-tailles ,  parce 
qu'il  n'y  a  point  de  rôles  de  haute-contre ,  &  que  ceux 
de  Tancrede ,  cïArgant  &  â'IJ'menor  font  des  rôles  fort 
beaux  de  baffe-taille. 

Les  Magiciens ,  les  Tyrans ,  les  Amans  haïs  font 
pour  l'ordinaire  des  baffes  -  tailles  ;  les  femmes  fem- 
blent  avoir  décidé ,  on  ne  fait  pourquoi ,  que  la  haute- 
contre  doit  être  l'amant  favorifé  ,  elles  dilent  que  c'eft 
la  voix  du  coeur  ;  des  fons  mâles  ÔC  forts  allarment  fans 
doute  leur  délicateffe.  Le  fentiment ,  cet  être  imagi- 
naire dont  on  parle  tant ,  qu'on  veut  placer  par-tout, 
qu'on  décompofe  fans  ceffe  fans  l'éprouver ,  fans  le 
définir ,  fans  le  connoître ,  le  fentiment  a  prononcé  en 
faveur  des  hautes-contre.  Lorfqu'une  baffe-taille  nou- 
velle fe  fera  mife  en  crédit,  qu'il  paroîtra  un  autre 
Thevenard ,  ce  fyftème  s'écroulera  de  lui-même  ,  & 
vraifî'emblablement  on  fe  fervira  encore  du  fenti- 
ment pour  prouver  que  la  haute-contre  ne  fut  jamais  la 
voix  du  cœur.  F.  HAUTE-CONTRE.  (B  ) 

Basses-voiles  ,  c'eft  ainfi  qu'on  appelle  en  Ma- 
rine ,  la  grande  voile  6c  celle  de  milenc  ;  quelques- 
uns  y  ajoutent  l'artimon  ,  qui  ne  doit  pas  y  être  com- 
pris quand  on  dit  amare^  les  baffes-voiles  ;  car  l'artimon 
n'a  point  de  coùets.  (Z) 

BASSÉE  f.  f.  (Commerce.')  ,  mefure  dont  on  fe  fert 
en  quelques  lieux  d'Italie  ,  pour  mefurcr  les  liquides. 
La  baj/ée  de  Vérone  cilla  lixieme  partie  de  la  brinte. 
Foye^  Brinte.  (G) 

*  BassÉe(/<z),  Géog.  ville  des  Pays-Bas  François, 
au  comté  de  Flandre ,  fur  les  confins  de  l'Artois ,  & 
fur  un  canal  qui  fe  rend  dans  la  Deule.  Longit.  20. 
3Q.  lat.5û.J>3> 
Tome  II, 


BAS  ut 

BASSE-LISSÊ.  Voyei  Lisse. 

*  BASSEMPOIN  (Géog.),  petite  ville  de  France, 
dans  laGafcogne. 

(  *  BASSENTO  (Géog.) ,  rivière  de  la  Calabre  ci- 
téneure ,  qui  paffe  à  Cofenze ,  &  fe  joint  au  Grate. 

*  BASSESSE ,  abjection  (Gramm.)  termes  fynony- 
mes ,  en  ce  qu'ils  marquent  l'un  Se  l'autre  l'état  où 
l'on  eft:  mais  fi  on  les  conftruit  enfemble  ,  dit  M. 
l'abbé  Girard  ,  abjection  doit  précéder  baffeffe ,  &  la 
délicateffe  de  notre  langue  veut  que  l'on  dife,  état 
d'abjection  ,  baffeffe  d'état. 

L'abjection  le  trouve  dans  l'obfcurité  où  nous  nous; 
enveloppons  de  notre  propre  mouvement ,  dans  le 
peu  d'eftime  qu'on  a  pour  nous ,  dans  le  rebut  qu'on 
en  fait ,  &  dans  les  fituations  humiliantes  où  l'on  nous 
réduit.  La  baffeffe ,  continue  le  même  auteur ,  fe  trou- 
ve dans  le  peu  de  naiffance ,  de  mérite ,  de  fortune 
ôc  de  dignité. 

Obfervons  ici  combien  la  langue  feule  nous  don- 
ne de  préjugés ,  fi  la  dernière  reflexion  de  M.  l'abbé 
Girard  eft  julle.  Un  enfant ,  au  moment  où  il  reçoit 
dans  fa  mémoire  le  terme  baffefje ,  le  reçoit  donc  com- 
me un  figne  qui  doit  réveiller  pour  la  fuite  dans  fon 
entendement  les  idées  de  défaut  de  naiffance ,  de  mé- 
rite ,  de  fortune ,  de  condition ,  &  de  mépris  :  foit 
qu'il  life ,  foit  qu'il  écrive,  foit  qu'il  médite ,  foit  qu'il 
converfe  ,  il  ne  rencontrera  jamais  le  terme  baffeffe  , 
qu'il  ne  lui  attache  ce  cortège  de  notions  faufîès  ; 
6c  les  fignes  grammaticaux  ayant  cela  de  particulier , 
en  morale  fur-tout ,  qu'ils  indiquent  non-feulement  les 
choies ,  mais  encore  l'opinion  générale  que  les  hom- 
mes qui  parlent  la  même  langue  ,  en  ont  conçue  , 
il  croira  penfer  autrement  que  tout  le  monde  &  fe 
tromper ,  s'il  ne  méprife  pas  quiconque  manque  de 
naiffance  ,  de  dignités ,  de  mérite  ôc  de  fortune  ;  & 
s'il  n'a  pas  la  plus  haute  vénération  pour  quiconque 
a  de  la  naiffance ,  des  dignités ,  du  mérite  &  de  la 
fortune  ;  ÔC  mourra  peut-être ,  fans  avoir  conçu  que 
toutes  ces  qualités  étant  indépendantes  de  nous ,  heu- 
reux feulement  celui  qui  les  poffede  !  Il  ne  mettra  au- 
cune diltinttion  entre  le  mérite  acquis  ôc  le  mérite 
inné  ;  ôc  il  n'aura  jamais  fù  qu'il  n'y  a  proprement 
que  le  vice  qu'on  puiffe  méprifer,  Ôc  que  la  vertu 
qu'on  puiffe  louer. 

Il  imaginera  que  la  nature  a  placé  des  êtres  dans 
l'élévation ,  &  d'autres  dans  la  baffeffe  ;  mais  qu'elle 
ne  place  perfonne  dans  \  abjection  ;  que  l'homme  s'y 
jette  de  fon  choix ,  ou  y  eft  plongé  par  les  autres  ;  ÔC 
faute  de  penfer  que  ces  autres  font  pour  la  plupart  in- 
juftes  ôc  remplis  de  préjugés ,  la  différence  mal-fondée 
que  l'ufagc  de  fa  langue  met  entre  les  termes  baffeffe 
Ôc  abjection  ,  achèvera  de  lui  corrompre  le  cœur  ÔC 
l'cfprit. 

La  piété  ,  dit  l'auteur  des  Synonymes ,  diminue  les 
amertumes  de  l'état  çYakjcclion.  La  llupidite  empê- 
che de  lentir  tous  les  defagrémens  de  la  baffeffe  d'état. 
L'cfprit  ôc  la  grandeur  d'ame  font  qu'on  le  chagrine 
de  l'un ,  Se  qu'on  rougit  de  l'autre. 

Et  je  dis  moi  que  les  termes  abjection,  baf/èf/è , 
lemblent  n'avoir  été  inventés  que  par  quelques  hom- 
mes injuftes  dans  le  fein  du  bonheur,  d'où  ils  inful- 
toient  à  ceux  que  la  nature,  le  hafard  ,  ôc  d'au- 
tres caufes  pareilles  n'avoient  pas  également  favori- 
lés  ;  que  la  Philofophie  foûtient  dans  V abjection  où  l'on 
ell  tombé  ,  6c  ne  permet  pas  de  penfer  qu'on  puiffe 
naître  dans  la  baffeffe  ;  que  le  philolophe  fans  naiffan- 
ce ,  fans  bien  ,  lans  fortune  ,  fans  place  ,  l'aura  bien 
qu'il  n'ell  qu'un  être  abject  pour  les  autres  hommes, 
mais  ne  le  tiendra  point  pour  tel  ;  que  s'il  fort  de  l'é- 
tat prétendu  de  baffeffe  qu'on  a  imagine,  il  en  fera 
tiré  par  fon  mérite  feul  ;  qu'il  n'épargnera  rien  pour 
ne  pas  tomber  dans  Vab/câion  ,  à  caufe  des  inconvé- 
niens  phyiiques  &  moraux  qui  l'accompagnent  ;  mais 
que  s'il  y  tombe ,  fans  avoir  aucun  mauvais  ufage  de 


i22  BAS 

fa  raifon  à  fe  reprocher,  il  ne  s'en  chagrinera  guère 
&  n'en  rougira  point.  Il  y  a  qu'un  moyen  d'éviter 
les  inconvéniens  de  la  baj/'ejje  d'état  &  les  humilia- 
tions de  Y  abjection  ,  c'elt  de  fuir  les  hommes, ou  de  ne 
voir  que  fes  iémblables.  Le  premier  me  iémble  le 
plus  iùr ,  &  c'elt  celui  que  je  choifirois. 

BASSETS ,  f,  f.  pi.  (  Chafe  )  ce  l'ont  des  chiens 
pour  aller  en  terre.  Ils  ont  les  oreilles  longues,  le 
corps  long ,  ordinairement  le  poil  roux ,  les  pattes 
cambrées  en  dedans ,  &  le  nez  exquis. 

BASSETTE  ,  f.  f.  forte  de  jeu  de  carte  qui  a  été 
autrefois  fort  à  la  mode  en  France  ;  mais  il  a  été  dé- 
fendu depuis ,  &  il  n'eft  plus  en  ulage  aujourd'hui. 
En  voici  les  principales  règles. 

A  ce  jeu  ,  comme  à  celui  Au  pharaon  (  Voytr^  PHA- 
RAON )  le  banquier  tient  un  jeu  entier  compolé  de 
52  cartes.  Il  les  mêle,  &c  chacun  des  autres  joueurs 
qu'on  nomme  pontes ,  met  une  certaine  lomme  fur 
une  carte  prile  à  volonté.  Le  banquier  retourne  en- 
fuite  le  jeu,  mettant  le  deffus  défions;  enibrte  qu'il 
voit  la  carte  de  deflbus  :  enluite  il  tire  toutes  les  car- 
tes deux  à  deux  jufqu'à  la  fin  du  jeu. 

Dans  chaque  couple  ou  taille  de  cartes ,  la  pre- 
mière eft  pour  le  banquier  ,  la  féconde  pour  le  pon- 
te ;  c'eft-à-dire  que  fi  le  ponte  a  mis  par  exemple  lur 
un  roi ,  &  que  la  première  carte  d'une  paire  loit  un 
roi ,  le  banquier  gagne  tout  ce  que  le  ponte  a  mis 
d'argent  lur  Ion  roi  :  mais  fi  le  roi  vient  à  la  iecon- 
de  carte  ,  le  ponte  gagne ,  &  le  banquier  eft  obligé 
de  donner  au  ponte  autant  d'argent ,  que  le  ponte 
en  a  mis  fur  fa  carte. 

La  première  carte ,  celle  que  le  banquier  voit  en 
retournant  le  jeu ,  eft  pour  le  banquier  ,  comme  on 
vient  de  le  dire  :  mais  il  ne  prend  pas  alors  tout  l'ar- 
gent du  ponte,  il  n'en  prend  que  les  7,  cela  s'appelle 
facer. 

La  dernière  carte ,  qui  devroit  être  pour  le  ponte , 
eft  nulle. 

Quand  le  ponte  veut  prendre  une  carte  dans  le 
cours  du  jeu ,  il  faut  que  le  banquier  baiffe  le  jeu , 
enlorte  qu'on  voye  la  première  carte  à  découvert  : 
alors  fi  le  ponte  prend  une  carte  (  qui  doit  être  dif- 
férente de  cette  première  )  la  première  carte  que  ti- 
rera le  banquier  fera  nulle  pour  ce  ponte  ;  fi  elle  vient 
la  féconde ,  elle  lera  facée  pour  le  banquier  ;  fi  elle 
vient  dans  la  fuite  ,  elle  fera  en  pure  gain  ou  en  pure 
perte  pour  le  banquier  ,  l'elon  qu'elle  fera  la  premiè- 
re ou  la  féconde  d'une  taille. 

M.  Sauveur  a  donné  dans  le  Journal  des  Sça- 
vans  1679, fix  tables,  par  lelqu'elles  on  peut  voir  l'a- 
vantage du  banquier  à  ce  jeu.  M.  Jacques  Ber- 
noulli  a  donné  dans  fon  Ars  conjeclandi  l'analyfe 
de  ces  tables ,  qu'il  prouve  n'être  pas  entièrement 
exacf  es.  M.  de  Montmort ,  dans  fon  Ejfai  d'ana- 
lyfe  fur  les  jeux  de  hafard ,  a  aufii  calculé  l'avantage 
du  banquier  à  ce  jeu.  On  peut  donc  s'inftruire  à  fond 
fur  cette  matière  dans  les  ouvrages  que  nous  venons 
de  citer  :  mais  pour  donner  là-deiius  quelque  teinture 
à  nos  lecfeurs,  nous  allons  calculer  l'avantage  du 
banquier  dans  un  cas  fort  fimple. 

Suppolons  que  le  banquier  ait  fix  cartes  dans  les 
mains ,  &  que  le  ponte  en  prenne  une  qui  foit  une 
fois  dans  ces  fix  cartes ,  c'eft-à-dire  dans  les  cinq  car- 
tes couvertes  :  on  demande  quel  eft  l'avantage  du 
banquier. 

Il  eft  vifible  (  foye-  Alternation  6*  Combi- 
naison )  que  les  cinq  cartes  étant  delignées  par  a , 
b  ,c  ,d,e,  peuvent  être  combinées  en  1 20  façons  dif- 
férentes ,  c'eft-à-dire  en  5  fois  24  façons.  Imaginons 
donc  que  ces  1 20  arrangemens  lbient  rangés  fur  cinq 
colonnes  de  24  chacune ,  de  manière  que  dans  la 
première  de  ces  colonnes  a  fe  trouve  à  la  première 
place  ,  que  dans  la  féconde  ce  loit  b  qui  occupe  la 
première  place,  c  dans  la  troifieme,  &c. 


BAS 

Suppofons  que  a  foit  la  carte  du  ponte ,  la  colon- 
ne où  la  lettre  a  occupe  la  première  place ,  eft  nulle 
pour  le  banquier  ÔC  pour  les  pontes. 

Dans  chacune  des  quatre  autres  colonnes  la  lettre 
a  fe  trouve  fix  fois  à  la  féconde  place ,  fix  fois  à  la 
troifieme  ,  fix  fois  à  la  quatrième  &  fix  fois  à  la  cin- 
quième ,  c'eft-à-dire  qu'en  fuppofant  A\z.  mile  du  pon- 
te ,  il  y  a  24  arrangemens  qui  font  gagner  —  au 
banquier  ,  24  qui  le  font  perdre ,  c'eft-à-dire  qui  lui 
donnent  —  A ,  24  qui  le  font  gagner  ,  c  'eft-à-dire  qui 
lui  donnent  A,  &  24  enfin  qui  l'ont  nuls.  Cela  s'en- 
fuit  des  règles  du  jeu  expliquées  plus  haut. 

Or ,  pour  avoir  l'avantage  d'un  joueur  dans  un 
jeu  quelconque  ,  il  faut  i°.  prendre  toutes  les  com- 
binailons  qui  peuvent  le  faire  gagner ,  ou  perdre  , 
ou  qui  font  nulles ,  &  dont  le  nombre  eft  ici  1 20. 
20.  Il  faut  multiplier  ce  qu'il  doit  gagner  (  en  regar- 
dant les  pertes  comme  des  gains  négatifs  )  par  le  nom-> 
bre  des  cas  ,  qui  le  lui  feront  gagner  ;  ajouter  enfem- 
ble  ces  produits  ,  &  divifer  le  tout  par  le  nombre  to- 
tal des  combinaifons  :  voye^  Jeu  ,  Pari  ;  donc  l'avan- 
tage du  banquier  eft  ici 

24  X  \A  +  24  X  —  A  -f  24  X  A 

, 7j  A  ; 

120 
~j  A ,  c'eft-à-dire  que  fi  le  ponte  a  mis  par  exemple 
un  écu  fur  fa  carte  ,  l'avantage  du  banquier  eft  de  -fj 
d'écu  ,  ou  de  huit  fous. 

M.  de  Montmort  calcule  un  peu  différemment  l'a- 
vantage du  banquier  :  mais  ion  calcul  quoique  plus 
long  que  le  précédent  revient  au  même  dans  le  fond. 
Il  remarque  que  la  mile  du  banquier  étant  égale  à 
celle  du  ponte  ,  l'argent  total  qui  eft  fur  le  jeu ,  avant 
que  le  fort  en  ait  décidé ,  eft  2  A  ;  dans  les  cas  nuls  , 
le  banquier  ne  fait  que  retirer  Ion  enjeu ,  &  le  pon- 
te ,  le  lien  ,  ainfi  le  banquier  gagne  A  :  dans  le  cas 
où  il  perd  ,  fon  gain  eft  0;  dans  les  cas  faces,  il  re- 
tire A  -f-  *  A  ;  dans  les  cas  qui  font  pur  gain  ,  il  re- 
tire 2  A;  ainfi  le  fort  total  du  banquier,  ou  ce  qu'il 
peut  efpérer  de  retirer  de  la  fomme  2  A  eft 
i^xA+i^XjA+i^xo+i^XiA+i^xA  , 

120 

&  comme  il  a  mis  A  au  jeu  ;  il  s'enfuit  que  f$  A  eft 
ce  qu'il  peut  efpérer  de  gagner,  ou  fon  avantage. 
Foye^  Avantage. 

M.  de  Montmort  examine  enfuite  l'avantage  du 
banquier  lorfque  la  carte  du  ponte  fe  trouve ,  deux, 
ou  trois ,  ou  quatre  fois  ,  &c.  dans  les  cartes  qu'il 
tient.  Mais  c'eft  un  détail  qu'il  faut  voir  dans  ion  li- 
vre même.  Cette  matière  eft  auffi  traitée  avec  beau- 
coup d'exactitude  dans  l'ouvrage  de  M.  Bernoulli  que 
nous  avons  cité. 

A  ce  jeu  ,  dit  M.  de  Montmort ,  comme  à  celui  du 
pharaon  ,  le  plus  grand  avantage  du  banquier ,  eft 
quand  le  ponte  prend  une  carte  qui  n'a  point  palTé , 
&  fon  moindre  avantage  quand  le  ponte  en  prend 
une  qui  a  paffé  deux  fois,  f^oye^  Pharaon;  fon 
avantage  eft  aufll  plus  grand  ,  lorfque  la  carte  du 
ponte  a  paffé  trois  fois ,  que  lorfqu'elle  a  paffé  feu- 
lement une  fois. 

M.  de  Montmort  trouve  encore  que  l'avantage  du 
banquier  à  ce  jeu  eft  moindre  qu'au  pharaon  ;  il  ajou- 
te que  fi  les  cartes  facées  ne  payoient  que  la  moitié 
de  la  mile  du  ponte ,  alors  l'avantage  du  banquier 
feroit  fort  peu  conlidérable  ;  &  il  dit  avoir  trouvé  , 
que  le  banquier  auroit  du  défavantage  fi  les  cartes 
facées  ne  pavoient  que  le  tiers.  (  O  ) 

BASSICOT  ,  f.  m.  c'eft  ainfi  qu'on  appelle  dans 
les  carrières  d'ardoife ,  une  elpece  d'auge  ,  dont  on  (& 
fert  pour  fortir  les  morceaux  d'ardoife  du  fond  de  la 
carrière.  Voye^  à  l'article  Ardoise  ,  l'ulage  &  la 
delcription  de  ce  vaifleau. 

BASSIERS  ,  f.  m.  pi.  (  en  terme  de  rivière  )  efpecs. 


BAS 

d'amas  de  fable  dans  une  rivière ,  qui  empêche  la  na- 
vigation. Il  y  en  a  un  au  bout  du  Cours-la-reine. 

BASSIGNI  (  le  )  (  Géog.  )  petit  pays  de  France  , 
dans  la  partie  méridionale  de  la  Champagne  ,  &  dans 
le  Barrois ,  dans  le  dioc.  de  Langres  &  celui  de  Toul. 

BASSIN  ,  f.  m.  fe  dit  en  général  ou  d'un  réfervoir 
d'eau ,  ou  d'un  vaifleau  deftiné  à  en  puifer  ou  à  en 
contenir.  Voy.  ci-defïbus  des  définitions  &  des  exem- 
ples des  différentes  fortes  de  baffins. 

Bassin  (  en  Architecture  ) ,  c'eft  dans  un  jardin  un 
efpace  creufé  en  terre ,  de  figure  ronde ,  ovale ,  quar- 
rée  ,  à  pans  ,  &c  revêtu  de  pierre ,  de  pavé ,  ou  de 
plomb  ,  &  bordé  de  galon,  de  pierre  ou  de  marbre, 
pour  recevoir  l'eau  d'un  jet ,  ou  pour  fervir  de  réfer- 
voir pour  arrofer.  Les  Jardiniers  appellent  bac  ,  un 
petit  baffln  avec  robinet ,  comme  il  y  en  a  dans  tous 
les  petits  jardins  du  potager  à  Verfailles. 

Bassin  de  fontaine  ,  s'entend  de  deux  manières  , 
ou  de  celui  qui  eft  feulement  à  hauteur  d'appui  au- 
deffus  du  rez-de-chauffée  d'une  cour  ou  d'une  place 
publique  :  ou  de  celui  qui  cil  élevé  fur  plulieurs  de- 
grés ,  avec  un  profil  riche  de  moulures  &  de  forme 
régulière,  comme  ceux  de  la  place  Navone  à  Rome. 

Bassin  figuré ,  eft  celui  dont  le  plan  a  plufieurs 
corps  ou  retours  droits,  circulaires  ou  à  pans,  comme 
ceux  de  la  plupart  des  fontaines  de  Rome. 

Bassin  à  balufrade,  celui  dont  l'enfoncement  plus 
bas  que  le  rez-de-chauffée  ,  eft  bordé  d'une  balujlra- 
de de  pierre ,  de  marbre  ou  de  bronze ,  comme  le 
baffn  de  la  fontaine  des  baffins  d'Apollon  à  Verfailles. 

Bassin  à  rigole ,  celui  dont  le  bord  de  marbre  ou 
de  caillou ,  a  une  rigole  taillée,  d'où  fort  d'efpace  en 
efpace  un  jet  ou  bouillon  d'eau,  qui  garnit  la  rigole, 
&  forme  une  nappe  à  l'entourde  la  baluffrade,  com- 
me à  la  fontaine  du  rocher  de  Belvéder  à  Rome. 

Bassin  en  coquille ,  celui  qui  eft  fait  en  conque 
ou  coquille,  &  dont  l'eau  tombe  par  nappes  ou  gar- 
gouilles ,  comme  la  fontaine  de  Paleftrine  à  Rome. 

Bassin  de  décharge,  c'eft  dans  le  plus  bas  d'un 
jardin ,  une  pièce  d'eau  ou  canal ,  dans  lequel  fe  dé- 
chargent toutes  les  eaux  après  le  jeu  des  fontaines , 
&  d'où  elles  fe  rendent  enfuite  par  quelque  ruiffeau 
ou  rigole  dans  la  plus  prochaine  rivière. 

BASSIN  de  partage  ou  de  dijlribution ,  c'eft  dans 
un  canal  fait  par  artifice,  l'endroit  où  eft  le  fommet 
du  niveau  de  pente  ,  &  où  les  eaux  le  joignent  pour 
la  continuité  du  canal.  Le  repaire  où  fe  fait  cette 
jonftion  eft  appelle  point  départage.  Il  y  en  a  un  beau 
à  Verfailles  au-deffus  des  réfervoirs  du  parc  au  cerf, 
&  un  autre  à  Chambly ,  appelle  le  bajfin  des  fources. 

Bassin  de  port  de  mer,  c'eft  un  efpace  bordé  de 
gros  murs  de  maçonnerie ,  où  l'on  tient  des  vaifleaux 
à  flot,  foyei  plus  bas  BASSIN  (Marine.) 

Bassin  de  bain  ,  c'étoit  dans  une  falle  de  bain 
chez  les  anciens  ,  un  enfoncement  quarré  long  où 
l'on  defeendoit  par  degrés  pour  fe  baigner;  c'eft  ce 
que  Vitruve  appelle  labrum. 

Bassin  à  chaux ,  vaifleau  bordé  de  maçonnerie , 
&  plancheyé  de  dofles  ou  maçonné  de  libages  ,  dans 
lequel  on  détrempe  la  chaux.  Mortarium  dans  Vitru- 
ve, fignifie  autant  le  baffln  que  le  mortier.  (P) 

Conjlruclion  des  baffins  des  Jardins.  On  ne  lauroit 
apporter  trop  de  foin  à  la  conftrucfron  des  bajjins  & 
pièces  d'eau  ;  la  moindre  petite  fente  qui  augmente 
toujours  de  plus  en  plus,  peut  devenir,  par  la  pefan- 
leur  de  l'eau  ,  une  fente  confidérable. 

On  place  ordinairement  les  baffins  à  l'extrémité  ou 
dans  le  milieu  d'un  parterre  :  ils  ne  font  pas  moins 
bien  dans  un  potager,  dans  une  orangerie  &  dans  les 
bofquets.  Leur  forme  ordinaire  eft  la  circulaire  ,  il  y 
en  a  cependant  d'oftogones,  de  longs,  d'ovales,  & 
de  quarrés  :  quand  ils  paffent  une  certaine  grandeur, 
ils  le  nomment  pièces  d'eau  ,  canaux ,  miroirs ,  vi- 
viers ,  étangs  &  réfervoirs. 
Tome  II, 


BAS 


123 


Pour  la  grandeur  des  baffins ,  on  ne  peut  guère  dé- 
terminer de  jufte  proportion,  elle  dépend  du  terrein  ; 
&  celle  qui  eft  entre  le  jet  &  le  bajffîn ,  eft  déterminée 
par  la  chute  ôc  la  force  des  eaux  :  leur  profondeur 
ordinaire  eft  de  1  5  à  18  pouces ,  ou  deux  pies  tout 
au  plus,  6c  s'augmente  quand  ils  fervent  de  réfer- 
voirs. 

On  conftruit  les  baffins  de  quatre  manières  ,  en 
glaife ,  en  ciment ,  en  plomb  ,  &  en  terre  franche  : 
foit  le  baffln  A  (fig.i.  Jardin.)  qu'on  veut  conftruire 
en  glaife  ,  de  fix  toifes  de  diamètre  dans  œuvre  ;  fai- 
tes ouvrir  la  place  tracée  fur  le  terrein  ,  de  ce  qu'il 
convient  pour  les  épaifleurs  du  pourtour  &c  du  pla- 
fond ;  le  mur  de  terre  B  doit  avoir  un  pié  au  moins  ; 
le  mur  de  douve  ,  ou  d'eau  C,  dix-huit  pouces ,  &  le 
corroi  de  glaife  entre-deux,  dix-huit  de  large,  ce  qui 
fait  en  tout  quatre  pies ,  dont  il  faut  augmenter  de 
chaque  côté  le  diamètre  pour  la  fouille  :  on  a  donc 
huit  pies  en  tout  ;  on  creufera  auffi ,  pour  le  fond  ou 
plat-fond  àubajffln  ,  deux  pies  plus  bas  que  la  profon- 
deur qu'on  lui  voudra  donner  ;  ces  deux  pies  de  fouil- 
le feront  pareillement  occupés  par  le  corroi  de  glai- 
fe de  dix-huit  pouces ,  &  les  autres  fix  pouces  feront 
pour  le  fable  &  le  pavé  qu'on  répandra  deffus  la 
glaife  ;  ainfi  ce  bajffln  creufé  de  fept  toifes  deux  pies 
de  diamètre  ,  &  de  quatre  pies  de  bas  ,  reviendra  à 
fix  toifes  d'eau  dans  œuvre  ,  &  deux  pies  de  creux, 
qui  font  l'étendue  Se  la  profondeur  requifes.  Elevez 
&  adoffez  ,  contre  les  terres  ,  le  mur  B  d'un  pié  d'é- 
paifleur  depuis  le  bas  de  la  fouille  ,  jufqu'à  fleur  de 
terre  ;  bâtiflez  de  moellons  ,  libages  ,  ou  pierres  de 
meulière  avec  du  mortier  de  terre  ;  faites  enfuite  ap- 
porter la  glaife  dans  le  fond  du  bajffln,  que  vous  pré- 
parerez en  la  rompant  par  morceaux ,  en  y  jettant  de 
l'eau  j  &  la  labourant  deux  ou  trois  fois  fans  y  fouf- 
frir  aucunes  ordures  ;  faites  enfuite  jetter  par  pelle- 
tées la  glaife  contre  le  mur,  &  pétrir  à  pies  nuds,  de 
dix-huit  pouces  d'épaifl'eur ,  &  de  fept  à  huit  pies 
environ  de  large  ,  tout  au  pourtour  de  ce  mur  , 
pour  y  pofer  ,  à  dix-huit  pouces  de  diffance ,  le  mur 
de  douve  C ,  qui  doit  porter  fur  une  plate-forme  &c 
racinaux  D  D.  Prenez  du  chevron  de  trois  pouces 
d'épaifieur  ,  ou  des  bouts  de  planches  de  bateau  , 
épais  de  deux  pouces ,  6c  larges  de  cinq  à  fix  ;  enfon- 
cez-les à  fleur  de  glaife  ,  de  trois  pies  en  trois  pies  , 
enforte  qu'ils  débordent  un  peu  le  parement  du  mur 
en  dedans  le  baffln  ,  c'eft  ce  que  l'on  nomme  les  ra- 
cinaux ;  mettez  enfuite  deffus  de  longues  planches 
de  bateau  dont  deux  ,  jointes  enfemble  ,  feront  de  la 
largeur  du  mur ,  lefquelles  vous  clouerez  ou  chevil- 
lerez fur  les  racinaux  ;  vous  poferez  enfuite  la  pre- 
mière affife  du  mur  de  douve  ,  que  vous  élèverez  à 
la  hauteur  de  l'autre  ,  &  de  dix-huit  pouces  d'épaif- 
feur ,  bâti  avec  du  mortier  de  chaux  6c  fable.  On 
remplira  le  vuide  ,  ou  l'efpace  entre  les  deux  murs  Et 
appelle  le  corroi  ,  d'une  glaife  bien  préparée,  &  on 
la  pétrira  jufqu'à  fleur  de  terre. 

Pour  travailler  au  plat-fond  F,  on  remplira  de  glai- 
fe toute  l'étendue  du  bajffln  pour  y  faire  un  corroi  de 
dix-huit  pouces  de  haut ,  en  recommençant  à  pétrir 
les  glaifes  que  l'on  a  d'abord  étendues  au-delà 
des  racinaux  ,  &  les  liant  avec  celles  du  plat-fond  , 
qu'on  couvrira  enfuite  de  fable  ,  de  cinq  à  fix  pouces 
de  hauteur,  avec  un  pavé  garni  d'une  aire  GG,  d'un 
pouce  d'épaifl'eur  de  ciment  ,  ou  une  blocaiile  de 
pierres  plates  pofées  de  champ  &  à  fec  dans  le  fable 
pour  nettoyer  plus  proprement  le  baffln  ,  &  empê- 
cher le  poiflbn  de  fouiller. 

Les  baffins  de  ciment  (jig.  2.  )  font  conftruits  d'u- 
ne manière  bien  différente.  On  recule  la  trace  du  baf- 
Jln,  d'un  pié  neuf  pouces  dans  le  pourtour,  &  au- 
tant dans  le  plat-fond,  ce  qui  eft  fiirHfant  pour  retenir 
l'eau  ;  ainfi  pour  un  baffln  de  fix  toifes  de  diamètre , 
on  fouillera  fix  toifes  trois  pies  &  demi ,  Ô:  on  creu- 


124 


BAS 


fera  un  pié  neuf  pouces  plus  bas  que  la  profondeur 
qu'on  a  deflein  de  lui  donner.  Elevez  &  adoriez  con- 
tre la  terre  le  mur  de  maçonnerie  H ,  depuis  le  fond 
jufqu'au  niveau  de  la  terre  ,  &  bâti  de  moellons  &  li- 
bages  ,  avec  du  mortier  de  chaux  &  fable  tout  au- 
tour ;  enfuite  commencez  le  maffif  du  fond  / ,  d'un 
pié  d'épaiffeiir  ,  &  conftruit  des  mêmes  matériaux  & 
mortier;  on  joindra  au  mur,  &  au  plat-fond,  un  maf- 
fif ou  chemile  de  ciment  K  ,  de  neuf  pouces  d'épaif- 
feur  bâti  de  petits  cailloux  de  vigne  mis  par  lits  ,  & 
couverts  de  mortier  de  chaux  &  ciment  ,  qu'il  ne 
faut  point  épargner ,  de  manière  que  les  cailloux  ne 
fe  touchent  point ,  &  regorgent  de  mortier  partout  ; 
il  faudra  enduire  le  tout  avec  du  mortier  plus  fin  , 
c'eft-à-dire ,  avec  du  ciment  pafle  au  fas  avant  que 
de  le  délayer  avec  la  chaux ,  unir  cet  enduit  avec 
la  truelle  ,  &C  le  frotter  enluite  plufieurs  jours  avec 
de  l'huile. 

Les  bajjins  de  plomb  (  fig.  J .  )  n'ont  de  fingulier  , 
dans  leur  conftruftion ,  que  les  murs  faits  du  mortier 
de  plâtre  ,  parce  que  la  chaux  mine  le  plomb  ;  on 
fera  le  mur  de  terre  L  ,  du  double  d'épaiffeur  de  ce- 
lui du  plat-fond  M,  &  l'on  pratiquera  deflùs  ces  murs 
les  talles  de  plomb  n,n ,n  ,  qui  feront  jointes  ensem- 
ble avec  des  nœuds  de  foudure  0,0,  o. 

Les  bajjins  en  terre  franche  font  à  peu  près  conf- 
truits  comme  ceux  de  glaife  ,  à  l'exception  que  les 
corrois  feront  plus  larges  ,  ayant  trois  &  quatre  pies, 
&  les  murs  d'un  pié  &  demi  ou  deux ,  feront  en  mor- 
tier de  terre  feulement  ,  &  fondés  fur  la  maffe  de 
terre  franche  qui  règne  dans  tout  le  terrein.  Ces  baj- 
jins fe  peuvent  faire  avec  un  feul  mur  du  côté  de 
l'eau  ,  en  délayant  la  terre  franche  fur  le  bord ,  &  la 
coulant  dans  le  corroi. 

On  aura  foin  d'entourer  le  pourtour  des  bajfins , 
de  bordures  de  gafon ,  afin  de  préferver  les  corrois 
de  l'ardeur  du  foleil.  (  K  ) 

B  A  s  s  1  N  (  Marine.  )  on  donne  ce  nom  ,  dans  les 
ports  de  mer ,  au  lieu  où  l'on  retire  les  vaifleaux  pour 
les  mettre  plus  à  l'abri ,  les  radouber  ,  les  armer  & 
defarmer  avec  plus  de  facilité,  ou  y  faire  les  répara- 
tions néceflaires.  Vbye{  PI.  Vil.  fig.  1 .  Mar.  un  bajjin 
eoté  A  A,  &  fa  difpofition  au  milieu  de  l'arfenal.  Il 
y  a  deux  fortes  de  bajjins  ;  les  uns  qu'on  peut  emplir 
&  mettre  à  fec  à  volonté  ,  au  moyen  d'une  éclufe 
qui  en  ferme  l'entrée  ;  &  d'autres  qui  font  tout  ou- 
verts ,  &  dont  le  fond  étant  de  vafe  molle ,  fe  remplit 
d'eau  quand  la  mer  monte  ,  &  fe  vuide  quand  elle 
defeend.  Voye{  Darse.  (  Z  ) 

BASSIN  ,  en  terme  d'Anatomie ,  eft  la  partie  la  plus 
inférieure  de  la  cavité  de  l'abdomen  :  il  eft  ainli  ap- 
pelle de  fa  refiemblance  à  un  bajjin  ou  à  une  aiguiè- 
re, appellée  pelvis  en  Latin.  Voye{  Abdomen. 

Le  bajjin  eft  toujours  plus  large  ou  plus  grand  dans 
les  femmes  que  dans  les  hommes  ,  pour  faire  place 
à  l'accrohTenient  du  fœtus.  Voye^  Matrice. 

Cette  cavité  eft  très-bien  fortifiée  par  les  os ,  pour 
mettre  à  couvert  des  injures  du  dehors  les  parties 
qui  y  font  contenues.  Le  bajjin  eft  formé  ou  environ- 
né par  les  os  des  hanches ,  le  coccyx ,  &  l'os  facrum. 
Voye^  Hanche,  Coccyx. 

Le  bajjin  des  reins  eft  un  grand  finus  ou  cellule 
membraneufe  dans  la  partie  concave  des  reins.  Voy. 
l'article  Aîi AT.  les  Planch.  &  leur  explic.  Voy.  Reins. 
Des  douze  mammelons  des  reins  fortent  douze  ca- 
naux appelles  tuyaux  membraneux  ,  fijlulce  membrana- 
ceœ  ;  ils  fe  réunifient  enfuite  en  trois  grofles  bran- 
ches ,  d'où  enfin  il  en  rélulte  une  feule  qui  forme  le 
bajjin  ;  ce  bajjin  venant  encore  à  fe  contracter ,  fe  ter- 
mine en  un  canal  membraneux  appelle  X uretère,  Voy. 
Mammelon  &  Uretère. 

L  urine  étant  féparée  du  fang  par  les  canaux  un- 
itaires, auxquels  elle  a  été  apportée  par  les  mamme- 
ïofts ,  les  tuyaux  membraneux  la  reprennent  pour  la 


BAS 

reporter  dans  le  bajfin ,  d'où  elle  fe  décharge  dans  l'u- 
rétere ,  &  de-là  dans  la  velue ,  &c.  Voy.  Urine  ,  <Sv . 

BASSIN  OCULAIRE,  infiniment  de  Chirurgie  ,  pe- 
tite foûcoupe  ovale  très-commode  pour  laver  l'œil. 
Sa  matière  eft  d'argent  ;  fa  conftru&ion  confifte  en 
une  petite  gondole  qui  a  environ  un  pouce  cinq  li- 
gnes de  long  ,  fur  dix  ou  onze  lignes  de  diamètre, 
plus  élevé  par  les  angles  que  dans  le  milieu  ,  afin  de 
s'accommoder  à  la  figure  globuleufe  de  l'œil  :  elle 
n'a  pas  plus  de  cinq  lignes  de  profondeur ,  &  eft  mon- 
tée fur  un  pié  artiftement  compofé  ,  comme  on  peut 
le  voir  dans  la  fig.  16.  PI.  XXI II.  ce  pié  a  environ 
deux  ou  trois  pouces  de  hauteur. 

Pour  fe  fervir  de  cet  inftrument ,  il  faut  le  remplir 
à  moitié  de  la  liqueur  avec  laquelle  on  veut  bafiiner 
l'œil ,  puis  on  le  prend  par  le  pié  ,  &  l'on  baifle  la 
tête ,  afin  de  faire  entrer  le  globe  de  l'œil  dans  la  foû- 
coupe ,  qui  eft  conftruite  de  façon  à  occuper  toute  la 
circonférence  de  la  cavité  orbitaire  :  on  ouvre  enfui- 
te l'œil ,  &  la  liqueur  contenue  dans  ce  bajfin  le 
mouille  parfaitement. 

Fabrice  d'Aqua-pendente  ,  célèbre  Médecin-Chi- 
rurgien ,  &  profefieur  d'Anatomie  à  Padoue  ,  a  le 
premier  imaginé  l'application  des  remèdes  aqueux 
fur  l'œil  :  il  fe  fervit  d'abord  de  ventoufes  communes 
que  l'on  tenoit  fur  l'œil  avec  la  main,  comme  le  bajjin 
oculaire  dont  on  vient  de  parler  ;  ce  qu'il  remarqua 
être  fort  incommode  :  il  en  fit  faire  avec  des  anfes 
fur  chaque  côté ,  dans  lefquelles  on  paflbit  un  cor- 
don pour  attacher  le  vafe  derrière  la  tête.  Ces  petits 
vaifleaux  de  cryftal  faits  de  façon  à  s'appliquer  exac- 
tement fur  la  circonférence  de  l'orbite  ,  lui  parurent 
exiger  encoi^  une  perfection  ;  car  les  liqueurs  tiedes 
fafiant  tranfpirer  la  partie,&  la  matière  de  cette  tranf- 
piration  ne  trouvant  aucune  iflue,  l'œil  &  les  parties 
qui  Pavoifinentpouvoientfe  gonfler  par  Pulagede  ces 
remèdes.  Pour  prévenir  les  fluxions ,  &  autres  acci- 
dens  qui  feroient  l'effet  du  défaut  de  tranipiration  , 
il  fit  ajouter  au-deffus  de  la  gondole  un  petit  tuyau 
percé  ,  par  lequel  on  pût  aufii  verierles  liqueurs  con- 
venables au  moyen  d'un  entonnoir ,  après  avoir  mis 
le  vafe  en  fituation.  L'auteur  la  nomme  phiok  ocu- 
laire ,  &  affûre  avoir  difiîpé  des  cataractes  commen- 
çantes par  l'ufage  des  remèdes  convenables  appli- 
qués par  le  moyen  de  cet  initrument.   (  Y  ) 

Bassin  (  vente  au)  Comm.  nom  que  l'on  donne  à 
Amfterdam  aux  ventes  publiques  qui  fe  font  par  au- 
torité de  juflice ,  &  où  préfide  un  officier  commis 
par  les  bourgue-meftres  ,  qu'on  nomme  vendu-meej- 
ter ,  c'eft-à-dire  ,  maître  de  la  vente.  On  appelle  cette 
vente  vente  au  bajfin ,  parce  qu'avant  que  de  délivrer 
les  lots  ou  cavelins  au  plus  offrant  &  dernier  enché- 
riffeur ,  on  frappe  ordinairement  fur  un  bajfin  de  cui- 
vre ,  pour  avertir  qu'on  va  adjuger.  Voye?^  Vendu- 

MEESTER.    ((?) 

Bassins  d'une  balance ,  font  deux  efpeces  de  plats 
qu'on  fufpend  au  bout  des  bras  d'une  balance  ,  & 
dans  lefquels  on  met  les  poids  qu'on  veut  peler.  V- 
Balance.  (O) 

Bassin  ,  terme  de  Boulanger ,  eft  une  efpece  de  caf- 
ferole  à  queue  de  tôle  blanche  ,  ou  fer-blanc  épais , 
dont  on  fe  fert  pour  puifer  l'eau  dans  la  chaudière, 
&  la  mettre  dans  le  pétrin  en  quantité  convenable. 
Voy.  PI.  du  Boulanger  ,fig.  4. 

BASSIN,  infirument  de  Chapelier ,  c'eft  une  grande 
plaque  ronde  de  fer  ou  de  fonte  ,  qui  fe  place  fur  un 
fourneau  ,  pour  bâtir  les  étoffes  dont  on  compofe  les 
chapeaux. 

Les  Chapeliers  ont  aufii  des  bajfins  à  drefTer  les 
bords  des  chapeaux  :  ces  bajfins  ont  au  milieu  une 
ouverture  ronde ,  afiez  grande  pour  y  faire  entrer 
les  formes  les  plus  larges.  Ces  baffins  font  ordinaire- 
ment de  plomb  ,  &  ont  par-deflus  deux  mains  ,  afin 
que  le  chapelier  puiffe  les  mettre  fur  les  bords  des 


BAS 

chapeaux,  &  les  enlever  facilement.  V.  Chapeau. 
Voyt{  lafig.  4-  PL  du  Chapelier. 

Bassin  a  barbe  ,  eft  une  efpece  de  plat  creux  , 
rond,  &  quelquefois  ovale,  dont  les  Barbiers-Perru- 
quiers le  lervcnt  pour  favonner  le  vifage  des  perfon- 
nes  qu'ils  raient.  Ce  plat  eft  toujours  échancré  par 
un  de  les  côtés  ,  afin  de  pouvoir  être  ferré  près  du 
cou  de  la  perfonnc  qu'on  favonne,  de  peur  que  l'eau 
de  favon  qui  tombe  du  vifage  ne  coule  le  long  du 
cou  &  fur  les  habits. 

Les  bajjlns  à  barbe  fc  font  de  plufieurs  fortes  de 
matières  ;  il  y  en  a  de  fayence  ,  de  porcelaine  ,  d'é- 
tain ,  de  cuivre ,  d'argent ,  &c.  Voye^fa fig.  Plan,  du 
Perruquier. 

Bassin  ,  f.  m.  (  Lunetier.  )  les  Miroitiers-Lunetiers 
fc  fervent  de  divers  baffins  de  cuivre  ,  de  fer  ou  de 
métal  compofé  ,  les  uns  grands  ,  les  autres  plus  pe- 
tis,  ceux-ci  plus  profonds ,  ceux-là  moins,  fuivantle 
foyer  des  verres  qu'ils  veulent  travailler.  Voyet  les 
fig.  l.  &  z.  PI.  du  Lunetier;  la  première  reprélente 
un  bajjïn  de  fix  pouces  de  foyer  ;  B  le  bajfin  ,  A  fon 
profil  :  la  féconde  repréfente  un  bajfin  de  trois  pou- 
ces de  foyer  ;  B  eft  le  bajfin  ,  &  C  fon  profil.  Ces 
baffins  font  repréfentés  dans  les  figures  fcellées  fur  la 
table  de  l'établi. 

C'eft  dans  ces  bajjins  que  fe  font  les  verres  con- 
vexes :  les  fpheres ,  qu'on  nomme  autrement  des 
boules  ,  fervent  pour  les  verres  concaves  ;  &  le  ron- 
deau ,  pour  les  verres  dont  la  fuperficie  doit  être  pla- 
ne &  unie.  Foye^  ces  deux  derniers  outils  à  leurs 
lettres. 

On  travaille  les  verres  au  baffin  de  deux  maniè- 
res: pour  l'une  l'on  attache  le  bajfin  à  l'arbre  d'un 
tour  ,  &  l'on  y  ufe  la  pièce  ,  qui  tient  avec  du  ci- 
ment à  une  molette  de  bois  ,  en  la  préfentant  &  la 
tenant  ferme  de  la  main  droite  dans  la  cavité  du  baf- 
fin, tandis  qu'on  lui  donne  avec  le  pié  un  mouve- 
ment convenable  :  pour  l'autre ,  on  affermit  le  baffin 
fur  un  billot  ou  fur  un  établi ,  n'y  ayant  que  la  mo- 
lette garnie  de  fon  verre  qui  foit  mobile.  Les  bajjins 
pour  le  tour  font  petits ,  &  ne  partent  guère  fix  à  iept 
pouces  de  diamètre  :  les  autres  font  très-grands ,  & 
ont  plus  de  deux  pies  de  diamètre. 

Pour  dégroffir  les  verres  qu'on  travaille  au  bajfin, 
on  fe  fert  de  grès  &  de  gros  émeri  :  on  les  adoucit 
avec  les  mêmes  matières ,  mais  plus  fines ,  &  tami- 
fées  :  le  tripoli&la  potée  fervent  à  les  polir:  enfin 
on  en  achevé  le  poliment  au  papier  ,  c'eft-à-dire ,  fur 
un  papier  qu'on  colle  au  fond  du  bajfin.  Quelques- 
uns  appellent  ces  baffins  des  moules,  mais  impropre- 
ment. Foyei  Miroitier  &  Lunette. 

La  manière  la  plus  convenable  pour  faire  ces  baj- 
jins ,  eft  le  fer  &  le  laiton  ,  l'un  &  l'autre  le  plus 
doux  qu'on  puifle  trouver  :  car  comme  ils  doivent 
être  formés  liir  le  tour  ,  la  matière  en  doit  être  trai- 
table  &  douce ,  mais  pourtant  affez  ferme  pour  bien 
retenir  fa  forme  dans  le  travail  des  verres.  Ces  deux 
fortes  de  matières  font  excellentes ,  èv  préférables  à 
toutes  les  autres  :  le  fer  néanmoins  eft  fujet  à  la 
rouille ,  &  le  laiton  ou  cuivre  jaune  à  fe  piquer  & 
verdir  par  les  liqueurs  acres  &  falées  ;  c'eft  pourquoi 
ces  deux  matières  demandent  que  les  inftrumens 
qui  en  font  faits  foient  proprement  tenus ,  bien 
nettoyés  &  effuyés  après  qu'on  s'en  eft  fervi. 
L'étain  pur  Se  fans  alliage  eu  moins  propre  pour 
le  premier  travail  de  verre  qui  eft  le  plus  rude  ,  à 
caufe  que  fa  forme  s'altère  aifément  :  on  peut 
cependant  l'employer  utilement  après  l'avoir  allié 
avec  la  moitié  d'étain  de  glace.  Le  métal  allié  ,  qu'on 
ne  peut  former  au  tour  à  caufe  de  la  trop  grande  du- 
reté, comme  celui  des  cloches  qui  eft  compofé  d'é- 
tain &  de  cuivre  ,  ne  vaut  rien  pour  les  formes  dont 
nous  parlons. 

On  peut  préparer  ces  deux  matières  à  recevoir  la 


BAS 


11  y 


forme  de  deux  manières  ,  fuivant  quelles  font  mal- 
léables ou  fufibles  :  elles  demandent  toutes  deux  des 
modèles  fur  lefquels  elles  puiflent  être  formées ,  au 
moins  grofllerement  d'abord,  pour  qu'on  puhTe  en- 
fuite  les  perfectionner  au  tour.  La  matière  malléa- 
ble demande  pour  modèle  des  arcs  de  cercle  ,  faits 
de  matière  folide  fur  les  diamètres  des  fpheres  des- 
quelles on  veut  les  former.  Celle  qui  eft  fufible  de- 
mande des  modèles  entiers  de  matière  ailée  à  for- 
mer au  tour  ;  comme  de  bois ,  d'étain ,  &c.  pour  en 
tirer  des  moules  dans  lefquels  on  puifle  la  jetter  pour 
lui  donner  la  forme  la  plus  approchante  de  celle  qu'on 
defire  ;  car  il  eft  enfuite  fort  ailé  de  la  rendre  régu- 
lière ,  &  de  la  perfectionner  au  tour. 

Quoiqu'on  puifle  forger  les  formes  de  laiton  ou 
cuivre  jaune  à  froid  au  marteau  ,  je  confeille  cepen- 
dant de  les  mouler  en  fonte ,  &  de  leur  donner  même 
une  épaifleur  convenable  à  la  grandeur  de  la  fphere 
dont  on  veut  les  former  ,  aufli  bien  qu'à  la  largeur 
de  la  fuperficie  qu'on  veut  leur  donner  :  première- 
ment à  caufe  qu'étant  forgées  &  écrouïes  à  froid  , 
elles  feroient  aifément  reifort  fur  leur  largeur  ,  & 
qu'elles  altéreroient  par  ce  moyen  leur  forme  dans 
l'agitation  du  travail  ;  en  fécond  lieu ,  pour  empê- 
cher par  cette  épaifleur  convenable  que  ce  métal 
s'échauffant  fur  le  tour,  ne  fe  roidiffe  contre  l'outil, 
comme  il  fait  pour  l'ordinaire  ,  le  rejettant  dehors 
avec  violence  jufqu'à  s'applanir ,  ou  même  devenir 
convexe  de  concave  qu'il  étoit ,  s'il  n'a  pas  une 
épaifleur  fuffifante  pour  réfifter  à  fon  effort. 

Pour  faire  les  modèles  qui  doivent  fervir  à  faire 
les  moules  de  ces  platines  ,  on  ne  fauroit  employer 
de  meilleure  matière  que  l'étain  ,  à  caufe  qu'on  peut 
le  fondre  avec  peu  de  feu  ,  &  le  tourner  nettement 
fans  altérer  fa  forme.  Le  bois  néanmoins  qui  eft  plein, 
comme  le  poirier  ou  le  chêne  ,  qui  eft  gras  6c  moins 
liant  étant  bien  fec  ,  y  peut  fervir  affez  commodé- 
ment: pour  l'empêcher  même  de  s'envoiler  ,  &  de  fa 
déjetter  à  l'humidité  de  la  terre  ou  du  fable  qui  fervent 
à  les  mouler ,  aufli-bien  que  dans  les  changemens 
de  tems ,  il  convient  de  l'enduire  &  imbiber  d'huile 
de  noix ,  de  lin  ,  ou  d'olive  au  défaut  de  ces  deux  pre- 
mières, laiffant  doucement  lécher  ces  modèles  d'eux- 
mêmes  ,  dans  un  lieu  tempéré  &:  hors  du  grand  air. 

La  meilleure  manière  de  moider  ces  modèles ,  eft 
celle  oit  l'on  employé  le  fable.  Tout  cuivre  n'eft  pas 
propre  pour  faire  ces  formes  :  on  doit  choifir  celui 
qui  eft  jaune ,  &  qu'on  nomme  laiton  doux  ;  on  peut 
aufli  fe  fervir  d'étain  pur  d'Angleterre  ,  ou  de  celui 
d'Allemagne,  allié  avec  moitié  d'étain  de  glace.  Le 
fer  bien  aoux  eft  auflî  fort  propre  pour  faire  les  baf- 
fins à  travailler  les  verres. 

M.  Gouflîer  a  trouvé  une  méthode  de  donner  aux 
baffins  &  aux  moules  dans  lefquels  il  fond  les  mi- 
roirs de  téiekopes,  telle  courbure  qu'il  peut  (buhai- 
ter ,  foit  parabolique  ,  elliptique  ,  hyperbolique  ,  ou 
autre  dont  l'équation  eft  donnée.  Cette  méthode  fe- 
ra expliquée  dans  un  ouvrage  particulier  qu'il  doit 
donnerai!  public,  fur  l'art  de  taire  de  grands  telclcopes 
de  réflexion ,  d'en  mouler  les  miroirs  ,  de  manière 
qu'ils  fortent  du  moule  prcfquc  tout  ache\  es. 

Nous  allons  expliquer  la  machine  dont  il  fe  tert 
pour  concaver  les  formes  ou  bafjïns  concaves  de 
courbure  fphérique  :  cette  machine  eft  la  même  que 
celle  dont  il  fe  lert  pour  donner  aux  baffins  ou  aux 
moules  toute  autre  courbure ,  en  y  raifant  feulement 
quelques  additions  dont  nous  donnerons  l'idée  à  la 
fin  de  cet  article. 

Cette  machine  rcpréfentéej%..0-/3-  PI-  du  Lune- 
tier, eft  proprement  un  tour  en  l'air,  dont  l'axe  F  H 
eft  vertical  ;  il  paflé  dans  deux  collets  /"&  H ,  fixes 
l'un  à  la  table  &  l'autre  à  la  travcilè  inférieure  d'un 
fort  établi  ,  qui  eft  lui-même  fortement  attaché  au 
mur  de  l'attclier. 


Ï2'6 


BAS 


Le  premier  de  ces  collets  F  eft  ouvert  en  enton- 
noir, pour  recevoir  la  partie  conique  de  l'axe  repré- 
fenté en  Ffig.  i5.  le  fécond  i/eft  feulement  cylin- 
drique. 

Vers  la  partie  inférieure  de  l'axe ,  à  deux  ou  trois 
pouces  du  collet  H  ,  eft  fixée  une  poulie  G  ,  fur  la- 
quelle pafTe  la  corde  fans  fin  qui  vient  de  la  roue  ho- 
rifontale  / ,  que  l'on  met  en  mouvement  au  moyen 
du  bras  L  ,  qui  fe  meut  librement  fur  les  pivots  de 
l'arbre  R  S.  Ce  bras  comunique  par  le  lien  L  K  à 
la  manivelle  excentrique  de  l'axe  de  la  roue.  Cette 
méchanique  eft  la  même  que  celle  du  moulin  des  La- 
pidaires. Voyi{  Moulin. 

La  partie  fupérieure  de  l'axe  H  F  eu  armée  d'un 
cercle  de  fer  exactement  tourné  &  centré  fur  l'axe 
qui  eft  foûtenu  par  trois  ou  quatre  branches ,  qui  par- 
tant de  l'axe  ,  vont  s'attacher  à  fa  circonférence.  Il 
appelle  cette  pièce  main  ,  qui  eft  repréfentée  léparé- 
ment  Jig.  i5.  on  en  va  voir  la  raifon  ,  &  combien  il 
eft  effentiel  qu'elle  foit  exactement  centrée. 

Aux  deux  côtés  de  la  main  font  fixées  fur  l'établi 
deux  poupées  D  D  ;  la  ligne  qui  joint  ces  deux  pou- 
pées doit  paffer  le  centre  de  l'anneau  de  la  main  : 
c'eft  fur  ces  deux  poupées  que  l'on  fixe  la  règle  de 
fer  MM ,  au  moyen  de  deux  vis  n  n  ,  en  forte  qu'u- 
ne de  fes  arrêtes  foit  un  diamètre  de  la  main  dans 
laquelle  on  place  le  bajjin  ,  repréfenté  Jig.  13.  &  14. 
cette  dernière  le  repréfenté  en  profil ,  a  a  eft  un  re- 
bord qui  s'applique  fur  l'anneau  de  la  main;  on  y  fait 
un  repaire  commun  pour  pouvoir  replacer  le  bajjin  au 
même  point  où  on  l'a  placé  la  première  fois.  Le  baf- 
fin  doit  être  de  laiton  fondu  ,  &  tourné  auparavant 
fur  le  tour  en  l'air.  Voye^  Tour  en  l'air. 

Au-deffus  du  bajjin ,  dans  la  direction  de  l'axe  H 
F,  eft  fortement  fcellée  dans  le  mur  une  potence  de 
fer  AB ,  à  la  furface  fupérieure  de  laquelle  eft  un 
petit  trou  de  forme  conique  :  ce  trou  doit  être  préci- 
eusement dans  la  direction  de  l'axe  H  F ,  &  autant 
éloigné  de  la  furface  du  bajfin  F,  que  l'on  veut  que 
le  foyer  du  même  bajjin  le  foit. 

Le  trou  dont  nous  venons  de  parler  reçoit  la  pointe 
b  de  la  vis  a  ,fig.  10.  qui  traverfe  la  partie  fupérieu- 
re de  l'ouverture  O  du  compas  B  C,  Jig.  o.  Ce  com- 
pas eft  formé  par  quatre  règles  de  fer  ou  de  bois,  affem- 
blées  comme  on  voit  en  b,  même  Jig.  La  partie  infé- 
rieure Càa  compas  B  C,  repréfentée  en  grandjfg.  //. 
eft  quarrée,  &  garnie  de  deuxfrettes  de  fer  O  F  ,  qui 
fervent ,  au  moyen  des  vis  qui  les  traverfent ,  à  affu- 
jettir  le  burin  a  b  ,  qui  eft  aigu  en  b  ;  l'autre  burin  re- 
préfenté./fg'.  IX.  eft  arrondi ,  &  fert  à  effacer  les  traits 
que  le  premier  peut  avoir  laifle  fur  le  bajjin. 

Toutes  chofes  ainfi  difpofées ,  on  applique  le  dos 
du  burin  contre  la  règle  de  fer  M  M,  qui  eft  courbée 
en  arc  de  cercle  dont  le  centre  eft  la  pointe  de  la  vis 
a .  Pour  qu'elle  foit  parallèle  à  la  furface  du  bajjin  , 
on  avance  ou  on  recule  cette  règle ,  en  forte  que 
lorfque  le  dos  du  burin  gliffe  contre  fon  arrête  ,  la 
pointe  du  burin  décrive  exactement  un  diamètre  du 
bajjin. 

Maintenant  fi  on  fait  mouvoir  l'extrémité  inférieu- 
re du  compas  le  long  de  la  règle  de  fer  M  M,  en  mê- 
me tems  que  le  bajjin  E  eft  mis  en  mouvement  par 
le  moyen  de  la  roue  / ,  comme  il  a  été  expliqué ,  on 
conçoit  que  la  pointe  du  burin  dont  le  compas  eft 
armé ,  doit  emporter  toutes  les  parties  de  métal  du 
bajjin  qui  excédent  la  furface  fphérique  concave  qui 
a  pour  centre  le  point  autour  duquel  le  compas  fe 
meut  ,  qui  eft  la  pointe  du  pivot  de  la  vis  a  :  mais 
comme  la  pointe  de  cette  vis  eft  par  la  conftruction 
dans  la  direction  de  l'axe  de  rotation  H  F  ,  61 
que  la  pointe  du  burin  décrit  un  arc  de  cercle ,  cela 
produit  le  même  effet  que  fi  un  lecteur  de  cercle  tour- 
noit  fur  la  ligne  qui  paffe  par  le  centre  &  le  milieu 
de  l'arc  du  fefteur ,  qui ,  comme  il  eft  démontré  en 


BAS 

Géométrie  ,  décrit  une  furface  fphérique. 

Après  que  la  pointe  du  burin  a  enlevé  les  parties  du 
métal  qui  excédoient  la  furface  fphérique  concave, 
on  efface  les  traits  qu'elle  peut  avoir  laiflés  avec  le 
burin  arrondi  repréfenté  j%.  IX.  que  l'on  met  en  pla- 
ce du  premier. 

Pour  décrire  une  furface  paraboloïdale  ,  hyper- 
boloïdale  ,  ou  autre ,  il  fuffit ,  comme  on  voit ,  de 
trouver  le  moyen  de  faire  décrire  à  l'extrémité  du 
burin  la  parabole,  l'hyperbole ,  ou  autre  courbe  dont 
le  fecteur  ,  à  caufe  du  mouvement  de  rotation  du 
bajjin  ,  décrira  la  furface  que  la  courbe  engendreroit 
en  tournant  fur  fon  axe:  c'eft  ce  que  M.  Goufîier 
exécute  par  le  moyen  de  plufieurs  leviers  ,  qui  font 
hauffer  ou  baiffer  le  point  de  fufpenfion  a  du  com- 
pas ,  à  mefure  que  fon  extrémité  inférieure  C  avance 
de  côté  ou  d'autre.  Cette  machine  fera  repréfentée  & 
expliquée  dans  l'ouvrage  annoncé  dans  cet  article. 

BASSIN  a"empli  ,  en  terme  de  rajinene  de  fucre ,  eft 
un  vafe  de  cuivre  qui  ne  diffère  du  bajjin  de  cuite 
que  par  fon  embouchure  qui  fait  le  demi-cercle,  foy. 
BASSIN  de  cuite.  On  l'appelle  bajjin  d 'empli ,  par- 
ce qu'il  fert  effectivement  à  faire  les  emplis ,  &  à 
tranfporter  la  cuite  du  rafraîchiffoir  dans  les  formes. 
Voyc{  Forme  &  Rafraichissoir. 

BaSSIN  de  cuite  eft ,  parmi  les  Rzjineurs  de  fucre  , 
un  vafe  de  cuivre  tenant  à  peu  près  deux  leaux,  de 
figure  oblongue  ,  arrondi  vers  fon  extrémité  où  il  eft 
le  plus  profond ,  &  angulaire  vers  fon  embouchure. 
Il  eft  garni  de  deux  poignées  ,  &  furmonté  de  deux 
hauts  bords  ,  qui  diminuent  jufqu'à  l'embouchure  où 
ils  n'excèdent  plus  le  fond.  Ce  bajjin  fert  à  tranfpor- 
ter la  cuite  dans  le  rafraîchiffoir.  Voye{  Cuite  6* 
Rafraichissoir. 

BASSIN  à  clairêe  ,  parmi  les  Rajineurs  de  fucre  ,  eft 
un  vafe  rond ,  &  également  furchargé  de  bords  tout 
autour ,  &  qui  repréfenté  affez  la  figure  d'un  feau  : 
vers  fon  fond  il  y  a  un  commencement  de  tuyau,  qui 
fait  même  pièce  avec  le  bajjin  ,  dans  lequel  on  em- 
manche la  dale.  Voye{D ale.  Ce  bajjin  fert  à  paffer 
la  clairée.  foye^  ClairÉE  &  PASSER. 

Bassins,  Bassinets,  ou  Boutons  d'or,  ely- 
chryjum  ,  fleur  baffe  de  diverfes  couleurs  ,  ordinaire- 
ment jaunes ,  à  dix  feuilles  sffez  larges  ,  &  un  godet 
au  milieu  de  la  même  couleur  ,  &  qui  porte  fa  grai- 
ne. Cette  fleur  demande  beaucoup  d'eau  &  de  foleil , 
avec  de  la  terre  à  potager  :  on  la  levé  au  bout  de 
trois  ans  pour  en  ôter  le  peuple.  Il  y  en  a  de  plu- 
fieurs efpeces  ;  le  fimple  à  fleur  jaune  ,  le  bajjinet  à 
fleur  d'écarlate  ,  le  double  à  fleur  jaune  ,  le  bajjinet  à 
feuilles  frangées ,  &  le  bajjinet  rond.  Ils  fleuriffent 
tous  au  printems.  (  K  ) 

BASSINE ,  BASSIN  (  Gramm.  )  ;  bajfin  a  deux  ac- 
ceptions différentes  ,  comme  on  peut  voir  par  l'arti- 
cle précédent  ;  bajjine  n'en  a  qu'une.  La  bajjine  eft  tou- 
jours un  vaiffeau  de  cuivre  d'une  profondeur  peu 
confidérable ,  relativement  à  fon  diamètre  ;  ce  en 
quoi  elle  diffère  du  bajjin  ,  où  le  diamètre  ôc  la  hau- 
teur font  plus  proportionnés. 

Bassine  ,  en  terme  de  Cirier  ;  c'eft  un  infiniment  de 
cuive  de  forme  prefque  ovale,  dont  les  deux  extrémi- 
tés font  applaties  de  manière  que  la  mèche  en  parlant 
au-deffus ,  ne  s'éloigne  pas  trop  du  fond  de  la  bajjine. 
Cet  uftenfile  ne  fert  proprement  qu'à  faire  fondre  la 
matière  propre  aux  petites  bougies.  Voye^  la  Jig.  3. 
PI.  du  Cirier,  Se  la  Jig-  i-  de  la  même  Planche  ,  qui 
fait  voir  l'ulage  de  cette  machine. 

Bassine  ,  en  terme  d'Epinglier-Aiguilletier ,  eft  une 
efpece  de  poelle  profonde  ,  reffemblant  à  une  chau- 
dière à  confiture  ,  dans  laquelle  au  moyen  de  fes  an- 
fes ,  on  remue  &  on  fecoue  les  aiguilles  dans  de  Peau 
de  favon  bouillante.  Voye^  Savonner. 

Bassine  ,  ujlenjile  d' Imprimerie.  Il  y  a  dans  une 
Imprimerie  bien  montée  deux  fortes  de  bajfinzs  ds 


BAS 


BAS 


I27 


cuivre  :  la  plus  grande  doit  contenir  quelques  voies 
d'eau  ;  elle  fert  à  tremper  le  papier  :  la  petite  fert  à 
ramoitir  les  balles  ,  &  à  mettre  tremper  les  cuirs.  Au 
défaut  d'une  bajfint  à  tremper  le  papier  ,  on  fe  fert 
d'une  pierre  creuiée,  ou  de  baquets  de  bois  :  mais 
ces  derniers  font  fujets  pendant  l'été  à  de  grands 
inconvéniens. 

BASSINER  ,  v.  a£L  en  Chirurgie  ;  c'en1  fomenter 
en  humeâant  légèrement  avec  une  liqueur  tiède  ou 
chaude.  (Y) 

Bassiner,  (Jardinage.')  c'eft  arrofer  légèrement; 
ce  que  l'on  pratique  aux  couches  de  melons. 

BASSINET  ,  f.  m.  en  Hydraulique  ,  eft  un  petit  re- 
tranchement cintré  que  l'on  ménage  (ur  les  bords  in- 
térieurs d'une  cuvette ,  pour  y  taire  entrer  la  quantité 
d'eau  diftribuée  aux  particuliers  par  une  ou  plufieurs 
auges  de  différens  diamètres  ;  ce  qui  s'appelle  jauger. 

On  appelle  encore  de  ce  nom  un  bajjin  trop  petit 
pour  le  lieu.  (A  ) 

Bassinet  des  reins,  voye^  Bassin. 

Bassinet  ,  terme  d Arquebufier y  c'eft  un  morceau 
de  fer  plat  en-dedans  du  corps  de  platine  ,  où  il  s'at- 
tache avec  deux  vis  à  tête  ronde  èk.  plate,  dont  les 
têtes  n'excèdent  ni  d'un  côté  ,  ni  de  l'autre.  Ce  baffï- 
net  fort  en-dehors ,  &c  excède  le  corps  de  platine  d'en- 
viron un  demi-pouce.  Il  eft  de  figure  ronde  en-def- 
f bus ,  &  la  face  de  defïïis  eft  plate  &  creufée  en  rond. 
Ce  creux  répond  directement  à  la  lumière  du  canon 
de  fufil,  &  fert  pour  mettre  l'amorce  qui  y  eft  rete- 
nue &  enfermée  par  l'afliette  de  la  batterie ,  qui  vient 
pofer  fur  cette  face  creufée  du  bajfinet. 

Bassinet  ,  en  terme  d'Orfèvre  en  grojferie  ,  eft  une 
efpece  de  baffin  qui  furmonte  la  branche  ou  le  corps 
d'une  pièce ,  par  exemple ,  d'un  chandelier.  Le  bajji- 
net  eft  compofé  de  quarrés ,  de  panaches ,  de  collets , 
&  d'un  culot.  Voye^  ces  mots  à  leur  article. 
BASSON  DE  HAUTBOIS  oufimplement  BASSON , 
(  Lutherie.  )  eft  un  inftrumcnt  de  Muiique  à  vent  &£ 
à  anche ,  repréfenté.y%.  40.  &  4.1.  PL  LX.  de  Luth. 

Il  eft  compofé  de  quatre  pièces  de  bois  A,  B,  D,  C, 
perforées  dans  toute  leur  longueur.  La  première  pie- 
ce  D  d,  qui  eft  percée  intérieurement  d'un  trou  co- 
nique ,  qui  va  en  s'élargiftant  de  D  vers  d,aun  épau- 
lement  a  b  que  l'on  a  ménagé  en  tournant  l'extérieur 
de  la  pièce.  Cet  épaulement  eft  percé  de  trois  trous , 
qui  communiquent  au  canal  intérieur  de  la  pièce. 
Ces  trous  notés  1,2,3,  fuivent  pour  gagner  le  ca- 
nal ou  tuyau  D  d,  la  direction  des  petites  lignes  ponc- 
tuées que  l'on  voit  auprès  des  trous.  Aux  deux  extré- 
mités de  cette  pièce  font  deux  tenons  D  d  garnis  de 
filaffe ,  pour  les  faire  joindre  exactement.  Le  tenon 
D  entre  dans  le  trou  du  bocal  E;  comme  on  voit 
dans  les  figures  qui  repréfentent  le  bajfon  tout  monté. 
L'autre  tenon  d  entre  dans  le  trou  K  de  la  partie  in- 
férieure ,  qu'on  appelle  le  cul ,  lequel  eft  la  féconde 
partie.  Cette  pièce  eft  percée  de  deux  trous  K  C  :  le 
premier  K  reçoit ,  comme  nous  avons  dit ,  la  pièce 
D  d;  &  le  fécond  C,  qui  eft  plus  grand ,  reçoit  la  pie- 
ce  B  b  par  le  tenon  b.  Les  deux  trous  K  Cde  la  pièce 
K  L  vont  dans  toute  fa  longueur  ;  favoir  ,  le  trou 
K  en  s'élargiftant  de  K  vers  L ,  &  le  trou  C  au  con- 
traire de  L  vers  C  :  ces  deux  trous  communiquent 
l'un  à  l'autre  vers  L  ,  enforte  qu'ils  forment  un 
tuyau  recourbé.  On  perce  les  trous  comme  ceux  de 
tous  les  autres  inftrumens  à  vent,  foye{  Flûte. 
Ces  deux  trous  K  Cqui  traverfent  d'outre  en  outre 
la  pièce  K  L  lorfqu'on  fabrique  Finfti  liment ,  font 
enfuite  rebouchés  en  L  par  un  tampon  de  liège,  ou 
autre  bois  garni  de  filaffe  ,  pour  fermer  exacte- 
ment :  or  avant  de  reboucher  le  trou  L ,  on  abat  un 
peu  de  la  cloifon  qui  fépare  les  deux  trous  K  C;  en- 
forte  que  du  côté  de  L  ils  ne  forment  qu'une  feule 
ouverture  ;  &  que  la  communication  que  laiffe  la 
brèche  de  la  cloifon  ,  lorfque  la  pièce  L  eft  rebou- 


chée ,  foit  à-peu-près  égale  à  l'ouverture  des  tuyaux 
en  cet  endroit ,  enforte  que  les  deux  canaux  K  C  for- 
ment un  tuyau  recourbé  en  L.  On  garnit  de  frettes 
de  cuivre  eu  d'argent  les  deux  extrémités  de  cette 
pièce  K  L ,  pour  qu'elle  ne  fende  point  lorfqu'on  met 
en  L  le  bouchon ,  &  dans  les  trous  K  C,  les  pièces 
D  d  &  B  b,  appellées/^rife  &  grojjè pièces.  Le  cul  eft 
percé  de  fix  trous  ;  les  trois  marqués  4,5,6,  com- 
muniquent au  tuyau  K  de  la  petite  pièce  ,  en  fuivant 
la  direction  des  lignes  ponctuées  qui  partent  des  ou- 
vertures de  ces  trous.  Le  trou  marqué  7  ,  &  qui  eft 
fermé  par  une  clé  que  fon  reffort  tient  appliquée  fur 
ce  trou  comme  celle  du  mi-b  de  la  flûte  traverfiere 
&  qui  ne  débouche  que  lorfqu'on  appuie  avec  le  pe- 
tit doigt  fur  la  patte  de  cette  clé  ,  communique  aufli 
avec  le  tuyau  K.  Le  trou  marqué  8,  au  contraire, 
communique  avec  le  tuyau  C,  &  eft  toujours  ouvert 
quoiqu'il  ait  une  dé  d%,jïg. Si  &2.  Cette  clé  eft  com- 
pose de  deux  pièces  principales;  de  la  bafcule  A  C  9 
ac,  &  de  la  foupape  CD,  c  d.  La  bafcule^  C,«c,  fait 
charnière  dans  un  tenon  f  g  ,fig.  3  J .  où  elle  eft  traver- 
fée  par  une  goupille  ou  une  vis  // ,  qui  lui  laiffe  la  liber- 
té de  fe  mouvoir.  La  foupape  eft  de  même  articulée 
dans  un  tenon  ,fig.  à  4.  parle  moyen  d'une  vis  qui  tra- 
verfe  fes  oreilles  k  k.  Les  tenons  font  fixés  furie  corps 
de  l'inftrument  parle  moyen  de  quelques  vis  qui  le  tra- 
verfent, &  vont  s'implanter  dans  le  corps  de  l'inftai- 
ment.  Ces  tenons  doivent  être  tellement  éloignés  les 
uns  des  autres  ,  que  le  crochet  de  la  bafcule  puiffe 
prendre  dans  l'anneau  de  la  foupape.  Au-deffousde  la 
patte  A  de  la  bafcule ,  eft  un  reffort  qui  la  renvoyé  en 
en-haut  ;  enforte  que  le  crochet  de  la  bafcule  eft  tou- 
jours baiffé  ,  &  par  conféquent  l'anneau  de  la  fou- 
pape ,  dont  le  cuir  D  eft  par  ce  moyen  tenu  éloigné 
du  trou  e.  Voy.  lafig.  âz.  Mais  lorfqu'on  tient  le  doigt 
appliqué  fur  la  patte  de  la  bafcule  ,  on  fait  hauffer  fon 
crochet  &  l'anneau  de  la  foupape  ,  &  par  conféquent 
baiffer  cette  même  foupape  D  d ,  dont  le  cuir  s'appli- 
que &  ferme  exactement  le  trou  e.  Les  trois  clés  du 
bajfon  qui  ferment  les  trous  8 ,  10 ,  12,  font  conftrui- 
tes  de  même  ;  elles  ne  différent  que  par  les  différen- 
tes longueurs  de  leurs  bafcules. 

La  groiîe  pièce  B  b  ,  comme  la  petite  D  d,  eft 
percée  dans  toute  fa  longueur  d'un  trou  qui  va  en  s'é- 
largiftant de  b  en  B ,  &  terminée  de  même  par  deux 
tenons  B  b.  Le  premier  qui  eft  garni  de  filaffe  ,  en- 
tre dans  le  trou  C,  &  l'autre  B  auffi  garni ,  reçoit  le 
bonnet  a  A ,  qui  eft  entouré  d'une  frette  de  cuivre  ou 
d'argent ,  félon  que  les  clés  &  les  autres  frettes  en  font 
faites.  Le  bonnet  eft  percé  d'un  trou  dans  toute  fa 
longueur ,  lequel  eft  la  continuation  de  celui  de  la 
grofle  pièce.  La  groffe  pièce  eft  percée  de  trois  trous 
10,  1 1  ,  12  ,  qui  communiquent  avec  le  trou  inté- 
rieur B  b.  Ces  trous  marqués  10  &  12,  fe  ferment 
avec  les  clés  brifées  C  10,  C  1 2  ,  lorfqu'on  appuie  le 
doigt  fur  la  patte  de  leurs  bafcules. 

A  l'extrémité  D  de  la  petite  pièce ,  on  ajufte  le  bo- 
cal e  E ,  qui  eft  un  tuyau  de  cuivre  ou  d'argent  cour- 
be ,  comme  on  voit  dans  la  figure  ;  on  fait  entrer  le 
tenon  E  du  bocal  dans  l'ouverture  D  de  la  petite 
pièce,  qui  eft  garnie  d'une  frette  comme  toutes  les 
parties  qui  en  reçoivent  d'autres.  A  l'extrémité  t  du 
bocal  on  ajufte  l'anche  e  F,  compofée  de  deux  lames 
de  rofeau  lices  fur  une  broche  de  fer  de  la  grofleur 
du  bocal  en  e  :  on  fait  entrer  l'extrémité  de  cette  par- 
tic  à  la  place  de  la  broche  de  ter  qui  a  fervi  de  moule 
à  l'anche ,  à  l'entour  de  laquelle  on  fait  encore  une 
auu-e  ligature  £,  qui  peut  couler  le  long  des  lames 
dans  l'eïpace  de  deux  ou  trois  lignes.  Cette  ligature 
ou  anneau,  qu'on  peut  a  ppeller  ufetu  par  analogie 
à  celles  de  l'orgue  ,  fert  .'i  déterminer  la  longueur  g  F 
des  lames  de  l'anche  qui  doivent  battre ,  &  par  con- 
féquent à  la  mettre  au  ton.  Voye{  Anche.  La  lon- 
gueur du  b.iflon  prife  depuis  l'extrémité  e  de  l'anche 


123 


BAS 


a  e  du  bocal  jufqu'à  l'extrémité  A  du  bonnet ,  eft  de 
huit  pies  ,  réduits  à  quatre  à  caufe  de  la  courbure  en 
i  /.  Les  trous  font  percés  dans  la  longueur  de  ce  tuyau 
qui  s'élargit  toujours  depuis  la  pointe  e  du  bocal  juf- 
qu'à l'extrémité  A  du  bonnet ,  où  ce  trou  peut  avoir 
deux  pouces  un  \  ou  ~  de  diamètre ,  félon  les  diftan- 
ces  qui  conviennent  aux  tons  que  ces  trous  doivent 
rendre  ,  lefquels  font  d'autant  plus  graves  que  les 
trous  font  plus  éloignés  de  l'anche.  L'ordre  des  nom- 
bres 1,2,3,4,5,  &c  marqués  vis-à-vis  des  trous 
du^^ô/zdansla  figure  ,  fuivent  l'ordre  des  diftances, 
qui  font  d'autant  plus  grandes ,  que  le  nombre  qui  eft 
vis-à-vis  eft  plus  grand.  Voyt7^  la  figure.  Pour  joiier  de 
cet  infiniment ,  que  l'on  tient  debout  devant  foi  avec 
les  deux  mains ,  il  faut  d'abord  tourner  le  côté  repré- 
iénté  par  la  figure  ABC D ,  vers  foi  :  on  accroche 
enfuite  le  ruban  qui  pafle  dans  l'anneau  X ,  qui  eft 
à  la  frette  fupérieure  du  cul  CL,  à  un  des  boutons 
de  l'habit  qui  répondent  à  la  partie  fupérieure  de  la 
poitrine  ,  enforte  que  le  trou  9  réponde  vis-à-vis 
la  région  ombilicale.  L'inftrument  doit  pencher  un 
peu  du  côté  gauche ,  pour  que  l'extrémité  e  du  bocal 
garnie  de  fon  anche,  fe  préfente  à  la  bouche  avec 
facilité  :  c'eft  pour  cela  que  le  bocal  eft  mobile  ,  & 
peut  fe  tourner  de  différens  fens.  On  porte  enfuite  la 
main  gauche  vers  la  partie  moyenne  de  l'inftrument , 
avec  laquelle  on  embrafle  la  grotte  pièce  ;  enforte 
que  le  pouce  de  cette  main  bouche  le  1  Ie  trou ,  & 
les  doigts  index ,  médius  &  annulaire  de  cette  main , 
les  trous  1,  2,  },fig.  AD  &  I  qui  répondent  à  la  petite 
pièce.  Le  pouce  de  la  main  gauche  qui  fert  à  bou- 


^- 


BAS 

cher  le  1  Ie  trou ,  lequel  répond  à  la  grofle  pièce  ,  fert 
aufli  à  toucher  les  deux  clés  brifées ,  avec  lefquelles 
on  ferme  le  10  &  le  1 2e  trou.  Ce  pouce  doit  pouvoir 
tout  à  la  fois  appuyer  fur  les  deux  clés  pour  les  fer- 
mer, &  boucher  le  1  ie  trou. 

A  l'égard  de  la  main  droite  que  l'on  porte  vers 
la  partie  inférieure  de  l'inftrument  ,  le  pouce  doit 
boucher  le  9e  trou  ;  le  doigt  index  le  4e  ;  le  doigt 
médius  le  5e ,  &  le  doigt  annulaire  de  cette  main  le 
6e.  Pour  le  petit  doigt ,  on  s'en  fert  pour  toucher  les 
deux  clés  du  7e  &  8e  trou ,  obfervant  que  lorfqu'on 
touche  celle  du  7e  trou  on  l'ouvre ,  &c  qu'au  con- 
traire on  ferme  le  8e  lorfqu'on  touche  fa  clé  ,  à  caufe 
de  la  bafcule  qui  précède  la  foupape. 

Après  avoir  poîé  les  doigts,  onfouftlera  dans  l'an- 
che, comme  il  fera  expliqué  à  l'article  haut-bois,  &c 
on  obfervera  d'augmenter  le  vent  à  mefure  que  l'on 
monte  fur  cet  inftrument.  Cette  règle  eft  générale 
pour  tous  les  inftrumens  à  vent.  Quant  à  fon  éten- 
due ,  vqye{  la  table  du  rapport  de  l'étendue  de  tous  les  inf- 
trumens. Tous  ceux  qui  jouent  du  baffon  ne  peuvent 
pas  faire  cette  étendue,  foit  qu'ils  ne  ménagent  pas 
allez  leur  vent ,  ou  que  l'inftrument  n'y  foit  pas  pro- 
pre. Ainfi  ils  fe  contentent  de  defcendre  en  bfajï,  b 
&c  $,  lefquels  tons  fe  forment  fans  déboucher  aucun 
trou  ,  par  la  feule  manière  de  pouffer  le  vent  dans 
l'inftrument.  Voye{  la  tablature  fuivante  ,  où  les  notes 
de  Mulique  font  connoître  quelle  partie  fonne  cet 
inftrument ,  &  les  caractères  noirs  &  blancs  qui  font 
deflbus  ,  quels  trous  il  faut  fermer  &  ouvrir  pour 
faire  le  ton  de  la  note  qui  eft  deflus. 


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y  Fin  de;  la  Tablature. 


Les 


BAS 

Les  agrémens  fe  font  fur  le  baffon  comme  fur  le 
haut-bois  &  les  autres  inftrumens  à  vent ,  en  exécu- 
tant les  notes  que  les  agrémens  renferment  ;  6c  les  ca- 
dences ,  en  battant  fur  les  trous  de  la  note  qui  fert  de 
port  de  voix  ,  6c  qui  ne  font  point  bouchés  dans  la 
note  fur  laquelle  on  veut  faire  la  cadence  :  ainfi  pour 
cadencerle  fa  première  o£tave,  qui  fe  forme  en  dé- 
bouchant les  9 ,  10,  ii,  6c  12  trous,  la  cadence 
étant  préparée  du  fol ,  qui  a  de  plus  le  huitième  trou 
de  débouché  ,  on  battra  furie  huitième  trou  qui  eft 
la  différence  du  fi  6c  du  fol ,  lequel  reliera  fermé  en 
Unifiant.  Foye^  Haut-bois. 

*  BASSORA  ,  ou  BALSORA ,  (  Géog.  )  grande 
ville  d'Afie ,  au-deflous  du  Confluent  du  Tigre  6c  de 
l'Euphrate }  dans  l'Irac-Arabi.  Long.  66.  lat. 30.  20. 

BASTABLES  (Terres.)  adj.  pi.  (Hifi.  mod.)  ter- 
res conteftées  entre  l'Angleterre  6c  l'Ecofle  :  il  étoit 
autrefois  incertain  auquel  de  ces  royaumes  elles  ap- 
partenoient  avant  qu'ils  fuflent  unis.  Ce  mot  a  toute 
l 'énergie  de  litigieux  ,  6c  vient  de  battre. 

BASTAGAIRE  ,  f.  m.  nom  de  quelques  officiers 
des  empereurs  Grecs ,  dont  la  fonction  étoit  de  veil- 
ler fur  les  bagages  de  l'empereur.  On  nommoit  aufli 
dans  Péglife  de  Conftantinople  bafagaire  ,  celui  à  qui 
il  appartenoit  de  porter  l'image  du  Saint  de  l'églile , 
aux  procédions ,  6c  dans  les  têtes  folennelles.  En  ce 
iens  ,  bafagaire  revient  à  notre  porte-baniere ,  ou 
porte-bâton  de  confirairie. 

*  BASTERNE  ,  f.  f.  (Hifi.  anc.  &  mod.  )  voiture 
traînée  par  des  bœufs  ,  en  ufage  fous  les  règnes  an- 
térieurs à  celui  deCharlemagne  ,  6c  appellée  bafierne , 
de  peuples  de  ce  nom  qui  habitoient  anciennement 
la  Podolie ,  la  Beflarabie ,  la  Moldavie  ,  6c  la  Vala- 
chie.  Grégoire  de  Tours  dit  que  la  reine  Denterie  , 
femme  du  roi  Theodebert ,  craignant  que  ce  prince 
ne  lui  préférât  une  fille  qu'elle  avoit  eue  d'un  premier 
lit ,  la  fît  mettre  dans  une  bafierne ,  à  laquelle  on  at- 
tacha de  jeunes  bœufs  qui  n'avoient  pas  encore  été 
mis  au  joug  ,  &  qui  la  précipitèrent  dans  la  Meule. 
Ces  fortes  de  litières  étoient  même  plus  anciennes  que 
ce  tems  ;  &  Ennodius  parle  dans  un  de  fes  vers ,  de  la 
bajlerne  de  la  temme  de  BalTus.  Symmaque  écrivant 
aux  enfans  de  Nicomaque  ,  les  prie  de  tenir  des  baf- 
ternes  prêtes  pour  leur  frère.  M.  l'abbé  deVertot  penfe 
que  nos  premiers  François  ,  dans  le  tems  qu'ils  de- 
meuroient  au-delà  du  Rhin ,  avoient  emprunté  la 
bajlerne  des  Cimmeriens  qui  habitoient  les  rives  du 
Bofphore  ,  avant  qu'ils  en  enflent  été  chafles  par  les 
Getes.  Voye^  le  VIII.  roi.  des  Mém.  de  l'Académie 
des  Infcriptions. 

BASTI ,  f.  m.  (en  Architecture.  )  fe  dit  de  l'aflem-' 
blage  des  montans  &  traverfans  qui  renferment  un 
ou  plulieurs  panneaux,  en  Menuiferie  ou  Serrure- 
rie :  c'eft  ce  que  Vitruve  appelle  replum.  (P  ) 

*  BASTIA,  (Géog.)  petite  ville  maritime  de  la 
Turquie  en  Europe ,  dans  L'Albanie,  vis-à-vis  l'île 
de  Corfou  ,  à  l'embouchure  de  la  Calamou.  Long. 
38.5.  lat.  3g.  40. 

B  ASTI  A,  (Géog.)  petite  ville,  ou  bon  bourg  d'I- 
talie ,  clans  une  petite  île  que  forme  le  Panaro,  au 
duché  de  Modene  ,  au-deflbus  de  cette  ville. 

*  BASTIE,  (la)  Géog.  anc.  &  mod.  ville  capitale 
de  l'île  de  Corfe.  Long.  zj.  il.  lat.  42.  j3.  on  croit 
que  c'efl  le  Mantinum  ,  ou  Mantinorum  oppidum  des 
anciens. 

BASTILLE  ,  f.  f.  (Fortification.)  petit  château  à 
l'antique,  fortifié  de  tourettes.  Voye^  Château  & 
Tour.  Telle  eft  la  bafiille  de  Paris,  qui  femble  être 
le  feul  château  qui  ait  retenu  ce  nom  :  l'on  commen- 
ça de  la  bâtir  en  1 369  ,  par  ordre  de  Charles  V.  elle 
tut  achevée  en  1383  fous  le  règne  de  fonfuccefleur, 
6c  lert  principalement  à  retenir  des  prifonaiers 
d'état. 

Tome  II, 


BAS 


129 


On  a  auftï  appelle  autrefois  bafilles ,  de  petits  forts 
dont  on  environnoit  les  places  dans  les  fiéges ,  pour 
en  tormer  une  efpece  de  circonvallation.  C'eftainfi 
que  les  Anglois  afliégeoient  Orléans ,  lorfque  Jeanne 
d'Arc ,  autrement  la  pucelle  d'Orléans,  leur  en  fît  le- 
ver le  fiége  fous  Charles  VII.  (  Q  ) 

BASTILLE  ,  adj.. (en  termes  de  Blafon.){e  dit  des 
pièces  qui  ont  des  créneaux  renverfés  qui  regardent 
la  pointe  de  Fécu.  Belot  en  Franche-Comté,  d'ar- 
gent à  lofanges  d'azur  au  chef  coufu  d'or ,  bafiille  de 
trois  pièces.  (  V) 

*  BASTIMENTOS  ,  (Géog.)  petites  îles  de  l'A- 
mérique feptentrionale ,  proche  la  Terre-ferme,  à 
l'embouchure  de  la  baie  de  Nombre  de  Dios. 

BASTINGUE  ,  baflingure  ,  bafiinguere,  f.  f.  )  Ma- 
rine. )  c'eft  la  même  chofe  que  pavois ,  ou  paviers  , 
&  pavefade. 

On  prononce  la  lettre  f  dans  ce  mot  baflingue. 
C'eft  une  bande  d'étoffe  ou  de  toile  que  l'on  tend  au- 
tour du  plat-bord  des  vaiffeaux  de  guerre ,  6c  qui  eft 
foûtenue  par  des  pièces  de  bois  miles  debout ,  que  l'on 
appelle  pontilles;  afin  de  cacher  ce  qui  fe  pafle  fur 
le  pont  pendant  le  combat.  Voye^  Pavois. 

On  met  des  baflingues  aux  hunes  ;  on  les  double  , 
&  on  les  garnit  entre  les  deux  étoffes  ,  de  façon  que 
Iesballesde  moufquet  ne  peuvent  les  percer. 

BASTINGUER  ;  on  dit  le  bafiinguer,  lorfque  pour 
fe  préparer  au  combat ,  on  tend  les  baflingues  :  on  fe 
fert  aufli  de  Matelots  pour  en  tenir  lieu  ,  &  mettre 
ceux  qui  font  fur  le  pont  un  peu  à  couvert  de  la  mouf- 
queterie.  (  Z) 

B  ASTlON,  f.  m.  (  en  terme  de  Fortification.  )  eft  une 
grande  malle  de  terre  ordinairement  revêtue  de  ma- 
çonnerie ou  de  galon,  qu'on  conftruit  furies  angles 
de  la  figure  que  l'on  fortifie  ,  &  même  quelquefois 
fur  les  côtés  lorfqu'ils  font  fort  longs.  Sa  figure  eft  à, 
peu  près  celle  d'un  pentagone  ;  il  eft  compofé  de 
deux  faces  qui  forment  un  angle  faillant  vers  la  cam- 
pagne ,  6c  de  deux  flancs  qui  joignent  les  faces  à  l'en- 
ceinte. Voyc^  Face  &  Flanc.  Son  ouverture  vers 
la  place  fe  nomme/à  gorge.  Voye^  Gorge  &  DeMI- 
GORGE. 

Voye^  Planche  première  de  Fortification  ,fig.prem.  le 
baftion  F  G  H  IL,  dont  G  H  6c  H I  font  les  faces-, 
GF  ckl  Lies  fanes, 6i  F  Kl  la  gorge.  ^byqGoRGE. 
L'angle  GUI  formé  par  les  faces  G H6cHI ,  eft 
appelle  Y  angle  flanqué  du  bafiion  ;  l'angle  H  G  F  for- 
mé d'une  face  6c  d'un  flanc  ,  le  nomme  Vatigle  de  l'é- 
paule ,6c  G  F  £  formé  d'un  flanc  &  de  la  partie  E  F 
de  l'enceinte  ,  le  nomme  l'angle  du  flanc;  là  partie 
E  F  cp.ù  joint  enfemble  deux  bafwns,  eft  appelle 
courtine  :  ainfi  l'angle  du  flanc  eft  formé  du  flanc  6c 
de  la  courtine. 

Les  parties  F K  6c  L  A  du  prolongement  des  cour- 
tines E  F 6c  L  M,  font  appellées  les  demi-gorges  du 
bh(lion,6c  l'angle  F  KL  qu'elles  font  entr'elles,  l'an- 
gle du  centre  du  bafiion  ;  la  ligne  K  H  compriie  entre 
l'angle  flanqué  H,  &  l'angle  du  centre  A,  le  nomme 
la  capitale  du  bafiion. 

Les  bajlions  n'ont  guère  commencé  à  être  en  ufage 
que  dans  le  tems  de  François  premier  &  Charles- 
Quint  ,  c'eft-à-dire  vers  l'an  1  500  ou  1 520.  On  leur 
a  d'abord  donne  le  nom  de  boulevards ,  &  on  les  a 
fait  très-petits. 

Ce  qui  a  donné  lieu  à  la  figure  du  bafiion  ,  eft  cette 
maxime  eflentiellc  de  la  Fortification,^/"'/^  doity 
avoir  aucune  partie  de  l'enceinte  d'une  place  qui  ne  Joit 
vue  &  défendue  de  quelque  autre. 

Les  anciens  pour  flanquer  ou  défendre  toutes  les 
parties  de  l'enceinte  des  villes,  élevoient  de  diftance 
en  diftance  des  tours  rondes  ou  quarrees  P ,  P,B, 
B  ,  (  Planche  prem.  de  Fortifie,  fi  g.  2.  )  telles  qu'on  en 
trouve  encore  dans  les  vieilles  iortifications.  Les  par- 

R 


130 


BAS 


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ties  H  G ,  /  C  de  ces  tours  flanquoient  ou  défendoient 
les  parties  de  l'enceinte  comprifes  entre  elles.  Il  n'y 
avoit  que  la  partie  extérieure  F  G  des  tours  quarrées 
qui  n'étoit  pas  exactement  défendue  des  flancs  des 
tours  oppoiées ,  (  c'eft  le  nom  qu'on  avoit  donné  aux 
côtés  H  G  ,  &  D  F  des  tours  )  mais  on  y  remédioit 
en  faifant  faillir  la  partie  fupérieure  de  la  muraille 
fur  celle  du  pié  ;  entre  cette  partie  l'aillante  ou  fupé- 
rieure ,  &  l'inférieure ,  on  pratiquoit  des  ouvertures 
par  où  le  foldat  découvrait  le  pié  du  mur.  Ces  fortes 
d'ouvertures  en  faillie  fe  nommoient  mâchicoulis  ou 
majficoulis  :  on  en  trouve  encore  aujourd'hui  dans 
les  vieilles  fortifications ,  &  dans  la  plupart  des  an- 
ciens châteaux.  Voyei Redoutes  à  mâchicoulis. 
Après  l'invention  de  la  poudre  ,  &  lorfqu'on  eut 
trouvé  la  manière  de  s'en  fervir  pour  l'attaque  des 
places,  il  fallut  ,  pour  s'oppofer  à  la  violence  du  ca- 
non ,  donner  plus  d'épaifleur  aux  murs  des  tours  & 
des  autres  parties  de  la  fortification.  Les  faillies  en 
mâchicoulis  ne  purent  fe  conferver  contre  la  violen- 
ce de  cette  machine.  ;  &  par-là  le  côté  extérieur  des 
tours  demeuroit  fans  défenfe.  Il  reftoit  du  moins  une 
efpece  de  petit  triangle  au  pié  de  ce  côté  ,  moindre 
à  la  vérité  dans  les  tours  rondes  que  dans  les  quar- 
rées, mais  toujours  plus  que  fuffifant  pour  y  attacher 
le  mineur ,  par  où  l'ennemi  pouvoit ,  fans  grand  obl- 
tacle  de  la  part  de  l'afïïégé ,  fe  procurer  l'entrée  de  la 
place.  C'eft  ce  qui  engagea  les  ingénieurs  à  chercher 
quelqu'expédient  pour  remédier  à  ce  défaut.  Le  plus 
fimple  fut  de  terminer  le  côté  extérieur  des  tours  par 
deux  lignes  ,  qui  formant  un  angle  faillant  vers  la 
campagne  ,  renfermeroient  l'efpace  qui  n'étoit  point 
vu  des  flancs.  Cette  correction  eft  la  véritable  origi- 
ne de  la  figure  de  nos  baflions ,  qui ,  comme  on  le 
voit ,  n'eft  point  arbitraire ,  mais  fondée  fur  les  ma- 
ximes de  la  fortification  ;  &  il  en  réfulte  la  détenfe 
de  toutes  les  parties  de  l'enceinte  :  car  les  flancs  dé- 
fendent les  faces  &  la  courtine  ,  &  ils  le  défendent 
àiilu"  réciproquement. 

La  grandeur  des  angles  &  de  toutes  les  parties  du 
baflion  a  fourîert  différentes  variations  ,  fuivant  le 
tems  &  les  idées  particulières  des  ingénieurs ,  ainfi 
qu'on  peut  le  voir  dans  le  précis  des  inftru&ions  ou 
fyftèmes  qui  font  à  la  fuite  du  mot  Fortification. 
On  ne  peut  guère  fixer  d'une  manière  abfolue  la  va- 
leur de  toutes  ces  parties  ,  parce  qu'elles  changent 
fuivant  les  difFérens  polygones  :  mais  pour  en  don- 
ner une  idée  ,  on  peut  établir  , 

i°.  Que  le  flanc  doit  avoir  au  moins  20  toifes,  & 
qu'il  peut  aller  jufqu'à  30. 

20.  Que  la  demi-gorge  doit  être  égale  aux  flancs , 
&  qu'ainfi  elle  peut  avoir  depuis  20  jufqu'à  30 
toifes. 

30.  Que  les  faces  doivent  avoir  au  moins  40  toifes, 
&  au  plus  60. 

A  l'égard  des  angles  du  baflion ,  l'angle  flanqué  peut 
être  aigu  ou  obtus ,  pourvu  que  dans  le  premier  cas 
il  n'ait  pas  moins  de  60  ou  70  degrés  ,  &  dans  le  fé- 
cond pas  plus  de  1  50.  Sa  grandeur  dépendait  reftede 
l'angle  de  la  circonférence  du  polygone  que  l'on  for- 
tifie rlorfqu'il  eft  un  peu  obtus,  il  donne  lieu  d'aug- 
menter la  gorge  du  baflion  ;  6c  une  grande  gorge  eft 
plus  avantageuse  qu'une  petite,  non  feulement  parce 
qu'elle  donne  plus  d'efpace  au  baflion  ,  mais  parce 
qu'alors  on  peut  y  conftruire  un  retranchement  plus 
grand  &  plus  folide  ,  pour  difputer  pié  à  pié  à  l'en- 
nemi le  terrein  du  baflion. 

L'angle  de  l'épaule  eft  celui  qui  mérite  le  moins 
deconfidération  dans  le  baflion,pcLrce  qu'il  fe  trouve 
déterminé  par  l'angle  flanqué  &  celui  du  flanc. 

Ce  dernier  angle  exige  une  attention  toute  parti- 
culière. S'il  eft  aigu  ,  comme  dans  le  fyftème  d'Er- 
rard ,  le  flanc  ne  peut  défendre  la  face  du  baflion  op- 


pofé  :  s'il  eft  droit ,  il  la  défend  trop  obliquement  :  il 
doit  donc  être  un  peu  obtus ,  pour  que  le  foldat  dé- 
couvre devant  lui  la  face  6c  le  foffé  du  baflion  qu'il 
doit  défendre.  Voye^  DÉFENSE. 

L'angle  du  flanc  ne  doit  pourtant  pas  être  trop  ob- 
tus ,  parce  qu'alors  le  flanc  pourroit  être  battu  du 
bord  du  fofié  oppofé  ,  &c  de  la  partie  du  foflé  vis-à- 
vis  l'épaule  du  baflion. 

Il  y  a  des  bajlions  de  plufieurs  efpeces  ;  favoir ,  de 
fimples ,  à  flancs  concaves  &  à  orillons  ,  de  vuides  , 
de  pleins,  de  plats  ,  &c. 

Le  baflion  JimpU  eft  celui  dont  les  flancs  font  en 
ligne  droite. 

Le  baflion  à  flancs  concaves  &  à  orillons,  eft  ce- 
lui dont  les  flancs  couverts  font  difpofés  en  ligne 
courbe  ,  &  dont  l'épaule  eft  arrondie.  Voye^  lesconf- 
tructions  de  M.  de  Vauban  ,  ù  la  fuite  du  mot  For- 
tification. 

Les  baflions  vuides  font  ceux  dont  le  rempart  eft 
mené  parallèlement  aux  flancs  &  aux  faces  ,  de  ma- 
nière qu'il  refte  un  vuide  dans  le  milieu  du  baflion  ; 
c'eft  dans  ce  vuide  qu'on  place  ordinairement  les 
magafins  à  poudre.  Voye^  Magasin. 

Les  baflions  pleins  font  ceux  dont  toute  la  capacité 
fe  trouve  remplie  par  les  terres  du  rempart.  C'eft  fur 
les  baflions  pleins  qu'on  élevé  des  cavaliers.  Voy.  Ca> 
VALIER. 

Les  baflions  pleins  font  bien  plus  favorables  que 
les  vuides  pour  fe  retrancher  :  le  principal  avantage 
de  ces  derniers  eft  de  donner  plus  de  facilité  pour 
aller  au-devant  du  mineur  ennemi  :  mais  les  retran- 
chemens  qu'on  y  conftruit  ne  peuvent  être  excellens; 
car  le  peu  de  largeur  du  rempart  ne  permet  pas  de 
les  faire  affez  grands  pour  être  bien  foûtenus  ;  &  fi 
on  les  place  à  la  gorge  ,  ils  fe  trouvent  commandés 
des  logemens  que  l'affiégeant  pratique  fur  le  rem- 
part. 

Le  baflion  plat  eft  un  baflion  conftruit  fur  une  ligne 
droite ,  &  dont  par  conféquent  les  deux  demi-gorges 
ne  font  point  d'angle.  On  n'employé  ces  fortes  de 
baflions  que  lorfque  les  côtés  des  places  fe  trouvent 
trop  longs  pour  que  les  baflions  des  extrémités  puif- 
fent  fe  flanquer  réciproquement.  Ces  baflions  ont  plu- 
fieurs inconvéniens  :  il  eft  difficile  de  leur  donner  la 
même  étendue  qu'aux  autres  baflions  ;  &  d'ailleurs 
l'ennemi  peut  enfiler  leurs  courtines  d'une  même  bat. 
terie. 

Outre  les  baflions  dont  on  vient  de  parler ,  il  y  a 
encore  les  baflions  détachés ,  les  coupés  ,  les  régu- 
liers ,  &  les  irréguliers  ,  &c. 

Le  baflion  détaché  eft  un  baflion  qui  eft  ifolé  à  l'é- 
gard de  l'enceinte  :  telles  font  les  contregardes  des 
tours  baflionnées  de  Landau  &  duNeuf-Brifac. L'avan- 
tage de  ces  baflions  eft  de  pouvoir  être  foûtenus  juf- 
qu'à la  dernière  extrémité ,  parce  que  leur  prife  ne 
donne  point  d'entrée  dans  la  place  :  mais  ils  ont  auffi, 
comme  les  autres  dehors,le  defavantage  d'avoir  avec 
la  place  des  communications  difficiles  ,  &  par  lef- 
quelles  on  ne  peut  que  défiler. 

Le  baflion  coupé  eft  celui  dont  la  pointe  eft  retran- 
chée ,  6c  qui  au  lieu  de  cette  pointe  a  un  ou  deux 
angles  rentrans  :  il  n'eft  d'ufage  que  lorfque  l'angle 
flanqué  du  baflion  fe  trouve  trop  aigu ,  c'eft  à-dire  , 
au-deiîbus  de  60  degrés  ;  ou  lorfque  qtielqu'obftacle 
qu'on  trouve  dans  le  terrein  ne  permet  pas  de  le  ter- 
miner à  l'ordinaire. 

Le  baflion  régulier  eft  celui  quia  fes  faces  égales, 
fes  flancs  de  même  ,&  fes  angles  de  l'épaule  6c  du 
flanc  égaux  entr'eux  :  c'eft  celui  qui  fe  trouve  dans 
les  fortifications  régulières. 

Le  baflion  irrégulier  a  de  l'inégalité  dans  {es  faces  , 
fes  flancs ,  ou  fes  demi-gorges  ,  de  même  que  dans 
fes  angles  du  flanc  &  de  l'épaule  :  c'eft  ce  baflion  qui 
eft  le  plus  ordinaire,  parce  qu'il  s 'employé  dans  les 


BAT 


A  T 


ï  3  ï 


fortifications  irrégulieres ,  qui  font  bien  plus  com- 
munes que  les  régulières.  (  Q  ) 

*  Bastion,  le  dit  en  Médecine,  des  parties  qui  fer- 
vent d'enveloppe  &  comme  de  rempart  à  d'autres  : 
tel  eft  le  thorax ,  par  rapport  au  cœur  &  aux  pou- 
mons ,  &  le  crâne ,  qui  lemble  tait  pour  défendre  le 
cerveau. 

*  Bastion  de  France,  (  Géog.  )  place  d'Afrique 
fur  la  côte  de  Barbarie  ,  au  royaume  d'Alger  ,  au 
nord-eft  de  Bonne. 

*  BASTOGNACK  ,  ou  BASTOGNE ,  (  Géog.  ) 
petite  ville  des  Pays-bas  dans  le  duché  de  Luxem- 
bourg. Lon.  23.30.  lut.  io.  10. 

*  BASTON  ,  (  Géog.  )  ville  de  l'Amérique  fep- 
tentrionale  dans  la  nouvelle  Angleterre ,  mieux  con- 
nue fous  le  nom  de  Bojion. 

BASTUDE  ,  f.  f.  (  Pêche.  )  c'eft  une  efpece  de  fi- 
let dont  on  fe  fert  pour  pêcher  dans  les  étangs  fa- 
lés.  L'ordonnance  de  168 1  fait  défenfes  aux  pêcheurs 
qui  fe  fervent  d'engins ,  appellés//t72j2re5,  de  prendre 
les  poiflons  enfermés  dans  les  bajludes ,  à  peine  de 
punition  corporelle.  (Z) 

*  BASVILLE  ,  (  Géog.  )  ville  de  l'Amérique  avec 
port ,  dans  la  Martinique. 

*  BASURURE  ,  (  Géog.  )  rivière  de  l'Amérique 
méridionale  dans  le  pays  des  Caraïbes  :  elle  fe  jette 
dans  la  rivière  des  Amazones. 

BAT,  BATTOLOGIE,  BUTUBATA  ,  (Gram.) 
En  expliquant  ce  que  c'eft  que  battologie,  nous  fe- 
rons entendre  les  deux  autres  mots. 

Battologie,  fubft.  f.  c'eft  un  des  vices  de  l'élocu- 
tion  ;  c'eft  une  multiplicité  de  paroles  qui  ne  difent 
rien  ;  c'eft  une  abondance  ftériie  de  mots  vuides  de 
fens ,  inane  multiloquium.  Ce  mot  eft  Grec  ,  jâaiWo- 
yla.  ,  inanis  eorundem  repetitio  ;  &  fionloXeytco ,  verbo- 
fusfum.  Au  ch.  vj.  de  S.  Matthieu,  v.  y.  Jefus-Chrift 
nous  défend  d'imiter  les  payens  dans  nos  prières,  & 
de  nous  étendre  en  longs  difeours  &  en  vaines  répé- 
titions des  mêmes  paroles.  Le  Grec  porte  ,  //«  0ar- 
loXoy  mVmte  ,  c'eft-à-dire  ,  ne  tombe^  pas  dans  ta  batto- 
logie ;  ce  que  la  vulgate  traduit  par  noiite  multum 
loqui, 

A  l'égard  de  l'étymologie  de  ce  mot ,  Suidas  croit 
qu'il  vient  d'un  certain  Battus,  poëte  fans  génie,  qui 
répétoit  toujours  les  mêmes  chanfons. 

D'autres  difent  que  ce  mot  vient  de  Battus  ,  roi 
de  Libye ,  fondateur  de  la  ville  de  Cyrene,  qui  avoit; 
dit -on,  une  voix  frêle  &  qui  bégayoit  :  mais  quel 
rapport  y  a  t  il  entre  la  battologie  &c  le  bégayement  ? 

On  tait  aufti  venir  ce  mot  d'un  autre  Battus  ,  paf- 
tcur ,  dont  il  eft  parlé  dans  le  //.  livre  des  Métamor- 
phofis  d'Ovide,  v.  y  02.  qui  répondit  à  Mercure  :fub 
illis  montibus ,  inquit ,  erant ,  &  erantfub  montibus  illis. 
Cette  réponfe  qui  répète  à-peu-près  deux  fois  la  mê- 
me chofe ,  donne  lieu  de  croire  qu'Ovide  adoptoit 
cotre  ctymologie.Tout  cela  me  paroît  puérile.  Avant 
qu'il  y  eût  des  princes ,  des  poètes  ,  &  des  palpeurs 
appelles  Battus,  &  qu'ils  fullcnt  alTez  connus  pour 
donner  lieu  à  un  mot  tiré  de  quelqu'un  de  leurs  dé- 
fauts ,  il  y  avoit  des  difeurs  de  rien  ;  &c  cette  manière 
de  parler  vuide  de  fens  ,  étoit  connue  &  avoit  un 
nom;  peut-être  étoit -elle  déjà  appellée  battologie. 
Quoi  qu'il  en  foit ,  j'aime  mieux  croire  que  ce  mot 
a  été  formé  par  onomatopée  de  bath ,  efpece  d'in- 
terjection en  ulage  quand  on  veut  faire  connoître 
que  ce  qu'on  nous  dit  n'eft  pas  raiionnable ,  que  c'eft 
un  difeours  déplacé ,  vuide  de  fens  :  par  exemple  , 
fi  l'on  nous  demande  qu'a-t-il  dit  ?  nous  répondons 
bath  ,  rien  ;  patipata.  C'eft  ainfi  que  dans  Plaute  , 
(  Pfeudolus  ,  acl.  I.  Je.  3.  )  Calidore  dit  :  quid  opus 
èjl?  à  quoi  bon  cela  ?  Pfeudolus  répond  :  Potin  aliam 
rem  ut  cures  ?  vous  plait-il  de  ne  vous  point  mêler  de 
Tom.  II. 


cette  affaire  ?  ne  vous-en  mettez  point  en  peine ,  laif- 
fez-moi  faire.  Calidore  réplique^....  mais Pfeu- 
dolus l'interrompt  en  difant  bat  :  comme  nous  dirions 
ba,  ba  ,  ba  ,  difeours  inutile  ,  vous  nefay<{  ce  que  vous 
dites. 

Au  lieu  de  notre  patipata ,  où  le  p  peut  aifément 
être  venu  du  b ,  les  Latins  difoient  butubata  ,  &  les 
Hébreux  H'013  VSf2  bitubou ,  pour  répondre  à  une  fa- 
çon de  parler  futile.  Feftus  dit  que  Nœvius  appelle 
butubata  ce  qu'on  dit  des  phrafes  vaines  qui  n'ont 
point  de  fens ,  qui  ne  méritent  aucune  attention:  bu- 
tubata Nozvius  pro  nugatonis  pofuit ,  hoc  efl  nullius  di- 
gnationis.  Scaliger  croit  que  le  mot  de  butubata  eft 
compofé  de  quatre  monofyllabes ,  qui  font  fort  en 
uiage  parmi  les  enfans ,  les  nourrices  &  les  imbéci- 
les ;  lavoir  bu ,  tu  ,  ba  ,  ta  :  bu  ,  quand  les  enfans  de- 
mandent à  boire  ;  ba  oupa,  quand  ils  demandent  à 
manger  ;  ta  ou  tatam ,  quand  ils  demandent  leur  père, 
où  le  /  fe  change  facilement  enp  ou  en  m,  maman  : 
mots  qui  étoient  auffi  en  ufage  chez  les  Latins ,  au 
témoignage  de  Varon  &  de  Caton  ;  &  pour  le  prou- 
ver, voici  l'autorité  de  Nonius  Marcellus  au  mot 
buas.  Buas ,  potionem  pofuam  parvulorum.  Var.  Cato  , 
vel  de  liberis  educandis.  Cum  cibum  ac  potionem  buas  , 
ac  papas  docent  &  matrem  mammam  ,  &  patrem  tatam. 

Bat  ,  f.  m.  (  Commerce.  )  petite  monnoie  de  billon 
de  Suille ,  dont  on  ne  peut  que  difficilement  évaluer 
la  valeur.  Plufieurs  cantons  en  fabriquent  à  différens 
titres  &  poids.  Pour  donner  la  valeur  d'un  bat ,  celui 
de  Zuric  vaut  deux  fous  &  cinq  iixiemes  de  denier, 
argent  de  France.  Il  faut  encore  diftinguer  les  bons 
bats  des  communs. 

Bat  ,  (  Manège  &  Maréchallerie.  )  c'eft  une  efpece 
de  felle  de  bois  qu'on  met  fur  les  ânes  ,  mulets  Se 
chevaux  ,  pour  y  ajufter  des  paniers  ou  autres  ma- 
chines deftinées  à  porter  des  fardeaux.  Les  bâts  com- 
muns ne  font  autre  chofe  qu'une  efpece  d'arçon  com- 
pofé de  deux  fûts  de  bois  ,  joints  avec  des  bandes  de 
même  matière.  Chaque  fût  eft  accompagné  d'un  cro- 
chet ,  pour  tenir  les  cordes  qui  foùtiennent  aux  deux 
côtés  du  bât  des  paniers,  des  ballots  ou  des  échelet- 
tes.  Le  deffous  du  bât  eft  garni  de  panneaux  :  on  y 
ajoute  une  fangle  ,  ou  bien  on  fait  paffer  un  furftix 
par-delTus.  On  attache  au  hit  de  derrière  une  cour- 
roie qui  fert  de  croupière,  foye^  Panneau  ,  Sur- 
faix, Croupière. 

Un  cheval  de  bât  eft  un  cheval  deftiné  à  porter 
des  fardeaux  fur  un  bât ,  foit  à  la  guerre,  en  route , 
ou  dans  les  meffageries.  (  y") 

*  Bat,  f.  m.  che^  les  marchands  de  pot (fon  ,  c'eft 
la  queue  du  poiflbn  :  le  grand  poiflon ,  dilent-ils,  fe 
meiùre  entre  queue  &  bat. 

*  BATA  ,  (  Géog.  )  ville  d'Afrique ,  capitale  de  la 
province  de  même  nom  au  royaume  de  Congo. 

BATADEUR  ,  f.  m.  au  jeu  de  Revertier,  font  les 
dames  qui  font  furcafe  fur  la  même  flèche  où  il  y  en 
a  déjà  d'accouplées.  Elles  font  nommées  batadeur  , 
parce  qu'elles  fervent  à  battre  les  dames  découver- 
tes ,  fans  qu'on  foit  obligé  à  fe  découvrir  foi-même. 

*  BATAILLE  ,  COMBAT  ,  ACTION,  Gramm. 
La  bataille  eft  une  adion  plus  générale ,  &  ordinaire- 
ment précédée  de  préparations  :  le  combat  eft  une 
aciion  plus  particulière  ,  &  moins  prévue.  On  peut 
dire  que  la  bataille  de  Pharfalles  &  le  combat  des  Ho- 
races  &  des  Curiaces  font  des  actions  bien  connues. 
Ainii  aciion  femblc  le  genre ,  &  bataille  &  combat  des 
efpeccs  :  bataille  a  rapport  aux  difpolîtions ,  &  com- 
bat à  Yaclion  :  on  dit  l'ordre  de  bataille ,  &  la  chaleur 
du  combat  ;  combat  fe  prend  au  figuré  ,  bataille  ne  s'y 
prend  point.  On  ne  parlerait  point  mal,  en  difant,  il 
s'efl  paffé  en-dedans  de  moi  un  violent  combat  entre 
la  crainte  de  l'otfenfer ,  &  la  honte  de  lui  céder  ;  mais 

Rij 


1J 


BAT 


il  feroit  ridicule  d'employer  en  ce  fens  le  terme  de 
'bataille  ;  celui  à? action  ne  convient  pas  davantage. 

BATAILLE,  f.  f.  (Ordre  encycl.  Entend.  Rai  fon, 
Phitofi  ou  Science ,  Science  de  la  nat.  Mathématique , 
Mathématiques  pures ,  Géométrie,  Tactique.  )  c'eft  dans 
F 'Art  militaire ,  une  action  générale  entre  deux  armées 
rangées  en  bataille ,  qui  en  viennent  aux  mains  dans 
une  campagne  affez  vafte  pour  que  la  plus  grande 
partie  puiffe  combattre.  Les  autres  actions  des  trou- 
pes ,  quoique  lbuvent  plus  meurtrières  que  les  batail- 
les ,  ne  doivent ,  félon  M.  de  Feuquieres ,  fe  nommer 
que  des  combats. 

Ainfi  ,  fuivant  cet  officier,  l'attaque  d'un  polie  ou 
d'un  village  retranché  ,  ne  doit  point  s'appeller  ba- 
taille ,  mais  un  combat.  Voye^  Ordre  de  bataille 
6*  Armée. 

Une  bataille  perdue  eft  celle  dans  laquelle  on  aban- 
donne le  champ  de  bataille  à  l'ennemi ,  avec  les  morts 
&  les  bleflés.  Si  l'armée  fe  retire  en  bon  ordre  avec 
fon  artillerie  &  les  bagages ,  le  fruit  de  la  bataille  fe 
borne  quelquefois  à  avoir  effayé  fes  forces  contre 
i'ennemi ,  &  au  gain  du  champ  de  bataille  :  mais  11 
l'armée  battue  eft  obligée  d'abandonner  fon  canon 
&  de  fe  retirer  en  defordre  ,  elle  n'eft  plus  en  état  de 
reparoître  devant  l'ennemi  qu'elle  n'ait  réparé  fes 
pertes  ;  il  fe  trouve  par  là  maître  de  la  campagne ,  & 
en  état  d'entreprendre  des  fiéges  :  c'eft  cette  fuite 
qui  décide  ordinairement  du  fuccès  des  batailles,  dont 
il  n'eft  pas  rare  de  voir  les  deux  partis  s'attribuer  l'a- 
vantage. 

Un  grand  combat  perdu  ,  dit  M.  de  Feuquieres, 
quoique  plus  fanglant  qu'une  bataille,  emporte  rare- 
ment la  perte  de  toute  l'artillerie ,  &  prefque  jamais 
celle  des  bagages  ;  parce  que  les  armées  n'ayant  pu 
s'aborder  par  leur  front ,  il  eft  certain  qu'elles  n'ont 
pu  fouffrir  que  dans  la  partie  qui  a  combattu  ;  &  que 
quoique  pour  attaquer  ou  pour  foûtenir  on  ait  fuc- 
ceffivement  été  obligé  de  fe  fervir  de  nouvelles  trou- 
pes tirées  du  front  qui  ne  pouvoient  combattre ,  l'ac- 
tion n'ayant  pu  cependant  devenir  générale ,  elle  n'a 
pu  produire  qu'une  plus  grande  ou  moindre  perte 
d'hommes ,  fans  influer  fi  abfolument  fur  la  fuite  d'u- 
ne campagne  &  fur  la  décition  pour  la  fupériorité  , 
que  le  peut  faire  une  bataille  rangée  :  elle  ne  peut 
produire  ni  la  perte  générale  des  bagages ,  ni  celle 
de  l'artillerie ,  mais  feulement  ce  qui  peut  s'en  être 
trouvé  fur  le  terrein  où  les  troupes  ont  combattu. 
Mémoires  de  Feuquieres. 

Il  fuit  de  là  qu'un  général  qui  craint  de  fe  com- 
mettre avec  un  ennemi  en  rafe  campagne  ,  doit  cher- 
cher des  poftes  de  chicane  ,  où  fans  faire  agir  toute 
fon  armée  ,  il  puilTe  attaquer  l'ennemi  fans  s'expofer 
au  hafard  de  perdre  une  bataille.  Mais  il  faut  conve- 
nir que  li  par  ces  elpeces  de  batailles  on  ne  fe  met  pas 
en  danger  d'être  battu  entièrement,  on  ne  peut  non 
plus  battre  entièrement  l'ennemi ,  &  l'empêcher  de 
reparoître  après  le  combat  comme  avant,  pour  s'op- 
pofer  aux  entreprifes  qu'on  peut  former. 

L'hiftoire  des  batailles  n'eft  proprement  que  l'hif- 
toire  des  défauts  &  des  bévues  des  généraux  :  mais 
il  eft  heureufement  affez  ordinaire  que  les  mépri- 
fes  des  deux  généraux  oppofés  fe  compenfent  réci- 
proquement. L'un  fait  une  fauffe  démarche  ;  l'autre 
ne  s'en  apperçoit  pas ,  ou  il  n'en  fait  tirer  aucun  avan- 
tage :  de  -  là  il  n'en  refaite  aucune  conféquence  fâ- 
cheufe: 

Les  Mémoires  de  M.  de  Feuquieres/Kr  la  guerre ,  ne 
font ,  pour  ainfi  dire ,  qu'un  récit  des  inadvertances 
&  des  fautes  des  deux  partis  :  à  peine  fait-il  mention 
d'un  leul  général ,  excepté  Turenne  ,  le  grand  Condé 
&  Luxembourg  ,  dont  la  conduite  foit  autre  chofe 
qu'un  tiffu  continuel  de  fautes.  Créqui  &  Catinat,  en 
Certaines  occalîons ,  en  faifoient  de  grandes ,  félon  ce 
même  officier ,  mais  ils  favoient  les  compenfer  par 


BAT 

une  conduite  judicieufe  en  d'autres  occafions.  M.  le 
chevalier  de  Folard  trouve  auffi  très -peu  de  géné- 
raux dont  la  réputation  foit  nette  à  tous  égards.  Le 
marquis  de  Feuquieres  ,  dont  la  grande  capacité  dans 
la  guerre  paroît  par  fes  Mémoires ,  eût  été  un  généraL 
du  premier  ordre  ,  dit  M.  de  Folard  ,  s'il  eût  plu  à 
certaines  gens ,  à  qui  fon  mérite  faifoit  ombrage  ,  de  s,em~ 
preffer  un  peu  moins  à  travailler  à  fa  dijgrace  &  à  le  per- 
dre dans  Fefprit  du  roi ,  après  f 'avoir  gâté  dans  fefprit  du 
miniflre  ;  ce  qui  fit  perdre  à  ce  prince  un  des  meilleurs  & 
des  plus  braves  officiers  généraux  de  fes  armées  ,  &  qui  le 
fervoit  mille  fois  mieux  &  avec  plus  de  courage  &  tf  in- 
telligence que  fes  indignes  ennemis. 

Manière  de  difpofer  les  troupes  dans  une  bataille  ran- 
gée. Lorfqu  on  a  formé  le  deffein  d'aller  à  l'ennemi , 
&  qu'on  eft  à  portée  de  le  pouvoir  combattre,  «  il 
»  faut  difpofer  les  troupes  pour  arriver  devant  lui 
»  en  bataille ,  fur  deux  lignes  :  l'infanterie  au  centre  , 
»  &  la  cavalerie  fur  les  ailes ,  fi  le  terrein  le  permet  ; 
»  parce  qu'il  y  a  des  pays  îi  coupés  &  fi  fourrés  , 
»  qu'il  faut  mettre  des  brigades  d'infanterie  ou  de 
»  dragons  aux  flancs  de  la  droite  &  de  la  gauche , 
»  pour  empêcher  l'ennemi  d'en  approcher.  Il  y  a 
»  d'autres  fituations  partagées  par  des  plaines  &  des 
»  buiffons  ,  où  l'on  place  dans  les  intervalles  d'infan- 
»  terie  ,  des  efeadrons  pour  la  foùtenù  &  profiter  du 
»  terrein  que  l'on  veut  difputer. 

»  Quand  il  y  a  de  la  difficulté  à  pénétrer  l'enne- 
>>  mi ,  &  que  l'on  veut  emporter  un  pofte  ,  forcer 
»  une  droite  ,  une  gauche ,  ou  le  centre ,  on  doit  dil- 
»  pofer  les  troupes  de  manière ,  qu'elles  fe"  présentent 
»  également  de  toutes  parts  à  l'ennemi ,  pendant  que 
»  le  plus  fort  de  l'armée  arrive  en  colonne  fur  l'en- 
»  droit  que  l'on  veut  pénétrer ,  qu'on  attaque  vive- 
>t  ment  &  fans  relâche.  Un  ennemi  qui  n'eft  point 
»  prévenu  de  cette  difpofition ,  fe  trouve  bien-tôt 
»  renverfé  par  un  nombre  fupérieur  ,  &  on  le  pour- 
»  fuit  avec  ordre ,  pour  achever  de  le  mettre  en  dé- 
»  route. 

»  Il  y  a  d'autres  fituations  qu'il  faut  abfolument 
»  rechercher  avant  d'attaquer  l'ennemi.  S'il  eft  pofté 
»  dans  des  pays  fourrés  &  coupés  de  haies  &  de  foffés, 
»  où  fon  infanterie  peut  avoir  beaucoup  d'avantage, 
»  il  faut  le  tourner  ou  le  déplacer  ,  de  manière  que 
»  la  cavalerie  fur  laquelle  on  compte  beaucoup  , 
»  puiffe  agir  &  partager  le  mérite  d'une  aftion ,  qu'il 
»  vaut  mieux  différer  quelque  tems ,  que  de  s'expo- 
»  fer  à  la  manquer.  Lorfque  le  général  a  des  troupes 
»  de  confiance  à  la  droite ,  &  qu'il  connoît  que  le  ter- 
»  rein  de  la  gauche  de  fon  champ  de  bataille  eft  avan- 
»  tageux  pour  les  y  faire  combattre ,  il  doit  les  y  por- 
»  ter ,  &  mettre  à  la  droite  les  troupes  de  la  gauche  : 
»  ce  font  des  difpofitions  qu'il  faut  faire  quelquefois , 
»  pour  mieux  s'oppofer  aux  forces  de  l'ennemi ,  fui- 
»  vant  l'avantage  que  la  fituation  du  lieu  donne, &  le 
»  pro;etque  le  général  forme  pour  attaquer  ;  c'eft  de 
»  quoi  le  coup  d'œil  décide. 

»  Il  faut  autant  qu'il  eft  poffible  ,  avoir  un  corps 
»  de  referve  compoié  de  bonnes  troupes  ,  cavalerie 
»  &  infanterie.  La  cavalerie  doit  être  en  troilieme 
»  ligne  en  bataille,  derrière  le  centre  de  l'infanterie 
»  de  la  féconde  ligne  ,  pour  être  en  état  de  fe  porter 
»  oii  elle  feroit  utile ,  fans  rien  déplacer  de  la  féconde 
»  ligne  ;  il  faut  dérober  ,  s'il  eft  poffible ,  à  l'ennemi 
»  la  connoiffance  de  cette  difpofition.  Dans  le  mo- 
»  ment  que  la  première  ligne  s'ébranle  pour  com- 
»  battre ,  on  fait  auffitôt  paffer  les  bataillons  de  la 
»  réferve  par  les  intervalles  de  la  cavalerie  de  la  fe- 
»  condc  ligne  ,  pour  fe  porter  brufquement  dans  les 
»  intervalles  des  efeadrons  de  la  première ,  en  joi— 
»  gnant  Péfcadron  le  plus  proche  de  la  droite  &  de 
»  la  gauche  de  l'infanterie  de  cette  ligne.  Suivant 
»  cette  difpofition  ,  qui  peut  être  inconnue  à  l'enne- 
»  jni ,  on  peut  par  le  feu  de  l'infanterie ,  mettre  un 


BAT 

►>  grand  defordre  dans  fa  cavalerie ,  lorfqu'eile  vient 
»  au  coup  de  main.  Si  l'infanterie  refte  dans  la  mê- 
;>  me  difpofition ,  elle  favorife  toujours  le  retour  de 
»  la  cavalerie  ,  ou  elle  marche  pour  attaquer  en 
»  flanc  l'infanterie  ennemie  de  la  première  ligne 
»  qu'elle  déborderait. 

»  II  faut  obferver,  en  mettant  en  bataille  la  pre- 
»  miere  ligne  ,  de  laifler  aux  deux  ailes  de  cavalerie 
»  des  intervalles  affez  fpacieux  pour  ne  rien  dépla- 
»  cer  devant  l'ennemi ,  lorfque  l'infanterie  de  la  ré- 
»  ferve  vient  s'y  porter.  Le  général  doit  faire  recon- 
»  noître  de  fort  prés  les  flancs  de  l'armée  ennemie 
»  pour  les  déborder  ,  les  entamer ,  &  les  replier  fur 
»  le  centre,  rien  n'eft  plus  avantageux,  &  ne  déci- 
»  de  plus  promptement  de  la  victoire  ;  l'ennemi  ne 
»  peut  plus  s'étendre  ,  ni  difpofer  du  terrein  dont  il 
»  étoit  le  maître  ,  il  s'y  voit  reflerré  :  les  troupes  n'y 
»  combattent  plus  qu'avec  contrainte ,  ne  fe  recon- 
»  noiffant  plus  dans  la  mêlée ,  &  ne  cherchent  qu'à 
»  fe  faire  jour  pour  fe  fauver. 

>►  Lorfqu'on  a  pénétré  la  ligne  par  quelque  en- 
»  droit,  il  eft  très  à  propos  de  faire  avancer  dans  le 
»  même  moment  des  troupes  de  la  féconde  ligne , 
»  s'il  n'y  en  a  pas  du  corps  de  réferve  qui  foient  à 
»  portée  pour  partager  l'ennemi ,  &  profiter  de  cet 
»  avantage  par  la  fupériorité ,  fans  quoi  on  lui  don- 
»  ne  le  tems  de  fe  rallier  &  de  réparer  les  defordres 
»  où  il  fe  trouve.  Il  faut  abfolument  conferver  un 
»  grand  ordre  dans  tous  les  avantages  que  l'on  rem- 
»  porte  ,  afin  d'être  plus  en  état  de  jetter  la  terreur 
»  dans  les  troupes  ennemies  ,  &  empêcher  leur  ral- 
»  liement  ;  la  difpofition  doit  être  faite  de  manière  , 
»  que  fi  la  première  ligne  étoit  pénétrée  ,  la  fecon- 
»  de  puiffe  la  fecourir ,  obfervant  toujours  les  in- 
»  tervalles  nécefiaires  pour  faire  agir  les  troupes ,  ôt 
»  les  former  derrière  celles  qui  feront  en  ordre  :  on 
»  doit  attaquer  la  bayonnette  au  bout  du  fufil ,  les 
»  troupes  qui  ont  pénétré  la  première  ligne  ,  les 
»  prendre  de  front,  &  par  leurs  flancs,  afin  de  les 
»  renverfer  ,  &  remplir  à  l'inftant  le  même  terrein 
»  qu'elles  occupoient  ;  c'ell  dans  des  coups  fi  impor- 
»  tans ,  que  les  officiers  généraux  les  plus  proches 
»  doivent  animer  par  leur  préfenec  cette  action ,  & 
»  faire  couler  des  troupes  de  ce  côté-là  ,  pour  les 
>>  former  fur  plufieurs  lignes  ,  &  rendre  inutile  l'en- 
»  treprife  de  l'ennemi.  Un  général  a  bien  lieu  d'être 
»  content  des  officiers  qui  ont  prévenu  &c  arrêté  ce 
»  premier  defordre  par  leur  diligence  &  leur  valeur. 

»  Il  faut  que  le  corps  de  réferve  foit  à  portée  de 
»  remplacer  les  troupes  aux  endroits  où  elles  auront 
»  été  priiés  ,  afin  que  l'ennemi  ne  voie  rien  de  dé- 
»  rangé  ,  &  qu'il  trouve  par-tout  le  bon  ordre  Se  la 
»  même  réfiltancc. 

»  Les  commandans  des  régimens  doivent  avoir 
»  des  officiers  fur  les  ailes  &c  au  centre  ,  pour  conte- 
»  nir  les  foldats,&  les  avertir,  que  le  premier  qui 
»  fe  dérangera  de  fa  troupe  pour  fuir  ou  autrement , 
»  fera  tué  lùr  le  champ  ,  afin  que  perfonne  ne  puifl'c 
»  fortir  de  fon  rang  :  avec  cette  précaution  ,  on  fe 
»  prélente  toujours  à  l'ennemi  avec  beaucoup  d'or- 
»  dre. 

»  Dans  un  jour  de  bataille  ,  le  pofte  du  général  ne 
»  doit  pas  être  fixé  ;  il  elt  obligé  de  le  porter  dans 
»  les  endroits  où  fa  prélence  eft  utile  ,  foit  pour  fur- 
»  prendre  l'ennemi  par  quelques  attaques, foit  pour 
»  fecourir  une  droite  ,  une  gauche  ovi  le  centre ,  qui 
»  commenceroient  à  s'ébranler  ;  ou  taire  avancer 
.»  des  troupes  pour  réparer  ce  qui  ieroit  dérangé, 
»  parcourir  la  première  ligne, y  animer  les  troupes, 
»  &c  en  même  tems  jetter  le  coup  d'œil  fur  les  tor- 
»  ces  &c  la  fituation  de  L'ennemi ,  pour  en  découvrir 
»  le  foible  ,  &  en  profiter  par  des  détachemens  que 
»  l'on  fait  marcher. 

»  Tous  les  lieutenans  généraux  &  maréchaux  de 


BAT 


r3î 


»  camp  doivent  être  aux  pofi.es  marqués  par  l'ordre 
»  de  bataille  ,  pour  conduire  les  troupes  des  ailes  & 
»  du  centre  de  l'armée  ;  les  brigadiers  à  la  tète  de 
»  leurs  brigades  pour  les  faire  mouvoir  fuivant  les 
»  ordres  qu'ils  en  reçoivent,  ou  l'occafion  ;  &  lorf- 
»  que  dans  l'action  ils  font  partagés  par  un  mouve- 
»  ment  brufque  de  l'ennemi ,  ils  doivent  prendre  fur 
»  le  champ  le  parti  de  le  faire  jour  ,  rejoindre  leurs 
»  troupes  ,  ou  de  fe  jetter  dans  quelque  pofte,  pour 
»  empêcher  l'ennemi  de  pénétrer  plus  loin  :  par  ces 
»  démarches  hardies  &  faites  à  propos  ,  on  répare 
»  le  defordre  qui  peut  être  arrivé. 

»  Le  major  général  de  l'infanterie  ,  les  aides-ma- 
»  jors ,  le  maréchal-de-logis  de  l'armée ,  de  la  cavale- 
»  rie ,  des  dragons  ,  &  le  major  de  l'artillerie  ,  doi- 
»  Vent  tous  fuivre  le  général  pour  porter  les  ordres  , 
»  &  les  faire  exécuter  promptement  ;  le  capitaine 
»  des  guides  doit  auffi  l'accompagner  pour  conduire 
»  les  troupes  ,  &  lui  expliquer  la  fituation  du  pays. 
»  Les  colonels  ,  lieutenans-colonels ,  majors  de  bri- 
»  gades  ,  aides-majors  des  régimens  ,  doivent  tous 
»  avoir  une  grande  attention  de  fe  tenir  à  leur  trou- 
»  pe ,  &  de  faire  obferver  un  grand  filence  pour  bien 
»  entendre  le  commandement ,  &  le  taire  exécuter 
»  dans  l'inftant  même.  C'eft  une  choie  efîentielle 
»  pour  bien  combattre  l'ennemi  &  le  prévenir  dans 
»  les  démarches. 

»  Dans  le  tems  même  que  l'on  fait  une  difpofition 
»  pour  combattre  ,  tout  le  canon  de  l'armée  doit  fe 
»  placer  par  brigade  devant  la  première  ligne ,  8c 
»  autant  qu'il  eft  poffible  devant  L'infanterie  aux  en- 
»  droits  les  plus  élevés  ,  pour  faire  feu  fur  tout  le 
»  front  de  l'armée  ennemie.  Lorfque  toutes  les  lignes 
»  s'ébranlent  pour  charger,  l'on  peut  le  (ervir  de  pe- 
»  rites  pièces  dans  les  intervalles  de  l'infanterie  y 
»  pour  faire  des  décharges  à  portée  de  l'ennemi ,  & 
»  rompre  fon  premier  rang  ;  après  cette  décharge ,  les 
»  officiers  d'artillerie  les  font  rentrer  auffi- tôt  dans 
»  l'intervalle  des  deux  lignes ,  pour  les  faire  rechar- 
»  ger,  &  les  avancer  loriqu'on  leur  ordonne. 

»  Il  eft  très-important  que  les  officiers  généraux 
»  expliquent  à  ceux  qui  commandent  les  troupes 
»  fous  eux ,  ce  qu'ils  doivent  faire  pour  attaquer  l'en- 
»  nemi ,  fuivant  la  difpofition  que  le  général  a  ré- 
»  glée ,  afin  que  dans  une  affaire  de  cette  conléquen- 
»  ce  ,  tout  agiffe  &  foit  animé  du  même  efprit  ,  &c 
»  qu'au  cas  que  quelques  officiers  généraux  fuffent 
»  tués  ou  blefies ,  on  fût  toujours  en  état  de  fuivre 
»  le  même  ordre  pour  combattre.  Il  faut  auffi  que 
»  l'on  fâche ,  en  cas  de  befoin  ,  le  lieu  de  la  retraita, 
»  &  l'ordre  pour  fe  rallier  de  nuit  ;  ce  lont  des  cho- 
»  fes  trop  importantes  pour  les  oublier. 

»  On  doit  obferver ,  lorfque  les  troupes  vont  au 
»  combat ,  de  ne  pas  permettre  que  les  officiers  des 
«régimens  détachent  des  foldats  des  compa-r.;..-. 
»  pour  la  garde  de  leurs  équipages  ;  on  y  laiflé  au  plus 
»  les  éclopis ,  &  les  valets  pour  en  avoir  foin  ,  avec 
»  un  détachement  de  l'armée  :  mais  lorfqu'on  pré- 
»  voit  une  action ,  il  faut  abfolument  renvoyer  au 
»  moins  les  gros  bagages  fous  une  place  ,  pour  ne 
»  pas  s'affoiblir  inutilement  ».  Obfervations  fur  C Art 
de  faire  la  guerre  fuivant  les  maximes  des  plus  grands 
généraux. 

Le  fuccès  des  batailles  ne  dépend  pas  toujours  de 
L'habilité  du  gênerai,  &  il  lui  eft  difficile  de  fe  trou- 
ver par-tout  pour  donner  les  ordres  qui  peuvent  être 
neceiiaircs. 

»  Lorfque  deux  armées  s'ébranlent  pour  le  char- 
»  ger,  dit  M.  le  maréchal  de  Puyfégur ,  dans  fon  li- 
»  vrc  de  l'Art  de  la  guerre ,  que  peut  faire  le  gênerai  ? 
»  courra-t-il  le  long  de  la  ligne  ,  ou  re(tera-t-il  en 
»  place  ?  il  n'a  pour  lors  d'autre  avantage  fur  les  of- 
»  liciers  généraux  inférieurs,  que  celui  de  commaii- 
»  der  par  préférence  le»  troupes  qui  font  fous  fa 


334 


BAT 


»  main.  Pendant  ce  tems-là  on  vient  lui  dire  qu'une 
»  telle  partie  de  l'on  armée  a  battu  celle  de  l'enne- 
»  mi  qu'elle  avoit  en  tête,  ou  bien  que  fa  gauche  eft 
»  en  déroute  ,  &  que  l'infanterie  qui  la  joignoit  a 
»  ployé.  Je  demande, dit  toujours  l'illuftre  maréchal 
»  de  Puyfégur ,  quel  part  ce  général  peut  avoir  alors 
»  au  gain  ou  à  la  perte  de  la  bataille  ?  Cependant  pour 
»  marquer  dans  î'hiftoire  la  fupériorité  d'un  général 
»  fur  un  autre  ,  on  dit  qu'il  l'a  battu  en  bataille  ran- 
»  gée ,  quoiqu'à  dire  la  vérité ,  ce  foient  ces  actions- 
«  là  dans  lefquelles  le  général  a  le  moins  de  part.  Ce 
»  font ,  il  eft  vrai ,  les  généraux  qui  choififfent  les 
»  portes ,  &  qui  ordonnent  les  difpofitions  pour  com- 
»  battre  :  mais  l'exécution  de  leur  ordre  6c  l'action 
*>  font  totalement  l'affaire  des  troupes ,  non-feule- 
»>  ment  dans  des  armées  également  étendues  ;  mais 
>»  même  dans  celles  dont  les  forces  font  fort  difté- 
»  rentes. 

»  Auffi  les  généraux  qui  n'ont  pas  grande  reffour- 
»  ce  dans  leur  favoir ,  préferent-ils  toujours  les  ba- 
*  tailles  aux  autres  actions  de  la  guerre ,  qui  donnent 
»  moins  au  hafard  &  qui  demandent  plus  d'habileté. 
»>  Au  contraire  ceux  qui  font  favans  dans  la  guerre , 
»  cherchent  par  préférence  les  actions  où  ils  peuvent 
»  foûtenir  les  troupes  par  leur  intelligence  &  fans  fe 
»  commettre  aux  évenemens  ;  ce  qu'ils  ne  peuvent 
»>  faire  que  quand  les  armées  ont  peu  d'étendue , 
»  c'eft-à-dire  qu'elles  ne  font  pas  trop  nombreufes. 
Art  de  la  guerre  par  M.  le  maréchal  de  Puyfégur. 

M.  de  Folard  penfe  fur  les  armées  nombreufes  , 
comme  le  favant  maréchal  que  nous  venons  de  citer. 
»  Ces  armées  innombrables  &  les  évenemens  prodi- 
»  gieux  qu'elles  produifent ,  plaifent  &  amufèntcom- 
»  me  les  romans  :  mais  elles  inftruifent  peu  les  gens 
»  de  guerre.  Il  y  a  par-tout  à  apprendre  dans  les  pe- 
»  tites  guerres  ;  &  c'eft  dans  celles-ci  uniquement 
»  que  la  fcience  &  l'intelligence  paroiffent  le  plus 
»  particulièrement.  Il  faut  même  plus  de  l'une  &  de 
»  l'autre  que  dans  les  grandes ,  dont  le  nombre  fait 
»  tout  le  mérite  ....  M.  de  Turenne  difoit  quune 
»  armée  qui pajjoit  cinquante  mille  hommes ,  devenoit  in- 
»  commode  au  général  qui  la  commandoit ,  &  aux  fol- 
»  dats  qui  la  compofoient.  Rien  n'eft  plus  vrai  &  plus 
»  judicieux  que  cette  maxime.  Les  mauvais  géné- 
»  raux  cherchent  toujours  à  réparer  par  le  nombre 
»>  le  défaut  de  leur  courage  &  de  leur  intelligence. 
»  Ils  n'ont  jamais  affez  de  troupes  quoique  l'ennemi 
»  en  ait  moins.  Ils  épuifent  toutes  les  garnifons  d'u- 
»  ne  frontière  ,  &  les  vivres  en  même  tems  pour 
»  groffir  leurs  armées  ,  gagner  l'avantage  du  nom- 

»  bre  &  l'avoir  bien  au-delà S'ils  ne  font  rien 

»  avec  des  forces  fi  fupérieures  ,  ils  nous  font  juger 
»  que  c'eft  à  bon  droit  qu'ils  fe  défient  d'eux-mêmes, 
»  qu'ils  fe  rendent  juftice ,  &  que  leur  hardiefTe  n'eft 

»  pas  telle  qu'ils  la  vantoient On  voit  peu 

»  de  grandes  armées  qui  réuffiffent  lorfqu'on  fe  dé- 
»  fend  bien  :  elles  fe  difîipent  d'elles  -  mêmes  ;  on 
»  voit  bien -tôt  la  confufion  &  le  defordre  s'y  in- 
»  troduire  par  la  faute  de  paye  ,  par  la  difette  &  les 
»  maladies  :  leur  propre  grandeur  entraîne  leur  rui- 
»  ne.  Comment,  fur  Polybe  ». 

Suivant  la  remarque  d'un  auteur  célèbre,  la  perte 
réelle  fourferte  clans  une  bataille ,  c'eft  à-dire  la  mort 
de  quelques  milliers  d'hommes ,  n'eft  pas  aura  funefte 
à  l'état  que  fon  mal  d'opinion,  ou  le  découragement 
qui  l'empêche  d'ufer  des  forces  que  la  fortune  lui  a 
laiffées.  Conjidérations  fur  les  caufes  de  la  grandeur  des 
Romains ,  par  M.  de  Montefquieu. 

M.  de  Turenne  difoit  qu'il  eftimoit  plus  un  géné- 
ral qui  confervoit  un  pays  après  une  bataille  perdue , 
que  celui  qui  l'avoit  gagnée  &  n'avoit  pas  iïien  pro- 
fiter. Il  avoit  raifon.  Ceux  de  cette  dernière  efpece 
ne  iont  pas  rares  :  appariât  nefcire  eos  viclorià  uti ,  dit 
-Tite-Live.  Mais  ceux  qui  pouffent  les  avantages  d'u- 


BAT 

ne  victoire  auffi  loin  qu'ils  peuvent  aller,  comme  M» 
le  Prince'&  M.  de  Turenne ,  ne  fe  trouvent  pas  par- 
tout. ...  Se  fervir  de  l'occafion ,  eft  une  marque  in- 
faillible de  l'habileté  &  du  courage  d'un  général  d'ar- 
mée. L'occafion ,  dit  Tacite ,  eft  la  mère  des  grands 
évenemens ,  opportunus  magnis  conatibus  tranjitus  re- 
rum.  En  effet  ,  une  victoire  décifive  &  complète 
nous  conduit  à  une  foule  d'entreprifes  &  de  grands 
deffeins ,  qui  réfultent  tous  de  la  première  victoire. 
Une  armée  n'eft  pas  abyfmée  &  anéantie  pour  avoir 
perdu  &  abandonné  le  champ  de  bataille ,  fon  canon , 
fes  morts  &  fes  bleffés.  Ceux  qui  fuient  à -travers 
les  campagnes  ne  font  pas  morts  ;  ils  font  diffipés  au- 
jourd'hui ,  ils  peuvent  fe  réunir  demain ,  trois  ou  qua- 
tre jours  après ,  quinze  ou  vingt ,  fi  l'on  veut ,  fe  ral- 
lier ,  prendre  de  nouvelles  forces  >  de  nouvelles  efpé- 
rances  ,  &  revenir  plus  braves  &:  plus  réfolus  qu'au- 
paravant ,  par  la  honte  de  leur  défaite,  ou  parl'a- 
dreffe  des  généraux.  Que  ne  faut-il  pas  pour  rendre 
une  bataille  décifive  Ôc  complète  ?  elles  ne  le  font 
prefque  jamais  :  on  voit  l'ennemi  en  fuite ,  atterré  , 
vaincu  ,  foulé  aux  pies  ;  il  fe  relevé  en  peu  de  tems  : 
on  diroit  que  le  victorieux  n'a  marché  que  fur  des 
refforts. 

Une  bataille  n'eft  complète  &  décifive  qu'autant 
qu'on  en  fait  profiter  dès  l'inftant  que  la  victoire  s'eft 
déclarée  fans  nulle  équivoque  ,  qu'aucun  corps  ne 
refte  en  entier ,  que  tout  s'enfuit ,  que  tout  court  à 
la  débandade.  Le  général  victorieux  doit  bienfe  gar- 
der alors  de  faire  un  lieu  de  repos  du  champ  de  ba- 
taille; mais  imiter  ce  que  fit  Céfar  dans  toutes  fes 
victoires ,  &  particulièrement  dans  celle  de  Pharfale. 
Il  n'a  pas  plutôt  vaincu  Pompée,  que  fur  le  champ 
il  marche  à  l'attaque  de  fon  camp  qu'il  emporte.  Ce 
n'eft  pas  encore  affez  :  il  le  fuit  fans  relâche  à  marche 
forcée  ;  il  oblige  l'ennemi  de  s'embarquer  ;  il  y  monte 
auffi  &  avec  la  même  promptitude  ,  de  peur  qu'il  ne 
lui  échappe.  Belle  leçon  pour  les  victorieux ,  qui  ne 
le  font  jamais  qu'à  demi. 

On  doit  laiffer  là  tous  les  bleffés  ,  les  gros  baga- 
ges ,  la  groffe  artillerie  ,  enfin  tout  ce  qui  peut  retar- 
der la  marche  d'un  feu!  moment  ;  camper  fur  les  tra- 
ces des  vaincus ,  afin  qu'ils  n'ayent  pas  le  tems  de  fe 
reconnoître  &  de  recourir  aux  reffources. 

Ordinairement  une  armée  battue  cherche  fon  fa- 
lut  par  différentes  routes  &  diverfes  retraites.  On 
doit  partager  fon  armée  en  plufieurs  corps  dans  un 
très  -  grand  ordre  ,  les  envoyer  aux  trouffes  des 
fuyards  ,  tâcher  de  les  atteindre  pour  les  accabler  & 
ruiner  le  tout.  Si  les  vaincus  fe  réunifient  &  fe  raffem- 
blent  fous  le  canon  de  la  place  la  plus  voiiine ,  il  faut 
l'attaquer  brufquement  à  la  faveur  de  la  nuit,  ou 
dans  le  plein  jour  :  on  effuie  un  feu  de  paffage  ;  mais 
dès  qu'on  eft  aux  mains  ,  ce  feu  n'a  plus  lieu.  Enfin 
il  faut  confidérer  qu'il  y  a  certaines  bornes  d'où  l'on 
ne  fauroit  s'écarter  après  une  victoire.  Il  y  a  un  cer- 
tain point  jufqu'où  il  eft  permis  de  fuivre  fes  avanta- 
ges. Ce  n'eft  pas  connoître  fes  forces ,  ni  même  cel- 
les de  fes  ennemis ,  que  de  n'ofer  aller  jufque-là ,  ou 
de  vouloir  aller  plus  loin ,  lorlque  la  défaite  n'eft  pas 
entière.  Bien  des  généraux  ont  été  battus  après  une 
victoire ,  faute  de  connoître  la  jufte  étendue  qu'ils 
auroient  pu  lui  donner.  Commentaire  fur  Polybe ,  par 
M.  le  chevalier  Folard.  (  Q  ) 

Bataille  navale  ,  eft  une  bataille  donnée  fur 
mer.  Voye^  Combat  naval. 

Bataille  ,  (Jurifpr.  )  s'eft  dit  dans  le  même  fens 
que  combat ,  lorlque  les  duels  étoient  autorifés  en  juf- 
tice. Voyei  Combat.  (  H) 

Bataille  ,  (Peinture.)  on  fe  fert  de  ce  mot  au 
figuré  pour  lignifier  les  repréfentations  des  batailles 
en  peinture  &  en  fculpture.  Les  batailles  d'Alexandre 
qui  font  dans  les  galeries  du  Louvre  parle  Brun ,  font 
miles  au  nombre  des  morceaux  de  Peinture  les  plus 


BAT 

achevés  qui  foient  en-deçà  des  Alpes.  Mais  perfonne 
n'a  fi  bien  réuffi  dans  les  batailles ,  dont  les  figures 
foient  habillées  à  la  Françoife ,  que  Wandermeulen  , 
illuftre  peintre  Flamand. Il  deffinoit  les  chevaux  mieux 
que  qui  que  ce  foit ,  &  il  excelloit  particulièrement 
dans  les  payfages  &  les  repréfentations  des  pays 
plats.  Il  avoit  été  choifi  pour  peindre  les  conquêtes  de 
Louis  XIV. 

On  appelle  P-eintresde  batailles ,  ceux  qui  fe  livrent 
à  ce  genre  de  repréfentations.  (  R  ) 

BATAILLE  ,  cheval  de  bataille,  (  Manège.  )  eft  un 
cheval  fort  &  adroit,  que  l'on  réferve  pour  les  occa- 
sions où  il  faut  combattre.  (^) 

Batailles  , f.f.pl.  c'eft  ainfi qu'on  appelle, dans 
Us  groffes  Forges ,  la  galerie  qui  règne  autour  de  la 
charge  ou  du  haut  de  la  cheminée.  Ainfi  PI.  V-fig-  *• 
des  grojfes  Forges ,  l'efpace  F  F  font  les  batailles. 

BATAILLÉ ,  en  terme  de  Blafon ,  fe  dit  d'une  clo- 
che dont  le  battant  eft  d'un  autre  émail  qu'elle  n'eft. 
Bellegarde,  d'azur  à  une  cloche  d'argent,  bataillé 
de  fable.  {F) 

BATAILLON ,  f.  m.  dans  CArt  militaire  ,  eft  un 
nombre  d'hommes  à  pié ,  affemblés  pour  agir  ôc  com- 
battre enfemble ,  comme  s'ils  ne  faiioient  qu'un  feul 
&  même  corps. 

«  La  première  chofe  qui  fe  préfente  à  examiner 
»>  dans  le  bataillon,  c'eft  le  nombre  d'hommes  dont 
«  il  doit  être  compofé. 

»  On  a  d'abord  obfcrvé  qu'une  troupe  formée  d'un 
»  grand  nombre  d'hommes ,  ne  pourroit  fe  mouvoir 
»  avec  facilité  ;  mais  auffi ,  fi  elle  en  a  un  trop  petit 
h  nombre  ,  elle  ne  fera  capable  d'aucun  effet  conii- 
»  dérable  :  il  faut  donc  que  le  nombre  des  hommes 
w  du  bataillon  permette  de  le  faire  mouvoir  avec  fa- 
»  cilité  ;  que  ces  hommes  foient  auffi  en  affez  grande 
»  quantité  pour  faire  une  efpece  de  corps  folide,  qui 
»  puifie  attaquer  avec  fermeté  &  foûtenir  les  difté- 
»»  rens  chocs  auxquels  il  eft  expofé. 

»  Il  n'eft  pas  aile  de  fixer  ce  nombre  d'une  manie- 
»  re  précife  &  géométrique  ;  il  dépend  des  coutumes 
»  des  peuples  qui  font  la  guerre ,  de  leurs  armes ,  de 
»  la  manière  de  s'en  fervir ,  &  de  leur  façon  de  com- 
»  battre  :  auffi  les  ufages  ont-ils  été  fort  differens  fur 
»  ce  point.  Mais  à  préfent  toutes  les  nations  de  l"Eu- 
»  rope,  hors  les  Turcs,  fuivant  à-peu-pres  le  même 
»  ordre  à  cet  égard  ;  les  termes  mêmes  de  bataillons 
»  &  tic/cadrons  font  employés  dans  toutes  les  lan- 
}>  gués. 

»  Depuis  Iong-tems  il  paroît  que  parmi  nous  le 
»  nombre  des  hommes  du  bataillon  eft  à  -  peu  -  près 
»  fixé  à  fept  cens  :  mais  chez  les  différentes  nations 
»  de  l'Europe  ,  les  uns  ont  leurs  bataillons  plus  forts , 
»  &c  les  autres  moins.  En  France  ,  dans  les  deux  der- 
»  nieres  guerres  qui  ont  précédé  la  mort  de  Louis 
»  XIV.  les  bataillons  étoient  compofés  de  treize  com- 
»  pagnies  de  cinquante  hommes  chacune ,  ce  qui  fai- 
»  foit  fix  cents  cinquante  hommes  ;  ils  avoient  plus 
»  de  quarante  officiers. 

»  Dans  la  guerre  de  1733  ils  étoient  compofés  de 
*»  feize  compagnies  de  quarante  hommes  chacune  , 
t>  &  d'une  dix-leptieme  de  quarante-cinq ,  ce  qui  fai- 
j»  foit  fix  cens  quatre-vingt-cinq  hommes,  non  com- 
»  pris  cinquante-deux  officiers. 

»  Dans  la  guerre  de  1741  ils  étoient  compofés  de 
»  même  ,  excepté  qu'ils  n'avoient  que  trente-quatre 
»  officiers.  Le  fonds  des  bataillons  François  a  été  au- 
»  trefois  plus  confidérable. 

»  Il  faut  obierver  que  pendant  la  guerre,  les  ba- 
»  taillons  étant. formés  au  commencement  de  la  cam- 
y>  pagne  fur  le  pié  preferit  par  le  prince,  &  que  ces 
»  bataillons  n'étant  point  ordinairement  recrutés  pen- 
»  dant  le  cours  de  la  campagne  ,  il  arrive  par  la  perte 
»  que  leur  caufent  les  actions  de  la  guerre ,  les  mala- 


BAT 


'35 


»  dies  ,  &c.  qu'ils  ne  font  prefque  jamais  complets- 

»  Dans  le  nombre  des  hommes  fixé  pour  le  batail- 
»  Ion,  il  y  a  une  compagnie  de  grenadiers  attachée 
»  laquelle  eft  fouvent  employée  à  des  ufages  parti- 
»  culiers ,  &  qui  n'agit  pas  toujours  avec  le  bataillon. 
»  On  appelle  grenadiers  ,  des  loldats  choilis  fur 
>)  tout  un  régiment  par  rapport  à  la  valeur  &  à  la 
»  force  du  corps.  Ils  font'deftinés  aux  fatigues  & 
»  aux  emplois  périlieux  de  la  guerre.  Le  nom  de  gre- 
»  nadiers  leur  vient  des  grenades  dont  ils  fe  iervoient 
»  autrefois.  Voye-^  Grenadier. 

»  Les  foldats  iont  affemblés  &  arrangés  dans  le 
»  bataillon  par  rang  &  par  file.  Ainfi  leur  nombre  & 
»  leur  diftance  conftituent  fa  forme  &  felpace  qu'il 
»  occupe  fur  le  terrein. 

»  Du  tems  de  Louis  XIII.  les  bataillons  étoient  fur 
»  huit  rangs  :  ils  ont  été  enfuite  réduits  à  lix.  Les  der- 
»  nieres  ordonnances  de  Louis  XIV.  les  fixent  à  cinq  ; 
»  mais  l'ufage  ,  même  de  l'on  tems  ,  les  a  fixés  à  qua- 
»  tre.  A  l'égard  de  leur  diftance  ,  les  ordonnances 
»  militaires  en  diftinguent  de  deux  lortes  ;  lavoir , 
»  pour  paroitre  &  pour  combattre. 

»  Les  diftances />o«/-/wo/m:  font  fixées  pour  l'in- 
»  tervalle  d'un  rang  à  un  autre  ^  à  la  longueur  de 
»  deux  hallebardes ,  ce  qui  fe  prend  pour  douze  pies 
»  en  y  comprenant  la  profondeur  ou  l'epaiileur  des 
»  hommes  du  devant  de  la  poitrine  au  dos.  Les  mê- 
»  mes  ordonnances  ne  prelcrivent  rien  par  rapport 
»  aux  files  ;  &  en  efiet  leur  diftance  eft  allez  difficile 
»  à  évaluer  exaftement  :  mais  il  paroit  que  l'ufage  le 
»  plus  ordinaire  a  toujours  été  de  compter  trois  pies 
>»  pour  l'intervalle  d'une  file  à  une  autre  ,  en  com- 
»  prenant  dans  cette  diftance  l'efpace  occupé  par  un 
»  homme  ,  c'eft-à-dire  du  milieu  d'un  homme  au  mi- 
»  lieu  de  celui  de  la  file  fuivante, 

»  Lorfqu'il  s'agit  de  combattre  ,  les  officiers  s'ap- 
»  prochent  autant  qu'il  eft  polfible  du  bataillon  ,  6c 
»  les  rangs  fe  ferrent  jufqu'à  la  pointe  del'épée ,  c'eft- 
»  à-dire ,  que  le  fécond  rang  doit  toucher  le  bout  des 
»  épées  du  premier  ,  ce  qui  ne  donne  guère  que  trois 
»  pies  pour  Fépaiffeur  du  rang  &  pour  l'on  intervalle, 
»  Les  files  s'approchent  autant  qu'il  eft  polfible  ,  en 
»  confervant  la  liberté  du  coude  ;  ce  qui  veut  dire  , 
»  comme  on  l'entend  ordinairement  ,  que  la  file  & 
»  fon  intervalle  doivent  occuper  environ  deux  pies. 
»  On  voit  par  là  que  le  bataillon  occupe  alors  beau- 
»  coup  moins  d'elpace  qu'auparavant. 

»  Les  officiers  chargés  du  foin  de  formel"  les  batail- 
»  Ions,  ne  paroifient  pas  s'embarraffer  beaucoup  à 
»  préfent  de  la  diftance  des  rangs,- parce  qu'elle  peut 
»  être  changée  fort  aifément  dans  un  inftant,  &  fur- 
»  tout  diminuée  ;  c'eft  pourquoi  ils  laiffent  prendre 
»  douze  pies  pour  cette  diftance  :  mais  à  l'égard  de 
»  celle  des  files  ,  comme  il  faut  plus  de  tems  pour  la 
»  changer  ,  ils  la  fixent  à  deux  pies  pour  l'épaifTeur 
»  de  la  file  &  pour  fon  intervalle,  ce  qui  eft  un  ef- 
»  pace  luffifant  pour  combattre. 

»  Il  fuit  de  là  que  pour  favoir  l'efpace  que  le  ba- 
»  taillon  occupe  fur  le  terrein  ,  il  faut  compter  deux 
»  pies  pour  chaque  homme  dans  le  rang  ,  &:  douze 
»  pics  pour  l'épaifTeur  du  rang ,  jointe  à  fon  inter- 
»  valle. 

>»  Ainfi  fuppofant  un  bataillon  de  fix  cents  cinquante 
»  hommes  fans  compter  les  officiers ,  &  que  ce  butail- 
»  Ion  foit  CÔmpofé  de  cinq  rangs ,  on  trouvera  les 
»  hommes  de  chaque  rang,  en  divifant  fix  cens  cin- 
»  quante  par  cinq,  ce  qui  donnera  cent  trente  hom- 
»  mes  par  rang  ;  multipliant  enfuite  ce  nombre  par 
»  deux  ,  on  aura  deux  cens  foixante  pies  ,  ou  qua- 
»  rante-trois  toiles  deux  pics  pour  l'étendue  de  cha- 
•>  que  rang. 

>»  A  l'égafd  de  la  profondeur  des  cinq  rangs ,  com- 
»  me  ils  ne  forment  que  quatre  intervalles  ,  elle  eft 


T36 


A  T 


BAT 


■»  de  quarante-huit  pies  ou  de  huit  toiles  }  non  com- 
>'pris  l'efpace  occupé  par  les  officiers. 

»  Si  le  bataillon  n  'eft  que  fur  quatre  rangs ,  il  n'aura 
»  que  trente-fix  pies  de  profondeur  ,  attendu  que  les 
>>  ran«s  ne  donneront  que  trois  intervalles  :  mais  alors 
»  fon  front  augmentera;  car  lix  cents  cinquante  divi- 
y>  £és  par  quatre ,  donnent  cent  foixante  -  deux  hom- 
»  mes  par  chaque  rang  :  multipliant  ces  hommes  par 
»  les  deux  pies  qu'ils  occupent  furie  terrein ,  on  aura 
*  trois  cents  vingt-quatre  pies,  ou  cinquante-quatre 
»  toiles  pour  le  iront  du  même  bataillon. 

»  Ce  modèle  de  calcul  ou  de  fupputation  peut 
»  fervir  pour  toutes  fortes  de  bataillons  dont  le  nom- 
y  bre  d'hommes  fera  connu ,  de  même  que  celui  des 
»  rangs  :  dans  tous  les  cas  il  tonnera  toujours  un 
»  reclangle  beaucoup  plus  étendu  fur  une  dimen- 
»  fion  que  fur  l'autre  ».  Ejfai  fur  la  Caflramétation  , 
par  M.  le  Blond. 

Bataillon  quarré  ,  eft  un  bataillon  dont  les 
foldats  font  arrangés  de  manière  que  les  rangs  font 
égaux  aux  files  ,  en  forte  que  les  quatre  côtés  qui  le 
terminent  contiennent  le  même  nombre  d'hommes. 
Voye^  File. 

Il  y  a  deux  fortes  de  bataillons  quarrés  ;  favoir ,  à 
centre  plein  ,  &C  à  centre  vuide. 

Le  bataillon  quarré  à  centre  plein ,  eft  celui  dont  les 
hommes  font  placés  tout  de  fuite  ,  ne  laiffant  que 
l'intervalle  ordinaire  des  rangs  &  des  files. 

Le  bataillon  quarré  à  centre  vuide ,  eft  celui  qui  laiffe 
dans  fon  centre  un  efpace  vuide  de  foldats ,  &  qui 
eft  affez  confidérable  eu  égard  au  terrein  occupé  par 
le  bataillon. 

Le  bataillon  quarré  à  centre  plein  eft  très-aifé  à  for- 
mer. Ceux  qui  ont  quelque  connoiffance  de  l'extrac- 
tion de  la  racine  quarrée  ,  n'y  peuvent  pas  être  em- 
barraffés  ;  car  extrayant  la  racine  quarrée  du  nombre 
d'hommes  dont  le  bataillon  doit  être  compofé,  on 
trouve  d'abord  la  quantité  dont  chaque  côté  doit 
être  compofé. 

Ce  bataillon  eft  affez  peu  d'ufage  dans  la  Tadlique 
moderne. 

i°.  Parce  que  le  feu  des  ennemis,  &  principale- 
ment celui  du  canon  ,  y  peut  faire  un  très-grand  de- 
fordre. 

2°.  Parce  que  les  foldats  du  centre  ne  peuvent 
prelque  pas  le  fervir  de  leur  feu  contre  l'ennemi. 
M.  le  chevalier  de  Folard  eft  prefque  le  feul  qui  en 
prefcrive  l'ufage  :  fa  colonne  n'eft  autre  chofe 
que  deux  ou  trois  bataillons  à  centre  plein  placés  fans 
intervalle  les  uns  derrière  les  autres.  V.  Colonne. 

Le  bataillon  à  centre  vuide  préfente  ,  comme  celui 
qui  eft  à  centre  plein  ,  des  hommes  de  tous  côtés.  On 
prétend  que  le  fameux  Maurice  de  Naffau  a  été  le 
premier  qui  ait  trouvé  l'ufage  de  vuider  le  centre  des 
bataillons. 

Le  bataillon  à  centre  vuide  n'a  pas  plus  de  difficulté 
dans  fa  formation  que  celui  à  centre  plein  :  un  exem- 
ple fuffira  pour  en  donner  une  idée. 

Soit  un  nombre  d'hommes  quelconque ,  comme 
i  zoo ,  dont  on  veut  faire  un  bataillon  quarré  à  centre 
vuide ,  de  manière  que  le  côté  du  quarré  vuide ,  par 
exemple ,  ait  douze  hommes. 

Il  faut  retrancher  deux  unités  du  nombre  1 2  ,  par- 
ce que  le  côté  du  quarré  vuide ,  s'il  étoit  rempli 
d'hommes ,  en  contiendrait  deux  de  moins  que  le  der- 
nier rang  intérieur  de  la  partie  du  quarré  qui  eft  rem- 
plie :  ôtant  donc  2  de  1 2  ,  il  refte  1  o  qu'il  faut  quar- 
rer,&  l'on  aura  100,  que  l'on  ajoutera  au  nombre 
donné  1200.  Ces  deux  nombres  ajoutés  enfemble 
donneront  1 300 ,  dont  on  extraira  la  racine  quarrée 
qu'on  trouvera  être  36;  il  reliera  quatre  hommes 
qu'on  pourra  placer  dans  le  centre  du  bataillon. 


\   Racine. 
J36. 


400. 
6     6 


Refte 4.    Voye{  Racine  quarrée, 

Préfentement  pour  former  le  bataillon,  je  confédé- 
ré que  s'il  étoit  plein  ,  &  qu'il  fût  de  1 300,  toutes  les 
files  &  tous  les  rangs  feroient  de  36  hommes  :  mais 
il  doit  y  avoir  un  vuide  dans  le  milieu  du  bataillon  de 
dix  hommes  ;  donc  dans  cet  endroit  les  files  n'auront 
que  26  hommes;  c'eft-à-dire ,  36  moins  10:  mais 
ces  dix  hommes  doivent  diminuer  également  les  de- 
mi-files du  milieu  ;  elles  n'auront  donc  chacune  que 
1 3  hommes  ;  d'où  il  fuit  qu'il  n'y  aura  dans  cet  exem- 
ple que  1 3  rangs  de  3  6  hommes  dans  le  bataillon  ,  à 
commencer  de  la  tête  &  de  la  queue  du  bataillon ,  & 
de  la  droite  à  la  gauche.  Arrangeant  ainfi  le  bataillon, 
il  reliera  le  vuide  demandé  ;  &  alors  chaque  côté  du 
quarré  intérieur  fera  de  1 2  hommes  ,  c'eft-à-dire  , 
de  deux  hommes  de  plus  à  chaque  côté  que  le  côté 
10  n'en  a. 

Pour  la  preuve  il  fuffit  de  confidérer  qu'ayant  ajou- 
té au  nombre  propofé  ,  le  nombre  d'hommes  qu'oc- 
cuperoit  l'efpace  qu'on  veut  laiffer  vuide  dans  le  ba- 
taillon ,  on  peut  alors  regarder  le  nombre  propofé 
augmenté  de  ce  dernier ,  comme  le  nombre  d'hom- 
mes dont  il  faut  extraire  la  racine  quarrée  ;  laquelle 
racine  donnera  le  nombre  des  hommes ,  des  rangs  & 
des  files  d'un  tel  quarré.  Or  retranchant  vers  le  milieu 
le  nombre  qu'on  a  ajouté  à  chaque  file  ,  il  reliera  , 
pour  le  bataillon  difpofé  en  quarré ,  le  nombre  d'hom- 
mes qui  avoit  d'abord  été  propofé  :  cela  eft  évident. 
On  peut  par  cette  même  méthode,  lorfqu'un  nombre 
d'hommes  eft  donné ,  en  former  un  bataillon  quarré 
qui  paroiffe  d'un  bien  plus  grand  nombre  d'hommes: 
car  fi  l'on  a ,  par  exemple ,  1 200  hommes ,  dont  on 
veuille  former  un  bataillon  quarré  qui  paroiffe  3000, 
on  extraira  la  racine  quarrée  de  ce  dernier  nombre , 
laquelle  fera  trouvée  de  54  ,  avec  un  refte  84  qu'on 
peut  négliger  ;  ce  nombre  feroit  celui  des  hommes  de 
chaque  rang ,  de  chaque  file  d'un  bataillon  quarré  à 
centre  plein  de  3000  :  mais  comme  on  a  ajouté  1 800 
hommes  au  nombre  donné  1 200  ,  il  faut  retrancher 
du  dedans  de  l'intérieur  du  bataillon  l'efpace  qu'oc- 
cuperoient  ces  1 800  hommes.  Pour  cela  il  faut  ex- 
traire la  racine  quarrée  de  1800,  laquelle  eft  42  ; 
c'eft  le  nombre  d'hommes  qu'il  faut  retrancher  des 
files  du  milieu  du  bataillon  plein.  Ces  files  font  de  54 , 
defquelles  ôtant  42 ,  il  refte  1 2  ,  dont  la  moitié  6  eft 
le  nombre  des  rangs  de  la  tête  &  de  la  queue  du  ba- 
taillon ,  de  même  que  de  ceux  de  la  droite  &  de  la 
gauche.  Ainfi  par  cette  formation  les  1 200  hommes 
donnés  occuperont  l'efpace  d'un  bataillon  à  centre 
plein  de  3000  ;  &  ils  feront  rangés  fur  fix  de  hauteur 
ou  de  file  fur  chaque  côté  du  bataillon.  Traité  de  l'A- 
rithmétique &  de  la  Géométrie  de  l'officier  par  M.  Le- 
blond. 

Bataillon  rond  ,  eft  celui  dont  les  foldats  font 
rangés  circulairement ,  en  formant  pluficurs  circon- 
férences concentriques. 

Ce  bataillon  a  été  fort  en  ufage  parmi  les  Romains  ; 
c'eft  ce  qu'ils  appelloient  in  orbem  :  on  en  voit  plu- 
fieurs  exemples  dans  les  commentaires  de  Céfar.  Feu 
M.  le  maréchal  de  Puyfegur  faifoit  cas  de  ce  ba- 
taillon. 

Bataillon  triangulaire  ,  eft  un  corps  de 
troupes  difpofé  en  triangle ,  &  dont  les  rangs  aug- 
mentant également ,  forment  une  progreffion  arith- 
métique. 

Si 


BAT 

Si  le  premier  rang  eft  un  ,  &  que  les  autres  aug- 
mentent chacun  d'une  unité  ,  le  bataillon  formera 
un  triangle  qui  aura  les  trois  côtés  égaux  ;  c'eft-à-di- 
re ,  quil  léra  équilatéral  ;  autrement  il  formera  un 
triangle  quelconque. 

ProbLme  pour  la  formation  du  bataillon  triangulaire, 
équilatéral  :  un  nombre  d'hommes  quelconque ,  par  exem- 
ple ,  400,  étant  donné  pour  en  former  un  bataillon  équi- 
latéral ,  trouver  le  nombre  des  rangs  dont  il  fera  corn- 
pofé. 

Comme  dans  ce  bataillon  le  premier  rang  eft  1  ,  le 
fécond  2  ,  le  troiiieme  3  ,  &c.  il  s'enfuit  que  ce  pro- 
blème le  réduit  à  trouver  le  nombre  des  termes  d'u- 
ne progreffion  arithmétique  dont  le  premier  terme 
eft  1  ,  la  différence  auffi  1  ,•&  la  fomme  400.  Voyc{ 
Progression  arithmétique. 

Solution.  Soit  le  nombre  des  termes  de  la  pro- 
greffion reprélenté  par  n  ,  le  dernier  fera  auffi  n  ; 
car  il  fera  l'unité  prife  autant  de  fois  qu'il  y  a  de 
termes. 

Cela  pofé  ,  la  fomme  des  extrêmes  de  la  progref- 
fion fera  1  -j-  « ,  laquelle  multipliée  par  le  nombre 
des  termes  n ,  donnera  n  -\-  n  n  ,  ou  nn  -f-  n  ,  pour  le 
double  de  la  fomme  de  la  progreffion  ;  c'eft-à-dire , 
que  cette  expreffion  n  n  -\-  n  ,  fera  égale  à  deux  fois 
400 ,  ou  à  800.  Or  n  n  eft  le  quarré  du  nombre  des 
termes  de  la  progreffion ,  n  en  eft  la  racine  :  donc 
800  contient  le  quarré  du  nombre  des  termes  de  la 
progreffion  ,  plus  la  racine  de  ce  quarré. 

Il  fuit  delà  que  pour  avoir  la  valeur  de  n ,  ou  le 
nombre  des  termes  de  la  progreffion,  il  faut  extraire 
la  racine  quarrée  de  800  ,  de  manière  qu'il  y  ait  un 
refte  égal  à  la  racine ,  ou  qui  la  contienne. 

Extrayant  donc  la  raci-]  8100  \ 

ne   quarrée  de   800  ,    on  400  ( 

trouve  28  avec  le  refte  16  :  I  4g 

mais ,  comme  ce  refte  eft  ■  ■■ 

plus  petit  que  la  racine  28,  I    Refte        16. 
on  met  7  à  la  place  de  8.    f 

Et  achevant  l'opération ,  I 
on  a  le  refte  7 1  ,  qui  con-  1 
tient  la  racine  17  ;  ainfi  27 
eft  le  nombre  des  termes  ou  I 
des  rangs  du  bataillon.        J    Refte 

Pour  le  prouver  ,  il  faut  chercher  quelle  eft  la  fom- 
me de  la  progremon  dont  le  premier  terme  eft  1 ,  le 
fécond  2,  &  le  nombre  des  termes  27. 

Puifque  le  nombre  des] 
termes  eft  27  ;    donc  lui  | 
ajoutant  le  premier  1 ,  la 
fomme  des  extrêmes  fera  | 
1  4-  27  =  28  ,    dont  la  j 
moitié  14  étant  multipliée 
par  27  ,  nombre  des  ter- 
mes ,  donnera  378  poiir  le 
nombre   des   hommes  du  \ 
bataillon  propofé.  Comme 
le  nombre  donné  étoit  400, 
on  voit  qu'il  refte  22  hom- 
mes qui  ne  peuvent  entrer 
dans  le  bataillon  ,  tk.  qu'on 
peut  employer  ailleurs,  & 
en  former  un  peloton  fé- 
paré.  J 

Il  fuit  de  la  rélblutiondu  problème  précédent ,  que 
pour  former  des  bataillons  triangulaires  iquilateraux  , 
il  faut  quelque  nombre  de  foldats ,  que  Ton  ait  pour 
cet  effet,  le  doubler,  &  enfuiuen  extraire  la  racine  quar- 
rée :  mais  de  manière  qu'il  y  ait  un  refle  égal  à  la  racine , 
ou  qui  la  contienne ,  Cv  qu'alors  cette  racine  fera  le 
Tome  II. 


BAT 


ï37 


28. 


8ioo\ 
400  j  27- 

47- 
7*- 


14. 
27- 


98. 
28. 


378. 


nombre  des  rangs  du  bataillon,  dont  tous  les  côtés 


7  ol 


V9 


670. 
6  9. 


49. 


feront  égaux. 

Si  l'on  a  ,  par  exemple  ,  ' 
785    hommes   à    difpofer 
amiï   en  bataillon  triangu- 
laire équilatéral ,  on  com- 
mencera par  les  doubler, 
ce  qui  donnera  1570.  On  1 
extraira  la  racine  quarrée  1 
de  ce  nombre  ;  on  la  trou-  I 
vera  de  39  avec  49  qui  la  j  p  ,,  " 
contient  :  donc  39  eft  le  I 
nombre  des  rangs  de  ce  ba- 
taillon.  J 

On  déterminera  de  la  même  manière  celui  de  tous 
les  autres  de  la  même  efpece  que  l'on  pourra  pro- 
pofer. 

Remarque.  Si  on  fuppofe  que  la  différence  qui  rè- 
gne dans  la  progreffion  eft  2,  c'eft-à-dire,  que  le 
premier  terme  étant  toujours  1 ,  le  fécond  eft  3  ,  le 
quatrième  eft  5  ,  &c.  le  dernier  terme  fera  (  n  étant 
toujours  le  nombre  des  termes  )  n  —  1  multiplié 
par  2 ,  plus  1,  ou  2  n  —  2  +  1  ;  &  ajoutant  à  ce  ter- 
me le  premier  1  ,  la  fomme  des  extrêmes  fera  2  n 
—  2  4-  1  +  1  ;  expreffion  qui  fe  réduit  à  2  n  ,  dont 
la  mcitié  étant  multipliée  par  le  nombre  des  termes, 
donnera  le  nombre  de  la  progreffion  n  n.  Ainfi  nom- 
mant S  la  fomme  de  la  progreffion ,  on  a  n  n  =.  S  , 
c'eft-à-dire,  le  quarré  du  nombre  des  termes  é^al  à 
la  fomme  de  la  progreffion  ;  &  par  conféquent  n  qui 
eft  la  racine  quarrée  de  n  n  ,  eft  égal  à  celle  de  S  -y 
en  forte  que  n  =  \/S. 

D'où  il  fuit  que  dans  une  progreffion  arithmétique 
dont  le  premier  terme  eft  1  ,  &  le  fécond  3  ,  le  nom- 
bre des  termes  eft  égal  à  la  racine  quarrée  de  la  fom« 
me  des  termes. 


Ainfi ,  fi  l'on  donne  400  *; 
hommes  pour  former  un 
bataillon  triangulaire,  dont 
le  premier  rang  eft  1  ,  & 
le  iecond  3  ,  ce  qui  eft  la 
féconde  efpece  des  batail-  '^ 
Ions  triangulaires  ,  on  trou-  1 
vera  le  nombre  des  rangs 
de    ce  bataillon  ,   en  ex- 
trayant la  racine  quarrée 
de  400.  Or  cette  racine  eft 
20 ,  donc  ce  bataillon  au- 
ra vingt  rangs. 


4i 
4 


o  o\ 

J 


Pour  le  prouver,  confidérez  que  ce  dernier  rang 
fera  1  4-  19  X  2  ou  39,  &  qu'en  y  ajoutant  i,on  au- 
ra 40  pour  la  fomme  des  extrêmes  ,  laquelle  étant 
multipliée  par  10,  moitié  du  nombre  des  termes, 
donnera  400  pour  la  tomme  de  la  progreffion  ,  c'eft- 
à-dire  ,  le  nombre  propofé. 


542 
4 


1 


142 
43 


Si  l'on  a  de  même  542  ) 
pour  former  un  bataillon  | 
triangulaire  de  même  efpe-  I 
ce  ,  on  extraira  la  racine  | 
quarrée  de  ce  nombre,  la-  V 
quelle  fera  trouvée  de  23.  1 

C'eft  donc  le  nombre  des        ■ ■ 

termes  de  cette  progref-    Refte . .    13 
fion.  J 

On  le  prouvera  comme  dans  l'exemple  précédent, 
en  contidérant  que  le  der-  ] 
nier  terme  fera  i  +  zxn  23 

=  45.  ajoutant  à  ce  terme  j  23 

le  premier  1  ,  on  aura  46 ,  |      

qui  fera  la  fomme  des  ex-  j  69 


i38 


BAT 


trèmes,  dont  la  moitié  23  ^ 
multipliée  par  le  nombre 
des  termes ,  donnera  529, 
auquel  ajoutant  le  relie 
1 3  ,  on  aura  le  nombre 
propofé  542. 


46 


Rcfte..   13 


541 


On  opérera  de  même  pour  tous  les  autres  batail- 
lons de  môme  efpece ,  quel  que  foit  le  nombre  dont 
on  voudra  les  former. 

On  voit  par  ce  qui  vient  d"être  enfeigné  fur  les 
bataillons  triangulaires ,  qu'ils  ne  font  pas  plus  diffici- 
les à  calculer  que  les  bataillons  quarres.  PÎufieurs  of- 
ficiers leur  donnent  la  préférence  fur  ces  bataillons, 
parce  qu'ils  préfentent  un  plus  grand  front ,  &  qu'ils 
font  également  face  de  tous  côtés.  Mais  comme  il 
eft  difficile  de  faire  marcher  des  foldats  dans  cet  or- 
dre ,  M.  Bottée  les  croit  préférables  aux  bataillons 
quarres,  feulement  dans  les  cas  où  il  faut  combattre 
de  pié  terme ,  &  fe  donner  un  grand  front  ;  ou  lorf- 
que  la  fituation  du  terrein  exige  cette  difpofition.  On 
pourra  voir  dans  cet  auteur  la  manière  de  les  former 
par  des  mouvemens  réguliers,  arithmétique  6*  Géom. 
de  l'officier  par  M.  Le  Blond.  (  Q  ) 

*  B  ATALES  ,  f.  m.  pi.  (  Hijl.  anc.  )  nom  que  les 
anciens  donnoient  aux  hommes  lafcifs  &  eiféminés , 
d'un  certain  Batale  joueur  de  flûte  ,  qui  exerçoit  fon 
art  avec  mollette  &  diffohition  ,  &  qui  parut  le  pre- 
mier fur  la  fcene  en  chauffure  de  femme.  Les  enne- 
mis de  Demofthene  l'appelloient  batale. 

*  BATANOMES  ,  f.  f.  (Commerce.)  toileslongues 
de  vingt-huit  pies  la  pièce ,  &C  dont  la  largeur  varie  ; 
elles  fe  vendent  au  Caire  vingt  médins.  Voye^  MÉ- 
dins  &  Caire. 

BATARD ,  f.  m.  ou  ENFANT  NATUREL,  {Hifl. 
anc.  mod.  &  Jurifprud.  )  qui  eft  un  terme  plus  adouci, 
eft  celui  qui  eft  né  hors  d'un  légitime  mariage. 

Il  y  a  de  deux  fortes  de  bâtards  ;  les  uns  fimples  , 
tels  que  ceux  qui  font  nés  de  deux  perfonnes  libres  , 
c'eft-à-dire  non  engagées  dans  le  mariage  ,  ou  dans 
un  état  qui  les  oblige  à  la  continence  ;  mais  qui  pou- 
voient  contracter  mariage  enfemblc  :  les  autres  font 
ceux  qui  font  nés  d'autres  conjonctions  plus  crimi- 
nelles ,  comme  les  bâtards  adultérins  &  les  incejlueux. 

Les  bâtards  adultérins  font  ceux  dont  le  père  ou  la 
mère,  ou  tous  les  deux  étoient  engagés  dans  le  ma- 
riage. On  appelle  même  adultérins  les  enfans  des  prê- 
tres ou  des  religieufes. 

Les  bâtards  incefueux  font  ceux  dont  le  père  &  la 
ntere  étoient  parens  à  un  degré  auquel  le  mariage  eft 
prohibé  par  les  canons. 

Les  bâtards  en  général  ne  font  d'aucune  famille  , 
&  n'ont  aucuns  parens  ;  ils  ne  iuccedent  dans  la  plus 
grande  partie  du  royaume  ni  à  leur  père  ni  à  leur 
mère ,  &  encore  moins  aux  parens  de  l'un  ou  de  l'au- 
tre ,  en  exceptant  le  Dauphiné  &  quelques  coutumes 
particulières,  où  ils  iuccedent  à  leur  mère. 

Ils  ne  peuvent  pas  même  recevoir  de  leurs  père  ou 
mère  naturels  des  legs  universels  ou  donations  con- 
sidérables :  mais  ils  en  peuvent  recevoir  de  médio- 
cres proportionnément  aux  facultés  du  père  ou  de  la 
mère.  C'eft  à  la  prudence  des  juges  de  décider  fi  elles 
font  modérées  ou  excettives. 

Pour  les  bâtards  adultérins  &  incejlueux  ,  ils  ne  peu- 
vent recevoir  que  des  alimens  :  mais  auffi  peuvent- 
ils  même  les  exiger  t'oit  de  leur  père  naturel,  foit  de 
fes  héritiers  ,  s'il  eft  mort  fans  y  avoir  pourvu  ;  du 
moins  jufqu'à  ce  qu'ils  ayent  appris  un  métier ,  8c 
qu'ils  ayent  été  reçus  maîtres. 

Comme  par  le  droit  commun  les  bâtards  ne  Iuc- 
cedent à  perlbnnc ,  perfonne  non  plus  ne  leur  fucce- 
de ,  li  n'ayant  point  d'enfans ,  ils  décèdent  fans  avoir 
difpofé  de  leurs  biens  par  donation  ou  par  tefta- 
ment  ;  en  ce  cas  leur  fucceftion  appartient  aux  ici- 


BAT 

gneurs  haut-jufticiers ,  pourvu  que  les  trois  condi- 
tions fuivantes  concourent  enfemble  :  qu'ils  foient 
nés  dans  la  juftice  du  feigneur ,  qu'ils  y  foient  décé- 
dés ,  &  que  leurs  biens  y  foient  ;  l'une  de  ces  trois 
conditions  manquant  ,  c'eft  au  roi  qu'elle  appar- 
tient. 

Du  refte  ils  font  capables  de  toutes  fortes  de  con- 
trats ,  &  entre  autres  de  mariage  ;  ils  peuvent  difpo- 
ler  librement  de  leurs  biens ,  foit  entre-vifs ,  foit  par 
teftament  ;  ils  ne  font  incapables  ni  d'offices  ni  de 
dignités  :  mais  ils  ne  peuvent  avoir  des  bénéfices  fans 
difpenfe ,  à  moins  qu'ils  ne  foient  légitimés.  Voye^ 
LÉGITIMATION. 

■  Chez  les  Athéniens  ,  une  loi  de  Solon  exciuoit  du 
droit  de  bourçeoilie  non-«feulement  les  enfans  nés  des 
concubines ,  mais  encore  tous  ceux  qui  n  étoient  pas 
nés  d'un  père  &  d'une  mère  Athéniens.  Cette  loi 
fouffrit  de  tems  en  tems  quelques  atteintes  de  la  part 
de  ceux  qui  eurent  affez  de  crédit  pour  faire  aggré- 
ger  leurs  bâtards  au  corps  des  citoyens.  Tel  fut  The- 
miftocle  ,  dont  la  mère  étoit  de  Thrace.  Pericles  re- 
nouvella  cette  loi  dans  toute  fa  rigueur ,  &  condam- 
na cinq  mille  bâtards  à  être  vendus  comme  efcla- 
ves  :  mais  la  pefte  lui  ayant  enlevé  fes  enfans  légiti- 
mes ,  il  demanda  lui-même  au  peuple  la  révocation 
de  la  loi  en  faveur  d'un  bâtard  qu'il  avoit  d'Afpafie. 
On  la  lui  accorda ,  &c  cet  exemple  eut  des  fuites  per- 
nicieules  :  bientôt  il  n'y  eut  plus  de  diftinûion  enr 
tre  les  enfans  légitimes  &  les  bâtards ,  entre  les  fem- 
mes Athéniennes  &  les  étrangères  :  ce  qui  jetta  le 
trouble  &  la  confufion  dans  toutes  les  familles. 

En  France ,  les  bâtards  ou  fils  naturels  du  roi ,  font 
princes  ,  lorfqu'il  s'en  reconnoît  le  père  ;  ceux  d'un 
prince  ou  d'un  homme  de  qualité  ,  iont  gentilshom- 
mes :  mais  ceux  d'un  gentilhomme  ne  font  que  rotu- 
riers; &  dans  cette  qualité,  ils  font  fujets  à  la  taille. 
Suivant  le  droit  Romain  ,  la  mère  fuccédoit  à  fon 
enfant  bâtard  ;  mais  ce  droit  mettoit  une  grande  dif- 
férence entre  les  bâtards  qu'il  qualifioit  nothi ,  ou  Am- 
plement bâtards  ,  &  ceux  qui  étoient  fpurii. 

La  loi  ne  reconnoiffoit  point  ces  derniers ,  &  leur 
refufoit  jufqu'à  la  nourriture  ,  parce  qu'ils  étoient 
les  fruits  d'une  proftitution  publique  ,  tk  ians  pères 
qui  fuflent  bien  connus  pour  tels  de  leurs  mères  même, 
par  la  raifon  que  is  non  habet  patrem  ,  cui  pater  efl  po- 
pidus.  Les  autres  étant  nés  dans  le  concubinage  ,  qui 
reffemble  au  mariage  ,  héritoient  de  leurs  mères ,  & 
pouvoient  exiger  des  alimens  de  leurs  pères  naturels. 
On  les  confidéroit  comme  des  créanciers  domefti- 
ques  ,  &  des  perfonnes  que  l'on  devoit  traiter  avec 
d'autant  plus  d'humanité  ,  qu'elles  étoient  les  inno- 
centes productions  des  crimes  de  leurs  parens. 

Les  pères  n'avoient  point  l'autorité  paternelle  fur 
leurs  bâtards ,  parce  que  n'étant,  difoit-on,  pères  que 
pour  le  plaifir,  ce  plaifir  devoit  être  leur  unique  ré- 
compenfe. 

Anciennement  à  Rome ,  les  enfans  naturels  étoient 
abfolument  exclus  de  la  fucceftion  de  leurs  pères  ab 
intejlat,  mais  ils  pouvoient  être  inftitués  héritiers. 

Les  Empereurs  Arcadius  &  Honorius  firent  une  ex- 
ception en  faveur  des  enfans  naturels,  &  les  admirent 
au  douzième  de  la  fucceftion  à  partager  avec  leur  mè- 
re ,  quand  il  y  avoit  des  enfans  légitimes  ;  enfuite 
Juftinien  les  admit  à  ce  partage  pour  une  moitié ,  & 
voulut  qu'ils  enflent  un  iixieme  de  l'hérédité  ab  intef- 
tat ,  lorfqu'il  y  avoit  des  enfans  légitimes. 

Les  bâtards  pouvoient  être  légitimés,  foit  par  un  ma- 
riage fubfequent,  ou  par  lettres  de  l'empereur.  En 
France  le  roi  feul  a  le  droit  de  légitimer  de  i  t  ■'-  ards  , 
&  de  les  rendre  habiles  à  fuccéder.  Foycr_  Légiti- 
mation. 

En  Angleterre  ce  droit  privatif  appartient  au  roi 
Si  au  parlement. 


BAT 

.  -L'empereur  Anaftafe  permit  aux  pères  de  légiti- 
mer leurs  bâtards  par  la  ieule  adoption  :  mais  ce  pri- 
vilège fut  aboli  par  Juftin  &  Juftinien ,  de  peur  qu'une 
telle  condefcendance  n'autorifât  le  concubinage. 

Le  pape  a  quelquefois  légitimé  des  bâtards ,  lefaint- 
fiége  a  même  en  certaines  occafions ,  ulé  de  difpenfe 
par  des  considérations  Spirituelles ,  non- feulement 
envers  des  perfonnes  dont  la  naiffance  n'étoit  pas  lé- 
gitime ,  mais  encore  envers  des  bâtards  adultérins ,  en 
permettant  leur  promotion  à  l'épifcopat. 

Les  bâtards  non  légitimés  peuvent  difpofer  de  leurs 
biens  par  donation  entre-vifs ,  &  par  teitament  ;  ceux 
qu'un  mariage  fubféquent  a  légitimés ,  font  dans  le 
même  état,  &  joùiffent  des  mêmes  droits  que  ceux 
qui  font  nés  dans  le  mariage  :  mais  les  bâtards  légiti- 
més par  lettres  du  prince ,  ne  font  réputés  ni  légiti- 
mes, ni  capables  de  fuccéder,  qu'à  l'égard  des  pa- 
rens  qui  ont  confenti  à  cette  légitimation. 

Le  Pape  Clément  VII.  défendit  par  fa  bulle  à  un 
certain  prêtre  de  réfigner  l'on  bénéfice  à  Ion  bâtard. 

Les  armes  d'un  bâtard  doivent  être  croifées  d'une 
barre,  d'un  filet,  ou  d'une  traverfe,  de  la  gauche  à 
la  droite.  Ils  n'avoicnt  point  autrefois  la  permiffion 
de  porter  les  armes  de  leur  père. 

Les  bâtards  ne  peuvent  être  préfentés  à  des  béné- 
fices fimples ,  ni  admis  aux  moindres  ordres  ,  ni  pol- 
feder  plus  qu'un  fimple  bénéfice ,  à  moins  qu'ils  n'en 
ayent  obtenu  difpenfe  du  pape ,  ni  être  revêtus  d'au- 
cune charge  fans  lettres  du  prince. 

Un  bâtard,  fuivant  le  droit  d'Angleterre,  ne  peut 
être  héritier  de  fon  père  à  Yimmeuble,  &  ne  fauroit 
avoir  d'autre  héritier  que  Y  hoir  de  fon  corps.  L'enfant 
engendré  par  celui  qui  dans  la  fuite  en  époufe  la  mè- 
re ,  eft  un  bâtard  en  droit ,  quoiqu'il  foit  réputé  lé- 
gitime par  l'églife.  Si  celui  qui  vient  d'époufer  une 
femme,  décède  avant  la  nuit  fans  avoir  couché  avec 
elle ,  &c  qu'enfuite  elle  faffe  un  enfant ,  il  en  eft  cen- 
fé  le  père ,  &  l'enfant  eft  légitime.  Si  un  époux  ou 
une  femme  fe  marie  ailleurs  ,  les  enfans  qui  naifl'ent 
de  cette  polygamie  pendant  la  vie  de  l'autre  con- 
joint ,  font  bâtards.  Si  une  femme  ayant  quitté  fon 
mari  pour  fuivre  un  adultère ,  a  de  celui-ci  un  en- 
tant ,  tandis  que  fon  mari  eft  dans  l'enceinte  des  qua- 
tre mers ,  l'enfant  eft  légitime ,  &  fera  fon  héritier  à 
Y  immeuble.  Si  quelqu'un  fait  un  bâtard  dans  le  baillia- 
ge de  Middelton ,  dans  la  province  de  Kent,  fes biens 
meubles  &  immeubles  font  confifqués  au  profit  du 
roi.  (H) 

Bâtard  de  racage,  c'eft,  en  Marine,  une  cor- 
de qui  fert  à  tenir  &c  à  lier  un  affemblage  de  bigots  &C 
de  raques ,  dont  le  tout  pris  enfemble  porte  le  nom 
de  racage ,  qui  lert  à  amarrer  la  vergue  au  mât.  Foye^ 
Racage.  (Z) 

*  Bâtard,  en  Mufîque,  c'eft  ainfi  que  Broffart 
appelle  le  mode  hyper-éolien ,  qui  a  fa  finale  en  bfafi, 
&  conféquemment  fa  quinte  faillie  ou  diminuée  dia- 
toniquement ,  ce  qui  le  chaffe  du  nombre  des  modes 
authentiques  ;  &  le  mode  hyper-phrygien ,  dont  la  fina- 
le eft  en  / Ht  fa,  ik.  la  quarte  fuperflue,  ce  qui  l'ôte 
du  nombre  des  modes  plagaux. 

Bâtard,  en  Jardinage,  fe  dit  de  toute  plante  fau- 
vage ,  ou  qui  n'eft  pas  cultivée ,  &C  même  du  fruit 
qu'elle  donne. 

Bâtard,  en  Fauconcrie,  fe  dit  d'un  oifeau  qui 
tient  de  deux  elpeccs  ,  comme  du  facre  &  du  lanier. 
.  BATARDE  ou  BASTARDELLE,  f.  f.  en  Marine; 
on  appelle  ainfi  les  galères  qui  ont  l'extrémité  de  la 
poupe  plate  &  élargie,  pour  les  distinguer  de  celles 
qui  ont  l'extrémité  de  la  poupe  aiguë ,  qu'on  appelle 
fubtiles. 

Bâtarde,  Bastarde,  (voile)  en  Marine,  c'eft  la 
plus  grande  des  voiles  d'une  galère;  elle  ne  fe  porte 
que  lorfqu'il  y  a  peu  de  vent ,  parce  que  de  vent  frais, 
les  voiles  ordinaires  fuffifent.  (Z) 
Tome  II, 


BAT 


J39 


*BAtàRDE  (laine)  en  Bonneterie  ;  c'eft  ainfi  qu'on 
appelle  la  féconde  forte  parmi  celles  qui  fe  lèvent  de 
deffus  le  vigogne.  Il  fe  dit  auffi  des  laines  communes 
du  Levant. 

Bâtarde  ,  (pâte)  en  terme  de  Boulanger  bifeuitier ; 
c'eft  celle  qui,  n'étant  ni  dure  ni  molle,  a  pris  une 
certaine  confiftance  qui  n'eft  connue  que  de  l'ou- 
vrier, &  qu'on  ne  peut  guère  expliquer  aux  autres. 

BATARDE,  (largeur en  Draperie.)  fe  dit  de  celle 
des  draps  ou  autres  étoffes ,  qui  n'eft  pas  conforme 
aux  ordonnances.  Ainfi  les  draps  d'une  aune  demi- 
quart  ,  font  de  largeur  bâtarde  &  fujets  à  confifeation. 

Bâtarde,  féconde  forte  de  dragée  fondue  au 
moule  ;  elle  eft  entre  la  petite  royale  &  la  grolfe  roya- 
le. Foye^  l'article  Fonte  de  la  dragée  au  moule. 

Bâtardes,  en  terme  de  Rafineur  defucre,  font  les 
fucres  produits  des  firops  qui  font  émanés  des  matiè- 
res fines.  Voici  la  manière  dont  on  les  travaille:  la 
cuite  s'en  fait  comme  celle  des  fucres  primitifs ,  on 
tranfporte  la  cuite  dans  des  rafraîchiffoirs ,  en  allant 
de  l'un  à  l'autre ,  c'eft-à-dire ,  en  mettant  à  la  ronde 
dans  chacun  d'eux  le  même  nombre  de  baffins.  Foye^ 
Bassins  d'empli.  Avant  d'être  emplis,  les  formes 
bâtardes  font  trempées  ,  tapées,  fondées  &  plantées. 
Foye^  ces  mots  à  leur  article.  Le  rafraîchiffoir  d'où  on 
commence  à  prendre  la  cuite ,  eft  remué  fans  ceffe&C 
à  force  de  bras  par  un  feul  ouvrier,  pendant  que  d'au- 
tres portent  la  cuite,  &  n'en  verfent  dans  chaque  for- 
me que  le  tiers  d'unbaffin.  Il  faut  deux  ferviteurs  pour 
emplir  une  rangée.  Foye[  Serviteur.  Ils  commen- 
cent chacun  par  un  bout,  fe  rejoignent  au  centre  , 
vont  de  forme  en  forme  regagner  leur  bout,  d'où  ils 
reviennent  enfemble  au  centre ,  pour  retourner  au 
bout,  &  continuent  cette  maneuvre  jufqu'à  ce  que 
les  formes  foient  mifes  à  hauteur.  Foye^  Mettre  à 
Hauteur.  On  les  remplit  en  obfervant  la  même  ma- 
neuvre, afin  de  mêler  le  firop  avec  le  grain  qui  tom- 
be toujours  au  fond  du  rafraîchiffoir ,  malgré  le  mou- 
vement qu'on  lui  donne.  Enfuite  quand  elles  font  froi- 
des ,  on  les  monte.  Foyer  Monter.  On  les  met  fur  le 
pot,  fans  les  percer;  mais  après  les  avoir  détapées, 
voyei  Detaper  ,  on  les  couvre  de  terre ,  on  les  chan- 
ge; on  les  plante,  mais  on  ne  les  plamote  point. 
Les  bâtardes  font  rafinées  avec  les  matières  primiti- 
ves ,  &  les  lirops  qu'on  en  a  recueillis  fervent  à  faire 
des  vergeoifes.  Foyez_  tous  ces  mots  à  leur  article. 

Bâtarde  ,  en  terme  de  Rafinerie  defucre;  c'eft  une 
groffe  forme  qui  tient  quelquefois  jufqu'à  deux  cents 
livres  de  matière  :  on  emplit  les  bâtardes  des  firops 
recuits ,  qui  produifent  une  efpece  de  fucre  que  l'on 
appelle  auffi  bâtardes.  Foye^  BATARDES. 

Bâtarde,  (  lime.  )  en  terme  de  Bijoutier,  font  cel- 
les qui  font  d'un  degré  au-deffous  des  rudes,  &c  dont 
on  ne  fait  ufage  qu'après  elles.  Il  y  en  a  de  toutes  gran- 
deurs &  de  toutes  formes. 

Bâtarde  (Ecriture.)  Foye^  Ecriture. 

D  E  M  I-B  ATARDES,  en  terme  de  Bijoutier ,  font 
des  limes ,  qui  ne  font  ni  trop  rudes ,  ni  trop  douces  ; 
mais  qui  tiennent  le  milieu  entre  les  limes  bâtardes  & 
les  douces.  Il  y  en  a  de  plufieurs  grandeurs  &c  de  plu- 
Sieurs  formes. 

BATARDE  AU,  f.  m.  terme  de  rivière  &  de  mer,  c'eft: 
une  efpece  de  digue  faite  d'un  double  rang  de  pieux 
joints  par  des  planches,  tk  dont  l'intervalle  eft  rempli 
de  terre  ;  on  s'en  fert  pour  détourner  l'eau  d'une  ri- 
vière. 

On  donne  auffi  le  nom  de  batardeau  à  une  efpece 
d'échataut  fait  de  quelques  planches  qu'on  élevé  fur 
le  bord  d'un  vaiffeau,  pour  empêcher  l'eau  d'entn.r 
fur  le  pont,  lorfqu'on  couche  le  vaiffeau  fur  le  cùté 
pour  le  radouber.  (Z) 

Batardeau  (le)  eft  ,  dans  la  Fortification ,  ua 

Sij 


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BAT 


BAT 


maffif  de  maçonnerie  qui  traverfe  toute  la  largeur 
du  fofTé  :  on  le  place  ordinairement  vis-à-vis  les  an- 
gles laillans  des  battions  &  des  demi-lunes ,  &  fur  le 
prolongement  des  capitales  de  ces  ouvrages. 

On  tait  des  bdtardeaux  dans  les  foffés  d'une  place , 
pour  en  retenir  l'eau  &  empêcher  qu'elle  ne  s'écoule 
par  les  endroits  du  foffé  qui  le  trouvent  plus  bas  que 
les  autres. 

Pour  qu'un  bâtardeau  foit  bon  &  folide  ,  il  doit 
avoir  depuis  15  pies  jufqu'à  18  pies  d'épaiïTeur.  On 
le  confinait  vis-à-vis  les  angles  laillans  des  ouvrages 
de  la  fortification  ;  parce  que  dans  tout  autre  endroit 
il  pourroit  fervir  de  couvert  à  l'ennemi  dans  le  paf- 
fage  du  fofîe  contre  le  feu  de  la  place.  Sa  partie  fupé- 
rieure  forme  une  efpece  de  toit  en  dos  d'âne  ,  &  elle 
fe  nomme  la  cape  du  bâtardeau.  On  conftruit  fur  le 
milieu  de  la  cape  une  petite  tour  d'environ  6  ou  7 
pies  de  hauteur  ,  &c  d'autant  de  diamètre  ;  elle  fert  à 
empêcher  qu'on  marche  fur  la  cape  ,  &  elle  s'oppofe 
ainli  à  la  dcfertion  des  foldats.  Voyeir  un  bâtardeau  en 
D  ,  PL  IV.  de  Fortifie,  fig.  3.  (  Q  ) 

BATARDIERE ,  f.  f.  (Jardinage.  )  eft  un  lieu  de 
paffage  ;  c'eft  la  place  dans  un  jardin  où  l'on  tranl- 
plante  des  arbres  tout  greffés  tirés  de  la  pépinière ,  &C 
que  l'on  y  met  en  réferve. 

Pour  les  mieux  lever  en  motte  dans  la  fuite  ,  on 
les  plante  à  6  ou  7  pies  de  diftancel'un  de  l'autre  fur 
des  alignemens  tirés  au  cordeau. 

Les  fruits  à  noyau  font  ordinairement  féparés  d'a- 
vec ceux  à  pépin. 

On  les  levé  pour  être  tranfportés  trois  ans  après 
avoir  été  greifés  dans  la  pépinière. 

On  laboure  &  on  taille  ces  arbres,  qui  donnent 
fou  vent  de  très-beaux  fruits.  (  K  ) 

BATARDISE  ,  f.  f.  (  DROIT  DE  )  terme  de  Jurifpr. 
eft  le  droit  qu'ont  les  fouverains  en  France  ,  &  en 
certains  cas  les  feigneurs  haut-jufticiers ,  de  s'appro- 
prier la  fucceffion  des  bâtards  moris  fans  enfans  & 
fans  avoir  dilpolé  de  leur  bien  par  donation  ou  or- 
donnance de  dernière  volonté,  ^oye^  Bâtard.  (H) 

BATATE,  TOPINAMBOUR  ou  POMME  DE 
TERRE ,  f.  f.  (  Hifi.  nat.  &  Jard.  )  On  en  diftingue  de 
trois  efpeces  ;  celle  d'Efpagne  ,  celle  de  la  Virginie  , 
èc  celle  du  Canada. La  première  a  pafféde  Newfound- 
land  dans  les  jardins  d'Efpagne.  Elles  ont  toutes  les 
trois  à-peu-près  les  mêmes  propriétés  médicinales. 

On  doit  les  choifir  graffes  ,  bien  nourries  ,  ten- 
dres ,  rougeâtres  en-dehors ,  blanches  en-dedans ,  &c 
d'un  goût  approchant  de  celui  de  l'artichaut.  Elles 
nourrifîènt ,  elles  humectent  beaucoup ,  elles  adou- 
cirent les  acrimonies  de  la  poitrine  :  mais  elles  en- 
gendrent des  humeurs  groffieres  ,  ôc  excitent  des 
vents. 

Ces  fruits  ou  plutôt  ces  racines  font  émollientes , 
&  bonnes  pour  prévenir  ou  difliper  les  maladies  qui 
proviennent  de  la  rigidité  des  fibres  ;  c'eft  un  aliment 
convenable  à  ceux  qui  font  beaucoup  d'exercice ,  & 
aux  gens  bilieux  ,  ci  à  tous  ceux  dont  les  humeurs 
font  trop  acres  &  trop  agitées. 

Batate  cathartique  ou  Cacamote  hana- 
quiloni  ,  (  Med.  )  Les  racines  prifes  à  la  dofe  de 
deux  onces  fur  le  point  de  fe  mettre  au  lit ,  purgent 
doucement  &  fans  danger.  On  dit  que  cette  batate 
eft  douce  &  agréable  au  goût ,  &  ne  le  cède  en  rien 
à  nos  pois.  (  A7) 

*  BATAVES ,  f.  m.  pi.  (  les  )  Hijl.  mod.  &  Gêog. 
Il  eft  fait  mention  de  ces  peuples  dans  les  commen- 
taires de  Céfar ,  &  autres  écrivains  anciens.  Ils  oc- 
cupoient  une  partie  de  la  Hollande  méridionale ,  une 
partie  du  duché  de  Gueldre  &  de  la  ieigneurie  d'U- 
trecht.  On  entend  aujourd'hui  parifowvtMlesHolian- 
dois. 

#  BATAVIA,  (Gêog.)  ville  d'Alie  dans  l'île  de 


Java,  au  royaume  de  Bantan.  Long.  224.  30.  lat. 
merid.  G.  10. 

*  Batavia  ,  (  Gêog.  )  nom  d'une  rivière  de  la 
terre  Auftrale ,  dans  la  province  appellée  Carpenta- 
ria ,  vers  la  mer. 

BATAYOLLES  ,  f.  f.  pi.  (  Marine.)  ce  font  des 
pièces  de  bois ,  ou  gros  bâtons  quarrés  d'environ  qua- 
tre pouces ,  &  de  la  hauteur  de  trois  pies  ,  qui  font  at- 
tachées perpendiculairement  par  le  dedans  aux  baca- 
las.  Voyei  la  Planche  II.  n° .  ig.   (  Z) 

BATE,  i.f.  en  terme  de  Fourbi[/eur,eû.  cette  partie  po- 
lie &  luilante  d'un  corps  d'épée ,  fur  laquelle  on  mon- 
te la  moulure.  Voyei  Corps  dTipée,  &  Moulure. 

BATE  d'une  boite  de  montre.  Voye{  BOÎTE  DE  MON- 
TRE ,  Se  la  fig.  IZ.  PI.  XII.  de  l'Horlogerie. 

BATE  ,  en  terme  de  Aletteur-en-ceuv re  j  c'eft  la  partie 
élevée  perpendiculairement  fur  le  fond  de  la  boîte 
ou  tabatière  ,  qui  en  fait  les  côtés  &  le  contour,  & 
qui  forme  la  cuvette.  Voye^  Cuvette  &  Boîte. 

BATES  ou  ROUELLES  ,  terme  de  Potier-d'Etain;  ce 
font  des  plaques  d'étain  jettées  en  moule  toutes  pla- 
tes ;  elles  fervent  à  faire  des  pièces  de  rapport.  Voye^ 
Pièces  de  rapport. 

BATEAU  ,  BATEAUX ,  f.  m.  On  nomme  ainfi , 
en  terme  de  Marine ,  diverfes  fortes  de  petits  vaiffeaux 
que  l'on  mené  à  la  voile  &  à  la  rame ,  mais  qui  font 
faits  plus  matériellement  &  plus  forts  que  les  cha- 
loupes :  l'on  a  auffi  de  grands  bateaux  portant  mâts , 
voiles  &  gouvernail ,  6c  qui  ne  peuvent  aller  qu'à 
la  voile. 

Il  y  a  différentes  efpeces  de  bateaux ,  auxquels  on 
donne  différens  noms,  fuivant  leur  forme ,  leur  ufage, 
&  les  lieux  où  l'on  s'en  fert.  Ainfi  on  peut  renfermer 
fous  ce  nom ,  la  chaloupe ,  la  barque ,  Yefquif,  le  canot  y 
le  paquebot ,  le  coche- d'eau  ,  le  bac ,  lejtibot,  \apata~ 
che ,  la  gondole ,  le  ponton ,  la  felouque  ,  le  bateau-mar- 
nois  ,  le  bateau  -fioncet ,  le  chaland ,  le  bateau  defelle, 
le  bateau  depojle ,  le  bachot,  la  nacelle  ,  le  batelet ,  &c. 
&  quelques  autres. 

Bateaux  À  EAU  ,  (  Marine.  )  Les  bateaux  ou  bar* 
ques  à  eau  font  deltinés  en  Hollande  à  amener  de 
l'eau  douce  dans  les  lieux  où  il  n'y  en  a  pas ,  comme 
l'on  fait  à  Amfterdam  pour  les  braifeurs  de  bierre  ,  & 
quand  l'eau  de  pluie  manque  :  on  s'en  fert  encore 
pour  aller  quérir  de  l'eau  de  mer  dont  on  fait  du  fel. 
Ceux  qui  amènent  de  l'eau  douce  font  fort  plats  ,  Se 
enfoncent  dans  l'eau  prefque  jufqu'au  bord  ,  ou  du 
moins  à  un  pié  du  bord ,  lorfqu'ils  font  chargés  :  ils 
ont  un  peu  de  relèvement  à  l'avant  &  à  l'arriére ,  & 
il  y  a  des  trous  dans  le  carreau  par  où  s'écoule  l'eau 
qui  y  tombe  ou  qui  y  entre  de  dehors  :  les  coutures 
en  font  tort  bien  calfatées  ou  goudronnées  :  on  y  fait 
entrer  l'eau  par  un  trou  qui  elt  deffous,  qu'on  bou- 
che quand  le  bateau  eft  plein. 

Ceux  qui  amènent  de  l'eau  falée  ,  font  faits  à  la 
manière  des  femaques ,  &  matés  en  fourche.  (  Z  ) 

*  Bateaux  maires  ;  c'eft  ainfi  qu'on  appelle 
ceux  qui  font  deltinés  au  tranfport  des  fels. 

*  Bateaux  de  poste  ;  c'eft  ainfi  qu'on  appelle 
ceux  qui  font  établis  fur  la  Loire  &  fur  le  Rhône.  Ils 
font  étroits  &  plats  ,  &  font  une  très  -  grande  dili- 
gence. 

*  Bateaux  de  selles  ;  c'eft  ainfi  qu'on  appelle 
à  Paris  de  grands  bateaux  longs ,  plats  ,  &  garnis  à 
leurs  extrémités  de  deux  roues  à  godets  ,  qui  pui- 
lent  de  l'eau  &  la  jettent  dans  des  canaux  qui  la  con- 
duifent  fur  des  bancs  &  ailleurs  oii  peuvent  en  avoir 
befoin  les  blanchiffeufes  ,  à  l'ufage  defquelles  font 
ces  bateaux:  elles  y  vont  laver  leur  linge  en  payant. 

*  Bateaux  (aisde)  ;  ce  font  ceux  qui  provien- 
nent du  déchirement  des  vieux  bateaux.  Les  menui- 
fiers  les  achètent ,  &  s'en  fervent  par-tout  où  le  bois 
neuf  n'eft  pas  nécefTaire.  Le  commerce  en  eft  confi- 


BAT 

dérable  dans  tontes  les  grandes  villes  où  il  y  a  des 
ports. 

BATELÉE,  f.  f.  (  Marine.  )  terme  dont  on  fe  fert 
fur  les  rivières  ,  pour  dire  charge  entière  de  bateau. 

BATELIERS,  f.  m.  pi.  (Manne.)  On  donne  ce 
nom  à  ceux  qui  conduisent  les  bateaux  fur  les  ri- 
vières.  (Z  ) 

*  BATEMBURGIQUES  ,  f.  m.  pi.  (Hift.  mod.  ) 
nom  de  coureurs ,  qui  clans  le  feizieme  fiecle  pillè- 
rent les  églifes  ,  renverferent  les  autels  ,  &  firent 
beaucoup  de  dégâts  fous  la  conduite  d'un  ibldat  fé- 
ditieux. 

*  BATENBOURG  ,  (  Géog.)  ville  des  Provinces 
Unies  au  duché  de  Gueldre  fur  la  Meule,  entre  Ra- 
venftein  &  Megen. 

BATER  un  cheval ,  un  mulet ,  ou  un  âne  ;  (  Marèch. 
&  Manège.  )  c'eft  lui  attacher  le  bât  fur  le  dos  :  le  dé- 
bdter  ;  c'eft  lui  ôter  le  bât  de  deffus  le  dos.  (  V\ 

BATH  ,  BATHUS ,  ou  EPHA,  (  Hift.  anc.  )  me- 
fure  des  Hébreux ,  qui  contenoit  la  dixième  partie  du 
chore  ou  gomor ,  c'eiï-à-dire  vingt-neuf  pintes ,  cho- 
pine  ,  demi-feptier ,  un  poiiîbn,  &  cette  fraction  de 
pouce,  H&8-.  _ 

Quelques  critiques  ont  imaginé  qu'il  y  avoit  chez 
les  Hébreux  deux  fortes  de  baths  ;  l'un  f  acre  ,  qui  ne 
fervoit  qu'au  temple  ;  &  l'autre  ordinaire ,  ufité  dans 
le  commerce  &  plus  petit  que  le  premier.  Le  pre- 
mier ,  difent-ils  ,  contenoit  un  bath  &  demi  ordinaire  ; 
ce  qu'ils  effayent  de  prouver  par  ce  qu'il  eft  dit  dans 
le  ///.  liv.  des  Rois,  ch.  vij.  v.  z6 '.  que  la  mer  d'airain 
de  Salomon  contenoit  deux  mille  baths  ;  &  qu'on  lit 
dans  les  Paralipomenes  ,  liv.  II.  ch.  iv.  v.  3.  qu'elle 
tenoit  trois  mille  mefures  ou  trois  mille  baths.  Mais 
on  concilie  aifément  ces  deux  palfages ,  en  difant  que 
la  coupe  ou  cuvier  de  la  mer  d'airain  contenoit  deux 
mille  baths  ,  comme  le  dit  le  III.  livre  des  Rois  ,  & 
que  le  pié  de  ce  vafe  qui  étoit  creux  en  contenoit 
encore  mille  ,  ce  qui  failoit  en  tout  trois  mille ,  com- 
me le  portent  les  Paralipomenes.  Calmet,  DiÛ.  delà 
Bible  ,tom.  I.  p.  2<)().   Voye^  MER  D'AIRAIN.   (C) 

*  Bath  ,  (  Géog.  )  ville  d'Angleterre  en  Sommcr- 
fetshire,fur  l'A  von.  Long.  ;3.  10.  lat.  ai.  20- 

Bath  (  eaux  de  ).  Vbye^  Eau. 

*  BATHA  ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  petite  ville  du 
royaume  d'Alger  en  Barbarie ,  dans  la  province  de 
Telenfin,  fur  la  rivière  de  Mina.  Quelques-uns  la 
prennent  pour  l'ancienne  Vaga  ou  Vago. 

*Batha  ,  Bath  ,  Bachia,  (  Géog.  )  ville  de 
Hongrie ,  capitale  du  comté  du  même  nom  ,  fur  la 
rive  occidentale  du  Danube,  à  cinq  lieues  du  con- 
fluent de  la  Drave.  Long.  jy.  lat.  46 .  40. 

B ATHANÉE  ,  (  Géog.fainu.  )  contrée  de  la  Thra- 
conite  dans  la  tribu  de  Manaffé,  au-delà  du  Jour- 
dain. 

*  BATH ASECK  ,  (  Géog.  )  ville  de  la  baffe  Hon- 
grie dans  le  comté  de  Tolna  ,  fur  la  Sarvitze.  Il  y  en 
a  qui  prétendent  que  c'eft  la  même  ville  que  Batha. 
Voyi^  Batha. 

BATH-KOL,  c'eft-à-dire  fille  de  la  voix,  (  Hijl. 
une.  )  c'eft  ainfi  que  les  Juifs  appellent  un  oracle, 
dont  il  eft  fouvent  fait  mention  dans  leurs  livres ,  fur- 
tout  dans  le  Talmud.  L'auteur  du  fupplémcnt  aux  cé- 
rémonies des  Juifs,  a  remarqué  qu'ils  admettent  dif- 
férentes fortes  d'infpirations ,  &  qu'ils  croyent  com- 
munément que  la  prophétie  ou  infpiration  divine  a 
duré  chez  eux  jufque  vers  la  quarantième  année  du  fé- 
cond temple  ,  à  laquelle  fuççeda  une  autre  forte  d'inf- 
piration, qu'ils  nomment  bath-kol.  Les  Rabbins,  com- 
me Buxtorf  l'a  obfervé  dansfon  grand  dictionnaire  , 
dilent  qu'après  la  mort  d'Aggée  ,  de  Zacharie  ,  &  de 
Malachie  ,  le  faint-Efprit  fe  retira  d'Ifrael  ;  mais  que 
cependant  ils  eurent  l'ufage  de  la  fille  de  la  voix:  & 
ils  ne  manquent  point  d'hiftoires  pour  appuyer  cette 
rêverie.  Poye{  Buxtorf  fur  le  mot  bath-kol.'  (  G  ) 


BAT 


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*  BATHMONSTER  ,  (  Géog.  )  ville  de  Hongrie 
au  comté  de  Bath ,  fur  la  rive  orientale  du  Danube. 

BATHOS,  (  Géog.  &  Myth.  )  vallée  de  la  Macé- 
doine ,  près  du  fleuve  Alpha  ,  où  l'on  croyoit  que 
les  géans  avoient  combattu  contre  les  dieux  :  on  y 
faifoit  des  facrifices  au  bruit  d'éclairs  &  de  tonnerres 
artificiels. 

BATI ,  f.  m.  c'eft  ainfi  qu'on  appelle  ,  en  Menuife- 
rie ,  les  battans  ,  les  montans ,  tk  traverfes  d'une  partie 
de  lambris  d'une  porte  ou  d'un  guichet  de  croifée 
affemblés  ,  foit  que  les  panneaux  y  foient  ou  non. 

Bâti  ,  chc{  les  Tailleurs  ;  c'eft  le  gros  fil  qui  a  fervi 
à  bâtir  un  habit.  Voye^  Bâtir.  Ainfi  ils  difent,  ôte^ 
le  bâti  de  cet  habit  ,  pour  ote^  le  fil  avec  lequel  on  en  a 
aiïemblé  les  morceaux. 

*  BATICALA  ,  (  Géog.  )  royaume  des  Indes  fur 
la  côte  de  Malabar  ,  au  nord  du  royaume  de  Ca- 
nara.  Long.  gj>.  60.  lat.  14.  8. 

*  BATICALO  ou  MATICALO ,  (  Géog.  )  ville 
d'Afie  dans  la  partie  orientale  de  Pile  de  Ceylan  , 
capitale  du  royaume  de  même  nom  ,  fur  la  rivière 
de  Batecalo.  Long.  gg.  33.  lat.  y.  33. 

BATIER  ,  f.  m.  ouvrier  qui  fait  &  vend  des  bâts 
de  mulets  &  autres  bêtes  de  fomme.  Les  bâtiers  font 
partie  de  la  communauté  des  Selliers.  V.  Sellier. 
BATIMENA  ,  (  Géog.  )  royaume  de  la  prefque 
île  des  Indes  au-delà  du  Gange ,  dans  le  Malabar  , 
vers  les  montagnes  &  le  royaume  de  Cochin. 

BATIMENT ,  f.  m.  (  Architecl.  )  on  entend  fous  ce 
nom  tous  les  lieux  propres  à  la  demeure  des  grands  & 
des  particuliers ,  aufii  bien  que  les  édifices  facrés ,  pla- 
ces publiques,  portes  de  ville,  arcs  de  triomphe, 
fontaines  ,  obélifques  ,  &c.  conftruits  tous  de  pierre, 
ou  de  pierre  &  de  bois  de  charpente  ,  &  dans  les- 
quels on  employé  le  marbre  ,  le  bronze  ,  le  fer ,  le 
plomb ,  ôc  autres  matières.  Ces  dirférens  bâtimens. 
paflent  pour  réguliers  ou  pour  irréguliers  ,  félon  la 
forme  des  plans  qui  les  compofent.  Ainfi  on  dit  qu'un 
bâtiment  eft  régulier  ,  lorfque  fon  plan  eft  quarré ,  ou 
de  forme  oblongue  ,  pourvu  que  fes  côtés  oppofés  , 
fes  avant-corps,  pavillons  tk  arrierc-corps  ,  foient 
égaux  ,  &  bâtis  avec  lymmétrie  :  au  contraire  on  dit 
qu'il  eft  irrégulier ,  lorfque  fon  plan  n'eft  pas  renfer- 
mé dans  des  lignes  parallèles  entr'ellcs ,  tel  qu'eft  un 
plan  triangulaire  ,  ou  celui  qui  n'a  qu'un  pavillon  , 
qu'une  aile  à  l'une  de  fes  extrémités ,  &  qui  n'en  a 
point  à  fes  côtés  oppofés. 

Ces  mêmes  bâtimens  prennent  encore  dirférens 
noms  ,  eu  égard  à  leur  fituation  :  on  les  appelle  i/o- 
lés ,  lorfqu'ils  font  entourés  de  rues  ,  de  jardins  , 
ou  de  grandes  cours  ,  comme  eft  celui  de  l'Ob- 
fervatoire  ;  flanqués  ou  adojfés  ,  lorfqu'ils  touchent  à 
quelqu'autre  grand  édifice  ,  tels  que  ceux  qui  font 
mitoyens  au  Palais-royal  ou  au  Luxembourg  ;  en- 
foncés ,  lorfque  leur  fol  eft  plus  bas  que  la  nie  ,  ou 
les  maifons  adjacentes  ,  tels  que  ceux  qui  font  conf- 
truits dans  les  rues  baffes  du  Rempart,  à  la  porte  S. 
Honoré  ,  Montmartre  ,  S.  Denys  ,  &c. 

On  ajoute  ordinairement  au  terme  de  bâtiment  ^ 
celui  de  fon  ufage  en  particulier  :  par  exemple ,  on 
appelle  bâtimens  civils ,  ceux  qui  fervent  de  demeures 
aux  princes ,  aux  miniftres ,  aux  prélats,  &z en  géné- 
ral ceux  qui  font  relatifs  à  la  fociété  ;  au  contraire- 
on  appelle  bâtimens  militaires ,  ceux  qui  font  confa- 
crés  à  l'art  de  la  guerre ,  tels  que  les  portes  de  ville, 
les  arfenaux,  cafernes  ,  baftions,  guérites,  &c.  on 
appelle  bâtimens  hydrauliques,  ceux  qui  l'ont  deftinés 
à  contenir  les  machines  pour  élever  les  eaux  ,  foit 
pour  l'utilité  publique,  comme  celui  du  pont  Notre- 
Dame  ;  foit  pour  les  embeiliffemens  des  maifons 
royales  ,  tels  que  ceux  de  la  Samaritaine  &de  Mar- 
ly  :  bâtimens  publics,  ceux  qui  font  deftinés  à  rendre  la 
juftice ,  ou  à  l'ufage  du  public ,  comme  le  Palais  à  Pa- 


I41 


BAT 


ris,  l'Hôtel-de-vilIe ,  les  fontaines  de  Grenelle  &<des 
Innocens ,  ou  autres  de  cette  efpece  :  bdtimens  du 
commerce ,  ceux  où  les  négocians  s'affemblent  cer- 
tain jour  de  la  femaine ,  pour  s'y  tenir  en  correfpon- 
danec  avec  les  étrangers  ;  c'eft  ce  qu'on  appelle  bour- 
fi,  banque  ,  &c. 

Bdtimens  de  Marine ,  font  ceux  qui  font  deftinés  à 
la  conftruftion des  vaiffeaux ,  dans  lelquels  font  com- 
pris les  magafins  ,  arfenaux  ,  corderies  ,  aufîi  bien 
que  ceux  où  l'on  tient  ces  vaiffeaux  en  fureté ,  com- 
me les  ports ,  moles ,  bafîins ,  &c.  batimens  rufiiques  & 
champêtres  ,  ceux  qui  à  la  campagne  font  deftinés  à 
contenir  les  beftiaux ,  les  grains ,  les  jardins  potagers, 
vergers  ,  légumiers  ,  connus  fous  le  nom  de  fermes  ; 
ils  font  ordinairement  voifins  de  quelque  terre  con- 
fidérable  :  enfin  on  appelle  bdtimens  particuliers, 
Ceux  qui  font  deftinés  à  la  demeure  des  habitans  d'u- 
ne ville  ou  d'une  province  ,  qui  n'ont  point  d'autre 
objet  qu'une  commodité  relative  à  l'état  &  à  la  con- 
dition de  leur  propriétaire. 

On  dit  aufîi  d'un  bâtiment  qu'il  eft  triple  ,  double, 
demi  double ,  ou  fimple ,  lorfque  dans  fa  profondeur 
entre  cour  &  jardin  ,  il  eft  partagé  par  trois ,  deux , 
une  &  demie ,  ou  une  feule  pièce  ;  comme  on  dit  bâ- 
timent en  aile  ,  lorfque  l'on  pratique  ou  ajoute  après 
coup  à  un  bâtiment  un  ou  plulieurs  étages,  en  retour 
de  fa  façade  principale. 

On  dit  encore  qu'un  bâtiment  eft  feint ,  lorfqu'on 
veut  parler  d'une  aile  aftéftée  contre  un  mur  mi- 
toyen ,  fans  autre  utilité  que  la  fymmétrie  ,  loit  que 
cette  affectation  fe  faffe  en  peinture  ou  en  maçonne- 
rie ,  comme  celle  que  l'on  a  pratiquée  à  l'hôtel  de 
Beauvilliers  àParis;  de  même  on  appelle  bâtiment  rui- 
né, celui  qui  par  vétufté  ne  laiffe  plus  que  quelques 
fragmens  de  fon  ancienne  ordonnance  ,  tels  que  les 
ruines  de  Tivoli ,  ou  la  plupart  des  anciens  châteaux 
aux  environs  de  Paris ,  dont  il  ne  refte  plus  que  quel- 
ques veftiges. 

Des  parties  effentielles  qui  compofent  la  plupart 
des  bdtimens  dont  nous  venons  de  parler ,  on  en  dif- 
tingue  trois  de  préférence ,  lavoir ,  la  folidité,  la  com- 
modité ,  &  l'ordonnance  ;  la  première  a  pour  objet 
la  connoiffance  de  l'emploi  &  de  la  qualité  des  ma- 
tériaux ,  &  doit  être  confidérée  comme  la  plus  im- 
portante partie  du  bâtiment ,  connue  fous  le  nom  de 
confiruciion  ;  la  féconde  confifte  dans  l'art  de  diftri- 
buer  les  plans  félon  la  dignité  du  perfonnage  qui 
fait  bâtir ,  connue  fous  le  nom  de  dijlribution  ;  la  troi- 
fieme  confifte  dans  l'art  de  donner  de  la  proportion, 
de  l'harmonie  &  de  l'accord  aux  parties  d'un  bâti- 
ment ,  pour  que  réunis  enfemble  ils  concourent  à  fai- 
re un  beau  tout  ;  &  c'eft  ce  qu'on  appelle  décoration. 
Foye{  la  définition  de  chacun  des  termes  dont  on 
vient  de  parlera  leurs  différens  articles.  (P) 

Bâtiment  ,  (Marine.  )  on  entend  ordinairement 
par  ce  mot  toutes  fortes  de  navires  ou  vaiffeaux,  de- 
puis le  plus  petit  jufqu'au  plus  grand ,  lorfqu'ils  ne 
font  pas  vaiffeaux  de  guerre.  Il  y  a  cependant  beau- 
coup de  gens  qui  l'attribuent  également  aux  vaif- 
feaux de  guerre  &  aux  vaiffeaux  marchands. 

Bâtiment  ras  ,  c'eft  un  bâtiment  qui  n'eft  pas  ponté. 

Bâtiment  délicat ,  c'eft  un  navire  foible  de  bois. 

(Z) 

BATIR ,  v.  a.  &  n.  terme  cTArchuecl.  fe  dit  &  de  la 

dépenfe  que  fait  un  particulier  pour  élever  ou  ref- 
taurer  un  bâtiment ,  &  du  travail  de  l'architecïe  char- 
gé de  la  conduite  des  ouvrages.  Aufîi  dit-on  de  quel- 
qu'ouvrage  d'importance  ,  un  tel  prince  a  bâti  tel  édi- 
fice ,  Se  que  tel  architecte  a  bâti  tel  monument ,  par- 
ce qu'il  en  a  donné  les  deffeins. 

On  dit  encore  qu'un  entrepreneur  bâtith\cn. ,  lorf- 
que fes  batimens  lont  conftruits  avec  choix  de  bons 
matériaux  ,  &  avec  le  foin  &  la  propreté  que  l'art 
demande.  Poyei  Bâtiment.  (P) 


BAT 

Bâtir  ou  Bassetir  ,  termede  Chapelier,  c'eft  façon** 
ner  le  feutre  fur  le  baffin  pour  en  former  les  quatre 
capades  :  quand  elles  ont  été  bien  marchées  8Î  feu- 
trées ,  on  les  joint  enfemble  &  on  en  compofe  un  tout 
qui  reffemble  affez  à  une  chauffe  à  hypocras  ,  après 
quoi  on  foule ,  &  on  dreffe  le  chapeau  fur  une  forme 
de  bois  avec  l'avaloire  ,  la  pièce  ,  &  le  choque.  V. 
Chapeau  ,  Avaloire  ,  Pièce  ,  &  Choque. 

Bâtir  ,  terme  de  Tailleur,  qui  fignifîe  affembler 
les  pièces  d'un  habit  en  les  coulant  à  grands  points 
avec  du  gros  fil ,  avant  que  de  les  coudre  à  demeure 
avec  de  la  foie  ou  du  fil  plus  fin. 

BATISSOIR  ,  f.  f.  injlrument  de  Tonnelerie  ;  c'eft 
un  cercle  de  fer  plus  ou  moins  grand ,  félon  les  ou- 
vrages ,  dont  le  tonnelier  fe  fert  pour  affembler  les 
douves  d'une  futaille  qu'il  veut  conftruire. 

*  BATISTE,  f.  f.  (  Comm.  )  toile  de  lin  fine  & 
blanche  qui  fe  fabrique  en  Flandre  &  en  Picardie  : 
on  en  diftingue  de  trois  fortes  ;  il  y  a  la  batijie  claire  , 
la  moins  claire  ,  &  la  hollandée  ;  les  deux  premières 
ont  deux  tiers ,  ou  trois  quarts  &  demi  de  large ,  &  fe 
mettent  par  pièces  de  fix  à  fept  aunes  ;  la  hollandée 
porte  deux  tiers  de  large  ,  &  douze  à  quinze  aunes 
de  long.  De  quelque  longueur  que  les  ouvriers  faffent 
les  batijles  claires  ,  les  courtiers  les  réduifent  à  douze 
aunes ,  &  ces  douze  aunes  en  deux  pièces  de  fix.  Les 
morceaux  enlevés  de  ces  pièces  fe  nomment  couponsy 
s'ils  font  de  deux  aunes  jufte  ;  s'ils  ont  plus  ou  moins 
de  deux  aunes ,  on  les  bâtit ,  &  on  les  vend  comme  la 
pièce.  Les  batijles  viennent  des  manufactures  envelop- 
pées dans  des  papiers  bruns  battus  ;  chaque  paquet 
eft  d'une  pièce  entière ,  ou  de  deux  demi-pièces  :  on 
en  emplit  des  caiffes  de  fapin  ,  dont  les  ais  font  af- 
femblés  avec  des  chevilles  au  lieu  de  clous,  ce  qui  eft 
très-commode  ;  car  en  clouant  les  ais  ,  on  pourroit 
aifément  percer  les  pièces.  L'on  fait  avec  cette  toile 
des  fichus  ,  des  mouchoirs  ,  des  furplis  ,  &c. 

BATMAN  ou  BATTEMANT  ,  f.  m.  (  Comm.  ) 
poids  de  Turquie.  Il  y  en  a  de  deux  fortes  ;  l'un  eft 
compofé  de  fix  ocquos,  chaque  ocquo  pelant  trois  li- 
vres trois  quarts  de  Paris  ;  en  forte  que  ce  premier 
batman  eft  de  vingt-deux  livres  &  demie. 

L'autre  eft  pareillement  compofé  de  fix  ocquos  ; 
mais  chacun  de  ces  ocquos  ne  pelé  que  quinze  on- 
ces, qui  eft  trois  quarts  moins  que  le  premier  :  ce  der- 
nier batman  ne  revient  donc  qu'à  cinq  livres  dix 
onces. 

Le  quintal ,  qui  eft  aufîi  un  poids  de  Turquie ,  pe- 
fe  trente  batmans.  Voye^  Quintal  &  OCQUO. 

Batman  eft  auffi  un  poids  de  Perlé  ;  il  y  en  a  de 
deux  fortes  ,  ainfi  qu'en  Turquie  ;  l'une  qu'on  nom- 
me batman  de  chahi  ou  cheray ,  &  qui  eft  le  poids  du 
roi  ;  &  l'autre  qui  s'appelle  batman  de  Tauris ,  du  nom 
d'une  des  principales  villes  de  Perle. 

Le  batman  de  chahi  fert  à  pefer  tant  les  chofes  né- 
ceffaires  à  la  vie  ,  que  les  charges  des  bêtes  de  fom- 
me  :  il  pefe  douze  livres  &  demie  de  Paris. 

Celui  de  Tauris ,  qu'on  ne  met  en  ufage  que  pour, 
les  marchandifes  de  négoce  ,  pefe  moitié  moins  que 
le  batman  de  chahi ,  &  n'eft  par  conféquent  que  de 
fix  livres  un  quart. 

Telle  eft  la  proportion  de  ces  poids  avec  les  nô- 
tres ,  félon  Tavernier  :  mais  Chardin  y  met  quelque 
différence  ;  car  il  ne  fait  le  batman  de  Tauris  que  de 
cinq  livres  quatorze  onces  de  Paris,  &  le  batman  de 
chahi ,  ou  le  batman  du  roi ,  que  de  douze  livres  dou- 
ze onces.  (G) 

*  BATOCHINE  ,  (  Géog.  )  partie  de  File  de  Gi- 
lolo ,  l'une  des  Moluques. 

*  BATOCKS,  ou  BATOGGI ,  f.  m.  pi.  (  Hijl. 
mod.  )  font  deux  bâtons  minces  dont  on  le  fert  à 
Mofcow  pour  battre  les  criminels  jufqu'à  la  mort  : 
lorfque  quelqu'un  eft  condamné  à  ce  fupplice ,  on  lui 
ôte  fes  habits,  &  on  ne  lui  laiffe  que  la  chemife; 


BAT 

un  des  exécuteurs  s'afîîed  fur  fa  tête  ,  &  un  autre 
fur  fes  jambes ,  tandis  qu'un  troifieme  frappe  jufqu'à 
ce  que  le  patient  ait  reçu  la  dofe  de  coups  prefcrite 
par  le  magiflrat. 

*  BATON  ,  Cm.  fe  dit  en  général  d'un  morceau 
de  bois  rond,  tourné  au  tour  ou  non  tourné  ,  Se  s'ap- 
plique à  beaucoup  d'autres  choies  qui  ont  la  même 
forme.  Ainfi  on  dit  en  Tableterie ,  un  bdton  cT ivoire, 
un  bâton  d'écaillé ,  pour  un  morceau  d'ivoire  ou 
d'écaillé  rond  ;  chez  les  Marchands  de  bois ,  un  bâton 
de  coteret ,  pour  un  morceau  du  menu  bois  de  chauf- 
fage ,  fait  des  petites  branches  des  arbres  ;  chez  les 
Epiciers  un  bâton  de  cajje  ,  un  bâton  de  cire  dEfpagne  ; 
chez  les  Gantiers  ,  un  bâton  à  gant  ;  voye^  plus  bas  ; 
un  bâton  de  jauge  ,  pour  l 'infiniment  qui  fert  à  mesu- 
rer les  tonneaux  ;  un  bâton  de  croifure ,  chez  les  Haute- 
liciers  ,  pour  la  baguette  qui  tient  leurs  chaînes  croi- 
fées  ;  chez  les  PâtiJ/iers  &  Boulangers  ,  un  bâton  ,  pour 
le  morceau  de  bois  que  l'on  met  en  travers  fur  le 
pétrin  ,  Se  fur  lequel  on  meut  le  fas  pour  en  tirer  la 
farine  ;  chez  les  Fondeurs,  un  bâton  ,.pour  le  rouleau 
qui  leur  fert  à  corroyer  enfemble  le  fable  &  la  terre 
qui  entrent  dans  la  façon  de  leurs  moules.  Voye^  la 
fuite  de.  cet  article. 

Bâton  ,  f.  m.  (  Hijl.  anc.  &  mod.  )  efl  un  infini- 
ment dont  on  fe  fert  ordinairement  pour  s'appuyer 
en  marchant.  Le  cardinal  Bona  obferve ,  dans  fon 
traité  des  Liturgies  ,  qu'autrefois  ceux  qui  fe  fer- 
voient  de  bâton  dans  l'églife  pour  s'appuyer ,  étoient 
obligés  de  le  quitter  ,  &  de  fe  tenir  debout ,  feuls  & 
droits ,  dans  le  tems  qu'on  lifoit  l'évangile  ,  pour  té- 
moigner leur  refpecl  par  cette  poflure  ,  Se  faire  voir 
qu'ils  étoient  prêts  d'obéir  à  Jefus-Chrifl,  &  d'aller 
par-tout  où  il  leur  commanderait  d'aller. 

On  fe  fert  fouvent  auffi  d'un  bâton  comme  d'une 
efpece d'arme  naturelle,  offenfive  Se  défenfive.  Les 
Lacédémoniens  ne  portoient  jamais  d'épée  en  tems 
de  paix ,  mais  fe  contentoient  de  porter  un  bâton  épais 
&  crochu  qui  leur  étoit  particulier. 

S.  Evremont  obferve  que  chez  les  Romains  les 
coups  de  bâton  étoient  une  façon  modérée  de  punir 
les  efclaves ,  Se  qu'ils  les  recevoient  par-dcfïùs  leurs 
habits. 

Les  Maîtres-d'armes  ,  Se  les  gens  fufccptibles  du 
point  d'honneur  ,croyent  qu'il  efl  bien  plus  honteux 
de  recevoir  un  coup  de  bâton  qu'un  coup  d'épée  ; 
à  caufe  que  l'épéc  efl  un  infiniment  de  guerre  ,  &  le 
bâton  un  infiniment  d'outrage. 

Les  loix  de  France  punifïent  bien  féverement  les 
coups  de  bâton.  Par  uu  règlement  des  Maréchaux  de 
France  fait  en  1653  ,  au  iujet  des  fatisfaclions  &  ré- 
parations d'honneur ,  il  efl  ordonné  que  quiconque 
en  frappera  un  autre  du  bâton ,  fera  puni  par  un  an 
de  prifon  ,  qui  pourra  être  modéré  à  fix  mois  en 
payant  3000  livres  ,  applicables  à  l'hôpital  le  plus 
prochain  :  outre  cela  L'aggreffeur  doit  demander  par- 
don à  genoux  a  l'offenlé  ,  &c.  tout  prêt  à  recevoir  de 
lui  un  égal  nombre  de  coups  de  bâton;  &  il  y  a  cer- 
tains cas  où  ce  dernier  peut  être  contraint  de  les  don- 
ner, quand  même  il  aurait  trop  de  généralité  pour 
s'y  réloudre  de  lui-même. 

Par  un  autre  règlement  des  Maréchaux  de  l'an- 
née 1679,  celui  qui  frappe  du  bâton  après  avoir  re- 
çu des  coups  de  poing  dans  la  chaleur  de  la  difpute, 
efl  condamné  à  deux  ans  de  prifon;  &  à  quatre 
années ,  s'il  a  commencé  à  frapper  à  coups  de  poing. 
La  loi  des  Frilbns  ne  donne  qu'un  demi-fou  de 
compolition  à  celui  qui  a  reçu  des  coups  de  bâton  ; 
Se  il  n'y  a  fi  petite  blcffure  pour  laquelle  elle  n'en 
accorde  davantage.  Par  la  loi  Salique  ,  fi  un  ingénu 
donnoit  trois  coups  de  bâton  à  un  ingénu,  il  paj  oit 
?"  fous  ;  s'il  avoit  fait  couler  le  iang ,  il  étoit  puni 
comme  s'il  eût  biche  avec  le  fer ,  Se  il  payoit  quinze 
fous,  La  peine  Se  l'indemnité  le  mefuroient  fur 


BAT 


M3 


la  grandeur  des  blelTures.  La  loi  des  Lombards  éta- 
blit différentes  compofitions  pour  un  coup,  pour 
deux,  trois,  quatre  :  aujourd'hui  un  coup  en  vaut 
mille. 

La  conflitution  de  Charlemagne ,  inférée  dans  la 
loi  des  Lombards ,  Veut  que  ceux  à  qui  elle  permet 
le  duel ,  combattent  avec  le  bâton  j  peut-être  fût-ce 
un  ménagement  pour  le  clergé  ;  ou  que  ,  comme  on 
étendoit  l'ufage  des  combats ,  on  voulut  les  rendre 
moins  fanguinaires.  Le  capiudaire  de  Louis  le  Dé- 
bonnaire donne  le  choix  de  combattre  avec  le  bâton 
ou  avec  les  armes  :  dans  la  fuite  ,  il  n'y  eut  que  les 
ferfs  qui  combatifîént  avec  le  bâton. 

Déjà  je  vois  naître  Se  le  former  les  articles  parti- 
culiers de  notre  point  d'honneur ,  dit  l'auteur  de  l'ef- 
prit  des  lois ,  tome  II.  page  zoz.  L'accufateur  com- 
mençoit  par  déclarer  devant  le  juge  qu'un  tel  avoit 
commis  une  telle  a&ion ,  Se  celui-ci  répondoit  qu'il 
en  avoit  menti;  fur  cela  le  juge  ordonnoit  le  duel  : 
la  maxime  s'établit  que ,  lorfqu'on  avoit  reçu  un  dé- 
menti ,  il  falloit  fe  battre. 

Quand  un  homme  avoit  déclaré  qu'il  combattrait , 
il  ne  pouyoit  plus  s'en  départir ,  fans  être  condamné 
à  une  peine  :  autre  règle  qui  s'enfuivit  ;  c'eit  que 
quand  un  homme  avoit  donné  fa  parole  ,  l'honneur 
ne  lui  permettoit  plus  de  fe  rétrader. 

Les  gentilshommes  fe  battoient  entr'eux  Se  avec 
leurs  armes  ;  les  villains  fe  battoient  à  pié  Se  avec  le 
bâton.  Le  bâton  devint  donc  un  infiniment  outra- 
geant ;  parce  que  celui  qui  en  avoit  été  frappé,  avoit 
été  traité  comme  un  villain. 

Il  n'y  avoit  que  les  villains  qui  combatifîént  à  vi- 
fage  découvert  ;  ainfi  il  n'y  avoit  qu'eux  qui  puffent 
recevoir  des  coups  au  vifage  ;  de-là  vint  qu'un  fouf- 
flet  fut  une  injure  qui  devoit  être  lavée  par  le  fang  ; 
parce  que  celui  qui  l'avoit  reçu ,  avoit  été  traité 
comme  un  villain. 

Voilà  comment  par  des  degrés  infenfibles ,  fe  font 
établies  les  lois  du  point  d'honneur,  &  avant  elles  les 
différences  entre  les  inflrumens  contondans.  Le  bâton 
cil  devenu  une  arme  deshonorante  quelquefois  pour 
celui  qui  s'en  fert ,  8c  toujours  pour  celui  avec  qui 
l'on  s'en  efl  fervi. 

Bâton  ,(Hi/l.  mod.  )  efl  quelquefois  une  marque 
de  commandement  Se  un  attribut  de  dignité  ou  d'em- 
ploi :  tels  font  les  bâtons  de  maréchaux  de  France ,  de 
maîtres  d'hôtel,  de  capitaines  des  gardes ,  d'exempts, 
&c  Celui  de  maréchal  efl  fleurdelifé  ;  le  roi  l'envoyé 
à  celui  qu'il  élevé  à  ce  grade  militaire  ;  les  maîtres 
d'hôtel ,  les  capitaines  des  gardes  ,  les  exempts,  &c. 
peuvent  être  méconnus  pour  ce  qu'ils  (ont,  s'ils  s'ex- 
pofent  à  l'exercice  de  leurs  charges,  fans  leurs  bâtons; 
c'efl-là  l'ufage  principal  du  bâton. 

Bâton  de  gardes  de  nuit  qui  courent  les  rues  de 
Londres  ,  en  criant  l'heure  qu'il  efl.  Celui  qui  tient 
le  manoir  de  Lambourn ,  dans  le  comté  d'Efî'ex  ,  doit 
le  fervice  du  bâton,  c'efl- à-dire  ,  qu'il  efl  obligé  de 
fournir  une  charge  de  paille  fur  une  charrette  tirée  à 
fix  chevaux  ,  deux  cordes  ,  deux  hommes  armés  de 
pié  en  cap ,  pour  garder  le  bâton  quand  on  le  porte 
à  la  ville  cXAibridge  ,  &c.  Camb.  lit.  Efft    . 

Bâton  traînant,  {Hijl.  mod.)  ou  Bâton  à 
QUEUE;  Edouard  premier,  roi  d'Angleterre,  rendit 
fous  ce  titre  un  édit  contre  les  ufurpateurs  des  terres, 
lefquels  pour  opprimer  les  propriétaires  véritables, 
tranfportoient  ces  terres  ulurpées  à  de  grands  ici- 
gneurs  ;  contre  ceux  qu'on  loiioit  pour  maltraiter  Se 
outrager  les  autres;  contre  les  violateurs  de  la  paix  , 
ravifîeurs,  incendiaires  ,  Se  duelliiles;  contre  ceux 
qui  vendoient  à  taux  poids  Se  à  faillies  melures  ,  & 
autres  malfaiteurs.  Cette  efpece  d'inquifition  tut  exé- 
cutée avec  tant  de  rigueur  ,  que  les  amendes  qui  en 
provinrent  ,  apportèrent  au  rai  des  threlors  îm- 
menfes. 


144 


BAT 


On  appelloit/K£fî  à  bâton  traînant,  ceux  qui  étoient 
chargés  de  l'exécution  de  cet  édit ,  foit  par  rapport 
à  la  manière  rigoureufe  &  fommaire  dont  ils  fai- 
foient  leurs  exécutions  ,  foit  par  rapport  au  bâton 
qu'ils  portoient  comme  une  marque  de  leur  autorité, 
&  qu'ils  tenoient  à  la  main  en  jugeant  les  malfai- 
teurs. (G) 

*  Bâton,  (en  Mythol.)  on  diftingue  particuliè- 
rement Y  augurai  &C  le  pajioral  :  Y  augurai ,  appelle  par 
ïes  Latins  iituus  ,  étoit  façonné  en  crofle  par  le  bout  ; 
il  fervoit  à  l'augure  pour  partager  le  ciel  dans  les  ob- 
fervations  ;  celui  de  Romulus  avoit  de  la  réputation 
chez  les  Romains  :  ceux  d'entre  eux  qui  ne  fe  pi- 
quoient  pas  d'une  certaine  force  d'eiprit ,  croyoient 
qu'il  avoit  été  confervé  miraculeuiement  dans  un 
grand  incendie.  Quintus  tire  de  ce  prodige  &  de  la 
croyance  générale  qu'on  lui  accordoit ,  une  grande 
objection  contre  le  Pyrrhonifme  de  Ion  freie  Cice- 
ron ,  qui  n'y  répond  que  par  des  principes  généraux 
dont  l'application  vague  ieroit  fouvent  dangereufe  : 
Ego  Philojbplri  non  arbitror  teftibus  utiqui  aut  cafu  veri, 
aut  maittiafalfificlique  ejje  pojjunt.  Argumentis  &  ra- 
tionibus  oportet ,  quart  quidque  itafit  ,  âocere  ;  non  even- 
tis ,  Us  prœfertim  qttilnis  mihinon  liceat  credcre.  . .  omitte 
igitur  lituum  Romuli ,  quem  maximo  in  incendia  negas 
potuijfe  comburi ....  Nil  débet  ejje  in  Philofophia  com- 
mendtiis  fabellis  loci.  lllud  erat  Philofophi  ,  totius  au- 
gura primum  naturam  ipfam  videre  ,  deinde  imentio- 
nem  ,  deinde  conflantiam  . . .  quaji  quidquam  fit  tain  vai- 
lle ,  quam  nihilj'apere  vulgare?  aut  quaji  tibi  ipjiinju- 
dicando  placeat  inuldtudo. 

Ciceron  a  beau  dire  ;  il  y  a  cent  mille  occafions  où 
la  forte  d'examen  qu'il  propofe  ne  peut  avoir  lieu  ; 
où  l'opinion  générale,  la  croyance  non  interrom- 
pue ,  &  la  tradition  confiante ,  font  des  motifs  luffi- 
îans;  où  le  jugement  de  la  multitude  eft  aufli  sur  que 
celui  du  philofophe  :  toutes  les  fois  qu'il  ne  s'agira 
que  de  fe  fervir  de  les  yeux ,  fans  aucune  précaution 
antérieure  ,fans  le  befoin  d'aucune  lumière  acquife, 
fans  la  néceflité  d'aucune  combinailon  ni  induftion 
fubféquente ,  le  payfan  eft  de  niveau  avec  le  philo- 
fophe :  celui-ci  ne  l'emporte  fur  l'autre  que  par  les 
précautions  qu'il  apporte  dans  l'ulage  de  les  fens  ; 
par  les  lumières  qu'il  a  acquifes,  &  qui  bientôt  ôtent 
à  fes  yeux  l'air  de  prodige  à  ce  qui  n'eft  que  natu- 
rel ;  ou  lui  montrent  comme  furnaturel  ce  qui  eft 
vraiment  au-deflùs  des  forces  de  la  nature  ,  qui  lui 
font  mieux  connues  qu'à  perfonne  ;  par  l'art  qu'il  a 
de  combiner  les  expériences ,  d'évaluer  les  témoi- 
gnages ,  &  d'eftimer  le  degré  de  certitude  ,  &  par 
l'aptitude  qu'il  a  de  former  des  inductions  ou  de  la 
fuppofition  ,  ou  de  la  vérité  des  faits. 

Le  bâton  pajioral  eft  de  deux  fortes  :  c'eft  ou  celui 
qu'on  voit  dans  les  monumens  anciens  à  la  main  des 
Faunes  ,  des  Sylvains  ;  en  un  mot  des  dieux  des  bois 
&  des  forêts  :  il  eft  long  ,  noueux ,  &  terminé  en 
crofle  :  ou  c'eft  la  croife  même  que  nos  évêques 
portent  à  la  main  dans  les  jours  de  cérémonie  ;  c'eft 
un  aflemblage  de  différentes  pièces  façonnées  d'or 
&  d'argent ,  entre  lelquelles  on  peut  diftinguer  le 
bec  de  corbin  ou  la  crofle  d'en-haut ,  les  vaies  ,  les 
fonds  de  lanterne ,  les  dômes ,  les  douilles  ,  &  les 
croifillons. 

Il  y  a  encore  des  bâtons  de  chantre  &  de  confrairie. 
Le  bâton  de  confrairie,  n'eft  autre  choie  qu'un  long 
morceau  de  bois ,  tourné  au  tour ,  façonné  ,  doré  , 
ou  argenté,  à  l'extrémité  duquel  eft  fichée  l'image 
du  patron  de  la  confrairie. 

Le  bâton  de  chantre  en  ulage  dans  quelques  cathé- 
drales ,  reffembie  aflez  au  bâton  pajioral ,  quant  à  la 
richefle ,  &  même  quant  à  la  forme  ,  à  l'exception 
qu'il  n'eft  pas  terminé  en  haut  par  la  croife  ,  mais 
qu'il  a  quelqu'autre  forme  relative ,  foit  à  la  dignité 
du  chantre ,  loit  aux  prérogatives  de  l'églife. 


BAT 

Bâton  ,  in  terme  de  Blafon ,  forte  de  bande  qui  n'a 
qu'un  tiers  de  la  largeur  ordinaire.  Voye[  Bande. 

Le  bâton  ne  va  pas  d'un  côté  à  l'autre  de  l'écuflbn, 
comme  fait  la  bande  ou  l'écharpe ,  mais  il  eft  coupé 
court  en  forme  de  tronçon;  il  eft  d'ufage  pour  mar- 
quer la  bâtardij'e.  (F) 

Bâtons  à  deux  bouts  ;  ce  font  de  longs  bâtons 
que  les  gardes  des  forêts  &  des  parcs ,  &c.  portent 
comme  une  marque  de  leur  emploi,  ôc  dont  ils  le  fer- 
vent aufli  comme  d'une  arme. 

BATONS  ou  BacL'LI ,  en  Pharmacie,  comyoïwxons, 
façonnées  en  cylindre ,  ayant  la  figure  de  bacons.  C'eft 
ainli  que  l'on  figure  les  magdaleons  des  emplâtres  offi- 
cinales. 

C'eft  fous  cette  figure  que  l'on  met  les  chandelles 
gaUmques ,  les  bougies  medicamenteufes.  Voye^  CHAN- 
DELLE, Bougie. 

C'eft  aufli  fous  cette  forme  qi:e  l'on  réduit  certai- 
nes préparations  bechiques,  ou  que  l'on  ordonne 
dans  la  toux ,  comme  le  lue  de  i  églifle  de  Blois ,  les 
tablettes  ou  bâtons  de  lucre  d'orge.  Poyvr  Tablet- 
tes ,  Suc  de  Reglisse.  (N) 

B  A T  O N  d'Arpenteur;  voye^  EQUERRE  à? Arpen- 
teur. (£) 

Bâton  de  Jacob  ,  infiniment  dont  on  fe  fert  en 
mer  pour  mefurer  les  hauteurs  des  aifres.  On  l'ap- 
pelle autrement  arbalcjlrille,  Voye{  Arbalestril- 
le.  (T) 

Bâton  À  mèche,  (Marine.)  c'eft  une  mèche 
qu'on  entretient  toujours  brûlante  fur  le  château-d'a- 
vant. 

Bâton  de  Pavillon,  ou  d'Enseigne  (Mari- 
ne.) c'eft  un  petit  matereau ,  ou  longue  gaule  de  fa- 
pin,  ou  d'autre  bois  léger,  qui  fert  à  arborer  le  pa- 
villon. Voye{  en  la  ligure  &  la  pofition  dans  la  PI.  I.  à 
la  lettre  G. 

Bâton  de  Girouette,  c'eft  un  matereau  très- 
petit,  ou  gaule,  dans  lequel  eft  p'.antée  la  verge  de 
fer  qui  tient  la  girouette.  Voye^  à  la  Planche  I.  les  gi- 
rouettes marquées  g. 

Bâton  de  Flamme  ,  c'eft  un  bâton  qui  n'eftlong 
qu'autant  que  la  flamme  eft  large  par  le  haut.  C'eft  ce 
bâton  qui  la  tient  au  haut  du  mât. 

Bâton  de  Vadel,  Bâton  ou  Manche  de  Gui- 
pon,  (Marine.)  ce  font  certains  bâtons  oii  l'on  atta- 
che les  bouchons  d'étoupe  ou  de  penne ,  dont  fe  fert 
le  calfateur  pour  goudronner  ou  braier  le  vaifleau. 

Bâtons  de  Neper.  ^ov^Neper. 

Bâton,  en  Architecture ,  c'eft  une  moulure  ufitée 
dans  la  baie  des  colonnes.  Aov^Tore. 

Bâton,  enMufique,  eft  une  barre  épaifle  qui  tra- 
verle  perpendiculairement  une  ou  plulieurs  lignes  de 
la  portée,  &  qui,  félon  fes  différentes  longueurs,  fé- 
lon le  plus  ou  le  moins  de  ces  lignes  qu'elle  embrafle  , 
exprime  un  plus  grand  ou  moindre  nombre  de  me- 
fures  qu'on  doit  compter  en  lîlence. 

Anciennement,  les  bâtons  repréfentoient  autant 
de  différentes  valeurs  de  notes,  depuis  la  ronde  juf- 
qu"à  la  maxime  qui  en  valoit  huit ,  &  dont  la  durée 
en  filence  s'évaluoit  parunbâton,  qui,  partant  d'une 
ligne ,  traverfoit  trois  intervalles ,  &  alloit  joindre  la 
quatrième  ligne. 

Aujourd'hui  le  plus  grand  bâton  eft  de  quatre  me- 
fures  ;  il  faut  que ,  partant  d'une  ligne ,  il  traverié  la 
fuivante,  ôv  arrive  à  la  troilieme  ainli: 


m 


On  le  répète  une  fois ,  deux  fois ,  ou  autant  de  fois 
qu'il  faut  pour  exprimer  huit  niefures ,  ou  douze ,  eu 
tout  autre  multiple  de  quatre,  Cv  l'on  ajoute  01 

renient 


I<> 


BAT 

rement  au-defTus  un  chiffre  qui  dif- 
penfe  de  compter  ta  valeur  de  tous 
ces  bâtons.  Ainfi  ces  marques  indi- 
quent un  fdence  de  feize  meuires. 

Le  plus  petit  bâton  eft  de  deux  menues ,  &  s'étend 
feulement  d'une  ligne  à  la  voifme  , 
en  cette  forte , 


A  T 


M5 


P=ff 


Les  autres  moindres  fdences  comme  d'une  mefure, 
d'une  demi-mefure ,  d'un  tems ,  &c.  s'expriment  par 
les  mots  de  paufe,  demi-paujè ,  foupir ,  &c.  Voye^  ces 
mots.  Il  eft  aifé  de  comprendre  qu'en  combinant  tous 
ces  fignes,  on  peut  exprimer  à  fa  volonté  des  fdences 
d'une  durée  quelconque.  Voye^  Silence. 

Il  ne  faut  pas  confondre  avec  les  bâtons  des  fdences, 
d'autres  bâtons  précifément  de  même  figure,  qui ,  fous 
le  nom  de  paufes  initiales ,  fervoient  dans  nos  ancien- 
nes mufiques  à  déterminer  le  mode ,  c'eft-à-dire  ,  la 
mefure,  &  dont  nous  parlerons  au  mot  Mode. 

Bâton  de  Mesure,  eft  un  bâton  fort  court,  ou 
même  un  fimple  rouleau  de  papier,  dont  le  maître 
de  Mufique  le  fert  dans  un  concert  pour  régler  le 
mouvement ,  &  marquer  la  mefure  &  les  tems.  Voye^ 
Battre  la  mesure.  (S) 

Bâtons  de  Chasse,  ce  font  ceux  que  l'on  porte 
quand  on  va  courre. 

Bâton  À  EGRISER,  parmi  les  Diamantaires ,  eft 
un  morceau  de  bois  tourné ,  compofé  d'une  tête  fur 
laquelle  on  cimente  le  diamant  pour  l'égrifer  ;  plus 
bas  eft  un  collet  ou  efpace  beaucoup  moins  gros  ,  qui 
eft  proprement  la  place  du  pouce  &  de  l'index  de 
l'ouvrier.  Au-deffous  de  ce  collet  eft  la  poignée  grof- 
fe  à  pouvoir  remplir  la  main.  Il  fe  termine  en  pointe 
comme  le  petit  bout  d'un  fufeau.  Voye?^  KL.  PI.  I.  du 
Diamantaire ,  fig.  6.  qui  représente  une  portion  d'é- 
tabli, fur  laquelle  font  montés  deux  égrifoirs.  Voye^ 
Egrisoir. 

BATON  À  CIMENTER  ,  terme  de  Lapidaire,  eft  un 
morceau  de  bois ,  gros  par  un  bout  &  menu  par  l'au- 
tre ,  où  les  Lapidaires  enchâffent  leurs  cryftaux  & 
leurs  pierres  par  le  moyen  d'un  maftic.  V.  lajig.  i$. 
PI.  du  Lapidaire.  Ce  maftic  n'eft  autre  choie  qu'un 
mélange  de  ciment  &c  de  poix  réfine. 

BATON,  en  terme  de  Formier ,  c'eft  un  petit  cylindre 
garni  d'une  peau  de  chien  de  mer ,  dont  on  fe  fert 
pour  frotter  les  formes  ou  autres  ouvrages.  Voye^ 
FROTTER  ,  voyc^fîg.  i.  PI.  du  Formier-Talonnier. 

Bâton  à  Gant  ,  autrement  Retournoir  ,  ou 
Tourne-gant,  eft  un  morceau  de  bois  fait  en  for- 
me de  fufeau  long ,  dont  les  Gantiers  fe  fervent  dans 
la  fabrique  de  leurs  gants.  Ils  font  ordinairement  dou- 
bles quand  on  s'en  fert.  Voye^  Gant  &  Tourne- 

GANT. 

Bâtonner  un  gant ,  ou  réformer  un  gant,  c'eft  après 
l'avoir  fini,  l'élargir  fur  le  réformoir  avec  des  bâtons 
faits  exprès,  &  appelles  bâtons  à  gant,  afin  de  lui 
donner  plus  de  forme. 

BATON  ADRESSER,  c'eft,  parmi  les  Orfèvres  en 
grojjbie ,  un  rouleau  dont  on  fe  fert  pour  mettre  de 
niveau  une  plaque  de  métal  mince,  &  qui  voile  au 
gré  de  l'air.  Voye^  Voiler.  Voyt^  Pi.  I.  fig.  4. 

BATON  À  TOURNER  ,  en  Paffementerie,  eft  un  lîm- 
ple  bâton  rond ,  de  7  à  8  pouces  de  long ,  aflez  menu  , 
qui  a  à  3  ou  4  lignes  de  l'un  de  les  bouts,  une  peti- 
te rainure  tout  à  Fentour  de  lui-même ,  pour  rece- 
voir &  tenir  les  deux  bouts  d'une  moyenne  ficelle , 
qui  n'eft  point  coupée  par  fon  autre  bout  ;  ce  bout 
de  ficelle  non  coupé  s'introduit,  fe  fixe  dans  le  petit 
trou  du  bout  de  l'enfuple  &  s'enveloppe  fur  ce  bout , 
jufqu'auprès»du  bâton  à  tourner,  qui  fert  ainli  par  le 
mouvement  de  la  main  droite ,  à  taire  tourner  l'en- 
Tome  II. 


fuple  fur  le  ployoir ,  lorfque  l'on  ploie  les  pièces  re- 
levées fur  le  billot ,  au  fortir  de  deffus  l'ourdiflbir. 

Bâton  (  en  terme  de  Planneur  )  eft  un  morceau  de 
bois  de  tremble  ou  de  tilleul ,  fur  lequel  les  Planneurs 
nettoyent  leurs  marteaux. 

Bâton  rompu  (  en  Serrurerie  )  eft  un  morceau 
de  fer  quarré  ou  rond ,  coudé  en  angle  obtus  ;  l'an- 
gle eft  plus  ou  moins  obtus ,  félon  l'endroit  où  le 
morceau  de  fer  doit  être  appliqué. 

BATON  DE  SEMPLE  (partie  du  métier  d'étoffe  dé 
foie.  )  Le  bâton  defemple  eft  rond ,  il  a  un  pié  &C  de- 
mi de  long.  On  y  attache  les  cordes  de  femple  les 
unes  après  les  autres ,  &  on  les  y  fixe  avec  un  nœud 
courant.  Pour  cet  effet ,  on  double  les  cordes  &  on 
forme  une  boucle  double.  Le  bâton  defemple  eft  pla- 
cé au  bas  du  métier ,  à  l'extrémité  inférieure  des  cor- 
des defemple.  Voye{  la  defeription  du  métier  à  r  article. 

Velours. 

Bâton  DE  RAME  (partie  du  métier  d' étoffe  de  foie") 
Le  bâton  de  rame  a  deux  pies  de  long  ;  il  eft  de  la  mê- 
me forme  que  celui  du  femple ,  &  on  y  attache  les 
cordes  de  rame  de  la  même  manière  que  celles  du 
femple.  Voye^la  defeription  du  métier àl 'art.  VELOURS. 
Bâton  de  Gavassiniere,  eft  celui  auquel  on 
arrête  la  gavaffiniere ,  pour  difpofer  la  tireuie  à  tra- 
vailler. 

BATON  de  PREUVE  (  en  terme  de  Rafineur  defucrè) 
eft  une  efpece  de  bâton  plat  par  un  bout ,  allant  ou 
s'élargiflant  un  peu  jufqu'à  l'extrémité  du  même  cô- 
té. L'autre  bout  qui  lui  fert  de  manche  eft  rond  ,  ôc 
commence  un  peu  plus  haut  que  la  moitié  du  bâton. 
C'eft  fur  ce  bâton  trempé  dans  fa  cuite  ,  V.  cuite, 
que  le  rafineur  prend  la  preuve  &  fait  l'effai  de  la 
matière.  Foye{  Preuve.  Il  fert  encore  à  battre  dans 
la  chaudière  à  cuite,  voye^  Chaudière  à  cuite,' 
lorfque  le  lucre  monte  avant  de  prendre  fon  bouillon. 
Bâton  de  croisure  (Tapiffïer)  eft  un  bâton 
rond ,  ordinairement  de  bois  de  laule.  On  en  tait  de 
diverfe  longueur ,  mais  tout  d'un  pouce  de  diamè- 
tre. Les  Hauteliffiers  s'en  fervent  pour  croifer  les 
fils  de  leurs  chaînes.  Voye^ Haute-lisse. 

*  Bâton  (  Isle  )  ou  Buton  (  Géog.  )  île  d'Afie,"1 
dans  la  mer  Indienne,  à  l'orient  de  l'île  de  Macaffar 
ou  Celebes ,  entre  celles  de  "Wawani ,  Ccelinea ,  & 
Cabinus. 

BATONNÉE ,  f.  f.  BATONNÊE  d'eau  (en  Mur.  ) 
c'eft  la  quantité  d"eau  qu'on  puife  à  la  pompe ,  cha- 
que fois  qu'on  fait  jouer  la  brimbale.   (  Z  ) 

BATONNER ,  v.  ac.  (  en  termes  de  Palais  )  c'eft 
foùligner  un  endroit  d'un  acte  ou  d'une  pièce ,  pour 
avertir  le  juge  ou  autre  qui  la  lira,  de  faire  une  fin- 
guliere  attention  à  cet  endroit.  (  H") 

BATONNIER  des  Avocats  (Hijl.  mod.  )  eft  un  des 
anciens  de  fa  compagnie ,  qui  pendant  une  année  pré- 
fide  aux  afièmblées  &  députations  de  fes  confrères  , 
comme  le  doyen ,  dans  quelques  autres  compagnies  ; 
il  n'eft  que  primus  inter  pares ,  &  n'a  aucune  jurifdic- 
tion  fur  l'ordre.  Il  ne  peut  point  faire  de  reglemens 
fcul ,  ni  agir  de  fa  propre  autorité  pour  faire  exécu- 
ter ceux  qui  font  faits  ;  il  n'a  que  la  fimple  voie  de 
repréfentation  &  de  remontrances.  Ce  qui  donne 
plus  de  confidération  à  fa  place ,  c'eft  la  confection 
du  tableau  ou  lifte,  qu'il  dreffe  pendant  fon  année 
de  tous  les  avocats  fuivant  le  Palais  ,  qui  ont  droit 
d'y  travailler.  Voye^  Tableau. 

On  l'appelle  apparemment  Bâtonnier ,  à  cauje  du 
bâton  de  la  confrairie  de  Saint  Nicolas,  dont  il  eft 
le  chef,  l'étant  des  avocats  mêmes ,  qui  tous  en  font 
confrères  nés.  (#) 

BATONNIERS  ,  ou  Huissiers  à  Baguette, 
commis  par  le  maréchal  du  banc  du  roi  d'Angleterre, 
pour  accompagner  les  juges  &:  porter  à  la  main  une 
baguette  ou  un  bâton,  dont  le  bout  lupencur  eft  gar- 
ni ^d'argent  :  ils  accompagnent  aufli  les  pnlonruers 


I4<5 


BAT 


BAT 


que  l'on  conduit  aux  tribunaux ,  ou  que  l'on  ramène 
en  prilbn. 

Ce  nom  fe  donne  aufli  quelquefois  à  ceux  qu'on 
appelle  ordinairement  bâtons  ,  qui  font  des  gardes 
des  officiers  de  la  flotte  du  Roi ,  &  qui  fe  trouvent 
dans  les  cours  royales ,  tenant  à  la  main  une  baguette 
peinte,  pour  garder  les  prifonniers  dans  les  priions , 
&  pour  les  accompagner  en  public  quand  ils  ont  la 
permiffion  de  fortir.  Voyt?^  Bâton. 

BATONNET  {jeu  d'enfant')  :  il  fe  joue  avec  deux 
èdtonsj  l'un  long ,  affez  gros ,  rond  &  long  d'une  aul- 
ne ou  environ  ;  l'autre  plus  petit,  rond,  aiguifé  par 
les  deux  bouts ,  &  long  de  quatre  à  cinq  pouces.  On 
tient  à  la  main  le  gros  bâton  ;  on  frappe  fur  une  des 
extrémités  pointues  du  petit  qu'on  appelle  bâtonnet  ; 
le  bâton  s'élève  en  l'air  ;  &  l'adrefle  du  jeu  confifle  à 
le  frapper ,  tandis  qu'il  eft  en  l'air ,  &  à  l'envoyer  bien 
loin.  Si  on  ne  l'atteint  pas,  ou  û  on  ne  l'envoyé  pas, 
en  l'atteignant ,  à  une  certaine  diflance  ,  on  cède  le 
Bâtonnet  à  fon  adverfaire ,  &C  l'on  fe  fuccede  ainfi  al- 
ternativement. 

*  BATRACHITE ,  f.  f.  (Hift.  nat. )  pierre  qui  fe 
trouve,  dit-on,  dans  la  grenouille.  On  lui  attribue  de 
grandes  vertus  contre  les  venins  :  mais  l'exiftence 
de  la  pierre  n'eft  pas  encore  conftatée. 

BATRACHOMYOMACHIE,  f.  m.(Belles-Let.) 
combat  des  grenouilles  &des  rats  ;  titre  d'un  poëme 
burlefque  ,  attribué  communément  à  Homère. 

Ce  mot  ell  formé  de  trois  autres  mots  grecs ,  /Sarpa- 
yjç,  grenouille,  /jZ;  ,  fouris  ou  rat ,  &  fj.<t%n  ;  combat. 
Le  fujet  de  la  guerre  entre  ces  animaux  eft  la  raort 
de  Plicarpax ,  jeune  rat ,  fils  de  Toxafter ,  qui  étant 
monté  fur  le  dos  dePhyfignate  grenouille,  pour  aller 
viliter  fon  palais  où  elle  l'avoit  invité  de  venir,  fut 
faifi  de  frayeur  au  milieu  de  l'étang  ,  chancela ,  lâ- 
cha fa  conductrice  &c  périt.  Les  rats  foupçonnant  Phy- 
iignate  de  perfidie  ,  en  demandent  fatisfaftion ,  dé- 
clarent la  guerre  ,  &  livrent  bataille  aux  grenouilles 
qu'ils  auraient  exterminées  ,  fi  Jupiter  &  les  autres 
dieux  en  préfence  defquels  fe  donnoit  le  combat , 
n'enflent  envoyé  au  fecours  des  grenouilles  des  can- 
cres qui  arrêtèrent  la  fureur  des  rats. 

Suidas  fait  honneur  de  ce  poëme  à  Pigrez  ou  Ti- 
grés d'Halicarnafle ,  frère  de  l'illuftre  Artémife ,  &  le 
nom  de  ce  Carien  fe  lit  à  la  tête  d'un  ancien  manuf- 
crit  de  la  bibliothèque  du  Roi.  Etienne  Nunnélîus  & 
d'autres  favans  modernes  ,  penfent  aufli  qu'Homère 
n'en  eft  point  l'auteur.  Cependant  l'antiquité  dépofe 
en  faveur  de  ce  poète  ,  Martial  le  dit  expreflement 
dans  cette  épigramme. 

Perlege  Meonio  cantatas  carminé  ranas , 
Et  frontem  nugis  folvere  difee  meis. 

Stace  eft  du  même  fentiment  ;  &  ce  qui  femble 
confirmer  l'opinion  des  anciens  à  cet  égard ,  c'eft  que 
dans  le  flecle  dernier,  on  déterra  près  de  Rome , dans 
des  anciens  jardins  de  l'empereur  Claude ,  un  bas-re- 
lief dArchelaùs,  fculpteur  de  Pryene,  repréfentant 
un  Homère  avec  deux  rats ,  pour  fignifier  qu'il  étoit 
auteur  du  combat  des  rats. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  feu  M.  Boivin  ,  de  l'académie 
Françoife  &i  de  celle  des  Belles-Lettres ,  a  traduit  ce 
petit  poëme  en  vers  François  ;  &  fa  traduction  eft 
aufli  exa&e  qu'élégante  :  à  cela  près  que  pour  la 
commodité  de  la  rime ,  il  a  quelquefois  donné  aux 
rats  &  aux  grenouilles ,  des  noms  différens  de  ceux 
qu'ils  ont  dans  le  texte  Grec.  (  G  ) 

*  BATSK  A  (  Géog.  )  grande  contrée  de  la  Hon- 
grie ,  entre  le  Danube  &  le  Théifs. 

*  B  ATT  A  (  Géog.  )  province  du  royaume  de  Con- 
go ,  en  Afrique ,  une  de  fes  fix  parties  ;  bornée  au 
ieptentrion  par  les  contrées  de  Sundi  &  de  Pango  ;  à 
l'occident  par  celles  de  Pemba ,  &  au  midi  parle  lac 


d'Aquelonda.  Elle  eft  arrofée  par  la  rivière  de  Bar-» 
bêla. 

*  BATTAGE  des  blés ,  (  (Economie  rujlique.  )  Laif- 
fez  fuer  vos  blés  dans  le  tas  ;  tenez-les  engrangés  pen- 
dant trois  mois ,  hors  la  quantité  que  vous  deftinez  à 
la  femaille  ;  celui  que  vous  aurez  fait  battre  quelques 
jours  après  la  moiflbn ,  vaudra  mieux  pour  cet  ufage  : 
fuivez  la  manière  de  battre  de  votre  pays.  En  Gafco- 
gne  &  en  Provence ,  vous  laiflêrez  fécher  vos  gerbes 
fur  le  champ  ;  vous  aurez  un  nubilaire  ou  un  appentis, 
fous  lequel  vous  puifliez  mettre  votre  grain  à  cou- 
vert dans  le  tems  de  pluie.  Ces  appentis  6c  cette  ma- 
nière de  fécher  le  blé ,  &  de  ne  le  lever  du  champ 
que  pour  le  battre ,  vous  difpenferont  d'avoir  des 
granges  ;  il  ne  vous  faudra  que  des  greniers.  Préfé- 
rez le  battage  au  fléau.  Il  eft  auflî  avantageux  &  plus 
Ample  que  celui  oii  les  gerbes  font  foulées  par  des 
chevaux ,  des  mulets ,  ou  des  bœufs  fur  un  aire  ;  ou 
coupées  &  foulées  par  deux  grofies  planches  épaif- 
fes  de  quatre  doigts  ,  &  garnies  de  pierres  à  fufil  tran- 
chantes ,  qui  feroient  traînées  par  des  bœufs.  Le  pre- 
mier eft  en  ufage  en  Gafcogne ,  en  Itahe ,  en  Pro- 
vence; &  le  fécond  en  Turquie.  En  Champagne  ,  en 
Bourgogne,  &c.  nous  nous  fervons  du  fléau;  nous 
battons  pendant  l'hyver,  nous  prenons  des  hommes 
de  journée  ;  ils  font  l'un  à  un  bout  de  la  grange ,  l'autre 
à  l'autre  bout  ;  la  gerbe  eft  entre-deux ,  &  ils  frappent 
alternativement  fur  l'épi  de  la  gerbe ,  avec  l'inftru- 
ment  appeïléjléau.  Foye^  à  l'article  Flé  au  ,  1  a  deferip- 
tion  de  cet  inftrument.  Quand  le  blé  eft  battu  ,  il  faut 
le  vanner,  Voy.  Vanner.  Quand  il  eft  vanné  on  le 
crible.  Voy.  Crible  &  Cribler.  Plus  le  grain  eft  net, 
mieux  il  fe  garde.  Quand  il  eft  criblé ,  on  l'expofe  à 
l'air ,  pour  que  le  refte  de  fa  chaleur  fe  diflîpe. 

Battage  ,  en  Draperie  ;  c'eft  une  des  prépara- 
tions que  l'on  donne  aux  laines  avant  que  de  les  em- 
ployer à  la  fabrication  des  draps.  Cette  préparation 
fuccede  au  triage.  Voy.  Triage  &  Draperie.  Elle 
conflfte  à  les  porter  fur  une  claie  de  corde  ,  &  à  les 
battre,  comme  on  voit  PL  de  Draperie.  A  ,  la  claie  ; 
B  B ,  ouvriers  battant  les  laines.  Cette  opération  a 
deux  objets;  le  premier,  de  faire  ouvrir  la  laine,  ou 
de  la  féparer  par  les  coups  de  baguette  ;  le  fécond , 
de  la  purger  entièrement  de  la  poufliere.  Vqye^  C arti- 
cle Draperie. 

Battage  ,  f.  m.  en  termes  de  Salpétrier ,  fe  dit  du 
tems  qu'on  employé  à  battre  la  poudre  dans  le  mou- 
lin. Les  pilons  font  de  bois  ,  &  armés  de  fonte  ,  &  les 
mortiers  de  bois ,  creufés  dans  une  poutre  :  quand  ils 
font  de  fer,  il  en  arrive  fouvent  des  accidens.  Pour 
faire  la  bonne  poudre  ,  il  faut  un  battage  de  vingt- 
quatre  heures  à  3  500  coups  de  pilons  par  heure,  fi 
le  mortier  contient  16  livres  de  compofition.  Le  bat- 
tage eft  moins  rude  l'été  que  l'hy ver ,  à  caufe  que 
l'eau  eft  moins  forte.  Voyei  Moulin  À  poudre. 

BATTANS ,  f.  m.  pi.  terme  d' 'Architecture  ;  ce  font 
dans  les  portes  &  les  croifées  de  menuiferie  ,les  prin- 
cipales pièces  de  bois  en  hauteur, où  s'aflemblent  les 
traverfes. 

On  appelle  auflî  battans ,  les  venteaux  des  portes. 
On  dit  une  porte  à  deux  battans ,  lorfqu'elle  s'ouvre  en 
deux  parties.  Les  Latins  appelloient  ces  portes  bifo- 
res.  (/>) 

Battant  de  pavillon  ,  (  Marine.  )  On  entend  par 
le  battant  du  pavillon ,  fa  longueur  qui  voltige  en  Pair. 
On  appelle  le  guindant  fa  largeur  ou  la  hauteur  qui 
règne  le  long  du  bâton.  (  Z  ) 

BATTANT,  terme  de  Fondeur  de  cloches  ;  c'eft  une 
mafle  de  fer  un  peu  plus  longue  que  la  cloche ,  & 
d'une  pefanteur  proportionnée  au  poids  de  la  cloche. 
Le  battant  eft  terminé  par  en-bas  par  une  mafle  arron- 
die, &  va  en  diminuant  jufqu'en- haut ,  où  il  fe  ter- 
mine par  une  elpece  d'anneau ,  dans  lequel  on  pafle 
le  brayer  pour  attacher  le  battant  à  l'anfe  de  fer  qui 


BAT 

eft  au  cerveau  de  la  cloche  en-dedans.  Voye{  A  O  , 
fig.  6.  PL  de  la  Fonte  des  cloches  ,  6t  t 'article  Fonte 
DES  CLOCHES. 

Battans  ,  en  Menuifer'u  ;  ce  font  les  mentans  des 
croifées ,  des  guichets  de  portes ,  &c.  c'eft-à-dire  les 
pièces  de  bois  dans  lefquelles  les  traverles  s'emman- 
chent, &  qui  forment  la  hauteur. 

BATTANS  à  feuillures ,  dans  le  même  métier  ;  ce  font 
ceux  qui  au  lieu  de  noix  ont  une  feuillure  pour  fer- 
mer fur  les  dormans. 

Battans  menau  ;  font  ceux  dans  les  croifées  qui 
portent  les  efpagnolettes. 

Battans  à  noix  ;  font  ceux  qui  ont  une  languette 
arrondie  ,  qui  entre  dans  une  feuillure  faite  dans  les 
dormans  :  c'eft  ce  qu'on  appelle  croifée  à  noix. 

Battant  ,  partie  effentielle  de  tous  les  métiers  à 
ourdir ,  fbit  de  TilTerans ,  de  Drapiers ,  de  Paflemen- 
tiers ,  de  Manufacturiers  en  foie ,  &c.  &  c'eft  toujours 
un  infiniment  ou  chafïïs  dans  la  partie  inférieure  du- 
quel s'ajufte  le  peigne  :  entre  les  dents  du  peigne  paf- 
fent  les  fils  de  la  chaîne;  &  ces  dents  par  le  moyen 
du  poids  du  battant,  qui  eft  de  cent  livres  dans  les 
étoffes  riches ,  fervent  à  ferrer  la  trame  dans  l'étoffe , 
à  l'y  faire  pour  ainfi  dire  entrer,  &  à  la  rendre  plus 
forte.  Voye{  métier  de  TlSSERANS  ,  métiers  de  PAS- 
SEMENTIER, de  Drapier,  de  Manufacturiers 
en  Soie. 

Il  y  a  deux  efpeces  de  battans  ;  le  battant Jlmple ,  & 
le  battant  brifé  :  le  battant  brifé  ne  fert  qu'aux  métiers 
de  velours  uni  ;  les  deux  lames  ou  côtés  du  chafïïs 
font  coupés  à  deux  ou  trois  pouces  au-deffous  de  la 
poignée  ;  &  à  cette  partie  du  bois  des  lames  enlevées, 
on  a  lubftitué  deux  courroies  un  peu  fortes.  Cette 
brifure  elt  nécefTaire  pour  faire  drefTer  le  fer  du  ve- 
lours &  le  ramener  fur  fa  canelure.  Vqyut  Velours. 
Lô  battantjimple  eft  celui  où  les  lames  ou  côtés  du 
chafïïs  ne  font  point  coupés ,  &  font  tout  d'une  pièce. 
Battant,  en  Pajj'ementerie;  c'eft  le  chaiïis  qui 
porte  le  peigne  pour  frapper  la  trame  :  dans  le  mé- 
tier au  battant ,  ce  n'eft  point  l'ouvrier  qui  frappe  lui- 
même  (  comme  dans  l'ouvrage  au  moule  qui  le  frap- 
pe avec  un  doigtier  de  cuivre)  il  ne  fait  que  pouffer 
avec  la  main  le  battant  pour  donner  paffage  à  la  na- 
vette ,  le  battant  eft  ramené  de  lui-même  par  la  force 
du  bandage  qui  l'oblige  de  venir  frapper  la  trame;  ce 
qui  foulage  beaucoup  l'ouvrier. 

Battant  de  locquet ,  en  Serrurerie;  c'eft  une  barre 
de  fer  où  l'on  diftingue  deux  parties  ;  l'une  appellée 
la  tête,  &  l'autre  la  queue.  La  queue  eft  percée ,  & 
s'attache  fur  la  porte  avec  une  vis  ou  un  clou  ;  l'au- 
tre ou  tête  paffe  dans  le  cramponet ,  &  le  ferme  dans 
le  mentoneti 

Il  y  en  a  qui  ont  la  tête  faite  en  mentonet  ;  d'au- 
tres font  droits ,  félon  les  lieux  où  on  les  pofe. 

BATTE ,  f.  f.  infiniment  commun  à  un  grand  nom- 
bre d'ouvriers ,  chez  qui  il  a  la  même  fond  ion  ,  mais 
non  la  même  forme  :  elle  varie  ,  airili  que  fa  matière  , 
félon  les  différentes  matières  à  battre.  La  batte  des 
Plâtriers  &c  des  pileurs  de  ciment  eft  une  groffe  maffe 
de  bois  emmanchée,  bandée  d'un  cercle  de  fer  ,  & 
garnie  de  clous.  Celle  des  Jardiniers  eft  tantôt  à-peu- 
près  comme  celle  des  Carreleurs,  tantôt  comme  un 
battoir  de  lavandières  :  c'eft  un  morceau  de  jois  d'un 
pied  &c  demi  de  long ,  épais  d'un  pied  &  demi ,  & 
large  de  neuf  pouces  ,  emmanché  d'un  long  bâton 
dans  le  milieu.  On  s'en  tert  pour  battre  les  ai.ées  qui 
font  en  recoupe  ou  en  falpetre.  Celle  qui  eft  plus 
courte,  fert  à  plaquer  du  galon.  Voye\  la  Planche 
de  Jardinage.  Celle  des  Maçons  n'eft  qu'un  long  bâ- 
ton, terminé  comme  une  petite  maflue:  celle  des 
Carreleurs  eft  une  règle  d'environ  quatre  pies  de 
long  ,  large  de  cinq,  &  d'un  pouce  &  demi  d'épais , 
dont  ils  lé  fervent  poux  frapper  &  mettre  de  niveau 
leurs  carreaux  :  celle  des  Vanniers  eft  toute  de  fer, 
Tome  JI, 


BAT 


147 


ronde  par  le  bout ,  terminée  par  l'autre  en  maffe 
&  s'employe  à  chaffer  &  ferrer  les  ofiers  entre  les 
montans  ;  le  petit  bout  de  cette  batte  qui  fe  tient  à  la 
main  ,  a  un  arrêt  pour  qu'elle  loit  mieux  empoignée: 
celle  des  Tapiffiers  n'eft  qu'une  baguette  ou  deux  cor- 
des repliés ,  dont  ils  écharpiffent  la  bourre  &  la  lai- 
ne qui  ont  déjà  fervi  :  celle  des  Potiers  -de -terre  eft 
un  battoir.  La  batte-à-beurre  eft  faite  d'un  long  man- 
che ,  ajufté  dans  le  milieu  d'un  rondin  de  bois  de  cinq 
pouces  ou  environ  de  diamètre  ,  fur  un  pouce  d'é- 
pais ,  percé  de  plufieurs  trous  ;  voye^  fon  ufage  à  l'ar- 
ticle Beurre.  Les  Blanchiffeufcs  ont  leur  batte  ou 
battoir  ;  ce  n'eft  qu'une  pelle  plate  à  manche  court, 
dont  elles  frappent  leur  linge  pour  en  faire  fortir  l'eau 
&lafaleté.  La  batte-à-bœuf  des  Bouchers  n'eft  qu'un 
bâton  rond  dont  ils  battent  les  gros  beftiaux  quand 
ils  font  tués  ou  foufflés  ,  pour  en  attendrir  la  chair. 
La  batte  à  Fondeur  eft  ïïnguliere ,  fa  pelle  eft  triangu- 
laire. Voy.  à  l'article  Fondeur  en  terre  fon  ufage  ; 
voyei  aufïï  les  articles  fuivans  ,  où  l'on  définit  plus 
exactement  quelques-unes  des  battes  précédentes ,  & 
quelques  autres  dont  nous  n'avons  pas  parlé. 

Batte  ,  (  Architecture.  )  nom  que  les  ouvriers  de 

bâtiment  donnent  à  un  morceau  de  bois  fait  en  forme 

de  maffue  d'Hercule,  avec  lequel  ils  battent  le  plâtre. 

Batte  ,  autre  efpece  d'outil  qui  fert  à  battre  &c  à 

affermir  les  allées  avant  d'y  mettre  le  fable,   (f) 

Batte  ,  Ç  Marbreur  de  papier.  )  eft  un  bâton  dont 
une  des  extrémités  eft  enfoncée  dans  une  portion  de 
cylindre,  coupé  tranfverfalement.  Les  Marbreurs  fe 
fervent  d'une  batte  K  pour  broyer  &  délayer  la  gom- 
me adragante  dans  une  efpece  de  pot  à  beurre  L , 
avant  que  de  la  verfer  dans  le  baquet.  Voye^  la  fig. 
K  L  dans  le  bas  de  la  Planche  du  Marbreur. 

Batte  à  recaler ,  fert  aux  Menuifiers  à  recaler  ou 
dreffer  les  onglets  des  cadres. 

Battes  ,  (  Manège  &■  Sellier.  )  Les  battes  font  des 
parties  d'une  felle  à  piquer  élevées  fur  les  arçons  , 
fur  le  devant  &  le  derrière  ,  afin  que  le  cavalier  fe 
tienne  ferme  ,  &  que  les  fecouffes  du  cheval  ne  l'é- 
branlent  point  :  ordinairement  les  felles  n'ont  point 
de  batte  de  derrière.  On  dit  chauffer  une  batte ,  pour  ' 
dire  qu'on  met  le  liège  de  la  felle  dans  la  batte,  afin 
de  tenir  la  batte  en  état.  Le  mot  de  liège  vient  de  ce 
qu'autrefois  cette  partie  de  la  felle  étoit  de  liège  ; 
car  aujourd'hui  elle  eft  de  bois.  (>^) 

BATTE  ,  outil  de  Facteur  d'orgue  ,  eft  une  forte  rè- 
gle de  bois  bien  dreffée  fur  le  plat ,  dont  ils  fe  fer- 
vent pour  redreffer  les  tables  de  plomb  fur  l'établi, 
&  les  ployer  fur  les  mandrins.  Voye^  la  fig.  65.  PI, 
d'Orgue,  &C  1' 'article  ORGUE. 

Batte  ,  (  Rubanier.  )  inftmment  de  fer  en  forme 
de  forte  lime ,  mais  uni  &  égal  dans  toute  la  lon- 
gueur,  lervantpour  la  fabrique  des  peignes.  Cetinf- 
tniment  eft  emmanché  dans  un  manche  de  bois  :  il  y 
a  de  ces  battes  plus  ou  moins  fortes ,  fuivant  la  ne- 
cclïïté.  f'oye^  Peigne. 

Batte  de  jeu  de  Paume,  c'eft  un  infiniment  qu'on 
appelle  plus  communément  battoir  ,  ou  plutôt  c'eft 
la  partie  antérieure  du  battoir  qui  frappe  la  balle. 
Voye^  Palmier. 

Batte  ,  terme  de  Potier  de  terre,  c'eft  une  efpece  de 
maillet  plat  à  quatre  angles  ,  &  d'une  même  pièce 
avec  ion  manche.  Il  fert  à  travailler  le  carreau. 

Batte  ,  en  terme  de  Vannerie  ,  eft  un  morceau  de 
feraffez  lourd,  &  défigure  quarrée  ,  dont  les  Van- 
niers fe  fervent  pour  preffer  leur  olier  de  façon  qu'il 
n'y  ait  entre  les  brins  qu'un  très-petit  intervalle  , 
point  du  tout  même  fi  l'on  peut. 

Batte  ,  a  la  Monnaie ,  ce  font  des  efpeces  de  fa- 
bres  de  bois  quarrés  par  le  bout ,  d'environ  deux  pies 
fur  trois  ou  quatre  pouces  de  large  ,  &  un  pouce  & 
demi  d'épaiffeur,  avec  un  manche  arrondi.  Ces  bat- 
tes fervent  à  fouler  &  preffer  les  fables  dont  on  fait 


i48 


BAT 


tes  moules ,  &  leur  faire  prendre  la  forme  à  force  de 
frapper  le  iable. 

Batte  lessive,  ou  Batte-queue,  petit  oifeau 
mieux  connu  fous  le  nom  de  bergeronnette.  Voye^  BER- 
GERONNETTE. (  /) 

BATTÉE  ,  f.  f.  c'en-  le  nom  que  les  Relieurs  don- 
nent à  une  portion  d'un  livre  qu'ils  battent  fur  la 
pierre  :  on  met  les  différentes  battées  dans  une  preffe, 
avec  un  ais  entre  chaque  battit  pour  les  façonner. 

*  BATTEL  ,  (  Géog.  )  ville  d'Angleterre  dans  la 
province  de  Suffex. 

BATTELLEMENT ,  f.  m.  en  Architecture,  eft  le 
dernier  rang  des  tuiles  doubles  par  où  un  toit  s'é- 
goutte  dans  un  chèneau  ou  une  gouttière.  C'eft  le 
ftillicidium  des  Latins.   (  P  ) 

Battemens  ,  f.  m.  pi.  en  Médecine  ,  agitations  & 
palpitations  réciproques  du  cœur  &  du  pouls.  Voye.7^ 
Pouls. 

Quelques  médecins  distinguent  quatre-vingts-un 
différentes  fortes  de  battemens  iimples ,  &  quinze  de 
-battemens  compofés  :  ils  diient  que  le  pouls  en  a  foi- 
xante  par  minute  ,  dans  un  homme  d'une  conftitu- 
tion  bien  tempérée  :  mais  ils  ne  font  point  d'accord  à 
ce  iiijet  avec  l'expérience  générale.  Voye^  Pouls. 

(A0 

Battement  ,  en  Arckiteclure  ,  eft  une  tringle  de 
bois  ou  barre  de  fer  plate  ,  qui  cache  l'endroit  où 
les  deux  venteaux  d'une  porte  de  bois  ou  de  fer  fe 
joignent.  (P) 

BATTEMENS  ,  en  Horlogerie,  fe  dit  du  coup  que 
donne  à  la  couliffe  l'étochio  qui  eft  à  la  (circonfé- 
rence du  balancier  lorsqu'il  décrit  de  grands  arcs,  y. 
Renversement. 

Il  ne  doit  point  y  avoir  de  battemens  dans  une  mon- 
tre ,  ou  s'il  y  en  a  ,  ils  doivent  être  fort  légers  ,  & 
feulement  lorfqu'elle  eft  nouvellement  nettoyée  ; 
fans  cela  on  aura  beaucoup  de  peine  à  la  régler. 

Battement  eft  aufïi  fynonyme  à  vibration  :  mais  il 
ne  fe  dit  que  de  celles  du  balancier  des  montres  ; 
dans  les  pendules  on  fe  fort  toujours  du  mot  de  vi- 
bration. 

Le  nombre  des  battemens  qu'une  montre  doit  don- 
ner par  heure  a  été  long-tems  incertain  chez  les  Hor- 
logers ;  tantôt  ils  fixoient  ce  nombre  à  quelque  chofo 
de  moins  que  16000;  tantôt  ils  le  portoient  juiqu'à 
18000:  enfin  l'expérience  a  paru  montrer  que  17000 
&  quelque  choie  étoit  le  nombre  le  plus  convenable. 
Dans  le  premier  cas  les  montres  étoient  fujettes  à 
varier  par  les  fecouffes  &  par  la  chaleur  ;  dans  le  fé- 
cond ,  le  balancier  devenant  trop  léger ,  &  les  inéga- 
lités du  roiiage  étant  augmentées  à  caufe  de  l'aug- 
mentation des  frottemens ,  ces  deux  caufes  produi- 
foient  d'autres  variations.  Voye^  Vibration.  (7") 

Battement  d'épée  ,  en  Efcrime  ,  eft  une  atta- 
que qui  fe  fait  en  frappant  avec  la  lame  de  fon  épée 
celle  de  l'ennemi.  Les  battemens  d'épié  fe  font  tou- 
jours de  pié  ferme  ,  en  dégageant  ou  fans  dégager  , 
fur  les  armes  ou  fous  les  armes. 

Battemens  d'épée  en  dégageant ,  fe  font  comme 
les  battemens  Jîmples  ,  excepté  qu'on  commence  par 
dégager.  Voye^  Battement  d'épée. 

Battement  d'épée  de  tierce  ,  fans  dégager  fur  les 
armes  ou  fous  les  armes.  Il  fe  fait  en  frappant  d'un  coup 
fec  du  fort  du  faux  tranchant  fur  celui  de  l'épée  de 
l'ennemi ,  en  faifant  un  mouvement  en  avant  com- 
me quand  on  part  ;  &c  au  même  inftant  on  allonge 
l'eftocade  de  tierce  ou  de  féconde  fans  quitter  fon 
épée. 

Nota  que  dans  l'inftant  que  vous  frappez  fur  l'épée 
de  l'ennemi ,  il  peut  dégager  ou  la  forcer  :  s'il  déga- 
geoit,  alors  vous  ne  rencontreriez  pas  fon  épée  ;  c'eft 
pourquoi  en  pareil  cas  ,  au  lieu  de  pouffer  l'eftocade 
de  tierce  ou  de  féconde,  vous  allongerez  une  eftocade 
de  quarte  ow*le  quarte  baffe  ;  ôc  s'il  force  l 'épée,  yous 


BAT 

porterez  l'eftocade  de  quarte  ou  de  quarte  baffe  en 
dégageant.  Voyt\ Premier  Dégagement  forcé. 

BATTEMENT  d'épée  de  quarte  ,  fans  dégager  fur  les 
armes  ou  fous  les  armes.  Il  fe  fait  en  frappant  un  coup 
fec  du  fort  du  tranchant  fur  le  fort  de  l'épée  de  l'en- 
nemi ,  (on  frappe  ce  coup  en  faifant  un  mouvement 
en  avant  comme  quand  on  pare  )  &  au  même  inftant 
on  allonge  l'eftocade  de  quarte  ou  de  quarte  baffe 
fans  quitter  la  lame. 

Nota  que  dans  l'inftant  que  vous  frappez  fur  l'é- 
pée de  l'ennemi ,  il  peut  dégager  ou  la  forcer,  &  alors 
vous  ne  rencontreriez  pas  fon  épée  ;  c'eft  pourquoi 
en  pareil  cas ,  au  lieu  de  pouffer  l'eftocade  de  quarte 
ou  de  quarte  baffe  ,  vous  allongerez  votre  eftocade 
de  tierce  droite  ou  de  féconde  ;  &  s'il  force  l'épée  , 
vous  porterez  l'eftocade  de  tierce  ou  de  féconde. 
Foyei  Premier  Dégagement  serré. 

Battemens  ,  en  terme  de  Danfe ,  ce  font  des  mou- 
vemens  en  l'air  que  l'on  fait  d'une  jambe  ,  pendant 
que  le  corps  eft  pôle  fur  l'autre ,  &  qui  rendent  la 
danfe  tres-brillante ,  fur-tout  lorfqu'ils  font  faits  avec 
légèreté. 

La  hanche  &  le  genou  forment  &  difpofent  ces 
mouvemens  :  la  hanche  conduit  la  cuiffe  pour  s'é- 
carter ou  s'approcher  ;  &  le  genou  par  fa  flexion 
forme  le  battement,  en  fe  croifant  foit  devant  foit 
derrière  l'autre  jambe  qui  porte. 

Suppofé  donc  que  vous  foyez  fur  le  pié  gauche  , 
la  jambe  droite  en  l'air  &  bien  étendue,  il  faut  la 
croifer  devant  la  gauche  ,  en  approchant  la  cuiffe  & 
en  pliant  le  genou ,  &  l'étendre  en  l'ouvrant  à  côté  ; 
plier  du  même  tems  le  genou  en  croifant  derrière  , 
puis  l'étendre  à  côté  ,  &  continuer  d'en  faire  plu- 
sieurs de  fuite  ,  tant  d'une  jambe  que  de  l'autre.  On 
mêle  les  battemens  avec  d'autres  pas  ;  ils  en  rendent 
la  danfe  beaucoup  plus  gaie. 

Battemens  funples.  On  fait ,  par  exemple  un  coupé 
en  avant  du  pié  gauche,  &  la  jambe  droite  qui  eft 
derrière  vient  faire  un  battement  en  frappant  la  jam- 
be gauche  ,  &  fe  reporte  du  même  tems  en  arrière 
à  la  quatrième  pofition.  Ce  battement Te  fait  les  jam- 
bes étendues,  parce  qu'aux  demi-coupés  que  l'on  fait 
en  avant ,  on  doit  être  élevé  fur  la  pointe ,  &  les 
jambes  tendues;  c'eft  dans  ce  même  tems  que  vous 
faites  ce  battement:  alors  la  jambe  droite  fe  portant 
en  arrière ,  le  talon  gauche  fe  pofe  à  terre  ,  &  donne 
la  liberté  au  pié  droit  de  fe  porter  à  la  quatrième 
pofition ,  comme  on  le  voit  à  l'article  des  coupés.  V. 
Coupé. 

Il  y  a  encore  des  battemens  qui  fe  font  différem- 
ment des  autres  ;  ce  n'eft  que  des  hanches  qu'ils  fe 
forment,  comme  les  entrechats ,  les  caprioles  ,  &£  au- 
tres pas  de  ballet. 

BATTERIE  (  Art  milit.  )  on  appelle  ainfi  dans 
l'Art  militaire  tous  les  endroits  011  l'on  place  du  ca- 
non &  des  mortiers ,  foit  pour  tirer  fur  l'ennemi ,  foit 
pour  la  deftrucf  ion  ou  l'attaque  des  places  de  guerre: 
ainfi  une  batterie  de  canon  eft  une  batterie  qui  ne  con- 
tient que  des  canons ,  &  une  batterie  de  mortiers  eft  cel- 
le qui  eft  deftinée  au  fervice  des  mortiers. 

Dans  un  combat ,  on  tire  le  canon  à  découvert  fans 
qu'il  y  ait  aucune  élévation  de  terre  qui  couvre  ceux 
qui  le  chargent ,  &c  qui  le  font  maneuvrer.  Comme 
il  n'a  pas  ordinairement  alors  de  pofition  fixe  ,  & 
qu'il  en  change ,  fuivant  que  le  général  le  croit  né- 
ceffaire  ,  on  ne  peut  lui  pratiquer  d'épaulement.  Il 
n'en  eft  pas  de  même  dans  l'attaque  des  places  ;  le  ca- 
non s'établit  fixement  dans  les  lieux  où  on  le  juge  uti- 
le ;  &  il  eft  ablblument  nécelfaire ,  pour  qu'on  puilfe 
le  fervir  fùrement ,  qu'il  foit  derrière  un  parapet  affez 
épais  pour  réfifter  à  l'effort  du  canon  de  la  place. 

La  conftruft ion  de  ce  parapet ,  qu'on  appelle  or- 
dinairement épauUmentf  eft  proprement  celle  de  la 


BAT 


BAT 


149 


laiterie.  On  en  donnera  ici  le  détail  tel  que  M.  de  Vau- 
ban  le  donne  dans  fon  traité  de  T  attaque  des  places. 

Il  faut ,  autant  que  l'on  peut ,  que  le  lit  du  canon  , 
c'eft-à-dire ,  l'endroit  ou  le  terrein  fur  lequel  il  efl 
placé ,  foit  élevé  de  quelques  pies  au-deffiis  du  niveau 
de  la  campagne. 

Il  faut  donnerait  parapet  trois  toifes  d'épaifleur  , 
&C  fept  pies  6c  demi  de  hauteur. 

On  conftruit  ces  parapets  de  terre  &c  de  fafeines , 
ou  fauciflons. 

On  les  trace  avec  un  cordeau  ,  ou  avec  de  la  mè- 
che j  parallèlement  aux  parties  de  la  fortification 
qu'on  veut  détruire.  Cela  fait,  on  prend  de  la  terre 
fur  le  devant  de  la  batterie  ,  en  y  pratiquant  pour  cet 
effet ,  un  petit  foffé .  On  fait  alternativement  un  lit 
de  terre  bien  foulé  ,  &c  un  lit  de  fafeines  mifes  en  bou- 
tijj'es ,  c'eft-à-dirc  couchées ,  félon  leur  longueur,  dans 
la  largeur  du  parapet  ;  on  les  attache  bien  folidement 
cnfemble  par  des  piquets  qui  les  lient  de  manière  que 
tous  ces  différens  lits  ne  font  qu'un  feul  &  même 
corps.  On  pofe  des  fafeines  en  parement ,  c'efl-à-dire, 
couchées ,  félon  leur  longueur ,  le  long  de  tous  les 
côtés  du  parapet  ;  elles  font  attachées  fortement  avec 
des  piquets  à  l'intérieur  du  parapet. 

On  élevé  d'abord  ce  parapet  jufqu'à  la  hauteur  de 
deux  pies  &  demi  ou  trois  pies  ,  &  l'on  commence 
enfuite  les  embrafures  du  côté  intérieur  de  la  batterie. 
Elles  fe  font  de  dix-huit  pies  en  dix-huit  pies ,  afin 
que  le  merlon ,  ou  la  partie  de  l'épaulement  qui  efl 
entre  les  embrafures  ,  ait  affez  de  folidité  pour  rélif- 
ter à  l'effort  du  canon.  Ces  embrafures  ont  trois  pies 
d'ouverture  du  côté  intérieur  de  la  batterie,  &  neuf 
du  côté  extérieur. 

Les  embrafures  étant  ainfi  tracées  ,  on  achevé 
d'élever  le  refle  de  l'épaulement ,  &  l'on  donne  à  la 
partie  du  parapet  plus  élevée  que  les  embrafures ,  la 
pente  ou  le  talud  convenable  pour  que  les  merlons 
ne  s'éboulent  pas  dedans. 

On  appelle  genouilliere  delà  batterie,  la  partie  du 
parapet  depuis  le  niveau  de  la  campagne ,  jufqu'à 
l'ouverture  des  embrafures  ,  dont  les  joues  font  les 
deux  côtés  de  l'épaiffeur  de  l'épaulement  qui  termi- 
nent l'embrafure  de  part  6c  d'autre. 

Le  parapet ,  ou  l'épaulement  ,  étant  achevé  ,  on 
prépare  les  plattes-formes  vis-à-vis  les  embrafures. 
(  Voye^  Platte-forme.)  Lorfqu'elles  font  ache- 
vées ,  on  y  fait  conduire  le  canon. 

La  fig.  10.  de  la  Planche  VIII.  de  VArt  milit.  met- 
tra au  fait  de  tout  ce  qui  concerne  les  batteries  de  ca- 
non. 

Elle  repréfente  le  plan  d'une  batterie  avec  les  plat- 
tes-formes ,  &  le  canon  pofé  deffus  vis-à-vis  les  em- 
brafures  ;  &  la  fig.  première  de  la  Planche  IX.  fait  voir 
le  profil  d'une  batterie  avec  une  pièce  de  canon  dans 
fon  embrafure ,  6c  prête  à  tirer. 

On  ajoutera  ici ,  pour  plus  de  détail ,  la  manière 
fuivante  de  conflruire  une  batterie  de  canon  devant 
une  place  affiégée  ;  elle  efl  tirée  des  Mémoires  d 'Ar- 
tillerie de  M.  de  Saint-Remy. 

Le  commiffaire  qui  doit  commander  la  batterie , 
commence  par  reconnoître  le  terrein  avec  quelques 
officiers  de  ceux  qui  doivent  y  fervir,  &  enfuite  il 
fait  provifion  de  toutes  les  choies  néceffaires  ,  com- 
me des  outils  à  pionniers  de  toutes  fortes ,  le  double 
de  ce  qu'il  y  aura  de  travailleurs  ;  il  doit  en  prendre 
des  qualités  qu'il  jugera  à  propos  ,  félon  le  terrein  , 
c'eft-à-dire ,  pour  une  terre  graffe  6c  de  gafon  ,  beau- 
coup de  bêches. 

Dans  du  fable,  beaucoup  de  pelles  de  bois  ferrées. 

Dans  des  pierres  ,  ou  dans  la  terre  terme  ,  des 
hoyaux  ou  pics-hoyaux. 

Des  ferpes  ,  maffes  ,  haches  &  dcmoifelles ,  deux 
de  chaque  façon  par  pièce  ;  des  fafeines  &  des  pi- 
quets. Les  fafeines  doivent  être  de  cinq  à  fix  pies  de 


longueur ,  &  environ  dix  pouces  de  diamètre ,  à  cha- 
cune trois  bons  liens. 

Les  piquets  doivent  être  de  trois  pies  &  demi  de 
longueur  ,  &  un  pouce  &  demi  de  diamètre  par  le 
gros  bout. 

Lorfque  le  commifTairc  fera  fur  le  terrein  deftiné 
pour  la  batterie,  il  la  tracera  avec  de  la  mèche  &  des 
fafeines ,  &  obfervera  qu'elle  foit  parallèle  à  ce  qu'on 
lui  aura  marqué  de  battre.  Il  donnera  dix -huit  ou 
vingt  pouces  d'épaiffeur  à  l'épaulement ,  fuivant  les 
bonnes  ou  méchantes  terres  ;  &  fuppofé  que  la  batte- 
rie foit  de  fix  pièces  ,  il  faudra  prendre  vingt  toifes 
de  terrein  ;  &  pour  diligenter  la  batterie ,  il  faudra  du 
moins  quatre-vingts  travailleurs ,  qui  feront  partagés 
moitié  d'un  côté  ,  moitié  de  l'autre  ,  &  environ  à 
trois  pies  l'un  de  l'autre. 

A  l'égard  des  commilTaires  &  officiers  qui  feront 
deitinés  pour  la  batterie  ,  il  les  portera  de  diflance  en 
dillance  d'un  &  d'autre  côté  ,  afin  de  faire  travailler 
les  foldats  avec  diligence  ;  après  quoi  il  faudra  jetter 
la  terre  pour  faire  l'épaulement  :  ceux  qui  feront  dans 
le  dedans  de  la  batterie  tireront  de  la  terre  de  loin 
pour  ne  pas  s'enfoncer  ;  &  ceux  du  dehors  &  du  cô- 
té de  la  place  feront  un  foffé  d'environ  dix  pies  de 
large  &  fix  pies  de  profondeur  ,  afin  de  trouver  beau- 
coup de  terre  ,  tant  pour  fe  mettre  à  couvert  du  feu 
de  la  place ,  que  pour  faire  l'épaulement. 

Il  fera  laiflèr  entre  le  foffé  &  la  fafeine  qui  aura 
fervi  à  tracer  la  batterie  ,  une  berme  d'environ  trois 
ou  quatre  pies  ,  afin  d'avoir  plus  de  facilité  à  jetter  la 
terre  fur  l'épaulement  pour  raccommoder  la  batterie 
lorsqu'elle  fera  éboulée  par  le  foufle  du  canon  de  la 
batterie  même  ,  &  par  le  canon  de  la  place. 

Lorfqu'on  aura  affez  jette  de  terre  du  fofTé  fur 
l'épaulement ,  ou  que  le  jour  commencera  à  faire  voir 
de  la  place  les  travailleurs  ,  alors  le  commiffaire  les 
fera  retirer  de  derrière  ,  6c  les  fera  paffer  devant  pour 
toujours  jetter  de  la  terre  fur  l'épaulement  avec  les 
autres ,  6c  enfuite  fafeiner  le  devant  de  la  batterie , 
auffi-bien  que  les  deux  extrémités  qu'il  faut  taire  en 
petit  épaulement  ;  &  pour  cet  effet ,  il  fera  faire  un 
petit  foffé  de  côté  &  d'autre  ,  afin  d'avoir  de  la  terre, 
tant  pour  fe  couvrir  des  pièces  de  la  place  ,  qui  peu- 
vent battre  en  rouage  ,  que  pour  empêcher  la  com- 
munication &  les  partages  ,  qui  font  incommodes , 
des  tranchées  à  la  batterie  ;  &  cette  terre  fervira  aurtï 
pour  emplir  &  fortifier  les  merlons  des  deux  bouts. 

Lorfque  le  parement  de  la  batterie  fera  fafeiné  de 
trois  pies  de  hauteur ,  qui  doit  être  celle  de  la  ge- 
nouilliere,  il  partagera  les  vingt  toifes  de  terrein ,  qui 
font  cent  vingt  pies  ,  en  treize  parties. 

La  première  fera  de  neuf  pies ,  pour  le  premier 
merlon. 

La  féconde  ,  de  deux  pies  ,  pour  une  embrafure. 

La  troifieme  ,  de  dix-huit  pies  ,  pour  le  merlon 
d'entre  deux  pièces ,  6c  tout  le  refte  de  même. 

Ce  fera  encore  pour  le  dernier  merlon ,  neuf  pies. 

Il  donnera  de  l'ouverture  à  Pembralure  en  dehors 
de  neuf  pies,  après  quoi  il  partagera  les  embrafures 
aux  commiffaires  &  aux  officiers  qui  leront  avec  lui, 
fuivant  qu'il  fe  pratique  ordinairement ,  afin  que  les 
commiffaires  fanent  fafeiner  «S:  piqueter  avec  foin 
leurs  embrafures  ;  on  obfervera  de  mettre  toujours 
trois  bons  piquets  par  chacune  fafeine  contre  les  liens. 
Il  prendra  garde,  de  tems  à  autre  ,  que  les  commiffai- 
res ouvrent  &  dégorgent  les  embralures,  de  maniè- 
re qu'elles  puifient  battre  en  ligne  dire&e,  ce  qui  leur 
aura  été  marqué  ;  après  quoi  il  fera  toujours  fafeiner 
&  jetter  de  la  terre  à  hauteur  de  iix  pies  ;  &  en  cas 
que  la  batterie  (bit  battue  de  quelque  cavalier  ou  baf- 
tion  élevé  ,  il  la  fera  hauffèr  de  fept  à  huit  pies,  au- 
tant qu'il  en  fera  befoin.  /•/■•' 

Quand  les  embrafures  feront  bien  taicinees  & 
dégorgées  ,  &  qu'il  ne  reliera  plus  de  terre  que. pour 


ijo 


A  T 


BAT 


s'empêcher  d'être  vu  de  la  place ,  on  travaillera  aux 
plattes-formes ,  &  l'on  commencera  à  mettre  le  terrein 
de  niveau,  enforte  qu'il  n'y  relie  aucunes  pierres, 
s'il  le  peut  ;  après  quoi  l'on  doit  pofer  le  heurtoir  qui 
fera  de  neuf  pieds  de  longeur ,  fur  neuf  à  dix  pouces 
en  quarré ,  &  enfuite  le  premier  madrier  qui  fera  de 
neuf  pies  &  £  de  longueur,  fur  un  pié  de  large  &C  deux 
pouces  d'épailfeur. 

Le  fécond  fera  de  dix  pies  de  longueur. 
Le  troifieme  de  dix  pies  &  {. 
Et  tous  les  autres  en  fuivant  jufqu'au  nombre  de 
dix-huit ,  &  toujours  un  demi-pié  de  plus  les  uns 
que  les  autres ,  pour  rendre  la  platte-forme  depuis 
les  heurtoirs  jufqu'au  dernier  madrier  de  recul ,  de 
dix-huit  pies  de  long  ,  &  dix-huit  pies  de  large 
au  recul. 

La  platte-forme  fera  relevée  depuis  le  heurtoir  juf- 
qu'au dernier  madrier  de  recul  de  neuf  à  dix  pouces, 
&  bien  arrêtée  au  recul  par  deux  gros  piquets  de 
bois  de  charpente  ;  après  quoi  il  pourra  demander 
à  faire  marcher  le  canon  du  grand  parc ,  qui  doit 
être  armé  pour  chaque  pièce  de  deux  lanternes  & 
deux  refouloirs,  autant  d'écouvillons  &  de  coins  de 
mire,  &  de  huit  leviers. 

Les  canoniers  ordonnés  pour  mettre  le  feu  au 
canon ,  doivent  avoir  chacun  deux  dégorgeoirs ,  deux 
fournimens ,  deux  boute-feux  ;  &  pour  toute  la  bat- 
terie ,  quelques  tireboures  du  calibre  des  pièces. 

Il  faudra  choifir  un  endroit  pour  un  grand  magafin 
à  poudre  pour  toute  la  batterie  ,  derrière  un  foffé 
relevé ,  ou  redan  de  terre  ,  &  s'il  n'y  en  a  point , 
faire  un  épaulement  à  cinquante  pas  de  la  batterie. 
Quelques-uns  même  font  d'avis  de  porter  ce  ma- 
gafin à  cent  pas,  pour  mettre  à  couvert  une  cin- 
quantaine de  barrils  de  poudre,  &  la  fentinelle  pour 
les  garder. 

Il  faudra  auili  avoir  un  petit  magafin  à  poudre  de 
deux  pièces  en  deux  pièces ,  qui  puifTe  contenir  deux 
tonneaux  de  poudre,  éloigné  du  recul  des  pièces 
d'environ  dix  à  douze  pas,  &  couvert  de  fafcines, 
avec  un  petit  boyau  de  chaque  côté  pour  y  entrer , 
en  cas  que  l'on  foit  vu  de  la  place. 

Il  eft  néceffaire  que  le  canon  arrive  à  nuit  fer- 
mante à  la  batterie  avec  toutes  les  munitions ,  &  qu'il 
y  ait  au  moins  de  quoi  tirer  cent  coups  de  chaque 
pièce.  Ces  munitions  feront  mifes  dans  le  grand  ma- 
gafin près  la  batterie ,  &  dans  les  petits  que  l'on  aura 
faits  à  dix  pas  des  platte  formes  ;  &  l'on  ne  perdra 
aucun  temps  pour  faire  placer  les  pièces ,  afin  qu'elles 
puiffent  être  logées  &  en  état  de  tirer  la  nuit  même, 
ii  le  général  l'ordonne ,  ou  à  l'ordinaire  à  la  pointe 
du  jour. 

Le  commhTaire  doit  avoir  foin ,  fur  toutes  chofes , 
de  vifiter  de  temps  en  temps  les  grands  &  petits 
magafins  ;  afin  qu'en  prenant  des  mefures  juftes ,  il 
ne  lui  manque  rien ,  ni  poudre ,  ni  boulets ,  ni  four- 
rage. Il  faut  même  qu'il  ait  toujours  des  fafcines  &z 
des  piquets  pour  raccommoder  le  foir  les  épaule- 
mens  &  les  embrafures  ;  &  fur  tout ,  que  les  platte- 
formes  foient  bien  nettes,  &  qu'il  ne  s'y  répande 
point  de  poudre  ,  non  plus  que  dans  les  magafins, 
afin  de  ne  point  courir  le  rifque  du  feu  qui  arrive 
fouvent  fans  toutes  ces  précautions. 

Lorfque  le  canon  eft  prêt  à  tirer ,  on  fait  détruire 
le  côté  extérieur  des  embrafures  qu'on  a  laiffé  ex- 
près d'une  très-petite  épaiffeur ,  &  feulement  pour 
cacher  ou  mafquer  la  batterie  ouïes  embrafures:  ou 
bien  l'on  tire  le  canon  qui  détruit  bientôt  cette  ef- 
pece  de  petit  rideau.  C'eft  ce  qu'on  appelle  démaf- 
quer  une  batterie. 

Pour  tout  ce  qui  concerne  le  fervice  d'une  batte- 
rie de  canon  ,  voye^  Charge  &  Canon. 

La  table  fuivante  qui  eft  auffi  tirée  des  mémoires 
d'artillerie  de  M.  de  Saint-Remy ,  peut  être  fort  utile 


pour  donner  une  connoiffance  éxa£le  de  toutes  les 
chofes  néceffaires  à  la  conftruclion  &  au  fervice 
des  batterries  de  canon. 

Batteries  du  chemin  couvert,  font  celles 
qu'on  établit  fur  la  partie  fupérieure  du  glacis  peur 
battre  en  brèche,  lorfqu'on  eft  maître  du  chemin 
couvert. 

Ce  qu'il  y  a  d'effentiel  à  obferver  dans  ces  batte- 
ries, c'ell  d'en  ouvrir  les  embrafures ,  enforte  qu'elles 
découvrent  bien  toutes  les  parties  de  la  place  qu'elles 
doivent  battre  ,  &  qu'elles  ayent  une  allez  grande 
pente  du  derrière  au  devant  pour  plonger  julqu'au- 
bas  des  revêtemens  que  l'on  veut  ruiner.  Comme 
leur  conftruclion  eft  fort  dangereufe ,  parce  qu'elle 
le  fait  fous  le  feu  du  rempart  de  la  place  ,  on  les  maf- 
que  quelquefois  ,  c'eft-à-dire ,  qu'on  met  devant  les 
endroits  où  elles  s'établiffent,  des  facs  à  laine,  ou 
quelqu'autre  choie  qui  cache  les  travailleurs  à  l'en- 
nemi. l'oye{  Batterie  à  ricochet,  voye{  auffi. 
PL  XII.  de  l'Art  milit.  le  plan  des  batteries  du  che- 
min couvert. 

Batterie  de  Mortier  ;  c'eft  un  lieu  préparé 
pour  tirer  les  mortiers  fur  une  place  alîiégée.  Ces 
batteries  ne  différent  de  celles  du  canon ,  qu'en  ce 
qu'on  ne  fait  point  d'embrafures  à  leur  épaulement. 
Les  plattes-formes  de  ces  batteries  ont  un  pié  de 
longueur  &  fix  de  largeur  :  le  devant  fe  pofe  à  deux 
pies  de  l'épaulement  de  la  batterie. 

Le  magafin  à  poudre  pour  le  lervice  de  la  batterie , 
doit  être  derrière  à  quinze  ou  vingt  pas,  comme  aux> 
batteries  de  canon,  avec  un  boyau  de  communica- 
tion pour  y  aller  en  fureté.  On  met  des  planches  ou 
des  fafcines  avec  de  la  terre  deffus  pour  le  garantir 
du  feu. 

Les  bombes  chargées  fe  mettent  à  côté  du  même 
magafin  à  cinq  ou  fix  pas  de  dillance. 

Pour  ce  qui  concerne  la  manière  de  charger  le  mor- 
tier &  de  le  pointer,  voye{  Mortier  &  Bombe. 

Inflruclion  de  M.  Camus  des  Touches ,  pour  le  fervice 
d'un  mortier  de  dou-{e pouces ,  à  unjiége.  Lorfque  la  bat- 
terie eft  conftruite ,  &  que  les  mortiers  y  font  logés  , 
on  affemble  tout  ce  qui  ell  néceffaire  pour  l'exécu- 
tion. Savoir  :  une  provilion  de  bombes  chargées  ;  une 
botte  de  fourrage  ;  de  la  terre  douce  ;  deux  couteaux 
de  bois  ou  fpatules  ;  une  bêche  ;  un  pic-hoyau  ;  un 
balai  ;  quatre  leviers  ;  une  demoifelle  ;  un  crochet  ; 
une  curette  ou  racloir;  un  quart  de  cercle  ;  deux  bou» 
te-feux  ;  deux  coins  de  mire  :  chaque  mortier  doit  être 
auffi  fourni ,  &  avoir  à  portée  de  quoi  remplacer 
dans  le  befoin.  Le  Magafin  à  poudre  fera  dans  le  mi- 
lieu de  la  batterie,  vingt  ou  vingt-cinq  pas  derrière  ; 
&  s'il  faut  un  boyau  pour  y  communiquer  fans  être 
vu,  on  le  tirera  du  milieu  de  la  batterie,  ou  de  quatre 
mortiers  en  quatre  mortiers,  fi  la  batterie  eft  confidé- 
rable;  obfervant  de  lailfer  un  terre-plein  entre  le 
mortier  &  le  commencement  du  boyau ,  afin  qu'on 
puiffe  fe  remuer  dans  la  batterie. 

Les  bombes  chargées  feront  à  côté  du  magafin  à 
quelques  pas  de  diftance ,  la  fufée renverfée  enterre. 
Les  armes  du  mortier  feront  couchées  à  droite  6c  à 
gauche. 

Pour  fervir  un  mortier  de  douze  pouces ,  il  faut 
un  cadet  bombardier,  &  quatre  fervans.  Le  cadet  & 
ces  quatre  fervans  doivent  être  placés  comme  il  fuit, 
avec  ce  qui  fert  au  fervice  du  mortier. 

A  la  gauche  du  mortier,      f     A  la  droite  du  mortier. 


Deux  fervans. 

Une  botte  de  fourrage. 

De  la  terre  douce. 

Un  couteau  ou  lpatule.- 

Une  bêche. 

Un  balai. 


Le  cadet. 

Deux  fervans. 

Une  demoifelle. 

Un  crochet. 

Une  curette  ou  racloir. 

Un  couteau  ou  fpatule, 


BAT 

t)eux  leviers.  |      Un  fac  à  poudre. 

Un  picq-hoyau. 
I      Deux  leviers. 

Les  deux  boutefeux  feront  mis  derrière  le  mor- 
tier. Le  cadet  bombardier  doit  avoir  un  quart  de  cer- 
cle &  un  dégorgeoir.  Il  a  loin  d'aller  chercher  la  pou- 
dre dans  un  lac  au  petit  magafin.  Il  charge  le  mortier 
avec  une  mefure,  après  avoir  mis  Ion  dégorgeoir 
dans  la  lumière ,  &  demande  à  l'officier  qui  comman- 
de ,  à  combien  de  poudre  il  veut  qu'on  charge  ;  il  la 
met  dans  la  chambre  du  mortier ,  &  l'égale  bien  avec 
la  main.  Le  premier  fervant  de  la  gauche  lui  fournit 
un  bouchon  de  fourrage;  le  premier  de  la  droite  lui 
donne  la  demoifelle  :  le  cadet  refoule  un  petit  coup 
le  fourrage  qu'il  a  mis  fur  la  poudre.  Le  premier  fol- 
dat  de  la  gauche  lui  fournit  de  la  terre  douce  fur  la 
bêche,  pour  mettre  dans  la  chambre,  &c  achever  de 
la  remplir. 

Le  cadet,  après  avoir  placé  cette  terre,  la  refou- 
le à  petits  coups,  puis  de  plus  fort  en  plus  fort,  juf- 
qu'à  ce  que  la  chambre  foit  pleine ,  &  fait  fur  la  fu- 
perfîcie  un  lit  pour  affeoir  la  bombe.  Le  premier  fol- 
dat  de  la  droite  remet  la  demoilelle  en  ion  lieu.  Le 
fécond  fervant  de  la  droite,  &  celui  de  la  gauche  , 
prennent  un  levier  &  le  crochet,  &  apportent  la 
bombe  chargée;  ils  aident  le  cadet  à  la  placer:  le 
cadet  pofe  la  bombe  bien  droite  dans  l'ame  du  mor- 
tier. Le  premier  fervant  de  la  gauche  lui  fournit  de 
la  terre  pour  mettre  autour  de  la  bombe  avec  le  cou- 
teau ou  fpatule ,  que  le  premier  de  la  droite  lui  don- 
ne. Le  cadet  place  la  terre  autour  de  la  bombe,  de 
manière  que  fon  centre  le  trouve ,  s'il  ell  poffible  , 
dans  l'axe  de  l'ame  du  mortier,  que  les  anfes  ibient  en 
haut  &  tournées  fuivant  l'alignement  des  tourillons. 

Lorfque  la  bombe  elt  placée  dans  le  mortier,  le 
cadet  pointe  en  s'alignant  fur  le  piquet  planté  au  haut 
de  Fépaulement ,  &  qui  fert  à  s'ajufler  ;  &  pour  cela 
les  quatre  fervans  enfcmble  prennent  chacun  un  le- 
vier; le  premier  de  la  droite  &  celui  de  la  gauche  , 
embarrent  devant,  &  les  deux  autres  derrière  :  tous 
enlemble  pouffent  le  mortier  en  batterie,  fuivant  le 
commandement  de  l'officier  ou  du  cadet;  enfuite  les 
deux  premiers  fervans  lui  paffent  un  levier  fous  le 
ventre ,  pour  le  baiffer  &  le  hauffer  fuivant  les  de- 
grés de  hauteur  que  l'officier  ou  le  cadet  veulent  lui 
donner  ;  &  le  fécond  fervant  de  la  gauche  pouffe  ou 
retire  le  coin  de  mire  pour  cet  effet ,  au  commande- 
ment qu'il  en  reçoit.  Ce  deuxième  fervant  avec  fon 
camarade  delà  droite,  prennent  chacun  un  levier 
pour  donner  du  flafque.  Le  mortier  pointé,  le  cadet 
retire  fon  dégorgeoir  de  la  lumière ,  il  amorce  avec  de 
la  poudre  fine,  &  met  un  peu  de  poulverin  fur  le 
baifinet,  &  iur  la  fufée  de  la  bombe,  après  avoir 
graté  la  compofition  avec  la  pointe  de  ion  dégor- 
geoir ,  afin  que  le  feu  y  prenne  promptement.  Le  pre- 
mier fervant  de  la  droite  prend  le  boutefeu ,  met  le 
feu  à  la  fufée.  Le  premier  fervant  de  la  gauche  ,  met 
le  feu  au  mortier  au  commandement  de  l'officier  ou 
du  cadet,  qui  nefe  donne  que  quand  la  fufée  elt  bien 
allumée.  Lorfque  fon  coup  n'a  pas  beaucoup  de  por- 
tée ,  il  laiffe  brûler  quelque  tems  la  fufée  ,  &  ordon- 
ne le  feu  au  mortier  fuivant  l'ertimation  du  tems 
qu'elle  doit  encore  durer,  enforte  qu'elle  puiffe  cre- 
ver au  moment  après  qu'elle  ell  tombée  ;  la  longueur 
de  la  fufée  le  connoît  en  comptant  1,2,3,  &c-  éga- 
lement  depuis  fon  commencement  julqu'à  fa  fin.  Le 
cadet  ou  l'officier,  en  donnant  le  commandement,  le 
tiennent  à  portée  de  pouvoirobferver  leur  coup,  pour 
fc  corriger,  &c  mieux  ajuller  dans  la  fuite.  Quand  la 
bombe  cil  partie  ,1e  premier  fervant  de  la  droite  net- 
toyé le  mortier  avec  la  curette  ou  racloir ,  &  un  bou- 
chon de  fourrage,  que  celui  de  fa  gauche  lui  donne. 
Le  fécond  fervant  de  la  gauche,  a  le  foin  de  balaye* 
toujours  pendant  qu'on  fert  la  pièce,  afin  qu'il  ne 


BAT 


151 


relie  point  de  poudre  qui  puiffe  mettre  le  feu  à  !a  batte- 
ne.  Les  deuxlèconds  fervans  prennent  chacun  un  le- 
vier, les  placent  fous  le  ventre  du  mortier  pour  lé 
mettre  debout,  &  en  état  d'être  rechargé.  Le  cadet 
va  à  la  poudre  avec  un  fac,  charge  le  mortier  avee 
la  meiure,  &c.  chacun  reprend  le  même  polie  6k  les 
mêmes  fondions  enfeignées  ci-deffus.  Pour  charger 
les  bombes  ,  on  les  emplit  de  poudre  avec  un  en- 
tonnoir ,  on  fait  enfuite  entrer  la  fufée  par  le  petit 
bout  dans  la  lumière  de  la  bombe ,  &  on  l'enfonce 
avec  un  repouffoir  de  bois  à  coups  de  maillet  de  bois, 
&  jamais  de  fer. 

Les  petits  mortiers  fe  fervent  à  proportion  comme 
celui  de  douze  pouces.  Ceux  à  grenades  font  lu  vis 
par  un  feu]  homme;  à  l'égard  du  pierrier,  il  ne  faut 
que  trois  hommes.  La  différence  qu'il  y  a  de  fon  fer- 
vice  à  celui  du  mortier,  ell  qu'au  lieu  de  la  bomfce , 
on  met  des  pierres  dans  l'ame ,  fous  lefquelles  on  pla- 
ce un  plateau  ou  une  pierre  platte ,  lefquels  couvrent 
la  chambre.  Ces  pierres  font  arrangées  jufqu'à  la 
bouche;  quelquefois  en  les  met  dans  un  panier.  Il 
faut  faire  un  amas  de  pierres  à  portée  de  la  batterie , 
&  dans  la  batterie  même ,  &  fur-tout  en  avoir  quel- 
ques unes  de  larges  pour  mettre  au  fond  du  pierrier  : 
ces  pierres  tiennent  lieu  de  plateaux,  il  faut  aufTi 
que  chaque  pierrier  foit  muni  d'une  bonne  civière 
pour  aller  chercher  les  pierres. 

Le  pierrier  fe  met  en  batterie,  &  fe  pointe  comme 
un  mortier  :  le  principal  Bombardier  a  loin  de  bien 
arranger  les  pierres  ;  &  foit  qu'on  fe  ferve  du  panier 
ou  qu'on  ne  s'en  ferve  pas  ,  il  faut  qu'il  y  ait  de  la 
terre  autour  pour  ajuller  la  charge  ,  ainli  qu'on  en 
ufe  autour  de  la  bombe.  Chacun  de  meffieurs  les 
commandans  de  l'école  peuvent  réduire  l'exercice 
du  mortier  à  la  voix  ou  au  tambour  :  mais  il  faut  ob- 
ferver  que  chacune  des  fonclions  foit  dans  l'ordre  de 
la  préfente  inflruclion. 

Les  foldats  fervans  qui  fe  trouveront  le  plus  d'in- 
telligence ,  feront  quelquefois  employés  aux  fonc- 
tions de  cadets  ;  on  les  changera  de  place  de  tems  en 
tems ,  afin  qu'ils  fâchent  fervir  également  dans  les 
polies  de  droite  ou  de  gauche  ,  de  premier  ou  de  fé- 
cond fervant.  Les  officiers  &  les  (ergens  tiendront 
chacun  dans  leur  devoir,  &  lurtout  veilleront  à  la 
propreté  de  la  batterie;  enforte  qu'il  n'y  ait  point  de 
poudre  à  terre  ,  ou  fur  la  platte-tormc  qui  puiffe  cail- 
ler aucun  danger  ;  le  feu  ell  bien  plus  à  craindre  dans 
une  batterie  de  mortiers  ,  à  caule  des  bombes  char- 
gées qui  s'y  trouvent  :  les  plus  exactes  précautions 
y  font  néceffaires. 

Il  ell  à  remarquer  qu'une  platte-forme  de  mortiers 
ne  peut  avoir  trop  de  lblidité  :  delà  dépend  la  juflelTe 
du  mortier  ;  il  faut  que  les  lambourdes  ayent  au  moins 
fix  pouces  en  quatre. 

Récapitulation  des  différentes  fonclions  des  cadets  bom- 
bardiers &  foldats  ,  dans  l'exécution  du  mortier  de  dou^c 
pouces. 

Cadet  va  chercher  la  poudre;  met  le  dégorgeoir 
dans  la  lumière;  charge  le  mortier;  met  le  fourrage 
fur  la  poudre ,  refoule  avec  la  demoilelle  fur  le  four- 
rage ;  refoule  la  terre  douce;  pofe  la  bombe,  &  met 
de  la  terre  à  Pentour  ;  s'aligne  fur  ce  qu'il  veut  bat- 
tre; donne  l'élévation  avec  le  quart  de  cercle  ;  retire 
le  dégorgeoir  de  la  lumière;  amorce  &;  gratte  la  com- 
pofition de  la  fufée  ;  ordonne  le  tcu  au  mortier  ;  c  b- 
ferve  le  coup. 

Premier  fervant  de  la  gauche  :  donne  le  fourrage  au 
cadet ,  fournit  la  terre  douce  pour  la  chambre ,  don- 
ne la  terre  pour  mettre  autour  de  la  bombe  ,  embar- 
re  fur  le  devant  de  l'affût  pour  l'alignement  du  mor- 
tier fur  le  piquet,  paffe  un  levier  (bus  le  ventre  du 
mortier  pour  l'élévation ,  met  le  feu  au  mortier,  don- 
ne du  fourrage  à  Ion  camarade  pour  nettoyer. 

Premier  fervant  de  la  çauJu  :  donne  la  dcmoifella 


i5i 


BAT 


au  cadet,  la  remet  en  fa  place,  donne  le  couteau  ou 
(patule ,  embarre  au-devant  de  l'affût  pour  l'aligne- 
ment fur  le  piquet,  paffe  un  levier  fous  le  ventre  du 
mortier  pour  l'élévation ,  prend  le  boute-feu ,  &  met 
le  feu  à  la  fufée  ,  nettoyé  le  mortier  avec  la  curette. 

Deuxième  fervant  à  la  gauche  :  va  chercher  la  bom- 
be chargée,  aide  au  cadet  à  la  placer,  embarre  au 
derrière  de  l'affût  pour  l'alignement,  pouffe  ou  retire 
le  coin  derrière  pour  l'élévation ,  prend  un  levier  & 
met  le  mortier  debout. 

Deuxième  fervant  de  la  droite  :  va  chercher  la  bombe 
chargée ,  aide  au  cadet  à  la  placer ,  embarre  au  der- 
rière de  l'affût  pour  l'alignement ,  prend  un  levier , 
&c  met  le  mortier  debout ,  balaye  la  batterie.  Mcm. 
d'Artillerie  de  S.  Remy,  troijîeme  édition. 

Batterie  à  ricochet,  c'efl  celle  qui  eft  def- 
tinée  à  tirer  le  canon  à  ricochet. 

On  dit  qu'on  tire  le  canon  à  ricochet,  lorfqu'on  le 
charge  d'une  quantité  de  poudre  capable  feulement 
de  chaffer  ou  porter  le  boulet  vers  le  commencement 
des  faces  des  pièces  attaquées.  Il  faut  pour  cela  que 
le  canon  foit  pofté  dans  le  prolongement  de  ces  fa- 
ces. Le  boulet  tiré  de  cette  manière  va  en  roulant  & 
en  bondiffant ,  &  il  tue  ou  eftropie  tous  ceux  qu'il 
rencontre  dans  le  cours  de  fon  mouvement.  Il  fait 
bien  plus  de  defordre  en  allant  ainfi  mollement ,  que 
s'il  étoit  chaffé  avec  force  ou  raideur. 

Les  batteries  à  ricochet  ont  été  inventées  par  M.  le 
maréchal  de  Vauban  :  il  commença  à  les  employer 
au  fiege  d'Ath  en  1697.  Voici  ce  qu'il  preferit  tou- 
chant ces  batteries,  dans  fon  traité  de  ¥  Attaque  des 
places. 

Pour  tirer  à  ricochet  il  faut  mettre  les  pièces  fur  la 
femelle ,  c'eft-à-dire  à  toute  volée ,  &  charger  avec 
des  mefures  remplies  &  raclées  avec  exactitude,  ver- 
fant  la  charge  dans  la  lanterne,  &  la  conduilant  dou- 
cement au  fond  de  la  pièce ,  fur  laquelle  on  coule  la 
bourre,  appuyant  deffus  avec  le  refouloir  lans  battre. 
La  pièce  étant  chargée  de  la  forte,  pointée  &  polée 
fur  la  femelle ,  comme  il  eft  dit  ci-deffus ,  il  n'y  aura 
plus  que  le  trop  ou  le  trop  peu  de  charge  qui  puiiTe 
empêcher  le  coup  d'aller  où  l'on  veut.  Mais  on  a 
bien-tôt  trouvé  la  véritable  charge  qu'il  lui  faut  ;  car 
en  chargeant  toujours  de  même  poudre  &  de  médi- 
re ,  on  l'augmente  ou  diminue  juiqu'à  ce  qu'on  voie 
le  boulet  entrer  dans  l'ouvrage,  effleurant  le  fommet 
du  parapet,  ce  qui  fe  voit  aifement,  parce  qu'on  con- 
duit le  boulet  à  l'œil.  Quand  on  a  une  fois  trouvé  la 
vraie  charge,  il  n'y  a  qu'à  continuer  :  comme  la  pièce 
ne  recule  pas,  au  moins  fenfiblement ,  à  caufe  de 
cette  charge  qui  eft  beaucoup  plus  petite  que  la  char- 
ge ordinaire ,  tant  que  la  même  poudre  dure ,  le  bou- 
let fe  porte  toujours  où  il  doit  aller. 

Obfervez  auffi  que  quand  on  change  de  poudre ,  il 
faut  prendre  garde  au  ricochet,  &  le  régler  de  nou- 
veau ;  &  quand  il  eft  trop  fort ,  c'eft-à-dire  quand  il 
élevé  confidérablement ,  il  fera  bon  de  Pabaiffer  & 
d'employer  pour  cet  effet  le  coin  de  mire  ,  &  aug- 
menter la  charge  afin  de  le  roidir  un  peu  davantage  ; 
il  en  devient  plus  dangereux  :  mais  il  faut  prendre 
garde  à  deux  chofes  ;  l'une ,  de  ne  pas  trop  roidir , 
parce  qu'il  pourrait  paffer  fans  plonger  ;  &  l'autre  , 
qu'il  raie  toujours  les  paniers  dont  les  foldats  affiégés 
fe  couvrent  ;  &  quand  il  en  abat  quelqu'un  ,  il  n'elt 
que  meilleur  ;  car  c'efl  la  perfection  de  bien  tirer 
que  de  rafer  toujours  le  fommet  du  parapet  le  plus 
près  qu'il  eit  poffible  ,  fans  le  toucher  ;  un  peu  d'ex- 
périence &  d'attention  l'ont  bientôt  réglé. 

Il  faut  encore  bien  prendre  garde  à  une  chofe ,  c'efl 
que  le  ricochet  ne  doit  pas  taire  bond  im  le  parapet 
des  faces  prolongées ,  mais  fur  le  rempart  qui  efl  der- 
rière ;  c'efl  pourquoi  il  faut  toujours  laiffer  quatre 
toifes  ou  environ,  depuis  le  devant  des  pièces  que 
J'on  bat  juiqu'à  l'endroit  où  l'on  pointe.  Quand  il  y 


BAT 

a  lieu  de  changer -d'objet  &  de  battre  en  revers  fur 
le  chemin  couvert ,  ou  dans  le  foffé  ou  fur  l'arriére 
des  battions ,  il  n'y  a  qu'à  donner  un  peu  de  flalque 
à  la  pièce ,  la  repointer ,  &  toujours  l'abattre  fur  la 
femelle ,  &C  remonter  enluite  le  ricochet  juiqu'à  ce 
qu'on  foit  ajufté  ,  après  quoi  il  n'efl  plus  néceffaire 
d'y  retoucher.  Quand  les  pièces  font  dirigées  fur  ce 
qu'on  veut  battre ,  comme  elles  ne  reculent  point , 
on  peut  les  affermir  pour  la  nuit  &  le  jour ,  &  quand 
même  il  faudrait  les  contenir  par  des  tringles  clouées 
fur  les  plattes-formes  pour  mieux  s'en  aifùrer ,  cela 
n'en  ferait  que  mieux. 

Le  nombre  des  pièces  aux  batteries  à  ricochets  doit 
être  depuis  cinq  juiqu'à  huit  ou  dix  ;  fi  l'on  en  met- 
toit  moins,  le  ricochet  ferait  trop  lent,  &  laifferoit  du 
tems  à  l'ennemi ,  dont  il  pourrait  fe  prévaloir  pour 
travailler  à  les  retranchemens. 

Par  cette  raifon  on  ne  doit  jamais  permettre  de 
tirer  en  falve ,  mais  toujours  un  coup  après  l'autre 
par  intervalles  égaux. 

On  ne  doit  jamais  non  plus  tirer  à  ricochet  qu'on 
ne  charge  avec  des  mefures,  c'efl  de  quoi  on  doit 
être  abondamment  fourni. 

Les  mefures  néceflaires  doivent  être  de  fer-blanc, 
comme  celles  dont  on  mefure  le  fel  ;  favoir,  d'une 
once ,  de  deux ,  de  trois ,  de  quatre ,  de  huit  qui  font 
la  demi-livre ,  &  de  feize  onces  qui  font  la  livre. 

Cette  quantité  par  chaque  pièce  doit  fuffire ,  & 
même  on  pourrait  fe  contenter  de  moins  ;  car  s'il  s'a- 
git de  charger  d'une  once ,  vous  en  aurez  la  mefure, 
û  de  deux ,  vous  l'avez  auffi  ;  fi  de  trois ,  de  même  ; 
fi  de  quatre ,  vous  l'avez  encore  ;  û  de  cinq  ,  ajoutez 
un  à  quatre  ;  fi  de  fix ,  ajoutez  deux  à  quatre  ;  fi  de 
fept ,  ajoutez  trois  à  quatre  ;  la  huitième  fait  la  demi- 
livre  ,  qui  répétée  deux  fois  fait  la  livre  ;  trois  fois 
fait  la  livre  &  demie  ;  quatre  fois  font  deux  livres. 

II  vaut  mieux  néanmoins  avoir  quelques  mefures 
de  plus  pour  ne  point  tâtonner ,  &  les  faire  toutes 
numéroter  avec  bien  de  l'exactitude.  On  eft  bientôt 
accoutumé  au  ricochet,  qui  eft  la  meilleure  &  la  plus 
excellente  manière  d'employer  utilement  le  canon 
dans  les  lièges. 

Les  propriétés  de  ces  batteries  dans  les  commence- 
mens  d'un  liège ,  font , 

i°.  De  démonter  promptement  les  barbettes  & 
toutes  les  autres  pièces  montées  le  long  des  faces 
des  battions  &  demi-lunes ,  qui  peuvent  incommo- 
der la  tranchée ,  en  battant  à  pleine  charge. 

2°.  De  plonger  les  foffés ,  y  couper  les  communi- 
cations de  la  place  aux  demi-lunes  ,  principalement 
s'ils  font  pleins  d'eau. 

30.  De  chaffer  l'ennemi  des  défenfes  de  la  place 
oppofées  aux  attaques ,  en  battant  à  ricochet. 

40.  De  chaffer  l'ennemi  des  chemins  couverts ,  & 
de  l'y  tourmenter  tellement  par  la  rupture  des  pallif- 
fades,  en  les  plongeant  d'un  bout  à  l'autre,  qu'il  foit 
obligé  de  les  abandonner. 

50.  De  prendre  le  derrière  des  flancs  &  des  cour- 
tines qui  peuvent  s'oppofer  aux  paffages  des  foffés  , 
&  les  rendre  inutiles. 

6°.  D'être  d'une  grande  ceconomie,  en  ce  qu'elles 
peuvent  fervir  tant  que  le  fiége  dure,  fans  qu'on  foit 
obligé  de  changer  les  batteries. 

70.  De  conlommer  fept  ou  huit  fois  moins  de  pou- 
dre ,  &  de  ne  tirer  jamais  inutilement. 

8°.  De  tirer  plus  jufte  &  plus  promptement ,  & 
bien  plus  efficacement  que  par  toutes  les  autres  ma- 
nières de  battre. 

Après  les  batteries  à  ricochet,  il  n'en  faut  pas  d'au- 
tres que  celles  du  chemin  couvert  ;  car  pour  ce  qui 
elt  de  rompre  les  défenfes,  outre  qu'elles  font  de  lon- 
gue dilculîîon,  c'efl  une  erreur,  on  ne  le  fait  jamais; 
&c  il  n'arrive  point  qu'un  parapet  à  l'épreuve  foit 
affez  râlé  pour  que  l'on  ne  s'en  puùTe  plus  fervir. 

D'ailleurs 


BAT 

D'ailleurs  cela  eft  inutile  quand  le  ricochet  eft  bien 
placé  &  qu'il  fait  fon  devoir  :  ainfi  toutes  les  autres 
batteries  néceffaires  doivent  s'établir  fur  le  haut  du 
parapet  du  chemin  couvert ,  6c  fe  doivent  border  ; 
elles  font  toutes  de  même  efpece ,  mais  elles  ont  dit— 
férens  nfages. 

Les  premières  en  ordre  doivent  être  les  àeuxd,  d , 
(Planche XVII.  de  VArt  milit.  fig.  i .)  quatre  pièces 
chacune  deftinées  à  l'ouverture  de  la  demi-lune  C ; 
on  les  place  de  part  &  d'autre  de  fon  angle  ,  à  peu 
près  dans  les  endroits  marqués  d,  d  ;  6c  quand  la  de- 
mi-lune eft  prife ,  on  les  peut  changer  de  place  ,  en 
les  mettant  un  peu  à  droite  &  un  peu  à  gauche ,  pour 
enfiler  fon  foffé  ,  afin  de  pouvoir  battre  en  brèche  les 
épaules  des  baftions ,  comme  on  le  voit  en  e,  t. 

Après  que  les  brèches  font  faites ,  foit  à  la  demi- 
lune  ,  foit  aux  baftions ,  &  bien  éboulées ,  on  tient  ces 
batteries  en  leur  premier  état,  toujours  prêtes  à  battre 
le  haut  jufqu'à  ce  qu'on  en  foit  le  maître  ;  on  biaife 
même  les  embrafures  pour  aggrandir  les  brèches , 
obfervant  que  pour  faire  brèche  avec  le  canon  ,  il 
faut  toujours  battre  enfalve,  6c  le  plus  bas  qu'on  peut, 
mais  jamais  le  plus  haut,  parce  que  cela  attire  des 
ruines  au  pié  qui  rompent  l'effet  du  canon.  Pour  bien 
faire  ,  il  ne  faut  pas  que  la  fape  ait  plus  de  fix  à  fept 
pies  de  haut.  On  ne  doit  jamais  quitter  le  trou  qu'on 
bat,  qu'on  ne  l'ait  enfoncé  de  8  à  10  pies  au  moins  , 
après  quoi  on  leur  fait  élargir  la  brèche ,  comme  on 
l'a  dit  ci-deffus ,  ce  qui  eft  une  affaire  de  vingt-quatre 
heures  au  plus  :  on  peut  donc  dire  que  les  batteries  des 
demi-lunes  ont  trois  ufages  : 

Le  premier,  eft  celui  d'ouvrir  la  pièce  attaquée. 
Le  fécond ,  de  battre  le  haut  de  la  brèche. 
Et  le  troifieme ,  d'ouvrir  le  corps  de  la  place  par 
des  orillons. 

Les  fécondes  batteries  en  ordre  font  celles  mar- 
quées h ,  h ,  {Planche XV II.  de  VArt  milit.  fig.  i .)  ,  qui 
s'établifTent  fur  le  haut  du  chemin  couvert ,  devant 
les  faces  des  baftions  A  B  qu'on  veut  ouvrir. 

Les  bombes  peuvent  aufîi  fe  tirer  à  ricochet.  M  M. 
les  commandans  de  l'école  d'artillerie  de  Strasbourg 
ont  fait  en  1 723  dés  expériences  à  ce  fujet,  rapportées 
de  cette  manière  dans  le  Bombardier  François.  «  Pour 
»  tirer  les  bombes  à  ricochet,  on  fe  fert  de  mortiers 
»  de  huit  pouces  montés  fur  des  affûts  de  canon.  Les 
»  batteries  que  l'on  fait  pour  cela ,  fe  placent  fur  le 
»  prolongement  des  branches  du  chemin  couvert ,  ou 
»>  de  tout  autre  ouvrage  ,  mais  principalement  du 
M  chemin  couvert ,  parce  que  les  bombes  y  font  un 
»  fi  grand  ravage  ,  qu'il  n'eft  prefque  pas  poffible  de 
»  pouvoir  y  tenir.  Elles  rompent  les  palliflades  ,  les 
»  tambours  6c  réduits  que  l'on  fait  dans  des  places 
»  d'armes  rentrantes,  6c  caufent  bien  plus  de  defor- 
»  dre  que  les  boulets  ;  car  non-feulement  elles  font 
»  plus  grofTes  &  plus  pelantes ,  mais  après  avoir  fait 
»  plufieurs  bonds ,  elles  crèvent  à  l'endroit  oii  elles 
»  viennent  fe  terminer  &c  ne  s'enterrent  point.  Leurs 
»  éclats  font  toujours  meurtriers  ;  d'autre  part  ces 
»  mortiers  peuvent  être  fervis  avec  beaucoup  plus 
»  de  célérité  que  les  canons;  car  il  n'eft  queftion  que 
»  de  mettre  la  poudre  dans  fa  chambre  ,  la  bombe 
»  defîus ,  &  tirer  ;  &  comme  cela  peut  fe  faire  en  3 
»  ou  4  minutes ,  une  batterie  de  deux  mortiers  fervie 
»  de  cette  façon ,  pourra  jetter  trente  ou  quarante 
»  bombes  par  heure.  Je  laiffe  à  penfer  ,  ajoute  M. 
»  Belidor ,  fi  un  chemin  couvert  étoit  croifé  par  de 
»  femblables /'.i«i.T/«,  quelle  eft  la  garniion  qui  pour- 
»  roit  s'y  maintenir,  l'avantage  qu'on  auroit  de  l'at- 
»  taquer  de  vive  force ,  &  combien  on  auroit  de  ta- 
»  cilité  pour  avancer  les  travaux.  » 

»  Comme  il  faut  éviter  que  les  bombes  ne  s'enter- 

»  rent  en  tombant ,  parce  qu'elles  ne  feroient  point 

»  le  ricochet ,  les  mortiers  ne  doivent  jamais  être 

»  pointés  au-defîus  de  1  z  degrés  :  mais  on  peut  fe 

Tome  II, 


BAT 


r53 


»  fervir  de  tous  les  angles  que  le  mortier  peut  faire 
»  avec  l'horifon  entre  8  &  1 2  degrés  ,  &  choifir  le 
»  plus  convenable  à  la  charge  dont  on  fe  fervira  , 
»  relativement  à  la  diftance  dont  on  fera  de  l'endroit 
»  où  les  bombes  doivent  commencer  à  bondir.  Les 
»  épreuves  faites  à  Strasbourg  peuvent  fervir  de  re- 
»  gle  à  ce  fujet.  Voici  en  quoi  elles  confiftent. 

»  On  a  conftruit  une  batterie  à  70  toifes  de  l'angle 
»  faillant  du  chemin  couvert  de  la  demi-lune  du  po- 
»  lygone  de  cette  école  :  un  mortier  pointé  à  9  degrés 
»  au-deffus  de  la  ligne  horifontale ,  6c  chargé  de  1 3 
»  quarterons  de  poudre ,  a  jette  les  bombes  fur  le  gla- 
»  cis ,  à  2 ,  4 ,  6 ,  8  toifes  du  parapet  du  chemin  cou- 
»  vert ,  d'où  elles  fe  relevoient  &  alloient  plonger 
v  dans  la  branche  entre  les  deux  traverfes ,  &  de-là 
»  dans  la  place  d'armes  rentrante  contre  un  petit  ré- 
»  duit  qu'on  y  avoit  fait. 

»  L'on  a  pointé  enfuite  à  10  degrés  avec  la  même 
»  charge ,  &  après  5  ou  6  coups  répétés  de  cette 
»  manière ,  l'on  a  obfervé  que  les  bombes  tomboient 
»  dans  la  place  d'armes  faillante ,  d'où  elles  fe  rele- 
»  voient  &  alloient  plonger,  comme  les  précédentes, 
»  dans  la  branche  entre  les  deux  traverfes ,  &  de-là 
»  dans  la  place  d'armes  rentrante.  Enfin  on  a  pointé 
»  le  mortier  à  1 1  degrés  toujours  avec  la  même  char- 
»  ge  ,  &  après  5  ou  6  coups  réitérés ,  on  a  obfervé 
»  que  les  bombes  tomboient  encore  dans  la  branche , 
»  entre  les  deux  traverfes  ;  d'où  elles  fe  relevoient  ôc 
»  alloient  pafîer  par-deffus  le  refte  du  chemin  cou- 
»  vert  :  ce  qui  a  fait  conduire  que  la  manière  la  plus 
»  avantageufe  &  la  plus  convenable  de  faire  agir  ce 
»  ricochet,  étoit  de  ménager  la  direction  du  mortier; 
»  de  forte  que  les  bombes  pûflént  tomber  fur  la  crê- 
»  te  du  chemin  couvert ,  ou  dans  la  place  d'armes 
»  faillante  ,  moyennant  quoi  elles  faifoient  toujours 
»  un  grand  effet. 

»  On  a  éprouvé  fi  la  fufée  ne  s'éteindroit  point  j 
»  foit  par  la  chute  des  bombes  ,  ou  par  le  frottement 
»  du  ricochet  en  roulant  ;  &  pour  cela  on  en  a  fait 
»  tirer  plufieurs  avec  des  fufées  allumées  ,  qui  ont 
»  toutes  réuffi,  ayant  été  entièrement  confumées.  » 
Batteries  en  rouage  ,  font  celles  qu'on  defti- 
ne  à  démonter  les  pièces  de  l'ennemi. 

Batteries  enterrées  ,  font  celles  dont  les 
plattes-formes  font  enfoncées  dans  le  terrein  de  la 
campagne;  de  manière  que  ce  terrein  fert  de  parapet 
ou  d'épaulement  à  la  batterie ,  &  qu'on  peut  y  pra- 
tiquer des  embrafures. 

Batteries  directes  ,  font  celles  qui  battent  à 
peu  près  perpendiculairement  les  côtes  des  ouvra- 
ges devant  lefquels  elles  font  placées. 

Batterie  meurtrière.  Voye^  Batteries  de 
revers. 

Batteries  de  revers,  font  celles  qui  battent 
le  derrière  d'un  ouvrage  ,  &  qui  voyent  le  dos  de 
ceux  qui  le  défendent.  Elles  font  aufîi  appellées  bat- 
teries meurtrières ,  à  caufe  qu'elles  font  les  plus  dan- 
gereufes ,  &  qu'il  eft  fort  difficile  de  fe  parer  ou  met- 
tre à  couvert  de  leur  canon. 

Batteries  en  éc  harpe,  font  celles  dont  les  tirs 
font  un  angle  au  plus  de  20  degrés  avec  les  faces  , 
ou  les  côtés  des  pièces  qu'elles  battent.  On  les  ap- 
pelle aufTi  quelquefois  batteries  de  bricole  ;  parce  que 
le  boulet  ne  faif ant ,  pour  ainfi  dire ,  qu'effleurer  la 
partie  fur  laquelle  il  eft  tiré  ,  fe  réfléchit  dans  les  en- 
virons ,  à  peu  près  comme  le  fait  une  balle  de  bil- 
lard ,  qui  a  frappé  la  bande  obliquement. 

Batterie  d'enfilade  ,  eft  celle  qui  découvre 
toute  la  longueur  de  quelque  partie  d'un  ouvrage  de 
fortification;  enforte  que  le  boulet  peut  prendre  par 
le  flanc  ou  le  côté,  tous  ceux  qui  font  placés  fur  ce 
cote  ,  &  qui  font  face  au  parapet. 

Batteries  en  croix  ,  ou  Batteries  croi- 
sées ,  ou  encore  en  chapelet,  font  dans  VArt  mk 

Y 


'54 


BAT 


litaire  des  batteries  qui  fe  croifent  pour  battre  la  mê- 
me face  ;  enforte  que  l'une  achevé  ce  que  l'autre  a 
commencé  d'ébranler.  (  Q  ) 

Batteries  (  Marine.)  c'eft  une  quantité  de  ca- 
nons placés  des  deux  côtés  du  vaiffeau,  à  Ton  avant 
&  à  ion  arrière. 

Les  gros  vaiffeaux  de  guerre  ont  trois  batteries  ;  la 
première  qui  eft  la  plus  baffe ,  porte  les  canons  du 
plus  tort  calibre.  La  leconde  eft  au-deffus  de  la  pre- 
mière ,  c'eft-à-dire  au  fécond  pont ,  Ôc  porte  des  ca- 
nons d'un  moindre  calibre.  La  troilieme  eft  fur  le 
dernier  pont ,  ou  pont  d'en-haut  ;  chaque  rang  étant 
ordinairement  de  quinze  fabords ,  fans  y  comprendre 
ceux  de  la  fainte  barbe ,  &  les  batteries  qui  font  fur  les 
châteaux.  La  première  batterie,  qui  eft  la  plus  baffe , 
doit  être  pratiquée  affez  haut,  pour  que  dans  le  gros 
tems  elle  ne  foit  pas  noyée ,  c  eft-à-dire  qu'elle  ne  le 
trouve  pas  fous  l'eau ,  ce  qui  la  rendrait  inutile. 

Voye^  à  la  PL  I.  Mar.  la  manière  dont  les  batteries 
font  diipofées  dans  un  vaiffeau  du  premier  rang. 

Batterie  trop  basse  ou  Batterie  noyée, 
fe  dit  d'un  vaiffeau  qui  a  fon  premier  pont ,  &  fes 
fabords  trop  près  de  l'eau. 

Batterie  basse  ,  fe  dit  de  la  batterie  du  premier 
pont. 

Batterie  haute  ,  fe  dit  de  la  batterie  du  pont 
d'en-haut. 

Batterie  entre  deux  ponts  ou  seconde 
Batterie. 

Mettez  la  batterie  dehors ,  c'eft-à-dire ,  mettez  les 
canons  aux  fabords. 

Mettez  la  batterie  dedans  ,  c'eft-à-dire  ,  ôtez  les 
canons  des  fabords  pour  les  remettre  dans  le  vaif- 
feau. (Z) 

Batterie  (  terme  d Arquebujîer)  c'eft  un  morceau 
de  fer  large  d'un  bon  pouce ,  qui  eft  reployé  en  équer- 
re  plate ,  dont  les  faces  extérieures  font  un  peu  ar- 
rondies ;  les  intérieures  font  exactement  plates  :  la  fa- 
ce de  deffous  fert  pour  couvrir  le  baffinet  &  empê- 
cher l'amorce  de  fortir  :  celle  qui  la  furmonte  fert 
pour  faire  fortir  du  feu  de  la  pierre  &  allumer  l'a- 
morce. La  partie  qui  couvre  le  baiîinet  a  une  petite 
oreille  plate,  qui  eft  percée  d'un  trou  où  fe  place  une 
vis  qui  affujettit  la  batterie  au  corps  de  platine  ,  & 
qui  ne  l'empêche  point  de  fe  mouvoir  en  tournant 
deffus  la  vis.  Le  bout  de  cette  oreille  forme  un  petit 
talon  qui  eft  fait  en  rond  ,  &  qui  pefe  fur  le  reffort 
de  la  batterie. 

Batterie  (  en  Boiffellerie  )  c'eft  le  pie,  ou  le  def- 
fous ,  ou  fond  du  tamis.  On  l'appelle  peut-être  ainii, 
parce  que  l'on  remue  le  tamis  en  le  battant  par  en 
bas  fur  une  table ,  &c  pour  mieux  faire  paffer  ce 
qui  eft  dedans. 

Batterie  (  terme  de  Chapelier)  qui  fignifîe  l'en- 
droit où  on  foule  les  chapeaux,  &  oii  font  établis  le 
fourneau ,  la  chaudière  &;  les  fouloirs.  On  dit  une 
batterie  à  deux ,  à  quatre  ,  à  huit,  &c.  pour  défigner 
une  foulerie  où  deux,  quatre,  huit  ,  &c.  ouvriers 
peuvent  travailler  à  la  fois.  Voye^  Foulerie.  Foyar 
auffi  Chapeau. 

Batterie,  fe  dit  dans  les  Manufactures  à  pa- 
.  pier ,  à  poudre ,  &  autres ,  de  la  chute  des  pilons  dans 
les  mortiers.  Ainfi  arrêter  la  batterie,  c'eft  empêcher 
les  pilons  de  tomber  dans  les  mortiers.  Voye7^  Mou- 
lin À  Papier,  Moulin  à  Poudre. 

Batterie  {che£  les  Chapeliers  &  Bonnetiers)  eft 
fynonyme  à  foulerie.  Voye^  Chapelerie  &  BON- 
NETERIE. 

BATTEURS  D'ESTRADE ,  (  Art  militaire.  )  font 
des  cavaliers  que  le  général  envoyé  pour  reconnoî- 
tre  les  environs  du  camp  qu'il  occupe  ,  &  les  ave- 
nues ou  chemins  par  où  l'ennemi  pourroit  s'avancer 
pour  l'attaquer.  Ces  troupes  doivent  fe  porter  en- 
•avant  avec  beaucoup  de  cirçonfpe&ion,  afin  qu'elles 


BAT 

ne  foient  pas  coupées  par  l'ennemi ,  qui  pourroit  en- 
fuite  tomber  fur  le  camp  Se  le  furprendre.  Elles  doi- 
vent auffi  fouiller  exactement  les  bois  &  tous  les  en- 
droits fourrés  des  lieux  où  elles  paffent,  pour  s'af- 
fûrer  qu'il  n'y  a  point  d'ennemis  cachés.  Voye^  Re- 

CONNOÎTRE.    (Q) 

Batteur  ,  1.  m.  nom  commun  dans  les  Arts  mé- 
chaniques  ,  à  un  grand  nombre  d'ouvriers  dont  l'em- 
ploi eft  d'écrafer ,  de  pulvérifer  ,  ou  d'étendre  :  & 
pour  les  diftinguer  les  uns  des  autres ,  on  ajoute  au 
terme  batteur  celui  de  la  matière,  &  l'on  dit  batteur 
de  plâtre ,  de  loude  ,  d'étain ,  d'or  ,  &c. 

Le  batteur  de  plâtre,  eft  celui  qui  écrafe  le  plâtre 
après  qu'il  eft  cuit  :  pour  cet  effet  il  en  étend  à  terre 
une  certaine  quantité  ,  qu'il  frappe  avec  fa  batte  juf- 
qu'à  ce  qu'il  l'oit  affez  menu  pour  être  gâché. 

Le  batteur  de  foude ,  eft  celui  qui  chez  les  Epiciers 
pile  la  foude  dans  un  mortier  de  fer  avec  un  pilon 
de  même  matière. 

Le  batteur  d'étain ,  eft  celui  qui  chez  les  Miroitiers 
étend  fur  un  marbre  l'étain  qui  doit  être  appliqué 
en  feuilles  très-minces  derrière  les  glaces. 

Le  batteur  d'or ,  eft  celui  qui  réduit  fur  le  marbre 
l'or  dans  ces  feuilles  très-minces  qu'on  vend  par  li- 
vrets ,  &  qui  fervent  à  dorer  la  plupart  des  ouvrages 
qui  fe  font  en  argent ,  en  cuivre ,  en  bois ,  &c.  On 
trouvera  à  l'article  Battre  l'or  une  defeription 
étendue  du  métier  du  batteur  d'or. 

Les  Batteurs-d'or  à  Paris  font  un  corps  de  maîtres- 
marchands  ,  ayant  des  ftatuts ,  privilèges  &  regle- 
mens  ,  fuivant  lefquels  ils  fe  conduifent  dans  leur 
communauté  :  ils  ne  font  pas  plus  de  trente  envi- 
ron ,  dont  les  uns  ne  battent  que  de  l'or  unique- 
ment ,  &  les  autres  l'argent  ;  ayant  néanmoins  le 
choix  de  l'un  ou  de  l'autre  commerce  ,  &  pouvant 
même  les  faire  tous  deux  à  la  fois. 

*  Batteur  en  grange  ;  c'eft  à  la  campagne  l'ou- 
vrier ou  l'homme  de  journée  qui  frappe  le  blé  avec 
un  fléau ,  pour  faire  fortir  le  grain  de  l'épi.  V.  Blé. 

B  ATTITURES ,  f.  f.  {Mat.  med.)  écailles  des  mé- 
taux qui  s'en  leparent  en  les  batçant  :  elles  ont  les 
mêmes  ufages  en  Médecine  que  les  métaux  dont  on 
les  tire.  (  A^ ) 

BATTOIR,  f.  m.  {Arts  mèchaniq.)  infiniment 
de  bois  plat,  large  &  quarré ,  qui  eft  plus  ou  moins 
épais  ,  félon  les  différens  ufages  auxquels  il  doit  être 
appliqué  ,  &  qu'on  tient  à  la  main  par  le  moyen  d'un 
manche  rond  &  tout  d'une  pièce ,  avec  l'autre  partie 
que  j'appelle  lapelle.  Les  Blanchiffeufes  &  autres  ou- 
vriers ont  leurs  battoirs,  foye^  Batte. 

Battoir  ,  terme  de  Paume ,  eft  un  infiniment  rond 
ou  quarré  par  un  bout,  garni  d'un  long  manche ,  le 
tout  couvert  d'un  parchemin  fort  dur  :  on  s'en  fert 
à  la  longue  paume  pour  chaffer  les  balles. 

Battorie  ,  f .  f .  (  Comm.)  nom  que  les  villes  An- 
féatiques  donnent  aux  comptoirs  ou  magafins  qu'el- 
les ont  hors  de  chez  elles.  Les  principales  de  ces  bat- 
tories  font  celles  d'Archangel ,  de  Novogrod ,  de  Ber- 
ghen ,  de  Lisbonne ,  de  Venife  &  d'Anvers.  Elles  en 
a  voient  auffi  une  à  Londres  :  mais  il  y  a  déjà  du  tems 
qu'elles  s'en  font  retirées  à  caufe  des  impofitions  ex- 
ceffives  qu'on  mettoit  fur  leurs  marchandifes.  (  G  ) 

*  BATTRE  ,  frapper,  (  Gramm.  )  Battre  marque 
plufieurs  coups  ;  c'eft  avoir  frappé  que  d'en  avoir  don- 
né un.  On  n'eit  point  battu  qu'on  ne  foit  frappé  ;  on  eft 
quelquefois  frappéfans  être  battu.  Battre  fuppofe tou- 
jours de  l'intention  ;  on  peut  frapper  fans  le  vouloir. 
Le  plus  violent  frappe  le  premier  ;  le  plus  foible  doit 
être  battu.  Frapper  eft  toujours  un  verbe  aftif  ;  battre 
devient  neutre  dans  fe  battre  :  car  fe  battre  ne  fignifîe 
point  fe  frapper  foi-même  de  coups  redoublés ,  mais 
feulement  combattre  quelqu'un.  La  loi  du  prince  dé- 
fend de  fe  battre  en  duel  ;  celle  de  Jefus-Chrift  dé- 
fend même  de  frapper. 


BAT 

BATTRE  ,  en  termes  de  CArt  militaire ,  lignifie  atta- 
quer une  place  ,  un  ouvrage  ,  &c.  avec  beaucoup 
d'artillerie.  Voye{  Batterie. 

Battre  en  brèche  ;  c'eft  ruiner  avec  le  canon  le  re- 
vêtement ou  le  rempart  de  quelque  ouvrage  que  ce 
foit  ,  pour  y  faire  une  ouverture  par  laquelle  on 
puifle  y  entrer. 

Battre  par  camarade  ,  eft  quand  plusieurs  pièces  de 
canon  tirent  tout  à  la  fois  fur  un  même  ouvrage ,  foit 
d'une  même  batterie  ,  foit  de  pluiieurs. 

Battre  enfalve;  c'eft  tirer  toutes  à  la  fois  les  diffé- 
rentes pièces  d'une  batterie ,  avec  lefquelles  on  bat 
un  ouvrage  en  brèche. 

Battre  en  écharpe  ;  c'eft  battre  un  ouvrage  fous  un 
angle  au  plus  de  20  degrés. 

Battre  de  bricole  ;  c'eft  battre  un  ouvrage  par  ré- 
flexion, c'eft- à- dire  faire  frapper  le  boulet  à  une 
partie  du  revêtement ,  enforte  qu'il  puifle  le  reflé- 
chir ,  &  le  porter  à  celle  qu'on  veut  détruire  ou  in- 
commoder. 

Battre  enfappe  ;  c'eft  battre  un  ouvrage  par  le  pié 
de  fon  revêtement.  (  Q  ) 

Battre  la  chamade.  Voyt^  CHAMADE. 
Battre  la  mefure  ,  en  Mufique  ;  c'eft  en  marquer 
les  tems  par  des  mouvemens  de  la  main  ou  du  pié , 
qui  en  règlent  la  durée  ,  tk  qui  rendent  toutes  les 
mefures  femblables  parfaitement  égales  en  tems. 

Il  y  a  des  mefures  qui  ne  fe  battent  qu'à  un  tems  , 
d'autres  à  deux ,  à  trois  ,  &  à  quatre  ,  qui  eft  le  plus 
grand  nombre  de  tems  que  puifle  rentermer  une  me- 
fure :  encore  cette  dernière  efpece  peut-elle  toujours 
fe  rélbudre  en  deux  mefures  à  deux  tems.  Dans  tou- 
tes ces  différentes  mefures  ,  le  tems  frappé  eft  tou- 
jours fur  la  note  qui  fuit  la  barre  immédiatement  ; 
celui  qui  la  précède  eft  toujours  levé  ,  à  moins  que 
la  melure  ne  foit  à  un  feul  tems. 

Le  degré  de  lenteur  ou  de  vîtefle  qu'on  donne  à  la 
mefure ,  dépend  i°.  de  la  valeur  des  notes  qui  la 
compofent  ;  on  voit  bien  qu'une  mefure  qui  contient 
une  ronde ,  doit  fe  battre  plus  pofément  tk  durer  da- 
vantage que  celle  qui  ne  contient  que  deux  croches  : 
%°.  du  cara&ere  du  mouvement  énoncé  par  le  mot 
François  ou  Italien ,  qu'on  trouve  ordinairement  à  la 
tête  ae  l'air.  Gravement ,  gai,  vite ,  lent ,  &c.  font  au- 
tant d'avertiflemens  fur  les  manières  de  modifier  le 
mouvement  d'une  efpece  de  mefure. 

Les  mufleiens  François  battent  la  mefure  un  peu 
différemment  des  Italiens  :  ceux-ci  dans  la  mefure  à 
quatre  tems  ,  frappent  fucceflivement  les  deux  pre- 
miers tems,  tk  lèvent  les  deux  autres  ;  ils  frappent 
aufli  les  deux  premiers  dans  la  mefure  à  trois  tems  , 
&  lèvent  le  troilieme.  Les  François  ne  frappent  ja- 
mais que  le  premier  tems  ,  &  marquent  les  autres 
par  différens  mouvemens  de  la  main  à  droite  &  à 
gauche  :  cependant  la  MuliqueFrançoilc  auroit  beau- 
coup plus  beloin  que  l'italienne  d'une  menue  bien 
marquée  ;  car  elle  ne  porte  point  fa  cadence  par  elle- 
même  ;  le  mouvement  n'en  a  aucune  précilion  natu- 
relle ;  on  le  prefl'e ,  on  le  ralentit  au  gré  du  chanteur. 
Tout  le  monde  eft  choqué  à  l'opéra  de  Paris  du  bniit 
defagréable  tk  continuel  que  fait  avec  Ion  bâton  ce- 
lui qui  bat  la  mefure.  Sans  ce  bruit  perfonne  ne  la 
fentiroit  :  la  Mulîque  par  elle-même  ne  la  marque 
point  ;  aufli  les  étrangers  n'appcrçoivent-ils  prelque 
jamais  la  mefure  dans  les  mouvemens  de  nos  airs.  Si 
l'on  y  réfléchit  bien,  on  trouvera  que  c'eft  ici  la  dif- 
férence fpécifique  de  la  Mufique  Françoifc  &  de  l'I- 
talienne. En  Italie ,  la  mefure  eft  Famé  de  la  Mufi- 
que ;  c'eft  elle  qui  gouverne  le  muiieien  dans  l'exé- 
cution :  en  France  ,  c'eft  le  muiieien  qui  gouverne  la 
mefure ,  tk  le  bon  goût  coniîfle  à  ne  la  pas  même 
laifler  fentir. 

Les  anciens ,  dit  M.  Burette  ,  battoient  la  mefure 
en  pluiieurs  façons  :  la  plus  ordinaire  çonfiftoit  dans 
Tome  II, 


BAT 


Mî 


le  mouvement  du  pié  ,  qui  s'élevoit  de  terre  &  la 
frappou  alternativement ,  félon  la  mefure  des  deux 
tems  égaux  eu  inégaux  {Voye-^  Rythme  )  :  c'étoit 
ordinairement  la  fonûion  du  maître  de  Mufique  ap- 
pelle Coryphée ,  Kopuçaîof  ;  parce  qu'il  étoit  placé  au 
milieu  du  chœur  des  mufleiens ,  tk  dans  une  fituation 
élevée,  pour  être  vu  &  entendu  plus  facilement  de 
toute  la  troupe.  Ces  batteurs  de  mefure  fe  nommoient 
en  Grec  vAs./.-rLr.u  tk  ttcSc-^oçu  ,  à  cauie  du  bruit  de 
leurs  pies  ;  Bw-wapio* ,  à  caute  de  l'uniformité  ,  &  lî 
l'on  peut  parler  ainfi ,  de  la  monotonie  du  rythme 
qu'ils  battoient  toujours  à  deux  tems.  Ils  s'appelloienf 
en  Latin pedarii ,  podarii ,  pedicularii.  Us  garniflbient 
ordinairement  leurs  pies  de  certaines  chauflures  ou 
fandales  de  bois  ou  de  fer,  deftinées  à  rendre  la  per- 
euflion  rythmique  plus  éclatante  ,  &  nommées  en 

GrCC  y.pobmÇia.  ,  Kpovrra.Xa.  ,  ;:fcii7mu.  ;  &  en  Latin  pc- 
dicula ,  fcabella  ou  fcabilla  ,  à  caufe  qu'ils  reflem- 
bloient  à  de  petits  marche-piés ,  ou  de  petites  efca- 
belles. 

lis  battoient  la  mefure  non-feulement  du  pié  ,  mais 
aufli  de  la  main  droite  ,  dont  ils  réuniflbient  tous  les 
doigts  pour  frapper  dans  le  creux  de  la  main  gau- 
che ;  &  celui  qui  marquoit  ainli  le  rythme  s'appel- 
loit  manudiiclor.  Outre  ce  claquement  de  main  tk  le 
bruit  de  fandales  ,  les  anciens  avolent  encore  pour 
battre  la  mefure ,  celui  des  coquilles  ,  des  écailles 
d'huîtres ,  &  des  oflemens  d'animaux  ,  qu'on  frap- 
poit  l'un  contre  l'autre ,  comme  on  fait  aujourd'hui 
les  caftagnettes ,  le  triangle  ,  tk  autres  pareils  inftru- 
mens.   (  S  ) 

Battue  ,  a  plufleurs  fens  dans  le  Manège ,  oîi  l'on 
dit  qu'un  cheval  bat  à  la  main  ou  bégaye ,  pour  mar- 
quer un  cheval  qui  n'a  pas  la  tête  ferme  ,  qui  levé  ie 
nez ,  qui  branle  &  fecoue  la  tête  à  tout  moment  en 
fecoiiant  fa  bride.  Les  chevaux  turcs  tk  les  cravates 
fontfujets  à  battre  à  la  main.  Un  cheval  ^f  à  la  main , 
parce  qu'ayant  les  barres  trop  tranchantes ,  il  ne  peut 
fouffrir  la  fujétion  du  mors  ,  quelque  doux  qu'il  foit. 
Pour  lui  ôter  l'envie  de  battre  à  la  main ,  Se  lui  affer- 
mir la  tête  ,  il  n"y  a  qu'à  mettre  fous  fa  muferole  une 
petite  bande  de  fer  plate  &t  tournée  en  arc  ,  qui  ré- 
ponde à  une  martingale.  Cet  expédient  au  refte  ne_ 
fait  que  fufpendre  l'habitude  ;  car  la  martingale  n'eft 
pas  plutôt  ôtée,  que  le  cheval  retombe  dans  fon  vi- 
ce. Voye^  Martingale.  On  dit  aufli,  qu'un  cheval 
bat  la  poudre  ou  la  poujjiere  ,  lorfqu'il  trépigne ,  qu'il 
fait  un  pas  trop  court ,  tk  avance  peu  :  ce  qui  le  dit 
de  tous  fes  tems  &  mouvemens.  Un  cheyal  bat  la  pou- 
dre au  terre-à-terre ,  lorfqu'il  n'embrafle  pas  allez  de 
terrein  avec  les  épaules ,  tk  qu'il  fait  tous  fes  tems 
trop  courts  ,  comme  s'il  les  raifort  dans  une  place. 
Il  bat  la  poudre  aux  courbettes ,  lorfqu'il  les  hâte  trop 
&  les  fait  trop  bafles.  Il  bat  la  poudre  au  pas  ,  lors- 
qu'il va  un  pas  trop  court ,  &  qu'il  avance  peu ,  foit 
qu'il  aille  au  pas  par  le  droit,  ou  fur  un  rond,  ou 
qu'il  paflege.  On  dit  enfin  qu'un  cheval  bat  du  flanc  , 
quand  il  commence  à  être  pouAit.  Le  battement  des 
flancs  du  cheval  eft  une  marque  de  plufleurs  mala- 
dies. Battre  des  flancs ,  c'eft  les  agiter  avec  violence. 
(O 

Battre  Peau ,  terme  de  Chajfe  ;  quand  une  bête  eft 
dans  l'eau ,  alors  on  dit  aux  chiens  ,  il  bat  l'tau, 

Se  faire  battre  ;  c'eft  fe  faire  chafler  long-tems  dans 
un  même  canton:  on  dit  ,  ce  chevruùl  s'efl  fa:: 
long-tems. 

*  Battre,  dans  les  Arts  méchaniques,  a  différentes 
acceptions  :  tantôt  il  fe  prend  pour  forger  ,  comme 
chez  prelque  tous  les  ouvriers  en  métaux  ;  tantôt 
pour  ècrafer ,  comme  chez  prefque  tous  les  ouvriers 
qui  employent  la  pierre  ,  les  minéraux  .  les  foflfles. 
On  bat  le  beurre  ;  voy  t  j  Be  1  RRE.  On  bat  le  tan  ;  voy. 
Tan.  On&tfengrang<  ;  voyt{  Battage.  On  bat  des 
pieux  pour  les  enfoncer  •  \oy^  Mouton  .  On  bat  le 


ij6 


BAT 


BAT 


papier ,  l'or  ,  l'argent ,  les  livres ,  &c.  voye^  ci-dejfous 
quelques  autres  lignifications  du  même  terme  ,  ou 
quelques-unes  des  précédentes  plus  détaillées. 

*  Battre  Por,  Purgent,  le  cuivre  {Ordre  encyc. En- 
tend. Métn.  Hifl.  Hifi.  de  la  Nat.  employée ,  Arts  Mé- 
dian, Art  dt  battre  Por.  )  ;  c'eft  l'action  de  réduire 
ces  métaux  en  feuilles  extrêmement  minces,  mais 
plus  ou  moins  cependant,  félon  le  prix  qu'on  fe  pro- 
pofe  de  les  vendre  :  cette  aûion  s'appelle  batte ,  ÔC 
l'ouvrier  batteur. 

Les  opérations  principales  font  la  fonte  ,  la  forge  , 
le  tirage  au  moulin  ,  &  la  batte.  On  peut  appliquer 
ce  que  nous  allons  dire  de  l'or  aux  autres  métaux 
ductiles. 

L'or  qu'on  employé  eft  au  plus  haut  titre ,  &  il  eft 
difficile  d'en  employer  d'autre  :  l'alliage  aigrit  l'or , 
le  rend  moins  ductile  ;  &  l'ouvrier  qui  l'allieroit  s'ex- 
poferoit  à  perdre  plus  par  l'inutilité  de  l'on  travail , 
qu'il  ne  gagnerait  par  le  bas  alloi  de  la  matière.  Les 
Batteurs  d'or  le  prennent  en  chaux  chez  l'affineurde 
la  monnoie  ,  à  vingt-quatre  carats  moins  un  quart , 
ou  à  cent  trois  livres  l'once.  Il  y  en  a  qui  préfèrent 
à  cet  or  les  piaftres  ,  &  autres  anciennes  pièces  d'Ef 
pagne  :  ils  prétendent  que  même  en  alliant  l'or  de 
ces  monnoies  ,  il  fe  bat  mieux  &  plus  facilement  que 
celui  qu'ils  font  obligés  d'acheter  à  cent  trois  livres 
l'once.  Il  y  a  trois  fortes  d'or  en  feuille  ou  battu , 
l'or  pâle ,  l'or  fin  ou  verd  ,  &  l'or  commun.  On  em- 
ployé l'or  dans  toute  fa  pureté ,  &  comme  il  vient 
de  l'affinage  dans  l'or  fin  battu  :  il  y  a  quatre  gros  de 
blanc  ou  d'argent  fur  l'once  d'or  ,  dans  l'or  pâle  ou 
verd  ;  &  jufqu'à  douze  grains  de  rouge,  ou  de  cuivre 
de  rofette  ,  &  frx  grains  de  blanc  ou  d'argent  dans 
l'or  commun. 

On  fond  l'or  dans  le  creufet  avec  le  borax,  com- 
me on  voit  PI.  du  Batteur  d'or  fig,  z.  &  quand  il  a  ac- 
quis le  degré  de  fulion  convenable  ,  on  le  jette  dans 
ta  lingotiere  <z,  qu'on  a  eu  grand  foin  de  faire  chauf- 
fer auparavant  pour  en  ôter  l'humidité ,  &  de  frotter 
de  fuif. 

Ces  précautions  font  nécefTaires  ;  elles  garantif- 
fent  de  deux  inconvéniens  également  nuifibles  ; 
l'un  en  ce  que  les  parties  de  la  matière  fondue  qui 
toucheraient  l'endroit  humide  pourraient  rejaillir  fur 
l'ouvrier  ;  l'autre  en  ce  que  les  particules  d'air  qui 
s'infmueroient  dans  l'effervefcence  caulée  par  l'hu- 
midité entre  les  particules  de  la  matière  ,  y  produi- 
raient de  petites  loges  vuides  ou  foufflures  ,  ce  qui 
rendrait  l'ouvrage  défectueux.  Après  la  fonte  on  le 
fait  recuire  au  feu  pour  l'adoucir,  &  en  ôter  la  graifiê 
de  la  lingotiere. 

Quand  la  matière  ou  le  lingot  eft  refroidi ,  on  le 
tire  de  la  lingotiere  pour  le  forger.  On  le  forge  fur 
une  enclume  b  qui  a  environ  trois  pouces  de  large, 
fur  quatre  de  long,  avec  un  marteau  c  qu'on  appelle 
marteau  à  forger  :  il  eft  à  tête  &  à  panne  ;  il  peie  en- 
viron trois  livres  ;  fa  panne  peut  avoir  un  pouce  & 
demi  en  quarré  ,  &  fon  manche  lîx  pouces  de  long. 
Si  l'ouvrier  juge  que  ce  marteau  ait  rendu  fa  matière 
écroiiie ,  il  la  fait  encore  recuire  :  d  eft  le  bloc  de 
l'enclume. 

Ou  l'on  deftine  la  matière  forgée  &  étirée  au  mar- 
teau à  pafler  au  moulin  ,  ou  non  :  fi  l'on  fe  fert  du 
moulin,  il  fuffira  de  l'avoir  réduite  fur  l'enclume  à 
l'épaifleur  d'environ  une  ligne  &  demie  ,  ou  deux 
lignes ,  au  plus.  Le  moulin  eft  compoié  d'un  banc 
très-folide  ,  vers  le  milieu  duquel  le  fixe  avec  de 
fortes  vis  le  chaffis  du  moulin  :  ce  chaffis  eft  fait  de 
deux  jumelles  de  fer  d'un  demi-pouce  d'épaiffeur, 
fur  deux  pouces  &  demi  de  largeur ,  &  quatorze  pou- 
ces de  hauteur.  Ces  jumelles  font  furmontées  d'un 
couronnement ,  qui  avec  la  traverle  inférieure  fer- 
vent à  confolider  le  tout.  Le  couronnement  8z  les  ju- 
melles font  unis  par  de  longues  &  fortes  vis.  Dans 


les  deux  jumelles  font  enarbrés  deux  cylindres  d'a- 
cier ,  polis  ,  de  deux  pouces  de  diamètre  ,  fur  deux 
po-ices  &  demi  de  longueur;  le  fupérieur  traverfe 
des  pièces  à  couiiffes ,  qui  à  l'aide  d'une  vis  placée 
de  chaque  côté  ,  l'approchent  ou  l'écartent  plus  ou 
moins  de  l'inférieure  ,  félon  que  le  cas  le  requiert  : 
l'axe  du  cylindre  inférieur  eft  prolongé  de  part  & 
d'autre  du  chaffis  ;  à  fes  deux  extrémités  équarnes 
s'adaptent  deux  manivelles  d'un  pié  &  demi  de  rayon, 
qui  mettent  les  cylindres  en  mouvement.  Les  cylin- 
dres mobiles  fur  leur  axe  étendent  en  tournant  la  ma- 
tière lerrée  entre  leurs  furfaces ,  &  la  contraignent 
de  glifier  par  le  mouvement  qu'ils  ont  en  fens  con- 
traires. 

L'artifte  fe  propofe  deux  chofes  dans  le  tirage  ;  la 
première  d'adoucir  les  coups  de  marteau  qui  avoient 
rendu  la  furface  du  métal  inégale  &  raboteufe  ;  la 
ieconde  d'étendre  en  peu  de  tems  le  métal  très-éga- 
lement. Les  ouvriers  luppléoient  autrefois  au  moulin 
par  le  marteau  ;  &  quelques-uns  fuivent  encore  au- 
jourd'hui l'ancienne  méthode. 

Ceux  qui  fe  fervent  du  moulin  obtiennent  par  le 
moyen  de  cette  machine  un  long  ruban  ,  qu'ils  rou- 
lent fur  une  petite  latte  ;  ils  le  preffent  fortement  fur 
la  latte ,  afin  qu'il  prenne  un  pli  aux  deux  côtés  de 
la  latte  ,  qu'ils  retirent  enfuite  ;  &  afin  que  le  ruban 
ne  fe  détortille  pas,  qu'il  conferve  fon  pli  aux  em- 
droits  où  il  l'a  pris  ,  &  que  les  furfaces  de  fes  tours 
relient  bien  exactement  appliquées  les  unes  fur  les 
autres ,  ils  font  deux  ligatures  qui  les  contiennent 
dans  cet  état ,  l'une  à  un  bout ,  &  l'autre  à  l'autre  : 
ces  ligatures  font  de  petites  lanières  de  peau  d'an- 
guille. Cela  fait ,  avec  le  même  marteau  qui  a  fervi 
à  forger  ils  élargiffent  la  portion  du  ruban  comprife 
entre  les  deux  ligatures ,  en  chalfant  la  matière  avec 
la  panne  vers  les  bords,  d'abord  d'un  des  côtés  du 
ruban ,  puis  de  l'autre  ;  enfuite  ils  frappent  fur  le  mi- 
lieu pour  égalifer  l'épaifleur ,  &  augmenter  encore 
la  largeur. 

Lorfque  la  portion  comprife  entre  les  ligatures  eft 
forgée ,  ils  ôtent  les  ligatures ,  ils  infèrent  leurs  doigts 
au  milieu  des  plis  ,  &  amènent  vers  le  milieu  les  por- 
tions qui  étoient  d'un  &  d'autre  côté  au-delà  des  li- 
gatures ;  de  manière  que  quand  les  ligatures  font  re- 
miiès ,  ce  qui  eft  précifément  au-delà  des  ligatures  , 
eft  la  partie  forgée  qui  étoit  auparavant  comprife  ea- 
tr'elles  ;  &  que  ce  qui  a  été  amené  entr'elles  ,  eft  la 
partie  qui  n'a  pu  être  forgée  ,  qui  formoit  le  pli ,  &C 
qui  étoit  au-delà  des  ligatures.  Il  eft  évident  que  cette 
portion  doit  former  une  efpece  de  croiffant  :  on  for- 
ge cette  portion  comme  la  précédente,  en  commen- 
çant par  les  bords ,  &  s'avançant  vers  le  milieu  d'un 
&  d'autre  côté ,  puis  forgeant  le  milieu  ,  jufqu'à  ce 
que  le  ruban  fe  trouve  également  épais  &  large  dans 
toute  la  longueur  :  cette  epaiffeur  eft  alors  à  peu  près 
d'une  demi-ligne ,  ou  même  davantage. 

Si  l'on  ne  fe  fert  point  du  moulin  ,  on  forge  juf- 
qu'à ce  que  la  matière  ait  à  peu  près  l'épaifleur  d'une 
forte  demi-ligne  ,  puis  on  la  coupe  tout  de  luite  en 
parties  qui  ont  un  pouce  &  demi  de  long ,  fur  un  pou- 
ce de  large  ;  ce  qu'on  ne  fait  qu'après  le  tirage  au 
moulin  ,  quand  on  s'en  fert.  Ces  portions  d'un  pou- 
ce 6c  demi  de  long  fur  un  pouce  de  large ,  &:  une  de- 
mi-ligne &  davantage  d'épais  ,  s'appellent  quartiers  z 
on  coupe  ordinairement  cinquante  -  lix  quartiers  ; 
l'ouvrier  prend  entre  fes  doigts  un  nombre  de  ces 
quartiers,  capable  de  former  l'épaifleur  d'un  pouce 
ou  environ,  il  les  applique  exactement  les  uns  fur 
les  autres ,  &  il  leur  donne  la  forme  quarrée  fur  l'en- 
clume &  avec  la  panne  du  marteau  ,  commençant 
à  étendre  la  matière  vers  les  bords  ,  s'avançant  en- 
fuite  vers  le  milieu, en  faifant  autant  à  l'autre  côté, 
forgeant  enfuite  le  milieu  ,  &  réduifaiit  par  cette  ma- 
nière de  forger  réitérée  tous  les  quartiers  du  mêma 


BAT 

paquet ,  &  tous  à  la  fois ,  à  l'épaifTeur  d'une  feuille 
de  papier  gris ,  &  à  la  dimenfion  d'un  quarré  dont 
Je  côté  auroit  deux  pouces. 

Lorfque  l'or  eft  dans  cet  état,  on  prend  des  feuillets 
de  vélin ,  on  en  place  deux  entre  chaque  quartier  ; 
ainli  pour  cela  feul  les  cinquante-lix  quartiers  exigent 
cent  douze  feuillets  de  vélin  :  mais  il  en  faut  encore 
d'autres  qu'on  met  à  vuide  en-deffus  &  en-defibus  ; 
&  fur  ces  feuillets  vuides ,  tant  cn-deffus  qu'en-def- 
fous ,  on  met  encore  deux  feuillets  de  parchemin. 
Cet  afTemblage  s'appelle  le  premier  caucher  ;  &  les 
feuillets  vuides  ,  avec  les  feuillets  de  parchemin  ou 
fans  eux  ,  s'appellent  emplures.  Ainli  voici  donc  la 
difpofition  &  l'ordre  du  premier  caucher  ;  deux  feuil- 
lets de  parchemin ,  une  vingtaine  plus  ou  moins  de 
feuillets  de  vélin  vuides  ;  un  quartier ,  deux  feuillets 
de  vélin  ;  un  quartier ,  deux  feuillets  de  vélin  ;  &  ain- 
fi  de  fuite  julqu'à  la  concurrence  de  cinquante-lix 
quartiers  ,  une  vingtaine  de  feuillets  de  vélin  vuides, 
&  deux  feuillets  de  parchemin.  L'uiage  des  emplures 
eft  d'amortir  l'action  des  coups  de  marteau  lur  les 
premiers  quartiers  ,  &  de  garantir  les  outils.  Les  Bat- 
teurs d'or  entendent  par  ies  outils  l'aflèmblage  des 
feuillets  de  vélin.  Le  caucher  fe  couvre  de  deux  four- 
reaux ;  le  fourreau  eft  une  enveloppe  de  plufieurs 
feuillets  de  parchemin  appliqués  les  uns  fur  les  au- 
tres, &  collés  par  les  deux  bouts ,  de  manière  qu'ils 
forment  une  elpece  de  fac  ouvert.  On  a  deux  four- 
reaux ;  quand  on  a  mis  le  caucher  dans  un  ,  on  fait 
entrer  le  caucher  &  ce  premier  fourreau  dans  le  fé- 
cond ,  mais  en  fens  contraire  :  d'oii  il  arrive  que  quoi- 
que les  fourreaux  foient  tous  les  deux  ouverts ,  ce- 
pendant ils  couvrent  par-tout  le  caucher.  Voy.fig.  6. 
un  caucher,  &  fig.  y.  &  8.  les  fourreaux.  Mettre  les 
fourreaux  au  caucher,  cela  s'appelle  enfourrer.  Les 
feuillets  de  vélin  ck.  de  parchemin  font  des  quarrés 
dont  le  côté  a  quatre  pouces. 

Le  caucher  ainfi  arrangé  ,  on  le  bat  fur  un  marbre, 
comme  on  voit  fig.  2.  ce  marbre  eft  noir  ;  il  a  un  pié 
en  quarré ,  &  un  pié  &  demi  de  haut.  On  ajufte  à  fa 
partie  fupérieure  une  eipece  de  boîte  F,  ouverte  du 
côté  de  l'ouvrier  :  cette  boite  s'appelle  la  caiJJ'e  ;  elle 
eft  faite  de  lapin ,  &  revêtue  en-dedans  de  parche- 
min collé  :  le  parchemin  collé  qui  s'étend  juique  fur 
le  marbre ,  n'en  laiffe  appercevoir  au  milieu  delà 
caiffe  que  la  portion  c.  La  caille  eft  cmbrafiée  du  cô- 
té de  l'ouvrier  par  une  peau  h  que  l'ouvrier  relevé 
fur  lui ,  &  dont  il  fe  fait  un  tablier.  Quand  il  travail- 
le, cette  peau  ou  tablier  reçoit  les  lavurcs.On  entend 
par  les  lavures  ,  les  parties  de  matière  qui  lé  déta- 
chent d'elles-mêmes ,  ou  qu'on  détache  des  cauchers. 

Comme  l'aûion  continuelle  d'un  marteau  de  dou- 
ze à  quinze  livres  fur  une  malle  de  pierre  d'un  poids 
énorme  ,  ne  manquerait  pas  d'ébranler  à  la  longue 
les  voûtes  d'une  cave  ,  s'il  s'en  trouvoit  une  immé- 
diatement deflbus  ;  dans  ce  cas ,  il  eft  prudent  de  l'é- 
gayer, fort  par  une  forte  pièce  de  bois,  foit  par  un 
maftifde  pierre  ,  placé  fous  l'endroit  qui  correspond 
au  marbre  du  batteur  d'or. 

Il  faut  que  la  furface  du  marbre  &  du  marteau  foit 
fort  unie  ,  fans  quoi  les  cauchers  ou  outils ,  c%:  les 
feuilles  d'or  feroient  maculées.  On  bat  le  premier 
caucher  pendant  une  demi-heure ,  en  chaffant  du  cen- 
tre à  la  circonférence ,  le  retournant  de  tems  en  rems, 
&  appliquant  au  marbre  la  furface  fur  laquelle  on 
frappoit,  &  frappant  fur  l'autre.  Le  marteau  dont 
on  lé  fert  dans  cette  opération  s'appelle  marteau  plat, 
ou  à  degroffîr  :  il  pelé  quatorze  à  quinze  livres  ;  la 
tête  eft  ronde  ,  cv  tant  foit  peu  convexe  :  il  a  lix  pou- 
ces de  haut ,  &  va  depuis  fa  tête  julqu'à  fon  autre 
extrémité  tin  peu  en  diminuant ,  ce  qui  le  fait  paraî- 
tre cône  tronqué  :  la  tête  a  cinq  pouces  de  diamètre 
ou  environ.  L'ouvrier  a  l'attention  de  défourrer  de 
tems  en  tems  fon  caucher,  év  d'examiner  en  quel  état 


BAT 


>■? 


font  les  quartiers.  Une  faut  pas  efpérer qu'ils  s'éten- 
dent tous  également  ;  il  en  trouvera  qui  n'occupe- 
ront qu'une  partie  de  l'étendue  du  feuillet  de  vélin  ; 
d'autres  qui  l'occuperont  toute  entière  ;  d'autres  qui 
déborderont  :  il  pourra,  s'il  le  veut,  ôter  les  avant- 
derniers  ,  &  il  fera  bien  d  oter  les  derniers  :  il  eft 
évident  qu'après  cette  foultraftion  le  caucher  fera 
moins  épais.  Mais  on  empêchera  les  fourreaux  d'être 
lâches,  en  inférant  de  petits  morceaux  de  bois  dans 
les  côtés  ,  entr'eux  &  le  caucher. 

On  continuera  de  battre  jufqu'à  ce  qu'on  ait  ame- 
né les  quartiers  reftant  à  i'étendue  ou  environ  des 
feuillets  de  vélin  qui  les  féparent:  cela  fait,  la  pre- 
mière opération  de  la  batte  fera  finie.  Si  on  lauToit 
delafleurer  les  quartiers  au-delà  des  outils  ,  ceux-ci 
pourraient  en  être  gâtés. 

Au  fortir  du  premier  caucher  les  quartiers  font  par- 
tagés en  quatre  parties  égales  avec  le  cileau.  On  a 
donc  deux  cents  vingt-quatre  nouveaux  quartiers  , 
dont  on  forme  un  fécond  caucher  de  la  manière  fui- 
vante  :  on  met  deux  feuillets  de  parchemin  ,  une 
douzaine  de  feuillets  de  vélin  vuides  ou  d'emplures  ; 
un  quartier  ,  un  feuillet  de  vélin  ;  un  quartier,  un 
feuillet  de  vélin  ;  &  ainfi  de  fuite  jufqu'à  cent  douze 
inclufivement  :  une  douzaine  d'emplures ,  deux  feuil- 
lets de  parchemin  ;  deux  autres  feuillets  de  parche- 
mins ,  une  douzaine  d'emplures  ;  un  quartier  ,  un 
feuillet  de  vélin;  un  quartier,  un  feuillet  de  vélin  ; 
ckainlî  de  fuite  julqu'à  cent  douze  incluiivement,dou- 
ze  emplures  &  deux  feuillets  de  velin. 

D'oii  l'on  voit  que  le  fécond  caucher  eft  double 
du  premier,  &  qu'il  eft  féparé  parle  milieu  en  deux 
parts  diltinguées  par  quatre  feudlets  de  parchemin , 
dont  deux  Unifient  la  première  part ,  ce  lui  appar- 
tiennent ,  &  deux  appartiennent  à  la  féconde  part  , 
&  la  commencent  :  en  un  mot  il  y  a  dans  le  milieu 
du  fécond  caucher  quatre  feuillets  de  parchemin  en- 
tre vingt-quatre  emplures  de  vélin  ,  douze  d'un  cô- 
té &  douze  de  l'autre.  Au  refte  il  n'y  a  pas  d'autre 
différence  entre  le  premier  caucher  &  le  fécond  :  il 
a  les  deux  fourreaux  aulfi,  il  ne  s'enfourre  pas  diffé- 
remment, &  les  feuillets  de  vélin  lont  de  la  même 
forme  &  de  la  même  grandeur. 

Ce  fécond  caucher  enfourré  comme  le  premier, 
on  le  bat  de  la  même  manière,  avec  le  même  mar- 
teau ,  &  pendant  le  même  tems  que  le  premier  :  ob- 
fervant  non-feulement  d'oppoler  tantôt  une  des  fa- 
ces ,  tantôt  l'autre  au  marteau  &  au  marbre  :  au  mar- 
bre celle  qui  vient  d'être  oppolce  au  marteau  ;  au 
marteau  celle  qui  vient  d'être  oppolée  au  marbre: 
mais  encore  de  défourrer  de  tems  en  tems, de  féparer 
les  deux  parts  du  caucher,  afin  de  mettre  en  d 
la  lace  de  l'une  &  de  l'autre  part  qui  étoit  en-de- 
hors ,  &  en-dehors  celle  qui  étoit  en-dedans  ;  &c  d'e- 
xaminer attentivement  quand  les  quartiers  dcfafleu- 
rent  les  outils  :  lorfque  les  quartiers  defalleurent  les 
outils ,  alors  la  féconde  opération  fera  finie. 

On  def  emplit  le  fécond  caucher  ;  pour  cet  effet ,  on 
a  à  côté  de  foi  le  caucher  même  :  on  écarte  les  deux 
parchemins  &  les  emplures  ;  on  prend  la  première 
feuille  d'or  que  l'on  rencontre  ,  cC  on  l'etend  fur  un 
coulfin  ;  on  enlevé  le  fécond  feuillet  de  velin .  cv  l'on 
prend  la  féconde  feuille  d'or  qu'on  pofe  fur  la  pre- 
mière ;  mais  de  manière  que  la  féconde  foit  plus  re- 
culée vers  la  gauche  que  la  première  :  on  ôte  un  au- 
tre feuillet  de  vélin,  ce  l'on  prend  une  troilîemc 
feuille  d'or  que  l'on  étend  fur  la  féconde ,  de  manière 
que  cette  troifieme  foit  plus  avancée  vers  la  droite 
que  la  féconde  :  en  un  mot ,  on  range  les  tcuilles  en 
échelle;  on  faitenforte  qu'elles  r.c  le  débordent  point 
en-haut,  mais  qu'elles  fe  déboulent  toutes  à 

uche  d'un  demi-pouce  ou  environ  . 
un  couteau  d'acier,  émouflé  par  le  bout,  6é  à  l'aide- 
d'une  pince  de  bc-is  léger  quOQ  voit  fig.  10.  on  le* 


5S 


BAT 


prend  toutes  quatre  à  quatre ,  &  on  les  coupe  en 
quatre  parties  égales;  ce  qui  donne  huit  cents  quatre- 
vingts-feize  feuilles. 

Quand  cette  divifion  eft  faite ,  voici  comment  on 
arrange  ces  huit  cents  quatre-vingt-feize  feuilles  :  on 
lailTe-là  les  feuillets  de  vélin  ;  on  en  prend  d'une  au- 
tre matière  qu'on  appelle  baudruche,  &  dont  nous 
parlerons  plus  bas  ;  on  met  deux  feuillets  de  parche- 
min ,  quinze  emplures  de  baudruche ,  une  feuille 
d'or  ,  un  feuillet  de  baudruche  ;  une  feuille  d'or ,  un 
feuillet  de  baudruche  ,  &  ainfi  de  fuite  jufqu'à  quatre 
cents  quarrinte-huit  inclulivement  ;  puis  quinze  em- 
plures ,  puis  deux  feuillets  de  parchemin  ;  puis  en- 
core deux  feuillets  de  parchemin  ,  puis  quinze  em- 
plures, puis  une  feuille  d'or,  puis  un  feuillet  de  bau- 
druche, puis  une  feuille  d'or  ,  puis  un  feuillet  de  bau- 
druche ,  &  ainfi  de  fuite  ,  jufqu'à  quatre  cents  qua- 
rante-huit inclulivement ,  puis  quinze  emplures  de 
baudruche ,  &  enfin  deux  feuillets  de  parchemin  : 
cet  afTemblage  s'appelle  chaudret. 

D'où  l'on  voit  que  le  chaudret ,  ainfi  que  le  fécond 
caucher ,  eft  divilé  en  deux  parts  au  milieu ,  dans 
l'endroit  où  il  fe  rencontre  quatre  feuillets  de  parche- 
min ,  dont  deux  appartiennent  à  la  première  part  du 
chaudret ,  &  la  finiffent,  &  deux  à  la  féconde  part, 
&  la  commencent. 

Le  feuillet  du  chaudret  a  environ  cinq  pouces  en 
quarré  ;  il  eft  de  baudruche  ,  matière  bien  plus  dé- 
liée &  bien  plus  fine  que  le  vélin  ;  c'eft  une  pellicule 
que  les  Bouchers  ou  les  Boyaudiers  enlèvent  de  def- 
ius  le  boyau  du  bœuf  :  deux  de  ces  pellicules  minces 
collées  l'une  fur  l'autre  ,  forment  ce  qu'on  appelle 
h  feuillu  de  baudruche  ;  &  ces  feuillets  de  baudruche 
-&  de  parchemin  difpofés  comme  nous  venons  de  le 
preferire,  forment  le  chaudret  ■  le  chaudret  s'enfourre 
comme  les  cauchers. 

On  bat  environ  deux  heures  le  chaudret  :  le  mar- 
teau eft  le  même  que  celui  des  cauchers  ;  on  obferve 
en  le  battant  tout  ce  qu'on  a  obfervé  en  battant  le 
fécond  caucher  ;  je  veux  dire  de  défourrer  de  tems 
en  tems ,  d'examiner  fi  les  feuilles  d'or  defafleurent 
ou  non  ;  de  mettre  en-dedans  les  faces  des  deux  parts 
qui  font  en-dehors ,  &  celles  qui  font  en-dehors ,  de 
les  mettre  en-dedans  ;  de  battre  félon  l'art ,  en  chaf- 
fant  du  centre  à  la  circonférence  ,  &c.  Lorfqu'on 
s'apperçoit  que  toutes  les  feuilles  defafleurent ,  la 
troiiieme  opération  eft  finie. 

Alors  on  prend  le  chaudret  défourré  avec  une  te- 
naille a  bc ,  qu'on  voit  j%.  _o.  on  ferre  le  chaudret  par 
un  de  fes  angles ,  entre  les  extrémités  a  de  la  tenaille, 
on  empêche  la  tenaille  de  fe  defferrer,  en  contraignant 
une  de  fes  branches  c  ,  d'entrer  dans  un  des  trous  de 
la  plaque  x ,  attachée  à  l'autre  branche  b  ;  on  a  à 
côté  de  foi  un  couffin  d'un  pié  de  large  ,  fur  deux  pies 
&  demi  à  trois  pies  de  long  ,  couvert  de  peau  de 
veau ,  comme  on  le  voit  en  i ,  2 ,  fig.  3  '■>  on  levé  les 
feuillets  de  baudruche  de  la  main  gauche  ;  &  de  la 
droite ,  on  enlevé  avec  une  pince  de  bois  qu'on  voit 
fig.  10  -,  les  feuilles  d'or;  on  les  rogne  avec  un  cou- 
teau d'acier ,  &  on  les  range  par  échelle  fur  le  couf- 
fin ;  on  les  divife  en  quatre  parties  égales  ;  ce  qui 
donne  quatre  fois  huit  cents  quatre-vingt-ieize  feuilles 
d'or  ;  on  diviie  ce  nombre  de  quatre  fois  huit  cents 
quatre-vingt-feize  feuilles  en  quatre  portions  d'envi- 
ron huit  cents  feuilles  chacune ,  &  l'on  arrange  ces 
huit  cents  feuilles  d'or  de  la  manière  fuivante,  afin 
de  continuer  le  travail. 

On  prend  deux  feuillets  de  parchemin ,  vingt-cinq 
emplures  de  baudruche  ,  une  feuille  d'or  ,  un  feuil- 
let de  baudruche  ;  une  feuille  d'or ,  un  feuillet  de 
baudruche,  &  ainfi  de  fuite,  jufqu'à  huit  cents  inclu- 
fivement ,  puis  vingt-cinq  emplures ,  &  enfin  deux 
feuilles  de  parchemin.  Cet  affemblage  forme  ce  qu'on 
appelle  une  moule  ;  les  divilions  du  chaudret  en  qua- 


BAT 

tre  donnent  de  quoi  former  quatre  moules  qui  fe 
travaillent  l'une  après  l'autre,  &  féparément. 

La  feuille  de  la  moule  a  fix  pouces  en  quarré  , 
comme  difent  les  ouvriers  très-improprement ,  c'eft- 
à-dire  a  la  forme  d'un  quarré  ,  dont  le  côté  a  fix 
pouces  ;  on  Fenfourre ,  ôe  on  la  bat  plus  ou  moins  de 
tems  ;  cela  dépend  de  plufieurs  cauf  es  ;  de  la  difpofi- 
tion  des  outils ,  de  la  température  de  l'air ,  &  de  la  di- 
ligence de  l'ouvrier  :  il  y  a  des  ouvriers  qui  battent 
julqu'à  deux  moules  par  jour.  Chaque  moule  ne  con- 
tient que  huit  cents  feuilles  d'or  ;  quoiqu'il  dût  y  en 
avoir  quatre  fois  huit  cents  quatre-vingt-leize  pour  les 
quatre  ;  ce  qui  fait  plus  de  huit  cents  pour  chacune  : 
mais  partie  de  cet  excédent  s'eft  brilé  dans  la  batte  , 
quand  il  eft  arrivé  que  la  matière  étoit  aigre ,  ou 
qu'elle  n'étoit  pas  allez  épaiffe  pour  fournir  à  l'ex- 
teniion  ;  partie  a  été  employée  à  étouper  les  autres. 
On  appelle  étouper  une  feuille  ,  appliquer  une  pièce 
à  l'endroit  foible  où  elle  manque  d'étoffe. 

C'eft  ici  le  lieu  d'obferver  qu'il  importoit  allez 
peu  que  les  cinquante-iix  premiers  quartiers  qui  ont 
fourni  un  fi  grand  nombre  de  feuilles  ,  fuffent  un  peu 
plus  forts  ou  un  peu  plus  foibles  les  uns  que  les  au- 
tres ;  la  batte  les  réduit  néceflairement  à  la  même 
épaiffeur  :  la  feule  différence  qu'il  y  ait,  c'eft  que 
dans  le  cours  des  opérations ,  les  forts  defafleurent 
beaucoup  plus  que  les  foibles. 

On  commence  à  battre  la  moule  avec  le  marteau 
rond  qui  pelé  fix  à  iept  livres ,  qui  poi  te  quatre  pou- 
ces de  diamètre  à  la  tête ,  &  qui  eft  un  peu  plus  con- 
vexe qu'aucun  de  ceux  dont  on  s'eft  lervi  pour  les 
cauchers  &  le  chaudret  ;  il  s'appelle  marteau  à  com- 
mencer ;  on  s'en  fert  pendant  quatre  heures  ;  on  lui 
fait  fuccéder  un  fécond  marteau  qui  pelé  quatre  à 
cinq  livres  ,  qui  porte  deux  pouces  de  diamètre  à  la 
tête  ,  &  qui  eft  encore  plus  convexe  que  les  précé- 
dens  ;  on  l'appelle  marteau  à  chajfer,  &l'on  s'en  fert 
pendant  une  demi-heure  ;  on  reprend  enfuite  le  mar- 
teau à  commencer  ;  on  revient  au  marteau  à  chaffer, 
dont  on  fe  fert  pendant  encore  une  demi-heure ,  & 
l'on  paffe  enfin  au  marteau  à  achever.  Le  marteau  à 
achever  porte  quatre  pouces  de  diamètre  à  la  tête  , 
eft  plus  convexe  qu'aucun  des  précédens  ,  &  pefe 
douze  à  treize  livres.  On  a  eu  raifon  de  l'appeller 
marteau  à  achever  ;  car  c'eft  en  effet  par  lui  que  finit 
la  batte. 

On  obferve  aufîi  pendant  la  batte  de  la  moule  ,  de 
la  frapper  tantôt  fur  une  face  ,  tantôt  fur  une  autre  ; 
de  défourrer  de  tems  en  tems ,  &  d'examiner  li  les 
feuilles  defafleurent  :  quand  elles  defafleurent  tou- 
tes, la  batte  eft  finie.  Il  ne  s'agit  plus  que  de  tirer  l'or 
battu  d'entre  les  feuillets  de  la  moule ,  &  c'eft  ce  que 
fait  la  fig.  J.  &  de  les  placer  dans  les  quarterons. 

Pour  cet  effet,  on  fe  fert  de  la  tenaille  de  h  fig-  g. 
on  ferre  avec  elle  la  moule  par  l'angle  ,  &  l'on  en 
fort  les  feuilles  battues  les  unes  après  les  autres ,  à 
l'aide  de  la  pince  de  bois  de  la  fig.  10.  on  les  pofe 
fur  le  couffin  ;  on  fouffle  deffus  pour  les  étendre;  on 
prend  le  couteau  de  la  fig.  il.  fait  d'un  morceau  de 
rofeau  5  ;  on  coupe  un  morceau  de  la  feuille  en  li- 
gne droite  ;  ce  côté  de  la  feuille  qui  eft  coupé  en  li- 
gne droite  ,  fe  met  exactement  au  fond  du  livret  &C 
du  quarteron  ,  que  la  feuille  déborde  de  tous  les  au- 
tres côtés  ;  on  continue  de  remplir  ainfi  le  quarte- 
ron ;  quand  il  eft  plein ,  on  en  prend  un  autre ,  &  ainfi 
de  fuite.  Lorfque  la  moule  eft  vuide  ,  on  prend  un 
couteau  ,  &  l'on  enlevé  tout  l'excédent  des  feuilles 
d'or  qui  paraît  hors  des  quarterons  ou  livrets;  &l'oa 
emporte  ce  que  le  couteau  a  laiffé ,  avec  un  morceau 
de  linge  qu'on  appelle  frottoir. 

Les  quarterons  dont  on  voit  un ,  fig.  5.  font  des  li- 
vrets de  vingt-cinq  feuillets  quarrés  ;  il  y  en  a  de  deux 
fortes:  les  uns,  dont  le  côté  eft  de  quatre  pouces; 
d'autres ,  dont  le  côté  n'eft  que  de  trois  pouces  ck  de* 


BAT 

mi.  Un  livret  d'or  dont  le  côté  eft  de  quatre  pouces , 
fevend  quarante  fous;  un  livret  pareil  d'argent,  fe 
vend  fix  Tous. 

Quatre  onces  d'or  donnent  les  cinquante-fix  quar- 
tiers avec  lefquels  on  a  commencé  le  travail.  Il  y  a  eu 
dans  le  cours  du  travail ,  tant  en  lavures  qu'en  rognu- 
res ou  autrement ,  dix-fept  gros  de  déchet.  Ainfi  qua- 
tre onces  moins  dix-fept  gros ,  pourraient  fournir  trois 
mille  deux  cents  feuilles  quarrées  ,  de  chacune  trente- 
fix  pouces  de  furface:  mais  elles  ne  les  donnent  que  de 
1 6  pouces  en  quarré  ;  car  les  feuilles  qui  fortent  de  la 
moule  de  36  pouces  en  quarré ,  s'enferment  dans  un 
quarteron  de  16  pouces  en  quarré.  Ainfi  l'on  ne  cou- 
vriroit  qu'une  furface  de  41200  pouces  quarrés , 
avec  quatre  onces  d'or,  moins  dix-fept  gros ,  ou  deux 
onces  un  gros  :  mais  on  en  pourroit  couvrir  une  de 
115100  pouces  quarrés. 

Pour  avoir  de  bons  cauchers ,  il  faut  choifir  le  meil- 
leur vélin ,  le  plus  fin ,  le  plus  ferré  6c  le  plus  uni.  Il 
n'y  a  pas  d'autre  préparation  à  lui  donner,  que  de  le 
bien  laver  dans  de  l'eau  froide ,  que  de  le  laifTer  lé- 
cher à  l'air,  &  que  de  le  parler  au  brun;  on  verra 
plus  bas  ce  que  c'eft  que  le  brun. 

Quant  à  la  baudruche ,  ou  à  cette  pellicule  qui  fe 
levé  de  defTus  le  boyau  de  bœuf,  c'eft  autre  choie  : 
elle  vient  d'abord  pleine  d'inégalités  &  couverte  de 
graifTe;  on  enlevé  les  inégalités  en  parlant  légère- 
ment fur  fa  furface  le  tranchant  moufle  d'un  couteau. 
Pour  cet  effet ,  on  la  colle  fur  les  montans  verticaux 
d'une  efpece  de  chevalet  ;  le  même  inftrument  em- 
porte aufli  la  graiffe.  Quand  elle  eft  bien  égale  &  bien 
degraiffée ,  on  l'humecte  avec  un  peu  d'eau  ;  &  l'on 
applique  l'une  fur  l'autre  deux  peaux  de  baudruche 
humides.  L'humidité  fuffit  pour  les  unir  indivilible- 
ment.  Le  batteur  d'or  paye  foixante-quinze  livres  les 
huit  cents  feuilles;  cela  eft  cher,  mais  elles  durent: 
quatre  mois ,  fix  mois ,  huit  mois  de  travail  continu 
les  fatiguent,  mais  ne  les  ufent  point. 

Avant  que  de  les  employer,  le  Batteur  d'or  leur 
donne  deux  préparations  principales  :  l'une  s'appelle 
le  fond ,  &c  l'autre  confifte  à  les  faire  fuer.  Il  com- 
mence par  celle-ci  ;  elle  confifte  à  en  exprimer  ce 
qui  peut  y  refter  de  graille.  Pour  cet  effet,  il  met 
chaque  feuille  de  baudruche  entre  deux  feuillets  de 
papier  blanc  ;  il  en  fait  un  afl'cmblage  coniidcrable 
qu'il  bat  à  grands  coups  de  marteau.  L'effort  du  mar- 
teau en  fait  fortir  la  graiffe  ,  dont  le  papier  fe  charge 
à  l'inftant.  Donner  le  fond  aux  feuillets  de  baudru- 
che, c'eft  les  humeôer  avec  une  éponge,  d'une  in- 
fufion  de  canclle ,  de  mulcade ,  &  autres  ingrédiens 
chauds  &  aromatiques;  l'effet  de  ce  fond  eft  de  les 
confolider ,  6c  d'en  rcflerrer  les  parties.  Quand  on 
leur  a  donné  le  fond  une  première  fois ,  on  les  laiffe 
fécher  à  l'air,  6c  on  le  leur  donne  une  féconde  fois  ; 
quand  elles  font  lèches ,  on  les  met  à  la  prefle  6c  on 
les  employé. 

Les  Batteurs  donnent  en  général  le  nom  d'outils 
aux  affemblages,  foit  de  vélin,  (bit  de  baudruche  ; 
&  quand  ces  afl'emblages  ont  beaucoup  travaillé,  ils 
difent  qu'ils  font  las  ;  alors  ils  ceffent  de  s'en  fervir. 
Ils  ont  de  grandes  feuilles  de  papier  blanc  qu'ils  hu- 
mectent, les  uns  de  vinaigre,  les  autres  de  vin  blanc. 
Us  prennent  les  feuillets  de  baudruche  las;  ils  les 
mettent  feuillets  à  feuillets  entre  les  feuilles  de  pa- 
pier blanc  préparées  ;  ils  les  y  laiffent  pendant  trois 
ou  quatre  heures  :  quand  ils  s'apperçoivent  qu'ils 
ont  affez  pris  de  l'humidité  des  papiers  blancs,  ils 
les  en  retirent ,  &  les  diilribuent  dans  un  outil  de  par- 
chemin ,  dont  chaque  feuillet  eft  un  quarré  ,  dont  le 
coté  a  douze  pouces.  Ils  appellent  cet  outil  plane  ; 
Pour  faire  fécher  les  feuillets  de  baudruche  enfer- 
mes entre  ceux  de  la  plane ,  ils  battent  avec  le  mar- 
teau la  plane  pendant  un  jour.  Puis  ils  lesbruniffent, 
ou  donnent  le  brun  ;  c'eft-à-dire  ,  qu'ils  prennent  du 


BAT 


M9 


gypfe  ou  de  ce  foffile  qu'on  appelle  miroir  d'âne,  qu'on 
tire  des  carrières  de  plâtre  ;  qu'ils  le  font  calciner, 
qu'ils  le  broyent  bien  menu ,  &  qu'avec  une  patte  de 
lièvre,  ils  en  répandent  furies  feuillets  de  baudru- 
che, d'un  &  d'autre  côté. 

Le  brun  fe  donne  aufli  aux  outils  de  vélin. 

Il  faut  que  les  outils  de  baudruche  foient  preffés  & 
féchés  toutes  les  fois  qu'on  s'en  fert  ;  fans  quoi  l'humi- 
dité de  l'air  qu'ils  pompent  avec  une  extrême  facilité, 
rendroit  le  travail  pénible.  Il  ne  faut  pourtant  pas  les 
faire  trop  fécher;  la  baudruche  trop  feche  eft  perdue. 

On  a  pour  preffer  &  fécher  en  même  tems  la  bau- 
druche, un  infiniment  tel  qu'on  le  voit  fig.  4.  La  par- 
tie M N O  P  peut  contenir  du  feu.  C'eft  une  efpece 
de  vaiffeau  de  fer;  le  fond  q  eft  une  plaque  de  fer.  Ce 
vaifl'eau  6c  fa  plaque  peuvent  fe  baiffer  &  fe  hauffer 
en  vertu  de  la  vis  tu}  la  bride  a  b  c  eft  fixe  fur  la  pla- 
que inférieure  q  r  s  ;  on  infère  entre  ces  plaques  les 
outils  enfermés  entre  deux  voliches;  on  ferre  la  pref- 
fe  ;  on  met  du  feu  dans  le  vaiffeau  fupérieur ,  dont  la 
plaque  m  no  p  fait  le  fond  ;  &  l'on  pofe  la  plaque  in- 
férieure q  r  s ,  fur  une  poêle  pleine  de  charbons  ar- 
dens  :  les  outils  fe  trouvent  par  ce  moyen  entre  deux 
feux. 

Quant  aux  outils  de  vélin  ,  quand  ils  font  très-hu- 
mides ,  on  les  répand  fur  un  tambour;  c'eft  une  boî- 
te faite  comme  celle  011  l'on  enfermeroit  une  chau- 
frette ,  avec  cette  différence  qu  'elle  eft  beaucoup  plus 
grande  &  plus  haute  ;  &  qu'au  lieu  d'une  planche  per- 
cée ,  fa  partie  fupérieure  eft  grillée  avec  du  fil  d'ar- 
chal  ;  on  étend  les  feuillets  de  vélin  fur  cette  grille , 
6c  l'on  met  du  feu  dans  le  tambour. 

Il  paroît  que  les  Romains  ont  pofledé  l'art  d'éten- 
dre l'or:  mais  il  n'eft  pas  aufli  certain  qu'ils  l'ayent 
pouffé  jufqu'au  point  011  nous  le  pofledons.  Pline 
rapporte  que  dans  Rome  on  ne  commença  à  do- 
rer les  planchers  des  maifons,  qu'après  la  ruine  de 
Carthage,  lorfque  Lucius  Mummius  étoit  cenfeur; 
que  les  lambris  du  capitole  furent  les  premiers  qu'on 
dora;  mais  que  dans  la  fuite  le  luxe  prit  de  fi  grands 
accroiffemens,  que  les  particuliers  firent  dorer  les 
plat-fonds  &  les  murs  de  leurs  appartenons. 

Le  même  auteur  nous  apprend  qu'ils  ne  tiroient 
d'une  once  d'or,  que  cinq  à  fix  cents  feuilles  de  quatre 
doigts  en  quarré  ;  que  les  plus  épaiffes  s'appelloient 
bracteœ  Prœnejlinœ  ,  parce  qu'il  y  avoit  à  Prenefte  une 
ftatue  de  la  Fortune,  qui  étoit  dorée  de  ces  feuilles 
épaifl'es;  &  que  les  feuilles  de  moindre  épaifléur  fe 
nommoient  bracleœ  quœjloriœ.  Il  ajoute  qu'on  pouvoit 
tirer  un  plus  grand  nombre  de  feuilles  que  celui  qu'il 
a  défigné. 

Il  étoit  difficile  d'affujettir  les  batteurs  d'or  à  la 
marque.  La  nature  de  leur  ouvrage  ne  permet  pas  de 
prendre  cette  précaution  contre  l'envie  qu'ils  pour- 
roient  avoir  de  tromper,  en  chargeant  l'or  qu'ils  em- 
ploycnt,  de  beaucoup  d'alliage  :  mais  heureufement 
l'art  même  y  a  pourvu  ;  car  l'or  fe  travaillant  avec 
d'autant  plus  de  facilité,  6c  ayant  d'autant  plus  de 
ductilité,  qu'il  eft  plus  pur,  ils  perdent  du  côté  du 
tems  &  de  la  quantité  d'ouvrage ,  ce  qu'ils  peuvent 
gagner  fur  la  matière ,  &  peut-être  même  perdent-ils 
davantage.  Leur  communauté  paye  mille  écus  à  la 
monnoie  pour  ce  droit  de  marque. 

Quoiqu'il  ne  s'agifTe  que  de  battre,  cette  opéra- 
tion n'eft  pas  aufli  facile  qu'elle  le  paroît;  &  il  y  a 
peu  d'arts  où  le  favoir-faire  foit  fi  fenlible  ;  tel  habile 
ouvrier  fait  plus  d'ouvrage  &  plus  de  bon  ouvrage 
en  un  jour ,  qu'un  autre  ouvrier  n'en  fait  de  mauvais 
en  un  jour  6c  demi. 

Cependant  le  meilleur  ouvrier  peut  avoir  contre 
lui  la  température  de  l'air;  dans  les  tems  pluvieux  , 
humides,  pendant  les  hyvers  nébuleux,  les  vélins  & 
les  baudruches  s'humectent,  deviennent  molles,  &■ 


ï6o 


BAT 


rendent  le  travail  très-pénible.  C'eft  à  la  Phyfique 
à  chercher  un  remède  à  cet  inconvénient. 

Il  ne  me  refte  plus  qu'une  obfervation  à  faire,  c'eft 
fur  la  découverte  de  la  baudruche.  Comment  les  hom- 
mes fe  font-ils  aviiés  d'aller  chercher  fur  le  boyau 
du  bœuf  cette  pellicule  déliée,  fans  laquelle  ils  au- 
roient  eu  bien  de  la  peine  à  étendre  l'or?  Ce  ne  font 
fûrement  pas  des  confidérations  philosophiques  qui 
les  ont  conduits  là.  La  baudruche  étoit-elle  trouvée 
avant  qu'on  l'employât  à  cet  ufage  ;  ou  bien  eft-ce 
le  befoin  qu'on  en  avoit  qui  l'a  fait  chercher  ? 

Battre,  intermède  C ardeur  de  laine ,  c'eft  prépa- 
rer la  laine  pour  être  huilée ,  en  la  fecoùant  fur 
une  claie  avec  des  baguettes ,  pour  en  ôter  la  pouf- 
fiere. 

Battre  ,  en  terme  de  Filajper,  c'eft  écrafer  &  adou- 
cir la  filafle  à  coups  de  maillet  de  bois. 

Battre  une  allée,  c'eft  après  qu'elle  eft  régalée  , 
en  affermir  la  terre  avec  la  batte ,  pour  la  recouvrir 
enfuite  de  fable. 

Battre  la  CHAUDE,  terme  a" ancien  monnoyage ; 
avant  la  découverte  du  laminoir,  on  battoit  les  lin- 
gots d'or ,  d'argent,  &c.  fur  l'enclume  à  grands  coups 
de  marteau,  après  avoir  été  retirés  du  moule;  en- 
fuite  on  les  donnoit  aux  ouvriers  afin  de  recevoir  les 
préparations  néceffaires  pour  être  empreints. 

Battre  ,  en  terme  de  Potier  ;  c'eft  étendre  à  la  main 
un  creufet ,  par  exemple ,  fur  fon  moule.  Voye^ 
Moule. 

Battre  du  Papier,  terme  de  Papetier ,  fignifie 
Vapplatir ,  &  le  rendre  uni  en  le  battant  fur  la  pierre 
avec  un  marteau  pelant,  dont  le  manche  eft  court 
&  la  maffe  large.  Voye\  Papier. 

Dans  les  manufactures  de  papier,  on  fe  fert  pour 
■battre  le  papier  &  le  lifter ,  d'un  marteau ,  ou  plutôt 
d'une  groffe  maffe  de  bois  B  fort  pelante,  emmanchée 
d'un  long  manche  C  auffi  de  bois ,  auquel  l'arbre  de  la 
roue  du  moulin  à  papier ,  donne  le  mouvement  par 
le  moyen  de  plufieurs  leviers  ou  morceaux  de  bois , 
qui  fortent  de  cet  arbre,  de  qui  appuient  fur  l'extré- 
mité du  manche  du  marteau  ;  l'ouvrier  A  eft  affis 
dans  un  creux ,  afin  d'avoir  les  mains  de  niveau  à  la 
pierre  D ,  fur  laquelle  il  change  le  papier  continuel- 
lement de  place ,  pour  le  faire  battre  également  par- 
tout :  il  a  autour  de  lui  différentes  piles  de  papier 
G  G  G ,  defquelles  les  unes  font  le  papier  qu'il  a  re- 
tiré de  deffous  le  marteau  ;  &  les  autres  celui  qu'il 
doit  y  mettre. 

Battre  Us  livres  pour  les  relier  :  le  batteur  doit 
tenir  de  la  main  droite  un  marteau  pefant  environ 
neuf  à  dix  livres ,  &  de  la  main  gauche  une  partie 
du  livre ,  que  l'on  nomme  une  battée,  tel  que  PI.  I. 
du  Relieur ,  figure  A.  Son  ouvrage  eft  d'applatir  les 
feuilles  du  livre  avec  art ,  pour  que  le  livre  foit  fa- 
cile à  s'ouvrir.  Il  y  a  des  papiers  fort  difficiles  à  unir. 

Battre  les  cartons  ;  on  bat  fur  la  pierre  à  battre 
les  cartons  quand  ils  font  attachés  au  volume ,  pour 
•en  applanir  toutes  les  inégalités. 

Battre  les  ficelles  ;  lorlque  les  ficelles  font  paffées 
dans  les  cartons ,  on  en  applatit  les  bouts  avec  le 
marteau  à  endoffer  fur  la  pierre  à  parer,  pour  éviter 
qu'elles  faflent  de  l'élévation  fous  la  couverture. 
On  dit  auffi  rabbaifier  les  ficelles. 

Battre  les  plats  ;  lorlque  le  livre  eft  marbré  fur 
Je  plat  &  que  la  couleur  eft  feche ,  on  bat  le  plat  fur 
la  pierre  à  battre  avec  le  marteau  à  battre  pour  mieux 
effacer  toutes  les  inégalités,  s'il  en  eft  refté  ,  &  pour 
renforcir  la  couverture. 

Battre  devant ,  fe  dit  chez  les  ouvriers  qui  s'oc- 
cupent à  battre  un  morceau  de  ter  fur  l'enclume  ,  de 
.-ceux  qui  aident  le  forgeron  avec  de  gros  marteaux  , 
àc  qui  font  placés  devant  lui  ou  à  les  cotés. 

Battre  du  tan;  terme  de  Taneur,  qid  lignifie  con- 
tajjer  de  l'écorce  de  chêne  dans  des  mortiers ,  ou  la 


B  A  T 

faire  réduire  en  poudre  fous  les  pilons  d'un  moulin. 
Voye{  Tan. 

Battre  une  dame  au  jeu  du  revertier ,  c'eft  mettre 
une  dame  fur  la  même  flèche  où  étoit  placée  celle  de 
fon  adverfaire.  Quand  toutes  les  dames  font  battues 
hors  du  jeu ,  on  ne  peut  plus  joiier ,  à  moins  qu'on 
ne  les  ait  toutes  rentrées. 

*  Battre  au  tric-trac,  c'eft  en  comptant  de  la  droite 
à  la  gauche  les  points  amenés  par  les  dés,  tomber  de 
la  flèche  la  plus  voiline  d'une  de  fes  dames ,  lur  une 
flèche  de  fon  adverfaire  où  il  n'y  ait  qu'une  dame  , 
cette  dame  découverte  eft  battue,  ïi  le  dernier  point 
d'un  des  dés  ou  de  tous  les  deux  tombe  lur  elle. 

On  peut  battre  de  trois  façons  ;  d'un  dé ,  de  l'autre , 
&  des  deux  enfemble. 

On  bat  par  doublets ,  lorfqu'on  a  amené  le  même 
point  des  deux  dés ,  comme  deux  quatre ,  deux  cinq , 
&c. 

On  bat  à  faux ,  lorfqu'en  comptant  les  points  ame- 
nés par  les  deux  dés ,  le  dernier  point  de  l'un  &  de 
l'autre  des  dés  tombe  fur  une  flèche  de  l'adverfaire 
couverte  de  deux  dames. 

On  gagne  fur  une  dame  battue  Amplement  &  d'une 
façon,  dans  le  grand  jan  ,  deux  points;  de  deux  fa- 
çons ,  quatre  ;  de  trois  façons ,  fix. 

On  gagne  lur  une  dame  battue  par  doublets  dans 
le  grand  jan ,  quatre  points  ;  lix  dans  le  petit  jan. 

Quand  on  bat  à  faux ,  on  perd  ce  qu'on  eût  gagné 
en  battant  bien. 

On  bat  le  coin  comme  une  dame ,  quand  on  a  le 
fien  &  que  l'adverfaire  ne  l'a  pas. 

On  bat  les  deux  coins  quand  on  n'a  que  deux  da- 
mes abattues  ,  &  que  les  points  amenés  par  l'un  ÔC 
l'autre  dés  tombent  tous  les  deux  fur  le  coin. 

On  gagne  quatre  points  quand  on  bat  le  coin  ou 
les  deux  coins  Amplement  ;  lix  quand  on  les  bat  par 
doublets. 

On  en  perd  autant  fi  on  bat  le  coin  à  faux  ;  ce  qui 
arrive  quand  on  n'a  que  deux  dames  abattues.,  &  que 
l'adverfaire  a  fon  coin. 

Il  y  a  encore  d'autres  manières  de  battre.  Voye^ 
Trictrac,  Dame,  Flèche,  &c 

BATTU,  adj.  (Marine.)  vaiffeau  battu  de  la  tem- 
pête ,  fe  dit  d'un  vaiflèau  qui  ayant  effuyé  des  coups 
de  vent ,  fe  trouve  tourmenté  ou  maltraité  par  la 
mer.  (Z) 

Battu  ,  adj.  fe  dit ,  dans  les  manufaclures  de  foie  , 
des  ouvrages  où  il  eft  entré  beaucoup  d'or  &  d'ar- 
gent :  on  dit  ce  brocard  ejl  tout  battu  d'or. 

Battu  ,  adj.  pris  fubft.  fe  dit  che{  les  Tireurs  d'or, 
du  trait  d'or  ou  d'argent  quand  il  eft  écaché.  Voye^ 
Trait  &  Tireur  d'or. 

Battu,  Pas  battu.  roye^PAS. 

*  B  ATT\JE(faire  la),  dans  les  endroits  où  l'on  tire 
la  foie.  Voye^  les  articles  Soie  &  TlRAGE.  C'eft  l'o- 
pération qui  luccede  au  tirage ,  &  à  la  léparation  des 
cocons.  Elle  coniifte  à  fouetter  avec  un  balai  les  co- 
cons dans  la  baffine  pleine  d'eau  chaude,  &  placée 
devant  la  machine  à  tirer  la  foie ,  afin  d'en  féparer 
&  démêler  des  brins  ou  fils ,  &  en  commencer  ou 
continuer  le  tirage.  Voye^  Soie. 

*  Battue,  f.  î.{Chajf.')  manière  de  chafler  le  loup  ; 
c'eft  la  plus  dangereulè  pour  les  chaflèurs  &  pour  les 
loups;  pour  les  chaflèurs,  parce  que  li  celui  qui  con- 
duit cette  chafle  les  dilpoie  mal,  ils  font  expofés  à 
s 'entretuer  ;  pour  les  loups ,  parce  que  les  loups  effa- 
rouchés par  une  multitude  d'enfans  &  de  femmes  de 
tout  âge ,  qui  font  armés  de  bâtons  &  qui  traquent 
toute  une  forêt ,  font  tous  chaflès  &  forcés  de  pafler 
devant  les  tireurs. 

Battue  [Pèche);  le  poiffon  s'enfonce  dans  la 
boue  pendant  l'hyver  ;  on  reconnoît  fa  groffeur  par 
le  creux  qu'il  y  fait,  On  appelle  ce  creux  la  battue  du 
poifion% 

♦BATUECAS 


BAT 

*  BATUECAS  ou  LOS  BATUECAS  {Géog.) , 
peuples  d'Efpagne ,  clans  le  royaume  de  Léon,  au 
diocefe  de  Coria,  dans  une  vallée  qu'on  appelle  le 
val  de  Batuecas  ,  couverte  par  des  montagnes  pref- 
qu'inacccfiibles  ,  entre  Salamanque  au  Septentrion  , 
Coria  au  midi ,  la  rivière  de  Tormes  au  levant ,  & 
la  roche  de  France  au  couchant.  Il  n'y  a  pas  plus  de 
1 50  ans  qu'ils  ont  été  découverts  par  le  duc  d'Albe. 
On  conjecture  que  ce  font  des,  reftes  des  anciens 
Goths,  qui  s'étoient  réfugiés  dans  cette  vallée  entre 
des  montagnes  fort  hautes  ,  où  ils  avoient  échappé 
aux  Maures.  D'autres  difent  au  contraire  que  ce  tut 
là  que  le  retirèrent  plufieurs  anciens  Efpagnols  ou 
Ibères  dans  le  tems  de  1'invafion  des  Goths ,  &  où 
eux  &  leurs  defeendans  vécurent  feparés  du  com- 
merce du  refte  des  humains ,  jufqu'à  ce  que  le  hafard 
les  fît  découvrir  par  un  fugitif ,  lous  le  règne  de  Phi- 
lippe 1 1.  qui  leur  envoya  des  eccléfiaftiques  pour 
leur  prêcher  le  Chriftianifme  8cleur  faire  changer  de 
mœurs.  Ils  font  cependant  encore  aujourd'hui  peu 
policés ,  &  fi  greffiers ,  que  les  Efpagnols  difent  d'un 
homme  ruitre  qu'il  vient  des  vallées  de  Batuecas. 

BATTURE ,  f.  f.  (Marine.)  c'efl"  un  endroit  où  le 
fond  s'eieve  &  que  la  mer  couvre,  mais  où  il  n'y  a 
pas  allez  d'eau  pour  qu'on  y  puiffe  pafler  fans  dan- 
ger. Voyei  Basse.  (Z) 

Batture,  compofiiion  qu'on  métairies  ouvrages 
de  Peinture  à  plat  ou  de  bofiage ,  comme  la  fculpture , 
&  fur  laquelle  on  applique  de  l'or  ou  du  cuivre  en 
feuilles. 

Cette  compofition  s'employe  chaude ,  &  fe  fait 
avec  la  colle  de  Flandre  &  du  miel  jaune,  autant  de 
l'un  que  de  l'autre  :  on  y  ajoute  du  vinaigre  dans  la 
quantité  qu'on  juge  néceflaire  pour  la  faire  couler. 

w 

B  ATURIN,  {Géog.)  ville  de  l'Ukraine  ,  fur  la 
Defne ,  autrefois  résidence  du  général  des  Cofaques. 

*  BATUSABER,  {Géog.)  ville  d'Afie ,  dans  les 
Indes  ,  dans  la  partie  méridionale  de  la  prefqu'île  de 
Malaca. 

*  BATZEN,  {Commerce.)  monnoie  d'Allemagne  , 
qui  efl  en  ufagefur  les  bords  du  Rhin  &  en  Suabe. 
22  y  bat^en  valent  un  florin  &  demi  d'Empire,  ce  qui 
revient  environ  à  3  livres  1  5  fols  argent  de  France  ; 
ainfi  un  bat^en  fait  quelque  choie  de  plus  que  trois 
fous  de  notre  monnoie. 

BAU ,  BAUX  ,  B ARROTS ,  c'efl  ,  en  Marine  ou 
conjlruction  de  vaijfeaux ,  une  folive  qui  elt  mile  avec 
plufieurs  autres  lcmblables  par  la  largeur  ou  par  le 
travers  du  vaifleau,  d'un  flanc  à  l'autre ,  pour  affer- 
mir les  bordages  &  foûtenir  les  tiilacs.  Voyei  PI.  V. 
fig.  l.  dans  la  coupe  tranfverfale  d'un  vaiiléau,  les 
biiux  n"  69  6c  1 19 ,  &C  dans  la  Plane,  l^.jig.  1.  dans 
la  coupe  longitudinale  d'un  vaifleau  fous  les  n°  1 1 9 
&  69  ,  la  Situation  de  ces  baux  &  leur  nombre. 

Le  bout  de  chaque  bail  porte  Sur  des  pièces  de  char- 
pente apj.ei;ées  cowbâtcns  ou  courbes,  qui  Sont  d'une 
triangulaire  ,  &  qui  entretiennent  les  baux  ou 
barrots  avec  les  Vomies  ,  voye^  dans  la  PI.  V.  fig.  1. 
les  courbâtons  n°  7c  ,  ce  les  vuigres  n°  31  ;  &c  dans  la 
Planche  IF.  fig.  1.  n°  70  les  courbes  ou  cour  bâtons  du 
premier  pont. 

De  part  &  d'autre  des  écoutilles  il  y  a  des  barotins 
ou  demi-baux,  qui  Se  terminent  aux  hiloircs ,  &  qui 
font  Soutenus  par  des  areboutans  ou  pièces  de  bois 
miSes  de  travers  entre  deux  baux.  Foye^  Planche  IF. 
fig.  1.  n°  73  ,  les  areboutans  du  premier  pont ,  &  n° 
77  les  hiloires  du  premier  pont. 

Il  faut  remarquer  qu'on  ne  Se  Sert  ordinairement 
du  mot  bau  ,  que  pour  le  premier  pont ,  &  de  celui 
de  barrot  pour  les  autres  ponts.  Foye^  B.\RROT. 

Pour  donner  l'épaifleur  &  la  largeur  aux  baux  du 
premier  pont ,  la  plupart  des  conflructeurs  mettent 
un  pouce  &c  la  huitième  partie  d'un  pouce  pour  cha- 
Tome  II, 


BAT 


16: 


que  dix  pies  de  la  longueur  du  vaifleau ,  prife  de  l'é- 
trave  à  l'étambord ,  chaque  dix  pies  de  long  leur  don- 
ne un  pouce  de  tonture.  Il  y  a  auffi  plufieurs  conf- 
truercurs  qui  ont  pour  règle  de  donner  aux  baux  l'é- 
paifleur de  l'étrave  prife  en-dedans. 

Il  y  a  d'autres  charpentiers  qui  proportionnent  les 
baux  par  la  largeur  du  vaifleau.  Ils  donnent  à  ceux 
du  premier  pont,  par  chaque  cinq  pies  de  largeur 
deux  pouces  d'épaifleur  de  haut  en-bas:  mais  ils  leur 
donnent  un  peu  plus  de  largeur  fi  le  bois  le  permet  ; 
&  comme  ceux  qui  font  à  l'avant  &  à  l'arriére  n'ont 
pas  tant  de  largeur  que  les  autres  ,  on  peut  les  tenir 
un  peu  moins  épais  fi  l'on  veut.  Ces  mêmes  charpen- 
tiers veulent  qu'on  leur  donne  fix  à  Sept  pouces  de 
rondeur ,  &  qu'on  fafle  le  faux  pont  fur  ce  même 
modèle  ;  ils  veulent  que  les  baux  ou  barrots  du  haut 
pont  foient  un  tiers  moins  larges  &  moins  épais  que 
ces  premiers ,  mais  ils  leur  donnent  un  peu  plus  de 
rondeur  ;  ils  pofent  les  baux  à  trois  ou  quatre  pies 
l'un  de  l'autre,  hormis  ceux  qui  font  aux  côtés  des 
écoutilles  des  vaifleaux  marchands ,  qui  chargent  tou- 
tes fortes  de  marchandifes  &  de  gros  balots  ;  ceux- 
là  fe  pofent  à  Sept  pies  de  diflance  l'un  de  l'autre. 

Les  bouts  des  baux  furmontent  de  cinq  pouces  ou 
cinq  pouces  &  demi  les  ferre-banquieres ,  &  font  aS- 
femblés  à  queue  d'aronde.  Foye^  la  Planche  F.  fie.  z. 
au  n°  68  &  69,  le  bau  &  le  lerre-banquiere  du  pre- 
mier pont. 

Au  devant  &  au  derrière  des  baux  de  dale  &  de 
lof,  on  pofe  des  courbes  à  l'équerre ,  &  il  y  en  a  une 
autre  au-deflus  du  bau  de  dale ,  qui  cft  potée  le  long 
de  la  ferre-gouttiere  &  le  long  de  la  barre  d'arcaflë, 
La  ferre-goiutiere  fente  dans  le  jarlot  qu'on  fait  dans 
cette  courbe. 

Maître  bau  ,  {Marine.  )  c'efl  celui  qui  étant  le 
plus  long  des  baux ,  donne  par  Sa  longueur  la  plus 
grande  largeur  au  vaifleau  ;  il  eft  pôle  à  l'embelle  ou 
au  gros  du  vaifleau ,  fur  le  premier  gabarit. 

Faux  bau,  {Marine.  )  ce  font  des  pièces  de  bois 
pareilles  aux  baux ,  qui  lbnt  mifes  de  ixs.  pies  en  fix 
pies,  fous  le  premier  tillac  des  grands  vaifleau:; ,  pour 
fortifier  le  fond  du  bâtiment  &  former  le  faux  pont. 
Vqyei  la  PI.  F.fig.prem.  les  faux-baux  cotés  38,8c 
dans  la  PI.  IF.fig.prem.  fous  la  même  cote  38. 

On  pofe  le  plus  fouvent  les  faux-baux  à  t,OiS  pies 
&  demi  au-deflbus  des  baux  du  premier  pont ,  c'eft- 
à-dire  dans  un  vaifleau  de  1 34  pies ,  pris  de  l'étrave 
à  l'étambord  ;  &  par  conséquent  de  1 3  pies  ou  1 3 
pies  T  de  creux  depuis  le  premier  pont ,  &  l'on  Suit 
à  peu  près  cette  proportion  dans  de  plus  grands  vaif- 
feaux.  C'efl:  fur  ces  faux --baux  qu'on  fait  fouvent  un 
faux  pont,  dans  lequel  on  pratique  un  retranche- 
ment derrière  le  grand  mât ,  oit  le  faux  pont  a  le  plus 
de  hauteur  ;  les  ibldats  y  couchent. 

Bau  de  dale,  {Marine.)  c'efl  celui  qui  efl  le  der- 
nier vers  l'arriére. 

Bau  de  Lof,  c'efl  celui  qui  efl  le  dernier  vers 
l'avant  fur  l'extrémité.   (  Z  ) 

^  BAVAROIS ,  (  les  )  f.  m.  plur.  {Géog.  )  peuples 
d'Efpagne  ,  connus  anciennement  lbus  le  nom  de 
Boiens  ou  Boiares.  Ce  font  les  premiers  des  anciens 
Germains  qui  ayent  pafle  les  Alpes ,  pénétré  dans  la 
Grèce ,  &  qui  ayent  paru  en  armes  fur  les  rives  du 
Tibre  &  du  Thermodon.  En  493  ,  ils  occupoient  la 
partie  du  Norique,  qui  étoit  le  long  du  Danube  ,  ou 
ce  que  nous  appelions  la  haute  &  moyenne  Autriche  t 
avec  la  féconde  Pvhetie  ,  contrée  fituée  entre  l'CEin 
&  le  Lech.  Ces  peuples  ont  eu  &  confervé  de  tout 
tems  une  haute  réputation  de  bravoure.  Leurs  an- 
cêtres vainquirent  les  peuples  du  midi ,  &  leurs  def- 
eendans arrêtèrent  les  courfes  des  peuples  du  Nord. 
*  BAUBIS,  chiens  {Chaffi.)  c'efl  ainii  qu'on  appel- 
le des  chiens  drefles  au  lièvre  ,  au  renard  ,  Se  au  San- 
glier. On  leur  coupe  prefque  toute  la  queue.  Ils  l'on; 

X 


i6î 


B  A  U 


plus  bas  de  terre  &  plus  longs  que  les  autres ,  de 
-«orge  effroyable.  Ils  heurlent  fur  la  voie.  Ils  ont  le 
nez'dur  ,  &  le  poil  demi-barbets. 

*BAUCIS  &  PHILEMOiN  (Afyth.)  Il  y  eut  autre- 
fois dans  une  cabane  de  la  Phrygie  un  mari  &  une 
femme  qui  s'aimoient.  C'étoient  Phikmon  &  Baucis. 
Jupiter  &  Mercure  parcourant  la  terre  en  habit  de 
pèlerins,  arrivèrent  dans  la  contrée  de  nos  époux  :  il 
étoit  tard  ;  Si  les  dieux  auroient  paffé  la  nuit  expofés 
aux  injures  de  l'air ,  fi  Phikmon  &  Baucis  n'avoient 
pas  été  plus  humains  que  le  refte  des  habitans.  Jupi- 
ter touché  de  la  piété  de  Phikmon  &  de  Baucis,  ÔC 
irrité  de  la  dureté  de  leurs  voifins  ,  conduifit  les 
époux  fur  le  fommet  d'une  montagne ,  d'où  ils  vi- 
rent le  pays  fubmergé,  à  l'exception  de  leur  ca- 
bane qui  devenoit  un  temple.  Jupiter  leur  ordonna 
de  faire  un  fouhait ,  &  leur  jura  qu'il  feroit  accom- 
pli fur  le  champ.  Nous  voudrions,  Citent  Phikmon 
&  Baucis,  fervir  les  dieux  dans  ce  temple,  nous  aimer 
toujours ,  &  mourir  en  même  unis.  Ces  fouhaits  méri- 
toient  bien  d'être  écoutés  ;  auffi  le  furent-ils.  Phik- 
mon &  Baucis  fervirent  long-tems  les  dieux  dans 
le  temple  ;  ils  s'aimèrent  jufque  dans  l'extrême  vieil- 
lerie ;  &  un  jour  qu'ils  s'entretenoient  à  la  porte  du 
temple  ,  ils  forent  métamorphofés  en  arbre.  La  Fon- 
taine ,  Prior ,  &  le  docteur  Swift ,  ont  mis  en  vers 
cette  fable  :  la  Fontaine  a  célébré  Phikmon  &  Bau- 
cis ,  d'un  ftyle  fimple  &  naif ,  fans  prefque  rien  chan- 
ger au  fujet.  Prior  &  Swift  en  ont  fait  l'un  &  l'au- 
tre un  poëme  burlefque  &  fatyrique  ;  la  Fontaine 
s'eft  propofé  de  montrer  ,  que  la  piété  envers  les 
dieux  étoit  toujours  récompenfée  :  Prior  ,  que  nous 
n'étions  pas  allez  éclairés  pour  faire  un  bon  fouhait  ; 
&  Swift ,  qu'il  y  a  peut-être  plus  d'inconvénient  à 
changer  une  cabane  en  un  temple ,  qu'un  temple  en 
une  cabane.  Que  dHnftrucHons  dans  cette  fable  !  L'a- 
mour conjugal ,  la  tranquillité,  &le  bonheur,  réfu- 
giés dans  une  cabane  ;  la  leniibilité  que  les  indigens 
ik.  les  malheureux  ne  trouvent  que  chez  les  petits  ; 
la  cabane  changée  en  temple ,  parce  que  les  deux 
époux  y  rendoient  par  leur  union  le  culte  le  plus  pur 
aux  dieux  ;  la  fimplicité  de  leurs  fouhaits,  qui  montre 
que  le  bonheur  eft  dans  la  médiocrité  &  dans  l'obf- 
curité  ,  &  combien  les  hommes  font  infenfés  de  le 
chercher  û  loin  d'eux-mêmes. 

*  BAUD ,  f.  m.  chajfe ,  race  de  chiens-courans  qui 
viennent  de  Barbarie.  Ils  chaffent  le  cerf.  Ils  font  or- 
dinairement tout  blancs  :  on  les  appelle  auffi  chiens 
muets  ,  parce  qu'ils  ceflènt  d'aboyer  ,  quand  le  cerf 
vient  au  change. 

*  BAUDEQUIN,  f.  m.  (  Comm.  )  petite  mon- 
noie  ,  de  la  valeur  de  fix  deniers  ou  environ  ,  ain- 
û  appellée  ,  à  ce  qu'on  conjecture ,  d'un  baldaquin 
ou  dais  fous  lequel  le  roi  y  étoit  repréfenté.  Elle  étoit 
en  ufage  au  commencement  du  quatorzième  fiecle. 

*  BAUDET ,  f.  m.  c'eft  ainfi  que  les  fcieurs  de 
planches  appellent  les  tréteaux  ou  chevalets ,  fur  lef- 
quels  ils  placent  leurs  pièces  élevées  pour  travailler. 

*  Baudir  les  Chiens  (  chajfe)  c'eft  les  exciter 
du  cor  &  de  la  voix.  On  bandit  auffi  les  oifeaux. 

*  BAUDOSE ,  f.  f.  efpece  d'infiniment  de  Mufi- 
que  à  plufieurs  cordes  ,  dont  Aimery  du  Peyrat ,  ab- 
bé de  Moifac  ,  fait  mention  dans  une  vie  de  Charle- 
magne,  manuferite.  Voye^  n°.  1343  ,  de  la  biblio- 
thèque du  Roi  ,  quidam  baudofam  concordabant. 

BAUDRIER  ,  f.  m.  c'eft  chez  les  Ceinturiers  ,  une 
bande  de  cuir  large  de  quatre  ou  cinq  doigts  ,  le  plus 
fouvent  enjolivée  ,  qui  prend  depuis  l'épaule  droite 
&  fe  vient  rendre  au  côté  gauche ,  &  qui  eft  compo- 
lée  de  la  bande  oc  de  deux  pendans  ,  au-travers  des- 
quels on  paffe  lepée. 

Le  Baudrier  (  Hijl.  anc.  )  eft  une  partie  de  l'ha- 
billement des  gens  de  guerre  qui,fert  à  porter  leur 
épée.  Les  militaires  qui  étoient  admis  aux  feftins  de 


B  A  U 

l'empereur  ou  des  généraux  d'armées ,  avoîent  cou- 
tume de  quitter  leurs  baudriers  ou  ceinturons  avant 
que  de  fe  mettre  à  table.  Trebellius  Pollion  rap- 
porte ,  que  dans  un  repas  que  l'empereur  Gallien  don- 
noit  à  plufieurs  officiers ,  le  jeune  Salonin ,  fils  de  ce 
prince ,  leur  enleva  leurs  baudriers  dorés  &  conjlellés , 
auratos  conjlellatofque  balteos.  M.  Baudelot  dans  les 
Mémoires  de  l'Académie  des  Belles-Lettres ,  croit  que 
ces  baudriers  conjlellés  étoient  des  ceinturons  chargés 
de  pierres  précieufes  &  de  lames  d'or  &  d'argent , 
fur  lefquelles  étoient  gravées  quelques  figures  myfté- 
rieufes  de  fignes  céleftes ,  fuivant  les  idées  fuperfti- 
tieufes  de  la  théologie  payenne ,  ou  qui  avoient  été 
fabriquées  fous  l'afpect  de  quelques  conftellations. 
Tertullien  en  décrivant  quelques  ceintures  femble 
vouloir  parler  de  ces  talifmans ,  latent  in  cingulis  Jma- 
ragdi.  Or  Pline  &  Marcellus  Empiricus  attribuent 
beaucoup  de  vertus  aux  figures  d'aigles  &c  de  feara- 
bées  qu'on  gravoit  fur  ces  pierres  ,Jmaragdi.  Les  gens 
de  guerre  auffi  fuperftitieux  que  d'autres ,  pouvoient 
avoir  d'autant  plus  de  foi  à  ces  pierres  conftellées , 
dont  leurs  baudriers  étoient  enrichis  ,  qu'on  croyoit 
communément  que  c'étoit  par  la  vertu  d'un  fembla- 
ble  amulete  que  Milon  de  Crotone  avoit  été  invin- 
cible dans  les  combats  ;  &  que  l'hématite  autre  ef- 
pece de  pierre  précieufe ,  n'étoit  pas  moins  falutaire 
pour  repouffer  les  ennemis  &  les  vaincre  ;  recher- 
ches que  cet  académicien  appuie  des  témoignages  de 
plufieurs  anciens  auteurs.  Sans  prétendre  diminuer 
le  mérite  de  toutes  ces  découvertes  ingénieufes ,  j'ha- 
farderai  que  comme  dans  le  paffage  de  Trebellius 
Pollion  ,  auratos  balteos  fignih"e  des  baudriers  ornés  ou 
enrichis  de  dorure  ;  conjlellatos  y  lignifie  tout  Ample- 
ment qu'ils  étoient  parfemés  à? étoiles  en  broderie ,  & 
qu'apparemment  Cafaubon  qui  n'y  a  point  entendu 
de  myftere ,  a  crû  que  ce  fens  fe  préîentoit  de  lui- 
même  &  n'avoit  pas  befoin  d'explication.    (  G  ) 

BAUDROIE,  rana  pifeatrix ,  f.  f.  (  Hijl.  nat. 
Zoolog.  )  poiffon  de  mer  ainfi  nommé  ;  parce  que  fa 
bouche  eft  fi  grande  qu'on  l'a  comparée  à  un  bau- 
drier :  on  lui  a  donné  le  nom  de  rana ,  parce  qu'il 
reffemble  au  têtard  ;  &  on  a  ajouté  celui  de  pifeatrix  , 
parce  qu'il  eft  bon  pêcheur.  La  baudroie  eft  plate  Se 
de  couleur  brune  ou  enfumée  ;   fa  tête  eft  groffe  , 
ronde ,  applatie  &  garnie  de  plufieurs  aiguillons  ;  l'ou- 
verture de  la  bouche  eft  au-devant  de  la  tête  &  non 
pas  en  deffous  ;  la  mâchoire  inférieure  &  la  langue 
font  plus  longues  que  la  mâchoire  fupérieure  ,  c'eft 
pourquoi  la  bouche  eft  toujours  ouverte  :  chaque  mâ- 
choire a  des  dents  longues ,  pointues  &  recourbées 
en  dedans  ;  il  s'en  trouve  fur  le  palais  &  fur  la  lan- 
gue. Les  yeux  font  placés  fur  le  deffus  de  la  tête, 
dirigés  de  côté  ,  &  environnés  d'aiguillons.  Il  y  a 
au-devant  des  yeux  deux  barbillons  ,  qui  font  fort 
menus  à  leur  naiffance  &  plus  gros  à  leur  extrémi- 
té ;  on  prétend  que  par  le  moyen  de  ces  barbillons  , 
la  baudroie  eft  avertie  de  l'approche  des  petits  poif- 
fons  lorfqu'elle  eft  dans  le  fable  ou  dans  l'eau  trou- 
ble. Elle  a  deux  nageoires  au  milieu  du  corps,  une 
de  chaque  côté ,  &  une  ouverture  pour  les  ouies  auffi 
de  chaque  côté ,  recouverte  par  une  peau.  La  queue 
eft  épaiffe  ,  charnue, &  terminée  par  une  feule  na- 
geoire ;  il  s'en  trouve  une  autre  fur  le  deiîus  de  la 
queue.  Il  y  a  de  petits  prolongemens  charnus ,  qui 
pendent  des  deux  côtés  de  la  tête  &  de  la  queue,  &c 
qui  font  placés  à  quelque  diftance  les  uns  des  autres. 
Ce  poiffon  fait  des  œufs  ;  fa  chair  eft  de  mauvais 
goût  &  de  mauvaile  odeur.  Lorfqu'on  a  tiré  les  en- 
trailles par  la  bouche  &  qu'on  a  étendu  le  corps ,  on 
voit  le  jour  au-travers  ;  &  fi  on  met  une  chandelle 
au  dedans ,  il  paroît  fort  hideux  :  c'eft  pourquoi  les 
Italiens  l'ont  nommée  diavolo  di  mare.  Rondelet. 
Voyt{  Poisson.  (/) 

BAUDROYER ,  y.  act.  vieux  terme  fynonyme 


B  A  U 

à  courroyer  ou  préparer  les  cuirs  ,  colorés  feulement. 

BAUDROYEUR ,  f.  m.  ouvrier  qui  courroyoitles 
cuirs  de  couleur.  La  communauté  des  Baudroyeurs  eft 
unie  à  celle  des  Courroyeurs ,  qui  le  qualifient  maî- 
tres Baudroyeurs-  Courroyeurs. 

BAUDRUCHE  ,  f.m.  entermede  Batteur  d'or;  c'eft 
une  pellicule  d'un  boyau  de  bceuf  apprêtée,  dont  ils 
font  les  feuillets  de  leurs  outils.  Voye^  Battre  l'or. 

BAVER  ,  v.  neut.  (  Jardinage.  )  le  dit  d'une  eau 
qui  vient  en  décharge,  ou  d'un  jet  qui  ne  s'élève  pas 
haut.  (K  ) 

BAVETTE,  f.  f.  che^  les  Bcyaudiers ,  eft  un  uften- 
cile  qui  dépend  en  quelque  façon  du  tablier  ,  quoi- 
qu'il en  foit  féparé  ;  c'eft  une  efpece  de  plaftron  com- 
pofé  de  vieux  chiffons  que  ces  ouvriers  mettent  de- 
vant eux  pour  garantir  leur  poitrine  ,  &  empêcher 
que  leurs  habits  ne  foient  gâtés.  Les  Boyaudiers  fuf- 
pendent  la  bavette  à  leur  cou,  &  le  l'attachent  derriè- 
re eux  avec  des  cordons. 

Bavette  ,  terme  de  Plombier  ;  c'eft  ainfi  qu'on  ap- 
pelle une  forte  de  plate-bande  de  plomb  qui  couvre 
les  bords  des  cheneaux. 

Bavette  ,  le  dit  auffi  des  plaques  de  plomb  ,  qui 
fe  mettent  au-deflbus  des  bourfeaux  qui  fervent  d'or- 
nement fur  les  couvertures  d'ardoifes. 

BAVEUSE  ,  bavofa  ,(.(.(  Hifi.  nue.  Zoolog.)  poif- 
fon  de  mer  ainfi  appelle  à  Àntibes  ,  parce  qu'il  eft 
Toujours  couvert  d'une  bave  gluante  :  il  n'a  point 
d'écaillés  ;  il  eft  liflé  &  moucheté  ,  le  dos  eft  brun  6c 
le  ventre  de  couleur  blanchâtre.  Il  a  deux  nageoires 
près  des  ouies  ,  &  deux  au-deflbus  ,  une  fur  le  dos , 
qui  s'étend  depuis  la  tête  jufqu'à  la  queue,  &  une  au- 
tre qui  va  depuis  l'«  nus  jufqu'à  la  queue.  Ce  poiflon 
refTemble  beaucoup  à  celui  que  l'on  nomme  perce- 
pierre  &  coauillade.  Rondelet.  Voyt{  Percepierre  , 
COQUILLADE  ,  POISSON.  (/) 

*  B AVEY  (  Géog.)  petite  ville  de  France ,  dans  le 
Haynault. 

*  B  AU  G  E  ,  f.  f.  (Commerce.')  efpece  de  droguet 
d'une  demi-aune  de  large  au  fortir  du  foulon  ,  qui  fe 
fabrique  en  Bourgogne,  fur  des  rats  ou  peignes  de  trois 
quarts,  avec  de  la  laine  grofîîere,  &  du  fil  filé  gros. 

*  B  A  U  G  E  ,  {.{.  (  (Economie  rujlique.  )  c'eft  de  la 
terre  franche  mêlée  avec  de  la  paille  &  du  foin  ha- 
chés. On  pétrit  ce  mélange  ,  on  le  corroie ,  &  l'on 
s'en  fert  où  le  plâtre  Se  la  pierre  font  rares.  Les  murs 
font  ou  de  bauge ,  ou  de  cailloux  lies  de  bauge.  Ces 
derniers  ne  s'en  appellent  pas  moins  murs  de  bauge. 
La  plupart  des  chaumières  ne  font  pas  conftruites 
d'autre  chofe.  Quand  la  bauge  eft  foûtenue  par  de  la 
charpente  ,  comme  dans  les  granges  ,  les  érables  & 
d'autres  bâtimens  ,  cela  s'appelle  torchis  ;  parce  que 
cette  charpente  n'étant  pour  l'ordinaire  qu'un  aflém- 
blage  de  perches  &  de  pieux  lattes ,  pour  remplir  & 
confolider  cette  efpece  de  grillage ,  on  fe  fert  de  bâ- 
tons fourchus  &  de  branches  d'arbres  qu'on  enduit 
de  bauge  ,  &  qui  reïlemblent  afTez  alors  à  une  torche  ; 
on  infère  ces  torches  dans  les  entailles  &  ouvertu- 
res de  la  charpente  :  quand  le  mur  eft  plein  ,  on  le 
crépit  du  haut  en  bas  avec  de  la  bauge  pure  &c  bien 
corroyée  ;  on  l'unit  avec  la  truelle ,  &  l'on  blanchit 
le  tout ,  fi  l'on  veut ,  avec  du  lait  de  chaux  ;  ce  cloi- 
fonnage  eft  de  peu  de  dépenfé  ,  &  il  eft  d'autant  plus 
folide  que  les  paliflbns  ou  palats  ,  c'eft  ainfi  qu'on 
appelle  les  bâtons  ou  rameaux  qu'on  enduit  de  bauge, 
iont  plus  courts  ,  &c  par  confequent  les  perches  &c 
pieux  qui  forment  la  charpente  plus  ferrés  :  il  ne  faut 
point  employer  de  bois  verd  dans  cette  manière  de 
bâtir  ;  car  il  fe  déjette,  &  donne  lieu  à  des  creva  fies  & 
à  la  chute  des  murs.  Que  les  paillions  ou  palats  foient 
de  chênes  ;  que  la  terre  foit  bien  délayée  ,  &  qu'elle 
foit  en  une  pâte  ni  molle  ni  dure  :  voila  les  condi- 
tions principales  à  obferverdans  la  manière  de  faire 
&;  d'employer  la  bauge, 

Tome  U. 


B  A  U 


163 


*  Bauge  f.  f.  (Chaffe.)  c'eft  le  lieu  où  la  bête  noi- 
re ,  comme  le  fanglier ,  fe  couche  tout  le  jour  :  c'eft 
ordinairement  un  endroit  bourbeux  &  touffu  de  la 
forêt. 

*  B  AUGE  (  Géog.  )  ville  de  France  ,  en  Anjou ,  fur 
le  Coefnon  ,  à  quatre  lieues  de  la  Flèche. 

Bauge  (Géog.  )  ville  de  France,  dans  la  BrefTe  , 
dont  elle  étoit  autrefois  la  capitale ,  à  une  lieue  de 
Mâcon. 

*BAUGENCI  (  Géog.  )  ville  de  France ,  dans  l'Or- 
léanois  proprement  dit ,  avec  titre  de  comté. 

B  AUHINE ,  bauhinia ,  genre  de  plante  dont  le  nom 
a  été  dérivé  de  celui  de  Jean  &c  Gafpar  Bauhin  ;  la 
fleur  des  plantes  de  ce  genre  eft  polypétale  irrégu- 
liere  ,  compofée  pour  l'ordinaire  de  cinq  pétales  tous 
rangés  du  même  côté  ;  il  s'élève  du  fond  du  calice  un 
piftil  recourbé  &c  entouré  d'étamines  auffi  recour- 
bées ;  il  devient  dans  la  fuite  une  filique  remplie  de 
lemences  qui  ont  la  forme  d'un  rein.  Plumier,  nova, 
plant.  Americ.  gen.   foye^  PLANTE.  (/) 

*  BAVIERE  ,  (  Géog.  )  état  confidérable  d'Alle- 
magne ,  avec  titre  de  duché  ,  borné  au  feptentrion 
par  la  Bohème  &  le  haut  Palatinat  ;  à  l'orient  par 
l'Autriche  ,  l'archevêché  de  Saltzbourg  ,  &  l'évêché 
de  PafTau  ;  au  midi  par  l'évêché  de  Brixen  &  le  Ti- 
rol  ;  à  l'occident  par  le  Lech.  Il  a  environ  50  lieues 
d'occident  en  orient ,  &  3  5  du  midi  au  feptentrion  : 
fes  principales  rivières  font  le  Danube ,  l'Inn  ,  l'Ifer, 
&  le  Lech.  La  Bavière  fe  divife  en  haute  ,  où  eft  la 
régence  de  Munich ,  capitale  de  Bavière  ;  &  en 
bafîe ,  oii  font  les  trois  régences  de  Burckhaufen  , 
Landshut,  &c  Straubingen. 

B  A  v  1  E  R  E  ,  (  Cercle  de)  partie  de  l'Allemagne 
beaucoup  plus  étendue  que  la  Bavière  ;  comprenant 
outre  la  Bavière  ,  le  haut  Palatinat, l'archevêché  de 
Saltzbourg  ,  les  évêchés  de  Frizingue ,  de  PafTa-w ,  & 
de  Ratisbonne,  avec  le  duché  de  Neubourg.  Elle  eft 
bornée  à  l'orient  &  au  midi  par  le  cercle  d'Autri- 
che ,  &  à  l'occident  &  au  feptentrion  par  les  cercles 
de  Franconie  &  de  Suabe  ,  &  parla  Bohème. 

Bavifre  ,  (Palatinat  de)  partie  du  Nortgaw ,  dont 
la  capitale  eft  Amberg. 

II  ne  faut  pas  confondre, comme  on  voit,la  Bavière, 
foit  avec  le  cercle ,  foit  avec  le  Palatinat  de  même 
nom. 

*  BAUMANN,  (Caverne  de  )  ;  elle  eft  proche 
de  Goflar  ,  dans  le  comté  de  Blanckenburg  ,  fous  un 
rocher.  On  dit  qu'on  y  trouve  des  pierres  auxquelles 
la  nature  a  donné  la  figure  d'os  d'animaux ,  &  d'au- 
tres formes  bifarres  ;  il  y  a  fix  grottes  qui  communi- 
quent les  unes  aux  autres,  &  s'étendent  fous  terre  à 
une  très-grande  profondeur  ;  on  ajoute  fur  ces  grottes 
beaucoup  de  choies  fabuleufes  ,  qu'il  eft  inutile  de 
rapporter  ici. 

*  B  AUM  ARIS,  (  Géog.  )  ville  fituée  dans  l'ile  d'An- 
glefeey. 

BAUME,  plante.  Voyei  Mente.  (/) 

Baume  ,  proprement  dénote  une  lubftance  hui- 
leufe ,  réfineule  ,  odoriférente ,  provenant  des  inci- 
fions  de  certaines  plantes ,  d'une  vertu  fouveraine 
pour  la  cure  des  plaies  &  de  divers  autres  maux. 

Nous  l'appelions  quelquefois  par  manière  de  dis- 
tinction ,  baume  naturel.  Nous  dilons  baume  de  la  Mé- 
que ,  baume  du  Pérou ,  de  Tolu,  de  Copahu,  d'ambre 
liquide ,  à  quoi  peut  être  ajouté  le  baume  de  Car- 
pathie. 

BAUME  de  Giléad,  eft  des  plus  eflimés ,  quoi- 
qu'il y  ait  des  auteurs  qui  veulent  que  celui  du  1  e- 
rou  ne  lui  foit  point  inférieur  en  vertu.  On  le  tire 
par  incifion  d'un  arbre  du  mime  nom  ,  qui  croît  en 
Egypte  &  dans  la  Judec  ,  mais  principalement  dans 
l'Arabie  Heurcufe  ,  &  qui  eft  d'une  fi  grande  valeur, 
qu'il  fait  partie  du  revenu  par  culiei  du  ^rand-fei- 
gneur ,  fans  la  perniiffion  duquel  il  n'eft  point  permis 

X.j 


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d'en  planter  ou  cultiver  aucun.  L'incilion  par  la- 
quelle cet  admirable  lue  coule  ,  le  t'ait  pendant  la  ca- 
nicule. Théophrafte  dit  qu'elle  doit  être  faite  avec 
des  clous  de  fer  ;  Pline  avec  du  verre  ;  parce  que, 
dit-il,  le  fer  fait  mourir  la  plante.  Tacite  nous  dit 
que  lorfque  les  branches  font  pleines  de  fève ,  leurs 
veines  lèmblent  appréhender  le  fer ,  &  s'arrêter 
quand  une  incifion  eit  faite  avec  ce  métal ,  mais  cou- 
ler librement  lorfqu'elles  font  ouvertes  avec  une 
pierre  ,  ou  un  têt  de  cruche  caffée.  Enfin  ,  Marmol 
dit  que  les  veines  doivent  être  ouvertes  avec  de  l'i- 
voire ou  du  verre.  Le  fuc  elt  d'abord  d'une  couleur 
fombre  ;  il  devient  enfuite  blanc ,  enfin  vert ,  &  peu 
à  peu  d'une  couleur  d'or ,  &  quand  il  eft  vieux  ,  de 
la  couleur  de  miel  :  il  eft  de  la  confiftance  de  la  té- 
rébenthine ;  fon  odeur  elt  agréable  &  très-vive  ;  fon 
goût  amer  ,  piquant ,  &  aftringent  :  il  fe  difibut  ai- 
fément  dans  la  bouche  ,  6c  ne  laine  point  de  tache 
fur  le  drap. 

Il  eft  à  remarquer  que  le  fuc  qui  nous  eft  apporté 
pour  du  baume,  n'eft  pas  proprement  la  gomme  ,  ou 
pleurs  de  l'arbre  ,  extraites  par  incifion  ,  parce  qu'il 
n'en  rend  que  peu  de  cette  façon  ;  mais  elt  préparé 
du  bois  &  des  branches  vertes  de  l'arbre  diltillées  ; 
èc  toutefois  il  fe  trouve  même  fouvent  fophiftiqué 
avec  de  la  térébenthine  de  Chypre  &  d'autres  refî- 
nes &  huiles  ,  ainfi  qu'avec  du  miel ,  de  la  cire,  &c. 
Outre  cela ,  il  y  a  pareillement  une  liqueur  extraite 
de  la  femence  de  la  plante ,  qu'on  fait  paffer  fouvent 
pour  le  véritable  baume,  quoique  fon  odeur  foit  beau- 
coup plus  foible,  &  fon  goût  beaucoup  plus  amer. 

Le  baumier  elt  à  peu  près  de  la  hauteur  du  grena- 
dier ;  fes  feuilles  femblables  à  celles  de  rue  ,  toujours 
vertes  ;  fes  fleurs  blanches ,  &  en  forme  d'étoiles , 
d'où  fortent  de  petites  cofiès  pointues  ,  renfermant 
un  fruit  femblable  à  l'amande  ,  appelle  carpo-balfa- 
inum  ,  comme  le  bois  eft  appelle  xylo-balfamum  ,  & 
le  fuc  opo-balfamum.  Voye^  OpO-BaLSAMUM  ,  Crc 

Le  carpo-balfamum  entre  dans  la  compolition  de  la 
thériaque  de  Venife ,  &  n'a  guère  d'autre  ufage  dans 
la  Médecine  :  on  doit  le  choifir  d'un  goût  aromati- 
que ,  &  d'agréable  odeur,  Voye^  Carpo-Balsa- 
MUM.  Le  xylo-balfamum ,  qui  comme  les  autres  pro- 
ductions du  baumier ,  elt  apporté  du  Caire  ,  entre 
dans  la  compofition  des  trochifques  hedychrois  ;  il 
eft  apporté  en  petits  fagots ,  ayant  l'écorce  rouge  , 
le  bois  blanc  ,réfineux  &  aromatique.  Voye^  Xvlo- 
BALSAMUM. 

Il  y  a  pareillement  un  baume  de  la  Mcque ,  qui  eft 
une  gomme  feche  6c  blanche  ,  refîemblante  à  la  cou- 
perofe  ,  fur-tout  quand  elle  eft  vieille.  Elle  eft  ap- 
portée de  la  Meque ,  au  retour  des  caravanes  de  pè- 
lerins &  marchands  Mahométans,  qui  vont  là  par  dé- 
votion au  lieu  de  la  naiflance  de  leur  prophète.  Elle 
a  toutes  les  vertus  du  baume  de  Giléad ,  ou  de  la  Ju- 
dée ,  &  eft  probablement  le  même  baume ,  qui  elt 
feulement  endurci,  &  dont  la  couleur  eft  altérée. 

Baume  du  Pérou ,  eft  de  trois  efpeces  ,  ou  plutôt 
un  même  baume  à  trois  différens  noms  :  favoir ,  baume 
dincifion  ,  qui  eft  une  réfme  blanche  &  glutineufe 
provenant  d'une  incifion  faite  dans  l'arbre ,  &  enfuite 
épaiffie  6c  endurcie.  Il  eft  excellent  pour  les  plaies 
récentes,  fraîches,  &  reffemble  beaucoup  kVopo- 
balfamum  ,  à  l'odeur  près  qui  le  diftingue.  Baume  fec, 
qui  fe  diftille  des  bouts  de  branches  coupées,  auxquel- 
les font  attachés  de  petits  vaifteaux  pour  recevoir  la 
liqueur ,  qui  eft  d'abord  femblable  à  du  lait ,  mais 
rougit  étant  expofée  au  foleil.  Son  ufage  principal 
eft  dans  la  compofition  du  lait  virginal,  qui  fe  fait 
beaucoup  mieux  avec  ce  baume  ,  qu'avec  lejiorax  ou 
le  benjoin.  Enfin  le  baume  de  lotion  ,  qui  eft  noirâtre  , 
eft  tiré  de  l'écorce,  des  racines ,  &  feuilles  de  l'arbre 
hachées  ôc  bouillies  enkmble  :  on  s'en  f  ert  pour  les 


plaies  comme  du  baume  blanc  ,  &  il  eft  fort  eniifagé 
chez  les  Parfumeurs ,  à  caufe  de  fon  odeur. 

Baume  de  Copahu,  ou  de  Copaiba ,  vient  du  Bréfil, 
dans  des  bouteilles  de  terre  :  il  y  en  a  de  deux  fortes  ; 
l'un  eft  clair  &  liquide  ;  l'autre  eft  d'une  couleur  plus 
fombre  &  épais  :  le  premier  eft  blanc  ,  d'une  odeur 
rénneufe  ;  l'autre  tire  un  peu  plus  fur  le  jaune  ;  tous 
deux  font  admirables  pour  les  plaies  ;  les  Juifs  s'en 
fervent  après  la  circoncinon  pour  étancher  le  fang. 

Baume  de  Tolu  ,  eit  une  réfme  liquide,  qui  à  me- 
fure  qu'elle  vieillit ,  devient  de  la  couleur  &  de  la 
confiftance  de  la  colle  de  Flandre.  Elle  fe  tire  par  in- 
cifion de  quelques  arbres  qui  croiffent  dans  la  Nou- 
velle Eipagne  ,  où  les  habitans  la  reçoivent  dans  de 
petits  vaifteaux  de  cire  noire  :  elle  relfemble  au  bau- 
me de  Gilêad  pour  le  goût  &  pour  l'odeur,  félon  qu'elle 
devient  vieille  ;  elle  prend  la  confiltance  d'un  baume 
fec. 

Baume  d'ambre  liquide  ,  eft  une  réfine  claire  &C 
rouge  ,  produite  par  un  arbre  de  la  nouvelle  Efpa- 
gne  ,  appelle  par  les  naturels  du  pays  ofofol  ;  il  ref- 
femble à  l'ambre  gris,  fur-tout  par  l'odeur,  d  cii  vient 
fon  nom.  Le  nouveau  baume  eft  liquide  ,  &  eft  nom- 
mé huile  d'ambre  liquide  :  mais  quand  il  eft  vieux , 
on  l'appelle  baume  d'ambre  liquide  ;  il  vient  des  deux 
Efpagnes  en  barrils ,  6c  eit  très-rare  parmi  nous. 

On  le  trouve  fouverain  pour  les  plaies ,  particu- 
lièrement pour  les  fiitules  à  l'anus  :  il  reffemble  au 
baume  de  Tolu  par  l'odeur  6c  la  couleur,  &  eft  expri- 
mé de  la  même  manière  que  l'huile  de  laurier  ,  d'un 
fruit  rouge  qui  croît  dans  l'île  de  Saint-Domingue. 

Baume  ,  eft  aufïï  appliqué  à  de  certaines  compo- 
rtions faites  par  les  Chimiftes  &  Apothicaires,  princi- 
palement lorfqu'il  y  entre  des  ingrédiens  balfamiques 
6c  confolidans  ,  en  imitation  des  baumes  naturels. 

Ceux-ci  font  appelles  par  manière  de  diitin&ion  , 
baumes  factices  ou  artificiels.  Nous  avons  deux  diffé- 
rentes comportions  de  baumes ,  en  imitation  du  bau- 
me véritable  d'Egypte  ;  l'un  par  Matthicle ,  l'autre 
par  Furicus  Cordus.  Pomet  a  aufïï  donné  une  mé- 
thode d'imiter  le  baume  naturel. 

Baume  de  Saturne ,  eft  un  fel  ou  fucre  de  plomb 
difîbut  dans  l'huile  ou  efprit  de  térébenthine  ,  ge- 
nièvre ou  femblables  ,  digéré  jufqu'à  ce  que  la  ma- 
tière ait  acquis  une  teinture  rouge.  On  dit  qu'il  ré- 
fîfte  à  la  putréfaction  des  humeurs ,  &  qu'il  eft  propre 
à  nettoyer  &  cicatrifer  les  ulcères.  (A) 

Baume  de foufre ;  c'eft  une  difîblution  du  foufre 
par  une  liqueur  huiieufe.  On  peut  employer  pour 
cette  opération  toute  forte  d'huile  :  mais  de  toutes 
les  huiles  ,  l'huile  de  térébenthine  eft  la  plus  conve- 
ble  pour  tirer  une  teinture  du  foufre. 

Le  baume  de  foufre  térébenthine  elt  le  plus  en  ufage. 
Pour  le  faire ,  on  met  dans  un  petit  matras  deux  on- 
ces de  fleurs  de  foufre ,  on  verfe  deffus  huit  onces 
d'huile  de  térébenthine  ,  on  place  le  matras  fur  un 
feu  de  fable ,  &  on  fait  un  feu  de  digeftion  cinq  ou 
fis  heures  ;  &  après  avoir  laiiîé  refroidir  le  tout,  on 
fépare  le  baume  d'avec  le  reite  du  foufre  qui  ne  s'eft 
point  diffous ,  en  verfant  à  clair  la  liqueur  qui  a  une 
couleur  de  rubis. 

Le  baume  de  foufre  eft  en  ufage  lorfqu'il  y  a  ulcère 
aux  poumons  après  une  fluxion  de  poitrine  ,  une 
pleuréfie ,  une  péripneumonie ,  après  l'empyeme  & 
la  vomique,  en  général  lorfqu'on  foupçonne  un  ab- 
cès dans  l'intérieur ,  &  qu'on  juge  que  la  matière 
peut  prendre  la  route  des  urines  ou  celle  de  la  trant- 
piration.  Il  faut  donner  tous  les  matins ,  &  quelque- 
fois tous  les  après-midi ,  du  baume  de  foufre  dans  de  la 
conferve  de  violette ,  de  rofe,  ou  de  fleurs  de  pié-de- 
chat ,  depuis  une  goutte  jufqu'à  dix. 

Les  femmes  peuvent  ufèr  de  ce  remède  dans  le 
tems  même  de  leurs  règles  ;  il  ne  les  arrête  pas ,  au 
contraire  ;  mais  il  faut  avoir  l'attention  de  ne  le  pas 


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donner  lorfqu'il  y  a  de  la  fièvre  ;  &  quand  même  il 
n'y  auroit  pas  de  fièvre,  il  leroit  contraire  s'il  y  avoit 
de  la  lecherelfe  :  dans  ce  cas  la  térébenthine  fans  iou- 
fre  convient  mieux.  Ou  bien  on  fait  le  baume  dz  foufre 
avec  l'huile  d'amandes  douces  :  mais  pour  peu  qu'il 
y  ait  dilpoiition  à  la  fièvre ,  autre  que  la  fièvre  lente , 
ces  remèdes  ne  conviennent  point. 

Il  eft  bon  de  remarquer  que  les  baumes  de  foufre 
mettent  le  fang  en  mouvement ,  ôc  qu'ils  font  perni- 
cieux lorfqu'il  y  a  éréfipele  ou  difpofition  à  l'créli- 
pele. 

Lorfque  pour  faire  le  baume  de  foufre  on  fe  fert  de 
l'huile  d'anis ,  on  le  nomme  baume  de  foufre  anijé.  Ce 
baume  eft  bon  dans  les  maladies  d'eftomac  ôt  des  in- 
teftins:  il  eft  moins  defagréable  que  les  autres.  Lori- 
qu'on  fait  le  baume  de  foufre  avec  l'huile  de  fuccin  , 
on  le  nomme  baume  de  foufre  fucciné  :  on  l'employé 
lorfqu'il  y  a  complication  par  maladies  de  nerfs. 

On  fait  aujourd'hui  un  grand  ufage  du  baume  blanc 
de  Canada  ;  mais  les  baumes  de  foufre  m'ont  paru 
beaucoup  plus  efficaces ,  dans  la  pratique  de  la  Mé- 
decine, pour  les  ulcères  du  poumon,  6c  pour  ceux 
des  reins.  Lorfqu'on  deftine  le  baume  de  loutre  pour 
être  employé  dans  les  maladies  des  reins  ,  de  la  veffie 
&  de  la  matrice ,  on  le  prépare  avec  l'huile  de  ge- 
nièvre. 

On  fait  peu  d'ufage  extérieurement  du  baume  de 
foufre,  quoiqu'il  y  fut  fort  utilement  employé  dans 
plufieurs  occasions:  il  eft  vulnéraire  &  déterlifen 
vuidant  les  extrémités  des  vaiffeaux  rompus  ;  il  di- 
vife  les  humeurs  vifqueufes  &  purulentes ,  &c  les  fait 
couler  ;  ce  qui  s'appelle  déurger. 

On  peut  faire  un  baume  de  ioufre  pour  l'ufage  ex- 
terne :  on  prend  pour  cela  une  once  de  fleurs  de  iou- 
fre ;  on  verfe  dellûs  de  l'huile  de  lin  ,  ou  de  l'huile  de 
noix  fix  onces, des  huiles  de  milpertuis  ,  de  jufquiame 
&  de  pavot  blanc  ,  de  chaque  deux  gros  ;  &  on  fait 
digérer  le  tout  enfemble  pour  faire  la  diflblution  du 
foufre.  Malouin  , Traité  de  Chimie.  (M) 

BaUME  du  Pérou  artificiel  :  prenez  huile  d'olive 
une  livre  6c  demie ,  fantal  rouge  une  demi-once  :  fai- 
tes bouillir  jufqu'à  ce  que  l'huile  foit  d'un  rouge  fon- 
ce :  dilfolvez-y  cire  jaune  une  livre ,  térébenthine 
fine  une  livre  &  demie  ,  baume  du  Pérou  une  once. 

Ces  baumes  tiennent  lie»  des  naturels  ,  &  font  en 
grand  ufage  pour  l'extérieur.  La  plupart  des  pharma- 
copées font  remplies  de  ces  eipeces  de  baumes.  Voici 
la  defeription  de  ceux  dont  on  le  fert  le  plus  ordinai- 
rement. 

B  AUME  cTJrceus  :  prenez  fuif  de  bouc  deux  livres  ; 
térébenthine  de  Venife  ,  gomme  élemi  ,  de  chaque 
une  livre  &  demie;  graiffe  de  porc  une  livre  :  faites 
fondre  le  tout  enfemble  ,  panez  ,  &z  vous  aurez  le 
baume  :  c'eft  un  très-bon  digeftif ,  6c  le  plus  en  ufage 
dans  la  cure  des  plaies. 

Baume  du  Commandeur:  prenez  racine  d'angéli- 
que  de  Bohème ,  fechée  &  coupée  par  petits  mor- 
ceaux ,  une  demi-once  ;  fleurs  de  milpertuis  léchées , 
une  once;  efprit-de-vin  rectifié,  deux  livres  quatre 
onces  :  faites-les  digérer  au  foleil  ou  au  bain -marie 
dans  un  vaiffeau  fermé  ,  en  remuant  de  tems  à  autre 
le  mêla  "à  ce  que  la  teinture  foit  parfaite- 

ment tirée  :  pafïez  enfuite  ;  6:  dans  la  colature  ajou- 
tez myrrhe,  oliban  ,  de  chaque  demi-once:  faites 
digérer  comme  auparavant  ;  6c  enfuite  prenez  ltyrax 
calamité  deux  onces  ,  benjoin  choili  trois  onces  , 
baume  de  folu  une  once ,  aloès  fuccotrin  demi-once  : 
ajoutez  ,  fi  vous  le  jugez  à  propos,  ambre  gris  fix 
grains  :  mettez  en  poudre  ces  drogues, 6c  les  ;cttcz  en- 
suite dans  la  teinture  ci-demis  énoncée  ;  faites-les  en- 
core digérer  pendant  quarante  jours  au  foleil  ;  filtrez, 
cv  eonlervez  la  colature  pour  l'ufage. 

Ce  baume  eft  un  grand  vulnéraire,  dctcrlif  éx  in- 
carnatif,  appliqué  à  l'extérieur;  &pris<à  l'intérieur 


B  A  U 


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dans  du  vin  ou  dans  quelqu'autre  liqueur,  il  eft  ex- 
cellent contre  les  coliques,  les  dévoiemens,  lesvo- 
miflemens;  il  elt  propre  pour  exciter  les  règles  :  en- 
fin on  lui  attribue  ,  comme  à  tous  les  nouveau \  re- 
mèdes ,  de  grandes  venus ,  qui  font  toujours  relati- 
ves aux  indications  qui  le  préfentent  dans  les  ma- 
ladies :  on  peut  en  faire  un  alexitaire  ,  un  ftomachi- 
que ,  &  enfin  un  diaphorétique. 

Baume  ou  Onguent  de  genièvre  :  prenez  huile 
d'olive  trois  livres ,  eau  rolé  une  livre  ,  cire  neuve 
demi  -  livre  ,  térébenthine  une  livre  ,  fantal  rouge 
en  poudre  deux  onces  :  faites  bouiliir  le  tout  dans 
un  pot  de  terre  neuf  ,  avec  trois  demi  -  feptiers  de 
vin  rouge  ;  étant  refroidi ,  on  féparera  le  baume  du 
vin.  Voye{  Mémoires  de  C  Académie  iyoz. 

Baume  de  Lucatelli  :  prenez  de  la  meilleure  huile 
d'olive  que  vous  pourrez  trouver  ,  deux  livres  -  • 
vin  de  Canarie ,  deux  livres  ;  lang  de  dragon  pul- 
vérifé ,  une  once  :  faites  bouillir  ces  drogues  jufqu'à, 
conlomption  du  vin  :  ajoûtez-v  cire  jaune  une  livre  , 
térébenthine  de  Venife  une  iivre  &  demie  ,  fantal 
rouge  en  poudre  deux  onces  ,  baume  du  Pérou  deux 
onces  ;  mêlez-les  ôc  faites-les  fondre  enfemble,  & 
ne  mettez  le  baume  qu'après  avoir  retiré  le  mélange 
du  feu. 

Ce  baume  eft  un  excellent  vulnéraire  employé 
dans  les  ulcères  internes  6c  externes ,  dans  les  tuber- 
cules ,  &  dans  les  ulcères  &  les  hémorrhagies  inter- 
nes. On  l'applique  fur  les  plaies  &  les  contufions. 

Baume  odoriférant  :  prenez  pommade  fans  odeur 
une  once  ;  faites-la  fondre  à  petit  feu  dans  une  tafle 
de  porcelaine ,  &  ajoûtez-y  peu-à-peu  cire  blanche 
un  gros  ;  le  tout  étant  bien  mêlé ,  retirez  le  vaifTeau  r 
lorfque  le  mélange  commencera  à  s'épailfir ,  verfez-y 
hiuie  eiîentielle  de  citron  un  gros  :  remuez  la  ma- 
tière, pour  que  le  mélange  foit  plus  parfait  :  mettez 
le  vaiffeau  dans  l'eau  froide ,  pour  qu'il  fe  refroidifle 
plutôt  ;  6c  le  baume  étant  tout-à-fait  froid  ,  ferrez-le 
dans  de  petites  boîtes ,  où  il  foit  bien  bouché. 

Il  fe  garde  plufieurs  années  fans  fe  corrompre  :  on 
peut  au  lieu  de  pommade  &  de  cire,  employer  l'huile 
exprimée  de  noix  mufeade  ,  après  l'avoir  lavée  fi 
long -tems  dans  l'eau  qu'elle  devienne  blanche.  Ce 
baume  eft  propre  à  ranimer  ;  c'eft  un  grand  cordial  : 
on  en  peut  faire  un  pareil  avec  toutes  les  efpeces 
d'huile  ellèntielle. 

Baume  pectoral  :  prenez  benjoin ,  myrrhe ,  baume 
du  Pérou,  iâfran,  mufeade,  teinture  de  fel  de  tartre, 
gomme  ammoniaque  ,  de  chaque  deux  gros  ;  huile 
d'anis  ,  de  macis  ,  de  fenouil ,  de  chaque  dix  gouttes. 
Cette  compolition  peut  fe  donner  liquide ,  en  l'éten- 
dant davantage  avec  l 'efprit-de-vin. 

BAUME  polychrefie:  prenez  efprit- de -vin  quatre 
livres  ;  faites-y  infufer  à  petit  feu  en  remuant ,  gom- 
me de  gaiac  douze  onces  ;  ajoûtez-y  enfuite  baume 
du  Pérou  ,  térébenthine  ,  de  chaque  deux  onces. 

BaUM  E  préparé  par  la  décoclion  des  bois  réfineux  bal- 
ftmiques  :  prenez  râpures  de  fantal ,  de  bois  de  rofe  , 
de  genévrier ,  de  failafras  ,  de  bois  de  vie  ,  racine  de 
lalleparcilte ,  de  chaque  une  once  ;  racine  de  pimpre- 
ne  le,  d'angélique,  canelle,  clous  de  girofle,  râpu- 
res de  bois  d'aloès  ,  de  chaque  deux  gros  ;  mêlez  ces 
drogues ,  ôc  faites-les  bouillir  avec  du  vin  rouge  dans 
un  vailTcau  fermé.  Cette  décoclion  peut  êtred'ulage 
comme  les  baumes. 

Baume  fol/de  ôc  aftringent  :  prenez  baume  de  Co- 
pahu ,  de  Tolu ,  fuccin ,  maltic ,  oliban,  cachou ,  terre 
figillée,  antimoine  diaphorétique  ,  corail  prépare  , 
de  chaque  un  gros  ;  huile  de  faflafras  d^\  gouttes: 
prépare!  ces  drogues  félon  l'art;  il  produit  des  effets 
admirables  clans  la  gonorrhée. 

BAUME  verd  de  Mets  ou  Je  MademoifiUe  Feuillet  : 
prenez  huile  de  lin  par  expreffion  ,  d'olive  ,  de  cha- 
que une  livre ,  de  laurier  une  once  ,  térébenthine  de 


i66 


B  A  X 


Venife  deux  onces  ;  liquéfiez  le  tout  à  petit  feu  ;  & 
quand  elles  feront  refroidies  ,  ajoutez- y  huile  diftil- 
îée  de  baies  de  genièvre  une  once  &  demie ,  verd  de 
gris  trois  gros  ,  aloès  fuccotrin  en  poudre  deux  gros  , 
vitriol  blanc  pulvérifé  un  gros  &  demi ,  huile  de  gi- 
rofle un  gros  ;  faites-en  un  baume  félon  l'art.  Il  eft  pro- 
pre pour  mondifier  les  plaies  &  les  ulcères  ,  pour  les 
incarner  &C  les  cicatrifer ,  contre  la  morfure  des  bêtes 
venimeufes  :  on  en  fait  chauffer ,  &  on  en  met  dans  la 
plaie  avec  la  barbe  d'une  plume. 

Ce  baume  a  été  inventé  en  premier  lieu  par  M. 
Duclos ,  Médecin  de  Mets  ;  Mademoifelle  Feuillet 
l'a  fait  appeller  de  fon  nom ,  l'ayant  mis  en  vogue  à 
Paris.  Lemery ,  Pliarmacop.  univerf. 

BAUME  vulnéraire  :  prenez  effence  de  myrrhe, 
fuccin,  gomme  élémi,  fantal  rouge  ,  baume  du  Pé- 
rou ,  de  Tolu  ,  huile  d'armoife  ,  lbmmités  de  mille- 
feuilles  ,  d'hypericum  ,  de  chaque  une  once  :  on 
mêle  ces  drogues  avec  cinq  quarterons  d'huile  &  de 
vin ,  &  on  en  fait  un  baume  excellent  en  les  digérant 
for  un  feu  modéré.  Hoffmann  les  diftille  &  en  tire  un 
efprit  qu'il  préfère  au  baume  de  Lucatelli. 

Ce  baume  eff  un  excellent  vulnéraire  &  ftomachi- 
que  ;  on  en  peut  ufer  intérieurement  comme  exté- 
rieurement. 

On  n'auroit  jamais  fait ,  fi  on  vouloit  détailler  tous 
les  baumes  artificiels  qui  ont  été  découverts  par  les 
auteurs  qui  nous  ont  laine  des  difpenfaires.  Lemery 
en  compte  foixante-treize  efpeces  différentes  dans  la 
Pharmacopée  univerfelle ,  en  y  comprenant  quelques- 
uns  de  ceux  dont  nous  avons  parlé  plus  haut.  On  en 
trouve  un  grand  nombre  d'autres  dans  les  difpenfai- 
res étrangers.  (A7') 

*  Baume  (la/aime),  grotte  fur  une  montagne  de 
France  en  Provence ,  entre  Aix ,  Marfeille  &  Toulon. 
Ce  lieu  eft  très-fréquenté  ,  parce  que  les  peuples  font 
imbus  du  préjugé  que  la  Magdeleine  y  eft  morte. 

*  Baume  les  nones,  (£«%/-.)  ville  de  Franche- 
Comté  en  France ,  fur  le  Doux. 

*  Baunach  ,  (Gcog.  )  rivière  deFranconie. 
BAVOIS,  f.  m.  ancien  terme  de  Monnoie  ,  étoit  la 

feuille  de  compte  où  l'on  marquoit  l'évaluation  des 
droits  de  feigneuriage ,  foiblage ,  braffage ,  &c.  félon 
le  prix  courant  que  le  prince  par  fes  ordonnances , 
avoit  preferit  pour  l'or ,  pour  l'argent ,  &  pour  le  bil- 
lon  en  œuvre  ou  hors  d'œuvre. 

BAVOLET  ,  f.  m.  (terme  de  Marchande  de  mode.^) 
c'eft  la  féconde  pièce  d'une  coeffure,  mais  qui  n'a 
point  de  barbe ,  &:  qui  forme  feulement  le  deffus  de 
tête  ;  au  refte  ce  bavolet  eft  garni  &  pliffé  comme  la 
pièce  de  deflbus;  c'eft  auffi  iur  lui  que  l'on  monte  le 
fer  qui  forme  le  gros  pli  du  milieu. 

*  BAUSK.  (Geog.)  ville  importante  de  Curlande , 
fur  les  frontières  de  Pologne  au  nord ,  fur  la  rivière 
de  Mufza.  Long.  42.  14.  lat.  56.  30. 

*  BAUTZEN  ou  BUDISSEN  (Giog.) ,  ville  d'Al- 
lemagne ,  capitale  de  la  haute  Luface ,  fur  la  Sprée. 
Long.  32.  13.  lat.  5i.  10. 

*  BAXANA,  plante  Indienne,  ainfi  caraftérifée 
dans  les  auteurs ,  baxana,  arbor  fruclu  venenato ,  radïce 
venenorum  antidoto. 

Baxana  ,  arbre  à  fruit  vénéneux,  &  à  racine 
anri-vénéneufe  ;  on  le  trouve  à  Queyonne ,  proche 
Ormuz.  On  dit  que  fon  fruit  luftbque  ,  en  quelque 
petite  quantité  qu'on  en  prenne ,  &  que  fon  ombre 
eft  mortelle  fi  l'on  s'y  tient  pendant  un  quart  d'heure  : 
mais  Ray  traite  ces  effets  de  fables ,  fur  ce  que  dans 
d'autres  contrées  on  attribue  à  la  racine  ,  aux  feuil- 
les &  au  fruit  du  même  arbre ,  des  propriétés  falutai- 
res.  Au  refte  que  cet  arbre  fpit  ou  auffi  pernicieux 
ou  auffi  utile  qu'on  le  dit,  il  n'eft  pas  moins  confiant 
qu'il  en  faudrait  une  autre  defeription  que  la  précé- 
dente, &  quêtant  qu'une  plante,  étrangère  fur-tout , 
ne  nous  fera  pas  mieux  connue  que  par  une  phraie , 


B  A  Y 

telle  que  la  précédente ,  c'eft  précifément  comme  fi 
elle  n'exiftoit  pas. 

*  BAXEA  (Hift.  anc.  &  Antiq.) ,  efpece  de  chauf- 
fure  ancienne  ,  du  nombre  de  celles  qui  s'attachant 
fur  le  pié  avec  des  bandes ,  ne  le  couvraient  pas  en- 
tièrement. Plaute  en  a  fait  mention  :  mais  on  croit 
que  le  baxea  de  Plaute  étoit  une  forte  de  fandale  à 
l'ufage  des  philofophes.  Arnobe  parle  de  baxées  faites 
de  feuilles  de  palmier. 

*  BAYA  ou  BAJA  (Géog.),  ville  de  la  baffe  Hon- 
grie, dans  le  comté  de  Bath ,  près  du  Danube.  Long. 
3J.  lat.  46.  25. 

B AYANISME  ou  BAI ANISME ,  f.  m.  {ffift.  eccléf. 
&  Tliéol.")  erreur  de  Baïus  6c  de  fes  difciples. 

Michel  Baïus  ou  de  Bay,  né  en  1 5 1 3  à  Melin ,  dans 
le  territoire  d'Ath  en  Haynault ,  après  avoir  étudié 
à  Louvain  &  paffé  fucceffivement  par  tous  les  gra- 
des de  cette  univerfité  ,  y  reçut  le  bonnet  de  docteur 
en  1 5  50 ,  &  fut  nommé  l'année  fuivante  ,  par  Char- 
les V.  pour  y  remplir  une  chaire  d'Écriture  fainte , 
avec  Jean  Heffels ,  fon  compagnon  d'étude  &  fon 
ami.  Il  enfeigna  dans  fes  écrits  &  fit  imprimer  di- 
verfes  erreurs  fur  la  grâce ,  le  libre  arbitre,  le  péché 
originel,  la  charité,  la  mort  de  Jefus-Chrift  ,  &c. 
Elles  font  contenues  dans  76  propofitions ,  condam- 
nées d'abord  en  1 567  par  le  pape  Pie  V. 

On  peut  rapporter  toutes  les  propofitions  de  Baïus 
à  trois  chefs  principaux.  Les  unes  regardent  l'état 
d'innocence  ;  les  autres  l'état  de  nature  tombée  ou 
corrompue  par  le  péché  ;  &  les  autres  enfin  l'état  de 
nature  réparée  par  le  fils  de  Dieu  fait  homme  ôc 
mort  en  croix. 

i°.  Les  anges  &  les  hommes  font  fortis  des  mains 
de  Dieu  juftes  &  innocens  :  mais  Baïus  &  fes  difci- 
ples ont  prétendu  que  la  deftination  des  anges  &  du 
premier  homme  à  la  béatitude  célefte,  que  les  grâces 
qui  les  menoient  de  proche  en  proche  à  cette  dernière 
fin ,  que  les  mérites  qui  réfultoient  de  ces  grâces  , 
&  la  récompenfe  qui  étoit  attachée  à  ces  mérites, 
n'étoient  pas  proprement  des  bienfaits  non  dûs  ou  des 
dons  gratuits;  que  ces  dons  étoient  inféparables  de  la 
condition  des  anges  &  du  premier  homme ,  &  que 
Dieu  ne  les  leur  devoit  pas  moins  qu'd  devoit  à  ce 
dernier  la  vue  ,  l'oiiie ,  &  les  autres  facultés  naturel- 
les. Tout  cela  eft  appuyé  fur  ce  principe  fondamental 
de  Baïus ,  que  ce  n'eft  point  par  une  deftination  acci- 
dentelle ci  arbitraire  que  la  vifion  ou  joiiiflance  in- 
tuitive de  Dieu  a  été  préparée  aux  anges  &  au  pre- 
mier homme,  mais  en  vertu  du  droit  de  leur  création 
dans  l'état  d'innocence,  &  par  une  fuite  de  leur  con- 
dition naturelle  :  qu'une  créature  raifonnable  &  fans 
tache  ne  peut  avoir  d'autre  fin  que  la  vifion  intuitive 
de  fon  Créateur  ;  que  par  conféquent  Dieu  n'a  pu  , 
fans  être  lui-même  l'auteur  du  péché ,  créer  les  an- 
ges &  le  premier  homme  que  dans  un  état  exclufif 
de  tout  crime ,  ni  par  coniéquent  les  deftiner  qu'à  la 
béatitude  célefte  :  que  cette  deftination  étoit  à  la  vé- 
rité un  don  de  Dieu ,  mais  un  don  que  Dieu  ne  pou- 
voit  leur  refùfer  fans  déroger  à  fa  bonté ,  à  fa  fainte- 
té ,  à  fa  juftice.  Telle  eft  la  doctrine  de  Baïus  dans  fon 
livre  de  prima  hominis  jujlitid ,  fur-tout  chap.  viij.  &C 
elle  eft  exprimée  dans  les  propofitions  21 ,  23  ,  24, 
26,  27,  55  ,  71,  ôc  72,  condamnées  parla  bulle  de 
Pie  V.  20.  Si  Dieu  n'a  pu  créer  les  anges  &  l'homme 
dans  ce  premier  état,  fans  cette  deftination  eflèntiel- 
le ,  il  eft  évident  qu'il  a  été  dans  l'obligation  indifpen- 
fable  de  leur  départir  les  moyens  néceffaires  pour  ar- 
river à  leur  fin  ;  d'où  il  réfulte  que  toutes  les  grâces, 
foit  actuelles  foit  habituelles  ,  qu'ils  ont  reçues  dans 
l'état  d'innocence ,  leur  étoient  dues  comme  une  fuite 
naturelle  de  leur  création.  30.  Que  les  mérites  des 
verms  &  des  bonnes  actions  étoient  de  même  efpece, 
c'ert-à-dire ,  naturels ,  ou  ce  qui  revient  au  même ,  le 
fruit  de  la  première  création,  40.  Que  la  félicité  éter- 


B  A  Y 

r.elle  attachée  à  ces  mérites  étoit  de  mêrrie  ordre  , 
c'eft-à-dire  une  pure  rétribution,  où  la  libéralité 
gratuite  de  Dieu  n'entroit  pour  rien  ;  en  un  mot 
qu'elle  étoit  une  récompenfe  &  non  pas  une  grâce. 
Dans  ce  fyftème ,  les  dons  divins  gratuits  n'avoient 
donc  point  de  lieu  dans  l'économie  du  falut  des  an- 
ges &  du  premier  homme ,  puiique  tout  y  éteit  dû 
&  un  apanage  néceffaire  de  la  nature  innocente. 
50.  Enfin,  par  rapport  à  cet  état  Baïus  &  fes  diiei- 
ples  ont  erré  fur  ce  qui  concerne  la  connoiffance  des 
devoirs ,  l'exemption  des  fouffrances ,  &  l'immorta- 
lité ,  en  foûtenant  que  l'homme  innocent  étoit  à  l'a- 
bri de  l'ignorance,  des  peines  &  de  la  mort  en  vertu 
de  fa  création ,  &  que  l'exemption  de  tous  ces  maux 
étoit  une  dette  que  Dieu  payoit  à  l'état  d'innocence 
ou  un  ordre  établi  par  la  loi  naturelle  toujours  inva- 
riable ,  parce  qu'elle  a  pour  objet  ce  qui  eft  effentiel- 
tiellement  bon&jufte.  C'eft  la  doctrine  expreffe  des 
propofitions  53  ,  69,  70 ,  &  75  de  Baïus.  Voye^t  le  P. 
Duchefne,  hijl.  du  Baïanifme  ,  liv.  II.  pag.  tyj.  18  0. 
&  liv.  IV.  pag.  356 .  &  361.  &  le  traité  hijtorique  & 
dogmatique  fur  la  doctrine  de  Baïus  ,  par  /'abbé  de  la 
Chambre  ,  tom.  I.  chap.  ij.  pag.  4p.  &  fuïv. 

11°.  Quant  à  l'état  de  nature  tombée ,  voici  les 
erreurs  de  Baïus  &de  fes  feftateurs  fur  la  nature  du 
péché  originel ,  fa  transfufion ,  &  fes  fuites.  i°.  Dans 
leur  fyftème  le  péché  originel  n'eft  autre  choie  que 
la  concupifcence  habituelle  dominante.  i°. Cette  idée 
fuppofée ,  la  transfufion  du  péché  d'Adam  n'eft  plus 
un  myftere  qui  révolte  la  raifon  ;  ce  n'eft  plus  l'effet 
du  violement  d'une  loi  de  Dieu  qui  ait  attaché  le  fort 
des  hommes  à  la  fidélité  de  leur  premier  père.  Ce  pé- 
ché fe  tranfmet  de  la  même  manière  que  l'aveugle- 
ment ,  la  goutte  ,  &  les  autres  mauvaifes  qualités 
phyfiqucs  de  ceux  dont  on  tient  la  naiffance  :  cette 
communication  fe  fait  indépendamment  de  tout  ar- 
rangement arbitraire  de  la  part  de  Dieu  ;  tout  péché 
par  fa  nature  ayant  la  force  d'infecter  le  tranfgreffeur  & 
toute  fa  pojlérité  ,  comme  a  fait  le  péché  originel,  prop. 
-50.  &  cependant  ce  dernier  efl  en  nous  fans  aucun 
rapport  à  la  volonté  du  premier  père  ,  prop.  46.  Sur  les 
fuites  eu  péché  originel  Baïus  dit,  i°.  que  le  libre 
arbitre  fans  la  grâce  n'a  de  forces  que  pour  pécher ,  prop. 
2.8.  2°.  qu'il  ne  peut  éviter  aucun  péché  ,  prop.  29.  que 
tout  ce  qui  en  fort, même  l'infidélité  négative,  efl  un  péché; 
que  l'efclave  du  péché  obéit  toujours  à  la  cupidité  domi- 
nante ;  que  jufqu'à  ce  qu'il  agiffe  par  l'imprefiion  de 
la  charité,  toutes  fes  actions  partent  de  la  cupidité  & 
font  des  péchés.  Prop.  34.36. 64.  68.  &c.  30.  qu'il 
ne  peut  y  avoir  en  lui  aucun  amour  légitime  dans 
l'ordre  naturel ,  pas  même  de  Dieu ,  aucun  acte  de 
juftice,  aucun  bon  ufage  du  libre  arbitre,  ce  qui  pa- 
roît  dans  les  infidèles  ,  dont  toutes  Us  actions  font  des 
péchés ,  comme  les  venus  des  philofophes  font  des  vices. 
Prop.  25.  &  26.  Ainfi  ,  félon  Baïus ,  la  nature  tombée 
&  deftituée  de  la  grâce  eft  dans  une  impuiffance  gé- 
nérale à  tout  bien  ,  &  toujours  déterminée  au  mal 
que  fa  cupidité  dominante  lui  propole.  Il  ne  lui  refte 
ni  liberté  de  contrariété ,  ni  liberté  de  contradiction 
exempte  de  nécefiïté  :  incapable  d'aucun  bien,  elle 
ne  peut  produire  d'action  qui  ne  foit  un  péché  ;  &  né- 
ceflîtée  au  mal ,  clic  s'y  porte  au  gré  du  penchant  qui 
la  domine ,  &  n'en  eft  ni  moins  criminelle  ni  moins 
puniffable  devant  Dieu.  Voye^  le  P.  Duchefne  ,  hijl. 
du  Baïanifme ,  liv.  II.  pag.  180.  l8z.  &  liv.  IV.  pag. 
361.  &  36 7 •  &  fe  traité  hijlorique  &  dogmatique  déjà 
cité  ,  pag.  54.  &fuiv. 

•  111°.  Les  erreurs  de  Baïus,  d'Heffels  ,  &  de  leurs 
fectateurs ,  ne  iont  pas  moins  frappantes  quant  à 
l'état  de  nature  réparée  par  le  rédempteur:  ils  difent 
formellement ,  que  la  rétribution  de  la  vie  éternelle  s'ac- 
corde  aux  bonnes  actions  ,  fans  avoir  égard  aux  mérites 
de  Jejus-Chrijl  ;  quelle  n  cil  pas  même ,  à  proprement  par- 
ler ,  une  grâce  de  Dieu,  mais  l'effet  &  la  fuite  de  la  loi 


B  A  Y 


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naturelle ,  ps.  r  laquelle  il  a  été  établi  par  un  jufle  jugement 
de  Dieu  ,  dès  la  première  infïtution  du  genre  humain ,  que 
le  royaume  célefle  feroit  le J'alaire  de  Cobéiffance  à  la  loi  ; 
que  toute  bonne  œuvre  efl  de  Ça  nature  méritoire  du  ciel, 
comme  toute  mauvaije  efl  de  fa  nature  méritoire  de  la  dam- 
nation ;  que  les  bonnes  œuvres  ne  tirent  pas  leur  mérite  de 
la  grâce  d  adoption  ,  mais  uniquement  de  leur  conformité 
à  la  loi  ;  que  le  mérite  ne  fe  prend  pas  de  l'état  de  grâce  , 
mai:  feulement  de  Cobéiffance  à  la  loi  ;  que  Us  bonnes  ac- 
tions des  catéchumènes ,  qui  précèdent  la  rémiffion  de  leurs 
péchés,  comme  la  foi  &  la  pénitence,  méritent  la  vie  éter- 
nelle. Prop.  11.  12.  13.  18.69. 

La  juftirication  des  adultes  ,  félon  Baïus ,  de  juflif 
cap.  vïij.  &  dejuflit.  cap.  iij.  &  iv.  confiire  dans  la 
pratique  des  bonnes  œuvres  &  la  rémiffion  des  pé- 
chés. La  rémiffion  des  péchés  peut  s'entendre  de  la 
coulpe  &  de  la  peine  éternelle  ou  temporelle  :  l'o- 
béiflance  à  la  loi  juftifie  fans  remettre  la  peine  éter- 
nelle ;  pour  la  coulpe  ,  elle  paffe  avec  la  peine  du 
péché.  Enconféquence  les  Baianifes  ontavancé,  que 
le  pécheur  pénitent  nef  point  vivifié  par  le  miniflere  du. 
prêtre  qui  l'abjout,  &  qu'il  n'en  reçoit  que  la  rémiffion  de 
la  peine  ;  qve  Us  facremens  de  baptême  &  de  pénitence 
ne  remettent  point  la  coulpe  ,  mais  la  peine  feulement  ; 
qu'ils  ne  confèrent  point  la  grâce  janclifiante  ;  qu'il  peut 
y  avoir  dans  Us pénitens  &  les  catéchumènes  une  chari- 
té parfaite  ,fans  que  leurs  péchés  leur  foient  remis  ;  que 
la  charité  ,  qui  efl  la  plénitude  de  la  loi ,  nef  pas  tou- 
jours jointe  avec  la  rémiffion  des  péchés  ;  que  le  catéchu- 
mène vit  dans  la  juftice  avant  que  d'avoir  obtenu  la  ré- 
miffion de  fes  péchés  ;  quun  homme  en  péché  mortel  peut 
avoir  une  charité  même  parfaite  ,  fans  ceffer  d'être  fujet 
à  la  damnation  éternelle  ;  parce  que  la  contrition ,  mê- 
me parfaite  ,  jointe  à  la  charité  &  au  dejir  du  factementy 
ne  remet  point  la  dette  de  la  peine  éternelle  ,  hors  le  cas 
de  néceffité  ou  de  martyre  ,  fans  la  réception  acluelU  du 
facrement.  Prop.  31.  54.  55.  67.  68.  &c. 

Comme  dans  le  fyftème  de  Baïus  on  eft  formelle- 
ment juftifie  par  l'obéiffance  à  la  loi ,  ce  dofteur  & 
fes  difciples  difent  qu'ils  ne  reconnoiffent  d'autre  obéif- 
fance  à  la  loi  que  celle  qui  coule  de  Cefprit  de  charité  ; 
Prop.  6.  point  d'amour  légitime  dans  la  créature  raifon- 
nable  ,  que  cette  louable  charité  que  le  S.  EJpril  répand 
dans  le  cœur ,  &  par  laquelle  on  aime  Dieu  ;  &  que  tout 
autre  amour  efl  cette  cupidité  vicieufe  qui  attache  au  mon-' 
de,  &  que  S.  Jean  réprouve.  Prop.  38. 

Enfin  leur  doctrine  n'eft  pas  moins  erronée  fur  le 
mérite  &  la  valeur  des  bonnes  œuvres ,  puifqu'ils 
avancent  d'un  côté  que  dans  F  état  de  la  nature  réparée 
il  n'y  a  point  de  vrais  mérites  qui  ne  Joïent  gratuitement 
conférés  à  des  indignes  ;  &  que  de  l'autre  ils  préten- 
dent que  les  bonnes  œuvres  des  fidèles  qui  Us  jujtifient  , 
ne  peuvent  pas  fatisfaire  à  la  julîice  de  Dieu  pour  les  pei- 
nes temporelles  qui  refient  à  expier  après  la  rémiffion  des 
péchés ,  ni  les  expier  ex  condigno  :  ces  peines ,  félon 
eux,  ne  pouvant  pas  erre  rachetées  ,  même  par  Usfouf- 
frances  des  Saints.  Prop.  8.  57.  74.  Voye^  les  auteurs 
cités  ci-deffus  :  voye?  auffi  C abrégé  du  Trait,  de  la  grâce 
de  Tournely  par  M.  Montagne  ,  doéL  de  Sorb.  de  la 
maifon  de  S.  Sulpice. 

Ce  fyftème  ,  comme  le  remarque  folidement  ce 
dernier  théologien,  eft  un  compofé  biiarre  &  monf- 
nueux  de  Pélagianifnme ,  quant  à  ce  qui  regarde  i  e- 
tat  de  nature  innocente  ,  &  de  Luthéraniime  Se  de 
Calvinifme  pour  ce  qui  concerne  l'état  de  nature  tom- 
bée. Quant  à  l'état  de  nature  réparée  ,  tous  les  len- 
timens  de  Baïus ,  fur-tout  fur  la  juftification  .  l'effica- 
ce des  facremens  ,  &c  le  mérite  des  bonnes  œuvres  . 
font  fi  directement  oppofesà  la  doctrine  du  concile 
de  Trente  ,  qu'ils  ne  pouvoient  éviter  les  différentes 
csnfures  qu'ils  ont  elhr  -  ■ 

En  effet ,  dès  1  5  52  Ricard  Tapper ,  Joffe  Ravef- 
tein  ,  Richtou ,  Cuner ,  6c  d'autres  docteurs  de  Lou- 
vain ,  /élevèrent  contre  Baïus  &:  Heffels ,  qui  répaiv 


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B  A  Y 


BAZ 


doient  les  premières  femences  de  leurs  opinions.  En 
1560  ,  deux  gardiens  des  Cordeliers  de  Flandre  en 
déférèrent  18  articles  à  la  faculté  de  Théologie  de 
Paris  ,  qui  les  condamna  par  fa  cenfure  du  27  Juin 
de  la  même  année.  En  1 567  parut  la  bulle  de  Pie  V. 
du  premier  Oclobre  ,  portant  condamnation  de  76 
propofitions  qu'elle  cenfuroit  inglobo,  mais  fans  nom- 
mer Baïus.  Le  cardinal  de  Granvelle ,  chargé  de  l'e- 
xécution de  ce  décret ,  l'envoya  à  Morillon  fon  vi- 
caire général ,  qui  le  préfenta  à  l'univerfité  de  Lou- 
vain  le  29  Décembre  1 567.  La  bulle  fut  reçue  avec 
refpeft ,  &  Baïus  même  parut  d'abord  s'y  foùmettre  : 
mais  enfuite  il  écrivit  une  longue  apologie  de  la  doc- 
trine qu'il  adreffa  au  pape  ,  avec  une  lettre  du  8  Jan- 
vier 1  569.  Pie  V.  après  un  mûr  examen ,  confirma  le 
1 3  Mai  fuivant  fon  premier  jugement ,  &  écrivit  un 
bref  à  Baïus  pour  l'engager  à  ïé  foùmettre  fans  ter- 
giverfation.  Baïus  hérita  quelque  tems,  &  fe  fournit 
enfin  en  donnant  à  Morillon  une  révocation  des  pro- 
pofitions condamnées.  Mais  après  la  mort  de  Joffe  Ra- 
vellein  ,  arrivée  en  1 570  ,  Baïus  &  fes  difciples  re- 
muèrent de  nouveau  :  Grégoire  XIII.  pour  mettre  fin 
à  ces  troubles ,  donna  une  bulle  le  29  Janvier  1  579  , 
en  confirmation  de  celle  de  Pie  V.  fon  prédéceflèur, 
&  choiiit  pour  la  faire  accepter  par  l'univerfité  de 
Louvain,  François  Tolet  Jéfuite,  Se  depuis  cardinal. 
Baïus  rétradla  alors  fes  propofitions,  &  de  vive  voix, 
&  par  un  écrit  figné  de  fa  main,  &  daté  du  24  Mars 
1 580.  Dans  les  huit  années  fuivantes  qui  s'écoulèrent 
jufqu'à  la  mort  de  Baïus,  les  conteflations  fe  réveil- 
lèrent ,  &  ne  furent  enfin  affoupies  que  par  un  corps 
de  doctrine  dreffé  par  les  Théologiens  de  Louvain  , 
&  adopté  par  ceux  de  Douai.  Jacques  Janfon  ,  pro- 
feffeur  de  Théologie  à  Louvain ,  voulut  reffulciter 
les  opinions  de  Baïus,  &  en  chargea  le  fameux  Cor- 
nélius Janlénius ,  fon  élevé  ,  qui  dans  fon  ouvrage 
intitulé  Augujîinus ,  a  renouvelle  les  principes  &  la 
plupart  des  erreurs  de  Baïus.  Voye^  Chijioire  du  Baia- 
nij'me  par  le  P.  Duchelhe  ,  qui  rapporte  tous  ces  éve- 
nemens  dans  un  détail  que  la  nature  de  cet  ouvrage 
ne  nous  permet  pas  d'imiter.  Voy.  Jansénisme.  (G) 

BAYART ,  f.  m.  terme  de  Rivière  ,  infiniment  qui 
fert  à  deux  hommes  pour  porter  différens  fardeaux. 

BAYE  ou  BAIE,  f.  f.  (  Marine.  )  c'ell un  bras  de 
mer  qui  fé  jette  entre  deux  terres ,  &  qui  s'y  termine 
en  cul-de-fac  ,  par  un  ventre  ou  enfoncement  plus 
grand  que  celui  de  l'ance ,  &  plus  petit  que  celui  du 
golphe.  FoyeiBAJE.  (Z) 

Bayes,  f.  f.  (  Marine.  )  bayes d'unvaijfèau ,  ce  font 
les  ouvertures  qui  fe  font  dans  fa  charpente ,  comme 
celles  des  écoutilles ,  les  trous  par  où  les  mâts  paf- 
fent,  6-c.  (Z) 

*  Baye  de  tous  les  saints  ,  (  Géog.  )  grande 
baie  fur  la  côte  méridionale  du  Bréiil ,  proche  Saint- 
Salvador. 

*  BAYELTE  ,  f .  f .  (  Commerce.  )  efpece  de  flanel- 
le grofHere  &  fort  large  dont  on  fabrique  enplufieurs 
endroits  de  France  :  elle  ell  faite  de  laine  non  croi- 
fée ,  fort  lâche ,  &  tirée  à  poil  d'un  côté. 

*  BAYEUX ,  (  Géog.  )  ville  de  France  dans  la 
Normandie ,  capitale  du  Beffin  ,  fur  la  rivière  d'Au- 
re.  Long.  iG.Sy.  c).  lat.  4g .  16.  30. 

*  BAYON  ,  (  Géog.  )  ville  de  Lorraine  fur  la  Mo- 
felle,  à  cinq  lieues  de  Nancy. 

*  BAYONNE,  roycv  Baionne. 

B  AYONNETTE  ,  f.  f.  (  Art  milit.  )  dague  courte , 
large ,  façonnée  en  forme  de  lancette  ,  ayant  au  lieu 
de  poignée  un  manche  creux  de  fer  ,  pour  la  fixer 
au  bout  d'un  moufquet ,  de  forte  qu'elle  n'empêche 
ni  de  tirer  ni  de  charger. 

Les  bayonnettes  font  d'un  grand  ufage  aux  dra- 
gons &  aux  fufdiers ,  loriqu'ils  ont  confommé  leurs 
provilïons  de  poudre  &  de  balles. 

On  dit  que  la  bayonnettt  a  été  inventée  à  Bayonne. 


Les  troupes  françoifes  font  très-redoutables,  la  bayon- 
nette  au  bout  du  fufil. 

On  fe  fert  du  même  infiniment  à  la  chatte  du  fan- 
glier  :  mais  on  le  fait  plus  grand  pour  cet  exercice 
que  pour  le  fervice  militaire.  (  Q  ) 

*  BAZ  ,  (  Géog.  )  petite  île  à  l'occident  de  l'Irlan- 
de ,  vis-à-vis  le  comté  de  Defmond  en  Mommonie  , 
au  nord  de  la  baie  de  Dingle.  Les  Irlandois  la  nom- 
ment Blafquo. 

*  BAZ  A  ou  BASA  ,  (  Géog.')  ville  d'Efpagne  au 
royaume  de  Grenade  près  du  Guadalentin ,  fur  les  li- 
mites de  la  Murcie  &  de  la  Cailille. 

*  B  AZ  AC  ,  f.  m.  (  Commerce.  )  coton  filé  très-beau 
&  très-fin  qui  vient  de  Jcrufalem ,  ce  qui  l'a  fait  ap- 
peller  coton  de  Jérufalem  :  il  y  a  le  demi  &  le  moyen 
ba-yac  ,  qui  font  d'une  qualité  fort  inférieure  au  baçac 
fimple  ou  de  la  première  forte. 

*  BAZADOIS  ,  (  le  )  Géog.  province  de  France 
qui  fait  partie  de  la  baffe  Gafcogne ,  entre  la  Guien- 
ne  propre  ,  l'Agénois ,  &  le  Condomois.  Bazas  en  efl 
la  capitale. 

BAZAR  ou  BAZARI ,  (  Commerce.  )  lieu  defliné 
au  commerce  parmi  les  Orientaux ,  particulièrement 
chez  les  Perfans.  Les  uns  font  découverts ,  comme 
les  marchés  d'Europe  ,  &  fervent  aux  mêmes  ufa- 
ges  ,  mais  feulement  pour  y  vendre  les  marchandi- 
i'es  les  moins  précieufes  &  de  plus  grand  volume  ; 
les  autres  font  couverts  de  voûtes  fort  élevées  ,  & 
percées  par  des  efpeces  de  dômes  qui  y  donnent  du 
jour  :  c'ell  dans  ces  derniers  où  les  marchands  de 
pierreries ,  de  riches  étoffes  ,  d'orfèvrerie  ,  &  d'au- 
tres femblables  marchandifes  ,  ont  leurs  boutiques  : 
quelquefois  même  les  efclaves  s'y  vendent ,  quoi- 
que ce  barbare  commerce  fe  faffe  auffi  dans  les  ba- 
zars découverts.  Furetiere  dit  que  ce  terme  efl  pure- 
ment Arabe  ,  &t  lignifie  achat  &  échange  de  marchan- 
dife ,  &  fe  dit  par  extenfion  des  lieux  où  fe  fait  le 
trafic. 

Le  ba~ar  ou  maidan  d'Ifpaham  efl  une  des  plus  bel- 
les places  de  toute  la  Perle ,  &  furpaffe  même  tou- 
tes celles  qu'on  voit  en  Europe  :  mais  nonobflant  fa 
grande  magnificence ,  il  faut  avouer  que  le  ha^ar  de 
Tauris  ell  la  place  la  plus  valle  que  l'on  connoiffe  : 
on  y  a  plufieurs  fois  rangé  trente  mille  hommes  en 
bataille.  Il  contient  plus  de  quinze  mille  boutiques, 
&  pâlie  fans  contredit  pour  le  plus  fuperbe  de  la 
Perle.  On  appelle  dans  cette  dernière  ville  le  ba^ar 
des  pierreries ,  kaiferié  ,  c'eft-à-dire ,  marché  royal.  V. 
Maidan.  (G) 

*  BAZARIE  ,  (  Hifi.  anc.  &  Géog.  )  province  des 
Scythes  dont  les  habitans  formoient  des  parcs  de  bê- 
tes fauves  &  d'autres  animaux  :  ils  choifuToient  pour 
cet  effet  de  grandes  forêts  arrofées  d'eau ,  ils  les  fer- 
moient  de  murailles  ,  &  les  garniffoient  de  tours  oh 
les  chaffeurs  le  retiroient.  Alexandre  le  grand  entra 
dans  un  de  ces  parcs  où  l'on  n'avoit  point  chaffé 
depuis  quatre  cents  ans,  &  y  fut  attaqué  par  un 
lion  qu'il  eut  le  bonheur  de  tuer. 

*  BAZAS  ,  (  Géog.  )  ville  de  France ,  capitale  du 
Bazadois  en  Gafcogne  ,  fur  un  rocher.  Lon.  ij.  zo. 
lat.  44.  zo. 

*  BAZ  AT  ,  f.  m.  coton  qui  vient  de  Leyde  :  il  y  a 
le  ba^at  de  la  première  forte ,  l'ordinaire  &  le  moyen. 
Le  premier  ell  le  plus  beau. 

*  BAZIOTHIA  ,  (  Géog.Jainte.  )  ville  de  la  Pa- 
lefline  dans  la  tribu  de  Juda.  Samfon  croit  que  c'ell 
la  même  que  Bethfabée. 

*  BAZUNA ,  (  Géog.  )  ville  maritime  de  l'Océan 
éthiopique  ou  oriental  ,  fituée  entre  les  Cafres  &  le 
Zanguebar.  On  dit  que  fes  habitans  ne  fe  nourriffent 
que  de  lerpens  &  de  grenouilles. 

BAZZARUCO ,  voyei  Basaruco. 
BAZZO  ,  f.  m.  (  Commerce.  )  petite  monnoie  de 
billon  qui  a  cours  en  Allemagne  :  elle  a  différentes 

empreintes, 


B  D  E 

empreintes ,  félon  les  différens  états.  Elle  vaut  Un  fou 
fix  deniers  quatre  cinquièmes  argent  de  France. 

B  D 

BDELLIUM  ,  (  mat.  Med.  )  gomme  aromatique 
apportée  du  levant,  &  d'ufage  en  Médecine.  On 
croit  que  ce  mot  eft  formé  de  l'Hébreu  bedollach , 
que  les  traducteurs  ont  rendu  par  bddlium.  On  écrit 
aufïï  bedellium ,  bcddla,  ptdlium  ,petalium  ,  megalium, 
Se  tdinum. 

Ce  nom  fe  trouve  dans  les  anciens  Naturalises  & 
dans  l'Ecriture  :  mais  y  eft-il  pris  dans  le  même  fens 
que  dans  nos  langues  ?  cela  eft  fort  douteux.  Moyle 
dit  que  la  manne  eft  de  la  couleur  du  bddlium  ;  tk 
Jofephe  expliquant  ce  pafiage,  prétend  que  e'eft  la 
gomme  d'un  arbre  femblable  à  l'olivier ,  &  que  la 
manne  dont  furent  nourris  les  Juifs  dans  le  defert  lui 
reiîèmbloit.  Mais  Scaliger  &  d'autres  auteurs  rejet- 
tent cette  conjecture  ,  Se  avouent  qu'ils  ignorent  ce 
que  c'eft  que  le  bddlium  dont  il  eft  fait  mention  dans 
l'Ecriture.  (A7) 

.  *  Diofcoride  en  diftingue  de  trois  fortes  ;  l'un  en 
larmes  ,  tranfparent ,  femblable  à  la  colle  de  tau- 
reau ,  gras  en-dedans ,  facile  à  fondre ,  fans  bois  & 
fans  ordure ,  amer  au  goût ,  odorant  quand  on  le 
brûle ,  de  la  couleur  de  l'ongle ,  &  produit  par  un 
arbre  du  pays  des  Sarrafins  :  l'autre  en  mânes  graf- 
fes ,  noires  ,  fordides  ,  de  la  couleur  de  l'afpalathe  , 
Cv  apporté  des  Indes  :  le  troifieme,  fec,réiineux,  livi- 
de, St  tiré  de  la  ville  de  Pctra.  Galicn  reconnoît 
deux  bddlium  ;  l'Arabique,  &  le  Scythique.  Pline  dit 
qu'il  y  a  dans  la  Bactriane  un  arbre  noir ,  de  la  gran- 
deur de  l'olivier ,  avec  la  feuille  du  chêne ,  &c  la  for- 
me ôc  le  fruit  du  figuier  fauvage  ,  appelle  bddlium  , 
êc  donnant  une  gomme  tranfparente  femblable  à  la 
cire  ,  odorante ,  grade  au  toucher  ,  amere  au  goût , 
mais  fans  acreté  :  il  ajoute  qu'il  y  avoit  auiïï  de  cette 
gomme  dans  l'Arabie  ,  aux  Indes  ,  dans  la  Médie , 
oc  à  Babylonc. 

Si  l'hiftoire  du  bddlium  eft  trcs-obfcure  dans  les 
anciens ,  elle  n'eft  pas  plus  claire  dans  les  modernes  ; 
il  y  en  a  qui  le  confondent  avec  la  myrrhe  ,  d'autres 
avec  la  gomme  animé  ;  il  y  en  a  même  qui  font  fi- 
gnifîer  au  mot  bddlium ,  elcarboucle ,  ou  cryftal. 

G.  Bauhin  en  compte  fix  efpeces  différentes.  Dale 
le  décrit  ou  comme  une  fubltance  gommeufe  &c  ré- 
ïineufe  ,  grade  ,  tenace  ,  gluante  ,  noirâtre  ,  &  ref- 
icmblant  à  la  myrrhe,  dont  elle  imite  la  couleur  & 
le  goût ,  &  il  fait  venir  ce  bddlium  de  l'Arabie ,  de  la 
Médie  &  des  Indes  :  ou  comme  une  fubltance  réfi- 
neufe  ,  un  peu  dure  ,  noirâtre  ,  friable  ,  en  gouttes 
durcies  ,  de  la  même  odeur  &  du  même  goût  que  la 
précédente  ;  6c  il  le  fait  venir  de  Ganea.  Pomet  pré- 
tend qu'on  a  dans  les  boutiques  fous  le  nom  de  bdd- 
lium des  réfines  d'efpeces  différentes  :  mais  M.  Geof- 
froi  dit  que  le  bddlium  des  boutiques  eft  la  même 
choie  que  la  première  efpcce  de  Dale  ,  &c  qu'il 
n'y  a  rien  de  certain  fur  l'arbre  qui  le  porte. 

B  E 

*  BEALT ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Angleterre  dans 
la  principauté  de  Galles,  fur  la  rivière  de  Vye. 

*  BEAN ,  (  Géog.  faintt  )  ville  de  la  tribu  de  Gad , 
dont  les  habitans  tourmentèrent  cruellement  les  Juifs 
dans  le  teins  des  guerres  des  Macédoniens.  Elle  fut 
détruite  par  Judas  Machabee. 

*  BEAT  ,  (  S.  )  Gcog.  petite  ville  de  France  au 
comté  de  Comminges  ,  au  confluent  de  la  Garonne 
&  de  la  Pique  :  toutes  les  maifons  y  font  bâties  de 
marbre.  Long.  18.  16.  lot.  42.  So. 

BEATIFICATION,  f.  f.  (  Théol.)  afte  par  lequel 
le  pape  déclare  qu'une  peilbnne  ,  dont  la  vie  a  été 
tomt  II, 


BEA 


169 


fainte ,  accompagnée  de  quelques  miracles ,  &c  jouit; 
après  fa  mort  du  bonheur  éternel.  La  béatification  dif- 
tere  de  la  canonifation  en  ce  que  dans  la  première  le 
pape  n'agit  pas  comme  juge ,  en  déterminant  l'état  du 
béatifié ,  mais  feulement  en  ce  qu'il  accorde  a  certai- 
nes perfonnes ,  comme  à  un  ordre  religieux ,  à  une 
communauté  ,  &c.  le  privilège  de  rendre  au  béatifié 
un  culte  particulier ,  qu'on  ne  peut  regarder  comme 
fuperftitieux ,  dès  qu'il  eft  muni  de  fecau  de  l'autori- 
té pontificale  ;  au  lieu  que  dans  la  canonifation  ,  le 
pape  parle  comme  juge ,  &  détermine  ex  cathedra  l'é- 
tat du  nouveau  faint. 

La  cérémonie  de  la  béatification  a  été  introduite 
lorfqu'on  a  penle  qu'il  étoit  à  propos  de  permettre  à 
un  ordre  ou  une  communauté,  de  rendre  un  culte  par- 
ticulier au  fujet  propofé  pour  être  canoniie  ,  avant 
que  d'avoir  une  pleine  connoiflance  de  la  vérité  des 
faits ,  &  à  caufe  de  la  longueur  des  procédures  qu'on 
obferve  dans  la  canonifation.  V.  Canonisation. 

♦BEATITUDE,  BONHEUR,  FELICITE, 
(  Gramm.  )  termes  relatifs  à  la  condition  d'un  être  qui 
penfe  6c  qui  fent.  Le  bonheur  marque  un  homme  riche 
des  biens  de  la  fortune  ;  la  félicité ,  un  homme  content 
de  ce  qu'il  en  a  ;  la  béatitude ,  l'état  d'une  ame  que  la 
préfence  immédiate  de  fon  Dieu  remplit  dans  ce  mon- 
de-ci ou  dans  l'autre  ;  état  qui  feroit  au-deflus  de  toute 
exprefïïon  fans  doute ,  fi  nous  le  connoiffions.  Le  bon' 
heur  excite  l'envie  ;  la  félicité  fe  fait  fentir  à  nous  feuls  ; 
la  béatitude  nous  attend  dans  une  autre  vie.  La  joui/Tan- 
ce des  biens  fait  la  félicité  ;  leur  ponefîïon  le  bonheur  ; 
la  béatitude  réveille  une  idée  d'extafe  &  de  ravine- 
ment, qu'on  n'éprouve  ni  dans  le  bonheur  ;  ni  dans  la 
félicité  àc  ce  monde.  C'eft  aux  autres  à  faire  notre  bon- 
heur ;  notre  félicité  dépend  davantage  de  nous  ;  il  n'y 
a  que  Dieu  qui  puiife  nous  conduire  à  la  béatitude* 
Le  bonheur  efl pour  les  riches  ,  dit  M.  l'abbé  Girard 
dans  fes  Synonymes  ;  la  félicité  pour  les  fages  ;  &  la 
béatitude  pour  les  pauvres  d'efprit. 

*  BEAU  ,  adj.  (  Métaphyfiquc.')  Avant  que  d'entrer 
dans  la  recherche  difficile  de  l'origine  du  beau  ,  je  re- 
marquerai d'abord  ,  avec  tous  les  auteurs  qui  en  ont 
écrit ,  que  par  une  forte  de  fatalité  ,  les  chofes  dont 
on  parle  le  plus  parmi  les  hommes ,  font  a  fiez  ordinai- 
rement celles  qu'on  connoît  le  moins;  Cv  que  telle" 
eft,  entre  beaucoup  d'autres,  la  nature  du  be.tu.  Tout 
le  monde  raifonne  du  beau  :  on  l'admire  dans  les  ou- 
vrages de  la  nature  :  on  l'exige  dans  les  productions 
des  Arts  :  on  accorde  ou  l'on  refufe  cette  qualité  à 
tout  moment;  cependant  fi  l'on  demande  aux  hom- 
mes du  goût  le  plus  fur  &  le  plus  exquis ,  quelle  eft  fon 
origine ,  fa  nature  ,  fa  notion  précife  ,  fa  véritable 
idée ,  fon  exa&c  définition  ;  ii  c'eft  quelque  chofe 
d'abfolu  ou  de  relatif;  s'il  y  a  un  beau  eflentiel ,  éter- 
nel ,  immuable  ,  règle  &  modèle  du  beau  iubalterne  ; 
ou  s'il  en  eft  de  la  beauté  comme  des  modes  :  on  voit 
auflitôt  les  fentimens  partagés  ;  &  les  uns  avouent 
leur  ignorance  ,  les  autres  fe  jettent  dans  le  fcepticil- 
me.  Comment  fe  fait-il  que  prefque  tous  les  hommes 


foient  d'acord  qu'il  y  a  un  beau  ;  qu'il  y  en  ait  tant  cn- 
ti  "eux  qui  le  tentent  vivement  où  il  eu ,  Se  que  li  peu 
fâchent  ce  que  c'eft? 

Pour  parvenir,  s'il  eft  pofîible  ,  à  la  folution  de  ces 
difficultés  ,  nous  commencerons  par  expofer  les  tlitte- 
rens  fentimens  des  auteurs  qui  ont  écrit  le  mieux  fur 
le  beau  i  nous  propoferons  enfùite  nos  idées  lur  le 
même  fujet,  6c  nous  finirons  cet  article  par  des  ob- 
fervations  générales  fur  Pentendement  humain  &  les 
opérations  relatives  à  la  queftion  dont  il  s  agit. 

Platon  a  écrit  deux  dialogues  du  beau  ,  le  Phèdre  S{ 
le  grand  Hippias  :  dans  celui-ci  il  enfeigne  plutôt  ce 
que  le  beau  n'eft  pas,  que  ce  qu'il  eft;  &  dans  l'au- 
tre, il  parle  moins  du  Uau  que  de  l'amour  naturel 


170 


BEA 


qu'on  a  pour  lui.  Il  ne  s'agit  dans  le  grand  Hippias 
que  de  confondre  la  vanité  d'un  fophifte  ;  &  dans  le 
Phèdre  ,  que  de  parler  quelques  momens  agréables 
avec  un  ami  dans  un  lieu  délicieux. 

S.  Auguftin  avoit  compofé  un  traité  fur  le  beau  : 
mais  cet  ouvrage  eft  perdu  ,  &  il  ne  nous  relie  de 
S.  Auguftin  fur  cet  objet  important ,  que  quelques 
idées  éparfes  dans  fes  écrits  ,  par  lefquelles  on  voit 
que  ce  rapport  exact  des  parties  d'un  tout  entr'elles  , 
qui  le  conftitue  un ,  étoit ,  félon  lui ,  le  caractère  dif- 
îinctif  de  la  beauté.  Si  je  demande  à  un  architecte ,  dit 
ce  grand  homme ,  pourquoi  ayant  élevé  une  arcade 
à  une  des  ailes  de  fon  bâtiment ,  il  en  fait  autant  à 
l'autre  :  il  me  répondra  fans  doute  ,  que  c'ejl  afin  que 
les  membres  de  fon  architecture  Jymmétrifent  bien  enfemble. 
Mais  pourquoi  cette  fymmétrie  vous  paroît-elle  né- 
ceffaire ?  Par  la  raifon  quelle  plaît.  Mais  qui  êtes-vous 
pour  vous  ériger  en  arbitre  de  ce  qui  doit  plaire  ou 
ne  pas  plaire  aux  hommes  ?  &  d'où  favez- vous  que 
la  fymmétrie  nous  plaît  ?  J'en  fuis  fur  ,  parce  que  les 
chofes  ainfi  difpofées  ont  de  la  décence ,  de  la  jufieffe  ,  de 
la  grâce  ;  en  un  mot  parce  que  cela  ejl  beau.  Fort  bien  : 
mais  dites-moi,  cela  eft-il  beau  parce  qu'il  plaît  ?  ou 
cela  plaît-il  parce  qu'il  eft  beau  ?  Sans  difficulté  cela 
plaît ,  parce  qu'il  ejl  beau.  Je  le  crois  comme  vous  : 
mais  je  vous  demande  encore  pourquoi  cela  eft-il 
beau  ?  &  fi  maqueftion  vous  embarraffe  ,  parce  qu'en 
effet  les  maîtres  de  votre  art  ne  vont  guère  jufque- 
là  ,  vous  conviendrez  du  moins  fans  peine  que  la  fi- 
militude ,  l'égalité ,  la  convenance  des  parties  de  vo- 
tre bâtiment  ,  réduit  tout  à  une  efpece  d'unité  qui 
contente  la  raifon.  Cefi  ce  que  je  voulois  dire.  Oui  : 
mais  prenez-y  garde  ,  il  n'y  a  point  de  vraie  unité 
dans  les  corps ,  puifqu'ils  font  tous  compofés  d'un 
nombre  innombrable  de  parties  ,  dont  chacune  eft 
encore  compofée  d'une  infinité  d'autres. Où  la  voyez- 
vous  donc  cette  unité  qui  vous  dirige  dans  la  conl- 
tructionde  votre  deffein  ;  cette  unité  que  vous  regar- 
dez dans  votre  art  comme  une  loi  inviolable  ;  cette 
unité  que  votre  édifice  doit  imiter  pour  être  bcau,mais 
que  rien  fur  la  terre  ne  peut  imiter  parfaitement , 
puifque  rien  fur  la  terre  ne  peut  être  parfaitement 
un.  Or,de  là  que  s'enfuit-il  ?  ne  faut-il  pas  reconnoître 
qu'il  y  a  au-deffus  de  nos  efprits  une  certaine  unité 
originale ,  fouveraine ,  éternelle ,  parfaite,  qui  eft  la 
règle  effentielle  du  beau  ,  &  que  vous  cherchez  dans 
la  pratique  de  votre  art  ?  D'où  S.  Auguftin  conclut , 
dans  un  autre  ouvrage ,  que  c'ejl  F  unité  qui  confiitue  , 
pour  ai nfi dire  ,  la  forme  &  reffencedubeau  en  tout  genre. 
Omnis  porro  pulchritudinis  forma  ,  unitas  ejl. 

M.  Wolf  dit ,  dans  fa  Pfychologie ,  qu'il  y  a  des  cho- 
fes qui  nous  plaifent ,  d'autres  qui  nous  déplaifent  ; 
&:  que  cette  différence  eft  ce  qui  conftitue  le  beau  èc 
le  laid  :  que  ce  qui  nous  plaît  s'appelle  beau ,  &  que 
ce  qui  nous  déplaît  eft  laid. 

Il  ajoute ,  que  la  beauté  confifte  dans  la  perfection  ; 
de  manière  que  par  la  force  de  cette  perfection  ,  la 
chofe  qui  en  eft  revêtue  eft  propre  à  produire  en  nous 
du  plaifir. 

Il  diftingue  enfuite  deux  fortes  de  beautés ,  la  vraie 
&  l'apparente  :  la  vraie  eft  celle  qui  naît  d'une  per- 
fection réelle  ;  &c\" apparente,  celle  qui  naît  d'une  per- 
fection apparente. 

Il  eft  évident  que  S.  Auguftin  avoit  été  beaucoup 
plus  loin  dans  la  recherche  du  beau  que  le  philofophe 
Lebnitien  :  celui-ci  femble  prétendre  d'abord  qu'une 
chofe  eft  belle ,  parce  qu'elle  nous  plait  ;  au  lieu  qu'elle 
ne  nous  plaît  que  parce  qu'elle  cQ.  belle  ;  comme  Pla- 
ton &  S.  Auguftin  l'ont  très-bien  remarqué.  Il  eft  vrai 
qu'il  fait  enfuite  entrer  la  perfection  dans  l'idée  de  la 
ïeauté:  mais  qu'eft-ce  que  la  perfection  ?  le  parfait  eft- 
il  plus  clair  &  plus  intelligible  que  le  beau. 

Tous  ceux-  qui  le  piquant  de  ne  pas  parler  Ample- 
ment par  coutume  §t  fans  réflexion ,  dit  M.  Crouzas , 


BEA 

voudront  defeendre  dans  eux-mêmes,  &  faire  atten- 
tion à  ce  qui  s'y  pafle ,  à  la  manière  dont  ils  penlent , 
&  à  ce  qu'ils  fentent  lorfqu'ils  s'écrient  cela  ejl  beau  , 
s'appercevront  qu'ils  expriment  par  ce  terme  un  cer- 
tain rapport  d'un  objet ,  avec  des  fentimens  agréables 
ou  avec  des  idées  d'approbation  ,  &  tomberont  d'ac- 
cord que  dire  cela  ejl  beau ,  c'eft  dire ,  j'apperçois 
quelque  chofe  que  j'approuve  ou  qui  me  fait  plaifir. 

On  voit  que  cette  définition  de  M.  Crouzas  n'eft 
point  prife  de  la  nature  du  beau  ,  mais  de  l'effet  feu- 
lement qu'on  éprouve  à  fa  préfence  :  elle  a  le  même 
défaut  que  celle  de  M.  Wolf.  C'eft  ce  que  M.  Crou- 
zas a  bien  fenti  ;  aufli  s'occupe-t-il  enfuite  à  fixer  les 
caractères  du  beau  :  il  en  compte  cinq,  la  variété ,  l'u- 
nité ,  la  régularité ,  l'ordre  ,  la  proportion. 

D'où  il  s'enfuit,  ou  que  la  définition  de  S.  Auguf- 
tin eft  incomplète ,  ou  que  celle  de  M.  Crouzas  eft  re- 
dondante. Si  l'idée  d'unité  ne  renferme  pas  les  idées 
de  variété,  de  régularité ,  d'ordre  &  de  proportion ,  &  ft 
ces  qualités  font  effentielles  au  beau ,  S.  Auguftin  n'a 
pas  dû  les  omettre  :  fi  l'idée  d'unité  les  renferme ,  M. 
Crouzas  n'a  pas  dû  les  ajouter. 

M.  Crouzas  ne  définit  point  ce  qu'il  entend  par  va- 
riété ;  il  femble  entendre  par  unité ,  la  relation  de  tou- 
tes les  parties  à  un  feul  but  ;  il  fait  confifter  la  régula- 
rité dans  la  poiîtion  femblable  des  parties  entr'elles  ; 
il  défigne  par  ordre  une  certaine  dégradation  de  par- 
ties ,  qu'il  faut  obferver  dans  le  paflage  des  unes  aux 
autres  ;  &  il  définit  la  proportion ,  l'unité  ajfaij'onnée  de 
variété ,  de  régularité  et  d'ordre  dans  chaque  partie. 

le  n'attaquerai  point  cette  définition  du  beau  par 
les  chofes  vagues  qu'elle  contient  ;  je  me  contenterai 
feulement  d'obferver  ici  qu'elle  eft  particulière  ,  & 
qu'elle  n'eft  applicable  qu'à  l'Architecture ,  ou  tout 
au  plus  à  de  grands  touts  dans  les  autres  genres  ,  à 
une  pièce  d'éloquence ,  à  un  drame  ,  &c  mais  non 
pas  à  un  mot,  à  unepenfée ,  à  une  portion  d'objet. 

M.  Hutchefon  ,  célèbre  profeffeur  de  Philofophie 
morale  dans  l'univerfité  de  Glafcou ,  s'eft  fait  un  fyf- 
tème  particulier  :  il  fe  réduit  à  penfer  qu'il  ne  faut 
pas  plus  demander  quefl-ce  que  le  beau  ,  que  deman- 
der qu'ejl-ce  que  le  vifible.  On  entend  par  vifible ,  ce 
qui  eft  fait  pour  être  apperçû  par  l'œil  ;  &  M.  Hutche- 
fon entend  par  beau ,  ce  qui  eft  fait  pour  être  faifi  par 
le  fens  interne  du  beau.  Son  fens  interne  du  beau ,  eft 
une  faculté  par  laquelle  nous  diftinguons  les  belles 
chofes ,  comme  le  fens  de  la  vue  eft  une  faculté  par 
laquelle  nous  recevons  la  notion  des  couleurs  &  des 
figures.  Cet  auteur  &  fes  fectateurs  mettent  tout  en 
œuvre  pour  démontrer  la  réalité  &  la  néceffité  de  ce 
fixiemejens  ;  &t  voici  comment  ils  s'y  prennent. 

i°.  Notre  ame ,  difent-ils  ,  eft  païfive  dans  le  plai- 
fir &  dans  le  déplaifir.  Les  objets  ne  nous  affectent 
pas  précifément  comme  nous  le  fouhaiterions  ;  les 
uns  font  fur  notre  ame  une  impreffion  néceffaire  de 
plaifir  ;  d'autres  nous  déplaifent  néceffairement  :  tout 
le  pouvoir  de  notre  volonté  fe  réduit  à  rechercher 
la  première  forte  d'objet ,  &  à  fuir  l'autre  :  c'eft  la 
conftitution  même  de  notre  nature ,  quelquefois  indi- 
viduelle ,  qui  nous  rend  les  uns  agréables  &  les  au- 
tres defagréables.  Voye^  Peine  cv  Plaisir. 

20.  Il  n'eft  peut-être  aucun  objet  qui  puiffe  affec- 
ter notre  ame ,  fans  lui  être  plus  ou  moins  une  oc- 
cafion  néceffaire  de  plaifir  ou  de  déplaifir.  Une  figu- 
re ,  un  ouvrage  d'architecture  ou  de  peinture ,  une 
compofition  de  mufique ,  une  action  ,  un  fentiment , 
un  caractère ,  une  expreffion  ,  un  difeours  ;  toutes 
ces  chofes  nous  plaifent  ou  nous  déplaifent  de  quel- 
que manière.  Nous  fentons  que  le  plaifir  ou  le  déplai- 
fir s'excite  néceffairement  par  la  contemplation  de 
l'idée  qui  fe  préfente  alors  à  notre  efprit  avec  toutes 
fes  circonftances.  Cette  impreffion  fe  fait ,  quoiqu'il 
n'y  ait  rien  dans  quelques-unes  de  ces  idées  de  ce  qu'on 
appelle  ordinairement  perceptions  Jenfibles  ;  &  dans 


BEA 

celles  qui  viennent  des  fens,  le  plaifir  ou  le  déplaiiir 
qui  les  accompagne ,  naît  de  l'ordre  ou  du  deiordre , 
de  l'arrangement  ou  défaut  de  fymmétrie ,  de  l'imi- 
tation ou  de  la  bifarrerie  qu'on  remarque  dans  les  ob- 
jets ;  &  non  des  idées  (impies  de  la  couleur,  du  fon  , 
&  de  l'étendue,  confidérées  folirairement.  V.  Goût. 

3°.  Cela  pôle  ,  j'appelle,  dit  M.  Hutchefon  ,  du 
nom  de  fins  internes ,  ces  déterminations  de  l'ame  à  fe 
plaire  ou  à  fe  déplaire  à  certaines  formes  ou  à  certai- 
nes idées ,  quand  elle  les  confidere  :  &  pour  diftin- 
guer  les  fens  internes  des  facultés  corporelles  connues 
ions  ce  nom,  j'appelle  fiens  interne  du  beau ,  la  faculté 
qui  difeerne  le  beau  dans  la  régularité ,  l'ordre  &  l'har- 
monie ;  6c  fiens  interne  du  bon,  celle  qui  approuve  les 
affections,  les  actions,  les  caractères  des  agens  rai- 
fonnabîes  6c  vertueux.  Voye^  Bon. 

4°.  Comme  les  déterminations  de  l'ame  à  fe  plaire 
ou  à  fe  déplaire  à  certaines  formes  ou  à  certaines 
idées  ,  quand  elle  les  confidere  ,  s'obfervent  dans 
tous  les  hommes  ,  à  moins  qu'ils  ne  foient  fhipides  ; 
fans  rechercher  encore  ce  que  c'eit  que  le  beau ,  il  eu 
confiant  qu'il  y  a  dans  tous  les  hommes  un  fens  natu- 
rel &  propre  pour  cet  objet  ;  qu'ils  s'accordent  à  trou- 
ver de  la  beauté  dans  les  figures ,  auffi  généralement 
qu'à  éprouver  de  la  douleur  à  l'approche  d'un  trop 
grand  feu  ,  ou  du  plaifir  à  manger  quand  ils  font 
preffés  par  l'appétit ,  quoiqu'il  y  ait  entr'eux  une  di- 
vcrfité  de  goûts  infinie. 

50.  Auffi-tôt  que  nous  naiflbns  ,  nos  fens  externes 
commencent  à  s'exercer  &  à  nous  tranfmettre  des 
perceptions  des  objets  fenfibles  ;  6c  c'eft  là  fans  doute 
ce  qui  nous  perfuade  qu'ils  font  naturels.  Mais  les  ob- 
jets de  ce  que  j'appelle  des  fens  internes ,  ou  les fens  du 
beau  &  du  bon,  ne  le  préfentent  pas  fi-tôt  à  notre  efprit. 
Il  fe  parle  du  tems  avant  que  les  enfans  refléchiflent , 
ou  du  moins  qu'ils  donnent  des  indices  de  réflexion 
fur  les  proportions  ,  reflemblances  6c  fymmétries  , 
fur  les  affections  6c  les  caractères  :  ils  ne  connoiffent 
qu'un  peu  tard  les  chofes  qui  excitent  le  goût  ou  la 
répugnance  intérieure  ;  &  c'eft: -là  ce  qui  fait  imagi- 
ner que  ces  facultés  que  j'appelle  les  fens  internes  du 
beau  &  du  bon  ,  viennent  uniquement  de  l'inftruction 
&  de  l'éducation.  Mais  quelque  notion  qu'on  ait  de 
la  vertu  &  de  la  beauté ,  un  objet  vertueux  ou  bon  eft 
une  occafion  d'approbation  &  de  plaifir  ,  auffi  natu- 
rellement que  des  mets  (ont  les  objets  de  notre  appé- 
tit. Et  qu'importe  que  les  premiers  objets  fe  foient 
préfentés  tôt  ou  tard  ?  (i  les  fens  ne  fe  développoient 
en  nous  que  peu-à-peu  &  les  uns  après  les  autres ,  en 
feroient-ils  moins  des  fens  6c  des  facultés  ?  &  ferions- 
nous  bien  venus  à  prétendre  ,  qu'il  n'y  a  vraiement 
dans  les  objets  vifibles ,  ni  couleurs  ,  ni  figures  ,  par- 
ce que  nous  aurions  eu  bîfoin  de  tems  &  d'inffruc- 
tion  pour  les-y  appercevoir  ,  &  qu'il  n'y  auroit  pas 
•entre  nous  tous  ,  deux  perlbnnes  qui  les  y  apperce- 
vroient  de  la  même  manière  ?  Voye^  Sens. 

6°.  On  appelle  fienfiaiions,  les  perceptions  qui  s'ex- 
citent dans  notre  ame  à  la  préfenec  des  objets  exté- 
rieurs ,  6c  par  l'imprelîion  qu'ils  font  fur  nos  orga- 
nes. Voyt^  Sensation.  Et  lorfquc  deux  perceptions 
différent  entièrement  Tune  de  l'autre, &  qu'elles  n'ont 
•de  commun  que  le  nom  générique  de  fenfation  ,  les 
facultés  par  lefquelles  nous  recevons  ces  différentes 
perceptions  ,  s'appellent  des  fins  différais.  La  vue  & 
4'oûie ,  par  exemple,  délignent  des  facultés  différen- 
tes ,  dont  l'une  nous  donne  les  idées  de  couleur ,  & 
l'autre  les  idées  de  ion  :  mais  quelque  différence  que 
■les  fons  ayent  entr'eux ,  6c  les  couleurs  cntr'elles , 
on  rapporte  à  un  même  fens  toutes  les  couleurs, 
&  à  un  autre  fens  tous  les  fons  ;  &  il  paroît  que  nos 
fens  ont  chacun  leur  organe.  Or  fi  vous  appliquez 
l'obfcrvation  précédente  au  bon  Se  au  beau ,  vous  ver- 
rez qu'ils  font  exactement  dans  ce  cas.  ^oye^  Bon. 

.  7°.  Les  défenfgurs  du  fins  interne  entendent  par 
Tome  II, 


BEA 


r7i 


beau,  l'idée  que  certains  objets  excitent  dans  notre 
ame  ,  6c  par  le  fens  interne  du  beau ,  la  faculté  que 
nous  avons  de  recevoir  cette  idée  ;  &  ils  obfervent 
que  les  animaux  ont  des  facultés  femblables  à  nos  fens 
extérieurs ,  &  qu'ils  les  ont  même  quelquefois  dans 
un  degré  fupérieur  à  nous  ;  mais  qu'il  n'y  en  a  pas 
un  qui  donne  un  (îgne  de  ce  qu'on  entend  ici  par  fins 
interne.  Un  être ,  continuent-ils ,  peut  donc  avoir  en 
entier  la  même  fenfation  extérieure  que  nous  éprou- 
vons ,  fans  obferver  entre  les  objets,  les  reflemblan- 
ces &  les  rapports  ;  il  peut  même  difcerner  ces  ref- 
lemblances &  ces  rapports  fans  en  reflentir  beau- 
coup de  plaifir  ;  d'ailleurs  les  idées  feules  de  la  figure 
&  des  formes,  &c.  font  quelque  chofe  de  diftinct  du 
plaifir.  Le  plaifir  peut  fe  trouver  où  les  proportions 
ne  font  ni  confidérées  ni  connues;  il  peut  manquer, 
malgré  toute  l'attention  qu'on  donne  à  l'ordre  &:  aux 
proportions.  Comment  nommerons-nous  donc  cette 
faculté  qui  agit  en  nous  fans  que  nous  fâchions  bien 
pourquoi  ?  fiens  interne. 

8°.  Cette  dénomination  eft  fondée  fur  le  rapport 
de  la  faculté  qu'elle  défigne  avec  les  autres  facultés. 
Ce  rapport  confiltc  principalement  en  ce  que  le  plai- 
fir que  ie  fens  interne  nous  fait  éprouver,  eft  différent 
delà connoiflance des  principes.  La  connoiflance  des 
principes  peut  l'accroître  ou  le  diminuer:  mais  cette 
connoiflance  n'eft  pas  lui  ni  fa  caufe  Ce  fens  a  des 
plaifirs  néceflaires,  car  la  beauté  &  la  laideur  d'un  ob- 
jet eft  toujours  la  même  pour  nous ,  quelque  deflein 
que  nous  puiflions  former  d'en  juger  autrement.  Un 
objet  defagréable ,  pour  être  utile,  ne  nous  en  paroît 
pas  plus  beau;  un  bel  objet,  pour  être  nuifible,  ne 
nous  paroît  pas  plus  laid.  Propofez-nous  le  inonde 
entier  ,  pour  nous  contraindre  par  la  récompenfe  à 
trouver  belle  la  laideur ,  &  laide  la  beauté  ;  ajouter 
à  ce  prix  les  plus  terribles  menaces  ,  vous  n'appor- 
terez aucun  changement  à  nos  perceptions  6c  au  ju- 
gement du  fiens  interne  :  notre  bouche  loiiera  ou  blâ- 
mera à  votre  gré ,  mais  le  fiens  interne  reliera  incor- 
ruptible. 

9°.  Il  paroît  de-là ,  continuent  les  mêmes  fyfléma- 
tiques ,  que  certains  objets  font  immédiatement  &  par 
eux-mêmes,  les  occafions  du  plaifir  que  donne  la 
beauté  ;  que  nous  avons  un  fens  propre  à  lesgoûter; 
que  ce  plaifir  eft  individuel ,  &  qu'il  n'a  rien  de  c  •  m- 
mun  avec  l'intérêt.  En  effet,  n'arrive-t-il  pas  en  cent 
occafions  qu'on  abandonne  l'utile  pour  le  beau?  cette 
généreufe  préférence  ne  le  remarque-t-elle  pas  quel- 
quefois dans  les  conditions  les  plus  méprifées  ?  Un 
honnête  artifan  fe  livrera  à  la  fatisfaclion  de  faire  un 
chef-d'œuvre  qui  le  ruine,  plutôt  qu'à  l'avantage  de 
taire  un  mauvais  ouvrage  qui  l'enrichiroit. 

io°.  Si  on  ne  joignoit  pas  à  la  coniîdération  de 
l'utile,  quelque  fentiment  particulier,  quelqu 'effet 
fubtil  d'une  faculté  différente  de  l'entendement  &  de 
la  volonté  ,  on  n'eftimeroit  une  maifon  que  pour  fon 
utilité ,  un  jardin  que  pour  fa  fertilité ,  un  habille- 
ment que  pour  fa  commodité.  Or  cette  eftimation 
étroite  des  choies  n'exifle  pas  "même  dans  les  enfans 
&  dans  les  fauvages.  Abandonnez  la  nature  à  elle- 
même  ,  &  le  fens  interne  exercera  fon  empire  :  peut- 
être  fe  trompera-t-il  dans  fon  objet,  mais  la  fenfa- 
tion de  plaifir  n'en  fera  pas  moins  réelle.  Vue  philo- 
fophic  auftere,  ennemie  du  luxe,  brifera  les  ftatues, 
renverfera  les  obéliiques,  transformera  nos  palais  en 
cabanes,  &  nos  jardins  en  forêts:  mais  elle  n'en  !ui- 
tira  pas  moins  la  beauté  réelle  de  ces  objets  ;  le  iens 
interne  fe  révoltera  contr'elle  ,  &  elle  fera  réduite  à 
ie  faire  un  mérite  de  fon  courage. 

C'cftainiî,  dis-je,  que  Hutche'ibn&  l'es  lédateurs 
s'efforcent  d'établir  la  néceifité  du fins  interne  du  beau: 
mais  ils  ne  parviennent  qu'à  démontrer  qu'il  y  a  quel- 
que choie  d'obfcur  &  d  impénétrable  dans  le  plailir 
que  le  beau  nous  caufe  ;  que  ce  plailir  (emble  inde- 

Yi] 


1J1 


BEA 


pendant  de  la  connoiflance  des  rapports  &  des  per- 
ceptions ;  que  la  vite  de  l'utile  n'y  entre  pour  rien  , 
&  qu'il  fait  des  enthouliaftes  que  ni  les  récompenfes 
ni  les  menaces  ne  peuvent  ébranler. 

Du  refte ,  ces  philolbphes  distinguent  dans  les  êtres 
corporels  un  beau  abfolu  6c  un  beau  relatif.  Ils  n'enten- 
dent point  par  un  beau  abfolu ,  une  qualité  tellement 
inhérente  dans  l'objet ,  qu'elle  le  rende  beau  par  lui- 
même  ,  fans  aucun  rapport  à  l'ame  qui  le  voit  &  qui 
en  juge.  Le  terme  beau ,  femblable  aux  autres  noms 
des  idées  fenfibles ,'  défigne  proprement ,  félon  eux  , 
la  perception  d'un  efprit  ;  comme  le  froid  &  le  chaud , 
le  doux  ôc  l'amer,  font  des  fenfations  de  notre  ame  , 
quoique  fans  doute  il  n'y  ait  rien  qui  reffemble  à  ces 
fenfations  dans  les  objets  qui  les  excitent ,  malgré  la 
prévention  populaire  qui  en  juge  autrement.  On  ne 
voit  pas,  difent-ils,  comment  les  objets  pourroient 
être  appelles  beaux,  s'il  n'y  avoit  pas  un  efprit  doiié 
du  fens  de  la  beauté  pour  leur  rendre  hommage.  Ainfi 
par  le  beau  abfolu  ,  ils  n'entendent  que  celui  qu'on  re- 
Connoît  en  quelques  objets ,  fans  les  comparer  à  au- 
cune chofe  extérieure  dont  ces  objets  (oient  l'imita- 
tion &  la  peinture.  Telle  eft,  difent-ils,  la  beauté  que 
nous  appercevons  dans  les  ouvrages  de  la  nature , 
dans  certaines  formes  artificielles  ,  &  dans  les  figu- 
res ,  les  folides  ,  les  furfaces  ;  &  par  beau  relatif ,  ils 
entendent  celui  qu'on  apperçoit  dans  des  objets  con- 
fidérés  communément  comme  des  imitations  &  des 
images  de  quelques  autres.  Ainfi  leur  divifion  a  plu- 
tôt Ion  fondement  dans  les  différentes  fources  du  plai- 
fir  que  le  beau  nous  caufe,  que  dans  les  objets;  car  il 
eft  confiant  que  le  beau  abfolu  a  ,  pour  ainfi  dire ,  un 
beau  relatif,  &  le  beau  relatif  un  beau  abfolu. 

Du  beau  abfolu  ,  félon  Hutchefon  &  fis  feclateurs. 
Nous  avons  faitfentir,  difent-ils,  la  néceflîté  d'un 
fens  propre  qui  nous  avertit  par  le  plaifir  de  la  préfen- 
ce  du  beau  ;  voyons  maintenant  quelles  doivent  être 
les  qualités  d'un  objet  pour  émouvoir  ce  fens.  Il  ne 
faut  pas  oublier,  ajoûtent-ils,  qu'il  ne  s'agit  ici  de 
ces  qualités  que  relativement  à  l'homme  ;  car  il  y  a 
certainement  bien  des  objets  qui  font  fur  eux  l'im- 
preffion  de  beauté ,  &  qui  déplaifent  à  d'autres  ani- 
maux. Ceux-ci  ayant  des  fens  &  des  organes  autre- 
ment conformés  que  les  nôtres ,  s'ils  étoient  juges  du 
beau ,  en  attacheroient  des  idées  à  des  formes  toutes 
différentes.  L'ours  peut  trouver  fa  caverne  commo- 
de :  mais  il  ne  la  trouve  ni  belle  ni  laide  ;  peut-être 
s'il  avoit  le  fens  interne  du  beau  la  regarderoit-il  com- 
me une  retraite  délicieufe.  Remarquez  en  paffant , 
qu'un  être  bien  malheureux ,  ce  feroit  celui  qui  au- 
roit  le  fens  interne  du  beau,  &  qui  ne  reconnoîtroit 
jamais  le  beau  que  dans  des  objets  qui  lui  feroient 
nuifibles  :  la  providence  y  a  pourvu  par  rapport  à 
nous  ;  &  une  chofe  vraiement  belle,  eu  allez  ordi- 
nairement une  chofe  bonne. 

Pour  découvrir  l'occalion  générale  des  idées  du 
beau  parmi  les  hommes  ,  les  feftateurs  d 'Hutchefon 
examinent  les  êtres  les  plus  fimples ,  par  exemple  , 
les  figures  ;  &  ils  trouvent  qu'entre  les  figures ,  celles 
que  nous  nommons  belles,  offrent  à  nos  lens  l'unifor- 
mité dans  la  variété.  Ils  aflùrent  qu'un  triangle  équi- 
latéral  eft  moins  beau  qu'un  quarré  ;  un  pentagone 
moins  beau  qu'un  exagone ,  &  ainfi  de  fuite ,  parce 
que  les  objets  également  uniformes  font  d'autant  plus 
beaux,  qu'ils  font  plus  variés  ;  &  ils  font  d'autant  plus 
variés ,  qu'ils  ont  plus  de  côtés  comparables.  Il  eft 
vrai,  difent-ils ,  qu'en  augmentant  beaucoup  le  nom- 
bre des  côtés ,  on  perd  de  vue  les  rapports  qu'ils  ont 
entr'eux  &  avec  le  rayon;  d'où  il  s'enfuit  que  la  beau- 
té de  ces  figures  n'augmente  pas  toujours  comme  le 
nombre  des  côtés.  Ils  fe  font  cette  objedion,  mais  ils 
ne  fe  fondent  guère  d'y  répondre.  Ils  remarquent  feu- 
lement que  le  défaut  de  parallélisme  dans  les  côtés 
«les  eptagones  6c  des  autres  polygones  impairs  en  di- 


BEA 

minue  la  beauté  :  mais  ils  foûtiennent  toujours  que  , 
tout  étant  égal  d'ailleurs ,  une  figure  régulière  à  vingt 
côtés  furpafle  en  beauté  celle  qui  n'en  a  que  douze  ; 
que  celle-ci  l'emporte  fur  celle  qui  n'en  a  que  huit , 
6c  cette  dernière  fur  le  quarré.  Ils  font  le  même  rai- 
fonnement  fur  les  furfaces  &  fur  les  folides.  De  tous 
les  folides  réguliers  ,  celui  qui  a  le  plus  grand  nom- 
bre de  furfaces  eft  pour  eux  le  plus  beau ,  &  ils  pen- 
fent  que  la  beauté  de  ces  corps  va  toujours  en  décroif- 
fant  jufqu'à  la  pyramide  régulière. 

Mais  fi  entre  les  objets  également  uniformes,  les 
plus  variés  font  les  plus  beaux  ;  félon  eux ,  récipro- 
quement entre  les  objets  également  variés ,  les  plus 
beaux  feront  les  plus  uniformes  :  ainfi  le  triangle  équi- 
latéral  ou  même  ifofcele  eft  plus  beau  que  le  fcalene  ; 
le  quarré  plus  beau  que  le  rhombe  ou  lofange.  C'eft 
le  même  raifonnement  pour  les  corps  folides  régu- 
liers ,  &  en  général  pour  tous  ceux  qui  ont  quelque 
uniformité,  comme  les  cylindres,  les  prifmes,  les  obé- 
lifques ,  &c.  &  il  faut  convenir  avec  eux ,  que  ces 
corps  plaifent  certainement  plus  à  la  vue  que  des  fi- 
gures groffieres  où  l'on  n'apperçoit  ni  uniformité ,  ni 
lymmétrie ,  ni  unité. 

Pour  avoir  des  raifons  compofées  du  rapport  de 
l'uniformité  &  de  la  variété,  ils  comparent  les  cercles 
&  les  fpheres  avec  les  ellipfes  &  les  fphéroïdes  peu 
excentriques  ;  &  ils  prétendent  que  la  parfaite  uni- 
formité des  uns  eft  compenfée  par  la  variété  des  au- 
tres ,  Se  que  leur  beauté  eft  à  peu  près  égale. 

Le  beau  ,  dans  les  ouvrages  de  la  nature ,  a  le  mê- 
me fondement  félon  eux.  Soit  que  vous  envifagiez , 
difent-ils,  les  formes  des  corps  céleftes,  leurs  révo- 
lutions ,  leurs  afpeûs  ;  foit  que  vous  defeendiez  des 
cieux  fur  la  terre ,  &  que  vous  confidériez  les  plantes 
qui  la  couvrent,  les  couleurs  dont  les  fleurs  font  pein- 
tes ,  la  ftrudf  ure  des  animaux ,  leurs  efpeces  ,  leurs 
mouvemens ,  la  proportion  de  leurs  parties ,  le  rap- 
port de  leur  méchanifme  à  leur  bien  être  ;  foit  que 
vous  vous  élanciez  dans  les  airs  &  que  vous  exami- 
niez les  oifeaux  &  les  météores  ;  ou  que  vous  vous 
plongiez  dans  les  eaux  &  que  vous  compariez  entre 
eux  les  poiflons ,  vous  rencontrerez  par-tout  l'uni- 
formité dans  la  variété  ,  par -tout  vous  verrez  ces 
qualités  compenfées  dans  les  êtres  également  beaux, 
&  la  raifon  compolée  des  deux ,  inégale  dans  les  êtres 
de  beauté  inégale  ;  en  un  mot ,  s'il  eft  permis  de  parler 
encore  la  langue  des  Géomètres  ,  vous  verrez  dans 
les  entrailles  de  la  terre  ,  au  fond  des  mers  ,  au  haut 
de  l'atmofphere ,  dans  la  nature  entière  &  dans  cha- 
cune de  fes  parties  ,  l'uniformité  dans  la  variété  ,  & 
la  beauté  toujours  en  raifon  compofée  de  ces  deux 
qualités. 

Ils  traitent  enfuite  de  la  beauté  des  Arts ,  dont  on 
ne  peut  regarder  les  productions  comme  une  vérita- 
ble imitation  ,  telle  que  l'Architefture  ,  les  Arts  mé- 
chaniques ,  &  l'harmonie  naturelle  ;  ils  font  tous  leurs 
efforts  pour  les  affujettir  à  leur  loi  de  l'uniformité  dans 
la  variété  ;  &  fi  leur  preuve  pèche,  ce  n'eft  pas  par  le 
défaut  de  1  enumération ,  ils  defeendent  depuis  le  pa- 
lais le  plus  magnifique  jufqu'au  plus  petit  édifice , 
depuis  l'ouvrage  le  plus  prétieux  jufqu'aux  bagatel- 
les, montrant  le  caprice  par-tout  où  manque  l'unifor- 
mité ,  &  l'infipidité  où  manque  la  variété. 

Mais  il  eft  une  claffe  d'êtres  fort  différens  des  pré- 
cédens,  dont  les  feftateurs  d 'Hutchefon  font  fort  em~ 
barrafles  ;  car  on  y  reconnoit  de  la  beauté ,  &  cepen- 
dant la  règle  de  l'uniformité  dans  la  variété  ne  leur 
eft  pas  applicable  ;  ce  font  les  démonftrations  des  vé- 
rités abftraites  &  univerfelles.  Si  un  théorème  con- 
tient une  infinité  de  vérités  particulières  qui  n'en  font 
que  le  développement,  ce  théorème  n'eft  proprement 
que  le  corollaire  d'un  axiome  d'où  découle  une  infi- 
nité d'autres  théorèmes  ;  cependant  on  dit  voilà  un 
beau  théorème ,  &  l'on  ne  dit  pas  voilà  un  bel  axiome. 


BEA 

Nous  donnerons  plus  bas  la  folution  de  cette  diffi- 
culté dans  d'autres  principes.  PafTons  à  l'examen  du 
beau  relatif,  de  ce  beau  qu'on  apperçoit  dans  un  objet 
confidéré  comme  l'imitation  d'un  original,  ielon  ceux 
de  Hutchefon  &  de  fes  fectateurs. 

Cette  partie  de  fon  lyftème  n'a  rien  de  particulier. 
Selon  cet  auteur ,  &  félon  tout  le  monde  ,  ce  beau  ne 
peut  confifter  que  dans  la  conformité  qui  fe  trouve 
entre  le  modèle  &  la  copie. 

D'où  il  s'enfuit  que  pour  le  beau  relatif,  il  n'eft  pas 
néceflaire  qu'il  y  ait  aucune  beauté  dans  l'original. 
Les  forêts,  les  montagnes ,  les  précipices,  le  cahos ,  les 
rides  de  la  vieilleffe  ,  la  pâleur  de  la  mort ,  les  effets 
de  la  maladie ,  plaifent  en  peinture  ;  ils  plaifent  aufîi 
cnPoëfie  :  ce  qu'Ariftote  appelle  un  caractère  moral , 
n'eft  point  celui  d'un  homme  vertueux  ;  &  ce  qu'on 
entend  par  fabula  bene  morata ,  n'eit  autre  choie  qu  'un 
poëme  épique  eu  dramatique ,  où  les  actions ,  les  fen- 
timens ,  &  les  difeours  font  d'accord  avec  les  carac- 
tères bons  ou  mauvais. 

Cependant  on  ne  peut  nier  que  la  peinture  d'un 
objet  qui  aura  quelque  beauté  abfolue  ,  ne  plaife  ordi- 
nairement davantage  que  celle  d'un  objet  qui  n'aura 
point  ce  beau.  La  feule  exception  qu'il  y  ait  peut- 
être  à  cette  règle ,  c'eft  le  cas  où  la  conformité  de  la 
peinture  avec  l'état  du  fpectateur  gagnant  tout  ce 
qu'on  ôte  à  la  beauté  abfolue  du  modèle  ,  la  peinture 
en  devient  d'autant  plus  intéreffante  ;  cet  intérêt  qui 
naît  de  l'imperfection ,  eft  la  raifon  pour  laquelle  on 
a  voulu  que  le  héros  d'un  poëme  épique  ou  héroïque 
ne  fût  point  fans  défaut. 

La  plupart  des  autres  beautés  de  la  poëfie  &  de 
l'éloquence  fuivent  la  loi  du  beau  relatif.  La  confor- 
mité avec  le  vrai  rend  les  comparaifons ,  les  méta- 
phores ,  &  les  allégories  belles ,  lors  même  qu'il  n'y 
a  aucune  beauté  abfolue  dans  les  objets  qu'elles  repré- 
sentent. 

Hutchefon  infifte  ici  fur  le  penchant  que  nous 
avons  à  la  comparaifon.  Voici  félon  lui  quel  en  eft 
l'origine.  Les  pallions  produifent  prefque  toujours 
dans  les  animaux  les  mêmes  mouvemens  qu'en  nous  ; 
&  les  objets  inanimés  de  la  nature ,  ont  louvent  des 
politions  qui  reflemblent  aux  attitudes  du  corps  hu- 
main ,  dans  certains  états  de  l'ame  ;  il  n'en  a  pas  fallu 
davantage ,  ajoute  l'auteur  que  nous  analyfons ,  pour 
rendre  le  lion  fymbole  de  la  fureur,  le  tigre  celui  de 
la  cruauté  ;  un  chêne  droit ,  &  dont  la  cime  orgueil- 
leufe  s'élève  jufques  dans  la  nue  ,  l'emblème  de  l'au- 
dace ;  les  mouvemens  d'une  mer  agitée  ,  la  peinture 
des  agitations  de  la  colère  ;  &:  la  mollciTe  de  la  tige 
d'un  pavot ,  dont  quelques  gouttes  de  pluie  on  fait 
pencher  la  tête  ,  l'image  d'un  moribond. 

Tel  eft  le  lyftème  de  Hutchefon  ,  qui  paraîtra 
fans  doute  plus  fingulierque  vrai.  Nous  ne  pouvons 
cependant  trop  recommander  la  lecture  de  fon  ou- 
vrage ,  fur-tout  dans  l'original  ;  on  y  trouvera  un 
grand  nombre  d'obfcrvations  délicates  fur  la  manière 
d'atteindre  la  perfection  dans  la  pratique  des  beaux- 
Arts.  Nous  allons  maintenant  expofer  les  idées  du 
père  André  Jéfuite.  Son  effaifur  le  beau  eft  le  fyftème 
le  plus  fuivi ,  le  plus  étendu ,  &  le  mieux  lié  que  je 
connoifte.  J'oferois  aftùrer  qu'il  eft  dans  fon  genre 
ce  que  le  traité  des  beaux  Arts  réduits  à  un  feul princi- 
pe eft  dans  le  fien.  Ce  font  deux  bons  ouvrages  aux- 
quels il  n'a  manqué  qu'un  chapitre  pour  être  excel- 
lens  ;  &  il  en  faut  favoir  d'autant  plus  mauvais  gré  à 
ces  deux  auteurs  de  l'avoir  omis.  M.  l'abbé  Batteux 
rappelle  tous  les  principes  des  beaux  Arts  à  l'imita- 
tion de  la  belle  nature  :  mais  il  ne  nous  apprend  point 
ce  que  c'eft  que  la  belle  nature.  Le  père  André  diftri- 
bue  avec  beaucoup  de  fagacité  &  de  philofophie  le 
beau  en  général  dans  fes  différentes  efpcces  ;  il  les  dé- 
finit toutes  avec  précilion  :  mais  on  ne  trouve  la  dé- 
finition du  genre ,  celle  du  beau  en  général ,  dans  au- 


BEA 


llï 


cun  endroit  de  fon  livre ,  à  moins  qu'il  ne  le  fafle 
confifter  dans  l'unité  comme  S.  Auguftin.  Il  parle  fans 
celle  d'ordre ,  de  proportion ,  d'harmonie ,  &c.  mais 
il  ne  dit  pas  un  mot  de  l'origine  de  ces  idées. 

Le  père  André  diftingue  les  notions  générales  de 
l'efprit  pur ,  qui  nous  donnent  les  règles  éternelles 
du  beau  ;  les  jugemens  naturels  de  l'ame  où  le  fenti- 
ment  fe  mêle  avec  les  idées  purement  fpirituelles  , 
mais  fans  les  détruire  ;  &  les  préjugés  de  l'éducation 
&  de  la  coutume  ,  qui  femblent  quelquefois  les  ren- 
verfer  les  uns  &  les  autres.  Il  diilribue  fon  ouvrage 
en  quatre  chapitres.  Le  premier  eft  du  beau  vifible; 
le  fécond ,  du  beau  dans  les  mœurs  ;  le  troilîeme  ,  du 
beau  dans  les  ouvrages  a"efprit ,  tk.  le  quatrième ,  du 
beau  mufîcal. 

Il  agite  trois  queftions  fur  chacun  de  ces  objets  ; 
il  prétend  qu'on  y  découvre  un  beau  effentiel,  abfo- 
lu,  indépendant  de  toute  inftitution  ,  même  divine  ; 
un  beau  naturel  dépendant  de  l'inftitution  du  Créa- 
teur ,  mais  indépendant  de  nos  opinions  &  de  nos 
goûts  ;  un  beau  artificiel  &  en  quelque  forte  arbitrai- 
re ,  mais  toujours  avec  quelque  dépendance  des  loix 
éternelles. 

Il  fait  confifter  le  beau  effentiel ,  dans  la  régularité, 
l'ordre  ,  la  proportion  ,  la  fymmétrie  en  général  ;  le 
beau  naturel ,  dans  la  régularité  ,  l'ordre  ,  les  propor- 
tions ,  la  iymmétrie ,  obfervés  dans  les  êtres  de  la  na- 
ture ;  le  beau  artificiel ,  dans  la  régularité ,  l'ordre  ,  la 
fymmétrie ,  les  proportions  obfervées  dans  nos  pro- 
ductions méchaniques  ,  nos  pantres ,  nos  bâtimens , 
nos  jardins.  Il  remarque  que  ce  dernier  beau  eft  mêlé 
d'arbitraire  &d"ablolu.  En  Architecture  par  exemple, 
il  apperçoit  deux  fortes  de  règles,  les  unes  qui  décou- 
lent de  la  notion  indépendante  de  nous,  du  beau  ori- 
ginal &  effentiel ,  &  qui  exigent  indilpenfablementla 
perpendicularité  des  colonnes  ,  le  parallélifmc  des 
étages,  la  fymmétrie  des  membres,  le  dégagement  èc 
l'élégance  du  delTein,  &  l'unité  dans  le  tout.  Les  au- 
tres qui  font  fondées  fur  des  obfervations  particuliè- 
res ,  que  les  maîtres  ont  faites  en  divers  tems ,  &  par 
lefquelles  ils  ont  déterminé  les  proportions  des  par- 
ties dans  les  cinq  ordres  d' Architecture  :  c'eft  en  con- 
féquence  de  ces  règles ,  que  dans  le  tofean  la  hauteur 
de  la  colonne  contient  fept  fois  le  diamètre  de  fa  ba- 
fe  ,  dans  le  dorique  huit  fois  ,  neuf  dans  l'ionique , 
dix  dans  le  corinthien ,  ôc  dans  le  compofite  autant  ; 
que  les  colonnes  ont  un  renflement ,  depuis  leur  naif- 
fance  jufqu'au  tiers  du  fût  ;  que  dans  les  deux  autres 
tiers ,  elles  diminuent  peu  à  peu  en  fuyant  le  chapi- 
teau; que  les  entre-colonnemens  font  au  plus  de  huit 
modules ,  &  au  moins  de  trois  ;  que  la  hauteur  des 
portiques  ,  des  arcades,  des  portes  &  des  fenêtres  eft 
double  de  leur  largeur.  Ces  règles  n'étant  fondées 
que  fur  des  obfervations  à  l'œil  Ôi  fur  des  exemples 
équivoques ,  font  toujours  un  peu  incertaines  &  ne 
font  pas  tout-à-fait  indifpenfables.  Auiu  voyons  nous 
quelquefois  que  les  grands  Architectes  fe  mettent  au- 
defïïis  d'elles,  y  ajoutent,  en  rabattent,  &  en  imagi- 
nent de  nouvelles  félon  les  circonftances. 

Voilà  donc  dans  les  productions  des  Arts  ,  un  beau 
effentiel,  un  beau  de  création  humaine,  &  un  beau  de  J'y f- 
ùme  :  un  beau  effentiel ,  qui  confifte  dans  l'ordre  ;  un 
beau  de  création  humaine ,  qui  confifte  dans  l'applica- 
tion libre  Si.  dépendante  de  Partifte  des  lois  de  l'or- 
dre, ou  pour  parler  plus  clairement,  dans  le  choix  de 
tel  ordre  ;  &  un  beau  defyfleme,  qui  naît  des  oblerva- 
tions ,  &  qui  donne  des  variétés  même  entre  les  plus 
favans  artiftes  ;  mais  jamais  au  préjudice  du  btau  njjen- 
tiel,  qui  eft  une  barrière  qu'on  ne  doit  jamais  iran- 
chir.  Hic  murus  aheneus  eflo.  S'il  eft  arrivé  quelquefois 
aux  grands  maîtres  de  fe  biffer  emporter  par  leur 
génie  au-delà  de  cette  barrière,  c'eft  dans  les  occa- 
fions  rares  où  ils  ont  prévu  que  cet  écart  ajoûteroit 
plus  à  la  beauté  qu'il  ne  lui  oteroit  ;  mais  ils  n'en 


174 


BEA 


ont  pas  moins  fait  une  faute  qu'on  peut  leur  repro- 
cher. A 

Le  beau  arbitraire  fe  fous-divife  félon  le  même  au- 
teur en  un  beau  de  génie ,  un  beau  de  goût ,  &  un  beau 
de  pur  caprice  :  un  beau  de  génie  fondé  fur  la  connoil- 
fance  du  beau  ejfent'ul ,  qui  donne  les  règles  inviola- 
bles •  un  beau  de  goût,  fondé  fur  la  connoiffance  des 
ouvrages  de  la  nature  &  des  productions  des  grands 
maîtres ,  qui  dirige  dans  l'application  &  l'emploi  du 
beau  ejjentiel  ;  un  beau  de  caprice  ,  qui  n'étant  fondé 
fur  rien ,  ne  doit  être  admis  nulle  part. 

Que  devient  le  fyfteme  de  Lucrèce  &  des  Pyrrho- 
niens ,  dans  le  fyfteme  du  père  André  ?  que  reite-t-il 
d'abandonné  à  l'arbitraire  ?  prelque  rien  :  auffi  pour 
toute  réponfe  à  l'objection  de  ceux  qui  prétendent 
que  la  beauté  eft  d'éducation  &  de  préjugé  ,  il  fe  con- 
tente de  développer  la  fource  de  leur  erreur.  Voici, 
dit- il ,  comment  ils  ont  railbnné  :  ils  ont  cherché  dans 
les  meilleurs  ouvrages  des  exemples  de  beau  de  ca- 
price ,  &  ils  n'ont  pas  eu  de  peine  à  y  en  rencontrer , 
&  à  démontrer  que  le  beau  qu'on  y  reconnoilîoit  étoit 
de  caprice  :  ils  ont  pris  des  exemples  du  beau  de  goût, 
&  ils  ont  très-bien  démontré  qu'il  y  avoit  auiîi  de 
l'arbitraire  dans  ce  beau}  &c  fans  aller  plus  loin,  ni 
s'appercevoir  que  leur  énumération  étoit  incomplè- 
te ,  ils  ont  conclu  que  tout  ce  qu'on  appelle  beau, 
étoit  arbitraire  &  de  caprice  ;  mais  on  conçoit  ai- 
fément  que  leur  conclufion  n'étoit  jufte  que  par  rap- 
port à  la  troiiieme  branche  du  beau  artificiel,  &  que 
leur  raifonnement  n'attaquoit  ni  les  deux  autres  bran- 
ches de  ce  beau ,  ni  le  beau  naturel,  ni  le  beau  ejjentiel. 

Le  père  André  parle  enfuite  à  l'application  de  l'es 
principes  aux  mœurs ,  aux  ouvrages  d'efprit  &  à  la 
Mufique  ;  &c  il  démontre  qu'il  y  a  dans  ces  trois  ob- 
jets du  beau  ,  un  beau  ejfentiel,  abiblu  &  indépendant 
de  toute  inftitution  ,  même  divine ,  qui  fait  qu'une 
chofe  eft  une  ;  un  beau  naturel  dépendant  de  l'inl- 
titution  du  créateur  ,  mais  .indépendant  de  nous  ; 
un  beau  arbitraire ,  dépendant  de  nous ,  mais  fans  pré- 
judice du  beau  ejfentiel. 

Un  beau  ejfentiel  dans  les  mœurs  ,  dans  les  ouvra- 
ges d'efprit  &  dans  la  Mufique  ,  fondé  fur  l'ordonnan- 
ce ,  la  régularité ,  la  proportion ,  la  juftefie ,  la  dé- 
cence ,  l'accord ,  qui  fe  remarquent  dans  une  belle 
action  ,  une  bonne  pièce ,  un  beau  concert  ,  &  qui  font 
que  les  productions  morales  ,  intellectuelles  tk.  har- 
moniques font  unes. 

Un  beau  naturel,  qui  n'eft  autre  chofe  dans  les 
mœurs ,  que  l'obfervation  du  beau  ejjentiel  dans  no- 
tre conduite ,  relative  à  ce  que  nous  fommes  entre 
les  êtres  de  la  nature  ;  dans  les  ouvrages  d'efprit , 
que  l'imitation  &  la  peinture  fidèle  des  productions 
de  la  nature  en  tout  genre  ;  dans  l'harmonie ,  qu'une 
foûmifhon  aux  lois  que  la  nature  a  introduite  dans 
les  corps  fonores ,  leur  réfonnance  tk  la  conforma- 
tion de  l'oreille. 

Un  beau  artificiel,  qui  confifte  dans  les  mœurs  à  fe 
conformer  aux  ufages  de  fa  nation  ,  au  génie  de  fes 
concitoyens ,  à  leurs  lois  ;  dans  les  ouvrages  d'ef- 
prit ,  à  refpecter  les  règles  du  difeours ,  à  connoître 
la  langue ,  &  à  fuivre  le  goût  dominant  ;  dans  la  Mu- 
fique ,  à  inférer  à  propos  la  difibnance  ,  à  conformer 
fes  productions  aux  mouvemens  tk  aux  intervalles 
reçus. 

D'où  il  s'enfuit  que  ,  félon  le  P.  André  ,  le  beau 
ejfentiel  &  la  vérité  ne  fe  montrent  nulle  part  avec 
tant  de  profufionque  dans  l'univers;  le  beau  moral, 
que  dans  le  philofophe  chrétien  ;  &  le  beauintellecluel, 
que  dans  une  tragédie  accompagnée  de  mufique  & 
de  décorations. 

L'auteur  qui  nous  a  donné  Yejfaifur  le  mérite  &  la 
vertu ,  rejette  toutes  ces  diftinâions  du  beau ,  &  pré- 
tend ,  avec  beaucoup  d'autres  ,  qu'il  n'y  a  qu'un 
beau ,  dont  l'utile  eft  le  fondement  :  ainfi  tout  ce  qui 


BEA 

eît  ordonné  de  manière  à  produire  le  plus  parfaite- 
ment l'effet  qu'on  fe  propofe ,  eft  fuprèmement  beau. 
Si  vous  lui  demandez  qu'eft-ce  qu'un  bel  homme ,  il 
vous  répondra  que  c'eft  celui  dont  les  membres  bien 
proportionnés  confpirent  de  la  façon  la  plus  avan- 
tageufe  à  l'accompliffement  des  fondions  animales 
de  l'homme.  Voy.  Effai  fur  le  mérite  &  la  vertu  ,  pag. 
48.  L'homme  ,  la  femme,  le  cheval  ,  &  les  autres 
animaux,  continuera- t-il ,  occupent  un  rang  dans  la 
nature  :  or  dans  la  nature  ce  rang  détermine  les  de- 
voirs à  remplir  ;  les  devoirs  déterminent  l'organifa- 
tion  ;  &  l'organifation  eft  plus  ou  moins  parfaite  ou 
belle ,  félon  le  plus  ou  le  moins  de  facilité  que  l'ani- 
mal en  reçoit  pour  vaquer  à  fes  fonctions.  Mais  cette 
facilité  n'eit  pas  arbitraire ,  ni  par  conféquent  les  for- 
mes qui  la  conftituent ,  ni  la  beauté  qui  dépend  de 
ces  formes.  Puis  defeendant  de-là  aux  objets  les  plus 
communs ,  aux  chaifes,  aux  tables  ,  aux  portes ,  &c. 
il  tâchera  de  vous  prouver  que  la  forme  de  ces  ob- 
jets ne  nous  plaît  qu'à  proportion  de  ce  qu'elle  con- 
vient mieux  à  l'ufage  auquel  on  les  deftine;  &  fi  nous 
changeons  fi  louvent  de  mode  ,  c'eft-à-dire  ,  fi  nous 
fommes  fi  peu  conftans  dans  le  goût  pour  les  formes 
que  nous  leur  donnons  ,  c'eft ,  dira-t-il ,  que  cette 
conformation  la  plus  parfaite  relativement  à  l'ufage, 
eft  très-difficile  à  rencontrer  ;  c'eft  qu'il  y  a  là  une 
efpece  de  maximum  qui  échappe  à  toutes  les  fineffes 
de  la  Géométrie  naturelle  &  artificielle  ,  &  autour 
duquel  nous  tournons  fans  ceffe  :  nous  nous  apper- 
cevons  à  merveille  quand  nous  en  approchons  & 
quand  nous  l'avons  pafle  ,  mais  nous  ne  fommes  ja- 
mais fûrs  de  l'avoir  atteint.  De-là  cette  révolution 
perpétuelle  dans  les  formes  :  ou  nous  les  abandon- 
nons pour  d'autres ,  ou  nous  difputons  fans  fin  fur 
celles  que  nous  conlervons.  D'ailleurs  ce  point  n'eft 
pas  partout  au  même  endroit  ;  ce  maximum  a  dans 
mille  occafions  des  limites  plus  étendues  ou  plus 
étroites:  quelques  exemples   fuffirorit  pour  éclair- 
cir  fa  peniee.  Tous  les  hommes,  ajoûtera-t-il ,  ne 
font  pas  capables  de  la  même  attention ,  n'ont  pas  la 
même  force  d'efprit;  ils  font  tous  plus  ou  moins  pa- 
tiens ,  plus  ou  moins  inftruits ,  &c.  Que  produira 
cette  diverfité  ?  c'eft  qu'un  fpedtacle  compoié  d'Aca- 
démiciens trouvera  l'intrigue  d'Héraclius  admirable, 
&  que  le  peuple  la  traitera  d'embrouillée  ;  c'eft  que 
les  uns  reltraindront  l'étendue  d'une  comédie  à  trois 
a&es ,  &  les  autres  prétendront  qu'on  peut  l'étendre 
à  fept  ;  &  ainfi  du  refte.  Avec  quelque  vraiffemblan- 
ce  que  ce  lyfième  foit  expolé  ,  il  ne  m'eft  pas  pota- 
ble de  l'admettre. 

Je  conviens  avec  l'auteur  qu'il  fe  mêle  dans  tous 
nos  jugemens  un  coup  d'œil  délicat  fur  ce  que  nous 
lommes,  un  retour  imperceptible  vers  nous-mêmes, 
&  qu'il  y  a  mille  occafions  où  nous  croyons  n'être 
enchantés  que  par  les  belles  formes  ,  &  où  elles  font 
en  effet  la  caufe  principale  ,  mais  non  la  feule ,  de 
notre  admiration  ;  je  conviens  que  cette  admiration 
n'eft  pas  toujours  aufii  pure  que  nous  l'imaginons  : 
mais  comme  il  ne  faut  qu'un  fait  pour  renverfer  un 
fyftème  ,  nous  fommes  contraints  d'abandonner  ce- 
lui de  l'auteur  que  nous  venons  de  citer,  quelqu'at- 
tachement  que  nous  ayons  eu  jadis  pour  fes  idées; 
tk  voici  nos  raifons. 

Il  n'eft  perlonne  qui  n'ait  éprouvé  que  notre  at- 
tention ie  porte  principalement  lur  la  fimilitude  des 
parties  ,  dans  les  choies  mêmes  où  cette  fimilitude  ne 
contribue  point  à  l'utilité  :  pourvu  que  les  pies  d'une 
chaile  l'oient  égaux  &  lolides ,  qu'importe  qu'ils  ayent 
la  même  figure  ?  ils  peuvent  différer  en  ce  point ,  fans 
en  être  moins  utiles.  L'un  pourra  donc  être  droit ,  & 
l'autre  en  pic  de  biche  ;  l'un  courbe  en-dehors ,  &C 
l'autre  en-dedans.  Si  l'on  fait  une  porte  en  forme  de 
bierre  ,  fa  forme  paroîtra  peut-être  mieux  alfortie 
à  la  figure  de  l'homme  qu'aucune  des  formes  qu'on. 


BEA 

îtiit.  De  quelle  utilité  font  en  Architecture  les  imita- 
tions de  la  nature  &  de  fes  productions  ?  A  quelle  fin 
piacer  une  colonne  &  des  guirlandes  où  il  ne  fau- 
drait qu'un  poteau  de  bois  ,  ou  qu'un  maflif  de  pier- 
re ?  A  quoi  bon  ces  cariatides  ?  Une  colonne  eft-elle 
dertince  à  faire  la  fonction  d'un  homme  ,  ou  un  hom- 
me a-t-il  jamais  été  deffiné  à  faire  l'office  d'une  co- 
lonne dans  l'angle  d'un  veflibule  ?  Pourquoi  imite- 
t-on  dans  les  entablemens,  des  objets  naturels?  qu'im- 
porte que  dans  cette  imitation  les  proportions  foient 
bien  ou  mal  obfervées  ?  Si  l'utilité  eit  le  feul  fonde- 
ment de  la  beauté ,  les  bas-reliefs ,  les  cannelures ,  les 
vafes ,  &  en  général  tous  les  ornemens ,  deviennent 
ridicules  &  fuperflus. 

Mais  le  goût  de  l'imitation  fe  fait  fentir  dans  les 
choies  dont  le  but  unique  eft  de  plaire  ;  &  nous  ad- 
mirons fouvent  des  formes  ,  fans  que  la  notion  de 
l'utile  nous  y  porte.  Quand  le  propriétaire  d'un  che- 
val ne  le  trouveroit  jamais  beau  que  quand  il  com- 
pare la  forme  de  cet  animal  au  fervice  qu'il  prétend 
en  tirer  ;  il  n'en  eft  pas  de  même  du  palfant  à  qui  il 
n'appartient  pas.  Enfin  on  difeerne  tous  les  jours  de 
la  beauté  dans  des  fleurs,  des  plantes,  &  mille  ouvra- 
ges de  la  nature  dontVufage  nous  elt  inconnu. 

Je  fai  qu'il  n'y  a  aucune  des  difficultés  que  je  viens 
de  propofer  contre  le  fyfl ème  que  je  combats ,  à  la- 
quelle on  ne  puifle  répondre  :  mais  je  penfe  que  ces 
réponfes  feroient  plus  fubtiles  que  folides. 

Il  fuit  de  ce  qui  précède,  que  Platon  s'étant  moins 
propofé  d'enfeigner  la  vérité  à  les  difciples ,  que  de 
defabufer  fes  concitoyens  fur  le  compte  des  fophif- 
les ,  nous  offre  dans  fes  ouvrages  à  chaque  ligne  des 
exemples  du  beau  ,  nous  montre  très-bien  ce  que  ce 
n'eft  point ,  mais  ne  nous  dit  rien  de  ce  que  c'eit. 

Que  S.  Auguftin  a  réduit  toute  beauté  à.  l'unité  ou 
au  rapport  exact  des  parties  d'un  tout  entr 'elles  ,  & 
au  rapport  exact  des  parties  d'une  partie  confidérée 
comme  tout  ,  &c  ainfi  à  l'infini  ;  ce  qui  me  femble 
conftituer  plutôt  l'effence  du  parfait  que  du  beau. 

Que  M.  Wolf  a  confondu  le  beau  avec  le  plaifir 
qu'il  occafionne  ,  &  avec  la  perfection  ;  quoiqu'il  y 
ait  des  êtres  qui  plailent  fans  être  beaux ,  d'autres  qui 
font  beaux  fans  plaire  ;  que  tout  être  loit  fufceptible 
de  la  dernière  perfection ,  &  qu'il  y  en  ait  qui  ne  font 
pas  fuceptibles  de  la  moindre  beauté:  tels  font  tous  les 
objets  de  l'odorat  ôc  du  goût ,  coniidérés  relative- 
ment à  ces  fens. 

Que  M.Crouzas  en  chargeant  fa  définition  du  beau, 
ne  s'eft  pas  apperçû  que  plus  il  multiplioit  les  carac- 
tères du  beau  ,  plus  il  le  particularifoit  ;  &  que  s'é- 
tant propofé  de  traiter  du  beau  en  général ,  il  a  com- 
mencé par  en  donner  une  notion ,  qui  n'eft  applica- 
ble qu'à  quelques  efpeces  de  beaux  particuliers. 

Que  Hutchefon  qui  s'eft  propofé  deux  objets ,  le 
premier  d'expliquer  l'origine  du  plailir  que  nous 
éprouvons  à  la  prélence  du  beau  ;  &  le  fécond ,  de  re- 
chercher les  qualités  que  doit  avoir  un  être  pour  oc- 
calionner  en  nous  ce  plailir  individuel,  &  par  con- 
féquent  nous  paroître  beau  ;  a  moins  prouvé  la  réalité 
defonpxiemefens,  que  fait  fentir  la  difficulté  de  dé- 
velopper fans  ce  fecours  la  lource  du  plailir  que  nous 
donne  le  beau  ;  &  que  fon  principe  de  ^uniformité 
dans  la  variété  n'eff  pas  général  ;  qu'il  en  fait  aux  fi- 
gures de  la  Géométrie  une  application  plus  lubtile 
que  vraie ,  &  que  ce  principe  ne  s'applique  point  du 
tout  à  une  autre  forte  de  beau,  celui  des  démonftra- 
tions  des  vérités  abffraites  &£  univerfelles. 

Que  le  fyffème  propofé  dans  Vejfaifur  le  mérite  & 
fur  la  vertu  ,  où  l'on  prend  l'utile  pour  le  feul  &  uni- 
que fondement  du  beau  ,  eff  plus  défectueux  encore 
qu'aucun  des  précédens. 

Enfin  que  le  père  André  Jéfuite ,  ou  l'auteur  de 
Yeffaifur  le  beau,  eff  celui  qui  jufqu'à  prélent  a  le  mieux 
approfondi  cette  matière ,  en  a  le  nùeux  connu  l'éten- 


BEA 


175 


due  Se  !a  difficulté ,  en  a  pofé  les  principes  les  plus 
vrais  6c  les  plus  folides ,  &.  mérita  le  plus  d'être  lu. 

La  feule  choie  qu'on  pût  defirer  peut-être  dans  ton 
ouvrage ,  c'étoit  de  dé  veloper  l'origine  des  notions  qui 
fe  trouvent  en  nous  de  rapport ,  d'ordre  ,  de  fymmé- 
trie  :  car  du  ton  fublime  dont  il  parle  de  ces  notions, 
on  ne  fait  s'il  les  croit  acquifes  6c  factices,  ou  s'il  les 
croit  innées  :  mais  il  faut  ajouter  en  fa  faveur  que 
la  manière  de  fon  ouvrage  ,  plus  oratoire  encore  que 
philofophique  ,  l'éloignoit  de  cette  difcufïïon  ,  dans 
laquelle  nous  allons  entrer. 

■  Nous  naiflbns  avec  la  faculté  de  fentir  &  de  pen- 
fer:  le  premier  pas  de  la  faculté  de  peniér  ,  c'eft d'e- 
xaminer les  perceptions  ,  de  les  unir,  de  les  compa- 
rer, de  les  combiner,  d'appercevoir  entr'elles  des 
rapports  de  convenance  &  difeonvenance ,  &c.  Nous 
nailfons  avec  des  befoins  qui  nous  contraignent  de 
recourir  à  difterens  expédiens ,  entre  lefquels  nous 
avons  fouvent  été  convaincus  par  l'effet  que  nous  en 
attendions  ,  6c  par  celui  qu'ils  produifoient ,  qu'il  y 
en  a  de  bons  ,  de  mauvais ,  de  prompts  ,  de  courts  , 
de  complets ,  d'incomplets ,  &c.  la  plupart  de  ces  ex- 
pédiens étoient  un  outil ,  une  machine  ,  ou  quel- 
qu'autre  invention  de  ce  genre  :  mais  toute  machine 
luppofe  combinaifon  ,  arrangement  de  parties  ten- 
dantes à  un  même  but ,  &c.  Voilà  donc  nos  befoins  , 
&  l'exercice  le  plus  immédiat  de  nos  facultés  ,  qui 
conipirent  auiïi-tôt  que  nous  naiiîbns  à  nous  donner 
des  idées  d'ordre  ,  d'arrangement ,  de  fymmétrie  , 
de  méchanifme ,  de  proportion ,  d'unité  :  toutes  ces 
idées  viennent  des  fens ,  &  font  factices  ;  &  nous 
avons  paffé  de  la  notion  d'une  multitude  d'êtres  ar- 
tificiels &  naturels  ,  arrangés  ,  proportionnés ,  com- 
binés ,  fymmétrilés ,  à  la  notion  pofitive  &  abftraite 
d'ordre ,  d'arrangement ,  de  proportion  ,  de  combi- 
naifon ,  de  rapports ,  de  fymmétrie  ,  &  à  la  notion 
abffraite  &  négative  de  dilproportion  ,  de  delordre 
&  de  cahos. 

Ces  notions  font  expérimentales  comme  toutes  les 
autres  :  elles  nous  font  aufli  venues  par  les  fens  ;  il 
n'y  auroit  point  de  Dieu, que  nous  ne  les  aurions  pas 
moins  :  elles  ont  précédé  de  long-tems  en  nous  celle 
de  fon  exiftence  :  elles  font  aufli  politives  ,  aufli  dis- 
tinctes ,  aufli  nettes  ,  aufli  réelles,  que  celles  de  lon- 
gueur ,  largeur ,  profondeur  ,  quantité  ,  nombre  : 
comme  elles  ont  leur  origine  dans  nos  befoins  &  l'e- 
xercice de  nos  facultés  ,  y  eût  -  il  fur  la  furface 
de  la  terre  quelque  peuple  dans  la  langue  duquel  ces 
idées  n'auroient  point  de  nom,  elles  n'en  exifferoient 
pas  moins  dans  les  efprits  d'une  manière  plus  ou 
moins  étendue  ,  plus  ou  moins  développée  ,  fondée 
(vv  un  plus  ou  moins  grand  nombre  d'expériences  , 
appliquée  à  un  plus  ou  moins  grand  nombre  d'êtres  ; 
car  voilà  toute  la  différence  qu'il  peut  y  avoir  entre 
un  peuple  &  un  autre  peuple  ,  entré  un  homme  8c 
un  autre  homme  chez  le  même  peuple  ;  &  quelles 
que  foient  les  expreflions  lublimes  dont  on  fe  ferve 
pour  défigner  les  notions  abftraites  d'ordre  ,  de  pro- 
portion ,  de  rapports ,  d'harmonie  ;  qu'on  les  appelle, 
fi  l'on  veut  ,  éternelles  ,  originales  ,  fouveraines  ,  règles 
effcntielles  du  beau  ;  elles  ont  pafle  par  nos  fens  pour 
arriver  dans  notre  entendement,de  même  que  les  no- 
tions les  plus  viles  ;  6c  ce  ne  lont  que  des  abitractions 
de  notre  efprit. 

Mais  à  peine  l'exercice  de  nos  facultés  intellec- 
tuelles ,  &  la  néceflité  de  pourvoir  à  nos  befoins  par 
des  inventions  ,  des  machines ,  &c  eurent-ils  ébau- 
ché dans  notre  entendement  les  notions  d'ordre,  de 
rapports ,  de  proportion ,  de  liaifon  ,  d'arrangement , 
de  fymmétrie  ,  que  nous  nous  trouvâmes  environ- 
nés d'êtres  où  les  mêmes  notions  étoient ,  pour  ainfi 
dire  ,  répétées  à  l'infini  ;  nous  ne  pûmes  faire  un  pas 
dans  l'univers  fans  que  quelque  production  ne  les  ré- 


tjd 


BEA 


Veillât  ;  elles  entrèrent  clans  notre  ame  à  tout  inf- 
tant  &  de  tous  côtés  ;  tout  ce  qui  le  paffoit  en  nous, 
tout  ce  qui  exiftoit  hors  de  nous ,  tout  ce  qui  fub- 
fiftoit  des  ficelés  écoulés ,  tout  ce  que  l'induftrie ,  la 
réflexion  ,  les  découvertes  de  nos  contemporains , 
produifoient  fous  nos  yeux ,  continuoit  de  nous  in- 
culquer les  notions  d'ordre  ,  de  rapports  ,  d'arran- 
gement, de  fymmétrie,  de  convenance,  de  difeon- 
venance  ,  &c  &  il  n'y  a  pas  une  notion ,  fi  ce  n'eft 
peut-être  celle  d'exiftence  ,  qui  ait  pu  devenir  auffi. 
familière  aux  hommes ,  que  celle  dont  il  s'agit. 

S'il  n'entre  donc  dans  la  notion  du  beau  foit  abfolu, 
foit  relatif  ',  foit  général ,  foit  particulier,  que  les  no- 
tions d'ordre ,  de  rapports ,  de  proportions ,  d'arran- 
gement, de  fymmétrie,  de  convenance,  de  dilconve- 
ftance  ;  ces  notions  ne  découlant  pas  d'une  autre  four- 
ce  que  celles  d'exiflence,  de  nombre ,  de  longueur  , 
largeur ,  profondeur,  &  une  infinité  d'autres ,  fur  lef- 
quelles  on  ne  contefte  point ,  on  peut ,  ce  me  fem- 
ble ,  employer  les  premières  dans  une  définition  du 
beau  ,  fans  être  acculé  de  fubftituer  un  terme  à  la 
place  d'un  autre  ,  &  de  tourner  dans  un  cercle  vi- 
cieux. 

Beau  eft  un  terme  que  nous  appliquons  à  une  in- 
finité d'êtres  :  mais  quelque  différence  qu'il  y  ait  en- 
tre ces  êtres  ,  il  faut  ou  que  nous  fafîions  une  faillie 
application  du  terme  beau  ,  ou  qu'il  y  ait  dans  tous 
ces  êtres  une  qualité  dont  le  terme  beau  foit  le  figne. 

Cette  qualité  ne  peut  être  du  nombre  de  celles  qui 
conftituent  leur  différence  fpécifîque  ;  car  ou  il  n'y 
auroit  qu'un  leul  être  beau,  ou  tout  au  plus  qu'une 
feule  belle  efpece  d'êtres. 

Mais  entre  les  qualités  communes  à  tous  les  êtres 
que  nous  appelions  beaux  ,  laquelle  choifirons-nous 
pour  la  choie  dont  le  terme  beau  eft  le  figne  ?  La- 
quelle ?  il  eft  évident,  ce  me  fenible  ,que  ce  ne  peut 
être  que  celle  dont  la  préfence  les  rend  tous  beaux  ; 
dont  la  fréquence  ou  la  rareté ,  fi  elle  eft  fufcepfible 
de  fréquence  &  de  rareté ,  les  rend  plus  ou  moins 
beaux  ;  dont  Fabfence  les  fait  ceffer  d'être  beaux  ;  qui 
ne  peut  changer  de  nature  ,  fans  faire  changer  le  beau 
d'efpece  ,  &  dont  la  qualité  contraire  rendroit  les 
plus  beaux  defagréables  &  laids  ;  celle  en  un  mot  par 
qui  la  beauté  commence  ,  augmente ,  varie  à  l'infini , 
décline ,  &  difparoît  :  or  il  n'y  a  que  la  notion  de  rap- 
ports capable  de  ces  effets. 

J'appelle  donc  beau  hors  de  moi ,  tout  ce  qui  con- 
tient en  foi  de  quoi  réveiller  dans  mon  entendement 
l'idée  de  rapports  ;  &  beau  par  rapport  à  moi ,  tout  ce 
qui  réveille  cette  idée. 

Quand  je  dis  tout ,  j'en  excepte  pourtant  les  qua- 
lités relatives  au  goût  &  à  l'odorat  ;  quoique  ces  qua- 
lités puiffent  réveiller  en  nous  l'idée  de  rapports,  on 
n'appelle  point  beaux  les  objets  en  qui  elles  rendent , 
quand  on  ne  les  confidere  que  relativement  à  ces 
qualités.  On  dit  un  mets  excellent,  une  odeur  délicieufe  ; 
mais  non  un  beau  mets,  une  belle  odeur.  Lors  donc  qu  'on 
dit ,  voilà  un  beau  turbot ,  voilà  une  belle  rofe  ,  on  con- 
fidere d'autres  qualités  dans  la  rofe  &  dans  le  turbot 
que  celles  qui  font  relatives  aux  fens  du  goût  &  de 
l'odorat. 

Quand  je  dis  tout  ce  qui  contient  en  foi  de  quoi  ré- 
veiller dans  mon  entendement  Vidée  de  rapport ,  ou  tout 
ce  qui  réveille  cette  idée ,  c'eft  qu'il  faut  bien  diftinguer 
les  formes  qui  font  dans  les  objets ,  oc  la  notion  que 
j'en  ai.  Mon  entendement  ne  met  rien  dans  les  cho- 
ies ;  &  n'en  ôte  rien.  Que  je  penfe  ou  ne  penf e  point 
à  la  façade  du  Louvre,  toutes  les  parties  qui  la  corn- 
pofent  n'en  ont  pas  moins  telle  ou  telle  forme  ,  & 
tel  &  tel  arrangement  entr'elles  :  qu'il  y  eût  des  hom- 
mes ou  qu'il  n'y  en  eût  point ,  elle  n'en  feroit  pas 
moins  belle  ;  mais  feulement  pour  des  êtres  poffibles 
conftitués  de  corps  &.  d'efprit  comme  nous  ;  car  pour 


BEA 

d'autres  ,  elle  pourroit  n'être  ni  belle  ni  laide  ,  où 
même  être  laiae.  D'où  il  s'enfuit  que ,  quoiqu'il  n'y 
ait  point  de  beau  abfolu,  il  y  a  deux  fortes  de  beau  par 
rapport  à  nous ,  un  beau  réel ,  &  un  beau  apperçâ. 

Quand  je  dis,  tout  ce  qui  réveille  en  nous  Vidée  de  rap* 
ports,  je  n'entens  pas  que  pour  appeller  un  être  beau, 
il  faille  apprétier  quelle  eft  la  forte  de  rapports  qui  y 
règne  ;  je  n'exige  pas  que  celui  qui  voit  un  morceau 
d'Architecture  foit  en  état  d'affûrer  ce  que  l'Archi- 
tecte même  peut  ignorer,  que  cette  partie  eft  à  celle- 
là  comme  tel  nombre  eft  à  tel  nombre  ;  ou  que  celui 
qui  entend  un  concert,  fâche  plus  quelquefois  que  ne 
fait  le  Muficien,  que  tel  fon  eft  à  tel  f  on  dans  le  rapport 
de  2  à  4,  ou  de  4  à  5  Ml  iufnt  qu'il  apperçoive  &  fente 
que  les  membres  de  cette  archite&ure,  &  que  les  fons 
de  cette  pièce  de  mufique  ont  des  rapports ,  foit  en- 
tr'eux,  foit  avec  d'autres  objets.  C'eft  l'indétermina- 
tion de  ces  rapports,  la  facilité  de  les  faifir,  &  le  plaifir 
qui  accompagne  leur  perception ,  qui  a  fait  imaginer 
que  le  beau  étoit  plutôt  une  affaire  de  lentiment  que  de 
raifon.  J'oie  affûrer  que  toutes  les  fois  qu'un  principe 
nous  fera  connu  dès  la  plus  tendre  enfance  ,  &  que 
nous  en  ferons  par  l'habitude  une  application  facile 
&  fùbite  aux  objets  placés  horsue  nous, nous  croirons 
en  juger  par  fentiment  :  mais  nous  ferons  contraints 
d'avouer  notre  erreur  dans  toutes  les  occafions  011  la 
complication  des  rapports  &  la  nouveauté  de  l'objet 
fufpendront  l'application  du  principe  :  alors  le  plai* 
fir  attendra  pour  fe  faire  fentir  ,  que  l'entendement 
ait  prononcé  que  l'objet  eft  beau.  D'ailleurs  le  juge- 
ment en  pareil  cas  eft  prefque  toujours  du  beau  re- 
latif, &  non  du  beau  réel. 

Ou  l'on  confidere  les  rapports  dans  les  mœurs ,  & 
l'on  a  le  beau  moral ,  ou  on  les  confidere  dans  les  ou- 
vrages de  Littérature,  &  on  a  le  beau  littéraire;  ou  on 
les  confidere  dans  les  pièces  de  Mufique ,  Ôc  l'on  a  le 
beau  mufical  ;  ou  on  les  confidere  dans  les  ouvrages 
de  la  nature,  &:  l'on  a  le  beau  naturel;  ou  on  les  con- 
fidere dans  les  ouvrages  méchaniques  des  hommes  , 
&  on  a  le  beau  artificiel;  ou  on  les  confidere  dans  les 
repréfentations  des  ouvrages  de  l'art  ou  de  la  nature, 
&  l'on  a  le  beau  d'imitation  :  dans  quelqu 'objet ,  & 
fous  quelque  afpe£t  que  vous  confidériez  les  rapports 
dans  un  même  objet,  le  beau  prendra  difîérens  noms. 

Mais  un  même  objet,  quel  qu'il  foit,  peut  être 
confidere  folitairement  &  en  lui-même  ,  ou  relative- 
ment à  d'autres.  Quand  je  prononce  d'une  fleur 
qu'elle  eu  belle ,  ou  d'un  poiffon  qu'il  eft  beau,  qu'en- 
tens-je  ?  Si  je  confidere  cette  fleur  ou  ce  poiffon  fo- 
litairement ;  je  n'entends  pas  autre  chofe  ,  finon  que 
j'apperçois  entre  les  parties  dont  ils  font  compotes  , 
de  l'ordre,de  l'arrangement,de  la  fymmétrie,des  rap- 
ports (  car  tous  ces  mots  ne  défignent  que  différen- 
tes manières  d'envifager  les  rapports  mêmes  )  :  en  ce 
fens  toute  fleur  eft  belle ,  tout  poiffon  eft  beau  ;  mais 
de  quel  beau }  de  celui  que  j'appelle  beau  réel. 

Si  je  confidere  la  fleur  &  le  poiffon  relativement  à 
d'autres  fleurs  &  d'autres  poiflons;  quand  je  dis  qu'ils 
font  beaux ,  cela  fignifîe  qu'entre  les  êtres  de  leur 
genre,  qu'entre  les  fleurs  celle-ci,  qu'entre  lespoif- 
fons  celui-là ,  réveillent  en  moi  le  plus  d'idées  de 
rapports  ,  &  le  plus  de  certains  rapports  ;  car  je  ne 
tarderai  pas  à  faire  voir  que  tous  les  rapports  n'étant 
pas  de  la  même  nature ,  ils  contribuent  plus  ou  moins 
les  uns  que  les  autres  à  la  beauté.  Mais  je  puis  afTûrer 
que  fous  cette  nouvelle  façon  de  confidérer  les  ob- 
jets ,  il  y  a  beau  &  laid  :  mais  quel  beau  ,  quel  laid  } 
celui  qu'on  appelle  relatif. 

Si  au  lieu  de  prendre  une  fleur  ou  un  poiffon  ,  on. 
généralife  ,  &:  qu'on  prenne  une  plante  ou  un  ani- 
mal ;  fi  on  particularité  &  qu'on  prenne  une  rofe  & 
un  turbot,  on  en  tirera  toujours  la  diftindion  du  beau 
relatif,  &;  du  beau  réel. 

D'où  l'on  voit  qu'il  y  a  plufieurs  beaux  relatifs ,  & 

qu'une 


BEA 

qu'une  tulipe  peut  être  belle  ou  laide  entre  les  tuli- 
pes ,  belle  ou  laide  entre  les  fleurs,  belle  ou  laide  entre 
les  plantes  ,  belle  ou  laide  entre  les  productions  de  la 
nature. 

Mais  on  conçoit  qu'il  faut  avoir  vu  bien  des  rofes 
&  bien  des  turbots ,  pour  prononcer  que  ceux-ci  font 
beaux  ou  laids  entre  les  rofes  Se  les  turbots  ;  bien  des 
plantes  &  bien  des  poiffbns ,  pour  prononcer  que  la 
rofe  &  le  turbot  font  beaux  ou  laids  entre  les  plantes 
&  les  poiffons  ;  &  qu'il  faut  avoir  une  grande  con- 
noiflance  de  la  nature  ,  pour  prononcer  qu'ils  font 
beaux  ou  laids  entre  les  productions  de  la  nature. 

Qu'eft-ce  donc  qu'on  entend  ,  quand  on  dit  à  un 
artifte ,  imite^r  la  belle  nature  ?  Ou  l'on  ne  fait  ce  qu'on 
commande  ,  ou  on  lui  dit  :  fi  vous  avez  à  peindre  une 
fleur,  &  qu'il  vous  foit  d'ailleurs  indifférent  laquelle 
peindre  ,  prenez  la  plus  belle  d'entre  les  fleurs  ;  fi 
vous  avez  à  peindre  une  plante  ,  &  que  votre  fujet 
ne  demande  point  que  ce  foit  un  chêne  ou  un  or- 
meau fec  ,  rompu  ,  brifé  ,  ébranché ,  prenez  la  plus 
belle  d'entre  les  plantes  ;  fi  vous  avez  à  peindre  un 
objet  de  la  nature ,  &  qu'il  vous  foit  indifférent  le- 
quel choiiir ,  prenez  le  plus  beau. 
**  D'où  il  s'enfuit ,  i°.  que  le  principe  de  l'imitation 
de  la  belle  nature  demande  l'étude  la  plus  profon- 
de &  la  plus  étendue  de  fes  productions  en  tout 
genre. 

z°.  Que  quand  on  auroit  la  connoifTance  la  plus 
parfaite  de  la  nature  ,  &  des  limites  qu'elle  s'eft  pref- 
crites  dans  la  production  de  chaque  être  ,  il  n'en  fe- 
roit  pas  moins  vrai  que  le  nombre  des  occafions  où 
le  plus  beau  pourroit  être  employé  dans  les  Arts  d'i- 
mitation, feroit  à  celui  où  il  faut  préférer  le  moins 
beau  ,  comme  l'unité  eft  à  l'infini. 

3°.  Que  quoiqu'il  y  ait  en  effet  un  maximum  de 
beauté  dans  chaque  ouvrage  de  la  nature  ,  confidéré 
en  lui-même  ;  ou ,  pour  me  lervir  d'un  exemple ,  que 
quoique  la  plus  belle  rofe  qu'elle  produile  ,  n'ait  ja- 
mais ni  la  hauteur ,  ni  l'étendue  d'un  chêne  ,  cepen- 
dant il  n'y  a  ni  beau  ,  ni  laid  dans  fes  productions , 
confidérées  relativement  à  l'emploi  qu'on  en  peut 
faire  dans  les  Arts  d'imitation. 

Selon  la  nature  d'un  être  ,  félon  qu'il  excite  en 
nous  la  perception  d'un  plus  grand  nombre  de  rap- 
ports ,  &  félon  la  nature  des  rapports  qu'il  excite ,  il 
cil  joli  ,  beau  ,  plus  beau ,  très-beau  ou  laid;  bas  ,  petit , 
grand ,  élevé  ,Jublime ,  outré ,  burlefyue  ou  plaij'ant  ;  & 
ce  feroit  faire  un  très-grand  ouvrage ,  &  non  pas  un 
article  de  dictionnaire  ,  que  d'entrer  dans  tous  ces 
détails  :  il  nous  fuffit  d'avoir  montré  les  principes  ; 
nous  abandonnons  au  lecteur  le  foin  des  conféquen- 
ces  &£  des  applications.  Mais  nous  pouvons  lui  aliïi- 
rer ,  que  foit  qu'il  prenne  fes  exemples  dans  la  natu- 
re ,  ou  qu'il  les  emprunte  de  la  Peinture,  de  la  Mo- 
rale, de  l'Architecture  ,  de  la  Mufique,  il  trouvera 
toujours  qu'il  donne  le  nom  de  beau  réel  à  tout  ce 
qui  contient  en  foi  dequoi  réveiller  l'idée  de  rapports  ; 
éc  le  nom  de  beau  relatif,  à  tout  ce  qui  réveille  des 
rapports  convenables  avec  les  choies ,  auxquelles  il 
en  faut  faire  la  comparaiîon. 

Je  me  contenterai  d'en  apporter  un  exemple ,  pris 
de  la  Littérature.  Tout  le  monde  fçait  le  mot  lublime 
de  la  tragédie  des  Horaees ,  qu'il  mourût.  Je  demande  à 
quelqu'un  qui  ne  connoît  point  la  pièce  de  Corneille, 
ck  qui  n'a  aucune  idée  de  la  réponié  du  vieil  Horace  , 
ce  qu'il  penle  de  ce  trait  au  il  mourut.  Il  cil  évident 
que  celui  que  j'interroge  ne  lâchant  ce  que  c'eft  que 
ce  qu'il  mourût;  ne  pouvant  deviner  li  c'eft  une  phra- 
fe  complète  ou  un  fragment ,  Cv  appercevant  à  peine 
entre  ces  trois  termes  quelque  rapport  grammatical , 
me  répondra  que  cela  ne  lui  paroit  ni  beaurà  Awi.Mais 
fi  je  lui  dis  que  c'efl  la  réponfe  d'un  homme  conlulté 
fur  ce  qu'un  autre  doit  fane  dans  un  combat ,  il  com- 
mence à  appercevoir  dans  le  repondant  une  lorte 
Teint  II, 


BEA 


i77 


de  courage  ,  qui  ne  lui  permet  pas  de  croire  qu'il 
foit  toujours  meilleur  de  vivre  que  de  mourir  ;  &  le 
qu'il  mourut  commence  à  l'intérefTer.  Si  j'ajoute  qu'il 
s'agit  dans  ce  combat  de  l'honneur  de  la  patrie  ;  que 
le  combattant  eft  fils  de  celui  qu'on  interroge  ;  que 
c'eft  le  feid  qui  lui  refte  ;  que  le  jeune  homme  avoit 
à  faire  à  trois  ennemis  ,  qui  avoient  déjà  ôté  la  vie 
à  deux  de  fes  frères  ;  que  le  vieillard  parle  à  fa  fille  ; 
que  c'eft  un  Romain:  alors  la  réponfe  qu'il  mourût , 
qui  n'étoit  ni  belle,  ni  laide,  s'embellit  à  mefure  que 
je  développe  fes  rapports  avec  les  circonftances ,  & 
finit  par  être  fublime. 

Changez  les  circonftances  &  les  rapports,  &  fai- 
tes paffer  le  qu'il  mourut  du  théâtre  François  fur  la 
feene  Italienne ,  &  de  la  bouche  du  vieil  Horace  dans 
celle  de  Scapin ,  le  qu'il  mourût  deviendra  burltfque. 

Changez  encore  les  circonftances ,  &  fuppofezque 
Scapin  foit  au  fervice  d'un  maître  dur,  avare  &  bour- 
ru ,  &  qu'ils  foient  attaqués  fur  un  grand  chemin  par 
trois  ou  quatre  brigands.  Scapin  s'entuit  ;  fon  maître 
fe  défend  :  mais  prefle  par  le  nombre ,  il  eft  obligé 
de  s'enfuir  aufïi  ;  &  l'on  vient  apprendre  à  Scapin 
que  fon  maître  a  échappé  au  danger.  Comment ,  dira 
Scapin  trompé  dans  fon  attente;  il  s'eft  donc  enfui  : 
ah  le  lâche  !  Mais  lui  répondra-t-on  ,  ftul  contre  trois 
que  voulois-tu  qu'il  fit }  qu'il  mourût,  répondra-t-il  ;  &C 
ce  qu'il  mourût  deviendra  plaij'ant.  Il  eft  donc  conf- 
tant  que  la  beauté  commence,  s'accroît,  varie  ,  dé- 
cline &  difparoît  avec  les  rapports ,  ainfi  que  nous 
l'avons  dit  plus  haut. 

Mais  qu'entendez-vous  par  un  rapport,  me  deman- 
dera-t-on?  n'eft-ce  pas  changer  l'acception  des  ter- 
mes ,  que  de  donner  le  nom  de  beau  à  ce  qu'on  n'a 
jamais  regardé  comme  tel  ?  II  femble  que  dans  notre 
langue  l'idée  de  beau  foit  toujours  jointe  à  celle  de 
grandeur,  ck  que  ce  ne  foit  pas  définir  le  beau  que  de 
placer  fa  différence  fpécifique  dans  une  qualité  qui 
convient  à  une  infinité  d'êtres,  qui  n'ont  ni  gran- 
deur ,  ni  fublimité.  M.  Crouzas  a  péché  ,  lans  doute  , 
lorfqu'il  a  chargé  fa  définition  du  beau  d'un  fi  grand 
nombre  de  caractères ,  qu'elle  s'eft  trouvée  reftreinte 
à  un  très-petit  nombre  d'êtres  :  mais  n'eft-ce  pas  tom- 
ber dans  le  défaut  contraire  ,  que  de  la  rendre  fi  gé- 
nérale ,  qu'elle  femble  les  embrafTer  tous ,  fans  en  ex- 
cepter un  amas  de  pierres  informes ,  jettées  au  halard 
fur  le  bord  d'une  carrière  ?  Tous  les  objets,  ajoûtera- 
t-on  ,  font  iùfceptibles  de  rapports  entre  eux  ,  entre 
leurs  parties  ,  &  avec  d'autres  êtres  ;  il  n'y  en  a 
point  qui  nepuiiîènt  être  arrangés,  ordonnés,  fym- 
métrifes.  La  perfection  eft  une  qualité  qui  peut  con- 
venir à  tous  :  mais  il  n'en  eft  pas.de  même  de  la  beau- 
té ;  elle  eft  d'un  petit  nombre  d'objets. 

Voilà ,  ce  me  femble ,  linon  la  feule ,  du  moins 
la  plus  forte  objection  qu'on  puiflé  me  faire  ,  &  je 
vais  tâcher  d'y  répondre. 

Le  rapport  en  général  eft  une  opération  de  l'en- 
tendement ,  qui  confidere  foit  un  être ,  foit  une  qua- 
lité ,  en  tant  que  cet  être  ou  cette  qualiré  fuppoie  Fe- 
xiftenced'un  autre  être  ou  d'une  autre  qualité.  Exem- 
ple :  quand  je  dis  que  Pierre  eft  un  bon  perc ,  je  confi- 
dere en  lui  une  qualité  qui  iuppole  l'exiftence  d'une 
autre  ,  celle  de  fils  ;  &  ainlî  des  autres  rapports  ,  tels 
qu'ils  puhTent  être.  D'où  il  s'enfuit  que  ,  quoique  le 
rapport  ne  foit  que  dans  notre  entendement  , 
à  la  perception,  il  n'en  a  pas  moins  fon  rondement 
dans  les  choies  ;  &c  je  dirai  qu'une  chou 
elle  des  rapports  réels  ,  toutes  les  fois  qu'e 
revêtue  de  qualités  qu'un  être  constitué  de  corps  & 
d'efprit  comme  moi ,  ne  pou:  roit  confidérer  (ans  iup- 
poièr  l'exiftence  ou  d'autres  êtres,  ou  d'autres  qua- 
lités ,  foit  clans  la  choie  même  ,  foit  hors  d'elle  ;  6c  je 
distribuerai  les  rapports  en  réels  &  en  apptrçus.  Mais 
il  y  a  une  troifieme  forte  de  rapport-  ,  ce  fora  : 
ports  intellectuels  o\xJiéujs  i  ceux  que  l'enter.. 


r78 


BEA 


humain  fembie  mettre  dans  les  chofes.  Un  ftatuaire 
jette  l'œil  fur  un  bloc  de  marbre  ;  Ion  imagination 
plus  prompte  que  fon  cifeau ,  en  enlevé  toutes  les 
parties  liiperflues  ,  &  y  dii'cerne  une  figure  :  mais 
cette  figure  elt  proprement  imaginaire  &  fictive  ;  il 
pourroit  faire  fur  une  portion  d'cfpace  terminée  par 
des  lignes  intellectuelles ,  ce  qu'il  vient  d'exécuter 
d'imagination  dans  un  bloc  informe  de  marbre.  Un 
philoiophe  jette  l'œil  fur  un  amas  de  pierres  jettées 
au  hafard  ;  il  anéantit  par  la  penfée  toutes  les  parties 
de  cet  amas  qui  produifent  l'irrégularité ,  &  il  par- 
vient à  en  faire  fortir  un  globe  ,  un  cube ,  une  figure 
régulière.  Qu'en: -ce  que  cela  fignifie  ?  Que  quoique 
la  main  de  l'artiftc  ne  puifle  tracer  un  deffein  que  fur 
des  furfaces  renflantes ,  il  en  peut  tranfporter  l'ima- 
ge par  la  penfée  fur  tout  corps  ;  que  dis-je  ,  fur  tout 
corps  ?  dans  l'efpace  &  le  vuide.  L'image ,  ou  tranf- 
portée  par  la  penfée  dans  les  airs  ,  ou  extraite  par 
imagination  des  corps  les  plus  informes ,  peut  être  bel- 
le ou  laide  :  mais  non  la  toile  idéale  à  laquelle  on  l'a 
attachée  ,  ou  le  corps  informe  dont  on  l'a  fait  iortir. 
Quand  je  dis  donc  qu'un  être  eft  beau  par  les 
rapports  qu'on  y  remarque  ,  je  ne  parle  point  des 
rapports  intellectuels  ou  fiftifs  que  notre  imagina- 
tion y  tranfporte ,  mais  des  rapports  réels  qui  y  iont , 
&  que  notre  entendement  y  remarque  par  le  fecours 
de  nos  fens. 

En  revanche ,  je  prétens  que  quels  que  foient  les 
rapports ,  ce  font  eux  qui  conftitueront  la  beauté,  non 
dans  ce  fens  étroit  où  le  joli  eft  l'oppofé  du  beau  , 
mais  dans  un  fens  ,  j'ofe  le  dire ,  plus  philofophique 
&  plus  conforme  à  la  notion  du  beau  en  général ,  & 
à  la  nature  des  langues  &  des  chofes. 

Si  quelqu'un  a  la  patience  de  raffembler  tous  les 
êtres  auxquels  nous  donnons  le  nom  de  beau ,  il  s'ap- 
percevra  bientôt  que  dans  cette  foule  il  y  en  a  une 
infinité  où  l'on  n'a  nul  égard  à  la  petiteffe  ou  la  gran- 
deur :  la  petitefle  &  la  grandeur  font  comptées  pour 
rien  toutes  les  fois  que  l'être  ell  folitaire  ,  ou  qu'é- 
tant individu  d'une  efpece  nombreufe  ,  on  le  confi- 
dere  folitairement.  Quand  on  prononça  de  la  pre- 
mière horloge  ou  de  la  première  montre  qu'elle  étoit 
belle  ,  faifoit-on  attention  à  autre  choie  qu'à  fon  mé- 
chanifme  ,  ou  au  rapport  de  fes  parties  entre-elles  ? 
Quand  on  prononce  aujourd'hui  que  la  montre  eft 
belle,  fait -on  attention  à  autre  choie  qu'à  fon  ufage 
&  à  fon  méchanifme.  Si  donc  la  définition  générale 
du  beau  doit  convenir  à  tous  les  êtres  auxquels  on 
donne  cette  épithete  ,  l'idée  de  grandeur  en  eft  ex- 
clue. Je  me  fuis  attaché  à  écarter  de  la  notion  du 
beau  ,  la  notion  de  grandeur  ;  parce  qu'il  m'a  femblé 
que  c'étoit  celle  qu'on  lui  attachoit  plus  ordinaire- 
ment. En  Mathématique ,  on  entend  par  un  beau  pro- 
blème, un  problème  difficile  à  réfoudre  ;  par  une  belle 
folution,  la  folution  fimple  &  facile  d'un  problème 
difficile  &  compliqué.  La  notion  de  grand,  defubli- 
me ,  Relevé  ,  n'a  aucun  lieu  dans  ces  occafions  où 
on  ne  laiffe  pas  d'employer  le  nom  de  beau.  Qu'on 
parcourre  de  cette  manière  tous  les  êtres  qu'on  nom- 
me beaux  :  l'un  exclura  la  grandeur ,  l'autre  exclura 
l'utilité  ;  un  troifieme  la  fymmétrie  ;  quelques  -  uns 
même  l'apparence  marquée  d'ordre  &  de  fymmé- 
trie ;  telle  feroit  la  peinture  d'un  orage ,  d'une  tem- 
pête ,  d'un  cahos:  &  l'on  iera  forcé  de  convenir,  que 
la  feule  qualité  commune ,  félon  laquelle  ces  êtres 
conviennent  tous,  eft  la  notion  de  rapports. 

Mais  quand  on  demande  que  la  notion  générale 
de  beau  convienne  à  tous  les  êtres  qu'on  nomme  tels , 
ne  parle-t-on  que  de  fa  langue  ,  ou  parle-t-on  de  tou- 
tes les  langues  ?  Faut-il  que  cette  définition  convienne 
feulement  aux  êtres  que  nous  appelions  beaux  en  Fran- 
çois ,  ou  à  tous  les  êtres  qu'on  appellerait  beaux  en 
Hébreu  ,  en  Syriaque  ,  en  Arabe ,  en  Chaldéen ,  en 
Grec ,  en  Latin ,  en  Anglois ,  en  Italien  ,  6c  dans  tou- 


BEA 

tes  les  langues  qui  ont  exifté ,  qui  exiflent ,  ou  qui 
exifteront?  &  pour  prouver  que  la  notion  de  rapports 
eft  la  feule  qui  reftercit  après  l'emploi  d'une  règle 
d'exclufion  auffi  étendue ,  le  philofophe  fera-t-il  forcé 
de  les  apprendre  toutes  ?  ne  lui  fiiffit-il  pas  d'avoir 
examiné  que  l'acception  du  terme  beau  \  ,me  dans 
toutes  les  langues  ;  qu'on  le  trouve  appliqué  là  à  une 
forte  d'êtres ,  à  laquelle  il  ne  s'applique  point  ici  , 
mais  qu'en  quelque  idiome  qu'on  en  faffe  ufage ,  il 
fuppofe  perception  de  rapports  ?  Les  Anglois  difent 
a  Jinejlavour,  a  fine  woman ,  une  belle  femme  ,  une 
belle  odeur.  Où  en  feroit  un  philofophe  Anglois ,  fi 
ayant  à  traiter  du  beau ,  il  vouloit  avoir  égard  à  cette 
bifarrerie  de  fa  langue  ?  C'eft  le  peuple  qui  a  fait  les 
langues  ;  c'eft  au  philofophe  à  découvrir  l'origine 
des  chofes  ;  &  il  feroit  affez  furprenant  que  les  prin- 
cipes de  l'un  ne  fe  trouvafîent  pas  fouvent  en  con- 
tradiction avec  les  ufages  de  l'autre.  Mais  le  princi- 
pe de  la  perception  des  rapports ,  appliqué  à  la  na- 
ture du  beau  ,  n'a  pas  même  ici  ce  dei'avantage  ;  &C 
il  eft  fi  général ,  qu'il  eft  difficile  que  quelque  choie 
lui  échappe. 

Chez  tous  les  peuples,  dans  tous  les  lieux  de  la 
terre ,  &  dans  tous  les  tems ,  on  a  eu  un  nom  pour 
la  couleur  en  général ,  &  d'autres  noms  pour  les 
couleurs  en  particulier,  &  pour  leurs  nuances.  Qu'au- 
roit  à  faire  un  philoiophe  à  qui  l'on  propoferoit 
d'expliquer  ce  que  c'efl  qu'une  belle  couleur }  finon 
d'indiquer  l'origine  de  l'application  du  terme  beau  à 
une  couleur  en  général ,  quelle  qu'elle  foit ,  &  en- 
fuite  d'indiquer  les  caufes  qui  ont  pu  faire  préférer 
telle  nuance  à  telle  autre.  De  même  c'eft  la  per- 
ception des  rapports  qui  a  donné  lieu  à  l'invention 
du  terme  beau  ;  &  félon  que  les  rapports  &  Fefprit 
des  hommes  ont  varié ,  on  a  fait  les  noms  joli ,  beauf 
charmant ,  grand ,fub lime ,  divin,  &  une  infinité  d'au- 
tres, tant  relatifs  au  phyfique  qu'au  moral.  Voilà  les 
nuances  du  beau  :  mais  j'étens  cette  penfée  ,  &  je  dis  : 

Quand  on  exige  que  la  notion  générale  de  beau 
convienne  à  tous  les  êtres  beaux,  parle-t-on  feulement 
de  ceux  qui  portent  cette  épithete  ici  &  aujour- 
d'hui ,  ou  de  ceux  qu'on  a  nommés  beaux  à  la  naif- 
fance  du  monde  ,  qu'on  appelloit  beaux  il  y  a  cinq 
mille  ans ,  à  trois  mille  lieues  ,  &  qu'on  appellera 
tels  dans  lesfiecles  à  venir  ;  de  ceux  que  nous  avons 
regardés  comme  tels  dans  l'enfance  ,  dans  l'âge  mùr , 
&:  dans  la  vieilleffe  ;  de  ceux  qui  font  l'admiration 
des  peuples  policés ,  &  de  ceux  qui  charment  les  fau* 
vages.  La  vérité  de  cette  définition  fera-t-elle  loca- 
le ,  particulière ,  &  momentanée  ?  ou  s'étenùra-t-elle 
à  tous  les  êtres  ,  à  tous  les  tems,  à  tous  les  hommes, 
&  à  tous  les  lieux  ?  Si  l'on  prend  le  dernier  parti , 
on  fe  rapprochera  beaucoup  de  mon  principe,  oc  l'on 
ne  trouvera  guère  d'autre  moyen  de  concilier  en- 
tr'eux  les  jugemens  de  l'enfant  &  de  l'homme  fait  : 
de  l'enfant ,  à  qui  il  ne  faut  qu'un  veftige  de  fymmé- 
trie &  d'imitation  pour  admirer  &  pour  être  recréé  ; 
de  l'homme  fait ,  à  qui  il  faut  des  palais  &  des  ou- 
vrages d'une  étendue  immenfe  pour  être  frappé  :  du 
fauvage  &  de  l'homme  policé  ;  du  fauvage  ,  qui  eft 
enchanté  à  la  vue  d'une  pendeloque  de  verre ,  d'une 
bague  de  laiton  ,  ou  d'un  braffelet  de  quincaille  ;  & 
de  l'homme  policé  ,  qui  n'accorde  lbn  attention 
qu'aux  ouvrages  les  plus  parfaits  :  des  premiers  hom- 
mes ,  qui  prodiguoient  les  noms  de  beaux ,  de  magni- 
fiques ,  &c.  à  des  cabanes,  des  chaumières,  &  des 
granges  ;  &  des  hommes  d'aujourd'hui ,  qui  ont  ref- 
treint  ces  dénominations  aux  derniers  erîbrts  de  la 
capacité  de  l'homme. 

Placez  la  beauté  dans  la  perception  des  rapports  , 
&  vous  aurez  l'hiftoire  de  l'es  progrès  depuis  la  naif- 
fance  du  monde  jufqu'aujourd'hui  :  choifuTez  pour 
caractère  différentiel  du  beau  en  général ,  telle  autre 
qualité  qu'il  vous  plaira  ,  &c  votre  notion  fe  trouve- 


BEA 


ira  tOut-à-coup  concentrée  dans  un  point  del'efpace 
6c  du  tems. 

La  perception  des  rapports  eft  donc  le  fondement 
du  beau  ;  c'eft  donc  la  perception  des  rapports  qu'on 
a  délignée  dans  les  langues  ibus  une  infinité  de  noms 
différais ,  qui  tous  n'indiquent  que  différentes  fortes 
de  beau. 

■  Mais  dans  la  nôtre  ,  &  dans  prefque  toutes  les  au- 
tres ,  le  terme  beau  le  prend  iouvent  par  oppoiition 
à  joli  ;  6c  fous  ce  nouvel  afpecl ,  il  lemble  que  la 
quefiion  du  beau  ne  loit  plus  qu'une  affaire  de  Gram- 
maire ,  &  qu'il  ne  s'agiile  plus  que  de  fpécifier  exac- 
tement les  idées  qu'on  attache  à  ce  terme.  Voye{  à 
l 'article  fuivant  BEAU  oppojé  ajotï. 

Après  avoir  tenté  d'expofer  en  quoi  confifte  l'ori- 
gine du  beau,  il  ne  nous  relie  plus  qu'à  rechercher 
celle  des  opinions  différentes  que  les  hommes  ont  de 
la  beauté  :  cette  recherche  achèvera  de  donner  de 
la  certitude  à  nos  principes  ;  car  nous  démontrerons 
que  toutes  ces  différences  résultent  de  la  divcrlité 
des  rapports  apperçîts  ou  introduits ,  tant  dans  les 
productions  de  la  nature  ,  que  dans  celles  des  arts. 

Le  beau  qui  réfulte  de  la  perception  d'un  feul  rap- 
port ,  ell  moindre  ordinairement  que  celui  qui  résul- 
te de  la  perception  de  plulieurs  rapports.  La  vue 
d'un  beau  vilage  ou  d'un  beau  tableau ,  affecte  plus 
que  celle  d'une  feule  couleur  ;  un  ciel  étoile  ,  qu'un 
rideau  d'aliir;  unpaylage ,  qu'une  campagne  ouver- 
te ;  un  édifice  ,  qu'un  terrein  uni  ;  une  pièce  de  mu- 
fique ,  qu'un  fon.  Cependant  il  ne  faut  pas  multiplier 
le  nombre  des  rapports  à  l'infini  ;  &  la  beauté  ne  luit 
pas  cette  progrelïion  :  nous  n'admettons  de  rapport 
dans  les  belles  choies ,  que  ce  qu'un  bon  efprit  en  peut 
failir  nettement  &  facilement.  Mais  qu'eft-ce  qu'un 
bon  efprit  ?  oit  eft  ce  point  dans  les  ouvrages  en-de- 
çà duquel ,  faute  de  rapports ,  ils  font  trop  unis  ,  & 
au-delà  duquel  ils  en  font  chargés  par  excès  ?  Pre- 
mière fource  de  diverfité  dans  les  jugemens.  Ici  com- 
mencent les  conteftations.  Tous  conviennent  qu'il  y 
a  un  beau  ,  qu'il  ell  le  réfultat  des  rapports  apperçûs  : 
mais  félon  qu'on  a  plus  ou  moins  de  connoiffance  , 
d'expérience,  d'habitude  déjuger,  de  méditer,  de 
voir,  plus  d'étendue  naturelle  dans  l'efprit,  on  dit 
qu'un  objet  eft  pauvre  ou  riche  ,  confus  ou  rempli , 
meiquin  ou  chargé. 

Mais  combien  de  compofitions  où  Partifte  eft  con- 
traint d'employer  plus  de  rapports  que  le  grand  nom- 
bre n'en  peut  faifir ,  &  oii  il  n'y  a  guère  que  ceux  de 
fon  art,  c'clt-à-dire,  les  hommes  les  moins  dilnofés 
à  lui  rendre  juftice,  qui  connoiffent  tout  le  mérite  de 
fes  productions  ?  Que  devient  alors  le  beau  }  Ou  il  ell 
préienté  à  une  troupe  d'ignorans  qui  ne  font  pas  en 
état  de  le  ientir  ,  ou  il  ell  fenti  par  quelques  envieux 
qui  fe  taifent  ;  c'eft-là  fouvent  tout  l'effet  d'un  grand 
morceau  de  Mufique.  M.  d'Alembcrt  a  dit  dans  le 
Difcours  préliminaire  de  cet  Ouvrage,  Difcours  qui 
mérite  bien  d'être  cité  dans  cet  article ,  qu'après 
avoir  fait  un  art  d'apprendre  la  Mufique ,  on  en  de- 
vroit  bien  taire  un  de  l'écouter  :  &  j'ajoute  qu'après 
avoir  fait  un  art  de  la  Poëiie  6c  de  la  Peinture  ,  c'cll 
en  vain  qu'on  en  a  fait  un  de  lire  &  de  voir  ;  6c  qu'il 
régnera  toujours  dans  les  jugemens  de  certains  ou- 
vrages une  uniformité  apparente,  moins  injurieufe 
à  la  vérité  pour  Partifte  que  le  partage  des  fenti- 
mens  ,  mais  toujours  fort  affligeante. 

Entre  les  rapports  on  en  peut  diftingtier  une  infinité 
de  fortes  :  il  y  en  a  qui  fe  fortih'ent ,  s  affoibliffent ,  & 
fe  tempèrent  mutuellement.  Quelle  différence  dans 
ce  qu'on  pehfera  de  la  beauté  d'un  objet ,  li  on  I 
fit  tous ,  ou  fi  l'on  n'en  faifit  qu'une  partie  !  S. 
'fource  de  divcrlité  dans  les  jugement.  Il  y  en  a  d'in- 
déterminés &  de  déterminés  :  nous  nous  contentons 
des  premiers  pour  accorder  le  nom  de  beau,  to.ites 
les  fois  qu'il  n'eil  pas  de  l'objet  immédiat  6c  unique 
Tome  II, 


BEA  179 

de  la  feiencè  ou  de  Part  de  les  déterminer.  Mais 
cette  détermination  ell  l'objet  immédiat  &  unique 
d'une  feience  ou  d'un  art ,  nous  exigeons  non-feule- 
ment les  rapports  ,  mais  encore  leur  valeur  :  voilà 
la  raifon  pour  laquelle  nous  difons  un  beau  théorème, 
&  que  nous  ne  difons  pas  un  bel  axiome  ;  quoiqu'on 
ne  puilTe  pas  nier  que  l'axiome  exprimant  un  rap- 
port, n'ait  auffi  fa  btauté  réelle.  Quand  je  dis  ,  en  Ma- 
thématiques ,  que  le  tout  ell  plus  grand  que  fa  par- 
tie ,  j'énonce  affùrément  une  infinité  de  propofi- 
tions  particulières  ,  fur  la  quantité  partagée  :  mais 
je  ne  détermine  rien  fur  l'excès  julle  du  tout  fur  fes 
portions  ;  c'eft  prefque  comme  li  je  diiois  :  le  cylin- 
dre ell  plus  grand  que  la  fphere  inlcrite  ,  &  la  fphere 
plus  grande  que  le  cône  inferit.  Mais  l'objet  propre 
&  immédiat  des  Mathématiques  eft  de  déterminer 
de  combien  l'un  de  ces  corps  eft  plus  grand  ou  plus 
petit  que  l'autre  ;  &  celui  qui  démontrera  qu'ils  font 
toujours  entr'eux  comme  les  nombres  3,2,1,  aura 
lait  un  théorème  admirable.  La  beauté  qui  confiile 
toujours  dans  les  rapports ,  fera  dans  cette  occalion 
en  raifon  compofée  du  nombre  des  rapports  ,  6c  de 
la  difficulté  qu'il  y  avoit  à  les  appercevoir  ;  &  le 
théorème  qui  énoncera  que  toute  ligne  qui  tombe 
du  fommet  d'un  triangle  ifofcele  fur  le  milieu  de  fa 
bafe  ,  partage  l'angle  en  deux  angles  égaux,  ne  fera 
pas  merveilleux  :  mais  celui  qui  dira  que  les  afymp- 
totes  d'une  courbe  s'en  approchent  fans  celle  fans  ja- 
mais la  rencontrer  ,  &  que  les  efpaces  formés  par 
une  portion  de  l'axe  ,  une  portion  de  la  courbe  ,  l'a- 
fymptote  ,  &  le  prolongement  de  l'ordonnée ,  font 
entr'eux  comme  tel  nombre  à  tel  nombre  ,  fera  beau. 
Une  circonllance  qui  n'eil  pas  indifférente  à  la  beau- 
té ,  dans  cette  occafion  &  dans  beaucoup  d'autres  , 
c'eft  Paclion  combinée  de  la  furprife  6c  des  rapports, 
qui  a  lieu  toutes  les  fois  que  le  théorème  dont  on  a 
démontré  la  vérité  paffoit  auparavant  pour  une  pro- 
pofition  fauiTe. 

Il  y  a  des  rapports  que  nous  jugeons  plus  ou  moins 
effentiels  ;  tel  cil  celui  de  la  grandeur  relativement 
à  l'homme ,  à  la  femme  ,  6c  à  l'enfant  :  nous  difons 
d'un  enfant  qu'il  ell  beau  ,  quoiqu'il  foit  petit  ;  il  faut 
abfolument  qu'un  bel  homme  loit  grand  ;  nous  exi- 
geons moins  cette  qualité  dans  une  femme  ;  6c  il  eft 
plus  permis  à  une  petite  femme  d'être  belle ,  qu'à  un 
petit  homme  d'être  beau.  Il  me  iemble  que  nous  con- 
fidérons  alors  les  êtres,  non-feulement  en  eux-mêmes, 
mais  encore  relativement  aux  lieux  qu'ils  occupent 
dans  la  nature  ,  dans  le  grand  tout  ;  &  félon  que  ce 
grand  tout  eft  plus  ou  moins  connu  ,  l'échelle  qu'on 
le  forme  de  la  grandeur  des  êtres  ell  plus  ou  moins 
exacte  :  mais  nous  ne  lavons  jamais  bien  quand  elle 
cil  julle.  Troifieme  fource  de  diverlité  de  goûts  & 
de  jugemens  clans  les  arts  d'imitation.  Les  grands  maî- 
tres ont  mieux  aime  que  leur  échelle  fut  un  peu  trop 
grande  que  trop  petite  :  mais  aucun  d'eux  n'a  la  même 
échelle  ,  ni  peut-être  celle  de  la  nature. 

L'intérêt ,  les  palïïons,  l'ignorance,  les  préjugés  , 
les  ufages ,  les  moeurs ,  les  climats ,  les  coutumes , 
les  gouvernemens,  les  cultes,  les évenemens ,  em- 
pêchent les  êtres  qui  nous  environnent ,  ou  les  ren- 
dent capables  de  reveiller  ou  de  ne  point  réveiller 
en  nous  plulieurs  idées  ,  anéantiflent  en  eux  des  rap- 
ports très-naturels ,  &y  en  établiffent  de  capricieux 
6c  d'accidentels.  Quatrième  fource  de  diveruté  dans 
les  jugemens. 

On  rapporte  tout  à  fon  art  &  à  fes  connoiffances  : 
nous  faifons  tous  plus  ou  moins  le  rôle  du  critique 
d'Apelle;  &  quoique  nous  ne  connoiffions  que  la 
chauffure  ,  nous  jugeons  aufîi  de  la  jambe  ;  ou  quoi- 
que nous  ne  connoirfions  que  la  jambe  ,  nous  descen- 
dons auffi  à  la  chauffure  :  mais  nous  ne  portons  pas 
feulement  ou  cette  témérité  ou  cette  oftentation  de 
détail  dans  le  jugement  des  productions  de  l'art  ;  cet» 

Z.j 


i8o 


BEA 


les  de  la  nature  n'en  font  pas  exemptes.  Entre  les  tu- 
lipes d'un  jardin,  la  plus  belle  pour  un  curieux  fera 
celle  où  il  remarquera  une  étendue  ,  des  couleurs  , 
une  feuille  ,  des  variétés  peu  communes  :  mais  le 
Peintre  occupé  d'effets  de  lumière  ,  de  teintes ,  de 
clair  obfcur  ,  de  formes  relatives  à  fon  art ,  néglige- 
ra tous  les  caractères  que  le  fleurifte  admire ,  &  pren- 
dra pour  modèle  la  fleur  même  méprifée  par  le  cu- 
rieux. Diverfité  de  talens  &£  de  connoiffances ,  cin- 
quième fource  de  diverfité  dans  les  jugemens. 

L'ame  a  le  pouvoir  d'unir  enfemble  les  idées  qu'elle 
a  reçues  léparément ,  de  comparer  les  objets  par  le 
moyen  des  idées  qu'elle  en  a ,  d'obferver  les  rap- 
ports qu'elles  ont  entr'elles  ,  d'étendre  ou  de  refler- 
rer  les  idées  à  fon  gré ,  de  confidérer  féparément  cha- 
cune des  idées  Amples  qui  peuvent  s'être  trouvées 
réunies  dans  la  fenfation  qu'elle  en  a  reçues.  Cette 
dernière  opération  de  l'ame  s'appelle  abjlraîlion.  V. 
Abstraction.  Les  idées  des  fubftances  corporelles 
font  compofées  de  diverfes  idées  Amples ,  qui  ont  fait 
enfemble  leurs  irnpreflions  longue  les  fubltances  cor- 
porelles fe  font  préfenîées  à  nos  fens  :  ce  n'eft  qu'en 
îpécifiant  en  détail  ces  idées  fenfibles ,  qu'on  peut  dé- 
finir les  fubftances.  Voye^  Substance.  Ces  fortes  de 
définitions  peuvent  exciter  une  idée  affez  claire  d'une 
fubftance  dans  un  homme  qui  ne  l'a  jamais  immédia- 
ment  apperçûe ,  pourvu  qu'il  ait  autrefois  reçu  fépa- 
rément ,  parle  moyen  des  fens  ,  toutes  les  idées  Am- 
ples qui  entrent  dans  la  compofition  de  l'idée  com- 
plexe de  la  fubflance  définie  :  mais  s'il  lui  manque  la 
notion  de  quelqu'une  des  idées  Amples  dont  cette 
fubftance  eft  compofée  ,  &  s'il  eft  privé  du  fens  né- 
ceffaire  pour  les  appercevoir ,  ou  fi  ce  fens  eft  dépra- 
vé fans  retour ,  il  n'eft  aucune  définition  qui  puiiîe 
exciter  en  lui  l'idée  dont  il  n'auroit  pas  eu  précédem- 
ment une  perception  fenfible.  Voye^  Définition. 
Sixième  fource  de  diverfité  dans  les  jugemens  que 
les  hommes  porteront  de  la  beauté  d'une  defeription  ; 
car  combien  entr'eux  de  notions  faufles ,  combien 
de  demi-notions  du  même  objet  ! 

Mais  ils  ne  doivent  pas  s'accorder  davantage  fur 
les  êtres  intellectuels  :  ils  font  tous  repréfentés  par 
des  lignes  ;  &  il  n'y  a  prefqu'aucun  de  ces  fignes  qui 
foit  allez  exactement  défini ,  pour  que  l'acception 
n'en  foit  pas  plus  étendue  ou  plus  reiierrée  dans  un 
homme  que  dans  un  autre.  La  Logique  &  la  Méta- 
phyfique  feroient  bien  voifines  de  la  perfection ,  A  le 
Dictionnaire  de  la  langue  étoit  bien  fait  :  mais  c'eft 
encore  un  ouvrage  à  defirer;  &  comme  les  mots 
font  les  couleurs  dont  la  Poëlie  &  l'Eloquence  fe  fer- 
vent ,  quelle  conformité  peut-on  attendre  dans  les  ju- 
gemens du  tableau ,  tant  qu'on  ne  faura  feulement 
pas  à  quoi  s'en  tenir  fur  les  couleurs  &  fur  les  nuan- 
ces ?  Septième  fource  de  diverfité  dans  les  jugemens. 

Quel  que  foit  l'être  dont  nous  jugeons  ;  les  goûts 
6c  les  dégoûts  excités  par  l'inttruction  ,  par  l'éduca- 
tion, parle  préjugé ,  ou  par  un  certain  ordre  factice 
dans  nos  idées,  font  tous  fondés  fur  l'opinion  où  nous 
fomme^  que  ces  objets  ont  quelque  perfection  ou  quel- 
que défaut  dans  des  qualités ,  pour  la  perception  des- 
quelles nous  avons  des  fens  ou  des  facultés  convena- 
bles. Huitième  fource  de  diverfité. 

On  peut  aflùrer  que  les  idées  Amples  qu'un  même 
objet  excite  en  différentes  perfonnes  ,  font  auffi  dif- 
férentes que  les  goûts  &c  les  dégoûts  qu'on  leur  re- 
marque. C'eft  même  une  vérité  de  fentiment  ;  &  il 
n'eft  pas  plus  difficile  que  plufieurs  perfonnes  différent 
entr'elles  dans  un  même  inftant ,  relativement  aux 
idées  Amples ,  que  le  même  homme  ne  diffère  de  lui- 
même  dans  des  inftans  différens.  Nos  fens  font  dans  un 
état  de  viciftitude  continuelle  :  un  jour  on  n'a  point 
d'yeux ,  un  autre  jour  on  entend  mal  ;  &  d'un  jour  à 
l'autre,  on  voit,  on  fent,  on  entend  diverfement. 
Neuvième  fource  de  diverfité  dans  les  jugemens  des 


BEA 

hommes  d'un  même  âge  ,  &  d'un  même  homme  en 
différens  âges. 

Il  fe  joint  par  accidenta  l'objet  le  plus  beau  desidées 
defagréables  :  A  l'on  aime  le  vin  d'Elpagne  ,  il  ne  faut 
qu'en  prendre  avec  de  l'émétique  pour  le  détefter  ; 
il  ne  nous  eft  pas  libre  d'éprouver  ou  non  des  nau- 
fées  à  fon  afpect  :  le  vin  d'Elpagne  eft  toujours  bon  , 
mais  notre  condition  n'eft  pas  la  même  par  rapport  à 
lui.  De  même  ,  ce  veftibule  eft  toujours  magnifique , 
mais  mon  ami  y  a  perdu  la  vie.  Ce  théâtre  n'a  pas 
cefle  d'être  beau ,  depuis  qu'on  m'y  a  Afflé  :  mais  je  ne 
peux  plus  le  voir ,  fans  que  mes  oreilles  ne  foient  en- 
core frappées  du  bruit  des  Afflets.  Je  ne  vois  fous  ce 
veftibule  ,  que  mon  ami  expirant  ;  je  ne  fens  plus  fa 
beauté.  Dixième  fource  d'une  diverfité  dans  les  juge- 
mens ,  occafionnée  par  ce  cortège  d'idées  accidentel- 
les ,  qu'il  ne  nous  eft  pas  libre  d'écarter  de  l'idée  prin- 
cipale. Pojl  equltem  fedit  atra  cura. 

Lorfqu'il  s'agit  d'objets  compofés,  Scquipréfentent 
en  même  tems  des  formes  naturelles  &c  des  formes 
artificielles ,  comme  dans  l'Architecture ,  les  jardins  , 
les  ajuftemens  ,  &c.  notre  goyt  eft  fondé  fur  une  au- 
tre affociation  d'idées  moitié  raifonnables ,  moitié 
capricieufes  :  quelque  foible  analogie  avec  la  démar- 
che ,  le  cri ,  la  forme ,  la  couleur  d'un  objet  malfai- 
fant,  l'opinion  de  notre  pays,  les  conventions  de 
nos  compatriotes ,  &c.  tout  influe  dans  nos  jugemens. 
Ces  caules  tendent-elles  à  nous  faire  regarder  les 
couleurs  éclatantes  &  vives ,  comme  une  marque  de 
vanité  ou  de  quelqu'autre  mauvaife  difpofition  de 
cœur  ou  d'efprit  :  certaines  formes  font-elles  en  ufa- 
ge  parmi  les  payfans  ,  ou  des  gens  dont  la  profefïïon, 
les  emplois  ,  le  caractère  nous  font  odieux  ou  mépri- 
fables  ;  ces  idées  acceffoires  reviendront  malgré  nous, 
avec  celles  delà  couleur  &  de  la  forme  ;  &c  nous  pro- 
noncerons contre  cette  couleur  &  ces  formes  ,  quoi- 
qu'elles n'ayent  rien  en  elles-mêmes  de  defagréable. 
Onzième  fource  de  diverfité. 

Quel  fera  donc  l'objet  dans  la  nature  fur  la  beauté , 
duquel  les  hommes  feront  parfaitement  d'accord  ? 
La  ftructure  des  végétaux  ?  Le  méchanifme  des  ani- 
maux ?  Le  monde  ?  Mais  ceux  qui  font  le  plus  frap- 
pés des  rapports ,  de  l'ordre  ,  des  fymmétries  ,  des 
liaifons ,  qui  régnent  entre  les  parties  de  ce  grand 
tout ,  ignorant  le  but  que  le  créateur  s'eft  propofé  en 
le  formant ,  ne  font-ils  pas  entraînés  à  prononcer  qu'il 
eft  parfaitement  beau ,  par  les  idées  qu'ils  ont  de  la  di- 
vinité ?  &  ne  regardent-ils  pas  cet  ouvrage,  comme 
un  chef-d'œuvre,  principalement  parce  qu'il  n'a  man- 
qué à  l'auteur  ni  la  puiffance  ni  la  volonté  pour  le 
former  tel  ?  Voye{  Optimisme.  Mais  combien  d'oc- 
cafions  où  nous  n'avons  pas  le  même  droit  d'inférer 
la  perfection  de  l'ouvrage ,  du  nom  feul  de  l'ouvrier , 
&  oii  nous  ne  laiffons  pas  que  d'admirer  ?  Ce  tableau 
eft  de  Raphaël ,  cela  fùffit.  Douzième  fource  ,  Anon 
de  diverfité ,  du  moins  d'erreur  dans  les  jugemens. 

Les  êtres  purement  imaginaires,  tels  que  le  fphynx, 
la  fyrene ,  le  faune ,  le  minotaure ,  l'homme  idéal,  &c. 
font  ceux  fur  la  beauté  defquels  on  femble  moins  par- 
tagé, &  cela  n'eft  pas  furprenant  :  ces  êtres  imagi- 
naires font  à  la  vérité  formés  d'après  les  rapports  que 
nous  voyons  obfervés  dans  les  êtres  réels  ;  mais  le 
modèle  auquel  ils  doivent  reffembler,  épais  entre 
toutes  les  productions  de  la  nature  ,  eft  proprement 
par  tout  &  nulle  part. 

Quoi  qu'il  en  foit  de  toutes  ces  caufes  de  diverA- 
té  dans  nos  jugemens  ,  ce  n'eft  point  une  raifon  de 
penfer  que  le  beau  réel ,  celui  qui  conlifte  dans  la  per- 
ception des  rapports ,  foit  une  chimère  ;  l'application 
de  ce  principe  peut  varier  à  l'infini ,  Se  les  modifica- 
tions accidentelles  occalionner  des  diiî'ertations  & 
des  guerres  littéraires  :  mais  le  principe  n'en  eft  pas 
moins  confiant.  Il  n'y  a  peut-être  pas  deux  hommes 
fur  toute  la  terre ,  qui  apperçoivent  exactement  les 
mêmes  rapports  dans  un  même  objet ,  Se  qui  le  jugent 


BEA 

Jieau  au  même  degré  :  mais  s'il  y  en  avoit  un  feul  qui 
ne  fût  affefté  des  rapports  dans  aucun  genre  ,  ce  feroit 
un  flupide  parfait  ;  &  s'il  y  étoit  infcnlible  feulement 
dans  quelques  genres  ,  ce  phénomène  décéleroit  en 
lui  un  défaut  d'oeconomie  animale,  &c  nous  ferions 
toujours  éloignés  du  fcepticifme  ,  par  la  condition 
générale  du  refte  de  Pefpece. 

Le  beau  n'eft  pas  toujours  l'ouvraee  d'une  caufe 
intelligente  :  le  mouvement  établit  ïbuvent,  foit  dans 
un  être  confidéré  folitairement ,  foit  entre  plufieurs 
êtres  comparés  entr'eux ,  une  multitude  prodigiculc 
de  rapports  furprenans.  Les  cabinets  d'hiftoire  natu- 
relle en  offrent  un  grand  nombre  d'exemples.  Les 
rapports  font  alors  des  réfultats  de  combinaifons  for- 
tuites ,  du  moins  par  rapport  à  nous.  La  nature  imite, 
en  fe  jouant ,  dans  cent  occalions ,  les  productions  de 
l'art;  &  l'on  pourrait  demander,  je  ne  dis  pas  fi  ce 
philofophe  qui  fut  jette  par  une  tempête  furies  bords 
d'une  île  inconnue ,  avoit  raifon  de  s'écrier ,  à  la  vue 
de  quelques  figures  de  Géométrie  :  courage,  mes  amis, 
"voici  des  pas  a" hommes  ;  mais  combien  il  faudrait  re- 
marquer de  rapports  dans  un  être,  pour  avoir  une 
certitude  complète  qu'il  eft  l'ouvrage  d'un  artifte  ;  en 
quelle  occafion  un  feul  défaut  de  fymmétrie  prou- 
verait plus  que  toute  fomme  donnée  de  rapports  ; 
comment  font  entr'eux  le  tems  de  l'action  de  la  cau- 
fe fortuite  ,  &  les  rapports  obfervés  dans  les  effets 
produits  ;  &  fi ,  à  l'exception  des  oeuvres  du  Tout- 
puiffant ,  il  y  a  des  cas  oit  le  nombre  des  rapports  ne 
puiffe  jamais  être  compenfé  par  celui  des  jets. 

*Beau,Joli,  (Gramme)  le  beau  oppofé  h  joli,  eft. 
grand  ,  noble  &  régulier  ;  on  l'admire  :  le  joli  eft  fin , 
<.  Icat  ;  il  plaît.  Le  beau  dans  les  ouvrages  d'efprit, 
fuppofe  de  la  vérité  dans  le  fujet ,  de  l'élévation  dans 
les  penfées,  de  la  juft efTe  dans  l'exprefîîon ,  de  la  nou- 
veauté dans  le  tour,  &  de  la  régularité  dans  la  con- 
duite :  l'éclat  &  la  fingularité  furrifent  pour  les  rendre 
Jolis.  Il  y  a  des  choies  qui  peuvent  être  jolies  ou  belles, 
telle  eft  la  comédie  ;  il  y  en  a  d'autres  qui  ne  peuvent 
titre  que  belles,  telle  eft  la  tragédie.  Il  y  a  quelquefois 
plus  de  mérite  à  avoir  trouvé  une  jolie  chofe  qu'une 
l\  'le;  dans  ces  occalions,  une  choie  ne  mérite  le  nom 
de  belle ,  que  par  l'importance  de  fon  objet  ;  &  une 
chofe  n'eft  appellée  jolie  ,  que  par  le  peu  de  confe- 
quence  du  fien.  On  ne  fait  attention  alors  qu'aux 
avantages,  &  l'on  perd  de  vue  la  difficulté  de  l'inven- 
tion. II  eft  fi  vrai  que  le  beau  emporte  fouvent  une  idée 
de  grand  ,  que  le  même  objet  que  nous  avons  appelle 
beau  ,  ne  nous  paraîtrait  plus  que  joli,  s'il  étoit  exé- 
cuté en  petit.  L'efprit  eft  un  Jaijeur  de  jolies  chofes; 
mais  c'eft  l'ame  qui  produit  les  grandes.  Les  traits  in- 
génieux ne  font  ordinairement  que  jolis  ;  il  y  a  de  la 
beauté  par-tout  où  l'on  remarque  du  fentiment.  Un 
homme  qui  dit  d'une  belle  chofe  qu'elle  eft  belle  ,  ne 
donne  pas  une  grande  preuve  de  difeernement  ;  celui 
qui  dit  qu'elle  eft  jolie  ,  eft  un  fot ,  ou  ne  s'entend 
pas.  C'eft  l'impertinent  de  Boileau ,  qui  dit  que  le 
Corneille  efl  joli  quelquefois. 

*  BEAUX  ,  adj.  pris  fubft.  (Hijl.  méd.  )  Les  An- 
glois  ont  fait  un  fubftantif  de  cet  adjectif  François  ; 
&  c'eft  ainfî  qu'ils  appellent  les  hommes  occupés  de 
toutes  les  minuties  qui  lémblcnt  être  du  feul  reffort 
des  femmes,  comme  les  habillemens  recherchés,  le 
goût  des  modes  &  de  la  parure  ;  ceux ,  en  un  mot ,  à 
qui  le  foin  important  de  l'extérieur  fait  oublier  tout 
le  relie.  Les  beaux  font  en  Angleterre  ,  ce  que  nos  pe- 
tits-maîtres font  ici;  mais  les  petits  maîtres  de  France 
pofTedent  l'efprit  de  fm  olité  ,  6c  l'art  des  bagatelles 
6v  des  jolis  riens  ,  dans  un  degré  bien  fupéricur  aux 
heaux  de  l'Angleterre.  Pour  corriger  un  petit-maître 
Anglois,il  n'y  aurait  peut-être  qu'à  lui  montrer  un 
petit-maître  François  :  quant  à  nos  petits-maîtresFran- 
-  cois ,  je  ne  crois  pas  que  tout  le  phlegme  de  l'Angle- 
terre puifTe  en  venir  à  bout. 


B  E  A 


îSt 


*  BE  AUCAIRE ,  (Géog.)  ville  du  bas  Languedoc  ,' 
fur  le  bord  du  Rhône.  Long.  zz.  18.  Ut.  43.  43. 

BEAUCE,  (Géog.)  province  de  France  entré 

le  Perche  ,  l'île  de  France  ,  le  Bléfois  &  l'Orleanois. 

BEAU-CHASSEUR  ,  en  Vénerie,  fe  dit  d'un  chien 

qui  crie  bien  dans  la  voie ,  &  qui  a  toujours  en  chaf» 

iant  la  queue  retournée  fur  les  reins. 

*  BEAUCOUP,  PLUSIEURS ,  (Gramm.)  termes 
relatifs  à  la  quantité  :  beaucoup  a  rapport  à  la  quantité 
qui  le  meiure  ;  Slplujîeurs  à  celle  qui  fe  compte.  Beau- 
coup  d'eau  ;  plufieurs  hommes.  L'oppoié  de  beaucoup 
eft  peu  ;  l'oppoié  de  plufieurs  eft  un.  Pour  qu'un  état 
foit  bien  gouverné,  nous  difons  qu'il  ne  faut  qu'un 
*eul  chef,  plufieurs  miniftres  ,  beaucoup  de  lumière  & 

I     d'équité. 
BEAU-FILS  ou  BELLE-FILLE,  (  Jurijpr.  )  nom 
d'affinité,  quife  dit  du  fils  ou  delà  fille  de  quelqu'un 
qui  fe  remarie  en  fécondes  noces ,  par  rapport  à  celui 
ou  celle  qui  époufe  le  veuf  ou  la  veuve. 

Beau-fils  &  belle-fille  fe  difent  aufli  quelquefois  du 
gendre  &  de  la  bru.  Voye[  Gendre  &  Bru. 

f  BEAU-FRERE  ou  BELLE-SŒUR ,  autre  nom 
d'affinité ,  dont  on  fe  fertpour  exprimer  l'alliance  de 
l'un  des  conjoints  avec  le  frère  ou  la  fœur  de  l'autre. 
B  EAU-PERE  ou  BELLE-MERE  ,  eft  le  terme  qui 
correspond  à  ceux  de  beau-fils  ou  belle-fille  ,  dans  les 
deux  fens  exprimés  ci-deflus  au  mot  Beau-fils  (H) 

*  BEAUFORT ,  (Géog.)  petite  ville  d'Anjou.  Lon. 
ij.  z6.lat.4y.z6. 

*  Beaufort,  (Géog.)  ville  de  Savoie  ,  fur  la  ri- 
vière d'Oron.  Long.  Z4.  18.  lat.  43.  40. 

*  Beaufort,  (Géog.)  petite  ville  de  France  en 
Champagne  ,  avec  titre  de  duché.  Elle  porte  main- 
tenant le  nom  de  Montmorenci. 

BEAUJEU ,  (Géog.)  ville  de  France  dans  le  Beau- 
jolois  fur  l'Ardicre.  Long.  zz.  10.  lat.  46.  g. 

*  BEAUJOLOIS,  (Géog.)  petit  pavs  de  France 
entre  la  Saône  &  la  Loire ,  le  Lyonnois  &  la  Bour- 
gogne. Ville-franche  en  eft  la  capitale. 

*  BEAULIE,  (Géog.)  petite  ville  d'Ecofle,  dans 
le  comté  de  Rofs. 

BEAU-LIEU,  (Manège.)  on  dit  qu'un  cheval  porte 
en  beau-lieu,  lorfqu'il  porte  bien  fa  tête. 

*  Beau-lieu,  (  Géog.)  nom  dedeux petites  villes 
de  France ,  l'une  en  Touraine  fur  l'Indre,  l'autre  dans 
la  vicomte  de  Turenne  ,  fur  la  Dordogne. 

Beau  ou  beau-parer  ou  beau-partir,  porter  beau  ou  en 
beau  lieu.  Foye^  Parer,  Partir. 
BEAU  PAS,  voye^xs. 
BEAUX-JARRETS ,  voyè^  Jarret. 
BEAUX  MOUVEMENS,  yoyel  Mouvement 

*  BEAUHARÇHÈS,  (Géog.)  petite  ville  de  Fran- 
ce dans  la  généralité  d'Aufch,  élection  de  Rivière- 
Verdun. 

*  BEAUMARIS,  (  Gépgy)  ville  d'Angleterre  ,  ca- 
pitale de  file  d'Anglefey ,  fur  le  détroit  de  Menay. 
Long.  13.  4.  lat.  53.  zo. 

*  BEAUMONT,  (Géog.)  petite  ville  des  Pays- 
Bas  dans  le  Hainaut,  entre  la  Sambe  &  la  Meule  , 
avec  titre  de  comté.  Long.  zi.  5i.  Lit.  3q.  ; 2. 

Beaumont-le-Roger,  (Géog.)  ville  de  haute 
Normandie.  Long.  18.z6.lat.  49.  z. 

Beaumont-le-Vicomte,  (Géog.)  ville  du  Mai- 
ne ,  fur  la  Sarte.  Long.  iy.  40.  lat" 48.  11. 

Bf.aumont-sur-l'Oise  ,  ville  de  l'île  de  France, 
fur  la  pente  d'une  montagne  :  avec  titre  de  comte. 
Long.  1$.  $8.  ây.  lat.  3o.  8.  38. 

Il  y  a  encore  en  France  une  petite  ville  de  même 
nom ,  dans  le  Périgord ,  avec  titre  de  comté. 

*  BEAUNE,  (  Géog.)  ville  de  France  en  Bour- 
gogne. Long.  22.  ZO.  lat.  4y.  z. 

•BEAUFORT,  (  Géog.  )  petite  baie  d'Afrique, 

en  Cafrerie.  Les  Porugais  l'appellent  la  baya hermofa. 

Beaufort,  (Géog.)  port  de  l'Amérique,  fur  la 


i8i  BEA 

côte  méridionale  de  l'île  Efpagnole  ;  on  l'appelle  dans 
le  pays  elpuerto  hermofo. 

BEAUPRÉ ,  f.  m.  {Marine.)  c'eft  un  mât  qui  eft 
couché  lur  l'éperon  à  la  proue  des  vaiffeaux  ;  Ion  pié 
eft  enchâffé  lur  !e  premier  pont,  au-deffous  du  châ- 
teau d'avant ,  avec  une  grande  boucle  de  fer  &  deux- 
chevilles  auffi  de  fer,  qui  fortent  entre  deux  ponts, 
Voyci  la  pofition  de  ce  mât  &  les  dépendances,  PI.  I. 
en  Z.  Voyc{  auffi  la  PL  IF  fig.  première  ,n°zol.  Ces 
figures  donneront  une  idée  plus  claire  de  ce  mot  & 
de  ce  qui  le  concerne,  qu'un  difcours  plus  étendu. 

Le  beaupré  s'avance  au-delà  de  la  proue  ;  il  eft  cou- 
ché fur  l'étambraie ,  &  paffe  au-delà  de  l'éperon  au- 
tant qu'il  eft  nécefiaire  pour  donner  du  jeu  à  la  voi- 
le ,  afin  qu'elle  ne  s'embarraffe  point  avec  l'éperon  ; 
il  eft  appuyé  fur  l'étrave  ou  accotté  fur  un  couffin  , 
&  couché  fur  l'étambraie.  (  PI.  IF.  fig.  1.  n°  ZlO.  ) 
Quelquefois  il  paffe  entre  les  bittes  ,  &  fon  pié  eft 
contre  le  mât  de  mifene ,  s'affermiffant  ainfi  l'un  & 
l'autre  ;  car  fans  cela  on  pourroit  ne  pas  entrer  le 
beaupré  fi  avant  dans  le  vaiffeau.  Il  y  a  au  mârtle  mi- 
fene un  gros  taquet ,  qui  entre  dans  les  petits  blocs 
avec  une  entaiile  ,  &  qui  vient  finir  fur  ce  beaupré. 
Il  a  1 2  pouces  de  large ,  &  4  pouces  d'épais ,  avec  un 
collier  de  fer  fur  le  bout. 

Pour  affermir  encore  le  beaupré,  on  lefurlie,  & 
on  couvre  d'une  peau  de  mouton  cette  liure  ou  fai- 
iine ,  afin  de  la  conferver.  Cette  liure  ou  failine  tient 
le  beaupré  avec  l'aiguille  de  l'éperon. 

Beaupré  SUR  poupe,  terme  de  Marine,  pour  dire 
qu'un  vaiffeau  fe  met  le  plus  près  qu'il  peut  de  l'ar- 
riére d'un  autre. 

Pajjir  fur  le  beaupré  d'un  autre  vaiffeau.  Foye{ 
Passer. 

Petit  beaupré,  perroquet  de  beaupré,  tourmentin  ;  c'eft 
le  mât  qui  eft  arboré  fur  la  hune  de  beaupré. 
Voile  de  beaupré ,  voye^  Cl  VADIERE.   (Z) 
BEAU-REVOIR,  f.  m.  fe  dit ,  en  terme  de  Ckafe,  de 
l'aftion  du  limier ,  iorfqu'étant  fur  les  voies  il  bande 
fort  fur  la  bête  &  fur  le  trait. 

*  BEAUTÉ ,  f.  f.  terme  relatif;  c'eft  la  puiffance  Ou 
faculté  d'exciter  en  nous  la  perception  de  rapports 
agréables.  Vziàxtagréables,  pourme  conformer  àl'ac- 
ception  générale  &  commune  du  terme  beauté:  mais 
je  crois  que,  philofophiquement  parlant ,  tout  ce  qui 
peut  exciter  en  nous  la  perception  de  rapports  ,  eft 
beau.  Foye^V  article  Beau.  La  beauté  n'eu  pas  l'objet 
de  tous  les  fens.  Il  n'y  a  ni  beau  ni  laid  pour  l'odorat 
&  le  goût.  Le  P.  André ,  Jéfuite ,  dans  fon  EJfaifur  le 
beau ,  joint  même  à  ces  deux  fens  celui  du  toucher  : 
mais  je  crois  que  fon  fyftème  peut  être  contredit  en 
ce  point.  Il  me  femble  qu'un  aveugle  a  des  idées  de 
rapports  ,  d'ordre ,  de  fymmétrie ,  &:  que  ces  notions 
font  entrées  dans  fon  entendement  par  le  toucher , 
comme  dans  le  nôtre  par  la  vue,  moins  parfaites  peut- 
être  &  moins  exactes  :  mais  cela  prouve  tout  au  plus 
que  les  aveugles  font  moins  affeftés  du  beau ,  que  nous 
autres  clair-voyans.  Foye{  l'article  Aveugle.  En  un 
mot ,  il  me  paroît  bien  hardi  de  prononcer  que  l'aveu- 
gle ftatuaire  qui  faifoit  des  buftes  reffemblans ,  n'a- 
voit  cependant  aucune  idée  de  beauté. 

*  BEAUVAIS ,  (  Géog.  )  ville  de  France ,  capitale 
du  Beauvoifis,  dans  le  gouvernement  de  l'île  de  Fran- 
ce, fur  leTherain.  Lon.  1  o.  44.  4Z.  lat.  4.6.  z6.  z. 

*  BEAUVOIR-SUR-MER ,  (  Géog.  )  petite  ville 
maritime  de  France  en  Poitou  ,  avec  titre  de  mar- 
-quifat. 

*  BEAUVOISIS  ou  BEAUVAISIS,  {Géog.)  petit 
pays  de  France  ,  dont  Beauvais  eft  la  capitale. 

*  BEAWDLEY  ,  {Géog.)  ville  d'Angleterre ,  dans 
la  province  de  "SVorcefter. 

*  BEBRE  ou  CHABRE ,  (  Géog.  )  rivière  du  Bour- 
bonnais en  France ,  qiu  a  ia  fource  vers  Montmorii- 


BEC 

lon,  reçoit  le  Val  &  le  Teiche  ,  paffe  à  la  Paiiffe  & 
à  Jaligne  ,  &  fe  jette  dans  la  Loire. 

*  BEBRIACUM  ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  ville  voi- 
fine  de  Crémone ,  dont  Plutarque  a  fait  mention  dans 
la  vie  d'Othon.  Les  uns  prétendent  que  c'eft  nôtre 
Bina ,  d'autres  veulent  que  ce  foit  Canetto. 

BEC  ,  f.  m.  (  Hifl.  nat.  Ornitholog.  )  partie  de  la 
tête  des  oiieaux,  qui  leur  tient  lieu  de  dents.  Il  y  a 
des  oifeaux  dont  le  bec  eft  dentelé  à  peu  près  comme 
une  fcie  :  mais  ces  fortes  de  dents  font  bien  différen- 
tes de  celles  des  quadrupèdes  ,  qui  font  logées  dans 
des  alvéoles.  Non-feulemeni  le  bec  fert  aux  oifeaux 
pour  prendre  leur  nourriture  ;  mais  c'eft  auffi  pour 
eux  une  arme  offenfive  :  de  plus  ils  arrangent  leurs 
plumes  avec  leur  bec  ,  &  il  y  en  a  quelques-uns  qui 
s'en  aident  comme  d'un  crochet  pour  élever  les  corps, 
&  qui  fe  laiffent  tomber  fur  cette  partie  dure  lors- 
qu'ils veulent  defcendre  à  une  petite  diftance  ;  tels 
lont  les  perroquets. 

Les  becs  des  oifeaux  font  fort  différens  les  uns  des 
autres  par  la  grandeur ,  la  figure ,  &c  &  ces  différen- 
ces font  lî  feniibles ,  qu'on  en  a  fait  des  caractères  dif- 
tinûifs  dans  les  diviiîons  méthodiques  des  oiieaux. 
Foye^  OiSEAU,  &  la  Plan.  FUI.  où  les  principales 
figures  des  becs  des  oifeaux  font  expofées ,  félon  la 
méthode  de  M.  Barre  ,  dans  fon  Ornithologie.  (/) 

*  Bec  ,  f.  m.  ce  terme  tranfporté  par  métaphore 
de  la  partie  de  la  tête  des  oifeaux,  qui  porte  ce  nom, 
à  une  inimité  d'autres  productions  naturelles  &  arti- 
ficielles ,  fe  dit  ordinairement  départies  fondes,  an- 
térieures &  pointues. 

Bec  a  ciseaux,  oifeau,  Foyei  Bec  croisé. 

Bec  courbe,  oifeau  mieux  connu  lous  le  nom 
à'avoceta.  Foye^  AvOCETA. 

Bec  CROISÉ  ,  f.  m.  loxia  ,  (  Hifl.  nat.  Ornithol.'} 
oifeau  qui  ne  diffère  guère  du  verdier  ;  il  pefe  une 
once  &  demie  :  il  a  environ  fix  pouces  de  longueur 
depuis  la  pointe  du  bec  jufqu'à  l'extrémité  de  la  queue  : 
le  bec  eft  noir  ,  dur ,  épais ,  &  fort  ;  il  eft  crochu  en- 
deffus  &  en-deffous  ;  cette  figure  eft  particulière  à 
cet  oifeau  à  l'exclufion  de  tout  autre.  Foyei  la  Plan- 
che VIII.  fig.  10.  les  deux  pièces  du  bec  font  cour- 
bées à  leur  extrémité  en  fens  contraire  l'une  de  l'au- 
tre ;  de  forte  que  l'extrémité  de  la  pièce  inférieure  eft 
recourbée  en-haut ,  &  celle  de  la  pièce  fupérieure 
l'eft  en-bas.  La  fituation  de  ces  pièces  n'eft  pas  tou- 
jours la  même  dans  tous  les  oifeaux  de  cette  efpece  : 
il  y  en  a  dont  la  pièce  fupérieure  paffe  à  droite  en  fe 
croifant  avec  la  pièce  inférieure  ,  &  dans  d'autres 
elle  fe  trouve  à  gauche  ;  c'eft  à  caufe  de  cette  con- 
formation qu'on  a  donné  à  ces  oifeaux  les  noms  de 
bec  croifé  &  de  bec  à  cifeaux.  La  mâchoire  inférieure 
&  la  langue  font  femblables  à  la  mâchoire  &  à  la 
langue  du  pinfon  ;  les  ouvertures  des  narines  font 
rondes  ,  les  trous  des  oreilles  font  grands  ,  l'iris  des 
yeux  eft  de  couleur  de  noifette  ,  les  pattes  font  bru- 
nes ,  les  ongles  noirs  ;  le  doigt  extérieur  tient  au  doigt 
du  milieu  à  fa  naiffance.  Le  milieu  des  plumes  de  la 
tête  &  du  dos  eft  noir  ,  &  les  bords  font  verds  ;  il  y 
a  auffi  fur  la  tété  une  légère  teinte  de  couleur  cen- 
drée ;  le  croupion  eft  verd  ,  le  menton  cendré  ,  la. 
poitrine  verte  ,  &  le  ventre  blanc  ;  mais  les  plumes 
qui  fe  trouvent  fous  la  queue ,  font  en  partie  noires 
ou  brunes.  Il  y  a  dix-huit  grandes  plumes  dans  cha- 
que aile  ;  elles  font  noirâtres  à  l'exception  des  bords 
extérieurs  des  premières  plumes  qui  font  verdâtres  ; 
la  queue  a  environ  deux  pouces  de  longueur  ;  elle  eft 
compofée  de  douze  plumes  noires  ,  dont  les  bords 
font  verdâtres. 

On  dit  que  cet  oifeau  change  trois  fois  de  couleur 
par  an;  qu'il  eft  verd  en  automne  ,  jaune  enhyver, 
&:  rouge  au  printems.  Gefner  rapporte  que  les  plu- 
mes de  la  poitrine ,  du  cou,  &  du  ventre  ,  prennent 
d'abord  une  couleur  rouge ,  qui  devient  enfuite  jau; 


BEC 

ne  ,  &  qiieleur  couleur  varie  principalement  en  hy- 
ver.  D'autres  affùrent  que  ces  oifeaux  changent  tous 
les  ans  de  couleur;  qu'ils  font  tantôt  jaunes,  tantôt 
verds ,  tantôt  rouges  ou  cendrés.  Ce  qu'il  y  a  de  plus 
vraiffemblable ,  c'eft  que  ce  changement  de  couleur 
dépend  de  l'âge  del'oiieau,  oudeslaifons  de  l'année. 
Au  rapport  d'Aldrovande  ,  le  bec-croijé  eft  fort  vora- 
ce  ;  il  aime  beaucoup  le  chénevi  ;  il  mange  aufli  des 
femences  de  fapin ,  il  niche  fur  cet  arbre  aux  mois  de 
Janvier  &  de  Février  ;il  ne  chante  que  quand  il  gelé 
ou  qu'il  fait  très-froid ,  tandis  que  les  autres  oifeaux 
gardent  le  filence  ;  au  lieu  qu'il  le  tait  en  été ,  tandis 
que  tous  les  autres  chantent ,  &c.  Ces  derniers  faits 
mériteroient  d'être  obfervés  avec  attention.  On  dit 
que  d'un  ou  de  deux  coups  de  bec,  ces  oifeaux  fen- 
dent par  le  milieu  les  pommes  de  fapin ,  &  qu'enfuite 
ils  en  mangent  les  femences  ,  ce  qui  caufe  un  grand 
dommage  dans  les  jardins.  Le  chant  du  bec-crolfé  eft 
afTez  agréable  :  on  trouve  ces  oifeaux  en  grande 
quantité  ,  &C  pendant  toute  l'année  en  Allemagne  , 
en  Bavière ,  en  Suéde ,  en  Norvège  ,  &  il  en  vient 
quelquefois  beaucoup  fur  la  côte  occidentale  de 
l'Angleterre  ,  où  ils  font  un  grand  dégât  dans  les 
vergers.  Willughby ,  omit.  Voye^  OiSEAU.  (/) 

GROS-BEC  ,   f.  m.  Coccothrojles  ,   (  Hijl.  nat. 
Ornith.  )  oifeau  ainfi  nommé  pour  la  grofléur  de  l'on 
bec  relativement  à  celle  du  corps.  Il  eft  d'un  tiers  plus 
grand  que  le  pinfon  ;  fon  corps  eft  court  ;  il  pefe  en- 
viron une  once  trois  quarts  :  il  a  fept  pouces  de  lon- 
gueur depuis  la  pointe  du  bec  jufqu'au  bout  des  on- 
gles ,  &  un  pie  d'envergure  :  la  tête  eft  groffe  en 
comparaifon  du  corps  ;  le  bec  eft  gros  ,  dur ,  large  à 
la  bafe ,  &  très-pointu  à  l'extrémité  ;  fa  longueur  eft 
d'environ  trois  quarts  de  pouce  ;  il  clt  de  couleur  de 
chair ,  ou  de  couleur  blanchâtre  ;  la  pointe  eft  noi- 
râtre ,  l'iris  des  yeux  eft  de  couleur  cendrée  ;  la  lan- 
gue femble  avoir  été  coupée  à  l'extrémité  comme 
celle  du  pinfon  :  les  pattes  font  d'une  couleur  rouge- 
pâle  ;  les  ongles  font  longs ,  fur-tout  celui  du  doigt 
du  milieu  ;  le  doigt  extérieur  tient  à  fa  naiflance  au 
doigt  du  milieu  :  les  plumes  qui  fe  trouvent  auprès 
de  la  bafe  du  bec  ,  font  de  couleur  orangée  ;  celles 
qui  occupent  l'efpace  qui  eft  entre  le  bec  tk.  les  yeux 
font  noires  ;  la  même  couleur  eft  dans  les  mâles  fur 
les  plumes  qui  font  autour  de  la  mâchoire  inférieure  ; 
la  tête  eft  d'une  couleur  jaune  rouffâtre  ;  le  cou  de 
couleur  cendrée  ;  le  dos  roux ,  à  l'exception  du  mi- 
lieu de  chaque  plume  qui  eft  blanchâtre  :  le  croupion 
eft  de  couleur  jaune  cendrée  ;  la  poitrine  ,  &  princi- 
palement les  côtés  ,  font  d'une  couleur  cendrée ,  lé- 
gèrement teinte  de  rouge  ;  les  plumes  font  blanchâ- 
tres fous  la  queue  ôc  fous  le  milieu  du  ventre.  Il  y  a 
dix-huit  grandes  plumes  dans  les  ailes,  dont  les  neuf 
ou  dix  premières  font  blanches  dans  le  milieu  feule- 
ment fur  les  barbes  intérieures  :  dans  les  fuivantes 
la  couleur  blanche  de  ces  barbes  ne  s'étend  pas  juf- 
qu'au tuyau  ;  les  trois  dernières  plumes  font  rouftes  ; 
la  pointe  des  plumes  depuis  la  féconde  jufqu'à  la  di- 
xième, eft  de  couleur  de  gorge  de  pigeon;  les  fix  ou 
fept  plumes  qui  fuivent ,  ont  le  bord  extérieur  de  cou- 
leur cendrée.  Tout  le  relie  de  ces  dix-huit  grandes 
plumes  eft  de  couleur  brune  ;  la  queue  eft  courte  ; 
elle  n'a  qu'environ  deux  pouces  de  longueur  ;  elle  eft 
compofée  de  douze  plumes  ;  les  barbes  intérieures 
de  la  partie  fupérieure  de  chaque  plume  font  blan- 
ches ;  les  barbes  extérieures  font  noires  dans  les  pre- 
mières plumes  de  chaque  côté  de  la  queue,  6i.  rouf- 
sâtres  dans  celles  du  milieu. 

Ces  oifeaux  font  fort  communs  en  Italie  ,  en  Fran- 
ce ,  en  Allemagne  ;  ils  reftent  en  été  dans  les  bois  & 
fur  les  montagnes  ;  en  hyver  ils  defeendent  dans  les 
plaines  ;  ils  carient  avec  beaucoup  de  facilité  les 
noyaux  de  ccrifes  6c  d'olives  ;  ils  vivent  pour  l'or- 
dinaire de  femence  de  chénevi,  de  panis,  &c,  ils  man- 


BEC 


183 


gent  aufu  les  boutons  des  arbres.  On  dit  que  c'eft  fur 
leur  fommet  que  ces  oifeaux  font  leurs  nids,  &  que 
les  femelles  y  dépofent  5  ou  6  œufs. 

Il  y  a  une  efpece  de  gros-bec  dans  les  Indes,  fur- 
tout  en  Virginie  ;  il  eft  à  peu  près  de  la  grofleur  du 
merle  ;  fon  bec  eft  un  peu  plus  court  que  celui  du 
nôtre  ;  il  a  une  belle  crête  fur  la  tête.  Cet  oifeau  eft 
d'une  belle  couleur  écarlate ,  qui  eft  moins  foncée 
fur  la  tête  &  fur  la  queue  que  fur  le  refte  du  corps; 
fon  chant  eft  fort  agréable ,  Willughby ,  Omit.  Voye{ 
Oiseau.  (/) 

Bec  DE  GRUE,  Géranium  ,  (  Hijl.  nat.  bot.  ) 
genre  de  plante  à  fleur  en  rofe ,  compofée  de  plu- 
fleurs  pétales  difpofés  en  rond  ;  il  s'élève  du  calice 
un  piftil  qui  devient  dans  la  fuite  un  fruit  en  forme 
d'aiguille  ,  dont  le  noyau  a  cinq  rainures  fur  fa  lon- 
gueur ;  dans  chacune  de  ces  rainures  eft  attachée  une 
capfule  terminée  par  une  longue  queue.  Ces  capfu- 
les  fe  détachent  ordinairement  de  la  bafe  du  fruit 
vers  la  pointe  ,  tk  fe  recoquillent  en-dehors  :  chacu- 
ne renferme  une  femence  ordinairement  oblongue. 
Tournefort,  Injl.  rei  herb.  Voyc^  Plante.  (/) 

Bec  d'oie  ,  nom  que  l'on  a  donné  au  dauphin  ,  à 
caufe  de  la  reflemblance  de  fon  bec ,  ou  plutôt  de  les 
mâchoires  avec  le  bec  d'une  oie.  Coy.  Dauphin. (/) 
Bec  ou  TUYAU  de  fentonnoir,  en  Anatomie  ,  c'eft 
une  production  très-mince  de  la  fubftance  des  parois 
de  la  cavité  que  l'on  appelle  entonnoir,  qui  s'épanouit 
autour  de  la  glande  pituitaire  où  elle  fe  termine.  V. 
Pituitaire.  (Z) 

Bec  (  Blafon  )  on  appelle  becs  en  termes  de  Bla- 
fon  ,  les  pendans  du  lambel.  Voye^  La  M  B  EL.  Ils 
étoient  autrefois  faits  en  pointes  ou  en  râteaux  ,  & 
ils  ont  aujourd'hui  la  figure  des  goûtes  qui  font  au- 
deffous  des  triglyphes  dans  l'ordre  dorique.  Voye^_ 
Ordre  dorique.  (^) 

B  E  c  ,  f.  m.  (  Géog.  )  nom  que  nous  donnons  à 
pluiieurs  pointes  de  terre  ,  où  deux  rivières  fe  joi- 
gnent ;  ainfi  nous  difons  le  bec  tfambes ,  de  l'endroit 
où  la  Garonne  &:  la  Dordogne  fe  rencontrent. 

Bec  (  en  terme  de  Bijoutiers  ,  &  autres  artijlcs  )  c'eft 
une  petite  avance ,  telle  qu'on  la  voit  aux  tabatières , 
ou  de  même  matière  que  la  tabatière  ,  &  loudée  fur 
le  devant  du  delfus ,  par  laquelle  on  ouvre  la  boîte  en 
y  appuyant  le  doigt  ;  ou  de  matière  différente  &  at- 
tachée au  même  endroit.  On  donne  le  nom  de  bec 
à  un  grand  nombre  d'autres  parties  acceiïoires  dans 
les  ouvrages  des  artiftes. 

Double  Bec,  forte  de  cuilliere  à  Fufage  des 
Ciriers.   Voye^  PI.  du  Ciritr ,jig,  ij. 

BEC  (  en  Ecriture  )  fe  dit  de  la  partie  fendue  de  la 
plume  ,  qui  fert  à  tracei  des  caractères  fur  le  pap'er. 
Il  y  a  quatre  fortes  de  becs  :  la  première ,  où  les 
parties  du  bec  font  coupées  d'égale  longueur  ,  &  pa- 
rallèlement ;  la  féconde ,  où  elles  (ont  roupées  en  an- 
gle ;  la  troilieme ,  où  l'angle  eft  plu  1  ble  ;  la 
quatrième ,  où  le  bec  eft  tres-menu  tk  cor.'  i  inégale- 
ment. La  iere  eft  pour  l'expcdition  ;  la  a  e  pour  le 
ftyle  aifé  ;  la  troilieme  pour  le  ftyle  régulier ,  &  la 
dernière  pour  les  traits  d'ornement. 

Bec  (  en  terme  cTEpinglier  fabriquant  d'aiguilles 
pour  les  bonnetiers  )  fe  dit  de  l'extrémité  pliée  &  re- 
courbée, qui  entre  dans  la  châlïe  de  l'aiguille  ;  c  eu 
proprement  la  pointe  ,  011  le  crochet  de  l'aiguille. 
Foyei  Bas  au  Métier. 

Faire  le  bec  (  en  terme  <F Eptngtier-AigttitleBtr}  c  eft 
avec  une  tenaille  arcuer  le  bec  d'une  aiguille  en  for- 
me de  demi  cercle  ,  dont  la  concavité  eft  en  dehors, 
tk  la  convexité  en  dedans,  ou  regarde  le  corps  de 
l'aiguille  &  la  châffe. 

BEC  d'Ane  (  chc\  les  Serruriers  )  c'eft  une  efpece 
de  burin  à  deux  bileaux  ,  qui  forme  le  coin  ,  mais 
dont  les  côtes  fupérieures  vont  en  s'arrondi:: 
en  s'évafant.  Sa  largeur  eft  ordinairement  de  trois 


ï84  BEC 

à  quatre  lignes  au  plus.  Son  ufage  eft  pour  commen- 
cer à  ébaucher  les  cannelures  &  mortoifes  qu'on  pra- 
tique aux  grofîès  barres  ;  le  bec  à! âne  renflant  mieux 
en  pareil  cas  que  les  autres  burins.  Il  fert  auffi  à  re- 
fendre les  clés  :  mais  alors  il  eft  très-petit  &  très- 
menu. 

Bec  d'Ane  (  che{  les  Arquebufiers  )  c  eft  un  petit 
outil  d'acier  dont  la  figure  n'eft  guère  différente  du 
bec  d'âne  des  Menuifiers  :  ils  s'en  fervent  pour  for- 
mer des  mortoifes  clans  le  bois  ;  &  ils  en  ont  de  tou- 
tes grofleurs  ,  depuis  celle  du  bec  d'âne  des  Menui- 
fiers ,  jutqu'à  la  moindre  groffeur. 

Bec  d'Ane  (  chéries Menuifiers  &  les  Charpentiers) 
eft  un  outil  d'acier ,  de  la  même  forme  que  les  pré- 
cédens  ,  &  qu'ils  employent  au  même  ufage.  Voye^ 
Menuisier.  PL  I.  fig-  J- 

Ce  font  les  Taillandiers  qui  font  les  becs  d'âne. 
Voyei  PL  II  du  Taillandier ,  fig.  prem.  un  bec  d'âne. 
K  K  eft  fa  queue  ,  /  fa  tige. 

Les  Tonneliers  ont  auffi  des  becs  d'âne ,  &  cet  outil 
eft  commun  à  prefque  tous  les  ouvriers  en  bois. 

Les  Tourneurs  en  ont  de  deux  fortes ,  de  droits  & 
de  ronds  ,  terminés  l'un  &  l'autre  par  une  efpece 
particulière  de  bifeau,  qui  ne  diffère  que  par  l'ar- 
rête du  tranchant,  qui  eft  perpendiculaire  à  la  lon- 
gueur de  l'outil  dans  le  droit ,  &  qui  eft  arrondie  en 
demi-cercle  dans  le  rond.  Voye^  Biseau,  &  les  fig. 
PL  I.  du  tour. 

Bec  de  Canne  (  terme  de  Cloutier  )  c'eft  une  ef- 
pece  de  clou  à  crochet  qu'on  nomme  auffi  clou  à  pi- 
geon. Le  crochet  en  eft  plat  &  reffemble  à  un  bec  de 
canne.  Ces  clous  fervent  à  attacher  les  paniers  à  pi- 
geons dans  les  volets.  Voye^Pl.  du  Cloutier , fig.  iy. 

Bec  de  Canne  ,  outil  qui  fert  aux  Menuifiers  à 
dégager  le  derrière  des  moulures  ;  il  ne  diffère  du  bec 
d'âne  qu'en  ce  qu'il  eft  plus  foible  de  tige ,  &  plus 
étroit  &  plus  allongé  par  le  bec.  Voye^  PL  I.  Menuifi. 
figure  S. 

Bec  DE  Corbin,  ou  les  Gentilshommes  au  bec 
de  corbin  (  Hifi.  mod.  )  officiers  de  la  maifon  du  roi , 
inftitués  pour  la  garde  de  la  perfonne  de  fa  Majefté. 
Ils  n'étoient  que  cent  au  commencement:  mais  quoi- 
qu'on en  ait  depuis  doublé  le  nombre ,  on  les  a  tou- 
jours appelles  les  cène  gentilshommes.  Ils  marchent 
deux  à  deux  devant  le  roi  aux  jours  de  cérémonie  , 
portant  le  bec  de  corbin  ou  le  faucon  à  la  main  ;  & 
dans  un  jour  de  bataille  ,  ils  doivent  fe  tenir  auprès 
du  roi  :  chaque  compagnie  a  fon  capitaine  ,  l'on  lieu- 
tenant ,  &  d'autres  officiers.  (  G  ) 

Bec  de  corbin  :  on  donne  en  général, ce  nom 
dans  les  Arts ,  à  tout  ce  qui  eft  recourbé  &  terminé 
en  pointe.  Cette  expreffion  eft  tirée  du  bec  du  cor- 
beau i  ainfi  quand  on  dit,  cela  eft  fait  en  bec  de  corbin , 
c'eft  comme  fi  l'on  difoit ,  cela  imite  la  forme  du  bec 
du  corbeau. 

Bec  de  Corbin  (  Marine  )  c'eft  un  infiniment 
de  fer  ,  fait  en  crochet ,  avec  lequel  un  calfat  tire  la 
vieille  étoupe  d'une  couture  ,  ou  d'entre  les  joints 
de  deux  bordages.  (  Z  ) 

Bec  de  Corbin,  Bec  de  Canne,  Bec  de 
LÉSard  ,  font  des  inftrumens  de  Chirurgie  en  forme 
de  pincettes  ,  qui  ne  différent  pas  effentiellement  du 
bec  de  grue ,  dont  on  donnera  plus  bas  la  description. 
Leur  ufage  eft  le  même  ,  &  on  ne  leur  a  donné  tous 
ces  différens  noms  qu'à  raifon  de  la  différente  lon- 
gueur ou  largeur  des  branches  antérieures.  On  ne 
trouve  plus  ces  inftrumens  que  dans  les  anciens  arlè- 
naux  de  Chirurgie.  Les  bornes  qui  font  preferites  pour 
chaque  matière ,  ne  permettent  pas  de  donner  des 
deferiptions  de  ces  inftrumens  ;  on  peut  les  voir  dans 
le  Traité  d'Opérations  de  M.  Dionis  ,  à  l'article  de 
l'extraction  des  corps  étrangers.  Foyei  PL  XXX.  de 
Chirurgie,  fig,z.3.  &  4.  la  confiru3ion.de quelques-unes 
de  ces  pincettes.  Voye^  TlRE-BALLE.   (  X") 


BEC 

Bec  de  Corbin  ,  (  Jardinage  )  figure  faite  en  cro- 
chet ou  en  bec  d'oifeau ,  qui  entre  dans  la  composi- 
tion des  parterres  de  broderie.  V.  Parterre.  (K  ) 
%.  Bec  de  Corbin,  (outil d'Arquebuficr)  c'eft  un 
cifeau  emmanché  ,  comme  le  bec  d'âne  ,  &c.  dont  le 
fer  eft  recourbé  par  en  bas,  comme  un  bec  de  cor- 
beau. Le  bout  du  bec  eft  plat  &  tres-tranchant.  Les 
Arquebufiers  s'en  fervent  pour  nettoyer  une  mor- 
taiSe ,  &c  fculpter  des  ornemens  fur  un  bois  de  fufil. 

Bec  de  Corbin  ,  (terme  de  Chapelier)  c'eft  une 
efpece  de  crochet  de  bois  ,  qui  fait  partie  de  l'arçon 
des  Chapeliers  :  le  bec  de  corbin  foûtient  par  un  bout 
la  corde  de  l'arçon ,  &  fert  à  arçonner  ou  faire  vo- 
ler l'étoffe  fur  la  claie.  Voye^  la  fig.  16.  PL  du  Chap. 

Bec  de  Gorcin,  (Manège)  eft  un  petit  mor- 
ceau ,  de  fer  de  la  largeur  d'un  pouce ,  &  qui  en  a  3  ou 
4  de  long,  que  l'on  Soude  à  un  des  fers  de  derrière  , 
pour  empêcher  un  cheval  boiteux  de  marcher  fur 
l'autre  fer  de  derrière.  (  Z  ) 

Bec  de  Grue  Musqué.  Voye7^  Herbe  à  Ro- 
bert. 

Bec  de  Grue  ,  c'eft  un  infiniment  dont  fe  fer- 
vent les  Chirurgiens  dans  leurs  opérations  ,  parti- 
culièrement pour  tirer  des  balles  de  plomb  &  au- 
tres corps  étrangers  hors  des  plaies.  Voye^  Tire- 
balle.  Le  bec  de  grue  eft  une  pincette  compofée  de 
deux  branches  unies  enfemble  par  jonchon  paffée. 
Voye^Pl.  III.  fig.  3.  La  branche  qui  reçoit  fe  nom- 
me branche  femelle,  &  on  appelle  branche  mâle  celle 
qui  eft  reçue.  La  jonclion  de  ces  deux  pièces  forme 
le  corps  de  l'inftrument,  qui  paroît  au-dehors  d'une 
figure  quarrée  ;  les  furfaces  Supérieure  ck  inférieure 
de  ce  quarré  ont  environ  cinq  lignes  de  longueur  , 
&  les  latérales  excédent  cette  mefure  d'une  ligne  : 
le  corps  de  l'inftmment  fe  divife  en  parties  antérieu- 
res &  parties  poftérieures. 

Les  parties  poftérieures  font  regardées  comme  le 
manche  de  l'inflrument,  elles  font  différemment  con- 
tournées ;  la  branche  mâle  eft  toute  droite,  ôc  la  fe- 
melle eft  doucement  courbée  dans  toute  fa  longueur  ; 
ce  qui  l'éloigné  de  deux  pouces  ou  environ  de  la 
branche  mâle ,  lorfque  la  pincette  eft  fermée ,  &  aug- 
mente considérablement  la  force  de  l'inflrument.  Ces 
branches  font  plattes ,  pour  préfenter  plus  de  Surface 
à  la  main  &  aux  doigts  qui  doivent  les  empoigner. 
Leurs  races  intérieures  font  planes  :  mais  l'extérieure 
eft  légèrement  arrondie  pour  s'accommoder  à  la  fi- 
gure creuS'e  de  la  main.  La  longueur  de  ces  branches 
eft  de  cinq  à  fix  pouces  ;  leur  épaiffeur  près  du  corps 
eft  de  trois  lignes,  &  leur  largeur  eft  de  cinq  :  mais 
en  s'approchant  de  l'extrémité  ,  elles  diminuent  d'é- 
paiffeur  &c  augmentent  de  quelques  lignes  en  largeur. 

Ces  pincettes  font  naturellement  écartées  par  un 
fimple  reffort  très-élaftique;  c'eft  une  languette  d'a- 
cier battue  à  froid ,  afin  d'en  reflerrer  les  pores  &c  lui 
donner  par-là  beaucoup  d'élafticité.  Ce  reffort  eft: 
percé  d'un  trou  à  fon  talon  ,  pour  y  paffer  un  clou 
qui  traverfe  aufli  la  branche  mâle  de  la  pincette ,  & 
qui  efl  fi  exactement  rivé  &  limé  fur  la  Surface  Supé- 
rieure qu'il  n'y  paroît  point. 

Il  nous  refte  à  examiner  la  partie  antérieure  ou  le 
bec  de  l'inflrument.  Il  commence  à  la  partie  antérieu- 
re du  corps  au-delà  de  la  jonction  ,  par  une  tète  ar- 
rondie fur  les  faces  Supérieure  &  intérieure  ,  mais 
applattie  fur  les  côtés.  Cette  tête  eft  formée  par  deux 
demi-cercles  ,  dont  le  plus  grand  le  trouve  à  la  par- 
tie Supérieure  ou  branche  femelle ,  &  l'autre  à  l'infé- 
rieure ;  ces  deux  cercles  mis  enfemble ,  font  un  trou 
horifontal  qu'on  appelle  l'ail  de  la  pincette  :  mais  lorf- 
que l'inflniment  eft  ouvert ,  ils  reflèmblent  avec  le 
bec  à  une  gueule  béante. 

Le  refte  du  bec  eft  deux  branches  pyramidales ,  dont 
le  commencement  a  environ  deux  lignes  &  demie 
d'épaifleur  ÔC  cinq  lignes  de  large  ;  elles  l'ont  exac- 
tement 


BEC 

tement  planes  en  dedans ,  arrondies  en  dehors  ,  & 
Vont  un  peu  en  diminuant  dans  l'efpace  de  trois  pou- 
ces pour  fe  terminer  par  une  pointe  moufle  &  très- 
arrondie.  Ces  deux  lames  qui  forment  le  bec  font  lé- 
gèrement courbées  en  dedans  ;  ce  qui  fait  que  l'inftru- 
ment  étant  fermé ,  on  voit  un  efpace  entre  ces  deux 
lames  ou  branches  ,  qui  devient  moins  confidéra- 
ble  à  mefure  qu'il  approche  de  l'extrémité  du  bec  ;  ce 
qui  fait  que  ces  branches  fe  touchant  par  leur  extré- 
mité ,  pincent  avec  plus  d'exacf  itude.  Cette  descrip- 
tion eft  extraite  du  traité  d'injlrumens  de  M.  de  Ga- 
rengeot ,  Chirurgien  de  Paris.   (  Y  ) 

BEC-DE-LlEVRE  ,  {terme  de  Chirurgie.')  cft  une  dif- 
formité dans  laquelle  la  lèvre  fupérieure  eft  fendue 
comme  celle  des  lièvres.  Cette  diviflon  qui  arrive 
auflî  quelquefois  à  la  lèvre  inférieure ,  vient  d'un  vi- 
ce de  conformation  avant  la  naiflance,  ou  par  acci- 
dent, comme  chute,  coup,  incifion,  &c.  Le  bec-de- 
lievre  accidentel  eft  ancien  ou  récent  :  l'ancien  eft  ce- 
lui dans  lequel  les  bords  de  la  plaie  n'ayant  point 
été  réunis ,  fe  font  cicatrifés  à  part  fans  fe  joindre  : 
le  récent  eft  celui  dont  les  bords  font  encore  fan- 
glans.  Celui-ci  fe  guérit  par  le  bandage  unifiant ,  fila 
plaie  eft  en  long,  ou  par  la  future  entre-coupée,  fi 
elle  a  une  autre  direction.  Ces  deux  moyens  de  réu- 
nion n'ont  lieu  que  lorfqu'il  n'y  a  point  de  déperdi- 
tion de  fubftance  ;  &  dans  ces  cas  le  traitement  du 
bec-de-lievre  accidentel  &  récent  ne  diffère  point  de 
celui  qui  convient  à  une  plaie  fimple.  Voye^  Plaie. 
Le  bec-de-lievre  de  naiflance,  celui  qui  eft  acciden- 
tel &  ancien,  &  celui  qui  eft  accidentel  récent,  & 
dans  lequel  il  fe  trouve  perte  de  iubftance ,  exigent 
la  future  entortillée,  parce  que  dans  les  deux  pre- 
miers cas  il  faut  rafraîchir  les  bords  de  la  diviflon  , 
avant  de  procéder  à  la  réunion  ;  &  que  la  future  en- 
tre-coupée n'eft  point  capable  d'afliijettir  les  deux  lè- 
vres de  la  plaie,  lorfqu'il  y  a  déperdition  de  fub- 
ftance. 

Pour  rafraîchir  les  lèvres  de  la  diviflon  d'un  bec-de- 
lievre  de  naiflance  ou  accidentel  ancien  ,  on  fe  fert  des 
cifeauxou  du  bittouri:  on  approche  enluite  les  deux 
plaies  récentes,  ayant  foin  de  les  mettre  bien  au  ni- 
veau l'une  de  l'autre  :  un  aide  les  foûtient  dans  cette 
fituation ,  en  avançant  avec  les  mains  les  deux  joues 
vers  la  diviflon.  La  peau  prête  aflez  pour  cette  ap- 
proximation, quelque  déperdition  de  fubftance  qu'il 
y  ait.  Les  lèvres  de  la  plaie  étant  bien  rapprochées, 
le  chirurgien  polo  l'extrémité  du  pouce  &  du  doigt 
indicateur  de  la  main  gauche,  au  côté  droit  de  la  di- 
viflon: il  prend  avec  le  pouce  &  le  doigt  indicateur 
de  la  main  droite,  une  aiguille  convenable,  (  Voye\ 
Aiguille)  qu'il  fait  entrer  dans  le  côté  gauche,  à 
quelques  lignes  delà  diviflon,  pour  traverfer  la  plaie, 
en  approchant  le  plus  qu'on  peut  de  la  membrane  in- 
terne de  la  lèvre,  afin  de  procurer  également  la  réu- 
nion de  toute  l'épaifleur  de  cette  partie.  La  pointe 
de  l'aiguille  doit  foi  tir  entre  les  deux  doigts  de  la  main 
gauche ,  qui  appuient  légèrement   fur  la  peau ,  & 
qui  la  tendent  au  côté  droit  de  la  diviflon:  la  fortie 
de  l'aiguille  doit  être  à  la  même  diftance  du  bord  droit 
de  la  plaie ,  que  l'on  entrée  l'eit  du  bord  gauche.  Pour 
réunir  un  bec-de-lievre,  il  lu  Ait  ordinairement  de  met- 
tre deux  aiguilles  :  la  première  doit  fe  pafler  un  peu 
au-deflus  du  bord  rouge  de  la  lèvre,  &  l'autre  près 
de  l'angle  fupérieur  de  la  plaie.  Lorfquc  les  aiguilles 
font  placées,  on  prend  un  fil  ciré  ,  qu'on  tait  tourner 
Amplement  deux  ou  trois  fois  autour  de  la  première 
aiguille  qu'on  a  mile,  en  le  faifant  pafler  alternati- 
vement fous  fa  tête  &  fous  fa  pointe.  Le  même  Al 
fert  à  faire  pareillement  deux  ou  trois  tours  lous  les 
extrémités  de  l'aiguille  fupérieure  ;  <>  te  les  deux 

bouts  du  Al  par  une  rofette  à  cote  de  L'angle  fupé- 
rieur de  la  plaie  :  on  met  une  petite  comprefle  ou  une 
petite  boule  de  cire,  fous  la  pointe  de  chaque  aiguil- 
Torne  II. 


BEC 


185 


le,  pour  empêcher  qu'elle  ne  blefle;  &  on  en  met  au- 
tant fous  les  têtes  pour  leur  fervir  d'appui. 

On  couvre  la  diviflon  avec  un  petit  lambeau  dé 
toile,  imbibé  de  baume  vulnéraire,  &  on  maintient 
le  tout  avec  une  petite  bandelette  à  quatre  chefs  > 
dont  le  plein  pofe  fur  l'appareil ,  &  dont  les  extrémi- 
tés s'appliquent  au  bonnet ,  en  fe  croifant  de  chaque 
côté ,  de  façon  que  le  chef  fupérieur  croife  l'infé- 
rieur,  &  aille  s'attacher  latéralement  au  bonnet,  au^ 
deflbus  de  celui-ci.  On  appelle  ce  bandage  une  fron- 
de ,  il  eft  Amplement  contentif.  Quelques  praticiens 
le  préfèrent  à  l'unifiant,  parce  qu'il  eft  moins  fujet  à 
fe  déranger.  Je  crois  cependant  qu'il  faudrait  préfé- 
rer un  bandage,  qui,  en  tendant  à  rapprocher  les 
joues  vers  les  lèvres ,  foulageroit  beaucoup  les  points 
de  future.  Voyc^  Fronde. 

Pendant  l'opération  qui  vient  d'être  décrite,  le 
malade  doit  être  alfis  fur  une  chaife ,  tk  avoir  la  tête 
appuyée  fur  la  poitrine  de  l'aide  Chirurgien ,  dont 
les  mains  rapprochent  les  joues ,  &  les  pouffent  l'une 
contre  l'autre  vers  la  divilion. 

Quelques  heures  après  l'opération  &  l'application 
de  l'appareil,  on  fait  faigner  le  malade  pour  préve- 
nir l'inflammation.  On  lui  défend  exactement  de  par- 
ler; on  tâche  d'éloigner  de  fa  vue  tout  ce  qui  pour- 
rait le  déterminer  à  cette  a&ion  ou  à  rire;  on  ne  lui 
donne  du  bouillon  que  rarement ,  &  dans  un  biberon 
ou  cuilliere  couverte ,  parce  que  l'aclion  des  lèvres 
nuiroit  beaucoup  à  la  réunion.  L'éternuement  peut 
occafionner  beaucoup  de  defordre  après  l'opéra- 
tion du  bec-de-lievre.  Si  un  enfant  fe  trouve  dans  le 
cas  de  cette  opération ,  on  confcille  de  l'empêcher 
de  dorrrïir  une  nuit ,  &  on  opère  le  lendemain  au  ma- 
tin. Par  ce  moyen  il  pourra  relier  tranquille  après 
l'opération;  ce  ftratagème  paroit  pouvoir  aflurer  la 
réunion  :  elle  eft  ordinairement  faite  au  bout  de  24 
ou  36  heures;  on  ôte  alors  les  aiguilles,  &  on  con- 
tinue le  bandage  uniffant  ;  on  pourrait  même  conte- 
nir les  lèvres  de  la  plaie  avec  des  languettes  de  toile 
couvertes'd  emplâtre  agglutinatif.  On  peut  lire  dans 
le  premier  volume  des  Mémoires  de  l'Académie  royale 
de  Chirurgie ,  des  obiervations  flngulieres  de  M.  de  la 
Faye,  &  de  plufleurs  autres  Académiciens,  fur  les  becs* 
de-lievre  venus  de  naiflance ,  &  fur  diflérentes  métho- 
des de  corriger  ces  difformités  :  on  y  trouvera  des 
moyens  de  remédier  au  déchirement  qui  furvient  lorf- 
que les  points  d'aiguille  manquent ,  ù  qu'il  n'eft  plus 
poflible  de  pratiquer  la  future  entortillée  par  le  défaut 
de  folidité  des  parties  qui  dévoient  la  foûtenir.  (  J") 

BECASSE,  f.  ï.fcolopax,  (Hijl.  nat.  Ornith.  )  oi- 
feau  qui  eft  moins  gros  que  la  perdrix.  Toute  la  par- 
tie lupérieure  eft  bigarrée  de  trois  couleurs,  qui  font 
le  roux,  le  noir  &  le  cendré.  Depuis  le  bec  jufqu'au 
milieu  de  la  tête  ,  les  plumes  font  prefque  toutes  de 
couleur  ronfle  mêlée  de  noir;  la  poitrine  &  le  ventre 
font  de  couleur  cendrée ,  &  il  y  a  des  lignes  tranl  ver- 
fales  d'un  brun  obfcur  ;  le  deAbus  de  la  queue  eft 
un  peu  jaune;  le  menton  eft  de  couleur  blanchâtre 
mêlée  de  jaune  :  il  y  a  une  ligne  noire  depuis  les  yeux 
jufqu'au  bec  :  le  derrière  de  la  tête  efl  prefqu'entie- 
rementnoir,  avec  deux  ou  trois  bandes  tranlvcrfales 
de  couleur  de  terre  cuite.  Il  y  a  vingt-trois  grandes 
plumes  dans  les  ailes ,  elles  font  noires ,  &:  ont  des 
taches  tranfverfales  de  couleur  rouffe;  les  petites  plu- 
mes qui  lont  fous  les  ailes,  ont  des  bandes  tranlver- 
fales  de  deux  couleurs ,  qui  font  le  cendré  &  le  roux. 
La  queue  a  environ  trois  pouces  trois  lignes  de  lon- 
gueur, elle  efl  compofée  de  douze  plumes,  dont  les 
pointes  font  blanches  fur  la  face  intérieure ,  &:  de  cou- 
leur cendrée  fur  la  face  fupérieure  ;  les  bords  lem- 
blent  avoir  des  entailles  ou  des  dents  de  couleur  rouf- 
fe ,  le  relie  efl  noir. 

Le  bec  a  trois  pouces  de  longueur  ;  il  cft  d'un  brun 
obfcur  à  fon  extrémité,  mais  auprès  de  la  tête  cette 

Aa 


i86 


BEC 


couleur  eft  moins  foncée,  &  tire  fur  la  chair;  la- 
Partie  fupérieure  du  bec  eft  un  peu  plus  longue  que  la 
Partie  inférieure  ;  la  langue  eft  tendineufe  ;  le  palais 
eft  tuberculeux  ;  les  oreilles  font  grandes  &  bien  ou- 
vertes ;  les  yeux  font  placés  plus  haut ,  &  plus  en  ar- 
rière que  dans  les  autres  oifeaux  ;  c'eft  pourquoi  la 
bécajfe  ne  les  blefle  pas  lorfqu'eJle  fouille  dans  la  terre 
avec  fon  bec  :  les  jambes,  les  pattes,  les  doigts  font 
d'un  brun  pâle ,  les  ongles  font  noirs  ;  le  doigt  de  der- 
rière eft  fort  court ,  &c  fon  ongle  eft  le  plus  petit  de 
tous. 

Au  printems  cet  oifeau  quitte  notre  pays  :  mais  il 
s'accouple  auparavant.  Le  mâle  &  la  femelle  fe  lui- 
vent  par  tout  :  ils  vivent  dans  les  forêts  humides ,  le 
îong  des  petits  ruiiïeaux  &  des  haies.  On  dit  que  dans 
les  jours  nébuleux ,  ils  ne  ceflent  d'aller  &  de  venir 
en  volant:  leurs  œufs  font  longs,  de  couleur  rou- 
geâtre ,  pâles  &  bigarrés  d'ondes  ôc  de  taches  bien 
foncées. 

La  femelle  eft  un  peu  plus  grande ,  &  pefe  plus  que 
le  mâle ,  &c  fa  couleur  eft  plus  foncée.  Ils  ont  environ 
treize  pouces  de  longueur  depuis  la  pointe  du  bec  , 
jufqu'à  l'extrémité  de  la  queue  ;  l'envergure  eft  de 
deux  pies  :  la  chair  de  la  becaffe  eft  excellente ,  la  cuil- 
fe  eft  le  meilleur  morceau.  Willughby ,  Ornithologie. 
Voyei  Oiseau.  (/) 

*  On  prend  les  bécajfes  à  la  pentiere  ;  fi  vous  avez 
des  bois  taillis,  &  proche  de-là  une  haute  futaie,  cou- 
pez-en quelques  arbres  dans  le  milieu  ;  faites-y  une 
clairière  ou  pafTée  de  fept  à  huit  toiles  ;  &  fermez  vo- 
tre paftee  par  la  pentiere ,  comme  vous  la  voyez  dans 
la  figure  de  nos  planches  de  chaffe.  Ebranchez  deux- 
arbres  A  B  ;  ajoûtez-y  deux  perches  C  D ,  CD  ;  ayez 
des  boucles  de  verre ,  comme  elles  font  n°  3 .  ces  bou- 
cles ferviront  à  fufpendre  votre  filet  aux  lieux  D,D  ; 
attachez  les  extrémités  E  E  de  votre  filet,  aux  pies 
des  arbres  A ,  £ ,  par  deux  cordes  lâches  ;  liez  des 
cordes  F,  F,  les  deux  autres  extrémités  G ,  G; faites 
paiTer  ces  cordes  dans  vos  boucles  de  verre  ;  qu'elles 
le  rendent  l'une  &  l'autre  en  un  même  lieu  R ,  à  fept 
ou  huit  toiles  de  la  pentiere  ;  faites-là  une  loge ,  avec 
cinq  ou  fix  branches  d'arbres  ;  que  cette  loge  foit  ou- 
verte vers  le  filet.  Quand  une  bécajje  le  viendra  jet- 
ter  dans  la  pentiere ,  le  chafTeur  caché  lâchera  les  ex- 
trémités R  des  cordes  ;  alors  le  filet  tombera ,  &  la 
bécajfe  n'aura  pas  le  tems  de  s'en  debarralîer.  Les  bé- 
cajjes  ne  volent  prelque  jamais  de  jour;  elles  reftent 
dans  les  bois,  pour  n'en  fortir  que  le  loir  à  l'appro- 
che de  la  nuit. 

On  peut  aulîi  les  prendre  aux  lacets  dans  les  bois , 
ou  le  long  des  ruifleaux  ;  ces  lacets  n'ont  rien  de  par- 
ticulier. 

Les  bécajfes  fe  mangent  rôties ,  fans  être  vuidées  : 
quand  on  en  veut  faire  un  ragoût,  on  ne  les  lailîe 
cuire  à  la  broche  qu'à  moitié  ;  on  les  dépecé  ;  on  les 
met  dans  une  caflerole  avec  du  vin ,  des  câpres ,  des 
champignons ,  du  fel  &c  du  poivre ,  &  on  les  lailîe 
bouillir  jufqu'à  ce  que  la  cuiffon  foit  achevée.  Le  fal- 
mi  fe  fait  prelque  de  la  même  manière  ;  on  ajoute  feu- 
lement des  truies  &  des  anchois,  &  on  lie  la  faufle 
avec  le  foie  &  les  entrailles  de  la  bécajje. 

La  bécajfe  confrdérée  comme  aliment ,  palTe  pour 
être  nourriflante ,  reftaurante  &  fortifiante  :  mais  elle 
ne  fe  digère  pas  fi  aifément  que  les  oifeaux  dont  la 
chair  eft  blanche  ;  fes  fels  font  fort  exaltés  par  fon 
exercice  continuel,  ce  qui  fait  que  fa  chair  fait  du 
bien  à  ceux  qui  regorgent  d'acides.  Ses  cendres  paf- 
fent  pour  lithontriptiques.  La  bécajpne  fe  digère  moins 
bien ,  elle  a  au  refte  les  mêmes  propriétés  que  la  pré- 
cédente. Poyei  BÉCASSINE.  (N) 

BÉCASSE  DE  MER  ,  hcematopus ,  (Hifl.  nat.  Ornith.') 
oifeau  de  la  grofleur  de  la  pie  ou  de  la  corneille  ; 
cette  reiîemblance  de  grofleur  jointe  à  celle  des  cou- 
leurs ,  a  fait  donner  à  cet  oifeau  le  nom  de  pie  de  mer. 


BEC 

Il  pefe  dix-huit  onces,  il  a  dix-huit  pouces  de  lon- 
gueur depuis  la  pointe  du  bec  jufqu'à  l'extrémité  de 
la  queue  ou  des  pattes. 

Le  bec  eft  droit ,  long  de  trois  pouces,  applati  fur 
les  côtés,  terminé  en  pointe,  &c  de  couleur  rouge  : 
dans  une  autre  bécajje  de  mer ,  qui  étoit  peut-être  plus 
jeune  que  celle  qui  a  fervi  à  cette  delcription,  le  bec 
étoit  noirâtre  depuis  la  pointe  jufqu'au  milieu  de  fa 
longueur.  La  partie  fupérieure  du  bec  eft  un  peu  plus 
longue  que  l'inférieure  ;  l'iris  des  yeux  ôc  les  tarfes 
des  paupières  font  d'un  beau  rouge  ;  dans  un  autre 
ils  étoient  de  couleur  de  noifette  :  les  pies  lont  rou- 
ges, cet  oileau  n'a  point  de  doigts  de  derrière ,  &  le 
doigt  extérieur  tient  au  doigt  du  milieu  par  une  mem- 
brane. On  a  vu  des  oifeaux  de  cette  elpece  ,  qui 
avoient  les  pattes  d'un  brun  pâle ,  peut-être  étoient- 
ils  jeunes.  Les  ongles  font  noirs  ,  de  même  que  la  tê- 
te, le  cou,  la  gorge,  julqu'au  milieu  de  la  poitrine, 
&  le  dos.  Le  refte  de  la  poitrine ,  le  ventre  &c  le  crou- 
pion font  blancs.  Il  y  avoit  dans  une  autre  bécajje  de 
mer,  une  grande  tache  blanche  fous  le  menton,  & 
une  autre  petite  fous  les  yeux  :  la  queue  eft  en  par- 
tie noire  &  en  partie  blanche  :  la  première  des  gran- 
des plumes  de  l'aile  eft  noire,  à  l'exception  du  bord 
intérieur  qui  eft  blanc  :  dans  les  autres  plumes ,  l'ef- 
pace  qu'occupe  le  blanc  ,  augmente  de  plus  en  plus 
jufqu'à  la  vingtième  qui  eft  entièrement  blanche,  de 
même  que  les  trois  fuivantes  ;  mais  depuis  la  vingt-' 
troifieme ,  la  couleur  noire  reparoît  fur  les  plumes 
qui  fuivent.  Les  petites  plumes  de  l'aile  qui  recou- 
vrent les  grandes  du  milieu ,  font  blanches ,  ce  qui 
forme  un  trait  blanc  tranlverlal  fur  l'aile. 

On  trouve  dans  l'eftomac  de  la  bécajfe  de  mer  des 
patelles  entières ,  ce  qui  prouve  qu'elle  fait  la  prin- 
cipale nourriture  de  ce  coquillage.  On  voit  fréquem- 
ment cet  oifeau  fur  les  côtes  occidentales  de  l'An- 
gleterre ;  fa  chair  eft  noire  6c  dure.  "SVillughby ,  Omit. 
Voyc{  Oiseau.  (/) 

BÉC  ASSE,Jcolopax,(HiJt.  nat.  Ichthiolog.')  poiflbn 
de  mer.  Il  a  été  ainfi  nommé ,  parce  que  Ion  bec  eft 
long  comme  celui  de  l'oifeau  appelle  bécajje.  On  lui  a 
aulîi  donné  le  nom  d' 'éléphant ,  par  une  comparaifon 
plus  éloignée  que  l'on  a  faite  du  bec  de  ce  poiflbn 
avec  la  trompe  de  l'éléphant.  Ce  poiflbn  a  le  corps 
rond  ,  de  couleur  rouge  ,  couvert  d'écaillés  ron- 
des: il  y  a  auprès  de  la  queue  un  grand  aiguilion 
garni  de  dents  comme  une  lcie ,  du  côté  de  la  queue 
qui  eft  menue.  Ce  poiflbn  eft  petrt.  Rondelet.  Koye^ 
Poisson   &  Becune.  (/) 

BÉCASSE  ,  eft  un  infiniment  dont  les  Vanniers  fe 
lervent  pour  renverger  leurs  ouvrages  de  clômre. 
Voye{  Renverger.  Cet  outil  n'eft  autre  choie  qu'u- 
ne verge  de  fer  couibée  en  arc  de  cercle,  dont  le 
bout  leroit  un  peu  prolongé  en  ligne  droite  :  l'autre 
bout  iert  de  tige  à  la  partie  coudée ,  &  fe  termine  par 
une  queue  qui  s'emmanche  dans  un  morceau  de  bois. 
Voye^  la  Planche  du  Vannier. 

BÉCASSINE  ,  f.  f.  gallinago  minor  ,  (  Hifl.  nat. 
Ornith.  )  oileau  qui  pelé  environ  quatre  onces  :  il  a 
un  pié  de  longueur  depuis  la  pointe  du  bec  jufqu'à 
l'extrémité  des  pattes  ,  &  feulement  onze  pouces  ,  fi 
on  ne  prend  la  longueur  que  jufqu'au  bout  de  la 
queue  ;  l'envergure  eft  de  fept  pouces. 

Une  bande  blanche  mêlée  de  roux ,  occupe  le  mi- 
lieu de  la  tête,  &  de  chaque  côté  on  voit  une  tache 
de  couleur  mêlée  de  brun  &  de  roux.  Il  y  a  au-def- 
fus  des  yeux  une  autre  bande  ,  de  la  même  couleur 
que  celle  du  milieu  de  la  tête,  &  une  autre  entre  les 
yeux  &  le  bec ,  qui  eft  de  couleur  brune.  La  couleur 
des  plumes  qui  font  au-deflbus  du  bec  eft  L'anche  ; 
le  cou  eft  de  couleur  brune  mêlée  de  roux  ;  la  poitri- 
ne &  le  ventre  font  prelque  entièrement  blancs  ;  les 
grandes  plumes  qui  lortent  de  l'épaule  ,  s'étendent 
prelque  jufqu'à  la  queue  ;  leurs  barbes  intérieures 


BEC 

font  noires  &  un  peu  luifantes  ;  la  pointe  de  ces  plu- 
mes eft  de  couleur  roulle ,  6c  les  barbes  extérieures 
font  d'un  roux  pâle  ,  ce  qui  forme  alternativement 
des  bandes  de  différentes  couleurs.  Les  plumes  qui 
couvrent  le  clos  font  de  couleur  brune  ;  elles  ont  des 
lignes  tranlverfales  de  couleur  blanchâtre.  Les  plu- 
mes qui  couvrent  la  queue  font  rouffes  ,  avec  des  li- 
gnes noires  tranfvcrlales.  Les  plus  grandes  des  plu- 
mes qui  recouvrent  les  ailes  lont  de  couleur  brune, 
à  l'exception  de  la  pointe  qui  eft  blanche  ;  &  les  pe- 
tites font  panachées  de  noir  &  de  roux  pâle.  Il  y  a 
dans  chaque  aile  vingt -quatre  grandes  plumes  ;  le 
bord  extérieur  de  la  première  eft  blanc  preique  jui- 
qu'à  la  pointe  ;  l'extrémité  de  celles  qui  fuivent  eft 
un  peu  blanchâtre  ,  mais  cette  couleur  eft  beaucoup 
plus  claire  lur  les  plumes  qui  le  trouvent  depuis  la 
onzième  jufqu'à  la  vingt-unième  ;  au  relie  toutes  ces 
plumes  font  rouffes  :  enfin  les  dernières  ont  des  li- 
gnes tranlverfales ,  dont  les  unes  font  noires ,  &  les 
autres  de  couleur  blanche  mêlée  de  roux. 

La  queue  eft  compofée  de  douze  plumes  :  elle  pa- 
roît  très -courte  ,  parce  qu'elle  eft  recouverte  pref- 
cju'en  entier  par  les  plumes  qui  l'environnent.  La 
pointe  de  fes  plumes  extérieures  eft  blanche  ,  &  le 
refte  eft  traverlé  par  des  bandes  de  couleur  brune  , 
&  des  bandes  de  couleur  pâle  pofées  alternative- 
ment ;  leur  bord  extérieur  eft  d'un  blanc  plus  clair  ; 
les  plumes  qui  fuivent  de  chaque  côté  jufqu'à  celles 
du  milieu  font  preique  de  la  même  couleur ,  excepté 
que  la  pointe  eft  moins  blanche  ,  que  le  brun  appro- 
che plus  du  noir,  &  que  la  bande  blanche  du  haut  eft 
un  peu  rougeâtre.  La  pointe  des  plumes  du  milieu  eft 
blanchâtre  ;  au-deffus  du  blanc  il  y  a  une  bande  bru- 
ne qui  eft  fuivie  d'une  tache  rougeâtre  avec  des  ta- 
ches brunes  dans  le  milieu:  le  refte  de  la  plume  eft 
preique  entièrement  noir  ,  à  l'exception  d'une  ou 
deux  taches  rougeâtres  qui  font  fur  les  bords  exté- 
rieurs. Le  bec  de  la  bécaffîne  a  près  de  trois  pouces  de 
longueur  ;  il  eft  noir  à  la  pointe  ;  il  eft  un  peu  applati 
&  parfemé  de  petits  grains.  La  langue  eft  pointue. 
L'iris  des  yeux  eft  couleur  de  noilette.  Les  pattes 
font  d'un  verd  pâle.  Les  ongles  font  noirs.  Les  doigts 
font  longs  &  féparés  dès  leur  naiffance  ;  celui  de  der- 
rière eft  très-petit. 

Ces  oifeauxfont  paffagers,  au  moins  pour  la  plupart. 
Ils  nichent  dans  les  marais.  La  femelle  fait  d'une  feule 
ponte  quatre  ou  cinq  œufs.  La  bccajjine  vit  dans  les 
lieux  marécageux  6c  le  long  des  petits  ruiffeaux.  Sa 
chair  eft  très-tendre  &  d'un  goût  excellent.  Villugh- 
by,  Omit.  Voye{  OlSEAU.   (/) 

*  On  apprête  les  bkaftines  comme  les  bécaftes  , 
quand  on  les  veut  manger  rôties  :  mais  pour  les  met- 
tre en  ragoût ,  on  les  fend  en  deux  fans  les  vuider  ; 
on  les  paffe  à  la  poelle  au  lard  fondu ,  avec  poivre  & 
ciboule  :  on  y  fait  enfuite  dilliller  du  jus  de  champi- 
gnon ,  avec  un  peu  de  celui  de  citron  ;  &  le  ragoût 
eft  fait ,  quand  les  blca.ftft.nes  font  achevées  de  cuire  ; 
car  il  faut  obferver  qu'elles  doivent  être  à  moitié  rô- 
ties avant  que  d'être  fendues  en  deux. 

*  BECCABUNGA  ,  (  Hift.  nat.  bot.  )  Il  y  a  deux 
plantes  de  ce  nom  ;  le  grand  &  le  petit  beccabunga.  Le 
grand  a  la  racine  iibreule  ,  blanche  &  rampante;  la 
tige  couchée  à  terre,  cylindrique,  fongueufe,  rougeâ- 
tre &  branchue;  Cv  la  feuille  rangée  par  paires  op- 
pofées  fur  les  nœuds,  arrondie ,  longue  d'un  pouce  6c 
plus ,  liffe ,  luifante  ,  épaiffe  ,  crénelée ,  &  d'un  verd 
fonce.  De  l'aiffelle  de  la  feuille  il  fort  des  pédicu- 
les longs  d'un  palme  ou  d'un  palme  Cv  demi ,  chargés 
de  fleurs  difpofées  en  épi  ,  d'une  foule  pièce  ,  en  ro- 
lètte  bleue,  partagée  en  quatre  parties  percées  dans 
le  centre  ,  à  deux  étamines  lurmontees  d'un  fomxnet 
bleuâtre  ,  avec  un  piftil  qui  le  change  en  un  fruit 
membraneux  de  la  forme  de  cœur  applati ,  long  de 


-BEC 


187 


trois  lignes,  divifé  en  loges  qui  contiennent  plufieurs 
petites  graines  applaties. 

Le  petit  beccabunga  ne  diffère  du  grand  qu'en  ce 
que  l'a  tige ,  fa  feuille  &  fa  fleur  lont  plus  petites. 

On  les  trouve,  par  l'analyle  chimique  ,  compofés 
d'un  fol  effentiel  talé  ,  vitriolique ,  doux  6c  tempéré , 
peu  diffèrent  du  fol  admirable  de  Giauber,  délayé 
dans  beaucoup  de  phlegme  ,  &  enveloppé  d'une  allez 
grande  portion  d'huile. 

On  leur  attribue  la  vertu  d'échauffer ,  d'exciter  les 
urines  &  les  règles ,  de  brifer  le  calcul ,  &  de  hâter  la 
fortie  du  fœtus  :  on  s'en  fert  encore  pour  le  feorbut  ; 
mais  on  ne  l'ordonne  qu'aux  malades  d'un  tempéra- 
ment lèc  6c  chaud. 

BECCADE  ,  f.  f.  (Fauconnerie.  )  Les  fauconniers 
diient  faire  prendre  la  beccade  à  1  oifeau ,  pour  dire  lui 
donner  à  manger. 

BEC-FIGUE  ,  f.  m.ficedula ,  (  Hift.  nat.  Ornith.  ) 
beccafigo  à  Florence  ;  très-petit  oifoau  qui  eft  à  peine 
de  la  groffeur  de  la  linote  ordinaire.  Le  corps  eft 
court.  La  tête ,  le  dos ,  les  ailes  6c  la  queue ,  font  de 
couleur  cendrée  ou  de  feuille  morte  mêlée  de  verd; 
&  dans  quelques  -  uns  de  ces  oifeaux  ,  elle  eft  d'un 
brun  verdâtre.  Les  grandes  plumes  des  ailes  font  de 
couleur  brune  ou  gris  de  fouris  ;  leurs  tuyaux  font 
noirs  ;  les  bords  extérieurs  font  verdâtres.  La  queue 
a  environ  deux  pouces  de  longueur  ;  elle  eft  brune. 
Le  ventre  eft  blanc  ou  de  couleur  argentée  ;  celle  de 
la  poitrine  eft  un  peu  plus  foncée  ,  avec  quelque 
teinte  de  jaune.  Le  bec  eft  court  ;  la  pièce  fupérieure 
eft  noire ,  &  l'inférieure  bleuâtre.  Le  dedans  de  la 
bouche  eft  rouge.  Les  pattes  font  courtes  ,  de  cou- 
leur bleuâtre  ,  6c  quelquefois  plombée. 

Il  eft  allez  difficile  de  diftinguer  cet  oifeau  par  le 
moyen  de  la  delcription ,  parce  qu'il  n'y  a  rien  dé 
tranché  dans  fes  couleurs  :  auffi  y  a  t-il  plufieurs  for- 
tes d'oifeaux  que  l'on  rapporte  aux  mêmes  noms  de 
bec-figue  &  de  ficedula.  Willughby,  Omit.  Voy.  TÈTE 
noire.  Le  bec-figue  eft  excellent  à  manger  :  il  fe  nour- 
rit de  figues  ,  de  raifin  ,  &c.  F6ye[  Oiseau.   (  /) 

*  Pour  l'apprêter ,  on  le  plume  ;  on  lui  coupe  la 
tête  6c  les  pies  ;  on  le  rôtit  à  la  broche  :  à  mefure 
qu'il  cuit  on  le  faupoudre  de  croûte  de  pain  râpée 
6c  mêlée  de  fel ,  &  on  le  mange  au  verjus  de  grain  6c 
au  poivre  blanc. 

BECHARN,  oifeau.  Pbyrç Flamand.  (/) 

BECHE ,  infecte.  Voyei  Lisette.  (/) 

Bêche  ,  f.  f.  (Jard.)  eft  un  outil  de  fer  tranchant  ; 
large  ,  applati ,  d'environ  un  pic  de  long  fur  huit  à 
neuf  pouces  de  large,  6c  emmanché  d'un  bâton  de 
trois  pies  de  long.  Il  "eft  à  l'ufage  des  Jardiniers ,  qui 
s'en  fervent  pour  labourer  la  terre. .  . .  (  K  )  Voye^ 
PI.  du  Jardinier. 

Les  Artilleurs  ont  aufti  leur  bêche  ;  elle  leur  fert  à 
préparer  les  endroits  où  des  batteries  doivent  être 
placées.  Voy  e^  Art  milit.  PI.  XVII.  (Q) 

Ce  font  les  Taillandiers  qui  les  font.  Il  y  en  a  de 
rondes  &  de  quarrées.  Les  rondes  entrent  plus  faci- 
lement dans  la  terre;  les  quarrées  leparent  des  mor- 
ceaux de  terre  plus  étendus.  Pour  s'en  fervir,  on 
les  tient  à  la  main  ;  on  les  place  dans  l'endroit  qu'on 
veut  cultiver,  6c  on  les  fait  entrer  en  pouffant  avec 
le  manche  ,  &  en  aidant  cette  action  avec  le  pié  qu'on 
appuie  à  la  partie  fupérieure  de  la  bêche ,  à  côté  de  la 
douille  où  le  manche  eft  reçu.  Voye^  PI.  VII.  du  Tail- 
landier ,  en  B  6c  en  D  ,  une  bêche  ronde  6c  une  beche 
quarrée. 

*  Beche  ,  (Céog.)  rivière  de  Hongrie  ,  qui  le  jette 
dans  le  Danube  près  de  Belgrade. 

BECHET,efpece  de  chameau.  /".  Chameau. (/) 

*  BECHIN,  (Géog.)  petite  %  ilie  de  Bohême, du 
cercle  de  même  nom.  Long.  32.  J3.  lat.  4p.  14. 

*  BECHIQUES,  adj.  nom  qu'on  donne,  en  Me* 

A  a  ij 


i88 


BEC 


dccine ,  à  tous  les  remèdes  indiqués  dans  la  toux'  :  il 
vient  de  0af ,  toux. 

Quincy  donne ,  dans  fa  Pharmacopée ,  la  prépara- 
tion du  trochifque  fuivant,  que  M.  James  dit  préfé- 
rable à  tout  autre ,  &  falu  taire  dans  toutes  fortes  de 
toux.  Prenez  des  quatre  grandes  femences  froides 
écolTées ,  de  chacune  deux  onces  ;  graine  de  pavot 
blanc  ,  une  once  ;  mettez  le  tout  dans  un  mortier  de 
marbre  ;  verfez  deffus  une  quantité  fuffifante  de  jus 
de  régliffe  délayé  dans  de  l'eau-roie ,  &  de  la  confil- 
tance  d'un  firop  :  faites  une  pulpe  douce  ;  parlez  cette 
pulpe  par  un  tamis,après  y  avoir  ajouté  quatre  ou  cinq 
onces  de  pulpe  de  régliffe  :  ajoutez  enfuite  ftorax 
diffous  &  paffé  ,  une  once  ;  poudre  d'iris ,  trois  on- 
ces ;  graine  d'anis ,  une  once  ;  fenouil ,  une  once  ; 
fucre  fin ,  deux  livres  &  demie  :  mettez  le  tout  en 
une  pâte ,  &  faites-en  des  tablettes ,  dont  vous  pour- 
rez ulér  à  diferétion. 

*  BECHIRES  ,  f.  m.  pi.  (Géog.  )  peuples  de  Scy- 
thie ,  dont  Pline  a  fait  mention. 

BECK,  (Commerce.}  c'eft  un  poids  d'ufage  en  An- 
gleterre pour  peler  des  marchandées  lèches.  Lebeck 
tient  deux  gallons  ou  feize  livres  d'Angleterre.  Voye^ 
Gallon. 

*  BECKEN  ou  BECKUM,  (  Géog.)  petite  ville 
de  l'évêché  de  Munfter  en  Veftphalie. 

*  BECKENRIEDT  ,  (Géog.)  ville  de  Suiffe  dans 
le  canton  d'Underwaldt. 

BECQUÉ ,  adj.  en  termes  de  Blafon,  fe  dit  des  oi- 
leaux  dont  le  bec  eft  d'im  autre  émail  que  le  corps. 

Guiffray  Vachat  en  Bugey ,  d'afur  au  griffon  d'or , 
becqué  d'argent.  (  V) 

BECQUILLON,  f.  m.  en  Fauconnerie, te  dit  du  bec 
des  oifeaux  de  proie ,  lorfqu'ils  font  encore  jeunes. 
Cetoifeau  n'a  encore  que  le  becquillon. 

*  BECSANGIL ,  (  Géog.  )  province  d'Afie  ,  qui 
fait  partie  de  la  Natolie  ,  bornée  au  feptentrion  par 
la  mer  Noire ,  à  l'occident  par  la  mer  de  Marmora 
&  l'Archipel ,  au  midi  par  la  Natolie  propre ,  &  à 
l'occident  par  la  province  de  Bolli. 

BECTACHIS ,  f.  m.  pi.  (Hijl.  mod.)  efpece  de  re- 
ligieux chez  les  Turcs  ,  ainfi  nommés  de  Haji  Beâak 
leur  fondateur  ,  fameux  par  de  prétendus  miracles 
&  des  prophéties.  Il  vivoit  fous  le  règne  d'Amurat  I. 
qui  lui  envoya ,  dit-on ,  la  nouvelle  milice  qu'il  vou- 
loit  former  d'enfans  enlevés  aux  Chrétiens ,  afin  qu'il 
la  délignât  par  un  nom  ;  &  il  nomma  ces  foldats  Ja- 
niffaires :  foit  en  mémoire  de  cet  événement ,  loit  par- 
ce que  lesBccfachis  ne  font  pas  fort  réguliers  fur  l'heu- 
re de  la  prière ,  les  Janiffaires  trouvent  leur  dévotion 
fort  commode ,  &  font  très-attachés  à  leur  fe£te. 

Les  Beclachis  font  habillés  de  blanc  ,  &  portent  des 
turbans  de  laine ,  dont  la  leffe  eft  tortillée  comme  une 
corde.  Ils  croyent  honorer  lingulierement  l'unité  de 
Dieu  en  crian  hâ,  c'eft-à-dire  qu'il  vive.  Ces  moines 
fe  marient  ,  demeurent  dans  les  villes  &  dans  les 
bourgs  :  mais  par  leur  inltitut  ils  font  obligés  de  voya- 
ger dans  les  pays  éloignés.  Ils  doivent  à  tous  ceux 
qu'ils  rencontrent  le  ga^el ,  efpece  de  chant  affeftueux 
qui  par  allégorie  eft  appliqué  à  l'amour  divin  ;  &  Yel- 
ma ,  qui  eft  une  invocation  d'un  des  noms  de  Dieu 
qui  font  chez  eux  au  nombre  de  mille  &c  un.  Guer , 
mœurs  des  Turcs  ,  tom.  I. 

Ricaut ,  dans  Ion  ouvrage  de  l'empire  Ottoman , 
fait  mention  d'une  autre  fefte  Mahométane  ,  fuivie 
par  quelques  Janiffaires ,  &  nommée  Beclafchijles  de 
Beûas ,  aga  des  Janiffaires ,  au  commencement  du 
règne  de  Mahomet  IV.  Ou  les  nomme  autrement 
Zcratites ,  &  le  vulgaire  les  appelle  Munfconduren  , 
c'eft  -  à  -  dire  ceux  qui  éteignent  la  chandelle  ;  parce 
qu'on  les  aceufe  d'avoir  indifféremment  commerce 
avec  toutes  fortes  de  perfonnes  dans  leurs  aflém- 
blées ,  &  d'y  permettre  Fincefte  à  la  faveur  de  l'obf- 
curité.  Au  refte  ils  obfervent  la  loi  de  Mahomet  pour 


B  E  D 

ce  qui  régarde  le  culte  divin  :  mais  ils  penfent  qu'il 
n'eft  pas  permis  de  donner  des  attributs  à  Dieu  ,  ni 
de  dire  qu'il  eft  grand ,  qu'il  eft  jufte  ;  parce  qu'il  eft 
un  être  très  -  limple  ,  &  que  nos  idées  n'approchent 
point  de  la  fimplicité  de  fon  effence.  Ce  mélange 
monftrueux  de  fpiritualité  rafinée  &  de  libertinage , 
fait  que  cette  fecte  eft  très-peu  fuivie.  (  G) 

*  BECUIBA  NUX  ,  noix  de  Becmba ,  (  Hijl.  nat. 
bot.  )  efpece  de  noix  brune  ,  commune  au  Brélil ,  de 
la  groffeur  d'une  noix  muicade ,  pleine  d'une  aman- 
de huileufe ,  couveite  d'une  coque  ligneufe.  On  met 
cette  amande  au  rang  des  balfamiques. 

BECUNE  ou  BEKUNE ,  f.  f.  (  Hijl.  nat.  Ichthiol.) 
poiffon  de  mer  auquel  on  a  auffi  donné  le  nom  de 
brochet  de  mer ,  parce  qu'il  reffemble  à  notre  brochet , 
&  que  fa  chair  en  a  le  goût.  Il  y  a  des  bécunes  que 
l'on  appelle  bécajfes  de  mer,  parce  qu'elles  ont  le  bec 
allongé.  On  pêche  la  bécune  fur  la  côte  d'Or  en  Gui- 
née ,  fur  les  rivages  avec  de  grands  filets ,  dans  les 
mois  d'Oftobre  &  de  Novembre.  Celle  que  l'on  nom- 
me bécajfe  de  mer  fe  trouve  fur  les  côtes  de  l'Améri- 
que ;  elle  a  jufqu'à  huit  pies  de  longueur.  Ce  poif- 
fon eft  fort  dangereux  par  fa  morfure  fur- tout ,  parce 
qu'd  mord  hardiment  fans  s'épouvanter  du  bruit ,  ni 
des  mouvemens  que  l'on  peut  faire  pour  l'écarter. 
On  dit  que  fa  chair  eft  fouvent  un  poilon  auffi  dan- 
gereux que  l'arfenic  ,  &  on  prétend  que  c'eft  lorf- 
que  la  bécune  s'eft  nourrie  de  mançeuille  fur  les  côtes 
des  îles  de  l'Amérique.    (  /  ) 

*  BECZAU ,  (  Géog.)  ville  de  Bohême  fur  la  ri- 
vière deTopel. 

BECZKÀ  ,  f.  f .  (  Commerce.  )  mefure  dont  on  fe 
fert  en  Pologne  pour  les  marchandées  lèches  &  hu- 
mides. La  bec^ka  de  Vilna  tient  3  50  livres  de  grain, 
&  celle  de  Smolensko  325  livres. 

BEDA  ,  (  Métallurg.  )  on  nomme  ainli  au  Potoli 
une  mine  d'or  ou  d'argent,  lorfqu'elle  eft  mêlée  de 
fer.  Voye{  Mine.   (M) 

BECHOTTER  ,  (Jardinage.)  Voyei  BEQUILLER. 

*  BED  ARIEUX  ,  (  Géog.  )  ou  BEC  D'ARIEUX  , 
ville  de  France  ,  dans  le  Languedoc ,  au  diocele  de 
Beziers ,  fur  la  rivière  d'Obe.  Long.  zo.  64.  lat.  43. 

39- 

*  BED  AS ,  (  Géog.  &  Hijl.  mod.  )  peuples  d'Afie , 
dans  l'ile  de  Ceylan.  Ils  habitent  une  grande  forêt  au- 
près de  la  mer,  au  nord-eft  de  l'île.  Ce  font  des  fau- 
vages  blancs  ,  fort  adroits  à  tirer  de  l'arc.  Ils  apprê- 
tent leur  viande  avec  du  miel  ;  ils  la  mettent  avec 
cet  affaifonnement  dans  un  trou  d'arbre ,  bouché  d'un 
tampon,  où  ils  la  laiffent  pendant  un  an;  après  quoi, 
ils  l'en  retirent  &  la  mangent.  Il  y  a  beaucoup  d'abeil- 
les dans  leurs  forêts  ;  ils  n'ont  aucune  demeure  fixe  ; 
ils  errent ,  habitant  tantôt  un  lieu,  tantôt  un  autre. 

*  BEDBUR  ,  (  Géog.  )  petite  ville  du  duché  de 
Juliers. 

BEDEAU  ,  f.  m.  (  Hijl.  mod.  )  bas  officier ,  fer- 
gent ,  qui  fomme  les  perlonnes  de  paroître  ou  de  ré- 
pondre. 

Bedeau  ,  fe  dit  encore  d'un  officier  fubalterne 
dans  les  univerfités ,  dont  la  fonction  eft  de  marcher 
devant  le  recteur  &  les  autres  principaux ,  avec  une 
maffe ,  dans  toutes  les  cérémonies  publiques. 

Les  uns  difent  que  bedelli  vient  par  corruption  de 
pedelli ,  parce  que  les  bedeaux  lervent  &  courent  à 
pié  ;  les  autres  font  dériver  ce  nom  de  pedo  feu 
baculo  ,  parce  qu'ils  portent  une  baguette  ;  ils  for- 
ment pedellus  de  pedurn,  efpece  de  baguette  ,  qui  eft 
leur  fymbole  ;  &  de  pedellus  ,  ils  font  le  nom  bedel- 
lus.  Il  en  eft  qui  s'imaginent  en  avoir  trouvé  l'éty- 
mologie  dans  l'Hébreu  bedal ,  ordonner ,  ranger  ,  dif- 
pofer.  Spelman  ,  Voffius  ,  &  Somner  ,  dérivent  be- 
deau du  Saxon  bidel,  crieut  public  ;  c'eft  dans  le  mê- 
me l'ens  que  certains  anciens  manulcrits  Saxons,  nom- 
ment les  évêques  bedeaux  de  Dieu  ,  Dei  bedalli. 


B  E  D 

Le  traducteur  du  nouveau  Teftament  Saxon  rend 
exaclor ,  par  bydele  ;  &  ce  mot  eu"  employé  dans  les 
lois  d'Ecolfe  ,  pour  fignifier  la  même  choie. 

Dans  les  églilc'j  6c  paroiffes,  on  nomme  bedeaux  de 
bas  officiers  laies  ,  vêtus  de  longue  robes  de  drap 
rouge  ou  bleu  ,  portans  fur  la  manche  gauche  une 
plaque  d'argent  ou  un  chifre  en  broderie, qui  repré- 
sente l'image  où  le  nom  du  patron  de  cette  églile  ;  ils 
ont  à  la  main  droite  une  verge  ou  baleine  garnie  de 
viroles  &  de  plaques  d'argent ,  précèdent  le  clergé 
dans  les  cérémonies ,  &  fervent  à  maintenir  le  bon 
ordre  pendant  l'office  ,  en  chalfant  les  mendians ,  les 
chiens ,  &c  (G) 

*BEDEGUAR,  (  ffift.  nat.  &  mat.  med.  )  nom 
que  quelques  auteurs  qui  ont  écrit  de  la  matière  mé- 
dicale ,  ont  donné  aux  excroilfanccs  fpongieufes  du 
laurier  fauvage.  On  dit  que  les  cendres  du  bedeguar 
font  bonnes  dans  la  gravelle  6c  dans  la  dyfurie  ,  6c 
qu'elles  font  dormir  ,  li  on  en  tient  fous  l'oreiller. 

*  BEDER ,  (Géog  )  ville  d'Afie ,  dans  les  états  du 
Mogol,  capitale  des  Talingas.  Long.  <)5. 10.  Lat.  16. 
60. 

*  BEDESE  ou  Romo  ,  (  Géog.  )  rivière  d'Italie  , 
qui  a  la  lource  dans  la  Tofcane ,  entre  la  Romagne, 
arrole  Forli ,  prend  le  nom  à'  Acquedatto ,  6c  fe  jette 
dans  le  golfe  de  Venife ,  au-delfus  de  Ravenne. 

*  BEDFORD  ,  (  Géog.  )  ville  d'Angleterre  ,  dans 
la  province  de  même  nom,  avec  titre  de  duché  fur 
l'Ouie.  Long.  ij.  lac.  Sz.  8. 

*  BEDFORDSHIRE ,  (  Géog.  )  petite  province 
d'Angleterre,  dont  Bedford  eft  la  capitale. 

*  BEDIZ-VELEZ  ,  ou  BELZ  ,  (  Géog.  anc.  & 
mod.  )  ville  d'Afrique  ,  au  royaume  de  Fez  ,  fur  la 
côte  de  la  Méditerranée  ,  avec  port  6c  château.  On 
la  prend  pour  l'ancienne  Acrath. 

*  BEDOUINS ,  L  m.  pi.  (Géog.  &  Hift.  mod.)  peu- 
ples d'Arabie,  qui  vivent  toujours  dans  les  deferts  & 
fous  des  tentes.  Ils  ne  font  fournis  qu'aux  émirs  leurs 
princes ,  ou  aux  cheiks ,  autres  feigneurs  fubalternes. 
Ils  fe  prétendent  defeendus  d'Ifmaél.  Celui  d'entre 
leurs  fouverains ,  qui  a  le  plus  d'autorité ,  habite  le 
deiert ,  qui  eft  entre  le  mont  Sinaï  6c  la  Mecque-  Les 
Turcs  lui  payent  un  tribut  annuel ,  pour  la  îîireté  des 
caravanes.  Il  y  a  des  Bédouins ,  dans  la  Syrie  ,  la 
Paleftine  ,  l'Egypte  &  les  autres  contrées  d'Afie  & 
d'Afrique.  Ils  font  Mahométans,  ils  n'en  traitent  pas 
plus  mal  les  Chrétiens.  Ils  font  naturellement  gra- 
ves ,  férieux ,  6c  modeftes.  Ils  font  bon  accueil  à  l'é- 
tranger ;  ils  parlent  peu  ,  ne  médifent  point ,  &  ne 
rient  jamais  ;  ils  vivent  en  grande  union.  Mais  fi  un 
homme  en  tue  un  autre  ,  l'amitié  eft  rompue  entre 
les  familles ,  6c  la  haine  eft  irréconciliable.  La  barbe 
eft  en  grande  vénération  parmi  eux  ;  c'eft  une  infa- 
mie que  de  la  rafer  :  ils  n'ont  point  de  gens  de  jufti-- 
ce.  L'émir ,  le  cheik  ,  ou  le  premier  venu  termine 
leur  différend  :  ils  ont  des  chevaux  &  des  efclaves. 
Ils  font  alfez  peu  de  cas  de  leur  généalogie  ;  pour 
celle  de  leurs  chevaux  ,  c'eft  toute  autre  chofe.  Ils 
en  ont  de  trois  efpeces  ;  des  nobles ,  des  méfalliés  & 
des  roturiers.  Ils  n'ont  ni  médecins,  ni  apothicaires. 
Ils  ont  tant  d'averfion  pour  les  lavemens  ,  qu'ils  ai- 
meraient mieux  mourir  que  d'uler  de  ce  remède.  Ils 
font  fecs,  robuftes  &  infatigables.  Leurs  femmes  font 
belles ,  bien  faites  &  tort  blanches.  Voyelle  Diclionn. 
géog.  de  M.  de  Vofgien.  A  juger  de  ces  peuples  fur  ce 
qu'on  nous  en  raconte,  il  eft  à  prelumerque  n'ayant 
ni  médecins ,  ni  jurifconfultes,  ils  n'ont  guère  d'autres 
lois  que  celles  de  l'équité  naturelle  ,  c\:  guère  d'au- 
tres maladies  que  la  vieilleffe. 

BEEL-PHEGOR  ou  BEL-PEHOR ,  f.  m.  (MyÂ.) 
fauffe  divinité  que  les  Israélites  adoraient  à  l'imita- 
tion des  Moabites ,  félon  le  récit  que  Moyfe  en  fait  au 
ch.xxv  des  nombres.  Selden  croit  que  c'étoit  un  faux 
dieu  des  Moabites  «Si  des  Kudianites ,  &.  le  même  qui 


BEE 


189 


eft  feulement  nommé  peor  au  chapitre  qui  vient  d'être 
cite  ,  6c  au  xxxj  du  même  livre ,  comme  encore  au. 
xxij  deJofué.  Une  lettre  hébraïque  y ,  dont  la  pronon- 
tiation  eft  difficile  ,  &  qui  fe  change  lbuvent  en  g 
dans  les  autres  langues ,  a  fait  auflï  qu'on  l'a  nommé 
phegor.  Origene  ,  Homel.  xx  fur  Le  livre  des  nombres  , 
dit  qu'il  n'a  rien  pu  trouver  dans  les  écrits  des  Hé- 
breux ,  touchant  cette  idole  de  faleté  &  d'ordure. 
Beel-phegor ,  dit-il ,  eft  le  nom  d'une  idole  qui  efi  adorée 
dans  le  pays  de  Madian ,  principalement  par  les  femmes. 
Le  peuple  d"Ifrael  fe  dévoua  à  (on  fervice  ,  &  fut 
initié  dans  fes  myfteres.  Origene  ajoute  ,  que  Beel- 
pliegor  marque  une  efpece  de  turpitude  &  de  vilainie. 
Le  rabbin  Salomon  de  Lunel ,  autrement  Jarchi ,  dans 
fon  commentaire  fur  le  xxv  des  nombres ,  croit  que 
ce  nom  lignifie  faire  fes  ordures  devant  quelqu'un  , 
&  que  les  idolâtres  faifoient  cette  falle  aefion  de- 
vant Beel-phegor.  Le  célèbre  Moyfe ,  fils  de  Maimon  , 
approche  de  Ion  fentiment ,  &  l'explique  un  peu  plus 
au  long  dans  fon  livre  intitulé  More  Neuockim, partie J. 
ch.  xlvj.  que  Buxtorf  le  fils  a  traduit  en  Latin.  On  a 
encore  allégué  d'autres  railons  du  nom  de  cette  ido- 
le. Quelques-uns  croyent  qu'elle  s'appelloit  ainli ,  à 
cauie  qu'elle  avoit  la  bouche  ouverte.  Philon  juif  eft 
de  cette  opinion  ;  &  il  femble  ,  qu'au  lieu  de  Beel-phe- 
gor ,  il  avoit  lu  Baal-piaghor,  ce  qui  peut  fignifier  la 
bouche  ou  l'ouverture  fupérieure  de  la  peau.  Saint 
Jérôme  fur  U  4  &  le  f>  du  prophète  Ofée  ,  &  au  L.  livre 
contre  Jovinien  ,  chapitre  xi/,  croit  que  le  beel-phegor 
des  Moabites  &  des  Madianites  eft  le  même  que  le 
Priape  des  Grecs  &  des  Latins.  Ifidore  eft  de  cette 
opinion  au  Vil 1.  livre  des  origines  ;  &  Rufin  au  111. 
livre  fur  Ofée.  Ces  auteurs  prouvent  par  les  endroits 
de  l'écriture  fainte  ,  où  il  eft  parlé  des  fornications 
des  Moabites  &  des  Hébreux  ,  que  ces  deux  idoles  , 
Beel-phegor  6c  Priape,  étoient  honorées  avec  d'infâmes 
cérémonies.  Ils  allèguent  auffi  le  chapitre  ix.  du  pro- 
phète Ofée ,  oii  ceux  qui  fervoient  Beel-phegor  font  ac- 
culés de  commettre  des  impudicités  ,  &  de  faire  des 
chofes  abominables.  Le  père  Kircher  fuit  aufli  le  fen- 
timent de  S.  Jérôme  ,  &  dit  que  cette  infâme  idolâ- 
trie étoit  venue  d'Egypte  ,  où  les  Hébreux  avoient 
vu  les  déteftables  cérémonies  d'Ofiris.  Scaiiger  con- 
jecture que  le  nom  de  phegor  fut  donné  en  dérifion 
au  dieu  des  Moabites,  qui  s'appelloit  Baal-kécm  ,  le 
dieu  du  tonnerre  ,  que  les  Hébreux  appellerent  par 
mépris  le  dieu  du  pet,  comme  ils  changèrent  le  nom 
du  dieu  d'Accaron,  Beel^ibub  ,  qui  fignifie  le  dieu  des 
mouches  ,  en  celui  de  beel^ebul,  dieu  des  excrémens  ;  6c 
comme  ils  donnèrent  à  Bethel,  où  étoient  les  veaux 
d'or  de  Jéroboam ,  le  nom  de  beth-aven,  maifon  d'ini- 
quité. Voffius,  après  S.  Jérôme,  croit  que  phegor  eu. 
le  dieu  Priape  ;  d'autres  fe  perfuadent  que  cette  ido- 
le reçut  fon  nom  de  quelque  prince  qui  fut  mis  an 
nombre  des  dieux  ,  ou  de  quelque  montagne  de  même 
nom  ,  car  il  y  avoit  dans  le  pays  de  Moab  une  mon- 
tagne qui  s'appelloit  phegor  ;  &  l'on  croit  que  baal  y 
avoit  un  temple,  où  on  lui  offrait  des  facrifices.  Ba- 
lac  ,  dit  Moyfe ,  nomb.  chap.  xxiij.  verfetz8 ,  condui- 
Jit  Balaam  au  fommet  de  Phegor,  qui  regarde  vis-à-vis  du 
de/ert  de  Jefimon.  Theodoret ,  fur  lepfeaume  cv ,  fait  ve- 
nir de-là  le  nom  de  beel-phegor,  &  Suidas  en  donne  fié- 
tymologie  en  ces  termes  :  Beel ,  ceft  Saturne  ;  Phegor 
le  lieu  ou  il  étoit  adoré  ;  &  de  ces  deux  noms ,  a  été  formé 
celui  de  Beel-phegor  :  car ,  comme  Jupiter  a  été  appel- 
lé  Olympien  &  Mercure  Cyllenien  ,  à  caufe  des  mon- 
tagnes de  Thelfalie  &  d'Arcadie  ,  où  ils  étoient  ado- 
rés ,  il  y  a  apparence  que  Baal  étoit  appelle  ^f^- 
phegor  ,  à  caufe  du  mont  Phegor,  où  on  lui  facrilioit. 
Il  eft  fait  mention  au  ch.  xxxjv  du  Dtuteronomc  de  la 
maifon  de  phegor ,  ou  de  bceth-phegor,  qui  etoit  dans  le 
pays  de  Moab ,  auprès  de  la  vallée  dans  laquelle  Moy- 
fe fut  enfeveli.  Les  noms  de  bethdagon,  de  beth  she- 
mesh ,  &c.  femblent  eue  des  preuves  que  Beel-phegor 


1,90 


BEE 


fe  peut  prendre  là  pour  la  montagne  où  étoit  le  tem- 
ple de  l'idole;  car  les  Hébreux  appellent  un  temple 
betk ,  c'eft-à-dire ,  mai/on.  Les  Moabites  offraient  les 
facrifices  à  Beel-phegor,  dont  il  eft  parlé  dans  les  Nom- 
bres ,  chap.  xxv.  ver/ht  z.  Les  filles  de  Moab  invitèrent 
les  Ifraélites  à  leurs  facrifîces  ,  ils  mangèrent ,  &  adorè- 
rent leurs  dieux ,  &  Ifrael  fut  invité  aux  myferes  de  Beel- 
phtaor.  Et  dans  le  pleaume  cv.  ils  furent  initiés  à  Beel- 
phegor,  &  ils  mangèrent  les  facrifices  des  morts.  Par  ces 
facrifices  des  morts ,  quelques-uns  entendent  leslacri- 
fices  offerts  à  Beel-pkegor  ,  qui  étoit  un  dieu  mort. 
D'autres  entendent  par-là  les  cérémonies  des  funé- 
railles ,  &  les  offrandes  que  les  Moabites  faifoient 
aux  morts.  Selden  prétend  que  Peel-phegor  étoit  le 
dieu  des  morts,  ou  le  Pluton  des  Grecs  ;  &  que  les 
offrandes  que  l'on  t'ailbit  aux  mânes  pour  les  appai- 
fer ,  font  ces  facrifices  des  morts  ,  dont  il  eft  parlé  en 
cet  endroit.  Le  père  dom  Augultin  Calmet  conjec- 
ture que  Phegor  elt  peut-être  le  même  qu'Adonis ,  ou 
Ifiris,  dont  on  célébrait  les  fêtes  comme  des  funé- 
railles des  morts  ,  avec  des  lamentations  &  des  pleurs 
&  d'autres  cérémonies  lugubres  ;  &  il  prétend  que  la 
défenle  que  Moyfe  fait  aux  Hébreux,  Lévit.  xix.  defe 
râler  ,  Se  de  fe  faire  des  incifions  dans  la  chair  pour 
les  morts ,  a  rapport  au  culte  de  Beel-phegor.  Cela 
paroît  affez  vraiffemblable ,  &  il  eft  certain  que  l'on 
honorait  ainfi  Adonis  :  mais  il  fe  peut  faire  que  deux 
différens  dieux  ayent  eu  le  même  culte  dans  deux 
diverfes  habitations  ,  &  il  paroît  que  les  Hébreux 
n'appelloient  pas  Adonis  Phegor,  mais  Thammus.  Le 
même  Bénédittin  donne  encore  une  autre  conjecture 
fur  le  dieu  Phegor ,  en  prétendant  que  c'eft  VOrus  des 
Egyptiens  ,  fils  d'Ilis.  Mais  toutes  ces  conjectures 
n'ont  rien  de  certain.  Confultez  Voffius ,  de  l'idolâ- 
trie des  payens  ,  livre  II.  chap.  vij.  Voye{  BAAL.  Sel- 
den, deDiisSyris.  DomAugufiin  Calmet ,  Diffcrtation 
fur  les  Nombres.  (G) 

BEELZEBUB  ,  (  Myth.  )  c'eft-à-dire ,  dieu  mou- 
ihe  ,  ou  dieu  de  la  mouche  ,  étoit  le  nom  d'un  célèbre 
dieu  des  Accaronites,  dont  il  eft  parlé  au  IV.  liv.  des 
Rois  ch.j.  Quelques  auteurs  ont  crû  que  les  Juifs 
lui  avoient  donné  ce  nom  par  dérifion  ,  parce  que 
dans  le  temple  de  Jérufalem  on  ne  voyoit  point  de 
mouches  fur  les  viâimes.  Scaliger  eft  de  cette  opi- 
nion. Mais  il  cil  bien  plus  probable  que  les  Accaro- 
nites avoient  eux-mêmes  donné  ce  nom  à  leur  dieu  ; 
ce  qu'on  peut  prouver  par  les  paroles  d'Ochofias, 
qui  envoya  confulter  ce  dieu  beel^ebub  ;  il  .n'y  a  au- 
cune apparence  qu'il  eût  voulu  confulter  un  dieu 
dont  il  le  moquoit.  Maldonat  eft  de  ce  dernier  fen- 
îiment  dans  Ion  commentaire  fur  le  ch.  x.  de  S.Matt. 
Cette  idole  étoit  donc  appellée  le  dieu  mouche ,  ou 
de  la  mouche ,  parce  qu'on  l'invoquoit  contre  les  mou- 
ches. Ceux  d'Arcadie  facrifîoient  tous  les  ans  à  un 
dieu  femblable  appelle  Myagros.  Les  Juifs  par  l'hor- 
reur qu'ils  avoient  pour  cette  idole  ,  appellerent  le 
diable  beel^ebub  ;  on  lit  néanmoins  dans  la  plupart 
des  exemplaires  Grecs  du  nouveau  Teftament ,  beel- 
çebul,  qui  lignifie  un  dieu  <£ excrément  :  ce  que  les  Juifs 
auraient  pu  faire  du  mot  beel^ebub ,  par  mépris  pour 
cette  idole ,  comme  on  la  dit  dans  l'article  précé- 
dent. Au  refte  on  pourrait  croire  qu'il  faut  aulîi  bien 
lire  beel^ebub  dan?  le  nouveau  Teftament  comme  dans 
J'ancien  ;  &quc  beelçebuleû  une  ancienne  erreur  des 
copifles  Grecs.  Voyt[  1>aal.(  G  ) 

BEELZEPHON  ,  ou  BAAL-TSEPHON  ,(Myth.) 
idole  des  Egyptiens.  Ce  mot  eft  compofé  de  beel , 
feigneur  ou  dieu ,  &  de  tfephon  ,  caché  ,  ou  lefepten- 
trion  ,  comme  qui  diroit  le  dieu  caché  ,  ou  le  dieu  du 
nord.  On  donna  auffi  ce  nom  au  lieu  où  cette  idole 
étoit  placée  ,  fur  les  confins  de  l'Egypte  vers  la  mer 
Rouge.  Rabi  Aben-Ezra  dit  que  c'étoit  un  talifmnn 
d'airain  que  les  magiciens  de  Pharaon  avoient  fait 
pour  empêcher  que  les  Ifraélites  ne  fortifient  de  TE- 


B  E  G 

gypte.  D'autres  difent  que  les  Egyptiens  drefToient 
de  ces  talifmans  en  tous  les  endroits  par  où  les  enne- 
mis pouvoient  aifément  faire  irruption  dans  l'Egyp- 
te ,  afin  que  leurs  efforts  fuffent  arrêtés  par  la  force 
magique  de  ces  idoles.  Il  y  en  a  qui  croyent  que 
cette  idole  de  beelçephon  avoit  la  figure  d'un  chien  ,  & 
qu'elle  aboyoit  lorfque  quelqu'Ifraélite  paffoit  par 
ce  lieu  pour  s'enfuir.  Kircher ,  Œdipus  ÂLgiptiacus , 
tome  I.  (G~) 

*  BEEMSTER  ,  (  Géog.  )  c'eft  une  petite  étendue 
de  pays  dans  la  Hollande  feptentrionale ,  vulgaire- 
ment appellée  Noort-Hollande:c  étoit  autrefois  un  lac 
que  l'on  eft  parvenu  à  deffécher  ,  èc  dont  l'induftrie 
des  habitans  a  fait  un  des  plus  rians  féjours  de  l'u- 
nivers. 

*  BEENEL  ,  (  Hifi.  nat.  bot.  )  arbriffeau  toujours 
verd  qui  croît  dans  le  Malabar  :  on  lui  attribue  quel- 
ques propriétés  médicinales ,  fur  lefquelles  il  ne  faut 
pas  compter  tant  qu'on  n'aura  pas  de  la  plante  une 
meilleure  defcripîion. 

*  BEER-RAMATH  ,  (  Géog.fainte.  )  ville  dePa- 
leftine  dans  la  tribu  de  Siméon. 

*  BEESH  A ,  (  Hifi.  nat.  bot.  )  efpece  de  bambu  qui 
croît  au  Malabar  :  on  dit  des  merveilles  de  fa  décoc- 
tion pour  l'éroiion  des  gencives  }  les  maux  de  dents , 
&  la  fuppreffion  des  règles. 

*  BÉFORT ,  (  Géog.  )  ville  de  France  capitale  du 
Sundgaw,  au  haut  d'une  montagne.  Lon,  24. 3z.  30. 
lat.4y.3S.  18. 

BEFROY  ,  f.  m.  {Art.  milit.  )  c'eft  dans  les  villes 
de  guerre  ou  dans  les  places  à  portée  de  l'ennemi , 
une  tour,  clocher,  ou  autre  lieu  élevé ,  où  il  y  a  une 
cloche  qui  fonne  lorfqu'on  apperçoit  l'ennemi ,  ou 
qu'on  veut  affembler  les  troupes.  Dans  les  villes  de 
guerre  on  fonne  la  cloche  du  béfroi  à  la  pointe  du  jour 
pour  l'ouverture  des  portes.  Voy.  Ouverture  des 
Portes.  (Q) 

Befroy  ,  (  Charpenterie.  )  eft  la  charpente  d'une 
tour  ou  d'un  clocher  dans  laquelle  les  cloches  font 
fufpendues.  Voy.  lafig.  y.  PI.  de  la  Fonderie  des  clo- 
ches ,  &  Tan.  Fonte  des  cloches. 

BEGAYER ,  v.  n.  (  Manège.  )  c'eft  la  même  chofe 
que  battre  à  la  main  par  l'incommodité  de  la  bride. 
Foyei  Battre  à  la  main.  (F) 

*  BEG-ERI ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  petite  île  d'Ir- 
lande près  de  Wexford,  dans  un  petit  golfe  formé 
par  la  rivière  de  Slany ,  à  fon  embouchure.  Les  Géo- 
graphes font  partagés  entre  Beg-Eri  &  Bardefei ,  &  ils 
ne  lavent  laquelle  des  deux  lut  l'ancienne  Andros  , 
Edros  ,  ou  Hedros. 

BEGGHARDS  ou  BEGGUARDS ,  BEGUINS  & 
BEGUINES ,  (  Hifi.  ceci.  )  fous  tous  ces  noms  on 
comprend  une  feue  d'hérétiques  qui  s'élevèrent  en 
Allemagne  fur  la  fin  du  xme  fiecle ,  &  auxquels 
quelques  auteurs  donnent  pour  chef  Dulcin  ou  Dou- 
cin  :  mais  il  ne  faut  pas  les  confondre  avec  les  Dul- 
ciniftes.  Voye^  Dulcinistes. 

Les  principales  erreurs  des  Begghars,  Béguins,  & 
Béguines ,  étoient  que  l'homme  peut  acquérir  en  cette 
vie  un  tel  degré  de  perfection ,  qu'il  deviendra  en- 
tièrement impeccable,  &  ne  pourra  plus  avancer 
dans  la  grâce  ;  parce  que  fi  quelqu'un  y  croiffoit  tou- 
jours ,  il  pourrroit  être  plus  partait  que  J.  C  ;  que 
quand  on  eft  arrivé  à  ce  degré  de  perfedion  on  ne 
doit  plus  prier  ni  jeûner  ,  mais  qu'alors  la  fenfualité 
eft  tellement  foûmife  à  Pefprit&à  la  raifon,  qu'on 
peut  librement  accorder  à  fon  corps  tout  ce  qu'on 
veut  :  que  ceux  qui  font  en  ce  degré  de  perfection  , 
&  qui  ont  l'efprit  de  liberté  ,  ne  font  point  fournis 
à  l'autorité  des  hommes,  ni  obligés  aux  commande- 
mens  de  PEglifè  ;  parce  que  là  où  eft  l'efprit  du  Sei- 
gneur ,  là  eft  la  liberté  :  qu'on  peut  obtenir  en  cette 
vie  la  béatitude  finale  ,  comme  on  l'obtiendra  dans 
l'autre  :  que  toute  nature  intellectuelle  eft  heureufe 


BEG 

en  foi ,  &  que  Pâme  n'a  pas  befbin  de  lumière  de 
gloire  pour  voir  Dieu  &c  joiiir  de  lui  :  que  c'elt  être 
impartait  que  de  s'exercer  à  la  pratique  des  vertus  , 
l'ame  parfaite  les  ayant  exclues  :  qu'à  l'élévation  du 
corps  de  J.  C.  les  parfaits  ne  doivent  ni  fe  lever  ni 
lui  rendre  aucune  marque  de  refpeft  ,  parce  que  ce 
feroit  une  imperieclion  que  de  deicendre  de  la  pure- 
té &  de  la  hauteur  de  leur  contemplation  pour  pen- 
fer  à  l'euchariftie  ,  à  la  paffion  ou  à  1  humanité  de 
J.  C. 

Le  pape  Clément  V.  condamna  ces  fanatiques  dans 
le  concile  général  de  Vienne  tenu  en  1 3  1 1.  Comme 
ils  portoient  l'habit  religieux  ,  fans  garder  ni  le  céli- 
bat ni  aucune  obfervance  monaftique,  on  les  a  quel- 
quefois confondus  avec  ceux  dont  nous  allons  parler 
dans  l'article  fuivant. 

Begghards  ,  Béguins  ,  &  Béguines  ,  font  aufTî 
les  noms  qu'on  a  donnés  aux  religieux  du  tiers  ordre 
de  S.  François.  On  les  appelle  encore  à  préfent  dans 
les  Pays-bas,  Begghards ,  parce  que  long-tems  avant 
qu'ils  enflent  reçu  la  règle  du  tiers  ordre  de  S.  Fran- 
çois, &  qu'ils  fuffent  érigés  en  communauté  réguliè- 
re ,  ils  en  formoient  cependant  dans  plufieurs  villes, 
vivans  du  travail  de  leurs  mains  ,  &  ayant  pris  pour 
patrone  fainte  Begghe  ,  fille  de  Pépin  le  vieux  ,  & 
mère  de  Pépin  de  Herftal,  laquelle  fonda  le  monafte- 
re  d'Andenne ,  s'y  retira  ,  &  y  mourut ,  félon  Sige- 
bert,  en  692.  ATouloufe  on  les  nomma  Béguins, 
parce  qu'un  nommé  Barthclemi Bechin  leur  avoit  don- 
né fa  maifon  pour  les  établir  en  cette  ville.  De  cette 
conformité  de  nom  le  peuple  ayant  pris  occafion  de 
leur  imputer  les  erreurs  des  Begghards  &c  des  Béguins , 
condamnés  au  concile  de  Vienne ,  les  papes  Clé- 
ment V.  &  Benoit  XII.  déclarèrent  par  des  bulles  ex- 
prefles  que  ces  religieux  du  tiers  ordre  n'étoient  nul- 
lement l'objet  des  anathèmes  lancés  contre  les  Beg- 
ghards &  les  Béguins  répandus  en  Allemagne.  Il  y  a 
encore  aujourd'hui  dans  plufieurs  villes  de  Flandre 
des  communautés  de  filles  qu'on  nomme  Béguines, 
&  leurs  maifons  font  appellées  béguinages.  Voye^  BE- 
GUINES. (G) 

*  BEGIE  ou  BEGGIE  ,  (  Géog.  )  ville  d'Afrique  au 
royaume  de  Tunis ,  fur  la  pente  d'une  montagne. 
Long.  zy.  lac.  .37. 

BEGLER  BEG  ,  f.  m.  (  Hijl.  mod.  )  nom  qu'on  don- 
ne en  Turquie  au  gouverneur  général  d'une  grande 
étendue  de  pays.  Ce  mot  fe  trouve  écrit  diverfement 
dans  les  auteurs  :  Begterbeg ,  Beylery^  &  Begheler- 
Beghi  ;  il  {\«mReJèigneur  des Jeigneurs . 

Les  Beglerbegs  font  autant  de  viccroisqui  comman- 
dent à  tout  un  royaume  ;  leur  autorité  s'étend  égale- 
ment fur  la  guerre,  fur  la  juftice  ,  ck  fur  la  police  :  ils 
ont  au-defTous  d'eux  d'autres  gouverneurs  particu- 
liers, foit  d'une  province  ,  fdit  d'une  grofTe  ville  , 
qu'on  nomme  fanjacsoujanjiacs.  Après  le  grand-vifir, 
lesBeglerbegs  feuls  ont  le  pouvoir  de  publier  dans  leurs 
départemens  les  ordonnances  impériales ,  &  d'y  tenir 
la  main.  Par  tout  l'empire  ,  hors  de  l'enceinte  de 
Conftantinople ,  ils  peuvent  faire  décapiter ,  ou  pu- 
nir de  tel  autre  genre  de  mort  ou  châtiment  que  bon 
leur  femble,  les  coupables  qu'on  leur  amené,  fans  que 
le  bâcha  du  lieu  puiffe  s'y  oppofer  ;  il  a  feulement  la 
liberté  de  fe  plaindre  à  la  Porte  s'ils  abufent  de  leur 
autorité. 

Autrefois  il  n'y  avoit  que  deux  Beglerbegs  dans  tout 
l'empife  ;  celui  d'Europe  ou  de  Homélie ,  6v  celui  de 
Natolie  en  Alic  :  mais  l'empire  s'étant  accru,  le  nom- 
bre des  Beglerbegs  s 'eft  auflî  augmenté  en  Alie  ;  celui 
de  Romelie  eft  refté  feul  en  Europe  ,  cv  femble  re- 
préfenter  l'empereur  Grec.  Il  eft  le  plus  éminent  de 
tous  les  Beglerbegs;  car  quoique  tous  les  vifirs  à  trois 
queues  joimTcnt  de  ce  titre  ,  il  ici  t  cependant  à  ca- 
raclériler  plus  particulièrement  le  Beghrleg  de  Rome- 
lie,  gouverneur  général  de  toutes  les  provinces  Eu- 


BEG 


191 


ropéennes  dépendantesdu  grand-Seigneur; le  Begler- 
beg  de  Natolie  &  celui  de  Syrie ,  qui  fait  fa  réfidence 
à  Damas.  Le  gouverneur  de  Bude  &  celui  de  l'Ara- 
bie Pétrée  portoient  autrefois  ce  titre  ;  &  fi  quelques 
bâchas  le  prennent  aujourd'hui ,  c'eft  fans  l'aveu  de 
la  cour  qui  ne  les  traite  que  de  plénipotentiaires. 
Guer.  mœur.  &  ujag.  des  Turcs,  tome  II.  {G) 

BEGONE,  f.  f.  bégonia  ,  (  Hijl.  nat.  bot.  )  genre 
de  plante  dont  le  nom  a  été  dérivé  de  celui  de  M.  Bé- 
gon  ,  &  qui  a  été  obfervée  par  le  père  Plumier.  Les 
rieurs  des  plantes  de  ce  genre  font  de  deux  fortes  : 
l'une  eft  ftérile,  &  compofée  de  quatre  pétales  grands 
&  étroits  ;  l'autre  eft  en  rofe ,  compofée  de  plufieurs 
pétales  difpofés  en  rond  fur  un  calice  garni  de  feuil- 
les ,  qui  devient  dans  la  fuite  un  fruit  à  trois  angles, 
ailé  ,  divifé  en  trois  loges  ,  &  rempli  de  petites  fe- 
mences.  Tournefort ,  lnji.  rei  herb.  app.  Voye~^  Plan- 
TE.    (/) 

BEGUILL ,  (  Hijl.  nat.  bot.  )  fruit  de  la  grofTeur 
d'une  pomme,  &  couvert  d'une  écorce  rude  &  noiieu- 
fe  ,  fous  laquelle  il  y  a  une  pulpe  femblable  au  fruit 
de  l'arboufier. 

BEGUINES  ,  f.  f.  (  Hijl.  mod.  )  c'eft  le  nom  qu'on 
donne  dans  le  Pays-bas  à  des  filles  ou  veuves  ,  qui 
fans  faire  de  vœux  fe  raffemblent  pour  mener  une  vie 
dévote  &.  réglée.  Pour  être  aggregée  au  nombre  des 
béguines,  il  ne  faut  qu'apporter  fuffifamment  de  quoi 
vivre.  Le  lieu  où  vivent  les  béguines  s'appelle  béguina- 
ge ;  celles  qui  l'habitant  peuvent  y  tenir  leur  ménage 
en  particulier ,  ou  elles  peuvent  s'affocier  plufieurs 
enfemble.  Elles  portent  un  habillement  noir,  allez 
femblable  à  celui  des  autres  religieufes.  Elles  fuivent 
de  certaines  règles  générales ,  &  font  leurs  prières  en 
commun  aux  heures  marquées  ;  le  refte  du  tems  eft 
employé  à  travailler  à  des  ouvrages  d'aiguille ,  à  faire 
de  la  dentelle,  de  la  broderie,  &c.  &  à  foigner  les 
malades.  Il  leur  eft  libre  de  fe  retirer  du  béguinage  , 
&  de  fe  marier  quand  il  leur  plaît.  C'eft  ordinaire- 
ment un  eccléiiaftique  qui  leur  eft  prépofé  ,  &C  qui 
remplit  les  fonctions  de  curé  du  béguinage.  Elles  ont 
aurïï  une  lupérieurc,  quia  droit  de  les  commander, 
&  à  qui  elles  font  tenues  d'obéir  tant  qu'elles  demeu- 
rent dans  l'état  de  béguines. 

Il  y  a  dans  plufieurs  villes  des  Pays-bas  des  bégui- 
nages fi  vaftes  &  fi  grands ,  qu'on  les  prendroit  pour 
de  petites  villes.  A  Gand  en  Flandre  il  y  en  a  deux , 
le  grand  &  le  petit ,  dont  le  premier  peut  contenir 
jufqu'àSoo  béguines. 

Il  ne  faut  pas  confondre  ces  béguines  avec  certai- 
nes femmes  qui  étoient  tombées  dans  les  excès  des 
Béguins  &  desBegguards,qui  furent  condamnés  com- 
me hérétiques  parle  pape  Jean  XII.  &:  dont  il  ne  refte 
plus  aucun  veftige.  Voyei  Begghards. 

B  E  G  U,  adj.  {Manège.)  Un  cheval  begu  eft  celui 
qui,  depuis  l'âge  de  cinq  ans  jufqu'à  ta  vieillerie, 
marque  naturellement  6c  fans  artifice  à  toutes  les 
dents  de  devant  :  il  s'y  conferve  un  petit  ceux  Si 
une  marque  noire,  qu'on  appelle  germe  dejeve,  qui 
aux  autres  chevaux  s'efface  vers  les  lix  ans.  Les  che- 
vaux begus  ont  les  dents  plus  dures  que  les  autres 
chevaux ,  ce  qui  fait  que  quand  ils  ont  une  rois  mar- 
qué ,  ils  marquent  toujours  également  auv  pinces  , 
aux  dents  moyennes  ,  &c  aux  coins.  Les  jumens  lont 
plus  fujettes  à  être  bègues  que  les  chevaux  ;  cv  parmi 
les  chevaux  Polonois ,  Hongrois,  &  Cravates,  on 
trouve  force  chevaux  begus.  Les  maquignons  nient 
qu'il  y  ait  des  chevaux  begus.  Pour  diftinguer  les  be- 
gus des  jeunes  chevaux  ,  on  examine  s  ils  ont  les 
dents  courtes ,  nettes ,  &  blanches  ;  c'eft  alors  un  li- 
gne de  jcunelTe.  S'ils  ont  les  dents  longues,  jaunes, 
craffeufes  &  décharnées,  quoiqu'ils  marquent  encore 
à  toutes  les  dents  de  devant,  c'eft  un  ligne  que  ces 
chevaux  font  vieux  &  bigus.  (  t   ) 

BEHEMOTH ,  f.  m.  ce  mot  lignitie  en  généra)  ±u 


ï9î 


B  E  H 


defommt ,  &  toute  autre  forte  de  bétail  :  il  fe  prend , 
félon  les  rabbins ,  dans  Job ,  pour  un  bœuf  d'une  gran- 
deur extraordinaire.  Les  docteurs  talmudiftes  6c  les 
auteurs  allégoriques  des  Juifs ,  &  entr'autres  R.  Elie- 
zer  dans  fes  chapitres ,  difent  que  Dieu  créa  ce  grand 
animal ,  appelle  behemoth ,  le  fixieme  jour ,  &  qu'il 
paît  fur  mille  montagnes  pendant  le  jour ,  que  l'herbe 
de  ces  mille  montagnes  repouffe  pendant  la  nuit ,  & 
cme  les  eaux  du  Jourdain  lui  fervent  pour  boire.  Ils 
ajoutent  que  ce  behemoth  a  été  deftiné  pour  faire  un 
grand  banquet  aux  juftes  à  la  fin  du  monde.  Les  Juifs 
îes  plus  fenfés  favent  bien  à  quoi  s'en  tenir  fur  ce 
conte  :  mais  ils  difent  que  c'eft  une  allégorie  qui  dé- 
signe la  joie  des  juftes ,  figurée  par  ce  feftin.  Cette 
théologie  fymbolique  tient  quelque  chofe  du  ftyle  des 
anciens  prophètes  :  nous  en  voyons  même  des  exem- 
ples dans  le  Nouveau-Teftament.  Mais  les  rabbins 
propofent  trop  cruement  leurs  allégories,  &  y  ajou- 
tent certaines  circonftances  qui  les  rendent  le  plus 
-jfouvent  ridicules.  Samuel  Bochart  a  montré  dans  la 
féconde  partie  de  fon  Hiero^.  liv.  V.  chap.  xv.  que 
lebehemothde  Job  eu  f  hippopotame.  Rab.  Eliezer,  Job, 
Ludolf ,  hijî.  de  ÏAby (finie.  (  G  ) 

*  BEHEMOTH,(ffi/?.«^.)  c'eft  le  nom  que  l'on  a 
donné  à  l'animal ,  auquel  on  prétend  qu'ont  apparte- 
nu les  os  qui  fe  trouvent  en  Ruffie  &  d'autres  con- 
trées ,  fur-tout  du  Nord  ;  fes  dents  font  d'un  ivoire 
plus  beau  que  celui  qui  vient  des  Indes.  Les  Turcs 
&  les  Perfans  en  font  des  manches  de  poignards  & 
des  poignées  de  fabre  ,  qu'ils  eftiment  autant  que  ii 
elles  étoient  d'argent.  Voye^  Éléphant. 

BEHEN,  (en  Pharmacie.  )  racine  médicinale,  en 
grande  eftime  ,  fur-tout  chez  les  Arabes ,  à  caufe  de 
fes  vertus  cardiaques,  aromatiques,  &  aléxitériales. 

Il  y  a  deux  efpeces  de  behen;  favoir,  le  behen  al- 
bum ou  blanc  ,  qui  eft  infipide  ,  faifant  peu  d'impref- 
fion  fur  la  langue ,  ou  celle  d'une  petite  amertume 
feulement  qu'il  laiffe  après  lui.  Les  botaniftes  mo- 
dernes prétendent  que  c'eft  la  même  choie  que  notre 
lychnis  terre/tris  ;  d'autres  veulent  que  ce  foit  propre- 
ment le  papaver fpumeum.  Le  behen  rouge  ,  behen  ru- 
brum  ,  a  des  fibres  ,  eft  brun  par-dehors  &  rouge  en- 
dedans  :  on  préfume  qu'il  n'eft  point  différent  de 
notre  lemonium  maritimum  majus,  ou  lavande  marine. 
L'un  &  l'autre  viennent  du  Levant;  ils  ont  les  mêmes 
vertus  :  on  les  fubftitue  réciproquement  ;  il  faut  les 
choifirfecs,&  d'un  goût  aromatique  aftringent.  (N) 

*  Le  behen  blanc  eft  la  racine  d'une  plante  qui  s'ap- 
pelle jacea  orientalis  ,  patula  ,  carthami  facie  ,  flore  lu- 
teo  magno  ;  elle  eft  longue ,  noiieufe ,  fans  chevelure  ; 
elle  s'étend  de  côté  &  d'autre  comme  la  régliffe ,  à 
laquelle  elle  reffemble  par  fa  figure  ôc  par  fa  groffeur, 
mais  elle  eft  plutôt  blanche  que  jaune.  De  la  racine 
s'élève  une  tige  unique,  de  la  hauteur  d'une  coudée, 
à  la  partie  inférieure  de  laquelle  naiftént  de  grandes 
feuilles,  longues,  épaiffes  ,  femblables  à  celles  de  la 
patience ,  foûtenues  par  de  longues  queues.  Les  feuil- 
les ont  vers  leur  baie  quatre  découpures  ,  deux  de 
chaque  côté  :  mais  les  feuilles  qui  naiflent  de  la  par- 
tie fupérieure  de  la  tige  l'cmbralfent  fans  queue,  com- 
me dans  la  perce -feuille  ordinaire  &  le  mouron  de 
Crète.  Lefommetde  cette  tige  fe  partage  en  plufieurs 
rameaux  garnis  de  petites  feuilles  ,  qui  portent  cha- 
cun une  fleur  compolée  de  plufieurs  fleurons ,  profon- 
dément découpés,  jaunes,  pofés  fur  un  embryon,  & 
renfermés  dans  un  calice  écailleux  ,  fans  épines ,  jau- 
ne. Cet  embryon  fe  change  dans  la  fuite  en  une  fe- 
mence  en  aigrette. 

On  ne  fait  rien  fur  l'origine  du  behen  rouge  ;  au  fen- 
timent  des  Arabes ,  l'un  &  l'autre  fortifie ,  engraiffe, 
forme  la  femence ,  eft  utile  dans  le  tremblement ,  pro- 
duit encore  d'autres  effets  falutaires. 

*  BEHER,  (Géog.)  ville  du  Semigalle,  en  Cour- 
i:u\de. 


B  E  I 

BEHIMA,  (Hifl.  nat.  bot.)  herbe  qui  croît  dans  la 
province  de  Tremecen  ,  en  Afrique  ;  elle  engraifle 
fort  promptement  les  chevaux  &  le  bétail ,  à  qui  on 
n'en  laiffe  manger  que  jufqu'à  ce  qu'elle  loit  en  épi  ; 
car  alors  elle  les  étrangleroit. 

BEHOURD  ou  BEHOURT  ou  BOHOURT ,  f.  m» 
(H'fl.  mod.)  mot  dont  l'origine  &  la  racine  font  affez 
obfcures  ,  mais  qu'on  rencontre  fréquemment  dans 
nos  anciens  romans ,  pour  fignifier  un  combat  que 
l'on  faifoit  à  cheval  la  lance  au  poing ,  ou  une  courfe 
de  lances  dans  les  réjoiiiffances  publiques.  Dans  la 
baffe  Latinité  on  l'a  appelle  behordium,  en  vieux  Gau- 
lois behourt  &  tournoy,  &  l'on  difoit  behorder ,  behour- 
der,  &c  border,  pour  marquer  les  exercices  oii  la  jeune 
nobleffe  combattoit  avec  des  lances  &  des  boucliers. 
Les  Efpagnols  en  ont  retenu  quelque  chofe  dans  le 
jeu  qu'ils  nomment  cannas.  On  appelloit  aulïî  dits  de. 
behourdeis,  ce  que  d'autres  auteurs  ont  nommé  en  bon- 
ne Latinité  dits  hafliludii.  Parmi  les  gens  de  la  campa- 
gne &  labourgeoifiedes  petites  \\\\es  ,\cbehourd étoit 
un  jour  affigné  pour  jouter  avec  des  cannes  &  de 
longs  bâtons  non  ferrés,  ce  qui  le  pratique  encore  en 
Angleterre  à  certains  jours  de  l'année  ;  &  Monct  af- 
fûre  que  le  même  ufage  avoit  autrefois  lieu  en  France 
le  premier  &  le  fécond  Dimanche  de  carême  ;  &  d'au- 
tres ajoutent ,  que  pour  exprimer  un  exercice  à  peu 
près  femblable ,  les  Florentins  fe  fervent  du  terme  ba- 
gordare.  (  G  ) 

*  BEJ  A  ou  BEJER ,  (Géog.)  contrée  de  Barbarie, 
dans  le  royaume  de  Tunis. 

*  Beja,  (Géog.)  ville  de  Portugal ,  dans  l'Alentejo  , 
près  du  lac  de  même  nom  ;  long.  10.  10.  lat.  Jj.  58. 
On  dit  qu'il  y  a  dans  ce  lac  une  efpece  de  poiffon  bon 
à  manger,  qui  prélage  la  pluie  &  la  tempête,  &  l'an- 
nonce par  des  mugiffemens  femblables  à  ceux  du  tau- 
reau ;  d'autres  attribuent  ces  mugiffemens  &  le  bruit, 
précurfeurs  des  mauvais  tems ,  à  l'agitation  des  eaux 
du  lac. 

BÉJ  AUNE ,  fub.  m.  fe  dit ,  en  Fauconnerie ,  des  oi- 
feaux  niais  &  tout  jeunes ,  qui  ne  favent  encore  rien 
faire  ;  béjaune  ou  bec-jaune  fignifie  ignorance.  Ce  ter- 
me ,  bejaune  ,  vient  des  petits  oifeaux  qui ,  avant  d'ê- 
tre en  état  de  lortir  du  nid ,  ont  le  bec  jaune. 

*  Béjaune  ou  Becjaune,  (Hifl.  mod.)  c'eft  ainfi 
qu'on  nomme  communément  le  régal  qu'un  officier 
donne  à  fes  camarades  en  entrant  dans  un  régiment  : 
on  dit  payer  Ion  béjaune. 

*  BEICHLINGEN ,  (Géog.)  ville  d'Allemagne ,  au 
comté  de  même  nom  ,  dans  le  cercle  de  haute  Saxe. 
Long.  29.  20.  lat.  5i.  20. 

*  BEID-EL-OSSAR  ou  BEID-EL-SSAR,  plante 
Égyptienne ,  dont  on  trouvera  la  defcription  &  les 
propriétés  dans  Prolper  Alpin  &  dans  Veflingius. 
Elle  croît  aux  environs  d'Alexandrie;  fes  feuilles  cou- 
pées rendent  un  lue  laiteux  :  on  s'en  fert  pour  dé- 
pouiller les  peaux  de  leur  poil  ;  pour  cet  effet  on  les 
laiffe  macérer  dans  ce  fuc. 

Le  fruit  de  la  plante  eft  environné  d'un  duvet  ou 
coton  fort  doux ,  dont  on  fait  des  lits ,  des  couffins , 
&c  des  mèches.  Les  abeilles  le  repofent  volontiers  fur 
le  beid-el-offar. 

*  BEIDHAH,  (Géographie.')  ville  de  la  province 
de  Perlé  proprement  dite ,  proche  Schiraz. 

*  BEIGE,  f.  f.  (Commerce.)  ferge  noire,  grife  ou 
tannée ,  que  l'on  fabrique  en  Poitou  avec  la  laine  , 
telle  qu'on  l'enlevé  de  deffus  le  mouton ,  tant  à  la 
chaîne  qu'à  la  trame.  Elle  doit  avoir  trente-huit  à 
trente-neuf  portées  ,  &  chaque  portée  vingt  fils. 

*  BEILE  ou  BEIE ,  (Géog.  anc.  &  mod.)  ville  d'A- 
frique ,  au  royaume  de  Tunis ,  entre  Conftantine  & 
Tunis.  On  croit  que  c'eft  la  Bulla  regia  des  anciens. 

*  BEILSTEIM ,  (Géog.)  petite  ville  d'Allemagne , 
dans  la  Veteravie ,  avec  titre  de  comté  ,  entre  Mai- 
pourg,  Naffau,  tk.  Coblentz. 

*  BEIRA  , 


BEL 

*  BEIRA,  (Géog.)  province  de  Portugal ,  bornée 
au  feptentrion  par  les  provinces  entre  Minho  6c  Dou- 
ro ,  6c  Tra-los-Montes  ;  au  midi  par  l'Eftramadure 
Portugaise  ;  à  l'orient  par  l'Eftramadure  Eipagnolo  ; 
à  l'occident  par  la  mer.  Elle  a  environ  30  lieues  en 
long  ,  fur  autant  en  large  :  fa  capitale  eft  Coimbre. 

*  BEIRE ,  (Géog.)  petite  ville  de  France ,  en  Bour- 
gogne ,  au  bailliage  de  Dijon. 

BEISTY ,  ou  BlSTI ,  fubft.  m.  (Commerce.')  petite 
monnoie  d'argent  billoné ,  à  très-bas  titre ,  que  beau- 
coup d'auteurs  ont  traitée  de  monnoie  de  compte.  Le 
beijly  eft  rond,  frappé  de  quelques  caractères  bifarres 
&  fans  ordre  ;  il  vaut  argent  de  France  un  fou  cinq 
deniers  deux  neuvièmes. 

BEIZA  ,  ou  BEIZATH ,  (  Hift.  anc.  )  mot  Hébreu 
qui  fignifîe  un  zuf,  &  auffi  une  certaine  mefure  ufi- 
tée  parmi  les  Juifs.  Ils  difent  que  l'œuf  contient  la  fi- 
xieme  partie  du  log ,  &  par  conféquent  trois  pouces 
cubes,  &  cette  fraction  de  pouces  ér**rb-  f°yel 
Log.  Le  beiçath  elt  auffi  une  monnoie  d'or  ufitée  par- 
mi les  Perles  ,  &  qui  pefe  quarante  dragmes.  Le  P. 
Calmet  prétend  que  c'eft  de  ce  mot,  &  non  delà 
ville  de  Bylance  ,  qu'eft  dérivé  le  mot  befam  ou  be- 
Jàn,  nom  d'une  autre  monnoie  d'or  auffi  en  ufage  , 
du  moins  autrefois  en  orient  ;  un  befam  valoit  deux 
dinars  ,  &  chaque  dinar  vingt  ou  vingt-cinq  dragmes. 
foyt^ Bezant  ,  Dinar  ,  Dragme.  (G) 

*  BEKAVA ,  ou  BEKAWA,  (  Géog.)  petite  ville 
de  Pologne  ,  dans  le  Palatinat  de  Lublin. 

*  BEKIA ,  (  Géog.  )  île  de  l'Amérique  feptentrio- 
nale  ,  une  des  Antilles ,  qui  n'eft  guère  fréquentée 
que  par  quelques  Caraïbes  de  S.  Vincent  qui  y  font 
la  pêche  ,  &  y  cultivent  de  petits  jardins  ;  elle  man- 
que d'eau-douce,  6c  abonde  en  vipères dangereufes. 
Lat.   iz.  Z4. 

*  BELA ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Hongrie. 

*  BELALC  AZAR,  (  Géog.  )  petite  ville  du  royau- 
me d'Andaloufie. 

^  BELANDRE,  ou  BELANDE,  f.  m.  (Marine.) 
c'elt  un  petit  bâtiment  fort  plat  de  Varangue ,  qui  a 
fon  appareil  de  mâts  &  de  voiles  femblable  à  l'appa- 
reil d'un  heu  :  fon  tillac  ou  pont  s'élève  de  poupe  à 
proue  d'un  demi-pié  plus  que  le  plat-bord.  Outre 
qu'entre  le  plat-bord  &  le  tillac  ,  il  y  a  un  efpace  d'en- 
viron un  pié  &  demi  qui  règne  en-bas  ,  tant  à  {tri- 
bord qu'à  bâbord.  Les  plus  grands  belandres  font  de 
80  tonneaux ,  &  fe  conduilent  par  3  ou  4  hommes 
pour  le  tranfport  des  marchandifes  ;  ils  ont  des  fe- 
melles pour  aller  à  la  bouline  comme  le  heu.  Voye{ 
Heu.  (Z) 

BELATUCADRUS  ,  f.  m.  (  Myth.  )  nom  d'une 
faun"e  divinité  honorée  autrefois  en  Angleterre ,  dont 
il  elt  tait  mention  dans  une  infeription  trouvée  fur 
une  vieille  pierre  dans  la  maifon  du  lïeur  Th.  Dikes, 
dans  le  comté  de  Cumberland,  qui  porte  :  Deofanclo 
Belatucadro  Aurelius  Diatova  aram  ex  voto pofuit.  L.L. 
M.  M.  On  trouve  encore  fur  une  autre  pierre  cette 
inlcription  au  même  Belatucadrus  :  Belatucadro  Jul. 
Civilis  Ope.  V.S.L.  M.  &  fur  une  troifieme  qui  a 
échappé  au  recueil  des  inferiptions  de  Gruter  ,  & 
que  Cambden  a  communiquée.  On  lit  dans  cette  der- 
nière :  Deo  Belatucadro  lib.  votum  fecit  Jolus.  Selden 
dans  fon  ouvrage  de  Diis  Syris ,  croit  que  ce  Bela- 
tucadrus cil  le  même  que  Belenus  &  Abellion  ,  nom 
que  les  Payens  donnoient  au  foleil  qu'ils  adoroient 
particulièrement.  Gérard  Jean  Voffius  elt  du  même 
îentiment  dans  fon  livre  de  Origine  &  progrejfu  Idolo- 

latr.  lib.  II.  c.  IJ.  Voye^  BELENUS.  (G) 

*  BELBAIS,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  ville  d'Egypte, 
à  l'une  des  embouchures  du  Nil  ;  c'étoit  autrefois 
Pclufe. 

*  BELBINE ,  ou  BELENTINE ,  (  Géog.  anc.  )  ville 
fituée  à  l'entrée  de  la  Laconie  ,  vers  le  nord  ,  près 

Tome  II, 


BEL 


193 


de  PEurotas.  Plutarque  en  fait  mention  dans  la  vie 
de  Cléomenes. 

*  BELBO  ,  (  Géog.  )  rivière  du  duché  de  Milan. 

*  BELBUCH  ,  &  ZEOMBUCH ,  (  Myth.  )  divi- 
nités des  Vandales.  C'étoient  leur  bon  &  leur  mau- 
vais génie  :  Belbuch  étoit  le  dieu  bianc  ,  &  Zeombuch 
le  dieu  noir  :  on  leur  rendoit  à  l'un  &  à  l'autre  les 
honneurs  divins.  Le  Manichéifme  elt  un  fyflème 
dont  on  trouve  des  traces  dans  les  fiecles  les  plus  re- 
culés ,  &  chez  les  nations  les  plus  fauvages  ;  il  a  la 
même  origine  que  la  Métcmpfycofe ,  les  defordres 
apparens  qui  régnent  dans  l'ordre  moral  &  dans  l'or- 
dre phyfique  ,que  les  uns  ont  attribués  à  un  mauvais 
génie  ,  &  que  ceux  qui  n'admettoient  qu'un  fcul  gé- 
nie ,  ont  regardés  comme  la  preuve  d'un  état  à  venir , 
où  les  choies  morales  feroient  dans  une  polîtion  ren- 
verlée  de  celle  qu'elles  ont.  Mais  ces  deux  opinions 
ont  leurs  difficultés. 

Admettre  deux  dieux,  c'eft  proprement  n'en  ad- 
mettre aucun.  Voye-^  Manichéisme.  Dire  que  l'or- 
dre des  chofes  fubfiftant  et!  mauvais  en  lui-même  , 
c'elt  donner  des  foupçons  fur  l'ordre  des  chofes  à  ve- 
nir ;  car  qui  a  pu  permettre  le  defordre  une  ibis  , 
pourroit  bien  le  permettre  deux.  Il  n'y  a  que  la  ré- 
vélation qui  puiffe  nous  raffûrer;  &  il  n'y  a  que  le 
Chriftianifme  qui  joiiine  de  cette  grande  prérogati- 
ve. Voyei  Immortalité  &  Ame. 

*  BELCASTRO  ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  ville  d'I- 
talie ,  au  royaume  de  Naples ,  dans  la  Calabre  ulté- 
rieure, fur  une  montagne.  Long.  J4.  4.5.  lat.  Je).  G. 

On  la  prend  pour  la  Chôma  des  anciens  :  mais  il  y  a 
peu  d'apparence  qu'elle  ait  été  bâtie  fur  les  ruines 
de  la  Petilia ,  dont  il  eft  parlé  dans  Strabon  ,  Pline  , 
Ptolomée  ,  &  Pomponius  Mêla. 

*  BELCHITE,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Efpagne,  au 
royaume  d'Arragon,  fur  la  rivière  d'Almonazir.  Long. 
IJ.  lat.  41.  ig. 

*  BELEDIN ,  f.  m.  (  Commerce.  )  coton  filé  ,  d'une 
médiocre  qualité  &  de  peu  de  débit. 

*  BELELACS  ,  f.  m.  pi.  (  Commerce.  )  efpcces  de 
taffetas  qui  fe  fabriquent  au  Bengale  :  leur  aunage  elt 
de  quarante  cobres  de  longueur,  deux  de  large. 

BÉLEMNITE.  Nous  ne  pouvons  mieux  faire  que 
de  rapporter  ici  l'article  de  M.  Formey  ,  fecrétaire 
de  l'académie  royale  des  Sciences  &  Belles-Lettres 
de  PrufTe  ,  fur  la  bélemnite,  qui  nous  a  été  remis  ma- 
nuferit. 

»  Bélemnite  (  Hijl.  nat.  )  ce  nom  vient  de  la 
»  reffemblance  de  cette  pierre  avec  le  fer  d'une  fle- 
»  che.  Elle  porte  auffi  celui  de  daclylus  idoeus ,  à  caufe 
»  de  fa  conformité  avec  un  doigt  de  la  main ,  6c  du 
»  mont  Ida,  où  Pline  dit  qu'on  la  trouve  ;  &  celui 
«  de  lapis  lyncis ,  ou  lyncufius  pris  de  la  fabuleufe  ori- 
»  gine  que  les  anciens  lui  donnoient  ;  parce  qu'ils 
»  penfoient  bonnement  que  c'étoit  de  l'urine  de  lynx 
»  changée  en  pierre.  D'autres  lui  ont  donné  avec  auffi 
»  peu  de  fondement  le  nom  de  pierre  de  tonnerre ,  pen- 
»  lant  qu'elle  tomboit  du  ciel.  On  trouve  la  bélemnite 
»  dans  toutes  fortes  de  lits  de  terre, de  fable, de  marne 
>»  &dc  pierre ,  prefque  toujours  accompagnée  de  co- 
»  quillagcs  ou  d'autres  dépouilles  de  l'Océan ,  &  fou- 
»  vent  un  peu  applaties,  à  demi  caffiées,  ou  autre- 
»  ment  défigurées  par  les  mouvemens  violens  des 
»  couches  de  pierre  ou  de  terre  qui  les  ont  compri- 
»  mées  ,  comme  il  eft  arrivé  à  un  grand  nombre  de 
»  coquillages,  &  à  d'autres  productions  marines. 

»  Il  y  a  des  bélemnites  qui  font  chargées  de  petites 
»  huîtres  &  de  petits  tuyaux  de  vers  marins ,  dont  la 
»  nature  eft  d'être  néceflaii  ement  attaches  aux  corps, 
»  où  ils  naiffent,  vivent  cv  meurent  lans  changer  de 
»  place;  d'autres  ont  été  ronges  par  de  petits  înfec- 
»  tes,  comme  cela  arrive  fouvent  aux  huîtres  X  aux 
»  autres  coquilles  de  mer.  Les  bcUmnites  font  en  gé- 
>•  néral  d'une  figure  fort  régulière  ;  elles  différent 

Bb 


194 


BEL 


m  néanmoins  en  trois  manières  entr'elies.  Il  y  en  a 
»  de  parfaitement  coniques,  d'autres  prefque  cylindn- 
»  ques  ,  dont  la  pointe  paroît  au  haut  après  une  efpe- 
»  ce  d'arrondiflement ,  qui  les  fait  rellèmbler  à  un 
»  doigt  de  la  main  ;  les  dernières  ont  un  renflement 
»  à  peu  près  comme  les  fufeaux.  Leur  longueur  efl 
»  depuis  environ  deux  pouces  jufqu'à  huit  &  davan- 
»  tage ,  &  leur  grofleur  depuis  celle  d'une  plume  mé- 
»  diocre  jufqu'à  trois  &  quatre  pouces  de  circonfé- 
»  rence  ;  leur  couleur  bien  que  différente  ne  peut 
>,  point  fervir  à  les  diftinguer ,  puifqu'elle  dépend 
»  uniquement  des  lieux  où  on  les  trouve.  Elles  ont 
>»  toutes  une  cannelure  plus  ou  moins  marquée  ,  qui 
»  règne  depuis  la  baie  jufqu'à  la  pointe ,  mais  dont 
»  l'enfoncement  va  toujours  en  diminuant  ;  &  c'eff. 
>»  cette  cannelure  qui  tait  qu'elles  fe  tendent  tacile- 
»  ment  en  long.  Toutes  celles  qui  font  entières ,  ont 
»  à  leur  baie  une  cavité  de  figure  conique ,  qui  dif- 
»  fere  en  largeur  &  en  longueur ,  félon  que  ces  pier- 
»  res  font  plus  grofles  &  plus  longues.  Cette  cavité 
>♦  efl  fouvent  vuide  &  quelquefois  pleine  de  fable , 
»  de  cryftaux  &  d'autres  matières.  11  y  en  a  auiîi  qui 
»  renferment  une  alvéole  fort  curieufe  ,  compofée  de 
»  plufieurs  petites  coupes  femblables  aux  verres  des 
»  montres  de  poche  ,  enchâflees  l'une  dans  l'autre , 
»  &  qui  toutes  enfemble  forment  un  cône  parfaite- 
»  ment  convenable  au  vuide  de  la  pierre  ;  ce  qui  fait 
»  que  quoique  ces  alvéoles  foient  de  différentes  ma- 
»  tieres ,  tous  les  auteurs  qui  en  ont  parlé  croyent 
»  qu'ils  appartiennent  véritablement  à  la  bélemnite,  & 
»  qu'ils  fe  font  formés  dans  fa  cavité. 

»  Leur  flxuchire  inférieure  eit  toujours  abfolument 
»  la  même.  Elles  font  toutes  compoiées  de  plufieurs 
»  couches  très-régulierement  rangées ,  comme  les 
»  aubiers  des  arbres  ,  &  ii  minces  qu'il  faut  une  lou- 
»  pe  pour  les  diftinguer  avec  quelque  exactitude. 
»  Leur  matière  forme  par  les  filets  prefquc  imper- 
»  ceptibles  des  rayons  qui  vont  du  centre  à  la  cir- 
»  conférence.  Ces  rayons  partent  d'un  très-petit 
»  tuyau  ,  qui  occupe  toute  la  largeur  de  la  pierre , 
»  &  qui  n'eft  bien  vifible  que  dans  les  plus  tranfpa- 
»  rentes  ;  d'horifontaux  qu'ils  font  d'abord ,  ils  s'éle- 
»  vent  enfuite  peu  à  peu  vers  la  circonférence ,  fur- 
»  tout  en  approchant  de  la  pointe.  C'eft-là  la  raifon 
»  pourquoi  la  partie  de  la  pierre  du  côté  de  la  baie 
»  paroît  creuie ,  6c  l'autre  paroît  convexe ,  quand 
»  on  l'a  coupée  en  travers.  Le  demi-diametre  de  la  bé- 
»  lemnite  qui  regarde  la  cannelure  ,  eit  toujours  plus 
»  court  que  celui  qui  lui  efl  oppofé  ;  &  l'on  remar- 
»  que  par  intervalles  des  lignes  longitudinales ,  qui  fe 
»  terminent  en  cône  autour  du  petit  tuyau.  On  peut 
»  facilement  féparer  les  couches  de  ces  pierres  en 
»  les  mettant  fur  un  charbon  allumé  ,  ou  à  la  flamme 
»  d'une  chandelle.  Elles  iont  en  dedans  &  en  dehors 
»  d'un  parfait  poli ,  &  deviennent  blanches  lorfqu'el- 
»  les  font  expofées  au  feu.  Il  en  fort  une  mauvaife 
»  odeur ,  comme  de  corne  brûlée ,  ou  d'urine  de 
»  chat ,  quand  on  les  frotte  l'une  contre  l'autre  ;  mais 
»  fur-tout  quand  on  les  bride. 

»  On  agite  la  queftion  ;  li  ces  pierres  font  de  vrais 
»  minéraux  ,  ou  li  elles  appartiennent  à  quelque  ani- 
v  mal ,  &  en  ce  cas  à  quelle  de  fes  parties  on  doit 
»  les  rapporter.  Il  faut  lire  là-deiïïis  les  Lettres philo- 
»  Jbphiques  fur  la  formation  des  fils  &  des  cryflaux ,  &c. 
»  par  M.  Bourguet.  Ce  favant  deNeuf-châtel  y  éta- 
->  blit  d'une  manière  qui  me  paroît  démonitrative , 
»  que  les  békmnites  n'appartiennent  point  au  règne 
»  minéral ,  vu  que  les  corps  les  plus  réguliers  que  ce 
»  règne  fourniiîe  ne  gardent  point  une  fymmétrie 
»  auiîi  parfaite  dans  leur  ftruc"fure.  Il  compare  la  bé- 
»  lemnite  à  la  flalaclite ,  qui  eft_  de  toutes  les  pierres 
»  celle  qui  en  approche  le  plus  ;  &  il  fait  voir  qu'il 
»  reite  encore  une  énorme  différence  entr'elies.  Cela 
»  le  conduit  à  conjecturer  que  c'eft  une  dent  d'ani- 


BEL 

»  ma!  ;  &  quoiqu'on  ne  puifle  pas  encore  indiquer 
»  l'animal  auquel  elles  ont  appartenu ,  la  grande  con- 
»  formité  qu'a  la  bélemnite  avec  les  dents  d'autres  ani- 
»  maux ,  &  particulièrement  avec  les  dents  droites 
»  du  crocodile  ,  met  cette  conjecture  dans  une  fort 
»  grande  vraiffemblance.  La  cavité  de  figure  coni- 
»  que  que  les  bélemnites  entières  ont  à  leur  bafe ,  efl  en 
»  effet  femblable  à  celle  qu'on  voit  aux  dents  du  cro- 
»  codile  &  duphjfeter,  aux  défenfes  de  l'éléphant ,  èk. 
»  du  poiifon  nahrwal.  La  cannelure  de  la  même  pierre 
»  a  beaucoup  de  rapport  avec  celles  des  dents  de  la 
»  feie  du  Jpadon  ,  qui  font  enchâfTées  dans  cette  lon- 
»  gue  défenfe,  comme  dans  une  mâchoire.  Enfin  fes 
»  petits  filets  font  de  même  nature  que  ceux  de  la 
»  ftrufture  intérieure  de  l'émail  des  dents  de  prefque 
»  tous  les  autres  animaux.  Quant  à  Y  alvéole ,  fes  cou- 
»  pes  répondent  aux  couches  de  la  bélemnite  par  le 
»  moyen  des  lignes  longitudinales ,  qui  forment  d'ef- 
»  pace  en  efpace  de  petits  cônes  qui  marquent  peut- 
»  être  les  divers  tems  de  fon  accroiffement.  M.  Bour- 
»  guet  répond  enfuite  aux  difficultés  de  M.  Scheuchçer, 
»  &  de  quelques  autres  Phyficiens.  Enfin  il  explique 
»  la  formation  &  le  méchanifme  organique  de  la  bé- 
»  lemnite  d  une  manière  fort  plaufible.  Comme  les  ani- 
»  maux  auxquels  ces  dents  appartiennent ,  croiffent 
»  pendant  toute  leur  vie  ,  il  n'eft  pas  étonnant  qu'il 
»  y  ait  des  bélemnites  fi  différentes  en  grofleur  &  en 
»  longueur  ». 

Nous  ajouterons  feulement  à  cet  article  l'opinion 
de  M.  Woodward  &  celle  de  M.  le  Monnier  le  Méde- 
cin, de  l'académie  royale  des  Sciences.  M.  Vood- 
ward  rapporte  dans  fa  lettre  fur  F Origine,  la  nature  &  la. 
conflitutwn  de  la  bélemnite,  que  M.  Lhwyd  prétendoit 
qu'elle  fe  forme  dans  le  pinceau  de  mer  ou  dans  le  co- 
quillage appelle  dentale.  Notre  auteur  réfute  ce  fen- 
timent  par  la  raifon  qu'on  ne  voit  jamais  aucunes 
traces  du  moule  dans  lequel  la  bélemnite  fe  feroit  for- 
mée ,  comme  on  voit  celle  du  moule  des  autres  pé- 
trifications ;  que  le  prétendu  moule  de  la  bélemnite 
devrait  être  bien  apparent  autour  de  celles  qui  ont 
près  de  deux  pies  de  longueur ,  ôc  environ  deux 
pouces  de  diamètre  à  l'endroit  le  plus  gros  ;  &  que 
cependant  il  n'en  a  apperçû  aucun  veftige  dans  des 
bélemnites  de  cette  grandeur  qu'il  a  obfervées. 

M.  Woodward  répond  enfuite  à  ceux  qui  croyent 
que  les  bélemnites  font  des  cornes  d'animaux  ou  des 
dents  de  poiflbns  :  il  foûtient  que  ce  ne  font  pas  des 
cornes ,  parce  que  la  plupart  n'en  ont  pas  la  figure  ; 
&  pour  le  prouver ,  il  fait  mention  des  trois  princi- 
pales cfpeces  de  bélemnites  ,  qui  font  la  bélemnite  co- 
noïde,  qui  efl:  la  plus  commune  ;  la  bélemnite  en  forme 
de  fufeau ,  &  la  bélemnite  cylindrique  terminée  en  poin- 
te par  les  deux  bouts  ;  &  il  conclut  que  fi  toutes  ces 
bélemnites  reflemblent  à  des  cornes  ,  il  n'y  a  rien  qui 
ne  puifle  y  reffembler.  Le  même  auteur  ne  croit  pas 
qu'il  foit  à  préfumer  que  la  bélemnite  ibitune  corne, 
parce  qu'on  la  trouve  dans  la  terre  avec  des  coquil- 
les ,  des  dents  &  d'autres  parties  d'animaux;  puif- 
qu'il  s'y  trouve  aufli  bien  d'autres  chofes  qui  ne  font 
certainement  pas  des  cornes.  Il  nie  que  toutes  les  bé- 
lemnites ayent  une  odeur  de  corne  brûlée ,  c  'eft-à- 
dire  une  odeur  animale  :  il  aflûre  que  les  bélemnites 
d'Angleterre  n'ont  ordinairement  aucune  odeur ,  &: 
que  toutes  celles  qu'il  a  trouvées  dans  la  craie  n'en 
ont  point  du  tout  ;  &  il  croit  que  les  bélemnites  n'ont 
que  l'odeur  qui  leur  a  été  communiquée  par  des  ma- 
tières falines ,  fulphureufes  ou  bitumineufes  avec  lef- 
quelles  elles  ont  féjourné.  Enfin  M.  "Woodward  foû- 
tient que  les  bélemnites  ne  font  ni  des  cornes  ni  des 
dents  ;  parce  que  leur  pefanteur  fpécifique  efl:  diffi> 
rente  de  celle  des  cornes  &  des  dents  :  les  raifons 
qu'il  en  donne  font  tirées  de  fes  principes  fur  l'Hii- 
toire  naturelle  de  la  terre. 

C'efl;  en  conféquence  de  ces  mêmes  principes  que 


B  E  L 

M.  'Wôodvard  met  la  bélemnite  dans  la  clafTe  des  corps 
talqueux  ,  parce  que  fa  pefanteur  eft  égale  à  celle  de 
ces  corps.  La  couleur  jaune  de  certaines  bélemnites  eft 
femblable  à  celle  de  quelques  talcs ,  fpars ,  &c  autres 
productions  minérales. 

.  La  fubftance  de  la  bélemnite,  dit  M.  Woodward,  n'eft 
pas  coriace  &  tenace  comme  celle  des  animaux,  mais 
friable  &  caftante  comme  celle  du  talc ,  &c.  à  la  vue 
elle  paroit  minérale  ;  &  on  en  eft  convaincu  par  les 
épreuves  chimiques:  fa  tiffure,  ajoute  le  même  au- 
teur ,  eft  directement  contraire  à  celle  des  dents ,  & 
des  autres  parties  folides  des  animaux  ;  fes  fibres  cou- 
pent diamétralement  fon  axe  ,  au  lieu  que  celles  des 
dents ,  des  os  ,  des  cornes ,  &c.  font  parallèles  à  leur 
axe.  Le  talc  fibreux  ou  cannelé ,  le  gypfe  ftrié ,  le 
fpar  talqueux ,  l'amiante ,  l'alun  de  plume ,  &c.  ont 
leurs  fibres  tranfverfales  comme  celles  des  bélemnites. 
L'auteur  cite  un  exemple  remarquable  de  cette  tiffu- 
re ,  qu'il  a  obfervée  dans  quelques  ftalaâites  compo- 
fées  d'un  fpar  talqueux  ,  qui  font  fufpendues  dans 
des  grottes  foûterreines  ;  il  en  a  vu  plulleurs  qui 
étoient  cannelées. 

De  tout  ceci  M  .\Vood\rard  conclut  affirmativement 
que  les  bélemnites  ne  peuvent  venir  d'un  animal. 
Quand  on  lui  objefte  qu'elles  ont  été  altérées  comme 
d'autres  pétrifications  ,  il  répond  que  cela  n'eft  pas 
poffible  ,  parce  qu'il  en  feroit  refté  au  moins  quel- 
qu'une fans  altération  ,  comme  il  y  a  tant  de  coquilles 
fofiïles  qui  ne  font  pas  pétrifiées. 

Les  tuyaux  vermiculaires  ,  &  les  coquilles  d'huî- 
tres qui  lont  attachées  fur  quelques  bélemnites ,  ne 
prouvent  rien  pour  leur  origine  ;  puifque  l'on  trouve 
les  mêmes  choies  fur  des  cailloux  ,  des  pyrites ,  &c. 
D'ailleurs  li  la  bélemnite  étoit  une  dent  de  poiffon ,  on 
trouverait  au  moins  quelques  veftiges  de  cette  dent, 
ou  quelques  marques  de  fon  adhérence  à  une  mâchoi- 
re. On  aura  beau  dire  que  cette  dent  aura  été  féparée 
de  la  mâchoire,  M.  "Woodward  ne  conçoit  pas  que  ce- 
la puiffe  être  pour  toutes  les  bclemnites  qui  font  fi  nom- 
breufes  ,  tandis  que  toutes  les  vraies  dents  fofiïles 
font  reconnoiffables  à  ces  mêmes  marques  qui  man- 
quent aux  bélemnites.  Géographie  ,  Phyjîque  ,  &c.  pa- 
g'363. 

M-  Le  Monnier  n'eft  point  oppofé  au  fentiment  de 
M.  "Woodward  ,  pour  l'origine  de  la  bélemnite  ;  il  la 
croit  appartenante  au  règne  minéral.  Il  en  a  vu  dans 
le  Berri  qui  étoient  entièrement  folides ,  &  d'autres 
qui  étoient  creufes  en-dedans  :  celles-ci  avoient  une 
cavité  conique  comme  la  furface  extérieure  de  la  bé- 
lemnite ;  l'axe  du  cône  extérieur  étoit  double  de  celui 
du  conc  intérieur  ;  de  forte  que  la  pointe  de  la  bélem- 
nite étoit  entièrement  folide ,  &  cette  folidité  alloit 
toujours  en  diminuant  jufqu'aux  bords  de  la  baie , 
qui  n'étoit  qu'une  lame  tranfparente  ,  &  mince  com- 
me une  feuille  de  papier;  cette  cavité  étoit  remplie 
d'une  terre  très-fine  ,  jaune ,  graffe  &  humide ,  qui  pa- 
roiffoit  être  ,  pour  ainfi  dire  ,  la  matrice  des  bélem- 
nites. M.  Le  Monnier  n'a  pas  vu  d'apparence  que  ces 
bélemnites  fuffent  des  tuyaux  ,  des  pointes  d'hérifîbn 
de  mer,  non  plus  que  des  dents  du  fouffleur  ;  il  lui  a 
femblé  au  contraire  que  ce  font  des  productions  de 
Ja  terre  ,  comme  des  ftalaftites  ou  des  pyrites.  M.  le 
Monnier  appuie  cette  conjecture  lur  ce  que  les  bé- 
lemnites incruftées  dans  la  pierre  ôc  dans  la  craie  ,  & 
qui  n'ont  pour  ainfi  dire  plus  de  vie  ,  ne  renferment 
point  de  cette  terre  jaune  &  humide  ;  que  cette  mê- 
me terre  le  trouve  par-tout  oii  il  y  a  des  bélemnites  en 
certaine  quantité  ;  &  que  le  feuillet  mince  ,  tranfpa- 
rent  &  fragile  qui  termine  la  bélemnite ,  peut  être  re- 
gardé comme  un  ouvrage  en  train  ,  auquel  la  nature 
n'a  pas  encore  mis  la  dernière  main.  M.  le  Monnier 
fait  parfaitement  que  l'on  trouve  avec  les  bélemnites 
des  cornes  d'ammon  ,  6c  d'autres  coquilles,  telles  que 
les  gryphytes ,  les  pétoncles,  les  cames,  &c,  mais  il 
Tomt  H, 


BEL 


195 


fait  remarquer  qu'on  rencontre  auflï  dans  les  mêmes- 
endroits  du  gypfe  &  des  pyrites.  Mérid.  de  l'Obfery, 
de  Paris  ,  &c.  Obferv.  cTHifi.  nat.  p.  iz5.  &fmv. 

On  voit  par  cet  expofé,que  les  Naturaliftes  ne  font 
point  d'accord  fur  l'origine  &  la  nature  de  la  beiem- 
mte  :  on  n'a  pas  encore  prouvé  d'une  manière  déci- 
five  que  ce  fort  un  minéral  ou  une  pétrification  ori- 
ginaire du  règne  animal.  (  7  ) 

Bélemnite  ,  ou  Pierre  de  Lynx  ,  (Mat.  med.j 
Les  Allemands  la  croyent  bonne  contre  le  cochemar 
&  le  calcul  des  reins  ;  ils  en  ordonnent  Ja  poudre  de- 
puis un  gros  jufqu'à  un  gros  &  demi.   (  N) 

*  BELINGELA  ,  (Hifi.  nat.  bot.)  c'eftun  fruit  qui 
fe  trouve  en  Afrique  &  en  Amérique  :  les  racines 
font  groffes  &  courtes  ,  fes  feuilles  grandes  ,  d'un 
verd  obfcur,  &  remplies  de  veines  brunes  tirant  fur 
le  pourpre.  Elle  porte  deux  ou  trois  fleurs  blanches 
mouchetées  de  rouge  :  le  fruit  à  l'extérieur  eft  rond, 
uni  &  brillant  comme  une  pomme  ;  le  dedans  eft 
plein  de  chair,  &  contient  beaucoup  de  femences. 
Les  habitans  du  Brefil  en  font  un  très-grand  cas.  Il 
n'eft  pas  fain  de  le  manger  crud  :  mais  en  le  faifant 
cuire ,  &  l'affaifonnant  avec  du  poivre  &  de  l'huile, 
il  prend  un  goût  aigrelet  &  agréable ,  qui  a  quelque 
rapport  avec  celui  du  citron. 

BELENOIDE  ,  apophyje  bélenoide  ,  voyeir  S  T  Y- 
L  O  ï  D  E.    (Z,) 

BELENOS  ou  BELENUS,  (Mytk.  )  nom  que  les 
Gaulois  donnoient  au  foleil ,  qu'ils  appelloiem  auffi 
Mithra.  On  croit  que  c'eft  le  même  que  le  baal  de  l'E- 
criture ,  &  le  Belus  des  Affyriens.  Elias Schedius  per- 
luadé  que  le  nom  de  Belenus  étoit  myftérieux  ,  julque 
dans  les  lettres  qui  le  compolent ,  les  a  conlïderées 
félon  leur  valeur  dans  les  nombres  (  à  la  manière  des 
anciens  Grecs,  dont  les  caractères  étoient,  dit-on  , 
en  ufage  parmi  les  Druides  ) ,  &  a  trouvé  qu'elles 
faifoient  trois  cens  loixante-cinq  jours;  tems  de  la 
révolution  du  foleil  autour  de  la  terre. 

B       »      ^       s       v      0      ç 

2     8    30   5   50  70  200 

L'on  voit  plufieurs  inferiptions  rapportées  par  Gnt- 
ter  &  par  d'autres  antiquaires,  qui  prouvent  que  Be- 
lenus étoit  la  même  divinité  que  le  foleil  ou  Apollon  ; 
entr'autres  celle-ci  : 

Apollini  Beleno.  C.  Aquileunf.  feli.x .  (G) 

*  BELER  ,  (  Géog.  )  rivière  de  Catalogne  qui  fe 
jette  dans  la  Méditerranée  proche  de  Barcelone. 

*  BELER  AN,  (  Géog.  )  île  de  la  mer  Méditerra- 
née ,  proche  d'Yvica. 

*  BELESME  ,  (  Géog.  )  ville  de  France  allez  an- 
cienne ,  dans  le  Perche.  Lon.  iy.  14.  i$.  lut.  48.  22. 
32. 

BELETTE,  f.  f.  muftela  domejlica  ,  (  Hifl.  nat. 
Zoolog.  )  petit  animal  quadrupède  dont  on  a  donné 
le  nom  à  un  genre  entier  de  quadrupèdes  ,  genus 
mujlelinum.  Les  animaux  de  ce  genre  font  carnaf- 
fiers  :  mais  ils  différent  des  autres  animaux  carnal- 
fiers  ,  en  ce  qu'ils  font  plus  petits ,  qu'ils  ont  le  corps 
plus  mince  &£  plus  long ,  la  tête  plus  petite  &  plus  al- 
longée ,  Si.  les  pattes  plus  courtes  ;  de  forte  qu'ils 
lemblcnt  être  faits  pour  fe  gliffer  cvs'infmuer  à  tra- 
vers les  plus  petites  ouvertures  ;  cv  en  effet  ils  pénè- 
trent dans  des  endroits  dont  l'entrée  eft  fi  étroite > 
qu'on  ne  croiroit  pas  qu'il  leur  fût  poffible  d'y  en- 
trer. 

La  belette  eft  plus  petite  que  le  putois  ;  le  dos  & 
les  côtés  du  corps  font  de  couleur  rouffe  ,  la  gorgé 
&  le  ventre  font  blancs  ;  &  cette  couleur  s'et 
puis  le  bout  de  la  mâchoire  inférieure  ,  julqu*à  l'e  sc- 
trémité  des  pattes  de  derrière  fur  leur  cote  intérieur  ; 
car  le  côté  extérieur  ,  Cv  prèiquë  tout  le  relte  du 
corps  eft  roux  ;  le  mufeau  relfemble  à  celui  du  chien,, 

Bbij 


196  BEL 

de  ferfe  que  la  mâchoire  fupérieure  efr  plus  avancée 
■que  l'inférieure.  La  Mette  a  des  foies  en  forme  de 
■rncaftache.  Ses  dents  l'ont  au  nombre  de  trente- 
deux  ;  fix  incifives ,  deux  canines ,  &  huit  molaires 
dans  chaque  mâchoire  ;  les  canines  font  longues  & 
fortes  :  les  yeux  font  petits  &  noirs  ;  les  orcilies  cour- 
tes &  larges ,  arrondies ,  couvertes  de  petit  poil  fort 
épais  :  ce"  qu'il  y  a  de  fmgulier,  c'eft  que  la  partie 
pofrérieure  de  la  conque  ell  dcuble,  c  eft-à-d;re, 
compofée  dedéttx  panneaux  qui  forment  une  forte  de 
poche  dont  l'entrée  ell  au  bord  de  la  conque.  La  queue 
ell  alTez  femblable  à  celle  d'un  fat ,  quoique  beau- 
coup plus  courte  :  les  pies  font  larges  à  proportion 
de  la  grofTeur  de  l'animal  ;  il  y  a  cinq  doigts  à  cha- 
que pie,  &  un  petit  ongle  à  chaque  doigt.  La  belette 
ell  un  animal  fort  vif  &  loi  t  agile  ;  elle  habite  dans  les 
greniers,  clans  les  vieux  muis,  dans  les  étables,  & 
flirtant  dans  les  trous  en  terre  :  elle  cherche  avec  avi- 
dité les  œufs  des  pigeons ,  des  poules ,  &c.  pour  les 
manger.  Elle  fe  nourrit  le  plus  fou  vent  de  rats ,  de  ier- 
pens,  de  taupes;  elle  les  iiirprend  dans  leurs  trous , 
parce  qu'elle  efl  faite  de  façon  qu'elle  y  pénètre  aliè- 
nent; 6c  elle  efr.  affez  courageufe  pour  attaquer  des 
animaux  plus  gros  qu'elle ,  comme  lontles  gros  rats, 
car  on  prétend  qu'elle  leur  donne  la  chalTe  de  quelque 
efpece  qu'ils  l'oient.  L'agilité  delà  belette  &  la  fineffe  de 
fon  inltinct,  lui  donnent  aulîi  de  l'avantage  fur  les 
chauvëfouris  ec  fur  d'autres  oifeaux ,  dont  on  prétend 
qu'elle  fuce  le  fang  après  qu'elle  les  a  tués.  Ray.  Al- 
drovande.  V.  FOUINE,  PUTOIS,  QUADRUPEDE.  (/) 

La  belette  eil  d'uiage.  Après  en  avoir  ôté  les  boyaux, 
l'avoir  lalée  &  fait  lécher  à  l'ombre ,  deux  gros  de 
cet  animal  préparé ,  comme  on  vient  de  dire ,  paifent 
pour  un  remède  efficace  contre  le  venin  du  lèrpcnt, 
6c  contre  toute  forte  de  poilon.  Son  ventricule  rem- 
pli de  femence  de  coriandre,  &  gardé  pendant  un 
tems  convenable,  eilfaiutaire  contre  fepilepfie  Si  la 
morfure  des  ferpens. 

La  belette  caicinée  dans  un  pot  de  terre ,  eft  utile 
contre  les  douleurs  de  la  goutte  ;  fon  fang  diminue 
les  tumeurs  fcrophuleuies  lorlqu'on  l'applique  deffus; 
fes  cendres  mêlées  avec  du  vinaigre  ont  la  même 
vertu.  Diofcoride.  (A7) 

*  EELEZO ,  (  Géog.  )  ville  &  palatinat  de  la  Po- 
logne. 

"*  BELFAST,  (  Géog.  )  ville  d'Irlande  au  comté 
d'Antrim ,  avec  château  6c  port. 

*  BELFOP«TE ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  village  du 
royaume  deNaples,  dans  la  calabre  ultérieure,  près 
de  la  rivière  de  Metramno ,  au  midi  de  Mileto,  On  y 
voit  encore  les  ruines  de  l'ancienne  Subc'tnum  ou  Sub- 

Jicinum  des  Brutiens. 

♦BELGARD  ou  BELGRAD,  {Géog.)  ville  du 
duché  de  Poméranie,  fur  le  Perlante. 

*  BELGES  ou  BELGIQUE ,  (  Géog.  &  HiJÎ.  anc.  ) 
peuples  qui  habitoient  une  des  trois  parties  de  la 
Gaule,  qu'on  appella  Belgique.  La  Belgique  fut  ioùdi- 
vilée  dans  la  luite  en  Belgique  première ,  Belgique  fé- 
conde, Germanie  inférieure,  &  Germanie  lupérieu- 
re.  Céfar  la  place  entre  le  Rhin,  l'Océan,  &  les  ri- 
vières de  Seine  &  de  Marne.  On  donne  aujourd'hui 
le  nom  de  Belgique  à  la  baffe  Allemagne ,  qui  com- 
prend les  dix-lept  piovinces  des  Pays-bas. 

*  BELGRADE,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  ville  de  la 
Turquie  Européenne,  capitale  de  la  Servie ,  au  con- 
fluent du  Danube  &  de  la  Save.  Long.  38.  30.  lac 
4Ô.  Quelques-uns  croyent  que  c'eit  le  Taurinum  des 
anciens. 

*  Belgrade,  (Géog.')  petite  ville  de  la  Turquie 
Européenne,  dans  la  Romanie,  fur  le  Bofphore  de 
Thrace.  Long.  40.  30.  lat.  41.  21. 

*  BELGRADO ,  {Géog.)  petite  ville  d'Italie ,  dans 
le  Frioul  &  l'état  de  Vernie.  Long.  30.  35.  lat.  46. 

_  *  Belgrado  ,  {Géog.)  petite  nviere  de  la  Roma- 
tiie,  en  Turquie. 


BEL 


*EELÎ,  voyei  Covalam  ;  c'eft  tin  grand  arbre 
fruitier  qui  rciicmbie  affez  au  coignaiiler ,  qu'on  ap- 
pelle aulfi  ferifoli  Bengalenjïum. 

BELIA.L,  f.  m.  (  Myth.  )  nom  d'une  idole  des  Si- 
doniens.  S.  Paul  donne  ce  nom  à  Satan  ou  au  démon. 
S.  Jérôme  dit  que  par  les  enfans  de  bélial ,  on  doit  en- 
tendre les  enfans  du  démon ,  c'eft-à-dire  ,les  méchans. 
C'eil  en  ce  iens  que  les  deux  fils  d'Heli ,  Ophni  &  Phi- 
nées,  font  appelles J?/«  belial.  Reg.  I.  c.  ij.  v.  1 1.  Par- 
mi les  imprécations  que  Semeï  fait  à  David  fuyant  de* 
vant  Ablalon,  il  l'appelle  homme  de  fang ,  homme  de 
bélial,  vir  belial;  c'elt- à-dire,  cruel  &  méchant.  //• 
Reg.  c.  xvj.  verf.  y.  Aquila  explique  ce  mot  par  celui 
d'apojlat :  il  renferme,  félon  d'autres,  une  elpece 
d'injure  qui  répond  à  nos  mots  François  de  fainéant 
&  de  vaurien.  Gregorii  lexic.far.ee.  (G) 

BELIC ,  f.  m.  terme  de  Blafon ,  qu'on  employé  quel- 
quefois au  lieu  de  gueules ,  pour  lignifier  couleur  rou- 
ge. On  dit  auffi  b-.hf.  Voye^  GUEULE.  {V) 

BELIER,  f.  m.  ar'us ,  {  HijL  nat.  Zoolog.  )  animal 
quaduipede  qui  eu  le  maie  de  la  brebis ,  qui  porte  le 
nom  d'agneau  dans  les  premiers  tems  de  fa  vie  ,  &  qui 
prend  celui  de  mouton  iorfeiùl  a  é:é  coupé-  L'agneau, 
le  bélier ,  la  brebis  &  le  mouton ,  appartiennent  donc 
à  un  feul  genre  que  les  Naturaliit.es  appellent  ovimtm 
genus,  ovillum  pecus,  le  genre  des  brebis.  Ce  genre 
porte  le  nom  de  la  femelle  &  non  pas  celui  du  mâle, 
fans  doute  parce  qu'on  élevé  bien  plus  de  femelles 
&C  de  mâles  coupés ,  que  de  mâles  entiers.  Car  il  y  a 
des  troupeaux  de  moutons  &  des  troupeaux  de  bre- 
bis :  mais  jamais  on  n'a  vu  des  troupeaux  de  béliers  ; 
on  n'en  garde  qu'autant  qu'il  en  faut  pour  féconder 
les  femelles. 

Quoi  qu'il  en  foit  de  la  dénomination  du  genre , 
je  crois  que  fa  defeription  doit  être  à  l'article  du  bé- 
lier, ne  fût-ce  que  parce  que  les  cornes  font  un  des 
caractères  génériques.  Les  animaux  du  genre  dont  il 
s'agit  ici  font  partie  du  bétail  :  ils  font  couverts  de 
laine  au  lieu  de  poil  ;  leurs  cornes  font  creufes  ,  ri- 
dées, recourbées,  &  quelquefois  contournées  enfpi- 
ralc.  La  femelle  a  deux  mammelles.  Ces  animaux 
n'ont  pas  le  quart  de  la  groffeur  du  bœuf;  ils  font  lâ- 
ches &  timides  :  cependant  les  béliers  montrent  du  cou- 
rage, îiirtout  Iorfque  leurs  cornes  commencent  à  pa- 
rc, re  :  ils  le  battent  les  uns  contre  les  autres  à  coups 
de  tête  &  de  cornes  ;  &  ils  font  quelquefois  affez  har- 
dis pour  attaquer  des  hommes,  îurtout  Iorfqu'ils  cou- 
vrent les  femelles.  Ils  en  peuvent  féconder  dès  l'âge 
d'un  an  :  mais  les  agneaux  qui  en  viennent  ne  font 
pas  auffi  bien  conditionnés  que  ceux  qui  ont  été  pro- 
duits par  un  bélier  de  trois  ans.  Quoique  les  brebis 
n'entrent  en  chaleur  que  vers  le  commencement  de 
Novembre,  cependant  les  béliers  s'accouplent  avec 
elles ,  &  les  fécondent  en  tout  tems ,  lorlqu'on  leur 
en  donne  la  liberté.  Ils  font  très-propres  aux  femelles 
depuis  l'âge  de  trois  ans  jufqu'à  huit  ;  &  un  feul  peut 
fulfîre  à  trente  &  même  à  cinquante  brebis ,  &  quel- 
quefois jufqu'à  foixante,  &  plus.  On  ne  doit  les  laif- 
fer  enfemble  qu'autant  de  tems  qu'il  en  faut  pour 
l'accouplement,  afin  de  ménager  les  forces  du  mâle 
&  des  femelles. 

Les  meilleurs  béliers  font  ceux  qui  ont  la  tête  grof- 
fe ,  le  nez  camus  ,  le  front  large ,  les  yeux  noirs  & 
gros,  les  oreides  grandes,  le  corps  long  &  élevé  , 
l'encolure  &  le  rable  large,  le  ventre  grand ,  les  tei- 
ticulesgios,  &  la  queue  longue.  Ils  doivent  avoir 
beaucoup  de  laine,  même  dans  les  endroits  où  il  y 
en  a  ordinairement  le  moins  ;  c'eft-à-dire,  fur  le  ven- 
tre, la  queue  &  les  oreilles,  6c  fur  la  tête  jufqu'au- 
tour  des  yeux.  Quoique  la  toiion  du  bélier  io\t  entiè- 
rement blanche,  on  prétend  qu'il  ne  produit  que  des 
agneaux  tachetés,  s'il  a  la  moindre  tache  à  la  langue 
ou  au  palais.  Les  béliers  qui  ont  des  cornes  parlent 
pour  être  plus  ardens  6c  plus  propres  à  féconder  les 


BEL 


BEL 


brebis ,  qr.e  ceux  qui  n'en  ont  point;  &  on  croît  que 
'cette  différence  eft  fort  fenfiblc  dans  les  pays  froids , 
8c  même  dans  les  climats  tempérés  :  mais  les  béliers 
cornus  font  plus  incommodes  &  plus  dangereux  dans 
le  troupeau  que  les  autres  ;  parce  qu'ils  le  battent 
plus  fouvcnt,  non-feulement  contre  les  autres  mâles, 
mais  aufîi  contre  les  brebis  ,  &  qu'ils  les  bleffent. 
Pour  arrêter  leur  fureur ,  &  les  empêcher  de  doguer, 
©n  leur  perce  les  cornes  avec  une  tarriere  près  des 
oreilles ,  à  l'endroit  où  elles  fe  courbent.  Il  y  a  en- 
core un  autre  moyen ,  qui  eft  de  pofer  fur  leur  front 
&  d'attacher  à  la  racine  des  cornes ,  un  morceau  de 
planche  garni  de  pointes  de  fer  tournées  du  côté  du 
front,  qui  piquent  l'animal  toutes  les  fois  qu'il  donne 
un  coup  de  tête. 

Lorique  les  béliers  ont  paffé  huit  ans,  &  qu'ils  ne 
font  plus  propres  à  la  multiplication  de  leur  efpece, 
on  les  fait  tourner  &  on  les  engraiffe  :  mais  leur  chair 
a  toujours  de  l'odeur  &  du  goût  de  celle  du  bouc  ,  & 
elle  n'eft  jamais  aulîl  bonne  que  celle  du  mouton ,  ni 
même  que  celle  de  la  brebis,  fsye^  Aldrovande  &  la 
Mai/on  rufiique.  Voy.  AGNEAU  ,  MoUTON,  BREBIS, 
Quadrupède.  (/) 

BÉLIER ,  aries,  (Aflron?)  le  bélier  eft  le  premier  des 
douze  lignes  du  zodiaque  ;  il  donne  fon  nom  à  la  dou- 
zième partie  de  ce  cercle.  V.  Signe.  Les  étoiles  qui 
forment  cette  conftellation,  font  dans  le  catalogue  de 
Ptolomée  au  nombre  de  18  ,  dans  celui  deTicho  au 
nombre  de  21 ,  &  dans  le  catalogue  Britannique  au 
nombre  de  65.  Voyt{  Printems,  Equinoxe.  (O) 

Bélier,  f.  m.  (Art.  milit.')  machine  dont  les  an- 
ciens fe  fervoient  pour  battre  les  murailles  des  ou- 
vrages qu'ils  attaquoient.  Arles  ,  arietaria  machina. 

Le  bélier  étoit  une  groffe  poutre  ferrée  par  le  bout 
en  forme  de  tête  de  bélier.  On  s'en  fervoit  pour  battre 
les  murailles ,  en  le  pouffant  à  force  de  bras ,  par  le 
moyen  de  cables  ou  de  chaînes,  avec  lefquels  il  étoit 
fufpendu.  On  faifoit  jouer  le  bélier  fous  une  galerie, 
à  laquelle  on  donnoit  le  nom  de  tortue ,  ou  dans  une 
tour  de  bois  deftinée  à  cet  effet.  V.  cette  tour ,  Plan- 
che XI.  de  l'Art  militaire.  Il  y  avoit  des  béliers  fufpen- 
dus,  &  d'autres  qui  ne  l'étoient  pas.  Voici  la  deferip- 
tion  du  bélier  fulpendu  ,  fuivant  M.  le  chevalier  de 
Fclard. 

Le  bélier  fufpendu  étoit  compofé  d'un  feul  brin  de 
bois  de  chêne  2 ,  PL  XII.  allez  femblable  à  un  mât 
de  navire  ,  d'une  longueur  &c  d'une  groffeur  prodi- 
gteufe  ,  dont  le  bout  étoit  armé  d'une  tête  de  fer  fon- 
du 3,  proportionnée  au  refte ,  &  de  la  figure  d'une 
tête  de  bélier  ;  ce  qui  lui  fit  donner  ce  nom  ,  à  caufe 
qu'elle  heurte  les  murailles  commeje  bélier  fait  de  fa 
tête  tout  ce  qu'il  rencontre.  Tous  ceux  que  l'on  voit 
fur  les  monumens  Grecs  &  Romains  paroiffent  fous 
cette  forme.  La  tête  du  bélier ,  dit  Vitruve  ,  portait 
quatre  bandes  de  fer  longues  environ  de  quatre  pies ,  par 
le/quelles  elle  étoit  attachée  au  bois.  A  l'extrémité  de 
chacune  de  ces  bandes  4,  il  y  avoit  une  chaîne  5  de 
même  métal ,  dont  un  des  bouts  étoit  attaché  au  cro- 
chet 6,  &:  à  l'autre  extrémité  des  quatre  chaînes  il 
y  avoit  un  cable ,  dont  un  des  bouts  de  chacun  étoit 
fortement  amarré  au  dernier  chaînon  ;  ces  cables 
étoient  allongés  le  long  de  la  poutre  béliere  julqifi 
l'arriére  7  le  long  de  la  poutre  ,  liés  ierrément  tous 
les  quatre  enfemble  par  une  petite  corde  ,  qui  les 
contenoit  fermes  &  bandés  autant  qu'il  étoit  poffi- 
ble ,  ainfi  qu'on  le  pratique  ordinairement  fous  les 
brancards  d'une  chaile  de  polie  ,  pour  leur  donner 
plus  de  force. 

A  l'extrémité  de  ces  cables,  il  devoit  y  en  avoir 
Un  autre,  &  un  trelingage  8  au  bout*  c'eft-à-dire , 
un  cordage  qui  finit  par  plulieurs  branches,  à  cha- 
cune defquelles  il  y  avoit  plulieurs  hommes  pour  ba- 
lancer la  machine.  Pour  fortifie*  da vantât  <■  le  bélier, 
on  faifoit  une  liure  de  plulieurs  tours  de  corde  9  à  la 


*97 


diftance  d'environ  deux  pies  d'une  liure  à  l'autre  ; 
les  tours  de  chaque  cordage  liés  auffi  ferrement  & 
près  à  près  qu'il  étoit  poffible,  &  fans  déborder.  Ce 
bélier  ou  poutre  béliere ,  devoit  être  d'une  groffeur  con- 
forme à  fa  longueur;  Vitruve  lui  donne  quatre  mille 
talens  de  pefanteur,  c'eft-à-dire ,  quatre  cents  quatre- 
vingts  mille  livres,  ce  qui  n'eft  pas  exorbitant.  Cette 
terrible  machine,  comme  Jofephe  l'appelle,  étoit  ba- 
lancée en  équilibre  comme  la  branche  d'une  baian- 
ce  ,  avec  une  chaîne  ou  de  gros  cables  10  qui  la  te- 
noientfufpendue.  Cette  chaîne  ou  ces  cables  doubles 
étoient  amarrés  au  milieu  d'une  puiffante  poutre  de 
travers  1 1 ,  pour  tenir  fufpendue  &  comme  en  l'air 
une  maffe  fi  prodigieufe.  On  faifoit  pour  ioùter.ir  la 
poutre  traverfante  une  bafe  1 2 ,  non  pas  telle  que  Jo- 
lephe  &  Vitruve  larepréfentent,  mais  en  quarré  lon<* 
de  trente  ou  quarante  pies ,  &  quelquefois  davanta- 
ge ,  fur  plus  ou  moins  de  largeur  félon  la  longueur  de 
la  poutre.  Les  auteurs  varient  fur  ces  propon 
comme  dans  tout  le  refte  ;  car  il  ne  faut  point  cher- 
cher l'uniformité  dans  ceux  qui  ont  écrit  des  machi- 
nes de  guerre  ;  on  ne  manque  jamais  de  trouver  les 
auteurs  en  contradiction  entr'eux  fur  les  mêmes  cho- 
fes  ;  parce  que  la  plupart  ont  écrit  fans  expérience , 
&  d'autres ,  après  les  changemens  qui  ont  été  faits 
dans  ces  machines. 

Sur  les  deux  côtés  de  cette  bafe  on  élevoit  dix  gros 
poteaux  de  2  5  à  3  o  pies  de  haut ,  fans  les  tenons ,  dont 
quatre  faifoient  les  encognures  ;  ces  poteaux  étoient 
joints  en-haut  par  quatre  fablieres  pour  recevoir  les 
bouts  des  poteaux ,  de  même  qu'ils  l'étoient  par  en- 
bas  ,  avec  les  poutres  qui  faifoient  le  premier  chaffis 
ou  la  bafe  ;  fur  cet  affemblage  de  montans  &  de  tra- 
verfans ,  &  les  fablieres  qui  alloient  de  chacun  des 
poteaux  à  l'autre  oppofé ,  on  paffoit  la  poutre  de  tra- 
vers dont  j'ai  déjà  parlé  ,  polée  entre  deux  coins  de 
bois  de  chaque  côté  ,  traverfées  de  fortes  chevilles 
de  fer,  &  de  puiffantes  équ erres ,  qui  fervoient  à  re(- 
ferrer  &  tenir  ferme  les  deux  bouts  de  la  poutre  tra- 
verfante qui  fbûtenoit  la  béliere. 

Toute  cette  charpente,  qui  prenoît  quelquefois  le 
nom  de  tortue  béliere  à  comble  plat,  &  le  plus  fou- 
vent  à  comble  aigu ,  étoit  couverte  de  manière  dif- 
férente félon  les  forces  des  affiégés.  On  l'envelop- 
poit  quelquefois  d'un  tiffu  d'olier  verd  enduit  de  ter- 
re graffe,  &  recouvert  d'un  rideau  de  peaux  fraîche- 
ment écorchées,  que  l'on  doubloit  d'autres  peaux  où 
l'on  mettoit  entre  deux  de  l'hetbe  marine  piquée  com- 
me nos  matelas ,  ou  de  la  mouffe  ,  le  tout  trempé 
clans  du  vinaigre,  afin  que  cette  couverture  fût  à 
l'épreuve  des  pierres  &  des  dards ,  dont  les  affiégés 
n'étoient  pas  chiches  :  car  ces  rideaux  matelaffés  étant 
fufpendus  à  un  pié  de  la  charpente  ,  rompoient  la 
force  des  coups  des  machines  ;  &  lorique  la  place  en 
étoit  abondamment  fournie,  on  garnilîoit  les  côtés 
de  charpente  de  forts  madriers ,  indépendamment  des 
mantelets. 

Comme  le  comble  foufrroit  le  plus  par  les  mafTes 
affreufes  chaffées  par  les  groffes  catapultes  ,  qui  fai- 
foient autant  de  defordre  que  nos  mortiers,  on  le  cou- 
vroit  de  madriers  revêtus  de  claies  enduites  de  mor- 
tier ou  d'argille  ,  pétrie  avec  du  crin  &  de  la  bourre. 
Traité  de  f  attaque  des  places  des  ancien*,  parM.  le  che- 
valier de  Folard.  Vqye^  Plane.  XI I.  de  t  Art  militaire, 
une  tour  avec  ion  pont  &  Ion  bélier  renfermé  dedans. 
A^je^dw^r  HELEPOLE.  (Q) 

BELIÈRES  ,  lubft.  f.  pi.  ea  terne  de  Metteur  en  œu- 
vre, le  dit  de  certains  petits  anneaux  d'or  ou  d'argjnt 
auxquels  on  fufpend  une  pendeloque  ou  un  pendant. 
On  nomme  béliere  du  talon  celle  qui  reçoit  l'une  ou 
l'autre  de  ces  choies  ;  &  ■  -  --u  cliquet ,  celle  qui 
paffe  fous  le  tendon  de  l'oreille,  6c  retient  toujours 
la  boucle  du  même  coté.  V.  Cliquet  &  Talon. 
*  BELILLA ,  {H>Jî>  ****,  bot.)  aibriffeau  Indien  qui 


198 


BEL 


porte  des  baies,  oc  fur  le  compte  duquel  on  ne  tant 
point  :  on  lui  attribue  une  foule  de  propriétés  médi- 
cinales qu'on  peut  voir  dans  le  diûionnaire  de  Méde- 
cine; nous  ne  les  rapporterons  point  ici,  parce  que 
nous  n'ajoutons  pas  beaucoup  de  foi  aux  propriétés 
des  choies  qui  nous  paroiflent  auffi  peu  connues  que 
le  belilïa ,  dont  on  n'a  qu'une  phrafe  botanique. 
BELïN,  {Marine)  foye^  Blin» 

*  BELINGE ,  f.  f.  (Commerce)  tiretaine  greffiers , 
fil  &  laine ,  qui  le  fabrique  à  Beauchamp  le  vieil ,  en 

Picardie.  .„./!.     r     , 

*  BELINZONA,  (Géog.)  ville  de  la  SuuTe,  fur  le 
Tefin  ,  aux  frontières  du  Milanois. 

*  BELITZ  (  Gêog.  )  petite  ville  de  la  Marche  de 
Brandebourg  ,  fur  l'Ada. 

*  BEL1ZANA  (  Myth.  )  nom  fous  lequel  les  Gau- 
lois adoroient  Minerve  ,  inventrice  des  Arts.  Elle 
ëtoit  repréfentée  ,  fans  lance  &  fans  égide,  revêtue 
d'une  tunique  fans  manches  ;  les  pies  croilés ,  &  la 
'tête  appuyée  fur  fa  main  droite  ;  comme  une  fem- 
me qui  médite.  On  auroit  pu  lui  ôter  encore  fon 
cafquc  &  fon  aigrette. 

*  BELLAC  (  Gêog.  )  petite  ville  de  France ,  dans 
la  Marche ,  fur  la  petite  rivière  d'Unicon.  Long.  i8. 
•48.  lat.  46.  4. 

BELLADONE,  f.  f.  belladona  {  Mjt.  nat.  bot.  ) 
genre  de  plante  à  fleur  monopétale  en  forme  de  clo- 
che découpée  fur  l'es  bords.  Il  s'élève  du  calice  un 
piftil ,  qui  eft  attaché  comme  un  clou  à  la  partie 
'  poftérieure  de  la  fleur ,  dont  la  bafe  devient  dans  la 
fuite  un  fruit  prefque  rond ,  mou  ,  partagé  en  deux 
loges  par  une  cloiton  mitoyenne.  Ce  fruit  renferme 
plufieurs  femences  attachées  à  un  placenta.  Tourne- 
fort,  Inji.  rti  herb.  Voyc7^  Plante.  (/) 

Belladone  ou  Solanum,  UthaU  offic  folanum 

maniacum  multis ,  feu  belladona.  J.  B.  j.  6 II.  Les 
fruits  &  les  feuilles  auffi  bien  que  les  tiges  de  cette 
plante  font  aflbupiflans ,  &  très  -  dangereux  :  leur 
ufage  intérieur  eft  très -équivoque.  On  lit  dans  les 
Mémoires  de  r  Académie  1703 ,  que  des  enfans  ayant 
mangé  de  ces  fruits  eurent  une  fièvre  violente  avec 
des  convulfions  &  des  battemens  de  cœur  terribles  ; 
ils  perdirent  la  connoiffance  &  les  fens ,  &  tombèrent 
dans  une  aliénation  d'efprit.  Un  petit  garçon  de  qua- 
tre ans  mourut  le  lendemain  ;  on  lui  trouva  trois 
plaies  dans  l'eftomac  avec  des  grains  de  folanum  écra- 
fés ,  &  des  pépins  enfermés  dans  les  plaies ,  le  cœur 
livide ,  nulle  lérofité  dans  le  péricarde  :  ces  faits  fu- 
rent atteftés  par  M.  Boulduc. 

Le  remède  à  ces  maux  eft  le  vomiflement ,  pro- 
curé en  buvant  de  l'eau  miellée  ,  ou  du  vinaigre  en 
grande  quantité. 

Les  feuilles  &  les  fruits  font  bons  appliqués  ex- 
térieurement ,  font  adoucifians  &  réfolutifs  ;  on  s'en 
"fert  fur  les  hémorrhoïdes  &fur  le  cancer  :  on  les  fait 
"bouillir  avec  le  faindoux ,  &  on  en  compofe  une 
pommade  pour  les  ulcères  carcinomateux,  &c  pour 
les  durillons  des  mammelles.  Ces  avis  font  de  Mrs. 
Ray  &  Tournefort. 

Les  peintres  en  mignature  font  macérer  le  fruit , 
&  en  préparent  un  beau  vert.  (  N) 

*  BELLAGINES  okBILAGINES,  fub.  f.  pi. 
'(  Jurifprudence.  )  c'eft  le  recueil  des  loix  municipales 
des  Goths  ,  ainfi  appelle  par  Diceneus  des  mots 
Saxons  £/,qui  fignihe  habitation , bourg  ou  ville  ,  Se 
lagen,  loi. 

BELLA  MORESKOY-LEPORIE.  V.  Lepoiue. 

*  BELLANO  (  Géog.  )  ville  fur  le  lac  de  Comc, 
dans  le  Milanois. 

*  BELLA-POLA  (  Géog.  )  île  fituée  dans  le  gol- 
phe  de  Napoli ,  en  Morée. 

BELLE ,  EMBELLE ,  f.  f.  (  Marine.  )  c'eft  la  par- 
tie du  pont  d'en-haut  ,  qui  règne  entre  les  haubans 


BEL 

de  mi'fene  &  les  grands  haubans  ;  &  qui  ayant  fon' 
bordage  &  Ion  plat-bord  moins  élevé  que  le  refte  de 
l'avant  &  de  l'arriére  ,  laifle  cet  endroit  du  pont 
prefque  à  découvert  parles  flancs.  Pendant  un  com- 
bat on  met  des  pavois  &  des  garde  -  corps  pour  fer- 
mer ou  boucher  la  belle.  C'eft  ordinairement  par  la 
belle  qu'on  vient  à  l'abordage.  Voyt^  Herpe  &  Em- 
BELLE. 

La  belle  eft  prefque  toujours  au  tiers  du  vaifieau 
ou  à  l'endroit  où  Ton  prend  le  gros  du  vaifleau.  P'oy. 
PI.  I.  L'efpace  entre  les  lettres  L  &  K  eft  la  belle. 

Aborder  en  belle;  voye{  A  BORDER.   {Z) 

BELLE ,  terme  de  rivière ,  forte  de  perche  de  frêne 
dont  on  fe  fert  fur  les  bateaux  pour  foûtenir  les  ban- 
nes ou  toiles. 

Belle  de  nuit  ,  (  Hifl.  nat.  bot.  )  plante  qui  doit 
fe  rapporter  au  genre  appelle  jalap.  V.  Jalap.  (/) 

Cette  plante  eft  fort  commune  dans  les  jardins  , 
011  elle  orne  les  parterres  &  les  boulingrins.  On  l'ap- 
pelle quelquefois  merveille  du  Pérou.  Elle  s'élève  de 
deux  pies ,  eft  aflez  garnie  de  feuilles  pointues  Ô£  d'un 
beau  verdj  les  fleurs  de  couleur  rouge  ou  de  jaune  & 
de  blanc  ,  forment  un  tuyau  évafé  en  entonnoir  à 
cinq  parties  qui  font  jointes  enfemble  avec  deux  ca- 
lices ,  dont  le  premier  lui  fert  d'enveloppe ,  &  le  fé- 
cond d'un  appui ,  qui  devient  un  fruit  rempli  de  fe- 
mence.  La  belle  de  nuit  ne  fleurit  qu'en  automne  ,  & 
ne  s'épanouit  que  le  loir  ,  d'où  elle  a  pris  fon  nom. 
On  la  tranfplante  dans  les  parterres  parmi  les  plan- 
tes de  la  grande  efpece ,  à  l'ombre  fi  l'on  peut  :  on  la 
met  encore  dans  des  pots.  Elle  fe  feme  fur  couche  à 
claire  voie ,  &  demande  à  être  arrofée.  (  K  ) 

*  BELLEGARDE ,  (  Géog.  )  ville  de  France  en 
Bourgogne  fur  la  Sône ,  avec  titre  de  duché. 

Bellegarde  ,  (  Géog.)  ville  de  France  dans  le 
Rouffillon,  au-deffus  du  col  de  Pertuis  fur  la  fron- 
tière de  Catalogne ,  entre  Ceret  &  Jonquieres.  Long. 
20.  30.  lat.  42.  20. 

*  BELLE-ISLE  ,  (Géog.)  île  de  France  à  frx  lieues 
de  la  côte  de  Bretagne ,  dans  l'évêché  de  Vannes , 
d'environ  fix  lieues  de  long  fur  deux  de  large. 

BELLE-FACE ,  (  Manège.)  Voye{  CHANFREIN. 
BELLERIES  ,  {Médecine.)  efpece  de  myrobolans. 
Voye{  Myrobolans. 

*  BELLEVILLE ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France 
dans  le  Beaujolois  ,  près  de  la  Sône.  Long.  22.  16. 
lat.  45.  5. 

*  BELLEY  ou  BELLAY ,  {Géog.)  ville  de  France , 
capitale  du  Bugey ,  proche  le  Rhône.  Long.  23.  20. 
lat.  45.43. 

*  BELLICULE,  f.  f.  {Hift.  nat.)  c'eft  une  efpece 
de  limaçon  de  mer  ou  poiflbnà  coquille  umbiiicaire, 
blanche  avec  des  taches  jaunes  ,  ou  jaune  avec  des. 
raies  noires. 

BELLIDASTRUM,  {Htft.  nat.  bct.)  genre  de 
plante  qui  ne  diffère  de  la  pâquerette  que  parce  que 
l'es  femences  lont  garnies  d'aigrettes ,  &  que  la  cou- 
che de  la  fleur  n'eftpas  faite  en  pyramide.  Nova  plan- 
tartan  gênera  ,  &c.  par  M.  Micheli.  Voye^  Plante. 

*  BELLIGAMME,  (  Géog.  )  contrée  du  royaume 
de  Jafnapatman  ,  dans  l'île  de  Ceylan. 

*  BELLINUS ,  (  Myth.  )  c'eft  le  même  que  Bele- 
nus.  Koye-K  BeLtNTjs.  De  tous  les  pays  de  la  Gaule 
oii  Bellinus  avoit  des  autels ,  il  n'y  en  avoit  aucun 
oii  il  fut  plus  révéré  qu'en  Auvergne. 

BELLIS  ou  MARGUERITE,  leucanthemum.  Voy. 
Marguerite. 

*  BELLOC  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  en 
Eéarn ,  fur  le  gave  de  Pau. 

BELLON  ,  f.  m.  (  Médecine.  )  maladie  extrême- 
ment commune  en  Derbyshire  ,  à  laquelle  les  ani- 
maux, la  volaille  &  les  hommes  font  fujets  ;  en  gé- 
néral elle  reçne  dans  toutes  les  contrées  infeâées  de 


BEL 

l'odeur  de  la  mine  de  plomb  :  c'eft  pourquoi  on  dif- 
tingiie  un  certain  efpace  autour  des  lieux  où  l'on 
travaille  la  mine  de  plomb  ,  que  l'on  appelé  lafphirc 
du  bdlon.  Il  eft  très-dangereux  pour  tout  animal  de 
paître  dans  cet  intervalle.  Les  fymptomes  concomi- 
tans  de  cette  maladie  font  la  langueur ,  la  foibleffe  > 
des  douleurs  insupportables  ,  des  tiraillemens  dans 
le  ventre ,  &  généralement  la  conftipation.  Elle  eft 
ordinairement  mortelle.  La  méthode  de  la  guérir  la 
plus  heureufe ,  eft  d'ordonner  aux  malades  la  crème 
ou  les  cryftaux  de  tartre  en  petite  dof'e ,  mais  fré- 
quemment réitérés  ;  par  exemple ,  deux  ou  trois  fois 
par  jour.  Il  faut  remarquer  que  le  fucre  de  faturne 
pris  avec  excès ,  produit  la  même  maladie  :  elle  a 
été  occafionnée  dans  des  perfonnes  à  qui  on  l'avoit 
ordonné,  pris  en  remède  contre  les  fleurs  blanches. 
Voyei  Plomb.  (N) 

BELLONAIRES  ,  (Hifl.  anc.)  prêtres  de  Bellone , 
la  déeffe  des  combats.  Lorfqu'on  les  admettoit  au 
facerdoce ,  ils  fe  faifoient  des  incifions  à  la  cuiffe  ou 
au  bras  ;  &  recevant  dans  la  paume  de  la  main  le 
fang  qui  fortoit  de  cette  bleffure ,  ils  en  faifoient  un 
facrifice  à  leur  déeffe.  Cette  cérémonie  violente  ne 
fut  plus  que  fimulée  dans  la  fuite.  Ces  prêtres  étoient 
des  fanatiques ,  qui  dans  leurs  enthoufiafmes  prédi- 
foient  la  prife  des  villes  ,  la  défaite  des  ennemis ,  &C 
n'annonçoient  que  meurtre  &  que  carnage.  (G) 

BELLONE ,  f.  f.  bdlonia ,  (Hifl.  nat.  bot.)  genre  de 
plante  dont  le  nom  a  été  dérivé  de  celui  de  Pierre 
Bellon  ,  médecin  de  Caen  ,  qui  a  écrit  fur  les  arbres 
conifères  ,  &  fur  d'autres  parties  d'hiftoire  naturelle. 
La  fleur  des  plantes  de  ce  genre  eft  monopétale  , 
rayonnée  &  découpée  :  il  s'élève  du  fond  du  calice 
un  piftil ,  qui  eft  attaché  comme  un  clou  au  milieu 
de  la  fleur.  Le  calice  devient  dans  la  fuite  un  fruit 
dur  d'une  figure  ovoide  pointue  ,  rempli  de  petites 
femences.  Plumier  ,  Nova  plant.  Amer.  gen.  Voye^_ 
Plante.  (/) 

Bellone  ,  (Myth.  )  déeffe  de  la  guerre  ,  qu'on 
repréfentoit  armée  d'un  cafque  &  d'une  cuiraffe  ,  les 
cheveux  épars  &  en  defordre  ,  avec  une  pique  à  la 
main  &  un  flambeau ,  ou  une  efpece  de  fouet  enfan- 
glanté.  Communément  fes  temples  étoient  hors  des 
villes  ,  parce  qu'on  la  regardoit  comme  une  divinité 
turbulente  :  Arnobe  même  l'a  mife  au  nombre  des 
divinités  infernales.  Elle  en  avoit  un  à  Rome  près 
de  la  porte  Carmentale  ,  oit  le  fénat  donnoit  audien- 
ce publique  aux  ambaffadeurs  qu'il  ne  jugeoit  pas  à 
propos  de  recevoir  dans  la  ville.  Il  y  avoit  dans  ce 
temple  une  petite  colonne  nommée  bellica ,  fur  la- 

Suelle  on  mettoit  une  pique  lorfqu'on  étoit  prêt  de 
éclarer  la  guerre  à  quelque  ennemi  ;  ou  ,  comme 
d'autres  prétendent,  par-deffus  laquelle  les  confuls 
ou  les  féciaux  lançoient  un  javelot  le  plus  loin  qu'ils 
pouvoient ,  comme  s'ils  l'euffent  jette  dans  le  pays 
ennemi ,  pour  déclarer  la  guerre.  (  G  ) 

BELLONS  ,  (Hifl.  mod.) c'eft  une  efpece  de  lam- 
pe ufitée  en  Efpagne ,  que  l'on  place  fur  un  pié  d'ar- 
gent ou  d'autre  métal  fort  évafé.  Chaque  lampe  a 
huit  ou  dix  tuyaux  par  où  l'on  fait  paffer  la  mèche  ; 
ce  qui  fait  que  ces  lampes  éclairent  parfaitement  ; 
&  pour  augmenter  encore  la  lumière,  on  place  der- 
rière une  plaque  d'argent  bien  polie ,  qui  la  refléchit. 
On  y  brûle  ordinairement  de  l'huile  très-pure. 

*  BELLUNO ,  (  Géog.  )  ville  d'Italie  ,  capitale 
du  Bcllunois  dans  la  Marche-Trévifanc ,  fur  la  Piave. 
Long.  2Ç).  45.  lat.  46.  g. 

*  BELMONT  ,  (Géog.  )  petite  ville  de  France 
dans  le  Quercy ,  généralité  de  Montauban. 

*  BELNAUX,  f.  m.  pi.  (Œconom.  mfi.  )  ce  font 
des  efpeces  de  tombereaux  qui  fervent  à  la  campa- 
gne au  tranfport  des  fumiers  dans  les  terres.  Com- 
me ils  font  lourds,  on  leur  préfère  les  charettes. 

*  BELOÉRE ,  (  Hifl.  nat.  bot.  )  plante  Indienne  , 


BEL 


ï99 


toujours  verte.  Nous  ne  dirons  rien  de  fes  proprié- 
tés ,  parce  qu'on  ne  nous  en  apprend  pas  affez  pour 
la  connoître. 

BELOM  ANTIE  ,(.f.(  Divination.  )  efpece  de  di- 
vination qui  fe  feifoit  avec  des  flèches  ;  du  Grec  /3s- 
*oç  ,  arme  de  jet ,  dard,  flèche  ,  &C.  &  juanw*  ,  divina- 
tion. Elle  étoit  fort  en  ufage  chez  les  Orientaux  pour 
prendre  les  augures,  furtout  avant  que  de  commencer 
les  expéditions  militaires.  «  Le  roi  de  Babylone ,  dit 
»  Ezéchiel  en  parlant  de  Nabuchodonolbr  ,  s'eft  ar- 
»  rêté  à  la  tête  des  deux  chemins  ;  il  a  mêlé  des  fle- 
»  ches  dans  un  carquois  pour  en  tirer  un  augure 
»  de  la  marche  qu'il  doit  prendre.  Le  fort  eft  tombé 
»  fur  Jérufalem  ,  &  lui  a  fait  prendre  la  droite  ». 
D'où  il  s'enfuit  que  la  belomande  fe  pratiquoit  de 
cette  forte.  Celui  qui  vouloit  tirer  un  augure  fur  fon 
entreprife  prenoit  plufieurs  flèches  ,  fur  chacune  def- 
quelles  il  écrivoit  un  mot  relatif  à  fon  deffein  &  pour 
ou  contre  ;  il  brouilloit  enfuite  &  confondoit  ces  flè- 
ches dans  un  carquois  ;  &  la  première  qu'il  tiroit  le 
décidoit ,  fuivant  ce  qu'elle  portoit  écrit.  Le  nom- 
bre des  flèches  n'étoit  pas  déterminé  ;  quelques-uns 
le  font  monter  à  onze  :  mais  Pocockius ,  dans  Ion  Ejfai 
fur  rhijloire  des  Arabes  ,  remarque  que  ces  peuples  , 
dans  une  efpece  de  divination  femblable  à  la  belo- 
mande, &  qu'ils  nomment  ala^alam  ,  n'employent 
que  trois  flèches  ;  l'une  fur  laquelle  ils  écrivent  ces 
mots  :  le  Seigneur  m'a  commande  ;  fur  la  féconde  ceux- 
ci:  le  Seigneur  m  a  empêché  ;  &  ne  marquent  rien  fur 
la  troifieme.  Si  du  vafe  oit  ils  ont  mis  ces  trois  flèches 
ils  tirent  du  premier  coup  la  première  ou  la  féconde, 
c'en  eft  affez  pour  leur  faire  exécuter  le  deffein  qu'ils 
ont  projette ,  ou  pour  les  en  détourner.  Mais  fi  la  troi- 
fieme leur  tombe  d'abord  fous  la  main ,  ils  la  remet- 
tent dans  le  vafe  jufqu'à  ce  qu'ils  en  ayent  tiré  une 
des  deux  autres ,  arin  d'être  abfolument  décidés.  Voy. 
Divination. 

Il  eft  encore  mention  dans  le  prophète  Ofée ,  ch. 
vj.  d'une  efpece  de  divination  qu'on  faifoit  avec  des 
baguettes  ,  &  qui  a  plus  de  rapport  à  la  rhabdomantic 
qu'à  la  belomande.  Voye^  Rhabdomantie.  Grotius 
&  S.  Jérôme  confondent  ces  deux  fortes  de  divina- 
tions ,  &  prouvent  que  la  belomande  eut  lieu  chez  les 
Mages ,  les  Chaldéens  ,  les  Scythes  ;  que  ceux  -  ci  la 
tranfmirent  aux  Sclavons ,  de  qui  les  Germains  la  re- 
çurent. (G) 

BELOUSES ,  f.  f.  pi.  (  Paumier.  )  ce  font  des  trous 
pratiqués  fur  la  table  d'un  billard,  dans  lefquels  on 
tâche  de  faire  entrer  les  billes  en  les  frappant  avec 
d'autres  billes.  Il  y  a  ordinairement  fix  beloufes  fur 
une  table  de  billard,  lavoir  une  à  chaque  coin,  & 
deux  autres  dans  le  milieu  de  la  longueur  des  deux 
grands  côtés. 

BEL-OUTIL,  f.  m.  che^  les  Orfèvres  &  Us  Bijou- 
tiers ,c  'eft  une  efpece  de  petite  enclume  trés-étroite , 
fort  longue  ,  un  peu  convexe  &c  portative ,  à  deux 
cornes  longues  ,  l'une  ronde  &c  l'autre  quarrée  :  c'eft 
de  là  que  plufieurs  artiftes  l'appellent  auffi  bigorne  ou 
bigorneau.  Elle  fert  au  même  ufage  que  la  bigorne  ; 
mais  à  des  ouvrages  concaves  qui  ont  beaucoup  de 
longueur,  &  dont  l'entrée  doit  être  fort  étroite.  Les 
deux  bigornes  ou  cornes  longues  lont  féparées  par 
un  petit  quarré  oblong.  II  y  a  des  outils  d'Oi -fe\  rg 
qui  portent  le  même  nom  de  bel-outil,  &  qui  n  ont 
qu'une  corne;  le  refte  depuis  l'origine  de  la  corne, 
eft  un  quarré  oblong  &  étroit ,  d'une  forme  un  peu 
convexe,  &  qui  va  en  s'allongeant  &  en  conlervant 
la  même  forme.  Voye^  Orfèvre  ,  Planche  I.  £*•  II. 

BELT ,  (  Géog.  )  nom  de  deux  détroits  de  Dane- 
mark ,  dont  l'un  eft  appelle  le  grand  Belt ,  &  l'autre 
le  petit  Belt. 

*  BELTZ  ou  BELTZKO,  (Géog.)  ville  de  Po- 
logne, dans  le  palaùnat  de  même  nom.  Long.  41. 
44.  lat.  5o,  30. 


2oo  BEL 

BELVEDERE ,  f.  m.  (  Architecture.  )  mot  italien 
qui  fignifie  belle  vue;  c'eft  ordinairement  un  petit  bâti- 
ment fitué  à  l'extrémité  d'un  jardin  ou  d'un  parc  pour 
y  prendre  le  frais,  s'y  mettre  à  l'abri  de  l'ardeur  du  fo- 
leil  ou  des  injures  du  tems.  Les  belvédères  ne  font  com- 
pofés,  pour  la  plupart,  que  d'un  ialon  percé  à  jour, 
ainli  qu'il  s'en  voit  dans  plulieurs  de  nos  maifons 
royales  ;  ou  bien  d'une  feule  pièce  à  pans  ,  ellipti- 
que ou  circulaire ,  fermée  de  portes  &  croifées ,  com- 
me eft  celui  de  Sceaux ,  nommé  le  pavillon  de  l'aurore  ; 
ou  enfin  ils  font  compofés  de  plulieurs  pièces  ,  lavoir 
de  veftibules ,  lalons ,  cabinets ,  chambres  à  coucher, 
garde-robbes  ,  tels  qu'on  l'a  pratiqué  à  la  ménagerie 
de  Sceaux,  nommée  ainfi  parce  que  ce  bâtiment  eft 
fitué  au  milieu  du  jardin  potager  ,  dans  lequel  font 
diftribuées  les  baffes-cours  de  la  ménagerie. 

Lorfqu'un  bel  alpect ,  une  campagne  fertile  ,  des 
prés ,  des  valons ,  étalent  avec  éclat  les  dons  de  la  na- 
ture ,  &  que  ces  points  de  vue  ,  qui  font  les  délices 
de  la  campagne  ,  fe  trouvent  éloignés  du  château 
d'une  diftance  allez  confidérable  ,  alors  on  diftribue 
plulieurs  appartemens  dans  ces  belvédères  pour  s'y 
raffembler  par  choix  &c  fans  tumulte  :  mais  dans  ce 
cas  on  nomme  ces  bâtimens  trianons.  V.  Trianon. 

La  décoration  extérieure  d'un  belvédère  doit  être 
tenue  fimple  &  ruftique  ;  6c  leur  intérieur ,  au  lieu  de 
lambris ,  doit  être  revêtu  de  marbre  ou  de  pierre  de 
liais  ,  à  moins  que  ces  pavillons  par  leur  proximité 
ne  foient  aviez  près  du  château  ,  pour  être  fouvent 
vifités  dans  les  différentes  faifons  par  les  maîtres  ou 
par  les  étrangers.  (  P  ) 

On  appelle  auffi  très-fouvent  belvédère,  en  jardi- 
nage ,  un  fimple  berceau  élevé  fur  quelque  monta- 
gne ou  terrafle  ;  ce  peut  être  auffi  une  éminence  ou 
platte-forme  élevée  ck  foûtenue  par  des  talus  de  ga- 
fon ,  pour  jouir  de  la  belle  vue  dont  le  belvédère  a  pris 
fon  nom.  On  voit  un  fort  beau  belvédère  en  torme  de 
palais  ,  dans  les  jardins  de  Bagnolet,  &  dans  ceux  de 
Meudon  ,  de  S.  Cloud ,  ôc  de  Marly  :  on  en  trouve 
tout  de  gafon.  (K  ) 

Belvédère  ,  f.  f.  (  Hijl.  nat.  bot.  )  plante  qui  doit 
être  rapportée  au  genre  nommé  patte  d'oye.  Foye^ 
Patte  d'oye.  (i) 

La  belvédère,  linaria ,  {Jardinage,  )  eft  une  plante 
que  les  Latins  appellent  linaria  ,  qui  jette  plufieurs  ti- 
ges à  la  hauteur  de  deux  pies  ,  garnies  de  feuilles  lem- 
blables  à  celles  du  lin.  Ses  fleurs  font  jaunes ,  fermées 
en-devant  par  deux  lèvres  en  forme  de  mâchoires. 
Il  s'élève  du  calice  un  piftil  qui  fe  change  en  un  fruit 
à  deux  baies  remplies  de  femences. 

Cette  plante  le  multiplie  par  la  graine  que  l'on 
feme  en  pleine  terre  pour  la  replanter.  On  la  trouve 
dans  les  lieux  incultes  ,  &  on  la  met  iur  une  platte- 
bande  ou  dans  des  pots  :  elle  aime  allez  l'ombre  & 
forme  un  buiffon.  (  K  ) 

*  Belvédère  (Géog.) ,  ville  de  Grèce,  capitale 
de  la  province  de  même  nom  ,  dans  la  Morée.  La 
province  elt  fituée  fur  la  côte  occidentale  de  la  mer. 

*  BELUS  (Myth.)  ,  c'étoitla  grande  divinité  des 
Babyloniens.  S'il  eft  vrai  que  la  tour  de  Babel  lui  ait 
fervi  de  temple,  le  Paganifme  n'a  point  eu  d'autels 
plus  anciens  que  ceux  de  Belus.  Les  rois  de  Babylone 
y  amaflérent  iuccefîïvement  des  threfors  immenfes , 
que  Xercès  pilla  au  retour  de  fon  expédition  de  Grè- 
ce. Ce  fut  alors  que  le  temple  fut  démoli  :  il  en  refte 
une  belle  deicription  dans  le  premier  livre  d'Hérodo- 
te. Les  prêtres  de  Belus  avoient  perfuadé  aux  habi- 
tans  de  Babylone ,  que  le  dieu  honoroitde  la  préfen- 
ce  toute  vierge  Babylonienne ,  qui  le  rendoit  dans 
un  lit  magnifique  qu'on  avoit  dreflé  dans  le  lieu  du 
temple  le  plus  élevé  ;  &  toutes  les  nuits  Belus  avoit 
une  compagne  nouvelle.  Ce  Belus ,  qui  accueilloit 
fi  bien  les  filles  de  Babylone ,  étoit  le  foleil  pen- 
dant le  jour,  ou  la  nature  elle-même  qu'on  adoroit 


BEN 

fous  fon  nom.  Dans  la  fuite ,  le  premier  roi  des  Af- 
fyriens ,  qui  porta  le  nom  de  Belus ,  ayant  été  mis  au 
rang  des  dieux ,  on  confondit  ce  Belus  avec  la  gran- 
de divinité  des  AfTyriens.  Il  y  eut  beaucoup  d'autres 
princes  de  ce  nom  ;  &  Cicéron  appelle  du  nom  de 
Belus ,  le  cinquième  de  fes  Hercules. 

*  BELUTES  (les)  f.  m.  plur.  (Géog.)  peuple  de 
voleurs  &  de  vagabonds ,  qui  vivent  fous  des  tentes, 
&  fe  tiennent  aux  environs  de  Candahar,  entre  les 
frontières  de  Perle  &  de  l'empire  du  Mogol. 

*  BELUTTA  TSJAMPACAM  ,  {Hijl.  nat.  bot.) 
c'eft  le  nom  d'un  grand  arbre  qui  croît  au  Malabar. 
Voye^  dans  le  dictionnaire  de  Médecine  fes  proprié- 
tés merveilleufes  contre  les  ferpens  ,  les  humeurs  pi- 
tuiteufes  du  cerveau ,  la  difficulté  de  tranfpirer ,  la 
toux ,  la  conftipation ,  les  douleurs  des  membres ,  &c 

*  BELZELINGEN,  (Géog.)  ville  de  SuifTe,  dans 
le  canton  d'Uri. 

*  BELZIC ,  (Géog.)  petite  ville  de  Pologne ,  dans 
le  palatinat  de  Lublin. 

*  BELZIEH ,  (Géog.)  ville  de  l'éleaorat  de  Saxe. 

*  BEME,  f.  m.  (HÏjl.  mod.)  autel  des  Manichéens 
ou  jour  de  fête  qu'ils  célébroient  en  mémoire  de  la 
mort  de  Manés  leur  fondateur.  Berne  en  général  li- 
gnifie auffi  fan£tuaire.  De  tous  les  laïcs ,  il  n'y  avoit 
chez  les  Grecs  que  l'empereur  qui  pût  entrer  dans  le 
berne. 

*  BEMILUCIUS ,  (Mythol.)  furnom  d'un  Jupiter 
jeune  &  fans  barbe ,  qui  avoit  les  autels  dans  la  pro- 
vince que  nous  nommons  la  Bourgogne,  aux  environs 
de  l'endroit  où  eft  maintenant  l'abbaye  de  Flavigny. 

BÉMOL,  en  Mufique.  Foyer^  B.  MOL.  (S) 

*  BEN ,  iubft.  m.  {Hijl.  nat.  bot.)  petite  noix  de  la 
grofléur  d'une  aveline ,  de  figure  tantôt  oblongue , 
tantôt  arrondie ,  triangulaire ,  couverte  d'une  coque 
blanchâtre,  médiocrement  épaiffe ,  fragile,  conte- 
nant une  amande  affez  groffe ,  couverte  d'une  pelli- 
cule fongueufe ,  blanche ,  de  la  confiftance  d'une  ave- 
line. On  eftime  celle  qui  eft  récente ,  pleine ,  blan- 
che ,  &  fe  lépare  aifément  de  fa  coque  :  on  l'apporte 
d'Egypte. 

C'eft  le  fruit  d'un  arbre  appelle  glans  unguentana, 
qui  a  deux  fortes  de  feuilles ,  l'une  fimple ,  &  l'autre 
branchue.  La  branchue ,  prife  depuis  l'endroit  oit  elle 
tient  à  la  tige ,  eft  compolée  d'une  côte  molle ,  plian- 
te ,  cylindrique ,  grêle  ,  femblable  au  petit  jonc  ou 
à  un  rameau  de  genêt,  mais  une  fois  plus  menue;  de 
cette  côte  fortent  des  queues  ou  petites  côtes  d'un 
palme  &  plus  de  longueur,  fort  écartées  les  unes  des 
autres ,  mais  toujours  rangées  deux  à  deux  ,  garnies 
chacune  de  quatre  ou  de  cinq  conjugaifons  de  feuil- 
les ,  qui  fe  terminent  auffi  en  une  pointe  fort  menue. 
Le  tour  enfemble  forme  la  feuille  branchue  :  mais  ces 
rameaux  de  feuilles  en  portent  d'autres  petites  à  leurs 
nœuds ,  toujours  pofées  deux  à  deux ,  de  figure  &  de 
grandeur  différentes  ;  caries  premières  font  à  pointes 
moufles,  comme  les  feuilles  du  tournefol  ;  celles  qui 
font  au  milieu  font  plus  pointues  &  lémblables  à  cel- 
les du  myrte  ;  &  celles  qui  font  à  l'extrémité  font 
plus  petites  &  plus  étroites,  &  approchent  de  celles 
de  la  renoiiée.  Elles  tombent  toutes  en  hy  ver  ;  d'a- 
bord les  petites  feuilles ,  puis  toute  la  feuille  bran- 
chue ;  c'eft  pourquoi  Aldinus  Vappellefeuille.  Si  c'é- 
toit  une  branche  ,  dit  cet  auteur  ,  elle  ne  tomberoit 
pas.  La  racine  de  cette  plante  eft  épaiffe,  femblable 
en  quelque  façon  à  celle  du  navet,  noire  en-dedans, 
&  peu  branchue.  Le  fruit ,  félon  Bauhin ,  eft  une  goul- 
fe  longue  d'un  palme,  compolée  de  deux  coffes,  cy- 
lindrique ,  grêle ,  partagée  intérieurement  en  deux 
loges ,  renflée  depuis  fon  pédicule  jufqu'à  ion  milieu  , 
contenant  une  noilétte  dans  chaque  loge.  Cette  gouf- 
fe  eft  pointue  ou  en  forme  de  ftylet,recourbée  en  bec  à 
fon  extrémité ,  rouffâtre  en-dedans ,  brune  ou  cendree 

en-dehors , 


BEN 

en-dehors ,  cannelée  &  ridée  dans  toute  fa  longueur, 
coriace ,  flexible ,  de  la  nature  des  écorces ,  iniipide  , 
un  peu  aflringente  &  fans  lue.  Chaque  loge  contient 
une  noifette  de  médiocre  groffeur ,  triangulaire  ,  la- 
quelle renferme  fous  une  coque  &  fous  une  pellicule 
blanche  &c  fongueufe  une  amande  triangulaire ,  grai- 
fe ,  blanchâtre ,  un  peu  acre ,  amere ,  huileufe ,  &  qui 
provoque  le  vomiflement. 

On  trouve  par  l'analyfe ,  que  la  noix  de  ben  con- 
tient beaucoup  d'huile  épaifle  ,  une  certaine  huile  ef- 
fentielle,  acre  &  brûlante,  en  petite  quantité  à  la  vé- 
rité ,  mais  unie  à  un  fel  ammoniacal  :  c'eft  cette  huile 
fubtile  &  acre  qui  purge  &  fait  vomir. 

La  noix  de  ben  eft  contraire  à  l'eftomac ,  trouble 
les  vifeeres  ,  purge  avec  peine  &  lentement ,  &  a 
quelque  caufticité.  Les  parfumeurs  vantent  ion  huile, 
parce  qu'elle  fe  rancit  difficilement ,  &  qu'étant  fans 
odeur,  elle  ne  gâte  point  celle  des  fleurs. 

Voici  comment  on  tire  les  odeurs  des  fleurs  par  le 
moyen  de  cette  huile  :  on  prend  un  vaiffeau  de  verre 
ou  de  terre ,  large  en-haut,  étroit  par  bas;  on  y  met 
de  petits  tamis  de  crin  par  étage  ;  on  arrange  fur  ces 
tamis  des  fleurs  par  lits ,  avec  du  coton  cardé  bien 
menu  &  imbibé  d'huile  de  ben  :  on  laifTe  le  tout  dans 
cet  état  pendant  quatre  heures ,  puis  on  jette  les  fleurs. 
On  en  remet  d'autres  avec  le  même  coton,  &  l'on 
réitère  jufqu'à  ce  que  l'huile  foit  fuffilamment  impré- 
gnée de  l'odeur  des  fleurs  :  on  finit  par  exprimer  l'hui- 
le du  coton. 

Il  y  a  une  autre  efpece  de  noix  de  ben  ,  appellée 
mouringou  ;  elle  croît  fur  un  arbre  haut  d'environ  25 
pies,  &  gros  d'environ  5  pies.  Voye^  fa  defeription 
à  l'article  Mouringou. 

*  BENA  ou  BECCABENA,  royaume  de  Nigritie. 

*  BENA  ou  BENE,  {Gêog.  )  petite  ville  du  Pié- 
mont ,  avec  titre  de  comté.  L.  zh.  30.  lat.  44.  zq. 

*  BENACHUS ,  {Géog.  anc.  &  mod.)  un  des  plus 
grands  lacs  de  l'Italie,  dans  l'état  de  Venife.  Nous 
l'appelions  aujourd'hui  lac  de  Garde. 

*  BENADKY,  (Gêog.  )  petite  ville  de  Bohême. 

*  BENARES,  (Gêog.)  ville  de  l'Indoftan,  fur  le 
Gange;  c'eft  où  les  bramines  tiennent  leurs  écoles. 

BÈNARI ,  oifeau.  Voyei  Ortolan.  (  /  ) 

BENATAGÉ  ,  f.  m.  c'eft  ainiî  qu'on  nomme  dans 
les  falines  la  fonction  des  bénatiers.  F.  Bénatiers 
&  Benate. 

BENATE,f.  f.  {terme  de  Saline.')  c'eft  une  efpece 
de  caille  d'oiier,  capable  de  contenir  douze  pains  de 
fel.  On  donne  aufîî  le  nom  de  benate  à  la  quantité  de 
fel  qui  entre  dans  la  benate.  Voye^  Bénatiers. 

BENATH  ,  f.  f.  {Médecine.  )  nom  que  les  Arabes 
donnent  à  de  petites  puftules  qui  s'élèvent  fur  le  corps 
pendant  la  nuit  après  la  fueur,  (V) 

BENATIERS ,  f.  m.  pi.  ouvriers  occupés  dans  les 
falines  de  Moyenvic ,  au  nombre  de  dix-huit ,  à  affem- 
bler  des  bâtons  de  bois  avec  des  ofiers  &  de  la  ficelle , 
&  à  en  former  des  efpeces  de  paniers  capables  de 
contenir  douze  pains  de  fel ,  ce  qu'on  appelle  une  be- 
nate. Foyei  Benate. 

*  BENAVARRI,  (Géograplûe)  ville d'Efpagne, au 
royaume  d'Aragon.  Long.  iH.  10.  Ut.  41.  55. 

*  BENAVENTE,  {Géog.)  ville  d'Efpagne  ,  au 
royaume  de  Léon  ,  dans  la  tierra  de  Campos  ,  a\  ce- 
ntre de  duché  ,  fur  la  rivière  d'Ezla.  Long.  iz.  30. 
lut.  4Z.  4. 

*  BENAUGE ,  {Géog.)  petite  contrée  de  la  Guien- 
ne ,  province  de  France  ,  le  long  de  la  Garonne ,  au 
midi  de  Bordeaux  ,  en  allant  vers  l'orient. 

*  BENDA,  {Géog.)  ville  de  la  Macédoine,  appar- 
tenante aux  Turcs. 

*BENDARMARSSENokBENJARMASEN, 
{Géog.)  ville  d'Aiîe,  capitale  du  royaume  de  même 
nom  ,  dans  l'île  de  Bornéo ,  fur  la  rivière  de  Benjar- 
maflé.  Long.  131,  ZQ.  lat,  mérid,  2.  40. 
Tome  II, 


BEN  20Î 

*  BENDER  ou  TEKIN,  {Gêog.)  ville  de  la  Tur- 
quie Européenne ,  dans  la  BefTarabie ,  fur  le  Nieller. 

*  BENDERICK ,  {Gêog.)  ville  &  port  fur  le  golfe 
Perfique. 

*  BENDIDIES,  adj.  pris  fubft.  {Mytkol.)  fêtes 
qui  fe  célébroient  à  Athènes,  dans  le  Pyrée,  en  l'hon- 
neur de  Diane  bendis  ;  elles  y  furent  apportées  par 
des  marchands  qui  fréquentoient  les  côtes  de  la 
Thrace.  Voye^  Bendis. 

*  BENDIMIR,  {Géographie)  fleuve  de  Perfe ,  qui 
tombe  clans  le  golfe  de  Bengale. 

*  BENDIS ,  (  Mythol.  )  nom  que  les  peuples  de 
Thrace  donnoient  à  Diane.  Les  uns  prétendent  qu'ils 
entendoient  par  ce  mot  la  terre  ;  d'autres  la  lune.  Les 
fêtes  qu'on  célébroit  en  fon  honneur  différoient  peu 
des  bacchanales  ;  elles  précédoient  de  quelques  jours 
les  panathénées ,  &  elles  fe  faifoient  dans  le  Pyrée. 

BENEDICTINS ,  f.  m.  pi.  {Hift.  ecclêf.  )  moines 
ainfi  nommés  de  S.  Benoît, Benediclus ,  dont  ils  fuivent 
la  règle. 

C'eft  aux  Bénédictins  proprement  que  convient  le 
nom  de  moines  ,  monachi  ;  &  les  plus  éclairés  d'entre 
eux ,  tels  que  les  PP.  Mabillon  ,  Martenne  ,  Ruinard  , 
&c.  s'en  font  fait  honneur  à  la  tête  de  leurs  ouvra- 
ges ;  celui  de  religieux  convenant  plus  particulière- 
ment aux  autres  ordres  &  congrégations.  V.  Moi- 
nes 6-  Religieux. 

Dans  le  droit  canon  les  Bénédictins  font  appelles 
moines  noirs  à  caufe  de  la  couleur  de  leur  habit ,  par 
oppofition  à  celle  des  ordres  blancs.  Ils  n'étoient  con- 
nus autrefois  en  Angleterre  que  fous  ce  nom.  Cet 
habit  eft  compofé  d'une  robbe  &  d'un  fcapulaire 
noirs ,  avec  un  petit  capuce  de  même  couleur ,  qu'ils 
portent  dans  l'intérieur  de  leurmaifon  &  en  voyage. 
Au  chœur  &  lorfqu'ils  vont  en  ville ,  ils  mettent  par- 
deflus  une  ample  chappe  de  ferge  noire  à  grandes 
manches, avec  un  capuchon  qui  fe  termine  en  pointe. 

L'ordre  de  Saint-Benoît  a  été  florifTant  dès  l'a  naif- 
fance.  Il  fubfifle  depuis  plus  de  treize  cens  ans  avec 
un  éclat  qui  a  été  rarement  obfcurci  ;  également  dit 
tingué  par  les  feiences  &  par  la  piété ,  il  a  été  l'afyle 
des  lettres  dans  les  fiecles  où  il  fembloit  qu'elles  n'en 
dûfîènt  avoir  aucun ,  &  a  donné  à  l'Eglife  un  très- 
grand  nombre  de  faints,  de  fouverains  pontifes  ,  de 
cardinaux,  patriarches,  archevêques,  évoques,  &c. 

Les  réformes  qu'y  ont  introduit  en  divers  tems 
pluiîeurs  perfonnages  éminens  en  fainteté ,  l'ont  par- 
tagé en  plirfieurs  branches  ou  congrégations.  Saint 
Odon ,  abbé  de  Cluny ,  commença  la  réforme  de  cet 
ordre  vers  l'an  940  ,  &  de  là  eft  venu  l'ordre  ou  la 
congrégation  de  Cluny.  Celle  de  Sainte  Jufline  de 
Padoue  &  du  Mont-Cafîîn  ,  s'efl:  établie  en  Italie  en 
1408  ,  &  s'eft  renouvellée  en  1 504.  Celle  de  Saint 
Maur  en  France  a  commencé  en  162 1  ,  &  s'efl  de- 
puis foûtenue  avec  beaucoup  de  gloire  :  elle  a  pro- 
duit ces  hommes  dont  les  noms  ne  périront  jamais 
dans  la  république  des  lettres ,  qui  nous  ont  donné 
d'excellentes  éditions  de  prefque  tous  les  PP.  de 
l'Eglife,  &  beaucoup  d'autres  qui  fe  diflinguent 
encore  par  leur  vertu  &  leurs  lumières.  La  ré- 
formé de  Saint  Vanne  &  de  Saint  Hydulphe  ,  établie 
en  Lorraine  en  1600,  s'efl  auflî  rendue  célèbre  par 
les  lavans  ouvrages  qui  en  fontfortis  ;  tels  que  ceux: 
de  dom  Calmet  Cx  de  dom  Rémi  Ceillier. 

L'ordre  de  Saint-Benoit  a  été  la  tige  de  pluiîeurs 
autres  ,  dont  les  plus  conlidérables  font  ceux  de  Ca- 
maldoli ,  de  Valombreufe  ,  des  Chartreux  ,  de  Cî- 
teaux  ,  de  Grammont  ,  des  Céleflins ,  &c  qui  ont 
rendu  de  grands  fervices  à  la  religion  ,  ou  par  leur 
doctrine ,  ou  par  l'édification  de  leur  vie,  &  qui  fui- 
vent  tous  pour  le  fond  la  règle  de  S.  Benoît,  foye^ 
Camaldules  ,  Chartreux  ,  Cîteaux  ,  &c. 

Il  y  a  auffii  des  religieufes  appellées  Bénédictines  , 
dont  on  attribue  l'inffitution  à  fainte  Scholafliquc  , 

Ce 


202  BEN 

fœur  de  S.  Benoît  :  elles  fuivent  la  règle  de  ce  pa- 
triarche des  moines  d'Occident.  (  G  ) 

BÉNÉDICTION,  f.  f.  (  Théol.  )  l'aûion  de  bénir , 
c'eft-à-dire  de  fouhaiter  quelque  choie  d'heureux  , 
foit  par  des  lignes ,  (bit  par  des  paroles.  Cette  céré- 
monie a  été  en  ufage  de  toute  antiquité ,  tant  parmi 
les  Juifs  que  parmi  les  Chrétiens. 

Les  Hébreux  entendent  fouvent  fous  ce  nom  les  pré- 
fens  que  fe  font  les  amis  ;  apparemment  parce  qu'ils 
font  d'ordinaire  accompagnés  de  bénédictions  6c  de 
complimens  de  la  part  de  ceux  qui  les  donnent ,  &  de 
ceux  qui  les  reçoivent.  Voye{,  Gen.  xxxiij.  z.  Jofué , 
xv.  19. 1. Reg.  xxv. zj.  xxx.  z6.  IV.Reg.  v.  là.  &c. 
les  bénédictions  folennelles  que  les  prêtres  donnoient 
au  peuple  dans  certaines  cérémonies.  Par  exemple  , 
Moyfe  dit  au  grand-prêtre  Aaron  :  Quand  vous  bénire^ 
les  en/ans  d'Ifraël ,  vous  direct  que  le  Seigneur  vous  bé- 
nijfe  &  vous  conferve  ;  que  le  Seigneur  faffe  briller  fur 
yous  la  lumière  de/on  vifage  ,•  qu'il  ait  pitié  de  vous  , 
qu  il  tourne  fa- face  fur  vous ,  &  qu  il  vous  donne  fa  paix. 
U  prononçoit  ces  paroles  debout  à  voix  haute ,  &  les 
mains  étendues  &  élevées.  Les  prophètes  &  les  hom- 
mes infpirés ,  donnoient  auffi  fouvent  des  bénédictions 
aux  ferviteurs  de  Dieu  &  au  peuple  du  Seigneur.  Les 
pfeaumes  font  pleins  de  pareilles  bénédictions.  Les  pa- 
triarches au  lit  de  la  mort  ,  béniflbient  leurs  enfans 
&  leur  famille.  Le  Seigneur  ordonne  que  le  peuple 
d'Ifrael  étant  arrivé  dans  la  terre  promife ,  on  aflem- 
ble  toute  la  multitude  entre  les  montagnes  d'Hébal 
&  de  Garizim ,  &  que  l'on  falfe  publier  des  bénédic- 
tions pour  ceux  qui  obfervent  les  lois  du  Seigneur  fur 
la  montagne  de  Garizim ,  &  des  malédictions  contre 
les  violateurs  de  ces  lois  fur  la  montagne  d'Hébal. 
C'eft  ce  que  Jofué  exécuta  après  qu'il  eut  fait  la  con- 
quête d'une  partie  de  la  terre  deChanaan.  Fqye^  l'ar- 
ticle HÉBAL  ,  Num.  vj.  Z4.  Genef.  xxvij.  xlix.  Tob. 
vij.  y.  Deut.  xj.  Jofué ,  &c. 

Bénédiction  fignifîe  auiïï  abondance.  Celui  quifeme 
avec  épargne  moijfonnera  peu  ;  &  celui  qui  feme  avec  bé- 
nédiction ,  moiffonnera  avec  bénédiction ,  avec  abondan- 
ce. Et  encore  :  Je  les  ai  priés  de  pafler  chez  vous ,  afin 
que  cette  bénédiction  que  vous  ave^  promife  foit  toute  prête, 
&  qu  'elle  foit ,  comme  elle  eft  véritablement ,  une  bé- 
nédiction ,  &  non  un  don  a" avarice  ;  &  Jacob  fouhaite 
à  fon  fils  Jofeph,  les  bénédictions  du  ciel ,  ou  la  pluie 
&  la  rofée  en  abondance  ;  les  bénédictions  de  Vabyfme , 
l'eau  des  fources  ;  les  bénédictions  des  entrailles  &  des 
mammelles ,  la  fécondité  des  femmes  &  des  animaux. 
Et  le  Pfalmifte  :  vous  remplirez  tout  animal  de  bénédic- 
tion ,  de  l'abondance  de  vos  biens.  Cor.  ix.  6. à.  Gen. 
xlix.  là.  Pf.  cxliv.  16.  D.  Calmet  ,  Di3.  de  la  bibl. 
tom.Lpag.30c).  (G) 

*  BENEFICE ,  GAIN ,  PROFIT,  LUCRE,  ÉMO- 
LUMENT ,  (  Grammaire..^)  Le  gain  femble  dépendre 
beaucoup  du  hafard  ;  le  profit  paroît  plus  fur  ;  le  lucre 
eft  plus  général ,  &  à  plus  de  rapport  à  la  paillon  ;  l'é- 
molument eft  affe£té  aux  emplois  ;  le  bénéfice  femble 
dépendre  de  la  bienveillance  des  autres.  Le  gain  eft 
pour  les  joiieurs  ;  le  profit  pour  les  marchands  ;  le  lu- 
cre pour  les  hommes  intérefies  ;  V émolument  pour  cer- 
taines gens  de  robe  &  de  finance  ;  &  le  bénéfice  pour 
celui  qui  revend  fur  le  champ.  Le  joueur  dira  ,J'ai 
peu  gagné  ;  le  marchand  ,y'e  ri  ai  pas  fait  grand  profit  ; 
l'employé  ,  les  émolumens  de  mon  emploi  font  petits  ;  le 
revendeur ,  accordez-moi  un  petit  bénéfice  :  &  l'on  peut 
dire  d'un  homme  intéreflé,  qu'il  aime  le  lucre. 

BÉNÉFICE,  f.  m.  (  Droit  canoniq.  )  office  ecclé- 
fiaftique  auquel  eft  joint  un  certain  revenu  qui  n'en 
peut  être  féparé.  Ce  nom  vient  de  ce  qu'au  commen- 
cement les  évêques  donnoient  quelquefois  aux  ecclé- 
fiaftiques  qui  avoient  long-tems  fervi ,  quelque  por- 
tion des  biens  de  l'Eglife  pour  en  joiiir  pendant  un 
tems ,  après  lequel  ce  fonds  revenoit  à  l'Eglife  ;  ce 
qui  reflembloit  aux  récompenfes  que  les  empereurs 


BEN 

accordoient  aux  foldats  Romains  en  confidération  de 
leurs  fervices  ;  d'où  l'on  appelloit  ces  foldats  ,  milites 
beneficiarii  ;  &  d'où  quelques  auteurs  tirent  l'origine 
de  nos  fiefs.  Ce  nom  a  pafle  enfuite  aux  ecclélïafti- 
ques  ,  à  qui  on  a  donné  de  femblables  fonds  pour  iùb- 
fifter.  Leur  véritable  origine  ne  paroît  pas  avoir  pré- 
cédé le  vin.  fiecle  ,  où  l'on  fit  le  partage  des  biens 
d'Eglife.  On  ne  laifle  pourtant  pas  que  de  trouver 
quelques  veftiges  des  bénéfices  dès  l'an  500  ,  fous  le 
pape  Symmaque  :  on  voit  qu'alors  on  donna  à  un 
clerc  qui  avoit  bien  fervi  l'Eglife  ,  un  champ  en  fonds 
qu'il  pofféda ,  &  dont  il  tira  fa  fubfiftance.  On  trouve 
de  plus  dans  un  canon  du  premier  concile  d'Orange  , 
tenu  en  441 ,  quelques  traces  de  la  fondation  des  bé- 
néfices &  du  droit  de  patronage  ,  tant  eccléiiaftique 
que  laïque  :  mais  ce  n'étoit  pas  l'ordinaire  avant  le 
vin.  lîecle;  communément  les  eccléfiaftiqucs  fubfif- 
toient  des  revenus  des  biens  des  églifes  &c  des  obla- 
tions  des  fidèles  que  l'évêque  diftribuoit  entre  eux. 
Du  tems  de  Charlemagne,  les  curés  &  les  autres  mi- 
niftres  de  l'Eglife  joùilîbient  de  revenus  fixes  &  cer- 
tains ,  &  percevoient  des  dixmes  ;  &  cette  coutume 
s'établit  dans  tout  l'Occident.  Ce  fut  alors  que  ces  ti- 
tres eccléfiaftiques  furent  appelles  bénéfices  ,  &  que 
chaque  clerc  eut  un  revenu  attaché  à  fon  titre. 

Les  bénéfices  font  ou  féculiers  ou  réguliers.  Lçsfécu- 
liers  font  l'évêché  ,  les  dignités  des  chapitres  ;  favoir , 
la  prévôté,  le  doyenné ,  l'archidiaconné  ,  la  chancel- 
lerie ,  la  chantrerie  ;  les  charges  d'écolâtre  ou  capri- 
col ,  ou  théologal ,  de  thréforier ,  de  chefeier  ,  &c  les 
canonicats ,  qui  font  des  places  de  chanoines ,  ou  fans 
prébende ,  ou  avec  prébende ,  ou  avec  femi-prében- 
de.  Les  autres  bénéfices  féculiers  ,  les  plus  ordinaires , 
font  les  fimples  cures,les  prieurés-cures,les  vicaireries 
perpétuelles  ,  les  prieurés  fimples,  &les  chapelles. 

Les  bénéfices  réguliers  font  l'abbaye  en  titre  ;  les 
offices  clauftraux  qui  ont  un  revenu  affefté  ,  comme 
le  prieuré  conventuel  en  titre  ,  les  offices  de  cham- 
brier ,  aumônier ,  hofpitalier,  facriftain  ,  célérier  &c 
autres  femblables.  Les  places  de  moines  anciens  & 
non -réformés  ,  font  regardées  prefque  comme  des 
bénéfices.  On  ne  donne  pourtant  proprement  ce  nom 
qu'aux  offices  dont  on  prend  des  provhions. 

On  divife  encore  les  bénéfices  en  bénéfices  facerdo- 
taux  ,  bénéfices  à  charge  d'âmes ,  &  bénéfices  fimples.  Les 
bénéfices facerdotaux  font  des  bénéfices  ou  dignités  ecclé- 
fiaftiques ,  qu'on  ne  peutpofleder  fans  être  prêtre, 
ou  en  âge  de  l'être  du  moins  dans  l'année.  Les  béné- 
fices à  charge  d'ames  font  ceux  dont  le  pourvu  a  jurif- 
diction  fur  une  certaine  portion  de  peuple ,  dont  l 'inf- 
truftion  eft  confiée  à  les  foins  ;  tels  font  les  évêchés 
&  les  cures.  Enfin  les  bénéfices  fimples  font  ceux  qui 
n;ont  ni  charge  d'ames,ni  obligation  d'aller  au  chœur, 
&  qui  par  conféquent  n'obligent  point  à  réfidence  ; 
telles  font  les  abbayes  ou  prieurés  en  commende ,  & 
les  chapelles  chargées  feulement  de  quelques  méfies  , 
que  l'on  peut  faire  célébrer  par  d'autres. 

Il  y  a  des  irrégularités  qui  empêchent  de  pofïeder 
des  bénéfices  ;  telles  que  la  bâtardife ,  la  bigamie  ,  la 
mutilation ,  le  crime  public  pour  lequel  on  peut  être 
repris  de  juftice ,  &  le  crime  eccléiiaftique  ,  comme 
l'héréfie ,  la  fimonie  ,  la  confidence ,  &e.  qui  empor- 
tent privation  du  bénéfice.  Les  cafuiftes  difputent  fur 
la  pluralité  des  bénéfices  :  quelques-uns  la  croyent  il- 
légitime ;  le  plus  grand  nombre  la  croit  permife ,  & 
l'Eglife  la  tolère.  En  Angleterre ,  la  plupart  des  bé- 
néfices ont  été  fupprimés  du  tems  de  la  réformation , 
parce  qu'alors  les  biens  eccléfiaftiques  ont  pafle 
dans  les  mains  des  laïques.  Fleury ,  Inflit.  au  Droit 
eccléf.  tom.  I.  part.  II.  ch.  xiv.  xix.  &  xxviij '. 

BÉNÉFICES  CONSISTORIAUX  ,  grands  bénéfices  ,' 
comme  les  évêchés ,  abbayes  &  autres  dignités ,  ainiî 
appelles ,  parce  que  le  pape  en  donne  les  provifions 
après  une  délibération  faite  dans  le  confiftoire  des 


BEN 


BEN 


cardinaux.  On  donne  ce  nom  en  France  aux  digni- 
tés eccléfiaftiques  dont  le  R.oi  a  la  nomination ,  lui- 
vant  le  concordat  fait  entre  le  pape  Léon  X.  &  Fran- 
çois I.  mais  ce  concordat  n'a  fait  que  renouveller  un 
droit  que  les  rois  de  France  avoicnt  poflcdé  dès  le 
commencement  de  la  monarchie.  Grégoire  de  Tours , 
Aimoin ,  &  nos  anciens  hiftoriens ,  font  pleins  d'exem- 
ples qui  prouvent  que  nos  rois  de  la  première  race 
difpoloient  des  évêchés.  Ils  en  parlent  en  ces  termes  : 
talis  epijcopus  ordinatus  efiljufiju  régis ,  ou  afifenfu  régis , 
ou  decreto  régis.  Cet  ulage  continua  fous  la  féconde 
race.  Loup,  abbé  de  Ferrieres  ,  rapporte  que  le  roi 
Pépin  obtint  le  confentement  du  pape  pour  nommer 
aux  grandes  dignités  eccléfiaftiques  ceux  qu'il  en 
jugeroit  les  plus  capables  pour  le  bien  de  fon  état. 
Hincmar  ,  archevêque  de  Rheims  .,  &  Flodoard,  par- 
lent auiïi  de  ces  nominations.  C'eft  ce  qu'on  voit  en- 
core dans  le  fécond  concile  d'Aix-la-Chapelle ,  tenu 
fous  Louis  le  Débonnaire.  Les  rois  fucceffeurs  d'Hu- 
gues Capet,  en  uferent  ainfi ,  comme  le  témoigne , 
en  plulieurs  endroits  de  fes  épîtres  ,  Fulbert ,  évëque 
de  Chartres  ,  qui  vivoit  dans  le  xi  fiecle,  du  temsdu 
roi  Robert.  Il  eft  vrai  que  dans  le  xn  ,  les  papes  dif- 
poferent  de  plulieurs  de  ces  bénéfices  :  mais  vers  le 
commencement  du  xiii,  fous  Philippe  Augufte  ,  les 
élections  eurent  lieu  ,  de  forte  néanmoins  que  le  roi 
les  autorifoit ,  &  l'évêque  élu  ne  pouvoit  être  con- 
facré  fans  le  confentement  du  prince.  Le  concordat 
n'a  donc  fait  que  rendre  au  roi-le  droit  de  nomina- 
tion aux  grands  bénéfices ,  que  quelques-uns  difent  ap- 
partenir au  roi  de  France  en  qualité  de  Roi;  parce 
que  le  choix  des  prélats  eft  une  chofe  importante 
pour  la  conlervation  de  l'état,  &c  que  ce  monarque 
eft  le  premier  patron  &  protecteur  des  églifes  de  ion 
royaume.  Les  autres  rois  &  princes  fouverains  joiiif- 
ient  d'un  pareil  droit  ;  &  cette  nomination  a  eu  lieu  en 
Hongrie,  en  Efpagne,  dans  les  Pays-Bas,  à  Venife  & 
en  Savoie.  Elle  étoit  auffi  en  ufage  en  Angleterre  &c 
en  EcolTe  avant  la  réformation  ,  &  le  roi  y  nomme 
encore  aux  archevêchés  &  évêchés  :  mais  on  ne  peut 
plus  appcller  ces  dignités  bénéfices  confifioriaux ,  de- 
puis que  le  pape  n'en  donne  plus  la  confirmation. 
Pithou  ,  Traité  des  Libert.  de  CEgl.  Gallic.   (  G  ) 

BÉNÉFICE  ,  en  terme  de  Droit  civil,  fignifie  en  gé- 
néral une  exception  favorable  accordée  par  la  loi 
ou  parle  prince,  qui  rend  l'impétrant  habile  à  une 
fonction  ou  une  qualité  dont  il  étoit  incapable  à  la 
rigueur.  Tels  font  le  bénéfice  d'âge,  voye^  Age;  le 
benéjice  de  cejjlon  ,  voye^  CESSION  ;  de  divifion  ,  voye^ 
Division;  de  difcujjion,  voyei  Discussion;  <ïin. 
ventaire  ,   voye^  INVENTAIRE  ;   &c. 

Bénéfice  fe  prend  auffi  quelquefois  pour  un  fimple 
privilège  ou  droit  favorable.  C'eft  en  ce  fens  qu'on 
dit ,  que  le  bénéfice  du  vendeur  fert  à  l'acheteur.  (H) 

BÉNÉFI  CE  ,  (  Commerce.  )  fignifie  avantage  ,  gain  , 
profit.  On  dit  qu'un  marchand  a  du  bénéfice  fur  le  mar- 
ché ou  la  vente  de  certaines  marchandifes. 

Quand  on  dit  qu'un  banquier  fait  tenir  de  l'argent 
d'une  place  à  l'autre  avec  bénéfice,  cela  doit  s'enten- 
dre qu'au  lieu  de  demander  quelque  chofe  pour  l'é- 
change ,  il  donne  du  profit.  Quand  le  change  eft  au 
pair  ,  il  n'y  a  ni  bénéfice  ni  peite. 

On  nomme  bénéfice  d'aunage ,  le  profit  qui  fe  ren- 
contre fur  Tannage  des  étoffes ,  des  toiles ,  &c.  Il  y  a 
des  endroits  où,  quoique  l'aune  foit  égale  à  celle  de 
Paris ,  on  ne  lailfe  pas  de  trouver  un  bénéfice  conlidé- 
rable  fur  Tannage ,  par  la  bonne  inclure  que  donnent 
les  fabriquans  pour  attirer  les  marchands.  Ainli ,  par 
exemple ,  à  Rouen  on  donne  vingt-quatre  aunes  de 
toile  pour  vingt  aunes  ,  ce  qui  eft  quatre  aunes  de  bon 
ou  de  benéjice  fur  chaque  fois  vingt  aunes.  Voyat  Au- 
NAGE.   (G) 

BÉNÉFICES  ,  f.  m.  (  Hifi.  anc.  )  terme  dont  les  an- 
ciens ie  lervoient  pour  lignifier  les  fonds  de  terre  qu'on 
Tome  II. 


203 


donnoit  aux  vieux  foldats  ou  vétérans,  pour  récom. 
penfe  de  leurs  fervices  ;  &  c'eft  de  là  qu'on  appelloit 
ces  foldats  bénéficiant  milites.  Les  Turcs  en  ufent  en_ 
core  aujourd'hui  de  même  à  l'égard  de  leurs  fpah:s 
outimariots.  Voye^  Spahi  &  Timariot.  {G) 

BÉNÉFICIABLE ,  adj.  (  Chimie.  )  profitable  ;  il  fe 
dit  ordinairement  d'une  mine.  On  dit  qu'une  mine 
eft  bénéficiable ,  lorfqu'on  veut  dire  qu'elle  peut  être 
exploitée  avec  profit  ;  qu'on  en  peut  tirer  du  bénéfice. 
Pour  rendre  une  mine  bénéficiable,  il  faut  en  féparer 
ce  qui  détruiroit  le  métal ,  ou  ce  qui  Tempêcheroit 
de  fe  féparer  de  fa  mine.  (  M ) 

BÉNÉFICIAIRE,  adj.  pris  fubft.  terme  de  Droit, 
qui  ne  fe  dit  qu'en  un  feul  cas ,  à  favoir  en  parlant 
de  l'héritier  qui  a  pris  des  lettres  de  bénéfice  d'in- 
ventaire, f^oyei  Inventaire. 

En  pays  coûtumier,  l'héritier  pur  &  fimple  en  li- 
gne collatérale  exclut  le  bénéficiaire  ;  fecùs  en  ligne 
direde  :  mais  en  pays  de  Droit  écrit,  l'héritier  pur 
&  fimple  n'exclut  pas  le  bénéficiaire ,  même  en  colla- 
térale. 

L'héritier  bénéficiaire  a  Tadminiftration  de  tous  les 
biens  de  la  fucceffion ,  dont  il  doit  un  compte  aux 
créanciers  &  légataires  ,  pour  le  reliqua  duquel ,  s'il 
fe  trouve  redevable ,  ils  ont  hypothèque  fur  fes  pro- 
pres biens ,  du  jour  qu'il  a  été  déclaré  héritier  béné- 
ficiaire. (H) 

*  Bénéficiaires  ,  f.  m.  pi.  {Hifi.  anc.)  c'eft  ainfi 
qu'on  appelloit  dans  les  troupes  Romaines  ceux  qui 
lervoient  volontairement,  foit  pour  obtenir  les  bon- 
nes grâces  &  la  faveur  des  coniuls ,  foit  pour  obtenir 
quelque  récompenfe  des  chefs.  Ils  étoient  rangés  fous 
les  drapeaux  dans  les  cohortes  ;  ils  ne  montoient  point 
la  garde  ;  ils  étoient  difpenfés  de  travailler  aux  forti- 
fications &  aux  campemens.  Ils  faifoient  l'office  de 
centurions  ,  en  cas  de  befoin ,  &  portoient  comme 
eux  la  branche  de  vigne.  Le  terme  bénéficiaire  fe  prend 
en  ditférens  fens ,  &  tout  ce  que  nous  venons  de  dire 
de  leurs  fondions  a  été  fujet  à  bien  des  changemens. 

BÉNÉFICIAL ,  qui  concerne  les  bénéfices.  Cet 
adjeftif  ne  fe  trouve  employé  qu'au  féminin  ,  ainli 
l'on  dit  des  caufies ,  des  matières  bénéficiâtes  :  mais  on 
ne  diroit  pas  des  codes  bénéficiaux .  (H) 

BÉNÉFICIATURES  ,  f.  f.  plur.  {terme  de  Droit  ec- 
cléjiajliq.)  fortes  de  bénéfices  amovibles  ,  qui  ne  peu- 
vent fe  réfigner  ,  &  peuvent  vaquer  par  Tabfence  , 
comme  les  bénéfices  de  chantres  ou  vicaires,  chorif- 
tes,  chapelains.  Les  bénéficiaires  ne  peuvent  être  ap- 
pellées  qu'improprement  bénéfices  ;  ce  font  plutôt  des 
places  deftinées  à  des  prêtres  chargés  pour  ce  de  ren- 
dre un  fervice  actuel  à  Téglife,  &que  le  chapitre  peut 
deftituer,  s'ils  y  manquent  pendant  deux  mois  de  fui- 
te ,  fans  qu'il  foit  nécelîaire  de  faire  précéder  aucune 
monition  canonique  ;  monitions  fans  lefquelles  ,  fui- 
vant  le  droit  commun  ,  on  ne  pourroit  pas  priver  de 
fon  bénéfice  un  véritable  bénéficier. 

On  appelle  auffi  les  bénéficiatures ,  bénéfices  ferfs. 
Voyci  BÉNÉFICE.  (H) 

BÉNÉFICIER  ,  v.  neut.  en  Chimie ,  c'eft  exploiter 
les  mines  avec  bénéfice,  avec  profit.  (M) 

*  BENESCHAU ,  (Geog.)  il  y  a  deux  villes  de  ce 
nom  ;  Tune  dans  le  royaume  de  Bohême ,  &  l'autre 
en  Silcfie. 

*  BENEVENT,  (Géog.)  ville  d'Italie,  au  royau- 
me de  Naples ,  près  du  confluent  du  Sabato  &  du  Ca- 
lorc.  Long.  Jz.  zj.  lat.  41.  6. 

*  Benevent,  {Géog.)  petite  \  ille  de  Fiance  ,  dans 
le  Limofin. 

BÉNEVOL,  adj.  (terme  de  Droit  eccléfiajlique.)  eft 
un  ade  par  lequel  un  fupérieuro&roye  une  place  mo- 
nacale dans  fa  maifon,  à  un  religieux  d'un  autre  or- 
dre ,  qui  eft  dans  le  deffein  de  le  faire  transférer  dans 
le  fien.  Il  doit  avoir  ce  binivol ,  pour  être  en  crat 
d'obtenir  le  bref  de  tranllation,  de  peur  qu'il  ne  le 

C  c  ij 


2o4  BEN 

trouve  fans  cloître  &  fans  demeure  fixe.  Voyt{  Gl- 
rovage.  (H) 

*  BENFELD ,  (Gfog.)  ville  de  France ,  en  Alface, 
fur  FM.  Lon.  z5.  i5.  lat.  48. 14. 

*  BENGALE ,  (Géog.)  royaume  d'Afie ,  aux  Indes, 
fur  le  wolfe  de  même  nom.  11  eft  traverié  par  le  Gan- 
ge ,  &"habité  par  des  Gentils  &  des  Mahométans  très- 
difïblus.  Les  femmes  y  font  bien  faites,  fort  parées , 
&  très-voluptueufes. 

Il  prend  l'on  nom  de  fa  capitale ,  qui  eft  fituée  fur 
une  des  bouches  du  Gange.  Le  commerce  s'y  lait , 
tant  par  les  étrangers  que  par  les  habitans.  On  y 
trouve  des  marchands  de  tous  les  endroits  de  l'Afie. 
On  y  prend  des  foies  ,  du  poivre ,  du  riz,  du  falpe- 
tre  ,  des  bois  de  teinture ,  la  terra-merita  ,  les  lac- 
ques,  des  cires,  de  l'indigo,  du  camphre,  de  l'efqui- 
ne  ,  de  l'aloès  ,  de  la  gomme-gutte ,  &  des  cannes. 
Les  villes  les  plus  marchandes  du  Bengale ,  font  Kaf- 
fambazar,  Ougli ,  Pipeli,  &  Bellezoor  :  on  y  ajoute 
Patna ,  quoiqu'elle  ne  foit  pas  du  Bengale.  On  trouve 
à  Ougli  les  marchandifes  les  plus  prétieufes  des  Indes. 
Il  fe  fait  des  foies  en  grande  quantité  à  KafTambazar. 
Choupar,  de  la  dépendance  de  Patna,  fournit  le  fal- 
petre.  Il  faut  porter  au  Bengale  de  l'argent  du  Japon , 
du  cuivre ,  de  l'étain  de  Malaca  ,  du  vermillon  ,  du 
mercure ,  du  plomb ,  des  tables,  des  cabinets  vernis , 
de  la  porcelaine ,  de  l'écarlate ,  des  miroirs,  des  draps, 
de  l'ivoire ,  des  épiceries ,  &  même  des  oifeaux.  On 
tire  encore  du  Bengale  du  borax ,  des  tapifferies ,  des 
couvertures,  des  fruits ,  du  beurre  ,  des  diamans ,  &C 
autres  pierres  ;  mais  fur-tout  des  coutils ,  des  bafins, 
&  des  toiles.  Ces  dernières  marchandifes  font  les  ob- 
jets les  plus  importans  de  fon  commerce.  Ce  com- 
merce fe  fait  intérieurement  par  les  Benjans ,  voye? 
Benjans  ;  l'extérieur ,  par  les  vaiffeaux  Hollandois 
particulièrement. 

*  BENGALI ,  (Hifi.  nat.  bot.  )  c'eft  une  plante  du 
Brefil  ;  fes  racines  font  courtes  &  grofles ,  les  feuilles 
ont  la  couleur  &  l'odeur  des  feuilles  de  choux  ;  elle 
porte  deux  ou  trois  fleurs  monopétales  &  hexagones. 
Le  fruit  eft  de  la  grandeur  d'une  pomme ,  fort  agréa- 
ble au  goût,  mais  dangereux,  parce  qu'il  eft  trop 
froid. 

*  BENGEBRES  (les),  f.  m.  pi.  (Géog.)  peuples 
d'Arabie ,  qui  n'oni  point  de  demeure  fixe  ;  ils  font 
des  courtes  continuelles ,  &  attaquent  fouvent  les  ca- 
ravanes qui  vont  à  la  Meque. 

*  BENGI-EIRI ,  (Hifi.  nat.  bot.  )  efpece  de  ricin 
Indien ,  toujours  verd  ,  &  qui  croît  dans  le  Malabar. 
C'eft  encore  une  de  ces  plantes  auxquelles  on  attribue 
d'autant  plus  de  propriétés ,  qu'on  les  connoît  moins  ; 
&  l'on  a  raifon ,  car  il  eft  difficile  d'être  démenti. 

*  BENGUELA,  {Géog.')  royaume  d'Afrique,  fur 
la  côte  occidentale ,  entre  le  royaume  d'Angola  &  le 
Jaga ,  avec  ville  de  même  nom,  qu'on  appelle  auffi 
S.  Philippe  ou  le  vieux  Benguela. 

*  BENJANS ,  f.m.  plur.  (Hifi.  mod.  &  Commerce.) 
forte  d'Indiens  répandus  dans  toute  l'Afie  ,  par  les 
mains  defquels  fe  fait  tout  le  commerce.  Ils  font  le 
courtage  pour  les  compagnies  de  France ,  d'Angle- 
terre ,  &  de  Hollande.  Ils  ne  le  cèdent  en  rien  pour 
l'expérience  ,  pour  l'habileté  &  l'avidité  du  gain ,  ni 
aux  Arméniens  ni  aux  Juifs.  Ils  font  auffi  la  banque. 
Ils  ont  beaucoup  de  crédit,  &  font  d'affez  bonne  foi. 
Ils  ont  des  caiffes  où  l'on  peut  dépofer  en  fureté  fon 
argent. 

*  BENI-ARAX,(GV0£.)  ville  d'Afrique,  au  royau- 
me d'Alger.  Long.  ij.  lat.  Ji. 

*  BENIGHEIM ,  (Géog.)  ville  du  duché  de  Wir- 
temberg ,  en  Suabe. 

BENIN,  adj.  ulîté  en  Médecine,  il  fe  donne  aux 
maladies  dont  les  fymptomes  ne  font  point  fâcheux , 
&  dans  lefquelles  le  malade  n'eft  pas  expofé  à  un 
grand  danger.  C'eft  dans  ce  fens  que  les  auteurs  ont 


BEN 

diftingué  la  petite  vérole  en  bénigne  &  maligne.  La 
fièvre  fe  divife  auffi  en  fièvre  fimple  ou  bénigne  ,  & 
en  fièvre  maligne.  Voyc{  Fièvre. 

Bénin ,  fe  dit  auffi  d'un  médicament  doux ,  c'eft-à- 
dire,  dont  l'action  n'eft  pas  violente.  (N) 

*  Bénin  ,  (Géog.)  capitale  du  royaume  de  même 
nom ,  en  Afrique ,  fur  le  golfe  de  Guinée  ou  de  Saint 
Thomas.  Le  roi  de  Bénin  eft  puifiaut,  il  peut  mettre 
en  peu  de  tems  1 00000  hommes  fur  pie  ;  il  ne  le  mon- 
tre en  public  qu'une  fois  l'an ,  alors  on  honore  fa  pré- 
fence  en  égorgeant  quinze  ou  feize  efclaves.  Quand 
il  meurt,  la  plupart  des  princes  de  fa  cour  le  fuivent 
au  tombeau  :  on  tue  un  bon  nombre  de  fujets  pour 
leur  faire  compagnie ,  &  on  enterre  avec  le  monar- 
que fes  habits  &  fes  meubles.  Les  Beniniens  ont  du 
courage  &  de  la  générofité ,  cependant  ils  font  tous 
efclaves ,  &  portent  une  incifion  fur  le  corps ,  en 
ligne  de  fervitude.  Les  hommes  n'oîent  porter  d'ha- 
bit ,  qu'ils  ne  l'ayent  reçu  du  roi  ;  les  filies  ne  fe  vé- 
rifient que  quand  elles  font  mariées  ;  c'eft  leur  époux 
qui  leur  donne  le  premier  habit  ;  ainfi  les  rues  font 
pleines  de  perfonnes  de  l'un  &  de  l'autre  lexe  toutes 
nues.  Le  privilège  du  monarque  d'être  accompagné 
fous  la  tombe  par  les  principaux  feigneurs  de  fa  cour, 
s'étend  à  ceux-ci  :  on  immole  fur  leurs  cadavres  une 
partie  de  leurs  efclaves.  Les  jours  fuivans  on  célèbre 
des  fêtes  fur  leur  tombeau ,  &  l'on  danfe  au  fon  du 
tambour. Ces  peuples  ne  rendent  aucun  culte  à  Dieu; 
ils  prétendent  que  cet  être  étant  parfaitement  bon  de 
fa  nature ,  n'a  pas  befoin  de  prières  ou  de  facrifices  : 
mais  ils  adreffent  les  unes  &  les  autres  au  diable ,  par 
la  raifon  contraire.  Ils  ont  des  idoles.  Bénin  eft  près 
de  la  rivière  Formofa.  Long.  %6.  lat.  y.  40. 

Les  Européens  n'y  font  pas  grand  commerce ,  ce- 
pendant on  en  pourroit  tirer  des  étoffes  de  coton,  du 
jafpe ,  des  femmes ,  des  peaux  de  léopard  ,  &  du  co- 
rail. Il  faudroit  leur  porter  des  étoffes  riches ,  des 
draps  rouges ,  de  l'écarlate ,  des  pendans  d'oreilles  , 
des  miroirs ,  des  pots  de  terre  ,  des  fruits ,  du  cuivre  , 
&  du  fer.  Les  Hollandois  font  ce  commerce.  Les  au- 
tres commerçans  de  l'Europe  y  font  moins  fréquens  , 
parce  qu'ils  n'y  font  point  attirés  par  l'or ,  les  cuirs, 
les  efclaves ,  &c.  &  autres  marchandifes  prétieufes  , 
pour  lefquelles  ils  s'expoferont  plutôt  à  de  grands 
dangers ,  que  d'avoir  affaire  aux  tranquilles  &  fidèles 
habitans  du  Bénin ,  qui  n'ont  que  des  chofes  commu- 
nes à  leur  donner.  Ils  fe  font  fait  une  loi  particulière 
de  ne  point  vendre  d'hommes  :  ils  ont  moins  de  feru- 
pule  pour  les  femmes ,  foit  qu'ils  en  fafient  moins  de 
cas  dans  leur  pays ,  foit  qu'ils  connouTent  affez  bien 
les  contrées  éloignées ,  pour  favoir  que  l'efclavage 
n'y  eft  pas  fort  dur  pour  elles. 

*  BENINGANIO  {Hifi.  nat.  bot.),  fruit  qui  croît 
dans  la  baie  de  S.  Augultin.  Il  eft  de  la  grofleur  du 
limon  ,  &  rouge  au-dedans  :  on  peut  en  manger. 

BENJOIN,  (Hifi.  nat.  &  mat.  méd.  )  ben^oinum 
offic.  fubftance  réfineufe  inflammable  ,  quelquefois 
rougeâtre ,  d'autres  fois  d'une  couleur  pâle,  &  ordi- 
nairement fort  fale  ;  d'une  odeur  agréable  ,  tant  foit 
peu  acre  au  goût ,  &  fort  employée  dans  les  parfums. 
Elle  vient  des  îles  Philippines  &  de  Sumatra  :  les  an- 
ciens ne  l'ont  pas  bien  connue.  Le  benjoin  convient 
dans  les  afthmes  ,  il  atténue  le  phlegme  qui  embar- 
raffe  les  poumons ,  il  eft  falutaire  dans  les  ulcères  de 
ce  vifeere  :  mais  on  donne  la  préférence  à  fes  fleurs 
dans  les  maladies  internes. 

On  doit  choifir  le  benjoin  pur  &  débarraffé  de  par- 
ties hétérogènes ,  autant  qu'il  fera  poffible  :  on  doit 
rejetter  celui  qui  eft  noir  &  fans  odeur. 

Préparation  du  Benjoin.  La  teinture  de  benjoin  fe 
fait  en  verfant  fur  une  quantité  de  benjoin  réduite  en 
poudre  de  l'efprit-de-vin ,  &  le  raifant  bouillir  jufqu'à 
ce  que  la  teinture  foit  fort  riche.  Cette  teinture  eft 
chaude ,  odoriférante }  amere ,  &  baiiamique  ;  elle 


B  EN 

elt  cordiale ,  fudorifique ,  &c.  Le  lait  virginal  fe  pré- 
pare en  veriânt  quelque  goutte  de  cette  teinture  fur 
une  grande  quantité  d'eau  ;  il  en  naîtra  fur  le  champ 
un  mélange  blanc  ,  laiteux  ,  opaque  ,  appelle  pour 
cette  railbn  lait  virginal.  Ce  lait  elt  un  cofmétique 
innocent:  ii  on  s'en  lave  le  vifage,  il  prendra  une 
couleur  douce  Si  vermeille ,  &  fe  couvrira  d'une  peau 
claire  &  brillante ,  fi  on  le  laiffe  fécher  defliis. 

La  réfine  de  benjoin  elt  bonne ,  prife  à  l'intérieur , 
pour  fondre  &  refondre  les  obitruûions  de  la  poitrine; 
elle  entre  pour  cette  raifon  dans  les  pilules  de  Morton. 

Les  fleurs  tirées  par  la  fublimation  font  pectorales , 
mais  fur-tout  dans  l'aithme  humide  :  elles  atténuent 
&  rélolvent  les  vifeofités  des  bronches  :  on  les  prend 
fous  toutes  fortes  de  formes  :  elles  donnent  une  odeur 
agréable  à  toutes  les  compofitions  où  elles  entrent. 
La  dofe  ell  depuis  trois  grains  jufqu'à  dix  ou  douze. 

*  On  en  trouve  de  deux  fortes  dans  les  boutiques: 
le  premier  s'appelle  amygdalo'ide  ;  il  elt  pâle ,  d'un 
rouge  brun  ,  &  contient  des  grains  blancs  comme 
des  amandes  ;  l'autre  elt  noirâtre  &  n'a  point  de  ta- 
ches, ou  très-peu.  L'arbre  qui  donne  le  benjoin  ell 
grand  ;  il  a  la  feuille  du  citronier ,  plus  petite  cepen- 
dant ,  moins  luifante ,  &  blanchâtre  en-deflbus ,  & 
la  fleur  du  laurier  ,  &  les  porte  renfermées  au  nom- 
bre de  cinq ,  dans  une  enveloppe  commune  qui  n'a 
point  de  pédicule  ,  compofé  de  quatre  feuilles ,  & 
affez  femblable  à  celle  qui  entoure  la  fleur  du  cor- 
nouiller. Chacune  de  ces  fleurs  a  un  pédicule  auffi 
long  que  l'enveloppe,  avec  un  calice  propre,  dé- 
coupé en  fix.  quartiers  jaunes  &  très-étroits ,  huit  ou 
neuf  étamines  de  la  longueur  du  calice,  placées  au- 
tour d'un  embryon  ovoïde,  furmonté  d'un  ïlyle  Am- 
ple. Cet  embryon  occupe  le  fond  du  calice ,  &  les 
étamines  naiffent  de  fes  bords  :  fes  fruits  font  des 
noix  de  la  groffeur  des  mufeades ,  arrondies  ,  appla- 
ties ,  compofées  d'une  écorce  charnue ,  moins  épaiffe 
que  celle  des  noix  ordinaires,  raboteufes  en-dehors, 
&  cendrées ,  vertes  en-dedans  ,  &  d'une  coque  un 
peu  applatie,  cendrée, dont  lafubftance  ell:  plus  min- 
ce &  plus  tendre  que  celle  de  la  noifette.  Cette  co- 
que renferme  une  amande  blanchâtre  ou  verdâtre  in- 
térieurement ,  &  couverte  d'une  peau  rougeâtre  & 
ridée. 

Quant  a  la  manière  de  recueillir  fa  réfine,  quand 
l'arbre  a  cinq  ou  fix  ans ,  on  lui  fait  des  incifions 
longitudinales  &  un  peu  obliques ,  qui  pénètrent  juf- 
qu'au  bois  dans  la  partie  fupérieure,  à  la  couronne 
du  tronc  ,  vers  l'origine  des  branches.  C'eft  par  ces 
incifions  que  coule  la  réfine  ,  d'abord  blanche  ,  té- 
nue ,  glutineufe,  tranfparente  ;  peu  à  peu  elle  fe  fige, 
fe  durcit ,  &  devient  jaune  &  rougeâtre.  Si  on  la  lé- 
pare  de  l'arbre  à  tems  ,  elle  elt  belle  &  brillante  ;  fi 
l'on  tarde  trop,  elle  devient  laie  &  brune.  Le  même 
arbre  n'en  donne  pas  plus  de  trois  livres,  &  n'en  don- 
ne qu'une  fois  ;  on  le  coupe  après  la  première  récol- 
te, &  l'on  en  plante  un  autre  ,  parce  que  les  jeunes 
arbres  donnent  plus  de  relïne  &  la  donnent  meilleure 
que  celle  des  vieux  arbres. 

BENITIER  ,  f.  m.  en  Architecture  ,  elt  un  vafe  de 
marbre  de  figure  ronde  ou  ovale ,  &  ifolé ,  porté  fur 
une  efpece  de  balultre  ;  ou  une  coquille  fur  quelque 
confole,&  attachée  à  un  pilier  à  l'entrée  d'une  églife. 

(/J) 

*  BENNE,  f.  f.  (Commerce.') c'ell  une  voiture  qui 

fert  de  mefure  à  charbon  dans  la  Flandre.  La  benne 
contient  25  vaux  ou  18  queues,  &  la  queue  1  man- 
nes. Pour  faire  une  benne  de  charbon ,  il  faut  au  moins 
fix  cordes  de  bois  ;  la  corde  de  bois  revient  rendue 
à  Namur  à  dix  efcalins ,  &  la  benne  a  feize  florins. 

On  nomme  aufli  benne  un  petit  vaifieau  qui  lert  à 
charger  des  bêtes  de  fomme  ,  pour  tranfporter  des 
grains ,  de  la  chaux,  la  vendange,  &c.  elle  tient  deux 
minots. 


B  E  O 


205 


*  BENOIT-DU-SAUT  ,  (  S.  )  Gèog.  petite  ville 
de  France  au  diocefe  de  Bourges. 

BENOITE  ,  f.  f.  caryophillata ,  (  Hift.  nat.  bot.  ) 
genre  de  plante  à  fleur  en  rofe ,  compolée  de  plufieurs 
feuilles  difpofées  en  rond ,  qui  fortent  des  échancru- 
res  d'un  calice  d'une  feule  pièce  ,  &  en  forme  de  baf- 
fin.  Le  piltil  s'élève  du  milieu  de  ce  calice ,  &  devient 
dans  la  fuite  un  fruit  prefque  rond  ,  fur  lequel  font 
attachées  plufieurs  femences  ,  terminées  chacune 
par  un  prolongement  en  forme  de  queue.  Tournef. 
Injî.  rei  herb.  foye^  Plante.   (  /) 

BENOITE  ,  caryophillata  offic.  germ.  842.  La  be- 
noîte ell;  amere  ;  elle  donne  au  vin  où  elle  a  inrufé 
un  goût  &  une  odeur  agréable ,  &  le  rend  plus  cor- 
dial ;  elle  appaife  les  douleurs  des  inteftins  ;  elle  en: 
céphahque  <k  alexipharmaque.  La  racine  ,  qui  efl  la 
feule  qu'on  employé ,  rougit  le  papier  bleu;  ellefent 
le  clou  de  girofle  :  le  fel  approche  du  fel  ammoniac , 
mais  il  efl:  tort  chargé  d'acide  ,  &  enveloppé  de  beau- 
coup d'huile  effenfielle  &  de  terre.  Le  vin  de  la  be- 
noîte nommé  ci-defliis,  elt  ftomacal ,  apéritif,  vulné- 
raire ,  &  déterfif.  L'extrait  de  cette  plante  a  les  mê- 
mes vertus:  on  l'ordonne  dans  les  rhûmatifmes.  (A7) 

*  BENSHEIM,  (Gèog.  )  petite  ville  d'Allemagne 
dans  l'éleétorat  de  Mayence ,  fur  un  ruifieau.  Lon. 
26.  lâ.lat.  4g.  4g. 

*  BENTHEIM  ,  (  Gèog.  )  petite  ville  d'Allema- 
gne avec  château ,  au  comté  de  même  nom  ,  dans 
le  cercle  de  "Weltphalie  ,  fur  le  Vecht.  Lon.  24.  43. 
lat.  5z.  23. 

*  BENTIVOGLIO ,  (  Gèog.  )  petite  ville  &  châ- 
teau d'Italie  dans  le  Bolonois.  Lon.  2g.  4.  lat.  44. 

37- 

*  BÉORI ,  f.  m.  (  Hift.  nat.  )  animal  des  Indes  oc- 
cidentales qui  reffemble  à  un  veau  ,  dont  la  peau  elt 
épaiffe  &  dure,  &  qui  vit  d'herbes  fauvages.  C'eit 
tout  ce  qu'on  dit  de  cet  animal,  peut-être  mieux  con- 
nu &  décrit  par  les  Naturaliltes  fous  un  autre  nom. 

BÉOT ARQUE  ,  f.  m.  (  Hift.  anc.  )  nom  de  digni- 
té chez  les  Thébains.  Thebes  étant  la  plus  conlide- 
rable  ville  &  la  capitale  de  la  Béotie ,  les  magiùn.ts 
&  généraux  qui  y  étoient  charges  du  gouvernement 
portoient  pendant  leur  adminifiration  le  nom  de  tèo- 
tarques  ,  c'eft-à-dire  ,  commandans  ou  gouverneurs 
de  la  Béotie.  Ce  mot  elt  compofé  du  nom  de  la  pro- 
vince ,  &  du  Grec  *fx*n  ,  commander.    (G) 

*  BÉOTIE,  (  Gèog.  anc.  &  mod.  )  province  de 
Grèce  dite  aujourd'hui  Stramulipe  ;  on  la  place  ordi- 
nairement dans  l'Achaie  ou  la  Livadie.  Elle  étoit 
renfermée  jadis  entre  la  Phocide  ,  la  Theffalie  ,  la 
Doride  ,  l'Attique  ,  la  mer  Egée ,  ou  l'Archipel  &  le 
Négrepont.  On  la  divii'oit  en  haute  ce  balle  :  la  haute 
comprenoit  la  ville  de  Lebadia  ,  dite  aujourd'hui 
Bodia  ,  Cheronée ,  Orchomene  ,  Platée ,  Amphiclée, 
Leuftres  ,  Hyampolis,  Coronce  ,  Thefpie  ,  &c.  la 
baffe  comprenoit  Thebes  capitale  du  pays  ,  qu'on 
appelle  aujourd'hui  Stires,  Phocie,  Mycaleffus  ou 
Malacafla ,  Anthedon  ,  Tanagrada  ,  &c. 

BÉQUARRE,  en  Muftque,  voye^  B  QUARRE.  (S) 
BEQUETTE  ,  1.  f.  dans  plufieurs  Arts  mèchaniques, 
tels  que  celui  du  Damajquineur ,  de  Y  Epinglier ,  du 
Serrurier,  du  Plombier,  du   Chainetier,  de  VU 
&c.  &  même  du  Verrier;  ce  font  des  pinces  ou  te- 
nailles à  main  à  branches  rondes  &  recourh 
dont  les  pointes,  appellées  aufli  becs ,  font  courtes, 
fortes,  rondes,  &  coniques  toutes  deux,  ou  routes 
deux  plates,  ou  l'une  ronde  èc  l'autre  plate.    - 
Bf.QLETTE  de  Chainetier  &  d'Epi,: 

BEQUETTE  de  Chainetier  ;  c'efi  un  outil  de  la  lon- 
gueur de  lept  ou  huit  pouces  ;  la  partie d'en-b. 
te  comme  celle  des  pinces  ordinaires,  cit  convexe 
&z  plate  ;  fes  branches  jointes  de  même  aux 
tiers  par  un  clou  rivé  ,  ont  la  facilite  de  s'ouvrir  Se 
de  le  tei  mer  ;  chaque  bec  de  la  partie  haute  ell  ror.  J , 


ao6 


BEQ 


de  la  groffeur  du  doigt  :  le  Chainetier  s'en  fert  pour 
contourner  &  former  les  gros  chaînons. 

Bequette  d'Epir.glur,  c'eft  une  efpece  de  te- 
nailles dont  une  mâchoire  eft  pyramidale  &  l'autre 
ronde,  &  diminuant  de  groffeur  vers  fon  extrémité. 
Elle  fert  à  tourner  le  fil  de  fer  ou  de  laiton  comme  il 
plaît  à  l'ouvrier ,  ioit  qu'il  faffe  des  crochets ,  des  por- 
tes ,  des  claviers ,  &  des  hameçons.  Voye^  ces  mots 
à  leur  article.  Cet  outil  fe  nomme  aufii  bec -d'âne.  & 
de  canne. 

Bequette  de  Fondeur  de  petit-plomb  ;  c'eft  encore 
une  forte  de  petite  pince  dont  l'ouvrier  fe  fert  pour 
tirer  la  branche  du  moule.  V.  Branche  &  Moule. 

BEQU1LLER,  v.  act.  (Jardinage.)  eft  le  même 
que  béchotter  ,  pour  fignifîer  le  petit  labour  que  l'on 
donne  tous  les  mois  aux  orangers  &  aux  autres  ar- 
bres encaiffés ,  afin  de  rendre  meuble  la  terre  ,  qui  eft 
trop  battue  fur  la  fuperficie  d'une  caiffe  ,  &  que  les 
arrofemens  puiffent  pénétrer  jufqu'aux  racines  de 
l'arbre. 

Ce  labour  doit  être  fort  léger ,  fait  à  la  houlette 
autour  d'un  arbre  encaiffé  ,  femblable  à  celui  que  l'on 
appelle  binagt  en  fait  d'entretien  de  bois  &  de  pépi- 
nière. 

On  peut  encore  bèquiller  une  planche  de  laitue ,  de 
chicorée  ,  de  fraifier,  d'afperges,  avec  une  ferfoûet- 
te  ;  ce  qui  ne  produit  toujours  qu'un  très-petit  labour. 

BEQUILLON ,  f.  m.  terme  de  Fleurijle ,  qui  lignifie 
les  petites  feuilles  arrondies  qui  garniffent  le  dedans  de 
l'anémone  ,  c'eft-à-dire  qui  fortent  de  la  peluche  de 
certaines  anémones.  Un  béquillon  pour  être  beau, 
doit  être  large  &  arrondi  par  le  bout  ;  c'eft  une  mar- 
que que  la  fleur  eft  forte.  (  K  ) 

*  BER ,  (  Hijl.  nat.  bot.  )  grand  arbre  ou  pommier 
des  Indes ,  qui  porte  beaucoup  de  feuilles  ,  de  fleurs , 
&  de  fruit.  Il  a  la  feuille  femblable  à  celle  du  pom- 
mier ,  d'un  verd  obfcur  &  blanchâtre  par  le  bas ,  & 
velue  comme  celle  de  la  fauge  ;  la  fleur  petite  ,  blan- 
che ,  à  cinq  pétales  ,  &  fans  odeur;  &  le  fruit  com- 
me la  jujube ,  mais  plus  agréable  au  goût.  On  le  trou- 
ve fur  les  côtes  de  Malabar  &  de  Malaca.  On  le  nom- 
me aufii  Malaïo.  On  dit  qu'on  trouve  fur  cet  arbre  la 
gomrne  lacque  ;  &  l'on  attribue  à  les  feuilles  la  qua- 
lité d'arrêter  le  cours  de  ventre. 

BERACA,  (  Hijl.  eccléf.  )  c'eft  le  mot  qui  défigne 
la  bénidiûion  que  donne,  parmi  les  Juifs  lur  le  boire 
&  fur  le  manger ,  celui  qui  fe  trouve  être  le  plus  qua- 
lifié de  i'affemblée. 

*  BER.AMS,  f.  m.  (Comm.)  toile  toute  fil  de  coton, 
unie  ou  rayée,  qui  vient  de  Surate.  La  blanche  porte 
dix-neuf  aunes  lur  fept  huitièmes  de  large  :  la  rayée , 
qui  eft  de  couleur,  a  onze  aunes  \  fur  trois  quarts. 

*  BERAR ,  (  Gèog.  )  province  de  l'empire  du  Mo- 
gol  en  Âfie  ,  près  du  royaume  de  Bengale.  Shapour 
en  eft  la  capitale. 

*  BERAUN,  (  Gèog.  )  ville  de  Bohême ,  capitale 
du  cercle  de  même  nom,  fin  une  rivière.  Long.  Ji. 
66.  lat.  60.  z. 

*  BER  AY ,  (  Géog.  )  ville  de  France  dans  la  haute- 
Normandie  ,  avec  titre  de  comté ,  fur  la  Carantone. 
Long.  18.  zo.  lat.  49.  6. 

*BERBICE,  (la)  Gèog.  rivière  de  l'Amérique 
en  Terre-Ferme ,  qui  fe  jette  dans  la  mer  du  Nord ,  au 
6.  30.de  latitude.  Les  Hollandois  y  ont  des  établiffe- 
mens  fort  confidérables  :  ils  y  ont  fait ,  ainfi  qu'à  Su- 
rinam ,  de  grandes  plantations  de  cafté.  Ils  ont  ap- 
porté du  cafte  de  Moka  ;  ils  ont  cultivé  ce  cafte  dans 
leurs  ferres  d'Amfterdam  ;  &  quand  les  plantes  ont 
été  allez  fortes  pour  fupporter  le  voyage ,  ils  les  ont 
tranfportées  à  Surinam  &  à  Berbice. 

»  BERCAD  ,  (  Gèog.  )  ville  de  Pologne  dans  le 
palatinat  de  Braclav. 

BERCE,  oifeau.  Voye^  GORGE-ROUGE.  (/) 


BER 

BERCE  ,  f.  î.jphondylium  ,  (  Hijl.  nai.  bot.  )  genre 
de  plante  à  fleurs  en  rofe ,  difpofées  en  ombelle.  Cha- 
que fleur  eft  compofée  de  plulieurs  feuilles  inégales 
faites  en  forme  de  cœur ,  difpofées  en  rond  &  foûte- 
nues  par  un  calice.  Ce  calice  devient  dans  la  fuite 
un  fruit  compofé  de  deux  grandes  femences  appla- 
ties ,  ovoïdes ,  échancrées  par  le  haut ,  &  cannelées. 
Ces  femences  quittent  ordinairement  leurs  envelop- 
pes ,  &  font  marquées  de  quelques  traits  à  l'endroit 
par  où  elles  le  touchent.  Tournefort ,  Inji.  rei  herb. 
f^oyei  Plante.  (/) 

Sphondyliumvulgarehirfutum,  C.  B.  P.  16  J.Toixrn. 
Lnjl.jzo.  LesPolonois  &  les  Lithuaniens  font  bouil- 
lir les  feuilles  &l  les  graines  de  la  berce  dans  l'eau  ;  & 
en  y  ajoutant  un  ferment ,  ils  en  tirent  une  forte  boif- 
fon  ,  qui  fait  la  bierre  des  pauvres. 

La  berce  eft  d'une  qualité  acre  comme  la  férule  &c 
la  thapfie  :  quelques-uns  la  regardent  comme  émoi- 
liente. 

Sa  racine  eft  bonne  en  décoction  dans  la  paiTion 
hyftérique  :  elle  purge  l'humeur  pituiteufe ,  guérit  ia 
jauniffe  ,  l'orthopnée  ,  l'épilepfie. 

Son  huile  eft  bonne  contre  les  maux  de  tête  ,  la 
phrénéfie ,  la  léthargie  :  on  l'applique  en  embroca- 
tion.  (A^) 

BERCEAU ,  f.  m.  (  coupe  dis  pierres  &  Architecî.  ) 
eft  une  voûte  cylindrique  quelconque ,  dont  la  cour- 
bure peut  être  de  différente  efpece.  Lorfqu'elle  eft 
circulaire  ,  on  l'appelle  plein  cintre.  Les  arches  des 
ponts  font  pour  la  plupart  des  berceaux  cylindriques  , 
principalement  lorfque  leur  longueur  excède  leur  lar- 
geur, foye^  Cintre.  (L>) 

Berceau  ,  infiniment  à  l'ufage  des  Graveurs  dans 
la  manière  noire  :  il  eft  emmanché  dans  un  morceau 
de  bois  de  la  longueur  de  quatre  pouces  ,  &  de  la  for- 
me d'un  cœur  allongé  ,  du  milieu  duquel  partiroit 
une  efpece  de  tige  évuidée ,  &  propre  à  être  reçue 
entre  les  doigts  ,  &  à  la  furface  poftérieure  duquel 
on  auroit  pratiqué  un  gros  bouton  ,  propre  à  s'appli- 
quer dans  le  creux  de  la  main.  Cet  outil ,  qui  reilem- 
ble  à  une  petite  bêche  quarrée ,  eft  en  bifeau  d'un 
côté  ;  &  de  l'autre  il  eft  lillonné  de  traits  parallèles 
entr'eux  ,  qui  forment  autant  de  petites  dents  à  l'arc 
convexe  qui  termine  fa  partie  iupérieure.  Le  gra- 
veur prend  cet  inftrument ,  applique  la  convexité 
de  fon  arc  perpendiculairement  à  la  furface  du  cui- 
vre fur  lequel  il  fe  propofe  de  graver ,  6c  le  balan- 
çant également  de  droite  à  gauche  fur  des  lignes  qu'il 
a  tracées  pour  lui  fervir  de  guide ,  il  couvre  toute  la 
furface  de  fon  cuivre  de  petits  points  ;  ce  qu'on  ap- 
ipellejàire  le  grainage.  Voye{  GRAINAGE  ;  voye^  GRA- 
VURE en  manière  noire  ;  voye^  aulîi  PI.  V.  de  Gravure  > 
fi§-  5-  <S-  zo.  Il  y  a  des  ouvriers  qui  emmanchent  au- 
trement leur  berceau  ;  ce  n'eft  qu'une  petite  poire  , 
femblable  à  celle  qui  fert  de  manche  aux  burins.  On 
a  des  berceaux  de  toute  grandeur  ,  pour  fatisfaire  à 
toutes  fortes  de  grainage.  foye^  auftî  la  Planche  des 
outils  dans  la  manière  noire. 

Berceau  ou  Tonelle,  (Jardinage.)  ces  deux 
mots  font  fynonymes  :  celui  de  tonelle  eft  plus  an- 
cien. C'eft  une  longueur  d'allée  couverte ,  formant 
une  treille  ou  bien  un  cabinet  de  verdure  ,  fait  de 
charmille  ou  de  treillage  ,  garnie  de  jafmins  ,  che- 
vrefeuils  ,  rofiers ,  chaffelas ,  verjus ,  &c. 

On  les  fait  de  charpente,  de  perches,  6k  d'écha- 
las:  fouvent  ces  berceaux  font  quarrés  par-deflus  , 
pour  y  mettre  de  la  vigne  &  du  verjus  ;  mais  ils  font 
moins  beaux  que  les  cintrés.  (K) 

Berceau  d'eau  ,  (Jardinage).  On  appelle  ainfi 
dehx  rangées  de  jets  obliques  ,  qui  en  fe  croifant  for- 
ment des  efpeces  de  berceaux  ,  fous  lefquels  on  peut 
fe  promener  fans  craindre  d'être  mouillé.  (  K) 

Berceau  de  prejfe  d 'Imprimerie  en  lettres  ;  ce  font 
deux  pièces  de  bois  à  rainures ,  pofées  fur  champ , 


B  E  R 

aiTemblées  aux  deux  extrémités  par  deux  traverfes 
plates.  La  figure  d'un  berceau  de  preffe  eft  celle  d'un 
chaffis  quarré  long  ,  dans  le  vuide  duquel  font  pla- 
cées les  bandes ,  qui  font  deux  autres  pièces  de  bois 
de  même  longueur  ,  pofées  à  diilance  égale  ,  6ê  re- 
vêtues fur  leur  plat  de  fer  à  arrête  ou  en  lame.  Ce 
berceau  eft  foûtenu  d'un  bout  par  un  pié  qui  lui  eft 
propre  ;  il  eft  appuyé  par  le  milieu  fur  un  fommier 
mobile  ,  &:  à  l'extrémité  fur  une  des  barres  de  bois 
du  train  de  derrière  ,  où  il  entre  comme  dans  une 
mortoife ,  &  y  eft  retenu  ou  par  un  écrou ,  ou  par 
une  barre  de  bois  qui  le  traverfe ,  pofée  derrière  le 
fommier.  Voye{  PL  IV.  fig.  z.  G  g  qui  repréfente  le 
pié  du  berceau  ;  kk  m  ,  dont  on  ne  voit  que  les  côtés 
nkk  ;  m  le  quatrième  oppofé  à  k  k  ,  lui  eft  en  tout 
femblable. 

BERCELLE ,  f.  f.  outil  XEmaillcur;  c'eft  une  ef- 
pece  de  petite  pincette  dont  ces  ouvriers  fe  fervent 
quand  ils  veulent  tirer  l'émail  à  la  lampe  :  elle  eft 
faite  d'un  feul  morceau  de  fer  qui  eft  replié  en  deux  : 
les  branches  font  plates  &  un  peu  pointues.  Voye^ 
Email  ;  voyei  aujjî  Moule. 

BERCER,  (se)  v.  paf.  en  Manège,  fe  dit  d'un 
cheval  qui  fe  laiffe  aller  nonchalamment  d'un  côté  & 
d'autre  au  pas  &  au  trot ,  imitant  pour  ainfi  dire ,  le 
mouvement  qu'on  fait  faire  au  berceau  pour  endor- 
mir un  enfant.  Ce  dandinement  marque  très-fouvent 
un  cheval  mou  &  fans  vigueur.  (  V) 

B  E  R  C  H  E ,  f.  f .  (  Marine.  )  forte  d'artillerie 
dont  on  fe  fervoit  anciennement  dans  les  navires. 
C'étoient  de  petites  pièces  de  canon  de  fonte  verte. 
Il  y  en  avoit  de  fer  fondu  qu'on  appelloit  barces.  Ces 
fortes  de  canons  ne  font  plus  en  ulage.   (  Z  ) 

BERCHEROCT,  f.  m.  (  Commerce.)  poids  dont 
on  fe  fert  à  Archangel  &  dans  tous  les  états  du  Czar 
de  Mofcovie  ,  pour  pefer  les  marchandifes  d'une 
grande  pefanteur  ou  de  grand  volume.  Le  bercherocl 
pefe  quatre  cens  livres  mofeovites ,  qui  rendent  en- 
viron trois  cens  vingt-huit  livres ,  poids  de  Paris.  (G) 

*  BERCHITURÎA ,  (  Giog.  )  ville  de  Sibérie  fur 
la  rivière  de  même  nom,  à  la  frontière  de  Rufïïe. 

*  BERCHTOLSGADEN ,  (  Géog.  )  ville  d'Alle- 
magne dans  la  préfecture  de  même  nom  ,  enclavée 
dans  l'archevêché  de  Saltzbourg ,  &  iituée  fur  l'Aha. 
Long.  JO.  40.  lat.  4J.  Jo. 

*  BERCKEL ,  (Géog.)  rivière  qui  prend  fa  fource 
dans  l'évêché  de  Munfter  ,  Se  fe  jette  dans  l'Iflel  à 
Zutphen. 

*  BERCKHEIM  ,  (  Géog.  )  ville  de  France  en 
Alface. 

BERCOWTTZ  ,  (  Commerce.  )  L'on  nomme  ainfi 
en  Ruffie  un  poids  ufité  dans  ce  pays  pour  charger 
des  navires.  Le  bercowit-^  pefe  dix  pudes  ou  quatre 
cens  livres  de  Ruffie. 

BERDIN  ou  BERLIN,  coquillage.  Voye^ Pa- 

I.ETTE.    (/) 

*  BERDISH,  f.  f.  (  Hijl.  moi.  )  efpece  de  hache 
légère  que  les  Mofeovites  ont  coutume  de  porter  en 
guife  d'armes. 

*  BERDOA ,  (  Géog.  )  peuple  de  brigands ,  &  de- 
fert  de  même  nom  en  Barbarie  ,  au  midi  du  royaume 
de  Tripoli. 

*  BERDOE  ou  BERDOA ,  ville  d'Afie  dans  la 
Perfe,  province  de  Grandja.  Long.  66.  30.  lat.  41. 

*  BEREBERES  ou  BREBERES  ,  (  les  )  Géog.  & 
Hijî.  mod.  peuples  d'Afrique  qui  vivent  fous  des  ten- 
tes à  la  manière  des  Arabes  ,  dans  les  différentes  con- 
trées de  la  Barbarie,  mais  fur-tout  au  midi  des  royau- 
mes de  Tunis  &  de  Tripoli.  Ils  font  braves  Se  fe  pi- 
quent de  noblelfe  :  ils  le  difent  defeendus  de  la  tribu 
des  Sabéens,  qui  parlèrent  de  l'Arabie  heureufe  en 
Afrique  fous  la  conduite  de  leur  roi  Melec-Ifriqui  ; 
qui ,  félon  quelques-uns  ,  a  donné  fon  nom  à  l'Afri- 
que. Il  y  a  des  Berebcres  lédentaircs. 


B  E  R 


207 


^  *  BERECINTHE  ou  BERECINTHIE  ,  (Myek.) 
c'eft  ainfi  que  la  mère  des  dieux  fut  appellée  de  Béré- 
cinthe ,  montagne  de  Phrygie,  le  lieu  de  fa  naiflance. 
Son  culte  dura  dans  les  Gaules  jufqu'au  quatrième 
fiecle.  On  plaçoit  Bérécinthe  fur  un  char  attelé  de 
bœufs  ,  &  on  la  promenoit  dans  les  champs  &  dans 
les  vignes ,  pour  la  confervation  des  biens  de  la  terre. 
Le  peuple  liiivoit  en  foule ,  chantant  &  danfant  de- 
vant le  char. 

*  BERECZ  ,  (  Géog.  )  ville  de  la  Tranfylvanie. 
BERENG ARIENS,  f.  m.  pi.  (Hijl.  eccUf.  )  héré- 
tiques ainfi  nommés  de  leur  chef  Berenger,  archidia- 
cre d'Angers  ,  thréforier  &  écolâtre  de  S.  Martin  de 
Tours  ,  dont  il  étoit  natif,  &  qui  vivoit  dans  le  XIe. 
fiecle.  Cet  héréfiarque  fut  le  premier  qui  ofa  nier  la 
préfence  réelle  de  Jefus-Chrift  dans  l'Euchariftie  : 
condamné  fucceffivement  parplufieurs  papes  &plu- 
fieurs  conciles  ,  il  rétrafta  fes  erreurs ,  &  figna  trois 
différentes  fois  des  profefîions  de  foi  catholiques 
qu'il  abjura  autant  de  fois  :  mais  enfin  on  croit  qu'il 
mourut  fincerement  converti  8c  defabufé  de  fes  er- 
reurs. A  celle  dont  nous  venons  de  parler,  8ê  qui 
étoit  la  principale ,  il  ajouta  celles  de  combattre 
les  mariages  légitimes ,  foùtenant  que  l'on  pouvoit 
ufer  de  toutes  fortes  de  femmes  ;  il  attaquoit  auffi 
le  baptême  des  enfans  ,  qu'il  regardoit  comme  nul. 
Lanfranc  &  Guimond  lés  contemporains ,  écrivi- 
rent contre  lui  avec  beaucoup  d'avantage  :ce  dernier 
expofe  ainfi  les  fentimens  6c  les  variations  des  Be- 
rengariens  fur  le  facrement  de  l'Euchariftie.  «  Tous , 
»  dit-il ,  s'accordent  à  dire  que  le  pain  &  le  vin  ne 
»  font  pas  changés  eflentiellement  :  mais  ils  différent 
»  en  ce  que  les  uns  difent  qu'il  n'y  a  rien  abfolument 
»  du  corps  8e  du  fang  de  Notre  Seigneur  dans  le  facre- 
»  ment ,  &  que  ce  n'eft  qu'une  ombre  Se  une  figure. 
»  D'autres  cédant  aux  raifons  de  l'églife ,  fans  quitter 
»  leur  erreur ,  difent  que  le  corps  &  le  lang  de  Jefus- 
»  Chrift  font  en  effet  contenus  dans  le  facrement , 
»  mais  cachés  par  une  efpece  d'impanation  afin  que 
»  nous  les  puiffions  prendre  ;  &C  ils  difent  que  c'eft 
»  l'opinion  la  plus  fubtile  de  Berenger  même.  D'au- 
»  très  croyent  que  le  pain  Se  le  vin  font  changés  en 
»  partie  ;  quelques-uns  fcûtiennent  que  ces  élémens 
»  font  changés  entièrement ,  mais  que  quand  ceux 
»  qui  fe  présentent  pour  les  recevoir  ,  en  font 
»  indignes,  alors  la  chair  Se  le  fang  de  Jefus-Chrift 
»  reprennent  la  nature  du  pain  Se  du  vin  ».  Gui- 
mond. contr.  Bereng.  bibliot.  PP.  pag.  3zj. 

On  voit  clairement  par  cet  expolé  que  les  Beren- 
gar'uns  ont  été  les  précurfeurs  des  Luthériens  Se  des 
Cal  vinifies  ;  &  par  la  conduite  de  l'Eglife  à  l'égard 
des  premiers  ,  il  eft  ailé  de  décider  quelle  étoit  alors 
fa  foi  ;  &  qui  eft  coupable  d'innovation  à  cet  égard, 
ou  des  Catholiques  ou  des  Proteftans. 

Au  relie,  quelques  efforts  qu'enflent  fait  les  Be- 
rengariens  pour  répandre  leur  doctrine  en  France  ,  en 
Italie,  S:  en  Allemagne,  les  auteurs  contemporains 
remarquent  que  ces  hérétiques  étoient  en  fort  petit 
nombre  ;  &  il  feroit  difficile  de  prouver  qu'il  en  reliât 
encore  lorfque  Luther  &  Calvin  parurent.  On  peut 
confulter  le  dictionnaire  de  Moreri  à  l'article  Beren- 
ger ,  fur  ce  qui  concerne  la  perfonne  &  les  diverles 
aventures  de  cet  héréfiarque.  (6 :) 

*BERENZNOE,  ou  BERESINA ,  (Géog.)  ri- 
vière qui  a  fa  fource  en  Lithuanie  ,  Se  le  jette  dans 
le  Nieper. 

*  BERESOVA  ,  (Géo;.)  ville  de  la  Samogitie, 
en  Mofcovie  ,  fur  POby. 

*  BERG,  (duché de)  Géog.  contrée  d'Allemagne; 
fur  le  bord  oriental  du  Rhin  ,  dans  le  cercle  de  Well- 
phalie.  DulTeldorp  en  eft  la  capitale. 

*  BERGA  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Catalogne  , 
fur  la  rivière  de  Lobrega. 

*  BERGAM  ASC ,  (  Géog.)  province  d'Italie ,  dans 


loS 


B  E  R 


l'état  de  Venife,  borné  par  le  Breffan  ,  la  Valteline, 
bc  le  Milanez.  Bergame  en  eft  la  capitale. 

B  ERG  AME ,  f.  t.  (  Tapiffier.  )  groffe  tapifferie ,  qui 
fe  fabrique  avec  différentes  fortes  de  matières  filées , 
comme  bourre  de  foie  ,  laine ,  coton  ,  chanvre,  poil 
de  bœuf,  de  vache,  ou  de  chèvre.  C'eft  proprement 
un  tiiïïi  de  toutes  ces  fortes  de  fils ,  dont  celui  de  la 
chaîne  eft  ordinairement  de  chanvre  ,  qui  fe  manu- 
facture fur  le  métier ,  à  peu  près  comme  la  toile. 
Quelques-uns  prétendent  que  le  nom  de  bergame  lui 
a  été  donné  ,  de  ce  que  les  habitans  de  Bergame  en 
Italie  en  ont  été  les  premiers  inventeurs. 

Roiien  &  Elbceuf  fourniffent  une  quantité  confidé- 
rable  de  bergames  de  toutes  les  couleurs  &  nuances  ; 
les  unes  en  façon  de  point  d'Hongrie  ;  les  autres  à 
grandes  barres  chargées  de  fleurs  &  d'oifeaux ,  ou 
d'autres  animaux  ;  d'autres  à  grandes  &  petites  bar- 
res unies,  fans  aucune  façon  ;  &  d'autres  qu'on  ap- 
pelle chine  &  écaille  ,  parce  qu'elles  font  remplies  de 
façons  qui  imitent  le  point  de  la  Chine  &  les  écailles 
de  poiflbn.  Il  s'en  fait  une  forte  particulière  à  Roiien, 
que  l'on  nomme  tortin  ,  à  caufe  qu'il  y  entre  de  la 
laine  torfe  ;  il  s'en  fait  aufïï  quelques-unes  à  Touloufe. 
Les  hauteurs  les  plus  ordinaires  des  bergames  font  une 
aune  &  demie  ,  une  aune  trois  quarts  ,  deux  aunes , 
&  deux  aunes  &  demie.  Ils'en  fait  néantmoins  quel- 
ques-unes de  deux  aunes  trois  quarts  ;  mais  cette 
dernière  hauteur  eft  peu  commune  ,  ne  s'en  taifant 
guère  que  pour  les  marchands  qui  les  commandent  ; 
il  y  en  a  de  fines ,  de  moyennes ,  de  groffes ,  ou  com- 
munes. Ceux  qui  en  font  commerce  font  les  mar- 
chands Merciers,  les  Tapiffiers ,  &  les  Fripiers  ;  mais 
il  n'y  a  guère  que  les  premiers  qui  les  tirent  directe- 
ment des  lieux  où  elles  fe  fabriquent. 

Il  vient  de  Tournay  une  forte  de  bergame  à  la  Ro- 
maine ,  ou  bergame  de  Flandre  ,  qui  fe  fabrique  par 
bandes  &  bordures ,  dont  on  fait  des  tapifTeries  beau- 
coup plus  eftimées  que  celles  de  Roiien  6c  d'Elbœuf. 
Foye{  Tapisserie. 

*  Bergame  ,  (Géog.  )  ville  d'Italie,  dans  l'état 
de  Venife  ,  capitale  du  Bergamafc.  Long.  zy.  8.  lat. 
46.  4Z. 

BERGAMOTTES  ,{.(.(  Jardinage.  )  on  prétend 
que  l'origine  de  l'oranger  bergamotte  vient  d'un  Italien 
qui  s'avila  d'enter  une  branche  de  citronnier  fur  le 
tronc  d'un  poirier  bergamotte  ;  ce  qui  tait  que  les  ci- 
trons qui  en  proviennent  tiennent  des  qualités  ,  des 
vertus  ,  &  des  propriétés  du  citronnier  6c  du  poirier  ; 
en  effet ,  la  bergamotte  eft  une  orange  différente  des 
autres  ,  &  qui  a  une  odeur  bien  plus  agréable.  On 
l'appelle  fouvent  cédrat.  (  K.  ) 

Bergamotte  ,  nom  d'une  forte  d'effence,  ex- 
traite d'un  fruit  que  produit  le  citronnier  enté  fur  le 
tronc  d'un  poirier  de  bergamotte  ;  c'eft  préciiément  le 
fluide  huileux  de  ces  citrons  exprimé  avec  les  doigts. 
Voyei  Essence,  &c 

Il  y  a  aufïï  une  efpece  de  tabac  en  poudre  ,  à  qui 
l'on  donne  le  même  nom ,  &  qui  n'eft  qu'un  tabac 
pur  légèrement  frotté  de  cette  effence.  Voye^  Tab  a  c  . 

*  BERGAS ,  (  Géog.  anc.  &mod.  )  ville  de  la  Tur- 
quie Européenne  ,  dans  la  Romanie ,  fur  la  rivière  de 
Lariffe.  Long.  46.  lat.  41.  iy.  anciennement  Arca- 
diopolis ,  Pyrgus. 

*  BERG-BITTENHEIM  ,  ou  BERGBIETEN , 
petite  ville  de  la  baffe  Alface. 

BERGE,  f.  m.  (Architecl.)  c'eft  ainfi  qu'on  ap- 
pelle les  bords  ou  levées  des  rivières  &  grands  che- 
mins ,  qui  étant  taillées  dans  quelques  côtes  ,  font  ef- 
carpées  en  contre-haut  ,  ou  dreffées  en  contre-bas 
avec  talud,  pour  empêcher  l'éboulement  des  terres , 
&  retenir  les  chauffées  faites  déterres  rapportées.  (P) 

Berge,  (Marine.")  les  Marins  fe  fervent  aufïï 
quelquefois  du  terme  de  berges ,  pour  défigner  les  ro- 
chers élevés  à  pic  fur  l'eau.  Il  y  a  fur  la  côte  de  Poi- 


B  E  R 

ton  des  rochers  que  l'on  appelle  les  berges  d'Olonne." 

*  BERGtN  ,  (  Géog.  )  capitale  de  la  Norvège , 
dans  la  province  de  Bergenhus ,  avec  château ,  6c  un 
port  très-profond.  Long.  23.  l5.  lat.  60.  il. 

Bergen,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Allemagne,  en 
Poméranie  ,  vis-à-vis  de  Stralfund  .  capitale  de  l'ile 
de  Rugen.  Long.  31.  30.  lat.  54.  30. 

Il  y  a  encore  une  ville  de  ce  nom  dans  la  baffe- 
Saxe  ,  à  trois  lieues  de  Daneberg  ;  une  autre  au 
duché  de  Juliers  ,  entre  Juliers  &  Cologne  ,  6c  une 
troilieme  près  de  Francfort  fur  le  Mein. 

BERGENHUS  ,  (  Géog.)  province  de  Norwege  , 
la  plus  occidentale  entre  le  gouvernement  d'Agger- 
hus  &  la  mer.  Bergen  en  eft  la  capitale. 

BERGER ,  f.  m.  (Œconom.  rujlé)  eft  celui  qui  garde 
un  troupeau  :  il  faut  qu'il  foit  levé  de  grand  matin  ; 
qu'il  faffe  fortir  les  beftiaux  à  la  fraîcheur  ;  qu'il  con- 
noiffe  les  bons  endroits  pour  les  y  conduire  ;  qu'il  ait 
un  bon  chien  ;  qu'il  ne  laiffe  point  répandre  fon  trou- 
peau dans  les  blés  ;  qu'il  ait  foin  d'avoir  de  bons  bé- 
liers; qu'il  fâche  aider  une  brebis  à  agneler;  qu'il 
puiffe  médicamenter  les  brebis  malades;  qu'il  s'en- 
tende à  leurs  maladies ,  &  qu'il  ne  fe  laiffe  point  fur- 
prendre  par  les  loups.  On  peut  lui  confier  depuis 
cent  jufqu'à  cent  cinquante  brebis  ;  on  lui  fera  net- 
toyer la  bergerie  une  ou  deux  fois  l'an,  au  mois  de 
Mars  &  à  la  fin  d'Août  ;  il  tiendra  un  fac  de  f el  pendu 
dans  la  bergerie ,  afin  que  les  brebis  pour  qui  ce  fe- 
roit  un  remède  ,  puiffent  l'aller  lécher  ;  &  il  veillera 
foigneuf  ement  à  ce  que  les  couleuvres  ne  tètent  point 
fes  brebis ,  foit  dans  la  bergerie ,  foit  aux  champs. 

*  BERGERAC  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  , 
dans  le  Périgord ,  fur  la  Dordogne.  Long.  18.  y.  lat. 
45. 

BERGERETTE ,  oifeau.  ^ov^Bergeronnette. 

*  BERGERIE ,  f .  f .  (  ûconom.  ruftiq.  )lieu  où  l'on 
héberge  les  beftiaux  ;  on  donne  cependant  plus  com- 
munément le  nom  Jetable  aux  lieux  où  l'on  héberge 
les  gros  beftiaux ,  réfervant  celui  de  bergerie  pour 
celui  où  l'on  héberge  les  bêtes  à  laine ,  les  boucs  6c 
les  chèvres.  Les  bergeries  fe  bâtiffent  affez  légère- 
ment ;  leur  expofition  la  meilleure  eft  au  midi  ;  les 
uns  les  font  fans  planchers ,  d'autres  avec  des  plan- 
chers qui  fervent  de  greniers  aux  fourages  ;  les  bef- 
tiaux font  plus  chaudement  dans  celles-ci ,  fur-tout  11 
l'on  a  l'attention  de  faire  les  planchers  bas  ;  il  faut 
que  leur  aire  foit  unie  &  fans  pierre  ;  qu'elle  aille  en 
pente  du  fond  vers  la  porte ,  afin  que  l'urine  defeende 
d'elle-même  ;  qu'elle  ne  caule  point  de  mal  aux  pies 
des  brebis  ,  &  que  leur  laine  n'en  foit  pas  gâtée  :  on 
n'y  donnera  du  jour  que  par  une  petite  fenêtre  de 
deux  pies  en  quarré.  Quand  on  a  des  brebis  dont  la 
laine  eft  fine  6c  prétieufe ,  on  fait  l'aire  de  la  bergerit 
de  planche  ,  &  on  y  pratique  des  trous  pour  fervir 
d'écoulement  aux  eaux.  Il  faut  avoir  deux  bergeries  y 
ou  en  couper  une  en  deux,  afin  de  féparer  les  agneaux 
de  leur  mère ,  &  mettre  aufïï  les  béliers  à  part. 

BERGERONETTE,  f.  f.  Motacillafiava  (Hifi.  nat. 
Ornithol.  )  cet  oifeau  eft  de  la  grofîeur  &  de  la  figure 
de  la  lavandière  ;  il  pelé  5  gros  :  il  a  environ  6  pou- 
ces de  longueur ,  depuis  la  pointe  du  bec  jufqu'à  l'ex- 
trémité de  la  queue.  Le  deffous  du  corps  de  cet  oi- 
feau eft  de  couleur  jaune  ;  le  deffus  eft  d'un  verd 
obfcur  à  l'exception  du  milieu  du  dos  qui  eft  noirâ- 
tre. Le  fommet  de  la  tête  eft  d'un  verd  jaunâtre  ;  il 
y  a  au-deffus  des  yeux  une  ligne  jaune  qui  s'étend 
jufque  derrière  la  tête.  La  queue  a  environ  deux  pou- 
ces 6c  demi  de  longueur  ;  elle  eft  compofée  de  douze 
plumes  :  les  deux  du  milieu  font  plus  pointues  que 
les  autres.  L'extérieure  de  chaque  côté  eft  blanche 
fur  la  moitié  de  fa  longueur  &  plus  ;  les  autres  font 
noires ,  elles  font  toutes  d'égale  longueur.  Les  ailes 
reffernblent  à  celles  de  la  lavandière  pour  la  forme. 

Il  y  a 


B  E  R 

Iî  y  a  dix-huit  grandes  plumes  dans  chacune  ;  la  fei- 
zieme  eft  plus  longue,  que  celles  qui  l'ont  auprès ,  &c 
ion  bord  eft  blanchâtre.  La  pointe  des  petites  plu- 
mes du  milieu  eft  d'un  verd  blanchâtre;  le  refte  des 
ailes  eil  brun.  Le  bec  ert  noir  ;  la  langue  eft  four- 
chue fans  être  déchiquetée  :  l'iris  des  yeux  eft  de  cou- 
leur cendrée  ,  mêlée  de  couleur  de  noifette  ;  les  pat- 
tes font  noirâtres.  Le  doigt  extérieur  tient  au  doigt 
du  milieu  à  la  naiflance  :  l'ongle  du  doigt  de  derrière 
eft  allongé  comme  dans  les  aloiiettes.  On  trouve  des 
oifeaux  de  cette  efpece  dans  lesquels. le  jaune  ou  le 
verd  font  plus  foncés  que  dans  les  autres.  La  berge- 
ronette  niche  dans  les  blés  ;  elle  fait  fon  nid  avec  des- 
hesbes,  &  elle  met  une  couche  de  poil  fous  les  œufs. 
La  femelle  fait  d'une  feule  ponte  quatre  ou  cinq 
œufs ,  parfemés  de  taches  &  de  lignes  brunes  difpo- 
fées  irrégulièrement. 

Il  y  a  une  autre  efpece  de  bergeronette ,  motacilla  ci- 
mrea  an  jlava  altéra.  Aid.  qui  eft  de  la  même  gran- 
deur que  la  précédente;  elle  a  le  bec  droit  ,  noir, 
mince  &  pointu  ,  les  yeux  verdâtres  ,  les  paupières 
blanches  ;  il  y  a  au-deflus  des  yeux  une  ligne  blan- 
châtre ,  la  tête  eft  petite  &  un  peu  brune:  le  defîus 
du  corps  eft  de  couleur  cendrée  ;  les  ailes  font  noirâ- 
tres, Se  traverfées  par  une  ligne  blanchâtre  peu  appa- 
rente ;  le  menton  &c  la  gorge  font  de  couleur  mêlée 
de  blanc  &  de  cendré  ;  celle  de  la  poitrine  &  du  ven- 
tre eft  d'un  blanc  laie  :  il  y  a  du  jaune  foncé  fur  le 
croupion.  La  queue  eft  plus  longue  que  tout  le  refte 
du  corps.  La  première  plume  de  chaque  côté  eft 
blanche,  les  deux  plumes  qui  fuivent  ont  les  barbes 
intérieures  blanches  &  les  extérieures  noirâtres  ;  & 
les  fix  plumes  du  milieu  font  entièrement  noirâtres. 
Les  cuifTes  &  les  pattes  font  d'un  brun  pâle  ;  les  on- 
gles font  crochus  &c  celui  de  derrière  eft  le  plus  long. 
Cette  defeription  a  été  faite  fur  une  femelle  :  le  mâ- 
le eft  peu  différent ,  il  a  feulement  une  tache  noire 
fous  le  menton.  Ces  oifeaux  le  trouvent  le  long  des 
fleuves  qui  roulent  fur  le  gravier ,  &  ils  vivent  d'in- 
feûes  d'eau.  "Willughby,  omit.  Voye^  OlSEAU.   (/) 

*  BERGINUS  (  Myth.  )  divinité  particulière  aux 
habitans  de  Brefie ,  en  Italie ,  où  elle  avoit  un  temple 
&  une  prêtreflè.  On  la  voit  dans  un  monument  ha- 
billée à  la  romaine. 

*  BERG-OP-ZOOM  (  Géog.  )  ville  des  Pays-bas, 
dans  le  Brabant  Hollandois  &  le  Marquifat  de  même 
nom  ,  en  partie  fur  une  montagne  ,  tk  en  partie  fin 
la  rivière  de  Zoom.  Long.  zi.  45.  lit.  5i.  Jo. 

BERGREICHENSTÉIN  (  Giog.  )  ville  de  Bohè- 
me ,  dans  le  territoire  de  Prague. 

BERG-St.-VINOX  (  Giog.  )  ville  &  abbaye  des 
Pays-bas  ,  dans  le  comté  de  Flandre ,  fur  la  Côme , 
au  pié  d'une  montagne.  Long.  20.  3.  lai.  3o.  5y. 

BERGSTRASS  (  Giog.  )  petit  pays  au-delà  du 
Rhin ,  appartenant  en  partie  aux  électeurs  de  Mayen- 
ce  &  Palatin,  &c  au  Landgrave  de  Darmftadt.  Il  s'y 
trouve  un  chemin  planté  de  noyers  des  deux  côtés, 
qui  va  depuis  Darmftadt  jufqu  à  Heidelbexg  ,  c'eft- 
à-dire  l'cfpace  de  1 1  lieues. 

BERG-ZABERN  ,  petite  ville  de  France  ,  en  Al- 
face.  Long.  z5.  z5-  lat.  4g.  4. 

BERI  BERI  (  Hifl.  mit.  ou  Médecine  )  c'eft  le  nom 
d'une  maladie  à  laquelle  on  eft  fujet  dans  les  Indes 
Orientales  ,  &  qui  emporte  en  très-peu  detems  ceux 
qui  en  font  attaqués  ;  elle  rcllemble  beaucoup  à  l'a- 
poplexie. 

BERICHOT  ,  oifeau.  Voye^  ROITELET.  (7) 

BÉRIL ,  f.  m.  Beryllus  (  Hijl.  nat.  )  pierre  précieu- 
fe  de  couleur  d'eau  de  mer  ,  c'eft-à-dire  de  couleur 
mêlé  de  verd  &  de  bleu  :  c'eft  pourquoi  les  modernes 
lui  ont  donné  le  nom  d'aiguë  marine.  f  "je-  AlGUE 
marine.  Les  anciens  diitinguoient  plufieurs  lortes 
de  bérils.  Les  plus  beaux  étoient  ceux  dont  la  cou- 
leur approchoit  le  plus  de  celle  de  l'eau  de  la  mer. 
Tome  II, 


B  E  R 


209 


Après  ceux-là  on  eftimoit  le  plus  ceux  qui  étoient 
pâles  &  qui  avoient  des  reflets  de  couleur  d'or  ,  chry- 
foberylli.  On  en  reconnoiflbit  une  forte  qui  étoit  de 
couleur  encore  plus  pâle ,  &  que  l'on  appelloit  chry- 
foprajus.  Ceux  que  l'on  nommoit  acroides  étoient  plus 
vefds  ;  il  y  erravoit  aufli  que  l'on  comparoit  à  la  ci- 
re &  à  l'huile  pour  l'apparence  ;  &  d'autres  que  l'on 
trouvoit  femblables  au  cryftal.  Mais  la  plupart  de  ces 
pierres  portent  à  préfent  d'autres  noms  que  celui  de 
béril,  &c  appartiennent  à  d'autres  genres.  Plin.  lib. 
3J.  chap.  5.  Boetii  de  Boot  gemmarum  ,  hijl.  lib.  II. 
chap.  Ixjx  &  Ixx.   (  /) 

La  manière  de  le  contre-faire  eft  de  mêler  à  la 
matière ,  dont  on  fait  le  cryftal  faâice  lorfqu'elle  eft 
en  fonte ,  une  certaine  quantité  cTœs  ujlum  ou  de  cui- 
vre calciné  par  trois  fois  avec  le  foufre.  Voye^  Crys- 
tal  factice.  On  réduit  ce  cuivre  calciné  en  pou- 
dre très-déliée;  on  y  joint  un  peu  de  faffre  pareille- 
ment réduit  en  poudre  :  on  jette  petit  à  petit  &  à  dif- 
férentes reprifes,  ce  mélange  dans  la  matière  ou  frit- 
te du  cryftal  factice  :  on  remue  bien  le  tout ,  &  l'on 
continue  à  mettre  des  deux  poudres  combinées  ,  juf- 
qu'à  ce  que  le  verre  ou  cryftal  ait  pris  une  couleur 
telle  qu'on  la  demande.  Les  dofes  en  grand  font  de 
mettre  fur  60  liv.  de  matière  de  verre ,  une  livre  &  -*- 
de  cuivre  calciné ,  &  quatre  onces  de  faffre.  (— ) 

*BERINGEN,  (Géog.)  petite  ville  du  pays  de 
Liège. 

*  BERLAS ,  (Géog.)  petite  ville  de  France ,  dans 
le  haut  Languedoc ,  au  diocefe  de  Caftres. 

BERLE,  f.  f.Jium,  (Hijl.  nat.  bot.)  genre  de  plan- 
te à  fleur  en  rofe  &  en  ombelle ,  compolée  de  plu- 
fieurs reuilles  ordinairement  égales,  difpofées  en  ro- 
fe, &  foutenues  par  un  calice.  Ce  calice  devient  un 
fruit  arrondi ,  qui  renferme  deux  femences  applaties 
d'un  côté ,  arrondies  &  cannelées  de  l'autre.  Ajoutez 
au  caractère  de  ce  genre ,  que  les  feuilles  font  rangées 
par  paires  fur  une  côte  terminée  par  une  feule  feuille. 
.Tournefort,  Infl.  rei  herb.  f'oye^  PLANTE.   (/) 

*  BERLIN ,  (  Géog.  )  ville  d'Allemagne  ,  capitale 
de  l'éleftorat de  Brandebourg,  &  rélidence  du  roi  de 
Prufle ,  fur  la  Sprée  qui  tombe  dans  l'Elbe ,  &  qui  com- 
munique à  l'Oder  par  un  canal,  dont  l'entrée  eft  à 
Francfort.  Long.  Ji.  y.  iS.  lat.  J>Z.  63. 

BERLINE,  f.  f.  (Sellier-Carroffler.)  efpece  de  voi- 
ture de  la  nature  des  carroffes,  fort  en  ulàge  depuis 
peu,  &  tirant  ion  nom  de  la  ville  de  Berlin  en  Alle- 
magne ,  quoique  certaines  perfonnes  en  attribuent 
l'invention  aux  Italiens ,  &  prétendent  en  trouver  l'é- 
tymologic  dans  berlina,  nom  que  ceux-ci  donnent  à 
une  elpece  de  théâtre  fur  lequel  on  fait  fubir  à  des 
coupables  une  ignominie  publique.  La  berline  eft  une 
allure  très-commode  en  voyage;  elle  eft  plus  légère 
qu'un  char,  &  moins  fujette  à  verier.  Le  corps  en  eft 
élevé  fur  des  flèches,  6c  fulpendu  par  des  bandes  de 
cuir  ;  elle  a  une  efpece  d'etriers  on  de  marchepié  pour, 
y  entrer;  &  au  lieu  de  portières,  des  paravents  que 
l'on  baiflè  lorique  le  teins  eft  mauvais,  &  que  l'on 
élevé  lorlqu'il  fait  beau.  Voye^  le'i  PI.  du  Sellier.  Il 
y  a  des  berlines  à  un  &  à  deux  fonds. 

*  BERLINGES,  {Géog.)  îles  de  l'Océan,  proche 
la  cote  île  Portugal. 

B  E  R  L I  N  G  O  T  ,  f.  m.  (  Sellier-  Carrojjler.  )  petite 
voiture  de  la  forme  de  la  berline ,  mais  beaucoup  plus» 
légère.  Voye^  Berline. 

*  BERLINICKEN,  {Géog.)  petite  ville  de  la  Mar- 
chc-de-Brandebourg ,  fur  les  frontières  de  Poméi  anie. 

BERME  ,  f.  f.  en' Architecture  ,  eft  un  chemin  qu'on 
laifle  entre  une  levée  &C  le  bord  d'un  canal  ou  d'un 
toile  ,  pour  empêcher  que  les  terres  de  ia  le\  ee,  ve- 
nant à  s'ébouler ,  ne  remplirent  le  canal  ou  foiîè.  (P) 

BERME ,  en  Fortification ,  efl  un  efpace  large  de  qua- 
tre à  cinq  pies  ,  au  dehors,  entre  ie  pie  du  rempart , 
cv  le  côte  du  folle  :  Ion  uiage  ell  de  recevoir  la  terre 

Dd 


2io  B  E  R 

qui  s'éboule  du  rempart ,  &  d'empêcher  qu'en  tom- 
bant elle  ne  comble  le  foffé.  On  l'appelle  auffi  lifiere 
&  relais. 

On  plante  ordinairement  un  rang  de  paliflade  fur 
îa  btrmt ,  afin  d'empêcher  l'ennemi  de  s'y  établir  ai- 
fément.  On  la  fortifie  encore  quelquefois  par  une  haie 
vive  ,  qui  lui  fert  d'une  excellente  défenfe.  L'enne- 
mi eft  obligé  de  la  détruire  avec  le  canon.  Les  paliffa- 
des  &  cette  haie  vive  afïïirent  auffi  la  place  contre 
l'efcalade ,  ôc  rendent  cette  entreprife  plus  difficile. 

(<2) 

BERME .  f.  f.  terme  d'Amydonnurs;  c'eft  un  tonneau 
dans  lequel  ces  artifans  mettent  les  recoupes  de  fro- 
ment ou  le  froment  dont  ils  compofent  l'amydon , 
pour  y  fermenter  ou  y  recevoir  les  autres  prépara- 
tions. Foye{  Amydon. 

BERMIERS  &  BERMIERES  ;  c'eft  ainfi  qu'on  ap- 
pelle dans  les  falines ,  des  ouvriers  &  des  ouvrières 
occupés  à  tirer  &  à  porter  la  muire  au  tripot.  Voye^ 
Tripot,  Muire,  &  Saline. 

*  BERMUDES  (  les  )  Géog.  îles  de  l'Amérique 
feptentrionale,  vis-à-vis  la  Caroline,  découvertes  en 
1522  ou  27 ,  par  Jean  Bermudez  Efpagnol. 
BERMUDIENNE,  f.  f.  Bermudiana,  {Hift.-nat.  bot.) 
genre  de  plante  à  fleur  liliacée ,  compofée  de  fix  pé- 
tales. Le  calice  devient  un  fruit  triangulaire ,  qui  s'ou- 
vre en  trois  parties ,  &  qui  eft  intérieurement  parta- 
gé en  trois  loges  remplies  de  femences  arrondies. 
Tournefort,  Injl.  reiherb.  Voye^  Plante.  (/) 

BERNACLE,  oifeau.  Voye^  Cravant.  (/) 

Bernacle  ,  f.  f.  concha  anatifera,  (Hijl.  nat.  )  co- 
quillage ,  dont  la  coquille  eft  compofée  de  cinq  pie- 
ces.  M.  Needham  la  décrit  dans  fes  nouvelles  obfer- 
vations  microfeopiques.  Cette  production  fe  trouve 
dans  la  mer  :  on  y  peut  diftinguer  trois  parties  diffé- 
rentes; le  pédicule,  la  coquille  ,  &  l'animal  qui  eft 
renfermé  dans  la  coquille.  Le  pédicule  eft  une  forte 
d'étui  cylindrique  qui  a  jufqu'à  fix  pouces  de  lon- 
gueur, il  eft  noirâtre  tk  compact:  c'eft  par  l'une  des. 
extrémités  de  cette  forte  de  pédicule ,  que  le  bernacle 
adhère  aux  rochers  &  auxvaifleaux.  Le  diamètre  de 
la  cavité  du  pédicule  n'eft  pas  proportionné  à  celui 
de  la  circonférence  extérieure ,  parce  que  le  tuyau 
eft  formé  par  plufieurs  membranes  compofées  de  fi- 
bres longitudinales  qui  s'étendent  quelquefois  au  dou- 
ble de  leur  longueur  ordinaire.  Lorfque  ces  fibres  fe 
defTechent  après  la  mort  de  l'animal ,  elles  fe  durcif- 
fent,  &  deviennent  rudes  &  grenues  comme  du  cha- 
grin. «  La  coquille  tient  au  pédicule ,  elle  paroît  être 
»  bivalve  en  apparence  :  mais  fi  on  l'examine  un  peu 
»  attentivement,  on  découvre  bientôt  que  chacun 
»  de  fes  côtés  eft  compofé  de  deux  pièces  adhéren- 
»>  tes  l'une  à  l'autre  par  une  fine  membrane ,  qui  en 
»  tapiffe  toute  la  furface  concave,  &  qui  s'infinuant 
»  entre  chaque  divifion  ,  joint  ces  pièces  enfemble  , 
»  de  façon  que  l'animal  a  l'avantage  de  pouvoir  at- 
»  tirer  à  foi  l'eau  &  la  nourriture;  &  pour  cela,  il 
»  n'eft  pas  néceffaire  que  les  deux  battans  de  fa  co- 
»  quille  s'éloignent  l'un  de  l'autre  ,  comme  ceux  des 
»  huîtres  &  des  moules  ;  ils  en  font  empêchés  par 
»  une  charnière  courbe  &  concave ,  dans  les  bords 
»  de  laquelle  ils  font  engrenés ,  &  qui  s'étend  au- 
»  de-là  de  la  moitié  de  leur  circonférence  :  mais  ils 
»  forment  un  angle  à  chacune  de  leurs  divifions ,  & 
»  par-là  ils  laiffent  entr'eux  une  ouverture  qui  a  à 
»  peu  près  la  figure  d'un  rhomboïde.  Ainfi  tout  ce  qui 
»  eft  attiré  par  lé  jeu  des  cornes  du  poifîbn ,  eft  aiié- 
»  ment  retenu  dans  cette  cavité.  Lorfque  l'animal  eft 
»  tranquille ,  fa  coquille  eft  toujours  ouverte ,  parce 
»  qu'il  a  continuellement  beioin  de  nouvelle  eau , 
»  qu'il fuce  &  qu'il  rejette  alternativement;  ce  qu'on 
»  peut  remarquer  par  le  jeu  de  deux  antennes  cor- 
»  refpondantes ,  qui  reffemblent  à  celles  de  quelques 
»  infettes ,  &  dont  le  mouvement  répond  aftez  bien  à 


B  E  R 

»  celui  des  ouïes  des  autres  poifTons  ».  Nouv.  obfervl 
microfeop.  pag.  ZZO.  &  ZZl. 

La  tête  de  l'animal  eft  au  moins  garnie  d'une  ving- 
taine de  petites  cornes  ou  bras  de  différente  lon- 
gueur ;  lorfqu'on  voit  ces  prolongemens  par  le  moyen 
du  microfeope,  ils  paroiffent  frangés;  au  lieu  d'être 
rangés  circulairement  autour  de  la  bouche,  ils  font 
tous  placés  à  côté;  lorfqu'ils  fe  contractent,  ils  for- 
ment des  courbes  irrégulieres  enfermées  les  unes  dans 
les  autres.  Il  y  a  plufieurs  incifions  fur  le  côté  conca- 
ve, &  on  voit  dans  les  intervalles  compris  entre  ces 
incifions ,  des  touffes  de  poil  allez  femblables  à  de  pe- 
tites broffes.  M.  Needham  croit  que  lorfque  l'animal 
les  agite  toit  au-dedans  de  là  coquille ,  foit  au-dehors, 
il  forme  dans  l'eau  un  courant ,  &  que  par  ce  moyen 
il  attire  les  animalcules  dont  il  fe  nourrit.  La  tête  hé- 
riftee  de  ces  fortes  de  cornes  peut  lortir  au-dehors  de 
la  coquille ,  &  rentrer  au-dedans. 

Il  y  a  au  milieu  du  groupe  de  ces  cornes ,  précifé- 
ment  au-deffus  de  la  bouche ,  une  trompe  qui  renferme 
une  forte  de  langue  longue  &  ronde,  à  peu-près  comme 
celle  du  pivert.  La  bouche  du  bernacle  eft  compofée 
de  fix  lames  qui  peuvent  s'écarter  les  unes  des  autres, 
&  qui  font  dentelées  comme  une  feie  fur  leur  bord 
convexe  ;  ces  lames  font  difpofées  en  cercle  ,  &  fixées 
par  l'une  de  leurs  extrémités  ;  leur  arrangement  eft  tel 
qu'en  s'élevant  &  s'abaiffant  alternativement ,  leurs 
dents  fe  corréfpondent;  elles  font  appliquées  les  unes 
contre  les  autres ,  de  façon  qu'elles  forment  une  ou- 
verture pliffée  ;  le  corps  du  bernacle  eft  aflez  reflem- 
blantà  une  petite  huître. 

En  l'ouvrant,  M.  Needham  a  trouvé  dans  plufieurs 
une  excroifîance  bleue  placée  de  chaque  côté  &  im- 
médiatement au-deffous  du  groupe  des  cornes.  Ces 
excroiffances ,  vues  au  microfeope ,  ont  paru  être  un 
fac  membraneux  rempli  de  petits  globules  bleus  d'une 
figure  ovoïde  &  uniforme ,  &  aflèz  femblables  au  frai 
des  autres  poiffons.  M.  Needham  foupçonne  que  les 
bernacles  fe  multiplient  comme  les  polypes,  c'eft-à- 
dire ,  par  une  forte  de  végétation  :  mais  il  ne  l'afTûre 
pas ,  parce  qu'il  n'a  pas  pu  acquérir  des  preuves  con- 
vaincantes fur  ceux  qu'il  a  vu.  morts  ;  cependant  il  en 
a  trouvé  lix  ou  fept  en  groupe  intimement  joints  en- 
femble par  leur  extrémité,  &  qui  reflémbloient  plu- 
tôt à  des  rejettons  que  produit  une  même  racine ,  qu'à 
des  branches  qui  naiffent  d'un  même  tronc ,  ou  à  des 
petits  qui  fortent  du  corps  de  la  mère  :  mais  il  n'a  pas 
pu  déterminer  fi  cette  forte  d'union  vient  de  ce  que 
la  multiplication  de  cet  animal  eft  analogue  à  celle 
du  polype ,  ou  fîmplement  de  ce  que  différentes  por- 
tions de  fraife  touchent  &  croifîent  fans  s'écarter  les 
unes  des  autres. 

M.  Needham  fait  mention  d'une  autre  efpece  de 
bernacles  plus  petite  que  la  précédente.  «  On  les  trou- 
»  ve  auffi  adhérentes  aux  rochers  &  aux  vaiffeaux  ; 
»  ils  différent  principalement  des  autres,  en  ce  que 
»  la  coquille  qui  renferme  immédiatement  leur  corps 
»  avec  le  pédicule  fur  lequel  il  eft  fixé ,  eft  logée 
»  dans  une  autre  coquille  univalve ,  qui  a  la  forme 
»  d'un  cône  tronqué,  qui  s'attache  contre  le  fond 
»  des  vaifîeaux ,  comme  celle  d'un  gland  de  mer  avec 
»  laquelle  il  eft  aifé  de  la  confondre, page.  iz5  ».  Au 
refte  ces  petits  bernacles  font  affez  reffemblans  aux 
grands. 

M.  Needham  fait  obferver  qu'il  y  a  beaucoup  d'a- 
nalogie entre  ces  bernacles  &les  animalcules  à  roues, 
dont  M.  Leuwenhoek  a  découvert  deux  efpeces,  & 
les  polypes  à  pennaches  de  M.  Trembley.  On  a  ap- 
pelle le  bernacle,  concha  anatifera ,  parce  qu'on  croyoiî 
autrefois  qu'il  fortoit  de  ce  coquillage  une  efpece  de 
canard.  Voye^  Cravant.  (/) 

*  BERNAGE ,  f.  m.  ((Economie  rufliq.)  On  entend 
par  ce  mot ,  dans  les  campagnes  oii  il  eft  en  ufage , 
des  mélanges  de  grains,  qui  fe  font  pour  la  nom- 


B  E  R 

iiture  des  beftiaux ,  &  qui  fe  femcnt  avant  Fhyver. 

BERNARD -L'HERMITE  ,  cancellus  ,  animal  du 
genre  des  cruftacées ,  aufïï  appelle  UfoLdat.  Il  n'eft 
pas  recouvert  en  entier  d'une  taie  comme  les  autres 
cruftacées  ,  ayant  par  conféquent  des  parties  molles 
à  découvert.  Il  fe  réfugie  dans  les  coquilles  vuides 
qu'il  rencontre  ,  &  c'eft  toujours  dans  celles  qui  font 
tournées  en  vis  ;  il  fe  loge  aufïï  dans  les  zoophytes 
qui  ont  des  cavités  propres  à  le  recevoir  ,  ou  dans 
d'autres  choies  qu'il  trouve  convenables  pour  le  met- 
tre à  l'abri  de  tout  ce  qui  pourroit  le  bleffer ,  &  affez 
légères  pour  qu'il  puiffe  fe  déplacer  avec  fa  logelorf- 
qu'il  veut  changer  de  lieu.  Il  vit  folitaire ,  c'eft  pour- 
quoi on  lui  a  donné  le  nom  de  bernard-f /termite  ;  ce- 
lui defoldat  vient  fans  doute  de  ce  qu'il  fe  tient  dans 
fa  coquille  comme  un  fentinelle  dans  fon  porte ,  ou 
de  ce  qu'il  fe  revêt  &  qu'il  s'arme  ,  pour  ainfi  dire , 
d'une  coquille  étrangère. 

Le  corps  de  cet  animal  eft  allongé  comme  celui 
des  langouftes  ;  il  a  deux  cornes  longues  &  menues 
de  couleur  jaune,  celle  du  refte  du  corps  eft  mêlée 
de  rouge  &  de  jaune.  Ses  yeux  font  afTez  élevés  ;  fa 
bouche  eft  entourée  de  petits  filamens  :  il  a  deux  lon- 
gues pattes  qui  ont  des  ferres  courtes  ;  l'une  de  ces 
pattes  eft  prcfque  toujours  plus  groffe  que  l'autre. 
Rondelet  prétend  que  la  gauche  eft  toujours  la  plus 
groffe  :  mais  il  y  en  a  aufïï  qui  ont  au  contraire  la  pat- 
te droite  plus  grofTe  que  la  gauche.  Le  bernard-l'her- 
mite  a  de  chaque  côté  deux  autres  jambes  longues  , 
courbes  &  pointues  ;  ce  qui  fait  en  tout  fix  jambes , 
qu'il  allonge  en  fortant  à  demi  de  fa  coquille ,  &  qu'il 
accroche  quelque  part  lorfqu'il  veut  changer  de  lieu  ; 
c'eft  aufïï  par  le  moyen  de  ces  pattes ,  qu'il  iailit  les 
petits  poiffons  ou  les  infe&es  dont  il  fe  nourrit.  Cet 
animal  a,  outre  ces  lîx  jambes,  trois  prolongemcns 
de  chaque  côté  au-delà  de  la  poitrine  ;  ces  prolon- 
gemens  n'ont  chacun  que  le  tiers  de  la  longueur  de 
chaque  jambe;  ils  font  mous ,  &  ils  tiennent  à  la  par- 
tie du  corps  qui  n'eft  recouverte  que  par  une  peau 
ince.  Le  refte  a  une  efpece  d'écaillé  plus  molle 
que  celle  des  écreviffes.  Rondelet  a  diftingué  les  mâ- 
les des  femelles  par  les  œufs  qu'il  a  vu  attachés  au- 
dehors  du  corps  de  la  femelle  pendant  l'été,  lorfque 
le  bernard  C  kermite  fort  au-dehors  de  fa  coquille.  Voye^ 
Rondelet.  lib.XVHI.  des  poijj'ons,  &lesMém.  de  l 'Aca- 
démie royale  des  Sciences ,  année  ijio.pag.  466. 

Il  y  a  dans  les  îles  de  l'Amérique  des  bernard-fher- 
m'ue  qui  ont  trois  ou  quatre  pouces  de  longueur.  On 
rapporte  que  cet  animal  vient  une  fois  chaque  année 
fur  le  bord  de  la  mer,  pour  y  jetter  les  œufs  &  chan- 
ger de  coquille  ;  car  il  eft  obligé  de  quitter  la  coquille 
dans  laquelle  il  sétoit  logé,  parce  qu'ayant  grofïï 
pendant  l'année ,  il  fe  trouve  gêné  dans  cette  coquil- 
le. Alors  il  fe  tranfporte  fur  le  rivage ,  &  il  cherche 
une  nouvelle  coquille  qui  puiffe  lui  convenir.  Dés 
qu'il  en  a  rencontré  une  ,  il  fort  de  l'ancienne ,  il  ef- 
iàye  fon  nouveau  logement  ;  &  s'il  eft  convenable  , 
il  s'en  empare  &  y  refte  :  mais  il  ei\  fouvent  obligé 
d'entrer  dans  plusieurs  coquilles  avant  que  d'en  trou- 
ver une  qui  lui  foit  proportionnée.  S'il  arrive  que 
deux  bernard-llicrmin  s'arrêtent  à  la  même  coquille  , 
ils  fe  la  difputent  ;  le  plus  foible  eft  contraint  de  la 
céder  au  plus  fort.  Cet  animal  fait  un  petit  cri  lorf- 
qu'on  le  prend.  Il  faut  éviter  qu'il  ne  faififfe  le  doigt 
avec  fa  lêrre  ;  car  il  l'air  beaucoup  de  mal,  &  ne  lâ- 
che que  très-difficilement.  Les  habitans  du  pays  le 
mangent,  &  le  trouvent  très-bon:  mais  on  dit  qu'il 
cil  pernicieux  pour  les  étrangers.  Vqyc[  Hiji.  gén, 
des  Antilles ,  par  le  P.  du  Tertre.  Aojt^CRUSTACÉES. 

^  ,„* 

*  BERNARD ,  (le  grand  Saint)  Geog.  mon- 
tagne de  Suiffe  5c  de  Savoie,  entre  le  Valais  &  le  val 
d'Aoft,  à  la  fource  de  la  Drance  Cv  de  la  Doria. 

*BERNARDIA,  (Hiji  nat,  bot.  )  plante  ainli  ap- 
Tome  II, 


B  E  R  *n 

pellée  par  M.  Guillaume  Houftoun,  du  nom  de  M. 
Bernard  de  Jufficu,  dcmonftrateur  en  Botanique  au 
Jardin-royal  de  Paris.  Elle  eft  mâle  &  femelle  :  la  plan- 
te mâle  produit  de  petits  chatons  qui  tombent  quand 
ils  font  mûrs.  La  femelle  a  des  fleurs  dont  le  pétale  eft 
couleur  de  vermilion  :  ces  fleurs  font  fuivies  d'un  fruit 
à  trois  coques,  femblables  à  celles  du  ricin.  On  en 
compte  de  quatre  efpeces. 

BERNARDINS,  f.  m.  pi.  (Hiji.  éccléf.  )  religieux 
fondés  par  S.  Robert,  abbé  de  Molefme,  &  enfuite 
deCîteaux  en  Bourgogne,  d'où  ils  font  nommés  Re- 
ligieux de  Citeaux.  Leur  ordre  eft  une  réforme  de  ce- 
lui de  S.  Benoît:  mais  parce  qu'il  a  été  fort  étendu 
par  S.Bernard,  abbé  de  Clairvaux,  on  les  appelle 
Bernardins,  nom  fous  lequel  ils  font  plus  connus  en 
France,  que  fous  celui  de  Cijlerciens.  Foye^ Cister- 
ciens. 41s  portent  une  robe  blanche  avec  un  feapu- 
laire  noir  par-deffus ,  &:  hors  du  cloître  une  robe  noi- 
re avec  un  capuce  de  même  couleur ,  dont  la  pointe 
leurdefcend  par  derrière  jufqu'à  la  ceinture.  Au  chœur 
ils  font  vêtus  d'une  large  robe  blanche  à  grandes  man- 
ches, avec  un  chaperon  blanc. 

On  compte  en  France  cinq  abbayes  de  Bernardins, 
chefs  d'ordre  :  favoir,  Cîteaux,  Clairvaux  ,  Ponti- 
gny ,  la  Ferté,  &  Morimont.  Les  ordres  d'Alcantara 
6c  de  Calatrava  en  Efpagne ,  font  compris  dans  l'or- 
dre de  S.  Bernard,  aufïï-bien  que  les  Feuillans,  nou- 
velle réforme  commencée  au  xvie.  fiecle.  Les  rein 
gieufes  appellées  Bernardines ,  fuivent  la  règle  defaint 
Benoît  ;  &  font  vêtues  de  blanc  comme  les  Bernar- 
dins. (G) 

BERNAUDOIR ,  f.  m.  (Bonneterie)  c'eft  un  grand 
panier  d'ofier,  à  claire  voie,  rond  &  oblong,  dont 
l'ufage  eft  pour  nettoyer  les  brins  de  laine  que  l'on 
ramaffe  deffous  la  claie ,  après  que  la  laine  eft  bat- 
tue :  on  prend  ces  brins ,  on  les  met  dans  le  bernau- 
doir,  &  avec  une  baguette  on  les  agite  circulaire- 
ment  jufqu'à  ce  qu'ils  (oient  ouverts  &  affez  nets  pour 
être  ajoutés  au  refte  de  la  laine  battue,  f'oye^  Planche 
du  Bonnetier  ,jîg.  1.  un  bernaudoir. 

*BERNAW,  (  Giog.  )  petite  ville  d'Allemagne," 
dans  l'électorat  de  Brandebourg ,  à  deux  lieues  de  Ber- 
lin. Il  y  en  a  encore  deux  autres  de  même  nom  ,  l'une 
dans  l'éveché  de  Ratisbonne;  &  l'autre  dans  le  haut 
Palatinat. 

*BERNBOURG,  (Geog.  )  petite  ville  d'Allema- 
gne, du  cercle  delà  haute  Saxe,  &  dans  la  principau- 
té d'Anhalt ,  fur  la  rivière  de  Sara.  Long.  jç>.  lat.  3/. 
33. 

*BERN-CASTEL,  (Ge'og.)  petite  ville  d'Allema- 
gne, dans  l'élcftorat  de  Trêves,  furlaMofelle,  entre 
Trarbach  &  Weldens. 

B  E  R  N  E  ,  (  Marine.  )  mettre  le  pavillon  en  berne  , 
c'eft  hiffer  le  pavillon  au  haut  du  bâton  de  pavillon, 
&  le  tenir  ferlé.  On  met  ordinairement  le  pavillon  en 
berne  pour  appeller  la  chaloupe,  &  c'eft  en  général 
un  fignal  que  les  vaùTeaux  pavillons  donnent  aux  in- 
férieurs, pour  les  avertir  de  venir  à  bord  de  leur  pa- 
villon; on  s'en  fert  aufïï  pour  divers  autres  fignaux. 
Voyt{  Hisser  &  Ferler.  (Z) 

*  Berne»  (  Canton  de)  Geog.  le  fécond  Se  le 
plus  grand  des  trei7e  cantons  Suiffes  ,  d'environ  foi- 
xante  lieues  de  long,  fur  trente  dan  >  fa  plus  grande 
largeur.  I!  fe  divilè  en  deux  parties  principales  :  l'une 
qu'on  appelle  le  pays  Allemand;  C\i  l'autre, 
Romand,  ou  plus  communément  le pays  -  Li 

pays  Allemand  fe  partage  en  trente-cinq  gouverne- 
mens,  &:  le  pays  de  Vaud  en  treize,.  Les  Btrn 
encore  quatre  gouverneraens  par  indivis 
bourgeois.  Berne  eft  la  capitale  du  canton. 

Berne,  (Geog.)  ville  de  Suiffe,  capitale  du  can- 
ton de  même  nom,  dans  une  longue  prefqu'ile  for- 
mée par  l'Aar.  Long,  zà,  10.  Idt.  4J. 

Ddij 


si2  B  E  S 

*  BERNÊEK,(6Vo£.)  il  y  a  deux  villes  de  ce  nom, 
l'une ,  dans  la  Francome  ;  l'autre,  dans  la  Stirie. 

*  BERNEZO,  (Géog.)  petite  ville  du  Piémont. 

*  BERNN,  (Geog.)  petite  ville  de  la  Poméranie. 

*  BERNSTADT ,  (Géog.)  petite  ville  de  Silefie, 
fur  le  Y/cida. 

*  BERNSTEIN,(<SV0g\)  ville  de  la  nouvelle  mar- 
che de  Brandebourg. 

*  BERNTHALER ,  {Commerce.)  écu  du  canton  de 
Berne.  Il  vaut  quelque  choie  de  moins  que  les  écus 
d'Empire,  appelles  ryxdalers  ;  c'elt- à-dire,  qu'il  ne 
vaut  pas  tout-à-fait  cinq  livres  de  notre  monnoie. 

*  BEROE,  (Myth.)  une  des  nymphes,  qui  accom- 
pagne dans  Virgile,  Cyrene  mère  d'Ariftée. 

*  BERRE ,  (Géog.)  petite  ville  de  France ,  en  Pro- 
vence, avec  titre  de  baronie,  au  diocefe  d'Arles. 
L0ng.22.6z.lat.43.3z. 

*  BERRI,  (Géog.)  province  de  France,  avec  titre 
de  duché ,  bornée  au  iéptentrion  par  l'Orléanois ,  le 
Blaifois  &  le  Gatinois,  à  l'orient  par  leNiveinois  & 
le  Bourbonnois ,  au  midi  par  le  Bourbonnois  &  la 
Marche,  Se  à  l'occident  par  la  Touraine  &  le  Poi- 
tou. Elle  le  divile  en  haut  &  bas  Berri.  Bourges  en 
eft  la  capitale. 

*  BERRUYERS ,  f.  m.  pi.  (les)  Géog.  anc.  mod.  & 
Hijl.  peuples  du  Berri.  Ils  occupoient  jadis  toute  la 
Celtique ,  &  y  formoient  la  plus  puiffante  monarchie 
des  Gaules.  Bourges  en  étoit  capitale. 

*  BER.S ,  (  Pharmacie.  )  électuahe  des  Egyptiens , 
qui  leur  excitoit  un  délire  gai  &l  momentanée. 

*  BERSABÉE  ou  EEER.SEBA,  (Géog.fainte.)  vil- 
le de  la  Paleftine ,  vers  Gaza ,  qu'on  a  priie  depuis 
pour  Gibelin.  Berfabée  lignifie  puits  dujerment.  Elle 
fut  ainfi  appellée  ,  parce  qu'Abraham  &  Abimelech 
y  jurèrent  l'alliance  qu'Ifaac  confirma  dans  la  fuite  , 
foit  avec  Abimelech,  foit  avec  l'on  fucceffeur.  Elle 
fut  du  partage  de  la  tribu  de  Simeon.  Ce  n'elt  plus 
qu'un  village  qu'on  nomme  Gallyn  ou  Bethgeblin. 

*BERSÂRIENS  ou  BEVERARIENS,  fub.m.  pi. 
{Hijl.  mod.  &  anc.)  bas  officiers  de  la  cour  de  Char- 
lemagne.  Quelques-uns  prétendent  que  les  berfariens 
étoient  aulïi  les  mêmes  que  ceux  que  les  anciens  ap- 
pelaient befiiarii.  f^oyei  Bestiaru.  Et  ils  enten- 
dent par  beverariens ,  ceux  qui  chaiïbient  le  caftor. 

*  BERSELLOoh  BRESELLO,  (Géog.)  ville  d'Ita- 
lie ,  dans  le  Modénois ,  proche  le  confluent  de  la  Lin- 
za  &  du  Pô.  Long.  z8.  Lat.  44.  55. 

*  BERSIAMITES,  (les)  f.  m. pi.  (Géog.)  peuples 
de  l'Amérique  leptentrionale,  au  Canada,  fur  les 
bords  de  la  rivière  de  S.  Laurent. 

*  BERSUIRE ,  (Géog.)  petite  ville  de  France,  dans 
le  bas  Poitou.  Long.  iy.  3.  lat.  46.  5z. 

*  BERT1NORO ,  (  Géog.  )  ville  d'Italie ,  dans  la 
Romagne ,  fur  une  colline.  Long.  zj.  IJ.  lat.  44.  8. 

EERTONNEAU,/w/o«.  Foye^  Turbot.  (I) 
BERlOIS,  f.  m.  c'elt  ainfi  qu'on  appelle,  dans 
les  carrières  d'ardoife,  les  cordes  qui  font  attachées  au 
bafficot,  &  qui  fervent  à  l'enlever  hors  de  la  carriè- 
re ,  par  le  moyen  de  l'engin.  Voye^  Van'icle  Ardoise. 

*  BERTRAND  ,  (Saint  )  Géog.  ville  de  France, 
enGafcogne,  fur  la  Garonne.  Long.  i%.  8.  lat.  43.  3. 

*  BES  ,  f.  m.  (Hiji.  anc.)  une  des  pièces  qui  ne 
contenoient  qu'une  portion  de  l'as  des  Romains.  Le 
bes  étoit  de  huit  parties  de  l'as  divifé  en  douze  ,  ou 
de  ~r  de  l'as.  Cette  valeur  du  bes  étoit  la  même,  foit 
qu'il  fût  queftion  de  l'as  pondéral,  ou  de  l'as  menfu- 
ral,  ou  de  l'as  monnoie.  f^oye^  As. 

BESAIGUE ,  f.  f.  eft  un  outil  dont  fe  fervent  les 
Charpent'urs  pour  dreffer  &  réparer  leurs  bois  lorf- 
qu'ils  les  ont  refaits  à  la  coignée  ,  &  à  faire  les  te- 
nons, les  mortoifes  ,  &c.  Elle  eft  faite  par  un  bout 
comme  un  cifeau  à  un  tranchant,  6c  par  l'autre 
comme  un  bec-d'âne  ;  dans  le  milieu  eft  une  douille 
qui  lert  à  l'ouvrier  pour  la  tenir  ;  fa  longueur  eft 


BES 

environ  de  trois  pies  &  demi.  Voye^  la  figure  S. 
Planche  des  outils  du  Charpentier. 

*  BESANÇON  ,  (  Géog.  )  ville  de  France  ,  capi- 
tale de  la  Franche-Comté  ;  elle  eft  divifée  en  haute 
&  baffe  ville.  Long.  23.  44.  lat.  47.  18. 

II  y  a  à  cinq  lieues  de  Befançon  une  grande  caver- 
ne creufée  dans  une  montagne  ,  couverte  par  le  def- 
fus  de  chênes  &  d'autres  grands  arbres  ,  dont  on 
trouve  trois  récits  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  ; 
l'un  dans  les  anciens  Mémoires ,  tom.  II.  le  fécond 
dans  le  recueil  de  1 7 1 2  ,  &  le  troifieme  dans  celui  de 
1726.  Nous  invitons  les  lecteurs  crédules  de  les  par- 
courir tous  les  trois  ;  moins  pour  s'inftruire  des  parti- 
cularités de  cette  grotte  qui  ne  font  pas  bien  mer- 
veilleufes  ,  que  pour  apprendre  à  douter.  Quoi  de 
plus  facile  que  de  s'inftruire  exactement  de  l'état 
d'une  grotte  ?  Y  a-t-il  quelque  choie  au  monde  fur 
quoi  il  ibit  moins  permis  de  fe  tromper ,  &  d'en  impo- 
ier  aux  autres  ?  Cependant  la  première  relation  eft 
fort  chargée  de  circonftances  ;  on  nous  affine  ,  par 
exemple  ,  qu'on  y  accourt  en  été  avec  des  charriots 
&  des  mulets  quitranfportent  des  proviiions  de  gla- 
ce pour  toute  la  province  ;  que  cependant  la  glacière 
ne  s'épuife  point,  &  qu'un  jour  de  grandes  chaleurs 
y  reproduit  plus  de  glaces  qu'on  n'en  enlevé  en  huit 
jours  ;  que  cette  prodigieufe  quantité  de  glace  eft 
formée  par  un  petit  ruiffeau  qui  coule  dans  une  par- 
tie de  la  grotte  ;  que  ce  ruiffeau  eft  glacé  en  été  ;  qu'il 
coule  en  hy  ver  ;  que  quand  il  règne  des  vapeurs  dans 
ce  foùterrain ,  c'eft  un  figne  infaillible  qu'il  y  aura 
de  la  pluie  le  lendemain  ;  &  que  les  payfans  d'alen- 
tour ne  manquent  pas  de  confulter  cette  efpece  lin- 
guliere  d'almanach,  pour  favoir  quel  tems  ils  auront 
dans  les  différens  ouvrages  qu'ils  entreprennent. 

Cette  première  relation  fut  confirmée  par  une  fé- 
conde ;  6c  la  grotte  conferva  tout  fon  merveilleux  , 
depuis  1699  jufqu'en  1 7 1 2  ,  qu'un  profeffeur  d'Ana- 
tomie  &  de  Botanique  à  Befançon  y  defeendit.  Les 
fingularités  de  la  grotte  commencèrent  à  dilparoître  ; 
mais  il  lui  en  refta  encore  beaucoup  :  le  nouvel  ob- 
fervateur  loin  de  contefter  la  plus  importante  ,  la 
formation  de  la  glace,  d'autant  plus  grande  en  été, 
qu'il  fait  plus  chaud  ,  en  donne  une  explication ,  & 
prétend  que  les  terres  du  voifmage  ,  &  fur-tout  celles 
de  la  voûte ,  font  pleines  d'un  lel  nitreux  ,  ou  d'un 
fel  ammoniac  naturel  ;  &  que  ce  lel  mis  en  mouve- 
ment par  la  chaleur  de  l'été ,  fe  mêlant  plus  facile- 
ment avec  les  eaux  qui  coulent  par  les  terres  &  les 
fentes  du  rocher,  pénètre  julque  dans  la  grotte;  ce 
mélange  ,  dit  M.  de  Fontenelle,  les  glace  précifé- 
ment  de  la  même  manière  que  fe  font  nos  glaces  ar- 
tificielles ;  &  la  grotte  eft  en  grand ,  ce  que  nos  vaif- 
feaux  à  faire  de  la  glace  font  en  petit.  Voilà,  fans 
contredit ,  une  explication  très-fimple  &  très-natu- 
relle ;  c'eft  dommage  que  le  phénomène  ne  foit  pas 
vrai. 

Un  troifieme  obfervateur  defeendit  quatre  fois 
dans  la  grotte ,  une  fois  dans  chaque  failbn ,  y  fit  des 
obi ervations  ,  &  acheva  de  la  dépouiller  de  les  mer- 
veilles. Cène  fut  plus  en  1726  ,  qu'une  cave  comme 
beaucoup  d'autres  ;  plus  il  fait  chaud  au-dehors, 
moins  il  fait  froid  au-dedans  :  non-leulement  les  eaux 
du  ruiffeau  ne  fe  glacent  point  en  été ,  &  ne  fe  dégè- 
lent point  en  hy  ver ,  mais  il  n'y  a  pas  même  de  ruif- 
feau ;  les  eaux  de  la  grotte  ne  font  que  de  neige  ou 
de  pluie  ;  &  de  toutes  fes  particularités ,  il  ne  lui 
refte  que  celle  d'avoir  prefque  sûrement  de  la  glace 
en  toute  faifon. 

Qui  ne  croiroit  fur  les  variétés  de  ces  relations  , 
que  la  grotte  dont  il  s'agit  étoit  à  la  Cochinchine  , 
&  qu'il  a  fallu  un  intervalle  de  trente  à  quarante  ans  , 
pour  que  des  voyageurs  s'y  fuccédaffent  les  uns  aux 
autres  ,  &  nous  déîrompaffent  peu  à  peu  de  fes  mer- 
veilles r  cependant  il  n'eft  rien  de  cela  ;  la  grotte  eft 


B  E  S 

dans  notre  voiûnage  ;  l'accès  en  eft  facile  en  tout 
tems  ;  ce  ne  font  point  des  voyageurs  qui  y  descen- 
dent ;  ce  font  des  philofophes  ,  &  ils  nous  en  rappor- 
tent des  faits  faux ,  des  préjugés  ,  de  mauvais  rai- 
fonnemens  ,  que  d'autres  philofophes  reçoivent ,  im- 
priment ,  &  accréditent  de  leur  témoignage. 

BESICLES  ,  f.  f.  pi.  {Lunetier.  )  c'eft  ainfi  qu'on 
appelloit  autrefois  les  lunettes  à  mettre  fur  le  nez.  Il 
y  en  a  de  deux  fortes  ;  les  unes  dont  le  verre  eft  con- 
vexe eu  plan  convexe  ,  fervent  pour  les  perfonnes 
qui  ont  la  vue  longue  ,  c'eft-à-dire  qui  ne  distinguent 
bien  que  les  objets  éloignés.  A royc{  Presbyte  ,  Con- 
vexe ,  Lentille  ,  Verre,  &c  les  autres  dont  le 
verre  eft  concave  ou  plan  concave,  fervent  pour 
ceux  qui  ont  la  vue  courte  ,  c'eft-à-dire ,  qui  ne  dif- 
tinguent  bien  que  les  objets  fort  proches.  Voye^ 
Myope,  &c.  Les  premières  grouillent  l'objet , 
parce  qu'elles  rendent  les  rayons  plus  convergens 
qu'ils  n'étoient  avant  que  de  traverfer  le  verre  ;  les 
autres  le  diminuent ,  parce  qu'elles  rendent  les  rayons 
moins  convergens.  f^oyeir  Convergent.  Dans  le 
premier  cas  ,  l'angle  viluel  eft  augmenté  par  la  con- 
vergence augmentée  des  rayons  ;  dans  le  fécond  il 
eft  diminué  par  la  diminution  de  cette  même  conver- 
gence :  mais  ces  deux  efpeces  de  lunettes  font  voir 
l'objet  plus  diftinclement  qu'à  la  vue  fimple.  On  en 
trouvera  les  raifons  aux  articles  déjà  cités ,  Presby- 
te ,  Myope  ,  Vision  ,  &c  (  O  ) 

*  BESIGHEIM,(G<%.)  ville  d'Allemagne  ,  en 
Soiiabe  ,  au  duché  de  Wirtemberg  ,  au  confluent  de 
l'Entz  &  du  Ncclcre ,  entre  Hailbron  &  Studgard. 

BESLERIE,  f.  f.  bejleria,  (Hifl.  nat.  bot.)  genre 
de  plante  dont  le  nom  a  été  dérivé  de  celui  de  Bafile 
Bélier , pharmacien  de  Nuremberg.  La  fleur  des  plan- 
tes de  ce  genre  eft  monopétale  irréguliere  ,  à  deux 
lèvres  ou  en  mafque  ;  il  s'élève  du  fond  du  calice  un 
piftil  qui  eft  attaché  comme  un  clou  à  la  partie  pol- 
îérieure  de  la  fleur ,  &  qui  devient  dans  la  fuite  un 
fruit  mou  ,  charnu,  ovoïde  ,  &  rempli  de  petites  fe- 
mences.  Plumier ,  Nova  plant.  Amer.  gen.  Voye^ 
Plante  (/) 

*  BESLIS  ,  f.  m.  {Hift-  mod.  )  c'eft  ainfi  qu'on  ap- 
pelle en  Turquie  les  valets-de-pié  des  gouverneurs 
ik.  des  bâchas  ;  on  en  prend  fouvent  pour  en  faire  des 
janiflaires. 

*  BESOIN  ,  f.  m.  c'eft  un  fentiment  defagréable  , 
occalionné  par  l'abfence  apperçûe  ,  &  la  préfence 
defirée  d'un  objet.  Il  s'enfuit  de-là ,  i°.  que  nous 
avons  deux  fortes  de  befoins;  les  uns  du  corps,  qu'on 
nomme  appétits  ;  les  autres  de  l'efprit ,  qu'on  ap- 
pelle defirs  :  z°.  que  puisqu'ils  font  occafionnés  par 
l'abfence  d'un  objet ,  ils  ne  peuvent  être  fatisfaits 
que  par  fa  préfence  :  30.  que  puifquc  l'abfence  de 
l'objet  qui  occalionnoit  le  befoin  étoit  defagréable , 
la  préfence  de  l'objet  qui  le  fatisfait  eft  douce  : 
40.  qu'il  n'y  a  point  de  plailir  fans  befoin  :  <j°.  que 
l'état  d'un  homme  qui  auroit  toujours  du  plaifir ,  fans 
avoir  jamais  éprouvé  de  peine  ,  ou  toujours  de  la 
peine  ,  fans  avoir  connu  le  plaifir  ,  eft  un  état  chimé- 
rique :  6°.  que  ce  font  les  alternatives  de  peines  &  de 
phiiiirs,  qui  donnent  de  la  pointe  aux  plailïrs  &  de 
l'amertume  aux  peines  :  70.  qu'un  homme  né  avec 
un  grand  chatouillement  qui  ne  le  quitteroit  point, 
n'auroit  aucune  notion  de  plailir  :  !S°.  que  des  fen- 
fations  ininterrompues  ne  feroient  jamais  ni  notre 
bonheur  ni  notre  malheur:  90.  que  ce  n'eft  pas  feu- 
lement en  nous-mêmes  que  les  befoins  (ont  la  fource 
denos  plailirs  cvde  nos  peines ,  mais  qu'ils  ont  donné 
lieu  à  la  formation  de  la  fociété  ,  à  tous  les  avanta- 
ges qui  l'accompagnent ,  &  à  tous  les  defordres  qui 
la  troublent.  Supposons  un  homme  formé  &  jette 
dans  cet  univers  comme  par  hafard,  il  repaîtra  d'a- 
bord les  yeux  de  tout  ce  qui  l'environne  ;  il  s'appro- 
chera ou  s'éloignera  des  objets ,  félon  qu'il  eu  fera 


B  E  S  M} 

diverfement  affecté  :  mais  au  milieu  des  mouvemens 
de  la  curiofité  qui  l'agiteront ,  bientôt  la  faim  fe  fera 
fentir ,  &  il  cherchera  à  fatisfaire  ce  befoin.  A  peine 
ce  befoin  fera-t-il  fatisfait,  qu'il  lui  en  fur  viendra  d'au- 
tres qui  l'approcheront  de  les  femblables,  s'il  en  ren- 
contre :  la  crainte  ,  dit  l'auteur  de  YEfprit  des  lois , 
porte  les  hommes  à  fe  fuir  ;  mais  les  marques  d'une 
crainte  réciproque  doivent  les  engager  à  fe  réunir.  Ils 
le  réunifient  donc  ;  ils  perdent  dans  la  fociété  le  fenti- 
ment de  leur  foibleffe ,  &  l'état  de  guerre  commence. 
La  fociété  leur  facilite  &  leur  allure  la  poffeifion  des 
choies  dont  ils  ont  un  befoin  naturel  :  mais  elle  leur 
donne  en  même  tems  la  notion  d'une  inimité  de  be- 
foins chimériques  ,  qui  les  preffent  mille  fois  plus  vi- 
vement que  des  befoins  réels ,  &  qui  les  rendent  peut- 
être  plus  malheureux  étant  raflemblés  qu'ils  ne  l'au- 
roient  été  difperfés. 

*  Besoin,  Nécessité,  Indigence,  Pauvreté, 
Disette  ,  (  Gram.  )La  pauvreté  eft  un  état  oppofé  à 
celui  d'opulence  ;  on  y  manque  des  commodités  de  la 
vie  ;  on  n'eft  pas  maître  de  s'en  tirer  ;  ce  n'eft  pas 
un  vice  en  foi  ,  mais  il  eft  pis  devant  les  hommes. 
Uindigence  n'eft  autre  choie  que  l'extrême  pauvreté; 
on  y  manque  du  néceffaire.  La  difette  eft  relative 
aux  alimens  :  le  befoin  &  la  nécefficé ,  font  des  termes 
qui  feroient  entièrement  fynonymes  l'un  à  pauvreté, 
6c  l'autre  à  indigence ,  s'ils  n'avoient  pas  encore  quel- 
que rapport  aux  fecours  qu'on  attend  des  autres  :  le 
befoin  feulement  preffe  moins  que  la  néceffité  ;  on  mé- 
prile  les  pauvres;  on  a  pitié  des  indigens  ;  on  évite 
ceux  qui  ont  befoin ,  &  l'on  porte  à  ceux  qui  font 
dans  la  néceffité.  Un  pauvre  avec  un  peu  de  fierté , 
peut  fe  palier  de  fecours  ;  Y  indigence  contraint  d'ac- 
cepter ;  le  befoin  met  dans  le  cas  de  demander;  la  né- 
ceffité dans  celui  de  recevoir  le  plus  petit  don.  Si  l'on 
examine  les  nuances  délicates  de  ces  différens  états  , 
peut-être  y  trouvera-t-on  la  raifon  des  fentimens 
bilarres  qu'ils  excitent  dans  la  plupart  des  hommes. 

BESON ,  f.  m.  (Commerce.)  mefure  des  liquides 
dont  on  fe  fert  en  quelques  lieux  d'Allemagne  ,  & 
particulièrement  à  Augsbourg  :  douze  befons  font  le 
je  ,  &  huit  maffes  le  befon.  Voye{  JE  &  Masse.  (  G  ) 

BESOGNE  ,  f.  f.  terme  de  Rivière  ulité  dans  les  an- 
ciennes ordonnances  pour  tous  les  officiers  des  ports, 
qui  fignifie  exercice ,  travail.  Les  mouleurs  de  bois  ne 
peuvent  avoir  qu'une  befogne  à  la  fois.  Befogne  fe  dit 
auiîi  d'une  elpece  de  bateau  foncet. 

BESORCH,  f.  m.  (  Commerce.  )  monnoie  d'étain 
alliagée  qui  a  coursàOrmus  ;  elle  vaut  trois  deniers 
argent  de  France. 

Le  beforch  eft  la  dixième  partie  d'un  Pays.  Voye^ 
Pays. 

*  BESS  AN ,  (Géog.)  petite  ville  de  France  en  Lan- 
guedoc ,  au  dioceied'Agde. 

*  BESSARABIE  ou  BUDZIAC  ,  (  Géog.  )  petite 
contrée  entre  la  Moldavie ,  le  Danube ,  la  mer  Noire , 
&.  la  petite  Tartarie. 

*  BESSE ,  (  Géog.  )  ville  de  France  en  Auvergne, 
élection  de  Clermont. 

BESSI  ,  (  Commerce.  )  petite  monnoie  qui  fait  un 
demi-foldo  ;  il  en  faut  quarante  pour  faire  une  lira. 

BESSIERES ,  (Géog.)  ville  de  France  dans  le  bas 
Languedoc,  audioceie  deToulouie. 

M3ESSIN  ,  (  LE  )  Géog.  petit  pays  de  France  dans 
la  baffe  Normandie  ,  proche  la  mer.  On  le  àr 
haut  &  bas  :  Baveux  en  eft  la  capitale. 

BESSON,  BOSSON,  BOUCHE,  BOUGE, (Ma- 
rine. )  c'eft  la  rondeur  des  baux  &  des  tillacs ,  cV:  pro- 
prement tout  ce  qui  eft  relevé  hors  d'oeuvre  &  qui 
n'eft  pas  uni.  Voyt{  Bau  6Tillac.  (Z) 

BESTIAIRES,  f.  m.  pi.  (  ffèft.  •—•  )  chez  les  an- 
ciens Romains  ,  étoient  des  hommes  qu'on  ; 
pour  combattre  contre  des  bêtes  fauvages ,  ou  bien 
nue  la  juitice  avoit  condamnes  à  cette  punition.  Noui 


M 


B  E  T 


diftinguens  communément  deux  fortes  de  hfiiaires  ; 
les  premiers  étoient  condamnés  aux  bêtes,  foit  com- 
me ennemis  faits  plafonniers  »  on  comme  efclaves  &c 
coupables  de  quelque  crime  énorme  :  on  les  expofoit 
les  uns  &  les  autres  aux  bêtes  tout  nuds  &  fans  déien- 
fes  ;  il  ne  leur  fervoit  même  de  rien  de  vaincre  les 
■bctes  &  de  les  tuer  ;  car  on  en  lâchoit  toujours  de  nou- 
velles fur  eux,&  le  combat  ne  finiffoit  que  par  la  mort 
des  condamnés.  Mais  il  arrivoit  rarement  qu'il  en 
fallût  deux  pour  le  même  homme  ;  deux  hommes 
étoient  fouvent  vaincus  par  une  feule  bête.  Cice- 
ron  parle  d'un  lion  qui  en  maflacra  lui  feul  deux  cens. 
Les  bejliaires  qui  fuccédoient  aux  premiers  s'appel- 
loient  içttyol ,  &  les  derniers  texeeço)  ;  chez  les  Ro- 
mains, mendiant.  V.  GLADIATEUR,  AMPHITHEA- 
TRE ,  &c. 

Les  Chrétiens  étoient  des  bcjliaires  de  cette  efpe- 
ce  ;  quelques  -  uns  même  d'entr'eux  ,  bien  que  ci- 
toyens Romains,  n'en  étoient  pas  exempts,  quoi- 
qu'ils dûffent  l'être  fuivant  les  lois. 

La  féconde  efpece  des  bejliaires  étoit  compofée  , 
ainli  que  l'obferve  Seneque ,  de  jeunes  gens  qui  pour 
acquérir  de  l'expérience  au  maniement  des  armes , 
combattoient  quelquefois  contre  les  bêtes ,  &  quel- 
quefois les  uns  contre  les  autres  ;  ou  des  braves  qui 
vouloient  bien  s'expofer  à  ces  dangereux  combats 
pour  montrer  leur  courage  &  leur  adreffe.  Auguite 
excita  les  jeunes  gens  de  la  première  qualité  à  ce  gen- 
re d'exercice  ;  Néron  s'y  expofa  ;  &  Commode  pour 
en  être  forti  vainqueur,  acquit  le  titre  d'Hercule  Ro- 
main. 

Vigenere  ajoute  deux  autres  efpeces  de  bejliaires  : 
les  premiers  qui  l'étoient  par  état,  combattoient  pour 
de  l'argent  ;  les  féconds  qui  le  préfentoient  armés  , 
&  plufieurs  enfemble ,  combattoient  en  liberté  con- 
tre un  certain  nombre  de  bêtes.   (  G  ) 

BESTIALITE ,  (  en  Doit.  )  elt  le  crime  d'un  hom- 
me ou  d'une  femme  qui  auroit  un  commerce  charnel 
.avec  une  bête.  Ce  crime  le  punit  par  le  feu  :  on  brûle 
même  l'animal  qui  a  été  l'infiniment  du  crime.  (#) 

BESTIAUX,  voyei  BÉTAIL. 

BESTION  ou  LION  ,  f.  m.  {Marine.)  c'efl  le  bec 
ou  ia  pointe  de  l'éperon  à  l'avant  des  porte-vergues. 
Les  matelots  donnent  ce  nom  à  la  figure  qu'on  y 
.met,  &  qui  communément  reprefente  quelqif  animal. 
Quelques-uns  le  nomment  le  lion  ,  parce  qu'autre- 
fois la  plupart  des  vaiffeauxHollandoisportoient  à  la 
pointe  de  l'éperon  la  figure  de  cet  animal.  Aujour- 
d'hui Ton  y  metdifférehres  fortes  de  figures,  V.  PL.  I. 
en  N ,  la  figure  d'un  centaure  qui  elt  à  la  pointe  de 
l'éperon  du  vaiffeau  le  centaure. Les  Efpagnols  y  met- 
tent affez  fouvent  la  figure  de  quelque  laint  ou  iain- 
Je  ,  dont  le  vaiffeau  porte  le  nom.  (Z) 

*  BETAIL ,  f.  m.  (QLconom.  rujl.~)  on  comprend 
fous  ce  terme  toutes  les  bêtes  à  quatre  pies  qui  1er- 
vent  à  la  nourriture  de  l'homme  &  à  la  culture  des 
terres.  On  les  distribue  en  bêtes  à  cornes  &  en  bêtes 
à  laine.  Les  bêtes  à  cornes  font  les  boeufs  &  les  va- 
ches ;  &  les  bêtes  à  laine  font  les  moutons  &  les  bre- 
bis :  on  peut  y  ajouter  les  boucs  &  les  chèvres.  Il  elt 
inutile  de  s'étendre  fur  les  fecours  &  fur  les  revenus 
qu'on  tire  des  beftiaux  ;  voye^  aux  articles  B  CE  U  F , 
Vache,  Mouton,  Brebis,  Bouc,  Chèvre, 
Agneau,  ce  qui  concerne  ces  animaux.  Voye^aujfi 
Berger  &  Bergerie. 

*  BETANCOS ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Efpagne 
dans  la  Galice,  fur  le  Mandéo.  Long.  g.  40.  Lat. 

*  BETE ,  ANIMAL ,  BRUTE ,  (  Gramm.  )  Bête(e 
prend  fouvent  par  oppofition  à  homme  ;  ainfi  on  dit  : 
l 'homme  a  une  ame  ,  mais  quelques philojbplus  nen  ac- 
cordent point  aux  bêtes.  Brute  elt  un  terme  de  mépris 
qu'on  n'applique  aux  bêtes  &  à  l'homme  qu'en  mau- 
yaife  part.  Il  s'abandonne  à  toute  la  fureur  dej'on  pen- 


B  E  T 

chant  comme  la  brute.  Animal  elt  un  terme  générique 
qui  convient  à  tous  les  êtres  organifés  vivans  :  Yanu 
mal ,  vit,  agit ,  Je  meut  de  lui-même,  &c.  Si  on  confi- 
dere  Y  animal  comme  penfant ,  voulant,  agiffant,  ré- 
fléchiffant,  &c.  on  reftraint  fa  fignification  à  l'efpece 
humaine  ;  fi  on  le  confidere  comme  borné  dans  tou- 
tes les  fondrions  qui  marquent  de  l'intelligence  &  de 
la  volonté  ,  &  qui  femblent  lui  être  communes  avec 
1  efpece  humaine  ,  on  le  reftraint  à  bête  :  fi  on  confi- 
dere la  bête  dans  Ion  dernier  degré  de  itupidité ,  & 
comme  affranchie  des  lois  de  la  raifon  'ôcàç  l'honnê- 
teté félon  lefquelles  nous  devons  régler  notre  con- 
duite ,  nous  l'appelions  brute. 

On  ne  fait  fi  les  bêtes  font  gouvernées  par  les  lois 
générales  du  mouvement ,  ou  par  une  motion  parti- 
culière :  l'un  &  l'autre  fentiment  a  fes  difficultés.  V, 
V article  Ame  des  Bêtes.  Si  elles  agiffent  par  une  mo- 
tion particulière ,  li  elles  penfent ,  fi  elles  ont  une 
ame,  &c.  qu'eft-ce  que  cette  ame  ?  on  ne  peut  la  fup- 
pofer  matérielle  :  la  fuppofera-t-on  Spirituelle  ?  Affù- 
rer  qu'elles  n'ont  point  d'ames ,  &  qu'elles  ne  penfent 
point ,  c'eft  les  réduire  à  la  qualité  de  machines  ;  à 
quoi  l'on  ne  femble  guère  plus  autorité ,  qu'à  pré- 
tendre qu'un  homme  dont  on  n'entend  pas  la  langue 
elt  un  automate.  L'argument  qu'on  tire  de  la  per- 
fection qu'elles  mettent  dans  leurs  ouvrages  elt  tort  ; 
car  il  fembleroit ,  à  juger  de  leurs  premiers  pas  , 
qu'elles  devroient  aller  fort  loin ,  cependant  toutes 
s'arrêtent  au  même  point  ;  ce  qui  elt  prefque  le  ca- 
ractère machinal.  Mais  celui  qu'on  tire  de  l'unifor- 
mité de  leurs  productions  ne  me  paroît  pas  tout-à-fait 
aulîi  bien  fondé.  Les  nids  des  hirondelles  &  les  ha- 
bitations des  caftors ,  ne  fe  reffemblent  pas  plus  que 
les  maifons  des  hommes.  Si  une  hirondelle  place  Ion 
nid  dans  un  angle ,  il  n'aura  de  circonférence  quel'arc 
compris  entre  les  côtés  de  l'angle  ;  fi  elle  l'applique 
au  contraire  contre  un  mur  ,  il  aura  pour  melure  la 
demi-circonférence.  Si  vous  délogez  des  caftors  de 
l'endroit  où  ils  font,  &  qu'ils  aillent  s'établir  ailleurs; 
comme  il  n'elt  paspolîible  qu'ils  rencontrent  le  mê- 
me terrein ,  il  y  aura  néceffairement  variété  dans  les 
moyens  dont  ils  nieront,  &  variété  dans  les  habita- 
tions qu'ils  le  conftruiront. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  on  ne  peut  penfer  que  les  bêtes 
ayent  avec  Dieu  un  rapport  plus  intime  que  les  au- 
tres parties  du  monde  matériel;  fans  quoi,  qui  de 
nous  oferoit  fans  lcrupule  mettre  la  main  fur  elles  , 
&  répandre  leur  fang?  qui  pourrait  tuer  un  agneau 
en  lùreté  de  confeience  ?  Le  fentiment  qu'elles  ont, 
de  quelque  nature  qu'il  foit ,  ne  leur  f  ert  que  dans  le 
rapport  qu'elles  ont  entr'elles ,  ou  avec  d'autres  êtres 
particuliers ,  ou  avec  elles-mêmes.  Par  l'attrait  du 
plaifir  elles  confervent  leur  être  particulier  ;  &  parle 
même  attrait  elles  confervent  leur  efpece.  J'ai  dit  at- 
trait du  plaifir ,  au  défaut  d'une  autre  expreffion  plus 
exacte  ;  car  li  les  bêtes  étoient  capables  de  cette  mê- 
me lenfation  que  nous  nommons  plaifir ,  il  y  auroit 
une  cruauté  inoiiie  à  leur  faire  du  mal  :  elles  ont 
des  lois  naturelles ,  parce  qu'elles  font  unies  par  des 
befoins,  des  intérêts,  &c.  mais  elles  n'en  ont  point 
de  pofitives,  parce  qu'elles  ne  font  point  unies  par 
la  connoiffance.  Elles  ne  femblent  pas  cependant  fui- 
vre  invariablement  leurs  lois  naturelles  ;  &  les  plan- 
tes en  qui  nous  n'admettons  ni  connoiffance  ni  lenti- 
ment ,  y  font  plus  foûmifes. 

Les  bêtes  n'ont  point  les  fuprèmes  avantages  que 
nous  avons  ;  elles  en  ont  que  nous  n'avons  pas  :  el- 
les n'ont  pas  nos  efpérances ,  mais  elles  n'ont  pas  nos 
craintes  :  elles  fubiffent  comme  nous  la  mort ,  mais 
c'elt  fans  la  connoître  ;  la  plupart  même  fe  conferveat 
mieux  que  nous ,  &  ne  font  pas  un  auffi  mauvais  ula- 
ge  de  leurs  pallions.  Foye^  les  articles  Ame  &  ANI- 
•MAL. 

*  Bêtes,  (Combat  des  )  Hfi.  anc.  Les  corn- 


BES 

bats  des  bétcs  fe  faifoicnt  dans  les  amphithéâtres ,  les 
cirques ,  &  autres  édifices  publics.  Les  bêtes  qui  y  fer- 
voient  étoient  ou  domeltiques  &  privées  ,  comme  le 
taureau ,  le  cheval ,  l'éléphant ,  &c.  ou  fauvages  , 
comme  le  lion,  l'ours,  le  tigre,  la  panthère,  6-c. el- 
les combattoient  ou  contre  d'autres  de  la  même  ef- 
pece  ,  ou  contre  des  bêtes  de  différentes  efpeces  ,  ou 
contre  des  hommes  :  ces  hommes  étoient  ou  des  cri- 
minels ,  ou  des  gens  gagés ,  ou  des  athlètes.  On  tenoit 
les  bêtes  enfermées  dans  des  cachots  ou  caveaux  ran- 
gés circulairement  au  rez  de  chauffée  des  arènes  ;  on 
les  appelloit  caves  :  les  plus  furieufes  étoient  attachées 
par  les  jambes  avec  des  inftrumens  de  fer.  Les  crimi- 
nels qui  fortoient  vainqueurs  du  combat  des  bêtes 
étoient  quelquefois  renvoyés  abfous  ;  mais  pour  l'or- 
dinaire ce  combat  étoit  regardé  comme  le  dernier 
fupplice.  Foye{  BESTIAIRES. 

Les  profanes  condamnoient  au  fupplice  des  bêtes 
les  premiers  Chrétiens,  qui  loin  de  fe  défendre,  fe 
laiffoient  maffacrer  comme  des  agneaux. 

Mais  les  bêtes  féroces  ne  fervoient  pas  feulement 
dans  les  amphithéâtres;  il  y  avoit  chez  les  Grecs  &  les 
Romains  des  gens  qui  les  apprivoifoient,  leur  appre- 
noient  des  tours  de  foupleffe,  &  les  rendoient  doci- 
les au  joug  ,  fi  l'on  en  croit  les  monumens  &  les  Poè- 
tes. On  voit  dans  plufieurs  morceaux  antiques  des 
léopards  ,  des  lions  ,  des  panthères ,  des  cerfs  ,  &c. 
attelés.  On  lit  dans  Martial  que  les  léopards  ont  été 
fubjugués ,  les  tigres  conduits  avec  le  foiiet ,  les  cerfs 
bridés ,  les  ours  emmulelés ,  les  fangliers  conduits  au 
licou ,  les  bifontes  ,  ou  taureaux  fauvages ,  mis  aux 
chars ,  &c. 

Les  Grecs,  dit  le  favant  père  de  Montfaucon,  l'em- 
portoient  fur  les  Romains  dans  cet  art ,  ainfi  qu'en 
plufieurs  autres  :  on  vit  dans  la  feule  pompe  de  Pto- 
lemée  Philadelphe  ,  vingt-quatre  chars  tirés  par  des 
éléphans ,  foixante  par  des  boucs ,  douze  par  des 
lions  ,  fept  par  des  orix  ,  cinq  par  des  bufles ,  huit  par 
des  autruches ,  &:  quatre  par  des  zèbres. 

L'empereur  Eliogabale  fit  tirer  forr  char  par  quatre 
chiens  d'une  grandeur  énorme  ;  il  parut  en  public 
traîné  par  quatre  cerfs  ;  il  fit  une  autre  fois  atteler  des 
lions  &  des  tigres  :  dans  ces  occafions  il  prenoit  les 
habits  des  dieux  auxquels  ces  animaux  étoient  confa- 
crés.  Foyei  Amphithéâtre,  Cirque,  Théâ- 
tre, Gymnase,  Gymnastique,  Athlète, 
Lutte  ,  Lutteur. 

BÈtes  ,  (Chajfe.  )  Les  chaffeurs  diftribuent  les  bê- 
tes en  fauves,  en  noires,  &  en  rouffes  ou  carnacieres  : 
les  fauves  font  les  cerfs,  les  dains,  les  chevreuils,avec 
leurs  femelles  oc  faons  ;  les  noires  font  les  fangliers  ôc 
les  marcaffins.  Les  bêtes  fauves  &  noires  compofent 
la  grande  venailon.  Les  bêtes  rouffes  ou  carnacieres  , 
font  le  loup  ,  le  renard  ,  le  blaireau  ,  la  fouine  ,  le 
putois  ,  &c.  il  elt  permis  à  tout  le  monde  de  les  chât- 
ier &c  tuer.  Foye{  Venaison. 

BÊTE  chevaline  ,  (  Manège.  )  c'eft  la  même 
chofe  que  cheval:  mais  cela  ne  le  dit  que  d'un  cheval 
de  paylan ,  ou  de  peu  de  valeur.  Bête  bleue ,  eft  une 
exprefïion  figurée  cv  proverbiale ,  qui  lignifie  un  che- 
val qui  n'elt  propre  à  rien.  (  V) 

Bete  ,  jeu  de  la  bête  ou  de  l'homme ,  (  Jeu.  )  Il  fe 
joue  à  trois  ,  quatre ,  cinq  ,  fix  ,  &  même  fept  :  mais 
dans  ce  dernier  cas  il  faut  que  le  jeu  foit  compole  de 
trente-lix  cartes ,  &  que  la  tourne  foit  la  dernière  du 
jeu  de  celui  qui  mêle  :  mais  le  mieux  c'eft  de  la  jouer 
a  cinq  ëc  à  trois.  Le  jeu  de  cartes ,  quand  on  n'elt  que 
cinq  ,  ne  doit  contenir  que  trente-deux  cartes  ;  Se  à 
quatre  &  à  trois  on  ôté  les  fept.  Le  roi  eft  la  princi- 
pale cartedu  jeu  de  la  bêu  ;  la  dame  le  luit  ec  emporte 
le  valet,  qui  levé  l'as,  celui-ci  le  dix  ,  &  ainli  des 
autres.  Celui  à  qui  il  écheoit  de  mêler  les  cartes  , 
les  fait  couper  à  l'ordinaire  au  premier  de  fa  gauche, 
&  en  diltribue  cinq  à  chaque  joueur  ,  en  tel  nombre 


BES 


21 5 


à  la  fois  qu'il  lui  plaît.  Il  y  a  de  l'avantage  à  joiier  en 
premier.  Quand  les  cartes  font  ainfi  données ,  l'on 
tourne  la  première  du  talon  que  l'on  y  laiffe  retour- 
née ,  parce  qu'elle  eft  la  triomphe  pendant  tout  le 
coup. 

•  En  commençant,  chaque  joiieur  met  devant  foi  une 
fiche  &  deux  jettons  ,  l'un  pour  le  jeu ,  &  l'autre  pour 
le  roi  de  triomphe ,  quoique  celui  qui  l'a  ne  joiie 
pas  ;  fuffifant  pour  cela  que  le  coup  fe  joiie  ;  &  celui 
qui  mêle  y  en  ajoute  un  troifieme ,  qui  le  fait  recon- 
noître  pour  avoir  mêlé  les  cartes.  Celui  qui  ga«ne  tire 
les  jettons  &  une  fiche,  &  ainfi  des  autresà  tous  les 
coups,  jufqu'à  ce  que  toutes  les  fiches  foient  gagnées  ; 
après  quoi  chacun  en  remet  une  autre ,  ôc  l'on  re- 
commence comme  auparavant.  Celui  qui  fait  joiier, 
&  a  toutes  les  mains  ,  gagne  tous  les  jettons  ,  tout  ce 
qui  eft  fur  jeu,  fût-ce  des  bêtes  qui  n'y  auroient  pas 
été  miles  pour  le  coup  ,  &  même  les  fiches  ;  &  outre 
cela  chaque  joueur  eft  encore  obligé  de  lui  payer  un 
jetton  :  s'il  ne  fait  pas  toutes  les  mains ,  il  n'a  pour  l'a- 
voir entrepris ,  que  la  peine  &  le  chagrin  de  ne  les 
avoir  pas  faites.  Mais  lorfque  celui  qui  fait  joiier  ne 
levé  pas  trois  mains ,  ou  les  deux  premières ,  lors- 
qu'elles font  partagées  entre  les  joueurs  ,  il  fait  la  bê- 
te ,  c'eft-à-dire,  qu'il  met  autant  de  jettons  qu'il  en 
auroit  tiré  s'il  eût  gagné.  Ainfi  fi  le  coup  étoit  fim- 
ple ,  c'eft-à-dire  ,  qu'il  n'y  eût  pas  fur  le  jeu  des  bêtes 
faites  précédemment ,  &  fi  l'on  étoit  cinq ,  celui  qui 
feroit  la  bête  ne  la  feroit  que  de  onze  jettons, parce  que 
la  fiche  &  le  jetton  que  chacun  met  devant  foi  en  fait 
dix,  &  celui  qui  mêle  met  le  onzième.  Cependant  il 
peut  avoir  été  réglé  entre  les  joueurs  de  mettre  moins 
devant  foi  ;  alors  la  bête  feroit  proportionnée  au  nom- 
bre de  jettons  fixé. 

L'on  voit  que  dans  les  onze  jettons  dont  nous  ve- 
nons de  parler  plus  haut ,  nous  ne  comprenons  pas 
celui  qui  eft  deftiné  pour  le  roi  de  triomphe  ,  qu'il 
laifferoit  cependant ,  fi faifant  joiier  il  perdoit  le  coup  : 
mais  quand  le  roi  les  tire  ,  chaque  joueur  en  met  de 
nouveaux  pour  le  coup  luivant.  Toute  bête  fimple 
doit  aller  fur  le  coup  où  elle  a  été  faite  ;  &  s'il  y  en 
avoit  plufieurs  fimples  faites  d'un  même  coup  ,  elles 
iroient  toutes  cnlemble.  Mais  les  bêtes  doubles  doi- 
vent aller  les  unes  après  les  autres  dans  les  coups  fui- 
vans  ,  &  toujours  les  plus  groffes  les  premières. 

Lorfqu'ily  a  une  bête  fur  le  jeu, les  autres  joueurs  ne 
mettent  point  de  jettons ,  excepté  celui  qui  mêle ,  qui 
donne  le  fien  à  l'ordinaire. Celui  qui  gagne  lorfqu 'il  y 
a  une  bête  double  au  jeu, levé  outre  la  bête  une  fiche, & 
tous  les  jettons  qui  font  au  jeu  ;  &  fait  la  bête  propor- 
tionnellement au  gain  ,  lorlqu'il  perd.  Quand  nous 
avons  dit  que  pour  gagner  il  falloit  au  moins  faire  les 
deux  premières  mains,  c'eft  bien  entendu  qu'aucun 
des  joueurs  n'en  fait  trois  ;  puifqu'alors  on  perd  com- 
me fi  on  les  eût  faites  le  dernier. 

Il  arrive  affez  fouyent  dans  ce  jeu  que  deux  joueurs 
fe  dilputent  le  i;ain  du  coup,  parce  que  celui  qui  a 
fait  joiier  d'abord ,  n'empêche  point  de  joiier  auffi 
quiconque  fe  trouve  un  allez  beau  jeu  pour  l'empor- 
ter fur  lui  &  fur  tous  les  joueurs  qui  le  liguent  contre 
lui  en  faveur  du  premier  joueur;  parce  que  le  fécond 
rifque  de  perdre  le  double  de  ce  qui  eft  au  jeu  :  ce  qui 
tait  voir  qu'on  ne  dit  point  contre  ,  lans  un  très- 
beau  jeu.  On  n'elt  plus  rCc  u  à  le  dire ,  quand  une  lois 
la  première  carte  eft  jettee.  Toute  l'habileté  des 
joueurs  confilte  à  forcer  celui  qui  fait  joiier  à  fur- 
couper,  ou  à  le  défaire  de  leurs  bonnes  cartes  a  pro- 
pos  ,  pour  donner  plus  de  force  à  ceux  qui  font  en 
état  de  le  taire  perdre  ;  ce  qui  cependant  n'elt  de  loi 
que  dans  le  cas  Ou  il  n'y  a  point  de  vole  à  craindre. 
On  doit  au  contraire  garder  tout  ce  qui  peut  l'em- 
pêcher, lorfquon  en  eit  menace.  (  )n  doit  encore  four- 
nir de  la  couleur  jouée  ;  couper  li  l'on  n'en  a  point  ; 
&  li  quelque  autre  avoit  déjà  coupé,  il  faudroit  le 


2l6 


B  E  T 


faire  d'une  triomphe  plus  haute  que  la  première  ,  ft 
l'on  pouvoit. 

Lorfque  tous  les  joiieurs  ont  vu  leur  jeu  &  paffé  , 
chacun  peut  aller  en  curieufe ,  en  mettant  un  jetton 
au  jeu.  Voye\  Curieuse  &  Aller  en  curieuse. 
La  curieufe  eft  également  avantageufe  pour  tous  les 
joiieurs ,  &  n'eft  pas  un  moindre  agrément  du  jeu  de 
bête  :  mais  on  doit  le  contenter  d'en  voir  une.  Nous 
avons  déjà  dit ,  que  celui  qui  avoit  le  roi  de  triom- 
phe retiroit  les  jettons  qui  lui  font  dcftinés  ;  celui  qui 
retourne  ce  roi  a  le  même  privilège ,  pourvu  toute- 
fois ,  en  l'un  &  l'autre  cas ,  que  le  jeu  fe  joiie  :  celui 
qui  fait  la  dévole  ,  double  tout  ce  qui  eft  au  jeu  ; 
fait  autant  de  bêtes  qu'il  auroit  pu  en  gagner  ,  & 
donne  un  jetton  à  chaque  joiieur. 

Pour  faire  joiier  au  jeu ,  il  faut  avoir  en  main  un 
jeu  dont  on  puiffe  faire  trois  mains ,  ou  deux  tout  au 
moins ,  que  l'on  doit  fe  hâter  de  faire  le  premier  pour 
gagner.  L'expérience  apprendra  bientôt  quels  font 
les  jeux  qu'on  peut  joiier. 

Celui  qui  renonce  fait  la  bête  ;  celui  qui  donne 
mal  en  eft  quitte  pour  un  jetton  à  chacun ,  &  retait  : 
lorfque  le  jeu  de  cartes  eft  faux ,  le  coup  où  il  eft 
trouvé  tel  eft  nul  ;  mais  les  précédens  font  bons. 

BÊTE  (  au  jeu  de  ).  La  bête  défigne  la  perte  que  fait 
un  joueur  qui  ne  fait  pas  trois  mains  ou  les  deux  pre- 
mières ,  quand  un  autre  joiieur  en  fait  trois. 

Bete  Jimple ;  c'eft  une  bête  faite  en  premier  lieu, 
fimplement  fur  l'enjeu  de  chaque  joueur. 

BÊTE  double;  fe  dit  d'une  bête  faite  fur  une  autre 
bête,  non-feulement  de  l'enjeu  de  chaque  joueur ,  mais 
encore  de  la  bête  qui  étoit  au  jeu  Ôt  qu'on  lé  propoioit 
de  tirer. 

BÊTE  de  renonce  ;  c'eft  le  double  payement  qu'on 
eft  obligé  de  faire  de  tout  ce  qui  s'enlève  du  jeu  dans 
un  coup  ordinaire ,  pour  n'avoir  pas  fourni  de  la  cou- 
leur qu'on  demandoit. 

*  BETELE,  betela-codi,  Hort.  Malab.  BETRE  ou 
TEMBOUL  ;  plante  qui  grimpe  &  qui  rampe  com- 
me le  lierre.  Planche  XXIX.  Hifl.  nat.  figure  3.  Ses 
feuilles  font  allez  femblables  à  celles  du  citronnier  , 
quoique  plus  longues  &  plus  étroites  à  l'extrémité  : 
elles  ont  des  petites  côtes  qui  s'étendent  d'un  bout  à 
l'autre,  comme  il  y  en  a  dans  celles  du  plantain.  Le 
fruit  A  du  betele  eft  afTez  femblable  à  la  queue  d'un 
léfard  ou  d'un  loir  :  ce  fruit  eft  rare ,  &  on  le  préfère 
à  la  feuille.  On  cultive  cette  plante  comme  la  vigne  , 
&  on  lui  donne  des  échalas  pour  la  foûtenir  ;  quel- 
quefois on  la  joint  à  l'arbre  qui  porte  l'areqne ,  ce  qui 
fait  un  ombrage  fort  agréable.  Le  bétele  croît  dans 
toutes  les  Indes  orientales ,  &  fur-tout  fur  les  côtes 
de  la  mer.  Il  n'y  en  a  point  dans  les  terres  ,  à  moins 
qu'on  ne  l'y  ait  planté. 

Les  Indiens  mâchent  des  feuilles  de  bétele  à  toute 
heure  du  jour  ,  &  même  de  la  nuit  :  mais  comme  ces 
feuilles  font  ameres ,  ils  corrigent  cette  amertume 
en  les  mêlant  avec  de  l'areque  &  un  peu  de  chaux  , 
qu'ils  enveloppent  dans  la  feuille.  D'autres  prennent 
avec  le  bétele  des  trochifques ,  qui  portent  le  nom  de 
tàte  :  ceux  qui  font  plus  riches ,  y  mêlent  du  camfre 
de  Bornéo  ,  du  bois  d'aloès  ,  du  mufc  ,  de  l'ambre 
gris ,  &c.  Le  bétele ,  ainfi  préparé  ,  eft  d'un  li  bon 
goût,  &  a  une  odeur  li  agréable ,  que  les  Indiens  ne 
peuvent  pas  s'en  paffer  ;  prefque  tous  en  ufent ,  au 
moins  ceux  qui  peuvent  s'en  procurer.  Il  y  en  a  auffi 
qui  mâchent  de  l'areque  avec  de  la  canelle.  &  du  gi- 
rofle :  mais  c'eft  ordinairement  de  l'areque  avec  un 
peu  de  chaux  enveloppée  dans  la  feuille  de  bétele  , 
comme  nous  l'avons  déjà  dit.  Ils  crachent  après  la 
première  maftication  une  liqueur  rouge ,  qui  eft  tein- 
te par  l'areque.  Ils  ont  par  l'ulage  du  bétele ,  l'haleine 
fort  douce  &  d'une  très-bonne  odeur,  qui  fe  répand 
au  point  de  parfumer  la  chambre  où  ils  iônt.  On  pré- 
tend que  fans  l'ufage  du  bétek  ou  d'autres  aromates , 


B  E  T 

ils  auroient  naturellement  l'haleine  fort  puante  :  mais 
cette  maftication  gâte  leurs  dents ,  les  noircit ,  les  ca- 
rie &  les  tait  tomber  :  il  y  a  des  Indiens  qui  n'en  ont 
plus  à  25  ans,  pour  avoir  fait  excès  du  betele. 

Lorfqu'on  fe  quitte  pour  quelque  tems ,  on  fe  fait 
préfent  de  bétele,  que  l'on  offre  dans  une  bourfe  de 
foie  ;  &  on  ne  croiroit  pas  avoir  fon  congé ,  fi  on  n'a- 
voit  reçu  du  bétele.  On  n'ofe  pas  parler  à  un  homme 
élevé  en  dignité ,  fans  avoir  la  bouche  parfumée  de 
bétele  :  il  feroit  même  impoli  de  parler  à  fon  égal  fans 
avoir  pris  cette  précaution ,  qui  empêche  la  mauvaife 
odeur  qui  pourroit  venir  de  la  bouche  ;  &  fi  par  ha- 
fard  un  homme  fe  préfente  fans  avoir  mâché  du  bé- 
tele ,  il  a  grand  foin  de  mettre  fa  main  devant  fa  bou- 
che en  parlant ,  pour  intercepter  toute  odeur  defa- 
gréable  ;  ce  qui  prouve  bien  que  les  Indiens  font  fuf- 
pecf  s  de  mauvaife  haleine.  Les  femmes ,  &  fur-tout 
les  femmes  galantes ,  font  grand  ufage  du  bétele ,  & 
le  regardent  comme  un  puiiîànt  attrait  pour  l'amour. 
On  prend  du  bétele  après  le  repas  pour  ôter  l'odeur 
des  viandes  ;  on  le  mâche  tant  que  durent  les  vifi- 
tes  ;  on  en  tient  à  la  main  ;  on  s'en  offre  en  fe  faluant 
&  à  toute  heure  :  enfin  toujours  du  bétele.  Cela  ne 
vaudroit-il  pas  mieux  que  notre  tabac  ,  au  moins 
pour  l'odeur  ;  &  fi  les  dents  s'en  trouvoient  mal ,  l'ef- 
tomac  en  feroit  plus  fain  &  plus  fort.  Il  y  a  dans  ce 
pays-ci  plus  de  gens  qui  manquent  par  l'eftomac  que 
par  les  dents.  Ray  ,  hifl.  pi.  app.  p.  19  ij. 

*  BETELFAGUI  ou  BETHELSAKI ,  (  Géog.  ) 
ville  d'Afie  dans  l'Arabie  heureufe  ,  environ  à  dix 
lieues  de  la  mer  Rouge.  Long.  65.  lat.  i5.  40. 

*  BETHLÉEM ,  (Géog.fainte.)  en  Paleftine ,  ville 
fameufe  par  la  naiffance  de  Jefus-Chrift,  n'eft  plus 
aujourd'hui  qu'un  village  fur  une  montagne ,  à  deux 
lieues  de  Jérufalem. 

*  Bethléem  ,  (  Notre-Dame  de  )  Hifl.  mod.  ordre 
militaire  inftitué  par  Pie  II.  le  18  Janvier  1459.  Ma- 
homet II.  ayant  pris  Lemnos,  Calixte  III.  la  fît  re- 
prendre par  le  cardinal  d'Aquilée  ;  &  fon  fucceffeur 
Pie  II.  pour  la  cenferver ,  créa  l'ordre  de  Notre-Da- 
me de  Bethléem.  Les  chevaliers  dévoient  demeurer  à 
Lemnos ,  &  s'oppofer  aux  courfes  que  les  Turcs  fai- 
foient  dans  l'Archipel  &  le  détroit  de  Gallipoli  :  mais 
peu  de  tems  après  l'inftitution  ,  Lemnos  fut  reprife 
par  les  Turcs ,  &  ce  grand  deffein  s'évanoiiit. 

BETHLÉÉMITES ,  (les  frères)  Hifl.  eccléf. 
c'eft  un  ordre  qui  a  été  fondé  dans  les  îles  Canaries 
par  un  gentilhomme  François  nommé  Pierre  de  Be- 
tencourt ,  pour  fervir  les  malades  dans  les  hôpitaux. 
Le  pape  Innocent  XI.  approuva  cet  ordre  en  1687, 
&  lui  preferivit  de  fuivre  la  règle  de  Saint  Auguftin. 
L'habit  eft  femblable  à  celui  des  Capucins  ,  hormis 
que  leur  ceinture  eft  de  cuir  ;  qu'ils  portent  des  fou- 
liers ,  &  qu'ils  ont  au  cou  une  médaille  ,  repréfen- 
tant  la  naiffance  de  Jefus-Chrift  à  Bethléem. 

*  BETHULIE  ,  (  Géog.facrêe.  )  ville  de  la  tribu 
de  Zabulon  dans  la  Terre-Sainte  :  elle  eft  fameufe 
par  l'hiftoire  de  Judith. 

*  BETHUNE ,  (  Géog.  )  ville  de  France  au  comté 
d'Artois,  fur  la  petite  rivière  de  Bietle.'  Long.  zo. 
18.  8.lat.5o.  31.  66. 

*  BETLlS,(Géog.)  ville  d'Afie  ,  capitale  du 
Curdiftan ,  fur  la  rivière  de  Bendmahi.  Long.  60. 
10.  lat.  3j.  20. 

BETOINE ,  f.  f.  betonica ,  (  Hifl.  nat.  bot.  )  genre 
de  plante  à  fleur  en  gueule  ,  dont  la  lèvre  fupérieure 
eft  relevée ,  pliée  en  gouttière  ,  &  échancrée  pour 
l'ordinaire  :  l'inférieure  eft  divifée  en  trois  parties  , 
dont  la  moyenne  eft  fort  grande  &  échancrée.  II 
fort  du  calice  un  piftil  qui  eft  attaché  comme  un 
clou  à  la  partie  poftérieure  de  la  fleur ,  &  entouré 
de  quatre  embryons  ,  qui  deviennent  dans  la  fuite 
autant  de  femences  oblongues ,  enfermées  dans  une 
efpeçe  de  capfule  qui  a  fervi  de  calice  à  la  fleur  : 

ajoutez 


B  E  T 

ajoutez  au  caractère  de  la  lêtoim ,  que  fes  fleurs  font 
verticillées ,  &  forment  des  épis  au  bout  des  tiges. 
Tournefort ,  lnfl.  ni  herb.  Voye^  Plante.  (  /  ) 

Elle  eft  céphaîique  ,  hépatique  ,  vulnéraire  ,  bonne 
contre  les  convulfions,  les  affections  des  nerfs  :  on  en 
prend  en  guife  de  tabac.  Les  feuilles  fraîches  de  bétoine 
broyées ,  s'appliqueront  avec  fuccès  fur  les  bleffures 
récentes.  Elle  eft  pleine  de  foufre ,  avec  un  peu  de 
fel  volatil  huileux,  &  de  terre.  La  tifanne  faite  avec 
fes  feuilles ,  la  conferve ,  &  l'eau  des  fleurs ,  le  firop 
des  fleurs  &  des  feuilles,  le  fuc  &  l'extrait  convien- 
nent dans  les  vapeurs  ,  la  feiatique ,  la  goutte  ,  la 
jauniffe  ,  la  p3ralyfie.  Ils  procurent  Fexpeôoration , 
■&  font  cracher  les  matieres'purulcntcs  ;  ils  conioli- 
dent  les  ulcères  intérieurs  ;  rétabliffent  les  fondions 
des  premières  voies  ;  pouffent  par  les  urines  le  vent , 
les  obftructions.  Les  Chirurgiens  la  font  entrer  dans 
les  emplâtres  &  cataplafmes  céphaliques. 

Emplâtu  de  bétoine.  Prenez  bétoine  verte  ,  pimpre- 
nelle ,  aigremoine  ,fauge ,  pouliot,  petite  centaurée , 
"orvale ,  de  chaque  fix  onces  ;  d'encens  ,  de  maftic  , 
de  chaque  deux  gros  ;  d'iris ,  d'ariftoloche  ronde ,  de 
chaque  fix  gros  ;  de  cire,  de  térébenthine ,  de  réfine 
de  pin  ,  de  chaque  fix  onces  ;  de  gomme  élemi ,  de 
goudron ,  de  chaque  deux  onces  ;  de  vin  blanc ,  trois 
livres.  Broyez  bien  d'abord  dans  un  mortier  toutes 
les  plantes  ;  laiffez- les  en  macération  pendant  une 
femaine  dans  le  vin  ;  remuez-les  enfuite ,  èc  les  faites 
bouillir  :  tirez  enfuite  le  fuc  par  expreflîon  ;  paffez- 
le ,  &  le  faites  bouillir  jufqu'à  la  diminution  d'un 
tiers  :  .ajoutez  le  goudron ,  la  cire  fondue  ,  la  réfine , 
les  gonimes,  &  enfin  le  dernier  de  tous  les  ingrédiens, 
la  térébenthine  :  faites  bouillir  doucement  le  tout  ; 
retirez-le  de  deffus  le  feu ,  &  le  laiffez  refroidir  ;  alors 
répandez  deffiis  l'iris  &  l'ariftoloche  réduite  en  poudre 
très -fine  :  battez  bien  le  tout  enfemble,  enforte  qu'il 
foitde  la  confiftance  d'un  emplâtre.  Cet  emplâtre  eft 
réfolutif,fondant,  déterfif&incarnatif  :  on  l'employé 
beaucoup  dans  les  maladies  de  la  tête.  (A') 

BETOIRES  ,  f.  m.  pi.  (  (Economie  ru/liq.  )  On  en- 
tend par  ce  mot,  dans  les  campagnes  où  l'on  s'en  fert, 
des  trous  creufés  en  terre  d'efpace  en  efpace  ,  com- 
medes  puits,  qu'on  emplit  enfuite  de  pierrailles.  On 
y  détermine  le  cours  des  eaux  par  des  rigoles,  afin 
qu'elles  fe  perdent  dans  les  terres.  Dans  les  grandes 
Baffe-cours  on  les  fait  de  pierre  ;  on  les  place  de  ma- 
nière que  la  faumure  du  fumier  n'y  pénètre  pas  ;  on 
les  couvre  d'une  grille  de  fer  à  mailles  ferrées  ;  on 
ne  laiffe  à  cette  grille  qu'une  petite  ouverture,  afin 
que  les  eaux  partent  feules ,  &  que  les  groffes  ordu- 
res foient  arrêtées. 

*  BETSCH AW ,  (Géog.)  ville  de  Bohême ,  abon- 
dante en  mines  d'étain. 

*  BETSKO ,  (Géog.)  petite  ville  de  la  haute  Hon- 
grie. 

*  BETTE  ,  f.  f.  (HiJI.  nat.  bot.)  On  diftingue  trois 
fortes  de  bettes  ;  la  blanche ,  la  rouge ,  &  la  bette-rave. 

La  bette  ou  poirée  blanche  ,  beta  alba,  a  la  racine 
cylindrique ,  ligneufe ,  de  la  groffeur  du  petit  doigt , 
longue  ,  blanche  ;  la  feuille  grande  ,  large ,  liffe , 
épaiffe  ,  fucculentc  ,  quelquefois  d'un  verd  blanc  , 
quelquefois  d'un  verd  plus  foncé  ;  la  faveur  nitreu- 
fe,  une  côte  épaiffe  &  large  ;  la  tige  haute  de  deux 
coudées,  grêle,  cannelée,  branchue  ;  la  fleur  placée  à 
l'aiffelle  des  feuilles  fur  de  longs  épis ,  petite ,  compo- 
fée  de  plufieurs  étamincs  garnies  de  fommets  jaunâ- 
tres ,  &  dans  un  calice  à  cinq  feuilles  un  peu  verd  , 
qui  fe  change  en  un  fruit  prefque  fphérique ,  inégal 
&  boffelé ,  qui  contient  deux  ou  trois  petites  graines 
oblongues ,  anguleuies ,  rougeâtres  ,  &c  inégalement 
arrondies. 

La  bette  ou  poirée  rouge  ,  beta  rubra  vulgaris  ,  a  la 
racine  blanche  ;  la  feuille  plus  petite  que  la  précé- 
Tom.  II. 


B  E  U 


217 


dente ,  fort  rouge  :  c'eft  par  là  qu'on  la  diftingue  de 
la  bette  blanche. 

La  bette-rave  ,  beta  rubra  radiée  rapœ:  elle  a  la  ti^e 
plus  haute  que  la  bette  ou  poirée  rouge  ;  fa  racine  eft 
groffe  de  deux  ou  trois  pouces  ,  renflée ,  &  rouge 
comme  du  fang  en-dehors  &  en-dedans. 

On  cultive  toutes  ces  efpeces  dans  les  jardins.  La 
première  donne  les  cardes  dont  on  fait  ufage  en  cui- 
fme  :  on  fait  cas  des  racines  de  bette-rave  ;  qu'on  man- 
ge en  falade  &  autrement  :  on  fe  fert  en  Médecine 
de  la  bette  blanche. 

On  trouve  par  l'analyfe ,  que  la  bette  eft  compo- 
fée  d'un  fel  effentiel  ,  ammoniacal ,  nitreux ,  mêlé 
avec  une  terre  aftringente  &  de  l'huile ,  &  délayé 
dans  beaucoup  de  phlegme.  Ses  feuilles  deffechees 
&  jettées  fur  les  charbons  ardens,  fuient  comme  le 
nitre.  On  compte  la  bette  blanche  entre  les  plantes 
émollientes. 

*  BETUWE  ou  BETAV ,  (  Géog.  )  eft  une  des 
trois  parties  qui  compofent  la  Gueldre  Hollandoife: 
c'eft  le  pays  qui  fe  trouve  entre  le  Rhin  &  le  Leck. 

BETYLES,  f.  m.  pi.  (  HiJI.  anc.  )  pierres  fameu- 
fes  dans  l'antiquité  ,  dont  on  fit  les  plus  anciennes 
idoles ,  qu'on  croyoit  animées,  auxquelles  même  on 
attribuoit  des  oracles.  Bochart  tire  l'origine  des  béty- 
les  de  cette  pierre  myftérieufe  de  Jacob  ,  fur  laquelle 
ce  patriarche  repofant  pendant  la  nuit ,  eut  une  vi- 
fion ,  &  qu'à  fen  réveil  il  oignit  d'huile  ;  d'où  le  lieu 
fut  appelle  Bethel.  Les  bétyles  étoient  d'une  groffeur 
très-médiocre  ,  de  figure  ronde ,  avec  des  cannelures 
fur  leur  furface  ;  &  on  les  croyoit  defcendiib  du  ciel. 
On  leur  attribuoit  mille  vertus  fingulieres  ,  &  entre 
autres  celles  de  faire  prendre  des  villes  &  gagner  des 
batailles  navales  aux  généraux  qui  les  portoient. 
Voye^  dans  les  Mém.  de  C  Acad.  des  Belles-Lettres,  les 
favantes  recherches  qu'a  faites  fur  cette  partie  de  la 
Mythologie  M.  Falconct ,  un  des  plus  illuftres  mem- 
bres de  cette  Académie.  (  G  ) 

*  BEVELAND  ,  (  Géog.  )  île  des  Provinces-Unies 
en  Zélande  :  l'Efcaut  la  divife  en  deux  parties ,  dont 
l'une  s'appelle  Zuyd-Beveland ,  &  l'autre  Noort-Be~ 
yeland. 

*  BEVERLAY ,  (  Géog.  )  ville  d'Angleterre  dans 
la  province  d'Yorck.  Long.  ij.  lat.  63.  48. 

*  BEVERGEN  ,  (  Géog.)  ville  d'Allemagne  dans 
le  cercle  de  Weftphalie  ,  au  duché  de  Munfter  ,  à 
neuf  lieues  de  cette  ville. 

*  BEVERUNGEN  ,  (  Géog.  )  ville  d'Allemagne 
au  diocefe  de  Paderborn ,  &  au  confluent  de  la  Beve 
&  du  "Wefer.  Long.  zj.  lat.  ôi.  40. 

*  BEUR ATH ,  (Géog.)  ville  de  Bohême  au  comté 
de  Glatz. 

BEURICHON,  oifeau.  Foyt[ RoitELÈT.  (/) 

*  BEURRE,  (HiJI.  &  œconom.  rufiiq.)  fubftance 
graffe  ,  onctueufe ,  préparée  ou  féparee  du  lait ,  en  le 
battant.  Voye^  Lait. 

Le  beurre  fe  fait  en  Barbarie,  en  mettant  le  lait  ou 
la  crème  dans  une  peau  de  bouc  ,  fufpendue  d'un  cô- 
té à  l'autre  de  la  tente ,  &  en  le  battant  des  deux  cô- 
tes uniformément.  Ce  mouvement  occafionne  une 
prompte  réparation  des  parties  onctueufes  d'avec  les 
parties  féreufes.  Voyages  de  Shaw ,  page  Z41.  Ce  n'a 
été  que  tard,  que  les  Grecs  ont  eu  connoiffance  du 
beurre:  Homère,  Théoerite ,  Euripide,  &  les  autres 
poètes  n'en  font  aucune  mention;  cependant  ils  par- 
lent fou  vent  du  lait  8c  du  fromage  :  A  idiote  qui  a  re- 
cueilli beaucoup  de  choies  fur  le  lait  &  le  fromage, 
ne  dit  rien  du  tout  du  beurre.  On  lit  dans  Pline,  que 
la  beurre  étoit  un  mets  délicat  chez  les  nations  barba- 
res, &  qui  diftinguoit  les  riches  des  pauvres. 

Les  Romains  ne  fe  fervoient  du  beurre  qu'en  re- 
mède ,  &  jamais  en  aliment  ;  Scockius  oblerve  que 
c'eft  aux  Hollandoisque  les  habitans  des  Indes  orien- 
tales doivent  la  connoiffance  du  beurre;  qu'en  Efpa- 

Ee 


îiS 


BEU 


gne  on  ne  s'en  fervoit  de  fon  tems  qu'en  médicament 
contre  les  ulcères  ;  &  il  ajoute  qu'il  n'y  a  rien  de  meil- 
leur pour  blanchir  les  dents ,  que  de  les  frotter  avec 
du  beurre. 

Clément  d'Alexandrie  remarque  que  les  anciens 
Chrétiens  d'Egypte  brûloient  du  beurre  dans  leurs 
lampes ,  fur  leurs  autels,  au  lieu  d'huile  ;  &  les  Abyl- 
finiens ,  fuivant  Godignus ,  confervent  cette  prati- 
que. Dans  les  églilés  Romaines  il  étoit  permis  ancien- 
nement pendant  les  fêtes  de  Noël ,  de  fe  fervir  de  beur- 
re au  lieu  d'huile ,  à  caufe  de  la  grande  confommation 
qui  fe  faifoit  de  cette  dernière  dans  d'autres  ufages. 
Scockius  écrivit  un  volume  aflez  gros  ,  de  butiro 
&  averfione  cafei,fur  le  beurre  &  fur  l'averfion  du  fro- 
mage, où  il  traite  de  l'origine  &  des  phénomènes  du 
beurre.  Il  a  recherché  fi  le  beurre  étoit  connu  du  tems 
d'Abraham,  &  fi  ce  n'étoit  pas  le  mets  avec  lequel 
il  traita  les  Anges  :  il  examine  comment  on  le  prépa- 
rait chez  les  Scythes,  d'où  viennent  lés  différentes 
couleurs;  il  enfeigne  comment  il  faut  lui  donner  la 
couleur  naturelle ,  le  battre,  le  faler ,  le  garder,  &c 
La  partie  du  Suffolk,  en  Angleterre,  qu'on  appelle  le 
haut  Suffolk ,  eft  un  terrein  riche,  tout  employé  à  des 
laiteries  ;  elle  paife  encore  pour  fournir  le  meilleur 
beurre ,  &  peut-être  le  plus  mauvais  fromage  d'Angle- 
terre :  le  beurre  eft  mis  en  barrils ,  ou  affaifonné  dans 
des  petites  caques,  &  vendu  à  Londres,  ou  même 
envoyé  aux  Indes  occidentales  ,  d'où  les  voyageurs 
nous  difent  qu'on  l'a  quelquefois  rapporté  aura  bon 
qu'au  départ. 

Voici  la  manière  dont  on  fait  le  beurre  dans  nos 
campagnes  :  quand  le  lait  eft  refroidi  &  un  peu  repo- 
fé ,  on  en  \  a  lever  la  crème  avec  une  grande  cueil- 
lere  bien  nette,  &  on  la  met  dans  un  pot  jufqu'à  ce 
qu'on  l'employé.  Pour  faire  le  beurre,  on  jette  la  crè- 
me dans  une  baratte,  voyei  Baratte.  Il  faut  que  la 
■baratte  foit  bien  lavée  :  on  bat  cette  crème  avec  la 
batte-beurre,  jufqu'à  ce  qu'elle  s'épaiflîfle.  S'il  arrive 
que  les  grandes  chaleurs  l'empêchent  de  prendre 
promptement;  alors  tirez  une  vache,  &  jettez  de  fon 
lait  chaud  une  jufte  quantité  dans  la  baratte;  ou,  fi 
vous  êtes  en  hyver,  approchez  un  peu  la  baratte  du 
feu  tandis  que  vous  battrez.  Il  y  en  a  qui  penfent 
que  la  crème  prend  plus  promptement ,  fi  l'on  met 
dans  la  baratte  une  pièce  d'argent.  Quand  le  beurre 
fera  bien  fait  6c  bien  lavé  avec  de  l'eau ,  on  le  ferre- 
ra dans  un  lieu  propre  &  frais. 

Le  beurre  du  mois  de  Mai  eft  le  plus  eftimé  &  le 
meilleur  ;  celui  qu'on  fait  en  été  entre  les  deux  No- 
tre-Dame ,  vient  après  :  celui  du  commencement  de 
l'automne  eft  moins  bon  que  les  précédens;  mais  il 
vaut  mieux  que  celui  qui  fe  fait  plus  tard.  Il  faut  le 
choifir  d'une  odeur  &  d'une  faveur  douce  :  quant  à 
la  couleur ,  il  faut  qu'elle  foit  jaune ,  mais  d'une  jau- 
ne peu  foncé. 

On  a  deux  fortes  de  beurre  :  le  falé  &  le  fondu. 
Pour  faler  le  beurre ,  prenez-en  deux  livres  à  la  fois  ; 
étendez-le  avec  un  rouleau  fur  une  table  bien  nette  ; 
faupoudrez-le  de  fel  bien  égrugé  ;  pliez-le  en  trois  ou 
quatre  ;  pétriffez-le  bien  ;  étendez  le  de  nouveau  ;  fa- 
lez  une  féconde  fois  &  pétrifiez;  goûtez-le  enfuite, 
&  s'il  vous  paroît  affez  l'aie ,  prenez  un  pot  de  grès , 
couvrez  le  fond  de  fel ,  mettez  y  votre  beurre ,  &  fer- 
mez votre  pot  avec  un  autre  lit  de  fel  ;  ou  faites  une 
faumure  de  fel  fondu  dans  l'eau,  &  verfez-la  deflus; 
renouveliez  de  tems  en  tems  cette  faumure  ;  mettez 
fur  cette  faumure  quelques  doubles  de  papier,  & 
placez  votre  pot  dans  un  lieu  frais. 

Pour  faire  fondre  le  beurre ,  il  faut  le  mettre  dans 
un  chaudron ,  fur  un  feu  clair  &  modéré  ;  le  faire 
bouillir  jufqu'à  ce  qu'il  foit  cuit  ;  l'écumer ,  &  le  ver- 
fer  dans  des  pots  de  grès.  Il  fe  gardera  pendant  deux 
ans  entiers,  quoiqu'on  n'y  ait  point  mis  de  fel. 
La  Bretagne  eft  celle  de  nos  provinces  qui  pafle 


BEU 

pour  fournir  le  meilleur  beurre.  Il  nous  vient  dans 
de  petits  pots  de  terre  grife ,  couvert  d'un  lit  de  fel 
blanc. 

Beurre,  en  Chimie;  les  Chimiftes  employent  ce 
mot  pour  fignifier  plufieurs  de  leurs  préparations  , 
comme  le  beurre  d'antimoine  ,  celui  d'arfenic ,  de  ci- 
re ,  de  faturne  ,  &c.  par  rapport  à  la  confiftance  de 
ces  fubftances ,  qui  approchent  de  celle  du  beurre. 

Le  beurre  d'antimoine  fe  fait  avec  une  partie  d'an- 
timoine crud  qu'on  met  en  poudre  dans  un  mortier  ; 
enfuite  on  le  broyé  fur  le  porphyre ,  en  y  mêlant  peu- 
à-peu  deux  parties  de  fublimé  corrofif.  On  met  ce 
mélange  dans  une  cornue  de  verre  qui  eft  lutée ,  & 
dont  la  moitié  refte  vuide.  On  laiflè  la  cornue  en  cet 
état  dans  un  lieu  humide,  fans  la  boucher,  pendant 
deux  ou  trois  jours  ;  enfuite  on  la  place  dans  un  bain 
de  fable  ;  on  y  ajufte  un  récipient,  &  après  avoir  luté 
les  jointures,  on  donne  un  feu  doux ,  qu'on  augmente 
peu ,  mais  qu'on  continue  long-tems ,  c'eft-à-dire , 
jufqu'à  ce  qu'il  ne  paroifle  plus  découler  rien  par  le 
bec  de  la  cornue.  En  laiflant  le  mélange  dans  la  cor- 
nue, avant  que  de  la  mettre  au  feu,  la  matière  s'hu- 
mecfe  un  peu  à  l'air,  &  l'acide  qui  eft  dans  le  fubli- 
mé corrofif,  commence  à  agir  fur  l'antimoine ,  &  s'y 
joint  plus  intimement.  Par  cette  précaution ,  on  a  aufiî 
un  beurre  moins  épais.  Si  malgré  cela ,  il  venoit  aflez 
épais  pour  s'amafler  dans  le  cou  de  la  cornue ,  il  fau- 
drait en  approcher  un  charbon  allumé,  qui  fera  fon- 
dre le  beurre,  &  le  fera  tomber  plus  promptement 
dans  le  récipient.  On  voit  aufli  que  pour  prévenir  cet 
inconvénient  de  l'embarras  du  beurre  dans  le  cou  de 
la  cornue ,  ce  qui  la  feroit  cafler ,  &  donnerait  des 
vapeurs  fort  dangereufes,  il  eft  néceflaire  d'employer 
pour  faire  cette  opération ,  une  cornue  dont  le  col 
foit  large  &  court.  On  doit  avertir  l'artifte  qu'il  faut 
qu'il  évite  foigneufement  de  refpirer  de  la  poudre  qui 
s'élève  en  broyant  le  fublimé  corrofif  avec  l'antimoi- 
ne; il  lui  fuffit  pour  cela  de  détourner  la  tête,  &  de 
broyer  doucement  &  également. 

Le  beurre  d 'antimoine  expofé  à  l'air ,  y  prend  de 
l'humidité  &  fe  liquéfie.  Lorfque  le  beurre  d' antimoine 
reflemble  plus  par  fa  confiftance  à  l'huile  qu'au  beur- 
re, on  le  nomme  Yhuile  glaciale  d'antimoine.  Il  faut 
avoir  foin  de  mettre  dans  la  cornue  le  mélange  ,  de 
façon  qu'il  ne  refte  rien  dans  le  col ,  parce  que  s'il 
y  reftoit  quelque  chofe  du  mélange,  cela  faliroit  le 
beurre. 

Si  on  a  un  beurre  d'antimoine  qui  foit  brun  &  épais, 
on  le  reefifie  pour  l'éclaircir  &  l'avoir  plus  coulant , 
&  on  le  reefifie  dans  une  cornue  à  feu  doux;  c'eftee 
qu'on  nomme  beurre  d'antimoine  rectifié. 

Bafile  Valentin  reclifioit  trois  fois  le  beurre  d'anti- 
moine avec  de  l'efprit-de-vin  ;  il  les  mettoit  digérer 
enfemble  pendant  trois  mois  avant  que  de  rediftiller  ; 
&  il  ajoûtoit  de  nouvel  efprit-de-vin  à  chaque  diftila- 
tion.  Le  beurre  d'' antimoine  devient  par  ce  moyen  li- 
quide ,  &  rouge  comme  du  fang. 

Duchefne  qui  appelloit  antidote polychrefle ,  le  beurre 
d'antimoine,  le  reftifioit  trois  fois  aufiî,  laiflant  cha- 
que fois  le  réfidu ,  &  il  cohoboit  fur  ce  beurre  d'anti- 
moine de  l'efprit  d'hydromel  vieux,  jufqu'à  ce  qu'il 
fût  doux.  Enfin  il  tirait  l'efprit  par  la  diftillation,  juf- 
qu'à ce  que  ce  qui  reftoit  fût  en  confiftance  d'huile  ; 
&  il  le  faifoit  prendre  comme  fébrifuge ,  depuis  une 
goutte  jufqu'à  fix. 

La  quantité  du  beurre  d'antimoine  qu'on  retire  eft 
le  tiers  du  mélange  qu'on  a  employé  pour  le  faire  , 
c'eft-à-dire ,  que  li  on  a  employé  quatre  onces  d'anti- 
moine &  huit  onces  de  fublimé  corrofif,  on  en  reti- 
re quatre  onces  de  beurre  d' antimoine  ;  on  doit  même 
en  tirer  quatre  onces  &  demie. 

Il  faut  obferver  que  le  récipient  qu'on  met  pour 
recevoir  le  beurre,  doit  être  fec;  s'il  étoit  humide, 
le  beurre  s'y  mettrait  en  pouflîere. 


B  E  U 

Dans  cette  opération,  le  beurre  d'antimoine  diftille 
plus  alternent  que  le  mercure,  parce  que  l'efprit  de 
fel,  en  divifant  l'antimoine,  multiplie  les  furfaces  ; 
&  au  contraire,  en  quittant  le  mercure,  les  globules 
de  celui-ci  fe  rapprochent ,  &  de  cette  manière  le 
mercure  devient  moins  volatil ,  &c  l'antimoine  moins 
pefant. 

L'efprit  de  fel  marin  eft  le  diflblvant  propre  de 
l'antimoine;  c'en1  une  des  convenances  que  les  Al- 
chimiftes  trouvent  qu'il  a  avec  l'or;  l'acide  du  fel 
marin  ayant  plus  de  rapport  avec  l'antimoine  qu'a- 
vec le  mercure,  il  quitte  celui-ci  pour  diffoudre l'an- 
timoine. 

Le  beurre  d'antimoine  eft  la  partie  métallique  de 
ce  minéral ,  divifée  &  réduite  en  une  confiftance  mol- 
le ,  par  le  moyen  de  l'acide  du  fel  marin  :  c'eft  pour- 
quoi on  peut  le  faire  avec  quelque  préparation  d'an- 
timoine que  ce  foit,  pourvu  qu'elle  contienne  la  par- 
tie métallique  de  l'antimoine ,  &  fous  quelque  forme 
qu'elle  la  contienne  :  mais  on  n'employé  plus  pré- 
fentement ,  pour  faire  le  beurre  d 'antimoine ,  que  l'an- 
timoine crud ,  parce  qu'on  ne  fait  plus  le  beurre  d'an- 
timoine ,  que  pour  faire  le  cinabre  d'antimoine.  Voye^ 
Cinabre  d'Antimoine. 

On  compte  jufqu'à  fept  manières  différentes  de 
faire  le  beurre  d'antimoine  ;  &  on  peut  dire  qu'il  y  en 
a  autant  qu'on  peut  trouver  de  moyens  d'unir  l'aci- 
de du  fel  marin  avec  la  partie  métallique  de  l'anti- 
moine. On  peut,  par  exemple,  fe  fervir  de  la  chaux 
d'argent ,  c'eft-à-dire ,  de  l'argent  diflbus  dans  l'eau- 
forte ,  &  précipité  par  l'acide  du  fel  marin  :  on  eft  af- 
furé  que  le  beurre  d'antimoine  préparé  par  ce  moyen , 
ne  contient  ni  mercure ,  ni  foufre  grofller.  Il  faut  pren- 
dre trois  parties  de  chaux  d'argent  &  une  de  régule. 

Le  beurre  d'antimoine  fait  avec  le  régule ,  eft  moins 
épais  que  celui  qu'on  fait  avec  l'antimoine  crud ,  & 
il  eft  plus  pur  lorfqu'on  le  fait  avec  l'antimoine  crud; 
il  pane  prcfque  toujours  dans  le  beurre  un  peu  de  fou- 
fre de  l'antimoine. 

Le  beurre  d'antimoine  a  été  employé  autrefois  pour 
ronger  les  mauvaifes  chairs  des  ulcères;  c'eft  un  cauf- 
tique  plus  convenable  que  n'eft  le  précipité,  parce 
que  l'antimoine  par  lui-même  eft  bon  a  mondifier  les 
ideeres.  Il  n'y  a  que  dans  le  cas  d'ulcères  véné- 
riens ,  pour  lefquels  le  précipité  de  mercure  eft  plus 
propre. 

On  (ait  la  poudre  d'algaroth  avec  le  beurre  danti- 
moiru.  Voyc^  ALGAROTH  ,  ANTIMOINE.  (A/) 

*  Beurre  de  Zinc,  (Chimie.')  on  entend  par  beur- 
re de  {inc,  la  malle  jaunâtre  qui  refte  au  fond  de  la 
cornue ,  lorfqu'on  veut  faire  la  concentration  de  l'ef- 
prit de  fel ,  en  rediftillant  une  diflblution  des  fleurs 
de  {inc  dans  cet  acide. 

Beurre  ,  (en  Pharmacie.')  fe  dit  de  plufieurs  pré- 
parations qui  ont  la  confiftance  d'un  onguent ,  &  qui 
le  préparent  de  ditfércns  ingrédiens.  Le  beurre  d'anti- 
moine préparé  par  la  Chimie  ,  eft  fort  différent  de 
ceux  dont  nous  parlons  ;  car  c'eft  un  violent  caufti- 
que.  Les  beurres  fe  préparent  dans  la  Pharmacie  ga- 
léniquc  de  la  façon  luivante. 

Beurre  de  cacao;  prenez  des  amandes  douces  ou  de 
cacao  quantité  luffifante  ;  faites-les  rôtir  dans  une 
poelle  de  fer  ;  nettoycz-lcs  de  leur  peau  ou  écorce  ; 
Lroyez-les  enfuite  iur  le  porphyre  chauffe  ;  prenez 
cette  pâte ,  &  faites-la  bouillir  dans  l'eau  au  bain- 
maric  ,  jufqu'à  ce  que  vous  voyez  la  graille  ou  l'huile 
fe  léparcr  &  lurnager:  biffez  enfuite  refroidir  \  otre 
eau  ;  ramafl'ez  la  graille  ou  l'huile  qui  fera  figée. Com- 
me cette  graiiïe  eft  un  peu  ronfle  ,  on  peut  la  faire 
fondre  plufieurs  fois  de  fuite  dans  l'eau  au  bain-marie. 
On  en  peut  préparer  de  même  de  toutes  les  femences 

3ui  ont  beaucoup  d'huile  ,  comme  les  beurres  de  noix, 
e  noifettes ,  de  noyaux  de  pêche  ,  d'abricot.  Ces  leur- 
Tome  II. 


B  E  Y 


219 


res  ne  font  que  des  huiles  figées  ;  ils  nous  paroiffent 
meilleurs  que  les  huiles  par  expreflîon.  (N) 

BEVAU ,  ou  BIVEAU ,  f.  m.  du  mot  Latin  bivium  , 
chemin  fourchu  :  c'eft  le  modèle  d'un  angle  quel- 
conque reûiligne ,  curviligne  ,  ou  le  plus  fouvent 
mixte  ,  pour  former  l'angle  que  font  deux  furfaces 
qui  fe  rencontrent.  Lorfqu'elles  font  planes ,  on  fe 
fert  pour  biveau  d'une  faufle  équerre  à  branches  mo- 
biles ,  ou  d'une  fauterelle  :  lorfqu'une  des  deux  fur- 
faces  eft  courbe  ou  toutes  les  deux ,  le  biveau  eft  un 
infiniment  de  bois  fait  exprès  en  forme  d'équerre 
ftable ,  dont  les  branches  ne  s'ouvrent  ni  ne  fe  fer- 
ment. (B) 

*  BEUTHEN,  (  Géog.)  il  y  a  deux  villes  de  ce 
nom  en  Siléfie  ;  l'une  eft  fameufe  par  une  mine  d'ar- 
gent. 

*  BEUTHNITZ,  (Géog.)  petite  ville  de  l'élefto- 
rat  de  Brandebourg. 

BEUVANTE,  f.  f.  on  nomme  ainfi  dans  le  com- 
merce de  mer  un  droit  qu'un  maître  de  barque  ou  de 
navire  fe  réferve  lorfqu'il  donne  fon  vaifleau  à  fret  : 
ce  droit  fe  règle  fuivant  la  grandeur  &  le  port  du 
vaifteau.  Aux  maîtres  de  barque  on  retient  la  place 
pour  mettre  deux  ou  trois  barriques  de  vin  ,  &  aux 
maîtres  de  navire  quatre  ou  cinq  barriques.  Au  lieu 
de  ce  droit  de  réferve ,  les  marchands  chargeurs  don- 
nent ordinairement  aux  maîtres  de  barque  ou  de 
vaiffeau  une  demi-barrique  ou  une  barrique  entière 
de  vin ,  pour  empêcher  que  lui  ni  fes  matelots  ne  boi- 
vent le  vin  du  chargement.  On  convient  aufli  quel- 
quefois pour  la  beuvante  depuis  cinq  fous  jufqu'à  huit 
fols  par  tonneau.  (G) 

*  BEWDLEY,  (  Géog.  )  ville  d'Angleterre, dans 
la  province  de  Vorcefter ,  fur  la  Saveme.  Long.  zi. 
10.  lat.  5z.  24. 

BEXUGO ,  (  Hift.  nat.  bot.  )  racine  du  Pérou,  far- 
menteufe ,  de  la  groffeur  du  doigt  ,  femblable  à  la 
viorne  dans  fes  endroits  les  plus  déliés  ;  on  lui  attri- 
bue la  vertu  purgative  ,  &  l'on  dit  que  les  Indiens  la 
préfèrent  au  méchoacan. 

BEY ,  ou  BEG  ,  f.  m.  (Hift.  mod.)  eft  le  gouverneur 
d'un  pays  ou  d'une  ville  dans  l'empire  des  Turcs: 
les  Turcs  écrivent  begh  ou  btk  ;  mais  ils  prononcent 
bey  ,  qui  fignifie  proprement/;/g/7£K/- ,  &  s'applique 
en  particulier  fuivant  l'ulage  à  un  feigneur  d'un  éten- 
dart  qu'ils  appellent  dans  la  même  langue  fangiakbeg 
ou  bey  :  fangiafek ,  qui  chez  eux  fignifie  etendart  ou 
bannière ,  marque  de  celui  qui  commande  en  quelque 
partie  confidérable  d'une  province,  &  qui  a  un  grand 
nombre  de  fpahis  ou  de  cavalerie  fous  les  ordres. 

Chaque  province  de  Turquie  eft  divifée  en  fept 
fangiackis  ou  bannières ,  dont  chacune  qualifie  un 
bey ,  &  tous  ces  beys  font  commandés  par  le  gouver- 
neur de  la  province  ,  que  l'on  appelle  aufli  beghiler , 
beghi ,  ou  bey  1er  bey  ,  c'eft-à-dire  ,  feigneur  des  feigneur  s 
ou  beys  de  la  province,  Foye{  Begler-Beg.  Ces 
beys  ont  beaucoup  de  rapport  aux  bannerets  que  l'on 
avoit  autrefois  en  Angleterre  :  le  bey  de  Tunis  en  eft 
le  prince  ou  le  roi  ;  &  ce  titre  équivaut  à  ce  que  l'on 
appelle  à  Alger  le  dey. 

Dans  le  royaume  d  Alger,chaque  province  eft  gou- 
vernée par  un  bey  ou  vice-roi ,  que  le  fouverain  éta- 
blit &  dépofe  à  fon  gré  ;  mais  dont  l'autorité  dans 
Ion  département  eft  delpotiquc ,  &  qui  dans  la  iaifon 
de  recueillir  le  tribut  des  Arabes,  eft  affilié  d'un  corps 
de  troupes  qui  lui  eft  envoyé  d'Alger.  Foyages  dt 
Shaw. 

*  BEYUPURA ,  (Hift.  nat.  Ichthyol.  )  poiflbn  de 
la  mer  du  Brefil ,  qui  a  le  dos  noir  ,  le  ventre  blanc  , 
Sêla  forme  d'efturgeon  de  Portugal  :  il  eft  long  de  i\x 
ou  fept  paumes  :  on  le  pèche  à  l'hameçon  dans  la 
pleine  mer.  Il  eft  gras,  fain  ,  &?de  bon  goût. 

*  BEZA ,  (Myth.)  divinité  adorée  à  Abyde  ,  à  l'ex- 
trémité de  la  Thébaïde.  Ses  oracles  fe  confultoient 

E  e  ij 


220  B   E   Z 

par  des  billets  cachetés.  On  porta  à  l'empereur  Conf- 
tunce  quelques-uns  de  ces  billets ,  qui  occafionnerent 
des  perquifitions  très-rigoureufes ,  &  l'emprifonne- 
ment  de  beaucoup  de  monde.  On  y  coni'ultoit  appa- 
remment l'oracle  ïiirla  durée  de  l'empire  ,  ou  fur  le 
fuccès  de  quelque  conspiration  contre  l'empereur. 

BEZANT  ou  BIZANT  ,  f.  m.  (  Hift.  &  Comm.  ) 
une  lbrte  de  monnoie  frappée  à  Byfance  dans  le  tems 
des  empereurs  Chrétiens.  Voye^  Monnoyage  & 
Monnoie. 

Le  btfant  eft  d'un  or  pur  &  fin  à  vingt-quatre  ka- 
rats  ;  mais  on  n'eft  point  d'accord  fur  la  valeur  :  de- 
là vient  que  l'or  offert  à  l'autel  par  le  roi  d'Angle- 
terre les  jours  de  fêtes ,  s'appelle  encore  bezant  ou 
binant. 

Du  Peyrat  dit  que  les  béants  n'ont  été  reçus  en 
France  que  fous  la  troilieme  race  de  nos  rois ,  depuis 
Louis  le  jeune  qui  apporta  des  bêlants  d'or  pris  fur 
les  Arabes  &  autres  infidèles  qu'il  avoit  vaincus  ;  de 
forte  que  les  rois  commencèrent  à  s'en  fervir  au  jour 
de  leur  facre  ôt  couronnement ,  où  l'on  en  préfen- 
toit  treize  à  l'offrande.  Henri  II.  en  fit  forger  exprès 
pour  cette  cérémonie,  valant  environ  un  double  du- 
cat la  pièce.  Un  double  ducat  étoit  alors  ce  que  nous 
appelions  un  louis.  Il  eft  encore  fait  mention  dans 
notre  hiftoire  de  huit  cents  mille  bêlants  d'or  payés 
aux  Sarrafins  pour  la  rançon  de  S.  Louis  &  des  fei- 
gneurs  faits  prifonniers  avec  lui.  M.  l'abbé  Goujet, 
dans  fin  fupplément  de  Moréri ,  prouve  par  des  char- 
tes &  d'autres  monumens  de  notre  hiftoire  ,  que  fous 
Philippe  le  hardi,  en  1282  ,  le  bêlant  fut  évalué  à 
huit  fous  tournois,  &  fous  Philippe  le  bel,  en  1 297, 
à  neuf  fous.  (G*) 

Bezant  ,  f.  m.  on  appelle  ainfi  dans  le  Blafon  une 
pièce  d'or  ou  d'argent  fans  marque  :  elle  eff  ronde  & 
plate  ;  &  les  paladins  François  en  mirent  de  fembla- 
bles  fur  leur  écu ,  pour  faire  connoître  qu'ils  avoient 
fait  le  voyage  de  la  Terre-fainte.  (  f  ) 

BEZANTÉ  ,  adj.  terme  de  Blafon  ;  il  fe  dit  d'une 
pièce  chargée  de  bezans ,  comme  une  bordure  be\an- 
tée  de  huit  pièces.  Voye{  Bezant. 

Rochefort  en  Angleterre ,  écartelé  d'or  &  de  gueu- 
les ,  à  la  bordure  beçantée  d'or.   (  V  ) 

BEZESTAN ,  f.  m.  (  Commerce.  )  on  nomme  ainfi 
à  Andrinople ,  &  dans  quelques  autres  principales 
villes  des  états  du  grand-Seigneur  ,  les  lieux  où  les 
marchands  ont  leurs  boutiques,  &  étalent  leurs  mar- 
chandifes.  Chaque  forte  de  marchand  a  le  fien  ;  ce 
qui  s'entend  auffi  des  ouvriers  qui  travaillent  tous 
dans  le  même  endroit.  Ce  font  ordinairement  de 
grandes  galeries  voûtées  ,  dont  les  portes  fe  ferment 
tous  les  loirs.  Quelquefois  les  concierges  ou  gardiens 
de  ces  be^eftans ,  répondent  des  marchandifes  pour 
un  droit  allez  modique  qu'on  leur  paye  pour  chaque 
boutique. 

Les  be^eftans  d'Andrinople  font  très  -  beaux ,  fur- 
tout  celui  où  fe  vendent  les  étoffes  ,  &  un  autre  où 
font  les  boutiques  des  cordonniers. 

A  Conftantinople  on  donne  le  même  nom  ,  ou  ce- 
lui de  bc^eftin ,  à  des  efpeces  de  halles  couvertes ,  où 
fe  vendent  les  plus  riches  ôc  les  plus  précieufes  mar- 
chandifes. 

Il  y  a  deux  beçejlins  dans  cette  capitale  de  l'empire 
Ottoman  ;  le  vieux  &  le  nouveau  :  le  vieux  a  été  bâ- 
ti en  146 1  ,  fous  le  règne  de  Mahomet  II.  Il  y  a  peu 
de  marchandifes  fines  :  on  y  vend  des  armes ,  &  des 
harnois  de  chevaux  affez  communs. 

Le  btieflin  neuf  eft  deftiné  pour  toutes  fortes  de 
marchandifes  ;  on  n'y  voit  guère  cependant  que  les 
marchandifes  les  plus  belles  &  les  plus  riches  ,  com- 
me de  l'orfèvrerie ,  des  fourrures  ,  des  vertes  ,  des 
tapis  ,  &  des  étoffes  d'or ,  d'argent ,  de  foie  ,  &  de 
poil  de  chèvre.  Les  pierres  précieulcs  &  la  porcelaine 
n'y  manquent  pas  non  plus. 


B  E  Z 

Ce  dernier,  qu'on  nomme  auffi  le  grand  be{ejïin  , 
eft  bâti  en  rond ,  tout  de  pierre  de  taille  :  il  y  a  qua- 
tre portes  ,  qui  ne  font  ouvertes  que  pendant  le  jour; 
on  y  enferme  pendant  la  nuit  des  gardes  pour  ia  fû- 
rete  des  boutiques.  Chaque  corps  de  métier  a  fa  pla- 
ce affignée ,  hors  de  laquelle  perfonne  ne  peut  ven- 
dre ,  ni  même  expofer  en  vente  les  mêmes  fortes  de 
marchandifes.  C'eft  dans  ce  berejïm  que  les  mar- 
chands François ,  Anglois ,  Hollandois ,  ont  leurs  bou- 
tiques de  draperie. 

Les  marchandifes  font  en  grande  fureté  dans  ces 
lieux ,  &  les  portes  en  font  fermées  de  bonne  heure. 
Les  marchands  Turcs  qui  y  ont  des  boutiques ,  vont 
coucher  chez  eux  dans  la  ville:  pour  les  marchands 
Chrétiens  ou  Juifs  ,  ils  fe  retirent  au-delà  de  l'eau  , 
&c  reviennent  le  lendemain  matin.   Voye^  Bazar. 

BhZET ,  au  jeu  du  Trictrac ,  eft  la  même  chofe  que 
deux  as. 

*  BEZETTA  ,  (  Comm.  )  c'eft  ainfi  qu'on  nomme 
du  crépon  ou  du  linon  très-fin  teint  avec  de  la  co- 
chenille. Les  meilleurs  viennent  de  Conftantinople, 
&  font  d'un  rouge  très-vif:  on  le  contrefait  à  Stral- 
bourg.  Les  dames  s'en  fervent  quelquefois  pour  fe 
farder  ,  après  l'avoir  un  peu  trempé  dans  l'eau  :  on 
peut  auffi  l'employer  pour  colorer  les  liqueurs  à  l'ef- 
prit-de-vin.  La  laine  de  Portugal ,  qui  n'eft  autre 
chofe  que  du  coton  coloré  avec  de  la  cochenille, 
fert  auffi  aux  mêmes  ufages. 

*  BEZIERS ,  (  Géog.)  ville  de  France  au  bas  Lan- 
guedoc ,fur  une  colline  près  de  l'Orbe.  Lon.  zo.  5z. 
3a.lat.43.  20.41. 

BÉZOARD  ,  f.  m.  {Hift.  nat.)  pierre  qui  fe  trouve 
dans  le  corps  de  certains  animaux.  Les  premières 
pierres  connues  fous  le  nom  de  béqoard ,  furent  ap- 
portées de  l'Orient.  Il  en  vint  enfuite  d'autres  de  l'A- 
mérique, auxquelles  on  donna  le  même  nom:  mais 
comme  elles  n'étoient  pas  abfolument  femblables 
aux  premières  ,  on  les  nomma  bé^oards  occidentaux , 
pour  les  diftinguer  des  bé^oards  orientaux.  Les  uns 
&  les  autres  font  polis  à  l'extérieur  ;  cependant  il  y 
en  a  qui  font  inégaux  &  rudes.  Les  be\oards  font  affez; 
tendres ,  &  ils  teignent  en  couleur  jaune  ,  verdâtre , 
ou  olivâtre  le  papier  frotté  de  craie,  de  cérufe  ou  de 
chaux  ,  Iorfqu'on  les.  frotte  deffus  :  ils  s'imbibent 
d'eau  &  d'efprit-de-vin  ,  &  troublent  ces  liqueurs. 
Leur  fubftance  eft  pierreufe  &  compolée  de  couches 
concentriques.  Ils  font  de  groffeur  &  de  figure  diffé- 
rentes. Il  y  en  a  qui  reffemblent  à  un  rein  ou  à  une 
fève  ;  d'autres  font  ronds,  oblongs ,  ou  ovoïdes ,  &c. 
Les  lames  formées  par  les  couches  concentriques  des 
béçoards ,  font  de  couleur  verdâtre  ou  olivâtre ,  ta- 
chetée de  blanc  dans  leur  épaiffeur.  On  les  écrafe  fa- 
cilement fous  la  dent  ;  elles  font  glutineufes  ,  &  tei- 
gnent légèrement  la  falive.  Toutes  les  lames  n'ont 
pas  la  même  couleur ,  ni  la  même  épaiffeur.  Lors- 
qu'on cafte  un  be\oard  ,  ou  Iorfqu'on  lui  donne  un 
certain  degré  de  chaleur  ,  il  fe  trouve  des  lames  qui 
s'écartent  6c  fe  féparent  les  unes  des  autres.  Il  y  a  au 
centre  de  la  plupart  des  be\oards,  une  maffe  dure  , 
graveleufe  &  affez  unie  :  on  y  trouve  des  pailles  , 
du  poil ,  des  marcaffites ,  des  caillons  ,  des  matières 
graveleufes  unies  enfemble  ,  &  auffi  dures  que  la 
pierre  ;  du  talc  ,  du  bois ,  des  noyaux  ,  prefque  fem- 
blables à  ceux  des  cerifes,  des  noyaux  de  myrobo- 
lans  ,  &c.  des  fèves  revêtues  d'une  forte  de  membra- 
ne formée  par  la  matière  du  bé^oard ,  fous  laquelle 
l'écorce  de  la  fève  fe  trouve  léchée  après  avoir  été 
.gonflée.  Quelques  béroards  fonnent  comme  des  pier- 
res d'aigle ,  parce  que  la  première  enveloppe  de  là 
fève  ayant  été  defféchée  ,  le  noyau  devient  mo- 
bile. Les  fruits  qui  fervent  de  noyau  fe  pourriffent 
quelquefois ,  &  fe  réduifent  en  pouffiere.  Il  y  a  des 
auteurs  qui  ont  vanté ,  je  ne  fai  pourquoi ,  l'efficacité 


B  E  Z 

de  cette  poufîîere.  On  a  cm  que  les  noyaux  de  ma- 
tière étrangère  dévoient  indiquer  que  les  bé^oards 
avoient  été  apprêtés  ,  &  qu'ils  étoient  faftices  :  mais 
cette  opinion  n'elt  pas  fondée.  Il  ferait  auiîi  aifé  de 
taire  un  noyau  de  matière  femblable  à  celle  du  relie 
du  be\oard ,  que  d'employer  pour  noyau  des  corps 
étrangers  ,  qui  pourroient  déceler  l'art  :  il  eft  même 
très  -  naturel  que  des  noyaux  de  fruits  ou  d'autres 
corps  qui  fe  trouvent  dans  l'eftomac  des  animaux 
qui  produifent  les  be\oards ,  y  occafionnent  leur  for- 
mation. On  prétend  que  pour  reconnoître  les  bc\oards 
faétices ,  il  faut  les  éprouver  avec  une  aiguille  rou- 
gie  au  feu  ;  fi  elle  entre  aifément  dans  la  fubflance 
du  béipard ,  c'eft  une  marque  qu'il  eft  faux  :  au  con- 
traire fi  elle  brunit  feulement  l'endroit  où  elle  ell  ap- 
pliquée fans  pénétrer ,  c'eft  une  preuve  que  le  be\oard 
eft  bon.  On  croit  que  les  bons  font  de  médiocre  grof- 
feur ,  de  couleur  brune ,  qu'ils  jauniffent  la  chaux 
vive  ,  qu'ils  verdifTent  la  craie,  qu'ils  ne  fe  difTolvent 
point  dans  l'eau ,  qu'ils  font  compofés  de  lames  fines 
&  difpofées  par  couches  ,  &c.  mais  toutes  ces  mar- 
ques font  fort  équivoques  ;  il  eft.  très-pofîible  de  don- 
ner les  mêmes  qualités  à  des  bè^oards  falfifiés  avec 
du  plâtre  ou  d'autres  matières  femblables  :  cepen- 
dant on  peut  diftinguer  les  be\oards  naturels  des  fac- 
tices. Les  premiers  font  très-reconnoiffables  pour  les 
gens  qui  en  ont  vu  beaucoup  ;  leur  couleur  n'eft  ni 
trop  pâle  ,  ni  trop  foncée  :  ils  ont  le  grain  fin ,  leur 
furface  eft  polie ,  &  leur  tiffii  ferré  ;  de  forte  que  les 
lames  dont  ils  font  compofés,  ne  fe  féparent  pas  trop 
aifément  les  unes  des  autres.  On  juge  par  le  poids  du 
bé^oard,  s'il  a  pour  noyau  un  caillou  ou  une  matière 
légère  ,  telle  que  du  poil  ou  des  fubftances  végétales. 
Le  béçoard  occidental  elt  d'une  couleur  pâle ,  &  quel- 
quefois gris  -  blanc  :  il  s'en  trouve  dont  les  lames 
iont  épailïes  &  ftriées  dans  leur  épaifTeur. 

On  ne  fait  pas  précifément  quels  font  les  animaux 
qui  portent  les  be\oards  d'Orient  &  d'Occident.  Il  pa- 
roît  que  ceux  qui  viennent  d'Egypte  ,  de  Perle ,  des 
Indes  &  de  la  Chine ,  font  produits  par  une  efpece 
de  bouc  ,  que  les  Perfans  nomment  paran  ;  ou  par 
une  chèvre  fauvage  plus  grande  que  la  nôtre  ,  que 
Clufius  nomme  capricerva,  parce  qu'elle  a  autant  d'a- 
gilité que  le  cerf.  Le  be\oard  d'Amérique  vient  aufîi 
d'une  chèvre. 

Comme  on  a  donné  le  nom  de  be\oard  à  plufieurs 
chofes  très-différentes  les  unes  des  autres ,  on  pour- 
roit  en  faire  plufieurs  claffes.  La  première  compren- 
drait les  be\oards  d'Orient  &  d'Occident.  On  met- 
trait dans  la  féconde  toutes  les  pierres  qui  font  tirées 
des  animaux ,  &  qui  approchent  des  bé^oards  par  leur 
ftructure  &  leur  vertu  :  tels  font  les  bé^oards  de  finge , 
de  cayman,  &c.  les  yeux  d'écrevifles  ,  &  toutes  les 
différentes  fortes  de  perles.  La  troifieme  chiffe  com- 
prendrait les  matières  qui  font  figurées  comme  le  be- 
^eard,  fans  en  avoir  les  vertus  :  telles  font  la  pierre  ti- 
rée de  la  veffie  de  l'homme ,  celles  des  reins ,  de  la 
véficule  du  fiel ,  &  celles  qui  fe  trouvent  dans  la  vé- 
licule  du  fiel  des  bœufs  &  des  autres  animaux.  Les 
égagropiles  feraient  dans  la  quatrième  claffe.  Voye^ 
Egagkopile.  Et  dans  la  cinquième  ,  les  bhoards 
folliles.  /'oye^BÉZOARD  FOSSILE.  Mém.  dcVAcad. 
royale  des  Sciences,  ann.  ijio.  page  2j3.  par  M. 
Geoffroy  le  jeune.  (/) 

Bezoard  minéral,  pierre  de  couleur  blanche 
ou  cendrée  ,  de  figure  irrégulierc ,  &  le  plus  fouvent 
arrondie  :  elle  eft  compoiée  de  différentes  couches 
friables  ,  placées  fiiccclllvement  les  unes  fur  les  au- 
tres. Il  y  a  quelquefois  au  centre  de  la  pierre  un  petit 
noyau  pierreux,  un  grain  de  fable,  une  petite  co- 
quille ,  ou  un  morceau  de  charbon  de  terre.  Ces  pier- 
res font  de  la  groffeur  d'une  aveline ,  d'une  noix ,  ou 
même  d'un  ceuf  d'oie.  On  en  trouve  en  plufieurs  en- 
droits :  en  France,  auprès  de  Montpellier  ;  en  Sicile, 


B  E  Z 


221 


autour  du  mont  Madon  ;  en  Italie ,  dans  le  territoire 
de  Tivoli  ;  en  Amérique,  dans  la  nouvelle  Efpagne, 
dans  le  fleuve  de  Detzhuatland  ;  d'où  on  en  tire  de 
fort  grofîes  ;  &  en  bien  d'autres  endroits  :  car  le  be- 
zoard folTile  ne  doit  pas  être  plus  rare  que  la  pierre 
Ammite.  (/) 

BEZOAR-MINERAL ,  (  Chimie.  )  c'eft  un  remède 
connu  dans  la  Pharmacie  :  il  fe  fait  avec  le  beurre 
d'antimoine  dont  on  prend  trois  onces  ,  fur  lefquel- 
les  on  verfe  bien  doucement  égale  quantité  d'efprit 
de  nitre  ,  qu'on  en  retire  parla  diftillation  au  feu  de 
fable  ;  on  reverfe  enfuite  cet  efprit  de  nitre  deffus  le 
réfidu  avec  une  once  de  plus  ;  on  réitère  ces  diftil- 
lations  &  cohobations  trois  ou  quatre  fois  ;  cela  fait, 
on  réduit  en  poudre  le  réfidu  ,  &  on  le  calcine  dans 
un  creufet  ;  on  le  lave  enfuite  dans  plufieurs  eaux  , 
ou  on  brûle  de  l'efprit-de-vin  par-delTus.  Cette  pré- 
paration de  l'antimoine  eft  un  très-grand  fudorifique, 
qui  a  même  plus  d'efficacité  que  l'antimoine  diapho- 
nique, roj^  /'am'cfe  Antimoine.  (— ) 

Bezoar  martial,  (  Chim.  )  fe  fait  en  mettant 
dans  le  creufet  une  partie  de  limaille  de  fer,  avec 
deux  partiesd'antimoine;on  y  ajoute  un  peu  de  nitre, 
qu'on  allume  pour  faciliter  la  fonte,  qui  doit  être  li- 
quide :  on  a  foin  de  remuer  doucement  avec  une  ba- 
guette de  fer  qui  puiffe  aller  jufqu'au  fond  du  creu- 
fet ;  par  ce  moyen  le  régule  qui  eft  en  fufion  ronge 
la  baguette ,  &  tourne  en  feories  avec  elle.  Pour  fa- 
ciliter l'opération  ,  il  eft  bon  d'y  jetter  de  tems  en 
tems  du  nitre.  Après  avoir  tenu  le  mélange  en  fu- 
fion pendant  une  demi-heure ,  il  faudra  retirer  la  ba- 
guette de  fer.  Si  on  voit  qu'il  n'en  part  plus  d'etin- 
celles  ,  &  qu'elle  ne  diminue  plus  par  le  bout ,  on  y 
jettera  encore  un  peu  de  nitre  ;  &  la  matière  étant 
devenue  très-îiquide ,  il  faudra  la  verfer,  la  réduire 
en  poudre  après  qu'elle  fera  refroidie  :  on  prend  une 
cuillerée  de  cette  poudre  ,  qu'on  jette  dans  deux 
fois  fa  quantité  de  nitre  mife  en  fonte  dans  un  autre 
creufet  ;  on  vuide  de  nouveau  la  matière ,  on  la  lave 
dans  de  l'eau  chaude  ,  on  l'édulcore  &:  la  feche.  On 
dit  que  ce  bezoar  martial  eft  un  excellent  remède  pour 
la  jauniflè,  les  hypochondres ,  &c.  (— ) 

Bezoar  solaire  ou  d'or  ,  (  Chimie.  )  fe  fait  en 
verfant  une  folution  d'or  faite  dans  l'eau  régale  ,  ou 
la  folution  d'une  chaux  d'or  dans  l'efprit  de  Ici  fin- 
huit  fois ,  ou fuivant  Zu-elfer  ,  fur  quatre  fois  autant 
de  beurre  d'antimoine  ;  on  les  laiffe  en  digeftion  pen- 
dant quelque  tems  ;  on  fixe  alors  la  matière  avec  de 
l'efprit  de  nitre ,  &  on  tire  le  diffolvant  par  la  diftil- 
lation :  ce  n'eft  autre  choie  que  le  bezoar  minerai  uni 
à  une  chaux  d'or. 

BEZOAR  LUNAIRE  ,  (  Chimie.  )  fe  fait  ainli  :  pour 
chaque  once  de  beurre  d'antimoine  ,  on  dillbut 
une  dragme  d'argent  dans  l'efprit  de  nitre  ,  &  on 
s'en  fert  pour  précipiter  la  poudre  ;  ce  qui  donne  un 
bezoar  minerai  mêlé  avec  la  lune  cornee.  (— ) 
Bezoar  jovial  ou  d'étain.  (CAânie.) 
le  procédé  de  Stahl.  On  tait  fondre  enfemble  parties 
égales  de  régule  d'antimoine  &  d'étain  bien  pur,  on 
broyé  enfuite  &  pulvérife  le  mélange ,  qu'on  fait  ful- 
miner par  parties  avec  trois  fois  autant  de  nitre  à 
grand  feu  pendant  une  demi-heure;  pendant  ce  tems 
on  a  foin  de  remuer  avec  un  bâton  ;  cela  étant  tait, 
on  vuide  le  creufet ,  on  laiffe  refroidir  la  matière , 
on  la  fait  diffoudre  dans  l'eau,  ou  à  l'air  par  dtii* 
quium;  l'on  aura  par-là  une  poudre  grile  qui  eft  le  be- 
zoar d'étain.  Voyc^  Carticle  ANTI-HECTIQUE.  (-) 
BÉZOLE,  f.  f.  beiola,  (ffift.  rut.  Ieh:hyol.)po\f[on 
qui  fe  trouve  dans  le  lac  de  Laufane;  il  elt  allez  ref- 
femblant  au  lavaret,  vov^Lavaret  :  cependant  fa 
couleur  eft  moins  blanche,  &  un  peu  teinte  de  bleu  ; 
la  tête  eitplus  petite  ,  le  mufeau  plus  pointu,  le  ven- 
tre plus  large  &  plus  (aillant  ;  la  chair  eft  plus  molle 


222  B     I    A 

&  de  moindre  qualité  :  auffi  ce  poiffon  n'eft  -  il  pas 
recherché.  Rondelet.  Voye^  Poisson.   (/) 

B  H 

*  BHAVAM,f.  f.  (  Hijl.  mod.  )  déeffe  des  Indiens  ; 
c'eft  la  puiffance  à  laquelle  ils  donnent  pour  époux 
le  puiffant.  Il  paroît  que  ce  n'eft  là  qu'une  manière 
myfterieufe  de  défigner  ou  la  matière  &  la  forme  , 
ou  les  caufes  &  les  effets.  Voye^  Kircher,  Chin.  illujl. 
■pag.  l6l. 

B  I 

*  BIA ,  f.  m.  (Commerce.*)  coquille  blanche  qui  fert 
de  monnoie  aux  Indes.  Les  Siamois  lui  donnent  ce 
nom  à  la  Chine  :  mais  dans  le  refte  des  Indes ,  on  l'ap- 
pelle coris.  Voye^  Coris.  Neufbia  ou  coris  valent 
un  denier,  argent  de  France. 

*  BIAFARA,  (Géog.)  royaume  d'Afrique,  dans  la 
baffe  Ethiopie ,  dont  les  habitans  font  idolâtres.  Long. 
3j.  5o.  lat.  6.  10. 

*  BI AFARES ,  f.  m.  pi.  (Géog.)  peuples  d'Afrique , 
fur  la  côte  de  Guinée ,  vis-à-vis  les  îles  de  Bifagos. 

*  BIALA ,  (Géog.')  ville  du  palatinatdeRava ,  dans 
la  grande  Pologne. 

*  Biala,  (  Géog.)  ville  du  palatinat  de  Briefcia  , 
dans  le  grand  duché  de  Lithuanie. 

*  BI  ALOGROD ,  (  Géog.  )  ville  de  la  Beffarabie , 
fur  le  Niefter,  appartenante  aux  Turcs  ;  cette  ville 
s'appelle  auffi  Akerman.  Long.  4g.  20.  lat.  46.  24. 

*  BI  ALOGRODKO ,  (  Géog.)  ville  capitale  de  l'U- 
kraine ,  fituée  en  "SVolhinie ,  fur  la  rivière  d'Onetz ,  qui 
fe  jette  dans  le  Don ,  elle  appartient  aux  Mofcovites. 

BIAIS  ,  f.  m.  en  Architecture ,  on  entend  par  ce  nom 
les  obliquités  ou  angles  faillans,  qu'on  ne  peut  évi- 
ter dans  un  mur  de  face  ou  mitoyen,  à  caule  du  cou- 
de que  forment  fouvent  les  rues  d'une  ville  ou  d'un 
grand  chemin ,  ou  le  terrein  de  fon  voilin  avec  le 
lien ,  par  une  fuite  des  partages  qui  ont  été  faits  avant 
l'acquifition.  (F) 

Biais  ,  Biaiser  ,  (Jardinage.)  c'eft  à  l'art  qu'il  ap- 
partient de  racheter  les  biais  d'un  jardin ,  qui  forment 
des  alignemens  irréguliers  &  des  formes  bifarres ,  &c 
c'eft  ce  qu'on  zppelle  fauver  un  biais. 

Dans  les  pièces  couvertes ,  comme  font  les  bof- 
quets ,  une  ligne  droite  que  forme  une  paliffade ,  re- 
dreffe  un  biais  qui  fe  perd  dans  les  quarrés  de  bois. 

Dans  les  lieux  découverts ,  tels  qu'un  parterre  , 
un  boulingrin ,  le  biais  paroît  un  peu  plus ,  mais  il  fe 
fauve  dans  l'étendue,  &  on  ne  peut  juger  que  par 
le  plan ,  de  l'irrégularité  du  terrein. 

On  rejette  le  biais  fur  les  plattes-bandes  dans  les 
petits  jardins ,  en  régularifant  la  pièce  du  milieu ,  & 
on  redreffe  les  plattes-bandes  par  un  trait  de  buis  ; 
des  lifieres  de  bois  &  de  broffailles  rachètent  le  biais 
des  murs  ;  &  les  coudes  des  allées  qui  ne  peuvent  s'a- 
ligner ,  fe  corrigent  par  le  moyen  d'un  berceau  ou 
d'un  banc  places  à  propos  dans  l'angle. 

Pour  rendre  le  biais  plus  tolérable  d'un  quarré  long 
dont  deux  côtés  oppolés  font  inégaux ,  entrez  par  le 
petit  côté,  la  perfpeûive  racourcirale  grand.  (K) 

B  I  AI  S  ,  (  Manège.)  aller  en  biais,  c'eft-à-dire,  les 
épaules  avant  la  croupe.  Faire  aller  un  cheval  en  biais. 
La  leçon  du  biais  au  paffager.  Si  les  épaules  font  avant 
la  croupe ,  le  cheval  eft  en  biais ,  &  a  la  croupe  un  peu 
en  dehors.  Mettre  le  cheval  en  biais,  tantôt  à  une 
main ,  &  puis  le  pouffer  en  avant  ;  tantôt  à  l'autre  , 
&  puis  le  pouffer  de  même  en  avant ,  &  réitérer  cela 
de  main  en  main  &  en  avant ,  lui  fait  obéir  la  main 
&  le  talon ,  &  eft  une  excellente  leçon  ;  mais  d'autant 
qu'il  eft  mis  en  biais ,  il  faut  que  les  parties  de  devant 
aillent  toujours  avant  celles  de  derrière.  La  manière 
de  faire  aller  im  cheval  en  biais  ;  de  lui  faire  faire 
des  courbettes  en  biais  ;  de  le  mettre  au  pas  en  biais , 
&  en  courbette  en  biais,  eft  fort  détaillée  dans  New- 


B  I  B 

caflle.  Pour  aller  en  biais,  il  faut  aider  auffi  à  toutes 
mains  le  cheval  de  la  rêne  de  dehors ,  &  foùtenir , 
c'eft-à-dire ,  le  tenir  ferme ,  fans  lui  donner  aucun 
tems  :  car  le  cheval  le  prend  mieux  qu'on  ne  peut  le 
lui  donner.  Il  faut  auffi  l'aider  de  la  jambe  de  dehors  ; 
c'eft-à-dire,  qu'il  faut  que  la  rêne  &  la  jambe  foient 
d'un  même  côté,  &  toujours  en  dehors.  (V) 

*  BIALOZERKIEW,  (Géog.)  ville  du  palatinat 
de  Kiovie  ,  en  Pologne,  fur  la  rivière  de  Roft. 

*  BIALY-KAMEN,  (Géog.),  petite  ville  de  la 
Ruffie ,  fur  la  rivière  de  Bug. 

BIAN,  eft  un  terme  ufité  dans  Ie5  coutumes  d'An- 
jou, de  Poitou,  d'Angoumois,  &  de  S.  Jeand'Ange- 
ly ,  pour  lignifier  ce  que  nous  appelions  corvée.  Voye?^ 
Corvée.  (H) 

*  BIANA,  (Géog.)  ville  d'Afie ,  dans  les  états  du 
Mogol  ;  on  y  trouve  d'excellent  indigo  ;  elle  eft  à  20 
lieues  d'Agra.  Long.  gS.  30.  lat.  46.  Z4. 

*  BI  ANDR  A  ou  BI  ANDRATE  ,(Géog.  )  petite  ville 
du  Milanois ,  fur  les  frontières  du  comté  de  Verceil. 

*  BIARQUE,  f.  m.  (Hifl.  anc.)  intendant  des  vi- 
vres, à  la  cour  des  empereurs  deConftantinople.Sa 
charge  s'appelloit  biarchie ,  de  /3/pç,  vie,  &  àçyji, 
chefi  c'étoitla  même  dans  le  palais  de  l'empereur, 
que  celle  du  prœfeclus  annonce  dans   Rome. 

BIATHANATES,  du  grec  Ciaba.vd]o) ,  fuicides ,  ou 
ceux  qui  fe  tuent  eux-mêmes.  Poye*  Suicide. 

Le  doyen  de  S.  Paul  de  Londres  a  compofé,  fous 
le  titre  de  Biathanatus ,  un  ouvrage  imprimé  à  Lon- 
dres ,  in- 40.  dans  lequel  il  entreprend  de  prouver  cet- 
te propolition ,  ou  plutôt  cet  étrange  paradoxe  :  que 
lefuicide  nefl  pas  jï  ejfentiellement  un  péché,  qu'il  ne 
puiffe  jamais  ccjjer  de  fétre.  (G) 

BIBA  ,  (Hijl.  nat.  bot.)  c'eft  le  nom  qu'on  donne  à 
l'arbre  qui  produit  Yanacardium.  Voy.  V article  Ana- 
carde. (/) 

*  BIBBY,  (  Hifl.  nat.  bot.  )  arbre  qui  croît  dans  la 
terre-ferme  de  l'Amérique,  dont  il  fort  beaucoup 
d'un  jus  auquel  les  Anglois  donnent  auffi  le  nom  de 
bibby  ;  fon  tronc  eft  droit,  de  la  groffeur  de  la  cuiffe, 
de  foixante  à  foixante-dix  pies  de  haut ,  fans  bran- 
ches ni  feuilles  jufqu'au  fommet ,  &c  chargé  de  poin- 
tes ;  le  fruit  croît  au-deffous ,  &  tout  au-tour  de  l'en- 
droit où  les  branches  commencent  à  pouffer  :  le  bois 
en  eft  très-dur ,  &  noir  comme  de  l'encre.  Les  Indiens 
ne  font  pas  dans  l'ufage  de  le  couper  :  mais  ils  le  brû- 
lent pour  en  avoir  le  fruit,  qui  eft  blanchâtre,  hui- 
leux ,  &  de  la  groffeur  d'une  noix  de  mufeade  ;  on  le 
pile  dans  des  mortiers  de  bois;  on  le  fait  cuire,  &c 
on  le  paffe  à  la  chauffe  ;  lorfque  ce  jus  eft  refroidi , 
on  en  ôte  une  huile  limpide  très-amere,  qui  nage  à 
la  furface;  les  fauvages  s'en  fervent  pour  fe  frotter  , 
&  y  mêlent  des  couleurs  pour  fe  peindre  le  corps. 
Lorfque  cet  arbre  eft  encore  jeune,  ils  y  font  une  in- 
cifion,  &il  en  fort  beaucoup  de  jus,  qui  reffemble  à 
du  petit  lait  ;  il  a  un  goût  aigrelet ,  mais  affez  agréa- 
ble ;  les  Indiens  le  boivent  après  l'avoir  laiffé  repo- 
fer  pendant  quelques  jours. 

*  BIBEN,  (Géog.)  ville  de  l'Iftrie,  dans  le  comté 
de  Mitterburg. 

*  BIBER,  (  Géog.)  petite  rivière,  dans  le  duché 
de  Magdcbourg. 

*  BIBERACH ,  (Géog.)  ville  libre  6k  impériale  de  la 
Soùabe ,  à  quatre  lieues  d'Ulm,  fur  la  rivière  de  Rufs, 
&  le  ruiffeau  de  Biber.  Lons,.  27.32.  lat.  48. 4. 

*  BIBERISCH,(Gt%. )  petite  rivière  de  laMif- 
nie ,  qui  tombe  dans  la  Moldave  à  Noffen. 

*  BIBERTEICH,  {Géog.)  petite  ville  de  Silène, 
dans  la  principauté  de  Croffen. 

•*  BIBESIE  &  EDESIE,  f.  f.  (Mith.)  déeffes  des 
banquets  :  l'une  préfidoit  au  vin ,  &  l'autre  à  la  bon- 
ne-chere. 

BIBLE  ,  f.  f.  (  Théol.  )  t«#&u'<*  ,  pluriel  de  jS/fo/cr, 
livre;  c'elhà-dire  ,  les  écritures  ou  livre  par  excellence, 


B  I  B 

'Voyei  E  c  riture.  C'eft  le  nom  que  les  Chrétiens 
donnent  à  la  collection  des  livres  facrés ,  écrits  par 
Finfpiration  du  faint-Efprit.  La  Bible  le  divife  géné- 
ralement en  deux  parties  ;  favoir,  l'ancien  ik.  le  nou- 
veau Tcftament.  On  appelle  livres  de  l'ancien  Tejla- 
ment ,  ceux  qui  ont  été  écrits  avant  la  naiffance  de 
Jefus-Chrift ,  &c  qui  contiennent ,  outre  la  loi  &  l'hif- 
toire  des  Juifs ,  les  prédictions  des  prophètes  touchant 
le  Mefîie  ,  &  divers  livres  ou  traités  de  morale.  Le 
nouveau  Teftament  contient  les  livres  écrits  depuis 
la  mort  de  Jefus-Chrift  par  les  apôtres  ou  fes  dilci- 
ples. 

Suivant  la  décifion  du  concile  de  Trente  ,fejf.  4. 
les  livres  de  l'ancien  Tcftament  font  le  Pentatcuque , 
qui  comprend  les  cinq  livres  de  Moyfe  ,  lavoir  la 
Genefe ,  l'Exode ,  le  Lévitique  ,  les  Nombres ,  &  le 
Deuteronome  :  viennent  eniuite  les  livres  de  Jofué , 
des  Juges,  de  Ruth  ,  les  quatre  livres  des  Rois,  les 
deux  de  Paralipomenes  ,  le  premier  &  le  fécond  d'Ef- 
dras  ;  ceux  de  Tobie ,  de  Judith ,  d'Efther ,  de  Job  ;  le 
Pfeautier  de  David ,  contenant  cent  cinquante  pfeau- 
mes  ;  les  Proverbes,  l'Eccléfiafte,  la  Sageffe,  l'Ec- 
cléfialliquc  ,  le  Cantique  des  cantiques  ,  Haïe ,  Jéré- 
mie  &  Baruch  ;  Ezéchiel ,  Daniel ,  les  douze  petits 
Prophètes ,  &  les  deux  livres  des  Macchabées  :  ce 
qui  fait  en  tout  quarante-cinq  livres. 

Le  nouveau  Teftamcnt  en  contient  vingt -fept  , 
qui  font  les  quatre  Evangiles ,  le  livre  des  Aûes  des 
Apôtres ,  les  quatorze  épîtres  de  S.  Paul ,  l'épître  de 
S.  Jacques ,  les  deux  épîtres  de  S.  Pierre  ,  les  trois 
épîtres  de  S.Jean,  l'épure  de  S.  Jude,  &  l'Apoca- 
lypfe.  Tel  eft  à  préfent  le  canon  ou  catalogue  des 
Écritures  reçu  dans  l'Eglife  catholique  ;  mais  qui  n'eft 
pas  admis  par  toutes  les  fedes  ou  lociétés  qui  le  font 
féparées  d'elle.  Voye{  Canon. 

Quant  à  l'ancien  Tcftament ,  il  y  a  une  grande 
partie  des  livres  qu'il  contient  ,  qui  ont  été  reçus 
comme  facrés  &c  canoniques  par  les  Juifs  &  par  tous 
les  anciens  Chrétiens  :  mais  auiïi  il  y  en  a  quelques- 
uns  que  les  Juifs  n'ont  pas  reconnus ,  &  que  les  pre- 
miers Chrétiens  n'ont  pas  toujours  reçus  comme  ca- 
noniques ;  mais  qui  depuis  ont  été  mis  par  l'Eghle 
dans  le  canon  des  Livres  facrés.  Ces  derniers  font  les 
livres  de  Tobie,  de  Judith,  le  livrede  la  Sageffe ,  l'Ec- 
cléfiaftique,  6c  les  deux  livres  des  Macchabées  :  quel- 
ques-uns même  ont  douté  de  l'authenticité  des  livres 
de  Baruch  &  d'Efther.  Tous  ces  livres  ont  été  écrits 
en  langue  Hébraïque  ,  à  l'exception  de  ceux  que  les 
Juifs  ne  reconnoiffoient  point.  Les  anciens  caractè- 
res étoient  les  Samaritains  :  mais  depuis  la  captivité 
on  s'eft  fervi  des  nouveaux  caractères  Chaldécns. 
Ils  ont  été  traduits  plufieurs  fois  en  Grec  ;  la  verlïon 
la  plus  ancienne  6c  la  plus  authentique  ,  eft  celle  des 
Septante ,  dont  les  apôtres  mêmes  le  font  fervis.  Voy. 
Septante  &  Version. 

'  Quoique  la  plupart  des  livres  du  nouveau  Tcfta- 
ment ayent  auffi  été  reçus  pour  canoniques  dès  les 
premiers  tems  de  l'Eglife ,  on  a  douté  cependant  de 
l'authenticité  de  quelques-uns  ,  comme  de  l'épître 
aux  Hébreux  ,  de  celle  de  S.  Jude  ,  de  la  féconde  de 
S.  Pierre ,  de  la  féconde  &  de  la  troiiîeme  de  S.  Jean  , 
&  de  l'Apocalypfe.  Tous  les  livres  du  nouveau  Tcf- 
tament ont  été  écrits  en  Grec  ,  à  l'exception  de  l'é- 
vangile de  S.  Matthieu  &  de  l'épitre  aux  Hébreux , 
qu'on  croit  avoir  été  originairement  écrits  en  Hé- 
breu. C'eft  le  fentiment  de  S.  Jérôme,  contre  Lequel 
quelques  critiques  modernes  ont  foûtenu  ,  que  tout 
le  nouveau  Tcftament  avoit  été  écrit  en  Syriaque  : 
mais  cette  opinion  eft  également  deftituée  de  preu- 
ves &  de  vraisemblance. 

Les  exemplaires  de  la  Bible  s'étant  extrêmement 
multipliés ,  l'oit  par  rapport  aux  textes  originaux  , 
foit  par  rapport  aux  verrions  qu'on  en  a  faites  dans 
la  plupart  des  langues  mortes  ou  vivantes  ,  cette  di- 


B  I  B  aa3 

vifion  eft  la  plus  commode  pour  en  donner  une  idée 
nette  au  lecïeur.  On  diftingue  donc  les  Bibles  fdon 
la  langue  dans  laquelle  elles  font  écrites ,  en  Hébraï- 
ques ,  Greques ,  Latines ,  Chaldaïques ,  Syriaques  , 
Arabes  ,  Cophtes  ,  Arméniennes ,  Perfiennes  ,  Mof- 
covites ,  &c.  &  celles  qui  font  en  langues  vulgaires: 
nous  allons  traiter  par  ordre  6c  féparément  de  cha- 
cune. 

Les  Bibles  Hébraïques  font  ou  manuferites  ou 
imprimées.  Les  meilleures  Bibles  manuferites  font 
celles  qui  ont  été  copiées  par  les  Juifs  d'Efpagne  ; 
celles  qui  l'ont  été  par  les  Juifs  d'Allemagne  étant 
moins  exattes ,  quoiqu'en  plus  grand  nombre.  Il  eft 
facile  de  les  diftinguer  au  coup  d'œil.  Les  premières 
font  en  beaux  caractères  bien  quarrés  ;  comme  les 
Bibles  Hébraïques  de  Bomberg ,  d'Etienne ,  &  de  Pian- 
tin.  Les  autres  en  caractères  femblables  à  ceux  de 
Munfter  &  de  Gryphe.  M.  Simon  obferve  que  les 
plus  anciennes  Bibles  Hébraïques  n'ont  pas  6  ou  700 
ans.  Le  rabbin  Menahem ,  dont  on  a  imprimé  quel- 
ques ouvrages  à  Venii'e  en  16 18  fur  les  Bibles  Hé- 
braïques ,  en  cite  pourtant  un  grand  nombre ,  dont 
l'antiquité  (  à  compter  de  fon  tems  )  remontoit  déjà 
au-delà  de  600  ans.  On  trouve  plufieurs  de  ces  Bi- 
bles manuferites  dans  la  bibliothèque  du  Roi  ,  dans 
celle  des  Jéfuites  de  Paris  ,  &  dans  celle  des  PP.  de 
l'Oratoire  de  la  rue  Saint-Honoré. 

Les  plus  anciennes  Bibles  Hébraïques  imprimées  , 
font  celles  qui  ont  été  publiées  par  les  Juifs  d'Italie  , 
fur-tout  celles  de  Pefaro  &  de  Brefce.  Ceux  de  Por- 
tugal avoient  commencé  d'imprimer  quelques  parties 
de  la  Bible  à  Lisbonne ,  avant  qu'on  les  cfiaffât  de  ce 
royaume.  On  peut  remarquer  en  général ,  que  les 
meilleures  Bibles  Hébraïques  font  celles  qui  font  im- 
primées fous  les  yeux  même  des  Juifs ,  fi  foigneux  à 
obferver  jufqu'aux  points  &  aux  virgules  ,  qu'il  eft 
impoffible  qu'on  les  furpaffe  en  exactitude.  Au  com- 
mencement du  xvi.  liecle,  Daniel  Bomberg  impri- 
ma plufieurs  Bibles  Hébraïques  ,  in-fol.  &  in-40.  à  Ve- 
nife  ,  dont  quelques-unes  font  très-eftimées  des  Juifs 
&  des  Chrétiens.  La  première  fut  imprimée  en  1  <j  1 7  : 
elle  porte  le  nom  de  fon  éditeur  ,  Félix  Pratenm  ,•  & 
c'eft  la  moins  exaûe.  La  féconde  le  fut  en  1  526  ;  on 
y  joignit  les  points  des  Mafforctes ,  les  commentaires 
de  différens  rabbins  ,  &  une  préface  Hébraïque  de 
Rabbi  Jacob  Benchajim.  En  1548  ,  le  même  Bom- 
berg imprima  la  Bible  in-fol.  de  ce  dernier  rabbin  v 
c'eft  la  meilleure  &  la  plus  parfaite  de  toutes  :  elle 
eft  diftinguée  de  la  première  Bible  du  même  éditeur , 
en  ce  qu'elle  contient  le  commentaire  de  Rabbi  D. 
Kimchi  fur  les  chroniques  ;  ce  qui  n'eft  pas  dans  l'au- 
tre. Ce  fut  fur  cette  édition  que  Buxtorf  le  père  im- 
prima à  Bâle  en  16 18,  fa  Bible  Hébraïque  des  Rab- 
bins :  mais  il  fe  gliffa ,  fur-tout  dans  les  commentai- 
res de  ceux-ci,  plufieurs  fautes;  car  Buxtorf  altéra 
un  allez  grand  nombre  de  leurs  partages ,  peu  favo- 
rables aux  Chrétiens.  La  même  année  parut  à  Venife 
une  nouvelle  édition  de  h  Bible  Rabbiniquc  de  Léon 
de  Modene  ,  rabbin  de  cette  ville, qui  prétendit  avoir 
corrigé  un  grand  nombre  de  fautes  répandues  dans 
la  première  édition.  Mais  outre  que  cette  Bible  eft 
fort  inférieure  &  pour  le  papier  6c  pour  le  caractère 
aux  autres  Bibles  de  Venue  ,  elle  paffa  parles  mains 
des  Inquisiteurs ,  qui  ne  la  laifferent  pas  eu  ion  en- 
tier, quant  aux  commentaires  des  Rabbins. 

La  Bible  Hebra. :/ue  de  R.  Etienne  eft  eftimee  pour 
la  beauté  des  caractères:  mais  elle  eft  trop  infidèle. 
Plantin  a  auffi  imprimé  à  Anvers  différentes  Bibles 
ffctraîqjus  fort  belles,  dont  la  meilleure  eft  celle  de 
1566  in-4°.  Manafle  Ben  [firael,  lavant  Juif  Portu- 
«:iis  ,  donna  à  Amllerdam  deux  éditions  de  la  Bible 
en  Hébreu ,  l'une  in-*?.  &  l'autre  «-8°.  La  première 
eft  en  ikux  colonnes ,  &  par-là  plus  commode  pour 
le  lecteur.  En  1634  ,  Rabbi  Jacob  Lombrofo  en  pu- 


ai4 


B  ï  B 


blia  à  Venife  une  nouvelle  édition  în-^.  avec  de 
petites  notes  littérales  au  bas  des  pages  ,  où  les  mots 
Hébreux  font  expliqués  par  des  mots  Efpagnols. 
Cette  Bible  eft  fort  eitimée  des  Juifs  de  Conltanti- 
nople.  On  y  a  distingué  dans  le  texte  par  une  petite 
étoile  ,  les  endroits  où  il  faut  lire  le  point  camés  par 
un  camés  hatouph  ,  c'eft-à-dire  par  un  o  &  non  par 
un  a.  De  toutes  les  éditions  des  Bibles  Hébraïques 
in- 8°.  les  plus  belles  &  les  plus  correctes  font  les 
deux  de  Joleph  Athias ,  Juif  d'Amlterdam  ;  la  pre- 
mière de  1 66  ï ,  préférable  pour  le  papier  ;  l'autre 
de  1667,  plus  fidèle:  néanmoins  Vander  Hoogt  en 
à  publié  une  en  1705,  qui  l'emporte  encore  fur  ces 
deux-là. 

Après  Athias,  trois  Proteftans  qui  favoient  l'Hé- 
breu ,  s'engagèrent  à  revoir  &  à  donner  une  Bible 
Hébraïque.  Ces  trois  auteurs  étoient  Claudius ,  Ja~ 
blonski ,  &  Opitius.  L'édition  de  Claudius  fut  publiée 
à  Francfort  en  1677,  /Vz-40.  On  trouve  au  bas  des 
pages  les  différentes  leçons  des  premières  éditions  : 
mais  l'auteur  ne  paroît  pas  allez  profond  dans  la  ma- 
nière d'accentuer,  fur-tout  pour  les  livres  de  poéfie  ; 
&  d'ailleurs  cette  édition  n'ayant  pas  été  faite  fous 
fes  yeux ,  fourmille  de  fautes.  Celle  de  Jablonski  pa- 
rut à  Berlin,  àï-40.  en  1699.  L'impreffion  en  étoit 
fort  nette  ,  &  les  caractères  très-beaux  :  mais  quoi- 
que l'auteur  prétendit  s'être  fervi  de  l'édition  d'A- 
thias  &  de  celle  de  Claudius ,  pluiieurs  critiques  trou- 
vèrent néanmoins  la  fienne  trop  relTemblante  à  l'é- 
dition zVz-40.  de  Bomberg ,  pour  ne  le  foupçonner  pas 
de  l'avoir  fuivi  peut  -  être  trop  fervilement.  Celle 
d'Opitius  fut  auffi  imprimée  //2-40.  à  Keil  en  1709  : 
mais  la  beauté  du  papier  ne  répondoit  pas  à  celle  des 
caradteres  ;  d'ailleurs  l'éditeur  ne  fit  ufage  que  de  ma- 
nuicrits  Allemands  ,  négligeant  trop  ceux  qui  font 
en  France  ,  défaut  qui  lui  étoit  commun  avec  Clau- 
dius &  Jablonski.  Ces  Bibles  ont  pourtant  cet  avan- 
tage,  qu'outre  les  diviilons ,  foit  générales ,  foit  par- 
ticulières ,  en  Paraskes  &  Pemkim  ,  félon  la  manière 
des  Juifs ,  elles  ont  encore  les  divifions  en  chapitres 
&  en  verfets ,  fuivant  la  méthode  des  Chrétiens  ;  auffi 
bien  que  les  keri-ketib  ,  ou  différentes  façons  de  lire , 
&  les  fommaires  en  Latin  ;  ce  qui  les  rend  d'un  ufa^e 
très -commode  pour  les  éditions  Latines  &  les  con- 
cordances. La  petite  Bible  i/z-feize  de  Robert  Etienne 
eft  fort  eftimée  par  la  beauté  du  caradtere  :  on  doit 
obferver  qu'il  y  en  a  une  autre  édition  à  Genève 
qui  lui  eft  pareille ,  excepté  que  l'impreffion  en  eft 
mauvaife  ,  &  le  texte  moins  correft .  On  peut  ajou- 
ter à  ce  catalogue  quelques  autres  Bibles  Hébraïques 
fans  points  in-S°.  ôc  z/2-24.  fort  eftimées  des  Juifs,  non 
qu'elles  foient  plus  exactes ,  mais  parce  que  la  peti- 
teffe  du  volume  les  leur  rend  plus  commodes  dans 
leurs  fynagogues  &  dans  leurs  écoles.  Il  yen  a  deux 
éditions  de  cette  forte  ,  l'une  de  Plantin  in-%°.  à  deux 
colonnes  ,  &  l'autre  z/z-24.  imprimée  par  Raphalen- 
gius  à  Leyde  en  16 10.  On  en  trouve  auffi  une  édition 
d'Amlterdam  en  grands  caradteres ,  par  Laurent,  en 
163  1  ;  &  une  autre  in-iz.  de  Francfort ,  en  1694  , 
avec  une  préface  de  Leufden  :  mais  elle  eft  pleine 
de  fautes. 

'  Bibles  Greques.  Le  grand  nombre  de  Bibles  que 
l'on  a  publiées  en  Grec ,  peut  être  réduit  à  trois  ou 
quatre  claffes  principales  ;  favoir  celle  de  Complute 
ou  d'Alcala  de  Henarès  ;  celle  de  Venife ,  celle  de 
Rome ,  &  celle  d'Oxford.  La  première  panit  en  1  <j  1  5 
par  les  ordres  du  cardinal  Ximenès  ,  &  fut  inférée 
dans  la  Bible  Polyglotte ,  qu'on  appelle  ordinairement 
la  Bible  de  Complute  :  cette  édition  n'eft  pas  exadte 
parce  qu'en  plufieurs  endroits  on  y  a  changé  la  ver- 
îion  des  Septante ,  pour  le  conformer  au  texte  Hé- 
breu. Onl'a  cependant  réimprimée  dans  la  Polyglotte 
d'Anvers ,  dans  celle  de  Paris,  &  dans  IV/2-40.  connu 
fous  le  nom  de  Bible  de  Vatable.  y.  POLYGLOTTE. 


B  I  B 

La  féconde  Bible  Greque  eft  celle  de  Venife  qui  parut 
en  1 5 18 ,  où  le  texte  Grec  des  Septante  a  été  réim- 
primé conformément  à  ce  qu'il  étoit  dans  le  manuf- 
crit.  Cette  édition  eft  pleine  de  fautes  de  copiff.es  , 
mais  ailées  à  corriger.  On  l'a  réimprimée  à  Stras- 
bourg ,  à  Bâle ,  à  Francfort,  èc  en  d'autres  lieux ,  en 
l'altérant  toutefois  en  quelques  endroits  pour  fuivre 
le  texte  Hébreu.  La  plus  commode  de  ces  Bibles  eft 
celle  de  Francfort,  à  laquelle  on  a  ajouté  de  courtes 
fcholies,  dont  l'auteur  ne  s'eft  pas  nommé,  mais  qu'on 
attribue  à  Junius  :  elles  fervent  à  marquer  les  diffé- 
rentes interprétations  des  anciens  traducteurs  Grecs. 
La  rroifieme  eft  celle  de  Rome  en  1 5  87 ,  dans  laquelle 
on  a  inféré  des  fcholies  tirées  des  manuferits  Grecs 
des  bibliothèques  de  Rome  ,  &  recueillies  par  Pierre 
Morin.  Cette  belle  édition  fut  réimprimée  à  Paris  en 
1628  par  le  P.  Morin  de  l'Oratoire ,  qui  y  joignit  l'an- 
cienne verfion  Latine  de  Nobilius  ,  laquelle  dans  l'é- 
dition de  Rome  étoit  imprimée  léparément  avec  les 
commentaires.  L'édition  Greque  de  Rome  fe  trouve 
dans  la  Polyglotte  de  Londres  ;  &  on  y  a  ajouté  en 
marge  les  différentes  leçons  tirées  du  manuferit  d'A- 
lexandrie. On  Ta  auffi  donnée  en  Angleterre  /Vz-40. 
.  &//Z-12.  avec  quelques  changemens.  Eos  l'a  encore 
publiée  en  1709  à  Francker ,  avec  toutes  les  différen- 
tes leçons  qu'il  a  pu  recouvrer.  Enfin  la  quatrième 
Bible  Greque  eft  celle  qu'on  a  faite  en  Angleterre  d'a- 
près un  exemplaire  très-ancien ,  connu  fous  le  nom 
de  manuferit  d' 'Alexandrie  ;  parce  qu'il  avoit  été  en- 
voyé de  cette  ville.  Elle  fut  commencée  à  Oxford 
par  le  docteur  Grabe  en  1707.  Dans  cette  Bible ,  le 
manuferit  d'Alexandrie  n'eft  pas  imprimé  tel  qu'il 
étoit ,  mais  tel  qu'on  a  cru  qu'il  devoit  être  ;  c'eft-à- 
dire  ,  qu'on  l'a  changé  aux  endroits  qui  ont  paru  être 
des  fautes  de  copiftes ,  &  que  l'on  a  auffi  changé  les 
mots  qui  étoient  de  différentes  dialectes:  quelques- 
uns  ont  applaudi  à  cette  liberté  ;  d'autres  font  con- 
damnée ,  prétendant  que  le  manuferit  étoit  exact,  &C 
que  les  conjectures  ou  les  diverles  leçons  avoient  été 
rejettées  dans  les  notes  dont  il  étoit  accompagné. 
yoye{  Septante. 

Bibles  Latines.  Quoique  leur  nombre  foit  en- 
core plus  grand  que  celui  des  Bibles  Greques ,  on 
peut  les  réduire  toutes  à  trois  claffes  ;  favoir  ,  l'an- 
cienne Vulgate ,  nommée  auffi Itala,  traduite  du  Grec 
des  Septante  ;  la  Vulgate  moderne  ,  dont  la  plus 
grande  partie  eft  traduite  du  texte  Hébreu  ;  8c  les  nou- 
velles verfions  Latines  faites  fur  l'Hébreu  dans  le 
XVIe  fiecle.  De  l'ancienne  vulgate,  dont  on  fe  fer- 
voit  dans  la  primitive  Eglife,  &  fur-tout  en  occident, 
jufqu'après  le  tems  du  pape  S.  Grégoire  le  grand,  il 
ne  refte  de  livres  entiers  que  les  Pleaumes ,  le  livre 
de  la  SagelTe ,  &  l'Eccléfialte  ,  &  desfragmens  épars 
dans  les  écrits  des  Pères ,  d'où  Nobilius  a  tâché  de  la 
tirer  toute  entière  ;  projet  qui  a  été  exécuté  par  le 
P.  Sabathier,  Bénédictin.  On  trouve  un  grand  nom- 
bre d'éditions  différentes  de  la  vulgate  moderne,  qui 
eft  la  verfion  de  S.  Jérôme  faite  fur  l'Hébreu.  Le 
cardinal  Ximenès  en  fit  inférer  dans  la  Bible  de  Corn' 
plute  ,  une  qui  eft  altérée  &  corrigée  en  plufieurs  en- 
droits. La  meilleure  édition  de  la  vulgate  de  Robert 
Etienne  ,  eft  celle  de  1540,  réimprimée  en   1545, 
où  l'on  trouve  en  marge  les  différentes  leçons  des  di- 
vers manuferits  dont  il  avoit  pu  avoir  connoiflance. 
Les  docteurs  de  Louvain  l'ont  revue,  y  ont  a;oùté  de 
nouvelles  leçons  inconnues  à  Robert  Etienne  :  leur 
meilleure  édition  eft  celle  qui  contient  à  la  fin  les 
notes  critiques  de  François  Lucas  de  Bruges.  Toutes 
ces  corredtions  de  la  Bible  Latine  furent  laites  avant 
le  tems  de  Sixte  V.  &  de  Clément  VIII.  depuis  les- 
quels perfonne  n'a  ofé  faire  de  changement  au  texte 
de  la  vulgate ,  fi  ce  n'eft  dans  des  commentaires  & 
des  notes  léparées.  Les  corrections  de  Clément  VIII. 
en  1 592,  font  celles  que  l'on  fuit  dans  toute  l'Eglife 

catholique, 


B  I  B 

cathoiique  ;  car  de  deux  réformations  qu'a  fait  ce 
pontife  ,  on  s'en  eft  toujours  tenu  à  la  première.  Ce 
fiit  d'après  elle  que  Plantin  donna  ion  édition  ,  ôc 
toutes  les  autres  furent  faites  d'après  celle  de  Plan- 
tin; de  forte  que  les  Bibles  communes  font  d'après 
les  corrections  de  Clément  VIII.  Il  y  a  un  très-grand 
nombre  de  Bibles  Latines  delà  troifieme  claffe  faites 
depuis  deux  fiecles ,  &  comprenant  les  verrions  des 
originaux  des  livres  facrés  :  la  première  eft  celle  de 
Sanctez  Pagninus,  Dominicain  ;  elle  fut  imprimée  à 
Lyon  in-4 '.  en  i  <j%8  ,  &  elt  fort  eftimée  des  Juifs. 
L'auteur  la  perfectionna  ,  &  l'on  en  rit  à  Lyon  une 
belle  édition  in-fol.  en  1 542 ,  avec  des  fcholies  fous 
le  nom  de  Michael  V~dla.novj.nus  ,  auteur  de  ces  fcho- 
lies ,  que  M.  Chambers  croit  être  Michel  Servet , 
brûlé  depuis  à  Genève.  Servet  prit  ce  nom  parce 
qu'il  étoit  né  à  Villa-nueva  en  Aragon.  Ceux  de  Zu- 
rich donnèrent  auiïï  une  édition  i/z-40 '.  de  la  Bible  de 
Pagninus ,  &  Robert  Etienne  la  réimprima  in-fol. 
avec  la  vulgate  en  1  557.  On  en  trouve  encore  une 
verfion  de  1 586  en  quatre  colonnes  ,  fous  le  nom  de 
Vatable ,  qu'on  a  inférée  dans  la  Bible  en  quatre  lan- 
gues de  l'édition  d'Hambourg.  On  range  auiïï  au 
nombre  des  Bibles  Latines  la  verfion  de  Pagninus , 
corrigée  ou  plutôt  rendue  littérale  par  Arias  Monta- 
nus  ,  avec  l'approbation  des  docteurs  de  Louvain,  in- 
férée par  ordre  de  Philippe  II.  dans  la  Polyglotte  de 
Complute  ,  &  enfuite  dans  celle  de  Londres.  Il  y  en 
a  eu  différentes  éditions  in-fol.  in-40.  &  in-S°.  aux- 
quelles on  a  ajouté  le  texte  Hébreu  de  l'ancien Tefta- 
ment,  &  le  Grec  du  nouveau  :  la  meilleure  eft  celle 
de  1 571  in-fol.  Depuis  la  réformation  les  Proteftans 
ont  aurïï  donné  plufieurs  verfions  Latines  de  la  Bi- 
ble :  les  plus  eftimées  parmi  eux  font  celles  de  Munf- 
ter ,  de  Léon  Juda  ,  de  Caftalion ,  &c  de  Tremellius  ; 
les  trois  dernières  ont  été  louvent  réimprimées  ;  & 
celle  de  Caftalion  l'emporte  pour  la  beauté  du  La- 
tin,que  quelques  critiques  trouvent  pourtanttrop  af- 
fecté :  fa  meilleure  édition  eft  celle  de  1  ^73.  La  ver- 
fion de  Léon  Juda  ,  corrigée  par  les  Théologiens  de 
Salamanque  ,  a  été  jointe  à  l'ancienne  édition  pu- 
bliée par  Robert  Etienne  ,  avec  des  notes  de  Vata- 
ble. Celles  de  Junius  &  de  Tremellius  font  préférées, 
fur-tout  par  les  Calviniftes;  &  il  y  en  a  un  très- 
grand  nombre  d'éditions.  On  pourroit  ajouter  pour 
quatrième  claffe  des  Bibles  Latines  ,  comprenant  l'é- 
dition de  la  vulgate  corrigée  fur  les  originaux  ,  la 
Bible  d'Ifidore  Clarius  ou  Clario  ,  écrivain  catholi- 
que ,  Se  évêque  de  Fuligno  dans  l'Ombrie.  Cet  au- 
teur peu  content  des  corrections  de  l'ancien  Latin  , 
a  réformé  cette  dernière  traduction  aux  endroits  qu'il 
a  crû  mal  rendus  ;  fon  ouvrage  imprimé  à  Veniie  en 
j  541 ,  fut  d'abord  mis  à  l'index  ,  enfuite  permis  ,  oc 
réimprimé  àVenife  en  1 564,  à  l'exception  de  la  pré- 
face &  des  prolégomènes.  Plufieurs  proteftans  ont 
fuivi  cette  méthode.  André  &  Luc  Oliander  entr'au- 
tres  ont  publié  chacun  une  nouvelle  édition  de  la 
Vtdgate  ,  corrigée  iur  les  originaux. 

Bibles  Orientales.  On  peut  mettre  à  la  tête 
des  Bibles  Orientales  la  verfion  Samaritaine  ,  qui 
n'admet  de  l'Ecriture  que  le  Pentateuque.  Cette  ver- 
fion eft  taite  fur  le  texte  Hébreu-Samaritain  ,  un  peu 
ut  du  texte  Hébreu  des  Juifs ,  &  dans  une  lan- 
gue qui  elt  à  peu  près  la  même  que  la  Chaidaïque. 
i  re  Morin  de  l'Oratoire  eft  le  premier  qui  ait 

fait  imprimer  ce  Pentateuque  Hébreu  des  Samari- 
tains avec  la  ve'lion  ;  l'un  &  l'autre  fe  trouvent 
dans  les  Polyglottes  de  Londres  &  de  Pans.  Les  Sa- 
maritains ont  outre  cela  une  verfion  Arabe  du  Pen- 
tateuque ,  qui  n'a  point  été  imprimée  ,  &  qui  elt  mê- 
me fort  rare.  On  en  trouve  deux  exemplaires  dans 
la  bibliothèque  du  Roi.  L'auteur  fe  nomme  Abulaid, 
&  a  ajouté  en  marge  quelques  notes  littérales.  Ils 
ontauiii  l'hiftoire  de  Jofué,  mais  différence  du  livre 
Tome  II, 


B    L    B  225 

de  Jofué  que  nous  reconnoifibns  pour  canonique ,  ti- 
tre qu'ils  n'accordent  pas  au  livre  qu'ils  ont  tous  le 
même  nom. 

Bibles  Chaldéennes.  Ce  font  feulement  des 
glofes  ou  des  exportions  que  les  Juifs  ont  faites  lorf- 
qu'ils  parloient  la  langue  Chaidaïque.  Ils  les  nom- 
ment  targumim ,  ou  les paraphrafes  ;  parce  qu'en  effet 
ce  ne  font  point  de  pures  verfions  de  l'Ecriture.  Les 
meilleures  font  celles  d'Onkelos ,  qui  n'eft  que  lur  le 
Pentateuque  ,  &  celle  de  Jonathan  ,  fur  tous  les  li- 
vres que  les  Juifs  appellent  Prophètes  ;  c'eft-à-dire  , 
fur  Jofué  ,  les  Juges,  les  livres  des  Rois  ,  les  grands 
&  les  petits  Prophètes.  Les  autres  paraphraies  Chal- 
déennes font  la  plupart  remplies  de  fables  :  on  les  a 
inférées  dans  la  grande  Bible  Hébraïque  de  Veniie  & 
de  Bâle.  Mais  on  les  lit  plus  ailément  dans  les  Poly- 
glottes, où  l'on  a  mis  à  côté  la  traduction  Latine.  V 'oy. 
Targum. 

Bibles  Syriaques.  En  1561  Jean  Albert  Wid- 
manftadius  fit  imprimer  à  Vienne  en  Autriche  tout  le 
nouveau  Teftament  en  très-beaux  caractères  Syria- 
ques ,  &  cette  verfion  a  été  inférée  dans  la  Bible  de 
Philippe  IL  avec  la  traduction  Latine.  Gabriel  Sio- 
nite  a  publié  aufïï  à  Paris  en  i<jx-j  une  très-belle  édi- 
tion des  Pfeaumes  en  Syriaque  ,  avec  une  verfion 
Latine.  Quant  à  l'ancien  Teftament ,  les  Syriens  en 
ont  deux  fortes  de  verfions  :  la  première  faite  fur  le 
Grec  des  Septante  ,  n'a  jamais  été  imprimée  ;  l'autre 
qui  a  été  prife  fur  le  texte  Hébreu  ,  a  été  imprimée 
pour  la  première  fois  dans  la  grande  Bible  de  le  Jay, 
&  eniiiite  dans  la  Polyglotte  d'Angleterre.  Elle  eft  en 
ulage  chez  les  Chrétiens  d'orient,  qui  luivent  le  rit 
Syrien. 

Bibles  Arabes.  Il  y  a  un  très-çrand  nombre  de 
Bibles  Arabes  ,  dont  les  unes  font  à  Pillage  des  Juifs 
dans  les  pays  où  ils  parlent  l'Arabe;  les  autres  à  l'u- 
fage  des  Chrétiens  du  levant  qui  parlent  cette  lan- 
gue. Les  premières  ont  toutes  été  faites  lur  l'Hébreu, 
les  autres  lur  d'autres  verfions ,  comme  celle  des  Sy- 
riens lur  le  Syriaque  ,  lorique  cette  dernière  langue 
n'a  plus  été  entendue  du  peuple  ;  celie  des  Copines 
fur  leur  langue  naturelle,  quoqu'elle  tut  aufli  bien 
entendue  du  peuple  que  des  prêtres.  En  15 16  Au- 
guftm  Juftiniani ,  évêque  ue  Nebis  ,  c  nna  à  Gènes 
une  verfion  Arabe  du  Pleautier ,  avec  le  texte  Hé- 
breu &  la  paiaphrale  Chaidaïque  ,  en  y  ajoutant  les 
interprétations  Latines.  La  verfion  Arabe  de  toute 
l'Ecriture  fe  trouve  dans  les  Polyglottes  de  Paris  &C 
de  Londres.  Il  y  a  une  édition  entière  de  l'ancien 
Teftament , imprimée  à  Rome  en  1671  par  ordre  de 
la  Congrégation^  Propagandàfide,  mais  qu'on  a  vou- 
lu raire  quadrer  avec  la  Vulgate ,  &  qui  par  conlé- 
quent  n'eft  pas  toujours  exactement  conforme  au  tex- 
te hébreu.  Les  Bibles  Arabes  de  1  Europe  ne  lont  pas 
non  plus  tout-à-tait  les  mêmes  que  celles  de  l'orient  : 
plufieurs  favans  penlent  que  la  verfion  Arabe  du 
vieux  Teftament  qui  elt  imprimée  dans  les  Pol\  glot- 
tes ,  eft  au  moins  en  grande  partie  celle  de  S 
Gaon  Rabbin,  qui  vivu.t  au  commencement  du  di- 
xième fiecle;  &  la  raifon qu'ils  en  donnent  eft  qu'A- 
Ben  Ezra  ,  grand  antagonifte  de  Saadias,  cite  quel- 
que-, partages  de  cette  vei  lion  que  l'on  trouve  dan» 
les  verfions  Arabes  des  Polyglottes:  mais  d'autres 
penlent  que  la  verfion  Arabe  de  S  ladias  ne  fublifte 
plus.  En  1612  Erpenius  imprima  un  Pentateuque 
Arabe ,  que  l'on  appelloit  aufli  le  Pentateu^ 
Mauritanie  ,  parce  qu'il  étoit  à  1'ulage  des  Juifs  de 
Barbarie:  la  verfion  en  eft.très-litterale ,  è\:  parte 
pour  fort  exacte.  On  a  aufli  publié  les  quatre  1. \  an- 
géliftes  en  Arabe  avec  une  verfion  Latine  ,  in-fol.  à 
Rome  en  1 59 1 .  Cette  verfion  a  été  réimprimée  de- 
puis dans  les  Polyglottes  de  Paris  6c  de  Londres  , 
avec  quelques  changemens  faits  par  Gabriel  S;onite. 
Erpenius  donna  auiïï  à  Leyde  en  16 16  un  nouveau 

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Teftament  Arabe  en  entier,  tel  qu'il  l'avoit  trouvé 
dans  un  manulcrit. 

Bibles  Cophtes.  Ce  font  les  Bibles  des  Chré- 
tiens d'Egypte  ,  qu'on  appelle  Cophtts  ou  Coptes  ,  & 
qui  font  écrites  dans  l'ancien  langage  de  ce  pays-là. 
Il  n'y  a  aucune  partie  de  la  Bible  imprimée  en  Coph- 
te  :  mais  il  y  en  a  plufieurs  manuferits  dans  les  gran- 
des bibliothèques  ,  &  fur-tout  dans  celle  du  Roi. 
Cette  ancienne  langue  Cophte  n'étant  plus  entendue 
depuis  très-long-tems  par  les  Cophtes  mêmes  ,  ils  li- 
fent  l'Ecriture  dans  une  verfion  Arabe  ,  comme  on  le 
voit  par  les  Bibles  Cophtes  manulcrites  qui  font  à  la 
bibliothèque  du  Roi. 

Bibles  Ethiopiennes.  Les  Ethiopiens  ont  aufli 
traduit  quelques  parties  de  la  Bible  en  leur  langue  , 
comme  les  Pfeaumes ,  les  Cantiques  ,  quelques  cha- 
pitres de  la  Genefe,  Ruth,  Joël ,  Jonas  ,  Malachie, 
&  le  nouveau  Teftament ,  qui  ont  été  imprimés  d'a- 
bord léparément ,  puis  recueillis  dans  la  Polyglotte 
d'Angleterre.  Cette  verfion  a  été  faite  fur  le  Grec 
des  Septante ,  peut-être  même  fur  le  Cophte  ,  qui  a 
lui-même  été  pris  des  Septante.  Le  nouveau  Tefta- 
ment Ethiopien ,  imprimé  d'abord  à  Rome  en  1 548, 
eft  très-inexad  :  on  n'a  pas  lailié  que  de  le  faire  pal- 
fer  avec  toutes  les  fautes  dans  la  Polyglotte  de  Lon- 
dres. 

Bibles  Arméniennes.  Il  y  a  une  très-ancienne 
verfion  Arménienne  de  toute  la  Bible ,  qui  a  été  faite 
d'après  le  Grec  des  Septante  par  quelques  do&eurs 
de  cette  nation  dès  le  tems  de  S.  Jean  Chryfoftome. 
Comme  les  exemplaires  manuferits  coùtoient  beau- 
coup, Olchan  ou  Ulcham  ,  évêque  d'Ufchouanch, 
un  de  leurs  prélats  r  la  fît  imprimer  en  entier  /'/z-40. 
à  Amlterdam  en  1664  ,  avec  le  nouveau  Teftament 
in-S°.  On  avoit  cependant  imprimé  long- tems  aupa- 
ravant le  Plëautier  Arménien. 

Bibles  Persannes.  Quelques-uns  des  Pères  fem- 
blent  dire  que  toute  l'Ecriture  fut  d'abord  traduite 
en  langue  Perfanne  :  mais  il  ne  refte  rien  de  cette 
ancienne  verfion ,  qu'on  fuppofe  faite  d'après  celle 
des  Septante.  Le  Pentateuque  Perfan  imprimé  dans 
la  Polyglotte  de  Londres,  eft  l'ouvrage  de  Rabbi 
Jacob ,  Juif  Perfan.  Dans  la  même  Polyglotte  le 
trouvent  les  quatre  Evangéliftes  en  Perfan  ,  avec  la 
traduction  latine  :  mais  cette  verfion  paroît  être 
très-moderne  ,  peu  exa&e ,  &  ne  méritoit  pas  d'être 
publiée. 

Bibles  Gothiques.  On  croit  généralement  que 
Ulphilas  ouGulphilas,  évêque  des  Goths  qui  habi- 
toient  dans  la  Mcefie,  &  qui  vivoit  dans  le  IVe  fie- 
cle ,  rit  une  verfion  de  la  Bible  entière  pour  l'es  com- 
patriotes ,  à  l'exception  toutefois  des  livres  des  Rois 
qu'il  ne  voulut  pas  mettre  entre  les  mains  de  cette 
nation  allez  belliqueule  par  elle-même  ,  craignant 
que  les  guerres  &  les  combats  dont  il  y  eft  fait  men- 
tion ne  l'excitaffent  à  avoir  toujours  les  aimes  à  la 
main  ,  &  à  juftifîer  cette  conduite  par  l'exemple  des 
anciens  Hébreux.  Quoi  qu'il  en  loit ,  on  n'a  plus  rien 
de  cette  ancienne  verfion  que  les  quatre  Evangélif- 
tes ,  qui  furent  imprimés  i/z-40 .  à  Dordrecht  en  1 66  5 
d'après  un  très-ancien  manulcrit. 

Bibles  Moscovites.  La  Bible  Mofcoviteeû  une 
Bible  entière  en  langue  Sclavone  faite  lur  le  Grec  : 
elle  fut  imprimée  à  Oftravie  en  Volhinie  aux  dépens 
de  Conftantin  Baiïle  duc  d'Oftravie,  pour  Pulage  des 
Chrétiens  qui  parlent  le  Sclavon  ,  dont  la  langue 
Molcovite  eft  un  dialecfe.  On  la  nomme  communé- 
ment la  Bible  Molcovite. 

Le  nombre  des  Bibles  en  langue  vulgaire  eft  fi  pro- 
digieux ,  &  d'ailleurs  elles  lont  li  connues,  que  nous 
n'avons  pas  jugé  néceflaii  e  d'en  traiter  expi  effément. 
Voyt^  le  livre  de  Kortholtus  Allemand  ,  intitulé  de 
varits  Bibliorum  ediiionibus.  R.  Elias  Levita,  le  P.  Àlo- 
nn.  Simon  ,  Hijl.  critiq.  du  vieux  &  du  nouv,  Te/lam. 


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Bibliot.  des  aut.  ecclef.  des  trois  prem.Jïec.  par  M.  Du* 
pin ,  tome  I.  Bibliot.  jacr.  du  P.  le  Long  ;  &  celle  que  Dom 
Cal/net  a  Jointe  à  fon  diclionn.  de  la  Bible.   (Ct) 

*  Comme  nous  ne  nous  fommes  pas  propofés  feu- 
lement de  faire  un  bon  ouvrage ,  mais  encore  de 
donner  des  vues  aux  auteurs  ,  pour  en  publier  fur 
plufieurs  matières  de  meilleurs  que  ceux  qu'on  a  , 
nous  allons  finir  cet  article  par  le  plan  d'un  traité 
qui  renfermeroit  tout  ce  qu'on  peut  defirer  fur  les 
queftions  préliminaires  de  la  Bible.  Il  faudroit  divifer 
ce  traité  en  deux  parties  :  la  première  leroit  une  cri- 
tique des  livres  &  des  auteurs  de  l'Ecriture  lainte  : 
on  renfermeroit  dans  la  féconde  certaines  connoif- 
fances  générales  qui  font  néceffaires  pour  une  plus 
grande  intelligence  de  ce  qui  eft  contenu  dans  ces 
livres. 

On  diftribueroit  la  première  partie  en  trois  fec- 
tions  :  on  parleroit  dans  la  première  des  queftions 
générales  qui  concernent  tout  le  corps  de  la  bible  : 
dans  la  féconde ,  de  chaque  livre  en  particulier  &  de 
fon  auteur  :  dans  la  troilieme ,  des  livres  cités ,  per- 
dus ,  apocryphes ,  &  des  monumens  qui  ont  rapport 
à  l'Ecriture. 

Dans  la  première  de  ces  feftions  ,  on  agiteroit  fix 
queftions.  La  première  feroit  des  différens  noms  qu'on 
a  donnés  à  la  Bible,  du  nombre  des  livres  qui  la  com- 
polent ,  &  des  clalfes  différentes  qu'on  en  a  faites. 
La  leconde,  de  la  divinité  des  Ecritures  ;  on  la  prou- 
veroit  contre  les  payens  &  les  incrédules  :  del'infpi- 
ration  &  de  la  prophétie  ;  on  y  examineroit  en  quel 
fens  les  auteurs  lacrés  ont  été  infphés  ;  li  les  termes 
lont  également  infpirés  comme  les  choies  ;  fitout  ce 
que  ces  livres  contiennent  eft  de  foi ,  même  les  faits 
hiftoriques  &  les  propofitions  de  phyfique.  La  troi- 
fieme  leroit  de  l'authenticité  des  livres  lacrés  ,  du 
moyen  de  diftinguer  les  livres  véritablement  cano- 
niques d'avec  ceux  qui  ne  le  font  pas  ;  on  y  exami- 
neroit la  fameufe  controverfe  des  Chrétiens  de  la 
communion  Romaine  ,  &  de  ceux  de  la  communion 
Pioteftante,  fevoir fi TEglife juge  t 'Ecriture  ;  onexpli- 
queroit  ce  que  c'eft  que  les  livres  deutérocanoni- 
ques  ;  dans  quel  fens  &  par  quelles  raifons  ils  font  ou 
doivent  être  nommés  deutérocanoniques.  La  quatriè- 
me feroit  des  différentes  verfions  de  la  bible  &  des  di- 
verfes  éditions  de  chaque  verlion  :  on  y  parleroit 
par  occafion  de  l'ancienneté  des  langues  &  des  ca- 
ractères ;  on  en  rechercherait  l'origine  ;  on  examine- 
rait quelle  a  été  la  première  langue  du  monde;  fi  l'Hé- 
braïque mérite  cette  préférence.  S'il  n'étoit  pas  pofïï- 
ble  de  porter  une  entière  lumière  fur  ces  objets  ,  on 
déterminerait  du  moins  ce  qu'on  en  voit  diftin&e- 
ment  ;  on  rechercherait  jufqu'où  l'on  peut  compter 
fur  la  fidélité  des  copies ,  des  manuferits  ,  des  ver- 
fions ,  des  éditions ,  &  fur  leur  intégrité  ;  s'il  y  en  a 
d'authentiques  outre  la  vulgate ,  ou  lîelle  eft  la  feule 
qui  le  foit  ;  on  n'oublierait  pas  les  verfions  en  lan- 
gues vulgaires  ;  on  examineroit  li  la  leclure  en  eft 
permife  ou  défendue  ,  &  ce  qu'il  faut  penler  de  l'o- 
pinion qui  condamne  les  traductions  des  livres  facrés. 
La  cinquième  feroit  employée  à  l'examen  du  ftyle 
de  l'Ecriture ,  de  la  fource  de  Ion  obfcurité  ,  des  dif- 
férens fens  qu'elle  fouffre ,  &  dans  lelquels  elle  a  été 
citée  par  les  auteurs  eccléliaftiques;  de  fuiage  qu'on 
doit  faire  de  ces  fens ,  loit  pour  la  controverfe ,  foit 
pour  la  chaire  ou  le  myftique  :  on  y  difeuteroit  le 
point  de  conicience ,  s'il  eft  permis  d'en  faire  l'appli- 
cation à  des  objets  profanes.  La  fixieme  &  dernière 
queftion  de  la  ieftion  première  de  la  première  par- 
tie ,  traiteroit  de  la  divilîon  des  livres  en  chapitres 
&  en  verfets ,  des  différens  commentaires ,  de  I'ufage 
qu'on  peut  faire  des  rabbins,  de  leur  talmud,  de  leur 
gemare ,  &  de  leur  cabale  ;  de  quelle  autorité  doivent 
être  les  commentaires  &  les  homélies  des  pères  fur 
l'Ecriture  j  de  quel  poids  font  ceux  qui  font  venus 


B  I  B 

ilcpuis ,  Se  quels  font  les  plus  utiles  pour  l'intelligen- 
ce des  Ecritures. 

La  féconde  fedlion  feroit  divifée  en  autant  de  pe- 
tits traités  qu'il  y  a  de  livres  dans  l'Ecriture  :  on  en 
feroit  l'analyfe  Se  la  critique  ;  on  en  eclairciroit  l'hif- 
toire  ;  on  donnerait  des  diilertations  fur  les  auteurs , 
les  tems  précis,  Se  la  manière  dont  ils  ont  écrit. 

La  troifieme  feélion  comprendtoit  trois  quefrions  : 
la  première,  des  livres  cités  dans  l'Ecriture  ;  on  exa- 
minerait quels  étoient  ces  livres ,  ce  qu'ils  pouvoient 
contenir ,  qui  en  étoient  les  auteurs  ,  enfin  tout  ce 
que  les  preuves  &  les  conjectures  en  pourroient  in- 
diquer: la  féconde,  des  livres  apocryphes  qu'on  a 
voulu  faire  palier  pour  canoniques,  l'oit  qu'ils  fub- 
fiflent  encore ,  ou  qu'ils  ayent  été  perdus ,  foit  qu'ils 
ayent  été  compofés  par  des  auteurs  Chrétiens  ,  ou 
des  ennemis  de  la  religion  :  la  troifieme,  des  monu- 
mens  qui  ont  rapport  à  l'Ecriture  ,  comme  les  ouvra- 
ges de  Philon ,  de  Jofephe ,  de  Mercure  Trifmegille, 
&  de  plufieurs  autres  ;  tels  font  aufîî  les  oracles  des 
libylles,  le  iymbolc  des  apôtres  ,  Se  leurs  canons. 

Tel  feroit  l'objet  Se  la  matière  de  la  première 
partie  ;  la  féconde  comprendrait  huit  traités  :  le 
premier  feroit  de  la  Géographie  facrée  :  le  fécond  , 
de  l'origine  &  de  la  diviiion  des  peuples  ;  ce  feroit 
un  beau  commentaire  fur  le  chapitre  x.  de  la  Genc- 
fe  :  le  troilicme  ,  de  la  chronologie  de  l'Ecriture ,  où 
par  conféquent  on  travaillerait  à  éclaircir  l'ancienne 
•chronologie  des  empires  d'Egypte  ,  d'AlTyrie  ,  &  de 
•Babylone  ,  qui  fe  trouve  extrêmement  mêlée  avec 
celle  des  Hébreux  :  le  quatrième  ,  de  l'origine  &  de 
la  propagation  de  l'idolâtrie  ;  celui-ci  ne  iëroit ,  ou 
je  me  trompe  fort ,  ni  le  moins  curieux ,  ni  le  moins 
phiîofophique,  ni  le  moins  (avant  :  le  cinquième ,  de 
l'hiltoire  naturelle  relative  à  l'Ecriture ,  des  pierres 
précieufes  dont  il  y  ell  fait  mention  ,  des  animaux, 
des  plantes ,  Se  autres  productions  ;  on  rechercherait 
quels  font  ceux  de  nos  noms  auxquels  il  faudrait  rap- 
porter ceux  fous  lefquels  elles  font  défignées  :  le  li- 
xieme  ,  des  poids  ,  des  mefures ,  Se  des  monnoiesqui 
ont  été  en  ufage  chez,  les  Hébreux  ,  jufqu'au  tems  de 
Notre  Seigneur ,  ou  même  après  les  apôtres  :  le  fep- 
îicme  ,  des  idiomes  diiîerens  des  langues  principales, 
dans  lefquels  les  livres  faints  ont  été  écrits  ;  des  para- 
fes poétiques  &  proverbiales ,  des  figures ,  des  allu- 
mons ,  des  paraboles  ;  en  un  mot ,  de  ce  qui  forme 
une  bonne  partie  de  l'obfcurité  des  prophéties  &  des 
évangiles  :  le  huitième  feroit  un  abrégé  hiitorique  , 
qui  expolcroit  rapidement  les  différens  états  du  peu- 
ple Hébreu  jufqu'au  tems  des  apôtres  ;  les  différen- 
tes révolutions  furvenues  dans  ton  gouvernement , 
i'es  ufages,  fes  opinions  ,  fa  politique,  les  maximes. 

Voilà  une  idée  qui  me  paraît  allez  juite  Se  allez 
■étendue  pour  exciter  un  (avant  à  la  remplir.  Tout  ce 
qu'il  dirait  là-deflus  ne  feroit  peut-être  pas  nouveau  : 
tnais  ce  feroit  toujours  un  travail  eflimablc  Se  utile 
tau  public  ,  que  de  lui  présenter  dans  un  feul  ouvrage 
complet,  fous  un  même  ltyle,  félon  une  méthode 
claire  &  uniforme,  Se  avec  un  choix  judicieux,  des 
matériaux  difperfés,  Se  la  plupart  inconnus,  recueil- 
lis d'un  grand  nombre  de  favans. 

Qu'il  me  foit  permis  de  m'adreffer  ici  à  ceux  qui 
n'ont  pas  de  l'étendue  de  la  Théologie,  toute  l'idée 
qu'ils  en  doivent  avoir.  Le  plan  que  je  viens  de  pro- 
pofer  a  fans  doute  c!e  quoi  furprendre  par  la  quan- 
tité de  matières  qu'il  comprend  ;  ce  n'eil  pourtant 
qu'une  introduction  à  la  connoilïance  de  la  religion: 
le  Théologien  qui  les  poflede  ne  fe  trouve  encore  qu'à 
«te  du  grand  édifice  qu'il  a  à  parcourir;  une 
feule  thefe  de  licence  contient  toutes  les  queitions 
dont  je  viens  de  parler.  On  fe  perfuade  fauilement 
aujourd'hui  qu'un  Théologien  n'ell  qu'un  homme 
qui  fait  un  peu  mieux  ion  catéchiime  que  les  autres  ; 
&  fous  prétexte  qu'il  y  a  des  myfteres  dans  notre  re- 
Tor    IL 


B  I  B 


2  2*7 


ligion ,  on  s'imagine  que  toute  forte  de  raifonnemen- 
lui  font  interdits.  Je  ne  vois  aucune  feience  qui  des 
mande  plus  de  pénétration  ,  plus  de  jullefïe,  plus  de 
fineffe ,  &  plus  de  iubtilité  dans  l'efprit ,  que  la  Théo- 
logie ;  fes  deux  branches  font  immenfes  ,  la  fcholaf- 
tique  &  la  morale  ;  elles  renferment  les  queitions  les 
plus  intéreffantes.  Un  Théologien  doit  connoître  les 
devoirs  de  tous  les  états  ;  c'elt  à  lui  à  difeerner  les 
limites  qui  féparent  ce  qui  efl  permis  d'avec  ce  qui 
ell  défendu:  lorfqu'il  parle  des  devoirs  de  notre  re- 
ligion, fon  éloquence  doit  être  un  tonnerre  qui  fou- 
droyé nos  pallions  ,  &  en  arrête  le  cours  ;  ou  doit 
avoir  cette  douceur  qui  fait  entrer  imperceptible- 
ment dans  notre  ame  des  vérités  contraires  à  nos  pen- 
chans.  Quel  refpect  Se  quelle  vénération  ne  méritent 
pas  de  tels  hommes  !  Et  qu'on  ne  croye  pas  qu'un 
Théologien ,  tel  que  je  viens  de  le  peindre ,  foit  un 
être  deraifon.  Il  ell  forti  de  la  faculté  de  Théologie 
de  Paris  plufieurs  de  ces  hommes  rares.  On  lit  dans 
les  faites  les  noms  célèbres  Se  à  jamais  refpeclables 
des  Gerfons  ,  des  Duperrons ,  desRichelieux  ,  &  des 
BolTuets.Elle  ne  celle  d'en  produire  d'autres  pour  la 
confervation  des  dogmes  Se  de  la  morale  du  Chrif- 
tianifme.  Les  écrivains  qui  fe  font  échappés  d'une 
manière  inconfidérée  contre  ce  qui  fe  palle  fur  les 
bancs  de  Théologie ,  méritent  d'être  dénoncés  à  cet- 
te faculté ,  Se  par  elle  au  clergé  de  France  :  que  pen- 
fera-t-il  d'un  trait  lancé  contre  ce  corps  refpe&able  , 
dans  la  continuation  obfcure  d'un  livre  deftiné  tou- 
tefois à  révéler  aux  nations  la  gloire  de  YEglife  Gal- 
licane ,  dont  la  faculté  de  Théologie  ell  un  des  prin- 
cipaux ornemens?  Ce  trait  porte  contre  une  thefe 
qui  dure  douze  heures ,  Se  qu'on  nomme  Sorboniquc  : 
on  y  dit  plus  malignement  qu'ingénieufement ,  que 
malgré  fa  longueur  elle  na  jamais  ruiné  la  fan  té  de 
perfonne.  Cette  thefe  ne  tua  point  l'illuitre  BolTuet  : 
mais  elle  alluma  en  lui  les  rayons  de  lumière  qui 
brillent  dans  fes  ouvrages  fur  le  mérite  ,  fur  la  julti- 
fication  ,  Se  fur  la  grâce.  Elle  ne  fe  fait  point  ,  il  effc 
vrai ,  avec  cet  appareil  qu'on  remarque  dans  certains 
collèges  :  on  y  ell  plus  occupé  des  bons  argumens  Se 
des  bonnes  réponfes  ,  que  de  la  pompe  Se  de  l'olten- 
tation  ;  moyen  sûr  d'en  impofer  aux  ignora ns  :  on 
n'y  voit  perfonne  poflé  pour  arrêter  le  cours  d'une 
bonne  difficulté  ;  Se  ceux  qui  font  prépofés  pour  y 
maintenir  l'ordre,  font  pluscontens  de  voir  celui  qui 
foûtient  un  peu  embarrafïé  fur  une  objection  très- 
forte  qu'on  lui  propofe ,  que  de  l'entendre  répondre 
avec  emphafe  à  des  minuties.  Ce  n'ell  point  pour 
éblouir  le  vulgaire  que  la  faculté  fait  foùtenir  des  the- 
fes;c'eit  pour  conltaterle  mérite  de  ceux  qiriSipirent  à 
l'honneur  d'être  membres  de  fon  corps  :  aulîi  ne  voit- 
on  point  qu'elle  s'emprelfe  à  attirer  une  foule  d'ap- 
probateurs ;  tous  les  Licenciés  y  dilputent  indifférem- 
ment :  c'ell  que  ce  font  des  acles  d'épreuve  Se  non 
de  vanité.  Ce  n'ell  point  fur  un  ou  deux  traités  qu'ils 
foùtiennent ,  les  feuls  qu'ils  ayent  appris  dans  leur 
vie  ;  leurs  thefes  n'ont  d'autres  bornes  que  celles  de 
la  Théologie.  Je  l'ai  que  l'auteur  pourra  fe  défendre, 
en  difant  qu'il  n'a  rien  avancé  de  lui-même  ;  qu'il 
n'a  fait  que  rapporter  ce  qu'un  autre  avoit  dit  :  mais 
excuferoit-il quelqu'un  qui  dans  un  livre  rapporterait 
tout  ce  qu'on  a  écrit  de  vrai  ou  de  faux  contre  fon 
corps  ?  Nous  efpérons  que  ceux  à  qui  l'honneur  de 
notre  nation  Se  de  l'églife  de  France  ell  cher,  nous 
l'auront  gré  de  cette  cfpcce  de  digreffion.  Nous  rem- 
plifTons  par-là  un  de  nos  principaux  engagemeûs; 
celui  de  chercher  Se  de  dire  ,  autant  qu'il  ell  en  nous, 
la  vérité,  foye^  Faculté,  Licence,  Théolo- 
gie. 

*  BIBLIO ,  (Géog.)  ville  Se  château  de  Portugal  ; 
à  peu  de  dillance  de  Bragance. 

BIBLIOGRAPHE,  f.m.  ce  mot  \ient  du  Grec, 
Si  lignifie  une  perfonne  verlee  dans  la  connoilïance 

F'f  ij 


ai8  B  I  B 

&  le  déchiffrement  des  anciens  manufcrits  fur  l'é- 
corce  des  arbres  ,  fur  le  papier ,  &  fur  le  parchemin. 
S'caliger,  Saumaile,  Cafaubon ,  Sirmond,Petau,  & 
Mab  filon  ,  étoient  habiles  dans  cette  forte  de  fcien- 
ce  ,  à  laquelle  on  donne  le  nom  de  bibliographie. 

BIBLÏOMANE ,  f.  m.  c'efl  un  homme  poffédé  de 
la  fureur  des  livres.  Ce  caractère  original  n'a  pas 
échappé  à  la  Bruyère.  Voici  de  quelle  manière  il  le 
peint  dans  le  chap.  xiij.  de  fon  livre  des  Caractères  , 
où  il  paffe  en  revue  bien  d'autres  originaux.  Il  feint 
de  fe  trouver  avec  un  de  ces  hommes  qui  ont  la  ma- 
nie des  livres  ;  &  fur  ce  qu'il  lui  a  fait  comprendre 
qu'il  a  une  bibliothèque  ,  notre  auteur  témoigne  quel- 
qu'envie  de  la  voir.  »  Je  vais  trouver  ,  dit-il ,  cet 
»  homme ,  qui  me  reçoit  dans  une  maifon ,  où  dès  l'ef- 
»  calier  je  tombe  en  foibleiTe  d'une  odeur  de  maro- 
»  quin  noir  dont  fes  livres  font  tous  couverts.  Il  a 
»  beau  me  crier  aux  oreilles,  pour  me  ranimer,  qu'ils 
»  font  dorés  fur  tranche  ,  ornés  de  filets  d'or ,  &  de 
»  la  bonne  édition ,  me  nommer  les  meilleurs  l'un 
»  après  l'autre ,  dire  que  fa  galerie  eft  remplie  à  quel- 
»  ques  endroits  près ,  qui  font  peints  de  manière  , 
»  qu'on  les  prend  pour  de  vrais  livres  arrangés  fur 
»  des  tablettes ,  &  que  l'œil  s'y  trompe  ;  ajouter  qu'il 
»  ne  lit  jamais,  qu'il  ne  met  pas  lepié  dans  cette  ga- 
»  lerie  ;  qu'il  y  viendra  pour  me  faire  plaiiir:  je  le 
v  remercie  de  fa  complaifance  ,  &  ne  veux,  non  plus 
»  que  lui ,  vifiter  fa  tannerie  ,  qu'il  appelle  bibliotke- 
»  que  ».  Un  bibliomane  n'eft  donc  pas  un  homme  qui 
fe  procure  des  livres  pour  s'inftruire  :  il  eft  bien  éloi- 
gné d'une  telle  penfée  ,  lui  qui  ne  les  lit  pas  feule- 
ment. Il  a  des  livres  pour  les  avoir  ,  pour  en  repaî- 
tre fa  vue  ;  toute  fa  feience  fe  borne  à  connoître  s'ils 
font  de  la  bonne  édition ,  s'ils  font  bien  reliés  :  pour 
les  chofes  qu'ils  contiennent,  c'eft un  myftere auquel 
il  ne  prétend  pas  être  initié  ;  cela  eft  bon  pour  ceux 
qui  auront  du  tems  à  perdre.  Cette  poffeition  qu'on 
appelle  bibliomanie  ,  eft  fouvent  auffi  difpendieufe 
que  l'ambition  &  la  volupté.  Tel  homme  n'a  de  bien 
que  pour  vivre  dans  une  honnête  médiocrité ,  qui  fe 
réfutera  le  fimple  néceflaire  pour  fatisfaire  cette 
paillon. 

BIBLIOMANIE ,  f.  f.  fureur  d'avoir  des  livres ,  & 
d'en  ramaffer. 

M.  Defcartes  difoit  que  la  Iedure  étoit  une  con- 
verfation  qu'on  avoit  avec  les  grands  hommes  des 
fiecles  pafles ,  mais  une  converlation  choifie  ,  dans 
laquelle  ils  ne  nous  découvrent  que  les  meilleures  de 
leurs  penfées.  Cela  peut  être  vrai  des  grands  hom- 
mes :  mais  comme  les  grands  hommes  font  en  petit 
nombre,  on  auroit  tort  d'étendre  cette  maxime  à 
toutes  fortes  de  livres  &  à  toutes  fortes  de  lectures . 
Tant  de  gens  médiocres  &  tant  de  lots  même  ont 
écrit,  que  l'on  peut  en  général  regarder  une  grande 
colledion  de  livres  dans  quelque  genre  que  ce  foit , 
comme  un  recueil  de  mémoires  pour  fervir  à  l'hit 
toire  de  l'aveuglement  &  de  la  folie  des  hommes  ;  & 
on  pourroit  mettre  au-deflus  de  toutes  les  grandes 
bibliothèques  cette  infeription  philofophique  :  Les 
petites  maifons  de  Vefprit  humain. 

Il  s'enfuit  de-ià  que  i'ameur  des  livres ,  quand  il 
n'eft  pas  guidé  par  la  Philoiophie  Se  par  un  efprit 
éclairé ,  eft  une  des  pafilons  les  plus  ridicules.  Ce  fe- 
roit  à  peu  près  la  folie  d'un  homme  qui  entafferoit 
cinq  ou  fix  diamans  fous  un  monceau  de  cail- 
loux. 

L'amour  des  livres  n'eft  eftimable  que  dans  deux 
cas;  i°.  lorfqu'on  fait  les  eftimer  ce  qu'ils  valent , 
qu'on  les  lit  en  philofophe ,  pour  profiter  de  ce  qu'il 
peut  y  avoir  de  bon  ,  &  rire  de  ce  qu'ils  contiennent 
de  mauvais  ;  2°.  lorfqu'on  les  poflède  pour  les  au- 
tres autant  que  pour  loi ,  &  qu'on  leur  en  lait  part 
avec  plaifir  &  fans  réferve.  On  peut  fur  ces  deux 
points  propofer  M.  Fajconet  pour  modelé  à  tous 


B  I  B 

ceux  qui  poftedent  des  bibliothèques,  ou  qui  en  pof- 
féderont  à  l'avenir. 

J'ai  oui  dire  à  un  des  plus  beaux  efprits  de  ce 
fiecle  ,  qu'il  étoit  parvenu  à  fe  faire ,  par  un  moyen 
allez  fingulier ,  une  bibliothèque  très-choifie ,  allez 
nombreuie  ,  &  qui  pourtant  n'occupe  pas  beaucoup 
de  place.  S'il  achette  ,  par  exemple,  un  ouvrage  en 
douze  volumes ,  où  il  n'y  ait  que  fix  pages  qui  méri- 
tent d'être  lues ,  il  fépare  ces  fix  pages  du  refte ,  Se 
jette  l'ouvrage  au  feu.  Cette  manière  de  former  une 
bibliothèque  m'accommoderoit  allez. 

La  pafiion  d'avoir  des  livres  eft  quelquefois  pouf- 
fée  jufqu'à  une  avarice  très-fordide.  J'ai  connu  un 
fou  qui  avoit  conçu  une  extrême  pafiion  pour  tous 
les  livres  d'Aftronomie  ,  quoiqu'il  ne  lût  pas  un  mot 
de  cette  feience  ;  il  les  achetoit  à  un  prix  exorbitant, 
&£  les  renfermoit  proprement  dans  une  cafiette  fans 
les  regarder.  Il  ne  les  eût  pas  prêté  ni  même  laifle 
voir  à  M.  Halley  ou  à  M.  le  Monnier ,  s'ils  en  eufient 
eu  beloin.  Un  autre  faifoit  relier  les  fiens  très-pro- 
prement ;  &  de  peur  de  les  gâter  ,  il  les  empruntoit 
à  d'autres  quand  il  en  avoit  befoin  ,  quoiqu'il  les  eut 
dans  fa  bibliothèque.  Il  avoit  mis  fur  la  porte  de  fa 
bibliothèque ,  ite  ad  vendentes  :  aufii  ne  prêtoit-il 
de  livres  à  perfonne. 

En  général ,  la  bibliomanie ,  à  quelques  exceptions 
près  ,  eft  comme  la  pafiion  des  tableaux ,  des  curio- 
fités  ,  des  maifons  ;  ceux  qui  les  pofledent  n'en  joiiif- 
fent  guère.  Aufii  un  Philofophe  eh  entrant  dans  une 
bibliothèque  ,  pourroit  dire  de  prefque  tous  les  li- 
vres qu'il  y  voit ,  ce  qu'un  philofophe  difoit  autre- 
fois en  entrant  dans  une  maifon  fort  ornée ,  quant 
multis  non  indigeo  ,  que  de  chofes  dont  je  n'ai  que 
faire!  (O) 

*  BIBLIOTHECAIRE,  f.  m.  celui  qui  eft  prépofé 
à  la  garde ,  au  foin ,  au  bon  ordre  ,  à  l'accroifiement 
des  livres  d'une  bibliothèque.  Il  y  a  peu  de  fonctions 
littéraires  qui  demandent  autant  de  talens.  Celle  de 
bibliothécaire  d'une  grande  bibliothèque ,  telle ,  par 
exemple,  que  celle  du  Roi,  fuppofe  la  connoiflance 
des  langues  anciennes  &  modernes  ,  celle  des  livres  , 
des  éditions  ,  &c  de  tout  ce  qui  a  rapport  à  l'hiftoire 
des  Lettres  ,  au  commerce  de  la  Librairie ,  &  à  l'Art 
typographique. 

BIBLIOTHEQUE/,  f.ce  nom  eft  formé  de  tifixoç; 
livre,  6c  de  Bûxti ,  th&cà ,  repojïtorium  ;  ce  derniers  mot 
vient  deTi'ôn/^i,pono,  6c  fe  dit  de  tout  ce  qui  fert  à 
ferrer  quelque  choie.  Ainfi  bibliothèque ,  félon  le  fens 
littéral  de  ce  mot ,  fignifie  un  lieu  deftiné  pour  y  met- 
tre des  livres.  Une  bibliothèque  eft  un  lieu  plus  ou 
moins  vafte  ,  avec  des  tablettes  ou  des  armoires  où 
les  livres  font  rangés  fous  différentes  clafles  :  nous 
parlerons  de  cet  ordre  à  l'article  Catalogue. 

Outre  ce  premier  fens  littéral ,  on  donne  aufii  le 
nom  de  bibliothèque  à  la  collection  même  des  livres. 
Quelques  auteurs  ont  donné,  par  exteniion  &  par  mé« 
taphore,lenomde£iM0r/zL'^z<!É  à  certains  recueils  qu'ils 
ont  faits,  ou  à  certaines  compilations  d'ouvrages.Tel- 
les  font  la  bibliothèque  rabbinique  ,  la  bibliothèque  des 
auteurs  eccléfiaftiques  ,  bibliotheca  patrum  ,  &c. 

C'eft  en  ce  dernier  fens  que  les  auteurs  eccléfiafti- 
ques ont  donné  par  excellence  le  nom  de  bibliothèque 
au  recueil  des  livres  infpirés  ,  que  nous  appelions 
encore  aujourd'hui  la  bible,  c'eft-à-dire ,  le  livre  par 
excellence.  En  effet ,  félon  le  fentiment  des  critiques 
les  plus  judicieux,  il  n'y  avoit  point  de  livres  avant 
le  tems  de  Moyfe ,  &  les  Hébreux  ne  purent  avoir  de 
bibliothèque  qu'après  fa  mort  :  pour  lors  fes  écrits  fu- 
rent recueillis  &c  confervés  avec  beaucoup  d'atten- 
tion. Par  la  fuite  on  y  ajouta  plufieurs  autres  ou- 
vrages. 

On  peut  diflinguer  les  livres  des  Hébreux  ,  en  li- 
vres facrés ,  &  livres  profanes:  le  feul objet  des  pre- 
miers étoit  la  religion;  les  derniers  traitoient  de  la 


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philofophie  naturelle ,  8c  des  connoifTances  civiles 
ou  politiques. 

Les  livres-facrés  étoient  cenfervés  ou  dans  des  en- 
droits publics,  ou  dans  des  lieux  particuliers  :  par 
endroits  publics  ,  il  faut  entendre  toutes  les  fynago- 
gues  ,  &  principalement  le  temple  de  Jérufalem,  où 
i'on  gardoit  avec  un  refpcdl:  infini  les  tables  de  pierre 
fur  lefquels  Dieu  avoit  écrit  fes  dix  commandemens  , 
&  qu'il  ordonna  à  Moyfe  de  dépofer  dans  l'arche 
d'alliance. 

Outre  les  tables  de  la  loi ,  les  livres  de  Moyfe  & 
ceux  des  prophètes  furent  confervés  dans  la  partie  la 
plus  fecrete  du  fanftuaire ,  où  il  n'étoit  permis  à  per- 
sonne de  les  lire  ni  d'y  toucher;  le  grand-prêtre  feul 
avoit  droit  d'entrer  dans  ce  lieu  facré  ,  &  cela  feule- 
ment une  fois  par  an  :  ainfi  ceslivres  facrés  furent  à  l'a- 
bri des  corruptions  des  interprétations  ;  auffi  étoient- 
ils  dans  ia  fuite  la  pierre  de  touche  de  tous  les  autres , 
comme  Moyfe  le  prédit  au  3  ze.  chapitre  du  Dcutéro- 
nome ,  où  il  ordonna  aux  lévites  de  placer  fes  livres 
au-cledans  de  l'arche. 

Quelques  auteurs  croyent  que  Moyfe  étant  prêt  à 
mourir ,  ordonna  qu'on  fît  douze  copies  de  la  loi , 
qu'il  distribua  aux  douze  tribus  :  mais  Maimonidcs 
aiîïire  qu'il  en  fît  faire  treize  copies ,  c'eft-à-dire  dou- 
ze pour  les  douze  tribus,  &c  une  pour  les  lévites ,  &c  , 
qu'il  leur  dit  à  tous ,  en  les  leur  donnant ,  receve^  le 
livre  de  la  loi  que  Dieu  lui-même  nous  a  donne.  Les  in- 
terprètes ne  font  pas  d'accord  û  ce  volume  facré  fut 
dépofé  dans  l'arche  avec  les  tables  de  pierre ,  ou  bien 
dans  un  petit  cabinet  féparé. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  Jofué  écrivit  un  livre  qu'il  ajou- 
ta enfuite  à  ceux  de  Moyfe.  Jofué X IF.  Tous  les  pro- 
phètes firent  auffi  des  copies  de  leurs  fermons  &  de 
leurs  exhortations ,  comme  on  peut  le  voir  au  chapi- 
tre xv.  de  Jérémie  ,  &  dans  plusieurs  autres  endroits 
de  l'Ecriture  :  ces  fermons  &c  ces  exhortations  furent 
confervés  dans  le  temple  pour  l'inftruâion  de  la  pof- 
térité. 

Tous  ces  ouvrages  compofoient  une  bibliothèque 
plus  eftimable  par  fa  valeur  intrinfeque ,  que  par  le 
nombre  des  volumes. 

Voilà  tout  ce  qu'on  fait  de  la  bibliothequcfacrée  qu' on 
gardoit  dans  le  temple  :  mais  il  faut  remarquer  qu'a- 
près le  retour  des  Juifs  de  la  captivité  de  Babylone , 
Néhémie  raffembla  les  livres  de  Moyfe ,  &  ceux  des 
Rois  &£  des  Prophètes  ,  dont  il  forma  une  bibliothèque  ; 
il  fut  aidé  dans  cette  entreprife  par  Efdras,  qi 
fentiment  de  quelques-uns ,  rétablit  le  Pentatei'que  , 
&  toutes  les  anciennes  écritures  faintes  qui  avoient 
été  difperfées  lorfque  les  Babyloniens  prirent  Jéruia- 
lem ,  &  brûlèrent  le  temple  avec  la  bibliothèque  qui  y 
étoit  renfermée  :  niais  c'eft  furquoi  les  favans  ne  ibnt 
pas  d'accord,  'lia  effet ,  c'eft  un  point  très  -  difficile  à 
déci. 

Quelques  auteurs  prétendent  que  cette  bibliothè- 
que fut  de  nouveau  rétablie  par  Judas  Machabéc, 
parce  que  la  plus  grande  partie  en  avoit  été  brûlée 
par  Antiochus ,  comme  on  lit  chap.j.  du  premier  Livre 
des  Macchabées.  Quand  même  on  conviendroit  qu'elle 
eût  fubfifté  jufqu'à  la  deftruclion  du  fécond  temple, 
on  ne  fauroit  cependant  déterminer  le  lieu  où  elle 
était  dépofée  :  mais  il  cft  probable  qu'elle  eut  le  mê- 
me fort  que  la  ville.  Car  quoique  Rabbi  Benjamin  af- 
firme que  le  tombeajtfta  prophète  Ezéchiel  avec  la  bi- 
bliothèque dupremierVdu  fécond  temple, fe  voyoient 
encore  de  fon  temsdansun  lieu  ntué  fur  les  bords  de 
l'Euphratc;  cependant  ManafTés  de  Groningiie,  & 
pluiieurs  autres  perfonnes ,  dont  on  ne  fauroit  révo- 
quer en  doute  le  témoignage,  &£  qui  ont  fait  expies 
le  voyage  de  Méfopotarhie  ,  affinent  qu'il  ne  relie  au- 
cun vefnge  de  ce  que  prétend  avoir  vu  Rabbi  Benja- 
min ,  &  que  dans  tout  le  pays  il  n'y  a  ni  tombeau  ni 
bibliothèque  hébraïque. 


119 


Outre  la  grande  bibliothèque ,  qui  étoit  confervéé 
religieufement  dans  le  temple  ,  ii  y  en  avoit  encore 
une  dans  chaque  fynagogue.  Actes  des  Apôtres ,  xv. 
Luc  iv.  16.  1  j.  Les  auteurs  conviennent  prefqu'una- 
nnnement  que  l'académie  de  Jérufalem  étoit  compo- 
fée  de  quatre  cents  cinquante  fynagogues  ou  collè- 
ges ,  dont  chacune  avoit  fa  bibliothèque ,  où  l'on  alloit: 
publiquement  lire  les  écritures  faintes. 

Après  ces  bibliothèques  publiques  qui  étoient  dans 
le  temple  &  dans  les  fynagogues ,  il  y  avoit  encore 
des  bibliothèques  facrées  particulières.  Chaque  Juif  en 
avoit  Une  ,  puisqu'ils  étoient  tous  obligés  d'avoir  les 
livres  qui  regardoient  leur  religion,&  même  de  tranf- 
crire  chacun  de  fa  propre  main  une  copie  de  la  loi. 
On  voyoit  encore  des  bibliothèques  dans  les  célè- 
bres univerfités ,  ou  écoles  des  Juifs.  Ils  avoient  auffi 
pluiieurs  villes  fameufes  par  les  feiences  qu'on  y  cul- 
tivoit,  entr'autres  celle  que  Jofué  nomme  la  ville  des 
Lettres ,  &  qu'on  croit  avoir  été  Cariatfepher ,  fituée 
fur  les  confins  de  la  tribu  de  Juda.  Dans  la  fuite  celle 
de  Tiberiadc  ne  fut  pas  moins  fameufe  par  fon  école  : 
&  il  eft  probable  que  ces  fortes  d'académies  n'étoient 
point  dépourvues  de  bibliothèques. 

Depuis  l'entière  difperfion  des  Juifs  à  la  ruine  de 
Jérufalem  &  du  temple  par  Tite ,  leurs  docteurs  par- 
ticuliers ou  rabbins  ont  écrit  prodigieufement  ,  & 
comme  l'on  fait,  un  amas  de  rêveries  &  de  contes 
ridicules  :  mais  dans  les  pays  où  ils  font  tolérés  &  où 
ils  ont  des  fynagogues,  on  ne  voit  point  dans  ces  lieux 
d'afîemblées  ,  d'autres  livres  que  ceux  de  la  loi  :  le 
thalmud  &lcs  paraphrafes ,  non  plus  que  les  recueils 
de  traditions  rabbiniques ,  ne  forment  point  de  corps 
de  bibliothèque. 

Les  Chaldéens  &  les  Egyptiens  étant  les  plus  pro- 
ches voifins  de  la  Judée  ,  furent  probablement  les 
premiers  que  les  Juifs  inftruiiirent  de  leurs  feiences  ; 
à  ceux-là  nous  joindrons  les  Phéniciens  &  les  Arabes. 
Il  eft  certain  que  les  Sciences  furent  portées  à  une 
grande  perfection  par  toutes  ces  nations ,  &  fur-tout 
par  les  Egyptiens ,  que  quelques  auteurs  regardent 
comme  la  nation  la  plus  fa  vante  du  monde,  tant  dans 
la  théologie  payenne  que  dans  la  phyiique. 

Il  eft  donc  probable  que  leur  grand  amour  pour 
les  lettres  avoit  produit  de  favans  ouvrages  &c  de 
nombreufes  collections  de  livres. 

Les  auteurs  ne  parlent  point  des  bibliothèques  de  la 
Ch aidée  ;  tout  ce  qu'on  en  peut  dire ,  c'eft  qu'il  y 
avoit  dans  ce  pays  des  favans  en  pluiieurs  genres  , 
Se  fur-tout  dans  l'Aftronomie ,  comme  il  paroît  par 
une  fuite  d'obfervations  de  1900  ans  que  Califthe- 
nes  envoya  à  Ariftote  après  la  prife  de  Babylone  par 
Alexandre.  Voye^  Astronomie. 

Eufebe  ,  de  Prœp.  evangel.  dit  que  les  Phéniciens 
étoient  très-curieux  dans  leurs  collections  de  livres  , 
mais  que  les  bibliothèques  les  plus  nombreufes  &  les 
mieux  choilies  étoient  celles  des  Egyptiens  ,  qui  fur- 
paflbient  toutes  les  autres  nations  en  bibliothèques  aufîi 
bien  ([n'en  l'avoir. 

Selon  Diodorc  de  Sicile  ,  le  premier  qui  fonda  une 
bibliothèque  en  Egypte  ,  fut  Oiymandias  ,  fucceffeur 
de  Prothée  &  contemporain  de  Priam  roi  de  Troie. 
Pierius  dit  que  ce  prince  aimoit  tant  l'étude  ,  qu'il  fît 
conftruirc  une  bibliothèque  magnifique ,  ornée  des  fta- 
tues  de  tous  les  dieux  de  l'Egypte,  c'-:  fur  le  frontif- 
picc  de  laquelle  il  fit  écrire  ces  mots ,  le  Threjbr  des  re- 
nie.!::; Je  l'âme  :  mais  ni  Diodorc  de  Sicile  ni  les  autres 
hiftoriens  ne  difent  rien  du  nombre  de  volumes  qu'el- 
le contenoit  ;  autant  qu'on  en  peut  juger  elle  ne  pou- 
voit  pas  être  fort  nombreufe  ,  vu  le  peu  de  livres  qui 
exiftoient  pour  lors,  qui  étoient  tous  écrits  par  les 
prêtres  ;  car  pour  ceux  de  leurs  deux  Mercures  qu'on 
1  :gardoit  comme  des  ouvrages  divins  ,on  ne  lescon- 
noît  que  de  nom ,  &  ceux  de  Manethon  lont  bien  pof- 
térieurs  au  tems  dont  nous  parlons.  11  y  avoit  une  très-. 


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belle  bibliothèque  à  Memphis  ,  aujourd'hui  le  grand 
Caire ,  qui  étoit  dépofée  dans  le  temple  de  Vulcain  : 
c'eft  de  cette  bibliothèque  que  Naucrates  aceufe  Ho- 
mère d'avoir  volé  l'Iliade  6c  l'Odyfféc,&  de  les  avoir 
enfuite  donnés  comme  les  propres  productions. 

Mais  la  plus  grande  &  la  plus  magnifique  bibliothè- 
que de  l'E<*vpte,  &  peut-être  du  monde  entier,  étoit 
celle  des  Ptolomées  à  Alexandrie  ;  elle  fut  commen- 
cée par  Ptolomée  Soter ,  &  compofée  par  les  foins  de 
Demetrius  de  Phalere  ,  qui  fit  rechercher  à  grands 
frais  des  livres  chez  toutes  les  nations ,  &  en  forma  , 
félon  S.  Epiphane ,  une  colleclionde  54800  v*olumes. 
Joiéphe  djt  qu'il  y  en  avoit  200  mille ,  &  que  Deme- 
trius efpéroit  en  avoir  dans  peu  500  mille  ;  cependant 
Eufebe  affûre  qu'à  la  mort  de  Philadelphe ,  fucceffeur 
de  Soter ,  cette  bibliothèque  n'étoit  compofée  que  de 
cent  mille  volumes.  Il  eft  vrai  que  fous  fes  fucceffeurs 
elle  s'augmenta  par  degrés ,  &  qu'enfin  on  y  compta 
jufqu'à  700000  volumes  :  mais  par  le  terme  de  volu- 
mes ,  il  faut  entendre  des  rouleaux  beaucoup  moins 
chargés  que  ne  font  nos  volumes. 

Il  acheta  dé  Nelée  ,  à  des  prix  exorbitans  ,  une 
partie  des  ouvrages  d'Ariftote ,  &  un  grand  nombre 
d'autres  volumes  qu'il  fit  chercher  à  Rome  &  à  Athè- 
nes ,  en  Perle  ,  en  Ethiopie. 

Un  des  plus  précieux  morceaux  de  fa  bibliothèque 
étoit  l'Écriture  fainte,  qu'il  fit  dépofer  dans  le  prin- 
cipal appartement ,  après  l'avoir  fait  traduire  en  grec 
parles  foixante-douze  interprètes ,  que  le  grand-prê- 
tre Eléazar  avoit  envoyés  pour  cet  effet  à  Ptolomée , 
qui  les  avoit  fait  demander  par  Ariftée  ,  homme  très- 
iavant  &  capitaine  de  fes  gardes.  ^ov^Septanje. 

Un  de  fes  fucceffeurs ,  nommé  Ptolomée  Phlfcon  , 
prince  d'ailleurs  cruel ,  ne  témoigna  pas  moins  de 
paffion  pour  enrichir  la  bibliothèque  d'Alexandrie.  On 
raconte  de  lui ,  que  dans  un  tems  de  famine  il  refufa 
aux  Athéniens  les  blés  qu'ils  avoient  coutume  de  ti- 
rer de  l'Egypte  ,  à  moins  qu'ils  ne  lui  remiffent  les 
originaux  des  tragédies  d'Efchyle ,  de  Sophocle ,  & 
d'Euripide ,  &  qu'il  les  garda  en  leur  en  renvoyant 
feulement  des  copies  fidèles ,  &  leur  abandonna  quin- 
ze talens  qu'il  avoit  confignés  pour  sûreté  des  origi- 
naux. 

Tout  le  monde  fait  ce  qui  obligea  Jules  Céfar ,  af- 
fiégé  dans  un  quartier  d'Alexandrie ,  à  faire  mettre 
le  feu  à  la  flotte  qui  étoit  dans  le  port:  malheureufe- 
ment  le  vent  porta  les  flammes  plus  loin  que  Céfar 
ne  vouloit  ;  &  le  feu  ayant  pris  aux  maifons  voifmes 
du  grand  port ,  le  communiqua  de-là  au  quartier  de 
Bruchion ,  aux  magalins  de  blé  &  à  la  bibliothèque  qui 
en  faifoient  partie  ,  &  caufa  l'embrafement  de  cette 
fameufe  bibliothèque. 

Quelques  auteurs  croyent  qu'il  n'y  en  eut  que 
400000  volumes  de  brûlés ,  &  que  tant  des  autres 
livres  qu'on  put  fauver  de  l'incendie  que  des  débris 
de  la  bibliothèque  des  rois  de  Pergame  ,  dont  200000 
volumes  furent  donnés  à  Cléopatre  par  Antoine ,  on 
forma  la  nouvelle  bibliothèque  du  Serapion ,  qui  de- 
vint en  peu  de  tems  fort  nombreule.  Mais  après  di- 
verfes  révolutions  fous  les  empereurs  Romains ,  dans 
lefquelles  la  bibliothèque  fut  tantôt  pillée  &  tantôt  ré- 
tablie ;  elle  fut  enfin  détruite  l'an  6  50  de  Jefus-Chrift , 
qu'Amry ,  général  des  Sarrafins,  fur  un  ordre  du  ca- 
life Omar ,  commanda  que  les  livres  de  la  bibliothè- 
que d'Alexandrie  fuffent  diftribués  dans  les  bains  pu- 
blics de  cette  ville ,  &  ils  fervirent  à  les  chauffer  pen- 
dant fix  mois. 

La  bibliothèque  des  rois  de  Pergame  dont  nous  ve- 
nons de  parler ,  fut  fondée  par  Eumenes  &  Attalus. 
Animés  par  un  efp'rit  d'émulation ,  ces  princes  firent 
tous  leurs  efforts  pour  égaler  la  grandeur  &  la  magni- 
ficence des  rois  d'Egypte ,  &  fur-tout  en  amaffant  un 
nombre  prodigieux  de  livres  ,  dont  Pline  dit  que  le 
nombre  étoit  de  plus  de  deux  cents  mille.  Volaterani 


B  I  B 

dit  qu'ils  furent  tous  brûlés  à  la  prife  de  Pergame  ; 
mais  Pline  &  plufieurs  autres  nous  afïurent  que  Marc 
Antoine  les  donna  à  Cléopatre  ,  ce  qui  ne  s'accorde 
pourtant  pas  avec  le  témoignage  de  Strabon ,  qui  dit 
que  cette  bibliothèque  étoit  à  Pergame  de  fon  tems  , 
c'eft-à-dire,  fous  le  règne  de  Tibère.  On  pourroit 
concilier  ces  différens  hilloriens ,  en  remarquant  qu'il 
eft  vrai  que  Marc  Antoine  avoit  fait  tranfporter  cette 
bibliothèque  de  Pergame  à  Alexandrie ,  &  qu'après  la 
bataille  d'Actium ,  Augufte ,  qui  fe  plaifoit  à  défairo 
tout  ce  qu'Antoine  avoit  fait ,  la  fit  reporter  à  Per- 
game. Mais  ceci  ne  doit  être  pris  que  fur  le  pié  d'une 
conjecture ,  aufîi-bien  que  le  fentiment  de  quelques 
auteurs ,  qui  prétendent  qu'Alexandre  le  grand  en 
fonda  une  magnifique  à  Alexandrie ,  qui  donna  lieu 
par  la  fuite  à  celle  des  Ptolomées. 

Il  y  avoit  une  bibliothèque  conlidérable  à  Suze  en 
Perfe  ,  où  Métofthenes  confulta  les  annales  de  cette 
monarchie  ,  pour  écrire  Fhiftoire  qu'il  nous  en  a  laif- 
fée.  Diodore  de  Sicile  parle  de  cette  bibliothèque  ; 
mais  on  croit  communément  qu'elle  contenoit  moins 
des  livres  de  feiences ,  qu'une  collection  des  lois  ,  des 
chartes  ,  &  des  ordonnances  des  rois.  C'étoit  un  dé- 
pôt femblable  à  nos  chambres  des  comptes. 

Nous  ne  favons  rien  de  pofitif  fur  l'hiftoire  de 
,  Grèce ,  avant  les  guerres  de  Thebes  &c  de  Troie.  II 
feroit  donc  inutile  de  chercher  des  livres  en  Grèce 
avant  ces  époques. 

Les  Lacédémoniens  n'avoient  point  de  livres  ;  ils 
exprimoient  tout  d'une  façon  fi  concife  oc  en  li  peu 
de  mots ,  que  l'écriture  leur  paroiffoit  fuperflue ,  puif- 
que  la  mémoire  leur  fùffifoit  pour  fe  fouvenir  de  tout 
ce  qu'ils  avoient  befoin  de  favoir. 

Les  Athéniens  ,  au  contraire ,  qui  étoient  grands 
parleurs,  écrivirent  beaucoup  ;  &  dès  que  les  Scien- 
ces eurent  commencé  à  fleurir  à  Athènes ,  la  Grèce 
fut  bientôt  enrichie  d'un  grand  nombre  d'ouvrages 
de  toutes  efpeces.  Val.  Maxime  dit ,  que  le  tyran  Py- 
fiftrate fut  le  premier  de  tous  les  Grecs  qui  s'avifa  de 
faire  un  recueil  des  ouvrages  des  favans  ;  en  quoi  la 
politique  n'eut  peut-être  pas  peu  de  part  ;  il  vouloit 
en  fondant  une  bibliothèque  pour  Pillage  du  public  , 
gagner  l'amitié  de  ceux  que  la  perte  de  leur  liberté 
faifoit  gémir  fous  fon  ufurpation.  Cicéron  dit ,  que 
c'eft  à  Pyfiftrate  que  nous  avons  l'obligation  d'avoir 
raffemblé  en  un  feul  volume  les  ouvrages  d  Homère  , 
qui  fe  chantoient  auparavant  par  toute  la  Grèce  par 
morceaux  détachés  &  fans  aucun  ordre.  Platon  attri- 
bue cet  honneur  à  Hipparque,  fils  de  Pyfiftrate.  D'au- 
tres prétendent  que  ce  fut  Solon  ;  &  d'autres  rappor- 
tent cette  précieufe  collecuon  à  Lycurgue  &  à  Zeno- 
dote  d'Ephefe. 

Les  Athéniens  augmentèrent  considérablement 
cette  bibliothèque  après  la  mort  de  Pyfiftrate  ,  &  en 
fondèrent  même  d'autres  :  mais  Xercès  ,  après  s'être 
rendu  maître  d'Athènes ,  emporta  tous  leurs  livres  en 
Perfe.  Il  eft  vrai  que  fi  on  en  veut  croire  Aulugelle , 
Seleucus  Nicator  les  fit  rapporter  en  cette  ville  quel- 
ques fiecles  après. 

Zuringer  dit ,  qu'il  y  avoit  alors  une  bibliothèque 
magnifique  dans  l'île  de  Cnidos ,  une  des  Cyclades: 
qu'elle  fut  brûlée  par  l'ordre  d'Hippocrate  le  Méde- 
cin ;  parce  que  les  habitans  refuferent  de  fuivre  fa 
doûrine.  Ce  fait  au  refte  n'eft  pas  trop  avéré. 

Cléarque ,  tyran  d'Héraclé^C  difciple  de  Platon 
&  d'Ifocrate  ,  fonda  une  blbllofàque  dans  fa  capitale  ; 
ce  qui  lui  attira  l'e'ftime  de  tous  fes  fujets  ,  malgré 
toutes  les  cruautés  qu'il  exerça  contre  eux. 

Camérarius  parle  de  la  bibliothèque  d'Apamée  com- 
me d'une  des  plus  célèbres  de  l'antiquité.  Angélus 
Rocha ,  dans  fon  catalogue  de  la  bibliothèque  du  Va- 
tican ,  dit  qu'elle  contenoit  plus  de  20000  volumes. 

Si  les  anciens  Grecs  n'avoient  que  peu  de  livres,' 
les  anciens  Romains  en  avoient  encore  bien  moins. 


B  I  B 

Par  la  fuite  ils  eurent ,  auffi  bien  que  les  Juifs ,  deux 
fortes  de  bibliothèques ,  les  unes  publiques  ,  les  autres 
particulières.  Dans  les  premières  étoient  les  édits  6c 
les  lois  touchant  la  police  &  le  gouvernement  de  l'é- 
tat :  les  autres  étoient  celles  que  chaque  particulier 
formoit  clans  fa  maifon  ,  comme  celle  que  Paul  Emile 
apporta  de  Macédoine  après  la  défaite  de  Perlée. 

Il  y  avoit  auffi  des  bibïiothzques  iàcrées  qui  regar- 
doient  la  religion  des  Romains  ,  6c  qui  dépendoient 
entièrement  des  pontifes  6c  des  augures.  Pour  les  li- 
vres dont  elles  étoient  conipolées ,  voye^  Livre. 

Voilà  à-peu-près  ce  que  les  auteurs  nous  appren- 
nent touchant  les  bibliothequespubÏKiucsdtîs  Romains. 
À  l'égard  des  bibliothèques  particulières ,  il  eft  certain 
qu'aucune  nation  n'a  eu  plus  d'avantages  ni  plus  d'oc- 
cafions  pour  en  avoir  de  très-confidérables  ,  puifque 
les  Romains  étoient  les  maîtres  de  la  plus  grande 
partie  du  monde  connu  pour  lors. 

LTiiftoire  nous  apprend  qu'à  la  prife  de  Carthage  , 
le  fénat  fit  préfent  à  la  famille  de  Regulus  de  tous  les 
livres  qu'on  avoit  trouvés  dans  cette  ville ,  6c  qu'il 
fit  traduire  en  Latin  18  volumes  ,  compotes  par  Ma- 
gon,  Carthaginois,  fur  l'agriculture. 

Plutarque  affûre  que  Paul  Emile  diftribua  à  fes 
enfans  la  bibliothèque  de  Perlée  ,  roi  de  Macédoine , 
qu'il  mena  en  triomphe  à  Rome.  Mais  Ifidore  dit  po- 
litivement ,  qu'il  la  donna  au  public.  Afinius  Pollion 
fit  plus,  car  il  fonda  une  bibliothèque  exprès  pour  l'u- 
fage  du  public ,  qu'il  compofa  des  dépouilles  de  tous 
les  ennemis  qu'il  avoit  vaincus  ,  &  de  grand  nombre 
<le  livres  de  toute  efpece  qu'il  acheta  :  il  l'orna  de 
portraits  de  lavans ,  &  entr'autres  de  celui  de  Varron. 

Varron  avoit  auffi  une  magnifique  bibliothèque. 
Celle  de  Cicéron  ne  devoit  pas  l'être  moins  ,  fî  on 
fait  attention  à  lbn  érudition  ,  à  ion  goût ,  6c  à  fon 
rang:  mais  elle  fut  conlidérablcrnent  augmentée  par 
celle  de  fon  ami  Atticus  ,  qu'il  préféroit  à  tous  les 
thréfors  de  Créfus. 

Plutarque  parle  de  la  bibliothèque  de  Lucullus  com- 
me d'une  des  plus  coniidérables  du  monde  ,  tant  par 
rapport  au  nombre  de  volumes  ,  que  par  rapport  aux 
fuperbes  ornemens  dont  elle  étoit  décorée. 

La  bibliothèque  de  Céfar  étoit  digne  de  lui ,  &rien 
ne  pouvoit  contribuer  davantage  à  lui  donner  delà 
réputation ,  que  d'en  avoir  confié  le  foin  au  lavant 
Varron. 

V.i.'iiite  fonda  une  belle  bibliothèque  proche  du 
temple  d'Apollon  ,  furie  mont  Palatin.  Horace  ,Ju- 
vénal ,  &  Perle  ,  en  parlent  comme  d'un  endroit  où 
les  poète1,  avoient  coutume  de  réciter  &  de  dépoter 
leuis  ouvrages  : 

Scripta  Palatinus  quœcunqtu  recepit  Apollo , 

d 

Vefpafien  fonda  une  bibliothèque  proche  le  temple 
de  la  Paix  ,  à  l'imitation  de  Célar  &  d'Augulie. 

Mais  la  plus  magnifique  de  toutes  ces  anciennes 
bibliothèques  ,  étoit  celle  de  Traj.in  ,  qu'il  appella  de 
fon  propre  nom  ,  la  bibliothèque  Ulpienne  :  elle  fut 
fondée  pour  l'ufage  du  public  ;  tk  félon  le  cardinal 
Volaterani ,  l'empereur  y  avoit  fait  écrire  toutes  les 
belles  actions  des  princes  &  les  décrets  du  fénat,  fur 
des  pièces  de  belle  toile  ,  qu'il  fit  couvrir  d'ivoire. 
Quelques  auteurs  afïïirent  que  Trajan  fit  porter  à 
Rome  îous  les  livres  qui  le  trouvoient  dans  les  villes 
conquiîcs ,  pour  augmenter  fa  bibliothèque  :  il  eit  pro- 
bable que  Pline  le  jeune,lbn  favori,  l'engagea  à  l'en- 
richir de  la  lorte. 

Outre  celles  dont  nous  venons  de  parler ,  il  y  avoit 
encore  à  Rome  une  bibliothèque  conlidérable ,  fondée 
par  Simonicus ,  précepteur  de  l'empereur  Gordien. 
Ifidore  &C  Boece  en  font  des  éloges  extraordinaires: 
ils  difent  qu'elle  contenoit  80000  volumes  choilis  ; 
&  que  l'appartement  qui  la  renfermoit  ;  étoit  pavé 


B  I  B 


23I 


de  marbre  doré  ,  les  murs  lambriffés  de  glaces  &  d'i- 
voire ;  6c  les  armoires  &C  pupitres ,  de  bois  d'ébene 
&  de  cèdre. 

Les  premiers  Chrétiens  occupés  d'abord  unique- 
ment de  leur  falut ,  bridèrent  tous  les  livres  qui  n'a- 
voient  point  de  rapport  à  la  religion.  Ailes  des  Apô- 
tres ...  Ils  eurent  d'ailleurs  trop  de  difficultés  à  com- 
battre pour  avoir  le  tems  d'écrire  6c  de  fe  former  des 
bibliothèques.  Ils  confervoient  feulement  dans  leurs 
églifes  les  livres  de  l'ancien  6c  du  nouveau  Tefta- 
ment ,  auxquels  on  joignit  par  la  fuite  les  actes  des 
martyrs.  Quand  un  peu  plus  de  repos  leur  permit  de 
s'adonner  aux  Sciences ,  il  fe  forma  des  bibliothèques. 
Les  auteurs  parlent  avec  éloge  de  celles  de  S.  Jérô- 
me ,  6c  de  George,  évêque  d'Alexandrie. 

On  en  voyoit  une  célèbre  à  Céfarée ,  fondée  par 
Jules  l'Africain  ,  &  augmentée  dans  la  fuite  par  Eu- 
febe ,  évêque  de  cette  ville ,  au  nombre  de  20000  vo- 
lumes. Quelques-uns  en  attribuent  l'honneur  à  faint 
Pamphile  ,  prêtre  de  Laodicée ,  &  ami  intime  d'Eu- 
iebe  ;  &  c'eit  ce  que  cet  hiltorien  femble  dire  lui-mê- 
me. Cette  bibliothèque  fut  d'un  grand  fecours  à  S.  Jé- 
rôme ,  pour  l'aider  à  corriger  les  livres  de  l'ancien 
Teltament  :  c'ell-là  qu'il  trouva  l'évangile  de  S.  Mat- 
thieu en  Hébreu.  Quelques  auteurs  dilent  que  cette 
bibliothèque  fut  difperfée  ,  '6c  qu'elle  fut  enfuite  réta- 
blie par  S.  Grégoire  de  Nazianze  ,  6c  Eulebe. 

S.  Augultin  parle  d'une  bibliothèque  d'Hippone. 
Celle  d'Antioche  étoit  très- célèbre  :  mais  l'empe- 
reur Jovien  ,  pour  plaire  à  la  femme,  la  fit  mal- 
heureufement  détruire.  Sans  entrer  dans  un  plus 
grand  détail  fur  les  bibliothèques  des  premiers  Chré- 
tiens, il  fuffira  de  dire  que  chaque  égiile  avoit  la  bi- 
bliothèque pour  l'ufage  de  ceux  qui  s'appliquoient  aux 
études.  Eufebe  nous  l'attelle:  6c  il  ajoute ,  que  pref- 
que  toutes  ces  bibliothèques  ,  avec  les  oratoires  où 
elles  étoient  confervées  ,  furent  brûlées  &  détruites 
par  Dioclétien. 

Paflbns  maintenant  à  des  bibliothèques  plus  confi- 
dérables  que  celles  dont  nous  venons  de  parler  ;  c'elt- 
à-dire  ,  à  celles  qui  furent  fondées  après  que  le  Clirif- 
tianifme  fut  affermi  fans  contradiction.  Celle  de  Conf- 
tantin-le-Grand ,  fondée,  lelon  Zonaras,  l'an  336, 
mérite  attention  :  ce  prince  voulant  réparer  la  perte 
que  le  tyran  fon  prédécelTeur  avoit  caulée  aux  Chré- 
tiens ,  porta  tous  fes  foins  à  faire  trouver  des  copies 
des  livres  qu'on  avoit  voulu  détruire.  Il  les  fit  tranf- 
crire  ,  6c  y  en  ajouta  d'autres,  dont  il  forma  à  grands 
frais  une  nombreufe  bibliothèque  à  Conftantinople. 
L'Empereur  Julien  voulut  détruire  cette  bibliothèque 
&  empêcher  les  Chrétiens  d'avoir  aucuns  livres,  afin 
de  les  plonger  dans  l'ignorance.  Il  fonda  cependant 
lui-même  deux  grandes  bibliothèques  ,  l'une  à  Conl- 
tantinople ,  &  l'autre  à  Antioche  ,  fur  les  frontifpi- 
ces  desquelles  il  fit  graver  ces  paroles  :  Alii  quidem. 
equos  amant ,  alii  aves ,  alii  feras  ;  mihi  verb  à  puerulo 
mirandum  acquirendi  &  pojjîdendi  libros  infedit  dejide- 
rium. 

Théodofele  jeune  ne  fut  pas  moins  foigneux  à  aug- 
menter la  bibliothèque  de  Conltantin  -le -Grand  :  elle 
ne  contenoit  d'abord  que  6000  volumes  :  mais  par 
fes  foins  6c  fa  magnificence ,  il  s'y  en  trouva  en  peu 
de  tems  1 00000.  Léon  l'Iiaurien  en  fit  brider  plus  de 
la  moitié,  pour  détruire  les  monumens  qui  ai 
pu  dépofer  contre  fon  herelie  fur  le  culte  des  image-.. 
C'eft  dans  cette  bibliothèque  que  fut  dépofée  la  copie 
authentique  du  premier  concile  général  de 
On  prétend  que  les  ouvrages  d'Homère  y  étoient  auffi 
écrits  en  lettres  d'or,  6c  qu'ils  furent  brûles  loi  (que 
les Iconoclaltesdétruifiren't  cette bibliotheque.il y  a\  oit 
auffi  une  copie  de;  e\  angiles ,  félon  quelques  auteur?, 
reliée  en  plaques  d'or  du  poids  de  quinze  h\ 
enrichie  de  pierre 

Les  nation*  barbares  qui  inondèrent  l'Europe ,  dé- 


231 


B  I  B 


truifirent  les  bibliothèques  &  les  livres  en  général  ;  leur 
fureur  fat  prefque  incroyable  ,  &  a  caufé  la  perte  ir- 
réparable d'un  nombre  infini  d'excellens  ouvrages. 

Le  premier  de  cestems-là  qui  eut  du  goût  pour  les 
lettres,  futCafîîodore,  favori  &£  miniftre  de  Théo- 
doric,  roi  des  Goths  qui  s'établirent  en  Italie,  &  qu'on 
nomma  communément  Ojlrogots.  Cafliodore  fatigué 
du  poids  du  miniftere  ,  le  retira  dans  un  couvent  qu'il 
fit  bâtir ,  où  il  conlacra  le  refte  de  lés  jours  à  la  prière 
&  à  l'étude.  Il  y  fonda  une  bibliothèque  pour  l'ufage 
des  moines  ,  compagnons  de  fa  folitude.  Ce  fut  à- 
peu-près  dans  le  même  tems  que  le  pape  Hilaire ,  pre- 
mier du  nom ,  fonda  deux  bibliothèques  dans  l'égliie  de 
Saint-Etienne  ;  &  que  le  pape  Zacharie  I.  rétablit  celle 
de  Saint-Pierre ,  félon  Platine. 

Quelque  tems  après,  Charlemagne  fonda  la  fien- 
ne  à  l'Ifle-barbe  près  deLyon.Paradin  dit,  qu'il  l'en- 
richit d'un  grand  nombre  de  livres  magnifiquement 
reliés  ;  &  Sabellicus ,  auffi-bien  que  Palmerius ,  aliù- 
rent  qu'il  y  mit  entr'autres  un  manuient  des  œuvres 
de  S.  Denys  ,  dont  l'empereur  de  Conltantinople  lui 
avoit  fait  prélent.  Il  fonda  encore  en  Allemagne  plu- 
sieurs collèges  avec  des  bibliothèques  ,  pour  l'inftruc- 
tion  de  la  jeunelTe  :  entr'autres  une  à  Saint-  Gai  en 
SuiiTe ,  qui  étoit  fort  eftimée.  Le  roi  Pépin  en  fonda 
une  à  Fulde  par  le  conleii  de  S.  Boniface ,  l'apôtre  de 
l'Allemagne  :  ce  fut  dans  ce  célèbre  monaftere  que 
Raban-Maur  &  Hildebert  vécurent  &  étudièrent 
dans  le  même  tems.  Il  y  avoit  une  aune  bibliothèque 
à  la  Wriiîen  près  de  "Worms  :  mais  celle  que  Char- 
lemagne fonda  dans  l'on  palais  à  Aix  -  la  -  Chapelle  , 
furpaffa  toutes  les  autres  ;  cependant  il  ordonna  avant 
de  mourir  qu'on  la  vendît ,  pour  en  dift  ribuer  le  prix 
aux  pauvres.  Louis  le  Débonnaire  Ion  fils ,  lui  luc- 
céda  à  l'empire  &  à  ion  amour  pour  les  Arts  &  les 
Sciences ,  qu'il  protégea  de  tout  l'on  pouvoir. 

L'Angleterre  ,  &  encore  plus  l'Irlande,  pofTédoient 
alors  de  lavantes  &  riches  bibliothèques ,  que  les  incur- 
sions fréquentes  des  habitans  du  Nord  détruifirent 
dans  la  fuite  :  il  n'y  en  a  point  qu'on  doive  plus  re- 
gretter que  la  grande  bibliothèque  fondée  à  York  par 
Egbert,  archevêque  de  cette  ville  ;  elle  fut  brûlée 
avec  la  cathédrale ,  le  couvent  de  Sainte -Marie,  & 
plufieurs  autres  maifons  religieufes  ,  fous  le  roi  Etien- 
ne. Alcuin  parle  de  cette  bibliothèque  dans  fon  épître 
à  l'égliie  d'Angleterre. 

Vers  ces  tems ,  un  nommé  Gauthier  ne  contribua 
pas  peu  par  l'es  foins  &  par  l'on  travail  à  fonder  la  bi- 
bliothèque du  monaftere  de  Saint-Alban ,  qui  étoit  très- 
confidérable  :  elle  fut  pillée  aulïï-bien  qu'une  autre , 
par  les  piratés  Danois. 

La  bibliothèque  formée  dans  le  xn.fiecle  par  Richard 
de  Burg, évoque  de  Durham,  chancelier  &  thréforier 
de  l'Angleterre ,  fut  auffi  fort  célèbre.  Ce  l'avant  pré- 
lat n'omit  rien  pour  la  rendre  aufîi  complète  que  le 
permettoit  le  malheur  des  tems;  &  il  écrivit  lui-même 
un  traité  intitulé  Philobiblion ,  fur  le  choix  des  livres 
&  fur  la  manière  de  former  une  bibliothèque.  Il  y  re- 
préfente  les  livres  comme  les  meilleurs  précepteurs , 
en  s'exprimant  ainfi  :  Hifunt  magijlri,  qui  nos  injlruunt 
fine  virgis  &  ferulis  ,  fine  choiera  ,  fine  pecunià  :  fi  ac- 
cedis,  non  dormiunt  ;fi  inquiris,  nonfe  abfcondunt  ;  non 
obmurmurant  ,fi  oberres  ;  cachinnos  nejciunt  ,fi  ignores. 

L'Angleterre  poffede  encore  aujourd'hui  des  bi- 
bliothèques tres-riches  en  tout  genre  de  littérature  & 
en  manulcrits  fort  anciens.  Celle  dont  on  parle  le 
plus,eftla  célèbre  bibliothèque  Bodleiene  d'Oxford, 
élevée  ,  fi  l'on  peut  le  fervir  de  ce  terme ,  fur  les  fon- 
demens  de  celle  du  duc  Humphry.  Elle  commença 
à  être  publique  en  1602  ,  &.  a  été  depuis  prodigieu- 
fement  augmentée  par  un  grand  nombre  de  bienfai- 
teurs. On  allure  qu'elle  l'emporte  fur  celles  de  tous 
les  louverains  6i  de  toutes  les  univerfités  de  l'Euro- 


B  I  B 

pe ,  fi  l'on  en  excepte  celle  du  Roi  à  Paris ,  celle  de 
l'Empereur  à  Vienne ,  &  celle  du  Vatican. 

Il  lemble  qu'au  XIe  fiecle  les  ScieHces  s'étoient 
réfugiées  auprès  de  Conftantin  Porphyrogenete  , 
empereur  de  Conftantinople.  Ce  grand  prince  étoit 
le  protecteur  des  mufes  ,  &c  les  fujets  à  Ion  exemple 
cultivèrent  les  Lettres.  Il  parut  alors  en  Grèce  plu- 
fieurs favans ,  &  l'empereur  toujours  porté  à  chérir 
les  Sciences  ,  employa  des  gens  capables  à  lui  raf- 
fembler  de  bons  livres  ,  dont  il  forma  une  bibliothè- 
que publique  ,  à  l'arrangement  de  laquelle  il  travail- 
la lui-même.  Les  chofes  furent  en  cet  état  jufqu'à  ce 
que  les  Turcs  le  rendirent  maîtres  de  Conftantino- 
ple ;  auiTi-tôt  les  Sciences  forcées  d'abandonner  la 
Grèce  ,  le  réfugièrent  en  Italie  ,  en  France  ,  &  en 
Allemagne  ,  oii  on  les  reçût  à  bras  ouverts  ;  &  bien- 
tôt la  lumière  commença  à  le  répandre  fur  le  refte 
de  l'Europe  ,  qui  avoit  été  enfevelie  pendant  long- 
tems  dans  l'ignorance  la  plus  groffiere. 

La  bibliothèque  des  empereurs  Grecs  de  Conftan- 
tinople n'avoit  pourtant  pas  péri  à  la  prile  de  cette 
ville  par  Mahomet  II.  Au  contraire  ce  l'ultan  avoit 
ordonné  très-expreffément  qu'elle  fût  confervée  ,  & 
elle  le  fut  en  effet  dans  quelques  appartemens  du  fé- 
rail  jufqu'au  règne  d'Amurath  IV.  que  ce  prince, 
quoique  Mahométan  peu  fcrupuleux  ,  dans  un  vio- 
lent accès  de  dévotion ,  facrifia  tous  les  livres  de  la 
bibliothèque  à  la  haine  implacable  dont  il  étoit  ani- 
mé contre  les  Chrétiens.  C'eft  -  là  tout  ce  qu'en  put 
apprendre  M.  l'abbé  Sevin ,  lorfque  par  ordre  du  roi 
il  rit  en  1719  le  voyage  de  Conftantinople  ,  dans  l'ef- 
pérance  de  pénétrer  jufque  dans  la  bibliothèque  du 
grand-feigneur,  &  d'en  obtenir  des  manulcrits  pour 
enrichir  celle  du  Roi. 

Quant  à  la  bibliothèque  du  férail ,  elle  fut  commen- 
cée par  le  fultan  Selim  ,  celui  qui  conquit  l'Egypte, 
&  qui  aimoit  les  Lettres  :  mais  elle  n'eft  compoiée 
que  de  trois  ou  quatre  mille  volumes,  Turcs,  Ara- 
bes, ou  Perfans,  fans  nul  manuferit  Grec.  Le  prince 
de  Valachie  Maurocordato  avoit  beaucoup  recueilli 
de  ces  derniers ,  &  il  s'en  trouve  de  répandus  dans 
les  monafteres  de  la  Grèce  :  mais  il  paroît  par  la  re- 
lation du  voyage  de  nos  Académiciens  au  levant , 
qu'on  ne  fait  plus  guère  de  cas  aujourd'hui  de  ces 
morceaux  précieux,  dans  un  pays  où  les  Sciences  & 
les  beaux  Arts  ont  fleuri  pendant  fi  long-tems. 

Il  eft  certain  que  toutes  les  Nations  cultivent  les 
Sciences  les  unes  plus,  les  autres  moins;  mais  il  n'y 
en  a  aucune  où  le  lavoir  l'oit  plus  eftimé  que  chez 
les  Chinois.  Chez  ce  peuple  on  ne  peut  parvenir  au 
moindre  emploi  qu'on  ne  l'oit  favant ,  du  moins 
par  rapport  au  commun  de  la  nation.  Ainfi  ceux  qui 
veulent  figurer  dans  le  monde  font  indifpenfable- 
ment  obligés  de  s'appliquer  à  l'étude.  Il  ne  fuffit  pas 
chez  eux  d'avoir  la  réputation  de  favant ,  il  faut  l'ê- 
tre réellement  pour  pouvoir  parvenir  aux  dignités 
&  aux  honneurs  ;  chaque  candidat  étant  obligé  de 
fubir  trois  examens  très-féveres ,  qui  répondent  à  nos 
trois  degrés  de  bachelier,  licentié,  &:  doefeur. 

De  cette  nécelîité  d'étudier  il  s'enfuit,  qu'il  doit 
y  avoir  dans  la  Chine  un  nombre  infini  de  livres 
&  d'écrits;  &  par  conféquent  que  les  gens  riches 
chez  eux  doivent  avoir  formé  de  grandes  biblio- 
thèques. 

En  effet ,  les  hiftoriens  rapportent  qu'environ  deux 
cents  ans  avant  J.  C.  Chingius ,  ou  Xius ,  empereur 
de  la  Chine ,  ordonna  que  tous  les  livres  du  royau- 
me (  dont  le  nombre  étoit  prefqu 'infini  )  lùiï'ent  brû- 
lés ,  à  l'exception  de  ceux  qui  traitoient  de  la  méde- 
cine ,  de  l'agriculture ,  &  de  la  divination  ,  s'imagi- 
nant  par-là  faire  oublier  les  noms  de  ceux  qui  l'a- 
voient  précédé ,  &  que  la  poftérité  ne  pourroit  plus 
parler  que  de  lui.  Ses  ordres  ne  furent  pas  exécutés 
avec  tant  de  loin,  qu'une  femme  ne  pût  fauver  les 

ouvrages 


B  I  B 

ouvrages  de  Mentais  ,  de  Confucius  furnommé  le 
Socrate  de  la  Chine ,  &c  de  plufieurs  autres,  dont  elle 
colla  les  feuilles  contre  le  mur  de  la.  mailon ,  où  elles 
relièrent  jufqu'à  la  mort  du  tyran. 

C'elt  par  cette  railon  que  ces  ouvrages  pafîent 
pour  être  les  plus  anciens  de  la  Chine ,  6c  fur-tout 
ceux  de  Confucius  pour  qui  ce  peuple  a  une  extrê- 
me vénération.  Ce  philofophe  lailTa  neuf  livres  qui 
font ,  pour  ainfi  dire ,  la  fource  de  la  plupart  des  ou- 
vrages qui  ont  paru  depuis  Ion  tems  à  la  Chine  ,  & 
qui  ibnt  ii  nombreux,  qu'un  feigneur  de  ce  pays  (au 
rapport  du  P.  Trigault  )  s'étant  fait  Chrétien ,  em- 
ploya quatre  jours  à  brûler  fes  livres ,  afin  de  ne  rien 
garder  qui  fentît  les  fuperltitions  des  Chinois.  Spizel- 
lius  dans  Ion  livre  de  re  litteraria  Sinenfium  ,  dit  qu'il 
y  a  une  bibliothèque  fur  le  mont  Lingumen  de  plus 
de  30  mille  volumes ,  tous  compofés  par  des  auteurs 
Chinois ,  &  qu'il  n'y  en  a  guère  moins  dans  le  tem- 
ple de  Veachung ,  proche  l'Ecole  royale. 

Il  y  a  plufieurs  belles  bibliothèques  au  Japon  ;  car 
les  voyageurs  alîïirent  qu'il  y  a  dans  la  ville  de  Na- 
rad  un  temple  magnifique  qui  elt  dédié  à  Xaca ,  le 
fage,  le  prophète,  &le  légiflateurdu  pays;  &  qu'au- 
pie  ;de  ce  temple  les  bonzes  ou  prêtres  ont  leurs  ap- 
partciuens  ,  dont  un  elt  lbûtenu  par  24 colonnes,  & 
contient  une  bibliothèque  remplie  de  livres  du  haut 
en  bas. 

Tout  ce  que  nous  avons  dit  eft  peu  de  chofe  en 
comparaifon  de  la  bibliothèque  qu'on  dit  être  dans  le 
monalTere  de  la  Sainte-Croix,  fur  le  mont  Amara 
en  Ethiopie.  L'hiftoire  nous  dit  qu'Antoine  Brieus  &c 
Laurent  de  Crémone  furent  envoyés  dans  ce  pays 
par  Grégoire  XIII.  pour  voir  cette  fameufe  biblio- 
thèque ,  qui  elt  divilée  en  trois  parties  ,  &  contient 
en  tout  dix  millions  cent  mille  volumes ,  tous  écrits 
fur  de  beau  parchemin  ,  &  gardés  dans  des  étuis  de 
foie.  On  ajoute  que  cette  bibliothèque  doit  Ion  origi- 
ne à  la  reine  de  Saba  ,  qui  vifita  Salomon ,  &  reçut 
de  lui  un  grand  nombre  de  livres  ,  particulièrement 
ceux  d'Enoch  fur  les  élémens ,  &  fur  d'autres  fujets 
ph'i olophiques ,  avec  ceux  de  Noé  fur  les  fujets  de 
Mathématique  &C  fur  le  Rit  facré;&:  ceux  qu'Abraham 
compofa  dans  la  vallée  de  Mambré ,  oii  il  enfeigna  la 
Philofophie  à  ceux  qui  l'aidèrent  à  vaincre  les  rois 
qui  avoient  fait  prifonnier  fon  neveu  Lot,  avec  les 
livres  de  Job  ,  6c  d'autres  que  quelques-uns  nous  al- 
fùrcnt  être  clans  cette  bibliothèque  ,  aulîi  bien  que  les 
livres  d'Efdras ,  des  Sibylles ,  des  Prophètes  6c  des 
grands  prêtres  des  Juifs  ,  outre  ceux  qu'on  fuppofe 
avoir  été  écrits  par  cette  reine  6c  par  ion  fils  Mémi- 
lech ,  qu'on  prétend  qu'elle  eut  de  Salomon.  Nous 
rapportons  ces  opinions  moins  pour  les  adopter ,  que 
pour  montrer  que  de  très-habiles  gens  y  ont  donné 
leur  créance  ,  tels  que  le  P.  Kircher.  Tout  ce  qu'on 
peut  dire  des  Ethiopiens ,  c'elt  qu'ils  ne  le  fondent 
guère  de  la  littérature  profane ,  6c  par  conféquent 
qu'ils  n'ont  guère  de  livres  Grecs  ni  Latins  fur  des 
lujets  hiltoriques  ou  philofophiques  ;  car  ils  ne  s'ap- 
pliquent qu'à  la  littérature  facrée ,  qui  tut  d'abord 
extraite  de  livres  Grecs,  &  enfuite  traduite  dans  leur 
langue.  Ils  font  fchifmatiques  &  fectateurs  d'Euty- 
chès  &  de  Neltorius.  Voye^ Eutychiens,  Nesto- 

RIENS. 

Les  Arabes  d'aujourd'hui  ne  connoilfent  nullement 
les  lettres  :  mais  vers  le  dixième  fiecle  ,  &  fur -tout 
fous  le  règne  d'Almanzor,  aucun  peuple  ne  les  cul- 
tivoit  avec  plus  de  luccès qu'eux. 

Après  l'ignorance  qui  régnoit  en  Arabie  avant  le 
tems  de  Mahomet,  le  calife  Almamon  fut  le  premier 
qui  tit  revivre  les  fciences  chez  les  Arabes  :  il  fit  tra- 
duire en  leur  langue  un  grand  nombre  des  livres 
qu'il  avoit  forcé  Michel  III.  empereur  de  Conltanti- 
nople ,  de  lui  laitier  choilir  de  fa  bibliothèque  6c  par 
tout  l'empire ,  après  l'avoir  vaincu  dans  une  baïaÛle. 
Tome  H. 


B  I  B 


a33 


Le  roi  ManzOr  ne  fut  pas  moins  alïidu  à  cultivei 
les  lettres.  Ce  grand  prince  fonda  plufieurs  écoles 
&  bibliothèques  publiques  à  Maroc  ,  où  les  Arabes  le 
vantent  d'avoir  la  première  copie  du  code  de  Jufti- 
nien. 

Eupennas  dit  que  la  bibliothèque  de  Fez  elt  compo- 
fée  de  31  mille  volumes  ;  6c  quelques-uns  prétendent 
que  toutes  les  décades  de  Tite-Live  y  font ,  avec  les 
ouvrages  de  Pappus  d'Alexandrie ,  fameux  Mathé- 
maticien ;  ceux  d'Hippocrate  ,  de  Galien ,  &  de  plu- 
fieurs autres  bons  auteurs  ,  dont  les  écrits  ou  ne  font 
pas  parvenus  jufqu'à  nous ,  ou  n'y  font  parvenus  que 
très-imparfaits. 

Selon  quelques  voyageurs  il  y  a  à  Gaza  une  autre 
belle  bibliothèque  d'anciens  livres  ,  dans  la  plupart 
defquels  on  voit  des  figures  d'animaux  &  des  chiffres, 
à  la  manière  des  Egyptiens  ;  ce  qui  fait  préfumer  que 
c'elt  quelque  relie  de  la  bibliothèque  d'Alexandrie. 

II  y  a  une  bibliothèque  à  Damas  ,  oii  François  Rofa 
de  Ravenne  trouva  la  philofophie  myftique  d'Arif- 
tote  en  Arabe  ,  qu'il  publia  dans  la  fuite. 

On  a  vu  par  ce  que  nous  avons  déjà  dit ,  que  la  bi- 
bliothèque des  empereurs  Grecs  n'a  point  été  conler- 
vée,  &  que  celle  des  fultans  elt  très-peu  de  chofe;  ainli 
ce  qu'on  trouve  à  cet  égard  dans  Baudier,  &  d'au- 
tres auteurs  qui  en  racontent  des  merveilles ,  ne  doit 
point  prévaloir  fur  le  récit  fimple  &:  lincere  qu'ont 
fait  fur  Iemêmefujet  les  favans  judicieux  qu'on  avoit 
envoyés  à  Conftantinople ,  pour  tenter  s'il  ne  fieroit 
pas  pofîible  de  recueillir  quelques  lambeaux  de  ces 
précieufes  bibliothèques.  D 'ailleurs ,  le  mépris  que  les 
Turcs  en  général  ont  toujours  témoigné  pour  les 
fciences  des  Européens  ,  prouve  allez  le  peu  de  cas 
qu'ils  feroientdes  auteurs  Grecs  &  Latins  :  mais  s'ils 
les  avoient  eus  en  leur  pofTefîion,  on  ne  voit  pas 
pourquoi  ils  auroient  refiilé  de  les  communiquer  à 
la  requifition  du  premier  prince  de  l'Europe. 

Il  y  avoit  anciennement  une  très-belle  bibliothèque. 
dans  la  ville  d'Ardu-il  en  Perfe  ,  011  réfiderent  les 
Mages ,  au  rapport  d'Oléarius  dans  Ion  Itinéraire.  La 
Boulaye  le  Goux  dit  que  les  habitans  de  Sabea  ne  le 
fervent  que  de  trois  livres ,  qui  font  le  livre  d'Adam, 
celui  du  Divan  ,  &  l'Alcoran.  Un  écrivain  Jéfuite 
alTùrc  aufîi  avoir  vît  une  bibliothèque  luperbe  à  Al- 
ger. 

L'ignorance  des  Turcs  n'eft  pas  plus  grande  que 
n'eft  aujourd'hui  celle  des  Chrétiens  Grecs ,  qui  ont 
oublié  jufqu'à  la  langue  de  leurs  pères,  l'ancien  Grec. 
Leurs  évêquesleur  défendent  la  lecture  des  auteurs 
Payens ,  comme  fi  c'étoit  un  crime  d'être  lavant  ;  de 
forte  que  toute  leur  étude  eft  bornée  à  la  lecture  des 
aftes  des  fept  fynodes  de  la  Grèce  ,  &  des  œuvres  de 
faintBafile,de  faint  Chryfoftome,  èede  faim  Jean  de 
Damas.  Ils  ont  cependant  nombre  de  bibliothèques t 
mais  qui  ne  contiennent  que  des  manuferits ,  l'im- 
prelfion  n'étant  point  en  ulage  chez  eux.  Ils  ont  une 
bibliothèque  fur  le  mont  Athos  ,  &  plufieurs  autres  où 
il  y  a  quantité  de  manuferits ,  mais  très-peu  de  livres 
imprimés.  Ceux  qui  voudront  l'avoir  quels  font  les 
manuferits  qu'on  a  apportés  de  chez  les  Grecs  en 
Fiance  ,  en  Italie,  &  en  Allemagne,  &  ceux  qui  rel- 
tent  encore  à  Conlîantinople  entre  les  mains  de  par- 
ticuliers, 6c  dans  l'île  de  Pathmos,  &  les  autres  des 
de  l'Archipel,  dans  le  monaftere  de  fainte  Baûle  à 
Caffa  ,  anciennement  Théodolia  ,  dans  la  Tartane 
Crimée ,  &  dans  les  autres  états  du  grand-Turc ,  peu- 
vent s'initruirc  à  fond  dans  l'excellent  traité  du  père 
Poitevin ,  intitulé  cpparatus  facer,  6c  dans  la  relation 
du  voyage  que  tit  M.  l'abbé  Sevin  à  Conlt.mtmople 
en  1729  :  elle  elt  inférée  dans  les  Mémoires  Je  l'aca- 
démie des  Belles-Lettres  ,  tome  l  11. 

Le  grand  nombre  des  bibliothèques, tant  publiques  que 
particulières,  qui  font  aujourd'hui  un  des  principaux 
Qrnemens  de  l'Europe,  nous  entraineroit  dans  un  de-. 


*34 


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tail  que  ne  nous  permettent  pas  les  bornes  que  nous 
nous  fommes  preferites  dans  cet  ouvrage.  Nous  nous 
contenterons  donc  d'indiquer  les  plus  confidérables  , 
foit  par  la  quantité  ,  foit  par  le  choix  des  livres  qui 
les  compofent. 

De  ce  nombre  font  à  Copenhague  la  bibliothèque 
de  l'univerlité,  &  celle  qu'y  a  fondée  Henri  Rant- 
zau,  gentilhomme  Danois. 

Celle  que  Chriftine ,  reine  de  Suéde,  fonda  à  Stoc- 
kholm, dans  laquelle  on  voit,  enîr'autres  curiofités, 
une  des  premières  copies  de  l'Alcoran  ;  quelques-uns 
veulent  même  que  ce  foit  l'original  qu'un  des  fultans 
Turcs  ait  envoyé  à  l'empereur  des  Romains  :  mais 
cela  ne  paroît  guère  probable. 

La  Pologne  r»e  manque  pas  de  bibltotheqv.es  ;  il  y 
en  a  deux  très-confidérables ,  l'une  à  Vilna ,  fondée 
par  planeurs  rois  de  Pologne,  félon  Cromer  &  Bo- 
zuis  ,  &  l'autre  à  Cracovie. 

Quant  à  la  Ruffic  ,  il  eft  certain  qu'à  l'exception 
de  quelques  trahésfur  la  religion  en  langue  Scîavon- 
ne,  il  n'y  avoit  aucun  livre  de  Sciences,  &  même 
prefque  pas  l'ombre  de  Littérature  avant  le  Czar 
Pierre  I.  qui ,  au  milieu  des  armes  ,  faifoit  fleurir  les 
Arts  &  ies  Sciences ,  &  fonda  plufieurs  académies  en 
différentes  parties  de  fort  empire.  Ce  grand  prince  fit 
un  fonds  très-a  nfidérable  pour  la  bibliothèque  de  Ion 
académie  de  Pt  iersbourg ,  qui  eft  très-fournie  de  li- 
vres dans  toutes  fortes  de  Sciences. 

La  bibliothèque  royale  dePetershofeftune  des  plus 
belles  de  l'Europe  ;  &c  le  cabinet  de  bijoux  6c  de  cu- 
riofités eft  ineftimable. 

La  bibliothèque  publique  d'Amfterdam  feroit  beau- 
coup plus  utile ,  fi  les  livres  y  étoient  arrangés  avec 
plus  d'ordre  &  de  méthode  :  mais  le  malheur  eft  qu'on 
ne  fauroit  les  trouver  fans  une  peine  extrême.  La  col- 
lection eft  au  reite  très-eftimable. 

Il  y  en  a  dans  les  Pays-bas  plufieurs  autres  fort  cu- 
rieufes,  telles  que  celles  des  Jéfuites  &des  Domini- 
cains à  Anvers.  Celle  des  moines  de  faint  Pierre  à 
Gand,  celle  de  Dunkerque  ,  celle  de  Gemblours 
abondante  en  anciens  manuferits ,  auxquels  Erafme 
&  plufieurs  autres  favans  ont  fouvent  eu  recours. 
Celles  d'Hardenvick,d'Ypres,  de  Liège,  deLouvain, 
de  Leyde,  &c. 

Il  y  a  deux  bibliothèques  publiques  à  Leyde  ;  l'une 
fondée  par  Antoine  Thilius  ;  l'autre  ,  qui  eft  celle  de 
l'univerlité  ,  lui  a  été  donnée  par  Guillaume  I.  prin- 
ce d'Orange.  Elle  eft  fort  eftimée  par  les  manuferits 
Grecs,  Hébraïques ,  Chaldéens, Syriaques,  Perfans, 
Arméniens,  &  Ruftiens,  que  Jofeph  Scaliger  laiiTa  à 
cette  école ,  où  il  avoit  profeffé  pendant  plufieurs  an- 
nées. La  Bible  Compluteniîenne  n'eft  pas  un  de  fes 
moindres  ornemens  ;  elle  fut  donnée  par  Philippe  IL 
roi  d'Efpagne  au  prince  d'Orange ,  qui  en  fît  préfent 
à  l'univerlité  de  cette  ville.  Cette  bibliothèque  a  été 
augmentée  par  celle  de  Holmannus ,  &  fur-tout  du 
célèbre  Ifaac  Vofîius.  Cette  dernière  contenoit  un 
grand  nombre  de  manuferits  précieux ,  qui  venoient , 
à  ce  qu'on  croit ,  du  cabinet  de  la  reine  Chriftine 
de  Suéde. 

L'Allemagne  honore  &  cultive  trop  les  Lettres , 
pour  n'être  pas  fort  riche  en  bibliothèques.  On  compte 
parmi-les  plus  confidérables  celles  de  Francfort-fur- 
l'Oder,  de  Leypfic,  de  Drefde  ,  d'Ausbourg,  de  Baie 
en  Suiflé,  où  l'on  voit  un  manuferit  du  nouveau- 
Teftament  en  lettres  d'or ,  dont  Erafme  fit  grand  ufa- 
ge  pour  corriger  la  verlion  de  ce  faint  livre.  Il  y  a 
encore  à  Bâle  les  bibliothèques  d'Erafme  ,  d'Amef- 
bach,  &  de  Feche. 

La  bibliothèque  du  duc  de  "Volfembuttel  eft  com- 
posée de  celles  de  MarquardusFreherus ,  de  Joachim 
Cluten,  &  d'autres  collections  curieufes.  Elle  eft  très- 
coniîdérable  par  le  nombre  &  la  bonté  des  livres  ,  & 
par  le  bel  ordre  qu'on  y  a  mis  :  on  afture  qu'elle  con- 


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tient  cent  feïze  mille  volumes,  &  deux  mille  manuf- 
erits Latins  ,  Grecs  ,  &  Hébraïques. 

Celle  du  roi  de  Pruffe  à  Berlin  eft  encore  plus  nom* 
breufe  que  celle  du  duc  de  "Wolfembuttel,  &  les  livres 
en  font  aufîï  mieux  reliés.  Elle  fut  fondée  par  Frédéric 
Guillaume  ,  éledeur  de  Brandebourg  ;  &  elle  a  été 
confidérablement  augmentée  par  l'acceffion  de  celle 
du  célèbre  M.  Spanheim.  On  y  trouve,  entr'autres 
raretés  ,  plufieurs  manuferits  ornés  d'or  &  de  pierre- 
ries ,  dutems  de  Charlemagne. 

Il  y  a  encore  en  Allemagne  un  fort  grand  nombre 
d'autres  bibliothèques  très-curieufes  ,  mais  dont  le  dé- 
tail nous  meneroit  trop  loin.  Nous  finirons  par  celle 
de  l'empereur  à  Vienne  ,  qui  contient  cent  mille  vo- 
lumes. Il  y  a  un  nombre  prodigieux  de  manuferits 
Grecs  ,  Hébraïques ,  Arabes,  Turcs ,  &  Latins.  Lam- 
batius  a  publié  un  catalogue  du  tout,  &  a  gravé  les 
figures  des  manuferits  ,  mais  elles  ne  font  pas  fort  in- 
téreflantes.  Cette  bibliothèque  fut  fondée  par  l'empe- 
reur Maximilien  en  1480:  la  bibliothèque  remplit  huit 
grands  appartemens ,  auprès  defquels  en  eft  un  neu- 
vième pour  les  médailles  &  les  curiofités ,  où  ce  qu'il 
y  a  de  plus  remarquable  eft  un  grand  bafiin  d'éme- 
raude.  Cette  bibliothèque  fut  bien  enrichie  par  celle 
du  feu  prince  Eugène,  qui  étoit  fort  nombreufe. 

Veniiè  a  une  célèbre  bibliothèque ,  qu'on  nomme 
communément  la  bibliothèque  de  S.  Marc,oii  l'on  con- 
ferve  l'évangile  de  ce  faint,  écrit,à  ce  qu'on  prétend, 
de  fa  propre  main ,  &  qui  après  avoir  été  long-tems  à 
Aquilée  où  il  prêcha  la  foi ,  fut  porté  à  Venife  :  mais 
dans  le  vrai  il  n'y  en  a  que  quelques  cahiers  ,  &  en- 
core d'une  écriture  fi  effacée,  qu'on  ne  peut  diftin- 
guer  fi  c'eft  du  Grec  ou  du  Latin.  Cette  bibliothèque 
eft  d'ailleurs  fort  riche  en  manuferits  :  celles  que  le 
cardinal  Beffarion  &  Pétrarque  léguèrent  à  la  répu- 
blique ,  font  aufîï  dans  la  même  ville,  &  unies  à  celle 
que  le  fénat  a  fondée  à  l'hôtel  de  la  monnoie. 

Padoue  eft  plein  de  bibliothèques  :  en  effet ,  cette 
ville  a  toujours  été  célèbre  par  fon  univerfité ,  &  par 
le  grand  nombre  de  favans  qui  lui  doivent  la  naif- 
fance.  On  y  voit  la  bibliothèque  de  S.  Juftin ,  celle  de 
S.  Antoine,  &  celle  de  S.  Jean  de  Latran.  Sixte  de 
Sienne  dit  qu'il  a  vu  dans  cette  dernière  une  copie  de 
l'épître  de  S.  Paul  aux  peuples  de  Laodicée,  ôc  qu'il 
en  fît  même  un  extrait. 

La  bibliothèque  de  Padoue  fut  fondée  par  Pignorius  ; 
Thomazerius  nous  en  a  donné  un  catalogue  dans  fa 
Bibliotheca. 

Il  y  en  a  une  magnifique  à  Ferrare  ,  011  l'on  voit 
grand  nombre  de  manuferits  anciens  &  d'autres  mo- 
numens  curieux  de  l'antiquité ,  comme  des  ftatues  , 
des  tableaux ,  &  des  médailles  de  la  collecf  ion  de 
Pierre  Ligorius,  célèbre  architecte  ,  &  l'un  des  plus 
favans  de  fon  fiecle. 

On  prétend  que  dans  celle  des  Dominicains  à  Bo- 
logne ,  on  voit  le  Pentateuque  écrit  de  la  main  d'Ef- 
dras.  Tifiard,dans  fa  grammaire  Hébraïque ,  dit  l'a- 
voir vu  fouvent,  &  qu'il  eft  très-bien  écrit  fur  une 
feule  grande  peau  :  mais  Hottinger  prouve  claire- 
ment que  ce  manuferit  n'a  jamais  été  d'Efdras. 

A  Naples  les  Dominicains  ont  une  belle  bibliothè- 
que ,  où  font  les  ouvrages  de  Pontanus  ,  que  fa  fille 
Eugénie  donna  pour  immortalif er  la  mémoire  de  fon 
illuftre  père. 

La  bibliothèque  de  S.  Ambroife  à  Milan  fut  fondée 
par  le  cardinal  Frédéric  Borromée  :  elle  a  plus  de  dir 
mille  manuferits  recueillis  par  Antoine  Oggiati. 
Quelques-uns  prétendent  qu'elle  fut  enrichie  aux  dé- 
pens de  celle  de  Pinelli  :  on  peut  dire  qu'elle  n'eft 
inférieure  à  aucune  de  celles  dont  nous  avons  parlé, 
puilqu'elle  contenoit  il  y  a  quelques  années  46  mille 
volumes,  &  iz  mille  manuferits ,  fans  compter  ce 
qu'on  y  a  ajouté  depuis.  Elle  eft  publique. 

La  bibliothèque  du  duc  de  Mantoue  peut  être  mife 


B  I  B 

au  nombre  des  bibliothèques  les  plus  curleufes  du  mon- 
de. Elle  fouffrit  à  la  vérité  beaucoup  pendant  les 
guerres  d'Italie  qui  éclatèrent  en  1 70 1  ;  &  fans  doute 
elle  a  été  tranfportée  à  Vienne.  C'eft-là  qu'étoit  la 
fameufe  plaque  de  bronze  couverte  de  chiffres  Egyp- 
tiens &  d'hiéroglyphes  ,  dont  le  favant  Pignorius  a 
donné  l'explication. 

La  bibliothèque  de  Florence  contient  tout  ce  qu'il 
y  a  de  plus  brillant ,  de  plus  curieux ,  &  de  plus  inf- 
tmftif  :  elle  renferme  un  nombre  prodigieux  de  li- 
vres &  de  manufcrits  les  plus  rares  en  toutes  fortes 
de  langues  ;  quelques-uns  font  d'un  prix  ineftima- 
ble  :  les  ftatues ,  les  médailles ,  les  buftes ,  &  d'autres 
monumens  de  l'antiquité  y  font  fans  nombre.  Le  mu- 
faum  Florentinum  peut  feul  donner  une  jufte  idée  de 
ce  magnifique  cabinet  ;  &  la  defcription  de  la  biblio- 
thèque mériteroit  feule  un  volume  à  part.  Il  ne  faut 
pas  oublier  le  manufcrit  qui  fe  conferve  dans  la  cha- 
pelle de  la  cour;  c'eft  l'évangile  de  S.  Jean  qui,  à  ce 
qu'on  prétend ,  eft  écrit  de  fa  propre  main. 

Il  y  a  deux  autres  bibliothèques  à  Florence ,  dont 
l'une  fut  fondée  en  l'églife  de  S.  Laurent  par  le  pape 
Clément  VI I.  de  la  famille  de  Médicis ,  &  eft  ornée 
d'un  grand  nombre  de  manufcrits  Hébraïques ,  Grecs, 
&  Latins. 

L'autre  fut  fondée  par  Cofme  de  Médicis  dans 
l'églife  de  S.  Marc  qui  appartient  aux  Jacobins. 

Il  y  a  une  très-belle  bibliothèque  à  Pife ,  qu'on  dit 
avoir  été  enrichie  de  8000  volumes  qu'Aide  Manu- 
ce  légua  à  l'Académie  de  cette  ville. 

La  bibliothèque  du  roi  de  Sardaigne  à  Turin  eft  très- 
curieufe  par  rapport  aux  manufcrits  du  célèbre  Pierre 
Ligorius ,  qui  deffina  toutes  les  antiquités  de  l'Italie. 

Le  pape  Nicolas  V.  fonda  une  bibliothèque  à  Rome 
compofée  de  fix  mille  volumes  des  plus  rares  :  quel- 
ques-uns difent  qu'elle  fut  formée  par  Sixte-Quint , 
parce  que  ce  pape  ajouta  beaucoup  à  la  collection 
commencée  par  le  pape  Nicolas  V.  Il  eft  vrai  que 
les  livres  de  cette  bibliothèque  furent  difperfés  fous  le 
pontificat  de  Calixte  III.  qui  fuccéda  au  pape  Nico- 
las ;  mais  elle  fut  rétablie  par  Sixte  IV.  Clément 
VII.  Léon  X.  Elle  fut  prefque  entièrement  dé- 
truite par  l'armée  de  Charles  V.  fous  les  ordres  du 
connétable  de  Bourbon  &  de  Philbert  prince  d'O- 
range ,  qui  faccagerent  Rome  avant  le  pontificat  de 
Sixte-Quint. 

Ce  pape  qui  aimoit  les  favans  &  les  lettres , 
non-feulement  rétablit  la  bibliothèque  dans  l'on  an- 
cienne fplendeur  :  mais  il  l'enrichit  encore  d'un  grand 
nombre  de  livres  &  d'excellens  manufcrits.  Elle  ne 
fut  pas  fondée  au  Vatican  par  Nicolas  V.  mais  elle  y 
fut  tranfportée  par  Sixte  IV.  &  enfuite  à  Avignon  , 
en  même  tems  que  le  S.  Siège,  par  Clément  V.  &c 
de-là  elle  fut  rapportée  au  Vatican  fous  le  pontificat 
de  Martin  V.  oii  elle  eft  encore  aujourd'hui. 

On  convient  généralement  que  le  Vatican  doit 
une  grande  partie  de  la  belle  bibliothèque  à  celle  de 
l'électeur  Palatin  ,  que  le  comte  de  Tilly  prit  avec 
Heidelberg  en  1612.  D'autres  cependant  préten- 
dent, &  ce  femble  avec  raifon ,  que  Paul  V.  qui  étoit 
pour  lors  pape,  n'eut  qu'une,  très-petite  &  même  la 
plus  mauvaiic  partie  de  la. bibliothèque  Palatine;  tous 
les  ouvrages  les  plus  eftimables  ayant  été  emportés 
par  d'autres ,  &  principalement  par  le  duc  de  Ba- 
vière. 

La  bibliothèque  du  Vatican,  que  Baronius  compare 
à  un  filet  qui  reçoit  toutes  fortes  de  poifîbns  tant 
bons  que  mauvais  ,  eft  divifée  en  trois  parties:  la 
première  eft  publique ,  &  tout  le  monde  peut  y  avoir 
recours  pendant  deux  heures  de  certains  jours  de  la 
fémainc  :  la  féconde  partie  eft  plus  feercte  ;  &c  la  troi- 
fieme  ne  s'ouvre  jamais  que  pour  certaines  perfon- 
rcs;  de  forte  qu'on  pourroit  la  nommer  le  fancluaire 
duFatican.  Sixte  quint  l'enrichit  d'un  très-grand  nom- 
Tome  II, 


B  I  B 


23  5 


bre  d'ouvrages  ,  foit  manufcrits  foit  imprimés ,  &  la 
fit  orner  de  peintures  à  frefque  par  les  plus  grands 
maîtres  de  fon  tems.  Entr'autres  figures  emblémati- 
ques dont  le  détail  feroit  ici  trop  long ,  on  voit  toutes 
les  bibliothèques  célèbres  du  monde  repréfentées  par 
des  livres  peints  ,  &  au-deflous  de  chacune  une  inf- 
cription  qui  marque  l'ordre  du  tems  de  leur  fonda- 
tion. 

Cette  bibliothèque  contient  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages rares  &c  anciens  ,  entr'autres  deux  copies  de 
Virgile  qui  ont  plus  de  mille  ans  ;  elles  font  écrites 
fur  du  parchemin  ;  de  même  qu'une  copie  de  Téren- 
ce ,  faite  du  tems  d'Alexandre  Sévère  &  par  fon  or- 
dre. On  y  voit  les  actes  des  Apôtres  en  lettres  d'or. 
Ce  manufcrit  étoit  orné  d'une  couverture  d'or  enri- 
chie de  pierreries ,  &  fut  donné  par  une  reine  de  Chy- 
pre au  pape  Alexandre  VI.  mais  les  foldats  de  Char- 
les V.  le  dépouillèrent  de  ces  riches  ornemens  lorf- 
qu'ils  faccagerent  Rome.  11  y  a  auffi  une  bible  Gre- 
que  très-ancienne  ;  les  épigrammes  de  Pétrarque  écri- 
tes de  fa  propre  main  ;  les  ouvrages  de  S.  Thomas 
d'Aquin  traduits  enGrec  par  Démétrius  Cydonius  de 
Theffalonique  ;  une  copie  du  volume  que  les  Perfes 
ont  fait  des  fables  deLocman,  que  M.  Huet  a  prouvé 
être  le  même  qu'Efope  :  on  y  voit  auffi  les  premières 
copies  des  ouvrages  de  Tacite  ,  qui  ne  furent  décou- 
vertes que  fous  le  pontificat  de  Léon  X. 

Outre  le  grand  nombre  d'excellens  livres  qui  font 
l'ornement  de  la  bibliothèque  du  Vatican  ,  il  y  a  en- 
core plus  de  dix  mille  manufcrits  dont  Angélus  de 
Rhocca  a  publié  le  catalogue. 

Quelques-uns  rapportent  que  Clément  VIII.  aug- 
menta considérablement  cette  bibliothèque ,  tant  en  li- 
vres imprimés  qu'en  manufcrits  ;  en  quoi  il  fut  aidé 
parFulviusUrfinus;  que  Paul  V.  l'enrichit  des  manuf- 
crits du  cardinal  Alteni ,  &  d'une  partie  de  la  biblio- 
thèque, Palatine;  &  qu'Urbain  VIII.  fit  apporter  du 
collège  des  Grecs  de  Rome  un  grand  nombre  de  li- 
vres Grecs  au  Vatican  ,  dont  il  fit  Léon  Allatius  bi- 
bliothécaire. 

Il  y  avoit  plufieurs  autres  belles  bibliothèques  à  Ro- 
me ,  particulièrement  celle  du  cardinal  François  Bar- 
berini ,  qui  contenoit ,  à  ce  qu'on  prétend ,  vingt- 
cinq  mille  volumes  imprimés ,  &  cinq  mille  manuf- 
crits. Il  y  a  auffi  les  bibliothèques  du  palais  Farnefe  , 
de  fainte-Marie  in  ara  ae/i,de  fainte-Marie  fur  la 
Minerve ,  des  Auguftins ,  des  Pères  de  lOratoire ,  des 
Jéfuites,  du  feu  cardinal  Montalte ,  du  cardinal  Sfor- 
za  ;  celles  des  églifes  de  la  Sapienza ,  de  la  Chieza- 
nova,  de  fan-Ifidore  ,  du  collège  Romain  ,  du  prince 
Borghefe ,  du  prince  Pamphili ,  du  connétable  Colon- 
na ,  &  de  plufieurs  autres  princes ,  cardinaux ,  fei- 
gneurs,  &  communautés  religieufes  ,  dont  quelques- 
unes  font  publiques. 

La  première  &  la  plus  confidérable  des  bibliothè- 
ques d'Efpagne  ,  eft  celle  de  l'Efcurial  au  couvent  de 
S.  Laurent ,  fondée  par  Charles  V.  mais  conlidéra- 
blement  augmentée  par  Philippe  II.  Les  ornemens 
de  cette  bibliothèque  font  fort  beaux  ;  la  porte  eft  d'un 
travail  exquis  ,  &  le  pavé  de  marbre  ;  les  tablettes 
fur  lcfquellesles  livres  font  rangés  font  peintes  d'une 
infinité  de  couleurs  ,  &  toutes  de  bois  des  Indes  :  les 
livres  font  fuperbement  dorés  :  il  y  a  cinq  rangs  d'ar- 
moires les  unes  au-deflus  des  autres,  où  les  livres 
font  gardés  ;  chaque  rang  a  cent  pies  de  long.  On  y 
voit  les  portraits  de  Charles  V.  de  Philippe  II.  Phi- 
lippe III.  &  Philippe  IV.  &  plufieurs  globes  dont  l'un 
reprçfente  avec  beaucoup  de  précifion  le  cours  des 
aftres,  eu  égard  aux  différentes  polirions  de  la  terre. 
II  y  a  un  nombre  infini  de  manufcrits  dans  cette  bi- 
bliothèque ,  &  entr'autres  l'original  du  livre  de  S.  Au- 
guftin  furie  baptême.  Quelques-uns  penfentque  les 
originaux  de  tous  les  ouvrages  de  ce  perc  font  à  la 
bibliothèque  de  l'Lfcurial ,  Philippe  II  les  ayant  ache- 

Ggij 


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B  I  B 


tés  de  celui  au  fort  de  qui  ils  tombèrent  lors  du  pil- 
lage de  la  bibliothèque  de  Muley  Cydam  ,  roi  de  Fez 
&  de  Maroc,  quand  les  Eipagnols  prirent  la  forte- 
refTe  de  Carache  où  étoit  cette  bibliothèque.  C'eft.  du 
moins  ce  qu'allure  Pierre  Daviti,  dans  la  généalo- 
gie des  rois  de  Maroc  ,  où  il  dit  que  cette  bibliothè- 
que contenoit  plus  de  quatre  mille  volumes  Arabes 
fur  difFérens  fujets ,  &  qu'ils  furent  portés  à  Paris 
pour  y  être  vendus  :  mais  que  les  Parifiens  n'ayant 
pas  de  goût  pour  cette  langue ,  ils  furent  enfuite  por- 
tés à  Madrid,  où  Philippe  II.  les  acheta  pour  la  bi- 
bliothèque de  l'Efcurial. 

Il  y  a  dans  cette  bibliothèque  près  de  trois  mille 
manufcrits  Arabes ,  dont  Hottinger  a  donné  le  cata- 
logue. Il  y  a  auffi  nombre  de  manufcrits  Grecs  &  La- 
tins :  en  un  mot  c'eft  une  des  plus  belles  bibliothèques 
du  monde. 

Quelques-uns  prétendent  qu'elle  a  été  augmentée 
par  les  livres  du  cardinal  Sirlet,  archevêque  de  Sar- 
ragolïe  ,  &  d'un  ambalïadeur  Eipagnol  ;  ce  qui  l'a 
rendu  beaucoup  plus  parfaite  :  mais  la  plus  grande 
partie  fut  brûlée  par  le  tonnerre  en  1670. 

Il  y  avoit  anciennement  une  très-magnifique  bi- 
bliothèque dans  la  ville  de  Cordoue  ,  fondée  par  les 
Maures ,  avec  une  célèbre  académie  où  l'on  enfei- 
gnoit  toutes  les  feiences  en  Arabe.  Elle  fut  pillée  par 
les  Efpagnols  lorlque  Ferdinand  chafla  les  Maures 
d'Efpagne ,  où  ils  avoient  régné  plus  de  600  ans. 

Ferdinand  Colomb ,  fils  de  Chriilophe  Colomb,  qui 
découvrit  le  premier  l'Amérique  ,  fonda  une  très- 
belle  bibliothèque  ,  en  quoi  il  fut  aidé  par  le  célèbre 
Clénard. 

Ferdinand  Nonius  ,  qu'on  prétend  avoir  le  premier 
enfeigné  le  Grec  en  Eipagne ,  fonda  une  grande  & 
enrieufe  bibliothèque ,  dans  laquelle  il  y  avoit  beau- 
coup de  manufcrits  Grecs  qu'il  acheta  fort  cher  en 
Italie.  D'Italie  il  alla  en  Eipagne  ,  où  il  enfeigna  le 
Grec  &  le  Latin  à  Alcala  de  Henares ,  &  enfuite  à 
Sa'amanque  ,  &  laifTafa  bibliothèque  à  l'univerlité  de 
cette  ville. 

L'Efpagne  fut  encore  enrichie  de  la  magnifique 
bibliothèque  du  cardinal  Ximenès  à  Alcala  ,  oii  il  fon- 
da auffi  une  univerfité  qui  efi  devenue  tres-célebre. 
C'eft  au  même  cardinal  qu'on  a  l'obligation  de  la 
verfion  de  la  Bible  connue  fous  le  nom  de  la  Com- 
plu.tenfie.nne. 

Il  y  a  auffi  en  Efpagne  plufieurs  particuliers  qui 
ont  de  belles  bibliothèques  ;  telles  étoient  celles  d'A- 
rias Montanus ,  d'Antonius  Auguft inus  ,  favant  ar- 
chevêque de  Tarragone ,  de  Michel  Tomaiîus ,  & 
autres. 

Le  grand  nombre  de  favans  &  d'hommes  verfésdans 
les  dirférens  genres  de  littérature,  qui  ont  de  tout  tems 
fait  regarder  la  France  comme  une  des  nations  les 
plus  éclairées,  ne  laifTe  aucun  lieu  de  douter  qu'elle 
ait  été  auffi  la  plus  riche  en  bibliothèques  :  on  ne  s'y  eil 
pas  contenté  d'entaffer  des  livres  ,  on  les  a  choilis 
avec  goût  &  difeernement.  Les  auteurs  les  plus  ac- 
crédités ont  rendu  ce  témoignage  honorable  aux  bi- 
bliothèques de  nos  premiers  Gaulois  :  ceux  qui  vou- 
draient en  douter,  en  trouveront  des  preuves  incon- 
teftables  dans  fHiltoire  littéraire  de  la  France  par  les 
RR.  PP.  Bénédictins ,  ouvrage  où  règne  la  plus  pro- 
fonde érudition.  Nous  poumons  faire  ici  une  longue 
énumération  de  ces  anciennes  bibliothèques  :  mais 
nous  nous  contenterons  d'en  nommer  quelques-unes , 
pour  ne  pas  entrer  dans  un  détail  peu  intéreffant 
pour  le  plus  grand  nombre  de  nos  leûeurs.  La  plus 
riche  ôtla  plus  confidérable  de  ces  anciennes  biblio- 
thèques ,  étoit  celle  qu'avoit  Tonance  Fcrréol  dans  fa 
belle  maifon  de  Pruliane  ,  fur  les  bords  de  la  rivière 
du  Gardon  ,  entre  Nifmes  &  Clermcnt  en  Auvergne. 
Le  choix  &  l'arrangement  de  cette  bibliothèque  fai- 
foient  voir  le  bon  goût  de  ce  feigneur ,  èvfon  amour 


B  I  B 

pour  le  bel  ordre  :  elle  étoit  partagée  en  trois  claffes 
avec  beaucoup  d'art  ;  la  première  étoit  compofée 
des  livres  de  piété  à  l'ufage  du  fexe  dévot ,  rangés 
aux  côtés  des  fiéges  deftinés  aux  dames  ;  la  féconde 
contenoit  des  livres  de  littérature ,  &  fervoit  aux 
hommes  ;  enfin  dans  la  troifieme  claffe  étoient  les 
livres  communs  aux  deux  fexes.  Il  ne  faut  pas  s'ima- 
giner que  cette  bibliothèque  fut  feulement  pour  une 
vaine  parade  ;  les  perfonnes  qui  fe  trouvoient  dans 
la  mailbnen  faifoient  un  ulage  réel  &  journalier:  on 
y  employoit  à  la  lecture  une  partie  de  la  matinée , 
ôc  on  s'entretenoit  pendant  le  repas  de  ce  qu'on 
voit  lu  ,  en  joignant  ainfi  dans  le  difeours  l'érudition 
à  la  gaieté  de  la  converfation. 

Chaque  monaftere  avoit  auffi  dans  fon  établifTe* 
ment  une  bibliothèque  ,  &  un  moine  prépofé  pour  en 
prendre  foin.  C'elt  ce  que  portoit  la  règle  deTarnat 
&  celle  de  S.  Benoît.  Rien  dans  la  fuite  des  tems  ne 
devint  plus  célèbre  que  les  bibliothèques  des  moines  : 
on  y  confervoit  les  livres  de  plufieurs  fiecles  ,  dont 
on  avoit  foin  de  renouveller  les  exemplaires  ;  &  fans 
ces  bibliothèques  il  ne  nous  refteroit  guère  d'ouvra- 
ges des  anciens.  C'eft  de-là  en  effet  que  font  for- 
tis  prefque  tous  ces  excellens  manufcrits  qu'on  voit 
aujourd'hui  en  Europe ,  &  d'après  lefquels  on  a  don- 
né au  public  ,  depuis  l'invention  de  l'Imprimerie  , 
tant  d'excellens  ouvrages  en  tout  genre  de  littérature. 

Des  le  VIe  liecle  on  commença  dans  quelques  mc- 
nafteres  à  lubftituer  au  travail  pénible  de  l'agricul- 
ture ,  l'occupation  de  copier  les  anciens  livres  ,  & 
d'en  compoier  de  nouveaux.  C'étoit  l'emploi  le  plus 
ordinaire,  &  même  l'unique,  des  premiers  cénobi- 
tes de  Marmoutier.  On  regardoit  alors  un  monafte- 
re  qui  n'auroit  pas  eu  de  bibliothèque ,  comme  un  fort 
ou  un  camp  dépourvu  de  ce  qui  lui  étoit  le  plusné- 
ceffaire  pour  fa  défenfe  :  clauflrum  fine  armario ,  qua- 
fi  cajlrum  fine  ar marnent ario.  Il  nous  relfe  encore  de 
précieux  monumens  de  cette  fage  &  utile  occupa- 
tion dans  les  abbayes  de  Cîteaux  &  de  Clairvaux  , 
ainfi  que  dans  la  plus  grande  partie  des  abbayes  de 
l'ordre  de  S.  Benoit. 

Les  plus  célèbres  bibliothèques  des  derniers  tems 
ont  été  celles  de  M.  de  Thou  ;  de  M.  le  Tellier  ,  ar- 
chevêque de  Reims  ;  de  M.  Butteau  ,  fort  riche  en 
livres  fur  l'hiftoire  de  France  ;  de  M.  de  Coiflin, 
abondante  en  manufcrits  Grecs;  de  M.  Balufe,  dont  il 
fera  parlé  tout-à -l'heure  à  l'occafion  de  celle  du  Roy  ; 
de  M.  Dufay ,  du  cardinal  Dubois  ,  de  M.  Colbert, 
du  comte  d'Hoym ,  de  M.  le  maréchal  d'Etrées  ,  de 
meilleurs  Bigot ,  de  M.  Danty  d'Ilnard  ,  de  M.  Tur- 
got  de  S.  Clair ,  de  M.  Burette ,  &  de  M.  l'abbé  de 
Rothelin.  Nous  n'entrons  dans  aucun  détail  fur  le 
mérite  de  ces  différentes  bibliothèques ,  parce  que  les 
catalogues  en  exiftent ,  &  qu'ils  ont  été  faits  par  de 
fort  favans  hommes.  Nous  avons  encore  aujourd'hui 
des  bibliothèques  qui  ne  le  cèdent  point  à  celles  que 
nous  venons  de  nommer  :  les  unes  font  publiques  , 
les  autres  font  particulières. 

Les  bibliothèques  publiques  font  celle  du  Roi ,  dont 
nous  allons  donner  l'hilîoire ,  celles  de  S.  Victor ,  du 
collège  Mazarin  ,  de  la  Doctrine  -  chrétienne  ,  des 
Avocats  ,  &  de  S.  Germain  des  prés  :  celle-ci  eft  une 
des  plus  confidérables  ,  par  le  nombre  &  par  le  mé- 
rite des  anciens  manufcrits  qu'elle  poffede  :  elle  a  été 
augmentée  en  17 18  des  livres  de  M.  L.  d'Etrées  ,  & 
en  1710  de  ceux  de  M.  l'abbé  Renaudot.  M.  le  car- 
dinal de  Gefvres  légua  fa  bibliothèque  à  cette  abbaye 
en  1744,  fous  la  condition  que  le  public  en  joùiroit 
une  fois  la  femaine.  M.  l'évèque  de  Mets  ,  duc  de 
Coiflin ,  lui  a  auffi  légué  un  nombre  confidérable  de 
manufcrits,  qui  avoient  appartenu  ci-devant  au  chan- 
celier Seguier. 

Les  bibliothèques  particulières  qui  joùifTentde  quel- 
que réputation ,  foit  pour  le  nombre  foit  pour  la  qua* 


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lité  des  livres  ,  font  celle  de  fainte  Geneviève ,  à  la- 
quelle vient  d'être  réuni ,  par  le  don  que  lui  en  a  fait 
M.  le  duc  d'Orléans  ,  le  riche  cabinet  des  médailles 
que  feu  M.  le  Régent  avoit  formé  ;  celles  de  Sorbon- 
ne,  du  collège  de  Navarre  ,  des  Jéfuites  de  la  rue 
S.  Jacques  &  de  la  rue  S.  Antoine ,  des  prêtres  de  l'O- 
ratoire, &  des  Jacobins.  Celle  de  M.  Falconet,  infi- 
niment précieufe  par  le  nombre  &  par  le  choix  des 
livres  qu'elle  renferme ,  mais  plus  encore  par  l'ufage 
qu'il  en  fait  faire  ,  pourroit  être  mile  au  rang  des  bi- 
bliothèques publiques  ,  puifqu'en  effet  les  gens  de  let- 
tres ont  la  liberté  d'y  aller  faire  les  recherches  dont 
ils  ont  befoin ,  &  que  fouvent  ils  trouvent  dans  la 
converfation  de  M.  Falconet ,  des  lumières  qu'ils 
chercheroient  vainement  dans  fes  livres. 

Celle  de  M.  de  Boze  efl  peut-être  la  plus  riche  col- 
lection qui  ait  été  faite  de  livres  rares  &  précieux 
dans  les  différentes  langues  :  elle  efl  encore  recom- 
mandable  par  la  beauté  &  la  bonté  des  éditions ,  ain- 
fi  que  par  ia  propreté  des  reliures.  Si  cette  attention 
efl  un  luxe  de  l'elprit ,  c'en  efl  un  au  moins  qui  fait 
autant  d'honneur  au  goût  du  propriétaire,  que  de 
plaifir  aux  yeux  du  fpeftatcur. 

Après  avoir  parlé  des  principales  bibliothèques  con- 
nues dans  le  monde ,  nous  finirons  par  celle  du  Roi ,  la 
plus  riche  &  la  plus  magnifique  qui  ait  jamais  exifté. 
L'origine  en  efl  affez  obfcure  :  formée  d'abord  d'un 
nombre  peu  confidérable  de  volumes,  il  n'eft  pas  aifé 
de  déterminer  auquel  de  nos  rois  elle  doit  fa  fonda- 
tion. Ce  n'eft  qu'après  une  longue  fuite  d'années  & 
diverfes  révolutions ,  qu'elle  eil  enfin  parvenue  à  ce 
degré  de  magnificence  &  à  cette  efpece  d'immenfité , 
qui  éterniferont  à  jamais  l'amour  du  Roi  pour  les  Let- 
tres ,  &  la  protection  que  les  miniflres  leur  ont  ac- 
cordée. 

Quand  on  fuppoferoit  qu'avant  le  xiv.  fiecle  les 
livres  de  nos  rois  ont  été  en  affez  grand  nombre  pour 
mériter  le  nom  de  bibliothèques,  il  n  en  feroit  pas  moins 
vrai  que  ces  bibliothèques  ne  fubfiftoient  que  pendant 
la  vie  de  ces  princes  :  ils  en  difpoioient  à  leur  gré  ; 
&  prcfque  toujours  difîipées  à  leur  mort ,  il  n'en  paf- 
foit  guère  à  leurs  fuccefTeurs ,  que  ce  qui  avoit  été 
a  l'ufage  de  leur  chapelle.  S.  Louis  qui  en  avoit  raf- 
femble  une  affez  nombreufe ,  ne  la  laiffa  point  à  fes 
enfans  ;  il  en  fît  quatre  portions  égales ,  non  compris 
les  livres  de  fa  chapelle ,  &  la  légua  aux  Jacobins  & 
aux  Cordelicrs  de  Paris  ,  à  l'abbaye  de  Royaumont , 
&  aux  Jacobins  de  Compiegne.  Philippe  le  Be!  &  fes 
trois  fils  en  firent  de  même  ;  ce  n'eft  donc  qu'aux  rè- 
gnes fuivans  que  l'on  peut  rapporter  rétabliffement 
d'une  bibliothèque  royale ,  fixe  ,  permanente  ,  deflinée 
à  l'ufage  du  public,  en  un  mot  comme  inaliénable,  & 
comme  une  des  plus  précieufes  portions  des  meubles 
de  la  couronne.  Charles  V.  dont  les  thrélors  littérai- 
res confiitoient  en  un  fort  petit  nombre  de  livres  qu'a- 
voit  eu  le  roi  Jean ,  l'on  prédeceffeur,  eft  celui  à  qui 
l'on  croit  devoir  les  premiers  fondemens  de  la  biblio- 
thèque royale  d'aujourd'hui.  Il  étoit  lavant  ;  Ion  goût 
pour  la  Ic&ure  lui  fît  chercher  tous  les  moyens  d'ac- 
quérir des  livres,  aulîi  fa  bibliothèque  fut-elle  conlidé- 
rablement  augmentée  en  peu  de  tems.  Ce  prince  tou- 
jours attentif  au  progrès  des  Lettres,  ne  le  contenta 
pas  d'avoir  rafièmblé  des  livres  pour  la  propre  ins- 
truction ;  il  voulut  que  fes  iiijcts  en  prolitaiVcnt ,  cv 
logea  fa  bibliothèque  dans  une  des  tours  du  Louvre  , 
qui  pour  cette  raifon  fut  appel lee  /..'  tour  de  la  librai- 
rie. Afin  que  Ton  put  v  travailler  à  toute  heure  ,  il 
ordonna  qu'on  pendît  à  la  voûte  trente  petits  chan- 
deliers &  une  lampe  d'argent.  Cette  bibliothèque  etoit 
compolee  d'environ  910  volumes,  nombre  remar- 
quable dans  un  tems  où  les  Lettres  n'avoient  fait  en- 
core que  de  médiocres  progrès  en  France ,  &  011  par 
conféquent  les  livres  dévoient  être  affez  rares. 
Ce  prince  tiroit  quelquefois  des  livres  de  fa  biblio- 


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theque  du  Louvre ,  &  les  faifoit  porter  dans  fes  diffé- 
rentes maifons  royales.  Charles  VI.  fon  fils ,  &  fon 
fuccefléur ,  tira  auffide  fa  bibliothèque  plufieurs  livres 
qui  n'y  rentrèrent  plus  :  mais  ces  pertes  furent  répa- 
rées par  les  acquifitions  qu'il  faifoit  de  tems  en  tems. 
Cette  bibliothèque  relia  à  peu  près  dans  le  même  état 
jufqu'au  règne  de  Charles  VII.  que  par  une  fuite  des 
malheurs  dont  le  royaume  fut  accablé  ,  elle  fut  tota- 
lement diffipéc ,  du-moins  n'en  parut-il  de  long-tems 
aucun  veftige. 

Louis  XI.  dont  le  règne  fut  plus  tranquille,  donna 
beaucoup  d'attention  au  bien  des  lettres  ;  il  eut  foin 
de  raffembler,  autant  qu'il  le  put,  les  débris  de  la  li- 
brairie du  Louvre  ;  il  s'en  forma  une  bibliothèque  qu'il 
augmenta  depuis  des  livres  de  Charles  de  France ,  fon 
frère ,  &  félon  toute  apparence  de  ceux  des  ducs  de 
Bourgogne  ,  dont  il  réunit  le  duché  à  la  couronne. 

Charles  VIII.  fans  être  favant  eut  du  goût  pour  les 
livres  ;  il  en  ajouta  beaucoup  à  ceux  que  fon  père 
avoit  raffemblés  ,  &  fingulierement  une  grande  par- 
tie de  la  bibliothèque  de  Naples ,  qu'il  fît  apporter  en 
France  après  l'a  conquête.  On  diftingue  encore  au- 
jourd'hui ,  parmi  les  livres  de  la  bibliothèque  du  Roi , 
ceux  des  rois  de  Naples  &  des  feigneurs  Napolitains 
par  les  armoiries ,  les  fouferiptions,  les  fignatures  ou 
quelques  autres  marques. 

Tandis  que  Louis  XI.  &  Charles  VIII.  rafTem- 
bloient  ainli  le  plus  de  livres  qu'il  leur  étoit  pofîible , 
les  deux  princes  de  la  maifon  d'Orléans ,  Charles,  & 
Jean  comte  d'Angoulème,  l'on  frère,  revenus  d'An- 
gleterre après  plus  de  25  ans  de  prifon,  jetterent,  le 
premier  à  Blois ,  &  le  fécond  à  Angoulème ,  les  fon- 
demens de  deux  bibliothèques ,  qui  devinrent  bien-tôt 
royales ,  &  qui  firent  oublier  la  perte  qu'on  avoit 
faite  ,  par  la  difperfion  des  livres  de  la  tour  du 
Louvre  ,  dont  on  croit  que  la  plus  grande  partie 
avoit  été  enlevée  par  le  duc  de  Betfort.  Charles  en 
racheta  en  Angleterre  environ  foixante  volumes,  qui 
furent  apportés  au  château  de  Blois ,  &  réunis  à  ceux 
qui  y  étoient  déjà  en  afTez  grand  nombre. 

Louis  XIÏ.  fils  de  Charles ,  duc  d'Orléans ,  étant 
parvenu  à  la  couronne  ,  y  réunit  la  bibliothèque  de 
Blois  ,  au  milieu  de  laquelle  il  avoit  été ,  pour  ainfi 
dire  ,  élevé;  &  c'eft  peut-être  par  cette  confidération 
qu'il  ne  voulut  pas  qu'elle  changeât  de  lieu.  Il  y  fit 
tranfporter  les  livres  de  fes  deux  prédéceffeurs  Louis 
XI.  &  Charles  VIII.  &  pendant  tout  le  cours  de  fon 
règne  il  s'appliqua  à  augmenter  ce  thréfor,  qui  de- 
vint encore  bien  plus  confidérable  lorfqu'il  y  eut  fait 
entrer  la  bibliothèque  que  les  Vifcomti  &  les  Sforce , 
ducs  de  Milan,  avoient  établie  à  Pavic ,  &  en  outre 
les  livres  qui  avoient  appartenu  au  célèbre  Pétrar- 
que. Rien  n'eft  au-deffus  des  éloges  que  les  écrivains 
de  ce  tems-là  font  de  la  bibliothèque  de  Blois  ;  elle  étoit 
l'admiration  non-feulement  de  la  France ,  mais  en- 
core de  l'Italie. 

François  premier,  après  avoir  augmenté  la  biblio- 
thèque de  Blois,  la  réunit  en  1544  à  celle  qu'il  avoit 
commencé  d'établir  au  château  de  Fontainebleau  plu- 
fieurs années  auparavant  :  une  augmentation  fi  con- 
fidérable donna  un  grand  lufire  à  la  bibliothèque  de 
Fontainebleau,  qui  étoit  déjà  par  elle-même  allez 
riche.  François  premier  avoit  fait  acheter  en  Italie 
beaucoup  de  manuferits  Grecs  par  Jérôme  Fondule, 
homme  de  lettres,  en  grande  réputation  dans  ce  tems- 
là  ;  il  en  fit  encore  acheter  depuis  par  l'es  ambaffa- 
deurs  à  Rome  &  à  Venife.Ces  miniflres  s'acquiterent 
de  leur  commiifion  avec  beaucoup  de  loin  6c  d'intel- 
ligence ;  cependant  ces  différentes  acquifitions  ne  for- 
moient  pas  au-delà  de  400  volumes,  avec  une  qua- 
rantaine^ manuferits  orientaux.  On  peut  juger  de- 
là combien  les  livres  étoient  encore  peu  communs 
alors ,  puifqu'un  prince  qui  les  recherchoit  avec  tant 
d'emprelfement,  qui  n'épargnoit  aucune  dépenfe,  Se 


i38  B  I  B 

qui  employoit  les  plus  habiles  gens  pour  en  amaf- 
fer ,  n'en  avoit  cependant  pu  raffembler  qu'un  fi  petit 
nombre ,  en  comparaison  de  ce  qui  s'en  eft  répandu 
en  France  dans  la  fuite. 

La  paffion  de  François  premier  pour  les  manufcrits 
Grecs ,  lui  fit  négliger  les  Latins  &  les  ouvrages  en 
langues  vulgaires  étrangères.  A  l'égard  des  livres 
François  qu  il  fit  mettre  dans  fa  bibliothèque  ,  on  en 
peut  faire  cinq  claffes  différentes  :  ceux  qui  ont  été 
écrits  avant  fon  règne  ;  ceux  qui  lui  ont  été  dédiés  ; 
les  livres  qui  ont  été  faits  pour  fon  ufage ,  ou  qui  lui 
ont  été  donnés  par  les  auteurs  ;  les  livres  de  Loùife 
de  Savoie ,  fa  mère  ;  &  enfin  ceux  de  Marguerite  de 
Valois ,  fa  fceur  ;  ce  qui  ne  fait  qu'à  peu  près  70  vo- 
lumes. 

Jufqu'alors  il  n'y  avoit  eu,  pour  prendre  foin  de  la 
bibliothèque  royale,  qu'un  (impie  garde  en  titre.  Fran- 
çois premier  créa  la  charge  de  bibliothécaire  en  chef, 
qu'on  appella  long-tems ,  &  qui  dans  fes  provifions 
s'appelle  encore  maître  de  la  librairie  du  Roi. 

Guillaume  Budé  fut  pourvu  le  premier  de  cet  em- 
ploi ,  &  ce  choix  fit  également  honneur  au  prince  & 
à  l'homme  de  lettres.  Pierre  du  Chaftel  ou  Chatellain 
lui  fuccéda  ;  c 'étoit  un  homme  fort  verfé  dans  les  lan- 
gues Greque  &  Latine  :  il  mourut  en  1 5  5 1  ;  &  fa  pla- 
ce fut  remplie,  fous  Henri  II.  par  Pierre  de  Montdo- 
ré,  confeiller  au  grand  conlèil ,  homme  très-favant, 
fur-tout  dans  les  Mathématiques.  La  bibliothèque  de 
Fontainebleau  paroît  n'avoir  reçu  que  de  médiocres 
accroiffemens  tous  les  règnes  des  trois  fils  de  Henri  II. 
à  caufè,  lans  doute,  des  troubles  &  des  divifions  que 
le  prétexte  de  la  Religion  excita  alors  dans  le  royau- 
me. Montdoré ,  ce  lavant  homme ,  foupçonné  &  ac- 
culé de  donner  dans  les  opinions  nouvelles  en  ma- 
tière de  religion ,  s'enfuit  de  Paris  en  1  567,  &  fe  re- 
tira à  Sancerre  en  Berry,  où  il  mourut  de  chagrin  trois 
ans  après.  Jacques  Amyot,  qui  avoit  été  précepteur 
de  Charles  IX.  &  des  princes  fes  frères ,  fut  pourvu , 
après  l'évafion  de  Montdoré  ,  de  la  charge  de  maître 
de  la  librairie.  Le  tems  de  fon  exercice  ne  fut  rien 
moins  que  favorable  aux  Arts  &c  aux  Sciences  :  on  ne 
croit  pas ,  qu'excepté  quelques  livres  donnés  à  Henri 
III.  la  bibliothèque  royale  ait  été  augmentée  d'autres 
livres  que  de  ceux  de  privilège.  Tout  ce  que  put  faire 
Amyot ,  ce  fut  d'y  donner  entrée  aux  favans  ,  &  de 
leur  communiquer  avec  facilité  l'ufage  des  manufcrits 
dont  ils  avoient  befoin.  Il  mourut  en  1  593,  &  fa  char- 
ge paffa  au  préfident  Jacques- Augufte  de  Thou ,  fi  cé- 
lèbre par  l'hiltoire  de  fon  tems  qu'il  a  écrite. 

Henri  IV.  ne  pouvoit  faire  un  choix  plus  honora- 
ble aux  lettres  :  mais  les  commencemens  de  fon  règne 
ne  furent  pas  affez  paifibles ,  pour  lui  permettre  de 
leur  rendre  le  luftre  qu'elles  avoient  perdu  pendant 
les  guerres  civiles.  Sa  bibliothèque  fouffrit  quelque 
perte  de  la  part  des  fa&ieux  ;  pour  prévenir  de  plus 
grandes  diffipations ,  Henri  IV.  en  1595  ,  fit  tranf- 
porter  au  collège  de  Clermont  à  Paris  la  bibliothèque 
de  Fontainebleau,  dont  auffi-bien  le  commun  des  fa- 
vans n'étoit  pas  affez  à  portée  de  profiter.  Les  livres 
furent  à  peine  arrivés  à  Paris,  qu'on  y  joignit  le  beau 
manufcrit  de  la  grande  Bible  de  Charles  le  chauve. 
Cet  exemplaire ,  l'un  des  plus  précieux  monumens 
littéraires  du  zèle  de  nos  rois  de  la  féconde  race  pour 
la  religion ,  avoit  été  confervé  depuis  le  règne  de  cet 
empereur ,  dans  l'abbaye  de  S.  Denys.  Quelques  an- 
nées auparavant  le  préfident  de  Thou  avoit  engagé 
Henri  IV.  à  acquérir  la  bibliothèque  de  Catherine  de 
Medicis,  compofée  de  plus  de  800  manufcrits  Grecs 
&  Latins  ;  mais  différentes  circonftances  firent  que 
cette  acquiiition  ne  put  être  terminée  qu'en  1599. 
Quatre  ans  après  l'acquiûtion  des  manufcrits  de  la 
reine  Catherine  de  Medicis  ,  la  bibliothèque  paffa  du 
collège  de  Clermont  chez  les  Cordeliers,  où  elle  de- 
meura quelques  années  en  dépôt.  Le  préfident  de 


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Thou  mourut  en  16 17 ,  &  François  de  Thou  fon  fils 
aîné  ,  qui  n'avoit  que  neuf  ans ,  hérita  de  la  charge 
de  maître  de  la  librairie. 

Pendant  la  minorité  du  jeune  bibliothécaire,  la  di- 
rection de  la  bibliothèque  du  Roi  fut  confiée  à  Nicolas 
Rigault,  connu  par  divers  ouvrages  eftimés.  La  bi- 
bliothèque royale  s'enrichit  peu  fous  le  règne  de  Louis 
XIII.  elle  ne  fit  d'acquifitions  un  peu  confidérables  , 
que  les  manufcrits  de  Philippe  Hurault ,  évêque  de 
Chartres  ,  au  nombre  d'environ  418  volumes  ,  & 
1 10  beaux  manufcrits  Syriaques ,  Arabes ,  Turcs  & 
Perfans ,  achetés ,  auffi-bien  que  des  caractères  Syria- 
ques ,  Arabes  &  Perfans ,  avec  les  matrices  toutes 
frappées ,  des  héritiers  de  M.  de  Brèves ,  qui  avoit 
été  ambaffadeur  à  Conftantinople.  Ce  ne  fut  que  fous 
le  règne  de  Louis  XIII.  que  la  bibliothèque  royale  fut 
retùée  des  Cordeliers ,  pour  être  mife  dans  une  gran- 
de maifon  de  la  rue  de  la  Harpe,  appartenante  à  ces 
religieux. 

François  de  Thou  ayant  été  décapité  en  1642 ,  l'il- 
lultre  Jérôme  Bignon ,  dont  le  nom  feul  fait  l'éloge  , 
lui  fuccéda  dans  la  charge  de  maître  de  la  librairie. 
Il  obtint  en  165 1 ,  pour  fon  fils  aîné ,  nommé  Jérôme 
comme  lui ,  la  furvivance  de  cette  charge.  Quelques 
années  après  ,  M.  Colbert ,  qui  méditoit  déjà  fes 
grands  projets ,  fit  donner  à  fon  frère ,  Nicolas  Col- 
bert, la  place  de  garde  de  la  librairie,  vacante  par 
la  mort  de  Jacques  Dupuy.  Celui-ci  légua  fa  biblio- 
thèque au  Roi.  Louis  XIV.  l'accepta  par  lettres  pa- 
tentes ,  regiftrées  au  parlement  le  16  Avril  1657. 

Hippolite  ,  comte  de  Bethune ,  fit  préfent  au  Roi , 
à  peu-près  dans  le  même  tems ,  d'une  colle&ion  fort 
curieufe  de  manufcrits  modernes  ,  au  nombre  de 
1923  volumes ,  dont  plus  de  950  font  remplis  de  let- 
tres &  de  pièces  originales  fin  l'hiftoire  de  France. 

À  un  zèle  également  vif  pour  le  progrès  des  Scien- 
ces &  pour  la  gloire  de  fon  maître,  M.  Colbert  joi- 
gnoit  une  paffion  extraordinaire  pour  les  livres  :  il 
commençoit  alors  à  fonder  cette  célèbre  bibliothèque , 
jufqu'à  ces  derniers  tems  la  rivale  de  la  bibliothèque 
du  Roi  :  mais  l'attention  qu'il  eut  aux  intérêts  de  l'u- 
ne ,  ne  l'empêcha  pas  de  veiller  aux  intérêts  de  l'au- 
tre. La  bibliothèque  du  Roi  efl  redevable  à  ce  miniftre 
des  acquifitions  les  plus  importantes.  Nous  n'entre- 
rons point  ici  dans  le  détail  de  ces  diverfes  acquifi- 
tions :  ceux  qui  voudront  les  connoître  dans  toute 
leur  étendue  ,  pourront  lire  le  mémoire  hiftorique 
fur  la  bibliothèque  du  Roi ,  à  la  tête  du  catalogue ,  pag. 
z6.  &fuiv.  Une  des  plus  précieufes  efl:  celle  des  ma- 
nufcrits de  Brienne  ;  c'eft  un  recueil  de  pièces  con- 
cernant les  affaires  de  l'état ,  qu'Antoine  de  Lomenie, 
fecrétaire  d'état,  avoit  raffemblées  avec  beaucoup 
de  foin  en  340  volumes. 

M.  Colbert  trouvant  que  la  bibliothèque  du  Roi 
étoit  devenue  trop  nombreufe  pour  relter  commo- 
dément dans  la  maifon  de  la  rue  de  la  Harpe ,  la  fit 
tranfporter  en  1666  dans  deux  maifons  de  la  nie  Vi- 
viennc  qui  lui  appartenoient.  L'année  fùivante  le  ca- 
binet des  médailles ,  dans  lequel  étoit  le  grand  recueil 
des  eit ampes  de  l'abbé  de  Marolles  ,  &  autres  rare- 
tés ,  fut  retiré  du  Louvre  &  réuni  à  la  bibliothèque  du 
Roi ,  dont  ils  font  encore  aujourd'hui  une  des  plus 
brillantes  parties.  Après  la  difgrace  de  M.  Fouquet, 
fa  bibliothèque ,  ainfi  que  les  autres  effets ,  fut  faille  Se 
vendue.  Le  Roi  en  fit  acheter  un  peu  plus  de  1300 
volumes ,  outre  le  recueil  de  l'hiftoire  d'Italie. 

Il  n'étoit  pas  poffible  que  tant  de  livres  imprimés 
joints  aux  anciens  ,  avec  les  deux  exemplaires  des 
livres  de  privilège  que  fourniffoient  les  Libraires ,  ne 
donnaffent  beaucoup  de  doubles  :  ce  tonds  feroit  de- 
venu aufïi  embarraffant  qu'inutile ,  fi  on  n'avoit  fon- 
gé  à  s'en  défaire  par  des  échanges.  Ce  fut  par  ce 
moyen  qu'on  fit  en  1668  l'acquifition  de  tous  les 
manufcrits  Se  d'un  grand  nombre  de  livres  imprimés 


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qui  étoient  dans  la  bibliothèque  du  cardinal  Mazaiin. 
Dans  le  nombre  de  ces  manuferits  ,  qui  étoit  de  2  1 5  6- 
il  y  en  avoit  102  en  langue  Hébraïque  ,  3  43  en  Ara- 
be ,  Samaritain  ,  Perfan  ,  Turc  ,  6c  autres  langues 
Orientales  ;  le  relie  étoit  en  langue  Grequc,  Latine  , 
Italienne  ,  Françoife  ,  Efpagnole ,  &c.  Les  livres  im- 
primés étoient  au  nombre  de  3678.  La  bibliothèque 
du  Roi  s'enrichit  encore  peu  après  par  l'acquiiition 
que  l'on  fit  à  Leyde  d'une  partie  des  livres  du  lavant 
Jacques  Golius,  &l  parcelle  de  plus  de  1200  volu- 
mes manuferits  ou  imprimés  de  la  bibliothèque  de  M. 
Gilbert  Gaumin ,  doyen  des  maîtres  des  requêtes  , 
qui  s'étoit  particulièrement  appliqué  à  l'étude  S>C  à 
la  recherche  des  livres  Orientaux. 

Ce  n'étoit  pas  feulement  à  Paris  &  chez,  nos  voifins 
que  M.  Colbert  faifoit  faire  des  achats  de  livres  pour 
le  Roi  ;  il  fît  rechercher  dans  le  Levant  les  meilleurs 
manuferits  anciens  en  Grec  ,  en  Arabe  *  en  Perfan  , 
&  autres  langues  Orientales.  Il  établit  dans  les  diffé- 
rentes cours  de  l'Europe  des  correspondances  ,  au 
moyen  desquelles  ce  miniftre  vigilant  procura  à  la 
bibliothèque  du  Roi  des  threfors  de  toute  efpece. 

L'année  1 670  vit  établir  dans  la  bibliothèque  Royale 
un  fonds  nouveau ,  bien  capable  de  la  décorer  &  d'é- 
ternifer  la  magnificence  de  Louis  XIV":  ce  font  les 
belles  cfiampes  que  fa  Majefié  fît  graver,  &  qui  fer- 
vent encore  aujourd'hui  aux  préfens  d'eftampes  que 
le  Roi  fait  aux  princes  ,  aux  rniniitres  étrangers ,  &c 
aux  perfonnes  de  diftiucf  ion  qu'il  lui  plaît  d'en  grati- 
fier. La  bibliothèque  du  Roi  perdit  M.  Colbert  en  1683. 
M.  de  Louvois,  comme  furintendant  des  bâtimens , 
y  exerça  la  même  autorité  que  (on  prédéceffeur  ,  & 
acheta  de  M.  Bignon  ,  confeiller  d'état ,  la  charge 
de  maître  de  la  Librairie  ,  à  laquelle  fut  réunie  celle 
de  garde  de  la  Librairie,  dont  s'étoient  démis  vo- 
lontairement MM.  Colbert.  Les  provifîons  de  ces 
deux  charges  réunies  furent  expédiées  en  1684,  erl 
faveur  de  Camille  le  Tellier ,  qu'on  a  appelle  Y  abbé 
de  Louvois. 

M.  de  Louvois  fit ,  pour  procurer  a  la  bibliothèque 
du  Rot  de  nouvelles  richefles ,  ce  qu'avait  fait  M.  Col- 
bert. Il  y  employa  nos  miniilres  dans  les  cours  étran- 
gères ;  &  en  effet  on  en  reçut  dans  les  années  1685  , 
1686 ,  1687 ,  pour  des  fommes  confîdérables.  Le  père 
Mabillon  qui  voyageoit  en  Italie,  fut  chargé  par  le 
Roi  d'y  raflembier  tout  ce  qu'il  pourrait  de  livres  :  il 
s'acquitta  de  fa  commiifion  avec  tant  de  zèle  &  d'e- 
xactitude, qu'en  moins  de  deux  ans  il  procura  à  la 
bibliothèque  Royale  près  de  4000  volumes  imprimés. 

La  mort  de  M.  de  Louvois  arrivée  en  169 1 ,  ap- 
porta quelque  changement  à  l'adminillration  de  la 
bibliothèque  du  Roi.  La  charge  de  maître  de  la  Librai- 
rie avoit  été  exercée  jusqu'alors  fous  l'autorité  &  la 
direction  du  furintendant  des  bâtimens  :  mais  le  Roi 
fît  un  règlement  en  Juillet  1 69 1  ,  par  lequel  il  ordon- 
na que  M.  l'abbé  dj  Louvois  joiiiroit  Ôc  feroit  les 
fonctions  de  maure  de  la  Librairie  ,  intendant  &  garde 
du  cabinet  des  livres  ,  m  tnuferits  ,  médailles  ,  &c.  6* 
garde  de  la  bibliothèque  Royale  ,  fous  ^autorité  de  fa 
Ma;  e/lè  feulement. 

En  1697 ,  le  P.  Bouvet ,  Jéfuite-MifTionnaire  ,  ap- 
porta 49  volumes  Chinois, que  l'empereur  de  la  Chi- 
ne envoyoiten  préfent  au  Roi.  C'eli  ce  petit  nombre 
de  volumes  qui  a  donné  lieu  au  peu  de  littérature 
Chinoiie  que  l'on  a  cultivée  en  France  :  mais  il  s'elt 
depuis  confidérablement  multiplié.  Nous  ne  finirions 
pas  fi  nous  voulions  entrer  dans  le  détail  de  toutes  les 
acquittions  de  la  bibliothèque  Royale  ,  6c  des  préfens 
fans  nombre  qui  lui  ont  été  faits.  A  l'avènement  de 
Louis  XIV.  à  la  couronne,  ta  bibliothèque  étoit  tout 
au  plus  de  5000  volumes  ;  6c  à  fa  mort ,  il  s'y  en  trou- 
va plus  de  70000,  fans  compter  le  fond:,  des  plan- 
ches  gravées  6c  des  eiiampes  :  accroiiîèment  immenfe 
Se  qui  étonneroit  il  l'on  n'avoit  vu  depuis  la  même 


B  I  B 


2J0 


bibliothèque  recevoir  à  proportion  des  augmentations 
plus  conlidérabies. 

L'heureufe  inclination  du  Roi  à  protéger  les  let- 
tres &  les  feiences ,  à  l'exempte  de  fon  bifayeul  ;  l'em- 
prefTement  des  miniftres  à  fe  conformer  aux  vues  de 
(a  Majcflé  ;  l'attention  du  bibliothécaire  &  de  ceux 
qui  font  fous  fes  ordres  à  profiter  des  circonftances  , 
en  ne  laiffant ,  autant  qu'il  eft  en  eux ,  échapper  au- 
cune occafion  d'acquérir;  enfin  la  longue  durée  de 
la  paix ,  tout  femble  avoir  confpiré  dans  le  cours  du 
prefent  règne  à  accumuler  richefles  fur  richefles  dans 
un  threfor,  qui  déjà  du  tems  du  feu  Roi  n'avoit  rien 
qui  lui  fût  comparable. 

Parmi  les  livres  du  cabinet  de  Gallon  d'Orléans  * 
légués  au  Roi  en  1660 ,  il  s'étoit  trouvé  quelques  vo- 
lumes de  plante  &c  d'animaux  que  ce  prince  avoit 
fait  peindre  en  mignature  fur  des  feuilles  détachées 
de  vélin  par  Nicolas  Robert ,  dont  perfonne  n'a  égalé 
le  pinceau  pour  ces  fortes  de  fujets  :  ce  travail  a  été 
continué  fous  M.  Colbert  &  jufqu'en  1728  ,  tems  au- 
quel on  a  celle  d'augmenter  ce  magnifique  recueil* 
Depuis  quelques  années  il  a  été  repris  avec  beau- 
coup de  fuccès ,  &  forme  aujourd'hui  une  fuite  de 
plus  de  deux  mille  cinq  cens  feuilles ,  repréfentant 
des  fleurs,  des  oifeaux,  des  animaux  ;  &:  des  papil- 
lons. 

La  bibliothèque  du  Roi  perdit  en  1718  M.  l'abbé 
de  Louvois,  &  M.  l'abbé  Bignon  lui  fuccéda.  Les 
feiences  &  les  lettres  ne  virent  pas  fans  efpérance 
un  homme  qu'elles  regardoient  comme  leur  protec- 
teur ,  élevé  à  un  pofte  fi  brillant.  M.  l'abbé  Bignon 
prefqu'aufli  -  tôt  après  fa  nomination ,  fe  défît  de  fa 
bibliothèque  particulière  pour  ne  s'occuper  plus  que 
de  celle  du  Roi,  à  laquelle  il  donna  une  collection 
allez  ample  &c  fort  curieufe  de  livres  Chinois,  Tar- 
tares  Se  Indiens  qu'il  avoit.  Il  fignala  fon  zèle  pour 
la  bibliothèque  du  Roi  dès  les  premiers  jours  de  fon 
exercice ,  par  l'acquifition  des  manuferits  de  M.  de  la 
Marre ,  &  ceux  de  M.  Balufe ,  au  nombre  de  plus 
de  mille.  Le  grand  nombre  de  livres  dont  fe  trouvoit 
compofée  la  bibliothèque  du  Roi ,  rendoit  comme  im- 
poifible  l'ordre  qu'on  aurait  voulu  leur  donner  dans 
les  deux  maifons  de  la  rue  Vivicnne  :  M.  l'abbé  de 
Louvois  l'avoit  repréfenté  plufieurs  fois  ;  &  dès  le 
commencement  de  la  régence  il  avoit  été  arrêté  de 
mettre  la  bibliothèque  dans  la  grande  galerie  du  Lou- 
vre :  mais  l'arrivée  de  l'Infante  dérangea  ce  projet , 
parce  qu'elle  devoit  occuper  le  Louvre. 

M.  Pabbé  Bignon  en  1 72 1  profita  de  la  décadence 
de  ce  qu'on  appelloit  alors  le  fyflcme ,  pour  engager 
M.  le  régent  à  ordonner  que  la  bibliothèque  du  Roi  lût 
placée  à  l'hôtel  de  Nevers  rue  de  Richelieu ,  où  avoit 
été  la  banque.  Sur  les  ordres  du  prince  ,  on  y  tranf- 
porta  fans  délai  tout  ce  que  l'on  put  de  livres  :  mais  les 
différentes  difficultés  qui  fe  préfenterent,  furent  caufe 
qu'on  ne  pût  obtenir  qu'en  17  24  des  lettres  patentes, 
parle/quelles  fa  Majelté  atîecla  à  perpétuité  cet  hô- 
tel au  logement  de  fa  bibliothèque.  Perfonne  n'ignore 
la  magnificence  avec  laquelle  ont  été  décorés  les  vaf- 
tes  appartemens  qu'occupent  aujourd'hui  les  livres 
du  Roi  :  c'elt  le  fpectacle  le  plus  noble  ce  le  plus  bril- 
lant que  l'Europe  offre  en  ce  genre.  M.  l'abbé  Sal- 
lier  ,  profcileur  royal  en  langue  Hébraïque  ,  de  l'A- 
cadémie Royale  des  InfcriptionscvBelles-lett- v 
des  quarante  de  l'Académie  Françoife,  «Se  nomme 
en  1 726  commis  à  la  garde  des  livres  6c  manuferits , 
ainlî  que  M.  Meiot ,  auflî  membre  de  l'Académie  des 
Belles-lettres  ,  font  de  tous  les  hommes  de  lettres  at- 
tachés à  la  bibliothèque  du  Roi ,  ceux  qui  lui  ont  rendu 
les  plus  grands  fervices.  La  magnificence  des  bâti- 
mens eu  due  ,  pour  la  plus  grande  partie  ,  à  leurs 
follicitations  :  le  bel  ordre  que  l'on  admire  dans  l'ar- 
rangement des  livres  ,  ainli  que  dans  l'excellent  ca- 
talogue qui  en  a  été  fait ,  cfl  du  à  leurs  connoiflan- 


24° 


B  I  B 


ces  :  les  accroiffemens  prodigieux  qu'elle  a  reçus  de- 
puis 25  ans ,  à  leur  zèle  ;  l'utile  facilité  de  puifer  dans 
ce  threfor  littéraire ,  à  leur  amour  pour  les  lettres ,  & 
à  l'eftime  particulière  qu'ils  portent  à  tous  ceux  qui 
les  cultivent.  C'eft  du  mémoire  hiftorique  que  ces 
deux  favans  hommes  ont  mis  à  la  tête  du  catalogue 
de  la  bibliothèque  du  Roi ,  que  nous  avons  extrait  tout 
ce  qui  la  concerne  dans  cet  article.  Nous  invitons  à 
le  lire  ceux  qui  voudront  connoître  dans  un  plus  grand 
détail  les  progrès  &  les  accroiffemens  de  cette  im- 
menfe  bibliothèque. 

Pendant  le  cours  de  l'année  17x8  il  entra  dans  la 
bibliothèque  du  Roi  beaucoup  de  livres  imprimés  :  il 
en  vint  de  Lisbonne,  donnés  par  MM.  les  comtes 
d'Ericeira  ;  il  en  vint  auffi  des  foires  de  Leipfic  & 
de  Francfort  pour  une  fomme  confidérable.  La  plus 
importante  des  acquiiitions  de  cette  année  fut  faite 
par  M.  l'abbé  Sallier ,  à  la  vente  de  la  bibliothèque 
Colbert  :  elle  confiftoit  en  plus  de  mille  volumes. 
Mais  de  quelque  mérite  que  puiffent  être  de  telles 
augmentations,  elles  n'ont  pas  l'éclat  de  celle  que 
le  miniftere  fe  propofoit  en  1728. 

L'établiffement  d'une  imprimerie  Turque  à  Conf- 
tantinople ,  avoit  fait  naître  en  1727  à  M.  l'abbé  Bi- 
gnon,  l'idée  de  s'adreffer,  pour  avoir  les  livres  qui 
lbrtiroient  de  cette  imprimerie  ,  à  Zaïd  Aga  ,  lequel , 
difoit-on ,  en  avoit  été  nommé  le  directeur ,  &  pour 
avoir  auffi  le  catalogue  des  manuferits  Grecs  &c  au- 
tres qui  pourroient  être  dans  la  bibliothèque  du  grand- 
feigneur.  M.  l'abbé  Bignon  l'avoit  connu  en  1721 , 
pendant  qu'il  étoit  à  Paris  à  la  fuite  de  Mehemet  Ef- 
fendi  fon  père ,  ambaffadeur  de  la  Porte.  Zaid  Aga 
promit  les  livres  qui  étoient  actuellement  fous  la 
preffe  :  mais  il  s'exenfa  fur  l'envoi  du  catalogue  ,  en 
affùrant  qu'il  n'y  avoit  perfonne  à  Conftantinople 
affez  habile  pour  le  faire.  M.  l'abbé  Bignon  com- 
muniqua cette  réponfe  à  M.  le  comte  de  Maurepas, 
qui  prenoit  trop  à  cœur  les  intérêts  de  la  bibliothè- 
que du  Roi  pour  ne  pas  faifir  avec  empreffement  & 
avec  zèle  cette  occalion  de  la  fervir.  Il  fut  arrêté 
que  la  difficulté  d'envoyer  le  catalogue  demandé , 
n'étant  fondée  que  fur  l'impuiffance  de  trouver  des 
fujets  capables  de  le  compofer ,  on  envoyeroit  à 
Conftantinople  des  favans  ,  qui  en  fe  chargeant  de 
le  faire ,  pourroient  voir  &c  examiner  de  près  cette 
■  bibliothèque. 

Ce  n'eft  pas  qu'on  fût  perfuadé  à  la  cour  que  la 
bibliothèque  tant  vantée  des  empereurs  Grecs  exiftât 
encore  ;  mais  on  vouloit  s'affûrer  de  la  vérité  ou  de 
la  fauffeté  du  fait  :  d'ailleurs  le  voyage  qu'on  pro- 
jettoit  avoit  un  objet  qui  paroifToit  moins  incertain  ; 
c'étoit  de  recueillir  tout  ce  qui  pouvoit  refter  des  mo- 
numens  de  l'antiquité  dans  le  Levant ,  en  manulcrits, 
en  médailles,  en  inferiptions ,  &c 

M.  l'abbé  Sevin  &  M.  l'abbé  de  Fourmont ,  tous 
deux  de  l'Académie  des  Inferiptions  &  Belles-lettres , 
furent  chargés  de  cette  commiffion.  Ils  arrivèrent  au 
mois  de  Décembre  1728  à  Conftantinople  :  mais  il 
ne  purent  obtenir  l'entrée  de  la  bibliothèque  du  grand- 
feigneur  ;  ils  apprirent  feulement  par  des  gens  dignes 
de  foi ,  qu'elle  ne  renfermoit  que  des  livres  Turcs  & 
Arabes ,  &;  nul  manuferit  Grec  ou  Latin  ;  &  ils  le 
bornèrent  à  l'autre  objet  de  leur  voyage.  M.  l'abbe 
Fourmont  parcourut  la  Grèce  pour  y  déterrer  des 
inferiptions  &  des  médailles  ;  M.  l'abbé  Sevin  fixa 
fon  féjour  à  Conftantinople  :  là  fécondé  de  tout  le 
pouvoir  de  M.  le  marquis  de  Villeneuve  ,  ambafla- 
deur  de  France ,  il  mit  en  mouvement  les  confuls  & 
ceux  des  échelles  qui  avoient  le  plus  de  capacité  , 
&  les  excita  à  faire  chacun  dans  fon  diftrict  quelques 
découvertes  importantes.  Avec  tous  ces  fecours  ,  & 
les  foins  particuliers  qu'il  fe  donna ,  il  parvint  à  raf- 
fembler  en  moins  de  deux  ans  plus  de  fix  cents  ma- 
Biifcrits  en  langue  Orientale  :  mais  il  perdit  l'eipé- 


B  I  B 

rancede  rien  trouver  des  ouvrages  des  anciens  Grecs,' 
dont  on  déplore  tant  la  perte.  M.  l'abbé  Sevin  re- 
vint en  France  ,  après  avoir  établi  des  correfpon- 
dances  néceflaires  pour  continuer  ce  qu'il  avoit  com- 
mencé ;  &  en  effet  la  bibliothèque  du  Roi  a  reçu  pref- 
que  tous  les  ans  depuis  fon  retour  plufieurs  envois 
de  manuferits,  foit  Grecs ,  foit  Orientaux-.  On  eft  re- 
devable à  M.  le  comte  de  Maurepas  de  l'établiffe- 
ment  des  enfans  ou  jeunes  de  langue  qu'on  élevé  à 
Conftantinople  aux  dépens  du  Roi  :  ils  ont  ordre  de 
copier  &  de  traduire  les  livres  Turcs,  Arabes  &  Per- 
fans  ;  ufage  bien  capable  d'exciter  parmi  eux  de  l'é- 
mulation. Ces  copies  &  ces  traductions  font  adreflees 
au  miniftre ,  qui  après  s'en  être  fait  rendre  compte  , 
les  envoyé  à  la  bibliothèque  du  Roi.  Les  traductions 
ainfi  jointes  aux  textes  originaux ,  forment  déjà  un 
recueil  affez  confidérable  ,  dont  la  république  des 
lettres  ne  pourra  par  la  fuite  que  retirer  un  fort  grand 
avantage. 

M.  l'abbé  Bignon  non  content  des  threfors  dont  la 
bibliothèque  du  Roi  s'enrichiffoit ,  prit  les  mefures  les 
plus  fages  pour  faire  venir  des  Indes  les  livres  qui 
pouvoient  donner  en  France  plus  de  connoiffance 
qu'on  n'en  a  de  ces  pays  éloignés  ,  où  les  feiences  ne 
laiffent  pas  d'être  cultivées.  Les  directeurs  de  la  com- 
pagnie des  Indes  fe  prêtèrent  avec  un  tel  empreffe- 
ment à  fes  vues  ,  que  depuis  1729  il  a  été  fait  des 
envois  allez  confidérables  de  livres  Indiens  ,  pour 
former  dans  la  bibliothèque  du  Roi  un  recueil  en  ce 
genre  ,  peut-être  unique  en  Europe. 

Dans  les  années  fuivantes  ,  la  bibliothèque  du  Roi 
s'accrut  encore  par  la  remife  d'un  des  plus  précieux 
manuferits  qui  puiffe  regarder  la  monarchie  ,  intitulé 
Regiflre  de  Philippe  Augujle  ,  qu'avoit  légué  au  Roi 
M.  Rouillé  du  Coudray  ,  conleiller  d'état  ;  &  par 
diverfes  acquiiitions  confidérables  :  telles  font  celles 
des  manuferits  de  S.  Martial  de  Limoges ,  de  ceux  de 
M.  le  premier  préiîdent  de  Mefmes ,  du  cabinet  d'ef- 
tampes  de  M.  le  marquis  de  Beringhen;  du  fameux 
recueil  des  manuferits  anciens  &  modernes  de  la  bi- 
bliothèque de  M.  Colbert,  la  plus  riche  de  l'Europe, 
fi  l'on  en  excepte  celle  du  Roi  &  celle  du  Vatican  ; 
du  cabinet  de  M.  Cangé  ,  collection  infiniment  cu- 
rieufe  ,  dont  le  catalogue  eft  fort  recherché  des  con- 
noiffeurs. 

Pour  ne  pas  donner  à  cet  article  trop  d'étendue  , 
nous  avons  crû  devoir  éviter  d'entrer  dans  le  détail 
des  différentes  acquifitions  ,  &  nous  renvoyons  en- 
core une  lois  au  mémoire  hiftorique  qui  fe  trouve  à 
la  tête  du  catalogue  de  la  bibliothèque  du  Roi. 

M.  Bignon ,  maître  des  requêtes ,  l'un  des  quarante 
de  l'Académie  Françoife ,  & defeendant  de  M. Bignon 
à  qui  nous  avons  eu  occafion  de  donner  les  plus 
grands  éloges ,  héritier  de  leur  amour  pour  les  let- 
tres ,  comme  il  l'eft  des  autres  grandes  qualités  qui 
les  ont  rendus  célèbres ,  exerce  aujourd'hui  avec 
beaucoup  d'intelligence  &  de  diftinûion  la  charge 
de  maître  de  la  librairie  du  Roi. 

On  a  vu  par  ce  que  nous  avons  dit ,  avec  combien 
de  zèle  plufieurs  miniftres  ont  concouru  à  mettre  la 
bibliothèque  du  Roi  dans  un  état  de  fplendeur  &  de 
magnificence  qui  n'a  jamais  eu  d'exemple.  M.  de 
Maurepas  eft  un  de  ceux  fans  doute  à  qui  elle  a  eu 
les  plus  grandes  obligations.  M.  le  comte  d'Argenfon 
dans  le  département  de  qui  elle  eft  aujourd'hui ,  ami 
des  lettres  &  des  favans ,  regarde  la  bibliothèque  du 
Roi  comme  une  des  plus  précieufes  parties  de  lbn  ad- 
miniftration  ;  il  continue  par  goût  ck  par  la  fupério- 
rité  de  fes  lumières,  ce  qui  avoit  été  commencé  par 
fon  prédéceffeur  :  chofe  bien  rare  dans  les  grandes 
places.  Qu'il  foit  permis  à  notre  reconnoiftance 
d'élever  la  voix  &  de  dire  :  Heureufe  la  nation  qui 
peut  faire  d'auffi  grandes  pertes ,  &i  les  réparer  auffi 
facilement  ! 

BIBLISTESJ 


B  I  C 

BIBLISTES  ,  S.  m.  pi.  (  Hijl.  ecclef.  &  Théo!.  )  nom 
donné  par  quelques  auteurs  aux  hérétiques  qui  n'ad- 
mettant que  le  texte  de  la  Bible  ou  de  l'Ecriture  iain- 
te ,  (ans  aucune  interprétation ,  rejettent  l'autorité  cie 
rlon  &  celle  de  FEgliSe  pour  décider  les  contro- 
verSes  de  religion.  Voye{  Tradition,  Eglise.  (G) 

*  BIBRA  ou  BEBRA  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Thu- 
ringe  ,  à  deux  lieues  de  Naumbourg. 

*  BIBRACTE,  {Géog.  anc.  mod.  &  Myth.)  an- 
cienne ville  desEduens  ,  qu'on  croit  être  aujourd'hui 
Autun.  Il  paroît  par  une  inscription  trouvée  à  Autun 
même ,  qu'il  y  a  eu  auffi  une  dédie  de  ce  nom. 

*  BICANER  ,  (  Géog.  )  ville  d'Ane  dans  les  états 
du  Mogol ,  fur  le  Gange  ;  c'eft  la  capitale  de  la  pro- 
vince de  Bacar.  Loti.  zoo.  20.  lai.  28.  40. 

*  BICARS  ,  f.  m.  pi.  (  Hifi.  mod.  )  pénitens  In- 
diens qui  paffoient  toute  leur  vie  nuds  ,  laiffoient 
croître  fcrupuleufement  leurs  cheveux  &  leurs  on- 
gles ,  &  portoient  partout  une  écuelle  de  terre  pen- 
due à  leur  cou  :  Lorsqu'ils  étoient  preffés  de  la  raim 
ils  s'arrêtoient  aux  portes  ,  &  on  rempliffoit  leur 
écuelle  de  riz  cuit.  Ces  eSpeces  de  gueux  étoient  très- 
communs  clans  l'Inde  pendant  le  IXe  fiecle. 

*  BICC  ARl ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  petite  ville  de 
la  vallée  de  Mazara  en  Sicile  ,  entre  la  Source  du  Bic- 
cari  &  celle  de  la  Belice.  Quelques  Géographes  pré- 
tendent  que  c'eft  l'ancienne  Hyccarum. 

BICEPS  ,  adj.  nom  que  les  Anatomijles  ont  donné 
aux  mulcles  qui  Sont  divilés  par  l'une  de  leur  extré- 
mité en  deux  portions  diftinctes  qu'ils  ont  appeilées 
têtes. 

Le  biceps  du  coude  eft  Situé  le  long  de  la  partie  in- 
terne du  bras  ;  une  de  Ses  têtes  vient  de  la  partie  Su- 
périeure de  la  cavité  glénoide  ,  &  paSTe  dans  la  fi- 
nuoiîté  de  l'humérus,  entre  les  tendons  du  grand  pec- 
toral &  du  grand  dorSal  ,  comme  dans  une  gaine  ; 
l'autre  tête  vient  de  l'apophySe  coracoïde  ,  &  s'unit 
avec  la  première  vers  le  milieu  de  la  partie  interne 
du  bras  :  ce  muScle  va  enSuite  s'inSérer  par  un  Sort 
tendon  à  une  tubéroSité  qui  Se  remarque  un  peu  au- 
deflbus  de  la  tête  du  radius,  après  avoir  fourni  quel- 
ques fibres  tendineuSes  ,  qui  par  leur  épanouiffement 
forment  une  aponévroSe  qui  s'étend  Sur  la  partie  Su- 
périeure oc  interne  des  muicles  qui  Sont  •Situés  Sur  le 
cubitus. 

Le  biceps  de  la  jambe  eft  fitué  le  long  de  la  partie 
poftérieure  de  la  cuiffe  ;  la  plus  longue  tête  vient  de 
la  tubérofité  de  l'ifchium  ;  la  Seconde  de  la  ligne 
âpre  ,  au-deffous  du  tendon  du  grand  Scffier;  il  s'in- 
fère a  la  partie  Supérieure  &  postérieure  du  tibia  &c 
roné.  (L) 

BICHE,  S.  f.  (  Hijl.  nat.  ZcoL  )  femelle  du  cerf. 
/  ï ;  ..,  (  l  RF.    (  1  ) 

BlCHE,  f.  S.  (  Hijl.  nat.  Ichthyol.  )  glaucus  primus 
Rond.  poùTon  de  mer  qui  a  le  ventre  blanc  &  le  dos 
bleu  ,  d'où  lui  vient  Son  nom  Latin  ;  le  corps  eft  lonç, 
L  ventre  plat,  6c  le  dos  voûté  :  il  a  une  ligne  droite 
qui  s'étend  depuis  les  oiiies  juSqu'à  la  queue  ;  Ses 
ecail  les  font  fi  petites  ,  qu'elles  ne  parodient  bien  dis- 
tinctement qu'après  qu'il  a  été  delîéché.  La  bouche 
cil  petite  ;  les  mâchoires  Sont  garnies  de  petites  poin- 
tes ;  les  yeux  Sont  de  médiocre  grandeur  :  il  a  deux 
ces  auprès  des  oiiies  qui  Sent  courtes  Se  larges, 
6c  qui  Semblent  être  dorées  ,  «S:  deux  autres  nageoi- 
res en-deffous. Ce  poiffona  Sur  le  dos,  du  côté  de  la 
tête ,  Six  aiguillons  courts  &£  pointus  ,  dont  le  pre- 
mier e!Î  dirigé  en  avant,  les  autres  Sont  tournés  en 
arrière.  li  s'en  trouve  Sous  le  ventre  près  de  l'anus 
deux  autres  ,  que  ce  poiffon  abaiffe  &  renferme  dans 
une  gaine.  Il  a  Sur  le  dos  une  nageoire  qui  s'étend 
depuis  le  dernier  aiguillon  juSqu'à  la  queue  ;  la  par- 
tie antérieure  de  cette  nageoire  eft  plus  élevée  que 
le  relie  ,  &  marquée  par  une  tache  noire  :  il  y  a  une 
autre  nageoire  tous  le  ventre  ,  qui  occupe  l'elpace 
Terne  II, 


B  I  C 


241 


qui  eft  depuis  l'anus  juSqu'à  la  queue  ;  cette  nageoire 
eft  Semblable  à  celle  du  dos.  La  queue  eft  terminée 
par  deux  nageoires^'ouverturede  l'anus  eft  en  Sorme 
de  tente.  On  donne  auffi  à  ce  poiflbn  le  nom  de  der- 
bio.  Il  a  juSqu'à  trois  coudées  de  longueur.  Sa  chair 
eft  blanche,  &  de  bon  goût.  Rond.  Foyer  PoiSSON 
(/) 

*  Biche  ,  (  Myth.  )  Symbole  de  Junon  conServa- 
trice.  Les  payens  croyoient  (car  quelles  Sables  ne 
Sait-on  pas  croire  aux  hommes  )  que  des  cinq  biches 
aux  cornes  d'or  ,  6c  plus  grandes  que  des  taureaux, 
que  Diane  pourSuivit  dans  les  Sorêts  de  Theffalie  , 
elle  n'en  prit  que  quatre  qu'elle  attacha  à  Son  char  , 
&  que  Junon  Sauva  la  cinquième.  La  biche  aux  pies 
d'airain  &  aux  cornes  d'or  du  mont  Menale  étoit  con- 
Sacrée  à  Diane  ;  &  c'eut  été  un  Sacrilège  que  de  la 
tuer.  Eurifthée  ordonna  à  Hercule  de  la  lui  amener. 
Le  héros  la  pourSuivit  pendant  un  an,  l'atteignit  en- 
fin fur  les  bords  du  Ladon ,  la  porta  à  Mycenes  ,  6c 
accomplit  le  quatrième  de  fes  travaux. 

BICHET ,  f.  m.  (  Comm.  )  quantité  ou  mefure  de 
grains ,  qui  eft  différente  fuis  ant  les  lieux  où  elle  eft 
en  ufage.  Le  bichet  n'eftpas  une  mefure  réelle  ,  telle 
que  peut  être  le  minot  à  Paris  ;  c'eft  une  mefure  fac- 
tice compofée  de  plufieurs  autres  mefures. 

A  Tournus  le  bichet  eft  de  feize  mefures  ou  boiS- 
feaux  du  pays  ,  qui  font  dix-neuf  boilTeaux  de  Paris 
&  un  peu  plus. 

Le  bichet  de  Beaune  auffi-bien  que  celui  de  Tour- 
nus  ,  ie  diviie  en  ieize  mefures  ou  boiffeaux  du  pays, 
mais  qui  ne  rendent  à  Paris  que  dix-huit  boiffeaux. 

Celui  de  Verdun  ,  compofé  de  huit  mefures  ou 
boiffeaux  ,  rend  quinze  boiffeaux  de  Paris  ;  6c  le  bi- 
chet Aq  Châlons  fur  Sône  ,  qui  contient  huit  mefures 
du  pays ,  eft  égal  à  quatorze  boiffeaux  de  Paris. 

En  quelques  autres  endroits  de  France  ,  6c  notam- 
ment à  Lyon ,  le  boiffeau  le  nomme  bichet  ,  quoique 
fort  différent  des  autres  bichets  dont  on  vient  de 
parler. 

On  fe  fert  auffi  du  bichet  dans  quelques  endroits 
de  l'Alface  6c  des  trois  évéchés:  mais  preSque  par- 
tout il  varie  pour  la  capacité  &c  le  poids ,  Selon  la 
nature  des  grains  :  ainfi  à  Sarebourg  le  bichet  de  fro- 
ment peSe  23  livres  poids  de  marc,  celui  de  meteil 
22 ,  celui  de  Seigle  21  ,  &  celui  d'avoine  146  livres  ; 
6c  à  Toul  le  bichet  de  froment  pefe  134 ,  de  meteil 
129,  de  feigle  1 19  ,  6c  celui  d'avoine  feulement  80 
livres. 

Bichet  fe  dit  auffi  en  quelques  endroits  d'une  me- 
fure de  terre  qui  s'eftime  par  celle  d'un  bichet  de  grain 
qu'on  y  peut  femer.  Voye?_  Arpent.  (G) 

*  BICHOV ,  (  Géog.  )  fortereffe  dans  le  Palati- 
nat  de  Meiilau  en  Pologne  ,  fur  le  fleuve  Nieper. 

*  BICIOS  ,  (  Hijl.  nat.  Injeclol.  )  l'on  appelle  ain- 
fi dans  le  Brelil  un  infecte  fort  petit  &  fort  incommo- 
de qui  entre  parles  pores,  s'infinue  entre  cuir  &  chair, 
6c  caufe  des  douleurs  très-confidérables. 

*  B1CONGE,  (  Hijl.  anc.  )  c'étoit  une  mefure 
ufitée  chez  les  anciens  Romains  ;  elle  contenoit  dou- 
ze Sextiers.  Voyci  CONGE. 

*  BICORNIGER  ,  adj.  (  Myth.  )  c'eft  ainfi  qu'on 
a  Surnommé  Bacchus ,  qu'on  trouve  quelqueSois  re- 
préfenté  avec  deux  cornes ,  Symbole  des  rayons  du 
Soleil ,  ou  de  la  Sorce  que  donne  le  vin. 

BICQUETER  ,  ce  mot  Se  dit  (  en  Fenerie  )  des 
chèvres  qui  Sont  leurs  petits. 

B I  C  O  Q  U  E  ,  S.  S.  c'eft  ainfi  qu'on  appelle, dans 
VArt  militaire  ,  une  petite  place  mal  fortifiée  &  Sans 
defenSe.  ((>) 

*  B  I  C  U  R  E  (  Géog.  )  petite  rivière  de  l'île  de 
France  ,  dont  les  eaux  loin  très-bonnes  pour  les  tein- 
tures en  écarlate.. 

*  BIDACHE(  Géog.  )  petite  ville  de  France , 
dans  la  bafle  Navarre  ,  proche  le  pays  de  Labour. 

Hh 


141 


B  I  D 


*  BIDASSOA  (  Géog.  )  rivière  d'Efpagne  fur  les 
frontières  de  France ,  qui  prend  fa  iource  dans  les 
Pyrénées ,  tk  le  jette  dans  la  mer  entre  Andaye  & 
Fontarabie.  Cette  rivière  eft  commune  à  la  France 
6c  à  l'Efpagne ,  depuis  la  convention  de  Louis  XII. 
&  Ferdinand  le  catholique  ;  c'eft  elle  qui  iorme  file 
des  Failans ,  appellée  Ue  de  la  Conférence ,  depuis  celle 
que  Louis  XIV.  &  Philippe  IV.  y  eurent  eniemble. 

BIDAUX,  f.  m.  pi.  {Hift.mod.  )  terme  de  l'an- 
cienne milice  Françcile ,  pour  deiigner  un  corps  d'in- 
fanterie ,  dont  on  failoit  allez  peu  de  cas.  La  chroni- 
que de  Flandre  en  parle  au  lui  et  de  la  bataille  ôc  de 
la  prile  de  Furnes  en  1297.  Jean  de  Gaure  ,  qui  s'é- 
toit  retiré  dans  cette  ville  ne  vouloit  point  le  rendre  ; 
mais  Us  bidaux  lui  jaillirent  au  col  par-derrière  ,  l'a- 
battirent ôc  le  tuèrent.  Guillaume  Guyart,  qui  en  fait 
auffi  mention  fous  les  années  1298  ,  1302  &  1304, 
femble  faire  entendre  qu'ils  tiroient  leur  origine  des 
frontières  d'Efpagne. 

De  Navarre  &  devers  Efpagne 
Reviennent  bidaux  à  grans  routes. 

Il  paroît  par  le  même  auteur ,  que  ces  foldats  por- 
toient  pour  armes  deux  dards  tk  une  lance,  &  un 
coutel  à  la  ceinture.  M.  de  Cafeneuve  prétend  après 
Joan.  Hoclemius,  drns  lés  geftes  des  évèques  de Ton- 
gres ,  liv.  1.  chap.  xxjv.  que  les  bidaux  étoient  ainfi 
appelles  à  binisdardis,  des  deux  dards  qu'ils  portoient. 
Ne  pourroit-t-on  point  croire  que  ce  nom  leur  étoit 
donné  à  caufe  du  pays  d'où  ils  iortoient ,  des  envi- 
rons de  la  rivière  de  BidajJ'oa }  Il  eft  certain  du  moins 
que  les  auteurs  les  appellent  plus  ordinairement  bi- 
daux ,  bidaldi ,  que  bidarii  ;  &  Hocfemius  eft  le  feul 
qui  leur  ait  donné  ce  fécond  nom  latin  ,  pour  l'appro- 
cher davantage  de  fa  prétendue  étymologie.  Il  paroît 
que  les  bidaux  n'étoient  pas  de  fort  bonnes  troupes  ; 
fouvent  ils  lâchoient  pié ,  &  lançoient  leurs  dards  en 
s'enfuyant.  Bidaux  retraient ,  c'eft-à-dire  senfuyent&t 
dards  ruent ,  dit  le  même  poète  que  nous  avons  déjà 
cité  ;  &  le  continuateur  de  Nangis  rend  à  peu  près 
le  même  témoignage  à  leur  bravoure  à  la  bataille  de 
CafTel  ,  où  il  dit  que  les  bidaux  s'étant  mis  à  fuir 
félon  leur  coutume,  caulerent  quelque  delordre  dans 
l'armée  Françoiie  :  ce  qui  fait  voir  que  ces  bidaux 
étoient  des  troupes  légères,  plus  propres  à  harceler 
l'ennemi  qu'à  l'attendre  de  pié  ferme.  Ménage  a  parlé 
de  ces  bidaux  dans  Ion  étymologie  au  mot  pitaux. 
Mémoire  de  VAcad.  tom.  X.  dans  une  note.   (  G  ) 

*  BIDBURG  ou  BIEDBURG,  (  Géog.  )  petite 
ville  du  duché  de  Luxembourg. 

*  BIDERT-CAPP,  (  Géog.  )  petite  ville  fur  la 
Lohn,  à  3  lieues  de  Marpurg ,  à  la  mailon  de  Heffe- 
Darmftadt. 

BIDENS  ou  TESTE  CORNUE  (Hijl.nat.  Bot.) 
genre  de  plante  dont  la  fleur  eft  ordinairement  com- 
poiée  de  fleurons  ,  c'eft-à-dire  de  plulieurs  pétales 
polés  fur  des  embryons  &  loûtenus  par  le  calice  ; 
il  y  a  quelquefois  des  demi-fleurons  à  la  circonfé- 
rence. Les  embryons  deviennent  dans  la  fuite  des  fe- 
mences  qui  font  terminées  par  deux  pointes.  Tour- 
nefort  Injl.  rei  herb.  Voye^  Plante.   (  /  ) 

B1DENTALES,  f.  m.  pi.  (Hift.  anc.)  prêtres  chez 
les  anciens  R.omains.  Les  bidentales  étoient  des  prê- 
tres infatués  pour  faire  certaines  cérémonies,  lorlque 
la  foudre  étoit  tombée  quelque  part  &  les  expiations 
preferites.  Voye^r  Tonnerre.  La  première  &  la  prin- 
pale  de  leurs  fonctions  ,  étoit  le  lacrifice  d'une  brebis 
de  deux  ans,  qui  en  Latin  s'appelle  bidens.  De-là  le 
lieu  frappé  de  la  foudre  s'appelloit  bidemal;  il  n'étoit 
point  permis  d'y  marcher  :  on  l'entouroit  de  murail- 
les ou  de  palifTades  :  on  y  drelfoit  un  autel  ;  &  les 
prêtres  qui  faiioient  ces  cérémonies  étoient  nommés 
bidentales ,  du  même  mot  bidens.  Ce  nom  le  trouve 
dans  les  inferiptions  antiques,  à  emonijanclo  deo  Fi.dio 


B  I  D 

facrum  Sex.  Pompeiusfp.f.col.  Mujfianus  quinquennalls 
de  cur.  bidentalis  donum  dédit.   (G) 

BIDET ,  f.  m.  (  Manège  )  on  appelle  ainfi  un  che- 
val de  la  plus  petite  taille.  Bidet  depojie,  eft  un  petit 
cheval  de  polte  fur  lequel  on  monte  ,  6c  qu'on  n'at- 
telle point  à  la  chaile  de  pofte.  Bidet  pour  la  bague  , 
eft  un  petit  cheval  deftiné  dans  une  Académie  à  mon- 
ter pour  courre  la  bague.  Un  bidet  ne.  pafïe  guère  trois 
pies  &  demi  de  haut.  Double  bidet ,  eft  un  cheval  entre 
le  bidet  oc  la  taille  ordinaire  :  il  ne  paffe  guère  quatre 
pies  &  demi  de  haut.  Les  chevaux  de  cette  taille  fer- 
vent ordinairement  pour  la  promenade  ,  l'arquebuie , 
&  aux  melfageries.  Les  meilleurs  bidets  viennent  de 
France.  (^) 

Bidet  ,  f.  m.  (  en  terme  de  Cirier)  c'eft  un  infini- 
ment de  boùis ,  à  peu  près  fait  comme  un  fufeau , 
taillé  à  plufieurs  pans  par  un  bout  pour  former  les 
trous  d'un  cierge  paical ,  où  l'on  met  les  clous  d'en- 
cens :  de  l'autre  ,  il  eft  rond  pour  former  les  creux  , 
&  les  angles  des  flambeaux,  yoy.lafig.  Pl.duCirier. 

BlDET  ,  ou  charger  le  bidet  (  au  tnclrac  )  le  dit  de 
l'aftion  par  laquelle  un  joiieur  met  un  grand  nombre 
de  daines  fur  une  même  flèche.  Ce  terme  autrefois 
affez  ulîté  ,  n'eft  plus  d'ufage  à  préfent. 

*  BIDGOSTI,  ou  BYDGOSTY  ou  BROM- 
BERG  ,  ville  de  la  grande  Pologne. 

*  BIDIMA ,  (  Géog.  )  l'une  des  îles  des  Larrons 
dans  l'Océan  oriental. 

BIDON  ,  f.  m.  (  Commerce  )  mefure  des  liquides 
qui  tient  environ  cinq  pintes  de  Paris  ;  ce  terme  n'eft 
guère  d'ufage  que  parmi  les  équipages  de  marine  , 
où  ce  vafe  lert  à  mettre  le  vin  qu'on  donne  à  cha- 
que plat  de  matelots.  C'eft  une  efpece  de  broc  de 
bois  relié  de  cercles  de  fer.  Voye^  Broc.  (G) 

*  BIDOURLE,(  Géog.  )  petite  rivière  du  bas 
Languedoc ,  qui  le  jette  dans  la  mer  Méditerranée. 

*  BIDOUZE,(  Géog.  )  rivière  de  laGafcogne, 
qui  fe  jette  dans  la  Gave  près  de  Bayonne. 

*  BIECZ  (  Géog.  ,  petite  ville  de  Pologne  ,  dans 
le  Palatinat  de  Cracovie ,  fur  la  rivière  de  "Wiieloke; 
elle  eft  remarquable  par  fes  mines  de  Vitriol.  Long. 
38.  53.  lat.  4g.  3o. 

*  BIEL ,  ou  BIEN  ,  (  Géog.  )  ville  de  Suiffe  fur  1* 
Schufs ,  entre  Soleure  6c  Neufchâtel ,  dans  le  voili- 
nage  d'un  lac  ,  qui  porte  le  même  nom. 

*  Biel  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Efpagne  ,  dans  le 
royaume  d'Aragon. 

*  BIELA  ,  ville  de  l'empire  Ruffien ,  capitale  de 
la  province  de  même  nom ,  fur  la  rivière  cTOpska. 
Long.  S 2.  2à.  lat.  55. 

*  Biela  ,  (  Géog.  )  ville  de  Bohème ,  à  7  lieues  de 
Prague. 

*  Biela, (  Géog.  )  il  y  a  deux  rivières  de  ce  nom; 
l'une  en  Bohême ,  tk  l'autre  en  Silelîe ,  &  qui  tombe 
dans  la  Viftule. 

*  BIELA-OZERO,(  Géog.  )  c'eft  un  duché  de  la 
Mofcovie  ,  entre  ceux  de  Novogrod-Veliki  &  de 
Wologda ,  avec  la  capitale  de  même  nom ,  près  d'un 
lac  qui  a  22  lieues  de  long  &  12  de  large.  Long.  56. 
40.  lat.  58.  55. 

*  BÏELEFELD  ,  (  Géog.  )  capitale  du  comté  de 
Ravensberg  en  Weftphalie  ,  à  5  lieues  de  Minden. 

*  BIELICA  ,  (  Geog.  )  petite  ville  du  Palatinat  de 
Troki  en  Lithuanie. 

*  BIELLA  ou  BIELA ,  petite  ville  d'Italie  dans 
le  Piémont ,  capitale  duBellelè ,  près  de  la  rivière  de 
Cerva.  Long.  z5.  33-  lat-  4$-  2.2. 

BIELLE ,  1.  f.  (  dans  les  Arts  méchaniques  )  c'eft 
une  pièce  de  fer  tournante  dans  l'œil  d'une  mani- 
velle ,  laquelle  à  chaque  tour  fait  faire  un  mouve- 
ment de  vibration  à  un  varlet  fur  fon  effieu  ,  en  le 
tirant  à  foi  ou  le  pouffant  en  avant  :  il  y  a  des  biel- 
les pendantes  attachées  aux  extrémités  d'une  pièce 
de  bois  ,  lelquelles  font  accrochées  par  une  des  ex- 


B  I  E 

trémiîés  à  un  varlet ,  &c  par  l'autre  à  un  des  bouts 
d'un  balancier.  (X.) 

*  BIELSKO  (  Géog.  )  grande  ville  de  la  Polo- 
gne ,  dans  le  Palatinat ,  &  fur  la  rivière  de  même 
nom.  Long.  41.  41.  lat.  5z.  40. 

*  BIELSKY  (  Géog.  )  ville  forte  &  principauté 
de  Mofcovie,  furl'Opska,  entre  Refchow ,  Smolens- 
ko ,  Novogrod  &  la  Lithuanie. 

BIEN,  1.  m.  (en  Morale.  )  eit  équivoque  :  il  figni- 
fie  ou  le  plaifir  qui  nous  rend  heureux ,  ou  la  caufe  du 
plaifir.  Le  premier  fens  eft  expliqué  à  l'article  Plai- 
sir ;  ainfi  dans  l'article  préfent  nous  ne  prendrons  le 
mot  bien  que  dans  le  lecond  fens. 

Dieu  feul ,  à  proprement  parler ,  mérite  le  nom 
de  bien;  parce  qu'il  n'y  a  que  lui  feul  qui  produife 
dans  notre  ame  des  fenfations  agréables.  On  peut 
néanmoins  donner  ce  nom  à  toutes  les  chofes ,  qui , 
dans  l'ordre  établi  par  l'auteur  de  la  nature  ,  font  les 
canaux  par  lefquels  il  fait  pour  ainfi  dire  couler  le 
plaifir  jufqu'à  l'ame.  Plus  les  plaifirs  qu'elles  nous 
procurent  font  vifs  ,  folides ,  &  durables  ,  plus  elles 
participent  à  la  qualité  de  bien. 

Nous  avons  dans  Sextus  Empiricus  l'extrait  d'un 
ouvrage  de  Crantor  fur  la  prééminence  des  différens 
biens.  Ce  philofophe  célèbre  feignoit  qu'à  l'exemple 
des  déeffes  qui  avoient  fournis  leur  beauté  au  juge- 
ment de  Paris  ,  la  richeffe  ,  la  volupté ,  la  fanté ,  les 
vertus  ,  s'étoient  préfentées  à  tous  les  Grecs  raffem- 
blés  aux  jeux  olympiques  ,  afin  qu'ils  marquaient 
leur  rang ,  f  uivant  le  degré  de  leur  influence  fur  le 
bonheur  des  hommes  ;  la  richeffe  étala  fa  magnifi- 
cence ,  &  commençoit  à  éblouir  les  yeux  de  les  ju- 
ges ,  quand  la  volupté  repréfenta  que  l'unique  mérite 
des  richeffes  étoit  de  conduire  au  plaifir.  Elle  alloit 
obtenir  le  premier  rang ,  la  fanté  le  lui  contelta  ;  fans 
elle  la  douleur  prend  bientôt  la  place  de  la  joie  :  en- 
fin la  vertu  termina  la  diipute  ,  &  fit  convenir  tous 
les  Grecs ,  que  dans  le  fein  de  la  richeffe ,  du  plaifir, 
&  de  la  fanté  ,  l'onferoit  bientôt,  fans  le  fecours  de 
la  prudence  &  de  la  valeur,  le  jouet  de  tous  les  en- 
nemis. Le  premier  rang  lui  fut  donc  adjugé ,  le  fé- 
cond à  la  fanté  ,  le  troifieme  au  plaifir ,  le  quatrième 
à  la  richeffe.  En  effet ,  tous  ces  biens  n'en  méritent  le 
nom  ,  que  lorfqu'ils  font  fous  la  garde  de  la  vertu  ; 
ils  deviennent  des  maux  pour  qui  n'en  fait  pas  ufer. 
Le  plaifir  de  la  paffion  n'eft  point  durable  ;  il  eft  fujet 
à  des  retours  de  dégoût  &  d'amertume  :   ce  qui  avoit 
amuic  ,  ennuie  :  ce  qui  avoit  plu,  commence  à  dé- 
plaire :  ce  qui  avoit  été  un  objet  de  délices ,  devient 
fouvent  un  fujet  de  repentir  &  même  d'horreur.  Je 
ne  prétens  pas  nier  aux  adverfaires  de  la  vertu  &  de 
la  morale  ,  que  la  paffion  &  le  libertinage  n'ayent 
pour  quelques-uns  des  momens  de  plaifir  :  mais  de 
leur  côté  ils  ne  peuvent  dilconvenir  qu'ils  éprouvent 
fouvent  les  fituations  les  plus  fâcheufes  par  le  dégoût 
d'eux-mêmes  &  de  leur  propre  conduite  ,  par  les  au- 
tres fuites  naturelles  de  leurs  parlions ,  par  les  éclats 
qui  en  arrivent,  par  les  reproches  qu'ils  s'attirent, 
par  le  dérangement  de  leurs  affaires ,  par  leur  vie  qui 
s'abrège  ou  leur  fanté  qui  dépérit ,  par  leur  réputa- 
tion qui  en  fouffre  ,  &:  qui  les  expofe  fouvent  à  tom- 
ber dans  la  mifere.  «  L'empereur  Vinceflas  ,  nous 
»  dit  l'auteur  de  YEjJai  fur  Le  mérite  &  la  venu  ,  trou- 
»  voit  du  goût  aux  voluptés  indignes  qui  faifoient 
»  fou  occupation ,  &  à  l'avarice  qui  le  dominoit. 
»  Mais  quel  goût  put-il  trouver  dans  l'opprobre  avec 
»  lequel  il  fut  dépofé  ,  &  clans  la  paralyiie  où  il  lan- 
»  guit  à  Prague  ,  &  que  les  débauches  avoient  atti- 
»  rée  !  Ouvrons  les  annales  de  Tacite,  ces  faites  de 
»  la  méchanceté  des  hommes  :  parcourons  les  re- 
»  gnes  de  Tibère  ,  de  Claude  ,  de  Caligula  ,  de  Né- 
»  ron  ,  de  Galba ,  &  le  deltin  rapide  de  tous  leurs 
»  courtifans  ;  &  renonçons  à  nos  principes  ,  fi  dans 
»  la  foule  de  ces  fcélerats  infignes  qui  déchirèrent  les 
Tome  II. 


B  I  E 


■4Î 


»  entrailles  de  leur  patrie ,  &  dont  les  fureurs  ont 
»  enfanglanté  tous  les  partages ,  toutes  les  lignes  de 
»  cette  hiftoire ,  nous  rencontrons  un  heureux.  Choi- 
»  fiffons  entr'eux  tous.  Les  délices  de  Caprée  nous 
»  font-elles  envier  la  condition  de  Tibère  ?  Remon- 
»  tons  à  l'origine  de  fa  grandeur,  fuivons  fa  fortune, 
»  conlidérons-le  dans  fa  retraite ,  appuyons  fur  fa  fin  ; 
»  &  tout  bien  examiné  ,  demandons-nous  ,  fi  nous 
»  voudrions  être  à  prêtent  ce  qu'U  fut  autrefois ,  le 
»  tyran  de  fon  pays ,  le  meurtrier  des  fiens  ,  l'efclave 
»  d'une  troupe  de  proftituées ,  &  le  protecteur  d'une 
»  troupe  d'efeiaves.  Ce  n'eft  pas  tout  :  Néron  fait 
»  périr  Britannicus  fon  frère ,  Agrippine  fa  mère ,  fa 
»  femme  Odtavie  ,  fa  femme  Poppée  ,  Antonia  fa 
»  belle-fœur  ,  fes  inltituteurs  Séneque  &  Burrhus. 
»  Ajoutez  à  ces  affaffinats  une  multitude  d'autres  cri- 
»  mes  de  toute  efpece  ;  voilà  fa  vie.  Auffi  n'y  ren- 
»  contre-t-on  pas  un  moment  de  bonheur  ;  on  le  voit 
»  dans  d'étemelles  horreurs  ;  fes  tranfes  vont  quel- 
»  quefois  jufqu'à  l'aliénation  de  l'efprit;  alors  il  ap- 
»  perçoit  ieTénare  entr 'ouvert  ;  il  le  croit  pourfuivi 
»  des  furies  ;  il  ne  fait  où  ni  comment  échapper  à 
»  leurs  flambeaux  vengeurs  ;  &  toutes  ces  fêtes  monf- 
»  trueufement  fomptueufes  qu'il  ordonne,  font  moins 
»  des  amufemens  qu'il  fe  procure  ,  que  des  diitrac- 
»  tions  qu'il  cherche  ».  Rien,  ce  lemble,  ne  prouve 
mieux,  que  les  exemples  qu'on  vient  d'alléguer,  qu'il 
n'y  a  de  véritables  biens  que  ceux  dont  la  vertu  rè- 
gle l'ufage  :  le  libertinage  &  la  paflion  fement  notre 
vie  de  quelques  inftans  de  plaifirs:  mais  pour  en  eon- 
noître  la  valeur  ,  il  faut  en  taire  une  compenfation 
avec  ceux  que  promettent  la  vertu  &  une  conduite 
réglée  ;  il  n'eft  que  ces  deux  partis.  Quand  le  pre- 
mier auroit  encore  plus  d'agrément  qu'on  ne  lui  en 
fuppofe  ,  il  ne  pourroit  fenfément  être  préféré  au  fé- 
cond ;  il  faut  pefer  dans  une  jufte  balance  lequel  des 
deux  nous  porte  davantage  au  but  commun  auquel 
nous  afpirons  tous ,  qui  elt  de  vivre  heureux ,  non 
pour  un  feul  moment ,  mais  pour  la  partie  la  plus 
conlîdérable  de  notre  vie.  Ainfi  quand  un  homme 
fenfuel  offufque  fon  efprit  des  vapeurs  grofîieres  que 
le  vin  lui  envoyé ,  &  qu'il  s'enivre  de  volupté ,  la 
morale  n'entreprendra  pas  de  l'en  détourner ,  en  lui 
dil'ant  amplement  que  c'elt  un  faux  plaifir,  qu'il  eft 
paffager  oc  contraire  aux  lois  de  l'ordre  :  il  répon- 
drait bien-tôt ,  ou  du  moins  il  fe  diroit  à  lui-même  , 
que  le  plaifir  n'eft  point  faux  ,  puifqu'il  en  éprouve 
actuellement  la  douceur;  qu'il  elt  fans  doute  paffager, 
mais  dure  allez  pour  le  réjouir  ;  que  pour  les  lois  de 
la  tempérance  &  de  l'honnêteté,  il  ne  les  envie  à 
perfonne ,  dès  qu'elles  ne  conviennent  point  à  fon 
contentement ,  qui  elt  le  feul  terme  où  il  afpire.  Ce- 
pendant lorfquc  je  tomberais  d'accord  de  ce  qu'il 
pourroit  ainii  répliquer,  fi  je  pouvois  l'amener  à 
quelques  momens  de  réflexions  ,  il  ne  ferait  pas 
Ipng-tems  à  tomber  d'accord  d'un  autre  point  avec 
moi.  il  conviendrait  donc  que  les  plaifirs  auxquels 
il  fe  livre  fans  mefuie,  èv  d'une  manière  effrénée, 
font  fuivis  d'inconvéniens  beaucoup  plus  grands 
que  les  plaifirs  qu'il  goûte  :  alors  pour  peu  qu'il 
fade  ulage  de  la  raifon ,  ne  conclurra-t-il  pas  que 
même  par  rapport  à  la  fatisfaction  &  au  conten- 
tement qu'il  recherche,  il  doit  fe  priver  de  certai- 
nes fatisfaûions  &  de  certains  plaifirs  ?  Le  plai- 
fir payé  par  la  douleur,  difoit  un  des  plus  délicats 
Epicuriens  du  monde ,  ne  vaut  rien  &  ne  peut  rien 
valoir:  à  plus  forte  raifon,  un  plaifir  payé  par  une 
grande douleur,ou  un  feul  plaifir  paye  par  la  privation 
de  mille  autres  plaifirs  ;  la  balance  n'eft  pas  égale.  Si 
vous  aimez  votre  bonheur  ,  aimez-le  conltamment  ; 
gardez-vous  de  le  détruire  par  le  moyen  même  que 
vous  employez  afin  de  vous  le  procurer.  La  rai  ion 
vous  eft  donnée  pour  faire  le  dilcernement  des  ob- 
jets   où  vous  le  devez  rencontrer  plus  complet  &c 

H  h  ij 


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B  I  E 


plus  confiant.  Si  vous  me  dites  que  le  fentiment  du 
préfent  agit  uniquement  dans  vous  &  non  pas  la 
penfée  de  l'avenir,  je  vous  dirai  qu'en  cela  même 
vous  n'êtes  pas  homme  ;  vous  ne  l'êtes  que  par  la 
raifon  &  par  l'ufage  que  vous  en  faites  :  or  cet  ufa- 
ge  confifte  dans  le  ibuvenir  du  paffé  &  dans  la  pré- 
voyance de  l'avenir ,  aufli-bien  que  dans  l'attention 
au  préfent. 

Ces  trois  rapports  du  tems  font  effentiels  à  notre 
conduite  :  elle  doit  nous  infpirer  de  choifir  dans  le 
tems  préfent  pour  le  tems  à  venir  ,  les  moyens  que 
dans  le  tems  paffé  nous  avons  reconnus  les  plus  pro- 
pres à  parvenir  au  bonheur;  ainfi  pour  y  arriver ,  il 
ne  s'agit  pas  de  regarder  précifément  en  chaque  ac- 
tion que  l'on  fait ,  ou  en  chaque  parti  que  l'on  em- 
braffe ,  ce  qui  s'y  trouve  de  plaifir  ou  de  peine.  Dans 
les  partis  oppofes  de  la  vertu  ou  du  vice ,  il  fe  trou- 
ve de  côté  &c  d'autre  de  l'agrément  &c  du  defagré- 
ment  :  il  faut  en  voir  le  réfultat  dans  la  fuite  générale 
de  la  vie  ,  pour  en  faire  une  jufte  compenfation.  Il 
faut  examiner ,  par  exemple,  ce  qui  arriverait  à  deux 
hommes  de  même  tempérament  &  de  même  condi- 
tion ,  qui  fe  trouveroient  d'abord  dans  les  mêmes  oc- 
cafions  d'embraffer  le  parti  de  la  vertu  ou  de  la  vo- 
lupté :  au  bout  de  foixante  ans  ,  de  quel  côté  y  aura- 
t-il  eu  moins  de  peine  ou  moins  de  repentir,  plus  de 
vraie  fatisfa&ion  &  de  tranquillité  ?  S'il  fe  trouve  que 
c  'eft  du  côté  de  la  fageffe  ou  de  la  vertu  ,  ce  fera  con- 
duire les  hommes  à  leur  véritable  bonheur ,  que  d'at- 
tirer leur  attention  fur  un  traité  de  morale  qui  contri- 
bue à  cette  fin.  Si  la  plupart  des  hommes  ,  malgré  le 
defir  empreint  dans  leur  ame  de  devenir  heureux  , 
manquent  néanmoins  à  le  devenir  ,  c'eft  que  volon- 
tairement féduits  par  l'appas  trompeur  du  plaifir  pré- 
fent ,  ils  renoncent ,  faute  de  prévoir  l'avenir  &  de 
profiter  du  paffé  ,  à  ce  qui  contribueroit  davantage 
à  leur  bonheur  dans  toute  la  fuite  de  leur  vie.  Il  s'en- 
fuit de  tout  ce  que  nous  venons  de  dire ,  que  la  vertu 
eft  plus  féconde  en  fentimens  délicieux  que  le  vice , 
&  par  conféquent  qu'elle  eft  un  bien  plus  grand  que 
lui ,  puifque  le  bien  le  mefure  au  plaifir ,  qui  feul  nous 
rend  heureux. 

Mais  ce  qui  donne  à  la  vertu  une  fi  grande  fupé- 
riorité  fur  tous  les  autres  biens  ,  c'eft  qu'elle  eft  de 
nature  à  ne  devenir  jamais  mal  par  un  mauvais  ufa- 
ge.  Le  regret  du  paffé ,  le  chagrin  du  préfent  ,  l'in- 
quiétude fur  l'avenir  ,  n'ont  point  d'accès  dans  un 
cœur  que  la  vertu  domine  ;  parce  qu'elle  renferme 
fes  defirs  dans  l'étendue  de  ce  qui  eft  à  fa  portée  , 
qu'elle  les  conforme  à  la  raifon ,  &  qu'elle  les  foû- 
met  pleinement  à  l'ordre  immuable  qu'a  établi  une 
fouveraine  intelligence.  Elle  écarte  de  nous  ces  dou- 
leurs ,  qui  ne  font  que  les  fruits  de  l'intempérance  ; 
les  plaiiirs  de  l'efprit  marchent  à  fa  fuite  ,  &  l'accom- 
pagnent jufque  dans  la  fojitude  &  dans  Padverfité  : 
elle  nous  affranchit,  autant  qu'il  eft  poffible  ,  du  ca- 
price d'autrui  &  de  l'empire  de  la  fortune  ;  parce 
qu'elle  place  notre  perfection ,  non  dans  une  poffef- 
fion  d'objets  toujours  prêts  à  nous  échapper  ,  mais 
dans  la  poffeffion  de  Dieu  même ,  qui  veut  bien  être 
notre  récompenfe.  La  mort ,  ce  moment  fatal  qui  de- 
fefpere  les  autres  hommes  ,  parce  qu'il  eft  le  terme  de 
leurs  plaifirs  &  le  commencement  de  leurs  douleurs  , 
n'eft  pour  l'homme  vertueux  qu'un  paffage  à  une 
vie  plus  heureufe.  L'homme  voluptueux  &  pafîion- 
né  ne  voit  la  mort  que  comme  un  fantôme  affreux , 
qui  à  chaque  inftant  fait  un  nouveau  pas  vers  lui , 
empoifonne  fes  plaifirs  ,  aigrit  fes  maux ,  Se  fe  pré- 
pare à  le  livrer  à  un  Dieu  vengeur  de  l'innocence. 
Ce  qu'il  envifage  en  elle  de  plus  heureux  ,  feroit 
qu'elle  le  plongeât  pour  toujours  dans  l'abyfme  du 
néant.  Mais  cette  honteufe  efpérance  eft  bien  com- 
battue dans  le  fond  de  ion  ame  par  l'autorité  de  la 
révélation ,  parle  fentiment  intérieur  de  ion  indivi- 


B  I  E 

fibilité  perfonnelle ,  par  l'idée  d'un  Dieu  jufte  Se  tout- 
puiffant.  Le  fort  de  l'homme  parfaitement  vertueux 
eft  bien  différent  :  la  mort  lui  ouvre  le  fein  d'une  in- 
telligence bienfaifante  ,  dont  il  a  toujours  refpefté 
les  lois  &c  reffenti  les  bontés.  Voye^  Sagesse  6* 
Vertu.  (X) 

BIENS  ,  en  termes  de  Jurifprudence ,  &  fur-tout  dans 
le  Droit  civil ,  font  toutes  fortes  d'effets ,  richeffes  , 
terres  ,  poffefîions ,  &c.  Voye^  Effet. 

i°.  Il  y  a  deux  fortes  de  biens  ;  les  meubles  &c  les 
immeubles.  FoyeiMhVBLE  &  IMMEUBLE. 

Les  droits  incorporels  qui  en  effet  ne  font  ni  meu- 
bles ni  immeubles  ,  fe  rapportent  eux-mêmes  à  l'une 
ou  l'autre  de  ces  deux  claffes  ,  fuivant  les  divers  rap- 
ports qu'ils  ont  avec  les  meubles  ou  les  immeubles 
corporels  :  ainfi  la  faculté  de  réméré  eft  une  a£Uon 
immobiliaire  ,  parce  qu'elle  tend  à  l'acquifition  d'un 
immeuble  ;  au  lieu  qu'un  billet  ou  une  obligation  eft 
réputée  meuble ,  parce  qu'elle  a  pour  objet  une  fom» 
me  de  deniers  qui  eft  mobiliaire. 

2°.  Les  biens  fe  divifent  encore  en  propres ,  pater- 
nels ,  héréditaires  ,  ou  de  patrimoine  ;  en  acquêts  ,  ou 
biens  acquis  ,  &  en  conquêts,  Voye^  Propre  ,  AC- 
QUÊT   6-  CONQUÊT. 

Les  biens  fe  divifent  encore  en  corporels  &  incorpo- 
rels (voyei  Corporel  6*  Incorporel  )&  enfin  en 
biens  nobles,  &  en  roturiers.  Voye{  Noble  ,  Rotu- 
rier, &c. 

Biens  adventices,  font  tous  ceux  qui  procèdent 
d'ailleurs  que  de  fuccefiion  de  père  ou  de  mère , 
d'ayeul,  ou  d'ayeule.  Voye^  Adventice. 

Biens  dotaux ,  dotalia ,  font  ceux  qui  procèdent 
de  la  dot,  &  dont  l'aliénation  n'eft  pas  permife  au 
mari.  Voye-^  Dot. 

Biens  de  fugitifs,  font  les  biens  propres  d'un  hom- 
me qui  fe  fauve  pour  crime ,  &  qui  après  fa  fuite  dûe- 
ment  prouvée  ck  conftatée  ,  appartiennent  au  roi, 
ou  au  feigneur  du  manoir.  Voye^  Fugitif. 

Biens  paraphernaux ,  font  ceux  defquels  la  femme 
donne  la  joiiiffance  à  Ion  mari ,  à  condition  de  les 
retirer  quand  il  lui  plaît.  Foyei  Paraphernaux. 

Biens  profeàices ,  font  ceux  qui  viennent  de  la  fuc- 
cefîion  diredle.  Voye^  Profectice. 

Biens  vacans,  font  ceux  qui  fe  trouvent  abandon- 
nés ,  foit  parce  que  les  héritiers  y  renoncent,  ou  que 
le  défunt  n'a  point  d'héritier.  Voye^  Vacant.  (H) 

*  On  diftribue  encore  les  biens  en  biens  de  ville  & 
biens  de  campagne  :  les  biens  de  ville  font  les  maifons 
de  ville  ,  les  marchandifes ,  les  billets ,  l'argent ,  &c. 
Les  biens  de  campagne  font  les  rentes  feigneuriales  , 
les  champarts ,  les  dixmes  inféodées  ,  les  rentes  fon- 
cières ,  &c.  les  terres  labourables  ,  les  vignes ,  les 
prés ,  les  bois ,  &  les  plants.  Voye^  Maison  ,  Mar- 
chandise, &C.  Foyei  RENTE,  CHAMPART,  &C. 
Voye?^  Terres  labourables,  Vignes  ,  &c  (H) 

*  BlEN  ,  (  homme  de)  homme  a"  honneur  ,  honnête 
homme.  (  Gramm.  )  Il  me  femble  que  V homme  de  bien 
eft  celui  qui  fatisfait  exa&ement  aux  préceptes  de  fa 
religion  ;  ['homme  d'honneur,  celui  qui  fuit  rigoureu- 
fement  les  lois  &  les  ufages  de  la  fociété  ;  &  Y  honnête 
homme  ,  celui  qui  ne  perd  de  vue  dans  aucune  de  fes 
actions  les  principes  de  l'équité  naturelle  :  l'homme 
de  bien  fait  des  aumônes;  l'homme  d'honneur  ne  man- 
que point  à  fa  promeffe  ;  l'honnête  homme  rend  la  juf- 
tice  ,  même  à  Ion  ennemi.  L'honnête  homme  eft  de 
tout  pays  ;  l'homme  de  bien  &  l'homme  d'honneur  ne 
doivent  point  faire  des  chofes  que  l'honnête  homme 
ne  fe  permet  pas. 

*  Bien  ,  Très  ,  Fort  ,  (  Gramm.  )  termes  qu'on 
employé  indiftinûement  en  François ,  pour  marquer 
le  degré  le  plus  haut  des  qualités  des  êtres  ,  ou  ce 
que  les  Grammairiens  appellent  lefuperlatif:  mais  ils 
ne  défignent  ce  degré  ni  de  la  même  manière ,  ni 
avec  la  même  énergie.  Très  me  paroît  affeûé  parti- 


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culierement  au  fuperlatif ,  &  le  rcpréfenter  comme 
idée  principale  ;  comme  on  voit  dans  le  Très -haut , 
pris  pour  M  Etre  fuprème.  Fort,  marque  moins  le  fu- 
perlatif,  mais  affirme  davantage  :  ainfi  quand  on  dit 
il  eft  fort  équitable  ,  il  femble  qu'on  faffe  autant  au 
moins  d'attention  à  la  certitude  qu'on  a  de  l'équité 
d'une  perfonne  ,  qu'au  degré  ou  point  auquel  elle 
pouffe  cette  vertu.  Bien  ,  marque  encore  moins  le 
fuperlatif  que  très  ou  fort  :  mais  il  eft  fouvent  accom- 
pagné d'un  fentiment  d'admiration  ,  il efl  bien  hardil 
Dans  cette  phrafe  ,  on  déligne  moins  peut  -  être  le 
degré  de  la  hardieffe,  qu'on  n'exprime  l'étonnement 
qu'elle  produit.  Ces  diftinftions  font  de  M.  l'abbé  Gi- 
rard. Il  remarque  de  plus  que  très  eil  toujours  pofi- 
tif;  mais  que  fort  &  bien  peuvent  être  ironiques  , 
comme  dans  :  c'eft  être  fort  fage  que  de  quitter  ce  qu'on 
a  pour  courir  après  ce  qu'on  ne  fauroit  avoir  ;   c'eft 
être  bien  patient  que  de  Jbuffrir  des    coups   de  bâton 
fans  en  rendre  :  mais  je  croi  que  très  n'eft  point  du 
tout  incompatible  avec  l'ironie ,  6c  qu'il  eft  même 
préférable  à  bien  6c  h  fort  en  ce  qu'il  la  marque  moins. 
Lorfque  fort  6c  bien  font  ironiques  ,  il  n'y  a  qu'une 
façon  de  les  prononcer  ;  6c  cette  façon  étant  ironi- 
que elle-même  ,  elle  ne  laiffe  rien  à  deviner  à  celui 
à  qui  l'on  parle.  Très ,  au  contraire  pouvant  fe  pro- 
noncer quand  il  eft  ironique ,  comme  s'il  ne  l'etoit 
pas,  enveloppe  davantage  la  raillerie ,  6c  laiffe  dans 
l'embarras  celui  qu'on  raille. 

BIENFAITEUR  &  BIENFAITRICE,  en  Droit , 
fe  dit  de  ceux  qui  ont  fondé  ou  doté  une  églife  ,  ibit 
paroiftiale  ou  conventuelle.  Foye^  Fondateur  & 
Patron.  (H) 

BIENHEUREUX,  ce  terme  a  diverfes  acceptions. 
En  Théologie ,  il  lignifie  ceux  à  qui  une  vie  pure  & 
exempte  de  toutes  louillures  ,  ouvre  le  royaume  des 
cieux.  Qui  pourroit  peindre  l'étonnement  de  l'ame, 
lorfque  la  mort  venant  à  déchirer  tout-à-coup  le  voile 
qui  l'environne  dans  un  corps  mortel ,  &  à  rompre 
tous  les  liens  qui  l'y  attachent,  elle  eft  admhe  à  la 
vifion  claire  6c  intuitive  de  la  divinité  i  là  le  dévoi- 
lent à  les  yeux  les  profondeurs  mcompréhenlibles 
de  l'Être  divin,  la  grandeur  ineffable  de  fon  unité, 
&  les  richeffes  infinies  de  fon  clience  :  là  difparoil- 
fent  les  contradictions  apparentes  des  mylteres,  dont 
la  hauteur  étonne  notre  raiton,  6c  qui  îont  envelop- 
pés &  comme  fcellés  pour  nous  dans  fes  Ecritures  : 
là  s'allume  dans  l'ame  cet  amour  immenle ,  qui  ne 
s'éteindra  jamais ,  parce  que  l'amour  divin  fera  fon 
aliment  éternel.  V.  Paradis,  Vision  intuitive. 
Le  :erme  de  bienheureux  eft  auiîi  pris  pour  ceux  à 
qui  l'Eglife  décerne  dans  les  temples  un  culte ,  lubor- 
donné  néanmoins  à  celui  qu'elle  rend  à  ceux  qu'elle 
a  canonifés.  La  béatification  eft  un  degré  pour  arrive* 
à  la  canonifation.  f^oye?  ces  articles. 

Bienheureux  fe  dit ,  en  Morale  ,  de  ceux  qui  coulent 
dans  une  heureufe  tranquillité  des  jours  purs  & 
exempts  de  nuages  &  de  tempêtes ,  vaye[  Bonheur  ; 
ou  plutôt  bienheureux  s'applique  à  des  evenemens 
particuliers  ;  heureux  à  tout  le  fyfteme  de  la  vie. 
On  eft  bienheureux  d'avoir  échappe  à  tel  danger;  on 
eft  heureux  de  fe  bien  porter.   (  Â') 

*  BIENSEANCE,  f  f.  en  Mon;/*.  La  bienféance  en 
général  confifte  dans  la  conformité  d'une  action  avec 
le  tems ,  les  lieux ,  &  les  perfonnes.  C'eft  l'ufage  qui 
rend  fenfible  à  cette  conformité.  Manquer  à  la  bien- 
féanct ,  expofe  toujours  au  ridicule,  6c  marque  quel- 
quefois un  vice.  La  crainte  de  la  gêne  tait  fouvent 
oublier  les  bienféances.  Bienféance  ne  le  prend  pasleu- 
lement  dans  un  fens  moral  :  on  dit  encore  dans  un 
fens  phyfique,  cette  pièce  de  terre  c/l  a  nui  bienféance  , 
quand  ion  acquilition  arrondit  un  domaine  ,  embel- 
lit un  jardin ,  &c.  Malheur  à  un  petit  fouverain  dont 
les  états  font  à  la  bienféance  d'un  prince  plus  puiffant. 
Bienséance,  f.  m.  terme  d 'Architecture,  On  fe  fert 


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de  ce  nom  d  après  Vitruve ,  pour  exprimer  l'afpeft 
dun  édifice  dont  la  décoration  eft  approuvée    & 
1  ordonnance  fondée  fur  quelque  autorité  •  c'eft  ce 
que  nous  appelions  convenance.  V.  Convenance 
Koyei  auj/i  Aspect.  (P) 

BIEN  1  ENANT  ,  terme  de  Palais  ',  fynonyme  kpof. 
Jejjeur  ou  détenteur.  Voyer  l'un  &  l'autre.   (  H\ 

BIENVEILLANCE,  f.  f.  (  Morale.  )  La  bLveU. 
lance  eft  un  fentiment  que  Dieu  imprime  dans  tous 
les  cœurs     par  lequel  nous  fommes  portés  à  nous 
vouloir  du  bien  les  uns  aux  autres.  La  f  ocieté  lui  doit 
fes  liens  les  plus  doux  &  les  plus  forts.  Le  principal 
moyen  dont  s 'eft  lervi  l'auteur  de  la  nature  pour  éta- 
blir &  conferver  la  focieté  du  genre  humain ,  a  été 
de  rendre  communs  entre  les  hommes  leurs  biens  & 
leurs  maux  ,  toutes  les  fois  que  leur  intérêt  particu- 
lier n'y  met  point  obftacle.  11  eft  des  hommes  en  qui 
l'intérêt,  l'ambition,  l'orgueil  empêchent  qu'il  ne 
s'élève  de  ces  mouvemens  de  bienveillance.  Mais  il 
n'en  eft  point  qui  n'en  portent  dans  le  cœur  les  fe- 
mences  prêtes  à  éclorre  en  faveur  de  l'humanité  & 
de  la  vertu  ,  dès  qu'un  fentiment  fupérieur  n'y  fait 
point  d'obftacle.  Et  s'il  étoit  quelque  homme  qui  n'eût 
point  reçu  de  la  nature  ces  précieux  germes  de  la 
vertu,   ce  ferait  un  défaut  de  conformation  fem- 
blable  à  celui  qui  rend  certaines  oreilles  infenfibles 
au  plaifir  de  la  mufique.  Pourquoi  ces  pleurs  que 
nous  verfons  fur  des  héros  malheureux  ?  avec  quelle 
joie  les  arracherions-nous  à  l'infortune  qui  les  pour- 
fuit  !  leur  fommes-nous  donc  attachés  par  les  liens 
du  fang  ou  de  l'amitié  ?  Non  certainement  :  mais  ce 
font  des  hommes  &  des  hommes  vertueux.  Il  n'en 
tant  pas  davantage  pour  que  ce  germe  de  bienveil- 
lance que  nous  poitons  en  nous-mêmes ,  fe  dévelop- 
pe'en  leur  faveur.  (X)  • 

Bienveillance  ,  (  Hifl.  mod.  )  terme  ilfité  dans 
les  ftatuts  6c  dans  les  chroniques  d'Angleterre  pour 
fignifier  un  prélent  volontaire  que  les  fujets  font  à 
leur  fouverain ,  chacun  y  contribue  à  proportion  de 
fa  fortune.  Voye^  SUBSIDE  &  Taxe. 

La  bienveillance  prife  dans  ce  fens  ,  équivaut  à  ce 
que  les  autres  nations  appellent  fubfidium  charitati- 
vum,  que  les  tenanciers  payent  quelquefois  à  leur 
feigneur  ,  le  clergé  aux  éveques. 

En  France  on  appelle  ce  fecours  don  gratuit.  Dans 
les  befoins  de  l'état ,  le  clergé  affemblé  loit  ordinai- 
rement ,  foit  extraordinairement ,  accorde  au  roi  un 
don  gratuit  indépendamment  des  décimes  &  autres 
importions  dont  il  eft  chargé  ,  &  le  recouvrement  de 
ces  fommes  eft  reparti  furies  provinces  eccléfiafti- 
ques.  Dans  les  provinces  d'Etats ,  outre  les  fubfides 
ordinaires  ,  à  la  tenue  des  états  on  accorde  auffi  au 
roi  un  don  gratuit  plus  ou  moins  fort,  félon  les  cir- 
conftances.  Voye^ Aides.  (G) 

*  BIERNEBURG  ,  (  Géog.  )  ville  de  la  Livonie. 

*  BIERRE ,  f.  f.  efpece  de  boiffon  forte  ou  vineu- 
fe,  faite,  non  avec  des  fruits  ,  mais  avec  des  grains 
farineux.  On  en  attribue  l'invention  aux  Egyptiens. 
On  prétend  que  ces  peuples  ,  privés  de  la  vigne  , 
cherchèrent  clans  la  préparation  des  grains,  dont  ils 
abondoient ,  le  fecret  d'imiter  le  vin,  &  qu'ils  en  ti- 
rèrent la  bierre.  D'autres  en  font  remonter  l'origine 
jusqu'aux  tems  des  fables,  6c  racontent  que  Cerès  ou 
*  >liris  en  parcourant  la  terre,  Oliris  pour  rendre  les 
hommes  heureux  en  les  inftuiifant  ,  Cerès  pour  re- 
trouver la  fille  égarée  ,  enfeignerent  l'art  de  taire  la 
bierre  aux  peuples  à  qui ,  faute  de  vignes,  elles  ne  pu- 
rent enfeigner  celui  de  faire  le  vin:  mais  quand  on 
laiffe  là  les  tables  pour  s'en  tenir  à  l'hiftoire,  on  con- 
vient que  c'eft  de  l'Egypte  que  l'ulàge  de  la  bierre  a 
paffé  dans  les  autres  contrées  du  monde.  Elle  rut  d'a- 
bord connue  fous  le  nom  de  boifion  Pclujienne,  du 
nom  de  Pelufe  ,  ville  fituée  proche  l'embouchure  du 
Nil,  où  l'on  faifoit  la  meilleure  bierre.  Il  y  en  a  eu  de 


46 


B  I  F 


deux  fortes  :  l'une ,  que  les  gens  du  pays  nommoient 
{ythum  ;  &  l'autre  ,  carmï.  Elles  ne  différoient  que 
dans  quelque  façon  ,  qui  rendoit  le  carmi  plus  doux 
èc  plus  agréable  que  le  lythum.  Elles  étoient ,  félon 
toute  apparence  ,  l'une  à  l'autre,  comme  notre  bierre 
blanchi  à  notre  bierre  rouge.  L'ufage  de  la  bierrc  ne  tarda 
pas  à  être  connu  dans  les  Gaules ,  &  ce  fut  pendant 
Ion  **-tems  la  boifîbn  de  les  habitans. L'empereur  Julien 
gouverneur  de  ces  contrées,  en  a  fait  mention  dans 
une  allez  mauvaife  épigramme.  Au  tems  de  Strabon 
la  bierre  étoit  commune  dans  les  provinces  du  nord , 
en  Flandre ,  &  en  Angleterre.  Il  n'ell  pas  furprenant 
que  les  pays  froids ,  où  le  vin  &  le  cidre  même  man- 
quent, ayent  eu  recours  à  une  boiilon  taite  de  grain 
&  d'eau  ;  mais  que  cette  liqueur  ait  palîé  juiqu'en 
Grèce ,  ces  beaux  climats  fi  fertiles  en  railin ,  c'eft 
ce  qu'on  auroit  de  la  peine  à  croire ,  fi  des  auteurs 
célèbres  n'en  étoient  garans.  Ariftote  parle  de  la 
bierre  &  de  fon  ivreffe  ;  Théophralte  l'appelle  oïvcç 
KptSîi;,  vin  d'orge;  Efchyle  &  Sophocle  ,  Çvd-oç  fyvTw. 
Les  Elpagnols  bùvoient  auffi  de  la  bierre  au  tems  de 
Polybe.  Les  étymologies  qu'on  donne  du  mot  bierre 
font  trop  mauvaifes  ppur  être  rapportées  ;  nous  nous 
contenterons  feulement  de  remarquer  qu'on  l'appel- 
loit  auffi  cervoife ,  cervitia  ;  quant  à  les  propriétés ,  fes 
eipeces  ,  &C  la  manière  de  la  faire.  Voye^  L'article 
Brasserie. 

*  BIERVLIET ,  (Géog.)  fortereffe  avec  port ,  dans 
une  île  de  la  Flandre  Hoilandoife  ,  à  peu  de  diftance 
de  1'Eclufe.  Long.  zi.  iz.  lac.  5i.  25. 

*  BIES-BOS ,  (Géog.)  on  nomme  ainfi  une  grande 
étendue  d'eau ,  formée  autrefois  par  une  inondation 
de  la  mer;  elle  eft  entre  Dordrecht  &  Gertruydem- 
berg ,  dans  la  Hollande  méridionale. 

*  B I ESE ,  (Gicg.)  rivière  d'Allemagne ,  dans  la 
vieille  marche  de  Brandebourg  ,  qui  le  jette  dans 
l'Aland. 

*  BIESENTHAL ,  (Géog.)  petite  ville  entre  Berlin 
ck;  Bernau. 

*  BIES-SCADI,(G70£.)c'eltune  partie  des  monts 
Krapacks ,  qui  léparent  la  Ruffie  d'avec  la  Tranfil- 
vanie. 

*  BIESSEN,  (Géog.)  ville  de  la  haute  Alface  ,  à 
peu  de  diitance  du  Rhin. 

*BIETALA,  (Géog.)  ville  &  fortereffe  de  la  gran- 
de Tartarie ,  fur  les  frontières  du  royaume  de  Baran- 
tola  ;  c'eft  le  lieu  de  la  réfidence  du  grand  lama  ou 
pontife  des  Tartares. 

•BIETIGHEIM,  (Géog.)  petite  ville  avec  un 
château  fur  l'Ens ,  dans  le  duché  de  Wirtemberg. 

BIEVRE.  Voyei  Castor. 

BlEVRE,  oifeau.  Foyt7L  HARLE.  (/) 

*  Bievre  ,  (Géog.)  petite  rivière  de  l'île  de  Fran- 
ce ,  qui  fe  jette  dans  la  Seine  près  de  Paris. 

BIEZ  ,  f.  m.  (Arts  méchaniq.  &  Hydrauliq.)  eft  un 
canal  élevé  &  un  peu  biaifé  ,  qui  conduit  les  eaux 
pour  les  faire  tomber  lur  la  roue  d'un  moulin  ;  fa  fi- 
gure qui  approche  d'une  bierre ,  fait  croire  que  fon 
nom  en  eft  tiré. 

On  appelle  arriere-bie^  les  canaux  qui  font  au-delà 
en  remontant.  (K  ) 

*  BIFERNO,  (Géog.)  rivière  du  royaume  de  Na- 
ples ,  dans  le  comté  de  Molife  ;  elle  fe  jette  dans  le 
golfe  de  Venife. 

BIFFER  ,  en  terme  de  Palais  &  même  dans  le  langage 
ordinaire  ,  eft  lynonyme  à  rayer  ou  effacer.  (H) 

*  BIFORMIS,  adj.  (Mythol.)  épithete  que  l'on 
donnoit  à  Bacchus,  parce  qu'on  le  repréfentoit  tan- 
tôt jeune  tantôt  vieux ,  avec  de  la  barbe  ou  fans  bar- 
be ;  à  moins  qu'on  n'aime  mieux  la  faire  venir  des  ef- 
fets du  vin ,  qui  rend  les  uns  trilles  &  furieux ,  les  au- 
tres aimables  &  gais. 

BIFRE.  Foyei  Castor.  (/) 

BIGAME ,  adj.  pris  fubft.  (Droit  canoniq.)  qui  a 


B  I  G 

été  marié  deux  fois ,  du  Grec  S'iycifj.ot,  dont  la  racine 
eft  ■)  kfiw ,  fe  marier. 

Selon  la  difcipline  la  plus  confiante  de  l'Eglife ,  les 
bigames  font  irréguliers  &  inhabiles  à  être  promus  aux 
ordres  facrés  :  ils  ne  peuvent  pas  même  exercer  les 
fondions  des  ordres  mineurs ,  félon  le  concile  de  Gi- 
ronne. 

On  a  quelquefois  donné  le  nom  de  bigames  à  ceux 
qui  ont  époulé  une  veuve ,  une  femme  publique  ou 
une  temme  répudiée  ;  &  ils  n'étoient  pas  moins  cen- 
lés  irréguliers,  que  ceux  qui  avoient  époulé  fucceffi- 
vement  deux  femmes ,  parce  qu'on  penfoit  qu'une 
elpece  d'incontinence  dans  une  veuve  qui  convole, 
ou  le  deshonneur  certain  de  la  femme,  rejailliffoit  fur 
le  mari.  Harmenopule  met  au  nombre  des  bigames, 
ceux  qui  après  s'être  fiancés  à  une  fille  ,  contractent 
mariage  avec  une  autre  ou  époufent  la  fiancée  d'un 
autre  homme.  S.  Thomas  décide  que  l'évêque  peut 
difpenler  de  la  bigamie  pour  les  ordres  mineurs  & 
les  bénéfices  fimples  :  mais  Sixte  V.  &  le  concile  de 
Trente  ont  décidé  le  contraire.  Les  clercs  qui  con- 
tractent un  mariage  après  avoir  reçu  les  ordres  fa- 
crés ,  font  auffi  appelles  bigames  par  reffemblance , 
quoiqu'il  n'y  ait  point  de  véritable  mariage.  Le  pape 
Alexandre  III.  permet  de  rétablir  dans  les  fondions 
de  leur  ordre  ceux  qui  font  tombés  dans  cette  faute, 
après  la  leur  avoir  fait  expier  par  une  longue  &  ri- 
goureufe  pénitence.  ThomaJJ'.  difcipl.  de  régi.  part.  I. 
liv.  II.  ch.  viij.  &  part.  IV.  liv.  II.  ck.  xx.  Le  terme 
bigame  fe  prend  encore  dans  un  autre  fens.  Voy.  BI- 
GAMIE. (G) 

BIGAMIE ,  f.  f.  (Jurifp.)  eft  la  poffeffion  de  deux 
femmes  vivantes  en  même  tems  ,  contractée  par  le 
mariage.  Voye^  Mariage. 

Ceux  qui  étoient  convaincus  de  bigamie  chez  les 
Romains,  étoient  notés  d'infamie;  &  anciennement 
ils  étoient  punis  de  mort  en  France.  V.  Polygamie. 

Ce  terme  ,  en  Droit ,  s'entend  auffi  de  deux  maria- 
ges lucceffifs,  ou  du  mariage  de  celui  qui  époufe  une 
veuve.  Ce  font ,  lelon  les  canoniftes ,  deux  empêche- 
mens  de  parvenir  aux  ordres  ou  à  un  évêché,  à  moins 
qu'on  n'en  ait  difpenfe.  Ce  point  de  difcipline  eft  fon- 
dé fur  ce  que  dit  S.  Paul ,  qu'un  évêque  n'ait  qu'une 
feule  femme,  /.  Timoth.  iij.  z.  Apojl.  conjl.  ij.  iS. 

Il  y  a  deux  fortes  de  bigamie  :  la  réelle ,  quand  un 
homme  fe  marie  deux  fois  ;  &  Y  interprétative ,  quand 
un  homme  époufe  une  veuve  ou  une  femme  débau- 
chée ,  ce  qui  eft  regardé  comme  un  fécond  mariage. 
C'eft  pourquoi  le  P.  Doucine  diftingue  &  remarque 
qu'Irenée  ayant  été  marié  deux  lois  ,  doit  avoir  été 
en  ce  lens  coupable  de  bigamie ,  &  qu'il  fut  évêque 
de  Tyr ,  contre  la  difpolîtion  expreffe  des  canons.  Il 
montre ,  avec  S.  Jérôme ,  que  ceux  qui  époufent  deux 
femmes,  après  qu'ils  ont  été  baptifés ,  font  bigames  : 
mais  S.  Ambroilè  &  S.  Auguftin  dilent  expreffément 
que  celui-là  eft  bigame,  qui  époufe  une  femme  qui 
avoit  déjà  été  mariée ,  foit  avant  loit  après  le  baptê- 
me. Hill.  du  Nellorianifme. 

Les  canoniftes  prétendent  même  qu'il  y  a  bigamie 
qui  opère  l'irrégularité ,  fi  un  homme ,  après  que  fa 
femme  eft  tombée  en  adultère  ,  a  commerce  avec 
elle ,  ne  fût-ce  qu'une  fois. 

Il  y  a  une  autre  forte  de  bigamie  par  interpréta- 
tion ,  comme  quand  une  perlonne ,  qui  eft  dans  les 
ordres  facrés  ou  qui  s'eft  engagée  dans  quelque  or- 
dre monaftique  ,  le  marie.  Le  pape  en  peut  difpen- 
fer ,  du-moins  y  a-t-il  des  occalions  où  il  le  fait.  Il  y 
a  auffi  une  forte  de  bigamie  fpirituelle ,  comme  quand 
une  perfonne  poffede  deux  bénéfices  incompatibles, 
comme  deux  évêchés,  deux  cures,  deux  chanoine- 
ries,  fub  eodem  teclo  ,  &c.  (H) 

BIG ARR ADIER ,  f.  m.  (Jardinage.)  eft  une  efpece 
d'oranger  ,  dont  les  fruits  d'un  goût  amer ,  que  l'on 
appelle  bigarrades ,  font  chargés  de  cornes  éc  d'ex- 


B  I  G 

eroifïances  :  la  manière  de  les  élever  &  de  les  culti- 
ver eft  la  même  que  pour  les  orangers.  (A  ) 

BIGARRÉ ,  adj.  en  termes  de  Blajon ,  le  dit  du  pa- 
pillon 6c  de  tout  ce  qui  a  diverfes  couleurs. 

Ranerolles  en  Picardie ,  de  gueules  à  un  papillon 
d'argent,  miraillé  &  bigarré  de  fable.  (A') 

BIGARREAU,  BIGARREAUTIER  ,  cerafa  duraci- 
na;  c'elt  une efpece  de  cerifier.  Foye^  Cerisier.  (/£) 

•BIGARRURE,  DIVERSITE,  VARIÉTÉ  DIF- 
FÉRENCE ,  (  Gramm.  )  tous  ces  termes  fùppofent 
pluralité  de  choies  comparées  entr'elles.  La  différence 
îuppofe  une  comparaison  de  deux  ou  plufieurs  cho- 
fes ,  entre  lefquelles  on  apperçoit  des  qualités  com- 
munes à  toutes  ,  par  lefquelles  elles  conviennent,  & 
des  qualités  particulières  à  chacune  6c  même  peut- 
être  oppoiées  ,  qui  les  diftinguent.  Diverflté,  marque 
afîémblage  ou  fucceffion  d'êtres  différens  &  conli- 
dérés  fans  aucune  liaifon  entr'eux.  Cet  univers  eft 
peuplé  d'êtres  divers.  Variété,  fe  dit  d'un  affembla- 
ge  d'êtres  différens  ,  mais  coniidérés  comme  parties 
d'un  tout ,  d'où  leur  différence  chaffe  l'uniformité , 
en  occalionnant  fans  ceffe  des  perceptions  nouvel- 
les. Il  re^ne  entre  les  fleurs  de  ce  parterre  une  belle 
variété.  Biganure  ne  dhîere  de  variété ,  que  comme  le 
bien  &  le  ma!  ;  6c  il  lé  dit  d'un  alîémblage  d'êtres 
diiférens  ,  m  lis  coniidérés  comme  des  parties  d'un 
tout  mal  alTorti  &  de  mauvais  goût.  Quelle  différence 
entre  un  homme  6c  un  autre  homme  !  Quelle  diverflté 
dans  les  goû's  !  quelle  bigarrure  dans  les  ajuilemens  ! 

BIGARRURES,  f.  f.  (en  Fauconnerie)  lont  des  ta- 
ches roulTes  ou  noires  ,  ou  des  divcrlités  de  couleur, 
qui  rendent  le  pennage  d'un  oileau  de  proie  bigar- 
ré ;  on  dit  ce  faucon  a  beaucoup  de  bigarrures. 

B  I  G  E ,  f.  m.  (  Ht  fi.  anc.  )  chariot  à  deux  che- 
vaux de  front.  Les  Romains  le  nommoient  bijuga , 
parce  que  les  deux  chevaux  y  étoient  unis  par  le 
même  joug.  La  courfe  des  chars  à  deux  chevaux  fut 
introduite  dans  les  jeux  olympiques  en  la  xcm. 
olympiade  ;  mais  l'invention  en  étoit  beaucoup  plus 
ancienne  :  puifque  dans  l'Iliade  les  héros  combattent 
fur  ces  fortes  de  chars.  (  G  ) 

*  BIGE  <J ,  (  Géog.  )  royaume  &  ville  dépendans 
de  l'empire  du  Japon  ,  dans  l'île  de  Niphon. 

*  BIGENIS,  (  Géog.  )  ville  de  Sicile  ,  dans  le  val 
de  Démona  ,  lur  la  rivière  de  Caflio-réale. 

BIGNEToa  BEIGNET,  f.  m.  (Patffer)  forte  de 
pâtiiTerie  friande  qui  le  fait  de  la  manière  luivante. 
Prenez  un  litron  de  fleur  de  farine ,  fix  œufs ,  de  l'eau , 
oudelabierre,oudu  lait,  la  valeur  d'un  demi-ieptier; 
délayez  le  tout  enfemble;  ajoutez  du  lel  convena- 
blement ;  prenez  des  pommes  ue  reinette,  une  demi- 
douzaine  des  plus  belles  ;  peiez-ies  ;  coupez-les  par 
ruelles  ;  ôtez  les  pépins  6c  la  pépinière  ;  trempez  vos 
nielles  dans  la  pâte, ayez  du  fam-doux  fondu  tout  prêt, 
jettez  vos  ruelles  de  pommes  enduits  de  pâ;e  dans  le 
fain-doux;  faites  cuire  ;  (aupoudrezde  lucre,  6c  ler- 
vez.  Il  y  en  a  qui  mettent  le  lucre  dans  la  pâte. 

On  peut  lé  palier  de  pommes,  6c  faire  des  beignets 
avec  la  pâte  feule  ,  dont  on  enduit  les  tranches  de 
pommes.  Au  relie ,  il  y  a  une  infinité  de  façons  de 
faire  des  beignets. 

BIGNONE ,  f.  f.  (  Hifl.  nat.  )  bignonia  genre  de 
plante  ,  dont  e  nom  a  été  dérive  de  celui  de  M.  l'ab- 
bé Bignon  ,  bibliothécaire  du  roi.  La  fleur  des  plan- 
tes de  ce  genre  cil  monopétale  irréguliere  en  forme 
de  tuyau  ouvert  par  les  deux  bouts  ,  6c  reffemblantc 
aux  fleurs  labiées.  Le  piltil  fort  du  calice  &  cil  at- 
taché comme  un  clou  a  la  partie  poltéricure  de  la 
fleur.  Ce  piltil  devient  dans  la  fuite  un  fruit  ou  une 
fihque  partagée  en  deux  loges  par  une  cloilon  mi- 
toyenne, 6c  remplie  de  femences  applatics  pour  l'or- 
dinaire ,  6c  garnies  de  deux  ailes  membraneufes. 
Tournefort.  Injl.  reiherb.  Foyer  Plante.  (/) 

*  BIGONZO  (  Hiji.  mod.  Commerce  )  on  nomme 


B  I  G 


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ainfi  à  Venife  une  mefure  de  vin  qui  y  eft  en  ufage  ; 
le  bigonro  contient  4  quarti  ou  16  Jécclu  ,  ou  environ 
63  livres  de  liquide  :  mais  lorfqu'il  s'agit  d'eau-de- 
vie  ,  un  bigon7t  ne  vaut  que  14  fecchi  ou  56  livres. 

BIGORNE  ,  1.  f.  (  dans  les  Arts  méckaniaues  en  mé- 
taux ,  comme  fer ,  cuivre ,  argent ,  or ,  acier ,  &c.  )  c'eft 
tantôt  la  partie  d'une  enclume,  tantôt  une  enclume 
dont  le  corps  eft  long  &  menu  ;  à  fa  partie  fupérieu- 
re  font  deux  branches  qui  font  une  elpece  de  7  avec 
le  corps  ;  une  de  ces  branches  ou  bras  eft  en  cône , 
&  l'autre  en  pyramide.  Son  pie  dont  la  partie  fupé- 
rieure  eft  en  embafe ,  fe  termine  en  pointe  &  fe  fi- 
che dans  un  billot  lur  lequel  la  bigorne  eft  poiée.  Le 
milieu  d'entre  les  branches  forme  une  table  quarrée, 
qui  fait  la  fonction  d'enclume.  Il  y  a  des  bigornes  de 
différentes  groiTcurs.  Les  groiTes  lervent  à  tourner  6c 
contourner  à  chaud  les  giolles  pièces  de  fer,  qui  ne 
peuvent  recevoir  la  forme  circulaire  fur  la  bigorne 
de  l'enclume  ;  parce  que  le  corps  de  l'enclume  qui 
lui  fert  de  baie  eft  trop  gros.  Les  petites  bigornes  qui 
fe  polent  fur  les  établis  lervent  à  tourner  &  contour- 
ner à  froid  les  pièces  petites  Voye^  nos  PL.  a  Orfè- 
vre ,  de  Coutelier,  de  Serrurier ,  de  Taillandier ,  6c  vous 
y  trouverez  &  des  enclumes  à  bigornes ,  6c  des  bigor- 
nes féparées  en  cent  endroits. 

Bigorne  de  Charron  :  cette  bigorne  n'a  rien  de  par- 
ticulier ;  elle  eft  placée  lur  un  billot  de  bois  ,  &  lert 
aux  charrons  pour  former  les  têtes  des  vis ,  quand  ces 
têtes  font  percées ,  &  d'autres  ouvrages  de  la  même 
nature. 

BIGORNE  à  chantepure,  outil  de  Ferblantier  ;  c'eft 
une  bigorne  qui  n'a  qu'une  gouge  longue  d'environ 
quatorze  ou  quinze  pouces,  groffe  à  la  baie  d'un  bon 
pouce,  &  finiffant  en  pointe;  cette  bigorne  iert  aux 
Ferblantiers  pour  an  ondir  &  former  en  cône  la^tieue 
d'une  chantepure.  Voye^  lafig.  y.  PI.  du  Ferblantier. 

BlGORNE  groffe,  autre  outil  de  Ferblantier.  Cette 
bigorne  n'a  qu'une  gouge  :  mais  cette  gouge  eft  ainfi 
que  la  précédente  ,  groiTe  de  fix  pouces  ,  longue  de 
deux  pies ,  &  lert  aux  Ferblantiers  pour  forger  en 
cône  les  marmites  &  les  grofles  caffetieres.  Voye^  PI. 
du  Ferblantier ,  fig.  _0 . 

Bigorne,  autre  outil  de  Ferblantier;  c'eft  un 
morceau  de  fer  monté  par  le  milieu  fur  un  pivot  aufîi 
de  fer ,  de  façon  que  la  bigorne  forme  deux  bras ,  dont 
l'un  eft  rond  ,  &  l'autre  eft  à  vive  quarre  ,  c'eft  à-dire 
plat.  Les  Ferblantiers  s'en  lervent  à  diiférens  ulages 
de  leur  métier  :  au  milieu  de  cette  bigorne  eft  auiîi 
percé  un  trou  qui  lert  pour  river;  &  ri  y  a  vers  la 
partie  quarrée  plufieurs  entailles  un  peu  creufes  fai- 
tes dans  le  large  de  la  bigorne  ,  du  côté  plat  ou  à  vive 
quai  1  e  ,  qui  lervent  pour  plier  les  bords  d'une  pièce 
de  fer-blanc.  Voyer  lesfg.  3.  (S.  &  J.  PI.  du  Ferblan- 
tier, qui  reprélentent  trois  foi  tes  de  bigornes. 

La  bigorne  des  Fourbifleurs  eft  auffi  une  enclume 
à  deux  longs  bras ,  finiiTant  en  pointe  ,  6c  fervant  à 
tourner  en  rond  les  grofles  pièces. 

Bigorne  ,  PI.  Xtl.  de  [ 'Horlogerie ,  efpece  d'en- 
clume ,  dont  les  Horlogers,  les  Orfèvres  6c  d'autres  ar- 
tiftes  fe  fervent.  La  partie  C  de  cet  outil  fe  met  dans 
l'étau  ,  &  les  cornes  A  B  lervent  à  forger  des  viro- 
les ou  des  pièces  courbées. 

Bigorne  à  nœuds  (en  terme  d'Orfèvrerie)  font  des 
bigornes  lur  lefquelles  on  reftraint  les  nœuds  d'une 
pièce  ,  voyei  Nœuds  ;  fes  deux  bras  fe  terminent 
par  un  bouton  recourbé  en  haut ,  fur  lequel  s  appuie 
la  partie  de  la  pièce  où  l'on  veut  former  le  nœud. 

Bigorne  à  pot  à  l'eau  6c  autres  vaùîéaux  de  la 
même  elpece  ,  c'eft  parmi  les  Orfivres  en  grojjcrie, 
une  bigorne  dont  une  des  extrémités  eft  un  peu  ar- 
rondie lur  le  deffus  feulement ,  &  forme  un  petit  cou- 
de pours'infinuer  plu*  ailémentdans  le  vailieau  pen- 
dant qu'on  en  retraint  le  ventre.  L'autre  extrémité 
eft  recourbée  environ  d'un  pouce  ;  c'eft  fur  ceile-ci 


248 


I  G 


qu'on  place  les  bouges  qui  font  trop  petites  pour 
être  planées  au  marteau. 

BIGORNE  à  tourner  (  en  terme  d^Orfevre  en  grojfe- 
riej  c'eft  une  bigorne,  dont  l'extrémité  de  la  même 
groffeur  que  le  milieu ,  eft  arrondie  à  fa  furface  fur 
laquelle  on  courbe  les  dents  des  fourchettes  ,  & 
autres  ouvrages  dont  la  concavité  doit  être  uni- 
forme. Il  y  a  une  infinité  d'autres  bigornes ,  &  dont 
les  noms  varient  félon  les  ufages  qu'on  en  tait  :  mais 
ce  font  prefque  toutes  des  cônes  de  fer  ou  d'acier  , 
dont  la  bafe  &  la  hauteur  font  entr'eux  dans  une  pro- 
portion déterminée  par  la  nature  de  l'ouvrage  qu'on 
doit  travailler  fur  elles. 

BIGORNER ,  verb.  act.  c'eft  finir  de  reparer  les 
pièces  fur  la  bigorne  ,  comme  un  anneau  de  clef, 
après  qu'il  a  été  percé.  Cet  anneau  s'ouvre  fur  la 
bigorne;  ainfi  des  autres  pièces femblables,  ouvertes 
&  circulaires. 

*  BIGORRE  (  Gcog.  )  comté  en  Gafcogne  ,  au 
pié  des  monts  Pyrénées ,  qui  le  féparent  de  l'Ara- 
gon.  Tarbe  en  eft  la  capitale. 

BIGOT ,  adj.  pris  fub.  (  Hijl.  &  Mor.  )  nom  qu'on 
donnoit  à  une  perfonne  opiniâtrement  attachée  à 
une  opinion.  Ce  mot  vient  de  l'Allemand  bey-Gott , 
ou  de  l'Anglois  by-God ,  qui  lignifient  également  par 
Dieu. 

Camden  rapporte  une  origine  afTez  finguliere  de 
ce  mot  :  il  dit  que  les  Normands  furent  appelles  bi- 
gots ,  à  l'occafion  du  duc  Raoul  ou  Rollon  ,  qui  rece- 
vant en  mariage  la  princefle  Gifla  ou  Gifele ,  fille  de 
Charles  le  fimpie ,  roi  de  France  ,  &  avec  elle  l'in- 
veftiture  du  duché  de  Normandie  ,  refufa  de  baifer 
les  pies  du  roi  en  ligne  de  vaflelage  ,  à  moins  que  le 
roi  lui-même  ne  l'aidât  à  faire  cette  a£Hon  ;  6c  que 
prefle  de  rendre  l'hommage  en  la  forme  ordinaire , 
il  répondit  :  no  by  God,  non  par  Dieu  ;  &  que  de-là 
le  roi  prit  occaiion  de  l'appeller  bigod  ou  bigot  ;  nom 
qui  pafla  enfui  te  à  fes  fujets. 

Dans  un  fens  moral  bigot  eft  un  terme  odieux  ,  qui 
fignifie  un  faux  dévot ,  une  perfonne  qui  fcrupuleu- 
fement  attachée  aux  pratiques  extérieures  de  la  Re- 
ligion ,  en  viole  les  devoirs  eflentiels.   (G) 

Bigot  ,  en  Marine,  c'efl  une  petite  pièce  de  bois 
percée  de  deux  ou  trois  trous ,  par  où  l'on  paflé  le 
bâtard  pour  la  composition  du  racage  :  il  y  en  a  de 
différentes  longueurs.  Quelques-uns  prononcent  vi- 
gots  ;  &  d'autres  les  appellent  virfaux  ,  ou  berceaux. 

<Z) 

Bigot  ,  (  Commerce.  )  en  Italien  bigontia  ;  mefure 

pour  les  liquides  dont  on  le  fert  à  Venile.  Le  bigot  eft 
la  quatrième  partie  de  l'amphora ,  &  la  moitié  de  la 
botte.  Il  faut  quatre  quartes  ou  quartoni  pour  le  bi- 
got ,  &c  quatre  trichauiera  pour  la  quarte.  Voy.  Am- 

PHORA.    (G) 

EIGUE,  f.  f.  en  Marine  ,  c'eft  une  grofle  &  lon- 
gue pièce  de  bois  que  l'on  palfe  dans  les  fabords  aux 
cotés  des  vaifleaux ,  lorfqu'il  y  a  quelque  chofe  à 
faire  ,  foit  pour  les  foulever ,  foit  pour  les  coucher. 

Bigues  ;  ce  font  aufli  les  mâts  qui  foûtiennent 
celui  d'une  machine  à  mater.  (  Z  ) 

*  BIGUBA  ,  (  Giog.  )  royaume  de  la  Nigritie  en 
Afrique ,  arrofé  par  le  fleuve  Niger. 

BIGUER  un  cheval ,  (  Manège.  )  c'eft  le  troquer 
but-à-but ,  le  changer  de  la  main  à  la  main.  (  V") 

*  BIHACH  ou  WIHICZ  ,  (  Gcog.  )  ville  forte  de 
la  Croatie  appartenante  aux  Turcs ,  fur  la  rivière 
d'Unna.  Long.  33.  Sx.  lat.  44.  35. 

BIHOREAU  ,  f.  m.  (  Hijl.  mu.  Ornith.  )  ardea  ci- 
nerea  minor  ;  cet  oileau  a  le  dos  ,  le  defliis  de  la  tê- 
te ,  &  le  bec  noirs  ;  le  cou  eft  de  couleur  cendrée  ; 
la'gorge  &  le  ventre  font  jaunes  :  il  a  une  ligne  blan- 
che qui  s'étend  depuis  les  yeux  jufqu'au  bec  ,  &  une 
hupe  qui  pend  derrière  la  tête ,  &  qui  eft  compofée 
de  trois  plumes  qui  ont  cinq  pouces  de  longueur.  Les    I 


B  I  L 

ailes  6k  la  queue  font  de  couleur  cendrée  ,  ck  les  pat- 
tes d'un  verd  jaunâtre.  Willughby  croit  avoir  vu  en 
Hollande  un  petit  oileau  de  cette  efpece  qui  avoit 
été  pris  dans  le  nid  ;  les  pattes  étoient  vertes  ,  &  dé- 
garnies de  plumes  julcju'à  un  pouce  au-deflus  de  l'ar- 
ticulation ;  le  doigt  extérieur  tenoit  au  doigt  du  mi- 
lieu à  la  naiflance  par  une  membrane  ;  l'ongle  du 
doigt  du  milieu  étoit  dentelé  feulement  du  côté  inté- 
rieur ,  comme  dans  le  héron  gris  ;  l'iris  des  yeux 
étoit  d'un  beau  jaune  ;  les  grandes  plumes  de  l'aile 
éroient noires,  &  avoient  la  pointe  blanche  ;  les  plu- 
mes de  la  queue  étoient  d'un  brun  cendré  ,  &  elles 
avoient  la  pointe  blanche  ;  les  plumes  du  dos  &  du 
cou  étoient  noirâtres,  à  l'exception  du  tuyau  qui 
étoit  roux  ;  il  y  avoit  fur  le  cou  des  bandes  roufles 
allez  larges  ;  les  petites  plumes  de  l'aile  avoient  la 
pointe  mêlée  de  blanc  &  de  roux  ;  le  menton  étoit 
blanc  ;  le  ventre  avoit  la  même  couleur ,  Se  étoit  par- 
lemé  de  taches  noires  ;  les  plumes  de  la  gorge  étoient 
en  partie  noires ,  &  en  partie  blanches.  Il  eft  à  croire 
que  les  couleurs  de  cet  oiieau  changent  avec  l'âge  , 
comme  celles  des  autres.  Ses  œufs  font  blancs.  On  a 
appelle  cet  oifeau  nyclicorax ,  parce  qu'il  fait  enten- 
dre pendant  la  nuit  des  fons  très-défagréables  &c  très 
difeordans.  Willughby,  Ornith.  V.  OiSEAU.  (/) 

*  BIJON ,  f.  m.  (  Hijl.  nat.  )  li  l'on  perce  jufqu'au 
cœur  avec  une  tarière  l'arbre  appelle  melche  ,  il  en- 
fort  une  liqueur  qu'on  peut  fubftituer  à  la  térében- 
thine, parce  qu'elle  a  les  mêmes  propriétés  :  c'eft  cette 
liqueur  qu'on  appelle  bijon. 

BIJOUX  ,  en  Droit,  voye^  BAGUES  &  JOYAUX. 

Bijoux  ,  f.  m.  pi.  on  entend  parce  terme  tous  les 
ouvrages  d'Orfèvrerie  qui  ne  fervent  que  d'ornement 
à  l'homme  ;  comme  tabatière ,  pomme  de  canne  , 
étui  ,  flacon  ,  tablettes  ,  navette  ,  panier  à  ouvrage  , 
&c.  cette  partie  n'étant  qu'un  talent  de  mode  &  de 
goût ,  ne  peut  avoir  aucune  règle  fixe  ,  que  le  capri- 
ce de  l'ouvrier  ou  du  particulier  qui  commande. 

BIJOUTIER  ,  f.  m.  le  Bijoutier  s'appelle  aufli 
Joïtaillier  ;  &  c'eft  celui  qui  trafique  de  toutes  fortes 
de  pierreries ,  de  petits  &z  de  jolis  tableaux  ,  de  vafes 
de  porcelaine,  &c.  Les  Bijoutiers  prennent  la  faint 
Louis  pour  le  jour  de  leur  fête ,  &  ne  font  qu'un  corps 
avec  les  Orfèvres.  On  eft  reçu  Joùaillier-Bijoutier  au 
Châtelet  devant  le  Procureur  du  Roi ,  après  avoir 
fait  trois  ans  d'apprentiflage.  Voy.  Orfèvre. 

BUS  ,  f.  m.  (  Commerce.  )  poids  tout  enlemble  & 
mefure  dont  on  fe  fert  fur  la  côte  de  Coromandel, 
auxlndes  orientales.  C'eft  la  huitième  partie  du  man. 
Un  biis  contient  cinq  céers  ,  &  un  céer  vingt-quatre 
tols.  /'ojq  Man.  (G) 

BIL  ou  BILL  ,  terme  de  Droit uûtê  en  Angleterre, 
qui  lignifie  la  déclaration  par  écrit  d'un  grief  ou  préju- 
dice que  le  complaignant  a  louffert  de  la  partie  qu'il 
dénonce  ,  ou  la  dénonciation  d'un  délit  commis  en- 
vers lui ,  par  contravention  à  quelque  loi  ou  règle- 
ment de  l'état. 

Ce  bit  ordinairement  fe  préfente  au  mylord  chan- 
celier, fur-tout  lorfqu'il  s'agit  d'injures  atroces  faites 
à  des  perfonnes  ayant  juriidiftion  :  ce  qui  eft  établi 
par  les  réglemens  qui  concernent  cette  matière.  Ce 
bit  contient  l'expolition  du  fait  &  des  dommages  qui 
en  réfultent,  avec  la  fupplique  d'une  permiluon  de 
procéder  contre  le  défendeur,  pour  en  obtenir  la  ré- 
paration civile.  Voye^  CHANCELIER  &  CHANCEL- 
LERIE. 

Le  bil ,  en  Parlement ,  fignifie  un  projet  d'acte  ou 
d'arrêté  ,  contenant  des  propositions  que  l'on  pré- 
lente d'abord  aux  chambres ,  afin  qu'elles  y  loient  ap- 
prouvées ,  &  puis  au  Roi ,  pour  leur  donner  force  de 
loi.  Voye{  PARLEMENT. 

BlL  de proj'eription  ,  BlL  d'appel,  voye^  l'art.  PROS- 
CRIPTION ,  Appel.  (H) 

BILAN, f.  m.  (  Commerce.  ), livre  dont  les  mar- 
chands , 


B  I  L 


chands  ;  négocians  &  banquiers  fe  fervent  pour  écri- 
re leurs  dettes  actives  &c  paflives. 

Ce  livre  eft  du  nombre  de  ceux  qu'on  appelle  li- 
vres d'aides ,  ou  livres  auxiliaires  ;  &  il  fe  tient  en  dé- 
bit &  en  crédit ,  ainfi  que  le  grand  livre.  On  lui  don- 
ne divers  autres  noms,  comme  livre  des  échéances,  li- 
vre des  mois  ou  des  payemens ,  carnet.  Foye^  Carnet, 
Livre  des  Echéances,  &c 

Autrefois  les  marchands,  négocians  &  banquiers 
de  Lyon ,  portoient  fur  la  place  du  change  un  petit  li- 
vre qu'ils  appelloient  bilan  des  acceptations  ,  lur  le- 
quel ils  écrivoient  toutes  les  lettres  de  change  qui 
étoient  tirées  fur  eux  à  mefure  qu'elles  leur  étoient 
préfentées. 

On  appelle  dans  la  même  ville  Ventrée  ou  l'ouver- 
ture  du  bilan  ,  le  fixieme  jour  du  mois  des  payemens, 
jufqu'a u  dernier  jour  duquel  mois  inclufivement  on 
fait  le  virement  des  parties  ;  chaque  négociant  écri- 
vant de  fon  côté  fur  fon  bilan  les  parties  qui  ont  été 
virées.  Le  bilan  que  les  négocians  portent  fur  la  pla- 
ce du  change  pour  ce  virement,  s'appelle  auflî  carnet. 
Voye^  Carnet  &  Virement. 

Si  un  marchand  ou  négociant  qui  a  coutume  de 
porter  fon  bilan  fur  la  place ,  ne  s'y  trouvoit  pas  au 
tems  des  payemens  ordinaires ,  &  fans  caufe  légiti- 
me ,  il  feroit  réputé  avoir  fait  faillite  :  &  lorfqu'en 
cas  de  faillite  il  veut  s'accommoder  avec  fes  créan- 
ciers, il  doit  leur  préfenter  fon  bilan,  c'eft-à-dire, 
un  état  au  vrai  de  fes  affaires. 

Bilan  fe  dit  encore  de  la  folde  du  grand  livre  ou 
d'un  compte  particulier  ,  ou  de  la  clôture  d'un  in- 
ventaire ,  mais  improprement  ;  on  fe  fert  mieux  du 
terme  de  balance.  Voye^  Balance.  (G) 

*  BILES  AO,(GVo£\)  ville  capitale  &  port  delà  Bif- 
caye,  à  l'embouchure  du  Nervio  qui  s'y  jette  dans  l'O- 
céan ,  appelle  en  cet  endroit  merde  Bifcaye.  Il  s'y  fait 
un  très-grand  commerce.  Long.  14.30.  lat.  4.3.  23. 

*  BILBER  ou  BERBER,  (  Gèog.  )  ville  de  Perfe 
dans  la  province  de  Segiftan  ,  à  la  fource  de  la  riviè- 
re d'Ilmentel. 

BILBOQUET  ,  f.  m.  terme  d'ouvrier  de  Bâtiment  ; 
ils  appellent  ainli  les  petits  carreaux  de  pierre  ,  qui 
ayant  été  fciés  dans  une  pierre  tendre  ,  ou  tranchés 
dans  une  pierre  dure ,  relient  dans  le  chantier  ,  6c  ne 
font  propres  qu'à  faire  du  moilon. 

Ils  donnent  encore  ce  nom  aux  moindres  carreaux 
de  pierre  provenant  des  démolitions  d'un  vieux  bâ- 
timent. (/>) 

Bilboquet,  en  terme  de  Doreur,  eft  un  morceau 
d'étoffe  fine  attaché  à  un  petit  morceau  de  bois  quar- 
ré ,  pour  prendre  l'or  &  le  mettre  dans  les  endroits 
les  plus  difficiles,  comme  dans  les  filets  quarrés,  dans 
les  gorges  6c  les  autres  lieux  creux.  Voye^  PI.  du  Do- 
reur,JiS.  iy. 

Bilboquet,  à  la  Monnoie ,  eft  un  morceau  de  fer 
en  forme  d'ovale ,  tres-allongé  ,  comme  on  le  voit  en 
AB ,  PI.  V.fig.  2.  au  milieu  duquel  eft  un  cercle  en 
creux  de  la  grandeur  du  flanc  que  l'on  veut  ajufter, 
&  au  centre  un  petit  trou  £,  pour  repoulfer  le  flanc 
en-dehors  ,  lorlque  le  flanc  fe  trouve  trop  attaché  au 
bilboquet.  Il  eft  facile  de  concevoir  le  refte  de  cet  inf- 
iniment ,  qui  n'a  rien  que  de  tres-limple. 

Il  y  a  autour  d'une  longue  table  une  quantité  de 
bilboquets  ,  où  les  taillereffes  &  les  ajuileurs  liment 
les  flancs.  Voyt-t  Ajuster  ,  6-Tailleresses. 

Bi  lboquet,  terme  d'Imprimerie  :  on  défigne  par  ce 
mot  certains  petits  ouvrages  de  ville  qui  s'impriment, 
tels  que  les  billets  de  mariage  ,  de  bout-de-1'an  ,  ou 
adrefîes  de  marchands,  avis  au  public,  &c. 

Bilboquet  ;  c'eft  ciaç  les  Paumiers  ia  partie  A  de 
l'inftrument  appelle  chèvre  ,  fig.  iS.  cette  partie  eft 
fixée  perpendiculairement  lur  le  banc  B  :  fon  fom- 
met  eft  tourné  en  globe  ,  dont  la  partie  fupérieure  eft 
concave.  C'eft  dans  cette  concavité  que  le  Paumier 
Tome  II. 


B  I  L  249 

|    frappe  fa  balle ,  l'arrondit,  &  la  forme  quand  il  l'a 

j    faite.  Voyei  Chèvre. 

Bilboquet  ou  Moule  ;  c'eft  un  infiniment  dont 
les  Perruquiers  fe  fervent  pour  frifer  les  cheveux  qu'ils 
deftinent  â  faire  des  perruques.  Cet  infiniment  eft 
un  morceau  de  bois  tourné ,  long  d'environ  deux  pou- 
ces ,  arrondi  par  les  extrémités  :  il  eft  de  la  groffeur 
du  pouce  par  les  deux  bouts  ,  &  un  peu  plus  menu 
par  le  milieu  :  c'eft  fur  ce  milieu  qu'on  roule  les  che- 
veux pour  les  frifer.  Fbye{  la  Planche  du  Perruquier. 

Bilboquet,  f.  m.  {Jeu  )  petit  bâton  tourné ,  avec 
une  cavité  à  chacun  de  fes  bouts  ;  on  jette  en  l'air  une 
petite  boule  attachée  à  un  fil  qui  tient  au  milieu  du 
bilboquet ,  &  on  tâche  de  la  faire  retomber  &  refter 
dans  une  des  deux  cavités. 

BILE ,  dans  l'économie  animale  ,  eft  une  liqueur 
jaune  &  amere ,  féparée  du  fang  dans  le  foie ,  & 
portée  par  les  pores  biliaires  dans  le  conduit  hépati- 
que ,  &  dans  la  vélicule  du  fiel,  &  eniuite  déchargée 
par  le  conduit  commun  ou  canal  cholidoque ,  dans  ie 
duodénum.  Voye{  Foie  ,  &c.  Ce  mot  vient  du  Latin 
bilis  ,  que  quelques-uns  font  Venir  du  Grec  fc*  ,  vio- 
lence ;  parce  que  les  gens  bilieux  font  mjets  à  la  co- 
lère ;  d'autres  le  font  venir  du  Latin  bullin  ,  bouillir. 
On  diftingue  deux  fortes  de  bile ,  V hépatique  &  la 
cyflique  :  la  première  ,  plus  particulièrement  appel- 
lée  bile ,  eft  féparée  immédiatement  dans  le  foie, 
d'où  elle  eft  rapportée  dans  le  conduit  hépatique  : 
la  féconde  appellee/?*;/ ,  eft  féparée  pareillement  dans 
le  foie ,  d'où  elle  coule  par  le  conduit  cyftique  dans 
la  véficule  du  fiel.  Voye^  Fiel, Vésicule, Pore, &c 
Voici  ce  qui  a  donné  lieu  à  cette  diftinction.  Mal- 
pighi  regardoit  comme  une  des  fources  de  la  bile ,  les 
glandes  de  la  véficule  du  fiel ,  &  du  conduit  cyfti- 
que &  hépatique.  Bartholin  a  aufti  décrit  ces  glan- 
des ,  mais  Reverhorft  n'en  fait  point  mention  ,  6c 
Ruifch  n'a  repréfenté  que  quelques  lacunes  fembla- 
bles  à  des  cryptes  ,  &c.  Sylvius  avoit  autrefois  affir- 
mé que  lu  bile  étoit  produite  dans  la  véficule  par  l'ar- 
tère hépatique  ;  d'autres  ont  penlé  avec  Malpighi , 
que  cette  bile  étoit  léparée  par  les  glandes  de  la  véfi- 
cule du  fiel  ;  mais  Seger  a  fait  voir  par  expérience  , 
que  la  véficule  refte  vuide  dans  un  chien  vivant , 
dont  on  a  hé  le  canal  cyftique  ,  ou  qu'on  n'y  trouve 
que  du  mucus ,  que  rien  ne  coule  des  artères  dans  la 
capacité  vuide  de  la  véficule ,  qui  a  été  encore  trou- 
vée vuide  ,  quand  le  canal  cyftique  obftrué  ,  ou  le 
foie  skirrheux  ,  ont  empêché  qu'il  ne  fe  fit  une  aufîî 
abondante  lécrétion  de  bile  qu'à  l'ordinaire  :  delorte 
qu'il  eft  probable  que  ces  glandes  féparent  plutôt 
un  mucus  qui  enduit  le  tiflu  réticulaire  de  la  vé- 
ficule ,  &  le  met  à  l'abri  de  l'acrimonie  mordi- 
cante  que  la  bile  acquiert  en  croupiffant.  Refte 
donc  que  la  bile  qui  le  trouve  dans  la  véficule  du 
fiel  foit  apportée  par  des  conduits  particuliers  ou 
par  le  canal  cyftique.  Il  n'eft  pas  douteux  que  ces 
conduits  qu'on  nomme  hépati-cyjliques  ne  fe  décou- 
vrent dans  la  plupart  des  animaux  :  mais  quant  à 
la  diftinction  qu'en  fait  Bianchi  en  cyfl-hépatiqua  ,  \  e- 
nant  des  principales  branches  du  conduit  hépatique  , 
&  s'inlérant  autour  du  col  de  la  vélicule,  pour  y  por- 
ter là  bile,  &  en  hépati-cyfliques  ,  venant  des  plus  pe- 
tits rameaux  du  canal  hépatique  pour  s'ouvrir  çà  & 
là  au  fond  de  la  véficule,  &  y  porter  la  bile  ;  cette 
diftinction  ne  paroit  pas  avoir  lieu  dans  l'homme  & 
dans  les  animaux  femblables  à  l'homme.  En  effet ,  il 
eft  démontré  qu'il  n'y  a  pas  de  canal  intermédiaire 
entre  le  conduit  hépatique  6c  la  vélicule  dans  l'hom- 
me ni  dans  le  chien  ;  car  le  tbuffle  pouffé  parle  ca- 
nal cholidoque  ,  ne  change  rien  dans  la  véficule  , 
le  canal  cyftique  étant  lié  ;  au  lieu  que  dans  le  bœuf 
on  la  voit  fur  le  champ  s'élever  ,  ttc.  L  1 
que  paffe  donc  dans  la  vélicule  du  fiel  parle  conduit 
cyftique     comme  on  peut  le  déduire  de  ce  que  nous 

li 


a50 


B  I  L 


venons  de  dire  :  par  conféquent  la  différence  qui  s'ob- 
ferve  entre  la  bile  hépatique  &  la  cyjlique,ne  peut  pro- 
venir que  de  ce  que  celle-ci  reçue  dans  la  véficule  du 
fiel  y  féjourne  ;  la  partie  la  plus  fine  s'en  exhale  ;  le  rel- 
te  comme  il  arrive  à  une  huile  légèrement  alkaline 
dans  un  lieu  chaud ,  devient  acre ,  fe  rancit ,  s'épaii- 
fit ,  devient  plus  amer ,  &  d'une  couleur  plus  foncée. 
La  véiicule  ne  touche  point  à  l'eftomac  ,  mais  au 
commencement  du  duodénum  en  defcendant.  Lorf- 
que  l'eftomac  diftendu  vient  à  occuper  dans  le  bas- 
ventre  qui  eft  déjà  très-rempli ,  un  plus  grand  efpa- 
ce,  il  prefle  le  foie,  &  le  duodénum  comprime  la 
véiicule  du  fiel ,  &  en  exprime  le  lue  qu'elfe  con- 
tient. Ainfi  la  bile  coule  de  la  véfkule  dans  le  canal 
cholidoque  par  un  chemin  libre  ,  &  avec  plus  de  fa- 
cilité fi  l'homme  eft  debout  ;  parce  qu'alors  le  fond 
de  la  véficule  eft  fupérieur. 

On  a  crû  que  la  bile  ne  le  féparoit  pas  du  fang,  mais 
du  chyle  ;  il  n'y  a  pas  de  raifon  qui  prouve  ce  fenti- 
ment.  II  peut  le  faire  qu'une  portion  du  chyle  pafle 
dans  les  veines  méfaraïques  ;  cependant  la  plus  gran- 
de partie  pafle  dans  le  réfervoir  &  dans  le  canal  tho- 
rachique  :  de  plus ,  dans  les  animaux  qui  meurent 
de  faim  ,  il  fe  fépare  une  grande  quantité  de  bile. 

La  bile  eft  filtrée  par  ^ramifications  de  la  veine- 
porte  ,  ou  par  celle  de  l'artère  hépatique  :  les  auteurs 
qui  ont  foûtenu  que  c'étoit  des  artères  que  la  bile  fe 
féparoit  ,  n'ont  apporté  aucune  raifon  que  celle  de 
l'analogie  de  toutes  les  autres  fécrétions  qui  le  lont 
par  des  artères.  Il  eft  conftant  que  la  bile  vient  de  la 
veine-porte:  car  i°.  les  ligatures  qu'on  a  faites  à  l'ar- 
tère hépatique ,  n'ont  pas  fupprimé  la  filtration  de  la 
bile  :  i°.  les  inje&ions  faites  dans  le  foie  par  la  veine- 
porte  ,  fortent  par  le  pore  biliaire  :  mais  celles  que 
l'on  fait  par  l'artère  hépatique  paflent  plus  difficile- 
ment ;  cependant  il  faut  avoiier  que  la  même  diffi- 
culté ne  s'oppofe  pas  au  fouffle  :  3 °.  il  y  a  une  étroite 
liaifon  entre  les  ramifications  du  canal  biliaire  &  de 
la  veine-porte  ;  40.  il  y  a  une  grande  difproportion  en- 
tre les  ramifications  du  canal  biliaire  &  celles  de  l'ar- 
tère hépatique ,  lefquelles  font  moins  grofles  qu'elles 
ne  devroient  l'être  à  l'égard  de  l'aflemblage  des  pores 
biliaires  :  50.  la  veine-porte  a  une  conformation  ar- 
térielle. Toutes  ces  raifons  font  voir  que  la  bile  fe  fil- 
tre dans  les  extrémités  de  la  veine-porte  ;  on  pourroit 
ajouter  à  tout  cela ,  qu'en  gonflant  par  le  fouffle  la 
veine-porte  ,  toutes  les  véficules  crèvent ,  &  l'air  fe 
glifle  entre  la  membrane  commune  &  la  propre. 

Pour  favoir  pourquoi  la  filtration  de  la  bile  fe  fait 
par  des  veines  &  non  par  des  artères,  il  faut  exami- 
ner tout  ce  qui  arrive  au  fang  autour  des  inteftins. 
i°.  Le  fang  eft  en  trop  grande  quantité  dans  le  mé- 
fentere  ,  dans  les  parois  du  ventricule  ,  dans  la  rate , 
dans  le  pancréas ,  &c.  20.  Le  lang  perd  fa  partie  la 
plus  fluide  ,  qui  s'échappe  par  les  couloirs  ;  refte 
donc  la  partie  rouge  ,  la  lymphe  groffiere ,  &  la  ma- 
tière huileufe  la  moins  ténue.  3°.Par  des  obferva- 
tions  réitérées ,  nous  pouvons  prouver  que  lorlque 
dans  ces  circonftances  ainfi  détaillées ,  le  fang  eft 
échauffé  dans  quelque  couloir  par  fon  long  féjour  & 
par  la  lenteur  du  mouvement;  il  s'y  forme  une  ma- 
tière gommeufe  ,  favonneufe  ,  pénétrante  :  il  faut 
donc  que  cette  matière  étant  formée  dans  les  parties 
qui  envoyent  leurs  veines  à  la  veine-porte  ,  elle  fe 
fépare  des  veines  ,  ou  qu'elle  rentre  dans  le  fang  ar- 
tériel :  or  il  eft  néceflaire  pour  dépurer  le  fang  & 
pour  la  digeftion ,  que  cela  n'arrive  pas  ;  donc  il  faut 
que  les  veines  faflent  la  fécrétion  de  la  bile. 

Il  y  a  différentes  opinions  fur  la  manière  dont  la 
bile  eft  fépaiée  dans  le  foie  :  quelques-uns  croyent 
que  les  pores  des  glandes  fécretoires  du  foie  ont  une 
certaine  configuration  &  une  certaine  grandeur ,  à 
laquelle  les  parties  de  la  bile  qui  coulent  avec  le  fang, 
iont  pi  o[; 01  données ,  de  manière  qu'elles  y  lont  adrru- 


B  I  L 

fes ,  tandis  que  toutes  les  autres  gliffent  par-deflus* 
D'autres  avec  Sylvius  &  Heifter,  ne  trouvant  aucune 
différence  dans  la  configuration ,  &  croyant  que  les 
pores  de  tous  les  vaifleaux  font  circulaires  ,  &  que 
toutes  fortes  de  particules  peuvent  palfer  au  travers, 
fi  elles  ne  font  pas  d'un  volume  trop  confidérable  , 
ont  eu  recours  à  une  autre  hypothefe  ;  ils  ont  donc 
fuppofé  qu'il  y  avoit  un  ferment  dans  le  foie,  par  le 
moyen  duquel  les  particules  du  fang  qui  paflent  à 
travers  les  conduits  fécretoires  ,  prenoient  la  forme 
de   la  bile:  mais  c'eft  réfoudre  une    queftion   par 
une  nouvelle.  D'autres  ont  eu  recours  a  une  autre 
hypothefe ,  &C  ont  afiuré  que  les  différentes  parties 
dont  le  fang  de  la  veine-porte  eft  compofé  ,  font  tou- 
tes appliquées  aux  ouvertures  des  canaux  fécretoi- 
res qui  fe  trouvent  aux  extrémités  de  la  veine-porte 
&  à  celles  de  l'extrémité  des  ramifications  de  la  vei- 
ne-cave ;  que  les  pores  de  la  veine-cave  étant  trop 
petits,  &  ceux  de  la  veine-porte  aflez  grands  pour  ad- 
mettre certaines  parties ,  elles  font  par  ce  moyen  fé- 
parées  des  autres  ,  &  qu'expolées  alors  à  l'action  des 
vaifleaux  biliaires ,  il  en  réfulte  une  humeur  diffé- 
rente du  fang  ,  que  l'on  appelle  bile ,  &c.  Le  docteur 
Keil  penfe  que  la  fécrétion  de  la  bile  vient  d'une  at- 
traction violente  entre  les  parties  dont  elle  eft  com- 
pofée  ;  &  il  obferve  que  fi  l'artère  cœliaque  avoit 
porté  au  foie  tout  le  lang  deftiné  à  la  fécrétion  de 
la  bile ,  la  vîtefle  du  fang  dans  cette  artère  ,  par  rap- 
port à  fon  peu  de  diftance  du  cœur ,  auroit  empê- 
ché la  fécrétion  d'une  humeur  vifqueufe ,  comme  la 
bile  :  c'eft  pourquoi,  la  nature  a  deftiné  la  veine- 
porte  à  cet  ufage  ;  &  c'eft  par  elle  que  le  fang  eft  por- 
té des  branches  des  artères  méfentériques  &  cœlia-. 
ques  au  foie  ;  en  conféquence  de  quoi ,  le  fang  a  beau- 
coup de  chemin  à  taire  à  travers  les  inteftins ,  l'efto- 
mac  ,  la  rate ,  &  le  pancréas  ,  avant  que  de  parvenir 
au    foie.  Ainfi  fa  vîtefle   eft  extrêmement    dimi- 
nuée ;  &  les  particules  qui  doivent  former  la  bile  y 
ont  un  tems  luffifant  pour  s'attirer  les  unes  les  au- 
tres ,  &  pour  s'unir  avant  que  d'arriver  aux  vaif- 
leaux qui  les  féparent.  Mais  la  nature  prévoyante  a 
encore  cherché  à  diminuer  cette  vîtefle  du  fang  ,  en 
rendant  les  capacités  de  tous  les  rameaux  d'une  ar- 
tère prifes  enfemble  plus  grandes  que  celle  de  cette 
artère  :  ainfi  la  fomme  des  branches  produites  par 
l'aorte  ,  eft  à  l'aorte  comme  102740  à  1 00000  ;  & 
même  comme  fi  cette  proportion  étoit  encore  infuf- 
fifante  ,  elle  a  encore  pris  foin  d'augmenter  le  nom- 
bre des  branches  de  l'artère  méfentérique.  En  effet 
fi  on  examine  ces  branches  dans  un  cadavre ,  on  trou- 
vera que  la  fomme  des  branches  eft  plus  que  le  dou- 
ble de  celle  du  tronc  :  c'eft  pourquoi  la  vîtefle  du 
fang  eft  moindre  de  moitié  dans  les  branches  que 
dans  le  tronc.  Cet  auteur  montre  encore  par  un  au- 
tre calcul,  que  le  fang  eft  au  moins  26  minutes  à 
paffer  de  l'aorte  au  foie  ;  au  lieu  que  dans  l'artère 
qui  va  directement  de  l'aorte  au  foie ,  il  n'eft  guère 
plus  que  la  moitié  d'une  féconde  à  faire  ce  chemin; 
favoir  le  243  7  du  tems  qu'il  met  à  fon  autre  paffage  : 
d'où  il  paroît  que  le  fang  n'eft  pas  en  état  de  former 
la  bile  quand  il  court  directement  de  l'aorte  au  foie  , 
&  qu'il  falloit  plus  de  tems  ,  &  un  mouvement  plus 
lent ,  pour  pouvoir  féparer  les  parties  bilieufes.  Il 
ajoute  que  fi  les  humeurs  avoient  exifté  dans  les 
glandes  en  même  qualité  qu'on  les  trouve  après  la 
fécrétion,  la  nature  n'auroit  pas  tant  travaillé  pour 
retarder  la  vîtefle  du  fang.  D'ailleurs  la  bile  tire  un 
autre  avantage  del'ufage  delà  veine-porte  ;  car  en 
traverfant  tant  de  parties  avant  que  d'arriver  au 
foie  ,   elle  dépofe  beaucoup  de  fa  lymphe  ;  &  par 
ce  moyen ,  les  particules  étant  forcées  d'être  plus 
proches  les  unes  des  autres ,  font  plus  vivement  unies. 
Tout  cela  eft  bien  fyftématique. 

Quant  à  la  quantité  de  la  bile  qui  fe  fépare  dans  le 


B  I  L 

foie, nous  ignorons,  comme  Fobferve  très-bien  le  doc- 
teur Haller  ,  la  vîteffe  avec  laquelle  le  fang  du  méfen- 
tere  circule  ;  nous  ignorons  les  caufes  qui  peuvent  le 
retarder  ou  l'accélérer  :  nous  n'avons  pas  pour  nous 
guider  des  diamètres  affez  exactement  pris ,  &C  qui 
foient  affez  conftamment  vrais ,  <k.  toujours  les  mê- 
mes ;  &  par  coniéquent  nous  ne  pouvons  rien  pro- 
noncer en  général  fur  la  quantité  de  bile  qui  fe  filtre 
par  le  foie  dans  un  efpace  donné  ,  fans  rifquer  de 
nous  tromper  dans  tous  nos  calculs. 

Voyons  maintenant  les  expériences  que  l'on  a  fai- 
tes fur  la  bile. 

On  fait  par  expérience  que  la  bile  mêlée  avec  des 
acides,  change  elle-même  de  nature  avec  eux.  La  plu- 
part des  efprits  acides  minéraux  &  le  mercure  fubli- 
mé ,  coagulent  la  bile  &  la  font  diverfement  changer 
de  couleur.  Elle  fe  diffout  par  les  fels  acides,  fi  ce 
n'eft  dans  certains  animaux  herbivores  ,  dans  lefquels 
il  doit  naturellement  fe  trouver  beaucoup  d'acide  ; 
&  c'elt  peut-être  pour  cette  raifon  que  l'huile  de  tar- 
tre par  défaillance  coagule  la  bile  cyftique  du  bœuf, 
fuivant  Haller  ;  feul  cas  ,  à  la  vérité  ,  où  cette  hu- 
meur m'ait  paru  contenir  en  foi  un  acide ,  qu'aucune 
autre  épreuve  ne  développe  &  ne  manifefte ,  &  qui 
eft  apparemment  fi  peu  confidérable  ,  que  la  bile  n'en 
corrige  guère  moins  les  qualités  acefcentes  des  her- 
bes dont  vivent  ces  animaux  ;  car  d'ailleurs  c'eft  un 
fait  confiant  que  les  autres  alkalis  ,  &  principale- 
ment les  alkalis  volatils  ,  augmentent  les  propres 
qualités  de  la  bile ,  fon  goût ,  fa  couleur ,  fa  fluidité  ; 
indice  évident  de  l'affinité  qui  fe  trouve  généralement 
entre  la  bile  &c  les  matières  alkalines.  Mais  que  la  bile 
foit  mêlée  avec  de  l'eau ,  ou  qu'elle  foit  pure  ,  le  mé- 
lange des  fels ,  même  fimples  ,  la  fait  paffer  à-peu- 
près  par  les  mêmes  changemens  ,  &  à  fon  tour  elle 
ne  communique  pas  moins  fes  vertus  aux  autres  fucs 
qui  fe  mêlent  avec  elle  dans  les  inteftins.  Au  contrai- 
re ,  l'eau  fervant  de  diffolvant  à  la  bile  ,  la  rend  plus 
propre  à  atténuer  les  huiles ,  la  térébenthine ,  &  tant 
d'autres  corps  gras,  réfineux,  ennemis  de  l'eau,  & 
à  les  divifer  en  une  fi  grande  ténuité  ,  que  tous  ces 
corps  qui  ne  pouvoient  auparavant  fe  mêler  à  l'eau , 
s'y  unifient  enfuite  parfaitement.  Ce  n'eft  donc  que 
par  cette  faculté  de  mêler  les  huiles  avec  l'eau  , 
que  cette  humeur  peut  les  détacher  des  corps  aux- 
quels elle  adhéroit ,  &  que  le  fiel  de  bœuf  fait  tout 
ce  que  le  meilleur  lavon  pourroit  faire.  Le  favon 
commun  eft  fait  d'huile  tirée  par  expreffion ,  &  de  loi 
rixe  ;  le  favon  de  Starkey  eft  compofé  d'huile  diftil- 
lée  ,  &  de  fel  fixe  ;  enfin  ce  favon  qui  eft  communé- 
ment connu  fous  le  titre  defoupe  de  Vanhelmont ,  eft 
fait  de  fel  alkali  volatil ,  &  d'huile  très-atténuée.  Or 
la  bile  eft  compolée  d'huile  humaine ,  telle  que  notre 
fang  la  donne  ,  &  du  fel  qu'il  fournit ,  qui  eft  une  ef- 
pece  de  fel  ammoniac  volatil  ;  &  par  coniéquent  cette 
humeur  approche  plus  du  dernier  favon  que  des  au- 
tres, &  doit  agir  comme  un  vrai  favon  humain.  C'eft 
une  vérité  que  les  Teinturiers  mêmes  n'ignorent  pas  : 
il  y  a  long  -  tems  qu'ils  ont  obfervé  qu'ils  ne  pour- 
roient  jamais  faire  prendre  la  teinture  aux  laines  ré- 
centes ,  parce  qu'elles  font  fort  grafTcs ,  s'ils  n'a  voient 
foin  auparavant  de  les  laifTer  tremper  clans  une  leffive 
urineufe  &  bilieule  ,  jufqu'à  ce  que  tous  les  pores  de 
la  laine  (oient  purgés  en  quelque  forte  des  matières 
poifTeufes  &:  rances  qui  les  bouchent  ;  îk  ils  s'y  pren- 
nent auffi  de  la  même  manière,  avant  que  de  tein- 
dre les  étoffes  tachées  d'huile ,  &  principalement 
ces  fils  de  foie  qu'on  tire  des  capliiles  glutineufes  qui 
fe  trouvent  dans  la  bouche  des  vers  -  à  -  foie  ;  parce 
qu'en  effet  la  glu  qui  fe  prépare  dans  les  petits  vaif- 
feaux  inteftinaux  de  ces  capfules ,  enduit  ces  fils  d'un 
Uniment  vifqueux  qui  ne  le  marie  point  avec  l'eau. 
La  myrrhe  ,  la  réline ,  les  gommes  bdellium  ,  fagape- 
num ,  opopanax ,  la  gomme  lacque  ,  les  peintures , 
Tome  II, 


l   L 


251 


les  fards ,  toutes  les  matières  gluantes  broyées  avec 
de  la  bile  fur  une  pierre  de  porphyre ,  fe  détrempent 
facilement  dans  l'eau  ;  &  bien  des  choies  qui  feraient 
inutiles  autrement ,  deviennent  par  cet  art  propres 
à  defhner ,  à  farder ,  &c.  Il  y  a  long-tems  qu'on  a  vu 
que  le  fiel  de  bœuf  pouvoit  être  employé  au  lieu  de 
gomme  gutte  pour  les  peintures  fines  :  mais  pour 
le  mêler,  il  faut  toujours  une  certaine  agitation. 
L'huile  &  l'eau  font  deux  corps  plus  pefans  que  la 
bile  :  de  là  vient  que  fans  quelque  trituration  ,  il  n'efl 
pas  pofïïble  de  les  mêler  tous  trois  enfemble  ;  mais 
le  moindre  broyement  fuffit  pour  faire  ce  mélange  ; 
&  les  intefHns  n'en  manquent  pas ,  puiiqu'ils  ont  un 
mouvement  périftaltique  très-propre  à  procurer  ce 
broyement.  Drelincourt  a  tiré  de  la  bile  {  d'eau  , 
~  d'huile  &  de  fel  volatil ,  ^  de  fel  fixe.  Pechltn, 
~  d'eau  ;  Verheyen  -f  d'eau ,  empreinte  dVr  d'huile  , 
j^t  d'huile  empyreumatique,  point  ou  très-peu  de  fel 
volatil ,  de  fel  fixe  impur  ~  =  à  ~6l ,  de  terre  ^~-9  : 
d'autres  dilènt  avoir  tiré  de  la  bile  des  efprits  inflam- 
mables ,  des  fels  volatils  en  affez  grande  quantité  „ 
du  foutre  ,  un  peu  de  fel  fixe ,  &  de  la  terre  ;  &  après 
la  putréfaction ,  des  fels  volatils  &  des  efprits.  Pour- 
quoi n'ont-ils  pas  donné  les  poids  exafts  de  chacune 
de  ces  matières  ?  Baglivi  parle  auffi  de  beaucoup  de 
fels  volatils  &  fixes.  Boerhaave  ayant  expolé  à  une 
chaleur  douce  une  certaine  quantité  de  bile  cyflique  , 
obierva  qu'il  s'en  évapora  les  \  de  fon  poids  fous  la 
forme  d'une  eau  ou  d'une  lymphe  à  peine  fétide  ou 
acre.  Le  réfidu  formoit  une  mafle  gluante,  luilan- 
te  ,  d'un  jaune  tirant  fur  le  verd ,  amere ,  qui  ne  fer- 
mentoit  ni  avec  les  acides ,  ni  avec  les  alkalis.  Cette 
efpece  de  glue  diftillée  ,  donna  beaucoup  d'huile , 
mais  peu  de  fel  volatil.  De  douze  onces  de  bile,  il 
fortit  neuf  onces  d'eau ,  deux  onces  \  d'huile ,  &  un 
ou  deux  gros  de  fel  fixe  :  ce  qui  revient  à  |  d'eau  , 
plus  d'j  d'huile  ,  &  un  ou  ^  de  fel.  Les  expériences 
fur  leiquelles  l'on  peut  compter ,  font  ici  précifément 
celles  qui  s'accordent  le  mieux  enfemble ,  &  nous 
apprennent  clairement  que  l'eau  fait  toujours  la  plus 
grande  portion  de  la  bile  ,  que  l'huile  eft  environ  §• 
de  l'eau  ,  le  fel  volatil  —  ;  dans  une  bile  récente  & 
non  putréfiée ,  l'huile  empyreumatique  ~,  le  ici  rixe 
,4-j.  Voyons  fi  le  favon  ordinaire  n'offrirait  pas  à  peu 
près  les  mêmes  proportions.  Il  eft  beaucoup  plus  acre 
que  la  bile  ;  le  Ici  lixiviel  &l'huile,font  en  partie  égale 
dans  le  favon.  Suppofons  qu'on  mette  partie 
d'huile  d'olive,  ou  autre  ;  &  d'huile  de  tartre  par  dé- 
faillance ,  pour  faire  ce  favon  commun  :  ce  qui  fe- 
rait fuivant  Dale ,  une  proportion  triple  de  celle  qui 
fe  trouve  dans  la  bile  ;  Sx.  fuivant  Boerhaave,  une  pro- 
portion plus  conlidérable  :  car  de  trois  onces  d'huile , 
on  met  cinq  fcrupules  de  fel  fixe  ;  de  forte  que  dans 
le  favon,  l'huile  eft  au  fel  comme  1920a  100:  mais 
dans  la  bile  de  l'homme  ,  l'eau  eft  à  l'huile  comme 
10  à  2  ;  au  lel ,  comme  72  à  1 ,  ou  un  peu  moins. 
La  bile  avoit  fans  doute  befoin  d'une  grande  quan- 
tité d'eau  ,  pour  ne  pas  former  un  vrai  lavon  folide 
qui  fe  coupât  au  couteau  comme  le  favon  ordinaire , 
&  dont  on  eut  pu  fe  fervir  fans  le  détremper.  C'eft 
en  effet  un  lavon ,  mais  fluide  ,  &  tel  en  un  mot ,  qu'il 
n'a  befoin  ni  d'eau ,  ni  d'un  délayement  étranger , 
pour  tous  les  ufages  auxquels  il  eft  deftiné  par  la  na- 
ture. Remarquez  que  dans  tout  ce  que  nous  avons 
dit ,  il  ne  s'agit  que  d'une  bile  fraîche  &  bien  con- 
ditionnée, que  la  maladie  n'a  aucunement  altérée, 
&  que  la  putréfaction  n'a  pas  changée  :  car  fi  toutes 
les  parties  du  corps  humain  folides  ou  liquides  une 
fois  corrompues  donnent  beaucoup  de  fel  volatil , 
eft  il  lurprenant  que  la  bile  naturellement  plusalcalef- 
centequ'aucun  autre  lue  ,  fourniffe  une  grande  abon- 
dance de  ce  même  fel  ?  Je  ne  doute  pas  que  tant  de 
contradictionsqui  fe  trouvent  dans  les  auteurs  au  fujet 
de  l'analyfe  chimique  de  la  i:U,  ne  viennent  fou  vent 

Iiij 


252 


I  L 


de  ce  que  les  uns  auront  opéré  fur  une  bile  fraîche , 
&  les  autres  fur  une  bile  vieille  &  comme  pourrie  ; 
ibuvcnt  auffi  de  l'inexactitude  ou  de  l'ignorance 
des  artiftes  ;  pour  ne  rien  dire  de  la  mauvailè  foi  de 
ceux  qui  ont  des  fyflèmes  favoris  à  protéger. 

Huile.  Le  rélidu  de  l'évaporation  de  la  diftillation 
de  la  bile  eft  fi  huileux ,  qu'il  en  eft  inflammable.  Les 
calculs  de  la  véficule  du  fiel  prennent  lèu,&:  même  fe 
confumenttoutentiers.J'aiobfervé  la  même  choie  lur 
d'autres  calculs  fortis  par  les  felles  à  la  fuite  de  vio- 
lentes coliques  duodénales  &  hépatiques ,  &  qui  con- 
féquemment  étoient  faits  d'une  bile  hépatique  plus 
aqueufe ,  épaiffie  &  putréfiée  ,  foit  dans  le  méat  cho- 
lidoque ,  foit  dans  l'inteftin.  Homberg  n'a  t-il  pas  tiré 
de  la  bile  une  graine  verte  &  folide  ?  Hartman  n'a- 
t-il  pas  vu  dans  les  cochons  un  globe  de  graille  à 
l'endroit  de  la  véficule  ?  enfin  l'origine  de  la  bile ,  qui 
eft  conftamment  l'huile  de  Pépiploon  fondue ,  n'eft- 
elle  pas  la  preuve  évidente  de  ce  que  nous  avan- 
çons ,  pour  ne  pas  répéter  ici  les  expériences  pré- 
cédentes ? 

Sel.  Il  s'en  trouve  très-peu  dans  la  bile,  &  toujours 
de  diverfe  nature.  L'un  ,  iuivant  la  nature  du  iel  hu- 
main ,  a  de  l'affinité  avec  le  fel  ammoniac  ,  dont  il 
ne  diffère  qu'en  ce  qu'il  s'alkalife  par  la  diftillation 
feule  :  l'autre  eft  un  fel  fixe  terreftre  ou  mêlé  de  ter- 
re ,  comme  on  l'a  déjà  infinué.  On  ne  découvre  au 
microfcope  ni  l'un  ni  l'autre ,  fuivant  le  témoignage 
vérifié  de  Leirwenhoeck.  L'amertume  de  la  bile  ne 
vient  point  de  fon  fel ,  mais  de  fon  huile ,  qui  à  force 
d'être  broyée  &  échauffée  dans  les  vaiileaux  qui  la 
préparent,  dans  le  tamis  qui  la  filtre ,  &  le  réfervoir 
qui  la  garde ,  devient  rance  &  arrière  :  ce  qui  eft  con- 
firmé par  les  deux  faits  fuivans.  La  bile  du  lion  &  des 
autres  animaux  féroces  eft  très-amere ,  parce  qu'elle 
fubit  dans  leurs  vaiileaux  l'action  de  rellbrts  très- 
violens  ;  au  lieu  que  dans  les  perfonnes  fédentaires , 
&  qui  ont  le  fang  doux,  on  la  trouve  le  plus  fouvent 
aqueufe  &  infipide. 

Les  efprits  de  la  bile  font  une  huile  fi  atténuée  , 
qu'elle  coule  comme  l'eau  &  avec  l'eau ,  qu'elle  rend 
laiteufe  ,  comme  on  l'a  vu  dans  les  expériences  de 
Vieuffens  &  de  Verheyen.  En  effet,  la  blancheur  du 
lait  vient  de  l'huile  étroitement  unie  à  l'es  parties  : 
auffi  cette  blancheur  diminue  &  difparoît  avec  l'hui- 
le ,  comme  le  fait  voir  clairement  la  coagulation 
du  lait ,  dont  la  férofité  dépouillée  des  parties  hui- 
leufes  qui  font  le  beurre  ôc  le  fromage ,  devient  en- 
fin verdatre.  Il  y  a  de  plus  beaucoup  d'air  dans  la 
bile.  Un  calcul  de  la  véficule  du  fiel ,  donne  648  fois 
plus  d'air  que  fon  volume  ;  ceux  de  la  veffie  urinaire, 
comme  un  peu  moins  rares ,  ou  plus  compactes ,  en 
contiennent  un  peu  moins  :  cela  ne  paile  pas  645  , 
fuivant  les  expériences  de  Haies. 

La  bile  eft  une  liqueur  très-importante  pour  l'ceco- 
nomie  animale.  Le  docteur  Woodward,  qui  a  obfervé 
très  -  exactement  fes  effets  par  tout  le  corps  ,  ne  fait 
pas  difficulté  d'attribuer  plulieurs  maladies  à  la  mau- 
vailè difpofition  de  la  bile  :  il  la  regarde  comme  une 
des  principales  fources  de  la  vie  de  l'animal  ;  d'où  il 
conclut  qu'elle  eft  le  principe  effentiel  de  la  bon- 
ne ou  mauvaiie  difpofition  du  corps  :  mais  les  anciens 
ne  la  regardoient  que  comme  un  excrément  inutile. 
Plufieurs  des  modernes ,  à  caufe  de  la  petite  quan- 
tité de  la  bile,  ont  cru  fauffement  que  cette  fécrétion 
n'étoit  pas  la  feule  fonction  à  quoi  un  vifcere  auffi 
confidérable  que  le  foie ,  tût  deftiné.  Le  docteur  Keil 
obferve  que  dans  un  chien  ,  dont  le  canal  cholidoque 
étoit  preique  auffi  gros  que  celui  de  l'homme ,  il  fe 
filtra  environ  deux  dragmes  de  bile  par  heure  :  ainfi 
il  eft  à  croire  que  dans  un  homme  il  s'en  doit  féparer 
une  plus  grande  quantité. 

Il  fe  trouve  de  la  bile  dans  tous  les  animaux ,  même 
dans  les  pigeons ,  &c.  qui  n'ont  point  de  véficule  du 


B  I  L 

fiel  ;  puifque  leur  foie  eft  toujours  très-amer.  M.  Tau- 
vry  remarque  que  la  bile  devient  une  des  caufes  prin- 
cipales de  la  foif ,  en  fe  mêlant  avec  la  falive.  P'oye^ 
Soif. 

Quelquefois  la  bile  devient  verdatre  ,  de  jaune 
qu'elle  étoit  ;  quelquefois  de  couleur  de  verd  de  gris 
pâle ,  femblable  au  jaune  d'ceuf ,  &  cela  fans  aucune 
autre  caufe  apparente ,  qu'une  émotion ,  une  con- 
vulfion  ,  ou  un  mouvement  violent  des  efprits. 
Ces  émotions  caufent  de  grandes  maladies ,  comme 
le  vomiffement ,  le  dégoût ,  la  mélancholie ,  les  foû- 
pirs ,  les  cardialgies ,  des  vents ,  la  diarrhée ,  la  dyf- 
îenterie ,  les  maladies  aiguës,  &  des  fièvres  très-dan- 
gereufes.  Quelquefois  la  bile  devient  noire ,  &  alors 
elle  prend  le  nom  de  chokr,  &  elle  a  le  goût  d'un  vi- 
naigre très-acide  ;  quelquefois  elle  reffemble  à  du  fang 
pourri ,  qui  corrode  ,  brûle ,  détruit ,  diffout ,  occa- 
fionne  des  inflammations ,  des  gangrenés  ,  des  mor- 
tifications ,  des  douleurs  vives  ,  &  des  fermenta- 
tions violentes.  Boerhaave  diftingue  trois  fortes  de 
bile  noire  :  favoir  i°.  la  plus  douce  ,  provenant  d'un 
mouvement  trop  violent  du  fang  ,  d'oii  elle  prend 
fon  nom  iïadujie ,  ou  bile  brûlée.  La  féconde  eft  dans 
un  degré  d'altération  plus  grand  que  la  première ,  & 
vient  des  mêmes  caufes  qui  agiffent  avec  plus  de 
force.  La  troifieme  eft  une  bile  corrompue  &  bi  filée , 
qui ,  fi  elle  devient  de  couleur  verdatre  ou  pâle  ,  eft 
la  plus  mauvaiie  de  toutes. 

La  trop  grande  évacuation  de  bile  ,  foit  par  haut , 
ou  par  bas  ,  ôte  à  la  chylification  fon  principal  inftru- 
ment,  &  par  là  empêche  la  digeftion  ,  la  fécrétion, 
&  l'éjection  des  excrémens ,  occafionne  des  aigreurs  , 
des  friflbns ,  des  foibleffes ,  la  pâleur ,  l'évanoûifie- 
ment;  &  fi,  lorfqus  la  bile  eft  préparée ,  elle  ne  fe 
décharge  pas  comme  il  faut  dans  les  inteftins  ,  elle 
caufe  la  jauniffe.  Voyeir  Jaunisse.  (Z.) 

*  BILEDULGERID ,  (Géog.)  l'une  des  cinq  gran- 
des contrées  de  l'Afrique  ;  elle  eft  bornée  au  fepten- 
trion  par  la  Barbarie ,  à  l'orient  par  l'Egypte  ,  à  l'oc- 
cident par  la  mer  Atlantique ,  &  au  midi  par  les  dé- 
ferts  de  Zara.  Elle  eft  fertile  en  riz  ,  en  dattes  ,  en 
chameaux,  &  en  chevaux.  Les  habitans  font  Maho- 
métans  &  Juifs ,  &  leurs  rois  font  tributaires  de  Tu- 
nis, d'Alger,  &  de  Tripoli. 

*  BILHON  ou  BILLON  ,  {Gêog.)  petite  ville  de 
France  ,  dans  l'Auvergne.  Long.  zi.  lat.  4$.  jG. 

BILIAIRE,  adj.  en  Anatomie  ,  nom  d'un  conduit 
qu'on  appelle  auffi  hépatique,  voye^  HÉPATIQUE: 
il  eft  enveloppé  avec  la  veine -porte  dans  un  faif- 
ceau  commun  de  nerfs  &  de  petites  membranes.  Il 
eft  fait  de  diverfes  tuniques,  l'externe,  enfuite  la  cel- 
lulaire, dans  laquelle  rampent  de  petits  vaifleaux  qui 
partent  des  petits  troncs  voifins  des  artères  &  des 
veines.  Les  fibres  tranfverfes  dont  parle  Gliffon ,  fe 
dérobent  preiqu'à  la  vue.  La  membrane  interne  eft 
veloutée  Ôt  iemblable  en  général  à  la  tanique  réti- 
culaire  de  la  véficule  du  fiel.  Son  tronc  droit  Se  an- 
térieur eft  placé  auprès  de  la  veine-porte.  Il  monte 
en-devant,  &  au-delà  de  la  divifion  de  la  veine-por- 
te ;  il  fe  divife  lui-même  en  deux  rameaux,  dont  l'un 
à  droit ,  l'autre  à  gauche  ,  accompagnent  toujours 
la  veine-porte,  &  donnent  des  rejettons  qui  eleortent 
les  petits  rameaux  jufqu'à  la  fin  &  jufques  dans  les 
membranes  des  ligamens  &  de  la  véficule  du  fiel  , 
toujours  enveloppés  de  la  membrane  de  Gliffon ,  de 
laquelle  tous  les  vaiileaux  du  toie  tirent  une  mem- 
brane propre  &c  commune.  C'eft  pourquoi  s'il  y  a 
cinq  branches  de  la  veine-porte,  il  y  en  a  autant  des 
principaux  rameaux  des  pores  biliaires.  Haller ,  com- 
ment. Boerh. 

Les  pores  biliaires ,  font  des  canaux  qui  ont  leur 
fource  dans  les  glandes  du  foie  ;  ils  s'unifient  en  plu- 
fieurs troncs  d'une  grandeur  égale  aux  branches  hé- 
patiques ,  &  les  accompagnent  toutes  à  travers  la 


B  I  L 

fubftance  entière  du  foie ,  enveloppés  dans  la  mê- 
me capfule  que  la  veine-porte. 

Ces  branches  font  grandes  comme  une  paille  de 
froment  ;  les  plus  grandes  le  font  affez  pour  contenir 
le  petit  doigt  :  on  les  peut  distinguer  de  la  veine- 
porte  par  ce  qu'elles  contienent;  elles  font  toujours 
pleines  de  bile.  Outre  la  capfule  qui  leur  eft  com- 
mune avec  la  veine-porte  ,  chacune  d'elles  a  une  tu- 
nique épaiffe  &  blanche,  qui  lui  eft  propre ,  comme 
l'enveloppe  mufculeufe  d'une  artère. 

Sur  le  côté  concave  du  foie  fe  rencontrent  diver- 
fes  ramifications  ,  dont  un  feul  tronc  eft  formé  :  on 
le  nomme  aufïï  le  canal  ou  proprement  le  pore  biliai- 
re; il  eft  de  la  groffeur  d'une  plume  d'oie  :  il  rencon- 
tre à  deux  pouces  en  descendant  le  conduit  cyftique, 
&  forme  avec  lui  ce  que  nous  appelions  duclus  com- 
muais, qui  defeendant  en  ligne  perpendiculaire  d'en- 
viron quatre  pouces ,  va  fe  décharger  dans  le  duodé- 
num au  moyen  d'une  infertion  oblique ,  &  fouvent 
par  la  même  ouverture  que  le  conduit  pancréatique. 

Le  pore  biliaire  communique  avec  la  véiicule  du 
fiel  par  un  conduit  que  le  do£teur  Gliflbn  a  le  pre- 
mier décrit  ;  Blaife  &  Perrault  en  ont  parlé  dans  la 
fuite  :  le  dernier  l'a  nommé  le  conduit  cyjl-hépatique  ; 
Verheyen  en  remarqua  deux,  trois  ou  quatre  en  des 
bœufs ,  ôc  l'on  dit  qu'on  a  trouvé  pareille  chofe  dans 
un  chien.  F.  Conduit  cyst-hépatique.  Quant 
à  l'homme,  les  plus  habiles  anatomiftes  avouent  n'a- 
voir jamais  rien  apperçû  de  pareil.  (L) 

*  BILIBERTO ,  (Géog.)  ville  d'Efclavonie ,  fur  le 
Danube ,  à  peu  de  diftance  d'Efleck. 

BILIEUX  ,  EUSE ,  adj.  qui  abonde  en  bile  ;  une 
humeur  bilieufe  ,  un  tempérament  bilieux. 

Il  eft  aufïï  liibft.  les  bilieux  font  fujets  à  de  grandes 
maladies.  Foyei  BlLE  &  TEMPÉRAMENT.  (L) 

*  BILIMBI,  f.  m.  (Hifl.  nat.  bot.)  nom  d'un  petit 
arbre  de  la  hauteur  de  huit  à  dix  pies  ,  appelle  par 
Bontius  billingbing,  &  par  les  botaniftes  Européens, 
malus  Indica  fruclu pentagono.  Il  eft  commun  dans  les 
jardins  du  Malabar  ;  il  porte  fleur  &  fruit  toute  l'an- 
née ;  il  eft  fécond  depuis  la  première  année  de  fa 
plantation,  jufqu'àla  quinzième,  &  par-delà. 

Bontius  dit  qu'on  en  fait  un  Sirop  qui  eft  bon  dans 
les  maladies  chaudes  du  foie ,  Ôc  dans  l'intempérie  in- 
flammatoire du  fang.  On  l'emploie  aufïï  dans  la  dé- 
coction du  riz  non  pelé,  comme  un  remède  excellent 
dans  les  fièvres  ardentes  &  continues  ;  car  il  contri- 
bue beaucoup  à  étancher  la  foif ,  ôi  à  calmer  l'effer- 
vefeenec  de  la  bile.  Le  fruit  étanche  la  foif,  la  racine 
excite  le  vomifTement ,  la  décoction  des  feuilles  ex- 
cite la  fueur  &  fait  Sortir  la  petite  vérole  ;  elle  donne 
un  bain  Salutaire  dans  les  douleurs  des  membres. 
Ray,  hijl.  plant.  (N  ) 

*  BILIN  oaBELIN  ,  (Géog.)  petite  ville  du  royau- 
me de  Bohême. 

*  BILINA ,  (Géog.)  lac  &  rivière  de  Suéde  ,  dans 
la  province  de  Hellingland. 

*  BILINLOKA,  (Géog.)  ville  de  Moldavie. 

*  BILITZ  ,  {Géog.)  petite  ville  ôî  château  ,  dans 
la  haute  Silélie ,  au  point  de  rencontre  de  la  Polo- 
gne ,  de  la  Hongrie ,  6c  de  la  Sileiie. 

BILL.  Foyei  Bil. 

BILLARD  ,  f.  m.  jeu  d'adreffe  &  d'exercice  ,  qui 
conlifte  à  faire  rouler  une  balle  d'ivoire  pour  en  fi  up- 
per  une  autre  ôc  la  faire  entrer  dans  des  trous  appel- 
les beloufes. 

Billard  ,  fe  dit  aufïï  de  la  table  fur  laquelle  les 
joueurs  s'exercent.  Le  billard  eft  compote  de  quatre 
parties  principales  ;  lavoir,  la  table  ,  le  tapis  ,  le  fer, 
ôc  les  bandes.  La  table  eft  quarrée ,  oblonguc  ,  gar- 
nie de  quatre  bandes  ou  rebords  de  bois ,  rembourrés 
de  litières  de  drap ,  oc  couvertes  d'un  drap  verd ,  at- 
tachées en-deffus  avec  des  clous  de  cuivre.  Auxqua- 


I  L 


253 


tre  coins  de  la  table  ôc  au  milieu  des  longues  bandes 
font  pratiqués  des  trous  ou  des  beloufes  pour  rece- 
voir les  billes  ;  ôc  aux  deux  tiers  de  la  longueur  de 
la  table  vers  le  haut ,  eft  un  fer  appelle  pafje.  Voye^ 
Table, Tapis,  Bande, Passe, Belouse,  Bille. 

Il  eft  inutile  de  donner  ici  les  règles  du  billard  ; 
celles  qui  font  établies  aujourd'hui  fe  trouvent  par- 
tout ,  Ôc  la  nature  de  ce  jeu  n'empêche  point  qu'on 
n'en  puiffe  inftituer  de  tout  autres. 

Billard  ,  fe  dit  aufïï  de  la  maffe  ou  du  bâton  re- 
courbé avec  lequel  on  pouffe  les  billes.  Il  eft  ordi- 
nairement de  bois  de  gayac  ou  de  cormier,  garni  par 
le  gros  bout  ou  d'ivoire  ou  d'os  Simplement.  On  peut 
même  fe  paffer  de  ces  garnitures.  On  tient  cet  inltru- 
ment  par  le  petit  bout ,  &  l'on  poufle  la  bille  avec 
l'autre  bout. 

BILLARDEPv  ,  terme  du  jeu  de  Billard,  qui  Signifie 
pouffer  les  deux  billes  en  même  tems  avec  la  maffe. 
Le  joueur  qui  billarde  perd  un  point,  c'eft-à-dire, 
qu'on  marque  un  point  pour  Son  adverSaire  ,  ôc  le 
coup  eft  nul ,  Suppofé  qu'il  ait  mis  la  bille  de  Son  ad- 
verSaire dans  la  beloule  :  mais  il  perd  deux  points  , 
s'il  y  met  les  deux  billes. 

Billarder  ,  v.  n.  (Manège.)  fe  dit  d'un  cheval 
lorSqu'en  marchant  il  jette  Ses  jambes  de  devant  en- 
dehors. 

BILLE,  poiffon  de  mer.  Voye^  Tourd.  (/  ) 

Bille  ,  (Marine.  )  éguillette  d'efeoit  ou  de  coiiet  ; 
c'eft  un  bout  de  menu  cordage,  où  il  y  a  une  boucle 
&  un  nœud  ;  Son  ufage  eft  de  tenir  le  grand  coiiet  aux 
premiers  des  grands  haubans  lorSqu'il  ne  Sert  pas.  (Z  ) 

Bille,  les  Chamoifeurs  ôc  les  Marroquiniers  appel- 
lent bille  un  morceau  de  bois  ou  de  fer  rond  ,  qui  a 
ordinairement  un  pouce  ôc  demi  de  diamètre ,  &  un 
pié  &  demi  de  longueur,  dont  ils  fe  fervent  pour  tor- 
dre les  peaux  ,  ôc  en  faire  Sortir  toute  la  graiffe ,  la 
gomme  ,  &  l'eau ,  &  qu'ils  employent  dans  les  diffé- 
rentes façons  qu'ils  ont  à  donner  aux  peaux.  Voye\ 
Chamois. 

BlLLES  à  moulures  ,  (terme  d'Orfèvre  en  tabatières.) 
ce  font  des  morceaux  de  fer  plat,  d'une  ligne  d'épaii- 
feur  tout  au-plus ,  modelés  dans  le  milieu ,  entre  lei- 
quelles  on  tire  la  matière  où  l'on  veut  faire  des  mou- 
lures. 

Billes  ,  f.  pi.  (Œconom.  rufliq.)  on  donne  le  nom 
de  billes ,  à  la  campagne ,  aux  rejetions  qu'on  trouve 
aux  pies  d'un  grand  nombre  d'arbres ,  ôc  qu'on  en- 
levé pour  les  mettre  en  pépinière  :  la  méthode  en  eft 
fort,  bonne. 

BlLLES ,  terme  de  Paumier ,  ce  font  de  petites  bou- 
les d'ivoire  de  deux  pouces  ou  environ  de  diamètre , 
faites  au  tour  &  de  même  groffeur ,  avec  lefquellcs 
on  joue  au  billard.  Ces  billes  font  diftinguées  par  de 
petits  points  pratiqués  vers  un  des  pôles  de  la  bille  ; 
ces  points  fervent  à  les  faire  reconnoître  pendant  le 
jeu. 

Bille,  eft  un  terme  de  Paumier ,  qui  lignifie  un 
coup  du  jeu  de  billard ,  par  lequel  on  fait  entrer  dans 
une  beloule  la  bille  de  l'on  adverlaire  ,  Sans  lui  taire 
frapper  les  bandes. 

Bille  ,  terme  de  rivière  ,  petit  bachot  ou  nacelle  , 
que  l'on  attache  avec  un  bout  de  cincenelle  à  la  tête 
d'un  batteau  marnois  dans  les  rivières  d'Amont-Pa- 
ris, ôc  dans  lequel  on  met  trois  ou  quatre  compagnons 
de  rivière ,  qui  n'ont  chacun  que  deux  avirons. 

*  Bille,  (Géog.)  petite  rivière  qui  prend  la  four- 
ce  entre  le  duché  dcHolftein  &  de  Lawembourg,  & 
forme  avec  un  des  bras  de  l'Elbe  l'île  de  Bilhxerder. 
B1LLER ,  (Marine.)  c'eft  attacher  la  corde  qui  lert 
à  tirer  les  batteaux  fur  les  rivières,  à  une  pièce  de 
bois  courbe  qui  eft  derrière  le  cheval. 

BlLLER,  fe  dit  de  la  façon  que  les  Cluimoifeurs  & 
les  Maroquiniers  donnent  à  leurs  peaux  en  les  tor- 
dant avec  la  bille.  Vqyt^  Chamois. 


254 


B  I  L 


Biller,  e/2  Charpenurie,  c'eft  faire  tourner  en 
pouffant  à  droite  ou  à  gauche  une  pièce  de  bois  ou 
quelqu'autre  groffe  maffe ,  après  l'avoir  mife  en  ba- 
lance fur  un  chantier  ou  fur  une  pierre. 

*  BILLERBECK,  (Géog.)  petite  ville  de  l'évêché 
de  Munfter  en  "SVeftphalie. 

BILLET  (  en  droit  )  eft.  une  promeffe  ou  obliga- 
tion fous  iignature  privée,  par  laquelle  on  s'engage 
à  faire  ou  payer  quelque  chofe.  Il  faut  pour  en  de- 
mander le  payement  en  juftice  :  i°.  qu'il  foit  con- 
trôlé par  un  commis  établi  à  cet  effet  :  2°.  que  l'écri- 
ture en  foit  reconnue  par  la  partie  qui  l'a  faite ,  ou 
vérifiée  par  experts ,  à  l'exception  des  billets  de  chan- 
ge pour  lefquels  il  n'eft  befoin  ni  de  reconnoiffance 
ni  de  contrôle.  Voyt^  Change. 

On  appelle  auffi  billets ,  quantité  d'autres  petits  ac- 
tes faits  fous  fignature  privée  ,  fans  aucune  forma- 
lité. \H) 

Le  mot  billet  fe  prend  en  différentes  acceptions. 
Nous  allons  parcourir  les  principales. 

BlLLET  de  Banque,  voyei  BANQUE. 

Billets  de  Marchandifcs  ,  expofition  de  différen- 
tes efpeces  de  marchandifcs  ,  &  de  leur  prix  ,  dont 
le  vendeur  donne  le  détail  à  l'acheteur. 

BlLLET  de  Cargaifon  ou  connoijfement ,  afte  privé , 
que  figne  un  maître  de  navire ,  en  reconnoiffant  qu'il 
a  reçu  dans  fon  bord  les  marchandées  de  quelqu'un , 
&  s'obligeant  de  les  remettre  en  bon  état  au  lieu  oii 
elles  font  deftinées. 

Il  en  eft  ordinairement  de  trois  fortes.  Le  premier 
que  garde  le  marchand  ;  le  fécond  ,  que  l'on  en- 
voie au  fafteur  à  qui  elles  font  deftinées  ;  &  le  troi- 
fieme ,  que  retient  le  maître. 

Billet  de  Venu  :  lorfqu'une  perfonne  a  befoin 
d'une  fomme  d'argent ,  elle  met  des  marchandées 
entre  les  mains  d'un  prêteur,  en  gage  de  l'emprunt, 
en  lui  donnant  ce  billet ,  qui  l'autorife  à  vendre  les 
chofes  ainfi  livrées ,  fi  la  fomme  qu'elle  emprunte 
n'eft  point  acquittée  avec  les  intérêts  dans  le  tems 
preicrit. 

Billets  de  Provijlons  ,  liberté  accordée  par  le  bu- 
reau de  la  douane  aux  marchands  ,  pour  leur  per- 
mettre de  fe  munir  ,  fans  payer  certains  droits  ,  de 
chofes  dont  ils  ne  peuvent  fe  paffer  dans  leurs 
voyages. 

BlLLET  de  fouffrance  ,  privilège  accordé  par  la 
douane  d'Angleterre  à  un  marchand  de  trafiquer  d'un 
port  d'Angleterre  à  l'autre  fans  payer  les  droits. 

Billet  d'Entrée,  détail  de  marchandées  tant  fo- 
raines qu'Angloifes  paffées  au  bureau. 

Outre  les  différentes  efpeces  de  billets  dont  nous 
venons  de  faire  mention  ,  il  y  en  a  un  li  grand  nom- 
bre d'autres ,  que  rémunération  en  leroit  infinie. 

Il  y  a  pluiieurs  efpeces  de  billets  dont  les  mar- 
chands ,  banquiers  ,  &  négocians  fe  fervent  dans  le 
commerce  ,  lefquels  opèrent  divers  effets. 

Les  uns  font  caulés  pour  valeur  reçue  en  lettres- 
de-change  ;  les  autres  portent  promettes  d'en  four- 
nir ,  d'autres  font  conçus  pour  argent  prêté ,  &  d'au- 
tres pour  marchandées  vendues  :  mais  de  ces  diver- 
fes  fortes  de  billets ,  il  n'y  en  a  que  deux  qui  foient 
réputés  billets  de  change ,  les  autres  n'étant  regardés 
que  comme  de  iimples  promeffes ,  qui  cependant  peu- 
vent être  négociées ,  ainli  que  les  billets  de  change , 
pourvu  qu'ils  foient  payables  à  ordre  ou  au  porteur. 

La  première  efpece  de  billets  de  change ,  font  ceux 
qui  font  caulés  pour  valeur  reçue  en  lettres-de-chan- 
ge ,  c'eft-à-dire  lorfqu'un  marchand  ou  banquier  four- 
nit à  un  autre  négociant  des  lettres-de-change  pour 
les  lieux  dans  lefquels  il  a  befoin  d'argent  ;  &  que 
pour  la  valeur  de  ces  lettres ,  il  donne  fon  billet  de 
payer  pareille  fomme  au  tireur. 

Cette  première  forte  de  billet  doit  faire  mention 
de  celui  fur  qui  les  lettres  ont  été  tirées ,  Se  de  celui 


B  I  L 

qui  en  aura  payé  la  valeur ,  &  fi  le  payement  a  été 
fait  en  deniers  ou  marchandifes  ou  autres  effets ,  à 
peine  de  nullité  ;  c'eft-à-dire  que  faute  d'être  conçus 
en  ces  termes ,  ils  ne  font  plus  regardés  comme  billets 
de  change ,  mais  feulement  commejîmples  billets  pour 
argent  prêté  ,  qui  n'ont  pas  les  mêmes  privilèges  , 
art.  zj.  &  z8.  de  VOrdon.  de  l6~3. 

La  deuxième  efpece  de  billets  de  change,  font  ceux 
qui  portent  pour  laquelle  fomme  je  promets  fournir  let- 
tre-de-change fur  une  telle  ville.  Ils  font  très-utiles  dans 
le  commerce,  &  doivent  auffi  faire  mention  du  lieu 
où  les  lettres  de-change  doivent  être  tirées ,  fi  la  valeur 
en  a  été  reçue ,  &  de  quelles  perfonnes ,  à  peine  de 
nullité.  Ceux  au  profit  defquels  font  faits  ces  billets  de 
change ,  ou  au  profit  defquels  les  ordres  font  paffés  , 
peuvent  contraindre  les  débiteurs  à  leur  fournir  les 
îettres-de-change ,  &  au  refus  leur  faire  rendre  l'argent 
qu'ils  ont  reçu  ,  &  leur  faire  payer  ce  qu'il  leur  en 
coûteroit  pour  a  voir  leur  argent  par  lettres-de-change 
dans  les  lieux  defignés  par  leur  billet. 

Les  billets  que  l'on  nommoit  autrefois  billets  en 
blanc  ,  c'eft-à-dire  où  l'on  laiffoit  en  blanc  le  nom  de 
celui  à  qui  ils  dévoient  être  payés  pour  être  remplis 
toutes  fois  &  quantes ,  &  fous  quel  nom  il  plairoit  à 
celui  au  profit  duquel  ils  étoient  faits ,  &  dont  la  caule 
portoit  fimplement  valeur  reçue  fans  exprimer  la  va- 
leur ,  non-feulement  ne  font  plus  en  ufage ,  mais  font 
ablblument  défendus  ;  car  comme  après  avoir  pafîé 
en  pluiieurs  mains  il  n'étoit  pas  polîible  d'en  décou- 
vrir l'origine ,  il  étoit  ailé  de  s'en  lervir  pour  un  com- 
merce uluraire. 

On  a  tâché  d'introduire  dans  le  commerce  d'au- 
tres billets ,  qui  ne  font  pas  moins  dangereux  que  les 
précédens  pour  couvrir  l'ufure  ;  ce  font  les  billets 
payables  au  porteur ,  fans  faire  mention  ni  de  qui  on  a 
reçu  la  valeur  ,  ni  quelle  forte  de  valeur  a  été  reçue. 

Les  plus  fûrs  de  tous  les  billets  dans  le  commerce , 
font  ceux  qui  font  faits  à  une  perfonne  précife  ou  à 
fon  ordre ,  pourvu  qu'ils  portent  ces  mots  effentiels , 
valeur  reçue  d'un  tel,  &  que  la  valeur  y  foit  exprimée. 
En  voici  un  modèle  conforme  à  l'ordonnance  de  1 673 . 

Je  payerai  au  ZO  du  mois  prochain  au  fleur  Pierre 
Doré ,  marchand  de  cette  ville ,  ou  à  fon  ordre ,  la  fomme 
de  dou^e  cents  livres  ,  valeur  reçue  de  lui  en  deniers  comp- 
tans.  Fait ,  &c. 

Endoffer  un  billet ,  c'eft  le  fouferire  ou  fe  charger 
du  payement.  Un  billet  négocié  ,  eft  celui  qui  a  paffé 
en  main  tierce  au  moyen  de  l'ordre  qui  a  été  mis  au 
dos  :  tout  billet  payable  au  porteur  ,  eft  aufîi  cenfé  bil- 
let négocié.  Faire  courir  un  billet ,  c'eft  le  négocier  ou 
chercher  à  emprunter  de  l'argent  par  le  moyen  des 
agens  de  change  ou  autres  perfonnes. 

Sur  les  billets  en  général  6c  la  police  aûuelle  du 
royaume  à  cet  égard  ,  voye^  le  Dictionnaire  du  com- 
merce ,  tom.  I.pag.  Ç)Ç)J  &  fuiv. 

Les  marchands  Perla  ns  font  leurs  billets  &  pro- 
meffes ,  en  mettant  leur  lceau  au  bas  &  leur  nom  en 
haut.  Les  témoins  attellent  le  fceau  du  contractant 
en  y  joignant  le  leur.  Il  n'y  a  qu'entre  marchands 
que  ces  lortes  de  billets  foient  valables ,  quoique  non 
faits  en  juftice. 

Billets  de  l'Epargne,  (ont  d'anciens  billets ,  man- 
demens  ou  referiptions ,  dont  le  payement  avoit  été 
autrefois  affigné  fur  l'épargne  du  roi  ;  mais  qui  ayant 
été  fupprimés  au  commencement  du  miniftere  de  M. 
Colbert ,  font  devenus  depuis  furannés  &  de  nulie 
valeur  dans  le  commerce. 

Billets,  font  encore  des  efpeces  de  paffe-ports 
que  l'on  prend  aux  portes  &  barrières  des  villes  où 
il  y  a  barrage ,  lorfqu'on  veut  faire  paffer  de  bout  des 
vins  &  des  beftiaux  à  travers  de  ces  villes.  Voyt{ 
Passe-de-bout. 

Billets  Lombards  ,  ce  font  des  billets  d'une  fi- 
gure Se  d'un  ufage  extraordinaire ,  dont  on  le  fert  en  : 


B  I  L 

Italie  &£  en  Flandre,  Se  qui  depuis  l'année  171 6  Te 
font  auiîi  établis  en  France.  Les  billets  lombards  d'Ita- 
lie ,  qui  l'ont  de  parchemin  coupé  en  angle  aigu  de  la 
largeur  d'un  pouce  ou  environ  par  le  haut ,  6c  finif- 
fant  en  pointe  par  le  bas  fervent  principalement  lorf- 
que  des  particidiers  veulent  prendre  intérêt  à  l'ar- 
mement d'un  vaiffeau  chargé  pour  quelque  voyage 
de  long  cours  ;  ce  qui  fe  pratique  ainli.  Celui  qui 
veut  s'intéreffer  à  la  cargaiion  du  navire  ,  porte  ion 
argent  à  la  caiffe  du  marchand  armateur,  qui  enre- 
gilt  e  fur  fon  livre  de  caiffe  ,  le  nom  du  prêteur  &  la 
femme  qu'il  prête  ;  enfuite  il  écrit  fur  un  morceau 
de  parchemin  ,  de  la  largeur  de  douze  ou  quinze  li- 
gnes ,  &£  de  fept  ou  huit  poncés  de  longueur ,  le  nom 
&  la  fomme  qu'il  a  enregistrée  ;  &  coupant  ce  par- 
chemin d'un  angle  à  l'autre  en  ligne  diagonale ,  il  en 
garde  une  moitié  pour  fon  bureau  ,  &  délivre  l'au- 
tre au  prêteur  pour  le  rapporter  à  la  caiffe  au  retour 
du  vaiffeau  ,  &  le  confronter  avec  celui  qui  y  cil 
relié  ,  avant  que  d'entrer  en  aucun  payement ,  foit 
du  prêt  foit  des  profits.  Ceux  qui  prêtent  fur  gages 
en  Flandre  font  à  peu  près  la  même  chofe.  Ils  écri- 
vent fur  un  pareil  morceau  de  parchemin  le  nom 
de  l'emprunteur  &  la  fomme  qu'il  a  reçue  ;  &  l'ayant 
coupé  en  deux ,  ils  en  donnent  la  moitié  à  l'emprun- 
teur ,  &  coulent  l'autre  moitié  fur  les  gages ,  afin  de 
les  lui  remettre  en  rendant  la  fomme  ftipulée. 

Billets  de  lu  caifj'e  des  emprunts.  Voye^  Caisse 
DES  EMPRUNTS. 

Billets  de  la  banque  royale.  Il  y  a  peu  de  différen- 
ce pour  l'ufage  entre  le  billets  lombards  d'Italie  &  les 
billets  de  la  banque  royale  deFrance  :  mais  il  y  en  a  quel- 
qu'une pour  la  forme ,  ces  derniers  n'étant  que  de 
papier ,  &  fe  coupant  du  haut  en  bas  en  deux  par- 
ties égales  ;  enforte  néanmoins  que  la  coupure  relie 
dentelée  :  précaution  fûre  contre  la  friponnerie  de 
ceux  qui  voudroient  les  contrefaire.  D'ailleurs  les 
moitiés  de  ces  billets ,  qui  demeurent  aux  bureaux  de 
la  banque  font  reliées  en  des  regiftres  ;  &  au  bas  de 
chaque  partie  du  billet  qui  fe  délivre  au  porteur , 
eil  l'empreinte  d'une  efpece  de  iceau. 

BlLLETS  de  monnoie.  Billets  occaiionnés  par  la 
retonte  générale  des  monnoies  ordonnée  par  Louis 

XIV.  en  Juin  1700  ,  &  qui  n'ayant  pu  fe  faire  affez 
promptement  pour  payer  toutes  les  vieilles  elpeces 
qu'on  portoit  aux  hôtels  des  monnoies,  les  directeurs 
ou  changeurs  en  donnèrent  leurs  billets  particidiers 
qui  devinrent  dettes  de  l'état;  &  en  1703  ,  il  fut  or- 
donné qu'ils  porteraient  intérêt  à  huit  pour  cent  : 
mais  ces  papiers  s'étant  trop  multipliés  par  le  trafic 
ifluraire  qu'en  firent  les  agioteurs,  ils  furent  fuppri- 
més  ou  convertis  en  rentes  lur  la  ville  ,  ou  tirés  du 
commerce  par  d'autres  voies. 

Billets  de  l'état ,  lont  des  billets  qui  ont  com- 
mencé prefqu'en  même  tems  que  le  règne  de  Louis 

XV.  pour  acquitter  les  dettes  immenics  contractées 
fous  le  règne  précédent.  Ces  dettes  qui  montoient 
à  pluficurs  centaines  de  millions  ayant  été  payées  en 
partie  par  divers  moyens,  le  101  les  réduifit  à  un 
capital  de  150  millions,  qu'il  le  chargea  de  payer, 
&  en  fit ,  pour  ainli  dire ,  les  billets  aux  intéreffés.  Ces 
nouveaux  billets  furent  appelles  billets  tic  l'état  ;  par 
ce  que  le  roi  en  rit  la  dette  ,  &  qu'il  promit  de  les 
payer  iur  les  revenus  de  l'état  ;  au  lieu  qu'aupara- 
vant ce  n'étoient  que  des  billets  de  particuliers  ,  quoi- 
que faits  pour  des  fommes  fournies  pour  les  beloins 
de  l'état.  La  plupart  de  ces  billets  ont  été  depuis  re- 
tirés, loit  en  taxes  fur  les  gens  d'affaire,  foit  en  ac- 
tions de  la  compagnie  d'occident,  foit  eivrentes  via- 
gères lur  l'hôtel  de  ville  de  Paris  ,  loit  enfin  par  des 
loteries  qui  s'y  tiroient  tous  les  mois.  Dictionnaire 
du  commerce  ,  tom .  I.pag.  0.^2,  &c. 

Billets  Échiquier.  (G) 

*  Billl.  iji.mod,  &  Police)  c'elt 


B  I  L 


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une  attcflation  de  fanté  accordée  dans  les  tems  con- 
tagieux ,  par  un  confeil  qu'on  inilitue  alors  fous  le 
nom  de  confeil  de  fanté  Ce  billet  contient  le  lieu  d'où 
le  porteur  eil  parti ,  fon  nom  ,  fa  qualité ,  fa  demeu- 
re ,  la  date  de  ion  départ ,  l'état  de  fanté  de  la  ville, 
du  bourg  ou  village  d'où  il  vient,  &  la  permiffion 
de  le  recevoir  où  il  fe  prélêntera  avec  ce  billet  ;  au 
bas  duquel  il  aura  pris  certificat  de  tous  les  lieux 
où  il  aura  dîné  ,  foûpé  &  couché. 

BILLETER,  v.  adl.  (  Commerce  )  attacher  des 
étiquettes  ,  mettre  des  billets  aux  étoffes  ;  c'eil  fur 
ces  billets  que  les  marchands ,  particulièrement  ceux 
qui  font  le  détail ,  mettent  les  numéro  &  les  auna- 
ges  des  pièces  entières  ,  fuivant  les  factures  des  cem- 
miffionnaires  qui  leur  en  font  les  envois  ,  &  qu'ils 
écrivent  chaque  jour  ce  qui  a  été  levé  de  celles  qui 
ont  été  entamées.   (G) 

BILLETIER ,  1".  m.  (  Police.  )  commis  qui  expé- 
die &  délivre  les  billettes.  Voye^  Billette. 

Ce  terme  eil  principalement  en  ufage  à  Bour- 
deaux  ,  pour  les  commis  des  fermes  du  Roi  qui  ont 
la  garde  des  portes.  Il  y  a  dans  cette  ville  jufqu'à  24 
billetiers  ,  difperfés  aux  quatorze  portes  de  la  ville  , 
pour  les  garder  depuis  fix  heures  du  matin  jufqu'à  lix 
heures  du  feir  ;  après  quoi  elles  font  abandonnées  à 
la  diredlion  des  portiers  qui  font  aux  gages  de  la  ville. 
Les  fondions  des  billetiers  l'ont  de  prendre  garde  à 
tout  ce  qui  entre  &  fort ,  &  de  tenir  des  regiftres 
plus  ou  moins  ,  fuivant  l'importance  &:  la  qualité  de 
leurs  polies,  foye?^  en  le  détail  dans  le  Dictionnaire  du 
commerce ,  tome  1.  page  f)33. 

Il  y  a  deux  commis  qu'on  appelle  contrôleurs  des  bil- 
letiers ,  dont  les  fonclions  font  d'examiner  le  travail 
des  billetiers  ,  &  de  voir  s'ils  lont  lédentaires  à  leur 
porte.  (G) 

BILLETTE  ,  f.  f.  nom  qu'on  donne  dans  la  doua- 
ne de  Bourdeaux  à  l'acquit  que  le  commis  délivre  aux 
marchands  pour  juilifier  du  payement  des  droits  de 
fortie,  ou  ,  comme  on  y  parle  ,  t'es  droits  d'iffue  de 
marchandées  qu'il  veut  faire  embarquer  pour  en- 
voyer à  l'étranger.  Ces  billets  duraient  autrt 
mois  entier ,  après  lequel  il  étoit  permis  de  les  renou- 
veller  li  les  marchandiles  n'avoient  pûètre  envoyées  : 
préfentement  le  commis  y  ajoute  la  claufe ,  non  va- 
lable après  trois  jours.   (Cr) 

Billettes  ,  en  Blajbn ,  pièces  d'une  figure  quar- 
rée  moins  larges  que  longues. 

On  dit  que  les  billettes  font  couchées  ou  renver- 
fées  ,  lorique  leur  côté  le  plus  long  eil  parallèle  au 
haut  de  l'écuffon  ,  &  que  le  plus  court  eil  perpendi- 
culaire. On  fuppofe  qu'elles  repréientent  des  pièces 
de  drap  d'or  ou  d'argent  plus  longues  que  larges  , 
placées  à  quelque  diftance  par  manière  d'ornement 
lur  les  habits ,  &  de-là  tranfportées  dans  les  écuffons. 
Quoique  Guillim  penleque  la  billette  repiéiente  une 
lettre  cachetée.  On  dit  qu'un  écu  eil  billette  lorlqu'il 
eil  femé  de  billettes.  Il  porte  d'argent  billette  à  la  croix 
de  bruyère  engrêlée  de  gueules. 

Bloom  dit  qu'il  faut  exprimer  le  nombre  des  bil- 
lettes lorfqu'elles  ne  paffent  pas  celui  de  dix. 

Billettes  ,  f.  f.  c'eil  ainli  qu'on  appelle  dans 
les  Verreries  à  vitre  le  bois  dont  on  le  fert  pour  chaut- 
fer  les  fours  ;  il  eil  fendu  plus  menu  que  le  cotret , 
&  n'a  que  dix-huit  pouces  de  longueur. 

BILLETTES  ,  f.  f.  pi.  terme  de  Forgcur  J\-. 
AqyqDrZ. 

BiLLETTÉ  ,  en  terme  de  Blafon ,  fe  dit  du  champ 
femé  de  billettes.  Voyt^  Billette. 

Conflansd'Auchy,  &:  Brenne,  d'azur  au  lion  d'or, 
l'écu  billette  de  même.  (^) 

*  BILLIGHE1M  ,  (  Géog.  )  petite  ville  du  bas  Pa- 
(atinat ,  à  deux  lieues  de  Landau. 

*  BILLINGHAM  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  la  pro- 
vince de  Northumberland ,  au  nord  de  l'Angleterre. 


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B  I  L 


*  BILLON  ,  f.  m.  (  Monnayage.  )  c'eft  un  compo- 
fé  de  métal  précieux  &  d'autres  qui  le  font  moins  , 
où  la  quantité  du  métal  précieux  eft  moindre  que  celle 
des  autres  métaux;  ainfil'or  dont  le  titre  eft  au-deflbus 
de  douze  karats,  eft  billon  ;  l'argent  qui  eft  au-def- 
fous  de  fix  deniers ,  eft  billon  :  l'un  s'appelle  billon 
d'or;  l'autre  billon  d'argent.  Il  faut  appliquer  la  même 
notion  de  billon ,  par-tout  où  le  mot  billon  eft  em- 
ployé. 

On.étoit  autrefois  fi  fcrupuleux  fur  la  pureté  de 
l'or  &  de  l'argent ,  que  l'on  donnoit  le  nom  de  bil- 
lon à  l'or  au-deflbus  de  l'étalon,  ou  de  21  karats, 
&c  à  l'argent  au-deffous  de  dix  deniers. 

BILLON  AGE  ,  f.  m.  à  la  Monnaie ,  eft  le  crime  de 
fur-achat  des  matières  d'or ,  d'argent ,  monnoies  , 
foit  pour  les  tranfporter  hors  du  royaume ,  foit  pour 
les  changer  de  nature.  Voye?L  BlLLONEUR. 

BILLONEUR  ,  à  la  Monnaie  ;  on  nomme  ainfi 
ceux  qui  fans  qualité  fur-achetent  les  matières  d'or 
ou  d'argent.  Les  lois  prononcent  des  peines  contre 
ceux  qui  font  convaincus  du  crime  de  billonage.  V. 

BlLLONAGE. 

BILLION,  f.  m.  (  Arithmtt.  )  on  donne  ce  nom  en 
Arithmétique  au  chiffre  qui  occupe  la  dixième  place 
d'une  fuite  horifontaîe  de  chiffres ,  en  commençant 
de  la  droite  vers  la  gauche  ,  ainfi  qu'on  en  eft  conve- 
nu dans  la  numération.  Voye^  Numération. 

Dans  le  nombre  4310567827,  compofé  de  dix 
chiffres ,  le  chiffre  4  qui  eft  le  dixième  en  commen- 
çant par  la  droite  ,  fignifîe  quatre  billions  :  or  un  bil- 
lion vaut  dix  fois  cent  millions ,  de  même  qu'un  mil- 
lion vaut  dix  fois  cent  mille ,  &c.  fuivant  l'inftitution 
de  la  valeur  locale  des  chiffres.  (£  ) 

BILLOS  ,  droit  d'Aides  qui  fe  levé  fur  le  vin  en 
quelques  provinces  de  France  ,  particulièrement  en 
Bretagne;  il  ne  fe  paye  que  par  les  cabaretiers,  & 
autres  qui  vendent  des  vins.  On  n'employé  guère  ce 
terme  fans  le  faire  précéder  par  celui  d'impôts  ;  ainfi 
l'on  dit  impôts  &  billos:  il  fe  levé  auffi  en  quelques 
lieux  fur  la  bierre  ,  le  cidre ,  &  autres  boiflbns.  Ce 
droit  n'eft  pas  partout  un  droit  royal ,  &  il  y  a  des 
feigneurs  &  des  villes  qui  en  joùiffent.   (G) 

BILLOT ,  f.  m.  on  donne  ce  nom  dans  plufieurs 
'Arts  méchaniques  à  un  tronçon  d'arbre  plus  ou  moins 
gros  ,  à  pies  ou  fans  pies  ,  mais  dont  le  diamètre  eft 
toujours  très-confidérable  relativement  à  la  hauteur  : 
quant  à  fes  ufages  ,  voyelles  articles  qui  iuivent. 

Billots  ,  (  Marine.')  ce  font  des  pièces  de  bois 
courtes  qu'on  met  entre  les  fourcats  des  vaiffeaux 
pour  les  garnir  en  les  conftruifant  ;  c'eft  ce  qu'on  ap- 
pelle pièces  de  rempliffage.  Voye^Pl.  IV.  fig.  1.  n° 
16.  &  17.  les  foureats  ,  &  n°  18.  les  pièces  de  rem- 
pliffage. 

Billot  d'appui  du  mât  de  beaupré ,  voye^  fa  figure  & 
fa  fituation  ,  PL  IV. fig.  Z./A94.  (Z) 

Billot  ,  (  Manège.  )  morceau  de  bois  rond  de  cinq 
à  fix  pouces  de  long ,  fur  un  pouce  de  diamètre ,  & 
muni  à  chaque  bout  d'un  anneau  de  fer  pour  y  atta- 
cher un  cuir  On  met  pour  l'ordinaire  de  Yaffafœtida 
autour  du  billot  ;  &  après  l'avoir  couvert  d'un  linge, 
on  le  met  comme  un  mors  dans  la  bouche  du  che- 
val ,  &  l'on  paffe  le  cuir  par-deffus  fes  oreilles  com- 
me une  têtière.  Uaffàfatiaa  fe  fond  dans  la  bouche 
avec  la  falive ,  &  réveille  l'appétit  au  cheval  dégoû- 
té. Le  billot  lans  ajfafœtida,eû  la  bride  des  chevaux 
de  charrette.  On  appelle  auffi  billots  les  barres  de 
bois  rondes  qu'on  attache  aux  chevaux  que  l'on  cou- 
ple ,  &  qui  coulent  tout  le  long  de  leurs  flancs.  (  V) 
BlLLOT  à  charger  ,  c'eft  un  infiniment  d' 'Artificier 
qui  tient  lieu  d'enclume  pour  foùtenir  les  moules  ou 
culots  des  fùfées  ,  que  l'on  y  charge  à  grands  coups 
de  maillets  ,  pour  éviter  le  retentùTement  qui  en  ré- 
fulteroit  fur  un  plancher  ou  un  corps  creux. 

Billot  ,  terme  de  Ceinturier:  c'eit  un  morceau  de 


B  I  L 

bois  quarré  de  la  longueur  de  dix-huit  pouces ,  fur 
fix  pouces  de  haut  &  autant  de  large  ,  qui  porte  leur 
enclume  ,  &  dont  la  furface  du  deffus  eft  creulée  un 
peu  ,  &  forme  plufieurs  petites  cafés  où  ces  ouvriers 
mettent  leurs  rivets  &  boutons.  Voye?_  la  fig.  â.  Plan, 
du  Ceinturier. 

Billot  de  Ckainetier  :  c'eft  un  morceau  de  bois 
rond  de  la  hauteur  de  deux  pies  &  demi ,  fur  trois  pies 
ou  environ  de  circonférence  ;  ils  s'en  fervent  au  lieu 
d'enclume ,  parce  qu'ils  n'ont  jamais  rien  à  forger  au 
feu ,  ni  rien  de  trop  gros. 

Billot  de  Charron  avec  f  on  marchepié  ;  c'eft  un  pe- 
tit tréteau  de  la  hauteur  d'un  pié ,  &  environ  de  deux 
pies  de  long,  qui  fert  aux  Charrons  à  différens  ufages. 
Voyez  la  fig.  J .  PI.  du  Charron. 

Billot  de  Cordonnier ,  tronçon  d'arbre  fur  quoi 
les  cordonniers  battent  les  femelles.  Voy.  Buisse. 

Billot  de  Ferblantier ,  c'eft  un  gros  cylindre  de 
bois  de  la  hauteur  de  trois  pies ,  fur  trois  pies  de  cir- 
conférence ,  qui  a  la  face  de  deffus  &  deffous  plate  ; 
la  face  de  deflbus  eft  percée  de  plufieurs  trous  ronds 
&  quarrés ,  dans  lefquels  ces  ouvriers  placent  les  bi- 
gornes &  les  tas ,  pour  les  affujettir  &  les  rendre  fia- 
bles. Voyez  PI.  dOrfevrerie. 

Billot  ,  infiniment  de  Gabier.  Voy.  Chevllon. 

Billot  ,  partie  de  la  preffe  des  Imprimeurs  entail- 
le-douce. A'oye^IiMPRiMERiE  en  Taille-douce. 

Billot,  dans  l'Orgue,  font  de  petits  morceaux  de 
bois  plats  qui  ont  une  queue  :  au  milieu  de  la  face 
plate  de  ces  petits  morceaux  de  bois  efi  un  petit  treu 
rond ,  qui  fert  à  recevoir  les  pointes  ou  pivots  des 
rouleaux  de  l'abrégé.  La  queue  des  billots  fert  à  les 
attacher  fur  la  table  de  l'abrégé ,  en  la  faifant  entrer 
dans  des  trous  pratiqués  à  cet  effet ,  &  les  y  rete- 
nant avec  de  la  colle  forte.  Voyez  V article  Abrège, 
&  la  fig.  A  A  n°.  11. 

Billot,  efi  auffi  un  morceau  de  bois  cubique  d'en- 
viron 14  pouces  de  dimenfion,  à  la  face  de  deffus 
duquel  on  perce  un  trou  qui  ne  doit  pas  traverfer 
d'outre-en-outre.  A  la  face  du  billot  qui  regarde  le 
dedans  de  l'orgue ,  eft  un  autre  trou  qui  va  rejoindre 
le  premier.  Le  trou  de  la  face  de  deflus  fert  à  rece- 
voir le  pié  du  tuyau  de  montre  des  grandes  tourel- 
les ;  &  celui  de  la  face  latérale  fert  à  recevoir  le  por- 
te-vent qui  porte  le  vent  du  fommier  au  tuyau.  Voy. 
la  fig.  1.  PI.  d  Orgue. 

Billot  d'Orfèvre,  eft  un  morceau  de  tronc  d'ar- 
bre de  deux  à  trois  pies  de  haut ,  &  qui  porte  plus 
ou  moins  de  diamètre ,  à  proportion  de  l'enclume  ou 
du  tas  qu'on  veut  y  placer.  Il  eft  ordinairement  d'or- 
me ;  &  quand  il  fatigue  beaucoup ,  on  prend  une 
fouche  que  l'on  met  debout ,  l'on  y  fait  un  trou  de 
la  profondeur  que  l'on  veut  qu'entre  l'enclume ,  que 
l'on  affujettit  avec  des  coins  de  peur  qu'il  ne  fe  fen- 
de ;  l'on  y  met  des  cercles  de  nerfs  de  bœuf  frais  , 
qui  en  fe  léchant  le  ferrent  fortement  :  l'on  cloue  en- 
core autour  des  lanières  affez  lâches  pour  contenir 
les  manches  des  marteaux  ,  &c  les  tenir  à  la  portée 
de  la  main  de  l'ouvrier. 

Billot  des  Rubankrs,  eft  à  peu  près  fait  comme 
l'enfuple ,  excepté  qu'il  n'a  point  de  moulures  au  bout 
comme  elle  ;  il  n'y  a  qu'une  petite  éminence  à  cha- 
que bout  pour  contenir  la  foie  que  l'on  met  deffus  : 
il  fert  à  relever  les  pièces  ourdies  de  deffus  l'ourdif- 
foir  ;  lefquelles  pièces  y  reftent  jufqu'à  ce  qu'on  les 
ployé  furies  enfuples. 

BlLLOT  à  refouler'  des  Tabletiers-Cornetiers  ;  c'eft 
une  groffe  pièce  de  bois  au  milieu  de  laquelle  on  a 
fait  une  encoche  ,  de  la  grandeur  des  plaques  entre 
lefquelles  on  refoule  les  cornets.  Voyez  Refouler. 

BILLOT  à  redreffer,  des  Tabletiers  Cornetiers ,  eft 
une  partie  de  tronc  d'arbre  plantée  debout ,  au  mi- 
lieu de  laquelle  on  a  percé  un  trou  propre  à  recevoir 
les  ouvrages  fur  le  mandrin.  Voyez  Mandrin.  H  eft 

aifé 


B  I  M 

?ifé  de  concevoir  que  les  cornets  qui  ne  font  encore 
que  dolés,  voyqDoLÉs,  fe  redreffent  en  effet  contre 
les  parois  du  billot ,  en  frappant  à  grands  coups  de 
marteau  fur  le  mandrin  qui  eft  dans  le  cornet ,  &C 
plus  haut  que  lui.  Coye*_  la  Planche  II.  figure  3. 

Billot  de  Tailleur,  c'eft  un  petit  cube  de  bois 
dont  ils  fe  fervent  pour  mettre  fous  les  emmanchu- 
res qu'ils  veulent  repafTer.  Voye^  Emmanchure  6* 
Repasser. 

*  BILLY,  (Géogr.)  petite  ville  de  France  dans  le 
Bourbonnois. 

*  BILSEN,  (Géogr.~)  petite  ville  de  l'évêché  de 
Liège  entre  Maltricht  &c  Haffelt.  Long.  23.  iz.  lat. 
ÔO.48. 

*  BILZIER,  (Géogr.)  ville  de  laRomanie,  dans 
la  Turquie ,  en  Europe ,  à  10  lieues  d'Andrinople. 

*  BIMATER  ,  (  Myth.)  épitheteque  l'on  donnoit 
à  Bacchus  ,  &  par  laquelle  on  faifoit  entendre  que 
Jupiter  l'ayant  porté  deux  mois  dans  fa  cuiffe ,  lui 
avoit  fervi  de  mère  pendant  ce  tems ,  ôc  qu'il  en 
avoit  eu  deux. 

*  BIMBLOTERIE ,  f.  f.  (  Commerce  )  c'eft  l'art 
de  faire  des  colifichets  d'enfans  &  de  les  vendre.  Bim- 
bloterie  vient  de  bimblot ,  colifichet.  Il  y  a  deux  fortes 
de  bimblots  :  les  uns  qui  confittent  en  petits  ouvrages 
fondus  d'un  étain  de  bas  aloi ,  ou  de  plomb  ;  ce  font 
des  affiettes ,  des  aiguières  &c  autres  pièces  de  petits 
ménages  d'enfant ,  des  encenioirs ,  des  calices ,  des 
burettes,  &c.  les  autres  confident  dans  toutes  ces  ba- 
gatelles ,  tant  en  bois ,  qu'en  linge  ,  étoffe ,  &  autres 
matières  ,  dont  on  fait  des  jouets  ,  comme  pou- 
pées, chevaux,  carroffes,  &c.  Ce  font  les  Merciers 
qui  font  le  trafic  des  derniers  bimblots  ;  les  maîtres 
Miroitiers-Lunetiers  Bimblotiers  ont  le  privilège  des 
autres.  Pour  favoir  jufqu'où  va  le  commerce  de  ces 
bagatelles ,  il  ne  faut  que  fe  rappeller  la  prodigieufe 
quantité  qui  s'en  vend  depuis  le  commencement  de 
l'année  jufqu'à  la  fin ,  &  furtout  la  confommation 
qui  s'en  fait  dans  les  premiers  jours  de  l'an. 

*  BIMBLOTIER ,  f.  m.  (Commerce.}  marchand  de 
limbloterie.  Voye^  BlMBLOTERlE. 

BIMEDIAL,  (en  Mathématiques  )  quand  deux- 
lignes,  comme  AB  &c  BC  (  Fig.  3.  de  Géom.  )  com- 
mcniurables  feulement  en  puiffance,  font  jointes  cn- 
femble  ;  la  toute  A  C  eu  irrationnelle  par  rapport  à 
l'une  des  deux  AB  ou  BC,  &  on  l'appelle  ligne 
première  bimédiale.  Euclide  ,  liv.  X.  propof.  38.  Voye{ 
COMMENSURABLE  ,  IRRATIONNEL,  PUISSANCE. 
(*) 

*  BIMILIPATAN,  (Géogr.)  ville  de  la  peninfule 
de  l'Inde ,  en  deçà  du  Gange ,  dans  le  royaume  de 
Golconde ,  fur  le  golphe  de  Bengale. 

*  BIMINI ,  (Geogr.)  une  des  îles  Lucayes,  dans 
l'Amérique  feptentrionale  ,  au  midi  de  l'île  de  Ba- 
hama.  Latit.  z5.  longit.  298. 

*  BINAGE,  f.  m.  (Agriculture.)  c'eft  ainfi  qu'on 
appelle  le  fécond  labour  que  l'on  donne  aux  terres 
à  grains.  Si  celles  à  blé  ont  eu  leur  premier  labour 
avant  l'hyver,  elles  reçoivent  le  binage  après  que  les 
froids  font  paffés  èc  que  les  eaux  font  écoulées  ,  & 
quand  la  terre  commence  à  s'ouvrir  &  à  fe  renou- 
velle!'. Si  elles  n'ont  eu  leur  première  façon  qu'après 
l'hyver,  on  leur  donnera  la  deuxième,  ou  le  binageun 
mois  ou  fix  femaines  après.  Voye^  Agriculture. 

BINAIRE.  L'A RITHMÉTique  binaire  eit 
une  nouvelle  forte  d'Arithmétique  que  M.  Leibnitz 
fondoit  fur  la  progreffion  la  plus  courte  &:  la  plus 
fimple  ;  c'eft  celle  qui  fe  termine  à  deux  chiffres.  Le 
fondement  de  toute  notre  Arithmétique  ordinaire 
étant  purement  arbitraire,  il  eft  permis  de  prendre  un 
autre  progreffion, qui  nous  donne  une  autre  Arithmé- 
tique. On  a  voulu  que  la  fuite  première  &  fondamen- 
tale des  nombres  allât jufquà  dix,  &c.  que  la  fuite  in- 
finie des  nombres  fut  une  fuite  infinie  de  dixaines;  mais 
Tome  II, 


B  I  N 


45? 


iî  eft  vifible  que  d'avoir  étendu  la  fuite  fondamen- 
tale des  nombres  jufqu'à  dix ,  ou  de  ne  l'avoir  pas 
étendue  plus  loin  ;  c'eft  une  inftitution  qui  eût  pu  être 
différente  ;  &  même  il  paroît  qu'elle  a  été  faite  affez 
au  hafard  par  les  peuples ,  &  que  les  Mathématiciens 
n'ont  pas  été  confultés  :  car  ils  auroient  pu  aifément 
établir  quelque  chofe  de  plus  commode.  Par  exem- 
ple ,  fi  l'on  eût  pouffé  la  fuite  des  nombres  jufqu'à 
douze  ,  on  y  eût  trouvé  fans  fraction  des  tiers  &  des 
quarts ,  qui  ne  font  pas  dans  dix.  Les  nombres  ont 
deux  fortes  de  propriétés  ,  les  unes  effentielles  ,  les 
autres  dépendantes  d'une  inltitution  arbitraire ,  &  de 
la  manière  de  les  exprimer.  Que  les  nombres  impairs 
toujours  ajoutés  de  fuite,  donnent  la  fuite  naturelle 
des  quarrés  ;  c'eft  une  propriété  effentielle  à  la  fuite 
infinie  des  nombres,  de  quelque  manière  qu'on  l'ex- 
prime. Mais  que  dans  tous  les  multiples  de  9  ,  les  ca- 
ractères qui  les  expriment  additionnés  enlemble ,  ren- 
dent toujours  neuf,  ou  un  multiple  de  neuf,  moindre 
que  celui  qui  a  été  propofé  ;  c'eft  une  propriété  qui 
n'eft  nullement  effentielle  au  nombre  9  ,  &  qu'il  n'a 
que  par  ce  qu'il  eft  le  pénultième  nombre  de  la  pro- 
greffion décuple  qu'il  nous  a  plû  de  choifir. 

Si  l'on  eût  pris  la  progreffion  de  douze ,  le  nom- 
bre 11  auroit  eu  la  même  propriété  ;  ainfi  dans  toute 
l'arithmétique  binaire ,  il  n'y  auroit  que  deux  carac- 
tères 1  &  o.  Le  zéro  auroit  la  puiffance  de  multiplier 
tout  par  deux  ,  comme  dans  l'Arithmétique  ordinai- 
re il  multiplie  tout  par  dix.  1  feroit  un  ;  10,  deux  $ 
1 1  ,  trois  ;  100,  quatre  ;  1  o  I  ,  cinq  ;  1  1  o  ,  fix  ;  1  1  I  , 
fept  ;  1 000  ,  huit  ;  1 00 1  ,  neuf;  1  o  1  o ,  dix ,  &c.  ce  qui 
eft  entièrement  fondé  fur  les  mêmes  principes,  que  les 
expreffions  de  l'Arithmétique  commune.  II*  elt  vrai 
que  celle-ci  feroit  très  incommode  par  la  grande  quan- 
tité de  caractères  dont  elle  auroit  befoin ,  même  pour 
de  très-petits  nombres.  Il  lui  faut  par  exemple  qua- 
tre caractères  pour  exprimer  huit ,  rue  nous  expri- 
mons par  un  feul.  Auffi  M.  Lelbnit^  ne  vouloit-il 
pas  faire  paffer  fon  Arithmétique  dans  un  ufifge  po- 
pulaire ;  il  prétendoit  feulement  que  dans  les  recher- 
ches difficiles ,  elle  auroit  des  avantages  que  l'autre 
n'a  pas  ,  &  qu'elle  conduiroit  à  des  fpéculations  plus 
élevées.  Le  P.  Bouvet ,  Jéfuite  ,  célèbre  miffic^ 
de  la  Chine ,  à  qui  M.  Leibnit-^  avoit  écrit  l'idée  de 
fon  arithmétique  binaire,  lui  manda  qu'il  étoit  très- 
perfuadé  que  c'étoit-là  le  véritable  fens  d'une  ancien- 
ne énigme  Chinoife  ,  laiffée  il  y  a  plus  de  4000  ans , 
par  l'empereur  Folù  ,  fondateur  des  Sciences  à  la 
Chine  ,  auffi  bien  que  de  l'empire  ,  entendue  appa- 
remment dans  fon  fiecle ,  &  plufieurs  fiecles  après 
lui  ;  mais  dont  il  étoit  certain  que  l'intelligence  b'etoit 
perdue  depuis  plus  de  1000  ans,  malgré  les  recher- 
ches &  les  efforts  des  plus  favans  lettrés ,  qui  n'a- 
voient  vu  dans  ce  monument  ,  que  des  allégories 
puériles  &  chimériques.  Cette  énigme  confilte  dans 
les  différentes  combinaifons  d'une  ligne  entière  ,  & 
d'une  ligne  brifée ,  répétées  un  certain  nombre  de 
fois  ,  foit  l'une ,  foit  l'autre.  En  fuppofant  que  la  li- 
gne entière  lignifie  1  ,  &  la  brifée  o,  on  trouve  les 
mêmes  expreffions  des  nombres ,  que  donne  l'Arith- 
métique binaire.  La  conformité  des  combinaifons  des 
deux  lignes  de  Fohi ,  ce  des  deux  uniques  caractères 
de  l'Arithmétique  de  M.  Leibnit^,  frappa  le  P.  Bou- 
vet ,  6c  lui  fit  croire  que  Fohi  &  M.  Lcibnit^  avoient 
eu  la  même  penlee. 

Nous  devons  cet  article  à  M.  Formcv  ,  qui  l'a  tiré 
de  l'hiftoire  de  l'Académie  des  Sciences  de  Paris, 
année  1701.  t'oyez  ÉCHELLES  ARITHMÉTIQUES, 
au  mot  Arithmétique. 

Cette  arithmétique  feroit,  comme  on  vient  de 
le  dire,  peu  commode:  il  faudrait  trop  de  caractères 
pour  exprimer  d'affez  petits  nombres.  Cependant  fi 
le  lecteur  elt  curieux  d'avoir  une  méthode  pour  trou- 
ver dans  cette  arithmétique  la  valeur  d'un  nombre 

Kk 


ajS 


B  I  N 


donné ,  ou  pour  exprimer  un  nombre  quelconque , 
la  voici  en  peu  de  mots. 

On  commencera  par  faire  une  table  des  différen- 
tes puifiances  de  z,  fçavoir  i°ou  i,  2,4,8, 
16,  32,  64,  128,  &c  que  l'on  pouffera  le  plus 
loin  qu'il  fera  poffible  :  cela  polé  , 

Soit  donné  par  exemple  le  nombre  1 10 101  ,  dont 
on  veut  favoir  la  valeur ,  comme  ce  nombre  a  fix 
chiffres ,  je  prends  la  fixieme  puiffance  de  2 ,  qui 
eft  32,  &  qui  fera  repréfenté  par  le  chiffre  1  ,  qui 
eft  le  plus  à  gauche  ;  le  chiffre  fuivant  1  indiquera 
la  f  puiffance  16  ;  le  chiffre  fuivant  o  ne  donnera 
rien  ;  le  chiffre  fuivant  1  indiquera  la  3e  puiffance, 
c'eft-à-dire  4  ;  le  chiffre  fuivant  o  ne  donnera  rien  ; 
enfin  le  dernier  chiffre  1  donnera  1  :  ainfi  le  nom- 
bre propofé  équivaut  à  la  fomme  des  nombres  32, 
16 ,  4 ,  1  ,  c'eft-a-dire  5  3  ;  &  ainii  des  autres, 

Préfentement  je  fuppofe  qu'on  veuille  exprimer 
ie  nombre  230  par  l'arithmétique  binaire,  je  cherche 
d'abord  la  plus  grande  puiffance  de  2  contenue 
dans  230,  c'eft  128;  &  comme  128  eft  la  8e  puif- 
fance de  2 ,  je  vois  que  le  nombre  230  exprimé 
comme  on  le  délire  aura  8  chiffres.  Je  mets  donc 

1  pour  le  premier  chiffre  à  gauche  : 
j'ôte  128  de  230,  il  me  refte  102;  &  comme  64, 
qui  eft  la  puiffance  de  2  qui  fuit  immédiatement 
128,  fe  trouve  dans  102,  cela  me  fait  voir  que  je 
dois  encore  mettre 

1  à  la  féconde  place  à  gauche  : 
je  retranche  64  de  102,  il  me  refte  38;  or  3 2  qui 
eft  la  puiffance  de  2  après  64,  eft  encore  dans  38  ; 
ainfi  je  mets 

1  à  la  3e  place  à  gauche: 
je  retranche  32  de  38,  il  me  refte  6  ;  or  16  qui  eft 
la  puiffance  après  32 ,  n'eft  point  dans  6  ;  je  mets 
donc 

o  à  la  4e  place  : 
je  retranche  S  de  6  ;  ôc  comme  il  n'y  eft  pas  3  je 
mets  encore 

o  à  la  5   place  : 
je  retranche  4  de  6  ,  ce  qui  me  donne 

1  à  la  6e place: 
enfin  il  me  refte  2,  qui  s'exprimera  par 

1  à  la  7e  place  ; 
&  comme  il  ne  refte  rien ,  on  aura 

o  à  la  8e  place  : 
donc  230  fera  exprimé  par 

iii  00 1 1 o 

Il  eft  vifible  qu'à  l'imitation  de  cette  arithmétique 
on  peut  en  imaginer  une  infinité  d'autres,  ou  les 
nombres  feront  exprimés  par  plus  ou  moins  de  chif- 
fres.  Fbyei  ARITHMÉTIQUE  &  ECHELLES  ARITH- 
MÉTIQUES. 

Soit  en  général ,  n  le  nombre  de  caractères  d'une 
arithmétique  quelconque  ,  enforte  que  o ,    1,2, 

3  ,     n—\  foient  ces  caractères;  &  foit 

propofé  de  trouver  la  valeur  d'un  nombre  quelcon- 
que par  exemple  b  c  d  e  f,  exprimé  avec  les  ca- 
ractères de  cette  arithmétique ,  on  aura  b  c  d  e  /■=. 
bxn4  +  cxn  3  +  dxn  * -f-  exn+f,  &  ainfi  des 
autres. 

Si  oh  veut  exprimer  un  nombre  quelconque  A 
par  cette  même  arithmétique ,  foit  nP  la  plus  gran- 
de puiffance  de  n  contenue  dans  A,  foit  divifé  A 
par  nP;  foit  a  le  quotient  &  le  refte  r,  foit  enfuite 
divifé  r  par  n  P—  l ,  b  le  quotient  &  le  refte  s  ;  foit 
enfuite  divifé  s  par  n  P—z  ,  le  quotient  c  ,  &  le  refte 
q ;  &  ainfi  de  fuite,  jufqu'a  ce  qu'on  arrive  a  un 
refte  K ,  qui  foit  ou  o  ou  moindre  que  n ,  on  au- 
ra  A  =  a  b  c  .  .  .  .   K ,  &  le  nombre  des  chiffres 


B  I  N 

fera  p-\-  I.  &c.  Voye^  Mem.  acad.  IJ41  ,  une  mé- 
thode de  M.  de  Buffon  pour  faire  ce  calcul  par  les 
logarithmes.  (O  ) 

BINARD  ,  f.  m.  (  Maçonnent  )  charriot  fort  à 
quatre  roues  ,  où  les  chevaux  font  attelés  deux  à 
deux,  &  qui  fert  à  porter  de  gros  blocs  de  pierre. 

*  BINAROS ,  (  Géog.  )  petite  ville  du  royaume 
de  Valence  en  Efpagne  ,  fur  les  frontières  de  Cata- 
logne. Long.  iy.  55.  lat.  40.  24. 

B  IN  AS  C  O ,  (  Géog.  )  petite  ville  du  Duché  de 
Milan ,  entre  Pavie  &  Milan. 

BINCHE ,  (  Géog.  )  ville  ancienne  du  Hainaut , 
fur  la  rivière  de  Haine ,  à  trois  lieues  de  Mons.  Long. 
21.  50.  lat.  5o.  23. 

BINDHAVEN ,  (  Géog.  )  ville  d'Angleterre ,  dans 
le  comté  de  Carlingford. 

BINDON,  (  Géog.)  ville  d'Angleterre,  dans  la 
province  de  Dorfet. 

BINETTE,  (Jardin.)  Voyt^  Serfouette.  (K) 

*  BINGASI ,  (  Géog.  )  ville  maritime  d'Afrique  , 
au  royaume  de  Tripoli.  Long.  Jj.  40.  lat.  32.  20. 

BINGEN  ,  (  Géog.  )  ville  d'Allemagne ,  dans  l'é- 
leftorat  de  Mayence ,  fur  le  bord  du  Rhin.  Long.  25. 
18.  lat.  50.  .3. 

BINGLEY ,  (  Géog,  )  ville  d'Angleterre ,  dans  la 
province  d'Yorck. 

BINNENLANDSE  PASS.  (Commerce)  c'eft  ainfi 
qu'on  nomme  à  Amfterdam  &  dans  les  autres  villes 
de  la  domination  des  états  généraux  des  Provinces- 
Unies  ,  des  paffeports  fans  lefquels  on  ne  peut  tranf- 
porter  une  marchandise  d'une  ville  dans  une  autre  , 
qu'elle  ne  paye  l'entrée  &  la  fortie.  Ce  papier  coûte 
vingt  fols.  Il  faut  le  rapporter  au  bout  de  fix  femai- 
nes  acquitté ,  par  des  commis  qui  atteftent  que  les 
marchandifes  font  arrivées  au  lieu  de  leur  destina- 
tion. 

BINOCLE  ,  ou  TÉLESCOPE  BINOCULAIRE  , 
c'eft  un  télefcope  par  lequel  on  peut  voir  les  objets 
avec  les  deux  yeux  en  même  tems.  Voye^  Téles- 
cope. Il  eft  compofé  de  deux  tuyaux, qui  contien- 
nent chacun  des  verres  de  même  force.  On  a  crû 
qu'il  repréfentoit  les  objets  plus  clairs  &  plus  grands 
que  le  télefcope  monoculaire  ,  &  cette  raifon  a  enga- 
gé plufieurs  auteurs  à  en  traiter  affez  au  long ,  entr 'au- 
tres le  P.  Antoine-Marie  de  Réita  ,  Capucin  ,  dans  fon 
Oculus  Enoch  &  Eliœ  ;  &  après  lui  le  P.  Chérubin 
d'Orléans  ,  auffi  Capucin ,  dans  le  tome  onzième  de  fa 
Dioptrique  oculaire ,  qui  a  pour  titre ,  de  la  Vijlon  par- 
faite :  mais  on  a  reconnu  que  ces  fortes  de  télefcopes 
étoient  plus  embarraffans  qu'utiles  ;  auffi  la  plupart 
des  meilleurs  auteurs  qui  ont  traité  de  la  Dioptrique , 
n'en  ont  fait  aucune  mention. 

On  fait  auffi  desmicrofcopes  binocles  :  mais  comme 
ils  ont  les  mêmes  inconvéniens  que  les  télefcopes  de 
cette  efpece  ;  ils  font  fort  rares  &  très  peu  en  ufage. 
(O-T) 

BINOCULAIRE.  Voye{  Binocle. 

BINOME,  f.  m.  (  Algèbre  )  c'eft  une  quantité 
compoiée  de  deux  parties  ,  ou  de  deux  termes  liés 
par  les  fignes  -J-  ou  *-.  Voye^  Monôme.  Ainfi  a  +  e 
&C  5  —  3  font  des  binômes. 

Si  une  quantité  algébrique  a  trois  parties,  comme 
a-\-b-\-  c,  on  l'appelle  trinôme.  Si  elle  en  a  davan- 
tage, on  la  nomme  quadrinome  ,  &c.  &  en  général 
multinome.  Voye^  TRINOME. 

M.  Newton  a  donné  une  méthode  pour  élever  en 
général  un  binôme  a  -\-  b ,  à  une  puiffance  quelcon- 
que m  ,  dont  Fexpofant  foit  un  nombre  entier  ou 
rompu ,  poiitif  ou  négatif. 

Voici  en  quoi  cette  formule  coniifte , 

(a  A-b)m-am+ma  b  +  — "—  a m~* b*   + 


B  I  N 


B  T  O 


La  feule  infpection  des  termes  en  fait  voir  la  loi 
mieux  qu'un  long  difcours. 

Il  eft  vilible  que  lorfque  m  eft  un  nombre  entier, 
cette  fuite  le  réduit  à  un  nombre  fini  de  termes  ;  car 
foit  par  exemple  m  =  z  ;  donc  m  —  z  =  o  ,  donc 
tous  les  termes  qui  fuivront  les  trois  premiers  fe- 
ront s=  o ,  puifqu'ils  feront  multipliés  chacun  par 
m  —  2. 

M.  le  Marquis  de  l'Hôpital ,  dans  fon  Traité  des 
Scellons  coniques,  liv  X.  a  démontré  cette  formule 
pour  le  cas  où  m  eft  un  nombre  entier.  M.  l'Abbé 
de  Molieres  l'a  démontré  aufïi  dans  les  Èlémcns  de 
Mathématiques.  Enfin  l'on  en  trouve  encore  une  dé» 
monftration  par  les  combinaifons  dans  les  Elémcns 
d'Algèbre  de  M.  Ciairaut. 

Lorfquc  m  eft  un  nombre  négatif  ou  une  fraction, 
la  fuite  eft.  infinie ,  &  pour  lors  elle  ne  repréfentè 
la  valeur  de  (ti-\-b)m  que  dans  le  cas  où  elle  eft 
convergente  ,  c'eft-à-dire,  où  chaque  terme  eft  plus 
grand  que  le  fuivant.  foye^  SÉRIE  ou  Suite  ;  voye^ 
aujjî  Convergent,  Divergent,  &c. 

Soit ,  par  exemple  ,  un  quarré  imparfait  a  a  -\-  b, 
dont  il  faille  extraire  la  racine  quarrée  ;  il  n'y  aura 
qu'à  élever  a  a  -j-  b  à  la  puiffance  \  ;  car  tirer  la 
racine  quarrée,  ou  élever  à  la  puiffance^,  c'eft  la 
même  chofe.  Voye^  Exposant.  Ainfi  on  aura 


259 


bz  X  aaT~ 


+i x£-i 


=t  a  A £—r,   &c.  formule  ou  fuite  infinie  qui 

approchera  de  plus  en  plus  de  la  racine  cherchée. 

De  même  fi  on  veut  extraire  la  racine  cube  de 
aï-\-b,  il  faudra  élever  cette  quantité  à  l'expo- 
fant  y  ;  &  on  trouvera 


(aï+by  =  a+^-  ** 


&c. 


3  a'-  ,«5» 

&  ainfi  des  autres.  Mais  ces  fériés  infinies  ne  font 
bonnes  qu'autant  qu'elles  lont  convergentes. 

Soit  n  le  rang  qu'occupe  un  terme  quelconque 
dans  la  fuite  du  binôme  a+b  élevé  à  la  puiffance  quel- 
conque m  ,  on  trouvera  que  ce  terme  eft  au  fuivant 

comme  1  eft  à  —  X  ir^L±_  ;  d'où  il  s'enfuit  que 

pour  que  la  férié  foit  convergente  ,  c'eft-à-dire  que 
les  termes  aillent  toujours  en  diminuant,  il  faut  que 
b  x  (/m  — /z-J-i)  foit  toujours  plus  petit  que  na. 

Ainfi  pour  pouvoir  trouver  la  racine  approchée 
de  aa-\-b  par  la  formule  précédente,  il  faut  que 
^  X  (  f  —  /z-f-i),  pris  pofitivement ,  (bit  plus  petit 
que  naa,  n  étant  un  nombre  entier  quelconque. 

De.  même  pour  extraire  par  cette  formule  la  ra- 
cine de  a  >  -f-  b ,  il  faut  que  b  x  (  ±  —  n  -\-  1  )  ,  pris 
pofitivement,  foit  toujours  plus  petit  que  nas.  (O) 

*  BINOT,f.  m.  (Agricult.Jc'eû  ainfi  qu'on  appelle 
dans  quelques  campagnes,  une  forte  de  charrue  fans 
coutre  tk.  fans  oreilles  ,  avec  laquelle  on  écorche  la 
terre  ,  ou  on  lui  donne  quelques  demi-labours  pour 
J.i  retourner  &  la  difpofer  aux  labours  pleins.  Voye^ 
Agriculture. 

*  BINOTIS  ,  f.  m.  (  Agruult.  )  demi-labours,  ou 
première  façon  légère  que  l'on  donne  aux  terres  à 
grains ,  pour  les  difpofer  aux  labours  pleins.  Ces 
demi-labours  fe  donnent  avec  le  binot>à,oii  ils  ont 
été  appelles  binotis.  Voye^  Labour  ,  Agricultu- 
re, 6-  Binot. 

*  BINSDORFF  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  la  balle 
Stiric  ,  clans  la  feigneuriede  Hohenberg. 

*  BIRITAMBARU  ,  (  Hijl.  nat.  bot.  )  efp« 
convolvulus  qui  croît  dans  le  Malabar  ,  l'île  de  (  ey- 
lan  j  &  d'autres  contrées  des  des  Orientales.  La  phrafe 

Tome  II. 


botanique  eft  toute  la  defeription  qu'on  nous  en  don- 
ne ;  voici  cette  phrafe  :  convolvulus  maritimus  ^eyla- 
nicus  ,  folio  crajjo  ,  cordi for/ni,  pes  caprx  Lujhanis.  On 
dit  qu'une  dragme  de  réfine  de  fa  racine  donnee  dans 
un jaune  d'eeut,  ou  dans  quelqu'émulfion  appropriée, 
évacue  les  eaux  dans  l'hydropifie  ;  effet  que  l'extrait 
de  fa  racine  préparé  avec  l'efprit- de-vin  produit  auf- 
fi.  Malgré  cette  vertu  cathartique  de  la  racine ,  on 
affûte  que  les  lapins  ,  les  dains  &  les  boucs  ,  tant  pri- 
vés que  fauvages,  mangent  les  feuilles.  Ray.  Hijh 
plant. 

BINTAN ,  (  Géog.  )  île  d'Afie  dans  les  Indes  orien- 
tales ,  au  fud  de  la  prefqu'île  de  Malaca.  Long.  izr. 
20.  Lit.  1. 

Bintan  ou  ViNTANE,  contrée  de  l'île  de  Cey- 
lan  ,  fur  la  rivière  de  Trinquilimal  ,  remplie  de  fo- 
rêts ,  &  habitée  par  des  fauvages. 

BINTENGAPORT  ,  (  Géog.  )  petite  ville ,  avec 
un  port  dans  l'île  d'Yla  en  Écoffe. 

BIOGRAPHE  ,  f.  m.  (  Littéral.  )  terme  formé  du 
Grec  Qioç  vie ,  &  de  «  pàtpa ,  j'écris.  Il  eft  confacré  dans 
la  Littérature  pour  exprimer  un  auteur  qui  a  écrit  la 
vie  particulière  d'un  ou  de  plufieurs  perlbnnages  cé- 
lèbres :  tels  font  parmi  les  anciens ,  Plutarque  &  Cor- 
nélius Népos ,  qui  ont  écrit  les  vies  des  hommes  il- 
luftres  ,  Grecs  &  Romains  ;  &  parmi  les  modernes 
Léti ,  qui  nous  a  donné  les  vies  d'Élifabeth  ,  de  Char- 
les V.  de  Sixte  V.  de  Cromvel;  M.  Fiechier ,  M. 
Marfollier,  M.  de  Voltaire,  M.  l'abbé  de  la  Blette- 
rie ,  &c. 

*  BIOPHIO,  ou  BIOBIO,  (  Géog.)  rivière  du 
Chili ,  dans  l'Amérique  méridionale ,  quife  jette  dans 
la  mer  du  Sud. 

BIORNEBORG ,  (  Géog.  )  ville  de  Suéde  dans  la 
Finlande  ,  fur  la  rivière  de  Ktim  près  de  ion  embou- 
chure ,  dans  le  golfe  de  Bothnie.  Long.  40.  5.  lotit, 
62.  6. 

BIORNO ,  (  Géog.  )  ville  de  la  Finlande  méridio- 
nale avec  port ,  fur  le  golfe  de  Finlande. 

BIORKO ,  (  Géog.  )  île  dans  le  golfe  de  Finlande, 
vis-à-vis  de  l'embouchure  de  la  Niera. 

BIPARTITION,  voy.-.:  BlSSECtiON. 

BIQUADRATIQUE,  adj.  (Algèbre.)  on  donne 
ce  nom  à  la  puiffance  qui  eft  immédiatement  au-def- 
fùs  du  cube ,  c'eft-  à  -dire  au  quarré-quarré  ,  ou  à  la 
quatrième  puiffance  f.  Puissance,  Racine, 
Ouarré-quarré  ,  &c.  (E) 

BI-QUINTILE,  adj.  (  AJlron. ) c'eft  un  afpeade 
deux  planètes  quand  elles  font  à  144  degrés  de  dit— 
tance  l'une  de  l'autre.  Voye?^  Aspect. 

On  appelle  cet  afpeâ  bi-quintile ,  parce  que  les 
planètes  font  alors  éloignées  l'une  de  l'autre  de  deux 
fois  la  cinquième  partie  de  360  degrés ,  c'eft-à-dire 
de  deux  fois  72.  degrés ,  ou  144.  (  O  ) 

*  BIR  ,  (  Géog.  )  ville  de  la  Turquie  Afiatiquc  dans 
le  Diarbeclc,  avec  un  château  fur  l'Euphrate.  Long. 
55.36.  lat.36.  10. 

*  BlRCKENFELD  ,  ville  &  principauté  d'Alle- 
magne dans  le  Hundsruck ,  appartenante  au  prince 
Palatin,  duc  de  Deux-ponts.  Longit.  24.  3$.  latit. 
49-  35. 

*  BIREME ,  f.  f.  (  Hi(!.  &  Mar.  anc.  )  forte  de  na- 
vire à  L'ufage  des  anciens;  appellée  bireme, 
qu'elle  étoit  à  deux  rangs  de  rames.  Les  favans  font 
tort  partages  fur  la  difpofition  de  ces  rangs  de  rames, 
&  furie  nombre  des  rames  de  chaque  rang,  f  oye[  là- 
deffus  l'excellent  ouvrage  de  M.  Deflandes  fur  la  Ma- 
rine des  anciens  ;  &  dans  les  antiquités  expUqt  \ 
lavant  P.  Montfaucon,  vol.  IKpag.  242.  d< 

res  de  bircmes  ,•  où  il  paraît  qu'il  régnoil  quèlqi 
une  baluftrade  fur  les  deux  cures  du  vaiffeau  ,  & 
qu'une  partie  des  rames  du  même  côté  étoit  plus 
élevée  que  l'autre  partie  ;  les  unes  partant  des  vui- 
des  de  la  baluftrade  ,  Içs  autres  d'ouvertures  prati- 

K  k  ij 


i6o 


B  I  R 


quées  fort  au-deflbus.  On  ne  compte  à  l'une  de  ces 
biremes  que  fix  rames  deffus  &C  fix  rames  deffous.  Il 
paroît  démontré  par  quelques  endroits  de  Thucydide, 
eue  la  bircme  n'étoit  pas  encore  inventée  au  tems  de 
la  guerre  de  Troie  ;  &  iélon  Dymafte ,  cité  par  Pline  , 
que  lesErythréens  conftruifirentla  première.  SchefFer 
a  fort  bien  remarqué  que  le  mot  bireme  a  deux  lens 
différens  dans  les  anciens  ,  &  qu'il  fe  prend  ou  pour 
un  petit  efquif  à  deux  rames  ,  ou  pour  un  grand  bâti- 
ment à  deux  rangs  de  rames.  Les  biremes  s'appelloient 
aufli ,  félon  quelques-uns ,  dicrotes. 

*  BIRGI ,  (  Géog.  )  petite  rivière  de  Sicile  qui  fe 
jette  dans  la  mer  près  du  cap  de  Coco. 

BIRGI  -  ACILINO ,  (  Géog.  )  petite  rivière  de  Si- 
cile dans  le  Val-di-Mazara. 

*  BIRK  A  ou  BIRTOXIN ,  (Géog.)  ville  du  royau- 
me de  Suéde ,  capitale  de  la  province  de  Oft-Gothie 
ou  Gothie  orientale. 

BIRMINGHAM ,  (  Géog.  )  ville  d'Angleterre  dans 
la  province  de  "Wannck,  remarquable  par  fon  com- 
merce en  fer.  Long.  16.  lat.  5z.  ji. 

BIROTA  ou  BIROTUM,  (Hift.anc.)  chariot  à 
deux  roues  qu'on  atteloit  de  trois  mulets  ,  &  fur  le- 
quel on  pouvoit  charger  environ  le  poids  de  deux 
cents  livres.  Conftantin  le  Grand  en  ordonna  l'ulage 
pour  la  commodité  du  public  ,  &  fit  détenfe  d'y  met- 
tre plus  de  deux  quintaux  pelant.  Valentinien  ,  par 
une  autre  ordonnance ,  régla  que  quand  on  voudroit 
fe  fervir  de  cette  voiture  pour  voyager ,  on  ne  pour- 
roit  la  charger  que  de  deux  perfonnes ,  ou  de  trois  au 
plus.  Pancirol.  not.  Imper.  Orient.   (  G  ) 

*  BIRR ,  (  Géog.  )  petite  ville  du  comté  de  Marr 
au  nord  de  l'Ecoffe  ,  fur  la  Dée. 

*  BIRSEN  ou  BIRTZE  ,  (  Géog.  )  ville  de  la  Sa- 
mogitie  dans  le  grand  duché  de  Lithuanie. 

BIRVIESKA  ,  (  Géog.  )  ville  d'Efpagne  dans  la 
vieille  Caftille,  capitale  du  pays  de  Bureva. 

BIS  ,  dans  le  Commerce ,  eftun  terme  ufité  particu- 
lièrement lorfque  par  mégarde  on  a  cotté  dans  un  li- 
vre deux  feuillets  du  même  nombre  :  en  ce  cas  on 
met  bis  à  côté  du  chiffre  qui  marque  le  nombre  de 
l'un  des  deux  feuillets  ,  pour  faire  connoître  qu'il  eft 
employé  doublement  ;  parce  que  bis  en  Latin  fignifie 
deux  fois.  La  même  choie  s'oblerve  à  l'égard  des  nu- 
méros que  l'on  met  fur  les  pièces  d'étoffe  ,  lorique 
l'on  en  a  mis  deux  fois  un  même  ,  pour  n'être  pas 
dans  l'obligation  de  réformer  toute  une  fuite  de  cot- 
tes &  de  numéros.   (  G  ) 

BISACCIA-,  (Géog.  )  petite  ville  d'Italie  dans  le 
rovaume  de  Naples.  Long.  jj.  S.  lat.  41.  3. 

BISACRAMENTAUX,adj.  pris  fubft.  (Hift.  eccl.) 
nom  donné  par  quelques  théologiens  à  ceux  des  héréti- 
ques qui  ne  reconnoiflent  que  deux  facremens,  le  bap- 
tême &  l'euchariftie  ;  tels  que  font  les  Calviniftes.(G) 

BISAGE  ,  f.  m.  (  Teinture.  )  façon  qu'on  donne  à 
une  étoife ,  &  qui  confiite  à  la  faire  paifer  d'une  pre- 
mière couleur  dans  une  autre.  Le  bifage  eft  permis  aux 
Teinturiers  du  petit  teint. 

BISAGOS  ,  (Géog.')  îles  d'Afrique  proche  de  la 
côte  de  Guinée  ,  dont  la  principale  eft  celle  de  For- 
mofa.  Long.  2.  lat.  11. 

BISALTES  ,  f.  m.  pi.  (  Hift.  &  Géog.  anc.  )  peu- 
ples de  Scythie  fans  aucune  demeure  fixe ,  &  vivant 
de  lait  mêlé  avec  du  fang.de  cheval.  Virgile  en  a  fait 
mention  au  ///.  livre  des  Géorgiques. 

BISANTAGAN ,  (Géog.)  ville  d'Afie  dans  l'Indof- 
tan ,  au  royaume  de  Cambaye. 

BISBAL ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  la  Catalogne  en 
Efpagne. 

*  BISCACHO,  f.  m.  (Hift.  nat.  )  animal  du  Pé- 
rou ,  qui  a  la  queue  de  l'écureuil  &  la  chair  du  lapin , 
&  dont  il  faut  attendre  du  tems  &  des  obfervateurs 
une  meilleure  defeription. 

BISCARA ,  (  Géog.  )  ville  d'Afrique  au  royaume 


B  I  S 

d'Alger,  dans  la  province  de  Labez.  Long.  zj.  10* 
lat.  J5.  10. 

BISCAYE  ,  (  Géog.  )  province  d'Efpagne  ,  qui  a 
au  nord  la  mer  de  Bifcaye ,  à  l'occident  les  A.fturies  , 
au  midi  la  Caftille  vieille  ,  &  à  l'orient  le  territoire 
d' Avala  :  elle  eft  riche  en  mines  de  fer ,  &  contient 
21  villes  enfermées  de  murailles.  On  prétend  que  le 
langage  qu'on  y  parle  eft  l'ancienne  langue  Celtique, 
qui  eft  commune  aux  Bifcayens  avec  les  Bas -Bre- 
tons ,  &  ceux  qui  habitent  la  province  de  Galles  en 
Angleterre.  Bilbao  en  eft  la  capitale. 

Biscaye  ,  (  la  nouvelle)  Géog.  province  du  Me- 
xique dans  l'Amérique  feptentrionaîe,  dans  l'audien- 
ce de  Guadalaxara,  aux  Efpagnols. 

Biscaye,  (  merde  )  Géog.  c'eft  une  partie  de 
l'Océan  qui  environne  ia  partie  feptentrionaîe  de 
l' Efpagne. 

BISCHBURG ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  la  Pruffe 
Ducale  ou  Polonoife. 

BISCHMARCK,  (  Géog.)  petite  ville  de  la  Po- 
méranie ,  près  de  Stargard. 

BISCHOFFS-HEIM  ,  (  Géog.  )  ville  d'Allemagne 
dans  le  cercle  du  bas  Rhin  ,  dans  l'éledorat  de 
Mayence.  Long.  zy.  y.  lat.  ^o.  40.  Il  y  a  deux 
autres  villes  de  ce  nom ,  l'une  en  Franconie  ,  l'autre 
en  Souabe. 

BISCHOFFS-LACK  ,  (  Géog.  )  ville  de  la  haute 
Carinthie ,  entre  les  rivières  de  Pollent  év  de  Zaher. 

BISCHOFFS-TEIN  ,  (  Géog.  )  petite  ville  &  châ- 
teau de  la  Prufte. 

BISCHQFFS-WERDA ,  (Géog.)  petite  ville  d'Al- 
lemagne dans  le  cercle  de  ia  haute  -Saxe  en  Miihie , 
à  une  lieue  de  Drelde. 

BISCHOFFS-ZELL ,  (  Géog.)  ville  de  Suiffe  dans 
le  Turgaw.  Long.  z6.  ij.  lat.  j.y.  JJ. 

BISCHWEILER ,  (  Géog.  )  ville  &  château  de  la 
baffe-Alface ,  proche  de  Strasbourg. 

*  BISCITE ,  (Hift.  mod.  )  c'eft  un  lieu  couvert  à 
Conftantinople  où  font  une  infinité  de  boutiques  , 
remplies  de  toutes  fortes  de  marchandilés ,  &  furtout 
d'équipages  pour  les  chevaux. 

*  BISCOTINS,  f.  m.  (Pdtijferie.)  forte  de  pâthTerie 
friande  qui  fe  fait  de  la  manière  fuivante.  Prenez  du 
lucre  félon  la  quantité  de  bifeotins  que  vous  voudrez 
faire  ,  faites  le  cuire  à  la  plume;  prenez  une  demi-li- 
vre de  farine ,  pouffez-la  dans  le  lucre  ;  remuez ,  fai- 
tes une  pâte  ;  parfemez  une  table  du  lucre  en  poudre  ; 
étendez  deffus  votre  pâte ,  pétrifiez  -  la  ;  quand  elle 
fera  dure,  pilez-la  dans  un  mortier  avec  un  blanc 
d'eeuf ,  de  la  fleur  d'orange ,  un  peu  d'ambre  ;  incor- 
porez bien  le  tout  ;  divilez  votre  maffe  en  petites  bou- 
les ;  jettez  ces  boules  dans  de  l'eau  bouillante  ;  enle- 
vez-les avecl.'éeumoire  quand  elles  nageront  à  la  fur- 
face  ;  laiffez-les  égouter  :  pofez-les  enfuite  fur  du  pa- 
pier ,  &  les  faites  cuire  à  four  ouvert.  Cela  fait ,  vous 
aurez  ce  qu'on  appelle  des  bifeotins. 

BISCUIT  ,  f.  m.  (  terme  d'ouvriers  de  bâtiment.  )  ce 
font  des  cailloux  qui  fe  trouvent  dans  les  pierres  à 
chaux,  &  qui  reftent  dans  le  baffm  après  que  la  chaux 
eft  détrempée.  (P) 

Biscuit  ,  (Marine.)  c'eft  du  pain  qu'on  cuit  deux 
fois  pour  les  petits  voyages ,  &  quatre  fois  pour  les 
voyages  de  long  cours ,  afin  qu'il  fe  conferve  mieux. 
On  le  fait  un  mois  avant  l'embarquement  ;  &  furies 
vaiffeaux  du  roi ,  il  eft  de  farine  de  froment  épurée 
de  fon ,  &  de  pâte  bien  levée.  Le  bifeuit  écralé  &  en 
miettes  s'appelle  machemoure.  Voy.  Machemoure. 
Pour  conferver  le  bifeuit ,  il  faut  de  tems  en  tems  le 
faire  lécher  &  lui  faire  prendre  l'air. 

Faire  du  bifeuit  ,  aller  faire  du  bifeuit  ;  c'eft  en  ter- 
mes de  Marine,  en  aller  faire  provifion  lorlqu'on  craint 
d'en  manquer.  (Z) 

*  Ce  bifeuitie  pétrit  de  la  manière  fuivante.  Onprend 
du  froment  de  trois  ou  quatre  mois ,  on  le  fait  mou- 


B  I  S 

dre;  on  n'employé  la  farine  que  quinze  jours  après 
qu'elle  eft  venue  du  moulin.  Quand  on  veut  l'em- 
ployer ,  le  boulanger  fépare  de  la  malle  environ  vingt 
livres  de  levain  :  le  levain  eft  un  morceau  de  pâte  pris 
du  levain  de  la  dernière  fournée  faite  entre  onze  heu- 
res &  midi.  A  quatre  heures  il  met  ce  levain  dans  le 
pétrin  ;  il  verfe  deffus  environ  dix  pots  d'eau  plus  que 
tiède ,  fur-tout  en  hy  ver  ;  il  délaye  le  tout  en  y  ajou- 
tant une  quantité  de  farine  fuffilante ,  pour  en  obte- 
nir une  pâte  qui  ne  foit  ni  dure  ni  molle  ;  il  ramaile 
cette  pâte  dans  un  coin  du  pétrin ,  6c  l'environne  de 
farine  pour  l'empêcher  de  s'affaiffer  ;  il  la  lailfe  lever 
dans  cet  état  pendant  cinq  ou  lix  heures  ,  puis  il  re- 
commence à  ajouter  de  l'eau ,  de  la  farine ,  &  à  dé- 
layer derechef.  A  une  heure  après  minuit ,  il  ajoute 
une  troifieme  fois  de  l'eau  &  de  la  farine  ,  à  la  con- 
currence de  trente  livres  :  toutes  ces  préparations 
donnent  une  maile  de  cent  vingt  livres,  il  divile  cette 
malle  en  deux  parts  :  l'une  fervira  pour  le  levain  à  la 
féconde  fournée  :  l'autre  fervira  pour  faire  le  bijeuit 
de  la  première.  A  chaque  fournée  il  augmente  tou- 
jours la  malle  de  levain  de  ioixante  livres ,  excepté 
à  la  dernière ,  où  la  part  de  pâte  deftinée  pour  tane 
le  bifeuït ,  eft  de  cent  livres  ;  &  l'autre  deftinée  au  le- 
vain, n'eft  que  de  vingt.  Il  faut  un  huitième  plus  de 
levain  en  hyver  qu'en  été.  Le  boulanger  prend  la 
maffe  de  pâte  deftinée  pour  le  bijcuit  ;  il  y  verle  de 
l'eau  chaude ,  la  délaye  ,  la  met  en  eau  blanche  6c 
épaiffe ,  y  pouffe  de  la  farine  à  deux  ou  trois  repri- 
fes,  remue  ,  pétrit ,  agite  en  tout  fens,  trappe  à  coups 
de  plat  de  main  ,  manie,  remanie  ,  ramaile  toute  la 
pâte  en  un  tas  ,  la  divile  en  quatre,  continue  de  la 
travailler  ,  raffemble  ces  quutie  parties  en  un  feul 
tas  ,  travaille  ;  divile  encoie  en  quatre  parties  ,  qu  il 
rejoint  derechef  en  un  tas;  travaille,  tue  la  pâte  du 
pétrin  ,  6c  la  jette  fur  une  table  ,  où  un  autre  boulan- 
ger la  tourne ,  &  manie  ju  qu  à  ce  qu'elle  foit  ferme 
&  bien  reffuyée.  Alors  on  la  met  en  galette.  On  don- 
ne à  1.1  galette  quatorze  onces  de  pâte  ,  qui  le  rédui- 
fent  pai  la  cuiffon  à  huit  ou  neuf  onces.  On  divile 
toute  la  pâte  en  petites  malles  de  quatorze  onces  , 
propres  i  faire  au!  i  le  galettes  ;  on  tourne  &  re- 
tourne ces  pel  tes  m  (Tes  i  mefure  qu'on  les  fépare , 
pour  achever  de  les  affermir  ;  on  applatii  enluite 
avec  un  billot ,  dont  le  milieu  elt  un  peu  plus  gros 
que  les  bouts  ,  ce  qui  rend  les  galettes  un  peu  con- 
caves ,  &  ne  leui  laiffe  que  quatre  à  cinq  lignes  de- 
paiffeur  par  les  bords.  On  les  marque  en  croix  avec 
un  infiniment  qu'on  appelle  croijoire  ou  peigne  ;  on 
les  retourne  ;  on  les  couche  à  côté  les  unes  des  au- 
tres ;  on  ies  laiffe  repolèr  une  demi-heure  ;  6c  lorf- 
que  le  four  elt  chaud  ,  on  les  pique  de  cinq  à  fix 
coups  d'un  infiniment  de  ici  à  >intes  ,  qu'on 

appelle  piquet  ;  6c  on  les  enfourne  quand  on  s'elt  ap- 
perçû  qu'elles  ont  affez  levé .  C'eft  L'habitue  e  de  tra- 
vailler qui  apprendra  quand  le  four  eft  allez  ch.iiid  , 
&  que  les  galettes  auront  affez  levé. 

Le  four  eit  conitruit  de  brique  ;  fa  forme  n'eft  pas 
différentedes  autres  fours  à  boulanger.  M  ,i  deux  pies 
&  demi  de  haut,  depuis  la  clé  de  la  ^  ùte  jufqu'à  la 
foie  ;  fa  bouche ,  deux  pies  de  haut  lur  deux  de  bâte  ; 
la  foie  ,  neuf  pies  de  large  fur  neuf  &  demi  de  pro- 
fondeur; l'hofiil ,  trois  pies  de  hauteur  ,  le  feu  ,  deux 
pies  de  diftance  depuis  la  hauteur  de  la  bouche  du 
four  jufqu'au  manteau  de  la  cheminée  ;  le  manteau  , 
huit  pouces  au-deffus  de  la  bouche. 

Après  avoir  tiré  les  brades  èv'  écouvillonné  ,  le 
boulanger  enfourne  les  galettes  à  cote  les  unes  des 
autres  ;  ferme  le  four  ,  c\:  jette  quelques  pelletées  de 
braiie  contre  la  porte.  Au  bout  d'un  quart-d'heure  il 
examine  ii  fon  bifeuit  a  pris  couleur:  s'il  le  trouve 
affez  jaune ,  il  laiffe  le  four  ouvert  pendant  un  quart- 
d'heure  ;  il  écarte  les  brailes  qui  etoient  contre  la 
porte ,  puis  il  la  referme  :  au  bout  d'un  quart-U'heurc 


B  I  S 


261 


ou  environ,  il  tire  quelques  galettes  des  premières 
enfournées  ,  &  les  rompt  ;  fi  elles  font  cuites ,  elles 
feront  rouilâtres  en-dedans  par  les  bords;  &  le  peu 
de  mie  contenu  entre  les  croûtes ,  fera  fpongieux  & 
Iec  :  on  preffe  cette  mie  ;  fi  on  la  trouve  réfutante  6c 
feehe  ,  la  galette  eft  cuite. 

Lorique  la  galette  eft  cuite,  on  la  porte  à  la  foute 
qu'on  a  bien  nettoyée  ,  6c  qu'on  a  fait  chauffer  pen- 
dant quatre  jours  :  les  foutes  font  des  lieux  pratiqués 
fur  les  fours ,  boiiés  haut  &  bas  ;  &  bien  calfatés. 
On  l'y  laiffe  un  mois  'pour  le  reffuyer,&  autant  pour 
le  raffeoir.  On  le  contente  en  Provence  ,  au  lieu  de 
l'enfermer  dans  une  foute ,  de  l'étaler  à  l'air  dans  un 
grenier ,  dont  on  obf'crve  de  fermer  les  fenêtres  dans 
les  tems  humides.  Il  ne  faut  par  four  qu'un  gindre  ou 
maître  de  pelle ,  6c  deux  pétriffeurs ,  qui  font  chacun 
leurs  trois  tournées  par  jour. 

Le  bijcuit  lé  traniporte  dans  les  vaiffeaux  par  un 
tems  fec  ;  on  l 'enferme  auffi  dans  des  foutes  doublées, 
calfatées ,  natées  &  échauffées  pendant  fix  jours  6c 
fix  nuits  :  on  les  laiffe  enfuite  repofer  pendant  trois 
ou  quatre  jours,  après  quoi  on  les  remplit. 

*  Biscuit,  f.  m.  (  Pdtiffier.  )  forte  de  pâtifferie 
friande  qui  fe  fait  de  la  manière  fuivante.  Prenez  huit 
œufs  ,  caffez-les  dans  un  vaiffeau  plat,  battez-les, 
jettez-y  une  demi-livre  de  fucre  en  poudre ,  autant 
de  farine ,  plutôt  moins  que  plus,  délayez;  faites 
une  pâte  blanche  ,  bien  battue ,  &  fans  aucun  pâton , 
arroiez  cette  pâte  d'un  peu  d'eau  de  fleur  d'orange 
en  la  battant;  ayez  des  moules  en  lofanges  ,  ou  quar- 
rés  longs  de  fer  blanc  ,  enduifez-les  de  beurre  légè- 
rement ,  verfez  votre  pâte  dans  ces  moules ,  iaupou- 
drez-la  de  fucre ,  mettez  au  four ,  faites  cuire  à  four 
ouvert  ;  aptes  la  cuiffon  ,  glacez  avec  du  fucre  en 
poudre  ,  6c  laiffez  refroidir. 

*  B I  s  CUIT,  (terme  commun  aux  Faycnciers  ,  aux  Po- 
tiers de  terre  ,  &  ouvriers  en  Porcelaine  ;  )  c'eft  le  nom 
qu'ils  donnent  à  la  pâte  qu'ils  employent  à  faire  leurs 
vaiffeaux,  &  fur  laquelle  ils  appliquent  enluite  la 
couverte,  ^oyei  Couverte  ,  cv  Poterie  de  ter- 
re ,  Fayence  ,  &  Porcelaine. 

BISE  ,  f.  f .  (  Marine.  )  vent  de  nord-eft  ;  c'eft  un 
vent  iec  &  fro:d  qui  fouffle  dans  l'hyver,  entre  l'eft 
6c  le  leptentrion.  (  Z) 

Bise  ,  ou  Bize  ,  f.  f.  (  Commerce.  )  eft  un  poids  qui 
fert  dans  le  royaume  de  Pégu  à  peler  les  marchandi- 
fes  :  il  revient  à  deux  livres  cinq  onces ,  poids  de 
Venife  ,  ou  trois  livres  neuf  onces  du  poids  léger 
de  la  même  ville.  Chaque  ii/êpefecent  tecalis.  Voye-r^ 
Tecali.  Au-deffous  de  la  bi/'e  le  plus  petit  poids  eft 
l'aboccho ,  qui  ne  pefc  que  douze  tecalis  &  demi  ;  l'a- 
gito  pefe  deux  abocchi ,  &  deux  agiti  la  demx-bi/i  , 
c'efl  à-dire  cinquante  tecalis.  (  G) 

BISE  ,  adj.  (  Teinture.  )  on  dit  d'une  étoffe  qui  a 
repaffé  une  leconde  fois  à  la  teinture  ,  qu'elle  eft 
bijee. 

*  BISEAU  ,  f.  m.  chez  prefque  tous  les  ouvriers  en. 
fer  &  en  acier,  fe  dit  d'un  petit  talud  que  l'on  pratique 
foit  à  la  lime,  l'oit  à  la  meule,  l'oit  à  la  poliffoire  ; 
mais  plus  ordinairement  à  la  meule,  tout  le  long  du 
tranchant  d'un  infiniment  qui  doit  couper.  On  die 
lever  un  bifeau  ;  &  cette  opération  précède  prefque] 

1rs  la  formation  du  tranchant  ;  il  y  a  même  des 
inftrumens  où  le  tranchant  relie  en  bifeau  plus  ou 
moins  court  ,lelon  que  la  matière  qu'ils  oru  à  couper 
elt  plus  ou  moins  dure  ;  telles  (ont  les  forces  ,  les  ci- 
failles,  &c.  On  ne  le  laiffe  pas  aux  petits  ciieaux,  ou 
du  moins  il  y  eft  prefqu 'infenlible. 

BlSE  AU  ,  (  en  terme  Je  Diamantaire.  )  l'ont  les  prin- 
cipales faces  qui  environnent  la  table  d'un  brillant  ; 
ces  bifeaux  font  encore  recoupes  par  en  bas  en  plu- 
lieurs  petites  facettes  qu'on  appelle  indifféremment 
cijeaux  recoupes }  oujàcêttcs  recoupées. 


ï6ï 


B  ï  S 


BlSEÀU,  {Jardinage  & Architecture.)Voye^Cvi.XU- 

FRAIN. 

BlSEAU,  (uflencik  d'Imprimerie.')  c'eft  un  mor- 
ceau de  bois  long  ,  large  de  douze  à  quinze  lignes 
dans  fa  partie  la  plus  large  ,  fur  fept  à  huit  lignes  d'é- 
paifTeur ,  très-uni  d'un  côté  &  de  l'autre  ,  qui  va  en 
diminuant  depuis  fa  tête  jufqu'à  fon  extrémité.  Il  y 
en  a  de  taillés  pour  la  couche  droite ,  &  d'autres 
pour  la  couche  gauche  ;  ainfi  ils  ne  peuvent  être 
changés  de  côté  ;  ils  font  plus  ou  moins  longs  ,  lui- 
vant  la  grandeur  de  l'ouvrage.  Le  côté  uni  du  bifeau 
foûtient  une  des  extrémités  des  lignes  ,  &  l'autre 
côté  donne  la  facilité  de  ferrer  la  forme  avec  les 
coins.  Foye^  Planche  XLfig.  5.  lettre  K  Lfig.  6.  let- 
tre L  ,  M ,fig.  y.  lettre  M,  N. 

Biseaux  ,  {dans  l'orgue.  )  c'eft  le  diaphragme  qui 
eft  placé  entre  le  corps  du  tuyau  &  fon  pié.  Voye^ 
les  articles  BOURDON  de  1 6 pies,  ou  8 pies  bouché ,  & 
Montre  de  16 pies ,  où  les  deux  fortes  de  bifeaux 
font  décrits. 

Biseau  ,  outil  dont  les  Tourneurs  fe  fervent  :  il  eft 
d'acier  ;  le  tranchant  en  eft  formé  par  un  plan  incliné 
en  angle  aigu  à  la  longueur  de  l'outil,  &  dont  l'arrê- 
te eft  aufli  oblique  à  cette  même  longueur  :  il  y  en 
a  de  droits ,  de  gauches ,  de  ronds ,  de  revers.  Voyt%- 
th  les  figures  Planche  I.  du  Tour.  Tous  ces  outils  font 
emmanchés  dans  des  manches  de  bois  garnis  de  vi- 
roles. 

BISEGLIA ,  (  Géog.  )  ville  d'Italie ,  au  royaume 
de  Naples ,  dans  la  terre  de  Bari ,  près  le  golfe  de  Ve- 
nife.  Long.  J4.  ig.  lat.  41.  18. 

*  BISENTINA ,  (  Géog.  )  petite  île  dans  le  lac  de 
Bolfena  ,  dans  l'état  de  l'Eglife. 

B  IS  ER,  v.  n.  (agriculture.  )  c'eft  baiffer  ,  noir- 
cir, dégénérer  d'année  en  année;  les  Laboureurs 
prétendent  que  le  froment  le  meilleur  bift  tk  finit  par 
devenir  meteil  tk  feigle  ,  même  dans  les  terres  les 
plus  fortes  ;  aufli  recommandent-ils  de  les  réveiller 
par  la  nouveauté  du  grain ,  tk  d'en  aller  chercher 
au  loin  pour  cet  effet ,  au  moins  tous  les  trois  ou  qua- 
tre ans.  Mais  le  froment ,  qnoique  plus  fiijêt  à  bi/èr 
que  les  autres  grains ,  ne  bife  pas  leul  ;  la  même  chofe 
arrive  aux  avoines  dans  les  terres  froides ,  où  l'on 
n'obtient  qu'une  avoine  folle  ,  qui  donne  beaucoup 
d'épis  &  de  paille  ,  tk  point  de  grain.  Voye^  l'article 
Avoine. 

BISERTE  ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  ville  maritime 
d'Afrique ,  dans  le  royaume  de  Tunis  ;  c'étoit  autre- 
fois la  même  qu'Utique.  Lon.  28-  10.  lat.  Jy.  20. 

BISET  ,  f.  m.  (  Hifi.  nat.  Ornith.  )  columba  livia  -, 
ôifeau  qui  reflemble  beaucoup  à  notre  pigeon  ;  mais 
il  eft  un  peu  plus  petit ,  les  pies  font  rougeâtres  ,  tk 
le  bec  eft  blanchâtre  ;  il  y  a  un  peu  de  couleur  pour- 
pre auprès  des  narines  ;  les  plumes  iont  par  tout  le 
corps  de  couleur  cendrée ,  à  l'exception  du  bout  de 
la  queue  qui  eft  noirâtre ,  &  des  plumes  du  milieu 
qui  font  un  peu  roufs âtres  ;  le  deflbus  du  cou  tk  les 
cotes  paroiflent  de  couleur  de  pourpre  &  de  couleur 
t'erdâtre  à  différens  afpeâs  ;  le  deffus  du  cou  eft  de 
couleur  cendrée  teinte  de  pourpre  ;  les  quatre  plus 
longues  plumes  de  l'aile  font  noirâtres  &  légèrement 
teintes  de  roux  ;  les  plus  petites  font  cendrées  ;  celles 
du  milieu  font  à  moitié  de  couleur  cendrée  ,  &  l'au- 
tre moitié  qui  eft  celle  du  deffus  eft  noirâtre  ,  &  les 
plumes  qui  font  les  plus  proches  du  corps  font  rouf- 
sâtres.  Cet  oifeau  a  près  de  quatorze  pouces  de  lon- 
gueur depuis  la  Dointe  du  bec  jufqu'à  l'extrémité  de 
la  queue  ;  il  diffère  du  pigeon  ramier,  en  ce  qu'il  eft 
beaucoup  plus  petit ,  ck.  qu'il  n'a  point  comme  celui- 
ci  de  taches  blanches  autour  du  cou  S:  dans  les  ailes. 
■\Villughbi,  Ornith.  Voye^  OlSEAU.  (/) 

BISETTE  ,  f.  f.  (  Commerce.  )efpece  de  dentelle  de 
fil  de  lin  blanc ,  tres-baffe ,  &  de  peu  de  valeur  ;  elle 


B  I  S 

fe  travaille  fur  le  couffin  à  l'épingle,  &  àufuieaUjJ 
comme  les  autres  dentelles. 

BISEURS  ,  f.  m.  (  Teinture.  )  c'eft  ainfi  qu'on  ap- 
pelloit  autrefois  les  maîtres  Teinturiers  du  petit-teint, 
parce  qu'il  n'étoit  permis  qu'à  eux  de  faire  le  bifage 
&  réparage. 

BISHOPS-CASTLE  ,  (  Géog.)  petite  ville  d'An- 
gleterre ,  de  l'évéché  de  Hereford  ,  dans  le  Shrop- 
shire. 

BISIGNANO  ,  (  Géog.  )  ville  d'Italie,  au  royau- 
me de  Naples ,  dans  la  Calabre  ,  avec  titre  de  prin- 
cipauté. Long.  34.  io.  lat.  3ç).  Jy. 

BISMARCK  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Allemagne, 
dans  la  vieille  marche  de  Brandebourg  ,  fur  la  Biefe. 
BISMUTH ,  (Chimie  &  Minéralogie.)  c'eft  un  demi 
métal  ou  métal  imparfait ,  qui  paroît  être  un  affem- 
blage  de  cubes  afiez  grands  ,  formés  par  de  petites 
lames  minces ,  appliquées  les  unes  fur  les  autres  :  fa 
couleur  reflemble  afiez  à  celle  de  Fétain  &  de  l'ar- 
gent; mais  lorfqu'il  a  été  expofé  quelque  tems  à  l'air 
il  devient  bleuâtre  ;  il  a  beaucoup  de  reffemblance 
avec  le  régule  d'antimoine  &  avec  le  zinc  :  le  bifmuth 
eft  très-caffant  ck  facile  à  réduire  en  poudre  ;  il  n'eft 
point  de  demi-métal  fi  aifé  à  fondre  ;  en  effet  il  fuffit 
de  l'approcher  d'une  chandelle  pour  qu'd  fe  mette  à 
couler. 

On  trouve  beaucoup  de  bifmuth  en  Saxe ,  dans  les 
mines  de  Sneeberg  &  de  Freyberg ,  ainfi  que  dans 
prefque  toutes  les  mines  d'où  on  tire  du  cobalt  ;  il 
eft  ordinairement  lié  à  une  pierre  dure  dans  fa  mine, 
qui  eft  pelante,  d'une  fonte  tantôt  dure  tantôt  aifée, 
brillante  comme  de  l'argent ,  &  dont  les  fignes  dif- 
tinctifs  font  d'être  de  couleurs  très-variées ,  comme 
jaune ,  verdâtre ,  rougeâtre ,  tk  de  couleur  de  gorge 
de  pigeon  ;  il  s'en  trouve  de  blanche  ou  de  couleur 
d'argent  lans  aucun  autre  mélange  :  les  Allemands 
l'appellent  mijfpickel,  mais  c'eft  un  minéral  purement 
arfenical.  La  vraie  mine  de  bifmuth  contient ,  i°  beau- 
coup d'arlenic  ;  20  une  partie  iemi-métallique  ou  ré- 
guline  ;  3°une  terre  pierreufe  &  vitrifîable,  qui  don- 
ne une  couleur  bleue  au  verre.  M.  Henckel  n'y  veut 
point  admettre  de  foufre. 

Il  paroît  que  les  anciens  n'ont  eu  aucune  connoif- 
fance  du  bifmuth  ;  Agricola  Fa  confondu  avec  une  ef- 
pece  de  mine  de  plomb  ,  qu'il  nomme  pyrites  plumbi 
cinereus  ;  d'autres  l'ont  appelle  étain  cendré  fiannum 
cinereum  :  on  le  trouve  fouvent  défigné  par  étain  de 
glace.  On  l'a  fouvent  qualifié  de  marcaffite  ,  par  ex- 
cellence ,  &  de  teclum  argenti ,  parce  que  Fon  fioup- 
çonne  affez  ordinairement  une  mine  d'argent  dans 
fon  voifinage.  Quelques  naturaliftes  ont  prétendu 
qu'il  ne  fe  trouvoit  que  dans  les  mines  d'étain:  mais 
cette  opinion  eft  mal  fondée  ,  attendu  qu'il  eft  cer- 
tain qu'il  eft  très-fouvent  pur  &  fans  mélange  d'au- 
cun étain  ou  autre  métal.  Lazare  Ercker  croit  que  le 
bifmuth  n'eft  qu'une  mine  d'argent  qui  n'a  pu  parve- 
nir à  maturité.  Il  paroît  qu'on  ne  lui  a  donné  tant  de 
noms  différens  ,  &  qu'on  n'a  eu  fur  fon  compte  des 
opinions  fi  variées ,  qu'à  caufe  des  rapports  tk  de  la 
reffemblance  qu'il  a  avec  plufieurs  autres  métaux. 

Il  eft  vrai  en  effet  que  le  bifmuth  contient  ordinai- 
rement de  l'argent ,  mais  c'eft  en  fi  petite  quantité  , 
qu'il  eft  plus  avantageux  de  le  travailler  pour  d'au- 
tres ufages. 

Le  bij'muth  a  beaucoup  de  rapport  avec  le  plomb  ; 
fi  on  le  diffout  dans  du  vinaigre  ,  il  l'adoucit  comme 
lui,  &  produit  un  fucre  tout-à-fait  lemblable  à  celui 
de  faturne  :  mais  il  fe  diffout  beaucoup  plus  facile- 
ment que  le  plomb  dans  l'efprit  de  nitre ,  ck  y  produit 
une  effervefeence  confidérable ,  ce  qu'on  ne  remar- 
que pas  dans  le  plomb. 

Le  bifmuth  a  la  propriété  de  fe  mêler  très-facile- 
ment à  tous  les  métaux ,  même  les  plus  durs  ;  c'eft  ce 
qui  lui  amérité  quelquefois  le  nom  d'aimant  des  mi- 


B  I  S 

taux  i  mais  il  les  rend  plus  légers  &  plus  caftans  en 
raifon  de  la  quantité  qu'on  y  en  a  ajoutée.  Si  on  en 
mêle  au  cuivre  dans  la  fonte ,  il  le  blanchit  ;  fi  on  le 
joint  à  l'étain  ,  il  le  rend  plus  fonore  ,  plus  blanc  ,  Si 
lui  donne  une  confiftance  approchante  de  celle  de 
l'argent  :  c'eft  ce  qu'on  peut  remarquer  viliblemcnt 
dans  l'étain  d'Angleterre ,  qui  fe  fait ,  dit-on ,  par  le 
mélange  d'une  certaine  quantité  de  bifmuth ,  de  ré- 
gule d'antimoine  ,  Se  d'étain  ,  Se  même  une  portion 
de  cuivre.  Nonobftant  la  facilité  qu'a  le  bifmuth  de 
fe  mêler  avec  tous  les  métaux ,  une  fingularité  bien 
remarquable ,  c'eft  qu'à  la  fonte,  quelque  choie  qu'on 
fafl'e ,  on  ne  peut  venir  à  bout  de  l'unir  au  zinc  ,  tan- 
dis qu'il  paroît  avoir  tant  d'affinité  &  de  rapport  avec 
ce  demi-métal,  que  quelques  naturaliftes  les  ont  con- 
fondus &  les  ont  pris  l'un  pour  l'autre. 

Le  bifmuth  facilite  considérablement  la  fonte  des 
métaux  ,  qu'il  pénètre  &  qu'il  divife  ;  c'eft  ce  qui  a 
donné  lieu  de  croire  qu'on  pourrait  s'en  fervir  avec 
fuccès  au  lieu  de  plomb  pour  coupeller.  C'eft  cette 
même  qualité  qui  fait  que  lorfqu'il  a  été  fondu  avec 
de  l'argent,  de  l'étain  ou  du  plomb ,  ces  métaux  font 
rendus  par-là  plus  propres  à  s'amalgamer  avec  le  vif- 
argent  ;  &  fi  on  vient  enfuite  à  palier  l'amalgame  au 
chamois,  on  remarque  que  le  vit-argent  entraîne  vifi- 
blement  avec  lui  beaucoup  plus  de  métal  qu'il  n'au- 
roit  fait  fans  cela. 

On  dit  que  les  droguiftes  ,  lorfqu'ils  font  de  mau- 
vaife  foi ,  lavent  tirer  avantage  de  la  connoiffance 
qu'ils  ont  de  cette  dernière  propriété  du  bifmuth ,  dont 
ils  fe  fervent  pour  fallifîer  leur  mercure  &  en  augmen- 
ter le  poids. 

Pour  tirer  le  bifmuth  de  fa  mine ,  il  ne  faut  pas  plus 
de  travail  que  pour  tirer  l'antimoine  de  la  fienne  : 
lorfque  la  mine  eft  riche,  il  fuffit  de  la  cafter  en  mor- 
ceaux ,  de  la  mettre  dans  un  pot  de  terre  ou  de  fer , 
&  d'allumer  un  feu  de  bojs  tout  autour  ;  fi  elle  eft 
pauvre  Se  d'une  fonte  plus  dure ,  il  faut  y  joindre  du 
flux  noir ,  du  fel  commun ,  Se  du  fiel  de  verre ,  Se  la 
traiter  comme  on  fait  l'étain  ou  le  plomb  ,  en  obfer- 
vant  de  donner  un  feu  modéré  ;  car  il  n'en  faut  que 
peu  pour  réduire  en  feories  les  matières  hétérogènes 
qui  y  font  mêlées ,  outre  qu'il  fe  réduit  en  chaux  6c 
le  volatilile  aifément  au  grand  feu. 

Lorlque  le  bifmuth  eft  en  fonte ,  l'arfenic  ,  dont  il 
abonde ,  s'en  féparc  par  fublimation,  &  c'eft  en  quoi 
ce  minéral  reffemblc  beaucoup  au  cobalt,  à  qui  il  eft 
quelquefois  fi  étroitement  uni  dans  la  mine ,  qu'il  eft 
très-difficile  de  les  féparer.  Voye^  Carticle  Cobalt. 
En  effet ,  ils  contiennent  l'un  Se  l'autre  non-feule- 
ment beaucoup  d'arfenic ,  mais  encore  ils  ont  tous 
les  deux  pour  bafe'  une  terre  bleue ,  propre  à  faire  le 
bleu  d'émail  ;  on  la  voit  même  dans  quelques  mines 
de  bifmuth  toute  formée  avant  que  de  les  travailler. 
Cette  terre  bleue  que  le  bifmuth  dépofe  à  la  fonte  , 
Se  que  les  Allemands  appellent  wifmuth  graupen  (fa- 
rine de  bifmuth}  en  fait  la  baie;  c'eft  fuivant  M.  Henc- 
kel ,  une  terre  fixe ,  effentielle  au  bifmuth  Se  au  cobalt, 
à  qui  elle  eft  intimement  unie  ;  cette  terre  eft  non- 
métallique  ,  attendu  que  quelque  peine  qu'on  fe  foit 
donnée ,  on  n'a  jamais  pu  en  tirer  la  moindre  partie  de 
métal.  Encore  une  chofe  qui  eft  commune  à  ces  deux 
minéraux,  c'eft  que  s'ils  demeurent  pendant  quelque 
tems  entaffés  tels  qu'ils  fortent  de  la  mine,  foit  qu'ils 
foient  expolés  à  l'air,  foit  qu'on  les  mette  à  couvert , 
ils  produifent  des  vapeurs  d'une  odeur  arlénicale  tres- 
fenfible  Se  très-dangereufe  ,  ce  fleuriiïent  de  couleur 
de  fleurs  de  pêcher.  Le  même  M.  Henckel  dit  qu'on 
en  peut  faire  des  cryftaux  ou  du  vitriol ,  non-ieule- 
ment  verds,  mais  encore  d'un  beau  rouge  pourpre  ; 
ce  qui  fe  fait  ,  fuivant  M.  Pott,  en  verlant  de  l'eau 
fur  la  mine  du  bifmuth ,  ou  en  la  laiffant  expofée  à  la 
rofée  ou  à  la  pluie.  On  tire  auffi  du  bifmuth  un  ma- 
giftere  ÔC  des  fleurs  qui  font  un  bon  cofmétique.  V. 


B  I  S 


:6j 


l'article  Blanc  DE  Bismuth.  Le  bifmuth  diffous  dans 
l'efprit  de  nitre  Se  précipité  par  l'eau,  donne  une 
poudre  blanche  qu'on  recommande  pour  les  mala- 
dies inflammatoires.  Mais  il  paroît  qu'attendu  l'ar- 
fenic dont  ce  demi-métal  abonde ,  l'ufage  interne  en 
doit  être  regardé  comme  fort  fufpect.  Voye^  l'excel- 
lente Dijfertation  de  M.  Pou  fur  le  bifmuth  ,  ^imprimée 
à  Berlin  en  IJ3Ç).  (— ) 

L'on  peut  auffi,  fuivant  M.  Pott,  faire  du  vitriol 
de  bifmuth  d'une  autre  façon  ;  c'eft  en  prenant  i  {  par- 
tic'  de  bifmuth  en  poudre ,  &  une  partie  d'huile  de  vi- 
triol :  on  les  met  en  diftillation  ;  on  en  tire  tout  le 
flegme  à  feu  modéré  ;  on  calcine  le  réfidu  qu'on  pul- 
vérife  enfuite  ;  on  rêverie  deffus  le  flegme  qui  en  a 
été  diftillé  la  première  fois,  en  y  joignant  autant  ou 
même  plus  d'eau  commune  ;  on  filtre  le  produit  ;  on 
le  fait  évaporer ,  Se  on  laiffe  la  cryftallifation  fe  faire. 
Le  bifmuth  diffous  dans  l'efprit  de  nitre ,  donne  une 
encre  de  fympathie  fort  curieufe ,  qui  eft  de  l'inven- 
tion de  M.  Hellot  de  l'Académie  royale  des  Sciences. 
Voye^t 'article  ENCRE  DE  SYMPATHIE. 

Les  Alchimiftes  font  très-grand  cas  du  bifmuth,  Se 
le  regardent  comme  une  matière  très-digne  de  leurs 
recherches  ;  ils  ont  cru  pouvoir  en  tirer  l'alkaheft  ou 
leur  diffblvant  de  tous  les  métaux,  Se  même  le  remè- 
de univerfel.  On  le  trouve  déligné  dans  les  livres  des 
adeptes,  fous  les  noms  de  mine  brillante  de  faturne  , 
de  dragon  de  montagne,  Aç.  fleur  dis  métaux,  Aeleclrum 
ïmmaturum  ,  &  dejiiturne  philofophique.  (— ) 

BISNAGAR,  {Gèogf)  grandi  ville  d'Afie,  dans  les 
Indes,  capitale  d'un  royaume  de  même  nom,  appellée 
auffi  Carnate.  Longit.  gf>.  Jo.  lat.  ij.  20. 

BISNOW,  (Hifl.  mod.)  nom  d'une  fecle  de  ban- 
jans ,  dans  les  Indes.  Ils  appellent  leur  dieu  ram-ram, 
Se  lui  donnent  une  femme.  Us  parent  leurs  idoles  de 
chaînes  d'or ,  de  colliers  de  perles  ,  Se  de  toutes  for- 
tes de  pierreries.  Ils  chantent  dans  leurs  agoges  ou 
mofquées  des  hymnes  en  l'honneur  de  ces  divinités, 
accompagnant  leurs  chants  de  danfes  ,  du  ion  des 
tambours ,  des  flageolets  ,  des  baffins  de  cuivre  ,  Se 
d'autres  inftrumcns  ,  dont  ils  jouent  pendant  leurs 
prières.  Ce  dieu  n'a  point  de  lieutenant  comme  ce- 
lui de  la  fecle  de  Samarath:  mais  il  fait  tout  par  lui- 
même.    Ces  banjans  ne  vivent  ordinairement  que 
d'herbes  Se  de  légumes  ,  de  beurre  frais ,  &  de  lait. 
Leur  meilleur  mets  eft  Yatfchia ,  qui  eft  compofé  de 
citrons  confits  au  fel  avec  du  gingembre  ,  de  l'ail , 
Se  de  la  graine  de  moutarde.  Ceux  de  cette  fecle  fe 
mêlent  la  plupart  de  marchandife ,  Se  entendent  mer- 
veilleufement  bien  le  commerce.  Leurs  femmes  ne 
fe  brûlent  point  fur  le  bûcher  de  leurs  maris,  comme 
celles  de  la  fecle  de  Samarath  :  mais  elles  demeurent 
toujours  veuves.  Mandefo ,  tom.  II.  d'Olcarius.  (G) 
BISON ,  f.  m.  (Hifl.  nat.  Zoolog.)  bœuf  fauvage  , 
dont  les  anciens  ont  fait  mention  :  on  l'a  comparé  au 
bœuf  ordinaire  pour  la  forme  principale  du  corps  Se 
pour  la  grandeur,  Se  au  cheval  Se  au  lion  pour  la  cri- 
nière. On  a  prétendu  qu'il  eft  indomptable  Se  plus 
prompt  à  la  courfe  que  le  taureau.  Selon  le  rapport 
des  différens  auteurs  qui  ont  parlé  du  bifon,  il  a  les 
cornes  pointues  Se  recourbées  à  l'extrémité  comme 
un  hameçon  ,  la  langue  rude  comme  une  râpe  ,  la 
tête  courte,  les  yeux  grands,  ardens  Si  menacans, 
le  front  large ,  S:  les  cornes  allez  éloignées  l'une  de 
l'autre  pour  que  trois  gros  hommes  puiffent  s'affeoir 
entre  les  deux ,  le  dos  boflû,  le  poil  noirâtre,  Se  non 
rouge  ni  roux  ,  à  ce  que  prétend  Aldrovande. 

On  a  donné  le  nom  de  tifon  aux  taureaux  fauvages 
d'Amérique ,  que  les  habitans  de  la  Floridenomment 
butrons.  Ces  bijbns  ont  les  cornes  longues  d'un  pie ,  le 
dos  boffu  comme  le  chameau  ,  le  poil  long  Se  roûfsâ- 
tre  ,  Se  la  queue  femblable  à  telle  du  lion.  II  paroît 
que  ces  taureaux  d'Amérique  font  de  la  même  efpece 
que  ceux  dont  les  anciens  ont  fait  mention  fous  le 


264 


B  I  S 


nom  de  bifon,  &  qu'ils  ont  dit  être  fréquens  in  tracîu 
faltûs  hercynïi,  &  dans  tout  le  nord.  Les  Amériquains 
fe  vêtiflent  de  la  peau  de  leurs  bœufs,  &  s'en  font  des 
couvertures  pour  fe  défendre  de  la  rigueur  du  froid. 
Voye\_  Aldrov.  de  Quad.  biful.  pag.  J3j.  &fuiv.  Ray, 
Quad.Jynop.  pag.  Jl.  ^oyêjTAUREAU.  (/  ) 

Les  cornes  du  bïfon  font  eftimées  ludorifiques  tk 
propres  pour  réfifter  au  venin ,  fi  on  les  prend  en  pou- 
dre ,  depuis  un  fcrupule  jufqu'à  un  gros  ;  la  fiente  en 
eft  fort  réfolutive.   (A'') 

BlSON ,  en  termes  de  Blafon ,  eft  la  même  chofe  que 
bujle.  Tête  de  bïfon  couronné.  (V  ) 

BISQUAINS ,  f.  f.  plur.  (  Commerce.  )  ce  font  des 
peaux  de  moutons  garnies  de  leur  laine ,  qui  ont  été 
panées  &  préparées  chez  les  Mégifiiers.  C'eft  avec 
ces  peaux  que  les  Bourreliers  font  des  couvertures 
aux  colliers  des  chevaux  de  tirage.  Voye^  Housse. 
BISQUE,  f.  m.  terme  de  Paumier ,  qui  fignifie  l'a- 
vantage qu'un  joueur  fait  à  un  autre ,  en  lui  donnant 
un  quinze  pour  toute  chofe  ;  &  le  joueur  qui  reçoit 
cet  avantage ,  peut  prendre  ce  quinze  dans  tel  endroit 
de  la  partie  que  bon  lui  fembie.  Ainfi  prendre  bien  fa 
bifque,  fignifie  placera  propos  ce  quinze. 

Bisque  ,  f.  f.  (Cuifine.)  forte  de  potage  en  ragoût  ; 
on  en  fait  de  gras  &  de  maigres  ;  aux  écreviffes ,  en 
légumes,  comme  lentilles,  &c.  c'eft  toujours  une  pu- 
rée qu'on  répand  fur  le  potage,  ou  fur  d'autres  mets, 
&  cette  purée  ne  le  fait  pas  autrement  que  les  autres. 
foyei  Purée. 

BISSE,  f.  f.  terme  de  Blafon,  efpece  particulière  de 
ferpenr,  qu'on  appelle  blfcia  en  Italie.  Quelques-uns 
veulent  que  ce  foit  de  fon  fifflement  qu'on  lui  ait  don- 
né ce  nom.  D'autres  difent  qu'il  vient  du  mot  fran- 
çois  bis ,  qui  fignifie  gris  cendré,  à  caufe  que  ces  for- 
tes de  ferpens  fontprefque  tous  de  cette  couleur.  (^) 
BISSE  AUX,  ÇGéog.)  île  d'Afrique,  fur  la  côte 
de  Nigritie ,  habitée  par  des  Nègres.  Il  y  a  neuf  rois 
dans  cette  île  qui  a  quarante  lieues  de  circuit. 

BISSECTION,  f.  f.  en  Géométrie,  eft  la  divifion 
d'une  étendue  quelconque ,  comme  un  angle,  une  li- 
gne ,  &c.  en  deux  parties  égales  ;  c'eft  ce  qu'on  nom- 
me autrement  bipartition.  Voye-^  Division,  &c.  {£) 
BISSEXTILE,  adj.  année  bifextile,  en  Chronolo- 
gie, eft  une  année  compofée  de  trois  cents  loixante- 
fix  jours  ;  elle  arrive  une  fois  en  quatre  ans  par  l'addi- 
tion d'un  jour  dans  le  mois  de  Février,  pour  retrou- 
ver lesfix  heures  que  le  foleil  employé  dans  un  an  au- 
delà  des  trois  cents  foixante-cinq  jours  qu'il  met  or- 
dinairement dans  fon  cours  annuel,  lefquelles  fix 
heures  en  quatre  ans ,  font  vingt-quatre  heures ,  & 
par  conféquent  un  jour  entier.  Par  cette  addition  la 
longueur  de  l'année  eft  à  très-peu  près  la  même  que 
celle  de  la  révolution  de  la  terre  autour  du  foleil.  V. 
An. 

Le  jour  ajouté  de  la  forte  fe  nomme  auffi  biffextil , 
Céfar  l'ayant  fixé  au  jour  qui  précède  le  24  Février, 
qui  chez  les  Romains  étoit  le  fix  des  calendes  de  Mars. 
Le  24  Février  fe  cômptoit  deux  fois  cette  année , 
&  on  difoit  par  conféquent  deux  fois  {bis)  le  lixieme 
des  calendes  de  Mars  ,fexto  calendas  Mardi  ;  c'eft  pour 
cette  raifon  que  le  jour  intercalaire  &  l'année  où  il 
eft  inféré ,  font  l'une  &  l'autre  nommés  bifextiles. 
Comme  dans  cette  année  Février  a  29  jours ,  le  jour 
de  S.  Matthias,  qui  eft  le  24  de  ce  mois  dans  Tannée 
ordinaire,  fe  célèbre  alors  le  25  ;  &  l'année  bifextile 
a  deux  lettres  dominicales,  dont  l'une  fert  jufqu'à  la 
vigile  de  S.  Matthias ,  l'autre  jufqu'au  refte  de  l'an- 
née, foyer  LETTRE  DOMINICALE. 

Si  l'année  folaire  étoit  véritablement  &  exactement 
de  365  jours ,  6  heures,  l'année  commune  fe  retrou- 
veroit  exactement  au  bout  de  quatre  ans  avec  l'an- 
née folaire  ;  mais  l'année  folaire  étant  de  365  jours 
5  heures  49  minutes,  il  s'en  faut  44  minutes  que  ces 
deux  années  ne  s'accordent  au  bout  de  quatre  ans. 


B  I  S 

Les  Aftronomes  chargés  par  Grégoire  XIII,  de  la 
réformation  du  calendrier ,  obfervant  donc  que  le  bif 
fextile  en  quatre  ans ,  ajoûtoit  44  minutes  à  l'efpace 
de  tems  que  met  le  foleil  à  retourner  au  même  point 
du  zodiaque,  &  trouvant  que  ces  minutes  furnumé- 
raires  formeroient  un  jour  en  1 3  3  ans  ,  réfolurent  de 
prévenir  le  changement  qui  s'introduiroit  ainfi  peu  à 
peu  dans  les  faiions,  &  pour  cela  ils  ordonnèrent , 
que  dans  le  cours  de  400  ans ,  on  retrancheroit  trois 
bifextiles  ;  ce  fut  pour  cette  raifon  que  l'année  1700 
ne  le  fut  point  ;  1 800  &  1 900  ne  le  feront  pas  non 
plus  :  mais  2000  le  fera ,  &  ainfi  du  refle.  Foye^  Ca- 
lendrier Grégorien.  (O) 

*  BISSUS ,  f.  m.  (Hifl.  nat.  anc.  )  matière  propre  à 
l'ourdiffage ,  Se  plus  précieufe  que  la  laine.  Les  plus 
habdes  critiques  n'ont  pas  encore  bien  éclahciceque 
les  anciens  entendoient  par  le  bifus.  Ils  en  ont  feule- 
ment diftingué  de  deux  lottes  :  celui  de  Grèce ,  qui 
ne  fe  trouvoit  que  dans  l'Elide ,  &  celui  de  Judée 
qui  étoit  le  plus  beau.  L'auteur  nous  apprend  que  ce- 
lui-ci fervoit  aux  ornemens  facerdotaux ,  Se  même 
que  le  mauvais  riche  en  étoit  vêtu  :  mais  comme  , 
fous  les  noms  de  bif  us  ,  ieb  ns  ont  confondu  les 

cotons ,  les  ouates ,  en  un  mot  toui  ^  qui  fc  filoit  & 
étoit  plus  prétieux  que  la  laine ,  il  n'eft  pas  aifé  de  di- 
re au  jufte  ce  que  c'étoit,  &  s'il  ne  s'en  tiroit  pas  du 
pinna  marina ,  coquillage  ou  efpece  de  grande  moule 
de  deux  pièces ,  larges ,  arrondies  par  en-haut ,  poin- 
tues par  en-bas,  fort  inégales  en  dehors  ,  d'une  cou- 
leur brune  &  liffe  en-dedans ,  tirant  vers  la  pointe 
fur  ia  couleur  de  nacre  de  perles,  longues  depuis  un 
pié  jufqu'à  deux  &  demi,  portant  à  l'endioit  le  plus 
large  environ  le  tiers  de  leur  longueur  ;  &  garnies 
vers  la  pointe  du  côté  oppofé  à  la  charnière,  d'une 
houpe  longue  d'environ  lîx  pouces ,  plus  ou  moins  , 
léionla  grandeur  du  coquillage,  compofée  de  plu- 
fieurs  filamens  d'une  foie  fort  déliée  &  brune ,  qui ,  re- 
gardés au  microicope ,  pafoiffent  creux  ;  qui  donnent, 
quand  on  les  brûle  ,  une  odeur  urineule  comme 
la  loie  ;  &  qu' Ariltote  qui  les  nomme  bif  us ,  ou  foie  , 
des  coquilles  qui  les  portent,  nous  dit  qu'on  peut 
filer:  il  n'y  a  donc  guère  de  doute  que  cette  loie  n'ait 
et  :  employée  pour  Tes  habits  des  hommes  riches  dans 
un  tems  où  la  foie  n'étoit  que  peu  connue ,  &  que  les 
anciens  ne  l'ayent  nommée  bifus,  foit  par  fa  rellem- 
blance  avec  le  bifus,  dont  ils  riloient  des  étoffes  pré- 
cieules ,  foit  qu'elle  fut  elle-même  le  bifus  dont  ils  fai- 
foient  ces  étoffes.  Ce  qu'il  y  a  de  certain ,  c'eft  que  le 
bifus  du  pinna  marina ,  quoique  filé  groffierement , 
paroît  beaucoup  plus  beau  que  la  laine ,  &  appioche 
affez  de  la  foie  :  on  en  fait  encore  à  prelent  des  bas , 
&  d'autres  ouvrages  qui  feraient  plus  précieux ,  fi  la 
foie  étoit  moins  commune.  Pour  filer  le  biffus,  on  le 
laifle  quelques  jours  dans  une  c?.ve,  afin  de  l'amol- 
lir &  de  l'humeitei ,  pu.j  un  ie  peigne  pour  en  fépa- 
rer  la  bourre  &  les  autres  ordures;  après  quoi  on  le 
file  comme  la  foie. 

Les  poilïbns  qui  donnent  le  biffus ,  s'en  fervent  peur 
attacher  leurs  coquilles  aux  corps  voifins  ;  car,  com- 
me ils  font  plantés  tous  droits  lùr  la  pointe  de  leur 
coquille,  ils  ont  befoin  de  ces  filamens  qu'ils  étendent 
tout  autour,  comme  les  cordages  d'un  mât,  pour  le 
loûtenir  dans  cette  lituation. 

De  quelque  manière  que  le  pinna  marina  forme  fes 
filamens,  Rondelet  nous  dit  qu'ils  font  plus  beaux  & 
plus  foyeux  que  ceux  des  moules ,  &  qu'ils  en  diffé- 
rent autant  que  la  foie  diffère  de  l'étoupe.  V.  Pinna 
Marina  ,  &  les  Mémoires  de  f  Académie  desfeiences  , 
année  ijll.  pag.  204. 
BISTI,  voyei  Beisti. 

BISTOQUET ,  f.  m.  {Paumier.')  inftrument  pour 
jouer  au  billard  :  c'eft  une  e'pece  de  malle  fort  pe- 
lante &  épaifle ,  dont  la  queue  eft  plate  &  recour- 
bée. On  s'en  fert  pour  frapper  la  bille  d'un  coup  fec , 

lorfqu'elle 


B  I  S 

lorfqu'elle  eft  avancée  fur  le  tapis ,  &  qu'on  s'eft  in- 
terdit l'ufage  de  la  maffe  ordinaire. 

BISTORTE,  f.  f.  bijlona,  {Hijl.  nat.  bot.)  genre 
déplante  dont  la  fleur  n'a  point  de  pétales;  elle  eft 
compolée  de  pluiieurs  étamines  qui  fortent  d'un  ca- 
lice découpé.  Le  piftil  devient  une  ïemence  ordinai- 
rement triangulaire,  &  renfermée  dans  une  envelop- 
pe qui  a  fervi  de  calice  à  la  fleur.  Ajoutez  au  carac- 
tère de  ce  genre,  que  les  fleurs  font  difpofées  en  épi, 
&  que  les  racines  font  charnues,  tortues,  repliées 
ordinairement  les  unes  fur  les  autres ,  &  garnies  de 
chevelu.  Il  le  trouve  des  efpeces  de  ce  genre ,  qui , 
outre  les  fleurs  &  les  femences,  portent  des  tuber- 
cules qui  pouffent  de  petites  feuilles  &  de  petites  ra- 
cines. Tournefort ,  Injl.  rei  herb,  Voye{  PLANTE.  (/) 

Bijlorta  radia  minus  intorta  ,  J.  B.  J.  638.  Ses  ra- 
cines font  feules  en  ufage  ;  elles  font  defficcatives ,  af- 
tringentes,  bonnes  dans  toutes  les  efpeces  de  pertes 
&  de  flux,  dans  le  piflement  de  fang  &  l'incontinen- 
ce d'urine  ;  on  les  croit  alexipharmaques ,  falutaires 
dans  les  fièvres  peftilentielles  ;  elles  renflent  au  poi- 
fon,  &  l'on  peut  s'en  fervir  dans  les  morfures  &  pi- 
quures  d'animaux  venimeux.  (A/) 

BISTOURI ,  f.  m.  infiniment  de  Chirurgie,  en  for- 
me de  petit  couteau ,  deftiné  à  faire  des  incifions  :  on 
en  a  de  droits  &  de  courbes.  On  conffdere  deux  par- 
ties à  cet  infiniment;  la  lame  &  le  manche  :  la  lame 
doit  être  d'un  bon  acier  bien  trempé.  La  partie  de 
la  lame  qui  eft  oppofée  à  la  pointe ,  fe  nomme  le  ta- 
lon ;  c'eft  un  quarré  allongé  percé  dans  Ion  milieu 
pour  y  paffer  un  clou.  L'extrémité  poftérieure  du  ta- 
lon fe  termine  par  une  queue  fort  courte ,  qui  finit 
par  un  petit  rouleau  ou  par  une  petite  lentille  de 
deux  lignes  de  diamètre,  pour  s'arrêter  fur  la  châlTe 
avec  fermeté,  &  empêcher  que  la  lame  ne  tourne 
comme  celle  d'un  rafoir.  La  partie  tranchante  du  bif- 
touri  droit  eft  perpendiculaire ,  &  Ion  dos  forme  une 
ligne  oblique ,  &  a  une  ligne  d'épaiffeur  à  fa  bafe  ;  il 
va  infenfiblement  en  diminuant  jufqu'à  la  pointe.  On 
confidere  en  outre  à  la  lame  d'un  bijlouri  le  bifeau  &c 
l'évuidé.  Le  bifeau  eft  une  petite  furface  plate  qui 
commence  à  la  bafe  de  la  lame  ,  &c  qui  accompagne 
le  dos  de  chaque  côté  dans  prelque  toute  la  longueur. 
Cette  furface  fe  fait  par  la  meule  ;  elle  a  environ  une 
ligne  de  diamètre,  &c  va  infenfiblement  fe  perdre 
avant  d'être  arrivée  à  la  pointe.  On  appelle  l'évuidé 
Fefpace  qui  eft  compris  depuis  le  bifeau  jufqu'au  tran- 
chant, il  eft  un  peu  cave  ;  il  s'étend  depuis  le  talon 
jufqu'à  la  pointe  ;  il  eft  fait  par  la  rondeur  de  la  meu- 
le ;  fon  utilité  eft  de  rendre  le  tranchant  plus  fin ,  en 
diminuant  de  la  matière.  Fig.  1.  PL  II. 

Le  bijlouri  courbe  doit  avoir  les  mêmes  qualités  : 
la  courbure  n'en  doit  pas  être  fort  grande  ;  il  faut 
qu'elle  commence  dès  fa  bafe,  qu'elle  fe  continue  in- 
lenfiblement  jufqu'à  la  pointe,  &c  que  dans  tout  le 
trajet,  la  courbure  n'excède  pas  trois  lignes.  Le  tran- 
chant eft  dans  la  courbure.  Fig.  2.  PI.  II. 

Je  me  fers  dans  plufieurs  cas  ,  &  furtout  dans  l'ex- 
tirpation des  cancers ,  d'un  bijlouri  courbe ,  tranchant 
fur  fa  convexité.  Cet  infiniment  a  beaucoup  d'avan- 
tage ,  parce  que  le  tranchant  agit  tout-à-la-fois  dans 
toute  fa  longueur;  &c  dans  les  bijlouris  ordinaires,  il 
n'y  a  prefque  que  la  pointe  qui  loit  d'ufage. 

Le  manche  des  bijlouris  eft  compote  de  deux  lames 
d'écaillé  de  la  même  configuration  que  la  lame.  Elles 
font  percées  à  leur  bafe  d'un  trou  qui  doit  être  moins 
large  que  celui  du  talon  fur  lequel  elles  s'appliquent, 
Cv  auquel  elles  font  unies  par  un  clou  de  fil  de  laiton 
rivé  fur  deux  rofettes  d'argent.  L'extrémité  de  la  châl- 
fe  eft  aufli  percée ,  &  les  deux  pièces  font  jointes  par 
un  clou  rivé  pareillement. 

Les  dimeniions  des  bijlouris  peuvent  varier  ;    ils 
ont  communément  deux  pouces  au  plus  de  tranchant, 
&  les  autres  parties  font  proportionnées  à  celle-ci. 
Tome  II, 


B  I  S 


265 


Il  y  a  des  bijlouris  boutonnés  par  leur  extrémité  ; 
on  s'en  fert  dans  les  cas  oii  l'on  craint  de  piquer  les 
parties  par  la  pointe  de  rinftrument  :  on  fe  fert  aufli 
de  bijlouris  à  deux  tranchans  pour  l'ouverture  des  ab- 
cès, l'opération  du  féton,  &c.  Fig.  3.  PI.  II. 

Bistouri  à  la  lime  ,  eft  un  inftrument  de  l'in- 
vention de  M.  Petit;  c'eft  un  couteau  dont  la  lame  a 
deux  pouces  &  demi  de  longueur,  dont  le  tranchant 
eft  moufle,  &  qui  n'a  été  trempé  qu'après  avoir  été 
fabriqué.  La  pointe  de  ce  bijlouri  eft  terminée  par  un 
petit  bouton.  Il  eft  monté  fur  un  manche  d'ivoire 
taillé  à  pans.  L'ufage  de  ce  bijlouri  eft  de  dilater  les 
étranglemens  dans  différentes  opérations,  comme 
dans  les  hernies,  &c.  ce  qu'il  exécute  fans  aucun  dan- 
ger, parce  que  fon  tranchant ,  qui  eft  moufle  ,  ne  cou- 
pe que  les  parties  qui  réliftent.  PL  III.  fig.  ij. 

Bistouri  gajlrique ,  eft  un  inftrument  inventé 
par  M.  Morand  pour  dilater  les  plaies  du  bas-ventre, 
afin  de  réduire  les  parties  qui  en  font  forties.  Cet 
inftrument  eft  compolè  de  deux  pièces  ;  une  fixe ,  &c 
une  mobile  :  la  pièce  fixe  eft  femblable  à  un  manche 
de  cifeaux  ,  excepté  qu'elle  eft  plus  longue  ;  elle  eft 
terminée  d'un  côté  par  un  anneau ,  &  de  l'autre  par 
un  ftylet  ou  une  fonde  boutonnée,  &  un  peu  recour- 
bée :  la  pièce  mobile  eft  plus  courte  ;  elle  eft  compo- 
fée  d'une  lame  dont  le  tranchant  eft  extérieur  ,  & 
d'un  petit  manche  au  bout  duquel  eft  un  anneau  fem- 
blable à  celui  de  la  pièce  fixe  ;  la  partie  antérieure  de 
la  lame  eft  jointe  à  la  pièce  fixe  par  une  petite  char- 
nière à  jonction  paflée  ;  l'union  de  la  pièce  mobile  à 
l'immobile  eft  à  deux  pouces  de  diftance  du  bout  du 
.ftylet.  (  Voyti  fig.  4.  PL  VI.  )  Pour  fe  fervir  de  cet 
inftrument ,  on  le  tient  par  les  anneaux  comme  des 
cifeaux  ;  on  porte  perpendiculairement  le  ftylet  dans 
l'endroit  où  l'on  veut  dilater ,  Sdorfqu'ileftentré  aufli 
avant  qu'il  eft  néceflaire,on  éloigne  la  partie  mobilede 
l'immobile  ,  afin  de  couper  avec  le  tranchant  les  par- 
ties qui  font  l'étranglement.  Cet  infiniment  réunit  la 
fonde  &  le  bijlouri  qui  occupoient  les  deux  mains 
du  chirurgien.  C'eft  un  grand  avantage ,  puifque  l'o- 
pérateur en  fe  fervant  du  bijlouri  gajlrique ,  peut  ran- 
ger de  l'autre  main  lesinteftins,  &  le  difpenfer  d'em- 
prunter le  fecours  d'une  main  étrangère,  qui  n'eft 
jamais  fi  fûre  que  la  fienne. 

Bistouri  herniaire  ,  eft  un  bijlouri  courbe  caché 
dans  une  cannule  qui  n'eft  plus  en  ufage,  pour  dila- 
ter l'anneau  du  mufcle  oblique  externe  dans  l'opéra- 
tion de  la  hernie.  Feu  M.  de  la  Peyronie  ,  premier 
chirurgien  du  Roi ,  a  changé  la  deftination  de  cet  inf- 
trument, lequel  au  moyen  de  quelques  corrections 
qu'il  y  a  faites,  eft  fort  convenable  pour  l'opération 
du  phymofis. 

Cet  infiniment  eft  compofé  de  deux  pièces  princi- 
pales; d'une  cannule  d'argent  ou  d'acier,  &  d'un  bif- 
touri.  Voycifig.  i5.  &  16.  PL  III. 

La  cannule  eft  arrondie,  longue  de  quatre  pouces, 
épaiffe  de  quatre  lignes  à  fa  partie  poftérieure  ;  elle 
va  inlenfiblement  en  diminuant  pour  fe  terminer  par 
une  pointe  un  peu  moufle.  Cette  cannule  eft  un  peu 
courbe  dans  toute  fa  longueur  ;  fa  partie  fupérieure 
&  poftérieure  eft  plate  depuis  le  manche,  à  la  lon- 
gueur de  quatorze  lignes  :  on  obferve  dans  le  plus 
large  de  cette  furface  un  trou  taraudé  pour  recevoir 
une  vis  qui  fert  à  attacher  un  reffbrt  :  cette  furface 
plate  eft  bornée  par  une  éminence  olivaire  qui  s'é- 
lève du  corps  de  la  cannule  à  la  hauteur  de  trois 
lignes,  &  qui  peut  avoir  trois  lignes  &C  demie  d'épaif- 
feur ,  fur  cinq  lignes  de  longueur. 

La  cannule  eft  fendue  à  jour,  fuivant  l'épaifleur  de 
fon  corps  ;  de  manière  que  cette  fente  règne  fupé- 
rieurement  depuis  la  fin  de  la  furface  plate  jufqu'à 
l'extrémité  antérieure  de  la  cannule,  coupant  dans  ce 
chemin  l'emmenée  olivaire  en  deux  ;  &  intérieure- 
ment elle  fe  termine  à  quatre  ou  cinq  lignes  de  l'ex- 


i66 


BIS 


trémité  antérieure  ;  de  forte  que  ce  qui  refte  de  la 
cannule  eft  coupé  en  talud ,  &  ne  parôît  point  du 
côté  de  fa  convexité. 

L'éminence  olivaire  qui  efl  coupée  en  deux  par  la 
fente  que  nous  venons  d'obferver ,  eft  percée  diamé- 
tralement &  dans  fon  milieu  ,  ayant  une  de  fes  ailes 
tournée  en  écrou  pour  recevoir  une  vis  faillante. 

La  partie  poflérieure  de  la  cannule  fe  termine  par 
une  foie  maftiquée  dans  un  manche  d'ébene  ou  d'i- 
voire tourné  en  pommette  ;  il  doit  être  allez  gros , 
Se  de  la  longueur  de  deux  pouces  quatre  lignes. 

Il  y  a  en  outre  une  petite  lame  d'acier  battue  à 
froid  pour  faire  refîbrt  ;  fa  figure  efl  pyramidale  ; 
elle  efl  très-mince ,  large  de  deux  lignes  &  demie 
vers  fa  bafe  ,  &  d'une  bonne  ligne  &  demie  à  fat 
pointe,  qui  eft  moufle  &  arrondie  ;  fa  longueur  eft 
de  quatorze  lignes  ;elle  eft  recourbée  dans  fon  milieu, 
de  manière  que  la  pointe  s'éloigne  de  l'axe.  Ce  ref- 
fort  efl  percé  à  fa  bafe  pour  le  paflage  d'une  vis  qui 
s'engage  dans  l'écrou  qui  efl  pratiqué  à  l'endroit  le 
plus  large  de  la  furface  plate  de  la  cannule,  pour  fixer 
&  attacher  une  extrémité  du  reflbrt  fur  la  cannule , 
tandis  que  ion  autre  extrémité  éloignée  de  l'axe  de 
la  cannule  pouffe  la  pièce  de  pouce  dont  nous  allons 
parler. 

La  féconde  pièce  principale  de  cet  infiniment  efl 
le  biflouri  ou  la  lame  :  on  y  confidere  deux  parties  ; 
la  lame  tranchante  &  le  talon  :  la  lame  efl  fort  étroi- 
te ,  elle  n'a  point  de  bifeau  ,  tout  efl  évuidé  ;  fa  poin- 
te efl  fort  allongée  &C  fort  aiguë  ,  ce  qui  efl  tort  utile 
pour  l'opération  du  phymofis.  La  féconde  partie  de 
la  lame  efl  le  talon  ;  on  y  obferve  une  crête  arron- 
die de  trois  lignes  de  haut ,  fur  cinq  lignes  de  lon- 
gueur, fituée  perpendiculairement  fur  la  partie  fupé- 
rieure  du  talon  :  cette  crête  efl  percée  dans  fon  mi- 
lieu par  un  trou  qui  la  traverfe  :  fur  le  fommet  de 
cette  crête  efl  attachée  horiiontalement  une  pièce 
de  pouce ,  ou  petite  plaque  légèrement  convexe  , 
longue  d'un  pouce  cinq  lignes^ôc  large  d'environ  fept 
à  huit  lignes  à  fa  bafe. 

La  jonction  de  la  lame  avec  la  cannule  efl  telle  , 
que  la  première  efl  entièrement  cachée  dans  latente 
■de  la  cannule  ;  &  la  crête  fe  trouvant  entre  les  deux 
pièces  de  l'éminence  olivaire ,  elle  y  efl  arrêtée  par 
une  vis  faillante  qui  traverle  les  deux  pièces  &  la 
crête  de  la  lame.  Cette  jonction  forme  une  charnière  ; 
lorfqu'on  appuie  fur  la  pièce  de  pouce  ,  on  l'appro- 
che du  manche  en  forçant  le  reflbrt  ;  le  tranchant  de 
la  lame  fait  en  même  tems  la  bafcule ,  &  il  fort  de 
dedans  la  fente  de  la  cannule  :  dès  qu'on  celle  d'ap- 
puyer fur  la  pièce  de  pouce ,  la  pointe  du  reflbrt  s'é- 
lève avec  vîtefle,  &  fait  rentrer  la  lame  dans  la  can- 
nule. 

La  vis  qui  attache  le  reflbrt  fur  la  furface  plate  de  la 
cannule  doit  avoir  une  petite  rainure  ou  échancrure 
fur  le  milieu  de  fa  tête ,  afin  de  pouvoir  être  démon- 
tée par  le  moyen  d'un  tourne-vis.  Mais  la  vis  fail- 
lante qui  fait  l'eflieu  de  la  charnière  doit  avoir  un 
manche  en  forme  de  petite  aile  ,  pour  pouvoir  fép'a- 
rer  aifément  dans  le  befoin  la  lame ,  &  retirer  la  can- 
nule. 

Cet  inil rument ,  qu'on  a  nommé  bijiouri  herniaire 
parce  qu'il  a  été  imaginé  pour  faire  la  dilatation  des 
étranglemens  dans  les  hernies  ,  n'eil  point  propre  à 
cet  ufage  ,  parce  que  ces  obflacles  font  extérieurs 
(  Voye^  Hernie)  ,  &  que  ce  bijiouri  couperoit  inté- 
rieurement beaucoup  au-delà  des  obflacles  ;  incon- 
vénient qui  l'a  fait  proferire  de  l'ufage  auquel  il  avoit 
été  deftiné. 

M.  de  la  Peyronie  qui  a  fait  ajouter  la  vis  ailée, 
qui  a  beaucoup  de  prife  &  qu'on  peut  facilement 
ôter,  au  lieu  d'une  vis  perdue  qui  tenoitla  lame  mon- 
tée fur  la  cannule,  s'eft  fervi  de  cet  infiniment  pour 
l'opération  du  phymofis  ;  il  introduifoit  ce  bijiouri 


BIS 

avec  la  cannule  au-delà  de  la  couronne  du  gland,  fans 
courir  rifque  de  piquer  le  malade  :  il  ôtoit  enfuite  la 
vis  &  retiroit  doucement  la  cannule  ,  de  forte  que  la 
lame  relloit  feule  entre  le  prépuce  &  le  gland  ;  il  la 
prenoit  par  fa  petite  plaque  avec  la  main  droite  ,  &  le 
pouce  &c  le  doigt  index  de  la  main  gauche  étant  ap- 
pliqués aux  deux  côté  de  l'endroit  où  il  jugeoit  que 
la  pointe  de  l'inflniment  forriroit ,  il  perçoit  le  pré- 
puce ,  paflbit  aufli-tôt  le  doigt  index  derrière  le  dos 
du  bijiouri  ,  &  achevoit  l'opération  en  retirant  à  lui 
le  bijiouri  avec  les  deux  mains,  foye^  Phymosis. 

M.  leDran  a  imaginé  un  bijiouri  herniaire  ,  dont 
la  lame  efl  cachée  dans  une  fonde  creufe  ;  le  talon 
de  la  lame  efl  relevé  &  retiré  en  arrière  en  fortant 
de  la  fonde  creufe  ,  lorfqu'on  appuie  le  pouce  fur  la 
plaque  ;  &  cela  fans  que  la  pointe  puiflë  fortir 
de  la  fonde  ,  au  moyen  d'une  queue  d'aronde 
qui  termine  la  lame  ,  &c  qui  coule  dans  deux  rainu- 
res. Voye^  fig.  3.  Planche  VI.  deux  petites  ailes  qui 
font  aux  parties  latérales  du  corps  de  cet  infiniment, 
&  qui  aflujettiflént  &  défendent  l'inteilin ,  lorfqu'on 
a  introduit  dans  l'anneau  la  fonde  creufe  où  la  lame 
efl  renfermée.  (£) 

BÏSTOURNER  un  cheval ,  (Maréchallerie.  )  c'efl 
lui  tordre  violemment  deux  fois  les  tefticules  ;  ce 
qui  les  fait  defiécher ,  les  prive  de  nourriture ,  &  ré- 
duit le  cheval  au  même  état  d'impuifl'ance  que  fi  on 
l'avoit  châtré.  Voyt^  Châtrer.  (  V") 

*  BISTOW,  (  Géog.  )  petite  ville  du  duché  de 
Meklembourg. 

BISTRE  ,  terme  de  Peinture ,  couleur  bnine  &  un 
peu  jaunâtre  dont  les  Deflinateurs  fe  fervent  pour 
faire  le  lavis.  Voye^  Lavis.  On  s'en  fert  encore  pour 
peindre  en  mignature.  Pour  faire  le  bijlre  on  prend 
de  la  fuie  de  cheminée  ;  on  la  broyé  avec  de  l'urine 
d'enfant  fur  l'écaillé  de  mer ,  jufqu'à  ce  qu'elle  foit 
parfaitement  affinée  ;  on  l'ôte  de  défais  la  pierre 
pour  la  mettre  dans  un  vaifleau  de  verre  de  large 
encolure ,  &  on  remue  la  matière  avec  une  fpatu- 
le  de  bois  ,  après  avoir  rempli  le  vaifleau  d'eau  clai- 
re :  on  la  laifle  enfuite  repofer  pendant  une  demi- 
heure;  le  plus  gros  tombe  au  fond  du  vaifleau ,  & 
l'on  verfe  doucement  la  liqueur  par  inclinaifon  dans 
un  autre  vaifleau  ;  ce  qui  refle  au  fond  efl  le  bijlre  le 
plus  groflier  ,  que  l'on  jette  :  on  fait  de  même  de  ce 
qui  efl  dans  le  fécond  vaifleau  ;  on  remet  la  liqueur 
dans  untroifieme  ,  &  on  en  retire  le  bijlre  le  plus  fin  , 
après  l'avoir  laifle  repofer  pendant  trois  ou  quatre 
jours.  On  doit  procéder  de  la  même  manière  pour 
faire  toutes  les  couleurs  dont  on  doit  fe  fervir  en  la- 
vis ,  afin  d'avoir  des  couleurs  qui  ne  faflent  point 
corps  furie  papier  ;  ce  qui  feroit  un  mauvais  effet  à 
l'œil  ;  car  la  propreté  que  demande  le  deffein  ne  fouf- 
fre  que  les  couleurs  tranfparentes. 

On  prépare  encore  le  bijlre  en  faifant  bouillir  la 
fuie  de  cheminée  cinq  ou  lix  gros  bouillons  avec  de 
l'eau  à  diferétion  ,  dans  un  chaudron  expofé  fur  un 
grand  feu  ;  on  la  remue  de  tems  en  tems  avec  un  pe- 
tit bâton  ;  au  relie  on  s'en  fert  comme  ci-deffiis.  (iï) 

*  BISTRIKZ,  (  Géog.  )  comté  dans  la  haute 
Hongrie,  dont  la  capitale  porte  le  même  nom,  fur  le 
Gran. 

BISTRICKZ,  (Géog.)  ville  forte  de  la  Tranfilva- 
nie  ,  capitale  du  comté  de  même  nom  ,  fur  la  rivière 
de  Bijlrici.  Long.  4Z.33-  ***.  43. 33. 

*  BISZESTIA  ou  BECZEST1E,  (  Hijl.  mod.  )on 
nomme  ainli  en  Rufîie  la  punition  impolée  à  ceux  qui 
ont  injurié  quelqu'un  :  elle  coniifle  dans  une  amende 
pécuniaire  proportionnée  au  rang  de  celui  qui  a  re- 
çu l'injure  ;  fi  c'ell  un  boyard,  l'amende  va  quelque- 
fois à  deux  mille  roubles  :  fi  celui  qui  a  tait  l'injure 
eft  infolvable,  on  l'envoyé  à  celui  qu'il  a  lélé ,  qui 
eft  maître  d'en  faire  un  efclave  ,  ou  de  lui  faire  don- 
ner le  knoute. 


B  I  T 

*  BITBOURG ,  (  Gêog.  )  ville  du  duché  de  Lu- 
xembourg ,  fur  les  frontières  de  l'électorat  de  Trê- 
ves. Long.  24.   13.  lat.  âo. 

*  BITCHU  ou  BITCOU ,  (  Gêog.  )  ville  de  l'île 
de  Niphon  au  Japon,  &  capitale  d'un  petit  royau- 
me de  même  nom ,  fitué  fur  le  golphe  de  Méaco. 

*  BITCH  ou  BICHE,  (  Géog.  )  ville  fortifiée  & 
comté  du  pays  de  Vauge ,  qui  a  au  nord  &c  à  l'orient 
le  duché  de  Deux-ponts ,  l'Alface  au  midi ,  &  le 
comté  de  Sanverden  au  couchant.  Long.  z5.  14.  lat. 
49.  5. 

*  BITETTO  ,  (  Géog.  )  petite  ville  du  royaume 
de  Naples  ,  dans  le  territoire  de  Bari.  Lon.  34.  z6. 
lat.  41.  8. 

*  BITHIES ,  f.  m.  pi.  (  Géog.  &  Hijl.  )  peuples  de 
Thrace  ainfi  nommés  du  fleuve  Bithis.  Il  y  a  eu  dans 
la  Scythie  des  femmes  de  ce  nom  qui  avoient ,  dit-on , 
à  un  des  yeux  la  prunelle  double ,  la  figure  d'un  che- 
val à  l'autre ,  &  le  regard  û  dangereux ,  qu'elles 
tuoient  ou  enforceloicnt  ceux  fur  qui  elles  l'atta- 
choient.  Voye^  cette  fable  dans  Pline,  liv.  VII.  c.  ij. 

*  BITHYNARQUES ,  f.  m.  pi.  (  Hifl.  anc.  )  Les 
payens  avoient  des  prêtres  qui  faifoientles  fondions 
facerdotales  dans  plufieurs  villes  à  la  foi.-. ,  oc  quel- 
quefois dans  toute  une  province  :  ces  hommes  joùif- 
ioient  d'une  grande  autorité  ,  &  portoient  le  nom  de 
la  province  dans  laquelle  ils  exercoient  ;  ainfi  les 
Bithynarques  étoient  les  louverains  pontifes  de  la  L^- 
thynie. 

*  BITHYNIE ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  c'étoit  autre- 
fois un  royaume  de  l'Aile  mineure  ,  èk  il  fait  aujour- 
d'hui partie  de  laNatolie. 

Bithynie  ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  contrée  de  l'A- 
fie  mineure  voiiine  du  Pont  &  de  la  Troade  ,  &  fi- 
tuée  vis-à-vis  la  Thrace.  Elle  s'eft  appellée  Bebrycie, 
Mygdonie ,  &  s'appelle  aujourd'hui  le  Becfangil. 

*  BITILISE  ,  (  Géog.  )  ville  d'Alie  dans  la  Géor- 
gie ,  fur  les  frontières  de  la  Perfe.  Elle  appartient 
aux  Turcs. 

*  BITO,  (Géog.)  ville  &  royaume  d'Afrique  dans 
la  Nigritie  ,  arrofé  par  le  Niger. 

BITONTO  ,  (  Géog.  )  petite  île  affez  peuplée  du 
territoire  de  Bari ,  clans  le  royaume  de  Naples.  Lon. 
34.  ZZ.  lat.  41.  13. 

BITORD ,  f.  m.  menue  corde  de  deux  fils.  Voye^ 
V article  CoRDERlE. 

BITTE ,  f.  f.  terme  de  Rivière ,  pièce  de  bois  ronde 
fur  le  devant  d'un  batteau  foncet,  fervant  à  fermer 
le  batteau. 

Bittes  grandes  &  petites,  en  Marine;  on  nomme 
ainii  une  machine  compofée  de  deux  fortes  pièces  de 
bois  longues  ÔC  quarrées  nommées  piliers  ,  qui  font 

Fofées  debout  fur  les  varangues ,  l'une  à  ftribord  & 
autre  à  bâbord ,  &  d'une  autre  pièce  qui  les  traverfe, 
Cv  que  l'on  appelle  traverfin,  qui  les  affermit  &  les  en- 
tretient l'une  avec  l'autre  ;  &  encore  de  courbes  qui 
les  appuient  &  les  fortifient.  Voye^  PI.  VI.  n°.  17.  & 
29.  la  figure  des  bittes  ,  &  la  difpofition  des  pièces 
qui  les  compofent.  Voye^  leur  fituation  Plan.  IV,  fig, 
2.  n°.  86.  87.  88.  89.  &  l'explication  qui  contient 
le  nombre  ,  l'arrangement  &  les  proportions  des 
pièces  dont  les  bittes  font  compolécs  :  fe  trouvant 
jointes  à  la  figure ,  il  cil  inutile  de  les  répéter  ici  ; 
il  fuffitd'y  renvoyer  PI.  VI.  n°.  17.  28.  &  19. 

Bittes  fe  prend  aufïi  quelquefois  en  particulier 
pour  les  piliers.  Voye^ Piliers  DE  BlTTES. 

LAifage  des  bittes  cil  de  tenir  les  cables  lorfqu'on 
mouille  les  ancres,  ou  qu'on  amarre  le  vaiffeau  dans 
le  port. 

Il  y  a  de  grandes  &  de  petites  bittes  ;  les  grandes 
font  à  l'arriére  du  mât  de  tnifene  ,  &  ne  s'e 
que  jufqu'entre  deux  ponts,  où  elles  fervent  à  amar- 
rer le  cable.  Voyei  Pl-  lV-fiS'  l-  n°-  86- 

Les  petites  bittes  ,  qui  font  les  unes  vers  le  mât  de 
Terne  II, 


B  I  V 


207 


rnrfcne ,  &  les  autres  vers  le  grand  mât ,  s'élèvent 
jufque  fur  le  dernier  pont ,  &  elles  y  fervent  à  amar- 
rer les  écoutes  des  deux  huniers.  (Z) 

BITTEN  ,  (  Géog.  )  c'eft  un  certain  diftrict  dans 
le  duché  de  Courlande. 

*  BITTERFELD  ,  (  Géog.  )  ville  de  Saxe  fur  la 
Moldave. 

BITTER  le  cable ,  (Marine.)  c'eft  lui  faire  faire  un 
tour  fur  les  bittes  6c  l'y  arrêter.  Filer  k  cable  Jur  Us 
bittes ,  eft  le  contra:  ;  e  de  le  buter ,  &  fignifie  le  lâcher, 

BiTTON ,  (  Manne.  }  c'eft  une  pièce  de  bois  ron- 
de &  haute  de  deux  pies  6c  demi ,  par  où  l'on  amarre 
une  galère  à  terre.  (Z) 

BiTTON,  terme  de  Rivière  ,  pièce  de  bois  ronde 
près  le  gouvernail ,  fervant  à  fermer  un  batteau 
foncet. 

BITTONNIERESc>VITONNIERES,voy^ 
Angltlleres. 

*  Bïï  UME,f.  m.(Hijl.  nat.)  matières  qui  appar- 
tiennent toutes  au  règne  minéral:  elles  font  inflamma- 
bles ;  on  les  trouve  dans  la  terre  &  dans  les  eaux  fous 
diverfes  formes  :  on  les  divhe  en  folides  &  en  liquides. 
Les  liquides  font  le  naphte  ou  pétrole,  le  pijajp/ialte  ou 
poix  minérale,  &c.  les  folides  (ont  le  bitume  de  Judée  > 
['ambre-gris,  V ambre-jaune ,  le  jayet ,  &  le  charbon  de 
terre.  Le  pétrole  &  le  pifîalphalte  fe  trouvent  dans  les 
eaux.  Voyei  Pétrole  &  Pissasphalte.  On  tire  les 
autres  du fein  de  la  terre.  Voy.  Ambre,  Jayet,  As- 
phalte, &c.  Quoiqu'ils  foient  tous  d'une  confif-* 
tance  aiTez  dure  ,  il  eft  pi  cuvé  qu'ils  ont  commencé 
par  être  liquides ,  &  qu'ils  ne  fe  1u.1t  durcis  que  par 
fuccefïïon  de  tems.  Il  n'y  a  que  les  huiles  qui  puif- 
fent  dilîbudre  les  bitumes  lolkles,  &  fe  mêler  avec  les 
baumes  liquides.  Ils  font  formés  pour  la  plupart  na- 
turellement, &  prefque  fans  aucun  mélange  :  quand 
il  leur  arrive  d'être  enveloppes  de  matières  étrangè- 
res ,  il  faut  employer  le  fecours  de  l'art  pour  les  ti- 
rer des  corps  qui  les  comiennent.  On  met  au  rang 
des  bitumes  le  loutre  &  les  lues  arfenicaux,  parce 
qu'ils  en  ont  prefque  toutes  les  propriétés ,  &  qu'ils 
font  d'une  nature  plus  analogue  au  bitume  qu'à  tout 
autre  corps.  Voyei  Arsenic  <S-  Asphalte. 

BITURIGES  ,  f.  m.  pl.  (  Géog.  & Hijt.  anc.)  peu- 
ples de  l'ancienne  Gaule  :  il  y  avoit  les  Bituriges  Vi* 
bifeiens,  qui  decupoient  ce  qu'on  appelle  aujourd'hui 
la  Guienne  propre ,  6c  les  Bituriges  cubiens  ,  qui  habi* 
toient  le  Berry  ,  où  leur  nom  s'eft  conlerv  e. 

BIVALVE ,  adj.  (  Hifi.  nat.  Conchiliog.  )  c'eft  par 
ce  mot  que  l'on  delîgne  les  coquilles  qui  font  compo* 
fées  de  deux  pièces  ,  pour  les  diftinguer  des  unival- 
ves  cv  des  multivalves.  Voyeur  Coquille.   (  /  ) 

*BIVAR,  (Gêogé) ville  d'Efclavonie  dans  l'ileMe- 
tabar,  formée  par  la  Sa\  e. 

*  BIVONA,  (Gêog.  )  petite  ville  de  Sicile ,  avec 
titre  de  duché. 

BIVOUAC  ,  ou  BIOUAC  ,  ou  BIHOUAC  ,  (  ter- 
me de  Guerre.  )  c'eft  une  garde  qui  ell  fur  pie  pendant 
la  nuit  lorfqu'on  eft  proche  de  l'ennemi,  pouiVop- 
pofer  àfesentreprifes.  Cette  gardefe  fait  quelquefois 
par  toute  l'armée  lorfque  l'ennemi  eft  proche.  Lorf- 
que  le  prince  Eugène  s'approcha  des  lignes  de  Phi* 
hsbourg  en  1734  ,  toute  l'armée  coucha  au  bivouac 
pendant  plus  de  quinze  jours,  pour  être  en  étal  de 
s'oppofer  à  les  attaques,  que  la  proximité  de  foq 
camp  lui  permettoit  de  faire    .  imoment, 

Lorfque  les  troupes  couchent  au  ont 

pas  détentes;  les  foldats  font  armés  &  habillés  « 
pour  être  prêts  au  premier  co  nmandement.  Lever  U 
bivouac  ,  c'eft  renvoyer  l'armée  dans  les  tenl 

On  fait  auffi  le  bivou  .  affiége  une  pla- 

ce, pour  empêcher  i. :s  enn.  1    .  .     [uel-> 

que  choie  dans  la  ville,  ou  pour  prévenir  lesfurpri- 
fes  &  les  attaques  du  camp, 

Llij 


268 


B  I  Z 


B  L  A 


Ce  mot  vient ,  à  ce  qu'on  prétend ,  de  l'Allemand 
wey-wach  ,  qui  lignine  double  garde.   (  Q  ) 

*  BIUTHERE,  (Géogr.)  petite  rivière  de  la  Ro- 
manie ,  dans  la  Turquie,  en  Europe,  qui  le  jette  dans 
îa  mer  de  Marmara. 

*BIXA,  (Hift.  nat.  bot.)  arbriffeau  qui  croît 
au  Brefil ,  de  la  grandeur  à  peu-près  d'un  citronier  ; 
on  l'appelle  auiîî  changuarica  ou  pamaqua.  Sa  feuille 
eft  verte  &c  hériffée ,  &  relTemble  à  celle  de  l'orme  ; 
J'écorce  du  tronc  &c  des  branches  eft  d'un  jaune 
rougeâtre  ;  le  bois  en  eft  blanc  &  armé  de  pointes. 
Cet  arbre  porte  des  fleurs  compoiées  de  cinq  feuil- 
les ,  d'un  rouge  pâle  comme  les  rôles,  fur  lelquelles 
fe  forment  des  gonfles  de  la  groffeur  d'une  amande 
verte  ,  qui  s'ouvrent  lorlque  le  fruit  eft  mûr  ;  il  y  a 
dedans  des  grains  d'un  beau  rouge,  lemblables  à  des 
grains  de  raifin,  excepté  qu'ils  font  plus  arrondis; 
en  ne  faifant  que  les  laver  dans  l'eau,  ils  lui  donnent 
une  couleur  de  carmin.  La  racine  eft  d'un  goût  fort, 
mais  agréable  ;  les  Indiens  s'en  fervent  au  lieu  de 
fafran.  Cet  arbre  eft  verd  pendant  toute  l'année  ,  il 
porte  fon  fruit  au  printems  ,  c'eft  alors  qu'on  le 
coupe  ;  on  prétend  qu'il  en  fort  du  feu  comme  d'un 
caillou  lorfqu'on  le  frappe.  Son  écorce  lert  à  faire 
des  cordes  auiîi  bonnes  que  celles  de  chanvre  ;  la 
graine  prife  intérieurement  arrête  le  cours  de  ventre, 
&  calme  les  ardeurs  de  la  fièvre. 

B1ZA  ,  f.  m.  (Commerce.)  monnoie  d'argent  du  Pé- 
gu ,  qui  a  cours  pour  un  demi-ducat  &  quelque  choie 
de  plus;  le  biça  vaut  cinq  livres  cinq  lous  cinq  deniers, 
argent  de  France.  Il  y  a  aufli  des  doubles  fetça  qui 
font  d'or ,  mais  très-rares ,  &  le  plus  fouvent  altérés. 

*  BIZACENE  (la)  Géogr.  ancienne  contrée  de 
l'Afrique ,  bornée  à  l'orient  par  le  fleuve  Triton  ,  à 
l'occident  par  la  Numidie ,  au  midi  par  la  Libye  in- 
térieure ;  c'eft  aujourd'hui  une  partie  du  royaume 
de  Tunis. 

*  BIZARRE  ,  FANTASQUE  ,  CAPRICIEUX  , 
QUINTEUX  ,  BOURRU  ,  (Gramm.)  termes  qui 
marquent  tous  un  défaut  dans  l'humeur  ou  l'efprit  ; 
par  lequel  on  s'éloigne  de  la  manière  d'agir  ou  de 
penfer  du  commun  des  hommes,  Lefantajque  eft  di- 
rigé dans  fa  conduite  &  dans  les  jugemens  par  des 
idées  chimériques  qui  lui  font  exiger  des  choies  une 
forte  de  perfeûion  dont  elles  ne  font  "pas  iuicepti- 
bles  ,  ou  qui  lui  font  remarquer  en  elles  des  défauts 
que  perfonne  n'y  voit  que  lui  :  le  bigarre,  par  une 
pure  affectation  de  ne  rien  dire  ou  faire  que  de  fin- 
gulier  :  le  capricieux ,  par  un  défaut  de  principes  qid 
l'empêche  de  le  fixer  :  le  quinteux ,  par  des  révo- 
lutions lubites  de  tempérament  qui  l'agitent  ;  &c 
le  tour  ru  ,  par  une  certaine  rudeffe  qui  vient  moins 
de  fond  que  d'éducation.  Le  fantajque  ne  va  point 
fans  le  chimérique  ;  le  bigarre  lans  l'extraordinaire  ; 
le  capricieux ,  fans  l'arbitraire  ;  le  quinteux ,  fans  le 
périodique  ;  le  bourru,  fans  le  maullade ,  &  tous  ces 
caractères  font  incorrigibles. 

BlZE,  farda  f.  f.  (Hift.  nat.  Ichthyologie.  ) 
poifibn  de  mer  reffemblant  à  la  pélamyde  :  il  eft  lifté 
&  lans  écailles  ,  à  l'exception  des  endroits  qui  font 
fous  les  nageoires  placées  auprès  des  oûies:  c'eft- 
là  feulement  qu'il  a  des  écailles  qui  font  diftinguer 
la  bife  de  la  pélamyde ,  qui  n'en  a  nulle  part.  Au  refte 
ces  deux  porflbns  lont  fi  lemblables ,  que  l'on  pren- 
droit  ailément  l'un  pour  l'autre.  Cependant  la  chair 
de  la  bi^e  n'eft  pas  fi  tendre  que  celle  de  la  péla- 
myde, &  fes  dents  lont  plus  grandes  &z  plus  cour- 
bées au  dedans  de  la  bouche.  Rondelet.  Foye-  PÉ- 
LAMYDE. Poisson.   (/) 

BizÉ  à  deux  têtes,  (outil  de  Cordonnier.)  il  eft 
de  buis  &  lert  à  régler  la  trépointe  du  deniere  du 
foulier.   Voye^  la  jig.  4  ,  PI.  du  Cordonnier-Bottier. 

*  BIZrfcANI  ou  bIZEhAMI  ,  (Hft.  mod.)  on 
nomme  ainfi  à  la  cour  du  grand-tei^neur  un  cer- 


tain nombre  de  fourds  &  muets  :  ils  font  en  état 
non  feulement  de  fe  faire  entendre  par  fignes ,  mais 
encore  de  tenir  un  difeours  fuivi  de  cette  façon. 
Au  refte  l'ulage  de  parler  par  fignes  eft  fi  commun 
dans  le  lérail ,  que  prefque  tout  le  monde  y  entend 
ce  langage.  On  choifit  quelques  uns  de  ces  birjba- 
nis  pour  fervir  de  bouffons  6c  amufer  fa  hauteffe. 
BIZEGLE ,  (  cke{  les  Cordonniers  )  eft  un  morceau 
de  buis  qui  lert  à  liffer  le  devant  des  femelles.  Voye^ 
la  Jig-  â  ,  Planche  du  Cordonnier-bottier. 

*  BIZU  ,  (Géog.)  ville  d'Afrique ,  en  Barbarie,  au 
royaume  de  Maroc ,  capitale  de  la  province  d'Eskur. 

B  L 

*  BLABE ,  (  Gîog.  anc.  )  ile  du  bofphore  de  Thra- 
ce,  vers  l'Aiie  &  la  Chalcédoine,  proche  du  pro- 
montoire appelle  Lcmbus. 

*  BLACKBORN  ,  (Géog.  )  petite  villede  la  pro- 
vince de  Lancaftre  en  Angleterre. 

*  BLACKWATER  ,  (  Géog.  )  il  y  a  deux  riviè- 
res de  ce  nom  en  Irlande,  &£  une  en  Angleterre 
dans  le  comté  d'Efiex. 

_  *  BLADNOCK ,  (  Géog.  )  rivière  de  l'Ecofle  mé- 
ridionale dans  le  comté  de  Galloway. 

*  BLAFFERT  ou  PLAPPERT  ,  (Commerce.)  pe- 
tite monnoie  uiitee  en  Allemagne  dans  l'éleétorat 
de  Cologne.  Le  blaftert  vaut  4  albus,  &  45  albus 
font  un  écu  d'Empire  ou  ryxdaller:  nous  évaluons 
le  blaffert  à  trois  fols  \~}  de  deniers  de  notre  argent. 

*  BLAINVILLE  ,  (Géog.)  ville  de  Lorraine ,  fur  la 
rive  méridionale  de  la  Meurthe ,  proche  Luneville. 

BLAIREAU ,  TAISSON ,  f.  m.  (Hift.  nat.  Zoolog.) 
taxus ,  mêles  ;  animal  quadrupède.  On  en  a  diftingué 
deux  efpeces  ,  dont  l'une  refiemble  par  le  mufeau  à 
un  chien  ,  taxus  caninus  ;  &  l'autre  à  un  cochon  ,  ta- 
xus Juillus  :  on  a  aufti  prétendu  que  celui-ci  avoit  le 
pié  fourchu ,  au  contraire  de  l'autre  qui  a  des  doigts. 
Aldrovande  a  donné  des  gravures  de  ces  deux  ef- 
peces :  li  elles  exiftent  réellement  toutes  les  deux  ,il 
eft  certain  que  celle  qui  refiemble  au  porc  ,  eft  bien 
plus  rare  que  l'autre  qui  eft  bien  conrue  &  fort  fré- 
quente. Le  blaireau  qui  refiemble  au  chien  parle  mu- 
leau  ,  a  le  corps  gros  &  racourci ,  le  cou  court ,  le 
poil  rude  &  long  à  peu  près  comme  des  loies  de  co- 
chon ;  la  couleur  des  poils  du  dos  eft  d'un  jaune  fort 
pâle  à  leur  racine  ,  brun  ou  noir  dans  le  milieu ,  6c 
jaune  blanchâtre  à  l'extrémité  ;  de  forte  que  le  dos  de 
cet  animal  eft  mêlé  de  noir  6c  de  blanc  :  c'eft  pour- 
quoi on  lui  a  donné  le  nom  de  grifart.  Le  poil  des  cô- 
tés Se  du  ventre  eft  d'un  jaune  pâle  ;  celui  de  la  gorge, 
des  épaules  &  des  pattes  eft  prefque  noir.  Il  y  a  une 
bande  blanche  qui  s'étend  depuis  ie  fommet  de  la  tête 
julqu'au  bout  du  mufeau  :  de  chaque  côté  de  cette 
bande  ,  on  en  voit  une  autre  qui  eft  noire  &  de  figure 
pyramidale ,  dont  la  pointe  eft  en-avant  ;  ces  deux 
bandes  s'étendent  depuis  les  narines  jusqu'aux  oreil- 
les ,  en  pafiant  par-deftûs  les  yeux  :  au  délions  de  ces 
bandes  noires ,  le  poil  eft  blanchâtre  fur  les  lèvres. 
La  queue  eft  courte  ,  grolie ,  6c  garnie  de  poils  longs 
&  forts.  Les  oreilles  lont  courtes ,  arrondies ,  &  allez 
lemblables  à  celles  duratdomeftique.  Les  yeux  font 
petits.  Les  dents  de  ce  blaireau  font  lemblables  à  cel- 
les du  chien.  Il  a  le  mufeau  fort  pointu  ,  &  le  derrière 
de  la  tête  large ,  à  peu-près  comme  le  renard.  Les  pat- 
tes font  courtes  ;  les  ongles  des  pies  de  devant  lont 
plus  longs  que  ceux  des  pies  de  derrière  :  c'eft  à  l'aide 
■  ands  ongles  que  le  blaireau  creufe  en  terre 
comme  les  lapins,  6c  y  fait  des  terriers  qu'il  habite. 
Il  eft  carnaffier;  il  fe  nourrit  de  lapins,  des  oifeaux 
qu'il  peut  attraper ,  6c.  Cet  animal  a  fous  la  queue 
au-deffus  de  l'anus  un  a  ;hce  ,  qui  com- 

munique dans  une  forte  de  bourfe  ou  cie  lac  allez 
peu  profond.  Cette  cavité  eft  garnie  de  poils ,  &  en- 


B  L  A 

duîte  d'une  matière  gratte  qui  a  une  odeur  defagréa- 
ble.  Lorfque  le  blaireau  eft  attaqué  par  d'autres  ani- 
maux ,  il  fe  couche  fur  le  dos ,  tk  ne  préfente  à  fon 
ennemi  que  les  griffes  &  les  dents.  Sa  morfure  eft 
très-forte.  On  dit  que  les  femelles  de  cet  animal  por- 
tent pendant  environ  trois  mois  ;  qu'elles  mettent  bas 
en  automne ,  lorfque  les  feuilles  des  arbres  tombent  ; 
tk  qu'il  y  a  deux  ou  trois  petits  à  chaque  portée.  Ray, 
Jynop.  quad.pag.  i85.  Aldrovande,  dequad.  digitaux, 
"lib.  II.  cap.  xj.  Voyei  Quadrupède.  (  /  ) 

La  chaffe  du  blaireau  fe  peut  faire  avec  des  baf- 
fcts  :  fi  le  terrier  eft  fur  un  lieu  élevé ,  on  y  doit  faire 
entrer  le  chien  par  l'ouverture  d'en-bas,  afin  d'obli- 
ger l'animal  à  fortir  par  celle  d'en -haut  ;  alors  les 
chiens  fe  jettent  fur  lui ,  &  les  chaffeurs  doivent  l'af- 
fommer  ,  &  prendre  garde  de  n'en  pas  être  mordus. 
Les  blaireaux  fe  prennent  auffi  avec  des  collets. 

On  donne  avec  fuccès  les  cendres  de  cet  animal 
dans  les  maladies  des  poumons ,  dans  les  crachemens 
de  fang.  Son  fang  féché  &  mis  en  poudre  ,  eft  eftimé 
bon  contre  la  lèpre ,  &paffe  pour  un  préfervatif  con- 
tre la  pefte.  Sa  graiffe  calme  les  douleurs  des  reins 
qui  proviennent  du  calcul  :  elle  appaife  l'ardeur  des 
fièvres  ,  &  remédie  aux  contractions  tk  aux  roiblef- 
fes  des  articulations  tk  des  nerfs.  On  l'employé  dans 
les  douleurs  de  rhùmatifme.  (  A7) 

Blaireau  ,  en  terme  de  Doreur  fur  bois ,  eft  une  ef- 
pece  de  pinceau  dont  le  poil  eft  dur ,  qui  fert  à  époul- 
îeter  les  pièces  dorées ,  6c  à  en  faire  tomber  l'or 
inutile. 

*  BLAIRIE,  (droit  de)  c'eft  celui  qu'ont  quel- 
ques feigneurs  de  permettre  à  leurs  habitans  de  me- 
ner paître  leurs  beftiaux  fur  les  chemins  publics  ,  les 
terres  à  grains  ,  &  les  prés  de  leurs  terres ,  après  l'en- 
tière dépouille.  On  appelle  encore  ce  droit,  droit  de 
vaine  pâture. 

Il  ièmble  que  la  vaine  pâture  foit  de  droit  com- 
mun :  il  y  a  même  des  cantons  oii  l'on  ne  peut  met- 
tre fes  prairies  en  regain ,  tk  en  empêcher  la  vaine 
pâture  après  l'enlèvement  de  la  première  herbe  , 
qu'en  bâtiffant  tk  en  habitant  fur  le  terrein  de  la  prai- 
rie :  mais  il  y  a  d'autres  cantons  où  la  vaine  pâture 
ou  le  droit  de  Mairie  fuit  la  haute  juftice  ,  &  où  les 
jufticiables  font  obligés  de  l'acquérir  par  une  rede- 
vance qu'ils  payent  au  feigneur. 

*  BLAISOIS,  (le)  Géog.  province  de  France, 
bornée  au  nord  par"  la  Beauce ,  à  l'orient  par  l'Or- 
léanois ,  au  midi  par  le  Berry ,  à  l'occident  par  la 
Touraine  :  Blois  en  eft  la  capitale. 

BLAME ,  f.  m.  en  Droit ,  elt  un  jugement  qui  pro- 
nonce une  corrccYion  verbale  contre  l'accule.  Cette 
correction  eft  infamante  ,  tk  toujours  accompagnée 
d'amende.  Il  fe  prononce  en  ces  termes  :  N.  (le  juge 
nomme  le  coupable  par  fon  nom  )  la  cour  te  blâme , 
&  te  rend  infâme. 

BLAME,  en  Jurifprudence féodale ,  eft  l'improbation 
que  fait  le  feigneur  de  l'aveu  tk  dénombrement  que 
fon  nouveau  vafl'al  lui  a  fourni.  Ce  blâme  conlifte  en 
deux  points  :  à  marquer  ce  que  le  \  allai  a  mis  de  trop 
dans  Ion  dénombrement  ;  par  exemple,  s'il  y  a  com- 
pris la  juftice  qu'il  n'a  pas ,  &  qui  appartient  au  fei- 
gneur dominant  ;  s'il  a  mis  au  nombre  des  arrière- 
fiefs  des  terres  qui  font  mouvantes  en  plein  h'et ,  c'eft- 
à-dire  immédiatement  du  feigneur  dominant ,  cv  au- 
tre choie  de  cette  nature  :  le  fécond  point  conlifte  à 
marquer  ce  que  le  valial  a  omis  dans  fon  dénombre- 
ment. Voyei  Adveu.  (  H) 

*  BLAMMUYSER  ,  1.  m.  {Comm.)  c'eft  une  mon- 
noie  ufitée  dans  les  Pays-Bas  ;  on  L'appelle  M\;\\p!a- 
quetuoudemi-ej câlin:  ellevaloil  ei-<lc\  ant  environ  fix 
fous  &  demi  de  noue  argent.  Depuis  quelques  an- 
nées,cette  monnoie  a  été  mile  au  blllon  dans  les  pays 
fournis  à  la  république  cies  Provinces-Unies,  &  l'uia- 
gey  en  eft  ablolument  défendu. Pour  les  Pays-Bas  Au- 


B  L  A  iG9 

trïchiens ,  on  s'eft  contenté  d'en  fixer  la  valeur  à  en- 
viron la  moitié  de  celle  qu'elle  avoit  auparavant. 

*  BLAMONT ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Lorraine 
fur  la  rivière  de  Vezaize.  Long.  zj..  20.  lot.  48.  33, 

BLANC,  adj.  pris  fubft.  (Ph-fîq.  )  l'une  des  cou- 
leurs des  corps  naturels.  /^jk{  Couleur. 

On  ne  peut  pas  dire  exactement  que  le  blanc  foit 
une  couleur  fimple  &  unique  ,  car  c'eft  le  compofé 
de  toutes  les  couleurs  ;  ainfi  que  l'a  prouvé  M.  New- 
ton ,  qui  a  fait  voir  que  les  corps  ne  paroiffent  blancs 
qu'autant  qu'ils  refléchiffent  des  rayons  de  toutes  les 
couleurs.  Voye^  Couleur. 

Les  corps  noirs  s'échauffent  plus  aifement  que  les 
blancs ,  par  la  raifon  qu'ils  abforbent  les  rayons  de 
toutes  les  couleurs  ;  au  lieu  que  les  blancs  en  ren- 
voyent  de  toute  efpece.  Voye^  Noir. 

C'eft  ce  qui  fait  qu'un  papier  noir  eft  plutôt  en- 
flammé qu'un  papier  blanc ,  lorfqu'on  le  préfente  au 
miroir  ardent ,  tk  que  les  étoffes  noires  que  les  tein- 
turiers expofent  au  foleil ,  font  bien  plutôt  feches  que 
k$  blanches.  Voye^ CHALEUR.  (O) 

*  BLANC  ,  (  couleur  en  Peinture.  )  Le  plus  commun, 
eft  celui  qu'on  appelle  blanc  a"£fpagne  ou  de  Rou\n  .■ 
on  le  trouve  chez  les  épiciers  -droguiftes  par  gros 
pains.  Ce  n'eft  qu'une  terre  ou  marne  blanche  qui 
fe  fond  très-facilement  dans  l'eau.  Pour  la  purifier  & 
lui  ôter  tout  le  gravier  qui  y  eft  mêlé ,  on  la  fait  fon- 
dre ou  diflbudre  dans  de  l'eau  claire  dans  quelque 
vaiffeau  bien  net  ;  ce  qui  fe  fait  très-facilement  fans 
aucune  manipulation.  Quand  elle  eft  diflbute  avec 
beaucoup  d'eau,  on  la  remue  bien  ,  &  on  la  laine 
repofer  un  peu  de  tems ,  pour  que  tout  le  gravier 
tombe  au  fond  du  vaifleau  :  alors  on  verfe  toute  l'eau 
blanche  dans  des  vaifleaux  bien  nets ,  tk  on  la  laiffe 
repofer  julqu'à  ce  que  l'eau  foit  devenue  claire  ,  & 
que  tout  le  blanc  foit  tombé  au  fond  du  vaifleau  :  on 
ôte  enfuite  toute  l'eau  du  vaifleau  fans  agiter  le  fond  ; 
&  quand  elle  eft  prefque  feche ,  on  la  met  en  pains  , 
qu'on  laiffe  lécher  à  l'air.  Ce  blanc  eft  d'un  grand  ufa- 
ge  pour  la  détrempe  :  mais  il  ne  peut  fervir  à  l'huile  , 
parce  qu'il  manque  de  corps  quand  il  y  eft  mêlé. 

Le  blanc  qu'on  appelle  craie  ,  eft  à-peu-près  ce  la 
même  nature ,  à  la  referve  qu'il  eft  plus  dur ,  tk  qu'on 
s'en  fert  en  quelques  lieux  peur  bâtir:  mais  on  peut  le 
réduire  comme  la  marne.  Ce  blanc  s'appelle  blanc  de 
craie. 

Il  y  a  un  troifieme  blanc  fort  commun  ;  c'eft  du 
marbre  blanc  bien  pulvérilé  :  on  ne  l'employé  que 
dans  la  peinture  à  frelque. 

Blanc  de  plomb  ou  Céruse,  eft  une  forte  de 
rouille  que  donne  le  plomb ,  ou  plutôt  c'eft  du  plomb 
diflbus  par  le  vinaigre.  (  ette  couleur  eft  d'un  grand 
ul'age  pour  les  Peintres.  Voyt^  Plomb. 

Le  blanc  de  plomb  ou  blanc  de  cérufe ,  eft  un 
blanc  parfaitement  beau.  Dans  les  ouvrages  à  dé- 
trempe ,  où  il  y  a  plulîeurs  teintes  ou  nuances  à 
faire  ,  on  mêle  le  blanc  de  plomb  avec  le  blanc  de 
Roiien  ;  car  il  a  plus  de  corps  ,  tk  fe  travaille  plus 
facilement.  Mais  pour  la  peinture  à  l'huile  ,  on  n'em- 
ployé que  du  blanc  de  plomb. 

On  a  deux  manières  de  faire  le  blanc  de  plomb  : 
dans  la  première  on  réduit  le  plomb  en  lames  minces 
qu'on  trempe  dans  du  vinaigre  fort,  cv  qu'on 
tous  les  jours  pour  en  ôter  la  rouille  formée  fur  la 
furface  ;  répétant  cette  opération  jufqu'à  ce  que  le 
plomb  ait  entièrement  difparu  :  dans  la  fecon 
forme  avec  les  petites  lames  de  plomb  des  rouleaux 
femblables  à  des  rouleaux'  de  papier,  en  obfervant 
feulement  de  laitier  un  peu  ntre  chaque 

du  rouleau  ;  on  fufpend  ces  lames  dans  le  mi- 
lieu d'un  pot  det.  nd  duquel  eft  du  vinai- 
gre; on  ferme  enfuite  exactement  ce  pot,  o*:  on  l'en- 
ferme dans  du  fumier  pendant  trente  jours,  après 
quoi  on  l'ouvre^  &  on  y  trouve  le  plomb  comme 


170 


B  L  A 


calciné  &  réduit  en  ce  qu'on  appelle  cèrufe  ou  blanc 
de  plomb  ;  on  le  divife  en  monceaux,  &  on  le  fait 
lécher  au  foleil. 

On  fe  fert  du  blanc  de  plomb  dans  la  peinture  à 
l'huile  &  clans  la  peinture  en  détrempe.  La  couleur 
qu'il  donne  eft  belle,  mais  il  eft  un  peu  dangereux 
pour  ceux  qui  le  broyent  &  pour  ceux  qui  l'em- 
ployent,  parce  qu'il  peut  être  mis  au  rang  des  poi- 
fbns:  il  leur  occafionne  une  maladie  appellée  coli- 
que de  plomb.  Vqye{  COULEUR. 

Le  blanc  de  plomb  eft  aufli  un  cofmétique  :  les  fem- 
mes s'en  fervent  pour  fe  blanchir  la  peau  ;  on  en  fait 
le  fard.  Les  revendeufes  à  la  toilette  font  ce  blanc  de 
plomb  en  mettant  du  vinaigre  &  de  l'orge  perlé  le  plus 
beau,  dans  un  vaiffeau  qui  ait  un  couvercle  de  plomb. 
Elles  placent  le  tout  dans  cet  état  dans  un  lieu  chaud  : 
ïa  vapeur  du  vinaigre  calcine  le  plomb  ,  &  fait  un 
blanc  que  ces  femmes  détachent  pour  leur  commer- 
ce: elles  prétendent  que  l'orge  qu'elles  joignent  au 
vinaigre,  empêche  que  le  blanc  de  plomb  n'ait  de  mau- 
vais effets.  Celles  qui  n'ont  pas  le  moyen  d'avoir 
cette  efpece  d'orge  perlé  ,  qui  eft  la  plus  chère  ,  y 
fubftituent  le  riz.  (  M  ) 

La  cèrufe  ne  doit  être  autre  chofe  que  le  blanc 
deplombbvoyé  ,  fi  elle  eft  bien  pure  :  mais  elle  peut 
être  mélangée  avec  une  partie  du  blanc  de  Rouen 
ou  de  craie ,  fans  qu'on  puiffe  s'en  appercevoir  faci- 
lement, ii  ce  n'eft  par  la  fuite  ;  car  après  qu'elle  a  été 
employée  à  l'huile,  elle  noircit.  On  peut  abfolument 
reconnoître  fi  elle  eft  mélangée  ,  parce  que  fi  l'huile 
avec  laquelle  on  l'a  broyée  n'eft  pas  vieille ,  &  que 
le  blanc  foit  gras ,  cela  vient  de  la  craie.  C'eft  pour- 
quoi ceux  qui  veulent  avoir  de  beau  blanc  de  plomb 
pour  la  peinture  à  l'huile ,  doivent  toujours  le  faire 
broyer  quand  il  eft  en  écaille. 

Blanc,  ou  Magistère  de  Bismuth,  (Chimie.') 
Voici,  fuivantM.  Pott,  la  meilleure  façon  de  le  faire  : 
on  prend  une  partie  de  régule  de  bifmuth  puivérilé, 
on  verfe  par-deffus  bien  doucement  &  à  plufieurs 
reprifes  deux  parties  d'efprit  de  nitre  bien  pur  &  bien 
dégagé  de  l'acide  vitriolique,  pour  que  lemagijîere 
foit  bien  blanc  ;  car  fans  cela  il  prendrait  une  cou- 
leur grife  ;  on  prend  garde  qu'il  n'arrive  point  d'ef- 
fervelcence.  Peu  de  tems  après  la  folution,  il  fe  for- 
mera des  cryftaux  blancs  ;  ou  fi  on  ne  veut  pas  at- 
tendre la  formation  de  ces  cryftaux  ,  on  n'aura  qu'à 
précipiter  la  folution  avec  huit  parties  d'eau  claire 
toute  pure  ;  on  fait  par  là  tomber  une  chaux  blan- 
che ,  qu'on  lave  dans  plufieurs  eaux  pour  l'éciulco- 
rer  ;  on  la  fait  lécher  enfuite  à  l'ombre  :  car  fi  on  le 
faifoit  au  foleil  ou  au  feu ,  la  chaux  perdrait  de  fa 
blancheur.  Si  on  met  cette  chaux  calciner,  elle 
devient  blanche  &  brillante  comme  du  talc  folié  ; 
c'eft  ce  qu'on  appelle  blanc  de  bifmuth  ,  blanc  £Efpa- 
gne  ,  ou  blanc  de  perles.  Cette  chaux  eft  regardée 
comme  un  grand  cofmétique  ;  on  s'en  fert  comme 
d'un  fard  pour  cacher  les  difformités  du  vifage  ,  & 
on  prétend  qu'elle  blanchit  le  teint. 

Lorfqu'on  veut  employer  cette  chaux  pour  des 
ufages  de  médecine  ,  on  la  met  en  diftillation  avec 
de  l'eau-forte  affoiblie  par  moitié  ou  plus  d'eau  com- 
mune ,  ou  bien  l'on  en  fait  plufieurs  cohobations 
avec  l'efprit  de  vin.  Cela  produit ,  fuivant  quelques- 
uns,  un  bon  remède  pour  les  maladies  inflammatoi- 
res :  mais  il  vaut  mieux  de  s'en  défier  à  cauie  de  l'ar- 
fénic  qui  eft  toujours  attaché  au  bifmuth ,  &  qui  ne 
peut  guère  produire  de  bons  effets  dans  le  corps  hu- 
main.Lorfqu'on  applique  extérieurement  cette  chaux, 
on  trouve  qu'elle  eft  defficcative  ,  aftringente ,  & 
propre  à  nettoyer  les  ulcères  ;  on  en  vante  aufli 
beaucoup  l'ufage  pour  les  maladies  de  la  peau ,  com- 
me galle,  rougeurs  ,  dartres  &  boutons ,  après  avoir 
préalablement  préparé  le  corps  par  des  purgations. 
On  la  mêle  pour  cet  effet  avec  des  pommades  ou  du 


B  L  A 

beurre  de  cacao  ,  ou  de  l'eau-rofe  ;  mais  ce  remède 
nelaiflè  pas  d'endommager  la  peau  à  la  longue  ,  c'eft 
pourquoi  il  vaut  mieux  en  bannir  entièrement  l'ufa- 
ge même  extérieur. 

Les  fleurs  de  bifmuth  fe  tirent ,  fuivant  M.  Lemery, 
en  réduifant  le  bifmuth  en  poudre  ,  &  y  mêlant  partie 
égale  de  tel  ammoniac  :  on  met  ces  deux  matières 
fur  le  feu  ,  &  il  le  fait  une  fublimation  ;  on  prend  ce 
qui  a  été  fublimé  ,  on  le  diffout  dans  de  l'eau ,  on  pré- 
cipite la  folution  avec  de  l'efprit  de  fèl  ammoniac  , 
ou  de  l'huile  de  tartre  ;  il  tombe  au  fond  une  poudre 
blanche  qu'on  appelle  fleur  ou  fucre  de  bifmuth  ;  on 
s'en  fert  pour  les  mêmes  ufages  que  le  magijiere  pré- 
cédent. (— ) 

Blanc  des  Carmes;  ce  blanc  n'eu  autre  chofe 
que  de  la  chaux  de  Senlis  fort  blanche  &paffée  dans 
un  tamis  très-fin.  Quand  elle  eft  claire  comme  du  lait, 
on  en  donne  cinq  ou  fix  couches  :  mais  il  faut  que 
chacune  de  ces  couches  foit  bien  feche  avant  que 
d'en  appliquer  une  nouvelle  ;  il  faut  aufli  les  bien 
frotter  avec  la  brofle  ;  après  cela  on  frotte  l'ouvrage 
avec  une  brofle  de  poil  de  fanglier  ,  ou  avec  la  pau- 
me de  la  main  ;  c'eft  ce  qui  lui  donne  ce  luilant  qui 
en  fait  tout  le  prix. 

On  fait  dans  les  Indes  un  blanc  plus  pur  encore  & 
plus  luifant  avec  de  la  chaux  vive  mêlée  avec  du 
lait  &  du  fucre ,  dont  on  enduit  les  murailles  que  l'on 
polit  avec  une  pierre  d'agate.  Cet  enduit  les  rend 
d'un  poli  qui  imite  la  glace  ,  6c  dont  le  plus  beau  blanc 
des  Carmes  n'approche  pas. 

Blanc  ,  (che^  les  Batteurs  d'or.  )  ce  n'eft  autre 
chofe  que  de  l'argent  dont  ils  allient  quelquefois  l'or, 
malgré  l'infidélité  qu'il  y  a  &  le  danger  de  ne  pou- 
voir plus  le  travailler  &  le  mettre  en  feuilles.  Voye^ 
Batteur  d'or. 

Blanc  ,  (en  terme  de  Doreur  fur  bois.  )  fe  fait  avec 
du  plâtre  bien  battu  qu'on  lafle  à  un  tamis  très-fin  , 
&  qu'on  affine  à  force  de  le  noyer  dans  de  l'eau.  On 
en  tonne  enfuite  des  pains  qu'on  laiflè  fécher  ;  on  le 
délaye  avec  de  l'eau  pour  s'en  fervir  ,  &  on  l'appli- 
que à  plufieurs  couches  fur  les  ouvrages  deftinés  à 
être  dorés  ,  afin  de  remplir  les  traits  des  outils ,  &£ 
rendre  la  dorure  égale  &  unie.  Voye^  Blanchir. 

Blanc  ,  donner  le  blanc,  (  che^  les  Fayenciers.  )  c'eft 
couvrir  le  bifeuit  de  l'émail  de  la  fayence.  Voye^ 
Fayence. 

Blanc  ,  (  chéries  Fondeurs  en  lettres  d'Imprimerie. } 
les  blancs  font  partie  du  moule  à  fondre  les  caractères 
d'Imprimerie ,  &  en  font  les  deux  principales  pièces  ; 
elles  forment  le  corps  du  caractère  :  par  exemple ,  lï 
c'eft  un  moule  pour  fondre  du  cicero ,  les  blancs  font 
jufte  de  Pépaifleur  du  corps  de  cicero.  Fbyei  Corps. 
Ces  blancs  font  égaux  entre  eux  6c  arrêtés  fur  la  lon- 
gue pièce  d'un  bout  par  une  vis ,  &c  de  l'autre  par 
une  pieeequ'on  nomme  potence,  qui  traverfe  ce  blanc  , 
la  longue  pièce  &  la  platine  par  un  trou  quarré  ,  pra- 
tiqué égal  dans  ces  trois  pièces  ,  dont  cette  potence 
remplit  les  vuides  ,  &  eft  fortement  arrêtée  par-def- 
fous  la  platine  avec  une  vis  &  un  écrou  qui  les  unit 
enlêmble  ;  toutes  ces  parties  font  de  fer.  Voye^  Lon- 
gue pièce,  Platine. 

Blanc  a  encore  une  autre  acception  ,  chez  les  mê- 
mes ouvriers  :  on  dit  des  lettres  en  fonte  qu'elles  ont 
blanc  deffus  ,  deflbus,  ou  deffus  &  deflbus  :  une  my 
par  exemple  a  blanc  deffus  &  deflbus ,  &  le  corps  de 
cette  lettre  doit  être  coupé  de  ces  deux  côtés  ;  un  b 
n'a  blanc  que  deflbus ,  parce  que  le  trait  s'élève  au- 
deffus  de  ceux  de  Y  m  ;  on  ne  le  coupe  par  conféquent 
que  deflbus  :  le  q  dont  le  trait  occupe  la  partie  infé- 
rieure du  corps  a  blanc  deffus  ,  ck  fe  coupe  ue  ce  côté. 
Ainfl  des  autres  lettres ,  dont  les  traits  occupent  les 
parties  fupérieures  ou  inférieures  du  corps  ;  les  pla- 
ces vuides  s'appellent  blancs,  &  fe  coupent  pour  laif- 


B  L  A 

fer  l'œil  ifolé,  &  que  rien  ne  nuife  à  l'imprefîîon. 
Voye{  Couper. 

On  appelle  encore  blanc  ,  des  réglettes  minces  de 
fonte  ou  de  bois  que  l'on  met  à  l'Imprimerie  entre 
chaque  ligne  de  caractère ,  pour  les  éloigner  un  peu 
les  unes  des  autres,  &  laiffer  par-là  plus  de  blanc 
entre  elles  ;  ce  qui  le  fait  ordinairement  pour  la 
poëfie. 

On  dit  une  fonte  portant  fon  blanc ,  lorfqu'un  carac- 
tère eft  fondu  fur  un  corps  plus  fort  qu'il  n'a  coutu- 
me d'être  ;  comme  lorfcru'on  fond  le  caractère  de 
petit-romain  fur  le  corps  de  cicero.  Cet  œil  de  petit- 
romain  qui  fe  trouve  par-là  fur  un  corps  plus  fort 
qu'il  n'a  coutume  d'être  ,  laiffe  entre  les  lignes  plus 
de  blanc  que  s'il  étoit  fondu  fur  fon  corps  naturel  : 
cela  évite  d'ajouter  des  chofes  étrangères  pour  écar- 
ter les  lignes ,  &  eft  beaucoup  plus  propre  &  plus 
sûr.  Voye^  CORPS. 

Blanc  ,  che^  les  Facteurs  d'orgue,  eft  une  compofi- 
tion  dont  ils  fe  fervent  pour  blanchir  les  parties  qu'ils 
veulent  fouder;  c'eft  un  mélange  de  colle,  d'eau,  & 
de  blanc  d'Efpagne.  Pour  faire  le  blanc  propre  à  blan- 
chir les  foudures  ,  on  met  de  l'eau  dans  une  terrine , 
dans  laquelle  on  jette  du  blanc  d'Efpagne  réduit  en 
poudre  ,  voyi[  l 'article  B  L  A  N  c  :  on  met  enfuite 
la  terrine  fur  le  feu ,  qui  ne  doit  point  échauffer  la 
compofition  jufqu'à  la  faire  bouillir ,  ce  qui  la  ren- 
drait inutile.  On  verfe  enfuite  dedans  un  peu  de  col- 
le fondue  ,  que  l'on  mêle  bien  avec  la  compofition, 
qui  fe  trouve  ainfi  achevée.  Pour  en  faire  l'effai ,  on 
en  met  un  peu  fur  une  bande  d'étain  poli  :  fi  le  blanc 
s'écaille  ,  c'eft  une  marque  qu'il  eft  trop  collé  ;  s'il 
s'efface  ,  on  connoît  qu'il  n'a  pas  affez  de  colle.  Il 
vaut  mieux  mettre  de  la  colle  petit-à-petit ,  que  d'en 
mettre  trop ,  parce  qu'il  faudroit  remettre  de  l'eau  &C 
du  blanc,  &c  faire  rechauffer  le  mélange,  que  l'on 
connoît  être  bon,  lorlqu'en  tortillant  le  morceau 
d'étain  fur  lequel  on  fait  l'effai,  il  ne  s'écaille  ni  ne 
s'efface  point. 

Autrement ,  prenez  du  blanc  d'Efpagne  réduit  en 
poudre  dans  une  terrine  de  terre  vernifîée  ;  verlêz  def- 
îiis  du  vinaigre  en  quantité  fuffifante  pour  détremper 
le  blanc ,  vous  aurez  une  compofition  qui  n'a  point 
befoin  d'épreuve.  Pour  employer  ce  blanc ,  qui  ne 
s'écaille  ni  ne  s'efface  jamais,  il  faut  en  prendre  avec 
tin  pinceau,  &  paffer  ce  pinceau  fur  les  vives  ou  ar- 
rêtes des  pièces  que  l'on  veut  fouder ,  en  forte  qu'el- 
les en  foient  couvertes.  On  met  une  féconde  couche 
fur  l'étain ,  après  que  la  première  eft  fechée  ,  enfuite 
on  gratte,  avec  la  pointe  à  gratter ,  le  blanc  &c  même 
la  furface  des  pièces  à  fouder ,  dans  tout  Fefpace  que 
l'on  veut  que  la  foudure  occupe.  Après  que  les  pie- 
ces  font  fondées  ,  on  fait  chauffer  de  l'eau  dans  un 
chaudron  ,  dans  laquelle  on  trempe  un  linge ,  avec 
lequel  on  lave  la  foudure  &  le  blanc ,  que  l'on  ôte 
par  ce  moyen.  Lorfque  ce  font  des  tuyaux  d'étain 
que  l'on  foude  ,  il  faut  qu'ils  foient  blanchis  en-de- 
dans pour  empêcher  la  foudure  d'y  entrer.  Lorfqu'on 
veut  ôter  le  blanc  qui  eft  dedans  les  tuyaux  où  l'on  ne 
peut  pas  fourrer  la  main  ,  on  attache  au  bout  d'une 
baguette  un  linge  ,  avec  lequel  on  emporte  le  blanc 
que  l'on  veut  ôter. 

Blanc  ,  en  terme  de  Pratique ,  fe  dit  en  quelques 
phrafès  pour  l'endroit  d'un  acle  qui  eft  refte  non- 
écrit.  C'eft  en  ce  feris  qu'on  dit  qu'on  a  laiffé  deux  , 
trois  ou  quatre  lignes  de  blanc ,  qu'on  a  laiffé  un  nom 
en  blanc.  (H) 

Blanc  ,  1.  f.  {Commerce.')  petite  monnoic  de  cui- 
vre qui  avoit  autrefois  cours  en  France,  de  la  valeur 
de  cinq  deniers.  Selon  le  prix  réel  du  marc  d'argent, 
le  billon  dont  on  fabriquoit  les  blancs  avoit  plus  ou 
moins  de  titre.  Le  blanc  n'a  pas  de  cours  dans  le  com- 
merce, il  n'y  a  plus  que  le  bas  peuple  qui  fe  lert  de 
VexprelWonJîx-blanc s,  pour  marquer  le  prix  de  tren- 
te deniers. 


B  L  A 


271 


Blanc  ,  (  Jardinage.  )  maladie  qui  furvient  aux 
concombres  :  on  la  remarque  aufTï  dans  l'œillet.  Ce 
n'eft  autre  chofe  qu'une  altération  dans  les  fibres  de 
leurs  tannes  ou  de  leurs  bras ,  qui  n'étant  plus  en 
état  de  recevoir  le  fuc  qui  les  nourrit ,  les  fait  périr 
fans  qu'on  puiffe  y  remédier.  C'eft  une  efpece  de 
rouille  blanche  ,  telle  qu'on  en  voit  fur  les  laitues  , 
les  chicorées ,  les  melons ,  &  les  blés.  Cette  maladie 
vient  d'une  trop  grande  féchereffe ,  d'une  mauvaife 
expofition,  d'un  arrofement  fait  mal-à-propos,  de 
brouillards ,  &c  des  nuits  froides  :  une  grande  atten- 
tion peut  en  garantir  ces  plantes.  (A"  ) 

*  Blanc-bois  ,  ((Économie  rufliq.)  on  comprend 
fous  ce  nom  tous  les  arbres  qui  ont  non-feulement  le 
bois  blanc ,  mais  encore  léger  &  peu  folide  :  tels  font 
le  faille,  le  bouleau ,  le  tremble,  l'aune.  Mais  le  châ- 
taigner,  le  tilleul,  le  frêne,  le  fapin,  &c.  font  bois- 
blancs  &  non  blancs-bois ,  parce  que,  quoique  blan- 
châtres ,  ils  font  fermes  &  propres  aux  grands  ouvra- 
ges. Les  blancs-bois  viennent  vite ,  même  en  des  ter- 
reins  mauvais  :  mais  ils  n'ont  point  de  confiftance  , 
ne  font  bons  qu'à  de  petits  ouvrages,  &  ne  peuvent 
entrer  que  pour  un  tiers  au  plus  dans  les  bois  à  brûler. 

*  Blanc-en-BOURRE,  ((Economie  rufliq.)  efpece 
d'enduit  fort  en  ufage  à  la  campagne  ;  il  eft  fait  de 
terre ,  &  recouvert  de  chaux  mêlée  de  bourre.  On 
l'applique  aux  murs  des  granges ,  des  bergeries ,  &c. 

*  Blanc-étocow  Blanc-être,  (Œconom.  rujl.) 
Couper  une  forêt  à  blanc-  étoc  ou  blanc-itre ,  c'eft  l'a- 
battre fans  y  laiffer  ni  baliveaux  ni  autres  arbres  re- 
tenus ,  ce  qui  eft  défendu  fous  peine  de  trois  cents  li- 
vres d'amende ,  à  moins  qu'on  n'ait  fait  déclaration 
des  baliveaux  qu'on  veut  couper,  au  greffe  de  la  maî- 
trife  des  eaux  &  forêts,  dont  les  bois  font  reffortif- 
fans ,  afin  que  les  officiers  puiffent  renonnoître  avant 
la  coupe  l'âge  &  la  qualité  des  baliveaux  qu'on  veut 
abattre.  Cette  loi  s'étend  aux  taillis  comme  aux  fu- 
taies. 

Blanc-manger,  (Pharmacie.')  efpece  dégelée," 
dont  Fuller  donne  la  préparation  fuivante  :  Prenez 
quatre  pintes  de  lait ,  les  blancs  d'un  chapon  bouilli , 
amandes  douées  blanchies  ,  deux  onces  ;  battez  le 
tout  enfemble  ,  &  faites  -  en  une  forte  expreffion  : 
faites  bouillir  l'extrait  fur  le  feu,  avec  trois  onces  de 
farine  de  riz  :  lorfque  le  tout  commencera  à  fe  coa- 
guler ,  ajoutez  fucre  blanc ,  huit  onces ,  eau  de  rofes 
rouges ,  dix  cuillerées  :  mêlez  bien  le  tout  enfemble. 

Cette  compofition  eft  falutaire  dans  les  confomp- 
tions ,  dans  les  gonorrhées ,  &  dans  d'autres  maladies 
où  l'on  doit  fe  propofer  de  corriger  les  humeurs  ÔC 
d'en  tempérer  l'acrimonie.  (A) 

Blancs-manteaux  ,  f.  m.  pi.  (Hifl.  ecclJf.)  c'eft 
le  nom  qu'on  donna  aux  religieux  de  l'ordre  des  Ser- 
vîtes ou  Serviteurs  de  la  fainte  Vierge  mère  de  Jefus- 
Chrift ,  à  caufe  qu'ils  avoient  des  habits  Se  des  man- 
teaux blancs.  Cet  ordre  avoit  été  inftitué  à  Marfeil- 
le,  &  fut  confirmé  par  le  pape  Alexandre  IV.  l'an 
1257  ;  Se  comme  ils  s'établirent  à  Paris  ,  dans  la  rue 
de  la  vieille  Parcheminerie ,  cette  rue  &  le  monaf- 
tere  ont  depuis  retenu  le  nom  de  Blancs-manteaux  , 
quoique  ce  monaftere  ait  été  donné ,  dès  l'an  1298, 
aux  religieux  Guillelmites ,  qui  avoient  des  manteaux 
noirs,  &  que  les  religieux  Bénédi&ins  de  Cluni,  qui 
font  habillés  de  noir ,  y  foient  entrés  en  1618,  par  la 
cciîionque  leur  en  firent  les  Guillelmites  de  France, 
non  fans  oppolition  de  la  part  de  leur  général.  Les 
Bénédictins  de  Cluni  l'ont  encore  cédé  depuis  aux 
Bénédictins  de  la  congrégation  de  faint  Maur,  qui  en 
font  prefentement  en  poffefîion.  Du  Brcuil,  Antiquit. 
de  Paris.  (G) 

*  Cette  maifon  eft  aujourd'hui  remplie  de  reli- 
gieux très-favans  &  d'un  grand  mérite,  auteurs  d'ou- 
vrages fort  eltimables  &  fort  utiles  ;  comme  l'art  de 
vérifier  des  dates ,  qui  a  été  fi  bien  reçu  du  public  ;  la 


r-fi 


B  L  A 


nouvelle  Diplomatique  ,  la  collection  des  Hifloricns  de 
France,  &c.  Nous  faillirons  avec  plailir  cette  occa- 
fion  de  célébrer  leurs  talens  &  leurs  travaux. 

Blanc  de  baleine,  (Médecine.)  matière  grafle 
&  oncïueufc ,  qui  le  tire  de  la  tête  &  d'autres  parties 
d'une  efpece  de  baleine.  C'ell  un  très-bon  expecto- 
rant. Foyfi  Baleine  &  Cachalot. 

Blanc  de  l'œil,  (en  slnatomie.)  ceû  la  première 
tunique  ou  enveloppe  de  l'œil  ;  on  l'appelle  aufîi  Val- 
buginée  ,  ôt  on  lui  donne  encore  le  nom  de  conjonc- 
tive, à  caufe  qu'elle  fert  à  unir  les  paupières  aux  glo- 
bes de  l'œil.  Voye^  Conjonctive  &  Œil.  (L) 

Blanc  d'œuf,  c'ell  cette  partie  vifqueufe  &  blan- 
châtre qui  enveloppe  le  jaune,  quand  l'œuf  ell  cru  , 
&  qui  ell:  confinante  &  blanche  quand  il  ell:  cuit  :  on 
l'employé ,  en  Médecine ,  en  qualité  de  glutineux  & 
d'aflringent.  Dans  cette  vue  on  le  mêle  lbuvent  avec 
le  bol  d'Arménie  ,  &c.  pour  empêcher  l'enflure  des 
parties  qui  ont  fouffert  quelque  violence  ,  &  pour 
rendre  aux  fibres  leur  refl'ort  &  leur  élallicité  ;  c'eil 
ce  qu'on  appelle  un  défenfif.  Il  entre  aulîi  dans  quel- 
ques mélanges  pour  consolider  les  plaies  récentes  & 
prévenir  l'hemorrhagie.  (N) 

On  le  fert  du  blanc-l'œuf,  chez  les  Relieurs-doreurs, 
pour  englairer  deux  ou  trois  lois  avec  une  éponge 
très-fine ,  les  dos ,  &  les  autres  endroits  ,  avant  d'y 
appliquer  l'or,  lorlque  le  blanc-a"  œuf ell  lec.  On  dit 
pafferau  blanc-d'œuf.  On  le  fert  encore  du  blanc-d'œuf 
pour  donner  du  luitre  aux  couvertures.  Quand  le  li- 
vre ell  entièrement  achevé  ,  on  palle  légèrement  une 
éponge  fine  trempée  dans  le  blanc-d'œuf  iux  toute  la 
couverture ,  &  quand  il  ell  lec  on  y  palle  le  ter  à  po- 
lir. Voye7^  Fer  à  polir  &  Polir. 

Blanc-signé  ou  Blanc-seing  ,  f.  m.  en  termes 
de  Commerce ,  ell  un  papier  fur  lequel  on  n'a  mis  que 
la  fignature.  Les  blancs-Jignés  ne  le  confient  ordinai- 
rement qu'à  des  arbitrer  ou  à  des  amis ,  pour  les  rem- 
plir de  ce  qu'ils  jugeront  à  propos  pour  terminer  quel- 
que contestation  ou  procès ,  ou  à  des  perfonnes  de  la 
probité  defquelles  on  ell  extrêmement  iùr.  (G) 

*  Blanc  (le)  ,  Gèog.  petite  ville  de  France,  en 
Berry  ,  fur  la  Creufe.  Longitude  18.  43.  latitude 
46.  38. 

*  BLANC  A  (la)  ,  Céog.  île  inhabitée  de  l'Améri- 
que ,  au  nord  de  la  Marguerite,  proche  Terre-ferme. 
Long.  11.  60.  lat.  31J. 

*  BLANCARDS ,  f.  m.  pi.  (Commerce.)  toiles  de 
lin ,  ainli  appellées  de  ce  que  le  fil  a  été  à  demi  blan- 
chi avant  que  d'être  employé  à  leur  fabrication.  Elles 
viennent  toutes  de  Normandie  :  elles  ne  font  ni  grol- 
fes  ni  fines  :  leur  chaîne  ell  de  deux  mille  fils  ;  leur 
largeur  en  écru  ,  de  quinze  feiziemes ,  ÔC  la  pièce  de 
foixante  à  loixante-fix  aunes. 

BLANCHE  ,  adj.  f.  pris  fubll.  nom  d'une  note  de 
Mufique ,  qui  le  fait  ainfî  f  &  qui  vaut  deux  noires 
ou  la  moitié  d'une  ronde.  Voye^_  Mesure  &  Valeur 
des  notes.  (S) 

Blanches,  (Fermes.)  terme  de  la  coutume  de 
Normandie ,  font  celles  dont  le  fermage  le  paye  en 
argent.  Voyc^  Ferme.  (H) 

*  Blanche,  (la  mer)  Géog.  grand  golfe  de  l'O- 
céan leptentrional,  qui  baigne  les  côtes  de  la  Lappo- 
nie  Mofcovite  au  nord  &  à  l'occident  :  on  donne  en- 
core ce  nom  à  une  partie  de  l'Archipel,  par  oppoli- 
tion  à  la  mer  Noire. 

BLANCHET ,  f.  m.  ell  un  morceau  de  drap  blanc, 
dont  on  le  fert  en  Pharmacie,  pour  palier  les  firops 
&  les  décodions  ;  il  s'étend  fur  le  carrelet.  V.  Car- 
relet ,  Filtration. 

Blanchet  ;  les  imprimeurs  nomment  ainfiun  gros 
drap  blanc,  qu'ils  employent  pour  garnir  le  grand 
tympan  d'une  prelfe;  ils  en  font  uiage  pour  faciliter 
le  toulage  de  l'imprelîion,  &  garantir  en  même  tems 
l'œil  de  la  lettre.  Un  blanchet  entier  ell  un  morceau 


B  L  A 

de  ce  drap  d'une  aune  environ ,  plié  en  deux  ;  un  demi 
blanchet  ell  lîmple  :  par  ce  moyen  on  a  la  facilité  ce 
garnir  le  tympand'un  blanJiet,  ou  d'un  demi  blanchet^ 
pour  racourcir  ou  alonger  le  coup  de  la  prefle. 

Blanchet  ,  en  terme  de  Rajineur,  ell  une  pièce  de 
gros  drap  contenant  vingt  aunes  ou  environ,  bordé 
tout  autour  d'une  double  bande  de  toile.  Elle  s'étend 
par  un  bout  dans  le  panier  à  clairée,  où  il  vaut  mieux 
qu'elle  toit  lâche  &  ailée  que  tendue,  paice  que  le 
poids  de  la  clairée  qui  y  coule  à  flots  de  la  daie ,  ia 
déchireroit.  Voye^  Dale  &  ClairÉE.  Si  j'ai  dit  éten- 
due par  un  bout,  c'ell  que  le  même  endroit  ne  lert 
jamais  qu'une  fois.  On  iailie  tomber  à  mefure  le  bout 
qui  afervi,  en  tirant  au-dellus  du  panier  celui  qui 
n'a  point  encore  fervi.  Quand  toute  la  pièce  a  été 
chargée ,  on  la  lave  avec  loin ,  en  la  battant  avec  for- 
ce dans  la  rivière ,  pour  la  degraifier  ;  &  quand  elle 
ell  feche  on  la  bat  avec  des  baguettes,  pour  en  laire 
fortir  toute  la  pouffiere.  La  même  pièce  fert  julqu'à 
ce  qu'elle  loit  bien  idée.  On  retient  le  blanchet  fui  les 
bords  du  panier  par  des  crochets  qui  prelTent  étroi- 
tement l'étoffe  de  chaque  côté  du  bord ,  &  au-deilus. 
royei  Crochet. 

BLANCHEUR ,  f.  f.  (  Phyfiq.  )  ell  la  qualité  qui 
dillingue  les  corps  blancs.  V.  Blanc  &  Couleur. 
M.  Newton  a  prouvé  par  l'expérience,  que  la  blan- 
cheur confiile  dans  le  mélange  de  toutes  les  couleurs  , 
6c  que  la  lumière  du  foleil  n'ell  blanche  que  parce 
qu'elle  ell  compoiée  de  toutes  les  couleurs.  Voye-r 
Couleur,  Prisme,  Rayon. 

Le  même  auteur  fait  voir  que  la  blancheur  la  plus 
forte  &  la  plus  éclatante  doit  être  mile  au  pre- 
mier rang  des  couleurs ,  &  que  les  blancheurs  qui  font 
au-delîbus ,  font  des  mélanges  de  couleurs  de  difîé- 
rens  ordres.  Les  métaux  blancs  donnent  cette  blan- 
cheur du  premier  ordre  ;  l'écume ,  le  papier ,  le  linge  , 
&  les  autres  fubflances  blanches,  font  de  la  blancheur 
du  fécond  ordre.  M.  Newton  conjecture  que  les  mé- 
taux blancs  font  plus  blancs  que  les  autres  corps  , 
parce  qu'ils  font  plus  dénies,  &  compofés  de  par- 
ties plus  ferrées.  Selon  le  même  auteur,  les  particu- 
les des  métaux  blancs,  comme  l'argent,  l'étain,  &c. 
doivent  avoir  plus  de  furface  que  celles  de  l'or  ou 
du  cuivre.  Ces  deux  derniers  métaux,  amalgamés 
avec  du  mercure ,  ou  mêlés  par  la  fulîon  avec  de  l'é- 
tain ,  de  l'argent,  ou  du  régule  d'antimoine ,  devien- 
nent blancs.  (O) 

BLANCHEUR,  fe  dit,  en  Médecine,  du  teint,  des 
urines  ,  des  déjettions,  du  pus,  des  crachats.  Quand 
la  blancheur  du  vilage  ell  extrême,  elle  fe  nomme 
pâleur.  C'ell  dans  les  femmes  le  lymptome  de  la  liip- 
prefîion  des  règles ,  ou  de  la  maladie  dite  dans  les 
auteurs,  febris  alba  amatoria ,  pâles  couleurs.  Koye^ 
Pasles  couleurs. 

Elle  efî  aufîi  ordinaire  dans  la  fécherefTe ,  dans  la 
convalefcence ,  dans  les  pertes  ;  dans  ceux  qui  ont  le 
friflbn  ;  dans  ceux  qui  ont  peur ,  ou  qui  font  agités 
de  pallions  femblables. 

La  pâleur  dénote  que  la  circulation  ell  diminuée, 
que  le  fang  ell  épais ,  &  qu'il  ne  peut  aborder  dans 
les  petits  vaifîeaux  lymphatiques ,  ou  mieux,  dans  les 
artères  capillaires  extrêmement  fines ,  qui  rampent 
dans  le  tiffu  de  la  peau.  Voye{  Pasleur. 

Les  urines  pâles  &  blanches,  font  un  ligne  de  ref- 

ferrement  dans  les  conduits  urinaires.  Voy.  Urine. 

Les  déjections  blanches  èc  grilès,  marquent  ou  la 

lienterie,  ou  les  obllruftions  du  foie.  Voye^  Lien- 

terie,  Obstruction. 

Le  pus  d'un  blanc  terne  &C  mat,  ell  un  pus  bénin 
&  louable. 

Les  crachats  blancs  &  mouffeux  font  allez  équi- 
voques, &c.  (N) 

BLANCHIMENT ,  f.  m.  à  la  monnoie,  elt  une  pré- 
paration que  l'on  donne  aux  flancs,  pour  qu'ils  ayent 

de 


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B  L  A 


de  l'éclat  &  du  brillant  au  fortir  du  balancier.  Le 
blanchiment  {"e  faifoit  autrefois  à  l'eau-forte  :  mais  ce 
procédé,  outre  qu'il  altéroit  un  peu  les  el'peces,  étoit 
plus  coûteux  que  celui  que  l'on  fuit  à  prefent.  Les 
flancs  que  l'on  veut  blanchir  fe  mettent  dans  une  ef- 
pece  de  poelle  fur  un  fourneau  de  réverbère  ;  les 
flancs  ayant  été  ainfi  chauffés ,  on  les  laiffe  refroidir, 
puis  on  les  met  bouillir  fucceSîiveraent  dans  d'autres 

foelles  appellées  bouilloires,  dans  lesquelles  il  y  a  de 
eau ,  du  fel  commun ,  &  du  tartre  de  Montpellier 
ou  gravelle  ;  &  lorsqu'ils  ont  été  efforés  de  cette 
première  eau  dans  un  crible  de  cuivre ,  on  y  jette 
du  fablon  &  de  l'eau  fraîche,  enfuite  on  les  effuie. 

Blanchiment,  les  Orfivres  appellent  ainli  un 
baquet,  où  il  y  a  de  l'eau-forte  affoiblie  par  de  l'eau, 
pour  blanchir  la  vaifièlle  ;  ils  donnent  auiîî  le  même 
nom  à  l'opération  même. 

Blanchiment,  (Doreur)  Voy.  Blanc  &  Blan- 
chir. 

BLANCHIR,  v.  au.  c'en-,  en  Maçonnerie,  donner 
une  ou  plufieurs  couches  de  blanc  à  colle  fur  un  mur 
fale,  après  y  avoir  paflé  un  lait  de  chaux,  pour 
rendre  quelque  lieu  plus  clair  &  plus  propre.  (P) 

BLANCHIR  ,  terme  de  Boyaudier ,  c'eft  tremper  les 
boyaux  dans  une  tinette  ou  chaudron ,  immédiate- 
ment après  qu'ils  ont  été  dégraiffés,  pour  achever  de 
les  nettoyer  :  c'eft  de  cette  tinette  où  on  les  met  blan- 
chir ,  que  des  femmes  les  retirent  pour  les  coudre. 

BLANCHIR ,  en  terme  de  Chauderonnier  ;  c'eft  donner 
le  luftre  aux  chauderons  ,  chaudières ,  poêlions  ,  &c, 
fur  le  tour  avec  une  paroire.  foyer  Paroire. 

Blanchir  la  cire  ,  c'eft  lui  faire  perdre  la  couleur 
jaune  fale  qu'elle  a,  après  qu'on  en  a  féparé  le  miel. 
foye^ClKE,  MIEL,  &c. 

La  cire  féparée  du  miel ,  &:  fondue  en  gros  pain , 
eft  ce  que  l'on  appelle  de  la  cire  brute.  C'eft  en  cet 
état  qu'on  l'apporte  dans  les  blanchifferies,  où  elle 
paffe  par  les  préparations  fuivantes. 

Premièrement ,  un  ouvrier  la  coupe  par  morceaux 
gros  comme  le  poing ,  afin  qu'elle  fonde  plus  facile- 
ment lorfqu'elle  eft  portée  dans  les  chaudières  A ,  A , 
A  (  PI.  du  blanchijjage  des  cires  ,  vignette  )  où  on  la  re- 
mue juiqu'à  parfaite  fufion  avec  la  fpatule  de  bois, 
Jig.  4.  Après  qu'elle  eft  fondue ,  on  la  laiffe  couler  au 
moyen  des  robinets  adaptés  ijux  chaudières,  dans 
les  cuves  B  &  C  qui  font  de  bois ,  &  placées  de  fa- 
çon que  le  fond  des  chaudières  eft  de  quelques  pou- 
ces plus  élevé  que  la  partie  fupérieure  des  cuves. 
On  la  laiffe  repofer  dans  les  cuves  environ  cinq  ou 
fix  heures,  tant  pour  qu'elle  n'ait  plus  qu'un  médio- 
cre degré  de  chaleur,  fans  toutefois  ceffer  d'être 
fluide ,  que  pour  donner  le  tems  aux  ordures  ou 
fèces,  dont  elle  eft  chargée,  de  fe  précipiter  dans 
l'eau ,  dont  le  bas  de  la  cuve  eft  rempli  à  cinq  ou 
fix  pouces  de  hauteur. 

Au-deffousdescuvesi?,  C,  en  font  d'autres  D ,  E , 
de  forme  oblongue ,  qu'on  appelle  baignoires,  polées 
fur  le  pavé  de  l'atteilier.  Ces  baignoires  qui  iont  de 
bois  &  cerclées  de  fer,  font  revêtues  intérieure- 
ment de  plomb  ,  pour  qu'elles  tiennent  mieux  l'eau 
dont  on  les  remplit ,  en  ouvrant  le  robinet  X,  par 
lequel  l'eau  vient  d'un  réfervoir.  Chaque  baignoire 
a  de  plus  fur  le  devant  6c  à  la  partie  intérieure ,  un 
robinet  F ,  F,  parle  moyen  duquel  on  vuide  l'eau 
qu'elles  contiennent  dans  le  puilait  ou  égoût  foûter- 
rein ,  dont  G  eft  l'ouverture  recouverte  d'une  grille. 

Toutes  choies  ainiî  disposées,  on  place  les  cylin- 
dres de  bois  H ,  Hcn  travers  des  baignoires.  Ces  cy- 
lindres qui  ont  un  pié  de  diamètre,  en  occupent  tou- 
te la  largeur.  Ils  font  traversés  par  un  arbre  de  fer, 
dont  une  des  extrémités  eft  courbée  en  manivelle  : 
enforte  que  les  cylindres  peuvent  tourner  librement 
fur  les  tourillons  de  ces  arbres,  auxquels  des  échan- 
-crurcs  pratiquées  dans  les  bords  des  baignoues^  1er- 
Toim  II, 


273 


vent  de  collets.  Les  cylindres  doivent  être  placés 
dans  les  baignoires ,  enforte  que  leur  centre  ou  axé 
foit  directement  à  plomb  au-deiïbus  de  l'extrémité 
des  canelies  K ,  K  par  lefquelles  la  cire  contenue! 
dans  les  cuves  doit  Sortir.  On  place  enfuite  au-def- 
fus  du  cylindre,  une  efpcce  de  banquette  de  fer  a  b, 
ou  a  b ,  ac,  bc,fig.z.  qu'on  appelle  chevrette,  quia 
quatre  pies  qui  appuient  fur  les  bords  de  la  baignoi- 
re, comme  on  voit  en  C,fig.  2.  enforte  que  les  tou- 
rillons du  cylindre  ("oient  au  milieu  entre  les  pies  de 
la  chevrette.  Cette  chevrette  a  vers  chacune  de  les 
extrémités  deux  lames  de  fer  élaftiques  1  ,  2  ;  1  2 
entre  lefquelles  on  place  un  vaiffeau  de  cuivre  L ,  L  , 
de  forme  oblongue ,  qu'on  appelle  greloire.  Cette  ere- 
loire  eft  plus  large  par  le  haut  que  par  le  bas.  Sa  lon- 
gueur L  L  qui  eft  égale  à  celle  du  cylindre,  eft  divifée 
en  trois  parties  ;  celle  du  milieu  qui  eft  la  plus  grande, 
eft  percée  d'une  cinquantaine  de  petits  trous ,  pius  ou 
moins,  d'une  ligne  de  diamètre,  diftans  les  uns  des 
autres  d'un  demi-pouce  ou  environ.  Les  deux  autres 
parties  fervent  à  placer  des  réchauds  pleins  de  braife , 
dont  l'ufage  eft  d'entretenir  un  médiocre  degré  de  cha- 
leur dans  la  greloire,  dont  la  fraîcheur  ne  manque- 
roit  pas  de  faire  fîger  la  cire  que  l'on  y  laiffe  couler. 

On  met  une  plaque  de  fer  blanc  ou  de  cuivre  3  , 
3  ,fig.  2.  inclinée  vers  la  canelle  K  ,  pour  rejetter  la 
cire  dans  l'auge  ou  greloire  L  L.  La  plaque  3,4,  poféc 
de  l'autre  fens,  fert  au  même  ufage.  Par-deffus  ces 
deux  plaques  ,  on  met  une  paffoire  5  toute  criblée 
de  trous.  C'eft  dans  cette  paffoire  que  coule  la  cire 
après  qu'on  a  repouffé  dans  la  cuve  le  tampon  qui 
bouche  la  canelle  K,  au  moyen  de  la  cheville  6  qu'on 
laiffe  dans  la  cannule  plus  ou  moins  enfoncée ,  pour 
modérer,  félon  le  befoin ,  la  vîteffe  de  l'écoulement. 

La  cire ,  après  avoir  pafie  dans  la  paffoire  ou  cri- 
ble 5,  tombe  fur  les  plaques  4,  3;  3  ,  3  ,  &  de-là  dans 
la  greloire  L  L ,  d'où  elle  fort  par  les  petits  trous  que 
nous  avons  dit  être  au  fond  de  cette  greloire ,  &  tom- 
be fur  la  furface  du  cylindre  end.  Si  en  même  tems 
un  ouvrier  afiis  en  /,  fait  tourner  le  cylindre  à  l'aida 
de  la  manivelle  qui  eft  de  fon  côté ,  de  d  par  e  vers 
f,  il  eft  évident  que  le  filet  de  cire  qui  tombe  fur  le 
cylindre,  doit  s'étendre,  &c  former  une  bande  qui 
fera  d'autant  moins  épaiffe ,  que  le  cylindre  fe  fera 
mû  avec  plus  de  vîtefiè  :  mais  comme  il  eft  mouillé, 
étant  immergé  dans  l'eau  au  quart  de  fa  Surface,  la 
cire  ne  s'y  attachera  point.  Mais  après  avoir  deScendu 
en/,  elle  paffera  par  g,  pour  aller  fe  raffembler  en 
E  ,fig.  1.  Ce  mouvement  eft  encore  facilité  par  ce- 
lui de  l'eau  qui  eft  dans  la  baignoire ,  laquelle  fe  por- 
te vers  E ,  pour  fortir  à  mefure  qu'il  en  vient  d'au- 
tre du  réServoir  par  le  robinet  X  ;  enforte  que  l'écou- 
lement par  le  robinet  F ,  foit  égal  à  celui  par  le  robi- 
net X.  On  rechange  continuellement  d'eau ,  non-Seu- 
lement pour  qu'elle  S'oit  plus  propre ,  mais  aufii  afin 
qu'elle  foit  toujours  fraîche ,  &  qu'elle  puiffe  faire 
congeler  les  rubans  de  cire  à  mefure  qu'ils  tombent 
dans  la  baignoire. 

Par  cette  opération  ,  la  baignoire  ne  tarde  pas 
d'être  remplie  de  rubans  ;  un  ouvrier  placé  en  M. 
les  enlevé  avec  une  fourche  à  trois  dents,  &c  les 
jette  de  la  baignoire  dans  la  manne  N  qui  eii  un 
grand  panier  d'ofier  revêtu  intérieurement  de  t<  >ile  ; 
lorfque  le  panier  eft  plein,  un  autre  ouvrier  à  l'aide 
de  celui  qui  a  empli  la  manne,  k  place  Sur  une 
brouette  O ,  fur  laquelle  il  la  transporte  près  des 
quartés  ou  chaiîis  iùr  leiquels  Sont  des  toiles  ten- 
dues &  expolées  à  l'air,  foyei  Quarré.  Il  vuide 
fa  manne  Sur  ces  toiles,  en  un  feul  tas  que  des 
femmes  qui  Sont  autour  des  quarrés  ou  toiles  ,  épar- 
pillent Sur  toute  leur  Surface  :  pendant  que  cet  ou- 
vrier conduit  l'a  brouette  ,  le  tireur  remplit  une 
autre  manne;  ainfi  alternativement  julcju'à  ce  qua 
la  cuve  foit  épuifée. 

Mm 


274 


B  L  A 


En  réduifant  la  cire  en  rubans ,  les  furfac  es  en 
font  prodigieufement  multipliées,  ce  qui  donne  plus 
de  prife  à  l'action  de  l'air  ce  du  foleil  à  laquelle 
on  les  expofe  ïlir  les  quarrés  pour  diffiper  l'huile 
volatile  qui  fait  la  couleur  jaune  de  la  cire. 

Les  quarrés  font  de  grands  chaffis  de  charpente 
de  dix  pies  de  large  fur  une  longueur  telle  que  le 
lieu  le  permet ,  élevés  d'un  pié  &  demi  au-deffus 
du  terrein.  Sur  les  chaffis  font  tendues  horiionta- 
lement  des  toiles  foûtenues  dans  le  milieu  de  leur 
largeur  par  une  pièce  de  bois  horifontale  qui  fe 
trouve  dans  le  pian  du  chaffis.  C'eft  fur  cet  affem- 
blage  de  charpente  &  de  toile  qu'on  étend  ou 
éparpille  également  la  cire  mile  en  rubans  ou  en 
pains,  ainii  qu'il  fera  dit  ci-après.  On  entoure  en- 
core le  quarré  d'une  bande  de  toile  verticale  ac- 
crochée à  des  piquets,  dont  l'ufage  eft  d'empêcher 
que  le  vent  n'emporte  la  cire,  &c  ne  la  jette  par 
terre.  Lorfque  la  cire  a  été  expolée  un  tems  con- 
venable fur  les  quarrés ,  on  la  retourne ,  enforte 
que  la  partie  qui  étoit  délions  paroiiTe  deffus.  Et 
lorfque  l'on  juge  que  la  cire  a  acquis  un  premier 
degré  de  blancheur ,  on  la  reporte  à  la  fonderie , 
où  on  lui  fait  iubir  la  même  fuite  d'opérations  que 
nous  venons  de  détailler  ;  c'eft-à-dire  qu'on  la  re- 
met en  rubans,  &  qu'on  l'expofe  encore  fur  les 
quarrés  à  l'action  du  ioleii  fie  de  l'air  :  mais  comme 
il  ne  peut  pas  manquer  d'arriver  à  cette  féconde 
fonte  que  les  parties  intérieures  des  premiers  ru- 
bans ne  fe  trouvent  à  1.:  :e  js  féconds  ,  il  fuit 
que  toutes  les  parties  de  la  cire  auront  été  fuc- 
ceffivement  expoiées  à  l'acuon  de  l'air  ce  du  foleil. 
On  réitère  une  troiiierne  fois  cette  opération ,  li  on 
juge  que  la  cire  n'ait  pas  encore  acquis  le  degré 
de  blancheur  que  1  on  deare  qu'elle  ait. 

La  cire  expoiee  pour  la  dernière  fois  au  foleil 
fous  la  forme  de  rubans  ,  cii  encore  remife  dans  une 
chaudière,  d'où,  après  qu'elle  a  été  rendue  ,  on  ia 
laiffe  couler  dans  ia  cuve  :  au  lieu  de  la  faire 

par  ia  greloire ,  comme  dans  les  opérations  préc ;:- 

tes,  on  ia  laine  couler  dans  le  coffre  reprefenté  fig. 
j ,  que  Ton  fubftitue  à  la  place  de  ia  greloire. 

Ce  cofire  eft  une  caiffe  de  cuivre  étamé,  por- 
tée fur  quatres  pies  de  fer  iembïabics  a  ceux  L.e  la 
chevrette.  Aux  dieux  longs  côtés  de  ce  coffre  font 
deux  aui  es  de  même  métal ,  dans  lelquelies  on  place 
des  réchauds  de  braife  dont  l'ufage  eft  d'enti 
dans  l'état  de  fluidité  la  cire  dont  le  coiffe  eft  rem- 
pli :  on  tire  la  cire  ce  ce  coffre  par  le  robinet^, 
dans  l'écuellon  fig.  3  ,  qui  eft  un  valé  de  cuivre 
ayant  deux  anfes  A  A ,  &  deux  gouiettes  B  B ,  avec 
lequel  on  verfe  la  cire  dans  les  planches  à  pains. 

Les  planches  à  pains  ,  ainiï  appellées  parce  que 
c'eft  dans  ces  planches  que  l'on  fait  prendre  à  la  cire 
la  figure  de  pains ,  font  de  chine  d'un  pouce  d'é- 
paifleur ,  creufées  de  deux  rangées  de  trous  ronds  , 
chacun  d'un  demi  pouce  de  profondeur  fur  4  pou- 
ces de  diamètre  ;  on  remplit  deux  de  ces  moules 
à  la  fois  au  moyen  des  deux  gouiettes  de  l'écuellon, 
ribfervant  de  mouiller  la  planche  auparavant ,  afin 
que  la  cire  ne  s'y  attache  peint.  Après  que  les  pains 
font  figés,  on  les  jette  dans  i'eau  de  la  baignoire 
pour  les  affermir  :  on  les  porte  enfuite  fur  les  quar- 
rés ;  on  les  y  laiffe  jufqu'à  ce  qu'ils  ayent  acquis 
tout  le  degré  de  blancheur  que  l'on  délire  qu  ils 
ayent,  ou  dont  ils  font  capables,  obfervant  de  les 
retourner  quand  ils  font  affez  blancs  d'un  côté,  ce 
qui  fe  fait  avec  une  main  de  bois  qui  eft  une  plan- 
che de  bois  mince  repréfentée7%.  3  '■  cette  planche 
a  3  pies  ou  environ  de  longueur  fur  un  demi-pié 
de  large  ;  elle  eft  percée  d'un  grand  trou  vers  uns 
de  fes  extrémités  qui  eft  traveriée  d'une  poignée  par 
.  :nt  cette  machine ,  avec  laquelle  on  re- 
tourne les  pains  comme  on  feroit  avec  v.r.c  pelle 


B  L  A 

plate;  ce  qui  eft  plus  expéditif  que  de  les  retour- 
ner les  uns  après  les  autres. 

La  cire  blanchie  &  réduite  en  pains  paffe  entre 
les  mains  du  cirier ,  qui  l'employé  aux  différens  ufa- 
ges  de  fa  profeffion.  foye{  Cirier. 

Blanchir  ou  faire  blanchir,  (en  terme  de 
Confifeur)  c'eft  enlever  de  deffus  les  abricots,  aman- 
des, &c.  cette  efpcce  de  bourre  ou  de  duvet  dont 
ils  font  chargés  ,  en  faifant  paffer  ces  fruits  par  une 
leffive  préparée  pour  cela.  Foye-  Amande,  Aeri- 

COTS  ,  &C. 

Blanchir,  (cne^  les  Couteliers)  c'eft  quand  la 
pièce  eft  forgée  Se  dreffée  à  la  lime ,  la  parler  fur  la 
meule  pour  la  première  fois  ;  c'eft  fur  la  fécondé 
meule  qu'on  la  dégroffit ,  &  fur  la  troiiierne  qu'on  la 
met  à  tranchant  :  la  poliffoire  fuccede  à  la  meule. 

Blanchir,  \en  terme  deCuifim)  c'eft  faire  revenir 
une  pièce,  quelle  qu'elle  ioit,  dans  de  l'eau  tiède  :  il 
ne  faut  l'y  laiffer  qu'un  demi-quart  d'heure  ou  en- 
viron. 

Blanchir,  (en  terme  de  Doreur*)  s'entend  d'une 
opération  par  laquelle  on  enduit  de  plufieurs  cou- 
ches de  blanc  une  pièce  qu'on  veut  dorer.  Poye^ 
Dorer.  C'eft  par-là  qu'on  remplit  les  inégalités  du 
bois  qui  empêcheroient  l'or  de  s'étendre  par-tout* 
La  figure  S,  PLznckc  du  Doreur,  repréfente  un  ouvrier 
qui  blanchit. 

Blanchir  ,  (en  terme  de  Cloutier  d'épingle*)  c'eft 
étamer  les  clous  de  cuivre.  Voye-^  Etamer. 

BLANCHIR,  (en terme  cCEpinglicr )  c'eft  faire 
changer  au  laiton ,  fa  couleur  jaune  en  blanche  ;  pour 
cet  effet ,  on  étend  d'abord  les  épingles  au  nombre 
de  fix  ou  iept  mille  fur  les  plaques.  Voyc^  Plaque. 
On  empile  ces  plaques  les  unes  fur  les  autres,  tant 
qu'il  y  en  a  de  la  même  efpece  d'épingle ,  fur  des  croi- 
iees  ;  on  les  lie  enfemble  avec  les  fils  de  laiton  des 
croifées.  Voyer  Croisée.  Soit  qu'il  y  ait  une  ou  plu- 
fieurs portées  de  plaque,  wyq  Portée,  on  met  le 
tout  dans  une  grande  chaudière  avec  de  l'eau  &  de 
la  graveîie ,  ou  lie  de  vin  ;  on  le  fait  bouillir  trois 
heures  ce  demie  ou  environ.  On  les  déteint ,  on  les 
lave ,  on  les  feche ,  &  on  les  vanne.  Voye^  ces  mots 
à  leurs  articles  ,  &  lesjî^.  PI.  II.  de  V  Epinglier  ;  13  , 
cilla  chaudière  ;  11,  fon  couvercle  ;  14 ,  la  croifée, 
aux  quatre  extrémité?  de  laquelle  font  attachées  des 
cordes  de  laiton;  15,  une  plaque  chargée  d'épin- 
gles nue  l'on  pofe  fur  la  croifée  ;  1 1  ,  plufieurs  pla- 
ques empilées  fur  la  croifée  ,  que  l'on  met  dans  la 
enaudiere ,  par  le  moyen  des  cordons  de  laiton  atta- 
chés à  cette  croifée. 

Blanchir,  (en  terme  de  Layetier.  )  Voye^  B.A- 
EOTTER. 

Blanchir  la  foie  d'un  cheval  (Maréchalerie) 
c'eft  en  ôter  limplement  la  première  écorce. 

BLANCHIR  ,  (en  Monnoyage  )  l'argent  fe  blanchit 
en  le  faifant  bouillir  dans  de  l'eau  forte ,  mêlée  avec 
de  l'eau  commune  ,  ou  feulement  de  l'eau  où  on  a 
fait  difibudre  de  l'alun.  Les  ouvriers  en  médailles  &C 
en  monnoie  fablonnent  tous  les  flancs ,  &  les  frotent 
dans  un  crible  de  fer  pour  en  ôter  les  barbes.  Voycr 
Blanchiment. 

Blanchir  ,  (  en  terme  d'Orfèvre  en  grojferie  )  c'eft 
mettre  un  morceau  d'orfèvrerie  dans  de  l'eau  fécon- 
de ,  pour  le  délivrer  des  ordures  qui  empêcheroient 
de  le  polir  ce  de  recevoir  tout  l'éclat  dont  la  matière 
eft  fufceptibîe.  On  blanchit  encore  en  Allemagne  avec 
de  Falun  bouilli  dans  de  l'eau  ,  ou  même  avec  de  la 
graveîie  ce  du  fel  mefuré  par  portion  égale  :  mais  ce 
blanchiment  ne  peut  fervir  en  France ,  où  l'argent  eft 
monté  à  un  titre  beaucoup  plus  haut  qu'en  Allema- 
gne. Foyei  Blanchiment,  &  Eau  seconde. 

BLANCHIR  LE  PLOMB  ,  (  terme  de  Plombier)  eft 

l'ctamer  au  feu  ,  ou  le  couvrir  de  feuilles  d'étain.  Les 

.   s  font  obligés  de  blanchir  toutes  les  pièces 


B  L  A 

de  plomb  qu'ils  placent  fur  un  bâtiment  neuf  &  qui 
font  en  vue.  C'eft  pourquoi  ils  ont  un  fourneau  à 
ctamer,  fur  le  foyer  duquel  chargé  de  braife  ,  deux 
compagnons  tiennent  fmpendues  &  chauffent  les  ta- 
bles de  plomb,  tandis  qu'un  autre  y  étend  des  feuil- 
les d'étain  battu  ,  qu'il  frotte  avec  des  étoupes  6c  de 
la  poi\'-réfine,  à  mefure  que  l'étain  fe  fond.  Voye^ 
Plomb  &  Plombier,  6c  lafg.  prem.  PI.  III.  de 
Plomberie. 

Blanchir  ,  (  en  terme  de  Plumajfier^ceû.  ôter  aux 
plumes  le  gros  de  la  teinture  ,  en  les  paffant  dans  de 
l'eau  claire. 

BLANCHIR,  (en  Serrurerie  )  c'eft  enlever  à  la 
groffe  lime  les  premiers  traits  de  la  forge. 

Blanchir  la  foie  ,  les  étoffes  de  laine.  Voye^ 
Soie  ,  Bonneterie  ,  Drapier  ,  Laine. 

BLANCHISSERIE  DES  TOILES ,  fe  dit  de  l'art 
de  blanchir  les  toiles  ou  de  leur  faire  perdre  la  cou- 
leur jaune ,  fale ,  ou  grife  ,  qu'elles  ont  au  fortir  des 
mains  du  tifferand  ;  c'eft  aulli  le  nom  que  l'on  donne 
au  lieu  où  fe  fait  cette  opération  ,  qui  s'appelle  par 
cette  raifon  blanchijferie  ou  buerie  en  terme  Flamand- 
Picard. 

La  blanchifferie  doit  être  fituée  fur  le  bord  d'une 
rivière  environnée  de  prés  ;  elle  eft  compofée  de  cinq 
bâtimens  ou  attelicrs  iéparés  ,  qui  font  le  moulin ,  la 
buerie,  proprement  dite  le  frottoir,  la  laiterie,  &  la 
ployerie  ou  le  rnagafîn. 

Les  trois  blanchijjeries  de  Senlis  font  fituées  fur  la 
rivière  de  Nonnettc ,  entre  Senlis  &  Chantilly,  vis- 
à-vis  Courteuil.  Les  eaux  de  cette  rivière,  qui  font 
bordées  de  prés  ,  font  au  dire  des  gens  du  pays  ,  les 
plus  propres  que  l'on  connoiffe  pour  fervir  à  blan- 
chir les  toiles. 

La  première  préparation  que  l'on  donne  aux  toi- 
les ,  lorfqu'elles  font  arrivées  à  la  blanchijferie ,  con- 
fiée à  en  ôter  le  parou  ,  qui  eft  l'apprêt  que  le  Tiffe- 
rand leur  donne.  Voye^  Parou  &  l'article  Tisse- 
rand ;  ce  qui  fe  fait  en  les  laiffant  tremper  dans  l'eau 
pure  :  on  les  y  laiffe  en  Flandre  pendant  8  à  1  o  jours, 
même  dans  les  chaleurs.  Au  bout  de  ce  tems  ,  on  les 
repame,  on  les  étend,  6c  on  les  feche.  Ici,  on  les  fait 
fouler  dans  le  moulin  ;  ce  moulin  elt  en  tout  lembla- 
ble  à  celui  des  foulons,  f^oyei  Foulon,  Moulin  à 
Foulon  ;  il  n'en  diffère  qu'en  ce  que  les  maillets 
n'ont  point  de  dents ,  mais  font  arrondis  par  la  par- 
tie qui  tombe  fur  ies  toiles  :  au  refte  la  mécanique  de 
ces  moulins  eft  exactement  la  même  que  celle  des 
foulons  en  laine.  Ceux  qui  ne  fe  fervent  point  de 
moulin  ,  dégorgent  les  toiles,  à  force  de  les  arrofer, 
après  les  avoir  laiffé  tremper  pendant  8  ou  dix  jours, 
comme  nous  avons  dit. 

Cette  opération  achevée ,  on  repame  les  toiles. 
Repamer,  c'eft  battre  les  toiles  dans  un  eau  couran- 
te ,  en  les  y  jettant  de  defïïis  un  petit  pont  qui  tra- 
verfe  la  rivière  ,  6c  qui  n'eft  élevé  que  d'un  pié  ou 
deux  au-deffus  de  la  furiacc  île  Peau  ;  ce  pont  s'ap- 
pelle repamoir ,  conjointement  avec  la  partie  du  lit 
de  la  rivière  ,  dans  laquelle  les  toiles  trempent  &  font 
battues.  On  étend  enluite  les  toiles  pour  les  taire  lé- 
cher ,  &  on  coule  la  première  leftive. 

Le  lieu  où  on  coule  les  leffives  s'appelle  particu- 
lièrement buerie  ou  bUvichifjeric ,  par  ce  que  ce  n'eft 
que  par  des  leffives  réitérées  que  l'on  parvient  à  ren- 
dre les  toiles  blanches.  Ce  lieu,dis-je  ,  eft  une  falle 
plus  ou  moins  grande  félon  le  nombre  des  cuviers 
ce  des  bacs  que  l'on  y  veut  placer  ;  c'eft  dans  le  mê- 
me lieu  que  l'on  prépare  èc  que  l'on  coule  les  leffi- 
ves. L'eau  y  eft  conduite  par  des  rigoles  placées  à  une 
hauteur  convenable  au-deffus  des  chaudières  ;  cette 
eau  eft  élevée  par  des  pompes  ou  une  roue  à  pots  , 
ou  par  tout  aune  moyen  que  l'hydraulique  enleigne. 

Préparation  delaùffivc.  Apres  avoir  pulvérile  par 
le  moyen  d'une  meule  tournante,  mue  par  un  che- 
Tome  II. 


B  L  A 


*75 


val  ou  par  l'équipage  du  moulin ,  les  cendres  de  caf- 
foude ,  &les  avoir  tamifées  dans  un  tamis  de  cuivre, 
dont  les  trous  n'excèdent  point  la  groffeur  d'un  grain 
de  chenevi  ;  on  les  met  tremper  dans  les  bacsZ>,  E,  F, 
qui  font  des  coffres  de  charpente ,  revêtus  intérieu- 
rement de  planches  bien  étanchées.  On  laiffe  écou- 
ler,  quand  on  le  juge  à  propos,  l'eau  chargée  des  fels 
deidites  cendres,  dans  les  autres  bacs  G,  H,  I,  qui 
font  au-deffous  ,  dont  on  ne  voit  qu'une  petite  partie. 
Ces  derniers  bacs  font  de  briques  ou  tuileaux  ma- 
çonnés avec  du  ciment,  comme  les  baffins  des  jardins 
faits  avec  les  mêmes  matières. 

Les  trois  bacs  D,E,F,  contiennent  trois  différentes- 
fortes  de  cendres  :  dans  le  premier,  on  met  tremper 
les  cendres  caffoudes  ;  dans  le  fécond ,  les  cendres 
vecdaffes  ,  6c  dans  le  ti  oilieme  ,  les  cendres  commu- 
nes de  bois  neuf  :  ces  trois  fortes  de  cendres  em- 
ployées féparément  ou  mêlées  enfemble  dans  dif- 
férentes proportions  ,  forment  les  différentes  fortes 
de  leffives  qui  font  en  ufage  dans  ces  manufactures. 
Lorfque  l'on  veut  faire  une  leffive ,  on  prend  dans 
un  des  bacs  G,  H,  /,  autant  d'eau  chargée  des  fels  de 
la  cendre  du  bac  qui  eft  au-deffus,  qu'il  en  eft  befoin  y 
ou  de  plufieurs  bacs  ,  s'il  eft  néceffaire  ,  pour  faire 
une  leffive  compofée  :  on  met  ces  eaux  qu'on  doit 
avoir  laiffé  repoiér  jufqu'à  ce  qu'elles  loient  claires 
6c  limpides ,  dans  un  autre  bac  de  ciment  C,  où  on 
les  tient  en  réferve  pour  s'en  fervir  au  befoin. 

Les  cendres  par  cette  première  lotion  à  l'eau  froi- 
de n'ont  pu  être  épuifées  totalement  de  leurs  fels  : 
pour  en  tirer  le  refte ,  on  les  met  dans  le  bac  B ,  qui 
eft  auffi  de  ciment.  Ce  bac  s'appelle  bac  à  brafjer.  Il 
reçoit  l'eau  chaude  de  la  chaudière  de  fer  A ,  qui  eft 
affife  fur  un  fourneau  de  brique  femblable  à  celui  des 
Teinturiers.  Cette  eau  chaude  achevé  de  détremper 
les  fels  que  l'eau  froide  n'avoit  pu  diffoudre.  Cette 
opération  eft  encore  accélérée  parie  travail  des  ou- 
vriers, qui  remuent  continuellement  les  cendres  dans 
l'eau  avec  des  pelles  de  bois  ;  c'eft  ce  qui  a  fait  don- 
ner à  ce'bac  le  nom  de  bac  à  brafjer.  La  leffive  qu'on 
retire  par  ce  moyen  eft  jettée  après  qu'elle  a  été 
éclaircie  dans  le  bac  C ,  d'où  on  la  tire  pour  la  jet- 
ter  dans  des  rigoles  qui  la  conduifent  dans  les  chau- 
dières P,  Q,R,S,  établies  chacune  fur  un  fourneau, 
dont  les  ouvertures  L",  Y,  Y,  Y,  répondent  fous  une 
hotte  de  cheminée  ;  eniorte  que  la  fumée  du  bois  qui 
entretient  le  feu  tous  les  chaudières  ,  puilfe  trouver 
par-là  une  iiïïie.  Ces  chaudières  qui  lont  de  fonte  ou 
fer  fondu  ,  ont  trois  pies  de  diamètre. 

Les  cuviers  K,  L,  M,  ÀT,  font  placés  vis-à-vis  des 
chaudières  :  ils  font  de  brique  maçonnée  avec  chaux 
&  ciment  ;  leur  diamètre  eft  d'environ  fix  pies,  6c  leur 
profondeur  à  peu  près  la  même.  Chaque  cuvier  eft 
garni  dans  Ion  fond  d'un  plancher  ou  grillage  de 
planches  de  chêne,  élevé  d'environ  un  pie  au-deflua 
du  tond  des  cuviers  ,  qui  eft  de  maçonnerie  comme 
tout  le  refte.  Chaque  cuvier  a  de  plus  deux  tuyaux 
que  l'on  ferme  avec  des  tampons  ou  des  robinets. 
Un  de  ces  deux  tuyaux  A"  qui  (ont  places  au-deffous 
du  plancher  de  planches  ,  le  plus  pics  qu'il  eft  poffi- 
blc  du  fond  du  cuvier  ,  lert  à  couler  la  leffive  du  cu- 
vier dans  la  chaudière  ;  l'autre  place  à  l'oppofite  du 
premier  derrière  le  cuvier ,  6c  qu'on  ne  voit  pas  , 
fert  à  lâcher  dans  une  rigole  ou  égoût  cache  auffi 
par  les  cuviers,  au  derrière  delquels  il  eft  placé  ,  la 
leffive  contenue  dans  les  cuviers  :  après  qu'on  en  a 
tiré  tout  le  lervice  qu'on  peut  en  efpérer,  elle  lort 
par  cette  rigole,  pour  s'alier  perdre  dans  la  rivière 
ou  clans  la  campagne. 

Pour  couler  la  felfive  ,  on  puife  avec  un  feau  dans 
les  chaudières  P,  Q,  R,  S,  6c  on  jette  clans  les  cuviers 
A",  Z.,  A/,  N,  O  ,  remplis  des  toiles  propofées  à  blan- 
chir. Les  cuviers  de  Flandre  contiennent  chacun  qua- 
rante aunes  de  trois  quarts,  ce  on  y  met  cent  livres 

M  m  ij 


176 


B  L  A 


de  caffoude.  L'eau  après  avoir  traverfé  les  toiles  re- 
tourne dans  la  chaudière  ,  d'où  on  la  reprend  pour 
la  jetter  de  nouveau  fur  les  toiles  ;  ainfi  alternative- 
ment pendant  plufieurs  heures. 

La  première  lefïïve  eft  compofée  de  moitié  de  cen- 
dres de  caffeau,  &  de  cendres  du  pays.  Les  toiles 
fortant  de  cette  leffive  doivent  être  étendues  fur  le 
pré  &  arrofées. 

Pour  étendre  les  toiles  fur  le  pré ,  on  fe  fert  de 
plufieurs  chevilles  de  bois  qu'on  fait  parler  dans  des 
anneaux  de  ficelle  qui  font  coufus  tout  autour  de  la 
toile  ,  &  qu'on  enfonce  dans  la  terre,  en  forte  que 
latoil  foit  bien  tendue. 

La  difpoiition  des  prés  favorife  l'opération  d'arro- 
fer  :  ils  font  coupés  comme  on  voit  Pi.  I.ena,t>,  c , 
d,e,f,g,h,i,k,l,m,n,  o,p,q,àe  dix  toiles 
en  dix  toiles  par  des  canaux  dans  leiquels  on  a  dé- 
tourné le  lit  de  la  rivière.  On  prend  l'eau  dans  ces 
canaux  avec  des  écopes  de  forme  finguliere  ,  repré- 
fentéesfig.  l.  PL  U>  de  Blanchijferie  {V.  Ecope)  ,  & 
on  la  jette  fur  les  toiles  étendues  ,  en  forte  qu'elles 
fe  trouvent  par-tout  également  mouillées  :  on  réitère 
cette  opération  jufqu'à  ce  que  les  toiles  foient  entiè- 
rement dégorgées  de  cette  première  lefïïve. 

Lorfqueles  toiles  font  feches ,  on  peut  les  retirer 
du  pré ,  &  les  mettre  à  une  féconde  lefïïve. 

La  féconde  lefïïve  fera  augmentée  d'un  tiers  de 
caffoude.  Les  toiles  feront  ainfi  coulées  la  troifieme  , 
quatrième  &  cinquième  lefïïve,  avec  cette  augmen- 
tation de  caffoude  ,  obfervant  à  chaque  lefïïve  ce 
qui  a  été  prefcrit  ci-deffus. 

Il  faut  obferver  que  fi  après  la  première  lefïïve  on 
ne  pouvoit  pas  retirer  les  toiles  feches  dedeffusle  pré 
à  caufedes  pluies,  en  ce  cas  ,  après  avoir  repamé  les 
toiles ,  on  pourroit  les  mettre  à  la  lefïïve  à  la  fortie 
du  repamoir. 

La  fixieme  &  feptieme  lefïïve  fera  coulée  avec  la 
même  quantité  de  caffoude  que  les  précédentes  ,  & 
avec  les  mêmes  attentions  ;  c'eit- à-dire ,  que  les  toi- 
les doivent  être  feches. 

La  huitième  &  neuvième  lefïïve  fera  faite  avec 
les  toiles  qu'on  aura  repamées  fortant  du  pré  ;  elles 
feront  mifes  dans  les  cuviers  étant  mouillées. 

On  doit  obferver  pour  les  lefïïves  fui  Vantés,  dont 
le  nombre  eft  indéterminé ,  qu'il  faut  les  encuveter 
feches  une  lefïïve  ,  &  les  repamer  ,  &  les  encuveter 
mouillées  à  la  leffive  fuivante  ,  ainfi  alternative- 
ment. 

On  doit  aufïï  obferver  pour  les  lefïïves  où  les  toi- 
les ont  été  encuvetées  feches  ,  qu'il  faut  que  la  lefïï- 
ve foit  feulement  à  demi-chaude  ;  au  lieu  que  quand 
les  toiles  font  écrites  ou  mouillées,  elle  peut  être 
bouillante. 

A  l'égard  de  la  quantité  de  cendres  caffoudes,  pour 
cent  vingt  pièces  de  toile  de  Flandre  de  trente- fix 
aunes  de  longueur  &  de  trois  quarts  de  large ,  on  met 
cent  livres  de  cendres  ;  quant  aux  deux  ou  trois  pre- 
mières lefïïves  ,  feulement  quatre-vingts  livres. 

Lorfque  les  toiles  font  à  demi  blanches,  on  met  un 
tiers  de  cendres  vecdaffes  ;  &  lorfqu'elles  font  tout- 
à-fait  blanches ,  &  prêtes  à  entrer  au  lait  ,  les  lefïï- 
ves font  feulement  compofées  de  cendres  blanches 
ou  de  bois  commun  ;  cette  dernière  donne  un  fond 
beaucoup  plus  clair  ,  &  un  blanc  plus  parfait. 

Lorfque  les  toiles  font  blanches,  il  faut  les  retirer 
du  pré  ,  les  repamer  pour  les  mettre  au  lait ,  après 
qu'elles  font  égouttées. 

La  laiterie  eft  une  falle  plus  ou  moins  grande , 
dans  laquelle  font  plufieurs  grandes  cuves  de  bois 
enterrées  de  toute  leur  hauteur  dans  le  fol  de  la  falle. 
La  grandeur  de  ces  cuves  eft  à  peu  près  égale  à  celle 
des  cuviers.  On  jette  les  toiles  encore  moites  dans 
ces  cuves ,  &  par-deffus  une  quantité  fufhfante  de 
lait  écrémé ,  pour  qu'elles  foient  entièrement  pion- 


B  L  A 

gées  :  on  les  laiffe  en  cet  état  pendant  vingt-quatre 
heures  ;  on  les  retire  du  lait  pour  les  porter  au  re- 
pamoir ,  où  elles  font  repamées.  Lorfque  les  toiles 
font  repamées ,  elles  vont  toutes  mouillées  à  la 
frotterie  ou  frottoir.  Le  frottoir  eft  une  autre  falle 
où  des  femmes  font  occupées  à  favoaner  les  lifieres 
des  toiles,  qui  n'ont  pu  être  autant  blanchies  que  le 
milieu  de  l'étoffe  par  les  opérations  précédentes. 

Cette  falle  contient  plufieurs  baquets  A  ,  B  ,  C , 
PI.  I.  au  bas ,  de  trois  pies  de  large ,  &  d'environ 
quatre  pouces  d'épaifîeur ,  &  de  quinze  ou  dix-huit 
de  profondeur:  le  bord  fupérieur  de  ces  baquets, 
qu'on  appelle  plateaux,  eft  incliné  en-dedans  ,  enfor- 
te  que  l'eau  puiffe  retomber  :  ils  font  portés  fur  deux . 
pièces  de  bois  DD,  E  E  ,  foûtenues  par  des  pies 
fcellés  dans  le  plancher  ,  qu'on  appelle  chantiers. 

Chacun  de  ces  plateaux  contient  un  autre  vafe  de 
bcis  XXX,  dont  le  diamètre  eft  à  peu  près  le  tiers 
de  celui  du  plateau ,  qu'on  appelle  tinette  ;  cette  ti- 
nette contient  de  l'eau  chaudequi  fert  à  détremper  le 
favon  noir  contenu  dans  les  écuelles  de  bois  FF, 
pofées  fur  les  piliers  G  G ,  qui  font  placés  entre  cha- 
que plateau  X. 

Les  autres  uftenciles  que  cet  attelier  contient,font 
un  fourneau  garni  de  fa  chaudière  ,  pour  faire  chauf- 
fer l'eau  néceffaire  aux  tinettes  ;  quelques  tables 
pour  pofer  les  toiles  &  les  vifiter ,  c'eft-à-dire  ,  exa- 
miner fi  les  lifieres  ont  été  affez  f  avonnées  ;  &  une 
machine  qu'on  appelle  chaife  ,  repréfentée  fig.  pre- 
mière ,  PL  I. 

Ces  chaifes  ne  font  autre  chofe  qu'une  caiffe  à 
jour  compofée  de  quatre  montans  ou  piliers ,  de  quel- 
ques bâtons  qui  les  unifient ,  &  d'un  fond  de  plan- 
ches; le  tout  a  affez  de  reffemblance  avec  un  tabou- 
ret commun  renverfé.Cet  infiniment  fert  à  égoutter 
les  toiles  au  fortir  des  mains  des  frotteufes. 

Pour  f avonner  les  lifieres ,  les  toiles  étant  ployées 
en  deux  fuivant  leur  longueur,&en  plufieurs  doubles, 
enforte  que  toutes  les  lifieres  foient  raffemblées  dans 
l'étendue  d'un  pié  &  demi  ou  environ ,  la  frotteuie 
prend  un  peu  de  favon  dans  l'écuelle  E,  l'applique 
fur  l'endroit  qui  ne  paroît  pas  affez  blanc  ;  elle  frotte; 
eniuite  deux  parties  de  lifiere  l'une  contre  l'autre  juf- 
qu'à ce  que  la  tache  foit  effacée ,  obfervant  de  mouil- 
ler de  tems  en  tems  avec  l'eau  chaude  contenue  dans 
la  tinette  du  plateau  fur  le  bord  duquel  elle  travaille. 
Deux  ouvrières  peuvent  travailler  en  même  tems 
fur  le  même  plateau  fans  s'incommoder  ;  l'une  eft 
d'un  côté  des  chantiers,  &  l'autre  du  côte  oppofe. 

Après  que  les  toiles  ont  été  lùfïïfamment  frottées, 
elles  vont  à  la  lefïïve  douce,  «de-là  fur  le  pré  pour 
être  arrofées  :  au  fortir  du  pré  il  faut  les  repamer  & 
les  remettre  au  lait ,  d'où  elles  fortent  pour  être  por- 
tées pour  la  féconde  fois  au  frottoir,  d'où  elles  paf- 
fent  à  la  lefïïve  légère. 

Cette  lefïïve  légère  eft  compofée  d'un  quart  feu- 
lement de  caffoude  ;  fi  on  a  de  la  vecdaffe ,  on  peut 
couler  les  toiles  avec  la  même  quantité  de  cette  der- 
nière matière  fans  caffoude. 

Lorfque  les  toiles  fortent  du  frottoir  pour  la  fécon- 
de fois,  elles  font  portées  humides  à  la  lefïïve  :  il  faut 
en  mettre  feulement  deux  lits  dans  le  cuvier,  avoir 
la  leffive  chaude ,  &  en  jetter  defliis  environ  la  quan- 
tité qu'une  chaudière  en  peut  contenir;  cela  fait,  il 
faut  en  mettre  deux  autres  lits  ,  &  les  arrofer  avec 
la  même  leffive  ,  &  continuer  de  la  forte  jufqu'à  ce 
que  toutes  les  toiles  qui  doivent  paffer  par  cette  lefïï- 
ve foient  entrées  dans  le  cuvier  ;  alors  on  les  arrofera 
avec  la  même  lefïïve  bouillante,  que  l'on  aura  aug- 
mentée d'eau  pour  que  la  chaudière  foit  pleine. 

Après  avoir  laiffe  couler  la  lefïïve  trois  fois ,  on 
fortira  les  toiles  ainfi  chaudes,  on  les  étendra  fur  le 
pré ,  où  on  les  fera  arrofer  deux  ou  trois  fois. 

Après   le   troifieme  arrofage ,  il  faut   retirer  les 


B  L  A 

toiles  du  pré ,  les  porter  mouillées  au  repamoir ,  Se 
étant  égouttées,  on  les  remettra  au  lait  ;  continuant 
ainfi  la  même  litite  d'opérations  jufqu'à  ce  qu'elles 
ayent  acquis  tout  le  degré  de  blancheur  dont  elles 
font  capables  ,  ou  celui  que  Ton  veut  leur  donner. 

Cette  fuite  d'opérations  n'efi  pas  fi  bien  démon- 
trée la  meilleure  ,  qu'on  ne  puifle  s'en  écarter  dans 
bien  des  occalions  :  mais  c'eft  la  plus  ordinaire.  Il  y 
a  des  qualités  de  toiles  qui  réiiftent  à  tous  les  efforts 
que  l'on  fait  pour  les  blanchir  parfaitement  ;  il  faut 
fe  contenter  alors  d'un  demi-blanc  ,  ou  davantage  fi 
on  le  peut  atteindre  :  il  y  en  a  d'autres  qui  renflent  à 
toutes  ces  opérations ,  &  dont  on  vient  facilement  à 
bout  en  variant  le  procédé  de  quelques-unes, foit  pour 
la  dofe  ou  pour  l'ordre  ;  c'eft  où  paroît  l'intelligence 
du  manufacturier  :  c'eft  pourquoi  il  obferve  foigneu- 
fement  ii  la  blancheur  de  fes  toiles  fait  du  progrès  en 
paflant  parles  opérations  que  nous  venons  de  décri- 
re ;  fi  elle  s'arrête  en  chemin  ,  il  varie  un  peu  le  pro- 
cédé ,  &  par  ce  moyen  il  détruit  ou  diminue  l'obfta-. 
cle  qui  s'oppofoit  au  progrès  de  la  blancheur  de  fa 
toile.  Il  ne  faut  quelquefois  pour  cela  que  deux  lefli- 
ves  bouillantes  de  fuite  ,  au  lieu  que  nous  avons  prel- 
crit  ci-devant  de  les  donner  alternativement  bouil- 
lantes fur  les  toiles  mouillées ,  &  tiedes  fur  celles  qui 
font  miles  feches  dans  les  cuviers  ;  ainli  de  toutes  les 
variétés  dont  ces  opérations  font  fufceptibles. 

Lorfque  les  toiles  font  blanches,  il  faut  les  porter 
au  repamoir  ;  mouillées  du  repamoir ,  il  faut  leur 
donner  un  premier  bleu ,  &  les  faire  lécher  fur  les 
pieux. 

Le  bleu  dont  on  fe  fert  dans  les  manufactures  eft 
le  bleu  d'Inde  appelle  indigo ,  ou  le  bleu  de  Prufle 
qui  a  un  plus  bel  œil.  On  plonge  les  pièces  de  toile 
dans  un  baquet  rempli  d'eau  chargée  plus  ou  moins 
de  cette  couleur  ;  on  l'y  retourne  pour  qu'elle  s'en 
charge  également  ;  enfuite  on  retire  par  un  bout  la 
pièce  de  toile  ,  Se  on  la  roule  en  l'exprimant  fur  un 
bâton  placé  au-deflus  du  baquet  à  trois  ou  quatre  pies 
de  hauteur  ,  cnlbrte  que  la  pièce  de  toile  a  la  figure 
d'un  écheveau  de  fil  ouvert ,  &  fufpendu  par  le  bou- 
ton placé  au-defTus  du  baquet.  Après  qu'elle  eft  égout- 
tée,  on  la  tord  pour  exprimer  la  quantité  d'eau  fu- 
perflue.  Cette  opération  eft  très  délicate  ;  car  fi  on 
tord  trop,  toute  la  teinture  bleue  fort ,  &  les  toiles 
reftent  à  peu  près  comme  elles  étoient  avant  que 
d'avoir  été  plongées  dans  le  baquet  :  fi  au  contraire 
on  ne  tord  pas  allez,  on  a  à  craindre  que  les  toiles 
ne  foient  plus  chargées  de  couleur  dans  un  endroit 
que  dans  un  autre. 

L'opération  de  donner  le  bleu  aux  toiles  ,  eft  fui- 
vie  de  celle  de  les  étendre  fur  les  pieux  pour  les  faire 
fécher.  Les  pieux  font  placés  dans  la  campagne  ou 
le  pré  ;  ce  font  des  bâtons  enfoncés  fermement  dans 
la  terre  ,  &c  qui  en  fortent  d'environ  quatre  pies  :  ils 
font  rangés  fur  clés  lignes  droites  comme  les  arbres 
d'un  jardin.  Sur  les  têtes  de  ces  pieux ,  qui  doivent  fe 
trouver  en  ligne  droite,  on  étend  une  toile  groflie- 
re ,  ou  une  toile  qui  n'a  pas  encore  été  blanchie ,  en 
forte  que  le  milieu  de  la  largeur  de  la  toile  porte  fur 
la  tête  des  pieux ,  &  qu'elle  pende  de  chaque  coté. 
On  affermit  &  on  tire  cette  toile  pour  qu'elle  foit 
bien  tendue;  &  fur  celle-ci  on  étend  de  même  celle 
qui  a  été  mile  au  bleu  pour  la  taire  fécher  :  elle  doit 
être  bien  tendue,  pour  empêcher  qu'elle  ne  s'étré- 
cifle  &  fe  raccourcifle  en  léchant. 

Lorfqu'elles  feront  feches  on  leur  donnera  l'ap- 
prêt qui  fuit  :  prenez  de  l'amydon,  faites-le  bouillir 
dans  de  l'eau  ,  retirez-le  de  défais  le  feu  quand  il  fe- 
ra cuit,  &  le  pafle/.  par  un  linge. 

Vous  mettrez  dans  un  autre  pot  ou  vafeun  tiers 
d'amydon  crud  ,  que  vous  détremperez  dans  de  Peu 
fans  le  faire  bouillir ,  &  le  parferez  à  travers  un  linge. 
Cela  fait ,  vous  mettrez  dans  un  troilieme  vale  deux 


B  L  A 


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tiers  d'amydon  bouilli,  avec  un  tiers  d'amydon  crud  ; 
vous  y  ajouterez  votre  bleu  ;  ayant  bien  mêlé  le  tout, 
vous  y  plongerez  vos  toiles  ,  &  après  les  avoir  bien 
trempées  dans  cette  compofition  ,  vous  les  retirerez 
pour  les  faire  fécher. 

Après  que  les  toiles  font  feches  ,  on  les  porte  à  la 
ploierie  ou  magafin  ,  d'où  elles  ne  fortent  que  pour 
retourner  chez  ceux  à  qui  elles  appartiennent,  ou  à 
qui  elles  font  deftinées. 

Mais  comme  les  toiles  après  avoir  paffé  par  tou- 
tes les  opérations  dont  on  vient  de  parler  ,  ont  un 
grand  nombre  de  faux  plis  ,  on  leur  donne  dans  la 
ploierie  diverfes  préparations  qui  les  effacent. 

La  première  de  ces  préparations  confifte  à  les  fai- 
re palier  dans  le  rouloir ,  qui  eft  une  efpece  de  calen- 
dre  ou  de  preife  en  taille-douce. Le  rouloir  repréfenté 
fig-Z.  PI.  III.  eftcompofé  de  deux  jumelles,  des  mon- 
tans  C  A ,  FB,  fendus  de  D  en  A ,  d'une  longue 
mortoife,  de  quatre  montans  K  H ,  I G ,  FE  ,  LMy 
toutes  ces  pièces  font  afTemblées  dans  une  plate-for- 
me ou  chafîis  I  KL;  chacun  des  quatre  montans  eft 
affemblé  avec  les  jumelles  par  des  traverfes  GD  f 
HD  ,  ME  ;  &  les  jumelles  le  font  l'une  avec  l'autre 
parle  fommier^/2?  :  entre  les  deux  jumelles  au-deflbus 
du  fommier  ,  on  place  fept  rouleaux  de  bois  de  fix  à 
lept  pouces  de  diamètre ,  &  d'environ  quatre  pies  de 
longueur.  Ces  rouleaux  dont  les  tourillons  entrent 
dans  les  mortoifes  des  jumelles  ,  portent  les  uns  fur 
les  autres ,  enforte  que  le  mouvement  d'un  de  ces 
rouleaux  fe  communique  à  tous  les  autres ,  qui  tour- 
nent alternativement  en  fens  contraire. 

Le  rouleau  marqué  6  dans  le  profil ,  porte  un  carre 
qui  reçoit  une  manivelle ,  au  moyen  de  laquelle  on  le 
fait  tourner,  &  on  communique  le  mouvement  à  tous 
les  autres. 

Sur  les  deux  montans  de  devant  eft  encore  un  au- 
tre rouleau,  que  l'on  fait  tourner  avec  une  manivelle 
M ,  voye^  au(Ji  9  le  profil.  A  la  partie  oppofée ,  c'eft- 
à-dire  derrière  ,  eft  un  autre  rouleau  8  ;  mais  qui  eft 
fixé  &;  percé  de  plufieurs  trous  pour  recevoir  des  che- 
villes a,  entre  lefquelleslapiecede  toile  eft  conduite. 
Enfin  ,  au-deflbus  des  rouleaux  eft  une  table  de  bois 
qui  occupe  tout  le  vuide  du  chaflis  IKL,  dontl'ufage 
eft  d'empêcher  la  toile  de  toucher  le  plancher.  La  toi- 
le eft  pofée  fur  cette  table,  comme  on  le  voit  dans  la 
figure  ,  &  le  trait  noir  repréfenté  le  profil  de  la  toile, 
qui  eft  ployée  en  zig-zag.  On  prend  le  bout  fupé- 
rieur  de  cette  toile ,  on  le  pafle  fous  le  rouleau  8  ,  on 
le  ramené  entre  les  deux  chevilles  a  a  fur  le  rouleau  1  ; 
on  fait  tourner  enfuite  la  manivelle  du  rouleau  6  du 
fens  convenable  ,  pour  que  le  chef  de  la  toile  pafle 
entre  les  rouleaux  1  &  2  ;  continuant  de  tourner,  on 
le  fait  pafier  entre  les  rouleaux  2  tk  3  ,  &  luccefiive- 
ment  entre  tous  les  autres, -jufqu'à  ce  qu'il  forte  en- 
tre les  rouleaux  6  &  7  du  côté  de  G.  Lorfqu'il  en  eft 
forti  une  longueur  convenable  7,  9,  on  reçoit  le  chef 
fur  le  rouleau  9 ,  où  on  Faffujettit  par  le  moyen  d'une 
envergeure  ou  petite  baguette,  qui  fe  cache  &fe  fixe 
enfuite  clans  une  cavité  de  l'enfuple  ;  ce  qui  fait  qu'en 
tournant  la  manivelle  du  rouleau  9,  on  amené  toute 
la  toile  fur  lui  fans  craindre  qu'elle  fe  déroule  ;  cette 
opération  redrefle  les  fils  de  la  trame  &  de  la  chaîne  , 
que  les  opérations  par  lefquelles  la  toile  avoit  paffé 
pour  être  blanchie,  avoient  beaucoup  déranges;  de 
plus  elle  efface  les  principaux  plis. 

Cette  opération  achevée ,  on  ôte  le  rouleau  9  de 
defliis  les  i'upports  I  G  ,  LM,  &  on  le  porte  fur  un 
autre  AB  ,Jig.  4.  Plane.  II.  qu'on  appelle  par  cette 
rz'iion  porte-rouleau.  C'efl  une  efpece  cle  banc  à  quatre 
pies  ,  aux  deux  extrémités  duquel  font  deux  mon* 
tans,  fur  lefquels  on  pofe  les  tourillons  du  rouleau. 
Cette  machine  fe  place  au  bout  d'une  table,  auprès 
de  laquelle  les  ployeufes  font  affilés.  Elles  ployent  la 
toile  en  botte ,  ainli  qu'il  cil  d'ufage.  Lorfque  les  toi- 


27»  B  L  A 

ks  font  ployées ,  on  les  met  en  preffe  avec  des  ais 
entre-deux  comme  les  livres  que  l'on  relie.  Les  pref- 
fes  dont  on  fe  fert  pour  cet  effet ,  l'ont  en  tout  fembla- 
bles  à  celles  des  manufactures  de  papier ,  auxquelles 
nous  renvoyons  à  cet  égard. 

Les  toiles  dûement  preflees ,  pour  leur  faire  perdre 
les  plis  qu'elles  ont,  l'ont  enveloppées  de  papier  ;  c'eft 
ce  qu'on  appelle  mettre  en  papier ,  &  aulîî  la  dernière 
préparation  qu'on  leur  donne  dans  les  manufaâ ures. 

Il  y  a  des  toiles  que  l'on  fait  paner  au  mailloir , 
Plane.  H.fig.  3.  c'eft-à-dire ,  que  l'on  les  bat  fur  une 
pierre  de  marbre  avec  des  maillets  de  bois ,  pour  en 
applatir  les  fils  &  leur  donner  une  plus  belle  appa- 
rence :  mais  c'eft  une  charlatanerie  ;  car  au  premier 
blanchiffage ,  les  fils  qui  avoient  été  applatis  repren- 
nent leur  rondeur  ordinaire ,  &  on  eft  tout  étonné  de 
voir  de  la  toile  qu'on  a  achetée  pour  de  la  toile 
fine ,  devenir  groffiere  ;  d'ailleurs  cette  opération  ufe 
plus  les  toiles  que  ne  feroient  deux  ans  de  fervice. 

Il  y  en  a  d'autres  que  l'on  fait  parler  à  la  calendre  ; 
cette  méthode  n'altère  point  tant  les  toiles  :  mais  à  l'é- 
gard de  l'apparence  de  fineffe  &  de  perfection  qu'elle 
leur  donne ,  elle  eft  comme  l'autre  fujette  à  l'in- 
convénient ,  que  le  premier  blanchiffage  la  fait  éva- 
nouir. 

BLANCK ,  f.  m.  (Commerce.')  c'eft  une  monnoie 
fictive,  par  laquelle  on  compte  en  Hollande.  Le  blanck 
vaut  6  duytes  ou  1 4-  fou  argent  de  France. 

BLANCKENBERG  ,  (  Gêog.  )  petite  ville  de  la 
Flandre  Efpagnole ,  fur  la  mer,  entre  Oftende  &  l'E- 
clufe.  Il  y  a  une  ville  de  ce  nom  dans  le  duché  de  Ber- 
gue ,  fur  la  rivière  de  Sieg. 

BLANCKENBURG,  (Gêog.")  principauté  d'Al- 
lemagne ,  dans  la  baffe  Saxe.  Il  y  a  encore  une  ville 
de  ce  nom  dans  la  Thuringe. 

BLANC KENHAYN ,  (Géog.)  petite  ville  d'Al- 
lemagne ,  à  4  lieues  d'Erford. 

BLANCKENHEIM ,  (Géograph.)  petite  ville  & 
comté  d'Allemagne  ,  fur  la  rivière  d'Ahr. 

BLANDICES  ,  f.  f.  {terme  de  Palais.)  fignifie  des 
flateries  ou  cajoleries  artificieufes  ,  par  où  l'on  fur- 
prend  le  confentement  de  quelqu'un.  (H) 

BLANKA,  (Gêog.)  petite  île  du  golfe  de  Mexi- 
que ,  près  la  côte  de  Tlafcala ,  à  peu  de  diftance  de 
la  Vera-Crux. 

BLANKIL,f.  m.  (Commerce.)  petite  monnoie  d'ar- 
gent de  billon ,  qui  eft  en  ufage  dans  les  royaumes  de 
Fez  &  de  Maroc  :  elle  vaut  environ  deux  fous  iîx  de- 
niers de  notre  argent. 

BLANOS,  (Géog.)  petite  ville  maritime  d'Efpa- 
gne ,  en  Catalogne ,  près  de  la  rivière  de  Tordera  , 
au  nord  de  ion  embouchure. 

BLANZAC,(GVo£.)  petite  ville  deFrance,  dans 
l'Angoumois ,  fur  la  rivière  de  Nay ,  aux  frontières 
de  la  Saintonge. 

BLARE  ,  f .  f .  (  Commerce.  )  petite  monnoie  de 
cuivre ,  avec  mélange  d'un  peu  d'argent  :  elle  fe  fa- 
brique à  Berne  en  Suiffe ,  au  même  titre  que  les  ratzes 
de  Souleurre  &  de  Fribourg ,  &  elle  a  à  peu  près  la 
même  valeur.  Voye^  Ratze.  Le  blare  eft  évalué  en 
France  à  deux  fous  un  denier. 

B  L  A  S I A ,  genre  de  plante  à  fleur  monopétale , 
campaniforme ,  tubulée ,  &  reffemblante  en  quelque 
façon  à  la  trompe  d'un  éléphant.  Cette  fleur  eft  fté- 
rile  &  n'a  point  de  calice:  les  fruits  font  des  capiules 
qu'on  trouve  le  long  des  bords  des  feuilles  ,  &  où  il 
y  a  pour  l'ordinaire  dix  femences  arrondies  &  très- 
petites.  Nova plantarum  gênera  ,  par  M.  Micheli.  (/) 

BLASON,  f.  m.  Y  Art  Héraldique  ou  Y  Art  de  blafon- 
ner  les  armoiries  des  maiions  nobles  ,  ou  d'en  expli- 
quer toutes  les  parties  dans  les  termes  qui  leur  con- 
viennent, foye^  ARMOIRIES. 

Des  diveries  étymologies  du  mot  blafon  ,  la  plus 
probable  eft  celle  qui  le  fait  venir  du  mot  Allemand 


B  L  A 


blafen,  qui  fignifie  former  du  cors ,  parce  que  c'etoit 
autrefois  la  coutume  de  ceux  qui  fe  préfentoient  pour 
entrer  en  lice  dans  les  tournois ,  de  notifier  ainfi  leur 
arrivée.  Enfuite  les  héraults  fonnoient  de  la  trom- 
pette ,  blafonnoient  les  armes  de  ces  chevaliers  ,  les 
décrivoientà  haute  voix,  &  fe  répandaient  quelque- 
fois en  éloges,  au  fujet  des  exploits  de  ces  braves. 

Il  y  a  cette  différence  entre  les  armes  &  le  blafon, 
que  les  premières  font  des  devifes  ou  des  figures  dont 
eft  chargé  l'écufibn ,  &  que  le  blafon  eft  la  cieicrip- 
tion  que  l'on  en  fait  verbalement.  Vcyc{  Armoiries 
&  Devise. 

Les  règles  de  cet  Art  font  i°  de  nommer  d'abord 
le  métal  ou  la  couleur  du  champ  ,  comme  d'or,  d'ar- 
gent ,  ou  de  gueules  :  z°  de  fpécifier  la  manière  ou  la 
divifion  de  l'écu  par  lignes ,  foit  de  haut  en-bas ,  ou 
en  bandes ,  &  de  même  la  différence  de  la  ligne ,  c'eft 
à  favoir  li  elle  eft  endentée,  engrelée,  &c.  30  dire 
enfuite  ce  que  porte  le  champ  :  40  après  avoir  expri- 
mé de  la  forte  le  champ ,  la  divifion  &  fon  port ,  s'il 
y  a  plus  d'une  pièce  dans  le  champ ,  il  faut  commen- 
cer par  la  principale  :  50  s'il  y  a  plus  d'une  forte  de 
pièces  dans  le  champ  ,  il  faut  nommer  la  première 
celle  qui  eft  dans  la  principale  partie  :  6°  éviter  la 
répétition  des  termes  en  blafonnant ,  &  fur-tout  celle 
de  ces  mots  de,  ou ,  & ,  avec  :  70  les  trois  formes  de 
blafons  confiftent  en  métaux ,  en  pierres  précieufes , 
&  en  planètes  :  la  première  convient  aux  fimples  gen- 
tilshommes ;  la  féconde  aux  nobles  qualifiés  ducs  , 
comtes  ,  &c.  la  troifieme  aux  empereurs ,  aux  rois , 
aux  princes ,  quoique  cette  variété  foit  improuvée 
des  François ,  ainii  que  des  autres  nations  qui  n'ufent 
que  de  métaux  &  de  couleurs  pour  tous  les  degrés  de 
nobleffe ,  &  quoique  nous  tenions  d'eux  Y  Art  héraldi- 
que: 8°  c'eft  mal  blafonner,  que  démettre  couleur  fur 
couleur ,  &  métal  fur  métal  ;  ce  qui  fouffre  une  feule 
exception  en  faveur  des  armes  de  Jérufalem ,  qui  font 
d'argent  à  la  croix  potencée  de  gueules  entre  quatre 
petites  croix  d'or.  Ajoutez  que  des  lions  debout  font 
dénommés  rampans;  s'ils  marchent  ,pafjans,  gardans; 
on  les  nomme  encore  faillans ,  regardans ,  &c.  Les 
loups  &  les  ours  fe  qualifient  comme  les  liens  ;  les 
griffons,  au  lieu  de  rampans  &  de  faillans ,  font  dits 
fegreans  ;  les  lions ,  les  griffons  ,  &  les  aigles  font  dé- 
nommés aufîi  langues  &  armés  ;  les  cygnes,  membres  ; 
les  faucons ,  chaperonnés  ;  les  coqs  ,  armés  ,  crêtes  ,  bar- 
belés ,  c'eft-à-dire ,  lorfque  les  langues ,  les  becs ,  & 
les  ferres  de  ces  animaux  font  d'une  couleur  différen- 
te de  leur  corps. 

Lorfqu'un  enfant  ou  un  animal  fort  du  fond  de  l'é- 
cu, on  l'appelle  iffant  ;  loriqu'il  eft  deffus,  on  le  dit 
giffant  ;  s'il  part  du  milieu,  il  le  qualifie  naiffant ,  &c. 
koye^  ces  articles,  (f^) 

B  L  A  S  P  H  E  M  E ,  f.  m.  fe  dit  en  général  de  tout 
difeours  ou  écrit  injurieux  à  laMajefté  divine  :  mais 
dans  Pufage  ordinaire ,  on  entend  plus  fpécialement 
par  blafphbnes ,  les  juremens  ou  impiétés  contre  le 
faint  nom  de  Dieu ,  proférés  de  vive-voix.  (H) 

Les  Théologiens  difent  que  le  blafphème  conlifte  à 
attribuer  à  Dieu  quelque  qualité  qui  ne  lui  convient 
pas  ,  ou  à  lui  ôter  quelqu'attribut  qui  lui  convient. 
Selon  faint  Auguftin  toute  parole  mauvaife ,  c'eft-à- 
dire,  injurieuie  à  Dieu ,  eft  un  blafphème  :  Jam  vero 
blafphemia  non  accipitur  nifi  mala  verba  de  Deo  dicere. 
De  morib.  Munich,  lib.  II.  cap.  xj.  Ainfi  ce  feroit  un 
blafphème,  que  de  dire  que  Dieu  ejl  injufle  &  cruel  parce 
qu'il  punit  le  péché  originel  dans  les  en/ans  qui  meurent 
fans  baptême.  Le  blafphème  eft  une  fuite  ordinaire  de 
l'hérélie  :  puifque  celui  qui  croit  mal,  parle  indigne- 
ment de  Dieu  6c  des  myfteres  qu'il  méprife.  C'eft  ce 
qui  s'appelle  proprement  blafphème.  (G) 

BLASPHÉMATEUR ,  f.  m.  celui  qui- blafphème  ou 
qui  prononce  un  blafphème.  Les  blasphémateurs  ont 
toujours  été  féverement  punis  par  la  juftice  humai- 


BLA 

ne,  tant  dans  l'ancienne  loi  que  dans  le  Chriflianif- 
ïrie,  Ils  étoient  punis  de  mort  chez  les  Juifs.  Qui  blaf- 
phemaverit  nomcn  Domini  ,  morte  moriatur.  Livide,  ca- 
pit.  xxiv.  &  ce  fut  fur  cette  loi  mal  appliquée  ,  que 
l'on  condamna  Jefus-Chrift  à  la  mort  :  Blajphemavit: 
quid  adiiuc  egemus  tejlibus  ?  ecce  nunc  audijlis  blajphe- 
miam  ,  quid  vobis  videtur?  at  illi  refpondentes  dixerunt, 
reus  efl  mertis.  Matth.  cap.  xxvj.  verf.  66.  Nous  avons 
des  lois  de  S.  Louis  &  de  plufieurs  autres  de  nos  rois , 
qui  condamnent  les  blafphèmateurs  à  être  mis  au  pilori 
&  à  avoir  la  langue  percée  avec  un  fer  chaud  par  la 
main  du  bourreau.  Pie  V.  dans  des  réglemens  faits 
fur  la  même  matière  en  ï  566  ,  condamne  les  blafphé- 
mauurs  à  la  même  peine ,  &  aux  galères ,  fi  c'efl  la 
îroifiemc  fois  qu'ils  retombent  dans  ce  crime  ;  car  il 
n'inflige  qu'une  amende  pour  la  première  fois ,  &  le 
fouet  par  les  carrefours  pour  la  leconde  ,  û  le  crimi- 
nel efl:  un  laïque  ;  s'il  efl  eccléfiaftique  ,  ce  pontife 
veut  qu'à  la  troifleme  fois  il  foit  dégradé  ôc  envoyé 
aux  galères.  La  peine  la  plus  ordinaire  aujourd'hui , 
efl  l'amende  honorable  &  le  banniflement.  (£') 

BLASPHEMATOIRE,  ce  qui  contient  ou  expri- 
me un  Mafplïème.  C'eft  une  qualification  que  les  iou- 
verains  pontifes  &  les  théologiens  donnent  quelque- 
fois à  certaines  propoiitions  înjurieufes  à  Dieu ,  ou 
qui  lui  attribuent  des  choies  contraires  ou  répugnan- 
tes à  fa  fouveraine  perfection.  Ainfi  la  cinquième 
propofition  de  Janlenius  :  c'efl  une  erreur  Semipelagi:n- 
ne ,  que  de  dire  que  Jejus-Chrijt  eji  mort  ou  a  répandu  fon 
J'ang  pour  tous  les  hommes ,  entendue  en  ce  fens  ,  que 
Jcius-Chrifl  n'efl  mort  que  pour  le  falut  des  prédef- 
tinés ,  efl  déclarée  blafphcmatoirt  dans  la  condamna- 
tion qu'en  porta  Innocent  X.  Le  cardinal  de  Lugo 
diftingue  deux  fortes  de  propoiitions  blafp  hématoires: 
les  unes  Amples  ,  qui  contiennent  quelque  chofe  de 
contraire  à  la  foi ,  mais  qui  n'efl  pas  clairement  énon- 
«  •'  les  autres  héréticales,qui  au  blafphéme  ajoutent 
l'hérélic  formelle  &  clairement  exprimée.  -Dijp.  XX. 
de  f'ide  ,fecl.  III.  n°  100.  (G  ) 

*  BLATIER ,  f.  m.  (Commerce  &  Police.}  marchand 
qui  acheté  le  blé  fur  les  greniers  des  campagnes,  pour 
le  revendre  dans  les  marchés  des  villes.  Ce  mot  vient 
ûu  vieux  terme  Latin  bladus  ,  fruit  ou  femence.  Il  y 
avoit  une  communauté  de  blatiers  à  Paris  du  tems  de 
S.  Louis  ,  6c  ce  prince  leur  donna  des  flatuts.  11  y  a 
f>lus  de  trois  ficelés  que  ceux  de  cette  ancienne  com- 
munauté fortt  réduits  à  vendre  à  petite  mefure ,  & 
ont  été  nommés  regratiers  ou  grainiers  ;  ceux  qui  font 
ce  grand  commerce  le  nomment  marchands  de  grains. 
Le  nom  de  blatiers  n'efl  donc  reflé  qu'à  une  cinquan- 
taine de  petits  marchands  forains,  qui  vont  avec  des 
chevaux  ou  des  ânes  chercher  le  bie  dans  les  campa- 
gnes ,  cv  qui  l'amènent  à  lomme  dan:,  les  marchés  des 
grandes  villes. 

Ce  commerce  a  fon  avantage  &  fon  inconvénient 
pour  le  public.  Les  blatiers  facilitent  la  vente  des 
grains  ^  ceux  qui  n'en  ont  qu'une  petite  quantité  : 
mais  aufli  ce  grain,  qu'ils  achètent  Cv  fur  lequel  ils 
gagnent,  revient  plus  cher  entre  les  mains  de  celui 
qui  doit  le  conlbmmer.  Il  efl  de  la  bonne  police 
d'avoir  l'œil  fur  ces  petits  commerça ns  ,  cv  de  les 
empêcher  de  mêler  les  grains  ,  de  les  falfifier,  6c  de 
les  faire  renfler,  ce  qu'ils  appellent  blatrer, 

BLATREll ,  v.  a&.  c'eft  apprêter  le  grain  ,  le  ren- 
dre frais ,  &  lui  donner  de  la  couleur  &  de  la  main  , 
par  des  préparations  danger eufes.  Ce  fecret  efl  em- 
ployé par  les  petits  marchands  de  grains  ,  ê<  même 
parles  gros  marchands  :  mais  la  police  y  veille,  cv 
quand  ils  font  furpris  elle  les  punit. 

BLATTE  ,  blatta  ,  {Hifl.  nat.}  On  a  donné  ce  nom 
à  plufieurs  infectes  de  nature  très-difféi  ente  ;  comme 
les  vers  qui  naiiient  clans  les  oreilles  ,  &  ceux  qui 
rongent  les  étofiè.s  &:  les  livres  ;  ceux  des  inteftins  , 
de  la  farine  ,  &c.  Aujourd'hui ,  félon  M.  Linnams , 


L  A 


i7Q 


on  ne  doit  reconnoître  fous  le  nom  de  blatte ,  que  les 
infectes  dont  les  antennes  font  longues  ôc  menues  j 
&  dont  les  enveloppes  ou  fourreaux  des  ailes  font 
membraneufes  ,  &  qui  ont  la  poitrine  applaîie ,  ar- 
rondie &  bordée.  Le  même  auteur  rapporte  la  des- 
cription de  deux  efpeces  de  ce  genre.  La  première 
efl  de  couleur  brune,tirant  fur  la  couleur  de  la  rouiile 
de  fer.  Les  enveloppes  des  ailes  portent  l'empreinte 
d'un  fillon  tracé  en  ovale.  Les  femelles  de  cette  ef- 
pece  n'ont  que  quelques  rudimens  &  quelque  appa- 
rence des  ailes  &  des  enveloppes  des  ailes  qui  font 
bien  entières  dans  les  mâles.  M.  Linnaeus  comprend 
fous  cette  efpece  la  blatta  mollis, &  la  blatte  des  mou- 
lins ,  blatta  moltndinaria ,  qui  font  diftinguées  dans 
Mouflet.  Celui-ci  dit  que  l'on  trouve  la  première  fui 
les  lunettes  des  latrines,  &c  dans  les  bains,  6*c«  Le 
nom  de  l'autre  efpece  déflgne  allez  les  lieux  où  elle 
efl  fréquente.  Mouflet  ajoute  que  les  blattes  lé  trou- 
vent aufli  dans  les  boulangeries ,  les  étuves ,  &c, 
qu'elles  craignent  la  lumière;  que  fi  elles  font  obli- 
gées de  s'y  expofer,  elles  reviennent  au  plus  vite  le 
cacher  dans  les  ténèbres,  &  qu'elles  fe  couvrent  de 
pouiiiere.  M.  Linnaeus  rapporte  qu'elles  fe  trouvent 
dans  les  poelles  des  Finlandois,  où  elles  rongent  leur 
pain  &  leurs  bottes ,  &c.  pendant  la  nuit ,  &  qu'el- 
les fe  retirent  dès  qu'on  allume  de  la  chandelle. 

La  féconde  efpece  de  blatte  de  M.  Linnaeus  efl  jau- 
nâtre ,  &  les  enveloppes  des  ailes  lont  tachées  de 
noir.  On  troitve  cet  infede  dans  les  cafés  des  lap- 
pons  :  il  fe  loge  entre  les  écailles  des  poiilons  que  Ton 
fait  deflecher  fans  être  laies.  Mouflet,  Infect,  iheatrum, 
pag.  ZjJ.  Linnsi,  S'yfl.  nat.  &  faunaj'uœcica,  Voyes^ 
Insecte. 

*  BLATTA  BYZANTIN  A  .  (Hift.  nat.  Concilie- 
/cj.)  c'eft  le  nom  qu'on  donne  au  couvercle  d'une  co- 
quille oblongue,  dont  la  lubflancc  reflemble  allez  à  de 
la  corne  :  on  l'appelle  blatta ,  à  caufe  de  la  reflêmblam 
ce  avec  la  teigne  ou  la  motte  dite  blatta  &  Byfanti- 
na,  parce  qu'elle  vient  de  Conftantinople  appellée 
autrefois  By^ance.  On  dit  que  prife  intérieurement» 
elle  purge  &  divile  les  humeurs  ;  'ai.  extérieurement , 
que  li  on  la  brûle  l'odeur  en  efl  bonne  pour  les  i 
mens  de  la  matrice.  Il  y  a  eu  de  grandes  difputes  entre 
iesNaturaiifles  pour  lavoir  ce  que  ce  pouvoit  être  que 
cette  coquille.  Quelques-uns  ont  cru  que  c' étoit  le 
couvercle  du  purpura  murex  ;  d'autres  l'ont  confondu 
avec  la  coquille  qu'on  appelloit  autrefois  unguis  odora- 
tus,  qui  étoit  connue  à  Diofcoride  fous  le  nom  de 
7rù>/m.a.Koyxiihioç.  On  en  apportoit  de  Ion  tems  la  meil- 
leure eipece  de  la  mer  Rouge,  &  celle  qui  étoit  moin- 
dre ,  d  Affyrie.  Voici  ce  qu'il  en  dit  :  In  lacubus  nardi- 
jeris  Indice  reperitur  ;  quapropter ,  &  conchylus  nardum 
.. .]  ■..',  t  endbus  aromaticus  evadit;  coiligitur  verà,  pojiquam 
œjiivis  caloribus  lacus  inaattr'utt.  11  conclut  emuite 
qu'en  brûlant  ce  coquillage,  il  produit  les  mêmes  ef- 
fets que  le  purpura  6c  le  buccinum  :  &  en  parlant  du 
nnrd  ,  il  dit  que  cet  ai  brifleau  naît  près  du  (  I 
c'efl-à-dire  dans  des  lacs  formés  parles  débordemens 
de  ce  fleuve  ;  ce  qui  prouve  que  c'etoit  un  coquillage 
d'eau  douce. 

Le  l'avant  Lyflcr  prétend  que  la  blatta  by~:  . 
connue  aujourd'hui ,  n'efl  point  la  même  chofe  que 
Yunguis  odoratus  des  anciens,  dont Tufage  s'efl perdu 
parmi  nous.  Il  le  fonde  fur  ce  que  cette  coquille  n'a 
point  les  qualités  de  ï 'unguis  odoratus ,  &  qu'on  n'y 
trouve  point  du  tout  l'odeur  aromatique  qu'on  lui 
attribuoit  ;  il  conjecture  plutôt  que  ce  pourroit  être 
la  même  choie  que  le  pétoncle  qui  le  trouve  dans 
la  Tamife  &  dans  d'autres  rivières  ,  qui  efl  ordinai- 
rement delà  grandeur  &  de  l'épaùTeur  de  l'ongle  du 
pouce.  En  effet  ii  pouvoit  avoir,  à  caufe  de  Ion  odeur 
aromatique,  des  vertus  que  nous  ne  trouvons  ni  dans 
ce  qu'on  appelle  blatta  byyintina ,  ni  dans  nos  coquin 
les  di 


aSo 


BLE 


BLATTENBURG ,  (  Géog.  )  ville  du  duché  de 
Gueldre  ,  fur  la  Meule. 

BLAU-STROM  ,  (Géog.)  rivière  clans  la  Soûabe 
qui  le  jette  dans  le  Danube  près  d'Ulra. 

BLAUBEUREN  ,  (  Géog.  )  petite  vi|le  d'Alle- 
magne dans  le  duché  de  Wirtemberg,  fur  la  rivière 
d'Ach. 

BLAYE  ou  BLAIE ,  (  Géog.  )  ville  de  France 
dans  le  Bourdelois  en  Guyenne ,  fur  la  Gironde.  Lon. 
l6.  63.  lai.  46.  6. 

BLAYER,  f.  va.(tcrmede  Coutumes.}  eft un feigneur 
haut-jufticier  qui  a  droit  de  blairie.   (H) 

BLE,  f.  m.  plante  qui  produit  un  grain  dont  on 
fait  le  pain ,  qui  eft  la  principale  nourriture  de  l'hom- 
me. /^oy^PAiN. 

On  donne  auffi  le  nom  de  blé  au  grain  ou  femence 
de  cette  plante ,  après  qu'elle  eft  féparée  de  fon  épi. 
Vbyei  Grain  &  Semence. 

Dans  le  commerce  des  blés  on  n'en  diftingue  que 
de  trois  fortes  :  le  blé  proprement  dit ,  qu'on  nomme 
autrement  froment  ;  voyc^  Froment  :  lefeigle  qui  eft 
une  efpece  bien  différente  ,  &  d'une  qualité  fort  in- 
férieure ;  voy.  Seigle  :  &  un  troifieme  Wequiréfulte 
du  mélange  des  deux  autres ,  qu'on  appelle  blé  mé- 
ttil  ;  voyei  M  É  T  E I L . 

A  l'égard  des  laboureurs ,  ils  mettent  encore  au 
nombre  des  blés  plufieurs  de  ces  grains  que  l'on  feme 
au  mois  de  Mars ,  comme  Y  orge ,  Y  avoine  ,  les  pois  , 
la  vefce ,  &c.  voyar  ces  mots  :  mais  pour  les  diftin- 
guer,  ils  les  qualifient  de  petits  blés. 

Le  maïs  &  le  farajîn  lont  encore  des  grains  aux- 
quels on  donne  le  nom  de  blé  :  l'un  s'appelle  blé  de 
Turquie  &  blé  d'Inde,  ck  l'autre  blé  noir.  Voye^  Blé 
de  Turquie  &  Blé  noir. 

Il  n'y  a  que  l'Europe ,  mais  non  pas  par- tout;  l'E- 
gypte ,  ck  quelques  autres  cantons  de  l'Afrique  ,  le 
long  des  côtes  de  Barbarie  ,  ck  peu  d'endroits  de  l'A- 
mérique ,  défrichés  &  cultivés  par  les  Européens  , 
comme  la  nouvelle  France,  la  nouvelle  Angleterre, 
&  l'Acadie  ,  qui  produiient  du  blé. 

Les  autres  parties  du  monde  ont  en  place  le  maïs 
ck  le  ii{  ;  ck  même  en  quelques  lieux  des  îles  & 
du  grand  continent  de  l'Amérique ,  de  fimples  raci- 
nes ,  telles  que  font  les  patates  &  la  manioc.  Voye-^ 
Patate  &  Manioc. 

L'Egypte  paffoit  autrefois  pour  le  pays  le  plus  fer- 
tile en  blé.  On  fait  par  lhiftoire  fainte ,  en  quelle  répu- 
tation elle  étoit  fur  ce  point  dès  les  premiers  tems  ; 
ck  l'on  apprend  par  l'hiftoire  profane,  qu'elle  en  four- 
niffoit  à  une  partie  des  peuples  loûmis  à  l'empire  Ro- 
main ,  &  qu'on  la  nommoit  la  mcre  nourrice  de  Rome 
-&■  de  t  Italie.  La  France  ,  l'Angleterre ,  &  la  Pologne 
fcmblent  avoir  pris  la  place  de  l'Egypte  ;  &  c'eft  de 
leur  abondance  ck  de  leur  fupcrflu ,  que  la  plupart 
des  autres  nations  de  l'Europe  lubliftent. 

L'opinion  commune  eft  que  dans  les  premiers  fie- 
cles  du  monde  on  ne  vivoit  que  des  fruits  de  la  terre 
&  de  gland  :  quelques-uns  ajoutent  cette  efpece  de 
noifette  que  produit  le  hêtre ,  qu'ils  prétendent  avoir 
été  appelle  pour  cela  fagus  en  Latin ,  du  mot  Grec 
çàyu,je  mange.  Ils  difent  qu'on  n'avoit  ni  l'ufage  du 
blé,  ni  l'art  de  le  préparer  &  de  le  rendre  mangeable. 
Voye^  Boulanger. 

On  dit  que  c'eft  Cerès  qui  a  fait  connoître  le  blé 
aux  hommes  ;  ce  qui  la  fit  mettre  au  rang  des  dieux. 
D'autres  attribuent  cet  honneur  à  Triptoleme  ,  fils 
de  Celée ,  roi  des  Eleufiniens.  D'autres  veulent  que 
Cerès  ait  trouvé  le  blé,  &  que  Triptoleme  ait  inven- 
té l'art  de  le  femer  ck  de  le  cultiver. 

Diodore  de  Sicile  dit  que  ce  fut  Ifis  ;  furquoi  Po- 
îydore  Virgile  obferve  qu'il  ne  diffère  point  des  au- 
tres ,  parce  qu'Iris  ck  Cerès  font  la  même.  Les  Athé- 
niens prétendoient  que  c'étoit  chez  eux  que  cet 
art  avoit  commencé.  Les  Cretois  &  les  Siciliens 


BLE 

afpiroient  à  la  même  gloire ,  auffi-bien  que  les  Egyp- 
tiens. Quelques-uns  croyent  que  les  Siciliens  "lont 
mieux  fondes ,  parce  que  la  Sicile  étoit  la  patrie  de 
Ceres ,  ck  que  cette  déeffe  n'enfeigna  ce  fecret  aux 
Athéniens ,  qu'après  l'avoir  appris  aux  Siciliens. 

D'autres  prétendent  que  Cerès  pafla  d'abord  dans 
l'Attique,  de-là  en  Crète ,  &  enfin  en  Sicile.  Il  eft  ce- 
pendant des  favans  qui  foûtiennent  que  c'eft  en  Egyp- 
te que  l'art  de  cultiver  les  blés  a  commencé  ;  ck  cer- 
tainement il  y  avoit  des  blés  en  Egypte  &  dans  l'O- 
rient ,  long-tems  avant  Cerès.  Vayt[  aux  articles  Fro- 
ment ,  Seigle  ,  Épautre  ,  Méteil  ,  &c  le  choix 
de  terre ,  la  culture ,  ck  les  autres  parties  de  l'agri- 
culture qui  leur  conviennent. 

Pour  conferver  le  blé,  il  faut  le  bien  fécher  &  le 
tenir  net.  Le  grenier  doit  avoir  lès  ouvertures  au  lèp- 
tentrion  ou  à  l'orient  ,  ck  des  foûpiraux  au  haut.  Il 
tant  avoir  foin  de  le  travailler  de  quinze  en  quinze 
jours  tout  au  moins ,  les  fix  premiers  mois  :  dans  la 
fuite  il  fuffit  de  le  cribler  tous  les  mois.  Après  deux 
années  il  ne  s'échauffe  plus ,  ck  il  n'a  plus  rien  à  crain- 
dre que  de  l'air  ck  de  l'humidité  étrangère,  f^oye^ 
Grenier. 

Peu  de  tems  après  le  fiége  que  foûtint  Metz  fous 
Henri  II.  le  duc  d'Epernon  fit  faire  de  grands  amas 
de  grains  dans  la  citadelle  ,  qui  fe  font  confervés 
jufqu'en  1707.  Quoique  la  citadelle  eût  été  bâtie  fous 
Henri  III.  il  y  en  avoit  un  tas  dans  le  magafin ,  avec 
lequel  on  fit  du  pain ,  dont  le  roi ,  le  dauphin ,  ck  les 
leigneurs  qui  parlèrent  par  cette  ville  mangèrent. 

Une  des  choies  qui  contribue  le  plus  à  la  confer- 
vation  du  blé,  c'eft  la  croûte  qui  fe  forme  fur  toute 
la  fuperficie  par  la  germination  des  grains  extérieurs  , 
jufqu'à  l'épaiffeur  d'un  pouce  ck  demi.  On  fe  prome- 
noit  fur  celui  de  Metz  ,  fans  que  cette  croûte  obéît. 
On  a  vu  à  Sedan  un  magafin  taillé  dans  le  roc  ck  affez 
humide  ,  dans  lequel  il  y  avoit  un  tas  de  blé  très-con- 
fidérable  depuis  1 10  ans  :  il  étoit  revêtu  d'une  forte 
croûte  épailfe  d'un  pié. 

Il  y  a  des  greniers  à  Chaalons  où  l'on  conferve  le 
blé  30  ou  40  ans. 

On  choifit  le  plus  beau  blé  ck  du  meilleur  cru  qu'il 
eft  pollible.  Après  l'avoir  travaillé ,  on  en  fait  un  tas 
auffi  gros  que  le  plancher  le  peut  permettre  :  on  met 
enfuitedeffusunlitde  chaux  vive  en  poudre  de  trois 
pouces  d'épaiffeur  ;  puis  avec  des  arrofoirs  on  hu- 
mecte cette  chaux  qui  forme  avec  le  blé  une  croûte. 
Les  grains  de  la  fuperficie  germent ,  &  pouffent  une 
tige  d'environ  un  pié  ck  demi  de  haut ,  que  l'hyver 
fait  périr  :  on  n'y  touche  point  que  quand  la  néceffité 
y  oblige. 

Blé  de  Turquie,  maïs;  genre  de  plante  dont  la 
fleur  n'a  point  de  pétales  :  elle  eft  compolée  de  plu- 
fieurs étamines  qui  lortent  d'un  calice.  Cette  fleur 
eft  ftérile  ;  les  embryons  naiffent  léparément  des 
fleurs  ;  ils  font  raffemblés  en  épis  ,  &  terminés  par 
un  long  filet.  Les  épis  font  enveloppés  dans  des  feuil- 
les qui  leur  fervent  de  gaines.  Chaque  embryon  de- 
vient une  femence  arrondie ,  anguleufe ,  ck  enchâffée 
dans  l'un  des  chatons  du  poinçon  qui  lbûtient  l'épi  du 
fruit.  Tournefort ,  Infl.  rei  kerb.  Voye^  Plante. 

Il  y  a  du  blé  de  Turquie  en  Bourgogne ,  en  Fran- 
che-Comté, ck  ailleurs.  Il  vient  facilement,  &  c'efl 
toujours  un  fecours  dans  les  famines.  On  en  fait  du 
pain  allez  fain.  On  en  confomme  confidérablement 
dans  l'Amérique ,  aux  Indes,  &  en  Turquie.  Il  aime 
la  terre  graffe  bien  remuée ,  &  les  filions  larges  ;  le 
froid  lui  eft  très-contraire.  Quant  à  ta  culture,  voy. 
Agriculture. 

Blé  noir  ou  Sarasin  ,  fagopyrum;  genre  de 
plante  dont  la  fleur  n'a  point  de  pétales  :  elle  eft  com- 
polée de  plufieurs  étamines  qui  fortent  d'un  calice 
divifé  en  cinq  parties.  Le  piftil  devient  dans  la  fuite 
une  femence  triangulaire  ,  renfermée  dans  une  en- 
veloppe 


BLE 

veloppe  qui  a  fervi  de  calice  à  la  fleur.  Ajouter  aux 
caractères  de  ce  genre  ,  que  les  fleurs  naiffent  en 
grappe  ou  en  épi ,  &  que  les  racines  font  chevelues. 
Tournefort ,  Infi.  rei  htrb.  Voyc^  Plante.  (  /  ) 

*  Lçfarrajzn  eft  plus  commun  en  France  que  le 
lié  de  Turquie.  Il  ne  fort  qu'à  nourrir  la  volaille.  Les 
faifans  en  font  friands  ;  c'eft  pourquoi  l'on  en  feme 
dans  les  bois  ,  &c  par  -  tout  où  l'on  veut  attirer  ces 
oifeaux.  Le  pain  &  la  bouillie  qu'on  en  fait  ,  font 
noirs  &  amers,  à  moins  qu'on  n'y  mêle  d'autres  grains. 
Le  fourrage  en  eft  bon  pour  les  vaches.  Il  vient  dans 
toutes  fortes  de  terres ,  &  aime  la  fechereffe.  Les  la- 
bours lui  font  avantageux  ,  &  on  le  feme  en  filions. 
Les  pierres  &C  les  cailloux  ne  l'empêchent  pas  de 
pouffer.  En  femant  de  bonne  -  heure  dans  les  pays 
chauds  ,  on  en  fera  jufqu'à  deux  récoltes  par  an. 
Quant  à  fa  culture ,  c'eft  la  même  que  celle  des  au- 
tres grains.  Voye{  Agriculture. 

BLECKINGEN,  {Géog.)  contrée  de  Suéde  dans 
!a  Gothie  méridionale ,  bornée  au  nord  par  la  Go- 
thie,  &  au  couchant  par  la  Scandinavie. 

BLEIBURG,  (  Géog.  )  ville  &  château  fur  la  ri- 
vière de  Feiftritz  dans  la  Carinthie. 

BLEICHRODA,  {Géog.)  petite  ville  du  comté 
de  Hohenftein  en  Thuringe. 

BLEICHFELD  ,  {Géog.)  petite  ville  de  l'évêché 
de  Wurtzburg  en  Franconie. 

BLEIDERSTADT,  {Géog.)  petite  ville  du  comté 
de  Naffau ,  à  la  fource  de  la  rivière  d'Aar. 

BLEND A ,  (  Géog.  )  petite  île  de  l'Archipel. 

B  L  E  S  S ,  (  Géog.)  petite  ville  de  la  Wetteravie , 
appartenante  à  l'électeur  de  Trêves. 

BLEY-STADT,  {Géog.)  petite  ville  du  royaume 
de  Bohème. 

BLIESS,  (  Géog.  )  petite  rivière  qui  fe  jette  dans 
laSaar. 

BLEMMYES  ou  BLEMYES ,  f.  m.  plur.  (  Hifi. 
anc.  &  Géog.  )  Les  anciens  Géographes  font  mention 
d'un  peuple  de  ce  nom  (fabuleux  fans  doute),  qui 
n'avoit  point  de  tête  ,  &  qui  avoit  les  yeux  &  la  bou- 
che dans  la  poitrine  :  on  dit  qu'ils  habitoient  une 
partie  de  l'Ethiopie. 

BLENDE  ,  (  Minéralogie.  )  ce  mot  eft  Allemand  : 
on  s'en  fert  dans  les  mines  pour  défigner  un  minéral 
qui  n'eft  bon  à  rien  ;  on  l'appelle  en  Latin pfeudo-ga- 
lena,  galena  inanis  ,  mica.  Henckel  ,  dans  fa  Pyrito- 
logic ,  dit  que  c'eft  une  pierre  martiale  ,  ftérile ,  corn- 
pofée  de  parties  arfénicales ,  &  d'une  terre  qui  ré- 
lifte à  l'action  du  feu.  Il  y  entre  aufli  du  foufre.  On 
la  trouve  fur -tout  dans  les  mines  de  plomb  &  d'ar- 
gent. Hoffmann  regarde  les  blendes  comme  la  matrice 
de  ces  métaux.  Il  y  en  a  de  plulieurs  cfpeces  &  cou- 
leurs ;  les  plus  ordinaires  font  noires  ,  luifantes  ,  & 
reffcmblantes  à  la  mine  de  plomb  ,  quoi  qu'elles  ne 
foient  point  fi  brillantes  ;  on  les  appelle Jlerile  nigrum  , 
&  en  Allemand /'«c/i  blende.  Il  y  en  a  ,  outre  cela  ,  de 
brunes ,  de  rouges ,  de  jaunes  ,  de  cendrées ,  &  de 
blanchâtres.  Celles  qui  font  jaunes  ou  de  couleur 
d'or  ,  fe  nomment  katfcn  gold,  or  de  chat  ;  celles  qui 
font  blanches  s'appellent  katfenjilber ,  argent  de  chat. 
A  la  (impie  inspection  S:  au  poids  ,  on  eft  tenté  de 
croire  que  ce  minéral  contient  du  métal  :  mais  il  ne 
s'y  en  trouve  jamais  que  peu  ou  point  du  tout.  Ces 
blendes  déplaifent  fouverainement  aux  Fondeurs  ;  car 
non-feulement  elles  ne  fourniffent  rien  de  bon ,  mais 
elles  l'ont  affamées  des  autres  minéraux ,  &  les  ren- 
dent réfraclaires.  Le  favant  M.  Pott  a  fait  une  differ- 
tation  très-étendue  fur  ce  minéral. 

Nonobftant  toutes  ces  mauvaiies  qualités  des  blen- 
des ,  M.  Marggraf  a  oblervé  qu'il  s'en  trouve  quel- 
quefois qui  contiennent  une  terre  métallique  propre 
à  produire  du  zinc,  &C  M.  Pott  a  remarqué  le  pre- 
mier que  le  cuivre  mêlé  avec  la pfeudo-galene  ou  blen- 
de pulvéi  iféc ,  6c  des  charbons  pUcs  mis  au  weujfej , 
Tome  II, 


BLE 


181 


prenoitune  couleur  fort  approchante  de  celle  du  lai- 
ton; d'où  il  conclut  que  la  blende  a  de  l'affinité  avec 
la  pierre  calaminaire. 

M.  Marggraf  a  pouffé  fes  recherches  plus  loin  ,  & 
a  tiré  du  zinc  d'une  efpece  de  blende  choifie ,  qui  ve- 
noit  de  Freyberg  en  Saxe.  Voici  comme  il  en  donne 
le  procédé  :  il  faut  la  purifier  de  la  pyrite  arfénicale 
jaune  qui  y  eft  attachée,  &  après  l'avoir  pidvérifée 
on  la  brûle  petit-à-petit ,  en  obfervant  de  pouffer  le 
feu  fur  la  fin  de  l'opération ,  ce  qu'on  continue  pen- 
dant plufieurs  heures,  jufqu'à  ce  qu'on  ne  fente  plus 
aucune  odeur  ,  &  que  la  matière  ait  perdu  tout  bril- 
lant ;  la  blende  ainfi  brûlée ,  on  en  prend  quatre  onces 
mêlées  avec  deux  drachmes  de  charbon  ;  on  met  ce 
mélange  au  feu  dans  des  vaiffeaux  fermés  ;  on  aura 
de  véritable  zinc  6  à  8  grains,  &  autour  de  4  à  5 
grains  de  fleurs  de  zinc. 

«  Ou  bien  on  prend  la  même  quantité  de  blende 
»  brûlée  ;  on  verfe  deffus  4  onces  d'efprit  de  vitriol 
»  bien  rectifié  :  le  mélange  s'échauffe  ;  &  la  digeftion  , 
»  fuivant  la  matière  du  zinc ,  fe  mettra  en  folution 
»  avec  quelques  particules  de  fer  ;  il  faut  précipiter 
»  cette  folution  par  une  lefîîve  de  cendres  gravelées 
»  jufqu'à  ce  qu'il  n'aille  plus  rien  au  fond  ;  après  que 
»  cette  chaux  aura  été  fouvent  édulcorée  dans  l'eau 
»  chaude  &  defféchée ,  vous  en  prendrez  un  peu  plus 
»  de  3  drachmes  ;  vous  les  mêlerez  avec  une  demi- 
»  drachme  de  charbon  ;  vous  y  joindrez  2  drachmes 
»  &  2  fcrupules  de  petites  lames  de  cuivre  ,  arran- 
»  géant  le  tout  couche  fur  couche  dans  le  creufet , 
»  que  vous  couvrirez  de  pouffiere  de  charbon  ,  &c 
»  que  vous  mettrez  au  feu  de  fulion  ;  après  quoi , 
»  quand  tout  fera  refroidi ,  vous  trouverez  le  plus 
»  beau  laiton.  Si  vous  le  voulez  aufti ,  ce  précipité 
»  mis  dans  des  vaiffeaux  fermés  de  la  manière  fuf- 
»  dite  ,  peut  être  réduit  en  zinc  ».  foye^Zitic. 

Ces  deux  procédés  font  de  M.  Marggraf,  &  fe 
trouvent  dans  le  1 1 .  vol.  des  Mémoires  de  l'Académie 
royale  dePruJfe ,  année  IJ48,  à  la  fin  d'un  mémoire 
fur  le  zinc  du  même  auteur.  (  —  ) 

BLESNEAU ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  i 
dans  le  gouvernement  d'Orléanois ,  dans  la  Puifaye, 
fur  le  Loin. 

BLEU ,  adj.  Un  corps  paroit  bleu ,  parce  que  fes 
parties  ont  une  fituation  6c  une  contexture  qui  les 
rend  propres  à  réfléchir  les  rayons  bleus  en  plus 
grande  quantité  que  les  autres.  Voye\  Couleur. 

Pour  expliquer  la  couleur  bleue  du  firmament," 
Newton  remarque  que  toutes  les  vapeurs,  quand 
elles  commencent  à  fe  condenf er  &c  à  s'affembler  ,' 
deviennent  d'abord  capables  de  réfléchir  des  rayons 
bleus  avant  qu'elles  puiflent  former  des  nuages  d'au- 
cune autre  couleur.  Le  bleu  eft  donc  la  première  cou- 
leur que  commence  à  réfléchir  l'air  le  plus  net  &  le 
plus  tranfparent  lorfque  les  vapeurs  ne  font  pas  par- 
venues à  la  grofleur  fuffifante  pour  réfléchir  d'au- 
tres couleurs. 

M.  de  la  Hire  remarque,  après  Léonard  de  Vinci," 
qu'un  corps  noir  quelconque  vu  à  travers  un  autre 
corps  blanc  &  tranfparent,  paroit  de  couleur  bleue  ; 
ck  c'eft  par-là  qu'il  explique  la  couleur  azurée  du  fir- 
mament ,  dont  l'immcnle  étendue  étant  entièrement 
dépourvue  de  lumière  ,  eft  apperçûe  à  travers  l'air 
qui  eft  éclairé  &  comme  blanchi  par  la  lumière  du 
foleil.  Il  ajoute  que  par  la  même  raifon  la  fuie  mê- 
lée avec  du  blanc  forme  du  bleu.  Il  explique  par  le 
même  principe  la  couleur  bleue  des  veines  lur  la  fur- 
face  de  la  peau ,  quoique  le  fang  dont  elles  font  rem- 
plies foit  d'un  rouge  foncé  :  car  ,  dit-il ,  à  moins  que 
la  couleur  rouge  ne  foit  vue  au  grand  jour  ,  elle  pa- 
roit un  rouge  obfcur  &  qui  approche  du  noir  ;  6c  com- 
me elle  fe  trouve  dans  une  lorte  d'obfcurité  dans  les 
veines ,  elle  peut  avoir  l'effet  de  la  couleur  noire  , 
qui  copjidtfree  à  travers  la  membrane  de  la  veine  &C 

N  n 


a8i 


BLE 


BLE 


la  blancheur  delà  peau ,  produit  la  fenfation  èulieù. 
f^oyei  Noirceur.  (O) 

Bleu  d'azur  ,  (Chimie.)  On  peut  tirer  cette  cou- 
leur de  l'argent  :  mais  le  lavant  Boyle  tk  Henckel  pré- 
tendent avec  raifon  que  cela  n'arrive  qu'en  raifon  du 
cuivre  qui  le  trouve  ordinairement  mêlé  à  ce  métal. 
Voici  la  façon  la  plus  courte  de  le  faire  :  faites  fon- 
dre dans  de  fort  vinaigre  diftillé ,  du  fel  gemme  ,  du 
fëj  alkali ,  &  de  l'alun  de  roche  ;  fufpendez  au-deflùs 
de  ce  vinaigre  des  lames  d'argent  fort  minces ,  enter- 
rez le  vafe  où  vous  aurez  fait  fondre  ces  matières 
dans  du  marc  de  raifin  ;  vous  pourrez  tous  les  trois 
jours  ôter  de  deflùs  les  lames  d'argent  la  couleur 
bleue  qui  s'y  fera  formée. 

Autre  manière.  Mettez  dans  une  livre  de  fort  vinai- 
gre des  lames  d'argent  auffi  minces  que  du  papier  ; 
joignez-y  deux  onces  de  fel  ammoniac  bien  pulvéri- 
fé  ;  mettez  le  tout  dans  un  pot  de  terre  verniffé,  que 
vous  boucherez  avec  foin  ;  enterrez  ce  pot  dans  du 
fiimier  de  cheval  pendant  1 5  ou  10  jours  ,  vous  trou- 
verez au  bout  de  ce  tems  les  lames  d'argent  chargées 
d'un  très-beau  bleu  da^ur. 

Autre  manière.  Prenez  une  once  d'argent  diffous 
dansl'efprit  denitre,  2  \  fcrupulesde  fel  ammoniac, 
autant  de  vinaigre  qu'il  en  faut  pour  précipiter  l'ar- 
gent ,  décantez  le  vinaigre  ,  mettez  la  matière  préci- 
pitée dans  un  matras  bien  bouché;  laiffez  repofer 
le  tout  pendant  un  mois ,  vous  aurez  un  beau  bleu 
d'azur. 

On  tire  aufli  le  bleu  d'azur  du  cuivre,  du  mercure 
&  du  plomb  :  pour  le  tirer  du  cuivre  ,  on  prend  de 
verd  de  gris  &  de  fel  ammoniac  de  chacun  3  onces  ; 
on  mêle  ces  deux  matières  avec  de  l'eau  où  l'on  a 
fait  fondre  du  tartre  ;  on  en  fait  une  pâte  molle  ;  on 
met  le  tout  dans  un  vafe  bien  bouché  qu'on  laiflë 
en  repos  pendant  quelques  jours,  &  l'opération  eft 
faite. 

Autre.  JEs  uflum  &  lie  de  vin  ,  de  chacun  2  onces  , 
de  foufre  une  once  ;  réduifez  en  poudre  Vas  ujlum  & 
le  foufre  ;  venez  par-deffus  du  vinaigre  ou  de  l'uri- 
ne ;  mettez  le  mélange  dans  un  pot  vernifïé  ,  &  laif- 
fez-le  bien  bouché  pendant  1 5  jours. 

On  peut  tirer  le  bleu  d'azur  du  vif-argent  &c  du 
plomb  de  la  manière  fuivante  :  c'eft  Agricola  qui  la 
donne  telle  qu'il  fuit.  On  prend  3  parties  de  vif-ar- 
gent ,  2  parties  de  foufre ,  &  une  partie  de  fel  am- 
moniac :  on  met  au  fond  d'un  plat  de  la  litharge,  & 
l'on  fait  fondre  par-deffus  le  foufre  pulvérifé  ;  on  y 
jette  enfuite  le  fel  ammoniac  en  poudre  &  le  vif-ar- 
gent ;  on  remue  toutes  ces  matières  avec  un  petit 
bâton  ,  afin  qu'elles  fe  mêlent  exactement  :  on  laiffe 
refroidir  le  mélange  qu'on  réduit  en  poudre  ;  on  met 
cette  poudre  dans  un  matras  bien  luté  qu'on  laiffera 
un  peu  ouvert  ;  lorfque  le  lut  fera  feché,  on  mettra 
le  matras  fur  un  trépié  &  fur  un  feu  modéré  ,  &  on 
couvrira  l'ouverture  d'une  lame  de  fer,  &  on  en  re- 
gardera de  tems  en  tems  le  deffous  pour  voir  s'il  ne 
s'y  forme  plus  d'humidité.  Il  faut  alors  boucher  l'ou- 
verture avec  du  lut;  on  pouffe  le  feu  pendant  une 
heure  ;  on  l'augmente  encore  jufqu'à  ce  qu'il  s'élève 
une  fumée  bleue;  cela  fait,  on  trouvera  un  beau  bleu 
au  fond  du  matras.  (— ) 

Bleu  d'Émail,  (Chimie.)  appelle  quelquefois 
fmalte  bleue ,  eft  une  couleur  d'un  grand  ufage  pour 
les  Émailleurs  :  voici  la  façon  de  la  préparer  fuivant 
Neri ,  dans  fon  Art  de  la  Verrerie.  On  prend  quatre 
livres  de  la  fritte  ou  matière  dont  on  fait  l'émail.  V. 
V article  ÉMAIL ,  4  onces  de  faffre  réduit  en  poudre , 
qui  n'eft  autre  chofe  qu'une  préparation  du  cobalt , 
voyei  V article  COBALT  ,  &  48  grains  d'tfi  uflum,  ou 
de  cuivre  calciné  par  trois  fois  :  on  mêle  exactement 
ces  trois  matières  ;  on  les  met  au  fourneau  de  verre- 
rie, dans  un  pot  verniffé  en  blanc  ;  lorfque  le  mélan- 
ge eft  bien  entré  en  fonte ,  il  faut  le  verlër  dans  de 


l'eau  claire  pour  le  bien  purifier  ;  on  le  remet  en- 
fuite  fondre  de  nouveau  ;  on  réitère  l'extinction  dans 
l'eau ,  &  la  fonte  deux  ou  trois  fois  ;  l'on  obtient  de 
cette  façon  un  très-beau  bleu  d'émail. 

Kunckel,  dans  fes  remarques  fur  Neri,  obferve 
qu'il  n'eft  guère  poffible  de  preferire  exactement  la 
dofe  de  faffre  qu'on  doit  employer  pour  faire  le  bleu 
d'émail;  il  eft  bon  de  commencer  par  en  faire  des 
épreuves  en  petit,  fuivant  les  différentes  nuances 
qu'on  cherche  :  fi  on  trouve  le  bleu  trop  clair ,  il  faut 
augmenter  petit  à  petit  la  dofe  du  faffre  ;  fi  au  con- 
traire elle  eft  trop  foncée ,  il  faut  remettre  plus  de  la 
fritte  de  l'émail.  C'eft  en  fuivant  ainfi  certaines  pro- 
portions ,  qu'on  peut  produire  dans  l'émail  les  diffé- 
rentes nuances  du  bleu.  Si ,  par  exemple ,  on  vouloir, 
un  bleu  d' 'émail  céladon  ou  de  couleur  d'aigue-mari- 
ne ,  il  faudrait  renverfer  les  dofes  données  ci-deffus, 
&  l'on  prendroit  alors  4  livres  de  la  fritte  d'émail, 
2  onces  d'œs  uflum ,  &  feulement  48  grains  de  faffre  ; 
on  mêleroit  bien  ces  trois  matières  :  du  refte  on  fui- 
vroit  exactement  la  méthode  précédente ,  pour  leur 
fonte  &  leur  purification.  Il  faut  bien  oblerver  que 
toutes  ces  opérations  font  fort  délicates,  &  deman- 
dent une  attention  toute  particulière  ;  car  pour  peu 
qu'on  ne  faffe  point  d'attention  aux  circonftances  , 
il  fe  produit  des  effets  tous  différens  de  ceux  qu'on 
veut  chercher;  c'eft  ce  que  Kunckel  avoue  lui  être 
arrivé  dans  l'opération  du  bleu  d'émail  céladon  que 
nous  venons  de  donner.  Il  avoit  éprouvé  cette  mé- 
thode qui  eft  de  Neri  :  mais  comme  elle  ne  put  pas 
d'abord  lui  réuffir ,  il  crut  que  cet  auteur  s'étoit  trom- 
pé :  ayant  enfuite  réitéré  l'opération ,  &  regardé  la 
chofe  de  plus  près,il  découvrit  qu'elle  n'avoitmanqué 
la  première  fois,  que  parce  qu'il  n'avoit  pas  bien 
pris  fon  tems  pour  retirer  la  matière  du  fourneau , 
qu'il  l'avoit  laiffée  trop  long-tems  au  feu.  (— ) 

*  Plus  le  grain  d'émail  eft  gros ,  &  plus  le  bleu  eft 
vif,  &  tire  un  peu  fur  le  violet  comme  l'azur  :  mais 
l'émail  eft  d'un  plus  beau  bleu  eclefle.  Le  grain  d'azur 
à  poudrer  eft  li  gros,  qu'on  ne  peut  l'employer  que 
très-difficilement ,  &  feulement  en  détrempe  ou  à  fref- 
que,  ou  pour  mettre  dans  l'empois  ou  amydon ,  avec 
lequel  il  fe  lie  fort  bien.  On  l'appelle  a^ur  à  poudrer , 
parce  que  pour  faire  un  beau  fond  d'un  bleuturquin  , 
on  le  poudre  fur  un  blanc  à  l'huile  couché  médiocre- 
ment épais  &  le  plus  gras  qu'on  peut.  On  l'y  étend 
aufîi-tôt  avec  une  plume  :  mais  il  faut  l'avoir  bien  fait 
fécher  auparavant  fur  un  papier  au-defî'us  du  feu.  On 
y  en  met  affez  épais  ;  &c  on  l'y  laiffe  jufqu'à  ce  que 
le  fond  lbit  bien  fec ,  &  ainfi  le  blanc  en  prend  au- 
tant qu'il  peut.  Enluite  on  le  lëcoue,  &  on  en  ôte 
tout  ce  qui  ne  tient  pas  au  blanc ,  en  le  frottant  lé- 
gèrement avec  une  plume  ou  une  broffe  douce.  C'eft 
une  couleur  très-vive  &  qui  dure  long-tems ,  quoi- 
qu'expofée  à  l'air  &  à  la  pluie. 

L'émail  qui  eft  d'autant  plus  pâle  qu'il  eft  plus  fin  ^ 
fert  dans  la  détrempe  &  à  frefque  :  mais  on  ne  s'en 
fert  guère  à  l'huile,  parce  qu'il  noircit,  à  moins  qu'il 
ne  foit  mêlé  avec  beaucoup  de  blanc. 

*Bleud'inde  &  Indigo:  l 'indt  eft  plus  claire  & 
plus  vive  que  Yindigo,  ce  qui  vient  feulement  du 
choix  de  la  matière  dont  on  les  fait  ;  car  au  fond  c'eft 
la  même  :  c'eft  la  feuille  de  l'anil ,  voye^  Anil.  On  en 
fait  tremper  les  feuilles  dans  l'eau  pendant  deux  jours 
ou  environ  ;  enfuite  on  fépare  l'eau  qui  a  une  légère 
teinture  de  bleu  verdâtre  :  on  bat  cette  eau  avec  des 
palettes  de  bois  durant  deux  heures,  &  l'on  cefîe  de 
battre  quand  elle  moufle.  On  y  jette  alors  un  peu 
d'huile  d'olive ,  en  afpergeant.  On  voit  aufli-tôt  la 
matière  de  Yinde  qui  fe  fépare  de  l'eau  par  petits  gru- 
meaux ,  comme  quand  le  lait  fe  tourne  ;  &  l'eau  étant 
bien  repofée ,  elle  devient  claire ,  &  l'eau  fe  trouve 
au  fond  comme  de  la  lie,  qu'on  ramaffe  après  avoir 
ôté  l'eau,  &  qu'on  fait  lécher  au  foleil.  L'inde  fêtait 


BLE 

nvec  les  jeunes  feuilles  &  les  plus  belles ,  Se  Vbpdiga 
avec  le  refte  de  la  plante.  Cette  plante  eroit  dans  les 
Indes  orientales  &  occidentales.  Vinde  eft  ordinaire- 
ment par  petites  tablettes  de  deux  à  trois  lignes  d'é- 
paiffeur  &c  d'un  bleu  affcz  beau  :  mais  l'indigo  eft 
par  morceaux  irréguliers  d'un  bleu  brun,  tirant  fin- 
ie violet.  Cette  couleur  eft  excellente  pour  la  pein- 
ture à  détrempe ,  tant  pour  le  brun  des  bleux ,  que  des 
verds,  en  y  mêlant  pour  le  verd,  de  la  teinture  de 
graine  d'Avignon ,  ou  du  verd  de  veffie.  On  pourroit 
fe  fervir  de  Vinde  à  l'huile ,  &  elle  a  beaucoup  de 
corps  avec  le  blanc  :  mais  elle  fe  décharge  en  féchant, 
8c  perd  la  plus  grande  partie  de  fa  force  ;  c'eft  pour- 
quoi on  n'en  uie  pas,  à  moins  que  ce  ne  foit  en  dra- 
perie ,  qu'on  glace  d'outre-mer  par-deffus.  Voye^ 
GlACER. 

Il  y  a  un  bUu  de  tourmfol  qui  peut  être  d'ufage  dans 
la  peinture  à  détrempe  &  dans  l'enluminure.  Letour- 
neiol  eft  une  pâte  qu'on  forme  ordinairement  en  pains 
quarrés  avec  le  fruit  de  la  plante  appellée  heliotro- 
pium  tricocccn.  Cette  plante  croît  en  France  ;  on  met 
tremper  cette  pâte  clans  l'eau  ;  &  il  vient  une  affez 
belle  teinture  bleue.  Il  arrive  aufîi  qu'elle  eft  rouge, 
ce  qui  eft  occafionné  par  le  mélange  d'acide:  mais 
on  lui  rend  fa  couleur  bleue ,  en  y  mêlant  de  l'eau 
de  chaux. 

Bleu  d'outre-mer,  (Chimie.)  la  bafe  de. cette 
couleur  eft  le  lapis  la^uli;  c'eft  aufti  ce  qui  la  rend 
fort  chère ,  indépendamment  des  opérations  qu'il  faut 
pour  en  tirer  le  bleu ,  qui  ne  laiffent  pas  d'être  lon- 
gues &c  pénibles  :  on  en  jugera  par  ce  qui  fuit. 

Pour  connoître  fi  le  lapis  larjili  dont  on  veut  tirer 
la  couleur,  eft  d'une  bonne  qualité ,  &  propre  à  don- 
ner  un  beau  bleu,  il  faut  en  mettre  des  morceaux  fur 
des  charbons  ardens,  &  les  y  faire  rougir:  s'ils  ne  fe 
caftent  point  par  la  calcination ,  &  fi  après  les  avoir 
laine  refroidir ,  ils  ne  perdent  rien  de  l'éclat  de  leur 
couleur,  c'eft  une  preuve  de  leur  bonté.  On  peut 
encore  les  éprouver  d'une  autre  façon  :  c'eft  en  fai- 
iant  rougir  des  morceaux  de  lapis  fur  une  plaque  de 
fer,  &  les  jettant  enfuite  tout  rouges  dans  du  vi- 
blanc  très-fort  ;  fi  la  pierre  eft  d'une  bonne  ef- 
pece ,  cette  opération  ne  lui  fera  rien  perdre  de  fa 
couleur.  Après  s'être  affûré  de  la  bonté  du  lapis ,  voi- 
ci comme  il  faut  le  préparer  pour  en  tirer  le  bleu  d'ou- 
tre-mer. On  le  fait  rougir  plufieurs  fois ,  &  on  l'éteint 
chaque  fois  dans  de  l'eau ,  ou  dans  de  fort  vinaigre , 
ce  qui  vaut  encore  mieux  ;  plus  on  réitère  cette  opé- 
ration ,  plus  il  eft  facile  de  le  réduire  en  poudre  :  ce- 
la fait,  on  commence  par  piler  les  morceaux  de  la- 
pis; on  les  broyé  fur  un  porphyre  ,  en  les  humectant 
avec  de  l'eau ,  du  vinaigre,  ou  de  l'efprit-dc-vin  ;  on 
continue  à  broyer  jufqu'à  ce  que  tout  foit  réduit  en 
une  poudre  impalpable;  car  cela  eft  très-effentiel  : 
on  fait  lécher  enfuite  cette  poudre  après  l'avoir  lavée 
dans  l'eau ,  Se  on  la  met  à  l'abri  de  la  poulîiere  pour 
en  faire  l'ulage  qu'on  va  dire. 

On  fait  une  pâte  avec  une  livre  d'huile  de  lin  bien 
pure;  de  cire  jaune,  de  colophone,  Se  de  poix  ré- 
linc,  de  chacune  une  livre;  rie  maftic  blanc,  deux  on- 
ces. On  fait  chauffer  doucement  l'huile  de  lin;  on  y 
mêle  les  autres  matières,  en  remuant  le  mélange  qu'on 
fait  bouillir  pendant  une  demi-heure,  après  quoi  on 
paffe  ce  mélange  à  travers  d'un  linge,  Se  on  le  laiffe 
refroidir.  Sur  8  onces  de  cette  pâte ,  on  mettra  4  on- 
ces de  la  poudre  de  lapis  indiquée  ci-deffus;  on  pé- 
trira long-tems  Se  avec  foin  cette"  mafte;  quand  la 
poudre  y  fera  bien  incorporée,  on  verfera  de  l'eau 
chaude  par-deffus ,  &  on  la  pétrira  de  nouveau  dans 
cette  eau ,  qui  fe  chargera  d'une  couleur  bleue  ;  on  la 
laiffera  repofer  quelques  jours ,  jufqu'à  ce  que  la  cou- 
leur foit  tombée  au  fond  du  vafe  ;  enfuite  de  quoi  on 
décantera  l'eau,  Se  en  lahTant  lécher  la  poudre,  on 
aura  du  bleu  d'outre-mer. 
Tome  II, 


BLE 


283 


Il  y  a  bien  des  manières  de  faire  la  pâte  dont  nous 
venons  de  parler:  mais  nous  nous  contenterons  d'in- 
diquer encore  celle-ci.  C'eft  avec  de  la  poix-réfîne , 
térébenthine,  cire  vierge,  5c  maftic,  de  chacun  fix 
onces  ;  d'encens  &  d'huile  de  lin,  deux  onces,  qu'on 
fera  fondre  dans  un  plat  verniffé,  le  refte  comme 
dans  l'opération  précédente.  Voici  la  méthode  que 
Kunckel  nous  dit  avoir  fuivie  avec  fuccès  pour  faire 
le  bleu  d'outre-mer. 

Après  avoir  cafte  le  lapis  la~uli  en  petits  morceaux 
de  la  groffeur  d'un  pois,  on  le  fait  calciner,  &  on 
l'éteint  dans  du  vinaigre  diftillé  à  plufieurs  reprifes  ; 
eniuitc  on  le  réduit  en  une  poudre  extrêmement  dé- 
liée :  on  prend  de  cire  vierge  Se  de  colophone  de  cha- 
cune moitié  du  lapis  réduit  en  poudre  ;  on  les  fait  fon- 
dre dans  une  poelle,  ou  plat  de  terre  verniffé  :  on  y 
jette  petit  à  petit  la  poudre ,  en  remuant  Se  mêlant 
avec  foin  les  matières;  l'on  verfe  le  mélange  ainlî 
fondu  dans  de  l'eau  claire,  Se  on  l'y  laiffe  pendant 
huit  jours  ;  au  bout  de  ce  tems,  on  remplit  de  grands 
vafes  de  verre,  d'eau  auffi  chaude  que  la  main  peut 
la  fouffrir:  on  prend  un  linge  bien  propre,  on  pétrit 
la  maffe ,  Se  Iorfque  cette  première  eau  fera  bien  co- 
lorée ,  on  retirera  la  maffe  pour  la  mettre  dans  de 
nouvelle  eau  chaude  :  on  procédera  de  la  même  façon 
jufqu'à  ce  que  toute  la  couleur  foit  exprimée  ;  c'eft 
cependant  la  couleur  qui  s'eft  déchargée  dans  la  pre- 
mière eau ,  qui  eft  la  plus  prétieufe  :  on  laiffe  enfuite 
repofer  l'eau  colorée  pendant  trois  ou  quatre  jours  , 
au  bout  defqucls  on  voit  que  la  couleur  s'eft  précipi- 
tée au  fond  du  vafe.  Une  même  maffe  fournit  trois 
ou  quatre  fortes  de  bleu  d'outre-mer:  mais  on  n'en  re- 
tire que  fort  peu  de  la  plus  belle. 

Il  y  a  encore  bien  des  manières  de  tirer  du  bleu 
d'outre- mer  :  mais  comme  leur  différence  ne  confifté 
que  dans  la  pâte  à  laquelle  on  mêle  le  lapis  pulvérifé, 
on  a  cru  inutile  d'en  dire  davantage.  On  reconnoît 
fi  le  bleu  d'outremer  a  été  faliifié,  non-feulement  au 
poids,  qui  eft  moindre  que  celui  du  véritable,  mais 
encore  parce  qu'il  perd  fa  couleur  au  feu.  (— ) 

BLEU  DE  MONTAGNE,  (Hi(l.  nat.  &  Minéralogie.) 
lapis  armenus  ou  cœruleum  montanum ,  en  Allemand, 
berg-blau.  C'eft  un  minéral  ou  pierre  foinle  bleue,  ti- 
rant un  peu  fur  le  verd  d'eau.  Elle  reffemble  affez  au 
lapis  Li'jili,  mais  avec  cette  différence  qu'elle  eft  plus 
tendre ,  plus  légère  Se  plus  caftante  que  lui ,  Se  que 
fa  couleur  ne  rélifte  point  au  feu  comme  la  lienne. 
Lorfqu'on  fait  ufage  du  bleu  de  montagne  dans  la  pein- 
ture, il  eft  à  craindre  que  par  La  fuite  la  couleur  n'en 
devienne  verdâtre.  Cette  pierre  le  trouve  en  France , 
en  Italie  ,  en  Allemagne ,  Se  furtout  dans  le  Tirol.  On 
dit  que  celle  qui  vient  de  l'Orient  ne  perd  point  fa 
couleur  dans  le  feu.  Le  bleu  de  montagne  contient  beau- 
coup de  cuivre;  celui  qui  eft  léger  en  fournit  moins 
que  celui  qui  eft  pefant  ;  le  premier  contient  un  peu 
de  fer,  fuivant  M.  Cramer.  On  dit  qu'on  contrefait 
le  bleu  de  montagne  en  Hollande,  en  faifànt  fondre 
du  fouffre,  6c  en  y  mêlant  du  verd  de  gris  pulvérifé. 
Pour  employer  le  bleu  de  montagne  dans  la  peinture  , 
il  faut  le  broyer,  le  laver  enfuite,  &  en  féparer  les 
petites  pierres  qui  y  font  quelquefois  mêlées. 

Dans  la  Médecine  On  s'en  eft  lervi  quelquefois ,  il 
à  une  vertu  purgative  &  émétique;  il  paroît  cepen- 
dant qu'il  eft  à  propos  de  s'en  dérier,  attendu  le  eni- 
vre qui  en  eft  la  bafe.  (— ) 

BLEU  de  Prusse  ,  eft  une  matière  utile  pour  la 
peinture.  On  l'appelle  bleu  de  Prujj'e,  parce  que  c'eft 
en  Pruffc  que  fa  préparation  a  été  trouvée,  f-'oye^  le 
premier  volume  des  MifceUanta  BerolincnRa  ,  1  ~  1  o  ; 
Se  les  Tranfaêlions philosophiques  en  ont  publie  la  com- 
polîtioni  clans  les  mois  de  Janvier  &  Février  1724. 
Depuis,  M.  Geoffroy ,  de  la  faculté  de  Médecine  & 
de  l'académie  des  Sciences  de  Paris,  en  a  donné  la 
préparation  dans  les  Mémoires  de  f  Académie  de  1725. 

N  n  ij 


284 


BLE 


La  préparation  du  bleu  de  Prujfe  eft  une  fuite  de  plu- 
fieurs  procédés  difficiles.  On  a  pluiicurs  râlions  pour 
croire  que  ce  bleu  vient  du  fer.  On  fait  que  les  diflo- 
îutions  de  fer  prennent  dans  l'eau  une  couleur  bleue 
par  la  noix  de  galle.  L'acier  bien  poli  &  échauffé  à  un 
feu  modéré  ,  prend  une  couleur  bleue  ;  &  il  paroît  par 
cette  expérience  que  cette  couleur  bleue  vient  d'une 
fubftance  graffe ,  que  le  feu  élevé  à  la  furface  du  fer. 
On  l'ait  qu'il  y  a  dans  le  fer  une  matière  bitumineu- 
se ,  qui  n'eft  pas  parfaitement  unie  avec  les  autres 
principes ,  ou  qui  y  en"  en  trop  grande  quantité. 

C'eft  ce  bitume  qui  doit  être  la  bafe  du  bleu  qu'on 
veut  faire  :  mais  certainement  il  eft  trop  compact.  ; 
il  faut  le  fubtilifer  :  or  les  alkalis  font  les  diffolvans 
naturels  des  bitumes. 

Il  y  a  apparence  qu'on  a  effayé ,  pour  faire  le  bleu 
de  Prujfe ,  plufieurs  huiles  végétales ,  &  que  c'a  été 
fans  fuccès  :  on  a  aulîî  éprouvé  les  huiles  animales  ; 
&  le  fang  de  bœuf  calciné  &  réduit  en  poudre  a  rem- 
pli l'attente  ;  &:  pour  l'alkali ,  on  y  a  employé  le  plus 
piaffant ,  qui  eft  celui  de  tartre. 

Le  bitume  du  fer  ell:  attaché  à  une  terre  métalli- 
que jaune  ;  cette  terre  altéroit  la  couleur  bleue  du  bi- 
tume ,  quelque  raréfié  qu'il  fût  :  on  le  tranfportè  de 
deflus  la  terre  jaune  fur  une  terre  blanche,  qui  eft 
celle  de  l'alun  ;  &c  alors  la  couleur  bleue  non-feule- 
ment n'eft  plus  altérée  par  le  fonds  qui  la  loûtient , 
mais  de  fombre  &  trop  foncée  qu'elle  étoit ,  elle  de- 
vient plus  claire  &  plus  vive. 

Il  faut  obferver  que  ce  bitume  qu'on  veut  avoir, 
on  ne  le  cherche  pas  dans  du  fer  en  fubftance  ;  mais 
dans  du  vitriol  où  le  fer  eft  déjà  très-divifé. 

Il  y  a  donc  trois  liqueurs  nécelTaires  pour  faire  le 
lieu  de  Prujfe  :  une  leftîve  de  fang  de  bœuf  calciné 
avec  le  fel  alkali  ;  une  diffolution  de  vitriol ,  &  une 
diffolution  d'alun. 

De  toutes  ces  opérations ,  il  réfulte  une  efpcce  de 
fécule  d'une  couleur  de  verd  de  montagne ,  &  qui  par 
l'efprit  de  fel  devient  dans  l'inftant  d'une  belle  cou- 
leur bleue  foncée  ;  &  c'eft-là  le  bleu  de  Prujfe.  Cet  ar- 
ticle eft  de  M.  Formey,fecrétaire perpétuel  de  l'aca- 
démie royale  de  Pruffe. 

M.  Maloiiin ,  dans  un  mémoire  qu'il  a  donné  à  l'a- 
cadémie en  1745  ,  dit, qu'il  a  tiré  un  bleu  de  Prujfe 
du  mélange  de  la  crème  de  chaux ,  &  du  fel  alkali  du 
tartre  ;  que  ce  bleu  étoit  Semblable  à  celui  qui  lui  a 
donné  Peau-mere  du  fel  de  Seignette  par  l'efprit  de 
vitriol. 

Il  faut  remarquer  que  M.  Maloiiin  avoit  trouvé 
auffi  du  fer  dans  la  chaux  ;  &  il  dit  que  la  noix  de 
galle  épineufe  peut  tirer  de  i'eau  de  chaux  une  tein- 
ture bleue. 

Le  même  auteur  rapporte  auffi  dans  ce  mémoire, 
qu'ayant  fait  mettre  dans  un  creulet  entre  les  char- 
bons ardens  ,  de  la  chaux  vive  &  du  fel  marin  mêlés 
enfemble ,  il  fortit  de  la  matière  contenue  dans  le 
creufet,  une  flamme  bleue  qui  répandit  une  odeur 
aromatique.  Il  apperçut  cette  flamme  lorfqu'il  dé- 
couvrit le  creufet;  &  il  y  avoit  un  quart  d'heure  que 
îe  creufet  étoit  rouge  lorfqu'il  le  découvrit.  (  M  ) 

Le  bleu  entre  dans  prefque  toutes  les  parties  fuyan- 
tes d'un  tableau  ;  l'on  s'en  fert  auffi  dans  les  ciels  , 
la  mer,  &c. 

On  diftingue  différentes  nuances  de  bleu  ;  le  bleu 
ilanc  ,  bleu  mourant ,  bleu  célejle  ,  bleu  turquin  Joncé , 
bleu  de  Perfe  entre  le  verd  &  le  bleu  ,  bleu  d'enfer  ou 
noirâtre ,  bleu  de  forge  ,  bleu  artificiel.  Il  n'y  a  guère  que 
îes  Teinturiers  qui  différencient  ainfi  leurs  bleus  ;  les 
Peintres  ne  les  diftinguent  que  par  ces  expreffions  : 
ce  bleu  ejl  plus  tendre  que  celui-ci  ;  ces  bleus  J ont  de  dif- 
férent ton,  ne  font  pas  du  même  ton. 

Bleu  tenant  lieu  d'outremer  dans  le  lavis.  Pour  fup- 
pléer  à  Y  outremer  qui  eft  d'un  trop  grand  prix ,  &  qui 
a  trop  de  corps  pour  être  employé  en  lavis ,  on  re- 


BLE 

cueille  en  été  une  grande  quantité  de  fleurs  de  bluetà 
qui  viennent  dans  les  blés  ;  on  en  épluche  bien  les 
feuilles  en  ôtant  ce  qui  n'eft  point  bleu  :  puis  on  met 
clans  de  l'eau  tiède  de  la  poudre  iïalun  bien  fubtile. 
On  verfe  de  cette  eau  imprégnée  d'alun  dans  un  mor- 
tier de  marbre ,  on  y  jette  les  fleurs  ;  &  avec  un  pi- 
lon de  marbre  ou  de  bois ,  on  pile  jufqu'à  ce  que  le 
tout  foit  réduit  de  manière  qu'on  puifle  aifément  en 
exprimer  tout  le  fuc ,  que  l'on  pafle  à  travers  une  toi- 
le neuve  ,  faifant  couler  la  liqueur  dans  un  vafe  de 
verre  ,  où  on  a  mis  auparavant  de  l'eau  gommée , 
faite  avec  de  la  gomme  arabique  bien  blanche.  Re- 
marquez qu'il  ne  faut  guère  mettre  d'alun  pour  con- 
ferver  l'éclat ,  parce  qu'en  en  mettant  trop  on  obf- 
curcit  le  coloris.  On  peut  de  même  faire  des  couleurs 
de  toutes  les  fleurs  qui  ont  un  grand  éclat ,  obfervaht 
de  les  piler  avec  de  l'eau  d'alun,  qui  empêche  que  la 
couleur  ne  change  ;  pour  rendre  ces  couleurs  porta- 
tives ,  on  les  fait  lécher  à  l'ombre ,  dans  des  vaiffeaux 
de  verre  ou  de  fayence  bien  couverts.  (/?) 

Bleu  ,  officier  bleu  (Marine  )  lieutenant  ou  enfeigni 
bleu  ;  c'eft  un  officier  que  le  capitaine  d'up  vaiffeau 
crée  dans  ton  bord  pour  y  fervir,  faute  d'officier 
major.  (Z) 

BLEU  ,  METTRE  AU  BLEU  (  en  terme  de  Cuifine} 
c'eft  une  façon  d'accommoder  le  poiilon  en  le  fai- 
fant cuire  avec  fes  écailles  dans  du  vin  blanc,  avec 
de  l'oignon ,  des  feuilles  de  laurier  ,  du  clou  de  gi- 
rofle ,  fel  &  poivre ,  Se  autres  épices  :  on  le  lert 
ainli  préparé ,  avec  de  l'huile  6c  du  vinaigre  dans  un 
vafe  à  part. 

*  Bleues,  (Cendres)  font  d'un  très-grand  ufage 
dans  la  peinture  à  détrempe  ;  il  y  en  a  qui  font  très-vi- 
ves en  couleur:  mais  à  l'huile  elles  noirciffent  &  de- 
viennent verdâtres;  car  elles  tiennent  delà  nature  du 
verd  de  gris  ;  &  de  plus  quand  on  les  met  à  l'huile, 
elles  ne  paroiflent  pas  plus  brunes  ou  foncées  en  cou- 
leur. On  les  trouve  enpierre  tendre  dans  les  lieux  où 
il  y  a  des  mines  de  cuivre  ou  de  rofette ,  &  l'on  ne 
fait  que  les  broyer  à  l'eau  pour  les  réduire  en  poudre 
fine.  Cette  efpece  de  bleu  doit  être  employé  fur-tout 
dans  la  peinture  en  détrempe,  qu'on  ne  voit  qu'aux 
lumières ,  comme  les  décorations  de  théâtre  ;  car 
quoiqu'on  y  mêle  beaucoup  de  blanc ,  il  ne  laiffe 
pas  de  paioître  fort  beau.  Ii  tire  pourtant  un  peu  fur 
le  verd ,  tout  au  contraire  de  l'émail  qui  eft  fort  vif 
au  jour,  &  qui  paroît  gris  aux  lumières. 

On  trouve  quelquefois  des  cendres  bleues ,  qui  pa- 
roiflent auffi  belles  que  Y  outremer  :  mais  on  connoît 
bien-tôt  que  ce  ne  font  que  des  cendres ,  fl  on  les  mêle 
avec  un  peu  d'huile  ;  car  elles  ne  deviennent  guère 
plus  brunes  qu'auparavant ,  au  contraire  de  l'outre- 
mer  qui  devient  fort  brun.  Au  feu  elles  deviennent 
noires. 

BLEUIR  un  métal,  c'eft  l'échauffer  jufqu'à  ce  qu'il 
prenne  une  couleur  bleue  ;  ce  qui  eft  pratiqué  par 
les  Doreurs  ,  qui  bleuiffent  leurs  ouvrages  d'acier 
avant  que  d'y  appliquer  les  feuilles  d'or  ou  d'argent. 
Koye{  DOREUR ,  &  la  fig.  f).  PI.  du  Doreur.  Vignette. 

BLEUISSOIR  ,  f.  m.  outil  d'Horlogerie.  Vcye^  Re- 
VENOIR. 

BLEY-GLANTZ  ,  (  Minéralogie  )  ou  en  Latin  ga- 
lena  tejjulata  j  c'eft  le  nom  Allemand  d'une  mine  de 
plomb  ainli  décrite ,  par  M.  Cramer ,  dans  fa  Doci- 
rrçafie  :  «  c'eft  une  mine  de  plomb  fort  riche,  compo- 
»  fée  d'un  affemblage  de  petits  cubes  équilatéraux 
»  &  de  parallélépipèdes  oblongs  ,  formés  par  de 
»  petites  lames  minces ,  polies  &  brillantes  :  cette  mi- 
»  ne  eft  fort  pelante,  &c  fe  calîe  aifément.  La  fonte 
»  en  eft  ailée  ;  cependant  elle  demande  un  feu  plus 
»  fort  que  le  plomb  même  :  la  raifon  en  eft  l'abon- 
»  dance  de  Soufre,  qui  eft  caché  dans  cette  mine  & 
>»  qui  en  fait  prefque  un  quart.  Si  on  s'y  prend  comme 
»  il  faut,  un  quintal  de  cette  mine  doit  donner  65 


B  L  I 

»  à  70  livres  de  plomb  ».  Il  s'en  tire  auffi  quelquefois 
3  ou  4  onces  d'argent  ;  s'il  s'y  en  trouvoit  davanta- 
ge ,  on  aurait  lieu  de  fbupçonner  une  veine  d'argent 
dans  le  voifinage.  (— ) 

•  BLEYME,  f.  f.  (  Maréchalerie  )  maladie  ou  inflam- 
mation de  la  partie  antérieure  du  f  àbot  vers  le  talon , 
entre  la  foie  &c  le  petit  pie. 

Il  y  a  trois  fortes  de  bleymes  ;  de  fiches ,  d'encornées , 
qui  ne  font  fort  fouvent  qu'une  fuite  des  premières , 
&  de  foulées. 

On  connoît  les  bleymes  en  général  par  une  petite 
rougeur  pareille  à  du  fang  extravafé ,  qui  fe  trouve 
entre  la  foie  &  le  petit  pié  ;  on  ne  les  diilingue  que 
lorfqu'on  blanchit  le  pic  en  le  parant  :  cette  rougeur 
n'eft  autre  choie  qu'un  lang  extravaié. 

Les  bleymes  fechc s  font  ainfi  nommées  à  raifon  de 
leur  caufe ,  laquelle  eft  intérieure  ;  car  elles  provien- 
nent de  la  trop  grande  féchereffe  du  pié. 

•  Les  bleymes  foulées  ont  une  caufe  extérieure;  car 
elles  proviennent  de  ce  qu'il  fe  lera  enfermé  de  pe- 
tites pierres  ou  du  gravier  entre  le  fer  &  la  lole ,  ou 
bien  de  ce  que  le  fer  aura  porte  fur  la  foie  ,  qu'il  au- 
ra foulée  &  meurtrie  en  quelque  endroit  :  les  pies  plats 
font  fujets  à  ces  fortes  de  bleymes  ,  car  le  gravier  & 
le  fable  s'enferment  aifément  entre  le  fer  ce  la  foie. 

Le  remède  eft  de  parer  le  pié  pour  découvrir  la 
bleyme,  6c  d'ôter  toute  la  foie  meurtrie, fi  la  matière 
n'y  eft  pas  encore  formée  ;  fi  elle  y  eft  formée ,  il  faut 
l'évacuer,  puis  panier  le  trou  ou  la  plaie  comme 
une  enclouure  :  le  mal  dans  fon  commencement  fe- 
ra bien-tôt  guéri  ;  s'il  eft  grand ,  les  remèdes  que  nous 
propofons  en  viendront  à  bout  avec  le  terr.s.  Il  y  a 
dans  les  manèges  des  chevaux  long-tems  de  féjour 
pour  ces  bleymes  :  mais  l'huile  de  merveilles  &  lem- 
miellure  rouge  ,  quand  on  a  donné  jour  à  la  bleyme 
par-deflbus,  guériffent  bien-tôt  ce  mal.  (/^) 

BLEY-SACK,  (Métallurgie  &  Minéralogie)  on  ap- 
pelle ainfi  en  Allemand  une  partie  de  plomb ,  qui  n'a 
pas  été  féparée  de  l'argent  à  la  coupelle  ;  parce  que 
le  régule  eft  venu  à  fe  durcir  trop  tôt  :  ce  défaut  vient 
de  ce  que  le  feu  n'a  pas  été  affez  fort  pour  réduire 
tout  !e  plomb  en  litharge.  M.  Cramer  obferve  dans 
fa  Docimajîe,  que  lorfqu'on  purifie  l'argent  à  la  cou- 
pelle, le  plomb  agit  comme  diflblvant  lur  ce  métal; 
c'eft  pourquoi  il  eft  néceffaire  d'augmenter  le  feu  à 
mefure  que  le  plomb  le  détruit  6c  le  réduit  en  lithar- 
gc   (-) 

BLEfE,f.  f.  bhtum,  (  Hifl.  nat.  bot.  )  genre  de 
plante  à  fleur  fans  pétale  ,  compofée  ordinairement 
de  trois  étamines  qui  fortent  d'un  calice  découpé  en 
trois  parties  ;  le  piftil  devient  dans  la  fuite  une  fe- 
mence  oblongue  pour  l'ordinaire ,  renfermée  dans 
Une  capfule  qui  a  fervide  calice  à  la  fleur,  &  reflem- 
blante  a  une  vciîic.  Tournefort ,  Infl.  rei  herb.  Voyet 
Plante.  (/) 

BLEY-SWEIFF,  (  Minéral.  )  on  donne  ce  nom 
dans  les  mines  d'Allemagne  à  une  cfpece  de  mine  de 
plomb  fulphureufe  6c  arfénicale  ;  elle  eft  jaune,  mê- 
lée de  taches  cendrées  &  noirâtres,  &  graffe  au  tou- 
cher :  elle  fe  trouve  à  l'entrée  des  Gangues.  Ce  mi- 
néral rcftcmblc  affez  au  plomb  pur  :  mais  il  eft  très- 
difficile  d'en  tirer  du  métal  par  la  fonte.  (— ) 

BLIN,  RELIN ,  f.  m.  (  Marine,  )  c'efl  une  pièce  de 
bois  quarréc  où  plufieurs  barres  lônt  clouées  en  tra- 
vers &  à  angle  droit,  enfolte  que  plufieurs  hommes 
en  la  maniant  enfcmblc  ,  peuvent  agir  de  concert 
pour  faire  entrer  des  coins  de  bois  fous  la  quille  d'un 
Vaiffeau  lorfqu'on  veut  le  mettre  à  l'eau.  On  fe  fert 
auflî  du  blin  pour  afl'embler  des  mâts  de  plufieurs 
pièces.  II  y  a  des  blins  qui  ont  des  cordes  paffées  au 
lieu  de  barres ,  afin  de  pouffer  les  coins  dans  renfon- 
cement du  deflbus  du  vaiffeau  ;  à  quoi  le  blin  à  bar- 
res ne  ferait  pas  propre.  (  Z  ) 
'    Blin,  c/;j~  Us  PaJJ'ementiers  &  autres  ouvriers  en  foie, 


b  l  r 


28 


> 

eft  une  pièce  de  l'ourdifîbir  échancrée  dans  toute  fa 
hauteur  ,  jufte  à  l'épaiffeur  du  pilier  de  la  lanterne 
dans  laquelle  elle  doit  entrer,  Yoy.  Lanterne  de 
l'Ourdissoir.  Cette  échancrure  eft  garnie  de  deux 
petites  arrêtes  ,  pour  entrer  jufte  dans  les  rainures 
du  pilier  de  devant  de  la  lanterne ,  &  pouvoir  par  ce 
moyen  defeendre  &  monter  le  long  de  ce  pilier  fans 
fautiller  ;  ce  qui  ne  pourrait  arriver  fans  caufer  de 
grands  inconvéniens,  que  l'on  évite  encore  en  frot- 
tant de  favon  les  rainures  qui  lui  fervent  de  condui- 
te. Les  boutons  qui  font  fur  l'un  des  bouts  du  blin 
&  qui  peuvent  tourner,  fervent  à  donner  plus  de  fa- 
cilité pour  le  paffage  des  foies  à  mefure  qu'elles  s'en- 
roulent fur  l'ourdifibir.  Ce  blin  porte  encore  fur  Pcx» 
trémité  de  devant  une  petite  verge  de  bonis  ou  d'é- 
mail ,   furquoi  parlent  aulfi  les  ioies  que  l'on  our- 
dit ;  par  ce  fecours  elles  ne  font  point  en    danger 
de  s'écorcher  contre  la  vive  arrête  du  blin.  Le  blin 
eft  chantourné  &  évuidé  par  l'un  de  fes  bouts,  & 
quarré  par  l'autre  ;  ce  qui  n'eft  point  ici  pour  l'orne- 
ment. Comme  ce  bout  chantourné  eft  plus  long  ciue 
l'autre ,  puifqu'il  faut  qu'il  reçoive  toutes  les  loies 
qui  paffent  fur  lui ,  il  peferoit  trop  s'il  étoit  en  plein 
comme  l'autre  bout ,  &  conféquemment  il  inclineroit 
de  ce  côté  ;  ce  qui  nuirait  notablement  à  fa  defeente  : 
on  a  donc  été  obligé  de  le  chantourner  ainfi  pour  le 
rendre  de  poids  égal  à  l'autre  bout ,  &  conferver  par- 
là  le  parfait  équilibre  qui  lui  eft  abfolument  nécef- 
faire. Après  avoir  donné  fa  defeription ,  il  faut  expli- 
quer la  façon  de  le  mettre  en  état  de  fervir.  Il  porte 
une  petite  poulie  qui  répond  vis-à-vis  celle  du  haut 
du  pilier  de  devant  de  la  lanterne,  une  ficelle  dont  un 
bout  eft  fixé  fur  la  broche  de  l'arbre  du  moulin    & 
qui  eft  affez  longue  pour  faire  plus  de  deux  fois  la 
hauteur  de  l'ourdiflôir  ;  cette  ficelle ,  dis-je ,  vient 
palier  fur  la  poulie  du  pilier  de  devant  de  la  lanterne, 
enfuite  elle  paffé  ions  la  poulie  dn  blin,  ck(e  terrrîine 
par  fon  autre  bout  près  de  la  poulie  du  pilier  ,  où  ce 
bout  eft  fixé  par  le  moyen  d'une  boucle  que  l'on  fait 
à  la  ficelle ,  &  qui  s'attache  à  un  petit  clou  qui  elî  fur 
lcvtremité  de  ce  pilier.  En  faifant  tourner  le  mou- 
lin ,  il  faut  que  ce  blin  defeende  à  mefure  que  la  cor- 
de le  déroule  de  deffus  la  broche  ;  &  en  le  tournant 
en  fens  contraire,  il  remonte  de  même.  Le  blin  ar- 
range par  ces  différentes  montées  6c  defeentes  les 
foies  que  l'on  ourdit  ;  &  cela  fans  confulion  ,  puif- 
que  pendant  que  le  moulin  fait  un  tour ,  le  blin  mon- 
te affez  pour  donner  de  l'éloignementà  ces  foies ,  6c 
leur  faire  prendre  la  figure  lpirale  qu'elles  doivent 
avoir  néceflaircment  par  ce  mouvement  du  blin  ; 
&  c'eft  à  quoi  il  eft  uniquement  deftiné.  Il  faut  ob- 
ferver  que  la  ficelle  du  blin  partant  de  la  broche  d'en- 
haut ,  doit  entrer  fous  la  poulie  du  blin  du  côté  du  pi- 
lier ;  ce  qui  aide  encore  à  la  direction  de  fon  mouve- 
ment afeendant  &  delcendant.  Si  l'on  vouloit  ourdir 
à  claire  voie ,  c'eft-à-dire ,  que  les  tours  en  fpirale 
fuffent  plus  écartés  les  uns  des  autres  ,  il  n'y  aurait 
qu'à  fixer  le  bout  de  la  ficelle  à  la  brochette  de  la 
poulie  du  blin  ,  qui  ferait  alors  hors  d'état  de  mou- 
voir: alors  cette  corde  n'étant  plus  double,  doit  fe 
dérouler  ou  s'enrouler  de  même  qu'elle  failbit  aupa- 
ravant ;  mais  le  blin  defeendraou  montera  avec  une 
viteffe  double  de  la  première  ,  ce  qui  produira  l'effet 
déliré.   /  (JvrOl'IlDIR  &  OURDISSOIR. 

HLINDE ,  i.  f .  en  terme  de  Fortification ,  eft  une  for- 
te de  détente  faite  communément  d'ofier  ou  de  bran- 
ches d'arbres  entrelacées  ,  &  pliffeesde  travers  en- 
tre deux  rangs  de  bâtons  d'environ  la  hauteur  d'un 
homme  ,  plantés  en  terre  à  la  diftance  de  quatre  ou 
cinq  pies  l'un  de  l'autre.  On  s'en  fert  particulière- 
ment à  la  tète  de  la  tranchée,  lorfqu'elle  s'étend  de 
front  vers  les  glacis.  Les  blindes  fervent  à  mettre  les 
travailleurs  à  couvert,  &  empêchent  l'ennemi  de 
voir  leurs  ouvrages. 


a86 


B  L  O 


On  en  couvre  anfll  le  deffus  des  fapes  dans  les  en- 
droits dangereux  ,  c'eft-à-dire ,  à  portée  des  gre- 
nades &  des  pierriers  de  l'afliégé.   (  <2  ) 

BLITUM-ALBUM ,  off.c.  Park.  (  Médecine.  )  les 
feuilles  qui  font  la  feule  partie  dont  on  faffe  ufage , 
encore  très-rarement ,  font  de  la  clafie  de  l'arroche 
&  de  fa  nature  :  elles  fe  mangent  parmi  les  autres 
légumes  ;  elles  lâchent  le  ventre  ,  fans  être  pour  cela 
purgatives  ;  elles  rafraîchiffent  6c  amolliiîènt,  &  on 
les  t'ait  entrer  dans  les  clyfteres.  L'ulâge  de  cette 
plante  eft  fort  rare.  (  N  ) 

BLOC ,  f.  m.  fignifîe  un  grand  morceau  de  mar- 
bre ou  de  pierre  tel  qu'il  fort  de  la  carrière  ,  avant 
que  la  main  de  l'ouvrier  lui  ait  donné  aucune  for- 
me. Voyc^  Marbre. 

Bloc  d' échantillonna celui  qui  étant  commandé  à 
la  carriere.y  eft  taillé  de  certaine  forme  &  grandeur. 

Bloc  ,  en  termes  de  Commerce,  le  prend  pour  plu- 
fiers  pièces  ou  fortes  de  marchandiles  coniidérées  & 
eftimées  toutes  enièmble.  Ainii  l'on  dit  qu'un  mar- 
chand a  acheté  toutes  les  marchandiles  d'une  bouti- 
que ou  d'un  magafin  en  bloc. 

On  dit  auffi  faire  un  marché  en  bloc  &  en  tâche  , 
lorique  fans  entrer  dans  le  détail  de  ce  que  chaque 
choie  doit  coûter  en  particulier ,  on  convient  d'un 
certain  prix  pour  un  ouvrage  ou  une  entreprife;  ain- 
fi  Ton  dit  :  j'ai  fait  marché  en  bloc  &  en  tâche  avec  ce 
voiturier  pour  m'amener  mes  marchandiles  franches 
de  tous  droits.  (G) 

BiOC,  BLOT  ,  TÈTE  DE  MORT,  CHOUQUET , 
en  Marine,  voye^  CHOUQUET. 

Bloc  ,  Roc-d'issas,  Sep-de-drisse,  en  Mari- 
ne,  voyc^  Sep-de-drisse.  (Z) 

Bloc  ,  f.  m.  en  Fauconnerie ,  c'eft  ainfi  qu'on  nom- 
me la  perche  fur  laquelle  on  met  l'oifeau  de  proie  : 
elle  doit  être  couverte  de  drap. 

Bloc  ,  terme  d'Argenteur,  fe  dit  d'un  cercle  ou  bou- 
let de  canon ,  &c.  chargé  de  ciment ,  fur  lequel  on 
monte  une  petite  pièce  pour  la  brunir  plus  à  Ion  a.- 
k.FoyeiPl.I.fig.i. 

BLOC  de  branche ,  en  terme  de  Fourbijfeur ,  c'eft  un 
mandrin  de  bois  formant  un  demi-cercle  ,  à  l'extré- 
mité duquel  font  deux  paftâges  pris  lur  le  bois  pour 
y  introduire  l'étrier ,  qui  relferre  la  branche  lur 
le  Woctant  &  lipeu  qu'on  veut.  ^oye^Jig.  i.  Plan,  du 
Fourbijjèur. 

BLOC  de  plaque ,  en  terme  de  Fourbijjèur,  eft  un  man- 
drin de  bois  large  ,  rond  ,  creux  ,  ou  convexe  ,  & 
percé  dans  le  milieu  pour  recevoir  une  branche  de 
fer  vilTée  qui  y  affermit  l'ouvrage  plus  ou  moins 
par  le  moyen  d'un  écrou.  Voye^Pl.  l.fig.  <).  du  Four- 
bijjèur. 

Blo  C ,  en  terme  de  Rafineur  defucre,  n'eft  autre  cho- 
fe  qu'un  billot  de  bois  élevé  fur  trois  ou  quatre  pies , 
fur  lequel  on  frappe  doucement  la  forme  pour  en 
faire  iortir  le  pain ,  &  conlidérer  l'état  où  eft  la  tête. 
Voy.  Plamoter  ,  Pain  ,  Tête  ,  Sucre. 

Bloc,  en  terme  de  Tabletier-Cornetier ,  eft  une  ef- 
pece d'auge  dont  le  dedans  eft  taillé  de  manière  à 
pouvoir  contenir  des  plaques  entre  lelquelles  on  ap- 
platit  les  ergots  à  coup  de  maillet.  Le  bloc  ne  diffère 
de  la  preffe  ,  qu'en  ce  qu'il  n'a  ni  vis  ni  boulon  de 
fer.  Fqye^Pl.  I.Jig.  à. 

BLOC  AGES ,  1.  m.  pi.  en  Architecture  ,  ce  font  de 
menues  pierres  ou  petits  cailloux  &  moellons  qu'on 
jette  à  bain  de  mortier  pour  garnir  le  dedans  des 
murs  ,  ou  fonder  dans  l'eau  à  pierres  perdues  :  c'eft 
ce  que  Vitruve  appelle  cœmenta  ,  ainfi  que  toute 
pierre  qu'on  employé  fans  être  équarrie.  (P) 

BLOCHET ,  f.  m.  c'eft  ,  en  Charpenterie ,  une  pie- 
ce  de  bois  qui  fe  met  fur  les  plates-formes ,  entaillée 
dedans  ,  de  l'épaiffeur  du  mur  lur  lequel  elle  eftpo- 
fée ,  fur  lequel  pane  le  pié  des  formes ,  év  où  elles 
font  aflemblées, 


BLO 

BloCHETS  de  recrue  ,  ce  font  ceux  qui  font  droitç 
dans  les  angles. 

*  BLOCKZIEL ,  (  Géog.  )  petite  ville  fortifiée  de 
la  province  d'Overiffel ,  fur  la  rivière  d'Aa. 

BLOCUS,  f.  m.  (Art  milit.)  manière  d'afiiéger 
une  place  qu'on  veut  prendre  par  famine ,  en  bou- 
chant tous  les  pafî'ages  ,  &  le  laifillant  de  toutes  les 
avenues ,  de  façon  qu'aucun  renfort ,  ni  provifions  , 
ni  autre  choie ,  ne  puiffent  palier.  Voye?^  Siège. 

Ce  mot  vient  de  l'Allemand  blochus  ,  ou  blockhau- 
fe,  boulevard,  oumaifon  de  bois;  ou  du  Gaulois  bio- 
cal,  barricade  ;  quoique  d'autres  le  dérivent  du  Latin 
buculare,  boucher  un  paffage. 

Le  blocus  n'eft  point  un  liège  régulier  ;  car  on  n'y 
fait  pas  d'attaque, &  on  n'ouvre  pas  de  tranchée:c'ell 
la  cavalerie  qui  forme  le  blocus.. 

L'objet  du  blocus  eft  d'obliger  ceux  qui  font  enfer- 
més dans  une  ville  de  confommer  toutes  leurs  pro- 
vifions de  bouche ,  pour  les  contraindre  de  fe  rendre 
faute  de  fubliftance. 

On  voit  par-là  qu'un  blocus  doit  être  fort  long  , 
lorlqu'une  place  eft  bien  munie  :  aulîi  ne  prend-t-on 
guère  le  parti  de  réduire  une  place  par  ce  moyen  , 
qu'on  ne  foit  informé  que  fes  magalins  font  dégar- 
nis ,  ou  bien  lorique  la  nature  &  la  fituation  de  la 
place  ne  permettent  pas  d'en  approcher  pour  faire 
les  attaques  à  l'ordinaire. 

Les  blocus  fe  forment  de  deux  manières  :  Ample- 
ment, en  fortifiant  ou  occupant  despoftes  à  quelque 
diftance  de  la  place ,  principalement  fur  les  bords 
des  rivières,  au-deflùs  &  au-delfous ,  &  fur  les  grands 
chemins  &  les  avenues  ;  dans  tous  ces  poftes  on  tient 
de  l'infanterie  &  des  corps  de  cavalerie  ,  leiquels  fe 
communiquent  entr'eux  pour  veiller  à  ce  qu'il  n'en- 
tre point  de  vivres  dans  la  place  bloquée  ,  où  les  be- 
loins  augmentant  tous  les  jours ,  en  font  deferter  la 
garnifon ,  y  caufent  des  murmures  &  des  fouleve- 
mens  ,  qui  fouvent  forcent  le  gouverneur  à  fe  rendre 
par  capitulation. 

Le  lùccès  de  cette  efpece  de  blocus  fe  fait  Iong- 
tems  attendre  ;  parce  qu'il  eft  prefqu'impofîïble  qu'il 
n'entre  toujours  quelques  vivres ,  qui  font  au  moins 
prendre  un  peu  de  patience  aux  affiegés.  Son  avan- 
tage eft  bien  plus  fenlible  ,  quand  après  avoir  ainii 
bloqué  une  place  de  loin  pendant  un  tems  conlidé- 
rable ,  on  en  forme  enfuite  le  fiége ,  parce  qu'on  la 
trouve  plus  aifément  dépourvue  de  bien  des  choies 
nécelTaires  à  fa  défenfe. 

L'autre  efpece  de  blocus  fe  fait  de  plus  près  ,  par 
des  lignes  de  circonvallation  &  contrevallation  dans 
lelquelles  l'armée  le  place,  lorique  ,  par  exemple  , 
après  le  gain  d'une  bataille  ,  l'ennemi  fe  feroit  retiré 
dans  une  ville  qu'on  fauroit  n'être  pas  bien  pour- 
vue de  vivres,  &  qu'on  préfume  de  pouvoir  affamer 
en  peu  de  jours. 

Ce  cas  n'arrive  pas  ordinairement;  parce  qu'il  fe- 
roit trop  imprudent  à  un  général  battu  de  s'expofer  à 
perdre  le  refte  de  fon  armée,  en  s'enfermant  ainii 
dans  une  mauvaife  place.  Ainfi  l'ulâge  des  blocus  fe 
trouve  beaucoup  plus  fouvent  dans  la  première  efpe- 
ce que  dans  la  féconde.  Mémoires  de  M.  de  Feuquieres. 

(<2)  . 

B  L  0 1 S  ,  (  Geog.  )  ville  de  France ,  capitale  du 
Blaifois,  fur  la  Loire.  Lon.  18.  3o.  So.  lat.  4J.  Ji. 
19. 
'  BLONDE ,  f.  f.  (  Commerce.  )  ouvrage  de  foie  fait 
à  l'oreiller  par  le  moyen  des  fufeaux ,  de  la  même 
manière  que  la  dentelle,  à  laquelle  ilrefTemble  beau- 
coup ;  la  blonde  travaillée  n'en  différant  fouvent 
que  par  la  matière.  Voy.  Blonde  travaillée.  La 
loie  qui  entre  dans  les  blondes  eft  de  deux  efpeces , 
par  rapport  à  iâ  qualité  :  la  première  eft  la  plus  grof- 
fe,  &  s'employe  dans  les  fonds.  PôyeçFoNDS.  La  fé- 
conde eft  la  plus  fine ,  ôi  feit  à  faire  les  grillages. 


BLO 

Voye{  Grillage.  Celle-ci  fe  double  toujours;  cel- 
le-là prefque  jamais  ,  ou  du  moins  qu'en  deux  fils. 
On  employé  quelquefois  encore  de  la  foie  montée  , 
qui  n'eft  autre  choie  qu'une  foie  ou  deux  entortillées 
au  rouet  fur  une  autre  ,  comme  l'or  &  l'argent  fur  la 
foie.  Cette  opération  fe  fait  à  Lyon:  les  Blondiers 
font  obligés  d'y  envoyer  leur  foie ,  ou  d'en  tirer  tou- 
te montée.  Jai  dit  quelquefois  ;  &  c'eft  en  effet  très- 
rarement  qu'on  fe  fort  de  foie  montée ,  parce  que  cor- 
donnée  comme  elle  eft ,  les  ouvrages  qu'elle  produi- 
roit  feroient  lourds,  cordonnés  eux-mêmes,  oc  n'au- 
roient  point  d'ceil  :  d'ailleurs ,  ces  foies  coûtant  une 
piftole  déplus  que  les  autres  ,  les  ouvriers  n'en  mèt- 
rent point  en  œuvre  qu'on  ne  le  leur  commande.  Il 
faut  remarquer  encore  que  les  foies  qui  entrent  dans 
la  blonde  font  d'une  qualité  bien  inférieure  à  celles 
dont  on  fait  les  étoffes  :  celles-ci  auroient  le  même 
inconvénient  que  les  foies  montées  , -toutefois  dans 
un  degré  proportionnel  à  la  nature  particulière  de  la 
foie. 

Les  Blondiers  achètent  leurs  foies  en  moches  (  V. 
Moche),  compofées  de  trois  parties  égales,  cha- 
cune delquelles  l'eft  de  cinq  écales  (Voy.  Ecales  )  , 
qui  elles-mêmes  ont  encore  leurs  centaines ,  pour  en 
faciliter  la  divifion  ou  découpure.  Les  moches  fépa- 
Técs  ,  chaque  tiers  en  cinq  parties,  on  met  celles-ci 
fur  des  tournettes  (  Voye?^  Tournette  )  pour  les 
découper.  Cette  opération  eft  la  plus  difficile  de  tout 
l'apprêtage.  Elle  confifte  à  trouver  les    différentes 
centaines ,  qui  font  à  la  vérité  dans  une  écale  ,  mais 
indiftin&es ,  &  fans  ligature  comme  on  en  voit  dans 
un  écheveau  de  fil  ou  foie  retordue.  Le  meilleur 
moyen  d'y  parvenir  ,  c'eft  de  prendre  d'abord  peu 
de  foie ,  en  la  tournant  autour  des  tournettes ,  d'aller 
toujours  en  augmentant  jufqu'à  l'entière  divifion.  On 
ne  fe  fait  point  une  peine  de  caffer  quelques  brins  de 
foie  qui  y  feroient  obftacle  :  cela  ne  porte  point  un 
grand  préjudice,  attendu  que  dans  le  dévidage  on 
noue  tous  les  bouts ,  &  que  les  nœuds  n'empêchent 
point  de  travailler  la  foie.  Dès  en  commençant,  on 
voit  à  la  réparation  plus  ou  moins  nette  qui  fe  fait , 
fi  l'on  a  rencontré  la  centaine  ;  ce  qui  n'empêche  pas 
qu'on  ne  foit  quelquefois  obligé  de  recommencer , 
quoique  les  premiers  tours  n'ayent  eu  que  peu  d'em- 
barras. Les  centaines  enfin  trouvées  par  cette  décou- 
pure,on  les  lie  chacune  à  part  vers  leur  milieu,de  peur 
qu'elles  ne  fe  mêlent ,  &  on  les  couvre  afin  qu'elles 
ne  s'éventent  point  :  on  les  dévide  enfuite  autour  des 
tournettes  ou  d'un   dévidoir ,   au  choix  du  fabri- 
quant ,  fur  des  bobines  montées  "fur  un  roiiet  à  la 
main.  Ceci  n'a  rien  de  difficile  ,  &  ne  demande  que 
de  la  patience.  Un  ouvrier ,  quand  la  foie  eft  bonne , 
peut  en  dévider  cinq  onces,  &  gagner  quarante  fous 
par  jour  ;  fouvent  aufli  quand  elle  eft  bien  pleine  de 
morvolant  (  t'oye^  Morvolant  ) ,  il  ne  gagne  que 
huit  fous.  Cela  fait ,  on  double  feulement  celle  qui 
eft  deftinée  à  faire  le  toile,  en  quatre,  cinq,  fix  ou 
fept  brins ,  félon  que  la  foie  eft  plus  ou  moins  fine. 
(Voye-{  DOUBLER.  )  Enfin  le  fabriquant  la  donne  aux 
ouvriers  qui  en  chargent  leurs  fufeaux  (  V.  Char- 
ger )  ,  &  exécutent  les  deffeins  qu'on  leur  a  four- 
nis ,  les  uns  fur  un  oreiller  plat ,  les  autres  fur  un 
oreiller  à  roue,  (/^oy^  Oreiller  à  roue.)  Les  fu- 
feaux chargés  de  filets  font  plus  gros,  afin  qu'on  les 
reconnoiffe  plus  ailément.  (  Voye^  Filet.  )  Le  refte 
de  l'ouvrage  s'achève  en  fixant  la  foie  aux  angles  , 
aux  bords  ,  &  aux  autres  parties  du  deffein  où  il  eft 
néceffaire  de  la  fixer,  par  des  épingles  jaunes.  Cette 
couleur  n'ell  pas  effcnticlle  à  l'ouvrage  ,  mais  à  l'ou- 
vrière ,  qui  paye  ces  fortes  d'épingles  moins  cher 
que  les  autres.  La  texture  is:  le  jeu  des  fufeaux  le 
font  l'une  &  l'autre  comme  dans  la  dentelle  de  fil. 
{  Foyei  Dentelle.)  On  diftingue  dans  la  blonde 
trois  parties  ;  le  réfeau ,  le  grillage  ou  plein  ,  &  le 


BLO 


287 


toile.  Voyei  ces  mots  <*  ^eurs  articles.  Dans  tout  cela  on 
imite  les  différentes  dentelles  d'Angleterre ,  de  Ma- 
lines  ,  de  Valenciennes,  &c.  Les  blondes  font  parfai- 
tes &  imparfaites  en  deux  manières  ;  parfaites  ,  par 
une  texture  régulière,  fine ,  &  qui  a  de  l'éclat,  &  par 
la  propreté  &  la  blancheur  qu'on  a  fû  conferver  à  la 
foie  ;  imparfaites,  par  les  deux  contraires.  Le  défout 
de  propreté  &  de  textures  égales  diminue  la  moitié 
du  prix  d'un  ouvrage ,  parce  qu'il  n'en  eft  pas  des 
blondes  comme  des  dentelles,  qui  fe  blanchiffent.  Il 
y  a  des  blondes  de  fantaijïe ,  &  des  blondes  travaillées  : 
les  blondes  de  fantaijie  en  général ,  font  celles  d'un 
moindre  prix  ,  &c  qui  font  fujettes  au  caprice  de  la 
mode  6c  des  goûts  :  celles-ci  fe  divifçnt  encore  en 
différentes  branches  particulières ,  qui  tantôt  reçoi- 
vent leur  dénomination  de  la  reffemblance  qu'elles 
ont  avec  certains  objets  naturels  ou  imités ,  plantes, 
animaux  ,  ouvrages  ,  &c.  tantôt  des  evenemens  & 
des  faifons  oii  elles  paroiflent  ;  tantôt  enfin  de  la  ré- 
putation &  de  la  vogue  feules  que  s'eft  acquis  le  fa- 
briquant. Mais  pour  découvrir  cette  reffemblance, 
quand  il  y  en  a  ,  il  faut  toujours  regarder  le  toile  ou 
les  fleurs,  dont  elle  dépend  uniquement. 

Nous  en  allons  nommer  quelques-unes  qui  fervi- 
ront  d'exemples. 

Berg-op-^oom ,  ce  font  des  blondes  dont  le  deffein 
commença  à  paraître  dans  le  tems  que  cette  vdle  fut 
prile  ;  &  le  bruit  que  fît  ce  fuccès  de  nos  armes ,  fuffit 
pour  donner  ce  nom  à  une  infinité  de  chofes. 

Chenille  ,  eft  une  blonde  dont  le  principal  toile  eft 
environné  d'un  brin  de  chenille,  Pcye{  Chenille. 

Perjil ,  eft  une  blonde  compqfée  d'une  infinité  de 
petits  toiles  ,  affez  approchans  de  la  figure  d'une 
feuille  de  perfil. 

Points  à  la  reine  ,  eft  une  blonde  qui  forme  plufieurs 
quadrilles  pleins  &c  vuides ,  dont  les  premiers  font 
compofés  de  trois  petites  branches  diftincf  es,&  à  plu- 
fieurs brins  ,  qui  montent  &  defeendent  obliquement 
en  fe  traverfant  deffus  &  deffous  vers  leur  milieu  , 
&  foûtenues  en-haut  &  en-bas  fur  deux  points  tranf- 
verfaux  qui  régnent  dans  toute  la  pièce. 

Pouce  du  roi ,  eft  une  blonde  dont  le  grand  toile  re- 
présente un  éventail  ouvert  &  fendu  à  la  bafe  par  le 
milieu. 

Privure  ,  eft  un  toile  continué  qui  ferpente  entre 
deux  rangs  de  grillages  ou  de  pleins  :  on  l'appelle  en- 
core la  couleuvre. 

Enfin  la  blonde  travaillée  eft  celle  dont  le  deffein 
correct  &  bien  choifi  ,  joint  à  une  exécution  déli- 
cate ,  forme  une  pièce  dont  la  beauté  permanente  eft 
avouée  indépendamment  du  caprice ,  de  la  mode  &C 
des  circonftances.  Les  blondes  travaillées  imitent  fort 
les  dentelles ,  &  font  auffi  chères  qu'eftimées. 

Quand  toutes  ces  différentes  fortes  de  blondes  n'ont 
pas  affez  de  luftre  en  fortant  des  mains  de  l'ouvrière , 
on  les  repaffe  avec  une  bouteille  de  verre  femblable 
à  celle  dont  fe  fervent  les  blanchiffeufes  de  bas  de 
foie  ,  en  obfervant  d'y  aller  fort  légèrement ,  trop  de 
pefanteur  &c  de  répétitions  les  rendant  trop  liffes  & 
trop  Iuifantes. 

Nous  finirons  cet  article  par  deux  remarques  :  l'une 
concernant  le  deffein ,  furquoi  nous  dirons  que  celui 
qui  a  paru  le  plus  agréable  ,  même  après  en  avoir 
fait  des  effais  ,  fournit  fouvent  des  pièces  bien  moins 
belles  que  celles  qu'on  en  attendoit  ;  auffi  les  mar- 
chands ont-ils  foin  de  ne  pas  monter  une  grande  quan- 
tité de  pièces  fur  un  deffein  nouveau  ,  avant  que  le 
goût  du  public  ait  confirme  &  fixé  le  leur.  La  fé- 
conde remarque  que  nous  ayons  à  faire ,  eft  que  quoi- 
que les  blondes  foient  ordinairement  d'une  foule  cou- 
leur ,  c'eft-à-dire  blanches ,  on  ne  laiffe  pas  d'en  faire 
qui  font  mêlées  de  noir ,  de  rouge ,  6-c.  pour  garnir 
desrobbes  de  dames,  6-c.  />. .-  Dentelle. 

Les  marchands  de  modes  employent  beaucoup  de 


a88 


BLU 


blonde  pour  garnir  les  robbes ,  les  coëffures ,  les  man- 
chettes ,  &c  les  palatines  des  femmes. 

Il  y  en  a  deux  lbrtes  relativement  à  la  matière  ;  la 
blonde  de  fil ,  qui  reffemble  beaucoup  à  la  dentelle  ; 
&  la  blonde  de  foie ,  qui  n'eft  pas  à  beaucoup  près  lî 
bonne  à  l'iilè,  mais  qui  fied  beaucoup  mieux. 

BLONITSA,  (Géog.)  petite  rivière  deSiléfie,  dans 
la  principauté  d'Oppeln  :  elle  fe  jette  dans  l'Oder. 

*  BLONYE  ou  BLONICZ  ,  (  Géog.  )  grande  ville 
de  la  grande  Pologne ,  dans  le  palatinat  de  Rava. 

BLOQUER ,  en  termes  de  rivières,  c'eft  remplir  une 
fondation  de  moellons  fans  ordre  ,  comme  dans  l'eau 
quand  on  rétablit  le  dégravoyement  d'une  pile  qu'on 
a  entourée  auparavant  de  pilotis  &  de  pals  à  plan- 
ches. 

Bloquer,  faire  un  blocus,  Voye^  Blocus. 
Bloquer  ,  eft ,  en  Architecïure ,  conitruire  &C  lever 
des  murs  de  moellon  d'une  grande  épaiffeur  le  long 
des  tranchées ,  fans  les  aligner  au  cordeau  ,  comme 
on  fait  les  murs  de  pierres  lèches  :  c'eft  aufli  remplir 
les  vuides  de  moellon  &  de  mortier  fans  ordre ,  com- 
me on  le  pratique  dans  les  ouvrages  qui  font  fondés 
dans  l'eau.  (Z5) 

Bloquer  ,  Blocquer  ,  en  Marine;  c'eft  mettre 
de  la  bourre  fur  du  goudron  ,  entre  deux  bordages  , 
quand  on  fouffle  ou  que  l'on  double  un  vaiffeau.  (Z) 
Bloquer  ,  terme  a" Imprimerie  ;  c'elt  en  compolant 
mettre  à  deffein  dans  fa  compofition  une  lettre  ren- 
verlée  ,  &  exactement  de  la  même  épaiffeur  que  celle 
qui  devoit  y  être  ,  mais  qui  manque  dans  la  caffe  , 
parce  qu'elle  court  beaucoup  dans  l'ouvrage. 

"BLOQUER,  w  Fauconnerie ,  fe  prend  en  deux 
fens  difîérens  :  il  fe  dît  de  l'oifeau  qui  a  remis  la  per- 
drix &  la  tient  à  fon  avantage  :  il  fe  dit  auffi  de  fon 
vol ,  lorfqu'il  relte  fufpendu  en  l'air  lans  battre  de 
l'aile  ;  ce  qui  s'appelle  auffi  planer. 

BLOUSER  ,  v.  n.  au  billard;  c'eft  mettre  la  bille 
de  fon  adverfaire  dans  une  bloufe  quelconque  :  on 
gagne  deux  points  pour  ce  coup,  comme  on  en  perd 
deux  également  pour  avoir  bloufe  la  fienne  feule ,  ou 
avec  celle  de  fon  adveriaire. 

BLOUSES ,  f.  f.  au  billard  ;  ce  font  des  trous  d'un 
billard  dans  lefquels  on  pouffe  les  billes  ;  &  la  gran- 
de adreffe  du  billard  ,  eft  de  pouffer  la  bille  de  fon 
adverfaire  dans  la  bloufe.  Voye^  Billard. 

BLUET  ou  BARBEAU ,  f.  m.  cyanus ,  (  Hift.  nat. 
bot.~)  genre  de  plante  dont  la  fleur  eft  compofée  de 
deux  lbrtes  de  fleurons.  Ceux  qui  occupent  le  centre 
de  la  fleur  font  plus  petits ,  découpés  en  lanières  éga- 
les. Ceux  qui  font  à  la  circonférence  lont  beaucoup 
plus  grands  tk  plus  apparens  ;  ils  femblent  être  par- 
tagés en  deux  lèvres.  Les  uns  &  les  autres  portent 
fur  des  embryons  de  graines  ,  &  font  foùtenus  par 
un  calice  écailleux  qui  n'a  point  de  piquans.  Lorf- 
que  la  fleur  eft  paffée  ,  les  embryons  deviennent  des 
femences  garnies  d'aigrettes.  Tournefort  ,  Infl.  rei 
herb.  Voye^  PLANTE.   (/) 

BLUET  ,  cyanus  fegetum  flore  cœruleo.  (Mat.  med.  ) 
Les  auteurs,  &c  fur -tout  les  Allemands,  ont  donné 
de  grandes  vertus  au  bluet.  La  plupart  des  Médecins 
en  font  cependant  allez  peu  de  cas  ;  &  fi  l'on  en  croit 
Geoffroy  ,  les  vertus  qu'on  lui  attribue  font  tout-à- 
fait  incertaines  &  précaires. 

L'huile  de  bluet  fe  fait  de  la  façon  fuivante.  Pre- 
nez des  fleurs  de  bluet  cueillies  avant  le  lever  du  fo- 
leil ,  autant  qu'il  vous  plaira  ;  pilez-les  dans  un  mor- 
tier de  marbre  ;  renfermez -les  dans  un  vaiffeau  de 
verre  dont  l'ouverture  foit  fort  large  ;  fermez  exac- 
tement ce  vaiffeau ,  &  l'expofez  au  foleil  pendant  un 
mois  entier  :  on  peut  luter  ce  vaiffeau  avec  du  levain. 
Cette  huile  eft  un  excellent  ophthalmique ,  félon 
Timaeus  ,  dans  les  fluxions  chaudes  ,  acres  &c  falines. 
Eau  de  bluet ,  félon  M.  Geoffroy.  Prenez  une  cer- 
taine quantité  de  fleurs  de  bluet  avec  leur  calice  ; 


BLU 

broyez-les ,  &  faites-les  macérer  pendant  vingt-qua- 
tre heures  dans  une  fuffifante  quantité  d'eau  de  nei- 
ge ;  diftillez  enfuite  à  un  feu  de  fable  modéré  :  c'eft 
l'eau  que  les  François  appellent  eau  de  caffe-lunette. 

On  affùre  que  cette  eau  6c  celle  d'eufraife  font  un 
excellent  remède  contre  l'inflammation  des  yeux  ; 
&c  on  la  recommande  avec  le  mufe ,  le  benjoin  ,  & 
la  fleur  d'orange  ,  pour  donner  au  vifage  un  teint 
fleuri ,  fur-tout  fi  l'on  y  ajoute  le  lait  virginal. 

Tournefort  confeille  l'eau  de  caffe-lunette  dans  les 
ophthalmies  avec  rougeur,  dans  la  chaîne,  &  tou- 
tes les  fois  qu'il  eft  queftion  d'éclaircir  la  vue  &  de 
la  fortifier,  avec  une  quantité  fuffifante  de  camphre 
&  de  fafran  ,  lorfqu'il  s'agira  de  calmer  une  inflam- 
mation. (A7) 

BLUTEAU  ,  f.  m.  infiniment  dont  les  Boulangers 
fe  fervent  pour  féparer  le  fon  d'avec  la  farine.  Foye^ 
lafig.  A  A,  Planche  du  Boulanger. 

Il  y  a  deux  principales  parties  dans  un  bluteau  ;  la 
caiffe ,  &  le  bluteau  proprement  dit.  La  caiffe  eft  un 
coffre  de  bois  proportionné  à  la  longueur  &  à  la  grol- 
feur  du  bluteau  qu'il  renferme  ,  &  foûtenu  fur  deux  , 
quatre  ou  fix  pies  aufli  de  bois  ;  à  l'un  des  bouts  de 
cette  caiffe  eft  un  trou  par  lequel  le  grain  moulu  ou  la 
farine  entre  dans  le  bluteau;  le  fon  en  fort  par  un  au- 
tre trou  fait  à  l'autre  extrémité  de  la  caiffe  :  enfin  fur 
le  devant  font  deux  ou  plufieurs  guichets ,  qui  fe  fer- 
ment avec  des  targettes  ,  qu'on  ouvre  pour  tirer  les 
différentes  fortes  de  farines  qui  y  ont  été  blutées. 

Chez  les  Boulangers,  la  caiffe  du  bluteau  peut  n'ê- 
tre pas  tout  entière  de  bois  ;  fouvent  il  n'y  a  que  les 
deux  bouts  &  le  deffus  qui  en  foient  :  ils  placent  le 
bluteau  de  façon  que  le  mur  fert  de  derrière  ,  le  plan- 
cher de  fond ,  &.  une  toile  attachée  le  long  du  deffus  , 
&  qui  pond  jufque  fur  le  carreau  de  devant  à  la  caiffe. 
Le  bluteau  proprement  dit ,  eft  un  gros  &  long  cy- 
lindre fait  de  plufieurs  cerceaux  environnés  d'étami- 
ne  de  foie ,  de  laine  ,  &  fouvent  de  l'une  &  de  l'au- 
tre enfemble  ,  à  travers  laquelle  paffe  le  plus  fin  du 
grain  moulu. 

Ce  cylindre  eft  divifé  en  trois  ou  quatre  parties  de 
différente  fineffe  ;  ce  qu'il  y  a  de  plus  fin  étant  tou- 
jours à  la  tête  du  bluteau  :  d'oii  l'on  voit  qu'il  peut  y 
avoir  autant  de  degrés  de  fineffe  dans  les  farines , 
qu'il  y  a  de  divifions  différentes  dans  les  bluteaux. 

Il  faut  que  le  bluteau  foit  un  peu  incliné  par  un 
bout ,  afin  que  lorfqu'il  eft  agité  par  la  manivelle  ,  le 
grain  moulu  tombant  fucceffivement  par  ces  divi- 
fions ,  laiffe  fous  chacune  d'elles  la  farine  qui  lui  con- 
vient ;  &  que  le  fon  ne  trouvant  point  de  paffage  par 
où  il  puiffe  s'échapper ,  tombe  au  bout  du  bluteau  par 
le  trou  qu'on  y  a  ménagé. 

Cependant  comme  ces  divifions  font  très-peu  fen- 
fibles ,  &  qu'il  n'y  a  prefque  point  de  différence  en- 
tre les  degrés  de  fineffe  des  trois  ou  quatre  premiè- 
res ,  non  plus  qu'entre  ceux  des  trois  ou  quatre  der- 
nières ,  on  n'en  fait  pour  l'ordinaire  que  deux  parts, 
&  l'on  mêle  enfemble  les  farines  qui  ont  paffe  par 
les  divifions  qui  font  à-peu-près  égales  en  fineffe. 

Outre  ces  divers  degrés  de  fineffe  qui  font  dans  le 
même  bluteau ,  il  y  a  encore  différentes  fortes  de  blu- 
teaux propres  à  chaque  efpece  de  farine ,  mais  qui 
ne  diffèrent  des  autres  qu'en  ce  qu'ils  font  plus  ou 
moins  gros. 

Au- deffus  du  bluteau  eft  une  trémie  dans  laquelle 
on  verfe  la  farine  ,  ou  toute  autre  choie  qu'on  veut 
bluter  :  au  bas  de  cette  trémie  eft  une  ouverture  re- 
couverte par  une  planchette  qui  le  hauffe  &  le  baiffe 
félon  la  quantité  de  grain  qu'on  veut  donner  au  blu- 
teau. De  la  trémie  le  grain  tombe  dans  l'auget ,  d'où 
il  paffe  dans  le  bluteau. 

BLUTEAU  ,  terme  de  Courroyeur ;  c'eft  un  paquet 
de  laine  fait  de  vieux  chiffons  ou  bas  d'eftame ,  avec 
lequel  les  Courroyeurs  effuient  les  cuirs  des  deux 

côtés  j 


BOA 

après  îcs  avoir  chargés  de  bierre  aigre,  foye^ 
CoURROYER  ;  vojei  lajig  5.  Pi.  du  Courroyeur. 

PLUTER  ,  en  terme  de  Boulanger  ;  c'eft  iéparer  la 
farine  d'avec  le  fon  par  le  moyen  du  Linteau.  On 
appelle  farine  blutée ,  celle  qui  a  paffé  par  le  bluîeau. 

BLUTER.IE  ;  c'eft ,  parmi  les  Boulangers ,  le  lieu  où 
font  placés  les  bluteaux ,  &  où  l'on  blute  la  farine. 

B  O 

*  BOA  ,  (  Hiji.  nat.  )  c'eft  le  nom  d'un  ferpent 
aquatique  ,  d'une  grandeur  demeûiréc,  &  qui  s'atta- 
che particulièrement  aux  bœufs ,  dont  il  aime  beau- 
coup la  chair  :  c'eft  ce  qui  lui  a  fait  donner  le  nom 
qu'il  porte.  Il  aime  auffi beaucoup  le  lait.  S'il  eft  vrai, 
ainfi  que  le  dit  Duncan  ,  qu'il  ne  puifle  vivre  d'autre 
chofe ,  l'elpece  en  doit  être  peu  nombreufe  ;  &  fi  l'on 
en  trouve  quelquefois  dans  la  Calabre  ,  ainli  qu'on 
nous  l'affûre ,  il  eft' étonnant  que  nous  n'en  ayons 
pas  une  defeription  plus  exacte.  On  tua  un  boa  fous 
le  règne  de  l'empereur  Claude  ,  dans  lequel  on  trou- 
va un  enfant  entier.  Ceux  qui  ont  avancé  qu'il  pou- 
voit  avaler  un  bœuf,  ne  méritent  qu'on  rapporte 
leur  lentiment  que  pour  montrer  jufqu'où  peut  aller 
l'exagération.  Les  hiiloriens  font  afl'ez  ordinairement 
le  contraire  de  la  montagne  en  travail  :  s'agit-il  d'une 
fouris  ?  leur  plume  enfante  un  éléphant. 

*  BOBAQUE,f.  m.  (Jlïfl.  /z^.)iorte d'animal  allez 
reffemblant  au  lapin  ,  qui  fe  trouve  fur  les  bords  du 
Nieper ,  ayant  deux  dents  en  haut  &  autant  en  bas  , 
&  le  poil  de  la  couleur  du  blaireau  ;  il  le  terre  com- 
me le  lapin;  il  fait  lés  provifions  pou*-  l'hyver  depuis 
le  mois  d'Avril  jufqu* au  mois  d'Octobre  ;  alors  il  fe 
retire  fous  terre  ,  ôc  n'en  fort  qu'au  printems  :  il  eft 
facile  à  apprivoifer ,  &  donne  beaucoup  de  plaiiir 
lorlqu'il  a  été  inftruit.  On  dit  que  cet  animal  eft  her- 
maphrodite. 

BOACRES  ,  (  Géog.  anc.)  lieu  d'Italie  fur  la  voie 
Aurélienne,  &  lur  la  route  de  Rome  à  Arles  par  la 
Tofcane  &  les  Alpes:  on  croit  que  c'eft  la  même 
chofe  que  Boucle.  Poyeç  BOACTE. 

BOÂCTE,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  rivière  d'Italie 
dans  la  Ligurie.  Quelques-uns  croient  que  c'eft  la 
il'/  ella.  Olivier  l'explique  de  h;  Brignole. 

BOAE  ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  ville  de  Peloponefe 
dans  la  Laconie ,  près  d'un  golfe  qui  en  étoit  appelle 
Uoetiacusjînus.  Les  Géogiaphes  prétendent  que  c'eft 
le  Vajica  d'aujourd'hui ,  ou  Batica  ,  ou  Vatica. 

B  0  AY I S  TA  ,  (  Géog.  mod.  )  petite  île  ,  la  plus 
oiientaledc  celles  du  cap-Verd. 

BOBÈCHE  de  chandelier.  Voye^  CHANDELIER. 

*  Bobèche  ,  f.  f.  Les  ouvriers  en  fer,  mais  fur- 
tout  les  Couteliers ,  donnent  ce  nom  à  un  petit  mor- 
ceau d'acier  lin  ce  trempé  ,  d'un  pouce  de  long  &  un 
peu  plusjcv  portant  3  à  4  lignes  d'épaiffeur  d'un  côté, 
îùr  une  ligne  ou  environ  de  l'autre  ,  ce  qui  lui  donne 
la  forme  d'un  coin  oblong.  Quand  les  Couteliers  for- 
gent un  rafoir  ,  ils  prennent  un  morceau  d'étoffe  ou 
de  gros  acier  ;  ils  l'étil  er.t ,  le  recoin  bent  par  un  bout , 
inierent  ia  bobèche  entre  les  deux  parties  recourbées, 
la  foudent,  &  elle  forme  le  tranchant  de  l'ouvrage. 
On  n'ufe  de  bobèches  que  pour  épargner  l'acier  fin. 
Dans  un  rafoir ,  par  exemple  ,  le  tranchant  fe  trouve 
par  ce  moyen  d'acier  (in ,  &  le  dos  de  gros  acier  ; 

■    d'où  il  arrive  que  li  la  pièce  cil  mal  forgée,  le  gros 
acier  s'etendant  beaucoup  fui  l'acier  tin  ,  le  1 
peut  fervir  qu'en  très-peu  de  tems  il  ne  de^  ienne  mau- 
vaise que  quelque  bien  que  le  rafoir  foitforg 
peu;  l'ufer  entièrement.  On  forge  un  grand  nombre 
tle  bobèches  à  la  fois:  pour  ce:  . 
leurmorceaud'acierd'Anglete    - 
l'on  ait  ;  on  l'étiré ,  &  on  lui  donne  fur  toute  la  lon- 
gueur la  forme  que  nous  a\  ons  de 
le  divile  lui  la  tranche  par  autant  d'entailles  obliques 
Tome  II, 


BOB 


289 


qu'il  peut  contenir  de  bobèches;  on  le  trempe  ,  puis  on 
trappe  deffus  avec  un  petit  marteau  ;  il  fe  caffe  à  tou- 
tes les  divilions,  &donne  toutes  les  bobèches  féparées  ; 
on  fait  les  entailles  obliques ,  afin  qu'il  y  ait  à  la  par- 
tie fupérieure  de  la  bobèche  une  efpece  de  bec  qui  s'é- 
tende fur  l'épaiffeur  de  la  boucle  du  gros  acier  re- 
courbé ,  ëê  qui  la  recouvre  :  fi  la  bobèche  au  lieu  d'ê- 
tre en  lofange  ,  étoit  quarrée,  il  eft  évident  que  , 
n'ayant  point  de  bec  ,  quand  on  l'infereroit  entre  les 
deux  parties  de  l'acier  recourbé  ,  l'endroit  du  coude 
ne  feroit  pas  couvert  d'acier  fin  ,  &c  que  par  confis- 
quent le  haut  de  la  pièce  forgée  que  ce  coude  forme- 
roit,  leroit  de  gros  acier  &  mauvais;  à  moins  que 
l'ouvrier  n'eût  l'attention  d'enlever  fur  la  tranche 
cette  portion  ;  ce  qu'il  eft  quelquefois  obligé  de  faire. 
Voyer^  COUTELIER. 

BOBENHAUSEN,  (  Géog.)  petite  ville  d'Alle- 
magne dans  le  comté  de  Hanau. 

BOBER. ,  (  Géog.)  rivière  de  la  baffe  Siléfie ,  qui 
fe  jette  dans  l'Oder. 

i.i  >BERAU  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Siléfie  dans 
la  principauté  de  Jagerndorfï". 

BOBERSLERG,  (  Géog.)  petite  ville  de  la  baffe 
Siléfie  ,  iur  les  frontières  de  la  Luface  ,  fur  la  rivière 
de  Bober. 

*  BOBINE  ,  f.  f.  infiniment  à  Biffage  de  tous  les 
ouvriers  qui  ourdiffent ,  &  de  plulieurs  autres ,  Paf- 
fementiers,  Manufacturiers  en  loie ,  Rubaniers ,  Epin- 
gliers,  Tireurs-d'or,  Trifileurs,  &c.  C'eft  en  général 
un  cylindre  de  bois  léger,  qui  a  plus  ou  moins  de  dia- 
mètre &  de  longueur ,  &  qui  eft  percé  fur  toute  fa 
longueur  d"un  petit  trou  ,  dans  lequel  on  fait 
une  broche  qui  lui  fert  d'axe.  Tantôt  la  broche  mo- 
bile fait  tourner  la  bobine  :  tantôt  la  bobine  tourne  iur 
la  broche  immobile.  La  burine  n'eft  pas  ordinairement 
de  même  diamètre  fur  toute  fa  longueur  :  il  y  en  a  lur- 
tout  de  deux  efpeces  bien  différentes  ;  les  unes  lbnt 
ablolument  faites  en  cône  ;  les  autres  en  cylindre 
cave  fur  toute  fa  longueur  ;  enforte  que  dans  celles- 
ci  ,  tantôt  le  point  le  plus  bas  de  la  cavité  tombe  fur 
le  milieu  de  la  longueur,  &  tantôt  la  cavité  étant  la 
même  par-tout,  les  extrémités  du  cylindre  forment 
feulement  des  rebords.  Toutes  les  bobines  fervent  à 
envider  ou  de  la  laine  ,  ou  de  la  foie  ,  ou  du  fil ,  &c. 
Les  bobines  coniques  font  à  I'ufage  des  moulineurs  &C 
des  tordeurs  de  laine ,  de  foie ,  &c.  Comme  il  faut 
que  le  til  fe  dévide  verticalement  de  deffus  ces  bobi- 
nes ,  s'il  y  avoit  un  rebord  il  empécheroit  le  devida- 
ge.  Je  ne  l'ai  fi  dans  les  moulins  à  tordre  la  foie  ,  on 
ne  parviendroit  pas  par  la  feule  ligure  des  bobines  ,  à 
remédier  à  l'inégalité  du  toii  :  c'eft  à  M.  de  Vaucan- 
fon  à  examiner  ce  méchaniuhe.  La  cavité  des  I 
cylindriques  fert  à  recevoir  le  lil ,  &  à  le  contenir  de 
manière  qu'il  ne  s'éboule  point. 

La  bobine  des  Epingliers  eft  un  a  fiez  gros  cylindre 
de  bois  ,  traverle  d'un  arbre,  dont  un  bout  cil  loù- 
tenu  dans  un  collet  ,  &  dont  l'autre  eft  garni  d'une 
manivelle  :  la  manivelle  fnr  tourner  le  cylindre  ,  qui 
fe  charge  en  tournant  du  lil  trifilé  qui  doit  fervir  à 
faire  l'épingle. 

Les  Manufacturiers  en  foie  ont  de  grandes  bobines 
ou  canons  à  deux  têtes  ,  un  peu  j  ros  ,  qui  leur  fervent 
à  dévider  le  fil  de  lac  au  loi  tir  ne  la  boutique  du  cor- 
dier  ;  &  de  petites  bobines  ou  canons,  qui  portent  la 
donne. 

Li  bobine  du  Rubnnier ,  duFaifeurde  bas  au  mé- 
tier, &c.  eft  une  efpece  de  rochet  dont  les  : 
rs,&lal<   tgi  ...  concave, 
bois  pli  1  ;  fa  groffeur&  fa  lon- 

gueur varient.  Elle  iei  I  -  le  rochet ,  a  .  ece 

voir  les  foies  dévidée  ,  ■     r- 

La  bobine  du  Tireur-d'oi  efl  -  de  roue  mo- 

bile ,  Iur  laquelle  on  àt  '■{  TlRl  l  R- 

d'os.  Cet  instrument  eft  long  d'un  tout  au 

Oo 


290 


B  O  C 


B  O  C 


plus ,  cylindrique ,  percé  &  mobile  fur  deux  pivots , 
avec  des  rebords  à  chaque  bout. 

*  B  O  B I N  E  R ,  v.  au.  c'eft ,  che[  les  Tireurs-d'or , 
faire  parler  le  trait  de  defTus  le  tambour  fur  une  petite 
bobine ,  à  laquelle  on  donne  le  nom  de  roquetin.  Foy. 
Tireur-d'or. 

*  BOBINEUSE ,  f.  f.  pi.  nom  que  l'on  donne  , 
dans  les  Manufactures ,  particulièrement  dans  celles  de 
laine ,  à  des  femmes  employées  à  dévider  fur  des  bo- 
bines ou  rochers ,  le  fil  deftiné  à  former  des  chaînes. 

*  BOBINIERE,  f.  f.  partie  fupérieure  du  moulin 
ou  rouet  à  filer  l'or,  ainfi  appellée  de  fa  fonction. 
Voye^  Fi  leur-d'or. 

BOBIO,  (Géog.  )  ville  d'Italie  dans  le  Milanès  , 
au  territoire  de  Pavie  fur  la  Trébia.  Long.  zj.  lat. 
44.  48. 

Bobio  ,  (  Géog.  )  la  plus  grande  de  toutes  les  ri- 
vières du  Chili  en  Amérique  :  elle  prend  fa  fource 
dans  les  Cordelières,  &  fe  jette  dans  la  mer,  au  Jje 
degré  de  latitude. 

BOBROISKO  ,  (  Géog.  )  ville  dans  le  palatinat 
de  Minski  en  Lithuanie. 

*BOBURES,  f.  m.  plur.  (Géog.  )  peuples  de 
Terre-Ferme  dans  l'Amérique  méridionale  :  ils  habi- 
tent dans  le  gouvernement  de  Venezuela  ,  au  midi  du 
lac  de  Macaraïbo. 

BOCAGE,  f.  m.  (  Jardinage.  )  c'eft  un  bouquet 
de  bois  non  cultivé  ,  planté  dans  la  campagne  pour 
fe  mettre  à  l'ombre.  (  K  ) 

BOCAL,  f.  m.  en  Italien  boccale,  f  Commerce.  ) 
mefure  des  liquides  en  ufage  à  Rome.  Le  bocal  elt 
proprement  ce  qu'on  appelle  en  France  une  bouteille. 
Il  contient  un  peu  plus  que  la  pinte  de  Paris.  Il  faut 
fept  bocals  &  demi  pour  la  rubbe  ou  rubbia ,  &  treize 
rubbes.  &  demie  pour  la  brante  ,qui  contient  quatre- 
vingt-feize  bocals.  Voyc^  Brante  &  Rubbia.  (G) 

Bocal  ,  inftrument  dont  les  Bijoutiers  &  plufieurs 
autres  ouvriers  fe  fervent  pour  raffembler  fur  leur 
ouvrage  la  lumière  d'un  flambeau  placé  derrière. 
Cet  inftrument  confifte  en  une  groffe  bouteille  de 
verre  blanc  fort  mince  ,  montée  liir  l'on  pié  de  bois. 
f^qye^  lafig.  2.  PI.  du  Bijoutier.  On  emplit  cette  bou- 
teille d'eau  de  rivière  ou  de  pluie ,  dans  laquelle  on 
fait  difîbudre  quelques  fels ,  ou  bien  on  y  mêle  un  peu 
d'eau-forte  pour  l'empêcher  de  geler  l'îry  ver ,  ce  qui 
feroit  rompre  le  vale. 

Pour  fe  fervir  de  cette  machine ,  on  la  pofe  mon- 
tée fur  fon  pié  fur  l'établi,  la  chandelle  ou  lampe 
placée  derrière,  enforte  que  les  rayons  lumineux  qui 
traverfent  la  liqueur  dont  la  bouteille  eft  pleine,  vien- 
nent fe  raffembler  fur  l'ouvrage  que  l'ouvrier  voit  , 
comme  il  le  verroit  en  plein  jour. 

*  BOCAMBRE,  f.  m.  terme  à  l'ufage  des  groffes- 
Forges  :  il  eft  fynonyme  à  bocard.  Voyei_  Bocard. 

BOCANE  ,  f.  f.  danfe  grave,  ainii  nommée  de 
Bocan  ,  maître  à  danfer  de  la  reine  Anne  d'Autriche, 
qui  en  fut  l'inventeur.  On  commença  à  la  danfer  en 
1645 :  elle  n'eft  plus  d'ufage.  (B) 

*  BOCARD  ,  f.  m.  moulin  à  pilon  dont  on  fe  fert 
pour  broyer  la  mine  avant  que  de  la  mettre  au  feu , 
furtout  lorfqu'elle  eft  mêlée  de  pierre  &  de  parties  mé- 
talliques :  un  autre  avantage  de  la  mine  bocardée,  c'eft 
qu'étant  réduite  en  poudre,  elle  préfente  plus  de  fur- 
face  à  l'a&ion  du  feu.  Il  n'y  a  guère  de  lavoirs  fans  être 
accompagné  d'un  bocard.  Le  bocard  eft.  une  machine 
fort  fimple  ;  ce  font  des  poutres  ferrées  par  un  bout , 
tenues  verticalement  par  des  traverfes  de  bois ,  entre 
lefquelles  elles  peuvent  delcendre  ëc  monter  par  le 
moyen  d'un  gros  cylindre  garni  de  cammes  ou  dents 
qu'une  roue  à  eau  fait  mouvoir  ,  &  qui  rencontrant 
en  tournant  des  éminences  pratiquées  aux  poutres 
ferrées  ou  pilons  ,  les  élèvent  &  les  laiffent  retomber 
lorfque  les  cammes  viennent  à  s'échapper  de  deflbus 
les  éminences  des  poutres  ferrées  ou  des  pilons.  Le 


bout  ferré  du  pilon  frappe  dans  une  auge  oit  Ton  jette 
la  mine  à  bocarder ,  &  lécrafe.  De  cette  mine  écra- 
fée ,  les  parties  métalliques  étant  les  plus  lourdes  , 
tombent  &  reftent  au  fond  de  l'auge  ;  les  parties  pier- 
reufes  &  plus  légères  font  entraînées  par  un  courant 
d'eau  qu'on  fait  parler  fous  les  pilons.  Du  bocard  la 
mine  eft  portée  au  lavoir ,  &  du  lavoir  au  fourneau 
à  griller.  Voye{  dans  nos  Planches  de  Minéralogie ,  & 
dans  celles  des  groffes- Forges  ,  plufieurs  figures  de 
bocard. 

*  BOC  ARDO ,  (  Logique.  )  c'eft  une  forte  d'argu- 
mentation ,  dans  laquelle  la  majeure  eft  particulière 
négative  ,  la  mineure  univerfelle  affirmative ,  &  la 
conclufion  particulière  négative.  ^.Syllogisme. 

*  BOCCA  DELLA  VERITA ,  (Hifl.  mod.)  c'eft 
ainfi  qu'on  appelle  à  Rome  une  tête  antique  de  pier- 
re ,  près  l'églife  de  Sainte-Marie  en  Cofmédine  ,  qui 
a  la  bouche  ouverte  :  l'on  en  rapporte  une  chofe  bien 
extravagante  ;  c'eft  que  les  femmes  de  Rome  foup- 
çonnées  de  galanterie ,  pour  defabufer  leurs  maris 
jaloux  &  prouver  leur  innocence  ,  fourroient  leur 
main  dans  cette  bouche ,  &  qu'on  étoit  dans  la  per- 
fuafion  qu'elle  fe  fermoit ,  lorfque  la  prétendue  inno- 
cence n'étoit  pas  bien  avérée. 

*  BOCCA  D'INFERNO  ,  (  Phyfiq.  )  c'eft  un  mé- 
téore qui  paroît  fouvent  aux  environs  de  Bologne  en 
Italie  ,  lorfqu'il  fait  obfcur  :  ce  font  des  exhalaifons 
enflammées  ,  auxquelles  les  peuples  du  pays  attri- 
buent la  mauvaife  volonté  de  chercher  à  égarer  les 
voyageurs  :  aceufation  que  les  gens  du  peuple  for- 
ment auffi  parmi  nous  contre  ce  qu'on  appelle  feux 
follets.  Foyei  FEUX    FOLLETS. 

*  BOCCALE  ;  l'on  nomme  ainfi  un  grand  verre 
qui  tient  pinte ,  dont  on  fe  fert  en  Allemagne  &  dans 
les  Pays-Bas  pour  célébrer  des  fantés  intéreffantes  à 
la  fin  des  grands  repas,  &  dans  Iefquels  l'on  force 
quelquefois  impitoyablement  les  convives  de  noyer 
le  peu  de  raifon  qui  leur  refte. 

BOCCONE  ,  f.  f.  bocconia,  (Hifl.  nat.  bot.)  genre 
de  plante  dont  le  nom  a  été  dérivé  de  celui  de  Bocco- 
ne  ,  noble  Sicilien ,  connu  par  plufieurs  ouvrages  de 
Botanique  &  de  Phyfique.  La  fleur  des  plantes  de  ce 
genre  eft  compofée  de  deux  pétales  :  il  s'élève  du  mi- 
lieu de  la  fleur  un  piftil  qui  devient  dans  la  fuite  un 
fruit  ovoide  pointu  ,  applati  &  plein  de  fuc  ;  ce  fruit 
renferme  une  femence  ronde.  Plumier,  Nova  plant. 
Amer,  gêner.  V.  Plante.  (  /  ) 

BOCHET  ,  f.  m.  (Pharmacie,  .)  décoction  féconde 
du  gayac  &  des  autres  bois  fudorifiques ,  félon  Caf- 
telli;  quoiqu'on  puiffe  l'appliquer. à  la  première  dé- 
coction des  bois  ou  racines  ligneufes.  Ces  décoftions 
font  néceffaires  dans  tous  les  cas  où  il  faut  atténuer , 
divifer  &  pouffer  par  la  fueur ,  Se  où  les  pores  font 
allez  ouverts  pour  faciliter  la  fueur.  L'ufage  de  ces 
remèdes  convient  dans  les  rhûmatifmes  froids  ,  6c 
aux  conftitutions  froides  &  humides.  (A) 

BOCINO  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie  au  royau- 
me de  Naples ,  proche  le  confluent  des  rivières  de 
Selo  &  de  Negro. 

BOCKARA,  (  Géog.  )  ville  affez  confidérable 
dans  le  Zaçatay  en  Afie  ,  fur  la  rivière  d'Albiamu. 

BOCKÈLEN ,  (  Géog.  )  ville  &  château  du  comte 
de  Y/oldenberg  fur  la  Nette,  à  peu  de  diftance  d'Hil- 
desheim. 

*  BOCKEM,  f.  m.  (Commerce  )  On  appelle  en 
Hollande  kareng  bockem  ,  ce  que  nous  entendons  en 
France  par  harengs  fumés.  Voye?  HARENG. 

BOCKENHEIM ,  (  Géog.  )  Il  y  a  deux  villes  de  ce 
nom,  l'une  dans  le  bas  Palatinat,  l'autre  en  Alface 
lur  la  Saar. 

BOCKHOLT  ,  (Géog.)  ville  &  territoire  dans 
l'évêché  de  Munfter,  fur  la  rivière  d'Aa  en  Wèft- 
phalic. 

BOCKNIA,  (Géog.)  ville  de  la  petite  Pologne 


B  O  D 

dans  le  palatinat  de  Cracovie  ,  renommée  à  caufe 
qu'on  y  trouve  beaucoup  de  f'el  gemme. 

*  BOCQUET  ,  f.  m.  (Blafon.  )  terme  qui  dans 
quelques  auteurs  fignifie  unfr  de  pique. 

*  BOD,  f.  m.  (Hift.  mod.  )  idole  des  Indes  à  laquelle 
on  s'adreffoit  pour  avoir  des  enfans.  Lorfqu'une  fem- 
me avoit  été  exaucée ,  &  qu'elle  avoit  mis  au  monde 
une  fille ,  on  préfentoit  cette  fille  au  Bod,  &c  on  la 
laiffoit  dans  fon  temple ,  où  elle  étoit  élevée  jufqu'à 
ce  qu'elle  eût  atteint  l'âge  nubile  :  alors  elle  fbrtoit 
pour  prendre  place  à  la  porte  du  temple  entre  les  au- 
tres femmes  vouées.  Elles  étoienî  toutes  afiîfes  lur 
des  tapis ,  prêtes  à  fe  livrer  au  premier  venu.  La  feule 
choie  dont  le  culte  leur  fît  un  cas  de  confcience ,  c'é- 
tait de  mettre  à  vil  prix  leurs  faveurs  ,  ou  d'en  rete- 
nir une  partie.  Elles  étoient  obligées  fous  peine  de 
déplaire  au  Bod  ,  de  remettre  tout  l'argent  qu'elles 
amaflbient  à  fon  fervice ,  entre  les  mains  de  Ion  prê- 
tre ,  pour  être  employé  aux  bâtimens  ce  à  l'entre- 
tien du  temple.  Renaud ,  relat.  des  Indes. 

BODANETZ  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Bohême 
dans  le  cercle  de  Koniggratz  ,  peu  éloignée  de  Par- 
dubitz. 

BODEoz/BUDE,  (Géog.) rivière  quitraverfe  les 
pays  de  Quidlimbourg ,  d'Halberftadt ,  &  de  Magde- 
bourg ,  6c  fe  jette  dans  la  Saale. 

BODENBURG ,  (Géog.)  petite  ville  du  duché  de 
Brunfwick-Wolfembuttel. 

BODENDYCK  ,  (Géog.)  petite  villedu  duché  de 
Lunebourg,  à  l'électeur  de  Hanovre. 

BODENHAUSEN ,  (  Géog.  )  petite  ville  du  Land- 
graviat  de  Heffe ,  fur  la  frontière  du  duché  de  Brunf- 
•wick. 

BODENZÉE  ,  (  Géog.  )  c'eft  ainfi  que  les  Alle- 
mands nomment  le  lac  de  Confiance ,  entre  la  Soua- 
be  &  la  Suiffe. 

BODINERIE  ,  f.  f.  (  Commerce.  )  efpece  de  con- 
trat qui  eft  en  ufage  fur  les  côtes  de  Normandie  :  c'eft 
une  forte  de  prêt  à  la  groffe  aventure  ,  qui  eft  affigné 
fur  la  quille  ou  bodine  du  vaiffeau ,  &  où  l'on  hypo- 
thèque non-feulement  le  corps  du  vaiffeau ,  mais 
encore  les  marchandifes  qui  y  font  chargées.  Voye\_ 
Aventure. 

La  bodineric  diffère  du  contrat  d'affùrance ,  en  ce 
qu'on  ne  paye  point  de  prime  ,  &  qu'il  n'efi  rien  dû 
en  cas  de  naufrage ,  prife  d'armateurs ,  corfaires ,  &c. 
mais  feulement  quand  le  vaiffeau  arrive  à  bon  port, 
on  paye  la  fomme  principale  avec  l'intérêt  ou  profit 
maritime  ftipulé  dans  le  contrat. 

Il  eft  encore  différent  du  contrat  d'affùrance  en 
cas  de  conteftation  ,  en  ce  que  c'eft  au  créancier  à 
prouver  devant  les  juges  de  l'amirauté  que  le  vaif- 
feau eft  arrivé  à  bon  port ,  pour  rendre  l'obligation 
de  bodlnerie  exécutoire ,  &  établir  fon  droit  de  créan- 
ce ;  au  lieu  que  dans  les  polices  d'affùrance  ,  c'eft  à 
l'affûré  à  juftifierla  perte  ,  prife  ou  naufrage  du  vaif- 
feau ,  pour  fon  rembourfement  de  la  choie  affûrée. 

(G) 

*  BODINURE,  f.  f.  (  Marine.)  cordelettes  paffées 
autour  de  la  partie  de  l'ancre  qu'on  appelle  arga- 
neau  ,  ou  organeau.  Voye^  ANCRE. 

*  BODOWNICZY  ,  (  Hift.  mod.  )  c'eft  le  nom 
qu'on  donne  en  Pologne  à  un  magiftrat  dont  la  char- 
ge eft  de  veiller  fur  les  bâtimens  :  c  eft  ce  qu'étoit  un 
édile  chez  les  Romains. 

BODROG ,  (  Géog.  )  rivière  de  la  haute  Hongrie 
qui  prend  fa  fource  vers  les  frontières  de  Pologne  , 
éc  fe  jette  dans  la  Theifs  à  Tokay. 

Bodrog  ,  (Géog.)  comté  de  la  haute  Hongrie ,  Se 
ville  fituée  fur  un  bras  du  Danube. 

BOEDROMÏES  ,  f.  f.  (  Myth.  )  fêtes  qu'on  célé- 

broit  à  Athènes  ,  pendant  lefqucllcs  on  couroit  en 

jettant  de  grands  cris  ,  du  Grec  Ce» ,  cri  ,  &  «Tpd^cç , 

touffe.  Elles  fe  célebroient  vers  le  mois    d'Août , 

Tome  11. 


B  O  E 


291 


d'où  ce  mois  chez  les  Athéniens  a  été  nommé  Boc- 
dromion.  Cette  fête ,  félon  Plutarque ,  fut  inftituée  au 
fujet  de  la  guerre  contre  les  Amafones  ,  ou  ,  félon 
d'autres ,  en  mémoire  du  fecours  qu'on  donna  aux 
Athéniens  contre  Eumolpe.  (G) 

BOEN,  (Géog.)  petite  ville  de  France  dans  le  Fo- 
rez ,  au  pié  des  montagnes ,  fur  une  côte  arrofée  par 
le  Lignon ,  à  cinq  lieues  de  Rouanne. 

*  BOESJES  ,  f.  f.  pi.  (  Comm.  &  Hift.  mod.  )  co- 
quilles de  mer  qui  fervent  de  monnoie  parmi  les  ha- 
bitans  de  la  baffe  Ethiopie. 

BOESSER  ,  v.  act.  à  la  Monnoie ,  c'eft  nettoyer  les 
lames  au  fortir  de  la  fonte  avec  lagratte-boeffe.  Voy. 
Gratte-boesseow  Gratte-bosse  de  Monnoyage. 

*  BCEUF  ,  f.  m.  bos  ,  (Hift.  nat.  )  taureau   coupé. 

Foye{  Taureau. 

Le  bœuf  'ne  diffère  du  taureau  ,  que  comme  un  ani- 
mal diffère  d'un  autre  de  la  même  efpece ,  lorfque 
celui-ci  eft  plein  de  feu,  vif,  hardi,  vigoureux,  Se 
même  un  peu  farouche  ,  &  que  l'autre  eft  pelant , 
lâche ,  &  timide  ;  il  eft  confiant  que  la  caftration 
feule  met  toutes  ces  différences  entre  le  bœuf  &  le 
taureau. 

Caftration.  Elle  fe  fait  à  deux  ans  ;  quelques  per- 
fonnes  la  rifquent  à  fix  mois.  On  s'y  prend  le  matin 
avant  que  le  jeune  bœuf  ait  forti  :  les  uns  choiiiffent 
le  mois  de  Mai;  d'autres  l'automne.  Pour  la  faire,  on 
prend  les  mufcle's  des  tefticules  avec  de  petites  te- 
nailles, on  incife  les  bourfes,  on  enlevé  les  tefticu- 
les ,  ne  laiffant  que  la  portion  qui  tient  aux  mufcles  ; 
après  quoi  on  frotte  la  bleffure  avec  des  cendres  de 
farment  mêlées  de  litarge  d'argent,  &  on  y  applique 
un  emplâtre  :  ce  jour  on  lui  ménage  la  nourriture  ; 
on  ne  lui  donne  point  de  boiffon  ,  &  on  lui  en  don- 
ne peu  les  jours  fuivans.  Les  trois  premiers  jours  on 
le  nourrit  de  foin  haché ,  &  d'un  picotin  de  fon 
mouillé  qu'on  lui  laiffe  prendre  en  une  fois.  Le  troi- 
fieme  ou  quatrième  jour  on  levé  le  premier  appareil, 
&  l'on  met  fur  la  plaie  un  emplâtre  de  poix  tondue, 
&  de  cendres  de  farment  mêlées  avec  de  l'huile  d'o- 
live. A  mefure  que  l'appétit  revient  au  jeune  animal, 
on  lui  donne  de  l'herbe  fraîche ,  &  on  lui  augmente 
la  boifibn.  On  le  garde  jufqu'à  trois  ans  ;  c'eft  l'âge  de 
la  vente. 

Choix  du  bœuf.  Le  bœuf  eft  la  plus  eftimée  d'entre 
les  bêtes  à  cornes  :  il  fe  nourrit  facilement  6i  rend 
beaucoup  de  fervice.  Il  faut  le  choifir  avec  la  tiu 
courte  &  ramaffée  ;  YoreilL  grande  ,  velue  ,  &c  unie  ; 
la  corne  forte ,  luifante ,  &  de  moyenne  longueur  ; 
le  mufle  gros  &C  camus;  les  nafeaux  ouverts  ;  la  dent 
blanche ,  longue  tk.  égale  ;  la  lèvre  noire  ;  le  cou  gros 
&  charnu  ;  les  épaules  larges,  groffes,  fermes  cv  char- 
nues ;  \a.  poitrine  large  ;  le  fanon  long  &  pendant  ;  les 
reins  larges  &  forts  ;  les  côtés  étendus  ;  le  ventre  large 
&  tombant;  les  flancs  proportionnés  à  la  groffeur 
du  ventre  ;  la  hanche  longue  ;  la  croupe  large  &  ron- 
de; la  j ambe  forte  &  nerveufe  ;  la  cuijfe  de  même  ; 
le  dos  droit  &  plein  ;  la  queue  longue,  pendante  ,  & 
garnie  de  poils  déliés  &  touffus  ;  le  pié  ferme  ;  le  cuir 
fort  &  doux  ;  le  poil  luifant  cv  épais  ;  les  mufcles  éle- 
vés ;  V ongle  court  ôc  large  ;  le  corps  entier  ,  membru  , 
large  &  ramaffé  ;  jeune ,  fort ,  docile,  prompt  â  l'ai- 
guillon ,  obéiffant  à  la  voix  ,  &  facile  à  manier. 

Poil  du  bœuf.  Le  bœuf  ious  poil  noir  trompe  rare- 
ment ;  le  meilleur  eft  tous  poil  rouge  :  il  eft  tardif 
fous  poil  blanc  :  méfiez-veus  du  moucheté  :  1 
time  pas  le  gris;  le  brun  dure  peu. 

Age  du  bœuf.  Le  bœuf  ne  peut  commencer  à  icrvir 
qu'à  trois  ans  ;  paffé'dix ,  il  faut  l'engraiffer  pour  la 
boucherie  :  il  vit  jufqu'à  quatorze  ans.  On  connoît 
fon  âge  à  la  dent  &  à  la  corne.  A  dix  mois  il  jette  les 
premières  dents  de  devant  ;  elies  font  luivics  d'autres 
plus  larges  &  moins  blanches  :  à  feize  mois  les  dents 
de  lait  des  côtés  tombent  à  leur  tour,  &  font  auffi 

O  o  ij 


%<)1 


B  (E  U 


remplacées  par  d'autres  moins  blanches  &  plus  for- 
tes :  à  trois  ans  toutes  les  dents  ont  mué  ;  elles  font 
égales ,  blanchâtres  &  longues  ;  &  à  mefure  que  le 
bœuf  vieillit ,  elles  s'ufent ,  le  noirciflent ,  &  devien- 
nent inégales  &  noires.  Si  l'on  confulte  les  cornes 
fur  l'â^e  ,  on  comptera  pour  trois  ans  les  annelets 
qui  régnent  depuis  le  bout  des  cornes  jufqu'au  pre- 
mier nœud  en  defeendant  :  pane  trois  ans  ,  le  bœuf 
perd  ce  qui  lui  eft  venu  de  cornes  ,  &  il  lui  en  croît 
une  nouvelle  ,  nette  ,  petite  ,  urilé  ,  à  laquelle  il  fe 
forme  chaque  année  un  nœud  lemblable  à  un  an- 
neau relevé  en  bofles;  &  pour  juger  de  fon  âge  au- 
delà  de  trois  ans  ,  on  compte  le  nombre  de  ces 
nœuds. 

On  a  remarqué  que  ceux  qui  mangent  lentement , 
&  qui  ont  été  élevés  fur  les  montagnes ,  font  de  meil- 
leur fervice.  Si  on  les  prend  au  loin ,  ils  feront  fujets 
à  tomber  malades  ;  &  l'on  rie  les  accoutumera  au  cli- 
mat qu'en  les  ménageant  beaucoup  la  première  an- 
née ,  furtouî  dans  Tes  chaleurs ,  &  qu'en  leur  don- 
nant de  bon  foin.  On  recommande  au  laboureur  de 
ne  point  prêter  les  bœufs ,  &  de  ne  les  point  excéder 
de  travail. 

Manière  de  dompter  les  bœufs.  Pour  les  accoutumer 
au  joug  ,  il  faut  d'abord  les  careffer  de  la  main  qu'on 
leur  parle  fur  tout  le  corps  ,  leur  donner  un  peu  de 
fel  dans  du  vin ,  &  les  apprivoifer  ;  puis  on  leur  lie 
les  cornes  ;  quelques  jours  après  leur  mettre  le  joug  ; 
une  aiUre  fois  leur  faire  traîner  des  roues  ;  &  finir 
par  la  charrue. 

On  les  accouple  dans  le  commencement  avec  un 
bœuf  tout  formé  ;  on  ne  les  aiguillonne  point  :  fi  mal- 
gré les  ménagemens  dont  on  ufe  on  les  trouve  fou- 
gueux ,  on  les  attelé  entre  deux  bœufs  faits  &  vigou- 
reux ;  ce  travail  les  foùmet  en  moins  de  trois  ou  qua- 
tre jours. 

On  les  difpofe  encore  au  joug  en  les  accouplant  à 
la  mangeoire  entre  des  bœufs  formés  ,  &  les  menant 
ainli  accouplés  aux  champs  ;  leur  montrant  d'autres 
bœufs  au  travail,  &£  les  faifant  au  bruit  en  les  condui- 
fant  dans  des  endroits  où  il  y  a  beaucoup  de  monde. 
Il  ne  faut  pas  laifîer  pafTer  trois  ans  fans  les  domp- 
ter :  quand  ils  font  accoutumés  au  joug ,  on  y  joint  le 
timon,  dont  on  laine  traîner  la  chaîne  afin  que  le 
fon  ne  les  épouvante  pas  :  au  bout  de  trois  ou  quatre 
jours  on  attache  une  pièce  de  bois  à  la  chaîne ,  &  on 
les  attelé  devant  deux  bœufs  formés  ;  on  leur  allège 
la  peine  par  les  careffes ,  le  peu  de  travail ,  &  la  bon- 
ne nourriture  ;  on  ne  leur  laifle  pas  manquer  de  li- 
tière ;  on  a  foin  au  retour  de  l'exercice  de  les  frotter 
&  de  les  couvrir  ;  on  les  fortifie  quand  ils  ont  trop 
chaud ,  par  de  l'avoine  ou  du  ion. 

Quand  on  accouple  un  bœuf,  il  faut  lui  donner 
fon  égal  en  force  &  en  taille  ,  fans  quoi  le  plus  fort 
portera  toute  la  fatigue ,  &  périra  en  peu  de  tems. 

Défauts  des  bœufs.  Le  bœuf  eu  fujet  à  des  défauts  ; 
il  faut  s'appliquer  à  les  connoître  &  à  les  corriger  : 
les  jeûnes  &  les  careffes  valent  mieux  que  les  coups 
&  l'aiguillon;  cependant  s'il  eft  rétif ,  on  lui  battra 
les  feffes  avec  un  bâton  thé  chaud  hors  du  feu  ;  s'il 
eft  ombrageux ,  on  lui  fera  fouvent  du  bruit ,  &  l'on 
continuera  jufqu'à  ce  qu'il  ne  s'épouvante  plus  ;  s'il 
eft  violent ,  ce  qui  ne  vient  guère  que  de  repos  Se 
d'embonpoint ,  on  le  liera  par  les  quatre  jambes  ,  on 
le  terraffera ,  &  on  lui  épargnera  la  nourriture  ;  fi  on 
l'aime  mieux  ,  on  le  fatiguera  de  travail  &  de  coups 
d'aiguillon.  Les  anciens  mettoient  du  foin  à  la  corne 
des  bœufs  quil'avoient  dangereufe.  S'il  eft  pareiléux, 
il  faut  ufer  de  l'aiguillon. 

Nourriture  du  bœuf  Le  bœuf  ne  mange  jamais  trop  ; 
quand  il  a  pris  fon  repas ,  il  fe  couche  &  rumine.  On 
le  nourrit  en  hyver  de  paille  &  de  foin  ;  quand  il 
travail  il  lui  faut  de  bon  foin  :  fon  repas  dure  ordi- 
nairement une  heure.  Avant  que  de  l'atteler,  il  faut 


BIU 

lui  donner  du  fon  fec  ou  de  l'avoine.  En  été  on  lui 
jette  de  l'herbe  fraîche ,  des  bourgeons  de  vigne , 
des  feuilles  d'orme,  de  Irène  ,  d'érable,  de  chêne, 
de  faule  ,  &  de  peuplier. 

La  vefee  verte  ou  feche  lui  eft  bonne,  ainfi  que 
le  fainfoin  ,  la  luferne ,  la  paille  d'orge  ,  &c.  celle  d'é- 
pautre  ne  lui  convient  guère  qu'en  litière. 

Il  y  en  a  qui  nourriffent  le  bœuf  avec  le  lupin  trem- 
pé dans  l'eau ,  les  pois  chiches  ,  la  rave ,  le  navet ,  le 
jonc  marin ,  l'écoiTe  de  pois ,  l'orge  bouilli ,  &c. 

Il  ne  faut  le  mettre  au  pâturage  qu'à  la  mi-Mai , 
&  aux  fourrages  en  Octobre  :  mais  obfervez  de  ne 
le  faire  paffer  du  verd  au  i'ec ,  &  du  fec  au  verd ,  que 
peu  à  peu.  Le  bœuf  ne  mange  pas  autant  qu'on  le 
croiroit  fur  fa  grofieur. 

Soin  du  bœuf.  Dans  les  tems  de  labour-,  fi  l'on  a 
deux  paires  de  bœufs ,  l'une  travaillera  depuis  le  ma- 
tin jufqu'à  onze  heures ,  l'autre  depuis  midi  jufqu'au 
foir.  Il  faut  extrêmement  ménager  les  jeunes  bœufs. 
On  aura  foin  au  retour  du  travail  de  frotter  les 
bœufs  avec  des  bouchons  ,  fur-tout  s'ils  font  en  lueur  ; 
de  les  étriller  le  matin  avant  que  de  les  mettre  au 
joug  ;  de  rembourer  de  paille  ce  qui  peut  les  incom- 
moder ;  de  leur  laver  fouvent  la  queue  avec  de  l'eau 
tiède  ;  de  les  mener  rarement  aux  champs  &  au  la- 
bour dans  les  grandes  chaleurs,  les  froids  &  les  pluies; 
de  leur  rafraîchir  la  bouche  en  été  avec  du  vinaigre 
ou  du  vin  imprégné  d'un  peu  de  fel  ;  de  ne  les  atta- 
cher dans  l'étable  que  quand  leur  lueur  fera  paffée  ; 
de  leur  laver  les  pies  au  retour  des  champs  ;  de  leur 
donner  à  manger  aux  heures  réglées  ;  de  les  faire 
boire  deux  fois  le  jour  en  été  ,  &  une  fois  en  hyver  ; 
enfin  de  prévenir  leurs  maladies  &  de  panier  leurs 
maux.  Quant  à  l'étable  ,  voye^  Etable. 

S'il  y  a  plufieurs  jours  de  fête  de  fuite  ,  il  faudra 
leur  graifier  la  corne  &  le  delfous  du  paturon  avec 
du  furpoint ,  ou  leur  appliquer  fur  un  morceau  de  lin- 
ge un  oignon  bien  cuit  dans  la  braife  ;  les  tenir  en 
tout  tems  un  peu  éloignés  les  uns  des  autres  ;  veil- 
ler à  ce  que  l'étable  foit  propre ,  pour  les  garantir  de 
vermine  ;  &  leur  donner  toujours  de  la  belle  eau 
claire. 

Au  refte  tout  ce  qui  précède  n'eft  que  pour  le  bœuf 
de  charrue  ou  de  hamois;  celui  qui  ne  travaille  pas  ne 
demande  pas  tant  de  foin  ;  il  fuffit  de  l'envoyer  aux 
champs  en  été ,  &  de  lui  donner  du  fourrage  en  hy- 
ver ,  à  moins  qu'il  ne  faille  l'engrailîer. 

Engrais  du  bœuf.  L'engrais  des  bœufs  fe  fait  de  la 
manière  fuivante.  On  ne  fe  détermine  guère  aies  en- 
graifler  que  quand  ils  font  hors  de  fervice  :  c'eft  or- 
dinairement à  l'âge  de  dix  ans  ;  alors  on  ne  leur  fait 
faire  ni  voitures  ni  labour.  Si  c'eft  en  été  qu'on  en 
veut  faire  l'engrais  ,  on  s'y  prend  fur  la  fin  de  Mai  : 
auffi-tôt  que  le  jour  paroît  on  les  mené  paître  ;  on 
les  laiffe  au  pâturage  jufqu'au  grand  jour  ,  alors  on 
les  ramené  repolèr  dans  l'étable  ;  quand  la  chaleur 
eft  paftee ,  on  les  reconduit  aux  champs  jufqu'à  la 
nuit ,  on  leur  diftribue  des  herbages  ,  &  on  les  par- 
que par  cantons  :  s'ils  manquent  d'appétit ,  on  les  fe- 
ra boire  trois  ou  quatre  fois  par  jour,  on  leur  lavera 
de  tems  en  rems  ia  langue  avec  du  fel  &  du  vinaigre, 
&  on  leur  jettera  dans  la  gorge  une  petite  poignée 
de  fel. 

Pendant  les  huit  premiers  jours  de  l'engrais  ,  en 
é'té  on  fait  tiédir  au  foleil ,  en  hyver  fur  le  feu  ,  de 
l'eau  où  l'on  met  de  la  farine  d'orge  ;  on  laifle  repo- 
fer  ce  mélange  jufqu'à  ce  que  le  gros  foit  précipité  , 
après  quoi  il  refte  une  eau  blanche  qu'on  fait  boire 
aux  bœufs  pendant  huit  ou  dix  jours  ;  quant  au  gros 
ou  fédiment ,  on  le  réferve  pour  le  retour  du  pâtu- 
rage. 

Le  foir  on  leur  donne  une  bonne  litière ,  &  on 
jette  devant  eux  une  botte  d'herbe  fraîche;  on  con- 


B  (S  U 


B  (5  U 


tirme  ces  foins  pendant  quatre  mois:  voilà  l'engrais 
d'été. 

En  hyver  on  n'engraifle  guère  que  clans  les  pays 
fans  pâturage.  On  commence  l'engrais  par  l'eau  blan- 
chie ,  qu'on  donne  aux  baufs  foir  &  matin  pendant 
huit  jours  ;  on  les  tient  chaudement  dans  l'étable  ; 
on  leur  fait  ample  litière;  on  leur  donne  lans  épargne 
du  foin  &  des  herbes  feches  ;  le  foir  leur  repas  efl 
de  pelottes  de  farine  de  feigle  ,  d'orge  ,  d'avoine  , 
-mêlées  ou  féparées  ,  pétries  avec  de  l'eau  tiède  & 
un  peu  de  fel  ;  on  fupprirne  la  paiile  à  laquelle  on 
iubilxtue  foir  &  matin  un  picotin  &  demi  de  fon  fée, 
&  à  midi  une  écueilée  de  feigle  ;  c'eft  le  moyen  d'a- 
voir des  bœufs  gras  en  trois  mois  :  dans  le  tems  des 
raves ,  on  leur  en  hache  de  crues  dans  leur  auge  ; 
quelques-uns  ne  négligent  pas  le  marc  de  railin  cuit 
dans  l'eau  avec  le  ion  ;  les  lupins  en  farine ,  ou  en 
pâte  ,  entiers  ;  l'avoine  en  grain ,  la  luferne  &  le 
gland.  Il  y  en  a  qui  commencentrengrais  par  une  on- 
ce de  poudre  d'antimoine ,  dans  une  mefure  d'avoi- 
ne ou  de  ion.  Pour  les  empêcher  de  fe  lécher  (  car 
on  prétend  que  cela  leur  nuit  )  ,  on  leur  frotte  avec 
leur  fiente  tous  les  endroits  du  corps  où  ils  peuvent 
atteindre. 

Il  y  a  encore  d'autres  manières  d'engraifTer  les 
baufs  :  mais  voilà  la  plus  ordinaire. 

Maladies  des  bœufs.  Elles  viennent  prefque  toutes 
d'excès  de  travail.  Les  principales  font  le  dégoût,  la  lan- 
gueur, le  mal  de  cœur  ,  la  colique  6c  les  tranchées ,  Y  en- 
flure, le  flux  de  ventre  ,  1' 'avant-cœur ,  la  parejfe  de  ven- 
tre ,  Yindigeflion  ,  le  pijfement  de  fang  ,  les  barbillons  , 
Y  enflure  du  palet ,  la  flevre  ,  Y  enflure  du  cou  ,  les  écor- 
chures  ,  les  duretés  au  chignon  ,  la  maigreur  ,  Yentorjé  , 
Yenclo'ùure,  les  étranguillons  ,  la  galle;  6t  une  infinité 
d'autres  dont  on  trouvera  les  principales  à  leurs  ar- 
ticles. 

Bœuf,  (aliment.  )  On  employé  prefque  toutes  les 
parties  du  bœuf  en  nourriture  :  on  mange  le  bœuf 
bouilli  ,  rôti,  en  ragoût,  &  fumé. 

Le  bœuf  fumé  le  prépare  de  la  manière  fuivante. 
On  commence  par  le  dépecer  en  gros  morceau*  qu'on 
fai'.poudre  de  fel  blanc  ;  on  le  laifte  dans  le  fel  pen- 
dant deux  ou  trois  jours  ,  puis  on  le  met  en  prefîe 
entre  deux  planches  ;  on  le  fufpend  enluite  dans  une 
née,  aflez  éloigné  de  la  flamme  pour  que  la 
graille  n'en  foit  pas  fondue  ,  ôcTon  fait  deflbus  un 
feu  qui  donne  beaucoup  de  fumée  :  pour  cet  effet  on 
préfère  le  bois  verd  de  genévrier ,  qui  donne  au  bœuf 
fumé  un  goût  aromatique.  Le  meilleur  fe  fait  à 
bourg  ce  dans  le  duché  de  Gucldres.  Quand  il  cil  fu- 
mé ,  on  le  coupe  en  tranches  fort  minces,  ce  on  le 
mange  crud  ou  cuit  fur  des  beurrées. 

Le  bœuf  à  la  mode  fe  fait  avec  des  rouelles  de  bœuf, 
qu'on  bat ,  qu'on  larde  ,  qu'on  paffe  au  roux  ,  & 
qu'on  met  enfuite  entre  deux  terrines  fur  un  feu  mo- 
déré ,  avec  du  fel ,  du  poivre  ,  du  laurier  ,  un  verre 
devin  blanc  ,  èV  deux  verres  d'eau. 

Il  y  a  une  infinité  d'autres  manières  de  préparer 
le  bœuf  en  aliment. 

Bcsur,  remède j  la  chair  du  bœufeÙ.  un  très-bon  ali- 
ment ,  fur-tout  poiir  ceux  qui  tra\  aillent  beaucoup , 
parce  que  le  fuc  que  l'on  en  tire  efl  très-propre  à  ré- 
parer la  déperdition  de  lûbftance  qu'occafionne  le 
violent  exercice  ;  ce  dont  on  pourra  s'aflurer  par  la 
quantité  d'extrait  qu'il  a  fourni  à  M.  Geothoi  le  jeu- 
ne, &  dont  il  a  rendu  compte  à  l'Académie  des  Scien- 
ces, dans  un  mémoire  qu'il  a  lu  en  1730. 

On  attribue  ,  avec  raifon ,  au  bœuffalè  6c  aux  ali- 
mens  de  cette  efpe'ce,  le  feorbut  auquel  font  lujcts 
les  marins  lorfqu'ils  font  des  voyages  de  long  cours. 
Voyc^  Scorbut. 

L'ulàgc  ordinaire  de  la  chair  du  bœuf  efl  de  le  faire 
bouillir  dans  une  fuffifante  quantité  d'eau  ,  avec  un 
peu  de  fel  marin,  6c  de  l'écumer  afin  d'en  ôter  ccr- 


293 


taines  parties  qui  pounoient  être  nuifibles  ;  on  en  tire 
par  ce  moyen  un  fuc  que  l'on  appelle  bouillon ,  &  qui 
eil  le  feul  aliment  qu'on  accorde  pour  l'ordinaire  aux 
malades.^  On  a  encore  foin  de  le  proportionner  à  leurs 
forces ,  &  à  la  néceiîité  qu'ils  ont  de  prendre  plus  ou 
moins  de  nourriture ,  c'eft-à-dire ,  qu'on  le  mêle  dans 
certains  cas  avec  une  plus  grande  quantité  d'eau  ;  on 
joint  au  bœuf  le  veau  6c  la  volaille ,  enfin  on  y  joint 
aufli  des  plantes  appropriées  à  leurs  maladies. 

L'odeur  de  la  peau  du  bœuf  brùlee  efl  recomman- 
dée dans  la  paflion  hyflérique  :  le  poil  a  le  même  effet. 
Le  Juif  en  efl  bon ,  lorfqu'il  efl  queftion  d'amollir.  La 
graifle  fondue  avec  le  fabot  efl  plus  pénétrante  & 
plus  émolliente  ,  parce  que  ces  parties  font  plus  dé- 
liées. La  moelle  efl  un  excellent  anodyn  &  calmant 
dans  les  douleurs  de  goutte  &  de  rhûmatifme.  Les  os 
calcinés  arrêtent  les  dévoiemens,  tuent  les  ver',,  fur- 
tout  s'il  y  a  trop  d'acide  &  d'humide  dans  le  corps , 
&  qu'il  foitbefoin  d'employer  des  defliccatifs  &des 
ablorbans.  La  rapure  de  la  corne  efl  bonne  ,  félon 
quelques-uns,  dans  l'épilepiie  ;  le  fabot  a  la  même 
propriété.  Le  membre  génital  ou  le  nerf  du  bœufpul- 
vénié  ou  pris  en  décoéfion,  parle  pour  exciter  dans 
les  hommes  le  defir  du  cou,  6c  dans  les  femmes  l'a- 
verflon  de  cet  ade.  Le  bézoard  de  la  véficule  du  bœuf 
efl  alexipharmaque  &  anti-épileptique.  Le  bulithe  ou 
boule  qu'on  trouve  dans  les  inteflins  &  l'eftomac  du 
bœuf,  efl  compofé  de  poils  que  cet  animal  détache 
de  fon  corps  en  fe  léchant ,  qu'ii  avale,  &  qui  fe  ra- 
mafiam  peu  à  peu-  forment  une  boule  qtii  efl  de  la 
couleur  du  poil  de  l'animal  ;  cette  boule  efl  quelque- 
fois enduite  d'une  croûte  luifante  :  des  médecins  l'or- 
donnent à  la  dofe  d'un  demi-gros  en  poudre  en  qua- 
lité d'aflringent.  Le  fiel  a  les  mêmes  Vertus  que  la 
bile  en  général,  c'eft-à-dire  qu'il  efl:  déterfif,  favo- 
neux ,  réfolutif ,  &  fondant.  La  fiente  efl  difeuffive  ; 
on  l'employé  récente  en  cataplafme  comme  un  ano- 
dyn propre  à  calmer  les  inflammations  &  la  goutte  : 
on  l'applique  fur  le  bas-ventre  avec  les  vers  de  terre 
pour  difliperles  vents,  les  douleurs  6c  duretés  du  bas- 
ventre.  Elle  doit  fon  énergie  à  l'extrait  des  plantes 
dont  l'animal  fe  nourrit  :  on  la  recommande  dans  la 
rétention  d'urine,  appliquée  vu:-  le  périnée  éc  fur  les 
os  pubis.  Le  fuc  exprimé  efl  employé  par  le  petit 
peuple  dans  la  colique  ;  Etmuller  prétend  que  ce  re- 
mède efl  bon  dans  ce  cas  &;  dans  la  pleurélie.  Le  ^i- 
betum  occidentale  fe  tire  de  cette  fiente  par  la  fubli- 
mation.  foyes^  Zibetum.  Quelques-uns  font  grand 
cas  de  la  fiente  de  bœuf  dans  la  gangrené  :  mais  Keif- 
ter  confeillc  de  la  laifl'er  à  ceux  qui  ne  peuvent  pas 
employer  de  meilleurs  remèdes  ,  &  perde  qu'il  efl 
aufli  foible  que  fordide.  Le  fang  du  bœufd  les  mêmes 
vertus  que  le  lang  des  autres  animaux  ;  en  confé- 
quence  de  fa  chaleur  naturelle  6c  de  ia  qualité  lavo- 
neufe  ,  il  efl  fondant  &  apéritif,  il  refont  &:  deterge. 
Toutes  ces  parties  du  bœuf  ont  la  vertu  des  alkalis 
volatils  tirés  du  règne  animal ,  6c  n'ont  d'efficacité 
qu'à  raifon  de  cette  volatilité;  la  différence  efl  que 
ceux  du  bœuf  ont  plus  d'énergie,  parce  que  les  fels  ec 
les  huiles  font  plus  exaltés  par  l'exercice  6c  l'aclion 
continuels  de  ces  animaux,  de  même  que  par  I 
des  différentes  herbes  dont  ils  le  rtouixiffent.  (A) 

Entre  beaucoup  de  fortes  de  marchandées  qu'on 
tire  du  bœuf,  la  peau  efl  très-utile  pour  le  commerce. 
Les  peaux  de  bœuf  te  vendent  en  poil ,  vertes ,  ou  ta- 
lées, ou  feches ,  &  lans  poil  lorfqu'elles  ont  été  pré- 
parées par  les  tanneurs  ou  par  les  hongrieurs,  qui  en 
font  du  cuir  fort  &  du  cuir  de  Hongrie ,  qui  s  "employé 
enfuite  à  dirferens  ulàgcs.  Vùy.  CuiR  &  Tannerie. 
Les  rognures  de  fa  peau  fervent  à  faire  de  la  col- 
le-forte. Vby^  Colle. 

Le  poil  de  leur  queue,  après  avoir  été  côl 
bouilli ,  fournit  une  partie  du  crin  que  las  tap 
&:  autres  artifans  employent.  Le  poil  du  refte  de  la 


2  94 


O  G 


peau  fert  à  faire  la  bourre ,  dont  on  garnit  les  felies 
des  chevaux ,  les  bâts  de  mulet,  &c.  La  pellicule  qui 
s'enlève  de  la  furface  de  les  boyaux ,  fert  aux  bat- 
teurs d'or.  Voyi{.  Baudruche  &  Batteur  d'or. 

Bœuf  marin,  f'qyei  Veau  marin. 

B<euf  de  Dieu,  oifeau.  Voye?^  Roitelet.  (/) 

Bœuf  ;  éparvin  de  bœuf.  {Maréchal.}  V.  Eparvin. 

Bœuf  rôti  ;  {Hifl.  anc.)  cérémonie  en  ufage  chez 
les  Scvthes  :  voici  ce  qu'en  dit  Lucien  au  dialogue  in- 
titulé Toxaris  ou  de  l'amitié?  lorsqu'un  des  anciens 
Scythes  avoit  reçu  quelqu'injure ,  6c  qu'il  étoit  trop 
foible  par  lui-même  pour  en  tirer  vengeance ,  il  fai- 
foit  rôtir  un  bœuf,  le  coupoit  par  pièces ,  &  les  mains 
liées  derrière  le  dos  comme  un  priibnnier ,  il  s'af- 
feyoit  fur  la  peau  au  milieu  de  tout  cet  amas  de  vian- 
de ;  ceux  qui  pafToient  auprès  de  lui  &  qui  vouloient 
le  fecourir,en  prenoient  un  morceau  &  s'engagçoient 
à  lui  amener,  l'un  cinq  cavaliers,  l'autre  dix,  cha- 
cun félon  l'on  pouvoir,  &  ceux  qui  ne  pouvoient  dif- 
pofer  que  d'eux-mêmes,  promettoient  de  venir  en 
perlbnne.  Par  ce  moyen  ils  aifembloient  des  troupes 
plus  confidérables  encore  par  la  valeur  que  par  le 
nombre  ;  l'amitié  étoit  intéreffée  dans  leur  vengean- 
ce ,  &  la  religion  du  ferment  la  rendoit  terrible.  {G  ) 

*  Bœuf  (œil  de) ,  Architecture ,  fenêtre  ronde  qui 
fe  pratique  dans  les  grands  bâtimens  au-defTus  du  der- 
nier entablement ,  &  dans  les  grands  &  petits  bâti- 
mens aux  toits ,  pour  éclairer  les  greniers. 

*  Bœuf,  f.  m.  c'eft  ainfi  qu'on  appelle  dans  les  Sa- 
lines ,  l'ouvrier  qui  décharge  le  bois  des  charrettes, 
le  jette  fous  la  poelle ,  &  fait  les  autres  menus  fervi- 
ces  de  cette  nature. 

*  BOG ,  {Géog.)  rivière  de  Pologne ,  qui  va  fe  jet- . 
ter  dans  le  Nieper  à  Oczakoxr. 

■  *  BOGARMILE,  f.  m.  &  f.  {Hifl.  eccléf.y&  le 
nom  qu'on  donnoit  autrefois  à  une  fedfe  d'hérétiques, 
qui  fe  firent  connoître  àConftantinople  fous  l'empire 
d'Alexis  Comnene  :  leur  chef  étoit  un  nommé  Bajilc; 
il  renouvella  les  erreurs  des  Antropomorphites ,  des 
Audiens ,  &  d'autres ,  qui  avoient  attribué  à  Dieu  une 
forme  corporelle.  Bafile  fut  condamné  à  être  brûlé  , 
Hc  fa  fe&e  n'eut  que  très-peu  ou  point  de  fuite.  Foy. 
BOGOMILES    OU  BONGOMILES. 

*  BOGDOI,  f.  m.  pi.  (Géog.')  peuples  de  la  gran- 
de Tartarie.  Les  Chinois  les  appellent  Tartans  orien- 
taux ,  &  les  Monguls  leur  donnent  le  nom  de  Niouchi 
ou  Nuchi.  Ils  ont  les  Monguls  au  couchant ,  la  Chine 
au  midi ,  èc  l'Océan  oriental  au  levant.  On  fait  ha- 
biter le  pays  par  les  Tartares  Dieuchari  ou  Diourf- 
chi ,  par  qui  la  Chine  a  été  conquife  &  qui  y  régnent. 

.  Ce  font  apparemment  les  mêmes  que  Witfen  appel- 
le Coejari. 

BOGESUND ,  {Géog.)  petite  ville  de  la  province 
«le  Weft-Gothie  en  Suéde. 

BOGLIASCO,  {Géog.)  petite  ville  fur  le  golfe  de 
Gènes. 

BOGNA ,  {Géog.)  rivière  du  Milanois,  dans  un 
petit  pays  appelle  F  al  Bognafca. 

BOGOMILES  ou  BONGOMILES ,  fubft.  m.  pi. 
{Hif.eccléf.)  fecfe  d'hérétiques  fortis  des  Manichéens, 
ou  félon  d'autres  des  Maffiliens  ,  mais  qui  ne  s'élevè- 
rent que  dans  le  xm.  fiecle ,  &  dont  le  chef  nommé 
Bafîh  fut  brûlé  vif,  par  ordre  de  l'empereur  Alexis 
Comnene. 

Ducange  prétend  que  leur  nom  eft  dérivé  de  deux 
mots  de  la  langue  Bulgare  ,  favoir,  Bog,  Deus ,  Se 
milvi ,  miferere,  enlorte  que  ce  nom  lignifie  à  la  lettre 
celui  qui  implore  la  mifericorde  de  Dieu. 

Sous  ce  titre  impolant,  les  Bogomïks  enfeignoient 
une  doû rine  très-impie.  Ils  afluroient  que  Dieu  avoit 
une  forme  humaine  ,  &  que  l'archange  faim  Miche! 
s'étoit  incarné.  Ils  nioient  la  réfurredion  ,  &  n'en 
admettoient  d'autre  que  la  réfurreefion  lpiiituelle 
par  la  pénitence.  Ils  rejettoieat  aufli  le  myftere  de 


BOG 

Peuchariftie ,  les  livres  de  Moyfe ,  &  ne  recevoient 
comme  canoniques  que  fept  livres  de  l'Écriture.  Se- 
lon eux  la  mefle  étoit  un  facrifice  de  démons.  L'o- 
raifon  Dominicale ,  qui  étoit  leur  feule  prière ,  étoit 
aufli  la  feule  euchariftie.  Ils  croyoient  concevoir  le 
Verbe  &  l'enfanter  comme  la  Vierge  ;  ils  méprifoient 
les  croix  &  les  images ,  &C  afluroient  que  le  baptême 
des  Catholiques  étoit  le  baptême  de  faint  Jean  ,  & 
qu'eux  feuls  adminiftroient  celui  de  Jefus-Chrift.  On 
leur  attribue  aufli  des  erreurs  capitales  fur  la  Tri- 
nité. Baronius,  ad  ann.  1118  .Sander.  heref  lj8. 
(G) 

BOGUE ,  BOOPS ,  BOX  ,  f.  f ,  (  Hifl.  nat.  Ich- 
thyolog.  )  poiflbn  de  mer  qui  vit  près  des  rivages  :  il 
eft  de  la  longueur  d'un  pié  ;  il  a  le  corps  renflé ,  la 
tête  courte  &  petite  ,  &  les  yeux  fi  grands  qu'ils  oc- 
cupent prefque  toute  la  tête.  La  bogue  a  différentes 
couleurs ,  &  des  traits  qui  s'étendent  depuis  la  tête 
jufqu'à  la  queue  :  les  uns  femblent  être  dorés  &  les 
autres  argentés  ;  mais  ils  font  tous  peu  apparens  ;  on 
n'en  voit  aucun  fur  le  ventre ,  qV.i  eft  de  couleur  d'ar- 
gent. Ce  poiflbn  a  comme  la  dorade ,  deux  nageoi- 
res auprès  des  ouies  &  deux  au-deflus  ;  une  autre  qui 
s'étend  depuis  l'anus  prefque  jufqu'à  la  queue ,  &C  une 
autre  fur  le  dos,  qui  va  prefque  d'un  bout  à  l'autre. 
La  queue  femble  être  compofée  de  deux  nageoires 
triangulaires.  Rondelet.  "SVillughby  dit  ,  qu'il  n'a 
jamais  vu  de  bogues  qui  euflent  un  pié  de  longueur; 
que  la  chair  de  ce  poiflbn  eft  de  bon  goût ,  &  qu'elle 
ne  fait  jamais  de  mal  de  quelque  façon  qu'on  la  pré- 
pare. On  a  de  ces  poiffbns  à  Gènes ,  à  Livourne  , 
à  Naples ,  à  Mefline  ,  &c  Foyeir  Dorade. 

Bogue-ravel,  poiflbn  qui  reffemble  beaucoup 
au  précédent ,  &  qui  a  cependant  le  bec  plus  poin- 
tu &  le  corps  plus  large  &  plus  court  ;  on  croit  qu'il 
a  été  nommé  bogue-ravel ,  parce  qu'on  le  vend  or- 
dinairement avec  tous  les  petits  poiffons  que  l'on  ap- 
pelle ravaille,  à  Montoellier.  Rondelet.  F.  POISSON. 

(O 

*  BOHADE ,  f.  f.  (  Hifl.  mod.  )  c'eft  un  droit  de 
corvée  qui  appartient  aux  feigneurs  dans  quelques 
provinces  ;  leurs  vaffaux  font  en  vertu  de  ce  droit , 
obligés  de  leur  fournir  deux  bœufs  ou  une  charrette, 
pour  aller  pour  eux  au  vin  ,  ou  en  leurs  vignobles, 
dans  le  tems  de  la  vendange. 

BOHEME ,  (  Géog.  )  royaume  de  l'Europe;  il  eft 
borné  à  l'occident  par  la  Franconie  ôc  le  haut  Pa- 
latinat ,  à  l'orient  par  la  Moravie  &  la  Siléfie  ,  au 
nord  par  la  Luface  &  la  Mifnie ,  &  au  nid  par  l'Au- 
triche &  la  Bavière  ;  ce  royaume  eft  divifé  en  1 4  cer- 
cles ou  diftricls ,  &  Prague  en  eft  la  capitale.  Le  ter- 
rein  eft  fertile  &  rempli  de  montagnes  &  de  mines 
très-abondantes  ;  il  s'y  trouve  aufli  des  pierres  pré- 
cieufes  de  plufieurs  efpeces  :  il  y  a  grand  nombre  de 
verreries ,  dont  les  ouvrages  s'envoyent  par  toute 
l'Europe.  Le  roi  de  Bohême  eft  le  premier  des  élec- 
teurs féculiers ,  &  a  le  titre  de  grand  maître  d'hôtel 
{Archi-pincerna  )  de  l'Empire,  dont  il  eft  feudataire. 
Ce  royaume  appartient  à  la  maifon  d'Autriche.  Les 
Bohémiens  font  fort  induftrieux ,  leur  langue  eft  uns 
dialecfe  de  l'Efclavon. 

*  BOHEMIENS ,  f.  m.  pi.  (  Hifl.  mod.  )  c'eft  ainfi 
qu'on  appelle  des  vagabonds  qui  font  profefïïon  de 
dire  la  bonne  aventure  ,  à  l'infpection  des  mains.  Leur 
talent  eft  de  chanter ,  danfer  ,  &  voler.  Pafquier  en 
fait  remonter  l'origine  jufqu'en  1427.  Il  raconte  que 
douze pénanciers  ou  pénitens ,  qui  fe  qualifioicnt  chré- 
tiens de  la  baffe  Egypte ,  chaffés  par  les  Sarrafns 
s'en  vinrent  à  Rome  ,  &  fe  confefferent  au  pape  ,  qui 
leur  enjoignit  pour  pénitence  d'errer  fept  ans  par  le 
monde  ,  fans  coucher  fur  aucun  lit.  Il  y  avoit  en- 
tr'eux  un  comte ,  un  duc ,  &  dix  hommes  de  cheval  ; 
leur  fuite  étoit  de  cent  vingt  perfonnes  :  arrivés  à 


B  O  H 

Paris ,  on  les  logea  à  la  Chapelle ,  où  on  les  alloit  voir 
en  foule.  Ils  avoient  aux  oreilles  des  boucles  d'ar- 
gent ,  &C  les  cheveux  noirs  &  crêpés  ;  leurs  femmes 
ctoient  laides ,  voleules ,  &  diieules  de  bonne  aven- 
ture :  l'évêque  de  Paris  les  contraignit  de  s'éloigner , 
&  excommunia  ceux  qui  les  avoient  confultés  ;  de- 
puis ce  tems  le  royaume  a  été  infedé  de  vagabonds 
de  la  même  elpece  ,  auxquels  les  états  d'Orléans  te- 
nus en  1560,  ordonnèrent  de  fe  retirer  ious  peine 
des  galères.  Les  Bifcaycns  &  autres  habitans  de  la 
même  contrée  ont  fuccédé  aux  premiers  bohémiens , 
&  on  leur  en  a  coniervé  le  nom.  Ils  le  mêlent  aufïi 
de  voler  le  peuple  ignorant  &:  fuperftitieux  ,  &  de 
lui  dire  la  bonne  aventure.  On  en  voit  moins  à  pré- 
lent qu'on  n'en  voyoit  il  y  a  30  ans  ,  foit  que  la  po- 
lice les  ait  éclaircis  ,  foit  que  le  peuple  devenu  ou 
moins  crédule  ou  plus  pauvre  ,  8c  par  conléquent 
moins  facile  à  tromper,  le  métier  de  bohémien  ne  foit 
plus  aufîi  bon. 

*  BOHITIS ,  f.  m.  pi.  (  Hifi.  mod.  )  prêtres  de  l'île 
Efpagnole  en  Amérique.  Les  Efpagnols  les  trouvè- 
rent en  grande  vénération  dans  le  pays  ,  quand  ils  y 
arrivèrent.  Leurs  fondions  principales  étoient  de 
prédire  l'avenir  &  de  faire  la  médecine.  Ils  em- 
ployoient  à  l'une  &  à  l'autre  une  plante  appellée  co- 
hoba  ;  la  fumée  du  cohoba  refpirée  par  le  nez  leur  cau- 
foimn  délire  qu'on  prenoit  pour  une  fureur  divine  ; 
dans  cette  fureur  ils  débitoient  avec  enthouiiafme  un 
galimathias, moitié  inintelligible,  moitié  fublime,  que 
le  peuple  recevoit  comme  des  infpirations.  La  maniè- 
re dont  ils  traitoient  les  maladies  étoit  plus  finguliere. 
Quand  ils  étoient  appelles  auprès  d'un  malade  ,  ils 
s'enfermoient  avec  lui  ,  failbient  le  tour  de  fon  lit 
trois  ou  quatre  fois  ,  lui  mettoient  de  leur  falive  dans 
la  bouche  ;  &  après  plufieurs  mouvemens  de  tête  & 
autres  contorfions ,  fouffloient  fui  lui  &c  lui  fuçoient 
le  cou  du  côté  droit.  Ils  avoient  grand  foin  aupara- 
vant de  mettre  dans  leur  bouche  un  os  ,  une  pierre , 
ou  un  morceau  de  chair  ;  car  ils  en  tiroient  après  l'o- 
pération quelque  chofe  de  femblable ,  qu'ils  don- 
noient  pour  la  caufe  de  la  maladie ,  &  que  les  paren- 
tes du  malade  gardoient  avec  foin  afin  d'accoucher 
heureidement.  Pour  foulager  le  malade  fatigué  de 
ces  cérémonies  ,  ils  lui  impofoient  légèrement  les 
mains  depuis  la  tête  jufqu'aux  pies  ,  ce  qui  ne  l'em- 
pêchoit  pas  de  mourir  ;  alors  ils  attribuoient  fa  mort 
à  quelque  péché  récent  dont  elle  étoit  le  châtiment. 
Ils  n'avoient  d'autre  part  aux  facrifîces  que  celle  de 
recevoir  les  pains  d'offrande  ,  de  les  bénir ,  &  de  les 
diftribucr  aux  affiftans  ;  mais  ils  étoient  chargés  de 
la  punition  de  ceux  qui  n'obfervoient  pas  les  jeûnes 
preferits  par  la  religion.  Ils  portoient  un  vêtement 
particulier,  ck  ils  pouvoient  avoir  plufieurs  femmes. 
Voyc^  Lop.  de  Gomar.  Hifl.  des  Ind.  occid. 

BOHMISCH-BROD  ,  (  Gèog.  )  c'eft  une  ville  de 
Bohème  ,  peu  éloignée  de  Prague. 

BOHMISCH-WEYER  ,  (  Géog.  )  ville  de  Bohè- 
me ,  dans  le  cercle  de  Pillen  fur  un  lac. 

*  BOHMISTES  ,  f.  m.  pi.  {Hifl.  eccl.  )  on  appelle 
ainfi  en  Saxe  lesiedateurs  d'un  nommé  Jacob  Bohm , 
qui  eft  mort  en  1614  ;  il  a  laide  plufieurs  écrits  myf- 
tiques ,  &  a  donné  dans  une  Théologie  obfcure  6c 
inintelligible. 

BOHOL  ,  (  Géog.  )  une  des  îles  Philippines,  dans 
l'Océan  oriental  en  Àfie. 

BOHUSLAW,  (Géog.)  ville  de  Pologne,  dans 
le  Palatinat  de  Kiovie. 

BOIANO,  (Géog.)  petite  ville  d'Italie,  au  pie 
de  l'Apennin ,  au  royaume  de  Naples,  dans  le  comté 
de  Molife ,  près  du  Biferno.  Long.  32.  8.  lac.  41.  30. 

*  BOIARD  ,  f.  m.  (  Commerce)  terme  uiité  par 
ceux  qui  pèchent  la  morue  pour  défigner  une  civiè- 
re à  bras ,  fur  laquelle  on  charge  ce  poifîon ,  pour 
le  tranfporter  d'un  lieu  dans  un  autre. 


B  O  I 


195 


*  BOIBI ,  (  Hifi.  nat.  )  c'eft  un  ferpent  du  Brefil, 
que  les  Portugais  appellent  cobre  verde ,  ferpent  verd  ; 
il  eft  ordinairement  d'environ  trois  pies  de  long  ,  & 
gros  comme  le  pouce  :  fa  couleur  eft  verdâtre.  Il  a 
la  gueule  grande  &la  langue  noire  ;  il  fe  tient  entre 
les  pierres  &  dans  les  mafures  ;  fa  morfure  eft  très- 
dangereufe  :  l'on  attribue  à  fa  chair  les  mêmes  qua- 
lités qu'à  celle  de  la  vipère. 

*  BOICININGA  ,  (  Hifi.  nat.  )  en  Portugais  cafi 
cavel,  c'eft  un  grand  ferpent  du  Brefil ,  qui  a  quatre 
ou  cinq  pies  de  long  ;  il  eft  de  la  groffeur  du  bras ,  fa 
couleur  eft  d'un  rouge  tirant  fur  le  jaune  ;  fa  tête  eft 
longue  &  mince  &  fa  langue  fourchue  :  il  a  de  petits 
yeux,  mais  fes  dents  font  longues  &  pointues.  On 
voit  attaché  à  fa  queue  vers  l'extrémité ,  un  corps  pa- 
rallélépipède ,  de  trois  à  quatre  doigts  de  long  ,  lar- 
ge d'un  demi-doigt  ,  &  compofé  de  petits  chaînons 
entrelacés  les  uns  avec  les  autres ,  fecs  ,  unis  ,  lui- 
fans  ,  de  couleur  cendrée ,  tirant  fur  le  rouge.  Ce 
corps  croît  à  chaque  année  d'un  anneau  ou  chaînon  ; 
il  fait  le  même  bruit  qu'une  fonnette  :  il  annonce  de 
loin  la  prélènce  du  ferpent  qui  fe  tient  dans  les  che- 
mins écartés.  Il  eft  fort  venimeux  &  attaque  les  paf- 
fans  ;  les  Indiens,  à  ce  qu'on  prétend,  portent  pour 
s'en  garantir  au  bout  d'un  bâton  un  morceau  de  la 
racine  dite  vipérine,  dont  l'odeur  arrête  fa  furie.  On 
prépare  un  remède  fingulier  contre  fa  morfure  ;  c'eft 
fon  fiel  imbibé  dans  une  quantité  convenable  de 
chaux  réduite  en  poudre  ou  de  farine  de  mais.  On 
dit  que  ce  fiel  eft  de  couleur  d'azur  &  fi  fpiritueux  , 
qu'il  s'évapore  &  difparoît  à  l'air.  On  ajoute  que  la 
véficule  en  eft  vuide  en  été  ;  d'où  l'on  conjecture 
qu'elle  eft  portée  aux  gencives  de  l'animal  &  qu'elle 
eft  la  fource  de  fon  poifon.  On  raconte  de  la  viru- 
lence de  ce  poifon  des  chofes  étonnantes  ;  comme 
de  fe  tranfmettre  à  travers  le  bois  &  le  fer ,  &  de 
rendre  dangereux  l'attouchement  des  corps  que  le 
ferpent  a  mordus. 

*  BOIE,  f.  f.  (  Commerce  )  efpece  de  revêche  que 
les  Sayetteurs  d'Amiens  fabriquent.  II  y  en  a  de  trois 
largeurs  ;  les  grands  ont  trois  quartiers  de  large  fur 
vingt  aulnes  de  long  :  les  moyennes  ont  la  même  lon- 
gueur fur  un  peu  moins  de  largeur  ;  les  étroites  n'ont 
qu'une  demi-aulne  de  large  ,  fur  vingt  de  long. 

*  BOIENS,  f.  m.  pi.  (Géog.  anc.)  il  y  a  eu  plu- 
fieurs peuples  de  ce  nom  :  les  uns  en  Germanie  ,  les 
autres  dans  les  Gaules,  en  Italie,  &:  même  en  Afie. 

Ceux  de  Germanie  habitoient  la  forêt  Hercyniene, 
&  ce  font  eux  qui  ont  donné  nom  à  la  Bohême. 

Ceux  de  la  Gaule  habitoient  entre  la  Loire  &C  l'Al- 
lier, jadis  le  pays  des  ./Eduens,  aujourd'hui  le  Bour- 
bonnois. 

Ceux  des  Gaules  réfidoient  vers  les  confins  de  la 
Novempopulanie  &c  dans  le  pays  de  Bordeaux.  On  les 
appelle  aujourd'hui  Bujes,&c  leur  canton Buch,  Burt^t 
&  Buch  ;  il  eft  fi  tué  fur  la  Loire. 

Les  Boiens  de  la  Gaule  Cifalpine  firent  partie  des 
Gaulois  qui  entrèrent  en  Italie  en  364 ,  &  s'emparè- 
rent de  l'Umbrie  &£  de  l'Etrurie.  Près  de  l'Apennin  , 
dit  Polybe ,  on  trouve  les  Ananes ,  enfuite  les  Boiens. 

Les  Boiens  de  l'Afie,  Gaulois  d'origine  ,  s'avancè- 
rent, fous  la  conduite  de  Brennus  ,  jufqu'à  Bilance , 
&  pénétrèrent  jufques  dans  l'Eolie  &  l'Ionie ,  où  ils 
s'établirent. 

BOIER  ,  (Marine.)  Voye^  BoYER. 

BOINITZ  ,  (Géog.)  ville  de  la  haute  Hongrie ,  au 
comté  de  Zoll ,  remarquable  par  fes  bains  &  fon  fa- 
fran.  Long.  36.  40.  lat.  4$.  41. 

BOIOARIENS,  f.  m.  pi.  (  Géog.  anc.  )  peuples  de 
la  Germanie,  connus  dans  les  auteurs  modernes  fous 
le  nom  de  Bavarois ,  &  leur  pays  fous  celui  de  Ba- 
vière. 

B  O I  R  E ,  v.  ad.  &  n.  (Phvfiobg.)  adion  par  la- 


296 


B  O  I 


quelle  on  fait  entrer  clés  liqueurs  dans  la  bouche ,  puis 
dans  le  gofier  pour  les  conduire  à  l'eftomac.  Voye{ 
Gosier  &  Estomac.  Il  y  a  deux  moyens  pour  cet 
effet,  fans  compter  ceux  que  nous  pourrions  mettre 
enufage,  finous  voidions  imiter  les  façons  de  boire 
des  animaux  :  celles  qui  font  les  plus  ordinaires  à 
l'homme ,  font  de  pomper  les  liquides ,  ou  de  les  ver- 
fer  dans  la  bouche. 

On  boiten  pompant,  en fuçant,  quand  on  boitavec 
un  chalumeau  :  les  enfans  tètent  leurs  nourrices  en 
fuçant.  On  fuce  de  même  en  buvant  dans  un  verre  , 
dans  un  biberon,  ou  loffque  l'on  boit  dans  une  riviè- 
re ou  au  baffin  d'une  fontaine.  On  peut  pomper  ou 
fucer  de  différentes  Manières,  avec  la  bouche  feule- 
ment, ou  avec  la  bouche  &  la  poitrine  enfemble. 
Quand  on  fuce  avec  la  bouche  ieulement,  on  fait 
d'elle-même  une  pompe  alpirante,  les  lèvres  fe  fer- 
ment en  rond ,  6c  laifl'ent  une  ouverture  que  je  com- 
pare à  celle  du  bout  de  la  pompe  qui  eft  dans  l'eau  ;  le 
corps  de  la  pompe  eft  fait  par  les  joues,  les  mâchoi- 
res &  le  palais  ;  la  langue  fait  le  pifton.  Quoique  cette 
comparailon  foit  exactement  jufte  quant  au  fond,  il 
y  a  pourtant  quelque  différence  de  la  pompe  ordinai- 
re à  celle  que  nous  failons  avec  notre  bouche  :  ces 
différences  confiftent  en  ce  gue  l'ouverture  de  la  pom- 
pe ,  fon  corps  &  fon  pifton ,  ne  changent  point  leur 
groffeur  ni  leur  diamètre  ,  &  que  les  lèvres  peuvent 
former  une  ouverture  plus  ou  moins  grande ,  fuivant 
le  defir  que  nous  avons  de  pomper  plus  ou  moins  de 
liqueur  à  la  fois ,  ou  que  nous  voulons  les  faire  en- 
trer avec  plus  ou  moins  de  vîtefTe  :  la  bouche  deve- 
nue corps  de  pompe,  s'augmente  ou  diminue,  foit 
pour  contenir  la  liqueur  pompée ,  foit  pour  s'amlter 
à  la  langue  :  celle-ci  qui  fait  le  piften ,  fe  grofht  ou 
devient  petite  pour  fe  proportionner  aux  différons 
diamètres  de  la  bouche  :  elle  prend  aufîi  différentes 
figures  pour  s'accommoder  aux  inégalités  des  dents , 
auxquelles  elle  doit  être  appliquée  avec  autant  dejul- 
teffe  qu'un  pifton  le  doit  être  au  corps  de  fa  pompe. 
Ainfi  on  peut  dire  que  la  bouche  fait  tout  ce  que  peut 
faire  une  pompe ,  ck  que  de  plus  (es  parties  étant  ca- 
pables d'un  nombre  infini  de  modifications,  elles  mul- 
tiplient les  fonctions  de  la  bouche,  &  en  font  une 
pompe  d'une  ihu&ure  particulière.  Pour  mettre  en 
ufage  cette  pompe ,  il  faut  que  quelque  liquide  foit 
préîent  à  l'ouverture  des  lèvres  ,  6c  qu'il  la  bouche 
entièrement;  on  approche  les  joues  des  mâchoires 
pour  diminuer  la  capacité  de  la  bouche  :  on  retire  la 
langue  en  arrière ,  &  le  liquide  vient  occuper  la  pla- 
ce que  tenoit  la  langue  :  mais  pour  faire  'entrer  la 
boiffon  plus  promptement  6c  en  plus  grande  quanti- 
té ,  on  écarte  la  mâchoire  inférieure  de  la  fupérieu- 
re,  &  la  bouche  occupant  plus  d'eipace  au  dehors, 
preffe  l'air  extérieur  qui  comprime  la  liqueur,  &  la 
fait  entrer  dans  la  cavité  de  la  bouche,  augmentée 
par  l'éloignement  des  mâchoires.  Si  l'on  met  le  bout 
d  un  biberon  plein  d'eau  dans  l'ouverture  des  lèvres, 
ôi  que  l'on  faffe  les  mêmes  mouvemens  des  joues, 
des  lèvres,  de  la  langue  &  des  mâchoires,  le  liquide 
entrera  de.  même.  Un  fiphon,  un  biberon  6c  autres 
vaiffeaux  de  pareille  elpece ,  ne  font  que  l'ouvertu- 
re des  lèvres  prolongées.  Lorf que  l'on  a  rempli  la  bou- 
che, il  faut  la  vuider,  fi  l'on  veut  pomper  ou  iucer 
de  nouveau.  Elle  ievuide  en-dedans  quand  on  avale, 
ou  en-dehors  quand  on  fedngue,  pour  ainfi-dire  ,  ce 
que  l'on  avoit  pompé  ;  c'eft  ce  que  '.ont  les  Cabare- 
tiers  quand  ils  goûtent  leurs  vins.  Dans  l'un  &  dans 
l'autre  cas  la  langue  fait  le  pinon  ;  elle  s'avance  en- 
devant,  elle  preffe  le  liquide  qu'elle  jette  en-dehors, 
fi  les  lèvres  font  ouvertes ,  ou  qu'elle  chafïe  du  coté 
du  gofier,  fi  la  valvule  eft  levée,  &  que  les  lèvres 
foient  exactement  fermées.  La  féconde  manière  de 
faire  entrer  des  liqueurs  dans  la  bouche  en  pompant, 
dépend  de  la  dilatation  de  la  poitrine  ;  par  cette  dila- 


B  O  I 

tation  l'air  extérieur  pouffe  l'eau  &  la  fait  entrer  dans 
l'ouverture  des  lèvres;  cela  fe  fait,  en  infpirant.  On 
infpire  de  l'eau  ou  de  l'air  enfemble  ou  féparément  : 
quand  on  infpire  du  liquide  feul,  cela  le  nomrae/i- 
cer  ;  6c  lori'que  l'on  infpire  l'un  &  l'autre  ,  cela  s'ap- 
pelle humer  :  dans  cette  façon  de  boire,  l'air  prend  la 
route  de  la  trachée-artere,  pendant  que  l'eau  refte 
dans  la  bouche.  Pour  humer  on  forme  ordinairement 
une  ouverture  aux  lèvres  plus  grande  que  pour  pom- 
per. On  éloigne  les  lèvres  des  mâchoires  ;  on  levé  le 
bout  de  la  langue  du  côté  du  palais  ;  on  relevé  la  val- 
vule du  gofier ,  &  on  infpire.  L'ouverture  des  lèvres 
doit  être  plus  grande  ,  pour  que  l'air  extérieur  qui 
preffe  feau  que  l'on  veut  humer,  ait  moins  de  peine 
à  la  faire  entrer  dans  la  bouche.  On  éloigne  des  lè- 
vres les  mâchoires  pour  former  une  efpace  capable 
de  contenir  l'eau  ;  on  relevé  le  bout  de  la  langue , 
qui,  comme  un  rempart,  retient  l'eau,  l'empêche 
de  fuivre  l'air  qui  entre  dans  la  trachée-artere  ;  on 
relevé  la  valvule  du  gofier  pour  que  l'air  puiiie  paf- 
fer;  6c  enfin  en  dilatant  la  poitrine,  on  inlpire  pour 
que  l'air  extérieur  preffe  le  iiquide ,  &  l'oblige  d'en- 
trer dans  la  bouche  avec  lui.  C'eft  ainfi  que  l'on  prend 
un  bouillon ,  du  thé ,  du  caffé  &  autres  iiqueurs  chau- 
des. 

On  peut  verfer  les  liquides  dans  la  bouche  de  trois 
manières  :  dans  la  première  on  verie  doucement  à 
mefure  que  la  langue  conduit  la  boiilon  dans  le  go- 
fier ;  c'eft  une  façon  affez  ordinaire  de  boire.  Dans  la 
féconde  on  verie  brufquement  tout-à-la-fois,  6c  la 
langue  conduit  le  tout  dans  le  gofier  avec  la  même 
vîteile;  c'eft  ce  que  l'on  appelle  fubler:  6c  la  troiiie- 
me  eft  de  verler  dans  la  bouche  ayant  la  tête  renver- 
fée  ;  c'eft  ce  que  l'on  appelle  boire  au  galet.  Quand  on 
boa  de  la  première  façon ,  la  langue  peut  prendre 
deux  iituations  différentes;  elle  peut  avoir  fon  bout 
appliqué  à  la  partie  du  palais  qui  eft  la  plus  proche 
tics  dents  de  devant,  fans  quitter  cette  place,  quoi- 
qu'elle le  meuve  pour  avaler,  parce  qu'il  luffit  qu'el- 
le fe  baiffe  pour  fon  milieu,  en  décrivant  une  ligne 
courbe  qui  laiffe  deux  elpaces  fur  les  côtés  par  où 
l'eau  monte  dans  le  vuide  que  la  courbure  de  la 
langue  laiffe  entr'elle  &  le  palais  ;  après  quoi  la  lan- 
gue pouffe  l'eau  dans  le  goiier,  en  approchant  ion 
milieu  au  palais ,  fans  que  ion  bout  quitte  fa  premiè- 
re place,  6c  pour  lors  le  milieu  de  la  langue  ne  fait 
quefe  bailler  pour  recevoir,  &  fe  hauffer  pour  pou£ 
1er  les  liquides  dans  le  gofier  juiqu'à  ce  qu'on  ait  tout 
avalé.  La  leconde  iituation  que  peut  prendre  la  lan- 
gue eft  d'avancer  au-delà  des  dents  ,  &  placer  fon 
bout  au-defl'ous  du  bord  du  verre  qui  répand  fur 
elle  fa  liqueur,  laquelle  eft  pouffée  de  même  dans  le 
goiier  lori'que  la  langue  ie  relevé ,  6c  qu'elle  s'appli- 
que au  palais.  Les  adions  defabler  &  de  boire  au  ga- 
let demandent  d'autres  mouvemens ,  dans  Je  détail 
delquels  nous  n'entrerons  pas  ici.  V.  Mém.  de  l'aca- 
démie royale  des  Sciences ,  année  ijio.page  iSS.  &fui- 
vantes.  (Z.) 

Boire,  faire  bmre  les  peaux ,  terme  de  Chamoifeur 
&  Je  Mégijfier ,  qui  figniiiey etter  à  la  rivière  les  peaux 
de  chèvre,  de  mouton,  ou  autres  animaux  iembla- 
bles,  pour  les  y  faire  tremper ,  après  qu'elles  ont  paf- 
fé  fur  le  chevalet,  &  qu'elles  y  ont  été  préparées 
avec  le  couteau  de  rivière  du  côté  de  la  chair.  On 
les  y  laiffe  plus  ou  moins  de  tems,  félon  la  chaleur 
de  la  faifon.  Cette  façon  fe  donne  quand  on  eft  prêt 
à  les  travailler  de  fleur  pour  la  féconde-fois.  Voye^ 
Chamois. 

Boire  dans  fon  blanc ,  (Manège.}  exprefîîon  figu- 
rée qui  lignifie  qu'un  cheval  bay  al^an ,  &c.  a  le  ne^ 
tout  blanc.  Boire  la  bride,  fe  dit  iorlque  les  montans 
ue  la  bride ,  n'étant  pas  affez  allonges ,  le  mors  force 
les  coins  de  la  bouche  du  cheval,  &  les  fait  rider. 
Faire  boire  un  cheval  au  feau,  c'eft  lui  apporter  un  feau 

d'eau 


B  O  I 

d'eau  pour  le  faire  boire  dans  l'écurie  fans  le  déranger 
de  la  place.  (^) 

Boire  ,  terme  de  papier  ;  on  dit  que  du  papier  boit, 
lorfque  l'encre  pénètre  à  travers ,  &  pai  oit  de  l'au- 
tre côté  delà  feuille;  le  papier  qui  boit  ne.  vaut  rien 
pour  écrire ,  parce  que  dans  ce  cas  l'encre  s'étend  & 
brouille  l'écriture.  Ce  détaut  arrive  au  papier  faute 
d'avoir  été  bien  collé,  Se  quand  il  cil:  trop  humide. 

Boire  ,  terme  de  Tailleur;  les  tailleurs  diient  qu'une 
étoffe  boit,  lorfque  de  deux  litières  qui  font  jointes  en- 
femble  par  une  couture,  l'une  piiiïe  un  peu,  Se  eft 
coufue  plus  lâche  que  l'autre. 

*  BOIS  ,  f.  m.  (  (Economie  rujliq.  )  ce  terme  a  deux 
grandes  acceptions  ;  ou  il  fc  prend  pour  cette  fubf- 
tance  ou  matière  dure  &  folide  que  nous  tirons  de 
l'intérieur  des  arbres  &  arbrifleaux  ;  ou  pour  un 
grand  canton  de  terre  planté  d'arbres  propres  à  la 
conflruction  des  édifices ,  au  charronage  ,  au  feiage , 
au  chauffage ,  &c. 

Si  l'on  jette  un  coup  d'œil  fur  la  confommation 
prodigieufe  de  bois  qui  fe  fait  par  la  charpente ,  la 
meniulerie ,  d'autres  Arts ,  &  par  les  feux  des  forges  , 
des  fonderies ,  des  verreries ,  &  des  cheminées ,  on 
concevra  facilement  de  quelle  importance  doivent 
avoir  été  en  tout  tems ,  Se  chez  toutes  les  nations , 
pour  le  public  &  pour  les  particuliers ,  la  plantation  , 
la  culture ,  Se  la  confervation  des  forêts  ou  des  bois , 
en  prenant  ce  terme  félon  la  ieconde  acception.  Com- 
ment fe  peut-il  donc  que  les  hommes  foient  reliés  fi 
long-  tems  dans  les  préjugés  fur  ces  objets ,  &  qu'au 
lieu  de  tendre  fans  ceffe  à  la  perfedion,  ils  le  foient  au 
contraire  de  plus  en  plus  entêtés  de  méthodes  qui  les 
éloignoient  de  leur  but?  Car  c'eft-là  qu'ils  en  étoient  ; 
c'ell-là  qu'ils  en  font  encore  pour  la  plupart ,  com- 
me nous  pourrions  le  démontrer  par  la  comparai- 
fon  des  règles  d'agriculture  qu'ils  ont  preferites ,  Se 
qu'on  fuit  fur  les  bois  ,  Se  par  celles  que  l'expérience 
Se  la  philôiophie  viennent  d'indiquer  à  M.  de  Buffon. 
Mais  notre  objet  eft  d'expofer  la  vérité ,  &  non  pas 
do  l'affocier  à  l'erreur  :  l'erreur  ne  peut  être  trop 
ignorée,  &  la  vérité  trop  connue,  fur- tout  quand 
elle  embraûe  un  objet  aulïï  coniidérable  que  l'ali- 
ment du  feu  ,  c\:  le  fécond  d'entre  les  matériaux  qui 
entrent  dans  la  conflruction  des  édifices.  Nous  ob- 
ferverons  feulement  que  l'extrait  que  nous  allons 
donner  des  différens  mémoires  que  M.  de  Buffon  a  pu- 
bliés, non  feulement  pourra  éclairer ,  fur  la  culture , 
l'amélioration  &  la  confervation  des  bois ,  mais  pour- 
ra même  devenir  une  grande  leçon  pour  les  philolo- 
phes  de  le  méfier  de  l'analogie  ;  car  il  paroît  que  l'i- 
gnorance dans  laquelle  il  femble  qu'on  aime  encore 
à  relier,  malgré  le  grand  intérêt  qu'on  a  d'en  fortir  , 
ne  vient  dans  Ion  origine  que  d'avoir  tranfporté  les 
règles  de  l'agriculture  des  jardins  à  l'agriculture  des 
forêts.  La  nature  a  les  loix ,  qui  ne  nous  paroiffent 
peut-être  li  générales  ,  Se  s'étendre  uniformément  à 
un  fi  grand  nombre  d'êtres ,  que  parce  que  nous  n'a- 
vons pas  la  patience  ou  la  fagacité  de  connoître  la 
conduite  qu'elle  tient  dans  la  production  Se  la  con- 
fervation de  chaque  individu.  Nous  nous  attachons 
au  gros  de  les  opérations  :  mais  les  finelîes  de  fa  main 
d'œuvre  ,  s'il  eu  permis  de  parler  ainli ,  nous  échap- 
pent fans  celle  ;  &  nous  portillons  dans  nos  erreurs  jul- 
qu'à  ce  qu'il  vienne  quelqu'homme  de  génie ,  alliez 
ami  des  hommes  ,  pour  chercher  la  vérité  ;  Se  j'ajoû- 
terois  volontiers ,  alTez  courageux  pour  la  commu- 
niquer quand  il  l'a  trouvée. 

Le  nom  de  bois ,  pris  généralement ,  comprend  les 
forets  ,  les  bois ,  les  haies,  Se  les  bluffons  ou  bocages. 

L'on  entend  vulgairement  fous  le  nom  dejorei ,  un 
bois  qui  embraffe  une  fort  grande  étendue  de  pays. 

Sous  le  nom  de  bois  ,  l'on  comprend  un  bois  de 
moyenne  étendue. 

Le  parc  cil  un  bois  enfermé  de  murs. 
Tome  II, 


B  O  I 


297 


Les  noms  de  haie  Se  de  buifjun  ou  bocage ,  font  tîn- 
tes en  quelques  endroits  pour  lignifier  un  bois  de  peu 
d'arpens. 

Néanmoins  l'ufage  fait  fouvent  employer  indiffé- 
remment les  noms  de  forêt  Se  de  bois  ;  il  y  a  même 
des  bois  de  très -grande  étendue,  des  forêts  qui 
occupent  peu  d'efpace ,  &  des  bois  qui  ne  font  ap- 
pelles que  haies  ou  buifjons,  Se  chaumes;  comme  les 
chaumes  d'Avenay  près  Beligny-fur-Ouche  ,  dans 
le  bailliage  de  Dijon  en  France ,  qui  contiennent  au- 
tant d'arpens  que  des  bois  de  moyenne  grandeur. 

Toutes  ces  fortes  de  bois  font  plantés  d'arbres ,  qui 
font  ou  en  futaie  ou  en  taillis. 

Futaie  fe  dit  des  arbres  qu'on  laiffe  croître  fans  les 
couper  que  fort  tard.  Voyc^  Futaie. 

Taillis ,  des  arbres  dont  la  coupe  fe  fait  de  tems  en 
tems ,  &  plutôt  que  celle  de  la  futaie.  V.  Taillis. 

Il  y  a  des  forêts  qui  font  toutes  en  futaie  ;  d'autres 
toutes  en  taillis  :  mais  la  plupart  font  mêlées  de  l'une 
&  de  l'autre  forte. 

Quand  on  parle  de  bois  de  futaie  Se  de  taillis ,  on 
conlidere  le  bois  debout  &  fur  le  canton  même  qui  en 
eft  couvert ,  &  formant  des  forêts  ,  &c. 

Dans  les  autres  occalions ,  le  terme  bois  s'entend 
du  bois  abattu  Se  delliné  aux  ufages  de  la  vie  civile  : 
c'ell  fous  ces  deux  points  de  vue  que  nous  allons  con- 
fidérer  le  bois. 

Bois  fur  pié  ;  yqyeç  Fop.Èt.  Le  bois  qui  étoit  au- 
trefois très -commun  en  France,  maintenant  luffit  à 
peine  aux  ufages  indifpenfabîes ,  &  l'on  efl  menacé 
pour  l'avenir  d'en  manquer  absolument.  Ceux  qui 
font  prépoiés  à  la  confervation  des  bois ,  fe  plaignent 
eux-mêmes  de  leur  déperiffement  :  mais  ce  n'ell  pas 
allez  de  le  plaindre  d'un  mal  qu'on  lent  déjà  ,  &  qui 
ne  peut  qu'augmenter  avec  le  tems ,  il  en  faut  cher- 
cher le  remède  ;  &  tout  bon  citoyen  doit  donner  au 
public  les  expériences  &  les  réflexions  qu'il  peut 
avoir  faites  à  cet  égard. 

Tous  nos  projets  fur  les  bois  doivent  fe  réduire  à 
tâcher  de  conferver  ceux  qui  nous  relient ,  Se  à  re- 
nouveller  une  partie  de  ceux  que  nous  av< 
truits. 

Tout  le  bois  de  fervice  du  royaume  çonfifte  dans 
les  forêts  qui  appartiennent  à  faMajeflé  ,  dans  les  ré- 
ferves  des  eccléliafliques  Se  des  gens  de  main  mor- 
te ,  &  enfin  dans  les  baliveaux ,  que  l'ordonnance 
oblige  de  laiffer  dans  tous  les  bois. 

On  fait  par  une  expérience  déjà  trop  longue  ,  que 
le  bois  des  baliveaux  n'ell  pas  d'une  bonne  qualité  , 
&  que  d'ailleurs  ces  baliveaux  font  tort  au  taillis,  t'oy. 
Baliveaux.  M.  de  Buffon  a  obfervé  les  effets  de  la 
gelée  du  printems  dans  deux  cantons  voilins  de  bois 
taillis:  on  avoiteonfervé  dans  l'un  tous  les  baliveaux 
de  quatre  coupes  fucceffives  ;  dans  l'autre ,  on  n'avoit 
réfervé  que  les  baliveaux  delà  coupe  actuelle:  M. 
de  Buffon  a  reconnu  que  la  gelée  avoit  fait  un  fi  grand 
tort  au  taillis  furchargé  de  baliveaux  ,  que  l'autre 
taillis  l'a  devance  de  près  de  cinq  ans  fur  douze. 
L'cxpolition  étoit  la  même  :  M.  de  Buffon  a  fondé  le 
terrein  en  différens  endroits  ;  il  étoit  femblable  :  ainli 
il  ne  peut  attribuer  cette  différence  qu'à  l'ombre  Se 
à  l'humidité  que  les  baliveaux  jettoient  lur  le  taillis , 
&  à  l'obllacle  qu'ils  formoient  au  deffechement  de 
cette  humidité,  en  interrompant  l'action  du  vent  & 
du  foleil. 

Les  arbres  qui  pouffent  vigoureufement  en  bois, 
produifent  rarement  beaucoupde  fruit  ;  les  baliveaux 
le  chargent  d'une  grande  quantité  de  glands ,  6c  an- 
noncent par  là  leur  foibleffe.  On  imaginerait  1 
gland  devrait  repeupler  &  garnir  les  bois  ,  ma  1  cela 
le  réduit  à  bien  peu  de  choie  ;  car  de  plufieurs  m 
de  ces  graines  qui  tombent  au  pie  de  «., 
peine  en  voit-on  lever  quelques  centaines ,  & 
tit  nombre  eft  bientôt  étouffé  par  l'ombre  conti 

Pp 


î93 


B  O  I 


le  manque  d'air ,  ou  fupprimé  par  le  dégouttement 
l'arbre  ,&  par  la  gelée,  qui  cil  toujours  plus  vive 


& 

de  l'arbre  ,&  par  la  gelée,  qui  eit toujours  plus  vive 
près  de  la  iiirface  de  la  terre ,  ou  enfin  détruit  par  les 
obftacle  s  eue  ces  jeunes  plantes  trouvent  dans  un  ter- 
rein  traverlé  d'une  infinité  de  racines  &  d'herbes  de 
toute  efpece.  On  trouve ,  à  la  vérité ,  quelques  ar- 
bres de  brin  dans  les  taillis.  Ces  arbres  viennent  de 
graine  ;  car  le  chêne  ne  le  multiplie  pas  par  rejettons, 
&  ne  pouffe  pas  de  la  racine:  mais  les  arbres  de  brin 
font  ordinairement  dans  les  endroits  clairs  des  bois , 
Loin  des  gros  baliveaux ,  ce  font  dûs  aux  mulots  ou 
aux  dffêatfX ,  qui  en  transportant  les  glands  en  fement 
une  grande  quantité.  M.  de  Buffon  a  fû  mettre  à  pro- 
fit ces  graines  que  les  oifeaux  laiffent  tomber.  Il  avoit 
obfervé  dans  un  champ ,  qui  depuis  trois  ou  quatre 
ans  étoit  demeuré  fans  culture ,  qu'autour  de  quel- 
ques petits  bluffons ,  qui'  s'y  trouvoient  fort  loin  les 
uns  des  autres  ,  plufieurs  petits  chênes  avoient  paru 
tout  d'un  coup.  M.  de  Buffon  reconnut  bientôt  par 
fesyeux  que  cette  plantation  appartenoit  à  des  geais , 
qui  en  fortant  des  bois  venofent  d'habitude  le  placer 
fur  ces  buiffons  pour  manger  leur  gland ,  &  en  lail- 
foient  tomber  la  plus  grande  partie ,  qu'ils  ne  le  don- 
noient  jamais  la  peine  de  ramaffer.  Dans  un  terrein 
que  M.  de  Buffon  a  planté  dans  la  fuite ,  il  a  eu  foin 
de  mettre  de  petits  buiffens  ;  les  oiieaux  s'en  font  em- 
parés ,  <k  ont  garni  les  environs  d'une  grande  quan- 
tité de  jeunes  chênes. 

Les  réferves  établies  dans  les  bois  des  ëccléfîàfti- 
ques.  &  des  gens  de  main-morte ,  ne  font  pas  finettes 
au  défaut  des  baliveaux.  H  faudrait  établir  un  tems 
fixe  pour  la  coupe  de  ces  futaies  en  réferve  ;  ce  tems 
feroit  plus  ou  moins  grand  ,  félon  la  qualité  du  ter- 
rein.  On  pourroit  en  régler  les  coupes  à  50  ans  dans 
un  terrein  de  2  pies  j  de  profondeur ,  à  70  dans  un 
terrein  de  3  pies  ^,  &c  h.  100  ans  dans  un  terrein  de 
4  pies  *  &  au-delà  de  profondeur.  M.  de  Buffon  don- 
ne ces  termes  d'après  les  obfervàtions  qu'il  a  faites 
au  moyen  d'une  tarriere  haute  de  cinq  pies  ,  avec  la- 
quelle il  a  fondé  quantité  de  terreins  ,  où  il  à  examiné 
en  même  tems  la  hauteur  ,  la  groffeur  &  l'âge  des 
arbres  :  cela  fe  trouve  affez  julle  pour  les  terres  for- 
tes &  pétriffables.  Dans  les  terres  légères  &  fâblon- 
neufes ,  on  pourroit  fixer  les  termes  des  coupes  à  40  , 
60  &  80  ans  :  on  perdroit  à  attendre  plus  long-tems  ; 
&  il  vaudrait  infiniment  mieux  garder  du  bois  de  fer- 
vice  dans  des  magafins ,  que  de  le  laiffer  fur  pié  dans 
les  forêts ,  où  il  ne  peut  manquer  de  s'altérer  après 
un  certain  âge. 

Tous  ceux  qui  connoiffent  un  peu  les  bois,  favent 
que  la  gelée  du  printems  eft  le  fléau  des  taillis  ;  c'eft 
elle  qui  dans  les  endroits  bas  &  dans  les  petits  val- 
lons, fupprimé  continuellement  les  jeunes  rejettons, 
&  empêche  le  bois  de  s'élever  ;  en  un  mot ,  elle  fait 
aux  bois  un  auffi  grand  tort  qu'à  toutes  les  autres  pro- 
ductions de  la  terre  ;  &  fi  ce  tort  a  jufqu'ici  été  moins 
connu ,  moins  fenfible  ,  c'eft  que  la  joùiffance  d'un 
taillis  étant  éloignée  ,  le  propriétaire  y  fait  moins 
d'attention  ,  &  fe  confoïe  plus  aifément  de  la  perte 
qu'il  t'ait  :  cependant  cette  perte  n'eft  pas  moins  réel- 
le ,  puifqu'elle  recule  l'on  revenu  de  plufieurs  années. 
M.  de  Buffon  a  tâché  de  prévenir  ,  autant  qu'il  eft 
pofîïble  ,  les  mauvais  effets  de  la  gelée ,  en  étudiant 
la  façon  dont  elle  agit  ;  &  il  a  fait  fur  cela  des  expé- 
riences qui  lui  ont  appris ,  que  la  gelée  agit  bien  plus 
violemment  à  Pexpofition  du  midi ,  qu'à  l'expofition 
du  nord  ;  qu'elle  fait  tout  périr  à  l'abri  du  vent ,  tan- 
dis qu'elle  épargne  tout  dans  les  endroits  où  il  peut 
paffer  librement.  Cette  obfervation  ,  qui  eft  confian- 
te ,  fournit  un  moyen  de  préferver  de  la  gelée  quel- 
ques endroits  des  taillis ,  au  moins  pendant  les  deux 
ou  trois  premières  années ,  qui  font  le  tems  critique, 
&où  elle  les  attaque  avec  plus  d'avantage.  Ce  moyen 
confifte  à  obferver ,  quand  on  les  abat ,  de  commen- 


B  O  I 

ccr  la  coupe  du  côté  du  nord  :  il  eft  aiSé  d'y  obliger 
les  marchands  de  bois,  en  mettant  cette  claule  dans 
fon  marché  ;  &  M.  de  Buffon  s'eft  déjà  bien  trouvé 
d'avoir  pris  cette  précaution  pour  fes  taillis. 

Un  père  de  famille,  un  homme  arrangé  qui  fe  trou- 
ve propriétaire  d'une  quantité  un  peu  conlidérable 
de  bois  taillis  ,  commence  par  les  faire  arpenter ,  bor- 
ner ,  divifer ,  &  mettre  en  coupe  réglée  ;  il  s'imagine 
que  c'eft-là  le  plus  haut  point  d'eeconomie  ;  tous  les 
ans  il  vend  le  même  nombre  d'arpens  ;  de  cette  façon 
fes  bois  deviennent  un  revenu  annuel,  il  le  lait  bon 
gré  de  cette  règle;  &  c'eft  cette  apparence  d'ordre 
qui  a  fait  prendre  faveur  aux  coupes  réglées  :  cepen- 
dant il  s'en  faut  bien  que  ce  foit  là  le  moyen  de  tirer 
de  les  taillis  tout  le  profit  qu'on  en  peut  tirer.  Ces 
coupes  réglées  ne  font  bonnes  que  pour  ceux  qui  ont 
des  terres  éloignées  qu'ils  ne  peuvent  vifiter  ;  la  cou- 
pe réglée  de  leurs  bois  eft  une  efpece  de  ferme  ;  ils 
comptent  fur  le  produit  ,  &  le  reçoivent  fans  s'être 
donné  aucun  foin  ;  cela  doit  convenir  à  grand  nom- 
bre de  gens  :  mais  pour  ceux  dont  l'habitation  fe 
trouve  fixée  à  la  campagne ,  &  même  pour  ceux  qui 
vont  y  paffer  un  certain  tems  toutes  les  années  ,  il 
leur  eft  facile  de  mieux  ordonner  les  coupes  de  leurs 
bois  taillis.  En  général ,  on  peut  affùrer  que  dans  les 
bons  terreins  on  gagnera  à  attendre ,  &  que  dans 
les  terreins  où  il  n'y  a  pas  de  fond ,  il  faudra  les  cou- 
per fort  jeunes  :  mais  il  feroit  bien  à  Souhaiter  qu'on 
pût  donner  de  la  précifion  à  cette  règle ,  &  détermi- 
ner au  jufte  l'âge  où  l'on  doit  couper  les  taillis.  Cet 
âge  eft  celui  où  l'accroiffement  du  bois  commence  à 
diminuer.  Dans  les  premières  années  ,  le  bois  croît 
de  plus  en  plus,  c'eft-à-dire ,  la  production  de  la  fé- 
conde année  eft  plus  confidérable  que  celle  de  la  pre- 
mière ,  l'accroiffement  de  la  troisième  année  eft  plus 
grand  que  celui  de  la  féconde  ;  ainli  i'accroiffement 
du  bois  augmente  jufqu'à  un  certain  âge ,  après  quoi 
il  diminue  :  c'eft  ce  point ,  ce  maximum  qu'il  faut  fai- 
fir ,  pour  tirer  de  fon  taillis  tout  l'avantage  &  tout  le 
profit  poffible. 

M.  de  Buffon  a  donné ,  dans  les  Mémoires  de  t 'Aca- 
démie ,  année  IJ38  ,  le  moyen  qu'il  a  trouvé  d'aug- 
menter la  force  &c  la  Solidité  du  bois  :  rien  n'eftplus 
fimple  ;  car  il  ne  s'agit  que  d'écorcer  les  arbres,  & 
les  laiffer  ainfi  fécher  &  mourir  fur  pié  avant  que  de 
les  abattre  ;  l'aubier  devient  par  cette  opération  aufii 
dur  que  le  cœur  de  chêne  ;  il  augmente  considérable- 
ment de  force  &  de  denlité  ,  comme  M.  de  Buffon  s'en 
eft  affùré  par  un  grand  nombre  d'expériences  ;  &£.  les 
louches  de  ces  arbres  écorcés  &  léchés  lur  pié ,  ne 
laiffent  pas  de  repouffer  &  de  reproduire  des  rejet- 
tons  :  ainfi  il  n'y  a  pas  le  moindre  inconvénient  à  éta- 
blir cette  pratique  ,  qui ,  en  augmentant  la  force  &c 
la  durée  du  bois  mis  en  œuvre  ,  doit  en  diminuer  la 
confommation ,  &  par  conféquent  doit  être  comptée 
au  nombre  des  moyens  de  conlerver  les  bois.  Les  Al- 
lemands ,  chez  qui  les  Hollanclois  vont  chercher  leurs 
bois  de  menuiferie ,  n'ont  point  d'autre  fecret  pour 
leur  donner  cette  qualité  qui  les  rend  fi  propres  à  être 
travaillés.  Au  printems,  lorfque  l'écorce  commence 
à  le  lâcher ,  on  écorce  l'arbre  ;  on  lui  lailie  paffer  l'an- 
née :  le  printems  lùivant  ,  l'arbre  écorcé  ne  pouffe 
plus  que  de  petites  feuilles  ;  on  lui  laiffe  achever  en- 
core cette  année  fur  pié  ;  on  ne  le  coupe  que  dans 
la  faifon  où  l'on  coupe  les  arbres. 

Règles  pour  femer  le  bois.  Pour  femer  une  terre 
forte  &  glaifeufe ,  il  faut  conlerver  le  gland  pendant 
l'hy  ver  dans  de  la  terre ,  en  faifant  un  lit  de  deux 
pouces  de  gland  fur  un  lit  de  terre  d'un  demi- pié  , 
puis  un  lit  de  terre  &  un  lit  de  gland  ,  toujours  al- 
ternativement,  &  enfin  en  couvrant  le  magafind'un 
pié  de  terre  ;  pour  que  la  gelée  ne  puiffe  y  pénétrer. 
On  en  tirera  le  gland  au  commencement  de  Mars, 
&  on  le  plantera  à  un  pié  de  diftance.  Ces  glands  qui 


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ont  germé,  font  déjà  autant  de  jeunes  chênes ,  &  le 
fucces  d'une  plantation  faite  de  cette  façon  n'eit 
pas  douteux  ;  la  dépenfe  même  n'eit  pas  confidéra- 
ble  ,  car  il  ne  faut  qu'un  feul  labour.  Si  l'on  pouvoit 
fe  garantir  des  mulots  6c  des  oifeaux,  on  réuffiroit 
tout  de  même  &  fans  aucune  dépenfe  ,  en  mettant 
en  automne  le  gland  fous  l'herbe  ;  car  il  perce  &  s'en- 
fonce de  lui-même  ,  &  réuiîit  à  merveille  fans  aucune 
culture  dans  les  friches  dont  le  galon  eft  fin  ,  ferré  6c 
bien  garni ,  &  qui  indique  prelque  toujours  un  ter- 
rein  ferme  &  mêlé  de  glaifc. 

Si  l'on  veut  femer  du  bois  dans  les  terreins  qui  font 
d'une  nature  moyenne  entre  les  terres  fortes  &  les 
terres  légères ,  on  fera  bien  de  femer  de  l'avoine  avec 
les  glands  ,  pour  prévenir  la  naiffance  des  mauvaifes 
herbes ,  qui  font  plus  abondantes  dans  ces  efpeces  de 
terreins ,  que  dans  les  terres  fortes  6c  les  terres  légè- 
res ;  car  ces  mauvaifes  herbes ,  dont  la  plupart  lont 
vivaces  ,  font  beaucoup  plus  de  tort  aux  jeunes  chê- 
nes ,  que  l'avoine  qui  ceffe  de  pouffer  au  mois  de 
Juillet. 

M.  de  Buffon  a  reconnu  par  plufieurs  expérien- 
ces ,  que  c'eft  perdre  de  l'argent  &  du  tems  que  de 
faire  arracher  de  jeunes  arbres  dans  les  bois  pour 
les  tranfplanter  clans  des  endroits  où  on  eft  obligé  de 
les  abandonner  &  de  les  laiffer  fans  culture  ;  &  que 
quand  on  veut  faire  des  plantations .  confidérables 
d'autres  arbres  que  de  chêne  ou  de  hêtre  dont  les  grai- 
nes font  fortes  6c  furmontent  prefque  tous  les  obfta- 
cles ,  il  faut  faire  des  pépinières  où  on  puiffe  élever 
&  foigner  les  jeunes  arbres  pendant  les  deux  premiè- 
res années ,  après  quoi  on  les  pourra  planter  avec 
fuccès  pour  faire  des  bois. 

Dans  les  terreins  fecs ,  légers  ,  mêlés  de  gravier , 
&  dont  le  fol  n'a  que  peu  de  profondeur ,  il  faut  faire 
labourer  une  feule  fois,  &  femer  en  nrême  tems  les 
glands  avant  l'hyver.  Si  l'on  ne  feme  qirau  printems , 
la  chaleur  du  foleil  fait  périr  les  graines.  Si  on  fe  con- 
tente de  les  jetter  ou  de  les  placer  fur  la  terre ,  comme 
dans  les  terreins  forts  ,  elles  fe  deffechent  6c  périffent  ; 
parce  que  l'herbe  qui  fait  le  gafon  de  ces  terres  légè- 
res, n'eit  pas  affez  garnie  &  affez  épaiffe  pour  les  ga- 
rantir de  la  gelée  pendant  l'hyver,  &  de  l'ardeur  du 
foleil  au  printems.  Les  jeunes  arbres  arrachés  dans 
les  bois  ,  réuiîiffent  encore  moins  dans  ces  terreins 
que  clans  les  terres  fortes  ;  &  lî  on  veut  les  planter, 
il  faut  le  faire  avant  l'hyver,  avec  de  jeunes  plants 
pris  en  pépinière. 

Le  produit  d'un  terrein  peut  fe  mefurer  par  la  cul- 
ture ;  plus  on  travaille  la  terre  ,  plus  elle  rapporte 
de  fruits:  mais  cette  vérité  d'ailleurs  fi  utile,  fourbe 
quelques  exceptions  ;  &  dans  les  bois  une  culture  pré- 
maturée &  mal  entendue  ,  caufe  la  difette  ,  au  lieu  de 
produire  l'abondance.  Par  exemple, on  imagine  que  la 
meilleure  manière  de  mettre  un  terrein  en  nature  de 
bois  ,  eft  de  nettoyer  ce  terrein  &  de  le  bien  cultiver 
avant  que  de  femer  le  gland  ou  les  autres  graines  qui 
doivent  un  jour  le  couvrirde  bois;  &M.  de  Buffonn'a 
été  defabufé  de  ce  préjugé  qui  paroît  fi  raifonnable, 
que  par  une  longue  fuite  d'obfervations.  M.  de  Buf- 
fon a  fait  des  femis  confidérables  6c  des  plantations 
affez  vaftes  ;  il  les  a  faites  avec  précaution:  il  a  fou- 
vent  fait  arracher  les  genièvres ,  les  bruyères ,  &  juf- 
qu'aux  moindres  plantes  qu'il  regardoit  comme  nuifi- 
bles  ,  pour  cultiver  a  fond  &  par  plufieurs  labours  les 
terreins  qu'il  vouloit  enlemenccr.  M.  de  Buffon  ne 
doutoit  pas  du  fuccès  d'un  femis  tait  avec  tous  ces 
foins:  mais  au  bout  de  quelques  années  il  a  reconnu 
que  ces  mêmes  foins  n'avoient  fervi  qu'à  retarder 
Faccroiffement  des  jeunes  plants;  &  que  cotte  cul- 
turc  précédente  qui  lui  avoit  donné  tant  d'eipéran- 
ce ,  lui  avoit  caufe  des  pertes  confidérables  :  ordinai- 
rement on  dépenfe  pour  acquérir.;  ici  la  dépenfe  nuit 
à  l'acquiiition. 
Tome  II. 


Si  l'on  veut  donc  réuiïir  à  faire  croître  du  bois  dans 
un  terrein,  de  quelque  qualité  qu'il  (bit,  il  faut  imiter 
la  nature ,  if  faut  y  planter  &  y  femer  des  épines  6c 
des  buiffons  qui  puiffent  rompre  la  force  du  vent , 
diminuer  celle  de  la  gelée,  &  s'oppofer  à  l'intempé- 
rie des  faifons.  Ces  buiffons  font  des  abris  qui  garan- 
tiffent  les  jeunes  plants ,  &  les  protègent  contre  l'ar- 
deur du  foleil  &  la  rigueur  des  frimats.  Un  terrein 
couvert ,  ou  plutôt  à  demi-couvert,  de  genièvre,  de 
bruyères ,  eft  un  bois  à  moitié  fait ,  &  qui  peut-être  a 
dix  ans  d'avance  fur  un  terrein  net  ôc  cultivé. 

Pour  convertir  en  bois  un  champ  ,  ou  tout  autre 
terrein  cultivé ,  le  plus  difficile  eft  de  faire  du  cou- 
vert. Si  l'on  abandonne  un  champ  ,  il  faut  vingt  ou 
trente  ans  à  la  nature  pour  y  faire  croître  des  épines 
&  des  genièvres  :  ici  il  faut  une  culture  qui  dans  un 
an  ou  deux  puiffe  mettre  le  terrein  au  même  état  où 
il  fe  trouve  après  une  non-culture  de  trente  ans. 

Le  moyen  de  fuppléer  aux  labours ,  &  preiqu'à 
toutes  les  autres  efpeces  de  culture  ,  c'eft  de  couper 
les  jeunes  plants  jufqu'auprès  de  terre  :  ce  moyen  , 
tout  fimple  qu'il  paroît ,  eft  d'une  utilité  infinie  ; 
6c  lorfqu'il  eft  mis  en  œuvre  à  propos  ,  il  accélère  de 
plufieurs  années  le  fuccès  d'une  plantation. 

Tous  les  terreins  peuvent  fe  réduire  à  deux  efpe- 
ces; lavoir,  les  terreins  forts  Si  les  terreins  légers: 
cette  divifion ,  quelque  vague  qu'elle  paroiffe ,  eft 
fuffifante.  Si  l'on  veut  femer  dans  un  terrein  lé- 
ger, on  peut  le  faire  labourer  ;  cette  opération  fait 
d'autant  plus  d'eftèt ,  &  caufe  d'autant  moins  de  dé- 
penfe ,  que  le  terrein  eft  plus  léger  ;  il  ne  faut  qu'un 
feul  labour  ,  &  on  feme  le  gland  en  fuivantla  char- 
rue. Comme  ces  terreins  font  ordinairement  fecs  6c 
brùlans ,  il  ne  faut  point  arracher  les  mauvaifes  her- 
bes que  produit  l'été  fuivant  ;  elles  entretiennent  une 
fraîcheur  bienfaifante,  6c  garantiffent  les  petits  chê- 
nes de  l'ardeur  du  foleil;  enfuite  venant  à  périr  & 
à  fe  lécher  pendant  l'automne,  elles  fervent  de  chau- 
me &  d'abri  pendant  l'hyver  ,  &  empêchent  les  ra- 
cines de  geler.  Il  ne  faut  donc  aucune  efpece  de  cul- 
ture dans  ces  terreins  fablonneux;  il  ne  faut  qu'un 
peu  de  couvert  6c  d'abri  pour  faire  réuffir  un  lèmis 
dans  les  terreins  de  cette  efpece.  Mais  il  eft  bien  plus 
difficile  de  faire  croître  du  bois  dans  des  terreins  forts, 
S:  il  tant  une  pratique  toute  différente  :  dans  ces  ter- 
reins les  premiers  labours  font  inutiles  ,  &  fouvent 
nuifibles;  la  meilleure  manière  cil  de  planter  les 
glands  à  la  pioche ,  fans  aucune  culture  précédente  : 
mais  il  ne  faut  pas  les  abandonner  comme  les  pre- 
miers au  point  de  les  perdre  de  vue  &  de  n'y  plus  pen- 
fer  ;  il  faut  au  contraire  les  vilîter  fouvent  ;  il  faut 
obierver  la  hauteur  à  laquelle  ils  fe  font  élevés  la 
première  année ,  obferver  enfuite  s'ils  ont  pouffé 
plus  vigoureuiement  à  la  féconde  :  tant  que  leur  ac- 
croiffement  va  en  augmentant ,  ou  même  tant  qu'il 
fe  foùtient  fur  le  même  pic  ,  il  ne  faut  pas  y  toucher. 
Mais  on  s'apperçoit  ordinairement  à  la  troifieme  an- 
née que  l'accroiffement  va  en  diminuant  ;  &  fi  on 
attend  la  quatrième,  la  cinquième,  la  fixieme  ,  &c. 
on  reconnoitra  que  l'accroiffement  de  chaque  année 
eft  toujours  plus  petit  :  ainfi  dès  qu'on  s'appercevra 
(juc  fans  qu'il  y  ait  eu  de  gelées  ou  d'autres  accidens, 
les  jeunes  arbres  commencent  à  croître  de  moins  en 
moins  ,  il  faut  les  faire  couper  jtifqu'à  terre  au  mois 
de  Mars  ,  6c  l'on  gagnera  un  grand  nombre  d'années. 
Le  jeune  arbre  livré  à  lui-même  dans  un  terrein  fort 
Cv  ferre  ,  ne  peut  étendre  fes  racines  ;  la  terre  trop 
dure  les  fait  refouler  fur  elles-mêmes  ;  les  petits  fi- 
lets tendres  6c  herbacées  qui  doivent  nourrir  l'arbre  & 
former  la  nouvelle  production  de  l'année,  ne  peu- 
vent pénétrer  la  fubftance  trop  ferme  de  la  terre  ; 
ainfi  l'arbre  languit  privé  de  nourriture  ,  &  la 
production  annuelle  diminue  tort  fouvent  jufqu'au 
point  de  ne  donner  que  des  teuilles  &  quelques  bon- 

Ppij 


JOO 


E  O  I 


tons.  Si  vous  coupez  cet  arbre,  toute  la  force  de  la 
fève  fe  porte  aux  racines ,  elle  en  développe  tous  les 
germes ,  &  agiffant  avec  plus  de  puilïance  contre  le 
terrein  qui  leur  réfifte ,  les  jeunes  racines  s'ouvrent 
des  chemins  nouveaux,  &  divifent  par  le  îiircroît  de 
leur  force- cette  terre  qu'elles  avoient  jufqu'alors  vai- 
nement attaquée;  elles  y  trouvent  abondamment  des 
fucs  nourriciers  ;  &  dès  qu'elles  s'y  font ,  pour  ainfi 
dire,  établies,  elles  poulîent  avec  vigueur  au-dehors 
la  furabondance  de  leur  nourriture ,  &  produilent 
des  la  première  année  un  jet  plus  vigoureux  &  plus 
élevé  ,  que  ne  l'étoit  l'ancienne  tige  de  trois  ans. 

Dans  un  terrein  qui  n'eft  que  ferme  ,  fans  être  trop 
dur ,  il  fuffira  de  couper  une  feule  fois  le  jeune  plant 
pour  le  faire  réuflir. 

Les  auteurs  d'agriculure  font  bien  éloignés  de  pen- 
fer  comme  M.  de  Buffon  fur  ce  fujet  ;  ils  répètent  tous 
les  uns  après  les  autres  que  pour  avoir  une  futaie  , 
pour  avoir  des  arbres  d'une  belle  venue ,  il  faut  bien 
fè  garder  de  couper  le  fommet  des  jeunes  plantes ,  èc 
qu'il  faut  conferveravec  grand  foin  le  mo n tant,  c'eft- 
à-dire ,  le  jet  principal.  Ce  confeil  n'eft  bon  que 
dans  certains  cas  particuliers  :  mais  il  eft  générale- 
ment vrai,  &  M.  de  Buftbn  affùre,  après  un  très- 
grand  nombre  d'expériences ,  que  rien  n'eft  plus  effi- 
cace pour  redreffer  les  arbres  ,  &  pour  leur  donner 
une  tige  droite  ,  que  la  coupe  faite  au  pié.  M.  de  Bur- 
fon  a  même  obfervé  fouvent  que  les  futaies  venues 
de  graine  ou  de  jeunes  plants  ,  n'éîoient  pas  fi  belles 
ni  li  droites  que  les  futaies  venues  fur  de  jeunes  lou- 
ches :  ainfi  on  ne  doit  pas  héfiter  à  mettre  en  prati- 
que cette  efpece  de  culture ,  ii  facile  &c  ii  peu  coù- 
teufe. 

Il  n'eft  pas  néceffaire  d'avertir  qu'elle  eft  encore 
plusindifpenfable  lorfque  les  jeunes  plants  ont  été  ge- 
lés ;  il  n'y  a  pas  d'autre  moyen  pour  les  rétablir  que 
de  les  couper.  On  auroit  dû ,  par  exemple  ,  réceper 
tous  les  taillis  de  deux  ou  trois  ans  qui  ont  été  gelés 
au  mois  d'Octcbre  1740:  jamais  gelée  d'automne 
n'a  fait  autant  de  mal.  La  feule  façon  d'y  remédier , 
c'eft  de  couper  :  on  faciïrîe  trois  ans  pour  n'en  pas 
perdre  dix  ou  douze. 

Le  chêne  &  le  hêtre  font  les  feuls  arbres  ,  à  l'ex- 
ception des  pins  &  de  quelques  autres  de  moindre 
valeur  ,  qu'on  puiffe  femer  avec  fuccès  dans  les  ter- 
reins  incultes.  Le  hêtre  peut  être  lemé  dans  les  ter- 
reins  légers  ;  la  graine  ne  peut  pas  fortir  dans  une 
terre  forte  ,  parce  qu'elle  poulie  au-dehors  Ion  enve- 
loppe au-deffus  de  la  tige  naiffante  ;  ainfi  il  lui  faut 
une  terre  meuble  &  facile  à  divifer ,  fans  quoi  elle 
refte  &  pourrit.  Le  chêne  peut  être  lemé  dans  pref- 
quetous  lesterreins.  M.  de  Buftbn  a  donné  en  1739, 
dans  les  Mémoires  de  l'Académie ,  les  différens  procé- 
dés fuivant  les  diftérens  terreins.  Toutes  les  autres 
efpeces  d'arbres  peuvent  être  élevées  en  pépinière  , 
&  enfuite  tranfplantées  à  l'âge  de  deux  ou  trois  ans. 
Il  faut  éviter  de  mettre  enfemble  les  arbres  qui  ne 
fe  conviennent  pas  :  le  chêne  craint  le  voifinage  des 
pins ,  des  lapins ,  des  hêtres ,  &  de  tous  les  arbres  qui 
pouffent  de  groffes  racines  dans  la  profondeur  du  fol. 
En  général, pour  tirer  le  plusd'avantage  d'un  terrein, 
il  faut  planter  enfemble  les  arbres  qui  tirent  la  lub- 
ftance du  fond  en  pouffant  leurs  racines  à  une  grande 
profondeur  ,  &  d'autres  arbres  qui  puiftent  tirer  leur 
nourriture  prefque  de  la  furface  de  la  terre  ,  comme 
font  tous  les  arbres  dont  les  racines  s'étendent  & 
courent  à  quelques  pouces  feulement  de  profondeur, 
fans  pénétrer  plus  avant. 

Lorfqu'on  veut  femer  du  bois,  il  faut  attendre  une 
année  abondante  en  glands  ,  non-leulement  parce 
qu'ils  font  meilleurs  &  moins  chers ,  mais  encore 
parce  qu'ils  ne  font  pas  dévorés  par  les  oifeaux ,  les 
mulots  &  les  fanglicrs  ,  qui  trouvant  abondamment 
du  gland  dans  les  forêts,  ne  viendront  pas  attaquer 


B  O  I 

votre  femis  :  ce  qui  ne  manque  jamais  d'arriver  dans 
des  années  de  dilette. 

BOIS  ;  accroiffement  du  bois  ;  formation  du  bois  ;  tex- 
ture du  bois  ;  force  &  réjïjlance  du  bois.  Une  femence 
d'arbre  ,  un  gland  qu'on  jette  en  terre  au  printems  , 
produit  au  bout  de  quelques  lemaines  un  petit  jet  ten- 
dre &  herbacée,  qui  augmente,  s'étend,  grofîït,  dur- 
cit ,  &  contient  déjà  des  la  première  année  un  filet 
de  lubftance  ligneufe.  A  l'extrémité  de  ce  petit  arbre 
eft  un  bouton  qui  s'épanouit  l'année  fuivante,8t  dont 
il  fort  un  fécond  jet  fembiable  à  celui  de  la  premiè- 
re année ,  mais  plus  vigoureux,  qui  groflit  &  s'étend 
davantage ,  durcit  dans  le  même  tems ,  &  produit 
aufli  à  fon  extrémité  fupérieure  un  autre  bouton  qui 
contient  le  jet  de  la  troilieme  année  ,  &  ainfides  au- 
tres ,  jufqu'à  ce  que  l'arbre  loit  parvenu  à  toute  fa 
hauteur:  chacun  de  ces  boutons  eft  une  femence  qui 
contient  le  petit  arbre  de  chaque  année.  L'accroilîe- 
ment  des  arbres  en  hauteur  le  fait  donc  par  plufieurs 
productions  femblables  &  annuelles  ;  de  forte  qu'un 
arbre  de  cent  pies  de  haut  eft  compolé  dans  fa  lon- 
gueur de  plufieurs  petits  arbres  mis  bout  à  bout  ;  le 
plus  grand  n'a  pas  fouvent  deux  pies  de  longueur. 
Tous  ces  petits  arbres  de  chaque  année  ne  changent 
jamais  de  hauteur ,  ils  exiftent  dans  un  arbre  de  cent 
ans  fans  avoir  grofli  ni  grandi  ;  ils  font  feulement  de- 
venus plus  folides.  Voilà  comment  le  fait  l'accroifîe- 
ment  en  hauteur  ;  l'accroiffement  en  grofteur  en  dé- 
pend. Ce  bouton  qui  fait  le  fommet  du  petit  arbre  de 
la  première  année  ,  tire  fa  nourriture  à  travers  la 
lubftance  &  le  corps  même  de  ce  petit  arbre  :  mais 
les  principaux  canaux  qui  fervent  à  conduire  la  fève 
fe  trouvent  entre  l'écorce  &  le  filet  ligneux.  L'action 
de  cette  fève  en  mouvement  dilate  ces  canaux  &  les 
fait  groftir ,  tandis  que  le  bouton  en  s'élevant  les  tire 
&  les  allonge  de  plus  la  fève  en  y  coulant  conti- 
nuellement jRïépole  des  parties  fixes ,  qui  en  aug- 
mentent la  folidité  ;  ainft  dès  la  féconde  année  un  pe- 
tit arbre  contient  déjà  dans  fon  milieu  un 'filet  li- 
gneux en  forme  de  cône  fort  allongé  ,  qui  eft  la  pro- 
duction en  iw'i  de  la  ire  année, 6c  une  couche  ligneufe 
aufti  conique ,  qui  envelope  ce  premier  filet  &  le  fur- 
monte  ,  ck  qui  eft  la  production  de  la  féconde  année. 
La  troilieme  couche  le  forme  comme  la  féconde  ;  il 
en  eft  de  même  de  toutes  les  autres  ,  qui  s'envelop- 
pent fucceftivement  &  continuellement  ;  de  forte 
qu'un  gros  arbre  eft  un  compole  d'un  grand  nombre 
-de  cônes  ligneux  ,  qui  s'enveloppent  &  le  recouvrent 
tant  que  l'arbre  groilit.  Lorfqu'on  vient  à  l'abattre , 
on  compte  ailémentlur  la  coupe  tranfverfale  du  tronc 
le  nombre  de  ces  cônes ,  dont  les  ferions  forment  des 
cercles  concentriques  ;  &  on  reconnoît  l'âge  de  l'ar- 
bre par  le  nombre  de  ces  cercles  ;  car  ils  fontdiftinc- 
tement  féparés  les  uns  des  autres.  Dans  un  chêne  vi- 
goureux FépaifTeur  de  chaque  couche  eft  de  deux*ou 
trois  lignes  ;  cette  épaiffeur  eft  d'un  bois  dur  &  folide: 
mais  la  lubftance  qui  unit  enfemble  ces  cônes  li- 
gneux n'eft  pas  à  beaucoup  près  aufti  ferme  ;  c'eft  la 
partie  foible  du  bois  dont  l'organifation  eft  différente 
de  celle  des  cônes  ligneux ,  &  dépend  de  la  façon 
dont  ces  cônes  s'attachent  &  s'unifient  les  uns  aux 
autres ,  que  M.  de  Buffon  explique  en  deux  mots.  Les 
canaux  longitudinaux  qui^portent  la  nourriture  au 
bouton  ,  non-feulement  prennent  de  l'étendue  &  ac- 
quièrent de  la  folidité  par  l'action  &  le  dépôt  de  la 
levé ,  mais  ils  cherchent  encore  à  s'étendre  d'une 
autre  façon  ;  ils  fe  ramifient  dans  toute  leur  longueur, 
&  pouffent  de  petits  fils ,  qui  d'un  côté  vont  produi- 
re l'écorce ,  &  de  l'autre  vont  s'attacher  au  bois  de 
l'année  précédente  ,  Se  forment  entre  les  deux  cou- 
ches du  bois  un  tiffu  fpongieux  /qui  coupé  tranfver- 
falement,  même  à  une  allez  grande  épaiffeur,  laiffe 
voir  des  petits  trous  ,  à  peu  près  comme  on  en  voit 
dans  la  dentelle.  Les  couches  du  bois  font  donc  unies 


B  O  I 

les  unes  aux  autres  par  une  efpece  de  réfeau  ;  ce  ré- 
feau n'occupe  pas  à  beaucoup  près  autant  d'efpace 
que  la  couche  ligneufe  ;  il  n'a  que  demi-ligne  ou  en- 
viron d'épaiffeur. 

Par  cette  fimple  exposition  de  la  texture  du  bois , 
on  voit  que  la  cohérence  longitudinale  doit  être  bien 
plus  considérable  que  l'union  tranfvcrfale  :  on  voit 
que  dans  les  petites  pièces  de  bois  ,  comme  dans  un 
barreau  d'un  pouce  d'épaiffeur ,  s'il  fe  trouve  qua- 
torze ou  quinze  couches  ligneufes  ,  il  y  aura  treize 
ou  quatorze  cloifons  ;  &c  que  par  conséquent  ce  bar- 
reau fera  moins  fort  qu'un  pareil  barreau  qui  ne  con- 
tiendra que  cinq  ou  fix  couches ,  &  quatre  ou  cinq 
cloifons.  On  voit  auffi  que  dans  ces  petites  pièces  , 
s'il  fe  trouve  une  ou  deux  couches  ligneufes  qui 
Soient  tranchées,  ce  qui  arrive  Souvent,  leur  force 
Sera  considérablement  diminuée  :  mais  le  plus  grand 
défaut  de  ces  petites  pièces  de  bois  ,  qui  Sont  les  Seu- 
les fur  lefquelles  on  ait  fait  des  expériences  ,  c'eft 
qu'elles  ne  Sont  pas  comporees  comme  les  groffes 
pièces.  La  pofitiondes  couches  ligneufes  &  des  cloi- 
fons dans  un  barreau  eft  fort  différente  de  la  position 
de  ces  mêmes  couches  dans  une  poutre  ;  leur  figure 
eft  même  différente  ;  &  par  conséquent  on  ne  peut 
pas  eftimer  la  force  d'une  groffe  pièce  par  celle  d'un 
barreau.  Un  moment  de  réflexion  fera  fentir  ce  que 
je  viens  de  dire.  Pour  faire  une  poutre  il  ne  fautqu'é- 
quarrir  l'arbre ,  c'eft-à-dire  ,  enlever  quatre  fegmens 
cylindriques  d'un  bois  blanc  &£  imparfait  qu'on  ap- 
pelle aubier:  le  cœur  de  l'arbre,  la  première  couche 
ligneufe ,  refte  au  milieu  de  la  pièce  ;  toutes  les  autres 
couches  enveloppent  la  première  en  forme  de  cer- 
cles ou  de  couronnes  cylindriques  ;  le  plus  grand  de 
ces  cercles  entiers  a  pour  diamètre  l'épaiffeur  de  la 
pièce  ;  au-delà  de  ce  cercle  tous  les  autres  ibnt  tran- 
chés ,  &  ne  forment  plus  que  des  portions  de  cercle 
qui  vont  toujours  en  diminuant  vers  les  arrêtes  de  la 
pièce  :  ainfi  une  poutre  quarrée  eft  compofée  d'un 
cylindre  continu  de  bon  bois  bien  folide  ,  &  de  qua- 
tre portions  angulaires  tranchées  d'un  bois  moins  So- 
lide &  plus  jeune.  Un  barreau  tiré  du  corps  d'un  gros 
arbre  ,  ou  pris  dans  une  planche  ,  eft  tout  autrement 
composé  :  ce  font  de  petits  fegmens  longitudinaux 
des  couches  annuelles ,  dont  la  courbure  eft  inienfi- 
ble  ;  des  fegmens  qui  tantôt  fe  trouvent  pofés  paral- 
lèlement aune  des  Surfaces  du  barreau  ,  &  tantôt  plus 
ou  moins  inclinés  ;  des  fegmens  qui  font  plus  ou 
moins  longs  &  plus  ou  moins  tranchés  ,  &  par  con- 
féquent  plus  ou  moins  forts  :  de  plus  il  y  a  toujours 
clans  un  barreau  deux'  politions  ,  dont  l'une  cil  plus 
avantageufe  que  l'autre  ;  car  ces  iègmens  de  couches 
ligneufes  forment  autant  de  plans  parallèles:  û  vous 
polez  le  barreau  en  forte  que  ces  plans  foient  verti- 
caux., il  réfiftera  davantage  que  dansune'politionho- 
rifontale  ;  c'eft  comme  fi  on  faifoit  rompre  plulieurs 
planches  à  la  fois ,  elles  réfifteroient  bien  davantage 
étant  poSécs  fur  le  côté  ,  que  furie  plat.  Ces  remar- 
ques Sont  déjà  fentir  combien  on  doit  peu  compter 
fur  les  tables  calculées  ou  fur  les  formules  que  diffé- 
rens  auteurs  nous  ont  données  de  la  force  du  bois  , 
qu'ils  n'avoient  éprouvée  qÉe  Sur  des  pièces,  dont  les 
plus  groffes  étoient  d'un  ou  deux  pouces  d'épaiffeur, 
&:  dont  ils  ne  donnent  ni  le  nombre  des  couches  li- 
gneufes que  ces  barreaux  contenoient ,  ni  la  polition 
de  ces  couches,  ni  le  Sens  dans  lequel  fe  font  trou- 
vées ces  couches  lorsqu'ils  ont  t'ait  rompre  le  bar- 
reau ;  circonstances  cependant  effentielles  ,  comme 
on  le  verra  par  les  expériences  de  M.  de  Buffon,  & 
par  les  Soins  qu'il  s*eft  donnés  pour  découvrir  les  effets 
de  toutes  ces  différences.  Les  Physiciens  qui  ont  fait 
quelques  expériences  fur  la  force  du  bois  ,  n'ont  fait 
aucune  attention  à  ces  inconvéniens  :  mais  il  y  en  a 
d'autres  ,  peut-être  encore  plus  grands ,  qu'ils  ont 
aulîi  négligé  de  prévoir  &  de  prévenir.  Le  jeune  bois 


B  O  I 


301 


eft  moins  fort  que  le  bois  plus  âgé  ;  un  barreau  tiré 
dupié  d'un  arbre,réfifte  davantage  qu'un  barreau  qui 
vient  du  fommet  du  même  arbre;  un  barreau  pris  à  la 
circonférence  près  de  l'aubier ,  eft  moins  fort  qu'un 
pareil  morceau  pris  au  centre  de  l'arbre  :  d'ailleurs 
le  degré  de  deffechement  du  bois  fait  beaucoup  à  la 
réliftance  ;  le  bois  vert  caffe  bien  plus  difficilement 
que  le  bois  Sec.  Enfin  le  tems  qu'on  employé  à  char- 
ger les  bois  pour  les  faire  rompre  ,  doit  auffi  entrer 
en  confidération  ;  parce  qu'une  pièce  qui  foûtiendra 
pendant  quelques  minutes  un  certain  poids,  ne  pour- 
ra pas  Soutenir  ce  même  poids  pendant  une  heure  ; 
&  M.  de  Buffon  a  trouvé  que  des  poutres  qui  a  voient 
chacune  Supporté  fans  fe  rompre  ,  neuf  milliers  pen- 
dant un  jour,  avoient  rompu  au  bout  de  cinq  à  Six 
mois  fous  la  charge  de  fix  milliers  ;  c'eft-à-dire ,  qu'el- 
les n'avoient  pas  pu  porter  pendant  fix  mois  les  deux 
tiers  de  la  charge  qu'elles  avoient  portée  pendant  un 
jour.  Tout  cela  prouve  affez  combien  les  expérien- 
ces que  l'on  a  faites  Sur  cette  matière  l'ont  imparfai- 
tes ;  &  peut-être  cela  prouve  auffi  qu'il  n'eft  pas  trop 
aiié  de  les  bien  faire.  M.  de  Buffon  ,  auteur  des  Mé- 
moires dont  nous  avons  tiré  tout  ce  que  nous  avons 
dit  juiqu'ici,  a  fait  une  infinité  d'expériences  pour 
connoitre  la  force  du  bois:h  première  remarque  qu'il 
a  faite  ,  c'eft  que  le  bois  ne  caffe  jamais  Sans  avertir , 
à  moins  que  la  pièce  ne  Soit  fort  petite.  Le  bois  vert 
caffe  plus  difficilement  que  le  bois  Sec  ;  &  en  général 
le  bois  qui  a  du  reffort  rélifte  beaucoup  plus  que  ce- 
lui qui  n'en  a  pas  :  l'aubier,  le  bois  des  branches  , 
celui  du  fommet  de  la  tige  d'un  arbre  ,  tout  le  bois 
jeune ,  eft  moins  fort  que  le  bois  plus  âgé.  La  force 
du  bois  n'eft  pas  proportionnelle  à  fon  volume  ;  une 
pièce  double  ou  quadruple  d'une  autre  pièce  de  mê- 
me longueur ,  eft  beaucoup  plus  du  double  ou  du  qua- 
druple plus  forte  que  la  première:  par  exemple,  il 
ne  faut  pas  quatre  milliers  pour  rompre  une  pièce  de 
dix  pies  de  longueur,  &  de  quatre  pouces  d'équar- 
e  ;  &  il  en  faut  dix  pour  rompre  une  pièce  dou- 
ble ;  &  il  faut  vingt-fix  milliers  pour  rompre  une  pie- 
ce  quadruple,  c'eft-à-dire  ,  une  pièce  de  dix  pies  de 
longueur,  Sur  huit  pouces  d'équarriffage.  Il  en  eft  de 
même  pour  la  longueur  :  il  Semble  qu'une  pièce  de 
huit  pies,  &  de  même  groffeur  qu'une  pièce  de  feize 
pies  ,  doit  par  les  règles  de  la  Méchanique  porter 
julle  le  double  ;  &  cependant  elle  porte  beaucoup 
plus  du  double.  M.  de  Buffon  qui  auroit  pu  donner 
des  raifons  phyfiques  de  tous  ces  faits,  le  borne  à 
donner  des  faits  :  le  bois  qui  dans  le  même  terrein 
croît  le  plus  vite,  eft  le  plus  fort;  celui  qui  a  crû 
lentement,  &  dont  les  cercles  annuels,  autrement 
les  couches  ligneules,  font  minces,  eSt  moins  Sort  que 
l'autre. 

M.  de  Buffon  a  trouvé  que  la  force  du  bois  eu.  pro- 
portionnelle à  la  pefanteur;  de  forte  qu'une  pièce  de 
même  longueur  &  groffeur,  mais  plus  pelante  qu'u- 
ne autre  pièce  ,  Sera  auffi  plus  forte  à  peu  près  en 
même  railon.  Cette  remarque  donne  les  moyens  de 
comparer  la  force  du  bois  qui  vient  de  différens  pays 
&:  de  différens  terreins  ,  &  étend  infiniment  L'utilité 
•  exp  ncesdeM.de  Buffon:  car lorfqu'il 
d'une  construction  importante  ,  ou  d'un  ou\ . 
conféquerice  ,  on  pourra  aifément  au  moyen  de  S'a 
table,  &  en  pelant  les  pièces,  ou  feulement  des 
échantillons  de  ces  pièces  ,  s 'affiner  de  la  force  du 
bois  qu'on  employé  ;  &  on  évitera  le  double  incon- 
vénient d'employer  trop  ou  trop  peu  de  cette  matiè- 
re ,  que  fouvent  on  prodigue  mal-à-propos  ,  èc  que 
quelquefois  on  ménage  avec  encore  moins  de  railon. 
Pour  effayer  de  comparer  les  effets  du  tems  fur  la 
réfiftance  du  bois ,  Se  pour  reconnoître  combien  il 
diminue  de  fa  force,  M.  de  Buffon  a  choifi  quatre 
pièces  de  dix-huit  pies  de  longueur ,  fur  fept  pouces 
de  groffeur  ;  il  en  a  fait  rompre  deux  ,  qui  en  nom- 


302 


B  O  I 


B  O  1 


bre  rond  ont  porté  neuf  milliers  chacune  pendant 
une  heure  ;  il  a  fait  charger  les  deux  autres  de  fix 
milliers  feulement ,  c'eïî-à-dire  des  deux  tiers  ,  &c  il 
les  a  laiffé  ainfi  chargées  ,  réfolu  d'attendre  l'événe- 
ment :  l'une  de  ces  pièces  a  cafle  au  bout  de  trois 
mois  &  vingt-iîx  jours  ;  l'autre  au  bout  de  fix  mois 
&  dix-fept  jours.  Après  cette  expérience  il  fit  travail- 
ler deux  autres  pièces  toutes  pareilles,  6k  il  ne  les  fit 
charger  que  de  la  moitié ,  c'eft-à-dire  ,  de  quatre  mille 
cinq  cens  ;  M.  de  Buffon  lésa  tenues  plus  de  deux  ans 
ainfi  chargées  ;  elles  n'ont  pas  rompu,  mais  elles  ont 
plié  affez  conhdérablement  ;  ainfi  dans  des  bâtimens 
qui  doivent  durer  long-tems ,  il  ne  faut  donner  au  bois 
tout  au  plus  que  la  moitié  de  la  charge  qui  peut  le  fai- 
re rompre  ;  &  il  n'y  a  que  dans  des  cas  preffans  ,  & 
dans  des  conftructions  qui  ne  doivent  pas  durer,  com- 
me lorfqu'il  faut  faire  un  pont  pourpafTer  une  armée, 
ou  un  échaffaud  pour  fecourir  ou  affaillir  une  ville  , 
qu'on  peut  hafarder  de  donner  au  bois  les  deux  tiers 
de  fa  charge. 

Tous  les  auteurs  qui  ont  écrit  fur  la  réfiitance  des 
folides  en  général ,  &c  du  bois  en  particulier,  ont  don- 
né comme  fondamentale  la  règle  luivante  :  la  réfif- 
tance  ejl  en  raifon  invtrjt  de  la  longueur ,  en  raifon  directe 
de  la  largeur  ,  &  en  raifon  doublée  de  la  hauteur.  Cette 
règle  elt  celle  de  Galilée  ,  adoptée  par  tous  les  Ma- 
thématiciens ,  &  elle  feroit  vraie  pour  tous  les  folides 
qui  feroient  ablolument  inflexibles  &  qui  romproient 
tout-à-coup  :  mais  dans  les  folides  élaitiques ,  tels  que 
le  bois ,  il  elt  ailé  d'appercevoir  que  cette  règle  doit 
être  modifiée  à  plufieurs  égards.  M.  Bernoulli  a  fort 
bien  obfervé  que  dans  la  rupture  des  corps  élalt iques' 
une  partie  des  libres  s'allonge ,  tandis  que  l'autre  par- 
tie fe  racourcit,  pour  ainfi  dire,  en  refoulant  fur  elle- 
même,  f^oye^  fon  mémoire  dans  ceux  de  F  Académie  , 
année  ijo5.  On  voit  par  les  expériences  précéden- 
tes, que  dans  les  pièces  de  la  même  grciTeur ,  la  règle 
de  la  réiiltance  en  raifon  inverle  de  la  longueur  s'ob- 
ferve  d'autant  moins  que  les  pièces  font  plus  courtes. 
Il  en  eft  tout  autrement  de  la  règle  de  la  réiiltance  en 
raifon  direde  de  la  largeur  &  du  quarré  de  la  hau- 
teur. M.  de  Buffon  a  calculé  la  table  feptieme,  à  def- 
fein  de  s'aiTùrer  de  la  variation  de  cette  règle  ;  on 
voit  dans  cette  table  les  réfultats  des  expériences ,  & 
au-deiîbus  les  produits  que  donne  cette  règle  ;  il  a 
pris  pour  unités  les  expériences  faites  fur  les  pièces 
de  cinq  pouces  d'équarrifTage ,  parce  qu'il  en  a  fait 
un  plus  grand  nombre  fur  cette  dimenfion  que  fur  les 
autres.  On  peut  obierverfur  cette  table,  que  plus  les 
pièces  font  courtes ,  &  plus  la  règle  approche  de  la 
vérité  ;  &  que  dans  les  plus  longues  pièces ,  comme 
celles  de  18  &  de  zo  pies,  elle  s'en  éloigne  ;  cepen- 
dant à  tout  prendre,  on  peut  fe  fervir  de  la  règle  gé- 
nérale avec  les  modifications  néceffaires  pour  calcu- 
ler la  réiiltance  des  pièces  de  bois  plus  groffes  &  plus 
longues  que  celles  dont  M.  de  Buffon  a  éprouvé  la  re- 
ntrance ;  car  en  jettant  les  yeux  fur  cette  feptieme 
table  ,  on  voit  un  grand  accord  entre  la  règle  &  les 
expériences  pour  les  différentes  groffeurs ,  &  il  règne 
un  ordre  alTez  confiant  dans  les  différences  par  rap- 
port aux  longueurs  &  aux  groffeurs,  pour  juger  de  la 
modification  qu'on  doit  faire  à  cette  règle.  Voye^ 
Résistance, 


TABLE    DES    EXPERIENCES 

SUR     LA     FORCE     DU     BOIS. 

Première  Table ,  pour  les  pièces  de  quatre  pouces 
d'équarrijfage. 


Longueurs 

des 

pi.ces. 

Poids 
dts  pietés. 

Charges. 

Tems 

employé 
à  charger 
les  pièces. 

Flèches  de  la 
courbure  des 
pièces  dans 
l'initant   où 
elles   com- 
menc.nt  à 
rompre. 

Pies. 

Livres. 

Livres. 

Heur.  M,n. 

Pouc.  Lign. 

7 
8 

{ 

l 

X 

6o 

68 
63 

535° 
5^75 

4600 

t 

4500 

O        29 

O        ZZ 

O        15 
O         I3 

3  6 

4  6 

3  9 

4  8 

9 

i 
{ 

f 
l 

77 
71 

4100 
395° 

O        14 

O         12. 

4  10 

5  6 

io 

84 
82 

3625 
3600 

O        I5 
O         15 

5  10 

6  6 

12 

100 
98 

3050 

2925 

.... 

7 
8 

Seconde  Table ,  pour  les  pièces  de  cinq  pouces 
d'équarrijfage. 


Longue 

des 

pieee! 

urs 

Poids 

des  pièces. 

Charges. 

Tems  dtp;  i 
le  premier 
éclat  jufqu'. 
l'inftant  de 
1j  rupture. 

Flèches  ce  ia 
courbure 
avant  que 
d'éclater. 

Via. 

Livres. 

Livres. 

Heur.  Min 

Pouc  Lign. 

7 
8 

\ 

94 

88f 

112J-) 

O        58 

0      53 

2     6 
2     6 

104 

I  02 

9900 
9675 

0     40 
0     39 

2     8 
2   1 1 

9 

; 

1 

Il8 

Il6 

IJ5 

84OO 
8325 
8200 

0     28 

0     28 
0     26 

3 

3     3 
3     6 

10 

{ 

132 
130 
128I 

7225 
705O 

7IOO 

0     2.1 

0     20 
0      18 

3     2 
3     6 

4 

12 

14 

\ 

— 1 

156 
r54 

6050 
6lOO 

0      30 

5     6 
5     9 

178 
176" 

54OO 
5200 

0     21 
0      18 

8 

8      3 

16 

\ 

.209 

205 

44-5 
4275 

0      17 
0      15 

8      1 
8     2 

18 

\ 

232 
231 

375° 
3650 

0      1 1 
0      10 

8 
8     z 

20 

\ 

263 
259 

3-75 
3J75 

0     10 
0        8 

8    10 

10 

22. 

281 

-975 

0      18 

11      3 

24 

\ 

310 
307 

2200 

2125 

0     16 
0      15 

1 1 
13     6 

26 

28 

\ 

364 
360 

1  800 

1750 

0      17 
0      17 

18 
zz 

B  O  I 

Troijïcmc  Table  ,  pour  les  pièces  de  Jîx  pouces 
d'équarrijjage. 


Longueurs 

des 

pièces. 

Poids 
des  pièces. 

Charges. 

Tems  depuis 
le  premier 
éclat  jufqu'à 
l'inirant  de 
la  rupture. 

Flèches  de  la 
courbure 
avant  que 
d'éclater. 

Pics. 

Livres. 

Livres. 

Heur.  Min. 

Ptucpgà. 

On  n'a  pas 
pu  obfcrver  la 
quantité    dont 
les  pièces  de  7 
p;cs    ont    plie 
dans  leur  mi- 
lieu, àcaufede 
lepaifleur  de 
la  boucle. 

-l 

128 

ia6j 

19250 
18650 

I        49 
I        38 

I         12 
I         IO 

S{ 

149 
i*6 

15700 

!535° 

2      4 
2       5 

'{ 

166 
164I 

13450 
12850 

O        56 
O        51 

2       6 

2     10 

"f 

188 
186 

"475 
11025 

O       46 
O       44 

3 

3       6 

"{ 

224 
2.2.1 

9200 
9000 

O        31 
O        32 

4 
4'      J 

'*  l 

255 
254 

7450 

7500 

O       25 
O       22 

4       6 
4       - 

,,-{ 

294 
293 

6250 
6475 

O       20 
O        19 

5       6 

5     J° 

"{ 

334- 

33i 

5625 
5500 

O        l6 

0     14 

7  5 

8  6 

M 

377 
375 

5025 
4875 

O        II 
O        I  I 

9       ^ 

8      10 

Quatrième  Table  ,  pour  les  pièces  de  fept  pouces 
d'équarrijfage. 


Longue 

des 

pièces 

JiS 

Poids 
des  pièces. 

Charges. 

Tt.ms  depuis 
le  premier 

rinftant  de- 
là rupture. 

Flèches  de  la 
courbure 
avant  que 
d'éclater. 

Pies. 

Livres. 

Livres. 

Heu 

-.  Afin. 

Poue 

L  n. 

7 

8 

i 

204 

20ji 

26l  50 
2595O 

Z 

6 
J3 

1 

9 
6 

9 

s 

i 

227 
225 

Z2800 
2I9OO 

1 
I 

40 

37 

3 

1 
1  1 

10 

t 

254 
252 

I965O 
I93OO 

1         H 
I         16 

3 

7 

12 

{ 

302 
30I 

l6800 
1  5550 

1        3 

1 

J 

1 1 
4 

14 

1 

— 

s 

1 

351 
351 

I360O 
I285O 

0 
0 

55 
48 

4 
3 

2 
9 

16 

406 
403 

IIIOO 

10900 

0 

0 

41 

36 

4 
5 

10 
3 

18 

{ 

454 
450 

9450 
9400 

0 

0 

-7 
22 

5 

5 

6 

10 

20 

r 

1 

505 

500 

8550 

•  8000 

0 
0 

15 

13 

7 
8 

10 
6 

' 

B  O  I 


303 


Cinquième  Table  ,  pour  les  pièces  de  huit  pouces 
d'équarrijfage. 


Longueurs 

des 

pièces. 


des  pièces. 


IO     {      331 

l        33° 


2    S     397 

X     3951 


461 
459 


10 


l      5^ 


18    J     594 

!   593 


-{ 


664 
6604 


Charges! 


2780O 
277OO 


2390O 
23OOO 


20050 
I950O 


1680O 
I595O 


I35OO 

I290O 


II775 
I  I200 


Tems  depuis 
le  premier 
éclat  julqu'; 
l'ii, liant  de 
la  rupture. 


Heur.  Min. 


5° 
58 


o     47 
o     50 


o     24 
o     28 


Fkches  delà 
ccurbtre 


: 

? 

2 

1 1 

3 

10 

3 

\ 

5 

2 

J 

9 

4 

6 

4 

1 

Sixième  Table ,  pour  les  charges  moyennes  de  toutes 
les  expériences  précédentes. 


r 

Grosseurs. 

4 
pouces. 

5 
pouces. 

6 
pouces. 

7 
pouces. 

8 
pouces. 

Pus. 

7 

Livres. 

Livres. 

Livres. 

Liires. 

Livres. 

5312 

11525 

1895O 

8 

45  50 

9787  i 

W5 

26050 

9 

10 
1 2 

4025 

8308  f 

13150 

22350 

3612 

7125 

1 1250 

!9475 

-7750 

2987^ 

6075 

9100 

16175 

23450 

14 
16 

5300 

7475 

13225 

19775 

4350 

6362 1 

1 1000 

16375 

18 

3700 

55**1 

94-5 

r  3200 

20 

3225 

4950 

82/5 

11487-1 

-4 

28 

! 

2975 

2l62{ 

1                    _           1 

3°4 


B  O  I 


Septième  Takte.  Comparai/on  de  la  réfiftance  du  bois  , 
trouvées  par  Us  expériences  précédentes  ,  &  de  la  ré- 
Jîjlance  du  bois  fuivant  la  règle  que  cette  réfifance  efl 
comme  la  largeur  de  la  pièce  ,  multipliée  par  le  quarré 
de  fa  hauteur  ,  en  fuppofant  la  même  longueur. 

Nota.  L.s  aftéri  mes  marquent  que  les  expériences  f.'ort  pas  été  faites. 


Grosseurs. 


+ 
pouces. 


5 

pouces. 


6 
pouces. 


Sîp     1  S. 8950 

C59°r      3  CI99Mf 


i{455°,   } 

bon?  J 


J7*.s    / 

»w  169 12 


/a025       il     o       ni  fiBM0 

43';1*  l^5^ii25° 

_JL 3^48   j 1 12312 

f2987ï   l  /         f  9100 
12;  .7  6075  -< 

l3"of  J  \ 10497} 


5100 


7+75 


l  88] 


7 
pouces. 


pouces. 


4.8100 

476 19 l 
31624}/  471 9b f 


26050 
268s6-^ 


22350 
22798 1 


9+75 


19551      '29181 


16175 
16669! 


f  636^ 
L  75'6| 


+  3 


3700 


3"5 


13225 
J3995j 
1 1000 
ii936f 


f   55621 
\  6393) 

f'  +95o 
\   5  57-1 


0152 


8275 
8849  f 


27750 


23i5° 
24883J 

■9775 
20889} 


16375 
»78i7i 

1  3200 

J5f55Î 

11487^ 
1 3209! 


Le  bois  fur  pié  prend  différentes  dénominations  fé- 
lon fes  différentes  qualités.  Il  s'appelle 

Bois  arsin,  lorfqu'il  a  été  maltraité  par  le  feu. 

Bois  blanc.  Voye^  Blanc-bois. 

Bois  BOMBÉ  ,  s'il  a  quelque  courbure  naturelle. 

Bois  carié  ou  vicié,  s'il  a  des  malandres  ou 
nœuds  pourris. 

Bois  chamblis  ;  quand  il  a  été  maltraité  par  les 
vents,  foit  qu'il  ait  été  déraciné  &  renverlé,  loit  que 
les  branches  feulement  en  ayent  été  rompues. 

Bois  charmé,  lorfqu'il  a  reçu  quelque  domma- 
ge dont  la  caufe  n'eft  pas  apparente,  &  qu'il  menace 
de  périr  ou  de  tomber. 

Bois  en  défends,  lorfqu'il  eft  défendu  de  le  cou- 
per ,  &  qu'ayant  été  reconnu  de  belle  venue ,  on  veut 
lui  laiffer  prendre  tout  fon  accroiffement.  Ces  défends 
ne  lont  guère  d'ufage  que  dans  les  grandes  forêts  ou 
les  bois  dégradés  ou  trop  jeunes,  pour  qu'on  en  puiffe 
faire  ufage.  Les  taillis  lont  en  défends  de  droit  juiqu'à 
cinq  &  fix  ans.  Le  défends  s'étend  toujours  aux  chè- 
vres ,  cochons ,  moutons ,  &  autres  animaux  mal-fai- 
fans,  hormis  le  tems  de  la  glandée  pour  les  cochons. 
Bois  dÉfensable,  lorfqu'il  eft  permis,  par 
celui  à  qui  il  appartient  de  permettre ,  de  faire  les 
coupes  oc  paillons  convenables  ,  parce  qu'il  eft  en 
état  de  rélifter. 

Bois  encrouÉ  ,  lorfqu'il  a  été  renverfé  fur  d'au- 
tres en  l'abattant ,  &  que  fes  branches  lie  lont  entre- 
lacées avec  les  branches  des  arbres  fur  lelquels  il  eft 
tombé. 

L'ordonnance  défend  d'abattre  les  bois  fur  lefquels 
d'autres  lont  encroiiés. 


B  O  I 


Bois  EN  ÉTANT,  quand  il  eft  debout. 

Bois  à  faucillon,  lorfqu'il  s'agit  d'un  petit 
taillis  qu'on  peut  abattre  à  la  lërpette. 

Bois  gelif,  s'il  a  des  gerfures  ou  fentes  caufées 
par  la  gelée.. 

Bois  marmentaux  ou  de  touche,  lorfqu'ils 
entourent  un  château ,  une  maifon  ,  un  parterre ,  6c 
qu'ils  lui  fervent  d'ornement.  Les  ufufruitiers  n'en 
peuvent  difpofer. 

Bois  mort  ,  s'il  ne  végète  plus ,  foit  qu'il  tienne 
à  l'arbre,  foit  qu'il  en  ait  été  léparé.  Voye^  Mort 
bois. 

Bois  mort  en  pié,  s'il  eft  pourri  fur  pié,  fans 
fubftance ,  &  bon  feulement  à  brûler. 

Bois  en  pueil,  fi  c'eft  un  bois  qui  ait  été  nou- 
vellement coupé ,  6c  qui  n'ait  pas  encore  trois  ans. 
11  eft  défendu  d'y  laiffer  entrer  aucun  bétail. 

Bois  rabougri  ,  s'il  eft  maifait,  tortu,  &  de 
mauvaife  venue. 

Bois  recÉpé  ,  quand  fur  quelque  défaut  qu'on 
lui  a  remarqué ,  on  la  coupé  par  le  pié  pour  l'avoir 
plus  promptement  &  de  plus  belle  venue. 

Bois  sur  le  retour,  lorfqu'il  eft  trop  vieux, 
qu'il  commence  à  diminuer  de  prix,  &  que  les  chê- 
nes ont  plus  de  deux  cents  ans. 

Bois  de  haut  revenu  ,  s'il  eft  de  demi-futaie 
de  40  à  60  ans. 

Bois  vif,  quand  il  porte  fruit  &  qu'il  vit ,  comme 
le  chêne  ,  le  hêtre ,  le  châtaignier ,  &  autres  qui  ne 
font  point  compris  dans  les  morts-bois. 

Le  bois  abattu  ou  pris  félon  la  première  acception 
du  terme  bois ,  ou  relativement  aux  ulages  qu'on  en 
fait  dans  la  fociété,  peut  le  diftribuer  en  bois  de  char- 
pente ,  defeiage  ,  de  charronage  ,  Si.  de  chauffage. 

Des  bois  de  charpente.  La  provifion  des  bois  de  char- 
pente ,  pour  la  fourniture  de  Paris,  le  tait  par  trois 
fortes  de  marchands ,  les  forains  domiciliés ,  les  fo- 
rains qui  vendent  en  arrivant,  &c  les  regratiers,  qui 
ont  leurs  magafins  dans  la  ville  oc  les  r..uxbourgs  , 
mais  ailleurs  que  fur  les  ports.  Ces  maichands  for- 
ment trois  corps  féparés,  mais  fans  communauté  ni 
entr'eux  ni  en  particulier.  C'eft  un  commerce  libre. 
L'île  Louvier  a  été  le  lieu  d'abordage  ces  bois  à  bâtir. 
Tous  les  marchands  ont  eu  le  même  uro.t  d'y  defeen- 
dre.  Chacun  prerioit  la  place  qui  lui  convenoit,  lâns 
payer  de  droit,  obiervant  leulement  de  ne  pas  occu- 
per trop  de  terrein.  Les  forains  domiciliés  tiennent  en 
tout  tems  leur  chantier  ouvert  pour  le  fervice  du 
bourgeois  ;  il  n'eft  fujet  à  aucune  vilite  de  police  :  le 
forain  non  domicilié  eft  obligé  de  tenir  port  pendant 
trois  jours,  afin  de  donner  le  tems  au  bourgeois  de  fe 
pourvoir  ;  les  charpentiers  &  menuiliers  ont  la  pré- 
férence fur  les  regratiers ,  &  peuvent  même  rompre 
leur  marché.  Le  regraticr  peut  faire  exploiter  pour 
fon  compte  :  mais  il  ne  peut  laiffer  fon  bois  fur  les 
ports  ;  il  faut  qu'il  le  faffe  entrer  dans  fes  chantiers 
immédiatement  après  l'achat. 

Le  commerce  des  bois ,  foit  de  chauffage ,  de  char- 
pente ou  de  menuiferie  ,  pris  en  grand  &  dans  la  fo- 
rêt, demande  une  grande  expérience  :  on  peut  y  per- 
dre ou  y  gagner  beaucoup  ;  le  moindre  mécompte  fur 
l'étendue  du  terrein,  la  quantité  des  bois  ,  leur  qua- 
lité ,  l'exploitation  &  le  traniport ,  tirent  à  des  conié- 
quences  immenles  ;  &  tel  marchand  croit  fa  fortune 
faite ,  tant  que  fon  bois  eft  fur  pié ,  qui  fe  trouve  à 
moitié  ruiné  quand  il  eft  abattu. 

Le  bois  de  chêne  eft  le  meilleur  de  tous  les  bois  pour 
la  charpente,  à  caufe  qu'il  ne  pourrit  point  facile- 
ment quand  il  eft  employé  lur  terre  &  dans  l'eau, 
ôc  qu'il  eft  plus  fort  que  les  autres  bois. 

Le  bois  de  châtaignier  eft  b«>n  pour  les  mêmes  ou- 
vrages ,  pourvu  qu'il  loit  à  couvert.  La  plupart  des 
anciens  édifices  ont  leur  charpente  de  ce  bois. 

Le  bois  d'aune  ne  pourrit  point  non  plus  dans  l'eau , 

ce 


B  O  I 

ce  qui  fait  qu'on  en  fait  des  tuyaux  de  pompes  &  de 
conduites  d'eau. 

Les  chênes ,  pour  pouvoir  en  faire  du  bois  bon 
pour  Pillage  de  la  charpenterie  ,  ne  doivent  point 
être  abattus  avant  foixante  ans,  &  plus  tard  que  deux- 
cents  ans  ;  parce  que  parlé  deux  cents  ans  ce  bois 
dépérit ,  &  qu'avant  foixante  ans  il  eft  trop  jeune. 

Dans  la  charpente  on  employé  de  deux  fortes  de 
bois ,  le  bois  de  brin  &c  le  bois  de  feiage. 

Le  bois  de  brin  cil  celui  qui  fe  fait  en  ôtant  les  qua- 
tre dofTes  &  flachc  d'un  arbre  en  Péquarriflant. 

Le  bois  de  feiage  fe  tire  ordinairement  des  bois 
courts  &  trop  gros ,  ou  des  pièces  moins  faines.  On 
en  parlera  plus  au  long  ci-deffous. 

Le  bois  de  chine  qu'on  nomme  bois  gras  ou  doux , 
eft  celui  qui  eft  moins  poreux  &c  fans  fil ,  &  a  moins 
de  nœuds  que  le  bois  ferme  ;  &  il  n'eft  bon  pour  l'u- 
fage  des  menuifiers ,  que  pour  faire  des  panneaux  & 
des  affemblages  qui  ne  fatiguent  point  ;  car  il  ne  vaut 
rien  pour  les  bâtis  de  portes ,  &c  tout  ce  qui  peut 
fouffrir  la  moindre  fatigue. 

Le  bois  dur  ou  ruflique ,  eft  celui  qui  a  le  fil  gros.  Il 
vient  dans  les  terres  fortes  &  fonds  pierreux  &  f  ablon- 
neux ,  &  au  bord  des  forets. 

Les  bois  légers  font  les  bois  blancs ,  comme  fapins , 
tilleuls ,  trembles ,  ôcc.  Les  charpentiers  ne  s'en  fer- 
vent que  dans  les  cloifons  au  défaut  du  chêne. 

Bois  ,  un  cent  de  bois;  c'eft ,  en  terme  de  Charpentier, 
foixante-douze  pouces  de  longueur  fur  iix  pouces  d'é- 
quarriffage.  Tout  le  bois  de  charpente  fe  réduit  à  cette 
mefure ,  &  une  feule  poutre  eft  comptée  pour  autant 
d'autres  ,  qu'elle  contient  de  fois  cette  mefure  ,  foit 
pour  la  vente ,  foit  pour  la  voiture ,  foit  pour  le  toifé. 

Le  bois  de  charpente  prend  différentes  dénomina- 
tions félon  fes  différentes  qualités  ;  il  s'appelle  : 

Bois  affoibli,  quand  on  a  diminué  considéra- 
blement la  forme  d'équarriffage ,  en  le  rendant  dif- 
forme, courbe,  ou  rampant ,  pour  laiffer  des  boffages 
aux  poinçons ,  ou  des  encorbellemens  aux  poteaux 
fous  les  poutres  qui  portent  dans  les  cloifons.  Au  ref- 
te  ce  bois  fe  toifé  dans  le  plus  gros  du  boffage. 

Bois  apparent,  lorfqu'étant  en  œuvre,  comme 
dans  les  ponts  de  bois,  planchers,  cloifons ,  &c.  il  n'eft 
point  recouvert  de  plâtre  ou  autre  matière. 

Bois  blanc,  quand  il  tient  de  la  nature  de  l'au- 
bier, &C  fe  corrompt  facilement. 

Bois  bouge,  quand  il  a  du  bombement,  ou  qu'il 
eft  courbé  en  quelque  endroit. 

Bois  cantiban  ,  lorfqu'il  n'a  du  flachc  que  d'un 
côté. 

Bois  corroyé  ,  quand  il  a  été  drcfTé  à  la  varlo- 
pe ou  au  rabot. 

Bois  déchiré  ,  celui  qui  revient  de  quelque  ou- 
vrage mis  en  pièces,  pour  raifon  de  vétufté  ou  autre. 

Bois  déversé  ou  gauchi,  lorfqu'après  avoir 
été  travaillé  &  équarri ,  il  n'a  pas  confervé  la  for- 
me qu'on  lui  a  donnée,  mais  s'eft  de  jette,  courbé, 
incliné  &C  déformé  de  quelque  manière  &  par  quel- 
que caufe  que  ce  foit. 

Bois  d'échantillon,  quand  les  pièces  de  bois 
font  d'une  groffeur  &  longueur  déterminée. 

Bois  échauffé  ;  lorfqu'il  commence  à  fe  gâter  Se 
-à  pourrir,  &  qu'on  lui  remarque  de  petites  taches  rou- 
ges Se  noires  ;  ce  font  ces  fortes  de  bois  que  quelques- 
uns  appellent  bois  pouilleux. 

Bois  d'entrée,  s'il  eft  entre  vcrd&  fec. 
BOIS  d'ÉQUARRISSAGE,  quand  il  eft  propre  à  re- 
cevoir la  forme  d'un  parallélépipède  :  il  ne  s'equarrit 
point  de  bois  au-deffous  de  fix  pouces  de  gros. 

Bois  FLACHE,  quand  il  ne  pourroit  être  bien 
équarri  fans  beaucoup  de  déchet,  èv  que  les  arrêtes 
n'en  font  point  vives. 

Bois  gissant,  lorfqu'il  eft  coupé,  abbatu  & 
couché  fur  terre. 
Tome  II, 


B  O  1 


305 


Bois  EN  GRUME,  s'il  n'eft  point  équarri,  &  fi  on 
l'employé  de  toute  fa  grofîéur,  par  exemple ,  en  pieux 
appelles  pilotis. 

Bois  lavé,  quand  on  lui  a  ôté  tous  les  traits  de 
feie  &  rencontre ,  avec  la  befaiguë. 

Bois  mouline,  s'il  eft  pourri  &  rongé  des  vers. 

Bois  qidfe  tourmente,  lorfqu'il  fe  déjette,  étant  em- 
ployé trop  verd  ou  trop  humide. 

Bois  refait,  quand  de  gauche  &  flache  qu'il 
étoit,  il  eft  équarri  &  redrefté  au  cordeau  fur  fes 
faces. 

Bois  de  refend,  lorfqu'on  l'a  mis  par  éclats  pour 
faire  le  merrein ,  les  lattes ,  les  échalats ,  du  boif- 
feau,  &c. 

Bois  rouge  ,  s'il  s'échauffe,  &  s'il  eft  fujet  à  pour- 
rir. 

Bois  roulé  ,  quand  les  cernes  ou  crues  de  cha- 
que année,  font  féparées,  &  ne  font  point  de  corps; 
ce  bois  n'eft  bon  qu'à  brûler.  On  dit  que  le  bois  de- 
vient roulé,  lorfqu'étant  en  fève  il  eft  battu  par  le 
vent. 

Bois  sain  &  net,  lorfqu'il  eft  fans  malandres, 
nœuds  vicieux,  gale,  fiftule. 

Bois  tortu  ,  quand  il  ne  peut  fervir  qu'à  faire 
des  courbes ,  &  n'eft  bon  que  pour  la  marine. 

Bois  tranché  ,  s'il  a  des  nœuds  vicieux  ou  fils 
obliques  qui  coupent  la  pièce,  &  la  rendent  peu  pro- 
pre à  rélifter  à  la  charge  &  à  être  refendu. 

Bois  vermoulu  ,  s'il  eft  piqué  de  vers. 

Bois  vif  ,  lorfque  les  arrêtes  en  font  bien  vives  & 
fans  flache,  &  qu'il  ne  lui  refte  ni  écorce  ni  aubier. 

Bois  de  charronage:  on  comprend  fous  cette 
dénomination  tout  celui  qui  eft  employé  par  les  Char- 
rons à  faire  des  charrettes,  des  roues,  &c.  comme  Y  or- 
me,  le  frêne,  le  charme,  &C  Y  érable;  la  meilleure  par- 
tie s'en  débite  en  grume.  Foye^  les  articles  de  ces 
bois. 

Bois  de  CHAUFFAGE;  le  bois  de  chauffage  eft  neuf 
ou  flotté.  Les  marchands  de  bois  neuf 'font  ceux  qui 
embarquent  fur  les  ports  des  rivières  navigables  des 
bois  qui  y  ont  été  amenés  par  charroi  ;  &  ils  les  em- 
pilent enfuite  en  théâtre ,  comme  on  le  voit  fur  les 
ports  &  autres  places  dont  la  ville  de  Paris  leur  a  ac- 
corde l'ufage.  Voye^  Chantier.  Ces  fortes  de  mar- 
chands ne  font  guère  que  le  tiers  de  la  provision  de 
cette  ville ,  &c. 

Les  marchands  de  bois  flotté  font  ceux  qui  font 
venir  leurs  bois  des  provinces  plus  éloignées.  Ils  les 
jettent  d'abord  à  bois  perdu  fur  les  ruiffeaux  qui  en- 
trent dans  les  rivières  fur  lefquelles  ce  commerce 
eft  établi  ;  enfuite  ces  mêmes  rivières  les  amènent 
elles-mêmes  encore  à  bois  perdu  jufqu'aux  endroits 
où  il  eft  pofîible  de  les  mettre  en  trains ,  pour  les  con- 
duire à  Paris  ;  après  néanmoins  les  avoir  rétirés  de 
l'eau  avant  de  les  flotter  en  train,  &  les  avoir  fait 
lécher  fuffifamment ,  fans  quoi  le  bois  iroit  à  fond. 
Ces  marchands  font  les  deux  autres  tiers  de  la  pro- 
vision. 

Il  y  a  quelques  fiecles  que  l'on  étoit  dans  Pappré- 
henfîon  que  Paris  ne  manquât  un  jour  de  bois  de  chauf- 
fage; les  forets  des  environs  fe  détruifoient ,  &  l'on 
prévoyoit  qu'un  jour  il  faudroit  y  tranlporter  le  bois 
des  provinces  éloignées;  ce  qui  rendroit  cette  mar- 
chandilè  li  utile  &  d'un  ufage  fi  gênerai ,  d'un  prix 
exorbitant  occafionné  par  le  coût  des  charrois.  St 
l'on  eut  demande  alors  à  la  plupart  de  ceux  qui  fen- 
tent  le  moins  aujourd'hui  le  mérite  de  l'invention 
du  flottage  des  bois,  comment  on  pourroit  remédier 
au  terrible  inconvénient  dont  on  étoit  menace  ,  ils  y 
auroienl  été ,  je  crois ,  bien  embarrafTés  ;  l'accroiffe- 
ment  ce  l'entretien  des  forêts  euffciu  été ,  félon  toute 
apparence,  leur  unique  reffource.  C  'eft  en  effet  à  ces 
moyens  longs,  coûteux  èx.  pénibles,  que  le  réduisit 
alors  toute  Fa  prudence  du  gouvernement  ;  &  la  ca- 


306 


B  O  I 


B  O  I 


pitale  étoit  fur  le  point  de  devenir  beaucoup  moins 
habitée  par  la  chéreté  du  bois ,  lorsqu'un  nommé  Jean 
Rouvet,  bourgeois  de  Paris ,  imagina  en  1 549  de  ral- 
fembler  les  eaux  de  pluiieurs  ruifleaux  &  rivières 
non  navigables  ;  d'y  jetter  les  bois  coupés  dans  les 
forêts  les  plus  éloignées  ;  de  les  faire  defeendre  ainii 
juiqu'aux  grandes  rivières  ;  là ,  d'en  former  des  trains 
ik.  de  les  amener  à  flot,  &  fans  bateaux ,  jufqu'à  Pa- 
ris. J'ofe  aflûrer  que  cette  invention  fut  plus  utile  au 
royaume ,  que  pluiieurs  batailles  gagnées ,  &  méritoit 
des  honneurs  autant  au  moins  qu'aucune  belle  acf  ion. 
Jean  Rouvet  fit  les  premiers  elfais  dans  le  Morvant  ; 
il  raflembla  tous  les  ruifleaux  de  cette  contrée  ;  fît 
couper  fes  bois  ,  &  les  abandonna  hardiment  au  cou- 
rant des  eaux  :  il  réuflit.  Mais  l'on  projet  traité  de  fo- 
lie avant  l'exécution ,  ÔC  traverlé  après  le  fuccès , 
comme  c'eft  la  coutume ,  ne  fut  porté  à  la  perfec- 
tion &c  ne  reçut  toute  l'étendue  dont  il  étoit  iulcep- 
tible ,  qu'en  1 566  ,  par  René  Arnoul.  Voye^  à  l'article 
Train,  la  manière  de  les  conftruire.  Ceux  qui  voy  ent 
arriver  à  Paris  ces  longues  malles  de  boisy  font  effrayés 
pour  ceux  qui  les  conduifent ,  à  leur  approche  des 
ponts  :  mais  il  n'y  en  a  guère  qui  remontent  juiqu'à 
l'étendue  des  vues  &  à  l'intrépidité  du  premier  in- 
venteur ,  qui  ofa  raflèmbler  des  eaux  à  grands  frais , 
&  y  jetter  enfuite  le  relie  de  ia  fortune. 

Entre  les  marchands  de  bois  flotté ,  les  uns  font 
bourgeois  ,  les  autres  forains  ;  il  y  a  beaucoup  plus 
de  bourgeois  que  de  forains  ,  qui  faffent  le  commer- 
ce du  bois  ,  qui  vient  du  pays  d'amont  ;  au  contraire 
il  y  a  beaucoup  plus  de  forains  que  de  bourgeois , 
qui  faffent  commerce  du  pays  d'aval. 

Tout  ce  qui  concerne  le  bois  de  chauffage  fe  réduit 
à  fa  façon  ,  au  îems  de  le  tirer  des  ventes  ,  à  fa  voi- 
ture &  à  Ion  déchargeage ,  à  la  diligence  de  voiture , 
à  fon  arrivée  ,  à  fa  vente  dans  les  chantiers ,  &  aux 
officiers  qiu  y  veillent. 

Façon.  Il  eft  enjoint  de  donner  à  tous  les  bois  à 
brûler ,  trois  pies  &  demi  de  longueur  ;  au  bois  de 
moult ,  dix- huit  pouces  de  tour  ;  au  bois  de  corde  de 
quartier  ou  de  traverfe ,  autant.  Si  le  bois  de  quartier ,  de 
traverje  ,  ou  fendu ,  a  dix-huit  pouces  de  tour  ,  il  fe 
melure  au  moule  ;  s'il  n'en  a  que  dix-fept ,  il  va  avec 
le  bois  de  corde  dans  la  membrure.  Le  bois  taillis  doit 
avoir  fix*pouces  de  tour.  Le  bois  <T  Andelle  a  la  même 
grofleur:  mais  il  eft  plus  court  ;  il  n'a  que  deux  pies 
6c  demi  ou  environ. 

Sortie  des  ventes.  Les  marchands  font  tenus  de  faire 
couper  &  fortir  les  bois  des  ventes  ,  dans  les  tems 
qui  leur  auront  été  fixés ,  eu  égard  aux  lieux  &  à 
la  qualité  des  arpens. 

toitures.  Il  eft  permis  de  voiturer  depuis  les  fo- 
rêts juiqu'aux  rivières,  à  travers  toutes  terres,  en 
avertiflant  dix  jours  auparavant  par  des  publications 
aux  prônes  ;  de  jetter  les  bois  dans  les  rivières  ;  de 
les  pouffer  par  les  ruifleaux,  étangs ,  foffés  de  châ- 
teaux ,  &c.  fans  qu'ils  en  puiflent  être  empêchés  par 
qui  que  ce  foit. 

Diligence.  Il  eft  défendu  de  féjourner  en  chemin 
fans  néceflité ,  &  de  décharger  ailleurs  qu'à  Paris. 

Pente.  Il  eft  enjoint  de  les  mettre  en  chantier ,  & 
ils  ne  peuvent  être  vendus  ailleurs. 

Officiers.  La  Ville  commet  des  perfonnes  à  elle  pour 
Veille*  à  cette  diftribution.  Toute  la  différence  qu'il 
y  a  entre  les  bois  de  chauffage  foit  neuf,  ioït  flotté ,  fe 
tire  de  la  taille  ,  de  la  voiture  ,  &  de  la  mefure. 

Relativement  à  la  taille ,  il  fe  diftribue  en  gros  bois 
&  en  menu  bois  ;  à  la  voiture ,  en  bois  neuf  Sx.  en  bois 
flotté  ;  à  la  mefure ,  en  bois  de  moule  &  de  compte ,  & 
en  bois  de  corde. 

Tout  le  gros  bols  eft  compris  fous  le  nom  généri- 
que de  bâches  ;  chaque  bûche  ,  de  quelque  bois  que  ce 
foit ,  doit  avoir ,  ainfi  que  nous  l'avons  déjà  dit,  trois 
pies  &  demi  de  long. 


Les  plus  grofles  bûches  font  nommées  bois  de  mou- 
le,ou  de  moulure,  ou  de  compte  ;  parce  qu'elles  fe  me- 
furent  dans  le  moule  ou  l'anneau.  Voye^  Anneau* 
Elles  doivent  avoir  dix-huit  pouces  de  tour. 

Le  bois  de  traverfe  fuit  immédiatement  en  grofleur 
le  bois  de  compte  ou  de  moult  ;  il  doit  avoir  dix-fept 
pouces  de  tour.  Il  y  en  a  qui  comprennent  fous  la 
même  dénomination  tout  le  bois  blanc. 

On  appelle  bois  taillis  ,  tout  celui  qui  n'a  que  cinq 
à  fix  pouces  de  tour. 

Le  bois  de  corde  doit  avoir  au  moins  dix-fept  pou- 
ces ;  il  eft  appelle  bois  de  corde ,  parce  que  les  Bûche- 
rons plantent  à  la  corde  quatre  pieux  en  quarré ,  dont 
le  côté  a  huit  pies  ,  &  chaque  pieu  a  quatre  pies  de 
haut.  C'eft-là  leur  mefure  ou  corde  qui  contient,  com- 
me on  voit,  quatre  fois  64  ou  256  pies  cubes  de  bois. 
Cette  méthode  de  mefurer  le  bois  a  duré  jufqu'en 
1641 ,  qu'il  fut  ordonné  de  fe  fervir  d'une  membru- 
re de  charpente ,  qui  retint  le  nom  de  corde.  Voyt^ 
Corde.  Voye^  Membrure. 

Le  menu  bois  eft  ou  coteret ,  ou  fagot ,  ou  bourrée. 
Il  y  a  des  coterets  de  bois  taillis  fendu ,  ou  des  cote- 
rets  de  bois  rond. 

Ceux-ci  viennent  par  l'Yonne  :  mais  ils  doivent 
avoir  les  uns  &  les  autres  deux  pies  de  long ,  fur  dix- 
fept  à  dix-huit  pouces  de  tour. 

Les  fagots  font  faits  de  branches  d'arbres  menues.' 
Ils  doivent  avoir  trois  pies  &  demi  de  long  ,  fur  dix- 
fept  à  dix-huit  pouces  de  tour. 

La  bourrée  ,  qui  eft  une  efpece  de  fagot,  eft  faite 
de  broflailles  d'épines  &  de  ronces ,  &c. 

Voici  encore  quelques  dénominations  qu'on  don- 
ne au  bois  de  chauffage. 

Bois  en  chantier  ,  eft  celui  qui  eft- en  pile  ou 
en  magafin  ;  on  nomme  ordinairement  ces  fortes  de 
piles  théâtre. 

Bois  flotté  ,  eft  celui  qu'on  lie  avec  des  rouel- 
les &  des  perches ,  &  que  l'on  amené  en  train  fur  des 
rivières.  Voye^  Train. 

Bois  perdu  ,  eft  celui  qu'on  jette  dans  les  petites; 
rivières  qui  n'ont  pas  affez  d'eau  pour  porter  ni  train 
ni  bateau ,  &  qu'on  va  recueillir  &  mettre  en  train 
aux  lieux  où  ces  rivières  commencent  à  porter. 

Bois  canards,  font  ceux  qui  demeurent  au 
fond  de  l'eau  ,  ou  qui  s'arrêtent  aux  bords  des  ruif- 
leaux, où  l'on  a  jette  une  certaine  quantité  de  bois, 
bûche  à  bûche ,  pour  le  laifler  aller  au  courant  de 
l'eau.  Après  que  ces  bûches  font  arrivées  au  lieu  oit 
le  ruifleau  eft  devenu  une  rivière  navigable ,  les  mar- 
chands peuvent  faire  pêcher  leurs  bois  canards  pen- 
dant 40  jours  fans  rien  payer.  Voye^  ^Ordonnance 
de  16  jz. 

Bois  volans  ,  font  ceux  que  le  flot  amené  droit 
au  port. 

Bois  échappés  ,  font  ceux  que  les  inondations 
portent  dans  les  prés  ou  dans  les  terres. 

Bois  neuf,  eft  celui  qu'on  apporte  dans  des  ba- 
teaux fans  qu'il  ait  trempé  dans  l'eau. 

Bois  pelard  ,  eft  un  bois  menu  &  rond,  dont  on 
ôte  l'écorce  pour  faire  du  tan.  Les  Rotifleurs  &  Bou- 
langers s'en  fervent. 

Bois  de  gravier  ,  eft  un  bois  qui  croît  dans  des 
endroits  pierreux ,  &  qui  vient  demi  flotté  du  Niver- 
nois  &  de  Bourgogne  ;  le  meilleur  eft  de  Montargis. 
Bois  d'Andelle  ,  ainfl  nommé  du  nom  de  la  ri- 
vière qui  le  voiture  ,  eft  un  bois  de  hêtre  qui  a  ordi- 
nairement deux  pies  &  demi  de  longueur  ;  il  faut  qua- 
tre mefures  d'anneau  pour  la  voie  ,  &c  quatre  bûches 
de  témoins  par  anneau. 

Bois  tortillard  ;  ce  bois  n'eft  point  ordinai- 
rement reçu  dans  les  membrures  à  caufe  des  vuides 
qu'il  laifle ,  &  le  tort  qui  en  réfulte  pour  le  public. 

Bois  boucan  ,  bûches  qui  par  vetufté  ne  font 
plus  de  mefure  pour  être  miles  en  membrures. 


B  O  î 

Je  ne  finirai  point  cet  article  du  bois  de  chauffage , 
qui  forme  un  objet  prefqu'auffi  important,  que  celui 
<le  conftru&ion  ÔC  de  charpente  ,  fans  obferver  que 
nous  tommes  menacés  d'une  dilette  prochaine  de 
l'un  &  l'autre  ;  &  que  la  cherté  feule  du  premier 
peut  avoir  une  influence  confidérable  fur  l'état  en- 
tier du  royaume.  Le  bois  de  chauffage  ne  peut  deve- 
nir extrêmement  rare  &  d'un  grand  prix  ,  fans  chaf- 
ier  de  la  capitale  un  grand  nombre  de  fes  habitans  ; 
or  il  eft  confiant  que  la  capitale  d'un  royaume  ne 
peut  être  attaquée  de  cette  manière ,  fans  que  le- relie 
du  royaume  s'en  reffente.  Je  ne  prévois  qu'un  remè- 
de à  cet  inconvénient ,  &c  ce  remède  eft  même  de  na- 
ture à  prévenir  le  mal ,  fi  on  Fcmployoit  dès  à  préfent. 
Quand  les  forêts  des  environs  de  la  ville  furent  épui- 
(ées,il  le  trouva  un  homme  qui  entreprit  d'y  amener  à 
peu  de  frais  les  bois  des  forêts  éloignées ,  &  il  réuf- 
lit.  Lorfque  la  négligence  dans  laquelle  on  perfifte 
aura  achevé  de  détruire  les  forêts  éloignées ,  il  ell 
certain  qu'on  aura  recours  au  charbon  de  terre  ;  &  il 
eft  heureulement  démontré  qu'on  en  trouve  prefque 
par-tout.  Mais  pourquoi  n'en  pas  chercher  &.  ouvrir 
<les  carrières  dès  aujourd'hui  ?  pourquoi  ne  pas  in- 
terdire l'ufage  du  bois  à  tous  les  états  &  à  toutes 
les  profeflions  dans  lefquels  on  peut  aifément  s'en 
palier  ?  car  il  en  faudra  venir  là  tôt  ou  tard  ;  &  fi 
l'on  s'y  prenoit  plutôt ,  on  donneroit  le  tems  à  nos 
forêts  de  le  reftituer  ;  6c  en  prenant  pour  l'avenir 
d'autres  précautions  que  celles  qu'on  a  prilespour  le 
pallé ,  nos  forêts  miles  une  fois  lur  un  bon  pié ,  pour- 
roient  fournir  à  tous  nos  befoins ,  fans  que  nous  euf- 
fions  davantage  à  craindre  qu'elles  nous  manquaf- 
fent.  Il  me  femble  que  les  vues  que  je  propole  font 
utiles  :  mais  j'avoue  qu'elles  ont  un  grand  défaut ,  ce- 
lui de  regarder  plutôt  l'intérêt  de  nos  neveux  que  le 
nôtre;  &  nous  vivons  dans  un  iiecle  philofcphique 
où  l'on  fait  tout  pour  loi,  &  rien  pour  la  poftérité. 
Bois  (MOULEUR  de),  Police,  officier  de  ville  , 
commis  lur  les  ports  pour  que  le  bois  y  foit  fidèle- 
ment meluré  dans  les  moules  ou  les  membrures.  V. 
Moule  &  Membrure. 

Bois  (Marchand  de),  voye^  ci-deffus  l'article 
Bois  de  chauffage. 

Bois  de  feiage.  On  entend  par  bois  de  feiage ,  ce- 
lui qui  eft  débile  en  foliveaux  &  coupé  en  planches 
à  l'ufage  de  la  menuiferie.  On  comprend  fous  ce  nom 
tout  celui  quia  moins  de  lix  pouces  d'équairiffage, 
beaucoup  de  bois  tendres  ,  fur-tout  pour  la  boilèrie , 
le  parquetage,  les  lambris,  6c  plafonds.  On  fait  fa- 
çonner le  bois  de  feiage ,  ou  par  des  lcieurs  de  long  , 
ou  dans  des  moulins  à  feie.  Foyet^  Sciage. 
Le  bois  de  feiage  s'appelle  : 

Bois  mi-plat  ,  s'il  eft  beaucoup  plus  large  qu'é- 
pais ;  ce  bois  eft  pour  l'ufage  de  la  menuiferie. 

Bois  ouvre,  ou  non  ouvré ,  quand  il  paife  ou 
non  par  les  mains  de  l'ouvrier. 

Il  y  a  encore  le  bois  d'ouvrage  &  celui  de  merrein. 
Le. bois  d'ouvrage ,  eft  celui   qu'on  travaille  dans 
les  forêts ,  &  dont  on  fait  des  fabots ,  des  peiles ,  des 
féaux,  des  lattes  ,  des  cercle-.,  des  édifies. 

Le  bois  de  chêne  s'appelle  bois  de  merrein  ,  quand  il 
cft  débité  en  petits  ais  ou  douves  pour  faire  des  ton- 
neaux, des  cuves,  des  féaux,  &c.  I  aryt^  Merrein. 

Il  ne  nous  refte  plus  qu'à  ajouter  à  cet  article  quel- 
ques fortes  de  bois ,  parmi  lesquelles  il  y  en  a  qui 
ont  peu  de  rapport  avec  les  précédentes. 

Bois  FOSSILE,  (Hijl.  nat.~)  bois  qui  fe  trouve  en 
terre  à  différentes  profondeurs,  oit  il  s'efl  conierve 
depuis  long  tems  làns  fe  pourrir.  On  fait  aile/  qu'il 
arrive  fouvent  des  éboulcmens  de  terre  oc  d'autres 
dcplaccmens  ,  qui  font  occaiionnes  par  différentes 
caufes,  &  fur-tout  par  les  tremblemens  de  terre  ,  les 
torrens,  les  inondations  ,  &c.  c'eft  par  ces  accidens 
que  les  arbres  font  enfonces  dans  la  terre,  S'il  le  ren- 
Tome  II, 


B  O  I 


i°7 


contre  des  matières  biïumincufes  qui  les  pénètrent, 
alors  ils  ne  font  plus  fufceptibles  de  pourriture ,  oc 
ils  le  confervent  dans  leur  entier.  Les  différentes  com- 
binaifons  des  matières  bitumineufes  doivent  caufer 
des  différences  dans  la  confiftanec  du  boisfiffile ,  dans 
fa  couleur,  fon  poids,  &c  Voye^  Houille,  Char- 
bon DE  TERRE , JAYET.  (/) 

Bois  pétrifié.  /^^Pétrification. 
*  Bois  d'aloès.  Il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  le 
bois  que  nous  appelions  aujourd'hui  bois  d'aloès ,  eft 
le  même  que  Diofcoride  a  décrit  fous  le  nom  d'agal- 
loclutm  ,  6c  que  l'on  a  nommé  dans  la  fuite  xyloaloh. 
Il  ne  faut  pas  confondre  le  bois  d'aloès  a  vec  le  (uc  épaif- 
li  qui  porte  Amplement  le  nom  d'aloès,  ni  croire  que 
ce  fuc  îorte  du  bois  d'aloès.  Nous  verrons  dans  la  fuite 
qu'on  le  tire  de  plulieurs  efpeces  de  plantes  auffi  ap- 
pellées  aloès.  On  voit  au  contraire  que  le  bois  d'aloès 
ne  peut  venir  que  d'un  arbre. 

On  peut  diftinguer  trois  fortes  à'agallochum  :  la 
première  eft  celle  que  les  Indiens  appellent  calam- 
bac  j  c'eft  la  plus  rare  &  la  plus  précieufe ,  elle  vient 
de  la  Cochinchine.  Le  calambac  eft  tendre  :  il  y  en 
a  de  plulieurs  couleurs,  par  lefquelles  on  a  voulu  le 
diftinguer ,  &  plufieurs  efpeces.  Si  on  le  met  fur  les 
charbons  ardens,  il  femble  fe  fondre  plutôt  que 
brûler  i.  tant  il  eft  réfineux;  la  fumée  qu'il  rend  eft 
fort  épailîe  &  de  bonne  odeur. 

La  féconde  paffe  communément  fous  le  nom  de 
bois  d'aloès  ou  bois  d'aigle  ;  on  la  trouve^omme  la 
première  dans  la  Cochinchine ,  mais  il  y  en  a  auffi. 
à  Cambaye  6c  à  Sumatra  r  le  bois  d'aloès  eft  plus  com- 
mun dans  ce  pays-ci  que  le  calambac,  parce  qu'il  n'eft 
pas  fi  cher.  Le  bois  d'aigle  eft  compaft  6c  pefant  ;  fa 
i'ubftance  eft  percée  de  plulieurs  cavités,  elle  femble 
être  cariée  ;  la  couleur  eft  rouffe ,  fon  goût  eft  un  peu 
acre  6c  aromatique  ,  il  bouillonne  fur  les  charbons 
ardens ,  fa  fumée  eft  d'une  odeur  fort  agréable. 

La  troifieme  efpece  à'agallochum  eft  appellée  ca- 
lambour  ou  calambouc  ;  il  eft  d'une  couleur  verdâtre 
&  quelquefois  roufîe  ;  fon  odeur  eft  agréable  &  pé- 
nétrante. On  l'apporte  des  îles  de  Solor  &  de  Temor 
en  grofles  bûches  ;  &  on  en  fait  des  étuis,  des  boîtes, 
des  chapelets,  &  plulieurs  autres  ouvrages. 

On  ne  fait  pas  fi  ces  trois  efpeces  à'agallochum 
viennent  chacune  d'un  arbre  particulier,  ou  s'il  n'y 
a  qu'une  ieuie  efpece  d'arbre  pour  les  trois.  Ce  der- 
nier fentiment  a  été  foùtenu  par  plufieurs  botaniftes  : 
ils  ont  afîùré  que  l'arbie  reflembloit  à  un  olivier,  Se 
qu'il  portoit  de  petits  fruits  rouges. 

On  dit  que  les  Indiens  laiffent  les  troncs  de  ces  ar- 
bres dans  la  boue  pour  faire  pourrir  l'écorce  &C  l'au- 
bier ;  il  ne  refte  que  le  cœur,  qui  prend  leulcment 
une  couleur  brune  ,  6c  qu'il  conierve  par  la  réfihs 
qu'il  contient.  On  a  prétendu  que  ce  bois  étant  fur  pié 
ou  coupé  récemment,  rendoit  un  fuc  laiteux  d'une 
mauvaife  qualité  :  s'il  en  entroit  dans  les  yeux,  on 
en  perdoit  la  vue  ;  s'il  en  tomboit  fur  la  peau ,  il  s'é- 
levoit  des  boutons.  On  a  vu  que  ce  lue  étant  épaiffi 
6c  defféché  formoit  la  rétine  qui  préferve  de  la  pour- 
riture les  parties  du  bois  auxquelles  il  s'attache.  Celles 
qui  en  contiennent  une  grande  quantité  lont  le  vrai 
caiambac:  on  dit  qu'elles  fe  trouvent  ordinairement 
au  pie  du  tronc.  D'autres  affùrent  qu'il  faut  que  les 
arbres  fe  ilellechent  &  fe  pourriffent  d'eux-mêmes 
fur  les  montagnes ,  pour  former  du  talambac.  Quoi 
qu'il  en  foit,  il  eft  certain  que  ce  bois  eft  fort  rare, 
même  chez  les  Indiens,  puiiqu'Us  l'achètent  fouvent 
au  poids  de  l'argent ,  &:  même  de  l'or.  Ils  l'cftiment 
beaucoup  à  cauVe  de  la  bonne  odeur  qu'il  rend  lors- 
qu'on le  brûle  ;  c'eft  un  parfum  délicieux  qu'ils  ré- 
fervent pour  les  temples  des  deux  &  pour  les  palais 
des  îois.  Si  le  bois  d'aloès  n'a  pas  une  auffi  bonne 
odeur  que  le  calambac,  on  ne  laine  pas  que  d'en  faire 
■jrand  cas  dans  ce  pays-ci. 


308  B  O  I 

Il  a  une  qualité  chaude  &  defficcafive ,  il  eft  cor- 
dial ,  il  fortifie  les  nerfs  &  le  cerveau ,  il  ranime  les 
efprits,  il  prévient  les  défaillances  &c  les  maladies  de 
la  matrice  ;  on  le  fait  entrer  dans  les  cordiaux  &  dans 
la  thériaque. 

On  l'employé  dans  les  boutiques  de  Paris  au  lieu 
de  Yafpalath. 

*  Bois  de  Rhodes.  On  foupçonne  que  \ohois 
Je  Rhodes  étoit  Yafpalath  des  anciens  :  mais  ce  n'eft 
qu'une  conjecture  ,  les  anciens  n'étant  pas  même 
d'accord  fur  Yafpalath.  Les  modernes  ont  prétendu 
que  c'étoit  Yagallochum  ,  le  bois  d'alors ,  ou  le  bois 
de  Rhodes  ;  aujourd'hui  on  ne  fait  pas  encore  préci- 
sément ce  que  c'eft  que  le  bois  de  Rhodes. 

Celui  auquel  on  donne  aujourd'hui  ce  nom  eft  jau- 
nâtre lorfqu'il  eft  nouvellement  coupé  ;  fa  couleur 
'  devient  brune  avec  le  tems.  Il  eft  dur,  compaâ, 
noueux ,  &  réfineux  ;  il  a  une  odeur  de  rofe ,  c'eft 
pour  cela  qu'on  l'a  appelle  bois  de  rofe  ;  &  parce  que 
l'arbre  duquel  on  le  tire  croît  dans  l'île  de  Rhodes  &C 
de  Chypre,  on  a  donné  au  bois  les  noms  de  bois  de 
Rhodes  tk.  de  bois  de  Chypre.  On  trouve  auffi  ce  bois 
aux  Canaries  &  à  la  Martinique. 

*  Bois  de  Brésil;  ce  bois  eft  ainfi  nommé  à  caufe 
qu'on  l'a  tiré  d'abord  du  Brelil ,  province  de  l'Amé- 
rique. M.  Huet  foûtient  cependant  qu'on  le  connoif- 
foit  fous  ce  nom ,  long-tems  avant  qu'on  eût  décou- 
vert ce  pays.  Voye^  Huetiana  ,  pag.  268. 

On  le  Irnorame  différemment  fuivant  les  divers 
lieux  d'où  il  vient  ;  ainfi  il  y  a  le  brejd  de  Fernam- 
bouc ,  le  brefil  du  Japon ,  le  brefil  de  Lamon  ,  le  brefïl 
de  fainte  Marthe ,  Se  enfin  le  brefîlkt  ou  bois  de  la  Ja- 
maïque qu'on  apporte  des  îles  Antilles. 

L'arbre  de  brefil  croit  ordinairement  dans  des  lieux 
fecs  &  arides ,  &  au  milieu  des  rochers.  Il  devient 
fort  gros  &  fort  grand ,  &  pouffe  de  longues  bran- 
ches ,  dont  les  rameaux  font  chargés  de  quantité  de 
petites  feuilles  à  demi-rondes.  Son  tronc  eft  rarement 
droit,  mais  tortu  &  raboteux ,  &  plein  de  nœuds  à 
peu  près  comme  l'épine  blanche.  Ses  fleurs ,  qui  font 
îemblables  au  muguet  &  d'un  très-beau  rouge  ,  exha- 
lent une  odeur  agréable  &  très -amie  du  cerveau 
qu'elle  fortifie.  Quoique  cet  arbre  foit  très-gros,  il 
eft  couvert  d'un  aubier  lî  épais ,  que  lorfque  les  Sau- 
vages l'ont  enlevé  de  deffus  le  vif  du  bois  ,  fi  le  tronc 
étoit  de  la  groffeur  d'un  homme ,  à  peine  refte-t-il 
une  bûche  de  brefil  de  la  groffeur  de  la  jambe. 

Le  bois  de  brefil  eft  très-pefant ,  fort  i'ec,  &c  pétille 
beaucoup  dans  le  feu ,  où  il  ne  fait  prelque  point  de 
fumée  à  caufe  de  fa  grande  féchereffe. 

Toutes  ces  différentes  fortes  de  brefil  n'ont  point 
de  moelle,  à  la  réferve  de  celui  du  japon.  Le  plus 
eftimé  eft  le  brefil  de  Fernambouc. 

Pour  bien  choiiîr  ce  dernier ,  il  faut  qu'il  foit  en 
bûches  lourdes  ,  compaft ,  bien  fain ,  c'eft-à-dire  fans 
aubier  &fans  pourriture  ;  qu'après  avoir  été  éclaté, 
de  pâle  qu'il  eft  il  devienne  rougeâtre  ,  &  qu'étant 
mâché  il  ait  un  goût  fucré. 

Le  bois  de  brefl  eft  propre  pour  les  ouvrages  de 
tour,  &  prend  bien  le  poli:  cependant  fon  principal 
ufage  eft  pour  la  teinture ,  où  il  fort  à  teindre  en 
rouge ,  mais  c'eft  une  fauffe  couleur  qui  s'évapore 
aifément ,  &  qu'on  ne  peut  employer  fans  l'alun  &c 
le  tartre.  Voye^  Teinture. 

Du  bois  de  brefil  de  Fernambouc  on  tire  une  efpece 
de  carmin  par  le  moyen  des  acides  :  on  en  fait  auffi 
de  la  lacque  liquide  pour  la  mignature.  V.  Rouge  , 
Lacque,  &c. 

*  Bois  de  fustet  ,  (Hijl  nat.)  l'arbre  qui  le  don- 
ne eft  commun  à  la  Jamaïque  ;  il  y  croît  en  plaine 
campagne.  Les  teinturiers  s'en  fervent  pour  teindre 
en  jaune  :  mais  il  n'eft  d'aucun  ufage  en  Médecine. 

*  Bois  LETTRÉ ,  lignum  jlnenfe ,  il  vient  delà  Chi- 
ne. On  l'appelle  bois  lettré,  parce  qu'on  nous  l'ap- 


B  O  I 

porte  marqué  de  lettres  ;  il  n'eft  prefque  d'aucun  ufa- 
ge en  Médecine. 

*  Bois  de  sainte  Lucie,  arbre  qui  doit  fe  rap- 
porter au  genre  appelle  cerifie/.  Voye?^  CERISIER. 

*  Bois  d'Inde,  Bois  delà  Jamaïque,o«Bois 
DE  CAMPECHE,  (Hifî.  nat.~)  on  l'appelle  auffi  laurier 
aromatique  ;  c'eft  un  grand  &  bel  arbre  qui  croît  en 
Amérique  ,  &  principalement  aux  îles  de  Ste  Croix 
de  la  grande  Terre ,  la  Martinique  ,  la  Grenade  ,  &c. 
Le  bois  de  cet  arbre  eft  dur ,  compa£t ,  &c  fi  lourd  , 
qu'il  ne  nage  point  fur  l'eau.  Sa  couleur  eft  d'un 
beau  brun  marron  ,  tirant  quelquefois  fur  le  violet 
&  le  noir  :  on  en  fait  des  meubles  précieux ,  car  il 
prend  un  très -beau  poli  &  ne  fe  corrompt  jamais. 
Son  écorce  eft  jaunâtre,  très-mince  &  très-unie  ;  (es 
feuilles  reffemblent  affez  à  celles  du  laurier  ordinai- 
re ,  excepté  que  celles  du  bois  d'Inde  font  ovales,  & 
ne  fe  terminent  pas  en  pointe  comme  les  fiennes  ; 
elles  font  liffes  ,  roides  ,  d'un  verd  foncé  en-deffus  , 
&  d'un  verd  plus  clair  en-deffous;  les  bords  en  font 
unis,&  ne  font  point  pliffés  comme  ceux  des  feuilles 
de  laurier ,  elles  font  outre  cela  fort  aromatiques  ;  & 
miles  dans  les  fauffes  elles  leur  donnent  un  goût  re- 
levé femblable  à  celui  de  plusieurs  épiceries.  Cet  ar- 
bre fleurit  une  fois  l'an;  &  aux  fleurs,  qui*viennent 
par  bouquets ,  fuccedent  de  petites  baies  ou  de  peti- 
tes graines  rondes,  groffes  comme  des  pois ,  qui  ren- 
ferment de  la  femence;  ces  graines  font  très-odoran- 
tes ,  &  ont  du  rapport  avec  la  canelle,  le  clou  de  gi- 
rofle, &  la  mufeade  :  elles  ont  irv-goût  piquant  & 
aftringent  qui  n'eft  point  defagréable  :  on  les  connoît 
en  Angleterre  fous  le  nom  de  graine  des  quatre  ipices; 
les  habitans  des  îles  s'en  fervent  pour  affaifonner  leurs 
faillies.  Si  on  en  met  digérer  dans  de  bonne  eau-de- 
vie,  on  en  retire  par  la  diftillation  une  eau  ou  liqueur 
fpiritueufe  d'une  odeur  gratieule  mais  indéfiniffable, 
à  laquelle  il  ne  faut  qu'ajouter  une  dofe  convenable 
de  fucre  pour  en  faire  une  liqueur  délicieufe  au  goût 
&  propre  à  fortifier  l'eftomac.  On  dit  que  la  décoc- 
tion des  feuilles  du  bois  d'Inde  eft  bonne  pour  forti- 
fier les  nerfs,  &  foulage  les  paralytiques  &  les  hydro- 
piques. On  l'employé  dans  la  teinture ,  &  fa  décoc- 
tion eft  fort  rouge. 

On  a  remarqué  que  fi  l'on  met  de  cette  teinture 
dans  deux  bouteilles ,  &  que  l'on  mêle  dans  l'une  un 
peu  de  poudre  d'alun  ,  celle-ci  deviendra  d'un  très- 
beau  rouge  clair,  qu'elle  confervera,  &  l'autre  de- 
viendra jaunâtre  en  moins  d'un  jour ,  quoique  les 
deux  bouteilles  foient  fermées  de  même  ;  &c  û  on 
laiffe  à  l'air  quelque  peu  de  cette  décoûion ,  elle  de- 
viendra noire  comme  de  l'encre  dans  le  même  efpa- 
ce  de  tems. 

*  Bois  DE  FER ,  (  Hifl.  nat.}  arbre  qui  croît  princi- 
palement aux  îles  de  l'Amérique  :  c'eft  fa  grande  du- 
reté qui  lui  a  fait  donner  ce  nom.  Il  eft  de  la  grof- 
feur d'un  homme  par  le  tronc  ;  fon  écorce  eft  grifâ- 
tre  &  dure  ;  il  a  beaucoup  de  petites  feuilles  ,  6c  eft; 
tout  couvert  de  bouquets  de  fleurs ,  Iemblables  à  ceux 
du  hlas  ;  l'aubier  eft  jaune  &  fort  dur  jufqu'au  cœur 
de  l'arbre  ,  qui  eft  fort  petit  &  d'un  rouge  brun  :  ce 
cœur  eft  d'une  fi  grande  dureté ,  que  les  outils  de  fer 
mieux  trempés  ne  peuvent  le  percer. 

*  BOIS  NÉPHRÉTIQUE  ,  {Hijl.  nat.~)  lignum  nephre- 
ticum  ou  peregrinum  :  il  eft  blanchâtre  ou  d'un  jaune 
pâle ,  fordide  ;  pelant ,  acre  ,  &  même  un  peu  amer 
au  goût  ;  d'une  écorce  noirâtre  ,  &  brun  ou  d'un 
rouge  brun  au  cœur.  Macéré  dans  de  l'eau  claire  pen- 
dant une  demi -heure,  il  lui  donne  une  belle  couleur 
opale ,  qui  change  félon  la  dilpolîtion  de  l'œil  &  de 
la  lumière.  Si  on  y  mêle  une  liqueur  acide  ,  la  cou- 
leur bleue  difparoit ,  &  la  liqueur  paroit  dorée  de 
quelque  côté  qu'on  la  regarde.  Mais  l'huile  de  tartre , 
ou  la  folution  d'un  fel  alkali  urineux  ,  lui  reftituera 
la  couleur  bleue. 


B  O  I 

L'arbre  qui  donne  ce  bois  s'appelle  arbor  Americana 
Coatli.  M.  Tournefort  en  donne  la  defcription  fui- 
vante.  Il  a  la  fubftance  &C  la  grandeur  du  poirier  ;  les 
feuilles  difpofées  alternativement  fur  les  rameaux  de 
la  forme  de  celles  du  pois  chiche ,  mais  plus  épaiflès  , 
fans  découpures  ,  longues  d'un  demi -pouce  ,  larges 
de  quatre  lignes ,  d'un  verd  brun ,  parfemées  d'un 
duvet  fort  doux ,  reluifantes  en  deflbus  où  ce  duvet 
eft  argenté ,  avec  une  nervure  aflez  grotte  ;  la  fleur 
attachée  au  bout  des  rameaux.  Hernandes  dit  qu'elle 
eft  d'un  jaune  pâle  ,  petite  ,  longue  ,  &  difpoîée  en 
épi ,  &c  que  fon  calice  eft  d'une  pièce ,  partagé  en 
cinq  quartiers  ,  femblable  à  une  corbeille  ,  &  cou- 
vert d'un  duvet  roux.  Cet  arbre  croît  dans  la  nou- 
velle Efpagne. 

On  recommande  l'ufage  de  ce  bois  pour  les  mala- 
dies des  reins  &  la  difficulté  d'uriner.  On  le  coupe 
par  petites  lames ,  qu'on  fait  macérer  dans  de  l'eau: 
cette  eau  acquiert  au  bout  d'une  demi-heure  la  cou- 
leur d'un  bleu  clair  ;  on  la  boit  ;  on  en  ajoute  de  nou- 
velle ,  qu'on  prend  encore  ,  &  l'on  continue  jufqu'à 
ce  que  le  bois  ne  colore  plus. 

Les  uns  prennent  un  verre  de  cette  teinture  tous 
les  matins  ;  d'autres  la  mêlent  avec  du  vin  :  quelques- 
uns  en  ont  été  foulages  dans  la  gravelle  ,  tk.  autres 
maladies  relatives  aux  reins  &  à  la  vefiie. 

Bois  puant  ,  (Mjl-  nat.  )  anagyris ,  genre  de 
plante  à  fleur  papilionacée  ,  dont  la  feuille  lupérieure 
eft  beaucoup  plus  courte  que  les  autres.  Lorfque 
cette  fleur  eft  paffée ,  le  piftil  qui  fort  du  calice  de- 
vient une  filique  femblable  à  celle  du  haricot ,  qui 
renferme  des  femences  qui  ont  ordinairement  la  fi- 
gure d'un  petit  rein.  Ajoutez  au  caractère  de  ce  gen- 
re ,  que  les  efpeces  ont  les  feuilles  trois  à  trois  fur  un 
feul  pédicule.  Tournefort ,  Intl.  rci  htrb.  F.  Plante. 

(O 

Bois  rouge  ou  Bois  de  sang  ,  (Hijl.  nat.)  c'eft 
le  bois  d'un  arbre  qui  croît  en  Amérique  près  du  golfe 
de  Nicaragua  ;  il  eft  d'un  très-beau  rouge  :  on  s'en 
fert  dans  la  teinture.  Il  le  vend  fort  cher. 

Différentes  acceptions  du  terme  bois  dans  les  Arts 
méchaniques. 

Bois  de  grille,  partie  du  métier  à  travailler  les 
bas ,  fur  laquelle  les  reflbrts  de  grille  font  difpofés 
perpendiculairement.  Voye^  Bas. 

Bois  de  moule  fervant  à  fondre  les  caractères  d 'Impri- 
merie ;  ce  font  deux  morceaux  de  bois  taillés  fuivant 
la  figure  du  moule ,  dont  l'un  eft  à  la  pièce  de  deflus , 
&  l'autre  à  la  pièce  de  deflbus  :  ils  fervent  à  tenir  le 
moyle  ,  l'ouvrir  ,  &  le  fermer  fans  fe  brûler  au  fer 
qui  eft  échauffé  par  Le  métal  fondu  que  l'on  jette  con- 
tinuellement dedans,  foye^  A  &  B fig.  i.  PI.  II.  du 
Fondeur  de  caractères  d'Imprimerie,  6c  les  figures  z.  & 
,3  de  la  même  planche. 

Bois,  en  terme  de  Lapidaire ,  eft  un  gros  cylindre 
court  &  percé  de  part  en  part ,  qui  s'emmanche  dans 
le  clou  ou  cheville  de  la  table  ,  placé  à  côté  de  la 
roue  ,  près  duquel  l'ouvrier  appuie  fa  main  pour 
être  plus  fur ,  &  dans  lequel  il  fourre  un  bout  de  fon 
bâton  à  cimenter ,  afin  que  la  preffion  de  la  pierre  fur 
la  roue  foit  égale,  foye^  la  fig.  y.  PI.  du  Lapidaire. 
16  eft  le  trou  dans  lequel  entre  le  bout  du  bâton  à 
ciment  ,  comme  la_/%.  6  le  repréfente  ;  i  ,  le  bois  ; 
r  s  ,  le  clou  ou  cheville  fixée  par  fa  partie  inférieure 
dans  la  table  ou  établi  ;  i  z  ,  la  place  de  l'ouvrier  qui 
preffe  fur  le  bâton  à  ciment ,  à  l'extrémité  duquel  la 
pierre  eft  montée  ;  14  ,  la  meule. 

Bois  de  têtes,  Bois  de  fonds:  les  Imprimeurs  nom- 
ment ainfi  certains  morceaux  de  bois  de  chêne  ,  qui 
entrent  dans  la  compofition  d'une  forme  ,  lefquels 
font  de  diverfes  grandeurs  ,  mais  égaux  dans  leur 
épaifleur  ,  qui  eft  réglée  à  fept  à  huit  lignes  ,  alin 
qu'elle  foit  inférieure  à  la  hauteur  de  la  lettre  ,  qui 
eft  de  dix  à  onze  lignes.  Ce  font  ces  difïercns  mor- 


B  O  î 


309 


ceaux  de  bois  qui  déterminent  la  marge.  Ils  doivent 
être  plus  ou  moins  grands ,  fuivant  le  format  de  l'ou- 
vrage &  la  grandeur  du  papier.  Voye^  Forme, 
Biseau,  Coin.  VoyeiPl.  II.  fig.  3.  lettres  h,  i  ;  ' 
fig.  6.  lettres  k>  i  ;  fig.  7.  lettres  h ,  i ,  k,l;fig.8. 
lettres/, g3  h,i. 

Bois  de  raquette  ;  c'eft  un  tour  de  bois  qui  a  un 
manche  de  longueur  médiocre ,  dont  on  fait  avec  de 
la  corde  à  boyau  des  raquettes  à  jouer  à  la  paume. 

Les  bois  de  raquettes  font  faits  de  branches  de  bois 
de  frêne  fendues  en  deux. 

Bois  ,  cht[  les  Rubaniers  ,  fe  dit  de  la  petite  bobi- 
ne qui  porte  l'or  ou  l'argent  filé  :  il  en  porte  ordi- 
nairement deux  onces  ;  6c  c'eft  lorfqu'il  eft  chargé 
qu'il  eft  appelle  bois ,  car  il  devient  bobine  lorfqu'il 
eft  vuide. 

Bois  à  limer,  cher^  les  ouvriers  en  métaux  &  autres  ; 
c'eft  un  petit  morceau  de  bois  quarré  qui  fe  met  dans 
l'étau,  &  fur  lequel  on  pofe  la  pièce  que  l'on  tient 
d'une  main,  foit  avec  les  doigts,  foit  avec  un  étau 
à  main  ,  foit  avec  une  tenaille ,  6c  qu'on  lime.  On  fe 
fert  de  ce  bois  pour  appui ,  de  peur  que  le  fer  de  l'é- 
tau ne  gâte  la  forme  de  l'ouvrage  à  mefure  qu'on 
travaille.  On  fait  à  ce  morceau  de  bois  une  entaille 
qui  fert  de  point  d'appui  à  la  pièce. 

Bois  de  broffe  ,  en  terme  de  Vergetùer  ;  c'eft  une  pe- 
tite planche  mince  de  hêtre  ou  de  noyer ,  percée  à 
diftance  égale  pour  recevoir  les  loquets". 

Bois  d'un  éventail,  fignifïe  les  flèches  &  les  maî- 
tres brins  de  bois ,  écaille ,  ivoire  ,  ou  autres  matiè- 
res ,  dont  on  fe  fert  pour  monter  un  éventail.  Le  bois 
d'un  éventail  eft  compofé  de  deux  montans  ou  maî- 
tres brins ,  &  de  dix-huit  ou  vingt  flèches ,  qui  font 
collées  par  en-haut  entre  les  deux  feuilles  ,  &ï  joints 
enlemble  en-bas  par  un  clou  ou  cheville  de  fer  qui 
les  traverfe ,  &  qui  eft  rivée  des  deux  côtés.  Foye^ 
Éventail,  &  la  figure  Z4.  PI.  de  C  Eventaillifle.  Ce 
font  les  Tabletiers  qui  les  fabriquent ,  &  qui  fe  fer- 
vent pour  cet  effet  de  limes  ,  de  feies ,  d'équerres  , 
de  forets ,  &c. 

Bois  de  fufil  ou  FÛT,  terme  cTArquebuJîcr ;  c'eft  un 
morceau  de  bois  de  noyer  ou  de  chêne  fculpté  ,  de 
la  hauteur  de  quatre  pies,  large  ,  &  un  peu  plat  par 
en-bas  ou  du  côté  de  la  croffe  ;  par  en-haut  il  eft  rond, 
creuïé  en-  dedans  pour  y  placer  le  canon  du  friûi ,  à 
peu-près  de  la  même  groffeur ,  de  façon  que  le  canon 
y  eft  à  moitié  enchâffé.  Il  y  a  par  -défions  une  mou- 
lure pour  y  placer  la  baguette ,  qui  y  eft  retenue  par 
les  porte-baguettes-:  c'eft  fur  ce  bois  que  l'on  monte 
la  platine ,  le  canon ,  la  plaque  de  couche ,  la  ious- 
garde ,  &c. 

Il  y  a  aufii  des  boisdefufds  à  deux  coups  ,  qui  ne 
différent  de  celui-ci  que  parce  qu'il  eft  plus  largg^ 
&£  qu'il  y  a  deux  moulures  pour  y  placer  les  deux 
canons  ,  deux  entailles  pour  y  placer  les  deux  pla- 
tines ,  l'une  à  droite  &  l'une  à  gauche  ,  &  par-delibus 
une  feule  entaille  pour  placer  la  baguette. 

Bois,  au  trictrac  ,  fe  dit  en  gênerai  des  dames 
avec  lesquelles  on  joue  au  jeu.  f-'oye^  Dame  & 
Trictrac. 

*  Bois  de  vie  ,  (  Hijl.  ceci.  )  On  nomme  ainfi  par- 
mi les  Juifs  deux  petits  bâtons,  femblables  à  peu- 
près  à  ceux  des  cartes  géographiques  roulées,  par 
où  on  prend  le  livre  de  la  loi  ,  afin  de  ne  pas  tou- 
cher au  livre  même  ,  qui  efl  enveloppé  dans  une  es- 
pèce de  bande  d'étoffe  brodée  à  ('aiguille.  Les  Juifs 
ont  un  refpeâ  fuperftitieux  pour  ce  bois  ;  iU  le  tou- 
chent avec  deux  doigts  feulement,  qu'ils  portent  fur 
le  champ  aux  yeux  ,  car  iis  s'imaginent  que  cet  at- 
touchement leur  a  donné  la  qualité  de  fortifier  la 
vue  ,  de  guérir  du  mal  d'yeux,  de  rendre  la  fanté  , 
&  de  faciliter  le-  accouchemens  des  femmes  encein- 
tes :  les  femmes  n'ont  cependant  pas  le  privilège  de 


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B  O  I 


toucher  les  bois  de  vie  ;  mais  elles  doivent  fe  conten- 
ter de  les  regarder  de  loin. 

*  Bois  sacrés  ,  {Myth.)  Les  bois  ont  été  les  pre- 
miers lieux  deftinés  au  culte  des  dieux.  C'eft  dans  le 
creux  des  arbres  &  des  antres ,  le  filence  des  bois  & 
le  fond  des  forêts ,  que  fe  font  faits  les  premiers  fa- 
crifices.  La  fuperftition  aime  les  ténèbres  ;  elle  éleva 
dans  des  lieux  écartés  fes  premiers  autels.  Quand  elle 
eut  des  temples  dans  le  voilinage  des  villes  ,  elle  ne 
négligea  pas  d'y  jetter  une  fainte  horreur,  en  les  en- 
vironnant d'arbres  épais.  Ces  forêts  devinrent  bien- 
tôt aufîi  révérées  que  les  temples  mêmes.  On  s'y  af- 
fembla  ;  on  y  célébra  des  jeux  &  des  danfes.  Les 
rameaux  des  arbres  furent  chargés  d'offrandes  ;  les 
troncs  facrés  auffi  révérés  que  les  prêtres  ;  les  feuil- 
les interrogées  comme  les  dieux.  Ce  fut  un  facrilége 
d'arracher  une  branche.  On  conçoit  combien  ces 
lieux  deferts  étoient  favorables  aux  prodiges  :  auffi 
s'y  en  faifoit-il  beaucoup.  Apollon  avoit  un  bois  à 
Claros ,  où  jamais  aucun  animal  venimeux  n'étoit 
entré.  Les  cerfs  des  environs  y  trouvoient  un  retuge 
affiiré ,  quand  ils  étoient  pouriuivis.  La  vertu  du  dieu 
repouffoit  les  chiens  :  ils  aboyoient  autour  de  fon 
bois  ,  où  les  cerfs  tranquilles  broutoient.  Efculape 
avoit  le  fien  près  d'Epidaure  :  il  étoit  défendu  d'y 
laifTer  naître  ou  mourir  perfonne.  Le  bois  que  Vul- 
cain  avoit  au  mont  Ethna  étoit  gardé  par  des  chiens 
facrés  ,  qui  flattoient  de  la  queue  ceux  que  la  dévo- 
tion y  conduifoit  ,  déchiroient  ceux  qui  en  appro- 
choient  avec  des  mains  impures  ,  ÔC  éloignoient  les 
hommes  &  les  femmes  qui  y  cherchoient  une  retraite 
ténébreufe.  Les  furies  avoient  à  Rome  un  bois/acre. 

BOIS  LE-DUC,  (Géog.)  grande  ville,  bien  for- 
tifiée ,  du  Brabant  Hollandois  ,  dont  elle  eft  la  capi- 
tale ,  au  confluent  du  Dommel  Se  de  l'Aa  qui  for- 
ment la  Dies  ,  qui  va  fe  jetter  dans  la  Meufe  au  fort 
de  Crevecœur.  Le  pays  qui  en  dépend  s'appelle  la 
mairie  de  Bois  -le-  duc  ,  qui  fe  divife  en  quatre  quar- 
tiers ou  diftrifts. 

*  BOISER,  V.  a£t.  terme  de  Menuiferie  &  d'Archi- 
tecture; c'eft  couvrir  les  murs  d'une  chambre  ou  d'un 
appartement  d'ouvrages  en  bois  afTemblés ,  moulés  , 

fculptés,  &C.  Voye{  LAMBRISSER  &  DÉCORATION. 

Les  appartenons  boifes  font  moins  froids  en  hyver 
&  plus  fains  en  tout  tems. 

BOISSEAU, f.  m.  (Comm.)  mefure  ronde  de  bois 
ordinairement  cintré  par  le  haut  d'un  cercle  de  fer 
appliqué  en-dehors  bord  à  bord  du  fût ,  avec  une 
tringle  ou  barre  de  fer  qui  le  traverfe  par  l'ouvertu- 
re d'en-haut  dans  fa  circonférence,  pour  le  lever  plus 
aifément.  Il  fert  à  mefurer  les  corps  ou  chofes  feches, 
comme  les  grains,  le  froment ,  l'orge,  l'avoine  ,  &c 
les  légumes  fecs ,  comme  les  pois ,  fèves ,  lentilles  , 
&c.  les  graines  ,  comme  le  chenevi ,  le  millet  ;  les 
fruits  fecs  ,  comme  les  navets ,  oignons ,  noix  ,  châ- 
taignes ,   &c. 

Du  Cange  fait  venir  ce  mot  de  bujfellus ,  bujlellus , 
ou  bijjellus,  diminutif  de  buça,  qui  iignifioit  la  même 
choie  dans  la  baffe  latinité  :  d'autres  le  font  venir  de 
bujfulus ,  qui  fignifie  une  urne  dans  laquelle  on  jettoit 
les  forts.  Ce  mot  femble  être  une  corruption  de  bu- 
xulus. 

A  Paris  le  boijfeau  fe  divife  en  deux  dcmi-boijfeaux  ; 
le  demi-boijjeau  en  deux  quarts  ;  le  quart  en  deux  de- 
mi-quarts ;  le  demi-quart  en  deux  litrons  ;  &  le  li- 
tron en  deux  demi-litrons.  Par  tentence  du  prévôt 
des  marchands  de  Paris  ,  le  boiffeau  doit  avoir  huit 
pouces  Se  deux  lignes  Sz  demi  de  haut ,  &  dix  pou- 
ces de  diamètre  ;  le  demi-boijfeau  fix  pouces  cinq  li- 
gnes de  haut,  fur  huit  pouces  de  diamètre  ;  le  quart 
de  boijjcau  doit  avoir  quatre  pouces  neuf  lignes 
de  haut  &  fix  pouces  neuf  lignes  de  large  ;  le  demi- 
quart  quatre  pouces  trois  lignes  de  haut ,  &  cinq  pou- 
ces de  diamètre  ;  le  litron  doit  avoir  trois  pouces  & 


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demi  de  haut ,  &  trois  pouces  dix  lignes  de  diamètre  ; 
&  te  demi-litron  deux  pouces  dix  lignes  de  haut ,  fuf 
trois  pouces  une  ligne  de  large.  Trois  boijfeaux  font 
un  minot  ;  fix  font  une  mine  ;  douze  un  ieptier  ;  Se 
cent  quarante-quatre  un  muid.  Voye-^  Muid. 

La  mefure  du  boijjcau  eft  différente  dans  les  autres 
parties  de  la  France  :  quatorze  boiffeaux  &  un  huitiè- 
me d'Amboife  &  de  Tours  ,  font  le  feptier  de  Paris; 
vingt  boijjeaux  d'Avignon  font  trois  feptiers  de  Pa- 
ris ;  vingt  boijjeaux  de  Blois  font  un  feptier  de  Paris  ; 
&  il  n'en  faut  que  deux  de  Bordeaux  pour  faire  la 
même  mefure  ;  trente-deux  boijfeaux  de  la  Pvochelle 
font  dix-neuf  feptiers  de  Paris. 

Les  mefures  d'avoine  font  doubles  de  celles  des 
autres  grains  ;  de  forte  que  vingt-quatre  boijfeaux  d'a- 
voine font  un  feptier,  Se  deux  cents  quarante-huit  un 
muid.  On  divife  le  boijjcau  d'avoine  en  quatre  pico- 
tins ,  &  le  picotin  en  deux  demi-quarts ,  ou  quatre 
litrons.  Quatre  boijfeaux  de  fel  font  un  minot ,  &  fix 
un  feptier.  Huit  boijfeaux  font  un  minot  de  charbon  , 
feize  une  mine  ,  &  trois  cents  vingt  un  muid.  Trois 
boijjeaux  de  chaux  font  un  minot ,  &  quarante-huit 
minots  font  un  muid. 

Par  un  règlement  d'Henri  VII.  le  boijfeau  en  Angle- 
terre contient  huit  gallons  de  froment  ;  le  gallon  huit 
livres  de  froment  à  douze  onces  la  livre  ;  l'once  vingt 
fterlins  ;  &  le  fterlin  trente-deux  grains  de  froment 
qui  croiffent  dans  le  milieu  de  l'épi.  (G) 

*  Cette  mefure  eft  l'ouvrage  principal  du  Boiffe- 
lier  :  il  eft  compofé  de  morceaux  de  merrein  affem- 
blés  circulairement. 

*  Boissea.u,  f.  m.  C'eft  un  inftrumentà  l'ufage 
des  Boutonnicrs ,  de  la  même  manière  que  le  couffin 
eft  à  l'ufage  des  faifeufes  de  dentelle;  avec  cette 
différence  que  le  couffin  eft  fait  en  demi -globe  ,  ou 
en  globe  tout  entier ,  que  l'ouvrière  tient  fur  fes  ge- 
noux ,  &  fur  lequel  fes  fufeaux  font  fixés,  de  manière 
que  la  poignée  des  fufeaux  eft  tournée  vers  elle  ;  Se 
le  boijjcau  au  contraire  eft  la  portion  d'un  cylindre 
creux  ,  coupé  par  la  moitié  ,  que  l'ouvrier  place  fur 
fes  genoux ,  qui  font  couverts  de  fa  concavité.  La 
partie  fupérieure  du  boiffeau  eft  attachée  à  fa  vefte 
par  une  courroie  ,  &  fes  fufeaux  font  placés  de  ma- 
nière que  c'eft  leur  tête  qui  eft  tournée  vers  l'ou- 
vrier. Le  chef  de  l'ouvrage,  dans  la  dentelle,  en  eft 
fur  le  couffin  la  portion  la  plus  éloignée  de  l'ou- 
vrière ;  au  contraire,  c'en  eft  la  partie  la  plus  voifine 
dans  le  travail  du  boutonnier.  C'eft  fur  le  couffin 
que  fe  fait  la  dentelle  ;  c'eft  fur  le  boiffeau  que  fe  font 
les  galons  de  fil  Se  de  foie  ,  les  jarretières  ,  les  cein- 
tures ,  &  autres  ouvrages  de  tiffuterie.  Le  couihn  eft 
rembourré  ,  Se  les  fufeaux  Se  la  dentelle  s'attachent 
deffus  par  le  moyen  des  épingles.  Le  boijfeau  eft  de 
bois  mince  Se  fimplement  couvert  ou  d'une  toile 
groffiere,  ou  d'un  parchemin  fort;  ou  il  ne  l'eft  point 
du  tout ,  Se  l'ouvrage  eft  contenu  fur  le  boijfeau  par 
une  efpece  de  bobine  qui  eft  placée  à  fa  partie  fupé- 
rieure ,  &  fous  laquelle  il  paffe  pour  fé  rendre  entre 
l'eftomac  de  l'ouvrier  &  le  bord  lùpérieur  du  boijfeau,, 
tomber  fous  le  boijfeau  Se  l'y  rouler.  rojwBouTOK, 
Galon  ,  Ceinture  ,  &c  Voye^  auffi  la  Planche  I. 
figure  à.  du  Boutonnier ,  un  ouvrier  qui  travaille  ail 

boijfeau  ;  cet  infiniment  eft  repréfenté  en  particulier 
dans  les  figures  3  ,  J.  de  la  Planche  IL 

Boisseau,  (Fontainier.  )  on  appelle  ainfi  la  boîte 
de  cuivre  dans  laquelle  tourne  la  clé  d'un  robinet. 
(K) 

Boisseau  de  Poterie ,  eft  un  corps  rond  &  creux 
de  terre  cuite ,  Se  verniffé  en-dedans ,  en  forme  de 
petit  barril  fans  fond  ,  d'environ  neuf  à  dix  pouces 
de  haut,  &  d'autant  de  diamètre,  dont  plufieurs  em- 
boîtés les  uns  dans  les  autres  forment  la  chauffe  ou 
tuyau  d'une  ailance.  (P) 

BOISSELÉE  ,f.  f.  (Commerce.)  ce  qui  eft  contenu 


B  O  I 

dans  un  boifleau.  On  dit  une  boiffelie  de  froment, 
d'orge ,  de  pois  ,  de  fèves  ,  &c. 

Boijfele'eeil  aufli  une  certaine  mefure  de  terre  dont 
on  fe  iert  en  plufieurs  provinces  de  France ,  &  elle 
dénote  autant  de  terre  qu'il  en  faut  pour  recueillir 
un  boifleau  de  grain.  Huit  boijjelées  font  un  arpent  de 
Paris  ou  environ.  (G) 

BOISSELERIE,  f.  f.  Part  ou  la  profejfwn  du  Boif- 
Jèlier,  qui  coniifle  à  faire  &  vendre  plufieurs  menus 
ouvrages  de  bois. 

BOISSELIER  ,  c'eft  un  ouvrier  qui  vend  &  fait 
des  pelles  ,  des  boifleaux  ,  des  foufflets  ,  des  lanter- 
nes ,  &  autres  menus  ouvrages  de  bois. 

Les  Boifjeliers  font  partie  de  la  communauté  des 
Tourneurs.  Voye%_  Tourneur. 

Ces  fortes  d'ouvriers  ont  peu  d'outils  qui  leur 
foient  particuliers  ,  ne  fe  fervant  que  de  couteaux  , 
marteaux,  planes,  &c.  comme  bien  d'autres  arti- 
sans ,  fous  l'article  defquels  on  pourra  voir  la  des- 
cription &  la  figure  de  chacun  de  ces  outils. 

*  BOISSON ,  f.  f.  on  peut  donner  ce  nom  à  tout  ali- 
ment fluide  deftiné  à  réparer  nos  forces  ;  définition 
qui  n'exclut  pas  les  remèdes  mêmes  fluides.  On  a  vu 
en  Angleterre  un  homme  qui  ne  vivoit  que  de  fomen- 
tations qu'on  lui  appliquoit  à  l'extérieur.  Le  but  de 
la  boijfon  efl:  de  remédier  à  la  foif ,  au  deflechement, 
à  l'épaifieur  ou  à  l'acrimonie  des  humeurs.  L'eau 
froide  ,  très-légère  ,  fans  odeur  ni  fans  goût ,  puifée 
dans  le  courant  d'une  rivière ,  feroit  la  boijfon  la  plus 
faine  pour  un  homme  robulle.  L'eau  froide  efl:  adou- 
ciflante  ;  elle  fortifie  les  vifeeres  ;  elle  nettoyé  tout  : 
fi  les  jeunes  gens  pouvoient  s'en  contenter ,  ils  au- 
raient rarement  des  maladies  aiguës.  Hérodote  pa- 
roît  attribuer  la  longue  vie  des  Ethiopiens  à  l'ufage 
d'une  eau  pure  &  légère.  Il  fembleroit  qu'il  faudroit 
réîerver  la  bierre ,  le  vin ,  &  les  autres  liqueurs  for- 
tes ,  pour  les  occafions  où  il  s'agit  d'échauffer  ,  de 
donner  du  mouvement,  d'irriter,  d'atténuer,  &c. 
Boire  de  l'eau ,  &  vivre  d'alimens  qui  ne  foient  point 
du  tout  gras  ,  voilà ,  dit  Boerhaave ,  le  moyen  de 
rendre  le  corps  ferme ,  &  les  membres  vigoureux. 

*  BOITE,  f.  f.  fe  dit  en  général  de  tout  aficmbla- 
ge  de  bois  ,  de  cuivre,  de  fer,  ou  de  quelqu 'autre 
matière  que  ce  foit ,  deftiné  ,  foit  à  contenir  ,  foit  à 
revêtir,  îoit  à  diriger,  foit  à  affermir  d'autres  pie- 
ces.  Il  faut  bien  oblerver  que  toute  boue  fait  l'une  de 
ces  fondions  ;  mais  qu'il  y  a  un  grand  nombre  d'ou- 
tils ,  d'inftrumens  ou  d'aflemblages  qui  ont  quelqu'u- 
ne ou  plufieurs  de  ces  propriétés  communes  avec  la 
boite ,  &  auxquels  on  ne  donne  pas  le  même  nom. 

Le  nombre  des  aflemblages  auxquels  on  donne  le 
nom  de  boîte  cft  infini  :  nous  ne  ferons  mention  que 
des  principaux  ;  les  autres  Te  trouveront  aux  articles 
des  touts  dont  ils  font  des  parties. 

BoÎTE  À  FORET,  outil  d'' Arquebufter ,  de  Coute- 
lier, de  Serrurier ,  &  autres  ouvriers  ;  c'eft  une  efpece 
de  bobine ,  ou  de  fer  ou  de  bois ,  ou  de  cuivre ,  plus 
grofle  que  longue ,  qui  cft  traversée  d'une  broche 
auffi  de  fer  de  la  longueur  de  fix  pouces ,  dont  un  des 
.bouts  eft  pointu  ,  pour  entrer  dans  le  plaftron  (  Voy. 
Plastron  )  ,  &  l'autre  bout  eft  un  peu  plus  gros 
par  en-bas,  &  eft  percé  d'un  trou  quarré  dans  le- 
quel on  met  les  forêts  &  les  frailes  pour  percer  les 
trous  ,  en  faifant  tourner  la  boîte  avec  l'archet  ,  par 
le  moyen  de  la  corde  de  l'archet.  Cette  boîte  cft  tan- 
tôt de  ter,  tantôt  de  cuivre  ,  de  bois,  &c. 

BOÎTES  de  réjoiiijfince  ,  (  Artijicier.  )  ce  font  des 
cfpcces  de  boites  de  fer  ou  de  tonte  qui  fe  chargent 
avec  de  la  poudre  èc  un  tampon  ,  6c  qu'on  tire  dans 
les  réjouiffanecs  avant  le  canon  ,  ou  au  défaut  du 
canon. 

*  Boîte  ,  f.  f .  (  Artillerie.  )  c'eft  le  nom  qu'on 
donne  au  bout  de  la  hampe  des  écouvillons  qui  fer- 
vent à  nettoyer  ôc  à  rafraîchir  le  canon.  Foytr  Ca- 


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311 


NON,  voyei Hampe.  On  donne  le  même  nom  à  la  tê- 
te d'un  refouloir,  ainfi  qu'à  l'embouchure  de  fer  ou 
de  fonte  dans  laquelle  entre  le  bout  d'un  eflieu  d'af- 
fût ou  autre  ,  &  à  la  partie  du  vilebrequin  qui  reçoit 
la  mèche  ,  &  la  fixe  au  corps  du  vilebrequin ,  &c. 

*  Boîte  à  pierrier,  en  Artillerie  ,  corps  cylindrique 
&  concave  fondu  de  bronze  ou  forgé  de  fer,  avec  une 
anfe  &  une  lumière  :  on  remplit  la  boîte  de  poudre  ; 
on  la  place  enfuite  dans  le  pierrier  par  la  culafle , 
derrière  le  refte  de  la  charge ,  qu'elle  chafle  en  pre- 
nant feu. 

Boîte  ,  eft  encore  un  cylindre  de  cuivre  percé  félon 
fon  axe  d'un  trou  quarré  ,  pour  pouvoir  être  monté 
fur  la  tige  de  l'aléfoir  :  cette  boîte  porte  les  couteaux 
d'acier  au  moyen  defquels  on  égalife  l'ame  des  ca- 
nons, f^oyei  Alesoir  ,  &  D  fig.  3.  PI.  de  la  Fon- 
derie des  canons  ,jig.  de  Paléfoir. 

BoÎTES  à  foudure  ,  en  terme  de  Bijoutier,  font  de 
petits  coffrets  dans  lefquels  l'on  renferme  les  paillons. 
Voyei  Paillon.  Ils  font  chiffrés  du  titre  de  la  fou- 
dure  qu'ils  contiennent. 

BoÎTE  ,  en  terme  de  Boijfelier ,  fe  dit  de  tout  coffret 
deftiné  à  contenir  ou  ferrer  quelque  chofe  :  il  y  en  a 
de  couvertes ,  &  d'autres  fans  couvercle. 

Les  boîtes  couvertes  font  garnies  d'un  couvercle 
qui  embrafle  l'extrémité  fupérieure  de  l'ouvrage  en- 
dehors  du  corps  ;  les  autres  n'ont  point  cette  pièce. 

Boîte  à  lijfer,  ckei  les  Cartiers ,  eft  un  inftrument 
de  bois  qui  a  deux  manches  de  bois  à  fes  deux  côtés  , 
&  qui  par  le  milieu  entre  dans  l'entaille  qui  eft  au 
bout  de  la  perche  à  lifler.  Cette  boîte  reçoit  par  fon 
extrémité  d'en-bas  qui  eft  creufe  ,  une  pierre  noire 
fort  dure  &  très-polie ,  avec  laquelle  on  lifle  les  car- 
tes en  frottant  defflis.  Foye{  Plan,  du  Cartier  ,jîg.  j. 
qui  repréfente  un  ouvrier  qui  lifle  une  feuille  de  car- 
te ,  &  lajîg-  8.  de  la  même  Plan.  A7  eft  la  boîte  à  lijfer 
dans  fa  fituation  naturelle,  o  la  partie  inférieure  de 
la  perche ,  n  la  liflbire  de  verre  très-polie ,  qu'on  fait 
entrer  dans  la  mortoife  qui  paroît  à  la  figure  M ,  qui 
eft  la  boîte  à  lijfer  renverfée.  On  frotte  la  liflbire  avec 
du  favon ,  pour  qu'elle  coule  plus  facilement  fur  les 
cartes. 

Boîte,  inftrument  de  Chirurgie,  pour  contenir  la 
jambe  dans  le  cas  de  fracture  compliquée.  Les  pan- 
femens  qu'exigent  les  fraftures  compliquées  ne  peu- 
vent fe  faire  fans  des  mouvemens  capables  d'empê- 
cher la  réunion  des  os ,  à  moins  que  les  parties  une  fois 
réduites ,  ne  foient  contenues  par  des  machines  aflez 
induftrieufemcnt  inventées  ,  pour  qu'elles  ne  fouf- 
frent  aucun  dérangement.  La  Chirurgie  moderne, 
déterminée  par  le  fuccès ,  a  préféré  une  boîte  aux 
fanons  &  aux  écorces  d'arbre  qu'on  employoit  pour 
maintenir  ces  fortes  de  fraftures.  Cette  boite  cft  com- 
pofée  de  quatre  pièces  ;  fa  voir,  d'une  femelle,  d'un 
plancher,  &  de  deux  murailles.  La  femelle  eft  jointe 
à  l'extrémité  du  plancher  par  deux  gonds  qui  en- 
trent dans  deux  fiches,  &  les  deux  murailles  font 
jointes  de  même  aux  parties  latérales  du  plancher; 
de  manière  que  les  unes  &  les  autres  de  ces  pièces 
peuyent  le  joindre  &  le  féparer  du  plancher  pour  les 
utilités  dont  on  parlera  plus  bas.  Le  plancher  eft  cou- 
vert d'un  petit  matelas  qui  foûtient  la  jambe  ;  les  mu- 
railles auffi  garnies  de  matelas,  en  s'approchant, 
contiennent  la  jambe,  &  empêchent  les  mouvemens 
qu'elle  pourroit  faire  fur  les  côtés.  La  femelle  matc- 
laflec  foùticnt  la  plante  du  pié ,  qui  par  fon  moyen 
cft  tenu  plus  ou  moins  fléchi  à  la  faveur  de  deux  cro- 
chets ,  qui ,  des  deux  côtés  de  la  femelle  ,  vont  s'en- 
gager clans  deux  crémaillères  attachées  au  bout  &  à 
l'extérieur  des  murailles:  ces  crémaillères  ont  plu- 
fieurs trous  pour  donner  plus  ou  moins  d  élévation 
à  la  femelle  dont  elles  reçoivent  les  crochets. 

M.  Petit  a  perfectionné  la  ftruclure  de  cette  boîte, 
&  en  a  conlidciablemcnt  étendu  les  avantages.  La 


3 12 


B  O  I 


machine  de  M.  Petit  diffère  de  celle  que  nous  venons 
de  décrire  (  K  Planche  IV. fig.  3-)  i°-  Parce  qu'au 
lieu  de  plancher ,  elle  a  une  efpece  de  lit  de  fangle 
formé  par  un  couti  cloué  fur  un  chaffis ,  lequel  eft 
compolé  de  deux  jumelles  cintrées  à  l'endroit  du 
pli  du  genou ,  &  de  deux  traverfes,  dont  l'une  droite 
&  plus  courte  joint  les  deux  jumelles  par  le  bout  du 
côté  du  pié  ;  l'autre  plus  longue  &  cintrée  les  joint  du 
côté  du  genou.  La  féconde  choie  en  quoi  cette  boîte 
diffère  de  la  première ,  efl  un  chaffis  compolé  auffi 
de  deux  jumelles  &  de  deux  traverfes  ;  le  tout  parallè- 
le au  chaffis  de  deffus ,  excepté  que  les  jumelles  de  ce 
dernier  chaffis  font  toutes  droites ,  &C  que  celles  du 
chaffis  fupérieur  font  cintrées  fous  le  jarret.  Les  jumel- 
les de  l'un  &  l'autre  chaffis ,  par  le  bout  qui  regarde 
la  cuiffe,  font  jointes  enfemble  par  deux  charnières  ; 
ce  qui  permet  de  les  écarter,  &  rapprocher  plus  ou 
moins  ;  &c  pour  les  tenir  au  degré  de  proximité,  ou 
d'éloignementqui  convient,  il  y  a  une  efpece  de  pa- 
lette jointe  par  deux  gonds  de  bois  reçus  dans  deux 
fiches  attachées  aux  extrémités  des  jumelles  du  chaf- 
fis fupérieur  :  cette  palette  fe  plie  contre  les  jumelles, 
&  peut  s'en  éloigner  par  une  fuite  de  degrés ,  qui  lui 
font  marqués  par  deux  crans  creufés  fur  la  partie  lu- 
périeure  des  jumelles  du  chaffis  inférieur  du  côté  du 
pié  ;  de  manière  que  l'on  peut  lever  plus  ou  moins , 
6c  baiffer  de  même  le  chaffis  fupérieur  fur  lequel  fe 
trouve  la  jambe.  Telle  eft  la  defcription  que  M.  Petit 
fait  de  cette  machine  dans  ion  Traite  des  maladies  des 
Os.  M.  de  Garengeot  détaille  dans  fon  Traité cflnflru- 
mms  les  dimenlions  des  différentes  pièces  qui  entrent 
dans  la  ftrudture  de  cette  boîte.  Nous  avons  fait  gra- 
ver toutes  ces  pièces  en  particulier  ;  cela  luffira  à 
tout  homme  intelligent  pour  en  faire  conftruire  une 
pareille. 

Ses  avantages  font,  i°.  qu'au  moyen  du  double 
chaffis ,  on  peut  changer  l'attitude  du  malade ,  en 
lui  baillant  &  relevant  la  jambe  à  fon  gré  ,fans  qu'on 
ait  à  craindre  que  les  os  rompus  fe  déplacent;  parce 
que  ce  changement  ne  dépend  que  de  la  flexion  ou 
de  l'extenfion  du  genou  ;  mouvemens  qui  peuvent  fe 
faire  par  le  moyen  du  chaffis  fupérieur,  fans  courir 
le  rilque  de  déplacer  les  os. 

a0.  La  palette  ayant  des  degrés  de  repos  fur  les 
jumelles  du  chaffis  inférieur ,  peut  mettre  la  jambe  en 
fureté  à  tous  les  degrés  de  hauteur  qui  conviendront 
au  malade ,  dans  les  panf emens  ou  dans  les  inter- 
valles. 

3°.  On  évitera  par  cette  machine  les  mouvemens 
irréguliers  auxquels  ie  membre  eft.  expofé ,  lorfqu'on 
eft  obligé  de  lever  les  appareils  ,  ou  d'en  appliquer 
de  nouveaux  ;  parce  qu'on  mettra  la  partie  au  dernier 
degré  d'élévation  ,  &  on  la  fera  foùtenir  par  deux  ai- 
des ,  pendant  qu'un  troifieme  garnira  d'un  nouveau 
bandage  le  chaffis  qu'on  aura  retiré  de  deffous  la 
jambe,  &  qu'on  y  remettra  lorfque  le  panlement  fe- 
ra fait.  On  efl:  fur  par  ce  moyen  de  trouver  affez 
d'adreffe  &  de  force  dans  les  aides  qui  foûtiennent 
le  membre. 

4°.  Le  couti  dont  le  chaffis  fupérieur  efl  garni  fait 
une  efpece  de  lit  de  fangle  fur  lequel  la  jambe  le 
moule ,  &  eft  bien  plus  commodément  que  fur  le 
plancher  de  l'ancienne  boîte. 

5°.  Le  cintre  des  jumelles  du  chaffis  fupérieur 
tient  la  jambe  pliée  ,  &  relâche  par  conféquent  le 
tendon  d'achille ,  dont  la  tenlîon  caufe  des  douleurs 
infupportables  au  talon ,  par  l'extenfion  de  la  jambe 
dans  l'ufage  de  la  boîte  ordinaire. 

6°.  Le  chaffis  inférieur  reçoit  dans  fonquarré  l'enflu- 
re du  matelas  preffé  par  le  poids  de  la  jambe,  &  l'em- 
pêche de  glifler  vers  le  pié  du  lit  comme  fait  la  boîte 
ordinaire,  parce  qu'elle  eft  unie. 

PL  IV.  fig.  j.  la  boîte  ;  les  figures  fuivantes  mon- 
trent fes  différentes  pièces. 


B  O  I 

Fig.  6.  le  lit  de  fangles  à  double  chaffis  fur  lequel 
on  pofe  le  membre. 

Fig.  S.  les  murailles  matelaflées  qui  fe  montent 
par  gonds  &  pentures ,  ainfi  que  la  femelle  ,  fig.  4. 
011  l'on  voit  deux  crochets  qui  entrent  dans  les  trous 
d'une  pièce  a,  fixée  à  l'extérieur  des  murailles, 
figure  3. 

Fig.  y.  palette  de  bois-avec  fes  gonds.  Fig.  8.  fi- 
che qui  reçoit  un  gond  de  la  palette. 

Fig.  g.  la  charnière  qui  unit  les  jumelles  des  deux 
chaflis  par  le  bout  qui  regarde  la  cuiffe. 

Les  petites  pièces  qui  ne  font  point  chiffrées  font 
les  gonds  &  les  pentures  ,  dont  on  conçoit  affez  l'ufa- 
ge par  ce  que  nous  avons  dit.  (F) 

Boîte,  en  terme  d' Epinglier ,  eft  une  efpece  de 
petit  coffre  fans  deffus  ,  6k  ayant  dans  fon  milieu  une 
lame  de  cuivre  fur  laquelle  on  appuie  les  épingles. 
Cette  lame  partage  la  boîte  en  deux  parties  qui  font 
le  plus  fouvent  de  deux  fortes  de  longueurs.  Ces  boî- 
tes font  couvertes  de  plufieurs  brins  de  fil  de  ter  qui 
contiennent  les  épingles  dans  la  capacité  de  la  boîte  , 
&  les  empêchent  d'y  remuer  à  la  preffion  des  cifail- 
les.  Voye{  la  figure  zcj.  SS.  PI.  de  t  Epinglier. 

Boîte,  chc^  les  Fontainiers,  font  des  coffres  de 
fer  ou  de  toile ,  percés  de  trous ,  que  l'on  met  à  la 
fuperficie  des  pièces  d'eau ,  pour  arrêter  les  ordu- 
res ,  &c  empêcher  l'engorgement  d'une  conduite.  Voy. 
Crapaudine. 

On  appelle  encore  boîte  ce  qui  fait  la  jonction  des 
deux  pièces  d'une  foupape.  (K) 

Bo  î  te  de  montre  ;  cette  boîte  eft  compofée  de  la  cu- 
vette qui  contient  le  mouvement ,  de  la  lunette  dans 
laquelle  eft  ajufté  le  cryflal,  de  la  charnière  qui  joint 
enfemble  ces  deux  parties ,  &  de  la  bâte  fur  laquelle 
répofe  le  cadran,  &  qui  s'étend  jufqu'au  bord  ou  filet 
de  la  cuvette.  C'eft  à  cette  bâte  qu'on  fait  la  petite 
charnière.  Voy.  Charnière.  Lorfque  le  mouvement 
efl  dans  la  boîte ,  le  cadran  vient  fe  répofer  fur  le 
bord  fupérieur  de  la  bâte ,  &  la  platine  des  piliers 
s'appuie  auffi  fur  un  petit  rebord  ou  filet  qui  eft  dans 
l'intérieur  de  cette  bâte;  il  a  une  certaine  épaiffeur  , 
&  c'eft  par-deflbus  que  s'avance  la  tête  du  reflbrt  de 
cadran  ;  de  cette  façon  le  mouvement  eft  contenu 
dans  la  boîte ,  fans  hauffer  ni  baiffer ,  &  n'en  peut 
fortir  qu'en  dégageant  la  tête  du  reflbrt  de  cadran  de 
deffous  ce  filet.  Voyei  Ressort  de  cadran. 

La  boîte  fe  ferme  ordinairement  au  moyen  d'un  ref- 
fort  fitué  vis-à-vis  de  la  charnière  ,  qu'on  appelle  ref- 
fort  de  boîte.  Il  eft  fait  de  façon  que  la  lunette  pofant 
fur  le  bord  ou  filet  de  la  cuvette,  fa  partie  qu'on  ap- 
pelle la  tête,  s'avance  fur  une  autre  filet  qui  eft  à  la 
partie  inférieure  de  la  lunette  ;  de  forte  que  dans  cet 
état  elle  ne  peut  plus  fe  lever  à  moins  que  l'on  ne 
pouffe  le  bouton  du  reflbrt ,  qui  le  faifant  avancer  , 
dégage  la  tête  de-deffus  ce  filet.  Lorfqu'il  n'y  a  point 
de  reflbrt ,  la  lunette  efl  retenue  au  moyen  d'un  filet 
tourné  en  drageoir ,  &  fituée  à  la  partie  inférieure  de 
la  bâte  proche  de  la  cuvette  :  de  façon  que  par  ce 
filet  la  lunette  &  la  cuvette  tiennent  enfemble  à  ce 
drageoir.  A  la  partie  fupérieure  de  la  lunette,  il  y  a 
une  rainure  pour  contenir  le  cryflal.  ^.Drageoir, 
Charnière,  &c  (T) 

Boîte,  partie  d'une  prefife  d' Imprimerie  ;  c'eft  un 
morceau  de  bois  H,  fig.  1.  &  2.  PI.  IV.  de  ITmpri- 
merie ,  taillé  à  quatre  faces ,  d'un  pié  de  long ,  creufé 
dans  fa  longueur,  félon  la  groffeur  &c  la  forme  de 
l'arbre  de  la  vis,  pris  depuis  le  deffous  du  barreau, 
jufqu'au  pivot,  lequel ,  au  moyen  de  cette  emboîtu- 
re,  eft  contraint  de  tomber  d'à-plomb  dans  la  gre- 
nouille ;  la  boîte  elle-même  eft  maintenue  perpendi- 
culairement par  une  tablette  K  K  découpée  enquar- 
ré,  dans  laquelle  elle  fe  trouve  encaftrée  au  milieu 
de  fa  hauteur  :  la  boîte  eft  arrêtée  un  peu  au-deffus  du 
pivot ,  par  une  double  clavette  de  fer  qui  traverfe 

l'extrémité 


B  O  I 

Pfextrérnité  de  l'arbre  au-deffus  du  pivot;  aux  quatre 
coins  de  cette  boîte  font  attachés  quatre  crochets  de 
i'<ji  qui  reçoivent  les  attaches  de  la  platine.  VoyefTh- 
blette,  Platine,  Presse,  &c. 

BOÎTES,  pièces  d'une prejfe  d'Imprimerie  en  taille- 
douce.  Voye{  PRESSE  d 'Imprimerie  en  taille  douce. 

BOÎTES,  en  terme  de  Layetiers  ;  ce  font  de  petits 
coffres  faits  de  bois  de  fapin  ou  autre ,  pour  fervir 
à  toutes  fortes  d'ufages.  Ils  donnent  à  ces  coffres  dif- 
férera noms  félon  leur  ufage  &  leur  capacité.  Exem- 
ples :  ils  appellent  boîtes  à  Lingerie,  une  boîte  qui  â  deux 
pies  de  long ,  quinze  pouces  de  large ,  &  dix  à  onze 
de  haut ,  à  l'ufage  des  Lingeres  ;  boite  des  champs , 
celle  qui  n'a  qu'un  pié  de  long ,  neuf  de  large,  fix  à 
fept  de  haut  ;  boîte  d'écritale ,  celle  qui  a  dix-huit  pou- 
ces de  long,  un  pié  de  large ,  &  neuf  pouces  de  haut. 

BoÎTE  du  crochet  de  l'établi,  en  Menuiferie ,  eft  un 
morceau  de  bois  de  deux  pouces  &  demi  ou  envi- 
ron en  quarré  ,  fur  huit  à  neuf  de  long ,  qui  entre  dans 
une  mortoife  faite  au  bout  de  l'établi ,  &  dans  laquel- 
le le  crochet  de  fer  eft  placé.  Voye^  la  figure  36 .  PI. 
de  Menuiferie  ,fig.  4,  la  boîte ,  J.  le  crochet. 

B  O  î  T  E  de  table  à  bracelets ,  en  term  e  de  Metteur  en  œu- 
vre ,  eft  une  lame  d'or  ou  d'argent  battu,  pliée,  de 
forte  que  la  partie  fupérieure  avance  moins  que  l'au- 
tre. Une  petite  languette  de  même  matière  eft  fon- 
dée fur  cette  lame  vers  l'endroit  où  elle  eft  pliée,  &c 
vient  pafler  dans  une  ouverture  faite  à  l'entrée  de  la 
boite.  Voyc^  Entres.  Cette  languette  fe  termine  par 
un  petit  bouton  aflbrti  pour  l'ordinaire  avec  la  ta- 
ble. V.  Table.  C'eft  en  appuyant  fur  ce  bouton  ou 
le  foûlevant  un  peu ,  que  l'étoffe  prife  entre  les  deux 
lames  ci-deffus ,  eft  chaftee ,  ou  y  eft  retenue  avec 
force.  Il  fe  fait  auffi  quelquefois  de  ces  boites  fimples 
♦n  or  ou  en  argent ,  qui  fervent  à  attacher  un  bracelet 
de  perles,  ou  autres  pierres  propres  à  être  enfilées. 

Boîtes  cTeffai,  à  la  Monnoic,  font  des  petits  cof- 
fres où  l'on  met  les  monnoies  qui  ont  été  effayées 
pour  les  envoyer  à  la  cour  des  Monnoies ,  où  l'on  en 
tait  un  nouvel  efiai.  Les  juges-gardes  des  monnoies 
iont  chargés  de  faire  les  boîtes.  Sur  trente  pièces  d'or , 
ilb  doivent  en  mettre  une  fans  choix;  &:  fur  dix-huit 
marcs  d'argent,  une  autre  qui  fert  d'échantillon ,  fur 
quoi  la  cour  des  Monnoies  prononce. 

Boîte  ,  en  Mon  noie,  eft  encore  une  partie  du  ba- 
lancier. Voye^  Balancier. 

BoÎTE  à  moulure,  ou  à  bille,  en  terme  d'Orfèvre , 
eft  un  infiniment  fait  d'un  chafîis  de  fer  de  quatre 
pouces  de  long  fur  trois  de  haut  en-dedans.  Le  fer  eft 
d'un  pouce  d'épaiffeur  fur  dix-huit  lignes  de  largeur 
en-dedans.  Sur  les  côtés  il  y  a  une  coulifle  pour  affri- 
jettir  les  billes ,  avec  une  échancrure  à  l'un  des  deux 
çiôtés  pour  faire  entrer  les  billes  :  à  la  partie  de-deflùs, 
au  chaflîs ,  il  y  a  deux  trous  taraudés  clans  lefquels  paf- 
fent  deux  vis  qui  refîerrent  les  billes  l'une  contre  l'au- 
tre par  ie  moyen  crime  clef. 

BoÎTES,  [dans  les  Orgues)  font  des  tuyaux  d'étof- 
fe; on  appelle  étoffe  un  mélange  de  deux  parties  de 
plomb  ci  d'une  d'étain  de  forme  cylindrique  A ,  fig. 
44.  Pi.  d'Orgue  ,  terminé  par  en  bas  par  un  pié  de 
forme  conique  ,  par  le  fommet  duquel  le  vent  du  fom- 
mier  pafie  clans  la  boite,  dans  le  corps  de  la  trom- 
pette ou  autre  jeu  d'anche  ,  dent  la  partie  inférieure 
C  entre  dans  la  boite  ainli  nommée  de  Ion  ufage.  Voyc^ 
Trompette  &  Orgue. 

Boîte  ,  (  en  Serrurerie}  c'eft  une  forte  de  douille 
ronde  ou  quarree,  que  l'on  fcelle  ou  clans  un  billot , 
ou  à  terre,  pour  recevoir  l'extrémité  foit  d'une  barre 
de  fer,  foit  d'un  inftrument ,  foit  d'un  morceau  de 
bois ,  dont  l'ufage  eft  de  les  tenir  fermes,  quand  ils 
y  font  ;  d'où  l'on  peut  les  tirer  &  où  l'on  peut  les 
replacer  à  diferétion.  On  voit  des  boîtes  pratiquées 
dans  les  facrifties  :  elies  font  fcellées  dans  le  pavé 
pour  recevoir  les  piliers  qui  foûtiennent  les  devans 
Tome  II, 


B  O  I 


313 


des  tiroirs  où  l'on  enferme  les  chappes ,  &c. 

Boîte^,  oit  Poche  de  Navette,  (  terme  de 
Tijjerand.  )  c'eft  la  partie  creufe  pratiquée  dans  le 
milieu  de  la  navette  ,  où  on  renferme  l'efpoulin ,  ou 
le  petit  morceau  de  rofeau  fur  lequel  eft  dévidée  une 
portion  du  fil  de  la  trame.  Voyei  Navette. 

Bo  ÎTE  ,  (  terme  de  Tourneur)  c'eft  ainfi  qu'on  ap- 
pelle une  pièce  de  bois  de  deux  ou  trois  pouces  de 
longueur,  qui  s'ajoute  à  vis  au  mandrin,  ou  à  l'arbre 
du  tour  ,  lorfqu'on  veut  tourner  quelque  ouvrage 
en  l'air  ,  ou  lui  faire  des  vis  &  des  écroues  ,  tant  en 
dedans  qu'en  dehors.  La  boîte  eft  de  figure  cylindri- 
que ,  plate  d'un  côté  ,  &  arrondie  par  le  bout  qui  tou- 
che l'arbre  ou  le  mandrin.  Le  côté  arrondi  a  une 
écroue  pour  recevoir  la  vis  de  l'une  ou  l'autre  de  ces 
deux  pièces;  &  on  attache  fur  le  côté  plat  avec  du 
maftic  ou  avec  certaines  petites  pointes  placées 
exprès ,  l'ouvrage  qu'on  fe  propofe  de  tourner.  La 
boue  eft  toujours  au -dehors  de  la  lunette.  Voye? 
Tour. 

Bo  î  TE  du  gouvernail ,  (  Marine.  )  c'eft  la  pièce  de 
bois  percée  ,  au  travers  de  laquelle  pafl'e  le  timon  ou 
la  barre.  (Z) 

BOITER,  [Manège.)  fe  dit  du  cheval  de  même 
que  de  l'homme.  Boiter  de  vieux  ou  de  vieux  tems, 
hgnifie  qu'il  y  a  long-tems  que  le  cheval  boite.  (V) 

BOITEUX ,  (  en  terme  de  Manège  )  fe  dit  d'un  che- 
val qui  a  quelque  irrégularité  dans  les  mouvemens 
pour  avoir  été  eftropié  à  l'épaule ,  à  la  jambe  ,  eu  au 
pié  ;  deforte  qu'en  marchant ,  il  cherche  à  ména- 
ger la  partie  offenfée  ,  ou  n'ofe  s'en  fervir  qu'avec 
crainte. 

Comme  il  importe  de  connoître  ce  mal  dans  fes 
différentes  circonftances,  nous  en  expoferons  ici  les 
principales  :  fi  un  cheval  boite  des  pies  de  devant, 
c'eft  un  ligne  que  fon  mal  eft  dans  l'épaule ,  dans  les 
jambes  ou  dans  les  pies  ;  s'il  boite  des  pies  de  derriè- 
re ,  il  faut  que  fon  mal  foit  dans  la  hanche ,  dans  le 
jarret ,  ou  dans  quelqu'autrc  partie  voifine. 

1  °.  On  connoît  que  le  mal  eft  dans  l'épaule  lorfque 
le  cheval  ne  levé  point  la  jambe  à  l'ordinaire  &  qu'il 
la  traine  par  terre,  ou  quand  il  levé  une  jambe  plus 
que  l'autre,  &  que  fon  genou  paroît  comme  diilocjué, 
à  quoi  l'on  peut  ajouter  qu'en  tournant  court,  il  fa- 
voriie  viliblement  la  jambe  du  côté  oii  il  eft  boiteux. 
De  même  fi  le  mal  eft  dans  l'épaule,  ii  faut  qu'il  foit 
ou  dans  le  garot ,  ce  qu'il  fait  connoître  en  boitant 
davantage  lorfqu'il  eft  monté  yque  loriqu'on  le  me- 
né par  la  bride,  en  bronchant  beaucoup,  &  mena- 
çant de  mordre  quand  on  le  touche  ou  manie  à  la 
partie  fupérieure  de  l'épaule  ;  ou  bien  le  mal  eft  dans 
la  partie  intérieure  qui  joint  l'os  moelleux ,  &  que 
l'on  connoît  par  le  mouvement  du  cheval ,  qui  prefte 
fes  pas  en  bronchant ,  au  point  de  tomber  ii  l'on  ap- 
puyoit  fur  cette  partie  ;  ou  enfin  le  mal  eft  dans  le 
coude  qui  joint  l'os  moelleux  à  la  jambe ,  ce  que  le 
cheval  fait  connoître  en  ruant  ôê  levant  le  pié ,  quand 
on  le  pince  dans  cet  endroit. 

2°.  Si  le  mal  eft  dans  les  jambes  ,  il  faut  qu'il  foit 
ou  dans  le  genou  ou  dans  la  jointure  du  paturon , 
ce  que  le  cheval  tait  connoître  en  refufant  de  plier 
l'un  ou  l'autre  ,  &  en  les  roidiflant  lorfqu'on  le  fait 
marcher  ;  ou  le  mal  eft  clans  le  canon, &  pour  lors  il 
fe  manitefte  par  quelque  ef quille,  furos,  molette,  ou 
autre  mal  vilible. 

30.  Si  le  mal  eft  dans  le  pié,  il  faut  qu'il  foit  dans 
la  couronne ,  &  qu'il  vienne  de  quelque  effort  ou  dé- 
torfe  ;  ce  que  l'on  connoît  par  quelque  tumeur  ou 
fracture,  ou  quand  la  partie  eft  chaude  &  brûlante 
au  taû  :  ou  bien  le  mal  eft  clans  le  talon  ,  ce  qui  vient 
de  quelque  nerf  féru  ou  autre  accident  femblable  ; 
en  ce  cas  le  mal  eft  toujours  vifible ,  cv  d'ailleurs  le 
cheval  le  fait  connoître  en  marchant  tout-à-fait  fur 

Rr 


3J4 


BOL 


la  pince  :  ou  bien  enfin ,  le  mal  eft  dans  les  quartiers 
entre  le  milieu  du  fabot  &  le  talon  ;  ce  que  le  cheval 
fait  connoîrre  en  boitant  davantage  loriqu'il  eft  fur 
une  pente  que  lorsqu'il  marche  iur  un  terrein  uni. 
Cet  accident  vient  quelquefois  d'un  clou  qui  a  blefle 
le  cheval  en  le  ferrant,  &  Ton  diftingue  le  clou  qui 
bleffe  en  pinçant  la  tête  de  chaque  clou  en  même 
tems  oue  le  fabot ,  avec  une  paire  de  tenailles. 

Quand  un  cheval  boite  des  pies  de  derrière  ,  fi  le 
mal  eft  dans  la  hanche  ou  dans  l'os  de  la  cuilfe ,  il 
marchera  de  côté,  &  n'avancera  pas  fi  bien  de  la  jam- 
be malade  que  de  l'autre  ;  en  tournant  court  il  favo- 
rifera  cette  jambe  malade ,  &  en  marchant  fur  une 
pente  ,  il  tiendra  toujours  cette  jambe  plus  haute 
que  l'autre. 

Si  un  cheval  a  quelque  maladie  cachée  qui  l'obli- 
ge à  boiter  quand  il  travaille  ,  on  pourra  le  découvrir 
en  le  faifant  courir  à  la  main  par  un  terrein  uni ,  en 
lui  lâchant  toute  la  longueur  du  licou  ,  &  remarquant 
de  quelle  manière  il  pofe  fes  jambes.  S'il  ne  favorife 
aucune  des  quatre  ,  il  faut  continuer  à  l'éprouver  en 
le  maniant  rondement  juiqu'à  ce  qu'il  ioit  bien  échauf- 
fé ;  alors  il  faut  le  la, lier  repoier  pendant  l'elpace 
d'une  heure  ,  &  le  faire  courir  ennuie  ce  nouveau  à 
la  main ,  en  lui  lâchant  toute  la  longueur  du  licou 
comme  auparavant.  (  V) 

Boiteux,  adj.  (  che^  les  Rubaniers  Tijfutiers  )  fe 
di't,lo;fqu'un  dernier  retour  n'a  pas  autant  de  mar- 
ches que  les  autres ,  comme  s'il  n'avoit  que  20  mar- 
ches ou  plus  ou  moins  ,  au  lieu  de  24  que  les  autres 
ont  ;*on  appelle  celui-ci  retour  boiteux.   '/.  Retour. 

Boiteux,  fe  dit  chez  les  mêmes  ouvriers,  d'un 
ouvrage ,  comme  d'un  tuban ,  qui  fe  trouve  d'une 
couleur  à  un  bod  &  d'une  autre  couleur  à  l'autre 
bord  ;  c'eft  ce  qu'on  appelle  ruban  boiteux. 

*  BOITIAPO,  (  Hift.  nat.  )  c'eft  un  grand  ferpent 
du  Brefil  ;  il  a  fept  ou  huit  pies  de  long  :  il  eft  de  la 
groiîeur  du  bras  ,  fa  queue  le  termine  en  pointe  ;  il 
eft  couvert  de  belles  écailles  d'un  jaune  olivâtre  ; 
fa  morfure  eft  fort  dangereule  ;  fa  chair ,  a  dit-on , 
la  propriété  de  rélifter  au  venin. 

*  BOITTE ,  f.  f.  (  en  terme  de  Pêche  )  c'eft  ainfi 
que  les  Pêcheurs  de  morue  nomment  l'appas  qu'ils 
mettent  à  leurs  hameçons.  Les  François  du  cap  Bre- 
ton fe  fervent  du  hareng  &  du  maquereau  ,  dont  la 
morue  eft  friande  ,  &  qui  eft  commun  fur  ces  côtes. 

BOITZENBURG  ,  (  Gêog.  )  il  y  a  deux  villes  de 
ce  nom  en  Allemagne  :  l'une  tur  l'Elbe ,  dans  le  comté 
de  Schwerin  ,  à  quelques  lieues  de  Hambourg  ;  l'au- 
tre ,  dans  l'éleûorat  de  Brandebourg. 

*  BOK.AS  ,  f.  m.  (  Commerce  )  toile  de  coton  que 
l'on  tire  de  Surate.  11  y  a  des  bokas  blancs  &  de  bleus. 

BOL  ,  f.  m.  (Hifl.  nat.)  terre  grailleule  &  argilleu- 
fe  ,  pelante  &  ftyptique  ;  elle  s'attache  promptement 
à  la  langue  &  teint  les  mains  :  il  y  a  des  bols  de  dif- 
férentes couleurs, ordinairement  de  jaunes  &  de  rou- 
ges ;  il  y  en  a  auifi  de  blancs  ,  &c.  Autrefois  on  alloit 
chercher  du  bol  dans  le  Levant ,  en  Arménie ,  pour 
l.ufage  de  la  Médecine  :  mais  on  s'eft  à  la  fin  convain- 
cu que  le  bol  que  nous  avons  très-communément  en 
France ,  eft  auliî  bon  que  celui  d'Arménie.  On  en 
fait  venir  de  Blois ,  de  Saumur ,  de  Baville ,  &c.  ^oyei 
Terre.  (/) 

*  Les  plus  connus  d'entre  les  bols  font  celui  d'Ar- 
ménie ,  qui  eft  maintenant  tort  rare.  La  deicription 
générale  de  bol  qui  précède  ,lui  convient.  On  lui  at- 
tribue la  vertu  aiexiphaimaque  &del'aftnngence.  Il 
y  en  a  de  jaune  &  de  blanc. 

Celui  de  Blois ,  qui  eft  une  terre  d'un  rouge  pâle. 

Celui  d'Allemagne ,  dont  la  couleur  eft  un  peu  plus 
foible  que  ceiui  d'Arménie.  Il  eft  pariémé  de  veines 
jaunes  ;  on  le  tire  des  mines  de  Eohcme.  Il  n'a  aucu- 
ne propriété  particulière. 

Le  bol  blanc ,  qui  vient  de  Gran  en  Hongrie ,  &  de 


BOL 

Coltberg  fur  le  territoire  de  Liège  ;  on  le  dit  d'un  ef- 
ficacité finguliere  dans  la  dyfTenterie. 

Le  bol  de  France ,  qui  vient  de  Blois ,  de  Saumur 
&  de  la  Bourgogne.  Le  jaune  palTe  pour  le  meilleur. 

Celui  de  Tranfylvanie  ,  il  a  tous  les  caractères  de 
celui  d'Arménie.  Il  fe  fond  dans  la  bouche  comme 
beurre  ;  il  vient  des  environs  de  Toccai. 

Les  Doreurs,  pour  faire  l'aflîette  de  l'or,  fe  fer- 
vent du  bol  d'Arménie.  Les  Reiieurs  l'écrafent  avec 
une  molette  en  l'humectant  avec  un  peu  de  blanc- 
d'eeuf  mêlé  d'eau  fur  une  pierre  polie  ;  quand  il  eft 
bien  bi  oyé  ,  ils  le  renferment  dans  un  petit  pot ,  pour 
en  mettre  dans  l'occafion  une  couche  très-mince  fur 
la  tranche  du  livre  ,  après  qu'elle  a  été  bien  ratifiée. 
Foyei  Pinceau  au  Bol. 

Bol,  (Pharmacie)  forme  fous  laquelle  on  fait 
prendre  certains  médicamens  ,  pour  épargner  aux 
malades  le  dégoût  qu'ils  ont ,  qui  fouvent  leur  donne 
beaucoup  de  répugnance  ;  en  effet  le  bol  n'étant  qu'u- 
ne bouchée  très-petite ,  eft  très-ailé  à  avaler. 

Le  bol  doit  être  mou  &  un  peu  plus  épais  que  le 
miel  :  on  le  compofe  avec  tout  ce  qui  peut  être  pris 
intérieurement  ;  lorfque  ce  font  des  lubftances  feches 
ou  des  poudres ,  on  leur  donne  une  confilîance  molle, 
en  les  mêlant  avec  des  conferves  ou  des  fnops. 
Lorsqu'elles  font  liquides  &  qu'on  a  intention  de  les 
faire  prendre  fous  la  forme  de  bol ,  on  y  joint  des 
poudres  telles  que  la  poudre  de  réglifîe  &  autres, 
par  le  moyen  defquelîes  on  les  rend  un  peu  plus 
lblides. 

Le  lucre  en  poudre  eft  un  des  ingrédiens ,  dont  on 
fe  fert  pour  donner  la  confiftance  d'un  bol  aux  médi- 
camens gras  &  huileux,  tels  que  les  baumes. 

L'on  le  fert  de  pain  azyme  pour  envelopper  le  bol, 
empêcher  qu'il  ne  s'en  échappe  quelque  paitle  ,  &  en 
faciliter  la  déglutition. 

Le  bol  a  diverfes  qualités  ,  félon  la  différence  des 
médicamens  dont  il  eft  compoié  ;  il  y  en  a  d'aliérant , 
de  purgatif,  d'aftringent ,  félon  les  indications  qui  fe 
prélentent  à  rempbr. 

On  a  foin  de  preferire  au  malade  une  boiffon  ap- 
propriée à  fa  maladie ,  qui  puiffe  aider  à  diviier  le 
bol  lorfqu'il  eft  dans  le  ventricule.  (     ) 

*  B  O  L  AT  H  E  N  ,  f.  m.  (  Mythologie  )  en  Grec 
fcoxàSw  ;  c'eft  un  nom  que  les  Phéniciens  &  les  Syriens 
donnoient  à  Saturne. 

*  BOLBITINA  ,  (  Gêog.  anc.  )  ville  d'Egypte  , 
qui  donnoit  nom  à  une  des  bouches  du  Nil ,  bolbiti- 
num  ojlium  ;  c'eft  aujourd'hui  le  bras  de  Raichit  ou  de 
Roiette. 

BOLCANE ,  (  Gêog.  )  l'une  des  îles  des  Larrons 
en  Afie  ;  il  y  a  un  volcan. 

tOLCKENHAYN  ,  (  Gêog.  )  petite  ville  de  Si- 
léfie ,  dans  la  principauté  de  Schweidnitz. 

BOLCKWITZ  ,  (  Gêog.  )  petite  ville  de  Siléfie  , 
dans  la  principauté  de  Giogaw. 

BOLDUC ,  voj^  Bois-le-Duc. 

BOLENBERG  ,  petite  ville  du  Duché  de  Mec- 
klembourg  ,  lur  la  mer  Baltique. 

BOLLANDISTES ,  f.  m.  pi.  (Hifl.  ecclêflafl.)  nom 
que  l'on  a  donné  à  quelques  Jéluites  d'Anvers ,  ou  à 
une  fociété  d'écrivains  de  leur  corps ,  qui  depuis  plus 
d'un  fiecle  s'occupe  à  recueillir  tout  ce  qui  concerne 
les  actes  &  les  vies  des  laints.  On  les  a  ainfi  nommés 
de  Bollandus,  Jéluite  Flamand,  un  de  leurs  princi- 
paux chefs,  fcyei  Acte,  Saint. 

Comme  dans  le  cours  de  cet  ouvrage  nous  fom- 
mes  fouvent  obligés  de  citer  cette  lavante  compa- 
gnie, des  aâes  de  laquelle  nous  avons  thé  diveiles 
obiervations ,  il  ne  fera  pas  inutile  de  les  taire  con- 
noitre  au  lecteur. 

Au  commencement  du  xvn.  fiecle  ,  le  P.  Heribert 
Rolveid  ,  Jéluite  d'Anvers ,  conçut  le  deffein  de  raf- 
f  embler  les  vies  des  faints ,  telles  qu'elles  avoient  été 


BOL 


B  O  M 


315 


écrites  par  les  auteurs  originaux,  en  y  ajoutant  des 
notes  femblablcs  à  celles  que  les  meilleurs  éditeurs 
des  Pères  ont  ajoutées  à  leurs  écrits  ,  foit  pour  éclair- 
cir  les  paiTages  obfcurs  ,  foit  pour  distinguer  le  vrai 
du  fabuleux.  L'cntreprife  étoit  grande,  mais ,  comme 
on  le  font  allez  ,  beaucoup  au-deffus  des  forces  d'un 
foui  homme:  aufîi  le  P.  RolVeid  ne  put -il  pendant 
toute  fa  vie  qu'amafler  des  matériaux  ,  &  mourut 
fans  avoir  commencé  à  leur  donner  de  forme.  C'é- 
loit  en  1629  ;  &  l'année  fuivante  ,  le  P.  Bollandus 
reprit  ce  delfoin  fous  un  autre  point  de  vue ,  qui  tut 
de  compofor  les  vies  des  faints  d'après  les  auteurs 
originaux.  En  1635  ,  ds'afibeia  le  P.  Godefroi  Henl- 
chenius  ;  &C  fix  ans  après,  ils  firent  paroître  les  acles 
des  faints  du  mois  de  Janvier  en  deux  volumes  in-fo- 
lio :  ce  livre  eut  un  luccès  qui  augmenta  lorfque  Bol- 
landus eut  donné  trois  autres  volumes  dans  la  même 
forme ,  contenant  les  aûes  des  faints  du  mois  de  Fé- 
vrier. Il  s'étoit  encore  aflbcié  en  1650  le  P.  Pape- 
brock,  &  travailloit  à  donner  le  mois  de  Mars  lorf- 
qii'il  mourut  en  1665.  Après  la  mort  d'Henfchenius , 
le  P.  Papebrock  eut  la  principale  direction  de  ce  grand 
ouvrage ,  &  s'affocia  fucceiiivement  les  PP.  Baërt , 
Jemaing,  du  Sollier,  &  Raye,  qui  ont  donné  vingt- 
quatre  volumes,  contenant  les  vies  des  faints  jufqu'au 
mois  de  Juin.  Depuis  la  mort  du  P.  Papebrock,  arri- 
vée en  1714 ,  les  PP.  du  Sollier ,  Cuper ,  Piney ,  & 
Bofch ,  donnèrent  en  cinq  volumes  in-folio ,  le  relie 
du  mois  de  Juin ,  &  tout  le  mois  de  Juillet.  Il  a  paru 
encore  depuis  de  nouveaux  volumes ,  contenant  une 
grande  partie  des  faints  du  mois  d'Août ,  &  l'ouvrage 
cil  toujours  continué  par  d'autres  favans  du  même 
ordre.  On  prétend  que  Bollandus  n'a  pas  été  allez  en 
garde  contre  les  traditions  populaires  :  mais  fes  fuc- 
cefleurs ,  &  fur-tout  le  P.  Papebrock ,  ont  apporté  plus 
de  critique  dans  le  choix  des  monumens  deftinés  à 
former  cette  vafte  collection ,  qui  ne  peut  être  que 
très-utile  à  la  religion.  (  G)' 

BOLLINGEN  ,  (  Gêog.  )  petite  ville  fur  le  bord 
d'un  lac  ,  dans  l'évêché  de  Confiance. 

BOLLOS  ,  f.  m.  (  Minéralog.  )  on  appelle  ainfi , 
dans  les  mines  du  Potofi  &  du  refte  du  Pérou  ,  les 
lingots  ou  barres  d'argent ,  qu'on  tire  du  minéral  par 
l'opération  réitérée  du  feu  ,  ou  par  le  moyen  des 
eaux-fortes.  Voye^  Argent. 

BOLOGNE,  (  Gêog.)  ville  d'Italie  ,  capitale  du 
Bolonois ,  fur  la  rivière  de  Reno ,  jointe  au  Po  par 
un  canal.  Long.  29.  lat.  44.  zj.  20. 

Bologne  (pierre  de)  ,HiJl.  nat.  c'eû  une  pierre 
grifâtre  ,  pefante  ,  talqueufo ,  ordinairement  de  la 
grolfour  d'une  noix ,  mais  d'une  figure  irrégulicre  ; 
les  plus  luifantes  &  les  moins  remplies  de  taches  font 
les  meilleures ,  aulîi  bien  que  celles  qui  font  couver- 
tes à  la  furface  d'une  croûte  mince ,  blanche  &  opa- 
que. On  trouve  ces  pierres  en  plulieurs  endroits  d'I- 
talie ,  mais  fur-tout  au  pié  du  mont  Paterno ,  qui  eft 
à  peu  de  diftance  de  Bologne  :  c'eft  après  les  gran- 
des pluies  qu'on  les  découvre  ;  parce  qu'alors  ces 
pierres  fe  trouvent  lavées  &  dégagées  des  parties 
terreftres  qui  les  environnent  quelquefois  ,  &  qui  les 
rendent  méconnoifTables.  On  prépare  ces  pierres  de 
la  manière  fuivante  :  après  en  avoir  ôté  la  terre  & 
les  matières  hétérogènes ,  on  en  prend  quelques-unes 
qu'on  réduit  en  poudre  très-déliée ,  qu  on  paffe  en- 
fuite  au  tamis  ;  on  humefte  les  autres  pierres  avec 
de  l'eau-de-vie  ,  &  on  les  enduit  de  cette  poudre  ; 
on  prend  enfuite  un  petit  fourneau  de  terre  dont 
la  grille  foit  de  cuivre  jaune  ;  on  y  met  d'abord  quel- 
ques charbons  allumés  ;  quand  ils  font  confumés  à 
moitié  ,  on  remplit  à  moitié  le  fourneau  de  charbon 
de  braife  ;  on  pofe  doucement  dclïïis ,  les  pierres  en- 
duites de  poudre  ;  on  achevé  enfuite  de  remplir  le 
fourneau  de  charbon  de  braife  éteinte  ;  on  couvre 
le  fourneau  de  ion  dôme ,  &C  on  laille  brûler  le  char- 
Tome  llv 


bon  fans  y  toucher ,  jufqu'à  ce  qu'il  foit  entièrement 
confommé.  Lorfque  tout  fera  refroidi ,  on  trouvera 
fur  la  grille  les  pierres  calcinées  :  on  en  fépare  la 
croûte  ,  &  on  garde  ces  pierres  dans  des  boîtes  avec 
du  coton.  Elles  ont  la  propriété  du  phofphore  ;  c'eft- 
à-dire  ,  qu'en  les  expofant  au  jour  ou  au  foleil  ,  & 
même  à  la  clarté  du  feu  ,  &  les  tranfportant  fur  le 
champ  dans  un  endroit  obfcur,  elles  paroiflent  lumi- 
neufes  comme  des  charbons  allumés  ,  mais  fans  cha- 
leur fenfible.  Cette  lumière  dure  quelque  tems,  puis 
elle  s'affoiblit  &  fe  perd  :  mais  en  les  expofant  de  nou- 
veau à  la  lumière,  elles  reprennent  leur  qualité  phof- 
phorique.  S'il  arrive  qu'au  bout  de  deux  ou  trois  ans 
elles  viennent  à  perdre  tout-à-fait  la  propriété  dont 
on  vient  de  parler  ,  on  peut  la  rendre  en  les  faifant 
calciner  de  nouveau  de  la  manière  qui  a  été  indi- 
quée. 

Nous  devons  ce  procédé  à  M.  Lemery ,  qui  a  fait 
grand  nombre  d'expériences  fur  la  pierre  de  Bologne  t 
6c  qui  en  donne  un  détail  très-circonftancié  dans  Ion 
cours  de  Chimie.  (— ) 

*  BOLONOIS ,  (  Gêog.  )  province  d'Italie  ,  dans 
l'état  de  l'Eglifo  ,  bornée  au  feptentrion  par  le  Ferra- 
rois  ;  à  l'orient ,  par  le  même  &  par  la  Romagne  ;  au 
midi ,  par  le  Florentin  ;  &  à  l'occident,  par  l'état  de 
Modene. 

BOLSENA  ,  (  Gêog.  )  ville  d'Italie  fur  le  lac  de 
même  nom  ,  dans  le  patrimoine  de  S.  Pierre.  Long. 

29.  33.  lac.  42.37- 

BOLTON  ,  (  Géog.  )  ville  d'Angleterre ,  dans  la 
foûdivilïon  Septentrionale  de  la  province  d'Yorck  , 
fur  la  rivière  de  Trivel. 

*  BOLUC-BASSI ,  (Hifl.  mod.)  c'eft  le  nom  d'une 
dignité  ou  d'un  grade  militaire  chez  les  Turcs.  Les 
boluc-baffis  font  chefs  de  bandes  ,  ou  capitaines  de 
cent  JanifTaires  :  ils  font  habillés  &  montés  ,  &  ils 
ont  foixante  afpres  de  paye  par  jour. 

BOLZANO  ou  BOZZEN  ,  (  Gêog.  )  ville  d'Alle- 
magne au  comté  de  Tirol ,  fur  la  rivière  d'Eifach  , 
proche  l'Adige.  Long.  28.  46.  lat.  46.  42. 

*BOLZAS,f.  m.  (  Commerce.  )  coutil  fabriqué  de 
fil  de  coton ,  qui  vient  des  Indes.  Il  y  en  a  de  tout 
blancs ,  &  d'autres  rayés  de  jaune  :  les  raies  s'en 
font  avec  du  fil  de  coton  écru. 

BOLZWAERT  ,  (  Gêog.  )  ville  de  la  province  de 
Frife  ,  près  du  Zuyder-Zée. 

BOMBAIM  ou  BOMBAI  ,  (Gêog.)  ville  d'Afie 
dans  les  Indes ,  proche  la  côte  de  Malabar ,  au  royau- 
me de  Vilapour.  Long.  90.  30.  lat.  19. 

BOMBARDE,  f.  f.  (Artillerie.)  pièce  d'artillerie 
dont  on  fe  fervoit  autrefois ,  qui  étoit  groflè  &  courte 
avec  une  ouverture  fort  large.  Quelques-uns  l'ont 
appellée  bafilic. 

Il  y  en  a  qui  dérivent  ce  mot  par  corruption  de 
Lombarde,  croyant  qu'elle  eft  venue  de  Lombardie» 
Du  Cange  après  Voffius,  le  dérive  de  bombus  fkardeoi 
Ménage ,  de  l'Allemand  bomberden  ,  le  pluriel  de  bom- 
ber ,  balifle  :  mais  je  doute  que  les  Allemands  ayent  ja- 
mais connu  ce  mot.  Il  eft  allez  ordinaire  à  Ménage, 
&  à  plufieurs  autres  étymologiftes  ,  de  donner  des 
étymologies  de  mots  qu'ils  ont  eux-mêmes  forgées. 

Il  y  a  eu  des  bombardes  qui  ont  porté  jufqu'à  300 
livres  de  balle.  Froiflart  fait  mention  d'une  de  ces 
pièces  ,  qui  avoit  cinquante  pies  de  long.  On  fe  fer- 
voit de  grues  de  charpente  pour  les  charger.  On  croit 
que  les  bombardes  étoient  en  ufage  avant  l'invention 
du  canon.  Voyc^  Canon. 

Le  P.  Daniel  croit  qu'on  donna  d'abord  le  nom  de 
bombarde  à  toutes  les  armes  à  feu ,  &  que  ce  nom  vient 
du  Grec  QifAQoç  ,  qui  fignirie  /■;  bruit  que  ces  armes  font 
en  tirant.   (  Q  ) 

Bombarde  ,  (  Luth.  )  jeu  d'orgue  de  la  clafTe  de 
ceux  qu'on  appelle./ ««  d'anche ,  voyc{  TROMPETTE  ; 
&  dont  la  bombarde  ne  diffère  que  parce  quelle  fonne 

Rrij 


3 16 


B  O  M 


B  O  M 


l'oaave  àu-deffous ,  étant  d'un  plus  grand  diapafon. 
Vayei  la  table  du  rapport  des  jeux  de  l'orgue.  Il  y  a 
des  orgues  où  les  baffes  de  ce  jeu  l'ont  en  bois  ;  alors 
les  tuyaux  ont  la  forme  reprél'entée  dans  \afig.  3-  PL 
d'Orgue.  Ceux  des  deffus  &  des  tailles  ibnt  faits  com- 
me ceux  de  la  trompette ,  &  font  d'étain  fin,  ainfi 
que  les  baffes  ,  ii  on  ne  les  fait  point  en  bois. 

Ordinairement  on  place  la  bombarde  fur  un  fom- 
mier  féparé  ;  car  comme  ce  jeu  conlbmme  beaucoup 
de  vent ,  il  altéreroit  les  autres.  Vt*yfi  Orgue  ,  où 
on  explique  la  faûure  &  les  proportions  des  parties 
de  ce  jeu. 

BOMBARDIER,  f.  m.  c'eft  , dans t 'Artillerie , ce- 
lui qui  exécute  les  mortiers  &  les  bombes. 

Les  bombardiers  ont  formé  en  France  un  régiment 
attaché  à  l'Artillerie,  comme  celui  des  fullliers ,  ap- 
pelle enfuite  régiment  de  royal  artillerie.  Mais  le  régi- 
ment des  bombardiers  a  été  incorporé  dans  royal  ar- 
tillerie ,  par  l'ordonnance  du  5  Février  1720.  Voye^ 
Mortier.  (  Q  ) 

BOMBARDEMENT,  f.  m.  (Artillerie.)  c  eft  le 
fracas  que  l'on  fait  en  jettant  des  bombes  dans  une 
place  ou  ailleurs.  (  Q  ) 

BOMBARDER  ,  c'eft  jetter  des  bombes  dans  un 
fort  ou  dans  une  place.  (  Q  ) 

*  BOMBARJOHN-SIGGEAR,  {Hijl.mod.)  c'eft 
le  nom  qu'on  donne ,  à  la  cour  de  Maroc ,  à  un  eunu- 
que noir  qui  elt  commis  à  la  garde  des  threfors  &C 
bijoux  de  l'empereur. 

*  BOMBASIN,  f.  m.  (  Commerce.)  on  donne  ce 
nom  à  deux  fortes  d'étoffes  :  l'une  de  foie  dont  la  ma- 
nufadure  a  paffé  de  Milan  en  quelques  provinces  de 
France  ;  l'autre  ,  croifée  &  de  fil  de  coton. 

BOMBE ,  f.  f.  {Artill.  )  eft  un  gros  boulet  creux 
que  l'on  remplit  de  poudre  ,  &  qu'on  jette  par  le 
moyen  du  mortier  lur  les  endroits  qu'on  veut  dé- 
truire. Elle  produit  deux  effets  :  l'avoir  ,  celui  de  rui- 
ner les  édifices  les  plus  folides  par  l'on  poids  ;  &  celui 
de  caufer  beaucoup  de  détordre  par  les  éclats  :  car 
lorfque  la  poudre  dont  elle  eft  chargée  prend  feu , 
fon  effort  rompt  ou  crevé  la  bombe  ,  &  il  en  fait  f  au- 
ter  les  éclats  à  la  ronde. 

Le  mot  de  bombe  vient  de  bombus  ,  crépitas ,  owfibi- 
lus  ani ,  à  caufe  du  bruit  qu'elle  fait. 

M.  Blondel  croit  que  les  premières  bombes  furent 
jettées ,  en  1 588  ,  au  fiége  de  Wachtendonck ,  ville 
du  duché  de  GueldresrD'autres  prétendent  qu'un 
fiecle  auparavant,  en  1495  ,  on  en  îetta  *  Naples 
fous  Charles  VIII  ;  &  ils  tâchent  de  le  prouver  par  un 
endroit  du  Verger  d'honneur ,  compofé  par  Octavien 
de  Saint -Gelait  ,  &  par  André  de  la  Vigne.  ^Strada 
dit  que  ce  fut  un  habitant  de  Venlo  qui  le  mêloit  de 
faire  des  feux  d'artifices  ,  qui  inventa  les  bombes. 
Lés  habitans  de  cette  ville  le  propoferent  de  réga- 
ler de  cette  invention  le  duc  de  Cleves  qui  étoit 
venu  chez  eux ,  &  à  qui  ils  avoient  donné  un  grand 
repas.  Ils  voulurent  donc  en  faire  la  première  ex- 
périence devant  lui,  &  elle  réuffit  beaucoup  mieux 
qu'ils  ne  l 'avoient  prétendu  :  car  la  bombe  étant  tom- 
bée fur  une  maii'on  ,  elle  enfonça  le  toît  &  les  plan- 
chers, &  y  mit  le  feu  ,  qui  s'étant  communiqué  aux 
maifons  voilines  ,  brûla  les  deux  tiers  de  la  ville , 
le  feu  étant  devenu  fi  violent  qu'il  ne  fut  pas  pofïi- 
ble  d'arrêter  l'incendie.  Le  duc  fe  fervit  de  cette 
invention  au  fiége  de  "Wachtendonck ,  qu'il  entreprit 
peu  de  jours  après. 

«  Je  l'ai,  ajoute  Strada  ,  que  quelques  uns  ont  écrit 
»  qu'un  mois  ou  deux  auparavant ,  une  pareille  expé- 
»  rience  avoit  été  faite  à  Berg-op-zoom  par  un  Italien 
»  deferteur  des  troupes  d'Efpagne  ,  qui  s'étoit  donné 
»  aux  Hollandois ,  &  leur  avoit  promis  de  faire  des 
»  boules  creufes  de  pierre  ou  de  fer ,  qui  étant  jettées 
»  dans  une  ville  affiégée,&  fe  crevant  après  leur  chû- 
h  te,mettroient  le  feu  par-tout  :  mais  comme  ii  prépa- 


»  roît  fon  artifice ,  une  étincelle  étant  tombée  fur  la 
»  poudre ,  il  en  fut  tué ,  &  laiffa  en  mourant  ceux 
»  pour  qui  il  travailloit ,  dans  l'incertitude  fi  fon  fe- 
»  cret  auroit  réuffi  ». 

C'eft  feulement  au  fiége  de  la  Motte,  en  1634  , 
qu'on  voit  le  premier  ulage  des  bombes  en  France. 
Le  roi  Louis  XIII.  avoit  fait  venir  de  Hollande  un 
ingénieur  Anglois  nommé  Mathus  ,  qui  employa  les 
bombes  avec  iuccès  en  différens  lièges ,  &  qui  fut  tué 
à  celui  de  Gravelines  en  1658.  Nous  avons  un  livre 
de  cet  ingénieur  ,  intitulé  Pratique  de  la  guerre,  conte' 
nant  tuf  âge  de  l'artillerie ,  bombe  ,  &C. 

Les  figures  3.  &  6.  de  la  PI.  VII.  de  l'art  milita 
peuvent  ièrvir  à  donner  une  idée  exacte  de  la  bombe. 
Lzfig-  3.  fait  voir  une  bombe  telle  qu'elle  paroît  à 
la  vue ,  &  lafig.  6 .  en  fait  voir  la  coupe  ou  le  profil. 
Les  parties  A  ècB  font  les  anles  de  la  bombe,  &  F 
eft  la  lumière  de  la  fig.  à.  Dans  la  fig.  6.  Pépaiffeur 
du  métal  eft  marquée  par  l'ei'pace  rempli  de  petits 
points  ;  C  D  eft  la  fulée  de  la  bombe  enfoncée  par  la 
lumière  Cqui  eft  entre  les  anles  A  ÔC  B.  Vqye^FvsÉE 
&  Mortier.  Cette  f'ulèe  fert  à  porter  le  feu  dans  la 
poudre  dont  la  bombe  eft  chargée ,  laquelle  poudre 
en  s'enflammant ,  fait  crever  la  bombe. 

La  bombe  qui  eft  jettée  par  un  mortier  de  1 8  pou- 
ces 4  lignes  de  diamètre,  qui  contient  douze  livres 
de  poudre  dans  l'a  chambre  concave  en  forme  de 
poix ,  appellée  de  la  nouvelle  invention ,  a  dix-fept 
pouces  dix  lignes  de  diamètre.  Voye^  Chambre. 

Elle  a  deux  pouces  d'épaiffeur  par-tout ,  excepté 
au  culot  qui  a  deux  pouces  dix  lignes. 

Sa  lumière  a  20  lignes  d'ouverture  dehors  ,  &  de- 
dans elle  contient  48  livres  de  poudre ,  &  pei'e  fans 
fa  charge  490  livres  &  un  peu  plus  ;  elle  a  deux  an- 
les coulées  auprès  de  la  lumière. 

Le  mortier  qui  a  12  pouces  6  lignes  de  diamètre," 
contient  dans  la  chambre  1 8  livres  de  poudre.  Sa  bom» 
bea  11  pouces  8  lignes  de  diamètre  ;  1  pouce  4  lignes 
d'épaiffeur  par-tout,  hors  le  culot  qui  a  un  pouce  8 
lignes;  la  lumière  a  16  lignes  d'ouverture  par-deffus 
&  par-dedans;  elle  contient  quinze  livres  de  poudre; 
elle  a  deux  anles  coulées  auprès  de  fa  lumière ,  & 
elle  pelé  fans  la  charge  environ  130  livres. 

Les  bombes  qui  font  jettées  par  des  mortiers  de  iz 
pouces,  3  ,  4  &  jufqu'à  6  lignes  de  diamètre,  &  qui 
ont  dans  leurs  chambres  concaves  1 2  &  8  livres  de 
poudre ,  ont  les  mêmes  proportions  que  la  précé- 
dente. 

C'eft  aulfi  la  même  chofe  pour  la  bombe  qui  fert  au 
mortier  ordinaire  de  1 2  pouces ,  qui  contient  dans  la 
chambre  cinq  à  6  livres  de  poudre. 

La  bombe  jettée  par  un  mortier  de  8  pouces  4 lignes 
de  diamètre ,  &  qui  porte  1  livre  &  ~  de  poudre  dans 
fa  chambre,  a  8  pouces  de  diamètre,  10  lignes  d'é- 
paiffeur par-tout,  hors  le  culot  qui  en  a  13.  Sa  lu- 
mière a  un  pouce  de  diamètre  par-deffus  &  par-de- 
dans. Elle  contient  quatre  livres  de  poudre  ;  elle  a 
des  anles  de  fer  battu  coulées  avec  la  bombe  ,  &  elle 
pelé  fans  la  charge  3  5  livres. 

La  bombe  jettée  par  un  mortier  de  6  pouces  \  de 
diamètre,  qui  porte  dans  l'a  chambre  une  livre  &  un 
peu  plus  de  poudre ,  a  6  pouces  de  diamètre ,  8  lignes 
par-tout,  hors  par  le  culot  où  elle  a  1 1  à  12  lignes  ; 
la  lumière  a  10  lignes  d'ouverture  par-deffus  &  par- 
dedans.  Elle  contient  trois  livres  &  demie  de  poudre, 
_&  elle  pelé  fans  la  charge ,  20  livres  ou  environ  ;  ces 
fortes  de  bombes  n'ont  point  d'anfes  ordinairement. 

Il  y  a  des  cas  où  l'on  peut  diminuer  la  poudre  dont 
la  bombe  eft  chargée,  c'eft-à-dire,  lorfqu'on  n'em- 
ployé les  bombes  que  pour  ruiner  les  édifices ,  fans 
vouloir  y  mettre  le  feu ,  ou  pour  tirer  fur  les  trou- 
pes; car  alors  l'objet  de  la  charge  n'eft  que  de  faire 
crever  la  bombe;  par  conféquent  il  ne  faut  que  la 
quantité  de  poudre  néceffaire  pour  produire  cet  effet. 


B  O  M 

Orfuivant  ce  qui  eft  rapporte  dans  le  Traité  des  armes 
&  machines  en  ufage  à  la  guerre  depuis  l'invention  de  la 
poudre ,  M.  Eelidor  a  trouvé  que  trois  livres  de  pou- 
dre étoittout  ce  qu'il  falloit  pour  faire  crever  les  bom- 
bes de  1 z  pouces ,  &  i  livre  pour  celle  de  8  ;  ce  qui 
doit  faire  préfumer  que  8  ou  io  livres  fuffiroient  pour 
charger  les  bombes  de  18  pouces,  au  lieu  des  48  liv. 
dont  on  les  charge  ordinairement. 

La  fig.  y.  de  la  PI.  VII.  de  l'art  milit.  fait  con- 
noître  comment  l'on  coule  une  bombe  de  1 1  pouces 

5  lignes ,  6c  ainfi  des  autres. 
E  ,  noyau  de  terre. 

F ,  place  qu'occupe  le  métal ,  formant  l'épaiffeur  de  la 
bombe,  &  d'où  l'on  a  tiré  la  terre  douce  qui  ctoit  entre 
le  noyau  &  la  chappe. 

Il  faut  obferver  que  la  terre  fe  tire  ailement,  par- 
ce que  la  chappe  eft  de  deux  pièces. 

G  chappe  qui  ejl  de  terre  fort  dure  &  recuite. 

H  ejl  la  lance  qui  paffe  au-tr avers  du  noyau ,  &  qui  le 
fufpend  en  l'air  pour  laijjer  couler  le  métal  entre  le  noyau 

6  la  chappe. 

1,1,  ouvertures  où  font  placées  les  anfes  ,  &  par  lef- 
quelles  on  coule  la  bombe. 

Pour  qu'une  bombe  foit  bien  conditionnée ,  il  faut 
qu'elle  ioit  de  bonne  fonte,  &c  d'une  matière  douce 
&  liante ,  pour  éviter  les  fouflures ,  les  chambres  & 
les  évents ,  en  forte  qu'elle  foit  à  toute  forte  d'épreu- 
ve. Elle  doit  être  bien  nette  en-dedans ,  &  il  faut  que 
le  morceau  de  fer  qui  tient  toujours  au  culot  après  la 
fonte,  &  que  l'on  appelle  lance,  foit  rompu. 

La  bombe  doit  être  encore  bien  coupée ,  bien  ébar- 
bée  par  le  dehors ,  &  bien  ronde  ;  avoir  fa  lumière 
bien  laine  &  les  anfes  entières,  afin  de  la  placer  plus 
ailement  dans  le  mortier. 

Manière  de  charger  les  bombes.  Pour  charger  les  bom- 
bes, il  faut  les  emplir  de  poudre  avec  un  entonnoir  , 
y  mettre  enfuite  la  fufée  C  D ,  fig.  6.  PL  VIL  de 
l'art  milit.  qu'on  frappe  ou  enfonce  dans  la  lumière 
de  la  bombe  avec  un  maillet  de  bois ,  &  jamais  de 
fer ,  crainte  d'accident.  A  l'égard  de  la  manière  de 
l'exécuter  avec  le  mortier,  voye^  Mortier  ék.  Bat- 
terie de  Mortiers.  (Q) 

La  théorie  du  jet  des  bombes  eft  l'objet  princi- 
pal de  la  Baliftique.  Voy.  Balistique.  On  trouvera 
cette  théorie  expliquée  à  l'article  Projectile. 

BoMBÉ,  adj.  (Coupe  des  pierres.)  ledit  d'un  arc 
peu  élevé  au-delius  de  fa  corde ,  ou  d'un  petit  arc 
d'un  très-grand  cercle. 

Lorfqu'au  lieu  de  s'élever  au-deflus,  l'arc  s'abaiffe 
au-deflbus  de  fa  corde ,  on  l'appelle  bombé  en  contre- 
bas ,  comme  il  arrive  aux  plates-bandes  mal  faites. 
(D) 

BOMBEMENT,  f.  m.  en  Architecture)  fe  dit  pour 
cavité ,  convexité  &  renflement.  V.  BOMBÉ.  (P) 

BOMBER  ,  v.  act.  &  n.  en  Architecture,  c'eft  faire 
Un  trait  plus  ou  moins  renflé.  (P) 

BOMBER  ,  en  terme  de  Bijoutier,  c'eft  proprement 
emboutir  ou  creufer  les  fonds  d'un  bijou  ,  tel  qu'une 
tabatière,  plus  ou  moins.  Pour  cet  effet  l'on  a  une  pla- 
que de  fer  de  la  forme  que  l'on  veut  donner  à  l'on 
fond  ;  dans  cette  plaque  on  met  un  mandrin  de 
plomb,  le  fond  delïiis  ,  &  le  frappe-plaque  fur  l'or  , 
puis  on  frappe  fur  ce  frappe-plaque  avec  une  mafle, 
jufqu'à  ce  que  le  fond  foit  bombé.  Voye^  Frappe-pla- 
que. 

B  OM  E  R  I  E  ,  f.  f.  terme  de  commerce  de  mer ,  c'eft 
une  efpece  de  contrat,  ou  de  prêt  à  la  grofle  aven- 
turc  ,  alfigné  fur  la  quille  du  vaifleau ,  différent  de 
l'affûrance ,  en  ce  qu'il  n'eft  rien  dû  en  vertu  de  ce 
contrat,  en  cas  de  naufrage,  mais  feulement  quand 
le  navire  arrive  à  bon  port.  On  a  donné  ce  nom  à 
l'intérêt  des  fommes  prêtées  entre  marchands  fur  la 
quille  du  vaifleau,  ou  fur  les  marchandifes  quiyfont 
chargées ,  moyennant  quoi  le  prêteur  fe  foùmet  aux 


BON 


317 


rifques  de  la  mer  &  de  la  guerre;  &  comme  la  quille 
d'un  vaifleau  s'appelle  bodem  en  Hollandois ,  on  a 
nommé  ce  prêt  bodemerie  ou  bodmerie ,  dont  nous 
avons  fait  celui  de  bomerie. 

BOMBON,  (Géog.~)  province  de  l'Amérique  mé- 
ridionale ,  dans  le  Pérou,  de  l'audience  de  Lima,  oit 
la  rivière  des  Amazones  prend  fa  fource.  (Z) 

BOMMEL,  (Géog.)  ville  fortifiée  de  la  Gueldre 
Hollandoife ,  dans  une  ile  formée  par  le  "Waal ,  qu'on 
appelle  Pommeler  Weert. 

BOMMEN,  (Géog.)  petite  ville  des  Provinces- 
Unies,  dans  l'île  de  Schouwen. 

BOMONIQUES,  adj.  (Hifl.  anc.)  nom  que  les 
Lacédemonicns  donnoient  aux  jeunes  gens  de  leur 
nation ,  qui  faifoient  gloire  à  l'envi ,  de  louffrir  conf- 
tamment  les  coups  de  fouet  qu'on  leur  donnoit  dans 
les  facrifices  de  Diane.  Ils  fe  défioient  les  uns  les  au- 
tres à  qui  lupporteroit  plus  long-tems  cette  efpece 
de  fupplice  :  quelques-uns  le  foûtenoient  une  jour- 
née toute  entière,  &  l'on  en  voyoit  fouvent expirer 
avec  joie  fous  les  verges  ;  leurs  meres  préfentes  à  cet- 
te cérémonie,  les  encourageoient  par  des  exhorta- 
tions &  par  des  chants  d'allegrefle.  On  prétend  que 
par-là  les  Lacédemonicns  avoient  en  vue  de  rendre 
la  jeunefle  de  bonne  heure  infenflble  aux  douleurs  , 
&  de  l'endurcir  aux  fatigues  de  la  guerre.  Les  éty- 
mologifles  tirent  ce  nom  deCa/ucç,  autel,  &  de  riz»  , 
victoire;  comme  fi  l'on  difoit  victorieux  à  l'autel,  par- 
ce que  cette  flagellation  fe  faifoit  devant  l'autel  de 
Diane.  (G) 

BON,  adj.  (Métaph.)S'il  eft  difficile  de  fixer  l'ori- 
gine du  beau ,  il  ne  l'eft  pas  moins  de  rechercher  cel- 
le du  bon.  Il  le  fait  aimer ,  ainfi  que  le  beau  fe  fait  ad- 
mirer, dans  les  ouvrages  de  la  nature  &  dans  les  pro- 
ductions des  arts.  Mais  quelle  eft  l'on  origine ,  &  quel- 
le eft  fa  nature  ?  en  a-t-on  une  notion  précife ,  une 
véritable  idée ,  une  exafte  définition  ?  Ce  qui  embar- 
raflê  le  plus ,  ce  font  les  diverfes  acceptions  qu'il  re- 
çoit, félon  les  diverfes  circonftances  où  on  l'appli- 
que. Il  fignifie  tantôt  une  bonté  d'être,  tantôt  une  bonté 
animale ,  tantôt  une  bonté  raifonnée  propre  à  l'être 
penfant.  Eflayons  de  développer  ces  divers  fens. 

La  bonté  d'être  confifte  dans  une  certaine  conve- 
nance d'attributs  qui  conftitue  une  chofe  ce  qu'elle 
eft.  Tous  les  êtres  en  ce  fens  font  néceflairement  bons  , 
parce  qu'ils  ont  ce  qui  les  conftitue  tels  qu'ils  font  ; 
&  il  eft  même  impoflible  qu'ils  ne  Payent  pas.  J'ajou- 
te que  tous  les  êtres  font  également  bons  de  ce  gen- 
re de  bonté.  Mais  outre  les  rapports  intérieurs ,  qui 
conftituent  leur  bonté  abfolue,  ils  en  ont  encore  d'ex- 
térieurs ,  d'oii  réfulte  leur  bonté  relative.  La  bonté  re- 
lative confifte  dans  l'ordre,  l'arrangement,  les  rap- 
ports, les  proportions,  &  la  fymmétrie  que  les  êtres 
ont  les  uns  avec  les  autres.  Ici  commence  cette  va- 
riété infinie  de  bonté  qui  différencie  fi  fort  tous  les 
êtres.  Ils  ne  font  pas  tous  également  nobles  &  par- 
faits :  un  corp5  organifé  eft  fans  doute  préférable  à 
une  mafle  brute  &  groflîere.  Par  la  même  raifon ,  un 
corps  organifé  &  en  même  rems  animé,  l'emportera 
fur  un  corps  organifé  qui  ne  l'eft  pas;  &  parmi  les 
êtres  animés ,  qui  doute  qu'il  n'y  en  ait  de  plus  par- 
faits les  uns  que  les  autres  ?  On  diroit  que  la  nature 
a  ménagé ,  pour  la  perfection  de  cet  univers ,  une 
efpece  de  gradation  qui  nous  fait  monter  à  des  êtres 
toujours  plus  parfaits,  à  mefure  qu'on  s'avance  dans 
la  fphere  qui  les  comprend  tous.  Ces  nuances  ,  il  eft 
vrai,  ces  paflages  imperceptibles  n'ont  plus  lieu  , 
quand  il  eft  queftion  de  palier  du  monde  matériel  au 
monde  fpirituel.  De  l'un  à  l'autre  le  trajet  efl  im- 
menfe  :  mais  quand  nous  fommes  une  fois  parvenus 
au  monde  fpirituel ,  qui  pourroit  exprimer  la  diftan- 
ce  qui  fépare  l'ame  des  bêtes ,  des  lublimes   intel- 
ligences celeftes  ?   Les   nuances  qui  diftinguent  les 
différentes  efpeces  d'efprits  l'ont  imperceptibles ,  & 


3i8  BON 

cependant  très-réelles.  Rien  n'eft  plus  mince  que  la 
barrière  qui  fépare  l'initincl:  d'avec  la  railbn ,  &  ce- 
pendant ils  ne  le  confondent  jamais.  Voyt^  CarticU 
Esprit,  où  nous  avons  eu  loin  d'en  caraftériier 
les  différentes  efpcces  ,  ôc  d'affigner ,  autant  qu'il  elt 
poilible,  les  limites  qui  léparent  les  unes  des  autres. 
Tous  les  êtres  qui  entrent  dans  la  composition  de 
ce  orand  tout  qu'on  appelle  C  univers ,  ne  font  donc 
pas  également  bons  ,  il  eft  même  néceffaire  qu'ils  ne 
le  foient  pas.  C'eft  de  l'imperfeclion  plus  ou  moins 
grande  desdrfferens  êtres,  que  refaite  la  perfection  de 
cet  univers.  On  conçoit  qu'il  feroit  beaucoup  moins 
parfait ,  s'il  ne  comprenoit  dans  fa  totalité  que  des 
êtres  de  la  même  elpece ,  ces  êtres  fuflent-ils  les  plus 
nobles  de  tous   ceux  qui  le  compofent.  La   trop 
grande  uniformité  déplait  à   la  longue  ;  du  moins 
elle  ne  tient  pas  lieu  de  la  variété ,  qui  compenfe  ce 
qui  manque  aux  êtres  finis.  Croit-on  qu'un  monde  , 
qui  ne  feroit  formé  que  de  purs  efprits ,  fût  plus  par- 
iait qu'il  ne  l'eit  aujourd'hui  ?  qui  ne  voit  que  le  mon- 
de matériel  laifferoit  par  ion  abfence  un  grand  vuide 
dans  cet  univers  ?  On  pourroit  étendre  cette  reflexion 
jufqu'au  mélange  de  vertus  ôc  de  vices  ,  dont  nous 
fommes  ici  bas  le  fpettacle  ôc  les  fpeâateurs  tout  à 
la  fois.  Un  monde  d'où  feraient  bannis  tous  les  vices , 
ne  feroit  certainement  pas  fi  parfait  qu'un  monde  qui 
les  admet.  La  vertu  prife  en  elle-même  ,  elt  ians  dou- 
te préférable  au  vice ,  de  même  que  l'eiprit  eft  par  fa 
nature  plus  noble  que  le  corps  :  mais  quand  on  con- 
fédéré les  choies  par  rapport  au  grand  tout ,  dont  ils 
font  partie ,  on  s'apperçoit  aifement  que  pour  une 
plus  grande  perfection ,  il  étoit  néceffaire  qu'il  y  eût 
des  imperfections  dans  le  monde  phylique  &  dans  le 
monde  moral. 

Si  mala  fuftulerat ,  non  erat  ilk  bonus. 
Voyt^  Vartidt  Manichéisme  ,  où  ce  raifonnement 
eft  développé  dans  toute  fa  force. 

Rien  n'eft  fans  doute  plus  admirable  que  tous  ces 
rapports ,  que  la  main  du  Créateur  a  ménagés  entre  les 
differens  êtres.  Ils  font  plus  ou  moins  immédiats ,  fui- 
vant  le  plus  ou  moins  de  variété  de  ces  êtres.  Il  en  eft 
d'eux  comme  des  vérités,  qui  tiennent  toutes  les  unes 
aux  autres ,  moyennant  les  vérités  intermédiaires  qui 
fervent  à  les  réunir.  La  bonté  de  cet  univers  confifte 
dans  la  gradation  des  differens  êtres  qui  le  compo- 
fent. Ils  ne  font  féparés  que  par  des  nuances  ,  com- 
me nous  l'avons  déjà  remarqué  ;  il  ne  le  trouve  au- 
cun vuide  dans  le  pafîage  du  règne  minéral  au  règne 
végétal ,  ni  dans  le  paffage  de  celui-ci  au  règne  ani- 
mal ;  autrement ,  pour  me  fervir  de  la  penfée  de  l'il- 
luftre  Pope  ,  il  y  aurait  un  vuide  dans  la  création , 
où ,  un  degré  étant  ôté ,  la  grande  échelle  ferait  dé- 
truite. Qu'un  chaînon  foit  rompu ,  la  chaîne  de  la 
nature  l'eft,  &  l'eft  également ,  foit  au  dixième ,  foit 
au  dix-millieme  chaînon.  C'eft  alors  qu'on  verrait , 
pour  continuer  la  penfée  du  poète  Anglois ,  la  terre 
perdre  fon  équilibre  ôc  s'écarter  de  fon  orbite  ,  les 
planètes  ôc  le  foleil  courir  fans  règle  au-travers  des 
cieux ,  un  être  s'abyfmer  fur  un  autre  être  ,  un  mon- 
de fur  un  autre  monde  ,  toute  la  maffe  des  cieux 
s'ébranler  juiques  dans  fon  centre ,  la  nature  frémir 
jufqu'au  throne  de  Dieu  ,  en  un  mot  tout  l'ordre  de 
cet  univers  fe  détruire  ôc  le  confondre. 

Il  faudrait  être  ftupide  &  infenfible ,  pour  ne  pas 
appercevoir  la  dépendance  &  la  fubordination  de 
tous  les  êtres  qui  entrent  dans  la  compofition  de  ce 
tout  admirable  :  mais  il  faudrait  être  encore  pis  que 
tout  cela  pour  l'attribuer  à  un  hazard  aveugle.  Voyt{ 
Hasard  6-Épicuréisme.  L'eiprit  ne  peut  être 
frappé  fans  admiration  de  cette  multiplicité  de  rap- 
ports, de  ces  combinaifons  infinies,  de  cet  ordre, 
de  cet  arrangement  qui  lie  toutes  les  parties  de  l'u- 
nivers ;  ôc  l'on  peut  dire  que  plus  il  l'ailira  de  rap- 


BON 

ports ,  plus  la  bonté  des  êtres  fe  manifeftera  à  lui  d'une 
manière  fenlîble  &  frappante.  Dieu  feul  connoit  tou- 
te la  bonté  qu'il  a  mile  dans  les  ouvrages ,  parce  qu'il 
eft  lui  feul  capable  de  connoître  partaitement  la  juf- 
teffe  qui  brille  dans  les  ouvrages ,  le  rapport  mutuel 
qui  fe  trouve  entr'eux,  l'harmonie  qui  tait  d'eux  un 
tout  régulier  ôc  fagement  ordonné ,  en  un  mot  l'or- 
dre établi  pour  les  conferver.  La  chaîne  qui  attire  ôc 
réunit  toutes  les  parties  eft  entre  les  mains  de  Dieu , 
&  non  entre  celles  de  l'homme.  Petites  parties  de 
ce  tout ,  comment  pourrions-nous  le  comprendre  ? 
«  Tout  ce  que  nous  voyons  du  monde ,  dit  dans  fon 
ftyle  énergique  le  fublime  Pafchal ,  »  n'eft  qu'un  trait 
»  imperceptible  dans  l'ample  fein  de  la  nature  :  nulle 
»  idée  n'approche  de  l'étendue  de  fes  eipaces  :  nous 
»  avons  beau  enfler  nos  conceptions  ,  nous  n'entan- 
>t  tons  que  des  atomes  au  prix  de  la  réalité  des  choies  : 
»  c'eft  un  cercle  infini ,  dont  le  centre  eft  par-tout , 
»  la  circonférence  nulle  part  :  enfin ,  c'elt  un  des  plus 
»  grands  caractères  fenfibles  de  la  toute-puiffance  de 
»  Dieu ,  que  notre  imagination  fe  perde  dans  cette 

»  penfée L'intelligence  de  l'homme  tient,  dans 

»  l'ordre  des  choies  intelligibles ,  le  même  rang  que 
»  fon  corps  dans  l'étendue  de  la  nature  :  &  tout  ce 
»  qu'elle  peut  faire  ,  elt  d'appercevoir  quelqu'appa- 
»  rence  du  milieu  des  choies ,  dans  un  defefpoir  éter- 
»  nel  d'en  connoître  ni  le  principe  ni  la  fin.  Toutes 
»  choies  font  forties  du  néant ,  ôc  portées  jufqu'à  l'in- 
»  fini  :  qui  peut  fuivre  ces  étonnantes  démarches  ? 
»  l'auteur  de  ces  merveilles  les  comprend ,  nul  autre 
»  ne  le  peut  faire  ».  Penfées  de  Pafch.  ch.  xxij. 

Nous  fommes  forcés  de  joindre  le  témoignage  de 
notre  railon ,  au  témoignage  aveugle  des  créatures 
inanimées  &  matérielles ,  dont  la  beauté ,  la  difpofi- 
tion  ôc  l'économie  annoncent  fi  hautement  la  gran- 
deur de  celui  qui  les  a  faites.  Un  fpectacle  digne  de 
Dieu,  peut  bien  être  digne  de  nous.  Moyfe rapporte 
que  lorique  Dieu  eut  achevé  l'ouvrage  des  fix  jours  , 
il  conlidera  tous  les  êtres  d'une  feule  vue  ,  ôc  que  les 
ayant  comparés  entr'eux  ôc  avec  le  modèle  éternel 
dont  ils  étoient  l'exprefTion,  il  en  trouva  la  beauté 
ôc  la  perfection  excellente.  L'univers  parut  à  fes 
yeux  comme  un  tableau  qu'il  venoit  de  finir ,  &  au- 
quel il  avoit  donné  la  dernière  main.  Il  trouva  que 
chaque  partie  avoit  fon  ufage,  chaque  trait  fa  grâce 
ôc  fa  beauté  :  que  chaque  figure  étoit  bien  fituée  ÔC 
fàifoit  un  bel  effet  :  que  chaque  couleur  étoit  appli- 
quée à  propos ,  mais  fur-tout  que  l'enfemble  en  étoit 
merveilleux  :  que  les  ombres  mêmes  donnoient  du  re- 
lief au  reite  :  que  le  lointain  en  s'attendrifîant  faifoit 
paraître  ce  qui  étoit  plus  proche  avec  une  force  nou- 
velle ;ôc  que  les  objets  les  plus  remarquables, rece- 
voient  une  nouvelle  beauté  parle  lointain,  dont  ils  n'é- 
toient  iéparés  que  par  une  diminution  imperceptible, 
de  teintes  Ôc  de  couleurs.  Qui  coniidéreroit  ce  tableau 
de  plus  près,  pourroit  appercevoir  dans  le  plan  de  la 
création  celui  de  la  rédemption.  Si  quelques  défauts 
nous  frappent  dans  cet  immenfe  tableau ,  fouvenons- 
nous  que  ce  font  des  ombres  que  la  main  de  l'éternel 
y  a  jettées  exprès  pour  en  faire  fortir  les  figures;  que 
leur  ordre  Ôc  leur  lîtuation  contribuent  à  lui  donner 
une  beauté  qu'il  n'aurait  pas  ;  ôc  que  prendre  occa- 
fion  de  ces  défauts  pour  critiquer  l'univers  ôc  fon  au- 
teur ,  ce  feroit  reffembler  à  un  ciron ,  dont  les  yeux 
feroient  fixés  furies  ombres  d'un  tableau ,  ÔC  qui  pro- 
noncerait que  ce  tableau  elt  défectueux ,  qu'il  n'y  re- 
connoît  aucune  ordonnance  ,  ni  le  vrai  ton  des  cou- 
leurs. 

La  bonté  animale  eft  une  économie  dans  les  pal- 
lions ,  que  toute  créature  fenlîble  &  bien  conitîtuée 
reçoit  de  la  nature.  C'elt  en  ce  fens  qu'on  dit  d'un 
chien  de  chaffe ,  qu'il  eft  bon ,  lorfqu'il  n'elt  ni  lâche 
ni  opiniâtre  :  c'eft  auffi  en  ce  fens  qu'on  dit  d'un  hom- 
me, qu'il  eft  bien  conltitué,  lorfqu'il  règne  dans  fes 


BON 


BON 


319 


membres  !a  proportion  qui  s'ajufte  le  mieux  avec  les 
fonctions  auxquelles  l'a  deftiné  ia  providence.  La  bon- 
té animale  îcra  d'autant  plus  parfaite  ,  que  les  mem- 
bres bien  proportionnés  conipireront  d'une  taçon  plus 
avantageuse  à  l'acccmpliliement  des  fonctions  anima- 
les. Par  une  fuite  des  lois  que  Dieu  a  établies ,  il  doit 
s'exciter  dans  l'ame  telles  ou  telles  feniations  à  l'oc- 
cafion  de  telles  ou  telles  impreflions  qui  auront  été 
faites  fur  les  organes  de  nos  fera.  Si  donc  elles  ne  s'y 
excitoient  pas ,  il  y  auroit  alors  un  défaut  d'œcono- 
mie  animale.  On  en  peut  voir  un  exemple  bien  ienfi- 
ble  dans  les  perionnes  paralytiques.  Le  défaut  d'œ- 
conomie  animale  le  trouve  auiii  dans  ceux  qui  ont 
des  mouvemens  convulfifs,  qu'ils  ne  peuvent  arrêter 
ni  fuipendre.  On  peut  dire  la  même  choie  de  ceux  qui 
font  fous  6c  ftupides.  Les  uns  ont  trop  d'idées,  &  les 
autres  n'en  ont  pas  afîéz,  par  un  défaut  de  confor- 
mation dans  le  cerveau.  Il  eft  des  perionnes  qui  font 
nées  fans  aucun  goût  pour  la  Mulique  ,  &  d'autres 
pour  qui  les  vers  les  mieux  faits  ne  font  qu'un  vain 
bruit.  Ce  défaut  d'organes  dans  ces  fortes  de  perion- 
nes eft,  comme  Ion  voit,  un  défaut  d'œconomie  ani- 
male. On  peut  dire  en  général,  que  c'eft  là  le  grand 
défaut  de  ces  efprits  ftupides  &  greffiers ,  dent  la  por- 
tée ne  fauroit  atteindre  au  raifonnement  le  plus  fim- 
plc.  Les  organes  du  corps ,  qui  les  voile  &  les  enve- 
loppe ,  font  fi  épais  &  fi  malins ,  qu'il  ne  leur  eft  pref- 
que  pas  pofiîble  de  déployer  leurs  facultés  ni  de  faire 
leurs  opérations.  Plus  les  organes  font  délicats ,  plus 
les  fenfations  qu'ils  occafionnent  font  vives.  Il  y  a 
des  animaux  qui  nous  furpaflent  par  la  délicateffe  de 
leurs  organes  :  le  lynx  a  la  vue  plus  perçante  que 
nous  ;  l'aigle  fixe  le  foleil  qui  nous  éblouit  ;  le  chien 
a  plus  de  lagacité  que  nous  dans  l'odorat  ;  le  toucher 
de  l'araignée  eft  plus  fubtil  que  le  nôtre  ,  &  le  lenti- 
ment  de  l'abeille  plus  exquis  &  plus  lûr  que  celui  que 
nous  éprouvons  :  mais  n'envions  point  aux  animaux 
l'avantage  qu'ils  ont  fur  nous  en  cette  partie.  Si  nous 
avions  l'oeil  microfeopique  du  lynx ,  nous  verrions  le 
eu  on  :  mais  notre  vue  ne  pourrait  s'étendre  jufqu'aux 
tieilx.  Si  le  toucher  étoit  plus  fenfible  &  plus  délicat, 
nous  ferions  blefiés  par  tous  les  corps  environnans  ; 
les  douleurs  &  les  maladies  s'introduiraient  par  cha- 
que pore.  Si  nous  avions  l'odorat  plus  vif,  nous  fe- 
rions incommodés  des  parties  volatiles  d'une  rofe  , 
&  leur  action  iur  le  cerveau  en  ébranlerait  trop  vio- 
lemment les  fibres.  Avec  une  oreille  plus  fine  ,  la 
nature  fe  ferait  toujours  entendre  à  nous   avec  un 
bruit  de  tonnerre ,  &  nous  nous  trouverions  étourdis 
par  le  plus  léger  fouffle  de  vent.  Croyons  que  les 
organes,  dont  la  nature  nous  a  doiies,  font  pro- 
portionnés au  rang  que  nous  tenons  dans  l'univers. 
S'ils  etoient  plus  groffiers  ou  plus  délicats  ,  nous  ne 
nous  trouverions  plus  fi  propres  aux  fonctions  anima- 
les ,  qui  font  une  fuite  de  notre  conftitution.  Après 
qu'on  a  pelé  toutes  les  choies  clans  la  balance  de  la 
rai  ion  ,  on  eft  forcé  de  reconnoître  la  honte  &  la  fa- 
geffe  de  la  providence  également  &  dans  ce  qu'elle 
donne  &  dans  ce  qu'elle  refuie ,  &  de  convenir  avec 
Pope  ,  en  dépit  de  l'orgueil  &  de  la  raifon  qui  s'éga- 
re, de  cette  vérité  évidente,  que  tout  ce  qui  ejl ,  ejl 
bien.  Nous  nous  regardons  comme  dégradés ,  parce 
qu'il  a  plû  à  l'auteur  de  notre  être  de  nous  aflujettir 
aux  organes  d'un  corps  :  mais  ii  pourrait  fe  trouver, 
en  approfondiffant  la  matière,  que  cette  influence  de 
l'union  de  l'ame  avec  le  corps,  s'exerce  peut-être 
plus  an  profit  qu'aux  dépens  de  nos  facultés  intellec- 
tuelles. Voye^  les  articles  ESPRIT  &  RÉSURRECTION, 
où  cette  queftion  eft  i 

La  bonté  raijbnnée ,  qualité  propre  à  l'être  peniant , 
confiite  dans  les  rapports  des  mœurs  avec  l'ordre  ef- 
ientiel ,  éternel ,  immuable,  règle  &  modèle  de  tou- 
tes les  actions  réfléchies  :  elle  eft  la  même  que  la 
vertu.  Voy:?^  cet  arude. 


Jufqu'ici  nous  n'avons  confidéré  le  bon  ,  que  par 
les  rapports  qu'il  a  avec  notre  efprit.  Pris  en  ce  fens , 
il  rentre  dans  l'idée  du  beau,  qui  n'eft  autre  choie  que 
la  perception  des  rapports  ;  voyc7  cet  article  :  mais  il  y  a 
un  autre  bon ,  dont  les  rapports  font  plus  immédiats 
avec  nous ,  parce  qu'ils  touchent  notre  cœur  de  plus 
près.  La  bonté  qui  réfulte  de  ces  rapports ,  eft  plus  in- 
timement liée  avec  notre  être,  plus  proportionnée  à 
nos  intérêts  :  il  n'y  a  qu'elle  qui  ait  de  l'alcendànt  fur 
notre  cœur,  &  qui  l'ouvre  au  fentiment.  L'autre  bonté 
nous  eft ,  pour  ainfi  dire ,  étrangère  ;  elle  ne  nous  tou- 
che prefque  pas  :  fi  elle  a  des  charmes  ,  ce  n'eft  que 
pour  notre  efprit.  Nous  admirons  les  êtres  en  qui  pa- 
raît cette  première  bonté  :  mais  nous  n'aimons  que 
ceux  qui  participent  à  cette  autre  bonté;  &  l'amour 
que  nous  leur  portons  fe  mefure  fur  les  diffé-rens  de- 
grés de  cette  bonté  relative.  Le  bon ,  pris  dans  ce  fé- 
cond fens ,  fe  confond  avec  Vutile  ;  de  forte  que  tous 
les  êtres  qui  nous  font  utiles ,  renferment  cette  bonté 
qui  intéreiîe  le  cœur ,  ainfi  que  cette  autre  bonté  qui 
plaît  à  l'efprit  ,  eft  l'apanage  de  tous  les  êtres  qui 
font  beaux. 

Le  bon  a  donc  deux  branches ,  dont  l'une  eft  le  bon 
qui  eft  beau ,  6i  l'autre  le  bon  qui  eft  utile.  Le  premier 
ne  plaît  qu'à  l'efprit ,  &  le  fécond  intéreiîe  le  cœur  : 
l'un  n'obtient  de  nous  que  des  fentimens  d'eftime  Se 
d'admiration ,  tandis  que  nous  réfervons  pour  l'autre 
toute  notre  tendrefie.  Un  être  qui  ne  ferait  que  beau 
pour  nous,  fe  ferait  feulement  eilimer  &  admirer  de 
nous.  Dieu,  tout  Dieu  qu'il  eft,  auroit  beau  déployer 
à  notre  efprit  toutes  les  perfections  qui  le  rendent  in- 
fini ,  il  ne  trouverait  jamais  le  chemin  de  notre  cœur, 
s'il  ne  fe  montroit  à  nous  comme  bienfaifant.  Sa  bonté 
pour  nous  eft  le  ieul  attribut  qui  puiffe  nous  arracher 
l'hommage  de  notre  cœur.  Et  que  nous  ferviroit  le 
fpeft acle  de  ia  divinité ,  s'il  ne  nous  rendoit  heureux  ? 

On  voit  par-là  combien  s'abuiént  de  pieux  vilion- 
naires ,  qui  follement  amoureux  d'une  perfection  chi- 
mérique ,  s'imaginent  qu'ils  peuvent  aimer  dans  Dieu 
autre  chofe  que  fa  bonté  bienf ai  jante.  Quel  déiîntéref- 
fement  !  ils  veulent  que  leur  amour  pour  Dieu  i'oit  Ci 
pur ,  fi  généreux ,  fi  gratuit ,  fi  indépendant  de  toutes 
vues  intéreftées ,  que  même  à  l'égard  de  Dieu  on  fe 
contente  du  plaifir  de  l'aimer,  fans  rien  attendre  &C 
fans  rien  efpérer  de  lui.  Ce  n'eft  pas  ici  le  lieu  de  com- 
battre ces  excès  impies ,  qui  font  contraires  à  la  loi 
naturelle  ,  &  qui  deshonorent  la  Religion  ,  fous  la 
vaine  apparence  d'une  perfection  chimérique  qui  en 
détruit  les  fondemens.  Foye/^les  articles  Charité  & 
QuiÉtisme,  où  font  réfutées  ces  abiùrdités,  aufîi 
impies  qu'infenfées  ,  mais  qui  font  les  fuites  néceflai- 
res  d'un  defintéreiremcnt  abfolu. 

Un  être  peut  nous  être  utile  de  deux  manières  ;  ou 
par  lui-même ,  ou  par  quelque  choie  qui  foit  diftin- 
gué  de  lui.  Ce  qui  ne  nous  eft  utile  que  comme 
moyen ,  nous  ne  l'aimons  pas  pour  lui-même  ,  mais 
feulement  pour  la  chofe  à  laquelle  il  nous  fait  par- 
venir :  ainfi  nous  n'aimons  pas  les  richeffes  pour 
elles-mêmes ,  mais  bien  pour  les  plaiiirs  que  nous 
achetons  à  leurs  dépens  ;  j'excepte  pourtant  les  ava- 
res ,  pour  qui  la  poffeilion  des  richeflés  eft  un  vérita- 
ble bien  :  ceux-ci  font  heureux  par  la  vue  de  l'or, 
&  les  autres  ne  le  font  que  par  [Nuage  qu'ils  en  font. 
Mais  un  être  nous  eft-il  utile  par  lui-même  ?  c'eft 
alors  que  nous  l'aimons  pour  lui-même  &  que  notre 
cœur  s'y  attache  :  ou  cet  être  nous  fatisfàit  du  cote 
de  la  confeience  &  de  la  railon ,  ce  qui  eft  un  bien 
durable,  folide ,  &  qui  n'eft  point  i'ujct  à  de  fàcheux 
re  vers  ;  &  alors  on  lui  donne  le  nom  de  bien  honnête  : 
ou  bien  cet  être  ne  nous  fatisfàit  c\uc  du  côté  de  la 
cupidité ,  &  fe  trouve  par  coi  expofé  au  dé- 

goût &  à  l'inquiétude  ;  &  alors  on  lui  donne  Ample- 
ment le  nom  de  bien  agréable  entant  qu'oppofe  à  V hon- 
nêteté. 


320 


BON 


Apres  avoir  confidéré  le  bon  dans  les  êtres  natu- 
rels ,  il  eft  naturel  de  l'examiner  dans  ceux  qu'on  ap- 
pelle artificiels  :  ils  ont  été  inventés  fur  le  modèle  de 
la  nature  ;  d'où  je  conclus  que  leur  perfection  dépend 
plus  ou  moins  de  leur  imitation  de  la  nature.  Mais 
de  même  que  dans  les  ouvrages  de  la  nature  il  y  a 
un  bon  &  un  beau ,  qui  ne  dépendent  ni  du  hal'ard  ni 
du  caprice  ,  ainfi  dans  les  productions  des  arts  il  y  a 
des  lois  immuables  qui  nous  guident  dans  nos  con- 
noiifances  &c  dans  nos  goûts  ;  &  on  ne  peut  en  au- 
cune façon  violer  ces  lois  tracées  avec  tant  d'éclat 
dans  les  ouvrages  de  la  nature,  que  Feiprit  ôc  le  goût 
n'en  ioient  lévoltés. 

Il  lé  trouve ,  avons-nous  dit,  dans  les  ouvrages  de 
la  nature  deux  fortes  de  bontés  ,  l'une ,  qui  rentre  dans 
la  même  lignification  que  la  beauté,  &  qui  pour  cette 
raiibn  ne  flatte  que  l'eiprit  ;  &  l'autre ,  qui  retient  le 
nom  de  bonté,  &  quiintéreife  notre  cœur.  Quand  un 
objet  réunit  en  loi  ces  deux  genres  de  bonté ,  c'eft-à- 
dire  qu'il  étend  &  perfectionne  nos  idées  d'une  part, 
&  que  de  l'autre  il  nous  prélente  des  intérêts  qui 
nous  font  chers ,  qui  tiennent  à  la  confervation  ou 
à  la  perfection  de  notre  être  ,  qui  nous  font  fentir 
agréablement  notre  propre  exiltence  ,  nous  pronon- 
çons que  cet  objet  eft  bon  ;  &  il  l'eft  d'autant  plus  , 
qu'il  poffede  ces  avantages  dans  un  plus  haut  degré. 
Pareillement  une  production  de  l'art,  011  le  bon  fe 
réunifiant  avec  le  beau  ,  renfermera  toutes  les  qua- 
lités don:  elle  a  beloin  pour  exercer  oc  perfectionner 
à  la  fois  notre  efprit  &  notre  cœur ,  lera  d'autant 
plus  parfaite,  qu'elle  attachera  plus  agréablement 
notre  efprit ,  &  qu'elle  intérelTera  plus  vivement  no- 
tre cœur. 

Parmi  les  ouvrages  de  la  nature ,  il  y  en  a  qui  ne 
font  que  beaux ,  &  qui  ne  plaifent  qu'à  l'efpnt.  La 
même  chofe  fe  trouve  dans  les  productions  des  arts  : 
ainli  un  théorème  de  Géométrie  ,  difficile ,  mais  lans 
ufage,  n'eft  qu'un  beau  théorème.  Voye\  B  E  A  U.( 
Mais  de  même  qu'il  y  a  des  ouvrages  de  la  nature 
qui  font  bons  &  beaux  en  même  tems ,  parce  qu'ils 
contiennent  en  foi  de  quoi  réveiller  des  idées  qui 
nous  attachent  &  nous  intéreflént ,  il  y  en  a  aufîi 
parmi  les  productions  des  arts  qui  produilent  en  nous 
le  même  effet ,  mais  toujours  d'une  manière  fubor- 
donnée  à  la  nature ,  parce  que  la  nature  en  tout  lur- 
paffe  fart  :  in  onini  re  procul  dubio  vincit  imitationem 
veritas.  Le  cœur  n'eft  touché  des  objets  que  félon  le 
rapport  qu'ils  ont  avec  ion  avantage  propre  ;  c'eft  ce 
qui  règle  fon  amour  ou  la  haine  :  or  le  cœur  a  plus 
d'avantage  à  attendre  des  objets  naturels  que  des  ob- 
jets artificiels.  Ce  que  l'art  préfente  au  cœur  n'eft 
qu'un  phantôme ,  qu'une  apparence  ;  &  ainfi  il  ne 
peut  lui  apporter  rien  de  réel.  Ce  qu'il  y  a  de  plus 
touchant  pour  nous,  c'ell:  l'image  des  pallions  &  des 
actions  des  hommes ,  parce  qu'elles  font  comme  des 
miroirs  où  nous  voyons  les  autres ,  avec  des  rapports 
de  différence  ou  de  conformité.  Il  y  auroit  ici  un  beau 
problème  à  refondre  ,  lavoir  qui  de  Corneille  ou  de 
Racine  a  mieux  peint  les  paffions  ;  le  premier,  en 
nous  élevant  au-delTus  de  l'homme  ;  le  fécond ,  en 
nous  rendant  à  nos  foibleffes  naturelles.  Voye{  TRA- 
GÉDIE. (X) 

Bon  ,  (  en  terme  de  Pratique.  )  eft  un  terme  par  le- 
quel on  ratine  une  promette ,  une  cellule  ;  faire  bon , 
c'eft  promettre  de  payer  pour  foi  ou  pour  autrui.  (//) 

*  Bon  ,  (Hifi.  moi.  )  c'eft  le  nom  d'une  fête  que 
les  Japonois  célèbrent  tous  les  ans  en  l'honneur  des 
morts  ;  on  allume  ce  jour-là  à  chaque  porte  grand 
nombre  de  lumières  ,  &  chacun  s'emprefîe  de  cou- 
rir aux  tombeaux  de  ceux  qui  leur  ont  autrefois  ap- 
partenu, avec  des  mets  bien  choilisqui  lont  deftinés 
à  la  nourriture  des  morts. 

Bon  ,  terme  d'honneur  dont  on  fe  fert  dans  le  com- 
merce pour  défigner  un  marchand  riche  &  folvahle. 


BON 

Vous  pouve{  confier  votre  marckandife  à  M.  N.je  vous 
garantis  qu'il  ejl  bon. 

Bon  d'aunage.  fbyeç  Aunage  ,  &  Bénéfice 

d'aunage. 

BONS ,  adj.  (  Hifi.  anc.  )  nom  que  les  anciens  Ro- 
mains donnoient  à  plufieurs  de  leurs  dieux ,  pour  li- 
gnifier des  divinités  favorables  :  ainfi  ils  diloient  bona 
dea  ,  bona  fiortuna  ,  bonafpes ,  bono  genio  ,  boni  fiati. 

BONA,  (Géog.}  ville  maritime  d'Afrique,  dans 
le  royaume  d'Alger  ,  &  peu  loin  de  la  frontière  de 
Tunis.  Les  vertiges  de  l'ancien  Hyppo-regius  en  font 
peu  éloignés.  Lat.  Jj  degrés ,  long,  zj  &  demi. 

BONACE,  f.  f.  (Marine)  calme  dans  lequel  le  vent 
celle,  &  les  houles  ou  les  lames  de  la  mer  s'appianif- 
fent.  Quelquefois  la  bonace  précède  les  plus  grands 
orages ,  &  les  pilotes  s'en  méfient.  V.  Calme.  (Z) 

BONA1RE  ,  (  Géog.  mod.  )  île  vis-à-vis  du  conti- 
nent de  l'Amérique  méridionale ,  &  de  la  province 
de  Caracai ,  au  levant  de  l'île  de  Curaçao ,  &  occu- 
pée par  les  Hollandois.  Lat.  iz.  long.  30  g. 

BONAROTE  ,  f.  f.  (Hifi.  nat.  bot.  )  en  Latin  Bo- 
narota  ,  genre  de  plante  à  fleur  monopétale  irrégu- 
liere  ,  faite  en  malque  &  tubulée  ;  elle  eft  diviiée  en 
deux  lèvres,  dont  la  fupérieure  eft  entière,  ou  un 
peu  échancrée  ,  &  l'inférieure  fendue  en  trois  ou  en 
quatre  parties.  Il  s'élève  du  fond  du  calice  un  piftil 
qui  elt  attaché  comme  un  clou  à  la  partie  pofté- 
rieure  de  la  fleur ,  &  qui  devient  dans  la  luite  un  fruit 
oblong ,  fourchu ,  un  peu  applati ,  compofé  de  deux 
loges  formées  par  une  cloilon  qui  s'étend  depuis  le 
fond  juf  qu'au  milieu.  Ce  fruit  s'ouvre  juf  qu'au  centre 
en  quatre  parties  tories  ;  il  eft  rempli  de  femences 
qui  reffemblent  à  des  grains  de  froment ,  &c  qui  font 
attachées  à  un  placenta.  fijyeçMichelx,  Nova  plan- 
tarum  gênera.  ^ojé^PlaNTE.  (/) 

BONASIENS ,  f.  m.  pi.  (  Hifi.  ecclèfi.  )  hérétiques 
qui  parurent  dans  le  iv.  fiecle,&  qui  foùtenoient 
que  Jefus-Chrift  n'étoit  fils  de  Dieu  que  par  adop- 
tion. Baronius.  Voyt?^  Adoptiens.  (G) 

*  BONASUS ,  (  Hifi.  nat.  Zoolog.  )  animal  de  la 
figure  d'un  bœuf,  dont  il  ne  diffère  que  parce  qu'il 
elt  plus  grand  &  plus  fort  ;  d'ailleurs  il  a  des  crins 
pendans  au  cou  comme  le  cheval,  & 'd'autres  qui 
lui  tombent  du  fomrnet  de  la  tête  jufque  fur  les  yeux  : 
les  cornes  vont  en  fe  recourbant ,  &  renferment  fes 
oreilles  dans  un  arc  à  peu  près  circulaire.  La  convo- 
lution  de  fes  cornes  les  lui  rend  inutiles  pour  le  com- 
bat. On  dit  que  fa  chair  eft  douce ,  &  bonne  à  man- 
ger. Il  lemble  différent  de  ce  qu'on  appelle  la  vache 
des  Indes.  BonaJ'us  n'eit  pas  le  feul  nom  qu'il  ait  dans 
les  auteurs  ;  Ariftote  l'appelle  monapos  ;  iElien  ,  mo- 
no pfie  j  &  les  Grecs  ,  tantôt  bolinthos ,  tantôt  bonajos 
ou  bonafios.  On  trouve  la  raifon  qui  le  faifoit  appel- 
ler  bolinthos ,  dans  ce  que  les  anciens  Naturaliftes 
rapportent  de  la  manière  dont  cet  animal  fe  défend 
quand  il  eft  chatte  :  ne  pouvant  écarter  les  chiens 
avec  fes  cornes  recourbées ,  qui  ne  les  blefferoient 
point ,  il  lâche  contr'eux  fes  excrémens ,  &  les  en 
couvre  à  la  diftance  de  quatre  orgyes  ou  vingt-qua- 
tre pies.  Ces  excrémens  font  une  efpece  de  caufti- 
que ,  allez  corrofif  pour  enlever  tout  d'un  coup  le 
poil  de  l'endroit  où  ils  tombent  fur  le  corps  des 
chiens.  Le  bonafus  habitoit  autrefois  une  montagne 
qui  couvroit  la  Paeonie ,  &  qui  la  féparoit  d'un  pays 
voifin  appelle  Mœdica  ,  qui  Pœoniam  mœdicamque  re- 
gionem  terminât. 

*  BONAVOGLIO  ,  (  Hifi.  mod.  )  on  défigne  par 
ce  nom  en  Italie  ,  ceux  qui  pour  de  l'argent  &  à 
certaines  conditions  s'engagent  à  fervir  lur  les  galè- 
res, &  qu'il  faut  diftinguer  des  efclaves  &  des  forçats 
qui  font  condamnés  à  ramer. 

*  BONBANC  ,  f.  m.  (  Architecture.  )  c'eft  une  ef- 
pece de  pierre  fort  blanche  qui  fe  tire  des  carrières 
qui  font  aux  environs  de  la  ville  de  Paris.  Le  bonbane 

fe 


B  O  N 

fé  mouline  ,  Se  ne  réfifte  pas  beaucoup  ;  il  ne  laiffe 
pas  néanmoins  de  durer  affez  long  -  tems ,  lorf  qu'il 
n'eft  pas  expofé  aux  injures  de  l'air  ni  à  l'humidité. 
Il  a  depuis  quinze  pouces  juiqu'à  vingt-quatre  de 
hauteur  ;  on  s'en  fert  aux  façades  intérieures  des  bâ- 
timens ,  &  pour  faire  des  rampes  &  des  appuis  ;  on 
en  tire  aufîï  des  colonnes  :  celui  qui  a  un  lit  coquil- 
leux  &  des  molieres ,  eft  le  meilleur. 

*  BON-CHRETIEN ,  f.  m.  {Jardinage.)  efpece  de 
poire  fort  groffe  &  fort  vantée  pour  la  bonté  de  ion 
goût.  Il  yen  a  de  plufieurs  eipeces  ;  les  principales 
ibnt  le  bon-chrétien  d'été  ,  &  le  bon- chrétien*  tfhyvcr  : 
celui  d'été  eft  beurré  ,  long ,  pyramidal  &  allez 
gros;  ce  fruit  porte  juiqu'à  quatre  pouces  de  dia- 
mètre par  Ion  milieu  ,  fur  cinq  à  fix  de  hauteur  ;  fa 
couleur  naturelle  eft  jaune  :  il  demeure  iur  l'arbre 
depuis  le  mois  de  Mai  juiqu'à  la  fin  d'Octobre  ,  6c  le 
conferve  quatre  à  cinq  mois  dans  la  ferre.  Celui  d"hy- 
ver  a  la  même  forme  que  celui  d'été  :  la  chair  eft  caf- 
fante  ,  fa  faveur  agréable  ,  &C  fon  eau  douce  &  lû- 
crée.  Son  défaut  eft  d'être  un  peu  coriaffe  &  pier- 
reux. Les  curieux  distinguent  plufieurs  fortes  de  bon- 
chrétiens  ,  tant  d'hy ver  que  d'été  :  mais  toutes  ces  dif- 
tinûions  font  de  f  antailie. 

La  Quintinie  fait  encore  mention  du  bon-chré- 
tien d'été  mufqué  ,  &  du  bon  chrétien  d'Efpagne  :  le 
premier  de  ces  fruits  eft  une  poire  de  la  groffeur  d'u- 
ne belle  bergamotte,  blanche  d'un  côté,  rouge  de  l'au- 
tre ,  d'une  chair  entre  le  tendre  &  le  caftant ,  &  plei- 
ne d'eau  &  de  parfum.  Le  fécond  a  tout-à-fait  la  for- 
me du  bon-chrétien  d'hy  ver  :  mais  il  eft  rouge  d'un 
côté ,  &  piqueté  de  points  noirs,  d'un  blanc  jaunâtre 
de  l'autre  ;  fa  chair  eft  très-caffante ,  fon  eau  douce , 
fucrée,  &c  affez  agréable  ,  quand  il  eft  mûr  ;  ce  qui 
arrive  affez  communément  depuis  la  mi-Novembre 
juiqu'à  la  mi-Décembre,  &  quelquefois  en  Janvier. 

Au  refte  on  ne  peut  guère  avoir  aucun  de  ces  bon- 
chrétiens  d'une  certaine  beauté  ,  qu'on  n'en  mette  les 
arbres  en  efpalier  ;  on  n'en  obtient  autrement  que 
dans  des  jardins  d'une  expofition  très-favorable. 

BOND  ,  f.  m.  fe  dit  en  général  de  l'aôion  d'un 
corps  en  mouvement  qui  rejaillit  à  la  rencontre  de  la 
terre  ,  ou  d'un  autre  corps  fur  lequel  il  tombe. 

Bond  ,  terme  de  Paumier,  c'eft  l'aûion  d'une  balle 
qui  après  avoir  frappé  par  terre  rejaillit  &  fe  relevé. 
Une  balle  prife  au  premier  bond  eft  auftî  bonne  que 
celle  qu'on  renvoyé  de  volée  :  mais  le  fécond  bond 
ne  vaut  rien. 

Bond  faux.  Le  faux  bond  eft  celui  qui  ne  fe  fai- 
fant  point  félon  la  règle  ordinaire  de  l'incidence  des 
corps  mus  en  ligne  droite  ,  trompe  le  joueur  ,  &  lui 
fait  manquer  la  balle,  foye^  Reflexion. 

Bond  ,  (  Manège.  )  eft  un  faut  que  le  cheval  fait 
en  s'élevant  fubitement  en  l'air ,  &  retombant  à  fa 
même  place.  Aller  par  fauts  &  par  bonds.  Voye^  Al- 
ler. )y) 

BONDE,  f.  f.  eft  une  longue  pièce  de  charpente 
équarric  par  un  bout,  &  faite  en  forme  de  cône  tron- 
qué ,  que  l'on  pôle  dans  un  trou  de  la  rigole  prati- 
quée à  l'endroit  le  plus  creux  d'un  étang  ,  pour  le 
pouvoir  vuider  à  fond  quand  on  lèvent  pêcher.  Cet- 
te bonde  eft  foùtenue  par  un  chaflis  de  charpente  avec 
un  chapeau,  (/v) 

*  Bonde,  (  Hifi.  nat.  )  arbre  d'une  grandeur  & 
groffeur  prodigieui'e  qui  le  trouve  au  royaume  de 
Quoya  ;  il  a  jflus  de  fix  ou  fept  braffes  d'epaiffeur; 
fon  écorce  eft  toute  hériffée  d'épines  ;  fon  bois  eft 
huileux  :  on  en  fait  plufieurs  uftenciles  de  ménage  , 
auflî  bien  que  des  canots  :  les  cendres  leffivées  lont 
propres  à  faire  de  fort  bon  fa  von ,  en  les  mêlant  a\  ec 
de  la  vieille  huile  de  dattes. 

BONDEN,  {HiJI.  mod.  )  c'eft  un  écueil  fameux 
qui  fe  trouve  dans  le  golfe  de  Bothnie ,  qui  le  prétente 
Tome  11. 


B  O  N 


321 


de  loin  comme  un  grand  château  bien  bâti ,  &  qui 
de  près  n'eft  qu'un  affemblage  de  rochers. 

BONDENO ,  (Geog.)  bourg  du  Ferrarois  dans  l'é- 
tat du  faint  Siège  ,  fur  le  Panaro ,  près  de  Ion  embou- 
chure dans  le  Pu. 

BONDON ,  terme  de  Tonnelier,  eft  une  cheville  de 
bois  groffe  &  courte  dont  on  bouche  le  trou  qu'on 
laiffe  au-deflus  des  tonneaux ,  pour  pouvoir  les  rem- 
plir &  leur  donner  de  l'air  quand  on  le  veut. 

Bondon  fe  prend  auffi  quelquefois  pour  le  trou 
qu'on  ferme  avec  la  cheville  appellée  bondon. 

BONDONNER  un  tonneau  ,  façon  de  parler'qui  li- 
gnifie quelquefois  y  percer  avec  la  bondonniere  un 
trou  pour  mettre  le  bondon ,  &  quelquefois  boucher 
ce  trou  avec  la  cheville  appellée  bondon. 

BONDONNIERE,  inftrument  de  Tonnelier  fait  en 
forme  de  tarriere  de  figure  conique ,  &  dont  le  bout 
qui  fe  termine  en  pointe  eft  amorcé  &  tourné  en  vis  : 
les  Tonneliers  s'en  lervent  pour  percer  dans  une  des 
douves  des  futailles  le  trou  où  fe  met  le  bondon.  V . 
Tonnelier. 

La  bondonniere  eft  emmanchée  dans  le  milieu ,  d'un 
cylindre  de  bois  long  d'un  pié  ,  rond  ,  de  deux  pou- 
ces ou  environ  de  diamètre  par  le  milieu  ,  &  plus  pe- 
tit parles  extrémités.  Voye{  les  PI.  du  Tonnelier,  & 
celles  du  Taillandier.  Ce  font  les  Taillandiers  qui  font 
les  bondonnieres. 

BONDORFF ,  (  Géog,  )  bourg  de  la  Souabe  dans 
la  forêt  Noire. 

*  BONDRÉE,  (HiJI.  nat.  )  oifeau  de  rapine  qui 
a  le  bec  court ,  la  tète  plate  &  groffe  ,  le  cou  fort 
court ,  garni  de  beaucoup  de  plumes.  Il  eft  en-deffus 
d'une  couleur  brune  &  obfcure  :  mais  il  a  le  ventre 
blanc  ,  marqueté  de  plufieurs  taches  brunes,  oblon- 
gues  ;  il  a  la  queue  large.  Aldrovandus  lui  donne  trois 
tefticules  ;  c'eft  ce  qui  l'a  fait  appeller  en  Latin  bu- 
teo  triorchis  ,  ce  qui  eft  dérivé  du  mot  Grec  Tf.upy.»ç. 
f^oye{  Buse. 

BONDUC  ,  f.  m.  (  Hijl.  nat.  bot.  )  genre  de  plan- 
te dont  la  fleur  eft  polypétale  ou  monopétale ,  pro- 
fondément découpée  en  plufieurs  parties,  mais  ce- 
pendant d'une  figure  approchante  de  celle  des  rieurs 
irrégulieres.  Il  s'élève  du  fond  du  calice  un  piftil  qui 
devient  dans  la  fuite  un  fruit  en  iîlique  pointu  ,  le 
plus  ibuvent  hériffé  de  pointes  :  ce  fruit  renferme 
une  ou  deux  femences  rondes ,  dures  ,  &  liftes.  Plu- 
mier ,  nova  plant.  Amer,  gêner.  Voy.  Plante.   (  /  ) 

La  plante  nommée  Bonduc  eft  d'ulage  en  Médecine. 
Ses  baies  font  rondes  &  de  couleur  cendrée ,  blan- 
ches en-dedans,  ameres  &  infipides. 

On  s'en  fert  dans  les  hernies  ;  elles  difîipent  les 
vents ,  foulagent  dans  la  colique ,  fortifient  l'eftomac, 
provoquent  les  règles  &  chaffent  la  pierre.  Doit.  (.Y) 

BONELLES  ,  (Géog.)  petite  ville  de  l'île  de  Fran- 
ce à  neuf  lieues  de  Paris. 

BON-HENRI  ,  Bonus  Henri  eus,  f.  m.  (Hi/I.  nat. 
bot.  )  plante  qui  doit  fe  rapporter  au  genre  appelle 
patte-d'oie,  foye^  Patte-d'oie. 

*  Le  bonus-Jienricus ,  ou  la  tota-bona ,  a  la  ra- 
cine épaiffe  ,  jaunâtre ,  garnie  de  quelques  fibres  , 
acre,  &  amere;  les  tiges  nombrcules ,  cannelées , 
creules ,  en  partie  droites  ,  en  partie  couchées  fur  la 
terre  ,  légèrement  velues,  longues  d'un  pié  ou  d'une 
coudée;  les  feuilles  triangulaires  ,  comme  c< 
l'arroche  ou  du  pié-dc-veau,  &  quelquefois  .nie/. 
femblables,  liftes  en-deftûs ,  couvertes  d'une  fine  ta- 
rir.e  en-deffous,  portées  fur  de  longues  queues,  ce 
potées  alternativement  fur  des  tiges,  d'une  lu\  eur  un 
peu  nitreufe  :  les  fleurs  au  fommetdes  tiges ,  ramal- 
fées  en  epi  ,  petites ,  tans  pétales ,  compolées  de  plu- 
fieurs étamines  jaunes  qui  s'élèvent  d'un  calice  dé- 
coupe en  plufieurs  parties;  le  piftil  dégénérant  en 
une  petite  graine  arrondie  ,  applatie ,  approchant 
de  lu  forme  île  rein ,  noire  dans  fa  maturité  ,  renier- 

Ss 


Il 


BON 


mée  dans  une  capfule  qui  a  la  figure  dune  étoile, 
Se  qui  étoit  le  calice  de  la  fleur. 

La  plante  entière  eft  d'ulage  :  on  la  trouve  dans 
les  lieux  incultes  &  les  malures ,  le  long  des  chemins, 
des  vieilles  murailles  Se  des  haies  des  champs ,  ou 
même  on  la  cultive  dans  les  potagers. 

La  plante  entière ,  graine  Se  racine ,  diltillee  a  la 
cornue  ,  donne  une  liqueur  limpide  ,  d'une  couleur 
&  d'une  laveur  d'herbe  ;  une  autre  liqueur  limpide  , 
de  la  même  odeur  Se  faveur,  mais  plus  manifefte  Se 
fcrt  acide  ;  une  liqueur  roufsâtre  ,  empyreumatique  , 
{oit  acide  ,  un  peu  falée  Se  un  peu  auftere  ;  une  li- 
queur roulie ,  empyreumatique ,  imprégnée  de  beau- 
coup de  fel  volatil  urineux ,  une  huile  épaiffe  com- 
me du  firop.  , 

La  malle  noire  de  la  cornue  calcinée  ,  a  donne 
des  cendres  dont  on  a  tiré  par  lixiviation  un  lei  rixe 
purement  alkali.  . 

Ainii  cette  plante  contient  un  fel  eflentiel ,  mtreux, 
ammoniacal  ,  mêlé  de  beaucoup  d'huile,  &  délayé 
dans  beaucoup  de  phlegme  ;  d'où  il  refaite  que  c'eft 
un  compofé  vifqueux  ,  Se  un  peu  mucilagineux. 

Cette  plante  reiâche  le  ventre ,  Se  eft  émolhente  ; 
fa  feuille  pelée  &  hachée  réunit  les  plaies  récentes  , 
déterre  les  ulcères  fordides  &  vieux,  &  tue  les 
vers  qui  y  furviennent.  Elle  eft  encore  digeftive  ,  ré- 
folutive  ,  Se  calmante.  Le  cataplafme  de  la  plante  en- 
tière foulage  dans  la  goutte. 

BONHEUR ,  f.  m.  (  Morale.  )  fe  prend  ici  pour  un 
état ,  une  fituation  telle  qu'on  en  defireroit  la  durée 
(ans  changement  ;  &  en  cela  le  bonheur  eft  différent 
du  plaiiir  ,  qui  n'eft  qu'un  fendaient  agréable ,  mais 
court  &  paifager  ,  Se  qui  ne  peut  jamais  être  un  état. 
La  douleur  auroit  bien  plutôt  le  privilège  d'en  pou- 
voir être  un. 

Tous  les  hommes  fe  réunifient  dans  le  defir  d  être 
heureux.  La  nature  nous  a  fait  à  tous  une  loi  de  no- 
tre propre  bonheur.  Tout  ce  qui  n'eft  point  bonheur 
nous  eft  étranger  :  lui  feul  a  un  pouvoir  marqué  fur 
notre  cœur  ;  nous  y  fommes  tous  entraînés  par  une 
pente  rapide ,  par  un  charme  puiflant ,  par  un  attrait 
vainqueur  ;  c'eft  une  imprefiion  ineffaçable  de  la  na- 
ture qui  l'a  gravé  dans  nos  cœurs ,  il  en  eft  le  charme 
Se  la  perfection. 

Les  hommes  fe  réunifient  encore  fur  la  nature 
du  bonheur.  Ils  conviennent  tous  qu'il  eft  le  même  que 
le  plaiiir ,  ou  du  moins  qu'il  doit  au  plaifir  ce  qu'il  a 
de  plus  piquant  Se  de  plus  délicieux.  Un  bonheur  crue 
le  plaifir  n'anime  point  par  intervalles ,  &  fur  le- 
quel il  ne  verfe  pas  fes  faveurs  ,  eft  moins  un  vrai 
bonheur  qu'un  état  Se  une  fituation  tranquille  :  c'eft 
un  trifte  bonheur  que  celui-là.  Si  l'on  nous  laifle  dans 
une  indolence  parefleufe ,  où  notre  activité  n'ait  rien 
à  faifir ,  nous  ne  pouvons  être  heureux.  Poilr  rem- 
plir nos  defirs ,  il  faut  nous  tirer  de  cet  affoupiflernent 
où  nous  languifibns  ;  il  faut  faire  couler  la  joie  juf- 
qu'au  plus  intime  de  notre  cœur ,  l'animer  par  des 
fentimens  agréables  ,  l'agiter  par  de  douces  fecouf- 
fes ,  lui  imprimer  des  mouvemens  délicieux ,  l'enivrer 
des  tranfports  d'une  volupté  pure  ,  que  rien  ne  puifie 
altérer.  Mais  la  condition  humaine  ne  comporte  point 
un  tel  état  :  tous  les  momens  de  notre  vie  ne  peuvent 
être  filés  par  les  plaifirs.  L'état  le  plus  délicieux  a 
beaucoup  d'intervalles  languiflans.  Après  que  la  pre- 
mière vivacité  du  fentiment  s'eft  éteinte  ,  le  mieux 
qui  puifie  lui  arriver ,  c'eft  de  devenir  un  état  tran- 
quille. Notre  bonheur  le  plus  parfait  dans  cette  vie  , 
n'eft  donc  ,  comme  nous  l'avons  dit  au  com'mence- 
ment  de  cet  article  ,  qu'un  état  tranquille  J'eméçà  & 
là  de  quelques  plaifirs  qui  en  égayent  le  fond. 

Ainfila  diverfité  des  fentimens  des  philofophes  fur 
le  bonheur ,  regarde  non  fa  nature ,  mais  fa  caufe  ef- 
ficiente. Leur  opinion  fe  réduit  à  celle  d'Epicure ,  qui 
faifoit  coniifter  efl entiellement  la  félicité  dans  le  plai- 


BON 

fir.  Voyt{  cet  article.  La  pofiefuon  des  biens  eft  le  fon- 
dement de  notre  bonheur ,  mais  ce  n'eft  pas  le  bonheur 
même  ;  car  que  feroit-ce  fi  les  ayant  en  notre  puif- 
fance ,  nous  n'en  avions  pas  le  lentiment  ?  Ce  fou 
d'Athènes  qui  croyoit  que  tous  les  vaifleaux  qui  ar- 
rivoient  au  Pirée  lui  appartenoient  ,  goûtoit  le  bon- 
heur des  richelies  fans  les  polieaer  ;  &  peut-être  que 
ceux  à  qui  ces  vaifleaux  appartenoient  véritable- 
ment, les  poffédoient  fans  en  avoir  de  plaifir.  Ainfi , 
lorfqu'Ariftote  fait  confifter  la  félicité  dans  la  con- 
noifiance  &  dans  l'amour  clu  iouverain  bien ,  il  a  ap- 
paremment entendu  définir  le  bonheur  par  les  fonde- 
mens  :  autrement  il  fe  feroit  grollierement  trompé  ; 
puifque ,  fi  vous  fépariez  le  plaifir  de  cette  connoif- 
fance  Se  de  cet  amour,  vous  verriez  qu'il  vous  faut 
encore  quelque  choie  pour  être  heureux.  Les  Stoï- 
ciens ,  qui  ont  enleigne  que  le  bonheur  conliftoit  dans 
la  pofleliion  de  la  fagefle  ,  n'ont  pas  été  li  înlenlés 
que  de  s'imaginer  qu'il  fallût  féparer  de  l'idée  du 
bonheur  h  fatisfacKon  intérieure  que  cette  lageflé  leur 
inlpiroit.  Leur  joie  venoit  de  l'ivrelie  de  leur  ame  , 
qui  s'applaudifibit  d'une  fermeté  qu'elle  n'avoit  point. 
Tous  les  hommes  en  général  conviennent  néceflai- 
rement  de  ce  principe  ;  &  je  ne  lai  pourquoi  il  a 
plu  à  quelques  auteurs  de  les  mettre  en  oppolition  les 
uns  avec  les  autres ,  tandis  qu'il  eft  confiant  qu'il  n'y 
a  jamais  eu  parmi  eux  une  plus  grande  uniformité  de 
fentimens  que  fur  cet  article.  L'avare  ne  le  repaît  que 
de  l'elpérance  de  jouir  de  fes  richelies,  c'elt-à-dire  , 
de  fentir  le  plaiiir  qu'il  trouve  à  les  pofféder.  Il  eft 
vrai  qu'il  n'en  ufe  point  :  mais  c'eft  que  Ion  plaifir 
eft  de  les  conlerver.  Il  le   réduit  au  fentiment  de 
leur  pofleliion  ,  il  fe  trouve  heureux  de  cette  fa- 
çon ;  &  puifqu'il  l'eft ,  pourquoi  lui  contefter  Ion  bon- 
heur ?  chacun  n'a  t-U  pas  droit  d'être  heureux ,  félon 
que  fon  caprice  en  décidera  ?  L'ambitieux  ne  cher- 
che les  dignités  que  par  le  plaifir  de  fe  voir  élevé  au- 
defiiis  des  autres.  Le  vindicatif  ne  fe  vengeroit  point, 
s'il  n'efpéroit  de  trouver  fa  fatistadion  dans  la  ven- 
geance. 

Il  ne  faut  point  oppofer  à  cette  maxime  qui  eft  cer- 
taine ,  la  morale  Se  la  religion  de  J.  C.  notre  Légif- 
lateur  Se  en  même  tems  notre  Dieu,  lequel  n'eft 
point  venu  pour  anéantir  la  nature  ,  mais  pour  la  per- 
fectionner. Il  ne  nous  fait  point  renoncer  à  l'amour 
du  plaifir ,  &  ne  condamne  point  la  vertu  à  être 
malheureufe  ici-bas.  Sa  loi  eft  pleine  de  charmes  Se 
d'attraits  ;  elle  eft  toute  comprife  dans  l'amour  de 
Dieu  Se  du  prochain.  La  fource  des  plaifirs  légitimes 
ne  coule  pas  moins  pour  le  Chrétien  que  pour  l'hom- 
me profane  :  mais  dans  l'ordre  de  la  grâce  il  eft  infi- 
niment plus  heureux  par  ce  qu'il  efpere ,  que  par  ce 
qu'il  pofiede.  Le  bonheur  qu'il  goûte  ici-bas  devient 
pour  lui  le  germe  d'un  bonheur  éternel.  Ses  plaifirs 
font  ceux  de  la  modération  ,  de  la  bienfailance , 
de  la  tempérance,  de  la  confeience;  plaifirs  purs, 
nobles  ,  fpirituels ,  &  fort  fupérieurs  aux  plaifirs 
des  fens.  foye^  Plaisir. 

Un  homme  qui  prétendroit  tellement  fubtilifer  la 
vertu  qu'il  ne  lui  laiflat  aucun  fentiment  de  joie  & 
de  plaifir  ,  ne  feroit  alïïirément  que  rebuter  notre 
cœur.  Telle  eft  fa  nature  qu'il  ne  s'ouvre  qu'au  plai- 
fir ;  lui  feul  en  fait  manier  tous  les  replis  Se  en  faire 
jouer  les  reflbrts'les  plus  fecrets.  Une  vertu  que  n'ac- 
compagneroit  pas  le  plaifir,  pourroit  bien  avoir  no- 
tre eftime  ,  mais  non  notre  attachement.  J'avoue 
qu'un  même  plaifir  n'en  eft  pas  un  pour  tous  :  les  uns 
font  pour  le  plaiiir  greffier ,  &  les  autres  pour  le  plai- 
fir délicat;  les  uns  pour  le  plaifir  vif,  &  les  autres 
pour  le  plaiiir  durable  ;  les  uns  pour  le  plaifir  des 
fens,  &  les  autres  pour  le  plaifir  de  l'elprit;  les  uns 
enfin  pour  le  plaifir  du  fentiment ,  Se  les  autres  pour 
le  plaifir  de  la  réflexion  :  mais  tous  fans  exception 
font  pour  le  plaiiir.  Confulte^  cet  article. 


BON 

On  peut  lire  clans  M.  de  Fontenelle  les  réflexions 
fol  .  .  &c  judicieufes  qu'il  a  écrites  furie  bonheur. 
Quoique  notre  bonheur  ne  dépende  pas  en  tout  de 
nous ,  parce  que  nous  ne  fommes  pas  les  maîtres  d'ê- 
tre placés  par  la  fortune  dans  une  condition  médio- 
cre ,  la  plus  propre  de  toutes  pour  une  fituation  tran- 
quille ,  &  par  conféquent  pour  le  bonheur ,  nous  y 
pouvons  néanmoins  quelque  choie  par  notre  façon 
de  penfer.  (  C  ) 

*  Bonheur  ,  Prospérité  ,  (  Gramm.}  termes 
relatifs  à  l'état  d'un  être  qui  penie  ce  qui  fent.  Le 
bonheur  cil  l'effet  du  halard';  il  arrive  inopinément. 
La  profpéritê  cft  un  bonheur  continu ,  qui  lemble  dé- 
pendre de  la  bonne  conduite.  Les  fous  ont  quelque- 
fois du  bonheur.  Les  fages  ne profperent  pas  toujours. 
On  dit  du  bonheur  qu'il  eft  grand,  &  de  la  profpéritê 
qu'elle  cft  rapide.  Le  bonheur  fe  dit  &  du  bien  qui 
nous  eff.  arrivé  ,  6c  du  mal  que  nous  avons  évité. 
La  profpéritê  ne  s'entend  jamais  que  d'un  bien  aug- 
menté par  degrés.  Le  capitole  fauve  de  la  furpriie 
des  Gaulois  par  les  cris  des  oies  facrés,  dit  M.  l'ab- 
bé Girard ,  eft  un  trait  qui  montre  le  grand  bonheur 
des  Romains  :  mais  ils  doivent  à  la  fageffe  de  leurs 
lois  &  à  la  valeur  de  leurs  lbldats ,  leur  longue  prof- 
péritê. 

BON  HOMME  DE  CHEVAL  ,  BON  HARAS, 
BON  PÎÉ,  BON  TRAIN;  voye^  tous  ces  mots  à  Leurs 
lettres.  (  V  ) 

*  BONICHON ,  f.  m.  (  Verrerie.  )  c'eft  un  trou  qui 
communique  du  four  aux  lunettes  des  arches  à  pots  : 
il  fait  dans  chaque  arche  à  pot  la  fonftion  de  ven- 
toufe.  Comme  on  met  cuire  les  bouteilles  dans  les 
arches  à  pots ,  des  qu'on  a  quitté  le  travail,  pour  em- 
pêcher le  feu  du  four  d'entrer  ,  &  laiffer  refroidir 
les  bouteilles  ,  on  marge  la  lunette.  :  mais  la  lunette 
étant  margée  ,  6c  la  flamme  du  four  n'ayant  plus 
d'entrée  ni  de  l'ortie  ,  le  four  feroit  étouffé  ,  fi  on 
n'ouvroit  le  bonichon. 

*  BONJEAU ,  f.  m.  (  Œcon.  rufl.  )  c'eft  un  affem- 

le  deux  bottes  de  lin  liées  l'une  contre  l'autre 
de  la  tête  au  pié ,  afin  d'occuper  moins  de  place  dans 
l'eau ,  où  on  doit  mettre  le  lin  roiiir.  Voyc{  Lin. 

*  BON1ER  ,  f.  -m.  (  Commerce  &  Agriculture.  )  mé- 
dire tic  ter  e  qui  contient  en  lurface  4074  toiles  cinq 
pouces  &  quatre  lignes.  Ainli  l'arpent  contenant  900 
toiles  ,  il  faut  quatre  -  arpens  24  toiles  <j  pouces  & 
4 lignes,  pour  l'équivalent  d'un  bouieren  médire  de 
Pans.  Cette  mefure  varie  d'un  canton  à  l'autre  de 
la  Flandre  ,  011  elle  eit  en  ufage. 

BON1FACIO,  (  Géog.  )  petite  ville  &  port  dans 
la  partie  méridionale  de  l'île  de  Coi  le.  Long.  zj.  lut. 
41.  20.  Le  détroit  qui  fépare  la  Corle  de  la  Sardai- 
gne  fe  nomme  Bocca  di  Bonifacio. 

*  BONITE  ,  (  Hijl.  nat.  )  poiffon  fort  commun 
dans  ht  mer  Atlantique  :  il  eft  d'une  couleur  allez  ap- 
prochante de  celle  de  nos  maquereaux,  àqui  il  ref- 
fembic  auffi  par  le  goût,  honnis  qu'il  eft  beaucoup 
plus  grand.  Il  fe  trouve  plutôt  en  pleine  mer. que  près 
des  côte:  .  :  dé  la  forme  d'un  ovâl ,  dont  le  grand 
diamètre  auroil  deux  pies,  &  le  petit  un  ou  un  &  demi: 
il  a  près  de  !a  tête  ids  tnlerons  pointus,  & 
depuis^  ;  une  lî  ne  d'écaillé  tirée  jufqu'à  fa 
(  .  qui  eft  fourchue ,  &  deux  autres  au-deflbus  ; 
une  au  bas-ventrè ,  &  l'aune  de  grandeur  inégale,  d%- 
i  1  du  dos  jufqu'à  la  queue.  11  eft  couvert 
d'u  chai  en  eft  excellente  ;  elle  eft 
{  e  ,  &  nourriffante.  La  mer  en  cft  quelques 
f  couverte.  Il  faute  à  dix  oudouze  pies  de 
haut.  Ou  le  prend  foij  A  la  fouine,  foit  au  trident,  loit 

ou  à  l  hameçon.  Cet  hameçon  eft  de  la 
ur  du  petit  doigt:  on  l'amorce  avec  deux  plu- 
mes de  pigeon  blanc  ,  enveloppées  de  petits  linges  : 
iche  la  ligne  à  la  vergue;  on  fait  familier  à  une 
certaine  hauteur  l'hameçon  ah. fi  armé  3  la  bonite  le 
Tome  11 . 


BON 


323 


prend  pour  un  petit  poiffon  volant,  fe  jette  deflus,  & 
le  trouve  accrochée  à  l'hameçon.  Voyt^  Vhiûoirtdis 
Anal,  du  P.  du  Tertre. 

BONITON  ,  f.  m.  amia,{Hifl.  nat.  )  poiffon  de 
mer  qui  rellemble  au  thon  &  au  maquereau  par  la 
lorme  du  corps ,  pour  les  nageoires  &  pour  la  queue. 
Il  a  le  bec  pointu ,  les  yeux  petits  &  de  couleur  d'or  , 
le  ventre  gros  &  argenté  ,  le  dos  bleu  &  luifant ,  &  la 
queue  mince  &  faite  en  forme  de  croiffant  :  il  y  a  des 
lignes  de  couleur  noirâtre  qui  s'étendent  oblique- 
ment depuis  le  dos  jufqu'au  ventre  ,  &  qui  font  allez 
éloignées  les  unes  des  autres  ;  il  n'a  des  écailles  qu'à 
l'entour  des  ouies.  Les  dents  font  fort  pointues  6c  re- 
courbées en-dedans;  elles  font  ferrées  les  unes  con- 
tre les  autres.  Ce  poiffon  aime  l'eau  douce.  Sa  chair 
eft  graffe  &  bonne.  Rondelet.  Voye{  Poisson.  (/) 

BONN,  {Géog.)  ville  forte  &  ancienne  d'Allema- 
gne dans  l'éleftorat  de  Cologne ,  6c  iituée  fur  la  rive 
gauche  du  Rhin.  Elle  eft  la  réfidence  de  l'électeur. 
Long.  26.  lat.  5o.  40. 

BONNE ,  (  Géog.  )  ville  maritime  d'Afrique  dans 
la  Barbarie,  au  royaume  d'Alger.  Long.  z5.  z8.  lat. 
37. 

Bonne,  bourg  de  Faucigni ,  dans  la  Savoie ,  à 
3  lieues  de  Genève. 

BONNE-DAME  ,  f.  f.  (Hift.  nat.  bot.  )  plante  qui 
doit  fe  rapporter  au  genre  appelle  arroche.  Voye^ 
Arroche. 

Bonne-dame  ,  atriplex ,  (Jard.)  elle  eft  potagère. 
Elle  fe  nomme  encore  arroche ,  mais  elle  en  effun  peu 
différente.  Elle  croit  de  la  hauteur  de  fix  pies  ;  pouffe 
des  feuilles  larges  qui  reffemblent  à  celles  de  la  blet- 
te ,  dont  le  goût  eft  fade.  Ses  fleurs  font  petites ,  à  pïu- 
fieurs  étamines  jaunâtres.  La  bonne -dame  vient  de 
graine  qui  fe  feme au  printems.  On  fe  fert  de  fa  feuille 
pour  le  potage  6c  pour  la  farce.  Cette  plante  vient 
en  toute  forte  de  terre ,  6c  fa  culture  n'a  rien  de  par- 
ticulier. (  A'  ) 

*  BONNE  DÉESSE ,  (  Myth.)  Dryade ,  femme  de 
Faune ,  roi  d'Italie  ,  que  ton  époux  fît  mourir  à  coups 
de  verges,  pour  s'être  enivrée,  ^  à  laquelle  de  re- 
gret il  éleva  dans  la  fuite  des  autels.  Quo'que  Fauna 
aimât  fort  le  vin,  on  dit  toutefois  qu'elle  fut  fi 
charte  qu'aucun  homme  n'avoit  fu  l'on  nom  ,  ni  vu  l'on 
vilage.  Les  hommes  n'étoient  point  admis  à  célébrer 
fa  fête,  ni  le  myrte  à  parer  l'es  autels.  On  lui  faifoit 
tous  les  ans  un  facrifice  dans  la  maiion ,  &  par  les 
mains  de  la  femme  du  grand -prêtre.  Les  veftales  y 
étoient  appellées,  &  la  cérémonie  ne  commençoit 
qu'avec  la  nuit:  alors  on  voilôit  les  repréféntafions 
même  des  animaux  mâles;  le  grand-prêtre  s'éloi- 
gnoit,  emmenant  avec  lui  tout  ce  qui  étoit  de  fon 
lexe.  On  prétend  que  c'étoit  en  mémoire  de  la  faute 
&  du  châtiment  de  Fauna  ,  qu'on  banniffoit  le  myr- 
te de  fon  autel ,  &  qu'on  y  plaçoit  une  cruche  pleine 
de  vin:  le  vin,  parce  qu'elle  l'àvoit  aimé  ;  le  myr- 
te ,  parce  que  ce  fut  de  branches  de  myrte  qu'on 
fit  la  verge  dont  elle  fut  G  cruellement  fouettée  pour 
en  avoir  trop  bù.  Les  Grecs  facrifioient  auffi  à  la 
bonne  déejj'e  ,  qu'ils  appelloient  la  dêtfft  des  femn 
qu'ils  donnoient  pour  11:1e  îles  nourrices  de  Bacchus , 
dont  il  leur  étoit  défendu  de  prononcer  le  nom.  Du 
temsde  Cicéron ,  qui  appelle  les  myfteres  de  1 1 
déeffi  par  excellence  myfteres  des  Romains,  Publius 
Clodius  les  profana  en  le  gluTant  en  habit  de  femme 
chez  Jules  Célar,  dans  le  deffein  de  corrompre  Mu- 
tia  ,  fa  femme.  La  décile  Fauna  faifoit  un  double  rôle 
en  Italie  ;  c'étoit  une  ancienne  reine  du  pays ,  &  c'é- 
toit auffi  la  terre  :  cette  duplicité  de  peffonnage  eft 
commune  à  la  plupart  des  dieux  du  paganifmer;  6-: 
voici  la  raifon  qu'on  en  lit  dans  le  grand  Dictionnaire 
hijlorique.  Dans  les  premiers  rems  tous  les  cultes  fe 
rapportoient  à  des  êtres  matériels ,  comme  le  ciel , 
les  affres,  la  terre,  la  mer,  les  bois,  les  fleuves  , 

Ssq 


324 


BON 


qu'on  prenoit  grofîierement  pour  les  feules  caufes 
des  biens  &  des  maux.  Mais  comme  le  progrès  de  l'o- 
pinion n'a  plus  de  bornes ,  quand  celles  de  la  nature 
ont  été  franchies  >  la  vénération  religieufe  qu'on 
avoit  conçue  pour  ces  êties ,  s'étendit  bien-tôt  avec 
plus  de  raifon  aux  perfonnes  qui  en  avoient  inventé 
le  culte.  Cette  vénération  augmenta  inienliblement 
dans  la  fuite  des  âges  par  l'autorité  &  le  relief  que 
donne  l'antiquité  :  &  comme  les  hommes  ont  toujours 
eu  le  penchant  d'imaginer  les  dieuxiemblablesà  eux, 
rien  ne  paroiflant  à  l'homme  ,  dit  Cicéron,  fi  excel- 
lent que  l'homme  même  ,  on  en  vint  peu-à-peu  à  di- 
vinifer  les  inventeurs  des  cultes ,  &  à  les  confondre 
avec  les  divinités  mêmes  qu'ils  avoient  accréditées. 
C'eft  ainfi  que  la  même  divinité  fut  honorée  en  plu- 
fieurs  endroits  de  la  terre  fous  différens  noms  ,  fous 
les  noms  qu'elle  avoit  portés,  &  les  noms  des  per- 
fonnes qui  lui  avoient  élevé  les  premiers  autels  ;  & 
que  Fauna  fut  confondue  avec  la  terre  ,  dont  elle 
avoit  introduit  le  culte  en  Italie.  On  l'appella  aufîi 
la  bonne  deejjc ,  la  déejfe  par  excellence  ;  parce  que  la 
terre  eft  la  nourrice  du  genre  humain ,  &  que  la  plu- 
part des  êtres  ne  tirent  leur  dignité  que  du  bien  ou 
du  mal  que  nous  en  recevons. 

BONNE  DE  NAGE,  (Marine)  fe  dit  d'une  chaloir- 
pe  lorsqu'elle  eu  facile  à  manier  ,  &  qu'elle  pafie  ou 
avance  bien,  à  l'aide  des  avirons  feulement. 

BONNE  TENUE  ,  (  Marine.  )  Voye?^  TENUE. 

BONNEAU ,  f.  m.  GAVITEAU  ,  (  Manne  )  c'eft 
un  morceau  de  bois  ou  de  liège ,  &  quelquelois  un 
barril  relié  de  fer  ,qui  flottant  lùr  l'eau,  marque  l'en- 
droit où  les  ancres  font  mouillées  dans  les  ports  ou 
rades.  Voye{  Bouée.   (Z) 

*  BONNE-ESPERANCE  ,  (  Mythologie  )  Bona 
fpes ,  ce  fut  une  divinité  payenne.  On  trouve  dans  le 
recueil  de  Gruter  une  infeription  qui  porte  : 


B  O  NjE 
A  U  G. 
PP. 


S  P  El 

ro  t. 

TR. 


foit  que  ce  fut  la  même  déefTe  que  VEfpérance  ,  à  la- 
quelle les  Romains  donnoient  l'épithete  de  bonne, 
loit  qu'on  diflinguât  ces  deux  divinités. 

BONNE-ESPERANCE  ,  (  Cap  DE  )  Gécg.  le  Cap 
de  bonne  Efpirance ,  eft  à  la  pointe  méridionale  de 
l'Afrique.  Poyez_  Cap. 

BONNESTABLE,  (  Gêog.  )  ville  de  France,  dans 
le  Maine ,  à  6  lieues  du  Mans  ;  il  s'y  fait  un  grand 
commerce  de  blé.  Long.  18.  S.  lac.  48.  il. 

BONNET ,  f.  m.  (  Hifi.  mod.  )  forte  d'habillement 
de  peau  ou  d'étoffe ,  qui  f ert  à  couvrir  la  tête. 

L'époque  de  l'ufâge  des  bonnets  &  des  chapeaux 
en  France  fe  rapporte  à  l'an  1449  ;  ce  fut  à  l'entrée 
de  Charles  VII.  à  Rouen ,  qu'on  commença  à  en  voir  : 
on  s'étoit  julqu'alcrs  fervide  chaperons  ou  de  capu- 
chons. M.  le  Gendre  en  fait  remonter  l'origine  plus 
haut  ;  on  commença ,  dit-il ,  fous  Charles  V.  à  rabat- 
tre fur  les  épaules  les  angles  des  chaperons ,  &  à  fe 
couvrir  la  tête  de  bonnets ,  qu'on  appella  mortiers ,  lorf- 
qu'ils  étoient  de  velours ,  &  fimplcment  bonnets ,  s'ils 
étoient  faits  de  laine.  Le  mortier  étoit  galonné  ;  le 
bonnet  au  contraire  n'a  voit  pour  ornement  que  deux 
efpeces  de  cornes  fort  peu  élevées ,  dont  l'une  fer- 
voit  à  le  mettre  fur  la  tête ,  &  l'autre  à  fe  découvrir. 
Il  n'y  avoit  que  le  roi ,  les  princes  ,  &  les  chevaliers 
qui  portaflent  Le  mortier.  Voye^  Mortier. 

Le  bonnet  étoit  non-feulement  l'habillement  de  tête 
du  peuple ,  mais  encore  du  clergé  &  des  gradués ,  au 
moins  fut-il  lùbftitué  parmi  les  docteurs- bacheliers, 
&c.  au  chaperon  qu'on  portoit  auparavant  comme  un 
camail  ou  capuce ,  &  qu'on  laifîa  depuis  flotter  fin- 
ies épaules.  Pafquier  dit  qu'il  faiioit  anciennement 
partie  du  chaperon  que  portoient  les  gens  de  robe, 
dont  les  bords  ayant  été  retranchés  ,ou  comme  lu- 


BON 

perflus  ou  comme  embarraflans ,  il  n'en  refta  plus 
qu'une  efpece  de  calotte  propre  à  couvrir  la  tête, 
qu'on  accompagna  de  deux  cornes  pour  l'ôter  &  la 
remettre  plus  commodément ,  auxquelles  on  en  ajou- 
ta enluite  deux  autres  ;  ce  qui  forma  le  bonnet  quarré, 
dont  il  attribue  l'invention  à  un  nommé  Patouillet  ; 
ils  n'étoient  alors  lurmontés  tout  au  plus  que  d'un 
bouton  au  milieu  ,  les  houpes  de  foie  dont  on  les  a 
couronnés  étant  une  mode  beaucoup  plus  moderne, 
&  qui  n'eit  pas  même  encore  généralement  répan- 
due en  Italie.  Le  même  auteur  ajoute  que  la  céré- 
monie de  donner  le  bonnet  de  maître-ls-arts  ou  de  doc~ 
teur  dans  les  univerfités ,  avoit  pour  but  de  montrer 
que  ceux  qu'on  en  décoroit  avoient  acquis  toute  li- 
berté ,  &  n'étoient  plus  fournis  à  la  férule  des  maî- 
tres ;  à  l'imitation  des  Romains  qui  donnoient  un  bon- 
net à  leurs  efclaves  lorfqu'ils  les  affranchifïbient  ; 
d'où  eif.  venu  le  proverbe  vocare  fervum  ad  pdeum , 
parce  que  fur  les  médailles  ,  le  bonnet  efl  le  fym- 
bole  de  la  liberté  ,  dont  on  y  repréfenîe  le  génie ,  te- 
nant de  la  main  droite  un  bonnet  par  la  po.nte. 

Les  Chinois  ne  fe  fervent  point  comme  nous  de 
chapeaux  ,  mais  de  bonnets  d'une  forme  particulière , 
qu'ils  n'otent  jamais  en  faluant  quelqu'un  ,  rien  n'é- 
tant, félon  eux,  plus  contraire  à  la  politefle  que  de 
fe  découvrir  la  tête.  Ce  bonnet  eft  différent  lelon  les 
diverles  faifonsde  Tannée:  celui  qu'on  porte  en  été  a 
la  forme  d'un  cône  renverfé  ;  il  eit  fait  d'une  efpece 
de  natte  très-fine  &  très-eftimée  dan:,  le  pays,  &  dou- 
blé de  fatin  ;  on  y  ajoute  au  haut  un  gros  floccon  de 
lôie  rouge  qui  tombe  tout  autour ,  lé  répand  &  flotte 
de  tous  côtés  ,  ou  une  houpe  de  crin  d'un  rouge  vif 
&  éclatant ,  qui  rélifte  mieux  à  la  pluie  que  la  foie, 
&  tait  le  même  effet.  Le  bonnet  d'hy  ver  eft  d'une  forte 
de  peluche  ,  fourré  &  bordé  de  zibeline ,  ou  de  peau 
de  renard  avec  les  mêmes  agrémens  que  ceux  des 
bonnets  d'été  ;  ces  bonnets  font  propres  ,  parans  ,  du 
prix  de  huit  ou  dix  écus ,  mais  du  refte  fi  peu  pro- 
fonds ,  qu'ils  laiflent  toujours  les  oreilles  découvertes. 
Le  bonnet  quarré  efl  un  ornement ,  &  pour  certai- 
nes perfonnes  la  marque  d'une  dignité ,  comme  pour 
les  membres  des  Uniyerfités  ,  les  étudians  en  philofo- 
phie  ,  en  droit ,  en  médecine ,  les  docteurs  ,  &  en  gé- 
néral pour  tous  les  eccléfiaftiques  féculiers  ,  &  pour 
quelques  réguliers.  Il  y  a  plufieurs univerfités  ou  l'on 
distingue  les  do&eurs  par  la  forme  particulière  du 
bonnet  qu'on  leur  donne  en  leur  conférant  le  docto- 
rat ;  aifez  communément  cette  cérémonie  s'appelle 
prendre  le  bonnet.  Il  falloit  que  les  bonnets  quarrés  fuf- 
fent  en  ulage  parmi  le  clergé  d'Angleterre ,  long  tems 
avant  que  celui  de  France  s'en  fervit  ;  puifqueWiclef 
appelle  les  chanoines  bifurcati ,  à  caule  de  leurs  bon- 
nets ;  &  que  Pafquier  obferve  que  de  fon  tems ,  les 
bonnets  que  portoient  les  gens  d'églile,  étoient  ronds 
&  de  couleur  jaune.  Cependant  ce  que  nous  avons 
ci  d  îfliis  rapporté  d'après  lui ,  prouve  que  ce  fut  auffi 
de  ion  tems  que  leur  forme  commença  à  changer  en 
France. 

Le  bonnet  d'une  certaine  couleur  a  été  &  efl  enco- 
re en  quelques  pays  une  marque  d'infamie.  Le  bonnet 
jaune  elt  la  marque  des  Juifs  en  Italie  ;  à  Luques  ,  ils 
le  portent  orangé  ;  ailleurs  on  les  a  obligés  de  mettre 
à  leurs  chapeaux  des  cordons  ou  des  rubans  de  cette 
couleur.  En  France  les  banqueroutiers  étoient  obli- 
gés de  porter  toujours  un  bonnet  verd.  Voye-^  plus 
bas  Bonnet  verd. 

Dans  les  pays  d'inquintion ,  les  aceufés  condam- 
nés au  fuppliçe  font  coiffés  le  jour  de  l'exécution , 
d'un  bonnet  de  carton  en  forme  de  mitre  ou  de  pain 
de  fucre ,  chargé  de  flammes  &  de  figures  de  dia- 
bles :  on  nomme  ces  bonnets ,  carochas.  ^oye^  Caro 
cha  &  Inquisition. 

La  couronne  des  barons  n'eft  qu'un  bonnet  orné 
de  perles  fur  les  bords  ;  ôc  celles  de  quelques  princes 


BON 

de  l'empire  ,  qu'un  bonnet  rouge ,  dont  les  rebords , 
ou  félon  l'ancien  terme  ,  les  rebras  font  d'hermine. 
Voye^  Couronne. 

Dans  l'univerfité  de  Paris ,  la  cérémonie  de  la  prife 
du  bon  rut ,  foit  de  docteur,  foit  de  maître-ès-arts ,  après 
les  examens,  thefes  ou  autres  exercices  préliminaires, 
fe  tait  ainli  :  le  chancelier  de  l'univerfité  donne  la  bé- 
nédiction apoftolique,  &  impofe  ion  bonnet  fur  la 
tête  du  récipiendaire ,  qui  reçoit  l'un  &  l'autre  à  ge- 
noux. Vttye^  Docteur,  Maistre-ès-Arts.  (G) 

Bonnet  verd  ,  (  Jutifprud.  )  étoit  une  marque 
d'inramie  à  laquelle  on  affujettifloit  ceux  qui  avoient 
fait  celîion  en  juftice ,  de  peur  que  le  bénéfice  de  cef- 
fion  n'invitât  les  débiteurs  de  mauvaife  foi  à  frauder 
leurs  créanciers  :  on  n'en  exceptoit  pas  même  ceux 
qui  prouvoient  qu'ils  avoient  été  réduits  à  cette  mi- 
lérable  reflburce  par  des  pertes  réelles  &  des  mal- 
heurs imprévus  ;  &  fi  le  ceflionnaire  étoit  trouvé  fans 
fon  bonnet  verd,  il  pouvoit  être  conftitué  prifonnier  : 
mais  à  préfent  on  n'oblige  plus  les  cefîîonnaires  à 
porter  le  bonnet  verd.  Il  ne  nous  en  refte  que  l'expref- 
fion,  porter  le  bonnet-verd,  qui  fignifie  qu'un  homme 
a  fait  banqueroute  ,  6c  qui  a  paffé  en  proverbe.   (H) 

Bonnet  à  Prêtre,  (  e/z  terme  de  Fortification) 
eft  une  tenaille  double  conftruite  vis-à-vis  un  baftion 
ou  une  demi-lune  ,  dont  le  front  forme  deux  tenail- 
les fimpies ,  e'eft-â-dire  un  angle  faillant  &  deux  an- 
gles rentrans.  Voye^  Tenaille-double  ,  6-  An- 
gle mort.  ((^) 

Bonnet  de  prêtre  ou  Bonnet  à  prêtre, 
tvonymus,  (Jardinage.')  elpece  de  citrouille,  qui  de- 
mande la  même  culture,  6c  que  l'on  rame  comme  le 
fufain ,  qu'on  appelie  aufïï  bonnet  de  prêtre,  parce  que 
fon  fruit  en  a  la  figiue.  Voye^  Fusain.  (/£) 

Evonymus  vulgaris  granis  rubentibus  C.  B.  P.  418. 
On  n'en  fauroit  faire  ufage  intérieurement  fans  dan- 
{  *r  •  Ion  fruit  eft  d'une  qualité  nuilible.  Théophrafte 
allure  quelle  fait  du  mal  aux  befriaux;  Matthiole  & 
Ruelle  confirment  ce  fentiment,  &  rapportent  que 
les  bi  ebis  &  les  chèvres,  quelqu'a  vides  qu'elles  foient 
des  bourgeons  des  plantes,  ne  touchent  jamais  à  cel- 
le-là. Trois  ou  quatre  de  les  baies  purgent  par  haut 
&  par  bas.  Les  payfans  fe  fervent  de  la  poudre  du 
fruit  pour  tuer  les  poux,  &  lavent  leurs  cheveux 
avec  la  décoction  de  les  graines. 

Ce  fruit  employé  extérieurement  eft  émollicnt  & 
réfolutif:  il  tue  les  vers,  &  guérit  la  teigne  &  la  gra- 
telle.  Dik.  (AT) 

Bonnet  ,  f.  m.  dans  les  Arts ,  on  donne  en  géné- 
ral ce  nom  à  tout  ce  qui  eft  deftiné  à  couvrir  la  par- 
tie fupérieure  bc  Iphcriquc  d'une  machine,  d'un  inf- 
iniment ,  &c. 

Cette  métaphore  eft  prife  de  la  partie  de  notre  ha- 
billement appellée  bonnet. 

Bonnet  ,  en  terme  d'Orfèvre  en  grojferie ,  fe  dit  de  la 
partie  fupérieure  d'un  encenfoir,  commençant  au 
bouton,  6c  fini  fui  nt  aux  confoles  où  paffent  ies  chaî- 
nes :  il  forme  un  dôme  uu  peu  ecrafé. 

Bonnet  de  Turquie,  c'eft,  parmi  les  Patiffîers, 
iin  ouvrage  en  forme  de  bonnet  ou  turban  à  la  Tur- 
que,  fait  d  une  pâte  a  biicuit,  ou  autre. 

Bonnets,  en  termes  de  Bottier,  font  les  genouil- 
lieres  échancrées  des  bottes  de  Courier ,  ainfi  nom- 
mées de  leur  forme  qui  approche  beaucoup  de  celle 
d'un  bonnet. 

BONNETER  ,  ou  félon  d'autres ,  cocjfcr  un  artifice  ; 
c'eft  en  couvrir  l'amorce  d'un  papier  collé ,  pour  que 
le  feu  ne  puifTe  s'y  infinuer  que  lorsqu'on  le  veut , 
en  caflant  ce  papier  qu'on  appelle  aulli  bonnetage. 

*  BONNETERIE,  f.  f.  manufaâure de  bonnets, 
de  bas,  de  camifoles ,  de  jupons,  de  chauffons,  &  au- 
tres ouvrages  en  laine  pure  ou  en  laine  èc  foie ,  qu'on 
appelle  caftorSt  vigogne.  V'oye^  LAINE,  SOIE,  Cas- 
tor  &  Vigogne. 


BON 


325 


Les  Bonnetiers  achètent  la  laine,  6c  la  donnent  à 
des  ouvriers  qui  la  font  pafler  par  toutes  les  opéra- 
tions qui  la  mettent  en  état  d'être  employée  à  leurs 
marchandifes.  Ces  préparations  font  à  peu  près  les 
mêmes  que  pour  la  draperie.  Voye^  L'article  Drape- 
rie. 

Le  dégrais ,  le  battage  &  l'engrais ,  trois  de  ces  pré- 
parations ,  dont  il  fera  fait  mention  à  V article  Dra- 
perie ,  fe  font  chez  le  Bonnetier  même.  Il  n'y  a  que 
la  carde  &  le  filage  qui  fe  faffent  dehors. 

La  première  attention  du  Bonnetier  doit  être  de  fe 
mettre  à  couvert  de  la  friponnerie  du  Cardeur  6c  du 
Fileur;  il  peut  être  trompé  fur  le  filage,  en  ce  qu'il 
peut  être  plus  ou  moins  fin  ;  il  peut  être  trompé  fur 
la  quantité  de  la  laine  qu'on  lui  rend  filée ,  en  ce  qu'on 
en  peut  diminuer  la  quantité ,  en  augmentant  le  poids 
par  une  addition  d'huile.  Exemple  :  dans  l'engrais  de 
douze  livres  de  laine  qui  fe  fait  chez  le  Bonnetier,  il 
entre  trois  livres  d'huile  ;  ce  qui  fait  quinze  livres  de 
poids  :  mais  la  livre  de  laine  peut  aller  jufqu'à  qua- 
tre francs ,  &  la  livre  d'huile  ne  va  qu'à  douze  fols  ; 
le  Cardeur  &  le  Fileur  peuvent  donc  être  tentés  de 
fubftituer  de  l'huile  à  de  la  laine. 

Le  Bonnetier  eftimera  la  fineffe  du  filage  par  une 
machine  femblable  à  celle  du  Drapier.  F.  l'article 
Draperie.  C'eft  une  efpece  de  dévidoir  qui  indi- 
que le  nombre  de  tours,  &  par  conféquent  la  lon- 
gueur du  fil ,  qu'on  peut  toujours  comparer  avec  le 
poids.  Il  eft  évident  que  la  finette  du  filage  eft  en  rai- 
fon  compofée  de  la  direcle  du  nombre  des  tours,  6c 
de  l'inverfe  du  poids,  ou  que  le  filage  eft  d'autant 
plus  fin,  que  le  nombre  des  tours  eft  grand,  6c  le 
poids  de  l'écheveau  petit. 

Quant  à  la  quantité  de  la  laine  ;  s'il  veut  s'afTùrer 
de  la  fidélité  de  l'ouvrier,  il  n'a  qu'à  la  pefer  en  la  re- 
cevant; &  après  l'avoir  parfaitement  dégraiflee,  le  dé* 
grais  de  quinze  livres  de  laine  aura  d'abord  emporté 
les  trois  livres  d'huile  qu'elles  avoient  reçues  dans 
l'engrais ,  èc  le  poids  de  laine  reftant  devroit  être  de 
douze'livres,  s'il  n'y  avoit  point  eu  de  déchet  dans  la 
carde  &  le  filage  :  mais  il  y  a  eu  du  déchet  ;  &  ce  dé- 
chet eft  eftimé  à  deux  onces  par  livre  de  feize  onces. 

Le  Bonnetier  reçoit  la  laine  filée,  &  la  diftribue  à 
des  Faifeurs  de  bas  au  métier  6c  à  des  Tricoteufes  , 
pour  être  employée  :  ces  gens  lui  rendent  la  laine  em- 
ployée aux  ouvrages  dont  nous  avons  parlé  ci-def- 
fus.  Mais  il  ne  faut  pas  croire  qu'alors  ces  ouvrages 
puifTentfe  vendre  ;  ils  ont  à  palier  par  un  grand  nom- 
bre d'opérations  dont  nous  aiions  rendre  compte ,  & 
qui  lont  proprement  du  refTortdu  manufacturier  Bon- 
netier :  aulîi  fe  font-elles  ordinairement  chez  lui. 

La  première  de  ces  opérations  ejl  la  foule.  La  foule 
demande  la  conftruction  d'une  machine  telle  qu'on 
la  voit  Plan,  du  Bonnetier  en  i'acefig.  1.  de  coté  fig. 
3-  Cette  machine  s'appelle  une  fouloire.  La  fouloire  a 
été  conftruite  jufqu'à  prélent  en  bois  de  chêne  :  mais 
fon  peu  de  durée  &  de  folidité  a  détermine  le  lieur  Pi- 
chard ,  marchand  Bonnetier  fabriquant  rue  Mouf- 
tetard,  à  la  faire  conftruiredc  pierre. 

Au  refte  la  forme  de  la  fouloire  en  pierre  eft  la 
même  que  de  la  fouloire  en  bois  que  nous  allons  dé- 
crire, parce  qu'elle  eft  beaucoup  plus  ordinaire,  a 
fig.  1 .  eft  une  planche  de  chêne  échancrée.  Les  écri 
crures  ae,ed,  ont  été  pratiquées  pour  faciliter  l'ac- 
tion des  bras  de  l'ouvrier.  La  partie  élevée  e  corref- 
pond  au  ventre  de  l'ouvrier.  Le  fond  de  la  fouloire  F, 
fig.  3.  eft  fait  d'une  forte  planche  de  chêne  appuyée 
fur  le  bâtis  de  bois  incline  h  i  k  l.  Entre  les  pies  m  n 
o/>&:  fous  ce  bât!  s,  eft  placé  un  grand  panier  d'ofier. 
Sur  le  fond  Fàe  la  fouloire  eft  fixée  à  clous  une  plan- 
che oblongue,  fur  un  pie  de  hauteur  &  fur  un  peu 
plus  de  longueur  ;  cette  planche  eft  percée  de  rangées 
de  trous,  au  nombre  environ  de  cent  vingt.  On  prend 
de*  dents  de  bceuf  qu'on  entortille  de  rilalîe,  &  qu'on 


326 


BON 


fait  entrer  dans  ces  trous.  Cette  planche  ^garnie  de 
dents  de  bœuf,  s'appelle  le  râtelier.  On  voit  même 
planche  du  Bonnetier  ,fig.  J.  le  râtelier  féparé:  il  fe- 
roit  mieux  que  le  râtelier ,  au  lieu  d'être  fixé  à  clous 
fur  le  fond  de  la  fouloire ,  y  i'ût  enchaffé ,  de  maniè- 
re qu'il  n'y  eût  que  les  dents  qui  defaflcurafTent,  & 
c'eif  ce  que  le  lieur  Pichard  a  fait  obferver  dans  les 
Tiennes.  Des  robinets  g,  g  donnent  à  diferétion  dans 
la  fouloire ,  de  l'eau  chaude  qui  vient  d'une  chaudiè- 
re B,fig.  z.  affilé  fur  un  fourneau  C,  au-deffous  du- 
quel on  remarque  un  petit  bûcher  D ,  8c  au-deffus  un 
réfervoir^  d'eau  froide ,  qui  fournit  à  la  chaudière  B. 

Pour  fouler,  on  ouvre  les  robinets  g,g,fig-  3-  l'eau 
chaude  tombe  dans  la  fouloire;  l'ouvrier  a  du  favon 
dans  un  fac  de  toile  ;  il  prend  ce  fac ,  &  le  promené 
dans  l'eau  chaude.  La  précaution  du  fac  eft  bonne  ; 
par  ce  moyen  il  ne  parle  dans  l'eau  que  les  particu- 
les plus  fines  du  favon,  le  gros  tacheroit  l'ouvrage. 
Cette  eau  imprégnée  de  favon,  s'appelle  eau  neuve. 
Quand  l'eau  neuve  eft  prête,  l'ouvrier  prend  fur  la 
planche  1  ,  2,  3,4,  au  lieu  1 ,  une  certaine  quan- 
tité d'ouvrage  qu'on  appelle  une  poignée.  Si  ce  font 
des  bas  d'homme ,  il  n'en  faut  qu'une  paire  pour  fai- 
re une  poignée.  Cette  poignée  a  déjà  fouffert  plu- 
fieurs  préparations  dans  la  fouloire ,  avant  que  de 
parler  dans  l'eau  neuve ,  ainii  qu'on  le  verra  par  la 
fuite  de  l'opération  que  nous  décrivons.  L'ouvrier 
foule  cette  poignée  :  ion  travail  confifte  alors  à  tour- 
ner, retourner,  &  preffer  à  plufieurs  réprifes  fa  poi- 
gnée fur  les  dents  du  râtelier;  obfervant  de  la  faire 
toucher  à  chaque  mouvement  à  l'eau  qui  s'élève  dans 
la  fouloire  jufqu'à  la  hauteur  de  deux  rangées  de 
de  dents  les  plus  voifines  du  fond.  Il  continue  lbn  opé- 
ration pendant  une  bonne  heure  au  moins ,  ayant  foin 
de  ne  pas  fouler  à  fec  ;  car  fa  marchandée  en  devien- 
drait cariante.  Cela  fait,  il  tord  bien  fon  ouvrage 
pour  en  faire  fortir  l'eau ,  le  plie  &  le  met  dans  le 
panier  qui  eft  fous  la  fouloire. 

Son  ouvrage  ferré  dans  le  panier,  il  ouvre  les  ro- 
binets g,  g;  il  tombe  de  l'eau  chaude  dans  la  fouloi- 
re ;  cela  s'appelle  réchauffer.  Cette  eau  réchauffée  une 
première  fois  s'appelle  eau  d'imprimé.  L'eau  d'impri- 
mé étant  préparée ,  l'ouvrier  prend  une  poignée  d'ou- 
vrage au  lieu  2  ;  il  met  cette  poignée  dans  l'eau  d'im- 
primé ,  l'y  agite,  &  commence  à  la  fouler  un  peu. 
Cette  manœuvre  dure  un  quart  d'heure;  au  bout  de 
ce  tems ,  au  lieu  de  jetter  cette  poignée  dans  le  pa- 
nier, comme  la  première,  il  la  met  iur  la  planche  au 
lieu  1  ,  après  l'avoir  tordue. 

Cela  fait,  il  réchauffe  l'eau  :  cette  eau  réchauffée 
s'appelle  eau  de  dégrais  à  fait  :  il  prend  une  autre  poi- 
gnée au  lieu  3  ;  il  a  du  favon  noir  dans  un  barril  ;  il 
en  frotte  fa  poignée  à  la  quantité  d'une  demi-livre  , 
enfuite  il  l'agite  clans  l'eau ,  &  la  preffe  fortement  fur 
le  râtelier  pour  en  faire  fortir  la  graiffe.  Cette  ma- 
nœuvre dure  un  quart-d'heure  :  au  bout  de  ce  tems , 
il  tord  fa  poignée  &  la  met  fur  la  planche  au  lieu  1. 

Il  réchauffe  l'eau  :  cette  eau  réchauffée  s'appelle 
eau  grajje.  Il  prend  une  autre  poignée  au  lieu  4  ;  il  la 
met  dans  l'eau  graffe  fans  la  frotter  de  favon  ,  il  fe 
contente  de  l'agiter  &  de  la  preffer  fortement  contre 
le  râtelier.  Cette  manœuvre  dure  encore  un  quart- 
d'heure  ;  au  bout  de  ce  tems  il  tord  fa  poignée  &  la 
met  fur  la  planche  au  lieu  3. 

Pour  cette  fois  il  ne  réchauffe  point ,  il  prend  feu- 
lement une  nouvelle  poignée  au  lieu  5  ;  cette  poignée 
eft  d'ouvrage  tel  qu'il  fort  des  mains  du  fabriquant , 
8c  fans  aucune  préparation.  Il  jette  fa  poignée  dans 
l'eau ,  l'y  agite ,  8c  preffe  contre  les  dents.  Cette  ma- 
nœuvre dure  un  quart-d'heure  ;  au  bout  de  ce  tems 
il  la  tord  8c  la  met  fur  la  planche  au  lieu  4. 

Cela  fait,  il  vuide  toute  la  fouloire  par  un  bouchon 
qui  eft  au  fond ,  &  la  nettoyé  exactement.  Quand  la 
fouloire  eft  bien  nettoyée,  il  refait  de  l'eau  niew  e 


BON 

pour  recommencer  la  fuite  d'opérations  que  nous  ve- 
nons de  décrire  ,  &  dans  lefquelles  coniifte  la  foule. 

Doù  l'on  voit  que  nous  avons  fiîppofé  la  fouloire 
en  train  :  mais  fi  elle  n'y  eût  point  été  ,  on  eût  fait 
une  eau  neuve  arec  du  favon  noir,  &;  on  eut  con- 
tinué le  travail  clans  l'ordre  que  nous  avons  preferit  : 
mais  le  commencement  eût  été  coûteux  Se  n'eût  pas 
donné  un  ouvrage  fi  parfait.  Le  but  de  la  foule 
eft  de  dégraiffer,  &de  rendre  l'ouvrage  plus  fort  & 
plus  ferré. 

L'ouvrier  eft  payé  trois  fous  la  poignée  :  maistous 
les  ouvrages  ne  font  pas  également  durs.  Les  bas 
d'homme ,  de  Segovie  ,  font  les  plus  durs  ;  les  bas  de 
femme  font  de  deux  paires  à  la  poignée.  L'ouvrage 
de  foule  le  moins  pénible,  ce  font  les  calottes  de  caf- 
tor ,  quoiqu'il  y  en  ait  huit  à  la  poignée. 

Si  l'on  veut  avoir  de  bel  8c  bon  ouvrage ,  il  ne 
faut  le  fouler  ni  aux  pies  ni  au  moulin  ;  ces  deux  ma- 
nières rendent  les  bas  durs  &  inégalement  foulés. 

La  féconde  opération  ejl  celle  de  la  forme.  Au  fortir 
des  mains  du  foulon ,  dans  le  même  jour ,  il  faut  enf  or- 
mer  les  marchandises  :  fi  on  les  laiffoit  lécher ,  on  ne 
pourroit  plus  les  enformer  fans  les  mouiller,  ce  qui 
les' gâteroit.  La  forme  n'eft  autre  choie  qu'un  mor- 
ceau plat  de  bois  de  hêtre  ,  dont  le  contour  eft ,  à 
proprement  parler ,  la  ligne  de  profil  de  la  pièce  à 
enformer.  On  la  fait  entrer  dans  les  ouvrages  foulés, 
qu'on  tend  fortement  fur  elle  ,  avec  de  petits  clous 
qu'on  plante ,  foit  dans  l'ouvrage ,  foit  dans  une  li- 
fiere  ou  allonge  qu'on  y  attache  :  ordinairement  011 
met  des  liiieres  aux  jupons.  On  laiffe  les  marchandi- 
ses en  forme  jufqu'à  ce  qu'elles  loient  feches ,  ce  qui 
demande  au-moins  douze  heures ,  fans  feu  ni  foleil. 
Quand  on  eft  preffe ,  on  porte  les  marchandifes  en- 
formées  dans  une  étuve  ou  cabinet  échauffé  par  une 
poelle  de  feu  :  il  ne  faut  aux  marchandifes  qu'une 
heure  d'étuve  pour  les  lécher  :  mais  il  vaut  mieux 
les  laiffer  fécher  à  l'air. 

La  troifieme  opération  coniifte  à  les  racoutrer.  Ra- 
coutnr,  n'eft  autre  chofe  que  réparer  les  défauts  que 
les  marchandifes  rapportent,  foit  du  métier  à  bas, 
foit  de  la  foule.  Cette  réparation  fe  fait  à  l'aiguille  8c 
avec  la  même  matière  :  il  faut  qu'elle  foit  la  plus  fo- 
lide  8c  la  plus  propre  qu'il  eft  polîible. 

La  quatrième  opération  eft  le  draper.  Pour  draper," 
on  a  une  broche  double  :  cette  broche  double  eft  une 
efpece  de  fourche  de  fer ,  telle  qu'on  la  vokfg.  5.  On 
a  monté  fur  chaque  fourchon  ,  un  chardon  de  ceux 
cpi'on  appelle  chardon  à  bonnetier  ou  drapier  ou  foulon  ; 
ces  chardons  peuvent  fe  mouvoir  ou  tourner  fur  les 
deux  fourchons,  8c  y  font  arrêtés  par  une  planchette 
qui  en  eft  traverfée ,  &  une  clavette  qui  les  traverfe. 
L'ouvrier  prend  la  queue  de  cette  broche  ou  fourche 
entre  l'index  &  le  doigt  du  milieu  de  fa  droite;  place 
fon  ouvrage  fur  fon  genou  gauche ,  qu'un  petit  mar- 
che-pié  tient  élevé ,  8c  pailè  deffus ,  les  deux  char- 
dons ,  jufqu'à  ce  qu'il  s'apperçoive  qu'il  s'eft  formé 
affez  de  duvet.  Les  chardons  en  roulant  fur  la  mar- 
chandile ,  le  chargent  de  bourre.  Quand  ils  en  ont 
trop ,  on  a  une  carde  telle  qu'on  la  voit  fig.  6.  fur  la- 
quelle on  les  roule ,  ce  qui  s'appelle  débourrer. 

La  cinquième  opération  eft  la  tonte.  Cette  opéra- 
tion eft  très-délicate ,  &  il  faut  une  certaine  habitude 
pour  aller  vite  &c  ne  pas  tondre  en  échelle  ou  inéga- 
lement :  pour  cet  effet  le  tondeur  fe  ceint  d'une  cein- 
ture telle  qu'on  la  voit  f  g.  8  ;  elle  a  une  boucle  or- 
dinaire à  ion  extrémité ,  8c  elle  traverfe  un  morceau 
de  bois  fait  en  cœur,  dont  on  auroit  coupé  la  pointe, 
&  au  milieu  duquel  on  auroit  pratiqué  une  ouverture 
quarrée.  Il  arrête  ce  morceau  de  bois ,  qu'on  appelle 
couffinet,  fur  ion  flanc  droit.  Il  prend  dans  fa  main 
gauche  un  rouleau  ou  morceau  de  bois  rond,  cou- 
vert de  ferge ,  qu'on  vohfig.  1 0.  Ce  rouleau  ou  mor- 
ceau de  bois  a  un  pié  de  long  fur  quatre  pouces  de 


BON 


BON 


diamètre,  îl  place  fon  ouvrage  fur  ce  ronlcirn ,  en  tra- 
vers ,  ii  c'eit  un  bas  ;  il  appuie  la  longue  bi  anche  dé 
fes  cifeaux  dans  l'ouverture  du  couffinet;  il  les  faifit 
toutes  deux,  &  failaru  ouvrir  &  fermer  rapidement 
fon  cifeau  ,  il  enlevé  de  dciîiis  l'ouvrage  les  gros- 
poils  ,  oblervant  de  tourner  peu  à  peu  le  rouit. ai , 
afin  que  la  furface  de  l'ouvrage  à  tondre  fiiccede  à 
la  furface  tondue  ,  &  fe  préiente  eontinuement  au 
cifeau. 

On  appelle  bourre ,  tant  la  laine  enlevée  au  char- 
don, que  celle  qui  vient  du  cifeau  ;  ce  produit  du  dra- 
per &  de  la  tonte  fert  à  remplir  les  dents  des  cardes 
neuves ,  quand  on  craint  qu'étant  trop  longues  elles 
ne  déchirent  la  lAie.  On  la  vend  aufa  à  des  ouvriers 
qui  ont  trouvé  le  fecret  d'en  faire  une  forte  de  ta- 
pifferie  qu'on  appelle  tontijje.  La  bourre  vaut  quatre 
fous  la  livre. 

Il  elt  étonnant  qu'on  ait  trouvé  un  emploi  à  la 
bourre  de  la  laine,  6c  qu'on  n'en  ait  pas  encoie  trou- 
vé à  la  recoupe  de  la  gaj'e  ;  l'un  pourtant  me  iemble 
bien  plus  facile  que  l'autre.  On  entend  par  la  recoupe 
delagafe ,  cette  portion  de  fil  6c  de  ioie  blanche  qui 
s'enlève  au  cifeau  de  deffus  les  pièces ,  quand  elles 
font  fabriquées  ,  pour  en  taire  paroître  les  fleurs , 
voye{  Gase  :  on  brûle  cette  matière  ou  cet  amas  de 
petits  fils  plus  blancs  que  la  neige.  Cependant  il  n'eit 
perfonne  à  qui  il  ne  vienne  en  penfée  qu'on  en  pour- 
rait très-bien  faire  ufage  dans  les  papeteries  :  peut- 
être  que  du  papier  fabriqué  en  entier  de  cette  ma- 
tière leroit  caÛant  ;  mais  ïi  on  la  mêlangcoit  avec  le 
chiffon ,  je  ne  doute  point  quelle  ne  contribuât  à  la 
blancheur  &  à  la  finefle  :  j 'invite  les  fabriquans  de 
papier  à  en  faire  l'eflai.  Si  cet  effai  réuflifioit ,  il  y 
auroit  un  gain  conliciérable  à  taire  pour  les  premiers 
entrepreneurs;  car  ces  bouts  de  fil  6c  de  lbie  forment 
au  bout  de  Tan ,  dans  l'atteher  d'un  galicr  un  peu  oc- 
cupé ,  une  malle  tres-confidérable ,  6c  ils  le  donnent 
pour  rien  ou  pour  très-peu  de  chofe. 

La  Jlxieme  opération  eil  la  teinture.  Après  la  tonte 
on  teint  ou  l'on  envoyé  à  la  teinture  les  ouvrages 
faits  de  laine  blanche  ;  car  pour  ceux  qui  lont  fabri- 
qués de  laines  déjà  teintes ,  ils  relient  de  la  couleur 
qu'on  a  cardé  la  iaine.  Voye^  fur  le  mélange  des  lai- 
nes teintes  propres  à  produire  la  couleur  qu'on  de- 
fire,  C  article  D  RAPE  RI  t.  Foye^  «a^ï  TEINTURE. 

Septième  opération.  Il  faut  rappréter  les  marchan- 
difes  paliées  à  la  teinture.  On  entend  par  rappréter, 
reparler  au  chardon  légèrement ,  ce  qu'on  appelle 
éclaircir,  £c  tondre  enfuite. 

Huitième  opération.  Quand  les  marchandifes  ont 
pafle  par  toutes  les  opérations  précédentes  ,  on  les 
prefle  ou  on  les  catit.  La  prefle  des  Bonnetiers  n'a  rien 
de  particulier  ;  elle  rellemble  à  celle  des  relieurs  6c 
de  quelques  autres  ouvriers.  L'action  de  la  prefle  eft 
de  rendre  les  marchandifes  moins  épaiffes ,  6c  de  leur 
donner  un  œil  plus  fin.  Catir ,  c'elt  chauffer  modéré- 
ment fur  une  poelle  pleine  de  feu  ,  qu'on  appelle  ca- 
tijfoire.  La  catillbirc  renfle  la  laine,  &  donne  à  la  mar- 
chandée un  air  plus  moelleux  &  plus  chaud  ,  mais 
plus  épais,  ce  qui  ne  plaît  pas  à  tout  le  monde. 

Il  ne  relie  plus  au  Bonnetier  après  cela,  qu'à  ren- 
fermer fa  marchandée  dans  des  ai  moires,  &  à  veil- 
ler à  ce  que  les  vers  ne  s'y  mettent  point. 

La  Bonneterie  de  Paris  eil  fans  contredit  une  des 
meilleures  de  l'Europe,  6c  la  meilleure  du  royaume. 
La  crainte  qu'elle  ne  perdît  de  Ion  crédit  par  de  mau- 
vais ouvrages  diftribués  liir  Ion  compte  ,  détermina 
fa  Majellé  à  ordonner  à  trois  rcpriles  différentes  ,  en 
171 3  ,  16  6c  11 ,  que  les  marchandées  de  bonneterie  , 
qui  fe  prélenteroient  à  l'entrée  de  Paris,  feraient  vi- 
fitées  à  la  douane  ;  ce  pour  cet  effet  il  fut  cnjojnt  i° 
au  commis  des  portes  6c  barrières  de  Paris ,  lous  peine 
d'interdicïion  pendant  un  mois,  6c  ae  îévocation  en 
cas  de  récidive,  d'envoyer  au  bureau  de  la  douane 


327 


tous  les  marchands  forains ,  voituriers ,  conducteurs 
de  coches ,  &  meffagers  qu'ils  trouveiont  chargés  de 
bonneterie ,  tant  au  métier  qu'à  l'aiguille,  de  leur  dé- 
livrer des  envois  ,  d'en  prendre  des  gages  propor- 
tionnes à  la  quantité  des  marchandifes ,  &  même  de 
les  conduire:  i°  en  cas  qu'il  fe  trouvât  des  gens  en 
contravention  ,  de  faifir  6c  de  dreffer  procès-verbal 
&  rapport  de  1  aine ,  dans  les  vingt-quatre  heures  : 
3°  au  lieutenant  de  police  d'ordonner  en  ces  conjonc- 
tures ce  qu'il  appartiendra  :  4°  que  le  tiers  des  mar- 
chandrfes  pnfes  en  fraude,  lbit  adjugé  aux  commis. 

La  Bonneterie  forme  le  cinquième  des  fix  corps  des 
marchands  de  Paris.  Il  a  droit  de  vendre  bonnets  de 
drap  ,  de  laine  ,  bas ,  gants ,  chauffons  ,  camifoles  , 
caleçons,  &  autres  femblables  ouvrages  faits  au  mé- 
tier ,  au  tricot ,  à  l'aiguille ,  en  laine ,  fil ,  lin ,  pod  , 
calïor ,  coton ,  6c  autres  matières  ourdiffables. 

Les  Bonnetiers  entendent  par  des  bas  caflors  ,  ou 
autres  ouvrages  défignés  fous  ce  nom,  ceux  qui  font 
faits  avec  de  la  laine  filée  &  torfe ,  enfuite  avec  de  la 
foie.  Ces  marchandifes  fe  traitent  au  fortir  des  mains 
du  fabriquant ,  précifément  comme  fi  elles  étoient 
toute  laine. 

Dans  les  ftatuts  de  la  Bonnetere,  accordés  par  Hen- 
ri IV.  en  1608  ,  les  marchands  bonnetiers  font  appel- 
lés  Aulmulciers  -  mitoniers  ;  parce  qu'anciennement 
c'étaient  eux  qui  faifoient  des  aulmulces  ou  bonnets 
propres  pour  la  tête  quand  on  alloit  en  voyage,  &C 
qu'ils  vendoientdes  mitaines.  Fcye{  Aumusse.  Sui- 
vant ces  ftatuts  ,  on  ne  peut  être  reçu  dans  le  corps 
avant  vingt-cinq  ans,  &  fans  avoir  travaillé  cinq  ans 
en  qualité  d'apprenti ,  &  cinq  autres  années  en  quali- 
té de  compagnon  ,  6c  fans  avoir  fait  chef-d'œuvre. 

La  Bonneterie  a  fes  armoiries  ;  elles  font  d'azur ,  à 
la  toifon  d'argent ,  furmontée  de  cinq  navires  aulfi 
d'argent ,  trois  en  cher*  &  deux  en  pointe  ;  &  une 
confrairie  établie  en  l'églife  de  S.  Jacques  de  la  Bou- 
cherie ,  fous  la  protection  de  S.  Fiacre. 

Il  y  a  à  la  tète  du  corps  fix  maîtres  ou  fix  gardes. 
Trois  font  appelles  anciens.  Le  plus  ancien  des  trois 
s'appelle  le  premier  ou  le  grand  garde  ;  les  trois  autres 
font  nommés  nouveaux  gardes..  On  ne  peut  être  élu 
premier  garde,  qu'on  n'ait  été  nouveau  garde. 

L'éledion  de  deux  gardes  fe  fait  tous  les  ans  après 
la  S.  Michel ,  au  bureau  de  la  Bonneterie;  lavoir,  d'un 
ancien  pour  la  féconde  fois ,  6c  d'un  nouveau  pour 
la  première  fois  ;  enforte  qu'il  en  fort  deux ,  le  grand 
garde ,  &  le  premier  des  trois  nouveaux.  L'éleftion 
i'e  fait  à  la  pluralité  des  voix,  en  prélence  du  procu- 
reur du  Roi  du  châtelet ,  &  d'un  greffier. 

Les  fix  gardes  portent  en  cérémonie  la  robe  con- 
fulaire  ,  c'elt-à-dire ,  la  robe  de  drap  noir,  à  collet , 
à  manches  pendantes ,  à  paremens  6c  bord  de  velours 
noir. 

Dans  les  comptes  que  les  gardes  ont  à  rendre,  ils 
font  entendus  par  lix  anciens  hors  de  charge ,  nom- 
més à  la  pluralité  des  voix. 

Quand  un  ancien  garde  décède ,  les  quatre  der- 
niers gardes  en  charge  font  tenus  d'affilier  en  robe 
à  fon  convoi ,  &  de  tenir  chacun  un  des  coins  du 
poîle  ,  qui  ell  fourni  par  le  bureau  ,  avec  fix  flam- 
beaux de  cire  blanche,  auxquels  font  attachées  les 
armoiries  du  corps. 

Ce  cinquième  corps  s'cfl  accru,  en  1716,  de  la 
communauté  des  maîtres  bonnetiers  &  ouvriers  au 
tricot  des  faubourgs. 

Cette  réunion  occafionna  dans  la  fuite  des  con- 
tellations  ;  ces  contellations  augmentèrent  encore 
quand  la  communauté  le  fut  accrue  des  taileurs  de 
bas  au  métier.  Ce  fut  pour  terminer  tous  ces  démê* 
lés,  occalionnés  par  les  différens  réglemens  qu'a  voit 
chacun  de  ces  corps  avant  la  réunion ,  6c  qu'il  pré? 
tendoit  conferver  après ,  qu'il  fut  ordonne  par  un 


3i3 


BON 


arrêt  du  confeil  de  1716,  qui  n'eut  fon  effet  qu'en 

i°  Que  la  communauté  des  bonnetiers  de  fau- 
bourgs fera  éteinte  &  reliera  unie  au  corps  des  Bon- 
netiers, v 

2°  Que  les  maîtres  des  faubourgs  reçus  avant  la 
réunion  ,  feront  réputés  maîtres  de  la  ville ,  &c  pour- 
ront y  tenir  boutique. 

3°  Qu'ils  jouiront  eux,  leurs  veuves  &  leurs  en- 
fans  ,  des  droits  des  Bonnetiers  de  Pans. 

40  On  peut  voir  le  relie  de  ces  réglemens  dans 
le  diftionnaire  du  Commerce ,  avec  les  huit  articles 
qu'on  fut  obligé  d'y  ajouter  lors  de  la  réunion  des 
fabriquans  de  bas  au  métier  ,  aux  Bonnetiers  de  la 
ville  &  des  faubourgs.  Voyei  au£i  l'article  Bas  au 
MÉTIER. 

Je  finirai  cet  article  par  un  fait  qui  pourra  être  de 
quelqu'utilité  à  d'autres  marchands  bonnetieis  qu'au 
iieur  Pichard.  Il  ell  confiant  qu'il  n'y  a  point  de  iou- 
loire  bien  entretenue ,  qui  ne  conlomme  au  moins 
pour  dix  fous  d'eau  par  jour ,  &  un  marchand  bonne- 
tier peut  avoir  chez  lui  jufqu'à  ûx ,  huit ,  dix  fouloi- 
res ,  ce  qui  fait  pour  l'eau  feulement  un  objet  allez 
considérable.  Le  Sr  Pichard  parloit  un  jour  de  cette 
dépenle,  devant  un  aveugle  de.nailïance  déjà  connu 
(dont  il  s'agit  dans  la  Lettre  fur  les  aveugles  6c  dans 
l'art.  Aveugle  ),  &  cet  aveugle  lui  donna  un  con- 
feil  dont  on  ne  s'étoit  pas  encore  avifé  depuis  qu'on 
fait  de  la  bonneterie  :  ce  fut  de  lé  fervir  de  l'eau  de 
fon  puits  ;  cela  n'étoit  pas  difficile  à  trouver ,  diront 
ceux  qui  ignorent  que  l'eau  de  puits  ell  très-dure  & 
fe  charge  ii  difficilement  de  favon ,  qu'il  n'ell  pas  pol- 
fible  d'en  faire  mage  en  bonneterie.  Mais  notre  aveu- 
gle l'avoit  très-bien ,  par  l'ufage  qu'il  avoit  de  la  dif- 
tillation,  que  cette  même  eau  de  puits  diltillée  deve- 
noit  très-pénétrante ,  le  chargeoit  de  favon  avec  une 
extrême  facilité  ,  &  en  demandoit  même  beaucoup 
moins  que  l'eau  de  rivière ,  pour  produire  le  même 
effet. 

Il  l'avoit  encore  que  le  travail  de  la  bonneterie  de- 
mandoit que  l'on  tint  perpétuellement  du  feu  fous  la 
chaudière  qui  fournit  de  l'eau  aux  fouloires.  Il  con- 
feilia  donc  au  fieur  Pichard  de  placer  un  grand  alem- 
bic  entre  deux  chaudières,  qui  recevroient  l'eau  qui 
s'en  dillilleroit,  &c  qui  la  rendraient  dans  les  fouloi- 
res. L'alembic  de  la  fouloire  du  Sr  Pichard  ell  d'une 
forme  Singulière  ;  il  ell  concave  en-deflbus,  &  op- 
pofe  une  large  furface  au  feu  ;  il  s'en  élevé  perpétuel- 
lement une  malle  conlidérable  de  vapeurs  ;  il  ell  pla- 
cé de  façon  qu'il  ell  échauffé  par  le  feu  même  qui  en- 
tretient la  chaleur  des  chaudières ,  &  il  fournit  aux 
fouloires  de  l'eau  qui  ne  coûte  rien ,  qui  épargne  le 
favon ,  &  qui  foule  mieux  que  l'eau  de  rivière. 

BONNETIER,  f.  m.  celui  qui  vend ,  fabrique  ou 
fait  fabriquer  des  bonnets ,  des  bas  ,  &  autres  ou- 
vrages de  bonneterie. 

Le  corps  des  Bonnetiers  de  Paris  ell  compofé  de 
trois  autres  ,  dont  la  réunion  s'eil  laite  fucceffive- 
ment  ;  du  corps  des  Bonnetiers-Aulmulciers-Mitoniers, 
qui  faifoientle  cinquième  des  fix  corps  des  marchands, 
&  ne  travailloient  que  dans  la  ville  ;  du  corps  des 
Bonnetiers  au  tricot  des  faubourgs  ;  &  du  corps  des 
Faifeursde  bas-au-métier.  Voye^  Part.  Bonneterie 
<S-  Bas-au-metier. 

BONNETTE ,  terme  de  Fortification ,  ell  une  efpe- 
ce  d'angle  laillant  que  l'on  conltruit  dans  un  liège  au 
pié  du  glacis.  Cet  ouvrage  s'appelle  plus  communé- 
ment/tv/*.  Voye{  Flèche.  (Q) 

Bonnette  ,  f.  f.  (  Marine.  )  ce  font  de  petites  voi- 
les dont  on  le  fert  lorfqu'il  y  a  peu  de  vent  ;  on  les 
ajoute  aux  autres  voiles  duvaiileau  pour  les  aggran- 
dir ,  ou  on  les  met  en  particulier  pour  avoir  plus 
grand  nombre  de  voiles. 

Bonnettes  maillées.  Ces  bonnettes  lervent  à  allon- 


BON 

ger  les  baffes  voiles  pour  aller  plus  vite  quand  il  fait 
beau  tems  :  on  les  attache  à  des  mailles ,  c'eiî-à-dire, 
à  des  œillets  qui  font  près  de  la  ralingue  ,  après  quoi 
on  amarre  les  écoutes  aux  points  des  bonnettes. 
■  Secondes  bonnettes  maillées.  On  les  lace  encore  aux 
bonnettes  maillées  par-deffous.  Ce  font  les  Hollandois 
qui  le  fervent  de  fécondes  bonnettes. 

Bonnettes  maillées  des  huniers. 

Bonnettes  en  étui,  mifene  en  étui ,  coutelas.  Ce  font 
de  petites  voiles  qui  ont  la  figure  d'un  étui ,  &  qui  fe 
mettent  par  le  bout  le  plus  étroit  à  chaque  extrémité 
des  vergues ,  fur  des  pièces  de  bois  qu'on  nomme  bou- 
te-hors  ;  ainlî  elles  régnent  le  long  des  côtés  des  deux 
baffes  voiles  &  des  huniers.  On  n#met  les  bonnettes 
en  étui  que  loi  i  que  la  mer  ell  unie ,  &  le  vent  pas  trop 
frais. 

Lacer  la  bonnette,  c'efi  l'amarrer  fous  la  voile  avec 
de    éguillettes  qui  la  lacent  dans  les  œillets. 

Délacer  ,  déranger  ,  démailler  la  bonnette  ,  c'efl  la 
détacher  de  la  voile  où  elle  étoit  attachée. 

BONNETTE  lardée,  (Marine.)  larder  la  bonnette; 
c'elt  une  pratique  des  calfateurs  :  quand  un  vaiffeau 
a  une  voie  d'eau ,  &  qu'ils  ne  connoiffent  point  l'en- 
droit  où  eue  ell ,  pour  ia  trouver  ils  lardent  une  bon- 
nette av  :c  ue  l'etoupe  ,  qu'on  pique  lur  la  voue  avec 
du  fil  à  voile  ,  &  après  avoir  mouillé  la  bonnette,  ils 
jettent  de  la  cendre  ou  de  la  poulïiere  fur  ces  bouts 
de  fil  de  caret  6c  à  étoupe ,  afin  de  leur  donner  un  peu 
de  poids  pour  taire  enloncer  la  bonnette  dans  l'eau  : 
en  cet  état  ils  la  delcendent  dans  la  mer,  &  la  pro- 
mènent à  llnbord  &  à  bas-bord  de  la  quille ,  jufqu'à 
ce  qu'elle  fe  trouve  oppofée  à  l'ouverture  qui  efl 
dan:>  le  bordage  ,  &qui  lorme  la  voie  d'eau  ;  car  alors 
l'eau  qui  court  pour  y  entrer  pouffe  la  bonnette  con- 
tre le  trou  ;  ce  qui  fe  connoît  par  une  elpece  de  ga- 
fouillement  ou  de  ffémiffement  que  font  la  bonnette 
&  la  voie  d'eau.  Les  matelots  pour  exprimer  ce  bruit 
ou  gafouillementj  dilent  que  la  bonnette  Jupe.  (Z) 

BONNEVAL,  (Géog.)  vdle  de  France  dans  la 
Beauce ,  fur  le  Loir ,  à  trois  lieues  de  Châteaudun.  Il 
y  a  une  belle  abbaye  de  l'ordre  de  S.  Benoit.  Lon. 
l<).  j.  lat.  48.  zo. 

BONNEVILLE ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Suiffe 
dans  le  canton  de  Baie  ,  lur  un  lac. 

BONONIA ,  {Géog.  anc.  &  mod.)  ville  de  la  baffe 
Pannonie ,  qu'on  croit  être  notre  fionmonller  lur  le 
Danube ,  ou  Sophie.  Il  y  a  plulîeurs  autres  villes  an- 
ciennes du  même  nom. 

*  BONOSIAQUES  okBONOSIENS,  Hijl. 
eccléf.  c'ell  le  nom  de  certains  hérétiques  du  ive  lie- 
cle ,  qui  paroiffent  avoir  été  dans  les  erreurs  des  Pho- 
tiniens.  ^byeç  BONOSIENS. 

*  BONOSIENS ,  f.  m.  (  Hijl.  eccléf.  )  nom  d'une 
fecle  que  Bonofe  évèque  de  Macédoine  renouvella 
au  ive  liecle.  Ses  erreurs,  de  même  que  celles  de 
Photin  ,  confiftoient  à  foùtenir  que  la  Vierge  avoit 
ceffé  de  l'être  à  l'enfantement.  Le  pape  Gelale  les 
condamna.  Comme  ils  baptifoient  au  nom  de  la  Tri- 
nité ,  on  les  recevoit  dans  l'Eglile  fans  baptême  ;  au 
lieu  que  le  fécond  concile  d'Arles  veut  que  les  Pho- 
tiniens  ou  Paulianilles  foient  rebaptilés  ;  ce  qui  con- 
ïlitue  quelque  différence  entre  ces  derniers  héréti- 
ques &  les  Bonofiens.  Voy.  Photiniens  ou  Paulia- 
N1STES. 

*  BONS-CORPS  ,  f.  m.  pi.  (  Hijl.  mod.  )  c'ell  le 
nom  qu'on  donna  à  une  milice  levée  par  François  II. 
duc  de  Bretagne,  dans  la  guerre  qu'il  eut  en  1468 
contre  Louis  XI.  Ce  duc,  en  attendant  les  fecours 
que  le  Roi  d'Angleterre  devoit  lui  fournir ,  fit  lever 
dix  mille  hommes  de  nouvelle  milice  ,  compolée  de 
gens  du  commun  :  on  choififfoit  les  plus  robulles 
qu'on  pouvoit  trouver  ;  c'elt  ce  qui  les  rit  nommer 
bons-corps. 

*  BON-SENS ,  f.  m.  (  Métaphyfique.  )  c'ell  la  me- 

Cure 


BON 


BON 


%i<) 


fùre  de  jugement  &  d'intelligence  avec  laquelle  tout 
homme  eft  en  état  de  le  tirer  à  fon  avantage  des  af- 
faires ordinaires  de  la  fociété. 

Otez  à  l'homme  le  bon-fins ,  &  vous  le  réduirez  à 
la  qualité  d'automate  ou  d'enfant.  Il  me  femble  qu'on 
exige  plutôt  dans  les  enfans  de  l'efprit  que  du  bon- 
fins;  ce  qui  me  fait  croire  que  le  bon-fiens  fuppofe  de 
l'expérience ,  &  que  c'eft  de  la  faculté  de  déduire  des 
expériences,  qu'on  fait  le  plus  communément  les 
inclusions  les  plus  immédiates.  Il  y  a  bien  de  la  diffé- 
rence dans  notre  langue  entre  un  homme  de  Cens  &c 
un  homme  de  bon-fins  :  l'homme  àefiens  a  de  la  pro- 
fondeur dans  les  connoiffance  ,  &  beaucoup  d'exac- 
titude dans  le  jugement  ;  c'eft  un  titre  dont  tout  hom- 
me peut  être  flatté  :  l'homme  de  bon-fiens  au  contrai- 
re paffe  pour  un  homme  fi  ordinaire ,  qu'on  croit 
pouvoir  fe  donner  pour  tel  fans  vanité.  Au  refte  il 
n'y  a  rien  de  plus  relatif  que  les  termes  fiens  ,  fiens- 
tommun ,  bon-fiens  ,  efprit ,  jugement ,  pénétration  ,fa- 
gacité,  génie  ,  &  tous  les  autres  termes  qui  marquent 
îoit  l'étendue ,  foit  la  forte  d'intelligence  de  chaque 
homme.  On  donne  ou  l'on  accorde  ces  qualités ,  fé- 
lon qu'on  les  mérite  plus  ou  moins  foi-même. 

BONS  -  HOMMES  ,  f.  m.  (  Hiji.  eccléj]  )  religieux 
établis  l'an  1 159  en  Angleterre  par  le  prince  Edmond; 
ils  profeffoient  la  règle  de  S.  Augultin ,  &  portoient 
un  habit  bleu.  Sponde  croit  qu'ils  fuivoient  Pinftitut 
du  bienheureux  Jean  le  Bon  qui  vivoit  en  ce  fiecle. 
On  donna  en  France  ce  nom  aux  Minimes,  à  caufe  du 
nom  de  bon-homme  que  Louis  XI.  avoit  coutume  de 
donner  à  S.  François  de  Paule  leur  fondateur.  Les  Al- 
bigeois affeûoient  auffi  de  prendre  ce  même  nom  de 
bons-hommes.  Polydore  Virgile,  Ni  fi  Angl.  liv.  XVI. 
Sponde ,  A.  C.  i%5g.  n.  cj.  Voye{  Minimes.  (G  ) 

*  BONTANS ,  f.  m.  (  Commerce.  )  étoffes  ou  cou- 
vertures de  coton  rayées  de  rouge  fabriquées  à  Can- 
tor.  Les  Européens  en  font  le  commerce  avec  d'au- 
tres peuples  des  côtes  d'Afrique. 

BONTÉ  ,  f.  f.  (Morale.  )  La  bonté  morale  confifte 
en  deux  points  :  le  premier,  ne  pas  faire  du  mal  à  nos 
fimblablts  ;  le  fécond,  leur  faire  du  bien. 

iv.  Ne  point  faire  à  autrui  ce  que  nous  ne  vou- 
drions pas  qu'on  nous  fît  ;  voilà  la  règle  qui  détermi- 
ne quelle  forte  de  traitemens  la  nature  nous  interdit 
à  l'égard  du  refte  des  hommes.  Tout  ce  qui  fait  à 
nous-mêmes,  nous  paroîtroit  dur,  barbare,  &  cruel, 
eft  compris  dans  la  prohibition  :  mais  cette  maxime , 
d'un  uiage  iî  étendu,  eft  bien  reftreinte  dans  l'appli- 
cation qu'on  en  fait  :  la  plupart  des  hommes  le  con- 
duifent  les  uns  avec  les  autres ,  comme  s'ils  étoient 
perfuadés  qu'elle  ne  dût  avoir  lieu  qu'entre  amis. 

Lorique  la  paffion  vous  porte  à  quelque  violence 
contre  un  autre  homme ,  jettez  les  yeux  fur  lui , 
pour  y  voir  l'empreinte  de  la  main  divine,  &  votre 
propre  reiTemblance  ;  ce  fera  dequoi  rallentir  votre 
emportement.  Ne  dites  point  à  Dieu  ce  que  Cain  lui 
dit  :  m\ivc7-vous  donné  mon  frère  en  garde  ?  Oui  ians 
doute,  il  vous  l'a  donné  en  garde  ;  &c  non-ieulement 
il  vous  défend  de  lui  faire  aucun  mauvais  traitement, 
mais  il  vous  ordonne  même  de  le  fervir  de  tout  vo- 
tre pouvoir. 

i°.  Lorfqu'on  eft  officieux  &  bienfaifant  pour  fes 
parais  ,  fes  bienfaiteurs  ou  les  amis ,  on  le  croit  gé- 
néreux ,  quoique  d'ailleurs  dur  &£  indifférent  pour 
tout  le  refte  des  hommes  ;  6c  l'on  n'efl  pas  même  cha- 
ritable ;  qualité  cependant  bien  en-deçà  de  la  géné- 
rofité  ,  qui  eft  le  comble  &  la  perfection  de  toutes 
les  autres  vertus  fociales.  En  pratiquant  celles-ci  on 
ne  fait  qu'éviter  les  défauts  contraires  placés  tout 
près  d'elle  :  mais  la  généralité  nous  éloigne  bien  plus 
du  vice  ,  puiiqu'elle  laille  pour  intervalle  entr'elle  & 
lui  toutes  les  vertus  de  précepte.  La  généralité  eft  un 
degré  de  perfection  ajouté  aux  vertus  par-deflus  celui 
cuie  preferit  indifpenfablement  la  loi,  Faire  pour  fes 
Tome  II, 


femblables  précifément  ce  qu'ordonne  la  loi ,  ce  n'eft 
pas  être  généreux  ;  c'eft  Amplement  remplir  l'on  de- 
voir. 

Mais  la  charité ,  ou  ce  qui  eft  la  même  chofe ,  cet- 
te affeft ion  générale  que  nous  devons  à  tous  les  hom- 
mes ,  n'eft  pas  une  vertu  de  furérogation  :  vous  ne 
ferez  que  fatisfaire  à  ce  que  l'humanité  vous  impofe, 
fi  rencontrant  un  inconnu  que  des  alTaffins  ont  blef- 
fé,  vous  vous  en  approchez  pour  panier  fes  plaies  : 
le  befoin  qu'il  a  de  votre  fecours  eft  une  loi  qui  vous 
oblige  à  le  fecourir.  Un  indigent  eft  preffé  par  la 
faim  ;  vous  ne  ferez  que  payer  une  dette  en  appai- 
fant  fon  befoin.  Les  pauvres  font  à  la  charge  de  la  fo- 
ciété ;  tout  le  fuperflu  des  riches  eft  affeclé  de  droit 
à  leur  fubfiftance.  Et  ne  plaignez  pas  même  le  fe- 
cours que  vous  leur  donnez  ,  quand  il  feroit  le  prix 
de  vos  fueurs  &c  de  pénibles  travaux  :  quoi  qu'il 
vous  coûte  ,  il  leur  coûte  encore  plus  :  c'eft  l'acheter 
bien  cher  que  de  le  recevoir  à  titre  d'aumône. 

Voulez -vous  apprendre  en  deux  mots  jufqu'oîi 
s'étendent  les  bons  offices  que  vous  devez  à  vos  fem- 
blables ?  en  voici  la  mefure.  Faites  à  autrui  ce  que 
vous  voudriez  qu  on  vous  fît.   (-ST) 

BONTlA,{.  f.  (Hifi.  nat.  bot.  )  genre  de  plante 
dont  le  nom  a  été  dérivé  de  celui  de  Jacques  Bontit 
médecin.  La  fleur  de  ce  genre  de  plante  eft  monopé- 
tale ,  en  mafque  ;  la  lèvre  fupérieure  eft  relevée  ,  Se 
l'inférieure  divifée  en  trois  parties.  Il  s'élève  du  ca- 
lice de  la  fleur  un  piftil  qui  eft  attaché  comme  un  clou 
à  la  partie  poftérieure  de  la  fleur ,  &  qui  devient 
dans  la  fuite  un  fruit  ovoïde,  mou  ,  &  plein  de  fuc. 
Ce  fruit  renferme  un  noyau  oblong ,  dans  lequel  il  y 
a  une  amende  de  la  même  figure.  Plumier ,  Nova, 
plant.  Amer.  gen.  Voye^  Plante.   (/) 

BONUS  EVENTUS ,  le  bonfiucces ,  (  Myth.  )  di- 
vinité principalement  honorée  chez  les  anciens  par 
les  laboureurs ,  &  qu'on  mettoit ,  félon  Vairon ,  au 
nombre  des  douze  dieux  qui  préiïdoient  à  l'agricul- 
ture :  félon  d'autres ,  il  étoit  auffi  l'un  des  douze  dieux 
nommés  confientes,  qui  étoient  admis  au  confeil  de 
Jupiter.  Il  avoit  un  temple  à  Rome  ;  &  dans  plufieurs 
médailles  du  haut  empire  on  voit  la  figure  de  ce 
dieu,  avec  ces  diverfes  légendes  :  bonus  eventus, bono 
éventai ,  eventus  Aug.  il  y  eft  repréfenté  nud  proche 
d'un  autel ,  tenant  d'une  main  une  patere  ,  de  l'au- 
tre des  épis  &  des  pavots.  Une  ancienne  infcriptlon 
porte  :  bono  eventui.  aponia.  C.  F.  montana.  fiacerdos 
divar.  augufiar.  col.  Aug.fir.  editis.  ob  honorem  fiacerd, 
circenfibus.  Pline  rapporte  qu'à  Rome  dans  le  capitu- 
le il  y  avoit  une  ftatue  de  ce  dieu ,  de  la  main  de  Pra- 
xitèle ;  &  il  ajoute  qu'Euphranor ,  autre  fameux  fcul- 
pteur  Grec  ,  fit  une  ftatue  du  bonus  eventus,  tome  rel- 
iémblante  à  la  figure  qu'on  en  trouve  furies  médail- 
les. (6) 

BONZES,  Hip.mod.)  philofophes&miniftresde 
la  religion  chez  les  Japonois.  Ils  ont  des  univerlités 
où  ils  enfeignent  les  feiences  &  les  myfteres  de  leur 
fefte  ;  &  li  l'on  en  croit  un  Jéfuite ,  auteur  de  Phif- 
toire  de  l'Eglife  du  Japon  ,  ils  ont  difputé  avec  autant 
de  force  que  de  fubtilité  contre  nos  plus  favans  mif- 
fionnaires.  Les  auteurs  font  fort  partagés  fur  ce  qui 
concerne  leurs  mœurs;  les  uns  nous  dépeignent  les 
bonnes  comme  des  cyniques  abandonnés  aux  plus  in- 
fâmes defordres;  d'autres  au  contraire  affûrent  qu'ils 
gardent  la  continence  ,  vivent  en  commun,  &  qu'if 
y  a  des  couvens  de  tilles  de  leur  ordre.  Ilsreconnoif- 
fent  pour  leur  chef  un  certain  Combadaxi ,  qui  leur 
enfeigna  les  premiers  principes  des  arts  &  des  lcien- 
ces  ,  &  dont  ils  attendent  la  venue  dans  des  millions 
d'années  ;  car,  à  les  en  croire,  il  n'eft  point  mort,  & 
n'a  fait  que  difparoitrc  de  deffus  la  terre.  On  don- 
ne auffi  le  nom  de  bonnes  aux  prêtres  de  plulieurs 
autres  peuples  des  Indes  orientales.   (G) 

*  Un  empereur  de  la  famille  des  Tangs  fît  détruire 

Tt 


33° 


BOR 


une  infinité  de  monafteres  de  bonnes  ,  fur  un  princi- 
pe qu'il  tenoit  de  les  ancêtres  :  c'eft  que  s'il  y  avoit 
un  homme  qui  ne  labourât  point ,  ou  une  femme  qui 
ne  s'occupât  point,  il  falloit  que  quelqu'un  fouftnt  le 
froid  &  la  faim  dans  l'empire.  Voyei  l'£fp.  des  lois  , 
•tome  II. 

BOOPE  ,  (  Hift.  nat.  )  voyei  BOGUE. 

*  BOOPIS ,  (  Myth.  )  furnom  de  Junon ,  formé  de 
Çcuç,  bœuf,  &  de  «4,  «il.  Junon  fut  furnommée  la 
déifie  aux  yeux  de  bœuf,  à  caufe  de  fes  grands  yeux. 

*  BOOT ,  (  Géog.  )  île  d'Ecoffe  dans  fa  partie  mé- 
ridionale, dans  le  golfe  de  Cluyd,  entre  le  pays  d'Ar- 
gyle  &  l'île  d'Aran. 

*  Boot,£  m.  (  Hi(l.  mod.  )  on  nomme  ainfi  en 
Efpagne  un  tonnelet  à  mettre  du  vin  :  il  eft  fort  en 
ufage  pour  tranfporter  les  vins  de  Xérès. 

BOPFINGEN,  (  Géog.  )  petite  ville  libre  Se  im- 
périale d'Allemagne  dans  la  Souabe,  fur  l'Eger.  Lon. 
zy.  30.  lat.48.  Si. 

■  BOPPART,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Allemagne  du 
cercle  du  bas  Rhin  ,  dans  l'archevêché  de  Trêves , 
autrefois  impériale,  mais  unie  à  l'élettorat  de  Trêves 
en  1494.  Elle  eft  au  pié  d'une  colline  fur  les  bords 
du  Rhin  ,  près  des  monts  de  Pedernach  ,  à  3  lieues 
de  Coblentz.  Long.  z5.  10.  lat.  5o.  19. 

BOQUELLE ,  f.  f.  (  Commerce.  )  c'ell  le  nom  que 
les  peuples  d'Egypte  donnent  au  daller  ou  écu  de 
Holiande.  Voye\  Daller. 

*  BOQUETEAU  ,  f.  m.  (  terme  d'Eaux  &  forêts.) 
c'eft  un  petit  canton  de  bois  planté  en  futaie  ou  en 
taillis  ,  qui  n'excède  pas  cinquante  arpens.  Il  eft 
moindre  que  le  buifîbn ,  Se  le  buiffon  moindre  que  la 
forêt.  Foye{  BUISSON.  Voye^  auffi  Forest. 

*  BOQUILLONS,  f.  m.  ouvriers  occupés  dans  les 
coupes  des  bois  deftinéspour  les  falines.  Ils  font  fou- 
rnis à  l'infpeclion  des  veintres.  foye^  Veintre. 

BORA ,  (  Géog.  )  petite  rivière  de  la  Miihie ,  qui 
fe  jette  dans  l'Elbe ,  près  de  Pirna. 

*  BORACHERA  ,  {Hift.  nat.)  c'eft  un  arbre  des 
Indes  occidentales  ,  qui  porte  des  fleurs  aufîi  blan- 
ches que  des  lis  ,  mais  un  peu  plus  grandes ,  &  d'une 
odeur  très-agréable.  On  dit  qu'en  exprimant  le  lue 
de  fes  feuilles ,  Se  le  mêlant  avec  de  l'eau ,  il  en  ré- 
fuite un  breuvage  qui  a  allez  de  force  pour  enivrer. 

BORAMETS,  ou  BORANETZ.  Voyti  Agnus 

SCYTHICUS. 

BORAU  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Siléfie. 

BORAX  ,  {Hift.  nat.  &  Chimie.  )  c'eft  un  fel  ou* 
fubftance  foffile ,  affez  reffemblante  à  l'alun  ;  il  eft 
blanc  ,  tranfparent ,  compofé  de  cryftaux  à  6  cotés 
tronqués  par  les  deux  bouts  ,  qui  ne  font  ni  fi  longs 
ni  iî  réguliers  que  ceux  du  nitre ,  ni  fi  ferrés  que  ceux 
des  autres  fels.  Le  goût  en  eft  d'abord  allez  doux  : 
mais  il  devient  acre  ,  falin ,  Se  nitreux.  L'odeur  que 
donne  le  borax  eft  affez  fuave  au  commencement  : 
mais  elle  devient  enfuite  alkaline  Se  urineufe  ;  c'eft 
ce  qui  a  donné  lieu  de  le  ranger  au  nombre  des  fels 
alkalis.  Il  ne  fe  diffout  que  dans  de  l'eau  très-chaude. 

Les  anciens  ne  paroiffent  avoir  eu  qu'une  con- 
noiffance  très-imparfaite  du  borax  ;  ils  l'ont  confon- 
du avec  le  nitre  que  les  Grecs  appelloient  àçpor'rrpw , 
comme  on  peut  le  voir  dans  Pline  Se  dans  Diofcori- 
de  :  mais  il  y  a  plufieurs  lîecles  que  ce  fel  eft  connu 
des  Arabes  qui  l'ont  nommé  baurach  ,  dont  il  eft  ailé 
de  voir  que  le  mot  borax  eft  dérivé.  Agricola  l'ap- 
pelle chryfocolla  ,  en  quoi  il  a  été  fuivi  par  beaucoup 
d'auteurs  ;  nom  qui  paroît  lui  avoir  été  donné  à  caufe 
de  l'ufage  qu'on  en  tait  pour  fouder  l'or.  C'eft  mal- 
à-propos  qu'on  a  confondu  le  borax  ,  qui  eft  un  fel 
naturel  avec  le  nitre  qui  n'eft  que  factice  ;  &  M. 
Georiroi  a  très-bien  prouvé  qu'ii  eft  différent  de  la 
chrvfocolle  des  anciens.  Voye{  les  Mémoires  de  VA- 
cadêmie  des  Sciences  ,  année  IJ3~  »  P-  ^49-  Le  peu 
de  lumière  qu'on  a  eu  fur  la  formation  de  ce  fel  a  fuit 


BOR 

croire  à  quelques  auteurs  qu'il  n'étoit  point  une  pro* 
duclion  de  la  nature ,  mais  de  l'art  :  cependant  la 
meilleure  divifion  qu'on  en  puifîe  donner  ,  c'eft  en 
borax  crud  ou  groffler,  &  en  borax  pur  ou  raffiné.  On 
dit  que  la  première  efpece  fe  trouve  dans  les  mines 
d'or  Se  d'argent  des  Indes  ,  de  la  Tartarie  ,  de  la  Per- 
le ,  Se  fur-tout  dans  l'île  de  Ccylan  ,  d'où  les  Anglois 
Se  les  Hollandois  en  apportent  beaucoup.  Il  y  en  a 
de  deux  fortes  ;  l'une  eft  grafïe  Se  rougeâtre ,  l'autre 
eft  grife  Se  verdâtre ,  Se  fe  durcit  à  l'air.  Ce  borax 
qui  fe  trouve  brut  aux  Indes  ,  fe  purifie  en  Europe  ; 
on  donne  la  préférence  à  celui  qui  a  été  raffiné  par 
les  Vénitiens  qui  en  faifoient  autrefois  un  gi  and  dé- 
bit :  tout  le  lecret  conlîftoit ,  dit-on  ,  à  faire  calciner 
le  borax ,  à  le  faire  cuire  Se  fondre  dans  l'eau  avec 
un  peu  de  chaux  vive  ;  on  le  filtroit  enfuite ,  Se  on 
en  faifoit  des  cryftaux  attachés  à  des  mèches  de  co- 
ton comme  le  lucre  candi.  Les  Hollandois  ont  aufîi 
une  manière  de  le  raffiner  ,  mais  ils  en  font  myftere; 
c'eft  d'eux  que  nous  tirons  celui  dont  nous  nous  fer- 
vons. 

Il  eft  bien  furprenant  que  depuis  qu'il  y  a  un  com- 
merce auffi  intime  entre  l'Europe  &  les  Indes,  on  ait- 
négligé  des  recherches  auffi  faciles  que  celles  qui  au- 
roient  pu  nous  mettre  au  fait  de  ce  qu'on  doit  penfer 
fur  la  formation  d'un  fel  auffi  néceflaire  qu'eft  le 
borax. 

Ceux  qui  ont  regardé  le  borax  comme  un  fel  fac- 
tice ,  ont  prétendu  qu'on  le  faifoit  avec  du  nitre,  du 
fel  ammoniac  Se  du  fel  marin  :  d'autres  ont  voulu 
que  ce  fût  avec  de  l'urine  de  jeunes  garçons  buvans 
vin ,  Se  du  nitre. 

Voici,  fuivant  Agricola  de  Re  metall.  lib.XII.  la 
façon  dont  on  fait  le  borax  en  Egypte  :  «  Ce  dont  on 
»  fait  le  nitre  ,  n'eft  autre  choie  que  de  l'eau  douce, 
»  filtrée  par  des  terres  nitreufes ,  à  laquelle  on  mêle 
»  une  leffive  de  cendres  de  bois  de  chêne  ;  on  reçoit 
»  l'une  Se  l'autre  dans  des  baffins  quarrés  de  cuivre, 
»  où  on  les  fait  cuire  jufqu'à  ce  que  le  nitre  s'epaif- 
»  lifte.  Le  nitre ,  tant  naturel  que  factice,  mêlé  dans 
»  des  cuves  avec  de  l'urine  d'un  enfant  qui  n'a  pas 
»  encore  l'âge  de  puberté,  fe  cuit  dans  les  mêmes 
»  baffins  de  cuivre.  Après  qu'il  a  été  fuffifamment 
»  cuit ,  on  le  verfe  dans  des  cuves  où  l'on  a  mis  des 
»  fils  de  cuivre,  Se  en  s'y  attachant  il  fe  fige  Se  prend 
»  une  confiftance.  C'eftainfi,  continue  cet  auteur, 
»  que  fe  fait  la  chryfocolle ,  à  qui  nous  donnons  le 
»  nom  de  borax  ,  qui  eft  Arabe  ». 

Avant  de  faire  ufage  du  borax  purifié,  il  eft  à  pro- 
pos d'examiner  s'il  n'eft  point  mêlé  à  de  l'alun  :  en 
effet ,  on  fe  fert  quelquefois  de  cette  matière  pour  le 
falfifier  ;  celui  qui  eft  dans  ce  cas ,  n'eft  pas  fi  blanc 
ni  li  léger ,  Se  n'enfle  point  au  feu  comme  celui  qui 
eft  pur  ;  on  peut  auffi  en  reconnoître  la  bonté  à  fa 
clarté  Se  à  fa  traniparence  ;  en  le  portant  fur  la  lan- 
gue ,  il  ne  doit  avoir  que  très-peu  de  goût  après  le 
raffinage. 

Le  borax  eft  d'un  grand  ufage  ,  &  a  beaucoup  de 
propriétés  dans  la  Chimie  Se  la  Métallurgie  :  lors- 
qu'on le  met  fur  le  feu ,  il  enfle  d'abord  très-conlidé- 
rablernent,  Se  donne  une  écume  blanche  S:  légère  ; 
il  devient  enfuite  très-fluide  ;  Se  lorf  qu'il  eft  refroidi , 
il  forme  une  efpece  de  verre  allez  beau  :  il  rend  vi- 
trifiables  toutes  les  terres  auxquelles  il  eft  mêlé. 

Mais  fa  propriété  principale  eft  de  faciliter  infini- 
ment la  fonte  de  tous  les  métaux  :  cependant  avant 
de  s'en  fervir  pour  cet  ufage ,  il  eft  important  de  com- 
mencer par  le  faire  fondre  à  part  dans  un  creufet 
dont  il  n'occupe  tout  au  plus  que  le  quart,  parce 
qu'il  s'élève  fort  haut  ;  il  faut  auffi  ne  faire  qu'un  feu 
modéré  tout  autour ,  Se  le  retirer  auffi-tôt  qu'on  n'en- 
tend plus  de  bouillonnement  ;  car  li  on  pouffoit  trop 
le  feu ,  il  fe  vitrifierait  Se  feroit  moins  propre  aux  dit 
férens  ufages  auxquels  on  l'employé.  Lorfque  les  me- 


B  O  R 

taux  font  divifés  en  particules  délices  ,  féparées ,  & 
éloignées  les  unes  des  autres ,  le  borax  eft  un  véhicu- 
le très-propre  pour  les  réunir ,  les  rapprocher ,  &  les 
raffembler,  pour  ne  former  qu'une  même  maffe  ou 
régule  ;  la  moindre  quantité  de  faletés  ou  de  matiè- 
res hétérogènes  eft  capable  d'empêcher  cet  effet. 
Pour  remédier  donc  à  cet  inconvénient ,  on  em- 
ployé le  borax  ;  ce  fel  facilite  la  réunion  des  parties 
métalliques ,  les  fait  tomber  au  fond  du  creuiet ,  ôt 
vitrifie  les  feories  &  les  faletés  qui  s'y  trouvent,  en 
les  pouffant  vers  la  furface.  Un  autre  avantage  que 
les  métaux  en  fonte  retirent  du  borax ,  c'eft  qu'il  les 
environne  d'une  efpece  de  verre  mince  &  délié  qui 
les  défend  contre  les  impreffions  de  l'air  &  du  feu  : 
joignez  à  cela  qu'il  difpenfe  de  faire  beaucoup  de 
feu,  &  qu'il  ne  fe  mêle  point  aux  métaux.  C'eft  pour 
cette  raiibn  qu'il  eft  d'un  fi  grand  ufage  pour  braier 
&  fouder  tous  les  métaux ,  tels  que  l'or ,  l'argent ,  le 
cuivre ,  &  le  fer. 

Il  eft  à  propos  d'enduire  de  borax  les  creufets  & 
vaiffeaux  deftinés  à  fondre  les  métaux  précieux  , 
comme  l'or  &c  l'argent  ;  parce  qu'au  moyen  de  cette 
précaution  ,  on  les  en  retire  plus  ailément  &  avec 
moins  de  perte  après  la  fonte. 

Le  borax  a  la  propriété  de  pâlir  l'or  ;  c'eft  pour- 
quoi lorfqu'on  s'en  fert  pour  la  fonte  de  ce  métal ,  il 
faut  y  joindre  ou  du  nitre  ou  du  fel  ammoniac  ;  ces 
fels  maintiennent  l'or  dans  fa  couleur  naturelle  :  mais 
il  faut  prendre  garde  de  ne  les  point  mettre  tous 
deux  ,  parce  qu'il  arriveroit  détonation. 

M.  Lemery  le  jeune  a  donné  plufieurs  mémoires 
curieux  fur  le  borax  ,  qu'on  peut  voir  dans  les  Mémoi- 
res de  r  Académie  royale  des  Sciences  ,  an,  iJzS  ,  item 
année  IJZÇ)  &  IJ3Z. 

On  fait  ufage  du  borax  dans  la  Médecine  ;  on  le 
regarde  comme  très-propre  à  divifer  &  atténuer  les 
humeurs  vilqucides  &  pituiteufes  ,  &  fort  bon  dans 
les  maladies  qui  font  caufées  par  l'épaifiiffement  des 
humeurs  :  il  eft  apéritif,  diurétique ,  ôt  abftergent  ; 
il  agit  fans  caufer  ni  corrofion  ni  inflammation  :  on 
peut  le  donner  depuis  5  grains  jufqu'à  un  demi-feru- 
pule ,  en  poudre ,  dans  du  vin ,  dans  un  œuf,  ou  dans 
quelqu'autre  véhicule. 

Le  borax  entre  dans  la  compofition  du  fel  fédatif 
de  Homberg.  Voye-^  Sel  sédatif. 

Mais  on  le  regarde  fur-tout  comme  un  très-puif- 
fant  emménagogue,  &  comme  un  excellent  remède 
pour  les  accidens  qui  accompagnent  les  accouche- 
mens  :  mais  il  devient  plus  efficace  fi  on  le  mêle  avec 
la  myrrhe ,  le  fafran  ,  la  canelle  ,  des  fels  alkalis ,  ou 
ce  qui  vaut  encore  mieux  ,  avec  le  nitre ,  le  cinna- 
bre  ,  ou  d'autres  remèdes  antifpaimodiques. 

Suivant  M.  Lemery ,  la  folution  du  caput  mortuum 
du  borax  pouffe  fortement  les  urines  ,  &c  fait  fortir  la 
gravelle.  Il  eft  très-ftyptique  &  aftringent  ;  on  le  met 
auffi  au  nombre  des  cofmétiques  ;  on  lui  attribue  la 
qualité  de  blanchir  le  teint ,  &  de  faire  difparoître 
les  taches  de  rouflèur.  La  poudre  emménagogue  de 
Tuilerie  fait  en  prenant  de  borax  de  Venife  1 <j  grains, 
myrrhe  1  z  grains  ,  fafran  3  grains  ,  huile  de  clous 
de  girofle  une  goutte  :  mêlez  &  faites  une  poudre 
qui  eft  bonne  pour  provoquer  les  règles.  (  — ) 

BORB A,  (Géog.)  petite  ville  fortifiée  en  Portugal, 
entre  Eftremos  &  Elvas  ,  dans  un  pays  très-fertile. 

BORBAO  ,  (  Géog.  )  rivière  du  Piémont,  qui  fe 
jette  dans  le  Tanaro ,  près  d'Afti. 

BORBONIA,  genre  de  plante  dont  le  nom  a  été 
dérivé  de  Gafton  de  France  ,  prince  du  iang  de  la 
Maifon  de  Bourbon.  La  fleur  des  plantes  de  ce  genre 
eft  monopétale  ,  faite  en  forme  de  cloche  ou  en  go- 
det, &  découpée.  Il  s'élève  du  nombril  de  cette  fleur 
un  piftil  qui  devient  dans  la  fuite  un  truit  reffem- 
blant  à  un  gland  charnu  &  divifé  au  dedans  en  deux 
lobes.  Le  bas  de  la  fleur  devient  le  calice  du  fruit , 
Tome  II, 


B  O  R 


331 


8c  ce  calice  eft  charnu  &  reffemble  à  un  capuchon. 
Plumier,  Nova  plant.  Amer,  gêner.  V.  Plante.  (/) 

BORBORIGME,  1.  m.  (  Médecine.  )  bruit  excité 
dans  le  ventre  par  des  vents.  Cet  effet  eft  produit  par 
l'explolion  de  l'air  contenu  dans  les  alimens,  qui  ve- 
nant à  fe  raréfier  par  la  chaleur  des  organes  de  la  di- 
geftion,  tend  à  s'échapper,  &  fait  effort  contre  les 
parois  des  vifeeres.  Gahen  dit  que  c'eft  un  bruit  de 
vents  fourds  &  longs ,  accompagné  d'une  humidité 
modérée.-  qui  fe  fait  entendre  en  descendant  vers  les 
parties  inférieures. 

Tout  ce  qui  peut  occafionner  des  vents  &  des  co- 
liques, eft  caufe  du  borborigme.  Dans  les  cpnftipa- 
tions  le  borborigme  annonce  affez  ordinairement  une 
évacuation  prochaine.  (AT) 

BORBORITES,  f.  m.  pi.  (Hifl.  eccléf.)kàe  de 
Gnoftiques,  dans  le  11.  fiecle,  laquelle,  outre  les  er- 
reurs &  le  libertinage  commun  à  tous  les  hérétiques 
connus  fous  ce  nom ,  nioit  encore,  félon  Philaftrius, 
la  réalité  d'un  jugement  dernier.  S.  Epiphan.  héref. 
23.  &  26.  S.  Auguft.  des  héref.  c.  5.  BarOnius  ad  ann, 
Chr.  izq.  (G) 

.  BOR.CH  ,  (Géog.)  ville  du  duché  deMagdebourg, 
à  deux  lieues  de  Magdebourg,  fur  l'Elbe,  apparte- 
nante au  roi  de  Pruffe. 

BORCHHOLM ,  (  Géog.  )  petite  ville  avec  châ- 
teau ,  dans  la  Livonie.  C'étoit  autrefois  la  réfidence 
de  l'évêque  de  Revel. 

Borchholm  ,  (Géog.)  fortereffe  &  port  de  l'île 
d'Oeland,  dans  la  mer  Baltique  ,  à  la  couionne  de 
Suéde. 

BORCHLOEN,  (Géog.)  ville  de  l'évêché  de  Liè- 
ge ,  dans  la  Hasbaye,  fur  le  Jecker. 

BORCKELOO  ,  (  Géog.  )  place  forte  des  Provin- 
ces-Unies au  comté  de  Zutphen  ,  &  à  4  lieues  de  la 
ville  de  ce  nom  ,  fur  la  rivière  de  Borckel.  Long.  z^f. 
6.  lat.  5z.  l5. 

BORCKEN  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  la  baffe- 
Heffe  ,  fur  la  rivière  de  Selvwalm. 

Borcken  ,  (Géog.)  petite  ville  de  l'évêché  de 
Munfter ,  fur  l'Aa  ,  près  de  Wefel. 

BORCKFORT,  (Géog.)  fortereffe  &  petite  ville 
du  comté  d'Oldenbourg. 

BORD  ,  f.  m.  (Gramm.)  fe  dit  communément  des 
parties  les  plus  éloignées  du  milieu  d'une  étendue  li- 
mitée. Cette  définition  eft  prefque  générale  ;  &  c'eft 
en  ce  fens  qu'on  dit  le  bord  d'un  pré ,  d'une  table  , 
d'un  lit,  d'une  rivière,  &c. 

Bord,  on  entend  ordinairement  par  le  mot  bordy 
le  vaifleau  même.  On  dit  retourner  à  bord ,  fortir  du 
bord,  pour  dire  retourner  au  vaijfeau ,  fortir  du  vaijfeau; 
venir  à  bord ,  c'eft  fe  rendre  au  vaifleau. 

Renverfer,  tourner,  changer  le  bord  ;  c'eft  revirer  j 
&C  porter  le  cap  fur  un  autre  air  de  vent. 

Rendre  le  bord,  c'eft- à -dire,  venir  mouiller,  ou 
donner  fond  dans  quelque  rade  ou  quelque  port. 

Bord  fur  bord,  courir  bord  fur  bord  ;  c'eft  louvoyer, 
&  gouverner  tantôt  kfribord,  tantôt  kbasbord:  lorf- 
que  le  vent  eft  contraire ,  &  qu'il  ne  permet  pas  de 
porter  à  route,  on  chicane  le  vent,  &  on  court  fur 
plufieurs  routes  ,  pour  approcher  du  lieu  011  l'on 
veut  aller,  ou  pour  ne  s'abbatre  pas,  &  ne  s'éloi- 
gner que  le  moins  qu'on  peut. 

Faire  un  bord,  faire  une  bordée  ;  c'eft  faire  une  rou» 
te,  foit  à  basbord ,  foit  kfribord. 

Courir  même  bord  que  l'ennemi;  tenir  même  bord  y 
c'efl  virer  à  Jlribord  &C  kbasbord,  félon  que  l'ennemi 
y  a  viré,  &  porter  fur  le  même  rumb. 

Mettre  à  l'autre  bord;  virer,  changer  de  bord. 

Tenir  bord  fur  bord,  c'eft-à-dire,  courir  d'un  côté 
ou  d'un  autre  au  plus  près  de  vent ,  foit  pour  atten- 
dre un  vaifleau  qui  eft  de  l'arriére,  foit  pour  s'entre- 
tenir dans  un  parafe.  (Z) 

Tt  ij 


33*  B  O  R 

De  bord  à  tord;  cette  expreffion  veut  dire  autant 
fur  un  côté  du  vaiffeau  que  fur  l'autre ,  &  lignifie 
encore  dt  part  &  d'autre ,  de  la  droite  route  ;  ce  qui 
déligne  la  même  choie.  Lorfque  l'on  dit ,  par  exem- 
ple ,  que  Ton  peut  naviger  ou  faire  des  bordées  lur  on- 
ze points  de  compas  de  bord  abord,  cela  lignifie  qu'on 
peut  le  lervir  des  onze  airs  de  vent  qui  ibnt  hflribord, 
ou  à  l'un  des  côtés  du  vent  de  la  route  ;  &  encore  des 
onze  autres  airs  de  vent  qui  font  à  basbord,  ou  à  l'au- 
tre côté  du  même  vent  de  la  route.  Comme  fi  le  lieu 
de  la  route  eft  à  l'oueft ,  le  vent  d'eft  lëra  le  vent  de 
la  droite  route  :  mais  l'on  peut  lé  lervir  de  vingt-deux 
rumbs  d«  vents  différens  pour  porter  à  l'oueft ,  ou 
s'en  approcher  ;  favoir  des  onze  airs  de  vent  qui  lont 
depuis  i'eil  juiqu'au  fud-oueft,  quart  de  fud,  &des 
onze  autres  airs  de  vent  qui  lont  depuis  Feft  juiqu'au 
nord-oueft.  Ainfi  c'eft  naviger  6c  gouverner  iur  onze 
airs  de  vent  de  bord  à  bord. 

Bord  à  bord,  deux  vaiffeaux  qui  font  bord  à  bord; 
c'eft-à  dire ,  qu'ils  lont  prêts  l'un  de  l'autre  de  l'avant 
en  arrière. 

Un  bord  qui  allonge  ,  c'eft-à-dire,  que  la  bordée 
que  l'on  court  fert  à  la  route ,  quoique  le  vent  foit 
contraire. 

Bon  bord,  faire  un  bon  bord;  c'eft-à-dire ,  que  l'on 
a  gagné  ou  avancé  à  fa  route ,  étant  au  plus  près  du 
vent. 

Bord  à  terre ,  bord  au  large  ;  on  employé  ce  terme  , 
lorfqu'on  parle  d'un  vaiffeau  qui  court  à  la  mer ,  & 
qui  recourt  à  terre ,  ou  de  la  mer  à  terre ,  &  de  la 
terre  à  la  mer. 

Paffe  du  monde  fur  bord  ;  c'eft  un  commandement 
qui  le  fait  à  l'équipage,  pour  faire  paffer  des  mate- 
lots des  deux  côtés  de  l'échelle ,  pour  recevoir  ceux 
qui  veulent  entrer  ou  fortir  du  vailfeau.  Ce  comman- 
dement ne  fe  fait  que  pour  les  officiers ,  6c  pour  ceux 
à  qui  on  veut  rendre  des  honneurs. 

Bas  bord,  haut  bord;  on  dit  un  vaiffeau  de  haut  bord, 
on  dit  aufîi  un  vaijjeau  de  bas  bord,  Voye^  NavIRE  & 
Vaisseau. 

Bord  de  la  mer,  c'eft  le  rivage  ou  les  premières  ter- 
res qui  bordent  la  mer. 

Bord  ,  Bordage  ;  ce  font  les  planches  qu'on  em- 
ploie à  border  un  vaiffeau. 

Franc  bord ,  ce  font  les  bordages  qui  couvrent  les 
membres  du  vaiffeau.  Ce  mot  le  prend  auffi  en  par- 
ticulier pour  le  bordage,  depuis  le  bas  des  fleuves  jus- 
qu'au haut  du  vaiffeau.  (Z) 

Bord  de  baffin,  en  Architecture,  c'eft  la  tablette  ou 
le  profil  de  pierre  ou  de  marbre ,  ou  le  cordon  de  ga- 
fon  ou  de  rocaille  ,  qui  pôle  fur  le  petit  mur,  ou  cir- 
culaire ,  ou  quarré ,  ou  à  pans  d'un  baffin  d'eau.  (P) 

BORDS  DENTELÉS,  {Rubannerie-Tiffuterie.}  elt  la 
même  chofe  que  dent  de  rat.  Voye^  Dent  de  rat. 

Bord,  Ruban,  ou  Galon,  qu'on  met  aux  ex- 
trémités des  chapeaux ,  des  juppes  ,  &  fur  les  coutu- 
res des  habits ,  &c.  On  fabrique  des  bords  de  différen- 
te largeur,  &  de  toute  forte  de  matière ,  comme  or, 
argent ,  foie ,  fil ,  &c. 

On  fait  à  Amiens  quantité  de  bords  de  laine  ;  on  en 
compte  de  trois  fortes  :  l'un  qu'on  appelle  petite  bor- 
dure, dont  la  chaîne  doit  être  compoiée  de  vingt- 
lept  fils ,  &  la  pièce  doit  contenir  vingt-quatre  aunes  : 
l'autre  dont  la  chaîne  elt  de  trente-trois  fils,  &  la 
pièce  de  vingt-quatre  aunes ,  fe  nomme  bord  &  demi; 
&  le  troifieme  qui  doit  avoir  trente-fix  fils  à  la  chaî- 
ne ,  &  trente-fix  aunes  à  la  pièce ,  eft  appelle  bord  à 
dentelle.  Voye^  ROULEAU  DE  LAINE. 

Bord  ,  en  terme  de  Vannier,  c'eft  un  cordon  d'ofier, 
plus  ou  moins  gros  félon  la  pièce  qu'il  termine  par 
en-haut,  &  qu'il  rend  plus  folide. 

Bord,  en  terme  de  Fondeur  di  cloche ,  eft  la  plus 
grande  épaiffeur qu'elle  ait,  fur  laquelle  frappe  le  bat- 
tant. Foyei  l'article  FONTE  dis  cloches  ,  6Ï  hfig.  I. 


B  O  R 

Plan,  de  la  fonderie  des  cloches.  La  troifieme  partie  du 
bord  s'appelle  corps.  Voyc^  CORPS. 

Bord  de  manchon,  en  Pelleterie  ;  c'eft  une  fournira 
que  l'on  fait  avec  la  peau  d'un  animal,  aux  deux 
bouts  des  manchons.  Voye^  Manchon. 

Bord  de  front ,  terme  de  Perruquier;  c'eft  le  nom 
que  ces  ouvriers  donnent  aux  treffes  qui  fe  placent 
fur  le  bord  de  la  perruque  qui  touche  au  front,  &  ré- 
gnent depuis  une  des  tempes  jufqu'à  l'autre. 

BORDAGE,  BORDAGES,  FRANCBORD  , 
FRANCBORDAGE,  en  Marine;  ces  mots  font  fy- 
nonymes.  On  nomme  ainli  le  revêtement  de  plan- 
ches qui  couvrent  le  corps  du  vaiffeau  par  dehors , 
depuis  le  gabord  juiqu'au  plat-bord.  Quelques-uns 
l'appellent  le  franebordage ,  pour  le  diftinguer  du  bor- 
dage intérieur  qui  s'appelle  ferrage ,  ferres ,  ou  vaigres. 
Les  Charpentiers  appellent  auffi  bordages  les  planches 
qu'ils  employent.  On  dit  bordage  de  tant  de  pouces  , 
par  exemple,  de  quatre  pouces,  c'eft-à-dire,  qu'il  a 
quatre  pouces  d'épaiffeur.  Quelques-uns  prétendent 
que  i'épaiffeur  du  franebordage  le  doit  régler  par  l'é- 
pailfeur  de  l'étrave  ,  &  qu'on  lui  doit  donner  le  quart 
de  cette  épaiffeur  6c  même  un  peu  plus. 

La  largeur  des  planches  du  franebordage  eft  le  plus 
louvcnt  de  18  ,  20,  ou  22  pouces. 

Le  bordage  de  l'arcafle  peut  être  d'un  tiers  plus 
mince  que  celui  des  côtés.  Lorfqu'il  s'agit  des  plus 
grands  vaiffeaux  pour  lefquels  il  faut  des  bordages 
plus  épais,  6c  par  conféquent  plus  difficiles  à  plier, 
on  tâche  de  le  parler  de  feu  en  tout  ou  en  partie  ; 
c'eft-à-dire ,  de  n'avoir  pas  befoin  de  les  chauffer  & 
de  les  plier  beaucoup:  &  pour  cet  effet,  on  pi  end 
des  poutres  qu'on  choifit  fort  unies,  &  on  les  feie 
en  courbe  entier  lur  des  modèles ,  ou  en  demi-cour- 
be; &  en  ce  cas,  on  les  chauffe  un  peu  pour  ache- 
ver de  les  faire  courber.  Voy.  Marine,  PI.  VLfg.31. 
le  deffein  d'un  bordage. 

Il  faut  que  les  bordages  Se  les  cintres  qu'on  deftine 
pour  un  vaiffeau ,  foient  pris  de  quatre  à  fix  pouces 
plus  longs  que  leur  jufte  mefure,  même  en  y  com- 
prenant leur  rondeur,  ou  bien  ils  fe  trouveront  trop 
courts.  (Z) 

Bordage  de  fond.  Les  conftrufteurs  ne  con- 
viennent pas  également  de  ce  qu'on  doit  entendre 
par  bordages  de  fond  :  les  uns  comprennent  lous  ce 
mot  tous  les  bordages  depuis  la  quille  juiqu'au  premier 
bordage  des  fleurs  ,  &  par  conféquent  les  gabords  & 
les  ribords  ;  fouvent  on  n'entend  que  les  bordages  de- 
puis les  ribords  juiqu'au  premier  bordage  des  fleurs  : 
d'autres  confondent  auffi  les  gabords  &  les  ribords  , 
en  prenant  l'un  6c  l'autre  mot  pour  les  deux  premiè- 
res planches  qui  joignent  la  quille  par  les  deux  cô- 
tés ;  au  lieu  qu'il  y  a  des  charpentiers  qui  les  diftin- 
guent ,  nommant  ces  deux  premières  planches  feu- 
lement gabords  ;  &  les  deux  autres  premières  planches 
qui  fuivent ,  c'eft-à-dire  une  de  chaque  côté  après  les 
gabords  ,  ils  les  nomment  ribords.  Voy.  Marine ,  PI.  V. 
fig.  1.  n°.  16 z.  la  place  de  ces  bordages. 

Bordage  des  fleurs  ;  ce  font  les  planches 
qu'on  employé  à  border  les  fleurs  du  vaiffeau  ,  &  qui 
en  font  la  rondeur  dans  les  côtés ,  depuis  le  fond  de 
cale  jufque  vers  la  plus  baffe  préceinte.  Cette  ron- 
deur contribue  beaucoup  à  faire  flotter  le  vaiffeau  ; 
elle  fert  à  le  faire  relever  plus  aifément  lorfqu'il  vient 
à  toucher  ;  &  elle  fait  qu'il  ne  s'endommage  pas  fi 
facilement  qu'il  feroit ,  fi  le  bas  de  fes  côtes  étoit 
plus  quarré. 

On  employé  dans  les  fleurs  d'un  vaiffeau  trois  ou 
quatre  pièces  de  bordage ,  ou  même  plus  ,  félon  la 
grandeur  du  navire ,  &  félon  la  rondeur  qu'on  leur 
veut  donner. 

BORDAGE  d\ntre  les  préceintes  ou  couples  ;  ce  font 
les  deux  pièces  de  bordage  qu'on  met  entre  chaque 
préceinte:  elles  s'appellent  auffi  fermetures  oufermu- 


B  O  R 

rts.  Voye^  PL  VI.  n°.  32.  la  figure  de  ce  bordage. 

On  donne  aux  bordages  d'entre  les  préceintes  une  lar- 
geur convenable  à  la  grandeur  du  vaiffeau  :  ceux  qui 
font  entre  les  deux  plus  baffes  préceintes ,  doivent  être 
proportionnés ,  enlorte  que  les  dalots  y  puiffent  être 
commodément  percés  ,  &  qu'ils  le  rencontrent  jufte 
au-deffous  de  la  faconde  préceinte.' 

Les  entre-fabords  font  proportionnes  à  la  largeur 
qu'on  donne  aux  fabords.  Les  bordages  a" entre  les  pré- 
ceintes qui  ibnt  au-deffus  des  iabords ,  doivent  aulîi 
avoir  leur  julte  proportion  pour  y  percer  les  dalots  du 
haut  pont.  Il  faut  remarquer  qu'à  lapréceintequi  eft  au- 
deffus  des  fabords ,  on  commence  à  diminuer  l'épaif- 
feur  des  bordages ,  &  qu'on  continue  jufqu'au  haut. 

On  donne  le  plus  fouvent  aux  fermures  ou  couples 
d'entre  les  préceintes ,  la  moitié  de  1  épaiffeur  des  pré- 
ceintes ;  cependant  on  change  cette  difpolition ,  félon 
qu'on  le  juge  à  propos ,  par  rapport  aux  proportions 
du  bâtiment  entier  :  mais  à  l'égard  de  leur  largeur  ou 
hauteur ,  il  n'y  a  point  de  règle  à  donner  ,  que  de 
prendre  bien  garde  que  toutes  les  firmures  foient  fi 
bien  proportionnées  que  les  fabords  &  les  dalots  puif- 
fent s'y  placer  commodément  &  d'une  manière  qui 
foit  agréable  ;  &  pour  cet  effet  on  les  doit  tenir  un 
peu  plus  étroites  vers  l'avant  &  vers  l'arriére  qu'au 
milieu.  Au  refte  comme  on  ne  les  préfente  point,  & 
qu'il  faut  les  dreffer  toutes  prêtes  par  la  règle  feule- 
ment ,  il  y  faut  être  fort  exact ,  &  prendre  foin  qu'il 
n'y  ait  point  de  défauts. 

BORDAGES  d'entre  les  deux  préceintes  du  premier 
rang,  ou  plus  baffes  préceintes.  Voye^  PRECEINTE. 

BORDAGES  des  fabords  ,  fermures  des  fabords  ;  ce 
font  tous  les  bordages  d'entre  les  deux  préceintes  ,  oii 
les  fabords  font  percés. 

BORDAGES  d'entre  les  fabords  de  la  première  &  de  la 
féconde  batterie.  Voye^  PI.  V.Jig.  i.  n°.  IJl.  &  IJ2. 

BORDAGE  des  acajlillages  ou  efquain  ,  quein  ,  qlin. 
Voye^  ESQUAIN. 

Premier  bordage  de  l' efquain;  c'eft  le  bordage  qui  fe 
pofe  fur  la  liffe  de  vibord ,  pour  commencer  les  acaf- 
tillages  :  il  eft  plus  épais  que  le  relie  de  l'efquain. 
Voye^  ce  bordage  PI.  VI.  n°.  JJ. 

BORDAGES  pour  recouvrir  les  ponts  ;  voye^  la  PI. 
VI.  n°.  34.  &  J3.  la  fig.  de  ces  bordages. 

BORDAGES  du  premier  pont  ;  voye{  PI.  V.  fig.  1. 
n\  y 8. 

BORDAGES  du  fécond  pont  ;  PI.  V.fig.  1.  n°.  iz5. 

BORDAGES  des  gaillards  ;  PI.  V.fig.  1 .  n°.  146. 

BORDAGES  du  vaigrage  ;  voye7_  PI.  IV.  fig.  I.  n°. 

141. 

BORDAGES  du  vaigrage  entre  deux  ponts  ;  voy.  PI. 
IV.fig.i.n\ny. 

BORDAIER ,  (  Mar.  )  quelques-uns  difent  borde- 
ger  ;  c'eft  faire  ou  courir  des  bordées,  c'eft- à -dire, 
gouverner  tantôt  d'un  côté  ,  tantôt  d'un  autre ,  lorf- 
que  le  vent  ne  permet  pas  de  porter  à  route.  (  Z  ) 

BORD  AILLE ,  f.  f.  ternie  de  rivière ,  fe  dit  de  la  par- 
tie d'un  bateau  foncet,  voifine  des  rebords. 

*  BORDAT,  f.  m.  (  Commerce. )  petite  étoffe  ou 
tiffu  étroit ,  qui  fe  fabrique  en  quelques  lieux  de  l'E- 
gypte ,  fur-tout  au  Caire  ,  à  Damiette ,  &  à  Alexan- 
drie. 

BORDE  les  avirons,  (  Marine.)  c'eft-à-dirc  ,  mets 
les  avirons  en  état  pour  fc  préparer  à  ramer  au  na- 

ser-(zX 

BORDÉ  ,  adj.  corps  bordés  ,  corporafimbriata ,  en 
Anatomie,  eft  le  nom  d'un  petit  rebord  collatéral, 
mince  &  plat ,  comme  une  cfpece  de  bandelette ,  que 
l'on  remarque  aux  côtés  externes  des  piliers  poilé- 
rieurs  de  la  voûte  à  trois  piliers.  Voye^  Voûte.  {V) 

BORDÉ  ,  en  terme  de  Blafon  ,  fe  dit  des  croix ,  des 
bandes ,  des  gonfanons ,  Se  autres  choies  qui  ont  des 
bords  de  differens  émaux. 

Thomas  d'Embri,  d'or  à  la  bande  d'or  bordée  & 


B  O  R 


333 


dentelée  de  gueules.  (  V) 

BORDÉE ,  f.  f.  (  Marine.  )  c'eft  le  cours  d'un  vaif- 
feau ,  ou  la  route  qu'il  fait  fur  une  aire  de  vent  lorfqu'il 
a  changé  ou  reviré  de  bord ,  jufqu'à  ce  qu'il  change 
de  bord  &  qu'il  revire  de  nouveau.  Lorlque  le  vent 
ellcontraire  à  la  route  qu'on  veut  faire,  on  fait  des 
A*lfo  pour  s'élever  &  s'approcher  le  plus  près  du 
vent  que  l'on  peut.  Voye^  Bord  sur  bord  &  De 

BORDA  BORD. 

Faire  diverfes  bordées,  courir plufuurs  bordées,  c'eft- 
à-dire  virer  &  revirer  fouvent. 

Courir  à  la  même  bordée ,  c'eft-à-dire  courir  encore 
du  même  côté  que  l'on  a  couru  :  c'eft  aufïï  courir  à 
la  même  aire  de  vent  qu'un  autre  vaiffeau. 

Venir  à  fa  bordée  d'un  para ge  à  un  autre  ,  c'eft-â- 
dire  y  venir  à  la  bouline  fans  changer  les  voiles  & 
fans  revirer. 

^  Courir  à  petites  bordées,  c'eft  ne  pas  courir  loin  d'un 
côté  &  d'autre. 

On  dit  :  bonne  bordée ,  mauvaife  bordée. 

Faire  la  grande  bordée  ;  c'eft  lorfqu'étant  dans  une 
rade  on  y  veut  faire  le  quart ,  comme  fi  on  étoit  à 
la  mer. 

Faire  la  petite  bordée  ;  c'eft  lorfque  dans  une  rade 
on  partage  les  quarts  en  deux  parties ,  pour  faire  le 
fervice  ou  le  quart. 

Bordée  de  canon,  (Marine.  )  c'eft  l'artillerie  qui 
eft  dans  les  fabords  de  l'un  ou  de  l'autre  côté. 

Envoyer  la  bordée  ,  donner  la  bordée;  c'eft  tirer  fur 
un  autre  vaiffeau  tous  les  canons  qui  font  dans  l'un 
ou  l'antre  côté  du  navire.    (  Z  ) 

BORDELAGE ,  f.  m.  terme  de  Droit  coûtumier,  eft 
une  forte  de  tenure  en  roture ,  ufuée  en  quelques 
coutumes ,  &  iingulierement  dans  celle  de  Nivernois, 
à  des  charges  &  conditions  particulières. 

Coquille  dit  que  le  terme  de  bordelage  vient  de  bor- 
de ou  borderie  ,  ancien  mot  françois  qui  fignifîe  un 
domaine  aux  champs ,  deftiné  pour  le  ménage ,  labou- 
rage ,  &  culture. 

Les  conditions  du  bordelage  font ,  i°.  que  faute  du 
payement  de  la  redevance  ,  le  feigneur  peut  rentrer 
dans  l'héritage  par  droit  de  commilé ,  en  le  faifant  or- 
donner en  juftice  :  i°.  que  le  tenancier  ne  peut  dé- 
membrer les  chofes  qu'il  tient  en  bordelage  ,  à  peine 
de  commife  :  30.  qu'il  doit  entretenir  l'héritage  en 
bon  &  fuffifânt  état:  40.  que  les  collatéraux  du  te- 
nancier ne  peuvent  lui  fuccéder ,  s'ils  n'étoient  com- 
muns avec  le  défunt  de  communauté  coûtumiere  , 
(voyei  Communauté  coûtumiere);  faute  de 
laquelle  condition  ,  c'eft  le  feigneur  qui  lui  fuccede  : 
50.  que  fi  le  détenteur  vend  l'héritage ,  le  feigneur  a 
le  choix  de  le  retenir  en  rembourfant  l'acquéreur ,  ou 
de  prendre  la  moitié  du  prix  porté  par  le  contrat.  (//) 

BORDELONGO ,  (  Géog.  )  ville  &  royaume  fur 
le  golfe  de  Siam ,  avec  un  bon  port. 

BORDELIERE ,  f.  f.  ballems,  (Hijl.  nat.  Ichthyol.) 
•poifton  qui  a  la  tête  petite  ,  des  os  rudes  en  place  de 
dents  ,  et  le  palais  charnu  ians  qu'il  y  ait  de  lanejue  : 
mais  il  fe  trouve  au  milieu  du  palais  un  os  ,  &  plus 
bas  deux  autres  os  découpés  en  fine  d"un  côté.  C'eft 
par  la  rencontre  de  ces  os,  que  la  bordeliere  broyé  les 
herbes  dont  elle  fe  nourrit.  Elle  a  deux  nageoires 
près  des  ouies ,  deux  autres  au  milieu  du  ventre ,  une 
autre  qui  s'étend  depuis  l'anus  jufqu'à  la  queue  ,  6c 
une  autre  fur  le  dos.  Les  dernières  nageoires  &  la 
queue  font  rougeâtres ,  comme  dans  les  perches  de 
rivière  :  celle  du  dos  eft  noire  ;  il  y  a  un  trait  courbe 
qui  s'étend  depuis  les  ouies  jufqu'à  la  queue  :  les  ouies 
font  au  nombre  de  quatre  de  chaque  côté.  On  adon- 
né à  ce  poiffon  le  nom  de  bordeliere  à  Lyon  &  en  Sa- 
voie, parce  qu'il  fuit  toujours  le  bord  des  lacs  ,  ou 
on  le  prend.  Il  eft  allez  femblable  à  la  brème  ,  quoi- 
qu'il foit  plus  petit ,  &  qu'il  n'ait  pas  des  écailles  à 
proportion  li  grandes.  On  peut  le  comparer  à  la  car- 


334 


BOR 


pe  pour  fa  façon  de  vivre.  Rondelet.  Foye*_  POIS- 
SON. (/) 

BORDEMENT ,  f.  m.  terme  de  Peinture  en  émail  : 
pour  employer  les  émaux  clairs ,  on  les  broyé  feule- 
ment avec  de  l'eau  ;  car  ils  ne  peuvent  pas  fouffrir 
l 'huile  comme  les  émaux  épais  ;  on  les  couche  y^at , 
bordés  du  métal  fur  lequel  on  les  met.  On  fai^tei- 
quefois  des  ouvrages  qui  font  tout  en  champ  d'émail 
&  fans  bordement ;  ce  qui  eft  affez  difficile,  à  caufe 
-que  les  émaux  clairs  en  fe  parfondant ,  fe  mêlent  en- 
lemble ,  &  que  les  couleurs  fe  confondent ,  principa- 
lement lorfque  les  pièces  font  petites.  Voye{  Par- 
FONDRE.  (R) 

*  BORDER,  v.  au.  en  général ,  c'eft  garnir  les 
-extrémités  de  quelque  chofe  que  ce  foit ,  d'une  autre 
choie  accidentelle,  qui  orne ,  conferve ,  ou  fortifie  la 
chofe  bordée, 

Ainfi ,  en  terme  de  PJche ,  border  un  filet ,  c'eft  atta- 
cher de  trois  pouces  en  trois  pouces  avec  du  fil ,  une 
corde  autour  du  filet  pour  le  rendre  plus  tort. 

BORDER  ,  en  terme  de  Jardinage,  un  parterre,  une 
plate-bande  ,  une  planche  de  potager  ;  c'eft  l'entourer 
de  buis,  de  ftaticée ,  de  thym  ,  de  lavande ,  de  roma- 
rin ,  &  autres  plantes.  (  K  ) 

BORDER,  en  terme  de  Boijfelier ;  c'eft  garnir  d'un 
bord  d'ofier  les  extrémités  de  chaque  pièce  de  boiffe- 
lerie  en-deffus  du  corps  ,  ou  vers  le  milieu  de  cette 
pièce ,  pour  la  rendre  plus  ferme  &  plus  folide. 

Border  ,  en  terme  de  Vannerie;  c'eft  finir  &  termi- 
ner par  un  cordon  de  plufieurs  brins  d'oûer  une  pièce 
de  mandrerie. 

Border  la  haie,  en  Art  militaire,  eft  un  mou- 
vement par  lequel  on  difpofe  plufieurs  rangs  ou  plu- 
fieurs files ,  fur  une  ou  plufieurs  lignes  droites  mar- 
quées ;  &  l'on  dit  border  la  haie ,  parce  qu'on  fe  fert 
véritablement  de  cette  évolution  pour  difpofer  une 
troupe  le  long  d'une  haie ,  d'un  retranchement,  d'une 
rue,  ou  de  quelqu'autre  chemin.  Voy.  Rang,  File. 

Il  y  a  plufieurs  manières  de  border  la  haie.  La  plus 
ordinaire  eft  qu'au  commandement  de  border  la  haie  , 
chaque  rang  ou  chaque  file  fait  en  particulier  un  quart 
de  converfion  du  côté  qu'il  eft  dit  ;  ce  qui  réduit  tous 
les  rangs  en  une  file  ,  ou  toutes  les  files  en  un  feul 
rang ,  que  l'on  appelle  haie.  Bottée ,  Exercice  de  l'in- 
fanterie. (Q) 

Border  un  vaiffeau,  {Marine.*)  c'eft  couvrir  les 
membres  de  bordages. 

On  dit  border  le  tillac,  Facafillage,  le  vibord. 

Border  en  caravelle  ;  c'eft  border  à  l'ordinaire ,  de 
forte  que  les  bordages  fe  touchent  quarrément  à  côté 
l'un  de  l'autre. 

Border  à  quein  ;  c'eft  border  de  forte  que  l'extrémité 
d'un  bordage  paffe  fur  l'autre.  Voye^  Quein. 

Border  une  voile,  (  Marine  )  c'eft  l'étendre  par 
en  bas  en  halant  ou  tirant  les  cordages  appelles  écou- 
tes ,  pour  prendre  le  vent. 

Larguer  la  voile  ou  filer  les  écoutes ,  c'eft  le  contrai- 
re de  border. 

Les  voiles  fupérieures  font  bordées  par  le  bas  aux 
vergues  inférieures. 

Border  une  écoute ,  c'eft  la  tirer  ,  ou  haler ,  jufqu'à 
ce. qu'on  fafTe  toucher  le  coin  de  la  voile  à  un  cer- 
tain point. 

Border  les  écoutes  arrière ,  c'eft-à-dire  haler  les  deux 
écoutes  de  chaque  voile  ,  afin  d'aller  vent  en  poupe. 

Border  (artimon  ,  c'eft  haler  l'écoute  d'artimon  à 
toucher  à  une  poulie  qui  eft  mife  fur  le  haut  de  l'ar- 
riére du  vaiffeau.  On  dit  leulement  border  Y  artimon  , 
ou  l'écoute  d'artimon,  &  non  les  écoutes  ;  parce  qu'il 
n'y  en  a  qu'une  à  cette  voile  qui  ferve  à  la  fois. 

Border  P  artimon  tout  plat,  border  la  m  if ene  tout  plat, 
c'eft  en  border  les  écoutes  autant  qu'il  fe  peut. 

Borde  les  écoutes  tout  à  plat ,  terme  de  commande- 
ment. Border  &.  brajfer  au  vent>  c'eft  poux  faire  border 


BOR 

les  écoutes  &  bràffcr  les  vergues,  lorfque  le  vent  recule.' 
Borde  la  grande  écoute  ;  borde  la  mifene ,  ou  la  haie  au 
plus  près  du  vent  ,•  borde  la  civadiere  ;  borde  le  grand  per- 
roquet j  borde  le  petit  perroquet  de  mifene  ou  d'avant  • 
borde  au  vent  ;  borde  fous  le  vent. 

Tous  ces  commandemens  le  font  pour  faire  border 
les  écoutes  chacune  en  particulier  ;  quelques-uns  di- 
fent ,  borde  l'écoute  d'une  telle  voile. 

La  vergue  de  foule  ne  fert  que  pour  border  le  perro* 
quet  par  le  bas. 

Border  un  vaiffeau  ;  on  fe  fert  quelquefois  de  cette 
exprefïïon  pour  dire  ,  fuivre  un  vaiffeau  de  côté  pour 
l'obferver  &  le  reconnaître.   (Z) 

Border  les  avirons ,  {en  terme  de  Batelier  )  c'eft 
mettre  les  avirons  dans  les  tourets  du  bachot  pour 
nager  ,  autrement  dit  ramer. 

BORDEREAU  ,  f.  m.  {terme  de  Finances  )  eft  un 
état ,  une  lifte  ou  un  mémoire  d'articles  ou  de  fom- 
mes  tous  portés  fur  une  même  colonne  ,  pour  en  re- 
fumer plus  facilement  le  montant.  (  H) 

Bordereau  ,  f.  m.  (  en  termes  de  Commerce  )  eft 
un  mémoire  ou  une  note  des  efpeces  que  l'on  donne 
en  payement ,  ou  que  l'on  reçoit  ou  que  l'on  a  dans 
fa  caille  ;  on  dit  en  ce  fens  un  bordereau  d' efpeces  ou 
un  bordereau  de  caiffe. 

On  appelle  aufli  bordereau  de  compte,  l'extrait  d'un 
compte  dans  lequel  on  comprend  toutes  les  lommes 
tirées  hors  des  lignes ,  foit  de  la  recette  foit  de  la 
dépenfe,  afin  de  connoître  le  total  de  l'une  &  de 
l'autre ,  pour  favoir  s'il  eft  dû  par  le  comptable ,  ou 
fi  on  lui  doit. 

Les  marchands  négocians  &  banquiers  ont  un  livre 
de  caiffe  &  de  bordereaux ,  fur  lequel  ils  portent  toutes 
les  fortunes  qu'ils  reçoivent,  &  qu'ils  payent  jour- 
nellement; ce  livre  eft  du  nombre  de  ceux  qu'on  ap- 
pelle livres  d'aides  ou  livres  auxiliaires.  Voye{  LlVRE 

de  Caisse  &  de  Bordereaux. 

On  nomme  auffî  bordereau  un  petit  livret  que  les 
commis  ,  fadeurs  ,  garçons ,  &  porteurs  d'argent  des 
marchands ,  négocians  tk  banquiers ,  qui  vont  à  la  re- 
cette par  la  ville ,  portent  dans  leur  poche  ,  &  fur  le- 
quel ils  écrivent  à  mefure  qu'on  leur  fait  quelque 
payement  ,  les  dates  des  jours  qu'ils  ont  reçu  ,  les 
noms  de  ceux  qui  ont  payé ,  les  fommes  qui  leur 
ont  été  payées ,  &  en  quelles  efpeces  ou  monnoie. 

On  appelle  table  du  bordereau  d'aunage ,  une  table 
compofée  de.  diverfes  fractions  de  l'aune  ,  fuivant 
qu'elle  eft  différemment  divifée ,  comparées  aux  par- 
ties de  la  livre  tournois  de  vingt  fols.  On  trouve  cette 
table  dans  le  Gendre  &  dans  le  Diclion.  du  commerce, 
tom.  l.pag.  1638.  avec  1'ufage  &:  la  pratique  qu'on 
en  doit  faire.  {G) 

BORDIER ,  f.  m.  (  terme  de  Coutumes  )  par  où  l'on 
entend  les  propriétaires  qui  ont  des  héritages  fur  les 
bords  des  grands  chemins.  (  H) 

BORDIER  ,  f.  m.  {Marine)  vaiffeau  bordier ,  c'eft 
celui  qui  a  un  côté  plus  fort  que  l'autre. 

*  BORDIGUE ,  f.  f.  (  Pèche  )  c'eft  ainfi  qu'on 
appelle  un  efpace  retranché  de  roleaux  &  de  cannes, 
vers  les  bords  de  la  mer ,  pour  arrêter  le  poiffon. 
Les  bordigues  fe  font  ordinairement  fur  les  canaux  , 
qui  vont  de  la  mer  aux  étangs  falés  ;  &  elles  arrê- 
tent le  poiffon  dans  le  paffage  de  l'une  à  l'autre. 

BORDOYER  ,  (  terme  de  Peinture  en  émail  )  qui 
exprime  le  mauvais  effet  que  font  les  émaux  clairs, 
lorfqu 'étant  employés  fur  de  bas  or  ,  ils  plombent  & 
deviennent  louches  ;  enforte  qu'une  efpece  de  cou- 
leur noire,  comme  de  la  fumée  ,  obfcurcitla  couleur 
naturelle  de  L'émail ,  lui  fait  perdre  beaucoup  de  fa 
vivacité  ,  &  la  bordoye  ,  en  fe  rangeant  tout  autour, 
comme  fi  c'étoit  du  plomb  noir.  Voye^  Peinture 
en  émail.  {R) 

*  BORDURE,  f.  f.  fe  dit  en  général  de  tout 
corps  appliqué  fur  les  extrémités  d'un  autre  ,  foit 


B  O  R 

pour  conferver  ces  extrémités ,  foit  pour  les  orner, 
foit  pour  les  fortifier. 

Bordure  ,  f.  f.  (  en  architecture}  eff  un  profil  en 
relief" rond  ou  ovale  ,  le  plus  fouvent  taillé  de  lculp- 
ture ,  qui  renferme  quelque  tableau  ,  bas-relief  ou 
panneau  de  compartiment  ;  on  appelle  cadres  ,  les 
bordures  quarrées. 

Bordure  de  pave;  les  Paveurs  appellent  ainfi 
les  deux  rangs  de  pierre  dure  &  ruftique  ,  qui  retien- 
nent les  bords  du  pavé  d'une  chauffée.   (P) 

Bordure  en  Èoijjellerie  ;  ce  font  des  feuilles  de 
hêtre  fort  minces  ,  portant  environ  fix  pouces  de 
largeur  ;  on  les  appelle  bordures  ,  parce  qu'elles  fer- 
vent à  border  les  extrémités  des  féaux  ,  boiffeaux  , 
minots ,  &c. 

Bordure,  f.  f.  (  Corderie)  tiffu  de  chanvre  ou 
fangle,  large  d'environ  un  pouce  de  roi ,  qui  le  fabri- 
que par  les  Cordiers ,  &  dont  les  Tapiffiers  fe  fer- 
vent pour  border  les  tentes ,  les  tapifferies  &  autres 
gros  ouvrages. 

BORDURE  ,  (  en  Jardinage}  fe  dit  des  plantes  qui 
entourent  les  planches  d'un  potager.  Voye^  Border. 

Bordure  ,  (  en  Peinture  )  eff  un  ornement  qui  rè- 
gne tout  autour  d'un  tableau  ,  d'une  eftampe ,  &c 
Une  riche  bordure ,  une  bordure  commune ,  une  bor- 
dure d'or  bruni,  d'or  mat ,  &c.  »  Les  bordures  ,  dit  M. 
»  l'abbé  du  Bos  ,  jettent  un  nouvel  éclat  fur  les  cou- 
»  leurs ,  &c  femblent  en  détachant  les  objets  voifins , 
»  réunir  mieux  entre  elles  les  parties  dont  ils  font 
»  compofés  ».  Réfl.fur  la  Peint.  (R) 

Bordure,  (  en  terme  de  Blajbn)  eff  une  efpece 
«le  brifure  en  forme  de  paffement  plat  au  bord  de 
l'écu ,  qu'elle  environne  tout  autour  en  forme  de 
ceinture,  &  fert  à  distinguer  différentes  branches. 

La  largeur  de  la  bordure  doit  être  d'environ  une 
fixieme  partie  de  l'écu. 

La  bordure  fimple  efr.  celle  qui  eff  toute  d'une  mê- 
me couleur  ou  d'un  même  métal  ;  c'eff  la  première 
brifure  des  puînés.  Il  y  en  a  d'autres  ,  componées , 
cantonnées ,  engrelées  ,  endenties  &  chargées  d'autres 
pièces  ,  qui  lbnt  des  brifures  différentes  des  puînés 
île  différens  degrés. 

Si  la  ligne  qui  conftitue  la  bordure  eff  droite  ,  &  la 
bordure  unie  ,  comme  on  dit  en  terme  de  blafon ,  pour 
lors  on  ne  nomme  que  la  couleur  ou  le  métal  de  la 
bordure ,  comme  il  porte  de  gueules  à  bordure  d'or.  Si  la 
bordure  eff  chargée  de  plantes  ou  de  fleurs ,  on  dit 
qu'elle  eff  verdoyée  de  trejT.cs.  Si  elle  eff  d'hermine , 
de  vaire ,  ou  d'autre  pelleterie ,  le  terme  d'art  eff 
bordée  d'hermine. 

BOREAL ,  adj.  (  Phyfîa.  )  fe  dit  en  général  de  tout 
ce  qui  a  rapport  au  feptentrion  ou  au  nord,  d'où  le 
vent  Borée  fouffle.  Ainfi  on  appelle  l'hémifphere  de 
la  terre  qui  répond  au  pôle  arctique  ,  hémifphere  bo- 
réal; on  dit  de  même  que  la  latitude  boréale  d'un  lieu 
eff  de  tant  de  degrés  ,  pour  marquer  que  ce  lieu  eff 
dans  l'hémifphere  boréal  à  tant  de  degrés  de  diltan- 
ce  de  Péquateur. 

Cependant  on  fe  fert  aujourd'hui  plus  communé- 
ment du  mot  feptcntrional  ;  &  on  a  refervé  le  nom 
de  boréal  pour  le  phénomène  appelle  aurore  boréale. 
Voyei  Aurore  Boréale. 

BOREASMES ,  f.  f.  pi.  fêtes  inftituées  en  l'hon- 
neur de  Borée. 

BORÉE  ,  f.  m.  (Phyfq.)  nom  dérivé  du  Grec  ,  Se 
dont  on  fe  fert  communément  pour  lignifier  le  vent 
de  nord.  Voye7^  Vent  &  NORD. 

Les  étymologiltes  font  venir  ce  mot  du  Grec  fie», 
clamor ,  bruit  ;  ou  déposa  ,  efca,  aliment  ;  foit  parce 
que  l'on  regardoit  ce  vent  comme  donnant  de  l'ap- 
pétit ,  ou  parce  qu'on  le  croyoit  bon  pour  les  fruits 
de  la  terre  qui  nous  donnent  la  nourriture.  D'autres 
le  dérivent  de  l'Hébreu  ,  biojah ,  aliment ,  ou  de  bai. 
tranquillité  ,  ou  de  bor ,  pureté  ,  ou  de  bar  ,  blé.  Les 


B  O  R 


335 


anciens  fuppofoient  que  ce  vent  fe  faifoit  fentir  prin- 
cipalement en  Thrace.  Pezron  remarque  qu'ancien- 
nement borée  fignifioit  le  vent  de  nord ,  &  qu'il  louffloit 
chez  ces  peuples  pendant  le  folftice  d'été.  Il  ajoute 
que  ce  mot  vient  du  mot  Celtique  bore ,  matin ,  parce 
que  les  premiers  rayons  du  foleil  fe  font  voir  en  été 
au  nord-eft,  &  qu'ordinairement  c'eft  de  ce  point 
que  ce  vent  commence  à  fourrier.   (O  ) 

BORETSCHO ,  (Géog.)  ville  forte,  fur  les  limites 
de  la  Hongrie  &  de  la  Tranfilvanie. 

BOREZ  ,  (Géog.)  petite  ville  d'Efpagne,  dans  le 
duché  d'Arcos ,  en  Andaloufie. 

BORG ,  (Géog.)  ville  fituée  dans  l'île  de  Femern  , 
dans  la  mer  Baltique  ;  elle  appartient  au  duc  de  Holf- 
tein. 

Borg  ,  (Géog.)  petite  ville  &  port  de  l'île  de  Bar- 
ra, en  Écoffe. 

BORGHETTO,(6"^.)il  y  a  trois  villes  de  ce 
nom  ;  la  première  dans  le  Trentin  ,  vers  les  frontiè- 
res des  états  de  Venife  :  la  féconde  dans  le  Véronois , 
fur  les  frontières  du  Mantoiian  ;  &  la  troifieme  dans 
le  duché  de  Milan  ,  fur  le  Lambro. 

BORGHOLTZHAUSEN,  (Géog.)  petite  ville  du 
comté  de  Ravensberg ,  appartenante  au  roi  de  Pruffe. 

BORGI ,  (Géog.)  ville  d'Afrique ,  dans  la  province 
de  Zeb  ,  en  Numidie. 

BORGO  ,  (Géog.)  ancienne  ville  de  Suéde ,  fur  le 
golfe  de  Finlande  ,  dans  la  province  de  Nylande  ,  & 
dans  le  territoire  de  Borgo.  Long.  44.  lat.  60.  34. 

Borgo  di  S.  Angelo,  (Géog.)  fortereffe  dans 
l'île  de  Malte. 

Borgo  forte  ,  (Géog.)  petite  ville  du  duché  de 
Mantoue,  fur  le  Pô.  Long.  z8.  ij.  lat.  41.  3j. 

Borgo  d'O  s  m  a  ,  (Géog.)  ville  de  la  Caffille 
vieille  ,  fur  le  Duero. 

Borgo  San  Donnino  ,  (Géog.)  petite  ville  du 
duché  de  Parme.  Long.  zj.  30.  lat.  41.  3j. 

Borgo  di  San  Sepolcro,  (Géog.)  ville  du 
grand  duché  de  Tofcane  ,  dans  le  Florentin.  Longit. 
29.  5o.  lat.  43.  35. 

Borgo  di  Sessia,  (Géog.)  petite  ville  du  duché 
de  Milan,  quoiqu'appartenante  aux  ducs  de  Savoie. 

Borgo  di  val  di  Taro  ,  (Géog.)  petite  ville 
fur  le  Taro,  avec  citadelle,  fur  les  frontières  de  l'é- 
tat de  Gènes. 

Borgo-franco  ,  (Géog.)  petite  ville  fur  le  Pô , 
dans  le  Milanois. 

Borgo-manero  ,  (Géog.)  ville  du  Milanois, 
près  de  Navarre. 

BORJA  ,  (Géog.)  petite  ville  d'Efpagne,  dans  le 
royaume  d'Arragon.  Long.  16.  là.  lat.  41.  So- 

BORIGUEN  ,  (Géog.)  c'elt  le  nom  que  les  natu- 
rels Amériquains  donnoient  à  File  qui  a  pris  le  nom 
de  Porto-rico  ,  limée  au  levant  de  I  île  de  S.  Domin- 
gue,  &  dont  les  Efpagnols  font  en  poffeffion. 

BORISSOW,  (Géog.)  ville  &  château  du  palati- 
nat  de  Minsky ,  en  Lithuame  ,  fur  la  rivière  Bererina. 

BORKUM,  (Géog.)  petite' île  de  la  mer  d'Alle- 
magne, près  de  la  province  de  Groningue ,  de  qui 
elle  dépend. 

BORMIA  &  BORMIDA  ,  (  Géog.  )  ce  font  deux: 
petites  rivières  d'Italie,  qui  prennent  leur  fource  dans 
le  marquifat  de  Final ,  fe  réunifient  à  Sezanc ,  &  le 
jettent  dans  le  Tanaro. 

BORMIO  ,  {Géog.)  ville  agréable  <Sc  bien  peu- 
plée ,  au  pays  des  Grilons  ;  c'elf  la  capitale  du  comté 
de  ce  nom ,  elle  elf  lituée  au  confluent  de  l'Adda  & 
de  l'Ifibllaccia.  Long.  zj.  ~fà.  lat.  z6 .  4.1. 

BORNA  ,  (Géog.)  petite  ville  de  Saxe  ,  près  de 
Lcipfick,  fur  la  Wyra  &  la  Pleifs. 

BOP.NAGE  (action  de),  terme  de  Palais  ,  eff 
celle  par  laquelle  ceux  qui  ont  des  héritages  voifins, 


33<5 


B  O  R 


tenans  &  aboutiffans  les  uns  aux  autres,  agîlTent  l'un 
contre  l'autre  pour  s'obliger  refpecTivement  à  les  fé- 
parer,  en  y  plaçant  de  nouvelles  bornes,  ou  en  réta- 
bliffant  les  anciennes ,  qui  auroient  été  tranfpoi  tées 
ailleurs  ou  par  cas  fortuit,  ou  par  le  fait  de  l'une  des 
parties. 

L'aftion  de  bornage  eft  mixte.  Foyc{  Action. 

On  parvient  à  borner  deux  héritages  par  trois 
movens  :  par  les  bornes  qui  ont  été  miles  fur  les  con- 
fins'pour  fervir  de  limites ,  par  titres  &  par  témoins. 
La  manière  de  pratiquer  ces  deux  dernières  preuves 
cil  la  même  qu'en  toute  autre  aûion.  Par  rapport  au 
premier,  on  reconnoît  qu'une  pierre  a  été  mile  pour 
fervir  de  borne  &  de  limite ,  quand  on  trouve  deffous 
des  garants  ou  témoins  ,  c'eft-à-dire  ,  deux  ou  trois 
morceaux  d'une  pierre  plate ,  que  les  mefureurs  & 
arpenteurs  Ont  accoutumé  de  mettre  aux  côtés  de 
la  borne  quand  ils  la  plantent.  On  appelle  ces  petites 
pierres  garants  ou  témoins,  parce  qu'elles  font  des 
témoins  muets  qui  certifient  la  vérité,  (i/) 

*  BORNES,  TERMES  ,  LIMITES  ,  (Gramm.) 
termes  qui  font  tous  relatifs  à  l'étendue  finie  ;  le  terme 
marque  juf  qu'où  l'on  peut  aller  :  les  limites ,  ce  qu'il 
n'eft  pas  permis  de  parler  :  les  bornes ,  ce  qui  empê- 
che d'aller  en-avant.  Le  terme  efl  un  point  ;  les  limites 
font  une  ligne  ;  les  bornes  un  objlaclc.  On  approche  ou 
l'on  éloigne  le  terme  :  on  étend  ou  l'on  refferre  les  li- 
mites :  on  avance  ou  l'on  recule  les  bornes.  On  dit  les 
bornes  d'un  champ  ,  les. limites  dune  province  ,  le  terme 
dune  courfe* 

*  BORNE ,  f.  m.  fe  dit  en  général  de  tout  figne  de 
limites  ,  &  cette  définition  convient  tant  au  iimple 
qu'au  figuré.  Ainfi , 

Borne,  en  Droit ,  efl  toute  féparation  naturelle 
ou  artificielle ,  qui  marque  les  confins  ou  la  ligne  de 
divifion  de  deux  héritages  contigus.  Quand  il  n'y  en 
a  pas  de  naturelles ,  les  arpenteurs  en  placent  d'ar- 
tihcielles.  Voyer^  ci-dejfus  Bornage. 

Il  y  a  peine  d'amende  contre  ceux  qui  enlèvent  & 
déplacent  les  bornes ,  dans  le  deffein  d'empiéter  fur 
l'héritage  voilin.  (//) 

Borne  de  bâtiment  ,  en  Architecture ,  efl  une  ef- 
pece  de  cône  tronqué  de  pierre  dure,  à  hauteur  d'ap- 
pui ,  à  l'encognure  eu  au-devant  d'un  mur  de  face , 
pour  le  défendre  des  voitures. 

Borne  de  cirque  ;  pierre  en  manière  de  cône  ,  qui 
fervoit  de  but  chez  les  Grecs ,  pour  terminer  la  lon- 
gueur de  la  ftade  ,  &  qui  régloit  chez  les  Romains  la 
courfe  des  chevaux  dans  les  cirques  &  les  hippodro- 
mes ,  ce  qu'ils  nornmoient  meta.  (P  ) 

BORNEO,  (Géog.)  île  d'Afie ,  dans  les  Indes , 
l'une  des  trois  grandes  îles  de  la  Sonde  ;  elle  fut  dé- 
couverte en  i  521 ,  par  dom  Georges  Menezés  ,  Por- 
tugais. Cette  île  ,  qui  a  environ  600  lieues  de  tour, 
cil  fous  la  ligne.  Tout  ce  pays  efl  très-fertile  ;  il  abon- 
de en  cafte,  cire,  camphre,  poivre,  herbes  aroma- 
tiques ,  bois  odoriférans  &  rélineux  ;  le  riz  y  efl  le 
meilleur  de  toute  l'Afie  ;  il  y  a  auffi  de  grandes  forêts 
remplies  d'animaux  lîngulicrs  ;  le  plus  extraordinaire 
fans  doute ,  efl  celui  que  l'on  appelle  homme J'auvage; 
il  cil ,  à  ce  qu'on  dit ,  de  la  hauteur  des  plus  grands 
hommes  ;  il  a  la  tête  ronde  comme  la  nôtre ,  des  yeux , 
une  bouche ,  un  menton  un  peu  différens  des  nôtres, 
prefque  point  de  nez,  &  le  corps  tout  couvert  d 'allez 
longs  poils.  Ces  animaux  courent  plus  vîte  que  des 
cerfs  ;  ils  rompent  dans  les  bois  des  branches  d'arbre, 
avec  lefquelles  ils  affomment  les  paffans,  dont  enfui- 
te  ïisuicent  le  fang  :  c'eft  ce  qu'en  rapporte  une  let- 
tre inférée  dans  les  Mémoires  de  Trévoux  en  ijoi.  Ces 
bêtes ,  que  l'on  trouve  au  premier  coup  d'œil  reffem- 
blcr  fi  fort  à  l'homme ,  &  qui  examinées  en  détail  en 
différent  prefque  dans  tous  les  traits ,  pourroient  bien 
n'être  que  des  finges ,  dont  des  voyageurs  ,  amis  du 
merveilleux ,  ont  exagéré  un  peu  la  taille ,  l'agilité 


B  O  R 

à  ïa  courfe ,  &  beaucoup  la  conformité  à  l'efpece" 
humaine.  On  y  voit  aufîi  des  finges  rouges ,  noirs 
ou  blancs ,  appelles  oncas  ,  qui  foui  niffent  de  très- 
beaux  bézoards. 

Cette  île  contient  plufieurs  royaumes;  le  princi- 
pal efl  celui  de  Bornéo  ,  dont  la  capitale  efl  la  ville  du 
même  nom  ;  elle  efl  bâtie  dans  un  marais,  fur  pilotis 
comme  Venife  ;  fon  port  efl  grand  &  beau.  Le  roi  de 
Bornéo  n'efl  que  le  premier  iujet  de  fa  femme  ,  à  qui 
le  peuple  &  les  grands  défèrent  toute  l'autorité  ;  là 
raifon  en  ell,  qu'ils  font  extrêmement  jaloux  d'être 
gouvernés  par  un  légitime  héritier  du  throne  ,  & 
qu'une  femme  efl  certaine  que  fes  enfans  font  à  elle, 
ce  qu'un  mari  n'ofe  affluer.  Journal  des  Savans  du 
mois  de  Février  1680. 

BORNER,V.  a£l. (Jardinage.')  du  bonis,  par  exem- 
ple ,  c'eft ,  lorfqu'il  vient  d'être  planté ,  lui  donner 
avec  le  dos  du  plantoir  ou  avec  les  mains ,  la  forme 
&  le  contour  qu'il  doit  avoir  fuivant  le  deffein,  en 
plombant  bien  la  terre  tout  au-tour  de  peur  qu'il  ne 
s'évente.  (/£) 

BORNHOLM,  (Gêog.)  île  de  l'Océan  ,  apparte- 
nante au  royaume  de  Danemarck,  à  20  lieues  des 
côtes  de  la  Scandinavie*,  elle  contient  une  ville  nom- 
mée Rottum  ,  &  deux  châteaux. 

Bornholm  ,  île  de  la  mer  Baltique. 

BORNO  ou  BOURNOU,  (%)  ville  &  royale 
me  d'Afrique ,  dans  la  Nigritie ,  avec  un  lac  &  un 
defert  de  même  nom  ;  on  croit  que  c'eft  le  pays  des 
anciens  Garamantes.  On  dit  que  les  habitans  n'ont 
point  de  religion ,  que  les  femmes  y  font  communes, 
&  que  les  particuliers  n'y  reconnoilîént  pour  leurs  en- 
fans  que  ceux  qui  leur  reffemblent.  Le  pays  abonde 
en  troupeaux ,  en  millet ,  &  en  coton.  Il  efl  entre  le 
3  2  &  le  4 1  de  long.  &  le  1  o  &  le  20  de  lat.  Le  lac  de 
Borno  efl  célèbre  parce  que  le  Niger  le  traverfe. 

Borno  ,  (Géog.~)  petite  rivière  de  la  Savoie,  qui 
fe  jette  dans  l'Arve. 

BORNOYERo«B ORNE YER ,  c'eft  regarder 
avec  un  œil ,  en  fermant  l'autre ,  pour  mieux  juger 
de  l'alignement ,  ou  connoitre  fi  une  furface  eft 
plane,  ou  de  combien  elle  efl  gauche.  Voye^  Dé- 
gauchir. (Z>) 

BORNSTADT ,  (Géog.)  petite  ville  de  la  Tranfil- 
vanie ,  à  deux  lieues  d'Hermanftadr. 

BOROUBRÏDGE,  (Géog.)  ville  d'Angleterre,1 
dans  la  province  d'Yorck ,  fur  la  rivière  d'Youre ,  à 
cinq  lieues  d'Yorck.  Long.  16.  ô.  lat.  64. 

BORRELISTES,  f.  m."pl.  (Hift.  ecclej:)  M.  Stoupp; 
dans  fon  Traité  Je  la  religion  Hollandoife ,  parle  d'une 
fefte  de  ce  nom  dont  le  chef  étoit  Adam  Boreil ,  Zé- 
landois,  qui  avoit  quelque  connoiflance  des  langues 
Hébraïque ,  Greque  &  Latine.  Ces  Borreliftes ,  dit 
M.  Stoupp ,  fuivent  la  plus  grande  partie  des  opi- 
nions des  Mennonites  ,  bien  qu'ils  ne  fe  trouvent 
point  dans  leurs  affemblées.  Ils  ont  choill  une  vie 
fortfévere,employant  une  partie  de  leur  bien  à  faire 
des  aumônes  ,  &  s'acquitant  d'ailleurs  avec  grand 
foin  de  tous  les  devoirs  d'un  homme  chrétien  ,  félon 
l'idée  qu'ils  s'en  forment.  Ils  ont  en  averfion  toutes 
les  églifes ,  &  l'ufage  des  facremens ,  des  prières  pu- 
bliques ,  &  de  toutes  les  autres  fondions  extérieures 
du  fervice  de  Dieu.  Ils  foûtiennent  que  toutes  les 
Eglifes  qui  font  dans  le  monde  ,  &  qui  ont  été  après 
la  mort  des  Apôtres  &  de  leur  premiers  fucceffeurs  , 
ont  dégénéré  de  la  pure  doftrine  qu'ils  avoient  prê- 
chée ,  parce  qu'elles  ont  fouffert  que  la  parole  de 
Dieu  infaillible  contenue  dans  le  vieil  &  le  nouveau 
Teftament,  ait  été  expliquée  &  corrompue  par  des 
docteurs  qui  ne  font  pas  infaillibles  ,  &  qui  veulent 
faire  paffer  leurs  confeffions,  leurs  catéchifmes,  leurs 
liturgies  &  leurs  fermons  ,  qui  font  des  ouvrages  des 
hommes ,  pour  ce  qu'ils  ne  font  point.  Ces  Borrelijles 
iôùùennent  qu'il  ne  faut  lire  que  la  feule  parole  de 

Dieu 


B  O  R 


B  O  S 


Dieu  ,  fans  y  ajouter  aucune  explication  des  hom- 
mes. M.  Stoupp  qui  nous  a  donné  cette  defeription 
des  Borrelilhs ,  affùre  qu'il  les  a  connus  en  Hollande. 

(G) 

BORRIANO  ,  (Géog.)  petite  ville  d'Efpagne  dans 
le  royaume  de  Valence ,  fur  le  bord  de  la  Méditer- 
ranée. 

.  BORROMÉE ,  (  Géog.  )  petite  île  du  duché  de 
Milan  extrêmement  ornée  ,  dans  le  lac  de  Corne. 

BORROMÉES  ,  (  Les  îles  )  Géog.  ce  font  deux  îles 
agréables  du  duché  de  Milan,  à  la  partie  méridionale 
du  lac  Majeur. 

*  BORROV,  (Hift.  nat.  )  arbre  ou  bois  des  In- 
des :  fon  écorce  eft  couverte  d'épines  crochues  ;  fi 
l'on  y  fait  une  incifion ,  il  en  fort  un  fuc  purgatif:  il 
eft  fi  poreux ,  qu'il  n'eft  même  pas  bon  à  brider  ;  il 
paroît  par  ce  détail  que  cette  plante  eft  peu  connue. 
BORROZAIL  ,  (  Médecine.  )  ou  U  {ail  des  Ethio- 
piens ,  maladie  épidémique  régnante  dans  les  envi- 
rons de  la  rivière  de  Senega  :  elle  attaque  les  parties 
honteufes  ;  cependant  elle  diffère  de  la  vérole ,  quoi- 
qu'elle doive  fon  origine  à  un  ufage  immodéré  des 
femmes  ,  pour  lefquelles  les  habitans  de  ces  contrées 
ont  une  pafhon  violente.  Cette  maladie  s'appelle 
dans  les  hommes  afab ,  6c  dans  les  femmes  ajjabatus. 
Blancard.   (N) 

BORSHOLDER  ,  f.  m.  (  Hifl.  mod.  )  nom  qu'on 
donnoit  anciennement  en  Angleterre  au  doyen  ou 
chef  d'une  certaine  fociété  qu'on  appelloit  décurie, 
parce  qu'elle  étoit  compofée  de  dix  hommes  qui  fe 
cautionnoient  folidairement,  6c  s'obligeoient  envers 
le  roi  de  répondre  de  tout  ce  qui  pourroit  fe  commet- 
tre de  contraire  aux  lois  par  leurs  afïbciés  :  fi  l'un 
d'eux  venoit  à  prendre  la  fuite  ,  les  autres  étoient  te- 
nus de  le  repréfenter  dans  le  terme  de  trente  jours , 
ou  de  fatisfaire  pour  lui ,  félon  la  qualité  de  la  faute 
qu'il  avoit  commife.  Le  roi  Altrede  qui  régnoit  vers 
l'an  880,  divila  toute  l'Angleterre  en  comtés,  cha- 
que comté  en  centuries ,  &  celles-ci  en  décuries  ou 
dix  chiffes  de  bourgeois  confulérables ,  dont  le  doyen 
fut  appelle  borsholder ,  c'eft-à-dire  ,  U  principal  ré- 
pondant ,  ou  le  vieillard  du  bourg.  Spelman.  GloJJar. 
archeolog.  Voye{  Dixaine.   (G) 

BORSTEL  ,  (  Géog.  )  ville  de  Weftphalie  ,  dans 
l'évêché  d'OInabrug. 

BORT ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  dans  la 
province  de  Limofin  ,  fur  la  Dordogne. 

BORTWICK ,  (  Géog.)  ville  de  l'EcofTe  méridio- 
nale, dans  la  province  de  Lothian. 

BORTINGLE,  terme  de  Rivière,  efpece  de  plat- 
bord  qui  fert  de  hauffe  au  bord  du  bateau  ,  lorlque 
La  quantité  de  charge  lui  fait  prendre  trop  d'eau. 

BORV  A ,  (  Géog.  )  petite  ville  &  château  de  Por- 
tugal, dans  la  province  d'Alentejo,  à  deux  lieues  de 
Villa-Viciofa. 

BORU\VANNY,(  Géog.)  ville  du  royaume  de 
Bohême  ,  dans  le  cercle  de  Bechin. 

BORYSTHENE,  (  Géog.)  grand  fleuve  :  on  l'ap- 
pelle aujourd'hui  Dnieper ,  ou  Nicper  ;  il  prend  fa 
fourec  dans  la  Rufîie  ,  6c  la  fépare  de  la  Lithuanie  , 
traverfe  l'Ucraine ,  6c  tombe  dans  la  mer  Noire  à 
Oczakow.  Il  eft  très-large  à  ion  embouchure  ,  &  d'u- 
ne navigation  dangereufe  à  caufe  des  rochers  qui  s'y 
trouvent ,  &  de  70  îles  qu'il  forme  ,  qui  font  habitées 
par  les  Cofaques  de  Zaporov. 

BOSA  ,  (  Géog.  )  ville  maritime  dans  la  partie  oc- 
cidentale de  l'île  de  Sardaigne ,  avec  une  citadelle  6c 
un  allez,  bon  port. Elle  eft  lituée  fur  la  rivière  il 
à  fept  lieues  d'Alghier.  Long.  z6.  23.  lat.  40.  /o. 

BOSCH,  (  Géog.  )  petite  île  dans  la  mer  du  Nord, 
pies  les  côtes  de  la  Frife. 

BOSCO  ou  BOSCHI ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Ita- 
lie au  Milanez,  dans  l'Alexandrin.  Elle  eft  fur  la  ri- 
vière d'Orbe ,  à  deux  lieues  d'Alexandrie, 
Tome  II, 


337 


BOSEL ,  f.  m.  c'eft  en  Architecture  la  même  chofe 
que  bâton,  tore, /pire,  ajlragale.  Foye^  Astragale. 

BOSENHAM  ,  (  Géog.  )  ville  d'Angleterre  dans  la 
province  de  SufTex. 

BOSJNGEN,  (  Géog.  )  ville  deSuiffe  dans  le  can- 
ton  de  Fnbourg  ,  fur  la  rivière  de  Senfen. 

BOSNA  ,  (  Géog.  )  rivière  de  Bofnie,  qui  fe  jette 
dans  la  Save  à  Arki. 

BOSNIE  ,  (Géog.)  province  de  la  Turquie  en  Eu- 
rope ,  ainfi  nommée  de  la  rivière  Bofna  qui  y  coule. 
Elle  fe  divife  en  haute  6c  baffe  :  elle  eft  bornée  au 
nord  par  l'Efclavonie  ,  &  au  fud  par  l'Albanie. 

BOSPHORE ,  f.  m.  (  Géog.  )  nom  que  les  anciens 
donnoient  à  un  détroit  ou  canal  de  mer  d'une  très- 
petite  étendue.  Voyc{  Détroit,  Mer,  &c. 

On  n'a  donné  ce  nom  qu'à  deux  détroits  de  la  mer 
Méditerranée  ;  le  bofphore  de  Thrace  ,  &  le  bofphore 
Cimmerien. 

Le  bofphore  Cimmerien  eft  le  détroit  qui  fert  de  com- 
munication au  Pont-Euxin  ou  à  la  mer  Noire  avec 
le  Palus-Méotide.  Il  tiroit  fa  dénomination  desCim- 
meriens  ,  nation  célèbre  dans  l'antiquité  :  on  lui  a 
donné  depuis  le  nom  de  détroit  de  Zabache. 

Le  bofphore  de  Thrace ,  ou  canal  de  Confiantinople  , 
eft  le  détroit  par  lequel  la  Propontide  ou  la  mer  de 
Marmara  communique  au  Pont-Euxin  ou  à  la  mer 
Noire.  Il  a  environ  fix  lieues  marines  de  longueur;  fa 
largeur  en  quelques  endroits  n'eft  que  d'environ  qua- 
tre censtoifes.  L'un  de  lés  bords  appartient  à  l'Euro- 
pe ,  l'autre  à  l'Afie. 

Ce  mot  eft  Grec ,  Çomepcç  ;  il  eft  formé  de  /2«?,  bœuf9 
&  'mcf.oi  ,  paffage.  Ainfi  le  mot  bofphore  paroît  figni- 
fîer  en  général  un  bras  de  mer  affez  étroit,  pour  qu'un 
bœuf  pût  le  paffer  à  la  nage.  C'eft  auflî  l'opinion 
de  piuiieurs  favans. 

Cependant  fi  l'on  convient  de  l'étymologie  de  ce 
mot,  on  ne  convient  pas  de  la  raifon  de  cette  éty- 
mologie,  principalement  pour  le  bofphore  de  Thrace. 
Nymphius  raconte  que  les  Phrygiens  voulant  paffer 
ce  détroit  conftruifirent  un  navire,  à  la  proue  duquel 
il  y  avoit  une  figure  de  tête  de  bœuf,  6c  qui  appa- 
remment pour  cela  fut  appelle  Gç,  bœuf. 

Denys  le  géographe,  Val.  Flaccus ,  Apollodore ," 
Mareellin ,  &c.  dilènt  qu'Io  ,  fille  d'Inachus ,  ayant 
été  changée  en  vache  par  Junon ,  paffa  ce  détroit, 
qui  delà  fut  nommé  bofphore. 

Arrien  dit  que  les  Phrygiens  ayant  reçu  une  ré- 
ponfe  de  l'oracle  qui  leur  ordonnoit  de  fuivre  la  rou- 
te que  leur  marquerait  un  bœuf,  ils  en  tourmentè- 
rent un  qui  le  jetta  à  la  mer  pour  éviter  leurs  pour- 
fuites  ,  6c  paffa  ce  détroit  à  la  nage.  D'autres  difent 
qu'un  bœuf  tourmenté  d'un  taon,  fe  jetta  dans  le 
détroit  &  le  paffa  :  d'autres  que  tout  détroit  étoit  au- 
trefois appelle  bofphore  :  d'autres  que  quand  les  ha- 
bitans des  cotes  vouloient  paffer  le  bofphore  de  Thra- 
ce ,  ils  joignoient  des  bateaux  enlemble  ,6c  y  atte- 
loient  des  bœufs.  Charniers, 

BOSQUET,  f.  m.  (  Jardinage.)  petit  bois  planté 
dans  les  jardins  de  propreté  ;  c'eft  comme  qui  diroit 
un  bouquet  de  verdure  ,  un  bois  paré ,  au  milieu  duquel 
on  trouve  ordinairement  une  falle  ornée  de  fontai- 
nes 6c  de  pièces  de  gafon ,  avec  des  lièges  pour  fe 
repofer. 

Les  bofquets  font  le  relief  des  jardins;  ils  forment 
une  de  leurs  principales  parties  ,  &  font  valoir  tou- 
tes les  autres  :  c'eft  par  leur  moyen  qu'on  couvre 
toutes  les  vues  defagréablcs.  On  leur  donne  toute 
forte  de  figures  ,  telles  que  des  étoiles,  de>  quincon- 
ces, cloîtres,  falles  vertes  ,  galeries .  labyrinthes  , 
croix  de  S.  André,  pattes  d'oie  ,  chapelets,  guillo- 
chis,  culs-de-fac  ,  carrefours,  cabinet;,,  &c. 

Le  bofquet  repréfenté  dans  la  PI,  FI.  eft  un  quar- 

V  v 


î33 


B  O  S 


B  O  S 


ré  long  échancré  dans  fes  quatre  angles,  coupé  de 
diagonales  qui  mènent  dans  une  figure  octogone  al- 
longée ,  qui  préiente  des  renrbncemens  pour  des  va- 
(és  ou  des  figures  en  face  de  chaque  allée  :  on  entre 
par  quatre  allées  dans  la  falle  du  milieu,  où  l'en 
trouve  une  pièce  d'eau  cintrée  dans  fes  extrémités  , 
avec  un  bouillon  au  milieu  :  les  quatre  bancs  prati- 
qués dans  la  paliffade  de  l'octogone  en  face  de  cha- 
que allée  ,  découvrent  cette  fontaine  ,  &  s'enfilent 
l'un  l'autre  :  on  trouve  encore  quatre  bancs  cintrés 
dans  les  petits  cabinets  ménagés  dans  les  angles  de 
la  falle  du  milieu. 

On  trouvera  la  manière  de  tracer  ce  bofquet  &  de 
le  planter  ,  aux  articles  Tracer  ,  Planter.  (  K  ) 

BOSRA,  nommée  Bufferet  dans  les  hiftoriens  Fran- 
çois des  Croifades.  Bofra  dans  l'antiquité  ,  ancienne 
métropole  d'une  province  particulière  d'Arabie  ,  au 
levant  de  la  Paleftine. 

BOSSAGE,  f.  m.  fe  dit  en  général  de  toute  émi- 
nence  laiffée  aune  furface  plane  de  pierre  ou  de  bois, 
ou  autre  matière  propre  au  bâtiment. 

Bossage  ,  en  Architecture ,  fe  dit  de  la  faillie  bru- 
te &c  non  taillée  qu'on  laiffe  dans  les  bâtimens  à  des 
pierres  que  l'on  fe  propofe  de  réparer  au  cifeau, 
pour  y  former  des  ornemens  ,  des  armes ,  des  feuil- 
lages ,  &c. 

Joindre  des  pierres  en  bojjkge  ,  c'efl  les  biffer  fail- 
lir au-delà  des  endroits  où  lont  les  joints ,  comme  on 
îe  remarque  au  tambour  des  colonnes  de  plufieurs 
pièces  :  c'efl  un  moyen  de  conferver  les  arrêtes  de 
leurs  joints  de  lit,  que  les  cordages  pourraient  émoul- 
fer  ,  6c  d'en  faciliter  la  pofe. 

On  donne  encore  le  nom  de  bojfagîs  ou  de  pierres 
de  refend,  à  celles  qui  femblent  excéder  le  nud  du 
mur ,  quand  les  joints  de  lit  en  font  marqués  par  des 
enfoncemens  ou  canaux  quarrés. 

Le  bojjagerufiique  eft  arrondi,  &  fes  paremens  pa- 
roiffent  ou  brutes  ou  pointillés  également  :  l'arron- 
di a  fes  arrêtes  arrondies  ;  le  bojjage  à  anglct  efl  chan- 
frené  ,  &  joint  à  un  autre  de  pareille  manière  avec 
lequel  il  forme  un  angle  droit  :  celui  à  pointe  de  dia- 
mant a  le  parement  à  quatre  glacis,  terminés  en  un 
point  quand  il  efl  quarré ,  &  en  arrête  quand  il  efl 
barlong  :  celui  qui  efl  en  caret  a  la  faillie  terminée 
par  un  caret  entre  deux  filets ,  &c.  (/*) 

Bossages,  {Charpent.)  ce  font  des  maffes  de 
bois  qu'on  laiffe  aux  pièces  qu'on  allégit  aux  endroits 
des  mortoifes  ,  pour  qu'elles  foient  plus  fortes.  froy. 
les  arbres  des  grues ,  PL  du  Cliarpentier. 

On  donne  encore  en  Charpente  le  nom  de  bojjage , 
à  l'arc  ou  au  cintre  que  forment  les  bois  courbes.  Le 
bojjage  fe  toife. 

*  BOSSE ,  f.  f  fe  dit  en  général  de  toute  éminence 
fphérique ,  foit  effentielle ,  foit  accidentelle  au  corps 
où  cette  forme  fe  remarque.  Le  boffuè  ell  l'oppolé  de 
bojju  :  le  premier  marque  enfoncement ,  6c  l'autre 
faillie  ,  &  ils  peuvent  fe  trouver  en  même  tems  fur 
un  corps  mince  ;  fi  ce  corps  efl  bo[jué  d'un  côté  ,  il 
fera  bojfu  de  l'autre.  La  bojfe  efl  accidentelle ,  toutes 
les  fois  qu'elle  gâte  la  forme  totale  ;  elle  efl  effen- 
tielle ,  quand  elle  efl  un  effet  de  l'art ,  &  une  fuite  de 
la  conformation  ou  de  I'ufage  de  l'ouvrage. 

Bosse  ,  vice  de  conformation  ,  qui  confifle  en  ce 
que  l'épine  du  dos  efl  convexe  &  voûtée  ,  &  quel- 
quefois le  jiernum,  La  moelle  de  l'épine  &  les  nerfs 
qui  en  fortent ,  font  comprimés  par  ce  dérangement; 
de  là  vient  l'amaigriffement  du  corps ,  tandis  que  la 
tête  groffit  ;  les  nerfs  du  cerveau  font  d'autant  plus 
actifs  &  plus  nourris ,  que  ceux  de  la  moelle  de  l'é- 
pine font  plus  affoiblis.  C'efl  peut-être  pour  cette  rai- 
fon ,  dit  M.  Daubenton  (  Hifi.  nai.  tom.  III.  )  ,  que 
les  boffus  ont  ordinairement  plus  d'efprit  que  les  au- 
tres. La  règle  n'ell  pourtant  pas  généi  aie ,  &  l'auteur 


ne  donne  cette  explication  que  comme  une  conjec- 
ture. Voye^  Rachitis.  (O) 

Bosse  ,  en  Anatomie;  épithete  dont  on  fe  fert  pour 
caraôérifer  une  éminence.  Voye^  Eminence. 

Ainfi  on  dit  la  protubérance  ou  boj/e  occipitale.  Voy. 
Occipital,  {L') 

Bosse  ou  Ronde  bosse  ,  en  Architecture ,  efl  toute 
figure  qui  fert  à  l'ornement  d'un  édifice  ;  ou  plus  gé- 
néralement tout  ouvrage  de  fculpture  ,  dont  les  par- 
ties ont  leur  véritable  rondeur ,  &  font  ilolées  com- 
me les  figures.  On  appelle  demi-boffe  ,  un  bas  relief, 
qui  a  des  parties  faillantes  6c  détachées.  (P) 

Bosse  ,  en  terme  de  Bâtiment  ;  c'efl  dans  le  pare- 
ment d'une  pierre  un  petit  bojfage  que  l'ouvrier  laiffe 
pour  marquer  que  la  taille  n'en  eft  pas  toilée ,  &  qu'il 
ôte  après  en  ragréant.  (  P  ) 

BOSSE  (  travailler  d'après  la  )  ,  fe  dit,  en  Defftin  , 
d'un  élevé  ou  d'un  maître  qui  copie  d'après  une  fi- 
gure de  relief,  foit  en  marbre ,  foit  en  plâtre,  {Il  ) 

Bosse  ,  en  Marine ,  fe  dit  de  bouteilles  de  verre 
fort  minces  ,  qu'on  remplit  de  quatre  à  cinq  livres  de 
poudre ,  qu'on  garnit  de  plufieurs  mèches  qui  pendent 
du  goulot ,  &  d'un  bouchon ,  qu'on  allume  6c  qu'on 
lance  d'un  vaiffeau  dans  un  autre ,  avec  une  corde 
longue  de  quatre  à  cinq  pies  :  cette  machine  venant 
à  fe  brifer  ,  met  le  feu  dans  le  bâtiment,  &  répand 
le  defordre  entre  l'équipage.  On  dit  qu'elle  efl  d'ufa- 
ge  fur  la  Méditerranée. 

Bosses  ,  f.  f.  pi.  (  Marine.  )  ce  font  des  bouts  de 
corde  d'une  médiocre  longueur,  ayant  à  leurs  extré- 
mités des  nœuds  nommés  cul  de  port  doubles.  L'ufage 
des  bojfes  efl  de  rejoindre  une  manœuvre  rompue  , 
ou  qu'un  coup  de  canon  aura  coupée  ;  ce  qui  eft  fort 
néceffaire  dans  un  combat. 

BOSSES  pour  les  haubans.  Voye^  Haub  AN. 

BOSSES  à  cguillettes  ou  à  raban  ,  bojfes  de  cable  ;  ce 
font  les  bojfes  qui  font  pour  le  cable,  c'efl-à-dire  qui 
ont  au  bout  une  petite  corde  qui  fert  à  faifir  le  cable 
lorfque  le  vaiffeau  ell  à  l'ancre. 

Bosses  à  fouet  ;  ce  font  celles  qui  étant  treffées 
par  le  bout ,  vont  jufqu'à  la  pointe  en  diminuant. 

Bosse  du  boffoir;  c'elt  la  manœuvre  qui  fert  à  tirer 
l'ancre  hors  de  l'eau ,  pour  l'amener  au  boffoir  lorf- 
qu'elle  paroît.  Aov^Candelette. 

Bosses  de  chaloupe  ou  de  canot  ;  ce  font  les  cordes 
dont  on  fe  fert  pour  amarrer  les  chaloupes  &  les  ca- 
nots. 

Prendre  une  bojfe  ;  c'efl-à-dire  amarrer  une  bojfe  à 
quelque  manœuvre.  (  Z  ) 

Bosse  {ferrure  à  )  ;  elle  s'attache  en-dehors,  foit 
avec  des  clous  rivés,foit  avec  des  vis,  dont  les  écrous 
font  placés  en-dedans ,  &  fe  ferme  à  moraillon.  Voyeç_ 
la  dejeription  de  cette  Jerrure  à  V article  SERRURE. 

Bosse  ,  dans  les  grojjes  Forges  ;  on  donne  ce  nom 
à  une  partie  des  applatifïbires.  Voye^  Applatis- 
SOIRE    &  GROSSES    FORGES. 

BOSSE  ,  {(Economie  rufliq.')  c'efl  ainfi  qu'on  appelle 
à  la  campagne  les  paquets  de  chardons  que  l'on  fait 
pour  être  vendus  aux  drapiers  ,  laineurs,  couvertu- 
riers  ,  &c. 

Bosse  ,  a  auffi  fon  acception  en  Orfèvrerie.  La  vaif- 
felle  fe  diltribue  en  plate  6c  en  vaiffelle  en  bojje.  La 
plate  comprend  les  affiettes ,  les  plats,  les  cuillères, 
&  tout  ce  qui  n'a  pas  une  concavité  confidérable. 
Celle  en  bojfe  comprend  tous  les  grands  vaiffeaux 
qui  ont  un  ventre  &  un  cou ,  comme  lèaux ,  flacons  , 
aiguières  ,  baffins  profonds ,  &c. 

Rosse  ,  che%  les  Paumiers ,  fe  dit  ou  d'une  éminence 
ronde  pratiquée  en  laillie ,  d'un  pie  ou  environ  de 
diamètre  ,  fur  quatre  à  cinq  de  haut,  du  côté  de  la 
grille  ;  ou  d'un  angle  obtus  que  le  mur  du  côté  de  la 
grille  fait  au  même  endroit,  dans  lequel  la  balle  ve- 
nant à  frapper ,  elle  eft  très-difficile  à  juger  pour  ceux 
qui  ont  à  la  prendre. 


B  O  S 

*  BOSSES  ,  dans  les  Salines  ;  c'eft  ainfi  qu'on  appelle 
des  tonneaux  pleins  de  fel  en  grain  ,  ou  de  lel  trié , 
deftiné  pour  latisfaire  aux  engagemens  de  la  France 
avec  les  cantons  Catholiques  de  Suiffe.  Les  bojj'es  doi- 
vent contenir  feize  fîerlins  ,  mefurc  de  Berne  ,  qui 
font  évalués  fur  le  pie  de  quatre  charges  deux  tiers  , 
&  la  charge  à  raifon  de  cent  trente  livres  :  cependant 
les  feize  fîerlins  ne  pèlent  environ  que  cinq  cens  cin- 
quante à  foixante  livres.  Quoique  le  fel  trié  foit  le 
moins  humide  de  celui  qui  fe  tire  de  la  poêle  ,  fur 
les  bords  de  laquelle  on  le  laiffe  afTez  long-tems  en 
monceaux  ,  pour  que  la  plus  grande  partie  de  la 
muire  s'en  écoule  ;  cependant  une  des  principales 
conditions  du  traité  du  Roi  &c  du  fermier  avec  les 
Suiffes ,  c'eft  qu'il  ait  été  dépofé  pendant  fix  femai- 
nes  fur  les  étuailles  ,  avant  que  d'être  mis  dans  les 
boffes.  Les  ouvriers  qu'on  appelle  poulains  ,  &  qui 
empliffent  les  boffes ,  entrent  dedans  à  la  quatrième 
mefure ,  c'eft-à-dire  au  quatrième  gruau  qu'on  y  ver- 
fe ,  &  foulent  le  fel  avec  les  pies ,  &  ainfi  de  quatre  en 
quatre  mefures.  Elles  relient  enfuite  huit  jours  fur 
leurs  tonds  ;  après  quoi  on  bat  encore  le  fel  de  dix- 
huit  coups  de  pilon  ou  demoilelle.  On  ajoute  la  quan- 
tité néceffaire  pour  quelles  loient  bien  pleines  ;  on 
les  ferme,  &  on  les  marque  d'une  lettre.  Chaque 
lettre  a  cent  bofjes.  Les  boffes  rendues  à  Grandlon  & 
à  Yverdun  ,  y  doivent  encore  relier  trois  femaines 
en  dépôt.  On  les  mefure  encore  de  nouveau ,  &  l'en- 
trepreneur des  voitures  ,  à  qui  le  fermier  parle  pour 
déchet  9  pour  ioo  en-dedans ,  ce  qui  lait  cent  bojfes 
pour  quatre-vingt-onze  ,  ell  tenu  de  les  remplir  de 
manière  qu'il  n'en  revienne  pas  de  plaintes. 

BOSSES  {contrôleur  à  rcmplijjagc  des")  ;  c'eft  un  offi- 
cier gagé  dans  des  Salines ,  qui  veille  à  ce  que  les 
poulains  faffent  bien  leur  devoir ,  &c  que  les  bojjes 
loient  bien  pLeines.  Voye^  Poulain. 

Bosse,  le  dit,  en  Vénerie,  de  la  première  pomTée 
d'un  cerf  qui  a  mis  bas  ;  ce  qui  commence  dès  les 
mois  de  Mars  ou  d'Avril.  Il  le  prend  en  même  fens 
pour  le  chevreuil.  C'eft  dans  l'une  &  l'autre  Pémi- 
nence  d'oii  fort  le  mairin  ,  la  perche ,  ou  le  fût  du 
bois.  Cette  éminence  le  nomme  meule  dans  le  pre- 
mier de  ces  animaux,  &  enflure  dans  le  fécond. 

*  BOSSE  ,  terme  de  Verrerie  ;  c'eft  la  forme  que  l'ou- 
vrier appelle  boffier,  donne  à  la  matière  vitrifiée,  en 
l'allongeant,  poliffant ,  tournant  fur  le  marbre  ,  & 
foufflant  à  plulîeurs  reprifes.  La  boffe  a  la  figure  d'un 
globe  d'environ  deux  pies  de  tour  :  elle  tient  à  la  telle 
par  une  efpece  de  col.  C'eft  ce  globe  qui  deviendra 
par  les  opérations  fubléquentes ,  un  plat  de  verre  à 
vitre.  Voyci  VERRERIE  A  VITRE. 

BOSSEMAN  ,  f.  m.  {Marine  angV)  fécond  contre- 
maître; c'eft  un  officier  marinier  qui  eft  chargé  du  foin 
des  cables  &  des  ancres ,  des  jas  &  des  bouées.  Il  doit 
faire  griffer  &  tonner  les  cables  aux  endroits  nécef- 
faires,  caponner  &c  boffer  les  ancres,  y  mettre  des 
omis  de  longueur  convenable  au  tond  des  mouilla- 
ges ,  y  tenir  les  bouées  flotantes  au  -  delïïis  de  l'eau  , 
&  veiller  fur  les  cables  ,  pour  voir  s'ils  ne  rompent 
point ,  &  li  l'ancre  ne  chaffe  pas. 

BOSSER  &  DEBOSSER  un  cable;  c'eft  ,  en  Mar. 
amarrer  &  démarrer  la  bolfe  qui  faifit  le  cable ,  lorf- 
que  l'ancre  eft  à  la  mer. 

Boffer  C ancre ,  c'eft  au  lîi  tirer  l'ancre  pour  la  met- 
tre fur  les  boflbirs.  (  Z  ) 

BOSSETTE ,  f.  f.  en  terme  d' 'Eperonnier  ,  s'entend 
d'un  ornement  en  or ,  en  argent ,  en  cuivre  ,  6v.  em- 
bouti ,  dont  on  couvre  le  fonceau  d'un  mors,  ^oye^ 
FoNCEAU  ;  voye^  MORS  ;  voy.  D.fig.  Zl.  Planche  de 
VEptronnier. 

C'eft  aulïï  une  pièce  de  cuivre  qu'on  met  fur  les 
yeux  des  mulets. 

*  BOSSIER  ,  f.  m.  c'eft  dam  les  Verreries  ,  le  nom 
d'un  gentilhomme  occupé  à  former  la  bulle.  Voyt^ 

Tome  II. 


B  O  S 


339 


Bosse  ;  voye^  Verrerie  en  plat. 

BOSSOIRS  ou  BOSSEURS  ,  f.  m.  pi.  en  Marine; 
ce  font  deux  poutres  ou  pièces  de  bois  miles  en  fail- 
lie à  l'avant  du  vaiffeau  au-deffus  de  l'éperon ,  pour 
foûtenir  l'ancre  ce  la  tenir  prête  à  mouiller  ,  ou  bien 
l'y  pofer  quand  on  l'a  tirée  hors  de  Peau.  La  faillie 
que  font  les  boffoirs ,  donne  lieu  à  l'ancre  de  tomber  à 
l'eau  fans  rifque  ,  quand  il  faut  mouiller,  &  empêche 
qu'elle  n'oriente  le  franc  bordage  ou  les  ceintes.  Voy. 
Planche  I.  le  bojfoir ,  cottè  M.  foye?^  aujfila  Planch.  IV. 
fig.  I.  n°.lJ3  ,  le  bojfoir;  &  n°.  Ï34  ,  le  porte-bojfoir. 
L'infpection  de  ces  deux  figures  fera  connoître  par- 
faitement la  forme  des  bofioirs,  èc  leur  poiitiondans 
le  vaiffeau.  Il  y  a  un  ou  deux  rouets  à  la  tête  de  cha- 
que bojfoir ,  par  le  moyen  defquels  on  tire  l'ancre 
lorfqu'elle  eft  venue  à  pic. 

Le  bojfoir  doit  avoir  huit  pouces  d'épais  &  dix  peu- 
ces  de  large  parle  boutqui  eft  furie  château  d'avant, 
&  huit  pouces  de  large  &C  quatre  pouces  d'épais  par 
l'autre  bout. 

On  fait  des  ornemens  de  fculpture  à  la  tête  du  bof- 
foir:  à  côté  il  y  a  une  groffe  crampe  qui  tient  au  bof- 
foir,  dans  laquelle  on  met  une  poulie  qui  lert  à  enle- 
ver les  plus  greffes  ancres.  La  corde  qui  eft  dans  cette 
poulie,  va  paffer  dans  un  rouet  qui  eft  fur  le  château 
d'avant,  dans  un  traverlîn  qui  traverle  le  gaillard  pro- 
che du  fronteau  ,  6c  qui  lert  à  amarrer  diverles  ma- 
nœuvres. (Z) 

BOSSON,  {Mar.)  myer  BOUGE  &  BeSSON.  (Z) 

BOSSU,  adj.  pris  fubft.  en  terme  de  Médecine  ,  eft 
celui  qui  a  les  vertèbres ,  ou  le  fternum  d'une  conve- 
xité difforme.  Voyei  Vertèbre  &  Bosse. 

La  partie  du  foie  d'où  ibrt  la  veine-cave  eft  aufTi 
appellée  partie  gibbeufe ,  c'eft-à-dire  Bossue.  Voye? 
Foie.  {L) 

Bossu  ,  {Aflronomit.  )  on  fe  fert  quelquefois  du 
terme  de  bojfu  pour  deiigner  la  partie  éclairée  de  la 
lune  ,  lorfqu'elle  parle  du  plein  au  premier  quartier, 
&  du  dernier  quartier  au  plein  ;  car  pendant  tout  ce 
tems ,  la  partie  qui  eft  dans  Pobfcurité  eft  cornue ,  & 
celle  qui  eft  éclairée  eft  élevée  en  boffe  convexe,  ou 
boffue.  Voyei  Phase  <S'  Lune.  Ce  mot  fe  dit  plus  en 
Latin  qu'en  François  :  luna  gibboja.   {  O  ) 

Bossu  ,  (  Monnoie.  )  nom  que  l'on  donne  en  Tou- 
raine  aux  fous  marqués. 

BOSSUT  ,  (  Géog.  )  bourg  &c  château  du  comté  de 
Hainaut,  entre  Valencicnncb  &:  Mons. 

*  BOSSY  ,  f.  m.  (  ffift.  nat.  bot.  )  arbre  qui  croît 
au  royaume  de  Quoja  en  Afrique  :  il  a  Pécorce  lèche 
&c  le  bois  gras  &.  huileux.  Ses  cendres  lont  bonnes 
pour  le  favon;  &  fon  fruit  eft  une  prune  jaune, 
aigre,  qui  fe  mange. 

BOSTANGIS  ,  f.  m.{Hifl.  mod.  )  claffe  des  aza- 
mogluns  ou  valets  du  ferrail ,  occupes  aux  jardins  du 
grand-feigneur.  Quelques-uns  cependant  font  élevés 
à  un  degré  plus  haut,  &  occupés  aux  n 
commiliîons  du  lultan  ;  c'eft  pourquoi  on  les  nomme 
hajjakis  ou  chajfakis,  c'eft-à-dire  meffag< 

Bostangi  Bachi  ,  chef  des  jardiniers  ou  fui  in- 
tendant tles  jardins  du  grand-leigneur.  De  fîrnple  bof- 
tangi  ou  jardinier,  il  par\  ierit  à  cette  dignité ,  qui  eft 
une  des  premières  de  la  porte  ,  év  qu'il  ne  quitte  que 
pour  être  tait  pacha  à  trois  queues.  Quoiqu'il  foit 
infpeûeur  ne  des  jardins  du  ferrai!  <Sc  de: 
fultan  ,  l'on  autorité  ne  le  borne  pas  à  cette  ron 
elle  s'étend  depuis  le  fond  du  port  Kaffump 
Gaiata  ,  Top-Hana ,  &  le  détroit  de  Conltanti 
jufqu'àla  ville  deVarnefurla  mer'Nbire.  Jour&  nuit 
il  fait  la  ronde  dans  tous  ces  lieux  avec  une  ;;• 
montée  de  trente  bofangis  pour  \  cilla:  au  feu  ,  fur- 
prendre  les  ivrognes ,  ^   les  femmes  île  tnauvaife 
vie,  qu'il  coule  quelquefois  à  foni  -s  ren- 

contre avec  des  hommes  dans  des  bateaux.  Il  eft 
encore  erand  maître  des  eaux  &  forêts,  à    . 


340 


BOT 


des  chafies  des  plaifirs  du  grand-feigneur.  On  ne 
peut  faire  entrer  une  feule  pièce  de  vin  dans  Conf- 
tantinople  fans  fâ  permiffion  ;  ce  qui  lui  donne  une 
jurifdiction  de  police  fur  les  cabarets.  Il  contrôle  les 
vins  des  ambaifadeurs  ,  &  fait  arrêter  leurs  domefti- 

?[ues  à  la  chaffe  ,  s'ils  n'ont  pas  fon  agrément.  Mais 
a  fonction  la  plus  honorable  eft  de  foûtenir  fa  hau- 
teffe  ,  lorfqu'elle  le  promené  dans  fes  jardins  ,  de  lui 
donner  la  main  quand  elle  entre  dans  fa  gondole , 
d'être  alors  affis  derrière  elle ,  &  de  lui  parler  à  l'o- 
reille en  tenant  le  timon ,  &  de  lui  fervir  de  marche- 
pié  le  jour  de  fon  couronnement. 

Quelquefois  le  boftangi  bachl  prend  les  devans  avec 
fon  bateau ,  pour  écarter  tous  ceux  qui  le  rencon- 
trent fur  la  route  de  l'empereur.  Il  doit  connoître 
non-feulement  toutes  les  variations  que  la  mer  caufe 
fur  fon  rivage  ;  mais  encore  tous  les  dilférens  édifi- 
ces qui  ornent  les  bords  ,  &  les  noms  de  leurs  pro- 
priétaires ,  afin  de  répondre  exactement  aux  queftions 
que  le  grand-feigneur  peut  lui  faire  ;  deforte  qu'il 
faut  avoir  couru  long-tems  les  bords  de  cette  mer, 
en  qualité  de  iimple  boftangi ,  pour  parvenir  à  celle 
de  boftangi  bachi  :  cet  accès  facile  auprès  du  grand- 
feigneur,  donne  à  cet  officier  un  très-grand  crédit, 
&  le  fait  quelquefois  devenir  favori  de  ion  maître  ; 
place  dangereufe  ;  &  qui  dans  les  révolutions  fré- 
quentes à  Conitantinople ,  a  plus  d'une  fois  coûté  la 
tète  à  ceux  qui  y  étoient  parvenus. 

Comme  les  empereurs  Ottomans  vont  quelquefois 
à  Andrinople  ,  ancienne  capitale  de  la  monarchie 
Turque ,  il  y  a  auffi  dans  cette  ville  un  boftangi  bachi , 
comme  à  Conitantinople.  Leur  rang  eft  égal ,  mais 
leur  jurifdiction  &  leur  revenu  font  fort  dirférens. 
Celui  d'Andrinople  n'eft  chargé  que  du  palais  impé- 
rial ,  quand  le  lultan  y  fait  fa  réfidence ,  &  de  la  gar- 
de de  fes  fils  ;  au  lieu  que  le  boftangi  bachi  a  une  fur- 
intendance  générale  fur  toutes  les  maifons  deplaifan- 
ce  du  prince ,  à  peu  près  comme  en  France  ,  le  direc- 
teur général  des  bâtimens.  Guer,  mœurs  &  ufages  des 
Turcs ,  tom.  II.   (G) 

BOSTON  ,  (  Géog.  )  ville  d'Angleterre  ,  dans  la 
province  de  Lincoln ,  fur  la  rivière  de  Witham  ,  peu 
au-deffus  de  fon  embouchure  dans  la  mer ,  à  i  o  lieues 
de  Lincoln.  Lat.  3j.  degrés ,  long.  IJ&  demi. 

Boston  ;  c'eft  le  nom  qu'on  a  donné  à  la  ville 
capitale  de  la  nouvelle  Angleterre  ,  dans  l'Amérique 
i eptentrionale  ;  elle  eft  grande  Se  a  un  très-bon  port. 
Lat.  42  degrés,  2  0  minutes  ;  long.  JO(y  degrés  ,  5o  & 
quelques  minutes. 

BOSWORTH  ,  (  Géog.  )  bourg  dans  la  province 
de  Leicefter ,  en  Angleterre ,  à  environ  3  <j  lieues  de 
Londres. 

BOSZUT,  (Géog.)  petite  rivière  d'Efclavonie  , 
qui  fe  jette  dans  la  Save  ,  près  du  lieu  de  l'ancienne 
ville  de  Sirmium. 

BOTA,  (Commerce*)  c'eft  le  nom  ufité  en  Efpa- 
gne ,  pour  défigner  une  mefure  de  liquides  ,  qui  tient 
30  robas;  le  roba  tient  30  livres  pelant. 

BOT  ,  (  Marine  )  c'eft  un  gros  bateau  flamand  , 
ou  une  efpece  de  petite  flûte  ;  le  bot  eft  ponté.  Au 
lieu  de  dunette  ou  de  chambre  un  peu  élevée  ,  il  y 
a  une  chambre  retranchée  à  l'avant ,  qui  ne  s'élève 
pas  plus  que  le  pont.  On  fait  joiier  le  gouvernail , 
ou  avec  une  barre  ,  ou  fans  barre  ;  parce  que  celui 
qui  gouverne ,  le  peut  faire  tourner  aifément  de  def- 
lus  le  bord. 

A  l'avant  du  bot,  il  y  a  une  poulie,  qui  fert  à  lever 
l'ancre  ,  &  au  milieu  du  bâtiment  on  pofe  un  cabef- 
tan  ,  lorfqu'il  en  eft  befoin ,  &  on  l'affermit  par  deux 
courbatons  ,  qui  de  l'un  &  de  l'autre  coté  vont  fe 
terminer  contre  le  bord.  Les  membres  du  fond  font 
vaigrés  ou  couverts  de  planches ,  hormis  à  l'endroit 
par  où  l'on  puife  l'eau  qui  y  entre. 

Paquebot ,  pacquet-bot ,  c'eft  ce  bateau  qui  porte  les 


BOT 

lettres  d'Angleterre  en  France  ,  &  de  France  en  An- 
gleterre ;  il  va  de  Douvres  à  Calais.  Il  y  a  aufli  des 
paquebots ,  qui  portent  les  lettres  d'Angleterre  en 
Hollande  ;  ils  partent  de  Harwich  &  vont  à  la  Brille. 
(2) 

BOTADON  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Angleterre  , 
dans  la  province  de  Cornoùaille. 

BOTALL ,  trou  (  Anat.  )  on  donne  le  nom  de  trou 
botall  au  trou  ovale ,  fitué  entre  les  deux  oreillettes  du 
cœur  ;  de  Botall ,  confeiller  &  médecin  de  Charles  IX. 
à  qui  on  en  attribue  la  découverte.  Voye?K  Cœur.  (L) 
BOTANIQUE  ,  f.  f.  {Ordre  encyclop.  Entendement. 
Raifon.  Philofophie  ou  Science.  Science  de  la  nature. 
Phyjique  générale,  particulière.  Botanique.')  partie  de 
l'hilloire  naturelle ,  qui  a  pour  objet  la  connoiffance 
du  règne  végétal  en  entier;  ainii  la  Botanique  eft  la 
Icience  qui  traite  de  tous  les  végétaux  tk.  de  tout  ce 
qui  a  un  rapport  immédiat  avec  les  végétaux. 

L'étude  de  la  végétation  fait  la  première  partie  de 
cette  feience  ,  c'eft  la  baie  de  toutes  les  autres  ;  car 
on  doit  commencer  par  examiner  la  nature  des  vé- 
gétaux en  général,  avant  que  de  traiter  de  chaque 
plante  en  particulier;  &  on  ne  peut  pas  parvenir  à 
connoître  l'ceconomie  végétale ,  fi  on  ne  fait  com- 
ment les  germes  des  plantes  fe  développent,  &  com- 
ment elles  prennent  leur  accroiffement  ;  quels  font 
les  moyens  de  les  multiplier  ;  quelle  eft  leur  orga- 
nifation  en  général  ;  la  ftruclrire  de  chaque  partie  ; 
leur  manière  de  fe  reproduire ,  &  quel  eft  le  mouve- 
ment &  la  qualité  de  la  fève  ;  &  enfin  fi  on  ne  fait 
en  quoi  le  terrein  Se  le  climat  peuvent  influer  fur  les 
plantes.  Tels  font  les  principes  généraux  qui  ctablif- 
fent  les  fondemens  de  la  Botanique  :  mais  ces  con- 
noiflances  dépendent  de  la  Phylique  <,  &:  forment  le 
lien  qui  unit  ces  deux  feiences.  f^oye^  Végétation. 
Le  détail  de  la  Botanique  eft  divilé  en  plulieurs  par- 
ties :  il  y  en  a  trois  principales  ;  favoir  la  nomenclature 
des  plantes ,  leur  culture ,  &  leurs  propriétés.  La  der- 
nière eft  la  feule  qui  foit  importante  par  l'utilité  que 
nous  en  tirons  ;  les  deux  premières  ne  doivent  nous 
occuper  qu'autant  qu'elles  peuvent  contribuer  à  faire 
valoir  la  troifieme  ,  en  perfectionnant  la  connoiffan- 
ce  des  propriétés.  On  doit  entendre  par  les  propriétés 
des  plantes ,  tous  leurs  ufages,  même  les  ufages  d'a- 
grément; ainii  les  arbres  des  forêts  &  les  herbes  des 
parterres  ont  dans  ce  fens  leurs  propriétés ,  comme 
les  plantes  ufuelles  dans  la  Médecine. 

Dès  que  la  connoiffance  des  plantes  a  formé  un 
corps  de  feience  ,  l'énoncé  de  leur  nomenclature  a 
dû  précéder  dans  l'expolé  de  cette  feience  l'hilloire 
de  leur  culture  &  de  leurs  propriétés.  Mais  il  eft  cer- 
tain que  la  première  connoiffance  que  l'on  ait  eu  des 
plantes ,  a  été  celle  des  ufages  auxquels  on  les  a  em- 
ployées ,  &  que  l'on  s'en  eft  fervi  avant  que  de  leur 
donner  des  noms.  On  s'eft  nourri  avec  des  fruits  ;  on 
s'eft  vêtu  avec  des  feuilles  ou  des  écorces  ;  on  a  for- 
mé des  cabanes  avec  les  arbres  des  forêts  avant  que 
d'avoir  nommé  les  pommiers  ou  les  poiriers,  le  chan- 
vre ou  le  lin ,  les  chênes  ou  les  ormes ,  &c.  L'homme 
a  dû  iatisfaire  fe:>  befoins  les  plus  preffans  parle  feul 
fentiment,  &  indépendamment  de  toute  connoiffan- 
ce acquife  :  on  a  joui  du  parfum  des  fleurs  dès  qu'on 
s'en  eft  approché  ,  &  on  a  recherché  leur  odeur  fans 
s'inquiéter  du  nom  de  la  rofe  ou  du  jainiin.  Les  ufa- 
ges des  plantes  qui  luppofent  le  plus  d'expérience, 
n'ont  jamais  été  indiqués  par  le  nom  ou  par  l'appa- 
rence extérieure  d'aucune  plante;  c'eft  par  un  coup 
heureux  du  Hafard,  que  l'on  a  été  inftruit  de  l'utilité 
que  l'on  pouS  cal  tirer  du  riz  ou  du  froment,  du  caffé 
Se  de  la  vigne,  Enfin  il  y  a  tout  heu  de  cToire  que  les 
plante,  tifircflés  ''ans  la  Médecine  cv  dans  les  Ans , 
n'ont  été  nommées  qu'après  que  leur  efficacité  a  été 
connue  :  il  y  en  a  plulieurs  qui  ont  encore  aujour- 
d'hui des  noms  relatifs  à  leurs  propriétés. 


BOT 

La  nomenclature  des  plantes  n'eft  donc  pas  nécef- 
•our  la  découverte  de  leurs  propriétés  ;  cela  elt 
fi  vrai  qu'il  ferait  ridicule  de  l'avoir  mis  en  queftion , 
s'il  n'étoit  prouvé  par  l'état  préient  de  la  Botanique 
&  par  l'expérience  du  parlé ,  que  l'on  s'eft  appliqué 
à  la  nomenclature  par  préférence  aux  autres  parties 
de  cette  feience.  On  fait  plus  d'obfervations  &  on 
tente  plus  de  combinaifons  pour  parvenir  à  réduire 
la  nomenclature  des  plantes  en  fyltème,  qu'il  ne  fau- 
drait peut-être  faire  d'expériences  &  acquérir  de  faits 
pour  découvrir  quantité  de  nouvelles  propriétés  uti- 
les dans  ces  mêmes  plantes.  Ce  défaut  de  conduite 
dans  l'étude  de  la  Botanique ,  cft  un  obit acle  à  l'avan- 
cement de  cette  feience ,  parce  qu'il  nous  éloigne  de 
ion  principal  objet.  Il  elt  même  à  craindre  que  û  on 
continuoit  à  marcher  dans  cette  faufle  route ,  on  ne 
vînt  à  le  perdre  de  vue.  Pour  s'en  convaincre  il  faut 
examiner  quelle  elt  l'utilité  que  l'on  a  retirée  de  la 
nomenclature  des  plantes ,  poufféc  au  point  de  per- 
fection que  les  Botanijîes  fe  font  efforcés  de  lui  don- 
ner ;  à  quoi  cette  nomenclature  peut  lervir  dans  la 
Botanique  ;  &  à  quoi  elle  peut  nuire ,  en  fuppofant 
que  cette  connoiffanec  foit  réduite  en  fyltème  conf- 
iant &  même  infaillible. 

On  elt  parvenu ,  par  le  moyen  de  la  nomenclatu- 
re ,  à  diftinguer  environ  vingt  mille  efpcces  de  plan- 
tes, félon  l'eftime  des  Botanijîes,  en  comptant  toates 
celles  qui  ont  été  obfervécs  tant  dans  le  nouveau  mon- 
de ,  que  dans  l'ancien.  S'il  y  avoit  eu  un  plus  grand 
nombre  d'obfervateurs,  &  s'ils  avoient  parcouru  tou- 
te la  terre,  ils  auroient  doublé  ou  triplé  le  nombre 
des  efpeces  de  plantes  ;  ils  en  auroient  peut-être  trou- 
vé cent  mille  &  plus ,  conformément  aux  principes 
de  leur  calcul.  Mais  quel  cas  doit-on  faire  de  ce  cal- 
cul ?  le  réfultat  n'eft  pas  le  même  pour  tous  les  obfer- 
vateurs  ;  chacun  compte  à  fa  mode  ;  les  uns  multi- 
plient fans  néceffité ,  en  féparant  fous  différentes  ef- 
pcces des  individus  qui  font  femblables  ;  les  autres 
mêlent  enfemble  des  individus  différens  ,  &  dimi- 
nuent par  cette  confufion  le  nombre  des  efpeces.  On 
n'a  donc  pu  convenir  jufqu'ici  d'un  principe  certain 
pour  conltater  ce  nombre  :  cependant  on  y  a  em- 
ployé beaucoup  d'art,  on  n'a  épargné  ni  foins  ni  fa- 
tigues ,  mais  toujours  infructueufement.  Il  ne  faut 
pas  en  être  furpris  ,  car  il  elt  aifé  de  remonter  à  la 
ïource  de  cette  erreur.  On  a  voulu  faire  une  icience 
de  la  nomenclature  des  plantes  ,  tandis  que  ce  ne 
peut  être  qu'un  art ,  &  feulement  un  art  de  mé- 
moire. 

Il  s'agiffoit  d'imaginer  un  moyen  de  fe  retracer, 
fans  confufion  ,  l'idée  &  le  nom  de  chaque  plante 
que  l'on  auroit  vu  réellement  exiftante  dans  la  na- 
ture ,  ou  décrite  &  figurée  clans  les  livres.  Il  y  a  cent 
façons  différentes  de  parvenir  à  ce  but  :  dès  qu'on  a 
bien  vu  un  objet  6c  qu'on  fe  l'eft  rendu  familier  ,  on 
le  reconnoît  toujours,  on  le  nomme,  &  on  le  diitin- 
gtte  de  tout  autre ,  avec  une  facilité  qui  ne  doit  fur- 
prendre  que  ceux  qui  ne  font  pas  dans  l'habitude 
d'exercer  leurs  yeux  ni  leur  mémoire.  Il  elt  vrai  que 
le  nombre  des  plantes  étant,  pour  ainii  dire,  excef- 
fif,  le  moyen  de  les  nommer  6c  de  les  difflflguer  tou- 
tes les  unes  des  autres,  en  étoit  d'autant  plus  diffi- 
cile à  trouver;  c'étoit  un  art  qu'il  falloit  inventer; 
art,  qui  auroit  été  d'autant  plus  ingénieux  ,  qu'il  au- 
roit été  plus  facile  à  être  retenu  de  mémoire.  Par  cet 
art  une  fois  établi,  on  auroit  pu  le  rappeller  le  nom 
d'une  plante  que  l'on  voyoit,  ou  fe  rappeller  l'idée 
de  celle  dont  on  favoit  le  nom;  mais  toujours  en  fup- 
pofant  dans  l'un  &  l'autre  cas,  que  la  plante  même 
fût  bien  connue  de  celui  qui  auroit  employé  cet  art 
de  nomenclature  ;  car  la  nomenclature  ne  peut  être 
confiante  que  pour  les  choies  dont  la  connoiffanec 
n'eft  point  équh  oque. 

La  connoiffaRce  en  qcnéral  elt  ablblument  indé- 


BOT 


341 


pendante  du  nom.  Pour  le  prouver,  examinons  ce 
que  doit  faire  un  homme  qui  veut  connaître  une 
plante  qu'il  voit  pour  la  première  fois  ,  &  dont  il 
ne  fait  pas  le  nom.  S'il  commence  par  s'informer  du 
nom  de  cette  plante  il  n'en  tirera  aucune  lumière  , 
parce  que  le  nom  d'une  chofe  que  l'on  ne  connoît 
pas,  n'en  peut  rappeller  aucune  idée.  Il  faudra  donc 
qu'il  obferye  la  plante ,  qu'il  l'examine,  &  qu'il  s'en 
forme  uneidée  diftincte  ;  il  y  parviendra  enla  voyant , 
&  s'il  expofe ,  s'il  décrit  tout  ce  qu'il  aura  vu ,  il  com- 
muniquera aux  autres  la  connoiffanec  qu'il  aura  ac- 
quile.  Alors  le  nom  fervira  de  figne  pour  lui  rappel- 
ler l'idée  de  cette  plante  à  lui-même  6c  à  ceux  qui 
auront  lu  la  defeription:  mais  il  elt  impoffible  qu'un 
nom  tienne  jamais  lieu  de  defeription;  ce  figne  peut 
rappeller  l'idée  d'une  chofe  connue  ,  mais  il  ne  peut 
pas  donner  l'idée  d'une  chofe  inconnue. 

Cependant  on  a  fait  des  tentatives  infinies  pour 
parvenir  à  étendre  les  noms  des  plantes,  à  les  compli- 
quer 6c  les  combiner  ,  de  façon  qu'ils  partent  donner 
une  idée  diftincte  des  plantes ,  fans  qu'il  tût  néceffai- 
re  de  les  avoir  vues ,  ou  d'en  avoir  lu  la  defeription 
entière.  Ce  projet  ne  tendoit  à  rien  moins  qu'à  for- 
mer une  feience  de  la  nomenclature  des  plantes  ,  s'il 
eût  réùffi  :  mais  on  a  échoué  dans  l'exécution  autant 
de  fois  qu'on  l'a  entreprife ,  parce  que  les  deferip- 
tions  ne  peuvent  pas  être  réduites  en  nomenclature , 
&  que  par  conféquent  les  noms  ni  les  phrafes  ne  peu- 
vent pas  être  équivalens  aux  deferiptions. 

Les  nomenclateurs  ont  entrevu  la  vérité  de  cette 
objection,  &  pour  furmonter  cette  difficulté  ,  ils  ont 
joint  au  nom  une  petite  partie  de  la  defeription.  C'elt 
ce  compofé  qu'ils  appellent  phrafe.  Ils  ont  tâché  d'y 
faire  entrer  les  caractères  fpécifiques  :  mais  comme 
ils  n'ont  pu  comprendre  dans  ces  phrafes ,  c'elt-à-clire 
dans  les  noms  des  efpeces ,  qu'une  partie  de  la  deferip- 
tion qui  ne  pouvoit  pas  donner  une  idée  de  la  plante, 
ils  ont  prétendu  fuppléer  à  ce  défaut,  en  attribuant 
au  nom  générique  une  autre  partie  de  la  defeription. 
Ces  deux  parties  étant  délignées  par  les  noms  du 
genre  &:  la  phrafe  de  l'efpece,  étant  encore  trop  im- 
parfaites pour  faire  reconnoître  la  plante ,  ils  ont  com- 
pris dans  l'énoncé  de  l'ordre  6c  de  la  claffe  d'autres 
parties  de  la  defeription  :  mais  quelqu'art  qu'ils  ayent 
employé  pour  combiner  toutes  ces  partitions  ,  ils 
n'ont  pu  parvenir  à  donner  une  idée  diftincte  de  la 
plante,  parce' qu'ils  n'ont  pas  rapporté  la  defeription 
en  entier. 

Cette  defeription  complcfte  cft  abfohiment  nécef- 
faire  pour  caractérifer  une  plante  ,  de  façon  qu'on  la 
puiffe  diftinguer  de  toute  autre  plante  :  c'elt  une  loi 
conftante  pour  tous  les  objets  de  Phiftoirc  naturelle , 
&  principalement  pour  ceuxqui  lont  auffi  nombreux 
que  les  plantes.  Cependant  on  a  tâche  d'éluder  cette 
difficulté  infurmontablc  dans  la  nomenclature,  en  fe 
perfuadant  que  l'on  trouveroit  dàl  .s,  des 

parties  dont  la    defeription  pourrait  luppléer  à  la 
description  de  la  plante  entière  .  &  que  ces  parties 
feraient  affez  confiantes  pour  ne  manquer  à  aucune 
plante,  affez  variées  pour  fournir  des  caractères  à 
chaque  clpece ,  &  affez  évidentes  pour  être 
ment  reconnues.  C'a  é*é  par  le  moven  de  ces  attri- 
buts imaginaires,  que  l'on  a  prétendu  réduire  la  no- 
menclature en  fylleme,  en  métltddè  ,  en 
méthodique;  &  fi  l'on  encrait  les  plus  enth 
des  nomenclateurs  ,  ce  fylteme  elt  le  fvftcnv 
nature;  cependant  la  nature  dément  à  chaque 
de  pareils  fyltemes.  Il  n'y  a  dans  les  plantes  aucunes 
parties  qui  fe  manifeftem*  dan-  tdutes  les  efpeces  :  les 
fleurs  &  les  ifetnènces,  qui  p  larties 

les  plus  effentielles,  &  ; 
tantes,  ne  font  p;v 
peces.  C'elt  pourtant  lu'r  les  partie 
tion  ,  que  les  tyllemes  les  plus  vantés  font  é\ 


Î4i 


BOT 


Mais  comme  leur  fondement  n'eft  pas  plus  sûr  que 
les  rbndemens  des  autres  fyftèmes  de  nomenclature , 
ils  ne  fe  foùtiennent  pas  mieux  ,  &  ils  ne  font  pas 
moins  éloignés  les  uns  que  les  autres  du  fyftème  de 
la  nature.  foye{  Méthode. 

En  effet ,  comment  peut-on  efpérer  de  foùmettre 
la  nature  à  des  lois  arbitraires  ?  lommes-nous  capa- 
bles de  diftinguer  dans  un  individu  qu'elle  nous  pré- 
fente, les  parties  principales  &  les  parties  accefîoi- 
res?  Nous  voyons  des  efpeces  de  plantes,  c'eft-à-dire 
des  individus  qui  font  parfaitement  reffemblans  ;  nous 
les  reconnoiffons  avec  certitude,  parce  que  nous  com- 
parons les  individus  tout  entiers  :  mais  dès  qu'on  fait 
des  conventions  pour  diftinguer  les  efpeces  les  unes 
des  autres ,  pour  établir  des  genres  &  des  claffes ,  en 
tombe  néceffairement  dans  l'erreur  ,  parce  qu'on 
perd  de  vue  les  individus  réels  pour  fuivre  un  objet 
chimérique  que  l'on  s'eft  formé.  De-là  viennent  l'in- 
certitude des  nomenclateurs  fur  le  nombre  des  efpe- 
ces, des  genres  &  des  clafies,  &  la  multiplicité  des 
noms  pour  les  plantes  ;  par  conléquent  toutes  les 
tentatives  que  l'on  a  faites  pour  réduire  la  nomen- 
clature des  plantes  en  corps  de  icience,  ont  rendu 
la  connoiffance  des  plantes  plus  difficile  &  plus  fau- 
tive qu'elle  ne  le  feroit,  fi  on  ne  le  fervoit  que  de 
fes  yeux  pour  les  reconnoître ,  ou  fi  on  n'employoit 
qu'un  art  de  mémoire  fans  aucun  appareil  fcientili- 
que.  Ces  fyftèmes  n'ont  fervi  à  l'avancement  de  la 
Botanique ,  que  par  les  deferiptions  exactes  de  plu- 
fieurs  parties  des  plantes,  &  par  les  observations  que 
l'on  a  faites  fur  ces  mêmes  parties,  pour  établir  des 
carafteres  méthodiques. 

Voilà  donc  à  quoi  ont  fervi  toutes  les  méthodes 
que  l'on  a  imaginées  jusqu'ici  dans  la  nomenclature 
des  plantes.  Voyons  à  préfent  ce  que  Ton  pourroit 
attendre  de  ces  mêmes  méthodes  ,  en  luppofant  qu'el- 
les fuflent  portées  au  point  de  perfection  ,  tant  déliré 
par  les  nomenclateurs.  Quiconque  feroit  bien  inftruit 
de  ce  prétendu  fyftème  de  la  nature ,  auroit  à  la  vé- 
rité un  moyen  infaillible  de  reconnoitre  toutes  les 
efpeces  de  plantes  ,  &  de  les  diftinguer  les  unes  des 
autres  :  mais  l'application  de  ce  fyftème  paroîtroit  im- 
menfe  dans  le  détail  ;  &  ce  feroit  vraiment  un  chef- 
d'œuvre  de  combinaifons  ck  de  mémoire  ,  dont  peu 
de  perfonnes  feroient  capables ,  crue  de  pouvoir  rap- 
porter fans  équivoque  vingt  mille  noms  à  vinet  mille 
plantes  que  l'on  ne  connoîtroit  preique  pas.  D'ail- 
leurs un  pareil  fyftème  de  nomenclature ,  une  aufîi 
grande  connoiffance  de  noms  ck  de  phrafes ,  ne  pour- 
roit en  aucune  façon  nous  inftruire  de  la  culture  & 
des  propriétés  des  plantes  ;  puifque  ces  deux  parties 
de  la  Botanique  demandent  chacune  des  obfervations 
toutes  différentes  de  celles  que  fuppofe  la  nomencla- 
ture. Un  méthodifte  obferve  fcrupuleufement  la  po- 
iition ,  le  nombre  ,  ck  la  forme  de  certaines  parties  de 
chaque  plante  :  mais  il  n'en  peut  tirer  aucune  confé- 
quence  pour  la  culture  ;  parce  que  ,  fuivant  ion  fyftè- 
me ,  le  nombre ,  la  pofition  ,  ck  la  forme  de  ces  par- 
ties, doivent  être  les  mêmes  en  quelque  climat  que 
fe  trouve  la  plante  ,  ck  de  quelque  façon  qu'elle  loit 
cultivée.  Ces  mêmes  obfervations  ne  peuvent  don- 
ner aucune  lumière  pour  les  propriétés  des  plantes. 
La  preuve  en  eft  connue.  Nous  lavons  parfaitement 
que  toutes  les  plantes  que  l'on  rapporte  au  même 
genre ,  n'ont  pas  les  mêmes  propriétés  :  ce  fait  a  été 
conftaté  dans  tous  les  fyftèmes  de  nomenclature  qui 
ont  été  faits  jufqu'à  prélent  ;  ck  malheureufement  on 
peut  dire  d'avance  qu'il  fera  confirmé  par  tous  ceux 
que  l'on  pourrra  faire  dans  la  fuite.  Cependant  les 
méthodiftes  les  plus  zélés  pour  la  découverte  du 
prétendu  iyfteme  de  la  nature ,  ont  annoncé  qu'on 
pourroit  parvenir  à  indiquer  les  propriétés  des  p'.an- 
.  tes  par  les  vrais  caractères  génériques.  Ils  prétendent 
même  qu'on  a  déjà  établi  plulieurs  de  ces  vrais  ca- 


BOT 

raâeres  qu'ils  appellent  naturels ,  &  qui  fe  font  foûte- 
nus  dans  la  plupart  des  méthodes.  Si  cela  eft ,  ce  ne 
peut  être  que  l'effet  d'un  heureux  hafard  :  car  les  mé- 
thodiftes ne  peuvent  changer  les  propriétés  des  plan- 
tes ,  comme  l'ordre  de  leur  nomenclature. 

Il  feroit  bien  à  fouhaiter  qu'il  tût  poflible  d'établir 
un  pareil  fyftème.  Cette  découverte  feroit  plus  profi- 
table au  genre  humain ,  que  celle  du  fyftème  du  mon- 
de :  cependant  elle  ne  nous  difpenferoit  pas  de  taire 
des  expériences  pour  découvrir  de  nouvelles  pro- 
priétés dans  les  plantes  :  il  y  auroit  beaucoup  de  gen- 
res qui  ne  comprendroient  que  des  efpeces  dont  on 
ne  connoîtioit  pas  les  piopriétés.  Quoiqu'on  pût  ti- 
rer quelque  indication  de  la  propriété  générale  attri- 
buée à  la  claffe,  il  faudrait  encore  acquérir  de  nou- 
velles lumières  pour  afhgner  le  degré  d'efficacité  des 
plantes  d'un  de  les  genres:  d'ailleurs  toutes  les  efpe- 
ces d'un  même  genre  feroient -elles  également  acti- 
ves, demanderoient-elles  la  même  préparation  ,  &c. 
Je  n'infifterai  pas  davantage  fur  une  fuppofiîion  chi- 
mérique ;  il  me  fuffira  de  faire  obferver ,  qu'autant  la 
nature  eft  indépendante  de  nos  conventions ,  autant 
les  propriétés  des  plantes  font  indépendantes  de  leur 
nomenclature.  Peut-être  que  les  deferiptions  com- 
plètes des  plantes  pourraient  donner  quelques  indi- 
ces de  leurs  propriétés  :  mais  que  peut -on  attendre 
d'une defeription imparfaite  de  quelques  parties?  On 
conçoit  que  la  delcription  exacte  d'un  animal ,  tant  à 
L'extérieur  qu'à  l'intérieur  ,  peut  donner  quelque  idée 
de  fes  qualités.  Mais  fi  l'on  n'obiervoit  que  les  par- 
ties de  la  génération ,  comme  on  prétend  le  faire  dans 
les  plantes ,  que  pourroit-on  conciurre  de  cet  animal* 
à  peine  pouirait-on  l'avoir  s'il  eft  plus  ou  moins  fé- 
cond qu'un  autre.  S'il  eft  vrai  que  certaines  plantes  , 
dont  les  parties  de  la  fleur  &  du  fruit  font  l'embla- 
bles  à  quelques  égards ,  ayent  les  mêmes  proprié- 
tés ,  c'eft  un  fait  de  hafard  qui  n'eft  point  confiant 
dans  les  autres  plantes.  Ces  combinaifons  fortuites 
peuvent  arriver  dans  tous  les  Iyftèmes  des  nomen- 
clateurs :  mais  je  penfe  qu'il  n'eft  pas  plus  poiîible  de 
trouver  leur  prétendu  fyftème  naturel,  que  de  juger 
de  la  qualité  des  fruits  lans  les  avoir  goûtés. 

Non  -  feulement  la  nomenclature  des  plantes  ne 
peut  contribuer  en  rien  à  la  connoiffance  de  leur  cul- 
ture ,  ni  de  leurs  propriétés ,  mais  elle  y  eft  tres-pré- 
judiciable  en  ce  qu'elle  retarde  l'avancement  de  ces 
deux  parties  de  la  Botanique.  La  plupart  de  ceux  qui 
le  font  occupés  de  cette  Icience  depuis  le  renouvel- 
lement des  lettres,  fe  font  appliqués  par  préférence 
à  la  nomenclature.  Que  de  méthodes  fe  lont  détrui- 
tes en  fe  fuccédant  les  unes  aux  autres  !  que  de  vains 
efforts  pour  parvenir  à  un  but  imaginaire  !  Mais  tou- 
tes ces  tentatives  ont  marqué  beaucoup  de  foin  ,  de 
fineffe  ,  ck  de  fagacité  dans  le  plus  grand  nombre  des 
méthodiftes.  Ils  auraient  pu  s'épargner  bien  des  fati- 
gues ,  ou  en  faire  un  meilleur  emploi ,  en  s'appliquant 
à  la  culture  ou  aux  propriétés  des  plantes.  Une  feule 
méthode  fuffifoit  pour  la  nomenclature  ;  il  ne  s'a- 
git que  de  le  faire  une  forte  de  mémoire  artificielle 
pour  retenir  l'idée  &  le  nom  de  chaque  plante,  parce 
que  leur  nombre  eft  trop  grand  pour  fe  paffer  de  ce 
lecours  :  pour  cela  toute  méthode  eft  bonne.  A  pré- 
lent qu'il  y  en  a  plufieurs ,  ck  que  les  noms  des  plan- 
tes le  font  muitipliés  avec  les  méthodes ,  il  feroit  à 
fouhaiter  qu'on  pût  effacer  à  jamais  le  fou  venir  de 
tous  ces  noms  luperflus ,  qui  font  de  la  nomenclature 
des  plantes  une  feience  vaine  ck  préjudiciable  aux 
avantages  réels  que  nous  pouvons  efpérer  de  la  Bo- 
tanique par  la  culture  ce  par  les  propriétés  des  plantes. 

Au  lieu  de  nous  occuper  d'une  fuite  de  noms  vains 
&  lurabondans ,  appliquons-nous  à  multiplier  un  bien 
réel  ck  neceffaire  ;  tâchons  de  l'accroître  au  point 
d'en  tirer  affez  de  fuperflu  pour  en  faire  un  objet  de 
commerce.  Tel  eft  le  but  que  nous  préfente  la  Bou- 


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nique,  dans  la  féconde  partie,  qui  eft  la  culture  des 
plantes.  Il  ne  dépend  pas  toujours  de  nous  de  décou- 
vrir leurs  propriétés  ;  nous  ne  pouvons  jamais  les  mo- 
difier à  notre  gré  :  mais  il  eft  en  notre  pouvoir  de  mul- 
tiplier le  nombre  des  plantes  utiles ,  &  par  conféquent 
d'accroitre  la  fource  de  nos  biens ,  &  de  la  rendre 
intariffable  par  nos  foins.  Les  anciens  nous  en  ont 
donné  l'exemple  :  au  lieu  de  paffcr  tout  leur  tems  &c 
d'employer  tous  leurs  foins  à  des  recherches  vaines 
fur  les  caractères  diftin&ifs  du  froment ,  du  feigle  , 
de  l'orge ,  du  riz ,  de  l'avoine ,  du  millet,  du  panic  , 
du  chiendent,  &c  des  nombreufes  fuites  d'efpeces  que 
l'on  prétend  rapporter  à  chacun  de  ces  genres ,  ils 
fe  font  uniquement  appliqués  à  cultiver  celles  de 
toutes  ces  plantes  dont  ils  connoiffoient  l'utilité.  Ils 
font  parvenus  ,  à  force  de  travail  &  de  conftance  ,  à 
les  rendre  allez  abondantes  pour  fournir  aux  befoins 
des  hommes  &  des  animaux  domeftiques.  C'eft  en 
perfectionnant  l'art  de  la  culture  des  plantes ,  qu'ils 
ont  trouvé  le  moyen  de  les  diftribuer  fur  la  furface 
de  la  terre  dans  l'ordre  le  plus  convenable  à  leur 
multiplication  &  à  leur  accroiffement.  On  a  femé  les 
terres  qui  pouvoient  produire  d'abondantes  moif- 
fons  ;  on  a  planté  des  vignobles  dans  les  lieux  pro- 
pres à  la  maturité  du  raifin  ;  on  a  fait  des  pâturages  ; 
on  a  élevé  des  forêts,  &c.  enfin  on  a  fu  aider  la  na- 
ture ,  en  raffemblant  les  plantes  utiles  dans  les  lieux 
les  plus  convenables,  &  en  écartant  de  ces  mêmes 
lieux,  autant  qu'il  étoit  poffible  ,  toutes  les  plantes 
inutiles.  Voilà  l'ordre  le  plus  néceffaire,  &  l'arran- 
gement le  plus  fage  que  l'on  puifïe  mettre  dans  la  di- 
vifion  des  plantes  :  auffi  c'a  été  le  premier  que  les 
hommes  ayent  fenti  &  recherché  pour  leur  propre 
Utilité,  f^oyei  AGRICULTURE. 

La  connoiffance  de  la  nature  du  terrein  &  de  la 
température  du  climat ,  eft  le  premier  principe  de  l'A- 
griculture. C'eft  de  l'intelligence  de  ce  principe ,  & 
du  détail  de  fes  conféquenecs  ,  que  dépend  le  fuccès 
de  toutes  les  pratiques  qui  font  en  ufage  pour  la  cul- 
turc  des  plantes.  Cependant  on  n'eft  guidé  que  par 
des  expériences  groffieres,  pour  reconnoître  les  dif- 
férens  terreins.  Les  gens  de  la  campagne  ont  fur  ce 
fujet  une  forte  de  tradition ,  qu'ils  ont  reçue  de  leurs 
percs,  &  qu'ils  tranfmcttent  à  leurs  enfans.  Ils  fup- 
pofent  chacun  dans  leur  canton,  fans  aucune  con- 
noiflance  de  caule,  du  moins  fans  aucune  connoif- 
fance précife ,  que  tel  ou  tel  terrein  convient  ou  ne 
convient  pas  à  telle  ou  telle  plante.  Ces  préjugés  bien 
ou  mal  fondés  ,  parlent  fans  aucun  examen  ;  on  ne 
penie  feulement  pas  à  les  vérifier  :  l'objet  ell  cepen- 
dant allez  important  pour  occuper  les  meilleurs  Phy- 
ficiens.  N'aurons -nous  jamais  des  fyftèmcs  raifon- 
nés  ,  des  diftributions  méthodiques  des  terreins  ,  des 
climats ,  relativement  à  leurs  productions  ;  je  veux 
dire  ,  de  ces  fyltèmes  fondés  fur  l'expérience  ? 

La  convenance  du  climat  eft  moins  équivoque  que 
celle  du  terrein  ,  parce  qu'on  la  détermine  aifément 
parla  maturité  des  fruits,  ou  par  les  effets  de  la  gelée  : 
niais  on  n'a  pas  a  fiez  obiervé  combien  cette  conve- 
nance de  température  a  de  fréquentes  viciffitudes 
dans  un  même  lieu.  Les  deux  principales  caufes  de 
ces  changemens  font  les  coupes  des  forets  ,  ou  feule- 
ment des  arbres  épais ,  ce  qui  diminue  la  quantité  des 
brouillards  ;  8c  l'élévation  des  vallons ,  ou  lentement 
des  bords  des  rivières  &  des  ruiffeaux ,  ce  qui  deffe- 
che  le  terrein  &c  rend  les  inondations  moins  fréquen- 
tes. On  conçoit  aifément  quels  changemens  ces  deux 
Califes  peuvent  occafionner  dans  la  température  du 
climat  par  rapport  aux  plantes.  Il  feroit  trop  long  de 
fuivre  ce  fujet  clans  les  détails.  Je  me  contenterai  de 
faire  dbferver  que  l'on  ne  doit  pas  renoncer  à  culti- 
ver telle  plante  clans  tel  lieu ,  parce  qu'elle  n'y  a  pas 
réuffi  pendant  quelque  tems.  On  ne  doit  pas  craindre 
de  multiplier  les  expériences  en  Agriculture  ;  le  moin- 


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dre  fuccès  dédommage  abondamment  de  toutes  les 
tentatives  inutiles. 

On  peut  diftinguer  deux  principaux  objets  dans  la 
culture  des  plantes.  Le  premier  eft  de  les  multiplier, 
&  de  leur  faire  prendre  le  plus  d'accroiffement  qu'il 
eft  poftible.  Le  fécond  eft  de  perfeftionner  leur  na- 
ture ,  &  de  changer  leur  qualité. 

Le  premier  a  du  être  apperçû  dès  qu'il  y  a  eu  des 
hommes  qui  ont  vécu  en  nombreufe  fociéte.  Les  ef- 
fais  que  l'on  aura  faits  dans  ces  premiers  tems,  étoient 
fans  doute  fort  greffiers  :  mais  ils  étoient  fi  néceffai- 
re?  >.{F'on  a  neu  d'être  furpris  qu'ils  n'ayent  pas  été 
fuivis  jufqu'à  préfent  de  plus  de  progrès.  Nous  ne  l'a- 
vons pas  combien  de  moyens  différens  ont  été  em- 
ployés pour  labourer  la  terre  depuis  que  les  hommes 
exiftent  :  mais  nous  ne  pouvons  pas  douter  que  ceux 
que  nous  employons  ne  puiffent  encore  devenir  meil- 
leurs ,  &  même  qu'il  n'y  en  ait  d'autres  à  trouver  qui 
vaudraient  bien  mieux.  Cependant  la  charme  eft 
toujours  la  même  depuis  plufieurs  fiecles ,  tandis  que 
les  modes  de  nos  ameublemens  &  de  nos  équipa- 
ges changent  en  peu  d'années  ,  &  que  nous  fommes 
parvenus  à  cet  égard  à  un  point  de  commodité  qui 
ne  nous  laifte  prefque  rien  à  defirer.  Que  l'on  com- 
pare une  charrue  à*ine  chaife  de  pofte  ,  on  verra 
que  l'une  eft  une  machine  groffiere  abandonnée  à 
des  mains  qui  le  font  encore  plus  ;  l'autre  au  contraire 
eft  un  chef-d'œuvre  auquel  tous  les  Arts  ont  concou- 
ru. Notre  charrue  n'eft  pas  meilleure  que  celle  des 
Grecs  &  des  Romains  :  mais  il  a  fallu  bien  plus  d'in- 
duftrie  &  d'invention  pour  faire  nos  chaifes  de  pofte, 
qu'il  n'y  en  a  jamais  eu  dans  les  chars  de  triomphe 
d'Alexandre  &  d'Augufte.  L'art  de  la  culture  des  ter- 
res a  été  négligé,  parce  qu'il  n'a  été  exercé  que  par 
les  gens  de  la  campagne  ;  les  objets  du  luxe  ont  pré- 
valu même  en  Agriculture  ;  nous  fommes  parvenus 
à  faire  des  boulingrins  auffi  beaux  que  des  tapis  ,  Se 
à  élever  des  paliflades  de  décoration.  Enfin  nous  con- 
noiffons  l'architecture  des  jardins ,  tandis  que  la  mé- 
chanique  du  laboureur  n'a  prefque  fait  aucuns  pro- 
grès. Cependant  les  moyens  de  multiplier  les  plantes 
ik  de  les  faire  croître  ,  femblent  être  à  la  portée  de 
tous  les  hommes  ;  &  je  ne  doute  pas  qu'on  ne  pût 
arriver  en  peu  de  tems  à  un  haut  degré  de  perfec- 
tion ,  fi  ceux  qui  font  capables  d'inftruire  les  autres , 
daignoient  s'en  occuper  plus  qu'ils  ne  le  font. 

Il  paraît  qu'il  eil  plus  difficile  de  produire  des  chan- 
gemens dans  la  nature  des  plantes ,  &  de  leur  don- 
ner de  meilleurs  qualités  qu'elles  n'en  ont  naturelle- 
ment. On  y  eft  pourtant  parvenu  par  le  moyen  de  la 
greffe  &  de  la  taille  des  arbres.  Cet  art  eft  connu  de- 
puis long-tems  ;  &  il  a  ,  pour'ainfi  dire,  furvécu  à  la 
plupart  de  fes  effets.  Nous  favons  des  anciens  qu'ils 
avoient  le  fecret  de  tirer  des  femences  du  pommier 
&  du  poirier  fauvages  des  fruits  délicieux.  Ces  fruits 
ne  font  pas  venus  jufqu'à  nous  :  mais  nous  avons  fû 
faire  des  pommes  &  des  poires ,  que  nous  ne  chan- 
gerions pas  pour  celles  des  Romains  ;  parce  que  nous 
avons  femé ,  greffé ,  &  taillé  les  arbres  auffi  bien 
qu'eux.  Cet  art  précieux  eft  inépuifable  dans  fes 
productions.  Combien  ne  nous  reftc-t-il  pas  d'expé- 
riences à  faire  ,  dont  il  peut  réfulter  de  nouveaux 
fruits  qui  feraient  peut-être  encore  meilleurs  que 
ceux  que  nous  avons  déjà  trouvés?Ce  que  nous  avons 
fait  pour  les  arbres  S:  les  arbriffeaux  ne  peut -il  pas 
auffi  fe  faire  pour  les  autres  plantes  ,  fur-tout  depuis 
que  nous  croyons  favoir  comment  s'opère  leur  géné- 
ration ,  en  fubilituant  aux  pouffieres  fécondantes 
d'une  plante,  des  pouffieres  d'une  autre  cfpece?  n'y 
auroit-il  pas  lieu  d'elpérer  qu'elles  produiraient  dans 
le  piftil  de  nouveaux  germes ,  dont  nous  pourrions 
tirer  des  fortes  de  mulets,  comme  nous  en  avons 
dans  les  animaux  ;  &  que  ces  mulets  de  plantes  au- 
raient de  nouvelles  propriétés,  dont  nous  pourrions 


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faire  ufage.  Le  nombre  des  variétés  auxquelles  la  na- 
ture peut  lé  prêter,  eft  prefque  infini  :  c'eft  de  ces 
variétés  que  nous  avons  tiré  nos  meilleurs  fruits.  Si 
nos  prunes,  nos  pêches,  nos  abricots  ,•  &c.  ne  l'ont  pas 
des  elpeces  conltantes ,  ce  font  au  moins  des  produc- 
tions préférables  à  la  plupart  des  elpeces  conltantes , 
&  bien  dignes  par  leur  utilité  d'occuper  les  Botanil- 
tes  ,  qui  lemblent  les  dédaigner  Se  en  abandonner  le 
foin  aux  Jardiniers. 

La  transmigration  des  plantes  n'eft  pas  un  des  moin- 
dres objets  de  leur  culture  :  en  tirant  de  l'étranger 
une  nouvelle  plante  utile  ,  on  s'approprie  un  nou- 
veau bien  qui  peut  devenir  meilleur  que  ceux  dont 
on  joiiiiîbit  auparavant.  Le  plane ,  l'orme ,  le  maron- 
nier,  le  pêcher  ,  l'abricotier,  le  rofier ,  &  tant  d'au- 
tres ,  ont  été  tranfportés  de  pays  fort  éloignés ,  &  ont 
été ,  pour  ainli  dire ,  naturaliiés  chez  nous.  La  nature 
a  favorifé  la  première  tentative  que  l'on  a  faite  pour 
leur  tranfplantation  :  mais  combien  y  a-t-il  de  plan- 
tes qui  nous  paroiffent  trop  délicates  pour  réfifter  à 
notre  climat ,  &  qui  pourraient  peut-être  y  vivre ,  li 
on  les  en  approchoit  par  degrés  ;  li  au  lieu  de  les  tranl- 
porter  brulquement  d'un  lieu  chaud  à  un  lieu  troid  , 
on  les  dépoioit  fuccelïivement  dans  des  climats  de 
température  moyenne  ,  &  fi  on  Jeur  donnoit  le  teins 
de  le  fortifier  avant  que  de  les  expoler  à  la  rigueur 
de  nos  hyvers  ?  Il  faudroit  peut-être  plufieurs  géné- 
rations de  la  même  plante  dans  chaque  dépôt ,  & 
beaucoup  d'induftrie  dans  leur  culture ,  pour  les  ren- 
dre plus  robuftes  :  mais  quels  avantages  ne  tireioit- 
on  pas  de  toutes  ces  expériences,  fi  on  réuffiffoit  dans 
une  feule  ?  Je  fai  qu'il  n'eft  pas  polîîbic  de  l'uppléer  à 
la  chaleur  du  foleil  pour  les  plantes  qui  font  en  plein 
air:  mais  on  rapporte  fouvent  au  détaut  de  chaleur 
ce  qui  ne  dépend  que  du  terrein ,  &  je  crois  qu'il  eft 
toujours  poliible  de  le  rendre  convenable  à  la  plante 
que  l'on  veut  cultiver. 

Tous  ces  différens  objets  d'agriculture  font  bien 
dignes  d'occuper  les  hommes  ,  &  principalement 
ceux  qui  le  font  voués  à  la  Botanique  :  mais  les  pro- 
priétés des  plantes  nous  touchent  encore  de  plus 
près ,  c'eft  le  bien  dont  l'agriculture  nous  prépare  la 
joiïiffance.  Nous  devrions  réunir  tous  nos  efforts  pour 
y  parvenir  .,  &  nous  appliquer  par  préférence  à  dé- 
couvrir de  nouvelles  propriétés. 

Nous  devons  certainement  au  hafard  la  plupart 
de  celles  que  nous  connoiifons  ;  &  la  découverte 
des  autres  eft  fi  ancienne ,  que  nous  en  ignorons  l'hif- 
toire.  Pour  juger  des  tems  palîès  par  ce  qui  le  fait  à 
prélent  au  lujet  des  propriétés  des  plantes  ,  il  eft  très- 
probable  qu'on  n'en  a  jamais  connu  aucune  que  par 
des  circonftances  fortuites.  Bien  loin  d'avoir  eu  des 
principes  pour  avancer  cette  connoillance ,  on  a  lou- 
%  ent  pris  les  plantes  des  plus  lalutaires  pour  des  poi- 
fons,  tandis  que  l'on  mettoit  en  ufage  celles  dont  les 
effets  auroient  paru  tres-dangereux ,  fi  on  les  avoit 
examinées  lans  prévention.  On  a  peine  à  concevoir 
que  les  hommes  gardent  des  préjugés  contre  leurs  pro- 
pres intérêts,  cependant  on  n'en  a  que  trop  d'exem- 
ples :  on  s'eft  fouvent  laiffé  prévenir  fans  raifon  pour 
ou  contre  des  remèdes  dont  on  failbit  dépendre  la  vie 
ou  la  mort  des  malades  ;  chacun  les  employoit  ou  les 
rejettoit  à  l'on  gré ,  fans  trop  penfer  à  en  déterminer 
les  vraies  propriétés.  D'où  vient  donc  cette  indiffé- 
rence pour  des  chofes  qui  nous  intéreffent  de  fi  près  ? 
Notre  amour  pour  la  vie  n'eft  point  équivoque  ,  & 
cependant  nous  femblons  négliger  ce  qui  peut  la 
conlerver.  Nous  favons  que  les  propriétés  des  plan- 
tes lont  les  moyens  les  plus  doux  &  fouvent  les  plus 
sûrs  pour  rétablir  notre  fanté  ,  ou  pour  prévenir  nos 
maladies  ;  &  l'art  qui  pourrait  nous  conduire  à  re- 
connoître  ces  propriétés  n'eft  pas  encore  né.  Que 
d'arts  frivoles  ont  été  portés  à  leur  comble  ;  que  de 
connoiffançes  vaines  ont  été  accumulées  au  point  de 


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former  des  feiences ,  tandis  que  l'on  s'eft  contenté 
de  faire  une  lifte  des  plantes  ufuelles  dans  la  Méde- 
cine ,  &  de  diftinguer  leurs  propriétés  par  un  ordre 
méthodique  qui  les  repartit  en  clalTes  &  en  genres  ! 
On  a  compris  dans  une  même  clalïe  les  plantes  éva- 
cuantes ,  ôc  dans  une  autre  les  plantes  altérantes  : 
les  purgatives,  les  émétiques  font  des  genres  delà 
première  clalTe  ;  &  la  féconde  eft  divifée  en  plantes 
céphaliques  ,  béchiques  ,  cardiaques  ,  diurétiques  , 
diaphoniques ,  &c.  Voye\  Matière  médicale. 

Cette  méthode  eft  tres-incomplete  ;  parce  qu'à 
l'exception  du  genre  des  purgatifs  qui  eft  partagé  en 
purgatifs  forts  6c  en  purgatifs  minorants ,  il  n'y  en 
a  aucun  autre  qui  loit  lous-divilé  ;  &  parce  que  dans 
tous  les  elpeces  ne  font  point  déterminées  ,  les  plan- 
tes y  font  feulement  raffemblées  pêle-mêle  fans  être 
caraclérifées ,  de  façon  que  l'on  puiffe  diftinguer  leurs 
propriétés  de  celles  des  autres  plantes  du  même  gen- 
re. Cependant  cette  méthode  eft  bonne ,  en  ce  qu'elle 
eft  moins  arbitraire  qu'aucune  méthode  d'hiftoire 
naturelle  ;  fes  caractères  dépendant  des  effets  que 
produifent  les  plantes  fur  le  corps  humain ,  l'ont  aufïï 
conftans  que  la  nature  des  plantes  &  que  la  nature 
humaine  :  aulîî  cet  ordre  méthodique  n'a  point  été 
changé  jufqu'ici  ;  &  je  crois  qu'il  vaudrait  bien  mieux 
le  développer  en  entier  &  le  Cuivre  dans  les  détails, 
que  de  penfer  à  en  faire  d'autres.  L'abus  que  l'on  a 
fait  des  méthodes  dans  les  nomenclatures  des  plan- 
tes ,  doit  nous  préferver  d'un  pareil  abus  dans  l'ex- 
pofé  de  leurs  propriétés ,  qui  ne  peut  être  que  le  ré- 
l'ultat  de  nos  obfervations. 

Il  fe  préfente  naturellement  deux  objets  princi- 
paux dans  les  obfervations  qui  peuvent  nous  con- 
duire à  la  connoiffance  des  propriétés  des  plantes. 
Le  premier  eft  de  déterminer  l'effet  des  propriétés 
connues ,  &  de  le  modifier  dans  les  différentes  cir- 
conftances. Le  fécond  eft  de  trouver  les  moyens  de 
découvrir  de  nouvelles  propriétés. 

Le  premier  a  été  bien  fuivi  par  les  bons  obferva- 
teurs  ,  tant  pour  les  remèdes  intérieurs  de  la  Méde- 
cine ,  que  pour  les  topiques  de  la  Chirurgie  par  rap- 
port au  règne  végétal.  Auffi  eft-ce  par  le  réfultat  de 
ces  obfervations  que  l'on  conftate  la  plupart  des  con- 
noiffançes de  la  matière  médicale ,  qui  eft  fans  doute 
une  des  parties  les  plus  certaines  de  la  Médecine. 
Mais  ces  mêmes  obfervations  font  imparfaites  en  ce 
qui  dépend  de  la  Botanique  &  delà  Pharmacie ,  c'eft- 
à-dire  de  l'état  aftuel  de  la  plante  que  l'on  employé 
&  de  fa  préparation.  On  ne  fait  pas  bien  en  quoi  dif- 
férent les  propriétés  d'une  racine  arrachée  au  prin- 
tems  ou  en  automne  ,  en  été  ou  en  hyver  ;  une  fleur 
cueillie  ,  des  feuilles  léchées ,  une  écorce  enlevée  ou 
un  bois  coupé  dans  ces  différentes  faifons  ;  en  quelle 
proportion  l'efficacité  des  plantes  augmente  ou  di- 
minue à  melure  qu'on  les  garde  après  les  avoir  re- 
cueillies ;  quelle  différence  y  occafionne  un  deffe- 
chement  plus  ou  moins  prompt ,  &  la  façon  de  les 
tenir  dans  un  lieu  plus  ou  moins  fermé  ;  en  quoi  les 
propriétés  des  plantes  dépendent  de  leur  âge ,  du  ter- 
rein  ,  &  du  climat  dans  lequel  elles  croiffent,  &c.  Si 
onaquelques  connoiffançes  des  effets  que  produifent 
ces  différentes  circonftances ,  ce  font  des  connoif- 
fançes bien  vagues  &  bien  éloignées  du  point  de  pré- 
cifion  qu'exige  1  importance  du  lujet.  On  n'a  jamais 
fait  des  expériences  affez  fuivies  pour  avoir  de  bon- 
nes obfervations  fur  ces  différens  objets  :  dételles  ob- 
fervations pourraient  nous  faire  connoître  la  meil- 
leure façon  de  préparer  les  plantes  pour  modifier 
leur  efficacité  à  tel  ou  tel  point.  Nous  finirions  au 
moins  quel  changement  arrive  dans  la  propriété 
d'une  plante  par  une  infufion  plus  ou  moins  longue, 
&  par  quantité  d'autres  préparations. 

Il  fera  fans  doute  plus  facile  de  déterminer  l'effet 
des  propriétés  connues  dans  les  plantes ,  &  de  les 

modifier 


BOT 

modifier  par  différons  procédés ,  que  de  trouver  le 
moyen  de  découvrir  des  vertus  nouvelles.  Les  Chi- 
miftes  avoient  entrepris  cette  recherche  ,  &  avoient 
cm  pouvoir  y  parvenir  en  décompofant  les  plantes , 
&  en  en  faifant  une  analyfe  exaûe  :  mais  les  plus  ha- 
biles artiftes  ont  échoué  dans  cette  entreprife  ;  les 
résultats  de  l'analyfe  n'ont  pas  été  d'accord  avec  les 
qualités  les  plus  connues  des  plantes  analyfées.  On 
a  même  prétendu  que  les  plantes  les  plus  oppofées 
en  vertu,  fe  réduifoient  aux  mêmes  principes.  Enfin 
on  a  abandonné  la  voie  de  l'analyie ,  après  s'être 
cpnvaincu  qu'elle  ne  pouvoit  conduire  à  aucune 
connoiffance  certaine  fur  les  propriétés  des  plantes. 
Que  de  travaux  infructueux  !  La  plûpart-des  plantes 
ufuelles  avoient  été  analyfées  ;  on  les  avoit  déjà  ca- 
raftérif  ces  par  les  principes  auxquels  elles  avoient  été 
réduites ,  &  on  efpéroit  que  cette  méthode  nous  fe- 
roit  connoître  les  propriétés  d'une  nouvelle  plante 
par  les  réfultats  de  fon  analyfe. 

Il  faut  donc  renoncer  à  cette  erreur ,  quelque  fla- 
teufe  qu'elle  foit  :  mais  pour  avoir  fait  des  tentatives 
inutiles ,  on  ne  doit  pas  le  décourager  dans  un  fujet 
auffi  important.  Il  s'agit  à  préfentde  fubftituer  à  l'a- 
nalyfe des  plantes  quelqu 'autre  moyen  de  découvrir 
leurs  propriétés  :  dût-on  échoiier  de  nouveau  après 
une  longue  fuite  d'expériences  ,  on  ne  peut  trop  les 
multiplier,  pour  peu  que  le  fuccès  foit  probable.  On 
vient  de  faire  une  découverte  dont  on  pourroit  tirer 
des  lumières  pour  cette  recherche.  M.  de  Buffon  nous 
a  fait  voir  des  corps  mouvans ,  non-feulement  dans 
les  femences  des  animaux ,  mais  dans  celles  des  plan- 
tes. Lorfqu'on  a  fait  infufer  pendant  quelque  tems 
des  femences  broyées  ou  d'autres  parties  d'une  plan- 
te,  on  y  voit ,  par  le  moyen  du  microfcope ,  des  par- 
tics  organiques  qui  fe  développent ,  qui  le  meuvent 
de  différentes  manières ,  &  qui  prennent  des  figures 
différentes.  Hiji.  nat.  tom.  II.  Foye{  Animalcule. 
Cette  belle  découverte  qui  a ,  pour  ainfi  dire ,  dé- 
voilé aux  yeux  de  fon  auteur  le  myftere  de  la  repro- 
duction des  animaux  &  des  plantes  ,  pourroit  peut- 
être  nous  rendre  les  propriétés  des  plantes  fenlibles 
aux  yeux.  Ce  fut  la  première  réflexion  que  je  fis  , 
lorfque  M.  de  Buffon  me  montra  ces  corps  mouvans 
dans  toutes  les  infufions  de  plantes  qu'il  mit  en  ex- 
périence pour  la  première  fois,  après  qu'il  eut  con- 
clu ,  que  puiiqu'il  y  avoit  des  parties  organiques  ien- 
fibles  dans  les  femences  des  animaux  ,  elles  dévoient 
auffi  fe  trouver  dans  celles  des  plantes.  Cette  induc- 
tion ,  qui  ne  pouvoit  venir  que  d'un  génie  tait  pour  les 
plus  grandes  découvertes,  a  été  confirmée  par  toutes 
les  expériences  qui  ont  été  faites  depuis.  M.  Nécdham 
en  a  fait  beaucoup  en  vue  de  la  végétation.  Nouvell. 
cbf.  microfeop .  J'en  ai  fait  quelques-unes  par  rapport 
aux  propriétés  des  plantes ,  &  je  crois  qu'il  feroit  à 
propos  d'en  faire  bien  d'autres,  pour  tâcher  de  par- 
venir par  ce  moyen  à  déterminer  les  différences  en- 
tre les  propriétés  connues,  &  à  en  trouver  de  nou- 
velles. Le  développement,  la  fituation  ,  la  figure,  le 
mouvement ,  la  durée  de  ces  corps  mouvans  pour- 
roient  fervir  de  règle  &  de  menue  pour  juger  des  pro- 
priétés de  la  plante  ,  &  pour  évaluer  leur  efficacité. 
J'qyq  HlSTOIEF.   NATURELLE,    PLANTE.   (7) 

BOTANOMANCIE  ,  f.  f.  divination  qui  le  faifoit 
par  le  moyen  des  plantes  &  des  ai  m  ineaux.  Ce  mot 
elt  tonné  du  Grec  /Sorar») ,  herbe ,  6c  de  juavthu.  ,  divi- 
nation. 

On  fe  fervoit,  dans  la  botanomancie  ,  de  branches 
ou  de  rameaux  de  verveine,  de  bruyère  ,  de  figuier, 
&  d'autres  iimptes  ou  arbriffeaux  ,  fur  lefquels  on 
écrivoit  le  nom  Cv  la  queflion  du  confultant.  Les  au- 
teurs ne  nous  dilent  pas  de  quelle  manière  le  faifoit 
la  réponfe  ,  ni  par  quels  lignes  elle  1e  manifeftoit.  Il 
cil  à  préfumer  que  les  prêtres  ou  les  devins  la  ren- 
doient  de  vive-voix.  On  faifoit  grand  ufage  dans  la 
Tome  II. 


BOT 


H* 


botanomancie  de  blanches  de  tamarin  ou  de  bruyère , 
parce  que  cet  arbrifTeau  étoit  particulièrement  con- 
facré  à  Apollon.,  qui  préfidoit  à  la  divination,  &  à 
qui  l'on  avoit  donné  le  fumoir,  de  myricœus ,  du  Latin 
myrica ,  qui  lignifie  bruyère ,  &  à  celle-ci  l'épithete  de 
prophétique.  Au  refte  il  ne  faut  pas  confondre  la  divi- 
nation dont  nous  parlons  ici,  avec  la  coutume  qu'a- 
voit  la  fibylle  de  Cumes  d'écrire  lès  réponfes  fur  des 
feuilles.  (G  ) 

BOTHNIE  ,  (  Géog.  )  province  confidérable  de 
Suéde  ,  fur  le  golfe  du  même  nom ,  qui  la  divife  en 
orientale  &  occidentale. 

BOTHRION,  f.  m.  (Chirurgie.')  nom  d'une  efpece 
d'ulcère  creux ,  étroit ,  &  dur ,  qui  fe  forme  iur  la 
cornée  tranfparente  &  fur  l'opaque.  On  l'appelle  aufîi 
fojfette,  fojfula  ou  annulus,  à  caule  de  fa  profondeur. 
La  cure  ne  diffère  point  de  celle  des  autres  ulcères  qui 
attaquent  ces  parties.  Voye^  Argema.  (T) 

BOTHYNOE  ou  Antres  ,  (  Phyfique.  )  forte  de 
météore.  Voye^  Aurore  boréale.  (O) 

BOTRYTIS ,  f.  f.  (Hifi.  nat.  bot.)  genre  de  plante , 
qui  ne  diffère  du  byjjus  que  parce  qu'elle  dure  très- 
peu  ,  &  par  l'arrangement  de  fes  femences,  qui  font 
difpofées  en  grappe  ou  en  épi  au  bout  des  tiges  ou 
des  rameaux.  Micheli,  Nova  plantarum  gênera,  f'oye^ 
Plante.  (/) 

La  bothrytes  ou  bothrytis  eu  botrys  vulgarïs  ,  offic. 
Germ.  2.5 o.  eft  amere  au  goût ,  &  fon  odeur  eft  forte, 
mais  non  defagréable  ;  eiie  eft  chaude  de  fa  nature  , 
defféchante,  réfolutive,  apéiitive,  déterf.ve,  &  pur- 
gative  ;  elle  empêche  la  putréfaction ,  &  eLe  elt  d'une 
efficacité  imguliere  dans  les  opprefïïons ,  les  toux,  la 
difficulté  de  refpirer ,  &  toutes  les  maladies  froides  de 
la  poitrine  ;  elle  elt  bonne  pour  diffiper  les  matières 
vilqueufes  contenues  dans  les  bronches  ;  elle  levé  les 
obftruftions  du  foie ,  des  reins ,  &  de  la  matrice ,  gué- 
rit la  jauniffe  ,  prévient  les  hydropifies ,  hâte  les  rè- 
gles &  les  vuîdanges ,  &  calme  les  douleur?  du  bas- 
ventre  &  de  l'utérus. 

Les  dames  Vénitiennes  regardent  le  botrys  comme 
un  remède  infaillible  contre  les  accès  de  la  paffion 
hyfterique. 

L'eau ,  la  conferve  ,  &  le  looeh  de  botrys  font  ex- 
cellens  dans  toutes  les  maladies  de  la  poitrine  &  du 
bas-ventre. 

L'herbe  bouillie  dans  une  leffive  quelconque  tue 
la  vermine;  &  fi  l'on  en  lave  la  tête,  elle  emportera 
la  gale. 

On  affûre  que  cette  plante  femée  avec  le  grain  , 
tue  les  vers  qui  font  nuilibles  au  grain.  Barthol.Zorn, 
Bot  anal  og.  (A7) 

BOTTAGE,  f.  m.  (Commerce.)  eft  un  droit  que 
l'abbaye  de  S.  Dcnys  en  France  \c\  e  fur  tcn:s  les  ba- 
teaux &  marchandées  qui  parlent  fur  la  rivière  de 
Seine  ,  à  compter  du  jour  S.  Dcnys,  9  Oclobie,  juf- 
qu'à  celui  de  S.  André,  30  Novembre. 

Ce  droit  eft  allez  fort,  pour  que  les  marchands 
prennent  leurs  mefures  de  bonne  heure  pour  Invi- 
ter ,  foit  en  prévenant  l'ouverture  de  ce  droit  pour  le 
paffage  de  leurs  marchandées ,  foit  en  différant  juf- 
qu'à  la  clôture,  fur- tout  fi  ces  marchandées  font  do- 
gros  volume.  (G) 

BOTTE,  1.  f.  (Manège.)  chauffure  de  cuir-fort, 
dont  on  fe  fert  pour  monter  à  cheval  :  elle  eft  com- 
polée  de  la  genouillère ,  d'une  tige  auffi  large  en-haut 
]ires  du  genouil , qu'en-bas  pies  du  cou-de-pie ,  èv  d'un 
lbulier  armé  d'un  éperon  qui  tient  à  la  r:ge.  La  botte- 
fbrtt  cil  celle  dont  la  tige  eft  dure  &  ne  tint  aucun  pli  ; 
elle  lert  ordinairement  aux  chaffeurs,  aux  poftillons, 

&  à  la  cavalerie.  Voye\  PI    ■  <  ORDONNIER- 

bottier  ,fig.  4J.  La  botte-molle,  eft  celle  qui  fait 
plufieurs  plis  au-deffus  du  cou-de-j 
tes  &  les  dragons  s'en  fervent .  Les  bottts  à  ta  ho 
&  à  VAngloïfe  font  molles  &.  n'ont  point  de  genôuil- 

Xx 


34<* 


BOT 


1ère.  On  met  quelquefois  aux  chevaux  qui  fe  cou- 
pent ,  un  morceau  de  cuir  qu'on  attache  avec  des 
boucles,  &  qui  entoure  la  jambe  dans  l'endroit  où  le 
cheval  fe  coupe.  On  appelle  ce  cuir  une  bout.  Poycr^ 
la  fuite  de  cet  article.  (F) 

Botte  à  baleine,  en  terme  de  Bottier ,  c'eft  une  ef- 
pece  de  botte  molle ,  foûtenue  par  plufieurs  brins  de 
baleine  enfermés  dans  des  fourreaux.  Ce  font  ces 
bottes  que  l'on  garnit,  fur-tout  de  garnitures  rondes. 
Voye{  Garnitures  rondes. 

BOTTE  ie  chajj'e,  en  terme  de  Bottier.  Voyc{  BOTTE 
DE  COUR. 

Botte  à  chaudron  ,  en  terme  de  Bottier.  V.  BOTTE 
DE  COUR. 

BOTTES  à  contrefort ,  en  terme  de  Bottier ,  font  des 
bottes  qu'on  garnit  de  pièces  rapportées  fur  la  tige , 
pour  les  rendre  plus  fermes.  Voye\  Contre-fort. 

Botte  de  cour ,  en  terme  de  Bottier ,  eft  une  efpece 
de  botte  dont  la  genouillère  eft  évafée  en  forme  d'en- 
tonnoir ou  de  chaudron ,  ce  qui  les  fait  aulli  nommer 
bottes  à  chaudron.  On  les  appelle  cependant  le  plus 
ordinairement  bottes  de  cour,  parce  que  c'eft  de  cette 
efpece  de  botte  dont  toute  la  luite  du  Roi  ie  lert  dans 
les  parties  de  chaffe  ;  c'eit  proprement  l'uniforme  des 
cavaliers  en  fait  de  bottes,  f^oye^  GENOUILLERE. 
Voye-^  Planche  du  Cordonnier-bottier  ,fig.  4J. 

Bottes  de  courier,  font  des  bottes  ainii  nommées 
parce  qu'elles  ne  fervent  guère  qu'aux  couriei s; elles 
font  beaucoup  plus  fortes  que  les  autres  :  les  garni- 
tures font  jointes  l'une  à  l'autre  par  des  jarretières  à 
boucles.  Ces  bottes  fe  changent  de  jambe ,  ce  qu'on 
ne  peut  faire  avec  toutes  les  autres. 

BOTTES,  demi-chajje  ,  (  en  terme  de  Bottier  )  font 
les  bottes  dont  le  dedans  de  la  genouillère  eft  échan- 
cré  ;  ce  qui  la  diflingue  de  la  botte  de  chajj'e ,  ou  à 
chaudron ,  qui  ne  l'eft  point.  Voye{  Botte  de 
CHASSE,  OU  à  CHAUDRON. 

BOTTES  ,  demi-chajfe  à  quatre  coutures ,  (  en  terme 
de  Bottier')  font  des  bottes  ornées  de  quatie  cordons 
en  manière  de  couture  fur  les  quatie  faces.  Poye{ 
Couture. 

BOTTES  de  gardes  du  Roi ,  (  en  terme  de  Bottier) 
font  des  bottes  dont  les  genouillères  lont  grandes  & 
quarrées ,  &  les  garnitures  rondes  ou  en  foi  me  de  fil. 

BOTTES  de  moufquetaire ,  (  en  terme  de  Bottier)  iont 
des  bottes  auxquelles  on  a  laiiie  un  pli  derriei  e  le 
talon  ,  qui  fait  que  la  botte  fe  plie  en  marchant  ;  ce 
qui  lui  donne  à  peu  près  le  même  ulage  que  la  boue 
molle ,  dont  on  a  parlé  plus  haut. 

BuTTES  de  pojte  de  courier,  (en  terme  de  Bottier) 
font  des  bottes  qui  ne  différent  des  bottes  de  courier 
ordinaire,  que  parce  qu'elles  ont  double  tige.  Voye^ 
Tige. 

Botte  ,  aller  à  la  botte,  (  Manège  )  c'eft  une  ac- 
tion d'un  cheval  colère  ,  qui  porte  la  bouche  à  la 
botte  ou  à  la  jambe  de  celui  qui  le  monre  pour  mordre. 

Serrer  la  botte ,  (Manège  )  eft  une  expreffion  figu- 
rée ,  qui  veut  dire  prelier  un  cheval  d'avancer  en 
ferrant  les  jambes.  Ce  terme  eft  ulité  à  la  guerre. 

BOTTE  ,  (en  Vénerie)  c'eft  ainli  qu'on  appelle  le 
collier  avec  lequel  on  mené  aux  bois  le  limier. 

*  BOTTE,  1.  f.  eipece  de  forces  dont  on  fe  fert 
dans  les  manufactures  de  lainage  de  la  piovince  de 
Champagne,  &  avec  laquelle  il  eft  ordonné  par  les 
reglemens  de  donner  la  dernière  tonte  aux  droguetsi, 

BOTTE ,  tonneau  ou  vaifleau  de  bois  propre  à 
mettre  du  vin  ou  d'autres  liqueurs.  On  dit  une  boue 
de  vin  iïEJ'pagne  ,  une  botte  d'huile. 

La  botte  pour  les  huiles  eft  à  peu  près  femblable  à 
un  muid.  Ceiles  pour  les  vins  lont  plus  larges  par  le 
milieu  que  par  les  extrémités ,  allant  toujours  en  di- 
minuant depuis  le  bondon  julqu'au  jabie. 

Le  terme  de  botte  eft  ufité  particulièrement  dans 
les  piovinces  de  France  ,  qui  approchent  de  l'Italie , 


BOT 

où  l'on  appelle  bottais  un  tonnelier.  Il  eft  aufTi  en  ufa- 
ge  chez  les  Efpagnols  ,  où  la  botte  contient  trente  aro- 
bes  de  vingt-cinq  livres  chacune.  Voye-^  Arobe. 

En  Angleterre  la  botte  contient  cent  vingt-fix  gal- 
lons, c'eft-à-dire  504  pintes  de  Paris.  Foye?^  Gallon. 

En  Bretagne ,  on  jauge  les  bottes  par  veltes  ;  cha- 
que velte  eft  eftimée  4  pots ,  c'eft-à-dire  8  pintes  me- 
lure  de  Paris. 

Les  boues  de  Portugal  jaugent  67  à  68  veltes ,  cel- 
les d'Efpagne  ne  font  pas  fi  grandes. 

Les  bottes  d'huile  d'Efpagne  &  de  Portugal  pefent 
environ  un  millier.  Il  y  a  aufti  des  demi-bottes. 

La  botte  de  Venile  eft  la  moitié  de  Yamphora.  Foye* 
Amphoka.  Celle  de  Lisbonne  eft  moindre  que  celle 
d'Efpagne  ,  la  première  ne  rendant  à  Amfterdam 
que  16  à  17  ftekans ,  &  l'autre  36  à  37. 

HOTTE  fe  dit  auffi  d'un  fagot,  ou  paquet  de  plu- 
fleurs  choies  de  la  même  efpece  liées  eniemble.  Une 
botte  d'échalas ,  une  botte  de  lattes ,  une  botte  d'allu- 
metes ,  &c. 

Botte  de  paille  ou  de  foin  ,  (  Œconom.  rufiiq.  )  eft 
une  certaine  quantité  de  paille  ou  de  foin  ,  qu'on 
entoure  avec  des  liens  de  même  nature  ,  &  qui  pefe 
plus  ou  moins  ielon  les  différentes  pays  :  on  en  nour- 
rit les  chevaux  qui  lont  à  l'écurie. 

Botte  de  mouchoirs ,  ie  dit  d'un  paquet  de  mouchoirs 
des  Indes  qu'on  vend  au  Caire  ;  dix-huit  fins,  ou  dix 
gros ,  font  une  botte. 

Botte , foie  en  boue,  paquet  de  foie  platte  ou  autre 
pliée  de  la  longueur  d"un  pié  lur  deux  pouces  d'épaif- 
leur  en  tout  iens ,  &  dont  la  livre  eft  de  1  5  onces. 

Boue  eft  auih  le  nom  qu'on  donne  aux  gros  pa- 
quets de  chanvre  du  poids  de  1 50.  (G) 

BOTTE  de  corde  de  boyau,  (teime  de  Boyaudier) 
c'eft  ainli  qu'on  nomme  un  petit  paquet  de  cordes 
de  boyau  plié  en  lept  ou  huit  plis.  Voye^  Corde 
À  boyau. 

Botte  de  parchemin,  c'eft  une  certaine  quan- 
tité de  peaux  ou  de  feuilles  de  parchemin  liées  en* 
femble  en  paquet. 

La  botte  de  parchemin  en  coffe  ,  aufïi  bien  que  celle 
de  parchemin  raturé,  foit  qu'il  ioitéquarrié  ou  non, 
eft  compofée  de  trente-iix  peaux. 

Le  parchemin  raturé  mis  en  cahier  fe  vend  auffi  à 
la  botte ,  qui  eft  compofée  de  foixante  &  douze  feuil- 
les, ou  de  dix-huit  cahiers  de  quatre  feuilles  chacun. 
Voye7^  Parchemin. 

Botte  de  bordure,  (en  terme  de  Boi fêler! e)  c'eft: 
une  douzaine  de  feuilles  de  hêtre  de  iix  pouces  de 
largeur,  liées  eniemble  &  préparées  pour  faire  des 
bordures. 

BOTTE  de  féaux  ,  (  en  terme  de  Boiffelerie  )  c'eft  un 
paquet  de  fix  corps  de  féaux  ,  tels  qu'ils  iortent  de 
la  premieie  main  &c  de  la  forêt. 

i.OTTE  ou  ESTOCADE,  (en  terme  de  Maître  en  fait 
d'armes.)    Voye^  ESTOCADE. 

BOTTE,  1.  f.  (terme  de  Sellier)  c'eft  une  efpece  de 
marche-pié,  fait  de  maroquin  en  deifus,  rembouré 
par  délions  le  maroquin,  6c  iùfpendu  par  des  cour- 
roies de  cuir  aux  côtés  ou  brancards  d'une  berline, 
d'un  carrolîe,  &  de  toute  autre  voiture,  vis-à-vis 
des  portières  ;  on  appuie  le  pié  iùr  la  botte  pour  en- 
trer dans  la  voiture.  P'oye^  les  Planches  du  Sellier. 

BOTTELAGE  ,  f.  m.  (  Œconom.  rufiiq.  )  c'eft  l'ac- 
tion de  mettre  en  botte  ;  celui-ci  fe  dit  particulière- 
ment du  foin.  Voye-t  Foin. 

BOTTELER  ,  v.  aft.  (Jardinage?)  c'eft  mettre  en 
botte.  On  dit  botteler  du  foin  ,  &  en  général  on  peut 
le  dire  de  toutes  les  plantes  ,  telles  que  les  buis ,  les 
raves ,  les  aiperges  dont  on  fait  des  bottes.  Une  botte 
de  ces  dernières  plantes  eft  à  peu-pres  la  valeur  de 
deux  ou  trois  poignées  eniemble.  On  dit  auffi  des  bot- 
tes d'échalas,  de  foin,  de  paille,  de  charmille,  d'oiier, 
&c.  Poyeiplus  haut l'articli  BOTTE.   (K) 


BOU 


B  O  U 


347 


BOTTELEUR  ,  f.  m.  (  (Econom.  rufiiq.  )  homme 
de  journée  employé  à  mettre  le  foin  en  botte.  Voyt^ 
Foin. 

BOTTER  ,  (  se)  fignifie  mettre  des  bottes  pour 
monter  à  cheval.  On  dit  aufîi  qu'un  cheval  fe  botte 
lorfque  marchant  dans  un  terrein  gras ,  la  terre  lui 
remplit  le  pié  &  y  refte.  (  ^) 

BOTTIER ,  f.  m.  eft  celui  qui  fait  &  vend  toutes 
fortes  de  bottes  molles  ,  fortes,  bottipes.  Les  Bottiers 
font  du  corps  des  Cordonniers ,  &  ne  fe  fervent  point 
d'autres  outils  qu'eux.  Voye^  Cordonnier. 

BOTTINES  ,  f.  f.  chez  les  Boyaudiers ,  ce  font  des 
morceaux  de  cuir  fouple  ou  de  peau ,  que  ces  ou- 
vriers s'attachent  au-defhis  du  coup-de-pié,  afin  d'em- 
pêcher que  l'ordure  &  l'eau  n'entrent  dans  leurs  fou- 
liers  ,  loriqu'ils  travaillent  les  boyaux  deftinés  à  fai- 
re des  cordes.  Ces  bottines  reffemblent  affez  aux  mor- 
ceaux de  peau  que  les  Tailleurs  de  pierre  fe  mettent 
aux  jambes  ,  pour  empêcher  que  les  éclats  des  pier- 
res n'entrent  dans  leurs  fouliers  &  ne  les  blefTent. 

Bottines  ,  (  en  terme  de  Bourfier  )  c'eft  une  efpe- 
ce  de  botte  de  ter  revêtue  de  cuir ,  pour  foùtenir  la 
jambe  d'un  enfant  lorl  qu'elle  eft  trop  foible ,  ou  qu'el- 
le prend  un  pli  contre  nature. 

Bottines  ,  f.  f.  {[Bottier  )  on  donne  ce  nom  à  une 
chauffure  de  cuir  fort  6c  dur  j  qu'on  met  à  fes  jam- 
bes pour  monter  à  cheval  :  elle  diffère  de  la  botte  , 
en  ce  que  la  tige  &:  la  genouillère  font  fendues  en 
long  par  le  côté ,  &  fe  rejoignent  par  des  boucles  ou 
des  boutons  ;  en  ce  qu'elle  fuit  précifément  le  moule 
de  la  jambe  ,  &  en  ce  que  le  foulier  n'y  eft  point  at- 
taché.  Voy&{_  PL  du  Bottier ,  fig.  30. 

Bottines  fortes  à  tringles,  (jn  terme  de  Bottier.') 
font  des  efpeces  de  bottes  dont  la  tige  eft  aufïi  forte 
que  les  groffes  bottes.  Elles  n'ont  point  de  pié  ,  & 
le  ferment  au  bas  de  la  jambe  par  une  tringle  de  fer 
qui  règne  tout  le  long  de  la  tige ,  8c  s'emboîte  dans 
un  anneau. 

Bottines  àpaffans  ,  (en  terme  de  Bottier.}  font  des 
bottines  qui  fe  ferment  par  des  efpeces  de  bouton- 
nières de  cuir  coufues  le  long  de  la  tige ,  &  qui  fe 
paffent  les  unes  dans  les  autres  jufqu'à  la  dernière 
qui  s'arrête  par  un  bouton.  Voye^  Passans  ,  &  la 
fig.  50  PI.  du  Cordonnier-Bottier. 

Bottines  à  la  dragonne.  Elles  ont  la  tige  dure  com- 
me la  botte  :  elles  lont  ouvertes  tout  du  long  par  le 
coté  ,  &  elles  emboîtent  la  jambe  jufte;  6c  le  long 
du  côté  de  l'ouverture  eft  une  verge  de  1er  qui  paffe 
par  le  bas  environ  d'un  pouce  ,  6c  entre  dans  un 
petit  anneau  de  fer  qui  eft  à  l'autre  côté  de  la  tige, 
qui  fert  à  la  tenir  ferme  par  le  bas  ,  6c  par  le  haut  à 
la  genouillère;  elie  eft  fermée  avec  des  attaches  & 
des  boucles.  Les  bottines  n'ont  point  de  fouliers. 

BOTZENBOURG,  (Géog.)  ville  d'Allemagne 
fituée  fur  l'Elbe  ,  dans  le  duché  de  Mcckclbourg.  ton. 
28.23.lat.53.34. 

BOTTWAR,  (Géog.)  ville  du  duché  de  Wurtem- 
berg fur  la  rivière  de  même  nom. 

BOVA,  (Géog.)  petite  ville  d'Italie  au  royaume 
de  Naples  ,  dans  la  Calabre  ,  près  l'Apennin  ,  à  8 
lieues  de  Reggio.  Long.  34.  3.  lat.  3j.  55. 

BOUARD ,  f.  m.  gros  marteau  qui  étoit  ancien- 
nement à  1'ulagc  des  monnoyeurs.  ^"oyeçBoUER. 

*  BOUBIE  ou  BOOBY ,  (.  m.  (Hift.  nat.)  c'eft  un 
oifeau  aquatique  d'Amérique ,  qui  n'eft  pas  tout-à- 
fait  li  gros  qu'une  poule  :  il  eft  d  un  uns  clair,  a  un 
bec  lemblable  à  celui  d'une  corneille,  les  pattes 
larges  6c  épattées  comme  un  canard;  il  - 
prendre  tres-aifément,  car  il  n'eft  point  fauvage  ; 
fa  chair  eft  noire ,  &:  le  goût  eft  comme  celui  Ue  la 
chair  des  poiffons. 

BOUC  ,  f.  m.  hircus.  (Hift.  nat.  Zoolog.)  animal 
quadrupède,   dont  la  femelle  eft  appellée 
capra,  ïoye{  Chèvre.  Les  Latins  donnoiont  «ulule 
Te  me  If, 


nom  de  caper  au  bouc  lorfqu'il  avoit  été  coupé  ;  c'eft 
de  ces  deux  derniers  noms  qu'a  été  dérivé  celui  du 
genre  auquel  on  a  rapporté  ces  animaux ,  caprinum 
genus. 

Le  bouc  diffère  du  bélier  en  ce  qu'il  eft  couvert  de 
poil  &  non  pas  de  laine  ;  que  fes  cornes  ne  font  pas 
autant  contournées  que  celles  du  bélier  ;  qu'il  a  une 
forte  de  barbe  au  menton  ,  6c  qu'il  répand  une  mau- 
vaife  odeur.  Ray,  Anim.  quad.Jynop,  Voye^  Qua- 
drupède. (/) 

*  Le  bouc  pour  être  bon  à  la  chèvre  doit  avoir  le 
corps  grand,  les  jambes  greffes,  le  cou  charnu  & 
court ,  la  tête  petite  ,  le  poil  noir  ,  épais  &  doux  , 
les  oreilles  grandes  6c  pendantes,  la  barbe  longue  &: 
touffue  ;  s'il  a  des  cornes ,  il  fera  pétillent ,  dange- 
reux ,  &  n'en  fera  pas  meilleur. 

Il  ne  lui  faut  donner  des  chèvres  qu'à  un  an  ou 
deux,  &  ne  lui  en  plus  donner  au-delà  de  quatre  ou 
cinq  ;  mais  il  peut  lervir  pendant  deux  mois  à  cent 
cinquante  chèvres.  Quand  on  l'occupe  ,  il  le  faut 
bien  nourrir,  &  lui  donner  lept  à  huit  bouchées  de 
fon  &  de  foin  à  manger  ,  lorfqu'il  a  lailliune  fois  ;  on 
lui  donne  la  même  chèvre  julqu'à  trois  fois ,  afin  de 
s'afîûrer  qu'elle  eft  pleine. 

Lorfqu'on  ne  le  deftine  pas  à  multiplier,  on  le 
châtre  à  lîx  mois  ou  un  an.  foye^  Chevreau. 
Foye[  auffi  Chèvre. 

On  mange  rarement  le  bouc ,  à  caufe  dé  fon  odeur 
6c  de  Ion  goût  defagréable. 

La  graiffe  de  bouc  paffe  pour  un  très-bon  émollient. 
Hippocrate  la  recommande  comme  telle  dans  un 
peliaire. 

Diolcoride  a  donné  la  compofition  d'un  topique 
très-l'alutaire  félon  lui ,  contre  la  goutte  ,  6c  qu'il  fait 
avec  parties  égales  de  graiffe  de  bouc  ,  &  de  celle  de 
chèvre  ,  mêlées  avec  un  peu  de  fafran.   (\"j 

*  Les  peaux  de  bouc  font  une  partie  aflez  confidé- 
rable  du  commerce  des  cuirs  ;  les  Maroquiniers  ,  les 
Chamoiieurs  6c  les  Mégiffiers ,  les  préparent  en  ma- 
roquin, en  chamois  ou  en  mégie,  &  les  mettent  en 
état  d'être  employées  à  différens  ufages.  Le  fuit  de 
bouc  n'eft  pas  non  plus  à  négliger. 

*  Boucs.  (Myth.)  Les  habitans  de  Mendés  en 
Egypte,  avoient  une  grande  vénération  pour  les 
boucs.  Les  Egyptiens  en  général  n'en  immoloient 
point ,  par  relpecf  pour  Pan  à  la  tête  &  aux  pieds  de 
bouc.  Ils  adoroient  fous  ce  lymbole  la  nature  feconde. 
Les  Grecs  lacrihoient  le  bouc  à  Bacchus.  C'étoit  la 
monture  ordinaire  delà  Vénus  populaire. 

*  Bouc  ,  f.  m.  On  donne  ce  nom  dans  les  machi- 
nes hydrauliques  à  une  elpece  de  poulie  garnie  de 
cornes  de  fer,  qui  font  monter  &  defeendre  une 
chaîne  fans  fin.  C'eft  par  le  moyen  à' un  bouc  que  les 
eaux  font  élevées  du  puits  laie  de  Moyenvic.  Voye^ 
les  Planches  de  Saline. 

*  Bote ,  1.  m.  On  donne  auffi  ce  nom  dans  les 
gro fies  forges  à  une  grande  roue  à  eau ,  traverfée  par 
un  arbre  qu'elle  fait  mouvoir,  &  telle  que  celle  qu'on 
voit  en  M  ,  Planche  11.  fig.  1.  des  çroj/cs  Jorges. 

•BOUCAC  HARDS,l.m.  [ffiji.  eccléj.)  elpece  de 
chanoines  réguliers  réformés  ,  ainfi  appelles  de  la 
mauon  cie  B oucai  han .',  où  commença  la  réforme.  I  es 
Boucachards  ne  font  ni  anciens  ni  approuvés  par  l'E- 
.  r.iiant  ils  ont  plulieurs  maifons,  &  font 
appelles  Boucachards  dans  celles  des  chanoine 
tiers  où  il  a  plu  aux  évêquesde  les  introduire. 

BOUCAGE,  i'.m.  tragofdinum ,  (Hiji.nat.  Bot.) 

génie  de  plante  à  fleur  en  rôle  6c  en  ombelle,  com- 

pofée  de  pli  (leurs  pétales  inégaux  faits  en  forme  de 

.  difpolés  en  rond  &  (outemispar  un  calice. 

C  e  calice  devient  dans  la  fuite  un  fruit  compofé  de 

1  menées  oblongues  arrondie- ,  cannelées  d'un 

de  l'autre.  Tournefort ,  Injl.rei  herb. 

Voyt^ Plante.  (/)  .. 

X  x  1] 


343 


B  O  U 


Première  efpece ,  Tragofdinum  majus  umbellâ  can- 
didâ.  Pit.  Tourn. 

Seconde  eipece ,  Tragofdinum  minus.  Pit.  Tourn. 

Ces  plantes  croiffent  aux  lieux  incultes ,  &  en  ter- 
re graffe  ;  elles  contiennent  beaucoup  de  fel  effentiel 
&  d'huile  :  la  petite  &  la  plus  commune  eft  la  plus 
eftimée  dans  la  Médecine  ;  on  employé  la  racine, 
les  feuilles  &  la  femence. 

Elles  font  apéritives,  déterfives,  fudorifiques , 
vulnéraires,  propres  pour  brifer  la  pierre  du  rein  & 
de  la  veffie ,  pour  réfifter  au  venin  &  à  la  malignité 
des  humeurs ,  pour  lever  les  obftruû  ions ,  pour  ex- 
citer l'urine  &  les  règles ,  étant  prifes  en  décoction, 
ou  en  poudre. 

On  l'appelle  bouquetine,  parce  que  les  boucs  en 
mangent.  (N) 

BOUCAN,  f.  m.  les  marchands  de  bois  nomment 
ainii  une  bûche  rompue  par  vétufté.  Ce  mot  a  encore 
un  autre  fens.^ôyeç  l'arc,  fuivant. 

BOUCANIER ,  f.  m.  (Hijl  mod.)  eft  le  nom  que 
l'on  donne  dans  les  Indes  occidentales  à  certains  fau- 
vages  qui  font  fumer  leur  viande  fur  une  grille  de 
bors  de  Brefil  placée  à  une  certaine  hauteur  du  feu , 
qu'on  appelle  boucan. 

Delà  vient  qu'on  appelle  boucans  les  petites  loges 
dans  lefquelles  ils  font  fumer  leurs  viandes ,  &  l'action 
de  les  préparer  boucaner. 

On  prétend  que  la  viande  ainfi  boucanée  plaît  éga- 
lement aux  yeux  &  au  goût  ;  qu'elle  exhale  une 
odeur  très-agréable  ;  qu'elle  eft  d'une  couleur  ver- 
meille ,  &  qu'elle  fe  conferve  plufieurs  mois  dans  cet 
état. 

Oexmelin  de  qui  nous  tenons  ces  faits ,  ajoute 
qu'il  y  a  des  habitans  qui  envoyent  dans  ces  lieux 
leurs  engagés  lorsqu'ils  font  malades ,  afin  qu'en 
mangeant  de  la  viande  boucanée  ils  puiffent  recouvrer 
la  fanté. 

Savary  dit  que  les  Efpagnols ,  qui  ont  de  grands 
établiffemens  dans  l'île  de  Saint-Domingue ,  y  ont 
auffi  leurs  boucaniers  ,  qu'ils  appellent  matadores,  ou 
monteras;  c'eft-à-dire  ,  chajjeurs  :  les  Anglois  appel- 
lent les  leurs  cow-killers. 

Il  y  a  deux  fortes  de  boucaniers  ;  les  uns  ne  chaffent 
qu'aux  bœufs  pour  en  avoir  le  cuir ,  &  les  autres  aux 
iangliers  pour  fe  nourrir  de  leur  chair. 

Voici,  fuivant  Oexmelin,  la  manière  dont  ils  font 
boucaner  la  viande  :  Lorfque  les  boucaniers  font  reve- 
nus le  foir  de  la  chaffe  ,  chacun  écorche  le  ianglier 
qu'il  a  apporté  ,  &  en  ôte  les  os  ;  il  coupe  la  chair 
par  aiguillettes  longues  d'une  braffe  ou  plus ,  félon 
qu'elles  fe  trouvent.  Ils  la  mettent  fur  des  tables, 
la  faupondrent  de  fel  fort  menu ,  &  la  laiffent  ainfi 
jufqu'au  lendemain  ,  quelquefois  moins ,  lelon  qu'elle 
prend  plus  ou  moins  vite  Ion  fel.  Après  ils  la  mettent 
au  boucan ,  qui  confifte  en  vingt  ou  trente  bâtons 
gros  comme  le  poignet ,  &  longs  de  iept  à  huit  pies , 
rangés  fur  des  travers  environ  à  demi-pié  l'un  de 
l'autre.  On  y  met  la  viande  ,  &  on  fait  force  fumée 
deffous ,  où  les  boucaniers  brûlent  pour  cela  les  peaux 
des  fangliers  qu'ils  tuent ,  avec  leurs  offemens ,  afin 
de  faire  une  fumée  plus  épaiffe.  Cela  vaut  mieux 
que  du  bois  feul  ;  car  le  fel  volatil  qui  eft  contenu 
dans  la  peau  &  dans  les  os  de  ces  animaux ,  vient  s'y 
attacher,  &  donne  à  cette  viande  un  goût  fi  excel- 
lent qu'on  peut  la  manger  au  fortir  de  ce  boucan  fans 
la  faire  cuire ,  quelque  délicat  qu'on  foit. 

*  L'équipage  des  boucaniers ,  félon  le  même  au- 
teur, eft  une  meute  de  vingt-cinq  à  trente  chiens  , 
avec  un  bon  fufil ,  dont  la  monture  eft  différente  des 
fuiîls  ordinaires ,  &  qu'on  nomme  fujils  de  boucaniers. 
Leur  poudre  qui  eft  excellente,  &  qu'ils  tirent  de  Cher- 
bourg ,  fe  nomme  auffi  poudre  de  boucaniers.  Ils  font  or- 
dinairement deux  enfemble ,  &c  s'appellent  l'un  l'au- 
tre matelot.  Ils  ont  des  valets  qu'ils  appellent  engagés, 


B  O  U 

qu'ils  obligent  à  les  fervir  pour  trois  ans,  &  auxquels, 
ce  terme  expiré  ,  ils  donnent  pour  récompenîe  un 
fufîl ,  deux  livres  de  poudre ,  &  fix  livres  de  plomb , 
&  qu'ils  prennent  quelquefois  pour  camarades.  En 
certaines  occafions  ces  boucaniers  fe  joignent  aux 
troupes  réglées  dans  les  colonies  ,  &  fervent  aux  ex- 
péditions militaires  ;  car  il  y  en  a  parmi  toutes  les 
nations  européennes  qui  ont  des  établiffemens  en 
Amérique.   (G) 

*BOUCASSIN,  f.  m.  (Commerce?)  nom  que  l'on 
donnoit  autrefois  à  certaines  toiles  gommées  ,  ca- 
lendrées ,  &  teintes  de  diverfes  couleurs.  Il  y  a  des 
boucaffîns  de  Smyrne ,  ou  des  toiles  apprêtées  &  em- 
pefées  avec  de  la  colle  de  farine.  On  les  peint  en  in- 
diennes; &  l'on  donne  l'épithete  de  boucaffine  à 
toutes  les  toiles  préparées  en  boucaffin. 

BOUCAUT,  f.  m.  (Marine.)  on  donne  quelque- 
fois ce  nom  à  certaines  embouchures  de  rivières, 
foit  à  la  mer  ou  dans  des  lacs.  Ce  nom  eft  en  ufage  à 
la  côte  de  Maroc  &  de  Bifcaye.  (Z  ) 

Boucaut,  f.  m.  (Commerce.)  moyen  tonneau 
ou  vaiffeau  de  bois  qui  fert  à  renfermer  diverfes  for- 
tes de  marchandifes  ,  particulièrement  du  girofle  ,  de 
lamufcade,  de  la  morue,  &c. 

On  fe  fert  auffi  de  boucauts  pour  le  vin ,  &  autres 
liqueurs. 

Quelquefois  le  boucaut  fe  prend  pour  la  chofe  qui 
y  eft  contenue  :  ainfi  l'on  dit  un  boucaut  de  girofle, 
un  boucaut  de  vin  ,  &c.  (G) 

*  BOUCHAGE,  f.  m.  c'eft  dans  les  grojfes  for- 
ges, une  certaine  quantité  de  terre  détrempée  &  pé- 
trie ,  dont  on  fe  fert  pour  fermer  la  coulée,  f^oyes^ 
COULÉE.  Ainfi  faire  le  bouchage ,  c'eft  détremper  6c 
pétrir  cette  terre.  Voye-^  grosses  Forges. 

BOUCHA1N,  (Géog.)  ville  forte  des  Pays-Bas 
dans  le  Hainaut,  à  trois  lieues  de  Valenciennes  &.  de 
Cambray.  Long. 20. 68.  lat.So.  ij. 

BOUCHARDE  ,  f.  f.  (terme  de  Sculpture.)  eft  un 
outil  de  fer  ,  de  bon  acier  par  le  bas ,  &  fait  en  plu- 
fieurs pointes  de  diamant,  fortes  &  pointues  de  court. 
Les  fculpteurs  en  marbre  s'en  fervent  pour  faire  un 
trou  d'égale  largeur,  ce  qu'ils  ne  pourroient  faire 
avec  des  outils  tranchans.  On  frappe  fur  la  boucharde 
avec  la  maffe  ,  &  les  pointes  meurtriffent  le  marbre, 
&  le  mettent  en  poudre  ;  &  il  en  fort  par  le  moyen 
de  l'eau  que  l'on  jette  de  tems  en  tems  dans  le  trou , 
de  peur  que  l'outil  ne  s'échauffe  ,  &  ne  perde  fa 
trempe.  C'eft  par  la  même  raifon  que  l'on  mouille 
les  grais  fur  lefquels  on  affûte  les  outils  ,  qui  fe  dé- 
tremperaient fi  on  les  ffottoit  défais  le  grais  à  fec. 
Cela  fe  fait  auffi  pour  empêcher  que  la  pierre  ne 
s'engraiffe ,  &  que  le  mer  n'entre  &  ne  fe  mette  dans 
les  pores  du  grais. 

Lorfqu'on  travaille  avec  la  boucharde,  on  prend  un 
morceau  de  cuir  percé,  au  travers  duquel  on  la  fait 
pafier,  Ce  morceau  de  cuir  monte  6v  defeend  aifé- 
ment ,  &  empêche  qu'en  frappant  fur  la  boucharde 
l'eau  ne  réjailliffe  au  vifage  de  celui  qui  travaille. 
Voye^  Plan.  I.  fig.  z.  à  côté  de  laquelle  on  voit  le 
plan  marqué  A. 

BOUCHART,  (Géog.)  île  &  ville  de  France  en 
Touraine  ,  fur  la  Vienne,  à  fept  lieues  de  Tours. 

BOUCHE  ,  f.  f.  en  Anatomie  ,  eft  une  partie  du 
vifage  compofée  des  lèvres,  des  gencives,  du  de- 
dans des  joues ,  &  du  palais.  Voye^  Face,  Lèvres, 
&c. 

Toutes  ces  parties  font  tapiffées  d'une  tunique 
glanduleufe  qui  fe  continue  fur  toute  la  furface  in- 
terne de  la  joue  ,  &  fur  toutes  les  parties  excepté  les 
dents. 

Les  glandes  de  cette  tunique  féparent  une  forte  de 
falive  qui  coule  par  une  infinité  de  petits  conduits 
excrétoires ,  &  fert  à  entretenir  dans  la  bouche  &  dans 


BOU 


B  O  U 


toutes  fcs  parties  l'humidité  &  la  foupleffc.  Foyer 
Salive. 

A  la  partie  poftérieure  du  palais  ,  &  perpendicu- 
lairement fur  la  glotte  ,  pend  un  corps  rond  ,  mou , 
&  uni ,  femblable  au  bout  du  doigt  d'un  enfant,  & 
qui  eft  formé  par  la  duplicatnre  de  la  membrane  du 
palais  ;  i!  le  nomme  la  luette  :  il  eft  mû  par  deux  mui- 
cles  ,  favoir,  [efphêiwjlapkylin ,  &  le  ptérygojlaphy- 
lin  ,  &  fufpendu  par  autant  de  ligamens.  Voye\ 
Luette. 

Sous  la  membrane  du  palais  font  quantité  de  pe- 
tites glandes  affez  vifibles  dans  la  partie  antérieure 
de  la  bouche  ,  &  femblables  à  des  grains  de  millet , 
Se  dont  les  conduits  excrétoires  s'ouvrent  dans  la 
bouche,  à  travers  fa  membrane  :  mais  vers  la  partie 
poftérieure  de  la  touche  elles  font  beaucoup  plus  fer- 
rées^ autour  de  la  racine  de  la  luette  elles  font  raf- 
femblées  fi  près  les  unes  des  autres ,  qu'elles  femblent 
ne  former  qu'une  groffe  glande  conglomérée,  que 
Verheyen  appelle  par  cette  raifon  glandula  conglome- 
rata  paladna.  Voyer^  Palais.  Les  gencives  couvrent 
les  alvéoles  oii  les  dents  font  enchâilées.  Voyc^ 
Dent. 

Outre  les  parties  propres  de  la  bouche  >  il  y  en  a 
d'autres  dedans  &ç  alentour  qui  lui  font  extrêmement 
utiles  &  nécefTaires;comme  les  glandes,  dont  les  plus 
comidérables  font  les  parotides  ,  les  maxillaires  ,  les 
fublinguales ,  &  les  amygdales.  Voye7-\zs  chacune 
dans  leurs  articles  particuliers ,  Parotides  ,  &c. 

Ces  glandes  font  les  organes  de  la  falive ,  &  four- 
niffent  toute  la  liqueur  des  crachats  qui  découlent 
dans  la  bouche  par  différens  conduits ,  après  qu'elle  a 
été  féparée  dufang  dans  le  corps  des  glandes.  Com- 
me il  fort  plus  de  falive  lorfque  la  mâchoire  inférieu- 
re agit ,  par  exemple  ,  lorfque  l'on  mâche  ,  que  l'on 
avale  ,  ou  que  l'on  parle  beaucoup ,  &c.  ladilpofition 
des  conduits  falivaires  favorife  auffi  dans  ces  occa- 
iions  cette  plus  grande  évacuation. 

M.  Dcrham  obferve  que  la  bouche  des  différens  ani- 
maux eft  exactement  proportionnée  aux  ufages  de  cet- 
te partie ,  étant  d'une  figure  très-convenable  pour  fai- 
fir  la  proie ,  ramalTer  &  recevoir  la  nourriture ,  &c  La 
bouche  de  prefque  tous  les  animaux  s'appelle  gueule. 

Dans  certains  animaux  elle  eft  grande  &  large , 
dans  d'autres  petite  &  étroite  ;  dans  les  uns  elle  eft 
taillée  profondément  dans  la  tête  ,  pour  mieux  faifir 
&  tenir  la  proie  ,  &  briier  plus  aifément  une  nourri- 
ture dure,  d'un  gros  volume,  &  qui  réfifte  ;  dans 
les  autres ,  qui  vivent  d'herbes  ,  elle  eft  taillée  moins 
avant. 

Celle  des  infeftes  eft  très-remarquable  :  dans  les 
uns  elle  eft  en  forme  de  pinces  ,  pour  faifir ,  tenir  & 
déchirer  la  proie  ;  dans  les  autres  elle  eft  pointue  , 
pour  percer  &  bleffer  certains  animaux  ,  &  fucer 
leurfang  ;  dans  d'autres  elle  eft  garnie  de  mâchoires 
&  de  dents  ,  pour  ronger  &  arracher  la  nourriture , 
traîner  des  fardeaux ,  percer  la  terre  &  même  le  bois 
le  plus  dur,  &  jufqu'aux  pierres  mêmes,  afin  d'y 
pratiquer  des  retraites  6c  des  nids  pour  les  petits. 

La  bouche  des  oifeaux  n'eft  pas  moins  remarqua- 
ble ,  étant  faite  en  pointe  pour  fendre  l'air  ,  & 
étant  dure  &  de  la  nature  de  la  corne ,  pourfuppléer 
au  défaut  des  dents  ,  étant  crochue  dans  les  oifeaux 
de  proie ,  pour  faifir  &  tenir  la  proie ,  longue  &  min- 
ce dans  ceux  qui  doivent  chercher  leur  nourriture 
dans  les  endroits  marécageux  ,  longue  6c  large  el ans 
ceux  qui  la  cherchent  dans  layafe.  Voyt^  Bec.  (Z.) 
Bouche-en-cour  ,  (Hift.  mod.  )  c'eft  le  terme 
dont  on  le  fert  pour  lignifier  le  privilège  d'être  nour- 
t  à  la  cour  aux  dépens  du  Roi.  Ce  privilège  ne  s'é- 
tend quelquefois  qu'à  la  fourniture  du  pain  &du  vin. 
Cette  coutume  étoiten  ufage  anciennement  chez  les 
feigneurs  de  même  que  chez,  les  rois.  (6-) 

La  BOUCHE  &  les  mains ,  terme  de  Jurijprudencefêo- 


349 


dale,  employé  dans  la  coutume  de  Paris  art.  j.  pour 
figmfier  la  foi  &  hommage.  L'origine  de  cette  expref- 
fion  vient  de  ce  qu'autrefois  le  vaflal  en  prêtant  le 
ferment  de  fidélité  àfon  feigneur,  lui  préfentoit  la 
bouche ,  &  lui  mettoit  le*  mains  dans  les  fiennes  :  mais 
cette  formalité  a  été  abrogée  par  le  non-ufage.  (H) 

Ouvrir  &  fermer  la  bouche  d'un  cardinal,  c'eft  une 
cérémonie  qui  fe  fait  en  un  confiftoire  fecret ,  où  le 
pape  ferme  la  bouche  aux  cardinaux  qu'il  a  nouvelle- 
ment nommés ,  en  forte  qu'ils  ne  parlent  point  quoi- 
que le  pape  leur  parle  :  ils  font  privés  de  toute  voix 
acfive  &  paffive  jufqu'à  un  autre  confiftoire,  où  le 
pape  leur  ouvre  la  bouche ,  &  leur  fait  une  petite  ha- 
rangue, pour  leur  marquer  de  quelle  manière  ils  doi- 
vent parler  &  le  comporter  dans  le  confiftoire. 

Bouche  lignifie  aufii  dans  les  cours  des  princes 
ce  qui  regarde  leur  boire  &  leur  manger  ,  &  le  lieu 
où  on  l'apprête  ;  de-là  les  officiers  de  bouche,  les  chefs 
de  la  bouche. 

Bouches  inutiles,  (Artmilit.  )  ce  font  dans 
une  ville  affiégée  les  perfonnes  qui  ne  peuvent  fer- 
vir  à  fa  défenfc  ;  tels  font  les  vieillards ,  les  femmes 
&  les  enfans  ,•  &c.  Un  gouverneur  qui  fait  que  fa  pla- 
ce eft  pourvue  de  peu  de  vivres ,  doit  prendre  le  par- 
ti de  fe  défaire  de  bonne  heure  des  bouches  inutiles  ; 
car  lorfque  le  fiége  eft  formé ,  l'alfaillant  ne  doit  pas 
permettre  la  fortie  de  ces  perfonnes ,  afin  qu'elles  ai- 
dent à  confommer  les  vivres  ,  &  que  le  gouverneur 
fe  trouve  forcé  de  fe  rendre  plus  promptement  (()) 

Bouche  À  feu  ,  c'eft  dans  Y  Art  militaire ,  les  ca- 
nons &  les  mortiers  :  ainli  battre  une  place  avec  îoo 
bouches  à  feu ,  c'eft  avoir  200  pièces ,  tant  de  canons 
que  de  mortiers  ,  en  batterie  fur  la  ville.   (Q) 

Bouche  ,  en  terme  de  Manège  ,  marque  la  lenfibi- 
hté  du  cheval  en  cette  partie  où  on  lui  met  le  mors. 
Filets  de  la  bouche  d'un  cheval ,  voye^  FlLET. 

La  bouche  eft  la  partie  de  la  tête  du  cheval  à  la- 
quelle on  donne  le  nom  de  gueule  dans  les  autres  ani- 
maux. Le  cheval  à  r.aufe  de  fa  nobleffe ,  eft  le  feul 
quadrupède  à  qui  on  donne  une  bouche  :  fes  bonnes 
qualités  font  d'être  bonne  ou  loyale,  c'eft-à-dire ,  que 
le  mors  n'y  taffe  trop  ni  trop  peu  d'impreffion.  On  ap- 
pelle auffi  bouche  à  pleine  main,  une  bouche  que  l'on 
ne  fent  ni  trop  ni  trop  peu  dans  la  main  :  ajfùrée ,  c'eft- 
à-dire  ,  que  le  cheval  fente  le  mors  fans  inquiétude  : 
fenfible  ,  fignifie  qu'elle  eft  délicate  aux  impreffions 
du  mors  ;  c'eft  un  défaut  à  une  bouche  que  d'être  trop 
fenfible  :  fraîche  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'elle  conferve  tou- 
jours le  fentiment  du  mors ,  &  qu'elle  eft  continuel- 
lement humeftée  par  une  écume  blanche. 

Les  mauvaifes  qualités  d'une  bouche  font  d'être 
fauffi  ou  égarée,  c'eft-à-dire ,  qu'elle  ne  répond  pas* 
jufte  aux  impreffions  du  mors  ;  chatouilleufe  ,  vient 
d'une  trop  grande  fenfibilité  ;  fiche,  c'eft-à-dire  fans 
écume  ,  eft  quelquefois  iine  fuite  d'infenfîbilité  ;  for- 
te ,  veut  dire  que  le  mors  ne  fait  prefque  point  d'im- 
preffion fur  les  barres  :  on  dit  dans  cette  occafion 
que  le  cheval  eft  gueulard,  ou  a  de  la  gueule  ,  ou  eft 
lans  bouche,  ou  eft  fort  en  bouche  :  perdue  ou  ruinée  , 
fignifie  que  le  cheval  n'a  plus  aucune  fenfibilité  à  la 
bouche.  Afùrcr ,  rajjùrcr  ,  gourmander ,  offenfer  ,  ouvrir 
la  bouche 'd'un  cheval ,  voyeç ces  termes  à  leurs  lettres. 

C>  .      ,     ■ 

Bouche,  en  Architecture ,  terme  métaphorique  , 

pour  lignifier   l'ouverture  ou  l'entrée  d'un  tuyau, 

d'un  four,  d'un  puits  ,  d'une  carrière,  &c. 

BOUCHE  ,  c'clï ,   che{  le  roi   &  che^  les  princes,  un 

bâtiment  particulier  compofé  de  plufieurs  p 

comme  de  cuifines,  offices,  &c  où  l'on  apprête  &C 

drefle  féparément  les  viandes  des  premières  râbles. 

BOUCHE,  (  Marine.  )  on  donne  quelquefois  ce 
nom  aux  ouvertures  par  lelquclles  de  grandes  riviè- 
res déchargent  leurs  eaux  à  la  mer.  On  dit  les  bon- 


50 


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ches  du  Rhône  ,  les  bouches  du  Nil ,  &c  Quelquefois 
on  l'applique  à  certains  paflages  de  la  mer  refferrés 
entre  les  terres  ,  comme  les  touches  de  Boniface  ,  en- 
tre la  Corfe  &  la  Sardaigne.   (Z) 

Bouche,  Bosson  ,  Besson;  voyt{  Bouge  & 
Besson. 

BOUCHE,  dans  les  tuyaux  d'Orgue  ;  on  appelle 
ainfi  l'ouverture  du  tuyau  par  laquelle  l'air  qu'il  con- 
tient fort.  On  a  ainfi  appelle  cette  partie  par  analo- 
gie à  la  bouche  de  l'homme  ,  parce  que  c'eft  par  cette 
ouverture  que  le  tuyau  parle  :  la  largeur  entre  les 
deux  lèvres  3  &  0,  fig.  30.  PL  d'Orgue  ,  doit  être  le 
quart  de  leur  longueur  bb,  pour  qu'elle  parle  avec 
le  plus  d'avantage  qu'il  eft  pomble  ;  car  fielle  eft  trop 
ouverte  ,  le  tuyau  ne  parle  preique  pas  ;  &  ii  elle 
l'eft  trop  peu  ,  le  tuyau  ne  fait  entendre  qu'un  fine- 
ment defagréable. 

Bouche  ovale,  forte  de  bouche  des  tuyaux  d'Or- 
gue laquelle  eft  arrondie  par  le  haut ,  comme  la  figu- 
re 31.  Plan.  d'Orgue  le  repréfente. 

Pour  trouver  le  trait  de  cette  bouche  ,  foit  d  b  , 
fig.  31.  n°  2.  fa  largeur  ;  il  faut  diviier  cette  largeur 
en  deux  au  point  3  ,  élever  perpendiculairement  la 
ligne  3  c  ,  fur  laquelle  on  prendra  3 /égale  kdb;à\\ 
point/,  comme  centre  ,  &  d'un  rayon  moitié  de  db, 
on  décrira  la  demi-circonférence  e,  qui  avec  les  deux 
perpendiculaires  aux  points  d  &  b  ,  terminera  la  fi- 
gure de  la  bouche  ovale.  Voye^  ORGUE. 

Bouche  en  pointe ,  c'eft  ainfi  que  l'on  nomme  la  bou- 
che des  tuyaux  d'orgue  dont  la  lèvre  fupérieure  ,  fi- 
gure 33.  Plan.  cf  Orgue ,  eft  faite  en  triangle  ifolcele 
a  b  c  ;  b  c  eft  la  largeur  de  la  bouche  ;  c  2  une  fois  & 
demie  cette  largeur  qui  eft  la  hauteur  de  la  bouche , 
que  l'on  forme  en  tirant  les  deux  lignes  égales  a  c  & 
a  b.  Voye^  C  article  ORGUE. 

BOUCHE  de  four ,  en  terme  de  Boulanger ,  eft  une 
ouverture  en  quarré  ou  cintrée  ,  par  laquelle  on  met 
le  bois  ôc  le  pain  dans  le  four.  Voye^  fig.  1.  du  Bou- 
langer ;  A  B  CD  eft  la  bouche  du  four  ,  &  CDEF, 
la  plaque  de  fer  avec  laquelle  on  le  ferme  ,  en  levant 
cette  plaque  qui  fait  charnière  dans  la  ligne  CD. 
Voye{  la  fig.  z.  qui  eft  le  profil  du  four  fur  fa  lon- 
gueur. 

*  BOUCHER ,  f.  m.  (Police  anc.  &  mod.  &  Art.  ) 
celui  qui  eft  autorifé  à  faire  tuer  de  gros  beftiaux , 
&  à  en  vendre  la  chair  en  détail. 

La  viande  de  boucherie  eft  la  nourriture  la  plus 
ordinaire  après  le  pain ,  &  par  conféquent  une  de  cel- 
les qui  doit  davantage  &  le  plus  fouvent  intéreffer 
la  fanté.  La  police  ne  peut  donc  veiller  trop  attenti- 
vement fur  cet  objet  :  mais  elle  prendra  toutes  les  pré- 
cautions qu'il  comporte,  fi  elle  a  foin  que  les  beftiaux 
deftinés  à  la  boucherie  foient  fains  ;  qu'ils  foient  tues 
&  non  morts  de  maladie ,  ou  étouffés  ;  que  l'apprêt 
des  chairs  fe  faffe  proprement ,  &  que  la  viande  foit 
débitée  en  tems  convenable". 

Il  ne  paroît  pas  qu'il  y  ait  eu  des  Bouchers  chez  les 
Grecs  ,  au  moins  du  tems  d'Agamemnon.  Les  héros 
d'Homère  font  fouvent  occupés  à  dépecer  &  à  faire 
cuire  eux-mêmes  leurs  viandes;  &  cette  fonction  qui 
eft  fi  defagréable  à  la  vue  n'avoit  alors  rien  de 
choquant. 

A  Rome  il  y  avoit  deux  corps  ou  collèges  de  Bou- 
chers, ou  gens  chargés  par  état  de  fournir  à  la  ville 
les  beftiaux  néceffaires  à  fa  fubfiftance  :  il  n'étoit  pas 
permis  aux  enfans  des  Bouchers  de  quitter  la  profef- 
fion  de  leurs  pères  ,  fans  abandonner  à  ceux  dont  ils 
fe  féparoient  la  partie  des  biens  qu'ils  a  voient  en  com- 
mun avec  eux.  Ils  élifoient  un  chef  qui  ju^eoit  leurs 
différends  :  ce  tribunal  étoit  fubordonné  à  celui  du 
préfet  de  la  ville.  L'un  de  ces  corps  ne  s'occupa  d'a- 
bord que  de  l'achat  des  porcs  ,  &  ceux  qui  le  com- 
pofoient  en  furent  nommés  fuarii  :  l'autre  étoit  pour 
1  achat  ôc  la  vente  des  boeufs  ;  ce  qui  fit  appeiier  ceux 


dontil  étoit  formé,  boarii  ou pecuarii.  Ces  deux  corps 
furent  réunis  dans  la  fuite. 

Ces  marchands  avoient  fous  eux  des  gens  dont 
l'emploi  étoit  de  tuer  les  beftiaux  ,  de  les  habiller, 
de  couper  les  chairs ,  &  de  les  mettre  en  vente  ;  ils 
s'appelloient  Laniones  ou  lanii ,  ou  même  carnifices  : 
on  appelloit/d/zi<;/z<ï,  les  endroits  où  l'on  tuoit,&  ma- 
cella  ,  ceux  où  l'on  vendoit.  Nous  avons  la  même  dif-" 
tinefion  ;  les  tueries  ou  échaudoirs  de  nos  Bouchers 
répondent  aux  lanienœ  ,  &  leurs  étaux  aux  macella. 

Les  Bouchers  étoient  épars  en  différens  endroits 
de  la  ville  ;  avec  le  tems  on  parvint  à  les  raffem- 
bler  au  quartier  de  Cœlimontium.  On  y  transféra 
auffi  les  marchés  des  autres  fubftances  nécefiaires  à 
la  vie  ,  &  l'endroit  en  fut  nommé  macellum  ma- 
gnum. Il  y  a  fur  le  terme  macellum  un  grand  nom- 
bre d'étymologies  qui  ne  méritent  pas  d'être  rappor- 
tées. 

Le  macellum  magnum  ,  ou  la  grande  boucherie  ,  de- 
vint fous  les  premières  années  du  règne  de  Néron  un 
édifice  à  comparer  en  magnificence  aux  bains ,  aux 
cirques  ,  aux  aqueducs ,  &  aux  amphithéâtres.  Cet 
efprit  qui  faifoit  remarquer  la  grandeur  de  l'empire 
dans  tout  ce  qui  appartenoit  au  public ,  n'étoit  pas 
entièrement  éteintda  mémoire  de  î'entreprife  du  ma* 
cellum  magnum  fut  tranfmife  à  la  poftérité  par  une  mé- 
daille où  l'on  voit  par  le  frontiipice  de  ce  bâtiment, 
qu'on  n'y  avoit  épargné  ni  les  colonnes ,  ni  les  porti- 
ques, ni  aucune  des  autres  richefles  de  l'architefture. 

L'accroifiement  de  Rome  obligea  dans  la  fuite  d'a- 
voir deux  autres  boucheries  .•  l'une  fut  placée  in  re- 
gione  Efquilina  ,  &  fut  nommée  macellum  Livianum  j 
l'autre  in  regionefori  Romani. 

La  police  que  les  Romains  obfervoient  dans  leurs 
boucheries  s'établit  dans  les  Gaules  avec  leur  domi- 
nation ;  &  l'on  trouve  dans  Paris,  de  tems  immémo- 
rial, un  corps  compolé  d'un  certain  nombre  de  fa- 
milles chargées  du  foin  d'acheter  les  beftiaux ,  d'en 
fournir  la  ville,  &  d'en  débiter  les  chairs.  Elles  étoient 
réunies  en  un  corps  où  l'étranger  n'étoit  point  ad- 
mis, où  les  enfans  fuccédoient  à  leurs  pères  ,  &  les 
collatéraux  à  leurs  parens  ;  où  les  mâles  feuls  avoient 
droit  aux  biens  qu'elles  pofledoient  en  commun  , 
&  où  par  une  efpece  de  fubftitution ,  les  familles  qui 
nelaiffoient  aucun  hoir  en  ligne  mafculine,n'avoient 
plus  de  part  à  la  fociété  ;  leurs  biens  étoient  dévolus 
aux  autres  jure  accrefeendi.  Ces  familles  élifoient  en- 
tr'elles  un  chef  à  vie  ,  fous  le  titre  de  maître  des  Bou- 
chers ,  un  greffier  ,  &  un  procureur  d'office.  Ce  tri- 
bunal fubordonné  au  prévôt  de  Paris ,  ainfique  celui 
des  Bouchers  de  Rome  l'étoit  au  préfet  de  la  ville  , 
décidoit  en  première  inftance  des  conteftatiens  par- 
ticulières ,  &  faifoit  les  affaires  de  la  communauté. 

On  leur  demanda  fouvent  leur  titre ,  mais  il  ne  pa- 
roît pas  qu'ils  Payent  jamais  fourni  ;  cependant  leur 
privilège  fut  conriimé  par  Henri  IL  en  1550,  & 
ils  ne  le  perdirent  en  1673  ,  que  par  l'édit  général 
de  la  réunion  des  juftices  à  celle  duChâtelet. 

Telle  eft  l'origne  de  ce  qu'on  appella  dans  la  fuite 
la  grande  boucherie  ;  l'accroifiement  de  la  ville  rendit 
néceflaire  celui  des  boucheries ,  &  l'on  en  établit  en 
différens  quartiers  ;  mais  la  grande  boucherie  fe  tint 
toujours  léparée  des  autres ,  &  n'eut  avec  elles  au- 
cune corref  pondance ,  foit  pour  la  jurande  ,  foit  pour 
la  dilcipline. 

A  melure  que  les  propriétaires  de  ces  boucheries 
diminuèrent  en  nombre  &  augmentèrent  en  opulen- 
ce ,  ils  fe  dégoûtèrent  de  leur  état ,  &  abandonnè- 
rent leurs  étaux  à  des  étrangers.  Le  Parlement  qui 
s'apperçut  que  le  fervice  du  public  en  fouffroit,  les 
contraignit  d'occuper  ou  par  eux-mêmes  ou  par  des 
ferviteurs  :  de-là  vinrent  les  ètaliers  Bouchers.  Ces  éta- 
liers  demandèrent  dans  la  fuite  à  être  nicities  ,  &  on 
le  leur  accorda  :  les  Bouchers  de  la  grande  boucherie 


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s'y  oppoferent  inutilement  ;  il  leur  fut  défendu  de 
troubler  les  nouveaux  maîtres  dans  leurs  tondions  ; 
ces  nouveaux  turent  incorporés  avec  les  Bouchers 
des  autres  boucheries  :  dans  la  fuite ,  ceux  même  de 
la  grande  boucherie  leur  louèrent  leurs  étaux ,  &C 
toute  diltinâion  ceffa  dans  cette  profelfion. 

La  première  boucherie  de  Paris  fut  fituée  au  par- 
vis Notre-Dame  :  fa  démolition  &  celle  de  la  bou- 
cherie de  la  porte  de  Paris  fut  occaiionnée  par  les 
meurtres  que  commit  fous  le  règne  de  Charles  V I. 
un  Boucher  nommé  Caboche.  Ce  châtiment  fut  fuivi 
d'un  édit  du  roi ,  daté  de  141 6  ,  qui  fupprime  la  der- 
nière ,  qu'on  appeiloit  la  grande  boucherie ,  confiique 
fes  biens ,  révoque  fes  privilèges ,  &  la  réunit  avec 
les  autres  Bouchers  de  la  ville  ,  pour  ne  faire  qu'un 
corps  ,  ce  qui  fut  exécuté  :  mais  deux  ans  après  ,  le 
parti  que  les  Bouchers  foûtenoient  dans  les  troubles 
civils  étant  devenu  le  plus  fort ,  l'édit  de  leur  fup- 
preffion  fut  révoqué,  &  la  démolition  des  nouvelles 
boucheries  ordonnée.  Une  réflexion  le  préfente  ici 
naturellement ,  c'eft  que  les  corps  qui  tiennent  entre 
leurs  mains  les  choies  nécefî'aires  à  la  iubfiltance 
du  peuple,  font  très- redoutables  dans  les  tems  de 
révolutions  ,  fur-tout  fi  ces  corps  font  riches ,  nom- 
breux &  compotes  de  familles  alliées.  Comme  il  efl 
impoffible  de  s'afTûrer  particulièrement  de  leur  fidé- 
lité ,  il  me  femble  que  la  bonne  politique  conlîfte  à 
les  divifer  :  pour  cet  effet ,  ils  ne  devroient  point  for- 
mer de  communauté ,  &  il  devroit  être  libre  à  tout 
particulier  de  vendre  en  étal  de  la  viande  &  du  pain. 
La  grande  boucherie  de  la  porte  de  Paris  fut  réta- 
blie ;  mais  on  laifia  fubfifier  trois  de  celles  qui  dé- 
voient être  démolies  ;  la  boucherie  de  Beauvais ,  celle 
du  petit-pont,  &  celle  du  cimetière  S.  Jean  :  il  n'y 
avoit  alors  qiu  ces  quatre  boucheries;  mais  la  ville 
s'accroiffant  toujours  ,  il  n'étoit  pas  polfible  que  les 
choies  reftafTènt  dans  cet  état  ;  aufli  s'en  forma-t-il 
depuis  1418,  jufqu'en  1  540,  une  multitude  d'autres- 
accordées  au  mois  de  Février  1587,  &£  enregiftrées 
au  Parlement  ,  malgré  quelques  oppofitions  de  la 
part  de  ceux  de  la  grande  boucherie  qui  louffroient  à 
être  confondus  avec  le  refte  des  Bouchers  ;  dont  les 
principales  étoient  celle  de  S.  Martin  des  Champs , 
des  religieufes  de  Montmartre,  des  religieux  de  S. 
Germain-des-Prés  ,  les  boucheries  du  Temple  ,  de 
Stc  Geneviève  ,  &c  fans  compter  un  grand  nombre 
d'étaux  difperlès  dans  les  diftèrens  quartiers  de  la 
ville. 

Ces  établifTemens  ifolés  les  uns  des  autres  ,  don- 
nèrent lieu  à  un  grand  nombre  de  conteftations  qu'on 
ne  parvint  à  terminer  f  qu'en  les  réunifiant  à  un  feul 
corps  :  ce  qui  fiit  exécuté  en  conféquence  de  lettres 
patentes  lolticitées  par  la  plupart  des  Bouchers  même. 
Il  fut  arrêté  en  même  tems  i°.  que  nul  ne  fera 
reçu  maître ,  s'il  n'elt  fils  de  maître ,  ou  n'a  fervi 
comme  aprenti  &  obligé  pendant  trois  ans  ;  &  ache- 
té ,  vendu  ,  habillé  &  débité  chair ,  pendant  trois 
autres  années. 

2°.  Que  les  fils  de  maître  ne  feront  point  chef- 
d'œuvre  ,  pourvu  qu'ils  ayent  travaillé  trois  à  quatre 
ans  chez  leurs  parens. 

30.  Que  la  communauté  aura  quatre  jurés  élus 
deux  à  deux,  &  de  deux  en  deux  ans. 

40.  Que  nul  ne  lera  reçu ,  s'il  n'elt  de  bonnes 
mœurs. 

50.  Qu'un  ferviteur  ne  pourra  quitter  l'on  maître, 
ni  un  autre  maître  le  recevoir,  fans  congé  ce  certifi- 
cat ,  fous  peine  d'un  demi-écu  d'amende  pour  le  fer- 
viteur ,  &  de  deux  écus  pour  le  maître. 

6°.  Que  celui  qui  afpirera  à  la  maîtrife,  habillera 
en  prétence  i!es  jures  &  maîtres,  un  bœut  ,un  mou- 
ton ,  un  veau,  &  un  porc. 

70.  Que  nul  ne  fe;  a  état  de  maître  Boucher ,  s'il  n'a 
été  reçu  ,  &.  s'il  n'a  lait  ie  Ici  ment. 


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8°.  Qu'aucun  Boucha  ne  tuera  porc  nourri  es  mai- 
fons  d'huiliers  ,  barbiers  ou  maladreries ,  à  peine  de 
dix  écus. 

90.  Qu'aucun  n'expofera  en  vente  chair  qui  ait  le 
fy ,  fous  peine  de  dix  écus. 

io°.  Que  les  jurés  vifiteront  les  bêtes  deftinées  es 
boucheries ,  &  veilleront  à  ce  que  la  chair  en  foit 
vénale  ,  fous  peine  d'amende. 

1 1°.  Que  s'il  demeure  des  chairs,  du  jeudi  au  fa- 
medi,  depuis  Pâques  jufqu'à  la  S.  Rémi,  elles  ne 
pourront  être  expofées  en  vente,  fans  avoir  été  vifi- 
tées  par  les  Bouchers ,  à  peine  d'amende. 

12°.  Que  ceux  qui  font  alors  Bouchers,  continue- 
ront ,  fans  être  obligés  à  expérience  &  chef-d'œuvre. 
130.  Que  les  veuves  jouiront  de  l'état  de  leur 
mari ,  &  qu'elles  n'en  perdront  les  privilèges ,  qu'en 
époufant  dans  un  autre  état. 

140.  Que  les  enfans  pourront  fuccéder  à  leur 
père ,  fansexpérience  ni  chef-d'œuvre ,  pourvûqu'ils 
ayent  fervi  fous  lui  pendant  trois  ans. 

1 50.  Que  les  enfans  de  maître  ne  pourront  afpirer 
à  maîtrile  avant  dix-huit  ans. 

160.  Que  les  autres  ne  pourront  être  reçus  avant 
vingt-quatre. 

De  la  Police  des  étaux.  Lorfque  les  Bouchers  furent 
tentés  de  quitter  leur  profelfion  &  de  louer  leurs 
étaux  ,  on  lentit  bien  que  plus  ce  loyer  feroit  fort, 
plus  la  viande  augmenteront  de  prix  ;  inconvénient 
auquel  la  police  remédia  cg  1  540  ,  en  fixant  le  loyer 
des  étaux  à  feize  livres  panfis  par  an.  Il  monta  iuc- 
ceffivement;  &  en  1690,  il  étoit  à  neuf  cents  cin- 
quante livres.  Mais  le  lituation  ,  l'étendue  ,  la  com- 
modité du  commerce ,  ayant  mis  depuis  entre  les 
étaux  une  inégalité  conlîdérable  ,  la  févérité  de  la 
fixation  n'a  plus  de  lieu ,  &  les  propriétaires  font 
leurs  baux  comme  ils  le  jugent  à  propos.  Ileltieu- 
lement  défendu  de  changer  les  locai.aii  es ,  de  deman- 
der des  augmentations ,  de  renoaveller  un  bail ,  ou 
de  le  tranlporter,  fans  lapermiffion  du  magiftrat  de 
police. 

Il  elt  aulfi  défendu  d'occuper  un  fécond  étal,  fous 
un  nom  emprunté  dans  la  même  boucherie ,  ce  plus 
de  trois  étaux  dans  toute  la  ville. 

De  Cachât  des  bejliaux.  La  première  fonction  du 
Boucher  après  fa  réception,  efl  l'achat  des  beft  lux  : 
les  anciens  difpenlbient  les  Bouchers  des  charges  oné- 
reufes  &  publiques  ;  toute  la  protection  dont  ils 
avoient  beloin  leur  étoit  accordée  5  on  lacilitoit  & 
l'on  affùroit  leur  commerce  autant  qu'on  le  pouvoir. 
Si  nos  Bouchers  n'ont  pas  ces  avantages ,  ils  en  ont 
d'autres  :  un  des  principaux  ,  c'elt  que  leur  état  eft 
libre  ;  ils  s'engagent  avec  le  public  tous  les  ans  aux 
approches  de  Pâques  ;  mais  leur  obligation  finit  en 
Carême. 

La  police  de  l'achat  des  beltiaux  le  réduit  à  qua- 
tre points  :  i°.  quels  beltiaux  il  elt  permis  aux  Bou- 
chers d' achetei  :  z°.  en  quels  lieux  ils  en  peuvent  taire 
l'achat  :  30.  comment  ils  en  feront  les  payemens  : 
40.  la  conduite  des  beltiaux  des  marchés  à  Paris  , 
&  leur  entretien  dans  les  étables. 

Autrefois  les  Bouchers  vendoient  bœuf ,  veau  , 
mouton  ,  porc  ,  agneau  ,  &:  cochon  de  lait. 

Des  tueries  ou  échaudoirs.  On  a  fenti  en  tout  tems 
les  avantages  qu'il  y  aui  oit  pour  la  lalubrité  de  l'air 
&  la  propreté  de  la  ville,  à  en  éloigner  un  grand 
nombre  de  profeîfions  ;  &  l'on  a  toujours  prétendu 
que  le  projet  d'établir  des  tueries  fur  la  rivière,  le 
lieu  qui  leur  convient  le  plus  ,  n'étoit  bon  qu'en  fpé- 
culation.  M.  le  commifTaire  de  la  Mare  n'a  point  pris 
parti  fur  cette  queltion  ;  il  s'elt  contenté  de  rappor- 
ter les  railons  pour  &  contre. 

Il  obierve  i°.  que  la  tranllation  des  ttieries  du  mi- 
lieu de  la  ville  aux  extrémités  des  faubourgs  ,  a  été 
ordonnée  par  pluiîeurs  arrêts  ,  &  qu'elle  a  heu  à 


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Lyon ,  Moulins ,  Tours ,  Laval ,  Nantes ,  &  d'autres 
villes. 

2°.  Que  les  embarras  &  même  les  accidens  cau- 
fës  par  les  gros  beftiaux  dans  les  rues  de  la  ville , 
femblent  l'exiger. 

3°.  Que  ce  projet  s'accorde  avec  l'intérêt  &  la 
commodité  du  Boucher  &  du  public  :  du  Boucher ,  à 
qui  il  en  coûteroit  moins  pour  fa  quotité  dans  une 
tuerie  publique,  que  pour  fon  loyer  d'une  tuerie  par- 
ticulière :  du  public ,  qui  fe  reffentiroit  fur  le  prix  de 
la  viande  de  cette  diminution  de  frais. 

4°.  Qu'il  eft  defagréable  de  laiffer  une  capitale 
infectée  par  des  immondices  &  du  fang  qui  en  cor- 
rompent l'air ,  &  la  rendent  mal  faine ,  &  d'un  afpeû 
dégoûtant. 

Malgré  la  juftefle  de  ces  obfervations ,  je  croi  que 
dans  une  grande  ville  fur-tout ,  il  faut  que  les  bouche- 
ries &  les  tueries  foient  difperfées.  On  peut  en  appor- 
ter une  infinité  de  raifons  :  mais  celle  qui  me  frappe 
le  plus ,  eft  tirée  de  la  tranquillité  publique.  Chaque 
Boucher  a  quatre  garçons  ;  plufieurs  en  ont  fix  :  ce  font 
tous  gens  violens ,  indifciplinables ,  &  dont  la  main 
&  les  yeux  font  accoutumés  au  fang.  Je  croi  qu'il  y 
auroit  du  danger  à  les  mettre  en  état  de  fe  pouvoir 
compter  ;  &  que  li  l'on  en  ramaifoit  onze  à  douze 
cents  en  trois  ou  quatre  endroits ,  il  feroit  très-diffi- 
cile de  les  contenir ,  &  de  les  empêcher  de  s'entral- 
fommer  :  mais  le  tems  amené  même  des  occaiions  où 
leur  fureur  naturelle  pou/roit  fe  porter  plus  loin.  Il 
ne  faut  que  revenir  au  règne  de  Charles  VI.  &  à 
l'expérience  du  paffé  ,  pour  fentir  la  force  de  cette 
réflexion ,  &  d'une  autre  que  pous  avons  faite  plus 
haut.  Loin  de  raffembier  ces  fortes  de  gens  ,  il  me 
femble  qu'il  feroit  du  bon  ordre  &  de  la  falubrité  , 
qu'ils  fulî'ent  difperfés  un  à  un  comme  les  autres  mar- 
chands. 

De  la  vente  des  chairs.  La  bonne  police  doit  veiller 
à  ce  que  la  qualité  en  foit  faine ,  le  prix  jufte  ,  &C  le 
commerce  difcipliné. 

En  Grèce ,  les  Bouchers  vendoient  la  viande  à  la 
livre ,  &  fe  fervoient  de  balance  &  de  poids.  Les  Ro- 
mains en  uferent  de  même  pendant  long-tems  :  mais 
ils  afTujettirent  dans  la  fuite  l'achat  des  beftiaux  &  la 
vente  de  la  viande  ,  c'eft-à-dire  le  commerce  d'un 
objet  des  plus  importans  ,  à  la  méthode  la  plus  extra- 
vagante. Le  prix  s'en  décidoit  à  une  efpece  de  fort. 
Quand  l'acheteur  étoit  content  de  la  marchandée  , 
il  fermoit  une  de  fes  mains  ;  le  vendeur  en  faifoit  au- 
tant: chacun  enfuite  ouvroit  à  la  fois  &  fubitement, 
ou  tous  fes  doigts  ou  une  partie.  Si  la  fomme  des 
doigts  ouverts  étoit  paire  ,  le  vendeur  mettoit  à  fa 
marchandée  le  prix  qu'il  vouloit  :  fi  au  contraire  elle 
étoit  impaire ,  ce  droit  appartenoit  à  l'acheteur.  C'eft 
ce  qu'ils  appelloient  m'icare  ;  &  ce  que  les  Italiens  ap- 
pellent encore  aujourd'huiyoà'er  à  la  moure.  Il  y  en  a 
qui  prétendent  que  la  mication  des  boucheries  Ro- 
maines fe  faifoit  un  peu  autrement  :  que  le  ven- 
deur levoit  quelques-uns  de  fes  doigts  ;  &  que  fi  l'a- 
cheteur devinoit  fubitement  le  nombre  des  doigts  ou- 
verts ou  levés ,  c'étoit  à  lui  à  fixer  le  prix  de  la  mar- 
chandife  ,  linon  à  la  payer  le  prix  impoié  par  le  ven- 
deur. 

Il  étoit  impofïible  que  cette  façon  de  vendre  &  d'a- 
cheter n'occalionnât  bien  des  querelles.  Auffi  fut-on 
obligé  de  créer  un  tribun  &  d'autres  officiers  des 
boucheries  ;  c'eft-à-dire  d'augmenter  l'inconvénient; 
car  on  peut  tenir  pour  maxime  générale ,  que  tant 
qu'on  n'aura  aucun  moyen  qui  contraigne  les  hom- 
mes en  place  à  faire  leur  devoir  ,  c'eft  rendre  un 
deiordre  beaucoup  plus  grand ,  ou  pour  le  préfent  ou 
pour  l'avenir,  que  d'augmenter  le  nombre  des  hom- 
mes en  place. 

La  création  du  tribun  &  des  officiers  des  bouche- 
ries ne  iupprima  pas  les  inconvéniens  de  la  mication  : 


elle  y  ajouta  feulement  celui  des  exactions ,  &  il  en 
fallut  revenir  au  grand  remède ,  à  celui  qu'il  faut  em- 
ployer en  bonne  police  toutes  les  fois  qu'il  eft  prati- 
cable ,  la  fupprefhon.  On  fupprima  la  mication  tk.  tous 
les  gens  de  robe  qu'elle  faifoit  vivre.  L'ordonnance  en 
fut  publiée  l'an  360  ,  &  gravée  fur  une  table  de  mar- 
bre, qui  fe  voit  encore  à  Rome  dans  le  palais  Vati- 
can. C'eft  un  monument  très -bien  confervé.  Le 
voici. 
Ex  auctontate  Turci  Aproniani ,  V.  C.  prefeili  urbis. 

Ratio  docuit ,  utilitate  fuadente  ,  confuetudme  mican- 
di  fummotâ ,  fub  exagio  potius  pecora  vcndere  quam  di- 
gitis  concludentibus  tradere  ;  &  adpcnfo  pecorc ,  capite  , 
pedibus  &j'evolactante  (  macïanti)  &fubjugulari  (  fub- 
jugulanti)  lanio  ccdentitus  ,  rcliqua  caro  cum  pelle  & 
itercneis  proficiat  vendit ori  ,  fub  confpeciu  pubiico  fide 
ponderis  comprobatâ  ,  ut  quantum  caro  occijl  pecoris  ad- 
pcndût  &  cmptor  norit  6*  venditor  ,  commodis  omni- 
bus ,  &  prœdd  damnatâ  quam  tribunus  ofpcium  cancel- 
larius  &  fcriba  de  pecuariis  capere  confueverant.  Qucz 
forma  interdicli  &  difpofitionis ,  jub  gladii  pcriculo  per- 
petuo  ,  'cufodienda  mandatur. 

«  La  raifon  &  l'expérience  ont  appris  qu'il  eft  de 
»  futilité  publique  de  iupprimer  l'uiage  de  la  miceu 
»  don  dans  la  vente  des  beftiaux ,  &  qu'il  cil  beau- 
»  coup  plus  à  propos  de  la  faire  au  poids  que  de  l'a- 
»  bandonner  au  fort  des  doigts  :  c'eft  pourquoi,  après 
»  que  l'animal  aura  été  pelé  ,  la  tête  ,  les  pies  &  le 
»  fuif  appartiendront  au  Boucher  qui  l'aura  tué ,  ha- 
»  bille  &  découpé;  ce  fera  fon  falaire.  La  chair,  la 
»  peau  &  les  entrailles  feront  au  marchand  Boucher 
#»  vendeur ,  qui  en  doit  faire  le  débit.  L'exactitude  du 
»  poids  &  de  la  vente  ayant  été  ainfi  conftatées  aux 
»  yeux  du  public  ,  l'acheteur  &  le  vendeur  connoî- 
»  tront  combien  pefe  la  chair  mife  en  vente ,  &  cha- 
»  cun  y  trouvera  fon  avantage.  Les  Bouchers  ne  fe- 
»  ront  plus  expofés  aux  extorlions  du  tribun  &  de 
»  fes  officiers  ;  &  nous  voulons  que  cette  ordonnan- 
»  ce  ait  lieu  à  perpétuité ,  fous  peine  de  mort  ». 

Charlemagne  parle  fi  expreffément  des  poids  & 
du  foin  de  les  avoir  juftes  ,  qu'il  eft  certain  qu'on 
vendoit  à  la  livre  dans  les  premiers  tems  de  la  mo- 
narchie. L'ufage  varia  dans  la  fuite ,  &  il  fut  permis 
d'acheter  à  la  main.  La  viande  le  vend  aujourd'hui  au 
poids  5c  à  la  main ,  &  les  Bouchers  font  tenus  d'en 
garnir  leurs  étaux  ,  félon  l'obligation  qu'ils  en  ont 
contractée  envers  le  public  ,  lous  peine  de  la  vie. 

Les  Bouchers  font  du  nombre  de  ceux  à  qui  il  eft 
permis  de  travailler  &  de  vendre  les  dimanches  & 
fêtes  :  leur  police  demande  même  à  cet  égard  beau- 
coup plus  d'indulgence  que  celle  des  Boulangers  ,  & 
autres  ouvriers  occupés  à  la  fubfiftance  du  peuple. 
D'abord  il  leur  fut  enjoint  d'obferver  tous  les  diman- 
ches de  l 'année ,  &  d'entre  les  fêtes  celles  de  Pâques  , 
de  l'Afcenlion  ,  de  la  Pentecôte  ,  de  Noël ,  de  l'Epi- 
phanie, de  la  Purification  ,  de  l'Annonciation  ,  de 
l' Affomption  ,  de  la  Nativité  de  la  Vierge ,  de  la  Touf- 
faint,  de  la  Circoncifion  ,  du  Saint-Sacrement,  &de 
la  Conception.  Dans  la  fuite ,  il  leur  fut  permis  d'ou- 
vrir leurs  étaux  les  dimanches  depuis  Pâques  jufqu'à 
la  Saint-Remi  :  le  terme  fut  reftraint ,  étendu  ,  puis 
fixé  au  premier  dimanche  d'après  la  Trinité  jufqu'au 
premier  dimanche  de  Septembre  inclufivement.  Pen- 
dant cet  intervalle  ils  vendent  les  dimanches  oc  les 
fêtes. 

Ces  marchands  font  encore  affujettis  à  quelques 
autres  règles  de  police,  dont  il  fera  fait  mention  ail- 
leurs. Voye^  les  articles  TUERIE  ,  VlANDE  ,  ÉCHAU- 

doir,  Suif,  Étal,  &c 

*  BOUCHERIE ,  f.  f.  (  Police  anc.  &mod.  )  c'étoit 
chez  les  Romains ,  fous  le  règne  de  Néron ,  un  grand 
bâtiment  public  élevé  avec  magnificence  ,  où  des 
marchands  diftribuoient  la  viande  aux  habitaris.  C'eft 
de  notre  tems  &  dans  nos  villes  de  France ,  une  rue 

infectée , 


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infe&ce ,  eu  des  gens  chargés  du  même  commerce , 
ont  leurs  ét-aux.  Coyei  Étal  &  Boucher. 

Il  y  a  auffi  dans  les  maiibns  nombreules  attenant 
les  grandes  cuifmes ,  une  pièce  qui  elt  deflinée  à  con- 
tenir les  greffes  viandes,  &  qu'on  appelle  boucherie. 
Il  faut  avoir  loin  de  n'y  pas  laiffer  un  grand  jour , 
d'y  tenir  toujours  la  viande  fufpendue  ,  &  d'y  avoir 
une  balance  ou  romaine  pour  la  peler,  avec  une  ta- 
ble &  plulieurs  tablettes. 

BOUCHER ,  v.  au.  On  dit ,  en  terme  de  Dorure  , 
boucher  d'or  moulu ,  pour  dire  ramender  avec  de  l'or 
moulu  les  petits  défauts  qu'on  trouve  encore  à  l'or 
après  qu'on  l'a  bruni.  Cet  or  moulu  le  met  dans  une 
petite  coquille  avec  un  peu  de  gomme  arabique  ;  & 
il  n'y  a  point  de  meilleur  moyen  pour  faire  un  ou- 
vrage propre,  pourvu  que  l'endroit  gâté  ne  loit  pas 
considérable. 

BOUCHETURE  ,  f.  f.  en  terme  de  Coutume ,  elt  tout 
ce  qui  lert  de  clôture  à  un  champ ,  un  pré  ,  une  terre 
labourable  ,  ou  tous  autres  héritages ,  à  l'effet  d'em- 
pêcher les  bêtes  d'y  entrer  ;  comme  haies  vives ,  pa- 
liffades,  échaliers  &  autres.  En  pays  de  pâturage  il 
elt  bien  expreffément  défendu  d'enlever  les  bouchetu- 
res.  (H) 

BOUCHIN,  f.  m.  {Marine.)  On  entend  par  ce 
mot  la  plus  grande  largeur  du  vaiffeau  de  dehors  en 
dehors.  C'en:  la  partie  la  plus  large  du  corps  du  vaif- 
feau ,  ce  qui  le  trouve  toujours  à  ftribord  &  à  bas- 
bord  du  grand  mât ,  à  caufe  que  le  maître  ban  &  la 
maîtreffe  côte  font  en  cet  endroit.  Quand  on  parle 
de  la  largeur  du  vaiffeau  de  dedans  en-dedans,  elle 
s'exprime  par  la  longueur  du  ban  ou  barrot  ;  &  l'on 
dit ,  ce  vaiffeau  a  tant  de  pus  de  ban  ou  de  barrot.  Lorf- 
qu'on  dit  qu'un  bâtiment  elt  plus  court  de  varangue 
&  plus  petit  de  bouchin ,  c'elt- à -dire  qu'il  elt  plus 
rond  par  la  quille,  &  plus  étroit  par  le  bordage.  (Z) 

*  BOUCHOiR ,  f.  m.  c'elt  ainli  que  les  Boulan- 
gers appellent  le  couvercle  de  la  bouche  de  leur  four. 
Il  elt  de  fer  ;  il  a  une  poignée  :  quant  à  la  figure ,  c'elt 
un  grand  fegment  de  cercle ,  ou  la  ligure  de  la  bouche 
du  four. 

*  BOUCHON,  f.  m.  (Commerce.)  nom  que  l'on 
donne  à  des  paquets  de  laine  d'Angleterre  ,  &  qui 
leur  vient  de  la  manière  dont  ils  font  contournés. 

*  Bouchon  ,(Jardinage.)  on  donne  ce  nom  à  ces 
paquets  de  toile  niée  ou  formée  par  les  chenilles , 
qu'on  apperçoit  à  l'extrémité  des  arbres  &  des  ar- 
briffeaux  ,  fur-tout  en  hyver  quand  il  n'y  a  plus  de 
feuilles,  &  dans  lefquelles  ces  infeftes  le  conîervent 
pendant  cette  laifon.  On  détruit  les  bouchons  le  plus 
exactement  qu'on  peut. 

Bouchon,  (Manège.)  c'elt  un  tortillon  de  paille 
ou  de  foin  qu'on  lait  fur  le  champ,  pour  frotter  le 
corps  d'un  cheval ,  fur-tout  quand  il  a  chaud. 

Bouchonner  un  cheval ,  c'elt  le  frotter  avec  le  bou- 
chon, (r) 

BOUCHON  de  contre -potence  ,  lignifie  ,  parmi  Us 
Horlogers  ,  une  petite  pièce  de  laiton,  dont  une  par- 
tie ,  qui  elt  comme  un  gros  pivot,  entre  à  frottement 
dans  le  trou  de  la  contre-potence  d'une  montre.  Voy. 
b,  fig.  4.4.  PI.  X.  de  V Horlogerie. 

Cette  pièce  reçoit  un  des  pivots  de  la  roue  de  ren- 
contre dans  un  petit  trou  ,  que  les  habiles  Horlogers 
font  ordinairement  avec  un  poinçon  ;  parce  qu'il  faut 
qu'il  ait  peu  de  profondeur  ,  que  le  fond  en  loit  plat, 
&  qu'il  loit ,  ainli  que  les  parois ,  bien  écroiii  &  bien 
poli. 

Le  trou  de  la  contre-potence  elt  rond ,  pour  qu'on 
puiffe'y  faire  tourner  le  bouchon;  ce  qui  elt  néceffaire 
afin  de  pouvoir  donner  à  la  roue  de  rencontre  la  fi- 
tuation  convenable ,  en  variant  par  ce  mouvement  la 
polition  du  trou  du  bouchon.  V.  Contre-potence, 
Roue  de  rencontre  ,  Potence  ,  &c.  (  T) 

Bouchons,  f.  m.  pi.  Les  ouvrières  occupées  au 
Tome  11, 


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35? 


tirage  de  la  foie  donnent  ce  nom  à  des  inégalités  & 
groffeurs  qui  le  rencontrent  dans  le  fil  au  lbrtir  de 
deffus  le  cocon  &  de  dedans  la  balîine  ;  défauts  qui 
en  rendent  le  tirage  plus  difficile  ,  &  la  foie  tirée 
moins  parfaite. 

BOUCHOT ,  f.  m.  (  Pêche.  )  parc  que  l'on  conf- 
truit  fur  les  grèves ,  ou  aux  bords  de  la  mer ,  pour  y 
arrêter  le  poiffon. 

*  BOUCLE,  f.  f.  (Hijl.  anc.)Les  anciens avoient 
des  boucles  de  plufieurs  lbrtes  :  les  unes  lervoient  à 
l'Archite&ure  ;  d'autres  à  la  Chirurgie.  Les  Muficiens 
&les  Comédiens  avoient  les  leurs:  elles  étoient  éga- 
lement d'ufage  aux  hommes,  aux  femmes ,  aux  Grecs, 
aux  Romains ,  &  aux  autres  nations ,  pour  attacher 
les  tuniques ,  les  chlamydes ,  les  lacernes ,  les  pénu- 
les ,  &c.  Elles  avoient  prefque  toutes  la  forme  d'un 
arc  avec  fa  corde.  Il  y  avoit  à  chaque  côté  de  l'ha- 
bit ,  à  l'endroit  où  on  l'attachoit ,  une  pièce  de  métal , 
d'or,  d'argent,  ou  de  cuivre.  La  partie  de  la  boucle 
qui  formoit  comme  la  corde  de  l'arc  ,  étoit  une  ai- 
guille. Cette  aiguille  paffoit  comme  un  crochet  à- 
travers  des  trous  pratiqués  à  la  pièce  de  métal  ,  Se 
fufpendoit  la  partie  de  l'habit  tantôt  fur  une  épaule  , 
tantôt  fur  l'autre.  On  en  trouvera  la  figure  dans  nos 
Planches  d'antiquités. 

BoUCLE  ,  (  Marine)  mettre  un  matelot  fous  boucle  , 
ou  à  la  boucle  ;  le  tenir  fous  boucle  :  ce  terme  lignifie 
clé  ou  prifon.  Mettre  un  matelot  fous  boucle  ,  c'elt  le 
mettre  fous  clé ,  le  tenir  en  prifon.   (  Z  ) 

Boucles  ,  en  Architecture ,  font  de  petits  ornemens 
en  forme  d'anneaux  ,  lacés  fur  une  mouline  ronde  , 
comme  baguette  ou  aftragale.   (  P  ) 

Boucles  d'oreilles  ,  en  terme  de  Metteur-en-œu- 
vre, elt  une  forte  de  bijou  de  femme,  quelles  portent 
à  leurs  oreilles.  Il  y  en  a  de  plulieurs  efpeces ,  qui 
prennent  pour  la  plupart  leur  nom  de  la  figure  dont 
elles  lont  faites.  On  dit  boucles  à  quadrille  Jimple  ou 
double  ;  boucles  entourées fîmples  ou  doubles  ;  boucles  à 
dentelle;  boucles  de  nuit }  ôcc.  Voyt\  ces  mots  à  leur, 
article. 

BOUCLES  À  QUADRILLE ,  en  terme  de  Metteur-en- 
œuvre  y  font  des  boucles  compofées  de  quatre  pierres 
ou  de  neuf,  arrangées  de  manière  qu'elles  forment 
un  quarré  régulier.  Le  quadrille  double  elt  celui  où  le 
nombre  des  pierres  elt  multiplié  au  double.  Il  y  a  auffi 
Ad  quadrilles  entourés.  ^.ENTOURÉ  &  ENTOURAGE. 

BOUCLES  DE  NUIT,  en  terme  de  Mette ur-cn- œuvre , 
font  des  boucles  compoiées  de  quatre  pierres,  dont  les 
deux  plus  groffes  font  placées  au-deffus  l'une  de  l'au- 
tre, celle  d'en-bas  allant  en  diminuant  en  façon  de 
poire ,  &  les  deux  autres  latéralement  à  l'endroit  où 
celles-ci  le  joignent. 

Boucles  de  bracelet,  elt  une  efpece  d'atta- 
che qui  n'a  qu'un  arguillon  fans  chappe  ,  &:  qui  elt 
précédée  d'une  barrière  ,  autour  de  laquelle  on  tour- 
ne le  ruban  des  bracelets,  qui  s'arrête  enfin  par  un 
trèfle.  Voye[  Barrière  &  Trèfle. 

BOUCLES  ,  en  Serrurerie  ou  en  Fonderie ,  ce  font  ces 
anneaux  ronds  de  1er  ou  de  bronze ,  qui  font  attachés 
aux  portes  cocheres,  &  qu'on  tire  avec  la  main  pour 
les  fermer.  Il  y  en  a  de  riches ,  de  moulure  6c  de 
fculpture. 

Boucle  gibecière,  c'eft  le  nom  qu'on  donne  à 
ces  heurtoirs  fi  bien  travaillés  qu'on  voit  aux  portes 
cocheres.  On  leur  donne  le  nom  de  gibecière ,  parce 
que  leur  contour  imite  celui  de  la  gibecière. 

BOUCLE  ,  en  terme  de  Rafineur  defuerc ,  elt  en  effet 
une  boucle  ou  anneau  de  fer  emmanché  dans  un  mor- 
ceau de  bois  de  deux  pies  ou  environ  de  longueur. 
On  s'en  fert  pour  tirer  les  formes  tombées  dans  le 
bac  à  formes,  vayt^  Bac  À  formes  ;  ce  qui  n'arrive 
que  lorfquelles  le  féparent  du  relte  qui  y  elt  empilé. 
On  s'y  prend  de  manière  à  faire  entrer  la  tête  de  la 
forme  dans  la  boucle,  tk  on  la  retire  alors  fans  rilque. 

y  y 


354 


B  O  U 


Bouclé  ,  adj.  (Marine.)  fe  dit  d'un  port.  Un  port 
bouclé,  c'eft- à-dire  firme,  &  dont  on  n'en  veut  rien 
laiffer  iortir.  (Z  ) 

BOUCLÉ  ,  (terme  de  Blafon.)  il  fe  dit  en  parlant  du 
collier  d'un  lévrier  ou  d'un  autre  chien  qui  a  des  bou- 
cles. 

Le  Febvre  de  Laubiere ,  d'afur  au  lévrier  rampant 
d'argent,  accolé  de  gueules,  bordé  &  boucle'  d'or.  (V) 
Bouclé,  en  Pajjementerie  &  Soierie,  s'entend  du 
velours  à  boucles  qui  a  été  fait  à  l'épingle  ,  pour  le 
distinguer  du  velours  coupé ,  que  l'on  appelle  ras  , 
&  qui  eft  fait  au  couteau.  Voye{  Velours. 

BOUCLER  une  jument,  (Maréchallerie  &  Manège.) 
c'eft  lui  fermer  l'entrée  du  vagin  au  moyen  de  plu- 
fieurs  aiguilles  de  cuivre ,  dont  on  perce  diamétra- 
lement les  deux  lèvres ,  &  qu'on  arrête  des  deux  cô- 
tés. On  fe  fert  auffi  d'anneaux  de  cuivre ,  le  tout  afin 
qu'elle  ne  puiffe  point  être  couverte.  (V) 

BOUCLETTE ,  s'employe  en  terme  de  Chajje  :  on 
dit  vmepentiere  à  bouclette ,  parce  qu'elle  a  dans  le  haut 
de  petites  boucles  attachées  comme  on  en  voit  à  un 
rideau  de  lit.  Voyc{  Pentiere  &  Bécasse. 

BOUCLETTES ,  le  dit,  en  Pajfementerie,  de  l'endroit 
où  la  ficelle,  foit  des  liffes,  loit  des  hautes-liffes,  eft 
traveriée  dans  le  milieu  par  une  autre  ficelle  qui  en 
fait  la  partie  inférieure.  L'ufage  de  ces  bouclettes  eft 
tel ,  que  fi  c'eft  une  haute-liffe ,  la  rame  étant  paffée 
dans  la  bouclette ,  &  fe  trouvant  arrêtée  par  la  jonc- 
tion des  deux  parties  de  ficelle  dont  on  vient  de  par- 
ler ,  elle  eft  contrainte  de  lever  lorfque  la  haute-liffe 
levé  ;  &  que  fi  c'eft  une  liffe  ,  les  foies  de  la  chaîne 
étant  parlées  dans  les  bouclettes  de  ces  liffes ,  les  foies 
lèvent  auffi  quand  les  bouclettes  lèvent. 

BOUC  LIER,  (Art.  milit.)  efpece  d'armure  défen- 
fîve ,  dont  les  anciens  fe  fervoient  pour  fe  couvrir 
des  coups  de  l'ennemi. 

Le  bouclier  fe  paffoit  dans  le  bras  gauche.  Sa  figure 
a  fort  varié  dans  toutes  les  nations ,  auffi-bien  qu'en 
France.  Il  y  en  avoit  de  ronds  ou  ovales ,  qu'on  ap- 
pelloit  des  rondelles.  Il  y  en  avoit  d'autres  prefque 
quarrés ,  mais  qui  vers  le  bas  s'arrondiffoient  ou  s'al- 
longeoient  en  pointe.  Ceux  des  piétons  étoient  beau- 
coup plus  longs  que  ceux  de  la  cavalerie ,  &  quel- 
ques-uns couvraient  prefque  tout  le  corps.  Ces  der- 
niers boucliers  s'appelloient  auffi  targes ,  targes ,  nom 
qui  fe  donnoit  encore  à  d'autres  boucliers ,  dont  on  ne 
fe  fervoit  pas  pour  combattre ,  mais  pour  fe  couvrir  ; 
par  exemple ,  fur  le  bord  d'un  foffé  d'une  ville ,  con- 
tre les  flèches  des  affiégés.  Daniel,  Hijloire  de  la  Mille. 
Franc.  (Q) 

Selon  plufîeurs  favans  ,  le  mot  bouclier  eft  dérivé 
de  buccularium  ou  buccula ,  parce  qu'on  reprélentoit 
fur  les  boucliers  des  têtes  ou  gueules  de  gorgone,  de 
•lion,  ou  d'autres  animaux.  Le  bouclier  d'Achille  & 
celui  d'Enée  font  décrits  dans  l'Iliade  &  dans  l'Enéi- 
de. Ovide  dit  que  celui  d'Ajax  étoit  couvert  de  fept 
peaux. 

Cléomenes  établit  à  Sparte  l'ufage  des  boucliers  à 
anfes,  fortement  attachées  fous  le  bouclier,  &  par  lef- 
quelles  on  paffoit  le  bras.  Ils  étoient  &  plus  commo- 
des &  plus  fûrs  que  ceux  qu'on  portoit  auparavant, 
qui  ne  tenoient  qu'à  des  courroies  attachées  avec 
des  boucles. 

Aux  boucliers  des  anciens  ont  fuccédé  chez  les  mo- 
dernes les  écus  ,  rondaches  ou  rondelles  ,  boucliers 
ronds  &  petits  ,  que  les  Efpagnols  portent  encore 
avec  l'épée  quand  ils  marchent  de  nuit. 

Boucliers  votifs,  efpece  de  difques  de  métal, 
qu'on  confacroit  aux  dieux  ,  &  que  l'on  fufpendoit 
dans  leurs  temples,  foit  en  mémoire  d'une  vicloire 
ou  d'un  héros,  foit  en  action  de  grâces  d'une  victoire 
remportée  fur  les  ennemis ,  dont  on  offroit  même  les 
boucliers  pris  fur  eux  comme  un  trophée.  C'eft  ainfi 
que  les  Athéniens  fufpendirent  les  boucliers  pris  fur  les 


B  O  U 

Medes  &  les  Thébains ,  avec  cette  infcrîption  :  Leâ 
Athéniens  ont  pris  ces  armes  fur  les  Medes  &fur  les  Thé' 
bains.  Les  bouchers  votifs  différoient  des  boucliers  ordi- 
naires ,  en  ce  que  les  premiers  étoient  ordinairement 
d'or  ou  d'argent ,  &  les  autres  d'ofier  &  de  bois  revê- 
tu de  cuir.  On  les  fufpendoit  aux  autels ,  aux  voûtes, 
aux  colonnes ,  aux  portes  des  temples.  Les  Romains 
empruntèrent  cet  ufage  des  Grecs,  &  de-là  les  ancilia 
ou  boucliers  facrés  de  Numa.  Lorfque  Lucius  Martius 
eut  défait  les  Carthaginois ,  on  fufpendit  dans  le  ca- 
pitole  un  bouclier  d'argent  pefant  cent  trente-huit  li- 
vres ,  qui  fe  trouva  dans  le  butin.  Celui  que  les  Ef- 
pagnols avoient  offert  à  Scipion  ,  en  reconnoiffance 
de  fa  modération  &  de  fa  générofité  ,  &  qu'on  voit 
dans  le  cabinet  du  Roi ,  eft  d'argent  &  pefe  quarante- 
deux  marcs.  Sous  les  empereurs ,  cette  coutume  dé- 
généra en  flatterie ,  puifqu'on  confacra  des  bouchers 
aux  empereurs  mêmes,  honneur  qui ,  avant  eux,  n'a- 
voit  été  accordé  qu'aux  dieux.  On  nommoit  en  géné- 
ral ces  boucliers,  clypei ,  difei ,  cicli ,  afpides  ;  nom  gé- 
nérique ,  qui  convenoit  également  aux  boucliers  qu'on 
portoit  à  la  guerre  :  mais  on  les  appelloit  en  particu- 
lier pinaces ,  tableaux ,  parce  qu'on  y  reprélentoit  les 
grands  hommes  &  leurs  belles  ad  ions  :  jlelopinakia  , 
tableaux  attachés  à  des  colonnes  ,  parce  qu'on  les  y  fuf- 
pendoit fouvent  :  protoniai ,  bujles ,  parce  que  celui 
du  héros  en  étoit  pour  l'ordinaire  le  principal  orne- 
ment -.Jlhetaria ,  dérivé  du  Grec  ç-«9-o? ,  peclus ,  parce 
que  les  héros  n'y  étoient  repréfentés  que  jufqu'à  la 
poitrine.  Quoiqu'il  fut  permis  aux  particuliers  d'éri- 
ger ces  monumens  dans  les  chapelles  particulières  , 
ils  ne  pouvoient  cependant  en  placer  un  feul  dans  les 
temples  fans  l'autorité  du  fénat.  Mémoires  de  TAcad, 
tom.  I.  (G) 

BOUDIN ,  f.  m.  (Cuifîne.)  efpece  de  mets  qui  fe 
fait  avec  le  fang  du  cochon ,  fa  panne ,  &  fon  boyau. 
Lorfque  le  boyau  eft  bien  lavé,  on  le  remplit  de  fang 
de  cochon ,  avec  fa  panne  hachée  par  morceaux ,  Se 
le  tout  affaifonné  de  poivre ,  fel,  &  mufeade.  On  lie 
le  boudin  par  les  deux  bouts,  &  on  le  fait  cuire  dans 
l'eau  chaude ,  obfervant  de  le  piquer  de  tems  en  tems 
à  mefure  qu'il  le  cuit,  de  peur  qu'il  ne  s'ouvre  &  ne 
fe  répande.  Quand  il  eft  cuit ,  on  le  coupe  par  mor- 
ceaux &  on  le  fait  rôtir  fur  le  gril.  Ce  boudin  s'ap- 
pelle boudin  noir. 

Le  boudin  blanc  fe  fait  de  volaille  rôtie  &  de  pan- 
ne de  cochon  hachées  bien  menu ,  arrofées  de  lait  , 
faupoudrées  de  fel  &  de  poivre ,  &  mêlées  avec  des 
jaunes  d'eeuf.  On  remplit  de  cette  efpece  de  farce  le 
boyau  du  cochon ,  qu'on  fait  cuire  enfuite  dans  l'eau 
chaude.  Quand  on  le  veut  manger  on  le  rôtit  fur  le 
gril  entre  deux  papiers ,  Se  on  le  fert  chaud. 

Boudin  (rejjort  à  ) ,  c'eft  un  reffort  en  fpiral ,  dont! 
nous  parlerons  à  l'article  Ressort. 

BOUDINE,  f.  m.  fe  dit  dans  les  Verreries  en  plat  i 
d'une  éminence  ou  bouton  que  le  gentilhomme  bof- 
fier  forme  au  bout  de  la  boffe  deftinée  à  faire  un  plat. 
C'eft  par  cette  éminence  que  cet  ouvrier  reprend  la 
boffe  pour  ouvrir  le  plat.  Voye^  Bossier  ,  Bosse  , 
&  Verrerie  en  plat. 

BOUDINIERE,  f.  f.  inflrumentde Chair cuitier ;  c'eft 
un  petit  inftrument  de  cuivre  ou  de  fer-blanc ,  dont 
ces  gens  fe  fervent  pour  remplir  les  boyaux  dont  ils 
font  le  boudin. 

BOUDINURE  DE  L'ARGANEAU  ,  EMBOU- 
DINURE ,  (Marine.)  c'eft  un  revêtement  ou  une  en- 
veloppe dont  on  garnit  Varganeau  de  l'ancre  ,  &  qui 
fe  fait  avec  de  vieux  cordages  qu'on  met  tout  au- 
tour, pour  empêcher  le  cable  de  fe  gâter  ou  fe  pour- 
rir. (Z  ) 

BOUDRI ,  (Géog.)  petite  ville  fur  une  hauteur  , 
dans  le  comté  de  Neufchâtel ,  en  Suiffe. 

BOUE ,  f.  m.  fe  dit  en  général  de  cette  ordure  qui 
s'engendre  dans  les  rues  èk.  les  places  publiques ,  Se 


B  O  U 


que  ceux  qui  veillent  à  la  propreté  d'une  ville,  font 
enlever  dans  des  tombereaux. 

Boue,  (Marée hallerie.)  On  dit  que  la  boue  fouffle 
au  poil ,  lorfque  par  quelque  bleflùre  qu'un  cheval 
aura  eue  au  pié ,  la  matière  de  la  fuppuration  paroît 
vers  la  couronne.  (V) 

BOUÉE,  fubft.  f.  (Marine.')  c'eft  une  marque  ou 
enfeigne  faite  quelquefois  avec  un  barril  vuide  ,  bien 
clos ,  relié  de  fer  ;  quelquefois  avec  un  fagot  ou  avec 
un  morceau  de  bois  &  de  liège  ,  l'un  ou  l'autre  atta- 
ché au  cordage  appelle  orin ,  qui  eft  frappé  à  fa  tête  ; 
enforte  qu'on  laifle  flotter  la  bouée ,  pour  indiquer  l'en- 
droit où  l'ancre  eft  mouillée ,  &c  la  relever  lorfque  le 
cable  s'eft  rompu ,  ou  qu'on  la  coupe  fur  l'écubier. 
Elle  indique  auffi  les  pieux  &  les  débris  de  vaifleau 
qui  font  enfoncés  dans  la  mer,  &  autres  chofes  fem- 
blables  qui  peuvent  nuire  à  la  navigation.  Toutes  ces 
bouées  fe  diftinguent  par  les  matières  dont  elles  font 
faites.  Ce  mot  Té  prend  auffi  fort  fouvent  pour  le  mot 
de  balife  ou  tonne ,  &  alors  la  bouée  iert  pour  marquer 
les  partages  difficiles  &  dangereux  :  on  en  met  fur  les 
écores  des  bancs  que  la  mer  couvre,  pour  lervir  à 
les  faire  éviter. 

Dans  la  figure  première ,  la  bouée  &c  fon  orin  eft 
marquée  par  la  lettre  V t  èc  le  cable  par  la  lettre  T. 
Loriqu'il  y  a  des  droits  à  payer  pour  les  bouées , 
ce  font  les  maîtres  des  navires  qui  lbnt  tenus  de  les 
acquitter,  d'autant  qu'ils  ne  font  point  du  nombre 
des  avaries.  Voye^_  Tonne  &  Balise.  Un  vaifleau 
mouillé  dans  un  havre ,  doit  avoir  une  bouée  à  fon  an- 
cre ;  6c  faute  de  cela ,  s'il  en  arrive  quelque  defordre 
ou  perte,  le  maître  payera  la  moitié  du  dommage. 

Bouée  de  bout  de  mât ,  c'eft  celle  qui  eft  faite  du 
bout  d'un  mât  ou  d'une  feule  pièce  de  bois. 

Bouée  de  barril ,  c'eft  celle  qui  eft  faite  avec  des 

douves ,  &  qui  eft  foncée  &  réliée  comme  un  barril. 

Bouée  de  liège  ;  c'eft  une  troifieme  cfpece  de  ces 

fortes  de  marques -,  faite  de  pluiieurs  pièces  de  liège , 

que  des  cordes  tiennent  liées  enfemble.  (Z) 

BOVENA,  (  Géog.  )  c'eft  le  nom  d'une  des  îles 
d'Hieres ,  dans  la  Méditerranée ,  près  de  la  côte  de 
Provence. 

BOUER ,  v.  ait.  en  Monnoyage ,  c'eft  frapper  plu- 
fieurs  flancs  enfemble  ,  placés  les  uns  fur  les  autres , 
avec  le  marteau  nommé  boiiard.  Cette  opération  les 
applique  exactement ,  félon  leurs  furfaces,  les  appla- 
nit,  &  les  fait  couler  fans  peine  au  compte  &:  à  la 
marque.  Elle  fe  répète  trois  fois;  deux  fois  après  avoir 
fait  recuire ,  la  troifieme  fans  recuire.  On  blanchit  les 
flancs  après  qu'ils  ont  été  boiiés. 

BOUEUR ,  f.  m.  (Police.)  eft  celui  qui  enlevé  les 
ordures  des  rues ,  hors  de  la  ville. 

Il  y  a  auffi  un  officier  fur  les  ports  qu'on  appelle 
boiteur ,  parce  que  la  fonction  eft  de  veiller  à  ce  qu'on 
les  tienne  propres ,  &  qu'on  en  enlevé  les  ordures. 

m 

BOUEUSE ,  (ancre)  eft  la  plus  petite  des  ancres 
d'un  vaifleau.  Voye^  Ancre.  (O) 

BOUFFE,  f.  f.  (enAnalomie.)  nom  que  donne  du 
Laurens  à  la  petite  éminence  formée  par  la  rencontre 
des  deux  lèvres. 

BOUFFÉES,  en  termes  d'hydraulique ,  eft  fyno- 
nyme  kfecouffes. 

Lorfque  les  jets  font  engorgés  par  les  vents ,  ils  ne 
fortent  que  par  bouffées  ;  c'eft-à-dire,  parfecoujjès.  (K) 

BOUFFON,  f.  m.  (Hifi.  atic.  &  litur.)  comédien  , 
farceur  qui  divertit  le  public  par  fes  plailanteries  ; 
qui  fait  &  qui  dit  des  quolibets  pour  faire  rire  les  fpec- 
tateurs,  &  attraper  de  l'argent.  Voye^MiME,  Pan- 
tomime, Burlesque. 

Ménage  après  Saumaife  ,  dérive  ce  mot  de  buffb. 

On  nommoit  ainfi  en  latin  ceux  qui  paroiflbient  fur 

le  théâtre  avec  les  joues  enflées  pour  recevoir  des 

foufflets  ;  afin  que  le  coup  fit  plus  de  bruit,  &  exci- 

Tome  II, 


B  O  U  355 

tât  davantage  à  rire  les  fpectateurs.  Quelques-uns 
dérivent  ce  mot  d'une  fête  qui  fut  inftituée  dans 
PAttique  par  le  Roi  Erechtée  ,  à  l'occaflon  d'un  fa- 
enficateur  nommé  Buphon  ,  lequel  après  avoir  im- 
molé le  premier  bœuf  f iir  l'autel  de  Jupiter  Polyen  , 
ou  gardien  de  la  ville  ,  s'enfuit  fans  aucun  fujet  fi 
foudainement ,  qu'on  ne  put  ni  l'arrêter,  ni  le  trou- 
ver. La  hache  &  les  autres  uftenflles  du  facrifîce 
furent  mis  enire  les  mains  des  juges,  pour  leur  faire 
leur  procès  :  les  juges  déclarèrent  la  hache  crimi- 
nelle ôile  relie  innocent.  Toutes  les  autres  années 
fuivantes  on  fit  le  facrifîce  de  la  même  loite.  Le  fa- 
crificateur  s'entuyoit  comme  le  premier,  &.  la  hache 
étoit  condamnée  par  des  juges.  Comme  cette  céré- 
monie &  ce  jugement  étoient  tout-à-fait  burlefques, 
on  a  appelle  depuis  bouffons  &c  bouffonneries  toutes 
les  autres  momeries  &  farces  qu'on  a  trouvées  ridi- 
cules. Cette  hiftoire  eft  rapportée  dans  CaeliusRho- 
diginus  ,  lib.  VIII.  c.  vj.  (G  ) 

BOUGE,  f.  m.  (en  Architecture)  eft  une  petite 
pièce  ordinairement  placée  aux  côtés  d'une  chemi- 
née pour  ferrer  différentes  chofes.  Ce  mot  fe  dit  aufîi 
d'une  petite  gardev-obe  où  il  n'y  a  place  que  pour  un 
lit  très -petit.  (P) 

Bouge,  BESSON,f.  m.  (Marine.)  on  nomme  ainfi 
la  rondeur  des  baux  &  des  tillacs  d'un  vaifleau.  (Z) 

Bouge,  f.  m.  (Commerce.)  étamine  fine,  blanche 
&  claire ,  dont  on  fait  les  chemiles  des  religieux  qui 
ne  portent  point  de  toile. 

BOUGE  ,  (  Commerce.  )  petit  coquillage  qui  fert  de 
monnoie  dans  les  Indes.  Certains  peuples  Indiens 
donnent  le  nom  de  bouge  aux  coquilles  des  Maldives  , 
connues  fous  le  nom  de  coris.  Voye^  Coris. 

Bouge,  f.  m.  c'eft  ainfi  que  les  Charrons  appellent 
la  partie  la  plus  élevée  du  moyeu  d'une  roue.  C'eft 
fur  fa  furface  plane  ou  arrondie  que  lont  pratiqués 
les  trous  dans  lefquels  on  fait  entrer  à  coups  de  malle 
les  rayons  de  la  roue.  Voye-^  Planche  des  proportions 
du  canon  &  de  fon  affût.  Le  moyeu  léparé  de  la  roue 
de  l'affût  CD  eft  le  diamètre  du  bouge. 

BOUGE,  (en  terme  d 'Orfèvre  en  grofferie.)  eft  un 
cifelet  ainfi  nommé,  parce  qu'on  s'en  fert  pour  tra- 
vailler fur  les  petites  parties  d'un  morceau  où  le  mar- 
teau à  bouge  ne  peut  entrer.  Elle  eft  comme  lui ,  gar- 
nie d'une  petite  tranche  longue  &  arrondie. 

BOUGE  ,  (  en  terme  d'Orfèvre  en  grofferie.  )  fe  dit  de 
la  partie  du  chandelier  qui  commence  à  la  poignée, 
&  qui  defeend  fur  le  pié  en  s'évafant. 

Bouge,  (en  terme  de  Planeur!)  c'eft  proprement 
la  partie  concave  d'une  affiette,  d'un  plat,  &c  qui 
fépare  le  fond  de  l'arrête.  Voye^  Fond  &  Arrête. 

Bouge,  c'eft  en  terme  de  Tonnelier,  le  renflement 
des  tonneaux  qui  leur  donne  la  forme  de  deux  cônes 
tronques  appliqués  par  leurs  baies.  Quand  ce  ren- 
flement eft  conlîdérable,  on  dit  qu'une  pièce  eft  bien 
bougiée.  C'eft  le  bouge  qui  fait  la  difficulté  du  jau- 
geage, fôy^ Tonneau.  Voye\  Jauge. 

BOUGEOIR,  f.  m.  efpece  de  petit  chandelier, 
formé  d'une  bobèche,  ou  plutôt  d'une  douille  fixée 
au  milieu  d'une  foucoupe  ,  au  bord  de  laquelle  il  y 
a  un  anneau  qui  fert  à  recevoir  le  doigt,  quand  on 
porte  le  bougeoir.  Les  bougeoirs  font  de  cuivi  e ,  d'ar- 
gent, de  fer-blanc  ,  &c.  on  en  trouve  chez  les  ou- 
vriers qui  travaillent  en  ces  métaux. Quand  un  prélat 
officie,  c'eft  un  de  les  aumôniers  qui  poi  te  le  bougeoir. 

Bougeoir  le  dit  auffi  d'une  lorte  d'étui  où  1  aumô- 
nier ferre  la  bougie. 

*  BOUGIE,  f.  f.  cire  employée  de  manière  qu'on 
s'en  fert  à  éclairer.  Il  y  a  deux  fortes  de  bougie  ;  la 
bougie  de  table  ,  ôi  la  bougie  filet. 

La  bougie  de  table  ne  le  fait  guère  autrement  que 
les  cierges  A  la  cuillère.  Pcye{  Cierge.  On  fait  des 
mechesnioitié  coton,  moitié  fil  blanc  &  lin  ;  on  les 
tord  un  peu;  on  les  cire  avec  de  la  cire  blanche;,  afiji 

Yyij 


35<S 


BOU 


BOU 


de  les  égalifer  fur  toute  leur  longueur ,  &  ne  laiffer 
échapper  aucun  poil  qui  traverie  la  iblidité  de  la 
bougie  ;  &  on  les  enferre  par  le  bout  avec  un  petit 
ferret  de  fer  blanc  ,  placé  vers  le  collet  de  la  bougie^ 
ce  ferret  couvre  l'extrémité  de  la  mèche,  &  empê- 
che la  cire  de  s'y  appliquer. 

Quand  les  mèches  l'ont  enferrées  ,  on  les  colle 
chacune  léparément ,  par  le  côté  oppofé  au  collet ,  à 
des  bouts  de  ficelle  qui  iont  attachés  autour  d'un 
cerceau  iufpendu  au-deffus  de  la  poelle  où  l'on  tient 
la  cire  en  fuiion  pour  coller  ;  il  iuffit  d'appuyer  la 
mèche  contre  le  petit  bout  de  ficelle  ciré  ;  cette  ficel- 
le enduite  de  cire  pour  avoir  fervi  au  même  uiage 
prend  à  la  mèche.  Si  les  bouts  de  ficelle  n'avoient 
point  encore  fervi ,  il  faudroit  tremper  dans  la  cire 
les  bouts  des  mèches. 

Quand  toutes  les  mèches  font  appliquées  autour 
du  cerceau ,  on  les  jette  l'une  après  l'autre  jufqu  a 
ce  que  la  bougie  ait  acquis  environ  la  moitié  de  ion 
poids  ;  c'eft-à-dire ,  qu'on  verie  de  la  cire  deffus  les 
mèches ,  comme  on  le  pratique  aux  cierges  faits  à 
la  cuillère  :  puis  on  retire  la  bougie  du  cerceau,  & 
on  la  met  entre  deux  draps ,  avec  une  petite  couver- 
ture par  deflùs ,  pour  la  tenir  molle  &  en  état  d'être 
travaillée.  Eniuite  on  la  retire  d'entre  les  draps ,  on 
répand  un  peu  d  eau  fur  une  table  bien  unie  6c  bien 
propre  ,  on  la  roule  fur  cette  table  avec  le  rouloir. 
Voye{  Rouloir.  On  la  coupe  du  côté  du  collet ,  on 
ôte  le  ferret ,  on  lui  forme  la  tête  avec  un  couteau 
de  bois ,  &  on  l'accroche  par  le  bout  de  la  mèche  qui 
eft  découvert,  à  un  autre  cerceau  garni  fur  la  cir- 
conférence de  cinquante  crochets  de  fer  ;  comme  on 
le  voit  Planch.  du  Cirier,  fig.  2.  Quand  le  cerceau  eft 
garni  de  bougies  ,  on  leur  donne  trois  demi-jets  par 
en  bas,  puis  des  jets  entiers,  qu'on  continue jufqu'à 
ce  qu'elles  ayant  le  poids  qu'on  defire. 

Apres  le  dernier  jet  on  décroche  la  bougie  ;  on  la 
remet  entre  les  draps  fous  la  couverture  ;  on  l'en  re- 
tire pour  la  reparler  au  rouloir  ;  on  la  rogne  par  le 
bas  avec  le  couteau  de  boui  ;  on  l'accroche  derechef 
à  des  cerceaux  de  fer  ;  &  on  la  laiflé  lécher.  La  bou- 
gie de  table  eft  de  différente  grolîéur;  il  y  en  a  depuis 
quatre  jufqu'à  ieize  à  ia  livre. 

*  Bougie  filée,  c'eft  un  des  ouvrages  du  cirier 
le  plus  difficile  ,  non  parce  qu'il  faut  beaucoup  de 
précaution  pour  lui  donner  ia  forme  ronde  tk  égale, 
c'eft  un  fimple  effet  de  la  fiiiere  par  laquelle  elle 
pâlie  ;  mais  parce  que  le  cordon  demande  un  loin 
continuel ,  pour  que  tous  les  fus  qui  le  compolent 
foient  ou  de  même  force ,  &  de  même  grolieur ,  ou 
un  plus  gros  à  côté  d'un  foible  ,  enlorte  que  la  foi- 
blelle  de  l'un  ibit  exactement  réparée  par  la  force  de 
l'autre.  On  oblerve  auiîi  de  ne  pas  tourner  les  tours 
trop  vite.  Foye^ToVR.  La  matière  ayant  trop  peu 
de  tems  pour  le  congeler  fur  le  cordon ,  retomberait 
dans  le  pereau  ,  fans  que  ce  cordon  en  eût  prelque 
rien  confervé  autour  de  lui.  Première  railon.  En 
fécond  lieu  ,  le  cordon  ne  pouvant  réiifter  à  tant  de 
vîteffe,  &  le  dévider  allez  promptement  de  deffus  le 
tour,  le  romprait;  ce  qui  eft  un  inconvénient  dom- 
mageable au  cirier.  Pour  première  opération  dans 
la  bougie  filée ,  on  dévide  d'abord  les  écheveaux  de 
coton  lur  des  tournettes,  en  nouant  d'un  nœud  plat 
qui  n'eft  pas  beaucoup  plus  gros  que  le  fil ,  les  bouts 
des  uns  avec  ceux  des  autres.  Rien  ,  comme  on  peut 
le  penler,  ne  fixe  la  quantité  de  ces  écheveaux  ,  que 
la  quantité  de  bougie  que  l'on  a  defléin  de  faire  :  le 
cordon  ou  la  mèche  ainfi  parvenue  à  la  grofTeur 
fixée  encore  par  l'efpece  d'ouvrage  ,  on  trempe  le 
bout  dans  la  cire  fondue  ,  on  l'attache  en  le  collant 
fur  le  tour  A,  fig.  l .  du  Cirier  ;  on  l'y  dévide  entière- 
ment. On  met  un  autre  tour  B  à  quelque  diftance  du 
premier  ;  entre  les  deux  elf  le  pereau  C.  Voye{  Tour 
&  Pereau.  Le  bout  du  cordon  s'amène  fur  le  bec  du 


pereau  ,  fe  pafTe  dans  un  petit  crochet  D  au  milieu 
de  cet  outil ,  toujours  plus  bas  que  la  matière ,  tra- 
verie une  fdiere ,  &  fe  roule  fur  l'autre  tour ,  que 
l'on  met  en  mouvement  avec  une  manivelle.  Tout 
le  cordon  ainfi  dévidé ,  on  met  le  côté  de  la  filière 
qui  regardoit  le  fécond  tour,  en  dedans  du  pereau, 
6c  celui  qui  étoit  en  dedans  en  dehors,  mais  à  l'au- 
tre bec  du  pereau;  &  on  retourne  le  cordon  du  pre- 
mier tour  lur  le  fécond,  en  le  faifant  paner  ious  la 
filière  par  un  trou  du  numéro  au  dellùs  ;  cette  opé- 
ration fe  répète  jufqu'à  ce  que  le  cordon  foit  luffi- 
famment  filé ,  ou  chargé.  On  tient  la  cire  chaude 
dans  le  pereau ,  par  le  moyen  d'une  poelle  de  teu  E. 

Quant  à  la  fonte  de  la  matière  ,  elle  eft  bonne  ou 
mauvaife ,  à  proportion  que  le  degré  de  chaleur  a 
été  bien  ou  mal  faifi.  Mais  une  règle  générale  c'eft: 
qu'il  ne  faut  jamais  trop  mettre  de  matière  à  la  fois 
dans  le  pereau ,  autrement  les  premiers  tours  feraient 
blancs  &  parfaits  ,  les  autres  viendraient  jaunes,  la 
cire  ne  pouvant  être  qu'un  certain  tems  lur  le  feu  , 
pafié  lequel  elle  perd  la  blancheur ,  &  même  là  qua- 
lité. On  obvie  donc  à  cet  inconvénient  en  mettant  de 
nouvelle  cire  fondre  à  melure  qu'on  employé  celle 
qui  eft  fondue.  Par  là  on  donne  du  corps  à  cette  der- 
nière ,  &  fe  mêlant  avec  l'autre  elle  fupporte  encore 
l'action  du  feu  fans  en  fouffrir.  Ainli  de  diftance  en 
diftance  jufqu'à  la  fin.  Cette  matière  eft  blanche  ou 
jaune  ,  félon  le  prix  qu'on  fe  propofe  de  vendre  la 
bougie:  quand  elle  eft  pliée  ,  on  la  peint  quelquefois 
de  diverfes  couleurs,  fur  tout  celle  qui  a  la  forme 
d'un  livre.  Les  bougies  fe  font  de  la  grofTeur  qu'on 
les  veut. 

Bougie  ,  (terme  de  Chirurgie.}  c'eft  une  petite  ver- 
ge cirée ,  faite  en  façon  de  cierge ,  qu'on  introduit 
dans  l'urethre  pour  le  dilater  &  le  tenir  ouvert ,  ou 
pour  confirmer  les  carnolités  qui  s'y  trouvent.  Il  y 
a  de  deux  fortes  de  bougies;  les  unes  fimples,  &  les 
autres  compofées.  Les  fimples  font  faites  de  cire 
garnie  d'une  mèche,  ou  de  toile  cirée  &  roulée  en 
forme  de  petit  cierge  :  on  en  fait  auffi  de  corde  à 
boyau  ou  de  plomb  ,  dans  l'intention  de  tenir  le 
canal  de  l'urethre  dilaté  &  comme  en  forme  ;  leur 
grofTeur  doit  être  proportionnée  au  diamètre  de  ce 
conduit.  Les  bougies  compofées  font  celles  qui  font 
chargées  de  quelque  remède  capable  de  mettre  le 
canal  de  l'urethre  en  fuppuration ,  &  de  détruire  les 
carnolités  ou  excroiffances  qui  s'y  trouvent.  Voye^ 
Carnosité. 

Pour  faire  des  'bougies  il  faut  avoir  des  languettes 
de  linge  fin,  d'une  largeur  convenable  à  la  grolîéur 
qu'on  veut  leur  donner;  on  enduit  ces  bandelettes 
du  médicament  emplaftique  qu'on  croit  néceiîaire. 
On  les  roule  avec  les  doigts  auffi  ferrés  qu'on  le 
peut  ;  &  on  leur  donne  la  iolidité  requife  en  les  rou- 
lant enfuite  fur  un  marbre ,  ou  lur  une  planche  dô 
bois  de  noyer  huilée ,  avec  une  autre  planchette  qui 
a  une  poignée  fur  le  milieu  de  la  furface  oppofée  à 
celle  qui  appuie  fur  la  bougie.  (J  ) 

BOUGIER  une  étoffe  ,  terme  de  Tailleur,  qui  li- 
gnifie, paffer  légèrement  une  bougie  allumée  fur  la 
coupe  d'une  étoffe  qui  s'éfile  facilement ,  afin  d'en 
arrêter  les  fils. 

*  BOUGRAN,  f.  m.  (Commerce.)  greffe  toile  de 
chanvre  gommée,  calendrée  tk.  teinte  en  diverfes 
couleurs ,  dont  on  fait  des  doublures  aux  endroits 
des  vêtemens  qui  fatiguent,  &  dont  l'étoffe  a  belbin 
d'être  foutenue. 

BOUILLARD  ,  f.  m.  (  Marine.  )  Quelques-uns 
nomment  ainfi  fur  la  mer  certain  nuage  qui  donne 
de  la  pluie  &  du  vent.  Mais  ce  terme  n'eft  guère 
en  ulaa;e. 

*  BOUILLE  ,  f .  f .  (  Commerce.  )  C'eft  la  marque 
appliquée  par  le  commis  du  bureau  des  fermes ,  à 


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toute  pièce  de  drap  ou  autre  étoffe  de  laine  qu'on  y 
déclare. 

*  BOUILLE  ,  (  Pèche  de  rivière.')  efpcce  de  rable  de 
bois  à  long  manche ,  dont  les  pêcheurs  fe  fervent 
pour  remuer  la  vafe,  6c  en  taire  lortir  le  poifion. 

*  Bouille  ,  f.  f.  vaifleau  d'uiage  dans  lesj'alines. 
Il  fert  de  melure  au  charbon  ou  à  la  braife,  qu'on 
appelle  aufli  chanci  :  ainlî  on  dit  une  bouille  de  chanci, 
pour  une  pannetée  de  charbon. 

BOU1LLER ,  v.  ad.  touiller  une  étofFe ,  c'eft  la 
marquer  :  touiller  un  endroit  de  rivière,  c'elt  le  bat- 
tre avec  la  touille.  Foye^  Bouille. 

BOUILLI,  adj.  pris  iubiî.  en  terme  de  Cuijïne, 
eft  un  pièce  de  bœuf,  de  veau ,  de  mouton ,  ou  de 
volaille ,  cuite  fur  le  feu ,  dans  une  marmite ,  avec  du 
fel ,  de  l'eau ,  6c  quelquefois  des  herbes  potagères. 
Le  bouilli  elt  un  des  alimens  de  l'homme  le  plus 
fucculent  &  le  plus  nourriliant ,  fur-tout  celui  de 
bœuf.  On  pourroit  dire  que  le  bouilli  elt,  par  rapport 
aux  autres  mets ,  ce  que  le  pain  elt  par  rapport  aux 
autres  lortes  de  nourriture.  La  volaille  elt  beau- 
coup plus  légère  que  le  bouilli  pour  les  eltomacs 
délicats. 

BOUILLIE ,  f  f.  c'efl  ainfi  que  les  Papetiers  6c  les 
Cartonnurs  appellent  quelquefois  les  drilles  ou  chif- 
fons qui  ont  été  réduits  lous  le  pilon  en  une  pâte 
fort  liquide ,  &  à  peu  près  de  la  même  confiftance 
que  cette  première  nourriture  qu'on  donne  aux  en- 
fans  &  qu'on  appelle  bouillie.  C'elt  avec  cette  bouil- 
lie ou  pâte  liquide  taite  de  drapeaux ,  que  fe  fabri- 
quent le  papier  &  le  carton. 

BOUILLIR  ,  v.  neut.  (  Y  action  de  )  (Phyfiq.)  c'elt 
l'agitation  d'un  fluide,  occafionnée  par  le  feu.  Foye%_ 
Feu  ,  Chaleur.  Voici  comment  s'opère  cette  agi- 
tation ,  félon  les  Phyficiens.  Les  plus  petites  particules 
de  la  matière  dont  le  feu  elt  compolé  étant  détachées 
les  unes  des  autres ,  &  pouflées  en  tourbillon  avec 
une  grande  vîteiïe ,  paiTent  à  travers  les  pores  du 
vaifleau ,  &  fe  mêlent  avec  la  liqueur  qui  y  elt  con- 
tenue ;  par  la  réfiftance  qu'elles  y  trouvent,  leur 
mouvement  elt  détruit,  ou  du  moins  communiqué  en 
grande  partie  au  fluide  qui  elt  en  repos  :  de-là  vient 
la  première  agitation  inteltine.  Par  l'action  continuée 
de  la  première  caufe  ,  l'effet  elt  augmenté  ,  &  le  mou- 
vement du  fluide  devient  continuellement  plus  vio- 
lent ;  delorte  que  le  fluide  eft  par  degrés  plus  fenfi- 
blement  agité.  Alors  les  nouvelles  particules  du  feu 
venant  à  frapper  fur  celles  de  la  furface  inférieu- 
re du  fluide  ,  non-feulement  les  pouffent  en  haut , 
mais  mêmes  les  rendent  plus  légères  qu'auparavant  ; 
ce  qui  les  détermine  à  monter  :  elles  les  rendent  plus 
légères ,  foit  en  les  enflant  en  petites  véliculcs ,  foit  en 
brifant  &  en  féparant  les  petites  particules  de  fluide  ; 
&  c'eft  ce  qui  caufe  un  flux  continuel  du  fluide  du 
fond  du  vaifleau  vers  le  haut ,  &  du  haut  au  fond  ; 
c'clt-à-dire  que  par-là  le  fluide  de  la  furface  ,  &  ce- 
lui qui  eft  au  fond  du  vafe ,  changent  de  place  ;  & 
c'elt  pour  cela  que  le  fluide  de  la  furface  elt  plutôt 
chaud  que  celui  du  fond.  M.  Homberg  dit  dans  les 
Mém.  de  l'académie ,  que  fi  on  ôte  du  feu  une  chau- 
dière bouillante  ,  &  qu'on  applique  la  main  dans  l'inf- 
tant  fous  la  chaudière  ,  on  ne  fe  brûlera  pas  ;  la  raifon 
qu'il  en  donne  elt  que  les  particules  ignées  qui  pat- 
ient par  la  partie  inférieure  de  la  chaudière  ne  s'y 
arrêtent  pas ,  &  vont  gagner  la  furface  de  l'eau. 

Un  feu  exceflif  diminue  la  pefanteur  fpécitique  de 
l'eau  ,  delorte  qu'il  la  peut  faire  monter  fous  la  for- 
me d'air  :  de-là  vient  la  vapeur  &  la  fumée  ;  cepen- 
dant l'air  renfermé  dans  les  intcrltices  de  l'eau,  doit 
être  regardé  comme  la  principale  caufe  de  cet  effet, 
parce  que  l'air  étant  dilaté  èv  ayant  acquis  de  nou- 
velles forces  par  l'action  du  teu  ,  brile  la  prilon  èv 
monte  à  travers  l'eau  dans  fair  ,  emportant  avec  lui 


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quelques-unes  des  bulles  d'eau  qui  lui  font  adhéren- 
te, f^oyei  Vapeur  ,  Exhalaison. 

Les  particules  d'air  qui  font  dans  les  différentes 
interftices  du  fluide  étant  ainfi  dilatées  &  le  portant 
en  haut,  le  rencontrent  &  s'accrochent  dans  leur 
paffage  ;  par  ce  moyen  une  grande  quantité  d'eau 
eft  foulevée  &  retombe  rapidement,  &  fair  s'élève 
&  fort  de  l'eau  :  car  quoique  l'air  après  i'unionde  lès 
parties  puifle  lbûtenir  une  grande  quantité  d'eau  par 
l'on  élafticité ,  pendant  qu'il  eft  dans  l'eau ,  il  ne  peut 
plus  cependant  la  porter  avec  lui  dans  l'atmofphe- 
re;  parce  que  quand  une  fois  il  eft  dégagé  de  la  fur- 
face  de  l'eau  qui  elt  dans  le  vaifleau ,  il  le  détend  de 
lui-même  ;  &  ainfi  fa  force  devient  égale  à  celle  de 
l'air  refroidi.  Ajoutez  à  cela  que  la  force  de  l'air  pour 
enlever  l'eau  ,  elt  diminuée  par  la  force  avec  laquelle 
les  particules  d'eau  tendent  à  fe  réunir  aux  particu- 
les d'eau  lemblables  qui  les  attirent  plus  fortement, 
&  qui  les  forcent  de  relter  fur  la  furface  de  l'eau  ; 
delorte  qu'il  ne  s'échappe  prefque  point  de  particu- 
les d'eau  avec  l'air ,  que  celles  qui  y  font  immédia- 
tement adhérentes ,  quoique  l'air  faffe  effort  pour  en 
enlever  une  plus  grande  quantité;  &  de-là  vient  le 
principal  phénomène  de  l'ébullition ,  favoir  la  fluc- 
tuation de  la  furface  de  l'eau.  L'eau  tiède  ou  froide 
femble  bouillir  dans  la  machine  pneumatique  quand 
l'air  en  elt  pompé  :  la  raifon  de  cet  effet  elt  facile  à 
comprendre ,  car  la  preflion  de  l'atmofphere  n'agif- 
fant  plus  fur  la  litrface  de  l'eau ,  fair  renfermé  dans 
fes  interftices  fe  dilate  avec  afl'ez  de  force  pour  foû- 
lever  l'eau ,  &  fe  dégager  par  lui  -  même.  Quand 
l'ébullition  de  l'eau  celle ,  on  peut  la  faire  recom- 
mencer en  y  verfant  de  l'eau  froide  ;  6c  quand  l'é- 
bullition elt  très-grande ,  on  peut  la  faire  diminuer 
en  y  verfant  de  l'eau  chaude  ;  car  en  verfant  de  l'eau 
froide  ,  on  ajoute  de  nouvel  air  qui  n'elt  point  en- 
core dilaté  ni  dégagé  ;  &  en  verfant  de  l'eau  chaude , 
on  ajoute  de  l'air  qui  elt  déjà  dilaté ,  6c  qui  doit  faire 
beaucoup  moins  d'effort.   (O) 

BOUILLITOIRE  ,  f .  f .  (  à  la  Monnaie  )  donner  la 
bouillitoire ,  c'el't  jetter  les  flancs  à  la  bouilloire  ,  les  y 
nettoyer  &  faire  bouillir  dans  un  liquide  préparé  , 
jufqu'à  ce  qu'ils  foient  devenus  blancs,  f^oye^  Blan- 
chiment &  Bouilloire. 

BOUILLOIRE,  f.  f.'  (  à  la  Monnaie  )  vaifleau  de 
cuivre ,  en  forme  de  poelle  plate  à  main ,  dans  lequel 
il  y  a  de  l'eau  bouillante  avec  du  fel  commun ,  &  du 
tartre  de  Montpellier  gravelé,  où  l'on  jette  les  flancs 
qu'on  a  laiffé  refroidir  dans  un  crible  de  cuivre  rou- 
ge ,  après  qu'ils  ont  été  afl'ez  recuits.  On  les  fait  bouil- 
lir dans  ce  vaifleau  pour  les  décraiîer,  enfuite  on  les 
jette  dans  une  autre  bouilloire  ,  remplie  de  même  que 
la  première  ,  où  on  les  fait  bouillir  une  leconde  fois, 
pour  achever  de  les  nettoyer. 

Ce  vaifleau  elt  commun  à  tous  les  ouvriers  en  or, 
en  argent,  &  même  en  cuivre.  Foyc{  Pl.prem.  d'Or- 
fèvrerie. Voyer  auffi  la  PI.  du  Boutonnier  en  cuivre. 

BOUILLON,  f.  m. (  Médecine  )  décoction  de  la 
chair  des  animaux  faite  fur  un  feu  modère  ,  pour  en 
tirer  le  fuc  qu'elle  contient;  on  tait  entrer  dans  la 
compofition  des  bouillons,  non-feulement  le  bœuf,  le 
veau  ,  &  le  mouton  ;  mais  aulîi  différentes  efpeces 
d'oifeaux  ,  telles  que  les  poules,  chapons  &  autres. 
On  en  fait  auffi  avec  le  poillon. 

Le  bouillon  fert  à  l'homme ,  comme  aliment  ordi- 
naire &  comme  remède. 

Quand  on  employé  les  bouillons  comme  remèdes, 
on  y  joint  ordinairement  des  plantes ,  dont  la  vertu 
elt  appropriée  à  l'état  de  la  perlbime  qui  en  fait  ufa- 
ge  ;  &  alors  on  les  nomme  bouillons  médicamenteux  :  il 
y  en  a  d'altérans  ,  de  pectoraux  ,  d'apéritifs  ,  &c  6c 
on  leur  donne  ces  différens  noms,  félon  la  vertu  des 
differens  medicamens  qui  entrent  dans  leur  compo- 
fition. Les  bouillons  les  plus  propees  à  nourrir  lont 


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ceux  qui  font  compofés  de  bœuf  &  de  volaille.  Voyei 
Bœuf.  Au  défaut  de  ceux-ci ,  on  donne  ceux  de 
veau  &  de  mouton. 

Les  malades  &  les  convalefcens  fe  trouvent  très- 
bien  de  bouillons  de  poifTon  ;  les  fibres  de  l 'eftomae 
étant  très-afFoiblis  par  une  longue  maladie ,  il  eft  fou- 
vent  peu  propre  à  digérer  le  fuc  des  animaux,  &  s'ac- 
commode mieux  de  celui  de  carpe ,  de  tanche  ,  de 
grenouille  >-  &<.  qui  d'ailleurs  porte  une  fraîcheur 
dans  le  fang  qu'on  ne  doit  point  attendre  de  celui 
des  animaux  terreitres  ni  des  volatils.  (iV) 

Bouillon  blanc,  ou  Mollaine,  (Hifi.  nat. 
bot.  )-verbafcum,  genre  de  plante  à  fleur  monopétale , 
rayonnée  &  découpée.  Le  piftil  fort  du  calice  & 
eft  attaché  comme  un  clou  au  milieu  de  la  fleur  ,  qui 
devient  dans  la  fuite  un  fruit  ou  une  coque  ovoïde 
&  pointue ,  partagée  en  deux  loges  par  une  cloilon 
mitoyenne ,  &  remplie  pour  l'ordinaire  de  pluiieurs 
fémences  anguleufes  attachées  à  un  placenta.  Tcur- 
nefort,  Infi.  ni  herb.  Voye^  PLANTE.   (  /  ) 

Vtrbafcum  i.  Matth.  Ray ,  Hijl.  Vtrbafcum  vulgart, 
flore  luteo  magno,  folio  maximo.  J.  B.  Vtrbafcum  mas 
îatifolium  luuum.  C.  B.  Pit.  Tournefort.  Vtrbafcum 
tapfus  barbatus  offic.  Cette  plante  eft  au  nombre  des 
herbes  émollientes  ;  elle  relâche  6k.  convient  avec 
celles  de  fa  clafle ,  comme  la  mauve ,  dans  les  lave- 
mens,  les  cataplafmes,  &les  fomentations  lôrfqu'il 
eft.  queftion  de  relâcher  &  de  détendre. 

Les  fleurs  &  les  feuilles  font  eftimées  pectorales , 
bonnes  contre  la  toux ,  le  crachement  de  fang ,  & 
autres  affections  de  la  poitrine. 

Elles  font  aufli  fort  falutaires  contre  les  tranchées , 
&  les  douleurs  de  colique ,  qui  viennent  d'humeur 
acre. 

On  fait  avec  le  bouillon  blanc  des  préparations 
pour  la  toux,  &  les  hémorrhoïdes  douloureufes.  (A/) 
BOUILLON,  (Martchaltrit^  on  appelle  ainfl  une 
excroiflance  charnue ,  qui  vient  fur  la  fourchette  du 
cheval  ou  à  côté ,  qui  eft  grofle  comme  une  cerife 
&  fait  boiter  le  pié.  Les  chevaux  de  manège  qui  ne 
fe  mouillent  jamais  les  pies ,  font  plus  fujets  que  les 
autres  aux  bouillons  de  chair  qui  les  font  boiter  tout 
bas.  Pour  défigner  ces  bouillons ,  on  dit  :  la  chair  fou- 
fltfur  la  fourchette. 

On  donne  aufli  ce  nom  à  une  excroiflance  ronde 
&  charnue  ,  qui  croît  dans  une  plaie.   (  V") 

Bouillons  d'Eau,  (  en  ArchitcUure')  fe  dit  de 
tous  les  jets  d'eau  qui  s'élèvent  de  peu  de  hauteur 
en  manière  de  fource  vive.  Ils  fervent  pour  garnir 
les  cafeades ,  goulotes  ,  rigoles  ,  gargouilles,  qui  font 
partie  de  la  décoration  des  jardins.  (P) 

Bouillon,  (  ttrmt  de  Brodeur}  c'eft  une  efpece 
de  cannetille  d'or  ou  d'argent  très- brillante,  qui  fe 
coupe  par  petits  morceaux  ,  qui  s'enfile  comme  des 
perles ,  &  fe  pofe  clans  le  milieu  des  fleurs  en  brode- 
rie, où  elle  s'attache  avec  du  fil  d'or  ,  d'argent  ou 
de  foie.  Le  bouillon  entre  aufli  dans  les  crépines. 
Voye^  PI.  prem.  fig.  à.  du  Boutonnitr.  Le  bouillon  à 
l'uiage  de  ces  derniers  ouvriers  eft  un  fil  d'or  roulé 
fur  un  autre ,  le  plus  prefie  qu'il  fe  peut ,  retiré  de 
deflus  celui  qui  lui  fervoit  de  patron  ;  on  le  coupe  de 
différentes  longueurs  pour  en  faire  des  épis  ,  des 
roues  ,  &  autres  enjolivemens  propres  aux  Bouton- 
niers.  Voyt{  ces  mots  à  leurs  articles. 

BOUILLON  ,  (  boîte  à}  en  termede  Boutonnier ,  c'eft 
une  boîte  de  fer-blanc  doublée  d'une  autre  boîte  de 
même  matière  ,  mais  moins  profonde  ,  criblée  de 
trous  comme  une  pafloire.  On  coupe  le  bouillon  dans 
cette  première  boîte  ;  &  le  remuant  à  la  manière 
d'un  tamis  ,  le  déchet  que  les  cifeaux  ont  fait  en  cou- 
pant le  bouillon ,  tombe  &  fe  conierve  dans  la  fécon- 
de boîte.  Voyci  BOUILLON. 

BOUILLON,  (Ge'og.)  ville  forte  avec  château  à 
îrois  lieues  de  Sedan ,  fur  la  rivière  de  Semoy ,  capi- 


tale du  duché  de  même  nom ,  fitué  entre  le  duché  dé 
Luxembourg  &  l'évêché  de  Liège.  Long.  22.  35. 
Ut.  49.  49. 

BOUILLONNEMENT , f.  {.{Marine )  on  appelle 
quelquefois  ainfi  l'agitation  de  la  mer  au  borct  du  ri- 
vage. La  mer  bouillonne ,  fe  dit  encore  lorlqu'elle  ne 
briiè  que  médiocrement.  Vcye^  Briser.  (Z) 

BOUILLONNER  ,  v.  au.  (  en  terme  de  Bouton- 
mer  ,  )  c'eft  enjoliver  un  bouton  avec  du  bouillon  ; 
ce  qui  s'exécute  de  la  manière  fuivante  :  on  a  une 
aiguille  exprès  ,  c'eft-à-dire  longue  &  mince ,  enfilée 
d'une  foie  de  grenade  unie  &  cirée  pour  que  le  bouil- 
lon y  coide  mieux.  On  pafle  l'aiguille  dans  le  bouil- 
lon ,  &  on  l'attache  en  long  ,  en  écartant  ie  point  de 
fa  longueur ,  ou  en  roue  ,  en  rapprochant  les  points  : 
j'ai  dit  foie  de  grenade  unie ,  c'eft  que  les  cimes  loies 
étant  cotonneufes  &  pleines  d'inégalités ,  empêche- 
roient  le  bouillon  de  pafler  ;  ce  qui  retarderoit  l'opé- 
ration, &pourroit  même  rendre  l'ouvrage  imparfait  > 
fur-tout  dans  les  épis  &  les  cordelières  ,  oii  les  foies 
du  moins  après  un  tems  fe  fépareroient  en  petits  poils, 
qui  pourroient  pafler  à  travers  le  bouillon  ,  &  offuf- 
quer  fon  éclat. 

BOUIN  ,  (Géog.~)  petite  île  de  la  province  de  Bre- 
tagne au-deflous  de  l'embouchure  de  la  Loire. 

BOVINES  ou  BOVIGNES ,  (  Géog.  )  petite  ville 
du  comté  de  Namur  fur  la  Meute ,  renommée  par  la 
victoire  qu'y  remporta  Philippe-Augufte. 

BOVINO ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie  au  royau- 
me de  Naples  dans  la  Capitanate ,  proche  les  monts 
Apennins ,  avec  évêché. 

BOUIS ,  f.  m.  terme  de  Chapelier  ;  ce  terme  fe  dit  des 
vieux  chapeaux.  Leur  donner  le  bouis ,  c'eft  les  net- 
toyer &  les  luftrer.  Voye^  Rebouisage. 

BoUIS  ,  en  terme  de  Vergettier  &  de  Cordonnier  ;  c© 
font  des  morceaux  de  ce  bois  très-unis  que  prépa- 
rent les  Vergettiers ,  &  dont  les  Cordonniers  fe  fer- 
vent pour  luftrer  leurs  pafle-taions  &  le  bord  des  fe- 
melles de  fouliers.  Voye{  l'article  Cordonnier. 

BOUISSE  ,  f.  f.  en  terme  de  Formitr  de  Cordonnier  ; 
c'eft  un  morceau  de  bois  concave  ,  à-peu-près  com- 
me une  petite  auge ,  que  les  Formiers  préparent ,  §£ 
dont  les  Cordonniers  fe  fervent  pour  donner  de  la 
profondeur  à  leurs  femelles ,  ck  leur  faire  prendre 
plus  aifément  le  pli  de  la  forme  &  du  pié.  Voye^  Pi. 
du  Cordonnier-Bottier. 

*  BOULANGER  ,  f.  m.  (Police  anc.  &  mod.  &Art.) 
celui  qui  eft  autorité  à  faire ,  à  cuire ,  &  à  vendre  dû 
pain  au  public. 

Cette  profeflion  qui  paroît  aujourd'hui  fi  néceflai- 
re  ,  étoit  inconnue  aux  anciens.  Les  premiers  fiecles 
éîoient  trop  Amples  pour  apporter  tant  de  façons  à 
leurs  alimens.  Le  blé  fe  mangeoit  en  fubftance  com- 
me les  autres  fruits  de  la  terre  ;  &  après  que  les  hom- 
mes eurent  trouvé  le  fecret  de  le  réduire  en  farine  , 
ils  fe  contentèrent  encore  long-tems  d'en  faire  de  la 
bouillie.  Lorfqu'ils  furent  parvenus  à  en  pétrir  du 
pain ,  ils  ne  préparèrent  cet  aliment  que  comme  tous 
les  autres ,  dans  la  maifon  &  au  moment  du  1  epas. 
C'étoit  un  des  foins  principaux  des  mères  de  ramille  ; 
ôedans  les  tems  où  un  prince  ruoit  lui-même  l'agneau 
qu'il  devoit  manger,  les  femmes  les  plu-  qualifiées  ne 
dédaignoient  pas  de  mettre  la  main  à  la  pâte.  Abra- 
ham, dit  l'Ecriture,  entra  promptement  dans  fa  tente, 
&  dit  à  Sara  :  pétrife^  trois  mefures  de  farine ,  &  faites 
cuire  des  pains  fous  la  cendre.  Les  dames  Romaines  fai- 
foient  aufli  le  pain.  Cet  ufage  pafla  dans  les  Gaules  ; 
&  des  Gaules ,  fi  l'on  en  croit  Borrichius ,  jufqu'aux 
extrémités  du  Nord. 

Les  pains  des  premiers  tems  n'avoient  prefque  rien 
de  commun  avec  les  nôtres ,  foit  pour  la  forme ,  foit 
pour  la  matière  :  c'étoit  prefque  ce  que  nous  appel- 
ions des  galettes  ou  gâteaux  ;  ci  ils  y  faifoient  fouvent 
entrer  avec  la  farine  le  beurre,  les  ceufs,  la  graifle,  le 


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fafran ,  &  autres  ingrédients.  Ils  ne  les  cuifoïent  point 
dans  un  four ,  mais  fur  l'atre  chaud  ,  fur  un  gril ,  fous 
une  efpece  de  tourtière.  Mais  pour  cette  forte  de  pain 
même  ,  il  falloit  que  le  blé  &  les  autres  grains  fuf- 
fent  convertis  en  farine.  Toutes  les  nations ,  comme 
de  concert ,  employèrent  leurs  efclaves  à  ce  travail 
pénible  ;  &  ce  fut  le  châtiment  des  fautes  légères 
qu'ils  commettoient. 

Cette  préparation  ou  trituration  du  blé  fe  fit  d'a- 
bord avec  des  pilons  dans  des  mortiers  ,  enfuite  avec 
des  moulins  à  bras.  Voye{  Pa  I  n  ;  voye{  MOULIN. 
Quant  aux  fours,&  à  l'ufage  d'y  cuire  le  pain,  il  com- 
mença en  Orient.  Les  Hébreux,  les  Grecs ,  les  Afia- 
tiques ,  connurent  ces  bâtimens ,  &  eurent  des  gens 
prépofés  pour  la  cuite  du  pain.  Les  Cappadociens  , 
les  Lydiens  ,  &  les  Phéniciens  y  excellèrent.  Voyc^ 
Pain  ;  voye{  Four. 

Ces  ouvriers  ne  pafTerent  en  Europe  que  l'an  583 
de  la  fondation  de  Rome  :  alors  ils  étoient  employés 
par  les  Romains.  Ces  peuples  avoient  des  fours  à 
coté  de  leurs  moulins  à  bras  ;  ils  conlerverent  à  ceux 
qui  conduifoient  ces  machines,  leur  ancien  nom  de 
pinfores  ou  pijîores ,  pileurs  ,  dérivé  de  leur  première 
occupation  ,  celle  de  piler  le  blé  dans  des  mortiers  ;  & 
ils  donnèrent  celui  de  piftorix  aux  lieux  où  ils  travail- 
loient  :  en  un  mot  Pi/lor  continua  de  fignifîer  un  Bou- 
langer ;  &c  pijloria  ,  une  boulangerie. 

Sous  Augufte,  il  y  avoit  dans  Rome  jufqu'à  trois 
cents  vingt-neuf  boulangeries  publiques  diftribuées  en 
dirîerens  quartiers  :  elles  étoient  prefque  toutes  te- 
nues par  des  Grecs.  Ils  étoient  les  leuls  qui  fufTent 
faire  de  bon  pain.  Ces  étrangers  formèrent  quelques 
affranchis ,  qui  fe  livrèrent  volontairement  à  une  pro- 
felfion  li  utile ,  ôc  rien  n'efl  plus  iage  que  la  dilcipline 
qui  leur  fut  impofée. 

On  jugea  qu'il  falloit  leur  faciliter  le  fervice  du 
public  autant  qu'il  feroit  poffible  :  on  prit  des  précau- 
tions pour  que  le  nombre  des  Boulangers  ne  diminuât 
pas  ,  ôc  que  leur  fortune  répondît  pour  ainfi  dire  de 
leur  fidélité  &c  de  leur  exactitude  au  travail.  On  en  for- 
ma un  corps, ou  félon  Pexpreiîîon  du  tems,un  collège, 
auquel  ceux  qui  le  compofoient,  reftoient  nécefïaire- 
ment  attachés  ;  dont  leurs  enfans  n'étoient  pas  libres 
de  fe  féparcr  ;  &  dans  lequel  entroient  néceffairement 
ceux  qui  époufoient  leurs  filles.  On  les  mit  en  pof- 
fefîion  de  tous  les  lieux  oii  l'on  mouloit  auparavant , 
des  meules ,  des  efclaves,  des  animaux,  &  de  tout 
ce  qui  appartenoit  aux  premières  boulangeries.  On 
y  joignit  des  terres  &  des  héritages  ;  &  l'on  n'épar- 
gna rien  de  ce  qui  les  aideroit  à  foûtenir  leurs  travaux 
&  leur  commerce.  On  continua  de  reléguer  dans  les 
boulangeries  tous  ceux  qui  furent  acculés  &  convain- 
cus de  fautes  légères.  Les  juges  d'Afrique  étoient  te- 
nus d'y  envoyer  tous  les  cinq  ans  ceux  qui  avoient 
mérité  ce  châtiment.  Le  juge  l'auroit  fubi  lui-même , 
s'il  eut  manqué  à  faire  fon  envoi.  On  fe  relâcha  dans 
la  fuite  de  cette  févérité  ;  &  les  tranfgreffions  des  ju- 
ges &c  de  leurs  officiers  à  cet  égard  ,  furent  punies  pé- 
cuniairement :  les  juges  furent  condamnés  à  cinquante 
livres  d'or. 

Il  y  avoit  dans  chaque  boulangerie  un  premier  pa- 
tron ou  un  furintendant  des  ierviteurs,  des  meules, 
des  animaux,  des  efclaves  ,  des  fours ,  &c  de  toute  la 
boulangerie  ;  &  tous  ces  furintendans  s'aflembloient 
une  fois  l'an  devant  les  magiftrats  ,  &  s'élifoient  un 
prote  ou  prieur ,  chargé  de  toutes  les  affaires  du  col- 
lège. Quiconque  étoit  du  collège  des  Boulangers  ne 
pouvoir  difpofer ,  foit  par  vente ,  donation  ou  autre- 
ment ,  des  biens  qui  leur  appartenoient  en  commun  : 
il  en  étoit  de  même  des  biens  qu'ils  avoient  acquis 
dans  le  commerce  ,  ou  qui  leur  étoient  échus  par  luc- 
çeflion  de  leurs  pères  ;  ils  ne  les  pouvoient  léguer 
qu'à  leurs  enfans  ou  neveux  qui  étoient  néceflaire- 
ment  de  la  profeflion  ;  un  autre  qui  les  acquérait , 


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étoit  aggrégé  de  fait  au  corps  des  Boulangers.  S'ils 
avoient  des  pofTeffions  étrangères  à  leur  état ,  ils  en 
pouvoient  difpofer  de  leur  vivant ,  finon  ces  pcfTef- 
fions  retomboient  dans  la  communauté.  Il  étoit  dé- 
fendu aux  magiftrats,  aux  officiers  &  aux  fénateurs, 
d'acheter  des  Boulangers  mêmes  ces  biens  dont  ils 
étoient  maîtres  de  diipofer.  On  avoit  cru  cette  loi 
effentielle  au  maintien  des  autres  ;  &  c'eft  ainfi  qu'el- 
les devraient  toutes  être  enchaînées  dans  un  état  bien 
policé.  Il  n'eft  pas  poffible  qu'une  loi  lubfifte  ifolée. 
Par  la  loi  précédente ,  les  riches  citoyens  &  les  hom- 
mes puifTans  furent  retranchés  du  nombre  des  acqué- 
reurs. Auffitôt  qu'il  naifîbit  un  enfant  à  un  Boulanger  % 
il  étoit  réputé  du  corps  :  mais  il  n'entroit  en  fonction 
qu'à  vingt  ans  ;  jufqu'à  cet  âge ,  la  communauté  en- 
tretenoit  un  ouvrier  à  fa  place.  Il  étoit  enjoint  aux 
magiftrats  de  s'oppofer  à  la  vente  des  biens  inalié- 
nables des  fociétés  de  Boulangers  ,  nonobstant  per- 
miffion  du  prince  &  confentement  du  corps.  II  étoit 
défendu  au  Boulanger  de  folliciter  cette  grâce  ,  fous 
peine  de  cinquante  livres  d'or  envers  le  fife ,  &  or- 
donné au  juge  d'exiger  cette  amende,  à  peine  d'en 
payer  une  de  deux  livres.  Pour  que  la  communauté 
fût  toujours  nombreufe  ,  aucun  Boulanger  ne  pouvoit 
entrer ,  même  dans  l'état  eccléfiaftique  :  &c  fi  le  cas 
arrivoit ,  il  étoit  renvoyé  à  fon  premier  emploi  :  il 
n'en  étoit  point  déchargé  par  les  dignités ,  par  la  mi- 
lice, les  décuries  ,  &  par  quelqu'autre  fonction  ou 
privilège  que  ce  fût. 

Cependant  on  ne  priva  pas  ces  ouvriers  de  tous 
les  honneurs  de  la  république.  Ceux  qui  l'avoient 
bien  fervie ,  fur-tout  dans  les  tems  de  difette ,  pou- 
voient parvenir  à  la  dignité  de  fénateur  :  mais  dans 
ce  cas  il  falloit  ou  renoncer  à  la  dignité ,  ou  à  fes 
biens.  Celui  qui  acceptoit  la  qualité  de  fénateur  , 
ceffant  d'être  Boulanger,  perdoit  tous  les  biens  de 
la  communauté  ;  ils  pafïbient  à  fon  fuccefleur. 

Au  refte  ,  ils  ne  pouvoient  s'élever  au-delà  du  de- 
gré de  fénateur.  L'entrée  de  ces  magiftratures ,  aux- 
quelles on  joignoit  le  titre  de  perfeclijjimatus ,  leur 
étoit  défendue  ,  ainfi  qu'aux  efclaves  ,  aux  compta- 
bles envers  le  fife,  à  ceux  qui  étoient  engagés  dans 
les  décuries ,  aux  marchands ,  à  ceux  qui  avoient  bri« 
gué  leur  pofte  par  argent ,  aux  fermiers  ,  aux  procu* 
reurs ,  &  autres  admmiltrateurs  des  biens  d'autrui. 

On  ne  longea  pas  feulement  à  entretenir  le  nom-' 
bre  des  Boulangers  ;  on  pourvut  encore  à  ce  qu'ils 
ne  fe  méfalliaflént  pas.  Ils  ne  purent  marier  leurs  filles 
ni  à  des  comédiens  ,  ni  à  des  gladiateurs  ,  fans  être 
fultigés  ,  bannis  ,  &  chafîes  de  leur  état  ;  &  les  offi- 
ciers de  police  permettre  ces  alliances  ,  fans  être 
amendés.  Le  banniffement  de  la  communauté  fut  en- 
core la  peine  de  la  diffipation  des  biens. 

Les  boulangeries  étoient  diftribuées,  comme  nous 
avons  dit ,  dans  les  quatorze  quartiers  de  Rome  ;  & 
il  étoit  défendu  de  palier  de  celle  qu'on  occupoit  dans 
une  autre  ,  fans  permilfion.  Les  blés  des  greniers  pu- 
blics leur  étoient  confiés  ;  ils  ne  payoient  rien  de  la 
partie  qui  devoit  être  employée  en  pains  de  largef- 
fes  ;  &  le  prix  de  l'autre  étoit  réglé  par  le  magiftrat. 
Il  ne  fortoit  de  ces  greniers  aucun  grain  que  pour  les 
boulangeries  ,  &c  pour  la  perfonne  du  prince ,  mais 
non  la  mailon. 

Les  Boulangers  avoient  des  greniers  particuliers  j 
où  ils  dépofoient  le  grain  des  greniers  publics.  S'ils 
étoient  convaincus  d'en  avoir  diverti ,  ils  étoient 
condamnés  à  cinq  cents  livres  d'or.  Il  y  eut  des  tems 
où  les  huiffiers  du  préfet  de  l'Annonc  leur  livraient 
de  mauvais  grains ,  &c  à  faillie  mefure  ;  &  ne  leur  en 
fournilîbient  de  meilleurs ,  &£  à  bonne  melure  ,  qu'à 
prix  d'argent.  Quand  ces  concufîions  étoient  décou- 
vertes ,  les  coupables  étoient  livrés  aux  boulangeries 
à  perpétuité. 

Afin  que  les  Boulangers  pufîent  vaquer  fans  relâ* 


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che  à  leurs  fondions ,  ils  furent  déchargés  de  tutel- 
les ,  curatelles ,  &  autres  charges  onéreufés  :  il  n'y 
eut  point  de  vacance  pour  eux ,  ÔC  les  tribunaux  leur 
étoienî  ouverts  en  tout  tems. 

Il  y  avoit  entre  les  affranchis  -,  des  Boulangers 
Chargés  de  l'aire  le  pain  pour  le  palais  de  l'empereur. 
Quelques-uns  de  ceux-ci  afpirerent  à  la  charge  d'in- 
tendans  des  greniers  publics,  comités  horreorum  :  mais 
leur  liaifon  avec  les  autres  Boulangers  les  rendit  liif- 
peâs,  &  il  leur  fut  défendu  de  briguer  ces  places. 

C'étaient  les  mariniers  du  Tibre  &  les  jurés-me- 
fureurs ,  qui  diftribuoient  les  grains  publics  aux  Bou- 
langers ;  &  par  cette  raifon,  ils  ne  pouvoient  entrer 
dans  le  corps  de  la  boulangerie.  Ceux  qui  déchar- 
geoient  les  grains  des  vaiffeaux  dans  les  greniers  pu- 
blics ,  s'appelloientydcc<z«/  ;  &  ceux  qui  les  portoient 
des  greniers  publics  dans  les  boulangeries ,  catabo- 
lenfes.  Il  y  avoit  d'autres  porteurs  occupés  à  distri- 
buer fur  les  places  publiques  le  pain  de  largeffe.  Ils 
étoient  tirés  du  nombre  des  affranchis  ;  &  l'on  pre- 
noit  auffi  des  précautions  pour  les  avoir  fidèles,  ou 
en  état  de  répondre  de  leurs  fautes. 

Tous  ces  ufages  des  Romains  ne  tardèrent  pas  à 
palier  dans  les  Gaules  :  mais  ils  parvinrent  plùtard 
dans  les  pays  feptentrionaux.  Un  auteur  célèbre  , 
c'èft  Borrichius,  dit  qu'en  Suéde  &  en  Norvège ,  les 
femmes  pétriffoient  encore  le  pain ,  vers  le  milieu  du 
xvi.  fiecle.  La  Fiance  eut  des  la  naiffance  de  la  mo- 
narchie des  Boulangers ,  des  moulins  à  bras  ou  à  eau , 
&  des  marchands  de  farine  appelles  ainfi  que  chez 
les  R-omains  ,  Pejlors  ,  puis  Parutiers  ,  Talmeliers  ,  & 
Boulangers.  Le  nom  de  Talmeliers  eft.  corrompu  de 
Tamifîérs.  Les  Boulangers  furent  nommés  ancienne- 
ment Tamifiers ,  pa;  ce  que  les  moulins  n'ayant  point 
de  bluteaux  ,  les  marchands  de  farine  la  tamiloient 
chez  eux  &  chez  les  particuliers.  Celui  de  Boulan- 
gers vient  de  Boulents ,  qui  eft  plus  ancien  ;  &  Bou- 
lents ,  de  polenta  ou  pollis ,  fleur  de  farine.  Au  relie  , 
la  profeffion  des  Boulangers  eft  libre  parmi  nous  :  elle 
eft  feulement  affujettie  à  des  lois ,  qu'il  était  tres-jufte 
d'établir  dans  un  commerce  auffi  important  que  celui 
du  pain. 

Quoique  ces  lois  foient  en  grand  nombre ,  elles 
peuvent  le  réduire  à  fept  chefs. 

i°  La  diftinftion  des  Boulangers  en  quatre  claffes; 
de  Boulangers  des  villes ,  de  Boulangers  des  faubourgs 
&  banlieue  ,  des  Privilégiés ,  ck  des  Forains. 

2°  La  difeipline  qui  doit  être  obfervée  dans  cha- 
cune de  ces  claffes. 

3°  La  jurifdiâion  du  grand  pannetier  de  France  fur 
les  Boulangers  de  Paris. 

4°  L'achat  des  blés  ou  farines ,  dont  ces  marchands 
ont  befoin. 

5°  La  façon  ,  la  qualité  ,  le  poids ,  &  le  prix  du 
pain. 

6°  L'établiffement  &  la  difeipline  des  marchés  où 
le  pain  doit  être  expoié  en  vente. 

7°  L'incompatibilité  de  certaines  profeffions  avec 
celle  de  Boulanger. 

Des  Boulangers  de  Paris.  Les  fours  banaux  fubfif- 
toient  encore  avant  le  règne  de  Philippe  Augufte.  Les 
Boulangers  de  la  ville  fourniffoient  feuls  la  ville  :  mais 
l'accroiffement  de  la  ville  apporta  quelque  change- 
ment ,  &  bien-tôt  il  y  eut  Boulangers  de  ville  &C  Bou- 
langers de  faubourgs.  Ce  corps  reçut  les  premiers  re- 
glemens  fous  S.  Louis  :  ils  font  très-fages ,  mais  trop 
étendus  pour  avoir  place  ici.  Le  nom  de  gindre,  dont 
l'origine  eft  afiez  difficile  à  trouver ,  &  qui  eft  encore 
d'ufage ,  eft  employé  pour  défigner  le  premier  gar- 
çon ou  Boulanger.  Philippe  le  Bel  fit  auffi  travailler 
à  la  police  des  Boulangers ,  qui  prétendoient  n'avoir 
d'autre  juge  que  le  grand  pannetier.  Ces  prétentions 
durèrent  prelque  juf qu'en  1 3  50,  fous  Philippe  de  Va- 
lois ,  que  parut  un  règlement  général  de  police ,  on 


BOU 

celle  des  Boulangers  ne  fut  pas  oubliée ,  &  par  lequel 
i°  l'élecHon  des  jurés  fut  transférée  du  grand  panne- 
tier au  prévôt  de  Paris  :  20  le  prévôt  des  marchands 
fut  appelle  aux  élections  :  30  les  Boulangers  qui  fe- 
roient  du  pain  qui  ne  feroit  pas  de  poids ,  payeraient 
foixante  fous  d'amende ,  outre  la  confifeation  du  pain. 
Le  fou  était  alors  de  onze  fous  de  notre  monnoie  cou- 
rante. Henri  III.  fentit  auffi  l'importance  de  ce  com- 
merce ,  &  remit  en  vigueur  les  ordonnances  que  la 
fageffe  du  chancelier  de  l'Hôpital  avoit  méditées. 

Il  n'eft  fait  aucune  mention  d'apprentiffage  ni  de 
chef-d'œuvre  dans  les  anciens  ftatuts  des  Boulangers. 
Il  fuffiioit ,  pour  être  de  cette  profeffion  ,  de  demeu- 
rer dans  l'enceinte  de  la  ville ,  d'acheter  le  métier  du 
Roi;  &  au  bout  de  quatre  ans,  de  porter  au  maître 
Boulanger  ou  au  lieutenant  du  grand  pannetier  un  pot 
de  terre  ,  neuf,  &  rempli  de  noix  6c  de  nieulle ,  fruit 
aujourd'hui  inconnu  ;  caffer  ce  pot  contre  le  mur  en 
prélence  de  cet  officier  ,  des  autres  maîtres ,  &  des 
gindres,  &  boire  enfemble.  On  conçoit  de  quelle  con- 
fêquence  devoit  être  la  négligence  fur  un  pareil  ob- 
jet :  les  Boulangers  la  fentirent  eux-mêmes ,  &  fon- 
gerent  à  fe  donner  des  ftatuts  en  1637.  Le  roi  approu- 
va ces  ftatuts ,  &  ils  font  la  bafe  de  la  difeipline  de 
cette  communauté. 

Par  ces  ftatuts ,  les  Boulangers  font  fournis  à  la  ju- 
rifdiftion  du  grand  pannetier. Il  leur  eft  enjoint  d'élire 
des  jhrés  le  premier  dimanche  après  la  fête  des  Rois  ; 
de  ne  recevoir  aucun  maître  fans  trois  ans  d'appren- 
tiffage ;  de  ne  faire  qu'un  apprenti  à  la  fois  ;  d'exiger 
chef-d'œuvre ,  &c. 

Du  grand  Pannetier.  Les  anciens  états  de  lamaifon 
de  nos  rois ,  font  mention  de  deux  grands  officiers  , 
le  dapifer  ou  fénéchal ,  &  le  bouteiller  ou  échanfon.  Le 
dapifer  ou  fénéchal  ne  prit  le  nom  de  pannetier,  que 
fous  Philippe  Augufte.  Voyt{  l'article  Grand-Pan- 
netier.  Depuis  Henri  II.  cette  dignité  était  toujours 
reftée  dans  la  maifon  de  Coffé  de  Briffac.  Ses  préro- 
gatives étoient  importantes.  Le  grand  pannetier,  ou 
fa  jurifdiâion,  croifoit  continuellement  celle  du  pré- 
vôt de  Paris,  ce  qui  occafionnoit  beaucoup  de  con- 
teftations ,  qui  durèrent  jufqu'en  1 674,  que  le  roi  réu- 
nit toutes  les  petites  juftices  particulières  à  celle  du 
châtelet. 

Des  Boulangers  de  faubourgs.  Les  ouvriers  des  fau- 
bourgs étoient  partagés,  par  rapport  à  la  police  ,  en 
trois  claffes  :  les  uns  étoient  fournis  à  la  jurande  & 
faifoient  corps  avec  ceux  de  la  ville  :  d'autres  avoient 
leur  jurande  &  communauté  particulières  ;  &  il  était 
libre  d'exercer  toute  forte  d'art  &  maîtrife  dans  le 
faubourg  S.  Antoine.  En  faveur  de  l'importance  de 
la  Boulangerie ,  on  permit  à  Paris  &  dans  toutes  les 
villes  du  royaume  ,  de  s'établir  Boulanger  dans  tous 
les  faubourgs ,  fans  maîtrife.  On  affujettit  les  Boulan- 
gers de  faubourgs  ,  quant  au  pain  qu'ils  vendoient 
dans  leurs  boutiques  ,  à  la  même  police  que  ceux  de 
ville  ;  quant  au  pain  qu'ils  conduif  oient  dans  les  mar- 
chés ,  on  ne  fçut  fi  on  les  confondrait  ou  non ,  avec 
les  forains. 

Cette  diftinûion  des  Boulangers  de  ville ,  de  fau- 
bourgs ,  &  forains ,  a  occaiionné  bien  des  contefta- 
tions;  cependant  on  n'a  pas  olè  les  réunir  en  com- 
munauté ,  &  l'on  a  laifîè  fubfifter  les  maîtrifes  particu- 
lières ,  de  peur  de  gêner  des  ouvriers  auffi  effentiels. 

Des  Boulangers  privilégiés  ;  ils  font  au  nombre  de 
douze  ,  &  tous  demeurent  à  Paris  ;  il  ne  faut  pas  les 
confondre  avec  ceux  qui  ne  tiennent  leur  privilège 
que  des  lieux  qu'ils  habitent.  Les  premiers  ont  brevet 
èc  font  Boulangers  de  Paris  ;  les  autres  font  traités 
comme  forains. 

Des  Boulangers  forains,  ou  de  ceux  qui  apportent 
du  pain  à  Paris,  de  Saint-Denys ,  Gonefîe,  Corbeil, 
Villejuif ,  &  autres  endroits  circonvoiiîns.  Ces  pour- 
voyeurs font  d'une  grande  reffource;  car  deux  cents- 

cinquantç 


B  O  U 

cinquante  Boulangers  que  Paris  a  dans  fon  enceinte  , 
&  fix  cents-foixante  dans  fcs  faubourgs ,  ne  lui  iiiffi- 
roient  pas.  Elle  a  befoin  de  neuf  cents  forains,  qui 
arrivent  dans  les  marchés  deux  fois  la  femaine.  Ils  ne 
venoient  autrefois  que  le  famedi.  Il  leur  fut  permis , 
en  1 366 ,  de  fournir  dans  tous  les  jours  de  marché.  Ils 
obtinrent  ou  prirent  fur  eux ,  au  lieu  d'arriver  dans 
les  marchés ,  de  porter  chez  les  bourgeois  :  mais  on 
fentit  &  l'on  prévint  en  partie  cet  inconvénient. 

De  Fackat  des  blés  &  des  farines  par  les  Boulangers. 
Deux  fortes  de  perfonnes  achètent  des  blés  &  des  fa- 
rines ;  les  Boulangers  &  les  bourgeois  &  habitans  de 
la  campagne  :  mais  on  donne  la  préférence  aux  der- 
niers, &  les  Boulangers  n'achètent  que  quand  les  bour- 
geois font  cenfés  pourvus.  Ils  ne  peuvent  non  plus 
enlever  qu'une  certaine  quantité  ;  6c  pour  leur  ôter 
tout  prétexte  de  renchérir  le  pain  fans  caufe ,  on  a 
établi  des  poids  pour  y  peler  le  blé  que  reçoit  un  meu- 
nier, &  la  farine  qu'il  rend.  Voye^  BLÉ  &  FariNF. 
Il  n'arrivoit  jadis  fur  les  marchés  que  des  blés  ou  des 
farines  non  blutées  :  la  facilité  du  tranfport  a  fait  per- 
mettre l'importation  des  farines  blutées. 

De  la  façon  &  de  la  vente  du  pain.  Voye^  à  /' article 
Pain  ,  la  manière  de  le  faire  &  de  le  vendre ,  avec  les 
différentes  efpeccs. 

Du  poids  &  du  prix  du  pain.  Voy.  encore  l'art.  Pain. 

Du  débit  &  des  places  où  il  ft  fait.  Tout  Boulanger 
qui  prend  place  fur  un  marché ,  contracte  l'obligation 
de  fournir  une  certaine  quantité  de  pain  chaque  jour 
de  marché ,  ou  de  payer  une  amende.  Il  faut  qu'il  s'y 
trouve  lui  ou  fa  femme ,  &  que  tout  ce  qu'il  apporte 
foit  vendu  dans  le  jour.  Il  leur  eft  enjoint  de  vendre 
jufqu'à  midi  le  prix  fixé ,  parle  cette  heure  il  ne  peut 
augmenter ,  mais  il  eft  obligé  de  rabaiffer  pour  faci- 
liter fon  débit. 

Il  lui  eft  défendu  de  vendre  en  gros  à  des  Boulant 
gers.  Les  marchés  au  pain  fe  font  augmentés ,  à  me- 
liire  que  la  ville  a  pris  des  accroiffemens  :  il  y  en  a 
maintenant  quinze  ;  les  grandes  halles  ;  les  halles  de 
la  Tonneleric  ;  la  place  Maubert;  le  cimetière  faint 
Jean  ;  le  marché  neuf  de  la  cité  ;  la  rue  faint  Antoine 
vis-à-vis  les  grands  Jéfuites  ;  le  quai  des  Auguftins  ; 
le  petit  marché  du  faubourg  S.  Germain  ;  les  Quinze- 
vingts  ;  la  place  du  Palais  royal  ;  le  devant  de  l'hôtel- 
lerie des  bâtons  royaux  ,  nie  S.  Honoré  ;  le  marché 
du  Marais  du  Temple  ;  le  devant  du  Temple  ;  la  porte 
S.  Michel.  Il  fe  trouve,  le  mercredi  &  le  famedi  de 
chaque  lemaine ,  dans  ces  endroits ,  quinze  cents  tren- 
te-quatre Boulangers ,  dont  cinq  à  fix  cents  ou  forains 
ou  des  faubourgs. 

Profeffion  incompatible  avec  la  Boulangerie.  On  ne 
peut  être  Boulanger ,  meunier,  &  marchand  de  grain 
parmi  nous ,  ainfi  que  chez  les  Romains,  on  ne  pou- 
voit  être  pilote ,  marinier,  ou  mefureur.  U  n'eft  pas 
néceffaire  d'en  apporter  la  raifon. 

On  trouvera  aux  articles  Meunier,  Pain,  Fa- 
rine ,  Levain  ,  Blé  ,  Four  ,  Grain  ,  &c.  le  refte 
de  ce  qui  concerne  la  profeflîon  de  Boulanger. 

S'ils  vendent  à  faux  poids,  ils  font  punis  corporcl- 
lement.  Comme  le  pain  eft  la  nourriture  la  plus  com- 
mune &  la  plus  néceffaire  ,  le  marché  au  pain  tient  à 
Paris  le  mercredi  &  le  famedi ,  quelques  jours  qu'ils 
arrivent ,  excepté  feulement  l'Epiphanie  ,  Noël ,  la 
Touffaint,  &  les  fêtes  de  Vierge  ;  dans  ces  cas  le  dé- 
bit fe  fait  le  mardi  &  le  vendredi.  Quant  au  commer- 
ce des  boutiques  ,  il  n'eft  jamais  interrompu  ;  les  Bou- 
langers font  feulement  obligés  les  dimanches  &  têtes , 
de  tenir  les  ais  de  leurs  boutiques  fermés. 

BOULANGER,  v.  neut.  qui  n'eft  guère  François 
que  chez  les  Boulangers,  011  il  lignifie  pétrir  la  farine 
6c  en  faire  du  pain.  Voy -<rj  Pétrir. 

BOULANGERIE ,  f.  f.  (en  Architecture.)  eft  un  bâ- 
timent dans  un  palais ,  mailon  de  campagne ,  ou  dans 
Tome  IL 


B  O  U 


561 


une  communauté ,  deltiné  à  faire  le  pain ,  &  compolë 
de  plufieurs  pièces ,  comme  fournil ,  lieu  où  font  les 
fours ,  panneterie ,  pétrin ,  farinier  6c  autres.  (P  ) 

Boulangerie  ,  {en  Marine.)  ce  terme  fe  dit  dans 
un  arfenal  de  marine,  du  lieu  où  l'on  fait  le  bifeuit. 
Voye{  dans  la  Planche  VII.  féconde  partie  de  l'arfe- 
nal ,  l'emplacement  &  la  diftribution  des  bâtimens 
pour  la  Boulangerie.  (Z  ) 

BOULE ,  f.  f.  On  donne  ce  nom  en  général  à  tout 
corps  rond,  de  quelque  matière  qu'il  foit ,  &  à  quel- 
qu'ufage  qu'on  le  deftine.  Il  elt  fynonyme  à  globe  ; 
mais  globe  6cfphere  ont  d'autres  acceptions. 

*  Boule  de  Mars  ,  remède  efficace  pour  les 
plaies. 

Prenez  de  la  limaille  d'acier  préparée,  c'eft-à-dire 
réduite  en  poudre  très-déliée  &  bien  purgée,  une 
partie;  de  tartre  blanc  pulvérifé  ,  deux  parties  :  mê-> 
lez  dans  une  cucurbite  :  arrofez  d'eau-de-vie,  de 
manière  que  le  mélange  en  foit  couvert  à  la  hauteur 
d'un  doigt  :  digérez  foit  au  bain-marie ,  foit  à  la  cha- 
leur du  foleil  :  verfez  derechef  fur  la  maffe  léchée  & 
pulvérifée,  de  l'eau-de-vie  :  mettez  encore  en  digef- 
tion  :  répétez  jufqu'à  ce  que  la  maffe  defféchée  vous 
paroiffe  comme  rélineufe.  Faites  de  cette  maffe  des 
boules  de  la  groffeur  d'un  œuf. 

Pour  s'en  lervir,  on  prend  la  boule,  on  la  met  dans 
l'eau-de-vie  chaude  ;  on  l'y  laiffe  fondre  un  peu  ;  elle 
lui  donne  une  couleur  brune  ;  alors  on  y  trempe  des 
linges  qu'on  applique  fur  la  partie  offenfée. 

Les  boules  de  Mars  qui  viennent  de  Nancy  en  Lor- 
raine ,  paffent  pour  les  meilleures. 

Boule  de  chamois,  œgagropila.  C  'eft  une 
petite  boule  qu'on  trouve  dans  Peftomac  des  dains  & 
des  boucs  en  Allemagne;  quelques-uns  ont  prétendu 
qu'elle  étoit  formée  par  le  doronic  que  ces  animaux 
paillent  :  mais  on  fait  qu'elle  eft  compofée  de  poils 
qu'ils  avalent ,  à  peu  près  comme  les  bœufs ,  les  co- 
chons ,  &  les  fangliers  ,  où  l'on  trouve  de  pareilles 
balles  ou  boules.  Cela  étant,  ces  boules  n'ont  pas  d'au- 
tres vertus  que  celles  des  autres  animaux  ci-deffus 
dénommés  ;  c'eft  à  tort  qu'on  les  a  cru  bonnes  con- 
tre le  vertige,  ou  douées  des  vertus  des  plantes  que 
ces  animaux  avoient  mangées.  (A7) 

BOULE  D'AMORTISSEMENT,  en  Architecture ,  eft 
un  corps  fphérique  qui  termine  quelque  décoration, 
comme  il  s'en  met  à  la  pointe  d'un  clocher  ,  d'une 
pyramide  ,  fur  la  lanterne  d'un  dôme ,  auquel  elle  eft 
proportionnée.  LabouledeS.  Pierre  de  Rome,  qui  eft 
de  bronze ,  avec  une  armature  de  fer  en-dedans  faite 
avec  beaucoup  d'artifice ,  &  qui  eft  à  67  toiles  de  hau- 
teur, a  plus  de  huit  pies  de  diamètre.  Il  fe  met  aufîî 
des  boules  au  bas  des  rampes ,  &  fur  les  pié-d'eftaux 
dans  les  jardins.  (P) 

Boule,  qu'on  appelle  aufîî  enclume  ronde ,  c'eft, 
en  terme  de  Chaudronnier ,  l'inftrument  fur  lequel  on 
fait  la  quarre  des  chaudrons  ,  poêlions  ,  marmites  , 
&  autres  ouvrages  de  chaudronnerie  qui  ont  des  cn- 
fonçures. 

Cette  enclume  eft  d'acier  ou  de  fer  acéré  :  fa  hau- 
teur eft  d'environ  trois  pies,  y  compris  un  billot  de 
bois  qui  lui  fert  de  baie  :  la  groffeur  elt  inégale,  ayant 
trois  à  quatre  pouces  de  diamètre  par  en-haut,  6c  H- 
niffant  en  pointe  par  en-bas  ,  pour  qu'il  puiffe  entrer 
dans  le  billot. 

L'extrémité  fupérieure  ,  qui  eft  proprement  ce 
qu'on  appelle  la  boule ,  eft  de  figure  fphérique.  C'eft 
fur  cet  endroit  qu'on  tourne  l'ouvrage  lorfqu'on  en 
fait  la  quarre,  c'eft-à-dire,  lorfqu'on  en  arrondit  le 
fond  avec  le  maillet  de  bonis.  Voyei  Quarre  ,  &  la 
fig.  IJ.  PL  I.  du  Chaudronnier. 

Boule  ,  en  terme  de  Fourbi (feur ,  eft  un  morceau  de 
bois  rond,  percé  à  demi  fur  la  fin  face,  de  plufieurs 
trous  pour  recevoir  le  pommeau,  &  pour  les  enfbrv 

Z  1 


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B  O  U 


cer  plus  aifement  dans  la  foie,  Voyt{  S  OIE;  voye{ 
PL  I.duFourbifieur,fig.iy. 

BOULES  ,  {en  terme  de  Graveur  en  pierres  fines  )  fe  dit 
de  la  tête  des  bouterolles ,  de  quelque  figure  qu'elle 
foit ,  excepté  plate ,  en  ce  dernier  cas  on  l'appelle 
fcie.  C'eft  la  tète  de  la  bouterolle  qui  ufe  la  pierre  au 
moyen  de  la  poudre  de  diamant  dont  elle  eft  enduite. 
Il  y  en  a  de  toutes  grandeurs  &  formes  différentes  , 
félon  les  parties  de  Fouvrage  que  l'on  veut  travailler. 
Voye^  lesfig.  3,4,6,6  ,  PL  III.  de  la  Gravure. 

BOULE  ou  SPHERE,  inftrument  de  Miroitier- Lune- 
tier. C'eft  un  morceau  de  cuivre ,  de  fer ,  ou  de  métal 
compoié  ,  coupé  en  demi-fphere  ,fig.  3-  PL  du  Lu- 
netier ,  E  F,  monté  avec  du  maftic  fur  un  manche  de 
bois ,  avec  lequel  ces  ouvriers  font  les  verres  con- 
caves qui  fervent  aux  lunettes  de  longue  vue  ,  aux 
lorgnettes ,  aux  microfeopes ,  &c. 

Il  y  a  des  boules  de  diverfes  grolleurs ,  fuivant  le 
rayon  du  foyer  qu'on  veut  donner  aux  verres.  L'on 
fe  fert  de  ces  boules  pour  le  verre  concave  ,  en  les 
appuyant  &  tournant  fur  le  verre ,  qui  eft  couché  à 
plat  lur  rétabli ,  au  lieu  qu'on  travaille  le  verre  con- 
vexe fur  le  baffin.  A  cette  différence  près ,  les  mêmes 
matières  fervent  au  dégroffi ,  à  l'adouciffement ,  & 
au  poli  de  l'un  &  de  l'autre  ouvrage.  On  monte  aufîi 
des  boules  fur  le  tour ,  ainfi  qu'on  fait  des  baffins.  V. 
Bassin. 

Boules  de  licol,  {Marèehall.)  font  des  corps 
de  bois  ronds ,  d'environ  quatre  pouces  de  diamè- 
tre ,  &  percés  d'un  trou  tout  au  travers.  On  paffe  les 
Jonges  du  licol  dans  deux  boules  ,  une  pour  chaque 
longe.  Ces  boules,  qui  pendent  au  bout  des  longes, 
les  entraînent  toujours  en-bas,  au  lieu  que  quand  les 
longes  font  arrêtées  aux  anneaux  de  la  mangeoire , 
elles  plient  au  lieu  de  defeendre ,  ce  qui  eft  caufe  que 
lorfque  le  cheval  veut  fe  grater  la  tête  avec  le  pié  de 
derrière  ,  il  court  rifque  d'engager  fon  pié  dans  le  pli 
de  la  longe,  &  de  s'enchevêtrer.  Voye[  Enchevê- 
trer. {V) 

Boule  À  SERTIR,  en  terme  de  Metteur  en  œuvre,  eft 
une  boule  de  cuivre  tournant  dans  un  cercle  de  mê- 
me matière ,  concave  à  fon  intérieur,  &  compoié  de 
deux  pièces  qui  s'affemblent  l'une  fur  l'autre  ,  avec 
des  vis  qui  paffent  des  trous  qui  fe  répondent  de  l'une 
à  l'autre.  La  partie  de  deffous  fe  termine  en  une  queue 
tarrodée  en  forme  de  vis,  qui  entre  dans  l'établi  :  la 
boule  eft  percée  à  fon  centre  d'un  trou  qui  reçoit  la 
poignée  fur  laquelle  eft  montée  la  pierre  qu'on  veut 
fertir;  cette  boule ,  par  fa  mobilité ,  préfente  l'ouvrage 
dans  toutes  les  faces  qu'on  veut  travailler.  Voye^  PL 
du  Jouai  Hier  &  Metteur  en  œuvre  ,  fig.  16.  IJ. 

BOULES  ,  en  terme  d'Orfèvre  en  grojferie,  eft  un  mor- 
ceau de  fer ,  dont  une  extrémité  entre  dans  un  billot 
d'enclume ,  &  l'autre  fe  termine  en  une  boule  ou  tête 
ronde ,  &  quelquefois  plate  ,  félon  l'ouvrage  qu'on  y 
veut  planer.  Voyt{  Planer,  ^oye^fig.  2.  PL  II. 

Boule  ,  {Serrurerie.}  ce  font  de  petits  globes  de  fer 
qui  fervent  à  orner  &  à  foùtenir. 

Ce  font  des  ornemens  dans  les  balcons ,  où  ils  fer- 
vent à  joindre  les  rouleaux  &  anfes  des  paniers ,  &e. 

Ce  font  des  appuis  dans  les  balcons ,  lorl  qu'ils  font 
fous  les  pilaftres ,  &c. 

Boule,  {au  jeu  de  quilles )  c'eft  un  morceau  de 
bois  parfaitement  rond ,  &  percé  d'un  trou  pour  met- 
tre le  pouce ,  &  d'une  efpece  de  mortaife  pour  les  au- 
tres doigts  de  la  main.  Elle  fert  à  abattre  les  quilles. 
Boule,  {jeu  de}  exercice  fort  connu.  On  le  joue 
à  un ,  deux ,  trois  contre  trois ,  ou  plus  même ,  avec 
chacun  deux  boules  pour  l'ordinaire  :  les  joueurs  fixent 
le  nombre  des  points  à  prendre  dans  la  partie  à  leur 
choix.  C'eft  toujours  ceux  qui  approchent  le  plus 
près  des  buts,  qui  comptent  autant  de  points  qu'Us  y 
ont  de  boules.  Ces  buts  font  placés  aux  deux  bouts 
d'une  efpece  d'allée  très-unie,  rebordee  d'une  petite 


B  O  U 

berge  de  chaque  côté ,  &  terminée  à  chacune  de  fes 
extrémités  par  un  petit  foffé  appelle  noyon.  Voye^ 
Noyon.  Quand  on  joiie,  fi  quelque  joueur  ou  au- 
tre arrête  la  boule,  le  coup  fe  recommence.  Il  n'eft 
pas  permis  de  taper  des  pies  pour  faire  rouler  fa  bou- 
le davantage,  ni  de  la  pouffer  en  aucune  façon,  fous 
peine  de  perdre  la  partie.  Une  boule  qui  eft  entré» 
dans  le  noyon  ,  &  a  encore  affez  de  force  pour  reve- 
nir au  but ,  ne  compte  point  :  un  joueur  qui  joiie  de- 
vant fon  tour ,  recommence  fi  Ton  s'en  apperçoit  ; 
celui  qui  a  paffé  fon  tour ,  perd  fon  coup.  Il  eft  libre 
de  changer  de  rang  dans  la  partie,  à  moins  qu'on  ne 
foit  convenu  autrement.  Qui  change  de  boule  ,  n'eft 
obligé  qu'à  reprendre  la  fienne ,  &  rejouer  fon  coup 
fi  perfonne  n'a  encore  joué  après  lui  :  mais  fi  quel- 
qu'un à  joiie  ,  il  remet  la  boule  à  la  place  de  celle  qu'il 
a  jouée,  fi  l'autre  veut  jouer  avec  fa  boule.  L'adref- 
fe  d'un  joueur  confifte  à  donner  à  la  boule  le  degré  de 
force  néceffaire  pour  arriver  au  but,  pour  cela  il  faut 
qu'il  faffe  attention  à  fa  pefanteur ,  &  qu'il  tourne 
toujours  le  fort  vers  l'endroit  du  jeu  le  plus  raboteux, 
ce  qui  varie  cependant  félon  la  difpofition  du  terrein, 
Se  la  qualité  de  la  boule. 

Boule,  avoir  la  boule;  c'eft  au  jeu  de  ce  nom, 
avoir  droit  de  joiier  le  premier.  Ce  droit  s'acquiert 
endettant  une  quille  vers  la  boule  ;  celui  dont  la  quil- 
le eft  reftée  le  plus  près  de  la  boule,  joiie  le  premier, 
&  eft  dit  avoir  la  boule. 

Boule,  au  jeu  de  mail,  eft  une  pièce  de  bouis,  ou 
d'autre  bois  très -dur  bien  tourné,  que  l'on  chaffe 
avec  la  maffe  ou  mail.  Voye^  Mail.  Ces  boules  doi- 
vent être  d'un  poids  proportionné  à  celui  du  mail , 
c'eft-à-dire,  environ  de  moitié.  Si  le  mail  dont  on  fe 
fert  pefe  dix  onces ,  il  faut  que  la  boule  en  pefe  cinq, 
&  ainfi  des  autres.  Les  meilleures  de  ces  boules  vien- 
nent des  pays  chauds. 

Boules  qui  ne  s'éventent  pas  au  jeu  de  mail ,  font 
des  boules  qui  ne  fautent  point ,  &  qui  ne  fe  détour- 
nent point  de  leur  chemin  naturel. 

BOULEAU,  f.  m.  betula,  {  Hifi.  nat.  bot.)  genre 
de  plante,  dont  les  efpeces  portent  des  chatons  com- 
posés de  plufieurs  petites  feuilles  attachées  à  un  axe 
ou  poinçon  ,  &  garnis  de  lommets  d'étamines.  Cette 
fleur  eft  ftérile  :  l'embryon  eft  écailleux ,  &  devient 
dans  la  fuite  un  fruit  cylindrique ,  dans  lequel  il  y  a 
des  femences  ailées  fous  les  écailles  qui  font  atta- 
chées au  poinçon.  Tournefort ,  Injl.  rei  herb.  Voyeç_ 
Plante.  (T) 

*  Bouleau,  {Jardinage?)  l'arbre  connu  fous 
le  nom  de  bouleau ,  eft  peu  eftimé  ;  on  ne  l'employé 
que  dans  les  taillis  ,  &  fon  bois  blanc  n'eft  propre 
qu'à  faire  des  fabots,  des  balais,  des  paniers,  des 
corbeilles,  du  cerceau.  Son  écorce  eft  blanchâtre  & 
raboteufe  ;  les  anciens  en  faifoient  du  papier.  Sa  feuil- 
le eft  petite ,  dentelée ,  pointue ,  pleine  de  fentes ,  don-; 
nant  peu  d'ombre,  cependant  de  première  verdure  ; 
elle  répand  au  commencement  du  printems  une  odeur 
affez  forte  &  agréable.  Il  porte  des  chatons  à  plu- 
fieurs feuilles  ;  fes  fruits  naiffent  dans  des  endroits 
différens  en  forme  d'épis  ;  ils  deviennent  enfuite  cy- 
lindriques, &  renferment  chacun  une  femence.  Le 
bouleau  vient  facilement  &  partout.  Si  on  fait  une  in- 
ciîion  un  peu  profonde  à  fon  écorce ,  ou  qu'on  y  per- 
ce un  trou ,  en  y  adaptant  un  vafe ,  il  reçoit  une  eau 
ou  lue  affez  abondant  qui  en  découle  ;  on  le  dit  bon 
contre  la  pierre ,  &  très-propre  à  rafraîchir  ;  on  le  dit 
auffi  fort  falutaire  pour  le  vifage  &  contre  les  dar- 
tres ,  boutons  &  taches  de  rouffeur.  Il  eft  affez  agréa- 
ble au  goût  :  mais  il  faut,  pour  en  tirer  ce  fuc ,  choi- 
fir  le  printems  lorfque  la  fève  commence  à  monter. 

BOULER OT  NOIR,  gobio  niger,  {Hifi.  nat.  Ick- 
thyologie.  )  poifion  de  mer  de  la  grandeur  du  doigt  ; 
fon  corps  eft  rond  &  noir  principalement  fur  le  de- 
vant ;  il  n'a  qu'une  nageoire  au-deffous  des  oiiies , 


B  O  U 


B  O  U 


363 


qui  reffemblc  en  quelque  forte  à  une  barbe  noîre  ; 
c'eft  pourquoi  Rondelet  préfume  que  ce  poifTon  cft 
celui  à  qui  Athénée  a  donné  le  nom  de  bouc.  Le  bou- 
lerot  noir  vit  fur  les  rivages.  Rondelet.  Voye^  Gou- 
jon, Poisson.  (/) 

BOULET ,  en  terme  de  guerre,  eft  une  grofTe  balle 
de  fer  dont  on  charge  le  canon. 

Il  y  a  des  boulets  de  tous  les  calibres  ;  ils  fe  met- 
tent dans  le  canon  fur  la  poudre  ,  ou  du  moins  fur  le 
fourage ,  ou  le  tampon  dont  on  couvre  la  poudre. 

Ce  que  l'on  cherche  dans  les  boulets,  eft  qu'ils 
foient  bien  ronds ,  bien  ébarbés ,  &  fans  ioufflures. 

Bien  ronds  &  bien  ébarbés ,  afin  qu'ils  raflent  leur 
chemin  droit  dans  la  pièce ,  fans  l'érafler^  ni  l'écor- 
cher. 

Sans  foufflures ,  afin  qu'ils  ne  pirouettent  point  en 
l'air ,  &  que  le  vent  ne  s'y  engouffre  point. 

Enfin  qu'ils  foient  du  poids  dont  ils  doivent  être  , 
ces  fortes  de  cavités  étant  quelquefois  caufe  que  les 
boulets  pefent  moins  que  leur  calibre  ne  porte  ;  à  quoi 
il  faut  prendre  garde  ;  car  le  roi  feroit  léié  de  payer 
un  boulet  fur  le  pié  de  24  livres ,  qui  n'en  peferoit  que 

*3-  (<2). 

Il  feroit  à  defirer  qu'ils  ne  fuffent  pas  de  fer  aigre, 
car  en  les  remuant  ils  fe  caffent  facilement. 

Voici  la  différence  qu'il  y  a  entre  le  calibre  des  pie- 
ces  &  celui  que  doivent  avoir  les  boulets  deftinés 
pour  y  fervir  :  cette  différence  vient  du  vent  qu'il 
faut  donner  pour  que  les  boulets  puiffent  avoir  plus 
de  jeu  dans  la  pièce. 

Table  du  calibre  des  Pièces,  &  du  diamètre  des  Boulets. 
Calibre  des  Pièces. 


Onces. 

Pouces. 

Lign 

I. 

O. 

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2. 

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I. 

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9- 

14. 

10. 

Livres. 

Pouces. 

Lignes 

I. 

I. 

I  I. 

2. 

2. 

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3- 

2. 

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3- 

6. 

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8. 

8. 

3- 

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9- 

4- 

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2. 

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4- 

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4- 

5- 

13- 

4- 

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M- 

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16. 

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18. 

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1. 

J9-, 

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2. 

Tome  II, 


Diamètre  &  poids 
des  Boulets. 

Onces.  Pouces. 

Zign 

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I 

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Livres. 

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Lignes. 

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60. 

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4- 

4 

64. 

7- 

10. 

64. 

7- 

6. 

3 

4 

On  dira  ici  en  partant,  qu'il  eft  rare  de  rencontrer 
toujours  bien  jufte  les  proportions  dont  on  vient  de 
parler,  parce  que  quclqueiois  la  pièce  le  trouvera 
trop  évalée  ,  ou  le  boulet  ne  fera  pas  rond ,  ou  l'inf- 
trument  dont  on  fe  fervira  ne  fera  pas  fait  dans  toute 
la  régularité  qui  cft  à  defirer,  ou  l'officier  n*aura  pas 
l'intelligence  néceffaire  pour  prendre  lés  mefures  :  & 
cela  fait  que  fouvent  deux  officiers  calibreront  diffé- 
remment une  même  pièce,  mais  la  différence  ne  doit 
pas  être  coniidérable. 

L'on  trouvera  ,  en  faifant  quelques  inventaires  , 
des  boulets  creux ,  des  boulet'  u  l'ange  ou  u  chaîne ,  des 
boulets  a  deux  têtes ,  des  mej/ugers ,  6c  d'autres  boulets 
qui  portent  des  noms  extraordinaires.  Comme  toutes 
ces  lortes  de  boulets  ne  font  pas  préfentement  d'ufa- 
ge,  j'en  dirai  peu  de  choie  ;  il  iuffit  feulement  de  la- 
voir, que  ce  qu'on  appelle  boulets  creux  lont  ce;  lai- 
nes boucs  de  ter  longues,  dont  le  diamètre  efl  u  c 
libre  d'une  pièce  telle  que  l'on  veut,  6c  longues  de 
deux  calibres  &  demi  ou  environ.  Ces  boi.L 
véritablement  creules,  &  renferment  ce  [^artifice  6c 
des  balles  de  plomb,  des  clous,  &  delà  mitra 
fer:  l'on  failoit  entrer  dans  ces  boites,  par  le  bout  qui 
touchoit  à  la  poudre  dans  l'ame  de  la  pièce,  une  huec 
de  cuivre  entrant  à  vis  dans  un  écrou ,  chargée  com- 
me celle  des  bombes,  qui  s'allumoit  par  le  tende 
la  pièce,  &  qui  le  portant  enfuite  à  l'artifice  de  ces 
boîtes  ou  boulets  creux,  les  obligeoit  à  crever  dans 
l'endroit  où  ils  tomboient;  ces  boulets  dévoient  faire 
un  grand  fracas,  &  même  l'effet  d'une  foùgaflè  ou 

Z  z  ij 


364 


B  O  U 


B  O  U 


efpece  de  mine  aux  endroits  où  ils  feraient  entrés. 
On  obfervoit  de  ne  mettre  ilir  ce  boulet  que  la  moi- 
tié du  foui  rage  ordinaire. 

Un  boulet  creux  du  calibre  de  vingt-quatre ,  pefoit 

en  fer 60  liv. 

Et  chargé  de  plomb 79  liv. 

Il  contenoit  6  livres  de  poudre. 
Sa  fulée  avoit  de  longueur  6  pouces;  fon  diamè- 
tre par  la  tête  15  lignes,  réduit  par  le  bas  à  10  lignes; 
la  lumière  4  lignes  de  diamètre.  On  irottoit  la  tête 
du  boulet  de  térébenthine  pour  y  taire  tenir  le  poul- 
verin ,  afin  que  le  feu  le  communiquât  plus  prompte- 
ment  à  la  fulée. 

Mais  toutes  les  fois  que  l'on  en  a  fait  l'épreuve , 
ou  ces  boulets  ont  crevé  en  l'air ,  ou  ils  ne  lont  allés 
frapper  la  butte  ou  le  bianc  que  par  leur  largeur  &C 
de  travers,  &  non  par  leur  pointe;  ou  les  fufées 
n'ont  point  pris,  ou  elles  fe  font  éteintes  ,  &  leur 
effet  par  conséquent  eft  devenu  entièrement  inutile. 
Ce  que  l'on  appelle  boulets  mcjjage& ,  tont  des  bou- 
lets creux  dont  on  fe  fei  voit  autrefois  pour  porter  des 
nouvelles  dans  une  place  de  guerre,  &  l'on  ne  met- 
toit  qu'une  foible  charge  de  poudre  pour  les  faire 
tomber  où  l'on  vouloit  ;  &  ces  fortes  de  boulets  étoient 
pour  l'ordinaire  couverts  de  plomb,  &  la  plupart 
étoient  de  plomb  lans  mélange  de  ter. 

Les  boulets  à  fange ,  a  chaîne ,  &  autres ,  étoient 
pour  faire  plus  d'exécution,  ou  dans  une  ville  ou 
dans  un  camp. 

Mais  quelques  inventions  que  l'on  ait  imaginées 
jufqu'à  prélent,  il  en  faut  toujours  revenir  à  l'ancien 
ufage ,  qui  eft  le  plus  fur  &  le  moins  embarraffant. 

Un  ancien  officier  d'artillerie  a  propoié  pour  la 
jner  un  boulet:  ce  boulet  a  deux  têtes  6c  eft  garni  au 
milieu ,  de  la  même  compolition  dont  l'on  charge  les 
carcaffes;  on  l'enveloppe  d'une  toile  ou  drap  loutre 
qui  prend  feu  par  celui  du  canon ,  &  qui  le  porte 
dans  les  voiles  des  vaiffeaux. 

Ce  Boulet  eft  percé  à  l'une  des  têtes  pour  y  mettre 
la  fulée  qui  a  communication  à  la  charge  du  canon , 
&  le  boulet  avec  fon  enveloppe  tient  lieu  de  fourra- 
ge, afin  que  la  charge  du  canon  le  communique  à  la 
fufée  du  boulet.  S.  Remy ,  mem.  a" Artillerie. 

Boulets  barrés,  ce  font  deux  boulets,  ou  plu- 
tôt deux  moitiés  de  boulets  jointes  enlemble  avec  une 
barre  de  fer,  qui  fervent  à  couper  les  mâts,  les  voi- 
les ,  &c.  chargés  à  mitraille.  Voyeç_  Mitraille. 

Boulet  coupé  ou  séparé,  eft  une  efpece  de  £o«- 
let  de  canon  dont  on  felert  quelquefois  fur  mer  :  pour 
en  donner  une  idée ,  il  faut  s'imaginer  un  boulet  de  fer 
ou  de  plomb  coupé  en  deux  &  creulé  en  dedans,  & 
deux  barres  de  fer  qui  forment  les  diamètres  de  cha- 
que demi  boulet,  &  qui  ont  un  trou  au  milieu  où  paf- 
fe  &  s'attache  une  chaîne  de  fer  longue  de  deux  pies. 
Cette  chaîne  pouvant  fe  racourcir,  &  entrer  dans  le 
creux  des  demi  boulets ,  on  les  coule  ailément  dans  le 
canon  comme  un  fimple  boulet  entier.  Ces  deux  de- 
mi boulets  ,  en  lortant  de  la  bouche  du  canon ,  fe  lé- 
parent  &  s'étendent  de  toute  la  longueur  de  la  chaî- 
ne ,  volent  en  tournovant ,  coupent  les  agrès  des  vaif- 
feaux ennemis ,  &  font  un  effet  confidérable.  Cette 
forte  de  boulet  n'eft  point  connu  en  France. 

Boulet  rouge  ,  eft  un  boulet  qu'on  fait  rancir 
pour  mettre  le  feu  dans  les  mailons  de  la  ville  qu'on 
attaque. 

On  creufe  une  place  en  terre  ,  &  on  y  allume  une 
groife  quantité  de  charbon  de  bois  ou  de  terre. 
On  met  deffus  une  torte  grille  de  fer. 
Quand  ce  feu  eft  dans  toute  fa  force ,  on  met  les 
boulets  fur  la  grille ,  &  ils  y  rougiflént  en  très-peu  de 
tems. 

On  a  des  tenailles  ou  des  cuillieres  de  fer  pour 
les  prendre. 

On  les  porte  dans  la  pièce  qui  n'en  doit  point  être 


éloignée ,  après  que  l'on  a  mis  de  la  terre  glaife ,  s'il 
fe  peut ,  fur  la  poudre  dont  la  pièce  eft  chargée ,  & 
qu'on  l'a  extrêmement  refoulée  avec  le  refouloir. 
On  ne  met  point  de  fourrage  fur  le  boulet.  On  met 
le  feu  promptement  à  la  lumière  de  la  pièce  :  le  coup 
part ,  &  partout  où  paffe  le  boulet,  s'il  rencontre  quel- 
ques matières  combuftibles ,  il  les  allume,  &  il  porte 
l'incendie. 

Lorfque  les  tranchées  font  devant  les  batteries  de 
boulets  rouges ,  on  bourre  la  poudre  avec  du  fourra- 
ge, parce  que  fi  on  y  mettoit  de  la  terre  glaife ,  les 
morceaux  pourraient  aller  bleffer  &  tuer  les  travail- 
leurs. 

Les  boulets  rouges  ne  fe  tirent  qu'avec  des  pièces 
de  huit  &  Oe  quatre;  parce  que  lî  les  pièces  étoient 
d'un  plus  fort  calibre,  les  boulets  ieTOient  trop  diffici- 
les à  lervir.  S.  Remy ,  Mem.  d'Artillerie.  (Ç) 

BOULET  ,  (  Mareehallerie.  )  jointure  qui  eft  à  la 
jambe  du  cheval  au-deffous  du  paturon,  qui  tient 
lieu  d'un  fécond  genou  à  la  jambe  du  devant,  & 
d'un  fécond  jarret  à  chaque  jambe  de  derrière.  Les 
entorles  le  font  au  boulet;  c'eft  au  boule:  que  le  che- 
val fe  coupe  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'il  eft  entamé  par  le 
côté  d'un  de  les  fers.  Boulet  qui  luppure  ;  boulet  gor- 
gé ,  c'eft-à-dire  enflé.  Ii  vient  des  crevaffes  au-deffous 
des  boulets.  Etre Jur  les  boulets,  elt  la  même  chofe 
qu'être  bouleté.  Voyer^  BOULETÉ.    (  V"} 

Bouletan  ,  terme  de  Rivière  dont  on  fe  fert  dans 
le  pays  d'amont  l'eau ,  pour  exprimer  la  pièce  de  bois 
qu  on  appelle  courbe,  t^oye^  COVRBE. 

BouletÉ,  adj.  un  cheval  bouleté  eft  celui  dont 
le  boulet  paraît  avar  cer  trop  en  avant ,  parce  que 
le  paturon  &  le  pié  lont  plies  en  arrière  :  cette  con- 
foi  mation  vient  de  trop  de  fatigue  ,  6c  eft  une  mar- 
que sûre  que  la  jambe  eft  uiée.  (f) 

*  BOULEVARD ,  f.  m.  (Fortification.')  ouvrage  de 
fortification  extérieure  ;  c'eft  ce  que  nous  entendons 
aujourd'hui  par  un  gros  bajlion.  Ce  mot  n'eft  plus 
d'ulage.  Voye7  Bastion. 

BOULEUX  ,  adj.  (  Maréchal.  )  fe  dit  d'un  cheval 
de  taille  médiocre  ,  qui  n'a  ni  nobleffe  ,  ni  grâce  ,  ni 
légèreté  dans  fes  allures  ,  6c  qui  eft  étoffé.  V.  Al- 
lure ,  Etoffé  ,  &c. 

BOULINE ,  f.  f.  (  Marine.  )  c'eft  une  corde  amar- 
rée vers  le  milieu  de  chaque  côté  d'une  voile ,  & 
qui  fert  à  la  porter  de  biais  pour  prendre  le  vent  de 
côté  ,  lorfque  le  vent  arrière  &  le  vent  largue  man- 
quent pour  faire  la  route  qu'on  fe  propoie. 

Ces  boulines  font  des  cordes  fimples  qui  tiennent 
chacune  à  deux  autres  cordes  plus  courtes  ,  qu'on 
nomme  pattes  de  bouline ,  &  celles-ci  tiennent  en- 
core à  de  plus  courtes  qui  font  nommées  anfettes  ou 
cobes,  lefquelles  lont  épilîées  à  la  ralingue  de  la  voile. 

Les  boulines  fervent  piincipalement  à  retirer  la 
voile  ,  ôc  empêcher  que  le  vent ,  loriqu'on  le  prend 
de  côté ,  n'en  enfle  trop  le  fond  ;  ce  qui  retarde  le 
fillage  du  vaiffeau  au  lieu  de  l'avancer  :  elles  empê- 
chent auffi  que  le  vent  n  echape  par  le  côté  qu'elles 
retirent. 

Prelque  toutes  les  voiles  ont  des  boulines ,  à  l'ex- 
ception de  la  civadiere  ou  voile  de  beaupré ,  qui  n'a 
ni  boulines  ni  coiiets ,  les  écoutes  en  failant  l'office. 

Bouline  de  la  grande  voile,  voyer^  PL  I.  n° .  89.  la 
figure  fera  connoitre  la  fituation  de  cette  manœuvre. 

Bouline  de  la  mijene ,  n°.  90. 

Bouime  du  grand  hunier ,  n° .  91. 

Bouline  du  petit  hunier  ,  n°.  93. 

Bot.. 'i  ne  du  g' and  perroquet ,  n°.  92. 

Bouùne  du  perroquet  d'avant ,  n° .  94. 

Bouline  du  perroquet  de  fougue  ,  n° .  88. 

Bouline  de  reven  ,  c'eft  celle  des  deux  boulines  qui 
eft  lous  le  vent ,  &  qui  eft  larguée.  Largue  la  bouline 
de  revers  ,  tejme  de  commandement  pour  lâcher  la 
bouùne  qui  eft  fous  le  vent.  Voye^  REVERS. 


B  O  U 

Haler  fur  les  boulines  ,  c'eft-à-dire ,  tirer  &  bander 
fur  les  boulines ,  afin  que  le  vent  donne  mieux  dans 
la  voile  pour  courir  près  du  vent,  Foye^  Haler. 
Hait  bouline  ,  voye^  HALE. 

Avoir  les  boulines  halées  ,  c'eft  les  avoir  roides  afin 
de  bien  tenir  le  vent. 

Vent  de  bouline ,  c'eft  un  vent  qui  eft  éloigné  du 
lieu  de  la  route  de  cinq  aires  de  vent ,  6c  qui  par  fon 
biaifement  fait  que  le  vaifTeau  penche  fur  le  côté  ; 
ainfi  la  route  étant  nord ,  le  nord-eft ,  quart-d  cft ,  & 
le  nord-oueft  quart-d'oueft  font  les  vents  de  bouline. 
Aller  à  la  bouline ,  c'eit  le  fervir  d'un  vent  qui  fem- 
ble  contraire  à  la  route ,  6c  le  prendre  de  biais  en 
mettant  les  voiles  de  côté;ce  que  l'on  fait  par  le  moyen 
des  boulines.  On  va  aufïï  vite  &  plus  vite  à  la  bouline, 
qu'en  failant  vent  arrière  ;  car  en  boulinant  on  porte 
routes  fes  voiles  ,  ce  qui  ne  fe  fait  pas  de  vent  arriè- 
re. Quelque  fort  que  foit  le  vent ,  on  ne  laiffe  pas  d'al- 
ler à  la  bouline ,  pourvu  qu'on  porte  moins  de  voiles, 
&  qu'il  n'y  ait  pas  un  orage  violent. 

A  la  bouline ,  terme  de  commandement  pour  pren- 
dre le  vent  de  côté. 

Aller  à  grafe  bouline ,  ou  à  bouline  grajfe  ,  c'eft  fe 
fervir  d'un  vent  compris  entre  le  vent  de  bouline  6c  le 
vent  largue,  &  cet  air  de  vent  doit  être  éloigné  de 
la  route  par  un  intervalle  de  fix  à  fept  rumbs  de  vent 
ou  pointes  de  compas.  Ainfi  pour  aller  à  grafft  bou- 
line ,  il  ne  faut  pas  ferrer  le  vent  :  par  exemple ,  fi 
la  route  étoit  nord,  le  nord-eft  quart-d 'eft  feroit  le 
vent  de  bouline ,  &  l'eft  nord-eft  feroit  le  vent  de 
grajfe  bouline. 

Franche  bouline  ,  c'eft  pincer  le  vent ,  &  aller  au 
plus  près.  Voye^  Près  &  Plein. 

Faire  courre  la  bouline  ,  c'eft  un  châtiment  qu'on 
fait  fur  les  vaiffeaux  pour  punir  les  malfaiteurs  ;  & 
pour  cet  effet  l'équipage  eft  rangé  en  deux  haies  de 
l'avant  à  l'arriére  du  vaifteau  ,  chacun  une  gar- 
cette  ou  une  corde  à  la  main  ;  &  le  coupable  étant 
lié ,  &  n'ayant  pour  vêtement  qu'un  caleçon  mince, 
fuit  une  corde  ,  &  paffe  deux  ou  trois  fois  entre  ces 
deux  haies  d'hommes  ,  qui  donnent  chacun  un  coup 
à  chaque  fois  qu'il  paffe.  (2) 

BOULINS,  f.  m.  pl.e/z  Jardinage ,  pièces  de  bois 
pofées  horizontalement  &  lcellées  par  un  bout  dans 
les  murs ,  &  par  l'autre  bout  attachées  avec  des  cor- 
dages à  d'autres  pièces  de  bois  pofées  à  plomb ,  fur 
lefquelles  on  met  des  planches  pour  échafauder  une 
face  de  bâtiment.  Nous  appelions  en  François  trous 
de  boulins ,  les  trous  qui  retient  des  échaffaudages , 
&  Vitruve  les  nomme  columbaria.  (Z3) 

Boulins  (QEconom.  rufl.)  c'eft  ainii  qu'on  appelle 
à  la  campagne  les  logettes  qui  occupent  les  parois 
d'un  colombier,  &  qui  forment  la  demeure  ou  les 
nids  des  pigeons.  Voye^  Colombier. 

BOULINER ,  v.  n.  {Marine.')  c'eft  prendre  le  vent 
de  côté.  Foyei  Aller  À  la  Bouline.  (Z) 

BOULINGRIN  ,  en  Jardinage,  cft  une  efpece  de 
parterre  de  pièces  de  galon  découpées  ,  avec  bordu- 
res en  glacis  &  arbres  verds  à  l'es  encognures  &  au- 
tres endroits  :  on  en  tond  quatre  fois  l'année  le  ga- 
fon ,  pour  le  rendre  plus  velouté.  L'invention  de  ce 
parterre  eft  venu  d'Angleterre  ,  auffi  bien  que  Ion 
nom  qui  a  été  tait  de  boule ,  qui  lignifie  rond,  6c  de 
green  ,  verd pré  ou  gafon.   (/*) 

Il  y  a  des  boulingrins  fimples  ;  il  y  en  a  de  com- 
pofés. 

Les  fimples  font  tout  de  gafon ,  fins  aucun  autre 
ornement. 

Les  compolés  font  coupés  en  compartimens  de  ga- 
fon, mêlés  de  broderie,  avec  des  lentiers,  des  pla- 
tes-bandes ,  des  ifs  6c  arbrifleaux  de  fleurs. 

Les  fables  de  différentes  couleurs  ne  contribuent 
pas  peu  a  les  l'aire  valoir. 

Il  ne  faut  point  trop  renfoncer  les  boulingrins  :  on 


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donne  un  pié  &  demi  de  profondeur  dans  les  petits, 
&  deux  pies  dans  les  plus  grands.  Six  à  fept  pies  de 
long  fuffifent  pour  la  longueur  des  talus;  on  peut 
aller  jufqu'à  huit  à  neuf  pies  pour  les  plus  grands. 

Le  boulingrin  représenté  dans  la  FI.  V.  eft  fitué 
dans  un  bofquet ,  dont  il  forme  une  falle  où  l'on 
entre  par  les  quatre  milieux;  il  eft  accompagné  de 
chaque  côté  d'une  rangée  de  caiffes  &  de  pots  ,  8c 
à  un  des  bouts  d'un  bafîin  entouré  d'une  rangée  de 
tilleuls  taillés  en  boules  :  quatre  bancs  s'enfilent  & 
terminent  les  deux  allées  latérales  vers  la  paliffade  : 
le  fond  du  boulingrin  eft  labié  de  fable  jaune  ou  rou- 
ge ,  Se  comparti  dans  une  pièce  de  gafon  avec  des 
enroulemens  dans  les  angles  :  on  voit  à  fa  tête  un 
fleuron  de  broderie  pour  varier  avec  le  refte  ;  &  qua- 
tre vafes  font  pofés  dans  les  échancrures  du  haut. 

On  trouvera  la  manière  de  tracer  ce  boulingrin  à 
l'article  Tracer.  (K) 

BOULINIER ,  f.  m.  (  Marine.  )  vaiffeau  qui  eft 
bon  boulinier ,  méchant  boidinier  ;  c'eft-à-dire  ,  qu'il 
va  bien  ou  mal  lorfqueles  boulines  font  halées.  (Z) 

BOULOGNE  en  Picardie,  voyeç  ci-deffus  BOLO- 
GNE. 

BOULOIR  ,  infiniment  de  Mégiffier,  c'eft  un  long 
bâton  emmanché  dans  une  elpece  de  maffe  de  bois 
dont  ces  ouvriers  fe  fervent  pour  délayer  la  chaux 
qu'ils  mettent  dans  les  pelins.  Voye^la  jig.  4.  PI.  du 
MégiJJîer. 

BOULOIR  ,  en  terme  d'Orfèvre  en  grojferie ,  c'eft  un 
vafe  de  cuivre  rouge oblont;  ayçc  une  queue,  dans 
lequel  on  déroche  les  pièces.  Voye^  J  l.  Il.fig.  3.  Le 
même  vaiffeau  eft  à  l'ufage  des  Monnoyeurs. 

BOULON  ou  GOUGEON  ,  f.  m.  dans  une  pou- 
lie ,  eft  le  petit  axe  placé  dans  Le  centre  de  la  pou- 
lie ,  qui  unit  la  chape  à  la  poulie  ,  6c  fur  lequel  la 
poulie  tourne.  Voye^  Poulie  (  O  ) 

*  On  donne  en  général  ce  nom  à  tout  morceau  de 
fer  qui  dans  une  machine  ,  quelle  qu'elle  foit ,  tait  la 
même  fonction.  Les  articles  fuivans  en  leront  des 
exemples. 

Boulons  ;  les  Imprimeurs  nomment  amfi  les  deux 
chevilles  de  fer  qui  traverfent  le  iommier  6c  le  cha- 
piteau d'une  preffe  :  ces  chevilles  de  dix-huit  pouces 
de  long  ,  fur  trois  pouces  de  diamètre ,  font  termi- 
nées d'un  bout  par  une  tête  ronde  applatie ,  6c  de 
l'autre  elles  font  percées  en  long  pour  rece\  oir  une 
large  clavette.  L'office  de  ces  jouions  elt  en  les  îer- 
rant  ou  defferrant ,  de  taire  monter  ou  delcendre  le 
fommier. 

Boulon,  terme  de  Plombier  ,  c'eft  un  morceau  de 
cuivre  ou  de  fer  long  &  rond ,  qui  lert  de  noyau  au 
moule  dans  lequel  les  Plombier;,  coulent  les  tuyaux 
de  plomb  fans  loudure.  Foye{  Moulée  Plombiers, 
&  lafig.  P.  PI.  11.  du  Plombier. 

Boulon  ,  eft  une  groffe  cheville  de  fer  qui  a  une 
tête  ronde  ou  quarrée ,  6c  qui  eft  percée  par  l'autre 
bout  6c  arrêtée  par  une  clavette  ,  pour  retenir  un  ti- 
rant ou  autre  pièce  d'une  machine.  On  en  met  auffi 
deffous  les  robinets  ,  pour  empêcher  qu'ils  ne  foient 
levés  par  la  force  de  l'eau.  (A) 

Boulon  ,  {Serrurerie.)  foit  rond  ,  foit  quarré,  c'eft 
un  morceau  de  fer  dont  la  tête  eft  ronde  ou  quarrée, 
&  dont  l'autre  extrémité  eft  tarodée  &  peut  (e  rece- 
voir dans  un  écrou ,  ou  bien  eft  percée ,  &  peut  re- 
cevoir une  clavette.  Son  ulage  eft  de  lier  les  pièces 
de  bois  ou  de  fer  les  unes  avec  les  autres  ,  &:  de  les 
tenir  fortement  aflemblées. 

Il  y  a  des  boulons  d'efcalier  :  ce  font  ceux  qui  paf- 
fent  à  travers  les  limons  de  l'efcalier,  &  <jui  vont  le 
rendre  dans  les  murs ,  pour  empêcher  l'écartement 
des  marches,  &  leur  léparation  des  murs.  Ils  le  font 
de  différentes  façons;  il  y  en  a  à  mondes  :  ils  font 
COmpofés  de  deux  parties ,  dont  l'une  eft  arrêtée  ddn* 
les  murs  ou  clouons  de  la  cache  de  PefcaUer,  l'autre 


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dans  les  limons  de  l'efcalier  ;  &  toutes  deux  vont  fe 
réunir  en  moufles  fous  le  milieu  des  marches ,  où  el- 
les font  ferrées  par  une  clavette. 

Il  y  en  a  à  doubles  clavettes;  ce  font  ceux  qui  ont 
des  clavettes  aux  deux  extrémités. 

Il  y  a  des  boulons  de  limons  d'efcalier  :  ceux  -  ci 
font  à  vis,  &  fervent  à  retenir  les  limons  avec  les 
courbes. 

BOULONNOIS ,  (  Géog.)  contrée  de  France  dans 
la  Picardie  ,  dont  Bologne'eft  la  capitale.  Ce  pays 
rut  uni  à  la  couronne  par  Louis  XI.  Son  commerce 
principal  confifte  en  charbon  de  terre ,  en  beurre , 
harengs,  &  liqueurs  fortes.  Le  Boulonnais  a  environ 
douze  lieues  de  long  ,  fur  huit  de  large. 

BOUQUE,  f.  f.  (  Marine.  )  les  navigateurs  fe  fer- 
vent quelquefois  de  ce  terme  pour  lignifier  entrée  ou 
paffe.  V.  DÉBOUQUEMENT  &  DÉBOUQUER.     (  Z) 

BOUQUET  ,  f.  m.  on  donne  ce  nom  au  propre  à 
un  amas  de  fleurs  cueillies ,  liées  enlemble  ,  &  defti- 
nées  à  parfumer  un  lieu  ou  une  perfonne  :  mais  il  s'eft 
tranfporté  au  figuré  à  une  infinité  d'autres  choies  : 
en  voici  quelques-unes. 

Bouquet  ,  (en  terme  de  Cuifine.  )  eft  un  paquet 
de  fines  herbes,  comme  lavande  ,  thym ,  perfil ,  &c. 
qu'on  met  liées  enlemble  dans  les  fauces ,  &  dans  les 
bouillons ,  pour  leur  donner  du  haut-goût. 

BOUQUET ,  (  terme  de  Doreur  fur  cuir.  )  fer  dont  on 
fe  fert  pour  pofer  le  bouquet  dont  on  fait  un  ornement 
fur  le  dos  des  livres  qu'on  relie  en  veau.  Voye-^  Re- 
lieur &  les  Planches  de  Relieur. 

Il  y  en  a  pour  in-folio,  in-^°.  in-S°.  i/z-n.  & 
in-iS.  Ils  doivent  être  proportionnés  à  la  grandeur 
&  à  la  groffeur  du  volume  ;  anciennement  ils  étoient 
quarrés  ,  actuellement  ils  font  de  toutes  fortes  de  fi- 
gures ,  tantôt  à  fleurs ,  tantôt  à  d'autres  defTeins. 
PI.  II.  de  la  Reliure  ,  figure  N. 

On  pouffe  les  bouquets  après  que  les  palettes  ont 
été  employées  dans  les  entre-nerfs  du  dos  des  volu- 
mes. Pour  cet  effet,  on  chauffe  le  fer  &  on  l'applique 
fur  la  dorure.  On  donne  auffi  le  nom  de  bouquet  à  la 
partie  de  la  dorure  qui  a  la  forme  du  fer ,  &  qui  relîe 
appliquée  fur  le  dos  du  livre. 

BOUQUET ,  (en  terme  de  Maquignon  )  fe  dit  de  la 
paille  que  les  marchands  de  chevaux  mettent  à  l'o- 
reille ou  à  la  queue  du  cheval  qu'ils  veulent  ven- 
dre. (V) 

Bouquet  ,  venir  par  bouquet  ;  on  fe  fert  de  ce  ter- 
me dans  Y  Imprimerie  ,  lorfqu'on  remarque  qu'une 
feuille  imprimée  ,  au  Heu  d'être  partout  d'une  égale 
&  même  couleur  d'encre,  fe  trouve  plus  atteinte 
dans  quelques  endroits  que  dans  d'autres  ;  défaut  qui 
vient  de  la  preffe  quand  elle  foule  inégalement,  & 
auquel  on  remédie  aifément  par  le  fecours  des  hauf- 
fes.  Voye{  HAUSSE. 

Bouquet  ,  (  en  terme  de  Metteur  en  œuvre.  )  eff  un 
ornement  de  femme ,  qui  repréfente  une  touffe  ou  un 
amas  de  fleurs  ,  dont  les  couleurs  font  exprimées  par 
les  pierres  précieufes  qui  le  compofent.  On  y  diftin- 
gue  ordinairement  une  queue,  un  nœud  ,  des  bran- 
ches &  des  feuillages ,  le  tout  félon  le  goût ,  ou  la 
mode  du  tems. 

Bouquet  déplumes;  c'eft  le  nom  qu'on  donne 
en  Plumajferie  à  diverfes  plumes  montées  en  divers 
rangs  fur  un  chapeau.  On  ne  voit  plus  de  ces  fortes 
de  bouquets  en  France  ;  le  plumet  a  pris  leur  place. 
Voye{  Panache  &  Plumet. 

Bouquet  de  Héron,  eft  un  amas  de  quelques 
plumes  d'un  oiieau  de  ce  nom ,  qui  n'en  porte  fur  le 
haut  de  la  tête  que  deux  ou  trois  dont  on  fe  ferve 
pour  les  bouquets ,  qui  en  deviennent  par  ce  moyen 
fort  chers  ,  &  d'un  ufage  rare.  Foye^  Héron. 

Bouquet  de  Phaéton,  {terme de  Piumaffier.) 
eft  un  faifeeau  de  plumes  d'autruche  ,  orné  d'or , 
d'argent  fin  ou  faux ,  qu'on  voit  fur  les  têtes  des  che- 


vaux ,  aux  entrées  d'ambaffadeurs  &  autres  céré- 
monies. 

Bouquet  de  dais  ,  font  plufieurs  plumes  d'au- 
truche de  différentes  couleurs ,  rangées  en  cercle , 
&  renverfées ,  au  milieu  defquelles  s'élève  un  bou- 
quet de  plumes  d'aigrettes  ,  de  crin ,  ou  de  verre  filé. 
On  en  fait  à  plufieurs  rangs  pour  mettre  fur  les  lits , 
ou  pour  fervir  dans  les  funérailles. 

BOUQUE TIER ,  f.  m.  (  Commerce.  )  ouvrier  qui 
fait  &  vend  des  bouquets  de  fleurs  artificielles.  Les 
bouquetiers  font  de  la  communauté  des  Merciers. 
foyei Fleurs  artificielles.  Les PlumaJJîers  pren- 
nent auffi  le  titre  de  Bouquetiers. 

BOUQUETIERES  ,  f.  f.  femmes  qui  vendent  des 
fleurs  naturelles  dans  les  rues  &c  les  marchés.  Elles 
forment  une  efpece  de  petite  communauté ,  quoi- 
qu'elles n'ayent  ni  ftatuts  ni  jurées  :  elles  font  fous 
la  jurifdiftion  du  lieutenant  de  police. 

BOUQUINER ,  (  en  terme  de  chaffe.  )  fe  dit  d'un  liè- 
vre en  amour,  lorfqu'il  tient  une  hafe. 

*  BOURACAN  ou  BAR AC AN ,  f.  m.  (  étoffe  non- 
croifée.  )  c'eft  une  efpece  de  camelot  d'un  grain  fort 
gros  :  elle  fe  travaille  fur  le  métier  à  deux  marches 
comme  la  toile.  La  trame  eft  un  fil  fimple ,  retors,  & 
fin  filé  ;  la  chaîne  eft  double  ou  triple  ;  il  y  entre  de  la 
laine  &  du  chanvre  ;  les  bouracans  ne  fe  foulent  point , 
on  fe  contente  de  les  faire  bouillir  dans  de  l'eau  claire 
à  deux  ou  trois  reprifes ,  &  de  les  bien  calendrer  en- 
fuite  :  on  en  fait  des  rouleaux  qu'on  nomme  pièces.  Le 
bouracan  pour  être  bon  ,  doit  être  à  grain  rond ,  uni , 
&  ferré  :  il  s'en  fait  beaucoup  en  Flandre  &  en  Pi- 
cardie ,  à  Valencienne  ,  à  Lille  ,  à  Abbeville ,  &c. 

BOURACANIER,  ou  BARACANIER,  f.  m. 
ouvrier  qui  fabrique  le  bouracan.  Il  eft  défendu  à  tout 
bouracanier  de  lever  une  pièce  de  deffus  le  métier , 
qu'elle  n'ait  été  vifitée  par  les  jurés  de  la  commu- 
nauté ,  &  fcellée  de  leur  plomb. 

BOURACHE ,  f.  f.  borrago ,  (  Hijl.  nat.  Bot.  )  gen- 
re de  plante  à  fleur  monopétale  rayonnée  ;  il  fort 
d'un  calice  découpé  un  piftil  qui  eft  attaché  comme 
un  clou  au  milieu  de  la  fleur ,  &  environné  de  qua- 
tre embryons  qui  deviennent  dans  la  fuite  autant  de 
femences  reffemblantes  à  des  têtes  de  vipère.  Ces 
femences  mùriffent  dans  le  calice  qui  s'étend  à  pro- 
portion que  le  fruit  groffit.  Tournefort ,  Injl.  rei  herb. 
Voye{  Plante.  (/; 

La  bourache  croît  dans  les  jardins  ;  on  la  trouve 
auffi  autour  des  maifons  &  fur  les  murs  ;  elle  fleurit 
au  mois  de  Juin. 

On  fait  ufage  de  fes  fleurs  &  de  fes  feuilles. 

Ses  feuilles  font  incifives,  atténuantes ,  &  entrent 
dans  toutes  les  infufions ,  décoctions  ,  &  autres  pré- 
parations, où  l'on  fepropofe  de  diviferles  humeurs  ; 
on  leur  attribue  la  qualité  d'anti-pleurétique  ,  d'ale- 
xipharmaque  ,  &  d'être  utiles  dans  les  fièvres  mali- 
gnes ;  on  ne  fait  pas  un  bouillon  altérant  où  l'on  ne 
mette  la  bourache  ;  on  donne  le  fuc  tiré  des  feuilles  à 
la  quantité  de  deux ,  trois ,  &  quatre  onces  dans  un 
bouillon  ou  autre  liqueur  appropriée. 

Les  fleurs  paffent  pour  cordiales;  la  conferve  eft 
la  feule  préparation  officinale  que  l'on  en  faffe.  (./V) 

*  BOURACHER ,  f.  m.  (  Commerce.  )  c'eft  le  nom 
qu'on  donne  dans  certaines  manufactures  de  Picar- 
die à  ceux  qui  travaillent  aux  raz  de  Gènes ,  &  au- 
tres femblables  étoffes.  Ils  font  de  la  communauté 
des  Hautelifleurs  :  mais  ils  ont  leurs  jurés  particu- 
liers. 

BOURASQUE  ,f.  f.  (Marine.)  tourbillon  de  vent; 
tempête  foudaine  &  violente  qui  s'élève  fur  la  mer. 

(Z) 

BOURBILLON,  f.  m.  (Chirurgie  &  Maréchal  Une.) 

c'eft  le  pus  qui  fort  d'une  plaie ,  d'une  apoftême , 

d'un  javart ,  quand  il  eft  mûr  Cv  épaùfi  :  une  plaie  fc 

guérit  bientôt  après  que  le  bourbillon  en  eft  forti. 


BOU 

*  BOURBONS  ,  f.  m.  c'eft  ainfi  qu'on  appelle 
dans  les  falines  de  Lorraine  de  groffes  pièces  de  bois 
de  fapin  de  trente  pies  de  longueur,  fur  fix  pouces 
d'équarriffage.  Il  y  en  a  feize  fur  la  longueur  de  la 
poelle  ,  efpacées  de  fix  en  fix  pouces  ,  &  appuyées 
îiir  deux  autres  pièces  de  bois  de  chêne  beaucoup 
plus  greffes  ,  polées  fur  les  deux  faces  de  la  longueur 
de  la  poelle  :  les  deux  dernières  fe  nomment  machi- 
nes. Les  bourbons  fervent  àfoûtenirlespoelles  par  le 
moyen  des  happes  &  des  crocs. 

Bourbon,  (île  de)  ou  Mascareigne,  Géog. 
île  d'Afrique  ,  clans  la  mer  d'Ethiopie  ;  elle  a  un  vol- 
can ;  elle  eft  très-fertile ,  &  appartient  à  la  France  ; 
elle  a  environ  15  lieues  de  long,  fur  10  de  large  ; 
il  y  croît  beaucoup  de  caffé  ,  de  poivre  blanc  ,  de 
bois  d'ébene ,  &c. 

Bourbon-Lancy,  (Géog.)  ville  de  France,  au 
duché  de  Bourgogne ,  dans  l'Autunois ,  avec  un  bon 
château.  On  y  remarcpie  un  grand  pavé  de  marbre 
appelle  le  grand  bain ,  cpii  eft  un  ouvrage  des  Ro- 
mains. Long.  zid.  26' .  3z" .  lac.  46.  3J. 

Bourbon-l'Archambaut  ,  ou  les  Bains  , 
(  Géog.  )  petite  ville  de  France ,  dans  le  Bourbon- 
nois,  à  6  lieues  de  Moulins  ,  remarquable  par  fes 
bains  ;  les  eaux  en  font  falées ,  &  laifTent  fur  les  bords 
du  vale  une  couleur  jaunâtre  ,  avec  une  odeur  de 
foufre  :  elles  font  fi  chaudes  au  toucher ,  qu'on  ne 
fauroit  y  tenir  long-tems  la  main  ;  on  en  boit  cepen- 
dant fans  fe  brûler.  Long.  zod.  43' .  2$".  lat.  46. 
35'.  22". 

Bourbonne-les-Bains  ,(  Géog.  )  bourg  de  Fran- 
ce en  Champagne  ,  clans  le  Bafîîgni ,  célèbre  par  fes 
eaux  minérales.  Ces  eaux  font  fi  chaudes ,  qu'on  peut 
à  peine  y  tenir  le  doigt  pendant  quelques  fécondes  : 
on  en  peut  boire  cependant  fans  fe  brûler  ;  elles  ne 
cuifent  point  l'herbe  ,  &  n'en  altèrent  point  la  cou- 
leur ;  elles  bouillent  moins  vite  que  l'eau  commune 
chaude  au  même  degré  ;  elles  font  fort  chargées  de 
foufre  ;  ce  qui  fait  qu'elles  dorent  les  vafes  d'argent. 
Hifloire  de  f .Académie  1324. 

BOURBONNOIS  ,  (  Géog.  )  province  &  duché- 
pairie  de  France  ,  entre  le  Berry  &  la  Bourgogne  ; 
Moulins  en  eft  la  capitale.  Ses  principales  rivières 
font  la  Loire,  l'Allier,  &  le  Cher.  Ce  pays  abonde 
en  blés ,  fruits  ,  pâturages  ,  bois ,  gibier ,  ck  en  vin  ; 
il  ne  biffe  pas  que  de  faire  un  certain  commerce. 
On  fabrique  à  Moulins  des  ferges,  des  étamines,  & 
des  crêpons  ;  à  Hériffon  &  à  Montluçon  on  fait  des 
toiles. 

BOURBOURG,  (Géog.  )  petite  ville  de  France,' 
dans  la  Flandre ,  à  une  demi-lieue  de  Gravelines. 
Long.  ig.  5o.  lat.  5o.  55. 

BOURCER  UNE  VOILE ,  (  Marine.  )  c'eft  ne  la 
pas  taire  lervir  en  entier,  &  la  troufTcr  à  mi-mât, 
ou  au  tiers  de  mât ,  par  le  moyen  des  cordes  nom- 
mées carques  ou  cordes  deftinées  à  cet  effet,  afin  de 
prendre  moins  de  vent ,  &  de  retarder  le  cours  du 
vaiffeau.  On  fe  fert  peu  de  ce  mot  fur  les  vaifTeaux 
du  roi ,  &  à  la  place  on  dit  carguer.  (Z) 

BOURCET  ,  f.  m.  mât  de  bourcet ;  quelques  navi- 
gateurs ,  &  furtout  ceux  de  la  Manche  ,  appellent  la 
voile  de  mifene  bourcet  ;  ainfi  mât  de  bourcet  lignifie 
mât  de  mifene.  (Z  ) 

*  BOURDAINE  ,f.  f.  (Artificier.  )  efpcce  de  bois 
dont  on  fait  le  charbon  qui  entre  clans  la  compolition 
de  la  poudre  à  canon  ;  elle  ne  fe  trouve  guère  que 
dans  les  taillis,  &  ne  dure  que  cinq  à  fix  ans  ;  elle 
n'a  guère  que  deux  pouces  de  grolïeur  ;  Ion  char- 
bon eu  extrêmement  lec  &  léger  ;  il  eft  permis  au 
commiifairc  général  des  poudres  &  à  fes  commis,  de 
faire  exploiter  dans  les  bois  de  fa  majelté  &  autres , 
tant  de  bourdaine  qu'il  leur  plaît ,  depuis  l'âge  de  trois 
ans  jufqu'à  quatre  ,  6c  en  quelque  tems  qu'ils  le  ju- 
gent à  propos  ;  après  toutefois  en  avoir  obtenu  la 


BOU 


367 


permiffion  des  officiers  des  eaux  &  forêts ,  &  avoir 
appelle  les  gardes  à  la  coupe. 

BOURDE  ,{.f.(  Marine.  )  c'eft  une  voile  dont 
on  fe  fert  fur  les  galères ,  &  que  l'on  ne  met  que 
quand  le  tems  eft  tempéré.  (  Z  ) 

BOURDEAUXo«BORDEAUX,(C7^.) 
grande ,  belle  &  riche  ville  de  France  fur  la  Garon- 
ne ,  capitale  de  la  Guienne.  Son  archevêque  prend 
le  titre  de  primat  des  Aquitaines.  Il  y  a  un  parlement 
&  beaucoup  d'autres  tribunaux  ;  un  hôtel  des  mon- 
noies ,  &  trois  forts  :  le  principal  eft  le  château  Trom- 
pette ;il  commande  au  port,  qui  eftun  des  plus  beaux 
du  royaume. Lon.  i6A.  55'  .52"  .lat.  44^-.  5o'.  18". 

BOURDEILLE,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France 
dans  le  Périgord. 

BOURDELAGE  ,  f.  m.  terme  de  Coutume,  eft  la 
même  choie  que  bordelage.  Voye^  ce  dernier. 

BOURDELIER  ,  fe  dit  du  feigneur  à  qui  appar- 
tient le  droit  de  bourdelage  ou  bordelage.  On  le  dit 
aufîi  de  l'héritage  concédé  à  ce  titre ,  &  du  contrat 
de  concefîion  :  héritage  bordelier  ,  contrat  bordelier. 

(#) 

BOURDILLON ,  f.  m.  (Tonnelier.)  bois  de  chêne 
débité ,  refendu ,  &  propre  à  faire  des  douves  de  ton- 
neau.  Voye^  Mairin. 

BOUQUETIN ,  BOUC-ESTAIN  ,  STEINBOK  , 
IBEX  ,  1.  m.  (  Hi/l.  nat.  Zoolog.  )  animal  quadrupède 
fauvage,  du  genre  des  boucs.  Il  elt  à-peu-près  de  la 
grandeur  de  la  chèvre  domeltique  ,  &  il  reflemble 
en  quelque  façon  au  cerf;  car  ion  poil  eft  court  & 
de  couleur  fauve.  Il  a  les  jambes  menues  ,  la  barbe 
longue  &  noire  ,  la  tête  petite  ,  &  des  cornes  de  qua- 
tre ou  cinq  pies  de  longueur  ,  groffes  &  noûeules  : 
chaque  nœud  eft  le  produit  d'une  année.  Ray,  Anim. 
quad. Jynop.  Voye^  QUADRUPEDE.    (V) 

*  Le  fang  du  bouquetin,  mais  celui  fur-tout,  dit 
Van-Helmont,  qu'on  a  tiré  de  fes  tefticules,  delTeché 
au  foleil ,  elt  un  remède  excellent  dans  la  fluxion  de 
poitrine.  J'en  ai  entendu  réciter  des  effets  fi  merveil- 
leux ,  qu'il  elt  étonnant  qu'on  n'en  faffe  pas  plus  d'u- 
fage.  On  l'ordonne  depuis  vingt  grains  jufqu'à  deux 
dragmes. 

BOURDON  ,  f.  m.  bombylius ,  (Hift.  riat.  Infeclol.) 
infecte  du  genre  des  abeilles.  Voyt^  Abeille.  Il  a  un 
aiguillon  &  une  trompe  ;  il  tire  des  fleurs  fon  miel  &5 
de  la  cire  brute.  Les  bourdons  que  l'on  voit  le  plus 
fouvent  font  plus  gros  que  les  abeilles  ordinaires  ,  ils 
font  plus  de  bruit  en  volant.  Ces  mouches  font  cou- 
vertes de  poils  longs  &  touffus ,  qui  les  font  paroître 
plus  grottes  qu'elles  ne  le  font  réellement.  Elles  ont 
différentescouleursùlyen  a  qui  n'ont  que  les  anneaux 
poltérieurs  de  couleur  canelle  ;  le  relie  du  corps  eft 
noir.  Dans  d'autres  ,  le  corcelet  elt  couvert  de  poils 
blancs,  &  le  corps  elt  traverfé  par  une  raie  jaune  , 
qui  eft  fuivie  d'une  raie  blanche.  On  en  voit  qui  ont 
de  plus  une  bande  tranfverfale  de  couleur  de  citron, 
vers  le  milieu  du  corps.  Dans  quelques-uns  la  par- 
tie antérieure  du  corcelet  elt  bordée  de  poils  blancs 
ou  jaunes  ,  qui  forment  une  efpcce  de  collier.  Dans 
d'autres,  le  corcelet  elt  couvert  de  poils  blancs  ;  il 
a  fur  le  corps  une  large  raie  de  poils  jaunes ,  ênfuite 
une  bande  noire  ,  &  enfin  une  bande  blanchâtre.  Il 
fe  trouve  des  bourdons  de  couleur  blonde  plus  ou 
moins  foncée  ;  les  poils  du  deffous  du  corps  font  de 
couleur  de  citron  fort  pâle  ;  ceux  du  deflûs  du  cor- 
celet font  un  peu  roux.  Ces  couleurs  varient:  mais 
celle  des  jambes  eft  toujours  noire. 

Il  y  a  des  bourdons  qui  n'ont  des  poils  longs  que  fur 
le  corcelet  :  on  en  trouvé  de  tels  en  Egypte,  dont  les 
poils  font  d'une  belle  couleur  d'olive  ,  &  les  ailes 
tirent  fur  le  violet  ;  &  d'autres  qui  ont  le  delfus  du 
corcelet  couvert  de  longs  poils,  d'une  belle  couleur 
de  citron ,  &  les  anneaux  du  corps  ras ,  &  même  lif- 
les  &  luifans.  Ces  anneaux  font  noirs  avec  quelques 


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B  O  U 


teintes  de  violet ,  &  les  ailes  font  d'une  couleur  vio- 
lette moins  noire. 

Dans  l'efpece  des  bourdons  qui  ont  des  longs  poils 
for  le  corcelet  &  fur  le  corps ,  la  même  femelle  pro- 
duit trois  fortes  de  bourdons  de  différentes  grandeurs  : 
les  plus  grands  furpaflent  de  beaucoup  les  abeilles 
ordinaires  pour  la  groffeur  ;  ce  font  les  femelles  :  les 
mâles  ne  font  pas  ii  grands  ;  &  les  plus  petits  de  tous 
n'ont  point  de  fexe.  Leur  grandeur  efl  égale  à  celle 
des  abeilles ,  quelquefois  elle  eft  moindre. 

Les  bourdons  vivent  en  fociété  comme  les  abeil- 
les :  mais  ils  ne  font  pas  fi  nombreux  ;  on  n'en  trouve 
que  cinquante  ou  foixante  réunis  enfemble.  Ils  font 
des  efpeces  de  nids  pour  fc  loger,  &  ils  les  couvrent 
de  moufle  :  ces  nids  font  dans  les  prairies  &  dans  les 
champs  de  fainfoin  &  de  luferne  ;  leur  diamètre  eft 
de  cinq  ou  fix  pouces  &  plus ,  &  ils  font  élevés  de 
quatre  à  cinq  pouces  au-deflus  de  terre.  Le  meilleur 
moyen  de  trouver  ces  nids  ,  eft  de  fuivre  les  fau- 
cheurs, parce  qu'ils  les  découvrent  &  même  les  cou- 
pent avec  la  faux.  L'extérieur  reflemble  à  une  motte 
de  terre  couverte  de  moulTe  ,  plus  ou  moins  relevée 
en  boffe.  Il  y  a  dans  le  bas  un  trou  qui  fert  d'entrée, 
&  fouvent  on  trouve  une  forte  de  chemin  d'un  pié  de 
long ,  &  une  voûte  de  moufle  qui  fert  d'avenue.  Dans 
certains  nids  qui  ne  font  pas  encore  finis,  les  bour- 
dons entrent  par  le  deflus.  Quand  on  enlevé  le  del- 
fus  du  nid  qui  fert  de  toict ,  il  en  fort  quelques  mou- 
ches; les  autres  y  reftent ,  &  il  n'arrive  pas  qu'on  en 
foit  piqué  ,  quoiqu'elles  ayent  des  aiguillons.  Après 
avoir  enlevé  cette  couverture ,  on  voit  une  forte  de 
gâteau  épais  plus  ou  moins  grand  ,  mal  façonné ,  & 
compofé  de  corps  oblongs  ajuftés  les  uns  contre  les 
autres  :  quelquefois  il  n'y  a  qu'un  gâteau  ;  d'autres 
fois  il  y  en  a  deux  ou  trois  ;  on  voit  marcher  les  bour- 
dons par  -  deflus  &  par  -  deflbus  :  dès  qu'on  ceffe  de 
toucher  au  nid  ,  les  mouches  travaillent  à  le  recou- 
vrir ;  &  pour  cela  elles  employent  la  moufle  qu'on 
a  enlevée  &  jettée  à  quelque  diftance  :  mais  au  lieu 
de  porter  les  brins  de  moufle ,  elles  les  pouffent ,  ou 
pour  mieux  dire,  elles  les  font  gliffer  peu-à-peu.  Tou- 
tes travaillent  enfemble ,  les  mâles ,  les  femelles,  &c 
celles  qui  ne  font  ni  mâles  ni  femelles. 

Le  bourdon  a  comme  l'abeille  deux  dents  écailleu- 
fes  très-fortes ,  dont  le  bout  eft  large  &  dentelé  :  c'eft 
par  le  moyen  de  ces  dents  qu'il  coupe  la  moufle  & 
qu'il  l'attire  en-arriere  fous  fon  corps  ;  enfuite  il  la 
fait  gliffer  avec  les  pattes  de  devant  ;  les  pattes  de  la 
féconde  paire  la  font  paffer  plus  loin,  &  les  dernières 
la  pouffent  aufli  loin  qu'elles  peuvent  s'étendre.  En 
répétant  cette  manœuvre ,  ils  raffemblent  derrière 
eux  un  petit  tas  de  moufle.  Le  même  bourdon ,  ou  un 
autre ,  reprend  ce  tas  par  brins  comme  le  premier  , 
&  l'approche  du  nid  ;  pour  cet  effet ,  ils  fe  pofent  de 
façon  que  le  nid  eft  en  arrière  par  rapport  à  eux  : 
chaque  fois  que  le  tas  de  moufle  change  de  place  ,  il 
parcourt  un  efpace  égal  à  la  longueur  du  bourdon  , 
avec  les  pattes  de  derrière  étendues.  Lorfque  ces 
mouches  arrangent  la  mouffe  pour  former  la  couver- 
ture du  nid ,  elles  fe  fervent  de  leurs  dents  &  de  leurs 
pattes  de  devant.  Cette  forte  de  toift  a  un  pouce  ou 
deux  d'épaifleur ,  &  met  le  nid  à  l'abri  des  pluies  or- 
dinaires. Les  bourdons  qui  font  entièrement  jaunâ- 
tres ,  &  ceux  fur  lefquels  le  noir  domine ,  &  peut- 
être  d'autres  ,  mettent  un  enduit  de  cire  brute  fur 
toute  la  furface  intérieure  du  couvert  de  mouffe  ; 
ils  y  forment  une  forte  de  platfond  ,  qui  n'a  que  le 
double  de  Pépaiffeur  d'une  feuille  de  papier  ordi- 
naire ,  mais  qui  eft  impénétrable  à  l'eau  :  cet  enduit 
lie  tous  les  brins  de  mouffe  qui  font  à  l'intérieur 
&  rend  la  couverture  plus  folide.  La  matière  de  cet 
enduit  a  une  odeur  de  cire  :  mais  ce  n'eft  qu'une 
cire  brute  &  tenace  ;  on  peut  la  pétrir.  La  chaleur 
ne  la  liquéfie  ,  ni  ne  la  ramollit:  mais  elle s'enflam- 


B  O  U 

me.  Sa  couleur  eft  d'un  gris  jaunâtre  ;  elle  ne  s*at» 
tache  pas  aux  doigts  lorfqu'on  la  pétrit. 

Le  nombre  &  l'étendue  des  gâteaux  augmentent 
à  proportion  que  le  nid  eft  plus  ancien.  Ces  gâteaux 
font  convexes  à  l'extérieur ,  &  concaves  à  l'inté- 
rieur :  mais  leurs  furfaces ,  fur-tout  l'inférieure ,  font 
fort  inégales.  Chaque  gâteau  eft  compofé  ,  comme  il 
a  déjà  été  dit ,  de  corps  oblongs  ,  appliqués  les  uns 
contre  les  autres  fuivant  leur  longueur.  Ils  font  d'un 
jaune  pâle  ou  blanchâtre.  Il  y  en  a  de  trois  gran- 
deurs différentes  :  les  plus  gros  ont  le  grand  diamè- 
tre de  plus  de  fept  lignes  de  longueur  ,  &c  le  petit 
d'environ  quatre  lignes  &c  demie  ;  dans  les  plus  pe- 
tits, le  grand  diamètre  n'a  pas  trois  lignes.  Quelque- 
fois ces  corps  font  fermés  par  les  deux  bouts  ;  d'au- 
tres fois  la  plupart  font  ouverts  par  le  bout  inférieur , 
&  vuides  :  ce  font  des  coques  de  foie  qui  ont  été  for- 
mées par  des  vers  qui  s'y  font  métamorphofés.  Les 
bourdons  qui  viennent  de  ces  vers  après  la  métamor- 
phofe  ,  laiffent  les  coques  ouvertes  en  en  fortant. 

Il  y  a  aufli  dans  les  gâteaux  de  petites  maffes  irré- 
gulieres  affez  femblables  à  des  truffes ,  quoique  moins 
dures  :  on  trouve  dans  chacune  un  vuide  au  centre , 
dans  lequel  il  y  a  des  œufs  d'un  beau  blanc  un  peu 
bleuâtre ,  longs  d'environ  une  ligne  &  demie  fur  un 
diamètre  plus  court  des  deux  tiers.  Le  nombre  des 
œufs  n'eft  pas  le  même  dans  chaque  maffe  ;  il  y  en  a 
trois ,  quatre  ,  quinze ,  vingt ,  &  même  trente  enfem- 
ble :  mais  lorfqu'il  y  en  a  tant ,  ils  font  renfermés  dans 
différentes  cavités.  La  matière  qui  environne  les  œufs 
eft  une  pâtée  dont  fe  nourriffent  les  vers ,  après  qu'ils 
font  éclos.  Ces  vers  font  affez  femblables  à  ceux  des 
abeilles  ;  leur  couleur  eft  blanche  ,  &  ils  ont  quel- 
ques taches  noires  fur  les  côtés  :  lorfqu'ils  ont  con- 
fommé  une  partie  de  leur  pâtée  ,  il  arriveroit  quel- 
quefois qu'ils  fe  feroient  jour  au-dehors  ,  &  qu'ils 
s'expoferoient  trop  tôt  à  l'air,  fi  les  bourdons  n'a  voient 
foin  d'appliquer  de  nouvelle  pâtée  fur  les  endroits 
trop  minces.  Toute  cette  matière  eft  de  la  cire  brute  : 
on  y  reconnoît  les  pouflîeres  des  étamines  ;  elles  font 
humeâées  par  un  miel  aigrelet.  Quoiqu'il  fe  confom- 
me  beaucoup  de  cette  pâtée  dans  les  nids ,  on  ne  voit 
que  très-rarement  les  bourdons  y  revenir  chargés  de 
cire  ;  ce  qui  fait  croire  qu'ils  avalent  les  étamines 
pour  les  digérer,  &  les  dégorger  enfuite. 

Il  y  a  dans  chaque  nid  trois  ou  quatre  petites  cavi- 
tés ,  remplies  de  miel  :  ce  font  des  fortes  de  vafes 
prelque  cylindriques ,  au  moins  aufli  grands  que  les 
plus  grandes  coques ,  faits  avec  la  même  matière  qui 
fert  de  plafond  au  nid.  On  ne  fait  fi  ce  miel  fert  à 
ramoliir  les  étamines  pour  faire  la  pâtée.  Les  fau- 
cheurs connoiffent  ces  petits  dépôts ,  &  les  cherchent 
pour  en  boire  le  miel. 

Après  avoir  enlevé  les  gâteaux  d'un  nid,  on  trouve 
au  bout  de  huit  jours ,  que  les  bourdons  ont  travaillé 
à  en  faire  de  nouveaux  :  ils  commencent  par  former 
dans  le  milieu  du  nid  une  petite  maffe  de  pâtée  de  la 
groflèur  d'une  noifette ,  qui  efl  pofée  fur  un  lit  de 
mouffe ,  &  qui  tient  à  un  petit  vafe  plein  de  miel  : 
c'eft  fans  doute  pour  recevoir  les  œufs  de  la  mère 
que  ce  premier  travail  fe  fait. 

Les  vers  s'éloignent  les  uns  des  autres  à  mefure 
qu'ils  confument  leur  pâtée  :  ainfi  lorfqu'ils  appro- 
chent du  tems  où  ils  doivent  prendre  leur  forme  de 
nymphe  ,  ils  ont  chacun  affez  d'efpace  pour  filer  leur 
coque.  Comme  ces  coques  fe  trouvent  à  découvert 
dans  la  fuite ,  il  eft  à  croire  que  les  bourdons  enlè- 
vent les  reftes  de  pâtée  qui  font  au-dehors.  Tous  les 
vers  donnent  à  leur  coque  la  même  pofition  :  le  grand 
axe  eft  perpendiculaire  à  l'horifon,  &  chacun  atta- 
che la  fienne  aux  coques  voifines  en  la  commençant  ; 
c'eft  par  cette  union  que  les  gâteaux  font  formés. 

Ces  mouches  au  fortir  de  leur  coque  n'ont  que 
des  couleurs  tendres ,  qui  deviennent  plus  foncées 

lorfqueiles 


B  O  U 

îorfqu'eilcs  font  expofées  au  grand  air.  En  ouvrant 
clans  des  tems  convenables  les  plus  gros  bourdons , 
qui  font  les  femelles  ,  on  trouve  dans  leur  corps  un 
ovaire  de  chaque  côté,  &  on  n'y  voit  qu'une  vingtaine 
d'oeufs  au  plus  ;  cependant  elles  en  pondent  une  plus 
grande  quantité  :  tous  ces  œufs  ne  font  pas  lénfibles 
dans  le  même  tems.  On  croit  qu'un  nid  de  bourdons 
eft  commencé  par  une  femelle  qui  le  peuple  peu-à- 
peu  :  ce  qui  rend  cette  opinion  très -probable,  c'eft 
qu'à  la  fin  de  l'hy  ver  on  ne  voit  voler  que  des  bour- 
dons femelles  ,  fans  aucuns  mâles  ni  ouvriers.  Les 
petiti  bourdons  ont  un  aiguillon  comme  les  femelles  : 
les  mâles  n'en  ont  point  ;  ils  font  de  grandeur  moyen- 
ne. Mais  il  y  a  auffi  des  bourdons  de  cette  même  gran- 
deur qui  n'ont  point  de  fexe ,  &  que  l'on  doit  regar- 
der comme  des  ouvriers  ,  de  même  que  les  petits  : 
ceux-ci  parohTent  plus  adtifs,  &  les  autres  plus  forts. 
On  a  obfervé  entre  un  bourdon  de  moyenne  taille , 
qui  étoit  mâle  ,  &  une  femelle ,  un  accouplement  qui 
dura  près  d'une  demi-heure.  On  s'eftaulîi  affùré  que 
ïes  bourdons  mâles  n'ont  point  d'aiguillon  ,  &  qu'ils 
ont  des  parties  analogues  à  celles  des  mâles  de  di- 
vers infecles. 

Les  bourdons  ont  de  petits  poux  ;  on  les  voit  quel- 
quefois par  centaines  fur  le  corcelet ,  ou  fur  d'autres 
parties  :  ces  mêmes  poux  le  trouvent  furies  gâteaux 
des  nids.  Il  y  a  apparence  qu'ils  cherchent  la  liqueur 
miellée  des  bourdons  pour  s'en  nourrir. 

Les  fourmis  cherchent  la  pâtée  des  bourdons  ;  quel- 
quefois il  entre  dans  leur  nid  une  fourmilière  entière  ; 
&  lorfqu'il  ne  s'y  trouve  qu'un  petit  nombre  de  mou- 
ches, elles  font  obligées  de  l'abandonner,  ne  pou- 
vant pas  le  défendre.  Il  s'y  forme  de  gros  vers  qui 
mangent  la  pâtée,  les  vers  &  les  nymphes  des  bour- 
dons. Il  y  a  auffi  des  efpeces  de  chenilles  :  mais  les 
animaux  qui  y  font  le  plus  de  ravage  ,  font  les  rats  , 
les  mulots  &  les  fouines. 

Les  parties  intérieures  des  bourdons  font  à-peu- 
près  iemblables  à  celles  des  abeilles  ;  de  même  leurs 
aiguillons  &  leur  venin. 

On  ne  trouve  aucuns  bourdons  dans  leurs  nids  au 
commencement  de  Novembre  ;  il  eit  à  croire  que 
les  mâles  &c  les  ouvriers  périffent  avant  l'hy  ver ,  & 
qu'il  ne  relie  que  les  femelles;  celles-ci  étant  fécon- 
dées ,  fuffifent  pour  perpétuer  l'efpece.  Elles  fe  ca- 
chent dans  des  trous  de  murs  ,  ou  dans  des  creux  en 
terre  jufqu'au  printems.  Mémoires  pour  fervir  à  l'hill. 
des  infecles ,  tom.  Vl.prem.  mém.  Voy.  Insecte.  (/) 

Bourdon,  f.  m.  les  Imprimeurs  entendent  par  ce 
mot ,  une  omiffion  que  le  compofiteur  a  faite  dans 
fon  ouvrage  ,  d'un  ou  de  plufieurs  mots  de  fa  copie , 
&  même  quelquefois  de  plufieurs  lignes.  Le  compo- 
fiteur cft  obligé ,  en  remaniant ,  de  faire  entrer  les 
omiflions  ;  ce  qui  fouvent  lui  donne  beaucoup  de 
peine,  &  nuit  prefquc  toujours  à  la  propreté  de  l'ou- 
vrage. Ce  terme  fait  allulion  au  grand  bâton  dont 
les  pèlerins  fe  fervent  pour  franchir  les  foffés.  Voye^ 
Remanier,  Remaniement. 

BOURDON  de  16  pies ,  ou  huit  pics  bouché  ;  on 
appelle  ainfi  dans  les  Orgues  un  jeu  ,  dont  le  plus 
grand  tuyau  qui  fonne  Vue  à  la  double  oclave  au- 
delTous  de  la  clé  de  cfol  ut ,  a  huit  pies  de  longueur  ; 
ce  qui  équivaut  à  un  tuyau  de  1 6  pies  ouvert ,  qui 
eit  à  l'uniifon  d'un  de  huit  pies  bouché.  Ce  jeu  a 
trois  oÉtaves  en  bois ,  &  celle  de  demis  en  plomb. 
Voye^lafig. 30  ,  PL  d'Orgue  ,  qui  repretente  un  tuyau 
de  bois  des  balles,  &c  un  tuyau  de  plomb  des  deuils. 
Les  tuyaux  de  bois  font  compofés  de  quatre  planches 
affemblées  à  rainure  ik.  languette  ,  les  unes  dans  les 
autres,  &  fortement  collées,  comme  hij'g-  âz  le  mon- 
tre ;  b  ,  la  bouche  ;  3  ,  la  lèvre  inférieure  ;  4  ou  o  ,  la 
lèvre  fupérieure  ;  A ,  le  pié  ;  B ,  la  chambre  ;  C ,  le 
bifeau;  E ,  le  tampon,  que  l'on  retire  ou  que  l'on 
enfonce  dans  le  tuyau  pour  accorder.  Lajig.  jq,  n". 
Tome  IL 


B  O  U 


369 


2.  repréfente  un  tuyau  de  plomb  des  deffus,  &  a  le 
pié  dans  les  deux  figures  ;  c ,  la  bouche  ;  d ,  les  oreil- 
les au  moyen  defquelles  on  les  accorde  ;  e ,  coupe 
du  tuyau  ;  £,le  bileau ,  dont  le  talud  regarde  en  déf- 
ais ;  y,  plaque  qui  ferme  le  tuyau  par  dellus  &  qui  y 
eft  fondée.  Quant  à  la  proportion  des  parties  du 
tuyau,  elle  doit  être  telle  qu'il  ait  de  longueur,  dix 
fois  la  largeur  ou  environ  ;  ainiï  le  tuyau  de  huit  pies 
doit  avoir  9  pouces  d'équarriffage  intérieurement. 
Remarquez  que  la  longueur  du  tuyau  le  compte  de- 
puis la  face  lupérieure  du  biieau  c  ,  jufqu'à  la  face 
inférieure  du  tampon  E ,  &  que  la  hauteur  de  la 
chambre  B ,  &  l'efpace  pour  retirer  le  tampon  E, 
doivent  être  pris  en  fus  de  cette  mefure  ;  tous  les 
tuyaux  du  bourdon  doivent  fuivre  exactement  entre 
eux  la  proportion  du  diapafon.  Voyer^  Diapason, 
&  l'article  Orgue  ,  &  la  table  du  rapport  de  rétendue 
des  /eux  de  f  Orgue. 

BOURDON  de  huit  pies  ou  quatre  pies  bouché, 
eft  un  jeu  d'orgue  dont  le  plus  giand  tuyau,  qui  eft 
de  quatre  pies  bouché  lonne  l'oâave  au-deflus  du 
bourdonào.  16  ;  les  baffes  font  en  bois  &  les  tailles  en 
plomb  &. bouchées  à  raie  ,  &  les  deiïits  à  cl  aminées. 
Voyt{  lajig.  32.  PL  d'orgue;  A,  tuyau  des  baffes; 
B  ,  tuyau  des  tailles  ;  e  d,  les  oreilles  ;  3  ,  la  plaque 
qui  bouche  le  tuyau  par  en  haut';  C,  tuyau  des  def- 
uis  à  oreilles  &  à  cheminées  ;  4,  la  plaque  qui  le  fer- 
me ,  laquelle  eit  percée  d'un  trou  ;  2  cheminée  qui 
eft  fondée  fur  la  plaque  4,  comme  taj?£.  Cle  reoré- 
fente.  Voy.  les  articles  Orgue  ,  Dia p ason  ,  dont  tous 
les  tuyaux  de  ce  jeu  doivent  iuivre  la  proportion. 

BOURDONNÉ  ,  (  en  termes  de  Blafon  )  fe  dit  d'u- 
ne croix  dont  les  branches  font  tournées  &  arron- 
dies en  bourdons  de  pèlerins. 

Rochas  en  Provence  ,  d'or  à  la  croix  bourdonnée 
ou  pommelée  de  gueules  ,  au  chef  d'afur  ,  chargé 
d'une  étoile  d'or.  (/^) 

BOURDONNET ,  f.  m.  (  terme  de  Chirurgie)  c'eft 
un  petit  rouleau  de  charpie  de  figure  oblongue,  mais 
plus  épais  que  large,  deftiné  à  remplir  une  plaie  ou 
un  ulcère.  Les  premiers  bourdonnets  qu'on  introduit 
dans  le  fond  d'un  ulcère  profond  doivent  être  liés  , 
afin  qu'on  puiffe  les  retirer,  &  qu'ils  n'y  féjournent 
point  fans  qu'on  s'en  appercoive.  Voye?fig.  8.Q.  & 
u.  PL  II. 

L'uiage  des  bourdonnets  &  de  tous  les  dilatans  peut 
être  fort  nuifiblc  ou  fort  avantageux ,  félon  la  façon 
dont  on  s'en  iert.  Si  les  bourdonnets  ferment  un  ul- 
cère profond  comme  on  ferme  une  bouteille  avec 
fon  bouchon,  ils  s'oppofent  à  l'écoulement  des  ma- 
tières purulentes ,  &  produifent  la  collection  du  pus 
qui  corrompt  les  focs  que  la  circulation  conduit  vers 
l'endroit  011  il  croupit.  L'obftaclc  que  les  bourdonnets 
font  à  l'iffue  des  matières  purulentes  peut  en  caufer 
le  reflux  dans  la  maffe  du  fang  ,  où  elles  occaiion- 
nent,  pour  peu  qu'elles  foient  atteintes  de  putréfac- 
tion ,  des  colliquations  fâcheufes  qui  détruifent  la 
partie  rouge  de  la  maffe  des  humeurs,  &  qui  ren- 
dent cette  maffe  toute  féreufe  ;  de-là  font  produites 
les  évacuations  continuelles  ,  qui  jettent  le  corps 
dans  le  mnraime  &  dans  une  extrême  foibleflè,  qui 
eft  enfin  fuivie  de  la  mort. 

Si  on  remplit  un  ulcère  de  bourdonnets  durs  entaf- 
fés  les  uns  fur  les  autres,  l'irritation  qu'ils  cailleront 
aux  vaiffeaux  empêchera  le  paiîage  des  focs  :  ils  s'ar- 
rêtent, s'accumulent  &  fe  condenlent  dans  les  parois 
de  l'ulcère  ,  &  y  forment  des  calloiités  qui  le  rendent 
incurable  à  moins  qu'on  n'en  détruife  les  duretés. 

Ces  inconvéniens  bien  obfervés  ont  fait  beaucoup 
crier  contre  le  tamponage  des  plaies  :  M.  Bellolte, 
dans  Ion  Traité  du  Chirurgien  d'Hôpital ,  s  eft  élevé 
contre  l'ufage  des  bourdonnets  qu'il  croit  fort  nuifi- 
blcs  ;  il  blâme  même  l'attention  qu'on  a  de  garnir 
exactement  les  plaies  caverneulès  avec  des  bourdon- 

A  a  a 


37° 


B  O  U 


nets  mollets  :  c'eft  cependant  le  feul  moyen  d'empê- 
cher la  collection  &  le  féjour  du  pus ,  &  d'exclurre 
l'air  de  leur  cavité.  La  charpie  s'imbibe  des  matières 
purulentes ,  ces  matières  fe  diftribuent  entre  les  filets 
qui  les  foûtiennent ,  &  les  empêchent  de  fe  raffem- 
bler  en  aucun  lieu  particulier.  La  charpie  eft  pour 
ces  matières ,  félon  l'expreffion  de  M.  Quefnay ,  une 
échelle  avec  laquelle  elles  peuvent  monter  du  tond 
de  la  plaie ,  jufqu'à  ce  qu'elles  trouvent  une  ifïïie 
pour  s'évader ,  à  peu  près  comme  il  arrive  dans  ces 
difîillations  qui  fe  font  par  le  moyen  d'une  languette 
de  drap  ,  ou  les  liqueurs  montent  jufque  par-deffus 
les  bords  du  vafe  qui  les  contient.  (  V) 

*  BOURG  ,  (Hifi.  anc.  &  mod.)  ce  mot  vient  du 
mot  allemand  burg  ville  ,  forterefie  &c  château  ;  il  eft 
fort  ancien  chez  les  Allemands,  comme  on  peut  le 
voir  dans  Vegcce  au  IV.  livre  de  re  militari ,  cajhllum 
parvum  quem  burgum  vocant,  &c.  Du  tems  des  empe- 
reurs Carlovingiens ,  il  n'y  avoit  en  Allemagne  que 
fort  peu  de  villes  enfermées  de  murailles  ;  ce  fut 
Henri  l'Oifeleur  qui  commença  à  bâtir  plufieurs  for- 
tereffes  ou  bourgs  pour  arrêter  les  incurfions  fréquen- 
tes des  Huns  ou  Hongrois  :  pour  peupler  ces  nou- 
veaux bourgs  ,  en  prenoit  un  neuvième  des  habitans 
de  la  campagne  ;  &  l'on  appelloit  burger  ou  bourgeois , 
ceux  qui  demeuroient  dans  les  bourgs  ou  villes  pour 
les  diftinguer  des  payfans.  Aujourd'hui  par  bourg , 
on  entend  un  endroit  plus  confidérable  qu'un  villa- 
ge ,  mais  qui  l'eft  moins  qu'une  ville. 

Bourg-en-Bresse  ,  (  Géog.  )  ville  de  France, 
capitale  do  la  Breffc  ,  preiqu'au  centre  de  cette  con- 
trée ,  fur  la  rivière  de  Refouffe.  Long.  zz.J>3-  àà. 
lat.  46.  iz.  31. 

Bourg-sur-mer  ,  ville  de  France  en  Guienne , 
avec  un  affez  bon  port ,  au  confluent  de  la  Dordogne 
Se  de  la  Garonne  ,  à  6  lieues  de  Bourdeaux.  Long. 
iy.  lat.  45. 

BOURG ANEUF,  (  Géog.)  ville  de  France  dans 
la  Marche  ,  fur  la  rivière  deTaurion,  à  fix  lieues  de 
Limoges. 

♦BOURGEOIS,  CITOYEN,  HABITANT, 
(  Gramm.  )  termes  relatifs  à  la  réfidence  que  l'on  fait 
dans  un  lieu.  Le  bourgeois  eft  celui  dont  la  réfidence 
ordinaire  eft  dans  une  ville  ;  le  citoyen  eft  un  bour- 
geois confidéré  relativement  à  la  fociété  dont  il  eft 
membre  ;  Yhabftant  eft  un  particulier  confidéré  re- 
lativement à  la  réfidence  pure  &  fimple.  On  eft  ha- 
bitant de  la  ville  ,  de  la  province  ,  ou  de  la  campa- 
gne :  on  eft  bourgeois  de  Paris.  Le  bourgeois  de  Paris 
qui  prend  à  cœur  les  intérêts  de  fa  ville  contre  les 
attentats  qui  la  menacent ,  en  devient  citoyen.  Les 
hommes  font  habitans  de  la  terre.  Les  villes  font  plei- 
nes de  bourgeois  ;  il  y  a  peu  de  citoyens  parmi  ces 
bourgeois,  h  habitation  fuppofe  un  lieu  ;  la  bourgeoise 
fuppofe  une  ville  ;  la  qualité  de  citoyen  ,  une  fociété 
dont  chaque  particulier  connoît  les  affaires  &  aime 
le  bien,&  peut  fe  promettre  de  parvenir  aux  premiè- 
res dignités. 

Bourgeois  ,  on  appelle  ainfi  en  terme  de  Marine 
le  propriétaire  d'un  navire  ,  foit  qu'il  l'ait  acheté  , 
fou  qu'il  l'ait  fait  conftruire.  Si  plufieurs  marchands 
s'unifient  pour  faire  l'acquifition  d'un  navire  ,  on  les 
appelle  co-bourgeois. 

Ce  font  les  bourgeois  des  vaiffeaux  qui  les  équi- 
pent ,  qui  les  frettent ,  &  qui  font  avec  ceux  avec 
qui  ils  les  louent  cette  efpece  de  traité  ,  qu'en  terme 
de  Marine  On  appelle  charte-partie.  Voye?  CHARTE- 
PARTIE. 

Quelques  auteurs  prétendent  que  le  mot  de  bour- 
geois eft  venu  du  ftyle  de  la  hanfe  Teutonique  ,  à 
caufe  qu'en  Allemagne  il  n'y  a  que  les  bourgeois  des 
villes  anféatiques  qui  puiffent  avoir  ou  faire  conftrui- 
re des  vaiffeaux  ;  ce  qui  fait  qu'en  ce  pays-là  on  ap- 
pelle bourgeois  tout  feigneur  ôc  propriétaire  de  navi- 


B  O  U 

re  :  &  l'Allemagne  a  emprunté  vraiffemblablemenf 
ce  nom  desRomains,qui  pendant  le  meilleur  tems  de 
la  république  ne  permettoient  pas  aux  patrices  ou 
fénateurs  de  pofféder  ni  tenir  en  propre  aucun  na- 
vire un  pau  confidérable,  mais  feulement  de  petites 
barques  ;  les  fimples  citoyens  ayant  feuls  le  droit 
d'armer  de  grands  vaiffeaux.  (Z) 

BOURGEON  ou  BOUTON ,  f.  m.  (Jardin.)  c'eft 
une  éminence  qu'on  remarque  aux  branches  des  ar- 
bres ,  ou  un  œil  animé  qui  produit  dans  la  fuite  une 
jeune  branche  ;  les  feuilles  y  font  arrangées  &  cou- 
chées avec  beaucoup  d'induftrie.   (K  ) 

Il  paroît  que  le  terme  de  bourgeon  s 'employé  mieux 
pour  la  vigne  ,  le  verjus  ,  le  chaffelas  ,  le  mufeat. 
Voye^ Bouton.  (K) 

BOURGES,  (Géog.)  ancienne  &  grande  ville 
de  France  ,  capitale  du  Berry.  Elle  eft  iiir  les  riviè- 
res d'Auron  &  d'Yevre  ,  prefqu'au  centre  de  toute 
la  France.  Lon.  zo.3.  z6.  lat.  47.  ^.  58. 

*  BOURGOGNE,  f.  f.  (Géog.)  province  confidé- 
rable de  France ,  avec  titre  de  duché.  Elle  eft  fituée 
entre  le  Bourbonnois,  le  Nivernois,  &  la  Franche- 
Comté.  Son  commerce  principal  eft  en  vin.  Les  plus 
vantés  font  ceux  de  Dijon  ,  de  Nuis  ,  de  Beaune ,  de 
Pomarre  ,  de  Chaffagne  ,  de  Mâcon ,  de  Tonnerre, 
d'Auxerre,  &  autres  endroits.  Ils  fe  tranfportent  dans 
toutes  les  provinces  du  royaume,  Se  dans  toutes  les 
contrées  de  l'Europe.  Il  vient  encore  des  grains  ,  des 
foins ,  des  beftiaux ,  des  fers  ,  &  du  bois  de  chauffa- 
ge ,  du  bailliage  de  Dijon.  Il  y  a  auffi  des  foins  &  des 
grains  dans  le  bailliage  de  S.  Jean  de  Laune.  Celui 
d'Auxonne  fait  le  commerce  de  fes  blés  &  de  ceux 
du  Baffigny.  La  Saône  eft  très-favorable  à  celui  des 
bois.  Le  territoire  d'Autuneft  ingrat.  Celui  du  bail- 
liage de  Châlons  eft  très-fertile  en  vin ,  blé ,  &;  autres 
grains  dont  la  Saône  favorife  le  tranfport.  Avalon  a 
des  grains ,  des  vins  ,  des  beftiaux  &  des  bois.  Il  ne 
iort  guère  d'Auxerre  que  fes  vins.  Le  Chârolois  four- 
nit des  bois  Se  des  beftiaux.  C'eft  peu  de  chofe  que  le 
commerce  du  comté  de  Bar-fur-Seine  &  delà  Brcffe  , 
fi  l'on  en  excepte  les  beftiaux  de  cette  dernière  con- 
trée.Le  Bugey  fait  le  même  commerce.  Le  commerce 
du  pays  de  Gex  n'eft  prefque  rien.  Il  fe  fait  dans  la 
province  entière  des  draperies  à  Dijon  ,  à  Vitaux  , 
à  Mercy ,  à  Semur  ,  Saulieu ,  Seignelay  ,  &c. 

Bourgogne,  (  le  cercle  de  )  c'eft  un  des  dix  cer- 
cles de  l'Empire ,  qui  comprenoit  autrefois  la  Fran- 
che-Comte &  les  dix-fept  provinces  des  Pays-bas , 
mais  qui  eft  acf  uellement  entièrement  démembré  de 
l'Empire.  C'étoit  le  roi  d'Efpagne  qui  étoit  direefeur 
de  ce  cercle,  du  tems  que  ce  royaume  appartenoit  à 
des  princes  de  la  maifon  d'Autriche. 

Bourgogne,  ( Comté  de  )  voye^  Franche- 
Comté. 

Bourgogne  ,  (  la  )  f.  f.  nom  d'une  danfe  Fran- 
çoife  qui  fut  faite  pour  M.  le  duc  de  Bourgogne. 

BOURGOIN  ,  (  Géog.  )  petite  ville  du  Viennois 
en  Dauphiné.  Il  s'y  fait  un  grand  commerce  de  chan- 
vre. 

*  BOURGUEMESTRE  ,  f.  m.  (  Hijl.  mod.  )  Ce 
mot  eft  formé  de  deux  ternies  Flamands ,  burger,  bour- 
geois ,  &  meejler ,  maître  ;  c'eft-à-dire  ,  le  maître  &  le 
protecteur  des  bourgeois.  Quelques-uns  l'expriment 
en  Latin  par  conful,  d'autres  parfenator.  M.  Bruneau 
dit  que  Bourguemejlre  en  Hollande  répond  à  ce  qu'on 
appelle  alderman  &  sheriff'  en  Angleterre  ;  attourné  à 
Compiegne  ;  capitoul  à  Touloufe  ;  conful  en  Langue- 
doc :  mais  cela  n'eft  pas  exacf  ;  Y  alderman  des  An- 
glois  répond  au  fcheepen  ou  échevin  des  Hollandois. 

Les  bourguemejlre  s  font  choifis  du  nombre  des  éche-' 
vins  ,  &  ne  font  ordinairement  en  place  que  pour 
un  ou  deux  ans. 

C'eft  ainfi  qu'on  appelle  les  principaux  magiftrats 
des  villes  de  Flandre  ,  de  Hollande  &  d'Allemagne  ; 


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ils  font  comme  les  maires  &  les  gouverneurs  ;  ils 
donnent  des  ordres  pour  le  gouvernement,  Fadmi- 
niftration  des  finances,  la  justice  &  la  police  des  vil- 
les. Le  pouvoir  &  les  droits  des  bourguemejlres  ne  font 
pas  égaux  par-tout  :  chaque  ville  a  Tes  lois  de  fes  fta- 
tuts  particuliers. 

BOURGUIGNONES ,  (Lois)  Jurifprud.  ce  font 
■celles  qui  étoient  en  ufage  chez  les  Bourguignons 
avant  Gondebaud  l'un  de  leurs  derniers  rois  ,  qui  les 
réforma  &  en  fit  une  efpecede  code,  qu'on  appella 
de  fon  nom  lois  Gombettes.  Voye^  GoMBETTES.(  H) 

BOURGUIGNOTE ,  f.  f.  (  Art.  milit.  )  c'eft  une 
armure  de  tête  faite  de  fer  poli  dont  fe  fervoient  les 
piquiers.   (  Q  ) 

*  BOURIGNONISTE ,  f.  m.  (HiJI.  eccléf.  )  nom 
de  fecle  :  on  appelle  aiftfi  dans  les  Pays-bas  protef- 
tans  ceux  qui  fuivent  la  doôrine  d'Antoinette  Bou- 
rignon,  célèbre  Quiétifte.  Voye^  Quiétisme. 

*  BOURIQUET  ,  f.  m.  (  Minéral.  )  efpece  d'ef- 
cabellc  dont  on  fe  fert  dans  les  fonderies  en  cuivre  , 
pour  contenir  les  branches  de  la  tenaille  ,  lorfqu'on 
employé  ce  dernier  infiniment  à  tenir  le  creufet  dans 
ion  aplomb  tandis  qu'on  le  charge. 

BOURICHE,  f.  m.  (  Chajfe.  )  c'eft  une  efpece  de 
panier  fait  en  forme  d'eeuf ,  dans  lequel  les  oifeleurs 
portent  en  vie  les  oif  eaux  aquatiques.  On  donne  aufti 
le  même  nom  à  ceux  dans  lefquels  on  fait  des  envois 
de  gibier. 

*  BOURLET  ou  BOURRELET ,  f.  m.  fe  dit  au 
propre  d'un  ajuftement  de  tête  à  Fufage  des  jeunes 
enfans  ;  c'eft  une  efpece  de  bandeau  rembourré  &c 
épais  qui  leur  ceint  le  front  ;  &c  des  cordons  de  ru- 
ban qui  fe  croifent  fur  le  haut  de  la  tête  ,  l'empê- 
chent de  defeendre  fur  les  yeux.  Il  garantit  la  tête 
des  enfans  dans  les  chûtes  6c  autres  accidens.  On  a 
tranfporté  ce  nom  aux  éminences  circulaires  prati- 
quées à  l'extrémité  de  plufieurs  corps  ,  parce  qu'el- 
les ont  la  forme  &  le  lieu  des  bourkts  pris  au  propre. 

BOURLET ,  c'eft  dans  l 'Artillerie  l'extrémité  d'une 
pièce  de  canon  du  côté  de  fon  ouverture  ou  de  fa 
bouche.  La  pièce  en  cet  endroit  eft  renforcée  de  mé- 
tal ,  &  elle  reffemble  à  un  bourlet. 

On  le  faifoit  autrefois  avec  différens  ornemens  ou 
membres  d'architecture  :  mais  aujourd'hui  on  le  fait 
en  tulipe  ,  c'eft-à-dire,  avec  un  arrondiflementà  peu 
près  fcmblable  à  une  tulipe.  Cette  forme  eft  la  plus 
avantageufe  pour  la  confervation  des  embrafures. 
Voye^  Canon.  (  Q  ) 

Bourlet,  en  Marine ,  c'eft  un  gros  entrelacement 
de  cordes  &  de  trèfles  que  l'on  met  autour  du  grand 
mât ,  du  mât  de  mifene ,  &  du  mât  d'artimon  ,  pour 
arrêter  la  vergue  dans  un  combat ,  en  cas  que  les 
manœuvres  qui  la  tiennent  fuflent  coupées.   (  Z  ) 

BOURLET  ,  (  Jardinage.  )  s'entend  d'un  gros  nœud 
qui  au  bout  de  quelques  années  vient  au-defîbus  d'u- 
ne greffe  ,  plus  gros  que  le  pié  fur  lequel  elle  a  été 
feite  ;  ce  qui  dénote  que  le  lujct  ou  fauvageon  n'eft 
pas  bien  conditionné.  Le  bouda  fe  connoît  par  un 
cercle  avancé,  la  greffe  fe  joignant  difficilement  à 
l'arbre  greffé  ,  qui  demeure  plus  petit:  la  raifon  eft 
que  lesvaiffeauxde  la  greffe  ne  répondant  pas  exacte- 
ment auboutdesvaiffeaux  du  fujet  fur  lequel  on  l'ap- 
plique ,  il  n'eft  pas  poifible  que  le  fuc  nourricier  les 
enfile  en  droite  ligne.  Quand  on  s'apperçoit  qu'un 
fauvageon  fait  le  bourlet,  foit  dans  la  pépinière  ,  foit 
mis  en  place  ,  on  ne  peut  mieux  taire  que  de  l'arra- 
cher &  d'en  replanter  un  autre.  (A') 

Bourlet  ,  ancien  terme  qui  ftgnifioit  la  partie  du 
harnois  des  chevaux  qu'on  appelle  à  préfent  le  col- 
lier. C'eft  de-là  qu'eft  venu  le  nom  de  Bourrelier , 
qu'on  donne  aux  ouvriers  qui  font  les  colliers  de  che- 
vaux. Voye^  Collier.  Voye^  B  ,  fig.  6.  Planche  du 
Bourrelier. 

Bourlet  de  lutin  y  en  terme  de  Boutonnier  ,  eft  un 
Tome  II, 


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371 


ouvrage  en  bois  tourné  en  poire  ou  autrement  :  il  y 
en  a  de  deux  fortes  ;  l'un  eft  percé  par  en  haut ,  6c 
fert  à  cacher  les  tirefonds  ;  6c  l'autre  l'eft  par  en- 
bas  ,  un  peu  en  s'évafant,  pour  renfermer  le  nœud 
de  la  corde  qui  fufpend  le  luftre.  Les  uns  &  les  au- 
tres peuvent  être  percés  à  jour  ou  ne  Fêtre  pas. 

BOURLET  ,  en  terme  de  Raffineur  de  fucre  ,  eft  un 
cercle ^de  corde  quia  fept  à  huit  pouces  de  diamè- 
tre >  d'où  s'élèvent  quatre  autres  cordes  qui  fe  réu- 
nifient &  fe  lient  enfemble  environ  deux  pies  au-def- 
fus  du  bourlet.  Il  faut  faire  attention  de  conserver 
dans  cette  ligature  une  boucle  pour  attacher  le  bour- 
letii  la  corde  du  tracas.  Voye^  Tracas. 

On  fe  fert  du  bourlet  pour  monter  les  pots  8c  les 
grofles  pièces,  comme  bâtardes &vergeoifes,  dans 
les  greniers.  Voye^  Bâtardes  &  Vergeoises.  Ce- 
lui qui  fert  aux  vergeoifes  doit  avoir  moins  de  dia- 
mètre &  des  cordes  plus  longues  ,  que  celui  qui  fert 
aux  pots.  Voye{  Pot  &  Vergeoise. 

BOURMONT  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France 
au  duché  de  Bar,  à  fept  lieues  de  Nancy  ,  près  de  la 
Meufe.  Long.  23.  18.  lat.  48.  IO. 

BOURNEZEAU ,  petite  ville  de  France  dans  le 
Poitou. 

BOURON,  (  Géog.)  ville  de  la  Romanie  fur  un 
lac  de  même  nom  ,  appartenante  aux  Turcs. 

BOURRE  ,  i.  f.  dans  plufieurs  Arts  méchaniques  , 
poil  de  plufieurs  animaux ,  comme  taureaux,  bœufs, 
vaches ,  veaux,  bufles  ,  chevaux,  cerfs ,  &c  qu'on 
détache  par  le  moyen  de  la  chaux ,  ou  qu'on  rafe 
avec  un  couteau  de  deffus  leurs  peaux  ou  cuirs  lorf- 
qu'on les  prépare  dans  les  tanneries ,  ou  chez  les  Mé- 
giffiers,  Chamoifeurs,  ou  Hongrieurs.  La  bourre  {çrt 
à  garnir  des  felles  ,  des  bâts  ,  des  chaifes ,  des  tabou- 
rets ,  des  banquettes  ou  formes  ,  &c. 

A  Paris  ce  font  les  Marchands  de  fer,  qui  font  du 
corps  de  la  Mercerie ,  qui  font  prefque  tout  le  négo- 
ce de  cette  efpece  de  bourre ,  quoiqu'il  foit  permis 
aux  marchands  Epiciers  de  le  faire.  Ceux  qui  en 
font  commerce ,  l'achètent  en  gros  des  ouvriers  qui 
préparent  les  cuirs ,  6c  la  revendent  enfuite  en  détail 
aux  artifans  qui  en  ont  befoin. 

*  Bourre  de  laine ,  chei  les  Bonnetiers ,  c'eft  la  par- 
tie qui  tombe  fous  la  claie  quand  on  la  bat. 

*  Bourre  -lanisse,  laine  que  les  Laineurs  ou 
Eplaigneurs  tirent  de  defius  les  draps ,  les  ratines ,  & 
autres  étoffes,  quand  ils  les  préparent  fur  la  perche 
avec  le  chardon  avant  que  de  les  tondre. 

*  Bourre  -  tontisse  ,  laine  qui  provient  de  U 
tonte  des  draps. 

Les  faifeurs  de  matelas  &  autres  ouvriers  qui  em- 
ployent  la  laine  ,  trompent  fouvent ,  foit  en  mélan- 
geant les  bonnes  laines  avec  ces  mauvaifes ,  foit  en 
les  leur  fubftituant.il  faut  y  prendre  garde. 

*  Bourre  de  soie  ,  Filoselle  .  ou  Fleuret, 
c'eft  la  partie  de  foie  qu'on  rebute  au  dévidage  des 
cocons  :  on  la  file ,  &  on  la  met  en  écheveaux  comme 
la  bonne.  On  en  fait  des  padous  ,  des  ceintures  ,  des 
lacets ,  du  cordonnet ,  &c. 

*  Bourre  ,  (  rouge  de  )  en  Teinture  :  il  fe  fait  avec 
le  poil  de  chèvre  le  plus  court.  On  fait  bouillir  le  poi! 
plufieurs  fois  dans  la  garance  ;  ainfi  préparé ,  il  fé 
fond  dans  la  cuve  à  teindre  par  le  moyen  de  quel^ 
qu'acide,  comme  la  cendre  gravelée  ,  l'urine,  &c. 
6c  donne  le  rouge  ou  nacarat  de  bourre  ,  un  des  fept 
bons  rouges. 

*  Bourre  de Marfeille ,  (Commerce.)  étoffe  moirée 
dont  la  chaîne  eft  toute  de  loie ,  tk  la  trame  toute  de 
bourre  de  foie.  Les  premiers  bourres  fe  font  faits  à 
Marfeille:  il  s'en  fabrique  à  préfent  à  Montpellier, 
à  Nimes ,  &  ailleurs. 

*  Bourre  ,  cht{  les  Corroyeurs ,  c'eft  le  vieux  tan 
qui  eft  refté  des  peaux  de  mouton  au  fortir  de  la 
tannerie.  Onébourre  ces  peaux  avec  l'eftire. 

A  a  a  ij 


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BOURRE ,  en  terme  d'Artillerie ,  c'eft  tout  ce  que 
l'on  met  for  la  poudre  en  chargeant  les  armes  à  feu, 
D  i  pier ,  foin,  &c.  Voye{  CHARGE  6-  T  A  M  p  o  N. 

Bourre  ,  fe  dit  de  la  première  forte  de  bourgeons 
des  vignes  &  des  arbres  fruitiers, 
i    Bourre  fe  dit  auffi  de  la  graine  d'anémone.  (K  ) 

BOUR.R.EAU  ,  f.  m.  (  Hifl.  anc.  &  mod.  )  le  der- 
nier officier  de  juftice ,  dont  le  devoir  eft  d'exécu- 
ter les  criminels.  La  prononciation  de  la  fentence 
met  le  bourreau  en  poifefiîon  de  la  perfonne  con- 
damnée. En  Allemagne  on  n'a  point  pour  le  bour- 
reau la  même  averiion  qu'en  France.  L'exécuteur  eft 
le  dernier  des  hommes  aux  yeux  du  peuple  ;  aux 
yeux  du  philofophe  ,  c'eft  le  tyran. 

BOURRÉE ,  f.  f.  terme  dOrchcfiique.  Il  y  a  des  pas 
qu'on  nomme  pas  de  bourrée.  Voye-^plus  bas. 

Il  y  a  une  danfe  qu'on  nomme  la  bourrée  :  elle  eft 
gaie ,  &c  on  croit  qu'elle  nous  vient  d'Auvergne  :  elle 
eft  en  effet  toujours  en  ufage  dans  cette  province. 
Elle  eft  compofée  de  trois  pas  joints  enfemble  ,  avec 
deux  mouvemens.  On  la  commence  par  une  noire 
en  levant. 

Mouret  a  fait  de  jolies  bourrées  ;  il  a  porté  ce  gen- 
re d'airs  &  de  danfe  dans  les  ballets. 

On  l'a  peu  fuivi ,  cette  danfe  ne  paroiffant  pas  allez 
noble  pour  le  théâtre  de  l'opéra.  (5) 

La  bourrée  eft  à  deux  tems  ,  &  compofée  de  deux 
parties ,  dont  il  faut  que  chacune  ait  quatre  mefures,- 
ou  un  nombre  de  mefures  multiple  de  quatre.  Elle 
diffère  peu  du  rigaudon.  Voye^  Rigaudon. 
.  Bourrée,  (  Pas  de  )  ce  pas  eft  compofé 
de  deux  mouvemens  ;  lavoir  d'un  demi-coupé  avec 
un  pas  marché  for  la  pointe  du  pié  ,  &  d'un  demi- 
jetté:  je  dis  un  demi-jetté ,  parce  qu'il  n'eft  fauté  qu'à 
demi  ;  &  comme  ce  pas  eft  coulant ,  l'on  dernier  pas 
ne  doit  pas  être  marqué  h  fort  :  on  en  a  adouci  F  (.lia- 
ge ,  parce  qu'il  demande  beaucoup  de  force  dans  le 
coiip-de-pié  ;  on  y  a  donc  ajouté  le  fleuret.  Voye^  la 
définition  de  ce  pas. 

Pas  DE  Eourr.EE  avec  fleuret  diffus  &  dejfous.  Ces 
pas  fe  font  en  revenant  dû  côté  gauche,  le  pié  droit 
étant  à  la  première  pofition.  On  plie  fiir  le  pié  gau- 
che en  ouvrant  les  genoux ,  &  étant  plié  on  croife  le 
pié  devant  foi  jufqu'à  la  cinquième  poiition,  &  l'on 
s'élève  defî'us.  On  porte  enfoitè  le  pié  gauche  à  côté 
à  la  féconde  pofition,  &  le  droit  fe  croife  derrière  à 
la  cinquième,  ce  qui  fait  l'étendue  dupas. 

Ceux  qui  fe  font  deffous  &  dcîïus  ne  différent  du 
premier ,  qu'en  ce  que  le  demi-coupé  fe  croife  der- 
rière ,  &  le  troifieme  fe  croife  devant. 

Quant  à  ceux  qui  fe  font  de  côté  en  effaçant  l'é- 
paule, le  corps  étant  pofé  fur  le  pié  gauche  ,  on  plie 
ueffus,  ayant  le  pié  droit  en  l'air  prés  du  gauche,  & 
qn  le  porte  à  côté  en  s'élevant  for  la  pointe ,  &  en 
retirant  l'épaule  droite  en  arrière  :  mais  la  jambe  gau- 
che fuit  la  droite ,  &  fe  pofe  derrière  à  la  troifieme 
poiition,  les  genoux  étendus  for  la  pointe  ,  &  pour 
le  troifieme  on  laiffe  gliffer  le  pié  droit  devant  à  la 
quatrième  pofition ,  en  laiffant  pofor  le  talon  à  terre, 
ce  qui  finit  ce  pas.  Le  corps  étant  pofé  for  le  droit, 
on  peut  plier  deffus ,  &  en  faire  un  autre  du  gauche. 
-  Pas  de  Bourrée  ouvert  ;  fi  on  prend  ce  pas 
du  pié  droit ,  l'ayant  en  l'air  à  la  première  pofition, 
on  plie  fur  le  gauche ,  &  l'on  porte  le  droit  à  la  fécon- 
de pofition ,  ou  l'on  s'élève  fur  ce  pié  ,  en  faifant  ce 
pas  de  la  forte  :  la  jambe  gauche  fuit  la  droite ,  en  s'ap- 
prochant  à  la  première  pofition ,  &  dans  le  même  tems 
le  droit  fe  pofe  entièrement,  8c  de  fuite  le  gauche  fe 
pofe  à  côté  à  la  féconde  pofition,  en  laiffant  tomber 
le  talon  le  premier  :  lorfque  le  corps  fe  pofe  fur  ce 
pié ,  on  s'élève  for  la  pointe  ;  par  cette  opération  on 
attire  la  jambe  droite  ,  dont  le  pié  fe  gliffe  derriè- 
re le  gauche  jufqu'à  la  troifieme  poiition ,  tk  le  pas  eft 


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terminé.  Si  l'on  en  veut  faire  un  autre  du  pié  gauche, 
il  faut  porter  le  talon  droit  à  terre ,  plier  deflus ,  & 
porter  le  pié  gauche  à  côté,  en  obfervantles  mêmes 
règles. 

Pas  de  Bourrée  emboîté;  ce  pas  s'appelle  ainfî, 
parce  qu'il  s'arrête  au  (econd  pas  à  l'emboîture.  Il  faut 
faire  le  demi-coupé  en  arrière,  en  portant  le  pié  à  la 
quatrième  pofition.  Le  fécond  pas  fe  porte  vite  à  la 
troifieme ,  &  l'on  refte  un  peu  dans  cette  pofition  fur 
la  pointe  des  pies ,  les  jambes  étendues  ;  puis  on  laiffe 
gliffer  le  pié  qui  eft  devant  jufqu'à  la  quatrième  po- 
iition. Ce  mouvement  fe  fait  en  laiffant  plier  le  ge- 
nou de  la  jambe  de  derrière ,  qui  renvoyé  par  l'on 
plié  le  corps  for  le  pié  de  devant ,  ce  qui  fait  l'éten- 
due de  ce  pas. 

Bourrée  eft  un  petit  fagot  qui  n'eft  fait  que  dera- 
mafïls  d'e  bois  6c  de  broffailles;  telles  que  celles  dont 
on  fait  famé  d'un  fagot.  Voye^  Bois  DE  CHAUF- 
FAGE, Foye{  Fagot. 

BOURRELIER ,  f.  m.  ouvriers  qui  font  les  har- 
nois  de  chevaux  de  carroffe  ,  de  charrette  ;  ils  font 
de  la  communauté  des  Selliers.  Ils  ont  été  nommés 
bourreliers ,  du  collier  des  chevaux,  qu'on  appelloit 
autrefois  bourrelet.  Voye^  Sellier. 

BOURRU,  BOURRUE,  adj.  (manufacî.  enfoie.) 
fe  dit  de  tout  fil  ou  foie  inégal ,  ou  chargé  de  diffé- 
rentes bourres  de  la  même  eipece  qui  s'y  font  intro- 
duites lors  de  la  fabrique  de  ce  fil  ou  foie  ;  cette  bour- 
re doit  être  ôtée  foit  de  la  chaîne  ou  de  la  trame ,  fi 
l'on  veut  que  l'ouvrage  foit  beau. 

BOUR.S  AULT ,  terme  de  Plombier,  eft  une  pièce  de 
plomb  qu'on  place  au  haut  des  toits  couverts  d'ar- 
doife.  C'eft  la  principale  pièce  de  l'enfaîtement;  au- 
deffous  du  bourfault  eft  la  bavette ,  ôv  au-deffous  de 
la  bavette  eft  le  membron. 

Boursault  ROND,  outil  de  Plombier,  c'eft  un  ins- 
trument de  bois  plat  d'un  côté  &  arrondi  de  l'autre  , 
dont  les  Plombiers  fe  fervent  pour  battre  &  arrondir 
les  tables  de  plomb  dont  ils  veulent  faire  des  tuyaux 
fur  les  tondins.  Le  manche  du  bourfault  eft  attaché  le 
long  du  coté  qui  eft  plat;  il  n'y  a  que  le  côté  arron- 
di qui  ferve  à  battre  le  plomb.  Voye^  la  figure  PL  de 
Plomberie  &  du  Fontaïnier. 

BOURSE ,  en  terme  de  Bourfiers ,  dont  ils  tirent  leur 
nom ,  eft  une  efpece  de  petit  fac  portatif,  fermé  par 
des  cordons ,  &  propre  à  recevoir  tout  ce  qu'on  veut 
y  mettre.  Il  y  a  des  bourfes  à  cheveux ,  à  jetions,  &c. 
Foyer  ces  mots. 

BOURSE  À  CHEVEUX,  terme  de  Bourjler  &  autres, 
c'eft  un  petit  fac  de  taffetas  noir,  environ  de  huit  pou- 
ces en  quarré  au-haut  &  en-deffus  duquel  eft  attaché 
un  ruban  fort  large ,  noir  &  plié  en  rôle.  Ce  fac  eft 
fermé  de  deux  côtés,  &  eft  ouvert  par  en-haut.  Il  y  a 
un  faux  ourlet  à  chaque  bord  ,  dans  lefquels  paffent 
des  cordons  qui  le  font  ouvrir  ou  fermer.  Les  hom- 
mes s'en  fervent  pour  mettre  leurs  cheveux  par  der- 
rière. Les  Marchands  de  modes  en  font  peu ,  mais  ils 
les  font  faire  par  des  ouvriers. 

Bourse  à  jettons  ,  les  Bourfiers  appellent  de  ce 
nom  un  fac  de  cuir,  de  velours,  &c.  qui  fe  ferme 
avec  des  cordons  qui  traverient  les  quarrés  en  fens 
contraires.  Il  y  a  des  bourfes  à  dix,  douze  quarrés  plus 
ou  moins  ,  c'eft-à-dire ,  à  dix  ou  douze  plis. 

Bourse,  en  Anatomie ,  fe  dit  de  deux  facs  formés 
par  le  darthos  &  le  ferotum ,  qui  enveloppent  les  tef- 
ticules  comme  dans  une  bourjé.  Foyez_  Darthos  6* 
Scrotum.  (L) 

BOURSE,  (  Commerce.  )  en  terme  de  Négocians ,  eft 
un  endroit  public  dans  la  plupart  des  grandes  villes, 
où  les  Banquiers,  Négocians,  Agens,  Courtiers,  In- 
terprètes, &  autres  perf  onnes  intérefîées  dans  le  com- 
merce, s'affemblent  en  certains  jours  ,  &  à  une  heu- 
re marquée ,  pour  traiter  enfemble  d'affaires  de  com- 
merce, de  change,  de  rernjies,  de  payemens,  d'af- 


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fùrancés ,  de  fret ,  &  d'autres  choies  de  cette  nature , 
qui  regardent  les  intérêts  de  leur  commerce ,  tant  fur 
terre  que  lur  mer. 

Bruges  en  Flandre  a  été  la  première  ville  où  l'on 
fe  foit  lérvi  du  mot  de  bourfe ,  pour  déligner  le  lieu 
où  les  Marchands  tenoient  leurs  aflemblees,  à  caule 
que  les  Marchands  de  cette  ville  s'aflembloient  dans 
une  place  vis-à-vis  d'une  mail'on  qui  appar tenoit  à  la 
famille  de  Vander  bourfe. 

En  Flandre  ,  en  Hollande,  &  dans  plufieurs  villes 
de  la  France  ,  on  appelle  ces  endroits  bourfes  ;  à  Pa- 
ris &c  à  Lion  ,  plaças  de  change  ;  &  dans  les  villes  li- 
bres &  anléatiques  du  Nord ,  collèges  des  Marchands. 

Ces  aflemblees  fe  tiennent  avec  tant  d'exacfrtude , 
&  il  eft  fi  néceflaire  aux  négocians  de  s'y  trouver , 
que  la  feule  ablénce  d'un  homme  le  fait  quelquefois 
foupçonner  d'avoir  manqué  ou  tait  banqueroute. 
Voye^  Banqueroute  &  Faillite. 

Les  bourfes  les  plus  célèbres  de  l'Europe  font ,  cel- 
le d'Amfterdam  ,  &  celle  de  Londres ,  que  la  reine 
Elifabeth  fit  appeller  le  change  royal,  nom  qu'elle  a 
retenu  depuis.  V.  en  la  defcription  à  Carticle  CHAN- 
GE ROYAL. 

La  bourfe  d'Anvers  n'étoit  guère  inférieure  à  celles 
de  Londres  &  d'Amfterdam ,  avant  le  déclin  du  com- 
merce de  cette  ville. 

Dans  le  tems  même  des  anciens  Romains ,  il  y 
avoit  des  lieux  où  les  commerçans  s'aflembloient 
clans  les  villes  les  plus  conlidérables  de  l'empire.  La 
bourfe  que  quelques-uns  prétendent  avoir  été  bâtie  à 
Rome,  l'an  259  après  la  fondation  de  cette  ville, 
c  'eft-à-dire  49  3  ans  avant  la  naifl'ance  de  Jefus-Chrift, 
fous  le  confulat  d'Appius  Claudius  ,  &  de  Publius 
Servilius,  fut  nommée  Collegium  mercatorum  ;  on  pré- 
tend qu'il  en  refte  encore  quelque  choie  ,  que  les  Ro- 
mains modernes  appellent  loggia,  la  loge,  &  qu'ils 
nomment  aujourd'hui  la  place  de  S.  George.  Voye-^ 
Collège. 

C'eft  iur  l'autorité  deTite-Live  qu'on  fonde  cette 
opinion  d'une  bourfe  dans  l'ancienne  Rome  ;  voici 
ce  que  dit  cet  auteur  :  Certamtn  confulibus  inciderat 
uter  dedicaret  Mercuriï  œdem.  Sénat  us  à  fe  rem  ad  po- 
pulum  rcjecit  :  utri  eorum  dedïcatio  jufju  populi  data 
■effet ,  eum  prœejfe  annonce  ,  mercatorum  collegium  injli- 
tuerejuffit.  lib.  II.  Mais  il  eft  à  remarquer  que  dans  la 
pureté  de  la  langue  Latine  ,  collegium  ne  fignifioit  ja- 
mais un  édifice  fait  pour  une  fociété  de  gens  ;  deforte 
que  collegium  mercatorum  ïnflituere ,  ne  peut  pas  fe 
rendre  parbdtir  une  place  de  change  ou  un  collège  pour 
les  négocians.  Le  fens  de  cette  expreflion  eft  que  les 
négocians  furent  incorporés  &  formés  en  compa- 
gnie :  &  comme  Mercure  étoit  le  Dieu  du  commer- 
ce, cette  œdes Mercuriï  femble  avoir  été  le  lieu  deftiné 
aux  dévotions  de  cette  compagnie  de  commerçans. 

La  bourfe  des  marchands  de  Touloufe  fut  établie 
'par  Henri II.  en  1549,  à  l'incitation  des  juges  confer- 
vateurs  des  privilèges  des  foires  de  Lyon. 

L'édit  d'érecnon  confirmé  par  lettres  patentes  du 
roi  en  15  51  ,  permet  aux  marchands  de  cette  ville 
d'élire  &  de  faire  chaque  année  un  prieur  ik.  deux 
confuls  d'entre  eux  pour  connoitre  &  décider  en  pre- 
mière inftanec  de  tous  &  chacuns  les  procès  &  diffè- 
rens  qui  peur  raifon  de  marchandifes  ,  aflùrances , 
&c.  feroient  mus  &  intentés  entre  marchands  Se  tra- 
fîquans  à  Touloufe ,  &  par  appel  au  parlement  de 
ladite  ville  ;  leur  permettant  d'acheter  ou  conftruire 
un  bâtiment  pour  y  tenir  la  jurifdicuon  cycles  aflem- 
blees de  ladite  bourfe  commune. 

Les  marchands  qu'il  el'c  permis  aux  prieur  &  con- 
fuls  de  choilir  ce  de  s'aflocier  pour  affilier  aux  jiige- 
mens  de  la  bourfe ,  s'appellent  juges -confeillers  de  la 
retenue ,  &:  font  au  nombre  de  Coûtante.  /  qye^  Juges 

DE  LA  RETENUE. 

La  bourfe  de  Rouen ,  ou,  comme  on  l'appelle,  la 


373 


convention  de  Rouen ,  eft  de  quelques  années  plus  mo- 
derne que  celle  de  Touloule,  n'étant  que  de  l'année 
1 566  ,  fous  le  règne  de  Charles  IX  :  pour  le  refte  elle 
lui  eft  à-peu-pres  femblable. 

La  plus  nouvelle  de  toutes  les  bourfes  confulaires  eft 
celle  de  Montpellier,  érigée  en  1691  par  Louis  XIV. 
pour  les  marchands  de  cette  ville,  &  dont  la  juri- 
diction s'étend  dans  les  diocefes  de  Montpellier  ,  Nî- 
mes ,  Usés ,  Viviers ,  le  Puy,  Mende ,  Lodeve ,  Agde, 
Befiers  ,  Narbonne ,  &  Saint-Pons.  Ses  officiers  font 
un  prieur ,  deux  juges-confuls ,  un  fyndic  ,  6c  un  cer. 
tain  nombre  de  bourgeois  pour  afîifter  avec  eux  aux 
jugemens. 

A  Bourdeaux  ,  les  confuls  font  appelles  juges-con- 
fuls de  la  bourfe  commune  des  marchands.  Voye?  CON- 
SULS. 

Jufqu'en  1724,  le  lieu  d'aflemblée  où  les  mar- 
chands, banquiers,  négocians,  &  agens  de  change 
de  Paris  s'aflembloient  pour  traiter  de  leur  commer- 
ce ,  étoit  fitué  dans  la  grande  cour  du  Palais ,  au-def- 
fous  de  la  gallerie  Dauphine ,  du  côté  de  la  Concier- 
gerie ;  &  on  l'appelloitla/^ce  du  Change.  Mais  alors 
on  choifit  l'hôtel  de  Nevers ,  rue  Vivienne  ;  &  aux 
bâtimens  qui  y  étoient  déjà ,  on  en  ajouta  de  nou- 
veaux pour  la  commodité  des  négocians ,  banquiers, 
&c.  &  c'eft  ce  qu'on  nomme  aujourd'hui  à  Paris  la 
bourfe.  On  peut  en  voir  les  principaux  reglemens 
dans  l'arrêt  du  confeil  du  24  Septembre  1724,  & 
dans  le  dictionnaire  du  Commerce  <&Savary,  tom.  I. 
pag.  1080.  &fuiv. 

La  bourfe  d'Amfierdam  eft  un  grand  bâtiment  de 
brique  &  de  pierres  de  taille ,  qui  8230  pies  de  long 
fur  1 30  de  large ,  &  autour  duquel  règne  un  periftyle, 
au-defliis  duquel  eft  une  galerie  de  vingt  pies  de  lar- 
geur. Les  piliers  du  periftyle  font  au  nombre  de  qua- 
rante-fix  ,  tous  numérotés  depuis  un  jufqu'à  quaran- 
te-fix ,  pour  diftinguer  les  places  où  fe  tiennent  les 
marchands ,  &  aider  à  les  trouver  aux  perfonnes  qui 
ont  affaire  avec  eux  ;  ce  qui  fans  cela  feroit  fort  dif- 
ficile ,  puifque  ce  bâtimentpeut  contenir  jufqu'à  4500 
perfonnes.  La  bourfe  eft  ouverte  tous  les  jours  ouvra- 
bles depuis  midi  jufqu'à  une  heure  &  demie  ou  deux 
heures  ;  on  en  annonce  l'ouverture  par  le  fon  d'une 
cloche.  A  midi  tk.  demi  on  en  ferme  les  portes  ;  on 
y  peut  néanmoins  entrer  jufqu'à  une  heure  en  payant 
un  certain  droit  à  un  commis  établi  pour  le  recevoir. 
Outre  cette  bourfe,  il  y  en  a  encore  une  dans  la 
même  ville ,  qu'on  appelle  la  bourfe  aux  grains.  C'eft 
une  halle  fpatieuie  où  les  marchands  de  grains  ,  fac- 
teurs ,  &c.  s'aflemblent  tous  les  lundis ,  mercredis  , 
&  vendredis  ,  depuis  dix  heures  du  matin  jufqu'à 
midi ,  &  vendent  ou  achètent  des  grains  fous  mon- 
tre. Il  y  a  aufli  à  Rotterdam  une  bourfe  très-belie ,  & 
qui  fait  un  des  principaux  ornemens  de  cette  ville, 
quoique  moins  grande  &  moins  fpatieufe  que  celle 
d'Amfterdam. 

Bourse  a  encore,  dans  le  Commerce,  plufieurs  li- 
gnifications ,  dont  voici  les  principales. 

Il  le  dit  de  ceux  qui  ont  beaucoup  d'argent  comp- 
tant, qu'ils  font  valoir  fur  la  place  en  efeomptant 
des  lettres  &  billets  de  change  :  ainli  on  dit ,  ce  mar- 
chand efl  une  des  meilleures  bourfes  de  Paris. 

Bourfe  commune  eft  proprement  une  fociété  qui  fe 
tait  entre  deux  ou  plufieurs  perfonnes  de  même  pro- 
feflion  ,  pour  partager  par  égale  portion  les  profits , 
ou  fupporter  les  pertes  qui  peuvent  arriver  dans  leur 
trafic.  On  dit  quelquefois  tenir  la  bourfe  ,  pour  tenir 
U  caiffe.  foyer  Caisse. 

Bourfe  commune  s'entend  aufli  de  ce  qui  provient 
des  droits  de  réception  ,  foit  à  l'apprentiflage  ,  foit 
à  la  maîtrife  ,  dans  les  corps  des  marchands  &c  les 
communautés  des  Arts  &  Métiers  ;  ce  qui  compofe 
un  fonds  qui  ne  peut  être  employé  que  pour  les  be- 
l'oins  &  aiiaùes  communes.  Ce  font  ordinairement 


374 


B  O  U 


ies  maîtres  &  gardes  6c  jurés  qui  font  chargés  de  la 
perception  de  ces  deniers  ,  dont  ils  rendent  compte 
eu  lbrtir  de  leur  charge. 

Bourfi  le  dit  encore  de  l'argent  ou  bien  de  quel- 
qu'un. Avoir  la  bvurfe ,  manier  la  bourfi  ;  c'eft  taire  la 
xlépenfe.  Mettre  la  main  à  la  bourfi ,  c'eft  dépenfer. 
'Faire  une  affaire  fans  bourfi  délier^  c'eft  taire  un  troc 
de  marchandises  ,  un  accommodement  but  à  but ,  6c 
fans  être  obligé  de  donner  de  l'argent  de  part  ni 
<1  'autre.  (<r) 

Bourse  ,  (  Hifl.  mod.  )  manière  de  compter  ,  ou 
efpcce  de  monnoie  de  compte  fort  ulitée  dans  le  Le- 
vant ,  fingulierement  à  Conitantinople.  Voyt{  Mon- 
noie de  COMPTE. 

-La  bourfe  eft  une  fomme  de  cent  vingt  livres  fter- 
lins ,  ou  de  cinq  cents  écus.  Ce  terme  vient  de  ce  que 
le  threlor  du  grand-léigneur  eft  gardé  dans  le  lérrail 
dans  des  bourfes  de  cuir  ,  qui  contiennent  chacune 
cette  fomme. 

Cette  manière  de  compter  des  Turcs  leur  vient 
des  Grecs ,  qui  l'avoient  prile  des  Romains  ,  dont 
les  empereurs  la  rirent  parler  à  Conitantinople  ;  com- 
me il  paroît  par  la  lettre  de  Constantin  à  Cécilien  , 
évêque  de  Cartilage  ,  citée  par  Eulebe  6c  Nicéphore , 
où  on  lit  ce  qui  fait:  «  Ayant  réfolu  de  donner  quel- 
•»  ques  Secours  en  argent  aux  miniftres  de  la  religion 
»  Catholique  en  Afrique ,  dans  les  provinces  de  Nu- 
»  midie  &  de  Mauritanie  ;  j'ai  écrit  à  Vefus ,  notre 
*  threibrier  général  en  Afrique  ,  &  lui  ai  donné  or* 
»  dre  de  vous  délivrer  trois  mille  folles  » ,  c'eft-à- 
dire  bourfes  :  car ,  comme  le  remarque  M.  de  Fleury , 
ce  que  nous  appelions  bourfe  ,  les  Latins  l'appellent 
follis ,  par  oîi  ils  entendent  une  fomme  de  deux  cents 
cinquante  deniers  d'argent ,  ce  qui  revient  à  cinq 
cents  livres  de  noire  monnoie. 

La  bourfi  d'or  chez  les  Turcs  eft  de  quinze  mille 
fequins,  ou.de  trois  mille  écus  ;  &  ce  font  celles  que 
ies  Sultans  généreux  distribuent  à  leurs  favoris  &  aux 
Sultanes. 

BOURSETTES ,  f.  f.  (  Orgue.  )  ce  font  de  petites 
parties  du  fomrnier  fort  ingénieuiement  imaginées , 
pour  pouvoir  faire  entrer  un  ril  de  fer  dans  la  laye  , 
fans  que  le  vent  dont  elle  eft  remplie  ,  puifle  Sortir 
par  le  trou  par  oii  le  fil  de  fer  paile.  Foyei  lafig.  5. 

Le  n°.  i.  représente  les  dirférentes  parties  dont 
une  bourfette  eft  compofée.  A  eft  un  petit  morceau 
d'ofier  d'une  ligne  ou  deux ,  plus  long  que  la  planche 
de  la  laye  n'a  d'épaifleur.  d  e  eft  un  hl  de  fer  enfilé 
dans  l'ofier.  A  l'extrémité  d ,  on  fait  un  anneau  avec 
les  pincettes  rondes.  B  eft  un  morceau  de  peau  d'a- 
gneau fort  délié.  Ceft  un  autre  petit  morceau  d'o- 
ïier  d'une  ligne  &  demie  ou  deux  de  long  ,  que  l'on 
enfile  par-deffus  la  peau  d'agneau.  On  met  de  la  colle 
aux  bouts  des  morceaux  d'olier  qui  touchent  la  peau. 
On  coupe  enfuite  le  fil  de  fer  e,  enforte  qu'il  n'en 
relie  que  pour  faire  un  anneau  e.  N°.  2.  &  n°.  3. 
lorlque  la  bourfette  eft  ainfi  préparée  ,  on  perce  des 
trous  dans  la  planche  de  deflbus  de  la  laye  :  ces  trous 
doivent  être  Seulement  un  peu  plus  grands  que  les 
morceaux  d'olier  n'ont  de  grolTeur ,  afin  qu'ils  puil- 
fent  y  paffer  librement.  Du  côté  de  l'intérieur  de  la 
laye ,  on  élargit  les  trous  en  les  bridant  avec  un  fer 
chaud  :  ce  fer  doit  avoir  une  tête  hémifphérique  , 
pour  former  comme  un  baffin  concave.  Lorlque  les 
trous  Sont  ainlï  préparés ,  on  paSTe  le  grand  morceau 
d'ofier  dedans ,  &  on  colle  les  bords  de  la  peau  fur 
les  bords  évafés  du  trou ,  comme  on  voit  au  n°.  3. 
La  colle  dont  on  le  fort  eft  la  colle-forte  ordinaire, 
avec  laquelle  on  colle  le  bois.  Pour  faire  prêter  la 
peau  à  la  même  forme  que  les  trous  des  iourfittes ,  on 
le  fort  d'un  morceau  de  bois  arrondi  par  le  bout, 
comme  le  fer  à  brider  dont  on  a  parlé  ci -devant, 
avec  lequel  en  appuyant  fur  la  peau  que  l'on  vient 
de  coller,  on  lui  fait  prendre  la  forme  des  trous.  La 


B  O  U 

peau  prête  facilement  ,  fur-tout  lorfqu'eîle  n'a  pas 
été  étirée ,  c'eft- à-dire  autant  étendue  qu'elle  le  peut 
être  avant  de  l'employer  à  cet  ulage. 

Cette  opération  faite ,  la  bourfette  eft  entièrement 
achevée.  On  l'aftemble  enluite  avec  la  Soupape/-, 
fig.  6.  par  le  moyen  d'une  S  e/qui  prend  d'un  côté 
dans  l'anneau  de  la  Soupape ,  6c  de  l'autre  dans  l'an- 
neau Supérieur  de  la  bourfette ,  dont  l'anneau  inSérieur 
reçoit  la  targette,  appellée  targette  du  Jommier. 

BOURSIER ,  S.  m.  ouvrier  6c  marchand  tout  à  la 
fois ,  qui  fait  &  vend  des  bourfes  à  cheveux  ,  toutes 
fortes  d'ouvrases  à  l'ulage  des  chaffeurs  &  des  guer- 
ners,  pour  mettre  leurs  munitions  ;  tels  que  font  gi- 
becière ,  cartouche  ,  giberne ,  &c.  toutes  fortes  de 
lacs  ou  étuis  à  livre ,  à  flacon  ,  calote  ,  parapluie  , 
parafol,  &c. 

La  communauté  des  Bourfiers  eft  gouvernée  par 
trois  jurés ,  dont  le  plus  ancien  lbrt  de  charge  tous 
les  ans  ,  pour  faire  place  à  un  autre  qui  eft  élu  le  1 1 
d'Août ,  enlorte  que  chaque  juré  exerce  fa  charge 
deux  ans  de  faite. 

Ce  font  ces  jurés  qui  expédient  les  lettres  d'ap- 
prentilîage  &  de  maitrife ,  qui  donnent  le  chef-d'œu- 
vre ,  6c  tont  leurs  vilites  tous  les  trois  mois ,  comme 
il  elt  porté  parles  ftatuts. 

L'apprenti  ne  peut  être  oblige  pour  moins  de  qua- 
tre ans ,  6c  chaque  maître  n'en  peut  avoir  qu'un  à  la 
tois  :  il  peut  cependant  en  prendre  un  fécond  après 
trois  ans  6c  demi  d'apprentiiTage  du  premier. 

L'apprenti  lorti  d  apprentillage  ,  doit  Saire  encore 
trois  ans  de  compagnonage  chez  les  maîtres.  Tout 
ai'pirant  à  la  maitriiê  eft  tenu  au  chef-d'œuvre,  à 
moins  qu'il  ne  toit  fils  de  maître. 

L'apprenti  étranger  doit,  pour  parvenir  à  la  mai- 
trife ,  lervir  pendant  cinq  ans ,  trois  chez  le  même 
maître ,  &  les  deux  autres  où  il  lui  plaît. 

Le  chef-  d'œuvre  confifte  en  cinq  pièces  ;  Savoir, 
une  bourfe  ronde  à  quarre  de  cuir  ;  une  autre  de  ve- 
lours ,  brodée  en  or  &  en  argent ,  avec  les  crépines 
6c  boutons  de  même  ;  une  gibecière  de  maroquin  à 
fer ,  garnie  de  Ion  reffort ,  avec  des  courans  6c  bou- 
tons de  cuir;  une  autre  aulîi  de  maroquin  à  fer  cam- 
bré ,  pareillement  garnie  de  fon  refibrt  ;  enfin  un  ma- 
roquin à  l'ulage  des  hommes  ,  c'eft-à-dire  un  Sac  de 
maroquin  dont  les  hommes  le  fervent  pour  mettre 
fous  les  genoux. 

Les  veuves  peuvent  tenir  boutique  ,  &  jouir  des 
autres  privilèges  de  maîtrife  ,  excepté  du  droit  de 
faire  des  apprentis  qu'elles  n'ont  point ,  pouvant 
toutefois  continuer  celui  qui  auroit  commencé  Ion 
tems  du  vivant  de  leur  mari. 

Les  maîtres  ne  peuvent  aller  au-devant  des  mar- 
chandises qu'au-delà  de  vingt  lieues  de  Paris. 

Les  patrons  de  la  communauté  font  S.  Brice  &C 
Notre-Dame  de  la  Fontaine. 

BOUS  ARDS ,  f.  m.  (  Vénerie.)  ce  font  des  fientes  de 
cerf  qui  font  molles  comme  boule  de  vache ,  dont  elles 
ont  pris  ce  nom,  &  qu'on  nomme  autrement  fumées. 

BOUSE  ,  en  terme  de  Blajbn  ,  le  dit  d'une  efpece 
de  chanteplure  avec  laquelle  on  puife  l'eau  en  An- 
gleterre. C'eft  une  pièce  dont  quelques  feigneurs 
ont  chargé  l'écu  de  leurs  armoiries.  (  V) 

BOUSIN  ,  f.  m.  terme  de  rivière  ;  c'eft  le  tendre  du 
lit  d'une  pierre ,  qu'on  ne  doit  point  employer  en 
maçonnerie. 

BOUSONVILLE,  (Ge'og.)  petite  ville  avec  une 
abbaye  confidérable  fur  la  Nied  ,  à  huit  lieues  de 
Metz. 

BOUSSAC ,  (  Gcog.  )  petite  ville  de  France  dans 
leBerry. 

BOUSSEVILLER  ou  BOUXVILLER ,  (Géog.) 
petite  ville  de  France  en  Alface,  avec  un  château, 
aux  confins  de  la  Lorraine. 

BOUSSOLE  ,  i\  f,  infiniment  de  Marin* ,  qu'on 


BOU 

appelle  auffi  compas  de  mer  ,  nécefTaire  aux  pilotes 
pour  diriger  la  route  de  leur  vaiffean.  Sa  propriété 
lie  fe  tourner  toujours  vers  les  pôles  du  monde ,  en 
t'ait  le  mérite  ,  &  la  rend  précieufe  aux  navigateurs. 
On  en  attribue  l'invention  à  Flavio  de  Gioia  ,  Na- 
politain ,  qui  vivoit  dans  le  xm.  ficelé  :  néanmoins 
-on  voit  par  les  ouvrages  de  Guyot  de  Provins ,  vieux 
poète  François  du  douzième  liecle ,  cpi'on  connoif- 
loit  déjà  la  boujfole.  Ce  poète  parle  expreftement  de 
l'ufage  de  l'aimant  pour  la  navigation. 

*  Les  anciens  qui  ne  connoifïbient  point  la  boufole , 
étoïent  obligés  de  naviger  le  long  des  côtes  ;  &  leur 
navigation  étoit  par  là  très -imparfaite.  On  prétend 
pourtant  que  des  Phéniciens,  envoyés  par  Néc'nao 
roi  d'Egypte ,  firent  autrefois  le  tour  de  l'Afrique ,  en 
partant  de  la  mer  Rouge  ;  &  qu'ils  furent  trois  ans  à 
ce  voyage  :  mais  ce  fait  eft-il  bien  vrai  ?  Les  anciens , 
dit  l'illuftre  auteur  de  Ycfpric  des  Lois  ,  pourraient 
avoir  fait  des  voyages  de  mer  aflez  longs ,  fans  le 
jfecours  de  la  boujjole:  par  exemple  ,  fi  un  pilote  d  ;ns 
quelque  voyage  particulier  avoit  vu  toutes  les  nuits 
l'étoile  polaire  ,  ou  le  lever  &  le  coucher  du  ioleil , 
cela  auroit  fuppléé  à  la  boujfole  :  mais  c'eft-là  un  cas 
particulier  &  fortuit. 

*  Les  François  prétendent  que  fi  l'on  met  par  tout 
une  fleur-de-iis  pour  marquer  le  nord,  foir  dans  le 
carton  mobile  dont  les  mariniers  chargent  l'aiguille , 
foit  dans  la  rofe  des  vents  qu'on  attache  fous  le  pi- 
vot de  l'aiguille  ,  au  fond  des  houjfoiles  fêdent-aires  , 
c'eft  parce  que  toutes  les  nations  ont  copié  les  pre- 
mières boufoles .  qui  font  forties  des  mains  d'un  ou- 
vrier François.  Les  Anglois  s'attribuent ,  fincn  la  dé- 
couverte même  ,  au  moins  la  gloire  de  l'avoir  per- 
fectionnée par  la  façon  de  fufpendre  la  boîte  où  eft 
l'aiguille  aimantée.  Ils  difent  ,  en  leur  faveur,  que 
tous  les  peuples  ont  reçu  d'eux  les  noms  que  porte 
la  boujfole,  en  recevant  d'eux  la  boujjble  même  ame- 
née à  une  forme  commode  ;  qu'on  la  nomme  compas 
de  mer  ,  des  deux  mots  Anglois  marinas  compafs  ;  & 
que  de  leur  mot  boxel,  petite  boîte  ,  les  Italiens  ont 
fait  leur  bojjbla ,  comme  d'Alexandre  ils  font  Alejjan- 
dro.  (Les  Italiens  difent  bojjblo  au  mafculin  ,  fuivant 
le  dictionnaire  de  Trévoux.  )  Mais  la  vérité  eft  que  le 
mot  boujfole  vient  du  Latin  buxus ,  d'où  l'on  a  fait  bu- 
xo/us ,  buxola,  bujfola  ,  &  enfin  boujjble.  Les  Efpagnols 
&  les  Portugais  difent  bruxula ,  qui  iemble  venir  de 
bruxa ,  forciere.  Il  y  a  apparence  que  c'eft  une  cor- 
ruption de  bujfola.  Quant  au  nom  de  mariners  com- 
paj's ,  les  François  pourroient  également  prétendre 
que  les  Anglois  l'ont  pris  d'eux  ,  en  traduifant  le  nom 
François  ,  compas  de  mer. 

*  Il  ne  tient  pas  à  d'autres  qu'on  n'en  fa  fie  honneur 
aux  Chinois.  Mais  comme  encore  aujourd'hui  l'on 
n'employé  l'aiguille  aimantée  à  la  Chine  qu'en  la 
faifant  nager  fur  un  fupport  de  liège ,  comme  on  fai- 
foit  autrefois  en  Europe  ,  on  peut  croire  que  Marco 
Paolo  ,ou  d'autres  Vénitiens,  qui  alloient  aux  Indes 
&  à  la  Chine  par  la  mer  Rouge  ,  ont  fait  connoitre 
cette  expérience  importante ,  dont  ditl'ércns  pilotes 
ont  énfuite  perfectionné  l'ufage  parmi  nous. 

*  La  véritable  caufe  de  cette  difpute ,  c'eft  qu'il  en 
eft  de  l'invention  de  la  boujfole,  comme  de  celle  des 
Moulins,  de  l'Horloge,  &  de  l'Imprimerie.  Plulieurs 
perfonnes  y  ont  eu  part.  Ces  choies  n'ont  été  décou- 
vertes qiié  par  parties,  &  amenées  peu-à-peu  à  une 
plus  grande  perfection.  De  tout  tems  on  a  connu  la 
propriété  qu'a  l'aimant  d'attirer  le  fer.  Mais  aucun 
ancien ,  ni  même  aucun  auteur  antérieur  au  com- 
mencement du  douzième  fiecle  ,  n'a  fçû  que  l'ai- 
mant fufpendu ,  ou  nageant  fur  l'eau  par  le  moyen 
d'un  liège  ,  tourne  toujours  un  de  les  côtés  ,  &C  tou- 
jours le  même  côté  vers  le  nord.  Celui  qui  fit  le  pre- 
mier cette  remarque,  en  demeura  là  :  il  ne  comprit 
ni  l'importance ,  m  l'ufage  de  ibn  admirable  décou- 


BOU 


375 


verte.  Les  curieux  ,  en  réitérant  l'expérience  ,  en  vin- 
rent jufqu'à  coucher  une  aiguille  aimantée  fur  deux 
bnns  de  paille  pofés  fur  l'eau ,  &  à  remarquer  que 
cette  aiguille  tournoit  invariablement  la  pointe  vers 
le  nord.  Ils  prenoient  la  route  de  la  grande  décou- 
verte :  mais  ce  n'étoit  pas  encore  là  la  boujjble.  Le 
premier  ufage  que  l'on  fit  de  cette  découverte  ,  fut 
d]en  impofer  aux  fimples  par  des  apparences  de  ma- 
gie ,  en  exécutant  divers  petits  jeux  phyfiques ,  éton- 
nans  pour  ceux  qui  n'avoient  pas  la  clé.  Des  efprits 
plus  iérieux  appliquèrent  enfin  cette  découverte 
aux  befoins  de  la  navigation  ;  &  Guyot  de  Provins  j 
dont  nous  avons  parle ,  qui  fe  trouva  à  la  cour  de 
l'empereur  Frédéric  à  Mayence  en  1181,  nous  ap- 
prend ,  dans  le  roman  de  la  Rofe ,  que  nos  pilotes 
François  faifoient  ufage  d'une  aiguille  aimantée  ou 
frottée  à  une  pierre  d'aimant  ,  qu'ils  nommoient  la 
marinette,  &  qui  régloit  les  mariniers  dans  les  tems 
nébuleux. 

I celle  étoile  ne  fe  mv.it, 

Un  art  )  ont  qui  mentir  ne  puet^ 

Par  vertu  de  la  marinette  , 

Une  pierre  laide  ,  noirette , 

Ou  li fer  volentiersfe  joint ,  &c. 

*  Bientôt  après ,  au  lieu  d'étendre  les  aiguilles  corn.' 
me  on  iaifoit ,  fur  de  la  paille  ou  fur  du  liège ,  à  la  fur- 
face  de  l'eau  ,  que  le  mouvement  du  vaifleau  tour- 
mentoit  trop  ,  un  ouvrier  intelligent  s'avùa  de  fuf- 
pendre fur  un  pivot  ou  fur  une  pointe  immobile  ,  le 
milieu  d'une  aiguille  aimantée ,  afin  que  fe  balançant 
en  liberté  ,  elle  fuivît  la  tendance  qui  la  ramené  vers 
le  pôle.  Un  autre  enfin ,  dans  le  xiv.  fiecle  ,  conçut 
le  deflein  de  charger  cette  aiguille  d'une  petit  cercle 
de  carton  fort  léger ,  où  il  avoit  tracé  les  quatre  points 
cardinaux  ,  accompagnés  des  traits  des  principaux 
vents  ;  le  tout  divilé  par  les  360  degrés  de  l'horifon» 
Cette  petite  machine  légèrement  fulpendue  dans  une 
boîte,  qui  étoit  fulpendue  elle-même  ,  à -peu -près 
comme  la  lampe  des  mariniers,  répondit  parfaite- 
ment aux  efpérances  de  l'inventeur.  M.  Former. 

La  boifjole  ,  PI.  de  navigation  ,  flg.  iz.  eft  compo- 
fée  d'une  aiguille  ou  lofange  ,  ordinairement  faite 
avec  une  lame  d'acier  trempée  &  aimantée  fur  l'ai- 
mant le  plus  vigoureux  :  cette  aiguille  eft  fixée  à 
une  rofe  de  carton  ou  de  talc  ,  fur  laquelle  on  a  tra- 
cé un  cercle  divifé  en  trente-deux  parties  égales  ;  la- 
voir d'abord  en  quatre  par  deux  diamètres  qui  fe 
coupent  à  angles  droits  ,  &  qui  marquent  les  quatre 
points  cardinaux  de  l'horifon ,  le  nord,  le  fud  ,-Teft  f 
&  l'oueft  ;  chacun  de  ces  quarts  de  cercle  eft  divifé 
en  deux ,  ce  qui  conftituc  avec  les  précedensles  huit 
rumbs  de  vent  de  la  boujfole  :  chaque  partie  eft  enco- 
re diviléec\:  l'ubdivike  en  deux,  pour  avoir  les  huit 
demi-rumbs  &  les  feize  quarts.  On  peut  voir  fur  la  fi- 
gure ces  trente-deux  airs ,  avec  leurs  noms  ufités  dans 
les  mers  du  Levant  &  du  Ponent. 

On  délîgne  ordinairement  le  rumb  du  nord  par 
une  fleur  de  lis  ,  &  quelquefois  celui  de  Feft  par  une 
croix  ;  les  autres  par  les  premières  lettres  de  leurs 
noms  :  chacun  de  ces  airs  de  vent  ou  rumbs  eft  in- 
dique par  une  des  pointes  de  l'étoile  tracée  au  centre 
de  la  rofe.  f'roye^  la  figure. 

Il  y  a  un  autre  cercle  concentrique  à  celui  de  la 
rofe ,  &  qui  eft  ùxc  à  la  boite  :  il  eft  divifé  en  360 
degrés  ,  &  fert  à  mefurer  les  angles  ec  les  écarts  de 
la  boujfole  :  le  centre  de  la  rofe  qui  eft  evidé  ,  eft  re- 
couvert d'un  petit  cône  creux  de  cuivre  ou  de  quel- 
qu'autre  matière  dure  qui  fert  de  chape,  au  moyen 
de  laquelle  l'aiguille  peut  être  pofee  fur  un  pivot 
bien  pointu  &  bien  poli,  &  s'y  mouvoir  avec  liber- 
té. On  fufpend  le  tout  à  la  manière  de  la  lampe  de 
Cardan ,  par  le  moyen  de  deux  anneaux  ou  cercles 
concentriques ,  chacun  mobiles  fur  deux  pivots  aux 


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B  O  U 


extrémités  des  deux  diamètres  dont  les  directions  fe 
coupent  à  angles  droits  ,  afin  que  la  houjfole  puiffe 
toujours  conierver  la  fituation  horizontale ,  malgré 
les  roulis  du  vaiffeau.  Enfin  on  l'enferme  dans  une 
boîte  quarrée  couverte  d'une  glace  ,  &  on  la  place 
près  du  gouvernail  dans  une  plus  grande  boîte  ou  ar- 
moire qiîarrée  fans  fer ,  que  les  marins  nomment  ha- 
bitacle ,  laquelle  eft  placée  à  l'arriére  du  vaiffeau  fur 
le  pont,  &  éclairée  pendant  la  nuit  d'une  lampe,  afin 
que  le  timonier,  c'eft-à-dire  ,  un  matelot  intelligent 
qui  tient  le  gouvernail ,  &  qui  dans  les  vaifîeaux  de 
roi  eft  relevé  de  deux  heures  en  deux  heures ,  puifle 
avoir  toujours  la  boujjok  fous  les  yeux,  &  diriger  la 
route  du  vaiffeau  fuivant  le  rumb  qui  lui  eft  prefent 
par  le  pilote. 

Comme  la  rofe  de  la  houjfole  eft  mobile  fur  fa  cha- 
pe ,  le  timonier  a  foin  de  gouverner  enforte  que  la 
pointe  de  la  rofe  qui  indique  le  rumb  ou  air  du  vent 
de  la  route  actuelle  du  vaiffeau, foit  dirigée  parallè- 
lement à  la  quille  ;  ce  que  la  polition  de  la  boîte  de 
la  houjfole,  parallèlement  aux  parois  de  l'habitacle, 
indique  fuffifamment.  Enfin  pour  ne  laiffer  aucune 
équivoque ,  on  a  coutume  de  marquer  d'une  croix 
l'endroit  de  la  boîte  qui  regarde  la  proue. 

Les  capitaines  de  vaiffeau,  les  officiers  &  les  pilo- 
tes attentifs ,  ont  ordinairement  une  houjfole  un  peu 
différemment  conftruite  fufpendue  au  plancher  de 
leur  chambre,  afin  de  pouvoir,  lors  même  qu'ils  ne 
font  pas  fur  le  pont ,  favoir  à  toute  heure  où  le  navi- 
re a  le  cap  ,  c'eft-à-dire  ,  quelle  route  il  fait  actuel- 
lement (  dédu&ion  faite  de  la  dérive  )  :  cette  fufpen- 
fion  exige  moins  de  précautions  que  la  précédente  : 
mais  en  ce  cas  il  faut  obferver  que  l'eft  ioit  à  la  gau- 
che du  nord ,  &  l'oueft  à  fa  droite  ;  en  un  mot  que 
tous  les  points  foient  dans  une  fituation  inverfe  à  l'é- 
gard de  la  houjfole  renverfée  ,  quoique  toujours  dans 
la  même  pofition  à  l'égard  du  fpeclateur  ou  à  l'égard 
du  vaiffeau. 

Pour  prévenir  les  accidens  que  les  frottemens  ou 
quelqu'irrégularité  phyfique  pourroient  cauleràune 
boujjok  fi  elle  étoit  feule  ,  il  y  en  a  toujours  deux 
dans  l'habitacle ,  &  elles  font  féparées  par  une  cloi- 
fon.  Toutes  deux  font  expofées  à  la  vue  du  timonier. 

Maintenant  voici  la  manière  de  fe  fervir  de  cet 
infiniment  pour  diriger  la  route  du  navire.  On  re- 
connoît  fur  une  carte  marine  réduite  par  quel  rumb 
le  vaiffeau  doit  tenir  fa  route  pour  aller  au  lieu  pro- 
pofé ,  &  on  tourne  le  gouvernail  jufqu'à  ce  que  le 
rumb  déterminé  foit  vis-à-vis  de  la  croix  marquée 
fur  la  boîte  ;  &  le  vaiffeau  faifant  voile  eft  dans  fa 
véritable  route  :  par  exemple  ,  fi  on  part  de  l'île 
d'Oùeffant  à  l'occident  de  Breft ,  &  qu'on  veuille  al- 
ler au  cap  Finiftere  en  Galice  ,  on  commencera  par 
chercher  dans  une  carte  marine  réduite  quelle  doit 
être  la  direction  de  la  route  ,  &  on  trouve  qu'on  la 
doit  faire  au  fud-oueft  quart  au  fud  :  tournant  donc 
le  gouvernail  jufqu'à  ce  que  le  rumb  fud-oueft  quart 
au  fud  réponde  exactement  à  la  petite  croix  marquée 
fur  la  boîte  de  la  houjfole  ,  le  vaiffeau  fe  trouvera 
dans  fa  véritable  route. 

Tel  eft  le  principal  ufage  de  la  boujjok  :  il  y  en  a 
plufieurs  autres  qui  tendent  à  déterminer  les  latitu- 
des ,  à  fixer  les  points  de  l'horifon  où  les  aflres  fe  lè- 
vent &  fe  couchent  ;  c'eft-à-dire  ,  à  déterminer  les 
amplitudes  orientales  ou  occidentales  :  mais  ces  ufa- 
ges  ont  plus  de  rapport  à  l'Aftronomie  &  à  la  Navi- 
gation ,  qu'à  l'ufage  principal  de  la  boujjble. 

La  déclinaifon  de  l'aimant  dont  on  a  parlé  à  l'ar- 
ticle Aiguille  ,  qui  confifte  en  ce  que  cette  aiguille 
ne  fe  dirige  prefque  jamais  exactement  vers  les  pôles 
du  monde ,  mais  qu'elle  s'en  écarte  ordinairement 
tantôt  vers  l'eft  tantôt  vers  l'oueft  ;  cette  déclinai- 
fon ,  dis-je  ,  qui  varie  dans  les  différens  endroits  de 
la  terre ,  &  dans  les  mêmes  en  différens  tems ,  oblige 


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les  marins  à  faire  continuellement  des  corrections 
aux  opérations  qu'ils  font  avec  la  boujfok.  On  verra 
à  l'article  Variation  les  précautions  qu'ils  appor- 
tent pour  reconnoître  &  déterminer  la  quantité  de 
cette  variation ,  &  les  moyens  dont  ils  fe  fervent 
pour  reclifier  leur  route. 

L'avantage  que  les  gens  de  mer  retirent  de  la  houj- 
fole  qui  les  guide  au  travers  des  mers  les  plus  vaftes, 
&  les  fait  arriver  aux  extrémités  de  la  terre  les  plus 
reculées ,  a  porté  les  Phyficiens  à  imaginer  différens 
moyens  pour  la  perfectionner.  Tous  conviennent  que 
la  boujfok  doit  être  la  mieux  aimantée  qu'il  eft  poffi- 
ble ,  tres-légere  dans  fa  confti udlion ,  &  fur-tout  par- 
faitement mobile  fur  ion  pivot.  Nous  avons  enfeigné 
dans  l'article  Aiguille  la  meilleure  manière  dé 
conftruire  &  d'aimanter  les  aiguilles  :  en  voici  une 
autre  qui  a  aufli  fes  avantages,  &  même  qui  nous  pa- 
roît  préférable  à  bien  des  égards.  Elle  eft  fondée  fur 
ce  principe  démontré  par  l'expérience  ,  que  le  fer  & 
l'acier  ne  reçoivent  qu'une  quantité  déterminée  de 
vertu  magnétique ,  &  qu'il  y  a  une  proportion  de  lon- 
gueur ,  de  largeur  &  d'épaiffeur  ,  pour  que  ces  mé- 
taux puiffent  recevoir  la  plus  grande  quantité  qu'il  eft 
pofîible qu'ils  retiennent;  c'eft  pourquoi  M.Mitchell, 
auteur  de  cette  nouvelle  méthode  ,  prétend  qu'il  eft 
très-avantageux  de  faire  les  boujjoks  avec  des  lames 
d'acier  parallélépipèdes  &  bien  ti  empées,  plutôt  que 
de  fil  d'acier  ou  de  lames  de  reffort  dont  on  fe  fert 
ordinairement.  En  effet ,  on  éprouve  que  non-feule- 
ment ces  lames  prennent  beaucoup  plus  de  vertu  ma- 
gnétique ,  qu'elles  la  confervent  plus  long-tems  dans 
le  même  degré,  &  qu'elles  la  perdent  beaucoup  plus 
difficilement  ;  mais  encore  qu'elles  ont  leurs  pôles 
plus  près  des  extrémités  ;  ce  qui  augmente  confidé- 
rablement  leur  vivacité ,  &  l'exaclitude  de  l'obferva- 
tion.  La  dimenfion  qu'il  eftime  la  meilleure,  eft  celle 
à  peu  près  qu'il  donne  aux  lames  dont  il  compofe  fes 
aimans  artificiels  ;  c'eft-à-dire ,  fix  pouces  de  lon- 
gueur ,  fix  lignes  de  largeur ,  &  environ  un  tiers  de 
ligne  d'épaiffeur:  elles  doivent  être  percées  dans  le 
milieu,  pour  laiffer  paffer  le  pivot  fur  lequel  elles  fe-1 
ront  leur  révolution. 

On  a  obfervé  que  la  rouille  détruit  confidérable- 
ment  la  vertu  magnétique  ,  c'eft  pourquoi  on  doit 
tâcher  d'en  préferver  avec  foin  les  aiguilles  des  bouf- 
foks  :  les  boîtes  vitrées  dans  lefquelles  on  les  renfer- 
me ordinairement  font  infuffifantes ,  &  l'air  de  la  mer 
agit  toujours  fur  elles.  On  les  garantira  de  cet  acci- 
dent en  les  enduilant  d'une  couche  fort  mince  d'hui- 
le de  lin  cuite  :  cet  enduit  n'apporte  aucun  obftacle 
aux  effets  de  l'aimant ,  &c  les  boujfoks  s'aimantent  au- 
travers  avec  autant  de  facilité  que  fi  elles  étoient 
bien  polies.  Il  y  a  même  lieu  de  croire  par  quelques 
expériences  ,  que  les  boujjoks  peintes  confervent 
mieux  que  les  autres  leur  grande  force  magnétique  ; 
car  on  remarque  dans  la  plupart  des  ferremens  peints 
à  l'huile  ,  qu'ils  font  plus  lùfceptibles  de  magnétif- 
me  que  les  autres  fers ,  en  même  tems  qu'ils  devien- 
nent plus  caffans  &  plus  durs  ;  &  c'eft  peut-être  par" 
cette  raifon  qu'ils  s'aimantent  mieux. 

On  aimantera  ces  lames  en  les  pofant  fur  le  milieu 
d'une  barre  de  fer  affez  longue  ,  &  en  paffant  huit  à 
dix  fois  d'un  bout  à  l'autre  fix  aimans  artificiels ,  dont 
trois  ont  leurs  pôles  nord  tournés  en  haut ,  &  conti- 
gus  aux  pôles  du  fud  des  trois  autres  lames  ;  enforte 
que  les  pôles  du  fud  des  premiers  aimans  foient  un 
peu  écartés  des  pôles  du  nord  des  trois  autres  lames, 
&  tournés  vers  l'extrémité  de  l'aiguille  qu'on  veut 
faire  diriger  vers  le  nord,  Voye%_  l'article  Aimant. 

Comme  il  efl  difficile  de  bien  déterminer  dans  des 
aiguilles  ainfi  larges  &  plates  fi  leur  axe ,  c'eft-à-dire  , 
la  ligne  qui  joint  les  deux  pôles  ,  paffe  exactement 
par  les  points  de  iùfpenfion ,  &  que  d'un  autre  côté 
en  les  faifant  pointues  par  les  extrémités  ,  on  fait  ren- 
trer 


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trer  leurs  pôles  en-dedans  ,  &  on  les  rend  un  peu 
moins  aimantées  qu'elles  ne  le  pourroient  être  ;  voi- 
ci un  moyen  de  remédier  à  ces  inconvéniens.  On 
mettra  fur  un  pivot  une  des  meilleures  aiguilles  ai- 
mantées, conftruite  fuivant  la  méthode  ordinaire,  & 
pointue  par  fes  extrémités,  &  on  obfervera  avec  foin 
de  combien  fon  pôle  nord  décline  de  quelque  point 
fixe  qu'on  choifira  à  volonté  :  enfuite  on  ajuftera  fur 
le  pivot  la  nouvelle  aiguille,  appliquée  fur  la  rofe  de 
carton  de  telle  forte  que  la  fleur  de  lis  décline  du  point 
obfervé,danslemême  fens  &  de  la  même  quantité  que 
faifoit  le  pôle  du  nord  de  l'aiguille  mince  &  pointue  : 
on  fixera  la  rofe  dans  cette  fituation ,  6c  la  bouffait 
fera  centrée. 

Il  vaudra  mieux  faire  cette  opération  fur  un  vaif- 
feau  en  cette  manière  :  on  tirera  une  ligne  droite  de 
la  poupe  à  la  proue,  6c on  placera  les  deux  boujfoles 
fur  cette  ligne  ,  à  une  telle  diftance  &c  en  telle  forte 
qu'elles  ne  puiffent  ni  agir  l'une  fur  l'autre  ,  ni  être 
détournées  par  aucun  fer  qui  foit  dans  le  voifinage  : 
on  ajuftera  la  rofe  comme  on  vient  de  dire  ,  de  ma- 
nière que  la  fleur  de  lis  fa  fie  avec  la  ligne  d'épreuve, 
le  même  angle  que  fait  le  pôle  du  nord  de  l'autre  ai- 
guille." 

On  ne  fauroit  difïïmuler  que  le  poids  de  ces  nou- 
velles aiguilles  ne  fafîê  augmenter  leur  frottement , 
fur-tout  fi  le  pivot  &  la  chape  font  de  cuivre  ;  car  il 
n'eft  guère  poflîble  de  fe  fervir  à  la  merde  pivot  d'a- 
cier ,  qui  feroit  bien-tôt  rouillé.  Mais  on  pourra  re- 
médier à  cet  inconvénient  en  employant  un  pivot 
d'or,  allié  de  quelque  métal  pour  l'endurcir,  6c  en 
attachant  aux  barres  ,  des  chapes  garnies  d'un  petit 
morceau  de  verre  concave  bien  poli  ;  ce  qui  vaut  en- 
core mieux  que  l'agate  dont  on  fe  fert  quelquefois. 
Ce  petit  changement ,  qui  n'augmente  pas  confidé- 
rablement  le  prix  des  boujjbles,  donne  à  cesinftrumens 
plus  d'exactitude  qu'on  ne  peut  efpérer  dans  les  bouj- 
foles ordinaires ,  fur-tout  lorfque  le  tems  eft  calme  , 
&  que  les  vagues  n'agitent  pas  le  vaiffeau  :  car  alors 
il  faut  nécefTairement  frapper  les  boîtes  pour  vaincre 
les  frottemens  ,  fi  l'on  veut  que  la  boujfole  marque  la 
route  avec  exactitude  ;  au  lieu  que  les  nouvelles 
boujfoles  fe  meuvent  très-librement  fans  ce  fecours. 

On  a  conftruit  fur  ces  principes  une  aiguille  de 
boujfole  qui  avoit  trente-deux  pouces  de  longueur , 
&  qui  pefoit  un  peu  plus  de  huit  onces.  Elle  a  été  mi- 
fe  en  mouvement  avec  une  force  capable  de  lui  faire 
faire  vingt-cinq  tours  par  minute  :  cette  force  a  été 
fufhTante  pour  lui  faire  continuer  fes  révolutions  pen- 
dant l'efpace  de  foixante-dix  ou  quatre-vingts  minu- 
tes,©^ elle  a  encore  fait  des  vibrations  pendant  quinze 
autres  minutes,quoiqu'elle  ne  fût  que  fur  un  pivot  de 
cuivre  qui  a  été  bientôt  émouffé  par  fon  poids  ;  au  lieu 
qu'elle  a  fait  à  peine  quelques  vibrations  lorfqu'elle 
a  été  fufpcndue  par  une  chape  de  cuivre  fur  un  pivot 
d'acier  bien  pointu  &  bien  poli. 

Les  avantages  de  la  boujfole  ne  fc  bornent  pas  à 
ceux  qu'en  peuvent  retirer  les  navigateurs  ;  cet  inf- 
iniment eft  auiîi  fort  utile  fur  la  terre  pour  faire  une 
infinité  d'opérations  :  on  y  fait  feulement  différens 
changemens,  pour  le  rendre  propre  aux  divers  ufa- 
ges  auxquels  on  le  deftine.  Son  application  la  plus 
commune  eft  à  l'équerre  des  arpenteurs,  qui  ne  con- 
iiftoit  anciennement  que  dans  un  cercle  de  cuivre  di- 
vifé  en  quatre  parties  égales  par  deux  diamètres  qui 
fe  coupent  à  angles  droits.  Il  y  a  une  pinnule  bien 
perpendiculaire  au  plan  du  cercle  ,  à  l'extrémité  de 
chacun  de  ces  diamètres ,  afin  de  pouvoir  pointer 
fur  différens  objets.  ^oj^Equerre. 

Dans  les  nouvelles  équerres  d'arpenteur  on  a  ajou- 
té au  centre  du  cercle  un  pivot ,  fur  lequel  eft  fufpen- 
due  une  aiguille  aimantée  ,  &  renfermée  dans  une 
boîte  couverte  d'une  glace.  L'aiguille  parcourt  dans 
jfes  différens  mouvemens  la  circonférence  d'un  cercle 
Tome  II, 


377 


divifé  en  trois  cens  foixante  degrés  ;  &  le  o  de  la 
graduation  marqué  d'une  N(nord)  ou  d'une  fleur  de 
lis ,  eft  directement  au- deftbus  d'une  des  pinnules, 
enforte  que  les  autres  points  cardinaux  fe  trouvent 
auffi  fous  les  autres  pinnules  :  toute  la  machine  eft 
montée  fur  un  pivot ,  ou  mieux  encore  fur  un  genou, 
fur  lequel  on  peut  la  tourner  librement  en  tout  fens. 

On  fe  fert  aufti  quelquefois  de  boujfoles  enfermées 
dans  des  boîtes  de  cuivre  ou  de  bois  (  ces  dernières 
font  plus  fûres  )  exactement  quarrées  ,  &  dont  les 
côtés  font  bien  parallèles  aux  diamètres  qui  parlent 
par  les  points  cardinaux. 

Celles-ci,  par  exemple,  font  très-commodes  pour 
trouver  la  déclinaifon  d'un  mur  ou  d'un  édifice,  c'eft- 
à-dire,  l'angle  qu'ils  forment  avec  le  méridien  du  lieu  : 
pour  cet  effet  on  applique  à  une  règle  pofée  horifon- 
talement  le  long  du  mur  le  côté  de  la  boîte  marqué 
fud  ou  nord,  fuivant  que  le  mur  regarde  à  peu  près 
le  feptentrion  ou  le  midi  ;  enfuite  on  oblerve  quel 
angle  fait  la  pointe  de  l'aiguille ,  ou  fon  pôle  boréal, 
avec  le  méridien  tracé  fur  la  boujfole  ,  &  qui  eft  per- 
pendiculaire à  la  règle.  Cet  angle ,  réduction  faite  de 
la  déclinaifon  de  l'aimant ,  exprime  en  degrés  la  vé- 
ritable déclinaifon  du  mur ,  laquelle  eft  orientale  ou 
occidentale,  fuivant  que  l'aiguille  s'écarte  à  l'eftou 
à  l'oueft  du  méridien  de  la  boujfole ,  dans  le  cas  où 
ce  mur  eft  tourné  du  côté  du  midi  ;  &  réciproque- 
ment ,  lorlqu'il  regarde  le  feptentrion. 

Ceux  qui  conftruifent  des  cadrans  folaires  verti- 
caux, ont  fouvent  recours  à  cette  méthode  pour  trou- 
ver la  déclinaifon  du  plan  fur  lequel  ils  veulent  tra- 
cer ,  &  découvrir  jufqu'à  quelle  heure  il  peut  être 
éclairé  ;  ou  bien  en  connoiflant  la  déclinaifon  de  l'ai- 
guille aimantée  dans  le  lieu  &c  au  tems  de  l'opéra- 
tion ,  ils  l'employent  pour  tracer  tout  d'un  coup  une 
ligne  méridienne  ,  &  orienter  un  cadran  horifontal  : 
il  fuffit  pour  cet  effet  de  poler  la  boujfole  fur  un  plan 
bien  parallèle  à  Phorifon ,  &c  de  faire  enforte  en  tour- 
nant peu  à  peu  la  boîte ,  que  le  pôle  boréal  de  l'ai- 
guille s'arrête  du  côté  de  l'oueft  ou  de  l'eft  ,  fur  un 
point  qui  faffe  avec  celui  de  O  un  angle  égal  à  celui 
de  la  déclinaifon  de  l'aimant  (  par  exemple  ,  de  17e* 
io'  N.O.  pour  le  19  O&.  1750a  Paris)  :  &  en  appli- 
quant une  règle  à  l'eft  ou  à  l'oueft  de  la  boîte ,  ils  tra- 
cent une  ligne  droite  qui  eft  la  méridienne.  Enfin 
cette  méthode  eft  encore  très-utile  pour  orienter  des 
édifices  ,  des  orangeries  ,  des  ierres  chaudes ,  pour 
donner  une  expofition  favorable  aux  étuves ,  aux 
greniers  ,  ou  aux  glacières. 

La  Géométrie  pratique  tire  de  grands  avantages 
de  la  boujjole ,  pour  lever  d'une  manière  expéditive 
des  angles  fur  le  terrein,  faire  le  plan  d'une  rorêt, 
d'un  étang,  d'un  marais  inacceffibie  ,  ou  pour  déter- 
miner le  cours  d'une  rivière. 

Par  exemple,  pour  lever  les  angles  A  D  B,B  D  C, 
(  PI.  d'Arpentage  ,fig.  11.  )  on  commencera  par  ap- 
pliquer bien  exactement  un  des  côtés  de  la  boîte  de 
la  boujfole  fur  la  ligne  A  D  ,  en  forte  que  la  ligne  qui 
paffe  par  les  pinnules  du  nord  &  du  fud  fe  termine 
aux  points  A  &  D  ;  eniuite  on  oblervera  l'angle  que 
fera  le  pôle  boi  cal  de  l'aiguille  avec  cette  ligne  :  on 
appliquera  aulîi  la  boujfole  fur  la  ligne  D  B  ,  &  on  ob- 
fervera  de  même  l'angle  que  fera  l'aiguille  avec  cette 
ligne.  Maintenant  la  différence  de  ces  deux  angles 
fera  la  valeur  de  l'angle  A  D  B ,  fi  l'aiguille  s'écarte 
dans  le  même  fens  de  la  méridienne  de  la  boujjole  ; 
ou  ,  ce  qui  eft  la  même  chofe,  des  lignes  AD  ,  DBy 
fur  lefquelles  elle  eft  pofée.  Mais  fi  l'aiguille  s'écarte 
de  la  méridienne  en  fens  contraire,  comme  il  arrive 
en  la  pofant  fur  les  lignes  BD,  DC,  la  Comme  des 
angles  obfervés  fera  la  valeur  de  l'angle  cherché. 

On  opérera  plus  exactement  fi  au  côté  même  de 
la  boîte  de  la  boujfole  eft  appliqué  un  parallélépipè- 
de creux ,  qui  porte  deux  pinnules  par  lefquelles  on 

Bbb 


378 


B  O  U 


B  O  U 


vife  à  un  objet  éloigné  :  la  ligne  de  mire  des  deux  pin- 
nules  doit  être  parallèle  au  diamètre  de  la  boujfole 
d'où  l'on  commence  à  compter  les  divifions.  Ce  pa- 
rallélépipède équivalent  à  une  règle  à  pinnule  donne 
encore  un  autre  avantage  :  il  doit  être  mobile  fur  un 
clou  ou  pivot,  en  loi  te  qu'il  puifle  s'incliner  à  lho- 
rifon  fans  fortir  du  même  plan  vertical  ;  ce  qui  eft 
très-commode  ,  &  même  néceflaire  quand  on  veut 
pointer  à  un  objet  élevé  ou  abaiiïe  au-deiîous  de  l'ho- 
rifon  ,  &  reconnoître  fa  direction  ou  ion  gifement 
par  rapport  aux  régions  du  monde  ;  ce  que  les  ma- 
rins nomment  relever  un  objet ,  parce  qu'ils  font  cette 
opération  avec  une  boujjole  ordinaire  placée  lur  le 
pont  du  vaifleau ,  en  le  mettant  dans  l'ahgnement 
du  centre  de  la  boujjole  &  de  l'objet  dont  ils  veulent 
reconnoître  le  gilement ,  &  qu'ils  étendent  le  bras 
vers  le  -centre  de  la  boujfole ,  &  le  relèvent  enliute 
perpendiculairement  julqu'à  la  rencontre  du  rocher, 
du  cap ,  du  vaifleau,  ou  d'un  point  quelconque:  c'eft 
cette  opération  qu'ils  dt lignent  en  dilant  :  avons  re- 
levé tel  cap  à  tel  air  de  vent.  Dans  la  boujfole  à  pinnu- 
les  dont  nous  parlons  ,  &  qui  eft  deftinée  pour  la  ter- 
re ,  on  dirige  la  pinnule  parallèle  au  côie  de  la  boîte 
de  la  boujfole  fur  l'objet  qu'on  veut  relever  ,  ou  dont 
on  veut  connoître  le  gilement  ;  &  cet  objet  étant  or- 
dinairement éloigné ,  c'eft  la  même  choie  que  fi  la 
règle  à  pinnule  étoit  placée  lur  le  centre  même  de  la 
boujfole ,  quoique  cette  règle  en  foit  éloignée  d'envi- 
ron trois  pouces  ,  qui  eft  au  plus  la  demi-largeur  or- 
dinaire de  cet  inftiument ,  tant  pour  le  rendre  plus 
portatif,  que  parce  que  l'expérience  a  fait  voir  que 
c'eft  la  proportion  la  plus  convenable  ;  les  aiguilles 
plus  petites  étant  trop  vives  &  trop  long-tems  à  fe 
fixer,  &  les  plus  grandes  trop  parefteufes  &  trop  peu 
libres  fur  leur  pivot. 

Pour  lever  le  plan  d'une  forêt ,  d'un  étang  ou  d'un 
marais ,  on  commencera  par  réduire  leur  circuit  en 
autant  de  lignes  droites  qu'il  lera  convenable,  en  met- 
tant des  piquets  à  toutes  les  courbures  un  peu  confi- 
dérables  :  on  mefurera  tous  les  côtés  de  ce  polygo- 
ne, &  dirigeant  fur  chaque  côté  fuccelîîvement  les 
pinnulesnord  &  fud  de  l'équerre  ,  onobiérvera  l'an- 
gle que  forme  le  pôle  boréal  de  la  boujfole  avec  ce 
côté  du  polygone  ,  en  remarquant  fi  l'aiguille  s'en 
écarte  à  droite  ou  à  gauche  :  ces  obfervations  déter- 
mineront les  angles  que  ces  côtés  forment  entr'eux , 
en  ufant  des  mêmes  précautions  qu'on  vient  d'indi- 
quer pour  lever  les  angles  fur  le  terrein.  Connoif- 
iànt  donc  les  angles  Si  les  côtés  du  polygone,  il  fera 
facile  d'en  tracer  le  plan  ;  il  ne  s'agira  plus  que  de 
l'orienter;  ce  qu'on  exécutera  fort  aifément ,  puis- 
qu'on connoît  tous  les  angles  que  forme  la  boujjole 
avec  chacun  des  côtés  du  plan  :  on  en  choilira  donc 
un  à  volonté  ,  auquel  on  tracera  une  parallèle  ; 
en  quelqu'endroit  à  l'écart  on  fera  avec  cette  paral- 
lèle,  &  dans  le  même  lens ,  un  angle  égal  à  celui  que 
faifoit  fur  le  terrein  l'aiguille  de  la  boujjole  avec  ce 
côté  correfpondant  ;  &  connoiilant  cet  angle  par  la 
déclinaifon  de  l'aimant ,  qu'on  connoîtra  d'ailleurs , 
la  ligne  qui  formera  cet  angle  corrigé  avec  la  paral- 
lèle j  fera  la  méridienne  du  plan. 

Soit  A  B  CD  E  F  (fig.  12.  )  une  rivière  dont  on 
veuille  déterminer  le  cours  :  on  commencera  par 
planter  des  piquets  à  tous  lés  points  principaux  de 
flexion  ,  afin  de  réduire  fa  courbure  en  autant  de 
petites  lignes  droites  AB  ,  BC ,  CD  ,  D  E  ,  E  F, 
qu'il  fera  néceflaire  ;  on  mefurera  toutes  ces  liones 
droites,  &  on  déterminera  les  angles  qu'elles  font  en- 
tr'elîes ,  en  prenant  d'abord  celui  que  chacune  d'elles 
fait  avec  l'aiguille  aimantée  :  ces  opérations  donne- 
ront le  plan  de  la  rivière  &  de  les  détours ,  &  on  l'o- 
rientera par  la  méthode  qu'on  vient  d'indiquer  tout 
à  l'heure. 

On  le  lert  aufli  quelquefois  pour  orienter  un  plan , 


d'une  autre  efpece  de  boujfole  que  quelques-uns  nom- 
ment un  déclinatoire  :  celle-ci  ne  diffère  des  autres 
qu'en  ce  que  fa  boîte ,  longue  de  6  ou  7  pouces  fui- 
vant  le  plus  ou  le  moins  de  longueur  de  l'aiguille  , 
n'a  qu'environ  2  pouces  de  large  ,  ce  qui  fiiffit  pour 
marquer  à  droite  &  à  gauche  de  la  pointe  de  l'ai- 
guille un  nombre  de  degrés,  au-moins  égal  à  celui 
de  la  déclinaifon  de  l'aimant  dans  le  lieu  de  l'obfer- 
vation.  Alors  fi  l'on  fait  répondre  la  pointe  de  l'ai- 
guille fur  la  quantité  de  déclinaifon  ,  qu'on  fuppofe 
connue  d'ailleurs ,  l'axe  de  la  boîte  ou  fon  côté  qui 
lui  eft  parallèle  fe  trouvera  dans  la  direction  du  mé- 
ridien ,  &  pourra  fervir  à  tracer  fur  le  terrein  une  li- 
gne nord  &  fud,  à  laquelle  on  rapportera  toutes  les 
autres. 

Il  faut  bien  remarquer  que  toutes  les  pratiques  pré- 
cédentes ,  où  l'on  opère  avec  la  boujjole  ,  ne  peuvent 
donner  qu'une  méridienne  approchée ,  &  dont  on 
ne  peut  au  plus  répondre  qu'à  un  demi  degré  près  à 
caule  de  la  petitefle  de  l'inftrument  &  des  petites  va- 
riations à  quoi  l'aiguille  aimantée  eft  elle-même  lu- 
jette.  Si  l'on  avoit  beloin  d'une  plus  grande  préci- 
fion,  il  faudrait  fe  fervir  des  moyens  que  l'Aftrono- 
mie  foui  nit  pour  tracer  une  méridienne  ou  pour  trou- 
ver l'azimuthdu  foleil.  Foyeç  Méridienne  &  Azi- 

MUTH. 

Il  eft  plus  avantageux  de  fe  fervir ,  pour  les  opé- 
rations que  nous  venons  de  décrire ,  des  grandes  bouf- 
Joles  faites  avec  des  lames  d'acier  trempé  &  forte- 
ment aimantées ,  que  des  petites  aiguilles  ordinaires  : 
celles-ci  font  trop  facilement  dérangées  par  les  corps 
magnétiques  ou  ferrugineux,  qui  le  trouvent  répan- 
dus dans  les  différens  endroits  où  l'on  opère  :  cette 
précaution  eft  fur-tout  néceflaire  dans  les  travaux 
qu'on  entreprend  dans  l'intérieur  de  la  terre ,  où  il 
le  rencontre  fouvent  des  corps  qui  détourneraient 
trop  les  petites  aiguilles.  Qu'on  veuille ,  par  exem- 
ple ,  déterminer  dans  une  mine  de  charbon  la  direc- 
tion d'un  lieu  à  un  autre ,  afin  de  creuler  un  puits  par- 
dehors  ,  juftement  à  l'extrémité  d'une  galerie  ;  on 
obfervera  premièrement  dans  la  mine  quel  angle  fait 
le  pôle  boréal  de  la  boujole ,  avec  la  direction  de  la 
galerie  ,  &  on  fera  cette  obfervation  à  l'extrémité 
de  la  galerie  qui  fe  trouve  au  bas  de  quelque  puits 
déjà  fait:  &c  ayant  mefuré  la  longueur,  on  fera  la 
même  opération  en-dehors  au  haut  du  puits ,  &  on 
mefurera  cette  longueur  dans  la  ligne  qui  fait  avec 
la  boujjole  le  même  angle  que  faifoit  avec  elle  la  di- 
rection de  la  galerie,  &  dans  le  même  lens,  ce  qui 
déterminera  le  point  où  il  faut  faire  le  nouveau  puits. 
Mais  s'il  y  a  dans  le  voifinage  des  corps  magnétiques 
ou  ferrugineux ,  les  petites  boujfoles  feront  prelque 
toujours  infuffifantes  pour  cette  opération;  les  gran- 
des aiguilles  y  feront  aufli  à  la  vérité  un  peu  fujettes  : 
mais  voici  un  moyen  de  reconnoître  la  préfence  de 
ces  corps  magnétiques  ,  ce  de  remédier  à  cet  incon- 
vénient. 

On  tendra  dans  le  milieu  de  la  galerie  &  dans  fa 
direction  un  cordeau  le  plus  long  qu'il  lera  poflible, 
&  on  fera  eniorte  qu'il  loit  bien  en  ligne  droite  :  on 
placera  la  boujjole  à  l'extrémité  de  ce  cordeau  ,  de 
telle  forte  que  la  ligne  fiducielle  ou  le  diamètre  de  la 
boujfole ,  duquel  on  commence  à  compter  les  divi- 
fions ,  loit  bien  dans  la  direction  de  la  galerie  :  on 
obfervera  li  l'aiguille  co-incide  avec  cette  ligne,  eu 
lous  quel  angle  elle  s'en  écarte  Si  de  quel  côté  :  on 
réitérera  cette  obfervation  d'elpace  en  efpace ,  en 
avançant  vers  le  fond  de  la  galerie.  Si  elle  conferve 
toujours  la  même  direction  par  rapport  au  cordeau 
dans  toute  la  longueur,  il  lera  allez  probable  que 
rien  ne  dérange  l'aiguille  de  fa  direction  naturelle  , 
du-moim  à  droite  ni  à  gauche  :  mais  fi  fa  direction 
varie  en  différens  endroits  le  long  du  cordeau,  le  lieu 
où  elle  s'écartera  le  plus  de  la  direction  qu'elle  a 


BOU 

dans  le  plus  grand  nombre  des  points ,  fera  le  plus 
proche  du  corps  qui  la  détourne  ;  c'eft  pourquoi  on 
tirera  par  ce  point  une  perpendiculaire  oppofée  au 
côté  vers  lequel  l'aiguille  paroît  le  plus  détournée  , 
&  on  donnera  le  plus  de  longueur  qu'on  pourra  à 
cette  perpendiculaire  :  on  tirera  par  dirférens  points 
de  cette  perpendiculaire  des  parallèles  au  cordeau  , 
&  on  examinera  aux  points  oii  ces  parallèles  cou- 
pent la  perpendiculaire,  fi  l'aiguille  fait  avec  les  pa- 
rallèles le  même  angle  qu'elle  raifort  avec  le  cordeau 
dans  la  plupart  des  points  où  on  n'a  pas  eu  lieu  de 
foupçonner  qu'elle  fût  détournée  :  fi  elle  fait  le  mê- 
me angle ,  on  conclurra  qu'on  eft  hors  de  la  fphere 
d'attraâion  du  corps  magnétique ,  &  on  connoîtra 
de  cette  manière  &  par  différentes  épreuves ,  la  for- 
ce &c  l'étendue  de  ces  fortes  de  corps. 

On  fe  fert  en  mer  d'une  autre  efpece  de  bouffole 
appellée  compas  de  variation ,  pour  reconnoître  la  dé- 
clinaifon  de  l'aiguille  aimantée  dans  le  parage  où  on 
rtavige.  Il  y  en  a  de  différentes  fortes  ;  un  entr'au- 
tres  qui  n'exige  qu'un  feul  obfervateur  :  il  eft  décrit 
dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des  Sciences ,  de  l'an- 
née iy33.  Voye^  Variation  &  Compas. 

Nous  devons  tout  cet  article ,  à  l'exception  des  a- 
linea  marqués  d'une  étoile,  à  M.  le  Monnier,qui  nous 
avoit  déjà  donné ,  pour  le  premier  volume ,  les  arti- 
cles entiers  de  Y  aimant  &  de  Y  aiguille  aimantée.  Voy. 
ces  articles.  Voye{  aujji DÉCLINAISON  ,  MAGNETIS- 
ME, AMPLITUDE,  AZIMUTH.  Les  endroits  mar- 
qués d'une  étoile  dans  cet  article  font  de  M.  Formey. 

BOUSTROPHEDON ,  (  Hi(l.  anc.  )  terme  ufité 
parmi  les  antiquaires  ,  pour  exprimer  une  manière 
d'écrire  particulière  aux  Grecs ,  fur-tout  dans  les  inf- 
criptions.  Elle  confiftoit  en  ce  que  la  première  ligne 
étant  écrite  de  la  droite  à  la  gauche  ,  la  féconde  étoit 
écrite  de  la  gauche  à  la  droite  ,  &  ainfi  de  fuite.  On 
tire  l'étymologie  de  ce  mot  des  filions  que  les  bœufs 
font  en  labourant ,  parce  qu'à  la  fin  de  l'un  ils  repren- 
nent l'autre  par  un  demi-cercle ,  &  ainfi  alternative- 
ment ;  de  /2où? ,  bœuf,  &  ç-popiî ,  article,  couplet ,  ligne. 
M.  l'abbé  Fourmont ,  dans  le  voyage  qu'il  fit  en 
Grèce  en  1729 par  ordre  de  la  cour,  recueillit  plu- 
fieurs  infcriptions  en  boujlrophedon ,  dont  on  efpéroit 
tirer  de  grandes  lumières  fur  divers  points  de  l'anti- 
quité Greque.  (G) 

BOUSURE ,  f.  f.  (à  la  Monnoie.)  compofition  dont 
on  fe  fert  pour  le  blanchiment  des  efpeces.  V.  Blan- 
chiment. C'eft  ce  que  l'on  appelloit  dans  l'ancien 
monnoyage ,  bouture. 

*  BOUT ,  EXTRÉMITÉ ,  FIN ,  (Gramm.)  termes 
relatifs  à  l'étendue  :  bout ,  à  l'étendue  feulement  en 
longueur,  dont  il  marque  le  dernier  point,-  extrémité, 
à  l'étendue  ,  f  oit  en  longueur ,  foit  en  longueur  &  lar- 
geur ,  foit  en  longueur ,  largeur ,  &  profondeur  ;  car 
on  dit  Y  extrémité  d'une  ligne,  d'une  fur  face  ,  d'un  corps  ; 
mais  extrémité  diffère  encore  de  bout ,  en  ce  qu'elle 
réveille  davantage  l'idée  de  dernière  limite ,  foit  de 
la  ligne  ,  foit  de  la  furface  ,  foit  du  folide.  Fin,  n'eft 
relatif  qu'à  un  tout  011  l'on  confidere  des  parties 
comme  antérieures  &  poftérieures  dans  l'ordre  ouïe 
tems.  Ainfi  bout  ne  fe  dit  d'une  table  que  quand  elle 
cft  oblongue  ,  &  qu'on  en  veut  défigner  la  partie  la 
plus  éloignée  du  centre  :  extrémité ,  que  de  l'efpace 
de  cette  table  pris  tout  autour  extrêmement  voifin 
des  bords  qui  la  terminent:  fin,  que  d'un  livre, 
d'une  année ,  d'un  récit ,  d'un  concert ,  &c 

Bout-rime  ,  f.  m.  (Littérature.)  ce  font  des  rimes 
difpofées  par  ordre ,  qu'on  donne  à  un  poète  pour  les 
remplir.  P~oycr  Rime. 

L'invention  des  bouts-rimés  cft  duc  à  un  poète  nom- 
mé Dulot ,  qui  vivoit  vers  l'an  1649.  On  choifilfoit 
pour  rimes  des  mots  dont  les  idées  avoient  entr'elles 
le  moins  de  rapport.  Ces  rimes  bifarres  font  bien 
fouvent  celles  qui  çmbarraffent  le  moins,  &  qui  four- 
TotQe  II, 


BOU 


379 


niffent  le  plus  de  chofes  nouvelles  &  furprenantes 
pour  ce  ftyle  burlefque.  Sarrafin  a  fait  un  poème 
qu'il  a  intitulé  la  Défaite  des  bouts-rimés.  Les  bouts- 
rimés  font  aujourd'hui  abandonnés  aux  mauvais 
poètes. 

Les  lanterniftes  de  Touloufe  ont  trouvé  le  fecret 
de  relever  de  nos  jours  les  bouts-rimés,  en  en  propo- 
fant  toutes  les  années ,  pour  être  remplis  à  la  gloire 
du  Roi  ;  &  le  fonnet  victorieux  eft  récompenfé  par 
une  médaille  d'argent. 

Bouts  &  Joustes  ,  terme  de  Palais ,  fynonyme  à 
tenans  &  aboutiffans.  Voye{  ABOUTISSANT.  (H) 

Bout  DE  CORDE,  (Marine.)  c'eft  ainfi  qu'on  ap- 
pelle à  la  mer  une  corde  de  moyenne  longueur. 

Bouts  de  corde  ;  ce  font  des  bouts  de  corde  dont  le 
prévôt  fe  fert  pour  châtier  ;  &  que  les  gens  du  quart 
ou  de  l'équipage  tiennent  auffi  pour  frapper  fur  ceux 
qui  font  condamnés  à  ce  châtiment. 

Bouts  de  cable ,  font  des  bouts  ou  morceaux  de  ca- 
bles ufés ,  rompus ,  ou  trop  courts. 

Bout  de  vergue  ;  c'eft  la  partie  de  la  vergue  qui  ex- 
cède la  largeur  de  la  voile  ,  &  qui  fert  quand  on 
prend  les  ris. 

Bout  de  beaupré  ;  c'eft  un  matereau  qui  fait  faillie 
fur  l'étrave  ,  dans  les  petits  bâtimens  qui  n'ont  point 
de  beaupré. 

Bout  pour  bout.  FUer  le  cable  bout  pour  bout.  Voye^ 
Filer.  (Z) 

BOUT ,  (  terme  de  Lapidaire.  )  Voye^  BoUTEROLLE. 

Bout  ,  (  terme  de  Ceinturier  )  petite  plaque  d'argent 
que  l'on  met  au  bout  des  boucles  d'un  baudrier ,  pour 
leur  donner  plus  de  grâce.  Voye^  Baudrier. 

Bout,  (en  terme  de  Fourbifj'eur -,  )  c'eft  une  pièce  de 
cuivre  ajuftée  au  bout  du  fourreau  ,  &  qui  en  envi- 
ronne l'extrémité  pour  la  rendre  plus  ferme  contre 
la  pointe.  Voye{  la  lettre  a  ,  PI.  de  Fourbiffeur  ,fig.  z. 

BOUT  DE  REVERS,  (en  terme  de  Fourbiffeur)  cft 
une  partie  de  la  branche ,  enrichie  d'ornemens  ,  qu'on 
remarque  à  l'extrémité  qui  entre  dans  le  pommeau. 
Voye^  Branche  &  Pommeau,  &  la  Planche  du 
Cifeleur-Damafquineur  avec  jon  explication. 

BOUTS  DE  QUEUE  ,  (  che^  les  Plumaffiers  )  ce  font 
des  plumes  qu'on  tire  de  la  queue  de  l'autruche. 

BOUT  DE  CLÉ  ,  (  che^  les  Serruriers  )  c'eft  la  par- 
tie de  la  tige  qui  excède  le  panneton  de  la  clé ,  & 
auquel  on  pratique  ordinaùementun  bouton  ,  quand 
la  clé  n'eft  pas  forée. 

BOUT  d'or,  les  Tireurs  d"or  appellent  bout  d'or , 
un  bâton  d'argent  doré ,  &  bout  d'argent ,  un  gros  bâ- 
ton d'argent  fin ,  qu'ils  pafient  par  la  filière  ,  pour  fai- 
re des  filets  d'or  &  d'argent.  Foyer  Filif.rf.  6-Filet. 

BOUT,  (Maréchalerie  )  on  dit  qu'un  cheval  n'a 
point  de  bout  ,  quand  il  recommence  fouvent  des 
exercices  violens  &  de  longueur  fans  en  être  fatigué  , 
&  avec  la  même  vigueur  ;  &  qu'il  eft  à  bout,  lorlqu'il 
eft  extrêmement  fatigué. 

BOUTS,  f.  m.  c'eft  ainfi  que  les  Cordonniers 
appellent  des  morceaux  de  cuir  fort ,  attachés  fous 
les  talons  des  fouliers  avec  des  chevilles  de  bois  , 
foit  que  les  talons  forent  de  cuir  ou  qu'ils  foient  de 
bois. 

*  BOUT-À  PORT,  f.  m.  (Police)  officier  for  les 
ports ,  dont  la  fonction  eft  de  mettre  ou  faire  mettre 
à  port  les  bateaux  qui  y  arrivent.  Le  bout-à  art  eft 
contrôleur  à  l'inlpccîion  pour  les  rangemens  des  ba- 
teaux. On  a  réuni  à  cet  office  celui  de  débacleur. 

BOUTADE,  f.  f.  on  donnoit  ce  nom  autrefois  à. 
des  petits  ballets  ,  qu'on  exécutoit ,  ou  qu'on  paroif- 
foit  exécuter  impromptu.  Ils  étoient  composés  pour 
l'ordinaire  de  quatre  entrées,  d'un  récit ,  &  d'une  en- 
trée générale  ;  c'étoit  le  grand  ballet  en  raccourci  : 
liée  des  fpeclacles  anciens  <£  nouveaux  de  f  abbé  de  Pure, 
imprimé  à  Paris  en  166 J.  Toys;  Ballet.  (B) 

r  B  b  b  ij 


380 


BOU 


BOUTAN,  (  Géog.  )  royaume  d'Afie  à  l'orient  de 
la  Tartarie,  fur  les  confins  du  Mogol.  On  y  trouve 
de  la  bonne  rhubarbe  &  du  muic. 

*  BOUT  ANES,  {.{.(Commerce)  toiles  de  coton, 
qui  fe  fabriquent  dans  l'île  de  Chypre. 

Boutant,  adj.  fe  joint ,  en  Architecture  ,  avec 
d'autres  mots  ;  on  dit ,  par  exemple  ,  arc-boutant ,  & 
c'eft  un  arc  ou  un  lbùtien  qui  fert  à  porter  une 
voûte  ,  &  qui  eft  lui-même  ibùtenu  par  quelque  gros 
mur,  ou  par  quelque  gros  pilier.  Voye{  Arc-bou- 
tant ,  soutien,  appui.  Ce  mot  vient  du  vieux 
mot  françois  bouter. 

Un  pilier  boutant  eft  une  grande  chaîne  de  piliers  de 
pierre  ,  faite  pour  fupporter  un  mur,  une  terraffe  ou 
une  voûte.  (P) 

*  BOUT  ARGUE  ou  POUT  ARGUE,  (  Commer- 
ce )  mets  fort  en  ufage  en  Italie  &  en  Provence  ;  ce 
font  les  œufs  du  mulet  préparés  de  la  manière  fui- 
vante  :  on  prend  tous  les  œufs  de  ce  poiffon ,  on  les 
met  dans  un  plat  &  on  les  faupoudre  de  fel  :  on  les 
couvre  pendant  quatre  ou  cinq  heures  afin  que  le  fel 
y  pénètre  ,  après  quoi  on  les  met  en  prefTe  entre 
deux  planches.  On  les  lave  &  on  les  fait  lécher  au 
foleil  pendant  quinze  jours  ,  ou  on  les  fume.  On  man- 
ge la  boutargue  avec  de  l'huile  &  du  citron.  Il  s'en 
fait  beaucoup  à  Tunis ,  en  Barbarie ,  &  à  Martegue 
en  Provence. 

*  Bout-avant  ,  f.  m.  officier  de  faline ,  dont  la 
fonction  eft  de  veiller  à  ce  que  l'empliflage  du  vaxel 
fe  faffe  félon  l'ufage.  Voye^  Vaxel  &  Aide-bout- 
avant. 

BOUTÉ,  adj.  (  cheval  bouté)  eft  celui  qui  a  les 
jambes  droites  depuis  le  genou  jufqu'à  la  couronne  ; 
ce  qui  arrive  fouvent  aux  chevaux  court-jointés. 
Cheval  long  jointe  eft  le  contraire  de  bouté.  (V) 

BOUTÉE ,  voyei  BUTER. 

BOUTES ,  f.  f.  pi.  (  Marine  )  ce  font  de  grandes 
futailles  où  l'on  met  de  l'eau  douce ,  que  l'on  embar- 
que pour  faire  voyage.  Les  boutes  ou  tonnes  à  met- 
tre de  l'eau ,  ne  font  pas  fournies  par  le  munitionnai- 
re  dans  les  navires  de  guerre ,  mais  aux  dépens  du 
roi,  auffi-bien  que  les  barrils,  feilleaux ,  &  lièges  pour 
les  boutes ,  lefquelles  doivent  être  cerclées  de  fer. 

Boute  ,  Baille,  f.  f.  (  Marine  )  fe  dit  encore 
d'une  moitié  de  tonneau  en  forme  de  bacquet ,  dans 
laquelle  on  met  le  breuvage ,  qui  eft  diftribué  chaque 
jour  à  l'équipage.  (  Z  ) 

BOUTE-FEU  ,  (  LE  )  Artillerie  )  eft  un  bâton  ou 
hampe  de  bois  ,  garni  d'un  ferpentin  de  fer  par  en 
haut ,  dans  lequel  fe  pane  la  mèche  ,  qui  fert  à  met- 
tre le  feu  aux  pièces  de  canon  &  aux  mortiers. 
Voye^  la  fig.  du  boute-feu ,  PI.  VI.  de  Fortifie,  fig.  6 . 

Les  boute-feux  font  de  toutes  fortes  de  bois  ;  ils 
font  longs  de  deux  à  trois  pies  ,  gros  d'un  pouce  ,  & 
fendus  par  une  de  leurs  extrémités  pour  y  parler  le 
premier  bout  d'une  braffe  de  mèche  ,  laquelle  eft 
tournée  autour;  l'autre  bout  reparlant  fur  celle  qui 
eft  tournée  ,  pafié  dans  la  fente  du  boute-feu,  qui 
l'empêche  de  fe  détortiller  :  on  peut  par  ce  moyen 
allumer  les  deux  bouts  de  la  mèche,  qu'on  allonge 
facilement  à  mefure  qu'elle  brûle.  Saint-Remy ,  Mé- 
moires d 'Artillerie.  (  Q  ) 

Boute-selle,  f.  m.  (Art  milit.)  fonner  le  boute- 
felle  ;  c'eft  battre  le  tambour  d'une  manière  particu- 
lière, pour  que  les  cavaliers  fellent  leurs  chevaux  , 
&  qu'ils  fe  mettent  en  état  de  monter  à  cheval  au 
premier  commandement.   (  Q  ) 

BOUTE-DE-LOF,  BoUTE-LOF  ,  f.  f.  (  Mar.  )  c'eft 
une  pièce  de  bois  ronde  ou  à  huit  pans ,  qu'on  met 
au-devant  des  vaiffeaux  de  charge  qui  n'ont  point 
d'éperon  :  elle  fert  à  tenir  les  armures  de  miiene. 

BOUTE-DEHORS  ,  BoUTE-HORS  ,  f.  m.  (Marine.) 
ce  font  des  pièces  de  bois  longues  &  rondes  ,  qu'on 
.îjoûte  par  le  moyen  d'anneaux  de  fer  à  chaque  bout 


BOU 

des  vergues  du  grand  mât  &  du  mât  de  mifene ,  pour 
porter  des  bonnettes  en  étui  quand  le  vent  eft  foible 
&  qu'on  veut  chaffer  fur  l'ennemi ,  ou  prendre  chaffe 
&  faire  diligence.  (  Z  ) 

Boute-dehors,  c'eft  un  petit  mât  qui  fert  à  la  ma- 
chine à  mater ,  pour  mettre  les  chouquets  &  les  hu- 
nes en  place. 

Boute-dehors ,  boute-hors ,  défenfes  ;  ce  font  auffi  de 
longues  perches  ou  pièces  de  bois  avec  des  crocs  , 
pour  empêcher  dans  un  combat  l'abordage  du  brû- 
lot ,  ou  pour  empêcher  dans  un  mouillage  que  deux 
vaifTeaux,  que  le  vent  fait  dériver  l'un  fur  l'autre  , 
ne  s'endommagent.  Voye^  Minot.  (Z) 

Boute-en-train  ,  en  terme  de  haras ,  eft  un  che- 
val entier  dont  on  fe  fert  pour  mettre  les  jumens  en 
chaleur  ,  ou  pour  découvrir  fi  elles  font  en  état  de  fe 
laiffer  faillir.  Il  faut  qu'un  boute-en-train  henniffe  fou- 
vent,  (v) 

BOUTEILL  AGE  ,  f.  m.  (  Hifi.  mod.  )  c'eft  le  droit 
fur  la  vente  des  vins  étrangers ,  que  le  bouteiller  du 
roi  d'Angleterre  prend  ,  en  vertu  de  fa  charge ,  fur 
chaque  vaiffeau  :  ce  droit  eft  de  deux  chelins  par 
tonneau. 

*  BOUTEILLE  ,  f.  f.  (  Verrerie.  )  vaiffeau  de  gros 
verre  noirâtre ,  qui  eft  prefque  le  feul  en  ufage  par- 
mi nous  pour  le  vin.  Les  bouteilles  fervent  aufti  à  ren- 
fermer d'autres  matières ,  foit  liquides ,  foit  folides  , 
dont  on  craint  l'évaporation  ou  lèvent.  La  quantité 
de  bouteilles  qu'on  employé  parmi  nous  eft  fi  confi- 
dérable,  que  nous  avons  plufieurs  verreries  occupées 
à  ce  feul  ouvrage.  Voye^  l'art  de  faire  des  bouteilles  à 
l'article  Verrerie. 

Bouteille  ,  (  Comm.  )  mefure  des  liquides  dont 
on  fe  fert  à  Amfterdam  :  elle  n'eft  point  différente  du 
mingle.  Voyei  Mingle.   (  G  ) 

Bouteilles  d'eau  ,  (  Phyfia.  )  on  appelle  ainfi 
les  petites  gouttes  rondes  d'un  fluide  quelconque  > 
qui  font  remplies  d'air  &  qui  fe  forment ,  foit  fur  la 
lurface  du  fluide  par  l'addition  d'un  fluide  fembla- 
ble  ,  comme  quand  il  pleut  ;  ou  dans  fa  lubftance  , 
par  une  vive  commotion  intérieure  de  les  parties. 
Voyei  Pluie.  Les  bouteilles  ou  bulles  d'eau  font  dila- 
tables ou  compreflibles  ;  c'eft- à -dire  qu'elles  occu- 
pent plus  ou  moins  d'efpace  ,  félon  que  l'air  qu'elles 
renferment  eft  plus  ou  moins  échauffé,  ou  plus  ou 
moins  preffé  :  elles  font  rondes  ,  parce  que  l'air  ren- 
fermé agit  également  au-dedans  d'elles  en  tout  fens. 
La  tunique  qui  les  couvre  eft  formée  des  plus  petites 
particules  du  fluide  ;  &  comme  ces  particules  font 
très-minces ,  &  ne  font  que  très-peu  de  réfiftance  , 
la  bouteille  crevé  bientôt  pour  peu  que  l'air  fe  dilate. 
Le  méchanifme  de  ces  petites  bouteilles ,  eft  le  même 
que  le  méchanifme  de  celles  que  les  enfans  forment 
avec  dufavon ,  en  foufflant  au  bout  d'un  chalumeau. 

Lorfqu'on  a  mis  une  liqueur  fous  le  récipient  de 
la  machine  pneumatique  ,  6c  qu'on  commence  à  pom- 
per l'air ,  il  s'élève  à  la  furface  de  la  liqueur ,  des  bou- 
teilles ou  bulles  femblables  à  celles  qui  font  produites 
par  la  pluie.  Ces  bouteilles  font  formées  par  l'air  qui 
eft  renfermé  dans  la  liqueur ,  &  qui  fe  trouvant  moins 
comprimé  lorfqu'on  a  commencé  à  pomper  l'air  du 
récipient ,  fe  dégage  d'entre  les  particules  du  fluide  , 
&  monte  à  la  furface. 

Il  en  arrive  autant  à  un  fluide  qui  bout  avec  vio- 
lence ,  parce  que  l'air  qui  y  eft  contenu  fe  trouvant 
raréfié  par  la  chaleur ,  cherche  à  s'étendre  &  à  fe  met- 
tre au  large ,  &  s'échappe  avec  promptitude  vers  la 
furface  du  fluide  ,  où  il  forme  des  bouteilles.  Voye^ 
Bouillir.  (  O  ) 

Bouteilles  ,  (Marine.)  ce  font  des  faillies  de 
charpente  fur  les  côtés  de  l'arriére  du  vaiffeau  de 
part  &  d'autre  de  la  chambre  du  capitaine. 

Les  bouteilles  font  à  la  place  des  galeries ,  dont  l'u- 
fage fut  fupprimé  par  l'ordonnance  de  1673.  Leur 


B  O  U 

figure  reffemb'e  affez  à  une  moitié  de  fanal  coupé  de 
haut  en  bas.  Vqye{  PL  I.  lettre  &.  Les  bouteilles  n'ont 
guère  qu'environ  deux  pies  ou  deux  pies  &  demi  de 
largeur,  &  (ont  conduites  depuis  les  fabords  de  Sainte- 
Barbe  jufqu'au  couronnement.  Voye^ Galerie. 

BOUTER ,  v.  acl.  ce  mot  lignifie  ,  en  termes  de 
Marine  ,  mettre  ,  &  pouffer. 

Boute  le  cable  au  cabejlan. 

Bouter  à  l 'eau  ,  c'eft  faire  lbrtir  un  bateau  hors  du 
port ,  ou  mettre  la  chaloupe  ou  le  canot  à  la  mer. 

Boute  au  large,  c'eft-à-dire  pouffe  au  large. 

Bouter  de  lof,  (Marine.)  c'eft  venir  au  vent , 
bouliner ,  ferrer  le  vent ,  prendre  l'avantage  du  vent , 
mettre  les  voiles  en  écharpe  pour  prendre  le  vent  de 
côté.  (  Z  ) 

BOUTERE AU ,  f.  m.  en  terme  d'Epinglier ,  c'eft  un 
poinçon  rond  d'acier ,  qui  diminue  de  groffeur  depuis 
le  haut  jufqu'en  bas  :  c'eft  avec  cet  outil  que  l'on  gra- 
ve l'empreinte  de  la  tête  clans  l'enclume  &  dans  le 
poinçon.  Il  faut  qu'il  fpit  bien  trempé.  Voye^  lafig. 
IJ.  PI.  II.  de  LE pin g lier. 

BOUTEROLLE ,  f.  f.  ce  terme  a  différentes  ac- 
ceptions ,  félon  les  ouvriers  qui  s'en  fervent.  La  bou- 
terolle de  l'Orfèvre  n'eft  pas  la  même  que  celle  du 
Serrurier  ou  du  Lapidaire.  Voye^  à  la  fuite  de  cet  ar- 
ticle les  définitions  de  ces  bouterolles  ,  qui  n'ont  pref- 
que  rien  de  commun  ,  fi  ce  n'eft  de  fervir ,  les  unes 
d'une  façon  ,  les  autres  d'une  autre ,  à  donner  des 
formes  tantôt  concaves,  tantôt  convexes. 

BoUTEROLLE  de  Doreur  (la)  eft  un  morceau  de 
fer  arrondi  par  un  bout,  que  l'ouvrier  applique  fur 
les  boutons  mis  dans  le  tas ,  frappant  fur  l'autre  bout 
afin  qu'ils  prennent  la  forme  du  tas.  Voye^  Planche 
du  Boutonnier. 

BOUTEROLLES  des  Graveurs  en  pierre  fine  (les)  ,  font 
des  morceaux  de  cuivre  fondés  fur  une  tige  de  même 
matière.  On  monte  la  tige  fur  l'arbre  du  touret  ;  & 
la  tête  enduite  de  poudre  d  emeril  ou  de  diamant,  ufe 
par  le  frottement  la  pierre  qu'on  lui  préfente.  Il  y  en 
a  de  diverfes  formes  &  figures ,  les  unes  fphériques , 
les  autres  plates,  les  autres  aiguës,  les  autres  évui- 
dées.  Voye{  lesfig.  J.  8.  PL  III.  de  la  Gravure ,  f  arti- 
cle Gravure  en  pierre  fine. 

BoUTEROLLE  du  Metteur -en -œuvre  (la)  eft  un 
morceau  de  fer  arrondi  par  un  bout ,  qu'on  applique 
fur  les  pièces  qu'on  veut  reftraindre  dans  le  dez  à  em- 
boutir. Voyer_  Dez  à  emboutir  ;  voye^z  Planche  du  Met- 
teur-en-œuvre &  Bijoutier  ,fig.  c). 

BOUTEROLLE  de  C  Orfèvre  en  grofferie  (la)  eft  un 
înftrument  de  fer  qui  fe  termine  auffi  par  une  tête 
convexe  de  la  forme  d'une  cuillierc  ou  d'un  autre 
ouvrage  :  c'eft  en  frappant  cette  bouterolle  fur  la  cuil- 
lierc difpofée  fur  une  maffe  de  plomb  ,  qu'on  forme 
la  capacité  ou  le  cuilleron.  Voye^Pl.  ll.fig.  8. 

BoUTEROLLE  du  Serrurier  (la)  eft  une  forte  de 
roiiet  qui  fe  pofe  fur  le  palatre  de  la  ferrure ,  à  l'en- 
droit où  porte  l'extrémité  de  la  clé  qui  le  reçoit ,  & 
fur  lequel  elle  tourne.  Le  bout  de  la  clé  reçoit  la  bou- 
terolle par  le  moyen  d'une  fente  pratiquée  au  panne- 
ton ,  entre  la  tige  &  le  panneton. 

Il  y  en  a  de  différentes  fortes.  Il  y  a  des  bouterolles 
avec  un  fauffdlon  ;  ce  lont  celles  où  la  bouterolle  avec 
le  fauffillon  forment  une  croix  qui  n'a  qu'un  croifon 
ou  un  bras. 

Il  y  a  des  bouterolles  à  fauffdlon  ,  renverfées  &  en 
bâton  rompu;  ce  font  celles  où  le  bord  du  fauffdlon 
renverfé  forme  un  bâton  rompu. 

Il  y  a  des  boutirâÙts  à  crochet  ;  ce  font  celles  où 
le  bord  de  la  bouterolle  eft  renverfé ,  &  forme  un  cro- 
chet. 

Il  y  a  des  bouterolles  où  toutes  les  formes  ci-deffus 
fe  trouvent  employées  ,  &  lur  lefquelles  on  en  pour- 

roit  encore  employer  d'autres.  Voye{  nos  Planches  de 

Serrurerie ,  &  leur  explication. 


B  O  U 


381 


BOUTEROUE,  terme  de  rivière  /  c'eft  ainfi  qu'on 
appelle  les  bornes  qui  empêchent  que  les  effieux  des 
voitures  ne  brifent  les  garde-fous ,  par-tout  où  l'on 
en  met  fur  leurs  paffages. 

BOUTICLAR  ,  f.  m.  terme  de  rivière;  c'eft  une 
grande  boutique  à  poiffon.  Foye^  Boutique. 

BOUTILLIER  ou  BOUTEILLER,  (  le  grand  bou- 
tillier  ou  bouteiller  de  France  )  f.  m.  Hifl.  mod.  nom 
qu'on  donnoit  anciennement  à  l'officier  que  nous 
nommons  aujourd'hui  le  grand échanfon ,  &  qu'on  ap- 
pelloit  alors  en  Latin  buticularius  ;  comme  on  le  voit 
dans  une  loulcription  du  teftament  de  Philippe -Au- 
gufte  ,  rapportée  par  Rigord.  Le  grand  boutillier  étoit 
un  des  cinq  grands  officiers  de  la  couronne,  qui  fianoit 
dans  toutes  les  patentes  des  rois  ,  ou  du  moins  affif- 
toit  à  leur  expédition.  Il  avoit  féance  entre  les  prin- 
ces, &  difputoit  le  pas  au  connétable.  Il  prétendoit 
avoir  droit  de  préfider  à  la  chambre  des  Comptes  ; 
&  l'on  trouve  en  effet  fur  les  regiftres  de  cette  cham- 
bre, qu'en  1397  Jean  de  Bourbon ,  grand  boutillier 
de  France  ,  y  fut  reçu  comme  premier  prélident.  De- 
puis même  ,  cette  prérogative  fut  annexée  par  édit 
du  roi  à  la  charge  de  grand  boutillier  ;  mais  foit  né- 
gligence du  titulaire  de  cette  dernière  charge  ,  foit 
dilpofition  contraire  de  la  part  du  fouverain  ,  ce  pri- 
vilège ne  fubfifta  pas ,  &  la  charge  de  grand  boutillier 
fit  elle-même  place  à  celle  de  grand  échanfon.  Au  refte 
cette  dignité  étoit  fort  confidérable  du  tems  de  Char- 
lemagne  ;  &  Hincmar  dans  fes  lettres  en  parle  com- 
me d'un  des  principaux  poftes  du  palais  de  nos  rois. 
(G) 

BOUTIQUE,  f.  f.  (  Commerce.  )  lieu  où  les  mar- 
chands expolënt  leurs  marchandifes  en  vente ,  qui 
eft  ouvert  fur  la  me  &  au  rez-de-chauffée.  On  l'ap- 
pelloit  autrefois  fenêtre  &  ouvroir,  comme  on  lé  voit 
dans  les  anciens  ftatuts  des  communautés  des  Arts 
&  Métiers. 

On  dit  dans  le  commerce  ,  lever ,  ouvrir  boutique  ; 
garder ,  conduire  la  boutique  ;  fe  mettre  en  boutique  ; 
garçon  de  boutique;  fille  de  boutique ,  &c. 

Il  y  a  auffi  des  boutiques  dans  les  foires ,  dans  les 
falles  du  Palais,  &c.  On  appelle  encore  boutiques  cer- 
tains étaux  portatifs,  à  l'abri  defquels  fe  mettent  les 
petits  marchands  dans  les  foires.  Voye^Èr  A.U. 

Boutique  fe  dit  auffi  du  fonds  d'un  marchand.  Ce 
négociant  a  vendu  ou  cédé  la  boutique  à  ion  garçon  , 
à  ion  affocié  ,  c'eft-à-dire  qu'il  lui  a  abandonne  fes 
marchandifes ,  fon  fonds. 

arrière-boutique  eft  un  magafin  fur  le  derrière  d'une 
mailon  deftiné  à  mettre  les  marchandifes  qu'on  veut 
conferver. 

Garde-boutique  fe  dit  d'une  vieille  étoffe  défec- 
tueufe  ,  ou  qui  n'eft  plus  de  mode. 

BOUTIQUE  ,  dans  le  commerce  du  poiffon  tTeau-doU' 
ce,  eft  un  bateau  dont  fe  fervent  les  marchands  de 
poiffon  pour  le  voiturer  &  le  nourrir  en  attendant 
qu'ils  le  vendent.  Ces  bateaux  lont  percés  de  divers 
trous  au-deffous  du  niveau  de  la  rivière  ,  &  ne  lont 
foùfenus  fur  l'eau  que  par  le  vuide  qui  eft  à  l'avant 
&  à  l'arriére. 

A  Paris ,  la  plupart  de  ces  boutiques  font  placées 
au  port  Saint-Paul  &  à  la  delcente  du  pont  Marie. 
Le  prévôt  des  marchands  &  les  échevins  connoiffent 
des  conteftations  6c  délits  fur  le  fait  defdites  bouti- 
ques. (G) 

BOUTIS  ,  f.  m.  c'eft  ainfi  qu'on  appelle  en  Véne- 
rie, tous  les  lieux  où  les  bêtes  noires  ont  îcmué  la 
terre  ;  on  dit,  ces  forets  font  toutes  remplies  de  boutis. 
BOUTISSE  ,  f.  f.  (  terme  d' 'Architecture.  )  c'ell  une 
pierre  dont  la  plus  grande  longueur  eft  dans  le  corps 
du  mur.  Elle  eft  différente  du  carreau ,  en  ce  qu'elle 
préfente  moins  de  face  ou  de  parement,  &  qu'elle  a 
plus  de  queue.  (P) 


381 


B  O  U 


BOUTOIR  ou  BOUTOI ,  f.  m.  c'eft  en  Vénerie, 
le  bout  du  nez  des  bêtes  noires  ;  on  dit ,  cefanglier  a 
le  boutoifort. 

Boutoir,  outil  de  Corroyeur  ;  c'eft  une  efpe  ce 
de  couteau  emmanché  par  les  deux  bouts  ,  à  peu 
près  comme  la  plane  des  Tonneliers  ,  à  l'exception 
que  les  manches  n'en  font  pas  recourbés.  Les  Cor- 
royeurs  fe  fervent  de  cet  inftrument  pour  bouter  les 
cuirs  qu'ils  veulent  courroyer. 

Ces  artifans  ont  deux  fortes  de  boutoirs  ;  l'un  dont 
le  tranchant  eft  émouffé ,  &  qu'on  appelle  pour  cette 
raifon  un  couteau  fourd ;  l'autre  au  contraire  a  le  tran- 
chant fort  affilé.  Voyei  CORROYER  ,  &  les  figures  3 
&  4  Planche  du  Corroyeur. 

Boutoir  ;  les  Maréchaux  appellent  ainfi  un  inf- 
trument qui  fert  à  parer  le  pié  du  cheval ,  &  à  en 
couper  la  corne  fuperflue.  Il  eft  large  de  quatre 
doigts  ,  &  recourbé  vers  le  manche.  Voye{  Parer. 
Foyei  la  Planche  du  Maréchal. 

BOUTON ,  f.  m.  petit  ouvrage  compofé  d'un 
morceau  de  bois  plat  deffous ,  arrondi  deflus ,  &  re- 
couvert en  cuivre ,  en  argent ,  en  or ,  en  foie  ou  en 
poil ,  fervant  dans  l'habillement  à  réunir  deux  par- 
ties féparées ,  ou  à  en  contenir  deux  autres  l'une  fur 
l'autre  au  moyen  des  boutonnières  dans  lefquelles 
les  boutons  fe  paffent.  Les  boutons  fe  divifent  en  trois 
efpeces  ;  en  bouton  à  pierre ,  en  bouton  de  métal ,  ÔC 
en  bouton  tijfu. 

Ces  derniers  font  ou  poil  &  foie  à  la  brochette,  ou 
boutons  de  foie  pure  ,  ou  boutons  d'or  &  d'argent  ;  en- 
fin ,  ou  boutons  planés. 

Toutes  ces  différentes  efpeces  de  boutons  font  unies 
ou  façonnées  ;  il  n'y  a  point  de  difficulté  pour  l'uni  : 
c'eft  un  tiffu  limple.  Le  bouton  façonné  eft  celui  fur 
lequel  on  exécute  des  deffeins  en  foie,  en  or ,  ou  en 
argent  ;  ces  deffeins  varient  au-delà  de  ce  qu'on  peut 
s'imaginer  ;  un  ouvrier  quelquefois  ne  fait  pas  dix 
garnitures  d'un  même  deffein.  Cet  art  tout  mécha- 
nique  qu'il  eft ,  demande  donc  du  goût  &  même  de 
l'imagination  ;  il  eft  vrai  que  les  deffeins  ne  chan- 
gent guère  que  quant  à  la  forme  ;  le  fond  refte  tou- 
jours le  même.  On  fait  des  boutons  à  épi ,  à  amande , 
en  limaffe ,  &c.  mais  c'eft  toujours  avec  du  bouillon, 
du  luifant ,  des  falbalas  ,  des  cordes  à  puits  ,  des 
roues  ,  &c.  Voye-^  tous  ces  articles. 

Quant  à  la  matière  ,  c'eft  toujours  deux  files  de 
poil  tords  avec  un  fil  de  foie  pour  les  boutons  poil  & 
foie  ,  unis  ,  façonnés ,  ou  à  la  brochette  ;  de  la  foie 
pure  ,  pour  ceux  de  foie.  Les  boutons  d'or  ont  une 
première  couche  pour  ainii  dire  d'une  foie  médio- 
cre ,  qui  fert  de  fondement  à  l'or  ;  s'ils  font  roftés  en 
foie ,  ce  doit  être  de  foie  de  Piémont ,  la  plus  belle 
de  toutes  celles  qu'employent  les  Boutonniers,  pour 
approcher  le  plus  qu'il  eft  poffible  de  l'éclat  de  l'or  ; 
eniorte  que  le  bouton  d'or  du  moindre  prix  eft  fait 
avec  la  meilleure  foie  ;  l'or  &  l'argent  font  en  trait 
en  luifant ,  en  frifé  ,  en  cordonnet ,  &c. 

Le  bouton  poil  &  foie  uni  fe  fait  avec  quatre  poin- 
tes. Voye^  Pointe.  On  y  diftingue  les  coins,  les 
ondes ,  &  la  croix.  Ployer  ces  articles  &  bouton  poil  & 
foie  uni. 

Le  bouton  poil  &foie  à  la  brochette  fe  fait  fans  poin- 
tes fur  une  petite  broche  qui  fert  à  tenir  le  bouton 
qui  y  eft  fiché.  Il  n'a  que  des  coins  &  une  croix  fans 
ondes.  Foye^  Bouton  à  la  brochette,  &  Bro- 
chette. 

Tous  ces  boutons  ayant  une  manœuvre  particu- 
lière ,  pour  ne  rien  donner  ici  de  confus ,  nous  avons 
pris  chaque  efpece  à  part ,  &  nous  les  avons  condui- 
tes de  la  première  opération  à  toutes  les  autres  dans 
le  rang  qu'elles  ont  entre  elles. 

Bouton  à  amande ,  eft  un  bouton  dor  entouré  d'un 
cerceau  fimple  ou  gravé  ,  découpé  en  plein.  Voye^ 


B  O  U 

Cerceau  ,  &  dont  la  tête  eft  fermée  d'un  deffein 
qui  repréfente  une  amande  ,  ovale  ,  quarrée ,  lon- 
gue ou  ronde.  Il  fe  fait  comme  le  bouton  façonné  par 
un  premier  jettage  de  foie  ,  un  fécond  de  cerceaux 
arrêtés  à  l'aiguille ,  &  enfin  on  forme  fon  amande. 
Foye{  Amande,  &  on  l'orne  de  cordelières,  de 
roues ,  de  falbalas ,  de  corde  à  puits  ,  &c.  Voye^  tous 
ces  articles.  Ces  ornemens  fe  mettent  à  l'aiguille ,  & 
s'attachent  comme  nous  l'avons  dit ,  au  bouton  fa- 
çonné. Voye{  Bouton  façonné  ,  avec  une  foie  de 
grenade  égale  &  cirée. 

Bouton  À  la  brochette,  (en  terme  de  Bou- 
tonnier.  )  eft  un  bouton  fait  fans  pointe  fur  une  bro- 
chette. Foye{  Brochette.  Le  plus  difficile  dans  ce 
bouton  c'eft  de  jetter  les  premiers  tours  fur  les  bords 
d'un  moule  à  furface  arrondie.  Les  autres  tours  fe 
font  de  l'un  à  l'autre ,  mais  fans  revenir  deux  fois 
fur  le  même  coin  ;  au  bouton  couvert  de  cette  forte  , 
le  poil  s'eft  amaffé  autour  de  la  brochette  en-deffous 
en  quatre  tas  ou  parties  que  l'on  embraffe  enfemble 
avec  un  fil  double  :  on  les  arrête  enfuite.  Ces  boutons 
n'ont  point  d'onde ,  &  doivent  être  coufus  fur  les 
habits  par  les  quatre  branches  que  nous  avons  dites, 
fans  paffer  l'aiguille  au  milieu  d'elles ,  ce  qui  rom- 
proit  des  brins ,  Se  détruiroit  le  bouton  en  peu  de 
tems. 

Bouton  à  cul-de-dé,  eft  un  bouton  façonné 
qui  n'a  point  de  premier  jettage  ;  on  le  fait  en  or  ou 
en  argent  filé ,  ou  en  milanoife  ;  on  jette  d'abord  di- 
vers partages  de  plufieurs  brins  ;  chacun  de  ces  parta- 
ges étant  également  diftans  l'un  de  l'autre  ;  puis  on 
a  une  aiguille  enfilée  d'un  pareil  nombre  de  fils  que 
l'on  coule  fur  le  premier  partage  &  fous  le  fécond  , 
fur  le  troifieme  &  fous  le  quatrième ,  ainfi  des 
autres  :  ce  qui  fait  des  quarrés  les  uns  vuides ,  &  les 
autres  pleins,  affez  femblables  aux  creux  &  aux  pleins 
d'un  dé  ,  à  la  forme  près.  Ce  bouton  fe  fait  fur  la  bro- 
chette. 

Bouton  d'or  UNI  ,  (en  terme  de  Boutonnier.  )  fe 
fait  avec  les  pointes  ou  à  la  brochette  ,  félon  qu'on 
veut  qu'il  ait  des  ondes  ou  qu'il  n'en  ait  pas.  L'or  peut 
être  en  luifant ,  en  frifé  ,  en  trait ,  en  guipé  ,  en  cor- 
donnet ,  &c.  Voye^  ces  mots  à  leur  article.  Alors  les 
boutons  font  glacés  ou  guipés ,  &c.  Les  opérations 
dans  toutes  ces  fortes  de  boutons  font  les  mêmes  que 
dans  les  boutons  unis  poil  &  foie ,  aux  pointes  ou  à 
la  brochette.  Voye^  ces  mots  ;  excepté  que  les  coins 
font  toujours  de  fil  dans  les  boutons  de  trait  glacé. 
Foyei  Coins  ;  parce  que  l'aiguille  romproit  ce  trait, 
s'il  n'y  avoit  pas  des  endroits  pour  la  ficher  ;  &  que 
ces  boutons  font  plus  difficiles  à  faire  que  ceux  de 
poil  &  foie  ;  parce  que  dans  ceux-ci  on  ne  mené 
qu'un  brin  à  la  fois  ,  &  que  dans  ceux-là  on  en  mené 
plufieurs  ,  qu'il  faut  prendre  garde  de  ne  point  met- 
tre l'un  fur  l'autre. 

Bouton  d'or  façonné  ,  fe  dit  d'un  bouton  fur 
lequel  on  a  exécuté  un  deffein ,  &  que  l'on  a  décoré 
de  divers  ornemens.  Soit  que  les  boutons  foient  à 
amandes ,  à  épi ,  à  limaffe  ,  &c.  Voyt^  ces  articles.  On 
commence  par  les  jetter  en  foie  à  plufieurs  brins  qui 
fervent  d'affiette  aux  cerceaux ,  s'il  y  en  a ,  &  de 
prife  à  l'aiguille  s'ils  font  rofttés  ou  enjolivés.  Voye^ 
Cerceaux  &  Roster.  Ce  jettage  achevé ,  on  fait 
celui  des  cerceaux  ,  ou  on  applique  les  ornemens  : 
dans  le  premier  cas ,  on  arrête  les  cerceaux  avec  du 
trait  ou  de  la  foie  en  les  tournant  diverfement  autour 
du  bouton ,  de  manière  que  ces  tours  l'embraffent 
avec  grâce.  On  le  roftte  en  foie  ou  or ,  &  on  le  bouil- 
lonne,  pour  les  finir.  Voyei  Bouillonner.  Dans  le 
fécond  cas ,  on  place  les  pièces  de  rapport  qu'on  y 
deftine  ,  en  formant  tel  ou  tel  deffein  avec  l'aiguille 
&  une  foie  de  grenade  unie ,  égale ,  &  cirée ,  qui  les 
attache  par  le  premier  jettage.  Ce  premier  jettage 
eft  la  bafe  &  le  fondement  des  opérations  pour  tou- 


B  O  U 


B   O  U 


385 


tes  les  efpeces  de  boutons  façonnes.  Nous  le  difons  ici 
pour  ne  plus  le  répéter.  foye^  Jettage. 

Bouton  À  Épi,  eft  un  bouton  façonna roulé  après 
le  premier  jettage ,  (  Voyt{  Rouler  )  d'or  en  trait , 
en  cordonnet,  en  luifant,  &  couvert  d'un  cerceau; 
enluite  on  jette  de  haut  en  bas  autant  de  cotes  de  foie 
que  l'on  veut  faire  d'épis.  Voye^  Épi.  Ces  cotes  fer- 
vent à  donner  prife  à  l'aiguille  qui  ne  pourroit  le  fi- 
cher dans  le  cerceau  ;  on  pofe  fes  épis ,  on  rofte  ,  &c 
on  enjolive  le  bouton  de  falbalas  ,  roues  ,  &c.  Voye^ 
as  mots. 

Bouton  à  garde  d'Épée  ,  eft  un  bouton  uni  en 
or  ou  argent ,  qui  ne  diffère  des  autres  que  par  fes  on- 
des qui  font  beaucoup  plus  hautes  que  les  ordinaires  ; 
il  fe  fait  aux  pointes,  &  s'il  eft  de  trait,  ce  trait  doit 
être  du  n°.  17.  pour  pouvoir  être  retordu  avant  d'ê- 
tre employé.  Voyc{  Pointe  ,  &  Bouton  poil 
ET  soie  uni.  On  fait  les  ondes  plus  hautes  en  mul- 
tipliant les  partages  fur  le  même  fens.  Voyt{  Onde. 

Bouton  à  Limasse,  eft  un  bouton  façonné  qui 
ne  diffère  des  autres  que  parce  qu'il  eft  entouré  de 
plulieurs  croix  de  foie  luifante  ,  &  d'autres  en  rofta- 
ge ,  qui  l'embraffent  dans  toute  fa  hauteur ,  &:  des- 
cendent de  haut  en  bas  ,  en  tournant  autour  de  lui  ; 
ce  qui  donne  à  ces  croix  ou  pans  une  forme  appro- 
chante de  celle  de  la  coquille  d'un  limaçon.  Ces  for- 
tes de  boutons  font  rarement  enjolivés. 

Bouton  poil  et  soie  uni  ,  (en  terme  de  Bou- 
lonnier.  )  c'eft  un  moule  de  bois  couvert  d'un  fil  corn- 
pôle  de  poil  de  chèvre  &  de  foie  ,  deux  tiers  du  pre- 
mier, &  un  de  l'autre  :  c'eft  au  maître  à  faire  ce  mé- 
lange ;ill 'exécute  au roiiet.  Voye^  Rouet.  Il  dévide 
enluite  fa  matière  fur  une  bobine ,  &  la  donne  en  cet 
état  à  l'ouvrier  qui  pofe  la  bobine  fur  un  rochet. 
Voye^  Rochet.  Il  plante  quatre  pointes  fur  le  mou- 
le en  croix,  en  gardant  des  diftances  égales  autant 
qu'il  eft  poffible  ;  il  fait  fur  chaque  pointe  cinq  ou 
fix  tours ,  en  allant  de  l'une  à  l'autre  pour  former  les 
coins.  Voyt^  Coins.  Il  ôte  fes  pointes ,  prend  une 
aiguille  enfilée  de  gros  fil ,  la  fiche  en-deffousdans  les 
tours  faits  ;  fait  un  tour  fur  un  coin  ,  plie  Ion  poil  fur 
le  fil  de  l'on  aiguille ,  retourne  fur  le  même  coin ,  y 
arrête  fon  poil  en  le  pliant  comme  ci-deffus  ,  èc  ga- 
gne un  autre  coin  où  il  fait  encore  deux  tours  ;  ainli 
du  refte  jufqu'à  la  croix.  Voye^  Croix.  Il  arrête  le 
pié  du  bouton  avec  le  fil  de  fon  aiguille  ,  &  donne  fon 
ouvrage  en  cet  état  à  un  autre  ouvrier  qui  l'arrête  : 
arrêter ,  c'eft  faire  un  point  en  croix  furies  tours  qui 
terminent  le  bouton.  On  fe  fert  pour  cet  effet  de  l'ai- 
guille ,  &  d'un  fil  pareil  à  celui  du  bouton. 

Les  Boutons  à  pierre  ne  font  autre  chofe  que 
des  cailloux  ,  des  pierres  ou  des  cryftaux ,  auxquels  le 
Lapidaire  a  donné  la  forme  de  bouton ,  &  qui  reçoi- 
vent du  Metteur-en-ceuvre  ,  une  monture  propre  à 
l'ufage  du  bouton. 

Les  BOUTONS  en  argent,  or,  &  cuivre,  ne  font 
autre  chofe  que  des  feuilles  minces  èv  rondes  de  ces 
métaux;  auxquelles  on  donne  la  forme  de  boutons, 
par  le  moyen  de  tas,  où  l'on  a  pratiqué  à  L'aide  du 
poinçon,  des  concavités  dans  lefquelles  les  feuilles 
étant  frappées ,  elles  prennent  non-feulement  la  fi- 
gure convexe,  mais  encore  cette  figure  fur  tous  ics 
Ornemens  qu'on  a  pratiqués  en  creux  dans  le  tas. 

BOUTON  plané  ,  (  en  terme  Je  Bcutonnicr  )  eft  un 
bouton  d'un  métal  quelconque  ,  en  plein  ,  monté  fur 
un  moule  ,  &  le  refte  du  vuide  rempli  d  une  efpece 
de  ciment.  La  matière  de  ces  boutons  eft  tantôt  du 
plomb  ,  tantôt  de  l'étain  argenté  ,  tantôt  du  cuivre 
&  de  l'argent ,  &  plus  rarement  de  l'or.  Les  Bouton- 
hiers  prennent  les  trois  derniers  métaux  ;  l'un  chez 
le  Fondeur ,  ôc  les  autres  chez  l'Orfèvre.  Quant  au 
plomb  ou  à  Péta  n  argenté  ,  ils  fondent  l'un  &  l'au- 
tre &  argentent  le  dernier  chez  eux.  Leur  moule  eft 
Un  morceau  de  fonte  de  la  forme  qu'il  a  plu  de  lui 


donner ,  gravé  d'un  trou  de  la  profondeur  que  doit 
avoir  la  calotte.  On  jette  la  matière  fondue  dans  un 
moule  ;  on  le  penche  auiîi-tôt  de  côté  pour  verfer  la 
matière  qui  remplit  la  calotte  :  elle  tombe,  &  ne  iaif- 
fant  que  celle  qui  s'eft  d'abord  figée  aux  parois  du 
moule  ,  il  vient  une  calotte  creufe.  Le  cuivre  ,  l'ar- 
gent &  l'or  en  rubans ,  l'ont  coupés  à  l'emporte-piece 
F  E  ,GH,  en  ronds  CCC,  DD  ,  PI.  du  Moutonnier 
en  métal,  de  différentes  grandeurs.  Alors  on  embou- 
tit tous  ces  métaux  dans  un  tas  uni  M  N,  ou  gravé 
en  creux ,  en  frappant  fur  des  bouterolles.  foye?  bou- 
terolles  &  lafig.  i.On  coupe  le  plus  gros  autour 'avec 
des  cifeaux.  On  palTe  la  corde  à  boyau  dans  les  mou- 
les en  commençant  d'abord  par  un  trou,  &  allant  de 
l'un  à  l'autre  jufqu'au  quatrième;  ce  qui  forme  deux 
tours  fur  le  bouton.  On  fait  les  deux  autres  en  paf- 
fant  par  les  mêmes  trous  &  rempliffant  les  elpaces 
vuides.  On  fait  fondre  le  maftic  pilé  dans  les  calot- 
tes ,  expolées  fur  le  feu  dans  une  platine  de  fer  à 
bord  ,  d'un  demi  pouce  de  haut ,  &  remplie  de  fa- 
blon  à  une  certaine  épaiffeur ,  qui  fert  à  entretenir  la 
chaleur  &  à  empêcher  que  les  calottes  ne  fondent. 
y°ye{fig-  2..  Le  maftic  fondu,  on  y  met  le  moule. 
Voye^  Moule.  On  fertit  les  calottes  autour  du  mou- 
le liir  un  tour ,  &  avec  des  bruniffoires  ;  enfin  on  ra- 
bat la  calotte  avec  une  langue  de  lerpent  tranchante , 
en  coupant  l'extrémité  en  bifeau  ,  &c  l'appliquant  le 
plus  près  du  moule  qu'il  fe  peut.  On  polit  pour  der- 
nière façon  les  boutons  ,  de  quelque  métal  qu'ils 
foient ,  &  on  les  attache  par  douzaines  fur  un  petit 
carton  quarré. 

*  Bouton  ,  (Moule  de  )  (Ans  méchaniques.)  Le 
travail  des  moules  de  bouton  eft  un  très-petit  art,  dont 
voici  la  defeription.  Les  moules  de  bouton  lont  affez 
ordinairement  de  bois  de  chêne.  Il  faut  fe  procurer 
des  bûches  de  ce  bois  de  fix  à  lept  pouces  en  quarré. 
On  prend  ces  bûches ,  on  a  une  efpece  d'étau  de  bois , 
entre  les  mâchoires  duquel  on  les  place  ,  les  unes 
après  les  autres  ,  comme  on  en  voit  une  en  a.  Deux 
ouvriers  ou  i'eieurs  ,  tels  qu'ils  font  reprélentés  ,  PL 
du  faifeur  de  moules  à  bouton  ,  figure  1.  &  2  ,  coupent 
avec  une  feie ,  la  bûche  a  en  tranches  ,  de  l'épailîeur 
de  4  ,  5,6,7  lignes.  Ces  tranches  paffent  entre  les 
mains  d'un  ouvrier  allis  fur  une  efpece  de  chevalet, 
jambe  de-çà  ,  jambe  de-là ,  &  ayant  devant  lui  le 
moule  perçoir  monté  fur  une  poulie ,  &  pôle  par  fes 
deux  extrémités  fur  deux  appuis ,  qui  fervent  de  col- 
lets. Une  corde  paffe  fur  cette  poulie  &  va  fe  rendre 
fur  une  grande  roue  ;  deux  ouvriers  ou  tourneurs 
font  mouvoir  la  roue  ;  &  par  conlequent  la  poulie  & 
le  moule  perçoir  qui  la  traverfe  ,  &  qui  lui  fert  d'axe. 
Cefl  ce  qu'on  voitjig.  J.  4.  5.  Le  moule  perçoir,//'^. 
<).  eft  compofé  de  deux  parties ,  d'un  manche  6ê  d'un 
fer.  Le  corps  du  manche  a  n'a  rien  de  particulier  ; 
c'eft  une  boîte  à  foret  oblongue  fur  laquelle  une  cor- 
de peut  fe  rouler.  La  tête  ou  partie  uiperieure  eft  faite 
de  deux  petits  tenons  féparés  par  une  fente  ,  dont  les 
faces  font  inclinées  l'une  vers  l'autre  ;  enîorte  que 
l'ouverture  de  la  tente  eft  pius  étroite  en  bas  qu'en 
haut  :  le  fer  a  la  même  melinaifon  ,  par  laquelle  il  s'in- 
fère ,  s'applique ,  &  fe  fixe  entre  les  faces  des  tenons, 
comme  on  l'y  voit  en  1,1,3.  L'extrémité  du  ter  eft 
terminée  par  cinq  pointes  :  cel»e  du  milieu  eft  la  plus 
longue  ;  elle  fert  à  percer  le  moule  de  bouton  au  cen- 
tre :  les  deux  parties  voilînes  de  celte  du  milieu  tra- 
cent des  moulures  à  la  iùrface.  Les  deux  des  extré- 
mités tonnent  les  bords  du  moule  &  l'enle\  ent  de  la 
tranche  de  bois  :  toutes  ces  pointes  qui  (ont  encore 
tranchantes  par  leurs  bords ,  &  qui  loi  ment  la  conca- 
vité d'un  arc  de  cercle  fur  le  fer,  ne  peuvent  tour- 
ner fur  elles-mêmes  ,  fans  donner  au  morceau  de  bois 
qu'on  leur  appliq      ■  gure  convexe. 

L'ouvrier  repréfenté  ,fig.  3.  applique  une  tranche 
de  bois  au  moule  perçoir ,  ck  la  met  iuccellivement 


3  84 


B  O  U 


en  autant  de  moules  de  boutons  qu'elle  peut  être  per- 
cée de  trous.  Comme  il  y  a  des  boutons  de  différen- 
tes groffeurs  ,  il  faut  auffi  des  moules  de  différentes 
groiléurs  ;  &  par  conféquent  différentes  fortes  de 
moules  perçoirs.  On  en  voit  un  plus  petit,  fig.  10. 
fon  fer  n'a  que  trois  pointes  ;  celle  du  milieu  qui  per- 
ce le  moule  de  bouton ,  &  les  deux  des  côtés  qui  font 
concaves  ,  forment  la  furface  convexe  du  moule ,  & 
le  féparent  de  la  tranche  de  bois.  On  peut  faire 
mouvoir  le  moule  perçoir  par  le  moyen  d'une  roue 
&  d'une  poulie  :  mais  on  le  peut  auffi  par  le  moyen 
d'un  archet ,  comme  on  voit  fig.  y.  8.  On  doit  aller 
plus  vite  à  la  roue  qu'à  l'archet ,  &  former  plus  de 
moules  en  moins  de  tems  :  mais  en  revanche  il  faut 
un  ou  deux  ouvriers  de  plus.  Le  chevalet  dans  ce  fé- 
cond cas,  eft  le  même  que  dans  le  premier  :  l'ouvrier 
eft  afîis  deffus  de  la  même  manière  ;  &  la  feule  diffé- 
rence qu'il  y  ait  entre  l'une  &  l'autre  manœuvre ,  c'eft 
que  le  moule  perçoir  eft  monté  dans  une  boîte ,  &  le 
meut  ici  par  l'archet  ;  &  que  dans  le  premier  cas ,  il 
eft  monté  dans  une  poulie  &  le  meut  par  des  tour- 
neurs. Il  femble  qu'il  faudroit  travailler  les  petits 
moules  de  boutons  à  l'archet ,  &  les  gros  moules  à  la 
roue. 

Lorfque  les  boutons  font  enlevés ,  il  s'agit  d'y  faire 
les  trous  à  paffer  les  cordes  ;  c'eft  ce  qui  s'exécute 
avec  beaucoup  de  promptitude  avec  la  perçoire  de 
la  fig.  il.  Cette  perçoire  peut  fe  monter  fur  une  pou- 
lie ,  ou  s'inférer  feulement  comme  on  la  voit  ici , 
danstme  longue  boîte  à  foret.  Dans  le  premier  cas  , 
les  trous  à  cordes  fe  feront  à  la  roue  :  dans  le  fécond, 
ils  fe  feront  à  l'archet. 

Il  eft  à  propos  que  le  bois  de  moule  à  boutons  foit 
dur  &  fec ,  afin  qu'il  fe  tranche  net.  On  faifoit  autre- 
fois des  moules  à  bouton  avec  la  corne  ;  mais  la  mo- 
de en  eft  paffée. 

Ce  métier  nourrit  à  peine  l'ouvrier ,  &  il  ne  peut 
guère  fe  tirer  d'affaire  que  par  la  célérité. 

Ces  moules  fe  vendent  à  tous  ceux  qui  font  des 
boutons.  Les  Boutonniers-Paffementiers  les  couvrent 
de  fil  ,  de  foie ,  de  poil  de  chèvre ,  d'or  &  d'ar- 
gent. Voye^  Bouton.  Les  Orfèvres  en  remphllent 
la  concavité  des  boutons  qu'ils  frappent  fur  le  tas,  les 
contenant  dans  cette  concavité ,  à  l'aide  de  la  bor- 
dure du  bouton  ,  &  d'un  enduit  ou  de  maftic ,  ou  de 
ciment  mêlé  avec  la  poix-réfine. 

Le  terme  bouton  ne  fe  prend  pas  feulement  pour 
une  des  parties  de  notre  habillement.  On  a  tranfporté 
le  même  nom  à  une  infinité  d'autres  choies ,  qui  n'ont 
de  commun  avec  cette  partie  que  la  leule  forme  , 
comme  on  le  verra  dans  les  articles  fuivans. 

BoUTON  ,  (  Chimie  &  Métallurgie  )  on  délîgne  par- 
ce mot  un  globule  d'argent ,  qui  relie  fur  la  coupelle 
au  fourneau  d'effai.  Lorfque  pour  effayer  de  l'argent , 
on  le  met  fur  la  coupelle  où  il  y  a  du  plomb  fondu , 
il  commence  par  noircir  un  peu  ;  enluite  il  fe  fond , 
en  tournoyant  continuellement ,  &  paroît  bouillon- 
ner :  à  mefure  que  les  bouillons  groffiffent ,  ils  de- 
viennent moins  fréquens ,  &  la  matière  qui  les  en- 
vironne diminue  :  enfin  il  ne  fe  fait  plus  que  deux 
ou  trois  bouillons ,  qui  fe  raffemblent  pour  n'en  for- 
mer plus  qu'un  ;  ce  qui  fait  éclair  ,  ou  corufeation  ou 
l'opale  :  pendant  ce  tems  le  globule  paroit  tourner 
encore  ;  enfin  il  ceffe  &  demeure  fans  mouvement. 
On  le  laiffe  refroidir  peu  à  peu  ,  &  ce  qu'on  trouve 
fur  la  coupelle  ,  eft  ce  qu'on  nomme  le  bouton  ;  on  le 
pefe  pour  connoître  le  titre  de  l'argent.  (  M  ) 

Bouton,  (Chirurgie.*)  tubercule  ou  petite  tumeur 
rouge  qui  s'élève  lur  la  peau,  principalement  au  vi- 
fage.  Cette  tumeur  eft  de  la  nature  du  phlegmon  , 
vojer  Phlegmon  ,  &  fe  termine  ordinairement  par 
fuppuration.  Voye^  ABCÈS. 

Bouton  eft  auffi  un  inifrument  de  Chirurgie  dont 
en  lé  fert  dans  l'opération  de  la  taille.  Voyt^  PL  XI. 


B  O  U 

fig.  6.  11  en  compofe  trois,  parce  qu'il  a  trois  ufages 
dans  cette  opération.  C'eft  une  efpece  de  fonde  d'a- 
cier ou  d'argent ,  très-polie  ,  longue  de  huit  pouces. 
Le  corps  de  cet  inftrument  eft  cylindrique  ;  il  a  cinq 
pouces  de  long,  près  de  quatre  lignes  de  diamètre  à 
fa  bafe ,  &  deux  lignes  à  fa  pointe.  Le  long  de  cette 
tige  règne  une  crête  ou  languette  qui  s'élève  douce- 
ment vers  la  bafe ,  &  qui  devient  de  plus  en  plus  émi- 
nente  jufqu'aux  deux  tiers  de  fon  chemin  ,  où  elle  ne 
doit  pas  excéder  une  ligne  6c  un  tiers  de  hauteur  ; 
elle  continue  enfuite  en  diminuant  infenfiblement 
pour  finir  en  mourant.  La  longueur  de  cette  crête  eft 
de  quatre  pouces  &  demi. 

L'extrémité  antérieure  de  cet  inftrument  eft  la  fui- 
te du  corps  ;  elle  a  encore  un  peu  de  la  figure  cylin- 
drique &  pyramidale ,  puifqu'elle  va  en  diminuant  de 
volume  pendant  la  longueur  de  trois  lignes;  cette 
extrémité  eft  recourbée  du  côté  de  la  crête ,  &  fe 
termine  par  un  bouton  en  forme  de  poire  de  cinq  lignes 
de  longueur  fur  deux  &  demie  de  diamètre.  Ce  bouton 
qui  donne  le  nom  à  tout  l'inftrument,  eft  très-adou- 
ci  &  très-poli  pour  ne  point  bleffer  la  veflie. 

L'extrémité  poftérieure  forme  une  efpece  de  cuil- 
liere  beaucoup  plus  allongée  que  large  :  elle  n'a  à  fon 
extrémité  la  plus  évafée  que  cinq  lignes  de  diamètre; 
fa  longueur  eft  de  deux  pouces  deux  lignes.  Sa  ca- 
vité eft  du  côté  oppolé  à  la  crête  &  au  bouton  ;  elle 
commence  doucement ,  &c  a  environ  trois  lignes  de 
profondeur  dans  l'endroit  le  plus  creux ,  pour  fe  ter- 
miner par  une  efpece  de  bec  arrondi  :  le  dehors  de 
cette  cuilliere  eft  très-poli ,  &  fait  une  légère  cour- 
bure qui  fe  jette  du  côté  de  la  crête. 

L'uiage  du  bouton  eft  de  pénétrer  dans  la  vefîîe 
pour  retourner  les  pierres  qui  font  mal  chargées  dans 
les  tenettes  ;  d'entrer  dans  cet  organe ,  après  la  for- 
tie  d'une  pierre ,  pour  lavoir  s'il  n'y  en  a  point  d'au- 
tres. La  crête  fait  l'office  de  conducteur ,  puifque  c'eft 
par  fon  moyen  qu'on  réitère  avec  fureté  l'introduc*» 
tion  des  tenettes  dans  la  veffie ,  autant  qu'il  en  eft 
befoin.  Enfin  la  curette  fert  à  ôter  les  fragmens  de 
pierre  ,  les  fables  ,  les  caillots  de  fang ,  &  autres 
corps  étrangers  qu'on  ne  peut  tirer  avec  les  tenettes. 

Bouton  Je  feu ,  eft  un  nom  qu'on  donne  au  cautère 
acruel.  Voye^  Cautère.  (Y) 

BOUTON  ;  on  appelloit  ainfi ,  dans  F Artillerie ,  un 
petit  corps  rond,  fondu  avec  le  canon  à  l'extrémité  de 
la  volée  ,  &  qui  étoit  aufti  élevé  fur  l'ame  delà  pièce  , 
que  la  partie  fupérieure  de  la  culaffe.  On  s'en  fer- 
voit  pour  mirer  ou  pointer  le  canon  :  mais  l'ordon- 
nance du  7  Octobre  1732  fupprime  ce  bouton  à  tou- 
tes les  pièces.  On  fe  fert  à  la  place  du  fronteau  de  mire. 
Voye^  Pointer. 

Il  y  a  auffi  dans  le  canon  l'extrémité  de  la  culaffe  , 
qui  forme  une  efpece  de  bouton ,  &  que  l'on  appelle 
par  cette  raifon  le  bouton  de  la  culaffe,   (  Q  ) 

Bouton  ,  (Jardinage.)  eft  un  petit  point  rond  qui 
vient  le  long  des  branches  des  arbres ,  d'où  fort  la 
fleur  qui  doit  produire  le  fruit.  Les  boutons  des  arbres 
à  pépin  ont  plufieurs  fleurs  ;  ceux  à  noyau  n'en  ont 
qu'une. 

Il  y  a  deux  fortes  de  boutons ,  les  boutons  ronds ,  Se 
les  boutons  plats  :  les  ronds  font  ceux  qui  font  efpérer 
des  branches  à  fruits  :  les  plats  au  contraire  ne  laif- 
fent  entrevoir  que  des  branches  à  bois.  (  K  ) 

Boutons  d'or;  voye^  Bassinet. 

Bouton  ;  les  Artificiers  appellent  ainfi  l'extrémité 
de  la  tétine  du  culot  arrondie  en  forme  de  zone  fphé- 
rique ,  du  milieu  de  laquelle  s'élève  la  broche  qui 
forme  l'ame  de  la  fulee.  Voyc{  Culot. 

BOUTONS,  en  termes  de  Brajferie,  font  de  petites 
parties  de  moufle  en  forme  de  boutons ,  qui  s'élèvent 
fur  le  levain. 

Bouton,  en  termes  de  Fourbiffeur ,  eft  un  demi- 
rond  qui  termine  la  garde  par  en-haut ,  ôc  fur  lequel 

on 


B  O  U 

©n  ride  la  foie  ,  pour  rendre  la  monture  plus  folide. 
i^oye^  la  figure  ,  Planche  du  Doreur. 

BOUTON  de  la  bride  ,  (  Maréckallerie  &  Manège.  ) 
eft  un  petit  anneau  de  cuir  ,  au -travers  duquel  les 
deux  rênes  parlent ,  &  qu'on  fait  monter  ou  defeen- 
dre félon  le  beioin  qu'on  en  a.  Couler  le  bouton ,  c'eft 
le  faire  defeendre  fur  le  crin.  Mettre  un  cheval  fous  le 
bouton  ,  cék  racourcir  &  tendre  les  rênes  par  le 
moyen  du  bouton  de  la  bride ,  que  Ton  fait  defeendre 
jufque  fur  le  crin.  On  s'en  fert  quelquefois  de  cette 
manieEe  lorfqu'on  drefle  les  chevaux  d'arquebufe , 
pour  les  arrêter  plus  facilement  &  plus  vite. 

Boutons  de  farcin ,  font  les  grofieurs  rondes  qui 
viennent  au  cheval  qui  eft  attaqué  de  cette  maladie. 

Bouton  de  feu ,  eft  un  morceau  de  fer  long,  terminé 
en  pointe  &  emmanché ,  que  l'on  fait  rougir  pour  en 
percer  la  peau  du  cheval  dans  certains  cas.  (^) 

Boutons  de  RETOURS  ,  en  Rubannerie  ;  ce  iont 
communément  des  moitiés  de  vieux  rochets  coupés 
en  deux,  à -travers  lefquels  on  paffe  les  tirans  des 
retours ,  pour  que  ces  retours  foient  plus  aifément 
tirés  par  l'ouvrier,  que  s'il  ralloit  qu'il  les  tirât  par  le 
tirant:  on  fait  un  nœud  au  bout  de  ce  tiran  qui  em- 
pêche le  bouton  de  retour  de  s'échapper. 

Boutons,  fe  dit  aufli  ,  dans  les  Manufactures  de 
foie  ,  des  petites  boules  de  bois  traverfées  de  ficelles , 
qui  fe  rendent  au  rame  ,  &  qui  tiennent  lieu  de  tem- 
ple dans  les  ouvrages  à  la  petite  tire.  ^"ov^Rame  , 
Semple  ,  <S-  Petite-Tire. 

Bouton  ,  en  Serrurerie  ;  c'eft  ce  qui  fert  de  main 
pour  ouvrir  &  fermer  les  verroux ,  targettes ,  &c 

Il  y  en  a  de  différentes  fortes ,  félon  la  figure  qu'ils 
ont  :  ainfi  on  dit,  des  boutons  à  olive  ;  on  les  fait  ainfi 
dans  les  locquets  à  bafcules  ,  &  dans  les  ferrures  à 
demi  -  tour  :  il  y  en  a  de  ronds  &  plats* 

Bouton  à  filet  &  rofette;  ce  font  ceux  qu'on  voit  aux 
portes  des  appartemens ,  qui  font  plats  ,  &  auxquels 
on  voit  un  filet  ôc  une  rofette  :  ils  fervent  à  tirer  la 
porte.  Le  filet  &  la  rofette  font  de  pur  ornement. 

Bouto.i  à  coulifje  ;  c'eft  celui  qui  dans  les  ferrures 
en-dedans  des  appartemens ,  eft  placé  fur  le  palatre 
ou  fur  les  cloifons  de  deflus  ou  de  deffous  ,  &  fert 
à  ouvrir  le  demi-tour  &  la  porte  en  même  tems.  Voy. 
nos  Planches  de  Serrurerie ,  &  leur  explication. 

Bouton  ou  Bâton  ,  (  Géog.  )  1  une  des  îles  Mo- 
lucques  en  Afie  :  elle  a  2  5  lieues  de  long  &  2.0  de  lar- 
ge. La  capitale  s'appelle  Calajitfung  ;  elle  eft  grande 
&  peuplée. 

, .  BOUTONNE ,  (  Géog.  )  rivière  de  France  ,  qui 
prend  fa  fource  en  Poitou ,  &  qui  le  jette  dans  la 
Charente. 

BOUTONNÉ ,  en  termes  de  Blafon  ,  fe  dit  du  mi- 
lieu des  rofes  &  des  autres  fleurs,  qui  eft  d'un  autre 
émail  que  la  fleur.  Il  fe  dit  suffi  d'un  rofierqui  a  des 
■boutons  &  des  fleurs  de  lis  épanouies  ,  comme  celle 
de  Florence,  d'oii  fortent  deux  boutons. 

Gotafrey  en  Dauphiné  ,  d'argent  à  trois  rofes  de 
■gueules  ,  boutonnées  d'or.   (  V) 

BOUTONNER  la  bonnette.  Quelques  Marins  fe 
•fervent  de  ce  terme  pour  la  bonnette  maillée.  Ils  di- 
-fent  aufli  déboutonner.  Voye^  Bonnette  &  DÉLA- 
CER. (Z) 

BOUTONNERIE ,  f.  f.  (  Commerce.  )  marchandife 
de  boutons.  Ce  mot  le  dit  aufli  de  la  profeflion  de 
-ceux  qui  en  font  commerce.  Les  Boutonniers-Pafle- 
mentiers  fabriquent  la  boutonnerie  d'or ,  d'argent ,  de 
fil ,  de  foie  ,  de  poil ,  de  crin  ,  &c.  Mais  les  marchands 
Merciers  pour  qui  ces  artifans  travaillent ,  l'ont  ceux 
•qui  en  font  le  plus  gros  commerce. 

BOUTONNIERE,  f.  m.  celui  qui  fait  &  vend  des 
boutons,  &  autres  choies  qui  y  ont  rapport.  Les 
Boutonniers  font  un  corps  coniiderable  à  les  regar- 
der par  leur  nombre  ;  le  métier  étoit  même  (î  éten- 
du ,  que  jadis  chaque  ouvrier  en  ayoit  çhoili  une 
Tome  II, 


B  O  U 


3§5 


branche ,  qu'il  exerçoit  fans  fe  mêler  des  autres  :  les 
uns  ne  faifoient  que  retordre  ;  ceux-ci  travailloient 
en  boutons  ;  ceux-là  en  trèfles  ;  d'autres  en  crépi-* 
nés;  d'autres  en  boutons  planés  :  l'un  battoit,  gra- 
voit  &  découpoit  ;  voye{  Battre  ,  GRAVER ,  & 
Découper  :  cet  autre  avoit  embraffé  la  partie  des 
moules  &  des  bois  pour  les  gros  ouvrages  ;  enfin  cha- 
cun avoit  ion  diftrict ,  d'où  il  ne  fortoit  &  ne  pou- 
voit  fortir.  Mais  les  deux  tiers  des  ouvrages  qui  font 
portés  fur  leurs  ftatuts  ,  ont  paffé  de  mode  -,  tk  ne  fe 
font  plus. 

Les  Boutonniers  &  les  Rubanniers  ne  faifoient  ou'un 
corps,  gouverné  par  les  mêmes  lois,  &  travaillant 
avec  les  mêmes  privilèges.  Dans  la  fuite, le  nombre 
des  uns  &  des  autres  s'étant  fort  accru  ,  on  en  fit 
deux  communautés  ,  qui  n'eurent  pins  rien  de  parti- 
culier entre  elles.  Cette  divifion  pourroit  fort  bien 
avoir  aidé  à  faire  tomber  la  boutonnerie ,  que  les 
Tailleurs  auroient  achevé  de  ruiner  ,  s'ils  n'avoient 
été  déboutés  de  la  prétention  de  mettre  fur  les  habits 
des  boutons  de  la  même  étoffe. 

Lt  s  ftatuts  des  Boutonniers  n'ont  rien  d'aflez  par- 
ticulier pour.en  faire  mention.  Ils  ont  pour  leurs  ap- 
prentis &  leurs  compagnons ,  à-peu-près  les  mêmes 
reglemens  que  les  autres  communautés.  Leur  patron 
eft  S.  Louis ,  &  leur  chapelle  eft  dans  Féglife  des  en- 
fans  de  la  Trinité. 

Boutonnier  en  émail ,  verre ,  ù  cryflallin ;  c'eft 
un  artifan  qui  fabrique  des  boutons  à  la  lampe  avec 
ces  fortes  de  matières.  Les  maîtres  Boutonniers  en 
émail  forment  une  communauté  dans  la  ville  de  Pa- 
ris ,  &  ont  été  réunis  en  1706  avec  les  maîtres  Ver- 
riers ,  couvreurs  de  bouteilles  &  flacons  en  ofier. 
Mais  on  diftingue  toujours  les  uns  d'avec  les  autres  : 
ceux-ci  font  plus  connus  fous  le  nom  de  Fayenciers  , 
&  les  premiers  fous  celui  tfEmailUurs.  Voye^  Email- 
leurs. 

*  BOUTONNIERE  ,  f.  f.  {Tailleur  &  Couturière.') 
ce  font  des  ouvertures  longues  &  étroites ,  pratiquées 
par  les  Tailleurs  à  tous  les  endroits  de  nos  vêtemens, 
d'homme  fur-tout ,  où  l'on  veut  avoir  la  commodité 
de  les  ouvrir  &  de  les  fermer  par  le  moyen  des  bou- 
tons. Le  bouton  eft  à  droite,  &  la  boutonnière  eft  à 
gauche.  Le  bouton  eft  défais  le  bord  du  vêtement, 
&  il  entre  dans  la  boutonnière  par-deflous.  La  bouton- 
nière eft  faite  ou  de  foie  ,  ou  de  fil ,  ou  de  fil  d'or  & 
d'argent ,  félon  la  richefle  ou  la  fimplicité  de  l'habil- 
lement. Ses  côtés  font  bordés  d'une  efpece  de  tiflii 
fort ,  étroit ,  &  un  peu  rélevé  ,  que  le  tailleur  forme 
à  l'aiguille  ;  ôi  les  extrémités  font  contenues  par  deux 
brides. 

Il  y  a  des  boutonnières  ouvertes  ,  &  ce  font  celles 
dont  nous  venons  de  parler.  Il  y  en  a  de  jermées ,  8c 
ce  font  celles  qu'on  place  dans  des  endroits  où  elles 
étoient  autrefois  d'ufage  ,  &  oii  la  boutonnière  &  le 
bouton  ne  font  plus  que  d'ornement. 

Les  boutonnières  prennent  chez  les  Tailleurs  &  les 
Couturières  ,  diifcrens  noms  relatits  à  la  façon  da 
la  boutonnière. 

BOUTONNIERE  ,  terme  de  Chirurgie ,  incifion  qu'on 
fait  au  périnée ,  pour  pénétrer  dans  la  vellie  6c  y  pla- 
cer une  cannule  qui  puiil'e  donner  ifluc  aux  matières 
qui  y  font  contenues. 

Cette  opération  eft  néceflaire  pour  procurer  le 
cours  des  urines  ,  des  graviers ,  ôc  du  pus  ;  par  fort 
moyen  on  fait  commodément  des  injections  dans 
une  veflie  graveleule  ou  ulcérée  :  elle  a  lieu  dans 
certaines  retentions  d'urine  qui  viennent  des  roàgus 
de  la  veflie  ;  ce  font  des  excroifl'ances  charnues  qui 
bouchent  l'orifice  interne  de  la  veiiie,  ce  qui  empê- 
chent que  la  contraction  de  ce  vilcere  agitie  fur  l'u- 
rine contenue. 

Pour  faire  cette  opération ,  on  place  le  malade 
comme  pour  lui  taire  l'opération  de  la  taille  ;  oq 

C  c  c 


3  86 


B  O  U 


prend  une  fonde  cannelée  (  voyei  CATHETER  )  ;  on 
î'inlinue  doucement  dans  la  vefîie  (  voye{  Catké- 
térisme  )  ;  un  aide  monte  fur  une  chaife  ou  un  ta- 
bouret ,  placé  au  côté  droit  du  malade  ,  fouleve  les 
boudes ,  6c  applique  iés  doigts  indicateurs  parallè- 
lement le  long  du  périnée  à  chaque  côté  de  l'urethre. 
L'opérateur  ,  le  genou  droit  en  terre ,  tient  avec  fer- 
meté de  la  main  gauche  le  manche  de  la  fonde  ,  de 
façon  qu'elle  faiîe  un  angle  droit  avec  le  corps  du 
malade.  Il  fait  faire ,  autant  qu'il  elf  poffible  ,  une 
faillie  au  périnée  avec  la  courbure  de  la  fonde,à  côté 
du  raphé ,  entre  les  deux  doigts  index  de  l'aide-chi- 
rurgien.  L'opérateur  doit  appuyer  pour  un  moment 
le  bec  de  fa  fonde  fur  le  rectum ,  pour  bien  remar- 
quer au-deffus  de  l'anus  jufqu'à  quel  endroit  il  pour- 
ra continuer  l'incilion.  Il  prend  alors  un  lythotome 
ou  biltouri ,  qu'il  tient  de  la  main  droite  comme  une 
plume  à  écrire  ;  il  porte  la  pointe  de  l'initrument  dans 
la  cannelure  de  la  fonde  ,  au-defïbus  des  bourfes  ;  il 
perce  les  tégumens  6c  l'urethre  au  côté  gauche  du  ra- 
phé ,  &  il  continue  fon  incilion  intérieurement  juf- 
qu'au  point  qu'il  a  remarqué  au-deffus  de  l'anus  ,  en 
le  gardant  de  paffer  outre  ,  de  crainte  d'intéreffer 
l'inteltin.  Dès  que  l'incilion  eft  faite  ,  l'opérateur  re- 
tire le  lythotome ,  &  prend  un  gorgeret  dont  il  por- 
te le  bec  dans  la  cannelure  de  la  ionde ,  fur  laquelle  il 
le  tait  couler  jufque  dans  la  veffie.  Il  retire  la  fonde , 
prend  le  manche  du  gorgeret  avec  la  main  gauche  , 
ÔC  de  la  droite  il  conduit  une  cannule  arrivée  dans  la 
veffie  à  la  faveur  du  gorgeret ,  qu'il  retire  enfuite  en 
lui  faiiant  faire  un  demi-tour  fur  la  cannule  ;  de  façon 
qu'en  le  retirant ,  fon  dos  ou  furface  convexe  regar- 
de l'angle  fupérieur  de  la  plaie  ,  qu'on  panfe  avec  de 
la  charpie  feche ,  qu'il  faut  foùtenir  avec  des  com- 
prefîes  6c  un  bandage  contentif ,  qiu  ne  gêne  point 
la  fortie  de  l'urine.  Il  ne  diffère  point  de  l'appareil 
de  la  lythotomie.  Voye^  Lythotomie. 

L'objet  de  la  Chirurgie  elt  de  guérir  6c  non  d'opérer  : 
ainfi  dès  qu'on  a  fait  la  boutonnière  au  périnée,  on  n'a 
rempli  qu'un  des  points  du  traitement ,  &  le  malade 
fe  trouve  Amplement  dans  une  difpolition  favorable 
pour  recevoir  les  fecours  qu'un  Chirurgien  intelligent 
doit  lui  procurer.  Cette  opération  permet  l'iffue  aux 
matières  graveleufes ,  dont  il  faut  aider  la  fortie  par 
des  injections ,  ÔC  dont  il  faut  quelquefois  faire  l'ex- 
traction lorfqu'il  fe  trouve  des  petites  pierres  ,  dont 
le  volume  fera  d'un  diamètre  plus  grand  que  celui 
des  ouvertures  latérales  de  l'extrémité  antérieure  de 
la  cannule.  V.  Cannule.  Les  injeftions  doivent  être 
appropriées  à  la  nature  &  à  l'état  de  la  maladie  qui 
les  exige ,  parce  qu'il  faut  quelquefois  mettre  des  fon- 
gus  en  iiippuration  ;  tantôt  mondirier  une  veffie  mala- 
de ,  déterger  enfuite  les  ulcères  ;  d'autres  fois  forti- 
fier les  fibres  qui  ont  perdu  leur  reffort ,  &c.  Lorf- 
qu'on  fera  parvenu  à  rétablir  les  chofes  dans  l'état 
naturel  ,  par  l'ufage  fucceffif  ou  combiné  des  diffé- 
rens  moyens  qui  feront  indiqués ,  on  fupprime  la  can- 
nule ,  &  on  met  dans  l'urethre  une  fonde  creufe  ou 
cannelée ,  courbée  en  S  (voy.  Algalie)  par  laquelle 
les  urines  couleront  d'abord  en  partie  :  à  inefure  que 
la  plaie  fe  refferrera ,  les  urines  ne  prendront  point 
d'autre  route  pour  s'écouler  ;  &  la  plaie  n'étant  plus 
mouillée  par  les  urines,  elle  fe  réunira  bientôt. 

L'adminiltration  des  remèdes  doit  être  variée  ,  & 
n'eft  pas ,  comme  on  voit ,  moins  foûmife  aux  indi- 
cations dans  le  traitement  des  maladies  chirurgica- 
les ,  que  dans  celui  des  maladies  internes  :  le  manuel 
chirurgical  même  doit  être  différent ,  fuivant  les  cir- 
conitances  qui  fe  préfentent.  On  fait  que  l'art  d'opé- 
rer ,  dépouillé  de  tout  rapport  à  la  guérifon  des  ma- 
ladies ,  6c  conlîdéré  fimplement  en  lui-même,  de- 
mande des  connoiffances  anatomiques  très-exa&es  : 
mais  elles  ne  furnfent  point  à  un  Chirurgien.  La  itruc- 
ture  de  la  partie  ne  lui  montre  point  de  routes  non- 


B  O  U 

veîles  pour  diriget  lès  opérations  :  l'ufage  des  parties 
&  le  méchanilme  par  lequel  elles  exécutent  leurs 
fondions  ,  font  abiolument  néceffaires  à  lavoir ,  pour 
qu'on  puiffe  juger  lainement  de  la  maladie ,  qui  con- 
fiite  dans  la  lélion  des  fondions.  C'eil  fur  ces  con- 
noiffances  phyfiologiques  &  pathologiques  ,  qui  fuf- 
filent  à  unhabile  homme  dans  l'autre  branche  de  l'art 
de  guérir ,  &  qui  dans  la  Chirurgie  doivent  être  fou- 
tenues  de  la  connoiffance  exacte  de  la  ltru£ture  ,  du 
volume  ,  de  l'étendue  ,  des  attaches  des  parties  ,  & 
de  leurs  différens  rapports  à  celles  qui  les  environ- 
nent, qu'on  fait  fe  tracer  &  qu'on  fuit  avec  toute  la 
certitude  poffible  des  voies  d'opérer,  qui  ne  font  point 
déterminées  par  les  préceptes.  Dans  l'opération  de 
la  boutonnière ,  l'incifion  elt  commune  aux  tégumens 
&  à  l'urethre  ;  cependant  des  circonltances  particu- 
lières demandent  qu'on  étende  &  qu'on  dirige  diffé- 
remment la  feftion  des  parties.  Il  furvint  à  un  homme 
de  quarante-  cinq  ans ,  par  une  rétention  totale  d'u- 
rine ,  une  tumeur  au  périnée  qui  s'étendoit  dans  les 
bourfes ,  dans  les  aines ,  fous  la  peau  qui  couvre  le 
pubis  &  la  verge.  Le  progrès  en  fut  il  rapide,  qu'en 
deux  fois  vingt-quatre  heures  il  furvint  une  luppura- 
tion gangréneuie.  On  ouvrit  en  plulieurs  endroits  du 
périnée ,  des  bourfes,  &  des  aines  ;  les  parties  fe  dé- 
gorgèrent ,  les  urines  coulèrent  en  abondance ,  les 
lambeaux  gangreneux  le  détachèrent  ;  on  parvint  en- 
fin à  guérir  toutes  ces  plaies,  excepté  une  du  périnée 
qui  relta  filtuleufe ,  6c  par  laquelle  les  urines  cou- 
loient  involontairement.  Le  malade  avoit  déjà  fouf- 
fert  l'opération  de  la  boutonnière  fans  fuccès ,  lorfqu'il 
fe  confia  à  M.  Petit.  Je  fupprime  ici  le  détail  des  com- 
plications 6c  des  traitemens  préliminaires  que  ce 
grand  praticien  mit  en  ufage  ,  pour  me  reftraindre  à 
l'opération.  M.  Petit  jugea  par  la  fortie  continuelle 
&  involontaire  des  urines  ,  que  l'orifice  interne  de 
la  fîitule  étoit  au-delà  du  fphincter  de  la  veffie ,  parce 
que  quand  le  trou  d'une  fîitule  elt  en-deçà  du  fphinc-> 
ter ,  l'urine  ne  peut  lortir  par  la  fiitule  qu'après  être 
entrée  dans  l'urethre ,  6c  elle  n'y  entre  que  par  les  ef- 
forts que  le  malade  tait  lorfqu'il  veut  uriner.  Ce  ma- 
lade ,  au  contraire  ,  fans  être  averti  du  befoin  d'un* 
ner ,  &  fans  faire  aucun  effort ,  rendoit  prefque  tou- 
tes les  urines  par  le  trou  de  la  fiitule  fans  en  rendre 
par  la  verge  ;  ou  s'il  en  rendoit ,  c'étoit  toujours  vo- 
lontairement ,  6c  quand  il  étoit  excité  par  le  réfidu 
des  urines;  car  le  trou  de  la  fiitule  étoit  ii  petit ,  que 
malgré  l'écoulement  involontaire  6c  continuel  des 
urines ,  fa  veffie  fe  rempliffoit  une  ou  deux  fois  par 
jour;  de  forte  qu'à  chaque  fois  il  rendoit  un  verre 
d  urine  &  à  plein  canal ,  fur-tout  lorfqu'avec  le  doigÇ 
il  bouchoit  le  trou  de  la  rïitule  près  le  bord  de  l'anus. 
Sur  ces  obfervations  ,  M.  Petit  jugea  que  le  trou  in- 
terne de  la  fiitule  étant  au-delà  du  fphinfter  de  la 
veffie ,  il  falloit  que  l'incifion  s'étendît  jufque-ià  ;  6c 
que  l'opération  taite  à  ce  malade  par  les  Chirurgiens 
de  la  province ,  avoit  été  infructueuie ,  parce  que 
le  trou  interne  de  la  fiitule  n'avoit  point  été  com- 
pris dans  l'incilion.  Pour  guérir  radicalement  le  ma- 
lade ,  M.  Petit ,  après  avoir  fait  l'incilion  comme 
nous  l'avons  décrite ,  la  continua  en  coulant  Ion  bil- 
touri le  long  de  la  cannelure  de  la  fonde  ,  6c  la  porta 
jnfqu'au-delà  du  col  de  la  veffie ,  pour  fendre  le  linus, 
filtuleux  dans  toute  fon  étendue  :  il  mit  une  cannule  ,' 
&  réuilit  comme  il  l'avoit  folidement  conçu ,  à  gué- 
rir le  malade.  Cette  oblervation  elt  inférée  dans  le 
Ier  volume  des  Mém.  de  l'acad.  royale  de  Chirurgie. 

A  l'occalîon  des  opérations  qui  conviennent  au 
périnée  &  à  la  veffie  ,  indépendamment  de  la  lytho- 
tomie ,  voy.  Fistule  au  périnée  d- Rétention, 
d'urine.  (I) 

Boutonnière  ;  on  donne  en  général  ce  nom  à 
toute  pièce  de  bois  de  layeterie  d'environ  lépt  pouces 
de  long ,  cinq  de  large ,  6c  quatre  de  haut. 


B  O  U 

BOUTRIOT  ,  eft  parmi  les  Cloutiers ■£  épingles  une 
efpece  de  burin  dont  ils  fe  fervent  pour  taire  la  pe- 
tite cavité  du  poinçon.  Voyt^  Poinçon,  6*  PL  du 
Cloutier  d"1  épingle  ,jig.  ij.  &  18. 

BOUTTES  ,  f.  f .  (  Comm.  )  efpece  de  grands  ton- 
neaux dans  lefquels  on  enferme  en  Guienne  les  feuil- 
les de  tabac  après  qu'elles  ont  (ué.  Chaque  boutte 
contient  environ  fept  quintaux  de  feuilles. 

Bcutte  eft  auffi  le  nom  qu'on  donne  à  des  barriques 
dans  lefquelles  on  met  le  caviac  ou  œufs  d'efturgeon 
&  de  mouronne  qui  viennent  de  la  mer  Noire.  La 
boutte  de  caviac  pefe  fept  quintaux  ôc  demi,  foye{ 
Quintal.  (G) 

BOUTURE  ,  f.  f.-  (  Jardin.  )  c'eft  une  branche  que 
l'on  coupe  à  certains  arbres  moelleux  ,  tels  que  le 
figuier ,  le  faule  ,  le  coignafÏÏer,  le  grofeiller ,  laquelle 
reprend  en  terre  fans  racines. 

Plufieurs  confondent  la  bouture  avec  la  marcotte 
qui  eft  bien  différente ,  en  ce  que  cette  dernière  eft 
une  branche  couchée  en  terre  ,  mais  qui  n'eft  point 
féparée  de  l'arbre  qui  lui  donne  vie  ,  &  qu'on  ne  fe- 
vre  que  quand  elle  a  des  racines  ;  au  lieu  que  la  bou- 
ture &  le  plançon  font  des  branches  fans  racines. 
Voye\  Marcotte.  (/C) 

Bouture,  terme  d'Orfèvre ,  eau  préparée,  leffive 
faite  avec  du  fel  de  tartre  pour  blanchir  l'argent.  La 
coutume  qu'on  a  prife  de  blanchir  l'argent  au  feu  , . 
a  mis  cette  eau  prefque  hors  d'ufage. 

BOUVEMENT ,  f.  m.  outil  qui  fert  aux  Menuijîers 
pour  faire  les  moulures  fur  leurs  ouvrages  :  il  ne  dif- 
fère de  lefpece  générale  des  bouvets  ,  qu'en  ce  que 
fon  profil  eft  une  cimaife  ;  du  refte  la  manière  de  le 
fervir  de  cet  outil  eft  la  même.  ïoye{  Bouvet,  & 
lafig.  16.  PL  II.  du  Menuifîer ,  qui  le  repréfente. 

BOUVET,  forte  de  rabot  ,  outil  qui  fert  aux  Me- 
mùfiers  &  aux  Charpentiers  à  faire  les  rainures  &  les 
languettes.  Le  bouvet  qui  fait  les  rainures  s'appelle 
bouvet  mâle  ,  &  celui  qui  forme  les  languettes  s'ap- 
pelle bouvet  femelle.  Le  premier  eft  repréfenté_/z£.  ij. 
PL  II.  du  Menuifîer  :  on  voit  à  côté  le  proril  d'une 
rainure.  L'autre  repréfente  fig.  18.  eft  le  bouvet  fe- 
melle ,  qui  fert  à  faire  les  languettes ,  dont  on  voit  le 
rofil  à  côté  :  on  ne  fe  fert  de  ces  outils  qu'après  que 
es  bois  lônt  bien  dreffés  ,  &  la  manière  de  s'en  ler- 
vir  eft  la  même  que  celle  du  feuilleret.  K  Feuille- 
ret. 

BOUVET  de  deux  pièces  ou  brifé ,  forte  de  rabot  qui 
diffère  des  autres  en  ce  que  la  joue  eft  montée  iiir 
deux  tiges  quarrées  qui  font  fixées  perpendiculaire- 
ment fur  le  corps  du  bouvet ,  dont  elle  s'approche  & 
s'éloigne  fuivant  le  befoin.  Cette  joue  s'arrête  parle 
moyen  de  deux  clés.  On  le  fert  de  cet  outil  pour  fai- 
re des  rainures  à  différentes  diftanecs  ;  ce  qui  ne  fe 
peut  avec  les  autres  dont  la  joue  eft  fixe,  f^oye^  la 
fg.  1$.  PL  IL  du  Menuifîer,  qui  repréfente  un  bouvet 
femelle  brifé. 

Bouvets  de  brifure  ,  fervent  à  rainer  les  brifures 
des  guichets ,  des  croifées ,  &  des  portes. 

Bouvet  à  dégorger,  fert  à  dégorger  les  moulures. 
Bouvets  à  embrevure  ,  fervent  à  faire  les  embre- 
Temens  des  cadres. 

Bouvets  à  noix ,  fervent  à  faire  les  noix  des  bat- 
tans  des  croifées. 

Bouvets  à  panneaux ,  fervent  à  rainer  le  bois  des 
panneaux. 

Bouvets  à  planchers,  fervent  à  rainer  les  planches 
a  planchers. 

*  BOUVIER ,  f.  m.  (fEconom.  rufl.)  celui  qui  gar- 
de les  bœufs.  Il  doit  être  robufte,  vigdant ,  avoir  la 
voix  forte,  être  attentif  à  donner  à  les  bêtes  bonne 
nourriture  &C  bonne  litière ,  à  les  frotter  loir  &  matin 
avec  des  bouchons  de  paille  ;  à  leur  laver  la  queue 
avec  de  l'eau  tiede  ;  en  un  mot  à  en  avoir  tous  les 
Tome  II, 


B  O  U 


387 


i; 


foins  néceflaires  pour  les  conferver  en  force, en  chair 
6c  en  fanté.  Voye^  B(EUF. 

Bouvier,  bootes,  Arclophylax ,  en  Ajhonomie, 
eft  une  conftellation  de  l'hémilphere  feptentrional , 
dont  les  étoiles  font  au  nombre  de  vingt-trois  dans  le 
catalogue  de  Ptolomée  ;  de  vingt-hui:  félon  Tycho- 
Brahé  ;  de  cinquante-deux  félon  Hevelius  ;  &  de 
cinquante -cinq  félon  le  catalogue  de  Flamfteed. 
(O) 

BOUVIER,  ÏHijl,  nat.  Ornythol.  )  boarina  Aldr. 
oifeau  auquel  on  a  donné  le  nom  de  boarina  ou  de 
boarota  à  Bologne  ,  parce  qu'il  fuit  les  troupeaux 
de  bœufs.  Àldrovande  ajoute  à  ces  noms  celui  de 
mufeicapa  prima.  Cet  oifeau  a  le  corps  allongé  de  mê- 
me que  le  bec  ,  qui  eft  de  couleur  brune  rouffâtre  : 
le  dos  &c  la  tête  lont  de  couleur  cendrée  ou  jaunâtre, 
avec  quelques  teintes  de  couleur  plombée  :  la  gorge 
&  le  ventre  font  blanchâtres  ;  la  poitrine  eft  parlè- 
mée  de  taches  noires  :  les  ailes  font  brunes ,  à  l'excep- 
tion de  la  pointe  des  petites  plumes  qui  recouvrent 
les  grandes,  &  des  barbes  extérieures  des  grandes 
plumes  qui  lont  blanchâtres.  La  queue  eft  compofée 
de  douze  plumes  :  les  deux  du  miteu  font  de  couleur 
cendrée  ;  les  trois  qui  luivent  de  chaque  côté  font 
noirâtres ,  &l  ont  les  bords  extérieurs  cendrés  ;  l'a- 
vant-derniere  a  déplus  une  tache  à  la  pointe  ;  cette 
tache  eft  beaucoup  plus  grande  dans  la  dernière  ;  el- 
le defeend  du  côté  extérieur  jufqu'aux  deux  tiers  de 
la  longueur  de  la  plume ,  &  elle  s'étend  au-delà  du 
tuyau  fur  les  barbes  intérieures  dans  le  deffus  de  la 
plume.  Les  pattes  font  noirâtres  :  le  doigt  extérieur 
tient  au  doigt  du  milieu  à  fa  naiffance  ,  &  les  on- 
gles des  doigts  de  derrière  font  fort  grands ,  comme 
dans  les  alouettes ,  &  un  peu  courbés.  Aldrovande, 
Ornith.  Voye^  OlSEAU.    (/) 

BOUVREUIL  ou  PIVOINE  ,  f.  m.  {Hifl.  nat.  0r. 
nithol.  )  rubicilla  ,  oifeau  qui  a  le  bec  noir ,  court ,  & 
fort,  reffemblant  à  celui  de  l'oifeau  qu'on  appelle 
gros-bec ,  quoique  plus  petit  :  la  bafe  de  la  pièce  in- 
férieure du  bec  eft  contournée  en  forme  de  croiffant, 
au  milieu  duquel  il  y  a  une  petite  protubérance  qui 
le  partage  en  deux  fegmens  de  cercle  :  la  pièce  du 
deffus  déborde  fur  celle  du  deffous  d'environ  une  de- 
mi-ligne ,  &  la  pointe  devient  un  peu  crochue  lorf- 
que  l'oifeau  eft  avancé  en  âge  :  la  langue  eft  comme 
fendue  &  coupée  par  le  bout  :  l'iris  des  yeux  eft  de 
couleur  de  noifette  :  les  ongles  font  noirs  :  les  pattes 
font  de  couleur  brune  mêlée  de  noir  :  le  doigt  exté- 
rieur tient  au  doigt  du  milieu  par  la  première  phalan- 
ge:la  tête  eft  groffe  à  proportion  du  corps.  Il  y  a  dans 
le  mâle  une  belle  couleur  rouge  de  mine  de  plomb 
qui  tient  toute  la  poitrine, le  deffous  du  bec,&  le  long 
des  mâchoires  jufqu'aux  yeux  :  le  deffus  de  la  tête 
eft  noir  :  il  y  a  aufïï  une  bande  noire  qui  entoure  le 
bec  :  le  ventre  &  le  croupion  font  blancs  :  le  deffus 
du  cou  &c  le  dos  font  de  couleur  cendrée  ,  très-lége- 
rement  teinte  de  roux. 

Il  y  a  dix-huit  grandes  plumes  dans  chaque  aile  ; 
les  dernières  de  ces  plumes  font  d'un  noir  luifant  à 
leur  partie  fupérieure,  &  fur-tout  du  côté  extérieur: 
la  dernière  a  de  ce  même  côté  une  tache  de  la  même 
couleur  qui  eft  fur  la  poitrine  :  les  barbes  extérieures 
des  premières  plumes  font  feulement  brunes,  &  le 
bord  extérieur  de  la  première  plume  eft  blanc  dans 
la  partie  inférieure  :  dans  les  trois  ou  quatre  plumes 
fuivantes  ce  même  bord  n'eft  blanc  qu'à  la  partie  fu- 
périeure de  la  plume  :  l'extrémité  des  petites  plumes 
des  ailes  ,  qui  font  les  plus  proches  du  corps  &  qui 
recouvrent  les  grandes, font  de  couleur  cendrée  ;  fur 
les  plumes  intérieures  cette  couleur  cendrée  eft  plus 
étendue  que  fur  les  extérieures:  celles  qui  font  fur 
la  côte  de  l'aile  font  de  la  même  couleur  que  le  dos  : 
la  queue  a  deux  pouces  de  longueur ,  ôc  elle  eftçoni- 

C  c  c  ij 


-3>i8 


BOY 


BOY 


pofée  de  douze  plumes  qui  font  d'une  couleur  noire 
luifante. 

Le  mâle  eft  gros  comme  la  femelle  ;  il  en  diffère 
'par  les  couleurs  qui  font  plus  brillantes. 

Cet  oiieau  aime  beaucoup  les  premiers  boutons 
qui  précèdent  les  feuilles  &  les  fleurs  des  pommiers , 
des  poiriers ,  des  pêchers  ,  &  de  tous  les  autres 
arbres  des  jardins ,  où  il  caufe  un  grand  dommage. . 
Le  chant  de  cet  oifeau  eft  agréable  ;  cependant  on 
aime  mieux  celui  de  la  linotc.  Aldrovande  prétend 
que  la  femelle  chante  aufîi  bien  que  le  mâle ,  au  con- 
traire, des  autres  oifeaux.  On  leur  apprend  fans  b'eau- 
'coup  de  peine  à  imiter  le  fon  de  la  flûte  ,  &  on  pré- 
tend qu'ils  approchent  de  la  voix  humaine.  Villughby, 
'Ornlth.  Voyc{  OlSEAU.  '  (  /  ) 

*  BOUZES  ,  f.  m.  pi.  prêtres  idolâtres  à  la  Chine 
&  au  Japon ,  fort  méprifés  clans  le  premier  de  ces  em- 
pires, &  en  grande  vénération  dans  le  fécond ,  où  ce- 
pendant on  n'ignore  pas  leur  débauche  &  leurhypo- 
crifie.  Ils  font  divifés  en  plufieurs  fectes  ,  qu'on  re- 
connoît  à  la  couleur  de  leurs  habits  :  la  première  eft 
des  Xcnxus  ,  qui  prétendent  que  l'ame  eft  mortelle  :  , 
la  féconde  des  Xodovius ,  bonnes  gens,  &  qui  croyent 
l'immortalité  de  rame  :  la  troifieme  des  Foquexus, 
docteurs  deXaca,  &f  les  plus  honnêtes  d'entre  les 
Bouges  :  la  quatrième  des  Negous ,  les  meilleurs  fol- 
dats  de  l'empire  :  la  cinquième  des  lxoxus  ,  qui  paf- 
fent  pour  forciers  :  on  y  ajoute  les  Arbors-bouxes  , 
grands  contemplateurs ,  &  qui  font  leurs  demeures 
clans  des  arbres  creux;  les  Jenguis  &  les  Géoguis, 
directeurs  de  pèlerins.  Ces  différentes  feues  fe  détef- 
tent  :  elles  ont  un  fùpérieur  général  appelle  Xaco , 
&  des  fupérieurs  particuliers  revêtus  du  pouvoir  de 
Faire  des  prêtres  ;  ils  appellent  ceux-ci  Tundcs.  Char- 
fevoix  ,  Hijloire  du  Japon. 

EOYv  ENS ,  (  Géog.  )  petite  ville  dans  l'île  de  Fuh- 
nen  avec  un  bon  port. 

:    BOXBERG ,  (  Géog.  )  petite  ville  &  château  en 
Franconie,  près  delà  ville  de  Lancia. 
"   B  O  X  M  E  E  R ,  (  Géog.  )  ville  &  comté  dans  le 
comté  de  Zutphen  ,  fur  les  frontières  du  duché  de 
Cleves. 

BOXTEHUDE  ,  petite  ville  d'Allemagne  dans  le 
duché  de  Bremen  ,  au  cercle  de  baffe  Saxe ,  à  cinq 
lieues  de  Hambourg.  Elle  appartient  au  Danemark. 
Long.  zy.  10.  ïàt.  53-  40. 

BOXTEL  ,  (  Géog.  )  petite  ville  &  feigneiirie  du 
Érabant  Hollandois ,  fur  le  Dommel  ,  à  deux  lieues 
de  Boifleduc. 

i  BOYARDS ,  ou  BOJAR.ES ,  ou  BOJ ARDS ,  f.  m. 
pi.  '(  H'ifl.  mod.  )  nom  que  l'on  donne  aux  grands  fei- 
gneurs  de  Mofcovie.  Selon  Becman  les  Boyards  font 
chez  les  Rufîiens  la  même  chofe  que  la  haute  nobleffe 
dans  les  autres  pays  :  le  même  auteur  ajoute  que 
dans  les  aftes  publics  le  Czar  nomme  les  Boyards 
avant  les  Vaivodés.  Foye^  Waivodes. 

Oléarius,  dans  fon  Voyage  de  Mofcovie ,  dit  que  ces 
grands  font  les  principaux  membres  du  confeil  d'é- 
tat ,  qu'ils  ont  à  Molcou  de  magnifiques  hôtels  ,  & 
qu'Us  iont  obligés  de  fuivre  le  prince  dans  lès  voya- 
ges ;  que  dans  les  jours  de  cérémonie  ils  font  vêtus 
d'une  tunique  de  brocard  enrichie  de  perles ,  &  cou- 
verts d'un  grand  bonnet  fourré  de  renard  noir  ,  & 
qu'ils  préfident  aux  tribunaux  de  juftice  :  mais  depuis 
que  le  czar  Pierre  Ier  a  tiré  la  Ruffie  de  la  grofîiereté 
oii  elle  étoit  plongée,  on  a  laiffé  aux  Boyards  leurs 
titres  de  nobleffe  ;  &  quoiqu'ils  joùiffent  d'une  gran- 
de coniidération ,  il  ne  paroit  pas  qu'ils  ayent  grande 
part  au  gouvernement.  (  G  ) 

BOYARD  ,  f.  m.  (fonte  du  lard  de  baleine}  efpece 
de  civière  à  bras  dont  le  fond  eft  fait  à  jour  &  en  gril- 
lage ,  dans  laquelle  on  place  le  lard  &  les  crotons , 
a  fin  qu'ils  puiffent  s'égoutter  dans  des  bacs  ,  & 
qu'on  ne  perde  rien  du  fùc  des  uns  &C  de  l'huile  des 


autres.  P6y\  l'article  Baleine  ,  &  à  la  fin  des  Plan- 
ches d'Hiltoire  naturelle  la  fonte  du  lard  de  baleine, 
la  ûg.  4.  eft  un  boyard. 

BOYAUX  ,  terme  ordinaire  dont  on  fe  fort  pour 
défigner  les  inteftins.  Voyt^  Intestin. 

BOYAUX  ,  dans  la  guerre  des  Sièges,  font  les  che- 
mins que  l'on  fait  en  zig-zag  pour  approcher  de  la 
place  fans  en  être  vu  ;  ou  bien  ce  font  les  parties 
de  la  tranchée  qui  conduifent  à  la  place.  Voy. l'article 
Tranchée. 

La  tranchée  qui  eft  à  peu  prés  parallèle  à  la  place 
fe  nomme  place  d'armes.  Voye^  Parallèle. 

Les  boyaux  de  la  tranchée  doivent  être  tracés  de 
manière  que  leur  prolongement  ne  donne  fur  aucune 
des  parties  de  la  place  attaquée ,  autrement  ils  fe- 
roient  enfilés  de  cette  partie.  Voye^  Tranchée  & 
Enfiler.  (Q) 

Boyau  ,  cheval  qui  a  beaucoup  de  boyau  ,.fe  dit, 
en  Manège  &  Maréchallerie  ,  de  celui  qui  a  beaucoup 
de  flanc ,  beaucoup  de  corps ,  les  côtes  longues  ,  ni 
plates  ni  ferrées.  Cheval  étroit  de  boyau,  eft  celui 
qui  n'a  point  de  corps ,  qui  a  les  côtes  refferrées  ou 
courtes ,  &  le  flanc  retrouffé ,  ce  qui  lui  rend  le  corps 
efflanqué  comme  celui  d'un  lévrier;  c'elt  ce  qu'on 
appelle  un  cheval  ejlrac  ,  qui  eft  ordinairement  déli- 
cat &  peu  propre  au  travail ,  à  moins  qu'il  ne  foit 
grand  mangeur.  On  rebute  fur-tout  les  chevaux  de 
carroffe  qui  n'ont  point  de  corps,  qui  font  étroits  de 
boyau  ,  &  qui  femblent  avoir  la  peau  des  flancs  col- 
lée fur  les  côtes.  Un  chaffeur  ne  méprife  pas  un  che- 
val étroit  de  boyau  ;  il  le  préférera  même  à  un  autre 
qui  aura  plus  de  flanc  ,  pourvu  qu'il  foit  de  grande 
haleine  ,  de  beaucoup  de  reflburce  ,  léger,  &  grand 
mangeur.  On  donne  le  vert  pour  faire  reprendre  du 
boyau  aux  chevaux  qui  l'ont  perdu.  Le  mot  de  flanc 
eft  auffi  en  ufage ,  &  félon  quelques  auteurs ,  plus 
élégant  que  celui  de  boyau.  (V} 

Boyau  ;  il  y  a  des  animaux  dont  les  boyaux  font 
utiles  dans  le  commerce  ,  après  avoir  été  préparés 
par  certains  artifans  qu'on  nomme  Boyaudiers ,  qui 
forment  à  Paris  une  des  communautés  des  Arts  & 
Métiers. 

Boyau:  on  appelle  cordes  à  boyau,  certaines  cor- 
des faites  avec  des  boyaux  de  mouton  ou  d'agneau. 
Il  s'en  fabrique  une  allez  grande  quantité  à  Rome , 
à  Touloufe  ,  à  Lyon  ,  à  Marfeille ,  &  à  Paris.  Voye^_ 
Corde  à  boyau.  Voye^  l'article  Boyaudier. 

BOYAUDIER  ,  f.  m.  eft  un  artifan  qui  prépare 
&  file  des  cordes  à  boyau ,  pour  iervir  aux  inftru- 
mens  de  mulique ,  à  faire  des  raquettes ,  &  à  d'autres 
ùfages. 

Ces  maîtres  compofent  une  des  communautés  des 
Arts  &  Métiers  de  la  ville  tk.  faubourgs  de  Paris  :  ils 
ne  font  que  huit  maîtres  en  tout,  qui  travaillent  dans 
le  même  endroit,  &  ont  chacun  leur  attelier  au  fau- 
bourg S.  Martin,  auprès  de  l'endroit  appelle  Mont^ 
faucon. 

Voici  la  manière  dont  ces  ouvriers  s'y  prennent 
pour  fabriquer  les  cordes  à  boyau  :  ils  fe  fervent' 
pour  cela  de  boyaux  de  mouton  ou  d'agneau  qu'on 
leur  apporte  de  la  boucherie  fans  être  lavés  ,  ck  en- 
core tous  pleins  d'ordure  ,  dans  des  efpeces  de  hot- 
tes appellées  Bachoux.  Voye^  Bachou. 

La  première  opération  eft  le  lavage  des  boyaux: 
pour  cet  effet  ils  fe  mettent  des  bottines  aux  jambes, 
pour  empêcher  l'ordure  de  tomber  dans  leurs  fou- 
liers ,  &  devant  eux  trois  tabliers  les  uns  par-deffus 
les  autres ,  aufli-bien  qu'une  bavette  devant  leur  ef- 
tomac,  pour  ne  point  gâter  leurs  habits,  y.  Botti- 
ne ,  Tablier  &  Bavette.  Dans  cet  équipage ,  ils 
prennent  les  boyaux  par  un  bout ,  les  uns  après  le* 
autres  ,  &  les  font  gliffer  dans  leur  main,  en  les  com- 
primant pour  en  faire  fortir  toute  l'ordure.  À  mefurë 
qu'ils  les  nêttoyent ,  ils  les  jettent  dans  un  chaudron1 


BOY 


BOY 


^j'our   les  laifTer  amortir.  Voye^  CHAUDRON  6- 

•AMORTIR. 

Après  avoir  laiffé  amortir  les  boyaux  pendant  un 
tems  raifonnable ,  dont  la  durée  n'a  point  d'autre  rè- 
gle que  le  plus  ou  moins  de  chaleur  qu'il  fait,  &  qui 
dépend  de  la  prudence  de  l'ouvrier  ,  on  les  remet 
dans  un  autre  chaudron  encore  pendant  un  certain 
tems  ;  &  enfuite  on  les  en  tire  pour  les  dégraifTer  un 
à  un ,  fur  un  inltrument  appelle  di'graijjoir.  f^oy.  DÉ- 
GRAISSOIR. 

Lorfque  les  boyaux  font  fuffifamment  dégraiffés , 
&  qu'on  en  a  ôté  les  filandres ,  que  l'on  jette  dans 
une  tinette  qui  eft  auprès  du  dégraiffoir ,  on  les  re- 
met encore  dans  une  tinette  pleine  d'eau  ;  c'eft  ce 
<ju'on  appelle  les  mettre  blanchir.  Voye^  Filandres 
&  Blanchir. 

Les  boyaux  ayant  fuffifamment  blanchi ,  des  fem- 
mes les  retirent  de  la  tinette  pour  les  coudre  les  uns 
au  bout  des  autres,  afin  de  leur  donner  précifément 
la  longueur  qu'on  veut  donner  à,  la  corde.  Voye^ 
Coudre. 

Tout  cela  fait ,  les  boyaux  font  en  état  d'être  filés. 
On. file  un  boyau  feul  ou  pluiieurs  enfcmble ,  félon 
la  groffenr  que  doit  avoir  la  corde.  Quand  il  n'y  en 
a  qu'un  ,  ou  fait  uncijaetite  boucle  à  l'extrémité  ,  & 
on  l'attache  par-là  au  crochet  ou  émerillon  qui  eft 
au-haut  du  rouet  ;  s'il  y  en  a  pluiieurs ,  on  les  atta- 
che enfcmble  par  un  nœud,  &  on  les  accroche  à  l'é- 
merillon  :  pour  lors  un  homme  tourne  la  manivelle 
du  roiiet,  tandis  que  l'ouvrier  file  en  reculant  à  peu 
près  de  même  que  les  cordiers.  Vdyt[  Rouet. 

Quand  les  cordes  font  filées ,  on  les  étend  à  l'air 
fur  des  efpeces  de  râteaux  garnis  de  chevilles ,  dont 
le  manche  eft  enfoncé  en  terre;  Se  au  bout  de  quel- 
ques jours  ils  les  dégrofïïflènt ,  c'eft-à-dire  ,  les  ren- 
dent plus  douces  &  plus  égales  :  cette  opération  fe 
fait  avec  une  corde  de  crin ,  imbibée  de  lavon  noir , 
avec  laquelle  ils  les  frottent  rudement  depuis  un  bout 
jufqu'à  l'autre.  Poye{  DÉGROSSIR. 

On  donne  encore  une  autre  préparation  aux  cor- 
des à  boyau  ,  avant  qu'elles  foient  en  état  d'être  ex- 
pofées  en  vente  :  mais  les  ouvriers  en  font  un  myfte- 
re ,  &  prétendent  que  c'eft  en  cela  que  confiée  tout 
ié  fecret  de  leur  art.  Il  y  a  apparence  que  ce  préten- 
du fecret  n'efl  autre  chofe  que  de  les  frotter  d'huile 
pour  les  adoucir  encore  plus  &C  les  rendre  plus  fou- 
pies  ;  cependant  ils  aiTùrent  qu'ils  ne  fe  fervent  point 
d'huile. 

BOYER ,  BOIER ,  &  BOUIER  ,  f.  m.  (Marine.) 
c'eft  une  efpcce  de  bateau  ou  de  chaloupe  Flaman- 
de. Le  boyer  eft  maté  en  fourche  Se  a  deux  femelles , 
au  moyen  defquelles  il  va  bien  à  la  bouline  &  dérive 
peu. 

Le  boyer  eft  un  petit  bâtiment  de  charge ,  qui  a  un 
beaupré  &  de  l'acaftillage  à  l'avant  S:  à  l'arriére  :  il 
a  du  rapport  dans  beaucoup  de  parties  avec  le  fema- 
que  :  il  eft  plat  de  varangues ,  Se  le  mât  en  eft  fort 
haut  Se  porte  un  perroquet.  Cette  forte  de  bâtiment 
n'elt  pas  fi  propre  à  naviger  fur  mer,  que  fur  les  ri- 
vières &  fur  les  autres  eaux  internes.  Mais  pour  don- 
ner une  idée  plus  claire  de  cette  forte  de  bâtiment , 
\1  faut  en  voir  la  figure  ,  Planche  XII.  figure  première  ; 
ïk:  pour  plus  d'intelligence ,  nous  allons  donner  le 
devis  d'un  boyer  de  86  pies  de  long  de  l'étrave  à  l'é- 
tambord  ,  de  20  pies  de  ban  de  dedans  en  dedans ,  & 
cle  9  pies  un  quart  de  creux  de  deil'us  la  quille  au  ni- 
veau des  gouttières. 

La  quille  a  14  pouces  en  quané;  Petrave  &  l'é- 
tambord  ont  un  pic  d'épailfeur  ;  l'ctra\  e  .1  8  pies  de 
quête,  Si  l'étambord  un  pic  3  pouces.  Il  a  6  pies  à 
l'avant  de  relèvement,  &  7  pies  à  l'arriére  :  le  fond 
de  cale  a  1 5  pies  de  large,  Se  s'élève  de  2  pouces  vers 
les  fleurs  :  les  varangues  ont  9  pouces  d'épaiffeur,  Se 
b'  pouces  dans  les  fleurs  ou  aux  empatures.  Les  ge- 


380 


noux  ont  un  demi-pié  d'épais  fur  le  franc  bord,  Se 
les  allonges  autant  au  même  endroit,  Se  4  pouces r 
par  le  haut.  La  carlingue  a  9  pouces  d'épais  fous  le 
mât,  &  6  ou  7  pouces  à  l'arriére.  Les  vaigres  d'em- 
pature  ont  4  pouces  d'épais ,  Se  les  vaigres  de  fond 
2  pouces  ,  Se  les  autres  auffi  jufqu'aux  ferrebauquie- 
res  qui  ont  4  pouces  d'épais,  Se  chaque  ban  a  deux 
courbes  de  haut  en-bas ,  &  deux  par  la  longueur  du 
bâtiment.  Les  ferregouttieres  ont  4  pouces  d'épais, 
Se  les  bordages  qui  couvrent  le  pont  en  ont  2  pouces 
t  :  les  préceintes  ont  un  demi-pié  d'épais  Se  un  pié 
de  large,  c'eft-à-dire  les  deux  plus  balles  ;  la  troifie- 
me  a  4  pouces  d'épais  &  10  de  large. 

Les  couples  ou  fermures  ont  6  pouces  de  lar^e  • 
ceux  d'entre  la  plus  haute  préceinte  &  le  carreau  , 
ont  10  pouces  de  large  Se  5  pouces  d'épais.  Le  car- 
reau a  vers  les  bouts  un  grand  pié  de  largeur ,  &  eft 
plus  large  par  fon  milieu.  La  chambre  de  proue  a  10 
pies  de  long ,  à  prendre  à  l'étrave  en-dedans  ;  c'eft-là 
que  font  les  cabanes  &  la  cuiline  ,  dont  Je  tuyau  de 
cheminée  fort  fur  le  pont  proche  du  virevaut.  Le  vi- 
revaut  a  20  pouces  d'épais.  Le  mât  d'artimon ,  qui 
eft  fort  petit ,  eft  tout  proche  de  la  planche  qui  fert 
d'appui  vers  l'arriére.  Quelquefois  on  fait  une  petite 
dunette  vers  l'arriére  ,  pour  y  ferrer  quelque  chofe  , 
ou  pour  coucher  des  gens. 

La  grande  écoutille  a  10  pies  de  long  Se  7  pies  de 
large  ;  l'écoutilie  qui  s'emboîte  a  4  pies.  La  chambre 
de  poupe  a  14  pies  de  long ,  &  eft  élevée  au -demis 
du  pont  ;  elle  citféparée  de  deux  ou  trois  fronteaux, 
Se  dans  l'un  des  retranchemens  on  met  les  voiles  Se 
les  agrès;  les  autres  fervent  à  coucher  ou  font  pour 
d'autres  nfages.  La  chambre  du  capitaine  a  10  pies 
de  long,  à  prendre  du  dedans  de  l'étambord  ;  fon  bas 
plancher  defeend  3  pies  {  au-defîbus  du  pont  ,  Se 
baiffe  un  peu  vers  l'arriére  :  le  tillac  ou  plancher  qui 
la  couvre,  s'élève  3  pies  au-defTus  du  pont,  Se  il  y 
a  une  petite  échelle  pour  defeendre  fur  le  pont. 

La  hauteur  du  mât  eft  affez  arbitraire  ;  on  peut  le 
mettre  plus  long  ou  plus  court  ;  il  penche  un  peu  vers 
l'arriére.  Le  gouvernail  a  fix  pouces  d'épais  par  le 
haut ,  Se  eft  par  le  bas  de  la  même  épaifî'eur  que  l'é- 
tambord. La  barre  pafTe  entre  le  banc  Se  la  voûte  de 
la  chambre  du  capitaine.  Le  timonnierfe  tient  devant 
cette  chambre.  Le  relèvement  du  tillac  à  l'avant  Se 
à  l'arriére  fert  à  faire  écouler  les  eaux  ,  fur-tout  cel- 
les que  lancent  les  coups  de  mer.  Les  femelles ,  qui 
font  attachées  avec  des  chevilles  un  peu  au-defïbus 
du  carreau ,  enfoncent  dans  l'eau  deux  pies  plus  bas 
que  la  quille  ;  leur  largeur  fe  prend  à  diferétion  ;  Se. 
comme  elles  iont  deftinées  à  empêcher  que  le  vail- 
feau  ne  dérive ,  il  s'enfuit  qu'il  faut  les  faire  gran- 
des ,  &  qu'elles  pourraient  être  encore  plus  grandes 
qu'on  ne  les  fait ,  li  cette  grandeur  ne  les  rendoit 
pas  trop  difficiles  à  manœuvrer.  L'étrave  &  fa  quille 
font  jointes  enfemble  par  un  lien  de  fer  de  chaque 
côté.  (Z  ) 

*  Bovez,  f.  m.  pi.  {Hift.  mod.)  prêtres  idolâtres 
des  Sauvages  de  la  Floride.  Chaque  prêtre  a  fon  idole 
particulière  ,  &le  Sauvage  s'adrefl'e  au  piètre  de  l'i- 
dole à  laquelle  il  a  dévotion.  L'idole  eu*invp-quéé 
par  des  chants ,  Se  la  fumée  du  tabac  eft  fon  offran- 
de ordinaire. 

BOYNE,  (Géog.)  rivière  d'Irlande ,  dans  le  comté 
de  Lcinfter  ,  qui  fe  jette  dans  la  mer,  au-deffous  de 
tieda. 

BÔYNES ,  petite  ville  de  France  dans  l'Orléanois , 
près  de  Pithivicrs. 

BOZA,  (  Géog.  )  petite  ville  du  royaume  de 
Hongrie. 

*  Boza  ,  (  Commerce  )  c'eit  une  efpece  de  bierre 
ou  liqueur  forte  en  ufage  chez  les  Turcs  ;  elle  fe  fait 
avec  de  l'orge  Se  du  millet  qu'on  cuit  enfemble  ,  & 
qu'on  laiffe  enfuite  fermenter  :  on  dit  que  cette  boif- 


9G 


B  R  A 


fon  n'eft  rien  moins  qu'agréable ,  &  qu'elle  ne  laine 
pas  d'enivrer  lorfqu'on  en  boit  d'une  façon  immo- 

deree. 

BOZANTIA,  (  Géog.  )  petite  ville  affez  bien  for- 
tifiée de  la  petite  Pologne  ,  dans  le  Palatinat  de  Sen- 

domir.  .  , 

BOZZO  ,  (  Géog.  )  rivière  dans  le  duché  de  Mi- 
lan ,  qui  fort  du  lac  majeur ,  &  va  fe  perdre  dans  le 
lac  de  Gavira  ,  près  de  Bozzolo. 

BOZZOLO  ,  (  Géog.  )  petite  ville  du  Mantouan, 
capitale  d'une  principauté  de  même  nom ,  entre  Man- 
toue  &  Crémone.  Long.  28.  lot.  4a.  S>- 

B  R 

BRABANT,  (  Géog.  )  duché ,  &  l'une  des  dix-fept 
provinces  des  Pays-bas  ,  bornée  au  nord  par  la  Hol- 
lande &  la  Gueldre  ;  à  l'occident  par  la  Zélande  &c 
la  Flandre  ;  au  midi  par  le  Hainault  &  le  comté  de 
Namur  ;  &  à  l'orient  par  i'évêché  de  Liège.  Une  par- 
tie en  appartient  à  la  maifon  d'Autriche  ,  &  l'autre 
partie  à  la  république  des  Provinces-Unies  ;  ce  qui 
le  fait  divifer  en  Brabant  Efpagnol,  ^  Brabant  Hol- 
ïandois.  Bruxelles  eft  la  capitale  du  premier ,  &  Bois- 
le-Duc  du  fécond.  11  s'y  fait  un  très-grand  commer- 
ce de  toiles  ,  dentelles ,  &c 

BRABEUTE ,  f.  m.  (  Hifi.  anc.  )  du  Grec  fyvAùç, 
qui  lignifie  dijlributcur  du  prix ,  nom  d'un  officier  pu- 
blic chez  les  Grecs ,  qui  préfidoit  aux  jeux  folennels , 
&  fur-tout  aux  jeux  facrés.  Cette  charge  ,  qui  étoit 
une  efpece  de  magiftrature ,  pour  juger  de  ceux  qui 
remportaient  le  prix  à  la  courfe ,  la  lutte ,  &c.  étoit 
fort  confidérable  ,  non-feulement  chez  les  Grecs, 
mais  encore  parmi  les  Perlés.  Les  rois  eux-mêmes 
l'exerçoicnt ,  c'étoit  au  moins  parmi  les  familles  les 
plus  conudérables  de  la  Grèce ,  qu'on  choififlbit  ces 
arbitres.  Philippe  de  Macédoine  s'en  étoit  fait  attri- 
buer la  qualité ,  &  en  commettoit  les  fondions  à  un 
de  les  officiers ,  lorfqu'il  n'y  pouvoit  affifter  lui-mê- 
me ;  ce  que  Démofthenes  regarde  comme  un  attentat 
à  la  liberté  des  Grecs.  Quand  ces  juges  étoient  fur  le 
point  d'exercer  leur  charge  ,  on  les  faifoit  entrer  pour 
quelque  tems  dans  un  petit  enclos,  où  on  leur  faifoit 
prêter  ferment ,  qu'ils  jugeroient  avec  impartialité  ; 
cette  formalité  achevée,  ils  en  fortoient  la  couronne 
fur  la  tête ,  revêtus  d'un  habit  de  pourpre,  portant  à 
la  main  une  baguette  pour  marque  de  leur  autorité , 
&  alloient  s'affeoir  à  une  place  diftinguée  ,  qu'on 
nommoit  ^As-Spr ,  qui  étoit  regardée  comme  un  afyle 
inviolable  :  de-là ,  par  une  loi  de  Lycurgue  ,  ils  pro- 
nonçoient  leurs  jugemens  avec  un  pouvoir  ablolu, 
décernoient  des  peines  contre  les  athlètes  qui  s'étoient 
mal  comportés  ,  &  desrécompenlés  aux  vainqueurs. 
Les  prix  qu'ils  diitribuoient  s'appelloient  @ç.a.Ct7ct ,  & 
les  couronnes  ât/ûirteKliç ,  pour  marquer  que  c'étoit 
Thémis  elle-même  ou  ladéeffe  de  la  jullice,  qui  les 
avoit  pliées  &  formées  de  fes  propres  mains.  Le  nom- 
bre des  brabeutes  n'étoit  point  fixé  ;  quelquefois  il  n'y 
en  avoit  qu'un ,  mais  plus  ordinairement  on  en  comp- 
toit  fept  ou  neuf.  Ce  font  les  mêmes  qu'on  appelloit 
athlothetes-époptes,cd\-h-àire,  juges  ôc  infpecleurs  des 
athlètes.  Voye^  Athlothete  &  Époptes.  (<?) 

BRABORG ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Suéde ,  dans 
la  province  d'Oftgothie  ,  fur  la  rivière  de  Motala. 

BRACCAS,  {Géog.  )  île  de  l'Amérique,  près  de 
celle  de  Cuba ,  l'une  de  celles  qu'on  nomme  Cayma- 
nes  ;  elle  eft  inhabitée. 

BR ACCI ANO ,  (  Géog. )  petite  ville  d'Italie ,  dans 
îe  patrimoine  de  Saint-Pierre  ,  avec  titre  de  duché  , 
à  6  lieues  &  demie  de  Rome.  Il  y  a  des  bains  célè- 
bres. Long.  zç).  4Ô.  bat.  4.Z.  4. 

Bracciano  ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  un  des  plus 
grands  lacs  d'Italie  ,  proche  la  ville  de  même  nom. 
On  le  nommoit  autrefois  fabatinus  ou  fabatus  locus. 


B  R  A 

BRACCIO  DI  M  AIN  A,  (Géog.)  la  plus  grande 
des  provinces  de  laMorée  ;  on  l'appelle  aulîi  Zaconia. 

*  BRACELET  ,  f.  m.  (Antiq.)  ornement  fort  an- 
cien que  les  Grecs  &  les  Romains  portoient  au  bras , 
comme  le  mot  le  fait  affez  entendre  ,  &  dont  l'ula- 
ge  s'eft  confervé  parmi-nous.  Le  bracelet  ancien  a  eu 
différentes  formes  ;  on  en  voit  un  à  trois  tours  fur 
une  ftatue  de  Lucille ,  femme  de  l'empereur  Lucius- 
Verus.  Ils  étoient  ia  plupart  ou  d*or  ou  de  fer ,  ou  do- 
rés ou  argentés  ;  on  entend  ici  par  dorés  &  argentés  , 
autre  choie  que  ce  que  nous  faifons  fignifier  à  ces 
mots ,  c'eft-à-dire  qu'ils  étoient  couvarts  de  lames  d'or 
ou  d'argent  :  on  plaçoit  quelquefois  dans  les  bracelets  y 
ou  un  anneau  ou  une  médaille.  Ils  étoient  pour  toutes 
fortes  de  conditions.  Les  hommes  en  portoient  ainû 
que  les  femmes.  Les  Sabins ,  ditTite-Live ,  en  avoient 
d'or ,  &  de  fort  pefans  au  bras  gauche  ;  c'étoit  une 
marque  arbitraire  d'honneur  ou  d'efclavage  :  on  en 
récompenfoit  la  valeur  des  gens  de  guerre.  On  trou- 
ve dans  Gruter  la  figure  de  deux  bracelets ,  avec  cette 
infeription  :  Lucius  Antonius  Fabius  Quadratus ,  fils  de 
Lucius  ,  a  été  deux  fois  honoré  par  Tibere-Céfar  ,  de  col~ 
liers  &  de  bracelets.  Quand  l'empereur  faifoit  ce  pré- 
fent ,  il  difoit  :  ^empereur  te  donne  ces  bracelets.  Il  y 
avoit  des  bracelets  d'ivoire  :  il  eft  à  croire  que  ceux 
de  cuivre  &  de  fer  ne  fervoient  qu'aux  efclaves  &C 
aux  gens  de  bas  état.  Le  nom  ftarmilla  vient  à'armus  , 
la  partie  fupérieure  du  bras;  parce  qu'anciennement 
le  bracelet  fe  mettoit  au  haut  du  bras.  Capitolin  dans 
la  vie  d'Alexandre  Severe ,  fe  fert  du  terme  dextro- 
cherium  ,  au  lieu  d'armilla  :  il  raconte  que  cet  empe- 
reur avoit  huit  pies  un  pouce  de  hauteur  ;  que  fa  for- 
ce répondoit  à  fa  taille  ;  que  fes  membres  y  étoient 
proportionnés  ;  qu'il  traînoit  leul  un  chariot  chargé  ; 
qu'il  faifoit  fauter  toutes  les  dents  à  un  cheval  d'un 
leul  coup  de  poing  ;  qu'il  lui  caffoit  la  jambe  d'un  coup 
de  pié  ;  &C  qu'il  donna  d'autres  preuves  de  fa  vigueur 
extraordinaire  ,  qu'on  peut  voir  dans  l'hiftoire  :  mais 
ce  qui  fait  à  notre  fujet,  c'eft  qu'il  avoit  le  pouce  fi 
gros ,  que  le  bracelet  ou  le  aextrocherium  de  fa  femme 
lui  fervoit  de  bague  :  d'où  le  père  Montfaucon  con- 
clut qu'on  portoit  des  bagues  au  pouce,  comme  aux 
autres  doigts. 

Le  bracelet  n'eft  plus  parmi  nous  qu'à  l'ufage  des 
femmes.  C'eft  quelquefois  un  ornement  fort  précieux 
par  les  perles  &  les  diamans  dont  il  eft  enrichi.  Il  fe 
place  vers  l'extrémité  du  bras  ;  le  portrait  du  mari 
y  eft  affez  ordinairement  enchâffé  :  on  en  fait  de  ru- 
bans, de  cheveux  ,  de  crin  ,  &c.  Ils  font  également 
portés  par  les  peuples  policés  &  par  les  nations  bar- 
bares. Ceux-ci  les  font  ou  de  grains  enfilés,  ou  de  co- 
quilles ,  ou  de  verrerie ,  &c.  Ils  faifoient  jadis  fi  grand 
cas  de  ces  ornemens ,  qu'ils  abandonnoient  leurs 
plus  riches  marchandif  es ,  èc  même  facrifioient  quel- 
quefois la  liberté  de  leurs  pères,  de  leurs  femmes  &C 
de  leurs  enfans ,  pour  s'en  procurer  la  poffeffion. 

*  Bracelet,  f.  m.  che{  les  Doreurs ,  Argenteurs  , 
&  autres  ouvriers ,  eft  un  inftrument  ou  de  cuir  fim- 
ple ,  ou  de  cuir  rembouré  ,  d'étoffe  ,  ou  de  plulieurs 
peaux  miles  les  unes  fur  les  autres ,  dont  ils  fe  cou- 
vrent le  bras  gauche  au-deffus  du  poignet ,  afin  de 
pouvoir  l'appuyer  fortement  contre  la  partie  infé- 
rieure du  brunilloir,  fans  le  bleffer ,  quand  ils  polif» 
fent  leurs  ouvrages. 

Bracelet,  voyer  Carpe. 

BRACHBANT,  (  Géog.  )  on  nomme  ainfi  un  pe- 
tit diftrief  du  Hainaut ,  où  fe  trouvent  les  villes  de 
Condé  &  de  Leufe. 

BRACHHUSEN  ,  (  Géog.  )  petite  ville  du  comté 
de  Hoya ,  appartenant  à  l'élecleur  de  Hanovre. 

BRACHIAL,  adj.  eft  en  Anatomie  une  épithete 
que  l'on  donne  aux  différentes  parties  qui  compo- 
fent  le  bras  ;  c'eft  dans  ce  fens  que  l'on  dit  les  nerfs 
brachiaux  ,r  art  ère  brachiale  ,  le  mufcU  brachial,  &c. 


B  R  A 


B  R  A 


39* 


fnaîs  on  donne  plus  particulièrement  ce  nom  à  l'ar- 
tère qui  eft  placée  le  long  de  Y  humérus ,  &  à  deux 
mufcles  dont  l'un  eft  placé  à  la  face  interne  &  l'au- 
tre à  la  face  externe  de  ce  même  os ,  &  font  en  con- 
féquence  appelles  l'un  brachial  interne  ,  &  l'autre 
brachial  externe,  ou  anconé  interne,  f^oye^  AnconÉ. 

Le  brachial  interne  eft  fitué  tout  le  long  de  la  par- 
tie moyenne  inférieure  &  intérieure  de  l'humérus  à 
laquelle  il  s'attache  ,  &  fe  termine  à  une  tubérofité 
qui  fe  remarque  à  la  partie  fupérieure  &  externe  du 
cubitus. 

Les  nerfs  brachiaux  naifTent  de  l'union  des  cinq 
dernières  paires  cervicales  &c  de  la  première  dorfale 
qui  fe  divilé  principalement  en  fix  rameaux  remar- 
quables. En  1697  M.  Duverney  en  caraftérifa  cinq 
par  ces  noms ,  le  mujculo-cutané ,  ou  cutané  externe , 
le  médian  ,  le  cubital ,  le  cutané  interne ,  &  le  radial , 
&  le  fixieme  a  été  appelle  par  M.  Winflow  nerfaxil- 
laire  ou  articulaire  ,  &c.  Voye^  CUTANÉ  EXTERNE  , 
MÉDIAN  ,  &c. 

Outre  ces  gros  nerfs  brachiaux ,  il  part  plufieurs 
petites  branches  des  paires  cervicales  qui  fe  diftri- 
buent  aux  épaules ,  à  la  poitrine  ,  &c. 

Brachio-CUIîITAL,  (ligament en  Anatomie.')  c'eft 
un  ligament  qui  unit  l'os  du  bras  ou  l'humérus  avec 
l'os  du  coude  ou  le  cubitus.  Voye^  Humérus  ,  &  Cu- 
bitus. 

BRACHIO-RADIAL  ,  (  ligament  en  Anatomie  )  c'eft 
un  ligament  qui  unit  le  rayon  ou  radius  avec  l'os  du 
bras  ou  Yhumerus.  V.  Humérus  ,  &  Radius.  (Z.) 

BRACKLL  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Allemagne  , 
dans  le  cercle  de  Veftphalie ,  fur  la  Nette  ,  à  cinq 
lieues  de  Paderborn.  Long.  zG.  4J.lat.  5i.  46.  Il  y 
a  une  autre  ville  de  ce  nom  en  Weftphalie  ,  dansl'é- 
véché  d'Hildesheim. 

BRACKENHEIM  ,  (  Géog.  )  petite  ville  fur  la  ri- 
vière de  Zaber ,  à  2  lieues  de  Hailbron ,  appartenan- 
te au  duc  de  Wurtemberg. 

BRACKLEY ,  (  Géog.  )  ville  d'Angleterre ,  dans  la 
province  de Northampton.  Long.  16.  z5.lat.5i.56. 

*  BRACHM  ANES  ,  f.  m.  pi.  {Hift.  anc.  )  Gymno- 
fophiftes  ou  philofophes  Indiens ,  dont  il  eft  fouvent 
parlé  dans  les  anciens.  Ils  en  racontent  des  choies 
fort  extraordinaires ,  comme  de  vivre  couchés  fur  la 
terre  ;  de  fe  tenir  toujours  fur  un  pié  ;  de  regarder  le 
foleil  d'un  œil  ferme  &  immobile  depuis  ion  lever 
jufqu'à  ion  coucher  ;  d'avoir  les  bras  élevés  toute 
leur  vie  ;  de  fe  regarder  fans  ceffe  le  bout  du  nez ,  & 
de  fe  croire  comblés  de  la  faveur  célefte  la  plus  infi- 
gne ,  toutes  les  fois  qu'ils  y  appercevoient  une  petite 
flamme  bleue.  Voilà  des  extravagances  tout-à-fait 
incroyables  ;  &  iî  ce  fut  ainfi  que  les  brachmancs  ob- 
tinrent le  nom  de  Jages,  il  n'y  avoit  que  les  peuples 
qui  leur  accordèrent  ce  titre  qui  fuifent  plus  fous 
qu'eux.  On  dit  qu'ils  vivoient  dans  les  bois ,  &C  que 
les  relâchés  d'entre  eux  ,  ceux  qui  ne  vifoient  pas  à 
la  contemplation  béatifîque  de  la  flamme  bleue  ,  étu- 
dioient  l'Aftronomie  ,  l'hiftoiie  de  la  nature  ,  &  la 
politique  ,  &  fortoient  quelquefois  de  leurs  deferts 
pour  faire  part  de  leurs  contemplations  aux  princes 
&  aux  fujets.  Ils  veilloient  de  fi  bonne  heure  à  l'inf- 
truâion  de  leurs  difciples  ,  qu'ils  envoyoient  des  di- 
recteurs à  la  merc  ,  ii-tôt  qu'ils  apprenoient  qu'elle 
avoit  conçu;  &  fa  docilité  pour  leurs  leçons  étoit 
d'un  favorable  augure  pour  l'enfant.  On  demeuroit 
trente-iept  ans  à  leur  école  ,  fans  parler  ,  touller ,  ni 
cracher  ;  au  bout  de  cetems,  on  avoit  la  liberté  de 
mettre  une  chemife  ,  de  manger  des  animaux ,  &c 
d'époufer  plufieurs  femmes;  mais  à  condition  qu'on 
ne  leur  révéleroit  rien  des  préceptes  fublimes  de  la 
gymnofophic.  Les  brachmanes  prétendoient  que  la 
a  ie  eft  un  état  de  conception  ,  éc  la  mort  le  moment 
de  la  naiffanec;  que  l'aine  du  philofophe  détenue 
dans  fon  corps ,  eft  dans  l'état  d'une  chryiàlide ,  &c 


qu  elle  fe  débarrafie  à  l'inftant  du  trépas  ,  comme 
un  papillon  qui  perce  fa  coque  &  prend  fon  eflbr. 
Les  évenemens  de  la  vie  n'étoient  félon  eux  ni  bons 
ni  mauvais  ;  puifque  ce  qui  déplaît  à  l'un  plaît  à  l'au- 
tre ,  &  qu'une  même  chofe  eft  agréable  &  defagréa- 
ble  à  la  même  perfonne  en  différens  tems  :  voilà  l'a- 
brégé de  leur  morale.  Quant  à  leur  phyfique  ,  c'é- 
toit  un  autre  amas  informe  de  préjugés  :  cependant 
ils  donnoient  au  monde  un  commencement  &  une 
fin  ;  admettoient  un  Dieu  créateur ,  qui  le  gouver- 
noit  &  le  pénétrait  ;  croyoient  l'univers  formé 
d'élémens  différens  ;  regardoient  les  deux  comme 
le  réfultat  d'une  quinteffence  particulière  ;  foûte- 
noient  l'immortalité  de  Famé  ;  &  fuppofoient  des 
tribunaux  aux  enfers  ,  &c.  Clément  d'Alexandrie  en 
iait  l'une  des  deux  cfpeces  de  gymnoiophiftes.  Voye^ 
Philosophie  des  Indiens  6-  Gymnosophistes. 
Quand  ils  étoient  las  de  vivre ,  ils  fe  brûloient  ;  ils 
dreflbient  eux-mêmes  leur  bûcher ,  l'allumoient  de 
leurs  mains ,  &  y  entroient  d'un  pas  grave  &C  ma- 
jeftueux. 

Tels  étoient  ces  fages  que  les  philofophes  Grecs 
allèrent  confulter  tant  de  ibis  :  on  prétend  que  c'elt 
d'eux  que  Pythagore  reçut  le  dogme  de  la  métemp- 
fycofe.  On  lit  dans  Suidas  qu'ils  furent  appelles 
Brachmanes ,  du  roi  Brdchman  leur  fondateur.  Cette 
fefte  iubfifte  encore  dans  l'orient ,  fous  le  nom  de 
Bramenes  ou  Bramines.  Voye~^  BRAMINES. 

BRACHYGRAPHIE,  f.  f.  {Grain.  )  c'eft-à-dire; 
l'art  d'écrire  par  abréviations  :  ce  mot  eu  compo- 
fé  de  /3p«^t;V  ,  brevis  ,  &  de  i^tpco,  Jcribo.  Ces  abré- 
viations étoient  appcllées  notœ  ;  &  ceux  qui  en  fai- 
foient  profefîïon ,  notarii.  Gruter  nous  en  a  confervé 
un  recueil  qu'il  a  fait  graver  à  la  fin  du  fécond  tome 
de  fes  inicriptions  ,  notœ  Tironis  ac  Senecœ.  Ce  Tiron 
étoit  un  affranchi  de  Ciceron ,  dont  il  écrivit  l'his- 
toire ;  il  étoit  très-habile  à  écrire  en  abrégé. 

Cet  art  eft  très-ancien  :  ces  feribes  écrivoient 
plus  vîte  que  l'orateur  ne  parloit  ;  &  c'eft  ce  qui  a 
fait  dire  à  David  ,  Lingua  mea  calamus  feribœ  veloci- 
ter  fcribzntis.  Pf.  44. «Ma  Iangueeft  comme  la  plume 
»  d'un  écrivain  qui  écrit  vîte  ».  Quelque  vîte  que  les 
paroles  foient  prononcées  ,  dit  Martial  ,  la  main  de 
ces  feribes  fera  encore  plus  prompte  :  à  peine  votre 
langue  finit-elle  de  parler,  que  leur  main  a  déjà  tout 
écrit. 

Currant  verba  licet ,  manus  efl  velocior  illis  : 
Vix  dum  lingua  tuum  ,  dextra  peregit  opus. 
M  art.  épig. 

Manilius  parlant  des  enfans  qui  viennent  au  mon? 
de  fous  le  figne  de  la  vierge  ,  dit  : 

Hic  efl  feriptor  ericvelox ,  cuili liera  verbum  ejl, 
Quiijuc  notis  linguam  J'uperet ,  curjîmque  loquentis 
Excipiat  longas  ,  nova  per  compendia  voces. 
Manil.  Alton,  lib.  IV.  v.  197. 

C'eft  par  de  femblables  expédiens  ,  que  certains 
feribes  que  nous  avons  eus  à  Paris,  fuivoient  en  écri- 
vant nos  plus  habiles  prédicateurs  ;  &:  ce  fut  par  ce 
moyen ,  que  parut ,  il  y  a  environ  trente  ans  ,  une 
édition  des  fermons  du  P.  Mabillon.  (  F) 

BRACHYSTOCHRONE,  f.  f.  (Mêchamque.)  eft 
le  nom  que  feu  M.  Bernoulli ,  profeileur  de  Mathé- 
matique à  Bâlc  ,  a  donné  à  une  courbe  ACB  (Jîg.GS. 
Médian?)  dont  la  propriété  eft  telle  qu'un  corps  qui 
tombe  du  point  A ,  en  vertu  de  la  pelanteur ,  le  long 
de  la  concavité  de  cette  courbe,  arrive  de  A  en  B 
en  moins  de  tems  qu'il  n'y  arriveroit,  s'il  defeendeut 
le  long  de  tout  autre  courbe  A  DB  ,  partant  par  les 
mêmes  points  A,  B ,  ou  même  s'il  delcendoit  le  long 
de  la  ligne  droite  A  B. 

Ce  mot  vient  de  deux  mots  Grecs,  «avoir,  ^aV.i/r- 
toç,  fuperlatifde  fïf«y.vç,  qui  fignifie  vite,  prompt,  8c 
Xfivoc,  tems.  La  courbe  bnuhyjlochrone  s'appelle  aulïi 
courbe  ou  ligne  de  la  plus  vite  defeente , 


392 


B  R  A 


BEI 


Feu  M.  Bernoulli  propofa  aux  Géomètres  en  1697, 
de  déterminer  quelle  étoit  cette  courbe.  Le  problè- 
me fut  réfolu  par  M.  Jacques  Bernoulli  Ton  frère, 
alors  profeffeur  de  Mathématique  à  Eâle ,  par  M. 
Leibnitz ,  par  M.  le  Marquis  de  l'Hôpital ,  &  par  M. 
Newton.  M.  Bernoulli  avoit  averti  les  Géomètres 
dans  fon  programme ,  que  la  ligne  droite  A  B  ,  paf- 
fant  par  les  deux  points  A ,  B ,  quoiqu'elle  fût  la  plus 
courte  de  toutes  celles  qu'on  pouvoit  faire  paffer  par 
ces  points ,  n'étoit  pas  néanmoins  celle  qu'un  corps 
pelant,  tombant  de^,  devoit  parcourir  en  moins  de 
tems  ;  &  en  effet ,  on  trouva  que  c'étoit  une  cycloïde , 
ou  plutôt  un  arc  de  cycloïde  paffant  par  les  points  A , 
B,  &  dont  le  point  A  étoit  l'origine.  V.  Cycloïde. 
Il  n'eft  pas  impoffible  de  faire  fentir  à  ceux  même 
qui  font  peu  verfés  dans  la  Méchanique  tranfeendan- 
te,  comment  il  peut  fe  faire  que  la  ligne  droite  A  B  ne 
ibit  pas  la  ligne  de  la  plus  courte  defeente.  Car ,  ima- 
ginons la  ligne  horiiontale  E  C  qui  partage  la  cour- 
be ACB  en  deux  parties  AC,  CB,  telles  que  la  par- 
tie A  C  foit  plus  courte  que  A  E,  &  la  partie  C  B  plus 
longue  que  £  B  ;  il  eft  certain  que  le  corps  A  arrive- 
ra en  C  plutôt  qu'il  n'arriveroit  en  E ,  puiiqu'il  au- 
ra moins  de  chemin  à  faire.  Il  eft  vrai  qu'il  employe- 
ra  enfui  te  plus  de  tems  à  parcourir  CB ,  qu'il  n'en 
mettra  à  parcourir  EB  ;  mais  il  faut  remarquer  que 
les  tems  employés  à  parcourir  les  lignes AE ,  AC, 
CB ,  EB ,  ne  font  point  entr'eux  comme  ces  lignes  , 
parce  que  le  corps  ne  les  décrit  pas  d'un  mouvement 
Uniforme  ;  ainiï  il  ne  doit  pas  paroître  impoffible  que 
l'excès  du  tems  par  A  E  fur  le  tems  par  AC,  foit  plus 
grand  que  l'excès  du  tems  par  CB  fur  le  tems  par 
E  B.  Ainfi  de  ce  que  la  ligne  droite  AB  eft  plus  cour- 
te que  la  ligne  courbe  A  CB,  il  ne  s'enfuit  nullement 
que  la  ligne  droite  A  B  doive  être  defeendue  en  moins 
de  tems  que  la  ligne  courbe  A  CB.  L'efpece  de  rai- 
fonnement  métaphylique  que  nous  venons  de  faire , 
peut  bien  fervir  à  faire  foupçonner  que  la  ligne  de 
la  plus  vite  defeente  peut  être  une  courbe  :  mais  ce 
raifonnement  ne  fauroit  jamais  être  une  démonftra- 
tion.  C'eft  par  le  calcul  feul  qu'on  peut  s'afîïïrer  fi 
ce  qu'on  a  foupçonné  eft  vrai ,  &  le  calcul  démontre 
en  effet  qu'on  a  foupçonné  jufte.  Voici  à  peu  près  com- 
ment on  s'y  prend  pour  déterminer  la  courbe  de  la 
plus  vite  defeente.  Soit  ACB  cette  courbe,  &  ayant 
pris  un  arc  infiniment  petit  Ce,  foit  imaginé  un  arc 
quelconque   infiniment  petit   C  O  c,  terminé  aux 
points  C,  c  ;  il  eft  évident  que  le  corps  pefant  arrivé 
en  C,  doit  parcourir  l'arc  C  c,  en  moins  de  tems  que 
l'arc  C  O  c.  Car  s'il  étoit  moins  de  tems  à  parcourir 
l'arc  CO  c ,  alors  ce  feroit  ACO  c  B,  &  non  A  CB 
quiferoit  la  courbe  de  la  plus  vite  defeente,  ce  qui 
eft  contre  l'hypothefe.  Ainli  la  propriété  de  la  cour- 
be dont  il  s'agit ,  eft  telle,  qu'un  de  ies  arcs  quelcon- 
ques infiniment  petits  Ce ,  eft  parcouru  en  moins  de 
tems  que  tout  autre  arc  infiniment  petit  CO  c,  paf- 
fant par  les  mêmes  points  C,  c. 

Maintenant  foient  imaginés  les  points  infiniment 
proches  € ,  c,  &  foit  cherchée  fur  la  ligne  horiionta- 
le Q  L,  la  pofition  du  point  K,  tel ,  que  C Kc  foit 
parcouru  en  moins  de  tems  que  tout  autre  chemin 
C  k  c ,  paffant  par  C  &  c ,  on  trouvera  (  Voye^  Ré- 
fraction) en  menant  les  lignes  K  R,  cr,  per- 
pendiculaires à  QL,  que  le  finus  de  l'angle  CKR 
doit  être  au  finus  de  K  c  r,  comme  la  vîteffe  le  long 
de  C  K  à  la  vîteffe  le  long  de  K  c  :  d'où  il  s'enfuit  que 
la  courbe  cherchée  doit  être  telle  que  le  finus  de  l'an- 
gle qu'un  de  fes  côtés  quelconque  infiniment  petit 
Ç  K  fait  avec  la  verticale  K  R  ,  foit  proportionnel  à 
la  vîteffe  en  K  ;  laquelle  vîteffe  eft  comme  la  racine 
«marrée  de  la  hauteur  d'où  le  corps  eft  parti.  Or  en 
achevant  le  calcul ,  ou  trouve  que  cette  propriété 
convient  à  la  cycloïde.  Voye{  Cycloïde. 

Si  l'on  inppoibit  qu'un  corpufcule  de  lumière  tra- 


versât l'atmofphere  ,  de  manière  qu'il  arrivât  d'urt 
point  à  un  autre  dans  le  plus  court  tems  poffible ,  la 
courbe  qu'il  décriroit  feroit  une  braehyjîoehrone,  pour- 
vu que  l'on  fît  certaines  hypothefes  fur  la  deniîté  du 
milieu.  Voye^ Réfraction,  Action,  Causes  fi- 
nales. 

Voyez  dans  les  Mémoires  de  PAcadem.  de  ljl8. 
deux  folutions  du  problème  de  la  braehyjîoehrone,  don- 
nées par  M.  Bernoulli ,  &  toutes  deux  fort  fimplcs. 
Galilée  a  cru  fauffement  que  la  braehyjîoehrone  étoit 
un  arc  de  cercle.  La  Géométrie  de  fon  tems  n'étoit 
pas  encore  affez  avancée  pour  réfoudre  ce  problè- 
me.On  trouve  dans  le  fécond  volume  de  la  Méchanique 
de  M.Euler,  imprimé  à  Petersbourg  ijj6.  une  folu- 
tion  très-élegante  de  ces  problèmes  &c  des  théorèmes 
fort  limples  &  fort  généraux  fur  les  propriétés  de  la 
braehyjîoehrone;  la  folution  du  problème  devient  beau- 
coup plus  difficile  lorfqu'on  fuppofe  que  le  corps  fe 
meut  dans  un  milieu  réfiftant,  parce  qu'alors  la  vî- 
teffe ne  dépend  pas  de  la  hauteur  feule.  M.  Euler  a 
donné  auffi  la  braehyjîoehrone  pour  ce  cas-là,  ce  que 
perfonne  n'avoit  encore  fait  avant  lui.  (0) 

BRACHITES,  f.  m.(Hijl.  ecclef.)  feâe  d'héréti- 
ques qui  parurent  dans  le  troifieme  fiecle.lls  fuivoient 
les  erreurs  de  Manés  &  des  Gnoftiques.  (G) 

BRACON,  f.  m.  (Machine  hydrauliq.')  on  appelle 
bracon  d'un  vanteau,  d'une  porte  d'écluiè,  la  confo- 
le,  la  potence,  ou  l'appui  qui  foùtient  cette  porte. 
(K) 

BRACONNIER ,  f.  m.  (  Ckafe.  )  celui  qui  chaffe 
fans  droit  &  fans  permiffion  fur  les  terres  d'autrui. 
Les  ordonnances  décernent  des  peines  très-grieves 
contre  les  braconniers.  (//) 

«  Tous  tendeurs  de  lacs,  tiraffes,  tonnelles,  trai- 
»  neaux ,  bricolles  de  corde  &  de  fil  d'archal ,  pièces 
»  &  pans  de  retz,  colliers,  ailiers  de  fil  ou  de  foie, 
»  dit  ï ordonnance  du  roi ,  du  mois  de  Mai  1 66  c) ,  feront 
»  condamnés  au  fouet  pour  la  première  fois ,  &  en 
»  trente  livres  d'amende  ;  &  pour  la  féconde ,  fufti- 
»  gés ,  flétris,  &  bannis  pour  cinq  ans  hors  de  la  maî- 
»  trife,  foit  qu'ils  ayent  commis  délit  dans  nos  forêts  , 
»  garennes,  &  terres  de  notre  domaine  ,  ou  en  celles 
»  des  eccléfiaftiques ,  communautés  ,  &  particuliers 
»  de  notre  royaume ,  fans  exception  ». 

BRADANO,  (Géog.)  rivière  dans  la  Bafilicare , 
au  royaume  deNaples,  qui  prend  fa  fource  dans  l'A- 
pennin, &  fe  décharge  dans  le  golte  deTarente. 

BRADFORD,(  Géog.  )  contrée  d'Angleterre , 
avec  titre  de  comté  ,  dans  la  province  de  Shrop. 

*  BRADUPEPSIE,  f.  f.  ou  COCTION  LENTE, 
(Médecine.}  maladie  de  l'eftomac,  dans  laquelle  les 
alimens  ne  font  digérés  qu'avec  peine  &  lenteur.  La 
digeftion  paffe  pour  lente,  quand  au  lieu  de  s'exécu- 
ter dans  l'efpace  de  vingt-quatre  heures ,  elle  ne  fe 
fait  que  dans  l'efpace  de  pluiieurs  jours.  Voye^  Es- 
tomac, Digestion.  Bradupepjïe  eft  compofée  de» 
fyitSvç,  lent,  tardij',  &  de  sresr?»,  cuire,  digérer. 

BR ADIE  ,  Géog.  )  ville  de  Moldavie  lituée  fur  la 
rivière  de  Pruth. 

BRAGANCE,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  ville  de  Por- 
tugal avec  château,  capitale  du  duché  de  même  nom, 
dans  la  province  deTra-losmontes.  La  maifon  régnan- 
te de  Portugal'  en  porte  le  nom.  Lon.  11.  20.  lat  41, 

47- 

Quelques  auteurs  prétendent  que  c'eft  le  Ccelio- 
briga  des  anciens. 

BRAGANZA ,  (  Géog.  )  petite  ville  fur  les  fron- 
tières de  la  Marche  Trevifane  dans  le  territoire  de  la, 
république  de  Venife. 

BRAGUE ,  f.  f.  ou  BR ACQUE ,  DRAGUE,  {Ma- 
rine. )  tous  ces  termes  font  fynonymes. 

La  brague  eft  une  corde  qu'on  fait  paffer  au-tra- 
vers  des  affûts  du  canon,  &  qu'on  amarre  par  les 
bouts  à  deux  boucles  de  fer  qui  font  de  chaque  côté 

des 


B  R  A 

fie;  iabords  :  les  bragues  à  fervent  retenir  les  affûts  du 
Canon  ,  &  empêchent  qu'en  reculant  ils  n'aillent 
frapper  jufqu'à  l'autre  bord  du  vaifleau.  (Z) 

Brague,  (  Géog.  anc.  &  mod.)  grande  ville  de 
Portugal ,  avec  archevêché  dont  l'archevêque  elt  pri- 
mat du  royaume,  fur  la  rivière  de  Cavédo.  Lon.g. 
JO.  lit.  41.30.  Ptolomée  la  nomme  Braccara  auguf- 
ta  ,  &  l'itinéraire  d'Antonin ,  Bragara. 

BRAH1LOW,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Valachie, 
à  l'endroit  où  la  rivière  de  Seretfe  jette  dans  le  Da- 
nube. 

*  BR  AI ,  f.  m.  mélange  de  gomme ,  de  réfine  ,  de 
poix  ,  &  d'autres  matières  vifqueufes ,  ou  de  poix  li- 
quide &  d'huile  de  poiflon  ,  dont  on  fe  fcrt  pour  le 
calfat  des  bâtimens  de  mer.  Voyei  Goudron. 

*  Brai  ;  on  entend  encore  par  ce  mot  l'efcourgeon 
&  l'orge  broyé  pour  la  bierre.  Le  brai  pris  en  ce  lens 
gâte  les  moulins  à  blé  ;  &  les  feigneurs  ne  peuvent 
contraindre  de  le  porter  à  leurs  moulins  ,  à  moins 
qu'ils  n'en  aient  de  particuliers  pour  cette  mouture. 

BRAID  -  ALBAIN  ou  ALBANIE ,  province  fep- 
tentrionale  de  l'EcoiTe  ,  entre  le  Lochaber ,  le  pays 
d'Athol  &C  d'Argile.  La  Tay  y  prend  fa  fource. 

BRAIE ,  f.  f.  (  Marine.  )  c'eft  ainfi  qu'on  nomme 
des  morceaux  de  toile  poiffée  ou  de  cuir  goudronné 
qu'on  applique  autour  d'un  trou  pratiqué  dans  le  til- 
lac  pour  faire  parler  le  mât  ;  ce  qui  empêche  que  l'eau 
de  la  pluie  ou  des  coups  de  vagues  ne  tombent  à  fond 
de  cale.  On  applique  aufTides  braies  à  l'ouverture  par 
où  paffe  la  barre  du  gouvernail  ;  parce  que  de  gros 
tems ,  &  fur-tout  de  vent  arrière  ,  les  vagues  qui  fau- 
tent fouvent  par-defîtis  la  dunette  ,  rempliroient  la 
fainte-barbe  ,  où  il  n'y  a  ni  dalots  ni  rnaugeres  pour 
la  faire  écouler.  Voye^OxhOT  &  Maugere.  (Z) 

Braie  ,  (  Cordai:.  )  Voyc^  Broyé. 

BRAIE,  en  terme  de  Cirier,  efl  un  infiniment  fur 
lequel  on  écache  la  cire.  Voy.  Ecacher.  Il  eit  com- 
pote d'un  banc  garni  d'un  anneau  dans  lequel  eft  re- 
tenue la  brait  proprement  dite  ;  c'elt- à-dire ,  une  plan- 
che de  bouis  jouant  dans  cet  anneau,  fous  laquelle  on 
pétrit  la  cire. 

BRAIE ,  chéries  Imprimeurs ,  c'efl  une  peau  ou  par- 
chemin préparé  pour  l'ufage  de  l'Imprimerie,  qui  fcrt 
à  recouvrir  le  grand  tympan. 

On  appelle  encore  braie  une  feuille  de  papier  gris 
ou  une  maculature  découpée  en  frifquette  ,  qui  icrt 
à  faire  des  épreuves.  V.  Epreuve  ,  Maculature, 
Tympan,  Frisquette. 

*  BRAILLE  ,  f.  f.  (  Pèche  &  Comm.  )  pelles  de  bois 
dont  on  fe  fcrt  dans  la  falaifon  des  harengs,  foye^ 
Brailler. 

*  BRAILLER ,  v.  ad.  (  Pèche.  )  c'efl  remuer  le 
•poiflon  avec  la  braille  lorlqu'il  efl  falé  ,  afin  qu'il 
prenne  mieux  la  falure.  On  ne  braille  que  quand  on 
l'aie  à  terre  :  quand  on  encaque  d'abord  le  poifîbn  , 
on  le  tient  dans  des  paniers  plats,  &  on  le  faupou- 
dre  à  chaque  rangée  ou  lit  qu'on  en  fait  dans  la  ca- 
que ,  obfervant  quelquefois  de  le  tourner  &  retour- 
ner clans  les  paniers  avant  que  de  l'encaquer. 

Brailler  ,  (  Cha/Je.  )  on  dit  qu'un  chien  braille 
quand  il  crie  fans  .voix. 

BRAILLEUR  ,  f.  pris  adj.  (  Manège.  )  efl  un  che- 
val qui  hennit  très-fouvent.  Ce  défaut  eit  extrême- 
ment incommode ,  fur-tout  à  la  guerre.  (V) 

B  HAINE,  (Géog.)  petite  ville  de  France  à  quatre 
lieues  de  Soiflbns. 

Braine-l'aleu  ,  petite  ville  des  Pays-bas  Autri- 
chiens ,  prés  de  Bruxelles. 

Braine-  le  -comte,  petite  ville  du  Hainaut  à 
cinq  lieues  de  Mons.  Lon.  21.  46.  lac.  3o.  Ji. 

*  lîRAISE,  f.  f.  (  Boulangers  &  Patiffiers.  )  c'eft 
ainfi  qu'on  appelle  le  charbon  éteint.  Ceux  qui  crai- 
gnent la  vapeurdu  charbon  noir  le  fervent  de  braife: 
elle  fe  vend  au  boifleau;  on  en  diltingue  de  deux  ef- 
Tonu  IL 


B  R  A 


395 


peces  ;  'la  menue  &Ia  grofl'e  :  celle-ci  eit  un  peu  plus 
chère  que  l'autre. 

*  Braise  ,  (faire  la)  Verrerie.  C'eft  une  des  fonc- 
tions de  tifeur.  Pour  faire  la  braife.  le  tueur  prend  !e 
grand  rable ,  il  en  paffe  le  bout  dans  le  tifonnier ,  Se 
égalife  la  braife  par-tout  ;  puis  avec  fa  pelle  à  filer  il 
jette  dans  le  four  trois  ,  quatre ,  ou  cinq  pelletées  de 
charbon, enfuite  il  va  à  l'autre  tifonnier,  il  en  fait  au- 
tant ,  &  revient  au  premier,  jufqu'à  ce  qu'il  ait  rem- 
pli le  foyer  environ  aux  deux  cinquièmes  :  il  le  1  a i lie 
clans  cet  état  à  peu-près  un  quart  d'heure,  jufqu'à  ce 
que  le  charbon  ait  pris  feu  ;  alors  il  recommence  la 
même  manœuvre  qu'il  a  faite ,  jufqu'à  ce  que  la  bmife 
le  foit  :  quand  la  braife  efl  faite,  le  foyer  en  efl  rem- 
pli d'environ  les  trois  quarts  de  fa  hauteur  ;  alors  les 
ouvriers  font  appelles  au  travail.  Voye^  l'article 
Verrerie. 

BRAKERNES  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Norvè- 
ge j  dans  la  province  d'Açgcrhus  ,  fur  le  Dramme. 
-    BRALIN ,  (  Géog.  )  ville  &  château  de  la  baiîe  Si- 
léfie,  à  peu  de  chftance  de  Martemberg. 

BRAMA  ou  BRAHMA,  f.  m.  (H:Jt.  mod.)  l'un 
des  principaux  dieux  du  Tonquin,  entre  la  Chine  Se 
l'Inde.  Il  ell  adoré  par  les  lectateurs  de  Confucius. 
Ces  idolâtres  font  des  facrifices  aux  fept  planètes, 
comme  à  des  divinités  :  mais  ils  ont  encore  cinq  ido- 
les pour  lefquelles  ils  ont  une  vénération  particuliè- 
re ;  l'avoir  ,  quatre  dieux  nommés  Brama  ,  Raumu  , 
Betolo  ,  Ramonu  ;  &  une  déefle  qu'ils  appellent  Sa- 
tibana.  Le  roi ,  les  mandarins,  c'efl-à-dire  les  fei- 
gneurs de  la  cour,  &  les  doctes  du  pays  ,  n'adorent 
guère  que  le  ciel.  Tavernier  ,  Voyage  des  Indes.  Voy* 
Chinois  c^Bramines.  (G) 

BRAMA  ou  BREMA  ,  (  Géog.  j)  ville  &  royau- 
me d'Afie  dans  l'Inde,  au-delà  du  Gange,  fur  la 
rivière  de  Menan  ,  aux  frontières  du  royaume  de 
Tonquin  &  de  Pégu  :  elle  appartient  au  roi  d'Ava. 
Les  habitans  fe  nomment  les  Bramas. 

BRAMANT,  (  Géog.  )  petite  vUle  de  Savoie  dans 
la  province  de  Maurienne  fur  la  rivière  d'Arc. 

BRAMAS  ,  (  les  )  Géog.  peuples  d'Afie  qui  habi- 
tent les  extrémités  du  royaume  d'Ava  &  de  Pégu. 

BRAMER  ,  v.  n.  (.Ckaffe.  )  Ce  mot  n'a  point 
d'autre  ufage  que  de  défigner  le  cri  du  cerf. 

*  BRAMîNESo«  BRAMENES  ,  ou  BRAMINS  ou 
BRAMENS  ,  f.  m.  pi.  (  Hiji.  mod.){e&e  de philofo- 
phes  Indiens  .  appelles  anciennement  Brac' 
Voyei  BrAchmanes.  Ce  font  des  prêtres  qui  révè- 
rent principalement  trois  choies ,  le  dieu  Fo ,  fa  loi , 
êv  les  livres  qui  contiennent  leurs  conflirutions.  Ils 
alîïircntque  le  monde  n'ell  qu'une illùfion,  unfonge, 
un  prellige  ,  &  que  les  corps  pour  ciller  véritable- 
ment ,  doivent  cefler  d'être  en  eux-mêmes  ,  &  fe 
confondre  avec  le  néant ,  qui  par  fa  fimplici 
la  perfection  de  tous  les  êtres.  Ils  font  confifter  la 
fainteté  à  ne  rien  vouloir  ,  à  ne  rien  penier ,  à  ne 
rien  féntif ,  &  à  ii  bien  éloigner  de  l'on  efprit  toute 
idée  ,  même  de  vertu  ,  que  la  parfaite  quiétude  de 
l'amc  n'en  foit  pas  altérée.  C'eil  le  profond  afloupif- 
fement  de  l'efprit,  le  calme  de  toutes  les  puiifances, 
la  fufpenfion  abfolue  des  (eus ,  qui  fait  la  perfection. 
Cet  état  reflemble  fi  fort  au  fommeii ,  qu'il  paroît  que 
quelques  grains  à'opium  fanctiiîeroient  un  Bramme 
bien  plus  sûrement  que  tousfes  efforts.  Ce  quienimc 
a  ete  attaqué  clans  les  Indes,  èv  défendu  avec  cha- 
leur :  du  reite  ils  méconnoiflent  leur  première  ori- 
gine :  le  roi  Brachman  n'eit  point  leur  fondateur.  Ils 
fe  prétendent  iffus  de  la  tête  i\u  dieu  Brama  ,  dont  le 
cerveau  ne  fut  pasfcul  fécond;  fes  pies .  fes  mains, 
fes  bras,  fon  eftomac ,  fescuiffes,  engendrèrent  aufïï, 
mais  des  êtres  bien  moins  nobles  que  les  Bramines. 
Ils  ont  des  (ivres  anciens  qu'ils  appellent  facrés.  Ils 
confervent  la  langue  dans  laquelle  ils  ont  ete  écrits. 
Us  admettent  la  méîempfycôiè,  Us  prétendent  que  la 

Ddd 


394  B  R  A 

chaîne  des  êtres  eft  émanée  du  fein  de  Dieu  ,  &  y 
remonte  continuellement ,  comme  le  fil  fort  du  ven- 
tre de  l'araignée  &y  rentre  :  au  relie  il  paroît  que  ce 
fyftème  de  religion  varie  avec  les  lieux.  Sur  la  côte 
de  Coromandel  Wiftnou  eft.  le  dieu  des  Bramines  ; 
Brama  n'eft  que  le  premier  homme.  Brama  reçut 
de  Wifïnou  le  pouvoir  de  créer  :  il  rit  huit  mondes 
comme  le  nôtre,dontil  abandonna  l'adminiltration  à 
huit  lieutenans.  Les  mondes  périffent  &  renailient  : 
notre  terre  a  commencé  par  l'eau  ,  &c  finira  par  le 
feu  :  il  s'en  reformera  de  fis  cendres  une  autre  ,  où 
il  n'y  aura  ni  mer  ni  vicifhtude  de  faif'ons.  Les  Bra- 
mines font  circuler  les  âmes  dans  différens  corps  ;  cel- 
le de  l'homme  doux  pafTe  dans  ie  corps  d'un  pigeon  ; 
celle  du  tyran  dans  le  corps  d'un  vautour  ;  &  ainh 
des  autres.  Ils  ont  en  conféquence  un  extrême  ref- 
peft  pour  les  animaux  ;  ils  leur  ont  établi  des  hôpi- 
taux :  la  piété  leur  fait  racheter  les  oifeaux  que  les 
Mahométans  prennent.  Ils  font  fort  refpeÛés  des 
Benjans  ou  Banians  dans  toutes  les  Indes  ;  mais  fur- 
tout  de  ceux  de  la  côte  de  Malabar,  qui  pouffent 
la  vénération  jufqu'à  leur  abandonner  leurs  épouf  es 
avant  la  conibmmation  du  mariage ,  afin  que  ces 
hommes  divins  en  diipofent  félon  leur  fainte  volon- 
té ,  &  que  les  nouveaux  maries  1  oient  heureux  &  bé- 
nis. Ils  font  à  la  tête  de  la  religion  ;  ils  en  expliquent 
les  rêveries  aux  idiots  ,  &  dominent  ainli  fur  ces 
idiots  ,  &  par  contre-coup  fur  le  petit  nombre  de 
ceux  qui  ne  le  font  pas.  Us  tiennent  les  petites  écoles. 
L'auftérité  de  leur  vie  ,  l'oiïentation  de  leurs  jeûnes, 
en  impofent.  Ils  font  répandus  dans  toutes  les  Indes  : 
mais  leur  collège  eft  proprement  à  Banaflî.  Nous 
pourrions  pouiier  plus  loin  l'expofition  des  extrava- 
gances de  la  philolbphie  &  de  la  religion  des  Brami- 
nes :  mais  leur  abiurdité ,  leur  nombie  &  leur  durée, 
ne  doivent  rien  avoir  d'étonnant  :  un  chrétien  y  voit 
l'effet  de  la  colère  célefte.  Tout  fé  tient  dans  l'en- 
tendement humain  ;  l'obtcurité  d  une  idée  fé  répand 
fur  celles  qui  l'environnent  :  une  erreur  jette  des  té- 
nèbres fur  des  vérités  contiguës  ;  &  s'il  arrive  qu'il 
y  ait  dans  une  fociété  des  gens  intéreffés  à  former  , 
pour  ainfi  dire ,  des  centres  de  ténèbres ,  bien-tôt  le 
peuple  le  trouve  plongé  dans  une  nuit  profonde. 
Nous  n'avons  point  ce  malheur  à  craindre  :  jamais  les 
centres  de  ténèbres  n'ont  été  plus  rares  &  plus  reffer- 
rés  qu'aujourd'hui  :  la  Philolbphie  s'avance  à  pas  de 
géant ,  &  la  lumière  l'accompagne  ôc  la  fuit.  Voye^ 
dans  la  nouvelle  édition  de  M.  de  Voltaire  la  lettre 
d'un  Turc  fur  les  Bramines. 

BRAMPOUR. ,  grande  ville  d'Afie ,  capitale  du 
royaume  de  Candish,  qui  eft  tributaire  du  grand  Mo- 
gol.  Les  habitans  font  idolâtres.  Il  s'y  fait  un  grand 
commerce  de  toiles  de  coton.  Long.  q5.  lai.  zi.  10. 

BRANCA,  (Géog.)ou  L'ISLE-BLANCHE,  l'une 
des  îles  du  cap-Verd. 

BRANCARD  ,  f.  m.  affemblage  de  plufieurs  pie- 
ces  de  bois  de  charpente  ,  fur  lequel  on  place  des 
pierres  ou  autres  fardeaux  d'une  grande  pelanteur , 
quand  on  craint  d'en  gâter  la  forme  par  des  chocs. 
On  donne  le  même  nom  à  une  efpece  de  grande  ci- 
vière à  bras  &  à  pies ,  fur  laquelle  les  crocheteurs 
transportent  les  chotes  fragiles ,  comme  glaces  ,  bu- 
reaux ,  buffets ,  &c. 

BRANCARD  ,  terme  de  Charron  ;  ce  font  deux  pièces 
de  bois  longues,  quarrées ,  un  peu  courbées,  qui  font 
enchâffées  à  mortoife  dans  le  bout  du  liffoir  de  der- 
rière ,  &  pofent  fur  l'avant-train  :  elles  peuvent  avoir 
environ  quinze  ou  feize  pies  de  long  ,  fur  fix  pouces 
d'équarriffage.  f^oye^  la  figure  PI.  du  Sellier. 

*  BRANC ASTRE,  (  Gèog.  anc.  &  mod.  )  village 
du  comté  de  Norfolck ,  autrefois  grande  ville.  C'é- 
toit  le  Brannodunum  des  Latins. 

*  BRANCE,  f,  m.  (  (Econom.  rufiiq.  )  efpece  de 


B  R  A 

blé  blanc  afTez  commun  en  Dauphiné  :  on  le  confond 
avec  le  fandelium  des  Latins,  &  le  riguet  &  Yaripquc 
de  nos  ancêtres.  Voyt{  Blé. 

BRANCHES  ,  f.  f.  (  Jard.  )  Les  branches  font  les 
bras  du  corps  de  l'arbre  ;  ce  font  elles  qui  lui  uonnent 
fa  figure.  Le  bourgeon  s'étend  peu-à-peu  en  branches 
portées  collatéralement,  &  compofëes  des  mêmes 
parties  que  la  tige.  Ces  branches  s'étendent  enfuite, 
s'élargilîent,  &  le  divifent  en  ramilles ,  d'où  fortent 
quantité  de  feuilles.  Elles  croiffent  à  l'œil  de  la  queue 
de  la  feuille  ,  &  produifent  des  fleurs  ,  enfuite  des 
fruits,  qui  fe  convertiffent  en  femence  pour  la  pro- 
pagation de  l'efpece. 

L'agitation  des  branches  caufée  par  le  vent  eft  aux 
arbres,  cequ'eftaux  animaux  l'impulfion  du  cœur: 
inflexibles  comme  les  os ,  elles  pourroient  fe  rompre  : 
pliantes  Ôc  élaftiques  comme  elles  font,  elles  fe  prê- 
tent &  réliftent  à  la  violence  des  vents. 

On  compte  des  maitreflés  ou  mères  branches  ;  des 
branches  petites  &  foibles  ;  des  branches  à  bois  ,  à 
fruit ,  chifonnes  ,  gourmandes  ,  veilles  ,  aoutées .  ôc  les 
branches  de  faux  bois. 

Les  tranches  chifonnes ,  qui  font  courtes  &  fort  me» 
nues ,  feront  retranchées  lors  de  la  taille  d'un  arbre» 

Les  branches  gourmandes  font  celles  qui  fortent  des 
mères  branches  ou  du  tronc  ,  bien  droites ,  greffes  & 
longues^ 

Les  branches  à  bois  font  celles  qui  étant  les  plus 
groffes  tk  pleines  de  boutons  plats ,  donnent  la  forme 
à  un  arbre  fruitier ,  8c  doivent  fe  conlerver  en  partie. 

Les  branches  à  fruit  font  celles  qui  naiffent  plus  foi- 
bles que  les  branches  à  bois ,  avec  des  boutons  ronds  ; 
ce  font  elles  qui  donnent  les  fruits,  ôc  qu'on  doit  con- 
lerver. 

Les  branches  de  faux  bois  font  celles  qui  croiffent 
hors  des  branches  taillées  de  l'année  précédente  i  ou 
qui  étant  venues ,  font  groffes  où  elles  devroient  être 
menues ,  &C  qui  ne  donnent  aucune  marque  de  fécon* 
dite  :  on  les  coupe  ordinairement. 

Les  maitrelfes  branches  ou  mères  branches  ,  font  les 
plus  hautes  branches  de  l'arbre,  &  d'où  parten  tou- 
tes les  autres. 

Les  branches  veules ,  qui  après  leur  accroiffement 
font  longues  Se  fort  menues ,  fans  promettre  aucu- 
ne fécondité ,  fe  coupent  comme  n'étant  propres  à 
rien. 

La  branche  aoutée  fe  dit  quand ,  après  le  mois  d'Août,' 
elle  a  bien  pris  fa  croiffance  ,  s'endurcit ,  &c  prend 
une  couleur  noirâtre.  Si  elle  demeure  verte  ôc  velue  , 
elle  n'eft  pas  bien  aoutée.  (  K  ) 

*  On  a  tranfporté  par  métaphore  le  nom  de  bran* 
che ,  de  l'arbre  où  il  eft  pris  an  propre  ,  aux  pièces 
d'une  infinité  de  machines ,  dans  lesquelles  ces  pie- 
ces  font  regardées  comme  des  parties  analogues  à  la 
branche  dans  l'arbre.  Voye^-en  des  exemples  ci-deffous. 

Branche  ,  en  Généalogie,  fe  prend  quelquefois 
pour  un  rejetton,  ou  pour  une  famille  iffue  d'une 
autre  ;  ce  que  les  généalogiftes  appellent  aujourd'hui 
féconde  ou  troifieme  branche. 

Branche  ,  en  Anatomie  ;  c'eft  un  nom  qui  fe  don- 
ne à  quelques  productions  d'autres  parties  qui  en  font 
conlîdérées  comme  le  tronc. 

Les  artères  principales  fe  divifent  en  branches ,  8c 
ces  branches  fe  fubdivitent  en  rameaux.  V.  Artère. 

La  cinquième  paire  de  nerfs  fe  divife  en  trois  bran' 
ches ,  &  chacune  de  ces  branches  fe  fubdivile  en  d'au- 
tres rameaux.  /^ov^Nerf  &  Paire. 

Les  branches  ou  cuijjes  du  clitoris ,  qui  font  comme 
les  racines  des  deux  corps  caverneux  du  clitoris  , 
font  de  même  attachées  au  bord  de  la  branche  de  l'os 
ifchium  ,  oii  elles  fe  terminent  peu-à-peu  ,  quoi  qu'u- 
ne portion  du  tuyau  membraneux  paroilié  dans  quel- 
ques-unes s'étendre  jufqu'à  la  tubérolité.  foy.  CLI- 
TORIS ,  ïschium  ,  &c.  Elles  lbnt  trois  fois  aufiî  Ion- 


B  R  A 

gués  que  le  tronc  ordinaire  du  clitoris  même  ou 
des  cuiffes. 

Les  branches  antérieures  de  la  moelle  allongée  ou 
fes  groffes  branches ,  que  l'on  nomme  auffi  jambes  an- 
térieures de  cette  moelle  ;  pédoncules  du  grand  cer- 
veau ,  bras  de  la  moelle  allongée,  cuiffes  de  la  moelle 
allongée,  font  deux  faifceaux  médullaires  très-con- 
fidérables ,  dont  les  extrémités  antérieures  s'écartent 
l'une  de  l'autre  ,  &  les  extrémités  pouerieures  s'u- 
nifient, de  forte  que  les  deux  faifceaux  représentent 
un  V  romain.  Leurs  extrémités  antérieures  paroil- 
lent  fe  perdre  au  bas  des  corps  cannelés.  Les  petites 
branches  ou  branches  pofiérieures  de  la  moelle  allon- 
gée, font  des  productions  latérales  de  la  protubé- 
rance annulaire  ,  qui  vont  fe  perdre  dans  le  cervelet. 
On  nomme  auffi  ces  petites  branches  ,  jambes  pojlé- 
ricures  du  cervelet ,  pédoncules  du  cervelet.   (  Lj 

BRANCHE  de  courbe  {terme  de  Géométrie).  Pour  en- 
tendre ce  que  c'eft  que  branche  de  courbe ,  imaginez 
une  courbe  géométrique ,  dont  on  ait  l'équation  en  x 
&  en  y ,  x  repréfentant  les  abfciffes,  &c  y  les  ordon- 
nées, (^oye^ Courbe,  Abscisse,  Ordonnée,  &c) 
11  elt  évident, 

i°.  Qu'en  prenant  x  pofitive  ,  y  aura  un  certain 
nombre  de  valeurs  correfpondantes  à  la  même  va- 
leur de  x. 

20.  Qu'en  prenant  x  négative,  y  aura  de  même 
un  certain  nombre  de  valeurs  correfpondantes  à  la 
même  x. 

Or  la  courbe  a  autant  de  branches  que  y  a  de  va- 
leurs répondantes  aux  x  tant  pofitives  que  négatives. 
Voye^  à  l'article  Couree  pourquoi  les  ordonnées 
pofitives  fe  prennent  du  même  côté  de  l'abiciffe , 
&  les  négatives  du  côté  oppofé. 

Au  refte  il  efl:  bon  d'obferver  que  les  Géomètres 
n'ont  pas  encore  bien  fixé  la  figninYation  du  mot 
branche.  Par  exemple  ,  foit  une  courbe  qui  ait  pour 
équation  yz=.~-\-x-\-\a,  on  regarde  d'ordinaire 

cette  courbe  comme  n'ayant  qu'une  feule  branche , 
parce  que  y  n'a  qu'une  feule  valeur.  Cependant 
cette  branche  elt  quelquefois  comptée  pour  deux , 
parce  qu'elle  s'étend  à  l'infini  du  côté  des  x  pofi- 
tives, 6c  du  côté  des  x  négatives.  Introd.  à  Vanalyfe 
des  Lignes  courbes  par  M.  Cramer. 

On  appelle  branche  infinie  une  branche  de  courbe 
qui  s'étend  à  l'infini. 

L'hyperbole  &  la  parabole  ont  des  branches  infi- 
nies. Mais  le  cercle  &c  l'cllipfe  n'en  ont  point  ;  ce 
font  deux  courbes  qui  rentrent  en  elles-mêmes. 

Les  branches  infinies  d'une  courbe  font  ou  parabo- 
liques ou  hyperboliques. 

Les  branches  paraboliques  font  celles  qui  peuvent 
avoir  pour  afymptote  une  parabole  d'un  degré 
plus  ou  moins  élevé.    Par  exemple  ,  la  courbe  dont 

l'équation  feroit  y  =  — 1 ,  auroit  une  branche 

infinie  parabolique,  qui  auroit  pour  afymptote  une  pa- 
rabole ordinaire  dont  l'équation  leroit  j-=  ^— .  En 
effet  -v  étant  infinie  ,  l'équation  le  réduit  à  y  =  — 
qui  eft  celle  de  la  parabole  ordinaire.  De  même  fi 
1  équation  etoit  y  =.  —  -f-  -  ;  on  trouveroit  que 
la  branche  infinie  auroit  pour  afymptote  une  parabole 
du  troifieme  degré  y  =  -^-  . 

Les  branches  hyperboliques  font  celles  qui  ont  pour 
afymptote  une  ligne  droite  ;  elles  peuvent  auffi  avoir 
pour  afymptote  ,  une  hyperbole  d'un  degré  plus  ou 

moins  élevé.  Par  exemple,  la  courbe.y  =  -^— -  -f-  — 

dont  nous  venons  de  parler,  fe  réduit  à  j=  — 
torique  x  =  o ,  elle  a  pour  afymptote  l'ordonnée 
infinie  qui  pâlie  par  l'origine,  év  elle  peut  avoir  auili 
Tome  II. 


B  R  A  395 

pour  afymptote  l'hyperbole  ordinaire." 

De  même  la  courbe  y=z  ^-  -f-  -^  a  pour  afymp- 
tote l'ordonnée  infinie  ,  qui  paffe  par  le  point  ou 
x=o  ;  &  elle  a  auffi  pour  afymptote  une  hyperbole 
cubique. 

Il  elt  vifible  que  toutes  les  branches  infinies  font  OU 
hyperboliques  on  paraboliques.  Car  foit  dans  l'équation 
d'une  courbe  y  exprimée  en  x  par  une  ferle  dont  tous 
les  termes  foient  réels ,  il  efl:  évident  que  quand  x 
fera  infinie  ou  infiniment  petite ,  toute  cette  équa- 
tion fe  réduira  à  y  =  xm,  tous  les  autres  termes  étant 
alors  regardés  comme  nuls.  Or  la  branche  fera  para- 
bolique fi  m  eft  politif  &  plus  grand  que  i,  &c  hy- 
perbolique,  fi  m  eft  négatif  ou  o ,  ou  i.  V.  Série. 

Au  reffe  il  ne  faut  pas  croire  que  cette  équation 
y  =  xm  qui  détermine  fi  une  branche  efl  hyperbolique, 
ou  parabolique ,  foit  fiiffifante  pour  connoître  le  nom- 
bre &la  pofition  des  branches.  Par  ex.  foit  y  =  —    -f- 

\/a  x  ;  en  faifant  x  infinie ,  on  a  y  =  —  &  l'on 
voit  que  la  branche  efi  parabolique.  De  plus,  on  eft: 
tenté  de  croire  que  cette  courbe  aura  comme  la  pa- 
rabole deux  branches  infinies,  l'une  du  côté  des  x 
pofitives  ,  l'autre  du  côté  des  x  négatives.  Mais  on 
feroit  dans  l'erreur  fi  on  le  penfoit  ;  car  x  étant  né- 
gative, l'ordonnée  y  =  -Ç  +  \/a  x  fera  imaginaire. 
On  peut  bien  négliger  \/a  x  vis-à-vis  de  —  ,  Iorf- 
que \/a  x  &  —  font  tous  deux  réels  :  mais  Iorfque 
\/a  x  devient  imaginaire  ,  alors  ce  terme  Va  x  rend 
imaginaire  —,  &  on  ne  fauroit  conferver  l'un  fans 

l'autre.  Je  fuis  le  premier  qui  aie  fait  cette  remarque. 
Voye^  les  Mon.  de  Cacad.  royale  des  feiences  de  Prujfe, 
an.  IJ46.   f^oyei ■  aufii  Rebroussement. 

On  trouvera  une.  théorie  tres-compiette  des  bran- 
ches infinies  des  courbes  dans  le  huitième  chapitre  de 
l' Introduction  à  Vanalyfe  des  lignes  courbes  par  M.  Cira- 
mer.  Il  y  donne  la  méthode  de  déterminer  les  diffé- 
rentes branches  d'une  courbe,  &  leurs  alymptotes 
droites  ou  combes.  Comme  cette  théorie  nous  con- 
duiroit  trop  loin ,  nous  renvovons  là  -  defius  à  ion 
ouvrage.  On  trouve  auffi  d'excellentes  choies  .111  ce 
fujet  dans  les  Ufages  de  fanaly/e  de  Dejcarus,  par  M. 
l'abbé  de  Gua.   (O) 

BRANCHES  dé 'ogives  ,    (  Architecture  &  Coupe  des 
pierres.  )  ce  font  les  nervures  des  voûtes  goti 
qui  font  faillie  lur  le  nud  de  ces  voûtes.  /'*.  Nerf. 

w 

*  Branche  ou  \  frge  de  balance  ;  c'eft  cette 
longue  pièce  de  ter  ,  de  bois  ,  ou  de  cuivre ,  qui  fait 
une  des  parties  principaies  de  la  romaine,  &  lur  la- 
quelle font  marqués  les  points  qui  defignent  les  poids 
des  corps  qu'on  pefe.  V,  Balance  cr  Romaine. 

BRANCHES,  terme  de  Bimblotier  ,  faijeur  de  balles 
&  de  dragées  pour  les  armes  a  feu  :  on  appelle  ainfi  le 
jet  principal  auquel  toutes  les  dragées  tiennent  par 
un  jet  particulier.  Ces  branches  lont  formées  dans  la 
gouttière  du  moule.  Voye^  ,  fig.  6.  PL  de  la  fonte 
des  dragées  au  moule,  les  dragées  qui  tiennent  par 
autant  de  jets  à  l'arrête  inférieure  de  la  branche ,  &c 
l'article  FoNTE  des  dragées  moulées. 

Franche  ,  terme  de  rivière  &  de  Marchand  de  bois  ; 
il  le  dit  de  la  partie  d'un  train  qui  forme  un  coupon. 
Il  a  quatre  branches  ;  lavoir,  deux  de  iabourage,  & 
deux  de  rive. 

La  branche  a  lix  miles  ,  &:  une  petite  mile  nommée 
accoture.  Voye:^  Train. 

*  BRANCHE,  le  dit,  che^  les  Charrons,  des  deux 
pièces  de  bois  qui  font  au-derriere  du  train  d'un  car- 
relle ,  vis-à-vis  les  montans  ,  &  qui  en  foûtiennenî 
les  arçboutans.  C'eft  fur  ces  branches  que  les  laquais 

Dddij 


396 


B  R  A 


fe  tiennent  debout,  lorfque  la  livrée  efl  nombreufe. 

Branche,  ta  termes  d'Epingïur  ,  fe  dit  propre- 
ment du  brin  ou  du  corps  de  l'épingle ,  lorsqu'une  de 
{"es  extrémités  efl  en  pointe ,  &  l'autre  prête  à  rece- 
voir la  tête,  Voye^  Epingle. 

BRANCHE  de  la  bride,  (  Eptronriur.  )  ce  font  deux 
pièces  de  fer  courbées ,  qui  portent  l'embouchure  , 
les  chaînettes  ,  la  gourmette ,  &  qui  font  attachées 
d'un  côté  à  la  têtière  ,  &  de  l'autre  aux  rênes ,  pour 
affujettir  la  tête  du  cheval.  Fiaye^  Embouchure  , 
Chaînette ,  Gourmette , Tétiere  ,Rene,  &c 

On  dk  branche  hardie,  en  parlant  de  celle  qui  ra- 
mené. Voyei  Ramener.  On  forgeoit  autrefois  une 
branche  pour  relever  ,  qu'on  appelloit  branche  flaque  : 
elle  n'efl  plus  en  ufage  ;  parce  que  celui  des  bran- 
ches à  genou  elî  beaucoup  meilleur.  Pour  faire  une 
branche  Iiardie ,  les  Eperonniers  placent  le  touret  au- 
delà  de  la  ligne  du  banquet ,  à  l'égard  de  l'encolure  ; 
&  la  branche  efl  flaque  ou  foible ,  li  le  trou  du  tou- 
ret elt  placé  au- deçà  de  cette  ligne  par  rapport  à 
l'encolure.  Voye^  Touret  ,  Banquet  3  Enco- 
lure, &c 

Le  coude  de  la  branche  eit  cette  partie  de  la  bran- 
che qui  prend  naiffance  au  bas  de  l'arc  du  banquet , 
vis-à-vis  du  fonceau  ou  du  chaperon ,  qui  forme  un 
autre  arc  au-dellbus  du  banquet.  Voyt\  Fonceau, 
Chaperon.  Le  coude  d'une  branche  prend  un  tour 
plus  ou  moins  grand  ,  félon  que  l'on  veut  fortifier  ou 
affoiblir  la  branche. 

Branche  de  mors.  Les  meilleures  branches  de  mors 
font  de  l'invention  du  connétable  de  Montmorenci , 
qu'on  appelle  à  caufe  de  cela ,  à  la  connétable.  De 
quelque  côté  que  les  branches  du  mors  aillent ,  la  bou- 
che du  cheval  va  toujours  au  contraire.  Vous  tirez 
la  bride ,  év  ce  mouvement  tire  les  branches  en-haut , 
$  la  bouche  va  en-bas.  L'a£tion  de  la  branche  de  la 
bride  reffemble  à  celle  du  levier.  Voici  les  noms  des 
différentes  efpeces  de  branches  :  branche  droite  à  piflo- 
let ,  branche  à  la  connétable  ,  branche  à  la  gigotte  ,  bran- 
che à  genou ,  branche  françoife  :  on  peut  en  voir  la  dei- 
cription  dans  Solleyfel ,  Newcaitle ,  &c.  &  la  figure 
en  A  O  ,  PI.  de  t 'Eperonnier ,  fig.  22. 

*  BRANCHES,  terme  de  Manufacture  d'étoffe  ,  de 
laine ,  de  foie ,  de  gafe,lkc.  c'eft  une  des  portions  dans 
lefquelles  une  chaîne  efl  divifée.  Voye^  Chaîne.  La 
chaîne  efl  difhibuée  en  portées  ;  la  portée  en  bran- 
ches ,  &  la  branche  en  fils.  La  branche  efl  une  demi- 
portée.  La  quantité  de  fils  dont  elle  ell  compolée, 
varie  félon  la  qualité  de  l'étoffe. 

Branche  ,  en  terme  de  Fourbiffeur ,  efl  une  partie 
de  la  poignée  faite  en  demi-cercle  ,  qui  parle  d'un 
bout  dans  l'œil  au-dellbus  de  la  poignée  ,  &  de  l'au- 
tre bout  dans  le  pommeau  au -délais.  Voye^  Poi- 
gnée &  Pommeau.  La  branche  efl  garnie  d'une 
amande  &  d'un  bout  de  revers.  Voye^  Amande  & 
Bout  de  revers  ,  &  la  figure  PI.  du  Cifcleur-Da- 
mafquineur. 

*  Branche  ,  terme  de  Nattier  ;  c'efl  ainfi  que  ces 
ouvriers  appellent  les  portions  dont  un  cordon  de 
natte  efl  formé.  Un  cordon  de  natte  a  trois  branches, 
&  chaque  branche  peut  avoir  depuis  quatre  brins  juf- 
qu'à  douze ,  félon  1  epaiffeur  &  la  force  qu'on  veut 
donner  à  la  natte. 

BRANCHES  ,  ne  fe  dit,  che{  les  Rubanniers ,  que 
dans  l'ouvrage  des  velours  ,  &  s'entend  de  chaque 
portion  de  chaîne,  quoique  de  différentes  couleurs, 
ou  d'une  feule,  contenue  fur  chacun  des  petits  ro- 
quetins  qui  compofent  lefdites  branches.  Il  en  a  été 
parlé  plus  au  long  à  l'article  Allonges  des poten- 
ceaux.  Voye^  RoQUETiN. 

*  Branche  ,  en  Verrerie  en  plat  ;  c'eft  une  planche 
aiguifée  en  pointe  par  un  bout,  &  que  le  fouet  fait 
entrer  dans  l'orifice  de  la  baffe  qui  lui  efl  préfentée 
par  l'ouvrier ,  pour  lui  faciliter  l'ouverture  du  plat , 


B  R  A 

en  polir  les  bords ,  &  former  l'ourlet.  Voytz  Verre- 
rie en  plat,  Fouet,  6*  Bosse. 

*  BRANCHE  de  vigne,  (Antiq.  )  La  branche  devigne 
étoit  chez  les  Romains  la  marque  des  centurions.  V. 
Centurion. 

*  Branche  de  cyprès  ,  (  Commerce.  )  c'efl  une 
efpece  de  droit  de  balife  qui  le  paye  au  bureau  des 
Fermes  établi  à  Blaye ,  par  chaque  vaiifeau  qui  vient 
de  Bordeaux  ,  Libourne  ,  &  Bourg. 

BRANCHER,  BRANCHE,  voy. Fourches. (O) 

*  Brancher  ,  en  Verrerie  ;  c'efl  mouvoir  circulai- 
rement  la  branche  dans  l'ouverture  de  la  befie.  Voy. 
Branche,  Verrerie  en  plat,  &  Bosse. 

*  BRANCHIDES  ,  f.  m.  pi.  (  Hifl.  anc.  )  prêtres 
du  temple  d'Apollon,  à  Didyme  dans  l'Ionie.  Ces 
prêtres  livrèrent  eux-mêmes  à  Xercès  les  richeffes 
du  temple.  Après  cette  impiété ,  ils  fe  réfugièrent 
dans  la  Sogdiane  ,  où  Xercès  leur  permit  de  bâtir 
une  ville.  Mais  Apollon  ne  laiffa  point  leur  crime 
impuni  :  Alexandre  prit  leur  ville ,  la  rafa  après  en 
avoir  paffé  tous  les  habitans  au  fil  de  Pépée  ;  6c  la 
faute  des  pères  fut  pourfuivie  fur  leurs  defeendans. 

*  BR  ANCHIER  ,  adj.  fe  dit ,  en  Fauconnerie ,  d'il» 
jeune  oileau  qui  n'ayant  point  encore  de  force  ,  fe 
repofe  de  branche  en  branche  au  fortir  du  nid. 

BRANCION  ,  (  Géog.  )  petite  ville  avec  titre  de 
comté  ,  dans  le  duché  de  Bourgogne. 

BRANDAM,  (Géog.)  ville  d'Alie  dans  l'île  de 
Java  ,  appartenante  au  roi  de  Suruhaya. 

BRAiNDES  ,  1.  f.  le  dit  ,en  Vénerie ,  des  bruyères 
où  les  cerfs  vont  viander.  Voy.  Cerf  &  Viander. 

BRANDEBOURG  ,  (la  Marche  de)  Géog. 
c'eit  un  grand  pays  d'Allemagne  dans  le  cercle  de  la 
haute  Saxe.  Il  ell  borné  à  l'occident  par  le  duché  de 
Lunebourg  ;  au  nord ,  par  le  Meckelbourg  &  la  Po- 
méranie  ;  à  l'orient ,  par  la  grande  Pologne  ;  &  au 
midi ,  par  la  Siléfie ,  la  Luface ,  l'éleftorat  de  Saxe  , 
&  le  duché  de  Magdebourg.  Ce  pays  efl  abondant 
en  grains ,  chanvre  ,  beftiàtix  ;  il  s'y  trouve  beau- 
coup de  manufactures  tres-floriffantes  :  il  appartient 
au  roi  de  Pruflè ,  qui  porte  le  titre  de  marggrave  & 
d'électeur  de  Brandebourg.  Il  eit  archi-chambellan  de 
l'Empire  :  c'ell  le  comte  de  Hohenzollern  qui  rem- 
plit lous  lui  cette  fonction. 

Brandebourg  ,  (  Géog.  )  ville  capitale  de  la 
Marche  de  ce  nom  ,  fur  la  rivière  d'Havel.  Il  y  a 
une  autre  ville  de  ce  nom  dans  le  duché  de  Meckel- 
bourg ,  qu'on  appelle  la  nouvelle  Brandebourg. 

BRANDEIS ,  (  Géog.  )  petite  ville  &  château  de 
Bohême  lur  l'Elbe ,  à  trois  lieues  de  Prague.  Il  y  a 
encore  une  autre  ville  de  ce  nom  en  Bohême  :  elle 
cil  lituée  fur  la  rivière  d'Orlitz.    ' 

*  BRANDERIE  ,  f.  f.  (  Commerce.  )  c'efl  ainfî- 
qu'on  nomme  à  Amflerdam  ,  les  lieux  où  l'on  fait 
les  eaux-de-vie  de  grain. 

BRAhlDEUM,  fub.  (Hift.  eccléf.)  nom  ufité 
dans  les  auteurs  de  la  baffe  latinité ,  pour  fïgnifier  un 
linceul  de  foie  ou  de  lin ,  dont  on  enveloppoit  les 
corps  des  faints  &  leurs  reliques.  On  donnoit  le  mê- 
me nom  aux  bnges  que  l'on  failoit  toucher  aux  reli- 
ques des  faints.  Du  tems  de  S.  Grégoire  le  grand ,  qui 
tenoit  le  iîége  de  Rome  l'an  6oo ,  èv  avant  lui ,  on  ne 
touchoit  point  aux  corps  des  faints  ;  &  au  lieu  de 
leurs  os,  on  fe  contentoit  d'envoyer  dans  une  boîte 
un  morceau  de  ce  drap  ou  de  ce  corporal.  Le  pape 
faint  Grégoire  parle  de  cette  coutume,  &:  ajoute 
qu'on  la  croyoit ,  par  tradition ,  du  tems  du  pape 
S.  Léon,  vers  l'an  quatre  cent  cinquante.  Quelques 
Grecs  avant  douté  fi  l'on  devoit  tenir  ces  reliques  pour 
bonnes ,  ce  faint  pontife,  pour  les  convaincre ,  le  fit 
apporter  des  cifeaux ,  &  coupa  en  leur  préfence  un 
de  ces  brandeum ,  c'eft-à-dire,  une  de  ces  pièces  de 
drap ,  dont  on  dit  qu'il  fortit  du  fang ,  comme  !î  c'e  :.: 
été  le  corps  même  du  faint.  Greg.  Turon.  de  G      . 


B  R  A 

conf,  cap.  xxxv'ij,  Pierre  Damien ,  in lïb.  IV.  epljl.  xiv. 
Bcde,ÎIiJt.  Angl.  lib.  I.  c.  iij.  Du  Cange,  Glofjar.  (G") 

BRANDIR,  V.  n.  en  termes  de  Charpenterie ,  c'eft 
lorfque  l'on  place  une  pièce  de  bois  de  travers  fur 
une  autre  fans  être  entaillée  ,  percer  un  trou  en  tra- 
vers des  deux  pièces ,  &  y  mettre  une  cheville  de  bois 
pour  les  arrêter  enfemble.  Brandir  les  chevrons  fur 
les  pannes ,  c'eft  faire  avec  une  tarriere  un  trou  qui 
perce  les  deux  enfemble ,  &  y  mettre  une  cheville. 

BRANDONS  ,  f.  m.  pi.  terme  de  Palais ,  auquel  on 
/oint  pour  l'ordinaire  celui  de  panonceaux  ;  ce  font 
des  bouchons  de  paille  qu'on  attache  en  quelques  pro- 
vinces à  la  porte  des  héritages  faifis  ,  avec  les  armes 
du  roi  ou  du  feigneur.  Voye{  PANONCEAUX. 

Arrêt-Brandons;  voyei  Arrêt.  (H) 

*  Brandons  ,  (  (Economie  rujlique.  )  c'eft  le  nom 
qu'on  donne  dans  les  campagnes  à  quelques  épines, 
branches ,  ou  bouchons  de  paille ,  par  lefquels  on 
avertit  que  le  chaume  eft  réfervé  &  retenu  par  celui 
qui  joiiit  de  la  terre  :  fans  quoi  il  feroit  cenfé  aban- 
donné ,  &  le  premier  venu  en  pourroit  faire  fon  pro- 
fit. Dans  les  coutumes  où  les  brandons  ont  lieu,  on 
les  met  dès  le  1 5  Septembre. 
•  Brandons  ,  danfe  des  brandons  ;  on  exécutoit  cette 
danfe  dans  plnlieurs  villes  de  France,  le  premier  di- 
manche de  carême  ,  autour  des  feux  qu'on  allumoit 
dans  les  places  publiques  ;  &  c'eft  de-là  qu'on  leur 
avoit  donné  le  nom  de  brandons.  Voye^  Danse  sa- 
crée. Les  ordonnances  de  nos  rois  ont  fagement 
aboli  ces  danfes ,  ainli  que  les  baladoires  ,  les  noctur- 
nes ,  &c  celles  qui  fe  faifoient  dans  nos  églifes  :  cet 
ufage  étoit  fi  fort  enraciné ,  que  malgré  les  fages  pré- 
cautions des  évêques  &  des  magiftrats  ,  il  fubfiftoit 
opiniâtrement  dans  quelques  villes  du  royaume.  A  la 
fête  de  faint  Martial ,  apôtre  du  Limouhn ,  le  peuple 
danfoit  encore  vers  le  milieu  du  dernier  fiecle  dans 
le  chœur  de  l'églife  ,  dont  ce  faint  eft  le  patron.  A  la 
fin  de  chaque  pfeaume  ,  au  lieu  de  chanter  le  Gloria 
Patri ,  tout  le  peuple  chantoit  en  langage  du  pays  : 
fan  Marceau pregats per  nous  ,  è  nous  epingaren  perbous  ; 
c'eft-à-dire ,  faint  Martial prie^pour  nous ,  &  nous  dan- 
ferons  pour  voue.  Cette  coutume  eft  abolie.  Bonnet, 
Hijloire  de  la  danfe.   (  B  ) 

Brandons  ,  (  Géog.  )  ville  de  France  en  Bourgo- 
gne ,  fur  les  frontières  du  Charolois ,  à  quatre  lieues 
d'Autun. 

BR  ANDSOE  ,  (  Géog.  )  petite  île  du  Danemark , 
dans  le  détroit  de  Middelfart,  entre  le  duché  de  Schlef- 
/wig ,  &  l'île  de  Funen. 

BRANLANT,  en  terme  de  Metteur-en-œuvre ,  eft  une 
croix  qui  fe  porte  fans  coulant,  d'un  fimplc  chaton  , 
qui  fe  termine  par  une  pendeloque  qui  lui  donne  ce 
nom.  Voyei  Pendeloque. 

BRANLE,  f.  m.  terme  d'OrcheJlique  ou  de  danfe  ,• 
c'eft  un  pas  compofé  de  pluficurs  perfonnes  qui  dan- 
fent  en  rond  en  fe  tenant  par  la  main  ,  &  en  fe  don- 
nant un  branle  continuel. 

On  commençoit  autrefois  tous  les  bals  par  un  grand 
branle  :  on  les  commence  aujourd'hui  ordinairement 
par  les  menuets. 

Il  y  a  le  branle  fimplc ,  &  le  branle  double  :  le  pre- 
mier confifte  en  trois  pas  &  un  pié  joint ,  qui  fe  font 
en  quatre  melures.  On  les  répète  pour  faire  le  branle 
double. 

Il  n'y  a  guère  de  nom  de  province  qu'on  n'ait  don- 
né à  quelqu'un  des  branles  François  ;  il  y  a  des  branles 
de  Bourgogne,  du  Barrois,&  de  Bretagne. 

Il  y  avoit  autrefois  le  branle  des  Lavandières  ,  des 
fabots  ;  des  chevaux,  des  pois,  des  hennîtes  ,  de  la 
torche,  &e.  les  branles  morgues  ,  gefticulés  ,  de  la 
moutarde  ,  &c  tous  ces  branles  fe  reduifent  à  préfent 
à  un  feul  genre  qu'on  nomme  branle  à  mener.  Dans 
cette  efpece  de  branle ,  chacun  mené  la  danfe  à  Ion 
tour,  &  fe  met  après  i\  la  queue.  C'eft  pour  l'ordi- 
Torue  II, 


B  R  A 


397 


naire  aux  chanfons  que  l'on  danfe  les  branles.  Orc/ie- 
fographie  de  Thoinot  Arbeau.    (  B  ) 

Branle  de  S.  Elme ,  (  Hijl.  mod.  )  fête  qui  fe  céle- 
broit  autrefois  à  Marfeille  la  veille  de  S.  Lazare.  On 
choilîffoit  les  plus  beaux  garçons  &  les  filles  les 
mieux  faites  ;  on  les  habilloit  le  plus  magnifiquement 
qu'on  pou  voit  :  cette  troupe  repréfentoit  les  dieux 
de  la  fable  ,  les  différentes  nations,  &c.  Se  étoit  pro- 
menée dans  les  rues  au  fon  des  violons  &  des  tam- 
bours. Cette  mafearade  s'appelloit  le  branle  de  faint 
Elme. 

Branle  ou  Hamac  ,  (  Hijl.  mod.  )  eft  une  efpece 
de  lit  fufpendu  entre  deux  arbres  ,  deux  poteaux  ou 
deux  crochets ,  dont  on  fe  fert  dans  les  Indes  orien- 
tales. 

Les  Indiens  fufpendent  leurs  branles  à  des  arbres, 
pour  fe  mettre  à  couvert  des  bêtes  fauvages  Se  des 
infecTes  ,  qui  ne  manqueraient  pas  de  leur  nuire  s'ils 
couchoient  par  terre. 

Les  habitans  des  îles  Caribbes  font  extrêmement 
fuperftitieux  au  fujet  de  leurs  branles,  Se  ne  les  font 
jamais  fans  beaucoup  de  cérémonie  :  ils  placent  à  cha- 
que bout  un  fac  de  cendre  ,  croyant  que  fans  cette 
précaution  il-,  ne  fubfîfteroientpas  long-tems.  Ils  croi- 
raient faire  tomber  leurs  branles  s'ils  mangeoient  def- 
fus  des  figues  ,  ou  quelque  poiffon  qui  eût  des  dents. 

Le  P.  Plumier  qui  s'étoit  fouvent  fervi  de  branles 
dans  fes  voyages  des  Indes ,  prétend  qu'ils  confiftent 
en  une  grande  mante  ou  greffe  toile  de  coton  d'en- 
viron fix  pies  en  quarré  ,  aux  extrémités  de  laquelle 
font  desgances  de  la  même  étoffe ,  où  paffent  à  travers 
des  cordons  dont  on  forme  d'autres  anneaux ,  &  où 
paffe  une  corde  qu'on  attache  aux  arbres  voifins  , 
ou  à  deux  crochets  fi  c'eft  dans  les  maifons.  Cette  ef- 
pece de  couche  fert  en  même  tems  de  lit,  de  mate- 
las, de  drap,  &  de  couffin.  (G) 

Branles  ,  Hamacs  ,  (  Marine.  )  c'eft  ainfi  qu'on 
appelle  encore  les  lits  dont  fe  fervent  les  gens  de  l'é- 
quipage d'un  vaiffeau  :  ils  font  compofés  d'un  mor- 
ceau de  forte  toile ,  long  de  fix  pies  Se  large  de  trois, 
renforcé  par  les  bords  d'un  cordage  appelle  ralingue, 
en  façon  d'ourlet ,  que  l'on  fufpend  par  les  quatre 
coins  entre  les  ponts  d'un  vaiffeau ,  où  l'on  fait  cou- 
cher un  matelot  ou  un  foldat.  Voye^  Hamac. 

Branle  matelajfé,  c'eft  une  efpece  de  matelas  qui 
eft  fait  en  branle. 

On  dit  tendre  Se  détendre  les  branles. 

Branle-bas  ou  Jorbranle ,  c'eft  un  commandement 
qu'on  fait  lorfqu'on  veut  faire  détendre  tous  les  bran- 
les d'entre  les  ponts ,  afin  de  fe  préparer  au  combat, 
ou  pour  quelqu'autre  raifon.  (Z  ) 

Branle  ,  en  Fauconnerie ,  fe  dit  du  vol  de  Foifeau ,' 
lorfque  s'élevant  feulement  au  premier  degré  fur  la 
tête  du  fauconnier  ,  il  tourne  en  battant  des  ailes  &C 
remuant  la  queue. 

Branle  ,  en  Horlogerie ,  s'entend  de  Fefpace  par- 
couru par  le  régulateur  dans  une  vibration. 

Comme  les  petits  arcs  décrits  par  un  pendule  ne 
différent  pas  feniîblement  de  ceux  qu'il  décriroit ,  s'il 
vibroit  entre  des  portions  de  cycloïde ,  voye{  C\- 
c loi  de  ;  il  eft  à  propos  que  le  pendule  décrive  de 
petits  arcs  dans  fes  vibrations  :  au  refte  le  branle  doit 
être  toujours  conditionnel  à  l'échappement  qu'on  em- 
ployé ;  parce  qu'il  y  en  a  qui  exigent  un  plus  grand 
branle  que  d'autres,  tel  eft  l'échappement  à  levier. 
/ .;..  -Echappement,  Pendule,  Cycloïde,  &c 

L'expérience  a  appris  aux  Horlogers  ,  que  pour 
qu'une  montre  aille  judo  avec  l'échappement  ordi- 
naire ,  &  que  cette  juftefle  foitdeduree.il  falloit 
que  le  balancier  branlât  moitié  ,  c'eft- à-dire  qu'un 
point  quelconque  de  fa  circo,  :  1  .>">urùt  dans 

chaque  vibration  un  demi-cercle  ou  180  degrés,  l'oy. 
Échapi-iment,  Levier,  &c.  (T) 

BRANLER  .  v,  n.  tn  termt  de  Commerce ,  fe  dit  d'un 


39» 


B  R  A 


marchand  ou  d'un  banquier,  qui  fait  préfenter  fes 
billets  par  tout  pour  avoir  de  l'argent ,  &  qui  donne 
par-là  à  connoître  qu'il  eft  fur  le  penchant  de  fa  ruine 
&  prêt  à  faire  faillite.  Voyei  Faillite.  (  G  ) 

*  BRANLOIRE,  f.  f.  c'eft  ainfi  que  les  Serru- 
riers ,  Taillandiers ,  &  autres  ouvriers  de  forge  ,  ap- 
pellent la  chaîne ,  qui  tient  d'un  bout  au  levier ,  qui 
fait  mouvoir  leurs  foufflets ,  &  qui  porte  un  manche 
de  l'autre  bout ,  qu'ils  prennent  à  la  main  ,  pour  met- 
tre en  aûion  ce  levier. 
BRANQUE-URSINE  ;  voye{  Acanthe. 
BRANSKO,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Mofcovie  , 
fur  la  rivière  Defna ,  dans  le  duché  de  Novogorod 
Scwiersky.  Il  y  a  deux  autres  villes  de  même  nom , 
Tune  en  Podlachie  fur  la  Narva ,  l'autre  en  "Wolhinie. 
BRANSLE ,  (  Gcog.  )  rivière  de  France ,  qui  prend 
fa  fource  dans  le  Vendomois ,  le  jette  dans  la  Cifle  , 
un  peu  au-deflus  de  fa  jonction  avec  la  Loire. 

BRAQUER  un  canon  ou  un  mortier,  (  Artillerie.  ) 
c'eft  lui  donner  la  pofition  néceffaire  pour  tirer  :  mais 
on  fe  fert  plus  communément  du  terme  de  pointer , 
pour  exprimer  la  même  choie.  Voye^  Pointer.  (Q) 
BRAQUES  ou  BRACS  ,  f.  m.  (  Ckajfe.  )  c'eft  le 
nom  qu'on  donne  à  des  chiens  ras  de  poil ,  bien  cou- 
pés ,  légers  ,  bons  quêteurs  ,  vigoureux  ,  &  allez  fins 
de  nez.  Ils  font  bons  pour  la  plaine  &  pour  les  brol- 
failles.  Ils  réiiftent  à  la  chaleur ,  &  font  moins  fenfi- 
bles  aux  épines  que  les  autres. 

BRAS  ,  f.  m.  (  Anatomie.  )  eft  une  partie  du  corps 
humain,  qui  fe  termine  d'un  côté  à  l'épaule  ,  &  de 
l'autre  à  la  main.  Voyc^  Corps  ,  Épaule  ,  &c. 

Chez  les  Médecins  &  les  Anatomiftes  ,  bras  figni- 
fie  feulement  cette  partie  qui  eft  entre  l'épaule  &  le 
coude  ;  le  refte  depuis  le  coude  jufqu'au  poignet ,  fe 
nomme  V  avant-bras.  Voye^  M  AIN. 

Le  bras  dans  ce  dernier  fens  ,  n'a  qu'un  feid  os 
appelle  humérus.  Voye^  HuMERVS. 

Le  bras  a  cinq  fortes  de  mouvemens  qui  s'exécu- 
tent par  neuf  mufcles  ;  un  mouvement  en  haut ,  par 
le  deltoïde ,  le  fufépineux ,  &  le  coracobrachial  ;  un 
mouvement  en  bas,  par  le  grand  rond,  le  petit  rond  , 
&  le  grand  dorfal  ;  un  mouvement  en  devant ,  par  le 
grandpecforal  &  le  fous-fcapulaire  ;  un  mouvement 
en  arrière,  par  le  fous-épineux  ;  un  mouvement  cir- 
culaire ,  par  l'aûion  combinée  de  tous  ces  mufcles. 
Vvyer  cliacun  de  ces  mufcles  fous  fon  article  particulier. 
L'autre  partie  du  bras  ou  Y  avant-bras  ,  eft  compo- 
fée  de  deux  os  }  le  radius  &  le  cubitus.  Voy.  Radius 
&  Cubitus. 

Les  mufcles  qui  fléchifTent  Y  avant-bras ,  font  \e  bi- 
ceps &  le  brachial  interne  ;  ceux  qui  l'étendent  font  le 
long  extenfeur  &  le  court  extenfeur,  le  brachial  externe, 
Yanconée;  le  mouvement  de  pronation  s'exécute  par 
le  rond  pronateur  &  le  quarré  pronateur  ;  &  celui 
de  fupination,  par  le  longfupinateur  &  le  court fupina- 
teur.  V.  chacun  de  ces  mufcles  enfin  lieu.  La  faignée  ordi- 
naire fe  fait  au  bras.  V.  SAIGNÉE  &  PhlÉBOTOMIE. 
BRAS  de  la  moelle  allongée,  voy ftf  BRANCHES  & 
Moelle  allongée.  (/-) 

Bras  fe  prend  au  figuré  pour  un  infiniment  ou 
pour  la  partie  d'une  machine ,  qui  a  par  fa  longueur 
Se  par  la  fonction  des  rapports, quelquefois  bien  éloi- 
gnes ,  avec  la  forme  èc  les  ufages  du  bras  dans  le 
co>ps  humain.  C'eft  en  ce  fens  qu'on  appelle  chez  les 
marchands  Ciriers  ,  bras  de  flambeaux  ,  les  longs  cor- 
dons de  mèche  dont  ils  torment  leurs  flambeaux  ,  en 
les  enduifant  de  cire.  Voyc^  Flambeau  &  Cire. 

Chez  les  Menuifurs  &  Charpentiers  ,  bras  de  feie , 
font  les  deux  pièces  de  bois  parallèles  auxquelles  la 
feuille  de  la  feie  eft  attachée.  Voye^  Scie. 

Chez  les  Charpentiers  ,  bras  de  chèvre ,  les  deux  lon- 
gues pièces  de  bois  qui  portent  le  treuil  fur  lequel 
îe  cable  s'enveloppe  quand  on  monte  un  fardeau. 
Yoyei Chèvre,  &c. 


b  r  a 

Chez  les  Majfons ,  bras  de  bar  &  de  civière ,  les  ex- 
trémités des  deux  principales  pièces  de  ces  engins, 
celles  que  les  porteurs  tiennent  à  leurs  mains ,  quand 
ilss'eniervent.  On  dit  encore  bras  de  grue,  voy.  Grue  ; 
bras  de  baleine ,  pour  nageoires ,  voye^  B  ALEIN  E  ;  bras 
d'engin ,  voye^  ENGIN  ;  brasde  Tourneur,  bras  d'ancre, 
bras  de  rivière  ,  &c.  voye^  ces  articles ,  les  uns  ci-defjous, 
les  autres  à  leurs  renvois. 

Bras  SE  cvLiER,terme  ufîté en  Droit,  eft  l'autorité, 
la  main  ou  puiftance  du  juge  féculier ,  que  l'on  em- 
ployé pour  faire  exécuter  les  ordonnances  du  juge 
d'églife,  ou  pour  faire  fubir  à  un  eccléfiaftique  cou- 
pable d'un  délit  privilégié  ,  les  peines  que  l'Ëglife  ne 
peut  impofer.  Le  juge  d'églife  n'a  pas  le  pouvoir  de 
mettre  à  exécution  fes  fentences  fur  les  biens  tempo- 
rels de  ceux  qu'il  auroit  condamnés  ,  ni  d'impofer  des 
peines  grieves  &  qui  aillent  jufqu'à  l'effufion  du  f  ang. 
Diction,  de  Droit  de  Deferriere. 

Bras  ,  en  Manège,  fe  dit  de  la  partie  de  la  jambe 
de  devant,  qui  s'étend  depuis  le  bas  de  l'épaule  juf- 
qu'au genou.  On  dit  qu'un  cheval  plie  bien  le  brasy 
pour  dire  qu'il  plie  bien  la  jambe ,  quoique  le  bras 
même  ne  plie  point.  Un  cheval  qui  plie  bien  les  brast 
&  levé  le  devant  avec  liberté ,  n'a  plus  befoin  d'être 
mis  entre  deux  piliers  pour  lui  rendre  le  devant  léger. 
Le  bras  pour  être  bien  fait ,  doit  être  large ,  long ,  ÔC 
charnu.   (^) 

Bras,  (Jardinage!)  eft  un  terme  dont  on  fe  fert 
en  parlant  des  melons,  des  concombres  ,  des  citrouil- 
les, pour  exprimer  les  branches  qu'ils  pouffent.  On 
diftingue  les  bons  bras  d'avec  les  mauvais  qui  font 
veules ,  &  qu'il  faut  fupprimer.  Les  bons  melons  ne 
viennent  jamais  que  fur  les  bons  bras.  (X) 

Bras,£/z  Marine,  ce  font  des  cordages  amarrés 
au  bout  de  la  vergue ,  pour  la  mouvoir  &  gouverner 
félon  le  vent.  La  vergue  d'artimon  outre  les  bras ,  a 
une  corde  appellée  ourfe  ,  à  l'extrémité  de  la  vergue. 
Halc^fur  les  bras  ,  terme  de  commandement  pour 
ordonner  aux  matelots  de  roidir  ces  cordages. 

Tenir  un  bras,  c'eft-à-dire ,  haler  Se  amarrer  un  de 
ces  cordages  nommés  bras. 

Bon  bras ,  cela  fe  dit  quand  on  braffe  au  vent ,  en 
forte  que  le  vent  ne  foit  pas  au  plus  près. 

Bras  de  revers  ;  larguer  le  bras  du  vent  ou  dejèrvice. 
Bras  ,  les  grands  bras ,  ou  bras  de  la  grande  vergue  > 
fig.l.n0  44. 

Bras  de  la  vergue  de  mifene ,  n°  45. 
Brasde  la  vergue  du  grand  hunier  ,  n°  73. 
Bras  de  la  vergue  du  petit  hunier,  n°  75. 
Bras  de  vergue  de  foule  ,  n°  7 1 .  Le  cordage  appelle 
ourfe  ok  hource  ,  n°.  43. 

Bras  de  vergue  de  perroquet  défoule  ,  n°  j%. 
Bras  de  la  vergue  de  grand  perroquet ,  n°  74. 
Bras  de  la  vergue  du  perroquet  de  qiifene,jîg.  1.  n°  76; 
Bras  de  la  vergue  de  civadiere  ,n°  46. 
Bras  de  la  vergue  de  perroquet  de  beaupré ,  n°  77.  (Z) 
Bras  ,  terme  dont  fe  fervent  les  Géographes ,  pour 
dire  une  partie  de  mer  ou  de  rivière  refferrée  entre 
des  terres.  Voye^  Mer  ,  Océan  ,  Ria'iere. 

L'Italie  eft  féparée  de  la  Sicile  par  un  bras  de  mer. 
Le  bras  de  S.George  dans  la  Méditerranée,  eft  l'an- 
cien bofphore  de  Thrace ,  aujourd'hui  le  détroit  des 
Dardanelles. 

Bras  d'une  ancre  ,  eft  une  des  moitiés  de  la  partie 
courbe,  dite  croifée.  Foye^  ANCRE. 

Bras  d'une  balance,  font  les  deux  parties  du  levier 
qui  la  forme ,  prife  de  part  &  d'autre  du  centre  :  &. 
auxquelles  on  fufpend  les  poids.  Voye^  Balance. 
(0)  . 

Bras  ,  en  terme  de  Diamantaire ,  n'eft  autre  choie 
qu'une  pièce  de  bois  AB ,  PI.  XI.  du  Diamantaire  , 
d'environ  deux  pies  de  long ,  garnie  de  deux  poignées, 
&  montée  fur  une  autre  pièce  perpendiculaire  CD, 
qui  tourne  par  en-bas  fur  une  crapaudine  fçellée  eu 


B  R  À 


R  A 


399 


ïèrtë  ,  &par  en-haut  aii  moyen  d'un  tourillon  dans 
un  collet  qui  l'embrafle.  Voye^  la  figure  premier: ,  PL 
II.  du  Diamantaire, 

Pour  faire  mouvoir  la  roue ,  un  ouvrier  poufie  & 
tire  alternativement  \e  bras  AB  ,  par  le  moyen  des 
deux  poignées  qu'il  tient  dans  Tes  mains  ;  le  mouve- 
ment ainfi  imprimé  au  bras ,  Te  communique  par  le 
moyen  de  l'épée  au  coude  de  l'arbre  ,  qui  porte  la 
roue  de  bois.  Poye{  les  figures. 

BRAS  ,  (parties  de  la prefife  en  tailk-doucc .  )  ils  font 
au  nombre  de  quatre  afTemblés  par  une  de  ieurs  ex- 
trémités oo,  dans  les  parties  latérales  des  jumelles 
CD;  leur  autre  extrémité  FF,  porte  fur  les  colon- 
nes G,  qui  font  de  même  au  nombre  de  quatre.  Voyt^ 
Presse  d'Imprimerie  en  taille-douce^  &  les  fig.  prem. 
6'  6 .  oo ,  FF,  PI.  de  r  Imprimerie  en  taille-douce. 

Bras  ,  (terme  de  Tourneur.)  ce  font  deux  pièces 
de  bois  qui  traverfent  les  poupées  du  tour  un  peu  au- 
defTous  des  pointes ,  &  qui  fervent  à  foutenir  la  barre 
fur  laquelle  l'ouvrier  appuie  fes  outils  en  travaillant. 
Ces  bras  s'avancent  &  reculent  à  la  volonté  de  l'ou- 
vrier ,  &  félon  que  l'ouvrage  le  demande.  Voye^ 
Toir. 

Bras  deprefiè ,  bras  de  force ,  pièces  du  métier  à  bas. 
7'oyei  l'article  Bas. 

*  BRAS1DÉES  ,  f.  m.  pi.  (Hifl.  anc.  )  fêtes  infti- 
tuées  en  l'honneur  de  Brafidas,  parles  habitans  d' Am- 
phipolis,  qui  élevèrent  à  ce  chef  fameux  des  Lacé- 
démoniens  ,  un  fuperbe  tombeau  dans  le  milieu  de 
leur  ville.  Nous  ne  favons  rien  de  la  manière  dont 
les  Brajidks  fe  célébraient. 

*  BRASILLER  ,  v.  neut.  (  terme  de  Marine.  )  il  fe 
dit  des  feux  &  de  la  lumière  que  jette  la  mer  pendant 
la  nuit.  La  mer  brafûle  beaucoup  le  lpng  des  flancs 
d'un  vahTeau  qui  vogue  à  pleines  voiles. 

BRASLAW  ,  ou  BRACKLAW  ,  (  Géog.  )  ville  & 
jpakatihatj  ou  province  de  la  petite  Rufiie ,  fur  les 
frontières  de  la  Tartarie  ;  la  ville  eft  fituée  fur  la  ri- 
vière de  Bog.  Long.  4J.  i5.  lat.  48.  49. 

BRASLAW ,  ou  BR  ATISLAW ,  (  Géog.  )  ville  de 
Pologne,  fur  les  frontières  du  duché  de  Curlandc  , 
liir  un  grand  lac  ,  à  peu  de  diftance  de  la  Dwina. 
■Long.  £4,  40.  lat.  33.  4.5. 

BRASLAW ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  la  Valachie , 
près  des  frontières  de  la  Moldavie. 

BRASSAGE,  f.  m.  (à  la  Monnoie.)  droit  que  le 
roi  accorde  aux  directeurs  de  la  monnoie  fur  chaque 
marc  d'or  ,  d'argent ,  6c  de  billon ,  mis  en  ceuvre  & 
fabriqué.  Ce  droit  eft  de  cinq  fous  pour  l'or  &  pour 
l'argent ,  &  de  fix  fous  pour  le  billon. 

Autrefois  le  directeur  (que  l'on  appelloit  maure) 
prenoit trois  livres  par  marc  d'or,  Se  dix-huit  fous  par 
marc  d'argent,  dont  la  moitié  étoit  employée  au  dé- 
chet de  fonte ,  charbon  ,  frais  ,  &c.  6c  l'autre  moitié 
au  payement  des  ouvriers. 

*  BRASSARD  ,  f.  m.  inftrument  de  bois  dont  on 
fe  fert  pour  jouer  au  ballon  :  c'eft  une  douille  de  bois 
de  chêne  allez  mince ,  de  la  longueur  de  l'avant-bras 
qu'on  y  fait  entrer  à  force  avec  des  mouchoirs ,  fer- 
viettes ,  ou  autres  linges.  On  peut  avec  le  bras  ainfi 
armé  ,  recë\  oir  le  ballon  &  le  frapper  fi  fort  que  l'on 
veut  fans  fc  bleflef.  La  furface  du  brajjart  eft  taillée 
en  groffes  dents ,  afin  que  le  coup  ne  glifle  pas  (lu-  le 
balion. 

Les  anciens  à  qui  le  jeu  de  ballon  n'étoit  pas  in- 
connu ,  ont  eu  aulfi  leurs  braffitrds  :  mais  ils  n  etoient 
pas  de  bois,  c'étoient  des  courroies  d'un  cuir  fort, 
dont  ils  fail'oient  plulïeurs  tours  fur  leurs  bras. 

*  BRASSARD  de  renier  :  ces  brafiards  font  faits  de 
deux  vieux  chapeaux  partes  l 'un  dans  l'autre.  On  en 
Ote  le  deflus ,  &  l'on  en  couvre  le  bras  droit  jufqu'au 
COudei  II  fervent  à  foutenir  le  manche  des  pelles , 
quand  il  eft  trop  chaud  ,  lorlqu'on  tranfporte  as  ce 


ces  pelles  de  la  matière ,  des  arches  à  recuire ,  dans 
le  pot. 

BRASSAW,0.vGRONSTAT,  (Géog.  anc.  &mod.) 
vdle  forte  de  Tranfilvanie.  Long.  44.  10.  lat.  46. 
30.  Les  uns  la  prennent  pour  la  Prœtoria  augufiaàc 
Ptolomée ,  &  d'autres  la  nomment  Corona  &  Stepht- 
nopolis. 

BRASSE ,  f.  f.  La  Marine  a  trois  fortes  de  brafiès; 
la  grande  brafiè,  dont  on  fe  fert  pour  les  vaifTeaux  de 
guerre  eft  de  fix  pies  ;  la  moyenne  ,  qui  eft  celle  des 
vaifTeaux  marchands ,  eft  de  cinq  pies  &  demi  ;  &  la 
petite  n'eft  que  de  cinq  pies  ;  elle  n'eft  en  ufag'e  que 
parmi  les  patrons  de  barques  &  autres  'petits  bâti- 
mens  qui  fervent  à  la  pêche. 

Tous  les  cordages  fe  mefurent  par  brafes.  Les  c& 
blés  des  plus  grands  vaifTeaux  ont  1 20  brafes  ou  710 
pies.  Le  Roi  entretient  dans  fes  ports  un  officier  nom- 
mé maître  d'équipage ,  dont  la  principale  fonction  eft 
de  couper  les  manœuvres  fuivant  le  rang  des  vaif- 
Teaux ,  c'eft-à-dire  ,  de  donner  aux  cordages  la  lon- 
gueur qu'il  leur  convient^  chacun.  (Z) 

Brasse,  (Commerce.)  melure  de  la  longueur  des 
deux  bras  étendus ,  &  qui  eft  ordinairement  de  cinq 
pies.  M.  Savari  la  fait  de  fix  pies  de  roi,  &  équiva- 
lente à  la  toife.  Voye^  ToiSE. 

Brasse  ,  eft  aufîi  une  efpece  d'aune  ou  de  mefure 
de  longueur ,  qui  fert  à  melurer  les  draps ,  toiles ,  ru- 
bans 6c  autres  pareilles  marchandifes. 

On  s'en  fert  dans  prefque  toute  l'Italie  :  mais  fa 
mefure  varie  fuivant  les  lieux.  A  Venife  la  brafiè  con- 
tient un  pié  trois  pouces  trois  lignes ,  qui  font  huit 
quinzièmes  de  Faune  de  Paris  ,  &  ainfi  quinze  irafièi 
de  Venife  font  huit  aunes  de  Paris. 

La  brafiè  de  Bologne  ,  Modene ,  Mantoue ,  eft  (cm- 
blable  à  celle  de  Venife: 

À  Luques  la  brafiè  eft  d'un  pié  neuf  pouces  dix  li- 
gnes, ce  qui  fait  demi-aune  de  Paris  :  à  Florence  elle 
contient  un  pié  neuf  pouces  quatre  lignes,  qui  font 
quarante-neuf  centièmes  d'aunes  de  Paris ,  &  par  con- 
féquent  un  peu  moins  d'une  demi-aune. 

À  Milan  la  brafiè  pour  mefurer  les  l'oies ,  n'eft  pas 
la  même  que  celle  avec  laquelle  on  mefure  les  draps 
de  laine  :  la  première  ne  contenant  qu'un  pié  fept 
pouces  quatre  lignes ,  &:  la  féconde  deux  pies  onze 
lignes. 

À  Bergame  la  brafiè  contient  un  pié  fept  pouces 
fix  lignes ,  qui  font  cinq  neuvièmes  d'aune  de  Paris  ; 
ainfi  neuf  aunes  de  Bergame  n'en  font  que  cinq  de 
Paris. 

Brasse,  fe  dit  auffi  de  la  chofe  mefurée  avec  la 
brafiè  ;  une  brafiè  de  drap  ,  une  brafiè  de  corde.  (G) 

BRASSÉE  DE  SOIE  ,  (terme  de  Fabrique  des  étoffes 
de  foie.  )  La  braffée  de  foie  eft  compolée  d'autant  de 
brins  de  foie  qu'il  y  a  de  rochets  à  la  cantre.  Le  ter- 
me de  brafiée  n'eft  en  ufage  que  pour  Fourdiflage  des 
chaînes  :  mais  on  Te  Tert  partout  du  terme  de  portée. 
La  portée  ordinaire  eft  de  80  fils. 

BRASSEIER,  BRASSER,  BRACHER,  v.  neut. 
en  Marine ,  c'eft  taire  la  manœuvre  des  bras  ,  &  gou- 
verner les  vergues  avec  ces  cordages.  V.  Bras.  (Z) 

BRASSER  ,  v.  neut.  il  Te  dit  proprement  de  la  ma- 
nœuvre des  brafieurs  ou  fabricateurs  de  bierre  ,  dont 
le  principal  travail  eft  des  bras,  foyer  Brasserie. 

Le  verbe  brafièr  a  palTé  dc-là  dans  plufieurs  antres 
Arts. 

Brasser  les  vergues  ,  (  Marine.  )  c'eft  mettre  les 
vergues  horiibntalement  de  l'avant  en  arrière,  en 
maniant  les  manœuvres. 

Brasser  les  voiles  fur  le  mât ,  c'eft-à-dire  manœu- 
vrer les  voiles  de  telle  manière  que  le  vent  le  mette 
deflus,  au  lieu  d'être  dedans  :  ce  qui  eft  auffi  brafièr  à 
contre ,  terme  ulite  pour  la  milene. 

Brafiè  au  vent ,  terme  de  commandement  pour  faire 
manœuvrer  les  vergues  du  cote  d'où  Aient  le  venti 


400 


B  R  A 


Brajfe  au  vent  tout  court,  fe  dit  pour  faire  manœu- 
vrer, enlbrte  que  le  vent  ne  foit  pas  au  plus  près. 
Brajfe  au  plus  près  du  vent ,  pour  qu'il  foit  au  plus 
près.  Brajfe  fous  le  vent ,  c'elt  pour  taire  manœuvrer 
les  vergues  du  côté  oppolé  à  celui  du  vent.  Brajfe  à 
l'autre  "bord,  pour  faire  braffer  les  vergues  à  l'autre 
bord.  Brajfe  à  porter ,  brafje  à  fervir  ;  c'eft  pour  taire 
braffer  les  vergues ,  enlbrte  que  le  vent  donne  dans 
les  voiles.  Braffer  à  contre,  c'eft-à-dire,  braffer  les 
bras  du  vent ,  èc  faire  que  le  vent  donne  fur  les  voi- 
les ;  cela  fe  pratique  ordinairement  lorfqu'on  veut 
le  mettre  fur  la  voile  de  mifene.  C'eft  dans  ce  fens 
qu'on  dit,  brajfe  la  mifene  à  contre.  (Z  ) 

Brasser  ,  (à  la  Monnaie.  )  verbe  qui  marque  l'ac- 
tion de  remuer  le  métal  lorfqu'il  a  acquis  l'état  de 
fluidité.  L'or  ne  fe  brafje  point  de  même  que  l'argent 
&  le  billon.  Voye{  Brassoir. 

*  BRASSER  ,  terme  de  Pécheur ,  c'eft  agiter  &  trou- 
bler l'eau  avec  la  bouloire ,  pour  faire  fortir  le  poif- 
fon  &  le  conduire  dans  les  filets. 

*  Brasser  ,  en  terme  de  Tannerie ,  c'eft  remuer  les 
cuirs ,  les  agiter ,  &  retourner  pendant  un  certain 
tems  dans  une  cuve  remplie  de  tan  &  d'eau  chaude, 
pour  les  rougir.  Voye^  Tanner. 

*  BRASSERIE  ,  fubft.  f.  attelier  qui  contient  les 
cuves,  chaudières,  moulins  ,  &  tous  les  autres  inf- 
îrumens  ,  agrès  &c  commodités  néceffaires  pour  faire 
la  bierre.  La  bierre  eft  une  boiffon  fort  ancienne.  V. 
Bïere.e.  On  peut  dire  en  général ,  qu'elle  fe  tire  du 
grain  :  mais  elle  ne  fe  tire  pas  du  même  grain ,  par- 
tout où  l'on  en  fait.  À  Paris ,  &  plus  généralement 
en  France  ,  on  n'y  employé  que  l'orge:  Quelques 
braffeurs  feulement  y  mêlent ,  les  uns  un  peu  de  blé , 
d'autres  un  peu  d'avoine.  Dans  les  provinces  du  nord 
de  la  France  ,  telles  que  la  Picardie ,  l'Artois ,  le  Bou- 
lonois  ,  la  Flandre  Françoife  ,  elle  ne  fe  fait  qu'avec 
le  foucrillon ,  ou  l'orge  d'hyver ,  ou  même  avec  l'ef- 
piotte ,  que  nous  appelions  auffi  Yejcourgeon.  Ce  que 
nous  nommons  orge ,  s'appelle  dans  ces  provinces 
pâme  le. 

En  Hollande  ,  on  braffe  non-feulement  avec  l'or- 
ge foucrillon ,  mais  encore  avec  le  blé  &  l'avoine. 
Les  braffeurs  Hoîlandois ,  qui  tirent  de  la  bierre  de 
chacun  de  ces  trois  grains ,  ont  trois  fortes  différen- 
tes de  bierre. 

En  Allemagne ,  où  la  bierre  ne  laiffe  pas  que  d'ê- 
tre fort  commune ,  elle  fe  fait  auffi  avec  l'orge.  On 
y  employé  quelquefois  l'efpioîte.  L'efpiotte  eft  un 
grain ,  dont  le  noyau  reffemble  affez  à  celui  du  f  ei- 
gle ,  excepté  qu'il  eft  plus  court  &  plus  plat.  La  co- 
que qui  le  renferme  ne  diffère  guère  de  celle  du  blé  ; 
on  a  feulement  beaucoup  plus  de  peine  à  en  faire 
fortir  le  grain ,  même  en  le  battant  à  la  manière  des 
autres  grains  ;  aufîi  on  fe  contente  d'en  brifer  les  épis  : 
on  le  fait  germer  &  on  le  moût  dans  fa  coque. 

En  Angleterre ,  oii  la  bierre  eft  très-commune ,  on 
la  fait  ainli  qu'ailleurs,  avec  l'orge,  le  blé  &  l'avoine. 

Une  brafferie  eft  un  bâtiment  très-confidérable  ;  le 
nombre  des  agrès  ne  l'eft  pas  moins  :  les  principaux 
font  le  geimoir ,  la  touraille ,  le  moulin ,  les  cuves , 
les  chaudières ,  &c. 

Pour  braffer ,  fuivant  notre  façon  de  Paris ,  il  faut 
avoir  de  bon  orge  ,  que  l'on  met  tremper  dans  de 
l'eau  naturelle  pendant  l'efpace  de  trente  à  quarante 
heures ,  plus  ou  moins ,  félon  que  les  eaux  font  plus 
ou  moins  dures  &  l'orge  plus  ou  moins  lèc.  Au  refte 
en  quelque  tems  que  ce  foit ,  èc  de  quelque  nature 
que  foit  l'orge,  on  jugera  qu'il  aura  affectait ,  quand 
en  le  ferrant  entre  les  doigts ,  il  cédera  facilement  à 
la  preffion  &  s'écrafera  fans  peine  fous  l'ongle  ;  alors 
on  le  retirera  de  la  cuve  où  on  l'aura  fait  mouiller, 
Sz  on  le'tranfportera  dans  le  germoir. 

Du  germoir.  Le  germoir  ,  ainfi  que  le  nom  l'indi- 
que allez ,  eft  un  lieu  où  l'on  met  germer  le  grain 


B  R  A 

mouillé  qu'on  deftine  à  faire  de  la  bierre.  11  y  en  a 
de  deux  efpeces  :  les  uns  font  de  grandes  caves  vou- . 
tées ,  on  les  regarde  comme  les  meilleurs  ;  les  autres 
de  grandes  lalies  au  rez-de-chauffée.  Le  prain'  refte 
au  germoir ,  en  tas  ou  en  mottes  ,  communément 
vingt-quatre  heures.  Au  bout  de  ce  tems ,  qu'on  lui 
accorde  pour  reboire  fon  eau ,  comme  on  dit  dans  les 
brafferies ,  on  le  met  en  couches  ,  c'eft-à-dire  qu'on 
étend  les  mottes  ou  tas ,  &  qu'on  les  réduit  à  la  hau- 
teur de  8  à  9  pouces  d'épaifieur ,  plus  ou  moins  ,  fé- 
lon que  le  germoir  eft  plus  ou  moins  échauffé.  On 
laiffe  le  grain  dans  cet  état  jufqu'à  ce  que  par  la 
chaleur  naturelle  qu'il  trouvera  dans  lui-même  ,  le 
germe  commence  à  en  fortir.  Quand  on  verra  le 
germe  pointer  hors  du  corps  du  grain ,  pour  lors  il 
faudra  rompre. 

On  appelle  rompre  une  couche  de  grain ,  la  remuer 
avec  une  pelle  ,  jetter  le  grain  d'une  place  dans  une 
autre  ,  le  retourner ,  &  le  remettre  en  couche  corn- 
'me  auparavant,  obfervant  feulement  de  donner  à  la 
couche  moins  de  hauteur.  A  moins  que  le  grain  n'eut 
été  rompu  trop  jeune,  c'eft-à-dire ,  avant  que  le  ger- 
me en  fût  affez  avancé  ,  on  IaifTera  la  nouvelle  cou- 
che de  grain  clans  cet  état  pendant  douze  ou  quinze 
heures  ,  plus  même  ,  fur-tout  fi  l'air  qui  règne  clans 
le  germoir  eft  froid  ;  car  alors  la  germination  fe  fera 
beaucoup  plus  lentement. 

Au  bout  des  douze  ou  quinze  heures,  le  germe  s'é- 
tant  accru  confidérablement ,  &  la  chaleur  s'étant 
beaucoup  augmentée,  on  redonnera  encore  un  coup 
de  pelle  au  grain  ,  obfervant  de  l'éventer  plus  que  la 
première  fois  :  cette  manœuvre  s'appelle  donner  le  j'e- 
cond  coup  de  pelle.  On  finira  le  fécond  coup  de  pelle , 
par  remettre  le  grain  en  couche  ;  il  y  reftera  encore 
douze  à  quinze  heures ,  ce  tems  lui  iuffira  pour  ache- 
ver de  pouffer  fon  germe  au  point  qui  convient  pour 
être  en  état  de  paffer  fur  la  touraille. 

De  la  touraille.  La  touraille  eft  une  des  portions  prin- 
cipales d'une  brajferie.  Sa  partie  fupérieure  A  B  CD, 
figure  première ,  Brafferie,  Planche  première ,  a  la  forme 
d'une  pyramide  équilatérale  ,  creufe ,  dont  le  fommet 
ieroit  tronqué ,  &  la  bafe  en-haut.  Le  corps  ou  les  fa- 
ces en  font  compofées  de  pièces  de  bois  affemblées 
&  revêtues  en-dedans  d'une  maçonnerie  de  brique  , 
faite  fur  un  lattis  tel  que  celui  des  platfonds  ;  &  pour 
préferver  les  bois  d'un  incendie  pref qu'inévitable,  la 
maçonnerie  de  brique  eft  enduite  de  bonnes  couches 
de  plâtre  :  x ,  y  ,  [ ,  font  trois  faces  intérieures  de  la 
pyramide  ou  trémie  de  la  touraille.  On  a  pratiqué  à 
l'une  de  ces  faces  une  porte  pour  pouvoir  entrer  dans 
le  corps  de  la  touraille ,  en  cas  de  befoin. 

La  bafe  de  cette  pyramide  ou  la  fuperfîcie  fupé- 
rieure de  cette  trémie  A  B E  F ,  eft  un  plancher  fait 
de  tringles  de  bois  de  3  pouces  d'équarriffage.  Cha- 
ques  tringles  laiffent  entr'eiles  le  même  intervalle  , 
enlbrte  que  la  furface  entière  A  B  E  F,  eft  tant  plei- 
ne que  vuide.  Sur  ces  tringles  de  bois,  qui  font  com- 
munément de  lapin ,  on  étend  une  grande  toile  de 
crin ,  que  l'on  nomme  la  haire.  La  haire  couvre  tout 
le  plancher  A  B  E  F  de  la  touraille  ;  cet  efpace  eft 
environné  Se  furrriorrtë  de  madriers,  au  défaut  de  mu- 
raille. Sur  ces  madriers  font  attachées  des  bandes  de 
chêne,  que  l'on  nomme  cojlieres.  Les  cofiieres  débor- 
dent, ou  comme  oh  dit',  tètouvrent  fur  Vain  du  plan- 
cher, &  empêchent  le  grain  de  s'échapper  par  les 
rebords ,  &  de  tomber  clans  le  corps  de  la  touraille. 

Sous  la  trémie  ABCD  ou  fous  le  corps  de  la  tou- 
raille ,  en  eft  une  autre  de  maçonnerie  Ç D  G  H ,  de 
la  forme  d'un  parallélépipède.  C'eft  dans  l'intérieur 
de  ce  folide  qu'eft  conftruit  le  fourneau  de  la  tou- 
raille ,  dont  on  voit  l'intérieur  par  la  bouche  /.  Ce 
fourneau  a  communément  vingt  pouces  de  large , 
quatre  pies  &  demi  de  long  dans  œuvre ,  non  com- 
pris fon  embouchure,  qui  le  trouvera  plus  ou  moios 

Ion  eue  _, 


B  R  A 


B  R  A 


401 


longue ,  félon  que  les  murs  du  fourneau  auront  plus 
ou  moins  de  profondeur. 

Pour  conflruire  folidement  un  fourneau  de  tourail- 
le ,  il  faut  que  le  pavé  en  foit  fait  de  briques  pofées 
debout  &  de  champ  ,  &  que  le  pié  du  mur  en  dedans 
du  fourneau  foit  revêtu  de  fortes  enclumes  ,  capa- 
bles de  réiifter  à  l'action  du  feu  ;  autrement  foit  les 
briques,  foit  les  tuiles  dont  on  le  conftruiroit,  fe- 
roient  bientôt  calcinées.  Comme  la  première  portion 
du  fourneau  s'élève  en  grand  fur  plomb,  ainli  qu'on 
l'apperçoit  dans  la  figure,  il  efl  néceffaire  que  les  en- 
clumes foient  détenues  par  le  haut,  d'une  forte  barre 
de  fer  fcellée  d'un  bout  dans  le  mur  du  fond  du  four- 
neau ,  &  de  l'autre  dans  le  mur  de  côté ,  près  de  l'em- 
bouchure, en  iorte  qu'elle  s'étende  de  toute  la  lon- 
gueur du  fourneau  ;  &c  pour  plus  de  iolidité,  on  l'ar- 
mera de  gougeons  de  fer  d'environ  un  pié  de  long , 
qui  feront  pareillement  fcellés  dans  le  mur  de  côté, 
ainii  qu'on  l'apperçoit  dans  les  coupes  du  fourneau, 
fig.  2.  &c  3.  même  planche. 

La  première  partie  du  fourneau  étant  ainfi  élevée, 
on  conitruira  à  plomb  fur  elle ,  celle  du  milieu  ;  on 
lui  donnera  environ  un  pié  de  hauteur.  On  élèvera 
enfuite  la  dernière  partie  :  fa  forme  tera  la  même 
qu'on  voit  à  celle  du  milieu,  mais  dans  une  lîtuation 
renveriée;  enfoite  que  la  partie  du  milieu  du  four- 
neau &  fa  partie  fupérieure ,  reflemblent  affez  à  deux 
chaudières  oppofées  fond  à  fond  &  communiquant 
par  une  ouverture  commune ,  avec  cette  feule  con- 
dition que  la  chaudière  inférieure  auroit  plus  de  hau- 
teur que  la  fupérieure.  Voye^fig.  1.  z.&  3. I G  H  K 
L,  partie  inférieure  du  fourneau.  K  L  M  bouche.  N 
O  P  Q  enclumes  fcellés.  P  Q  R  S  partie  du  milieu  du 
fourneau.  R  S  TV  communication  de  la  partie  du 
milieu  avec  la  partie  fupérieure.  TV  X  Y  partie  fu- 
périeure. La.  fig.  1.  montre  le  fourneau  en  entier.  La 
fig.  3.  en  eft  une  coupe  verticale  par  le  milieu  de  la 
bouche. ha  fig.  2.  en  efl  une  coupe  verticale,  6c  pa- 
rallèle à  la  bouche. 

Sur  cette  conftruûion  on  placera  de  bonnes  &c  for- 
tes briques  ,  de  champ  ,  fur  le  mur  de  la  partie  fupé- 
rieure ,  félon  leur  hauteur ,  &  de  diftance  en  diftance, 
comme  on  voit  fig.  1.2. 3.  en  0,0,  0,0,  &c.  Ces 
.briques  ainfi  difpoiées  formeront  des  efpeces  de  car- 
neaux.  Sur  ces  briques  on  placera  un  chaffis  de  fer 
plat,  d'environ  deux  pouces  d'équarrifTage.  Voy.fig. 
4.  ce  chaffis.  Ondiltribuera  fur  ce  chaffis  de  grandes 
&  fortes  tuiles  qui  fervironl  à  porter  la  maçonnerie 
qu'il  convient  d'élever  deflus  ce  chaffis.  On  appelle 
communément  cette  maçonnerie  la  truite. 

De  la  truite.  La  truite  P  qr  5,  fig.  1.  a  la  figure  d'un 
comble  de  pavillon  à  quatre  arrêtes  ;  c'eft  un  égoût 
formé  par  des  tuiles ,  &  tel  que  feroit  exactement  ce- 
lui d'un  bâtiment.  L'ufage  de  la  truite  elt  d'arrêter 
l'action  du  feu  qui  tend  naturellement  à  monter,  de 
replier  la  flamme  iur  elle-même ,  de  confumer  le  peu 
de  fumée  qui  le  fait  dans  le  fourneau ,  de  contraindre 
la  flamme  à  s'échapper  pure  par  les  carneaux  formés 
par  les  briques  qui  foùtienncnt  le  chaffis,  tk  de  dif- 
tribuer  par  ce  moyen  une  chaleur  égale  dans  tout 
l'intérieur  de  la  touraille ,  qui ,  lans  cette  précaution, 
ne  feroit  bien  échauffée  que  dans  le  milieu.  D'ail- 
leurs elle  empêche  le  germe  qui  tombe  dans  l'inté- 
rieur de  la  touraille,  de  palier  dans  le  tourneau.  C'eft 
auffi  par  cette  dernière  raifon  qu'on  lui  a  donné  la 
figure  d'un  comble  à  quatre  arrête». 

La  pouffiere  du  grain  &  le  germe,  après  avoir  tra- 
vcrlé  la  haire  ou  toile  de  crin  dont  le  plancher  de  la 
touraille  eft  couvert,  ne  relient  point  fur  la  truite; 
ils  defeendent  tout-au-tour ,  &  le  rendent  au  pour- 
tour de  la  maçonnerie  intérieure  de  la  partie  du  mi- 
lieu du  fourneau,  011  l'on  a  pratiqué  des  canaux  ap- 
pelles ventoufes,  qui  les  reçoivent.  Les  ventoules, 
fig.  1.  &  3.  Z ,  Z,  forment  comme  un  petit  foffé  d'en- 
Tome  II, 


vîron  fix  à  fept  pouces  de  large  tout-au-tOur  du  four- 
neau ,  entre  la  maçonnerie  intérieure  Se  la  maçon- 
nerie extérieure. 

Le  grain,  au  fortir  du  germoir,  fe  charge  fur  le 
plancher  de  la  touraille.  On  l'y  étend  en  forme  de  cou- 
che d'environ  cinq  à  fix  pouces  d'épaiffeur:  on  fait 
du  feu  dans  le  fourneau  julqu'à  ce  qu'à  ce  qu'on  s'ap- 
perçoive  que  la  grande  humidité  que  le  grain  a  prile 
dans  le  mouillage,  commence  à  fortir.  11  y  a  pour 
cela  un  ligne  certain  :  alors  on  voit  à  la  furface  du 
grain  une  grande  rofée  ,  &  cette  rofée  eft  coupée  par 
bandes  ;  ou  plutôt  toute  la  furface  de  la  couche  efl 
divilée  par  bandes  chargées  &  non  chargées  de  ro- 
fée alternativement.  Cette  divifion  elt  caufée  par 
les  tringles  de  bois  qui  font  fous  la  haire,  &  qui  em- 
pêchent que  tout  le  grain  ne  foit  atteint  également 
par  le  feu.  Celui  qui  correfpond  aux  efpaces  vuides 
doit  chauffer  plus  vite  que  celui  qui  correlpond  aux 
efpaces  pleins. 

Lorfqu'on  apperçoit  ces  bandes ,  il  eft  tems  de 
remuer  le  grain.  Pour  cet  eitet,  on  jette  celui  qui  efl 
fur  une  moitié  du  plancher,  fur  l'autre  moitié;  puis 
on  rejette  fur  la  partie  vuide  &  le  grain  qui  y  étoit, 
&  celui  qui  n'y  étoit  pas ,  mais  mêlé  &  retourné.  Ce- 
la fait,  on  étend  le  tout,  &  l'on  en  reforme  une  cou- 
che fur  toute  la  lupei«ficie  de  la  touradle.  Dans  cet 
état  celui  qui  étoit  à  demi  léché  fe  trouve  placé  à  cô- 
té de  celui  qui  ne  l'étoit  point.  Il  fe  rait  une  réparti-' 
tion  affez  égale  d'humidité ,  &  un  progrès  affez  uni- 
forme de  deiliccation.  Cette  première  mai  oeuvre 
s'appelle  retourner  la  touraille  pour  la  première  fois. 

Après  que  la  touraille  a  été  retournée ,  on  ranimé 
de  nouveau  le  feu  du  fourneau ,  &  on  le  continue 
jufqu'à  ce  qu'il  foit  tems  de  la  retourner  pour  la  fécon- 
de fois.  Ce  moment  eft  indiqué  par  la  luppreffiort 
prefqu'entiere  de  l'humidité  dans  tout  le  grain.  Le 
plus  voifin  de  la  haire  en  efl  entièrement  privé  ;  on. 
n'apperçoit  plus  de  moiteur  qu'à  la  luperheie.  C'eft 
alors  qu'il  elt  tems  de  rebrouiller. 

On  appelle  rebrouiller  la  touraille,  mettre  deffous 
le  grain  qui  le  trouve  à  la  luperficie  de  la  couche,  6c 
deffiis  celuàqui  étoit  deffous.  Dans  cette  manœuvre, 
on  ne  jette  point  le  grain  l'un  fur  l'autre,  comme 
quand  on  retourne  ;  on  le  contente  de  le  prendre  .in  eo 
la  pelle,  &  de  le  retourner  fens  deflus  deffous,  pel- 
letée à  pelletée. 

On  biffera  la  touraille  rebrouillée  quelques  heu- 
res dans  le  même  état  &  fans  feu  ;  pour  donner  à  la 
chaleur  du  fourneau  le  tems  de  diffiper  le  relie  de 
l'humidité  qui  pourroit  fe  trouver  dans  le  grain.  Après 
quoi  on  ôtera  le  grain  de  deflus  la  touraille  pour  fai- 
re place  à  d'autre  ;  &  pour  le  cribler  au  crible  de  fer, 
afin  d'en  léparer  la  pouffiere  &  les  touraillons.  On 
appelle  touraillons ,  le  germe  léché. 

Du  moulin.  On  laiffe  repofer  le  grain  pendant  quel- 
ques jours  ;  la  méthode  en  elt  meilleure  que  de  le  por- 
ter au  moulin  tout  au  fortir  de  la  touraille.  Le  moulin 
représenté  Planche  III.  elt  un  moulin  à  double  tour- 
nure. Il  a  deux  roiiets  cV:  deux  lanternes ,  fans  compter 
le  grand  rouet.  Les  chevaux  font  attelés  par  le  moyen 
de  patons  aux  queues  ou  leviers,  ou  aiffeliers  À  du 
moulin  ;  ces  aiffeliers  font  emmanchés  dans  l'arbre 
de  bout  B  ;  cet  arbre  fait  tourner  le  grand  roiiet  Cl 
ce  roiiet  ell  armé  de  dents  qui  engrainent  dans  les  lu- 
feaux  de  la  grande  lanterne  D ,  dans  laquelle  paffe 
l'arbre  de  couche  E.  Cet  arbre  porte  à  fon  autre  ex- 
trémité, &  parallèlement  à  la  grande  lanterne,  le  pe- 
tit roiiet  -F  qui  tourne  verticalement,  Cx  engraine  dans 
la  petite  lanterne  G  fixée  fur  l'arbre  de  fer  qui  traver- 
fe  la  meule  fupérieure  H.  Cette  meule  s'appelle  la 
meule  courante;  elle  elt  pofée  un  peu  au-delhis  d'un 
autre  qu'on  appelle  la  meule  gif ante.  Ces  deux  meu- 
les écrafent  ena  'elles  le  grain  qui  y  eft  introduit  par 
le  moyen  de  la  trémie  K  tk  de  l'auget.  Le  grain  ré- 

£  e  « 


40  î 


BRA 


B  R  A 


duit  en  farine ,  fort  par  l'anche ,  &  tombe  dans  le  fac  /. 
L'endroit  où  font  les  chevaux  s'appelle  le  manège.  On 
volt  à  gauche  de  la  même  figure  les  meules  féparées, 
&  à  la  diftance  qui  convient  pour  la  mouture ,  avec 
l'ouverture  de  l'anche  ;  car  le  grand  rouet  C  produit 
des  deux  côtés  le  même  effet ,  6c  fait  marcher  propre- 
ment deux  moulins.  Mais  ce  n'eft  pas  tout  :  le  même 
méchanifme  pourrait  fervir  à  deux  moulins  à  l'eau  ; 
on  en  voit  un  à  droite.  L'eau  eft  tirée  du  puits  par  une 
pompe  à  chapelet  :  on  a  pratiqué  clans  l'étage  fupe- 
rieur  à  celui  du  manège  un  trou  au  plancher  à  tra- 
vers lequel  paffe  le  grand  arbre  debout  B.  Cet  arbre 
porte  à  fa  partie  fupérieure,  comme  on  voit  auffi  à  fon 
inférieure ,  un  grand  roiiet  C  C.  Les  dents  de  ce  roiiet 
engrainent  dans  la  lanterne  K  K  fixée  fur  l'arbre  de 
couche  L,  au  bout  duquel  eft  adaptée  une  étoile  M 
garnie  de  les  cornichons ,  à  l'aide  defquels  elle  porte 
&  tire  la  chaîne  à  chapelet ,  qui  paffant  dans  un  tuyau 
de  bois  N  qu'elle  remplit  exactement,  monte  l'eau 
dans  le  petit  réfervoir  O ,  qui  eft  au-deffus  du  puits. 
De  ce  réfervoir  on  la  conduit  par  des  tuyaux  de  plomb 
partout  où  l'on  en  a  befoin. 

Il  ne  faut  pas  que  la  farine  foit  trop  groffe ,  ni  qu'el- 
le foit  trop  fine  ;  l'un  &  l'autre  excès  a  fes  inconvé- 
niens  :  trop  groffe ,  le  lue  ne  s'en  tire  pas  facilement  ; 
trop  fine ,  on  court  rifque  de"  perdre  entiei  ement  le 
braffm;  il  s'entait  alors  une  liaifon,  un  mortier  que 
l'eau  ne  peut  pénétrer  lorfque  la  farine  eft  dans  la 
«uve. 

De  la  cuve  matière,  Lorfque  la  farine  eft  faite ,  on  la 
met  dans  la  cuve  appellée  communément  cuve  ma- 
tière ,  Planche  V.  A.  Cette  cuve  A  eft  de  bois  ;  fes  dou- 
ves ont  environ  deux  pouces  ou  deux  pouces  6c  de- 
mi d'épaiffeur  fur  quatre  à  cinq  pouces  de  largeur  ; 
fa  profondeur  eft  d'environ  quatre  pies  6c  demi ,  elle 
eft  à  deux  fonds  :  celui  d'en  bas  eft  plein,  comme  le 
font  ordinairement  tous  les  fonds  de  cuve  :  mais  il  eft 
furmonté  d'un  fécond  que  l'on  appelle  faux-fond.  Ce 
faux-fond  eft  compofé  de  planches  percées  dune  mul- 
titude de  petits  trous  faits  en  cône ,  ou  plus  ouverts 
à  la  partie  inférieure  de  la  planche ,  qu'à  fa  partie  fu- 
périeure. La  différence  de  diamètre  de  ces  ouvertu- 
res eft  grande;  car  à  la  partie  inférieure  le  trou  peut 
avoir  trois  quarts  de  pouce  ou  environ,  &  il  le  trou- 
ve réduit  à  la  partie  fupérieure  à  une  ligne  ou  envi- 
ron. Ces  planches  font  foùtenues  au-deffus  du  pre- 
mier fond  par  des  patins  qui  font  attachés  fur  elles- 
mêmes;  ces  patins  ont  environ  deux  pouces  de  hau- 
teur, de  façon  qu'il  fe  trouve  deux  pouces  d'inter- 
valle entre  les  deux  fonds. 

Le  faux-fond  eft  arrêté  en-deffus  par  un  cordon  de 
bois  ,  qui  règne  tout  autour  de  la  cuve.  Ce  cordon  a 
environ  trois  petits  pouces  de  large ,  &  fert  à  rete- 
nir tous  les  bouts  des  planches  du  faux-fond  ,  &  à 
empêcher  qu'elles  ne  fe  lèvent  avec  l'eau  que  l'on 
envoyé  dans  la  cuve.  Dans  un  endroit  de  la  cuve  le 
plus  commode ,  on  place  debout  une  efpece  de  pom- 
pe ou  tuyau  de  bois  ,  qu'on  appelle  pompe  à  jetter 
trempe.  Ce  tuyau  paffe  à -travers  le  faux-fond ,  & 
pofe  fur  l'autre  fond  ,  mais  ne  s'y  applique  pas.  On 
lui  a  pratiqué  aux  quatre  angles  quatre  efpeces  de 
pies  ,  fur  lefquels  il  eft  appuyé  :  Pefpace  évuidé  qui 
eft  entre  ces  quatre  pies ,  fuffit  pour  donner  paffage 
à  l'eau. 

Sous  la  cuve-matiere  ,  il  y  en  a  une  autre  plus  pe- 
tite que  l'on  nomme  reverdoir ,  &  dans  laquelle  eft 
équipée  une  pompe  à  chapelet ,  qu'on  appelle  pompe 
à  cabarer.  Cette  pompe  fert  à  enlever  ce  qui  fort  de 
la  cuve-matiere  ,  &  à  le  renvoyer,  par  le  moyen 
d'une  gouttière  qu'on  lui  applique  ,  dans  les  chau- 
dières ,  fur  le  bord  defquelles  cette  gouttière  eft  ap- 
puyée de  l'autre  bout.  Voye^  la  Planche  V.  A  cuve- 
matiere  :  B  autre  cuve-matiere  ;  car  on  peut  en  avoir 
plusieurs  ;  C,  C,  pompes  à  cabarer ,  qui  fe  rendent 


dans  les  cuves  placées  au-deffous  des  cuves  matiè- 
res :  E  ,  E ,  gouttières  :  D ,  Z> ,  chaudières  :  F,  F, 
bacs.  On  verra  plus  bas  l'ufage  de  tous  les  agrès  9 
après  que  nous  aurons  expliqué  ce  qui  concerne  les 
chaudières. 

Des  chaudières.  Les  chaudières  dont  on  fe  fert , 
fon,  faites  de  grandes  tables  de  cuivre,  clouées  en- 
iemble  avec  des  clous  de  même  métal.  Leur  figure 
eft  celle  d'un  demi -globe.  Elles  font  montées  fur 
leurs  fourneaux  ,  qui  doivent  être  conftruits  de  bri- 
que ou  de  tuileau.  On  y  employé  quelquefois  la 
pierre  :  mais  la  difficulté  de  trouver  des  pierres  qui 
réliftent  au  feu  ,  fait  préférer  les  deux  autres  efpeces 
de  matériaux. 

Pour  bien  conftruire  un  fourneau ,  il  faut  d'abord 
faire  un  bon  maffif  de  moilon  que  l'on  revêtira  de 
bons  murs.  Voye^fig.  z.  PL  IL  A  ,  A ,  A ,  A ,  6cc. 
Ces  murs  étant  élevés  à  la  hauteur  de  deux  pies  & 
demi  ou  environ  ,  fuivant  la  grandeur  des  chaudiè- 
res ,  on  pavera  le  fond  du  fourneau  B  ,B ,  B,B,  Sec. 
avec  du  gros  pavé  de  grais ,  ou  avec  de  la  brique  de 
champ  ,  &  debout  :  puis  on  pofera  l'embouchure 
C ,  C ,  C,  C ,  6cc.  L'embouchure  doit  être  conftruite 
de  trois  ou  quatre  barres  de  fer ,  fortes  Sx.  larges  de 
cinq  à  fix  pouces  ;  chacunes  affemblées  avec  des  en- 
tretoifes  de  pareil  fer.  L'embouchure  étant  pofée , 
on  conftruira  le  mur  intérieur  du  fourneau  ,  qu'on 
voit  même  Planche,  f g.  g.  en  D ,  D,  D.  Cette  fi- 
gure eft  une  coupe  verticale  de  la  chaudière  &  du 
fourneau ,  prife  fur  le  milieu  de  l'embouchure  qu'elle 
partage  en  deux  félon  fa  longueur.  Ce  mur  intérieur 
doit  être  de  brique  ou  de  tuileau.  On  l'élevera  envi- 
ron de  quinze  pouces  à  plomb.  Sa  forme  ,  comme  on 
voit ,  eft  concave.  Après  quoi  on  le  continuera  à 
grand  fruit.  Quant  à  la  forme  qu'on  lui  donnera  ,  ce 
fera  celle  d'une  calote  fphérique  concave,  capable 
d'embraffer  la  chaudière  dans  toute  fa  furface ,  ex- 
cepté à  l'endroit  qui  correfpond  au  fourneau  ,  où  la 
chaudière  n'a  aucune  partie  de  conftru&ion  qui  s'y 
applique  ,  &  que  par-tout  ailleurs  il  y  a  entre  la  chau« 
diere  &  le  mur  en  calote  fphérique  concave,  cinq  à 
fix  pouces  de  diftance.  Il  n'y  a  rien  qui  correfponde 
au  fond  de  la  chaudière  E,  comme  on  voit  figure  g. 
L'efpace  du  mur  ôc  de  la  chaudière  F ,  F ,  plus  grand 
par  en  bas  que  par-tout  ailleurs ,  va  toujours  en  dimi- 
nuant à  melùre  qu'il  s'élève  vers  les  bords  de  la  chau- 
dière. Cette  conftruftion  eft  très-raifonnable  ;  par  ce 
moyen  les  parties  de  la  chaudière  font  d'autant  plus 
découvertes  ,  qu'elles  font  plus  expofées  à  l'action 
du  feu  ;  &  la  flamme  refferrée  à  mefure  qu'elle  mon- 
te ,  fe  replie  fur  elle-même ,  &  enveloppe  toute  la 
chaudière  ,  s'élevant  jufqu'aux  ventoufes  qui  font 
perpendiculairement  au-deffus  de  l'embouchure ,  en- 
viron à  cinq  à  fix  pies  plus  haut.  Il  n'eft  pas  nécef- 
faire  d'avertir  qu'il  faut  garnir  6c  élever  les  murs  de 
revêtiffement ,  à  mefure  que  l'on  élevé  ceux  du  four- 
neau qui  doivent  commander  aux  autres.  Lorfqu'on 
a  pouffé  la  «onftru&ion  jufqu'en  G  ,  G,  à  quatre  à 
cinq  pouces  des  agraffes  de  la  chaudière  ,  qui  doi- 
vent être  faites  de  cuivre  pour  plus  grande  folidité  , 
on  fermera  tout-à-coup  le  fourneau  ;  enforte  que  tou- 
tes les  briques  toucheront  pour  lors  la  chaudière  ;  &C 
l'on  continuera  de  conftruire  ainfi  lors  même  qu'on 
fera  au-deffus  des  agraffes  ,  avec  cette  différence  feu- 
lement,  que  les  briques  depuis  le  pié  du  mur  jufqu'aux 
agraffes  ,  feront  unies  avec  de  la  terre  à  four  :  &  que 
depuis  les  agraffes  jufqu'aux  bords  &  au  -  deffus  des 
bords ,  on  les  liera  avec  un  mortier  de  chaux  &  un 
ciment  d'eau-forte.  On  obfervera  ,  lorfqu'on  polera 
les  briques  avec  le  mortier  de  chaux  &  le  ciment ,  de 
faire  mouiller  les  briques  ,  afin  qu'elles  foient  plus 
difpofées  à  faire  corps  avec  le  ciment. 

Lorfqu'on  a  conduit  la  maçonnerie  à  la  hauteur 
de  la  chaudière ,  6c  qu'on  aura  conftruit  les  ventou- 


B  R  A 


B  R  A 


fes ••;  les  cheminées  R ,  R  ,fig.  i.  les  hottes  S,  S  ,  on 
pofera  fur  le  devant  de  la  chaudière  ,  c'eft-à-dire  à  la 
pa2tie  oppofée  à  l'embouchure  du  fourneau  ,  une 
jante  de  bois  d'orme  de  4  à  5  pouces  d'équarriffage , 
&dont  la  largeur  couvre  l'épaiffeur  du  mur.  On  gar- 
nira &c  l'on  arrafera  cette  jante  tout  autour  de  la 
chaudière  &  des  bords ,  avec  des  briques  Se  du  ci- 
ment. La  maçonnerie  ainii  arrafée  ,  on  pofera  les 
fommiers  :  ce  ibnt  deux  pièces  de  bois  de  chêne  d'en- 
viron neuf  pouces  de  largeur ,  fur  un  pié  de  hauteur, 
qui  doivent  traverfer  la  chaudière  dans  toute  la  lar- 
geur ,  briffant  entr'elles  un  efpace  de  vingt  à  vingt- 
deux-  pouces  qui  reliera  toujours  vuide ,  afin  de  pou- 
voir emplir  tk.  vuider  les  chaudières.  Ces  deux  pie- 
ces  de  bois  étant  aufïï  arrafées  par  la  maçonnerie  de 
brique  &  de  ciment ,  on  pofera  delîus  des  planches, 
comme  on  les  voit  en  T,  T ,  T ,  fig.  1.  Planche  II. 
ou  fig.  1.  Planche  V.  Ces  planches  feront  attachées 
fur  les  fommiers ,  ferviront  de  couvertures  à  la  chau- 
dière ,  &c  porteront  les  bacs  à  jets ,  qui  doivent  tou- 
jours être  fur  les  chaudières  ,  &  qu'on  y  voit  fig.  1 . 
Planche  V.  en  F ,  F. 

Des  bacs.  Les  bacs  font  des  efpeces  de  réfervoirs 
deftinés  à  recevoir  la  bierre  lorfqu'elle  eft  laite.  Il 
y  en  a  de  deux  fortes  ,  les  bacs  à  jetter ,  &  les  bacs 
■de  décharge.  Les  bacs  à  jetter  dont  il  s'agit  ici  ,  & 
qu'on  voit  en  F,  F,  fig.  1.  PI.  V.  font  placés  fur  les 
chaudières  ,  &  font  faits  pour  recevoir  tout  ce  qui  en 
fort ,  foit  eau  ,  foit  bierre  :  mais  les  liqueurs  ne  font 
que  pafTer  deflus  ,  &  n'y  relient  jamais  ;  aufïï  font- 
ils  plus  petits  que  les  autres.  Les  bacs  de  décharge 
font  deftinés  à  recevoir  la  bierre  lorlqu'elle  eft  taite, 
&  qu'elle  a  ceffé  de  cuire  dans  les  chaudières.  On 
fait  couler  deffus  ces  bacs  la  bierre  avec  le  houblon  , 
par  le  moyen  de  gouttières  faites  &  difpofées  exprès. 
La  bierre  refte  dellus  julqu'à  ce  qu'elle  foit  prête  à 
mettre  en  levain  dans  la  cuve  guilloire ,  dont  nous 
parlerons  ci-après. 

Nous  avons  fuffifamment  expofé  ce  qui  concerne 
Jes  agrès  de  la  braderie  :  nous  allons  maintenant  re- 
tourner au  grain  moulu ,  que  nous  avons  laiffé  dans 
la  cuve-  matière  ,  tk.  continuer  la  fabrication  de  la 
bierre  ,  ou  l'art  de  braffer  ,  qui  ne  commence  pro- 
prement qu'en  cet  endroit. 

Manioc  de  braffer.  Après  qu'on  a  tiré  de  l'eau  du 
puits  ,  &  qu'on  en  a  rempli  les  chaudières  ,  on  fait 
du  feu  dans  les  fourneaux  fur  lelquels  elles  font  pla- 
cées ,  julqu'à  ce  que  l'eau  ait  acquis  le  degré  de  cha- 
leur convenable  pour  jetter  trempe.  Il  faut  bien  pren- 
dre garde  que  l'eau  ne  foit  ni  trop  chaude  ,  ni  trop 
froide.  Cela  eft  de  la  dernière  conféquence  pour  la 
fabrication.  Le  trop  de  chaleur  eft  cauie  que  l'on  ne 
peut  enfuite  faire  fermenter  la  bierre ,  ni  par  con- 
féquent  la  dépurer  de  tout  ce  qu'elle  a  de  grofïïer. 
Le  trop  peu  peut  nuire  encore  davantage  ,  une  trem- 
pe trop  douce  ne  manquant  jamais  de  lier  en  quelque 
Sorte  la  farine ,  de  l'empêcher  de  filtrer ,  &i.  d'occa- 
fionncr  la  perte  des  bralïïns. 

Il  n'eft  pas  facile  de  juger  (i  l'eau  eft  bonne  ;  c'eft 
une  affaire  d'un  taft  expert  à  goûter  les  eaux  :  c'eft 
le  terme  des  Braffeurs.  On  goûte  les  eaux,  en  pré- 
fentant  le  bout  du  doigt  à  leur  furface.  Si  l'eau  pi- 
que au  premier  abord  ,  c'eft  un  figne  qu'elle  eft  bon- 
ne. Cette  détermination  me  paroit  bien  vague.  Il 
me  femble  qu'il  vaudroit  beaucoup  mieux  s'en  rap- 
porter au  thermomètre  :  il  ne  s'agiroit  que  d'un  nom- 
bre fuffifant  d'expériences  faites  avec  cet  infiniment 
en  différentes  faifop.$. 

On  appelle/efrer  trempe,  vuider  l'eau  de  la  chau- 
dière dans  les  bacs  à  jetter  qu'on  voit  en  F,  F%iur  les 
chaudières.  Cette  manœuvre  fe  fait  à  laide  d'un  inf- 
trument  qu'on  appelle  un  jet.  Il  eftrepréfenté  PI.  II. 
Jig.  4.  C'eft  un  grand  chaudron  de  cuivre  lait  exprès, 
&  emmanché,  d'un  long  morceau  de  bois,  au  bout 
Tome  II, 


4O3 


duquel  eft  un  contrepoids  de  plomb  qui  allège  le  far- 
deau du  jet  &  de  l'eau  qu'il  contient,  &  facilite  ton 
mouvement.  Le  milieu  du  manche  porte  fur  la  jante 
de  bois  qui  occupe  l'intervalle  des  deux  fommiers 
qui  font  fur  la  chaudière  ;  on  laiffe  tomber  la  cuil- 
liere  du  jet  dans  la  chaudière.  Quand  elle  eft  pleine 
on  applique  la  main  vers  le  contrepoids  ;  la  cuillie- 
re  s'élève  julqu'à  la  hauteur  du  bac  ,  dans  lequel  on 
renverfe  l'eau  qu'elle  contient,  en  lui  donnant  un 
tour  de  poignet. 

Il  faut  obferver  que  ,  tandis  qu'on  jette  l'eau  hofs 
de  la  chaudière  ,  il  faut  tirer  le  feu  de  deffous  ;  fans 
quoi  la  chaudière  lé  vuidant  &  reliant  à  fec  ,  &  le 
ieu  continuant  dans  le  fourneau ,  la  chaudière  rilque- 
roit  d'être  brûlée.  L'eau  eft  conduite  des  chaudières 
par  les  bacs  dans  la  cuve  matière  ,  par  le  moyen  d'u- 
ne gouttière  qui  porte  d'un  bout  à  l'endroit  où  le  bac 
à  jetter  eft  percé ,  &  de  l'autre  fur  les  bords  de  la  cu- 
ve matière.  Mais  la  manière  dont  elle  eft  portée  dans 
la  cuve  matière  eft  très-ingénieufe  :  la  gouttière,  ou 
plutôt  fon  ouverture  correipond  à  celle  de  la  pompe 
à  jetter  dont  nous  avons  parlé  :  l'eau ,  au  fortir  de  la 
gouttière,  tombe  dans  la  pompe  à  jetter  ;  la  pompe  à 
jetter  la  tranfmet  jufqu'au  fond-plein  de  la  cuve  ma- 
tière. L'intervalle  compris  entre  le  fond-plein  &  le 
faux- tond  ou  fond  percé  de  trous  coniques,  le  rem- 
plit d'eau;  quand  il  en  eft  plein ,  alors  l'eau  des  chau- 
dières qui  continue  de  delcendre  par  la  pompe  à  jet- 
ter ,  force  celle  qui  eft  contenue  entre  les  deux  fonds  , 
à  fortir  par  les  trous  du  faux-fond  :  cet  effort  eft  con- 
fidérable,  comme  le  penferont  bien  ceux  qui  lavent 
que  les  liqueurs  agiffent  en  tout  fens,  en  raifon  de  leur 
hauteur  &  de  leur  bafe.  La  farine  qui  couvre  le  faux- 
fond  eft  enlevée  du  faux-fond  par  l'effort  de  l'eau 
jailliffante  par  les  trous  ,  jufqu'au  niveau  des  bords 
de  la  cuve.  Cinq  ou  fix  garçons  braffeurs,  armés  cha- 
cun d'un  fourquet ,  ou  d'un  infiniment  tel  qu'on  le 
voit  jig.  y.  PI.  II.  (  c'eft  une  efpece  de  pelle  de  fer 
ou  de  cuivre ,  percée  dans  fon  milieu  de  deux  grands 
yeux  longitudinaux);  ces  ouvriers,  dis  je,  font  vis- 
à-vis  d'eux ,  chacun  un  trou  dans  la  farine ,  l'écartant 
avec  leur  fourquet  julqu'à  ce  qu'ils  ayent  atteint  l'eau 
qui  l'enlevé  en  mafle.  AulTi-tôt  qu'ils  l'ont  atteinte  , 
ils  agitent  la  farine  ;  ils  travaillent  à  la  mêler  à  l'eau  ; 
ils  n'épargnent  aucun  moyen  de  la  bien  délayer,  du 
moins  en  gros.  A  cette  manœuvre ,  ils  en  font  fuccé- 
der  une  autre.  Ils  quittent  le  fourquet.  Ils  prennent 
la  vague  :  c'eft  un  long  infiniment  de  bois  ,  terminé 
par  trois  fourchons  ,  traverjfés  tous  trois  horifontale- 
ment  par  trois  ou  quatre  chevilles  ,  ce  qui  divile  l'ef- 
pace  total  contenu  entre  les  fourchons  en  plulieurs 
efpaces  plus  petits.  t'oy.Pl.  des  outils  de  Braff.lh  plon- 
gent la  vague  dans  la  cuve,  &  agitent  fortement  l'eau 
6éia  farine  avec  cet  infiniment.  Dès  ce  moment,  le 
mélange  d'eau  &  de  farine  contenu  dans  la  cuve-ma- 
tiere ,  s'appelle  le  fardeau,  &  la  dernière  manœuvre 
s'app  elle  r  -agiter.  On  ne  celle  de  vaguer ,  que  quand 
la  farine  eft  délayée  le  plus  parfaitement  qu'on  peut. 

Du  fardeau.  Le  fardeau  refte  dans  cet  état  une  heu- 
re ou  environ,  pendant  laquelle  toute  la  farine  fe 
précipite  &  le  repole  fur  le  taux-fond.  La  liqueur  que 
pour  lors  on  nomme  tes  métiers  ,  demeure  au-deffus  ; 
au  bout  d'une  heure  ,  les  métiers  étant  éclaircis,  on 
donne  avoi ,  en  levant  une  tape  de  bois,  qui  traverfe 
le  faux  tond  ,  ec  ferme  un  trou  pratiqué  dans  le  fond 
de  la  cuve.  La  tape  de  bois  étant  levée,  la  liqueur 
paffe  dans  le  rtverdoir,  petite  cuve  dont  nous  avons 
fait  mention  ci-deffus.  Quand  je  dis  la  ligueur,  j'en- 
tens  celle  qui  eft  comprife  entre  les  deux  fonds.  Pour 
ceile  qui  eft  fur  le  fardeau  ;  lorfque  l'efpace  compris 
enti  e  le  fond  èv  le  faux-fond  eft  vuide  ,  elle  fe  filtre 
à  travers  le  fardeau  ,  &  achevé  de  lé  charger  du  lue 
contenu  dans  cette  tarine. 

Pendant  que  les  métiers  ï'cclaircifTent,  comme  on 

E  e  e  ij 


404 


B  R  A 


B  R  A 


vient  de  le  dire ,  on  remplit  une  des  chaudières  avec 
de  l'eau  nouvelle  ,  juiqu'à  une  certaine  hauteur  ;  on 
met  fur  cette  eau  une  partie  des  premiers  métiers  , 
6c  l'on  achevé  de  remplir  la  chaudière  pour  la  fécon- 
de trempe  :  on  fait  de  nouveau  feu  délions  la  chau- 
dière ,  &  on  l'entretient  jufqu'à  ce  qu'elle  commence 
à  bouillir.  Le  refte  des  métiers  eft  dépofé  dans  une 
autre  chaudière. 

Lorfque  la  matière  de  la  féconde  trempe  ,  ou  l'eau 
mêlée  avec  les  premiers  métiers  commence  à  bouil- 
lir ,  on  jette  cette  féconde  trempe  comme  la  premiè- 
re, avec  la  gouttière  &  par  la  pompe  à  jetter  trempe; 
on  délaye  avec  le  fourquet  ;  on  agite  avec  la  vague , 
&  on  laiffe  encore  .repofer  le  fardeau  environ  une 
heure.  Au  bout  de  cette  heure  ,  on  donne  avoi  &  on 
•reçoit  la  liqueur  dans  le  reverdoir,  comme  à  la  pre- 
mière fois  ;  on  la  fait  pafiér  du  reverdoir  dans  les 
■chaudières  ,  ainli  que  nous  l'avons  dit  plus  haut ,  à 
l'occafion  de  ce  vaiffeau ,  à  l'aide  d'une  pompe  à  cha- 
pelet ;  c'eft  alors  qu'on  met  la  quantité  convenable 
de  houblon  :  on  fait  du  feu  fous  la  chaudière ,  &c  le 
tout  cuit  enfemble. 

La  quantité  de  houblon  varie  ,  félon  fa  force  & 
félon  celle  de  la  bierre ,  ou  plutôt  la  quantité  de  grain 
qu'on  y  a  employée  :  on  peut  cependant  affùrer  qu'il 
en  faut  depuis  trois  juiqu'à  quatre  livres  par  pièce  ; 
&  par  conféquent  une  loixantaine  de  livres  fur  un 
braflin  de  treize  à  quatorze  pièces.  Il  n'y  a  point  de 
préparation  à  lui  donner. 

Mais  le  grain  &  le  houblon  ne  font  pas  les  feuls  in- 
grédiens  qu'on  fafle  entrer  dans  la  bierre  ;  il  y  en  a 
qui  y  ajoutent  la  coriandre ,  foit  en  grain  foit  mou- 
lue. Ceux  qui  l'employent  en  grain  l'enferment  dans 
tin  fac  qu'ils  fufpendent  dans  la  cuve  guilloire  :  ceux 
qui  la  font  moudre ,  ou  l'enferment  dans  un  fac  qu'ils 
fufpendent  dans  la  cuve  guilloire  ,  comme  fi  elle  étoit 
en  grain,  ou  en  faupoudrent  la  bierre  quand  elle  eft 
fur  les  bacs  à  décharger.  Au  refte  on  fait  très  bien 
de  la  bierre  fans  coriandre  :  cependant  on  en  peut 
mettre  une  chaudronnée  de  dix  à  douze  pintes  fur  un 
braffin  de  treize  à  quatorze  pièces  ;  &  ce  que  nous 
avons  dit ,  indique  très-clairement  le  moment  dlen 
faire  ufage. 

De  la  cuiffon.  C'eft  alors  que  le  travail  de  la  bierre 
rouge  &  de  la  bierre  blanche  commence  à  devenir 
dînèrent  :  car  jufqu'ici ,  toute  la  façon  a  été  la  même 
pour  l'une  &  pour  l'autre  ,  fi  ce  n'eft  que  l'on  a  fait 
beaucoup  plus  fécher  le  grain  à  la  touraille  pour  la 
bierre  rouge  que  pour  la  blanche. 

La  cuiffon  de  la  bierre  rouge  eft  beaucoup  plus 
considérable  que  celle  de  la  blanche.  La  cuiffon  de 
la  bierre  blanche  fe  fait  en  trois  ou  quatre  heures , 
fuivant  la  capacité  des  chaudières  ;  &  celle  de  la  rou- 
ge en  demande  jufqu'à  trente  &  quarante.  Il  faut 
avouer  aufii  que  la  bierre  blanche  fe  cuit  à  bien-  plus 
grand  feu  que  la  rouge  ;  au  refte  le  plus  ou  le  moins 
de  cuiffon  ,  tant  du  grain  fur  la  touraille  ,  que  de  la 
bierre  même  dans  les  chaudières  ,  eft  la  feule  choie 
qui  taffe  la  différence  de  la  couleur  des  bierres. 

Lorfque  la  bierre  eft  fuffifamment  cuite  ,  on  vui- 
de  les  chaudières  avec  le  jet ,  comme  nous  l'avons 
dit  ailleurs ,  &  cela  s'appelle  décharger:  c'eft  pour  lors 
que  la  bierre  en  fortant  des  bacs  à  jetter ,  qui  font 
fur  les  chaudières ,  entre  dans  les  grands  bacs  ou  bacs 
de  décharge  ,  &  y  refte  avec  le  houblon  ,  jufqu'à 
ce  qu'elle  foit  bonne  à  mettre  en  levain. 

Du  levain.  On  ne  peut  dire  au  jufte  à  quel  degré 
de  tiédeur  ou  de  chaleur  il  faut  prendre  la  bierre 
pour  la  mettre  en  levain  ;  attendu  que  ce  degré  va- 
rie fuivant  les  différentes  températures  de  l'air,  Se 
qu'on  eft  obligé  de  mettre  en  levain  à  un  degré 
beaucoup  plus  chaud  dans  l'hy  ver  que  dans  l'été.  Il 
faut  dans  cette  dernière  faifon  que  la  bierre  foit 
prêfque  froide  ;  il  n'y  a  qu'un  long  ufage  &  une  gran- 


de expérience  qui  puiffent  inftruire  là-deflus  ,bu  lés 
obfervations  au  thermomètre  :  c'eft  affûrément  ici 
une  des  occafiens  où  cet  inftrument  peut  être  très- 
utile. 

Lorfque  la  bierre  eft  prête  à  être  mife  en  levain  , 
on  en  fait  couler  dans  la  cuve ,  qu'on  appelle  cuve 
guilloire,  parle  moyen  des  robinets  qui  font  aux  bacs; 
on  en  fait  couler ,  dis-je ,  une  certaine  quantité  ,  dans 
laquelle  on  jette  de  la  levure  de  bierre ,  plus  ou  moins 
fuivant  la  quantité  de  bierre  qu'on  a  à  mettre  en  le- 
vain. La  levure  eft  la  caufe  &  l'effet  de  la  fermenta- 
tion ;  deforte  que  celle  que  l'on  met  dans  la  bierre  y 
occafionnant  la  fermentation ,  engendre  de  nouvelle 
levure  &  ainfi  fucceffivement  ;  il  tant  environ  la  pro- 
duction de  levure  de  quatre  à  cinq  pièces  ,  pour  en 
mettre  en  levain  la  quantité  de  trente  pièces. 

La  levure  étant  mile  dans  la  quantité  de  bierre  que 
l'on  a  fait  paffer  des  bacs  à  décharger  dans  la  cuve 
guilloire  ;  on  a  ce  qu'on  appelle  le  pie  de  levain  :  on 
terme  les  robinets  ,  &  on  laiffe  le  pié  de  levain  envi- 
ron une  heure  ou  deux  dans  cet  état  ;  pendant  ce  tems, 
le  principe  de  la  fermentation  s'établit.  On  connoit 
que  ce  principe  eft  fuffifamment  établi ,  aux  crevaf- 
les  qui  fe  font  à  la  moufle,  en  différens  endroits  de  la 
furface  de  la  cuve  ;  ces  crevaffes  repréfentent  allez 
au  naturel  une  pâte  d'oie  :  pour  lors  il  faut  de  nou- 
veau faire  couler  de  la  bierre  des  bacs  à  décharger 
dans  la  cuve  guilloire  ,  afin  d'entretenir  la  fermenta- 
tion ,  obfervant  néanmoins  de  ne  pas  lâcher  les  ro- 
binets d'abord  à  plein  canal  ;  car  on  s'expoferoit  à 
fatiguer ,  &c  peut-être  à  noyer  le  pié  de  levain  :  au 
lieu  que  fi  l'on  modère  les  avois  pendant  quelques 
tems  ,  la  fermentation  fe  conferve  vigoureufe  ,  &  il 
vient  un  moment  où  l'on  peut  en  fureté  ouvrir  les 
robinets  entièrement. 

Quand  toute  la  bierre  a  paffé  des  bacs  à  déchar- 
ger dans  la  cuve  guilloire,  la  fermentation  continue; 
elle  augmente  juiqu'à  un  certain  point  de  force  ou 
de  maturité ,  auquel  on  peut  entonner  la  bierre.  On 
connoit  que  le  levain  eft  mûr ,  lorfque  les  rochers  de 
moufle  que  la  fermentation  a  engendrés  commencent 
à  s'affaiifer  &  à  fondre  fous  eux-mêmes ,  &  ne  fe  re- 
produifent  plus  ;  &  qu'on  ne  remarque  plus  à  la  fu- 
perficie  du  levain  qu'une  groffe  écume  extrêmement 
dilatée  :  pour  lors  il  faut  frapper  fur  cette  écume  avec 
une  longue  perche  ,  &  la  faire  rentrer  dans  la  liqueur; 
&  c'eft  ce  qu'on  appelle  battre  la  guilloire. 

Lorfque  la  guilloire  ejl  battue ,  on  entonne  la  bierre 
dans  des  tonneaux  rangés  à  côté  les  uns  des  autres 
fur  des  chantiers ,  fous  lefquels  font  des  bacquets  ,  ou 
moitiés  de  tonneau  ;  c'eft  dans  ces  vaiffeaux  que  tom- 
be la  levure  au  fortir  des  tonneaux.  L'endroit  de  la 
brajjerie  où  font  rangés  les  tonneaux  s'appelle  Yen- 
tonnerie.  Voye?^  PL  V.  de  Brajferie ,  une  entonnerie. 

De  la  levure.  La  levure  ne  fe  forme  pas  auflî-tôt 
que  la  pièce  eft  entonnée,  quoique  la  fermentation  , 
félon  toute  apparence  ,  n'ait  pas  ceflé  ;  il  ne  fort  d'a- 
bord que  de  la  moufle  qui  fe  fond  promptement  en 
bierre  :  ce  n'eft  guère  qu'au  bout  de  trois  ou  quatre 
heures ,  que  la  levure  commence  à  fe  former.  On  dif- 
tingue  facilement  le  changement;  alors  la  moufle  ne 
fort,  plus  fi  promptement  :  elle  devient  plus  grafie  &C 
plus  épaiffe  ;  mais  bien-tôt  après  la  fermentation  fe 
rallentit ,  pour  lors  on  pure  le  bacauet,  c'eft- à-dire  , 
qu'on  en  retire  la  bierre  provenue  de  la  fonte  des 
moufles ,  &  on  en  remplit  les  tonneaux.  Mais  comme 
le  produit  des  bacquets  ne  fuflit  pas  pour  le  rempliffa- 
ge ,  on  a  recours  à  de  la  bierre  du  même  braflin  mife 
en  réferve  pour  cet  effet. 

Les  tonneaux  ainli  remplis  recommencent  à  fer- 
menter avec  plus  de  vivacité  que  jamais  ,  &z  jettent 
pour  lors  de  la  vraie  levure.  On  a  foin  de  loûtenir  8c 
de  cultiver  la  fermentation  ,  en  rempliffant  de  tems. 
en  tems  les  tonneaux  ;  c'eft-à-dire  que  deux  heure* 


BRA 

èprès  qu'on  a  fait  le  premier  rempliflage  ,  on  en  fait 
un  fécond  ,  mais  fans  purer  les  bacquets.  Les  bac- 
quets  ne  fe  purent  qu'une  fois  ;  après  deux  autres  heu- 
r  es,  dh  fait  un  troiiicme  rempliflage  :  au  bout  d'une 
heure  le  quatrième  ,  &  à  peu  près  à  même  diftance 
de  tems  ,  le  cinquième  &  dernier. 

Tous  ces  diiïerens  rempliflages  faits  ,  on  làiffe  la 
bierre  tranquille  fur  les  chantiers  ;  &c  ce  n'eft  que 
vingt-quatre  heures  après  le  dernier  rempliflage  qu'el- 
le peut  être  bondonnée.  Si  on  fe  hâtoit  de  bondon- 
ner ,  la  fermentation  n'étant  pas  achevée ,  on  expo- 
feroit  les  pièces  à  s'entrouvrir  en  quelqu'endroit. 

Voilà  donc  la  bierre  faite  ,  &  en  état  d'être  mife 
en  cave  :  mais  û  l'on  eft  prefle  d'en  faire  ufage  ,  &C 
que  l'on  n'ait  pas  le  tems  de  la  laifler  éclaircir  natu- 
rellement ,  ce  qui  ne  s'exécute  pas  trop  prompte- 
ment,  on  y  remédie  en  la  collant. 

Di  la  colle.  On  colle  la  bierre ,  ainfi  que  le  vin  , 
avec  de  la  colle  de  poiflon  qui  fe  prépare  de  la  ma- 
nière fuivante  :  prenez  la  colle  de  poiffon ,  battez-la 
avec  un  marteau ,  afin  de  pouvoir  la  déchiqueter  plus 
Facilement  ;  mettez-la  en  pièces  les  plus  petites  qu'il 
éû  poflible  ;  faites-la  tremper  dans  de  l'eau  pendant 
vingt-quatre  ou  trente  heures  ;  renouveliez  l'eau, 
fur-tout  dans  les  tems  chauds ,  pour  prévenir  la  cor- 
ruption :  après  que  la  colle  aura  trempé  ,  retirez-la 
de  l'eau  ;  maniez-la  fortement  jufqu'à  ce  qu'elle  foit 
devenue  comme  de  la  pâte  ;  délayez-la  enfuite  dans 
de  l'eau  claire,  &  faites-en  comme  de  l'orgeat  très- 
epais  :  après  cette  première  préparation  elle  ne  tarde 
pas  à  prendre  une  autre  forme ,  &c  à  devenir ,  de  lait 
qu'elle  fembloit  être  ,  une  gelée  de  viande  très-forte, 
•en  verfant  cleffus  une  quantité  fuffifante  de  vin  blanc, 
ou  de  bierre  très-vieille ,  &C  remuant  bien  le  tout 
enfemblc  :  plus  on  remue  ,  plus  on  s'apperçoit  que 
la  gelée  prend  de  coniiftance  :  quand  elle  en  a  iurfi- 
fa minent,  on  la  laifle  dans  cet  état  jufqu'à  ce  qu'on 
veuille  s'en  fervir. 

Quand  on  veut  éclaircir  la  bierre  par  le  moyen  de 
la  colle  ,  on  prend  de  cette  gelée  dont  on  vient  de 
parler  ;  on  la  délaye  dans  de  l'eau  ;  on  pane  ce  mé- 
lange à  travers  un  linge  :  il  ne  faut  pas  qu'il  y  ait  trop 
d'eau  ;  fi  la  colle  étoit  trop  délayée  ,  elle  ne  produi- 
roit  plus  d'effet..  On  prend  environ  une  pinte  de 
colle  délayée  &  paffée  pour  un  demi-muid  :  quand 
on  a  verfé  la  colle  dans  la  pièce  ,  on  y  introduit  un 
bâton  de  la  longueur  du  bras  ;  on  agite  fortement  la 
liqueur  pendant  environ  une  ou  deux  minutes  ,  &  on 
laifle  le  tonneau  environ  douze  heures  fans  le  rebou- 
cher ;  cela  fait  avec  foin ,  au  bout  de  vingt  -  quatre 
heures  on  aura  de  la  bierre  très-claire. 

Voilà  tout  ce  qui  concerne  la  manière  de  brafler  , 
&  les  inftrumens  du  Brafleur.  Un  homme  intelligent 
pourrait,  lur  cette  dclcription  &  fur  l'infpcclion  de 
nos  planches ,  lever  une  braj/eric ,  &  faire  de  la  bier- 
re :  il  ne  lui  relierait  à  apprendre  que  ce  qu'on  ne 
tient  que  de  l'expérience  ,  comme  la  chaleur  de  l'eau 
propre  à  jetter  trempe  ,  celle  de  la  bierre  pour  être 
mile  en  levain,  &  autres  circonflances  pareilles. 
L'agrès  d'une  brajjer'u  où  l'on  remarque  particulière- 
ment de  l'invention ,  c'eft  la  cuve  à  deux  fonds ,  que 
lesBraflcurs  appellent  cuve- matière  :  fi  au  lieu  de  faire 
enlever  le  fardeau  de  farine  par  des  eaux  qui  le  pren- 
nent en-deflbus ,  on  eût  fait  tomber  les  eaux  deflus , 
ces  eaux  l'auraient  pénétré, appefanti,  lié,&  il  eût  été 
prefqu'impoflible  de  le  travailler,  foit  au  fourquet, 
l'oit  a  la  vague. Le  faux-fond  &:  la  pompe  à  jetter  trem- 
pe, font  une  application  très-ingénietife  &  très-utile 
du  principe  d'aftion  des  fluides  :  un  bon  phyficien 
n'aurait  pas  imaginé  mieux  que  l'ouvrier  à  qui  l'on 
doit  cette  invention ,  en  vertu  de  laquelle  la  mafle 
de  farine  eft  prife  en-deflbus,  &  portée  toute  entière 
Vers  le  haut  de  la  cuve  ,  d'où  l'ouvrier  n'a  plus  qu'à 
la  précipiter  vers  le  fond  ;  ce  qui  lui  elt  infiniment    I 


BRA 


40  j 


plus  facile  que  d'avoir  à  l'élever  du  fond  vers  le 
haut  de  la  cuve  :  d'ailleurs  l'eau  renfermée  entre  la 
farine  &  le  fond ,  fe  conferve  dans  une  chaleur  pref- 
qu'égale ,  &  la  trempe  en  eft  d'autant  meilleure.  Les 
petits  trous  du  faux  fond,  après  avoir  fervi  à  l'ex- 
hauflement  de  la  farine  pour  la  vaguer,fervent,  après 
qu'elle  elt  vaguée  ,  à  la  filtration  de  l'eau  chargée  de 
fon  lue  ;  &  il  y  a  bien  de  l'apparence  que  la  nécef- 
fité  de  cette  filtration  a  fait  d'abord  imaginer  le  faux 
fond  ,  &  qu'on  a  parle  de-là  à  la  pompe  à  jetter 
trempe. 

Les  uns  font  venir  le  mot  brajfer  de  brace  ,  efpece 
de  grain  dont  on  faîfoit  la  bierre  :  les  autres  de  bras 
ou  de  les  compofés ,  parce  que  la  manœuvre  la  plus 
fatigante  s'exécute  à  force  de  bras.  Les  brajferles  font 
fort  anciennes  à  Paris  ;  &  les  Bralfeurs  avoient  des 
ftatuts  en  1268  ,  fous  S.  Louis.  Ceux  auxquels  ils 
font  fournis  fe  réduifent  à  un  petit  nombre  d'articles. 
i°.  Il  y  eft  dit  que  nul  ne  braflera  &c  ne  charriera 
ou  fera  charrier  bierre ,  les  dimanches  ,  les  fêtes  fo- 
lemnelles  &  celles  de  Vierge. 

20.  Que  nul  ne  pourra  lever  brajfer'u  fans  avoir  fait 
cinq  ans  d'apprentiffage  ,  &  trois  ans  de  compa* 
gnonage  ,  avec  chef-d'œuvre. 

3°.  Qu'il  n'entrera  dans  la  bierre  que  bons  grains 
&  houblons  bien  tenus  &c  bien  nettoyés  ,  fans  y  mê- 
ler farraiin  ,  ivraie,  &c.  pour  cet  effet  les  houblons 
feront  vilités  par  les  jurés  ,  afin  qu'ils  ne  foient  em- 
ployés échauffes ,  mollis ,  gâtés  ,  mouillés  ,  &c. 

40.  Qu'il  ne  fera  colporté  par  la  ville  aucune  levure 
de  bierre ,  mais  qu'elle  fera  toute  vendue  dans  la 
brajfer'u  aux  Boulangers  &  Pâtifliers  ,  &  non  à  d'au- 
tres. 

50.  Que  les  levures  de  bierre  apportées  par  les  fo« 
rains  feront  vifitées  par  les  jurés  avant  que  d'être  ex* 
pofées  en  vente. 

6°.  Qu'aucun  Brafleur  ne  pourra  tenir  dans  la 
brajfer'u ,  bœuf,  vache,  porc  ,  oifon,  canne ,  volaille, 
comme  contraire  à  la  netteté. 

70.  Qu'il  ne  fera  fait  dans  une  brajfer'u  qu  'un  braflîrt 
par  jour,  de  quinze  feptiers  de  farine  au  plus.  Je  dou* 
te  que  cet  article  foit  exécuté.  . 

8°.  Que  les  caques ,  barrds ,  &  autres  vaifleaux  à 
contenir  bierre ,  feront  marqués  de  la  marque  du 
Brafleur ,  laquelle  marque  fera  frappée  en  préfence 
des  jurés. 

90.  Qu'aucun  maître  n'emportera  des  maifons 
qu'il  fournit  de  bierre  ,  que  les  vaifleaux  qui  lui  ap- 
partiendront par  convention. 

io°.  Que  ceux  qui  vendent  en  détail  feront  fou- 
rnis à  la  vifite  des  jurés. 

ii°.  Que  nul  ne  pourra  s'aflbeier  dans  le  com- 
merce d'autres  qu'un  maître  du  métier. 

12°.  Qu'aucun  maître  n'aura  qu'un  apprenti  à  la 
fois  ,  &  que  cet  apprenti  ne  pourra  être  tranfporté 
fans  le  confentement  des  jurés.  Il  y  a  exception  à  la 
première  partie  de  cet  article  pour  la  dernière  an- 
née :  on  peut  avoir  deux  apprentis,  dont  l'un  com- 
mence fa  première  année ,  &  l'autre  fa  cinquième. 

1 30.  Que  tout  fils  de  maître  pourra  tenir  ouvroir 
en  faifant  chef-d'œuvre. 

1 4".  Que  nul  ne  recevra  pour  compagnon  celui 
qui  aura  quitté  fon  maître ,  outre  le  gré  de  ce  maître. 
1  50.  Qu'une  veuve  pourraavoir  ferviteurs  &  faire 
brafler  ,  mais  non  prendre  apprentis. 

1 6°.  Que  les  maîtres  ne  lé  fouftrairont  ni  ouvriers 
ni  apprentis  les  uns  aux  autres. 

1 7".  Qu'ils  éliront  trois  maîtres  pour  être  jurés  & 
gardes  ,  deux  defquels  le  changeront  de  2  en  2  ans. 
180.  Quti  ces  jure  ce  gardes  auront  droit  de  vi- 
fite dans  la  ville  ,  les  faubourgs  &  la  banlieue. 

•  La  bierre  eft  flljette  à  des  droits  ;  &  pour  que  le 
Roi  n'en  foit  pas  fruftre,  le  Brafleur  eft  obligé  à  cha- 
que braflîn  d'avertir  le  commis  du  jour  &  de  l'heure 


40<> 


B  R  A 


qu'il  met  le  feu  fous  les  chaiidieres ,  fous  peine  d'a- 
mende &  de  confiscation. 

Comme  on  ne  peut  taire  de  la  bierre  fans  y  em- 
ployer beaucoup  de  grain  ,  le  roi  fait  furfeoir  les 
brajferies  dans  les  tems  de  difette. 

Il  y  eut  jadis  une  grande  conteftation  fur  la  vente 
que  les  Brafleurs  faif  oient  de  la  levure  de  bierre  aux 
Boulangers  &  aux  Pâtiffiers  :  on  prétendoit  qu'elle 
étoit  mal-faine  ;  la  Faculté  de  Paris  décida  le  con- 
traire. 

*  BRASSEUR ,  f.  f.  (  Art  méchan.  )  ouvrier  auto- 
rifé  à  lever  une  brafferie  ,  &  à  fabriquer  &  vendre 
de  la  bierre.  Voye^  Brasserie  &  Bierre.  Les  Braf 
feurs  s'apelloient  autrefois  Cervoifïers.  Foye^  dans  les 
mêmes  articles  les  ftatuts  auxquels  les  Brajjéurs  font 
afïïijettis. 

BRASSICOURT  ,  {Manège.  )  fe  dit  d'un  cheval 
qui  a  naturellement  les  jambes  courbées  en  arc,  à  la 
différence  des  chevaux  arqués.  Voyc^  Arqué.   (  V) 

BRASSIN ,  f.  m.  on  entend  par  ce  mot  toute  la 
bierre  qui  fe  retire  de  la  quantité  de  grains  qu'on  met 
&  qu'on  travaille  à  chaque  fois  dans  la  cuve-matiere  : 
ainii  le  braffin  peut  être  plus  ou  moins  coniidérable. 

BRASSOiR ,  f.  m.  à  la  Monnoie ,  infiniment  de  fer 
ou  de  terre  cuite  de  creufet ,  dont  on  le  fert  pour 
brafTer  le  métal  lorsqu'il  ell  en  bain.  Pour  l'argent  & 
le  billon  les  braffoirs  font  des  cuiilieres  de  fer  :  mais 
pour  l'or  fi  l'on  fe  fervoit  de  brajjoirs  de  fer  ,  l'hété- 
rogénéité qui  règne  entre  ces  deux  métaux  feroit  pé- 
tiller l'or  &  s'écarter;  d'où  il  s'enfuivroit  des  déchets 
&  un  embarras  dans  le  travail.  On  a  foin  de  bien 
chauffer  le  brajfoir,  même  de  terre,  avant  de  s'en  fer- 
vir.  Voye^  Bain. 

BRATHIAN  ,  (  Géog.  )  ville  de  la  Pniffe  Polo- 
noife. 

BRATSKI  ou  BRATI ,  (  Hijl.  mod.  )  c'eft  une  na- 
tion de  Tartares  en  Sibérie ,  qui  s'eft  venu  établir 
fur  les  bords  de  la  rivière  d'Anagara.  Ils  font  fournis 
à  la  Mofcovie  ,  6c  ont  bâti  la  ville  de  Bratskoy. 

BRAVA,  {Géog.)  l'une  des  îles  du  cap-Verd  ,  ap- 
partenante aux  Portugais.  Le  meilleur  port  qui  s'y 
trouve  eft  celui  de  Fuerno.  Il  y  croit  d'excellent  vin. 

Brava,  ville  &  république  d 'Afrique  avec  un 
bon  port,  fur  la  côte  d'Ajan  ,  près  de  celle  de  Zan- 
s;uebar.  Long.  5o.  10.  lat.  i. 

*  BRAVADE  ,  f.  f.  (  Hijl.  mod.  )  fête  qui  fe  célè- 
bre à  Aix  en  Provence  la  veille  de  S.  Jean.  Onexpo- 
fe  un  oifeau  dans  un  champ  pendant  quelques  jours  , 
on  le  tire  à  coups  de  fufii ,  &  celui  qui  lui  abat  la  tête 
eft  déclaré  roi  de  la  fête  par  les  confuls  &  les  autres 
magiftrats.  Le  roi  fe  choifit  un  lieutenant  &  un  enfei- 
gne  qui  font  reçus  à  l'hôtel  de  ville.  Ces  trois  officiers 
lèvent  chacun  une  compagnie  de  moufquetaires ,  tk. 
fe  trouvent  tous  enfemble  fur  la  place  de  la  ville ,  oii 
le  parlement  fe  rend  auffi  pour  allumer  le  feu  de  la 
S.  Jean.  On  fait  remonter  l'inftitution  de  cette  fête 
jufqu'en  1256,  lors  du  retour  de  Charles  d'Anjou  du 
voyage  de  la  Tcrre-fainte.  On  tiroit  autrefois  l'oi- 
feau  avec  les  flèches ,  qu'on  a  abandonnées  depuis 
l'invention  du  fufil.  Il  y  a  apparence  que  le  roi  de  la 
bravade  jouit  de  quelques  privilèges,  quoiqu'on  ne 
nous  les  dife  pas.  Dans  toutes  lesivilles  de  province 
011  l'on  tire  l 'oifeau  ,  on  donne  le  nom  de  roi  à  celui 
qui  l'abat  trois  années  de  fuite  ,  &  il  eft  exempt  des 
droits  d'entrée  &  du  logement  des  foldats. 

BRAUBACH ,  (  Giog.  )  petite  ville  d'Allemagne 
avec  un  château  ,  fur  le  Rhin  ,  dans  la  Veteravie. 

BRAULIO  ,  (  Géog.  )  haute  montagne  des  Alpes 
chez  les  Grifons  ,  près  de  la  ville  de  Bormio,  fur  les 
frontières  du  Tirol. 

BRAULS  ,  f.  f.  pi.  (  Commerce.  )  toiles  des  Indes 
rayées  de  bleu  &  de  blanc  :  on  les  nomme  autrement 
turbans ,  parce  qu'on  les  employé  particulièrement 
fur  la  côte  d'Afrique  aux  coeffures  appellées  de  ce 
nom. 


B  R  A 

BRAUNAU,  (  Géog.)  ville  fortifiée  delà  haute 
Bavière  ,  fur  la  rivière  d'Inn.  Il  y  a  encore  une  autre 
ville  de  ce  nom  dans  le  royaume  de  Bohême. 

BRAUNFELS  ,  {  Géog.')  petite  ville  avec  un  châ- 
teau fort  dans  le  comté  de  Solms  ,  dans  le  cercle  du 
haut  Rhin  ,  à  une  lieu*  de  Wetzlar. 

BRAUNSBERG,  {Géog.  )  ville  de  la  PmfTe  Po- 
lonoife ,  fur  la  lifiere  de  la  Prufîe  royale ,  fur  la  ri-* 
viere  dePaflerg. 

*  BRAVOURE,  VALEUR, COURAGE,  CŒUR, 
INTPvEPIDITÉ ,  (  Gramm.  )  termes  qui  défignent 
tous  l'état  de  Pâme  à  la  vue  d'un  danger:  le  cœur  mar- 
que la  fermeté  ;  l'homme  de  cœur  ne  recule  pas  :  le 
courage  eft  accompagné  d'impatience  ;  il  brûle  d'atta- 
quer :  la  valeur  eft  le  courage  accompagné  d'une  for- 
te d'oftentation  qu'on  aime  dans  la  jeunelTe  :  la  bra- 
voure n'eft  guère  d'ufage  que  dans  les  dangers  de  la 
guerre  ,  &  femble  ne  s'accorder  qu'à  ceux  qui  s'y 
font  expofés  pluiîeurs  fois  ;  la  bravoure  eft  le  courage 
f ouvent  éprouvé  :  P intrépidité  eft  le  mépris  de  la  vie 
&  des  dangers.  Les  termes  bravoure  ,  valeur  ,  intré- 
pidité, ont  une  acception  moins  étendue  que  ceux  de 
cœur  &  de  courage. 

*  BRAURONE ,  (  Géog.  anc.  &  Myth.  )  lieu  de 
l'Attique  où  la  ftatue  de  Diane  enlevée  de  la  Tauride 
par  Iphigénie  fut  dépoiée  dans  un  temple  qu'Orefte 
fît  élever.  On  y  célébroit  tous  les  ans  la  délivrance 
de  ces  deux  entans  d'Agamemnon.  On  appliquoit  une 
épée  nue  fur  la  tête  d'une  viciime  humaine  ;  quelques 
gouttes  de  fon  fang  y  tenoient  lieu  de  facrifîce.  Iphi- 
génie reçut  les  honneurs  divins  dans  le  temple  de 
Braurone ,  dont  elle  avoit  été  la  première  prêtrefTe. 

BRA  Y  fur  Seine,  petite  ville  de  France  dans  la  pro- 
vince de  Champagne.  Il  y  a  auffi  une  ville  de  ce  nom 
dans  le  Soiffbnnois. 

Bray  fur  Somme ,  petite  ville  de  France  en  Picar- 
die ,  entre  Péronne  oî  Amiens. 

Bray  ,  (  le  pays  de  )  Géog.  petit  pays  de  France  en 
Normandie.  C'eft  une  des  quatrepetites  contrées  qui 
compofent  le  diocefe  de  Rouen. 

BRAY£  ,  (  Géog.  )  rivière  de  France  qui  prend  fa 
fource  dans  le  bas  Perche,  ôcfe  jette  dans  le  Loir. 

Braye,  voyei Canal. 

BRAYER  ,  f.  m.  terme  de  Chirurgie,  eft  une  forte 
de  bandage  d'acier  ou  autre  matière  lemblable,  pour 
tenir  en  état  les  parties  auxquelles  il  y  a  des  hernies 
ou  ruptures.  troye?v  Hernie. 

Ces  bandages  font  faits  d'un  cercle  d'acier  forgé  , 
battu ,  &  applati ,  affez  grand  pour  environner  les 
trois  quarts  du  corps ,  &  dont  l'extrémité  ,  qui  doit 
pofèr  fur  la  defeente  ,  eft  allongée  en  en-bas  en  for- 
me d'écuflbn.  A  l'autre  extrémité  du  cercle  ,  il  y  a 
une  courroie  affez  longue  pour  achever  le  tour  du 
corps ,  &  pour  s'attacher  à  l'écuflbn ,  oit  il  y  a  une 
pointe  d'acier  en  forme  de  crochet  qui  entre  dans  un 
des  trous  dont  la  courroie  eft  percée ,  afin  qu'on  puif- 
fe  ferrer  le  bandage  plus  ou  moins,  félon  qu'il  eft  né- 
ceffaire  :  ces  bandages  font  ordinairement  garnis  de 
coton ,  &  recouverts  de  chamois  ou  de  marroquin. 
L'écuflbn  doit  être  bien  garni  intérieurement ,  afin 
de  contenir  les  parties  fans  blefîèr  le  point  fur  lequel 
il  appuie.  Il  y  a  des  bandages  à  double  écuflbn  pour 
■la  hernie.  Des  deux  côtés  on  peut  joindre  les  écuf- 
fons  par  un  reffbrt  ou  par  deux  ou  trois  petites  char- 
nières qui  leur  permettent  de  fe  plier  ;  cette  mécha- 
nique  empêche  le  froiflement  &  la  contufion  des  par- 
ties fur  lefquelles  le  bandage  eft  pofé.  {f^oye-  PL  f. 
fig.  y.  &  PL  Vl.fig.i.  2.  3.  &4-)  . 

M.  Delaunay,  maître  en  Chirurgie,  a  préfenté  un 
bandage  d'acier  élaftique ,  dont  la  figure  &  la'defcrip- 
tion  fe  trouvent  dans  le  premier  volume  des  Mémoi- 
res de  L'Académie  royale  de  Chirurgie. 

M.  Martin ,  auffi  maître  en  Chirurgie  ,  a  préfenté 
depuis  peu  à  la  même  académie ,  des  bandages  qu'il 


BRA 

G  perfectionnés  à  plufieurs  égards.  Un  défaut  aiTez 
ordinaire  des  bandages,  eft  de  ne  pas  comprimer  éga- 
lement dans  toutes  les  attitudes  &  les  différens  mou- 
vcmens  auxquels  on  elt  expofé,  parce  que  la  ceinture 
d'acier  ne  peut  pas  avoir  allez  de  refîbrt ,  6c  former 
à  l'oppofite  de  l'écuffon ,  un  point  d'appui  fuffifant 
pour  la  compreffion.  M.  Martin,  pour  éviter  cet  in- 
convénient, a  rendu  élaftique  la  pelotte  ou  écuffon 
du  brayer.  La  pelotte  renferme  deux  platines  ;  l'une 
eft  continue  au  demi-cercle  d'acier,  &  l'autre  placée 
en  dedans  ,  tient  fupérieurement  à  la  précédente  par 
une  charnière  qui  en  fait  le  point  fixe ,  pendant  que 
la  partie  inférieure  refte  béante  &  mobile  au  moyen 
d'un  refTort  mis  entre  les  deux  plaques  :  ce  reffort 
tend  toujours  à  rapprocher  celle  du  dedans  vers  le 
ventre ,  dans  le  tems  que  la  première  pourrait  s'en 
éloigner  avec  le  demi-cercle  d'acier  par  quelque  mou- 
vement particulier  du  corps  ou  quelque  changement 
<le  fituation.  Ainfi  cette  féconde  platine ,  qui  eft  con- 
tinuellement paflee  vers  l'anneau ,  fait  une  compref- 
fion d'autant  plus  avantageufe ,  qu'elle  eft  détermi- 
née de  bas  en  haut,  &  demeure  toujours  égaLe  dans 
•quelque  attitude  que  fe  trouve  le  corps.  Cet  avan- 
tage difpenfe  de  porter  le  bandage  auffi  ferré  qu'on 
le  porte  ordinairement,  ce  qui  elt  une  féconde  utilité 
d'un  grand  prix  pour  beaucoup  de  perfonnes ,  &  fur- 
tout  pour  celles  qui  font  gràlfcs  6c  qui  s'écorchent 
facilement. 

M.  Martin  a  donné  plufieurs  avantages  aux  ban- 
dages qui  fervent  à  contenir  les  hernies  de  l'ombilic , 
les  chûtes  de  matrice ,  du  fondement ,  &c. 

11  eft  important  de  faire  remarquer  que  les  banda- 
ges n'exigent  pas  un  foin  fi  borné  ni  fi  vulgaire  qu'on 
pourroit  lé  l'imaginer  :  tout  y  elt  digne  de  l'attention 
îles  habiles  Chirurgiens.  L'exécution  de  ces  fortes  de 
machines  ne  peut  être  parfaite  qu'à  l'aide  de  leurs 
lumières  &  de  leur  expérience.  Cette  branche  de  l'art 
lient  à  beaucoup  de  connoiffances  anatomiques  & 
chirurgicales  fort  délicates ,  &  éloignées  feulement 
en  apparence  ;  connoiffances  ,  dont  font  dépourvus 
les  ouvriers  auxquels  on  permet  la  fabrique  6c  mê- 
me l'application  de  ces  fortes  d'inltrumcns. 

Le  public  ne  peut  être  trop  informé  qu'un  brayer 
bien  conditionné  eft  l'unique  moyen  qui  puifTe  met- 
tre en  fùrctc  la  vie  de  ceux  qui  font  affligés  de  def- 
centes;  il  les  garantit  de  l'étranglement  que  la  chute 
des  parties  pourroit  occalionner  ,  &  il  produit  quel- 
quefois la  guérifon  aux  perfonnes  même  d'un  âge 
avancé. 

Pour  les  enfans  qui  font  encore  à  la  mammellc ,  on 
ne  fe  ! ért  pas  de  bandage  d'acier  :  on  polê  quelques 
compreffes  graduées  fur  l'anneau ,  6c  on  les  contient 
avec  une  bande  de  toile.  On  peut  auffi  fe  lervir  d'un 
bandage ,  dont  la  ceinture  de  liliere  ou  de  drap  revê- 
tu de  chamois  ou  de  futaine  ,  ait  une  pelotte  de  toile 
bien  bourrée  de  filaffe  6c  revêtue  de  la  même  étoffe 
que  la  ceinture.  On  doit  cirer  les  bandages  des  en- 
fans  ,  pour  qu'ils  ne  pourriffent  pas  dans  les  urines 
&  les  excrémens. 

Au  derrière  de  tous  les  brayers  on  attache  une  ban- 
delette de  toile  double ,  qui  paffant  fous  la  cuiffe  vient 
s'attacher  à  l'écuffon ,  de  même  que  la  courroie  qui 
termine  la  ceinture.  Cette  bandelette  le  nomme  la 
Jbus-cuijfe ;  elle  foùtient  le  bandage ,  6c  empêche  qu'il 
ne  remonte. 

L'application  de  ces  bandages  elt  ailée  à  taire  : 
ceux  qui  en  portent  les  ôtent  &  les  remettent  fans 
peine  ,  par  l'habitude  qu'ils  en  ont  contractée.  Mais 
une  circonitancc  cffentielle  à  obferver ,  c'efl  de  ne 
point  mettre  le  bandage  que  la  deicente  ne  foit  en- 
tièrement rentrée;  car  s'il  reftoit  une  partie  de  l'in- 
teftin  dans  l'aine,  le  bandage  le  meurtriffant  y  cau- 
serait de  la  douleur,  de  l'inflammation,  6c  enfin  la 
gangrené,  fi  l'on  n'y  pourvoyoit  :  cette  règle  fçuf- 


BRA 


40? 


fre  quelque  exception ,  lorfque  l'épiploon  forme  la 
hernie,  Voyey  RÉDUCTION. 

Brayer  pour  contenir  les  hemorrhoïdes.  Voye{  He- 

MORRHOÏDES. 

Brayer  pour  la  chute  du  rectum  ou  de  la  matrice, 
Foyei  Chute. 

Brayer  pour  la  hernie  du  nombril.  V-oyét  Exom- 
PHALE.  (Y") 

Brayer,  c'eft  une  efpece  de  bandage  fait  de  gros 
cuir  ,  garni  d'une  boucle  &  de  fon  ardillon ,  qui  fert 
à  foûtenir  le  battant  d'une  cloche.  Voye-^  Cloche 
Xj-  FONDEUR  DE  CLOCHES,  foy£{figure  6.  Planche 
de  la  Fonderie  des  cloches  ,  &  l'article  FONTE  DES 
CLO  C  HES. 

Braver,  en  Fauconnerie ,  c'eft  le  cul  d'un  oifeau 
de  proie  ,  &  on  dit  qu'une  marque  de  la  bonté  d'un 
faucon  eft  quand  il  a  le  brayer  net ,  &  lorfqu'il  lui 
tombe  bien  bas  le  long  de  la  queue ,  &  qu'autour  il 
cil  bien  émaillé  de  taches  noires  &  rouffes. 

B  R  AY  E  R  un  vaijjïau  ou  brayer  les  coutures  d'un 
vaijjeau  ,  (Marine.*)  c'eft  y  appliquer  du  bray  bouilli 
pour  remédier  aux  voies  d'eau ,  en  rempliffant  &  en 
refferrant  les  jointures  de  fon  bordage.  On  dit  lbu- 
vent  tfpahncr  6ifuifer  pour  brayer.  (Z) 

*  BRAZER  ,  en  terme  de  Serrurier,  Coutelier,  &  au- 
tres ouvriers  enfer ,  c'eft  unir  deux  pièces  de  fer  avec 
du  cuivre.  On  bra^e  dans  les  occafions  fur-tout  où 
la  crainte  de  gâter  les  formes  d'une  pièce  rompue  , 
empêche  de  la  lbuder.  Pour  brarer,  il  faut  ajufter  les 
pièces  à  bra7^er  le  plus  exactement  qu'on  pourra  ,  de 
manière  qu'elles  ne  vacillent  point ,  parce  que  fi  elles 
s'ébranloient ,  elles  fe  déplaceroient  &  ne  fe  brade- 
raient pas  où  l'on  veut  ;  c'eft  pourquoi  on  les  lie  avec 
de  petits  fils  de  fer  ;  après  quoi  on  prend  du  laiton 
ou  de  la  mitraille  la  plus  jaune  6c  la  plus  mince  que 
faire  fe  peut  ;  on  la  coupe  par  petites  bandes ,  que 
l'on  met  autour  des  pièces  qu'on  veut  brader ,  on  les 
couvre  avec  du  papier  ou  du  linge  qu'on  lie  avec  un 
fil  ;  alors  on  prend  de  la  terre  franche  qui  foit  un  peu 
fablpnneufe ,  car  autrement  elle  pourroit  fondre  6c 
couler  :  s'il  arrivoit  que  la  terre  fût  trop  grafîe  ,  on 
y  mêleroit  du  fable  6c  de  l'argile  ,  &  de  1  écaille  de 
fer ,  avec  un  peu  de  fiente  de  cheval  &  de  bourre  ; 
puis  on  la  bat  avec  un  bâton,  &  on  la  détrempe  avec 
de  l'eau  claire  en  confiftance  de  pâte  ;  plus  elle  fera 
battue  ,  mieux  elle  vaudra.  On  en  couvre  l'ouvrage 
accommodé  comme  nous  avons  dit  ci-deffus ,  de  l'é- 
paiffeur  de  2 ,  3 ,  4,  5,6  lignes  ou  davantage,  lui- 
vant  la  groffeur  des  pièces  à  brader.  Ainfi  couvert , 
on  le  mouille  avec  de  l'eau ,  puis  on  met  de  l'écaillé 
de  fer  par-deffus  ;  cela  fait  on  le  met  dans  le  feu  ,  & 
&  on  le  chauffe  doucement.  Quand  on  voit  la  terre 
rouge ,  on  le  tourne  6c  retourne  doucement  dans  le 
feu,  6c  on  chauffe  encore  un  efpaCe  de  tems,  toujours 
tournant  &  retournant  à  plulieurs  reprifes  ,  de  peur 
qu'il  ne  chauffe  trop  d'un  côté  :  on  chauffe  jufqu'à  ce 
qu'on  apperçoive  une  fumée  bleue  qui  s'échappe  de 
la  terre  ;  on  elt  fur-tout  exaét  à  tourner  6c  retourner 
lorfqu'on  voit  la  flamme  bleue  violette ,  car  c'elt  une 
marque  que  le  laiton  elt  fondu.  On  chauffe  encore 
un  peu  ,  afin  que  la  fulion  du  laiton  foit  parfaite ,  6c 
qu'il  coule  également  par  tous  les  endroits  néceffai- 
rei.  On  ote  enluite  l'ouvrage  du  feu ,  6c  on  le  tourne 
cv  retourne  doucement  fur  l'enclume  pour  faire  aller 
le  laiton  par-tout ,  jufqu'à  ce  que  l'ouvrage  (oir  i\n 
peu  refroidi ,  6c  qu'il  foit  à  prélumer  que  le  lairon  ne 
coule  plus;  fans  cette  précaution  il  le  trouverait  plus 
épais  en  un  endroit  qu'en  un  autre.  On  Iaiffe  refroi- 
dir l'ouvrage  fous  la  terre ,  6c  l'on  ne  longe  à  le  dé- 
couvrir que  quand  on  peut  facilement  y  appliquer  la 
main.  Cette  façon  elt  commune  à  toutes  les  giolies 
pièces. 

Pour  les  petites ,  on  les  pourra  brader  fans  les  cou- 
vrir de  terre  ,  prenant  du  laiton ,  le  mettant  fur  1? 


408 


B  R  E 


BRE 


pièce ,  ia  mouillant  avec  de  l'eau  claire ,  &  y  répan- 
dant du  borax  en  poudre  ;  après  quoi  on  la  fera  lé- 
cher doucement  contre  le  feu  ;  car  fi  on  l'approchoit 
d'un  trop  grand  feu  en  commençant ,  l'eau  venant  à 
.s'échauffer  &  à  bouillir,  elle  jetteroit  le  laiton  &  le 
borax  hors  de  la  place. 

BRAZZA,  (Géog.)  île,  avec  une  petite  ville  de 
même  nom  ,  dans  le  golfe  de  Venife  ,  vis-à-vis  de 
Spalatro  :  elle  eft  aux  Vénitiens. 

BREBBES  ,  f.  m.  pi.  (Hïft.  mod.  &  Géog.)  peuples 
particuliers ,  qui  habitent  les  montagnes  Atlantiques 
de  l'Afrique  ;  ils  font  Mahométans  ;  &  par  une  dévo- 
tion très-bifarre  ils  fe  balafrent  les  joues  de  marques 
&  de  cicatrices  ,  ce  qui  les  diltingue  des  autres  habi-' 
tans  des  mêmes  contrées. 

BREBEZ,  (Géog.)  rivière  qui  prend  fa  fource 
dans  la  Pruffe  Polonoilé ,  &  qui  le  jette  à  Mazoire , 
dans  la  rivière  de  Natew. 

BREBIS  ,  ovis,  fub.  f.  (Hifi.  nat.  Zoolog.)  animal 
quadrupède  femelle ,  dent  le  bélier  eft  le  mâle  ;  ce- 
pendant c'eft  du  nom  de  la  femelle  qu'on  a  dérivé 
les  noms  génériques  oviaria  &  oviarium  pecus  ,  trou- 
peaux de  brebis,  foye^  BÉLIER.  Il  y  a  des  brebis  qui 
ont  de  petites  cornes  :  mais  la  plupart  n'en  ont  point. 
On  a  diftingué  plulieurs  fortes  de  brebis  ,  par  la  diffé- 
rence du  poil  ou  de  la  laine  :  on  les  a  auffi  défignées 
par  les  noms  des  pays  où  elles  fe  trouvoient.  M.  Lin- 
naeus  a  réduit  toutes  cell  es  dont  il  eft  fait  mention  dans 
plufieurs  auteurs ,  à  trois  efpeces  principales. 

La  brebis  domefiique ,  &  celle  qui  a  une  très-grande 
queue ,  font  compriles  fous  la  première  efpece.  Voy. 
Mouton. 

La  féconde  eft  celle  du  Strepjlctros  de  Crète  ou  de 
Candie ,  qui  a  les  cornes  droites  &  entourées  par  une 
gouttière  dirigée  en  fpirale  ;  au  refte ,  elle  ne  diffère 
guère  des  nôtres.  Bellon  dit  qu'il  y  en  a  de  grands 
troupeaux  fur  le  mont  Ida. 

La  troifieme  efpece  comprend  les  brebis  de  Guinée 
ou  d'Angole  ;  elles  font  plus  grandes  que  les  nôtres  ; 
le  derrière  de  la  tête  eft  plus  l'aillant,  les  oreilles.font 
pendantes,  &  les  cornes  petites  &  recourbées  en-bas 
jufqu'aux  yeux  :  ces  brebis  ont  une  crinière  qui  def- 
cend  plus  bas  que  le  cou ,  des  poils  courts  comme 
ceux  du  bouc  au  lieu  de  laine  ,  &  un  fanon  fous  la 
gorge  comme  le  bœuf,  f^oye^ Mouton,  Quadru- 
pède. Ray,  fynop.  anim,  quadrup.  Linnan,j^/?.  nat- 

*  Choix  des  brebis.  Le  profit  qu  on  tire  d  un  trou- 
peau ,  dépend  principalement  de  la  bonté  des  brebis. 
Une  bonne  brebis  a  le  corps  grand ,  les  yeux  de  mê- 
me ,  &  fort  éveillés  ;  la  queue  ,  les  jambes  ,  &  les  té- 
tines longues;  le  ventre  grand  &  large  ;  la  démarche 
libre  &  alerte  ;  les  jambes  bas  jointées  ;  la  tête  ,  le 
dos  &  le  cou  ,  garfiis  de  laine  longue ,  foyeufe ,  dé- 
liée, luifante  ôc  blanche.  La  brebis  noire  n'eft  pas  fi 
eftimée  que  la  blanche  :  la  grife  &  la  tachetée  de 
différentes  couleurs,  l'eft  encore  moins. 

Age  de  la  brebis.  Que  votre  brebis  ne  foit  ni  trop 
jeune  ni  trop  vieille.  Celle  de  deux  ans  fera  bonne  à 
garder  :  laiffez  celle  qui  en  aura  plus  de  trois. 

L'âge  d'une  brebis  fe  connoît  à  les  dents  qui  fe  for- 
tifient jufqu'à  trois  &  quatre  ans.  Paffé  cet  âge  ,  elles 
deviennent  inégales  entr'elles.  Mais  c'eft  une  affaire 
d'expérience  que  d'eftimer  l'âge  par  ces  différences. 

Efpece  de  brebis.  Les  brebis  étrangères  vous  rappor- 
teront plus  que  les  communes.  Les  flandrines ,  ou  cel- 
les qui  font  venues  des  Indes  en  Hollande  &  en  Flan- 
dre ,  vous  donneront  au  moins  deux  agneaux  par  an  ; 
feront  plus  fortes  que  vos  brebis  ordinaires  ;  porte- 
ront deux  fois  plus  de  laine  ,  &  l'auront  plus  fine ,  & 
vous  procureront  des  moutons  &  des  béliers  plus 
forts. 

Ayez  donc  un  bélier  flandrin  avec  quelques  brebis 
^e  cette  efpece» 


Il  y  a  dans  le  pays  Breffan  ,  aux  environs  de  Man* 
toue ,  des  brebis  dont  la  laine  eft  groffiere ,  mais  qu'on 
tond  jufqu'à  trois  fois  par  an  :  elles  font  d'ailleurs  fi 
vigoureufes,  qu'on  peut  les  mener  aux  champs  en 
tout  tems. 

Le  pays  Tefïïn'  a  fes  brebis  :  elles  font  auffi  vi- 
goureufes que  les  Breffanes ,  mais  elles  portent  moins 
de  laine.  En  récompenfc,  elles  font  belles,  groffes, 
&  donnent  de  beaux  agneaux.  Les  bâtardes  du 
Breffan  font  eftimées  ;  cependant  elles  font  moins 
fortes  que  les  naturelles ,  quoique  plus  fortes  que  les 
Teffines.  On  dit  que  c'eft  aux  brebis  de  Barbarie  que 
l'Angleterre  doit  la  beauté  de  les  draps  :  ce  qu'il  y  a 
de  certain  ,  c'eft  qu'elles  donnent  trois  fois  plus  de 
lait  que  les  brebis  du  pays  ;  que  la  laine  en  eft  plus 
fine ,  &  qu'on  en  tire  deux  fois  davantage. 

Chc4fiffiez  entre  ces  brebis  les  meilleures  ,  &  for- 
mez-en votre  troupeau.  Ayez  de  bonnes  bergeries  ; 
voyei  tarticle  Bergerie.  Ne  négligez  pas  le  choix 
.  du  berger  ;  voye^  les  articles  Berger  &  Chien  de 
Berger. 

Les  brebis  font  timides  ,  douces  ,  fenfibles  au  chaud 
&  au  froid ,  &  fort  fujettes  à  maladie  :  elles  ne  pat- 
ient guère  neuf  ans. 

Nourriture  des  brebis.  Il  faut  les  nourrir  d'herbes  , 
de  foin  ,  de  paille,  &  de  fon  dans  la  bergerie  :«on 
peut  auffi  leur  donner  des  raves  ,  des  navets ,  &  des 
joncs  marins  hachés;  de  la  vefee,  du  fainfoin,  &  de 
la  luferne  :  dans  les  tems  de  difette ,  des  feuilles  d'or- 
meau ,  de  frêne ,  &  de  bouleau ,  du  cythife  ,  des  cof- 
fes  &  feuilles  de  légumes  ,  des  choux  ,  &c.  C'eft 
principalement  en  hy  ver  qu'on  uie  de  ces  lecours  , 
au  défaut  des  pâturages. 

Lorfque  le  tems  du  pacage  eft  venu ,  au  prin- 
tems  ,  en  automme ,  &  en  hy  ver ,  on  les  y  mené  une 
fois  par  jour  :  elles  lortent  fur  les  neur  heures  ,  &  on 
les  ramené  avant  le  foleil  couché.  En  été ,  elles  y 
vont  deux  fois  le  jour.  Elles  partent  dès  le  grand 
matin ,  &  rentrent  fur  les  dix  heures  :  on  les  fait  boi- 
re ;  on  les  renferme  dans  la  bergerie  ;  elles  y  repo- 
fent  jufqu'à  trois  heures  qu'elles  retournent  aux 
champs ,  où  elles  paiffent  jufqu'au  coucher  du  fo- 
leil ,  qu'on  les  fait  boire  une  féconde  fois ,  avant  que 
de  les  renfermer.  On  ne  les  fait  boire  qu'une  fois 
dans  les  autres  faifons. 

II  ne  faut  pas  mener  paitre  au  loin  les  brebis  qui 
ont  des  agneaux  ;  d  faut  même  alors  leur  donner  le 
matin  de  bon  foin.  Tirez  leur  lait  le  matin  ,  avant 
qu'elles  forrent ,  &  le  foir  quand  elles  reviennent. 

Recommandez  à  votre  berger  d'éviter  les  pâtura- 
ges épais  &  marécageux  ;  qu'il  choififle  les  lieux 
fecs,  aérés,  élevés,  ceux  qui  abondent  en  plantes 
odoriférantes ,  &  les  collines  :  les  chardons  &  les 
épines  gâtent  la  laine ,  &  donnent  la  galle  aux  bre- 
bis. Mais  il  n'y  a  point  de  meilleurs  pâturages  que 
les  bords  de  la  mer  &C  les  environs  des  marais  fa- 
lans.  Qu'il  les  faffe  paître  à  l'ombre  dans  les  gran- 
des chaleurs. 

Il  faut  tenir  le  bélier  féparé  des  brebis ,  foit  aux 
champs  ,  foit  dans  la  bergerie  ,  à  moins  qu'elles  ne 
foient  en  chaleur  ;  Se  pour  augmenter  fon  troupeau  , 
il  en  faut  féparer  toutes  les  viedles  brebis.  Ce  triage 
fe  fera  fur  la  fin  d'Avril. 

La  paille  qu'on  donne  aux  brebis  fe  remet  en  ger- 
be ,  qu'on  vend  ;  car  les  bêtes  à  laine  n'en  rongent 
que  l'épi.  On  parque  les  brebis  ;  voye^  l'article  PAR- 
CAGE. On  les  tond  vers  le  mois  de  Mai  ;  voy.  Ton- 
te. On  les  engraiffe  quand  on  veut  s'en  détaire  ;  voy. 
Engrais.  Quant  à  la  propagation  ,  voici  comment 
on  y  procède. 

Multiplication  des  brebis.  Les  brebis  font  en  chaleur 
depuis  la  Touffaint  jufqu'au  mois  d'Avril  ;  elles  agne- 
lent  donc  auffi  pendant  fix  mois  :  elles  portent  pen- 
dant cinq.  Comme  le  froid  feroit  périr  les  agneaux 

qui 


B  R  E 


ERE 


qui  naîtroient  avant  Décembre  ,  on  ne  Iaiffe  appro- 
cher le  bélier  des  brebis ,  que  vers  la  fin  de  Juillet  ou 
au  mois  d'Août. 

Ne  laiffez  le  bélier  avec  vos  brebis  que  le  tems  qu'il 
faut  pour  qu'elles  conçoivent.  Vos  agneaux  vous  vien- 
dront au  tems  où  vous  les  attendrez ,  6c  vous  ména- 
gerez votre  bélier.  Nourririez  bien  votre  bélier  pen- 
dant qu'il  travaille ,  6c  faites  prendre  de  l'eau  falée 
à  la  brebis. 

Il  faut  veiller  fur  les  brebis ,  quand  le  tems  de  l'a- 
gnation  approche.  L'agneau  6c  la  mère  périront  fou- 
vent  û  on  ne  les  aide.  Vaye^  r  article  Agneau.  Vous 
enfermerez  les  brebis  qui  auront  agnelé  pendant  qua- 
tre jours  ,  avec  du  bon  foin,  du  fon  mêle  d'un  peu  de 
fel ,  &  de  l'eau  tiède  ,  blanchie  avec  un  peu  de  farine 
de  millet  ou  de  froment.  Donnez -leur  aufïï  de  la 
feuille  d'orme  ou  de  frêne,  amaffée  dans  la  faifon. 
Le  cinquième  jour,  elles  pourront  aller  aux  champs , 
mais  non  loin ,  de  peur  que  leur  lait  ne  s'échauffe. 
Si  l'on  veut  tirer  partie  du  lait  de  la  brebis  ,  il  ne  faut 
pas  que  l'agneau  la  tête. 

Maladies  des  brebis.  Comme  les  brebis  font  fort  dé- 
licates ,  elles  font,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut, 
fujettes  à  plusieurs  maladies.  Il  faut  foigneufement 
féparer  les  malades  des  autres.  On  s'en  appercevra 
à  plufieurs  fignes  ;  elles  auront  alors  la  tête  lourde  & 
les  yeux  troubles  ;  elles  négligeront  les  pâturages  ; 
elles  ne  bondiront  point;  elles  marcheront  lentement  ; 
elles  fe  tiendront  à  l'écart  ;  elles  chercheront  l'ombre 
&  la  folitude  ;  elles  chanceieront  en  marchant;  elles 
fe  coucheront  fouvent  ;  elles  fe  traîneront  après  les 
brebis  faines  :  le  berger  ne  fauroit  y  regarder  de  trop 
près. 

Voici  un  remède  qui  foulage  affez  généralement 
les  beftiaux. 

Prenez  du  foie  d'antimoine ,  enveloppez-le  dans  un 
linge ,  mettez-le  tremper  dans  une  pinte  de  vin  blanc  ; 
ajoutez  huit  dragmes  de  lené  ,  du  lucre  ,  de  la  noix 
mufeade ,  &c  autres  épices  ;  laiflez  infufer  le  tout  24 
heures  ,  6c  donnez  un  demi-feptier  de  cette  infufion 
à  chaque  brebis:  cependant  tenez  la  brebis  ainli  médi- 
camentée  dans  un  lieu  chaud  ,  6c  ne  la  faites  manger 
que  le  foir. 

Les  brebis  font  principalement  fujettes  à  la  galle, 
voye*  GALLE  :  à  la  fièvre ,  voye^  Fièvre  :  aux  poux , 
voyer  Poux  :  à  la  clavelée  ou  claveau ,  voyt[  Cla- 
velÉE  :  à  la  toux ,  à  l'enflure  ,  à  la  difficulté  de  ref- 
pirer  ;  ce  qui  marque  abondance  de  lang ,  ou  obf- 
truction  dans  les  viieeres  de  la  rcfpiration.  On  les  fou- 
lagera  en  leur  fendant  les  nafeaux,  ou  en  leur  cou- 
pant les  oreilles:  à  la  morve,  voye{ Morve:  à  l'a- 
vertin ,  vertige ,  étourdiffement ,  fang ,  folie  ou  tour- 
nant ,  voye{  Avertin.  Elles  deviennent  boiteufes  ou 
de  lalfitudc  ,  ou  parce  que  leurs  ongles  font  amollis  , 
ou  parce  qu'elles  ont  relié  long-tems  dans  leur  fiente. 
Si  ç'efl  laffitude  ,  biffez-les  repofer  dans  la  bergerie  ; 
fi  c'eft  ongles  amollis,  coupez-leur  l'extrémité  de  l'on- 
gle gâté,  mettez-y  de  la  chaux  vive,  enveloppée  d'un 
linge  pendant  un  jour  ;  le  lendemain  fubltituez  le  verd 
de-gris,  6c  ainli  alternativement,  chaux  év  verd-dc- 
gris ,  jufqu'à  ce  que  l'ongle  loit  guéri.  Il  y  en  a  qui 
préfèrent  à  ce  remède  ,  de  la  vieille  huile  de  noix  ou 
d'olive ,  mile  en  onguent  par  l'ébullition ,  avec  de  l'a- 
lun pulverifé.  Elles  font  encore  fujettes  aux  abcès, 
qu'il  faut  ouvrir  quelque  part  qu  'ils  paroiffent:  quand 
l'abcès  fera  ouvert  &  vuidé,  on  diftillera  dedans  de 
la  poix  fondue  avec  du  fel  bridé  &  mis  en  poudre , 
&  l'on  fera  boire  à  la  brebis  de  la  thériaque  délayée 
dans  de  l'eau.  A  la  pelle ,  qui  les  attaque  en  été  6c  en 
hyver  ;  elles  en  meurent  quand  elles  en  font  mala- 
des :  mais  on  préviendra  cet  accident,  li  on  leur  fait 
prendre  pendant  une  quinzaine,  au  commencement 
du  printems  &;  de  l'automne  ,  tous  les  matins  avant 
qu'elles  aillent  aux  champs ,  de  l'eau  où  l'on  aura  t'ait 
Tome  II, 


r°9 


infufer  la  fange  Se  le  marrube.  Si  une  brebU  fe  rompt 
la  jambe,  on  la  lui  frottera  avec  de  l'huile  &  du  vin 
mêlés  ;  on  l'entortillera  avec  des  linges,  6c  on  la  foû- 
tiendra  avec  des  écliffes  :  on  la  fera  repofer  trois  ou 
quatre  jours  dans  la  bergerie  ;  le  cinquième  elle  pour- 
ra fuivre  les  autres  aux  champs. 

Ufage.  La  brebis  fournit  dans  le  commerce  les  mê- 
mes marchandifes  que  le  bélier  &  le  mouton  ;  entre 
autres  de  la  laine ,  qui  fert  dans  les  manufactures  d'é- 
toffes ;  &  fa  peau ,  qu'on  vend  aux  Tanneurs  6c  aux 
Mégiffiers. 

BRECHE ,  f.  f.  terme  de  Bâtiment  :  il  fe  dit  en  géné- 
ral d'une  ouverture  caufée  à  un  mur  de  clôture  par 
mal-façon ,  caducité  ,  ou  faite  exprès  pour  faire  paf- 
ferdes  voitures  ou  équipages  de  maçonnerie.  Ce  mot 
vient  de  l'Allemand  brechen,  qui  fignifie  rompre. 
Brèche,  forte  de  marbre.  Poye{  Marbre.  (  P) 
BRECHE,  dans  Canaque  des  places ,  fe  dit  du  trou 
ou  de  l'ouverture  qu'on  fait  à  quelque  partie  des  mu- 
railles d'un  ville  ,  par  mine  ,  fappe  ,  ou  coups  de  ca- 
non, pour  enfuite  monter  à  l'affaut,  ou  emporter  la 
place  de  force.  Vqye^  Siégé  ,  Assaut  ,  &c. 

On  dit  réparer  la  brèche ,  fortifier  la  brèche  ,  fe  lo^cr 
fur  la  brèche ,  &c.  Nettoyer  la  brèche ,  c'eft  en  ôter  les 
ruines  pour  pouvoir  mieux  la  défendre. 

Une  brèche  praticable  eft  celle  où  des  hommes  peu- 
vent monter  6c  s'y  loger.  La  brèche  doit  être  large  de 
1 5  à  20  toifes.  Les  affiégeans  y  montent  en  fe  cou- 
vrant avec  des  gabions ,  des  facs  de  terre  ,  &c. 
Battre  en  brèche  ;  voy^  Battre  &  Batterie. 
Monter  la  brèche  ;  voye^  MONTER.    (  Q  ) 
Brèche  ,  (  la  )  Géog.  rivière  de  France  qui  a  fon 
cours  dans  le  Beauvoifis,  &  fe  jette  dans  l'Oife. 

BRECHET,  &  par  corruption  BRICHET,f.  m. 
{Anat.  )  la  partie  de  la  poitrine  où  les  côtes  aboutif- 
lent  antérieurement,  6c  que  les  Anatomiftes  appel- 
lent le  fiernum.  Voye{  S  TER  NU  M.   (  L  ) 

BRÉCHYN,  (  Géog.  )  petite  ville  de  l'Ecoffe  fep- 
tentrionale ,  dans  la  province  d'Angus.  Longit.  iS. 
20.  lat.  36.  AJ. 

BRECHKNOCK,  {Géog.)  ville  d'Angleterre  au 
midi  de  la  province  de  Galles  ,  dans  un  petit  pays 
appelle  Brecknockshire.  Long.  14.  iz.  lat.Sz.  S. 

BREDA  ,  (  Géog.  )  ville  forte  avec  titre  de  baro- 
nie,  fitûée  dans  le  Brabant  Hollandois  ,  dans  un  lieu 
fort  marécageux  ,  fur  la  Merck.  Long.  Z2.  'O.  lat 
ôi.  Ji. 

BREDENARDE,  {Géog.)  petite  contrée  de  Fran- 
ce en  Artois. 

BREDINDIN  ,  f.  m.  (  Marine.  )  c'eil  une  manœu- 
vre ou  petit  palan  qui  paffe  dans  une  poulie  (impie  , 
amarrée  au  grand  ctai  fous  la  hune  ,  &  parle  moyen 
de  laquelle  on  enlevé  de  médiocres  fardeaux,,  pour 
les  mettre  clans  le  navire.   (Z) 

*  BREDOUILLE  ,  f.  f.  terme  de  Triclrac  :  on  ap- 
pelle ainfi  le  jetton  qui  fert  à  marquer  que  les  points 
qu'on  a  ,  on  les  a  pris  fans  interruption:  ainli,  je  ga- 
gne quatre  points,  je  marque  ces  quatre  points  avec 
un  jetton  accompagné  de  celui  de  la  bredouille  :  j'en 
gagne  encore  deux  ,  qui  avec  quatre  que  j'avois  font 
li\  ,  je  marque  ces  fix  points  avec  un  jetton  ,  toujours 
accompagné  de  celui  de  la  bredouille.  Mon  adverfaire 

joiie  ,il  gagne  deux  points  ;  alors  je  perds  la  ht 

&  c'eftlui  qui  la  gagne,  6c  qui  la  confervera  jii 
ce  que  je  la  lui  ôte  en  gagnant  quelques  points  avant 
qu'il  en  ait  pris  douze  :  alors  nous  ne  l'aurons  ni  l'un 
ni  l'autre  ;  car  nous  nous  ferons  interrompis  t 
deux  en  prenant  alternativement  des  points.  Si  l'on 
gagne  douze  points  fans  interruption  ,  ou  ,  comme  on 
dit  au  jeu,  douze  points  .  on  marque  deux 

trous  ;  s'ils  ne  font  pas  bredouille ,  on  ne  marque  qu'un 
trou. 

S'il  y  a  des  trous  bredouille ,  il  y  a  aufïi  des  pa 
bredouille,  La  partie  du  trictrac  eft  de  douze  t. 

Fff 


4io 


B  R  E 


on  la  gagne  bredouille  quand  on  prend  ces  douze  trous 
tout  de  fuite  &  fans  interruption.  Il  y  a  des  joueurs 
qui  la  font  payer  double. 

Pour  que  le  trou  &  la  partie  foient  bredouilles ,  il 
n'eft  pas  néceffaire  que  votre  adverfaire  ne  prenne 
point  de  trous  ni  de  points  ;  il  fuffit  que  vous  falîiez 
vos  douze  points  ou  vos  douze  trous  tout  de  fuite  ; 
que  votre  adverfaire  eut  des  points  ou  des  trous 
avant  que  vous  en  prifîiez ,  cela  eft  indifférent. 

BRÉE,  (la  )  ou  L'ABRAS  ,  c'eft  ainli  qu'on  ap- 
pelle dans  les  forges,  la  garniture  de  fer  qui  entoure 
le  manche  du  marteau  pour  l'empêcher  de  s'ufer  par 
le  frotement.  Voye{  en  D  fig.  6.  Planche  des  Forges. 
La  brée  eft  placée  dans  l'endroit  où  les  cammes  de 
l'arbre  prennent  le  manche  &  le  font  lever.  On  con- 
çoit que  cet  endroit  doit  fatiguer  d'autant  plus  que 
le  marteau  eft  plus  lourd ,  le  nombre  des  cammes  plus 
fréquent ,  &  le  mouvement  de  l'arbre  plus  rapide. 
BREDIR ,  v.  neut.  terme  en  ufage  che^  les  Bourreliers; 
ils  s'en  fervent  pour  exprimer  la  manière  dont  ils 
joignent  enfemble  les  ditférens  cuirs  dont  ils  coulent 
les  foùpcntes  &  autres  groffes  pièces.  Pour  cet  effet 
ils  prennent  une  groffe  alêne  appellée  alêne  à  bredir , 
avec  laquelle  ils  font  dans  le  cuir  des  trous  où  ils  paf- 
fent,  au  lieu  de  fil ,  des  lanières  de  cuir;  &  ferrent 
cette  efpece  de  couture  par  le  moyen  du  marteau  ap- 
fcWè  ferre- attache. 

BREF ,  COURT ,  SUCCINT,  (Gram.)  termes  re- 
latifs à  la  quantité  ;  bref,  à  la  quantité  du  tems  ;  court, 
de  l'efpace  &  du  tems;  fuccint,  de  l'expreffion.  La 
prononciation  d'une  fyllable  eft  longue  ou  brève; 
un  difeours  eft  diffus ,  ou  fuccint  ;  un  article  eft  court 
eu  long. 

BREF  ,  f.  m.  dans  plufïcurs  coutumes  de  France  ,  fe 
dit  des  lettres  qu'on  obtient  en  chancellerie  ,  à  l'effet 
d'intenter  une  aftion  contre  quelqu'un.  Ainii  on  dit 
dans  ces  coutumes  un  bref  de  rcjlitution ,  de  rcfcifion. 
Dans  quelques  anciennes  coutumes  ,  &  même  enco- 
re à  préfent  en  Angleterre,  ce  terme  eft  fynonyme  à 
aclion. 

Par  exemple ,  on  appelle  en  Normandie  bref  de  ma- 
riage encombré,  une  adion  que  la  femme  a  droit  d'e- 
xercer à  l'effet  d'être  réintégrée  dans  les  biens  do- 
taux ou  matrimoniaux ,  qui  ont  été  aliénés  par  ion 
mari.  (//) 

Brefs  apostoliques,  font  des  lettres  que  le 
pape  envoyé  aux  princes  &c  aux  magiftrats  pour  des 
affaires  publiques.  On  les  appelle  ainfi ,  parce  qu'el- 
les font  concifes,  fans  préambule,  &  fur  papier;  au 
lieu  que  les  bulles  font  plus  amples ,  écrites  fur  du 
parchemin,  &  fcellées  de  cire  verte  ou  de  plomb.  Les 
brefs  ne  font  fcellés  qu'avec  de  la  cire  rouge,  &fous 
l'anneau  du  pêcheur.  Ce  feel  ne  s'applique  jamais 
qu'en  préfence  du  pape.  Voye^  BULLE. 

Les  brefs  ont  en  tête  le  nom  du  pape ,  &  ils  com- 
mencent par  ces  mots  :  Dileclo  filio  falutem,  &apoJlo- 
licam  benediclionem ,  &c.  après  quoi  s'enfuit  la  ma- 
tière qui  doit  être  traitée  fans  aucun  préambule. 

Le  pape  ne  figne  pas  les  brefs ,  &  on  n'y  applique 
pas  fon  nom  au  bas ,  c'eft  le  fecrétaire  qui  figne.  Le 
pape  Alexandre  VI.  établit  un  collège  de  fecrétaires 
pour  les  brefs  ;  depuis  ce  tems  les  brefs  font  plus  longs 
&  plus  amples  qu'auparavant. 

Les  brefs  n'étoient  autrefois  envoyés  que  pour  les 
affaires  de  juftice  :  mais  préfentement  ils  font  em- 
ployés pour  les  matières  de  bénéfices,  de  grâces  ex- 
pectatives, &  pour  les  difpenfes.  (H) 

Bref,  en  terme  de  Commerce;  on  appelle  bref  état  de 
compte,  un  compte  en  abrégé,  ou  qui  n'eft  pas  dreffé 
&  rendu  en  forme.  Voyc\  Compte. 

Bref  ,  en  ternie  de  Commerce  de  mer,  fignifie  en  Bre- 
tagne un  congé  ou  permiflion  de  naviger. 

Il  y  en  a  de  trois  fortes;  brefdcfauvetéy  bref  de  con- 


B  R  E 

duite ,  &  bref  de  victuailles.  Le  premier  fe  donne  pour 
être  exempt  de  droit  de  bris.  Foye-^  Bris  :  ie  fécond, 
pour  être  conduit  hors  des  dangers  de  la  cote  ;  &  le 
troifieme ,  pour  avoir  liberté  d'acheter  des  vivres. 

On  les  appelle  auffi  brieux ,  Se  dans  le  langage  or- 
dinaire ,  on  dit ,  parler  aux  hébiieux  pour  obtenir  ces 
brefs.  Foyc{  BRIEUX.  (G) 

Bref  ,  en  Mufïque ,  eft  un  mot  qu'on  ajoute  quel- 
quefois au-deffus  de  la  note  qui  unit  un  air  ou  un 
chant,  pour  marquer  que  cette  finale  doit  être  cou- 
pée par  un  fon  bref  tic  fec,  au  lieu  de  durer  toute  fa 
valeur.  Foye^  COUPÉ,  (S) 

BPvRFAR ,  (  Gêog.  )  c'eft  le  nom  d'une  des  îles. 
Sorlingues,  près  des  cotes  de  Cornouaille  en  An- 
gleterre. 

BPvEFORT ,  (Géog.)  petite  ville  du  comté  de  Zut- 
phen ,  affez  bien  fortifiée,  &  fituée  dans  un  endroit 
fort  marécageux. 

BREGENTZ,  (Géog. )  ville  capitale  d'un  comté 
de  même  nom ,  fur  le  lac  de  Confiance  en  Souabe  , 
appartenante  à  la  maifon  d'Autriche.  Il  y  paffe  une 
petite  rivière  de  même  nom.  Long.  zy.  20.  lat.  ^y. 

BREGIN,  f.  m.  terme  de  rivière,  efpece  de  filet  dont 
les  mailles  font  fort  étroites. 

BREGLIO,  (Géog.)  petite  ville  du  comté  de  Ni- 
ce, en  Piémont ,  fur  la  petite  rivière  de  Rodia. 

BREGMA,  f.  m.  en  Anatomie ,  c'eft  ce  qu'on  ap- 
pelle auffi  le  linciput.  Voye^  SlNClPUT. 

Le  bregma  eft  compofé  de  deux  os  que  l'on  appel- 
le bregma  ou  bregmatis  ojfa ,  qui  font  les  deux  parié- 
taux. Foye{  Pariétaux,  (L) 

BREGNA,  {Géog.)  petite  contrée  d'Italie,  l'une 
des  quatre  que  les  Suiffes  y  poffedent ,  entre  les  four- 
ces  du  Rhin  &  la  ville  de  Bellinzone.  Il  y  a  dans  ce 
pays  une  rivière  de  même  nom ,  qui  le  Uaverfe,  ôc 
lie  jette  dans  leTefin. 

BREGNANO ,  (  Géog.  )  petite  ville  du  duché  de 
Milan ,  fur  la  Sevefe. 

BREHAINE  fe  dit,  en  Vénerie ,  d'une  biche  qui 
n'engendre  point;  on  la  nomme  auffi  brehagne.  Cette 
vieille  biche  laille  un  pié  large  qui  peut  induire  en 
erreur. 

BREHAINES,  (Terres)  terme  de  coutumes,  qui  fe  dit 
des  terres  non  labourées  ni  cultivées ,  qui  font  va- 
cantes ,  en  friche  &  abandonnées.  (H) 

*  BREHIS ,  f.  m.  (Hift.  nat.  )  animal  de  l'île  de  Ma- 
dagafear,  de  la  grandeur  de  la  chèvre,  qui  n'a  qu'une 
corne  fur  le  front,  &  qui  eft  fort  fauvage. 

BREHNA ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  l'éledorat  d* 
Saxe ,  à  trois  milles  de  Leipfick. 

BREISICH ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Allemagne  , 
au  duché  de  Juliers ,  fur  la  rive  gauche  du  Rhin. 

BREITH-MARCK,  (Géog.)  petite  ville  d'Allema- 
gne ,  en  Franconie ,  fur  le  Mayn. 
•  BREIT-BACH,  (  Géog.)  petite  ville  fur  le  Rhin  , 
fituée  dans  l'éledorat  de  Cologne. 

BREITENBACH ,  (Géog.)  petite  ville  &  château 
dans  la  Thuringe. 

BREITENBOURG  ou  BREDENBERG,  (Géog.) 
fortereffe  autrefois  coniidérable  dans  le  duché  de 
Holftein ,  fur  la  rivière  de  Stoer. 

*  BRELAND  ,  f.  m.  jeu  de  cartes  :  il  fe  joue  à  tant 
de  perlonnes  que  l'on  veut:  mais  il  n'eft  beau,  c'eft- 
à-dire  très-ruineux ,  qu'à  trois  ou  cinq.  L'ordre  des 
cartes  eft  as,  roi,  dame,  valet,  dix,  neuf,  huit, 
fept ,  fix  :  l'as  vaut  onze  points  ;  le  roi,  la  dame ,  le 
valet  &  le  dix ,  en  valent  dix  ;  les  autres  cartes  comp- 
tent autant  de  points  qu'elles  en  portent  ;  on  laifie 
rarement  les  fix  dans  le  jeu. 

On  donne  trois  cartes,  ou  par  une  ,  ou  par  deux 
&  une  ,  ou  par  une  &  deux,  mais  non  par  trois.  Si 
un  joueur  a  dans  fes  trois  cartes,  l'as,  le  roi,  &  la 


B  II  E 


BRE 


411 


dame  d'une  même  couleur,  il  compte  trente  èc  un  ; 
s'il  a  l'as  &.  le  dix ,  il  compte  vingt-un  ;  s'il  a  le  dix,  le 
rieur",  &  le  fept ,  il  compte  vingt-iix  ;  &c  ainfi  des  au- 
tres cartes  ou  jeux  qui  peuvent  lui  venir. 

S'il  a  dans  les  trois  cartes  ,  ou  trois  as ,  ou  trois 
rois  ,  ou  trois  valets ,  &c.  il  a  brdand.  Un  brdand  eft 
Supérieur  à  quelque  nombre  de  points  que  ce  l'oit  ; 
&  entre  les  brelands, cciui  d'as  eft  fupérieur  à  celui  de 
rois  ;  celui  de  rois  à  celui  de  dames  ,  &  ainfi  de  fuite. 

Les  as ,  ou  plus  généralement  les  cartes  qui  fe  trou- 
vent dans  la  main  des  joueurs  ,  emportent  toutes  les 
cartes  inférieures  de  la  même-  couleur  qui  fe  trou- 
vent aufli  fur  le  jeu.  Ainli  fi  un  joueur  a  trois  cœurs 
par  le  valet ,  &  qu'un  autre  joiieur  ait  ou  l'as  ,  ou  la 
dame ,  ou  le  roi  de  cœur  feul  ou  accompagné  ,  il  ne 
refte  rien  au  premier  ,  &  le  fécond  a  quatre  cœurs 
au  moins.  Il  n'y  a  d'exception  à  cette  règle  que  le 
cas  du  brcland  ;  les  as  mêmes  n'emportent  point  les 
cartes  qui  font  un  brdand  dans  la  main  d'un  joiieur. 

Celui  qui  donne  met  feul  au  jeu  :  cet  enjeu  s'ap- 
pelle pajje  ;  &  la  paffe  cil  fi  forte  ou  fi  foible  qu'on 
veut.  Il  y  a  primauté  entre  les  joueurs  ;  celui  qui  eft 
le  plus  à  droite  du  donneur  prime  fur  celui  qui  le  fuit  ; 
celui-ci  furie  troilicme ,  ik  ainfi  de  fuite.  Le  donneur 
eft  le  dernier  en  carte  :  à  égalité  de  points  entre  plu- 
sieurs joueurs ,  le  premier  en  carte  a  gagné. 

On  n'eft  jamais  forcé  de  jouer  ;  fi  l'on  a  mauvais 
jeu  ,  on  pajje  :  Ç\  tout  le  monde  paffe ,  la  main  va  à 
celui  qui  étoit  le  premier  en  carte  ;  il  joint  fon  enjeu 
au  précédent,  &  îl  y  a  deux pajfcs ;  le  nombre  des 
enjeux  ou  paffes  augmente  ,  jufqu'à  ce  que  quelqu'un 
joue.  Mais  fi  un  joueur  dit,  je  joue,  n'eût-il  point  de 
concurrent ,  il  tire  toutes  les  paffes  qui  font  fur  jeu  , 
fans  même  être  obligé  de  montrer  fon  jeu. 

Si  un  joiieur  dit ,  je  joue  ,  il  met  autant  d'argent 
fur  jeu  qu'il  y  a  de  paffes  ;  ii  un  autre  joiieur  dit  auffi, 
je  joue  ,  il  en  fait  autant ,  &£  ainfi  de  tous  ceux  qui 
joueront  :  puis  ils  abattent  leurs  cartes  ;  ils  s'enlè- 
vent les  uns  aux  autres  les  cartes  de  même  couleur 
inférieures  à  celles  qu'ils  ont  ;  Ôe  celui  qui  compte  le 
|  ■  points  dans  les  cartes  d'une  feule  couleur  ,  a 

;  ou  s'il  y  a  des  brdands ,  celui  qui  a  le  breland 
le  plus  haut ,  ou  celui  qui  a  un  breland ,  s'il  n'y  en  a 
du  un ,  tire  tout  l'argent  qui  eft  fur  le  jeu. 

Il  faut  obferver  que  la  carte  retournée  eft  du  nom- 
bre de  celles  qui  peuvent  être  enlevées  ou  par  celui 
qui  a  dans  fa  main  la  carte  la  plus  haute  de  la  même 
Couleur  ,  ou  de  préférence  par  celui  qui  a  trois  au- 
tres cartes,  non  de  la  même  couleur ,  mais  de  la  même 
efpece.  Ainli  dans  le  cas  où  la  carte  retournée  feroit 
un  dix  ,  le  joueur  qui  auroit  trois  dix  en  main  auroit 
de  droit  le  quatricme;ce  qui  lui  formeroit  le  jeu  qu'on 
appelle  tricon.  Le  tricon  eft  le  jeu  le  plus  fort  qu'on 
puiffe  avoir  ;  cependant  ce  jeu  n'eft  pas  sûr. 

Si  le  brdand  eft  un  jeu  commode  ,  en  ce  qu'on  ne 
joue  que  quand  on  veut ,  c'eft  un  jeu  cruel ,  en  ce 
qu'on  n'eft  guère  libre  de  ne  jouer  que  ce  qu'on  veut. 
Tel  fe  met  au  jeu  avec  la  réfolution  de  perdre  ou  de 
gagner  un  louis  dans  la  foirée,  qui  en  perd  cinquante 
en  un  coup  :  c'eft  votre  tour  à  parler;  vous  croyez 
avoir  jeu  de  rifquer  la  valeur  de  hpaffè  ;  je  luppofe 
fort  d'un  écu  :  vous  dites  ,  jt  joue  ,  &  vous 
mette?,  au  jeu  \m  écu.  Celui  qui  vous  fuit,  croira 
|  ir  auffi  rifquer  un  écu  ,  &  dira  je  joue ,  &  met- 

tra fon  écu  :  mais  le  troifieme  croira  Ion  jeu  meilleur 
qu'un  écu  ;  il  dira  ,  je  joue  auffi  ;  voilà  Vécu  delapajfe  , 
mais  j'en  mets  vingt ,  trente,  quarante  en  fus.  Le  qua- 
trième joiieur  ou  paffe  ,  ou  tient,  ou  enchérit.  S'il 
paffe ,  il  met  fes  cartes  au  talon  ;  s'il  tient ,  il  met  & 
l'écu  de  paffe,  cv  l'enchère  du  troilicme  joiieur  ;  s'il 
enchérit ,  il  met  &  l'écu  de  paffe  ,  &  l'enchère  du  3e 
joiieur,&fon  enchère  particulicrc.Le  5e  joueur  choi- 
fit  auffi  de  paffer ,  de  tenir ,  ou  de  pouffer.  S'il  tient , 
il  met  la  paffe  ,  l'cnchcre  du  troifieme,  6c  celle  du 
Tome  //, 


quatrième.  S'il  pouffe  ou  enchérit ,  il  ajoute  encore 
Ion  enchère  :  le  jeu  fe  continue  de  cette  manière  juf- 
qu'à ce  que  le  tour  de  parler  revienne  à  celui  qui  a 
joiié  le  premier.  Il  peut  ou  paffer,  en  ce  cas  il  perd 
ce  qu'il  a  déjà  mis  fur  jeu;  ou  tenir,  en  ce  cas  il 
ajoute  à  fa  mife  la  fomme  néceffaire  pour  que  cette 
mife  &  fen  addition  tirflent  une  fomme  égale  à  la 
mife  totale  du  dernier  enchériffeur  ;  ou  il  pouffe  & 
enchérit  lui-même  ,  &  en  ce  cas  il  ajoute  encore  à 
cette  fomme  totale  fon  enchère.  Les  enchères  ou  te- 
nues fe  continuent,  &  vont  auffi  loin  que  l'acharne- 
ment des  joueurs  les  entraîne ,  à  moins  qu'elles  ne 
foient  arrêtées  tout  court  par  une  dernière  tenue  faite 
dans  un  moment  oii  celui  qui  tient  ,  ajoutant  à  fa 
mife  ce  qui  manque  pour  qu'elle  faffe  avec  fon  addi- 
tion une  fomme  totale  égale  à  la  dernière  enchère; 
tous  les  joueurs  fe  trouvent  avoir  fur  jeu  la  même 
fomme  d'argent,  excepté  celui  qui  a  fait,  à  qui  il  en 
coûte  toujours  la  paffe  de  plus  qu'aux  autres.  En  gé- 
néral tout  joueur  qui  a  moins  d'argent  lur  jeu  qu'un 
autre  joueur,  peut  enchérir,  &  les  enchères  fe  pouf- 
fent néceffaircment  jufqu'à  ce  qu'il  arrive  une  tenue 
au  moment  où  la  mile  de  tous  ceux  qui  ont  fuivi  les 
enchères  eft  ablblument  égale. 

Il  faut  lavoir  qu'on  n'eft  point  obligé  de  fuivre  les 
enchères  ,  &  qu'on  les  abandonne  quand  on  veut  ; 
mais  auffi  qu'on  perd  en  quittant ,  tout  ce  qu'on  a 
mis  d'argent  fur  le  jeu.  Il  n'y  a  que  ceux  qui  Suivent 
les  enchères  jufqu'au  bout ,  qui  puiffent  gagner. 

Lorfque  tous  les  joueurs  qui  ont  fuivi  les  enchères 
font  réduits  à  l'égalité  de  mile  ,  S:  arrêtés  par  quel- 
que tenue,  ils  abattent  leurs  cartes  ;  ils  fe  diftribiient 
celles  qui  lgur  appartiennent  parle  droit  de  lupério- 
rité  de  celles  qu'ils  ont ,  s'il  n'y  a  point  de  IrcLnd  ; 
&  celui  qui  forme  le  point  le  plus  haut  dans  les  car- 
tes d'une  même  couleur,  gagne  tout.  S'il  y  a  un  bre- 
land ,  celui  qui  l'a,  tire;  s'il  y  en  a  plulieurs  ,  tout 
l'argent  appartient  au  plus  fort  breland;  à  moins  qu'il 
n'y  ait  un  tricon  :  le  tricon  a  barre  fur  tout.  Il  n'y  a 
de  reffource  contre  le  tricon  ,  que  d'avoir  plus  d'ar- 
gent que  lui ,  &  que  de  le  forcer  à  quitter  par  une  en- 
chère qu'il  n'eft  pas  en  état  de  fuivre.  C'eft  par  cette 
raifon  que  nous  avons  dit  que  tricon  étoit  le  plus  beau 
jeu  que  l'on  pût  avoir ,  fans  toutefois  être  un  jeu  sûr. 

Tel  eft  le  jeu  qu'on  appelle  le  brdand  ;  il  n'y  a 
peut-être  aucun  jeu  de  hafard  plus  terrible  &  plus  at- 
trayant :  il  eft  difficile  d'y  joiier  fans  en  prendre  la 
fureur  ;  &  quand  on  en  eft  poffédé  ,  on  ne  peut  plus 
fupporter  d'autres  jeux  :  ce  qu'il  faut,  je  crois,  at- 
tribuer à  les  révolutions ,  &  à  l'efpérance  qu'on  a  de 
pouffer  le  gain  tant  qu'on  veut ,  &  de  recouvrer  en 
un  coup  la  perte  de  dix  féances  malheurcufes.  Efpé- 
rances  extravagantes  ;  car  il  y  a  démonftration  mora- 
le que  le  gain  ne  peut  aller  que  jufqu'à  un  certain 
point  ;  &  il  eft  d'expérience  que  le  grand  gain  rend 
les  joueurs  plus  refferrés  &  plus  timides  ,  &  que  la 
grande  perte  les  rend  plus  avides  &  plus  téméraires. 
La  police  n'a  pas  tardé  àfentirles  triftes  fuites  de  ce 
jeu  ;  ce  il  a  été  proferit  fous  les  peines  les  plus  féve- 
res  :  cependant  il  fe  joue  toujours  ;  &  je  fuis  con- 
vaincu que  les  hommes  n'y  renonceront  que  quand 
ils  en  auront  inventé  un  autre  qui  loit  auffi  égal  Se 
plus  orageux;  deux  conditions  difficiles  à  remplir: 
car  il  faut  convenir  que  le  brelandcil  un  jeu  très-égal* 
quand  l'enchère  la  plus  forte  eft  bornée. 

*  BRELLE ,  f.  m.  (  Commerce  de  bois  quarré  )  c'eft 
ainfi  que  ceux  qui  font  ce  commerce  nomment  une 
certaine  quantité  de  pièces  de  bois  liées  cnfemble  , 
en  forme  de  radeau.  Il  faut  quatre  brtllts  pour  for- 
mer un  train  complet.  Foye{  Train. 

*  BRELUCHE  ,  f.  f.  (  Commerce)  c'eft  ainfi  qu'on 
appelle  des  droguets  fil  &  laine  qui  le  fabriquent  à 
Roiien  ,  à  Darnctal ,  ék.  à  Caè'n  ,  &  les  tiretaines  de 
PoitOU.  Foye?  DROCiUET.  f'o)C^  TlUETAINE. 

Fffij 


.1  i  1 


B  R  E 


BREM  A  ,  (  Géog.  )  royaume  &  ville  d'Afie ,  dans 
l'Inde  au-delà  du  Gange. 

Brema  ,  (  Géog.  )  petite  ville  du  duché  de  Milan , 
fur  le  Pô  ,  entre  Caf'al  &  Valence. 

BREMBATO  DI  SOTTO,  (  Géog.  )  petite  ville 
du  Bergamafque  ,  fur  la  rivière  de  Brembo. 

BREMBO  ,  (  Géog.  )  rivière  qui  prend  i"a  fource 
aux  frontières  de  la  Valteline  ,  6c  qui  fe  jette  dans 
l'Adda  ,  au-deflbus  de  Bergame. 

BREME,  BRAME,  f.  m.  {Hijl.  nat.  Ichthyolog.) 
cyprinus  lattis  ,  poifibn  de  lac  6c  de  rivière  ;  il  eft 
grand  &  large  ;  il  a  la  tête  petite  à  proportion  du 
corps ,  le  dos  convexe  &  tranchant ,  le  corps  plat  6c 
couvert  de  grandes  écailles  comme  la  carpe  ;  le  dos 
eft  d'un  bleu  noirâtre  :  les  côtés  &  le  ventre  font 
blancs  fur-tout  dans  ceux  qui  font  jeunes  &  maigres. 
Ceux  qui  font  plus  avancés  en  âge  &  gras  ,  ont  les 
côtes  de  couleur  d'or ,  &  le  ventre  rougeâtre.  La  brè- 
me a  un  trait  courbe  qui  s'étend  depuis  les  ouies  juf- 
qu'à  la  queue  ;  elle  a  deux  nageoires  auprès  des 
ouies  ,  une  fur  le  dos  ,  deux  au  milieu  du  ventre  , 
une  autre  qui  fe  continue  depuis  l'anus  jufqu'à  la 
queue.  Ce  poifibn  devient  fort  grand  ;  il  y  en  a  dans 
quelques  lacs  d'Auvergne  ,  qui  ont  deux  coudées  de 
longueur,  &  deux  pies  de  largeur  :  il  refte  dans  les 
eaux  dormantes.  On  n'en  trouve  que  dans  les  riviè- 
res ,  dont  le  cours  eft  lent  &  l'eau  bourbeufe  ,  par 
exemple  dans  la  Sône  :  mais  les  brèmes  de  rivière  ne 
font  jamais  fi  groiTes  que  celles  des  lacs.  La  chair 
de  ce  poifibn  eft  molle  6c  grafle  ;  il  y  a  des  gens  qui 
la  trouvent  bonne.  Rondelet.  Willughby.  Foye{ Pois- 
son. (/) 

B  R  e  m  e  ,  (  Géog.  )  duché  d'Allemagne  ,  dans  le 
cercle  de  bafle  Saxe ,  limé  entre  l'Elbe  &c  le  Wefer  ; 
il  appartient  à  l'électeur  de  Hanovre,  qui  l'a  acheté 
de  la  couronne  de  Suéde. 

Brème  ,  (  Géog.  )  ville  libre  &  impériale  fortifiée , 
arrolée  par  le  Wefer  ;  elle  eft  au  nombre  des  villes 
Hanféatiques ,  &  il  s'y  fait  un  commerce  très-confi- 
dérable.  Le  port  de  cette  ville  en  eft  éloigné  de  trois 
lieues  ;  il  en  fort  grand  nombre  de  vaifîeaux ,  qui  tra- 
fiquent fur  la  mer  Baltique  &  vont  à  la  pêche  de  la 
baleine.  Long.  z6 .  lO.lat.  53-  10. 

BREMERWERDE  ou  BREMERFURT,  {Géog.) 
ville  ce  château  fort  dans  le  duché  de  Brème ,  à  trois 
milles  de  Brème.  Long.  z6 .  30.  lit.  53-  40. 

BREMG  ARTEN  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  la  Suifle, 
à  trois  lieues  de  Zurich  ,  fur  la  rivière  de  Rufs  ;  elle 
appartient  en  partie  au  canton  de  Berne  ,  &  en  par- 
tie'à  celui  de  Zurich.  Long.  z5.  55.  lat.  4J.  zo. 

BREMME,  {Géog.)  ville  d'Italie  fur  le  Pô,  dans 
le  duché  de  Milan. 

BREMPT,  {Géog.)  petite  ville  d'Allemagne, 
dans  l'éleftorat  de  Trêves ,  fur  la  Mofelle. 

BRENDOLO ,  (  Géog.  )  petite  ville  avec  un  port, 
fur  une  petite  île  des  lagunes  de  Venife ,  entre  la  ville 
de  Venife  &  l'embouchure  du  Pô. 

BRENNE ,  (  Géog.  )  c'eft  le  nom  d'un  petit  diftritt 
de  France ,  dans  la  Touraine. 

BRENNKIRCHEN  ,  {Géog.)  petite  ville  de  la 
bafle  Autriche  ,  fur  les  frontières  de  la  Hongrie  ,  à 
peu  de  diftance  du  Danube. 

BRENSK  ou  BRENSKI  ,  (  Géog.  )  ville  dans  la 
principauté  de  Severie  ,  fur  la  rivière  deDefna  ,  ap- 
partenante aux  Mofcovites. 

BRENTA  ,  (  Géog.  )  rivière  qui  prend  fa  fource 
dans  l'évêché  de  Trente  ,  &  qui  fe  jette  dans  le  golfe 
de  Venife  ,  au-deflbus  de  Padoue. 

BRENTE ,  f.  f.  en  Italien ,  Brenta ,  {Commerce)  me- 
fure  des  liquides  dont  on  fe  fert  à  Rome.  La  trente  eft 
de  96  bocales ,  ou  de  treize  rubbes  &  demi.  Voyt{ 

BOCALE   &  RUBBE. 

La  brcme  de  Vérone  eft  de  feue  baflees,  Foye^ 
Basse  e.  {G) 


B  R  E 

BRENTFORD ,  (  Géog.  )  ville  afTez  peuplée  d'An* 
gleterre  ,  dans  le  comté  de  Middlefex ,  fur  la  rivière 
de  Brent ,  à  l'endroit  où  elle  fe  jette  dans  la  Tamife. 

BRENTOLA  ,  (  Géog.  )  petite  ville  du  Vicentin  , 
à  peu  de  diftance  de  Vicenze  ;  elle  dépend  de  la  répu- 
blique de  Venife. 

BRENTZ ,  (  Géog.  )  rivière  qui  prend  fa  fource 
dans  le  duché  de  Wirtemberg ,  &  qui  fe  jette  dans  le 
Danube  ,  près  de  Laugingen. 

BREOULX  ,  (  Géog.)  petite  ville  de  France  en 
Provence ,  vers  les  confins  du  Dauphiné  ,  à  quatre 
lieues  d'Embrun. 

*  BREQUÎN  ,  f.  m.  c'eft  dans  un  vilebrequin,  la 
partie  qu'on  appelle  plus  communément  la  mèche  ; 
il  y  a  des  brequins  de  toute  grandeur  &  grofleur  :  leur 
ulage  eft  de  pratiquer  les  trous  néceffaires  en  travad- 
lant  en  bois  feulement. 

BRESCAR ,  (  Géog.  )  ville  d'Afrique  au  royaume 
deTremecen ,  dans  la  province  de  Tenez. 

BR-ESCIA,  (  Géog.  )  capitale  du  Brefcian ,  fous  la 
domination  de  Venife ,  fur  la  rivière  de  Garza  ;  elle 
eft  fortifiée  6c  défendue  par  une  citadelle  :  on  y  fa- 
brique toutes  fortes  d'armes.  Long.  zj.  40.  lut,  4.5. 

3i- 

BRESCIAN  ,  (  Géog.  )  pays  d'Italie  fournis  aux 
Vénitiens  ,  borné  au  nord  par  les  Grifons  ,  à  l'occi- 
dent par  le  Bergamafque ,  au  fud  par  le  Cremonois, 
&  à  l'orient  par  le  Trentin ,  le  Mantouan  &  le  Ve- 
ronois. 

BRESCON,  (  Géog.  )  petite  île  de  France  ,  dans 
le  golfe  de  Lyon  ,  près  des  côtés  de  Languedoc  ;  elle 
eft  pleine  de  rochers ,  &  il  s'y  trouve  un  château  tort. 

BRESECKE,  (  Géog.  )  petite  ville  de  la  Marche 
de  Brandebourg  ,  fur  la  rivière  d'Ucker. 

BRESELLO  ou  BERSELLO,(  Géog.)  pente  ville 
d'Italie ,  dans  le  duché  de  Modene.  Long.  z8.  lat. 
44-  à5. 

*  BRESIL,  (  Géog.)  grande  contrée  de  l'Améri- 
que méridionale  ,  bornée  au  nord,  à  l'orient  &  au  mi- 
di par  la  mer  ,  &  à  l'occident  par  le  pays  des  Amazo- 
nes &  le  Paraguai  :  les  côtes  qui  ont  environ  1 200 
lieues  de  long  fur  60  de  large  ,  appartiennent  aux 
Portugais.  L'intérieur  du  pays  eft  habité  par  des  peu- 
ples fauvages  6c  idolâtres  ,  qui  fe  défigurent  le  vifa- 
ge  pour  paroître  plus  redoutables  à  leurs  ennemis  : 
on  prétend  qu'ils  font  anthropophages.  Les  plus  con- 
nus font  les  Topinambous ,  les  Marjagas  &  les  Onéta- 
cas.  Cette  partie  du  Nouveau-monde  eft  fort  riche.' 
Les  Efpagnols  la  reconnurent  en  1500.  Alvarès  Ca- 
brai ,  Portugais ,  en  prit  poffeflion  en  1 5  o  1  pour  fon 
roi.  foyei  quant  à  fon  commerce  S aint-Salvador  ,, 
Olinde  ,  6c  Saint-Sebastien. 

BRESIL  ,  (  Bois  de  brejïl.  )  Voye^  l'article  BoiS. 

*  BRESILLER,v.  ad.  {Teinture)  c'eft  teindre 
avec  le  bois  de  Brefil  ;  il  faut  que  les  toiles  &  les  fils 
à  marquer  ayent  été  teints  en  bonne  cuve ,  pour  être 
brefillés.    Foyei  TEINTURE. 

BRESINI ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  la  grande  Polo- 
gne ,  dans  le  Palatinat  de  Lenczicz. 

BRESLAU ,  (  Géog.  )  grande  &  riche  ville ,  avec 
titre  de  principauté  ;  elle  eft  la  capitale  de  la  Siléfie  , 
fur  l'Oder  :  elle  eft  fortifiée  ,  &  fort  commerçante. 
Il  y  a  un  évêché  &  une  univeriité  ;  elle  appartient 
aujourd'hui  au  roi  de  Prufle.  Long.  34.  40.  lat. 

5i.  4-      . 

BRESLE,  (la)  Géog.)  petite  ville  de  France  ; 
dans  le  Lyonnois,  fur  la  Tardine. 

BRESLE,  (la)  Géog.  )  rivière  de  France  ,  qui 
prend  fa  fource  en  Normandie  ,  dans  le  pays  de 
Caux,  &  fe  jette  dans  la  mer  au-deflbus  d'Eu. 

BRESLOIA ,  {Géog.)  ville  d'Italie  ,  appartenant 
à  la  république  de  Venife. 

BRESNITZ  ,  {Géog.)  ville  du  royaume  de  Bohè- 
me, dans  le  territoire  de  Prague ,  où  il  y  a  des  mines; 


B  R  E 

ic  fer:  il  y  a  encore  une  autre  ville  dé  ce  nom  en 
Bohème,  dans  ic  cercle  de  Satz,  fur  la  rivière  d'E- 
gery. 

BRESSE ,  {Géog.)  province  6c  comté  de  France , 
dont  Bourg  eft  la  capitale  ;  elle  eft.  bornée  au  nord 
par  la  Bourgogne  6c  la  Franche-Comté  ,  à  l'eft  par 
k  Savoie  ,  au  midi  par  le  Viennois ,  &  à  l'orient  par 
la  principauté  de  Dombes  ik  la  Sône.  Elle  com- 
prend les  pays  de  Gex ,  de  Bugey ,  &  de  Valromcy. 

BRESSIN  ,  f.  m.  {Marine.')  c'eft  un  palan  ou  cor- 
dage qui  fert  à  iffer  &  à  amener  une  vergue  ou  une 
voile;  on  l'appelle  autrement  guindereflè.  F,  Palan. 

Bressins  ;  ce  l'ont  des  crocs  de  fer.  Voye7_  Crocs 
pe  palan.  (Z  ) 

BRESSUITE ,  {Géog.)  petite  ville  de  France ,  fur 
la  rivière  d'Argenton ,  en  Poitou. 

BREST,  {Géog.)  ville  de  France  fort  confidérable 
par  les  fortifications  &  fon  port  fur  l'Océan ,  qui  eft 
un  des  meilleurs  du  royaume  ;  elle  eft  défendue  par 
un  fort  château  bâti  fur  un  rocher  efearpé.  Lon.  ijd 
<)'  10".  Ut  48d.  zz'  55" . 

BRETAGNE  (grande)  ,  Géog.  c'eft  une  grande 
île  de  l'Océan ,  qui  comprend  les  royaumes  d'Angle- 
terre &  d'Écoffe  ;  ce  nom  lui  a  été  donné  fous  le  rè- 
gne de  la  reine  Anne ,  après  la  réunion  de  ces  deux 
royaumes.  Quant  au  commerce,  voy.  Angleterre 
&  Ecosse. 

Bretagne  {Nouvelle)  ,  pays  &  prefqu'île  de  l'A- 
mérique feptentrionale  au  Canada ,  au  nord  du  fleu- 
ve S.  Laurent. 

*  Bretagne,  {Géog.)  grande  province  de  Fran- 
ce ,  avec  titre  de  duché.  Elle  forme  une  péninfule  : 
du  coté  des  terres ,  elle  eft  bornée  par  le  Poitou , 
l'Anjou,  le  Maine,  &  une  partie  de  la  Normandie. 
Son  commerce  eft  confidérable.  Il  s'y  fait  des  fels 
dans  les  marais  de  Bourneuf  &  du  Croiffi.  Il  vient 
des  beurres  de  l'évêché  de  Nantes ,  des  grains  de  Van- 
nes, des  chanvres  &  des  lins  des  évêchés  de  Rennes, 
de  Treguicr ,  &  de  Léon  ,  où  l'on  fabrique  auffi  des 
toiles  ;  il  y  en  a  qui  fervent  à  faire  des  voiles  de  vaif- 
ièaux  :  on  les  appelle  pertes  ,  locrenans,  polUdanis , 
pentes  oîonncs  ,  toiles  de  Quintin  ,  dePonthy ,  Nantoi- 
J'es ,  de  Morlaix ,  &c.  Les  toiles  de  Quintin  font  toutes 
de  lin  ,  &c  ne  lecedent  guère  en  fineffe  aux  batiftes. 
On  fait  avec  les  plus  fines  des  manchettes ,  des  ra- 
bats ,  des  coeffurcs ,  &c.  avec  les  groffes ,  des  mou- 
choirs 6c  des  chemifes.  Les  toiles  à  tamis  bleuâtres 
viennent  de  la  même  province.  Les  toiles  de  Ponti- 
vy  ne  différent  pas  de  celles  de  Quintin.  On  donne 
le  nom  de  cris  à  celles  de  Morlaix  6c  autres  lieux ,  6c 
l'on  diftingue  un  grand  nombre  de  crès  différentes. 
Les  haut-brins  fe  font  à  Dinan  ;  les  Vitrés,  à  Vitré 
même  :  on  peut  voir  dans  le  Dictionnaire  du  commerce 
le  détail  de  ces  toiles.  Il  y  a  auffi  en  Bretagne ,  de  la 
bonneterie  6c  des  mines  de  fer  6c  de  plomb.  On  fait 
la  pèche  de  la  fardine  &  du  maquereau  au  port  Louis, 
à  Bclille,  à  Cancarnau,  &c.  Il  fe  fabrique  dans  la 
plupart  des  villes  de  petites  étoffes  de  laine ,  comme 
éfamines ,  droguets  ,  ferges ,  molletons  ,  crêpons , 
&c.  voilà  à  peu  près  qu'elles  font  les  marchandifes 
du  crû  de  cette  province.  On  peut  mettre  au  nombre 
de  celui  du  dehors  la  morue ,  dont  la  pêche  fe  fait  par 
les  Maloiiins  6c  les  Nantois.  Quant  aux  retours  des 
Bës  l'ïançoifes  de  1" Amérique,  ils  conhltent  en  lucres 
bruts  qui  fe  rafinent  à  Angers,  Saumur,  &  Orléans  , 
en  gingembre,  indigo,  rocou,  écaille,  cuirs, bois  de 
teinture.  11  y  arrive  d'Angleterre,  de  Hambourg,  6c 
Hollande  des  planches,  des  mâts,  des  chanvres  ,  du 
goudron ,  du  fromage  ,  &c.  Les  Mlles  du  commerce 
le  plus  étendu  font  Rennes,  S.  Maîo ,  Nantes ,  \  itré , 
Morlaix,  Port-Louis,  Chateaulin ,  Coveron  ,  &.  Au- 
drai. 

*  BRETAGNE  (toiles  de),  Commerce  ,  c'eft  ainfi 
cm'on  nomme  celles  qui  fe  fabriquent  dans  cette  pro- 


B  R  E 


4'3 


vince  ,  ou  Celles  qui  fe  fabriquent  ailleurs  fous  mê- 
me longueur,  largeur,  &  force.  Voye^  Bretagne  , 
Géog.  &  fon  commerce. 

Bretagne,  {La)  f.  f.  nom  d'une  danfe  Françoife, 
fort  noble  &  d'un  beau  caractère  ;  elle  fe  danfe  en 
pas  de  deux.  Feue  Mme  la  ducheffe  de  Luxembourg , 
qui  étoit  la  meilleure  danfeufe  de  la  cour ,  en  fixoit 
fur  eile  tous  les  regards ,  lorfqu'elle  exécutoit  cette 
danfe. 

B  R  ETA  U  D  ER  un  cheval ,  en  terme  de  Maréchal >' 
c'eft  lui  couper  les  oreilles.  {V) 

*  Bretauder  ,  v.  neut.  terme  d'ufage  chez  les 
Tondeurs  de  draps ,  c'eft  tondre  inégalement.  Foyer 
Draperie. 

BRETÇHEN,  {Géog.)  forterefle  6c  petite  villa 
de  la  Pruffe  Polonoife ,  dans  le  pays  de  Libau  ,  entre 
Strasburg  &  Oftcrode. 

BRETELER  une  pierre ,  {terme  dt  Maçonnerie.)  c'efl 
en  dreffer  le  parement  avec  le  marteau  à  bretter ,  la 
faye  ,  le  riflard  ou  la  ripe. 

*  BP-ETELLES ,  f .  f.  on  donne  en  général  ce  nom 
à  des  rubans  ou  à  de  longues  &  larges  courroies  , 
affemblées  par  d'autres  courroies  tranfverfaies  ,  de 
manière  qu'elles  forment  un  quarré  oblong  ,  dont  on 
auroit  prolongé  deux  des  côtés  parallèles".  On  peut 
pafler  la  tête  dans  le  quarré  oblong  ;  alors  les  cour- 
roies prolongées  s'appliquent  fur  l'une  &  l'autre 
épaule,  ÔC  des  courroies  tranfverfaies,  l'une  patte 
fur  les  épaules,  l'autre  fur  la  poitrine.  Les  bouts  des 
longues  courroies  placées  fur  les  épaules  6c  prolon- 
gées descendent  par-devant  &  par-derriere  à  la  hau-* 
teur  des  mains ,  &  aident  à  porter  plus  facilement 
une  civière,  une  chaife  à  porter,  &  toute  autre  ma- 
chine dont  on  peut  placer  les  bras  dans  les  boucles 
ou  boutonnières  pratiquées  à  ces  extrémités.  Les  bre* 
telles  fervent  encore  à  d'autres  ufages. 

Bretelles  ,  {les)  ce  font ,  c/z^  les  Rubaniers ,  deux 
bouts  de  fangle  attachées  d'une  part  au  chaffis  du  mé- 
tier, 6c  de  l'autre  à  la  poitriniere  :  l'ouvrier  pafîe  la 
tête  au  travers  de  ces  deux  bretelles ,  &  fe  trouve  allez 
appuyé  par  l'extrémité  des  épaules,pour  en  être  beau- 
coup foulage  ;  comme  il  elî  peu  alfis  &  fort  courbé 
fur  l'on  ouvrage  ,  on  a  été  obligé  à  lui  chercher  ce 
point  d'appui,  fbye^  Poitriniere,  &  nos  Planches 
de  Paffcrritmerie ,  où  prefque  tous  les  ouvriers  qu'on 
a  repréfentés  travaillant  au  métier ,  font  appuyés  fur 
leurs  bretelles. 

BRETEUIL ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  dans 
la  haute  Normandie ,  avec  titre  de  comté.  Il  y  a  en- 
core une  autre  ville  de  ce  nom  dans  le  Beauvoilis. 

BRETHEIM  ou  BRETTEN ,  (  Géog.  )  petite  ville: 
d'Allemagne  dans  le  bas  Palatinat,  fur  les  frontières 
du  duché  de  "Wirtcmberg  ,  fur  la  rivière  de  Saltz. 

BRETTA,  {Géog.)  petite  vilie  de  Suéde,  dans 
la  province  de  Wcftgothie. 

*  BRETTÉ  ou  BRETELÉ,  adj.  Serrurerie,  Tail- 
landerie fur-tout.  Il  le  dit  de  certains  outils ,  tels  que 
les  marteaux  à  tailler  de  ia  pierre  ,  les  ébauchoirs 
de  Sculpteur,  &c.  0Î1  la  partie  tranchante  eft  divifée* 
en  dents  laites  à  la  lime  ;  les  unes  prifes  de  court  fur 
le  tranchant  même  de  l'outil ,  les  autres  tirées  de  long 
par  l'es  traits  parallèles  fur  les  deux  furfaces. 

BRETTEN  ,  (  Géog.)  petite  ville  du  royaume  de 
Suéde  ,  dans  la  Dalle  ,  fur  le  tac  Waner. 

*  BRETTER  ou  BRETELER ,  v.  ad.  &  neut.  En 
général ,  c'eft  fe  fervir  d'un  infiniment  bretté.  C'efl 
avec  le  marteau  bretté  que  les  Tailleurs  de  pierre 
ébauchent  les  paremens. 

BRETTER  ,  terme  de  Sculpture;  c'eli ,  en  modelant, 
travailler  la  terre,  de  manière  qu'elle  nefoitpaslùTe, 
mais  comme  égratignée ,  ce  que  les  ouvriers  font  d'a- 
bord avec  un  ébauchoir  bretele.  Il  y  a  beaucoup 
d'art  à  laitier  paraître  en  quelques  endroits  cette  né- 
gligence de  travail,  V,  Modeler  &  Ebauchoir, 


4M 


B  R  E 


*  BRETTESSES  ,  f.  f.  pi.  terme  de  Blafon  ;  ce  font 
des  rangées  de  crenaux ,  &  l'on  dit  des  pièces  où  l'on 
apperçoit  ces  efpeces  de  dentelures ,  qu'elles  font 
b  rétif] ces. 

BRETTIN ,  (  Gédg.  )  petite  ville  de  l'éledtorat  de 
Saxe,  fur  l*Eibe. 

*  BRETTURE,  f.  f.  fe  prend  en  deux  fens  diffé- 
rens,  ou  pour  les  dents  mêmes  pratiquées  à  l'inftru- 
menr  dont  on  fe  feit  pour  bretter ,  ou  pour  les  traits 
faits  à  l'ouvrage  à  l'aide  de  l'inftrument.  Dans  le 
premier  fens ,  c'eft  un  terme  de  Taillanderie  ;  dans  le 
fécond ,  il  eft  de  Maçonnerie  &  de  Sculpture. 

BREUBERG ,  (  Géog.  )  petite  ville  avec  château 
dans  la  Franconie ,  fur  le  Mayn, 

BREVE  ,  f.  f.  en  terme  de  Grammaire  ,  fe  dit  d'une 
fyllabe  relativement  à  celles  qui  font  longues  :  par 
exemple ,  Va  eft  bref  dans  place ,  &  long  dans  grâce  ; 
en  matin  le  commencement  du  jour ,  ma  eft  bref;  au 
lieu  que  ma  eft  long  en  mâtin ,  gros  chien.  L'a  eft  bref 
entache,  macula,  &  long  en  tâche,  ouvrage  qu'on 
donne  à  taire. 

Toutes  nos  voyelles  font  ou  brèves ,  ou  longues ,  ou 
communes.  C'eft  de  i'aifortiment  des  unes  avec  les 
autres  que  réfulte  l'harmonie  de  la  période.  Le  tems 
d'une  brève  eft  de  moitié  plus  court  que  le  tems  d'une 
longue;  ou,  comme  on  dit  communément,  la  brève 
n'a  qu'un  tems  ,  &  la  longue  en  a  deux  :  c'eft-à-dire , 
cme  pour  prononcer  la  brève  ,  on  n'employé  précifé- 
ment  que  le  tems  qu'il  faut  pour  la  prononcer  ;  au 
lieu  qu'on  prononcerait  deux  brèves  dans  l'intervalle 
de  tems  que  l'on  met  à  prononcer  une  longue. 

Les  Latins  étoient  extrêmement  exadls  à  diftinguer 
les  longues  &  les  brèves.  Cicéron  dit ,  que  fi  un  a£teur 
faifoit  une  faute  fur  ce  point ,  il  étoit  fiffie  par  les 
fpe£tateurs  :  Non  folum  verbis  arte pojïtis  moventur  om- 
nes ,  vtrum  etiam  numeris  ac  vocibus.  At  inhisfi paulùm 
mode  offènfum  efl ,  ut  aut  contractione  brevius fieret ,  aut 
produclione  longius ,  tkcatra  tota  reclamant.  Quiâ  ?  hoc 
non  idem  fit  in  vocibus  ,  ut  à  multitudine  &  populo ,  non 
modo  catervœ  atque  conventus ,  fed  etiam  ipji Jibi  jinguli 
diferepantes ,  ejïciantur?  Cic.  de  orat.  lib.  III.  cap.  j. 

La  même  chofe  arriveroit  fans  doute  parmi  nous 
fi  un  acteur  prononçoit  par  confquent  au  lieu  de  par 
conféquent ,  la  mer  au  lieu  de  la  mer,  &c 

Dans  le  latin,  la  brève  fe  marque  d'un  u  &  la  longue 
d'un  —  ;  ainfi  dans  arma  la  première  eft  longue  &  la 
féconde  brève.  Brève  eft  auffi  un  terme  de  Mufique  : 
alors  on  foufentend  note.  Voye^_  l'article  fuivant. 

Brève  ,  en  Mufique  ,  eft  une  note  qui  paiTe  deux 
fois  plus  vite  que  celle  qui  la  précède  :  ainii  la  noire 
eft  brève  après  une  blanche  pointée,  la  croche  après 
la  noire  pointée.  On  ne  pourrait  pas  de  même  appel- 
ler  brève  une  note  qui  vaudroit  la  moitié  de  la  précé- 
dente :  ainfi  la  noire  n'eft  pas  une  brève  après  la  blan~ 
che  {impie  ,  ni  la  croche  après  la  noire ,  à  moins  qu'il 
ne  foit  quertion  de  fyncope. 

C'eft  autre  chofe  dans  le  Plain-chant.  Pour  répon- 
dre exactement  à  la  quantité  des  fyllabes  ,  la  brève  y 
vaut  la  moitié  jufte  de  la  longue  :  de  plus  ,  la  longue 
a  quelquefois  une  queue  pour  la  diftinguer  de  la  brè- 
ve qui  n'en  a  point  ;  ce  qui  eft  précisément  le  con- 
traire de  la  Mufique ,  où  la  ronde  qui  n'a  point  de 
queue  eft  double  de  la  blanche  qui  en  a  une.  f^oye^ 
Mesure  ,  Valeur  des  notes. 

Brève  eft  auffi  le  nom  que  donnent  les  Italiens  à 
cette  ancienne  figure  de  note  que  nous  appelions 
quarrée  ,  qui  fe  fait  amfi  Q  ,  &  qui  vaut  trois  rondes 
owfcmi-breves  dans  la  mefure  triple  ,  &  feulement 
deux  dans  celle  à  ceux  ou  à  quatre  tems.  Ancienne- 
ment, dit  l'abbé  Broffard,  fous  le  figne  du  C barré  , 
elle  ne  valoit  que  deux  tems.  De  là  vient  que  les  Ita- 
liens nomment  encore  alla  brève ,  la  melure  à  deux 
tems  fort  vîtes ,  dont  ils  fe  fervent  dans  les  mufiques 
da  cape  lia,  (S  ) 


B  R  E 

Brève  ,  (à la  Monnaie. )  eft  la  quantité  de  marc 
ou  d'efpeces  délivrées,  &  provenant  d'une  feule  fon- 
te. De  trente  marcs  d'or ,  il  doit  revenir  neuf  cents 
louis  :  or  la  délivrance  des  neuf  cents  louis  eft  une 
brève.  Voye^  DÉLIVRANCE. 

BREVET ,  f.  m.  (  Jurifp.  )  eft  un  acte  expédié  en 
parchemin  par  un  Secrétaire  d'état ,  portant  concef- 
lion  d'une  grâce  ou  d'un  don  que  le  roi  fait  à  quel- 
qu'un ,  comme  d'un  bénéfice  de  nomination  royale, 
d'une  penfion ,  d'un  grade  dans  (es  armées ,  ou  autre 
choie  iemblable  ;  d'une  fomme  payable  au  profit  du 
brevetaire ,  par  celui  qui  fera  pourvu  de  telle  charge 
ou  de  tel  gouvernement ,  foit  par  la  mort  de  celui  qui 
l'occupe  ,  ou  par  fa  démiffion  :  c'eft  ce  qu'on  appelle 
brevet  de  retenue.  Voyc{  RETENUE. 

Brevet ,  enjlyle  de  Notaires,  eft  la  minute  d'un  adle 
paffé  pardevant  Notaires ,  délivrée  en  original  à  l'u- 
ne des  parties.  (//) 

Brevet  ,  fe  dit  encore  de  plufieurs  actes  qui  s'ex- 
pédient par  les  commis  des  douanes  ,  ou  les  maîtres 
6c  gardes  &  jurés  des  corps  èv  communautés. 

Brevet  de  contrôle  ,  c'eft  une  eipece  de  ré- 
cépiiîé  ou  d'atteftation  que  donnent  les  commis  des 
bureaux  des  douanes,  traites  foraines,  &c.  à  la  for- 
tie  du  royaume  ,  à  la  place  de  l'acquit  de  payement 
des  droits  que  les  conducteurs  &  voituriers  leur  re- 
mettent entre  les  mains.  Ce  brevet,  qui  eft  fur  du  pa- 
pier timbré  &  imprimé  ,  fe  donne  fans  frais  ,  pas  mê- 
me pour  le  timbre  ,  &  fert  de  certificat ,  que  les  mar- 
chandées énoncées  dans  l'acquit  ont  été  vifitées  ÔC 
recenfées.  Voye^  Acquit. 

Brevet  d'apprentissage  ,  a£te  qui  fe  délivre 
à  un  apprenti  après  qu'il  a  fervi  le  tems  porté  par 
les  ftatuts  de  fa  communauté  ,  ou  celui  dont  il  eft 
convenu  pardevant  notaires  avec  un  maître  ,  qui 
pourtant  ne  peut  être  moindre  que  celui  qui  eft  réglé 
par  les  ftatuts.  On  appelle  auffi  brevet  l'obligé  de  l'ap- 
prenti qui  doit  être  enregiftré  par  les  jurés ,  &  qu'il 
doit  rapporter  auffi -bien  que  les  certificats  de  fon 
apprentiffage  &  de  fon  dernier  fervice  en  qualité  de 
compagnon ,  avant  que  de  pouvoir  être  reçu  à  la  mai- 
trife,  &  admis  au  chef-d'œuvre.  Voye^  Apprenti  & 
Apprentissage. 

Brevet  :  on  nomme  auffi  quelquefois  brevet  de 
maîtrife  ,  l'afte  de  réception  à  la  maitrife  ;  on  dit  plus 
proprement  lettres  de  maitrife.  Foye{  LETTRES. 

Brevet  ,  en  termes  de  Marine ,  eft  ce  qu'on  appelle 
connoijjement  fur  l'Océan  ,  &  police  de  chargement  fur 
la  Méditerranée  ;  c'eft-à-dire  un  écrit  fous  feing  privé, 
par  lequel  le  maître  d'un  vaifleau  reconnoît  avoir 
chargé  telles  Se  telles  marchandifes  dans  fon  bord  , 
qu'il  s'oblige  à  porter  au  lieu  &  pour  le  prix  conve- 
nu, fauf  les  rifqucs  de  la  mer.  Voye^  Connoisse- 
ment  6*  Police  de  chargement.  (G) 

*  Brevet  ,  (  Teinture.  )  bain  d'un  guefde  ou  d'une 
cuve  qu'on  fe  difpofe  à  faire  réchauffer. 

On  dit  en  Teinture  ,  manier  le  brevet  :  c'eft  exami» 
ner  avec  la  main  lî  le  bain  ou  brevetée  la  cuve  eft  bon, 
ou  allez  chaud  :  ouvrir  le  brevet ,  c'eft  prendre  de  la 
liqueur  foit  avec  la  main  ,  foit  avec  le  rable ,  pour 
juger  de  la  couleur  du  bain.  V.  Bain  &  Teinture. 

BREVETAIRE  ,  c'eft  l'impétrant  d'un  brevet. 
Voye^  ci-dejjus  BREVET. 

Dans  le  concours  d'un  indultaire  &  d'un  brevetaire 
de  joyeux  avènement,  le  grand-confeil  donne  la  pré- 
férence à  Findukaire ,  quoique  fa  réquifition  foit  pof- 
térieure  à  celle  du  brevetaire.  ^oye^ÏNDULT,  Indul- 
taire ,  6*  Expectative.  (j7) 

BREVIAIRE  ,  f.  m.  (  Thèol.  )  livre  d'Eglife  ,  qui 
contient  pour  chaque  jour  de  la  iemaine  &  pour  cha- 
que fête,  l'office  du  jour  &  de  la  nuit.  V.  Office. 

Le  bréviaire  eft  compofé  des  prières  qu'on  récite 
dans  l'églife  à  diverfes  heures  du  jour:  favoir,  l'offi- 
ce de  la  Huit,  que  l'on  appelle  matines ,  que  l'on  ré- 


BRE 

citait  autrefois  la  nuit  ;  ufage  qui  s'eft  encore  con- 
servé dans  quelques  cathédrales  ,  &£  dans  la  plupart 
des  ordres  religieux  :  landes  ,  qu'on  difbit  au  lever 
du  foieil  -.prime,  tierce ,fexu ,  &  none ,  ainfi  nommées 
des  heures  du  jour  oit  on  les  récitait ,  iuivant  l'an- 
cienne manière  de  compter  ces  heures  :  vêpres ,  qui 
le  difbient  après  ioleii  couché.  On  a  depuis  ajouté 
complies ,  mais  fans  les  féparer  abfolument  des  vê- 
pres ,  afin  de  rendre  à  Dieu  un  tribut  de  prières  fept 
fois  par  jour ,  pour  fe  conformer  à  ce  paffage  du  pfal- 
mifte  -.feptics  in  die  laudem  dixi  tibi.  Poye^  HEURES. 
L'ufage  de  réciter  des  prières  à  ces  diverfes  heures 
de  la  nuit  &  du  jour ,  eft  très-ancien  dans  PEglife.  On 
les  appelloit  en  Occident  le  cours  :  on  leur  a  donné 
depuis  le  nom  de  bréviaire  ,  foit  que  l'ancien  office 
ait  été  abrégé ,  foit  que  ce  recueil  foit  comme  un 
abrégé  de  toutes  les  prières. 

Le  dofteur  Mege  tire  l'origine  du  nom  de  bréviaire, 
da  la  coutume  qu'avoient  les  anciens  moines  de  por- 
ter dans  leurs  voyagesde  petits  livres  qui  contenoient 
les  pfeaumes ,  les  leçons ,  tk.  ce  qu'on  lifoit  en  chaire  ; 
le  tout  extrait  des  grands  livres  d'éylife:  &c  le  P.  Ma- 
billon  allure ,  qu'il  a  vu  dans  les  archives  de  Cîteaux 
deux  pareils  livrets  ,  qui  n'avoient  pas  plus  de  trois 
doigts  de  large,  écrits  en  très-petit  cara£tere,avec  des 
abréviations,  où  très -peu  de  fyllabes  exprimoient 
une  période  entière. 

Le  bréviaire  eft  compofé  de  pfeaumes ,  de  leçons  ti- 
rées de  l'Ecriture ,  ou  des  homélies  des  percs ,  ou  des 
hiftoires  des  faints  ;  d'hymnes  ,  d'antiennes  ,  de  ré- 
pons ,  de  verfets ,  d'oraifons  convenables  au  tems  , 
aux  fêtes ,  &  aux  heures.  Les  églifes  ayant  chacune 
rédigé  les  offices  qui  étaient  en  ulage  chez  elles ,  il 
en  a  réfulté  de  la  différence  entre  les  bréviaires  :  il  s'eft 
même  gliffé  dans  plufieurs ,  quantité  de  faufles  légen- 
des des  faints  ;  mais  la  critique  qui  s'efl: fi  fort  perfec- 
tionnée depuis  un  fiecle ,  en  a  purgé  la  plupart.  Les 
conciles  de  Trente ,  de  Cologne ,  les  papes  Pie  V. 
Clément  VIII.  &c  Urbain  VIII.  ont  travaillé  à  cette 
réforme  ;  &  aujourd'hui  les  églifes  de  France  en  par- 
ticulier ,  ont  des  bréviaires  compofés  avec  beaucoup 
de  loin  &  d'exactitude.  Celui  qu'on  appelle  bréviaire 
Romain ,  n'efl  point  l'ancien  bréviaire  de  l'églile  de 
Rome  ,  mais  un  bréviaire  que  les  Cordclicrs  récitaient 
dans  la  chapelle  du  pape,  &  que  Sixte  IV.  adopta. 
Plufieurs  de  fes  fucceffeurs  ont  voulu  en  faire  un  bré- 
viaire univerfel  pour  toute  l'Eglifc  :  mais  ce  projet  eft 
demeuré  fans  exécution.  Le  cardinal  Quignoncz  s'é- 
tait aufli  propofé  de  le  Amplifier  ,  en  fupprimant  le 
petit  office  de  la  Vierge  ,  les  veriets  ,  les  répons ,  & 
une  grande  partie  de  la  vie  des  faints  :  l'on  projet  n'a 
pas  non  plus  eu  lieu. 

Les  principaux  bréviaires ,  après  celui  de  Rome  & 
ceux  des  églifes  particulières ,  font  ceux  des  Béné- 
dictins ,  des  Bernardins ,  des  Chartreux ,  des  Prémon- 
trés ,  des  Dominicains ,  des  Carmes  ,  de  Chiny ,  tk  le 
bréviaire  Mozambique  dont  on  fe  fert  en  Efpagne.  Ce- 
lui des  Francifcains  &  des  Jéluiteseft  le  même  que  le 
Romain ,  a  l'exception  de  quelques  fêtes  propres  &c 
particulières  à  l'un  ou  l'autre  de  ces  ordres. 

Le  bréviaire  des  Grecs  ,  qu'ils  appellent  horologinm , 
cfl  à-  peu  -près  le  même  dans  toutes  leurs  églifes  &c 
fcîonafteres  :  ils  divifent  le  pfeautier  en  vingt  parties , 
qu'ils  nomment  x*7i<ry.a.Ttt ,  paufes  ou  repos ,  &  chaque 
paufe  eft  fubdivifée  en  trois  parties;  en  général ,  le 
bréviaire  Grec  confifte  en  deux  parties ,  dont  l'une  con- 
tient l'office  du  f'oir  appelle  umovû/Cluv ,  &c  l'autre  celui 
c\u  matin ,  qui  comprend  matines ,  laudes ,  les  petites 
heures,  vêpres  Cx  complies.  Celui  des  Maronites  con- 
tient quelques  différences  plus  confulerables.  Voyc{ 
Maronite. 

Parmi  les  peuples  qui  parlent  la  langue  Sclavon- 
ne ,  ou  quelques  -  uns  de  les  dialedes ,  le  bréviaire  eft 
en  langue  vulgaire ,  comme  parmi  les  Maronites  en 


BRE 


415 


Syriaque ,  parmi  les  Arméniens  en  Arménien ,  &c , 
Ceux  qui  difent  le  bréviaire  en  Sclavon,  font  di  viles 
quant  au  rit.  Les  habitans  de  la  Dalmatie  &  des  côtes 
yoilines  de  cette  province ,  de  même  que  ceux  qui 
font  plus  avant  dans  les  terres  ,  comme  en  Hongrie , 
Bofnie  ,  &  Efclavonie ,  fuivent  le  rit  Romain  ;  en  Po- 
logne ,  Lithuanie ,  Mofcovie  ,  ils  fuivent  le  rit  Grec. 
Le  bréviaire  des  Abyffins  &  des  Cophtes  eft  prefque 
le  même.  Voye^  Cophtes,  Grec,  &c. 

L'ufage  de  réciter  le  bréviaire  en  particulier  était 
originairement  de  pure  dévotion  ;  non -feulement 
des  eccléfiaftiques  ,  mais  même  des  laïques  l'ont  pra- 
tiqué quand  ils  ne  pouvoient  pas  affilier  à  l'office  dans 
l'églile  :  mais  on  ne  trouve  pas  de  loi  ancienne  qui  y 
oblige  les  eccléfiaftiques.  La  première  eft  le  décret 
du  concile  de  Bâle ,  fuivi  de  celui  de  Latran  fous  Ju- 
les IL  &  Léon  X.  encore  ne  regardent-ils  expreflë- 
ment  que  les  bénéfîciers.  Mais  les  cafuiftes  penfent 
en  général ,  que  tous  les  eccléfiaftiques  promus  aux 
ordres  f  acres ,  ou  pofTédant  des  bénéfices ,  font  tenus 
au  bréviaire  fous  peine  de  péché  mortel  ;  6c  quant  à 
ces  derniers,  qu'ils  font  obligés  à  la  reftitution  des 
fruits  de  leur  bénéfice  proportionnément  au  nombre 
de  fois  qu'ils  ont  manqué  de  réciter  leur  bréviaire» 
Mege.  Joly,  de  Récit,  hor.  canon.  Mabillon ,  de  Curfu 
Gallican.  De  Vert,  des  Cérémonies.   (  G  ) 

BREVI ATEUR ,  f.  m.  (  Hijl.  anc.  )  c'était  le  nom 
d'un  officier  des  empereurs  d'Orient ,  dont  la  fonc- 
tion étoit  d'écrire  &  de  tranferire  les  ordonnances 
du  prince.  On  appelle  encore  à  Rome  breviâteurs  ou 
abreviateurs ,  ceux  qui  écrivent  &c  délivrent  les  brefs 
du  pape.  Voye{  BREF.  (G) 

BREUIL ,  f.  m.  terme  d'Eaux  &  Forêts ,  eft  un  petit 
bois  tailiis  ou  buiffon  ,  fermé  de  haies  ou  de  murs  , 
dans  lequel  les  bêtes  ont  accoutumé  de  fe  retirer.  (//) 

BREUILS  ou  C ARGUES  ,  (  Marine.  )  voye^  Car* 
GUES. 

Breuils  ,  Martinets  ,  6-Garcettes:  ces 
mots  fe  prennent  aufli ,  en  Marine,  pour  toutes  les  pe- 
tites cordes  qui  fervent  à  breuiller ,  ferler,  &  ferrer 
les  voiles.  (Z  ) 

BREUILLER  ou  BROUILLER  les  voiles  ,  les  car* 
guer  ou  troujfer;  voye^  C  ARGUER.   (  Z  ) 

BREUSCH,  (  Géog.  )  rivière  de  la  baffe  Alfàce  , 
qui  prend  fa  fource  aux  frontières  de  la  L'orraine,  & 
tombe  dans  l'Ill  près  de  Strasbourg. 

BREUVAGE,  f.  m.  Voye?^  Boisson. 

Breuvage  ,  Brevage,  Bruvage  :  on  appelle 
ainfi ,  en  Marine  ,  un  mélange  égal  de  vin  &  d'eau 
qu'on  donne  quelquefois  pour  boiffon  à  l'équipage. 

Le  breuvage  des  équipages  de  Hollande  dans  les 
mers  d'Allemagne  &C  Baltique ,  eft  de  la  bierre  ;  ce 
dans  les  voyages  de  long  cours,  ce  n'eftque  de  l'eau, 
ou  de  l'eau  mêlée  avec  du  vinaigre.   (  Z  ) 

Breuvage  :  on  appelle  encore  ainli,  en  Médecine 
&  en  Maréchalerie,  toutes  les  liqueurs  médicinales  que 
le  médecin  &  le  maréchal  font  prendre  à  l'homme 
&  au  cheval  malades.  Le  breuvage  fe  donne  à  ce  der- 
nier avec  la  corne  de  vache.  (  //) 

BREY ,  (  Géog.  )  petite  ville  du  pays  de  Liège  , 
dans  le  comté  de  Looz.  Long,  z  j.  10.  lat.  61.  6. 

BREYN  ,  (  Géog.  )  petite  ville  du  comté  d\ 
dans  l'Ecofle  leptcntrionale  ,  fur  un  petit  golfe  de 
même  nom. 

BREYNI A  ,  (f  f.  (  Hifl.  nat  bot.  )  genre  de  plante 
dont  le  nom  a  été  dérivé  de  celui  de  Jacques  ' 
de  Dantzic.  La  fleur  de  ce  genre  de  plante  eft  en  rô- 
le ,  compofée  de  plufieurs  pétales  difpofés  en  rond  : 
il  s'élève  du  fond  du  calice  un  piftil  qui  devient  dans 
la  fuite  un  fruit  ou  une  lilique  molle  &  charnue ,  dans 
laquelle  font  renfermées  plufieurs  femences  qui  ont 
la  figure  d'un  rein.  Plumier,  Nova  plant.  Amer,  genen 

Voyc~x  Plante.  ( /) 


416 


B  R  E 


BREZIN,  (  Géog.)  ville  de  la  grande  Pologne, 
dans  le  palatinat  de  Lenczicz. 

BRIANÇON  ,  (  Géog.)  ville  de  France  dans  le 
haut  Dauphine  ,  avec  un  château  tort  fur  la  Duran- 
ce.  Long.  24.  zo.  lat.  44.  46 . 

BRÏANÇONNET  ,  (  Géog.  )  fortereffe  de  Savoie 
dans  la  Tarentaiie ,  bâtie  fur  un  rocher  inaccellible. 

BRIANÇONNOIS ,  (  Géog.  )  petit  pays  de  Fran- 
ce en  Dauphine  ,  dont  Briancon  eft  la  capitale. 

BRI  ARE  ,  (  Giog.  )  petite 'ville  de  France  en  Ca- 
nnois ,  fur  la  Loire ,  remarquable  par  le  canal  qui 
porte  l'on  nom, &  qui  fait  communiquer  la  Loire  &  la 
Seine.  Long.  20d.  24'.  13"  ■  '<"•  47A-  38'.  16". 

BRIATENTE ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  en 
Languedoc ,  fur  le  Dadou ,  à  quelques  lieues  d'Alby. 

*  BRICIEN,  f.  m.  (Hijl.  moi.')  l'ordre  militaire 
des  Briciens  fut  infatué  en  1366  par  fainte  Brigitte , 
reine  de  Suéde ,  fous  le  pontificat  d'Urbain  V.  qui 
l'approuva ,  &  lui  donna  la  règle  de  S.  Auguftin.  Cet 
ordre  avoit  pour  arme  une  croix  d'afur,  femblable 
à  celle  de  Malte,  &  pofée  fur  une  langue  de  feu,  fym- 
bole  de  foi  &  de  charité.  On  y  faifoit  vœu  de  com- 
battre contre  les  hérétiques  &  pour  la  lépulture  des 
morts,  &  l'afliftance  des  veuves,  des  orphelins,  & 
des  hôpitaux.  Toutes  ces  inftitutions  font  plus  recom- 
mandables  par  la  pureté  d'intention  des  perfonnes 
qui  les  ont  infatuées  ,  les  riches  commanderies  dont 
elles  ont  été  dotées ,  la  naiffance  &  la  piété  de  plii- 


ez lampe  qui  fume  encore.    Voye^  Fleuri ,  D ij 'cours  fur 
les  Religieux. 

BRICOLE,  f.  f.  terme  Je  Bourrelier.  V.  COUSSINET. 

BRICOLE  ,  terme  dePaumier  ;  jouer  de  bricole  ,  c'eft 
faire  frapper  la  balle  contre  un  des  murs  de  la  lon- 
gueur du  jeu  de  paume. 

BRICOLE  ,  terme  de  jeu  de  Billard  :  on  dit  qu'une 
bille  en  frappe  une  autre  par  bricole  ,  lorfqu'au  lieu 
d'être  pouffée  directement  contr'elle ,  elle  ne  vient  la 
rencontrer  qu'après  avoir  frappé  la  bande  du  billard, 
&  avoir  été  renvoyée  par  cette  bande. 

Soit  F  une  des  billes ,  &  A  l'autre  (fig.  2J.  Opt.) 
H  G  la  bande  du  billard;  fion  poulie  la  bille  -F  fuivant 
/"£,&  que  renvoyée  fuivant  EA  par  le  point  F.  de  la 
bande ,  elle  vienne  choquer  la  bille  A,  cela  s'appelle 
choquer  de  bricole.  Pour  trouver  le  point  E  de  la  ban- 
de ,  auquel  il  faut  pouffer  la  bille  .F  pour  choquer  la 
bille  A  de  bricole ,  menez  de  la  bille  A  la  perpendicu- 
laire A  G  ,  à  la  bande  G  H,  &  prolongez-la  de  ma- 
nière que  G  B  foit  égal  à  A  G  ;  enfuite  vifez  de  F  en 
B  ,  &  pouffez  la  bille  F  fuivant  F  B  ;  le  point  E  où 
F  B  coupera  G  H,  fera  le  point  de  bricole  :  car  tirant 
FE&cAE,'û  eft  aifé  de  démontrer  que  l'angle  F 
E  H  eu  égal  à  l'angle  A  E  G.  Donc  fuivant  les  lois 
de  la  réflexion  des  corps  (  Voye^  Réflexion  )  ,  la 
bille  pouifée  fuivant  F  E,  rejaillira  fuivant  EA. 

Au  relie  les  bons  joueurs,  par  la  feule  habitude, 
trouvent  ce  point  E  fans  préparation  ,  &  les  mala- 
droits le  manquent  avec  cet  échaffaudage. 

On  peut  donner  auffi  des  règles  géométriques  pour 
toucher  une  bille  par  deux  bricoles  ou  davantage  : 
mais  elles  feroient  plus  curieufes  dans  la  théorie,qu'u- 
tiles  dans  la  pratique.  Voye^V article  Miroir  ,  où  l'on 
traite  affez  au  long  de  la  reflexion  ,iimple  ou  multi- 
ple des  rayons  :  réflexion  qui  reprélente  parfaite- 
ment les  bricoles  iïmples  ou  multiples  d'une  bille  de 
billard.  (  O  ) 

Bri  COLE,  (  Chaffe  &  Pêche.  )  ce  font  des  filets  faits 
de  petites  cordes  pour  prendre  les  grandes  bêtes  ;  ils 
font  en  forme  de  bourfes.  On  le  lert  auffi  de  cette 
forte  de  filets  pour  prendre  le  poiffon.  ^.Brochet. 

BRICOLLER,  f.  m.  (  Manège.)  eft  le  cheval  qu'on 


B  R  E 

attelé  à  une  chaife  de  pofte  à  côté  du  cheval  de  bran- 
card ,  &  fur  lequel  le  pofallon  eft  monté.  Ce  nom 
vient  du  harnois  qu'on  lui  met ,  qui  s'appelle  une  bri- 
cole.  (F) 

BRICOTEAUX  ,  f.  m.  pi.  che{  les  Rubaniers ,  les 
Gabiers  ,  &c.  ce  font  deux  pièces  détachées  &  enfi- 
lées (  fig.  1.  PI.  V.  )  dans  la  broche  qui  porte  les 
poulies  du  côté  gauche  du  chatelet.  Il  y  en  a  un  (fi- 
gure  5.  )  qui  eft  repréfenté  feul  pour  en  laiffer  voir 
toutes  les  parties.  A  A  eft  la  pièce  enfourchée  qui 
foûtient  le  bricoteau  ;  B  la  broche  du  chatelet  où  il 
s'attache;  C  l'endroit  de  la  bafcule  où  s'attache  le  bri- 
coteau ;  D  l'endroit  où  s'attache  le  tirant  des  marches;. 
E  la  corde  qui  porte  la  pierre  ou  le  poids  F,  qui  fert 
à  donner  plus  de  charge  à  la  bafcule  ;  G  le  nœud 
des  quatre  lacs  des  quatre  lames ,  qui  feules  font  agir 
le  bricoteau  ;  .//les  quatre  lames  dont  on  vient  de  par- 
ler ,  &  qui  font  enfilées  dans  leur  chafiis  toutes  les 
quatre  du  même  côté  ;  /  les  quatre  marches  qui  font 
mouvoir  les  quatre  lames ,  ôc  font  les  quatre  en-de- 
hors du  côté  gauche  de  l'ouvrier ,  marchées  du  mê- 
me pié  gauche  ;  K  l'endroit  où  le  place  la  corde  de 
la  traverfe ,  qui  fert  à  lever  également  toute  cette 
machine;  L  Lies  deux  cordes  qui  foûtiennent  le  lif- 
feron  MM ,  qui  porte  les  lifiettes  NN  j  O  O  les  qua- 
tre rouleaux  du  porte-rame  de  devant,  fur  lefquels 
&  entre  les  différentes  grilles  font  paffées  les  rames 
de  fond  P  P  ,  qui  viennent  aboutir  en  Q  Q  ,  où  elles 
font  noiiées  en  R  R  aux  lifiettes. 

Voici  l'ufage  de  ces  bricoteaux.  Dans  les  ouvrages 
extrêmement  cornpofés  il  y  a  julqu'à  cinquante  ou 
foixante  livres  pelant  de  fufeaux  attachés  aux  lifiet- 
tes ,  &  cela  ,  comme  il  a  été  dit  à  leur  article  ,  pour 
faire  retomber  ces  lifiettes  :  on  voit  cette  mafîe  énor- 
me dans  la  fig.  1 .  PI.  V.  comme  on  en  voit  une  pe- 
tite partie  dans  lafig.  à.  en  S  S  :  ce  poids  confidéra- 
ble  doit  être  levé  prelqu'en  totalité  par  le  pié  gauche, 
toutes  les  fois  que  l'ouvrier  en  aura  levé  du  pié  droit 
une  partie,  quelquefois  très-petite,  d'autres  fois  plus 
conlidérable  ,  mais  toujours  bien  moins  coniidéra- 
ble  que  la  quantité  qu'il  levé  avec  le  pié  gauche  , 
puilque  c'eft  de  ce  pié  que  feront  levées  toutes  les 
foies  de  fond  ;  au  lieu  que  le  droit  ne  levant  que  la 
figure  qui  s'exécute  fur  l'ouvrage  ,  n'opère  très-fou- 
vent  que  de  très-petites  levées ,  par  la  marche  des 
vingt  marches  du  pié  droit  ;  (  car  elles  font  dans  cet 
ordre ,  vingt  du  pié  droit  pour  la  figure,  &  quatre  du 
pié  gauche  pour  le  fond  )  Pendant  cette  petite  levée 
toutes  les  foies  de  chaîne  retient  en-bas  :  mais  après 
un  coup  de  navette  lancé  à  travers  cette  levée ,  le 
fond  venant  à  lever  par  une  des  quatre  marches  du 
pié  gauche ,  ce  fond  chargé ,  comme  nous  avons  dit 
plus  haut ,  rend  cette  levée  d'une  lourdeur  extraor- 
dinaire ,  qui  eft  conlidérablement  diminuée  par  le 
moyen  du  bricoteau  ou  des  deux  bricoteaux  qui  font 
ici  l'office  d'un  levier  ,  encore  aidée  du  poids  de  la 
pierre  F.  C'eft  donc  avec  raifon  que  la  bafcule  CDy 
qui  patie  par  l'enfourchement  A ,  eft  d'inégale  lon- 
gueur: cette  néceflité  n'a  pasbeloin  d'être  prouvée. 
Dans  certains  ouvrages  ce  bricoteau  levé  encore  les 
quatre  hautes  liftes  de  devant  qui  portent  les  rames 
de  litière ,  &  qui  font  levées  alternativement  par 
chacune  des  quatre  marches  du  pié  gauche  ;  dans  ce 
cas  ces  quatre  hautes  lilîes  font  à  claire  voie  ,  c'eft- 
à-dire  ,  qu'elles  n'ont  qu'une  très-petite  quantité  de 
mailles  diftribuées  fur  les  deux  bouts  de  leurs  lifle- 
rons  FF ,  G  G ,  de  la  fig.  2.  les  rames  77  qui  forment 
les  litières  y  étant  feules  parlées ,  le  font  en  cet  or- 
dre :  fi  la  première  rame  fait  un  pris  fur  la  première 
haute  lilïe  ,  elle  fera  un  lailfé  fur  la  féconde ,  un  pris- 
fur  la  troilieme,&  un  laiffé  fur  la  quatrième  ;  la  2e  au 
contraire  de  la  ir%  fera  un  laiffé  fur  la  tre  haute  liffe, 
un  pris  fur  la  2e,un  laiffé  fur  la  troilieme,Cvun  pris  fur 
la  quatrième;  ainli  des  autres  rames  de  litière:  ces 

quatre 


B  R  1 

quatre  hautes  liîïes  ne  portant  que  les  rames  que  l'on 
vient  d'expliquer,  n'ayant  befoin  que  de  quelques 
mailles  fur  les  extrémités,  doivent  par  conféquent 
.1-ihTer  un  grand  vuide  entr'elles,  qui  donne  paflnge 
à  la  grande  quantité  de  rames  de  figure  qui  vient 
aboutir  fur  les  difiérens  rouleaux ,  &  à  travers  les 
différentes  grilles  du  porte-rames  de  devant.  Si  l'on 
faifoit  de  l'ouvrage  en  plein,  c'eft-à-dire  ,  qui  ne  rc- 
prélentât  qu'un  même  fonds  fans  aucune  figure ,  il 
n'y  auroit  pour  lors  befoin  crue  des  deux  liftes  ^^> 
fig.  2.  dont  la  féconde  C  C  porterait  enBB  ,  comme 
la  première  A  A,  un  poids  à  chacune  des  quatre  ex- 
trémités de  leurs  deux  lifterons.  Ce  poids  compolé 
d'un  ou  de  plufieurs  fufeaux,ferviroit  à  faire  retomber 
la  lifTe  qui  baiffe  :  mais  la  chaîne  D  eft  pafiée  dans 
ces  deux  lifi'es  en  cette  forte  ;  le  premier  brin  eft 
pafTé  dans  les  deux  premières  mailles  delà  première 
lifTe  ;  le  fécond  brin  eft  pafTé  dans  les  deux  premières 
mailles  de  la  2e  lifTe  ,  &  toujours  de  même  de  l'une  à 
l'autre  ;  par  conféquent  il  y  auroit  toujours  une  moi- 
tié de  la  chaîne  qui  leveroit  par  le  moyen  de  la  lifte 
dans  laquelle  cette  moitié  fe  trouve  ainfi  palTée  :  or 
c'eft  à  travers  ces  levées  égales  que  la  navette  qui 
porte  la  trame  eft  lancée  ;  ce  coup  de  navette  qui 
reçoit  fur  lui  un  coup  de  battant  pendant  que  le  pas 
eft  encore  ouvert ,  eft  ce  qu'on  appelle  duitti  (  Voye^ 
Duitte  )  ;  ce  pas  eft  fermé  par  l'ouverture  de  l'au- 
tre ,  où  la  même  chofe  fe  fait  encore  ,  &  toujours  de 
même.  Cette  égalité  de  répartition  de  chaîne  dont 
on  vient  de  parler  ,  eft  bien  différente  dans  les  ou- 
vrages figurés  ;  car  c'eft  de  la  quantité  de  chaîne  plus 
ou  moins  confidérable  qui  levé  ,  que  dépend  la  for- 
mation des  différentes  parties  de  deflein  ,  comme  on 
le  \d\tfig.  4.  où  a,  qui  fait  la  figure ,  eft  en-bas  ,  pen- 
dant que  b  ,  qui  fait  le  fond ,  levé.  Ce  pas  ainli  ou- 
vert va  recevoir  le  coup  de  trame  de  la  navette  n, 
qui  eft  de  foie  ;  &  à  l'autre  pas  où  a  qui  fait  la  figure 
fera  levé  ,  il  recevra  le  coup  de  la  navette  A^qui  eft 
chargée  de  deux  brins  de  fil  d'or  ou  d'argent.  Mais 
pourquoi  ces  deux  différentes  navettes  ,  l'une  de 
l'oie  ik.  l'autre  de  filé  ?  Si  lorfque  le  pas  b  eft  ouvert, 
où  prefque  toute  la  chaîne  eft  levée  ,  on  lançoit  la 
navette  A^qui  porte  le  filé ,  ce  coup  fe  trouverait  ab- 
forbé  ,  &  comme  enfeveli  fous  la  grande  quantité  de 
foie  qui  le  couvriroit  ;  &  ce  feroit  prefqu'autant  de 
filé  de  perdu  ;  au  lieu  que  lorfque  le  pas  de  figure 
fera  ouvert ,  comme  a  qui  fait  la  figure  dans  la  fi- 

f'ure  3.  pendant  que  le  fond  B  eft  en-bas  ,  le  coup  de 
a  navette  N  qui  eft  de  filé  qui  y  va  être  lancé ,  fe 
trouvera  prefque  tout  à  découvert.  On  aura  par  ces 
diverfes  opérations  le  développé  du  deflein  X:  il  y  a 
une  double  néceflité  de  la  féconde  navette  de  foie  ; 
car  la  foie  qu'elle  contient  occupant  bien  moins 
d'efpace  que  le  filé  ,  &  étant  toujours  placée  entre 
deux  coups  de  filé  qui  en  occupent  beaucoup  plus 
qu'elle,  la  liaifon  du  tout  eft  plus  aifée  à  fe  faire  par 
les  coups  de  battans  :  dans  ce  cas  où  deux  navettes 
font  lancées  comme  ici  l'une  après  l'autre,  l'ouvrier 
reçoit  l'une  entre  les  doigts  index  &  médius  ,  Se  l'au- 
tre navette  eft  reçue  entre  ce  même  médius  &c  l'an- 
nulaire ,  tantôt  d'une  main  tantôt  de  l'autre  :  de  mê- 
me ,  comme  il  arrive  quelquefois,  s'il  y  en  avoit  trois 
qui  allaflent  alternativement,  il  recevrait  le  troilie- 
mc  entre  l'annulaire  ik.  l'auriculaire  :  il  n'en  peut 
conduire  davantage,  n'ayant  que  ces  trois  ouvertu- 
res. Lorfqu'il  y  a  plus  de  navettes ,  puifqu'il  y  en  a 
quelquefois  jufqu'à  2.5  ou  26,  celles  qui  ne  travail- 
lent pas  font  pofées  jufqu'à  leur  tour  fur  le  carton. 
Voyei  Carton. 

On  trouvera  clans  cet  article  beaucoup  de  chofes 
qui  auraient  ilù  taire  la  matière  d'autant  d'artic  es 
différens  :  mais  comme  on  a  l'eftampc  fous  les  yei  x, 
on  a  cru  devoir  traiter  fous  un  même  point  de  \  ûe 
tout  ce  qu'elle  renferme  :  par-là  on  évite  aufli  les  re- 
Tomc  II, 


BRI 


4t? 


dites  continuelles,  prefqu'inévitables  en  traitant  Une 
matière  fi  étendue  ,  &  fi  fujette  à  la  prolixité. 

BRIDE ,  f.  f.  {Maréchal.  )  fe  dit  en  général  &  au 
propre  de  tout  le  harnois  de  tête  du  cheval  harna- 
ché ,  &  en  particulier  du  mors  &  des  différentes  par- 
ties qui  l'accompagnent ,  dont  voici  le  nom  :  l'em- 
bouchure ,  qui  cil  foûtenue  en  fa  place  par  la  montu- 
re de  la  bride  ;  cette  monture  eft  de  cuir  &  a  plufieurs 
parties;  fa  voir ,  la  têtière ,  ou  le  dcfTusde  tête ,  qui 
pofe  fur  le  fommet  de  la  tête ,  derrière  les  oreilles  ; 
les  porte-mors  ou  les  montans  de  la  bride ,  qui  font 
deux  cuirs  qui  paflant  dans  les  yeux  du  mors  ,  le 
loùtiennent  à  fa  place  ,  chacun  a  une  boucle  pour 
pouvoir  hauffer  ou  baiffer  le  mors  ;  lefrontail,  ouïe 
cuir  qui  traverfe  !e  front  au-deflus  des  yeux ,  &  qui 
eft  attaché  à  la  fêtiere  des  deux  côtés  ,  il  n'a  point 
de  boucles  ;  la  fous-gorge ,  qui  part  de  la  têtière ,  & 
dont  on  entoure  la  jonction  de  la  ganache  au  cou, 
l'ayant  attaché  à  une  boucle  du  côté  du  montoir  ;  la 
muferole  ou  le  cuir  qui  entoure  le  milieu  de  la  tête 
du  cheval ,  &  fe  boucle  du  côté  du  montoir  :  enfin 
les  rênes  ,  qui  font  deux  cuirs ,  qui  d'un  bout  fe  bou- 
clent aux  anneaux  des  tourets  des  branches ,  &  de 
l'autre  font  jointes  ck  liées  enlcmble  ;  le  mors  ou  fer 
qui  entre  dans  la  bouche  du  cheval;  la  branche,  la 
fous-barbe ,  qui  eft  une  pièce  de  fer  qui  prend  du 
fonceau  au  bas  du  coude  de  la  branche ,  &  ne  fert 
qu'à  attacher  l'oreille  du  bas  de  la  boffette  aux  bran- 
ches coudées  ;  les  boffettes  qui  ne  fervent  que  d'or- 
nement ,  &  feulement  pour  cacher  le  bouquet  &c  le 
fonceau  du  mors  ;  enfin  la  gourmette ,  qui  eft  com- 
pofée  de  mailles  de  fer  Se  de  deux  maillons  deftinés 
à  entrer  dans  un  crochet,  lorfqu'on  veut  la  mettre  à 
fa  place.  Voye^  Mors  ,  Branche  ,  Martingale  , 

&c.  Voye-^  La  PI.  de  f ' Eperonnier. 

La  main  de  la  bride ,  c'eft  la  gauche  ;  voye^  Main.' 
Boiteux  de  la  bride  ,  vçyeçBoiTEUX.  Secoujje  de  la  bri- 
de ,  voye^  Saccade.  Effet  de  la  bride  ,  c'eft  le  degré 
de  fenfibilité  que  le  mors  caufe  aux  barres  du  che- 
val par  la  main  du  cavalier.  Boire  la  bride ,  voye^ 
BoiRE.  Donner  quatre  doigts  de  bride,  voyez^  DON- 
NER. Mettre  la  bride  fur  le  cou  ,  voyc^  Mettre.  Ren- 
dre la  bride  ,  v&yat  Rendre.  Raccourcir  la  bride  ,  eft  la 
même  chofe  quaccourcir  ;  voye^  ACCOURCIR.  Bri- 
de en  main  ,  voyar  TENIR.  Bocher  avec  la  bride  ,  c'eft 
une  habitude  que  quelques  chevaux  prennent  de 
joiier  avec  la  bride,  en  fecoùant  les  mors  par  un  petit 
mouvement  de  tête ,  fur-tout  lorfqu'ils  font  arrêtés. 
Goûter  la  bride ,  fe  dit  lorfque  le  cheval  commence 
à  s'accoutumer  aux  impreffions  du  mors. 

Bride  à  abreuver  ;  on  peut  mettre  à  un  poulain  pour 
quelques  jours  la  bride  à  abreuver  fans  rênes;  après 
quoi ,  lui  mettre  le  mors.  Il  n'y  a  rien  de  fi  utile  à  la 
fanté  des  chevaux ,  que  de  les  tenir  avec  la  bride  à 
abreuver  trois  ou  quatre  heures  avant  que  de  les  mon- 
ter,  &  autant  de  tems  après ,  jufqu'à  ce  qu'ils  foient 
bien  refroidis.  Il  leur  eft  aufli  très-utile  de  les  tenir 
bridés  deux  ou  trois  heures  avant  &  après  leur  avoir 
fait  prendre  quelque  remède. 

Bride  :  on  dqnne  ce  nom  au  figuré  à  toute  pièce 
en  général  qui  fert  à  retenir  ou  loùtenir.  Ainfi  dans 
une  barre  de  godet ,  on  appelle  la  bride  de  la  b.irre  la 
partie  qui  fert  à  fôutenir  les  côtés  du  godet  ou  de  la 
gouttière  de  plomb.  On  trouvera  dans  nos  planches 
tle  Serrurerie  ,  plufieurs  figures  de  brides.  Poy*{  ■  &■* 

piication  de  ces  Planohes. 

Bride  ,  {terme  d' Arqucbuficr.  )  c'eft  un  petit  mor- 
ceau de  fer  plat ,  échancré  fur  les  bords  ,  un  peu  plus 
grand  que  la  noix,  reployé  en  deux  parties  lur  cha- 
que bout ,  8e  perce  d"un  trou  où  l'on  place  des  vis 
qui  raliùjcttiffent  en-dedans  au  corps  de  platine  :  le 
milieu  de  la  bride  eft  un  peu  plus  large  ;  il  efl  percé 
d'un  trou  qui  reçoit  le  piveau  menu  de  la  noix  ,  &  la 
tient  comme  en  équilibre.  Cette  bride  fert  poir  îoù- 


4i8 


R  I 


tenir  la  noix  ,  &  empêcher  que  le  chien  n'approche 
trop  près  du  corps  de  platine  en-dehors.  Elle  eft  pofée 
par-deuus  la  noix,  de  façon  cependant,  qu'elle  ne  la 
gêne  point  dans  les  difTéiens  mouvemens. 

*  Bride  ,  (  Bas  au  métier.)  on  donne  ce  nom  à  une 
partie  de  foie  qui  s'étant  échappée  de  deffous  le  bec 
d'une  aiguille  ,  ou  qui  n'y  étant  point  entrée ,  n'a 
point  été  employée  à  former  la  maille  ,  &  qui ,  au 
lieu  de  paroitre  tilTue  &  de  contribuer  à  la  continuité 
du  bas ,  paroît  droite  &l  lâche  ,  &:  Iaiffe  un  vuide  ou 
un  trou.  Ce  trou  le  rebouche  en  remontant  la  maille  ; 
pour  cet  effet  on  prend  la  tournille  ,  on  fait  paffer  la 
bride  dans  fon  bec  ;  on  tranfporte  cette  bride  de  def- 
fous le  bec  de  la  tournille  fous  le  bec  de  l'aiguille  , 
&  l'on  achevé  à  la  main  ce  que  la  machine  auroit  dû 
faire.  Foye{  Maille,  Tournille,  &  Bas 
au  métier. 

Bride  ,  (  outil  de  Charron.  )  c-'eft  une  bande  de  fer 
plate ,  pliée  en  trois  ,  quarrément ,  dont  les  deux 
branches  font  percées  de  plulieurs  trous  vis-à-vis  les 
uns  des  autres ,  pour  y  placer  une  cheville  de  fer , 
qui  va  répondre  d'un  trou  dans  un  autre.  Cet  outil 
fort  aux  Charrons  pour  affujettir  planeurs  pièces  de 
leurs  ouvrages  eniemble.  Voye^  lafig.  i.  Planche  du 
Charron. 

Bride  à  brancard,  (outil  de  Charron.')  afTez  fem- 
blable  &  d'un  ufage  fort  analogue  au  précédent. 
C'eft  une  bande  de  fer  pliée  en  trois ,  dont  la  partie 
du  milieu  peut  avoir  iîx  ou  huit  pouces  de  long  ,  & 
la  partie  des  deux  côtés  peut  avoir  cinq  pies  de  long , 
fur  quatre  pouces  de  large  :  cela  fort  aux  Charrons 
pour  maintenir  le  brancard  quand  ils  le  montent  & 
Faffemblent.  Voye^  lafig.  il.  PI.  du  Charron. 

Brides,  en  terme  de  Fondeur  de  cloches,  font  de 
grands  anneaux  de  fer  de  forme  parallélogrammati- 
que,  qui  fervent  à  fufpendre  la  clcche  au  mouton ,  par 
le  moyen  des  barreaux  de  fer  qui  traverfent  les  anfes 
de  la  cloche,  &  les  barreaux  de  bois  &:  de  fer  poiés 
en  travers  fur  le  mouton  ,  fur  lefquels  les  brides  paf- 
fent.  Poye^  lafig.  6 .  Planch.  de  la  Fonderie  des  cloches  , 
&  Varticle  FONTE  des  cloches. 

Brides  ;  ce  font  les  extrémités  des  tuyaux  de  fer 
faites  en  platines ,  avec  quatre  écroues  dans  les  an- 
gles ,  pour  les  joindre  &  les  brider,  en  y  mettant  des 
rondelles  de  cuivre  ou  de  plomb  entre  deux ,  avec 
du  maftic  à  froid.  (/£) 

Bride  ,  Bp>.ides  ,  terme  dont  on  fe  fort  dans  la 
Manche.  Voye^  Guerlandes. 

BRIDER  un  cheval,  {Manège)  c'eft  faire  entrer  le 
mors  dans  la  bouche ,  paffer  le  haut  de  la  têtière  par- 
deffus  les  oreilles ,  &  accrocher  la  gourmette.  Brider 
la  potence.  Voye^  Potence. 

Se  brider  bien ,  fe  dit  du  cheval ,  lorfqu'il  a  la  tête 
placée  comme  il  faut ,  c'eft-à-dire ,  qu'il  n'a  point  le 
nez  en  avant ,  ni  en  -  deffous ,  ni  trop  bas.  Se  brider 
mal,  fe  dit  lorfqu'il  tend  le  nez,  ou  qu'il  avance 
trop.  (  V) 

Brider  V ancre,  en  Marine;  c'eft  envelopper  les 
pattes  de  l'ancre  entre  deux  planches ,  afin  d'empê- 
cher que  le  fer  de  la  patte  ne  creufe,  &  n'élargiffe 
le  fable  ou  la  vafe ,  lorfqu'on  fe  trouve  obligé  de 
mouiller  dans  un  fond  où  la  tenue  eftmauvaife.  (Z) 

*  BRIDER,  terme  de  Maçonnerie  de  carrière ,  brider 
une  pierre  ;  c'eft  l'attacher  avec  le  bout  du  cable  de 
la  grande  roue ,  d'où  pend  le  crochet  qui  doit  l'enle- 
ver. C'eft  la  forme  de  la  pierre  qui  détermine  celle  de 
la  brider  ;  d'ailleurs  les  pierres  ne  fe  tirent  pas  autre- 
ment des  carrières,  que  les  autres  fardeaux. 

BRIDER  les  ferres  d'un  oifiau  ,  en  Fauconnerie  ;  c'eft 
en  lier  une  de  chaque  main ,  pour  l'empêcher  de 
charrier  la  proie. 

BRIDGENORTH  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Angle- 
terre ,  dans  le  Shropshire  ,  fur  la  Saverne.  Long,  i5. 
i.  Ut.  5z.  24. 


B  R  I 

BRIDGETOY/N  ,  (  Géog.  )  ville  d'Amérique , 
dans  l'île  de  la  Barbade ,  aux  Anglois  ;  elle  eft  forte 
&  bien  peuplée.  Long.  J18.  40.  lat.  ij.  za. 

BRIDGE\VATER  ,  (  Géog.  )  grande  ville  d'An- 
gleterre ,  fur  le  Paret ,  dans  la  province  de  Sommer- 
lèt ,  avec  titre  de  comté. 

BRIDLINGTON ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Angle- 
terre ,  dans  la  province  d'Yorck. 

BR.IDON  ,{.  m.  (  en  terme  £ Eperonnier  )  c'eft  une 
foule  embouchure  ,  qui  fe  termine  par  des  anneaux, 
dans  lefquels  on  paffe  les  rênes  :  on  les  appelle  brU 
dons  à  la  royale  ;  parce  que  ce  fut ,  dit-on  ,  Louis  XIV. 
qui  s'en  fervit  le  premier  dans  une  circonftance  où 
la  bride  de  fon  cheval  fe  caffa.  Voye^  lafig.  ig.  PL 
de  CEperonnier. 

BRIDON  à  F Angloife  ,  (  en  terme  CEperonnier)  ne 
diffère  du  bridon  à  la  royale  ,  que  par  fon  anneau  de- 
mi-rond ,  monté  fur  un  fer  rond  ,  &  paffé  dans  l'an- 
neau qui  termine  l'embouchure. 

On  ne  mené  les  chevaux  anglois  qu'avec  des  bri- 
dons ,  &  on  ne  leur  met  des  brides  qu'à  l'armée.  Il 
n'y  a  point  de  cheval  lûr  ou  utile  ,  qui  puilîe  aller 
avec  un  bridon,  s'il  n'eft  premièrement  monté  avec 
le  mors. 

BRIDPORD  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Angleterre, 
dans  la  province  de  Dorfet. 

BRIDURE,  f.  in.  (terme  de  Rivière  &  de  Train) 
perche  qui  tient  avec  une  longue  roùette.  Voye^ 
Train  fe-  Rouette. 

BRIE ,  (  Géog.  )  pays  de  France  ,  borné  au  nord 
par  File  de  France,  &  le  Soiffonnois  ;  à  l'orient  par 
la  Champagne  ,  &  au  midi  par  la  Seine.  On  la  divife 
en  haute  &c  baffe. 

Brie-Comte-Robert  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de 
France  dans  la  Brie  ,  à  6.  lieues  de  Paris.  Long.  zoi. 
iG'.zJ'.lat.  48*.  41'.  26". 

Brie-Comte-Braine  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de 
France  dans  le  Soiffonnois  ,  au  bord  de  la  Vefle ,  qui 
fe  jette  près  de-là  dans  l'Aifne. 

B  R I E  C  K ,  (  Géog.  )  pays  de  la  petite  Pologne  , 
dans  le  palatinat  de  Cracovie. 

BRIEF  ,  f.  m.  terme  de  Commerce  de  mer,  en  ufage 
dans  toute  la  Bretagne  ,  pour  fignifîer  l'écrit  ou  le 
congé  que  les  maîtres ,  patrons  ou  capitaines  des  vaif- 
feaux  font  obligés  de  prendre  des  commis  des  fermes 
du  Roi,  dans  les  ports  de  cette  province.  Voye^  Bref 
&  Brieux.  (G) 

BRÎEG  ,  (  Géog.  )  ville  forte  d'Allemagne  ,  capi- 
tale d'une  principauté  de  même  nom,  dans  la  baffe- 
Siléfie  ,  à  6  milles  de  Brellau.  Long.  J3.  10.  lat. 
ôo.  49. 

Brieg  ,  (  Géog.  )  ville  d'Angleterre  ,  dans  la  pro- 
vince de  Galles  ,  remarquable  par  des  bains  chauds. 

BRIENNE,(  Géog.  )  petite  ville  de  France  efï 
Champagne ,  près  de  la  rivière  d'Aube ,  avec  titre 
de  comté. 

BRIENNON ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  en 
Champagne ,  fur  la  rivière  d'Armançon ,  dans  le  Ssn- 
nonois. 

BRIESCIA  ,  BRESSICI  ou  BRESCZ  ,  (  Géog.  ) 
province  ou  palatinat  dans  la  Lithuanie  ,  borné  au 
nord  par  les  palàtinats  de  Novogrodek  &  de  Troki , 
à  l'occident  par  ceux  de  Bielko  &  de  Lublin ,  au  fud 
par  la  haute  "Wolhinie  &  le  palatinat  de  Chelm  ,  &c 
à  l'orient  par  le  pays  de  Rziczica.  La  capitale  porte 
le  même  nom  que  la  province. 

BRIEUX,  terme  de  Commerce  ufité  en  Bretagne,  pour 
lignifier  les  congés  que  les  maîtres,  patrons ,  ou  capitai- 
nes de  vaiffeaux  font  obligés  de  prendre  de  l'amiral, 
de  l'amirauté  ou  des  commis  des  fermes  du  Roi.  f^oy. 
Bref  ou  BRIEF ,  dans  le  Diclionn.  du  comm.  de  Savari, 
tom.  l.pag.  1114.  La  taxe  des  droits  de  brieux,  que 
payent  les  barques  ou  vaiffeaux ,  lelon  leur  différent 
port  à  Nantes  &  dans  fa  prévôté  ,  auiîi  bien  que  pour 


BRI 

ïcs  Tels  de  Brouage ,  la  Rochelle ,  Guerande  ,  tranf-   | 
portés  tant  à  Nantes  &  comté  Nantois  qu'au  Croific. 

Brieux  ,  (St.  )  Géog.  )  ville  de  Fiance,  dans  la 
haute  Bretagne  ,  avec  un  bon  havre  à  une  demi- 
lieue  de  la  mer.  Long.  14.  4.J.  lat.  48.  33» 

BIIIEY  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  ,  dans  le 
duché  de  Bar ,  près  de  la  rivière  de  Mance ,  à  8  lieues 
de  Saint-Michel» 

BRIEZEN  ,  (  Géog.  )  ville  d'Allemagne ,  dans  l'é- 
lectorat  de  Brandebourg.  Il  y  a  encore  une  autre  ville 
de  ce  nom  dans  la  Marche  mitoyenne  de  Brande- 
bourg ,  fur  la  rivière  de  Niepelitz ,  à  8  milles  de 
Berlin. 

BRIFIER  ,  (  terme  de  Plombier')  c'eft  une  bande  de 
plomb  ,  qui  fait  partie  des  enfaîtemens  des  bâtimens 
couverts  d'ardoife.  Voye\  Enfaîtement. 

BRIGADE,  f.  f.  ( dans  L'Art  militaire )  partie 
ou  diviiion  d'un  corps  de  troupe  ,  foit  à  pié ,  l'oit  à 
cheval ,  Tous  le  commandement  d"un  brigadier.  Voye^ 
Brigadier. 

Le  mot  brigade  efi  dérivé ,  fi  l'on  en  croit  quelques 
auteurs ,  du  mot  latin  brigua  ,  brigue  ,  ou  intrigue 
iecrete.  Du  Cange  le  fait  venir  de  brigand,  lbldat  mal 
difeipliné,  qui  court  le  pays  &  le  ravage  fans  atten- 
dre l'ennemi  ;  comme  font  les  armées  de  Tartares , 
d'Arabes ,  &c.  On  tire  encore  l'étymologie  de  briga- 
de ,  de  brigandine ,  forte  d'armure  ,  dont  on  s'eit  lervi 
autrefois  en  France.  Voye^  Brigandine. 

L'armée  fe  divife  en  plufieurs  brigades  ,  c'eft-à» 
dire  en  plufieurs  corps  particuliers.  C'eil  un  certain 
nombre  de  bataillons  ou  d'efeadrons  deftinés  à  com- 
battre &  à  faire  le  fervice  militaire  ,  fous  les  ordres 
d'un  chef  appelle  brigadier. 

Les  troupes  d'une  même  brigade  font  lur  la  même 
ligne  dans  l'ordre  de  bataille  ,  &  placées  immédiate- 
ment à  côté  les  unes  des  autres.;  elles  ne  font  point 
de  différente  efpece ,  mais  feulement  ou  d'infanterie 
ou  de  cavalerie. 

Le  nombre  des  bataillons  ou  des  efeadrons  de  cha- 
que brigade  n'eft  pas  fixé  :  elles  font  quelquefois  de 
fix  bataillons,  elles  ne  font  pas  toutes  égales.  Il  y  en  a 
de  plus  fortes  &  de  plus  foibles  ;  dans  les  dernières 
campagnes  de  Flanche ,  celles  d'infanterie  étoient  de 
quatre  bataillons.  Les  brigades  de  cavalerie  peuvent 
aller  jufqu'à  huit  efeadrons. 

Les  brigades  fuivent  entr'elles  le  rang  du  premier 
régiment  qu'elles  contiennent.  Les  autres  régimens 
font  regardés  comme  joints  avec  ce  premier  ,  &  ne 
faifant  en  quelque  façon  que  le  même  corps.  Con- 
formément au  rang  de  ce  régiment,  on  donne  aux 
brigades  les  pofles  d'honneur  qui  lui  conviennent.  On 
appelle  pojle  d'honneur  à  la  guerre  ,  celui  qui  elt  jugé 
le  plus  périlleux  ;  comme  les  flancs  des  lignes  font  les 
endroits  les  plus  expofes  &  les  plus  dangereux ,  on 
place  par  cette  raifon  les  premières  brigades  aux 
flancs.  Le  Blond  ,  Effai  fur  la  Ca/lramétation. 

Brigade  ,  dans  L'Artillerie  ,  eft  une  certaine  divi- 
fion  de  l'équipage  ou  du  train  d'Artillerie  ,  compo- 
fée  ordinairement  dp  dix  pièces  de  canon ,  &  de  tou- 
tes les  différentes  munitions  néceffaires  à  leur  fervi- 
ce. Chaque  brigade  a  un  commifiaire  provincial ,  plu- 
fieurs commiflaires  ordinaires  &c  extraordinaires ,  des 
Officiers  pointeurs ,  &c.  ((>) 

BRIGADIER,  eft  un  officier  qui  commande  un 
corps  de  troupes  appelle  brigade.  Voye^  Brigade. 

Brigadier  des  armées  du  Roi ,  eft  un  officier  créé 
du  règne  de  Louis  XIV.  dont  les  fondions  font  lubor- 
données  au  maréchal  de  camp. 

Le  titre  de  brigadier  n'étoit  d'abord  qu'une  com- 
miffion  ,  &  non  une  charge  ,  ni  proprement  un  gra- 
de dans  l'armée  :  mais  en  1 667  ,  quand  la  guerre  com- 
mença ,  le  Roi  fit  expédier  divers  brevets  de  cava- 
lerie, dont  il  honora  plufieurs  officiers  ;  Si.  c'eft  alors 
Tome  H, 


B  R  I 


419 


que  furent  inftitués  les  brigadiers  par  brevet.  Le  Roi 
ayant  été  fort  fatifait  de  ces  brigadiers  de  cavalerie  , 
en  mit  auffi  dans  l'infanterie  l'année  fuivante ,  c'elt- 
à-dire  en  1668. 

Le  brigadier  d'infanterie  dans  une  bataille  eft  à 
cheval ,  pour  pouvoir  fe  porter  plus  vite  aux  divers 
bataillons  de  fa  brigade  ,  dont  il  doit  ordonner  tous 
les  mouvemens.  Il  y  a  des  brigadiers,  non-feidement 
dans  la  cavalerie  légère  &  dans  l'infanterie ,  mais 
encore  dans  les  dragons  &  dans  la  gendarmerie  :  ceux 
de  la  gendarmerie  ,  au  moins  ceux  qui  étoient  capi- 
taines-lieutenans  des  quatres  premières  compagnies, 
precédoient  dans  les  promotions  ceux  de  la  cavale- 
rie légère  :  mais  cet  ui'age  n'elt  plus  ;  il  n'eft  pas  nc- 
ceffaire  d'avoir  paffé  par  la  charge  de  colonel  ou  de 
meftre  de  camp  pour  parvenir  au  titre  de  brigadier  ; 
le  Roi  a  fouvent  promu  à  ce  grade  des  capitaines 
aux  gardes,  des  officiers  de  gendarmerie,  des  offi- 
ciers des  gardes  du  corps  ,  des  officiers  des  gendar- 
mes de  la  garde  ,  des  officiers  des  chevau  -  légers  & 
des  moufquetaires  ,  des  officiers  d'artillerie ,  des  in- 
génieurs, &  des  lieutenans-colonels.  Ces  officiers 
font  leur  chemin  comme  les  autres  ,  c'eft-à-dire ,  que 
de  brigadiers  ils  deviennent  maréchaux  de  camp ,  ôc 
lieutenans  généraux  par  leur  fervice. 

Louis  XIV.  attacha  auffi  à  la  qualité  de  brigadier 
des  honneurs  militaires. 

Le  brigadier  qui  eft  logé  dans  le  camp ,  &  y  a  fa 
brigade,  doit  avoir  une  garde  compofée  d'un  caporal 
&  de  dix  hommes  de  fa  brigade  :  mais  s'il  eft  dans 
une  place  fous  un  autre  commandant ,  il  n'a  pas  mê- 
me de  fentinelle. 

Quand  le  brigadier  vifite  un  pofte ,  l'officier  tient 
fa  garde  en  haie  ,  fans  autres  armes  que  l'épée  ,  & 
fe  met  à  la  tête  ayant  fon  efponton  près  de  lui. 

Un  officier,  tandis  qu'il  n'eft  que  brigadier,  eft 
pour  l'ordinaire  obligé  de  garder  fon  régiment ,  s'il 
en  avoit  avant  que  d'être  parvenu  à  ce  grade  :  mais 
il  peut  le  vendre  à  fon  profit  dès  qu'il  eft  fait  maré- 
chal de  camp. 

Par  ordonnance  du  30  Mars  1668  ,  le  Roi  donne 
aux  brigadiers  d'infanterie  la  même  autorité  fur  les 
troupes  d'infanterie  ,  que  ceux  de  cavalerie  ont  fur 
celles  de  cavalerie. 

Par  celle  du  10  Mars  1673  '  ^  a  été  réglé  que  tout 
brigadier  qui  aura  lettres  de  fervice ,  commandera  à 
tous  colonels  ou  meures  de  camp  ,  tant  d'infanterie 
que  de  cavalerie  :  que  dans  une  place  fermée  celui 
d'infanterie  commandera  à  celui  de  cavalerie  ;  mais 
dans  un  lieu  ouvert ,  &  à  la  campagne ,  celui  de  ca- 
valerie commandera  à  celui  d'infanterie. 

L'ordonnance  du  30  Juillet  1695  y  ajoute  le  bri- 
gadier des  dragons  ,  auquel  elle  donne  le  même  rang 
qu'à  celui  de  cavalerie  ,  &  ordonne  qu'ils  rouleront 
enfemble  fuivant  leur  ancienneté. 

Par  ordonnance  du  premier  Avril  1696  ,  il  a  été 
réglé  que  les  brigadiers  qui  auront  leur  commiffion 
du  même  jour ,  garderont  toujours,  comme  colonels, 
le  rang  que  leur  régiment  leur  donne ,  &  marcheront 
comme  brigadiers  fuivant  l'ancienneté  de  leur  com- 
miffion de  colonels.  Et  par  celle  du  20  Mars  1704, 
fa  Majefté  expliquant  mieux  fon  intention  à  l'égard 
des  colonels  d'infanterie  qui  ont  paffé  foit  dans  la 
gendarmerie,  foit  dans  des  régimens  de  cavalerie  ou 
dragons ,  elle  a  ordonné  que  les  brigadiers  d'infante- 
rie, de  cavalerie  ou  de  dragons,  marcheront  entr'eux 
du  jour  de  leur  commiffion  de  colonels  ou  de  moitiés 
de  camp  ,  d'infanterie  ,  de  cavalerie  ou  de  dragons, 
fans  avoir  égard  aux  changemens  des  corps  ,  ni  au 
tems  où  ils  feront  entrés  dans  celui  où  ils  le  trouve- 
ront. 

Nonobftant  le  brevet  que  le  Roi  donne  aux  briga- 
diers .  iis  ne  fervent  en  cette  qualité  que  par  une  let- 

Gggij 


4ÎO 


B  R  I 


BRI 


tre  de  fervice.  Ils  ont  en  campagne  cinq  cens  livres 
par  mois  de  quarante-cinq  jours.   (Q) 

BRIGAND  ,  f>  m.  (  Hiji.  mod.  )  vagabond  qui 
court  les  campagnes  pour  piller  &  voler  les  paflans. 
On  donne  quelquefois  ce  nom  aux  foldats  mal  difci- 
plinés  qui  defolent  les  pays  où  ils  font  des  courfes  , 
&  qui  n'attendent  point  l'ennemi  pour  le  combattre. 
Ainii  les  Hordes  des  Tartares,  &  ces  pelotons  d'Ara- 
bes qui  infultent  les  voyageurs  dans  le  Levant ,  ne 
font  que  des  troupes  de  brigands.  On  prétend  que  ce 
mot  vient  originairement  d'une  compagnie  de  ioldats 
que  la  ville  de  Paris  arma  &  foudoya  en  1356,  pen- 
dant la  prifon  du  roi  Jean;  que  toute  cette  troupe 
étoit  armée  de  brigandines ,  forte  de  cote  d'armes 
alors  ufitée  ;  &  que  les  defordres  qu'ils  commirent 
leur  acquirent  le  nom  de  brigands  ,  qu'on  appliqua 
enfuite  aux  voleurs  de  grand  chemin.  Borel  le  déri- 
ve de  brugue  ,  autre  efpece  d'armure  ancienne  faite 
de  lames  de  fer  jointes ,  6c  dont  ces  brigands  fe  fer- 
voient  comme  de  cuirafles.  Jufte  Lipfe  le  fait  venir 
de  bragantes,  qui  étoient  des  fantaffins.  Fauchet  en 
trouve  la  racine  dans  brig  ou  brug ,  vieux  mot  Gau- 
lois ou  Tudefque  ,  qui  fignific  un  pont  ;  parce  que , 
dit-il ,  les  ponts  font  des  lieux  où  l'on  détroufle  com- 
munément les  paflans.  D'autres  le  tirent  d'un  nommé 
Burgand ,  qui  défola  la  Guienne  du  tems  de  Nicolas 
premier.  Et  d'autres  enfin  de  certains  peuples  appel- 
lés  Brigantins  ou  Brigands ,  qui  demeuraient  fur  les 
bords  du  lac  de  Conftance  ,  &  piiloient  tout  le  mon- 
de indifféremment,  amis  ou  ennemis.   (G) 

BRIGANDAGE,  f.  m.  (  Jurifprud.)  efl  un  vol  fait 
à  force  ouverte  ,  comme  le  vol  fur  les  grands  che- 
mins ,  ou  autre  femblable.  Il  eft  oppoié  à  filouterie 
ou  larcin.  C'eft  un  crime  capital.  Voye?^  Vol  ,  Fi- 
louterie, Larcin. 

Il  le  dit  auffi ,  dans  un  fens  figuré ,  d'extorfions  ou 
conclurions  dont  les  particuliers  ne  peuvent  pas  fe 
défendre  :  ainfi  l'on  dira  en  ce  fens  ,  qu'un  gouver- 
neur de  province ,  un  traitant ,  a  commis  des  brigan- 
dages crians.  (-&*) 

BRIGANDINEouBRIGANTINE,  f.  {.(Jrtmilit.) 
efpece  de  corcelet  fait  de  lames  de  fer ,  attachées 
les  unes  aux  autres  fur  leur  longueur  par  des  clous 
rivés  ou  par  des  crochets.  Cette  armure  étoit  en  ufa- 
ge  lors  de  l'établiffement  des  francs-archers  par  Char- 
les VIL  qui  la  nomme  dans  le  détail  des  armes  dont 
les  troupes  dévoient  être  armées.  (Q) 

*  BRIGANTES ,  f.  m.  pi.  (  Géog.  hifl.  )  nom  d'un 
peuple  compote  de  différentes  nations  ,  &c  ibûtenu 
par  des  colonies  que  les  anciens  Gaulois  envoyoient 
enEfpagne,  en  Portugal,  en  Italie,  en  Allemagne  , 
&  dans  la  grande  Bietagne.  Ce  peuple  habitoit  les 
lieux  les  plus  élevés  de  ces  pays  ;  aufîî  remarque- 
t-on  que  les  villes  qui  finiffent  par  brica  ,  briga ,  bria , 
font  pour  la  plupart  fituées  fur  des  hauteurs.  Voilà 
un  peuple  bien  iingulier.  II  étoit  difperlé  dans  diffé- 
rentes contrées ,  où  il  confervoit  ion  nom  ,  011  il 
affettoit  d'habiter  les  lieux  hauts ,  &  où  il  étoit  en- 
tenu  par  des  colonies. 

BRIG  ANTIN  ,  f.  m.  (  Marine.  )  c'eft  un  petit  vaif- 
feau  léger  ,  bas  &  ouvert ,  c'eft-à-dire ,  qui  n'a  point 
de  pont  :  il  eft  moins  grand  pour  l'ordinaire  que  la  ga- 
liote  ;  il  va  à  rames  6c  à  voiles  :  on  s'en  fert  pour  fai- 
re la  courfe.  Il  a  communément  douze  à  quinze  bancs 
de  chaque  coté  pour  les  rameurs ,  &  un  homme  à 
chaque  rame.  Les  corfaires  fe  fervent  principale- 
ment de  brigantins  à.caufe  de  leur  légèreté.  Tous  les 
matelots  y  font  foldats ,  &  chacun  a  ion  fufil  en 
état  au-deflbus  de  fa  rame.  (Z) 

BRIG-KAUSTEVEN,  {Géog.)  petite  ville  d'An- 
gleterre dans  la  province  de  Lincoln. 

BRIGNAIS  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  dans 
le  Lyonnois ,  fur  le  Garon,  à  deux  lieues  de  Lyon. 


BRIGNOLES,  (  Géog.  )  ville  de  France  en  Pro- 
vence. Long.  23- 30.  bat.  43.  24. 

Brignoles,  (Géog.)  rivière  d'Italie  dans  l'état 
de  Gènes. 

BRIGONDIS ,  (  les  )  Géog .  peuple  d'Ethiopie  dans 
la  CafFrerie  ,  au  nord-oueft  du  cap  de  Bonne-Efpé- 
rance. 

BRIGUES ,  f.  f.  (  Hifl.  anc.  )  étoient  chez  les  Ro- 
mains les  démarches  que  faifoient  ceux  qui  afpiroient 
aux  honneurs  pour  fe  faire  élire. 

Ils  alloient  vêtus  de  blanc  par  toute  la  ville  ,  & 
quêtoient  des  fuffrages  dans  les  places  Si.  les  aflem- 
blées  publiques  ;  &  c'eft  en  cela  que  conliftoit  l'am- 
bitus ,  mot  compofé  de  l'ancienne  prépofition  amy 
qui  fignifioit  autour  ,  &  de  ire  ,  aller.  Voye-t  Candi- 
dat. 

La  brigue  fe  faifoit  tout  ouvertement  à  Rome ,  &C 
on  y  facrifioit  de  grandes  fommes  d'argent  :  &  Cicé- 
ron  impute  à  cette  caufe  le  taux  exceifif  auquel  les 
intérêts  étoient  portés  de  fon  tems ,  lefquels  rou- 
loient  entre  quatre  &  huit  pour  cent.  Cicer.  Epit.  II. 
ad  Quint,  frat.  C'étoit  plutôt  corrompre  les  citoyens 
que  les  folliciter.  La  brigue  a  coûté  pour  une  feule 
tribu  jufqu'à  80719  liv.  or  il  y  en  a  voit  trente-cinq  : 
par  où  l'on  peut  juger  des  fommes  immenfes  que  coû- 
toient  les  charges  à  Rome  ,  quoiqu'elles  n'y  fuflent 
pas  vénales.  (C7) 

BRIGUEIL,  (Géog.)  petite  ville  de  France  dans' 
la  baffe  Marche ,  aux  confins  du  Poitou  ÔC  de  l'An- 
goumois ,  fur  la  Vienne. 

BRIHUEGA,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Efpagne  dans 
la  Caftille  nouvelle, fur  la  rivière  de  Trajuna.  Il  s'y 
fait  un  çrand  commerce  de  laine. 

BRILINGEN  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Allemagne 
dans  la  Soùabe  ,  fur  le  Bujet. 

*  BRILLANT,  LUSTRE,  ECLAT,  f.  m.  (Gram.) 
termes  qui  font  relatifs  aux  couleurs  ,  quand  ils  font 
pris  au  propre  &  au  phyfique,  &  qu'on  tranfporte 
par  métaphore  aux  expreffions ,  au  ftyle ,  aux  pen- 
iées  ;  alors  ils  ne  fignifient  autre  choie  que  de  même 
qu'entre  les  couleurs  il  y  en  a  qui  affectent  plus  ou 
moins  vivement  nos  yeux,  de  même  entre  les  penfées 
&  les  expreffions,  il  y  en  a  qui  frappent  plus  ou  moins 
vivement  l'efprit.  L'éc/at  enchérit  furie  brillant ,  &£ 
celui-ci  fur  le  luflre  :  il  femble  que  Y  éclat  appartienne 
aux  couleurs  vives  &  aux  grands  objets;  le  brillant  9 
aux  couleurs  claires  &  aux  petits  objets  ;  &c  le  luflre  , 
aux  couleurs  récentes  &  aux  objets  neufs.  La  flam- 
me jette  de  l'éclat  ;  le  diamant  brille;  le  drap  neuf  a 
fon  luflre. 

Brillant  ,  c'eft  ,  parmi  les  Diamantaires ,  un  dia- 
mant taillé  deffus  &  deffous. 

Le  brillant  vu  par  fa  table  eft  compofé  de  quatre 
biiéaux ,  qui  formeraient  un  quarré  fans  les  coins 
qui  l'arrondiflént.  Foye7_  Biseau,  Coin,  fi* 
Table. 

Brillant,  terme  de  Manège  ;  un  cheval  brillanted 
celui  qui  exécute  fon  exercice  &c  fes  airs  de  manège 
avec  un  feu  &  une  vivacité  qui  éblouit ,  pour  ainli 
dire ,  les  yeux  des  fpeftateurs.   (^) 

BRILLE  ,(la)  Géog.  ville  maritime  de  la  provin- 
ce d'Hollande ,  dans  File  de  Voorn.  Elle  eft  fortifiée, 
&Z  a  un  bon  port  près  de  l'embouchure  de  la  Meule. 
Lon.  21.31.lat.  Si.  53. 

BRILON ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Allemagne  dans 
le  cercle  de'NVeftphalie  ,  appartenante  à  l'élefteur  de 
Cologne. 

BRIMBALE  ou  BRINGUEBALE ,{.(.(  Fontaine 
eft  la  barre  ou  la  verge  qui  fait  jouer  une  pompe. 
Ce  mot  eft  un  peu  vieilli  ;  &  il  convient  mieux  de 
dire  la  tringle  de  fer  qui  eft  attachée  d'un  bout  à  la  ma- 
nivelle ,  &  de  l'autre  au  pifton  qui  fait  fon  jeu  dans 
le  corps  de  la  pompe.   (K) 

*  BRIMO ,  f.  f.  (  Myth.  )  c'étoit  un  des  noms  de 


B  R  I 

Profcrpine;  il  fignifie  terreur:  il  vient  de  Gptfta^jé- 
p buvante.  Les  anciens  croy oient  que  les  terreurs  noc- 
turnes venoient  de  Proferpine. 

BRIN ,  f.  m.  le  dit  en  général  de  tonte  petite  por- 
tion d'un  corps  foible  &  long  ;  ainii  on  dit  un  brin  de 
foie.  Il  le  dit  même  quelquefois  aufîi  d'un  corps  long 
&  menu ,  comme  un  brin  de  paille. 

Brin  de  fougère,  terme  d'Architecture,  forte  de  pan 
de  bois.  Foye{?A.K  DE  BOIS.   (P) 

Brin  ;  les  Artificiers  appellent  ainfi  une  tringle  de 
bois  de  trois  à  quatre  pouces  de  groflèur ,  fur  laquelle 
on  arrange  les  pots  à  feu  ,  en  les  plantant  par  le 
moyen  des  chevilles  attachées  à  leurs  baies  ,  dans 
les  trous  pratiqués  le  long  de  cette  tringle. 

Brin  ,  (Corderie  ou  (Econorn.  ruftiq.  )  on  appelle 
ainii  les  filamens  du  chanvre  ,  fur-tout  quand  ils  ont 
été  affinés  &  peignés.  Les  filamens  les  plus  longs  qui 
relient  dans  les  mains  des  peigneurs  s'appellent  le  pre- 
mier brin  :  on  retire  du  chanvre  qui  eft  relié  dans  le 
peigne  des  filamens  plus  courts,  qu'on  appelle  le  fé- 
cond brin  ;  le  refte  cil  l'étoupe  ,  qui  fert  à  d'autres 
ufages. 

Brin  ,  en  terme d'Eventaillifie ,  c'eft  une  de  ces  pe- 
tites flèches  qui  forment  ces  efpeces  de  rayons  de 
bois ,  d'ivoire  ,  &c.  qu'on  voit  aux  éventails  ,  qui  en 
foûtiennent  le  papier ,  &  qui  fe  réunifient  par  leur 
extrémité  comme  à  un  centre  où  ils  font  unis  par  un 
ciou.  Voye^fig.  4.  PI.  de  VEventaillifle. 

Brin  ,  maître-brin ,  {terme  d'Eventaillifle.)  ce  font 
deux  longs  montans  de  bois ,  d'écaillé ,  d'ivoire ,  &c. 
auxquels  font  collées  les  deux  extrémités  du  papier 
d'un  éventail ,  &  entre  lefquels  les  flèches  font  ref- 
ferrées.  Voye^  Éventail.  Voye^  lesfig.  zz.  &  24. 
PI.  de  VEventailliJle. 

BRIN  ,  {Jardinage.')  on  dit  un  arbre  d'un  beau  brin , 
c'eft-à-dire ,  d'une  belle  venue  ,  d'une  tige  droite  & 
unie ,  foit  que  ce  loit  un  arbre  fruitier  ou  un  fauvage. 

En  fait  de  charpente  ,  on  dit  une  poutre ,  une  foli- 
ye  de  brin  ,  quand  la  pièce  eft  prife  dans  le  montant 
de  l'arbre,  &c  non  dans  fes  branches.  (K) 

HRINDES  ou  BRINDISI,  (Géog.  anc.  &  mod.) 
ville  du  royaume  de  Naples,  dans  le  pays  d'Otrante, 
près  le  golfe  de  Venife ,  avec  un  des  meilleurs  ports 
d'Italie.  Long.  J5.  40.  lat.  40.  J>Z.  C'étoitle  Brun- 
àujîum  des  anciens. 

BRINDILLE ,  f.  f.  (Jardinage.')  eft  un  petit  rameau 
de  bois  que  la  tige  d'un  arbre  a  poufTé.  (K) 

*  BRINÛONES ,  f.  m.  pi.  (Hifl.  nat.  bot.)  fruit  qui 
croît  aux  Indes  orientales  à  Goa-  :  il  eu.  rougeâtre  en 
dehors ,  d'un  rouge  de  fang  en  dedans ,  ÔC  d'un  goût 
très-aigre.  Il  conierve  toujours  fa  couleur  intérieure  : 
quant  à  Ion  goût,  il  perd  quelquefois  de  ion  acreté, 
à  melûre  qu'il  mûrit  ;  il  devient  auffi  noirâtre  à  l'ex- 
térieur. Il  y  a  des  perfonnes  qui  l'aiment.  Il  fert  aux 
teinturiers.  On  conferve  l'on  ecorce  ;  Ray  dit  qu'on 
l'employé  en  Portugal  à  faire  du  vinaigre.  Cette  def- 
cription  eft  fi  imparfaite  ,  qu'il  n'eit  pas  poffible  de 
deviner  fi  le  fruit  décrit  eft  de  l'efpece  des  poires , 
des  pommes ,  des  pêches  ,  des  cerifes ,  &c. 

BRINGUE ,  f.  f.  le  dit ,  en  Manège ,  d'un  petit  che- 
val d'une  vilaine  figure,  6c  qui  n'eit  point  étoffé. 

BRINN ,  (Géog.)  ville  forte  d'Allemagne,  en  Mo- 
ravie ,  au  confluent  des  rivières  de  ScWart  &  de 
Schwitt.  Long.  Z4.  43.  lat.  4g.  8. 

BRINNITZ ,  (Géog.)  rivière  d'Allemagne,  dans 
la  Silène  ,  qui  le  jette  dans  l'Oder. 

BRIOLON  ,  (Géog.)  petite  ville  forte  de  la  Vala- 
chie ,  fur  le  Danube. 

BRION  ou  RINGEAU,  f.  m.  (Mâtine.)  c'eft  la 
pièce  du  haut  de  l'étrave,  ou  Ion  allonge  ,  lorfque 
l'étrave  eft  de  deux  pièces  :  il  vient  à  la  hauteur  de 
l'éperon.  Les  Hollandois  ne  font  pas  d'étrave  de  deux 
pièces.  Foye^  la  Pi,  lF.fig.  1.  n°  2,  la  ûtuation  de  la 


B  R  1 


4ix 


'  pièce  de  bois  appellée  brion ,  pofée  entre  la  quille  1. 
&  l'étrave  3 .  (Z  ) 

Brion  ,  (Geog.)  île  de  l'Amérique  feptentrionale , 
au  Canada. 

BRIONI ,  (Géog.)  c'eft  le  nom  de  trois  îles  de  la 
mer  Adriatique ,  qui  appartiennent  aux  Vénitiens, 
fur  la  côte  orientale  de  l'iftrft, 

BRIONNE,  (Géog?)  ville  de  France,  avec  titre 
de  comté ,  dans  la  province  de  Normandie ,  fut  la 
Rille.  Long.  ig.  z6.  lat.  49.  Jj. 

BRIOUDE ,  (Géog.)  ville  de  France ,  dans  la  baffe 
Auvergne:  il  y  en  a  deux  ;  l'une  s'appelle  la  vieille  , 
&c  l'autre ,  qui  eft  la  nouvelle ,  s'appelle  Brioude  l'E- 
glifc.  La  vieille  Brioude  eft  fur  l'Allier  :  il  y  a  un  cha- 
pitre de  chanoines ,  qui  font  obligés  de  faire  preuve 
de  nobleffe  pour  y  être  admis.  On  les  appelle' les 
comtes  de  Brioude.  Long.  zi.  lat.  4^.  14. 

BRIQUAILLON  ,  f.  m.  pi.  les  Fondeurs  appellent 
ainii  les  vieux  morceaux  de  brique  ,  dont  on  remplit 
tout  l'efpace  renfermé  par  le  mur  de  recuit.  On  met 
les  plus  petits  contre  le  moule ,  pour  le  garantir  de 
la  violence  du  feu ,  &  les  plus  gros  contre  le  mur  de 
recuit.  Voyt{  leur  ujage  au  mot  Fonderie  en  bronze, 
ou  des  (latues  équeflres. 

*  BRIQUE ,  f.  f.  forte  de  pierre  factice ,  de  cou- 
leur rougeâtre,  compofée  d'une  terre  graffe,  pétrie, 
mife  en  quarré  long  dans  un  moule  de  bois ,  &£  cuite 
dans  un  four,  où  elle  acquiert  la  confrfiance  nécef- 
faire  au  bâtiment.  Voye^  Pierre  ,  Tuile. 

II  paroît  que  l'ufage  de  la  brique  eft  fort  ancien. 
Les  premiers  édifices  de  l'Afie ,  à  en  juger  par  les  rui- 
nes ,  étoient  de  briques  léchées  au  foleil  ou  cuites  au 
feu,  mêlées  de  paille  ou  de  rolèaux  hachés  &  cimen- 
tés de  bitume.  C'eft  ainii,  félon  la  Ste Écriture,  que 
la  ville  de  Babylone  fut  bâtie  par  Nemrod.  Les  murs 
célèbres  dont  Semiramis  la  fit  enclorre ,  &  que  les 
Grecs  comptèrent  au  nombre  des  merveilles  du  mon- 
de ,  ne  fuient  bâtis  que  de  ces  matériaux.  Voici  com- 
ment un  de  nos  plus  exacts  voyageurs  parle  des  ref- 
tes  de  ces  murs  :  «  A  l'endroit  de  la  réparation  du 
»  Tigre  ,  nous  vîmes  comme  l'enceinte  d'une  grande 

»  ville Il  y  a  des  reftes  de  murailles  fi  larges, 

»  qu'il  y  pourroit  paffer  fix  carrones  de  front  :  elles 
»  font  de  briques  cuites  au  feu.  Chaque  brique  eft  de 
»  dix  pouces  en  quarré ,  fur  trois  pouces  d'épaiffeur. 
»  Les  chroniques  du  pays  aifùrent  que  c'eft  l'anciert- 
»  ne  Babylone.  Tav.  voyag.  du  Lev.  liv.  IL.  ch.  vij.  » 
D'autres  parlent  d'une  maiTe  d'environ  trois  cents  pas 
de  circuit,  fituée  à  une  journée  &  demie  de  la  pointe 
de  la  Méfopotamie,  &  à  une  diitance  prefqu'égale 
du  Tigre  6c  de  FEuphrate  ,  &C  qu'on  prend  pour  les 
ruines  de  la  fameufe  tour  de  Babel  ;  ils  diient  qu'elle 
eft  bâtie  de'briques  féchées  au  foleil,  qui  eft  très-ar- 
dent dans  ces  quartiers  ;  que  chaque  brique  a  dix  pou- 
ces en  quarré  ,  fur  trois  pouces  d'épaiffeur  ;  que  cha- 
que lit  de  briques  eft  iéparé  par  un  lit  de  cannes  ou  de 
rolèaux  concailcs  &  nulés  avec  de  la  paille  de  blé, 
de  l'épaiffeur  d'un  pouce  &  demi,  &  que  d'efpace 
en  eipace ,  où  l'on  avoit  befoin  de  forts  appuis  ,  on 
remarque  d'autres  triques  des  mêmes  dimeniions  que 
les  précédentes,  mais  cuites  au  feu,  plus  folides  & 
maçonnées  avec  le  bitume. 

Il  refte  encore  dans  l'Arménie ,  dans  la  Géorgie  , 
&  dans  la  Perfe,  pluiîeurs  anciens  édifices  bâtis  des 
mêmes  matériaux.  A  Tauris ,  autrefois  Ecbatane,  à 
Kom,  àTeflis,àErivan,  &  ailleurs, les  vieilles  mai- 
fons  font  de  briques. 

Pendant  pluiîeurs  lîecles  les  autres  parties  du  mon- 
de ne  furent  pas  plus  magnifiques  en  édifices.  L'ufage 
de  bâtir  de  briques  compofees  de  terre  mêlée  de  pail- 
les menues,  qui  avoit  commence  dans  l'Afie  ,  paffa 
en  Egypte.  Ce  travail  pénible  tut  un  des  moyens  dont 
l'un  des  Pharaons  le  fervit  pour  opprimer  les  Ilr.iéli- 
tes.  Les  Grecs  prirent  aullî  cette  manière  de  bâtir,  des 


4î  i 


BRI 


Orientaux.  Vitrr.ve ,  qui  écrivoit  fous  le  regtt*  d'Au- 
gufte ,  dit  qu'on  voyoit  encore  de  fon  tems  dans  Athè- 
nes ,  l'Aréopage  bâti  de  terre  &  couvert  de  chaume. 
Rome  ,  dans  l'on  origine  &  pendant  les  quatre  pre- 
miers fiecles  de  fa  fondation  ,  n'étoit  qu'un  amas  in- 
forme de  cabanes  de  briques  &:  de  torchis.  Les  Ro- 
mains prirent  dans  la  fiîite  ,  des  Tofcans ,  la  manière 
de  bâtir  avec  de  groffes  pierres  maflives  &  quarrées. 
Vers  les  derniers  tems  de  la  république ,  ils  revinrent 
à  la  brique.  Le  panthéon  &  d'autres  grands  édifices 
en  furent  conftruits.  Sous  Galien ,  on  formoit  les  murs 
alternativement  d'un  rang  de  brique  &  d'un  rang  de 
pierre  tendre  &  grife. 

Les  Orientaux  faifoient  cuire  leurs  briques  au  fo- 
leil  ;  les  Romains  fe  fervirent  d'abord  de  briques  crues, 
feulement  féchées  à  l'air  pendant  quatre  à  cinq  ans. 
Les  Grecs  avoient  trois  fortes  de  briques;  la  première , 
qu'ils  appelloient  didoran  ou  de  deux  palmes  ;  la  fé- 
conde ,  tetradoran  ou  de  quatre  palmes  ;  &c  la  troifie- 
me .  quintadoran  ou  de  cinq  palmes.  Outre  ces  briques 
de  jauge ,  ils  en  employoient  de  plus  petites  de  moi- 
tié, qui  fervoient  de  liaifon  &  ornoient  leurs  édifices 
par  la  diverfité  des  figures  &  des  pofitions. 

Les  briques ,  parmi  nous ,  ont  différens  noms  pris 
de  leurs  formes ,  de  leurs  dimenfions ,  de  leur  ufage , 
&  de  la  manière  de  les  employer. 

La  brique  entière  de  Paris ,  eft  ordinairement  de  huit 
pouces  de  long  fur  quatre  de  large  &  deux  d'épais. 

La  brique  de  Chantignole  ou  demi-brique  ,  n'a  qu'un 
pouce  d'épais ,  les  autres  dimenfions  comme  la  brique 
entière. 

On  appelle  briques  en  liaifon ,  celles  qui  font  pofées 
fur  le  plat ,  liées  ,  moitié  par  moitié  ,  les  unes  fur  les 
autres ,  &  maçonnées  avec  plâtre  &  mortier. 

Briques  de  champ ,  celles  qui  font  pofées  fur  leur 
côté  pour  fervir  de  pavé. 

Briques  en  épi ,  celles  qui  font  placées  fur  l'angle 
diagonalement  en  manière  de  point  d'Hongrie  ;  tel 
eft  le  pavé  de  Venife. 

La  brique  de  Chantignole  ou  demi-brique  ,  fert  entre 
des  bordures  de  pierre  aux  atres  &  aux  contre-cœurs 
de  cheminée. 

Manière  de  faire  la  brique.  Ne  prenez  ni  terre  are- 
neufe  ou  graveleule ,  ni  bourbiers  fablonneux  ;  ces 
matières  pefent  trop  &  ne  refirent  point  à  la  pluie. 
Si  vous  trouvez  de  la  terre  blanche  qui  tienne  de  la 
craie,  de  la  terre  rouge ,  ou  même  du  fablon  mâle 
rouge ,  fervez-vous  en  :  vos  briques  feront  fermes 
Se  légères  ;  deux  conditions  effentielles.  Choififfez 
pour  ce  travail  la  faifon  qui  convient  le  mieux  pour 
faire  fécher.  En  un  mot ,  ayez  de  bonne  argile , 
qui  ne  foit  point  fablonneufe  ,  ou  de  la  terre  courte , 
moins  forte  que  la  terre  grafle  ;  ou  fi  vous  avez  de 
l'argile  &  de  la  terre  courte,  faites-en  un  mélange 
en  parties  égales.  Trempez  votre  mélange  fans  le 
noyer;  remuez -bien;  délayez  avec  une  pelle;  & 
battez  avec  la  tête  d'un  piquoir  ou  d'une  houe  :  plus 
vous  battrez  ,  meilleure  fera  votre  brique.  Ayez  des 
moules  ou  cadres  de  bois  de  la  dimenlion  intérieure 
que  vous  voulez  donner  à  votre  brique  :  mouillez-les  : 
iaupoudrez-les  d'un  peu  de  fable  bien  fec  ,  afin  que 
la  matière  de  vos  briques  ne  s'y  attache  pas  :  remplit- 
fez-les  de  terre  :  foulez  la  terre  avec  les  mains  :  ayez 
enfuite  un  gros  bâton  rond  ;  achevez  de  prefter  la  ter- 
re dans  les  moules ,  en  faifant  parler  ce  bâton  forte- 
ment fur  cette  terre  :  que  ce  bâton  foit  poli  Se  mouil- 
lé ,  afin  que  la  terre  ne  s'y  prenne  pas  :  cela  fait ,  pre- 
nez votre  moule  &  déchargez-le  de  plat  dans  un  lieu 
bien  uni  :  recommencez  la  même  manœuvre ,  fau- 
poudrant  le  moule  &  foulant  la  terre  avec  les  mains 
&  le  bâton  :  laiffez  fécher  vos  briques  au  foleil  ;  quand 
elles  feront  à  demi  feches,  taillez-les,  c'eft-à-dire , 
enlevez  avec  un  couteau  tout  ce  qui  nuiroit  à  la  ré- 
gularité de  la  figure.  Quand  il  eil  important  que  les 


B  R  I 

briques  foient  bien  régulières ,  on  a  pour  cette  opéra» 
tion  un  nouveau  moule  ,  de  la  forme  même  de  la  ban- 
que, feulement  un  peu  plus  petit;  mais  n'ayant  que 
deux  côtés  difpofés  en  équerre  :  on  applique  la  briqua 
entre  ces  deux  côtés  ,  les  deux  autres  dirigent  le  cou- 
teau. Quand  on  a  taillé  deux  côtés,  on  taille  les  deux 
autres  de  la  même  manière ,  &  l'on  a  par  ce  moyen 
des  briques  bien  équarries  &  bien  égales  entr'elles. 
Quand  vos  briques  léront  taillées ,  pofez-les  fur  le  côté 
deux  à  deux ,  à  la  hauteur  d'un  pié  &  demi  :  formez- 
en  des  rangées  ;  mettez  de  l'efpace  entre  chaque  ran- 
gée, &  laifièz-les  fécher.  Ayez  un  four ,  &  difpofez-y 
vos  briques  de  manière  qu'elles  puiffent  être  bien  pé- 
nétrées par  le  feu ,  ou  faites-les  cuire  en  plein  air  ; 
car  il  y  a  ces  deux  manières  de  cuire  la  brique  :  mais 
la  première  eft  la  meilleure.  Le  four  n'a  rien  de  par- 
ticulier :  il  eft  à  grande  volée  ou  à  l'ordinaire ,  feu- 
lement de  moitié  plus  grand  que  celui  du  Potier.  On 
met  les  briques  dans  le  four  :  on  le  ferme  :  on  y  met 
du  bois  :  on  fait  un  feu  médiocre ,  jufqu'à  ce  que  la 
fumée  du  fourneau  ,  d'un  blanc  obfcur  qu'elle  paraî- 
tra ,  devienne  noire  ;  alors  on  celle  de  mettre  du  bois; 
on  continue  feulement  d'entretenir  la  chaleur  avec 
des  fagots ,  de  la  paille  ,  des  genêts ,  &c.  jufqu'à  ce 
que  le  four  paroiffe  blanc  ,  &  que  la  flamme  s'élève 
jufqu'au  haut  de  la  cheminée.  Quand  on  a  fait  durer 
cette  chaleur  pendant  quelque  tems,  on  la  ralentit, 
&  on  laifTe  refroidir  le  four  par  degrés.  On  réitère  la 
même  opération ,  échauffant  le  four,  &  le  refroidif- 
fant  alternativement  jufqu'à  ce  que  la  brique  paroifte 
avoir  été  bien  pénétrée  par  le  feu ,  ce  qui  n'eft  guère 
poftible  qu'au  bout  de  quarante-huit  heures. 

Les  bons  fours  font  en  voûte ,  &  les  bons  ouvriers 
difpofent  les  briques  de  manière  qu'elles  laiftent  en- 
tr'elles des  vuides  entre  lefquels  la  flamme  puiffe  s'in- 
finuer.  Voici  comment  on  s'y  prend ,  on  place  les 
briques  les  unes  fur  les  autres  ;  enforte  qu'elles  empiè- 
tent pour  fe  foûtenir  :  mais  on  laifTe  entre  chacune 
le  plus  d'efpace  qu'on  peut  ;  enforte  que  la  mafte  to- 
tale eft  proprement  conftruite  tant  vuide  que  pleine» 
Elle  ne  doit  pas  remplir  entièrement  le  four ,  mais 
laifter  aux  deux  côtés  &  fur  le  devant  un  efpace  né- 
ceffaire  pour  les  matières  combuftibles.  On  couvre 
cet  efpace  d'un  lit  de  bois;  on  place  fur  ce  lit  une 
couche  de  charbon.  On  ne  manque  pas  non  plus  d'in- 
férer dans  tous  les  vuides  des  briques,  au  charbon ,  & 
du  petit  bois  ;  il  arrive  de-là  qu'en  un  moment  toute 
la  mafte  eft  pénétrée  de  flamme  :  on  renouvelle  ce 
feu ,  autant  qu'il  eft  néceffaire  ;  &  on  ne  le  laiffe  en- 
tièrement éteindre ,  que  quand  on  juge  la  brique  cuite. 

Voilà  la  manière  d'avoir  de  la  brique  allez  bonne  : 
mais  il  y  a  apparence  qu'on  l'auroit  beaucoup  meil- 
leure ,  fi  les  ouvriers  y  apportoient  les  précautions 
fuivantes  :  i°.  n'employer  à  faire  la  brique,  que  la 
terre  qui  auroit  été  tirée  &  retournée  au  moins  une 
fois ,  entre  le  premier  de  Novembre  &  le  premier  de 
Février  ;  2°.  ne  la  façonner  en  brique  qu'au  premier 
de  Mars ,  &  cefler  au  29  de  Septembre  ;  30.  n'y  mê- 
ler rien  qui  pût  la  détériorer  ;  40.  y  ajouter  une  cer- 
taine quantité  de  cendre  de  charbon  criblée  &  paf- 
fée  au  tamis  fin  ;  50.  nommer  des  gens  pour  viliter 
les  fourneaux ,  les  briques  &c  les  terres  qu'on  y  em- 
ployé; 6°.  faire  battre  par  des  hommes,  &  fouler 
la  terre  par  des  animaux,  avant  que  de  l'employer; 
70.  v  faire  mettre  du  fable ,  quand  elle  eft  d'une  na- 
ture trop  molle  ;  8°.  faire  tremper  la  brique  dans  l'eau, 
après  qu'elle  auroit  été  cuite  une  première  fois,  &  la 
remettre  au  feu ,  elle  en  acquerroit  le  double  de  du- 
reté ;  90.  veiller ,  à  ce  qu'avant  de  les  mettre  au  four, 
elles  ne  foient  point  expofées  à  fécher  à  un  trop  grand 
foleil  ;  1  o°.  les  garantir  pareillement  du  trop  grand  fo- 
leil en  été ,  en  les  couvrant  foit  de  paille  foit  de  fable. 
Il  y  auroit  encore  un  grand  nombre  d'autres  précau- 
tions à  prendre  pour  taire  la  brique  fi  bonne ,  qu'elle 


B  R  ï 

feroît  peut-être  plus  durable  que  la  pierre  même  ; 
mais  à  quoi  bon  les  indiquer?  Le  commerce  &  la  fa- 
brication de  la  tuile  font  libres;  &  il  n'y  a  point  de 
règles  preferites,  ni  à  l'ouvrier,  ni  au  marchand,  ni 
à  l'acheteur.  On  fe  plaint  que  nos  ouvrages  en  ma* 
çonnerie  n'ont  pas  la  force  de  ceux  des  anciens ,  6c 
l'on  ne  voit  pas  qu'ils  prenoient  pour  ics  faire  durer, 
toutes  les  précautions  qu'ils  imaginoient  nécefïaires , 
au  lieu  que  nous  n'en  prenons  aucune. 

Il  nous  vient  de  la  brique  de  Bourgogne ,  de  Melun , 
&  de  Corbeil  ;  celle  de  Bourgogne  parte  pour  la  meil- 
leure: il  faut  la  choifir  bien  cuite,  ibnnante  &  colo- 
rée. Elle  s'achète  au  millier  :  on  ne  peut  rien  itatuer 
fur fon  prix.  Elle  a  valu  d'abord  dix  livres  le  millier, 
puisquinze;  &il  y  a  apparence  qu'elle  vaut  davanta- 
ge ,  &  qu'elle  augmentera  de  prix  à  mefure  que  les  ma- 
tières combuftibles  deviendront  plus  rares.  Ceux  qui 
ont  de  grands  batimens  de  brique ,  foit  à  faire ,  foit  à  en- 
tretenir, épargneront  beaucoup  à  loiier  des  ouvriers 
qui  la  travaillent  fur  leur  terré  :  ils  leur  donneront  qua- 
rante-cinq à  cinquante  fous  par  jour,  ou  plutôt  ils  les 
payeront  à  raifon  de  trois  livres  pour  chaque  mille 
de  briques  bonnes  &  entières  après  la  cuiffon.  On  leur 
fournit  le  bois  à  raifon  de  vingt  cinq  cordes  pour 
trente  milliers  de  briques  cuites  en  plein  air.  Il  faut 
un  quart  de  bois  de  moins  dans  une  briqueterie ,  ou 
four  fait  exprès  ;  plus  le  four  a  fervi ,  plui  il  s'échauffe 
facilement. 

Un  commentateur  de  Vitruve  voudroit  qu'on  don- 
nât aux  briques  la  forme  d'un  triangle  équilatéral , 
dont  chaque  côté  eût  un  pié  de  long ,  fur  un  pouce 
6c  demi  d'épais.  Il  prétend  que  ces  briques  s'employe- 
roient  plus  commodément ,  coùteroient  moins ,  Se 
feroient  plus  folides  &  d'une  plus  belle  apparence  : 
elles  ajoûtei oient ,  dit-il ,  de  la  force  &  de  la  grâce, 
fur-tout  aux  angles  d'un  ouvrage  dentelé.  M.  Wot- 
ton  s'étonne  avec  raifon  de  ce  qu'on  a  négligé  l'avis 
du  commentateur  de  Vitruve. 

La  brique  eft  d'ufage  en  Médecine  ;  on  la  fait  chauf- 
fer, 6c  on  l'employé  fur  différentes  parties  du  corps  ; 
on  en  met  quelquefois  fur  les  cataplafmes  pour  les 
tenir  chauds. 

L' 'huile  de  brique ,  autrement  appellée  Y  huile  des  phi- 
lofophes  ,  fe  fait  comme  il  fuit.  On  éteint  des  briques 
chaudes  dans  de  l'huile  d'olive,  &  on  les  y  laifîe  juf- 

Ïu'à  ce  qu'elles  en  ayent  pris  toute  l'huile  ;  on  les 
iftille  enfuite  par  la  retorte ,  &  on  retire  l'huile  que 
l'on  fépare  de  l'efprit. 

Cette  huile  eft  chargée  de  particules  ignées ,  &  de 
l'acide  de  la  brique  ;  ainfi  elle  eft  réfolutive,  carmi- 
native ,  calmante,  6c  bonne  à  l'extérieur  dans  les  cm- 
brocatiorts  ,  &  les  linimens  pour  les  tumeurs  froi- 
des. (V) 

*  BRIQUET ,  f.  m.  c'eft  une  forte  de  couplet ,  à 
queue  d'aronde ,  dont  les  deux  parties  font  jointes 
par  un  double  anneau  qui  le  place  au  milieu  des  deux 
nœuds  des  ailes  ,  &  qui  y  eft  retenu  par  deux  bro- 
ches qui  traverlent  les  nœuds  de  ces  ailes  ;  de  manière 
que  les  deux  ailes  en  tournant,  peuvent  s'appliquer 
exactement  l'une  fur  l'autre  :  ce  qui  n'arrive  pas  aux 
autres  fortes  de  couplets ,  à  caufe  de  l'éminence  des 
nœuds.  Comme  le  double  anneau  eft  plat  par-deffus; 
il  ne  paroît  aucun  nœud,  lorlque  les  ailes  font  éten- 
dues &  déployées.  Son  ufage  eft  principalement  aux 
tables  de  comptoirs ,  &  à  toutes  les  occafions  où  l'on 
veut  que  les  lurfaces  fe  plient ,  &  foient  fans  nœuds 
de  charnière.  Voy.  PL  de  Serrurerie ,  &  leur  explicat. 

BRIQUETER  ,  v.  au.  {terme  d'Architecture  )  c'eft 
contrefaire  la  brique  fur  le  plâtre  avec  une  imprefïion 
de  couleur  d'ocre  rouge  ,  6c  y  marquer  les  joints  en 
plâtre. 

B  R I Q  U  ET  E  R I  E ,  f.  f.  (  en  Architecture ,  )  voye{ 
Tuilerie.  {P) 

BRIQUETIER,  f,  m.  ouvrier  manufacturier  de 


B  R  I 


413 


briques.   Voye?^  Brique   &  Tuile, 

BRIS  ,  f.  m.  eft  un  terme  de  Palais ,  qui  fignifie  la 
rupture  faite  avec  violence  d'une  chofe  fermée,  ou 
de  ce  qui  en  fait  la  clôture  ;  c'eft  en  ce  fens  qu'on  dit 
bris  de  prifon  ,  bris  de  portes  ,  bris  de  f  celle. 

Par  l'article  25  du  titre  XVII.  de  l'Ordonnance 
criminelle ,  le  procès  doit  être  fait  à  l'accufé  pottr  le 
crime  du  bris  des prifons  par  défaut  &  contumace. 

Le  bris  de  prifon  de  la  part  d'un  aceufé  n'eft  pas 
regardé  comme  une  confeffion  décifive  de  fon  crime  ; 
mais  c'eft  un  fort  indice  qui  feroit  fufHfant  pour  le 
faire  appliquer  à  la  queftion ,  s'il  venoit  à  être  repris. 

C'eft  un  crime  dans  la  perfonne  même  de  celui 
qui  fe  trouveroit  avoir  été  emprifonné  fans  caufe  lé- 
gitime. Les  complices  du  bris  de  prifon  font  punis  en- 
core plus  féverement  que  le  prifonnier  qui  cherche  à 
s'évader.  La  peine  de  ce  crime  eft  arbitraire  ;  parce 
qu'il  eft  toujours  accompagné  de  circonftances  qui 
le  rendent  pins  ou  moins  grave. 

Le  bris  defcellé  eft  un  crime ,  &  fe  pourftiit  extraor- 
dinairement.  Voye%_  S  CELLE. 

Bris  de  marché,  eft  le  vol  des  marchandifes  qu'on 
porte  au  marché ,  ou  une  monopole  pratiquée  à  l'effet 
d'empêcher  la  vente  du  marché  ,  ou  toute  autre  en- 
treprife  violente  faite  dans  la  vue  d'empêcher  le  port 
ou  le  débit  des  marchandifes  dans  les  marchés.  {H) 

Bris  ou  Naufrage,  {terme  de  Marine.)  Ce  mot 
de  bris  fe  dit  des  vaiffeaux  qui  échouent,  ou  qui  vien- 
nent fe  brifer  fur  les  côtes  ;  d'où  l'on  dit  droit  de  bris. 
C'eft  un  droit  qui  appartient  au  feigneur  du  lieu  où 
s'eft  fait  le  bris.  C'eft  le  droit  le  plus  injufte  &  le 
plus  univerfel  qui  foit  au  monde.  Les  anciens  Gau- 
lois l'avoient  établi ,  parce  qu'ils  traitoient  d'enne- 
mis tous  les  étrangers.  Les  Romains  en  ayant  abrogé 
l'ufage  ,  il  fut  rétabli  fur  le  déclin  de  1  empire,  à 
caufe  de  l'incurfion  des  nations  du  nord  qui  rava- 
geoient  les  côtes  de  la  Gaule.  Enfin  les  ducs  de  Bre- 
tagne follicités  par  laint  Louis,  modérèrent  cette  ri- 
gueur ;  6c  moyennant  quelque  taxe  ,  ils  accordèrent 
des  brefs  ou  congés  que  prenoient  ceux  qui  avoient 
à  naviger  fur  leurs  côtes.  Ce  bris  n'a  plus  de  lieu  en 
France ,  non  plus  qu'en  Italie,  en  Efpagne,  en  Angle- 
terre ,  6c  en  Allemagne ,  fi  ce  n'eft  contre  les  pirates 
&  contre  les  ennemis  de  l'état.  L'empereur  Andro- 
nic  fut  le  premier  qui ,  par  un  édit  qu'on  exécuta  , 
fit  défenfe  de  piller  les  vaiffeaux  brifês  ou  échoués  ; 
ce  qu'on  faifoit  auparavant  avec  beaucoup  de  ri- 
gueur fur  toutes  les  côtes  de  l'empire ,  nonobstant 
les  défenfes  des  princes  qui  l'avoient  précédé.  (Z) 

Bris,  {terme  de  Blafon)  fe  dit  d'une  de  ces  happes 
de  fer  à  queue  pattée ,  dont  l'ufage  eft  de  foùtenir 
les  portes  fur  leurs  pivots ,  &  de  les  taire  rouler  fur 
leurs  gonds  ;  &  comme  la  plupart  des  fenêtres  &  des 
portes  font  brilées  en  deux  par  le  moyen  de  deux  de 
ces  happes ,  dont  les  bouts  entrent  en  pivot  l'un  dans 
l'autre ,  on  les  nomme  bris.  Les  vieux  blafonneurs 
appellent  bris  d'huis,  les  pivots  fur  lefqucls  fe  meu- 
vent les  portes  ou  fenêtres  brilees ,  quands  ils  font 
reprefentés  fur  l'écu.  {y) 

BR1SACH,  {le  vieux)  {Géogr.)  ville  d'Allemagne, 
autrefois  capitale  duBrifga^',  fur  le  Rhin.  Long.  z5. 
28.  lat.  48.  8. 

Brisach,  {le  neuf)  ville  de  France  en  Alface* 
à  une  demi-lieue  du  Rhin.  Elle  eft  bien  fortifiée.  Lon*. 
25.  21.  lat.  48.  6. 

BRISANT,  BRIS  ANS ,  f.  m.  {Marine)  font  des 
pointes  de  rochers  qui  s'élèvent  jufqu'à  la  iurtace 
de  l'eau  ,  6c  quelquefois  au-deffus ,  en  forte  que  les 
houles  y  viennent  rompre  ou  brifer.  Sur  les  cartes 
marines  ils  font  reprefentés  par  des  petites  croix  fi- 
gurées ainii  +  +  +  fuivant  leur  étendue  &  leur  fitua- 

tion. 

On  appdUe  auffi  infant ,  le  rejailliffement  de  la 


4*4 


B  R  I 


mer  contre  des  rochers  élevés ,  ou  contre  une  côte 
efearpée  fur  laquelle  lés  vagues  l'ont  portées.  (Z) 

BRISE  ,  f.  f.  (  Architecl.  Hydrauliq.  )  c'eft  une  pou- 
-tre  en  bafcule ,  pofée  fur  la  tête  d'un  gros  pieu  ,  la- 
quelle fort  à  appuyer  par  le  haut  les  aiguilles  d'un 
..permis.  (  K  ) 

Brise-cou,  f.  m.  (Man.)  on  appelle  ainfi  un  jeune 
liomme  hardi  &  de  bonne  volonté,  à  qui  on  fait 
jnonter  les  poulains  &  les  jeunes  chevaux  ,  pour 
.commencer  à  les  accoutumer  à  fouflrir  l'homme.  (V) 

Brise-glace  ,  f.  m.  (Architechire.)  c'eft  devant 
une  palée  de  pont  de  bois  du  côté  d'amont ,  un  rang 
-de  pieux  en  manière  d'avant-bec ,  lefquels  font  d'i- 
négales grandeurs  ;  enforte  que  le  plus  petit  lert  d'é- 
peron aux  autres ,  &  tous  font  recouverts  d'un  cha- 
peau incliné  fur  le  devant,  pour  brifer  les  glaces  & 
conferver  les  palées.  (  P  ) 

Brise-vents  ,  f.  m.  (Jard.  )  eft  une  clôture  faite 
avec  des  paillaffons  ou  des  pieux  mis  le  long  d'une 
couche  garnie  de  paille  longue  bien  liée  avec  de  l'o- 
fier ,  pour  garantir  des  vents  froids  les  plantes 'qu'on 
y  a  lemées.   (  K  ) 

BRISÉ  ,  adj.  en  termes  de  B  la  fon ,  fe  dit  des  armoi- 
ries des  pûmes  &  cadets  d'une  famille ,  où  il  y  a  quel- 
que changement  par  addition ,  diminution  ,  ou  alté- 
ration de  quelque  pièce  pour  diftinction  des  bran- 
ches. Il  fe  dit  encore  des  chevrons  dont  la  pointe  eft 
déjointe,  comme  celle  de  Viole.  C'eft  une  erreur 
d'appeller  les  autres  brifés. 

Viole  à  Paris  ,  d'or  à  trois  chevrons  brifés  de  fa- 
11e.  (V) 

*  BRISÉE,  f.  m.  (  Salines.  )  c'eft  une  opération 
qui  confifte  à  détacher  la  fangle  qui  foûtient  la  chè- 
vre ,  ôter  les  rouleaux ,  faire  fauter  le  pivot  d'un 
coup  de  maflue  ,  &  donner  du  mouvement  a  la  chè- 
vre ,  afin  qu'elle  coule  par  fon  propre  poids ,  &  fe 
renverfe  fur  le  feuil  du  banc.  Elle  fe  fait  par  un  ou- 
vrier ,  en  préfence  du  contrôleur  des  cuites ,  de  ce- 
lui qui  eft  de  femaine  pour  ouvrir  les  bancs ,  & 
d'autres  employés.  Elle  le  fait  des  deux  côtés  en 
même  tems  ;  car  la  poelle  ell  chargée  de  deux 
chèvres  égales.  Voye7K  Chèvre  ,  Banc  ,  Cuite  ,  & 
Saline. 

Brisées,  en  Vénerie,  fe  dit  des  marques  faites 
aux  arbres  fur  les  voies  d'une  bête. 

Les  brifées  font  fauffes,  quand  les  marques  éloi- 
gnent de  la  voie  ;  on  en  pratique  quelquefois  pour 
tromper  fon  compagnon. 

BRISER,  ROMPRE ,  v.  n.  (  Mar.  )  La  mer  brife , 
c'eft-à-dire  ,  la  mer,  la  lame,  la  vague  vient  frapper 
avec  violence  &  fe  brifer  contre  la  côte ,  contre  des 
rochers ,  ou  fur  un  banc  de  fable.  Lorfqu'on  voit  la 
mer  brifer,  c'eft  marque  de  danger  fous  l'eau  ,  qu'il 
faut  éviter.   (  Z  ) 

Briser  ,  parmi  les  Cardeurs  ,  c'eft  démêler  la  laine 
&  la  rendre  comme  du  chanvre  fans  aucuns  flocons , 
en  la  pafîant  Se  reparlant  plufieurs  fois  fur  les  drouf- 
fettes. 

Briser,  en  termes  de  Blafon,  fignifie  charger  un 
écu  de  brifure  ,  comme  lambel ,  bordure,  &c.  C'eft 
ce  que  font  les  cadets  pour  être  diftingués  des  aînés 
qui  portent  les  armes  pleines.  (  V) 

Briser,  en  Vénerie,  c'eft  marquer  la  voie  d'une 
bête  par  des  branches  rompues.  Brifer  bas ,  c'eft  rom- 
pre des  branches  Se  en  jetter  fur  les  voies.  On  dit , 
nous  brijâmes  bas  ,  quand  nous  eûmes  remarqué  que 
ie  cerf  étoit  pafTé.  La  pointe  des  branches  fait  voir 
d'oii  la  bête  vient  ,  8c  le  gros  bout  indique  où  la 
feête  va. 

Brifer  haut ,  c'eft  rompre  les  branches  à  demi-hau- 
teur d'homme  ,  Se  les  lailîer  pendre  au  tronc  de 
l'arbre. 

*  BRISEl/S  ,  (  Myth.  )  furnom  de  Bacchus ,  qui 
lui  yenoit  ou  de  celui  de  Brifis  fa  nourrice ,  ou  du 


B  R  I 

mot  bris ,  relatif  à  l'ufage  du  miel  Se  du  vin  ,  dont 
on  lui  attribuoit  la  première  invention  ;  ou  de  Brifa  , 
promontoire  de  l'île  de  Lesbos  ,  où  il  avoit  un  temple. 

BRISGAW  (  LE  )  ,  Géog.  pays  d'Allemagne  dans 
le  cercle  de  Souabe ,  qui  eft  fêparé  de  l'Allâce  par 
le  Rhin.  Il  appartient  à  la  maifon  d'Autriche. 

BRISIGHELLA  ,  (Géog.)  petite  ville  d'Italie  dans 
la  Romagne ,  dépendante  des  états  de  l'Eglife. 

BRISIS  ,  f.  m.  fe  dit ,  en  Architcclure  ,  de  l'angle 
que  forme  un  comble  brifé,  c'eft-à-dne  la  partie  où 
lé  vient  joindre  le  faux-comble  avec  le  vrai ,  com- 
me font  ceux  à  la  manfarde  :  auffi  ce  nom  n'eft  -  il 
uiité  que  dans  cette  forte  de  couverture.  (  P  ) 

BR1SSAC  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Fiance  en  An- 
jou, fur  la  rivière  d'Aubence  ,  avec  titre  de  duché- 
pairie  ,  à  quatre  lieues  d'Angers. 

BPJSTADT  ,  (Géog.)  petite  ville  d'Allemagne 
en  Franconie ,  dans  le  marggraviat  d'Anfpach. 

BRISTOL  ,  (  Géog.  )  grande  ville  d'Angleterre 
fort  commerçante  fur  la  rivière  d'Avon  ,  avec  titre 
de  comté  :  elle  eft  en  partie  dans  la  province  de 
Sommerfet ,  Se  en  partie  dans  celle  de  Glocefter  , 
renommée  par  la  bonté  des  eaux  minérales  qui  s'y 
trouvent,  long.  tj>.  lai.  5z.  zj. 

Bristol  (la  nouvelle),  Géog.  ville  de  l'Améri- 
que feptentrionale  dans  l'île  de  la  Barbade.  Elle  ap- 
partient aux  Anglais. 

BRISURE  DE  LA  COURTINE  ,  c'eft  dans  la 
Fortification  ,  le  prolongement  de  la  ligne  de  défenfe 
qui  fert  à  former  le  flanc  couvert.  Voye~v  Flanc 

CONCAVE.    (  Q  ) 

Brisure  ,  f.  f.  terme  de  Blafon  ,  pièce  ou  figure 
qu'on  ajoute  aux  armoiries ,  pour  distinguer  les  ca- 
dets Se  les  bâtards  d'avec  les  aînés  5c  les  fils  légiti- 
mes. Telles  font  le  lambel ,  la  cottice  ,  le  bâton  , 
&c.  Voye^  ces  mots  à  leur  lettre. 

*  BRISURE  ,  fe  dit ,  dans  plufieurs  Arts  michaniq, 
d'une  forme  donnée  à  une  ou  plufieurs  parties  d'un 
tout ,  en  conféquence  de  laquelle  on  peut  les  fépa- 
rer,  les  réunir  ,  les  fixer  dans  une  direction  rectiligne , 
les  dilpolér  en  angle  ,  en  plier  les  parties  les  unes  fur 
les  autres  ,  les  racourcir ,  les  étendre ,  &c.  C'eft  dans 
l'un  de  ces  fens  qu'on  dit,  un  compas  brifé ,  unfufîl 
brifé,  une  règle  b  ri  fée ,  Sec. 

BRITANNIQUE  ,  adj.  (  Géog.  anc.  )  nom  que  les 
anciens  Géographes  donnent  à  la  mer  qui  s'étend  en- 
tre l'Angleterre  Se  la  France,  Se  que  les  modernes 
nomment  la  Manche.  Ce  nom  lui  vient  de  la  grande 
Bretagne  dont  les  terres  refïerrent  d'un  côté  l'Océan 
Britannique. 

BRITIOGA ,  (Géog.  )  petite  île  de  l'Amérique 
méridionale  fur  les  côtes  du  Brefil.  Elle  appartient 
aux  Portugais ,  qui  y  ont  bâti  un  fort  qui  défend  le 
port  de  Saint- Vincent  qui  eft  vis-à-vis. 

BRIVE  la  Gaillarde ,  (  Géog.  )  ville  de  France 
dans  le  bas  Limofm.  Long.  ig.  io.  lat.  46.  i5. 

BRIVIO  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie  dans  le  du- 
ché de  Milan,  fur  la  rivière  d'Adda. 

BRIX,  (Géog.)  ville  de  Bohème,  à  deux  milles 
de  Toplitz ,  &  à  dix  de  Prague. 

BRIXEN  ,  (  Géog.  )  grande  ville  Se  évêché  d'Al- 
lemagne, entre  le  Tirol,  l'évêché  de  Trente,  &  le 
territoire  des  Vénitiens:  l'évêque  en  eft louverain, 
Se  eft  un  des  états  immédiats  de  l'Empire.  Long.  zg. 
z5.  lat.  46.35. 

BRIXENSTADT ,  (  Géog.  )  ville  d'Allemagne  en 
Franconie  ,  à  neuf  milles  d'Anfpach. 

*  BRIZO,  f.  f.  (  Myth.)  déelfe  des  fonges ,  ado- 
rée autrefois  dans  l'île  de  Delos.  On  lui  offroit  des 
nacelles  pleines  de  toutes  fortes  d'offrandes ,  dont  il 
n'y  avoit  que  les  poifîôns  d'exceptés.  Briro  vient  de 
fyiÇur,  dormir.  Les  fonges  qu'en voyoit  Bri-j)  étoient 
des  oracles  ;  S:  ceux  qui  avoient  fait  une  heureufe  na- 
vigation, croyoient  lui  en  devoir  une  action  de  grâce. 

BRO, 


B  R  O 

ERO,  (Géog.)  rivière  de  la  Pruffe  Polonôifdj 

qui  fe  jette  clans  la  Viftule. 

BPvOAD  ,  (  Géog.  )  c'cft  le  nom  d'un  lac  d'Irlan- 
de dans  la  province  d'Ulfter ,  dans  lequel  fe  trouvent 
pluficurs  petites  îles. 

BROC  ,  f.  m.  (  Commerce.  )  mefure  des  liquides 
qui  contient  environ  deux  pintes  de  Paris.  On  l'ap- 
pelle en  quelques  endroits  une  quarte ,  en  d'autres  un 
pot.  Voye^  Quarte  &  Pot.  (G') 

BROC ,  (  Gcog.  )  ville  du  royaume  de  Pologne  , 
dans  le  palatinat  de  Mazoire. 

BR.OCALO  ,  (  Géog.  )  petit  royaume  d'Afrique 
en  Nigritie ,  à  l'embouchure  du  Niger. 

BROCANTER,  v.  n.  (Commerce.)  terme  parti- 
culièrement en  ufage  à  Paris  chez  les  curieux  ,  les 
Peintres  ,  ou  parmi  quelques  marchands  merciers  , 
pour  dire  acheter ,  revendre  ,  ou  troquer  des  ta- 
bleaux ,  des  cabinets ,  des  bureaux ,  des  bronzes  ,  ta- 
bles ,  figures  de  marbre  ,  peintures ,  porcelaines  , 
pendules,  paravents,  5c  autres  femblables  marchan- 
difes ,  meubles ,  ou  curiofités.  (  G  ) 

BROCANTEUR ,  f.  m.  (  Commerce.  )  fe  difoit  dans 
le  fens  propre  de  celui  qui  faifoit  proreffion  d'ache- 
ter des  tabieaux  pour  les  revendre  :  ce  commerce 
étoit  anciennement  fort  à  la  mode  en  Italie.  Les  mar- 
chands Génois,  Vénitiens  &  Florentins,  comman- 
doient  au  Guide ,  aux  Caraches ,  &  à  d'autres  ex- 
celicns  Peintres ,  des  tableaux  qu'ils  achetoient  de  la 
première  main  ,  &  qu'ils  revendoient  enfuitc  en  Fran- 
ce, en  Allemagne  ,  &  môme  en  Turquie.  Mais  au- 
jourd'hui le  mot  de  brocanteur  ne  convient  qu'à  ceux 
qui  font  commerce  des  chofes  concernant  la  curiofi- 
té ,  comme  vafes ,  médailles  ,  bronzes  ,  tableaux  , 
mais  particulièrement  des  tableaux  des  anciens  Pein- 
tres ,  dont  ils  favent  fe  défaire  ,  non  fuivant  leur  va- 
leur ,  mais  fuivant  le  degré  d'entêtement  qu'on  a 
pour  eux.  (  R  ) 

BROCARD,  f.  m.  (Morale.)  efpecC  de  raillerie 
grofliere  ,  maligne  &  infultante.  Le  brocard  eft  ,  à 
proprement  parler  ,  une  injure  plutôt  qu'une  raille- 
rie. La  raillerie ,  tant  qu'elle  ne  iort  point  des  bornes 
que  lui  preferit  la  politeffe  ,  eft  l'effet  de  la  gaieté 
&  de  la  légèreté  de  l'efprit.  Elle  épargne  l'honnête 
homme  ,  &C  le  ridicule  qu'elle  attaque  eft  louvent  fi 
léger,  qu'elle  n'a  pas  même  le  droit  d'offcnler.  Mais 
le  brocard  annonce  un  fond  de  malignité  ;  il  offenfe 
&  ulcère  le  cœur.  La  raillerie  exige  beaucoup  d'ef- 
prit  dans  ceux  qui  la  manient ,  fans  quoi  elle  dégé- 
nère en  brocard,  pour  lequel  tout  homme  a  toujours 
affez  d'efprit.  Voyc?^  Raillerie.  (A") 

*  BROCARD,  (Manufacture  en  or ,  argent ,  &  foie.) 
terme  générique,  fous  lequel  on  comprend  commu- 
nément toutes  les  étoffes  riches  ou  fonds  d'or.  Les 
ouvriers  &  fabriquans  fc. fervent  préférablement  des 
termes  fond  or ,  fond  argent ,  &c.  tifj'u,  luflrlne  ,  &C. 
&  ils  entendent  par  brocards ,  fonds  or ,  argent,  &c. 
une  étoffe  d'or ,  d'argent ,  &  de  foie  ,  relevée  de 
fleurs ,  de  feuillages ,  ou  d'autres  ornemens  ,  fuivant 
le  goût  du  marchand  &  des  ouvriers.  Ils  ne  mettent 
d'autre  différence  entre  les  brocards  &  les  fonds  or  & 
argent ,  qu'en  ce  que  les  brocards  fuppofent  plus  de 
richeffe ,  6c  que  tout  ce  qui  s'en  préfente  à  l'endroit 


B  R  O 


4*5 


Tome  IL 


eft  or  oit  argent ,  à  l'exception  de  quelques  légères 
découpures  ;  au  lieu  que  dans  les  fonds  or  Se  argent  j 
on  y  voit  des  parties  exécutées  en  foie. 

Les  brocards  ou  fonds  or  &  argent  ,  n'exigent  pas 
un  autre  métier  que  celui  dont  on  fe  fert  communé- 
ment. Nous  parlerons  à  l 'article  Velours  à  jar  din, 
des  variétés  qui  furviennent  dans  les  parties  ,  la  dii- 
pofition  &  le  montage  du  métier ,  félon  les  différens 
ouvrages  qu'on  le  propofe  d'exécuter.  Nous  ren- 
voyons à  cet  article  plutôt  qu'à  un  autre  ,  parce  que 
l'ouvrage  que  nous  y  expliquerons ,  demande  un  mé- 
tier très-compofé ,  &  qu'il  ne  s'agit  prefque  que  d'en 
anéantir  certaines  parties ,  &  d'y  en  fubftituer  quel- 
ques autres  pour  le  transformer  dans  un  métier  pro- 
pre à  quelqu'ouvrage  que  ce  foit. 

Il  y  a  des  brocards  ou  fonds  d'or  de  différentes  for- 
tes. Nous  allons  indiquer  ces  différences  ,  exhortant 
ceux  qui  ne  font  pas  verfés  dans  cette  matière ,  de 
parcourir  auparavant  les  différens  articles  de  notre 
Dictionnaire  qui  y  ont  rapport,  pe  fût-ce  que  pour 
fe  tamiliarifer  avec  les  termes.  Qu'ils  voyent  les  ar- 
ticles Armure  ,  Liage,  Poil  ,  Accompagna- 
ge,  Lisse  ,  &  fur-tout  l'article  Velours,  où  ils 
trouveront  au  long  &  clairement  ce  qui  concerne  le 
métier ,fes parties,  le  montage ,  la  lecture  du  deffein  ,1a. 
tire  ,  le  travail ,  6cc. 

Il  y  a  des  brocards  ou  fonds  or  à  huit  liffes  de  fatin 
&  quatre  de  poil  ;  à  cinq  Mes  de  fond,  &  cinq  liffes 
de  poil  ;  à  cinq  liffes  de  fatin  6c  quatre  de  poil ,  &c. 
Il  y  a  des  brocards  dont  la  dorure  eft  relevée ,  fans 
liage,  ou  liée  parla  corde  ;  &  d'autres  dont  la  do- 
rure eft  relevée ,  &  tous  les  lacs  liés ,  excepté  celui 
de  la  dorure  relevée  qui  ne  l'eft  jamais. 

Des  fonds  or  à  huit  liffes  ds  fatin  &  quatre  de  poil. 
Ces  fonds  or  font  compofés  de  quatre -vingts -dix 
portées  de  chaînes  &  de  quinze  de  poil  :  l'armure  en 
eft  la  même  que  celle  de  la  luftrine  à  poil  ,  en  iiip- 
primant  les  quatre  marches  de  rebordures  &  les  qua- 
tre liffes  de  rabat ,  &  formant  après  cette  fupprefîîon , 
l'armure  du  fond  or  dont  il  s'agit,  comme  nous  al- 
lons dire.  Dans  l'armure  de  luftrine  à  poil ,  la  mar- 
che de  rebordure  fe  trouve  toujours  entre  une  mar- 
che de  luftrine  &  une  marche  d'accompagnage.  Sup- 
pofez  la  marche  de  rebordure  jettéc  fur  la  marche 
de  luftrine,  &  celle-ci  chargée  non-feulement  de  ce 
qu'elle  portoit ,  mais  encore  de  ce  que  la  marche  de 
rebordure  lui  aura  donné  de  plus  qu'elle  n'avoit,  & 
vous  aurez  la  première  marche  de  fond  de  l'armure 
que  vous  cherchez.  Suppofez  la  même  marche  de  re- 
bordure jettée  fur  la  marche  d'accompagnage  ,  & 
celle-ci  chargée  non-leulement  de  ce  qu'elle  portoit, 
mais  encore  de  ce  que  lui  aura  donne  de  plus  qu'elle 
n'avoit ,  la  marche  de  rebordure  :  6c  vous  aurez  la 
première  marche  d'accompagnage  de  l'armure  cher- 
chée. Parlez  à  la  féconde  marche  de  rebordure  de 
l'armure  de  la  luftrine  ;  jettez-la  fur  les  marches  de 
luftrine  &  d'accompagnage  ,  entre  lefquelles  elle  eft 
placée,  &  vous  aurez  la  féconde  marche  de  fond  &  la 
féconde  marche  d'accompagnage  de  l'armure  cher- 
chée, 6c  ainli  du  refte  ;  d'où  il  s'enfuit,  qu'au  lieu 
de  feize  marches  qui  font  à  la  luftrine ,  l'étoffe  dont 
il  s'agit  n'en  a  que  douze. 


H  h  h 


4*6 


B  R  O 


B  R  O 


EXEMPLE. 


Démonflration  de  f  armure  d'une  lujlrlne  à  poil. 


Démonjlraùon  de  l'armure  d'un  fond  or  à  huit  liffis 
de  fatin  &  quatre  liffes  de  poil. 


•  7-  6.    j.  4.    }.   2.   1. 


liffes 
de  fond. 


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Si  vous  jettez  la  première  marche  a  de  rebordure 
de  l'armure  de  la  luftrine  fur  la  première  marche  b  de 
luftrine  ,  vous  aurez  X  o  o  O  de  poil  &  O  1  de  fond, 
c'eft-à-dire  la  première  marche  de  fond  r  de  l'armure 
que  vous  cherchez. 

Si  vous  jettez  la  première  marche  de  rebordure  a 
de  l'armure  de  luftrine  fur  la  première  marche  d'ac- 
compagnage  c  de  luftrine ,  vous  aurez  X  X  o  o  de 
poil  &  o  4  de  fond,  c'eft-à-dire  la  première  marche/' 
d'accompagnage  de  l'armure  que  vous  cherchez. 

Si  vous  jettez  la  féconde  marche  d  de  rebordure  de 
l'armure  de  la  luftrine  fur  la  féconde  marche  e  de  luf- 
trine ,  vous  aurez  o  X  O  o  de  poil  &  o  7  de  fond , 
c'eft-à-dire  la  féconde  marche  t  de  fond  de  l'armure 
cherchée  ,  &  ainft  du  refte. 

Les  lignes  verticales  marquent  les  marches.  Les 
lignes  horifontales  marquent  les  liftes.  La  marque  o 
lignifie  qu'une  lifte  levé  ;  la  marque  X  lignifie  qu'elle 
baille  ,  excepté  aux  liftes  de  rabat  où  o  marque  baif- 
fer,  la  fonction  de  ces  liftes  n'étant  jamais  de  lever. 

Du  fond  or  à  cinq  liffes  de  fatin  &  à  cinq  liffes  ds  poil. 
Cette  étoffe  étoit  d'uiage  quand  les  fonds  or  avoient 
beaucoup  de  glacé  ,  parce  qu'il  grippe  moins  avec  un 
poil  de  vingt-deux  portées  &  demie ,  comme  il  le  faut 
à  cette  étoffe ,  qu'avec  des  poils  de  quinze  ou  dix-huit 
portées ,  comme  dans  les  autres  fonds  d'or.  On  arme 
le  fatin  ,  qui  eft  de  quatre-vingts-dix  portées  de  chaî- 
ne ,  comme  le  damas.  On  paffe  la  rebordure  fur  le 
coup  de  fond ,  parce  qu'il  y  en  a  peu  dans  ces  for- 
tes d'étoffes  ,  Se  l'accompagnage  fur  le  poil  feule- 
ment, qui  eft  armé  en  ras  de  faint-maur  ;  obfervant 
que  comme  il  y  a  cinq  liftes  de  poil ,  il  en  faut  tou- 
jours faire  lever  trois  &  bailler  deux.  On  peut  le  fer- 
vir  pour  cette  étoffe  d'un  peigne  de  1  5  ou  d'un  de  1 8 , 
l'un  &  l'autre  pouvant  s'accorder  avec  le  poil. 

Il  eft  bon  de  lavoir  que  dans  les  luftrines  à  fond 


or  ,  le  fil  de  poil  ne  doit  jamais  fe  trouver  à  la  rive 
de  la  dent ,  c'eft-à-dire  au  commencement  ou  à  la 
fin  ;  parce  que  pour  lors  il  rayeroit  &  fe  montreroit 
dans  le  fond  ,  ce  qu'il  faut  éviter  foigneufement. 
C'eft  pour  cela  que  les  peignes  doivent  toujours  être 
d'accord  avec  le  poil  :  par  exemple,  avec  un  poil  de 
quinze  portées  &  qu  atre-vingts-dix  portées  de  chaîne, 
il  fe  rencontre  tous  les  fix  fils  de  chaîne  un  fil  de  poil  ; 
mais  mettez  un  1 5  de  peigne  qui  contienne  chaque 
dent  douze  fils  de  chaîne ,  &  il  arrivera  que  le  fil  de 
poil  fe  trouvera  à  la  fin  des  douze  fils  déchaîne,  ou 
au  commencement  des  douze  autres  qui  fuivent  la 
dent ,  ce  qui  fera  rayer.  Pour  éviter  cet  inconvénient, 
on  corrompt  la  première  dent,  c'eft  le  terme  de  l'art: 
on  n'y  met  que  neuf  fils  ;  mais  on  continue  par  dou- 
ze dans  les  autres  dents.  Pour  lors,  le  fil  de  poil  fe 
trouve  clos  par  trois  fils  de  chaîne;  &  ainfi  des  au- 
tres ,  comme  les  18. 


B  R  O 

Z)émonflratlon  de  l'armure  d'un  fond  or  à  cinq  liffes 
de  fond  &  cinq  liffes  de  poil. 


B  R  O 


4*7 


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Fond  Or  à  cinq  liffes  de  fat  in  &  quatre  de  poil  :  les 
fonds  or  de  cette  efpece  font  les  plus  beaux ,  &  ne 
peuvent  le  faire  qu'en  travaillant  des  deux  pies  :  le 
fatin  eft  armé  comme  celui  du  damas  ,  &  les  cinq 
marches  de  ce  latin  ne  font  mouvoir  aucune  liffe  de 
poil.  La  chaîne  eft  de  quatre-vingts-dix  portées  à  l'or- 
dinaire ,  &  le  poil  de  quinze  ;  avec  un  peigne  de  quin- 
ze ,  il  faut  douze  marches  pour  le  poil ,  y  compris 
les  quatre  marches  de  liage  qui  font  placées  du  côté 
gauche  ,  &  cinq  pour  le  fond  qui  font  ordinairement 
du  côté  droit.  Toutes  ces  étoffes  pourroient  cepen- 
dant être  faites  du  ieul  pié  droit ,  en  lardant  les  mar- 
ches de  liage  ,  c'eft-à-dire  en  plaçant  par  ordre  cha- 
que marche  de  cette  efpece ,  après  celles  qui  font  def- 
tinées  pour  les  coups  de  navette  :  mais  dans  cette 
étoffe ,  la  choie  eft  impoiîible  ,  excepté  qu'on  ne  vou- 
lût mettre  trente-deux  marches  ,  parce  qu'il  faut 
vingt  coups  pour  que  le  courfe  des  marches  de  poil 
fe  rencontre  avec  celui  du  fond.  L'accompagnage  eft 
à  l'ordinaire  en  ras  de  faint  Maur ,  &c  le  coup  de  fond 
à  trois  liffes  de  poil  levées ,  la  quatrième  en  l'air , 
comme  à  la  luftrine ,  s'il  n'y  a  point  de  rebordure  ;  6c 
s'il  y  en  a  une,  on  la  fait  baiffer. 


Dèmonflratlon  d'un  fond  d'or  à  cinq  liffes  de  fatin 
&  quatre  de  poil. 


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Selon  la  difpofition  du  métier  8c-  de  l'armure ,  il 
faut  marcher  des  deux  pies  chaque  coup  de  fond  ;  les 
autres  coups  du  pié  gauche  feulement.  Le  courfe  ne 
peut  fe  rencontrer  fini  de  chaque  côté  que  tous  les 
vingt  coups  ;  d'où  il  s'enfuit  qu'il  faut  quatre  cour- 
fes  du  latin  ,  &  cinq  du  poil ,  ou  des  marches  de  l'un 
&  de  l'autre. 

Tous  les  fonds  d'or  dont  nous  venons  de  parler, 
ont  un  fond  dont  la  couleur  eft  diftinguée  ,  foit  cra- 
moifi ,  foit  ponceau ,  foit  ratine  ,  qui  eft  un  ponceau 
commun  ;  les  Américains  ne  les  veulent  pas  autre- 
ment :  c'eft  auffi  le  goût  de  quelques  pays  du  Nord. 
Mais,  il  n'en  eft  pas  de  même  des  brocards  ;  ils  n'ont 
point  de  fond ,  ou  s'ils  ont  quelques  légères  décou- 
pures dans  la  dorure ,  elles  ne  paroiffent  pas..  C'eft 
pour  cela  que  les  fabriquans  i°.  ne  les  font  qu'en 
gros  de  Tours ,  pour  éviter  la  quantité  de  trames ,  qui 
eft  moins  conlidérable  que  dans  les  fonds  fatin  ,  at- 
tendu le  croifé  qui  lé  trouve  à  chaque  coup  ;  20.  met- 
tent les  chaînes  de  la  couleur  de  la  dorure  pour  .évi- 
ter l'accompagnage.  L'accompagnage  paffe  fous  les 
mêmes  lacs  de  la  dorure  qui  domine  dans  l'étoffe ,  & 
fon  emploi  a  deux  objets  ;  l'un  de  cacher  le  fond  de 
l'étoffe  qui  perceroit  au-travers  de  la  dorure ,  &  la 
rendroit  déleclueufe ,  en  prenant  la  place  du  fond  ; 
l'autre  de  donner  la  liberté  au  fabriquant  de  brocher 
ou  de  palier  une  dorure  plus  fine ,  qui  même  fe  trou- 
ve relevée  par  l'accompagnage  qui  eft  deffous. 

Tels  font  les  motifs  qui  ont  fait  inventer  Fart  d'ac- 
compagner la  dorure  ,  une  des  idées  dans  ce  genre 
les  plus  belles  &  les  plus  heureufes.  Le  brocard  ayant 
le  fond  de  même  couleur  que  la  dorure  ,  l'accompa- 
gnage devient  inutile  :  il  eft  vrai  que  dans  les  fonds 
or  où  il  entre  de  l'argent,  on  ne  peut  pas  accompa- 
gner l'un  &  l'autre  :  mais  dans  ce  cas,  comme  c'eft 
très-peu  déchoie  que  l'argent  qui  entre  dans  un  fond 
or ,  &  que  d'ailleurs  il  n'eft  point  accompagné  ,  on  a 
foin  de  brocher  une  dorure  plus  groffe  ,  &  dont  la 
croffeur  empêche  le  fond  de  percer  au-travers.  Voilà 

H  h  h  1] 


4^8 


RRO 


la  méthode  qu'il  faut  iuivre  pour  fabriquer  des  fonds 
d'or  &C  d'argent  qui  foient  parfaits.  Reprenons  main- 
tenant les  brocards. 

La  chaîne  des  brocards  eft  de  quarante-cinq  portées 
doubles ,  &  quinze  portées  de  poil  fur  un  peigne  de 
quinze.  L'armure  pour  le  fond  eft  la  même  que  celle 
du  gros  de  Tours  ,  ainfi  que  pour  le  poil.  On  paffe 
le  premier  coup  de  navette  en  faifant  lever  le  poil  & 
la  chaîne  en  taffetas  ou  gros  de  Tours  ;  après  quoi , 
on  broche  la  dorure  &  la  foie ,  en  faifant  baiffer  de 
fuite  une  des  deux  lhTes  de  poil  qui  aura  baiffé  au 
coup  du  fond  ,  &  l'on  continue  de  la  première  à  la 
quatrième  ;  d'où  il  arrive  que  le  courte  des  marches 
du  fond  n'étant  compofé  que  de  deux  grandes  mar- 
ches ,  il  faut  le  répéter  pour  être  d'accord  avec  les 
quatre  de  liage. 

La  dorure  des  brocards  eft  prefque  toute  liée  par 
les  découpures  de  la  corde ,  afin  d'imiter  la  broderie. 
Je  dis  toute  :  mais  il  en  faut  excepter  le  frifé ,  le  clin- 
quant ,  &  la  cannetille  qui  l'eft  même  quelquefois. 

On  a  imaginé  depuis  peu  la  façon  de  relever  la 
principale  dorure  en  boffe,  tel  que  l'or  liffe  :  on  paffe 
fous  le  lacs  tiré  de  la  dorure  qu'on  veut  relever ,  une 
duite  de  quinze  à  vingt  brins  de  foie  de  la  couleur  de 
la  dorure ,  en  faifant  baifîér  les  quatre  lilles  de  poil 
pour  la  tenir  arrêtée  ;  après  quoi  on  laiffe  aller  la  mar- 
che ,  &  on  broche  la  dorure  fans  lier  ;  voilà  pour  le 
premier  lacs.  Au  fécond  lacs ,  on  broche  de  même  une 
groffe  duite  qui  eft  la  iuite  de  la  première  ,  &  on 
baiffé  les  quatre  liffes  de  poil.  Comme  cette  duite  eft 
une  efpece  d'accompagnage ,  on  fait  baiffer  toutes  les 
lifles  de  liage,  afin  que  la  foie  brochée  ne  tranfpire 
pas  au-travers  de  la  dorure  ,  Se  qu'elle  puiffe  former 
un  grain  affez  gros  pour  faire  relever  la  dorure ,  com- 
me fi  elle  étoit  foîitenue  par  une  cartifanne,  Lorfque 
tout  le  broché  eft  lié  par  la  corde  ou  par  la  décou- 
pure ,  il  ne  faut  plus  que  quatre  marches  ;  favoir  deux 
pour  le  coup  de  fond  ,  &  deux  pour  lier  la  foie  qui 
relevé  la  dorure  ;  ô/  quand  il  y  a  du  broché  ,  il  taut 
quatre  marches  de  liage  de  plus. 

Dcmonflration  de  l'armure. d'un  brocard,  dont  la  dorure 
eft  relevée  ,  fans  liage  ou  liée  par  la  corde. 


—  -    de  poil. 


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les  autres  étoffes  :  mais  on  le  broche  en  faifant  baiffer 
deux  marches  armées  en  taffetas ,  comme  il  eft  indi- 
qué ici. 

x°.  Que  toutes  les  étoffes  dont  la  dorure  eft  rele- 
vée ,  doivent  être  roulées  fur  des  molletons  ,  à  mè- 
fure  qu'elles  viennent  fur  l'enfuple  ,  afin  que  la  do- 
rure ne  foit  pas  écrafée  ,  &  qu'elle  faffe  toujours  fail- 
lie ou  relief:  il  faut  autant  de  molleton  que  d'étoffe 
fabriquée. 

Il  ie  fait  des  brocards  dont  le  poil  eft  de  quarante  i 
portées  fimples  ,  pour  l'accompagnage  defquels  on 
fait  baiffer  tout  le  poil  qui  eft  de  la  couleur  de  la  do- 
rure :  pour  lors  on  peut  brocher  toutes  fortes  de  cou- 
leurs pour  relever  ;  parce  que  la  quantité  du  poil 
baiffé  garniffant  fuffifamment ,  elle  empêche  la  foie 
de  couleur  qui  relevé ,  de  tranfpirer  ou  percer  au- 
travers  du  poil. 

Démonftration  de  l'armure  d'un  brocard  dont  la  dorure 
eft  relevée ,  &  tous  les  lacs  liés ,  excepté  celui  de  la 
dorure  relevée ,  qui  ne  l'eji  jamais. 


Il  faut  obferver    i°.  que  l'accompagnage  étant 
gros ,  il  ne  fe  paffe  point  avec  la  navette  comme  dans 


Les  marches  d'accompagnage  ne  lèvent  point  de 
liffes ,  parce  que  l'accompagnage  eft  broché  ,  &  non 
paffé  avec  la  navette ,  comme  dans  les  autres  étoffes 
où  il  n'a  que  trois  ou  quatre  bouts  très-fins ,  au  lieu 
qu'ici  il  a  dix-huit  à  vingt  bouts  de  groffe  foie. 

On  pourroit  dans  la  dernière  armure  éviter  les 
quatre  marches  qui  font  baiffer  tout  le  poil,  en  pref- 
fant  les  quatre  de  liage  à  la  fois  :  mais  l'embarras  de 
trouver  à  chaque  coup  la  marche  qui  doit  lier  à  fon 
tour ,  feroit  commettre  des  fautes  à  l'ouvrier  qui  ne 
fuivroit  pas  exactement  fon  liage. 

*  BROC  ATELLE,  f.  f.  (manufacture  de  foie.  )  étoffe 
compofée  d'une  chaîne  de  foixante  portées ,  &  d'un 
poil  de  dix  portées,  avec  cinq  liffes  de  chaîne  &  trois 
liffes  de  poil  :  on  employé  la  brocatelle  en  tapifferie. 
Le  fond  eft  tramé  de  fil ,  &  le  coup  de  tire ,  de  foie  : 
c'eft  la  trame  qui  fait  le  tond ,  &  c'eft  la  chaîne  qui 
fait  la  figure. 

Brocatelle  ,  (  en  Architecture,} ^ôyeç  Marbre 
de  Brocatelle. 

BROCHANT  ,  adj.  (terme  de  Blafon.  )  il  fe  dit  des 
pièces  qui  paffent  fur  d'autres  ,  comme  une  face  ou 
un  chevron  qui  broche  fur  un  lion  :  les  chevrons  de 
la  Rochefoucault  brochent  fur  des  burelles. 

La  Rochefoucault  en  Angoumois,  burelé  d'argent 
&  d'azur ,  à  trois  chevrons  de  gueules  brochant  fur 
le  tout,  (y) 


BRO 

*BROCHE,  f.  f.  terme  fort  ufité  dans  les  Arts  & 
Métiers  ;  on  le  donne  en  général  à  tout  outil ,  inftru- 
ment,  machine ,  ou  partie  de  machine,  d'une  figure 
longue  &  menue  ,  &  dont  la  fond  ion  ordinaire  eft 
de  traverfer  &  de  foûtenir  d'autres  parties.  Le  mot 
broche  a  paflé  dans  les  boutiques  &  les  atteliers ,  de 
la  cuifine  où  la  broche,  eft  un  inftrument  de  fer  long 
de  cinq  à  fix  pies  ,  de  cinq  à  fix  lignes  de  diamètre  , 
pointu  par  un  bout ,  &  coudé  en  équerre ,  ou  garni 
d'une  poulie  par  l'autre  ,  &  percé  dans  le  milieu  de 
plufieurs  trous  qui  fervent  à  fixer  fur  la  broche,  la  pie- 
ce  qu'on  veut  rôtir,  par  le  moyen  de  brochettes  de 
fer  qu'on  fiche  à  travers  la  pièce ,  &  qui  parlant  auffi. 
dans  les  trous  oblongs  pratiqués  au  milieu  de  la  bro- 
che ,  font  angle  droit  avec  la  broche.  C'eft  pour  prati- 
quer ces  trous  oblongs  ,  &  empêcher  les  pièces  em- 
brochées de  tourner  fi  facilement  fur  la  broche ,  que 
le  milieu  de  cet  inftrument  eft  applati  &  plus  large 
que  le  refte.  La  broche  des  cuifines  fe  tourne  à  la 
main ,  ou  par  le  tournebroche.  Voye^  Tournebro- 
CHE. 

*  Broche  ,  eft  fynonyme  à  cheville  dans  un  grand 
nombre  d'occaiions  :  la  feule  différence  qu'il  y  ait , 
c'eft  que  la  cheville  eft  alors  une  petite  broche  ,  ou  la 
broche  une  grolfe  cheville.  Les  marchands  de  vin  don- 
nent le  nom  de  broche  au  morceau  de  bois  pointu 
qu'ils  infèrent  dans  l'ouverture  qu'ils  ont  faite  à 
un  tonneau  mis  en  perce.  C'eft  de-là  qu'eft  venue 
l'exprefîion ,  vendre  du  vin  à  la  broche  ,  pour  le  ven- 
dre en  détail. 

*  Broche,  fe  dit  dans  quelques  manufactures 
d'étoffes  en  laine,  des  dents  du  peigne  ou  roft  ;  c'eft 
en  ce  fens  que  ce  mot  eft  pris  dans  les  articles  du 
ftatut  des  Manufacturiers  d'Abbeville  ,  où  il  eft  or- 
donné que  les  rofts  pour  les  baracans  feront  de  quatre 
cents  lbixante-huit  broches.  Voye{  Peigne. 

Broches  à  tricotter  ;ce  font  des  bouts  de  laiton  ou 
de  fer  ,  polis  &  longs ,  qu'on  appelle  auffi  aiguilles. 
On  s'en  fert  pour  tricotter  ou  brocher  des  bas ,  cami- 
lolles,  gants,  &  autres  ouvrages  de  bonneterie.  Ce 
font  les  maîtres  Aiguilliers  Epingliers  qui  font  &  ven- 
dent les  broches  ou  aiguilles  à  tricotter.  Voye-^  la  PL 
du  Tricot. 

Broches  ,  che^  les  Arquebufiers ,  ce  font  des  mor- 
ceaux d'acier  bien  trempés ,  longs  d'environ  un  de- 
nù-pié  ,  emmanchés  de  bois  comme  une  lime  ,  &  à 
fix  ou  huit  pans  vifs  ,  félon  le  befoin.  Les  Arquebu- 
fiers s'en  fervent  pour  arrondir  un  trou ,  en  infinuant 
la  broche  dans  le  trou  qu'ils  veulent  arrondir  ,  &  la 
faifant  tourner  de  côté  &  d'autre. 

BROCHE  quarrée  ,  outil d 'Arquebufier ,  c'eft  une  ef- 
pece  de  petit  cifeau  quarré  d'acier  bien  trempé,  avec 
lequel  les  Arquebufiers  font  un  trou  de  la  même  fi- 
gure ;  par  exemple  ,  celui  du  chien  ,  ou  de  cette 
partie  qui  eft  Qjpntce  fur  le  pivot  quarré  de  la  noix  : 
ils  placent  ce  cifeau  fur  la  pièce  qui  eft  rouge  de  for- 
ge ,  &  frappent  deffus  jufqu'à  ce  que  le  trou  foit  for- 
mé. 

BROCHE  ronde  ,  outil  et Arquebufier ,  c'eft  un  mor- 
ceau de  fer  rond  ,  de  la  grofl'eur  d'une  baguette  de 
fufil ,  long  d'un  pié  ,  &  emmanché  d'un  manche  de 
lime  ;  on  pofe  fur  cet  outil  les  porte  -  baguettes , 
pour  les  façonner  6c  limer  plus  commodément. 

BROCHE  pointue,  outil  d' Arquebufier  ,  c'eft  une  cf- 
pece  de  poinçon  rond  d'acier  fin  &  bien  trempé,  long 
d'un  demi-pié,  fort  pointu,  6c  emmanché  comme 
une  lime.  Les  Arquebufiers  s'en  fervent  pour  marquer 
la  place  d'un  trou  pour  poler  une  vis ,  &  en  com- 
mencer le  trou. 

Broche;  les  Artificiers  appellent  ainfi  une  petite 
verge  ronde  conique  de  fer  ou  de  bois  fort ,  tenant 
au  culot  du  moule  d'une  fuiée  volante  ,  pour  ména- 
ger un  trou  de  même  figure  dans  la  matière  combuf- 
tible  dont  on  la  charge  ;  ce  qui  le  fait  par  le  moyen 


BRO 


•419 


des  baguettes  de  refouloir  percées  fuivant  leur  axe 
d'un  trou  capable  de  recevoir  cette  broche,  enforte 
qu'elle  n'empêche  point  que  la  matière  ne  foit  fou- 
lée tout  autour  à  coups  de  maillet  ;  d'où  réfulte  ce 
qu'on  appelle  Yame.  Voye^  Ame. 

BROCHE  ,  che{  les  Balanciers,  fe  dit  des  clous  OU 
pivots  de  fer  qui  traverfent'la  verge  de  la  balance 
romaine  ,  &  qui  fervent  à  foûtenuki  garde  du  cro- 
chet ,  la  garde  forte ,  &  la  garde  foible.  Voye{  Ro- 
maine. 

*  Broche  ,  fe  dit  che^  les  Bonnetiers  d'un  inftru- 
ment qui  foùtient  le  chardon  qui  leur  fert  à  carder 
leurs  ouvrages.  Ils  ont  deux  fortes  de  broches  ,  la^ra- 
ple  &  la  double  :  la  broche  fimple  ne  porte  qu'un  char- 
don ;  &C  la  double  broche  en  porte  deux.  froye^  à  C ar- 
ticle Bonneterie  ,  l'uiage  &  la  defeription  de  la 
broche  &  de  la  double  broche. 

Broche  ,  terme  &  outil  de  Brodeur  j  cette  broche  eft 
un  petit  morceau  de  bois  tourné ,  de  la  longueur  de 
fix  pouces ,  pofé  fur  une  petite  patte  plate  ou  trian- 
gulaire ;  la  tête  en  eft  plus  groffe  ,  ronde  ,  longue 
de  deux  pouces ,  &  fendue  jufqu'au  milieu  de  la  lar- 
geur d'une  ligne  ou  deux.  Les  Brodeurs  tournent 
l'or  frifé  autour  du  pivot  6c  de  la  tête  de  cette  broche, 
&  pafient  le  bout  qu'ils  veulent  employer  par  ladite 
fente ,  &  enfuite  l'appliquent  fur  leurs  ouvrages. 

Broche  ,  chjti  ^cs  Bouchers  ,  c'eft  un  inftrument 
de  1er  dont  ils  fe  fervent  pour  apprêter  &  parer  leurs 
viandes.  Il  y  en  a  de  deux  fortes  ;  l'une  de  fer  ,  & 
l'autre  d'os  de  mouton  :  celle  de  fer  eft  longue  de 
deux  pies  ,  ronde ,  groffe  d'un  demi-pouce  ,  &  gar- 
nie d'un  anneau  par  le  bout  ;  elle  fert  à  percer  la 
peau  des  bœufs  pour  y  inférer  la  douille  du  foufflet 
avec  lequel  on  les  enfle  quand  ils  ont  été  tués  : 
celle  d'os  de  mouton  fe  fait  avec  le  tibia  qu'on  vui- 
de  de  fa  moelle ,  &  dont  on  affûte  un  des  bouts  qu'on 
inlere  dans  les  rognons  de  veau  pour  les  foufîler  avec 
la  bouche. 

Broche  ,  che^  les  Cardeurs  ,  c'eft  une  petite  verge 
de  fer  ,  garnie  à  fa  partie  enfermée  entre  les  deux 
marionnetes  ,  d'une  noix  ou  efpece  de  petite  poulie 
qui  retient  la  corde  que  la  reue  met  en  mouvement; 
&  par  le  bout  fur  lequel  on  dévide  le  fil, d'un  rebord 
de  bois  affez  haut ,  6c  voiiiu  du  fraieau ,  afin  que  le 
fil  s'élève  fur  la  broche. 

*  BROCHE  ,  che^  les  Chandeliers  &  les  Ciriers  ,  c'eft 
une  baguette  longue  &  menue  fur  laquelle  ils  dref- 
fent  &  lùfpendent  les  mèches  qui  doivent  être  plon- 
gées dans  la  bafiine  ou  dans  l'abyfme  ,  afin  qu'elles 
fe  couvrent  de  cire  &  de  fuif.  Ces  broches  ont  deux 
pies  6c  demi  de  long ,  &  peuvent  contenir  feize  chan- 
delles des  huit  à  la  livre. 

BROCHE  ,  che^  les  Blanchijfeurs  de  cire ,  &  chez  un 
grand  nombre  d'autres  ouvriers  qui  le  fervent  de  cu- 
ves ou  de  tonneaux  pleins  d'un  fluide  qu'il  faut  avoir 
la  commodité  d'arrêter  ou  de  laiiïér  couler  à  diferé- 
tion  ,  fe  dit  d'un  morceau  de  bois  ou  de  fer  qui  s'in- 
fère dans  une  douille,  ou  cannelé  ou  cannule,  fi- 
xée au  bas  du  tonneau  ou  de  la  cuve  ,  par  laquelle  le 
fluide  peut  s'échaper,  quand  on  tire  de  la  douille  le 
corps  ou  la  broche  qui  la  rempliffoit. 

*  Broche  ,  che^  les  Ciriers  ,  eft  le  nom  de  petits 
morceaux  de  bois  de  bonis  polis ,  faits  en  cône ,  avec 
tefquels  ces  ouvriers  pratiquent  au  gros  bout  des  cier- 
ges les  ouvertures  par  lesquelles  ils  reçoivent  les  ri- 
ches des  chandeliers. 

BROCHE  ,  che^  les  Cordonniers  ,  eft  l'outil  qui  fert  à 
faire  les  trous  dans  les  talons  des  iouliers  ,  pour  les 
chevilles  de  bois  qui  attachent  les  bouts  deffous  les 
talons  :  c'eft  une  forte  d'alêne ,  mais  qui  eft  droite  , 
emmanchée  dans  un  fort  manche  de  bois  de  trois  ou 
quatre  pouces  de  long  ,  fur  la  tête  duquel  on  frappe 
avec  le  marteau.  V<tyt\  fofig-  2J.  PL  du  Cordonnier- 


43° 


B  R  O 


Bottier,  qui  représente  le  fer  de  cet  infiniment  ,  & 
une  petite  portion  du  manche. 

Broche  ,  en  terme  a"  Epinglier ,  font  deux  baguet- 
tes de  fer  emboîtées  perpendiculairement  dans  la 
baie  &  dans  la  traverfe  de  bois  du  métier  ;  c'eft  à 
leur  aide  que  le  contrepoids  retombe  toujours  fur  le 
même  point.  Les  broches  n'entrent  point  dans  le  mé- 
tier par  en-bas  ;  elles  pofent  feulement  avec  force 
fur  une  plaque  de  plomb  fur  laquelle  on  l'arrête  à 
volonté  ,  &  félon  que  la  fituation  du  poinçon  l'exi- 
ge. Voyei  la  figure  10.  Planche  IL  de  ÇEpinglier. 

BROCHE  c'a  rouleau,  s'entend  dans  C Imprimerie  en 
team,  d'une  pièce  de  fer  de  Fépaiffeur  d'un  doigt, 
ronde  par  les  deux  bouts ,  quarrée  dans  le  milieu ,  & 
longue  de  deux  pies ,  non  compris  le  coude  &  la  poi- 
gnée :  le  premier  bout  eft  coudé  de  façon  à  recevoir 
un  revêtiffement  de  bois  creufé  que  l'on  appelle  ma- 
nivelle ,  &  qui  eft  pour  la  commodité  de  la  main  de 
fouvrier.  Cette  broche  traverfe  en-deffous  tout  1* 
train  de  la  preffe ,  en  paffant  par  le  milieu  du  corps 
du  rouleau ,  &  eft  arrêtée  par  fa  dernière  extrémité 
par  une  clavette. Ces  deux  agens  réunis  fervent  à  fai- 
re paffer  le  train  de  la  preffe  fous  la  platine  ,  &£  à  fai- 
re revenir  ce  même  train  fur  fon  point  d'appui.  Voy. 
Rouleau  ,  Manivelle  ,  &  PI.  IV.fig.  z.Mla  ma- 
nivelle ,  N  le  rouleau. 

Broche,m  Pàtijfcrie ,  eft  un  gâtftm  de  forme  py- 
ramidale ,  fait  d'une  pâte  détrempée  avec  du  fucre  , 
des  jaunes  d'eeufs ,  &  de  la  levure. 

*  BROCHE  ,  che\  les  Regraders ,  eft  une  longue  ver- 
ge de  bois  menu  fur  laquelle  ils  enfilent  &  fufpen- 
dent  les  harengs  quils  ont  fait  deffaler ,  afin  qu'ils  s'é- 
gouttent  plus  facilement. 

BRO  CHE  ou  BOULON  de  fer  ,  chei  les  Rubaniers  ;  il 
y  en  a  de  diverfes  fortes  ,  comme  ceux  qui  enfilent 
les  marches  par  la  tête  ,  &  dont  les  deux  bouts  paf- 
fent  à  travers  les  planches  du  pont. 

Les  deux  broches  qui  fervent  auffi  à  enfiler  les  la- 
mes dans  le  porte-lames  ;  les  deux  broches  qui  enfilent 
les  poulies  dans  le  chatelet  ;  celle  qui  enfile  les  re- 
tours dans  leur  chaffis  ;  celies  qui  fervent  à  dévider 
la  foie  ;  &  d'autres  dont  on  parlera  ailleurs. 

Broche  ,  en  Serrurerie  ,  eft  une  forte  de  petit  fer 
rond  qui  paffe  dans  les  nœuds  des  fiches. 

Broches  à  bouton,  ce  font  les  broches  des  fiches  aux- 
quellesFon  remarque  une  petite  tête  ronde  au-deffus 
de  la  fiche. 

Broches  à  lambris  ,  ce  font  des  efpeces  de  clous 
ronds  fans  tête  ,  qui  fervent  à  pofer  les  lambris. 

*  BROCHE  ;  on  en  diflingue  plufieurs  chez  les  Ma- 
nufacturiers en  foie  ,  qui ,  de  même  que  chez  les  Ruba- 
niers, fe  distinguent  par  leur  ufage.  Il  y  a  les  broches 
des  marches  ;  ce  font  des  efpeces  de  boulons  qui  en- 
filent les  marches  &  les  arrêtent. 

Les  broches  du  cafjïn ,  qui  ne  font  que  de  petites 
verges  de  fer  rondes ,  qui  traverfent  les  poulies  du 
caffin. 

Les  broches  du  carete ,  ou  baguettes  rondes  de  fer 
ou  de  bois ,  qui  fervent  d'axe  aux  aleirons. 

Les  broches  des  roiiets  ;  elles  font  de  fer, &  garnies 
d'une  noix  plus  ou  moins  greffe  ,  fur  laquelle  paffe 
la  corde  ou  la  liiiere  qui  les  fait  tourner. 

Les  broches  de  la  cantre  ,  petites  verges  de  fer  très- 
longues  &  très-menues ,  fur  lefquelles  tournent  les 
roquetins> 

Il  y  a  encore  d'autres  broches  :  mais  c'eft  affez  qu'il 
en  foit  parlé  dans  les  deferiptions  des  machines  où 
elles  feront  employées. 

Broche,  petit  infiniment  dont  fe  fervent  les 
Haute-liffiers  ;  elle  leur  tient  lieu  de  la  navette  qu'on 
employé  dans  la  fabrique  des  étoffes  &  des  toiles. 
Cette  broche  eft  ordinairement  de  bonis  ,  ou  de  quel- 
qu'autre  bois  dur,  longue  en  tout  de  fept  à  huit  pou- 


BRO 

ces ,  y  compris  le  manche  ,  &  de  fept  ou  huit  lignes 
de  groffeur  dans  fon  plus  grand  diamètre  :  elle  fe 
termine  en  pointe ,  pour  paffer  plus  facilement  en- 
tre les  fils  de  la  chaîne.  C'efl  fur  la  broche  que  font 
dévidés  l'or  ,  l'argent ,  les  foies  &  les  laines  qui  en- 
trent dans  la  labrique  des  haute-liffes.  ^oy^  Haute- 
lisse. 

Broche  ,  terme  de  Tonnelier ,  qui  fignifie  une  che- 
ville avec  laquelle  ils  bouchent  le  trou  qu'ils  ont  fait 
avec  le  forêt  ou  vrille  à  un  tonneau  pour  en  goûter 
le  vin.  Ce  mot  fe  dit  auffi  quelquefois  de  la  fontaine 
de  cuivre  qu'on  met  à  une  pièce  de  vin  qu'on  vient 
de  percer. 

*  BROCHÉE  ,  f.  f.  en  général  ,  c'efl  la  quantité 
de  quoi  que  ce  foit  que  foûtient  une  broche. 

Brochée,  che^  les  Chandeliers ,  c'ell  la  quantité 
de  chandelle  mife  fur  une  broche ,  &  qu'on  peut  faire 
à  la  fois,  f^oyei  par  rapport  à  cette  quantité  l'article 
Broche. 

Brochée  ,  che^  les  Rotijfeurs  ,  c'efl  la  quantité  de 
viande  qu'on  peut  mettre  fur  une  broche  ;  &  ainfi 
des  autres'  occafions  où  l'on  employé  le  terme  bro- 
chée. 

*  BROCHER  (  le  )  Manufactures  en  foie,  or  &  ar- 
gent ;  c'elt  l'ait  de  nuancer  des  objets  de  plufieurs 
couleurs  fur  une  étoffe  en  foie ,  quelle  qu'elle  foit  , 
ou  d'en  enrichir  le  fond  de  dorure  ,  de  clinquant ,  de 
chenille  ,  de  fil  d'argent ,  de  cannetille  ,  &c.  par  le 
moyen  de  très-petites  'navettes  qu'on  appelle  ejpo- 
lins,  qui  font  toutes  femblables  aux  grandes  navet- 
tes que  l'ouvrier  a  devant  lui ,  &  dont  il  fe  fert  lelon 
qu'il  lui  ell  marqué  par  le  deffein  qu'il  exécute. 

Le  métier  du  broché  efl  exa&ement  le  même  que 
pour  les  autres  étoffes.  Les  étoffes  brochées  font  à 
fleurs  :  quand  il  n'y  a  que  deux  couleurs  fur  fond  fa- 
tin  ,  on  n'a  pas  befoin  de  brocher;  deux  grandes  navet- 
tes les  exécutent  :  s'il  n'y  a  que  trois  couleurs ,  on 
peut  encore  fe  paffer  de  brocher  ;  trois  grandes  na- 
vettes les  rendront  ;  il  y  aura  une  navette  pour  cha- 
que couleur  :  mais  alors-  il  faudra  beaucoup  de  fils  à 
la  chaîne  ,  &  il  faudra  de  plus  que  ces  fils  foient 
très-forts.  Ces  trois  navettes  qui  exécutent  les  fleurs, 
&  qui  fervent  en  même  teins  de  trame,  ne  manquent 
jamais  de  falir  le  fond  ;  &  c'eil  pour  qu'elles  le  fa- 
liffent  moins  qu'il  faut  ,  comme  nous  l'avons  dit, 
beaucoup  de  fils  à  la  chaîne ,  &  que  ces  fils  foient 
forts  :  mais  ces  deux  conditions  rendent  nécefîaire- 
ment  le  fatin  très-ferré.  Ainfi  quand  on  prend  un  fa- 
tin  à  fleurs  non  broché ,  en  général  le  meilleur  fera 
celui  qui  aura  le  plus  de  couleurs.  Quand  le  deffein. 
porte  plus  de  trois  couleurs ,  on  broche  le  furplus  , 
c'efl-à-dire ,  qu'on  a  cette  quatrième ,  cinquième  cou- 
leur montées  fur  de  petites  navettes ,  &  qu'on  paffe 
ces  petites  navettes  dans  les  endroits  où  elles  doivent 
être  pafîées  félon  la  tire.  Pour  fe  faire  une  idée  clai- 
re de  la  manière  dont  cela  s'exécute, 

Soit  le  deffein  GH I K  à  exécuter  en  fatin  broché  : 
il  eil  évident  qu'il  doit  y  avoir  au  femple  cent  cor- 
des ,  puifque  le  deffein  ell  fur  un  papier  de  8  lur  1 2  , 
&  qu'il  y  a  douze  divifions  &  demie  horifontales. 
Si  l'on  veut  que  ce  deffein  foit  répété  plufieurs  fois 
à  l'ouvrage ,  il  faut  que  chacune  des  cordes  du  fem- 
ple tire  autant  de  cordes  ou  mailles  de  corps ,  qu'on 
veut  de  répétitions  ;  c'efl-à-dire ,  qu'il  faut  que  les 
fourches  ou  arcades  foient  à  deux ,  trois  ,  quatre  , 
brins.  La  lecture  de  ce  deffein  fur  le  femple  n'efl  pas 
différente  de  la  lecture  de  tout  autre  deffein.  Il  faut 
bien  remarquer  que  dans  le  brocher  l'endroit  de  l'étoffe 
ell  en-deffous. 

Comme  il  n'y  a  ici  que  cinq  couleurs  &  le  fond  ,' 
le  coup  le  plus  compofé  n'a  pas  plus  de  fix  lacs. 
C'ell  la  chaîne  qui  fait  le  fond  A,  ou  le  corps  de  l'é- 
toffe ,  à  moins  qu'on  ne  le  veuille  or  ou  argent  ;  alors 
il  faut  avoir  fou  or  Si  ion  argent  filé,  monté  fur  des 


BRO 

efpolins  comme  les  couleurs.  Le  coup  commence  ici 
par  le  fond  ,  un  autre  coup  commencera  par  le  verd, 
par  le  jaune,  &c. 

Dans  le  deffèïn  propofé  ,  le  fond  A  eft  blanc  ;  la 
tige  B  cil  verte;  les  parties  C ,  C ,  C ,  C,  de  la  fleur 
font  jaunes;  les  parties  D  ,D ,  D ,  &c.  font  lilas  fon- 
cé ;  les  parties  E ,  E  ,E  ,E,  &c.  font  lilas  plus  clair  ; 
les  parties  F,  F,  F,  &c.  violet. 

Ces  couleurs  le  fuccedent  aifez  ordinairement  à  la. 
tire  les  unes  aux  autres  dans  un  même  ordre ,  cela 
facilite  beaucoup  l'exécution  de  l'ouvrage  :  c'eft  l'ha- 
bitude de  travailler  &  la  connoiffance  de  fon  deffein  ; 
c'eft  un  petit  morceau  d'étoffe  de  la  couleur  qui  ren- 
tre ,  attaché  au  lacs ,  qui  avertit  qu'elle  va  commen- 
cer, &  qu'une  autre  couleur  a  ceffé. 

Plus  il  y  a  de  couleurs, moins  il  règne  d'ordre  en- 
tre la  manière  dont  elles  fe  fuccedent ,  plus  l'ouvrage 
demande  d'attention  de  la  part  de  l'ouvrier. 

Il  eft ,  je  crois,  démontré  pour  quiconque  connoît 
un  peu  le  métier  ,  que  fur  un  métier  bien  monté  ,  & 
avec  un  grand  nombre  de  femples,  on  parviendroit 
à  exécuter  des  figures  humaines  ,  &  des  animaux 
nuancés  comme  dans  la  peinture. 

Il  y  a  ici  douze  liftes  ,  huit  pour  le  fatin ,  &  quatre 
pour  lier  le  fond  &  la  dorure.  La  chaîne  elt  de  trois 
milles  fix  cents  fils  ;  partant  chaque  liffe  de  fatin  fait 
travailler  la  huitième  partie  de  trois  mille  fix  cents. 
Quant  aux  liffes  de  liage ,  la  première  ne  prend  que  le 
dixième  fil  de  chaîne  ;  la  féconde  ,  que  le  vingtième , 
la  troifieme  que  le  trentième ,  &  ainfi  de  fuite. 

Il  faut  bien  remarquer  que  l'étoffe  fur  laquelle  on 
exécute  ici  le  deffein  G  H I K.  n'a  que  dix  pouces; 
&  qu'on  ne  l'a  luppofée  telle  que  pour  faciliter  l'in- 
telligence de  l'opération  du  brocher. 

Quand  il  n'y  a  point  de  dorure ,  &  qu'on  veut  con- 
ferver  les  liffes  de  liage  ,  la  première  prend  le  cinquiè- 
me fil  ;  la  féconde ,  le  dixième ,  &c. 

C'eft  la  couleur  du  fond  &  le  nombre  des  cou- 
leurs ,  qui  montrent  qu'une  étoffe  eft  ou  brochée  ou 
non  brochée. 

On  peut  confidérer  l'art  de  brocher ,  comme  une 
forte  de  peinture  où  les  foies  répondent  aux  cou- 
leurs ,  les  petites  navettes  ou  efpolins  aux  pinceaux  ; 
&  la  chaîne  a  une  toile  fur  laquelle  on  place  &  l'on 
attache  les  couleurs  par  le  moyen  de  fes  fils ,  dont  on 
fait  lever  telle  ou  telle  partie  à  diferétion  au-deffus 
du  refte  ,  par  le  moyen  de  ficelles  qui  correfpondent 
à  ces  fils  ,  avec  cette  différence  que  le  peintre  eft  de- 
vant fa  toile  ,  &  que  le  brocheur  eft  derrière. 

*  Brocher  ,  (en  Bonneterie  )  c'eft  tricoter  ou  tra- 
vailler avec  des  broches  ou  aiguilles. 

*  Brocher  ,  (  che^  les  Bouchers  )  c'eft  après  que 
le  bœuf  a  été  égorgé  ci  mis  bas  ,  y  pratiquer  avec  la 
broche  des  ouvertures  pour  fouffler.  Voye^  Broche 
&  Souffler. 

*  BROCHER,  (che?  les  Couvreurs")  c'eft  mettre  de 
la  tuile  en  pile  fur  des  lattes ,  entre  les  chevrons. 

*  Brocher,  (  che^  les  Cordiers')  c'eft  paffer  le 
boulon  dans  le  touret  :  on  dit  brocher  le  touret. 
Voye?^  TOURET,  voye^  aujjï  Corderie. 

Brocher  ,  (  en  Jardinage  )  fe  dit  des  plantes  qui 
montrent  de  petites  pointes  blanches ,  foit  à  la  tête 
pour  pouffer  de  nouvelles  branches,  foit  au  pic  pour 
jetter  de  nouvelles  racines.  (&) 

Brocher,  (terme  de  Maréchal')  c'eft  enfoncer  à 
coup  de  brochoir,  qui  eft  le  marteau  des  Maréchaux, 
des  clous  qui  partent  au-travers  du  fer  &  de  la  cor- 
ne du  fabot ,  afin  de  faire  tenir  le  fer  au  pié  du  che- 
val. Brocher  haut ,  c'eft  enfoncer  le  clou  plus  près 
du  milieu  du  pié.  Brocher  bas,  c'eft  l'enfoncer  plus  près 
du  tour  du  pié.  Brocher  en  mujiaue ,  c'eft  brocher  tous  les 
clous  d'un  fer  inégalement,  tantôt  haut,  tantôt  bas  ; 
ce  qui  vient  du  peu  d'adreffe  de  celui  qui  ferre. 

On  fe  iervoit  autrefois  de  ce  mot  pour  dire  :  piquer 


BRO 


431 


un  cheval  avec  les  éperons ,  afin  de  le  faire  courir 
plus  vite,  (f) 

Brocher  ,  (  terme  de  Blafon  )  on  dit  que  des  che- 
vrons brochent  fur  des  burelles ,  pour  dire  qu'ils  paf- 
fent  dans  l'écu  fur  des  burelles.  Voye{  Burelle. 

Brocher  ,  (  terme  de  Relieur  )  c'eft  plier  les  feuil- 
les d'un  livre  les  unes  fur  les  autres ,  les  coudre  en- 
femble ,  &  les  couvrir  de  papier  marbré  ou  autre. 
Foyei  Relier. 

BROCHET ,  f.  m.  lucius,( Hifi.  nat. )  poiffon  de 
rivière  qui  fe  trouve  auffi  dans  les  lacs  &  les  étangs, 
il  eft  fort  commun  dans  toutes  les  eaux  douces.  Le 
brochet  eft  long  ,  fon  dos  eft  prefque  quarré ,  lorfqu'il 
eft  gras.  Il  a  le  ventre  gros,  la  queue  courte,  la  tête 
quarrée&  percée  de  petits  trous;  le  bec  allongé  à  peu 
près  comme  celui  d'une  oie  :  il  y  a  fur  le  devant  de 
la  mâchoire  inférieure  de  petites  dents  recourbées 
en  dedans.  La  mâchoire  fupérieure  n'en  a  point  de 
correfpondantes  à  celles  de  l'autre  mâchoire  :  mais 
il  y  en  a  deux  rangs  fur  le  palais.  Les  yeux  font  de 
couleur  d'or  ,  les  écailles  font  petites  &  minces  ;  de- 
forte  que  lorfque  ce  poiffon  eft  jeune ,  il  femble  n'a- 
voir point  d'écaillés  :  mais  elles  deviennent  dans  la 
fuite  dures  &  apparentes.  Le  corps  eft  parfemé  de  ta- 
ches jaunâtres  ,  le  dos  eft  noirâtre  ,  le  ventre  blanc , 
les  côtes  de  couleur  d'argent  :  mais  lorfque  le  bro- 
chet eft  vieux ,  ils  font  de  couleur  d'or  ;  plus  ce  poif- 
fon eft  jeune  ,  plus  il  approche  de  la  couleur  verte. 
Il  a  deux  nageoires  au  bas  des  ouies ,  deux  autres  au 
bas  du  ventre  qui  font  fortes.  11  y  a  auprès  de  la 
queue  une  nageoire  de  couleur  dorée  &  tachetée  de 
noir,  pofée  en  deffus,  &  une  autre  en  deflbus  ;  la 
queue  eft  fourchue  &  parfemée  de  taches  brunes. 
La  ligne  qui  s'étend  le  long  du  corps-  dans  le  milieu 
n'eft  marquée  que  par  de  petits  points.  Les  brochets 
des  grandes  rivières  &  des  lacs  ont  la  chair  ferme  ; 
ceux  au  contraire  qui  font  dans  les  eaux  dormantes 
&  fangeufes  ,ne  font  pas  bons  à  manger.  Ces  poiffons 
font  très-voraces  ;  ils  s'efforcent  quelquefois  pour 
avaler  d'autres  poifTons  qui  font  prcfqu'auilî  gros 
qu'eux  :  ils  commencent  par  la  tête  ,  &  ils  attirent 
peu  à  peu  le  refte  du  corps  à  mefure  qu'ils  digèrent 
ce  qui  eft  dans  leur  eftomne  ;  on  les  a  vu  avaler  de 
petits  chiens  &  de  petits  chats  que  l'on  avoit  noyés 
dans  des  rivières.  Souvent  ils  fe  nourriffent  de  gre- 
nouilles :  mais  on  dit  que  s'ils  avalent  un  crapaud  de 
terre  ils  le  vomiffent.  On  prétend  qu'ils  n'attaquent 
point  les  perches  à  caufe  des  aiguillons  qu'elles  ont 
fur  le  dos  ;  cependant  on  a  rapporté  qu'ils  prenoient 
les  perches  en  travers  dans  leur  bouche ,  &  qu'ils  les 
y  tenoient  jufqu'à  ce  qu'elles  fuffent  mortes  avant 
que  de  les  avaler.  Ce  qu'il  y  a  de  certain ,  c'eft  qu'ils 
n'épargnent  pas  même  les  poiflbns  de  leur  efpece. 
Rondelet.  Willughbi.  Voyt{  POISSON.  (/) 

Brochet  de  mer.  Voye^  Spet.  (/) 

*  On  lit  dans  du  Bravius  de  Pifcinis  &  pifeium ,  lib. 
I.  chap.  ij.  que  la  grenouille  faute  quelquefois  fur  la 
tête  du  brochet ,  l'enibraffe  de  fes  pattes  ,  qu'elle  les 
lui  met  dans  les  yeux  ,  &  les  lui  crevé.  Aldrovande 
&  Cardan  prétendent  que  ii  l'on  jette  unbrochet  à  qui 
on  aura  ouvert  le  ventre,  dans  un  étang  ou  un  réfer- 
voir  où  il  y  ait  des  tanches ,  il  ne  mourra  pas  de  fa 
bleflùre  ;  1  humeur  gluante  de  la  tanche ,  contre  la- 
quelle il  va  fe  frotter,  l'ayant  bien-tôt  fait  cica- 
trifer.  Voilà  des  faits  qu'il  feroit  ailé  de  vérifier  :  il 
ne  s'agiroit  pour  le  premier,  que  de  tenir  pendant 
long-tems  un  brochet  dans  un  réfervoir  oii  il  y  au  oit 
bien  des  grenouilles ,  &  011  ri  n'y  auroit  que  cela  ;  &; 
pour  le  fécond,  que  de  bleffer  un  brochet  6c  le  jetter 
entre  des  tanches. 

On  croit  que  le  brochet  vit  long-tems.  On  dit  qu'il 
en  fut  trouvé  un  dans  un  étang  d'Allemagne  en  1 407 , 
qui  avoit  un  anneau  d'airain  parte  dans  la  couver- 
ture de  fes  ouies ,  fur  lequel  il  y  avoit  une  infeription 


43*  BRO 

Greque,  faifant  mention  que  c'étoit  l'empereur  Fré- 
déric II.  qui  l'avoit  mis  dans  cet  étang  ;  ce  poifîon 
avoit  au  moins  2.67  ans,  fi  le  fait  eft  vrai. 

Il  y  a  des  brochets  auxquels  on  trouve  des  œufs  & 
une  laite  en  même  tems  ;  d'où  l'on  conclut  qu'ils  font 
hermaphrodites. 

*  La  pêche  du  brochet  n'a  rien  de  particulier ,  fi  ce 
n'efi  celle  qui  fe  fait  à  la  bricole.  On  a  un  réfervoir 
de  petits  poifibns ,  mais  il  faut  donner  la  préférence 
au'  carpeau.  Ayez  un  hameçon  à  deux  cro.chets ,  x y , 
faites  entrer  une  ligne  par  la  queue  du  carpeau ,  & 
la  faites  fortir  par  fa  bouche.  Attachez  au  bout  de  la 
ligne  qui  fortira  par  la  bouche  du  poiffon  un  hame- 
çon à  deux  crochets  recourbés  vers  la  queue  du  poif- 
lon. Paflez  un  morceau  de  liège  JFdans  votre  ligne, 
afin  que  le  poiffon  refte  fufpendu  entre  deux  eaux 
en  l'endroit  qu'il  vous  plaira  ;  entortillez  le  refte  de 
votre  ligne  à  un  piquet  placé  fur  le  bord  de  la  riviè- 
re. Difpoléz  plulieurs  appas  de  cette  nature  dans  les 
endroits  où  vous  croyez  qu'il  y  a  du  brochet,  bien-tôt 
cet  animal  vorace  avalera  &  les  poiffons  &  les  ha- 
meçons. Il  faut  que  la  corde  foit  entortillée  au  pi- 
quet de  manière  qu'elle  puiffe  fe  dévider  ;  pour  cet 
effet  on  prend  une  branche  fourchue,  ABCD^ 
PI,  de  Pêche  :  on  fend  les  bouts  des  fourchons  CD. 
On  entortille  la  ligne  E  autour  de  ces  fourches  ;  & 
quand  on  eft  parvenu  à  leurs  extrémités  ,  CD,  on 
fiche  la  ligne  E  dans  la  fente  d'un  des  fourchons  C. 
Le  brochet ,  en  fe  débattant ,  a  bien-tôt  fait  fortir  la 
ligne  de  la  fente  ;  lorfqu'elle  n'y  eft  plus  détenue , 
elle  fe  dévide  &  permet  au  brochet  de  s'écarter. 

Cuijîne.  On  prépare  le  brochet  de  plufieurs  maniè- 
res ;  au  court-bouillon ,  à  la  fauce  d'anchois  ,  &  à  la 
Polonoife.  On  le  frit  ;  on  le  met  en  ragoût ,  ou  on  le 
farcit. 

On  emplove  ,  en  Médecine  ,  fes  mâchoires  &  fa 
graiffe  :  cette  dernière  eft  fort  en  ufage ,  &  on  en  oint 
la  plante  des  pies  pour  détourner  un  catarrhe  &  pour 
appaifer  la  toux.  Dale  dit  qu'on  en  frotte  avec  fuc- 
cès  la  poitrine  des  enfans  dans  le  rhume  &  dans  la 
toux. 

La  mâchoire  inférieure  eft  defiïccative  &  déterfi- 
ve  :  on  la  regarde  comme  fpécifique  dans  la  pleuré- 
fie  ;  elle  fert ,  de  même  que  les  autres  os  de  la  tête , 
contre  le  calcul ,  les  fleurs  blanches,  &  pour  facili- 
ter l'accouchement.  Ses  cendres  employées  à  l'exté- 
rieur ,  arrêtent  l'évacuation  de  la  fanie  ,  détergent 
les  vieilles  plaies  ,  ik  deffechent  les  hémorrhoïdes. 
L'eau  diftillée  du  fiel  du  brochet  eft  eftimée  bonne 
contre  les  maladies  des  yeux. 

On  recommande  fon  fiel  dans  les  maladies  froides 
accompagnées  de  l'inactivité  de  la  bile  ;  il  paffe  auffi 
pouf  guérir  les  fièvres  intermittentes ,  étant  pris  au 
commencement  de  l'accès.  La  dofe  eft  de  fept  ou 
huit  gouttes  dans  une  liqueur  appropriée. 

Son  cœur  produit  le  même  effet. 

Les  petites  pierres  ou  offelets  de  la  tête  font  recom- 
mandés pour  hâter  l'accouchement,  purifier  le  fang , 
faire  venir  les  règles ,  exciter  l'urine,  chaffer  la  pierre 
des  reins  &  de  là  velue  ,  &  contre  l'épilepfie.  On  en 
peut  donner  depuis  vingt-cinq  grains  jufqu'à  un  gros. 

On  doit  éviter  de  manger  les  œufs  du  brochet,  par- 
ce qu'ils  excitent  des  naiùees ,  &  qu'ils  purgent  affez 
violemment. 

Il  contient  beaucoup  d'huile  &  de  feî  volatil ,  & 
médiocrement  dephlegme ,  ce  qui  le  rend  allez  nour- 
riffant  ;  cependant  il  ne  convient  pas  à  tout  le  mon- 
de, il  eft  indigefte  chez.bien  des  gens.  (N) 

BROCHETÉ  ,  adj.  fe  dit  des  artifices  percés  d'un 
trou  plus  petit  ou  plus  court  que  Pâme  des  fufées  vo- 
lantes ,  foit  en  Jes  chargeant  avec  des  baguettes  per- 
cées ,  foit  après-coup  ,  en  les  chargeant  mafïifs  ,  & 
les  perçant  enfuite  fuivant  leur  axe ,  pour  leur  don- 
ner un  mouvement  plus  vif,  comme  à  quelques  fer- 


BRO 

penteaux  qu'on  appelle  fougues,  lardons ,  oaJèrpeiH 
teaux  brochais.  Voye^  FOUGUE , LARDON,  &c. 

*  BROCHETER  ,  v.  a£t.  en  général  percer  de- 
broches  ou  de  brochettes.  C'eft  en  ce  lèns  qu'on  dit 
que  les  boucaniers  de  l'île  de  Saint-Domingue  bro- 
chettent  leurs  cuirs ,  en  les  étendant  fur  la  terre ,  au 
moyen  d'un  grand  nombre  de  chevilles ,  &  les  laif- 
fent  féchef  dans  cet  état.  Cette  préparation  empêche 
les  cuirs  de  fe  rétrécir ,  &  les  met  en  état  d'être  em- 
barqués fans  fe  gâter.  L'un  eft  l'effet  des  brochettes , 
l'autre  du  defléchement. 

Brocketer  ,  en  Marine  ,  c'eft  mefurer  les  mem- 
bres &  les  bordages  d'un  vaiffeau. 

*  BROCHETTE ,  f.  f.  fe  dit  en  général  &  au  pro-' 
pre,  d'un  petit  morceau  de  bois  ou  de  fer,  long  & 
pointu  ,  dont  l'ufage  ordinaire  eft  d'être  paffé  dans 
quelques  corps  mous ,  pour  en  unir ,  foûtenir ,  ou  rap- 
procher les  parties.  On  a  tranfpoité  ce  terme  au  figu- 
ré ,  à  d'autres  outils  qni  avoient  à-peu-près  la  même 
forme  &  la  même  fonûion. 

BROCHETTE,  en  termes  de  Boutonnier :  c'eft  une 
petite  broche  fur  laquelle  on  fait  le  bouton  de  ce  nom. 
Elle  fert  à  tenir  le  moule ,  &  à  faciliter  le  jet  des  pre- 
miers tours  qui  fe  font,  comme  nous  avons  dit ,  fans 
pointes.  Voye^  Pointe  &  Bouton  à  la  brochette. 
BROCHETTE  à  lier,  en  termes  de  Boutonnier ,  eft 
un  morceau  de  bois  tourné ,  plus  gros  par  le  bout 
qu'on  tient  à  la  main ,  que  par  celui  qui  entre  dans 
la  bobine.  Il  tire  fon  nom  de  fon  ufage  ,  puifqu'il  fert 
à  lier  la  cannetille  autour  du  vélin  découpé. 

BROCHETTE ,  eft  ,  en  terme  de  Fondeur  de  Cloches  t 
une  règle  fur  laquelle  font  tracées  différentes  mefu- 
res.  Il  y  en  a  deux  efpeces  :  la  brochette  des  épaiffeurs  , 
fur  laquelle  font  marquées  les  différentes  épaiiîèurs 
&  diamètres  des  parties  d'une  cloche.  Voye^lafig.z. 
Planche  de  la  Fonte  des  Cloches. 

L'autre  efpece  de  brochette  n'eft  autre  chofe  qu'une 
règle ,  fur  laquelle  font  marqués  les  différens  diamè- 
tres des  cloches  ,  qui  iont  les  différens  degrés  de  l'oc- 
tave ,  la  longueur  de  la  règle  étant  prife  pour  le  dia- 
mètre de  la  cloche.  Mais  la  manière  dont  les  Fondeurs 
font  cette  divifion  eft  fautive,  ainfi  que  le  P.  Merfennc 
l'a  démontré  :  c'eft  pourquoi  nous  en  avons  donné 
ime  autre  plus  exafte  à  l'article  Fonte  des  Cloches, 
fondée  fur  la  connoiffance  du  diapafon.  Voye^  Dia- 
pason des  Orgues. 

Brochettes  ,  dans  F  Imprimerie,  font  deux  pe- 
tites tringles  de  fer ,  chacune  de  quatre  à  cinq  pouces 
de  long ,  fur  huit  à  dix  lignes  de  circonférence.  Elles 
attachent  la  frifquette  au  chaflis  du  tympan  au  moyen 
de  petits  couplets  ,  &  vont  un  peu  en  diminuant  d'u- 
ne extrémité  à  l'autre,  afin  qu'on  puiffe  les  ôter  faci- 
lement ,  quand  on  veut  détacher  la  frifquette  du  tym- 
pan, pour  en  fubftituer  une  autre,  en  changeant 
d'ouvrage.  Voy.  TYMPAN,  &  PI.  IF.  de  C  Imprimerie. 
BROCHETTE  ,  terme  de  Rubannier ,  eft  une  petite 
portion  de  baleine  ou  de  bois ,  taillée  en  rond ,  me- 
nue ,  longue  ,  &  capable  d'entrer  dans  le  canon ,  & 
enfuite  dans  ies  trous  des  deux  bouts  de  la  navette. 
La  brochette  doit  être  allez  menue  pour  ne  pas  empê- 
cher le  canon  qu'elle  porte  de  fe  dérouler  fuivant  le 
befoin.  Voye^  Navette. 

BROCHEUR  ,  BROCHEUSE  ,  ouvrier  ou  ou- 
vrière dont  le  métier  eft  de  brocher  des  livres. 

*  BROCHOIR  ,  f.  m.  (Maréchal-Fcrrant.)  c'eft 
le  marteau  dont  ces  ouvriers  fe  fervent  pour  ferrer 
les  chevaux.  Ils  le  portent  attaché  à  leur  ceinture. 
Foyei  Brocher. 

BROCHURE,!".  {Librairie.)  On  donne  ordinai- 
rement le  nom  de  brochure  à  un  livre  non  relié , 
mais  dont  les  feuilles  ont  été  Amplement  coufues  & 
couvertes  de  papier ,  &  dont  le  volume  eft  peu 
confidérable.  Les  meilleurs  livres  fe  brochent  ainfi 
que  les  plus  mauvais  ;  cependant  c'eft  aux  der- 
niers 


BRO 

niers  que  le  nom  de  brochure  paroît  le  plus  finguliére- 
ment  confacré.  On  dit  affez  ordinairement  :  nous 
■avons  été  cette  année  inondes  de  brochures  ;  c,ejî  une  mau- 
vaifi  brochure ,  &c.  quand  on  veut  le  plaindre  de  la 
quantité  de  ces  petits  ouvrages  nouveaux  dont  la 
lecture  produit  deux  maux  réels  ;  l'un  de  gâter  le 
goût  ;  l'autre  d'employer  le  tems  &  l'argent  que  l'on 
pourroit  donner  à  des  livres  plus  folides  &  plus  inf- 
rruftifs.  Au  refte  cette  frivolité  du  fiede  n'eli  pas  un 
mal  pour  tout  le  monde  ;  elle  fait  vivre  quelques  pe- 
tits auteurs  ,  &  produit ,  proportions  gardées ,  plus 
de  cenfommation  de  papier  que  les  bons  livres.  Une 
brochure  paffe  de  la  toilette  d'une  femme  dans  fon  an- 
ti-chambre ,  &c.  cette  circulation  fe  renouvelle ,  & 
fait  valoir  le  commerce  de  nos  fabriques. 

BROCKAU,  (  Géog.  )  petite  rivière  d'Allemagne 
dans  le  duché  de  Holftein,  dans  la  province  de  \Va- 

BROCOLI  ,  f.  m.  (Jardinage,')  c'eft  une  efpece 
de  choux  qui  fe  cultive  en  Angleterre  ,  cv  furtouten 
Italie  :  on  l'y  mange  avec  la  viande ,  &  fouvent  en 
falade  chaude.  Quelques  Jardiniers  en  France  cou- 
pent les  têtes  des  choux  pommés  fans  en  arracher  les 
troncs  ,&c  ils  font  parler  pour  brocolis  les  petits  re- 
jetions qu'ils  pouffent.  (  K  ) 

BRODEQUIN  ,  f.  m.  (  Hijl.  anc.  )  forte  de  chauf- 
fure  en  ufage  parmi  les  anciens  ,  qui  couvroit  le  pie 
&  la  moitié  de  la  jambe ,  &  qu'on  pourroit  comparer 
pour  la  forme  aux  bottines  des  houfards  ou  des  hei- 
duques ,  quoiqu'elle  en  différât  pour  la  matière  :  car 
fi  le  calceus ,  ou  la  partie  inférieure  du  brodequin  étoit 
de  cuir  ou  de  bois  ,  la  partie  fupérieure  ou  le  caliga 
ctoit  d'une  étoffe  fouvent  précieufe  ;  tels  étoient  fur- 
tout  ceux  dont  fe  fervoient  les  princes ,  &  les  acteurs 
dans  les  tragédies. 

On  attribue  l'invention  du  brodequin  à  Efchyle  qui, 
dit-on  ,  l'introduifit  fur  le  théâtre  pour  donner  plus  de 
majelté  à  les  afteurs.  Le  brodequin  étoit  quadrangu- 
laire  par  en-bas  ;  &  l'efpecc  de  bottine  qui  le  fur- 
montoit ,  s'attachoit  plus  ou  moins  haut  fur  la  jam- 
be. Le  calceus  étoit  fi  épais  ,  qu'un  homme  de  médio- 
cre taille  ,  chauffé  du  brodequin  ,  paroiffoit  de  la  taille 
des  héros.  Cette  ehauffure  étoit  abfolument  diffé- 
rente du  foc ,  efpece  de  foulier  beaucoup  plus  bas, 
&  affecté  à  la  comédie.  De  là  vient  que  dans  les  au- 
teurs clafTiques  ,  &  fur-tout  les  poètes ,  le  mot  de 
brodequin  ou  de  cothurne  défigne  fpécialcment  la  tra- 
gédie ;  Se  qu'encore  aujourd'hui  l'on  dit  d'un  poète 
•qui  compoie  des  tragédies ,  qu' il  chauffe  le  cothurne. 

Au  relie  ,  les  brodequins  n'étoient  pas  tellement  re- 
légués au  théâtre ,  que  les  perfonnes  d'une  autre  con- 
dition ne  s'en  ferviffent.  Les  jeunes  filles  en  mettoient 
pourfe  donner  une  taille  plus  avantageufe  ;  les  voya- 
geurs &  les  chaffeurs ,  pour  fe  garantir  des  boues.  On 
trouvera  le  brodequin  dans  nos  Planches  d'Antiquités, 
yoye^  leur  explication.   (  6-'  ) 

Brodequins  ,  (Jurifpr.)  forte  de  torture  dont 
on  fe  fert  pour  faire  tirer  des  criminels  l'aveu  de  leurs 
forfaits:  elleconliftc  en  quelques  endroits  en  une  forte 
de  boîte  ou  de  bas  de  parchemin,  que  l'on  mouille  & 
que  l'on  applique  ainii  à  la  jambe  du  patient  ;  enfuite 
on  approche  cette  jambe  proche  du  feu ,  qui  occafion- 
nant  un  violent  rétréciffement  au  parchemin,  ferre  la 
jambe  vivement,  &  caufe  une  douleur  infupportable. 

Il  y  a  aufli  une  autre  forte  de  queftion  appellée 
les  brodequins  ,  qui  confifte  en  quatre  fortes  planches 
liées  avec  des  cordes  tout  autour.  Deux  de  ces  plan- 
ches font  placées  entre  les  jambes  du  criminel ,  év  les 
deux  autres  inr  les  côtés  extérieurs  des  jambes  ,  que 
l'on  ferre  aulîi  avec  des  cordes  l'une  contre  l'autre: 
on  paffe  enfuite  un  coin  entre  les  deux  planches  qui 
font  entre  les  deux  jambes  ;  ce  qui  tendant  à  faire 
écarter  les  planches  ce  les  cordes  qui  les  refferrent, 
l'effort  du  coup  tombe  fur  les  os  des  jambes  &  les 
Tome  II, 


BRO 


43 


brife  ,  ou  occafionne  une  luxation  qui  fair  fouffrir  au 
criminel  des  douleurs  horribles.  Cette  queftion  n'eft 
plus  ufîtée  en  Angleterre  :  mais  elle  fubfiffe  encore 
en  France ,  en  Ecoîfe ,  &  en  quelques  autres  pays.(#) 
BRODERA ,  (  Géog.  )  ville  des  Indes  orientales 
dans  l'empire  du  Mogol ,  au  royaume  de  Guzurate  : 
il  s'y  fait  un  grand  négoce  de  toiles  de  coton.  Long, 
go.  30.  lat.  22.  23. 

ERODERIE ,  f.  f.  ouvrage  en  or ,  argent  ou  foie , 
formé  à  l'aiguille  d'un  deffein  quelconque ,  fur  des 
étoffes  ou  de  la  mouffeline.  Dans  les  étoffes  on  fait 
ufage  d'un  métier  qui  fert  à  étendre  la  pièce ,  qui  fe 
travaille  d'autant  mieux  qu'elle  eft  plus  étendue. 
Quant  à  la  mouffeline ,  les  ornemens  qu'on  y  ap- 
plique dépendent  de  fa  qualité  :  on  la  bâtit  fur 
un  patron  deniné  qui  fe  tient  à  la  main;  quelque- 
fois on  l'cmpefe  avant  que  de  la  monter  fur  ce  pa- 
tron ,  quand  l'ouvrière  juge  par  la  qualité  qu'elle  lui 
reconnoît ,  qu'elle  fera  dirhciie*  à  manier.  Les  traits 
du  deffein  fe  rempliffent  ,  ainfi  que  quelques  -unes 
des  feuilles  ,  de  piqué  &  de  coulé.  Voye^  ces  mots. 
Les  fleurs  fe  forment  de  différens  points-à-jour  ,  au 
choix  de  l'ouvrière  ;  choix  toujours  fondé  fur  le  plus 
ou  le  moins  d'effet  que  l'on  penfe  qui  réfultera  d'un 
point  ou  d'un  autre. 

La  broderie  au  métier  eft  d'une  grande  ancienneté. 
Dieu  ordonna  qu'on  en  enrichît  l'arche  &  d'autres 
ornemens  du  temple  des  Juifs.  Mais  la  broderie  en 
mouffeline  pourroit  bien  ne  pas  remonter  fi  haut.  Les 
broderies  de  cette  efpece  fuivant  en  tout  les  deffeins 
des  belles  dentelles,  &  la  plupart  des  points  des  unes 
ayant  pris  le  nom  du  pays  où  les  autres  fe  font ,  car 
on  dit  point  d'Hongrie  ,  point  de  Saxe  ,  &C.  il  y  a  lieu 
de  croire  que  la  broderie  qui  n'eft  vraiment  qu'une 
imitation  de  la  dentelle ,  n'eft  venue  qu'après  elle  ; 
fur-tout ,  fi  l'on  fait  attention  que  la  broderie  s'eft  plus 
pei  fect ionnée  dans  les  pays  où  les  dentelles  font  les 
plus  belles,  comme  en  Saxe,  que  par-tout  ailleurs. 
La  broderie  au  métier  paroît  bien  moins  longue  que 
l'autre,  dans  laquelle,  du  moins  pour  le  rempliffk- 
ge  des  fleurs  ,  il  faut  compter  fans  ceffe  les  fils  de  la 
mouffeline  tant  en  long  qu'en  travers  :  mais  en  revan- 
che cette  dernière  eft  beaucoup  plus  riche  en  points , 
&  dès-là  îufceptible  de  beaucoup  plus  de  variété.  La 
broderie  en  mouffeline  la  plus  eft imée  eft  celle  de  Saxe  : 
on  en  fait  cependant  d'auffi  belle  dans  d'autres  con- 
trées de  l'Europe  ,  fur-tout  en  France  :  mais  la  répu- 
tation des  ouvrières  Saxonnes  eft  faite  ;  les  Françoi- 
fes  feroient  mieux,  qu'on  les  vanteroit  moins.  Il  le- 
roit  bien  à  fouhaiter  que  la  prévention  n'eût  lieu  que 
dans  cette  occafion. 

Les  toiles  trop  frappées ,  ne  font  guère  fufcepîv- 
bles  de  ces  ornemens  :  &  en  effet  ,  on  n'y  en  voit 
point.  Les  mouffelines  même  doivent  être  lîmples. 
Les  plus  fines  font  les  meilleures  pour  être  brodées. 
Les  doubles ,  à  caufe  de  leur  tiffure  preffée  &  pleine, 
rentrent  pour  la  broderie  dans  la  claife  des  toiles ,  fur 
lefqueiles  elle  eft  au  moins  inutile. 

Broderie  appliquée  ,  eft  celle  dont  les  figures 
font  relevées  &  arrondies  par  le  coton  ou  vélin  qu'on 
met  deffous  pour  la  foûtenir. 

Broderie  en  couchure,  eft  celle  dont  l'or  & 
l'argent  eft  couché  fur  le  deffein ,  ce  ell  coula  .u  eC 
de  la  foie  de  même  couleur. 

Broderie  en  guipure  ,  fe  fait  en  or  ou  en  ar- 
gent. On  deffine  fur  l'étoffe ,  enfuite  on  met  du  vé- 
lin découpé,  puis  l'on  coud  l'or  ou  l'argent  dellus 
avec  de  la  foie.  On  met  dans  cette  broderie  de  l'or 
ou  de  l'argent  frifé  ,  du  clinquant  ,  du  bouillon  de 
plufieurs  façons.  On  y  met  auffi  des  paillettes. 

Broderie  passée  , "eft  celle  qui  paroît  des  deux 
côtés  de  l'étoffe. 

Broderie  plate  ,  eft  celle  dont  les  figures  foni 

I  11 


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BRO 


plates  &  unies  fans  frifures  ,  paillettes ,  ni  autres  or- 
nemens. 

Broderie, (Jardinage.)  c'eft  dans  un  parterre, un 
compofé  de  rinceaux  de  feuillages  ,  avec  fleurons , 
fleurs ,  tigettes  ,  culots ,  rouleaux  de  graines  ,  &c.  le 
tout  forme  par  des  traits  de  bouis  nain,  qui  renferment 
du  mâche-fer  au  lieu  de  fable ,  &  de  la  brique  battue, 
pour  colorer  ces  broderies  &  les  détacher  du  fond ,  qui 
cil  ordinairement  fable  de  fable  de  rivière.  V.  Par- 
terre. (P) 

Broderie  ,  Doubles  ,  Fleurtis  :  tout  cela  fe 
dit ,  en  Mufique ,  de  plufieurs  notes  que  le  mulicien 
ajoute  à  fa  partie  dans  l'exécution ,  pour  varier  un 
chant  fouvent  répété  ,  pour  orner  des  paffages  trop 
fimples ,  ou  pour  faire  briller  la  légèreté  de  fon  go- 
fier  ou  de  fes  doigts.  Rien  ne  montre  mieux  le  bon  ou 
mauvais  goût  d'un  mulicien  ,  que  le  choix  &  l'ufage 
qu'il  fait  de  ces  ornemens.  La  mufique  Françoife  efl 
fort  retenue  fur  les  broderies  :  les  Italiens  s'y  donnent 
plus  de  carrière  ;  c'eft  chez  eux  à  qui  en  fera  davan- 
tage :  les  afteurs  &  aftrices  de  leurs  opéra  ,  rafîem- 
blent  ordinairement ,  d'après  les  meilleurs  maîtres  , 
des  recueils  de  doubles  ,  qu'ils  appellent  pajp ,  (ur 
toutes  fortes  de  traits  de  chant ,  &:  ils  font  fort  jaloux 
de  ces  fortes  de  recueils.  (S  ) 

BRODEUR,  f.  m.  eft  l'ouvrier  qui  orne  les  étoffes 
d'ouvrages  de  broderie.  Voye{  Broderie.  Les2?ro- 
deurs,  à  Paris ,  font  communauté.  L'on  ne  comprend 
fous  le  nom  de  Brodeurs ,  que  les  ouvriers  qui  travail- 
lent fur  des  étoffes.  Les  broderies  en  linge  fe  font  par 
des  femmes ,  qui  ne  font  ni  du  corps  des  Brodeurs,  ni 
d'aucun  autre. 

BRODI ,  (  Géog.  )  ville  fortifiée ,  du  royaume  de 
Pologne  ,  dans  la  Wolhinie. 

BRODNICZ ,  (Géog.)  ville  de  la  Pruffe  Polonoi- 
fe  ,  dans  le  palatinat  de  Culm. 

BRODRA  ,  (Géog.)  petite  ville ,  dans  l'empire  du 
grand-mogol  ,au  royaume  de  Guzurate,  vis-à-vis  le 
golfe  de  Cambaie. 

BRODT  ou  BROD,  (Géog.)  petite  ville  forte  de 
Sclavonie ,  fur  la  Save  ,  dans  le  comté  de  Poffega. 
Long.  36.  lat.  46.  i5. 

BRODZIEC  ,  (Géog.)  petite  ville  du  grand  duché 
de  Lithuanie  ,  dans  le  palatinat  de  Minsky ,  fur  la  ri- 
vière de  Berezina. 

BROGLIO  ,  (Hift.  mod.)  l'on  nomme  ainfi  à  Ve- 
nife  un  endroit  de  la  place  iaint  Marc  ,  où  les  nobles 
Vénitiens  tiennent  leurs  aflemblées  ;  lorfqu'ils  y  vien- 
nent avant  midi,  ils  fe  mettent  à  couvert  fous  le  por- 
tique :  mais  fi  l'aûemblée  fe  tient  l'après-dinée ,  ils 
prennent  un  autre  côté  pour  fe  mettre  à  l'abri  du  fo- 
leil;  il  n'eft  permis  à  perfonne  d'y  paffer  pendant  ce 
tems-là. 

BROJE,  (Géog.)  rivière  de  Suifîe,  dans  le  canton 
de  Fribourg,  qui  va  fe  jetterdans  le  lac  deNeubourg. 

BROlfZCHIA,  (Géog.)  ville  d'Afie,  dans  le 
royaume  de  Guzurate ,  dans  l'empire  du  Mogol  ;  c'efl 
une  des  plus  confidérables  forterefles  de  l'Inde. 

BROMELIA ,  fubft.  f.  (Hift.  nat.  bot.)  genre  de 
plante,  dont  le  nom  a  été  dérivé  de  celui  deBromel, 
médecin  Suédois.  La  fleur  des  plantes  de  ce  genre  eft 
en  rofe,  compofée  de  trois  pétales  difpofés  en  rond, 
&  foûtenus  par  un  calice  ,  qui  devient  dans  la  fuite 
un  fruit  ovoïde ,  diviié  en  trois  loges  remplies  de  fe- 
mences  un  peu  allongées  8c  prefque  cylindriques. 
Plumier,  Nova  plant.  Amer,  gêner.  V.  Plante.  (/) 

*  BROMIUS,  fub.  m.  (Myth.)  ce  mot  vient  de 
/2pa//oç,  bruit;  &  Bacchus  a  été  furnommé  Bromius , 
ou  parce  qu'il  naquit ,  dit-on ,  au  bruit  d'un  coup  de 
tonnerre ,  qui  fit  accoucher  Semélé  fa  mère ,  ou  parce 
que  les  Bacchantes ,  femmes  particulièrement  atta- 
chées à  fon  culte ,  étoient  fort  bruyantes. 

BRONCHADE ,  f.  f.  (Manège.)  taux  pas  que  fait 
lui  cheval.  (F) 


BRO 

BRONCHER ,  v.  neuf.  (Manège.)  mettre  le  piék 
faux  ;  il  fe  dit  proprement  des  chevaux  auxquels  les 
jambes  mollifTent.  Ce  défaut  leur  vient  d'avoir  les 
reins  &  l'échiné  foibles,  &  les  jambes  ufées.  (F) 

BRONCHES  ,  f.  f.  pi.  on  appelle  ainfi,  en  Anato» 
mie  ,  les  petits  tuyaux  dans  lelquels  fe  divife  la  tra» 
chée  artère  à  fon  entrée  dans  les  poumons ,  &  qui 
font  diftribués  dans  chaque  partie  du  poumon,  pour, 
fervir  de  pafTage  à  l'air  dans  la  refpiration. 

Le  mot  eft  Grec,  fyljx1*-)  &  fignifïe  la  même  chofe." 

Les  rameaux  des  bronches  ,  en  fe  fubdivifant ,  de- 
viennent capillaires:  ils  paflent  dans  les  petits  lobu- 
les des  poumons;  ils  paroiffent  même  former  par  leur 
expanfion ,  les  cellules  avec  lefquelles  ils  commu- 
niquent. Chaque  tuyau  forme  donc  à  l'extrémité  une 
cellule  ,  comme  l'a  imaginé  Malpighi  ;  ainfi  s'il  eft 
tombé  en  erreur ,  c'efl:  en  repréfentant  ces  cellules 
comme  des  véficules  folitaires.  Voye^  Poumon. 

Les  bronches  font  compofées  de  cartilages  comme 
la  trachée-artere,  finon  que  leurs  cartilages  font  par- 
faitement circulaires ,  fans  avoir  aucune  partie  mem- 
braneufe  ni  dure.  Ils  font  joints  enfemble  par  une 
membrane  qui  les  enveloppe  :  ils  font  tirés  en-dehors 
en  longueur  dans  l'infpiration  &c  en-dedans  dans  l'ex- 
piration. Voyei  Inspiration  &  Expiration.  (I) 

BRONCHIALE  (Artère),  c'eft  une  artère  des 
paumons ,  qui  vient  du  tronc  de  l'aorte  defeendante 
ou  des  intercoft aies  ,  &  après  avoir  embrafle  la  tra- 
chée ,  pourfuit  fon  cours  avec  les  bronches ,  dont  elle 
accompagne  toutes  les  branches  dans  tout  leur  cours. 
Voye^  Planches  A  nat.  fig.  1,  n°  29. 

Bronchiale  (freine)  ,  cette-veine  vient  des  in- 
tercoftales ,  accompagne  l'artère,  &  fe  divife  en  au- 
tant de  branches  qu'elle.  L'artère  porte  le  fang  aux 
bronches  pour  leur  nourriture  &  pour  celle  des  vé- 
ficules des  poumons  ;  &  la  veine  le  rapporte  à  la  vei- 
ne cave  dans  laquelle  elle  fe  jette.  L'artère  bronchiale 
eft  quelquefois  fimple  :  mais  elle  eft  fouvent  double, 
&  quelquefois  triple.  Voye7^  Veine,  Artère. 

BRONCHIQUE ,  en  Anatomit  ;  épithete  des  muf- 
cles  fitués  fur  les  bronches  ;  tels  font  les  fterno-hyoï- 
diens ,  les  tyro-hyoïdiens ,  &c.  Fj>y.  Bronche.  (L) 

BRONCHOCELE,  f.  f.  (Chirurgie.)  ce  mot  vient 
du  Grec  fipô j  %oç ,  bronchas ,  la  trachée ,  6c  de  %«x«,  ««• 
jlure,  tumeur.  C'eft  une  tumeur  qui  furvient  à  la  gor- 
ge ,  par  le  déplacement  d'une  partie  de  la  membrane 
interne  de  la  trachée  artère.  Cette  membrane ,  en  fe 
dilatant ,  paffe  entre  les  anneaux  cartilagineux  de  ce 
conduit ,  &  forme  à  la  partie  antérieure  du  cou  une 
tumeur  mollaffe ,  fans  douleur,  de  même  couleur  que 
la  peau ,  &  qui  s'étend  quand  on  retient  fon  haleine; 
c'efl  proprement  une  hernie  de  la  trachée-artere. 
Cette  maladie ,  qui  eft  rare  ,  nuit  beaucoup  à  la  voix 
&  à  la  refpiration.  Je  crois  que  cette  tumeur  pour- 
rait être  comprimée  par  un  bandage  en  bouton ,  com- 
me quelques  perfonnes  le  confeillent  pour  l'anevryf- 
me  :  il  ne  faut  pas  confondre  ,  comme  on  fait  allez 
communément,  la  bronchocele  avec  une  autre  tumeur 
du  cou  qu'on  nomme  goitre.  Voy.  Goitre.  (Y) 

On  prétend  qu'il  y  a  des  gens  qui  ont  des  fecrets 
pour  fondre  cette  tumeur ,  fans  être  obligés  d'em- 
ployer les  ferremens  :  fi  la  choie  eft  vraie ,  il  feroit  à 
propos  de  les  engager  par  des  récompenfes  à  rendre 
cette  compofition  publique  ;  ce  feroit  rendre  un  fer- 
vice  fignalé  à  nombre  de  perfonnes  qui  font  attaquées 
de  cette  maladie  également  incommode  &  defagréa- 
ble.  (N) 

BRONCHORST,  (Géog.)  petite  ville  furl'Iffel, 
dans  le  comté  de  Zutphen,  avec  titre  de  comté  de 
l'empire. 

BRONCHOTOMIE ,  f.  f.  opération  de  Chirurgie, 
qui  confifte  à  faire  une  ouverture  à  la  trachée-artere, 
pour  donner  à  l'air  la  liberté  d'entrer  dans  les  pou- 


B  R  O 

srnons  &  d'en  fortir ,  ou  pour  tirer  les  corps  étrangers 
qui  fe  feroient  infinités  dans  le  larynx  ou  dans  la  tra- 
chée-artère. Ce  terme  vient  du  Grec  /SpoVfcas, -trachée, 
&  de  Ti/M'a>,feco,  je  coupe.  On  a  aufli  appelle  cette 
opération  laryngotomie ,  mais  mal-à-propos,  puis- 
qu'elle n'ouvre  point  le  larynx.  Quelques  modernes 
prétendent  qu'on  doit  lui  donner,  par  préférence ,  le 
-nom  de  trachéotomie. 

La  poffibilité  de  l'opération  dont  nous  parlons ,  eft. 
établie  fur  la  facilité  avec  laquelle  certaines  plaies 
de  la  trachée-nrtere ,  même  les  plus  compliquées ,  ont 
été  guéries.  H  y  a  peu  d'obfervateurs  qui  ne  nous 
en  ayent  laiffé  des  exemples  remarquables  &  allez 
connus. 

Cette  opération  convient  dans  plufieurs  circons- 
tances, 6c  demande  d'être  pratiquée  différemment, 
félon  le  cas  qui  l'indique.  J'en  juge  ainfi  ,  pour  avoir 
rapproché  plufieurs  faits  les  uns  des  autres,  les  avoir 
comparés  exactement ,  ôt  les  avoir  envifagés  fous  plu- 
sieurs afpcfts  difFérens. 

Les  efquinancies ,  ou  inflammations  de  la  gorge , 
qui  ont  reiifté  à  tous  les  remèdes  ou  qui  menacent  de 
fuffocation ,  exigent  cette  opération,  f^oye^  Esqui- 
NANCIE. 

Pour  la  pratiquer  dans  ce  cas  il  n'eft  pas  néceffaire 
de  faire  à  la  peau  &  à  la  graille  une  incifion  longitu- 
dinale, qui  devroit  commencer  un  demi-travers  de 
doigt  plus  haut  que  la  partie  inférieure  du  cartilage 
cricoide ,  6c  qui  s'étendroit  jufqu'au  cinquième  ou 
fixieme  anneau  de  la  trachée -artère,  pour  féparer 
enfuite  avec  le  biftouri  les  mufcles  fterno-hyoidiens, 
&  porter  la  pointe  de  cet  infiniment  ou  celle  d'une 
lancette  entre  le  troiiieme  6c  le  quatrième  anneau  : 
on  peut  faire  cette  opération  par  une  ponction  feule, 
qui  en  rendra  l'exécution  plus  prompte ,  plus  facile, 
ck  moins  douloureufe.  Pour  opérer ,  il  faut  laiffer  le 
malade  dans  l'attitude  oii  il  refpire  le  mieux  ,  foit 
dans  fon  lit  loit  dans  un  fauteuil ,  de  crainte  qu'en 
lui  étendant  ou  renverfant  la  tête,  comme  quelques 
auteurs  le  confeillent,  on  ne  le  fuffoque.  On  poie  le 
bout  du  doigt  index  de  la  main  gauche  fur  la  trachée- 
artère,  entre  le  fiernum  &  la  partie,  inférieure  du  la- 
rynx ;  on  prend  de  la  main  droite  une  lancette,  dont 
la  lame  eft  affujettic  fi.ir  la  châflé  par  le  moyen  d'une 
bandelette  :  on  la  tient  avec  le  pouce,  le  doigt  index, 
&  celui  du  milieu ,  comme  une  plume  à  écrire  :  on  la 
ployé  tranfverfalement  dans  la  trachée-artere,  en  la 
iailant  gliiîér  fur  l'ongle  du  doigt  index  de  la  main 
gauche,  qui,  appuyé  fur  la  trachée-artere,  fert  en 
quelque  façon  de  conducteur  à  la  lancette.  Je  ne  fixe 
pas  l'entre-deux  des  cartilages  qu'il  faut  ouvrir,  parce 
que  la  tenfion  de  la  gorge  ne  permet  pas  qu'on  les 
compte.  On  pénètre  fort  aifément  dans  la  trachée- 
artere  ,  qui  cil  tort  gonflée  par  l'air  auquel  on  ouvre 
un  paflage  libre  par  la  plaie  qu'on  y  pratique.  Il  faut 
avoir  foin  de  palier  un  ftylet  le  long  de  la  lancette 
avant  de  la  retirer ,  6c  fur  ce  ftylet  on  place  dans 
la  trachée-artere  une  cannule  ,  de  façon  cependant 
qu'on  fe  donne  de  garde  qu'elle  ne  touche  la  paroi 
oppofée  à  l'ouverture  par  où  elle  paffe.  Cette  can- 
nule doit  être  de  plomb  ou  d'argent  :  elle  doit  être 
plate,  pour  s'accommoder  à  l'entre-deux  des  carti- 
lages. L'entrée  doit  être  en  forme  de  pav  illon ,  &C 
être  garnie  de  deux  petits  anneaux  qui  fervent  à  paf- 
ler  une  bandelette  ,  dont  on  noiie  les  extrémités  à  la 
nuque,  afin  d'affujettir  la  cannule  dans  la  trachée- 
artere.  Les  dimenfions  de  cette  cannule  font  déter- 
minées à  avoir  fix  lignes  de  longueur  ,  une  ligne  de 
diamètre  à  fon  bec,  qui  doit  être  légèrement  courbé 
&  arrondi  exactement,  &  deux  lignes  &;  demie  de 
largeur  à  l'endroit  du  pavillon.  Cette  longueur  de  fix 
lignes  fuffit  pour  l'opération  avec  l'incifion  des  tégu- 
mens  ;  mais  elle  n'eft  pas  fuffifante  loriqu'on  ne  tait 
qu'une  feule  ponction  commune  à  la  peau ,  à  la  graif- 
Tomt  II, 


B  R  O 


43  5 


fè ,  &  à  la  trachée-artere.  Il  faut  que  la  cannule  foit 
plutôt  plus  longue  que  trop  courte ,  afin  qu'on  puiffê 
s'en  fervir  pour  des  perfonnes  graflés ,  à  moins  qu'on 
ne  veuille  en  avoir  de  plufieurs  dimenfions  pour  les 
différentes  perfonnes  qui  pourroient  en  avoir  befoin. 
foy^fiz.iz.PLXXVl. 

Le  panfement  confifte  à  mettre  fur  l'embouchure 
de  la  cannule  une  petite  toile  fort  claire,  afin  que  l'air 
puiffe  paffer  facilement  à  travers  ;  on  met  une  com- 
preffe  feneftrée  qu'on  contient  par  quelques  tours  dé 
bande  dont  les  circonvolutions  ne  portent  pas  fur  le 
pavillon  de  la  cannule  ,  que  la  comprefié  feneftrée 
laiffe  libre.  On  fent  que  cette  opération  ne  remédie 
qu'au  danger  de  la  fuftocation ,  qui  eft  l'accident  le 
plus  urgent  ;  il  faut  donc  continuer  les  fecours  capa- 
bles d'en  détruire  les  caufes.  Voye7^  Esquinancie. 

Quand  les  accidens  font  pafles  ,  on  retire  la  can- 
nule ,  &  on  panfe  la  plaie  à  plat  ;  elle  fe  réunit  com- 
me une  plaie  fimple. 

L'opération  de  la  bronchotomie  convient  auffi  lorf- 
qu'il  y  a  des  corps  étrangers  qui  font  tellement  en- 
gagés dans  le  pharynx  ou  dans  l'cefophage,  qu'on  n'a 
pu  par  aucun  fecours  les  retirer  ni  les  enfoncer,  ÔC 
que  ces  corps  étrangers  font  d'un  volume  confidéra- 
ble  qui  comprime  la  trachée  artère ,  6c  met  le  malade 
dans  le  danger  d'être  fuffoque.  Habicot  maître  Chi- 
rurgien en  l'Univerfité  de  Paris ,  dans  un  traité  inti- 
tulé ,  Quejiion  chirurgicale  fur  la  pojjibilité  &  la  nécejfué 
de  la  bronchotomie  ,  rapporte  avoir  fait  avec  fuccès 
cette  opération  à  un  garçon  de  14  ans  ,  qui  ayant 
oiii  dire  que  l'or  avale  ne  faifoit  point  de  mal ,  vou- 
lut avaler  neuf  piftoles  enveloppées  dans  un  iinge, 
pour  les  dérober  à  la  connoiffance  des  voleurs.  Ce 
paquet  qui  étoitfortgios ,  ne  pût  paffer  le  détroit  du 
pharynx  ;  il  s'engagea  dans  cette  partie  de  manière 
qu'on  ne  put  le  retirer  ni  l'enfoncer  dans  l'eftomac.Ce 
jeune  garçon  étoit  fur  le  point  d'être  fuffoque  par  la 
compreflion  que  ce  paquet  caufoitàlatrachée-artere: 
fon  cou  &  fon  vifage  étoient  enflés  &  fi  noirs ,  qu'il 
en  étoit  méconnoifiable.  Habicot  chez  qui  on  por- 
ta le  malade  ,  effaya  envain  par  divers  moyens  de 
déplacer  ce  corps  étranger  :  ce  Chirurgien  voyant 
le  malade  dans  un  danger  évident  d'être  fuffoque  , 
lui  fit  la  bronchotomie.  Cette  opération  ne  fut  pas 
plutôt  faite,  que  le  gonflement  &  la  lividité  du  cou 
&  de  la  face  le  difliperent.  Habicot  fit  defeendre  le 
paquet  d'or  dans  Feftomac  par  le  moyen  d'une  fon- 
de de  plomb  ;  le  jeune  garçon  rendit  huit  ou  dix 
jours  après  par  l'anus  fes  neuf  piftoles  à  diverfes  re- 
paies ;  il  guérit  parfaitement  &  très-promptement 
de  la  plaie  de  la  trachée-artere.  Voye^  Œsopha- 
GOTOMIE. 

La  bronchotomie  eft  non-feulement  néceffaire  pour 
faire  refpirer  un  malade  ,  comme  dans  le  cas  dont  on 
vient  de  parler  ,  mais  encore  pour  tirer  les  corps 
étrangers  qui  fe  feroient  glifles  dans  la  trachée-arte- 
re. Dans  cette  dernière  circonftance,  il  faut  faire 
une  incifion  longitudinale  à  la  peau  &  à  la  graiffe, 
comme  nous  l'avons  dit  au  commencement  de  cet 
article  ,  6c  incifer  enfuite  la  trachée-artere  en  long , 
de  façon  qu'on  coupe  tranfverfalement  trois  ou  qua- 
tre cartilages  pour  pouvoir  failir  &  tirer  le  corps 
étranger  avec  des  petites  pincettes  ou  autres  inftru- 
mens.  Cette  opération  a  été  pratiquée  avec  fuccès 
par  M.  Heifter  pour  tirer  un  morceau  de  champi- 
gnon qui  s'étoit  glifl'é  dans  la  trachée-artere,  &  M. 
Raw  ,  au  rapport  de  cet  auteur,  a  ouvert  la  trachée- 
artere  pour  tirer  une  fève  qui  s'y  étoit  introduite. 

On  voit  que  dans  ce  cas  on  ne  pounoit  pas  fe 
contenter  d'une  feule  ponction  ,  &  qu'il  faut  neceffai- 
rcment  faire  une  incifion  ;  la  plaie  à  l'extérieur  peut 
même  être  étendue  de  trois  ou  quatre  travers  de 
doigt ,  fi  le  cas  le  requiert. 

La  ponction ,  comme  je  l'ai  décrite,  eft  moins  avan- 

I  i  i  ii 


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BRO 


ta^eufe  &  plus  embarraiTante  même  dans  le  cas  de 
l'eTquinancie  ,  que  celle  qui  fe  feroit  avec  un  trocart 
armé  de  fa  cannule.  On  en  a  imaginé  de  petits  qui 
font  très-commodes  pour  cette  opération.  (  Voyc^lci 
fis.  i.  Pl.XXVlIIé)  A  leur  défaut,  on  pourroit  taire 
faire  une  petite  cannule  fur  l'extrémité  du  poinçon 
d'un  trocart  ordinaire  ,  en  obfervant  de  le  garnir  de- 
puis le  manche  jufqu'au  pavillon  de  la  cannule,  afin 
de  ne  fe  fervir  que  de  la  longueur  qui  eft  néccfiaire. 
Je  fonde  la  préférence  de  l'opération  avec  le  trocart 
fur  une  obfervation  de  M.  Virgili  Chirurgien-major 
de  l'Hôpital  de  Cadix  ,  qu'on  peut  lire  dans  un  Mé- 
moire de  M.  Hevin,  fur  les  corps  étrangers  arrêtés 
dans  l'œiophage  ,  initré  dans  le  premier  volume  deceux 
de  r Académie  royale  de  Chirurgie.  Un  lolclat  Eipa- 
gnol  prêt  à  être  luffoqué  par  une  violente  inflamma- 
tion du  larynx  &  du  pharynx  fut  porté  à  l'hôpital  de 
Cadix  ;  M.  Virgili  jugeant  que  l'unique  moyen  de 
lui  fauver  la  vie  étoit  de  lui  faire  fur  le  champ  la  bron- 
choromie,  ne  crut  pas  ,  par  rapport  au  grand  gonfle- 
ment ,  devoir  préférer  la  fimple  ponction  à  la  tra- 
chée-artere  ;  il  fit  une  incifion  aux  tégumens  avec  le 
biltouri ,  fépara  les  mufcles  fterno-hyoidiens ,  &  ou- 
vrit tranfverfalement  la  trachée-artere  entre  deux 
anneaux.  Cette  ouverture  ne  fut  pas  plutôt  taite,  que 
le  fang  qui  fortoit  des  petits  vaifieaux  ouverts,  &c 
qui  tomba  dans  la  trachée-artere  ,  excita  une  toux 
convuliive  fi  violente,  que  .a  cannule  qu'on  intro- 
duira dans  la  plaie,  ne  put  être  retenue  en  iituation, 
quoiqu'on  la  remît  pluiieurs  fois  en  place. 

M.  Virgili  qui  voyoit  le  danger  auquel  le  malade 
étoit  expoié  par  le  fang  qui  continuoit  de  couler  dans 
la  trachée-artere  ,  dont  l'ouverture  dans  certains 
mouvemens  qu'excitoient  les  convulfions  ne  le  trou- 
voit  plus  vis-à-vis  celle  de  la  peau  ,  fe  détermina  à 
fendre  la  trachée-aitere  en  long  julqu'au  lixieme  an- 
neau cartilagineux.  Apres  cette  leconde  opération  , 
le  malade  refpira  facilement ,  &  le  poulx  qu'on  ne 
fentoit  prefque  point ,  commença  à  reparoitre.  On 
fit  lîtuer  le  malade  la  tête  panchée  hors  du  lit,  la  face 
vers  la  terre  ,  afin  d'empêcher  lelang  deglilTer  dans 
la  trachée-artere  ;  M.  Virgili  ajufta  à  la  plaie  une 
plaque  de  plomb  percée  de  plufieurs  trous ,  &  par  les 
foins  le  malade  guérit  parfaitement. 

L'entrée  du  lang  dans  la  trachée-artere  a  été  la 
caufe  des  accidens  terribles  qui  ont  prefque  fait  pé- 
rir le  malade  dont  on  vient  de  parier.  Une  limple 
ponction  avec  la  lancette  ne  i'auroit  peut-être  point 
mis  dans  la  trifte  extrémité  où  il  a  été  réduit  par  le 
moyen  qu'on  employoit  pour  lui  lauver  la  vie  ;  la 
ponction  avec  le  trocart  évite  encore  plus  sûrement 
î'hémorrhagie  ,  parce  que  la  cannule  ayant  plus  de 
volume  que  le  poinçon  qu'elle  renferme,  comprime 
tous  les  vaifieaux  que  la  pointe  divile  pour  fon 
P^ffage. 

Cette  opération  a  été  pratiquée  avec  fuccès  à 
Edimbourg  en  EcofTe  ;  le  malade  en  reçut  d'abord 
tout  le  foulagement  qu'on  avoit  lieu  d'elpérer  :  mais 
la  cannule  s'étant  bouchée  par  l'humeur  que  filtrent 
les  glandes  bronchiques ,  le  malade  fait  menacé  d'une 
fuffocation  prochaine  ;  un  miniftre  homme  de  génie, 
qui  étoit  près  du  malade  ,  conleilla  l'ufage  d'une  fé- 
conde cannule  ,  dont  le  diamètre  feroit  égal  à  celui 
du  poinçon  d'un  trocart.  Cette  cannule  fut  placée 
dans  la  première  ;  &  lorfque  la  matière  des  crachats 
s'oppofoit  au  paffage  libre  de  l'air ,  on  retiroit  cette 
cannule  ,  on  la  nettoyoit  ,  Se  on  la  remettoit  en 
place.  Cette  manœuvre  étoit  très-importante  pour 
le  malade ,  &  avoit  l'avantage  de  ne  lui  caufer  au- 
cune fatigue.  Je  tiens  cette  obfervation  de  M.  Elliot, 
qui  l'a  oui  raconter  à  M.  Monro  ,  célèbre  profeffeur 
en  Anatomie  8c  en  Chinirgie  à  Edimbourg. 

Enfin  on  a  cru  que  la  bronchotomie  étoit  un  fecours 
pour  rappelier  les  noyés  d'une  mort  apparente  à  la 


BRO 

vie  :  la  perfuafion  où  Ton  eft  que  les  noyés  meurent 
faute  d'air  &c  de  refpiration ,  comme  fi  on  leur  eût 
bouché  la  trachée-artere ,  eft  Le  motif  de  cette  ap- 
plication :  mais  il  eft  confiant  que  les  noyés  meurent 
par  l'eau  qu'ils  infpirent,  Ôcdont  leurs  bronches  font 
remplies.  J'ai  prélenté  un  mémoire  à  l'Académie 
royale  des  Sciences  fur  la  caule  de  la  mort  des  noyés, 
oii  je  donne  le  détail  de  plufieurs  expériences  &  ob- 
fe:vations  convaincantes  fur  ce  point.  J'ai  noyé  des 
animaux  dans  des  liqueurs  colorées  en  préfence  de 
MM.  Morand  &  Bourdelin  que  l'Académie  avoit 
nommés  commiffares  pour  vérifier  mes  expériences, 
&  ils  ont  vu  que  la  trachée-artere  &  les  bronches 
étoientabfolument  pleines  delaliqueur  dans  laquelle 
j'avois  noyé  les  animaux  fujets  de  mes  démonftra- 
tions.  (Y) 

BRONNO  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie,  dans  le 

duché  de  Milan,  dans  le  Pavélan,  à  4  lieues  de  Pavie. 

*  BRONTEUS  ,f.m.  (AfyrA.)  de  b^cir»  ,  tonnerre; 

ainii  Jupiter  bronceus,  n'eft  autre  choie  que  Jupiter 

qui  lance  le  tonnerre. 

BRONTIAS  ,  (  Hifl,  nat.  )  c'eft  une  pierre  que 
l'on  nomme  auffi  batrachite  ôc  chelonite  ;  on  prétend, 
mais  fans  fondement,  qu'elle  tombe  des  nuages  avec 
la  grêle  :  elle  rellemble  alTez  aux  boutons  qu'on  porte 
fur  les  habits  ;  car  un  côté  eft  convexe,  &  l'autre  eft 
concave  ;  en  defliis  il  part  du  centre  à  la  circonfé- 
rence dix  rayons  deux  à  deux  :  cette  pierre  eft  fort 
dure  ;  la  couleur  en  eft  d'un  brun  tantôt  clair ,  tantôt 
foncé  ;  il  s'en  trouve  beaucoup  en  Danemark  ;  on 
dit  qu'elle  eft  plus  greffe  qu'un  œuf  de  poule.  Gef- 
ner  en  compte  fix  elpeces  ,  qui  ne  différent  que  dans 
la  couleur  plus  ou  moins  foncée.  (  — ) 

*  LRONZE,  f.  f.  terme  de  Fonderie,  eft  compofé  de  f 
de  cuivre  rouge ,  &  d'y  de  jaune  ,  pour  qu'elle  foit 
plus  douce  &  plus  facile  à  travailler  :  cependant  pour 
la  rendre  moins  loufflante  &  plus  lolide  ,  on  met  un 
peu  plus  d'un  tiers  de  cuivre  jaune,  auquel  on  joint  un 
peu  d'étain  fin ,  qui  empêche  la  bronze  de  refroidir 
trop  vite,  ôc  lui  donne  le  tems  de  parvenir  dans  les 
parties  extrêmes  de  l'ouvrage  qui  font  oppofées  au 
fourneau.  Le  poids  de  la  bronze  qui  doit  être  em- 
ployée eft  de  dix  fois  celui  des  cires  ;  ainfi  fur  500 
livres  de  cire  ,  il  faut  5000  livres  de  bronze  :  cepen- 
dant on  ne  rifque  pas  d'y  en  mettre  un  (même  da- 
vantage ,  à  caule  du  déchet  du  métal  dans  la  fon- 
te,  Se  de  la  diminution  du  noyau  au  recuit. 

Fonderie  en  bronze,  ou  art  d'exécuter  avec  la 
kron^e  de  grands  ouvrages ,  comme  les  ftatues  équef- 
tres  ,  que  nous  prendrons  ici  pour  exemple,  parce 
qu'il  lera  facile  d'y  rapporter  les  autres  morceaux  de 
ce  travail. 

Tous  les  arts  ont  une  forte  d'attelier  qui  leur  con- 
vient ,  foit  par  fa  conftru&ion ,  foit  par  la  difpofition 
de  fes  parties;  ôc  c'eft  aux  ouvrages  qu'on  y  travaille 
à  déterminer  l'une  ôc  l'autre.  Celui  du  fondeur  en 
grand  eft  un  efpace  profond  revêtu  de  murs  au  pour- 
tour, au  centre  duquel  l'ouvrage  à  fondre  eft  placé. 
L'étendue  de  cet  efpace  doit  être  proportionné  à  la 
grandeur  de  l'ouvrage,  &  laiffer  entre  le  moule  de 
potée  &  le  mur  de  recuit  un  pié  dediftance  au  moins. 
Cet  efpace  s'appelle  la.  foffe.  La  foffe  peut  être  ronde 
ou  quarrée  :  la  foffe  ronde  fe  fait  à  moins  de  frais, 
parce  qu'elle  a  moins  de  murs  de  pourtour  ,  ôc  elle 
eft  plus  lolide  ,  fur-tout  quand  elle  eft  enfoncée  en 
terre ,  parce  que  toutes  les  coupes  de  les  pierres  font 
dirigées  vers  un  centre.  On  la  creufe  au-deffous  du 
rez-de-chauffée  ,  obfervant  que  la  hauteur  des  eaux 
dans  les  lieux  circonvoifins  foit  au-deffous  de  fon 
aire  ,  pour  éviter  l'humidité  ,  qui  eft  contraire  dans 
toutes  les  occafions  où  le  feu  eft  employé  à  réfoudre. 
C'eft  dans  la  folle  qu'on  travaille  le  modèle ,  le  mou- 
le de  plâtre ,  &c.  lorfque  les  ouvrages  font  grands , 
8e  qu'on  rifqueroit  d'en  tourmenter  les  pièces  çn  les 


BRO 

transportant.  Pour  mettre  les  ouvriers  &  les  ouvra- 
ges à  l'abri ,  on  couvre  la  fofle  d'un  attelier  provi- 
sionnel de  charpente. 

Au-dedans  de  la  ibfle  eft  un  mur  fait  d'une  matiè- 
re capable  de  réfifter  au  feu  :  il  laide  de  l'efpace  en- 
tre fon  pourtour  extérieur  &  le  parement  intérieur 
de  la  foflc.  Cet  efpace  fert  pour  retirer  les  cires , 
mettre  le  feu  aux  galeries,  obferver  fans  inconvénient 
fi  le  moule  de  potée  &  le  noyau  font  bien  recuits  ; 
&  ce  mur  eft  fait  de  grès  ou  de  briques  maçonnées 
avec  de  l'argile  au  pourtour ,  vers  le  dedans  de  la 
fofle.  On  peut  le  conftruire  après  coup  ;  il  s'appelle 
mur  de  recuit. 

Les  galeries  font  des  efpaces  vuides ,  féparés  par 
des  murs  de  grès  ,  élevés  de  deux  affiles  de  leize  pou- 
ces d'épaifîéur  chacune  ,  d'un  pié  de  hauteur,  &  ma- 
çonnées avec  de  l'argile  :  elles  font  ménagées  au  fond 
de  la  fofTe  fur  un  maffif  de  deux  rangs  de  briques , 
dont  celles  du  premier  rang  font  fur  le  plat ,  &  celles 
du  fécond  fur  le  champ.  On  diftribue  les  affifes  de 
grès  de  manière  qu'il  fe  trouve  un  mur  plein  fous  les 
principaux  fers  de  l'armature ,  comme  les  pointais  , 
les  jambes  du  cheval ,  &c.  fi  l'on  fond  une  ftatue 
équeftre.  C'eft  ainfi  qu'on  prévient  leur  inflexion  , 
que  la  chaleur  pourrait  occaiionner.  Il  y  afur  les  murs 
des  galeries  de  fortes  plates-bandes  de  fer,  entaillées 
moitié  par  moitié  aux  endroits  où  elles  fe  croifent  : 
elles  fervent  de  bafe  à  l'armature ,  &  c'eft  fur  ces 
barres  que  la  grille  eft  pofée. 

La  grille  eft  un  aflemblage  de  plufieurs  barres  de 
fer  plus  ou  moins  efpacées ,  6c  couchées  de  niveau 
en  croifant  les  galeries.  Son  ufage  eft  i°.  de  foûtenir 
le  maffif  fur  lequel  on  élevé  le  modèle  de  plâtre  ; 
2°.  de  porter  les  briquaillons  ;  30.  de  lier  par  en-haut 
les  murs  des  galeries,  qu'on  contient  encore  en  ajus- 
tant fur  leur  pourtour  extérieur  une  embrafîure  de 
fer  ,  bandée  avec  des  moufles  &  des  clavetttes. 

Voye^fig.  1.  PI.  de  la  Fonderie  en  bronze,  le  plan  de 
la  fonderie.  A  eft  la  fofîe  ;  B  le  fourneau;  Cla  chauf- 
fe ;  D  les  galeries  ;  E  les  plate-bandes  de  fer  ;  F  l'é- 
cheno  ;  G  la  grille  ;  i/les  portes.  Fig.  z.  le  profil  de 
la  fonderie  par  fa  largeur.  A  le  comble  de  l'attelier  ; 
B  la  folle  ;  C  le  fourneau  ;  D  les  galeries  ;  E ,  E  ,  paf- 
fages  pour  tourner  autour  du  mur  de  recuit.  Fig.  J. 
le  profil  de  la  fonderie  par  fa  longueur.-^,  A ,  le 
comble  de  l'attelier  ;  B  la  fofle  ;  C  le  fourneau  ;  D 
la  chauffe  ;  E  les  galeries  ;  F  partage  pour  tourner 
autour  des  galeries.  Fig.  4.  les  galeries  &  la  grille. 
A  les  galeries  ;  B  les  murs  de  grès  des  galeries  ;  C 
la  grille  de  fer  ;  D  les  plate-bandes  ;  E  lieu  des  ga- 
leries. 

Le  modèle  eft  en  fonderie  l'ouvrage  môme  dont 
le  métal  doit  prendre  la  forme.  On  fait  les  modèles 
de  différentes  matières  ,  félon  la  grandeur  des  ouvra- 
ges :  ils  font  de  cire  jufqu'à  la  hauteur  de  deux  pies  ; 
d'argile  ou  de  terre  à  potier  ,  depuis  deux  pies  juf- 
qu'à hauteur  d'homme  ;  6c  de  plâtre ,  depuis  ce  ter- 
me jufqu'à  tout  autre.  On  commence  à  faire  un  pe- 
tit modèle,  même  quand  il  s'agit  d'un  grand  ouvra- 
fe  :  quand  les  formes,  les  grandes  parties,  l'enfem- 
le,  four  arrêtés  fur  ce  petit  modèle,  on  fait  des 
études  particulières  de  chacune  de  les  parties;  on 
travaille  enfuite  au  grand  modèle.  Comme  il  eft  im- 
portant que  ce  grand  modèle  refte  tel  qu'on  le  tra- 
vaille ,  ci  comme  fes  parties  font  très-peiantes  ,  & 
qu'on  eft  long-tems  à  les  terminer  ,  on  les  construit 
avec  beaucoup  de  folidité  ,  &  on  les  foûtient  en-de- 
dans fur  un  bâti  de  fer.  Pour  faire  ce  bâti ,  6c  don- 
ner aux  fers  dont  il  eft  afîèmblé  les  contours  des  par- 
ties àfoûtcnir,  on  définie  contre  un  mur  l'ouvrage 
dans  toute  la  grandeur ,  fous  trois  points  de  vue ,  de 
front  6c  des  deux  côtés  ;  ce  deflein  dirige  le  forgeron. 
Quand  les  fers  font  préparés  ,  on  les  aflemble  fur 
une  pièce  de  bois  qui  traverfe  l'ouvrage  dans  fa  Ion- 


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gueur ,  &  l'on  aflemble  cette  pièce  de  bois  avec  fon 
armature  de  fer  fur  une  autre  qui  porte  folidement 
dans  les  galeries ,  dans  le  maffif,  &  fur  l'argile  :  c'eft 
là-deflus  qu'on  forme  le  modèle  avec  du  plâtre  gâ- 
ché le  plus  également  qu'd  eft  poffible.  Il  ne  faut 
rien  épargner  pour  la  perfection  du  modèle  ;  car  le 
métal  fluide  prendra  toutes  les  formes ,  &  rendra  fes 
défauts  ainfi  que  fes  beautés. 

Le  modèle  achevé ,  on  travaille  aux  moules  :  on 
en  fait  deux  ;  l'un  en  plâtre  ,  qui  donne  le  creux  du 
modèle  ;  &  l'autre  de  potée  6c  d'une  terre  compo- 
fée  ,  dont  on  verra  dans  la  fuite  l'ufage. 

Pour  faire  le  moule  de  plâtre  ,  on  commence  par 
déterminer  les  dimenfions  de  fes  parties  par  des  li- 
gnes tracées  fur  l'aire  de  la  foffe  ;  &  ces  lignes  font 
données  de  pofition  &  de  grandeur,  par  des  aplombs 
qu'on  laifle  tomber  des  parties  taillantes  de  l'ouvra- 
ge. On  prend  autant  de  ces  points  qu'on  en  a  befoin  ; 
6c  quand  ils  ont  déterminé  le  pourtour  des  affifes  du 
moule  ,  on  ajoute  au-delà  de  ce  pourtour  exact  quel- 
ques pouces  pour  l'épaifléur  même  du  moule  :  cette 
addition  donne  une  nouvelle  figure  femblable  &  cir- 
conferite  à  la  précédente.  On  a  foin  que  les  jointures 
des  affifes  tombent  aux  endroits  les  moins  remarqua- 
bles, afin  que  les  balevres  occafionnés  par  les  cires 
foient  plus  aifés  à  réparer.  La  première  affife  fe  pofe 
fur  l'aire  de  la  grille  ,  &  à  la  hauteur  du  pié  de  l'ou- 
vrage. On  pafle  à  la  féconde  :  il  faut  que  les  lits  des 
affifes  foient  bien  de  niveau,  &  que  les  pièces  du 
moule  portent  bien  aplomb  les  unes  fur  les  autres  ; 
elles  en  auront  plus  de  folidité  ,  &  fe  replaceront  plus 
facilement. 

Entre  les  pièces  de  la  première  affife  ,  il  eft  à  pro- 
pos qu'il  y  en  ait  une  qui  traverfe  fans  joint  d'un  des 
paremens  du  moule  à  l'autre  ;  elle  fervira  de  baie  à 
toutes  les  autres  ;  elle  fera  ,  pour  ainli  dire ,  le  cen- 
tre auquel  on  les  rapportera.  On  ne  manquera  pas 
de  pratiquer  aux  différentes  pièces  du  moule  des  en- 
tailles ou  hoches ,  6c  des  faillies  latérales  ,  par  le 
moyen  defquelles  elles  s'aflemblent  les  unes  avec  les 
autres ,  &  forment  un  tout  folide. 

Mais  pour  avoir  ces  parties  ,  voici  comment  on 
s'y  prend.  On  huile  bien  le  modèle,  puis  on  lui  ap- 
plique du  plâtre  ;  on  prend  les  parties  grandes  ,  lar- 
ges ,  &  plates  ,  tout  d'un  morceau  ;  pour  les  parties 
creufes  &  fouillées ,  comme  les  draperies ,  on  en  fait 
de  petites  pièces  dans  leiquelles  on  met  des  morceaux 
de  fi!  d'archal ,  tortillés  par  le  bout  en  lpirale  ou  an- 
neau ;  on  pafle  une  ficelle  dans  cet  anneau  ,  &  on 
les  lie  avec  une  grande  pièce  qui  les  renferme  ,  Si. 
qu'on  appelle  leur  chape  ;  quand  on  a  pris  toutes  les 
parties,  on  les  laifle  repoler  &  faire  corps  ;  on  les 
marque  pour  en  reconnoître  l'ordre  6c  la  fuite  ,  &  on 
les  fépare  du  modèle ,  qu'on  repare  par-tout  où  cette 
opération  peut  l'avoir  gâté. 

Voye^  Planche  III.  fig.  z.  le  moule  de  plâtre  qui 
eft  le  creux  du  modèle  de  plâtre  de  la  figure  équef- 
tre. 1  Entailles  ou  hoches  creules  ;  2  entailles  ou  ho- 
ches de  relief;  3  première  affife  du  moule.  Fig.  J.  le 
plan  de  la  première  affife  du  moule  de  plâtre ,  où  l'on 
voit  toutes  les  pièces  du  moule  numérotées  dans 
l'ordre  qu'elles  ont  été  faites,  depuis  1  jufqu'à  25; 
26  pointais  de  l'armature  de  ter.  Les  autres  affifes  du 
moule  font  faites  dans  la  même  intention  ,  en  oblcr- 
vant  d'affife  en  affife  que  les  pièces  du  deflus  foient 
en  liailon  avec  celles  du  deflbus. 

Quand  on  a  le  moule  en  plâtre ,  on  s'en  fert  pour 
former  un  modèle  en  cire  ,  tout  femblable  au  mo- 
dèle en  plâtre  :  on  donneàlacirerépailleurque  l'on 
veut  donner  à  la  bronze.  Les  anciens,  dit  M.  de  Bot- 
frand  ,  ne  prenoient  pas  la  peine  de  faire  le  premier 
modèle  de  plâtre  ,  qui  fert  à  déterminer  l'épaifléur 
des  cires  ;  après  avoir  fait  leur  modèle^  avec  de  la 
terre  à  potier  préparée ,  ou  avec  du  plâtre ,  ils  Bé- 


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corchoient,en  enlevant  par-tout  l'épaiffeur  qu'ils  voû- 
taient donner  à  la  bronze  ;  de  forte  que  leur  modèle 
devenoit  leur  noyau  :  ils  failbient  recuire  ce  noyau , 
le  couvraient  de  cire,  terminoient  ces  cires,  railoient 
fur  ces  cires  terminées  le  moule  de  potée  ,  &  ache- 
voient  l'ouvrage  comme  nous  :  mais  on  ne  fuit  plus 
cette  méthode  que  pour  les  bas-reliefs ,  &  les  ouvra- 
ges d'exécution  facile. 

Quant  aux  grands  ouvrages ,  quand  on  a  affemblé 
toutes  les  pièces  dans  leurs  chapes  ,  on  y  met  de  la 
cire  autant  épaiffe  qu'on  veut  que  la  bronze  le  foit; 
Cette  épaifleur  totale  des  cires  varie  félon  la  gran- 
deur des  ouvrages  ;  ôc*chaque  épaifleur  particulière 
d'une  pièce  ,  fuivant  la  nature  des  parties  de  cette 
pièce:  on  donne  deux  lignes  d'épaiiléur  aux  figures 
de  deux  pies  ;  un  demi-pouce  aux  figures  de  gran- 
deur humaine  ;  au-delà  de  ce  terme  il  n'y  a  prefque 
plus  de  règle.  M.  de  Boffr'and  dit  qu'au  cheval  de  la 
fiatue  équeflre  de  la  place  de  Louis  le  grand ,  on  rit 
les  cires  maflives  jufqu'au  jarret,  pour  être  maffives 
en  bronze ,  &  qu'on  donna  un  pouce  d'épaifleur  aux 
cuiffes,  dix  lignes  aux  autres  parties jufqu'à  la  tête, 
&  flx  lignes  à  la  queue. 

Il  faut  que  la  cire  dont  on  fe  fert  ait  deux  quali- 
tés prefqu'oppofées  ;  celle  de  prendre  facilement  les 
formes,  &  de  les  conferver  après  les  avoir  prifes. 
Prenez  cent  livres  de  cire  jaune  ,  dix  livres  de  téré- 
benthine commune  ,  dix  livres  de  poix  graflfe,  dix  li- 
vres de  fain-doux;  mêlez,  &c  faites  fondre  fur  un  feu 
modéré  ,  de  peur  que  la  cire  ne  bouille ,  ne  devienne 
écumeufe ,  &  ne  foit  difficile  à  travailler  :  vous  au- 
rez ainfi  un  mélange  qui  fatisfera  aux  deux  conditions 
que  vous  requérez. 

Quand  cette  compofition  fera  prête,  imbibez  bien 
les  pièces  du  moule  en  plâtre  d'huile  d'olive,  defain- 
doux ,  &  de  fuif  fondus  eniemble  ;  prenez  de  la  com- 
pofition que  j'appellerai  cire ,  avec  des  broffes  de  poil 
de  blereau  ;  répandez-la  liquide  dans  les  pièces  du 
moule  en  plâtre  ;  donnez  aux  couches  environ  une 
ligne  d'épaifleur  ;  abandonnez  enfuiîe  la  broffe  ;  fer- 
vez-vous  de  tables  faites  au  moule  :  ces  moules  font 
à  peu  près  femblables  à  ceux  des  Fondeurs  de  tables 
en  cuivre  ,  où  des  tringles  de  fer  plus  ou  moins  hau- 
tes fixées  entre  deux  furfaces  unies  déterminent  l'é- 
paiffeur des  tables  ;  ayez  deux  ais  ;  ajuftez  fur  ces 
ais  deux  tringles  ;  amolliffez  vos  cires  dans  de  l'eau 
chaude  ;  maniez-les  bien  comme  de  la  pâte  ;  éten- 
dez-les avec  un  rouleau  qui  paffe  fur  les  tringles  ; 
&  mettez  ainfl  ces  tables  d'une  épaifleur  qui  vous 
convienne. 

Prenez  vos  pièces  en  plâtre  couvertes  d'une  cou- 
che en  cire;  ratifiez  cette  couche  ;  faites-en  autant  à 
une  des  furfaces  de  vos  tables  de  cire  ;  faites  chauf- 
fer modérément  ces  deux  furfaces  écorchées,  &  ap- 
pliquez-les l'une  contre  l'autre. 

La  quantité  de  cire  employée  détermine  la  quan- 
tité de  métal  néceffaire  pour  l'ouvrage.  On  compte 
dix  livres  de  métal  pour  une  livre  de  cire ,  non  com- 
pris les  jets  ,  les  évents  ,  &  les  égoûts.  M.  de  Bof- 
rrand  dit  qu'on  employa  pour  la  ftatue  équeflre  de 
la  place  de  Louis  le  grand  ,5326  livres  de  cire  ;  ce 
qui  demandoit  par  conféquent  53  260  livres  de  métal 
non  compris  les  jets' ,  les  évents ,  &  les  égoûts. 

Quand  on  a  donné  à  toutes  les  cires  les  épaiffeurs 
convenables ,  on  démolit  le  modèle  en  plâtre  ,  en  le 
coupant  par  morceaux  ,  qui  fervent  eniuite  à  répa- 
rer les  cires.  On  remonte  toutes  les  aflifes  du  moule 
jufqu'à  la  moitié  de  la  hauteur  du  cheval,  s'il  s'a- 
git d'une  ftatue  équeflre;  &  on  établit  au-dedans  & 
au-dehors  des  aflifes  l'armature  du  noyau. 

L'armature  eft  un  affemblage  des  différens  mor- 
ceaux de  fer  deftinés  à  foûtenir  le  noyau  &  le  mou- 
le de  potée  d'un  grand  ouvrage  de  fonderie  :  entre 
ces  fers ,  les  uns  relient  dans  le  corps  de  l'ouvrage 


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fondu  ,  d'autres  en  font  retirés  après  la  fonte  :  dans 
une  ftatue  équeflre,  ceux  qui  paffent  d'un  flanc  à 
l'autre  du  cheval ,  qui  defeendent  dans  la  queue ,  &C 
qui  paffent  dans  les  jambes  ,  font  affemblcs  à  de- 
meure ;  les  fers  des  jambes  s'étendent  même  à  trois 
pies  au-delà  des  pies  du  cheval  ,  &C  font  fcellés  dans 
le  corps  dupié-d'eftal. 

Voye^Jigun  1.  Plan.  III.  l'armature  de  fer  qui  a 
été  faite  dans  le  corps  du  cheval ,  avec  les  pointais 
&  piliers  butans  pour  foûtenir  la  figure  équeflre. 

Le  noyau  eft  un  corps  folide  qui  remplit  l'efpace 
contenu  fous  les  pièces  du- modèle  en  cire,  quand 
elles  font  afiêmblées  :  la  matière  qui  le  compofe  doit 
avoir  quatre  qualités  ;  la  première  ,  de  ne  s'étendre 
ni  refferrer  fous  les  cires  ;  la  féconde  ,  de  réfifler  à 
la  violence  du  feu ,  fans  fe  fendre  ni  ne  fe  tourmen- 
ter ;  la  troifieme,  d'avoir  du  pouf,  c'eft-à-dire  ,  de 
réiifter  au  métal  en  fuflon ,  &  de  céder  au  métal  fe 
réfroidiffant  ;  la  quatrième  ,  de  ne  lui  pas  être  ana- 
logue ,  c'efl-à-dire,  de  ne  le  point  boire,  &  de  ne 
point  lui  être  contraire,  ou  de  ne  le  point  repouffer  ; 
ce  qui  occafionneroit  dans  le  premier  cas  des  vuides, 
&  dans  le  fécond  des  foufflures. 

Mêlez  deux  tiers  de  plâtre ,  avec  un  tiers  de  bri- 
ques bien  battues  &  bien  faffées,  &  vous  aurez  la 
matière  requife.  On  mélange ,  on  gâche  cette  ma- 
tière ,  &  on  en  coule  dans  les  aflifes  du  moule  quand 
l'armature  efl  difpofée  ,  allant  d'affilés  en  aflifes  juf- 
qu'au haut  de  la  figure.  Il  efl  cependant  à  propos  de 
favoir  qu'on  obferve  différens  mélanges ,  &  que  le 
noyau  des  grandes  figures  n'eft  pas  tout  entier  de  la 
même  matière.  Dans  la  formation  du  noyau  de  la 
ftatue  équeflre  dont  jai  déjà  parlé  ,  les  jambes  qui  por- 
tent, devant  être  folides  ,  n'eurent  point  de  noyau: 
on  fit  la  queue,  la  jambe  qui  eft  levée,  la  tête,  le  cou, 
&c.  de  plâtre  èc  de  briques  battues  &  faffées  ;  le  corps 
du  cheval  d'un  mélange  de  deux  tiers  de  terre  rouge 
&  fabloneufe ,  qu'on  trouve  derrière  les  Chartreux, 
&  qui  paffe  pour  la  meilleure  de  l'Europe  pour  ces 
fortes  d'ouvrages ,  8c  d'un  tiers  de  crotin  de  cheval 
&  de  bourre  paffés  par  les  baguettes. 

Avant  que  de  commencer  le  noyau,  on  paffe  des 
verges  de  fer  en  botte  entre  les  vuides  des  grands 
fers  de  l'armature  ,  auxquels  on  les  attache  avec  de 
gros  fil  d'archal  ;  ces  verges  tiennent  les  terres  du 
noyau  en  état  :  on  laiffe  cependant  des  trous  pour 
palier  la  main  &  ranger  les  gâteaux  de  terre.  Sous  les 
parties  inférieures,  comme  le  ventre  d'un  cheval, 
où  les  ter/es  tendent  à  le  détacher  de  tout  leur  poids , 
on  place  des  crochets  en  S  qui  les  arrêtent.  Quand 
le  noyau  eft  fait  ,  on  prend  de  la  compofition  du 
noyau  détrempée  à  une  certaine  confiftance  ;  on  en 
applique  fur  les  cires  avec  les  doigts ,  par  couches 
d'environ  un  pouce  d'épaifleur ,  qu'on  fait  bien  fé- 
cher  ;  on  continue  ainfl  de  couche  en  couche  ,  fe  fer- 
vant  de  gâteaux  de  la  même  compofition  de  quatre 
pouces  en  quarré  fur  neuf  lignes  d'épaifleur,  qu'on 
applique  fur  leur  plat  avec  la  même  compofition  li- 
quide ,  tk  qu'on  unit  avec  les  couches  qu'on  a  déjà 
données  aux  cires  ,  faifant  toujours  fécher  nuit  & 
jour  fans  interruption  ,  jufqu'à  ce  que  les  couches  de 
terre  à  noyau  ayent  au  pourtour  des  cires  environ  fix 
pouces  d'épaifleur  ;  ce  qui  fuffira  pour  achever  de 
recouvrir  tous  les  fers  de  l'armature.  Mais  avant  que 
ces  fers  foient  recouverts ,  on  pôle  dans  le  noyau 
un  rang  de  briques  en  cintre  ,  maçonnées  avec  de  la 
terre  de  la  même  compofition  que  le  noyau  ;  ce  qui 
forme  dans  ion  intérieur  une  forte  de  voûte.  On  a 
foin  de  bien  faire  fécher  les  parties  intérieures  du 
noyau  ,  par  des  poêles  qu'on  difpofe  en-dedans  ,  en 
y  defeendant  par  une  ouverture  pratiquée  à  la  crou- 
pe ,  fi  c'efl  une  ftatue  équeflre  ;  &  pour  que  le  feu  ne 
foit  pas  étouffé ,  on  pratique  au  noyau  des  cheminées 
de  trois  pouces  en  quarré  :  ces  cheminées  font  au 


BRO 

nombre  de  trois.  Quand  il  eft  bien  fec  ,  on  acbeve 
de  le  remplir  très-exactement  avec  de  la  brique  bien 
feche,  qu'on  maçonne  avec  de  la  terre  à  noyau.  S'il 
lui  arrive  de  le  reflerrer  Se  de  diminuer  en  léchant, 
on  le  hache  &C  on  le  rende  avec  la  même  terre 
dont  on  l'a  conftruit.  Pour  s'alTûrer  s'il  eft  iblide  ,  ' 
on  le  trappe  ;  s'il  lbnne  creux  ,  il  «a  quelqilc  défaut , 
il  n'eft  pas  plein. 

Quand  le  noyau  du  cheval  d'une  ftatue  équeftre 
eft  dans  cet  état ,  on  élevé  les  affilés  de  la  figure  ; 
on  y  ajufte  les  armatures ,  6c  l'on  coule  le  reftant  du 
noyau  avec  la  même  compolition  ,  oblervant  de  pra- 
tiquer au-dedans  de  la  figure  des  jets  qui  conduilént 
le  métal  aux-  parties  coudées  en  montant  :  fans  cette 
précaution ,  ces  parties  relîeroient  vuides. 

Quand  le  noyau  eiï  achevé  ,  on  démonte  toutes 
les  affilés  ,  en  commençant  par  le  haut  ;  on  foûtient 
par  des  piliers  butans  les  traverfes  principales  de  l'ar- 
mature ,  qui  percent  les  cires  à  mefure  qu'on  les  dé- 
couvre :  on  dépouille  enfuite  toutes  les  pièces  de  ci- 
re ;  on  pratique  fur  le  noyau  des  repaires ,  pour  les 
mettre  à  leur  place  ;  on  les  place ,  6c  on  a  une  figure 
en  .cire  toute  femblable  au  modèle. 

Pour  fixer  les  cires  fur  le  noyau ,  on  y  enfonce 
d'efpace  en  efpace  des  clous  à  tête  large  ,  fur  leiquels 
on  conftruit  une  efpece  de  treillis  avec  du  fil  d'archal. 
Ce  treillis  fert  à  foûtenir  les  cires.  On  les  lie  encore 
entr 'elles  avec  de  la  cire  chaude  ,  qu'on  coule  dans 
leurs  jointures ,  enforte  qu'il  ne  refte  aucun  vuide. 
On  achevé  alors  de  réparer  les  cires  aftemblées  ;  car 
on  avoit  déjà  fort  avancé  le  reparage,  quand  elles 
étoient  par  pièces  détachées.  On  fe  fert  dans  cette 
manœuvre  de  l'ébauchoire  &  d'une  toile  dure  &  neu- 
ve ,  imbibée  d'huile  ,  avec  laquelle  on  fuit  les  con- 
tours du  nud  &  des  draperies  :  on  pofe  enfuite  les 
.  égoûts  des  cires  ,  les  jets  &  les  évents. 

Les  jets ,  les  évents ,  6c  les  égoîits  des  cires  font 
des  tuyaux  de  cire  que  l'on  pofe  fur  une  figure  après 
que  la  cire  a  été  reparée.  Ces  tuyaux  de  cire  étant 
enfuite  enduits  de  la  même  terre  que  le  moule ,  for- 
ment fur  toute  la  figure  &  dans  le  moule  de  potée 
des  canaux  à  trois  ufages  :  les  uns  fervent  d'égoûts 
aux  cires ,  &  f  e  Comment  égoûts  ;  les  autres  condui- 
fent  le  métal  du  fourneau  à  toutes  les  parties  de  l'ou- 
vrage, &  s '-appellent /'«.s;  les  autres  font  des  évents 
qui  font  une  iiiue  à  l'air  renfermé  dans  l'efpace  qu'oc- 
cupoient  les  cires ,  &  retiennent  le  nom  $  évents.  Sans 
cette  précaution ,  l'air  comprimé  par  le  métal  à  me- 
fure qu'il  defeendroit ,  pourroit  faire  fendre  le  moule. 
On  fait  les  tuyaux  de  cire ,  creux  comme  des  cha- 
lumeaux; ce  qui  les  rend  légers,  &  emporte  moins 
de  cire  que  s'ils  étoient  folides.  Voici  comment  on 
les  coule.  On  a"  des  morceaux  de  bois  tournés  du  dia- 
mètre qu'on  veut  donner  à  ces  canaux  ,  &  de  deux 
pies  de  long  ou  environ  :  on  conftruit  fur  ces  petits 
cylindres  un  moule  de  plâtre  de  deux  pièces  égales  , 
&  fermé  par  un  des  bouts  :  on  l'imbibe  bien  d'huile  ; 
on  le  remplit  de  cire  :  quand  il  eft  plein  ,  on  le  fecoue 
bien  :  à  l'approche  du  plâtre  ,  la  cire  fc  fige  :  on  ren- 
verfè  ce  qui  n'eft  pas  figé  :  il  refte  une  douille  creufe  , 
à  laquelle  on  donne  l'épaifteur  qu'on  veut,  en  recom- 
mençant de  remplir  de  cire  &C  de  renverfer. 

Quand  ces  douilles  ou  tuyaux  font  préparés  en 
quantité  fuffifante  ,  on  les  difpofe  fur  la  figure  à  deux 
pouces  de  fa  furface.  On  commence  par  les  égoûts 
de  cire  ,  qui  fervent  par  la  fuite  de  jets  :  ils  font  foîi- 
tenus  autour  de  l'ouvrage  par  des  attaches  ou  bouts 
de  tuyaux  menus ,  fondés  par  un  bout  contre  les  ci- 
res de  l'ouvrage,  6c  de  l'autre  contre  les  égoûts.  Il 
faut  des  égoûts  à  tous  les  endroits  qui  ont  une  pente 
marquée.  Il  y  en  a  aux  ftatues  équeftres  à  chaque 
pié  du  cheval,  à  chaque  pie  de  la  figure  ,  à  la  queue 
du  cheval,  deux  fous  le  ventre  :  on  pofe  enfuite  & 
de  la  même  manière  ,  les  jets  &.  les  évents. 


BRO 


439 


Chaque  ouvrier  a  fa  manière  d'attacher.  La  bon- 
ne ,  c'eft  d'incliner  les  attaches  des  jets  en  dépen- 
dant vers  la  figure  ,  &  par  conféquent  de  couler  la 
figure  par  le  haut.  Le  diamètre  des  jets  ,  des  égoûts , 
&des  évents,  eft  déterminé  parla  grandeur  de  1  ou- 
vrage. Ils  avoient  les  dimenfions  luivantes  dans  la 
fonte  de  la  ftatue  équeftre  de  Louis  XIV.  dont  nous 
avons  déjà  parlé.  Les  trois  principaux  jets ,  trois  pou- 
ces quatre  lignes  de  diamètre  ;  les  jets  moins  forts  , 
21,  18,  15,  12,  9  lignes;  les  évents  par  le  haut,  30 
6c  24  lignes  de  diamètre ,  &  en  delcendant ,  13,12, 
9  lignes  :  ies  égoûts  avoient  les  mêmes  dimenlions 
que  les  évents. 

Quand  on  a  poufTé  l'ouvrage  jufqu'au  point  oit 
nous  venons  de  le  conduire  ,  on  travaille  au  moule 
de  potée  &  de  terre.  On  prend  trois  fixiemes  de  terre 
de  Châtillon  ,  village  à  deux  lieues  de  Paris ,  qu'on 
mule  avec  une  fixieme  partie  de  fiente  de  cheval  ;  on 
a  laifle  pourrir  ce  mélange  dans  une  foffe  pendant 
un  hyver.  A  ce  mélange ,  on  ajoute  enfuite  deux  fi- 
xiemes de  creuiets  blancs  &  palïés  au  tamis.  On  dé- 
trempe le  tout  avec  de  l'urine  ;  on  le  broyé  fur  une 
pierre  ;  on  en  fait  ainft  une  potée  très-fine.  On  com- 
mence par  en  mettre  fur  la  cire,  avec  une  broffe ,  qua- 
tre couches  mêlées  de  blanc  d'œuf  ;  puis  on  mêle  un 
peu  de  poil  fouetté  &  parle  par  les  baguettes ,  avec  la 
compolition  précédente.  On  donne  avec  ce  nouveau 
mélange  vingt-quatre  autres  couches  ;  oblervant  de 
ne  point  appliquer  une  couche  que  la  précédente  ne 
foit  bien  feche  :  le  moule  prend  ainft  environ  un  de- 
mi-pouce d'épaifTeur.  On  ajoute  alors  à  la  compoli- 
tion nouvelle  moitié  de  terre  rouge ,  de  même  qua- 
lité que  celle  du  noyau  ,  ayant  foin  de  remplir  les 
creux  &  autres  lieux  étroits  oit  la  brode  n'a  pu  pé- 
nétrer, avec  cette  compolition  un  peu  épailïe.  Le 
moule  a  ,  à  la  quarantième  couche ,  environ  deux 
pouces  d'épaifTeur.  On  met  alors  fous  la  figure ,  s'il 
en  eft  befoin ,  fous  le  ventre  du  cheval ,  fi  c'eft  une 
ftatue  équeftre  ,  des  barres  menues  de  fer  plat ,  croi- 
fées  les  unes  fur  les  autres ,  entrelacées  de  fil  de  fer, 
&  attachées  aux  gros  fers  de  l'armature  du  noyau  , 
qui  percent  les  cires.  Ces  barres  lervent  à  foûlever 
les  parties  inférieures  du  moule ,  6c  à  les  empê<  her 
de  fe  détacher  des  cires.  On  pratique  le  même  ban- 
dage fur  le  refte  de  la  figure,  par-tout  011  l'on  craint 
que  le  moule  ne  fléchifTe.  On  couvre  ce  premier  ban- 
dage de  terre  rouge  feule ,  délayée  avec  la  bonne 
qu'on  couche  avec  les  doigts  ,  jufqu'à  ce  que  le  mou- 
le ait  environ  huit  pouces  d'épaifTeur  par  bas ,  6c  ûx 
pouces  par  haut. 

Il  faut  avoir  foin  ,  avant  que  de  commencer  le 
moule  de  potée  ,  de  couper  la  cire  en  quelques  en- 
droits ,  afin  d'avoir  une  ouverture  à  la  bronze  pour  ti- 
rer du  dedans  de  la  figure  les  fers  fuperflus  de  l'ar- 
mature avec  le  noyau.  En  ces  endroits  on  joint  les 
terres  du  noyau  avec  le  moule  :  mais  on  pratique 
des  rebords  de  cire ,  dont  le  métal  remplira  l'efpace  ; 
ce  métal  débordant  fera  rabattu  dans  la  fuite  ,  6c  fer- 
vira  à  boucher  l'ouverture  pratiquée. 

Cent  cinquante  couches  achèvent  l'épaifTeur  du 
moule,  fur  lequel  on  pôle  enfuite  des  bandages  de 
fer  pour  le  rendre  folide ,  &  empêcher  que  la  terre 
qui  perd  de  la  force  par  le  recuit ,  ne  s'éboule.  Ces 
bandages  font  de  fers  plats ,  clifpofes  en  réfeau  :  toute 
la  figure  en  eft  couverte.  On  en  remplit  les  ; 
de  terre  &  de  tuileau.  On  place  les  tuileaux  aux  cv 
droits  où  les  fers  du  bandage  ne  touchent  pas  le  mou- 
le. Sur  ce  bandage  ,  on  en  pofe  un  fécond ,  de  maniè- 
re que  les  fers  qui  tonnent  les  mailles  ou  quarres  de 
ce  lecond  ,  croilent^c  coupent  les  mailles  ou  quar- 
res du  premier.  On  remplit  pareillement  les  endroits 
où  ces  barres  ne  touchent  pas  le  moule  ,  de  terre  & 
de  tuileaux  ;  &  le  refte  des  mailles ,  de  la  mêrn;  terre. 
Dans  toutes  ces  opérations ,  le  moule  a  pris  dix  pou? 


44° 


B  R  O 


ces  d'épaiffeur  par  bas ,  &  fept  par  en  haut. 

On  voit,/"-,  i.  PI-  III-  à  la  partie  antérieure,  la 
figure  équeftre  de  cire ,  avec  les  jets,  les  évents ,  Se 
tes  égoùts  de  cire,  i  ,  jets  ;  2 ,  évents  ;  3  ,  égoûts  de 
cire  ;  4  ,  attaches  ;  à  la  partie  postérieure ,  le  ban- 
dage de  fer  plat. 

On  longe  alors  à  recuire  le  moule  Se  à  faire  fortir 
les  cires,  car  elles  tiennent  la  place  du  métal  ;  pour 
cet  effet  on  conftruit  le  mur  de  recuit  ;  on  le  fait 
d'affilés  de  grès  Se  briques  pofées  avec  du  mortier 
de  terre  à  four ,  afin  qu'il  rélifte  à  la  violence  du  feu. 
Sa  première  affilé  eft  fur  le  maffif  du  fond  de  la  foffe  , 
d'où  il  s'élève  jufqu'au  haut  de  l'ouvrage.  Son  pare- 
ment intérieur  eft  environ  à  dix-huit  pouces  de  dif- 
tance  des  parties  les  plus  faillantes  du  moule  de  po- 
tée. On  laide  à  ce  mur  ,  des  ouvertures  correspon- 
dantes aux  efpaces  pratiqués  entre  les  murs  des  ga- 
leries ,  pour  allumer  le  feu  Se  l'entretenir.  Ces  ou- 
vertures le  bouchent  avec  des  plaques  de  tôle ,  afin 
de  conferver  la  chaleur. 

Quand  une  foffe  eft  affez  grande ,  le  mur  de  re- 
cuit eft  ifolé  ,  &  on  en  fait  le  tour  aifément.  Sur  la 
grille  qui  couvre  les  galeries ,  on  conftruit  avec  de 
la  brique  blanche  de  Paffy,  de  petits  murs  de  qua- 
tre pouces  d'épaifieur  par  arcade  ,  en  tiers  point  , 
efpacés  de  quatre  pouces.  On  remplit  le  refte  de  l'ei- 
pace  du  mur  de  recuit  Se  du  moule  ,  de  briquailions , 
rangeant  les  plus  petits  vers  le  moule ,  &  les  plus  gros 
vers  le  mur.  On  loùtient  les  ters  de  l'armature  par 
des  piliers  de  brique.  A  mefure  que  les  briquailions 
s'élèvent,  on  place  à  l'iffue  des  égoùts  des  conduits 
de  tôle  qui  traverfent  le  mur  de  recuit  Se  conduilent 
tes  cires.  Pour  s'aiîurer  li  ie  moule  Se  le  noyau  font 
lùffifamment  recuits  ,  on  les  perce  avec  une  tarriere 
en  différens  endroits  ;  Se  on  place  dans  les  trous  des 
tuyaux  de  tôle ,  qui  parlent  auffi  à-travers  le  mur  de 
recuit,  Se  par  leiquels  on  peut  voir  le  moule  Se  le 
noyau ,  Se  juger  du  recuit  à  la  couleur.  On  conduit 
encore- à-travers  les  briquailions,  de  petites  chemi- 
nées de  trois  à  quatre  pouces  en  quarré  ,  qui  mon- 
tent du  haut  en  bas  de  la  foffe  :  elles  donnent  iffue  à 
la  fumée.  On  élevé  les  principaux  jets  Se  évents  , 
avec  des  tuyaux  de  tôle  ;  &  l'on  couvre  toute  la 
face  fupérieure  de  la  foffe  Se  des  briquailions ,  d'une 
couche  d'argile  d'environ  trois  pouces  d'épaiffeur. 

Cela  fait ,  on  allume  un  petit  feu  dans  trois  gale- 
ries de  chaque  côté.  Ce  feu  dure  un  jour  &  une  nuit. 
On  l'augmente  de  celui  qu'on  fait  enluite  dans  deux 
autres  galeries  :  on  continue  ainfi  de  galeries  en  gale- 
ries ;  finiffant  par  celles  qui  font  les  plus  voinnes  de 
la  figure ,  ou  de  fes  parties  faillantes.  On  continue 
pendant  neuf  jours  de  fuite  ce  feu  de  charbon  mo- 
déré. Les  cires  coulent  deux  jours  après  que  le  feu 
a  été  allumé.  On  en  avoit  employé  pour  la  ftatue 
équeftre  de  la  place  de  Louis  le  Grand  ,5568  livres , 
tant  en  ouvrage  qu'en  jets  ,  égoùts ,  Se  évents  ;  Se 
il  n'en  eft  forti  en  tout  que  2805  livres:  le  déchet 
s'eft  perdu  dans  le  moule  ,  dans  le  noyau  ,  Se  en 
iiirnée. 

Quand  on  s'eft  apperçu  que  le  moule  a  rougi ,  on 
difeontinue  le  teu  peu  à  peu ,  puis  on  le  ceffe  entiè- 
rement :  mais  le  moule  &  le  noyau  reftent  encore 
îong-tems  chauds.  On  attend  qu'ils  foient  refroidis 
pour  travailler  àl'enterrage  &  à  la  fonte. 

On  commence  par  debarralîér  entièrement  la  foffe 
de  tout  ce  qui  remplilloit  les  galeries  Se  Fefpace  qui 
eft  entre  le  mur  de  recuit  Se  le  moule.  Enluite  on  pro- 
cède a  Penterrage ,  ou  au  maffif  de  terre  dont  on  rem- 
plit la  foffe  autour  du  moule  :  on  comble  d'abord  les 
galeries  jufqu'à  la  hauteur  de  la  grille ,  de  moelons 
maçonnés  avec  deux  tiers  de  plâtre,  Se  un  tiers  de 
terre  cuite  &  pilée.  On  fait  enluite  un  lolide  fous  les 
parties  inférieures  de  la  figure,  du  ventre  du  cheval, 
û  c'eft  une  ftatue  équeftre  ;  ce  lolide  eft  de  briques 


B  R  O 

maçonnées  auffi  avec  le  mélange  de  plâtre  &  de  ter- 
re cuite  Se  pilée.  On  terme  toutes  les  ouvertures  des 
murs  de  la  foffe  ;  on  achevé  de  la  remplir  jufqu'à  deux 
pies  au-deffus  du  moule  avec  de  la  terre  ferme  ;  on 
met  cette  terre  par  couches  de  fix  pouces  d'épaiffeur, 
qu'on  réduit  à  quatre  avec  des  pilons  de  cuivre  :  mais 
de  peur  que  l'humidité  de  cette  terre  ne  nuife  au  mou- 
le,  on  y  répand  un  peu  de  plâtre  paffé  au  las.  On 
avoit  même  goudronné  le  moule  depuis  le  bas  jufqu'à 
la  moitié  de  la  figure ,  dans  la  fonte  de  la  ftatue 
équeftre  de  la  place  de  Louis-le-grand. 

A  mefure  que  l'enterrage  s'avance,  on  bouche  les 
iffues  des  égoùts  Se  les  trous  de  tarriere,  avec  des 
tampons  de  terre  :  quant  aux  jets  Se  aux  évents ,  on 
les  élevé  avec  des  tuyaux  de  même  compolition  que 
le  moule  de  potée  ;  on  fait  bien  lécher  ces  tuyaux 
avant  que  de  les  employer  ;  on  les  conduit  jufqu'à- 
l'écheno. 

L'écheno  eft  un  baffin  dont  nous  parlerons  plus 
au  long ,  où  aboutiffentles  principaux  jets ,  &  dans 
lequel  paffe  le  métal  liquide  au  lortir  du  fourneau, 
pour  le  précipiter  dans  les  jets  dont  l'entrée  eft  en  en- 
tonnoir. Ces  entonnoirs  font  bouchés  avec  des  bar- 
res de  fer  arrondies  &  de  même  forme ,  qu'on  appelle 
qumouilktus . 

Tout  eft  alors  difpofé  pour  la  fonte  dans  la  foffe  ; 
il  ne  s'agit  plus  que  d'avoir  un  fourneau  pour  met- 
tre la  matière  en  fufion  :  on  commence  par  conftruire 
un  maffif  profondément  en  terre,  lur  lequel  on  alîied 
le  fourneau  de  manière  que  l'atre  en  loit  à  peu  près 
trois  pies  plus  haut  que  le  fommet  de  la  figure  à  jet- 
ter;  Se  fur  Farrafe  des  murs,  on  a  élevé  en  pans  de 
bois  trois  côtés  de  l'attelicr;  pour  le  quatrième  côté 
qui  regarde  la  chauffe  du  fourneau ,  il  eft  conftruit  de 
moelon ,  Se  c'eft  un  mur.  Le  fourneau  doit  être  le 
plus  près  qu'il  eft  poffible  de  la  foffe;  c'eft  pourquoi, 
en  conftruifant  le  maffif  du  fourneau  qui  forme  un 
des  côtés  de  la  foffe ,  on  y  a  fait  deux  renfoncemens 
en  arcades  ,  avec  un  pilier  au  milieu ,  derrière  lequel 
on  a  pratiqué  un  paffage  voûté,  pour  communiquer 
d'une  arcade  à  l'autre.  Le  parement  du  pilier  du  côté 
de  la  foffe  a  été  fait  avec  des  affilés  de  grès  pour  ré- 
futer au  feu ,  qu'il  devoit  fupporter  comme  partie  du 
mur  de  recuit. 

C'eft  la  quantité  de  métal  néceffaire  à  l'ouvrage, 
qui  détermine  la  grandeur  du  fourneau  ;  &  c'eft,  com- 
me nous  l'avons  déjàinfinué,  la  quantité  des  cires 
employées,  qui  détermine  la  quantité  du  métal.  Il 
fallut  pour  la  ftatue  équeftre  de  la  place  de  Louis-le- 
grand  ,  tant  pour  les  égoùts,  évents,  jets ,  que  pour 
le  noyau,  6071  liv.de  cire,  ce  qui  demandoit  60710 
livres  de  métal,  à  quoi  l'on  ajouta  22941  livres  de 
métal ,  à  caufe  du  déchet  dans  la  fonte ,  de  la  dimi- 
nution du  noyau  au  recuit,  Se  pour  en  avoir  plutôt 
de  refte  que  moins. 

Quand  on  a  la  quantité  de  métal  que  le  fourneau 
doit  contenir,  on  cherche  quel  diamètre  &  quelle 
hauteur  de  bain  de  métal  il  doit  avoir.  Dans  la  fonte 
de  la  ftatue  équeftre  qui  nous  lert  d'exempte,  fa- 
chant  qu'un  pié  cube  de  métal  allié  pelé  648  livres, 
on  divila  83652  par  64S,  Se  l'on  trouva  qu'il  fal- 
loit  que  le  fourneau  contînt  129  pies  cubes  ^°g.  On 
prit  te  diamètre  du  fourneau  pour  cette  fonte  de  dix 
pies  neuf  pouces  en  quarré,  fur  feize  pouces  Si  de- 
mi de  hauteur,  ce  qui  donne  129  pies  cubes. 

Le  fourneau  doit  être  percé  par  quatre  ouvertu- 
res ,  une  du  côté  de  la  chauffe  par  laquelle  la  flam- 
me entre  dans  le  fourneau ,  &  qu'on  appelle  Ventrée 
de  la  chauffe;  une  à  l'autre  extrémité  vers  la  foffe  par 
laquelle  le  métal  fondu  fort  :  deux  autres  qu'on  nom- 
me  portes,  font  parles  deux  côtés.  Elles  fervent  pour 
pouflér  le  métal  dans  le  fourneau,  Se  pour  le  remuer 
quand  il  fond.  On  pratique  encore  deux  ou  quatre 
ouvertures  dans  la  voûte,  qui  font  comme  les  che- 
minées, 


BRO 

mîîïées-,  Se  qu'on  tient  couvertes  ou  libres  feîon  le 
beibin.         , 

A  côté  du  fourneau,  à  l'oppofite  de  la  foffe,  on 
fait  la  chauffe.  Cerf,  un  efpace  quarré  dans  lequel 
on  fait  le  feu,  &  d'où  la  flamme  elt  portée  dans  le 
fourneau.  Le  bois  y  eft  polé  fur  une  double  grille  qui 
fépare  fa  hauteur  en  deux  parties  :  l'inférieure  s'ap- 
pelle le  cendrier.  On  retire  les  cendres  par  une  porte 
ouverte  du  côté  du  nord  ;  parce  que  le  feu  qui  met 
le  métal  en  fufion ,  étant  de  réverbère ,  il  eft  avan- 
tageux que  l'air  qui  paffe  par  cette  porte ,  &  qui  le 
fouffle ,  toit  un  vent  froid  qui  donne  ai*  feu  de  l'ac- 
tivité. 

Le  fondement  du  fourneau  ayant  été  fait  folide , 
on  pofe  l'atre  à  la  hauteur  néceffaire  pour  qu'il  ait 
pente  vers  l'écheno.  On  donna  dans  l'exemple  de 
grande  fonderie  dont  nous  nous  fommes  fervis ,  à  l'a- 
tre douze  pies  neuf  pouces  de  diamètre,  pour  que  le 
mur  du  fourneau  portât  en  recouvrement  un  pié  def- 
fus  au  pourtour  avec  trois  rangs  de  briques,  les  deux 
premières  fur  le  plat ,  &  la  troifieme  de  carreaux  de 
Sinfanfon,  proche  Beauvais  en  Picardie,  de  huit  pou- 
ces en  quarré,  pofés  de  champ,  &  maçonnés  avec 
de  la  terre  de  même  qualité  que  celle  de  noyau.  Cet 
atre  avoit  une  pente  de  fix  pouces  depuis  la  chauffe 
jufqu'au  tampon ,  6c  un  revers  de  trois  pouces  de  pen- 
te depuis'  les  portes  jufqu'au  milieu,  ce  qui  formoit 
un  ruifTeau  dans  le  milieu ,  pour  en  faire  écouler  le 
métal. 

Au-deffus  de  l'atre,  on  confinait  les  murs  &  la  voû- 
te du  fourneau  avec  des  briques  gironnées,  c'eft-à- 
dire ,  plus  larges  &  plus  épaules  par  un  bout  que  par 
l'autre ,  de  la  tuilerie  de  Sinfanfon,  pofées  en  coupe 
fuivant  le  pourtour  &  le  diamètre  de  la  voûte ,  ma- 
çonnées avec  de  la  terre ,  6c  garnies  par  derrière  de 
briques  du  pays ,  pofées  avec  de  la  terre  en  liaifon 
&  en  coupe. 

Le  trou  du  tampon  eft  en  façon  de  deux  cônes  unis 
par  leurs  bouts  tronqués  ;  on  bouche  celui  qui  eft  du 
côté  du  fourneau,  avec  un  tampon  de  fer  de  la  figure 
de  l'ouverture  qu'il  doit  former,  &  de  la  terre  qui 
remplit  les  joints  :  le  tampon  étant  en  cône,  6c  bou- 
chant par  fa  pointe ,  le  métal  ne  peut  le  chaffer.  Ce 
trou  de  tampon  eft  pratiqué  dans  Ion  parement  avec 
lin  rang  de  briques  de  Sinfanfon  ,  garni  par  derrière 
de  briques  du  pays ,  pofées  en  terre ,  de  même  que 
tes  portes  du  fourneau. 

La  chauffe  &  fon  ouverture  doivent  être  d'un  con- 
tour aile  &  allongé  ,  afin  que  la  flamme  aille  fans  em- 
pêchement frapper  au  trou  du  tampon,  d'oii  elle  fe 
répand  6c  circule  dans  le  fourneau.  Au  haut  de  la 
voûte  de  la  chauffe  il  y  a  un  trou  par  où  l'on  jette  le 
bois  ;  on  bouche  ce  trou  avec  une  pelle  de  fer  qui 
gliffe  entre  deux  couliffes  de  fer  au-deffus  de  cette 
ouverture.  Dans  l'épaiffcur  du  mur  du  fourneau  du 
côté  de  la  chauffe ,  on  met  une  plaque  de  fer  fon- 
du de  quatre  pies  de  long,  qui  defeend  huit  pouces 
plus  bas  que  l'atre  du  fourneau,  à  un  pié  de  diftance 
du  parement  du  mur  de  la  chauffe ,  de  crainte  que  li 
le  feu  fàifoit  quelque  fradure  aux  murs  du  fourneau, 
le  métal  ne  s'écoulât  dans  la  chauffe.  Par  la  même 
raifon  on  fortifie  le  fourneau  en  tout  fens  avec  des 
brans  de  fer  qui  paflent  fous  l'atre,  &  fur  la  voûte 
du  fourneau,  6c  qui  font  pris  par  leurs  bouts  dans 
des  ancres  de  fer  qui  f  ailifîent  d'autres  barres  pofées 
de  niveau  fur  les  paremens  des  murs  du  fourneau. 

Les  ouvertures  du  comble  qui  donnent  du  jour 
dans  ces  atteliers  doivent  être  en  lucarnes  damoifél- 
les  ,  c'eft-à-dire  plus  élevées  fur  le  devant  que  fur 
le  derrière,  afin  de  donner  plus  de  jour,  &  laiffer 
plus  facilement  échapper  la  fumée,  ''.ni.;  PL  H.fig. 
.5.  plan  du  fourneau  où  Ton  fait  fondre  la  bron?e;jly 
le  fourneau  ;  B ,  portes  ;  C,  la  chauffe:  D  ,  la  grille  ; 
JE ,  le  conduit  à  L'écheno;  F,  l'écheno,//:,'.  6.  profil 
Torm  II. 


BRO 


441 


du  fourneau  ;  i ,  le  fourneau  ;  i ,  les  portes  ;  3  ,  la 
chauffe;  4 ,  la  grille  ;  9  ,  ouverture  pour  jetter  le  bois 
dans  le  fourneau  ,Jïg.  y.  profil  du  fourneau  en  lar- 
geur ;  1 ,  1 ,  le  fourneau  ;  2 ,  les  portes  ;  3  ,  la  chauffe, 
12,  1 2 ,  les  cheminées. 

Voilà  les  règles  générales  pour  la  conftrudion  d'un 
fourneau  ;  l'expérience  6c  le  bon  fens  apprendront  au 
Fondeur ,  quand  &  comment  il  doit  ou  les  modifier  ou 
s'en  écarter. 

Lorfque  le  fourneau  pour  la  ftatue  équeftre  de  la 
place  de  Louis-le-grand  fut  conlt ruit ,  comme  nous 
avons  dit ,  on  fît  trois  épreuves  à  la  fois  ;  Tune  de  la 
bonté  du  fourneau  ;  l'autre  fur  la  durée  du  métal  en 
état  de  fufion ,  &  la  troifieme  fur  la  diminution  pen- 
dant la  fonte.  On  y  fondit  19090  livres  de  vieilles 
pièces  de  canon,  lingots  de  cuivre  moitié  rouge, 
moitié  jaune  ;  le  mélange  fut  mis  en  fufion  en  vingt- 
quatre  heures,  coula  près  de  50  pies  de  longueur  à 
l'air  fans  fe  figer,  &  l'on  n'en  retira  que  1  5714  livres 
nettes.  Le  déchet  venoit  de  l'évaporation  du  métal 
jaune  ,  &  de  la  perte  de  la  quantité  dont  l'atre  neuf 
s'étoit  abreuvé. 

L'alliage  ordinaire  de  la  bronze  pour  les  figures  eft 
de  deux  tiers  de  cuivre  rouge  ,  &  d'un  tiers  de  cuivre 
jaune  ;  mais  on  rendra  la  bronze  plus  folide  6c  moins 
foufflante  ,  fi  l'on  met  un  peu  plus  de  cuivre  jaune. 
On  prit  pour  la  grande  fonte  de  la  ftatue  équeftre  de 
la  place  de  Louis-le-grand ,  en  lingots  de  la  première 
fonte,  1 5714;  en  culaffes  de  vieilles  pièces  de  canon, 
6 1 88  ;  en  lingots  faits  de  deux  tiers  de  cuivre  rouge 
&  d'un  tiers  de  cuivre  jaune,  4860;  en  autres  lingots 
de  cuivre ,  moitié  rouge  &  moitié  jaune ,  45 1 29  ;  en 
métal  rouge ,  3  5  3  9  ;  en  métal  jaune,  3  500  ;  en  lingots 
provenant  de  la  fonte  de  la  ftatue  de  Sextus  Marins, 
2820;  enétain  fin  d'Angleterre,  2002.  Total,  83752. 

Pour  commencer  la  fonte  ,  on  couvre  l'atre  du 
fourneau  de  lingots  élevés  par  bouts  les  uns  fur  les 
autres  ,  afin  que  la  flamme  puiffe  circuler  entr'eux. 
On  allume  le  feu  dans  la  chauffe  avec  du  bois  fec. 
La  flamme  eft  portée  dans  le  fourneau  par  l'ouver- 
ture de  la  chauffe ,  6c  s'y  répand.  Quand  les  premiers 
lingots  font  en  fufion  ,  on  continue  d'en  mettre  d'au- 
tres qu'on  a  tenu  expofés  au  l'eu  fur  les  glacis  des  por- 
tes du  fourneau  ,  d'oii  ils  coulent  quelquefois  d'eux- 
mêmes  en  fufion  dans  le  fourneau.  Si  on  les  y  jet- 
toit  froids ,  ils  feroient  figer  le  métal  en  fufion  ,  qui 
s'y  attacherait,  &  formeroit  un  gâteau.  Ce  n'eft  pas- 
là  la  feule  manière  dont  le  gâteau  fe  puiffe  faire. 
L'humidité  d'une  fumée  épaiffe  qui  fe  répandroitdans 
le  fourneau  ;  le  rallentiffement  de  la  chaleur  d'un  feu 
mal  conduit  ;  la  moiteur  d'un  mauvais  terrein  ,  &c. 
fuffifent  pour  caufer  cet  accident,  à  la  fuite  duquel 
il  faut  quelquefois  rompre  le  fourneau ,  retirer  le  mé- 
tal,  le  divifer  &c  le  remettre  en  fonte. 

Quand  tout  le  métal  elt  fondu ,  on  continue  le  feu; 
&  on  ne  le  préfume  affez  chaud ,  que  quand  la  flamme 
du  fourneau  devient  rouge ,  que  quand  les  craffes  fe 
fendent  à  fa  furface,  &  montrent  en  s'écartant  d'elles- 
mêmes  un  métal  brillant  comme  un  miroir,  &  qu'en 
le  remuant  avec  des  pelles  de  bois ,  il  s'en  élevé  une 
fumée  blanche  :  alors  on  débouche  le  fourneau  en 
enfonçant  le  tampon  avec  une  barre  de  fer  fufpen- 
àuc  ,  qu'on  appelle  perrier  ;  le  tampon  enfoncé ,  le 
métal  coule  dans  l'écheno  qu'on  a  eu  foin  de  tairo 
bien  chauffer. On  levé  les  qucnouillettes  parle  moyen 
d'une  balcule ,  &  le  métal  fe  précipite  dans  les  jets  ; 
on  peut  éfpérer  du  fuccès ,  quand  il  coule  fans  bouil- 
lonner ni  cracher,  qu'il  en  relie  dans  l'écheno,  ce  qu'il 
remonte  par  les  évents.  Pour  la  ftatue  équeftre  de 
Louis  XIV.  le  fourneau  fut  en  feu  pendant  40  heures  ; 
&  il  relia  dans  l'écheno  2 1 924 1.  de  métal.  /  '<;> .  PL  I. 
l'attelier  de  la  fonderie  dans  le  tems  que  l'on  fond  le 
métal  dans  le  fourneau ,  cv  que  l'on  coule  la  ligure 
en  bronze  ;  1 ,  le  fourneau  ;  1,  portes  par  lesquelles 

K.  k  k 


44* 


B  R  O 


on  remue  le  métal  dans  le  fourneau;  3  ,  cheminées 
par  lefquelles  la  fumée  fort  du  fourneau  ;  4,  baf- 
eules  par  lefquelles  on  levé  &  ferme  les  portes  du. 
fourneau  ;  *j ,  trou  du  tampon  par  lequel  fort  le  mé- 
tal pour  couler  dans  l'écheno  ;  6  ,  perrier  avec  lequel 
on  pouffe  le  tampon  dans  le  fourneau  pour  en  faire 
fortir  le  métal,  afin  qu'il  coule  dans  l'écheno.  Ce 
perrier  eft  fufpendu  par  une  chaîne  de  fer;  7 ,  7 , 7 , 
trois  quenouilles  dans  l'écheno  où  elles  bouchent  les 
entrées  du  métal ,  au  haut  des  trois  jets ,  par  lefquels 
le  métal  fe  répand  dans  tous  les  jets  de  la  figure  ; 
8,  8,  bafcule  pour  lever  en  môme  tems  les  trois  qne- 
nouillettes  ,  afin  que  le  métal  entre  dans  les  trois 
principaux-  jets;  9,  9,  écheno  en  manière  de  bafïîn, 
dans  lequel  coule  le  métal  au  fortir  du  fourneau , 
pour  entrer  dans  les  trois  principaux  jets  en  même 
tems,  quand  on  a  levé  les  quenouillettes. 

On  laiffe  repofer  le  métal  dans  le  moule  pendant 
îrois  ou  quatre  jours  afin  qu'il  y  prenne  corps  ,  & 
quand  la  chaleur  efl  entièrement  ceffée  ,  on  le  dé- 
couvre ,  &c  l'on  a  une  figure  toute  iemblable  à  celle 
qu'on  avoit  exécutée  en  cire.  On  a  pouffé  la  fonderie 
û  loin ,  que  la  cire  n'étoit  quelquefois  guère  plus  nette 
que  ne  l'eft  l'ouvrage  fendu  ;  &  qu'on  pourrait  pref- 
que  fe  contenter  de  le  laver  ,  &  de  l'écurer  avec  la 
lie  devin  :  mais  les  gens  habiles  qui  font  toujours  dif- 
ficilement contens d'eux-mêmes,  retouchent  les  con- 
tours de  leurs  figures.  D'ailleurs  il  y  a  des  trous  à 
boucher ,  des  jets  à  couper  ,  des  évents  &  d'autres 
fuperfluités  à  enlever;  c'eft  ce  qu'on  exécute  avec 
des  cifeaux.  On  fe  fert  de  la  marteline  pour  déta- 
cher une  craffe  qui  fe  forme  fur  l'ouvrage  du  mélan- 
ge de  la  bronze  même  &  de  la  potée  ,  &  qui  eft  plus 
dur  que  la  bronze  même.  La  marteline  eft  une  eipe- 
ce  de  marteau  d'acier  pointu  par  un  bout ,  &  à  dents 
de  l'autre ,  avec  lequel  on  frappe  fur  l'ouvrage ,  pour 
ébranler  la  craffe  qu'on  enlevé  enfuite  au  ciieau.  On 
employé  auffi  le  gratoir,  le  rifloir,  &  le  gratte-boffe; 
on  achevé  de  nettoyer  avec  l'eau-forte,dont  on  frotte 
l'ouvrage  avec  une  broffe ,  ufant  aufîi  du  gratoir  &c 
du  gratte-boffe.  On  réitère  cette  manœuvre  trois  ou 
quatre  fois  ;  puis  on  écure  avec  la  lie  de  vin. 

Quant  aux  petits  ouvrages  ,  quand  on  en  a  ôté  les 
jets  >  on  les  laiffe  tremper  dans  l'eau-forte  pendant 
quelque  tems  ;  la  craffe  fe  diffout  &  fe  met  en  une 
pâte  qu'on  ôte  aifément. 

On  bouche  enfuite  les  trous  en  y  coulant  des  gout- 
tes de  métal.  On  appelle  goutte,  ce  que  l'on  fond 
après  coup  fur  un  ouvrage  ;  ces  gouttes  rempliffent 
quelquefois  les  plus  grands  creufets. 

Pour  les  couier,  on  taille  la  pièce  en  queue  d'a- 
ronde ,  en  la  fouillant  jufqu'à  moitié  de  l'épaiffeur  de 
la  bronze.  On  y  met  de  la  terre  que  l'on  modèle  fui- 
vant  le  contour  qu'elle  doit  avoir ,  &  fur  laquelle  on 
fait  un  moule  de  terre  ,  ou  de  plâtre  &  brique ,  au- 
deffus  duquel  on  pratique  un  évent  &  un  petit  godet 
qui  fert  de  jet  pour  y  faire  couler  le  métal  ;  on  dé- 
place enfuite  cette  pièce  du  moule  ,  pour  la  faire  re- 
cuire comme  le  moule  de  potée  ;  &c  après  avoir  ôté 
la  terre  du  trou  où  l'on  doit  couler  la  goutte,  on  re- 
met cette  portion  recuite  dans  fa  place ,  en  l'atta- 
chant avec  des  cordes  à  l'ouvrage  ,  pour  qu'elle  y 
foit  jointe  ;  de  manière  que  le  métal  ne  puiffe  s'écou- 
ler. Après  avoir  fait  bien  chauffer  le  tout,  on  y  cou- 
le le  métal ,  fondu  très-chaud  dans  un  creufet ,  en- 
forte  qu'il  faffe  corps  avec  la  bronze  :  on  pratique  la 
même  chôfe  aux  fentes  :  mais  fi  elles  fe  trouvent  dans 
un  endroit  où  il  feroit  difficile  de  jetter  du  métal  •  on 
lime  une  pièce  de  la  même  étoffe  que  l'ouvrage ,  & 
de  la  mefure  de  la  fente  ,  &  on  l'enfonce  à  force  , 
après  avoir  entaillé  cette  fente  en  queue  d'aronde  , 
de  la  moitié  de  l'épaiffeur  de  la  bronze. 

On  achevé  enfin  tout  ce  grand  travail  en  vuidant 
la  pièce  fondue  de  ion  noyau;  fi  c'eft  une  ftatuè 


B  R  O 

équeflre  ,  on  defeend  dedans  par  l'ouverture  prat;* 
quée  au-deffus  de  la  croupe  :  on  retire  une  partie  des 
fers  de  l'armure  &  du  noyau  par  le  haut  ;  le  refte 
s'écoule  par  les  ouvertures  du  ventre. On  bouche  bien 
tous  ces  trous.  Si  on  négligeoit  ce  foin  ,  les  ouvra* 
ges  venant  à  fe  charger  d'eau  en  hy  ver  ;  &  cette  eau 
defeendant  dans  les  parties  inférieures ,  dans  les  cuif- 
fes  &  dans  les  jambes ,  elle  pourrait  s'y  glacer,  & 
détruire  les  formes  de  ces  parties  ,  peut-être  même 
les  ouvrir.  On  coupe  les  jets  ;  on  enlevé  au  cifeau 
les  barbures  ;  on  repare  l'ouvrage  jufqu'à  ce  qu'il 
n'y  ait  plus  fien  à  déiirer ,  &  on  le  tire  de  la  foffe  , 
pour  le  placer  fur  fon  pié-d'eftal. 

Quels  travaux,  quelles dépenles, quelle  induftrie! 
Mais  doit-on  rien  épargner  quand  il  s'agit  d'éternifer 
la  mémoire  des  fouverains  qui  ont  rendu  leurs  peu- 
ples heureux  ?  Pour  les  princes  oififs  ou  médians 
font-ils  dignes  des  honneurs  du  bronze?  Perdez-vous, 
art  divin  ,  fous  les  règnes  desClaudes  ,  des  Nérons  , 
&  des  Caligulas  ,  &  ne  vous  retrouvez  que  fous  les 
règnes  des  Tites ,  des  Trajans  ,  &c  des  Antonins. 

La  ftatue  équeftre  élevée  par  la  ville  de  Paris  dans 
la  place  de  Louis  le  grand  en  1699,  efl  le  plus  grand 
ouvrage  qui  ait  peut-être  jamais  été  fondu  d'un  feu! 
jet  ;  il  a  vingt-un  pies  de  haut.  Les  ffatues  équelfres 
de  Marc-Aurele  à  Rome  ,  de  Cofme  de  Medicis  à  Flo- 
rence, d'Henri  IV.  &  de  Louis  XIII.  à  Paris,  ont 
été  fondues  par  pièces  féparées.  Il  en  eft  de  même  de 
la  chaire  de  l'églife  de  S.  Pierre  de  Rome  ;  cet  ou- 
vrage ,  qui  a  quatre-vingts  pies  de  haut ,  eft  fait  de 
pièces  remontées  fur  une  armature. 

Les  Egyptiens  ,  les  Grecs ,  ont  connu  l'art  de  fon- 
dre :  mais  ce  qui  refte  de  leurs  ouvrages ,  &  ce  que 
l'hiftoire  nous  apprend  des  autres ,  n'eft  que  médio- 
cre pour  la  grandeur.  Le  coloffe  de  Rhodes ,  ainfi  que 
quelques  autres  ouvrages  qui  nous  paroiffent  prodi- 
gieux aujourd'hui ,  n'étoient ,  félon  toute  apparence, 
que  des  platines  de  cuivre  rapportées  :  c'eft  ainft  qu'on 
a  fait  la  ftatue  du  connétable  de  Montmorency ,  éle- 
vée à  Chantilly. 

On  peut  exécuter  de  très-grands  ouvrages  d'un 
feul  jet  :  l'expérience  qu'on  fit  du  fourneau  de  la  fta- 
tue équeftre  de  la  place  de  Louis  le  grand  ,  prouve 
que  le  métal  en  fufion  peut  couler  à  cinquante  pies  à 
l'air  fans  fe  figer  ;  c'eft  ce  que  Landouillet  n'ignoroit 
pas.  Quand  on  propofa  de  faire  dans  le  chœur  de 
Notre-Dame  de  Paris  un  autel  en  baldaquin  de  bronf 
^e  de  cinquante  pies  de  haut,  pour  acquitter  le  vœu 
de  Louis  XIII.  cet  habile  fondeur,  commiffaire  de  la 
fonderie  de  Pracheiort ,  s'offrit  de  le  fondre  d'un  feul 
jet  dans  le  chœur  même  de  Notre  -  Dame ,  dans  la 
place  où  le  modelé  étoit  fait ,  établiffant  fes  four- 
neaux dans  l'églife ,  enforte  qu'il  n'y  eût  eu  aucun 
embarras  de  tranfport.  Ce  projet  étoit  beau  &  pofîi- 
ble  ,  mais  au-deffus  des  lumières  de  fon  tems  ;  &  l'on 
pourrait  dire  que  Landouillet  naquit  un  peu  trop- 
tôt. 

Lorfque  M.  le  Moine  ,  habile  fculpteur ,  exécuta 
la  ftatue  équeftre  de  Louis  XV.  pour  la  ville  de  Bor- 
deaux ,  il  y  avoit  50  ans  que  celle  de  Louis  XIV. 
pour  la  ville  de  Paris  avoit  été  fondue  ;  les  mouleurs  , 
les  forgerons,  &  les  fondeurs  qu'on  y  avoit  employés 
n'étoient  plus  vivans  ;  &  la  pratique  en  étoit  prefque 
perdue  ,  fans  les  mémoires  &  les  deffeins  recueillis 
par  M.  Boffrand  ,  &  communiqués  à  M.  le  Moine  : 
ce  fut  à  l'aide  de  ces  mémoires  que  l'art  de  fondre 
d'un  jet  des  ftaîues  équeftres  fe  retrouva.  A  l'égard 
de  la  ftatue  équeftre  de  Louis  XIV.  dont  M.  de 
Boffrand  a  expliqué  la  fonte  &  les  travaux  dans  un 
ouvrage  intitulé  Dcfcription  de  ce  qui  a  été  pratiqué 
pour  fondre  la  ftatue  équejlre  ,  &c.  la  fculpture  eft  de 
François  Girardon  ,  dont  les  ouvrages  font  l'éloge 
mieux  que  je.  ne  pourrais  faire  ;  6c  la  fonte  &  fes 
opérations  ont  été  conduites  par  Jean  Baltafar  Kel- 


B  R  O 


B  R  O 


1er  ,SuifTe  de  nation ,  homme  très-expérimenté  dans 
les  grandes  fonderie:. 

*  BRONZES  ,  f.  m.  pi.  (  Antiquit.  )  les  antiquai- 
res donnent  ce  nom  aux  figures  humaines  ,  aux  ani- 
maux, aux  urnes,  aux  tables,  &  en  général  à  tout 
morceau  de  fculpture ,  ou  même  d'architecture  un 
peu  considérable ,  fondus  de  ce  métal  par  les  an- 
ciens, &  échapésaux  ravages  des  tems. 

On  tire  de  ces  morceaux  des  inftrudtions  très-cer- 
taines fur  un  grand  nombre  de  faits.  Nous  en  pofïé- 
dons  beaucoup  ;  &  il  n'y  a  aucun  doute  que  le  nom- 
bre n'en  fut  beaucoup  plus  considérable  ,  fi  les  plus 
grands  bronzes  n'avoient  été  fondus  dans  les  tems  de 
barbarie  :  alors  on  faiiifïbit  avidement  ces  métaux  , 
comme  des  matériaux  dont  le  poids  fallait  tout  le 
prix. 

Nous  donnons  auflî  le  nom  de  bronzes  à  toutes  les 
pièces  un  peu  importantes  que  nous  failons  fondre 
ce  ce  métal  ;  foit  que  ces  pièces  fôient  des  copies  de 
l'antique,  foit  que  ce  foient  des  fujets  nouvellement 
inventés. 

BRONZER,  c'eft  appliquer  le  bronze  fur  les  figu- 
res &  autres  ornemensdebois  ,  plâtre,  ivoire,  &c. 
en  forte  que  la  bronze  réfifte  à  l'eau.  On  prend  du 
brun  rouge  d'Angleterre  broyé  bien  fin ,  avec  de 
l'huile  de  noix  &:  de  l'huile  graffe ,  on  en  peint  toute 
la  figure  qu'on  veut  bronzer,  puis  on  laitfe  bien  fé- 
cher  cette  peinture  :  quand  elle  eft  bien  feche  ,  on  y 
donne  une  autre  couche  de  la  même  couleur  ,  qu'on 
laiffe  encore  lécher  ;  après  quoi  l'on  met  dans  une 
coquille  ou  godet  du  vernis  à  la  bronze  {Voyc^  Ver- 
nis à  la  bronze} ,  &  avec  un  pinceau  imbibé  de  ce 
vernis ,  &  que  l'on  trempe  dans  de  l'or  d'Allemagne 
en  poudre  ,  on  l'étend  le  plus  également  qu'il  eft  pof- 
fible  fur  la  figure  qu'on  veut  bronzer.  Au  lieu  d'or 
d'Allemagne  on  peut  prendre  de  beau  bronze  qui 
n'oft  pas  li  cher ,  6c  qui  fait  un  bel  effet  :  il  y  en  a  de 
piufieurs  couleurs.  (/î) 

BRONZER  ,  terme  d'ArquebuJîer  &  autres  ouvriers  en 
fer,  c'eft  faire  prendre  au  canon  d'un  fufil  une  cou- 
leur d'eau.  Les  Arquebuficrs  font  chauffer  ce  canon 
juiqu'à  un  certain  point ,  le  pofent  dans  les  tenailles 
en  bois  qu'ils  aiTujettiffent dans Fétau ,  &  le  frottent 
enfuite  un  peu  fort  avec  la  pierre  fanguine  ,  jufqu'à 
ce  que  le  canon  ait  pris  la  couleur. 

BRONZER,  terme  de  Chamoifeur ,PeauJJier,  &  Cor- 
royeur ,  façon  qui  fe  donne  aux  peaux  de  maroquin 
&  de  mouton ,  par  laquelle  au  lieu  d'en  former  le 
grain  ,  on  y  élevé  à  la  f  uperficie  une  efpecc  de  bour- 
re ou  velouté  ,  fcmblable  à  celle  qu'on  remarque  fur 
les  bafannes  velues.  Le  bronzé  le  fait  toujours  en 
noir;  c'eft  avec  les  peaux  qui  ont  été  bronzées  qu'on 
fuit  des  fouliers  &  des  gants  de  deuil,  qu'on  appelle 
Jbuïurs  bronzés  y  &  gants  bronzés.  Voye^  CHAMOI- 
SEUR. 

*  BROQUELEUR ,  f.  m.  (  Œconom.  rujliq.  )  e'eft 
ainfi  qu'on  appelle  un  trou  du  diamètre  de  quatre  à 
cinq  lignes,  pratiqué  fur  le  devant  des  tonneaux  : 
on  le  laifTe  ouvert  pendant  dix  à  douze  jours  après 
qu'un  a  bondonné  les  vins  nouveaux;  paifé  ce  tems, 
on  y  place  une  cheville  haute  de  deux  pouces ,  qu'on 
puifle  ôter&  mettre  facilement,  pour  donner  de 
l'air  au  vin  nouveau  dans  le  cas  qu'il  vînt  encore  à 
s'émouvoir.  On  fe  fert  de  la  même  ouverture  pour 
remplir  les  tonneaux  pendant  deux  ou  trois  femai- 
nes ,  tous  les  huit  jours  une  fois  ;  pendant  un  mois 
ou  deux ,  tous  les  quinze  jours  une  fois  ;  &  enfin  tous 
les  deux  mois  une  fois.  On  prétend  qu'il  faut  être 
très-exact  à  faire  cv:>  rempliflages  dans  les  commen- 
cemens  ,  lorlque  le  \  in  bouillonne  encore ,  cv  cher- 
che à  fedéban  aller  de  fes  impuretés  ;  cv  qu'il  ; 

pas  les  négliger  dans  la  fuite  ,  le  vin  rellàt-il  des  an- 
né*  •  entières  dans  la  cave. 

*BROQUETTE,f,f.  (  C7cw«V.)  c'eft  la  plus  pe- 
Tome  II, 


443 


tire  forte  de  cîous  ;  il  y  ër.  a  depuis  quatre  onces  juf- 
qua  deux  livres  le  millier  :  on  donne  le  nom  de  bro- 
qustte  emboutie  ou.  cfiampée  à  ces  dernières.  Il  y  a  une 
greffe  hoquette  de  trois  livres  au  millier  qui  <e  vend 
au  cent.  Les  hoquettes  au-defïbus  de  celle-ci  fe  ven- 
dent à  la  lbmme  ,  qui  eft  de  douze  milliers.  Voye^ 
Clou. 

BROR  A ,  (  Géog.  )  ville  de  I'Ecdfle  feptentrionaîe 
dans  le  comté  de  Southerland ,  à  l'embouchure  de  la 
rivière  de  même  nom. 

BROSSA? A ,  f.  f.  (  Hifi.  fiât.  bot.  )  genre  de  plan- 
te dont  le  nom  a  été  dérivé  de  celui  de  Guy  de  la 
BrofTe,  premier  intendant  du  Jardin  du  Roi.  La  fleur 
des  plantes  de  ce  genre  eft  monopétale,campanifor- 
mc,Cvcependantrel!~emblant  à  un  cône  tronqué. Cette 
fleur  eft  foûtenue  fur  un  calice  profondément  décou- 
pé ,  du  milieu  duquel  il  s'élève  un  piftil  qui  devient 
dans  la  fuite  un  fruit  compoie  de  cinq  capfules ,  rem- 
pli de  femences  menues  >  &  renfermé  dans  le  calice 
de  la  fleur,  qui  devient  charnu  ,  mou,  fphérique  ,  8c 
qui  eft  ouvert  par  cinq  fentes.  Plumier,  Nova  plant. 
Amer,  gêner.  Voye-^  Plante.   (  /  ) 

BROSSAILLES,  f.  m.  pi,  {Jardin.  )  s'entend  du 
mauvais  bois  qui  profite  peu  ,  tel  que  les  haies  ,  les 
huilions  ,  les  ronces  ,  les  épines  ,  bruyères ,  ferpo- 
let,  genêt,  jonc  marin,  &c.  (/i) 

*  BROSSE,  f.  f.  fe  dit  en  général  île  tout  infini- 
ment à  poil,  ou  à  fil  d'archal  ,  ou  de  laiton ,  qui  fert 
foit  à  nettoyer,  foit  à  d'autres  ufages  femblables  : 
ce  font  les  Vergettiers  qui  font  les  brojfes ,  &  l'on  en 
diftingue  un  grand  nombre  de  fortes ,  tant  par  la 
forme  que  par  l'emploi.  Quant  à  la  manière  de  le» 
fabriquer ,  elle  eft  fort  iimplc  :  on  perce  une  planche 
de  piufieurs  trous  ,  on  y  infère  les  poils  plies  ;  on  ar- 
rête ces  poils  dans  les  ouvertures  par  des  ficelles  ou 
du  fil  d'archal  qui  les  embraifent  par  le  milieu  ;  on 
couvre  ces  attaches  de  peau  ,  de  maroquin  ,  &c.  on 
coupe  les  poils  pour  les  égaiifer ,  &  la  brojfe  eft  faite.' 

^OJ'^VERGETTE. 

Brosse  à  l'apprêt ,  ce  font  des  brojfes  courtes  qui 
n'ont  rien  de  particulier  que  cette  forme.  Elles  fer- 
vent dans  toutes  les  occafions  où  le  frottement  de- 
vant être  violent ,  il  faut  que  le  poil  ait  une  certaine 
coniiftance. 

Brosses  de  carrojfe ,  font  celles  qui  font  à  queue  , 
larges  vers  la  poignée  ou  la  queue ,  2c  allant  toujours 
en  retréciflant  jufqu'à  l'autre  bout,  &  dont  on  le  fert 
pour  nettoyer  le  dehors  &  l'intérieur  du  carroffe. 

Brosses  à  cheval,  celles  dont  on  le  fert  pour  étril- 
ler les  chevaux  &  leur  polir  le  poil  :  elles  font  à  poil 
de  fanglier  coupé  court ,  &  monté  fur  un  bois  rond, 
avec  une  courroie  par-deflus  qui  prend  la  main  en- 
tr'elle  6c  le  bois. 

.  Brosses  à  Chirurgien  ,  celles  dont  quelque*  Mé- 
decins ordonnent  l'ufage  à  ceux  qui  font  incommo- 
dés de  rhùmatifmes ,  prétendant  que  cette  efpece  de 
friction  ouvre  les  pores  ,  !k  fait  tranfpirer  l'humeur 
qui  caufe  la  douleur. 

Brosse  à  dent ,  eft  celle  dont  le  poil  court  eft  atta- 
ché dans  les  trous  d'un  lût  d'os  ou  d'ivoire  avec  du 
fil  d'archal  :  elle  efî  aimï  nommée  parce  qu'elle  fert 
à  nettoyer  les  dents. 

Brosse  à  trois  faces  ,  celle  qui  a  trois  faces ,  dont 
chacune  a  ion  ufage  particulier.  On  s'en  fert  pour 
brofler  les  tapilferies  ,  le  plancher  ,  &  les  houiî'es 
des  lits.  Elle  eft  faite  de  foie  de  fanglier. 

Brosse  d'Imprimerie,  celle  qui  fert  à  laveries  ter- 
mes dans  la  lelîive ,  d'abord  avant  de  les  mettre  fous 
prefle,  enfuite  le  loir  quand  la  journée  eft  faite,  Se 
enfin  quand  le  tirage  eft  fini.  Cette  brojfe  eft  grande  , 
&c  doit  être  de  poil  de  fanglier. 

BROSSES  à  ligner,  font  celles  dont  les  Peintres  fe  fer- 
vent peur  tracer  des  moulures  dans  leurs  tableaux, 
&  autres  ornemens  femblables.  Voyez  Pinceau. 

Kkkij 


444 


B  R  O 


BRO 


Brosse  à  luftrer,  celle  dont  les  Galnlers  fe  fervent , 
à  peu  près  comme  des  vergettes  un  peu  douces  ,  qu'ils 
trempent  dans  de  l'encre  s'ils  veulent  luftrer  leurs  ou- 
vrages en  noir  :  ils  en  ont  auffi  pour  les  autres  cou- 
leurs. 

Brosses  à  luftrer;  celles  dont  les  Chapeliers  fe  fer- 
vent pour  luftrer  les  chapeaux  ;  elles  font  de  poil  de 
fanglier,  &c  de  douze  loquets  fur  fix. 

Brosses  à  morue;  elles  font  ainli  nommées  parce 
qu'elles  fervent  à  laver  &  deflaler  la  morue  ;  elles 
lont  faites  de  chien-dent ,  &  ont  huit  loquets  fur  cinq. 

BROSSE  à  borax,  en  terme  d'Orfèvre  en  groj/erie, 
celle  qui  fert  à  ôter  le  borax  qui  eft  relié  fur  une 
pièce  qu'on  a  foudée.  Voyc^  Dérocher. 

Brosses  à  peigne  ;  celles  dont  on  fe  fert  pour  net- 
toyer le  peigne  :  elles  font  à  queue  ,  &  rondes. 

Brosse  à  Peintre,  eft  un  gros  pinceau  de  poil  de 
porc  médiocrement  fin ,  &  garni  d'un  manche  aflez 
long.  Les  Peintres  s'en  fervent  pour  leurs  grands  ou- 
vrages en  détrempe  &  en  huile. 

BROSSES  à  plancher,  font  des  broffes  de  quatorze  fur 
fept,  c'efl-à-dire  ,  qui  ont  de  long  quatorze  loquets 
ou  paquets  de  foie ,  fur  fept  de  large.  On  les  appelle 
broffes  à  plancher,  parce  que  ce  lont  celles  dont  les 
trotteurs  fe  fervent  pour  frotter  les  planchers  :  elles 
font  garnies  d'une  courroie  pour  mettre  le  pié ,  afin 
que  le  frotteur  puiffe  les  promener  par -tout  fans 
qu'elles  lui  échappent  du  pié. 

Brosse  de  Relieurs-Doreurs ,  elle  eft  d'une  forme 
ordinaire  ;  ces  ouvriers  s'en  fervent  pour  nettoyer 
leurs  fers  à  dorer ,  &c  en  ôter  la  cendre  qui  peut  y 
être  entrée  en  les  faifant  chauffer  au  fourneau. 

BROSSE  à  Tapiffler.  Voye^  Râteaux. 

Brosses  à  tète,  font  des  brojjès  faites  en  forme  de 
cylindre  ou  de  rouleau.  Elles  font  de  poil  de  fanglier 
ou  de  chien-dent,  fimples  ou  doubles  :  les  unes  6c  les 
autres  fe  ficellent  par  un  bout ,  fi  elles  font  fimples , 
&  par  le  milieu  fi  elles  font  doubles  ;  &  l'endroit  par 
où  elles  ont  été  ficelées  fe  couvre  d'étoffe ,  de  drap , 
de  cuir ,  &c.  6c  leur  fert  de  poignée. 

BROSSES  de  Tifjerand ,  font  des  broffes  faites  de 
bruyère  à  l'ufage  des  Tifferands  ;  ils  s'en  fervent  pour 
mouiiler  leur  brin  iur  le  métier. 

Brosses  de  toilette ,  celles  qui  fervent  à  vergetter 
les  habits  ;  elles  tiennent  leur  nom  de  la  toilette  des 
hommes  ou  des  femmes,  dont  elles  font  un  des  prin- 
cipaux uftenfiles. 

Brosse  de  Tondeur,  eft  celle  qui  eft  en  forme  de 
vergette,  fort  rude,  dont  les  tondeurs  fe  fervent  pour 
donner  la  première  façon ,  6c  commencer  à  coucher 
la  laine  furie  drap.  Voye^  Draperie. 

Brosse  à  tuyau ,  celle  dont  les  Doreurs  fur  bois  fe 
fuirent  pour  coucher  d'affiette  dans  les  filets  :  elle  eft 
montée  fur  un  manche  fort  petit  &  garni  d'un  bouton. 
Ce  manche  pafie  dans  un  tuyau  comme  un  crayon , 
8:  par  le  moyen  du  bouton  qui  glilfe  le  long  du  tuyau 
par  la  fente  qu'on  y  a  faite  ,  le  poil  de  la  brofj'e  fe  ref- 
ferre  ou  s'écarte  à  proportion  qu'on  le  fait  entrer  plus 
ou  moins  dans  le  tuyau.  Voye?^  la  figure  14.  Planche 
du  Doreur. 

*  BROSSER ,  v.  a£l.  fe  dit ,  en  général ,  de  l'action 
de  nettoyer  avec  une  brofle. 

Brosser  un  cheval,  (Manège.)  c'eft  le  frotter  avec 
la  brofie ,  pour  ôter  la  pouffiere  de  deffus  fon  corps. 

(n 

BROSSER ,  che^  les  Tondeurs ,  c'eft  arranger  &  cou- 
cher avec  une  brofle  la  laine  fur  le  drap ,  &  en  faire 
fortir  la  pouffiere  6c  la  crafle  qui  pourrait  s'y  trouver. 

*  BROSSURE ,  f.  f.  c'eft  ainli  qu'on  appelle ,  en 
Teinture  en  peaux  &  en  cuir,  la  couleur  que  l'on  donne 
avec  la  fimple  brofle.  Cette  teinture  eil  la  moindre 
qu'il  foit  permis  de  donner  par  les  flatuts. 

*  BROU ,  f.  m.  (Teinture.)  c'eft  ainfi  qu'on  appelle 
la  coque  verte  de  la  noix,  11  elt  permis  aux  teintu- 


riers de  l'employer  dans  quelques  couleurs ,  mais  non 
dans  toutes.  Les  tourneurs ,  menuifiers ,  &c.  s'en  fer- 
vent pour  donner  aux  bois  blancs  ia  couleur  du  bouis, 
&  les  diftillateurs  en  tirent  un  ratafia ,  dont  on  fait 
cas. 

Brou  ,  (Géog.)  ville  de  France ,  dans  le  Perche  , 
fur  la  rivière  de  Douxaine ,  près  de  Châteaudun. 

BROU  AGE ,  (Géog.)  ville  forte  de  France  ,  en 
Saintonge,  avec  un  havre,  fameufe  par  fes  faiines. 
Long.  i6à.  35'.  26".  lat.  45K  5o' .  il". 

BROUAY,  (Géog.)  petite  ville  de  France,  avec 
titre  de  comté  ,  près  de  Bethune,  dans  la  province 
d'Artois. 

BROUCK,  (Géog.)  petite  ville  d'Allemagne, 
dans  le  cercle  de  \Veftphalie ,  au  duché  de  Berg  ,  fur 
la  Roer. 

BROUEK ,  (Géog.)  ville  de  Suifîe ,  dans  l'Argon , 
fur  l'Aar. 

BROUETTE,  f.  f.  petite  machine  faite  en  forme 
de  charrette ,  qui  n'a  qu'une  roue ,  &  que  celui  qui 
s'en  fert  pouffe  devant  foi  par  le  moyen  de  deux  ef-^ 
peces  de  timons  foùtenus  d'un  côté  par  l'eflieu  de  la 
roue ,  &  de  l'autre  par  les  mains  de  celui  qui  conduit 
la  machine ,  qui  pour  cet  effet  fe  met  au  milieu. 

La  brouette  eft  un  infiniment  à  l'ufage  de  beaucoup 
d'ouvriers  differens ,  comme  les  vinaigriers ,  les  jar- 
diniers ,  les  tanneurs ,  megifiiers  ,  &c. 

On  appelle  encore  brouette  une  voiture  fermée  , 
à  deux  roues ,  &c  trainée  par  un  feul  homme. 

BROUETTE ,  en  terme  de  B  lanchifferie  ,  c'efl  un  inf- 
trument  de  bois  à  deux  pies ,  à  deux  bras  ou  manches  , 
6c  terminé  à  l'autre  extrémité  par  une  petite  roue 
montée  fur  un  boulon  de  fer  en  travers ,  6c  arrêté  à 
chaque  bout  dans  la  principale  pièce,  qui  elt  à  la 
brouette  ce  que  les  limons  font  à  une  charrette.  Les 
brouettes  de  B 'lanchifferie  font  à  plat  fans  aucun  bord, 
&  fervent  à  tranfporter  la  cire  en  rubans ,  dans  des 
mannes ,  de  la  baignoire  aux  toiles ,  &  des  toiles  dans 
la  chaudière  au  magafin,  &c.  V.  Rubans,  Toiles, 
BAIGNOIRE,  &c.  Voye^Pl.  du  Blanchifjage  de  cire  & 
l'article  BLANCHIR. 

BROUILLAMINI,  fub.  m.  (Pharmacie.)  nom  que 
l'on  donne  à  des  mafles  de  bol  qui  font  de  la  groffeur 
du  doigt  :  on  les  appelle  aufli  bol  en  bille. 

Ce  mot  convient  à  tous  les  mélanges  de  remèdes 
faits  fans  beaucoup  de  méthode  &  d'égard  aux  facul- 
tés &  aux  indications  :  on  peut  confondre  ce  mot 
avec  le  pot -pourri,  qui  fignifie  à  peu  près  la  même 
chofe.  (N) 

BROUILLARD,  f.  m.  (Phyfiq.)  efpece  de  mé- 
téore ,  compote  de  vapeurs  &  d'exhalaifbns  qui  s-'é- 
levent  infenfiblement  de  la  terre  ,  ou  qui  tombent 
lentement  de  la  région  de  l'air ,  de  forte  qu'elles  y 
paroiflent  comme  fufpendues.  Lorfque  le  brouillard 
n'efl  compofé  que  de  vapeurs  aqueufes,  il  n'efl point 
du  tout  nuifible  à  la  fanté  des  animaux ,  &  il  ne  lent 
pas  mauvais:  mais  lorfqu'il  elt  compolé  d'exhalai- 
fons  ,  il  rend  alors  une  mauvaife  odeur ,  &  eft  très- 
mal  fain.  Lorfque  le  brouillard  eft  compofé  d'exha- 
laifbns ,  on  trouve  quelquefois  fur  la  furface  de  l'eau 
après  la  chute  du  brouillard ,  une  pellicule  grotte  & 
rouge,  aifez  femblable  à  celle  que  les  Chimiiles  ob- 
fervent  lorfqu'ils  préparent  leur  foutre  doré  d'anti- 
moine. 

Il  tombe  fouvent  en  France ,  quand  les  années  font 
trop  pluvieufes ,  une  efpece  de  brouillard  gras  ,  que 
les  Laboureurs  &  les  Jardiniers  nomment  nielle,  & 
qui  gâte  les  grains  :  le  feigle  fur-tout  fe  corrompt  à 
un  tel  point,  que  le  pain  dans  lequel  il  entre,  devient 
pernicieux  &  caufe  la  gangrené.  Voye^  Nielle 

Lorfqu'il  y  a  du  brouillard,  l'air  eft  calme  &  tran- 
quille ,  6c  iffe  diflipe  dès  que  le  vent  vient  à  foufîler. 

Le  brouillard  paraît  plus  fenfiblement  le  foir  &  le 
matin.  Voici  pourquoi.  Le  foir,  après  que  la  terre  a 


BRO 

été  échauffée  par  les  rayons  du  foleil ,  l'air  venant  à 
le  refroidir  tout-à-coup  après  le  coucher  de  ceraftre, 
les  particules  terref très  &  aqueufes  qui  ont  été  échauf- 
fées, s'élèvent  dans  l'air  ainîi  refroidi  ;  parce  que  dans 
leur  état  de  raréfaction  ,  clies  font  plus  légères  que 
l'air  condenfé.  Le  matin  ,  lorfque  le  foleil  le  levé  , 
l'air  fc  trouve  échauffé  par  fes  rayons  beaucoup  plu- 
tôt que  les  exhalaifons  qui  y  font  fùfpcndues  ;  &  com- 
me ces  exhalaifons  font  alors  d'une  plus  grande  pt- 
fanteur  fpécifique  que  l'air,  elles  retombent  vers 
la  terre. 

Le  brouillard  efl.  plus  fréquent  en  hyver  qu'en  au- 
cun autre  teins  ,  parce  que  le  fioid  de  l'atmofphere 
condenfe  fort  promptement  les  vapeurs  &  exhalai- 
fons. C'eft  par  la  même  raiion  qu'en  hyver  l'haleine 
qui  fort  de  la  bouche ,  forme  une  efpece  de  nuage 
qui  ne  paroît  pas  en  été.  De  là  vient  encore  que  le 
brouillard  règne  plufieurs  jours  de  fuite  dans  les  pays 
froids  du  Nord. 

Le  brouillard  fc  manifefte ,  foit  que  le  baromètre 
fe  trouve  haut  ou  bas.  Le  brouillard  étant  une  ef- 
pece  de  pluie,  n'a  rien  d'étonnant,  quand  le  mer- 
cure eft  bas  :  mais  lorfqu'il  fe  tient  haut ,  on  aura 
du  brouillard  :  i°.  fi  le  teins  a  été  long-tems  calme , 
&  qu'il  fe  foit  élevé  beaucoup  de  vapeurs  &  d'ex- 
halaifons  qui  ayent  rempli  l'air  &  Payent  rendu  fom- 
bre  &C  épais:  z°.  fi  l'air  fe  trouvant  tranquille,  laiffe 
tomber  les  exhalaifons  qui  paffent  alors  librement  à- 
travers. 

Le  brouillard  tombe  indifféremment  fur  toute  forte 
de  corps ,  &  pénètre  fouvent  dans  l'intérieur  des  mai- 
Ions  lorfqu'il  eft  fort  humide.  Il  s'attache  alors  aux 
murs  6c  s'écoule  en  bas ,  en  laiilant  fur  les  parois  de 
longues  traces  qu'il  a  formées. 

L'opacité  du  brouillard  eft  caufée ,  félon  quelques 
auteurs ,  par  l'irrégularité  des  pores  que  forment  les 
vapeurs  avec  l'air.  Cette  irrégularité  dépend  de  la 
grandeur  de  ces  pores  ,  de  leur  figure ,  &  de  leur  dif- 
pofition.  Cela  peut  venir  auffi  de  la  différence  de  la 
denfité  qu'il  y  a  entre  les  exhalaifons  de  l'air  ;  car, 
lorfque  la  lumière  du  foleil  fait  effort  pour  pénétrer 
à-travers  l'air,  elle  efl  continuellement  forcée  de  fe 
détourner  de  fon  droit  chemin  ,  6c  de  changer  de  rou- 
te. C'eft  pour  cela  qu'il  arrive  fouvent  que  l'air,  quoi- 
que fort  peu  chargé  de  vapeurs ,  paroît  être  fort  né- 
buleux &  fort  fombre  ;  au  lieu  qu'il  devient  tranfpa- 
rent  ÔC  plus  clair ,  lorfqu'il  fe  remplit  d'une  plus  gran- 
de quantité  de  vapeurs  ,  qui  fe  diftribuent  d'une  ma- 
nière plus  uniforme  par  toute  l'atmofphere. 

Le  brouillard  eft  quelquefois  fort  délié,  ot  difperfé 
dar-s  une  grande  étendue  de  l'atmofphere  ;  de  forte 
qu'il  peut  recevoir  un  peu  de  lumière  :  on  peut  alors 
envifagcrle  foleil  à  nud  fans  en  être  incommodé.  Cet 
aftre  paroît  pâle  ,  6c  le  refte  de  l'atmofphere  cft  bleu 
&  ferein.  Le  premier  Juin  171 1 ,  on  obierva  à  Paris , 
en  Auvergne ,  &  à  Milan  ,  un  brouillard  qui  paroît 
avoir  été  le  même  dans  tous  ces  endroits ,  6c  qui  doit 
avoir  occupé  un  efpace  confidérablc  dans  l'atmof- 
phere. 

On  demande  ,  i°.  pourquoi  il  fait  beau  en  été  lorf- 
que l'air  fe  trouve  chargé  de  brouillards  le  matin.  Ce- 
la vient  apparemment  de  ce  que  le  brouillard  fe  trou- 
vant mince  &c  délié ,  eft  repouffé  vers  la  terre  par 
les  rayons  du  foleil  ;  de  forte  que  ces  parties  deve- 
nues fort  menues ,  &  étant  féparées  les  unes  des  au- 
tres ,  vont  flotter  çà  &  là  dans  la  partie  inférieure  de 
>:'phere ,  &c  ne  fe  relèvent  plus. 

20.  Pourquoi  il  fc  forme  tout-à-coup  de  gros  brouil- 
lards à  côte  6c  fur  le  fommet  des  montagnes.  On  ne 
fauroit  en  imaginer  de  caufe  plus  vraiffemblable 
que  les  vents,  qui  venant  à  rencontrer  des  vapeurs 
6c  des  exhalaifons  déliées  6c  difperlées  dans  l'air,  les 
emportent  avec  eux,  &:  les  poulient  contre  les  monta- 
gnes, où  ils  les  condenlent,  Lorfque  l'on  fe  tient  dans 


BRO 


445 


une  vallée,  d'où  l'on  confidere  ce  côté  une  monta- 
gne ,  à  l'endroit  où  le  foleil  darde  fes  rayons ,  en  en 
voit  fortir  une  épaifte  vapeur  ,  qui  parcit  s'élever 
comme  la  fumée  d'une  cheminée  :  mais  lorfqu'cn  re- 
garde de  front  l'endroit  éclairé  de  cette  montagne  , 
on  ne  voit  plus  cette  vapeur.  Cela  vient  de  la 
direction  des  rayons  de  lumière.  Lorfque  dan 
chambre  obfcurc  on  laiffe  entrer  les  rayons  du  foleil 
par  une  petite  ouverture,  on  veit  en  regardant  de 
côté ,  de  petits  filets  &c  une  poufîiere  fort  fine  dans  uri 
mouvement  continuel  :  mais  lorfque  les  rayons  vien- 
nent frapper  directement  la  vue  ,  ou  qu'ils  tombent 
moins  obliquement  dans  l'œil ,  en  n'apperçoit  plus 
ces  filets  flottans.  C'eft  le  cas  des  vapeurs  qui  s'élè- 
vent de  la  montagne  ,  que  l'on  envifage  de  côté  ;  car 
on  voit  alors  les  vapeurs  qu'elle  exhale  :  au  lieu  qu'el- 
les difparoiffent ,  quoiqu'elles  montent  toujours  éga- 
lement, lorfqu'on  regarde  la  montagne  de  front. 

Les  brouillards  ne  font  que  de  petits  nuages  placés 
dans  la  plus  baffe  région  de  l'air  ;  &  les  nuages  que 
des  brouillards  qui  fe  font  élevés  plus  haut.  Voye{ 
Nuage. 

Les  objets  que  Ton  voit  à-travers  le  brouillard  pa- 
roiffent  plus  grands  &  plus  éloignés  qu'à-travers  l'air 
ordinaire.  Voye^  Vision. 

L'on  choifit  pour  pêcher  les  harengs  un  tems  rem- 
pli de  brouillards.  Voyc{  HARENG. 

Nous  devons  prefque  tout  cet  article  à  M.  Formey, 
qui  l'a  tiré  en  grande  partie  de  M.  Muffchenbroeck. 
(O) 

Brouillard,  (Papeterie.')  épithete  que  1  on  don- 
ne à  une  forte  de  papier  gris ,  qu'on  appelle  autrement 
papier  à  demoifelle.  Voye^  Papier. 

Brouillard  ou  Brouillon  ,  f.  m.  c'eft  ainf:  que 
dans  le  Commerce,  on  nomme  quelquefois  un  livre  dont 
fe  fervent  les  négocians  ,  marchands ,  &  banquiers , 
pour  les  affaires  de  leur  commerce.  C'eft  proprement 
un  livre-journal  qui  n'eft  pas  tout-à-fait  au  net,  &c 
qu'on  appelle  plus  ordinairement  mémorial.  l'oye{ 
Mémorial  &  Livre.  (G) 

BROUILLÉ  ,  adj.  fe  dit  par  les  Jardiniers- fleuri fles 
quand  ils  veulent  exprimer  qu'une  fleur  n'eft  pas 
venue  belle  comme  ils  l'elpéroient ,  c'eft-à-dire  pa- 
nachée &  nette  :  on  dit,  un  œillet  brouillé,  une  tulipe 
brouillée.   (  K  ) 

BROUILLER  un  cheval ,  en  termes  de  Manège  ;  c'efl 
le  conduire  ù  mal-adroitement  &  avec  tant  d'incer- 
titude ,  qu'on  l'oblige  à  agir  avec  confulîon  &  fans 
règle. 

Se  brouiller ,  fe  dit  d'un  cheval  communément  trop 
ardent ,  qui  à  force  de  vouloir  précipiter  fon  exerci- 
ce ,  le  confond  de  façon  qu'il  ne  fait  plus  ce  qu'il  fait. 
Un  cheval  qui  a  les  aides  fines  fe  brouille  aifément  ; 
on  l'empêche  de  manier  pour  peu  qu'on  ferre  trop 
les  cuifiés ,  ou  qu'on  laiffe  échapper  les  jambes.  (A'") 

BROUINE,  (P/iyJ:^ue.)e:tû  même  chofe  que 
bruine.  Foye^  BRUINE. 

BROUIR,  BROUI5SURE,  {Jardin.)  fe  dit  des 
feuilles  qui  ont  efluyé  un  vent  qui  les  a  bn 
toutes  recoquillées.  (  K  ) 

BROUME  du  blé;  voy.  NlELLE  &  BROUILLARD. 

EROUSALME  ou  BRESALME  ,  (  Géo5.  )  rivière 
d'Afrique  dans  la  Nigritie ,  qui  fe  jette  dans  la  mer 
à  deux  lieues  de  la  rivière  de  Gambie. 

BROUSSEAU ,  (  Géog.  )  rivière  de  France  en  Gaf- 
cos;ne. 

*  BROUSSIN  d" érable,  (Hift.na:.)  mollufcum  ; 
c'efi  ainfi  qu'on  appelle  une  excroiffanec  ondée  &C 
madrée  fort  agréablement ,  qui  vient  communément 
fur  l'érable.  Elle  étoit  d'un  très -grand  prix  chez  les 
Romains.  On  s'en  fett  encore  aujourd'hui  pour  faire 
des  cafiettes ,  des  tablettes,  &  autres  ouvrages. 

BROUTER ,  fe  dit  des  animaux  qui  rompent  avec 
la  dent  les  herbes ,  l'exu  unité  des  plantes,  celles  des 


44<5 


B  R  O 


BRO 


branches  menues ,  dans  les  prés ,  ou  dans  les  jeunes 
taillis  qui  repouffent.  On  dit  le  brout  des  bêtes  fauves  : 
ce  broul ri'eft  autre  choie  que  la  pâture  qu'elles  trou- 
vent dans  les  jeunes  bois. 

BROUWERS  (  le  détroit  de  )  ,  Gêog.  c'eftle 
nom  d'un  détroit  de  l'Amérique  méridionale  dans  la 
mer  de  Magellan ,  au  midi  du  détroit  de  le  Maire  , 
découvert  par  les  Hollandois  en  1643. 

BROUWERSHAVEN ,  {Gèog.  )  petite  ville  des 
Provinces-Unies  dans  l'île  de  Schouwen  enZélande. 
Il  y  a  un  port. 

BROWNISTES ,  f.  m.  pi.  (Hift.  ecdîf.  )  nom  d'u- 
ne feue  qui  le  forma  de  celle  des  Puritains  vers  la  fin 
du  xvi.  fiecle  :  elle  fut  ainlî  nommée  de  Robert 
Bro\rn  ,  fon  chef. 

Ce  Robert  Brown  qui  a  écrit  pluficurs  livres  pour 
appuyer  fes  fentimens ,  n'étoit  point ,  comme  le  pré- 
tend Moréri ,  un  maître  d'école  de  Southvark ,  mais 
Un  homme  de  bonnes  mœurs ,  &  même  favant.  Il 
étoit  d'une  allez  bonne  famille  de  Rutlandshire ,  & 
allié  au  lord-threforicr  Burleigh.  Il  fît  fes  études  à 
Cambridge  ,  &  commença  à  publier  fes  opinions  & 
à  déclamer  contre  le  gouvernement  ecclélîaftique  à 
Norvich  en  1580;  ce  qui  lui  attira  le  reflentiment 
des  évêques.  Il  le  glorifioit  lui-même  d'avoir  été  pour 
cette  caufe  mis  en  trente-deux  différentes  priions ,  fi 
obfcures  qu'il  ne  pouvoit  pas  y  distinguer  fa  main  , 
même  en  plein  midi.  Par  la  fuite  il  fortit  du  royaume 
avec  fes  fectateurs ,  &c  le  retira  à  Middelbourg  en 
Zélande ,  où  lui  &  les  liens  obtinrent  des  états  la  per- 
miffion  de  bâtir  une  églife ,  &  d'y  fervir  Dieu  à  leur 
manière.  Peu  de  tems  après  ,  la  diviiîon  fe  mit  parmi 
le  petit  troupeau  :  plufieurs  s'en  féparerent  ;  ce  qui 
dégoûta  tellement  Brown  ,  qu'il  fe  démit  de  l'on  offi- 
ce, retourna  en  Angleterre  en  1589  ,  y  abjura  fes 
erreurs ,  &  fut  élevé  à  la  place  de  recteur  dans  une 
églife  de  Northamptonshire.  Il  mourut  en  1630. 

Le  changement  de  Brovn  entraîna  la  ruine  de  l'é- 
glife  de  Middelbourg  :  mais  les  femences  de  fon  fyf« 
tème  ne  furent  pas  fi  ailées  à  détruire  en  Angleterre. 
Sir  "Vfalter  Baleigh ,  dans  un  difeours  compofé  en 
1692,  compte  déjà  jufqu'à  vingt  milles  perfonnes 
imbues  des  opinions  de  Brovn. 

Ce  n'étoit  pas  pour  les  articles  de  foi  qu'ils  fe  fé- 
paroient  des  autres  communions ,  mais  à  caule  de  la 
difcipline  eccléfialtique ,  &  fur -tout  de  la  forme  du 
gouvernement  de  l'églife  Anglicane ,  qu'ils  improu- 
voient  hautement ,  fans  adopter  davantage  celui  des 
Presbytériens ,  &C  blâmant  également  les  confiftoires 
&  lcs'fynodes,  les  évêques  &  les  miniftres.  Ils  ne 
vouloient  fe  joindre  à  aucune  églife  réformée  ,  n'é- 
tant pas  allures  ,  difoient-ils ,  de  la  fainteté  &  de  la 
régénération  des  membres  de  ces  églifes ,  puifqu'el- 
les  fouffroient  les  pécheurs  6k  communiquoient  avec 
eux  ;  ce  qui ,  félon  les  Browniftes ,  étoit  le  comble  de 
l'impiété.  liscondamnoientla  célébration  folennelle 
des  mariages ,  qui  n'étant  ,  difoient-ils ,  que  des  en- 
gàgemens  c;vi!s ,  n'avoient  befoin  que  de  l'interven- 
tion du  magillrat  léculler  ,  &  nullement  de  celle  des 
eccléfiaftiques.  lis  ne  vouloient  pas  non  plus  que  les 
enfans  fuffent  baptiles  par  les  prêtres  Anglicans  ou 
les  miniltres  Presbytériens  ,  qu'ils  neregardoientpas 
comme  membres  de  l'Eglife ,  &  qui  ,  ajoùtoient-ils , 
ne  prenoient  nul  foin  de  ceux  qu'ils  avoient  baptiles. 
Ils  rejettoient  toute  forme  de  prière,  difant  que  l'o- 
railon  dominicale  ne  devoit  pas  être  regardée  com- 
me une  prière  ,  mais  leulement  comme  un  modèle  de 
prière  que  J.  C.  nous  a  donné.  /^.Séparatistes 
&  Non-conformistes. 

Ils  établiiîbient  un  gouvernement  eccléfialtique 
de  forme  Démocratique.  Quand  une  de  leurs  églifes 
étoit  alïemblée ,  celui  qui  vouloit  être  incorporé  à 
leur  fociété,  faifoit  une  profeffion  de  foi  &  lignoit 
«ne  formule ,  par  laquelle  il  s'obligeoit  de  l'uivre  1  e- 


vangile  dans  le  même  fens  qu'eux.  Le  pouvoir  d'ad- 
mettre ou  d'exclurre  les  membres,  &  la  décifion  de 
toutes  les  conteftations  ,  appartenoit  à  toute  la  fo- 
ciété. Ils  choililloient  entre  eux  leurs  officiers  8c  leurs 
miniltres  pour  prêcher  &  prendre  foin  des  pauvres. 
On  initituoit  ces  miniltres ,  &  on  leur  départoit  leurs 
différentes  fondions  par  le  jeûne ,  la  prière ,  8c  l'im- 
polîtion  des  mains  de  quelques-uns  de  la  lociéte , 
fans  croire  néanmoins  qu'ils  eulfent  d'ordre  ou  de  ca- 
ractère; car  ils  les  réduifoient  quelquefois  à  l'état  des 
laïques ,  perfuadés  qu'à  cet  égard  ils  pouvoient  dé- 
truire leur  propre  ouvrage  ;  &  comme  ils  enfeigr.oicnt 
qu'une  églife  n'étoit  que  l'alTemblée  d'un  certain 
nombre  de  perfonnes  dans  un  même  endroit,  ils  pen- 
foient  conléquemment  que  le  pouvoir  du  miniltre  pré- 
polé  à  cet  endroit,  y  étoit  tellement  limité ,  qu'il  ne 
pouvoit  ni  adminiitrer  la  communion,  ni  baptifer, 
ni  exercer  aucune  autre  fonction, dans  une  autre  égli- 
fe que  la  fienne.  Il  étoit  permis  à  tous  ceux  de  cette 
fecte,  même  aux  laïques,  de  faire  des  exhortations 
à  l'alTemblée ,  de  propofer  des  quelt ions  après  le  prê- 
che ,  &  de  raifonner  fur  ce  qui  avoit  été  prêché.  En 
un  mot  chaque  églife  des  BrowniJIes  étoit  une  alTem- 
blée  où  chaque  membre  avoit  la  liberté  de  tendre  au 
bien  général  de  la  fociété,  fans  être  comptable  de  les 
actions  devant  aucun  fupérieur ,  fynode ,  ou  tribu- 
nal. Les  indépendans  qui  fe  formèrent  par  la  fuite 
d'entre  les  Brownijles ,  adoptèrent  une  partie  de  ces 
opinions.  Voye^  INDÉPENDANTS. 

La  reine  Elifabeth  pourfuivit  vivement  cette  fefte. 
Sous  Ion  règne  les  prifons  furent  remplies  de  Brow- 
nijhs  ;  il  y  en  eut  même  quelques-uns  de  pendus.  La 
commilîion  eccléfialtique  cela  chambre  étoilée  févi- 
rent  contr'eux  avec  tant  de  vigueur ,  qu'ils  furent 
obligés  de  quitter  l'Angleterre.  Plufieurs  familles  fe 
retirèrent  à  Amfterdam ,  011  elles  formèrent  une  égli- 
fe ,  &  choifirent  pour  pafteur  Johnfon ,  &  après  lui , 
AynfVorfh  connu  par  un  commentaire  fur  le  Penta- 
teuque.  On  compte  encore  parmi  leurs  chefs ,  Barrow 
&  \Vilkinlbn.  Leur  églife  s'eft  lbûtenue  pendant  en- 
viron cent  ans.  (G) 

BROYE  ou  BRAYE  ,  (  (Econ.  ruji.  )  machine  qui 
fert  à  brifer  le  chanvre  pour  en  pouvoir  mieux  fépa- 
rer  les  chenevottes  ;  c'elt  une  forte  de  banc  e  (fig.  4. 
PI.  de  Cordirle  )  fait  d'un  foliveau  de  5  à  6  pouces  d'é- 
quarrifiage ,  fur  fept  à  huit  pies  de  longueur,  foûtenu 
par  4  jambes  ou  pies ,  à  hauteur  d'appui.  Ce  foliveau 
elt  percé  dans  toute  fa  longueur  de  deux  grandes 
mortoifes  d'un  pouce  de  large ,  qui  traverle  toute 
fon  épaifleur.  On  taille  en  couteau  les  trois  parties  , 
que  les  deux  mortoifes  ont  féparées. 

Sur  cette  pièce  on  en  ajufte  une  autre  qui  elt  af- 
femblée  à  charnière  fur  le  banc  par  une  de  les  ex- 
trémités ;  l'autre  elt  terminée  par  une  poignée  capa- 
ble d'être  lailïe  par  la  main  du  broyeur. 

Cette  pièce  qu'on  appelle  la.  mâchoire  fupérieuret 
porte  dans  toute  la  longueur ,  deux  longuettes  taillées 
en  couteau ,  qui  doivent  entrer  dans  les  mortoiles 
de  la  mâchoire  inférieure.  Voyc^  Broyeur. 

Broyé,  (terme  de  B lafon')  fe  dit  de  certains  fe(- 
tons ,  qu'on  trouve  dans  quelques  armoiries ,  pofés 
en  différentes  fituations.  Le  père  Ménétrier  dit  que 
les  Anglois  les  nomment  bamacles  ;  que  la  mailon  de 
Broyé  les  a  portés  par  allulîon  à  fon  nom  ;  &  que  cel- 
le de  Joinville  y  ajouta  un  chef  avec  un  lion  nail- 
fant.  (F) 

BROYE,  (  Géog.  )  rivière  de  SuifTe ,  au  canton 
de  Fribourç. 

BROYEMENT  ,  f.  m.  (  Phyfiq.  )  marque  l'adion 
d:  réduire ,  de  divifer ,  ou  de  rompre  un  corps  quel- 
conque en  petites  parties.  L'effet  de  la  maftication 
des  alimens  n'eft  autre  chofe  que  leur  diviiîon  ou 
leur  broyement.  Voye^  MASTICATION,  &c.  (O) 

Broïement,  ( opération  de  Pharmacie )  elle  le 


BRO 


BRU 


447 


fait  OU  au  moyen  d'un  pilon  &  d'un  mortier ,  OU  au 
moyen  d'une  molette  &  du  porphyre  ;  l'une  &  l'au- 
tre façon  de  broyer  demandent  des  précautions  ,  & 
doivent  fe  varier  félon  les  fubftances  &£  les  mixtes 
dont  on  veut  faire  la  divifion. 

Par  exemple ,  û  les  corps  font  volatils ,  &  que  les 
particules  qui  s'en  détachent  foient  utiles  pour  les 
malades  ,  ou  nuifibles  à  ceux  qui  font  l'opération  , 
on  doit  empêcher  ces  parties  de  s'élever  ;  ainfi  on 
humectera  les  matières  avec  des  liqueurs  appropriées. 
De  plus,  on  enveloppera  le  pilon  dans  une  efpece 
de  fac  ,  dont  on  couvrira  le  mortier  ;  ce  fac  fera  de 
peau  ;  c'eft  ainfi  que  l'on  fera  pour  l'euphorbe.  Si  on 
voit  que  les  mixtes  huileux  jaunhTent  dans  l'opéra- 
tion ,  on  y  ajoutera  quelques  gouttes  d'eau  pour  di- 
vifer  les  huiles. 

Mais  les  inftrumens  doivent  être  variés,  félon  les 
drogues.  Si  les  fels  font  acides  ou  alkalins ,  on  évitera 
de  le  (ervir  de  vaiffeaux  de  cuivre;  parce  que  ces 
jels  tireroient  une  teinture  des  parties  cuivreufes  : 
alors  on  employera  des  mortiers  de  marbre  ,  de  ver- 
re ,  de  fer  ou  de  bois.  Les  pilons  feront  de  même  ma- 
tière. 

La  préparation  des  amalgames ,  les  formations  de 
nouveaux  fels  ,  font  d'une  conféquence  infinie  dans 
la  pratique  ;  des  remèdes  deviennent  émétiques ,  pur- 
gatifs ,  venimeux ,  pour  avoir  été  chargés  de  particu- 
les qui  fe  font  détachées  des  inftrumens.  Voye^  Pou- 
dre, voyei  auffîEMVLSlON.   (A7) 

BROYER  ,  v.  acL  marque  en  général  l'aftion  de 
réduire  un  corps  en  particules  plus  menues  ,  de  quel- 
que manière  &  avec  quelque  infiniment  qu'elle  s'exé- 
cute. Voyty  Broyement. 

Broyer  des  couleurs  fiches  ou  liquides ,  c'eft  les 
écraiér  julqu'à  ce  qu'elles  foient  très-fines ,  avec  une 
pierre  très-dure  qu'on  appelle  molette  ,  fur  une  autre 
pierre  aufti  dure  qu'eft  ordinairement  une  écaille  de 
mer. 

L'on  dit ,  broyer  les  couleurs ,  le  broyement  des  cou- 
leurs. On  broyé  les  couleurs  à  l'eau  ou  à  l'huile ,  fui- 
vant  l'ufage  qu'on  veut  en  faire. 

Broyer  &  mêler  les  couleurs ,  l'ont  des  termes  qu'on 
ne  doit  pas  confondre. 

On  broyé  les  couleurs  fur  la  pierre,  comme  on  vient 
<le  dire  ;  on  les  mêle  fur  la  palette  avec  le  pinceau, 
&  en  les  employant  fur  la  toile.  (/?  ) 

Broyer  ,  (terme  de  Corderie  )  c'eft  l'action  de  bri- 
fer  le  chanvre  entre  les  deux  mâchoires  de  la  broyé 
après  qu'il  a  été  roiii  (  voye^  Broyé  ,  &  la  fig.  4.  PI. 
de  Corderie  )  pour  en  féparer  les  chenevottes  ou  la 
moelle  qui  n'eft  d'aucune  utilité  pour  le  travail  des 
Corderies.  Pour  cet  effet  le  broyeur  prend  de  fa 
main  gauche  une  groffe  poignée  de  chanvre  ;  &  de 
l'autre,  la  poignée  de  la  mâchoire  fupérieurc  de  la 
broyé  ;  il  engage  le  chanvre  entre  les  deux  mâchoi- 
res, &  en  élevant  ce  abaiffant  à  plufieurs  reprifes ,  6c 
fortement,  la  mâchoire  fupérieurc,  il  brife  les  chene- 
vottes qu'il  fépare  du  chanvre  en  le  tirant  entre  les 
deux  mâchoires  ;  enforte  qu'il  ne  relie  que  la  nlafîe  : 
quand  la  poignée  eft  ainfi  broyée  à  moitié,  il  la  prend 
par  le  bout  broyé ,  pour  donner  la  même  préparation 
à  celui  qu'il  tenoit  dans  la  main. 

Quand  il  y  a  environ  ilcux  livres  de  filaffe  bien 
broyée ,  on  la  ployé  en  deux  ;  on  tord  groffiercment 
les  deux  bouts  l'un  fur  l'autre  ;  &  c'eft  ce  qu'on  ap- 
pelle des  queues  de  clianvre ,  ou  de  lafilafie  brute. 

Il  y  a  une  autre  manière  de  féparer  le  chanvre  , 
qu'on  appelle  aller.  Voye^  Tiller  ,  &  l'article  Cor- 
derie. 

BROYEUR ,  f.  m.  celui  qui  broyé  le  chanvre  pour 
en  féparet  les  chenevottes.  Son  travail  cil  repré- 
fenté  PL  I.  de  Corderie  ,  fig.  4. 

*  BROYON,  f.  m.  (  Œconom.  ru/L  )  piège  pour 
les  bêtes  puantes  ;  on  tend  ce  piège  fur  le  partage  des 


blairaux,  des  renards ,  des  fouines  &  autres  animaux 
malfaifans.  Pour  cet  effet ,  on  plante  en  terre  deux 
fourchons  de  bois  A  A  ;  voye^  PI.  d'Agriculture.  On 
place  entre  ces  fourchons  un  bâton  de  traverfe  B  B  ; 
ce  bâton  porte  une  corde  CC;  à  l'extrémité  de  cette 
corde  eft  attachée  une  petite  clavette  E  E  ;  fur  un 
bout  de  la  clavette  E  E ,  paffe  un  autre-bâton  de  tra- 
verfe FF ;  l'autre  bout  de  la  clavette  eft  légèrement 
arrêté  par  un  petit  obftacle  G  H:  cet  obftacle  tient 
en  terre ,  &  il  eft  planté  à  quelque  diftance  des  four- 
chons. On  a  attaché  l'appât  au  bout  de  la  clavette 
qui  paffe  fous  l'obftaclc  ;  on  paffe  fur  le  bâton  de  tra- 
verlè  FF,  deux  longs  bouts  de  perche  H  H,  H  H, 
que  le  bâton  de  traverfe  FF  tient  élevés  ;  ces  bouts 
de  perche  font  chargés  fur  le  milieu  d'un  gros  poids 
/.  On  ferme  bien  le  devant  de  ce  piège  ;  enforte  que 
l'animal  ne  pouvant  entrer  que  par  les  côtés,  il  fe 
trouve  néceffairement  fous  les  bouts  de  perche.  Il 
ne  peut  mordre  à  l'appât  fans  arracher  l'obftacle  G-y 
l'obftacle  G  ne  peut  être  déplacé  ,  que  le  bout  de  la 
clavette  qui  y  touchoit  ne  s'échappe  :  ce  bout  ne 
peut  s'échapper  que  le  bâton  de  traverfe  FF  ne  tom- 
be ;  le  bâton  de  traverfe  ne  peut  tomber  que  le  poids 
/  ne  fafle  tomber  les  perches  H  H,  H  H,  fous  lef- 
quelles  l'animal  f©  trouvera  pris.  Si  on  veut  fe  fervir 
du  même  piège  pour  empêcher  les  animaux  de  paffer 
par  des  ouvertures ,  il  faut  faire  le  bout  de  la  clavette 
qui  pafle  fous  l'obftacle ,  tel  que  l'animal  ne  puiffe 
paffer  fans  le  déplacer. 

Broyon  ,  (uflencile  (Tlmprim.  )  c'eft  une  pièce  de 
bois  tourné,  longue  de  trois  à  quatre  pouces,  fur  neuf 
à  dix  de  circonférence ,  uni  par  le  bout ,  ftirmonté 
d'un  manche  rond  de  quatre  à  cinq  pouces  de  long 
pris  dans  le  même  morceau  de  bois.  Il  fert  à  remuer 
l'encre  pour  l'empêcher  de  fécher  ou  de  fe  confoli- 
der,  &  à  en  étendre  quelque  partie  fur  le  bord  de  l'en- 
crier, afin  que  quand  l'Imprimeur  prend  de  l'encre, 
elle  foit  préparée  à  fe  diftribucr  facilement  fur  les 
balles.  Voyei  PL  IV.  de  V Imprimerie,  fig.  1.  B. 

BROZOW,  (%)  ville  de  Pologne,  dans  le  pa- 
latinat  de  Ruffie. 

BRU  ,  f.  f.  terme  d'affinité ,  qui  exprime  l'alliance 
qui  le  forme  par  le  mariage  entre  la  femme  &c  le  pè- 
re &  la  mère  du  mari  ;  lefqucls  font  par  rapport  à 
elle  beau-pere  &:  belle-mere.  Belle-fille  eft  plus  du 
belufage.(jy) 

BRUCA,  (Géog.)  rivière  de  Sicile,  qui  paffe  dans 
le  val  di  Noto ,  &  fe  jette  dans  la  Méditerranée  dans 
le  golfe  de  Catane.  Il  y  a  une  petite  ville  de  même 
nom  bâtie  fur  cette  rivière,  avec  un  havre. 

BRUCELLES  ,  f.  f.  efpece  de  petite  pinectte  re- 
présentée». 66.  &  6j.  PL  XVI.  de  T  Horlogerie  t 
dont  les  branches  BB,  font  reffort  :  les  Horlogers 
s'en  fervent  pour  tenir  des  pièces  délicates  ,  comme 
des  roues  finies  &  des  refforts  fpiraux  ,  &  pour  don- 
ner la  forme  requife  à  ces  derniers  ,  au  moyen  de  la 
courbure  concave  de  l'une  des  branches ,  &  de  la 
courbure  convexe  de  l'autre  qui  s'applique  dans  la 
première,  f  oye~  la  fig.  6 J. 

Les  brucelles  font  compofées  de  deux  lames  d'acier 
élaftique  rivées  fur  un  morceau  de  cuivre  A  A  ,jig. 
66  &  6 y ,  par  plufieurs  chevilles  qui  traverfent  les 
trois  pièces. 

Elles  le  font  aufti  quelquefois  de  deux  lames  de 
laiton  ;  ces  fortes  de  brucelles  font  plus  propres  que 
celles  d'acier  à  failir  de  petites  pièces  du  même  mé- 
tal qui  s'attacheroient  à  la  brucelle  d'acier ,  pour  peu 
que  celle-ci  fut  aimantée. 

Les  brucelles font  à  l'ufage  d'un  grand  nombred'ou- 
vriers  ;  les  Argenteurs  ont  les  leurs  ,  voye^  Plan,  de 
tArg.  fig.  £3.  les  Boutonniers  en  cuivre;  les  Do- 
reurs ,  fig.  11.  &  3 1.  les  Lapidaires,  voyei  fig.  à.  PL 
du  Lapidaifk. 

BRUCHHAUSEN,  (  Géog.  )  comté  d'Allemagne, 


448 


BRU 


dans  la  Weftphalie ,  fur  les  bords  du  Wéfer ,  appar- 
tenant à  la  maifon  de  BrunlVick. 

BRUCHSAL,  (  Géog.)  ville  d'Allemagne,  fur  la 
Saltz  ,  dans  l'évéché  de  Spire  ,  à  deux  lieues  de  Phi- 
lipsbourg. 

BRUCK ,  (  Géog.)  petite  ville  d'Allemagne ,  dans 
PEleétarat  de  Saxe. 

Bruck,  (Géog.)  petite  ville  d'Allemagne,  dans 
la  baffe-Autriche,  for  les  frontières  de  Hongrie,  fur 
la  rivière  de  Leutha. 

Bruck  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Stirie ,  fur  la 
Muer. 

BRUCKEN ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Allemagne  , 
dans  la  Thuringe. 

BRUCKENAU,  (Géog.)  petite  ville  d' Allema- 
gne ,  fur  la  Sinna ,  dépendante  de  l'abbaye  de  Fulde. 

BRUCKENSTADT  ,(Géog.)  petite  ville  d'Alle- 
magne ,  en  Franconie  ,  dépendante  du  marggraviat 
d'Anspach. 

BRUDINICK,  (  Géog.  )  petite  rivière  d'Allema- 
gne ,  en  Siléfie  ,  qui  prend  fa  fource  dans  la  princi- 
pauté de  Neifs,  &fe  jette  dans  l'Oder ,  près  de  Krap- 
pitz. 

BRUEL  ,  ou  BRUL ,  {Géog.  )  petite  ville  d'Alle- 
magne ,  dans  l'éîeûorat  de  Cologne  ,  lieu  ordinaire 
de  la  réfidence  de  l'électeur. 

BRUGES  ,  (  Géog.  )  grande  ville  des  Pays-Bas , 
dans  la  Flandre  Autrichienne  ;  il  s'y  fait  un  affez 
grand  commerce  ;  elle  eft  à  8  lieues  de  Gand  ,  &  il 
y  a  un  canal  de  communication  entre  ces  deux  villes. 
Lot.  5ià.  n'  .30" .  long.  zo.  4J.  Le  territoire  qui  en 
'dépend,  s'appelle  le  franc  de  Bruges. 

Bruges  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France ,  dans  la 
principauté  de  Bearn ,  fur  la  Nés. 

BRUGNETO ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie ,  dans 
l'état  de  Gènes ,  fur  la  Verra ,  dans  l'Apennin.  Long. 
Z -.  20.  lat.  44.  16. 

BRUGGEN,  (Géog.)  petite  ville  d'Allemagne,  au 
cercle  de  "Weftphalie ,  dans  le  duché  de  Juliers. 

BRUGNOLES,  f.  f.  (en  Epicerie.)  ce  font  des 
prunes  de  Provence  féchées  au  foleil  :  elles  nous 
viennent  dans  des  boîtes  à  confitures. 

BRUGNON,  BRIGNON,  efpece  de  pêche.  Voye[ 

PÊCHER. 

BRUGUERE ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  , 
dans  le  Roiiergue  ,  fur  la  rivière  de  Tarn. 

BRUINE ,  1.  f.  (Phyfiq-)  forte  de  petite  pluie  fine 
qui  tombe  fort  lentement.  Lorfqu'une  nuée  le  diflout 
&  change  partout  également ,  mais  lentement ,  en- 
forte  que  les  particules  aqueufes  dont  la  nuée  eft 
compofée,  ne  fe  réunifient  pas  en  trop  grand  nom- 
bre ,  ces  particules  forment  de  petites  gouttes,  dont 
la  pefanteur  fpécifique  n'eft  prefque  pas  différente 
de  celle  de  l'air  ;  &  alors  ces  petites  gouttes  tom- 
bent fort  lentement ,  &  forment  une  bruine  qui  dure 
quelquefois  tout  un  jour ,  lorfqu'il  ne  fait  point  de 
vent.  Elle  a  aufîï  lieu ,  lorfque  la  difTolution  de  la 
nuée  commence  en -bas,  6c  continue  de  fe  faire 
lentement  vers  le  haut  ;  car  alors  les  particules  de 
vapeur  fe  réunifient  &  fe  convertiflent  en  petites 
gouttes  ,  à  commencer  par  les  inférieures ,  qui  tom- 
bent aufîl  les  premières  ;  enfuite  celles  qui  le  trou- 
vent un  peu  plus  élevées ,  fuivent  les  précédentes  ; 
&  celles-ci  ne  groffûîent  pas  dans  leur  chute ,  parce 
qu'elles  ne  rencontrent  plus  de  vapeurs  en  leur 
chemin  ;  elles  tombent  fur  la  terre  avec  le  même 
volume  qu'elles  avoient  en  quittant  la  nuée.  Mais  fi 
la  parrie  fupérieure  de  la  nuée  fe  diffout  la  première 
&  lentement  de  haut  en  bas ,  il  ne  fe  forme  d'abord 
dans  la  partie  fupérieure  que  de  petites  gouttes ,  qui 
venant  à  tomber  fur  les  particules  qui  font  plus  bas, 
fe  joignent  à  elles  ,  &  augmentant  continuellement 
en  grofîeur  par  les  parties  qu'elles  rencontrent  fur 
leur  pafîage ,  produisent  enfin  de  grofics  gouttes  qui 


BRU 

fe  précipitent  fur  la  terre.  Cet  article  eft  prefque 
tout  entier  de  M.  Formey.  Voyt^  Muffch.  (  O  ) 

*  BRUIR  ,  v.  act.  (terme  de  Draperie.  )  bruir  des 
pièces  d'étoffes ,  c'eft  les  étendre  proprement ,  cha- 
cune à  part ,  f:ir  un  petit  rouleau  ,  &  coucher  tous 
les  rouleaux  enfemble  dans  une  grande  chaudière  de 
cuivre  rouge  &  de  forme  quarrée ,  fur  un  plancher 
criblé  de  trous  ,  &  élevé  à  quelque  diftancedu  fond 
de  la  chaudière.  On  fait  chauffer  de  l'eau  dans  l'in- 
tervalle qui  fépare  le  fond  du  plancher.  La  vapeur 
portée  contre  l'étoffe  la  pénètre  &  afîbuplit  tout  ce 
qui  y  peut  avoir  de  la  raideur.  Voye-^  à  article  Dra- 
perie ,  le  moment  &  le  but  de  cette  opération ,  qui 
s'appelle  bruiffage. 

BRUISINER  ,  (  terme  de  Braf/èrie,  )  c'eft  moudre 
le  grain  germé,  en  gros. 

BRULANT  ,  (miroir ou  verre  brûlant)  fe  dit  d'un 
miroir  ou  d'un  verre  par  le  moyen  duquel  on  brûle  , 
en  ramaffant  les  rayons  du  foleil.  Voye^  Ardent. 

BRULANT,  (montagnes  bridantes). /^oyq  VoLC AN, 
Montagne,  Tremblement  déterre,  &c.  (O) 

BRULER ,  {Fanion  de)  Phyjîque  :  c'eft  l'action  du 
feu  fur  les  matières  qu'il  conlume ,  par  laquelle  les 
plus  petites  parties  de  ces  matières  font  détachées  les 
unes  des  autres,  &  miles  dans  un  mouvement  excef- 
fivement  violent;  enforte  que  quelques-unes  d'elles 
deviennent  elles-mêmes  de  la  nature  du  feu ,  on  au 
moins  font  pénétrées  par  la  matière  du  feu  ,  pendant 
que  les  plus  fubtiles  s'évaporent  ou  font  réduites  en 
cendres.  Voya  Feu  ,  Vapeur  ,  Fumée  ,  Cendre  , 
&c.(0) 

BRULER  F  acier ,  le  fer,  &  les  autres  métaux;  chez 
tous  les  ouvriers  qui  les  employent,  c'eft.  leur  ôter 
leur  qualité  ,  en  les  laiffant  trop  chauffer  ;  le  fer  & 
l'acier  brûlés  f  e  réduifent  en  une  matière  fpongieufe, 
fragile  ,  &  qui  n'eft  plus  bonne  à  rien. 

*  Brûler  ,  (Hifl.  anc.  )  la  coutume  de  brûler  les 
corps  étoit  prefque  générale  chez  les  Grecs  &  chez 
les  Romains.  Elle  a  précédé  chez  les  premiers  letems 
de  la  guerre  de  Troie.  Il  ne  faut  pourtant  pas  s'ima- 
giner que  c'ait  été  la  plus  ancienne  même  chez  ces 
peuples.  «  La  première  manière  d'inhumer,  dit  Ci- 
»  ceron,  eft  celle  dontfe  fertCyrus  dansXcnophon, 
»  le  corps  eft  ainn  rendu  à  la  terre  ;  &  il  eft  couvert 
»  du  voile  de  fa  mère.  Sylla,  victorieux  de  Caius 
»  Marius,  le  fit  déterrer  &  jetter  à  la  voirie.  Ce  fut 
»  peut-être  par  la  crainte  d'un  pareil  traitement, 
»  qu'il  ordonna  que  fon  corps  fût  brûlé.  C'eft  le  pre- 
»  mierdes  patrices  Cornéliens  à  qui  on  ait  élevé  un 
»  bûcher  ».  L'ufage  de  brûler  les  corps  &  celui  de 
les  inhumer  ont  fubfifté  à  Rome  dans  le  même  tems. 
»  L'ufage ,  de  les  brûler ,  n'eft  pas ,  dit  Pline ,  fort  an- 
»  cien  dans  cette  ville.  Il  doit  fon  origine  aux  guer- 
»  res  que  nous  avons  faites  dans  des  contrées  éloi- 
»  gnées  ;  comme  on  y  déterroit  nos  morts ,  nous  prî- 
»  mes  le  parti  de  les  brûler». 

La  coutume  de  brûler  les  corps  dura  jufqu'au  tems 
du  grand  Théodofe.  Voye^  Bûcher  ,  Sépulture  , 

l/STRINUM. 

BRULINGEN,  (Géog.)  petite  ville  d'Allemagne, 
dans  la  forêt  Noire,  appartenante  à  la  maifon  d'Au- 
triche. 

BRULLOIS  ,  (Géog.)  petit  pays  de  France  en  Gaf- 
cogne ,  entre  le  Condomois  &  la  Garonne,  avec  ti- 
tre de  Vicomte. 

BRULOT ,  f.  m.  (Marine.)  c'eft  un  vieux  bâtiment 
chargé  de  feux  d'artifice  &  de  matières  combufti- 
bles,  que  l'on  accroche  aux  vaiffeaux  ennemis,  au 
vent  defquels  on  les  met  pour  les  brûler.  Il  y  en  a 
qui  l'appellent  aulîi  navire foreur. 

Les  bâtimens  qu'on  eftime  les  plus  propres  pour 
faire  des  brûlots ,  font  des  flûtes  ou  des  pinaffes  de 
150  à  200  tonneaux  environ;  qui  ont  un  premier 
pont  tout  uni,  fans  tonture,  6c  au-deffus  un  autre 

pont 


BRU 

pont  courant  devant  arrière.  On  entaille  en  divers 
endroits  du  premier  pont,  des  ouvertures  à  peu  près 
d'un  pié  &  demi  en  quarré  ,  entre  les  baux ,  &  elles 
répondent  dans  le  fond  de  cale;  enfuite  on  fait  des 
dales  ou  petits  conduits  de  planches  qu'on  joint,  & 
on  leur  donne  un  pouce  6c  demi  de  large;  on  les  fait 
àuflî  de  fer  blanc  :  on  pôle  trois  de  ces  dales  à  trois 
côtés  de  chaque  mât,  &  elles  s'étendent  tout  du  long 
du  bâtiment ,  à  firibord  &  à  bas-bord,  &  vont  fe  ren- 
dre toutes  enfemble  dans  une  autre  grande  dale  qui 
eu.  en  travers ,  à  fix  ou  fept  pies  de  la  place  où  le  met 
le  timonier.  On  fait  encore  une  dale  afïez  longue , 
qui  defeend  du  gaillard  d'arrière  en  biais,  jufqu'à  la 
grande  dale  qui  elt  en  travers  fur  le  premier  pont , 
laquelle  longue  dale  vient  encore  fe  rendre  dans  une 
autre  petite,  qui  elt  fur  le  gailiatd  d'arrière  où  fe  tient 
le  timonier,  6c  à  l'un  des  deux  côtés,  félon  qu'il  cil 
le  plus  commode.  Dans  le  bordage  du  gaillard  d'ar- 
rière, on  fait  une  trape  large ,  au-deffous  de  laquelle 
fe  peut  porter  une  chaloupe  de  bonne  nage ,  afin  que 
le  timonier ,  après  avoir  mis  le  feu  dans  les  conduits , 
y  puifTe  promptement  defeendre.  Enfuite  on  remplit 
les  dales  d'artifice,  favoir,  d'une  certaine  portion 
de  poudre,  comme  la  moitié,  d'un  quart  de  falpe- 
tre ,  d'un  demi-quart  de  foutre  commun  ;  le  tout  bien 
mêlé  enfemble ,  &  imbibé  d'huile  de  graine  de  lin , 
mais  non  pas  trop ,  parce  que  cela  retarderait  l'embra- 
fement ,  6c  que  l'effet  doit  être  prompt.  Après  cela 
on  couvre  ces  dales  de  toile  foufrée,  ou  de  gros 
papier  à  gargoulTes ,  &  l'on  apporte  des  fagots  ,  de 
menus  copeaux,  ou  d'autres  menus  bois,  trempés 
dans  l'huile  de  baleine ,  qu'on  arrange  en  forme  de 
toît  fur  les  dales,  en  les  mettant  bout  à  bout.  Ces  fa- 
gots lont  préparés  &  trempés  dans  des  matières  cora- 
bultibles ,  comme  du  foufre  commun  pilé  &  fondu  , 
du  falpctre,  &  les  trois  quarts  de  grofle  poudre,  de 
1  etoupe,  &  de  l'huile  de  baleine,  le  tout  bien  mêlé 
enfemble.  On  pend  auffi  au  fécond  pont  par-defibus , 
toutes  fortes  de  matières  combuftibles,  &  l'on  en  met 
par-tout  avec  des  paquets  de  vieux  fils  de  carret  bien 
goudronnés  ;  l'on  y  pend  encore  des   paquets  de 
foufre  ou  de  lilieres  foufrées.  Tout  le  dertbus  du  pre- 
mier pont  ell  auffi  fort  bien  goudronné,  de  même 
que  le  defïbus  du  fécond  pont  ;  &  avec  le  goudron 
dont  le  defius  du  premier  pont  ert  encore  enduit,  il 
y  a  par-tout  des  étoupes  que  le  goudron  retient,  & 
qui  font  mêlées  avec  du  foufre.  On  remplit  encore 
les  vuides  du  bâtiment  de  tonnes  poiflees  pleines  de 
ces  copeaux  minces  6c  ferpentans  ,  qui  tombent  fous 
le  rabot  des  Menuiiicrs. 

Les  cordages ,  les  vergues ,  les  voiles  font  poiffées 
&  foufrées  ;  les  extrémités  de  la  grande  vergue  font 
garnies  de  grapins  de  fer,  de  même  que  celles  de  mi- 
iéne  6c  de  beaupré.  Loriqu'on  conftruit  des  brûlots 
de  bois  neuf,  on  n'y  employé  que  du  plus  chéfif  6c 
du  plus  léger ,  &  où  le  feu  prend  plus  ailément. 

Quand  on  veut  fe  fervir  de  brûlots,  on  ouvre  tous 
les  fabords,  les  écoutilles,  6c  les  autres  endroits  def- 
tinés  à  donner  de  l'air;  ce  qui  fe  fait  fouvent  par  le 
moyen  des  boîtes  de  pièrrier  qu'on  met  tout  proche  , 
6c  qui  faifant  enfemble  leur  décharge  par  le  moyen 
des  traînées  de  poudre ,  s'ouvrent  tout  à  la  fois.  A 
l'avant  fous  le  beaupré  ,  il  y  a  un  bon  grapin  qui  pend 
à  une  chaîne,  &  un  à  chaque  bout  de  chaque  ver- 
gue ,  6c  chacun  de  ces  grapins  eiT  amarré  à  une  cor- 
de qui  pafle  du  lieu  où  ils  font  tout  le  long  du  bâti- 
ment, &  va  fe  rendre  au  gaillard  d'arrière ,  à  l'en- 
droit où  fe  tient  le  timonier;  laquelle  corde  ,  auffitôt 
que  le  brûlot  a  abordé  le  vanteau  ,  le  timonier  doit 
couper  avant  que  de  mettre  le  feu  au  brûlot  ;  il  tait 
fes  efforts  pour  accrocher  le  na\  ire  ennemi  par  l'a- 
vant ,  &  non  par  les  côtés. 

On  arme  les  brûlots  de  io  ou  n  hommes  qui  ont 

la  double  paye  à  caufe  des  dangers  qu'ils  courent, 

Tome  II. 


BRU. 


449 


&  de  quelques  parte-volans  pour  faire  montre  feu- 
lement, hormis  à  l'arriére  où  il  y  a  deux  canons  de 
fer,  pour  fe  défendre  contre  les  chaloupes  &  canots. 
On  dit  adrejfer  ou  conduire  un  brûlot ,  &  détourner 
un  brûlot,  lorfqu'on  l'empêche  d'aborder.  (Z) 

BRULURE ,  f.  f.  les  Chirurgiens  nomment  ainfi  la 
folution  de  continuité  qu'occafionne  la  force  du  feu 
dans  une  partie  du  corps.  Ils  diftinguent  ordinaire- 
ment la  brûlure  en  différens  degrés ,  defquels  le  pre- 
mier elt  quand  la  brûlure  fait  feulement  élever  fur  la 
peau  quelques  pullules  accompagnées  de  rougeur , 
6c  qu'elle  occaiionne  une  léparation  entre  l'épider- 
me  6c  la  peau  naturelle. 

Le  fécond  degré  ell  quand  la  peau  elt  brûlée ,  fâ- 
chée &  retirée ,  mais  qu'il  ne  s'y  eft  pas  formé  de 
croûte  ou  de  galle. 

Le  troifieme  ell  quand  la  chair ,  les  veines ,  les 
nerfs ,  &c.  font  retirés  par  la  force  de  la  brûlure ,  6z 
qu'il  s'eft  formé  une  croûte.  Lulîtanus  recommande 
pour  la  brûlure ,  un  onguent  fait  de  cendres  de  feuil- 
les de  laurier,  avec  de  la  grairtè  de  cochon  ,  ou  du 
lain-doux  ;  ou  bien  l 'unguentum  populeum  ,  avec  des 
feuilles  de  vigne  dont  on  enveloppe  la  partie  mala- 
de. Panarole  obferve  que  fi  on  met  de  la  boue  fur 
une  brûlure,  on  diminue  la  douleur.  Les  brafTeurs 
d'Hollande  fe  fervent  d'une  decoftion  de  lierre  pour 
guérir  la  brûlure.  Quelques  auteurs  preferivent 
dans  les  brûlures  l'ufage  des  médicamens  terreux  en 
forme  feche ,  tels  que  le  bol  d'Arménie ,  la  terre  figil- 
lée,  l'argile,  &c.  pour  éteindre ,  dilent-ils ,  les  parti- 
cules ignées  comme  on  éteint  le  feu  loriqu'on  lui  in- 
terdit la  communication  de  l'air  qui  l'environne,  ce 
que  l'on  appelle  communément  étouffer:  mais  ces  mé- 
dicamens bouchant  les  pores  par  leur  adhérence, 
empêchent  auffi  par  la  groffiereté  de  leur  matière ,  la 
détente  des  folides ,  &  ia  fuppuration  qu'on  ne  peut 
trop  promptement  procurer.  S'ils  avoient  lieu ,  ce  fe- 
roit  tout  au  plus  à  l'inltant  d'une  brûlure  légère ,  &  ils 
agiroient  comme  répereuffifs  &  aftringens ,  de  mê- 
me que  la  boue  dont  on  a  coutume  d'envelopper  la 
partie  au  moment  qu'elle  vient  d'être  bridée ,  &  qui 
étant  moins  feche  doit  être  préférée ,  outre  qu'elle  fe 
trouve  plus  promptement  fous  la  main.  En  général 
les  anodvns  font  fort  indiqués  dans  la  brûlure,  parce 
qu'ils  relâchent  les  vaifleaux  dont  la  crilpation  elt 
la  caufe  des  douleurs  aiguës  qu'on  lent  à  la  partie  brû- 
lée. Voy.  Anodyn.  On  employé  avec  allez  de  luccès 
les  fomentations  avec  Felprit  de  vin  dans  les  premiers 
panfemens  ;  les  faignées  font  fort  utiles  pour  calmer 
ou  prévenir  les  accidens. 

La  brûlure  qui  ell  une  maladie,  fert  quelquefois  de 
remède.  M.Homberg  remarque  que  les  habitans  de 
l'île  de  Java  fe  guérhfent  d'une  colique  qui  leur  don- 
neront la  mort,  en  fe  brûiantla  plante  .  6c 
qu'ils  fe  guériftent  les*  panaris,  en  trempant  leurs 
doigts  dans  l'eau  bouillante  à  diverfes  repaies. 

Les  voyageurs  rappo  tent  beaucoup  d'autres  exem- 
ples de  maladies ,  que  l'on  guerit  pai  i'application  du 
feu;  6c  nous  en  voyons  les  effets  nou  i  .  qui 

pratiquons  cette  manière  de  uiiciir  les  chevaux,  les 
chiens  de  charte,  les  oileaux  de  proie ,  t-c. 

On  s'eft  fervi  contre  la  goutte ,  d'une  forte  de  mouf- 
le apportée  des  Indes ,  que  l'on  brùloit  fur  la  partie 
affligée.  Voyt{  MoXA.  M.  Homberg  a  rapporte  les 
exemples  de  deux  femmes  guéries,  l'une  d'une  vio- 
lente douleur  de  tête  6c  d'yeux,  &  l'autre  d'une 
douleur  de  jambes  &  de  cuiifes  ,  par  la  brûlure  acci- 
dentelle de  ces  parties.  Il  ajoute  que  la  bn'dure  peut 
eue  i  ii-  par  l'une  de  ces  trois  manières ,  ou  en  mettant 
tes  humeurs  peccantes  dans  un  plus  grand  mouve- 
ment, &  en  leur  facilitant  un  nouveau  partage ,  ou 
enbrifantéc  en  diflblvant  leur  vifeidite;  ou  en  dé- 
taillant les  canaux  qui  charrioient  ces  mêmes  hu- 

Lll 


450 


BRU 


BRU 


meurs  en  trop  grande  quantité.  V.  Caustique  6- 
Cautère.  (Y) 

BRUMAL,  adj.  fe  dit  quelquefois  de  ce  qui  arap- 

Çort  à  l'hyver  :  ce  mot  eft  plus  ufite  en  Latin  qu'en 
rançois.  Ainfion  àé\X  foljlitium  brumak  pour  le  Jbljli- 
ce  eTkyver.  (0) 

BRUMALES,  brumalia,  adj.  f.  (Hift.anc.  &Myth.) 
nom  d'une  fête  que  les  anciens  Romains  célébroient 
en  l'honneur  de  Bacchus,  &  qui  duroit  trente  jours. 
Elle  commençoit  le  24e  jour  de  Novembre,  &  finif- 
foit  le  25e  jour  de  Décembre.  Voye^  Fête. 

Ce  mot  vient  de  bruma ,  qui  veut  dire  hyver ,  parce 
que  cette  fête  tomboit  au  commencement  de  l'hyver  : 
d'autres  dérivent  le  nom  de  brumaUs  de  brumus  ou  bro- 
mios,  qui  font  des  noms  qu'on  donnoit  à  Bacchus ,  à 
caufe  du  bruit  que  faifoient  les  bacchantes ,  voyeur 
Bromius.  Les  brumales  furent  inftituées  par  Romu- 
lus ,  qui  avoit  coutume  durant  ce  tems-là  de  donner 
des  repas  au  fénat.  (G) 

BRUMAZAR ,  f.  m.  {Minéralogie  &  Chimie.)  Bê- 
cher dit  qu'on  défigne  par  ce  nom  une  graifie  onc- 
tueufe,  formée  par  les  vapeurs  &  exhalaifons  ful- 
phureufes  &  mercurielles  qui  viennent  des  entrail- 
les de  la  terre ,  &  qui  mifes  en  mouvement  par  une 
chaleur  continuelle,  s'unifient  étroitement.  Selon 
cet  auteur,  perfonne  ne  veut  admettre  pareille  choie 
dans  les  métaux,  quoiqu'on  l'y  apperçoive  claire- 
ment: c'eft,  félon  lui,  la  matière  première  des  mé- 
taux ,  &  le  ferment  qui  les  conduit  à  perfection.  (— ) 

BRUME,  f.  f.  on  nomme  ainfi  fur  mer,  le  brouil- 
lard :  on  dit  le  tems  ejl  embrumé ,  quand  l'air  eft  cou- 
vert de  brouillards.  Les  Marins  ont  pour  proverbe , 
que  dans  la  brume  tout  le  monde  eft  matelot /parce 
que  dans  le  tems  d'un  brouillard  épais ,  où  l'on  ne 
voit  ni  le  foleil,  ni  les  étoiles,  chacun  dit  fon  fenti- 
ment  fur  la  route ,  qui  eft  fort  fujette  à  erreur  en  pa- 
reil tems.  (Z) 

BRUMPT  ou  BRUMAT ,  (  Géog.  )  petite  ville  de 
la  baffe  Alface ,  fur  la  Sorra ,  entre  Strasbourg  ck  Ha- 
guenau. 

BRUN,  adj.  pris  fubftantivement ,  c'eft  en 
Peinture,  le  fombre  obfcur;  les  ombres  du  tableau 
fe  font  de  brun  plus  ou  moins  foncé ,  félon  que  les 
corps  font  plus  ou  moins  oppofés  à  la  lumière  :  on 
dit  les  bruns  d'un  tableau  ,  les  ombres  d'un  tableau.  Il  y 
a  des  bruns  rougeâîres  ,  grifâtres ,  &c. 

Brun  rouge  ,  qu'on  appelle  aufîî  ocre ,  eft  une 
pierre  naturelle  d'un  rouge  foncé  ;  elle  eft  d'un  grand 
ufage  dans  la  Peinture ,  Ic^it  à  l'huile  foit  à  détrempe. 
Foyei  Peinture.  Voye{  Ocre.  (R) 

Brun  de  Plastre  ,  eft  une  petite  pierre  luifante , 
qu'on  trouve  dans  les  carrières  de  plâtre ,  &  dont  les 
Batteurs  d'or  fe  fervent  pour  couper  l'or  fur  le  couf- 
fin ,  en  le  faupoudrant  de  cette  pierre ,  calcinée  & 
pulvérifée.  Vôye^  Talc  ,  qui  eft  le  nom  de  cette  pier- 
re. Voye^  Batteur  d'or. 

B  R  u  n  ,  (  Manège  )  bay  brun  ,  fe  dit  des  chevaux 
qui  font  de  couleur  de  châtaigne  obfcure.  Voye^ 
Bay.  (V) 

BRUNDUS ,  (  Géog.  )  ville  du  royaume  de  Bo- 
hême ,  dans  le  cercle  de  Chrudim. 

BRUNEGG  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Allemagne , 
dans  le  Tirol ,  à  4  milles  de  Brixen  ,  fur  la  rivière  de 
Rientz. 

BRUNELLE, f.  f.  Brunella ,  (HiJÏ.  nat.  bot.  )  gen- 
re de  plante  à  fleur  monopétale  labiée  ;  la  lèvre  fu- 
périeure  eft  faite  en  forme  de  calque  ;  l'inférieure  eft 
divifée  en  trois  parties.  La  partie  moyenne  eft  creu- 
lie  en  cuilleron.  Il  fort  du  calice  un  piftil  qui  eft  at- 
taché comme  un  clou  à  la  partie  postérieure  de  la 
fleur ,  &  qui  eft  environné  de  quatre  embryons.  Ces 
embryons  deviennent  dans  la  fuite  des  femences  ar- 
rondies &  revêtues  d'une  capfule  qui  a  fervi  de  calice 
à  la  fleur.  Ajoutez  au  caraûere  de  ce  genre ,  que  les 


fleurs  forment  un  épi  fort  garni,  &  que  les  étamines 
n'ont  pas  la  figure  d'un  os  hyoïde,  comme  celle  de 
l'ormin ,  de  la  toute-bonne  ,  &  de  la  fange.  Tourne- 
fort,  Injl.  reiherb.  Voye^  PLANTE.  (/) 

La  brunella  major,  folio  non  dijjeclo,  C.  B.  Pit.  Tour- 
nef,  eft  d'ufage ,  &  contient  beaucoup  d'huile  &  un 
peu  de  fel  eflentiel. 

Elle-  eft  vulnéraire ,  déterfive ,  confondante  ;  on 
s'en  fert  en  décoftion  dans  les  ulcères  du  poumon , 
contre  les  hémorrhagies ,  les  maux  dégorge  ;  elle  en- 
tre dans  les  gargarifmes  ;  on  l'employé  aufli  extérieu- 
rement. 

On  croit  que  fon  nom  lui  vient  de  ce  que  les  Al- 
lemans  Femployent  dans  l'efquinancie  qu'ils  appel- 
lent diebrune.  (N)  ' 

*  BRUNES  ,  (Commerce.)  fortes  de  toiles  qui  fe  fa- 
briquent à  Rouen  &  dans  les  environs. 

BRUNETTE ,  (la)  Géog.  place  forte  &  très-im- 
portante du  Piémont,  près  de  Suie. 

*  BRUNIR,  v.  aÛ.  (Arts  méchan.)  c'eft  polir  un 
corps,  non  pas  en  Tufant ,  mais  en  abattant  les  pe- 
tites éminences  qui  font  fur  fa  furface  ;  ce  qui  fe  fait 
par  le  moyen  d'un  brunifibir.  V.  Brunissoir. 

Dans  l'Horlogerie,  on  brunit  les  pièces  ou  les  par- 
ties ,  qui  par  leur  grandeur  ou  par  leur  figure  ne  pour- 
roient  pas  être  polies  commodément.  Notez  que  cette 
méthode  de  polir  eft  la  plus  expéditive ,  &  celle  qui 
donne  le  plus  d'éclat  aux  corps  polis.  Elle  eft  à  l'iua- 
ge  des  Couteliers,  Serruriers,  &  de  la  plupart  des  ou- 
vriers en  or ,  en  argent ,  en  fer ,  &  en  acier.  Elle  en- 
levé les  traits  de  l'émcril ,  de  la  potée  ,  &  de  la  polif- 
foire ,  &  donne  aux  pièces  brunies  un  luftre  noir  qui 
imite  celui  des  glaces. 

Les  Doreurs  Fruniffent  l'or  &  l'argent,  ce  qu'ils  exé- 
cutent avec  la  dent  de  loup ,  la  dent  de  chien ,  ou  la 
pierre  fanguine ,  qu'ils  appuient  fortement  fur  les  en- 
droits des  pièces  à  brunir.  Lorfqu'on  brunit  l'or  fur  les 
autres  métaux ,  on  mouille  la  fanguine  dans  du  vinai- 
gre :  mais  lorfqu'on  brunit  l'or  en  feuille ,  fur  les  cou- 
ches à  détrempe ,  il  faut  bien  fe  garder  de  mouiller  la 
pierre  ou  la  dent  de  loup. 

Les  Relieurs  bruniffem  les  tranches  des  livres  ;  pour 
cet  effet  ils  mettent  les  livres  dans  une  prefie  à  en- 
doffer,  avec  des  ais  devant  &  derrière  la  prefie,  & 
deux  ou  trois  autres  ais  distribués  entre  les  volumes  : 
on  prend  une  dent  de  loup  ou  d'acier  que  l'on  frotte 
fortement  plufieurs  fois  fur  la  tranche  pour  la  luf- 
trer.  Après  que  la  jafpure  a  été  mife  &  qu'elle  eft  fe- 
che,  on  commence  à  brunir  les  gouttières ,  puis  tour- 
nant la  preflee  on  brunit  les  tranches  du  haut  èc  du 
bas  du  volume.  Voye^ Tranche,  Jaspure, Dent 
À  brunir. 

On  brunit  de  même  les  livres  dorés  fur  tranche  , 
après  y  avoir  appliqué  l'or  :  mais  on  obferve  pour 
la  dorure,  de  mettre  l'or  d'abord  fur  la  gouttière,  de 
le  faire  fécher  fur  le  baquet ,  &  on  n'y  parle  la  dent 
que  lorfqu'il  eft  bien  (qq.  Puis  déflorant  la  preflee, 
on  prend  chaque  volume  pour  en  abbaifîer  les  bords 
du  carton  au  niveau  des  tranches  ,  &z  remettant  la 
preflee  dans  la  prefie  à  endoffer,  on  fait  la  même  • 
opération ,  foit  pour  y  mettre  l'or ,  le  faire  fécher , 
èc  le  brunir.  On  retourne  de  nouveau  la  preflee  avec 
la  même  précaution ,  on  dore  &  on  brunit  la  dernière 
tranche.  Voye^ Dorer  sur  tranche  6*  Dent  à 

BRUNIR. 

*  BRUNISSOIR,  f.  m.  {Art  méchan.  en  métaux.) 
outil  à  l'ufage  de  preique  tous  les  ouvriers  qui  em- 
ployent  le  fer,  l'or ,  l'acier ,  l'argent ,  Pétain;  ils  s'en 
fervent  pour  donner  de  l'éclat  à  leurs  ouvrages  après 
qu'ils  font  achevés.  Le  bruniQoir  pane  fortement  fur 
les  endroits  de  la  furface  de  l'ouvrage  qu'on  veut 
rendre  plus  brillans  que  les  autres  ,  produit  cet  effet 
en  achevant  d'enlever  les  petites  inégalités  qui  ref- 
tent  du  travail  précédent.  D'où  l'on  voit  que,  dé 


BRU 

quelque  matière  que  l'on  faffe  le  brunijfoir,  cet  outil 
n'emporte  rien  de  la  pièce,  &  doit  être  plus  dur 
qu'elle. 

Le  brunijfoir  de  Y  Argent  eur  eft  un  morceau  d'acier 
fin  ,  trempé  &  fort  poli ,  monté  fur  un  manche  de 
bois.  Voyez  figure  de  t 'Argentcur ,  Planche  VII. 

Le  brumflbir  des  Couteliers  eft  d'acier  fin ,  trempé 
&  bien  poli;  il  varie  félon  les  ouvrages.  Il  y  en  a  à 
main  ,  &  il  y  en  a  à  étaux.  Les  brunijfoirs  à  main 
n'ont  rien  de  particulier  ;  ceux  à  étaux  font  montés 
par  un  bout  fur  un  long  morceau  de  bois  qu'on  ferre 
dans  l'étau  :  on  pofe  la  pièce  à  brunir  fur  ce  morceau 
de  bois ,  &c  l'on  appuyé  fur  elle  fortement  le  bmnif- 
fbir ,  qu'on  tient  par  le  manche  qui  eft  à  l'autre  bout. 
Le  bruniffbir  fait  levier.  Quant  à  fa  forme ,  on  lui 
donne  celle  de  deux  petits  concs  oppolés  au  fommet 
pour  l'intérieur  des  pièces  concaves.  Il  faut  donc 
imaginer  ces  deux  petits  cônes  bien  polis,  montés  fur 
un  pié ,  &  ce  pié  élevé  perpendiculairement  lur  le 
milieu  d'un  arbre  un  peu  concave  dont  il  fait  partie, 
de  façon  que  les  deux  petits  cônes ,  tenus  à  quelque 
diftance  de  l'arbre  par  le  pié,  foient  dans  une  direc- 
tion parallèle  à  l'arbre.  Cet  arbre  a  une  de  lés  extré- 
mités faite  en  crochet  ;  ce  crochet  recourbé  en-def- 
fus,  fe  place  dans  un  piton  fixé  fur  un  morceau  de 
bois  étroit,  mais  de  la  longueur  de  l'arbre  ;  fon  autre 
extrémité  eft  emmanchée.  Or.  place  le  bois  dans  l'é- 
tau, &  on  parle  l'un  ou  l'autre  des  cônes  dans  l'anneau 
ou  for  la  lurface  de  la  pièce  à  brunir ,  &  on  applique 
ce  cône  fortement  fur  elle  ,  à  l'aiae  du  piton  qui  re- 
tient un  des  bouts  du  bruni,  oir,  6c  du  manche  qui  fert 
à  appuyer  à  l'autre  bout.  L'arbre  du  brunijfoir,  quand 
l'ouvrier  s'en  lert,  eft  parallèle  au  bois  pris  dans  l'é- 
tau, &c  perpendiculaire  à  la  pièce  à  brunir. 

Le  brunijjoir  dent  les  Doreurs  fe  fervent ,  eft  fait 
ordinairement  d'une  dent  de  loup ,  de  chien ,  ou  de 
la  pierre  fanguine.  On  met  ces  dents  ou  cette  pierre 
au  bout  d'un  manche  de  fer  ou  de  bois.  Il  y  a  auftî 
des  brunijj'oirs  d'acier  communs  à  plufieurs  ouvriers. 
Voyez  la  figure  J8.  Planche  II.  du  Doreur. 

Le  brunifjoir  du  Doreur  fur  cuir ,  eft  un  caillou  dur 
&  poli  emmanché,  dont  ces  ouvriers  fe  fervent  pour 
liffer  les  cuirs  dont  ils  font  les  tapifteries.  Voye^  les 
figures  6.  &  y.  Planche  du  Doreur  Jïir  cuir  ;  &  la  figure 
J.  de  la  Vignette ,  qui  reprèfente  un  ouvrier  qui  lijje  une 
peau  fur  une  pierre  poj'ée  J'ur  un  établi. 

Le  brunijjoir  ordinaire  des  Graveurs,  eft  une  lame 
d'acier  de  6  ou  7  pouces  de  long  &  3  ou  4  lignes  d'é- 
paiffèur,  courbée  en  S  par  les  deux  bouts,  qui  font 
amenuilés  pour  entrer  dans  les  manches  ou  poignées 
A  B  (fig.  20.  Planche  de  la  Gravure  )  qui  fervent  à  le 
tenir.  La  partie  du  milieu cd,  qui  eft  plate,  eft  arron- 
die du  côté  convexe ,  6c  eft  auffi  un  peu  courbe  ; 
l'arrondiffement  doit  être  bien  poli,  tk  tout  l'outil 
trempe  dur. 

On  fe  fert  du  brarùfibir,  pour  donner  le  dernier  poli 
aux  planches  de  cuivre  en  Les  frottant  avec  ,  &  ayant 
foin  de  mettre  de  l'huile  d'olive  pour  les  lubrifier.  Les 
autres  brunijj'oirs  confiftent  en  un  bâton  ,  pour  fervir 
de  manche,  &  en  une  pièce  d'acier  arrondie  fur  la 
convexité  ,  ainfi  que  h  figure  21.  de  la  même  Planche 
le  reprèfente.  11  y  en  a  de  différentes  tonnes  &  gran- 
deurs. 

Les  Horlogers  en  ont  de  différentes  figures  ,  de  for- 
més en  lime  à  feuille  de  fauge ,  comme  dans  la  figure 
zy.  n°  2.  Planche  XIV.  de  VHorlog.  d'autres  comme 
des  limes  ordinaires.  Ils  font  tous  d'acier  trempe  & 
bien  polis  :  les  premiers  fervent  ordinairement  à  bru- 
nir des  vis ,  des  pièces  de  cuivre  ;  les  autres  fervent 
pour  des  pièces  plates  :  ils  en  ont  de  petits  de  cette 
dernière  efpece  pour  brunir  les  pivots,  &  ils  les  ap- 
pellent brunijj'oirs  à  pivots.  Voyjr  BRUNIR.  (T) 

Le  brunijjoir  des  Orfèvres  en  grojferie  ,  eft  un  in  11  ra- 
ment d'acier  très-poli,  ou  une  pierre  fanguine,  ou 
Tome  II, 


BRU 


451 


mente  une  pierre  plus  fine,  montée  fur  un  manche. 
C'eft  en  l'appuyant  également  fur  tous  les  endroits 
du  champ  d'une  pièce  qu'on  lui  donne  ce  beau  poli , 
cet  éclat  que  les  yeux  ont  quelquefois  peine  à  foû- 
tenir. 

Les  bruniffoirs  dont  les  Facteurs  d'orgues  fe  fervent 
pour  brunir  les  tables  d'étain  qu'ils  employent  à 
faire  les  tuyaux  de  montre  ou  d'anches ,  font  dés  mor- 
ceaux d'acier  arrondis  &  très-polis ,  avec  lefquels  en 
frottant  fur  les  tables  "d'étain,  ils  les  rendent  unies  & 
luifantes;  lu  fig.  64.  Planche  d'Orgue,  en  reprèfente 
deux*  A ,  le  manche  ;  B ,  le  brunijjoir,  que  l'on  appli- 
que par  le  côté  convexe  fur  la  table  que  l'on  veut 
brunir;  CD,  un  autre  brunijjoir  qui  fert  au  même  ufa- 
ge  ;  C,  la  poignée  de  bois  dans  laquelle  le  fer  D  entre 
au  moyen  d'une  entaille  qui  y  eft  pratiquée.  V.  Part. 
Orgue  ,  où  le  travad  de  l'étain  &  du  plomb  eft  ex- 
pliqué. 

Le  brunijfoir  du  Potier  d'étain  lui  fert  après  que  fon 
ouvrage  a  été  tourné  ou  reparé  au  gratoir  :  il  en  a  de 
différentes  formes  ;  les  uns  pour  brunir  la  vaiflèlle, 
les  autres  la  poterie  &  menuiferie  ,  &  les  autres  ce 
qui  eft  reparé  à  la  main.  Ces  outils  font  d'acier  pur, 
trempé  bien  dur,  enfuite  bien  polis  &  frottés  de 
tems  en  tems  fur  la  potée  d'étain  :  lorfqu'on  s'en  lert, 
il  faut  mettre  de  l'eau  de  favon  fur  les  pièces  d'ou- 
vrage avant  de  les  brunir.  Voye^  la  Planche  du  Potier 
d'étain. 

*  BRUNITURE  ,  fub.  f.  fe  dit ,  en  Teinture  ,  de  la 
manière  d'éteindre  l'éclat  d'une  couleur,  afin  de  la 
réduire-à  la  nuance  qu'on  veut ,  fans  toutefois  la  faire 
changer  d'efpece.  C'eft  en  conféquence  de  la  nécef- 
fité  où  font  les  Teinturiers  du  grand  teint  de  recourir 
de  tems  en  tems  à  cette  opération  ,  qu'il  leur  eft  per- 
mis de  tenir,  en  petite  quantité,  des  ingrédiens  par- 
ticuliers aux  teintures  en  petit  teint.  V.  Teinture. 

BRUNNER  (Glandes  de),  Anatom.  elles  font 
fituées  à  l'entrée  du  duodénum  ;  elles  portent  le  nom 
du  médecin  Brunner,  qui  les  découvrit  &  les  décrivit 
dans  une  obfervation  communiquée  à  la  Société  des 
curieux  de  la  nature.  (L) 

BRUNO,  (Géog.)  rivière  d'Italie,  dans  le  grand 
duché  de  Tolcane ,  qui  prend  la  fource  au  mont  Mafîi, 
&  fe  jette  dans  la  mer  près  de  Caftiglione. 

BRUNSBUTTEL,  (Geog.)  petite  ville,  à  l'em- 
bouchure de  l'Elbe  ,  appartenante  au  roi  de  Dane- 
mark. 

BRUNSFELSIA,  f.  i.(Hift.  natta,  bot.)  genre  de 
plante  ,  dont  le  nom  a  été  dérivé  de  celui  à'Othon 
Brunsfels  ,  médecin.  La  fleur  des  plantes  de  ce  genre 
eft  monopétale  ,  en  torme  d'entonnoir,  tabulée  & 
découpée.  Il  s'élève  du  fond  'du  calice  un  piftil  qui 
eft  attaché  au  fond  de  la  fleur  comme  un  clou ,  &  qui 
devient  dans  la  fuite  un  fruit  arrondi,  mou,  charnu  , 
&  rempli  de  femences  ovoïdes  ,  qui  le  trouvent  en- 
tre la  peau  &  la  chair  du  fruit.  Plumier,  Nova  plant. 
Amer.  gen.  Voye^  Plante.  (/) 

BRUNSWICK,  (Géog.)  grande  &  forte  ville 
d'Allemagne  ,  dans  le  cercle  de  la  baffe  Saxe;  elle 
étoit  autrefois  impériale  &  libre,  fur  la  rivière  d'Oc- 
kcr.  Long.  28.  là.  lat.  52.  l5. 

Brunswick  (le  duché  de)  ,  Géog.  c'eft  une  grande 
province  d'Allemagne  ,  dans  le  cercle  de  la  baffe 
Saxe,  bornée  au  nord  par  le  duché  de  Luncbourg, 
à  l'occident  par  le  cercle  de"Weftphalie  ,  au  midi  par 
le  kmdgraviat  de  Heffe,  &  à  l'orient  par  la  Thuringe 
ce  le  duché  de  Magdebourg.  La  capitale  eft  Brunl- 
wick. 

BRUNTZENY-MEYDAN,(Cv-.)viile  forte  de 
Croatie,  qui  fert  de  barrière  contre  les  Turcs,  près 
de  la  rivière  d'Unna. 

BRUSILOW,  (Géog.)  ville  de  Pologne,  dans  le 
palatinat  de  Kiovie. 

*  13RUSQL  EMB1LLE  Çfeu  de  la).  On  peut  jouer 

L  1 1  ij 


45i 


BRU 


à  la  brufquembille  >  deux ,  trois ,  quatre ,  ou  cinq  :  mais 
il  eit  bon  d'obferver  qu'à  deux  6c  à  quatre  on  ne  joue 
qu'avec  trente-deux  cartes ,  qui  ibnt  les  mêmes  que 
celles  avec  lesquelles  on  joue  au  piquet  ;  &  lorique 
l'on  joue  trois  ou  cinq ,  il  faut  que  le  jeu  foit  compofé 
de  trente  cartes  feulement ,  c'eft-à-dire",  qu'on  enlè- 
vera deux  lept ,  n'importe  lesquels.  Lorfqu'on  joue  à 
quatre,  l'on  eit  deux  contre  deux ,  &  l'on  fe  met  en- 
semble afin  de  pouvoir  fe  communiquer  le  jeu. 

Les  brufqiumbilks  font  les  as  &  les  dix  ;  elles  enlè- 
vent les  autres  cartes  de  la  même  couleur  ;  mais  elles 
font  enlevées  par  les  triomphes  :  le  reite  des  cartes 
conferve  le  rang  &  la  Supériorité  ordinaires. 

Lorfque  l'on  joue  en  partie ,  c'eit  à-dire ,  un  contre 
un ,  deux  contre  deux ,  on  convient  d'abord  de  ce 
qu'on  jouera  ;  &  fi  l'on  joue  trois  ou  cinq ,  on  prend 
un  certain  nombre  de  jettons,  que  l'on  fait  valoir  ce 
qu'on  veut  ;  &  celui  qui  mêle ,  donne  à  couper  à 
la  "auche ,  &  distribue  enfuite  à  chaque  joueur  trois 
cartes  ,  une  à  une  ou  toutes  enfemble ,  en  prend  au- 
tant pour  lui ,  &  en  retourne  une  de  deiTus  le  talon , 
qui  eit  celle  qui  fait  la  triomphe ,  &  qu'il  met  retour- 
née à  moitié  fous  le  talon ,  de  manière  qu'on  puiflè 
la  voir.  Celui  qui  eit  premier  jette  la  carte  qu'il  veut 
de  fon  jeu  ;  le  fécond  joue  enfuite  fur  cette  carte , 
celle  de  fon  jeu  qu'il  juge  à  propos,  &C  ainfi  des  au- 
tres ,  chacun  à  ion  tour.  Celui  qui  gagne  la  main , 
prend  une  carte  au  talon ,  chacun  des  autres  joueurs 
en  fait  autant ,  en  allant  de  droite  à  gauche  ;  l'on 
recommence  à  jouer  comme  au  premier  coup  ,  & 
l'on  continue  jufqu'à  ce  que  toutes  les  cartes  du  talon 
foient  prifes ,  chaque  joueur  y  en  prenant  une  pour 
remplacer  celle  de  ion  jeu  qu'il  jette  à  chaque  coup  ; 
&  celui  qui  prend  la  dernière  carte ,  prend  la  triom- 
phe qui  retourné. 

J'ai  dit  que  le  fécond  à  jouer  jettoit  la  carte  que 
bon  lui  fembloit ,  parce  qu'on  n'en1  point  obligé  de 
fournir  à  ce  jeu  de  la  couleur  de  la  carte  jouée  ,  en- 
core qu'on  en  ait  :  il  n'y  a  point  de  renonce  :  on  peut 
couper  une  carte  à  laquelle  on  auroit  pu  fournir  :  voi- 
là la  manière  de  joiier  le  jeu.  On  recommence  chaque 
tour  de  la  même  façon  ,  jufqu'à  ce  que  l'on  ait  joiié 
les  coups  dont  eit  convenu.  Il  y  a  quelques  perfonnes 
qui  prétendent  qu'on  ne  peut  renoncer  ,  lorfqu'une 
fois  toutes  les  cartes  du  talon  l'ont  levées ,  &  qu'il 
faut  couper  abfolument  û  l'on  n'a  pas  de  la  couleur 
jouée  :  mais  je  crois  que  cela  dépend  de  la  volonté 
des  joueurs.  Panons  aux  droits  qui  fe  payent  à  ce  jeu. 

Celui  qui  joue  la  brufquembille  de  l'as  de  triomphe 
reçoit  deux  jettons  de  chacun  :  il  retire  également 
deux  jettons  de  chaque  joueur,  pour  tous  les  as  qu'il 
jouera  après ,  pourvu  qu'il  faiTe  la  levée  ;  car  s'il  ne 
la  faifoit ,  au  lieu  de  gagner  deux  jettons  de  chaque 
joueur,  il  eit  obligé  de  leur  en  payer  deux  à  chacun. 
Il  en  eit  de  même  des  dix ,  qui  valent  de  chaque  joueur 
un  jetton  chacun:  mais  s'il  ne  levé  pas  la  main ,  il  eit 
obligé  d'en  donner  un  à  chaque  joueur.  Celui  qui  a 
plus  de  points  dans  les  levées  qu'il  a  faites ,  gagne  en- 
fuite  la  partie.  Voici  la  manière  de  compter  ces  points:' 
après  que  toutes  les  cartes  du  talon  ont  été  prifes,  & 
que  l'on  a  joiié  toutes  les  cartesque  l'on  avoit  en  main, 
chacun  voit  les  levées  qu'il  a ,  &  compte  onze  points 
pour  chaque  as,  dix  pour  chaque  dix,  quatre  pour 
chaque  roi ,  trois  pour  chaque  dame ,  deux  pour  cha- 
que valet  ;  &c  les  autres  ne  font  comptées  pour  rien. 
Celui  qui  en  comptant  ainfi,  fe  trouve  avoir  plus  de 
points,  gagné  la  partie.  L'on  doit  par  confequent  tâ- 
cher de  faire  des  levées  où  il  y  ait  beaucoup  de  points, 
des  as ,  des  rois ,  des  dames ,  des  dix ,  &  des  valets , 
alin  de  pouvoir  gagner  le  jeu.  L'uiage  ôc  le  bon  lens 
apprendront  mieux  à  joiier  ce  jeu  ,  que  tout  ce  que 
nous  pourrions  en  dire  ;  la  iituation  du  jeu  demandant 
de  joiier  un  même  coup  tantôt  d'une  façon  tantôt 
d'une  autre.  II  eit  quelquefois  bon  d'avoir  la  main , 


BRU 

d'autres  fois  de  l'abandonner  à  fon  adverfaire.  En 
général ,  pour  bien  joiier  la  brujquembille  il  faut  une 
grande  attention,  pour  voir  non-ieulement  les  triom- 
phes qui  l'ont  déjà  Sorties*,  mais  encore  les  brufqium- 
bilks qui  font  paiTées  &  celles  qui  font  encore  dans 
le  jeu,  afin  d'en  faire  fon  avantage  en  jouant. 

Voici  quelques  règles  qui  pourront  rendre  plus 
complette  la  connoiiiance  qu'on  a  déjà  de  ce  jeu, 
fur  ce  que  nous  en  avons  dit.  Celui  qui  mêle  &  trou- 
ve une  ou  plulieurs  cartes  retournées ,  ou  en  retour- 
ne lui-même,  refait,  fans  autre  peine.  Si  le  jeu  de 
cartes  eit  faux  par  une  carte  de  moins ,  tout  ce  qui  a 
été  payé  dans  le  coup  eit  bien  payé  ;  mais  on  ne  peut 
gagner  la  partie ,  &  l'on  ceile  de  joiier.pourdeux  car- 
tes qui  manqueroient,  auffi-tôt  qu'.on  s'en  apperçoit  ; 
ii  le  coup  eit  fini ,  il  eit  bon  :  celui  qui  joue  avant  fon 
rang,  ne  peut  reprendre  ia  carte  :  celui  qui  a  jette  fa 
carte,  ne  fauroit  y  revenir  fous  quelque  prétexte  que 
ce  foit  :  celui  qui  prendroit  avant  fon  tour  une  carte 
du  talon ,  s'il  a  joint  à  fon  jeu  la  carte  prife  au  talon , 
paye  à  celui  à  qui  elle  auroit  été  de  droit ,  la  moitié 
de  ce  qui  eit  au  jeu ,  &  il  la  lui  rend  ;  tk  s'il  ne  l'avoit 
pas  jointe  à  fon  jeu  ,  mais  vue  feulement ,  il  donne- 
1  oit  deux  jettons  à  chaque  joueur,  tk  la  laifleroit  aller 
à  qui  doit  la  prendre  de  droit.  Celui  qui  en  tirant  fa 
carte  du  talon  en  voit  une  féconde ,  paye  deux  jet- 
tons  à  chaque  joueur.  Lorique  l'on  joue  en  partie  , 
deux  contre  deux ,  fi  l'un  des  joueurs  en  prenant  fa 
carte  du  talon ,  voit  celle  qui  doit  aller  à  ion  adver- 
faire ,  il  leur  eit  libre  de  recommencer  la  partie  ;  & 
fi  la  carte  vue  revient  à  lui  ou  à  fon  compagnon ,  le 
jeu  fe  continue.  Il  n'y  a  point  de  renonce ,  &  l'on  n'eil 
point  forcé  à  mettre  plus  haut  fur  une  carte  jouée. 
Celui  qui  ayant  accuié  avoir  un  certain  nombre  de 
points  en  auroit  d'avantage,  &  ne  les  acculerait  qu'a- 
près que  les  cartes  1er  oient  brouillées,  ne  pourrait  y 
revenir ,  &  perdrait  la  partie  fi  un  autre  joueur  avoit 
plus  de  points  dans  fes  levées  qu'il  n'en  auroit  aceufé. 
Celui  qui  quitterait  le  jeu  avant  la  partie  finie ,  la 
perdrait. 

BRUSQUEMBILLE,  au  Jeu  de  ce  nom,  eit  le  nom 
qu'on  donne  aux  as  6c  aux  dix ,  qui  font  les  premiè- 
res cartes  du  jeu  ;  les  as  enlèvent  cependant  les  dix. 
Vcye[  l'article  précèdent. 

*  BRUT ,  adj.  (  Gramm.  )  eit  Foppofé  de  travaillé: 
ainfi  on  dit  de  la  mine  brute ,  un  diamant  brut,  du  lu- 
cre brut  ;  en  un  mot  on  donne  cette  épithete  à  tous 
les  objets  dans  l'état  où  la  nature  nous  les  preiente 
lorfqif  ils  font  deitinés  à  être  perfectionnés  par  l'art  : 
le  naturalise  ne  dit  point  une  plume  brute ,  parce 
qu'il  ne  la  confidere  jamais  comme  une  production 
qui  puifle  être  perfectionnée  par  l'art:  mais  le  Plu- 
maffier  le  dit.  On  ne  dit  jamais  une  plante  brute.  On 
donne  quelquefois  auffi  le  nom  de  brut  à  des  produc- 
tions artificielles,  lori qu'elles  en  font  au  premier  ap-- 
prét ,  &  que  la  main-d'œuvre  doit  en  enlever  dans  la 
fuite  des  traits  greffiers ,  &  autres  imperfections  lèm- 
blables.  Ainii  on  dit  d'une  pièce  de  fonderie  au  for- 
tir  du  moule  ,  qu'elle  eit  toute  brute. 

Brut  ouOrt  ,  terme  de  Commerce,  qui  s'entend  du 
poids  de  la  marchandise  quand  elle  eit  pelée  avec  fon 
emballage  :  on  dit  en  ce  lens,  cette  balle  de  poivre  pefe 
brut  ou  on  6 00  livres,  pour  marquer  que  l'emballa- 
ge &  le  poivre  qu'il  contient  pèlent  enfemble  6oo  li- 
vres. Il  y  a  des  marchandiies  qui  payent  les  droits 
d'entrée  &  de  fortie  du  royaume  net,  oc  d'autres  brut 
ou  ort.  On  fe  fert  auffi  du  mot  bruto,  qui  Signifie  la  mê- 
me choie  ;  mais  il  eit  étranger ,  &  peu  imté  en  Fran- 
ce.  (G) 

BRUTE ,  f.  f.  ie  dit  de  l'animal  confidere  comme 
privé  de  raifon ,  èv  par  oppoiition  à  l'homme,  yqye^ 
Animal  «S-  Bete. 

BRU  TIENS  ,  f.  m.  pi.  (  Hijl.  a  ne.  &  Géog.  )  peu- 
ples originaires  de  Lacédémone ,  félon  Juitin  ;  ils  ha- 


BRU 


bitoient  cette  extrémité  de  l'Italie  que  l'on  appello-t 
la  grandi  Grèce  :  on  les  diftinguoit  en  tranlmontains 
&  cilinontnins. 

*  BRUXANELLI,  f.m.(////?.  ndt.  bot.) grand  arbre 
de  la  grofieur  d'un  pommier  qui  croît  dans  les  bois 
&  fur  les  montagnes  du  Malabar  ;  il  fleurit  en  Juillet 
&  en  Août ,  &  ion  fruit  eft  mûr  en  Novembre  &c  en 
Décembre.  Il  vit  long-tems  ,  &  on  lui  attribue  quel- 
ques propriétés  médicinales  ,  pour  la  cure  du  char- 
bon, 6c  contre  les  douleurs  de  la  pierre. 

BRUXELLES ,  (  Gèog.  )  belle  6c  grande  ville  des 
Pays-bas  ,  capitale  du  Brabant  Autrichien  ,  fur  la  ri- 
vière de  Senne  qui  s'y  partage  en  piuiieurs  canaux. 
C'eft  la  réfidence  des  gouverneurs  généraux  des  Pays- 
bas.  Long,  zi.  56.  lut.  5o.  Si. 

BRUYAN ,  VERDUN  ou  VERDRIER,  fub.  maf. 
(  Hijl.  nat.^  cirlus ,  luttez  primum  gemts,  Aid.  oifeau 
de  la  grofieur  du  moineau  ;  le  bec  eft  court  6c  épais, 
le  ventre  Si  la  poitrine  font  jaunâtres,  6c  marqués  de 
taches  brunes  ;  la  tête  ,  le  dos ,  les  ailes ,  6c  la  queue, 
font  de  couleur  de  terre  cuite  ,  mêlée  de  brun  ;  les 
deux  plumes  extérieures  v<  que  côté  c!e  ta  queue 
font  en  partie  blanches,  &  en  partie  de  la  même 
couleur  que  les  autres  plumes  :  le  maie  eft  différent 
de  la  femelle  en  ce  qu'il  a  plus  de  jaune.  Cet  oifeau 
fe  tient  prefque  toujours  fur  la  terre,  c'eft  pourquoi 
on  lui  trouve  le  bec  plein  de  limon  lorsqu'on  le  prend. 
Willllghby,  Omit.  Voye?^  OlSEAU.  (7) 

BRUYERE ,  i.  f.  (  Ni  fi.  nat.  bot.  )  trica ,  genre  de 
plante  à  fleur  monopétaîc  en  forme  de  cloche  ;  il  fort 
du  fond  du  calice  de  la  fleur  un  piftil,  qui  devient 
dans  la  fuite  un  fruit  ordinairement  arrondi  :  ce  fruit 
s'ouvre  en  quatre  parties  ;  il  eft  le  plus  fouvent  par- 
tagé en  quatre  loges  ,  &  il  renferme  des  femences 
fort  petites  pour  l'ordinaire.  Tournefort,  In  fi.  reiherb. 
Voyt^  Plante.  (  I) 

L'erica  vulgaris  glabra ,  C.  B.  Pin.  a  la  décoction 
diurétique.  Matthiole  prétend  qu'elle  brife  le  calcul , 
lorfqu'on  la  prend  loir  6c  matin  trois  heures  avant 
les  repas,  à  la  doie  de  cinq  onces;  il  ajoute  que  fon 
effet  réuftit  mieux  fi  l'on  fe  baigne  plufieurs  jours 
de  fuite  clans  cette  décoction  ,  après  en  avoir  u(é  in- 
térieurement pendant  trente  jours. 

Rondelet ,  au  rapport  de  Clufius,  cmployoit  l'hui- 
le de  fes  fleurs  pour  les  dartres  du  vifage. 

Le  fuc  de  bruyère ,  ou  l'eau  diftillée  de  fes  fleurs  , 
difîipe  la  rougeur  des  yeux  ,  &  en  fait  cefferles  dou- 
leurs. 

Tabernœmontanus  afïïire  que  la  fomentation  de 
fes  fleurs  calme  la  goutte.  Le  bain  de  vapeur  avec 
les  feuilles  &  les  fleurs  de  la  même  plante ,  produit 
le  même  effet.  Tournefort,  Biji.  des  Plantes.   (A7) 

BRUYERE  ,  en  terme  de  Vergettier ,  eft  un  petit  ar- 
bi  ilicau  dont  les  rameaux  font  petits  &  trcs-iouples  ; 
c'eft  pour  cela  qu'on  l'appelle  feopa  ,  c'elt-à-dire  bal- 
let ,  en  Italie  où  il  elt  très-commun  ,  &  d'où  les  mar- 
chands Vergettiers  de  Paris  le  tirent ,  comme  le  meil- 
leur qui  foit  à  leur  ufage. 

BRUYERES,  (Géog.)  petite  ville  de  Lorraine, 
dans  le  pays  de  Yolge. 

BRUYUIERE  ,  {la  )  Géog.  petite  ville  de  France 
dans  le  Languedoc  ,  au  diocefe  de  Lavaur. 

*  BRYONE ,  f.  f.  (  ffift.  nat.  bot.  )  byonia  :  il  y 
a  deux  efpeces  de  bryone;  la  blanche  ,  6e  le  fecau 
notrc-clame.  La  blanche  eft  encore  de  <\e\\\  fortes  ; 
l'une  à  baies  rouges  ,  &  l'autre  à  baies  noires. 

La  bryone  à  baies  rouges  a  la  racine  plus  groffe 
que  le  bras  quand  elle  eft  jeune  ,  îk  autîi  groffe  que 
la  cuille  quand  elle  eft  vieille  ,  divifée  eu  grofles  fi- 
bres ,  charnue,  &  fongueufe  quand  elle  eft  lèche.  Sa 
fubftance  eft  diltinguée  par  des  cercles  S:  des  rayons  ; 
fa  faveur  elt  acre  ,  défagréable,  &  un  peu  amere, 
&  fon  odeur  fétide  quand  elle  eft  fraîche.  Ses  tiges 
font  longues ,  grêles ,  grimpantes ,  cannelées ,  un  peu 


B  R  Y  453 

velues,  6c  garnies  de  mains  ou  longs  filets  tortillés  : 
les  feuilles  placées  alternativement,  anguleuies , 
afh.  /  iemblables  à  celle  de  la  vigne,  mais  plus  petites 
&  plus  rudes  :  fes  fleurs  fortant  piuiieurs  enfemble 
des  aiffelles  des  feuilles,  d'une  feule  pièce  ,  en  clo- 
che, évafées  ,  partagées  en  cinq  parties  ,  arrondies, 
d'un  blanc  verdâtre  ,  parlémées  de  veines  ,  £<  tel- 
lement adhérentes  à  leur  calice ,  qu'on  ne  les  en  peut 
feparer.  Parmi  ces  fleurs  il  y  en  de  fténles ,  qui  lont 
les  plus  grandes  ,  6c  qui  ne  font  pas  portées  fur  un 
embryon  ;  les  autres  font  plus  petites  ,  fécondes ,  ap- 
puy  ées  fur  un  embryon,fe  changeant  en  une  baie  fphé- 
rique  de  la  grofieur  d'un  pois,  verte  d'abord,  enfuite 
rouge ,  molle  ,  pleine  d'un  fuc  qui  caufe  desnaufées  , 
&  des  graines  arrondies  couvertes  d'un  mucilage- 
Cette  plante  fe  trouve  dans  leshaies  &  dans  les  forets. 

La  bryone  blanche  à  baies  noires  ne  diffère  de  la 
précédente  que  par  la  couleur  de  fes  racines  &:  de  fes 
bues.  Les  racines  de  celle-ci  ont  intérieurement  la 
couleur  de  bouis  ;  les  racines  de  la  précédente  font 
d'un  blanc  jaunâtre  :  les  baies  de  celle-ci  font  noi- 
râtres ;  celles  de  la  première  font  rouges.  On  fait 
moins  d'ulage  de  la  bryone  à  baies  rouges. 

Le  fceau  notre-dame  a  la  racine  épaille ,  grofTe , 
longue  ,  tubercule ,  noire  en-dehors ,  blanche  en-de- 
dans ,  remplie  d'un  fuc  gluant  &  vifqueux  ,  d'une  fa- 
veur acre  qui  n'elt  pas  défagréable  ;  les  tiges  farmen- 
teufes,  grofTes,  longues,  grimpantes,  ligneufes,  rou- 
geâtres,  noirâtres,  &  fans  mains  ;  les  feuilles  alter- 
nes, molles  ,  d'un  verd  gai,  huilantes ,  affez  fembla- 
bles  à  celles  du  frntlax  ,  garnies  de  piuiieurs  nervu- 
res finuées  ,  &  d'une  faveur  vifqueufe  ;  les  fleurs  en 
grappe  à  l'aiffelle  des  feuilles, petites, d'une  feule  pic- 
ce  ,  en  cloche ,  évafées  ,  partagées  en  fix  parties , 
d'un  jaune  verd  ,  à  fix  étamines  ,  ce  fténles. 

Il  y  a  une  autre  racine  vierge,  femelle,  &  appel- 
lée  bryonia  Lvis  ,jive  nigra  baccifera  :  elle  a  la  fleur 
plus  grande  que  fa  pje  eedente  ,  blanche,  garnie  d'un 
piltil  qui  fe  change  en  une  baie  fphérique,  rougeâ- 
tre  ,  ou  d'un  rouge  foncé  ,  de  la  groffeur  d'une  ce- 
rife ,  6c  contenant  une  coëffe  mem'brancufe  remplie 
de  graines  arrondies. 

Les  racines  des  deux  premières  efpeces  purgent 
les  férofités  parle  ventre  è:  par  les  urines  ,  lèvent  les 
obltructions,  excitent  les  mois  aux  femmes,  pouf  eut 
l'arrierefaix  ,  font  propres  contre  l'althme  6c  fhy- 
dropilie  :  râpées  ,  chauffées,  6c  appliquées  fur  l'ef- 
tomac  ,  elles  purgent  comme  fi  on  ies  a.  oit  prifes  in- 
térieurement. Elles  opèrent  plus  violemment  récen- 
tes que  feches. 

Onguent  de  bryone.  Prenez  racine  de  bryone  blan- 
che une  demi-livre,  coupez-la  par  petites  tranches  , 
ôc  faites-la  frire  dans  une  poêle  juiqu'à  ce  qu'elle  foit 
feche  ;  paffez  la  liqueur,  &  donnez-lui  la  confiltance 
d'onguent,  avec  la  cire  à  la  doie  de  cinq  onces ,  & 
demi-livre  de  réfine  de  lapin.  Il  réfout  les  écroiielles 
y  étant  appliqué  loir  &  matin. 

Eau  de  bryone  compofée parLemcry .Prenez  du  fuc  de 
racine  de  brj  une  4  [ivres  ;  des  feuilles  de  rue,  d'armoi- 
fe  ,  de  chaque  1  livres  ;  des  feuilles  de  labine  feche  3 
poignées  ;  des  feuilles  de  matricaire.  d'herbe-à-chat , 
de  pouliot,  de  bafilic,  de  dictante  de  Crète,  de  chacu- 
ne 1  poignées  ;  d'écorce  d'orange  nouvelle  quatre 
onces  ;  de  myrrhe  deux  onces;  dé  caftoreum  une 
once  ;  de  vin  de  Canarie  fix  pintes  ;  laifiêz  le  tout 
en  digeftion  pendant  quatre  jours  dans  un  vaiffeau 
convenable  ,  puis  faites-en  la  diftiilation  au  bain- 
marie;  quand  elle  fera  à  moitiérfaite ,  on  exprimera 
ce  qui  fera  refté  dans  l'alembic ,  on  continuera  à  dif- 
tiller  la  liqifeur  exprimée  ,  puis  on  en  tirera  l'extrait 
en  faifant  épailîir  ce  qui  reftera  de  liqueur  au  fond  de 
la  cucurbite. 

Remarques.  On  prend  la  bryone  récente  ,  on  la  râ- 
pe, &  on  en  tire  le  fuc  par  expreffion.  On  aura  des 


454 


B  R  Z 


feuilles  de  rue  &  d'armoife  récentes ,  on  les  pilera 
bien  ,  &  on  en  tirera  le  fuc  de  la  manière  ordinaire. 
La  labine  ,  le  diefame  ,  feront  iecs  ;  on  les  concalîera 
&  mêlera  avec  de  l'écorce  extérieure  d'orange  ame- 
re,  la  myrrhe  &  le  cajloreum  ;  on  les  mettra  clans  une 
cucurbite  ;  on  verfera  delïus  les  lues  &  le  vin  de  Ca- 
narie;'on  bouchera  le  vaiffeau  exactement  ;  on  le  laif- 
fera  en  digeftion  pendant  quatre  jours,  puis  on  la  dif- 
tillera  au  bain-marie.  Après  en  avoir  tiré  la  moitié , 
on  exprimera  le  rendu,  &  on  rediftillera  de  nouveau  ; 
enfuite  on  réduira  le  relie  en  coniiftance  d'extrait. 
Ces  eaux  mêlées  feront  l'eau  de  bryone  compofée. 

Cette  eau  eft  hyftérique,  apéritive  ;  elle  excite  les 
règles  ;  elle  eft  fortifiante  ,  diaphorétique  :  la  dofe 
eft  depuis  demi-once  juiqu'à  trois  onces. 

Elecluaire  de  bryone.  Prenez  du  lue  de  racine  de 
bryone  mondée  nouvellement  tirée  ,  quatre  livres  ; 
du  meilleur  miel  deux  livres  ;  cuifez-les  en  coniiftan- 
ce de  miel  ;  puis  ajoutez  y  de  la  poudre  de  turbith  , 
d'hermodaefes ,  de  jalap ,  d'agaric  ,  du  fel  de  bryone  , 
de  chacun  fix  gros  ;  des  fécules  de  bryone  demi-once  ; 
faites-en  un  éleûuaire  félon  l'art ,  dont  la  dofe  fera 
depuis  une  dragme  juiqu'à  une  once.  Lemery,  Phar- 
mac.  univ. 

BRZEST  ,  BRZESTIE  ,  ou  BRISCH  ,  (  Géog.  ) 
province  ou  palatinat  de  la  grande  Pologne  dans  la 
Cujavie  ,  dont  la  capitale  porte  le  même  nom.  Lon. 
3J.  10.  lat.  32.  10. 

Il  y  a  un  palatinat  &  une  ville  de  même  nom  en  Li- 
fhuanie. 

BRZEZ  AN ,  (  Géog.)  ville  de  Pologne ,  dans  le  pa- 
latinat de  Rulîie. 

B  U 

BU  A ,  (  Géog.  )  île  du  golfe  de  Venife  fur  la  côte 
de  Dalmatie  ,  appartenante  aux  Vénitiens. 

BUABIN,!'.  m.  (Hijl.  mod.  )  idole  des  peuples 
de  Tonquin  ,  qui  habitent  entre  latf  hine  ck  l'Inde  ; 
ils  l'invoquent  lorfqu'ils  veulent  bâtir  une  maifon  : 
ils  font  dreffer  un  autel,  où  ils  appellent  des  bonzes 
pour  y  facririer  à  cette  idole  ;  après  le  facrifice  on 
prépare  un  feftin  des  viandes  qui  ont  été  facrilîées  , 
puis  on  prélente  au  Buabin  plulieurs  papiers  dorés 
où  Ton  a  écrit  quelques  paroles  magiques  ,  enluite 
on  les- brûle  avec  des  parfums  devait  l'idole,  pour 
l'obliger  par  cette  cérémonie  à  ne  point  fouffrir  qu'il 
arrive  jamais  de  malheur  dans  la  maifon  qu'on  va 
bâtir.  Tavernier ,  Voyage  des  Indes.   (G) 

BUADA ,'  (  Géog.  )  petite  île  de  l'Amérique  fep- 
tentrionale,  dans  le  lac  d'Ontario. 

BUADE  ,{.  {.  (  Manège.  )  c'eft  la  même  chofe 
que  bride  à  longue  branche.  Les  branches  de  cette  ef- 
pece  de  bride  font  droites  &  non  coudées.  (  V) 

BUANDERIE ,  f.  f.  en  Architecture  ,  eft  un  bâti- 
ment particulier  dans  une  communauté  ou  dans  une 
maifon  de  campagne ,  compolé  de  pluiîeurs  falles 
au  rez-de-chauffée ,  avec  un  fourneau  &  des  cuviers 
pour  faire  la  lelïïve.  (P) 

*  BUANDIER  ,  f.  m.  eft  celui  qui  fait  le  premier 
blanchiment  des  toiles  neuves  ;  le  blanchilfeur  au 
contraire  eft  celui  qui  fait  les  blanchiffages  dont  la 
toile  a  befoin  à  mefurc  qu'on  s'en  fert. 

*  BUANES ,  (  Géog.  )  ville  de  France  fur  la  ri- 
vière de  Bahu ,  dans  la  Gafcogne ,  près  d'Aire. 

BUARCOS  ,  (  Géog.  )  ville  de  Portugal  dans  la 
province  de  Beira,  proche  de  la  mer. 

*  BUB  ASTE ,  (  Myth.  )  nom  que  l'on  donne  à  la 
Diane  d'Egypte  ;  Diane  bubafle  ,  eft  la  même  chofe 
que  Diane  la  chate  :  elle  fut  ainiî  appellée  parce  qu'el- 
le fe  transforma ,  dit-on  ,  en  chate  ,  lorlque  les  dieux 
fe  réfugièrent  en  Egypte.  La  fête  de  Diane  bubafle 
étoit  une  des  plus  grandes  de  cette  contrée  :  elle  le 
célébroit  particulièrement  à  Bubafte  ville  de  la  baffe 


BUB 

Egypte  ;  on  s'y  rendoit  dans  des  bateaux  remplis  de 
fymphonic. 

BUBON ,  bubo  ,  f.  m.  (  terme  de  Chirurgie.  )  c'eft  une 
tumeur  qui  vient  aux  glandes  des  aînés  &  des  aiffel- 
les  ;  cette  tumeur  eft  skirrheule  ou  phlegmoneuie 
^oj^Skirrhe  6- Phlegmon. 

Ce  mot  vient  du  Grec  /Sufap ,  inguen  ,  aine  ,  le  fié- 
gc  ordinaire  de  ces  fortes  de  tumeurs. 

Il  y  a  deux  fortes  de  bubons  ;  on  appelle  les  uns 
bénins  &z  les  autres  malins  ;  les  malins  le  divifent  en 
peftilentiels  6c  en  vénériens  ;  les  peftilenîiels  iùr- 
viennent  aux  fièvres  peftilcntielles  ;  les  leconds  font 
une  fuite  d'un  commerce  impur,  &  font  des  fymp- 
tômes  de  la  vérole.  Quand  un  bubon  eft  entouré  d'un 
cercle  de  différentes  couleurs ,  c'eft  une  marque  qu'il 
eft  peftilentiel  &c  le  plus  fouvent  mortel. 

Les  bubons  vénériens  font  fouvent  durs  &  skir- 
rheux  ,  &  fe  fondent  difficilement,  même  par  l'ufage 
des  plus  puiffans  réfolutifs.  Ils  fe  terminent  quelque- 
fois par  fuppuration ,  &  alors  on  eft  fouvent  obligé 
après  l'ouverture  de  la  tumeur,  d'extirper  les  glan- 
des tuméfiées,  ou  de  les  confommer  avec  des  caufti- 
ques.  Ambroife  Paré  donne  une  étymologie  du  mot 
de  bubon ,  qui  eft  différente  de  celle  de  Chambers 
&  de  tous  les  auteurs.  Il  dit  qu'on  appelle  ces  tu- 
meurs bubons  du  mot  Latin  bubo ,  hibou ,  parce  que 
ces  tumeurs  fe  cachent  fous  les  aiffelles  &  dans  les 
aines ,  comme  le  hibou  dans  le  creux  des  arbres.  Ce 
qui  pourroit  autorifer  cette  étymologie ,  c'eft  que  les 
anciens  ont  donné  par  des  rapports  beaucoup  plus 
éloignés  des  noms  d'animaux  à  plulieurs  tumeurs ,  &C 
qu'ils  n'ont  pas  moins  nommés  bubons ,  les  tumeurs 
des  aiffelles  &  de  derrière  les  oreilles  ,  que  celles 
des  aines  ,  auxquelles  ce  terme  devoit  appartenir  ex- 
clulivement  à  toute  autre  par  la  première  étymolo- 

gie.(n 

*  BUBONA  ,  (Myth.)  déeffe  honorée  chez  les 
Romains  ;  les  bœufs  étoient  fous  fa  proteûion ,  &  ori 
l'invoquoit  pour  leur  conlervation. 

BUBONOCELE,f.  f.  (termede  Chirurgie.  )  tumeur 
dans  l'aine,  occafionnée  par  la  defeente  de  l'épi— 
ploon  ou  des  inteftins  par  les  anneaux  des  mulcles 
épigaftriques.  Voye^  Epiploon  ,  Intestins,  &c. 

Ce  mot  vient  du  Greci2y£wY,  inguen,  &  x«x«  , 
tumor. 

La  bubonocele  eft  encore  appellée  ramex  &  hernie 
inguinale,  f^oye^  Hernie.  C'eft  une  efpece  de  def- 
eente que  les  Chirurgiens  appellent  incomplette ,  & 
elle  eft  commune  aux  hommes  &  aux  femmes. 

Les  femmes  y  font  beaucoup  moins  fujettes  que  les 
hommes  ,  parce  qu'elles  le  font  plus  aux  hernies  cru- 
rales ;  les  parties  flottantes  du  bas-ventre  trouvent 
dans  les  femmes  une  iffue  plus  libre  fous  le  ligament 
de  Falloppe  ou  de  Poupart  ;  parce  qu'ayant  les  os  du 
baffin  plus  fpacieux  que  les  hommes  ,  il  y  a  un  plus 
"grand  intervalle  depuis  l'épine  antérieure  &  fupé- 
rieure  de  l'os  des  îles,  juiqu'à  la  tubéroiîté  de  l'os 
pubis  ;  quoiqu'il  n'y  paffe  pas  plus  de  parties  que 
dans  les  hommes.  Le  moindre  effort  doit  donc  déter- 
miner les  parties  flottantes  du  bas-ventre  à  former 
dans  les  femmes  la  hernie  crurale  plutôt  que  l'ingui- 
nale. Celle-ci  a  fon  liège  dans  l'aine ,  &  l'autre  fe 
manifefte  plus  extérieurement  à  la  partie  fupérieure 
de  la  cuiffe.  Voye^  Hernie.  (Y) 

BUC AROS ,  ou  BARROS ,  f.  m.  ÇHiJl.  nat.  )  c'eft 
le  nom  qu'on  donne  en  Eipagne  &  en  Portugal  à  une 
efpece  de  terre  lîgillée ,  qui  le  trouve  dans  ces  pays. 
On  lui  attribue  beaucoup  de  propriétés  &  de  ver- 
tus :  en  effet,  cette  terre  eft  fort  lryptique  &  aftrin- 
gente  ;  on  la  dit  bonne  dans  plufieurs  maladies,  c\c 
on  prétend  que  c'eft  un  excellent  antidote  contre 
toutes  fortes  de  poifons  ;  les  dames  Efpagnolcs  le 
font  une  habitude  fi  enracinée  de  mâcher  &c  de. 
prendre  continuellement  du  bucaros  ,  qu'on  prétend 


B  U  C 

que  la  pénitence  la  plus  févere  que  les  confefTeurs 
de  ce  pays-là  puiflent  impofer  à  leurs  pénitentes ,  eft 
de  s'en  priver  feulement  pendant  un  jour  -,  foit  que 
les  vertus  qu'on  lui  attribue  les  déterminent  à  en  pren- 
dre fi  opiniâtrement,  foit  que  la  force  de  l'habitude 
la  leur  rende  néceffaire.  Le  vin  confervé  dans  des 
vafes  faits  de  cette  terre ,  en  prend  le  goût  &  l'o- 
deur qui  font  allez  agréables.  Il  en  eft  de  même  de 
l'eau  :  mais  quand  on  l'y  verfe  ,  il  fefait.une  efpece 
de  bouillonnement  tk  d'effervefeence  ;  &  fi  elle  y 
féjourne  quelque  tems  ,  elle  en  fort  à  la  fin ,  parce 
que  la  matière  de  ces  vafes  eft  tres-poreufe  oc  fpon- 
gieufe.  (-) 

BUCCAFERREA ,  f.  f .  (  Hift.  nat.  bot.  )  genre 
de  plante  dont  le  nom  a  été  dérivé  de  celui  du  comte 
Camille  Antoine  Buccafcrro  de  Boulogne.  Les  plan- 
tes de  ce  genre  croiffent  dans  l'eau  ;  leur  fleur  eft 
fans  pétales  ;  elle  n'a  qu'une  feule  étamine  fans  filet, 
faite  en  forme  de  rein ,  &  compofée  de  deux  valvu- 
les ;  cette  fleur  eft  ftérile ,  &  plufieurs  eniemble  for- 
ment un  épi  à  double  rang.  Les  embryons  fe  trou- 
vent auprès  de  quelques-unes  de  ces  fleurs ,  &  de- 
viennent dans  la  fuite  des  fruits  compofés  de  plu- 
fieuis  capfules  qui  tiennent  à  de  longs  pédicules  ,  & 
qui  reflèmblcnt  à  des  têtes  de  petits  oifeaux  ;  cha- 
que capfule  renferme  une  femence  arrondie.  Miche- 
îi,  nova  plant,  gêner.  &c.  Voyt^  Plante.  (/) 

.BUCCALES  (Glandes.  )  Anatomie  ;  ce  font  de 
petites  glandes  difperfées  fur  le  côté  intérieur  des 
joues  &  des  lèvres,  quiféparent  du  fang  la  ialive  qui 
fert  à  la  maftication  ôt  à  la  digeftion.  Voye^  Glan- 
de ,  voye{  Bouche.  (  L  ) 

BUCCARÏ ,  {Géog.)  Ville  d'Iftrie,  fur  un  petit 
golfe  de  la  mer  Adriatique  ,  qui  forme  une  des  meil- 
leures rades  qu'il  y  ait  dans  l'Europe  ;  elle  appar- 
tient à  la  maiion  d'Autriche. 

BUCCARIE  ou  BOUCHARIE,  (Géog.)  grand 
pays  d'Afie  en  Tartarie  ;  on  la  divife  en  grande  Se 
petite.  La  grande  comprend  la  Sogdiane  &la  Baftria- 
ne  des  anciens  ;  elle  eft  bornée  au  Nord  par  le  pays 
des  Calmeucks ,  par  la  petite  buccarie  à  l'Eft ,  &  par 
les  états  de  ia  Perle  £;  du  Mogol  au  Sud  ;  c'eft  la  par- 
tie la  plus  peuplée  6c  la  mieux  cultivée  de  la  Tarta- 
rie ;  auffi  eft-clle  très-fertile  &  très-abondante;  les 
habitans  font  nommés  ordinairement  Tartargs  UJbecks 
par  les  Perfans  &  les  Mogols.  La  petite  Buccarie  eft 
à  l'orient  des  montagnes  du  royaume  de  Cachemir. 

BUCC  ARIZA ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Hongrie, 
en  Croatie  ,  fur  un  golfe  de  même  nom  ,  qui  fait  par- 
tie de  celui  de  Venilè. 

BUCCELLARIENS  ,  f.  m.  (Hi/t.  anc.  )  on  nom- 
moit  ainfi  une  compagnie  de  foldats  inftituée  parles 
empereurs  de  Conflantinople  pour  diftribuer  une 
ibrte  de  pain  de  munition  de  forme  ronde  ,  &  qu'on 
appelloit  buccellus  ,  nom  qu'on  peut  rendre  en  notre 
langue  par  munitionnaires  ou  diflributeurs  des  vivres  ; 
on  les  trouve  encore  nommés  mariandini ,  &  gallo- 
grœci  ou  hdtenogalatœ. ,  de  la  Galatie  ou  Gallogrece 
d'où  on  les  tiroit  communément.  On  neconnoît  pas 
en  détail  les  fondions  de  l'emploi  de.  ces  buccetlaircs. 

D'autres  auteurs  donnent  ce  nom  aux  paralites 
qui  étoient  entretenus  aux  dépens  des  princes  ou 
feigneurs  ;  les  Vifigots  au  moins  appelloicnt  ainfi  tous 
les  cliens  ou  vaflaux  entretenus  &  nourris  par  les  fei- 
gneurs. Quelques-uns  croyent  que  les  buccellains 
étoient  des  foldats  Actionnaires  qui  accompagnoient 
l'empereur  en  qualité  de  gardes;  &  félon  d'autre  , 
c'étoient  des  hommes  dont  ces  princes  fe  fervoient 
pour  faire  mourir  fecretement  ceux  qui  étoient  tom- 
bes dans  leur  dilgrace.  (  G) 

BUCCELLATION  ,  f.  f.  terme  dont  fe  fervent 
quelques  Chimijhs pour  exprimer  l'opération  par  la- 
quelle on  divife  en  morceaux  ,  comme  par  bouchées, 
différentes  fubftanecs  pour  les  travailler.  (  M) 


B   U  C 


455 


BUCCIN, buccinum,  f.  m.  (Hijl.  nat.  Conchiolog.') 
coquillage  ainfi  nommé ,  parce  qu'il  reffemble  en 
quelque  façon  à  un  cornet,  mufical  ;  il  eft  allongé  ; 
l'ouverture  de  la  coquille  eft  à  l'extrémité  la  plus 
grofie,  &  la  coquille  diminue  peu  à  peu  jufqu'à  l'au- 
tre extrémité  qui  fe  termine  en  pointe.  On  trouve 
des  buccins  fur  la  terre ,  dans  l'eau  douce  &  dans  la 
mer  ,  d'où  eft  venu  la  divifion  de  ces  coquillages  en 
buccins  de  terre ,  buccins  d'eau  douce ,  &  buccins  de 
mer  ;  ceux-ci  font  les  plus  nombreux  ;  Lifter  en  fait 
vingt-quatre  genres  ,  qu'il  rapporte  à  la  même  clafie. 
Lifter,  Hiji.feujynop.  meth.  conch.  Voye^  COQUILLA- 
GE ,  Coquille.  (  /) 

*  Il  y  a  une  efpece  de  buccin  commune  fur  les  cô- 
tes d\Angleterre  ,  qui  fournit  la  pourpre.  Cette  pro- 
priété a  été  découverte  il  y  a  environ  70  ans ,  par  la 
ibeiété  royale.  M.  de  Reaumur  en  a  trouvé  une  au- 
tre fur  les  côtes  de  Poitou  ,  qui  donne  auffi  cette  cou- 
leur. Cette  efpece  eft  apparemment  une  de  celles  que 
Piine  a  décrites.  Les  buccins  de  Poitou  qui  donnent  la 
pourpre ,  fe  trouvent  ordinairement  aflemblés  autour 
de  certaines  pierres  ou  fables  couverts  de  01  ainb  ova- 
les ,  longs  de  trois  lignes,  &  gros  d'un  peu  plus  u  u- 
ne  ligne ,  pleins  d'une  liqueur  blanche  un  peu  jaunâ- 
tre ,  afiez  femblable  à  celle  qui  fe  tire  des  buccins  mê- 
mes ,  &  qui  après  quelques  changemens  ,  prend  la 
couleur  de  pourpre.  Par  les  expériences  de  M.  de 
Reaumur  ,  ces  grains  ne  font  point  apparemment  les 
œufs  des  buccins  y  ce  ne  font  point  non  plus  des  grains 
de  quelque  plante  marine,  ni  des  plantes naifiantes  ; 
il  refte  que  ce  foient  des  œufs  de  quelque  poifion.  Ils 
ne  commencent  à  paraître  qu'en  automne. 

Ces  grains  écralés  fur  un  linge  blanc ,  ne  font  d'a- 
bord que  le  jaunir  prefque  imperceptiblement  ;  mais 
en  trois  ou  quatre  minutes  ,  ils  lui  donnent  un  tres- 
beau  rouge  de  pourpre ,  pourvu  cependant  que  ce 
linge  foit  expofé  au  grand  air  :  car  ce  qui  eft  bien  di- 
gne de  remarque ,  &  fait  bien  voir  de  quelle  extrême 
délicateffe  eft  la  génération  de  cette  couleur,  l'air 
d'une  chambre ,  dont  même  les  fenêtres  feroient  ou- 
vertes ,  ne  fufflroit  pas.  La  teinture  de  ces  grains  s'af- 
foiblit  un  peu  par  un  grand  nombre  de  blanchiffages. 

M.  de  Reaumur  a  reconnu  par  quelques  expérien- 
ces ,  que  l'effet  de  l'air  fur  la  liqueur  des  grains  ,  con- 
lifte ,  non  en  ce  qu'il  lui  enlevé  quelques-unes  de  fes 
particules ,  ni  en  ce  qu'il  lui  en  donne  de  nouvelles  , 
mais  finalement  en  ce  qu'il  l'agite,  &  change  l'arran- 
gement des  parties  qui  la  compofent.  Nous  avons 
dans  la  cochenille  une  très  -  belle  couleur  de  rouge , 
mais  qui  n'eft  bonne  que  pour  la  laine.  Le  carthame 
donne  le  beau  ponceau  &  le  cramoifi ,  mais  ce  n'eft 
qu'à  la  foie.  Peut-être,  dit  M.  de  Fontenelle,  les 
grains  de  M.  de  Reaumur  nous  foiirhiront-ils  le  beau 
rouge  pour  la  toile. 

M.  de  Reaumur  n'a  pas  manqué  de  comparer  fa 
nouvelle  pourpre  avec  celle  qui  le  tire  de  i'a,  buccins 
de  Poitou.  Les  buccins  ont  à  leur  collier  un  petit  ré- 
fervoir ,  appelle  improprement  veine  par  les  anciens , 
qui  ne  contient  qu'une  bonne  goutte  de  liqueur  un 
peu  jaunâtre.  Les  linges  qui  en  font  teints  ,  e 
à  une  médiocre  chaleur  du  foleil,  prennent  d'abord 
une  couleur  verdâtre,  enfuite  une  couleur  de  citron, 
un  verd  plus  clair,  &  puis  plus  foncé  ,  de  là 
lct ,  &  enfin  un  beau  pourpre.  Cela  le  fait  en  peu 
d'heures  :  mais  fi  la  chaleur  du  foleil  cil  fort  vive, 
les  changemens  préliminaires  ne  s'apperçoiventpoint^ 
êv  le  beau  pourpre  paroit  tout  d'un  coup.  Un  grand 
feu  fait  le  même  effet ,  à  cela  près  qu'il  le  tait  un  peu 
plus  lentement ,  &  ne  produit  pas  une  couleur  fi  par- 
laite.  Sans  doute  la  chaleur  du  foleil  beaucoup  plus 
fubtile  que  celle  du  feu  de  bois  ,  eft  plus  propre  à 
agiter  les  plus  fines  particules  de  la  liqueur.  Le  grand 
air  agit  auffi  ,  quoique  moins  vite  ,  fur  la  liqueur  des 
buccins,  fur-tout  fi  elle  eft  détrempée  dans  beaucoup 


456 


B  U  C 


tPeau  ;  d'où  M.  de  Reaumur  conjecture  avec  affez 
d'apparence ,  que  la  liqueur  des  buccins ,  &  celle  des 
grains,  font  à -peu -près  de  même  nature  ,  excepté 
que  celle  des  grains  eft  plus  aqueuie.  Elles  différent 
encore  par  le  goût  :  celle  des  grains  eft  falée ,  &  celle 
des  buccins  extrêmement  poivrée  èv  piquante  ,  peut- 
être  parce  qu'elle  a  moins  d'eau. 

Si  on  vouloit  les  employer  dans  la  teinture  ,  celle 
des  grains  ferait  d'un  ufage  plus  commode ,  &  coû- 
terait moins  ,  parce  qu'il  eft  aifé  de  la  tirer  d'une 
grande  quantité  de  grains  qu'on  écraferoit  à  la  fois  ; 
au  lieu  que  pour  avoir  celle  des  buccins  ,  il  faut  ou- 
vrir le  rélérvoir  de  chaque  buccin  en  particulier  ,  ce 
qui  demande  beaucoup  de  tems  :  ou ,  fi  pour  expé- 
dier on  écrafe  les  plus  petits  de  ces  coquillages,  on 
gâte  la  couleur  par  le  mélange  des  différentes  matiè- 
res que  fournit  l'animal. 

La  Chimie  indiqueroit  peut-être  des  moyens  qui 
feroient  paraître  la  couleur  plus  vite  &  plus  belle  , 
&  qui  là  rendroient  plus  tenace.  M.  de  Reaumur  a 
prouvé  que  le  fublimé  corrofif  produit  cet  effet  fur  la 
liqueur  des  buccins  :  mais  la  pratique  ,  &  fur-tout  un 
principe  qui  viendroit  à  faire  partie  d'un  métier ,  de- 
manderait beaucoup  d'autres  obfervations ,  &  des 
vues  nouvelles.  Il  y  a  bien  de  la  différence  entre  un 
phyficien  qui  veut  connoître ,  &  un  artifan  qui  veut 
gagner.  Ceft  par  cette  réflexion  que  M.  de  Fonte- 
nelie  finit  fon  extrait  du  mémoire  de  M.  de  Reaumur. 
Voyt{  Hijl.  deVacad.  ijil.  p.  il.  Le  favant  accadé- 
micien  le  commence  par  une  autre, qui  ne  me  parait 
pas  aufîî  vraie  ;  c'eft  qu'il  y  a  plus  de  chofes  trou- 
vées dans  ces  derniers  fiecles ,  qu'il  n'y  en  a  de  per- 
dues des  anciens  :  mais  qu'il  ne  peut  y  avoir  rien  de 
perdu ,  que  ce  qu'on  veut  bien  qui  le  foit;  qu'il  ne  faut 
que  le  chercher  dans  le  léin  de  la  nature,  où  rien 
ne  s'anéantit,  &  que  c'eft  même  une  grande  avance 
pour  le  retrouver ,  que  d'être  fur  qu'il  le  peut  trouver. 
Mais  on  peut  répondre  à  M.  de  Fontenelle ,  que  le  fein 
de  la  nature  eft  vafte  ;  que  propofer  à  un  phyficien  ce 
champ  à  battre  pour  y  retrouver  quelque  ancienne 
découverte,  c'eft  lui  donner  à  chercher  un  diamant 
tombé  dans  le  fond  de  la  mer.  Une  découverte  fe 
fait  fouvent  par  hafard  ;  &  il  peut  fe  paflèr  bien  des 
(iecles  avant  que  le  même  hafard  fe  repréfente  :  en 
un  mot ,  je  croi  que  quand  une  invention  eft  perdue, 
non-feulement  on  ne  la  retrouve  pas  quand  on  veut, 
mais  qu'il  fe  peut  faire  qu'avec  beaucoup  de  foins  & 
de  travail ,  on  ne  la  retrouve  jamais.  Quant  au  nom- 
bre des  choies  nouvellement  trouvées ,  &  à  celui  des 
anciennes  découvertes  perdues ,  c'eft  un  examen  im- 
poffible  :  nous  lavons  très-bien  ce  qu'il  y  a  de  récem- 
ment découvert ,  mais  nous  ne  lavons  point  tout  ce 
que  nous  avons  perdu  des  anciens  ;  &  fans  l'une  & 
l'autre  de  ces  connoifîances ,  il  n'y  a  point  de  compa- 
raifon  à  faire. 

BUCCINATEUR ,  f.  m.  pris  adject.  enAnatomie , 
nom  d'un  mufcle  iitué  tranfverfalement  fous  les  joues 
dont  il  tait  partie.  Il  s'attache  à  la  partie  antérieure 
&  inférieure  de  l'apophyfc coronoïde  delà  mâchoire 
inférieure ,  &  vis-à-vis  les  racines  des  dernières  dents 
molaires  de  l'une  &  l'autre  mâchoire,  &  fe  termine 
à  la  commiffure  des  deux  lèvres.  Il  eft  percé  vers  fon 
milieu  par  le  conduit  falivaire  de  Senom  Voy.  Con- 
duit &  Salivaire,  (I) 

BUCCINE,  f.  f.  (Anmilit.)  étoit  un  ancien  inf- 
iniment mditaire  ,  ou  plutôt  un  ancien  infiniment 
de  muiîque  ,  dont  on  fe  fervoit  à  l'armée  pour  aver- 
tir les  gardes  de  nuit ,  &  pour  faire  f  "avoir  aux  foldats 
quand  ils  dévoient  defeendre  ou  monter  la  garde. 

Le  mot  Latin  buccina  dont  celui-ci  eft  fait ,  vient 
de  bucca ,  bouche ,  &  de  cano ,  je  chante  ;  parce  qu'on 
s'en  fert  avec  la  bouche.  D'autres  croyent  qu'il  vient 
du  Grec  ^ny.avii,  qui  fignifie  la  même  choie ,  formé  de 
C.s,  bœuf,  &  de  cano  ,  je  chante  ;  parce  qu'ancienne- 


B  U  C 

ment  cet  infiniment  étoit  fait  de  corne  de  bœuf.  D'au^ 
très  de  l'Hébreu  buk ,  une  trompette.  Varron  dit  qu'il 
a  été  ainfi  nommé  par  onomatopée  de  bou,  bou  ,  en 
faifant  allufion  au  fon  qu'il  rend.  Et  d'autres  le  font 
plus  probablement  venir  de  buccinum ,  qui  eft  le  nom 
d'une  conque  ou  coquille  de  poijjon. 

Le  cornet  eft  regardé  comme  une  forte  de  trom- 
pette ,  de  laquelle  cependant  il  diffère  non-feulement 
par  la  figure  qui  eft  droite  dans  la  trompette,  &  re- 
courbée dans  le  cornet ,  mais  encore  par  le  fon  ,  le 
fon  du  cornet  étant  plus  dur  ,  plus  fort ,  &  plus  fa- 
cile à  être  entendu  de  loin ,  que  celui  de  la  trom- 
pette. Voyc^  Trompette.  Le  cornet  &  la  conque 
femble  avoir  été  le  même  inftrument ,  que  l'on  a  dif- 
tingué  enfuitc  en  ce  que  le  nom  de  conque  eft  de- 
meuré aux  plus  petits  cornets  ,  ce  celui  de  cornet  eft 
refté  à  ceux  de  la  plus  grande  efpece.  Quelques-uns 
croyent  que  la  conque  étoit  moins  recourbée  que  le 
cornet ,  qui  décrivoit  un  demi-cercle  entier.  Varron 
aflure  que  la  conque  étoit  aufïi  appellée  cornet ,  par- 
ce qu'on  faifoit  cet  inftrument  avec  lés  cornes  des 
bœufs  ;  comme  cela  fe  pratique  encore  dans  quel- 
ques endroits.  Servius  affûre  qu'on  les  faifoit  ancien- 
nement de  cornes  de  bélier  ;  &  conféquemment  ces 
inftrumens  dont  on  fe  fervoit  anciennement  chez  les 
Juifs  à  l'armée  &  dans  le  temple  ,  fe  trouvent  nom- 
més dans  l'Ecriture  fopheroth  haijobelïun  ,  cornes  de 
béliers.  Voye^  Corne.  (  Q  ) 

BUCENTAURE ,  f.  m.  (  Hijl.  mod.  )  c'eft  le  nom 
d'un  gros  bâtiment  qui  reflemble  affez  à  un  galion  , 
dont  fe  fert  la  feigneurie  de  Venife  lorfque  le  doge 
fait  la  cérémonie  d'époufer  la  mer;  ce  qu'il  fait  tous 
les  ans  le  jour  de*  l'Af cenfion.  La  feigneurie  fort  du 
palais  pour  aller  monter  le  bucentaure ,  qu'on  amené 
pour  ce  fujet  proche  des  colonnes  de  Saint -Marc. 
Cette  machine  eft  un  fuperbe  bâtiment,  plus  long 
qu'une  galère ,  &  haut  comme  un  vaiffeau ,  fans  mâts 
&  fans  voiles.  La  chiourme  eft  fous  un  pont,  fur  le- 
quel eft  élevée  une  voûte  de  menuiferie  &  fculptu- 
re  dorée  par  dedans  ,  qui  règne  d'un  bout  à  l'autre 
du  bucentaure ,  &  qui  eft  foûtenue  tout  autour  par 
un  grand  nombre  de  figures ,  dont  un  trclfieme  rang 
qui  foûtient  la  même  couverture  dans  le  milieu  ,  for- 
me une  double  galerie  toute  dorée  &  parquetée  , 
avec  des  bancs  de  tous  les  côtés  ,  fur  lefquels  font 
affis  les  fénateurs  qui  afïiftent  à  cette  cérémonie. 
L'extrémité  du  côté  de  la  poupe  eft  en  demi-rond, 
avec  un  parquet  élevé  de  demi-pié.  Le  doge  eft  affis 
dans  le  milieu  ;  le  nonce  &  l'ambaffadeur  de  France 
font  à  fa  droite  &  à  fa  gauche  ,  avec  les  nobles  qui 
forment  le  confeil.  (  Z) 

BUCEPHALON ,  f.  f.  (  Hijl.  nat.  bot.  )  genre  de 
plante  dont  la  fleur  eft  fans  pétales ,  compofée  feule- 
ment de  deux  étamines  qui  tiennent  à  l'embryon ,  & 
qui  refïcmblent  en  quelque  façon  aux  cornes  d'un 
taureau.  L'embryon  devient  dans  la  fuite  un  fruit 
charnu  ,  ovoïde  ,  &  cannelé.  Ce  fruit  renferme  un 
noyau  qui  fe  cafte  aifément ,  &  dans  lequel  il  y  a  une 
amande.  Plumier ,  Nova  pi.  Amer.  gen.  Vôy.  Plantf.. 

<7>  

BUCH ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  en  Guien- 

ne.  On  nomme  le  territoire  qui  en  dépend ,  le  capi- 
tulât de  Buch. 

BUCHAN  ,  (  Géog.  )  province  de  l'Ecofle  fepten- 
trionale ,  bornée  au  nord  &  à  l'orient  par  la  mer;  au 
fud  par  le  comté  de  Marr ,  &  au  couchant  par  celui 
de  Murray .  Il  s'y  trouve  beaucoup  d'agates.  On  pré- 
tend qu'il  n'y  a  point  de  fouris  ;  &  que  fi  on  y  en 
tranfbortoit  d'ailleurs  ,  elles  ne  pourraient  y  vivre. 

BUCH  AW ,  (Géog.)  ville  libre  &  impériale  d'Al- 
lemagne dans  la  Souabe  ,  fur  le  Federzée,  à  neuf 
lieues  d'Ulm.  Long.  xy.  20  lat.  48.  2. 

Buchaw  (le),  Géog.  petit  pays  d'Allemagne 
dans  le  cercle  du  haut  Rhin.  Fulde  en  eft  la  capitale. 

Bue 


BUC 


B  U  C 


457 


Buchaw  ,  (  Géog.  )  ville  de  Pologne  dans  îe  pa- 
iatinat  de  Mciielau,  dans  la  Ruffie  Lithuanienne.  Il 
y  a  encore  une  petite  ville  de  ce  nom  en  Bohème  , 
dans  le  cercle  de  Satz. 

BUCHE ,  f.  £  que  l'on  écrit  aufîi  bufche ,  Se  que 
quelques-uns  appellent  bu^e  ou  flibot.  (  Mar.  )  La  bû- 
che ell  un  petit  bâtiment  dont  on  fe  fert  à  la  mer  pour 
la  pêche.  Les  Anglois  Se  les  Hollandois  fe  fervent  de 
cette  forte  de  bâtiment  pour  la  pêche  du  hareng.  La 
forme  de  ce  bâtiment  fe  connoîtra  bien  mieux  par 
l'infpection  de  la  figure.  Voye^  Planche  XII.  figure  z. 
qui  repréiente  une  bûche  ou flibot ,  dont  voici  les  pro- 
portions les  plus  ordinaires. 

Une  bûche  a  ordinairement  52  pies  de  long  de  l'é- 
trave  à  l'étambord  ;  1 3  pies  6  pouces  de  ban  ,  &  8 
pies  de  creux.  L'étrave  a  2.0  pies  de  haut ,  1 2  pies  de 
quelle  ,  9  pouces  d'épaifTeur  en-dedans ,  &  un  pié  9 
pouces  de  largeur  par  le  haut  &c  par  le  bas. 

L'étambord  a  22  pies  de  haut ,  2  pies  -  de  quelle , 
tin  pié  de  large  par  le  haut ,  &  3  pies  6  pouces  par  le 
bas. 

La  plus  baffe  préceinte  a  8  pouces  de  large ,  &  la 
fermure  qui  ell  au-deffus  ,  a  5  pouces  &  demi  :  la  fé- 
conde préceinte  a  7  pouces  de  large ,  &  la  fermure 
en  a  5  :  la  troifieme  préceinte  a  5  pouces  Se  demi  de 
large ,  la  fermure  qui  ell  au-deffus  en  a  1  5  par  Ion  mi- 
lieu ,  &  1 6  au  bout  ;  la  liffe  ell  large  de  4  pouces  ;  les 
lattes  ont  2  pouces  de  largeur  Se  2  d'épaiffeur. 

Les  bûches  ont  deux  fortes  de  petites  couvertes  ou 
chambres,  à  l'avant  Se  à  l'arriére  :  celle  de  l'avant 
fert  de  cuifine. 

Le  maître  ou  patron  de  ces  bâtimens  y  comman- 
de. Il  a  un  aide  ;  le  contre-maître  vient  après.  Sous 
lui  font  ceux  qui  virent  à  bord  les  aufîieres  ou  funes  ; 
ceux  qui  font  employés  à  faifir  les  filets  ;  &  les  ca- 
queurs  qui  égorgent  les  harengs  ,  &  qui  les  vuident 
de  leurs  breuilles  ou  entrailles  à  mefure  qu'on  les  pê- 
che. On  ne  fert  que  de  bifeuit ,  de  poiffon  fec  ou  fa- 
lé  ,  &  de  gruau ,  l'équipage  fe  contentant  du  poiiîbn 
frais  qu'il  pêche.  C'ell  le  patron  qui  donne  l'ordre 
pour  jetter  les  rets  Se  pour  les  retirer.  Les  matelots 
fe  louent  pour  l'ordinaire  pour  tout  le  voyage  en 
gros.  (Z) 

Bucke  ou  Bt'SCHE  ,  (  Commerce  de  bols.  )  mor- 
ceau de  bois  de  chauffage  ,  de  groffeur  &  longueur 
déterminée.  Plufieurs  de  ces  morceaux  forment  la 
corde.  Voye^  Bois. 

*  BÛCHE  ,  (  controlleurs  de  la  )  Police,  petits  offi- 
ciers établis  fur  les  chantiers.  Leur  emploi  ell  de  veil- 
ler à  ce  que  les  bois  de  chauffage  ayent  les  dimen- 
sions &  les  qualités  requifes  par  les  ordonnances. 
Voye^  Bois. 

BÛCHE  ,  (  réparation  à  la)  terme  d'Eaux  &  Forêts, 
ell  l'amende  ordonnée  par  jugement  des  maîtres  des 
eaux  &  forêts  ,  pour  avoir  abattu  ou  enlevé  des  ar- 
bres dans  les  forêts  du  roi.  (  i/) 

Bûche  ,  en  Jardinage;  on  appelle  ainfi  la  tige  des 
orangers  étêtés,  que  l'on  amené  en  France  de  Pro- 
vence &  de  Gènes.  (/£) 

BUCHEIRA  ou  BUCHI AR A,  (Géog.)  c'ell 
ainfi  qu'on  nomme  un  lac  d'Egypte  ,  à  fept  milles 
d'Alexandrie. 

B  U  C  H  EN ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Allemagne 
dans  rOdenwaidt  ,  appartenante  à  l'électoral  de 
Maycnce. 

BUCHER,  f.  m.  en  architecture ,  cft  un  petit  bâti- 
ment ou  engard  ,  pratiqué  dans  une  baffe-cour  ou 
dans  une  maifon  de  campagne ,  où  l'on  ferre  le  bois  : 
dans  les  maifons  particulières ,  c'ell  un  lieu  obfcur 
dans  l'étage  foùterrain  ou  au  rez-de-chauffée.  Les 
bûchers f  chez  les  princes,  s'appellent  fourrières  ,  en 
latin  cella  lignaria.  (f  ) 

*  B  û  c  h  ers  ,  f.  m.  (Hifi.  anc.)  amas  de  bois  fur 
lefquels  les  anciens  brùloient  leurs  morts  :  ces  amas 

Tome  II, 


étoient  plus  ou  moins  grands ,  félon  la  qualité  des 
perfonnes.  La  loi  des  douze  Tables  défendoit  d'y  em- 
ployer du  bois  poli  &  menuifé.  On  les  conflruifoit 
principalement  de  larix  ,  d'if,  de  pin  ,  de  frêne ,  Se 
d'autres  arbres  qui  s'enflamment  facilement.  On  f 
ajoûtoit  aufîi  la  plante  appcllée  papyrus.  On  les  envi- 
ronnoit  de  cyprès ,  dit  Varron ,  pour  corriger  par  fon 
odeur  celle  du  cadavre ,  qui  aurait  incommodé  ceux 
qui  affif  toient  à  la  cérémonie ,  Se  qui  répondoient  aux 
lamentations  de  la  Prœfica  ,  jufqu'à  ce  que  le  corps 
étant  confirmé  &  les  cendres  recueillies  ,  elle  difoit 
ilicet ,  retirez-vous. 

Le  bûcher  étoit  de  forme  quarrée ,  à  trois  ou  quatre 
étages  ,  qui  alloient  toujours  en  diminuant  comme 
une  pyramide  :  on  l'ornoit  quelquefois  de  llatues. 
On  verfoit  fur  le  cadavre  du  vin,  du  lait,  Se  du  miel. 
On  répandoit  fur  le  bûcher  des  parfums  ,  des  liqueurs 
odoriférantes ,  de  l'encens ,  du  cinnamome ,  des  aro- 
mates ,  Se  de  l'huile.  On  donnoit  au  mort  la  potion 
myrrhine.  f^oye{  Myrrhe.  Cette  profufion  coûteufe 
d'aromates  ,  de  liqueurs  ,  de  potions ,  fut  défendue 
par  la  loi  des  douze  Tables  :  outre  la  dépenfe  fiiper- 
flue  ,  qu'il  étoit  de  la  bonne  police  d'arrêter ,  l'exha- 
laifon  de  tant  d'odeurs  étouffoit  quelquefois  ceux  qui 
approchoient  trop  près  du  bûcher. 

Après  qu'on  avoit  oint  le  corps,  on  lui  ouvrait  les 
yeux  qu'on  -avoit  fermés  après  le  dernier  foûpir.  On 
mettoit  au  mort  une  pièce  de  monnoie  dans  la  bou- 
che ;  cette  coutume  a  été  fort  générale  en  Grèce  :  i! 
n'y  avoit  que  les  Hermoniens  qui  prétendoient  pafTer 
la  barque  gratis.  C'étoicnt  les  plus  proches  parens 
du  défunt  qui  mettoient  le  feu  au  bûcher  :  ils  lui  tour- 
noient le  dos,  pour  s  oter  la  vue  d'un  fi  trille  fpec- 
tacle. 

Quand  le  bûcher  étoit  allumé ,  on  prioit  les  vents 
de  hâter  l'incendie.  Achille  appelle,  dans  Homère, 
le  vent  du  feptentrion  &  le  zéphir  fur  le  bûcher  de 
Patrocle ,  Se  cette  coutume  pafîa  des  Grecs  chez  les 
Romains.  Quand  le  bûcher  étoit  bien  allumé  ,  on  y 
jettoit  des  habits,  des  étoffes  précieufes,  Se  les  par* 
rums  les  plus  rares.  On  y  jettoit  aufîi  les  dépouilles 
des  ennemis.  Aux  funérailles  de  Jules  Céfar  les  vé- 
térans y  précipitèrent  leurs  armes.  On  immoloit  de 
plus  des  bœufs,  des  taureaux,  des  moutons,  qu'on 
mettoit  auffi  fur  le  bûcher.  Quelques-uns  le  coupoient 
ou  s'arrachoient  des  cheveux  qu'ils  y  femoient. 

Il  y  a  des  exemples  de  perfonnes  qui  fe  font  tuées 
fur  le  bûcher  de  celles  qu'elles  aimoient.  Aux  funé- 
railles d'Agrippine,  Mneltor,  un  de  fes  affranchis  , 
fe  tua  de  douleur.  Plufieurs  foldats  en  firent  autant 
devant  le  bûcher  àc  l'empereur  Othon.  Pline  dit  qu'un 
nommé  Philotimus ,  à  qui  fon  maître  avoit  légué  les 
biens  ,  fe  jetta  fur  fon  bûcher.  Plufieurs  femmes  ont 
eu  ce  courage.  Cette  coutume  fiibfille  encore ,  com- 
me on  fait,  chez  les  Banianes.  Achille  tua  douze  jeu- 
nes Troyens  fur  îe  bûcher  de  Patrocle. 

Lorfque  le  cadavre  étoit  réduit  en  cendres ,  Se  qu'il 
n'en  refloit  que  les  offemens  parmi  les  cendres  ,  on 
achevoit  d'éteindre  le  bûcher  avec  du  vin  :  on  recueil- 
loit  les  refies,  &  on  les  eniermoit  dans  une  urne  d'or. 
La  loi  des  douze  Tables  détendit  les  libations  de  vin. 

Mais  tout  ce  qui  précède  ,  ne  concerne  que  les 
grands  Se  les  riches.  On  brùloit  les  pauvres  dans  de 
grands  lieux  enfermés,  appelles  uflrina.  Poya^  L's- 

TRINUM. 

C'étoit  la  mère ,  les  fecurs  ou  les  parentes  du  dé  tant 
qui  ramafToient  les  cendres  &  les  os  :  elles  étoient 
vêtues  de  noir  :  elles  les  mettoient  fous  leurs  habits. 
Les  fils  recueilloient  les  refies  de  leurs  pères;  au  dé- 
faut d'enfans ,  ce  devoir  étoit  rendu  par  les  autres 
parens  ou  par  les  héritiers.  Les  confuls  ou  les  pre- 
miers officiers  des  empereurs  ramaffo-ent  leurs  offe- 
mens. Au  décès  d'Augufte  ,  les  premiers  de  Tordre 
équcfhe  les  ramafferent  nucb  pies.  On  enveloppoit 

M  mm 


4î8 


B  U  C 


ces  reftes  dans  un  linge.  Avant  que  de  fe  retirer,  ils 
crioient  tous  au  défunt  :  vale ,  vale,  vale;  nos  te  ordine 
quo  natura  permiferit  cuncli  fequemur  :  <«  adieu ,  adieu  , 
»  adieu  ;  nous  te  iuivrons  tous,  quand  la  nature  l'or- 
»  donnera. 

On  emportoit  les  os  &  les  cendres  du  défunt.  Voy. 
les  articles  FUNÉRAILLES,  BRÛLER,  TOMBEAU  , 

Jeux  funèbres,  Urne,  Sépulcre,  Épitaphe, 
Mausolée. 

BUCHEREST  ou  BUCHOREST,  (Géog.)  grande 
ville  de  la  Valachie ,  réiidence  du  Hoipodar ,  qui  eft 
fous  la  protection  des  Turcs ,  fur  la  rivière  de  Dem- 
browitz.  Long.  44.  10.  lut.  44.  30. 

BUCHERI ,  (Géog.)  ville  de  Sicile ,  dans  la  vallée 
de  Noto ,  avec  titre  de  principauté ,  à  trois  nulles  de 
Vizini. 

BUCHERON  ,  f.  m.  ouvrier  occupé  dans  les  fo- 
rêts à  abattre  les  arbres  ,  &  à  fabriquer  le  bois  de 
chauffage. 

BUCHORN,  (Géog.)  petite  ville  libre  &  impé- 
riale d'Allemagne ,  au  cercle  de  Souabe  ,  fur  le  lac , 
&  à  cinq  lieues  de  Conftance.  Long.  zj.  16.  latu. 

4J-  4l- 

BUCHHOLTZ  ,  (Géog.)  petite  ville  d'Allema- 
gne ,  dépendante  de  l'électorat  de  Saxe. 

BUCHSGAW,  (Géog.)  pays  dans  la  Suiffe ,  au 
canton  de  Soleure ,  avec  titre  de  landgraviat. 

BUCK  ,  (Géog.)  petite  ville  de  Pologne  ,  dans  la 
Ruflie  rouge,  au  palatinat  de  Belezo,  au  confluent 
des  rivières  de  Buck  &  de  Potaw. 

BUCKAW ,  (Géog.)  ville  d'Allemagne  ,  dans  la 
marche  de  Brandebourg. 

BUCKENBOURG,  (Géog.)  ville  d'Allemagne, 
du  comté  de  Schaumbourg  ,  iur  la  rivière  d'Aa  ,  en 
W'eftphalie. 

BUCKENFIORT  ou  AARDALFIOPvT  (Golfe 
de  ) ,  c'eft  un  golfe  de  la  mer  du  Nord ,  fur  les  côtes 
de  Norvège  ,  près  de  la  ville  de  Stavanger. 

BUCKÏNGHAM,  (Géog.)  ville  &  duché  d'Angle- 
terre ,  dans  la  province  du. même  nom,  fur  la  rivière 
d*Oufle  :  elle  eft  à  1 5  lieues  de  Londres.  Long.  16. 
33.lat.6i.5y. 

Buckinghamshire  ,  province  d'Angleterre, 
au  diocefe  de  Lincoln ,  dont  les  laines ,  le  pain ,  &  le 
bœuf  font  fort  eftimés. 

BUCKOR,  ville  d'Afie,  dans  l'Indoftan ,  capitale 
de  la  province  du  même  nom,  dans  une  de  que  forme 
l'Inde. 

BUCKOW ,  (Géog.)  il  y  a  deux  petites  villes  de 
ce  nom  en  Allemagne,  dans  le  duché  de  Meckle- 
bourg ,  au  cercle  de  bafle  Saxe ,  l'une  s'appelle  le 
vieux  Buckow  ,  l'autre  le  neuf. 

BUCOLIASME  ,  fub.  m.  (Belles-lettres.)  chanfon 
en  ufage  parmi  les  bergers  ou  pafteurs  de  l'ancienne 
Grèce.  Ils  la  chantoient  en  conduifant  le  bétail  aux 
pâturages.  Selon  Athénée,  liv.  XIV.  Diomus,  ber- 
ger de  Sicile  ,  en  fut  le  premier  auteur  ;  &  Epichar- 
me  en  faifoit  mention  dans  l'Alcyon  &  dans  l'Ulyfle 
faifant  naufrage.  On  appelloit  encore  bucoliafme  un 
air  à  danfer  qu'on  joiioit  fur  la  flûte  ,  &  qu'Athénée 
lui-même  dift ingue  de  la  chanfon  dont  nous  venons 
de  parler.  Mém.  de  VAcad.  tom.  IX.  (G) 

BUCOLIQUE ,  f.  f.  (Belles  lett.)  ce  mot  veut  dire 
pafloral,  &  fignifîe  des  poéfies  qui  regardent  les  ber- 
gers &  les  troupeaux.  Voyei  Pastoral. 

Ce  mot  vient  de  fievç ,  bos  ,  &  koAov  ,  cibus  ;  de-là 
jSs^tAêû),  boves  pafco  ;  &C  jivKcXeç ,  qui  paît  les  bœufs  , 
bouvier,  bubulus. 

La  poëfie  bucolique  eft  la  plus  ancienne  de  toutes 
les  poëfies  ,  &  l'on  croit  qu'elle  a  pris  naiflance  en 
Sicile ,  parmi  les  divertiflemens  des  bergers.  Elle  fut 
infpirée  par  l'amour  Se  par  l'oifiveté.  On  ajouta  en- 
fuite  des  règles  à  ces  divertiflemens  champêtres ,  & 
l'on  en  fit  un  art.  Le  foin  des  troupeaux,  les  beautés 


B  U  D 

de  la  nature  ,  &  les  plaiflrs  de  la  vie  ruftique  en  fai- 
foient  les  plus  nobles  fujets.  Mofchus,  Bion,  Théo- 
crite  &  Virgile  font  les  plus  agréables  poètes  bucoli- 
ques  de  l'antiquité.  Voye^  ECLOGUE  &  Idylle. 

Selon  M.  de  Fontenelle ,  Théocrite  a  quelquefois  le 
ftyle  un  peu  trop  bucolique.  Il  eft  des  auteurs  qui  at- 
tribuent l'invention  de  la  poëfie  bucolique  à  un  ber- 
ger nommé  Daphnis  ;  d'autres  à  Bucolius,  fils  aîné  de 
Laomédon. 

Le  grammairien  Donat ,  dans  la  vie  de  Virgile  , 
rapporte  encore  diverfes  autres  opinions  fur  l'origine 
des  bucoliques  ,  que  les  uns  attribuent  aux  Lacédemo- 
niens,  les  autres  à  Orefte  fugitif  en  Sicile  ,  ceux-ci  à 
Apollon ,  lorfqu'il  gardoit  les  troupeaux  d'Admete  ; 
ceux-là  à  Mercure  :  &  comme  dans  cette  diverlité  de 
fentimens,il  eft  difficile  de  décider  quel  eft  le  véri- 
table auteur  des  bucoliques  ;  ce  grammairien  conclut 
qu'elles  ont  pris  naiflance  dans  ces  tems  heureux ,  où 
la  vie  paftorale  étoit  encore  en  honneur. 

Les  bucoliques,  dit  Voflius ,  ont  quelque  conformité 
avec  la  comédie  ;  elles  font,  comme  celle-ci,  une  ima- 
ge ,  une  imitation  de  la  vie  commune  &  ordinaire  ; 
avec  cette  différence  toutefois  ,  que  la  comédie  re- 
préfeiite  les  mœurs  des  habitans  de  la  ville  ,  &  les 
bucoliques  les  occupations  des  gens  de  la  campagne  : 
tantôt,  ajoûte-t-il ,  ce  dernier  poëme  n'eft  qu'un  mo- 
nologue ,  &  tantôt  il  a  la  forme  de  dialogue  ;  &  quel- 
quefois il  eft  en  action ,  quelquefois  en  récit ,  &  enfin 
mêlé  de  récits  &  d'aclions,  ce  qui  en  conftitue  diver- 
fes efpeces.  Le  vers  hexamètre ,  pour  la  poèfle  Gre- 
que  &  Latine  ,  eft  le  plus  propre  pour  les  bucoliques, 
ôc  toutes  celles  de  Virgile  ont  cette  forme.  On  trouve 
cependant  quelques  vers  pentamètres  dans  Théocri- 
te ,  mais  feulement  tailant  partie  des  chanfons  qu'il 
met  dans  la  bouche  de  fes  bergers.  Dans  la  poëfie 
Françoife ,  toute  mefure  de  vers  eft  admife  pour  les 
paftorales  ;  les  vers  libres  &  irréguliers  paroiflent 
même  convenir  principalement  à  l'aifance  néceflaire 
à  ce  genre,  beaucoup  plus  négligé  aujourd'hui  qu'il 
ne  l'étoit  des  anciens ,  par  les  raifons  que  nous  dé- 
taillerons au  mot  Eclogue. 

On  repréfentoit  quelquefois  des  bucoliques ,  c'eft- 
à-dire  ,  des  paftorales  fiir  les  théâtres  ;  les  décora- 
tions étoient  alors  Amples  ,  compofées  de  branches 
d'arbres  &  de  feuillages  ;  &  l'inftrument  dont  s'ac- 
compagnoient  les  afteurs  ,  étoit  la  flûte  de  rofeau  , 
nommée  par  les  anciens  mpi?  £ ,  dont  l'extérieur  ré- 
pondoit  à  la  fimplicité  du  poëme. 

Au  refte  ,  toutes  les  eclogues  ou  les  idylles  ne  doi- 
vent pas  être  mifes  au  rang  des  bucoliques  :  les  trois 
eclogues  de  Virgile,  par  exemple,  intitulées  Polliont 
Silène,  &  Gallus,  font  d'un  ftyle  beaucoup  plus  noble 
que  les  fept  autres ,  &  roulent  fur  des  matières  fort 
différentes  de  la  vie  champêtre.  C'eft  le  fentiment  de 
Servius,  dans  la  vie  de  Virgile.  Voflius ,  Injîit.  poét. 
lib.  III.  cap.  viij.  (G) 

*  BUCORNE,  (Myth.)  furnom  qu'on  a  donné  à 
Bacchus ,  que  l'on  repréfentoit  quelquefois  avec  une 
corne  de  taureau  à  la  main,  fymbole  ancien  du  vaif- 
feau  à  boire. 

BUCORTA,  (Géog.)  petite  rivière  du  royaume 
de  Naples ,  qui  fe  jette  dans  la  mer  au  golphe  de  Gi- 
race ,  dans  le  duché  de  Calabre. 

BUCQUOY,  (Géog.)  comté  de  France,  dans  la 
province  d'Artois ,  fur  les  frontières  de  la  Picardie. 

BUCZAVA  ou  BUTSKO,  (Géog.)  ville  de  Po- 
logne ,  dans  le  Palatinat  de  Ruflie. 

"BUDACK ,  (Géog.)  ville  capitale  de  la  Croatie," 
dans  la  province  de  Corbavia ,  en  Hongrie. 

BUDE  ou  OFFEN ,  (Géog.)  grande  Se  forte  ville, 
capitale  de  la  bafle  Hongrie  &  de  tout  ce  royaume  , 
avec  une  bonne  citadelle  :  la  lituation  en  eft  agréa- 
ble ,  &  le  terrein  de  fes  environs  eft  fertile  en  vins 
excellens.  Il  y  a  dçs  fources  d'eau  chaude,  où  l'on. 


BUÊ 


B  UF 


cuit  des  oeufs  en  très-peu  de  tems  $  quoiqu'on  y  voye 
nager  des  poiflbns  vivans.  Diction,  géog.  de  M.  Vol- 
giem  Elle  eft  fur  le  Danube.  Long.  36.  45.  lat.  4J. 
20. 

BUDJADINGER  -  LAND ,  (  Gcog.  )  petit  diftrift 
d'Allemagne,  dans  le  comté  d'Oldenburg,  au  cercle 
de  balTê  Saxe ,  entre  l'embouchure  du  Wefcr  6c  du 
Jhade. 

BUDINGEN,  (Géog.)  ville  d'Allemagne,  avec 
un  château  ,  au  comté  d'Ifenbourg ,  dans  la  Wetera- 
vie  ,  fur  la  rivière  de  Nidder. 

EUDNOCK  ou  PUTNOCK,  (Gcog.)  petite  ville 
de  la  haute  Hongrie ,  dans  le  comté  de  Barfod,  fur  la 
rivière  de  Gaya. 

BUDOA ,  petite,  mais  forte  ville  maritime  de  la 
Palmatie:  elle  eft  aux  Vénitiens,  &;  a  un  évêque 
fuffragant  d'Antivari,  dont  elle  eft  à  fix  lieues.  Long. 
36.  30.  lat.  42.  12. 

BUDOSVIES,  {Géog.  )  petite  rivière  de  Lithua- 
nie,  dans  le  palatinat  de  Poloczk,  qui  fe  jette  dans 
l'Obola. 

BUDWEISS,  ville  d'Allemagne  en  Bohême,  fur 
la-Moldaw,  à  29  lieues  de  Prague.  Lon.  32. 3J.  lat. 
42.  i5.  Il  y  a  encore  une  ville  de  ce  nom  en  Mora- 
vie ,  entre  Trebitz  &  Znaim. 

BUDYN1E,  (Gcog.)  ville  du  royaume  de  Bohè- 
me, lur  i'Eger,  à  cinq  milles  de  Prague. 

BUDZIAC  ou  BESSARABIE,  (Gcog.)  pays  fitué 
entre  la  Moldavie ,  le  Danube ,  la  mer  Noire  ,  &c  la 
petite  Tartarie ,  arrofé  par  le  Niefter.  L'on  appelle 
les  peuples  qui  l'habitent  Tartans  Bud^iacs. 

BUEIL,  (Gcog.)  petit  pays  avec  titre  de  comté  , 
dans  le  comté  de  Nice,  arrofé  par  leVar,  dépendant 
du  duc  de  Savoie.  La  capitale  porte  le  même  nom. 

BUELTA ,  f.  m.  terme  de  Chimie ,  dont  on  fe  fert  au 
Potofi,  pour  fignifîer  le  changement  qui  fe  fait  à  l'ar- 
gent dans  la  coupelle  fur  la  fan  de  l'opération,  lorf- 
qu'il  fe  couvre  d'une  efpece  de  toile  rouge.  Voye^ 
Bouton. 

BUEN AVENTURA ,  baie  que  forme  la  mer  du 
fud  fur  la  côte  occidentale  de  l'Amérique  méridio- 
nale ,  &  dans  le  gouvernement  de  Popayan.  Lat.  4. 
degrés  nord.  long.  301. 

BUENOS  AYRES,  ou  CIUDAD  DE  LA  TRI- 
NID  AD  ,  (  Gcog.  )  belle  ville  aux  Efpagnols,  dans 
l'Amérique  méridionale,  capitale  du  gouvernement 
de  Rio  de  Plata ,  dans  le  Paraguai  ;  elle  elt  peuplée 
d'Efpagnols  &  d'Indiens  :  on  y  fait  un  grand  commer- 
ce de  Nègres.  Long.  J2J.  latitude  mérid.  34.  55. 

BUFFALARA  ,  (  Gcog.  )  petite  ville  du  royaume 
de  Naples ,  dans  la  Calabrc  citérieure  ,  à  l'embouchu- 
re du  Sibari. 

.  BUFFET  ,{.{.(  terme  d'Architecture  )  c'étoit  chez 
les  anciens  de  petits  appartemens  féparés  du  refte 
de  la  fallè  ,  pour  y  ranger  la  porcelaine  ,  les  vafes  ; 
&  en  France  dans  les  derniers  ficelés  ,  les  buffets  fe 
mectoient  dans  les  fallcs  à  manger  ,  &  fervoient  au- 
tant pour  y  dreffer  les  choies  utiles  pour  le  fervice 
de  la  table ,  que  pour  y  étaler  la  richeiTe  &  la  magni- 
ficence des  princes  ou  des  particuliers  qui  donnoient 
des  feftins.  Aujourd'hui  dans  les  maifons  de  quel- 
qu'importance,  on  place  les  buffets  dans  des  pièces 
féparées  ;  alors  on  les  décore  de  tableaux  relatifs  au 
fujet ,  de  fontaines,  de  cuvettes  ,  de  ratraichiflbir  & 
de  vafes ,  &  ils  font  revêtus  de  marbre  &  de  bronze  ; 
au  lieu  que  dans  les  batimens  ordinaires,  ces  buffets 
fe  drelfent  clans  les  veftibulcs  ou  antichambres,  pour 
éviter  l'humidité  qu'ils  cauferoient  dans  les  (ailes  à 
manger.  Voye^  Salle  à  manger.  (P) 

Buffet,  (  Fontainier  )  elt  une  demi-pyramide 
d'eau  adolTée  contre  un  mur  ou  placée  dans  le 
fond  d'une  niche,  avec  plufieurs  coupes  &  bafîîns 
formant  des  nappes,  &  accompagné  au  moins  d'un 
bouillon  fur  le  haut  qui  les  fournit.  Il  y  a  de  ces 
Tome  II. 


459 


buffets  plus  compofés  ,  &  qui  ont  plufieurs  bouillons 
&  jets  d'eau.  (  K  ) 

Buffet  d'orgue,  voye{  Fust  d'orgue;  c'eft 
le  Menuifier  qui  fait  la  caillé  de  l'Orgue  :  elle  eft 
ordinairement  enrichie  de  fculpture,  &  autres  orne- 
mens. 

BUFFETER ,  (en  Fauconnerie  )  c'eft  donner  en  paf: 
fant  contre  la  tête  d'un  plus  fort ,  ou  contre  la  tête 
d'un  leurre,  quand  on  le  fait  battre  aux  oifeaux.  On 
dit  cet  oifeau  a  buffet é  la  proie. 

BUFFETEUR,  f.  m.  voiturierde  vins  ou  autres 
liqueurs ,  qui  boit  au  tonneau  fur  la  route  ;  l'Ordon- 
nance décerne  contre  ces  voituriers  infidèles  la  pei- 
ne des  galères. 

BUFLE,  f.  m.  (  Hijl.  nat.  Zoolog.  )  bubalus*  ani- 
mal quadrupède  du  genre  des  bœufs  ;  il  eft  plus  grand 
que  les  nôtres  ;  fon  corps  eft  plus  gros ,  &  fa  peau 
plus  dure.  Ses  cornes  font  grandes  ,  contournées  j  for- 
tes &  de  couleur  noire.  Les  buff.es  font  fort  fréquens 
en  Italie ,  fur-tout  dans  les  terres  du  Pape  &  dans  le 
royaume  de  Naples  ;  &  auffi  en  Grèce  ck  en  Afie ,  au 
rapport  de  Belon.  On  les  nourrit  pour  faire  des  fro- 
mages de  leur  lait ,  cafei  di  cavallo  ;  on  leur  fait  aufïï 
trainer  des  voitures ,  oc  on  les  conduit  par  le  moyen 
d'une  corde  attachée  à  un  anneau  de  fer  ou  de  cui- 
vre ,  qui  eft  paflé  dans  leurs  narines  ;  car  quoique  ces 
animaux  foient  domptés ,  il  leur  refte  toujours  de  leur 
férocité  naturelle.  Il  elt  à  cioire  que  le  bufle  d'Italie 
n'eft  pas  différent  du  bubalus  des  anciens ,  qui  étoit 
dans  les  Indes  &  dans  l'Afie.  Voye^  Quadrupède. 

On  employé  en  Médecine  fes  cornes,  fes  ongles  , 
fa  graillé ,  &  fa  fiente  :  les  deux  premières  font  bon- 
nes contre  les  convullions  ;  &  les  autres  parties  ont, 
dit-on,  les  mêmes  vertus  que  celles  du  bœuf.  (N) 

Bufle  ,  f.  m.  nom  que  l'on  donne  à  la  peau  de  l'a- 
nimal appelle  bujtc ,  quand  elle  a  été  paffée  à  l'huile  , 
comme  le  chamois.  Les  militaires  s'en  fervoient  an- 
ciennement pour  armure  ;  &  les  grenadiers  Anglois  , 
de  même  que  la  cavalerie  Françoile ,  l'employent  en- 
core à  préfent,  à  caufe  de  fa  dureté  &  de  fa  réfiftan- 
ce  :  on  s'en  fert  à  faire  des  ceinturons ,  des  bourfes  , 
&c.  Le  bufle  fait  un  des  articles  importans  du  commer- 
ce des  Anglois,  des  François,  &  des  Hollandois,  qui 
en  trafiquent  à  Conlïantinople,  à  Smyrne,  6c  le  long 
des  côtes  d'Afrique. 

Les  peaux  d'élans  ,  de  bœufs ,  &  des  animaux  de 
la  même  efpece  ,  étant  paffées  à  l'huile ,  &  préparées 
comme  celles  du  bufle,  en  prennent  le  nom,&  lervent 
de  la  même  manière.  Il  y  a  en  Fiance  un  grand  nom- 
bre de  manufactures  pour  la  préparation  de  ces 
peaux,  particulièrement  à  Paris,  à  Roiien,  à  Cor- 
beil.  Ce  fut  le  lieur  Jabac ,  natif  de  Cologne ,  qui  éta- 
blit les  premières  de  ces  manufactures,  ^oye^la  ma~ 
niere  de  préparer  ces  peaux  à  l'article  CHAMOIS. 

Bufle,  (Moulin  à)  c'eft  un  moulin  dans  lequel  oit 
foule  &  prépare  avec  de  l'huile  les  peaux  de  bufles  , 
d'élans ,  d'orignaux ,  de  bœufs ,  &c.  pour  en  faire  ce 
qu'on  appelle  des  bufles  à  l'ufage  des  gens  de  guerre; 
ce  qui  fe  fait  au  moyen  de  plufieurs  gros  pilons  ,  qui 
fe  hauffent  &  tombent  deffus  ces  cuirs  dans  de  gran- 
des auges  de  bois  ,  par  le  moyen  d'une  roue  qui  eft 
en  dehors,  &  que  la  force  de  l'eau  fait  tourner.  Le 
lieur  J  abac ,  de  Cologne  ,  eft  celui  qui  a  établi  le  pre- 
mier  de  ces  moulins  en  France  ;  ôc  celui  qu'on  voit 
à  Effone,eftdc  fon  invention.  Voyc^  Bufle,  &  Mou- 
lin À  Foulon. 

BUFLETIN  ,  c'eft  le  nom  du  bufle  quand  i!  eft 
encore  petit  ;  on  prépare  la  peau  du  bufletin  ,  &  on 
l'employé  aux  mêmes  ufages  que  celle  du  bufle. 

BUG  ,  (  Géog.  )  grande  rivière  de  Pologne  ,  quî 
prend  fa  fource  près  d'Olefco ,  &C  qui  fe  jette  dans  la 
Viftule ,  près  de  Wifiègrod, 

Mrnni  îj 


460 


BUG 


BUGEN,  (  Géog.  )  ville  &  royaume  d'Afie,  dans 
i'ile  de  Ximo  ,  dépendant  de  l'empire  du  Japon. 

BUGEY  ,  (  le  )  Géog.  )  petit  pays  de  France  ,  en- 
tre le  Rhône  ,  qui  le  fépare  de  la  Savoie  &c  du  Dau- 
phiné  ,  &la  rivière  d'Ains,  qui  le  lepare  de  la  Breffe 
&  du  comté  de  Bourgogne.  Bellay  en  eft  la  capi- 
tale. Ce  pays  fait  commerce  de  beftianx  ;  il  a  aufîi 
des  vins  Se  du  blé  ,  mais  en  médiocre  quantité. 

BUGIE  ,  (  Géog.  )  ville  forte  &  peuplée  d'Afrique 
au  royaume  d'Alger,  capitale  de  la  province  de  ion 
nom,  avec  une  baie  commode.  Long.  22.  i5.  lat. 
36.  34. 

BUGIHA,  (  Géog.  )  ville  d'Afrique  , dans  leroyau- 
rae  de  Nubie ,  fur  les  frontières  de  l'Egypte. 

BUGLAS  ou  L'ISLE  DES  NEGRES  ,  (  Géog.  ) 
île  de  l'Océan  orientai ,  l'une  des  Philippines.  Long. 
140  d.  làr.  io. 

B  U  G  L  E  ,  bugula ,  f.  f.  (Hifl.  nat.  bot!)  genre  de 
plante  à  fleur  monopétale  labiée ,  qui  n'a  qu'une  feu- 
le" lèvre  diviiée  en  trois  parties  :  celle  du  milieu  eft 
échancrée  ;  il  y  a  de  petites  dents  à  la  place  de  la  lè- 
vre fupérieure  ;  il  fort  du  calice  un  piftil  qui  eft  at- 
taché comme  un  clou  à  la  partie  poftérieure  de  la 
fleur,  &  environné  de  quatre  embryons;  ces  em- 
bryons deviennent  dans  la  fuite  autant  de  femences 
arrondies,  renfermées  dans  une  capiule  qui  a  fervi  de 
calice  à  la  fleur ,  &  qui  eft  faite  en  forme  de  cloche. 
Tournefort,  Injl.  rei  herb.  Voye^  Plante.  (/) 

BUGLOSE  ,  f.  f.  buglojjutn,  (Hfl.  nat.  bot.)  genre 
de  plante  à  fleur  monopétale ,  faite  en  forme  d'enton- 
noir &  découpée  ;  le  calice  eft  fendu  jufqu'à  fa  baie, 
il  en  fort  un  piftil  attaché  comme  un  clou  à  la  par- 
tie inférieure  de  la  fleur,  &  environné  de  quatre 
embryons  qui  deviennent  dans  la  fuite  autant  de  fe- 
mences reffemblantes  à  des  têtes  de  vipère.  Ces  fe- 
mences mûrifTent  dans  le  calice  même  de  la  fleur , 
qui  s'étend  à  mefure  qu'elles  groffiffent  Tournefort, 
Injl.  rei  herb.  Voye^  PLANTE.  (/) 

La  buglofe  des  jardins  a  les  racines  fort  gluantes  , 
&  qui  rougifîent  fort  le  papier  bleu  ;  les  fleurs  ont  à 
peu  près  la  même  propriété  ;  les  feuilles  ne  le  rougif- 
ïent prefque  pas ,  d'où  on  conclud  que  le  fel  ammo- 
niac qui  eft  dans  cette  plante  ,  eft  enveloppé  par  un 
ii;c  gluant  où  la  terre  &  le  foufre  dominent. 

U&ùglbfe  humecte,  rafraîchit,  &  foulage  beau- 
coup les  mélancholiques;  elle  eft  propre  ponr  diffi- 
per  les  fluxions  de  poitrine  &  la  toux  opiniâtre;  on 
en  fait  boire  le  foc  depuis  trois  onces  jufqu'à  fix. 

On  employé  les  racines  &  les  feuilles  dans  les  bouil- 
lons rafraîchiffans,  &  cette  plante  ne  rafraîchit  qu'en 
rétabliffant  le  mouvement  du  i'ang  qui  croupit ,  &  qui 
échauffe  les  parties  où  il  circule  avec  peine. 

On  fe  fert  des  fleurs  de  buglofe  à  la  manière  du  thé  ; 
on  en  fait  de  la  conferve ,  on  les  compte  parmi  les 
fleurs  cordiales. 

Le  firop  fait  avec  le  foc  des  feuilles  foulage  beau- 
coup les  mélancholiques  ;  ce  foc  eft  employé  dans  le 
firop  bifantin  fimple,  &  compofé  de  même;  il  entre 
aufîi  dans  le  firop, de  fcolopendre  de  Fernel.  Tourne- 
fort, Hift.  plant.  (N) 

BUGRANDE,  voye^  Arrête-bœuf. 

B  U  G  S I N ,  (Géog.)  petite  ville  d'Allemagne ,  en 
Franconie ,  dans  le  comté  de  Reineck. 

"  BUHOT ,  f.  m.  fe  dit  dans  les  manufactures  d'A- 
miens, de  ce  qu'on  entend  plus  communément  par 
le  mot  efpoulin  ou  efpolin.   Voye^  ce  mot. 

BUIS  ou  BOUIS ,  f.  m.  buxus ,  (  Hifl.  nat.  bot.  ) 
genre  de  plante  dont  les  fleurs  n'ont  point  de  pétales  ; 
ces  fleurs  font  compoiées  de  plufieurs  étamines  qui 
fortent  du  fond  d'un  calice  compofé  de  feuilles.  Ce 
fond  du  calice  eft  ordinairement  quarré  :  les  embryons 
nahTent  féparément  des  fleurs,  &  deviennent  dans  la 
fuite  des  fruits  reffemblans  en  quelque  façon  à  une 
marmite  renverfée.  Ces  fruits  s'ouvrent  en  trois  par- 


B  U  I 

tics  par  la  pointe  ;  ils  font  divifés  en  trois  loges ,  tk 
renferment  des  femences  revêtues  d'une  capiule  élaf- 
tique.  Tournefort,  Injl.  rei  herb.  Voye^  Plante.  (/) 
Le  buxus  offic.  pouffe  des  feuilles  qui  font  ameres, 
&  rougifTent  le  papier  bleu  ;  on  tire  de  ion  bois  un 
efprit  acide,  &  une  huile  fétide. 

Quercetan  eftime  fort  cette  huile  contre  l'épilep- 
fie,  les  vapeurs  &  le  mal  de  dents;  rectifiée  &  cir- 
cùlée  enfuite  avec  un  tiers  de  bon  efprit  de  vin ,  elle 
eft  adouciffante  &  apéritive  ;  on  en  fait  prendre 
quinze  ou  vingt  goûtes  avec  du  fucre ,  ou  de  la  pou- 
dre de  régliffe  ;  on  met  cette  huile  rectifiée  avec  du 
beurre ,  pour  en  frotter  le  cancer  ;  on  en  fait  un  li- 
niment  avec  l'huile  de  mille-pertuis ,  contre  les  rhû- 
matifmes  &la  goutte. 

Etrmuler  &  plufieurs  autres  auteurs  foûtiennent 
que  l'on  peut  fubftituer  le  buis  au  gaiac  ;  le  bois  de 
genièvre  au  faffafras ,  &  les  racines  de  bardane  & 
de  benoite  à  la  fquine  &  à  la  falfe-pareille.  Tourne- 
fort ,  hifl.  plant. 

Buis  ÉPINEUX,  lycium  buxi  foliis ,  C.  B.  P. 47?.  + 
Cette  plante  vient  dans  les  pays  chauds  ;  on  em- 
ployoit  autrefois  en  Médecine  le  rob  ou  le  fùc  épaif- 
ii  des  feuilles  &  des  branches  dont  Diofcoride  donne 
la  préparation  :  mais  on  ne  s'en  fert  plus ,  le  vrai  ly- 
cium eft  inconnu  aujourd'hui.  Le  lycium  qu'on  trou- 
ve dans  les  boutiques,  eft  fait,  à  ce  que  dit  Sc'hro- 
der ,  avec  les  baies  du  periclimenum  ou  chevre-feuil- 
le  :  d'autres  le  préparent  avec  le  fruit  du  liguflrum  ou 
troène  :  d'autres  enfin  avec  des  prunes  fauvages. 
C.  Bauhin  obferve  qu'il  vaut  mieux  leur  fubftituer 
ïoxyacantha  ,  ou  le  rhamnus. 

On  donne  aufîi  le  nom  de  lycium  à  différentes  ef- 
peces  de  rhamnus  ou  nerprun. 
Lycium  Indien,  voye^  ACACIA. 
Diofcoride  étend  bien  loin  les  vertus  du  vrai  ly- 
cium :  mais  il  eft  à  penfer  qu'il  faut  beaucoup  en  ra- 
battre ;  ce  qui  eft  fort  indifférent ,  puifqu'il  n'eft  plus 
d'ufage.  (A?) 

Buis,  (Jardinage.)  il  eftdes  plus  employés' dans  les 
jardins.  Il  y  en  a  de  deux  efpeces:  celui  qui  eft  nain  > 
&  qui  a  les  feuilles  comme  le  myrte ,  fert  à  former 
la  broderie  des  parterres  &  les  bordures  des  plate- 
bandes  :  la  féconde  eft  le  buis  de  bois ,  qui  s'élevant 
bien  plus  haut,  fert  à  former  des  palliffades  :  fon  bois 
eft  jaunâtre,  d'une  odeur  forte,  6k  eft  fi  dur  qu'on 
l'employé  à  faire  des  peign'es,  des  boules,  &  autres 
ouvrages.  On  les  multiplie  de  graines  &de  boutures. 
Il  y  a  encore  le  buis  panaché ,  dont  la  feuille  eft 
beaucoup  plus  belle  que  celle  des  autres.  (K) 

Le  buis  eft  un  bois  jaune  &  fort  dur,  dont  on  fait 
un  grand  ufage  dans  différens  arts ,  foit  qu'on  l'em- 
ployé comme  la  matière  fur  laquelle  l'artifte  doit  opé- 
rer ,  ou  ieulement  comme  une  matière  propre  à  fai- 
re différens  outils. 

Buis  ,  fubft.  mafeulin,  outil  de  Cordonnier ,  eft  un 
morceau  de  ce  bois  de  quatre  à  cinq  pouces  de  lon- 
gueur, &  d'environ  un  pouce  d'équarriflage,  &dont 
les  angles  font  un  peu  abattus  dans  la  partie  du  mi- 
lieu ,  pour  ne  point  bleffer  la  main  de  l'ouvrier.  Les 
deux  extrémités  de  ce  morceau  de  bois  font  des  ef- 
peces de  languettes  ou  entailles  de  différentes  lar- 
geur &  hauteur.  Il  fert  à  lifter  les  bords'  des  femelles 
après  que  le  tranchet  leur  a  donné  la  forme  qu'elles 
doivent  avoir.  Pour  cela  on  applique  une  des  faces 
latérales  de  la  languette ,  contre  le  deflbus  de  la  fe- 
melle dont  on  veut  lifîèr  Pépaiffeur,  par  conféquent 
l'une  des  baies  de  l'outil  eft  appliquée  fur  cette  épaif- 
feur,  for  laquelle  on  frotte  en  appuyant  fortement, 
jufqu'à  ce  qu'elle  ait  pris  un  beau  poli.  Cette  façon 
eft  une  des  dernières  que  l'on  donne  à  l'ouvrage. 
Voye{  CORDONNIER,  &  laflg.  â.  PI.  du  Cordonnier- 
bottier. 

Buis  ou  le  Buy,  (Géog.)  petite  ville  de  France, 


B  U  L 


461 


r)kh$  le  bas  Dauphiné ,  dans  un  diftrici  qu'on  nomme 
je  bailliage  du  Buis ,  fur  la  rivière  d'Ouvefe. 

B  U I S  S  E  ,  f.  f.  billot  de  bois  dans  lequel  ëft  un 
creux  qui  fért  à  donner  la  forme  aux  femelles  des  lou- 
liers ,  qu'on  bat  fur  ce  billot  avec  un  marteau.  Foye^ 
lafig.  33.  PI.  du  Cordonnier-bottier. 

BUISSON  ,  f.  m.  (Jardinage.)  on  appelle  ainfi  un 
arbre  nain.  /^oyq  Arbre,  Bois. 

Un  bois  de  1500  à  1600  arpens,  fe  nomme  auffi 
buijfon ,  parce  qu'il  n'a  pas  affez  d'étendue  pour  être 
appelle  forêt. 

Boqueteau  eft  le  nom  que  l'on  donne  à  un  bois  moin- 
dre qu'un  buijfon,  lequel  a,  par  exemple,  trente  à 
quarante  arpens.  ' 

Buisson  ardent,  on  Pyracantha,  doit  ce 
nom  à  fes  fruits  rouges  qui  fubfîftent  en  hyver,  &Ie 
font  paraître  comme  plein  de  feu.  Ce  font  fes  fruits 
qui  portent  la  graine.  Le  bois  de  cet  arbriffeau  eft  net 
&  garni  de  piquans  avec  une  écorce  noirâtre,  &  fa 
feuille  reffemble  à  celle  du  poirier.  Plufieurs  Bota- 
niftes  l'appellent  aubèpin,  &  Diofcoride  le  nomme 
ùxyacantha.  Foye^  AUBEPIN.  (/£) 

BUISSON  CREUX,  fe  dit ,  en  Vénerie ,  de  celui  dans 
l'enceinte  duquel  le  valet  de  limier  qui  a  détourné  , 
ne  trouve  rien. 

Prendre  buijfon,  fe  dit  des  cerfs,  lorfqu'ils  vont 
choifir  un  lieu  fecret  pour  faire  leur  tête,  après  avoir 
mis  bas. 

BUISSONNIER,  en  terme  de  Police,  eft  un  officier 
de  viile  ou  garde  de  la  navigation ,  dont  la  fonction 
eft  de  donner  avis  aux  échevins  des  contraventions 
qui  fe  font  aux  reglemens  ;  qui  doit  dreffer  des  pro- 
cès-verbaux de  l'état  des  ponts ,  moulins ,  pertuis , 
&  rivières,  (i/) 

BUISSURES  ,  f.  f.  pi.  en  terme  de  Doreur ,  ce  font 
des  ordures  que  le  feu  a  raffemblées  fur  une  pièce 
que  l'on  a  fait  cuire  ;  on  les  ôte  avec  la  gratteboefTe. 
Voyei  Gratteboesser  &  Gratteboesse. 

B  U I T  R  A  G  O ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Efpagne , 
dans  la  nouvelle  Caftille. 

BUKOVANY ,  {Géog.)  ville  du  royaume  de  Bo- 
hême, à  peu  de  diltance  de  Prague. 

BULACH,  (Geog.  )  petite  ville  d'Allemagne  en 
Soiiabe ,  au  duché  de  Wurtemberg.  Il  y  a  encore  une 
petite  ville  de  ce  nom  en  Suiffe  ,  dans  le  canton  de 
Zurich. 

BULAFO ,  nom  d'un  infiniment  de  mufique  dont 
îesNegres  de  la  côte  de  Guinée  fe  fervent  beaucoup. 
Cet  infiniment  eft  compoié  de  plufieurs  tuyaux  d'un 
bois  fort  dur,arrangésartillement,  &  diminuant  peu- 
à  peu  de  longueur;  ces  tuyaux  font  attachés  les  uns 
aux  autres  avec  de  petites  bandes  de  cuir  entortil- 
lées fur  de  petites  baguettes ,  de  manière  à  laiffer  un 
certain  efpace  entre  les  différens  tuyaux  :  on  enjoué 
en  les  frappant  avec  des  bâtons  dont  les  bouts  font 
garnis  de  cuir,  pour  en  rendre  le  fon  moins  aigu. 
Voyage  de  Froger ,  page  36 ,  &c  Voyelles  Planches 
de  Luth.  &  leur  explication. 

BULAGU  ANSKI ,  (  Géog.  )  ville  &  fortereffe  des 
Ruffiens  en  Sibérie ,  fur  la  rivière  d'Angara ,  dans  le 
pays  de  Buratte. 

BULAGUEN  ou  BULAHUANA  ,  (  Géog.  )  ville 
d'Afrique  au  royaume  de  Maroc  ,  fur  le  fleuve  d'Om- 
rnirabi,  dans  la  province  de  Duquela. 

BULAM  ou  BOULAM  ,  (  Géog.)  île  d'Afrique  in- 
habitée ,  quoique  fertile  ,  près  de  la  côte  de  Guinée. 
BULBE  ,  f.  t.  on  donne  ce  nom  en  Botanique  à  un 
oignon  ou  à  une  racine  ronde ,  compofée  de  plufieurs 
peaux  ou  tuniques  emboîtées  les  unes  dans  les  autres. 
Bulbeux  s'applique  à  une  plante  qui  participe  de  la 
nature  d'une  bulbe ,  d'un  oignon.   (A') 

Bulbe  ,  en  Anatomie ,  fe  dit  de  l'œil  &  d'une  ef- 
pecc  de  tumeur  naturelle  du  canal  del'urethie.  Foye^ 
Œil  6- Urethre. 


BULBO  -  CAVERNEUX ,  en  Anatomie ,  épithete 
de  deux  mufcles  de  la  verge,  qui  font  auffi  appelles 
accélérateurs.  Voye7  ACCÉLÉRATEUR. 

BULBOCODWM,  (  Hijl.  nat.  bot.  )  genre  dé 
plante  à  fleur  liliacée  ,  monopétale  ,  divifée  en  fix 
parties.  Le  piflil  de  celte  fleur  devient  dans  la  fuite 
un  fruit  oblong  ,  divifé  en  trois  cellules ,  &  rempli 
de  femences  arrondies.  Ajoutez  aux  caractères  de 
ce  genre ,  que  la  racine  eft  compofée  de  deux  tuber- 
cules qui  forment  une  forte  debec.Tournefort,Cbro/„ 
Injl.  rei  herb.  Foye^  PLANTE.    (  /  ) 

*BULBONAC  ,  f.  f.  (Hijt.  nat.  bot.  )  la  tige  de 
cette  plante  croît  à  la  hauteur  d'une  coudée  &  de- 
mie ,  ou  même  davantage  ;  cette  tige  eft  quelquefois 
de  la  groffeur  du  petit  doigt ,  bleue  ,  d'un  rouge  fon- 
cé ,  &  velue  ;  elle  a  la  feuille  de  l'ortie ,  mais  deux 
ou  trois  fois  plus  large ,  velue ,  dentelée  ,  tantôt  feu- 
le, tantôt  oppofée  ou  placée  à  la  divifion  des  bran- 
ches. Les  rameaux  font  chargés  de  fleurs  difpofées 
à  peu  près  comme  celles  du  chou,  purpurines  ,  de  la 
grandeur  de  celles  du  chou  ordinaire ,  plus  petites 
que  celles  du  leucoium  ,  quoiqu'elles  lui  reffemblent 
affez  à  d'autres  égards  ;  d'une  odeur  foible  ,  avec  un 
onglet  blanc.  Son  calice  eft  oblong  ;  il  en  fort  quatre 
étamines  verdâtres ,  avec  des  fommités  jaunes  ;  il  eft 
oblong  ,  rouge ,  &c  compofé  de  quatre  feuilles ,  dont 
deux  font  plus  petites  que  les  deux  autres  ;  fes  coffes 
font  larges  ,  rondes ,  plates,  &  les  lames  extérieures 
traverfées  des  deux  côtés  par  un  bord  de  couleur 
d'argent:  elles  ont  un  filament  à  leur  extrémité;  elles 
contiennnent  un  bout  de  femence  orbiculaire  &  pla- 
te. Sa  racine  eft  bulbeufe  ;  fa  graine ,  d'un  rouge  fon- 
cé ,  &  très-greffe  pour  une  plante  de  cette  efpece. 
La  féconde  année  fa  tige  fe  fane  ,  lorfque  la  graine 
eft  mûre.  Elle  eft  commune  en  Allemagne  &  en  Hon- 
grie. On  la  cultive  dans  nos  jardins. 

On  fait  ufage  de  fa  racine  &  de  fa  femence.  Sa  fe- 
mence eft  chaude  au  goût,  amere,&  aromatique. 
On  mange  fes  racines  en  falade. 

BULGARES  ,  f.  m.  (  Hift.  eccléf.  )  hérétiques  qui 
fembloient  avoir  ramaffé  diverfes  erreurs  des  autres 
héréfies  pour  en  compofer  leur  croyance  ,  &  dont 
la  fedte  &c  le  nom  comprenoit  les  Patarins ,  les  Catha- 
res ,  les  Joviniens ,  les  Faudois  ,  les  Albigeois  ,  &  en- 
core d'autres  hérétiques.  Les  Bulgares  tiroient  leur 
origine  des  Manichéens ,  &  ils  avoient  emprunté 
leurs  erreurs  des  Orientaux  &  des  Grecs  leurs  voi- 
fins,  fous  l'empire  de  Bafile  le  Macédonien,  dans  le 
IXe  liecle.  Ce  mot  de  Bulgares  qui  n'étoit  qu'un  nom 
de  nation,  devint  en  ce  tems-là  un  nom  de  iecle,  &  ne 
fïgnina  pourtant  d'abord  que  ces  hérétiques  de  Bul- 
garie :  mais  enfuite  cette  même  hérélie  s'étant  répan- 
due en  plufieurs  endroits ,  quoiqu'avec  des  circonl- 
tances  qui  y  apportoient  de  la  diverfité  ,  le  nom  de 
Bulgares  devint  commun  à  tous  ceux  qui  en  furent 
infectés.  Les  Pétrobrufiens ,  difciples  de  Pierre  de 
Bruis ,  qui  fût  brûlé  à  S.  Gilles  en  Provence  ;  les  Fau- 
dois ,  fectatcurs  de  Yaldo  de  Lyon  ;  un  refte  même 
des  Manichéens  qui  s'étoient  long-tems  cachés  en  Fran- 
ce ;  les  Hcnrici.ns,  &  tels  autres  novateurs ,  qui  dans 
la  différence  de  leurs  dogmes  s'accordoient  tous  à 
combattre  l'autorité  de  l'Eglife  Romaine,  furent  con- 
damnés en  1 176  dans  un  concile  tenu  à  Lombez, 
dont  les  actes  fe  lifent  au  long  dans  Roger  de  Hove- 
den,hillorien  d'Angleterre  :  il  rapporte  les  dogmes  de 
ces  hérétiques,  quitenoient  entr'autres  erreurs  qu'il 
ne  fallait  croire  que  le  nouveau-Teftament  ;  que  le 
baptême  n'étoit  point  néceffaire  aux  petits  enfans  ; 
que  les  maris  qui  joûiffoient  de  leurs  femmes  ne  pou- 
voient  être  fauves  ;  que  les  prêtres  qui  menoient  une 
mauvaifc  vie  ne  confacroient  point  ;  qu"on  ne  de- 
voit  point  obéir  ni  aux  evèques,  ni  aux  autres  ec- 
cleiialliques  qui  ne  vivoient  pas  félon  les  canons; 
qu'il  n'étoit  point  permis  de  jurer  en  aucun  cas  ;  &C 


BUL 

fllielques  autres  articles  quin'étoient  pas  moins  per- 
nicieux. Ces  malheureux  ne  pouvant  lubrifier  lans 
union  &  fans  chef.i'e  firent  un  louverain  pontife  qu  ils 
appelèrent  pape ,  &  qu'ils  reconnurent  pour  leur 
premier  fiipérieur,  auquel  tous  les  autres  miniftres 
étoient  fournis  ;  &  ce  faux  pontife  établit  Ion  fiege 
dans  la  Bulgarie  ,  fur  lès  frontières  de  Hongrie  ,  de 
Croatie  ,  de  Dalmatie  ,  oii  les  Albigeois  qui  étoient 
en  France  alloient  le  confulter  &  recevoir  lés  déci- 
dons. Reyner  ajoute  que  ce  pontife  prenoit  le  titre 
d'évêque ,  &  de  fils  aîné  de  l'églife  des  Bulgares.^ Ce 
fut  alors  que  ces  hérétiques  commencèrent  d'être 
nommés  tous  généralement  du  nom  commun  de  Bul- 
gares; nom  qui  fut  bientôt  corrompu  dans  la  langue 
Françoife  qu'on  parloit  alors  ;  car  au  lieu  de  Bulga- 
res ,  on  dit  d'abord  Bougares  &  Bougueres ,  dont  on  ht 
le  Latin  Bugari  &  Èugeri  ;  &  de-là  un  mot  très-falé 
en  notre  langue  ,  qu'on  trouve  dans  les  hiftoires  an- 
ciennes ,  appliqué  à  ces  hérétiques ,  entr'autres  dans 
une  hiftoire  de  France  rrtantifcrite  qui  fe  garde  dans 
la  bibliothèque  du  préfident  de  Mefmës ,  à  l'année 
1125 ,  &  dans  les  ordonnances  de  S.  Louis  ,  où  l'on 
voit  que  ces  hérétiques  étoient  brûlés  vifs  lorfqu'ils 
étoient  convaincus  de  leurs  erreurs.  Comme  ces  mi- 
férables  étoient  fort  adonnés  à  l'ufure ,  on  donna 
dans  la  fuite  le  nom  dont  on  lés  appelloit  à  tous  les 
ufuriers ,  comme  le  remarque  du  Cange.  Marca,  Hijl. 
de  Bearn.  La  Faille  ,  Annales  de  la  ville  de  Touloufe. 
Abrégé  de  l'ancienne  Hijl.  Du  Cange,  Glof.  Latin.(G) 
BULGARIE  ,  (  la  grande  )  Géog.  province  d'Alie 
dans  la  Tartarie  Ruffienne  ,  bornée  au  nord  par  le 
royaume  de  Cafan,  à  l'eft  par  la  Baskirie  ,  au  fud 
par  le  royaume  d'Aftracan ,  &  à  l'oueft  par  le  "Wol- 
ga.  La  capitale  eftBulgarouBelojer.  Ce  pays  efi  fou- 
rnis à  l'empire  Rufiien. 

Bulgarie  ,  (  la  petite  )  ou  le  royaume  de  Bulga- 
rie ,  Géog.  pavs  de  la  Turquie  en  Europe  ,  borné  au 
nord  par  le  Danube  &C  la  Valachie ,  à  l'orient  par  la 
rner  Noire ,  au  midi  par  la  Romanie  &  la  Macédoi- 
ne ,  &c  au  couchant  par  la  Servie.  Elle  efi  fous  la  do- 
mination des  Turcs.  La  capitale  efi  Sophie. 

BULGOLDA ,  (  Hijl.  nat.  )  c'efi  une  pierre  qtii 
(  au  rapport  de  Ferdinand  Lopez  dans/on  Hifloire  des 
Indes  )  fe  trouve  dans  la  tête  d'un  animal  de  même 
nom.  Les  Indiens  y  ont  beaucoup  de  foi ,  &  lui  attri- 
buent les  mêmes  vertus  qu'au  bézoar  :  ils  la  regar- 
dent comme  un  remède  fouverain  contre  toute  forte 
de  poifon.  On  la  dit  fort  rare.  Elle  efi:  de  la  grandeur 
d'une  noifette.  (— ) 

BULIMIE  ou  BOULIMIE,  f.  f.  {Médecine.)  faim 
canine  ,  appétit  extraordinaire  ,  accompagné  d'éva- 
noùifiement  &  de  froid  aux  extrémités  du  corps. 
Voye7^  Faim. 

Ce  mot  efi  tiré  du  Grec  Ç^ipU  ou  &\i/jloç  ,  formé 
de  Gvç ,  bœuf,  &c  de  Xi/xcç ,  faim  ;  ou ,  comme  d'autres 
l'expliquent  ,faim  afj'e-^  grande  pour  manger  un  boeuf  ; 
ce  qui  cependant  conviendroit  mieux  au  mot  Cxça.-)  U 
qu'à  CvKifûtt.  Suidas  &  Varron  donnent  à  ce  mot  une 
étymologie  qui  fcmble  plus  naturelle  ,  en  le  faitant 
venir  de  £5 ,  particule  dont  les  Grecs  fe  fervent  pour 
augmenter  ,  &c  de  XijjlI;  ,  faim  ;  car  ces  mots  Cl-^at; , 
un  grand  garçon  ,  fèx<rvy.oç  ,  une  groffe  figue  ,  montrent 
que  les  Grecs  fe  fervoient  de  la  particule  G. ,  jointe 
avec  les  mots  auxquels  ils  donnoient  une  fignification 
augmentative. 

Il  efi  parlé  dans  les  Tranfaclions  philofophiques  d'u- 
ne perfonne  malade  de  bulimie ,  qui  fut  guérie  en  ren- 
dant plufieurs  vers  de  la  longueur  &  de  l'épaifieur 
d'un  tuyau  de  pipe.  (A7) 

Il  paroît  par  plufieurs  expériences  que  la  préfence 
des  vers  efi  fouvent  la  caufe  de  la  bulimie. 

BULLA  ou  BULIA  (Géog.)  petite  rivière  de  Grè- 
ce dans  la  province  de  Livadie,  qui  fe  jette  dans  le 
golfe  de  Lepante, 


BUL 

BULLE  )  f.  f .  (  Hijl.  anc.  )  petite  boule  concave 
d'or,  d'argent,  ou  d'autres  métaux  ,  que  les  enfans 
des  Romains  portoient  au  cou  :  on  la  donnoit  aux  en- 
fans  de  qualité  en  même  tems  que  la  robe  prétexte 
ou  bordée  de  pourpre ,  &  ils  ne  la  quittoient  qu'en 
quittant  cette  robe  ,  c'eft-à-dire ,  à  l'âge  de  dix-fept 
ans.  Quoiqu'il  paroifle  confiant  par  le  témoignage  de 
tous  les  auteurs  qui 'il  n'y  avoit  que  les  enfans  des 
magiftrats  curules  qui  euifent  droit  de  porter  la  bulle 
d'or;  il  n'eft  pas  moins  certain  qu'ils  n'étoient  pas  les 
feuls  qui  la  portaflent  ;  ceux  à  qui  les  honneurs  du 
triomphe  étoient  décernés  prenoient  aufii  cet  orne- 
ment :  Bulla  ,  dit  Macrobe ,  geflamen  erat  triumphan- 
tium  ,  quam  in  triumpho  prœ  fe  gerebant  :  mais  cette 
bulle  étoit  d'un  plus  grand  volume  que  celle  des  en- 
fans. La  grande  veftale  &  les  dames  Romaines  en 
portoient  aufii  :  la  première  par  diftinftion  ;  les  au- 
tres comme  une  parure.  On  regardoit  encore  ces 
bulles  comme  de  ti  ès-puiflans  préfervatifs  contre  l'en- 
vie ,  &  contre  les  génies  malfaifans.  La  fuperftition 
n'avoit  guère  moins  de  part  que  la  vanité  dans  la 
coutume  d'attacher  ces  bulles  au  cou  des  enfans  des 
patriciens.  (G) 

Bulle  ,  (  Hijl.  anc.  &  mod.  )  ce  mot  défignoit  au- 
trefois le  fceau  attaché  à  un  infiniment  ou  charte 
quelconque  :  il  y  en  avoit  d'or ,  d'argent ,  de  cire  , 
&  de  plomb.  Les  empereurs  &  les  rois  ,  dans  les  af- 
faires de  grande  importance ,  fe  fervoient  de  fceaux 
d'or  ;  aujourd'hui  on  fe  fert  prefque  par-tout  de  ci- 
re :  mais  le  fceau  attaché  aux  conftitutions  des  papes 
efi  toujours  de  plomb.   (— ) 

Bulle  ,  (  Hijl.  eccléf.  &  Droit  canon.  )  expédition 
de  lettres  en  chancellerie  Romaine,fcellées  en  plomb, 
qui  répondent  aux  édits,  lettres-patentes ,  y&  pro- 
vifions  des  princes  féculiers. 

On  dérive  le  mot  de  bulle  de  bulla ,  un  fceau ,  & 
celui-ci  de  bulla ,  une  boule  ou  bouteille  ronde  qui 
fe  forme  dans  l'eau.  D'autres  le  dérivent  du  Grec 
CiX»,  Confeil.  Le  père  Pezron  prétend  qu'il  efi  tiré  du 
Celte  buil  ou  bul,  une  boule  ou  bouteille  qui  fe  for.- 
me  fur  l'eau. 

La  bulle  efi  la  troifieme  forte  de  referit  apoftoli- 
que  qui  efi  le  plus  en  ufage ,  tant  pour  les  affaires  de 
jufiiee  que  pour  les  affaires  de  grâce  :  elle  efi  écrite 
fur  parchemin,  à  la  différence  de  la  fignature  qui  efi: 
écrite  en  papier.  La  bulle  efi  proprement  une  figna- 
ture étendue ,  &  ce  qu'elle  contient  en  peu  de  pa- 
roles ,  la  bulle  l'étend  :  néanmoins  elle  ne  doit  pas 
être ,  quoiqu'étendue ,  plus  ample  que  la  fignature, 
fi  ce  n'eft  pour  les  claufes  qu'on  a  coutume  d'éten- 
dre félon  le  ftyle.  Voye{  Bref. 

Si  les  bulles  font  lettres  gracieufes  ,  le  plomb  eft 
pendant  en  lacs  de  foie  ;  &  fi  ce  font  des  lettres  de 
jufiiee  &  exécutoires ,  le  plomb  eft  pendant  à  une» 
cordelîe  de  chanvre:  elles  font  écrites  en  caractère 
rond  ou  gothique. 

La  bulle  en  la  forme  qu'elle  doit  être  expédiée  l 
fe  divife  en  quatre  parties  ,  qui  font  la  narration  du 
fait,  la  conception,  les  claufes  ,  &  la  date.  Dans  la 
falutation  le  pape  prend  la  qualité  <ïévéque,ferviteur 
des  ferviteurs  de  Dieu  ;  fervus  fervorum  Dei.  Voye^ 
Serviteur. 

La  bulle  n'eft  proprement  que  le  fceau  ou  le  plomb 
pendant  qui  donne  fon  nom  au  titre, parce  qu'il  lui  don- 
ne feul  autorité  ;  &  généralement  tout  referit  où  il  y 
a  du  plomb  pendant  s'appelle  bulle.  Ce  plomb  repré- 
fente  d'un  côté  les  têtes  de  S.  Pierre  à  droite  ,  &  de 
S.  Paul  à  gauche  ;  de  l'autre  côté  eft  écrit  le  nom 
du  pape  régnant ,  &  l'an  de  fon  pontificat.  Voyt^  Pon- 
tificat. 

Les  jubilés  s'oftroyent  par  bulles  :  on  ne  facre 
point  les  évêques  qu'ils  n'ayent  leurs  bulles.  En  Ef- 
pagne  on  expédie  des  bulles  pour  toutes  fortes  de  bé- 
néfices ;  mais  en  France  on  n'a  que  de  fimples  figna-. 


B  U  L 

(tires  en  papier  ,  à  la  referve  des  archevêchés ,  des 
abbayes ,  &  de  quelque  prieurés  conventuels.  Les 
bénéfices  dont  le  revenu  excède  vingt-quatre  ducats, 
ne  font  poflédés  que  i'ur  des  provilions  qui  s'expé- 
dient par  bulles  ,  &  non  pas  par  limples  fignatures  , 
fuivant  une  règle  de  la  chancellerie.  La  France  n'a 
point  voulu  fe  foûmettre  à  cette  règle  ;  &  à  l'excep- 
tion des  bénéfices  qui  font  taxés  dans  les  livres  de 
la  chambre  apoftolique  ,  elle  s'eft  confervée  dans  le 
droit  de  n'exprimer  le  revenu  du  bénéfice  qu'on  im- 
petre  qu'en  général  &  de  cette  manière  :  Cujus  & 
illi  for  fan  annexorum  fruclus  24.  ducatorum  auri  ,  de 
caméra  fecundum  communtm  etlimationem ,  valorem  an~ 
nuum  non  excedunt. 

Les  bulles  qui  viennent  de  Rome  en  France  ,  font 
limitées  &  modérées  félon  les  ufages  du  royaume  , 
avant  que  d'être  enregiftrées.  On  n'y  en  reçoit  aucu- 
nes ,  qu'après  avoir  bien  examiné  fi  elles  ne  contien- 
nent rien  de  contraire  aux  libertés  de  I'églife  Galli- 
cane. Il  fuffit  en  France  que  ces  mots  proprio  motu  , 
de  notre  propre  mouvement ,  fe  trouvent  dans  une 
bulle  ,  pour  la  rejetter  toute  entière. 

'  Les  Efpagnols  ne  reçoivent  pas  non  plus  aveuglé- 
ment les  bulles  des  papes  :  elles  font  examinées  dans 
le  confeil  du  roi  ;  &  fi  l'on  trouve  qu'il  y  ait  des  rai- 
fons  pour  ne  pas  les  mettre  en  exécution  ,  l'on  en 
donne  avis  au  pape  par  une  fupplique  ;  &c  par  ce 
moyen  ces  bulles  demeurent  fans  effet.  Cette  manière 
d'agir  avec  la  cour  de  Rome  eft  établie  dans  la  plu- 
part des  états  &  des  royaumes. 

Fulminer  des  bulles  ,  c'eft  en  faire  la  publication  ou 
vérification  par  l'un  des  trois  commillaires  auxquels 
elles  font  adreflees ,  foit  qu'il  foit  évêque  ou  officiai. 
*  On  s'oppofe  quelquefois  à  la  publication  des  bulles  ou 
des  referits  du  pape.  Mais  quand  il  s'y  trouve  de  l'a- 
bus ,  l'on  a  pour  lui  le  refpect  de  n'appcller  pas  direc- 
tement de  la  concefiion  de  la  bulle ,  on  interjette  fim- 
plement  appel  comme  d'abus  de  l'exécution  ou  ful- 
mination  de  la  bulle.  C'eft  un  expédient  pour  ne  point 
choquer  le  pape  ,  en  ne  fe  plaignant  que  de  la  procé- 
dure &  de  la  partie  qui  a  obtenu  la  bulle. 

Cependant  il  y  a  des  cas  importans ,  dans  lefquels 
on  appellerait  fans  détour  comme  d'abus  de  la  bulle 
du  pape  :  par  exemple  ,  s'il  prononçoit  l'excommu- 
nication contre  la  perfonne  du  roi  ;  s'il  entreprenoit 
fur  le  temporel  du  royaume  ;  s'il  difpofoit  des  béné- 
fices dont  la  nomination  appartient  au  roi  par  le  con- 
cordat, f^oyei  FULMINATION. 

Quand  le  pape  eft  mort ,  on  n'expédie  plus  de  bul- 
les durant  la  vacance  du  fiége ,  ëc  jufqu'à  l'élection 
du  fuccefleur  :  ainfi  pour  prévenir  les  abus  qui  pour- 
roient  fe  gliffer ,  auffi-tôt  que  le  pape  cil  mort ,  le 
Vice -chancelier  de  I'églife  Romaine  va  prendre  le 
fceau  des  bulles ,  puis  il  fait  effacer  en  préfence  de 
plufieurs  perfonnes  ,  le  nom  du  pape  qui  vient  de 
mourir  ;  il  couvre  d'un  linge  le  côté  où  font  les  têtes 
de  S.  Pierre  &  de  S.  Paul;  il  y  met  fon  fceau  ,  & 
donne  ce  fceau  des  bulles  ainfi  enveloppé  ,  au  camé- 
rier  pour  le  garder,  afin  qu'on  n'en  puiife  fceller  au- 
cune lettre. 

Bulle  in  cœnd  Domlnï  :  on  appelle  ainfi  une  bulle 
fameuie  ,  qui  fe  lit  publiquement  tous  les  ans  à  Rome 
le  jour  de  la  cène ,  c'eft-à-dire  le  jeudi-faint ,  par  un 
cardinal  diacre  ,  en  préfence  du  pape  ,  accompagné 
des  autres  cardinaux  &  des  évêques.  Elle  contient 
une  excommunication  contre  tous  les  hérétiques,  les 
contumaces  &  les  defobéiflans  au  faint  fiége.  Après 
la  lecture  de  cette  bulle ,  le  pape  jette  un  flambeau  al- 
lumé dans  la  place  publique,  pour  marque  d'anathè- 
mc.  Dans  la  bulle  du  pape  Paul  III.  de  l'an  1 536,  il 
en  énoncé  dès  le  commencement,  que  c'eft  une  an- 
cienne coutume  des  lbuverains  pontifes  ,  de  publier 
cette  excommunication  le  jour  du  jeudi-faint,  pour 
conferver  la  pureté  de  la  religion  Chrétienne,  pour 


B  U  L 


463 


entretenir  l'union  des  fidèles  :  mais  on  n'y  marque 
pas  l'origine  de  cette  cérémonie.  Les  principaux  chefs 
de  la  bulle  in  ccena  Domini  regardent  les  hérétiques 
&  leurs  fauteurs  ,  les  pirates  &  les  corfaires  ;  ceux 
qui  impofent  de  nouveaux  péages  ;  ceux  qui  faliifient 
les  bulles  &  les  autres  lettres  apoftoliques  ;  ceux  qui 
maltraitent  les  prélats  de  l'Eglife  ;  ceux  qui  troublent 
ou  veulent  reftraindre  la  juridiction  eccléfiaftique  , 
même  fous  prétexte  d'empêcher  quelques  violences , 
quoiqu'ils  foient  confeillers  ou  procureurs  généraux 
des  princes  féculiers  ,  foit  empereurs  ,  rois  ou  ducs  ; 
ceux  qui  ufurpent  les  biens  de  l'Eglife ,  &c.  ce  qui  a 
donné  lieu  d'aceufer  cette  bulle  d'établir  indirecte- 
ment le  pouvoir  des  papes  fur  le  temporel  des  rois. 
Tous  ces  cas  y  font  déclarés  réfervés  ,  enforte  que 
nul  prêtre  n'en  puifîe  abfoudre ,  fi  ce  n'efl  à  l'article 
de  la  mort. 

Le  concile  de  Tours ,  en  1 5 10 ,  déclara  la  bulle  in 
ccena  Domini  infoûtenable  à  l'égard  de  la  France  ,  qui 
a  fouvent  protefté  contre  cette  bulle  en  ce  qui  regar- 
de les  droits  du  roi  &  les  libertés  de  I'églife  Gallica- 
ne. En  1 580 ,  quelques  évêques  pendant  le  tems  des 
vacations ,  tâchèrent  de  faire  recevoir  dans  leurs  dio- 
cefes  la  bulle  in  ccena  Domini.  Le  procureur  général 
s'en  étant  plaint,  le  parlement  ordpfcna  que  tous  les 
archevêques  &  évêques  qui  auraient  reçu  cette  bulle 
&  ne  l'auraient  pas  publiée ,  enflent  à  l'envoyer  à  la 
cour  :  que  ceux  qui  l'auraient  fait  publier  fuflent 
ajournés ,  &  cependant  leur  temporel  faifi  ;  &  que 
quiconque  s'oppoferoit  à  cet  arrêt ,  fût  réputé  rebelle 
&  criminel  de  lefe-majelté.  Mézer.  hifi.  de  France  , 
fous  le  règne  d'Henri  III.  (G) 

Bulle  d'or  ,  (  Hifl.  &  Jurifp.  )  on  donne  en  Alle- 
magne ce  nom  par  excellence  aune  pragmatique-fanc- 
tion  ou  conftitution  de  l'empereur  Charles  IV.  ap- 
prouvée par  la  diète  ou  l'aflémblée  générale  des  prin- 
ces &  états  de  l'Empire ,  qui  contient  les  fonctions , 
privilèges ,  &  prérogatives  des  électeurs ,  tant  ecclé- 
fiaftiqûes  que  féculiers  ,  &  toutes  les  formalités  qui 
doivent  s'obferver  à  l'élection  d'un  empereur.  Elle 
fut  faite  en  1 3  56  en  partie  à  Metz ,  &  en  partie  à  Nu- 
remberg. La  bulle  d'or  a  toujours  été  regardée  depuis 
ce  tems  comme  loi  fondamentale  de  l'Empire  :  elle  eft 
au  nombre  de  celles  que  les  empereurs  font  tenus 
d'obferver  par  la  capitulation  qu'on  leur  fait  jurer  à 
leur  couronnement.  Cette  conltitution  fut  faite  pour 
terminer  les  difputes ,  quelquefois  fanglantcs  ,  qui 
accompagnoient  autrefois  les  élections  des  empe- 
reurs ,  &  prévenir  pour  la  fuite  celles  qui  pourraient 
arriver  à  ce  fujet ,  &  empêcher  les  longs  interrègnes 
dont  l'empire  avoit  beaucoup  fouffert  auparavant» 
L'original  le  plus  authentique  de  la  bulle  d'or ,  fe  con- 
ferve  à  Francfort  fur  le  Mein  ;  &  c'eft  le  magiftrat  de 
cette  ville  qui  en  eft  le  dépofitaire.  On  a  un  refpect 
fi  fcrupuleux  pour  cet  exemplaire,  qu'en  1642  l'é- 
lecteur de  Mayence  eut  de  la  peine  à  obtenir  qu'on 
renouvellât  les  cordons  de  foie  prefque  ufés  ,  aux- 
quels le  fceau  de  la  bulle  d'or  eft  attaché  ;  &  il  n'eu 
vint  à-bout ,  qu'à  condition  que  la  choie  fe  pafleroit 
en  préfence  d'un  grand  nombre  de  témoins. 

Bulle  d'or  de  Bohème,  (Hifl.)  c'eft  un  privilè- 
ge accordé  en  1  348  au  roi  &  au  royaume  de  Bohè- 
me ,  par  l'empereur  Charles  IV.  Ce  prince  y  conlir- 
me  toutes  les  prérogatives  accordées  par  Frédéric  II. 
en  1 21 2.  à  Ottocare  ,  roi  de  Bohème. 

Bulle  d'or  du  Brabanc ,  {Hifl.  mod.  &  Jurifp.')  on 
nomme  ainfi  une  conltitution  de  l'empereur  Charles 
IV.  donnée  à  Aix-la-Chapelle  en  1 349  ,  par  laquelle 
ce  prince  accorde  aux  Brabançons  le  privilège  de  ne 
pouvoir  être  traduits  à  aucuns  tribunaux  étrangers 
ou  hors  de  leur  pays ,  ainfi  que  de  ne  pouvoir  point 
être  arrêtés  ailleurs  que  chez  eux ,  ni  pour  crimes ,  ni 
poui  dettes.  La  trop  grande  extenlion  de  ce  pi  ivilé- 


464 


B  U  N 


ge  remarquable  a  quelquefois  fait  murmurer  les  états 
de  l'Empire  leurs  voiiins.  (— ) 

Bulles  d'eau,  font  de  petites  boules  d'eau  dont 
l'intérieur  eft  rempli  d'air,  &  dont  la  formation  vient 
de  différentes  caufes.  Voy.  Bouteilles  d'eau.  (O) 

BULLERBORN ,  (Géog.  &  Hft.  nat.)  c'eft  le  nom 
d'une  fontaine  très-linguliere ,  qui  eft  clans  la  forêt 
de  Teuteberg  en  Weilphalie,  clans  l'évêché  de  Pa- 
derborn  :  on  dit  qu'elle  ne  coule  pas  toujours  ;  mais 
qu'après  avoir  coulé  pendant  une  heure  ,  elle  ceffe 
de  fournir  de  l'eau ,  &  qu'au  bout  de  trois  heures  elle 
recommence,  &  ainfi  de  fuite.  Avant  qu'elle  com- 
mence à  couler ,  on  prétend  qu'on  entend  un  bruit 
comme  d'un  vent  qui  voudrait  s'élever  ;  après  quoi 
l'eau  fort  avec  impétuolîté  &  bouillonnement.  On 
ne  manque  pas  de  raconter  bien  d'autres  merveilles 
de  cette  fontaine  dans  le  pays  ,  qui  ne  peuvent  trou- 
ver créance  que  chez  de  crédules  "SVeftphaliens. 

BULLETIN ,  f.  m.  terme  de  Police ,  eft  un  ordre 
que  donnent  des  échevins  ou  magiftrats  d'une  ville 
pour  le  logement  des  foldats. 

Ce  terme  fe  dit  aufli  des  certificats  de  fanté  ,  que 
donnent  les  magiftrats  en  tems  de  pefte  ,  à  ceux  qui 
veulent  palier  d'un  lieu  à  un  autre.   (  H  ) 

Bulletin,  CAfor.  )  c'eft  tin  écrit  en  parchemin 
que  les  comminaires  &  commis  des  claiTes  délivrent 
gratis  à  chaque  officier-marinier  &  matelot.  Il  con- 
tient leurs  fignaux  ,  leurs  privilèges  ,  &  les  années 
qu'ils  doivent  fervir. 

C'eft  auffi  un  billet  que  l'on  donne  pour  fervir  de 
certificat  qu'on  a  payé  les  droits  d'entrée  &  de  ior- 
tie:  il  eft  différent  de  l'acquit.   (Z) 

Bulletin  ,  (  Commerce.  )  eft  auffi  un  nom  qu'on  a 
donné  aux  billets  que  ceux  qui  avoient  des  comptes 
ouverts  dans  les  livres  de  la  banque  royale  de  Fran- 
ce ,  dévoient  envoyer  ou  porter  aux  teneurs  de  livres 
pour  s'y  faire  ou  créditer  ou  débiter.   (  G  ) 

BULLINGBROOK  ,  (Géog.)  ville  &  comté  d'An- 
gleterre dans  la  province  de  Lincoln.  Long.  ij.  zo 
lat.  53. 

BULLINGHAUSEN,  (Géog.  )  petite  ville  d'Alle- 
magne dans  le  duché  de  Franconie ,  dans  le  comté  de 
Caïtell. 

BULLOQUES,  (les  )  ou  BULLOITES  ,  Géog. 
peuples  d'Alie  ,  partie  dans  la  Perle  ôc  partie  dans 
l'Indoftan  ,  qui  eft  fort  peu  connu. 

BULLOS  ou  BOL ,  (  Géog.  )  petite  ville  avec  un 
château  en  SuifTe,  au  canton  de  Fribourg. 

BUMICILI ,  f.  m.  (  Hft.  mod.  )  nom  d'une  feue 
Mahoméîane  en  Afrique.  Les  Bumicilis  font  grands 
forciers.  Ils  combattent  contre  le  diable ,  à  ce  qu'ils 
difent ,  &  courent  meurtris  ,  couverts  de  coups ,  & 
tout  effrayés.  Souvent  en  plein  midi  ils  contrefont 
un  combat  en  préience  de  tout  le  monde  l'efpace 
de  deux  ou  trois  heures ,  avec  des  javelots  ou  za- 
gaies  ,  jufqu'à  ce  qu'ils  tombent  de  laffitude.  Mais 
après  s'être  repofés  un  moment  ,  ils  reprennent 
leurs  efprits ,  &  fe  promènent. 

On  ne  fait  point  encore  quelle  eft  leur  règle,  mais 
on  les  tient  pour  fort  religieux.  (  G  ) 

BUNEA  ,  (Myth.)  épithete  de  Junon  :  elle  fut 
ainfi  appellée  de  Bunus ,  fils  de  Mercure. 

BUNGO ,  (  Géog.  )  ville  d'Afie  au  Japon  dans  un 
royaume  de  même  nom  ,  dont  elle  eft  capitale ,  près 
du  royaume  de  Bugen. 

BUNTZ  ,  (  Géog.  )  petite  rivière  de  la  Suifte  qui 
fe  jette  dans  l'Aar. 

BUNTZEL  ou  BUNTZLAU,  {Géog.)  Il  y  a  deux 
villes  en  Bohême  de  ce  nom  ;  l'ancienne  qui  eft  fur 
l'Elbe;  la  nouvelle  (c'eft  la  plus  confidérable)  eft 
fur  la  Gizare ,  à  huit  lieues  de  Lignitz.  Long.  33.  zS. 
lat.  Si.  1 2.  Il  y  en  a  outre  cela  encore  une  de  ce  nom 
en  Silène ,  dans  la  principauté  de  Jauer. 


B  U  P 

ËUONCONVENTO  ,  (  Géog.  )  bourg  d'Italie 
dans  le  Siennois  ,  fur  l'Ombrone. 

*  BUPHAGE  ,  (  Myth.)  furnom  qu'on  a  donné 
à  Hercule.  On  dit  que  fa  faim  étoit  fi  grande,  que 
les  Argonautes  craignant  qu'il  n'épuisât  leurs  pro- 
vifions ,  l'obligèrent  à  fortir  de  leur  vaiffeau  ;  Se 
qu'ayant  enlevé  des  bœufs  à  un  payfan  ,  il  en  dé- 
vora un  tout  entier  dans  un  feul  repas  :  auffi  lui  a- 
t-on  donné  trois  rangs  de  dents. 

*  BUPHONIES ,  (Myth.  )  fêtes  que  l'on  célébrait 
à  Athènes  en  l'honneur  de  Jupiter  Polien.  Onluiim- 
moloit  un  bœuf;  &  c'eft  de  là  que  les  fêtes  ont  pris 
le  nom  de  Buphonies. 

BUPTHALMUM  ou  ŒIL  DE  BŒUF ,  (  Jard.  ) 
plante  qui  fe  nomme  ainli  à  caufe  de  fa  reflemblance 
avec  l'œil  d'un  bœuf.  Ses  tiges  aflez  hautes  ,  ont  des 
feuilles  grandes ,  découpées  en  leurs  bords.  Ses  fleurs 
à  rainures  font  compofées  de  plulieurs  fleurons  jau- 
nes en  manière  de  gouttière  ;  &  à  leur  place  ,  il  nait 
un  fruit  qui  en  contient  la  graine. 

La  femence  &  les  racines  éclatées ,  font  les  deux 
moyens  de  multiplier  cette  fleur  qui  eft  vivace.  Elle 
vient  en  toute  forte  de  terre ,  &  le  plante  dans  les  par- 
terres ,  parmi  les  fleurs  de  la  grande  elpece.  On  la 
voit  fleurie  en  été.  (  K  ) 

BUPRESTE,  bupreflis,{.  f.  (Hift  nat.  Infeclol.) 
infeète  que  plufieurs  auteurs  ont  mis  dans  le  genre 
des  cantharides  ;  cependant  Ion  corps  eft  plus  allon- 
gé ;  les  enveloppes  des  ailes  font  d'un  verd  jaunâtre 
ou  doré  ;  les  pattes  font  plus  longues  ôc  plus  gref- 
fes ;  les  yeux  font  ronds  &  faillans  ;  il  a  deux  anten- 
nes longues  &  compolées  de  plufieurs  pièces  arti- 
culées ;  la  tête  eft  petite ,  la  bouche  eft  grande  ,  & 
les  levi  es  font  dures  &  fortes  ;  il  a  des  lerres  &  des 
dents  ,  au  moyen  dequoi  fa  morfure  eft  très-fenlible  ; 
le  ventre  eft  allongé.  Cet  infefte  attaque  les  feara- 
bées  &  les  léfards  ;  il  les  mord  fous  le  ventre ,  qui  eft 
l'endroit  le  plus  foible.  On  dit  qu'il  a  un  mauvais  goût 
qui  approche  de  celui  du  nitre.  On  prétend  que  la 
bupreftt  fait  enfler  le  bétail  qui  l'a  avallée  avec  l'her- 
be qu'il  paît  ;  c'eft  pourquoi  on  l'a  nommée  vulgai- 
rement enfle-bœuf.  Voye{  Mouffet ,  Infect,  théat.  Voy. 
Cantharide,  Insecte.  (/) 

BURAGRAG,  (  Géog.  )  rivière  d'Afrique  au 
royaume  de  Fez ,  qui  prend  fa  fource  dans  les  monts 
Atlas  ,  &  fe  jette  dans  l'Océan  Atlantique. 

*  BURAIL ,  f.  m.  (  Commerce.  )  étoffe  de  foie  tra- 
mée ,  quelquefois  de  foie ,  plus  ordinairement  de  lai- 
ne ,  de  poil ,  de  fil ,  ou  de  coton.  Le  burail  dit  à  contre 
poil,  fe  monte  en  vingt-huit  buhots  ,  trente  portées, 
&  doit  avoir  un  pié  &  demi  de  roi  entre  deux  gardes, 
&  vingt-une  aune  &  demie  au  fortir  de  l'eftille.  Le 
burail  de  Zurich  eft  une  efpece  de  crépon.  Il  y  a  un 
grand  nombre  d'autres  burails  ,  diftingués  ou  par  les 
noms  de  lieux ,  ou  par  leur  façon. 

BURAIQUE,  voyrç  Baraicus. 

BURAMOS  (  les  )  ou  les  PAPAIS ,  Géog.  peuple 
d'Afrique  dans  la  Nigritie  :  ils  demeurent  autour  de 
la  rivière  de  Saint-Domingo.  Leur  pays  s'étend  juf- 
qu'à l'embouchure  du  Riogrande.  Cette  nation  eft 
idolâtre.  On  dit  que  dans  ce  pays  les  femmes,  pour 
s'empêcher  de  parler  ,  prennent  dans  leur  bouche 
une  gorgée  d'eau  qu'elles  gardent  la  moitié  d'une 
journée ,  fans  que  cela  les  empêche  de  travailler. 
Voye{  Dicl.  de  la  Martiniere. 

BURATTES,  (les)  Géog.  nation  barbare  & 
idolâtre  qui  occupe  une  partie  de  la  Sibérie.  Il  y  a 
une  forterefle  nommée  Buratte ,  qui  appartient  aux 
Ruffiens,  qui  y  tiennent  garnifon. 

*  BURBAS,  f.  m.  (Commerce.)  petite  monnoie 
Algérienne ,  qui  porte  des  deux  côtés  les  armes  du 
dey  :  elle  ne  vaut  °uere  que  la  moitié  d'un  afpre. 

BURBURATA"",  (  Géog.  )  île  de  l'Amérique  méri- 
dionale ,  fur  la  côte  de  la  province  de  Venezuela. 

EURCKEN* 


B  U  R 

BURCKEN,(C^.)  petite  ville  d'Allemagne  dans 
kBrifgau  ,  fur  le  Rhin  ,au-deffous  du  vieux  Brifach. 
BURCKERSDORFF,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Al- 
lemagne, à  peu  de  diftance  de  Vienne  en  Autriche. 
BURCZ  A  ou  BURCZLAND ,  (  Géog.  )  petit  pays 
de  la  Tranfdvanie  ,  fur  la  rivière  de  même  nom ,  aux 
frontières  de  la  Moldavie  &c  de  la  Valachie ,  fertile 
en  blé  &  en  vin. 

BURCHAUSEN,  (Géog.)  ville  d'Allemagne  dans 
la  baffe  Bavière ,  fur  la  rivière  de  Saltz ,  à  1 1  lieues 
de  Saltzbourg.  Long.  30.  z5.  Lu.  48.  5. 

BURD  ,  (  Géog.  )  petite  rivière  de  France  en  baffe 
Normandie ,  qui  traverfe  le  Cotentin ,  &  fe  jette  dans 
îa  mer. 

BURD  ALO ,  (  Géog.  )  rivière  d'Efpagne  dans  l'Ef- 
tramadure  de  Léon  :  elle  prend  fa  fource  dans  le  voi- 
finage  de  Truxillo,  &  fe  jette  dans  la  Guadiana. 

BURDUGNO  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  laMorée 
fur  le  Vaiïlipotamo. 

BURE ,  f.  f .  (  Commerce)  groffe  étoffe  de  laine ,  à 
poil  long  ,  croifée  ,  qui  fe  fabrique  fur  un  métier  à 
deux  marches  ,  avec  la  navette  ;  elle  a  une  aune  de 
large.  On  fait  fouvent  entrer  dans  le  filage  des  laines, 
dont  on  la  fabrique  ,  une  portion  de  bonne  tontiffe. 
Bures  ,  f.  f.  ou  m.  (Métallurgie)  c'eft  ainfi  qu'on 
appelle  les  puits  profonds  que  l'on  pratique  dans  une 
■mine.  On  en  fait  deux  ordinairement  à  la  fois ,  l'un 
pour  l'établiffement  des  pompes  à  épuifement;  l'au- 
tre pour  remonter  les  matières  &  donner  de  l'air.  On 
appelle  ces  derniers  bures  d'airage.  Les  bures  à  épui- 
fement fe  pratiquent  plus  profondes ,  afin  de  donner 
lieu  à  l'écoulement  facile  des  eaux.  Voye^  l'article 
Calamine.  Quand  on  ne  fait  qu'une  bure,  elle  doit 
£tre  affez  grande  ,  pour  que  les  eaux  puiffent  être 
pompées  d'un  côté ,  &  les  matières  remontées  de 
l'autre. 

BUREAU  ,  (en  termes  d'Aides  ou  de  Finances)  eft 
le  lieu  où  fe  font  les  recettes  ou  les  payemens. 

Bureau  ,  (  en  termes  de  Palais  )  eft  la  table  fur  la- 
quelle font  pofées  les  pièces  d'un  procès  par  écrit , 
par  le  confeiller  qui  le  rapporte.  V.  Rapporteur. 
Ce  terme  fe  dit  auffi  de  l'affemblée  ou  féance 
des  commiffaires  nommés  pour  Finftruction  &  le  ju- 
gement d'une  affaire.  Voye^  Commission. 

C'eft  auffi  un  terme  propre  pour  défigner  plufieurs 
îurifdiâions  ordinaires  ;  ainfi  l'on  dit ,  bureau  des  fi- 
nances. Voye{  l' article  fuivant. 

On  appelle  auffi  bureau  de  la  ville  ,  la  jurifdiduon 
du  prévôt  des  marchands  &  des  échevins.   ( H) 

Bureau  des  Finances,  (Jurij prudence)  c'eft  la 
jurifdi&ion  des  thréioriers  de  France ,  généraux  des 
finances ,  &  grands  voyers.  Ces  officiers ,  qui  font  de 
très-ancienne  création  ,  ont  fouvent  varié  pour  le 
nombre  ;  en  1 3  10 ,  il  n'y  avoit  qu'un  feul  thréforier 
de  France  ;  en  1577,  on  en  établit  trois  dans  chaque 
généralité ,  &  on  réunit  à  leurs  charges  celles  de  gé- 
néraux des  finances  ;  ce  qui  fit  le  nombre  de  cinq  en 
chaque  généralité  :  ils  furent  confidérablement  aug- 
mentés par  la  fuite.  Louis  XIII.  en  l'année  1626, 
réunit  à  leurs  charges ,  chacuns  dans  leurs  généra- 
lités ,  l'office  de  grand  voyer ,  qui  avoit  été  créé  en 
faveur  de  Maximilien  de  Bé thune ,  marquis  de  Rôni. 
En  1693  ,  Louis  XIV.  fupprima  la  chambre  du  thré- 
for ,  &  incorpora  cette  juridiction  à  la  leur.  On  voit 
par-là  que  ce  tribunal  a  changé  de  face  bien  des  fois , 
Jk  qu'il  feroit  trop  long  &  trop  difficile  de  fuivre  dans 
ces  différentes  époques ,  l'étendue  de  fes  fondions  &c 
de  Ion  pouvoir,  les  matières  de  la  compétence  &  la 
forme  de  fes  jugemens.  Voye^pour  cela  ,  GÉNÉRAL 
des  Finances  ,  ThrÉSORIER  de  France  ,  Ch  AMBRE  du 
Domaine  &  ThRESOR  ,  VOVER  ,  VoYERIE  ,  COM- 
MISSAIRE de  la  Voyerie. 

Les  membres  de  cette  compagnie  joùiffent  des  plus 
»,        ^eaux  privilèges  ;  ils  font  du  corps  des  cours  fupé- 
Tomc  II, 


B  U  R 


465 


rieures  dans  lefquellcs  ils  ont  ordinairement  féance 
avec  les  confeillers ,  &  voix  délibérative ,  dans  le  cas 
d'affaires  importantes  &  où  l'intérêt  public  exige 
leur  préfence.  Ils  font  commenfaux  de  la  mailon  du 
Roi ,  &  en  cette  qualité  joùiffent  de  toutes  les  préro- 
gatives des  officiers  de  laMajefté.  Ils  ont  la  nobleffe 
héréditaire,  l'exemption  des  droits  feigneuriaux  dans 
la  mouvance  du  Roi ,  &c.  ainft  que  les  officiers  des 
parlemens,  chambres  des  comptes,  &  autres  com- 
pagnies fupérieures. 

Aujourd'hui  le  bureau  des  finances  de  Paris  eft  com- 
pote d'un  premier  &  d'un  fécond  préfident  en  titre 
d'office,  de  quatre  préiîdens  d'ancienneté,  &  de  30 
autres  thréioriers  de  France,  d'un  avocat  du  roi,&: 
d'un  procureur  du  roi  qualifié  même  dans  quelques 
édits  &  lettres-patentes,  de  procureur  général ,  pour  le 
fervice  du  bureau  &  de  la  chambre  des  finances  ;  pareil- 
lement d'un  avocat  &  d'un  procureur  du  roi,  pour  le 
fervice  de  la  chambre  du  domaine  :  outre  cela  il  y  a 
quatre  commiffaires  généraux  de  la  voyerie,  des 
greffiers  &  des  huiffiers. 

L'édit  déjà  cité,  de  1693  ,  établit  ainfi  l'ordre  qui 
doit  être  obièrvé  dans  ce  tribunal  :  «  Voulons  qu'il 
»  y  foit  établi  deux  chambres ,  dans  l'une  defquelle» 
»  le  jugeront  les  affaires  concernant  nos  finances  , 
»  voyerie ,  &  autres  qui  ont  été  jufqu'à  prélent  de 
»  la  compétence  de  nofdits  thréioriers  de  France  ;  & 
»  dans  l'autre  toutes  les  affaires  concernant  nos  do- 
»  maines  de  l'étendue  de  notre  généralité  de  Paris  , 
»  l'enregiftrement  &  exécution  des  brevets  &  lettres 
»  de  dons  par  nous  accordés  ,  enfemble  des  lettres 
»  de  naturalité  &  de  légitimation  ,  &  autres  affaires 
»  qui  ont  été  jufqu'à  préfent  de  la  compétence  de 
»  notredite  chambre  du  thrélor.  Et  feront  lefdites 
»  deux  chambres  remplies  de  nombre  égal  defdits 
»  tréloriers  de  France  ,  lefquels  y  ferviront  alterna- 
»  tivement  &  par  femeftre  ;  &  feront  préfidées  ,  l'u- 
»  ne  par  le  premier ,  ôt  l'autre  par  le  fécond  préfi- 

»  dent ,  &c Entendons  que  tous  les  brevets 

»  de  dons  qui  feront  par  nous  accordés  de  nos  droits 
»  d'aubaine  ,  bâtardife  ,  déshérence  ,  confîfcation  , 
»  droits  feigneuriaux ,  &  autres  cafuels  dépendans  de 
»  notre  domaine ,  &  lettres-patentes  expédiées  iur 
»  iceux,  enfemble  toutes  lettres-patentes  de  natura- 
»  lité  &  légitimation,  foient  à  l'avenir  enregiftrées  en 
»  ladite  chambre  deftinée  aux  affaires  de  notre  do- 

»  maine Et  à  l'égard  des  lettres  de  nobleffe  , 

»  érections  ,  &  autres  femblables ,  l'enregiftrement 
»  en  fera  fait  en  la  chambre  deftinée  pour  les  affai- 
»  res  de  la  compétence  ordinaire  de  notredit  bureau , 
»  à  laquelle  appartiendra  pareillement  la  réception 
»  de  tous  les  officiers  d'éledions  ,  greniers  à  fel ,  re- 
»  ceveurs  généraux  des  finances ,  &  receveurs  des 
»  tailles  &  autres  officiers  de  l'étendue  de  notredite 
»  généralité ,  qui  ont  coutume  de  fe  faire  recevoir 

»  en  notredit  bureau Voulons  que  tous  nof- 

»  dits  thréforiers  de  France  foient  à  l'avenir  reçus  en 
»  notre  chambre  des  comptes  ainli  qu'ils  ont  accoû- 
»  fumé  ;  &  à  l'égard  des  deux  préfidens  &  de  nos 
»  avocats  &  procureurs,  ils  feront  tenus  en  outre  de 
»  fe  faire  recevoir  en  la  grand-chambre  de  notre 
»  parlement  de  Paris  ». 

Outre  ces  fondions  des  thréforiers  de  France,  dont 
parle  l'édit  que  nous  venons  de  rapporter ,  ils  con- 
noiffent  de  ce  qui  concerne  les  bâtimens  &  répara- 
tions du  Palais  à  Paris  ,  &  des  jurifdiftions  royales. 
La  levée  des  tailles  doit  être  faite  en  vertu  de  lettres- 
patentes  à  eux  adreffantes ,  après  qu'ils  ont  donné 
au  Roi  en  fon  confeil ,  le  département  qu'ils  en  ont 
fait  fur  les  élections ,  en  confequence  du  brevet  que 
fa  Majefté  leur  envoyé  tous  les  ans  à  cet  effet.  Com- 
me grands  voyers ,  les  ponts  &  chauffées ,  pavé  ,  & 
autres  ouvrages  publics  font  du  reffort  de  leur  jurif- 
diftion.  Il  y  a  pour  ces  derniers  objets  qui  deman-. 

Nna 


l66 


BUR 


dent  un  foin  vigilant  &  une  prompte  exécution , 
des  commiffions  du  confeil  toujours  remplies  par  des 
officiers  de  la  compagnie ,  qui  iont  chargés  de  le  don- 
ner les  mouvemens  néceil'aires ,  pour  y  entretenir  le 
bon  ordre,  &  faire  ce  que  le  bien  public  exige. 
Foyei  Ponts  &  Chaussées,  Pavé,  &c. 

Bureau  de  Commerce  ou  du  Commerce, 
eft  un  bureau  compofé  de  huit  perionnes  choilies  par 
fa  Majefïé ,  parmi  ceux  de  fon  confeil, qui  ont  le  plus 
d'expérience  en  fait  du  commerce.  Il  a  été  établi  par 
arrêt  du  il  Juin  1722 ,  à  la  place  du  confeil  de  com- 
merce. 

C'eil  à  ce  bureau  que  font  difeutées  &  examinées 
toutes  les  propofitions  &  mémoires  qui  y  font  pré- 
fentes  ;  enlemble  les  affaires  &  difficultés  qui  furvien- 
nent  concernant  le  commerce ,  tant  de  terre  que  de 
mer ,  au  dedans  &  au  dehors  du  royaume ,  &  ce  qui 
regarde  les  fabriques  &  manufactures.  Les  intendans 
du  commerce,  ainli  que  le  lieutenant  général  de  po- 
lice, &  les  députés  du  commerce,  &  quelques  fermiers 
généraux ,  affilient  au  bureau  du  commerce  qui  fe  tient 
tous  les  jeudis.  Voye^  Conseil  du  Commerce. 

Bureau  ,fe  dit  du  lieu  où  les  marchands  s'aifem- 
blent  pour  traiter  &c  délibérer  fur  les  affaires  qui  re- 
gardent leur  corps.  A  Paris ,  chacun  des  iix  corps  de 
marchands  a  fon  bureau  particulier:  mais  c'eft  dans 
celui  de  la  Draperie ,  comme  le  premier  corps ,  que 
lé  tiennent  les  aiîèmblées  générales  des  fix  corps. 

Bureau  ,  fe  dit  encore  d'un  endroit  établi  pour  la 
vente  6c  le  débit  de  certaines  marchandifes  de  ma- 
nufacture particulière ,  comme  le  bureau  des  cuirs  de 
Hongrie  ,  le  bureau  des  maroquins  ,  &C.  Les  cor- 
royeurs ,  tanneurs  ,  mégiffiers ,  cordonniers  ,  appel- 
lent petit  bureau  ,  le  bureau  des  vendeurs  de  cuir. 

Bureau  ,  fe  dit  auffi  des  lieux  dellinés  pour  la  per- 
ception des  droits  établis  fur  les  marchandifes ,  pour 
l'entrée  &  la  fortie  du  royaume ,  &  les  provinces  ré- 
putées étrangères.  On  dit  le  bureau  de  la  douanne  de 
Paris  ,  le  bureau  des  traites  d' Ingrande ,  le  bureau  de  la. 
romaine  de  Rouen,  le  bureau  de  la  connétablie  ou  comp- 
tablie  de  Bordeaux ,  &C.  Il  y  a  des  bureaux  généraux,  des 
bureaux  particuliers  ,  des  bureaux  de  recette  ,  des  bureaux 
de  conferve,  &C. 

Bureau  de  la  banque  royale,  c'étoit  le  nom  que 
l'on  donnoit  en  France  à  tous  les  lieux  dans  lefquels 
fe  faifoient  en  1719  ôv  1720 ,  les  diverfes  opérations 
de  cette  banque.  Outre  le  bureau  de  Paris ,  qui  étoit  le 
principal  de  tous  ,  &  qui  occupoit  le  palais  Mazarin, 
l'hôtel  de  Nevers  ,  &c.  cette  banque  avoit  encore 
fes  bureaux  dans  toutes  les  villes  du  royaume  où  il 
y  adeshôtelsdemonnoie.  Voye^  Banque  royale. 

Bureau  des  congés.  Voye^  Congé. 

Bureau  des  ckartrons.  Voye-^  Chartrons.  (  G) 

B  U  R  E  B  A ,  (  Géog  )  contrée  d'Efpagne ,  dans  la 
vieille  Caltille  ;  fa  principale  ville  eiï  Birviefca. 

BURELE ,  f.  f.  en  terme  de  Blafon ,  elt  une  fafee  de 
huit  pièces  ou  plus. 

BURELÉ  ,  adj.  en  terme  de  Blafon,  fe  dit  de  l'écu 
rempli  de  longue  lifîé  de  flanc  à  flanc  jufqu'au  nom- 
bre de  dix,  douze  au  plus,  à  nombre  égal ,  &  de  deux 
émaux  difFérens.  Torafy ,  burelé  d'argent  &  d'azur  à 
la  bande  de  gueules ,  brochant  fur  le  tout.  (V ) 

BURELLA,  (  Géog.  )  petite  ville  du  royaume  de 
Naples ,  dans  l'Abruzze ,  près  de  la  rivière  de  Sangro. 

BUREN,  {Géog.  )  ville  &  comté  des  Provinces- 
Unies,  dans  la  Gueldres,  au  quartier  deBehrwe, 
appartenant  à  la  maifon  d'Orange. 

Buren  ,  {Géog.)  petite  ville  d'Allemagne ,  au  cer- 
cle de  Weftphahe ,  dans  l'évêché  de  Paderborn ,  fur 
la  rivière  d'Alme. 

Buren,  (Géog.)  petite  ville  de  SuifTe,  au  canton 
de  Berne,  fur  l'Aar. 

BUR  G  ,  {Géog.)  ville  des  ProYincesr-Unies ,  au 
«omté  de  Zutphen,  fur  l'iûcl. 


BUR 

*  BURGAUT  ou  BURGAUX ,  (  Hifi.  nat.)  lima» 
çon  de  mer ,  dont  la  chair ,  quoique  dure ,  ne  laifls 
pas  d'avoir  un  affez  bon  goût  ;  la  coquille  qui  le  ren» 
ferme,  eft  à  peu-près  de  la  groffeur  du  poing;  elle 
elt  argentée  par  dedans  ,  &  couverte  en  dehors  d'un 
tartre  brut  ou  fédiment  marin  de  couleur  grife ,  le- 
quel une  fois  enlevé ,  lailfe  voir  au-dellous  une  cou- 
leur de  nacre  de  perle  très-éclatante  :  on  trouve  cet- 
te coquille  dans  toutes  les  îles  de  l'Amérique.  Elle  en- 
tre dans  beaucoup  d'ouvrages  de  bijouterie,  comme 
tabatières,  boîtes,  &c. 

BURGAU,  (le)  Géog.  Margraviat  d'Allemagne, 
en  Souabe  ,  fur  le  Danube ,  entre  le  Lech  &  Plier  , 
appartenant  à  la  maifon  d'Autriche.  La  capitale  por- 
te le  même  nom  ;  elle  elt  fîtuée  fur  le  Minden ,  à  qua- 
tre milles  d'Illon.  Long.  z8.  6.  lat.48.  z8. 

BURGDORFF ,  {Géog.)  petite  &  jolie  ville  d'Al- 
lemagne ,  dans  le  duché  de  Lunebourg  ,  fur  la  petite 
rivière  d'Owe,  entre  Zelle  &  Hanovie. 

Burgdorff,  {Géog.)  petite  ville  avec  château  , 
en  Suilîe,  dans  le  canton  de  Berne.  Long.  z5.  10-  la/. 
4j.  6. 

B  U  R  G  E  L ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Allemagne  i 
dans  la  Mifhie. 

BURGGRAVE,  {.m.  {Hifi.  mod. )  ce  mot  eft 
compofé  de  deux  mots  Allemands,  burg ,  ville ,  for- 
terefie ,  château  ,  &  de  graffou  grave  qui  lignifie  comte. 
On  appelloit  ainfi  autrefois  en  Allemagne  des  offi- 
ciers ,  à  qui  les  Empereurs  avoient  confié  la  défenfe 
d'une  ville  ou  d'un  château  ;  ces  Burgraves  n'étoient 
pas  toujours  fur  le  même  pié ,  il  y  en  avoit  qui  rem- 
plilfoient  certaines  fondions  de  magiftrature  ;  d'au- 
tres rendoient  la  juftice  en  matière  criminelle  :  d'au- 
tres enfin  fe  mêloient  auffi  du  civil  au  nom  de  l'em- 
pereur ou  de  ceux  qui  les  avoient  établis.  Par  la  fuite 
l'office  de  burggrave  eft  devenu  héréditaire ,  &c  mê- 
me ceux  qui  en  étoient  revêtus  fe  font  rendus  pour 
la  plupart  fouverains  des  villes  dont  ils  n'étoient  au- 
paravant que  les  gardiens.  Aujourd'hui  ceux  qui  por- 
tent ce  titre  dans  l'Empire  ,  reçoivent  de  l'empereur 
l'inveltiture  féodale  des  villes  ou  châteaux  dont  ils 
font  burggraves.  Il  y  en  a  aujourd'hui  quatre  en  Alle- 
magne qui  ont  le  titre  de  princes  de  l'Empire ,  fa- 
voir  les  burggraves  de  Magdebourg,  de  Nuremberg  , 
deStromberg,  &.  de  Reineck.  La  maifon  de  Brande- 
bourg delcend  des  anciens  burggraves  de  Nuremberg  , 
&  en  porte  encore  le  titre.  Elle  prétend  en  cette  qua- 
lité avoir  des  droits  fur  cette  ville  ,  que  le  magiltrat 
lui  contelte.  La  ville  de  Nimegue  dans  la  Gueldre 
Hollandoife  a  auffi  un  burggrave.  {—) 

BURGGRAVIAT,  {Hifi.  modj  on  donne  ce  nom 
à  l'étendue  de  la  jurifdiftion  d'un  burggrave.  V.  ce  mot. 

BURGHELLI ,  (  Hifi.  mod.  )  on  donne  ce  nom  à 
des  petites  barques  dont  on  fe  fert  à  Venife  pour  aller 
prendre  l'air  en  mer  ;  elles  ont  une  falle  oii  il  peut 
tenir  une  compagnie  de  dix  à  douze  perfonnes:  on 
les  nomme  auffi  petits  bucentaures.  {—) 

BURGHUHN,  {Géog.)  petite  ville  d'Allemagne,' 
dans  le  territoire  de  Buchau  en  HefTe ,  fur  la  rivière 
de  Huhn. 

BURGIAN,  {Géog.)  ville  confidérable  d'Afie,  en" 
Perfe ,  dans  le  Koraffan,  près  du  lac  de  même  nom. 

BURGLANGENFELD ,  {Géog.)  petite  ville  forte 
d'Allemagne ,  dans  le  duché  de  Neubourg ,  entre  An> 
berg  &  Ratisbonne ,  fur  la  Nabe. 

BURGLEHN,  {Hifi.  mod.)  l'on  nommoit  ainfî au- 
trefois en  Allemagne  une  forte  de  ligne  défenfivô 
entre  deux  familles,  qui  devoit  avoir  lieu  non-feu- 
lement entre  les  parties  existantes ,  mais  auffi  entre 
leurs  héritiers  &  defeendans  à  perpétuité  ;  &  en  ver- 
tu de  laquelle  l'une  des  deux  familles  venant  à  s'é- 
teindre ,  l'autre  devoit  lui  fuccéder  dans  tous  fes 
biens,  droits  &  prérogatives. 

BURGMANN,  {Hifi.  mod.)  c'eft  le  nom  qu'on 


BUR 

donne  en  Allemagne  dans  les  deux  villes  de  Fridberg 
&c  de  Grfnhauièn ,  aux  conseillers  de  ville  :  pour  être 
admis  parmi  eux,  il  faut  faire  preuve  de  nobleffe  ; 
les  princes  &  les  comtes  en  font  néanmoins  exclus  ; 
ce  font  ces  confeillers  qui  élifent  le  burggrave ,  qui 
relevé  immédiatement  de  l'empereur.  (— ) 

BURGO  ou  BURGOW,  (Géog.)  petite  ville  d'Al- 
lemagne ,  dans  le  comté  de  Tirol ,  fur  la  route  de 
Trente  à  Venife. 

BURGOS,  (Géog.)  ville  d'Efpagne,  capitale  delà 
Caftille  vieille ,  fur  une  montagne.  Lon.  14.  zo.  lat. 
42.  20. 

BURGSTADTEL,  (Géog.)  petite  ville  d'Allema- 
gne, en  Mifnie. 

BURG-UMSTADT ,  (Géog.)  petite  ville  d'Alle- 
magne, en  Franconie  ,  dans  l'évêché  de  Bamberg. 

BURIA,  (Hifl.  nat.)  c'eft  le  nom  que  les  habitans 
de  la  Carinthie  donnent  à  un  vent  d'eft  très- violent, 
aux  ravages  duquel  ils  font  quelquefois  expofés.  Ce 
vent,  lorlqu'il  fe  levé,  eft  capable  de  renverfer  tout 
ce  qu'il  rencontre  ,  &  de  mettre  en  danger  de  la  vie 
les  voyageurs  qu'il  furprend  ,  en  les  emportant  eux 
&  leurs  montures:  lorlqu'il  règne,  perforfne  ne  peut 
aller  de  Senofeth  à  Triefte.  (— ) 

BURICK,  (Géog.)  petite  ville  d'Allemagne,  au 
cercle  de  Weftphalie  ,  dans  le  duché  de  Cleves,  ap- 
partenant au  roi  de  Prude.  Lon.24.  20.  lat. Si.  J8- 
BURIN,  eft  un  infiniment  d'acier,  dont  on  fe  fert 
pour  graver  fur  les  métaux  ;  les  burins  doivent  être 
faits  avec  l'acier  le  plus  pur ,  &  le  meilleur  d'Alle- 
magne ou  d'Angleterre  :  fa  bonté  conlifte  en  ce  que 
le  grain  en  foit  fin  &  de  couleur  de  cendre  ;  elle  dé- 
pend aufli  beaucoup  de  la  trempe.  Quant  à  la  forme 
du  burin ,  il  eft  comme  inutile  d'en  parler ,  chacun 
les  prenant  à  fa  volonté.  Les  uns  les  veulent  fort  lo- 
fanges ,  les  autres  tout-à-fait  quarrés  :  il  y  en  a  qui 
les  aiguifent  extrêmement  déliés,  &  d'autres  gros  & 
courts.  Pour  moi ,  je  crois  qu'il  eft  bon  qu'un  burin  foit 
d'une  bonne  longueur ,  comme  à  peu  près  de  cinq  à 
fix  pouces  ;  que  fa  forme  foit  entre  le  lolange  &  le 
quarré  ;  qu'il  foit  aflèz  délié  par  le  bout ,  mais  que 
cela  ne  vienne  pas  de  loin ,  afin  qu'il  conlerve  du 
corps  pour  pouvoir  réfifter  fuivant  les  néceftités  de 
l'ouvrage  ;  car  s'il  eft  trop  délié  Si  atîûté  de  loin,  il 
ployé,  ce  qui  le  fait  cafter,  à  moins  que  ce  ne  foit 
pour  de  très-petits  ouvrages.  Le  Graveur  doit  avoir 
foin  que  le  ventre  de  fon  burin  ibit  aiguilé  fort  à  plat , 
ce  qu'il  coupe  parfaitement ,  le  taifant  lever  un  peu 
vers  l'extrémité  de  fa  pointe,  pour  le  dégager  plus 
facilement  du  cuivre  ;  il  doit  être  aufti  averti  de  ne 
graver  jamais  avec  un  burin  dont  la  pointe  foit  émouf- 
fée,  s'il  veut  que  la  gravure  foit  vive ,  autrement  elle 
ne  fera  qu'égratignee.  On  l'emmanche  dans  un  petit 
morceau  de  bois,  de  buis,  d'os,  &c.  f^oye^  PL  II.  de 
Gravure ,  fig.  J  0 . 

Le  burin  eft  aufïï  d'un  grand  ufage  parmi  les  Orfè- 
vres, les  Horlogers,  les  Armuriers,  les  Serruriers, 
&c.  f^oye^  les  Planches  de  ces  arts. 

On  fe  fert  du  burin  en  le  tenant  avec  la  main ,  en- 
forte  que  la  partie  convexe  A  du  manche  foit  dans 
le  creux  de  la  main  ,•  &  la  partie  applatie  vers  la  plan- 
che ,  le  doigt  indice  fur  le  dos,  qui  eft  l'arrête  oppo- 
fée  à  la  pointe,  le  burin  prefque  couché  fur  la  plan- 
che ,  ainli  qu'on  peut  le  voir  dans  \njig.  14.  PL  I.  de 
Gravure,  où  une  main  paroît  travailler.  Le  chiffre  2. 
marque  la  planche;  le  chiffre  3.  le  coufLnet ( voyeç 
Coussinet)  fur  lequel  elle  eft  pofée. 

BURIN,  c' 'eft  en  Serrurerie ,  une  efpece  de  cifeau  à 
deux  bifeaux,  qui  fert  à  coupei  le  1er  à  froid.  Il  y 
en  a  en  bec  d'àne,  en  grain  d'orge,  à  gouge,  &c. 

BURITACA  ,  (Géog  )  contrée  de  l'Amérique  mé- 
ridionale, au  gouvernement  de  Sainte-Marthe. 

BURLESQUE,  adj.  qui  fe  prend  quelquefois  fubf- 
tantivement,  (Beltes-lett.)  lorte  de  poulie  triviale  &C 
Tome  II, 


BUR 


467 


plaifante  ,  qu'on  employé  pour  jetter  du  ridicule  fui? 
les  choies  &  fur  les  personnes.  Foye^  Traa'ESTi. 

La  poëfie  burlefque  paroît  être  moderne ,  auffi-bien 
que  le  nom  qu'on  a  donné  à  ce  genre  fingulier.  Le  P. 
Vavafleur,  Jéfuite,  dans  un  traité  qu'il  a  donné  fur 
cette  matière ,  intitulé  de  ludierd diclione ,  afïïire  que  le 
burlefque  étoît  entièrement  inconnu  aux  anciens.  Ce- 
pendant quelques  auteurs  parlent  d'un  certain  Rain- 
tovius,  qui  du  tems  de  Ptolémée  La«us  traveftit  en 
burlefque  quelques  tragédies  Greques  :  mais  ce  fait ,  * 
s'il  eft  confiant ,  prouve  plutôt  l'antiquité  de  la  farce 
que  celle  du  burlefque.  D'autres  ,  qui  veulent  qu'on 
trouve  dans  l'antiquité  des  traces  de  tous  les  genres  , 
même  les  moins  parfaits,  font  remonter  l'origine  du 
burlejque]u{quà  Homère  ,  dont  la  batrachomyomachie% 
difcnt-ils,  n'efl  compofée  que  de  lambeaux  de  l'Iliade 
&  de  rOdyffêe  traveftis  &  tournés  en  ridicule ,  par 
l'application  qu'ony  fait  de  ce  qu'il  a  dit  des  combats 
des  héros  à  la  guerre  des  rats  6c  des  grenouilles,  Foy* 
Batrachomyomachie. 

On  regarde  pourtant  les  Italiens  comme  les  vrais 
inventeurs  du  burlefque.  Le  premier  d'entr'eux  qui  fe 
fignala  en  ce  genre  fut  Bernia,  imité  par  Lalli  Capo- 
rali,  &c.  D'Italie ,  le  burlefque  paffa  en  France,  où 
il  devint  tellement  à  la  mode,  qu'il  parut  en  1649  un 
livre  fous  le  titre  de  la  Paffion  de  Notre-Seigneur  en  vers 
burlefques.  En  vain  a-t-on  voulu  l'introduire  en  An- 
gleterre; le  flegme  de  la  nation  n'a  jamais  pu  goûter 
cette  extravagance ,  &c  à  peine  compte-t-on  deux  au- 
teurs qui  y  ayent  réitffi. 

Boileau ,  dans  fon  Art  poétique ,  a  frondé  le  bur- 
lefque ,  dont  il  avoit  pu  voir  le  règne ,  qu'il  attribue 
à  la  nouveauté. 

«  Il  femble ,  dit  à  cette  occafion  un  auteur  qui  a 
»  écrit  depuis  peu  fur  la  poëfve,  que  la  première  au- 
»  rore'du  bon  goût  ne  dût  luire  qu'à  travers  les  nua- 
»  ges  ténébreux  que  le  mauvais  goût  s'e^brçoit  de 
»  luioppofer.  En  effet,  rien  étoit-ilplus  contraire  au 
»  bon  l'ens  &  à  la  nature ,  qu'un  ftyle  qui  choquoit 
»  directement  l'un  &  l'autre,  &  dont  les  termes  bas, 
»  les  expreffioris  triviales,  les  imaginations  ridicules, 
»  formoient  les  prétendues  grâces ,  fans  parler  du  mé- 
»  pris  que  f  es  partitans  faifoient  des  biemeances  ?  On 
»  a  peine  à  comprendre  comment  une  nation  qui  les 
»  connoît  &  qui  les  oblerve  fi  exactement  aujour- 
»  d'hui ,  les  négligeoit  c*c  le  faiîoit  en  quelque  forte 
»  honneur  de  les'vioier ,  il  n'y  a  pas  cent  a  is.  Quoi- 
»  que  l'Académie  Françoife  eût  été  établie  parle  car- 
»  dinal  de  Richelieu ,  pour  ramener  6c  fixer  le  bon 
»  goût,  quelques  membres  de  cette  compagnie,  tels 
»  que  Voiture,  Benferade,  &c.  étoient  encore  par- 
»  tifans  du  burlefque. 

»  Il  eft  cependant  croyable,  àjoûte-t-il,  èv  il  faut 
»  le  dire  pour  l'honneur  de  notre  nation,  que  ce  gen- 
»  re  fi  juftement  méprifé  doit  fon  origine  à  une  erreur 
»  par  laquelle  ceux  qui  ont  donné  dans  le  burlefque , 
»  ont  été  entraînés  infenfiblement  &  comme  parde- 
»  grès,  ne  diflinguant  pas  aflez  le  neuf  du  plat  &  dx 
..  houfon,  comme  l'infiniie M.  Delpreaux.  En  confé- 
»  quence  on  a  d'abord  employé  le  burlefque  à  décri- 
»  re  des  aventures  ordinaires,  comme  ayant  plus 
»  d'aifance  &  plus  de  (implicite  que  le  ftyle  noble 
»  affecté  aux  grands  fujets.  On  l'a  donc  confondu 
>>  a\  ec  le  il\  le  naïf  qui  embellit  les  plus  (impies  ba- 
»  gatelles.  La  facilité  apparente  de  celui-ci  a  feduit 
»  ceux  qui  s'y  font  attachés  les  premiers:  mais  elle 
>•  a  bientôt  dégénéré  en  négligence;  celle-ci  a  en- 
»  traîné  la  baiTelTe,  &  la  bafleffe  a  produit  lalicen- 
»  ce.  Cette  conjecture  ell  fondée  :  1"  fur  ce  que  la 
»  plus  grande  partie  des  vers  burlefques  de  ce  rems-là 
»  conlifte  en  récits:  i°  fur  ce  que  des  auteurs  con- 
»  temporains ,  tels  que  Balzac,  ont  confondu  ces 
»  deux  genres,  néanmoins  li  différens.  Abufés  par 
»  la  facilité  d'un  ftyle  bas,  ils  fe  font  persuadés  faut 

N  nn  ij 


468 


BUS 


»  fement  qu'ils  avoient  trouve  l'art  d'écrire  avec 
»  cette  molle  aifance ,  avec  ce  badinage  délicat  dans 
»  lequel  Marot  a  excellé».  Voyt{  Marotique. 
Princip.  pour  la  lect.  des  Poet.  tom.  I. 

Tout  le  monde  fait  que  Scarron  a  mis  l'Enéide  en 
vers  buriefques ,  fous  le  titre  de  Virgile  travejli,  & 
d'AfTouci  les  Métamorphofes  en  même  ftyle ,  fous 
celui  à* Ovide  en  belle  humeur;  &  que  ces  ouvrages 
font  aujourd'hui  aufïï  décriés  qu'ils  étoient  autrefois 
goûtés.  (G) 

BURONZO ,  (  Géog.  )  petite  ville  du  Piémont , 
dans  le  comté  de  Verceil ,  for  les  frontières  de  la 
principauté  de  Mafferano. 

BURRA  ,  (  Géog.  )  île  de  l'Océan ,  une  des  Orca- 
des  ;  elle  eft  très-fertile. 

BURRIANA,  {Géog.)  petite  ville  d'Efpagne,  au 
royaume  de  Valence  ,  fur  le  bord  de  la  mer. 

BURRO ,  (  Géog.  )  grande  île  d'Afie ,  dans  la  mer 
des  Indes ,  entre  l'île  d'Amboine  &  celle  des  Ce- 
lebes. 

BURSAL ,  adj.  (  terme  de  Palais.  )  qui  n'eft  en  ufa- 
ge  que  conjointement  avec  le  mot  édit.  Les  édits  bur- 
J'aux  font  ceux  qui  fous  apparence  de  règlement ,  ont 
pour  principal  objet  de  faire  rentrer  de  l'argent  au 
prince  ,  &C  dont  en  effet  il  confent  pour  l'ordinaire 
l'inexécution  moyennant  finance.  (  H) 

BUR-SALUM  ,  royaume  en  Afrique,  au  Nord  de 
la  rivière  de  Gambie  ,  &  qui  touche  à  la  côte  occi- 
dentale de  cette  partie  du  monde. 

BURSE  ,  PRUSE  ,  BOURSE ,  ou  BROUSSE  , 
(  Géog.  )  ville  de  la  Turquie,  en  Aiie  ,  dans  la  Na- 
tolie ,  étoit  autrefois  le  lieu  de  la  réfîdence  des  Sul- 
tans Ottomans  avant  la  prife  de  Conftantinople. 

BURSI ,  (  Géog.  )  petite  île  de  la  Grèce  ,  à  peu  de 
diftance  de  celle  de  Corfou. 

BURTENBACH ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Allema- 
gne ,  en  Souabe ,  fur  la  Mindel ,  entre  Augsbourg 

6  Ulm. 

BURY ,  (  S.  Edmunds  )  Géog.  petite  ville  d'An- 
gleterre, dans  la  province  de  Lancaftre  ,  fur  la  ri- 
vière d'Itwell.  Il  y  a  encore  une  autre  ville  de  ce 
nom  en  Angleterre ,  dans  la  province  de  Suffolk ,  à 

7  ou  8  milles  de  Newmarcket. 

BUS  ,  {Géog.)  île  de  l'Océan  feptentrional,  en- 
tre l'Iflande  &  Terre-neuve. 

BUSC  ,  f.  m.  {Architecl.  Hydraulique.  )  Le  bufe  eft 
une  afTemblage  de  charpente  compof é  d'un  feuil ,  des 
heurtoirs  contre  lefquels  s'appuient  les  bas  des  por- 
tes d'une  éclufe,  avec  un  poinçon  qui  joint  enfem- 
ble  le  feuil  avec  les  heurtoirs  &  quelques  liens  de 
bors  pour  entretenir  le  tout.  On  dit  une  porte  bufquée , 
quand  elle  eft  revêtue  de  cet  aflemblage  de  charpen- 
te ,  &  que  fes  venteaux  s'areboutent  réciproque- 
ment, s'ouvrent,  &  fe  ferment  à  volonté  pour  l'écou- 
lement des  eaux  &  le  paiTage  des  bateaux.  (  R  ) 

BUSC  A  ,  (  Géog.  )  petite  ville  du  Piémont ,  fur  la 
rivière  de  Macra,  autrefois  capitale  d'un  marquifat 
de  même  nom. 

BUSCH  ,  (  Géog.  )  petite  île  de  la  mer  du  Nord  , 
appartenante  à  la  province  de  Groningue. 

BUSE ,  BUSARD  ,  BUYSARD  ,  BOUSAN  ,  LA- 
NIER  ,  ou  BOUDRÉE  ,  buteo  vulgaris  ,  (Hijl.  nat. 
Ornith.  )  oifeau  de  la  groffeur  du  phaifan  ,  ou  d'une 
jeune  poule  ;  il  pefe  trente-deux  onces  ;  il  a  environ 
vingt  pouces  de  longueur  depuis  la  pointe  du  bec 
jufqu'à  l'extrémité  de  la  queue  ;  l'envergure  eft  de 
quatre  pies  &  plus  ;  la  tête  eft  grande  ,  &  le  fommet 
eft  fort  large  &  applati;  le  bec  cil  court ,  crochu  ,  & 
d'un  bleu  noirâtre;  la  partie fupérieurc  eft  recouver- 
te par  une  peau  jaune  ;  l'angle  de  la  bouche  eft  aufïï 
de  couleur  jaune  ;  la  bouche  eft  grande,  &  la  langue 
épaiîîe  &  charnue,  &  obtufe  comme  dans  les  autres 
oifeaux  de  ce  genre.  Quand  cet  oifeau  eft  en  colère, 
il  ouvre  le  bec ,  ôc  il  tient  pendant  quelque  teins 


BUS 

la  langue  avancée  jufqu'à  l'extrémité  du  bec  ;  l'em- 
preinte de  la  langue  eft  marquée  fur  le  p^iis  ;  les 
yeux  font  grands  ;  l'iris  eft  d'un  jaune  blanchâtre,  ou 
de  couleur  blanche  mêlée  d'un  peu  de  rouge,  ou  en- 
tièrement blanchâtre  ;  la  paupière  inférieure  eft  cou- 
verte de  duvet. 

Toute  la  face  fupérieure  de  cet  oifeau  eftrouflc  , 
ou  de  couleur  fauve  obfcure,  tirant  furie  noir,  ou 
plutôt,  comme  dit  Willughby ,  de  couleur  de  rouille 
mêlée  de  noir  ;  les  plumes  de  l'épaule  cv  celles  qui 
recouvrent  les  grandes  plumes  des  ailes,  ont  les  bords 
jaunâtres  &  les  tuyaux  noirs.  Il  y  a  quelques  oi- 
feaux de  cette  efpece  qui  ont  fur  les  grandes  plumes 
des  ailes  plufieurs  taches  blanches  difpofées  de  forte 
que  quand  on  étend  l'aile  ,  elles  forment  une  efpece 
de  ligne  blanche  ,  &  on  voit  aufïï  de  pareilles  taches 
fur  les  grandes  plumes  de  l'épaule  qui  s'étendent  fur 
le  dos  ;  toute  la  face  inférieure  eft  d'un  blanc  jaunâ- 
tre ;  la  gorge  &  le  cou  ont  des  bandes  oblongues  de 
couleur  brune ,  légèrement  teintes  de  jaune  ;  ces  ta- 
ches ne  font  pas  tranfverfales  ,  mais  elles  fuivent 
longitudinalement  le  tuyau  de  chaque  plume  ,  &l  s'é- 
tendent de  chaque  côté  ;  le  tuyau  eft  noir  fur  la  poi- 
trine &  fur  le  ventre  ;  il  y  a  plufieurs  taches  affez 
glandes  de  la  même  couleur ,  qui  font  iituées  dans 
la  même  direction  longitudinale  à  quelque  diftance 
les  unes  des  autres  fur  plufieurs  plumes  ;  mais  fur  le 
plus  grand  nombre,  il  y  a  une  ligne  de  la  même  cou- 
leur qui  va  d'une  tache  à  l'autre  ;  ces  mêmes  taches 
forment  des  bandes  irrégulieres  &  longitudinales  fur 
les  plumes  des  côtés  du  corps  &  fur  celles  des  cuif- 
fes  &  du  deflbus  de  l'aile  dont  le  fond  eft  de  la  même 
couleur  blanche  jaunâtre.  On  voit  entre  les  yeux-& 
les  narines  de  longs  poils  noirs  ;  il  n'y  a  point  de  plu- 
mes fur  le  milieu  du  dos ,  mais  feulement-  du  duvet  ; 
car  les  plumes  de  l'épaule  couvrent  le  dos  en  entier; 
il  y  a  vingt-quatre  grandes  plumes  dans  chaque  aile  ; 
l'extérieure  eft  courte  ;  la  troilieme  &c  la  quatrième 
font  les  plus  longues  ;  les  quatre  premières  ont  l'ex- 
trémité plus  noire  &  plus  étroite  que  les  autres  qui 
ont  la  pointe  de  couleur  blanchâtre  ;  elles  ont  toutes 
les  barbes  intérieures  marquées  par  des  bandes  tranf- 
verfales brunes ,  &  des  bandes  blanchâtres  qui  font 
parfemées  de  petites  taches  brunes  ;  la  face  inférieure 
des  ailes  eft  de  couleur  blanche  avec  des  bandes  noi- 
res tranfverfales  6c  parallèles  ,  à  l'exception  de  l'ex- 
trémité de  toutes  les  plumes  qui  eft  brune  ;  &  cette 
couleur  s'étend  jufqu'au  tiers  de  la  longueur  des  cinq 
premières  plumes.  Quand  les  ailes  font  pliées,  elles 
s'étendent  prefque  jufqu'au  bout  de  la  queue  qui  a  9 
ou  10  pouces  de  longueur;  elle  eft  composée  de 
douze  plumes ,  &  elle  n'eft  point  du  tout  fourchue  ; 
mais  les  dernières  plumes  font  moins  longues  que  les 
autres  ,  &  donnent  une  courbure  à  l'extrémité  de  la 
queue  ;  la  pointe  eft  de  couleur  cendrée  ,  blanchâ- 
tre ;  il  y  a  fur  le  refte  de  ces  plumes  plufieurs  ban- 
des tranfverfales  ,  dont  les  unes  font  de  couleur  cen- 
drée &  les  autres  brunes  ;  le  bas  de  la  plume  eft  blanc  ; 
les  cuifiés  font  longues ,  fortes ,  &  bien  mufelées  ; 
les  jambes  font  courtes  ,  fermes  ,  charnues  ,  6c  cou- 
vertes de  plumes  jufqu'au-defibus  de  l'articulation  ; 
les  jambes  &  les  pâtes  font  jaunes  &  couvertes  d'é- 
cailles  ;  le  doigt  extérieur  tient  au  doigt  du  milieu 
par  une  membrane  ;  les  ongles  font  longs,  forts,  & 
noirs  ;  l'ongle  du  doigt  extérieur  eft  le  plus  court,  &c 
celui  du  doigt  de  derrière  eft  le  plus  long.  La  bufe  le 
nourrit  de  rats  ,  de  taupes,  &  d'oifeaux  :  Willughby 
dit  qu'il  a  trouvé  un  oifeau  entier  dans  l'eftomac 
d'une  bufe  qu'il  avoit  diftequée ,  6c  une  grive  dans 
celui  d'un  autre.  Les  bufes  tuent  &  mangent  les  la- 
pins ;  &  faute  de  meilleure  nourriture  ,  elles  pren- 
nent des  fearabées,  des  vers  déterre  &  d'autres  infec- 
tes ,  &  même  l'excrément  des  vaches.  On  dit  que  ces 
oifeaux  ont  la  tête  de  couleur  cendrée  lorfqu'îls  font 


BUS 

âgés ,  &  que  les  plumes  du  dos  deviennent  blanchâ- 
tres. Aurefte,  foit  par  l'âge  ,  foit  par  le  fexe,  il  eft 
sûr  qu'on  trouve  des  variations  dans  ces  oifeaux  ; 
car  il  y  en  a  qui  n'ont  point  du  tout  de  taches  blan- 
ches ni  fur  la  tête  ,  ni  fur  le  dos  ,  ni  même  fous  les 
ailes ,  tandis  qu'il  y  en  a  qui  en  ont  en  grand  nombre. 
Les  œufs  de  la  bufe  font  blancs  Si  parièmés  de  quel- 
ques taches  affez  grandes ,  rouffâtres  ,  placées  fans 
ordre  ;  quelquefois  ils  font  blancs  ,  fans  aucune  ta- 
che :  on  a  cru  que  cet  oifeau  avoit  trois  tefticules  ; 
mais  cette  obfervation  n'a  pas  été  confirmée  par  l'ex- 
périence. Voye^  Willughby.   Voye^  Oiseau.  (/) 

Buse  ,  f.  f.  on  donne  ce  nom  dans  Us  grof es  forges 
à  un  canal  qui  conduit  l'eau  fur  la  roue  qui  fait  tour- 
ner l'arbre  par  le  moyen  duquel  le  martinet  marche. 

BUSEN  ,  (  Géog.  )  petite  île  de  la  mer  du  Nord  , 
vis-à-vis  le  pays  de  Ditmarlc,  près  de  l'embouchure 
de  l'Elbe. 

BUSENTO  ,  (  Géog.  )  petite  rivière  d'Italie  au 
royaume  deNaples,  qui  fe  jette  dans  la  mer  deTof- 
cane. 

BUSKO ,  (  Géog.  )  ville  de  Pologne  dans  le  paia- 
tinat  de  Belsko. 

BUSSARD  ou  BUSSE  ,  (  Commerce.  )  eft  une  des 
neuf  efpeces  de  vaiffeauxou  futailles  régulières  dont 
on  fe  fert  en  France ,  particulièrement  en  Anjou  6c 
en  Poitou ,  pour  mettre  les  vins  &  autres  liqueurs. 

Le  bufjard  eft  la  moitié  d'une  pipe  ,  &  eft  égal  à 
une  demi-queue  d'Orléans,  de  Blois,  de  Nuys ,  de 
Dijon ,  de  Mâcon  ;  ce  qui  revient  aux  trois  quarts  du 
muid  de  Paris  ,  qui  font  vingt-lept  feptiers  ,  chaque 
leptier  de  huit  pintes  ;  enforte  que  le  bujfard  eft  com- 
pofé  de  deux  cens  feize  pintes  de  Paris.  (G) 

BUSSERETH  ,  (  Géog.  )  'ville  d'Afie  dans  l'Ara- 
bie Petrée. 

BUSSETTO,  (Géog.)  petite  ville  d'Italie  au  du- 
ché de  Parme ,  dans  un  petit  canton  qui  s'appelle 
Y  Etat  de  Bujfetto  ,  près  du  Pô. 

BUSSSIERE  ,  (  la  )  Géog.  petite  ville  de  France 
en  Bourgogne  ,  près  d'Autun.  ' 

BUST  ou  BOST ,  (  Géog.  )  ville  forte  d'Afie  ,  en 
Perfe,  capitale  du  Sableftan.  Long.  8j.  5o.  lut.  ji. 
60. 

EUSTE  ,  f.  m.  en  Sculpture  ,  eft  un  portrait  en  ron- 
de-boue (  Voy.e\  Ronde-bosse)  qui  n'a  que  la  tête, 
les  épaules  ,  tk.  la  poitrine.  On  dit  le  bujte  de  Céfar , 
du  Roi. 

Buste  ,  en  Peinture,  eft  auffi  un  portrait  à  demi- 
corps  ,  c'eft-à-dire  ,  où  l'on  ne  voit  la  perlonne  que 
julqu'à  la  ceinture  :  mais  on  ne  dit  pas  en  Peinture , 
le  bulle  de  Céfar ,  le  bujle  du  Roi  ;  fai  vu  le  bu/le  de 
M,  un  tel ,  ou  fai  fait  faire  mon  bujle  :  cependant  on 
dira  bien ,  tel  Peintre  ne  fait  pas  un  bu/le  à  moins  de  zo 
louis.  (7c) 

*  Une  queftion  qu'on  pourroit  faire  ici ,  c'eft  de 
demander  pourquoi  dans  le  bujle  on  a  ajoute  à  la  tête 
une  partie  des  épaules  &  de  la  poitrine ,  &  par  quelle 
règle  on  a  limité  l'étendue  de  ces  parties  acciden- 
telles qu'on  joint  à  la  tête  ,  &  qui  n'ajoutent  rien  à 
la  reffcmblance.  Quant  à  la  première  partie  de  la 
queftion,  il  me  lemble  qu'on  ajoute  à  la  tête  ,  le 
cou  entier  ,  &  une  partie  des  épaules  &  de  la 
poitrine,  afin  d'annoncer  le  refte  du  corps,  &  iau- 
ver  au  fpechiteur  l'idée  d'une  amputation  chirur- 
gicale ou  même  d'une  exécution  :  &c  pour  ce  qui 
eft  de  la  féconde  partie,  je  crois  qu'on  a  meiuré 
naturellement  l'étendue  des  parties  qu'on  ajoû- 
toit  au  bujle  fur  l'efpace  que  l'œil  embraile  ,  à  la 
diftance  oit  il  le  place  d'un  objet  pour  le  bien  confi- 
dérer;  efpace  qui  ne'differe  guère  de  celui  qu'on 
donne  à  un  bujle  de  grandeur  naturelle. 

Buste,  terme  de  Blafon,  image  d'une  tête  avec  la 
poitrine ,  mais  fans  bras. 

Bustes  ,  (  Commerce.  )  boites  de  lapin  légères  & 


BUS 


469 


à  demi-rondes  dans  lefquelles  on  apporte  les  raifins 
de  Damas. 

*  BUSTERICHUS  ,  (  Myth.  )  dieu  des  anciens 
Germains  ,  dont  l'idole  fe  voit  encore  aujourd'hui 
dans  la  ibrtereffe  de  Sondershufa  :  elle  étoit  autrefois 
dans  celle  de  Rottembourg.  Elle  eft  d'une  forte  de 
métal  inconnu.  Elle  a  la  main  droite  fur  la  tête  ;  la 
gauche  qu'elle  avoit  fur  la  cuifTe  eft  calTée  ;  elle  a  ùri 
genou  en  terre. 

BUSTO-GRANDE  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie 
dans  le  duché  de  Milan  ,  entre  les  rivières  d'Olana 
6c  d'Arno. 

BUSTUAIRES ,  f.  m.  pi,  (  Hifl.  anc.  )  gladiateurs 
qui  fe  battoient  autrefois  chez  les  Romains  auprès 
eut  bûcher  d'un  mort,  à  la  cérémonie  defes  obfeques. 
Foye{  Gladiateur,  Bûcher  ,  &c. 

La  coutume  fut  d'abord  de  facrifier  des  captifs  fur 
le  tombeau  ou  près  du  bûcher  des  guerriers.  On  en 
voit  des  exemples  dans  Homère  ,  aux  obfeques  de 
Patrocle ,  &  dans  les  tragiques  Grecs  :  on  croyoit 
que  leur  fang  appaifoit  les  dieux  infernaux ,  &  les 
rendoient  propices  aux  mânes  du  mort. 

Dans  la  fuite  cette  coutume  parut  trop  barbare  , 
&  au  lieu  de  ces  victimes  on  fit  combattre  des  gla- 
diateurs, dont  on  crut  que  le  fang  auroit  le  même 
effet.  Au  rapport  de  Valere  Maxime  &  de  Florus  , 
Marcus  &  Décius ,  fils  de  Brutus  ,  furent  les  pre- 
miers qui  honorèrent  à  Rome  les  funérailles  de  leur 
père  par  ces  fortes  de  fpeftacles  ,  fous  le  confulat 
d'Appius  Claudius  6c  de  Marcus  Fulvius  ,  l'an  489 
de  Rome.  On  croit  que  les  Romains  prirent  cet  ufa- 
ge  cruel  des  Etruricns  ,  qui  peut-être  l'avoient  pris 
des  Grecs.  Voye^ Funérailles.  (G) 

BUSWALT HAM ,  (  Géog.)  ville  d'Angleterre  en 
Barkshire. 

BUT,  VUE,  DESSEIN,  (Grmmm.)  termes  re- 
latifs à  la  conduite  d'un  être,  ou  pema.it  ou  confi- 
déré  comme  penfant.  Le  but  fe  dit  d'un  objet  fixe  6c 
déterminé  ,  auquel  les  aérions  de  l'être  penfant  font 
dirigées  :  les  vues  font  plus' vagues  ,  6c  embraffent 
un  plus  grand  nombre  d'objets  :  le  1  1  opre- 

ment  ce  mouvement  de  l'ame  par  lequel  on 
termine  à  tenter  ou  à  ne  pas  tenter  une  choie.  Le 
dejfein  6c  les  viles  font  en  nous  ;  le  but  eft  hors  de  nous. 
Le  dejfein  offre  une  idée  de  réfolution  qui  n'eft  pas  fi 
marquée  dans  les  vues.  On  fe  propofe  un  but  ;  on  a 
des  vues  ;  on  forme  un  dejfein. 

BUT-EN-BLANC  ,  en  terme  cT  Artillerie  ,  fignifie  la 
portée  d'un- moufquet  ou  fi  1  il  1  tiré  horifontalement, 
c'eft-à-dire,  dont  la  bouche  ne  hauffe  ni  baille. 

Quand  on  tire  de  but-en-blanc,  on  fuppofc  que  le 
boulet  ne  s'écarte  point  de  la  ligne  droite  avant  que 
d'arriver  au  but ,  &  qu'il  n'eft  pas  porté  dans  une 
ligne  courbe,  comme  le  lont  les  bombes  ,  &  les  bou- 
lets que  l'on  tire  à  toute  volée  ,  en  leur  donnant  une 
élévation  fenfible.  Voye^  Mortier  ,  Projectile  , 
Portée  ,  &c.  (Q) 

BUTE  ,  f.  f.  le  dit  en  terme  de  Blafon  ,  du  fer  dont 
les  Maréchaux  le  fervent  pour  couper  la  corne  des 
chevaux.  Le  père  Méneftrier  dit  que  la  mailon  de  Bu- 
tet  en  Savoie  en  porte  trois  en  poigiw. 

Bute  ou  Buthe  ,  (  Géog.  )  île  d'Ecofle  ,  l'une 
des  Weiternes. 

BUTÉ,  adj.  on  dit  en  Vénerie  d'un  chien  qui  a  la 
jointure  de  la  jambe  grofie  ,  qu'il  eft  buté. 

BUTER ,  v.  n.  terme  d' Architecture  ,  c'eft  par  le 
moyen  d'un  arc  ou  pilier  butant  ou  boutant ,  contre- 
tenir  ou  empêcher  la  pouflee  d'un  inùr  ou  fecartc- 
ment  d'une  voûte.  On  dit  buté  ou  bouté,  poui 
fier  l'effet  de  cet  arc  ou  pilier  curant,  l'oye^  Culée. 

BUTER  fen  Jardinage  ;  on  dit  butter  un  arbre,  quand 
on  le  contient  avec  de  la  terre  amaflee  autour  c;e  fon 
pié  ;  pratique  ufitee  dans  les  terres  extrêmement  frai- 


470 


BUT 


ches ,  pour  garantir  les  végétaux  d'une  trop  grande 
humidité. 

On  dit  encore  buter  un  jalon  haut  ;  c'eft  y  faire 
apporter  de  la  terre  au  pié  pour  le  mettre  à  la  hau- 
teur du  nivellement ,  de  même  qu'on  décharge  un 
jalon  du  pié  quand  il  fe  trouve  trop  bas. 

B  U  T  E  RA  ,  (  Gêog.  )  petite  ville  avec  titre  de 
principauté  en  Sicile  ,  dans  la  vallée  de  Noto. 

BUTHOWoa  BUTON,  (  Géog.)  ville  de  la  Caf- 
fubie ,  aux  frontières  de  la  Pruffe  royale  ,  capitale 
d'un  petit  pays  de  même  nom  qui  appartient  au  roi 
de  Pruffe.  Eile  eft  fur  la  rivière  deStolpe,  à  dix  milles 
deDantzic. 

BUTIN  ,  f.  m.  (  Art  mil'u.  )  on  donne  en  général 
ce  nom  à  tout  ce  que  l'on  enlevé  à  l'ennemi.  Quel- 
ques-uns diftinguent  le  butin  du  pillage  ;  ils  difent  que 
le  butin  eft  le  gros  de  la  prile  ,  &  le  pillage  ,  la  dé- 
pouille des  habits  ,  hardes  &C  coffres  de  l'ennemi,  & 
l'argent  qu'il  a  fur  fa  perfonne  jufqu'à  trente  livres. 

BUTOR  ,  f.  m.  (  Hijl.  nat.  Ornith.  )  butorius  ,  bo- 
taurus  ,  ardea  Jlellaris  ;  oifeau  aquatique  que  l'on  a 
auffi  appelle  héron  pareffeux .  Il  eft  de  la  groffeur  du 
héron  gris  ;  il  a  environ  trois  pies  de  longueur  de- 
puis la  pointe  du  bec  jufqu'au  bout  des  ongles  ,  & 
près  de  deux  pies  &  demi  jufqu'à  l'extrémité  de  la 
queue  :  la  tête  eft  petite  ,  étroite  ,  c'eft-à-dire  ,  ap- 
platie  par  les  côtés  ;  le  fommet  eft  noir  ;  il  y  a  de 
chaque  côté  auprès  des  coins  de  la  bouche  une  ta- 
che noire  ;  la  gorge  &  les  côtés  du  cou  font  rouffâ- 
tres  ,  &  marqués  de  petites  bandes  tranfverfales  de 
couleur  noire  ;  le  cou  eft  couvert  de  grandes  plu- 
mes ,  de  forte  qu'il  paroît  plus  court  &  plus  gros  qu'il 
ne  l'eft  en  effet  :  les  plus  longues  plumes  de  la  poi- 
trine font  noires  dans  le  milieu  ;  la  face  intérieure 
des  cuiffes  &  le  bas-  ventre ,  font  d'un  blanc  mêlé  de 
roux  ,  &  la  face  extérieure  eft  parfemée  de  taches 
noires  ;  le  dos  eft  marqueté  de  roux  pâle  &  de  noir, 
avec  un  peu  de  cendré  ,  &  des  taches  noires  qui 
font  plus  larges  ôc  plus  grandes  que  fur  toute  autre 
partie  du  corps  ;  le  bas  des  plumes  de  la  gorge  eft 
blanc;  les  grandes  plumes  des  ailes  font  plus  cour- 
tes dans  le  héron  gris  ;  la  pointe  des  grandes  plumes 
eft  noirâtre  ;  le  refte  eft  marqueté  de  taches  tranf- 
verfales ,  ronfles  &  noires  ;  les  petites  plumes  qui 
recouvrent  les  grandes  font  d'un  roux  foncé  ;  la 
queue  eft  courte  ,  petite  ,  compofée  de  dix  plumes 
qui  font  de  même  couleur  que  les  grandes  plumes 
des  ades  ;  les  raies  &  les  taches  noires  qui  fe  trou- 
vent entre  les  épaules  ,  font  larges  &  inclinées  en- 
bas  :  le  bec  eft  droit  &  fort  ;  il  eft  gros  à  fa  racine  ; 
d  diminue  infenfiblement  de  groffeur  jufqu'à  fon  ex- 
trémité qui  eft  pointue  ;  il  eft  tranchant  par  les  cô- 
tés, &  entièrement  de  couleur  verdâtre  ;  les  côtés 
de  la  pièce  inférieure  du  bec  entrent  dans  la  pièce 
fupérieure  :  la  langue  eft  pointue  ;  elle  ne  s'étend 
pas  jufqu'au  milieu  du  bec  :  l'irisdes  yeux  e/t  de  cou- 
leur jaune ,  mêlée  de  couleur  de  noilette  ;  on  l'a  vue 
rougeâtre  dans  un  autre  oifeau  de  cette  efpece  :  l'ou- 
verture de  la  bouche  eft  fort  grande  ;  elle  s'étend 
julqu'au-delà  des  yeux ,  de  forte  qu'ds  paroiffent  être 
dans  le  bec  :  d  y  a  fous  les  yeux  un  petit  efpace  qui 
eft  dégarni  de  plumes,  &  de  couleur  verte  :  les  ored- 
les  font  grandes  ;  les  jambes  font  dégarnies  de  plu- 
mes au-deffus  de  l'articulation  ;  les  pies  font  verts  ; 
les  doigts  allongés  ,  &  les  ongles  longs  &  forts  :  le 
doigt  extérieur  tient  au  doigt  du  milieu  à  fa  naiffan- 
ce  :  l'ongle  du  doigt  du  milieu  a  le  côté  intérieur 
dentelé  ,  comme  tous  les  autres  oileaux  de  ce  genre  ; 
ils  fe  fervent  de  ces  pointes  pour  retenir  les  anguil- 
les ,  &c  les  autres  poiffons  gliffans  :  l'ongle  du  doigt 
de  derrière  eft  le  plus  gros  8c  le  plus  long.  On  dit  qu'à 
chaque  ponte  les  petits  du  butor  font  en  nombre  im- 
pair ,  comme  trois  ou  cinq.  Les  oeufs  font  arrondis  &C 


B  U  V 

blanchâtres,  avec  quelques  teintes  de  cendré  ou  de 
verd.  Le  nid  eft  fait  en  terre.  On  a  comparé  le  cri 
de  cet  oifeau  au  mugiffement  d'un  bœuf  ou  d'un  tau- 
reau ;  d'où  vient  le  nom  de  botaurus  ,  butor.  Il  fe  ca- 
che dans  les  joncs  des  marais  :  fouvent  il  fe  tient 
dans  des  buiffons  la  tête  levée.  Willughby.  Foye{ 
Oiseau. 

L'oifeau  que  l'on  nomme  grand  butor  rougeâtre ,  eft 
une  efpece  moyenne  entre  le  butor  &  le  héron  gris , 
de  forte  que  l'on  pourroit  dire  que  c'eft  un  héron  gris, 
dont  la  poitrine  &  les  côtés  font  roux. 

Le  butor  hupé ,  ardea  hœmatopus  ,  feuCirris  Virgil'ù 
Scaligero  Aid.  eft  prefqrte  le  plus  petit  de  tous  les  oi- 
feaux  de  ce  genre  ;  il  a  le  cou  fort  &  court  ;  fa  cou- 
leur dominante  eft  rouffâtre  ,  plus  foncée  fur  le  déf- 
ions de  l'oifeau ,  plus  pâle  fur  le  deffus  &  fur  les  ai- 
les ;  la  queue  eft  li  petite  qu'elle  ne  paroît  pas  ;  l'iris 
des  yeux  eft  jaune  &  environné  d'un  cercle  rouge  , 
qui  eft  dans  un  autre  cercle  de  couleur  noire.  Il  y  a 
lur  la  tête  une  aigrette ,  qui  eft  renverfée  en  arrière 
&  formée  par  des  plumes  en  partie  jaunes  &C  en  par- 
tie noirâtres.  Le  bec  eft  long,  pointu,  tort,'&  mi- 
parti  de  deux  couleurs.  La  baie  eft  verte  ou  bleuâtre, 
&  la  pointe  eft  noire  ;  les  jambes  &  les  pies  font  d'un 
rouge  foncé ,  ôc  les  ongles  noirs  ;  les  doigts  font  fort 
longs  &r  joints  par  une  petite  membrane.  Willughby. 
Fqye{  OlSEAU.  (/) 

B  U  T  R I N  T  O ,  {Géog.)  ville  &  port  de  Grèce , 
dans  i'Épire  ou  Albanie ,  lur  le  golfe  de  même  nom , 
appartenant  aux  Vénitiens. 

BUTTELSTAD  ;  {Géog.)  petite  ville  d'Allema- 
gne, dans  la  Thuringe  ,  à  deux  milles  de  Veimar. 

BUTTIMAN  ,  {Commerce.)  c'eft  un  poids  d'ufage 
en  Perle  ,  qui  revient  aux  environs  de  15  livres. 

BUTTONS-BAY  ou  la  BAYE  de  BUTTON, 
{Géog.)  golJe  de  l'Amérique  f  eptentrionale ,  dans  les 
terres  ArÊtiques  ;  c'eft  la  partie  occidentale  de  la  baie 
de  Hudfon. 

BUTUA  ,  {Géog.)  ville  &  royaume  d'Afrique ,  au 
Monomotapa  ,  fur  la  rivière  de  Zambre. 

BUTZBACH  ,  {Géog.)  petite  ville  d'Allemagne, 
dans  la  "Weteravie  ,  à  4  milles  de  Francfort ,  lur  le 
Mein. 

BUTZOV,(  Géog. )  petite  ville  d'Allemagne , 
dans  la  principauté  de  Schwerin  ,  fur  le  Warnon. 

BUVETTE ,  f.  f.  {Hifi.  mod.)  endroit  établi  dans 
la  plupart  des  cours  &  jurifdi&ions  de  France  ;  c'eft 
là  que  les  magiftrats  &  autres  gens  de  robe  vont  fe 
rafraîchir,  après  le  long  &  pénible  exercice  de  leurs 
fonctions. 

BUVETTIER ,  f.  m.  c'eft  le  nom  de  celui  qui  tient 
la  buvette. 

BUVETTIER,  f.  m.  {Art  médian.  )  celui  chez  qui 
l'on  va  boire.  Les  maîtres  Vinaigriers-Moutardiers 
de  Paris  prennent  la  qualité  de  bâvettiers,  parce  qu'il 
leur  eft  permis  de  donner  à  boire  dans  leurs  bouti- 
ques ,  l'eau-de-vie  qu'ds  ont  la  permiffion  de  diftdler. 
fbyci  Vinaigrier. 

BUVEUR,  {en  Anatomie.)  on  donne  ce  nom  à  un 
mufcle  droit  de  l'œil,  autrement  appelle  adducteur  de 
l'œil.  Voyei  Œil  &  Droit.  (Z.) 

BUXHEIM,  {Geog.)  petite  ville  d'Allemagne, 
dans  le  comté  de  Richebourg  ,  cercle  de  Souabe. 

BUZANÇOIS ,  {Géog.)  petite  ville  de  France  ,  en 
Berry ,  fur  la  rivière  d'Indre,  aux  frontières  de  la 
Touraine. 

BUZ  ARD  de  marais ,  milvus  œruginofus ,  {Hi(l.  nat. 
Ornith.  )  oifeau  de  proie ,  plus  petit  que  la  but  e  ,  & 
à  peu  près  de  la  groffeur  de  la  corneille  ;  il  n'a  pas  la 
tête  fi  grande  que  la  bufe ,  &  le  fommet  n'en  eft  pas 
fi  large  ;  il  a  plus  d'un  pié  &  demi  de  longueur  depuis 
la  pointe  du  bec  jufqu'à  l'extrémité  de  la  queue ,  Pen- 
\  ergure  eft  de  plus  de  quatre  pies  ;  le  bec  a  prefque 
un  pouce  6c  demi  de  longueur,  il  eft  crochu  ;  la  bafe 


B  U  Z 

cit  recouverte  cTune  peau  ou  d'une  membrane  de  cou- 
leur jaune  mêlée  de  vert,  &  le  relie  eft  noir  :  l'ouver- 
ture des  narines  eft  oblongue  ;  le  dedans  de  la  bou- 
che eft  en  partie  noirâtre  &  en  partie  bleuâtre  :  la 
langue  eft  large  ,  charnue ,  &  toupie  comme  dans  les 
autres  oifeaux  de  proie  :  les  yeux  font  de  médiocre 
grofleur  :  l'iris  eft  de  couleur  de  fafran  ;  on  en  a  vu 
de  couleur  de  noifette  cendrée  :  le  fommet  de  la  tête 
eft  d  iin  roux  blanchâtre  ou  d'un  jaune  rouffâtre  avec 
de  petites  lignes  noires,  qui  s'étendent  longitudina- 
lement  fur  le  tuyau  de  chaque  plume  :  le  demis  de  la 
gorge  eft  de  même  couleur  :  tout  le  refte  du  corps , 
tant  en-deflus  qu'en-deflbus,  eft  de  couleur  de  rouille 
foncé ,  à  l'exception  d'une  tache  de  couleur  roufle- 
pâle  qui  eft  fur  chaque  aile  ,  &  que  Ips  plumes  qui  fe 
trouvent  à  l'origine  de  la  queue  font  roulfâtres.  Quand 
les  ailes  font  pliées ,  elles  s'étendent  prefque  julqu'au 
bout  de  la  queue  :  il  y  a  dans  chacune  vingt-quatre 
grandes  plumes  ,  dont  la  première  eft  beaucoup  plus 
courte  que  la  féconde  ;  elles  font  toutes  plus  noires 
que  les  autres  plumes  :  celles  qui  recouvrent  l'aile 
en-deflous  font  bigarrées  de  brun  &  de  couleur  fau- 
ve'. La  queue  a  environ  9  pouces  de  longueur  ;  elle 
eft  compofée  de  douze  plumes  toutes  également  lon- 
gues :  les  jambes  ont  environ  un  palme  de  longueur , 
elles  font  couvertes  de  plumes  julqu'au -deffous  de 
l'articulation  ;  elles  font  plus  minces  Se  plus  longues 
que  dans  les  autres  oileauxde  ce  genre,  à  proportion 
de  la  grofleur  du  corps  :  les  pies  &  les  jambes  font 
jaunes ,  les  ongles  font  noirs;  le  doigt  extérieur  tient 
au  doigt  du  milieu  par  une  membrane  :  le  côté  inté- 
rieur de  l'ongle  du  doigt  du  milieu  eft  tranchant.  Wil- 
lllghhy.  Voye{  OlSEAU.  (/) 

BUZE,  (Marine.)  Voye{  BÛCHE. 

Buze  ,  on  appelle  ainti,  dans  l'Artillerie ,  un  tuyau 
de  bois  ou  de  plomb  ,  dont  on  fe  lert  pour  conduire 
l'air  dans  les  galeries  des  mines ,  par  des  ouvertures 
ou  des  puits.  (Q) 

B  Y 

BYBENSCHITZ,  (Géog.)  ville  d'Allemagne ,  en 
Moravie. 

BYCHOW ,  (Géog.)  petite  ville  de  Lithuanie ,  au 
palatinat  de  Miliczlaw ,  iiir  le  Nieper.  Long,  4g.  10. 
kt.  63.37. 

BYDZOW,  (Géog.)  ville  du  royaume  de  Bohême. 
BYELSK ,  (Géog.)  ville  de  la  Podlachie  ,  dans  un 
petit  pays  de  même  nom. 

B  Y  S  A  N  C  E  ,  nommée  depuis  Conflantinople  , 
{Géog.  anc.)  ville  deThrace  ,  fur  la  pointe  du  Boi- 
phore.  Voyt^  Constantinople. 

BYSANTAGAR  ,  (  Géog.  )  grande  ville  d'Afle  , 
dans  l'Inde ,  au  royaume  de  Guzuratè ,  habitée  par 
des  Bramines. 

BYSANTINE(^'/?ozVe)  ,  Littéral,  nom  que  l'on  a 
donné  à  un  corps  d'hiftoire  de  Conftantinople ,  im- 
primé au  Louvre,  dans  le  courant  du  xvne  ficelé. 
Il  eft  compofé  de  differens  auteurs  Grecs ,  éclaircis , 
commentés ,  &  publiés  fucceflîvemcnt  par  differens 
favans.  Les  premiers  parurent  en  1645. 

BYSDAIL ,  (Géog.)  ville  &  port  d'Écoffe,  dans 
l'île  d'Ulft. 

BYSSE  ou  BYSSUS.  Voyt{  Byssvs. 
Bysse,  (Hijl.  des  Arts.)  Il  eft  fingulier  que  ce 
mot  foit  le  même  en  Hébreux ,  en  Grec ,  en  Latin  , 
&  en  François,  fans  qu'on  connoiffe  précilcment  ce 
qu'il  défigne.  On  fait  feulement  que  c'eft  le  nom  de 
la  matière  qui  fervoit  au  tiflu  des  plus  riches  habille- 
mens.  Il  en  eft  beaucoup  parlé  dans  les  auteurs  pro- 
phanes  &  dans  rÉcriture:  (E^eckiel,  xxvij.  16. 1. I  v. 
Parallp.  xv.  zj.  Ejlher ,  viij.  z3.  &Cc.)  on  y  lit  que 
Djfvid  avoit  un  manteau  de  byjfe ,  aufli  bien  que  tous 
les  chantres  &  tous  les  lévites  ;  furquoi  la  plupart 
des  Naturaliftcs  prétendent  que  ce  lyjje  étoit  la  foie 


B  Y  S 


471 


des  pinnes-marines,  ou  de  l'huître  perlîere  mile  en 
œuvre.  Voye{  Pinxe-MARINE. 

Quelqu'amufante  que  foit  cette  idée ,  il  eft  diffici- 
le de  fe  perfuader  que  du  tems  de  David  &  de  Salo- 
mon ,  la  foie  du  poifîbn  pinne  ait  été  aflez  commu- 
ne dans  ces  pays-là ,  pour  qu'un  fi  grand  nombre  de 
gens  puflent  en  avoir  des  manteaux;  ce  qui  eft  cer- 
tain ,  c'eft  que  le  byjfe  dont  il  s'agit  ici ,  étoit  diffé- 
rent du  lin  ordinaire. 

Le  pafiage  de  S.  Luc,  chap.  xvj.  ig,  où  il  eft  dit 
dans  notre  édition  Latine ,  conformément  au  Grec  , 
que  le  mauvais  riche  étoit  vêtu  de  pourpre  &  de  byfi 
Je,  n'embarrafle  pas  moins  les  interprètes  du  Nou- 
veau Teftament. 

Il  eft  d'abord  inconteftable  que  toutes  les  verfions 
Efpagnole ,  Italienne  ,  Françoile ,  ou  autres ,  qui  pour 
s'accommodera  nos  ufages  modernes,  ont  traduit 
qui  étoit  vêtu  Je  pourpre  &  de  foie ,  s'éloignent  égale- 
ment de  Fexaditude  6c  du  vrai.  En  effet  le  byjfus  étoit 
une  toute  autre  matière  que  notre  foie ,  comme  on 
peut  le  prouver  évidemment  par  un  grand  nombre 
d'anciens  écrivains,  &  pour  abréger,  par  le  feul 
dictionnaire  de  Pollux ,  liv.  VU,  chap.  xvij. 

On  ne  fauroit  approuver  davantage  la  traduction 
des  Jéfuites ,  qui  s'/iabilloit  d'écarlate  &  de  toile  fine  , 
parce  que  byjfus  ne  fignifîe  point  une  toile  fine  dans 
le  fens  que  nous  attachons  au  mot  de  toile. 

MM.  de  Port-Royal  ont  rendu  plus  exactement  le 
terme  Grec ,  qui  étoit  vêtu  de  pourpre  &  de  lin  ;  mais 
ils  n'en  ont  pas  dit  aflez ,  car  il  s'agit  ici  néceffaire- 
ment  de  quelque  choie  qui  eft  au-deifus  du  fimple  lin. 
M.  Simon  l'a  bien  vu  ;  aufli  a-t-il  traduit,  quife 
vetoit  de  pourpre  &  de  fin  Un.  Il  appuie  la  traduction 
d'une  très-bonne  note.  «  II  y  avoit,  dit-il,  une  efpe- 
»  ce  de  fin  lin  qui  étoit  fort  cher ,  &  dont  les  plus 
»  grands  feigneurs  fe  vêtoient  en  ce  pays-là,  &C  dans 
»  l'Egypte.  Ce  riche  en  avoit  un  habit  de  couleur  de 
»  pourpre  ». 

MM.  de  Beaufobre  &  Lenfant  ont  traduit  de  mê- 
me, qui  allait  vêtu  de  pourpre  &  de  lin  très-fin  j  c'eft- 
à-dire ,  ajoutent-ils  dans  leurs  notes ,  d'une  étoffe  de 
lin  fin  teinte  en  pourpre. 

Ceci  s'accorde  parfaitement  avec  Pline,  qui  afiiî- 
re  que  le  byjfe  étoit  une  efpece  de  lin  très-fin.  Paufa- 
nias  dit  la  même  chofe,  &  remarque  que  dans  toute 
la  Grèce ,  il  ne  croiflbit  de  byjfe  qu'en  Elide.  Plufieurs 
modernes  font  du  même  avis,  &  en  particulier  Bo- 
chart ,  qui  remarque  que  le  byjjus  étoit  un  lin  tort 
fin,  qu'on  teignoit  fouvent en  pourpre.  On  peut  aufli 
coniulter  le  vocabulaire  Grec  de  Hélychius ,  &£  Ley- 
dekker  dans  (à  république  des  Hébreux. 

Ceux  qui  foùtiennent  que  le  byjfus  n'étoit  autre 
chofe  qu'une  toile  de  coton  fort  fine ,  connue  teule- 
ment  aux  Indes ,  &  par  conféquent  très-chere  dans 
les  autres  pays,  s'appuient  du  récit  de  Philoftrate  , 
qui  raconte  qu'Apollonius deTyane  étant  aux  Indes, 
obferva  que  tout  le  byj/'us  dont  on  fe  fervoit  en  Egyp- 
te ,  venoit  uniquement  des  Indes.  Mais  l'autorité 
de  Philoftrate,  auteur  d'un  vrai  roman  fait  fous  le 
titre  de  la  ^ic  dApollonius  de  Tyane ,  ne  fauroit  dé- 
truire des  témoignages  formels,  qui  prouvent  qu'il  y 
avoit  d'autre  byjfe  que  celui  des  Indes. 

Enfin  Philon  aflure  (Philo,  de  Somniis ,  pag.  3,0.7. 
édit.  in-fol.  )  que  le  byjfus  eft  de  tous  les  lins  le  plus 
beau,  le  plus  blanc ,  &  le  plus  fort;  qu'il  n'eft  point 
tiré  d'une  chofe  mortelle ,  mais  de  la  terre ,  &  qu'il 
devient  toujours  plus  blanc  &  plus  brillant  lorfqu'on 
le  lave  comme  il  faut.  Voilà  donc  l'amiante  ou  le  lin 
incombuftible  ,  fous  le  nom  de  byjfus  dans  Philon. 

S'il  eft  permis  de  dire  notre  fentiment  après  tant 
d'habiles  critiques  qui  ont  taché  d'eclaircir  ce  que 
l'on  doit  entendre  par  le  byjfus  des  anciens,  nous 
croyons  pouvoir  conjecturer  avec  vraiflemblance, 
que  ce  mot  eft  un  terme  générique,  qui  lignifie  dan* 


47* 


B  Y  S 


leurs  écrits  une  matière  rare,  tirée  du  règne  végé- 
tal &  même  minéral ,  en  divers  lieux  &  en  divers 
pays ,  de  laquelle  matière  ils  faifoient  diverfes  étof- 
fes riches  &  précieufes.  Il  y  avoit  le  byjje  des  Indes  , 
d'Egypte ,  de  Grèce ,  comme  nous  avons  de  la  por- 
celaine de  divers  pays. 

Nous  ne  doutons  point  encore  que  fous  ce  nom  , 
les  anciens  n'ayent  confondu  les  cotons ,  les  oiiattes , 
en  un  mot  tout  ce  qui  fe  filoit,  &C  qui  étoit  d'un  plus 
grand  prix  que  la  laine. 

Mais  s'il  eft  certain  qu'il  y  avoit  chez  les  anciens 
du  byjfe  tiré  du  règne  végétal ,  il  y  a  tout  lieu  de  pen- 
fer  qu'ils  tiroient  aufîî  du  byjfus  des  pinnes-marines. 
Que  dis-je ,  de  penfer  ?  Ariftote  l'affûre  pofitivement  ; 
car  il  nomme  byjfus,  la  foie  de  ces  coquilles. 

On  a  connu  de  tout  tems  l'art  de  la  filer;  ainfi  l'on 
ne  peut  douter  qu'elle  n'ait  été  fouvent  employée 
pour  les  habits  des  grands  feigneurs ,  dans  des  fiecles 
où  la  foie  n'étoit  que  très-peu  comme ,  &  ne  fe  voyoit 
que  rarement. 

En  effet  ce  byjjiis  de  coquillage,  quoique  filé  grof- 
fierement,  paroît  beaucoup  plus  beau  que  la  laine, 
&  approche  affez  de  la  foie  :  on  en  fait  encore  à  pré- 
fent  des  bas ,  &  d'autres  ouvrages  qui  feraient  plus 
recherchés  fi  la  foie  étoit  moins  commune. 

Pour  filer  cette  forte  de  byffus ,  on  le  laiffe  quel- 
ques jours  dans  la  cave  pour  l'humefter  &  le  ramol- 
lir ;  enfuite  on  le  peigne  pour  en  féparcr  la  bourre 
&  les  autres  ordures  qui  y  font  attachées  ;  enfin  on 
le  file  comme  on  fait  la  foie. 

Si  je  connoiffois  quelque  ouvrage,  quelque  traité 
particulier  fur  le  byjfus  des  anciens  ,  j'y  renvoyerois 
les  curieux.  Voye^  cependant  l'article  Byssus.  (  Le 
chevalier  de  Javcourt.} 


BYT 

BYSSUS ,  f.  m.  (Hijl.  nat.  bot.')  genre  de  plante-, 
qui  diffère  du  coralloïde ,  en  ce  que  les  plantes  du 
genre  dont  il  s'agit ,  font  compofées  de  filamens  cy- 
lindriques, qui  ont  des  rameaux  dans  des  efpeces,  & 
n'en  ont  pas  dans  d'autres  ;  enfin  d'autres  efpeces  de 
ce  même  genre  ont  fur  le  même  pié  des  filamens  fans* 
rameaux  &  des  filamens  avec  des  rameaux  ;  la  lon- 
gueur de  ces  filamens  varie  dans  les  différentes  ef-. 
peces  ;  il  y  en  a  de  fort  courts  &  de  fort  longs.  La 
byjfus  diffère  du  conferva ,  en  ce  que  fes  filamens  n'ont 
aucuns  nœuds  apparens ,  même  lorfqu'ils  font  deffé- 
chés.  Le  byjfus  eft.  plus  durable  &  plus  confiftant  que 
le  botrytis  ;  fes  femences  ne  font  pas  difpofées  en  épi 
ou  en  grappe  ,  mais  placées  le  long  des  tiges.  Il  y  a 
quelques  efpeces  de  byjfus  dont  la  fubftance  eft  affez 
dure,  &  d'autres  qui  ne  font  qu'herbacées.  On  en 
trouve  qui  reffemblent ,  comme  le  conferva  ,  à  un 
amas  de  fils  de  foie ,  à  un  tapis ,  à  une  peau  de  rat  ou 
de  chat,  à  une  toifon  de  brebis ,  à  un  morceau  de  drap, 
ou  enfin  à  une  toile  d'araignée.  Les  femences  qui  ont 
été  apperçûes  font  longues  ou  oblongues.  Micheli , 
Nov.  plant,  gen.  Voye{  PLANTE.  (/) 

BYSTRICE  ou  BYSTRYTZ ,  (Géog.)  il  y  a  trois" 
villes  de  ce  nom  dans  le  royaume  de  Bohême. 

B  YTHAU,  (Géog.)  petite  ville  de  la  Pruffe  PcV 
lonoife. 

BYTTE  ,  (Géog.)  île  de  la  mer  d'Allemagne ,  près 
de  celle  de  Falfter. 

B  Z 

B  Z.O ,  (  Géog.  )  ville  d'Afrique ,  au  royaume  de 
Maroc. 


c 


'473 


Le  C ,  c ,  (Gram.')  eft  la  troifieme 
lettre  de  notre  alphabet.  La  figu- 
re de  cette  lettre  nous  vient  des 
Latins.  Elle  a  aujourd'hui  un  fon 
doux  devant  Ve  &  devant  l'y  on 
prononce  alors  le  c  comme  unf, 
ce,  ci,  comme fe,f;  enforte  qu'a- 
lors on  pourroit  regarder  le  c, 
comme  le  Jîgma  des  Grecs ,  tel  qu'il  fe  voit  fouvent , 
furtout  dans  les  inferiptions ,  avec  la  figure  de  notre 
C  capital,  TAIC  HMEPAIC  (Gruter,  tome  I.pag.jo) 
c'eft-à-dire,  tais  emerais  ;  &C  au  tome  II.  pag.  10Z0> 
on  lit  une  ancienne  infeription  qui  fe  voit  à  Alexan- 
drie fur  une  colonne  ,  ahmokpathc  riEriKAiTOC 
APXITEKTOC  ,  Démocrates  périclitas  architeclos ,  Dé- 
mocrates illuftre  architecte.  Il  y  a  un  très-grand  nom- 
bre d'exemples  du  Jîgma  ainfi  écrit,  fur-tout  en  let- 
tres majeures  ou  capitales;  car  en  lettres  communes 
lefgmasëcnX  ainfi  a  au  commencement  &  au  milieu 
des  mots  ,  &  ainfi  ç  à  la  fin  des  mots.  A  l'égard  de  la 
troifieme  figure  du Jîgma,  elle  eft  précifement  comme 
notre  c  dans  les  lettres  capitales ,  &  elle  eft  en  ufage 
au  commencement ,  au  milieu,  Se  à  la  fin  des  mots  : 
mais  dans  l'écriture  commune  on  recourbe  la  pointe 
inférieure  du  c ,  comme  fi  on  ajoûtoit  une  virgule  au 
c  :  en  voici  la  figure  (f . 

Ainiî  il  paroit  que  le  c  doux  n'eft  que  le  Jîgma  des 
Grecs  ;  &c  il  feroit  à  fouhaiter  que  le  c  eût  alors  un 
caractère  particulier  qui  le  diftinguât  du  c  dur;  car 
lorfque  le  c  eft  fuivi  d'un  a  ,  d'un  o  ,  ou  d'un  a  ,  il  a 
un  fon  dur  ou  fec  ,  comme  dans  canon ,  cabinet ,  ca- 
denat ,  cojfre  ,  Cologne  ,  colombe  ,  copijle ,  curiofîté  ,  cu- 
vette, &c.  Alors  le  c  n'eft  plus  la  même  lettre  que  le 
c  doux ,  quoiqu'il  paroifle  fous  la  même  figure  ;  c'en: 
le  cappa  des  Grecs  ,  K,  k,  dont  on  a  retranché  la  pre- 
mière partie;  c'en"  le  q  des  Latins  écrit  fans  u,  ainfi 
qu'on  le  trouve  en  quelques  anciens  :  pronuncUndum 
a  latinum  fine  u  ,  quod  hœ  voces  ojlendunt ,  punicï  qa- 
lam ,  xxXafAoç ,  calamus  ,  qane  ,  ndira. ,  canna ,  (  Angcli 
Canifil  e'/Am'ksjugç.  Parijîis  ,  l5j8 ,  pag.  Ji. 

En  bas-Breton  on  écrit  auffi  le  q  fans  u,  é  qever , 
envers  ;  qen ,  qer ,  tant,  tellement.  Le  q  fans  u  cil  le 
cappa  des  Grecs ,  qui  a  les  mêmes  règles  &l  le  même 
fon.  (Grammaire  Françoij'e  Celtique,  à  Cannes  IJ38.} 
S'il  arrive  que  par  la  raifon  de  l'étymologie  on  con- 
ferve  le  c  dans  l'écriture  devant  a  ,o ,  u;  que  dans  la 
prononciation  on  donne  le  fon  doux  au  c,  comme 
quand  on  écrit  il  prononça  ,  François ,  conçu  ,  reçu, 
Çrç.  à  c;\u(e  de  prononcer ,  France,  concevoir,  recevoir, 
&c,  alors  on  met  fous  le  c  une  petite  marque  qu'on 
appelle  cédille ,  ce  qui  pourroit  bien  être  le  même 
Jîgma  dont  nous  avons  déjà  parlé,  qui  en  lettre  com- 
mune s'écrit  ainfi  ? ,  eu> ,  sô  ,  enforte  que  la  petite 
queue  de  ce  Jîgma  pourroit  bien  être  notre  cédille. 

Depuis  que  l'auteur  du  bureau  typographique  a 
mis  en  ufage  la  méthode  dont  on  parle  au  chapitre  vj. 
de  la  Grammaire  générale  de  P.  R.  les  maîtres  qui 
montrent  aujourd'hui  à  lire  ,  à  Paris  ,  donnent  une 
double  dénomination  au  c;  ils  l'appellent  ce  devant  e 
&  devant  i,  ainfi.  en  faifant  épeler  ils  font  dire  ce,  e, 
ce  :  ce ,  i ,  ci. 

A  l'égard  du  c  dur  ou  fec  ,  ils  l'appellent  ke  ou  que  ; 
ainfi  pour  faire  épeler  cabane,  ils  font  dire  ke  ,  a, 
ca  ;  be,a,  ba  ,  cabaj ne  ,  e  ,  ne  ,  ca-ba-ne ;  car  aujour- 
d'hui on  ne  fait  que  joindre  un  e  muet  à  toutes  les 
çonfpnnes  ;  ainfi  on  dit  be ,  ce,  de,  Je  ,  me  ,  re,  te  ,  fe , 
ve  ;  &C  jamais  ejfe  ,  emme  ,  enne ,  erre  ,  elfe.  Cette  nou- 
velle dénomination  des  lettres  facilite  extrêmement 
Tome  II, 


la  lecture,  parce  qu'elle  fait  aflembler  les  lettres 
avec  bien  plus  de  facilité.  On  lit  en  vertu  de  la  dé- 
nomination qu'on  donne  d'abord  à  la  lettre. 

Il  n'y  a  donc  proprement  que  le  c  dur  qui  foit  le 
kappa  des  Grecs  k  ,  dont  on  a  retranché  la  premiè- 
re partie.  Le  c  garde  ce  fon  dur  après  une  voyelle  & 
devant  une  confonne  ;  dicter ,  effectif. 

Le  c  dur  &  le  q  fans  u  ne  font  prefque  qu'une  mê- 
me lettre  :  il  y  a  cependant  une  différence  remarqua- 
ble dans  l'ufage  que  les  Latins  ont  fait  de  l'une  &  de 
l'autre  de  ces  lettres  ,  lorfqu'ils  ont  voulu  que  la 
voyelle  qui  fuit  le  q  accompagné  de  Vu,  ne  fît  qu'une 
même  fyllabe;  ils  fe  font  fervis  de  qu  ;  ainfi  ils  ont 
écrit ,  aqua  ,  qui ,  quiret ,  reliquum ,  &c.  mais  lorf- 
qu'ils ont  eu  befoin  de  diviler  cette  fyllabe ,  ils  ont 
employé  le  c  au  lieu  de  notre  tréma;  ainfi  on  trouve 
dans  Lucrèce  a-cu-a  en  trois  fyllabes ,  au  lieu  de 
aqua  en  deux  fyllabes  ;  de  même  ils  ont  écrit  qui  mo- 
nofyllabe  au  nominatif,  au  lieu  qu'ils  écrivoient  cu-i 
diffyllabe  au  datif.  On  trouve  aulfi  dans  Lucrèce  cu- 
i-ret ,  pour  quiret  ;  relicu-um  ,  pour  reliquum. 

Il  faut  encore  obferver  le  rapport  du  c  au  g.  Avant 
que  le  caradere  g  eût  été  inventé  chez  les  Latins  , 
le  c  avoit  en  plufieurs  mots  la  pronociation  du  g,  ce 
fut  ce  qui  donna  lieu  à  Sp.  Carvilius  ,  au  rapport  de 
Terentius  Scaurus^  d'inventer  le  g  pour  diltinguer 
ces  deux  prononciations:  c'en:  pourquoi  Diomede, 
lib.  II.  cap.  de  litterà ,  appelle  le  g  lettre  nouvelle. 

Quoique  nous  ayons  un  caraûere  pour  le  c,  &  un 
autre  pour  le  g,  cependant  lorfque  la  prononciation 
du  c  a  été  changée  en  celle  du  g,  nous  avons  con- 
fervé  le  c  dans  notre  orthographe ,  parce  que  les  yeux 
s'étoient  accoutumés  à  voir  le  c  en  ces  mots-là  :  ain- 
fi nous  écrivons  toujours  Claude,  Cicogne  ,Jècond,fe- 
condement ,  féconder  ,Jecret,quok[ue  nous  prononcions 
Glande  ,  Cigogne  ,  J'egond ,  fegondement  ,  fegonder  z 
mais  on  prononce  J'ecret ,  fecretement  ,fecrétaire. 

Les  Latins  écrivoient  indifféremment  vicefimus  ou 
vigefmus  ;  Gaius  ou  Caius  ;  Gneius  pour  Cneius. 

Pour  achever  ce  qu'il  y  a  à  dire  fur  ce  rapport  du 
c  au  g,  je  ne  puis  mieux  faire  que  de  transcrire  ici 
ce  que  l'auteur  de  la  méthode  Latine  de  P.  R.  a  re- 
cueilli à  ce  fujet ,  p.  647. 

«  Le  g  n'eft  qu'une  diminution  du.c  ,  au  rapport 
»  de  Quintilien  ;  aufti  ces  deux  lettres  ont-elles  gran- 
»  de  affinité  enfemble  ,  pùifquè  de  K\Ât^iaK  nous  fai- 
»  fons  gubernater  ;  de  xhicç  ,  gloria  ;  de  a  gère  ,  aclum  ; 
»  de  nec-otium ,  negotium  :  &  Quintilien  témoigne 
»  que  dans  Gaius  ,  Gneius,  on  ne  diftinguoit  pas  lî 
»  c'etoit  un  c  ou  un  g  :  c'eft  de-là  qu'eft  venu  que 
»  de  centum  on  a  formé  quadringenti ,  quingenti  ,fep- 
»  iengenti ,  &c.  de  porricere  qui  eft  demeuré  en  ufage 
>»  dans  les  facrifices  ,  on  a  fait porrigere  ;  &  fembla- 
»  blés. 

»  On  croit  que  le  g  n'a  été  inventé  qu'après  la 
»  première  guerre  de  Carthage ,  parce  qu'on  trouvé 
»  toujours  le  c  pour  le  g  dans  la  colonne  appellée 
>»  rojtrata ,  qui  fut  élevée  alors  en  l'honneur  de  Dui- 
»  lins  ,  conlul ,  &  qui  fe  voit  encore  à  Rome  au  ca- 
»  pitole  ;  on  y  lit  :  macijiratos  leciones  puenando  copias 
»  Carcacinienjîs  :  ce  que  l'on  ne  peut  bien  entendre  lr 
»  l'on  ne  prend  le  rdans  la  prononciation  du  k.  AufH 
>•  ell-il  à  remarquer  que  Suidas  parlant  du  croulant 
»  que  les  lcnateurs  portoient  fur  leurs  fouliers,  l'ap- 
»  pelle  to  p'afjuLiKov  y.a^a-à  ;  faii'ant  allez  voir  par-là 
»  que  le  c  &  le  k  pafloient  pour  une  même  choie , 
»  comme  en  effet  ils  n'étoient  point  différens  dans 
»  la  prononciation  ;  car  au  lieu  qu'aujourd'hui  nous 

Ooo 


474  C 

»  adouciflbns  beaucoup  le  c  devant  Ye  &  devant  IV, 
»  enforte  que  nous  prononçons  Cicero  comme  s'il  y 
»  avoit  Sifero  ;  eux  au  contraire  prononçoient  le  c 
»  en  ce  mot  &  en  tous  les  autres ,  de  même  que 
»  dans  caput  &  dans  corpus,  kikero  ». 

Cette  remarque  fe  confirme  par  la  manière  dont 
on  voit  que  les  Grecs  écrivoient  les  mots  Latins  où 
il  y  avoit  un  c  ,  fur-tout  les  noms  propres  ,  Cœfar , 
Ka?<rap;  Cicero ,  K/xepwr,  qu'ils  auroient  écrit  2/répac, 
s'ils  avoient  prononcé  ce  mot  comme  nous  le  pro- 
nonçons aujourdhui. 

Voici  encore  quelques  remarques  fur  le  c. 

Le  c  eft  quelquefois  une  lettre  euphonique  ,  c'eft- 
à-dire  mife  entre  deux  voyelles  pour  empêcher  le 
bâillement  ou  hiatus  ;fi-c-ubi ,  au  lieu  def-ubi ,  fi  en 
quelque  part ,  fi  en  quelque  endroit  ;  nunc-ubi ,  pour 
num-ubi  ?  eft-ce  que  jamais  ?  eft-ce  qu'en  quelque 
endroit  ? 

Quelques  auteurs  ont  cru  que  le  c  venoit  du  chaph 
des  Hébreux ,  à  caufe  que  la  figure  de  cette  lettre  eft 
une  efpece  de  quarré  ouvert  par  un  côté  ;  ce  qui  fait 
une  forte  de  c  tourné  à  gauche  à  la  manière  des  Hé- 
breux :  mais  le  chaph  elt  une  lettre  afpirée  ,  qui  a 
plus  de  rapport  au  % ,  chi ,  des  Grecs  qu'à  notre  c. 

D'ailleurs,  les  Latins  n'ont  point  imité  les  carac- 
tères Hébreux.  La  lettre  des  Hébreux  dont  la  pronon- 
ciation répond  davantage  au  aaW*  &  à  notre  c,  c'eft 
le  kouph  dont  la  figure  n'a  aucun  rapport  au  c. 

Le  P.  Mabillon  a  obfervé  que  Charlemagne  a  tou- 
jours écrit  fon  nom  avec  la  lettre  c  ;  au  lieu  que  les 
autres  rois  de  la  féconde  race  qui  portoient  le  nom 
de  Charles ,  Pécrivoient  avec  un  k  ;  ce  qui  fe  voit  en- 
core fur  les  monnoies  de  ces  tems-là. 

Le  C  qui  elt  la  première  lettre  du  mot  centum ,  étoit 
chez  les  Romains  une  lettre  numérale  qui  fignifioit 
cent.  Nous  en  faifons  le  même  ufage  quand  nous  nous 
fervons  du  chiffre  Romain  ,  comme  dans  les  comp- 
tes qu'on  rend  en juftice,  en  finance,  &c.  Deux  CC 
marquent  deux  cents ,  &c.  Le  C  avec  une  barre  au- 
defïùs ,  comme  on  le  voit  ici ,  fignifioit  cent  mille. 
Comme  le  C  eft  la  première  lettre  de  condemno ,  on 
Pappelloit  lettre  funefle  ou  tripe ,  parce  que  quand  les 
juges  condamnoient  un  criminel ,  ils  jettoient  dans 
Purne  une  tablette  fur  quoi  la  lettre  c  étoit  écrite  ;  au 
lieu  qu'ils  y  écrivoient  un  A  quand  ils  vouloient  ab- 
foudre.  V niverfi judices  in  cijlam  tabulas Jimul  conjicie- 
bant  fuas  :  eafque  inculptas  Hueras  habebant ,  A  ,  abfolu- 
tionisj  C  ,  condemnationis.  (Afconius  Pedianus  inDi- 
vinat.  Cic.  ) 

Dans  les  noms  propres,  le  C  écrit  par  abrévia- 
tion lignifie  Caius  :  s'il  eft  écrit  de  droite  à  gauche  , 
il  veut  dire  Caia.  Voy.  Valerius  Probus ,  de  nous  Ro- 
manorum ,  qui  fe  trouve  dans  le  recueil  des  grammai- 
riens Latins  ,  Auclores  linguec  Latines. 

Le  C  mis  après  un  nom  propre  d'homme ,  ou  dou- 
blé après  deux  noms  propres ,  marquoit  la  dignité  de 
conful.  Ainfi  Q.  Fabio  &  T.  Quintio  CC  ,  ûoniRefous 
le  confulat  de  Quintus  Fabius  ,  &  de  Titus  Quintius. 

En  Italien ,  le  c  devant  Ye  ou  devant  Yi ,  a  une  forte 
de  fon  qui  répond  à  notre  tche ,  tchi ,  faifant  entendre 
le  t  foiblement:  au  contraire  fi  le  c  eft  fuivi  d'une  h, 
on  le  prononce  comme  ké  ou  que ,  ki  ou  qui  :  mais  la 
prononciation  particulière  de  chaque  confonne  re- 
garde la  Grammaire  particulière  de  chaque  langue. 

Parmi  nous ,  le  C  fur  les  monnoies  eft  la  marque 
de  la  ville  de  Saint-Lô  en  Normandie.  (.F) 

C ,  dans  le  Commerce  :  cette  lettre  feule ,  ou  fuivie , 
Ou  précédée  de  quelques  autres, fert  aux  marchands , 
négocians  ,  banquiers  &  teneurs  de  livres ,  pour  abré- 
ger certains  termes  qu'ils  font  obligés  de  répéter  fou- 
vent  dans  les  écritures  qu'ils  portent  fur  leurs  jour- 
naux ou  regiftres.  C.  fignifie  compte.  C.  O.  compte 
ouvert,  C.  C.  compte  courant.  M.  C,  mon  compte.  S.  C. 


C  A  A 

fon  compte.  L.  C.  leur  compte.  N.  C.  notre  compte.  Voy'. 
Abréviation.  (G) 

C  eft ,  en  Mufique ,  le  figne  de  la  mefure  à  quatre 
tems.  Voye{  Mlsure. 

C  barre  ,  qui  fe  fait  ainfi  (p  ,  eft  en  Mufique  , 
le  fignede  la  mefure  à  quatre  tems  vîtes, ou  plutôt  à 
deux  tems  pofés ,  confervant  pourtant  toujours  le  ca- 
ractère de  la  mefure  à  quatre  tems  ,  qui  eft  l'égalité 
des  croches.  Voyez  Mesure. 

C  SOL  UT,  C  SOL  FA  UT  ,  oufmplement  C  :  ca- 
ractère ou  terme  de  Mufique  qui  indique  la  note  que 
nous  appelions  ut.  Voye\  Gamme.  C'eft  auflî  le  nom 
de  l'une  des  trois  clés  de  la  Mulique.  Voy.  Clé.  (S) 

*  Quant  à  la  formation  de  la  lettre  C  confidérée 
comme  caraclere  d'écriture.  V.  l'article  Ecriture. 

*  CAA-APIA  ,  (Hijl.  nat.  bot.  )  petite  plante  du 
Brefil  dont  la  racine  eft  longue  d'un  ou  deux  tra- 
vers de  doigt ,  groffe  comme  le  tuyau  d'une  plume 
de  cygne  ,  noiieufe ,  garnie  de  petits  filamens  d'un 
gris  jaunâtre  en -dehors,  blanche  en -dedans  ;  d'a- 
bord infipide  au  goût ,  puis  un  peit  acre  ce  piquante. 
Il  part  de  cette  racine  trois  ou  quatre  pédicules  longs 
de  trois  ou  quatre  travers  de  doigt ,  &  portant  cha- 
cun une  feuille  large  d'un  travers  de  doigt,  longue 
de  trois  ou  quatre,  d'un  verd  luifant  en-deflus,  un 
peu  blanchâtre  en-deffous ,  traveriee  d'une  nervure 
principale,  d'où  il  en  part  d'autres  latérales  qui  font 
relevées  en-defibus.  La  fleur  a  fon  pédicule  particu- 
lier :  elle  eft  ronde ,  radiée ,  approchante  de  la  fleur 
du  bcllis ,  à  plufieurs  étamines ,  &  à  femences  ron- 
des plus  petites  que  la  graine  de  moutarde.  On  attri- 
bue à  la  racine  les  vertus  de  l'ipecacuhana  :  mais 
c'eft  à  tort.  Cependant  elle  arrête  le  flux ,  6c  fait  vo- 
mir. Les  habitans  du  Brefil  pilent  la  plante  entière, 
&  fe  fervent  de  fon  fuc  contre  la  morfure  des  ferpens 
&  la  blefïïire  des  flèches  empoifonnées.  Mémoires  de 
l'académie  des  Sciences ,  ijoo. 

*  Caa-ATAYA  ,  (  Hijl.  nat.  bot.  )  plante  du  Bre- 
fil dont  la  racine  eft  petite ,  blanche,  quarrée ,  de  la 
hauteur  d'un  pié ,  d'un  verd  pâle ,  foible ,  genouillée, 
partie  droite ,  partie  rampante,  &  prenant  racine  où 
fes  nœuds  touchent  la  terre.  Elle  a  à  chaque  nœud 
deux  petites  feuilles  oppofées,fcmblables  à  celles  de 
la  véronique  mâle  pour  la  pofition  &  pour  la  figure, 
d'un  verd  pâle  ,  &  dentelée  par  les  bords.  A  chaque 
paire  de  feuilles  eft  une  petite  fleur  blanche  en  cal- 
que ,  à  laquelle  fuccede  une  gonfle  ièmblable  au 
grain  d'avoine.  Cette  gonfle  s'ouvre  &  répand  une 
petite  femence  ronde  ,  d'un  jaune  foncé ,  &  plus  me- 
nue que  celle  du  pavot.  La  plante  n'a  point  d'odeur  ; 
elle  eft  un  peu  amere  au  goût.  Broyée  &  bouillie 
dans  l'eau  ,  on  en  tire  par  décoction  un  purgatif  vio- 
lent par  haut  &  par  bas.  On  la  pourrait  rapporter  au 
genre  de  l'eufraile. 

*  CAABLE,  adj.  (Commerce  de  bois.)  on  donne 
ce  nom  aux  arbres  que  les  vents  ont  abattus  dans  les 
forêts.  Ainfi  caablé  eft  lynonyme  à  verfé  &  à  chablis. 
Voyei  Bois. 

*  CAACICA,  (Hijl.  nat.  bot.)  plante  du  Brefil 
à  racine  petite  &  filamenteufe,  d'où  part  un  grand 
nombre  de  tiges  voifines  les  unes  des  autres  ,  hautes 
d'un  demi-pié  ,  &  quelquefois  davantage  ;  d'un  verd 
rougeâtre  ,  un  peu  velues  ,  genouillées  ,  de  la  grof- 
feur  du  doigt,  &  portant  à  chaque  nœud  deux  feuil- 
les bien  découpées,  de  la  grandeur  &  de  la  forme  de 
celles  de  la  véronique  mâle  ;  vertes  en-deffus  &  blan- 
châtres en-defibus.  Entre  ces  feuilles  croît  une  multi- 
tude de  petites  fleurs  en  ombelle,  d'un  verd  mêlé 
d'un  peu  de  rouge:  toute  la  plante  rend  un  lue  lai- 
teux. Broyée ,  on  1'apphque  pour  la  morfure  des  ler- 
pens  &c  d'autres  bleflures. 

*  CAA-ETIMAY,(  Hift.  nat.  bot.  )  plante  du 
Brefil  qui  s'élève  à  la  hauteur  de  trois  piéj ,  a  la  tige 
verte ,  pleine  d'une  fubftance  médullaire,  &  couron- 


C  A  A 

née  à  fon  origine  d'un  grand  nombre  de  feuilles  lon- 
gues de  quatre  à  cinq  doigts  ,  étroites ,  dentelées  par 
les  bords,  un  peu  velues ,  ainlî  que  la  tige,  dont  la 
partie  fupérieure  le  divile  en  quatre  ,  cinq  ,  fix ,  ou 
iépt  branches  ,  couvertes  de  petites  feuilles  lembla- 
bles  à  celles  de  l'hyfope.  Les  plus  petites  branches 
portent  un  grand  nombre  de  petites  fleurs  fembla- 
bles  à  celles  du  feneçon.  Ces  fleurs  dégénèrent  en  un 
duvet  qu'emporte  le  vent. 

Cette  plante  a  la  feuille  chaude  &  acre  :  on  l'em- 
ployé bouillie  &  broyée  ,  contre  la  gratelle.  Ray, 
Hift.  plant. 

*  CAAGHIYNITO,  (Hift.  nat.  bot.  )  arbriffeau 
de  la  groffeur  du  framboifier  :  fa  tige  eft  ligneufe  & 
velue;  les  feuilles  croulent  par  paires  oppoiées,  6c 
font  couvertes  d'un  duvet  doux  au  toucher,  légère- 
ment découpées  ,  divilées  par  trois  nervures  émi- 
nentes  qui  les  traverlent  dans  toute  leur  longueur  , 
&  d'où  partent  en  grand  nombre  de  petites  veines 
<mi  fe  croifent  en  tout  fens ,  plus  vertes  en  -  deffus 
qu'en-defîbus  ,  relevées  en  bolîés  en-deflùs  ,  &  par- 
femées  de  cavités  en-deffous.  Il  croît  fur  tout  l'ar- 
brifTeau  trois,  quatre,  cinq  fleurs  blanches  ,  à  cinq 
pétales  qui  fe  réunifient  :  elles  font  fuivies  de  baies 
noires  de  la  groffeur  de  celles  du  genièvre ,  douces 
au  goût,  6c  pleines  d'un  fuc  femblable  à  celui  des 
baies  de  myrte.  Les  Nègres  les  mangent.  Le  caag- 
hiynito  croit  en  plufieurs  contrées  du  Brefil.  On  dit 
que  les  feuilles  mifes  en  poudre  ,  font  un  bon  remè- 
de contre  les  ulcères  qui  proviennent  d'un  principe 
chaud. 

*  CAAGUACUBA ,  (  Hift.  nat.  bot.  )  petit  arbre 
droit  peu  vigoureux ,  non  branchu  ,  couvert  au  fom- 
met  d'un  grand  nombre  de  feuilles  larges  d'un  pié  6c 
davantage,  longues  d'un  pié  6c  demi,  divilées  par 
des  nervures  douces  au  toucher ,  velues ,  6c  plus  ver- 
tes en-deflùs  qu'en-defîbus.  Il  porte  de  petites  fleurs 
difpolées  en  ombelle  ,  femblables  à  celles  du  tilleul , 
blanches,  à  cinq  pétales,  avec  un  ovaire  jaune  au 
milieu  :  elles  ont  aufll  l'odeur  des  fleurs  du  tilleul. 
L'écorce  de  l'arbre  eft  cendrée  ,  6c  le  bois  en  eft  caf- 
fant.  Son  fruit  eft  noir  quand  il  eft  mùr ,  6c  les  oifeaux 
s'en  nourriflent.  Ray  ne  dit  rien  de  fes  vertus  médi- 
cinales. 

*  CAAIO  ,  (  Hift.  nat.  bot.  )  plante  du  Brefil.  M. 
Ray  en  diftingue  deux  cfpeces  :  il  les  appclle/^/i/ï- 
ves.  Il  n'en  donne  point  la  description  ,  &  ne  leur  at- 
tribue aucune  propriété  médicinale. 

C  AANA,  (Géog.  )  ville  d'Egypte  fur  le  bord 
oriental  du  Nil ,  agréable  par  fa  fituation  ,  &curieufe 
par  beaucoup  de  monumens.  Long.  4g.  58.  lat.  x5. 
30. 

*  CAA-OPIA  ,  (Hift.  nat.  bot.)  arbre  du  Brefil 
qui  n'eft  pas  fort  confidérable.  Son  écorce  eft.  d'une 
couleur  cendrée  tirant  fur  le  rouge  ,  avec  des  raies 
brunes  ;  Ion  bois  eft  fort ,  il  poulie  beaucoup  de  bran- 
ches; les  feuilles  font  fermes,  vertes,  tirant  furie 
rouge  en-deflbus ,  6c  d'un  verd  pâle  ec  luifant  en- 
deflùs  ;  fes  fleurs  font  en  ombelle  ,  6c  tirent  leur  ori- 
gine de  petites  éminences  rondes  ,  brunes ,  de  la  for- 
me d'une  lentille ,  d'où  elles  fortent  à  la  longue ,  com- 
pofées  de  cinq  pétales  d'un  verd  tirant  fur  le  jaune  , 
couvertes  au-dedans  d'une  efpece  de  laine  blanche  , 
&  bien  pourvues  de  belles  étamines  jaunes  :  les  (leurs 
font  fuivies  de  baies  vertes  d'abord,  de  la  groffeur 
d'une  cerife  ,  rondes  ,  couvertes  d'une  coque  molle  , 
d'oii  étant  tirées  &  écralces ,  elles  rendent  par  exiu- 
dation  une  fubftance  liquide  d'un  fort  beau  jaune  : 
au-dedans  de  l'écorce  de  cet  arbre  efl  renfermée  une 
pulpe  blanche  compofée  de  corps  cylindriques,  pla- 
ints à  coté  des  autres  ,  &  adhérons  entre  eux  à 

l'extrémité  des  branches  qui  portent  le  fruit.  Il  y  a 
toujours  deux  feuilles  brunes,  pointues,  unies  ou  à 
moitié  collées ,  qui  relicmblent  allez  à  une  pique. 
Tome  II, 


C   A  B 


475 


Cet  arbre  fleurit  en  Novembre  &  en  Décembre  ,  & 
fon  fruit  eft  mùr  en  Janvier  ou  Février.  Si  l'on  fait 
une  incifion  à  fon  écorce  ,  fur-tout  lorfqu'il  commen- 
ce à  bourgeonner  ,  il  en  lortira  au  bout  d'un  ou  de 
deux  jours  une  larme  d'une  couleur  de  iafran  ,  rou- 
geâtre  ,  qui  eft  molle  d'abord  ,  mais  qui  fe  durcit  par 
la  fuite  :  cette  larme  eft  de  la  couleur  &  confiltance 
de  la  gutta- gamba.  Elle  le  dilî'out  dans  l'elprit-de- 
vin  ,  à  qui  elle  donne  une  belle  couleur  de  iafran. 

On  fe  fervoit  autrefois  de  cette  gomme  comme 
d'un  remède  pour  la  gratelle  ,  en  la  failant  difloudre 
dans  l'eau  :  mais  elle  n'a  point  tant  d'efficacité  que 
la  gutta -gamba.  En  la  faifant  macérer  dans  du  vi- 
naigre de  fquille  ou  dans  l'elprit-de-vin,  on  a  un, 
purgatif  violent.  Ray,  Hift.  plant. 

CAAPEBA ,  (  Hift.  nat.  bot.  )  genre  de  plante  à 
fleur  en  rôle ,  compofée  de  quatre  pétales  dilpofés 
en  rond,  &  ftérile.  II  s'élève  du  milieu  un  pillil  ap- 
plati ,  rond  ,  &  marqué  d'un  ombilic.  Il  y  a  fur  la 
même  plante  des  embryons  féparés  des  fleurs  ,  qui 
deviennent  dans  la  fuite  une  baie  molle  &  fphéri- 
que  ,  qui  renferme  une  femence  ridée.  Plumier, 
Nova  plant.  Amer,  gêner.  Voye^  Plante.   (/) 

CAB,  (Hift.anc.)  mefure  Hébraïque,  qui  étoit 
la  fixieme  partie  àuféah  ou  fatum ,  &  la  dix-huitie- 
me  partie  de  Yepha.  Le  cab  contenoit  une  pinte  ,  cho- 
pine  ,  un  poifîbn,  un  pouce  cube  &  un  peu  plus.  Le 
quart  du  cab  étoit  cette  mefure  de  fiente  de  pigeon  , 
ou  plutôt  d'une  forte  de  pois  chiche  appellée  de  ce 
nom ,  qui  fut  vendue  h  Samarie  jufqu'à  cinq  ficles 
pendant  le  fiége  de  cette  ville  ,  comme  il  eft  rap- 
porté au  IV.  livre  des  Rois ,  c.  vj.  verf.  zà.  Ce  quart 
de  cab  contenoit  un  demi-feptier,  un  poùTon,  un 
quart  de  poilTon ,  trois  lignes  cubes  &  un  peu  plus. 
On  l'appelle  auffi  rog  ou  robah.  Le  cab  étoit  fort  dif- 
férent du  cad ,  cadus.  Voye^  Cad.  Dictionnaire  de  là 
bible.   (G) 

*  CABACK  ,  (Hift.  mod.  )  c'eft  ainfi  qu'on  ap- 
pelle en  Ruffie  les  cabarets  6c  les  maifons  oii  l'on 
va  boire  du  vin,  de  leau-de-vie  ,6c  d'autres  liqueurs 
fortes.  Tous  les  cabacks  ou  cabarets  qui  font  dans 
l'étendue  de  l'empire  appartiennent  au  louverain  ;  il 
eft  le  leul  cabaretier  de  les  états  :  il  atferme  en  argent 
ces  fortes  de  maifons  ;  cela  fait  une  partie  confidéra- 
ble de  fes  revenus,  attendu  la  vafte  étendue  des  pays 
qui  lui  font  fournis  ,  &  l'invincible  penchant  que  les 
fujets  ont  à  s'ériivrer  de  vin ,  6c  fur  tout  d'eau-de- 
vie. 

CABAIGNAC  ,  (  Giog.  )  petite  ville  de  France 
dans  le  haut  Languedoc  ,  entre  Touloufe  6c  Car- 
calfonne. 

CABALE  ,  f.  f.  (Jurifp.  )  concert  ou  confpira- 
tion  de  plufieurs  perlonnes  ,  qui  par  des  menées  fe- 
cretes  &  illicites ,  travaillent  lourdement  à  quelque 
choie  d'injufte  ,  comme  à  perdre  un  innocent ,  à  fau* 
ver  un  coupable,  à  décréditer  une  bonne  marchan- 
dée ,  un  bon  ouvrage ,  à  ruiner  quelque  etabliffement 
utile  ,  ou  à  faire  écïorre  quelqueprojet  préjudiciable 
à  l'état  ou  à  la  fociété. 

Il  fe  dit  auffi  du  projet  même  des  perfonnes  qui 
cabalent.  Ainli  l'on  dit  ,  fi  les  manœuvres  des  per- 
fonnes mal  intentionnées  ont  rculii ,  ou  ont  manqué  : 
aie  l'a  emporté  cette  fois  ;  la  cabale  a  échoué  , 
6cc. 

De  ce  mot  on  a  fait  cabaleur  ,  pour  défigner  celui 
qui  trempe  dans  une  cabale  ,  ou  plutôt  même  celui 
qui  en  eu  le  promoteur.    (H) 

Cabale  ,  (Philof.  )  On  n'entend  pas  feulement 
ici  par  le  mot  de  Cabale  ,  cette  tradition  orale  dont 
les  juifs  croyoient  trouver  la  fource  furie  montSinai 
ou  elle  fut  donnée  a  Moyfe,  en  même  tems  que  la  loi 
écrite  ,  &  qui ,  après  l'a  mort,  palîa  aux  prophètes, 
aux  rois  chéris  de  Dieu  ,  6c  furtout  aux  fages ,  qui 

O  o  o  ï) 


47<S 


C  A  B 


la  reçurent  les  uns  des  autres  par  une  efpece  de  fub- 
ftitution.  On  prend  furtout  ce  mot  pour  la  doctrine 
mythique ,  &  pour  la  Philofoph.it  occul  c  des  Juifs  ,  en 
un  mot  pour  leurs  opinions  myftérieufes  fur  la  Mé- 
taphyfique,  fur  la  Phyfique  &  fur  la  Pneumatique. 

Parmi  les  auteurs  Chrétiens  qui  ont  fait  leurs  ef- 
forts pour  relever  la  Cabale  ,  &  pour  la  mettre  au  ni- 
veau des  antres  feiences  ,  on  doit  diffinguer  le  fa- 
meux Jean  Pic  de  la  Mirandole ,  qui  à  Page  de  vingt- 
quatre  ans  foùtint  à  Rome  un  monftrueux  aflembla- 
ge  de  toute  forte  de  proportions  tirées  de  plufieurs 
livres  cabaliffiques  qu'il  avoit  achetés  à  grands  frais. 
Son  zèle  pour  l'Eglife  Romaine  fut  ce  qui  l'attacha 
à  la  Cabale.  Séduit  par  les  éloges  qu'on  donnoit  à  la 
tradition  orale  des  Juifs,  qu'on  égaloit  prefque  à  l'E- 
criture-fainte  ,  il  alla  jufqu  a  fe  perfuaderque  les  li- 
vres cabaliltiques  qu'on  lui  avoit  vendus  comme  au- 
thentiques ,  étoient  une  production  d'Efdras ,  &  qu'ils 
contenoient  la  doctrine  de  l'ancienne  églife  Judaïque. 
Il  crut  y  découvrir  le  myftere  de  la  Trinité  ,  l'Incar- 
nation ,  la  Rédemption  du  genre  humain  ,  la  paiîïon  , 
la  mort  &  la  réfurreclion  de  J.  C.  le  purgatoire  ,  le 
baptême,  la  fupprefîion  de  l'ancienne  loi,  enfin  tous 
les  doomes  enfeignés  &  crûs  dans  l'Eglife  catholi- 
que. Ses  efforts  n'eurent  pas  un  bon  fuccès.  Ses  the- 
iés  furent  fupprimées,  &  treize  de  fes  propositions 
furent  déclarées  hérétiques.  On  peut  lire  dans  Volf 
le  catalogue  des  auteurs  qui  ont  écrit  fur  la  Cabale. 

Origine  de  la  Cabale.  Les  commencemensde  la  Ca- 
bale font  fi  obfcurs  ,  fon  origine  efl  couverte  de  li 
épais  nuages,  qu'il  paroît  prefque  impoffible  d'enfi- 
ler l'époque  :  cette  obfcurité  d'origine  ell  commune 
à  toutes  les  opinions  qui  s'infinuent  peu  à  peu  dans 
les  efprits  ,  qui  croiiïent  dans  l'ombre  &  dans  le  fi- 
lence  ,  &  qui  parviennent  infeniiblement  à  former 
mn  corps  de  i yfteme. 

Il  feroit  affez  inutile  de  rapporter  ici  les  rêveries 
des  Juifs  fur  l'origine  de  la  Plulojbphie  cabalifiique,  on 
peut  conlulter  l'article  Philosophie  judaïque, 
èv  nous  aurons  occafion  d'en  dire  quelque  chofe  dans 
le  cours  même  de  celui-ci  :  nous  nous  contenterons 
de  dire  ici  qu'il  y  a  des  Juifs  qui  ont  prétendu  que 
Fange  Raziel  ,  précepteur  d'Adam  ,  lui  avoit  donné 
un  livre  contenant  la  feience  célefle  ou  la  Cabale  ,  & 
qu'après  le  lui  avoir  arraché  au  fortir  du  jardin  d'E- 
den,  il  le  lui  avoit  rendu,  fe  biffant  fléchir  par  fes 
humbles  fupplications.  D'autres  difent  qu'Adam  ne 
reçut  ce  livre  qu'après  fon  péché ,  ayant  demandé  à 
Dieu  qu'il  lui  accordât  quelque  petite  coniolaiion 
dans  le  malheureux  état  où  il  fe  voyoit  réduit.  Ils 
racontent  que  trois  jours  après  qu'il  eut  ainfi  prié 
Dieu ,  l'ange  Raziel  lui  apporta  un  livre  qui  lui  com- 
muniqua la  connoiffance  de  tous  les  fecrets  de  la 
nature  ,  la  puiffance  de  parler  avec  le  foleil  &avec 
la  lune  ,  de  faire  naître  les  maladies  &  de  les  guérir , 
de  renverfer  les  villes  ,  d'exciter  des  tremblemens 
de  terre ,  de  commander  aux  anges  bons  &  mau- 
vais ,  d'interpréter  les  longes  &  les  prodiges ,  &c  de 
prédire  l'avenir  en  tout  tems.  Ils  ajoutent  que  ce  li- 
vre en  paffant  de  père  en  fils  ,  tomba  entre  les  mains 
de  Salomon  ,  &  qu'il  donna  à  ce  favant  prince  la 
vertu  de  bâtir  le  temple  par  le  moyen  du  ver  Zamir  , 
fans  fe  fervir  d'aucun  infiniment  de  fer.  Le  rabbin 
îfaac  Ben  Abraham  a  fait  imprimer  ce  livre  au  com- 
mencement de  ce  fiecle  ,  &  il  fut  condamné  au  feu 
par  les  Juifs  de  la  même  tribu  que  ce  rabbin. 

Les  favans  qui  ont  écrit  fur  la  Cabale  font  fi  par- 
tagés fur  fon  origine  ,  qu'il  ell  prefque  impoffible  de 
tirer  aucune  lumière  de  leurs  écrits  :  la  variété  de 
leurs  fentimens  vient  des  différentes  idées  qu'ils  fe 
formoient  de  cette  feience  ;  la  plupart  d'entr'eux  n'a- 
voient  point  examiné  la  nature  de  la  Cabale  ,  com- 
ment ne  fe  feraient  -  ils  pas  trompés  fur  fon  origine  ? 
Ainiï  fans  prétendre  à  la  gloire  de  les  concilier ,  nous 


C  A  B 

nous  bornerons  à  dire  ici  ce  que  nous  croyons  de 
plus  vraiffemblable. 

ic.  Ceux  qui  ont  étudié  l'hiftoire  de  la  Philofo- 
phie  ,  &  luivi  les  progrès  de  cette  feience  depuis  le 
commencement  du  monde  juiqu'à  la  naiffance  de  J  .C. 
favent  que  toutes  les  nations ,  &  furtout  les  peuples 
de  l'orient  ,  avoient  une  feience  myflérieufe  qu'on 
cachoit  avec  foin  à  la  multitude  ,  &  qu'on  ne  corn- 
muniquoit  qu'à  quelques  privilégiés  :  or,  comme  les 
Juifs  tenoient  un  rang  diflingué  parmi  les  nations 
orientales ,  on  fe  perfuadera  aiiément  qu'ils  durent 
adopter  de  bonne  heure  cette  méthode  iecrete  &  ca- 
chée. Le  mot  même  de  Cabale  femble  l'infinuer  ;  car 
il  lignifie  une  tradition  orale  &  Iecrete  de  certains 
mylleres  dont  la  connoiffance  étoit  interdite  au  peu- 
ple. (Liiez  Vacliierns  inElucidario  Cabba.  Schrammius. 
Differt.  de  Mylleriis  Judœorum  plulojbphicis.*)  Mais  par- 
mi le  grand  nombre  de  témoignages  que  nous  pour- 
rions citer  en  faveur  de  ce  fentiment,  nous  n'en  choi- 
firons  qu'un  tiré  de  Jochaides  écrivain  cabaliffique. 
(  Jdra  Rabba  §.  16.  Cabb.  dtnud.  tom.  11.  ) 

K.  Schimeon  exorfus  dixit  ;  qui  ambulat  ut  circum- 
foraneus  ,  révélât  feerctum  ;  fed fideiis  Jpiritu  operit  ver- 
bum ,  ambulans  ut  circumforaneus  :  hoc  dicîum  quœflio- 
nem  meretur,  quia  dicitur  circumforaneus  quare  ambu- 
lans, vir  circumforaneus  dicendus  erat ,  quid  ell  ambu- 
lans ?  Verumenimvero  in  Mo  ,  qui  non  efl  fedatus  infpi- 
ritufuo  ,  nec  verax ,  verbum  quod  audivit ,  hùc  Mue  mo- 
vetur ,  ficut  Jpina  in  aquâ ,  donec  Mue  foras  expellat  ; 
quamobrem  ?  quia  fpiritus  ejus  non  efl  flabilis  .  .  .  nec 
enim  mundus  in  (labilitate  manet  niji  per  fecretum  ,  & 
fi  circa  negotia  mundana  opus  ejlfecreto  ,  quanto  magis 
in  negotiis  fecretorum  fecretiffîmorum  &  confideratione 
finis  dierum  ,  quœ  nequidem  tradita  fiunt  angelis  .... 
Cœlis  nondicam  ut  aufcultent  ;  terra  non  dicam  ut  au- 
diat  ;  certè  enim  nos  columnœ  mundorum  fumus. 

Ainfi  parle  Schimeon  Jochaides  ;  &  il  regardoit  le 
fecret  comme  une  chofe  fi  importante  qu'il  fit  jurer 
fes  difciples  de  le  garder.  Le  filence  étoit  fi  facré  chez; 
les  Efleniens  ,  que  Jofephe  (  Procem.  hifl.  Judaïc.  y 
afîùre  que  Dieu  puniffoit  ceux  qui  ofoient  le  violer. 

2°.  Il  n'efl  donc  pas  douteux  que  les  Juifs  n'ayent 
eu  de  bonne  heure  une  feience  iecrete  &  myfté- 
neuie  :  mais  il  efl  impoffible  de  dire  quelque  chofe 
de  pofitif  foit  fur  la  vraie  manière  de  l'enfeigner  , 
foit  fur  la  nature  des  dogmes  qui  y  étoient  cachés, 
foit  fur  les  auditeurs  choiiis  auxquels  on  la  commu- 
niquoit.  Tout  ce  qu'on  peut  affùrer  ,  c'eft.  que  ces 
dogmes  n'étoient  point  contraires  à  ceux  qui  font 
contenus  dans  l'Ecriture  lainte.  On  peut  cependant 
conjecturer  avec  vraiffemblance  ,  que  cette  feience 
fecrete  contenoit  une  expoiition  affez  étendue  des 
mylîeres  de  la  nouvelle  alliance  ,  dont  les  femen- 
ces  font  répandues  dans  l'ancien  Tellament.  On  y 
expliquoit  Fefprit  des  cérémonies  qui  s'oblèrvoient 
chez  les  Juifs  ,  &  on  y  donnoit  le  fens  des  Prophé- 
ties dont  la  plupart  avoient  été  propolées  fous  des 
emblèmes  &  des  énigmes  :  toutes  ces  choies  étoient 
cachées  au  peuple  ,  parce  que  ion  efprit  groffier  & 
charnel  ne  lui  faifoit  envifàger  que  les  biens  ter- 
rellres. 

3°.  Cette  Cabale  ,  ou  bien  cette  tradition  orale 
fe  conferva  pure  &  conforme  à  la  Loi  écrite  tout  le 
tems  que  les  prophètes  furent  les  dépofitaires  &  les 
gardiens  de  la  doftrine  :  mais  lorfque  l'efprit  de  pro- 
phétie eut  ceffé  ,  elle  fe  corrompit  par  les  quelîions 
oifives,  8c  par  les  affertions  frivoles  qu'on  y  mêla. 
Toute  corrompue  qu'elle  étoit ,  elle  conferva  pour- 
tant l'éclat  dont  elle  avoit  joui  d'abord  ,  &  on  eut 
pour  ces  dogmes  étrangers  &  frivoles  qu'on  y  inléra  , 
le  même  refpe£t  que  pour  les  véritables.  Voilà  quelle 
étoit  l'ancienne  Cabale  ,  qu'il  faut  bien  dillinguer  de 
la  Philofophie  cabalifliqut ,  dont  nous  cherchons  ici 
l'origine. 


C  A  B 

4°.  On  peut  d'abord  établir  qu'on  ne  doit  point 
chercher  l'origine  de  la  Philofophie  cabalijlique  chez 
les  Juifs  qui  habitoient  la  Paleltine  ;  car  tout  ce  que 
les  anciens  rapportent  des  traditions  qui  étoient  en 
vogue  chez  ces  Juifs ,  fe  réduit  à  des  explications  de 
la  loi ,  à  des  cérémonies,  6c  à  des  conftitutions  des 
fages.  La  Philofophie  cabalijlique  ne  commença  à  pa- 
roitre  dans  la  Paleltine  que  lorfque  les  Elléniens  , 
imitant  les  mœurs  des  Syriens  &  des  Egyptiens  ,  & 
empruntant  même  quelques-uns  de  leurs  dogmes  & 
de  leurs  inftituts  ,  eurent  formé  une  fecte  de  Philo- 
sophie. On  fait  par  les  témoignages  de  Jofephe  &  de 
Philon  ,  que  cette  fefte  gardoit  un  fecret  religieux  fur 
certains  myfteres  '6c  fur  certains  dogmes  de  Philofo- 
phie. 

Cependant  ce  ne  furent  point  les  EfTeniens  qui 
communiquèrent  aux  Juifs  cette  nouvelle  Cabale;  il 
eft  certain  qu'aucun  étranger  n'étoit  admis  à  la  con- 
noiffance  de  leurs  myfteres  :  ce  fut  Simeon  Scheta- 
chides  qui  apporta  d'Egypte  ce  nouveau  genre  de 
tradition  ,  &  qui  l'introduifit  dans  la  Judée  (  Voye^ 
l'Hifloirc  des  Juifs.  )  Il  eft  certain  d'ailleurs  que  les 
Juifs ,  dans  le  féjour  qu'ils  firent  en  Egypte  fous  le 
règne  de  Cambife  ,  d'Alexandre  le  grand  ,  &  de 
Ptolémée  Philadelphe,  s'accommodèrent  aux  mœurs 
des  Grecs  6c  des  Egyptiens ,  6c  qu'ils  prirent  de  ces 
peuples  l'ufage  d'expliquer  la  loi  d'une  manière  al- 
légorique, 6c  d'y  mêler  des  dogmes  étrangers  :  on  ne 
peut  donc  pas  douter  que  l'Egypte  nefoitla  patrie  de 
la  Philofophic  cabalifique  ,  6c  que  les  Juifs  n'ayent 
inféré  dans  cette  feience  quelques  dogmes  tirés  de  la 
Philofophie  Egyptienne  &  orientale.  On  en  fera  plei- 
nement convaincu ,  fi  l'on  fe  donne  la  peine  de  com- 
parer les  dogmes  philolophiques  des  Egyptiens  avec 
ceux  de  la  Cabale.  On  y  mêla  même  dans  la  fuite 
quelques  opinions  des  Peripatéticiens  ;  (  Morus. 
Cabb.  denud.  tom.  I.  )  &  J.  Jufte  Lofuis  (  Giejpz 
ljo6 .  )  a  fait  une  diliertation  divifée  en  cinq  cha- 
pitres ,  pour  montrer  la  conformité  des  fentimens  de 
ces  derniers  philofophes  avec  ceux  des  Cabalijles. 

L'origine  que  nous  donnons  à  la  Philofophie.  caba- 
lifique ,  fera  encore  plus  vrailTemblable  pour  ceux 
qui  feront  bien  au  fait  de  la  Philoibphie  des  anciens, 
&  furtout  de  l'hiftoire  de  la  Philofophie  judaïque. 

Divifon  de  la  Cabale.  La  Cabale  le  divile  en  con- 
templative ,  &  en  pratique  :  la  première  eft  la  feience 
d'expliquer  l'Ecnture-fainte  conformément  à  la  tra- 
dition lecrete  ,  &  de  découvrir  par  ce  moyen  des 
vérités  fublimes  fur  Dieu  ,  fur  les  efprits  6c  fur  les 
mondes  :  elle  enfeigne  une  Métaphyfique  myftique , 
&  une  Phyfique  épurée.  La  féconde  enfeigne  à  opé- 
rer des  prodiges  par  une  application  artificielle  des 
paroles  &  des  fentences  de  l'Ecriture  fainte  ,  6c  par 
leur  différente  combinailon. 

i°.  Les  partifans  de  la  Cabale  pratique  ne  manquent 
pas  de  raifons  pour  en  foùtenir  la  réalité.  Ils  fou- 
tiennent  que  les  noms  propres  font  les  rayons  des 
objets  dans  lcfquels  il  y  a  une  eipece  de  vie  cachée. 
C'eft  Dieu  qui  a  donné  les  noms  aux  choies  ,  &  qui 
en  liant  l'un  à  l'autre,  n'a  pas  manqué  de  leur  com- 
muniquer une  union  efficace.  Les  noms  des  hommes 
font  écrits  au  ciel  ;  &  pourquoi  Dieu  auroit-il  placé 
ces  noms  dans  les  livres  ,  s'ils  ne  méritoient  d'être 
confervés  ?  Il  y  avoit  certains  Ions  dans  l'ancienne 
JMuliquc  ,  qui  frappoient  li  vivement  les  fens ,  qu'ils 
animoient  un  homme  ianguiffant,  diltipoient  la  mé- 
lancholie,chaffbient  le  mal  dont  il  étoit  attaqué, &  le 
faifoient  quelquefois  tomber  en  fureur.  Il  tant  nécef- 
fairement  qu'il  y  ait  quelque  vertu  attachée  dans  ces 
Ions  pour  produire  de  li  grands  effets.  Pourquoi  donc 
refiuera-t-on  la  même  efficace  aux  noms  de  Dieu  6c 
aux  mots  de  l'Ecriture  ?  Les  Cabalijhs  ne  fe  conten- 
tent pas  d'imaginer  des  raifons  pour  juftirier  leur  Cj- 
fralc  pratique  ;  ils  lui  donnent  encore  une  origine  fa- 


C  A  B 


477 


crée,  &  en  attribuent  l'ufage  à  tous  les  faints.  En 
effet  ils  foûtiennent  que  ce  fut  par  cet  art  que  Moyfe 
s'éleva  au-deffus  des  magiciens  de  Pharaon  ,&  qu'il 
fe  rendit  redoutable  par  lés  miracles.  C'étoit  par  le 
même  art  qu'Elie  fitdefcendre  le  feu  du  ciel  ,  &  que 
Daniel  ferma  la  gueule  des  lions.  Enfin  ,  tous  les 
prophètes  s'en  font  fervis  heureufement  pour  décou- 
vrir les  évenemens  cachés  dans  un  long  avenir. 

Les  Cabaliftes  praticiens  difent  qu'en  arrangeant 
certains  mots  dans  un  certain  ordre  ,  ils  prpduilent 
des  effets  miraculeux.  Ces  mots  font  propres  à  pro- 
duire ces  effets ,  à  proportion  qu'on  les  tire  d'une  lan- 
gue plus  fainte  ;  c'eft  pourquoi  l'Hébreu  eft  préféré  à 
toutes  les  autres  langues.  Les  miracles  font  plus  ou 
moins  grands,  lelon  que  les  mots  expriment  ou  le  nom 
de  Dieu  ,  ou  les  perfections  &  lés  émanations  ;  c'eft 
pourquoi  on  préfère  ordinairement  lesféphirots  ,  ou 
les  noms  de  Dieu.  Il  faut  ranger  les  termes ,  &  prin- 
cipalement les  foixante  &  douze  noms  de  Dieu  , 
qu'on  tire  des  trois  verfets  du  xiv.  chap.  de  i 'Exode  , 
d'une  certaine  manière  à  la  faveur  de  laquelle  ils  de- 
viennent capables  d'agir.  On  ne  fe  donne  pas  tou- 
jours la  peine  d'inférer  le  nom  de  Dieu  :  celui  des 
démons  eft  quelquefois  auffi  propre  que  celui  de  la 
divinité.  Ils  croyent,  par  exemple,  que  celui  qui  boit 
de  l'eau  pendant  la  nuit ,  ne  manque  pas  d'avoir  des 
vertiges  &  mal  aux  yeux  :  mais  afin  de  fe  garantir  de 
ces  deux  maux ,  ou  de  les  guérir  lorfqu'on  en  eft  atta- 
qué ,  ils  croyent  qu'il  n'y  a  qu'à  ranger  d'une  certai- 
ne manière  le  mot  Hébreu  Schiauriri.  Ce  Schiauriri 
eft  le  démon  qui  préfide  fur  le  mal  des  yeux  &  fur 
les  vertiges  ;  &  en  écrivant  fon  nom  en  forme  d'é- 
querre  ,  on  fent  le  mal  diminuer  tous  les  jours  &  s'a- 
néantir. Cela  eft  appuyé  fur  ces  paroles  de  la  Ge- 
nefe ,  où  il  eft  dit ,  que  les  anges  frappèrent  d'ébloiiif- 
fement  ceux  qui  étoient  à  la  porte  de  Loth  ,  tellement 
qu'ils  ne  purent  la  trouver.  Le  Paraphrafte  chaldaï- 
que  ayant  traduit  aveuglement ,  befehiauriri ,  on  a  con- 
clu que  c'étoit  un  ange  ,  ou  plutôt  un  démon  qui  en- 
voyoit  cette  efpecc  de  mal ,  &  qu'en  écrivant  fon 
nom  de  la  manière  que  nous  avons  dit ,  on  en  guérit 
parfaitement.  On  voit  par  là  que  les  Cabaliftes  ont 
fait  du  démon  un  principe  tout-puilTant ,  à  la  Mani- 
chéenne ;  6c  ils  fe  font  imaginés  qu'en  traitant  avec 
lui  ,  ils  étoient  maîtres  de  faire  tout  ce  qu'ils  vou- 
loient.  Quelle  illulïon  !  Les  démons  font-ils  les  maî- 
tres de  la  nature ,  indépendans  de  la  divinité  ;  &  Dieu 
permettroit-il  que  fon  ennemi  eût  un  pouvoir  prefque 
égal  au  lien  ?  Quelle  vertu  peuvent  avoir  certaines 
paroles préférablemcnt  aux  autres?  Quelque  différen- 
ce qu  on  mette  dans  cet  arrangement ,  l'ordre  change- 
t-il  la  nature  ?  Si  elles  n'ont  aucune  vertu  naturelle  , 
qui  peut  leur  communiquer  ce  qu'elles  n'ont  pas  ? 
Eft-ce  Dieu  ?  eft-ce  le  démon  ?  eft-ce  l'art  humain  ? 
On  ne  peut  le  décider.  Cependant  on  eft  entêté  de 
cette  chimère  depuis  un  grand  nombre  de  fiecles. 

Carminé  lœfà  Ceres  Jlerilem  vanefeit  in  herbam  ; 

Deficiunt  lie  fa  carminé  fonds  aquœ 
llicibus  glandes,  cantataque  vitibus  uva 

Decidit ,  6*'  nullo  porna  movente  ûuunt. 

(Ovid.  Amor.  lib.  III.  Eleg.  6.  ) 

II  faudrait  guérir  l'imagination  des  hommes,  puifque 
c'ell-Ià  où  réfide  le  mal  :  mais  il  n'eft  pas  aile  de  por- 
ter le  remède  julques-li.  Il  vaut  donc  mieux  laiffer 
tomber  cet  art  dans  le  mépris  ,  que  de  lui  donner  une 
force  qu'il  n'a  pas  naturellement ,  en  le  combattant 
oc  en  le  réfutant. 

z°.  La  Cabale  contemplative  eft  de  deux  cfpeces  ; 
l'une  qu'on  appelle  littérale,  artificielle,  ou  bien  fym- 
boliqut  ;  l'autre  qu'on  appelle  philoj'ophique  ou  non  ar- 
tificielle. 

La  Cabale  littérale  eft  une  explication  fecrete  ,  ar- 
tificielle ,  6c  fymbolique  de  l'Ecriture-fainte ,  que  les 


473 


C  A  B 


Juifs  difenî  avoir  reçue  de  leurs  pères  ,  &  qui ,  en 
tranfpofant  les  lettres,  les  fyllabes,  &  les  paroles  , 
leur  eniei»ne  à  tirer  d'un  verfet  un  fens  caché ,  & 
différent  de  celui  cju' il  prélente  d'abord.  (  On  peut 
voir  dans  Banage  les  foùdivifions  de  cette  efpecede  Ca- 
bale &  les  exemples  de  tranfpofuions.  Hijl.  des  Juifs  , 
chap.  iij.  ) 

La  Cabale  philo fophique  contient  une  Métaphyfique 
fublime  ck  fymbohque  fur  Dieu,  fur  les  efprits,  & 
fur  le  monde  ,  félon  la  tradition  que  les  Juifs  difent 
avoir  reçue  de  leurs  pères.  Elle  le  divife  encore  en 
deux  efpeces ,  dont  l'une  s'attache  à  la  connoiflànce 
des  perfections  divines  &  des  intelligences  céleftes , 
&  s'appelle  le  Chariot  ou  Mercava  ;  parce  que  les  Ca- 
baliftes font  perfuadés  qu'Ezéchiel  en  a  expliqué  les 
principaux  myfteres  dans  le  chariot  miraculeux,  dont 
il  parle  au  commencement  de  fes  révélations  ^l'au- 
tre qui  s'appelle  Berefchit  ou  le  Commencement ,  roule 
fur  l'étude  du  monde  fublunaire.  On  lui  donne  ce 
nom  à  caufe  que  c'eft  le  premier  mot  de  la  Genefe. 
Cette  diftinction  étoit  connue  dès  le  tems  de  Maïmo- 
nides  ,  lequel  déclare  qu'il  veut  expliquer  tout  ce 
qu'on  peut  entendre  dans  le  Berejchit  &c  le  Mercava. 
(Maimonides  More  Nevochim  ,  pag.  z.  ch.  xxxjx.  pag. 
2.J3-)  Il  foûtient  qu'il  ne  faut  parler  du  berefchit ,  que 
devant  deux  peribnnes  ;  &  que  fi  Platon  &  les  autres 
Philofophes  ont  voilé  les  fecrets  de  la  nature  fous 
des  exprefïïons  métaphoriques  ,  il  faut  à  plus  forte 
raifon  cacher  ceux  de  la  religion ,  qui  renferment 
des  myfteres  beaucoup  plus  profonds. 

Il  n'efr.  pas  permis  aux  maîtres  d'expliquer  le  Mer- 
cava devant  leurs  difciples.  (Excerpta  Gcmarœ  de  opè- 
re currus  ,  apud  Hottinger ,  pag.  5o  ,  3j  ,  89.  )  Les 
docteurs  de  Piundebita  confulterent  un  jour  un  grand 
homme  qui  paffoit  par-là ,  &  le  conjurèrent  de  leur 
apprendre  la  fignification  de  ce  chariot.  Il  demanda 
pour  condition  ,  qu'ils  lui  découvrirent  ce  qu'ils  fa- 
voient  de  la  création  :  on  y  confentit  ;  mais  ,  après 
les  avoir  entendus  ,  il  refufa  de  parler  fur  le  cha- 
riot ,  &  emprunta  ces  paroles  du  Cantique  des  Can- 
tiques ,  le  lait  &  le  miel  font  fous  ta  langue  ,  c'eft-à-dire 
qu'une  vérité  douce  &  grande  doit  demeurer  fous 
la  langue,  &  n'être  jamais  publiée.  Un  jeune  étudiant 
fe  hafarda  un  jour  à  lire  E~Jchiel,  &  à  vouloir  expli- 
quer fa  vifion  :  mais  un  feu  dévorant  fortit  du  chaf- 
mal  qui  le  confuma  :  c'eft  pourquoi  les  docteurs  dé- 
libérèrent, s'il  étoit  à  propos  de  cacher  le  livre  du 
prophète ,  qui  caufoit  de  fl  grands  defordres  clans  la 
nation.  Un  rabbin  chaffant  l'âne  de  l'on  maître ,  R.  Jo- 
chanan  ,  fils  de  Sauai ,  lui  demanda  la  permilhon  de 
parler ,  &  d'expliquer  devant  lui  la  vifion  du  chariot. 
Jochanan  defcendit  aufli-tôt,  &  s'alfit  fous  un  arbre; 
parce  qu'il  n'eft  pas  permis  d'entendre  cette  explica- 
tion en  marchant ,  monté  fur  un  âne.  Le  dilciple  par- 
la, &  auffi-tôt  le  feu  defcendit  du  ciel;  tous  les  ar- 
bres voifins  entonnèrent  ces  paroles  du  pfeaume  : 
Vous  ,  la  terre ,  loue^  l'Eternel ,  &c.  On  voit  par-là 
que  les  Cabaliftes  attachent  de  grands  myfteres  à  ce 
chariot  du  prophète.  Maïmonides  (  More  Nevochim , 
part.  III.  préf.  )  dit ,  qu'on  n'a  jamais  fait  de  livre 
pour  expliquer  le  chariot  d'Ezéchiel  ;  c'eft  pourquoi 
un  grand  nombre  de  myfteres  qu'on  avoit  trouvés 
font  perdus.  Il  ajoute  qu'on  doit  le  trouver  bien  hardi 
d'en  entreprendre  l'explication  ;puilqu'on  punit  ceux 
qui  révèlent  les  fecrets  de  la  loi ,  &  qu'on  récompenfe 
ceux  qui  les  cachent:  mais  il  aflure  qu'il  ne  débite 
point  ce  qu'il  a  appris  par  la  révélation  divine  ;  que  les 
maîtres  ne  lui  ont  pas  enfeigné  ce  qu'il  va  dire,  mais 
qu'il  l'a  puifé  dans  l'écriture  même;  tellement  qu'il 
iemble  que  ce  n'étoit  qu'une  traduction.  Voilà  de  gran- 
des promefles  :  mais  ce  grand  docteur  les  remplit  mal, 
en  donnant  feulement  à  ion  difciple  quelques  remar- 
ques générales ,  qui  ne  développent  pas  le  myftere. 
En -effet ,  on  fe  divife  fur  ion  explication.  Les  uns 


C  A  B 

difent  que  le  vent  qui  devoit  fouffler  du  feptentrîon 
avec  impétuofité  -,  repréfentoit  Nabuchodonofor,  le- 
quel ruina  Jérufalem  ,  &  brûla  fon  temple  ;  que  les 
quatre  animaux  étoient  les  quatre  anges  qui  prélî- 
doient  fur  les  monarchies.  Les  roues  marquoient  les 
empires  qui  recevoient  leur  mouvement ,  leur  pro- 
grès &  leur  décadence  du  miniftere  des  anges.  Il  y 
avoit  une  roue  dans  l'autre;  parce  qu'une  monar- 
chie a  détruit  l'autre.  Les  Babyloniens  ont  été  ren- 
verfés  par  les  Perfes  :  ceux-ci  par  les  Grecs ,  qui  ont 
été  à  leur  tour  vaincus  par  les  Romains.  C'eft-là  le 
fens  littéral  :  mais  on  y  découvre  bien  d'autres  myf- 
teres ,  foit  de  la  nature ,  foit  de  la  religion.  Les  quatre 
animaux  font  quatre  corps  céleftes ,  animés ,  intelli- 
gens.  La  roue  eft  la  matière  première ,  &  les  quatre 
roues  font  les  quatre  élémens.  Ce  n'eft-là  que  1  ecor- 
ce  du  chariot  ;  fi  vous  pénétrez  plus  avant ,  vous  y 
découvrez  l'eflence  de  Dieu ,  fes  attributs  &  les  per- 
fections ,  la  nature  des  anges ,  &  l'état  des  âmes  après 
la  mort.  Enfin  Morus ,  grand  cabalifte ,  y  a  trouvé  le 
règne  du  Meflîe.  (Vïjîoms  E^echieliticœ  ,Jlve  mercava 
expojitio ,  ex  principiis  philojophiœ  Pytag.  theojophiœ- 
que  judaicœ  ;  Cabbala  Denud.  Tom.l.p.  223.) 

Pour  donner  aux  lecteurs  une  idée  de  la  lubtilité 
des  Cabaliftes,  nous  mettrons  encore  ici  l'explication 
philofophique ,  qu'ils  donnent  du  nom  de  Jehovah. 
(  Lexicon  cabaliflicum .  ) 

»  Tous  les  noms  &  tous  les  fur-noms  de  la  divinité 
»  fortent  de  celui  de  Jehovah ,  comme  les  branches 
»  ck  les  feuilles  d'un  grand  arbre  fortent  d'un  même 
»  tronc  ,  ck  ce  nom  ineffable  eft  une  fource  infinie  de 
»  merveilles  ck  de  myfteres.  Ce  nom  fert  de  lien  à 
»  toutes  les  jplendeurs ,  ou  féphirots  :  il  en  eft  la  co- 
»  lonne  ck  l'appui.  Toutes  les  lettres  qui  le  compo- 
»  fent  font  pleines  de  myfteres.  Le  Jod ,  ou  IV,  eft 
»  une  de  ces  chofcs  que  l'œil  n'a  jamais  vues  :  elle 
»  eft  cachée  à  tous  les  mortels  ;  on  ne  peut  en  com- 
»  prendre  ni  l'eflence  ni  la  nature  ;  il  n'eft  pas  même 
»  permis  d'y  méditer.  Quand  on  demande  ce  que 
»  c'eft,  on  répond  non ,  comme  fi  c'étoit  le  néant; 
»  parce  qu'elle  n'eft  pas  plus  compréhenfible  que  le 
»  néant.  Il  eft  permis  à  l'homme  de  rouler  fes  pen- 
»  fées  d'un  bout  des  cieux  à  l'autre  :  mais  il  ne  peut 
»  pas  aborder  cette  lumière  inacceflîble ,  cette  exif- 
»  tence  primitive  que  la  lettre  Jod  renferme.  Il  faut 
»  croire  fans  l'examiner  ck  fans  l'approfondir  ;  c'eft 
»  cette  lettre  qui  découlant  de  la  lumière  primitive  , 
»  a  donné  l'être  aux  émanations  :  elle  fe  laffôit  quel- 
»  quefois  en  chemin  ;  mais  elle  reprenoit  de  nouvel- 
»  les  forces  par  le  fecours  de  la  lettre  h ,  he ,  qui  fait 
»  la  féconde  lettre  du  nom  ineffable.  Les  autres  let- 
»  très  ont  aufli  des  myfteres  ;  elles  ont  leurs  relations 
»  particulières  aux fphirots.  La  dernière  h  découvre 
»  l'unité  d'un  Dieu  &  d'un  Créateur  ;  mais  de  cette 
»  unité  fortent  quatre  grands  fleuves  :  les  quatre  ma- 
»  jeftés  de  Dieu  ,  que  les  Juifs  appellent  Schetinah. 
»  Moyfe  l'a  dit  ;  car  il  rapporte  qu'un  fleuve  arrofoit 
»  le  jardin  d'Eden,  le  Paradis  terreftre ,  &  qu'enfuite 
»  il  fe  divifoit  en  quatre  branches.  Le  nom  entier  de 
»  Jehovah  renferme  toutes  choies.  C'eft  pourquoi 
»  celui  qui  le  prononce ,  met  dans  fa  bouche  le  monde 
»  entier ,  &  toutes  les  créatures  qui  le  compofent. 
»  De-là  vient  auflî  qu'on  ne  doit  jamais  le  pronon- 
»  cer  qu'avec  beaucoup  de  précaution.  Dieu  lui— 
»  même  l'a  dit  :  Tu  ne  prendras  point  le  nom  de  r  Eternel 
»  en  vain.  Il  ne  s'agit  pas-là  des  fermens  qu'on  viole, 
»  &  dans  lefquels  on  appelle  mai-à-propos  Dieu  à 
»  témoin  des  promefles  qu'on  fait  :  mais  la  loi  défends 
»  de  prononcer  ce  grand  nom  ,  excepté  dans  fon 
»  temple ,  lorfque  le  fouverain  facrificateur  entre 
»  dans  le  lieu  très-faint  au  jour  des  propitiations.  Il 
»  faut  apprendre  aux  hommes  une  choie  qu'ils  igno- 
»  rent ,  c'eft  qu'un  homme  qui  prononce  le  nom  de 
»  l'Eternel ,  ou  de  Jehovah)  fait  mouvoir  les  cieux  2ç 


CAB 

<>  la  terre ,  à  proportion  qu'il  remue  fa  langue  &  Tes  le- 
i>  vres.  Les  anges  fentent  le  mouvement  de  l'univers  ; 
»  ils  en  font  étonnés ,  6c  s'entredemandent  :  pourquoi 
»  le  monde  eft  ébranlé  ?  on  répond  que  cela  le  fait,  par- 
»  ce  que  N.  impie  a  remué  fes  lèvres  pour  prononcer 
»  le  nom  ineffable  ;  que  ce  nom  a  remué  tous  les  noms 
i>  &C  les  furnomsde  Dieu,  lefquels  ont  imprimé  leur 
»  mouvement  au  ciel ,  à  la  terre,  &  aux  créatures.  Ce 
»  nom  a  une  autorité  fouveraine  fur  toutes  les  créa- 
v  titres.  C'eft  lui  qui  gouverne  le  monde  par  fa  puif- 
»  fance  ;  &  voici  comment  tous  les  autres  noms  &c 
»  furnoms  de  la  divinité  fe  rangent  autour  de  celui- 
»  ci ,  comme  les  officiers  &  les  ioldats  autour  de  leur 
»  général.  Quelques-uns  qui  tiennent  le  premier  rang, 
y>  lont  les  princes  &  les  porte-étendards  :  les  autres 
»  font  comme  les  troupes  &  les  bataillons  qui  com- 
»  pofént  l'armée.  Au-dcffbus  des  LXX.  noms ,  font 
»  les  LXX.  princes  des  nations  qui  compofent  l'uni- 
»  vers  ;  lors  donc  que  le  nom  de  Jehovah  influe  fur 
»  les  noms  &  furnoms ,  il  fe  fait  une  impreffion  de 
»  ces  noms  fur  les  princes  qui  en  dépendent ,  &  des 
»  princes  fur  les  nations  qui  vivent  fous  leur  protec- 
*  tion.  Ainfi  le  nom  de  Jehovah  gouverne  tout.  On 
»  repréfente  ce  nom  fous  la  figure  d'un  arbre  ,  qui  a 
»  LXX.  branches  ,  lesquelles  tirent  leur  fiic  &  leur 
»  lève  du  tronc ,  &  cet  arbre  eft  celui  dont  parle 
»  Moyfe,  quiétoit  planté  au  milieu  du  jardin,  &  dont 
»  il  n'étoit  pas  permis  à  Adam  de  manger  ;  ou  bien  ce 
»  nom  eft  un  roi  qui  a  différens  habits  ,  félon  les  dif- 
»  férens  états  où  il  fe  trouve.  Lorfque  le  prince  eft  en 
»  paix,il  fe  revêt  d'habits  fuperbes ,  magnifiques,  pour 
»  éblouir  les  peuples  ;  lorfqu'il  eft  en  guerre ,  il  s'ar- 
«  me  d'une  cuirafte ,  &c  a  le  cafque  en  tête  :  il  fe  des- 
«  habille  lorfqu'il  fe  retire  dans  lbn  appartement,  fans 
«  courtifans  &  fans  miniftres.  Enfin  il  découvre  fa 
»  nudité  lorfqu'il  eft  leul  avec  fa  femme. 

»  Les  LXX.  nations  qui  peuplent  la  terre ,  ont 
»  leurs  princes  dans  le  ciel ,  lesquels  environnent  le 
»  tribunal  de  Dieu  ,  comme  des  officiers  prêts  à  exé- 
»  cuter  les  ordres  du  roi.  Ils  environnent  le  nom  de 
»  Jehovah,  &  lui  demandent  tous  les  premiers  jours 
»  de  l'an  leurs  étrennes  ;  c'eft-à-dire ,  une  portion  de 
»  bénédictions  qu'ils  doivent  répandre  fur  les  peu- 
»  pies  qui  leur  lont  fournis.  En  effet,  ces  princes  font 
»  pauvres  ,  &  auroient  peu  de  connoiffance  ,  s'ils  ne 
»  la  tiroient  du  nom  ineffable  ,  qui  les  illumine  &c 
»  qui  les  enrichit.  Il  leur  donne  au  commencement 
»  de  l'année  ,  ce  qu'il  a  deftiné  pour  chaque  nation  , 
»  &  on  ne  peut  plus  rien  ajouter  ni  diminuer  à  cette 
»  meliue.  Les  princes  ont  beau  prier  &  demander 
»>  pendant  tous  les  jours  de  l'année  ,  &  les  peuples 
»  prier  leurs  princes ,  cela  n'eft  d'aucun  ufage  rc'eft- 
»  là  la  différence  qui  eft  entre  le  peuple  d'Iliaél  & 
»  les  autres  nations.  Comme  le  nom  de  Jehovah  eft  le 
»  nom  propre  des  Juifs ,  ils  peuvent  obtenir  tous  les 
»  jours  de  nouvelles  grâces  ;  car  Salomon  dit ,  que 
»  les  paroles,  par  le/quelles  il  j'ait  Jupplication  à  Dieu  , 
»  feront  prefentes  devant  l'Eternel ,  J  chovah  ,  le  jour  & 
»  la  nuit  ;  mais  David  ajfùre ,  en  parlant  des  autres  na- 
»  dons  ,  qu  elles  prieront  Dieu  ,  &  qu'il  ne  les  fauvera 
»>  pas  ».  Que  de  folies  ! 

L'intention  des  Cabaliftes  eft  de  nous  apprendre 
que  Dieu  conduit  immédiatement  le  peuple  des  Juifs, 
pendant  qu'il  lailfe  les  nations  infidèles  fous  la  direc- 
tion des  anges  :  mais  ils  pouffent  le  myftere  plus  loin. 
Il  y  a  une  grande  différence  entre  les  divcrles  na- 
tions, dont  les  unes  paroiffent  moins  agréables  à  Dieu 
&  font  plus  durement  traitées  que  les  autres  :  mais 
cela  vient  de  ce  que  les  princes  font  différemment 
placés  autour  du  nom  de  Jehovah  ,•  car  quoique  tous 
ces  princes  reçoivent  leur  nourriture  de  la  lettre  Jod 
ou  J ,  qui  commence  le  nom  de  Jehovah  ,  cependant 
la  portion  eft  différente,  félon  la  place  qu'on  occupe. 
Ceux  qui  tiennent  la  droite ,  font  des  princes  doux , 


CAB 


479 


libéraux  :  mais  les  princes  de  la  gauche  font  durs  & 
impitoyables.  De -là  vient  auffi  ce  que  dit  le  pro- 
phète ,  qu'il  vaut  mieux  efpérer  en  Dieu  qu'aux  princes, 
comme  fait  la  nation  Juive ,  fur  qui  le  nom  de  Jehovah 
agit  immédiatement. 

D'ailleurs ,  on  voit  ici  la  raifon  de  la  conduite  de 
Dieu  fur  le  peuple  Juif.  Jérufalem  eft  le  nombril  de 
la  terre ,  &  cette  ville  fe  trouve  au  milieu  du  monde, 
Les  royaumes ,  les  provinces ,  les  peuples ,  &  les  na- 
tions l'environnent  de  toutes  parts ,  parce  qu'elle  eft 
immédiatement  fous  le  nom  de  Jehovah.  C'eft  là  fort 
nom  propre ,  &  comme  les  princes ,  qui  font  les  chefs 
des  nations  ,  font  rangés  autour  de  ce  nom  dans  lé 
ciel ,  les  nations  infidèles  environnent  le  peuple  Juif 
fur  la  terre. 

On  explique  encore  par-là  les  malheurs  du  peuple 
Juif,  &  l'état  déplorable  où  il  fe  trouve  ;  car  Dieu  a 
donné  quatre  capitaines  aux  LXX.  princes,  lefquels 
veillent  continuellement  fur  les  péchés  des  Juifs,  afin 
de  profiter  de  leur  corruption ,  &  de  s'enrichir  à  leurs 
dépens.  En  effet  lorfqu'ils  voyent  que  le  peuple  com- 
met de  grands  péchés,  ils  fe  mettent  entre  Dieu  & 
la  nation  ,  &  détournent  les  canaux  qui  fortoient  dit 
nom  de  Jehovah ,  par  lefquels  la  bénédiction  couloit 
fur  Ifrael ,  &  les  font  pencher  du  côté  des  nations  , 
qui  s'en  enrichiffent  &  s'en  engraiffent ,  &  c'eft  ce 
que  Salomon  a  fi  bien  expliqué  lorfqu'il  dit  :  La  terre 
tremble  pour  l'efclave  qui  règne ,  &  lejbt  qui  fe  remplit 
de  viande  :  l'efclave  qui  règne ,  ce  font  les  princes  ;  & 
le  fot  qui  fe  remplit  de  viande,  ce  font  les  nations 
que  ces  princes  gouvernent ,  &c. 

Au  fond ,  les  Cabaliftes  nous  mènent  par  un  long 
détour,  pour  nous  apprendre,  i°  que  c'eft  Dieu  de 
qui  découlent  tous  les  biens,  &  qui  dirige  toutes  cho- 
ies :  i°  que  Dieu  juge  tous  les  hommes  avec  une  juf- 
tice  tempérée  par  la  miféricorde  :  30  que  quand  il  eft 
irrité  contre  les  pécheurs ,  il  s'arme  de  colère  &  de 
vengeance  :  40  que  lorfqu'on  le  fléchit  par  le  repen- 
tir,  il  laifTe  agir  fa  compaffion  &  fa  miféricorde  :  50 
qu'il  préfère  le  peuple  Juif  à  toutes  les  autres  nations , 
&  qu'il  leur  a  donné  fa  connoiffance  :  enfin ,  ils  en- 
tremêlent ces  vérités  de  quelques  erreurs,  comme 
de  prétendre  que  Dieu  laiffe  toutes  les  nations  du 
monde  fous  la  conduite  des  anges. 

On  rapporte  aùffi  à  la  Cabale  réelle  ou  non  artificielle 
l'alphabet  altrologiquc  &  célefte ,  qu'on  attribue  aux 
Juifs.  On  ne  peut  rien  avancer  de  plus  pofitif  que  ce 
que  dit  là-dcffus  Poltel  :  Je pafjerai  peut-être  pour  un 
menteur ,  Jî  je  dis  que  j'ai  lu  au  ciel ,  en  caractères  Hé- 
breux ,  tout  ce  qui  ejl  dans  la  nature  ;  cependant  Dieu  & 
fon  Fils  me  font  témoins  que  je  ne  rnents  pas  :j  'ajouterai 
J'eulement  que  je  ne  l'ai  là  qu'implicitement. 

Pic  delà Mirandole  attribue  ce fentiment aux  doc- 
teurs Juifs  ;  &  comme  il  avoit  fort  étudié  les  Caba- 
liftes, dont  la  feience  l'avoit  ébloiii,  on  peut  s'ima- 
giner qu'il  ne  le  trompoit  pas  (Picus  Mir.  in  Aflroloo, 
lib.  VIII.  cap.  v.).  Agrippa  foùtient  la  même  chofe  ; 
(  Voyez  de  occulta  Philo'oph.  libr.  III.  capit.  xxx.  ) 
&  Gatfarcl  (Curiofnés  inoiiies  ,  cap.xiij.')  ajoute  à  leur 
témoignage  l'autorité  d'un  grand  nombre  de  rabbins 
célèbres,  Maimonidê,  Nachman,  Aben-Efra,  &c 
Il  fcmble  qu'on  ne  puiffe  pas  contefter  un  fait  appuyé 
fur  un  li  grand  nombre  de  citations. 

Pic  de  la  Mirandole  avoitmis  en  problème,^ toutes 
chofes  étoient  écrites  &  marquées  dans  le  ciel  à  celui  qui 
favoity  lire.  (  Pici  Mir.  heptaplus  ,  cap.  iv.  )  Il  foûte- 
noit  même  que  Moyfe  avoit  exprimé  tous  ces  effets 
des  affres  par  le  terme  de  lumière ,  parce  que  c'efl  elle 
qui  traîne  &:  qui  porte  toutes  les  influences  des  cieuv 
fur  la  terre.  Mais  il  changea  de  fentiment,  &  remar- 
qua que  non-feulement  ces  caractères ,  vantés  par  les 
doefeurs  Hébreux,  étoient  chimériques  ;  mais  que  les 
fignes  mêmes  n'avoient  pas  la  figure  des  noms  qu'on 
leur  donne  ;  que  la  fphere  d'Aratus  éttnt  tres-diffe- 


480 


CAB 


rente  de  celle  des  Chaldéens  ,  qui  confondant  la  ba- 
lance avec  le  (coçpion,  ne  comptent  qu'onze  lignes 
du  zodiaque.  Aratus  même  ,  qui  avoit  imaginé  ces 
noms ,  étoit,  au  jugement  des  anciens ,  très-ignorant 
en  Aftrologie. 

Enfin  ,  il  faut  être  vifionnaire  pour  trouver  des  let- 
tres dans  le  ciel ,  Se  y  lire,  comme  Poftel  prétendait 
l'avoir  fait.  Gaffarel ,  quoique  engagé  dans  l'Eglile 
par  les  places ,  n'étoit  pas  plus  raisonnable  ;  s'il  n'a- 
voit  pas  prédit  la  chute  de  l'empire  Ottoman,  du 
moins  il  la  croyait ,  Si  prouvoit  la  folidité  de  cette 
fcience  par  un  grand  fatras  de  littérature.  Cependant 
il  eut  la  honte  de  furvivre  à  fa  prédiclion  :  c'eft  le 
fort  ordinaire  de  ceux  qui  ne  prennent  pas  un  affez 
long  terme  pour  l'accompliffement  de  leurs  prophé- 
ties. Ils  devroient  être  affez  fages,  pour  ne  haiarder 
pas  un  coup  qui  anéantit  leur  gloire,  &  qui  les  con- 
vainc d'avoir  été  vilionnaires  :  mais  ces  altrologues 
font  trop  entêtés  de  leur  fcience  &  de  leurs  principes, 
pour  écouter  la  raifon  &c  les  confeils  que  la  prudence 
leur  dicte. 

Examinons  maintenant  quels  font  les  fondemens 
de  la  Cabale  philojbphique. 

Principes  &  fondemens  de  la  Cabale  philofophique . 
Henri  Morus  &  Van-Helmont  (Knorrius ,  Cabala  de- 
nud.  tom.  /.)  font  les  deux  favans  qui  ont  les  premiers 
débrouillé  le  cahos  de  la  Philofophie  cabaliflique.  Les 
efforts  qu'ils  ont  faits  tous  les  deux  pour  porter  la  lu- 
mière dans  un  fyftéme  où  on  avoit  comme  affe&é  de 
répandre  tant  d'obfcurité ,  feraient  plus  louables  Se 
plus  utiles,  s'ils  a'euffent  point  attribué  aux  Cabalil- 
tes  des  fentimens  qu'ils  n'ont  jamais  eus  :  l'expolition 
qu'ils  ont  donnée  des  principes  de  la  Cabale  ,  a  été 
examinée  par  des  favans  diltingués  ;  qui  ne  l'ont  pas 
trouvée  conforme  à  la  vérité  (Cil.  Jï'achterus ,  Spino- 
Jîfm.  in  Judaifm.  detecl.  p.  2.).  Pour  éviter  de  tomber 
dans  le  même  défaut ,  nous  puiferons  ce  que  nous 
avons  à  dire  fur  ce  fujet ,  dans  les  auteurs  anciens  & 
modernes  qui  paffent  pour  avoir  traité  cette  matière 
avec  le  plus  d'ordre  &  de  clarté.  Parmi  les  modernes 
on  doit  diitinguer  R.  Iizchak  Loriia ,  &  R.  Abraham- 
Cohen  Irira.  Le  premier  eft  auteur  du  livre  Drufchim, 
qui  contient  une  introduction  métaphyfique  à  la  Ca- 
bale ;  &  le  fécond ,  du  livre  Schaar  hajeamaim ,  c'eft- 
à-dire ,  Porte  des  deux ,  qui  renferme  un  traite  des  dog- 
mes cabalijîiques ,  écrit  avec  beaucoup  de  clarté  ck  de 
méthode.  Voici  donc  les  principes  qui  lervent  de  baie 
à  la  Philofophie  chbalijiique. 

Pr  E  M I ER  Pr  I  N.C  I P  E .  De  rien  il  ne Je  fait  rien ,  c'eft- 
à-dire  qu'aucune  choie  ne  peut  être  tirée  du  néant. 
Voilà  le  pivot  fur  lequel  roule  toute  la  Cabale  philo- 
fophique, Se  tout  le  fyftéme  des  émanations,  félon  le- 
quel il  eft  néceffaire  que  toutes  choies  émanent  de 
Feffence  divine,  parce  qu'il  eft  impoffible  qu'aucune 
ne  choie  de  non  exiftente  devienne  exift ente.  Ce  prin- 
cipe eft  fuppolé  dans  tout  le  livre  d' 'Irira.  Dieu ,  dit- 
il  ,  {DiJJert.  IV^.  cap.j.}  n  a  pas  feulement  produit  tous 
les  êtres  exifans,  &  tout  ce  que  ces  êtres  renferment ,  mais 
il  les  a  produits  de  la  manière  la  plus  parfaite ,  en  lesfai- 
Jant  finir  de  fin  propre  fonds  par  voie  d 'émanation ,  & 
non  pas  en  les  créant. 

•  Ce  n'eft  pas  que  le  terme  de  création  fût  inconnu 
chez  les  Cabaliftes  :  mais  ils  lui  donnaient  un  fens 
bien  différent  de  celui  qu'il  a  chez  les  Chrétiens,  par- 
mi lefquels  il  lignifie  l'action  par  laquelle  Dieu  tire  lis 
êtres  du  néant;  au  lieu  que  chez  les  premiers  il  figni- 
fioit  une  êmiffion  ,  une  expanfion  de  la  divine  lumière  , 
faite  dans  le  tems  ,  pour  donner  Ccxijïcnce  aux  mondes. 
C'eft  ce  qu'on  verra  clairement  dans  le  paffacre  fui- 
vant  de  Lonia  (Tr.  1.  Drufchim  ,  cap./.f  L'cxijLnce 
delà  création  ,  dit -il,  dépend  du  tems  ou  a  commencé 
V expanfion  6*  r  êmiffion  de  ces  lumières ,  &  de  ces  mon- 
des dont  nous  venons  de  parler  ;  car  puij  qu'il  falloit  que 
i  expanfion  de  ds  lumières  Je  fit  dans  un  certain  ordre  , 


CAB 

il  n'étoit  pas  poffible  que  ce  monde  exifldl  ou  plutôt  ou 
plus  tard.  Chaque  monde  a  été  créé  après  le  monde  qui  lui 
était  Jùpérieur,  &  tous  les  mondes  ont  été  créés  en  différens 
tems  ,  &  les  uns  après  les  autres  ,  jufquà  ce  qu  enfin  le 
rang  de  celui-ci  arrivât ,  Sec.  On  peut  lire  beaucoup 
de  chofes  femblables  dans  le  Lexicon  cabalijlique. 

On  peut  bien  juger  que  les  Cabaliftes  n'ont  point 
emprunté  ce  principe  de  l'églile  Judaïque  ;  il  eft  cer- 
tain qu'ils  l'ont  tiré  de  la  philofophie  des  Gentils, 
Ceux-ci  regardoient  comme  une  contradiction  évi- 
dente ,  de  dire  qu'une  choie  exifte  &  quelle  a  itê  faite 
de  rien,  comme  c'en  eft  une  de  loûtenir  quune  chojï 
ejl  &  nef  pas.  Cette  difficulté  qui  le  prélente  allez 
louvent  à  la  raifon ,  avoit  déjà  choqué  les  Philofo- 
phes.  Epicure  l'avoit  pouffée  contre  Heraclite  Se  les 
Stoïciens.  Comme  cet  axiome  eft  véritable  dans  un 
certain  fens ,  on  n'a  pas  voulu  fe  donner  la  peine  de 
développer  ce  qu'il  a  de  faux.  Accoutumés  que 
nous  fommes  à  nous  laiffer  frapper  par  des  objets 
icnlibles  &  matériels ,  qui  s'engendrent  Se  qui  fe  pro- 
duilent  l'un  l'autre ,  on  ne  peut  fe  perluader  qu'avec 
peine,  que  la  choie  fe  loit  faite  autrement ,  Se  on  fait 
préexifter  la  matière  fur  laquelle  Dieu  a  travaille  ; 
c'eft  ainli  que  Plutarque  comparoit  Dieu  à  un  char- 
pentier ,  qui  bâtiffoit  un  palais  des  matériaux  qu'il 
avoit  aftemblés,  Se  à  un  tailleur  qui  fajfoit  un  habit 
d'une  étoffe  qui  exiftoit  déjà.  Voye^  Chaos. 

On  avoue  aux  Cabaliftes,  qu'il  eft  vrai  que  rien  ne 
peut  être  fait  de  rien ,  Se  qu'il  y  a  ,  comme  ils  dilent  , 
une  oppolition  formelle  &  une  diftance  infinie  entre 
le  néant  &  l'être ,  s'ils  entendent  par-là  ces  trois  cho- 
fes. i°.  Que  le  néant  &  l'être  fub/ijlent  en  même  tems  ; 
en  effet ,  cela  implique  contradiction  auffi  évidem- 
ment que  de  dire  qu'un  homme  eft  aveugle  &  qu'il 
voit  :  mais  comme  il  n'eft  pas  impoffible  qu'un  aveu- 
gle ceffe  de  l'être  ,  &  voye  les  objets  qui  lui  étoient 
auparavant  cachés ,  il  n'eft  pas  impoffible  auffi  que 
ce  qui  n'exiftoit  pas  acquière  l'exiftence  &  devienne 
un  être.  20.  Il  eft  vrai  que  le  néant  ne  peut  concourir 
à  la  production  de  l'être  ;  il  femblc  que  les  Cabaliftes 
regardent  le  néant  comme  un  fujet  fur  lequel  Dieu 
travaille,  à-peu-près  comme  la  boue  dont  Dieu  fe 
fervit  pour  créer  l'homme;  &  comme  ce  fujet  n'e- 
xifte  point,  puiique  c'eft  le  néant ,  les  Cabaliftes  ont 
raifon  de  dire  que  Dieu  n'a  pu  tirer  rien  du  néant. 
Il  feroit  ridicule  de  dire  que  Dieu  tire  la  lumière  des 
ténèbres ,  fi  on  entend  par-là  que  les  ténèbres  pro- 
duifent  la  lumière  :  mais  rien  n'empêche  que  le  jour 
ne  fuccede  à  la  nuit ,  &  qu'une  puilfance  infinie  don- 
ne l'être  à  ce  qui  ne  l'avoit  pas  auparavant.  Le  néant 
n'a  été  ni  le  fujet,  ni  la  matière,  nil'inftrument,  ni 
la  caufe  des  êtres  que  Dieu  a  produits.  Il  lemble  que 
cette  remarque  eft  inutile,  parce  que  perfonne  ne  re- 
garde le  néant  comme  un  fond  fur  lequel  Dieu  ait  tra- 
vaillé, ou  qui  ait  coopéré  avec  lui.  Cependant  c'eft. 
en  ce  iens  que  Spinola ,  qui  avoit  pris  ce  principe  des 
Cabaliftes ,  combat  la  création  tirée  du  néant  :  il  de- 
mande avec  infulte  ,fi  on  conçoit  que  la  vie  puiffe  finir 
de  la  mort  :  dire  cela ,  ce  feroit  regarder  les  privations  com- 
me les  caujes  d'une  infinité  d'ejfetsj  c'ejl  la  même  chofe  que 
fi  on  difoit ,  le  néant  &  la  privation  de  r  être  font  la  caufi 
de  l'être.  Spinofa  &  les  maîtres  ont  raifon;  la  priva- 
tion d'une  chofe  n'en  eft  point  la  caufe.  Ce  ne  font 
ni  les  ténèbres  qui  produifent  la  lumière  ,  ni  la  mort 
qui  enfante  la  vie.  Dieu  ne  commande  point  au  néant 
comme  à  un  elclave  qui  eft  obligé  d'agir  &  de  plier 
fous  les  ordres ,  comme  il  ne  commande  point  aux 
ténèbres  ni  à  la  mort ,  d'enfanter  la  lumière  ou  la 
vie.  Le  néant  eft  toujours  néant,  la  mort  &  les  ténè- 
bres ne  font  que  des  privations  incapables  d'agir  : 
mais  comme  Dieu  a  pu  produire  la  lumière  qui  diffi- 
pe  les  ténèbres ,  &  relfufciter  un  corps ,  le  même  Dieu 
a  pu  auffi  créer  des  êtres  qui  n'exiftoient  point  aupa- 
ravant ,  tk,  anéantir  le  néant ,  fi  on  peut  parler  ainli , 

en 


C  A  B 

en  produifant  un  grand  nombre  de  créatures.  Com- 
me la  mort  ne  concourt  point  à  la  réiurrecfion ,  tk. 
que  les  ténèbres  ne  font  point  le  Sujet  fur  lecjuel  Dieu 
travaille  pour  en  tirer  la  lumière  ,  le  néant  aufîi  ne 
coopère  point  avec  Dieu ,  &  n'eft  point  la  caufe  de 
l'être  ,  ni  la  matière  lur  laquelle  Dieu  a  travaillé 
pour  faire  le  monde.  On  combat  donc  ici  un  phan- 
tôme ,  6c  on  change  le  fentiment  des  Chrétiens  or- 
thodoxes, afin  de  le  tourner  plus  aifémcnt  en  ridi- 
cule. 30.  Enfin  il  eft  vrai  que  rien  ne  fi  fiait  de  rien  ou 
par  rien  y  c'eft-à-dire  fans  une  caufe  qui  préexifte  :  il 
feroit ,  par  exemple  ,  impoffible  que  le  monde  fe  fût 
fait  de  lui-même  ;  il  falloit  une  caule  fouverainement 
piaffante  pour  le  produire. 

L'axiome  rien  ne  fe  fait  de  rien  ,  eft  donc  vrai  dans 
ces  trois  fens. 

II.  PRINCIPE.  Il  n'y  a  donc  point  dej'ubfiance  qui 
■ait  été  tirée  du  néant. 

III.  PRINCIPE.  Donc  la  matière  même  n'apû  fiortir 
■du  néant. 

IV.  PRINCIPE.  La  matière  ,  à  caufe  de  fa  nature 
yile  ,  ne  doit  point  fin  origine  à  elle-même  ;  la  raifon 
qu'en  donne  Irira,  eft  que  la  matière  n'a  point  de  for- 
me ,  &  qu'elle  n'eft  éloignée  du  néant  que  d'un  degré. 

V.  PRINCIPE.  De-là  il  s'enfuit  que  dans  la  nature  , 
il  ny  a  point  de  matière  proprement  dite. 

La  railon  philofophique  que  les  Cabaliftes  don- 
nent de  ce  principe ,  eft  que  l'intention  de  la  caufe  effi- 
ciente efi  de  faire  un  ouvrage  qui  lui  J'oit  femblable  ;  or  la 
caufe  première  &  efficiente  étant  unejubjlancejpirituelle, 
il  convenoit  que  fies  productions  fujjent  auffi  des  fit /fiances 
Jpirituelles  ,  parce  qu'elles  rcffemblent  plus,  à  leur  caufe  , 
que  les  fubfiances  corporelles.  Les  Cabaliftes  infiftent 
beaucoup  fur  cette  raifon  ;  fuivant  eux  il  vaudrait 
autant  dire  que  Dieu  a  produit  les  ténèbres  ,  le  péché , 
&  la  mort ,  que  de  foûtenir  que  Dieu  a  créé  des  fubf- 
tances  fenfibles  &  matérielles  ,  différentes  de  fa  na- 
ture &  de  Ion  effence  :  car  la  matière  n'eft  qu'une 
privation  delà  spiritualité  ,  comme  les  ténèbres  font 
une  privation  de  la  lumière,  comme  le  péché  eft  une 
privation  de  la  fainteté,  &  la  mort  une  privation 
de  la  vie. 

VI.  Principe.  De-là  il  s'enfuit  que  tout  ce  qui  efi , 
efi  efiprit. 

VII.  PRINCIPE.  Cet  efiprit  efi  incréé ,  éternel ,  intel- 
lectuel ,  fenfibie ,  ayant  enfioi  le  principe  du  mouvement, 
immenfe  ,  indépendant ,  6*  nêceffairement  exi/lant. 

VIII.  PRINCIPE.  Par  conjéqucnt  cet  efiprit  efi  CEn- 
Joph  ou  le  Dieu  infini. 

IX.  PRINCIPE.  //  efl  donc  néceffaire  que  tout  ce  qui 
exijle  J'oit  émané  de  cet  efiprit  infini.  Les  Cabaliftes  n'ad- 
mettant point  la  création  telle  que  les  Chrétiens  l'ad- 
mettent, il  ne  leur  reftoit  que  deux  partis  à  prendre  : 
l'un  de  foûtenir  que  le  monde  avoit  été  formé  d'une 
matière  préexiitante  ;  l'autre  de  dire  qu'il  étoit  forti 
de  Dieu  même  par  voie  d'émanation.  Ils  n'ont  ofé 
embrafferle  premier  fentiment,  parce  qu'ils  auraient 
crû  admettre  hors  de  Dieu  une  caufe  matérielle  ,  ce 
qui  étoit  contraire  à  leurs  dogmes  ;  ils  ont  donc  été 
forcés  d'admettre  les  émanations  ,  dogme  qu'ils  ont 
reçu  des  Orientaux  qui  l'a  voient  eux-mêmes  reçu  de 
Zoroaftrc,  comme  on  peut  le  voir  dans  les  livres  ca- 
balistiques. 

X.  PRINCIPE.  Plus  les  chofis  qui  émanent  font  pro- 
ches de  leur  fource  ,  plus  elles  font  grandes  &  divines  ;  & 
plus  elles  en  font  éloignées ,  plus  leur  nature  fe  dégrade 

&  s'avilit. 

XI.  PRINCIPE.  Le  monde  efi  difingué  de  Dieu  com- 
me un  effet  de  fa  caufe  ,  non  pas  à  la  vérité  comme  un  effet 
paffager ,  mais  comme  un  effet  permanent.  Le  monde  étant 
émané  de  Dieu  ,  doit  donc  être  regardé  comme  Dieu 
>.  ne  ,  qui  étant  caché  &  incomprêhenfiblt  dans  f on  effen- 
ce ,  a  voulu  Je  manififler  ?  &  fe  rendre  yijlblc  par  fis  éma- 
nations. 

Tome  II, 


C  A  B 


481 


Voilà  les  fondemens  fur  Iefquels  eft  appuyé  tout 
l'édifice  de  la  Cabale  ;  il  nous  refte  encore  à  faire 
voir  comment  les  Cabaliftes  tirent  de  ces  principes 
quelques  autres  dogmes  de  leur  fyftème ,  tels  que 
ceux  d'Adam  Kadmon,  des  dix  féphirots,  des  qua- 
tre mondes ,  des  anges ,  &c. 

Explication  des  Séphirots  ou  des  Splendeurs.  Les  fé- 
phirots font  la  partie  la  plusfecrete  de  la  Cabale.  On 
ne  parvient  à  la  connoiffance  de  ces  émanations  & 
fplendeurs  divines ,  qu'avec  beaucoup  d'étude  &c  de 
travail  :  nous  ne  nous  piquons  pas  de  pénétrer  jus- 
qu'au fond  de  ces  myfteres  ;  la  diverfité  des  inter- 
prétations qu'on  leur  donne,  eftprefque  infinie. 

Lolius  (  Pomum  Ariflot.  difjcrt.  II.  de  Cabb.  cap* 
ij.  )  remarque  que  les  interprètes  y  trouvent  toutes 
les  feiences  dont  ils  font  profeffion  :  les  Logiciens  y 
découvrent  leurs  dix  prédicamens  :  les  Aftronomes 
dix  fpheres  :  les  Aftrologues  des  influences  différentes  .- 
les  Phyficiens  s'imaginent  qu'on  y  a  caché  les  prin- 
cipes de  toutes  choies  :  les  Arithméticiens  y  voyent 
les  nombres ,  &  particulièrement  celui  de  dix  ,  le- 
quel renferme  des  myfteres  infinis. 

Il  y  a  dix  Jéphirot s;  on  les  repréfente  quelquefois 
fous  la  figure  d'un  arbre,  parce  que  les  uns  font 
comme  la  racine  &  le  tronc ,  &  les  autres  comme  au- 
tant de  branches  qui  en  fortent.  On  les  range  fou- 
vent  en  dix  cercles  dirîérens ,  parce  qu'ils  font  en- 
fermés des  unes  dans  les  autres  :  ces  dix  féphirots 
font  la  couronne ,  la  Jagefie  ,  l'intelligence  ,  la  J'orce  ou 
lajêvêrité ,  la  mifiricorde  ou  la  magnificence ,  la  beauté \ 
la  victoire  ou  V éternité  ,  la  gloire  ,  le  fondement ,  &  le 
royaume. 

Quelques-uns  foûtiennent  que  les  fplendeurs  (  c'eft 
le  nom  que  nous  leur  donnerons  dans  la  fuite)  ne  font 
que  des  nombres:  mais,  félon  la  plufpart,  ce  font 
les  perfections  &  les  attributs  de  la  divinité.  11  ne 
faut  pas.s'imaginer  que  l'effence  divine  foit  compo- 
fée  de  ces  perfections ,  comme  d'autant  de  parties  dif- 
férentes; ce  feroit  une  erreur:  l'efiénce  de  Dieu  eft 
fimple  ;  mais  afin  de  fe  former  une  idée  plus  nette  de 
la  manière  dont  cette  effence  agit ,  il  faut  diftinguer 
fes  attributs ,  confidérer  fa  juftice ,  fa  miféricorde  , 
fa  fageffe.  Il  femble  que  les  Cabaliftes  n'ayent  pas 
d'autre  vue ,  que  de  conduire  leurs  difciples  à  la  con- 
noiffance  des  perfections  divines,  &  de  leur  faire 
voir  que  c'eft  de  l'affemblage  de  ces  perfections  que 
dépend  la  création  &  la  conduite  de  l'univers  ;  qu'el- 
les ont  une  liàifon  inféparable,  que  l'une  tempère 
l'autre.  C'eft  pourquoi  ils  imaginent  des  canaux ,  par 
Iefquels  les  influences  d'une  lplendeur  fe  communi- 
quent aux  autres.  «  Le  monde ,  difoit  Siméon  Jochaï- 
»  des  (injeçirak,  cum  not.  Bittangel,  pag.  18 â.  6* 
»  iSG.  )  ne  pouvoit  pas  être  conduit  parla  miferi- 
»  corde  feule  ,  &c  par  la  colonne  de  la  grâce  :    c'eft- 
»  pourquoi  Dieu  a  été  obligé  d'y  ajouter  la  colonne 
»  de  la  force  ou  de  la  iévérité ,  qui  fait  le  jugement. 
»  Il  étoit  encore  néceffaire  de  concilier  les  deux  co- 
»  lonnes ,  &  de  mettre  toutes  choies  dans  une  pro- 
»  portion  &  dans  un  ordre  naturel  ;  c'eft  pourquoi 
»  on  met  au  milieu  la  colonne  de  la  beauté  ,  qui  ac- 
»  corde  la  juif ice  avec  la  miféricorde,  &  met! ordre 
»  »  fans  lequel  il  eft  impoffible  que  l'univers  fublïfte. 
»  De  la  miféricorde  qui  pardonne  les  péchés ,  fort 
»  un  canal  qui  va  à  la  victoire  ou  à  l'éternité  »  ;  par- 
ce que  c'eft  par  le  moyen  de  cette  vertu  qu'on  par- 
vient au  triomphe  ou  à  l'éternité.  Enfin  les  canaux 
qui  fortent  de  la  miféricorde  ce  de  la  force  ,  6l  qui 
vont  aboutir  à  la  beauté  ,  font  chargés  d'un  grand 
nombre  d'anges.  Il  y  en  a  trente-cinq  fur  le  canal 
de  la  miféricorde  qui  récompenient  &  qui  couron- 
nent la  vertu  des  faints,  Ci:  on  en  compte  un  pareil 
nombre  fur  le  canal  de  la  J'orce,  qui  châtient  les  pé- 
cheurs ;  &  ce  nombre  de  ioixante  tk.  dix  anges  ,  aux- 
quels on  donne  des  noms  différent ,  elt  tiré  du  xiy, 

Ppp 


jjSa 


C  A 


C 


chapitre  de  l'Exode.  Il  y  a  là  une  vérité  aflez  fen'ùbîe  ; 
c'eft  que  la  miféricorde  cil  celle  qui  récompenie  les 
fidèles,  &  que  la  juiiice  punit  les  impénitens. 

Il  me  iemble  que  la  clé  du  myrtere  confifte  en 
ceci  :  les  Cabaliftes  regardant  Dieu  "comme  une  ei*- 
fence  infinie  qui  ne  peut  être  pénétrée ,  &  qui  ne  peut 
ie  communiquer  immédiatement  à  la  créature  ,  ont 
imaginé  qu'elle  ie  faifoit  connoïtre ,  &  qu'elle  agH- 
i bit  par  les  perfe&ions  qui  émanoient  de  lui ,  comme 
les  perfections  de  Famé  &  lbn  eflence  fe  manifef- 
.tent ,  &c  fe  font  connoitre  par  les  aefes  de  raiion  Ôc 
.<le  vertu  qu'elle  produit ,  &  fans  lefquels  ces  perfec- 
tions feroient  cachées 

Ils  appellent  ces  attributs  les  habits  de  Dieu ,  parce 
.qu'il  fe  rend  plus  fenfible  par  leur  moyen.  Il  femble , 
à  la  vérité ,  que  Dieu  fe  cache  par-là,  au  lieu  de  fe 
révéler ,  comme  un  homme  qui  s'enveloppe  d'un 
manteau  ne  veut  pas  être  vu  :  mais  la  différence  eft 
grande ,  parce  que  l'homme  eft  fini  &  borné  ;  au  lieu 
que  l'elïence  de  la  divinité  eft  imperceptible  fans  le 
-iecoius  de  quelque  opération  ;  ainfi  on  ne  peut 
voir  lefoleil ,  parce  que  fon  éclat  nous  éblouit  ;  mais 
wn  le  regarde  derrière  un  nuage  -,  ou  au-travers  de 
quelque  corps  diaphane. 

Ils  difent  aufli  que  c'étoient  les  inftrumens  dont  le 
•fouverain  architecte  fe  fervoit  :  mais  de  peur  qu'on 
-ne  s'y  trompe  ,  ils  ont  ajouté  (  Abrahami  patriarches 
liber  Je^irah ,  c.ip.j.fect.  Z.pdgi  lj5.  )  que  ces  nom- 
bres font  fortis  de  l'efîence  de  Dieu  même ,  &  que  fi 
on  les  confidere  comme  des  inftrumens ,  ce  feroit 
pourtant  une  erreur  grofiiere  ,  que  de  croire  que 
Dieu  peut  les  quitter  &  les  reprendre  félon  les  befoins 
tfu'il  en  a  ;  comme  l'artifan  quitte  les  outils  ,  lorfque 
l'ouvrage  eft  fini ,  ou  qu'il  veut  fe  repofer  ;  &  les  re- 
prend ,  lorfqu'il  recommence  fon  travail.  Cela  nefe 
peut  ;  car  les  injlramens  ne  font  pas  attaches  à  la  main 
du  Charpentier  :  mais  les  nombres  ,  les  lumières  refplen- 
difîantes  fartent  de  l'effence  de  l'infini ,  &  lui  font  tou- 
jours unies,  comme  la  flamme  au  charbon.  En  effet, com- 
me le  charbon  découvre  par  la  flamme  fa  force  &  fa 
vertu,  qui  étoit  cachée  auparavant  ;  Dieu  révèle  fa 
grandeur  &  fapuifTance  par  les  lumières  refplendif- 
iantes  dont  nous  parlons. 

Enfin  les  Cabaliftes  difent  que  ce  ne  font  pas-là 
feulement  des  nombres ,  comme  Morus  l'a  crû  ;  mais 
des  émanations  qui  fortent  de  l'effence  divine ,  com- 
me les  rayons  fôrtent  du  foleil ,  &  comme  la  chaleur 
naît  par  le  feu  fans  en  être  féparée.  La  divinité  n'a 
fouffert  ni  trouble ,  ni  douleur ,  ni  diminution ,  en 
leur  donnant  l'exiftence  ,  comme  un  flambeau  ne 
perd  pas  fa  lumière ,  &  ne  fouffre  aucune  violence  , 
lorlqu'on  s'en  fértpour  en  allumer  un  autre  qui  étoit 
éteint, ou  qui  n'a  jamais  éclairé.  Cette  comparaifon 
n'eft  pas  tout-à-fait  jufte  ;  car  le  flambeau  qu'on 
allume ,  fublïfte  indépendamment  de  celui  qui  lui  a 
communiqué  fa  lumière  ;  mais  l'intention  de  ceux 
qui  l'ont  imaginée  étoit  feulement  de  prouver  que 
Dieu  ne  fouffre  aucune  altération  par  l'émanation 
de  fes  perfections, &  qu'elles  fubiiftcnt  toujours  dans 
fon  efténee. 

L'enfoph  qu'on  met  au-deflûs  de  l'arbre  féphiroti- 
que,  ou  des  fplendeurs  divines  ,  eft  l'infini.  On  l'ap- ■* 
pelle  tantôt  ïétre,  &  tantôt  le  non-être  :  c'eft  un  être, 
puiique  toutes  chofes  tirent  de  lui  leur  exiilence  ; 
c'eft  le  non-être ,  parce  qu'il  eft  impoffible  à  l'hom- 
me de  pénétrer  fon  effence  &  fa  nature.  11  s'enve- 
loppe d'une  lumière  inaccefîïble  ;  il  eft  caché  dans 
une  majefté  impénétrable  :  d'ailleurs  il  n'y  a  dans  la 
nature  aucun  objet  qu'on  puifle  lui  comparer,  &  qui 
le  repréfente  tel  qu'il  eft.  C'eft  en  ce  fens  que  Denys 
l'Aréopagite  a  oié  dire  ,  que  Dieu  n'étoit  rien  ,  ou 
que  c'étoit  le  néant.  On  fait  entendre  par-là  que 
Dieu  eft  une  eflence  infinie,  qu'on  ne  peut  ni  la  fon- 
der ni  la  connoïtre  ;  qu'il  poiiedv  toutes  chofes  d'une 


manière  plus  noble  &  plus  parfaite  que  les  créatu- 
res ,  &  que  c'eft  de  lui  qu'elles  tirent  toutes  leur 
exiilence  &  leurs  qualités,  par  le  moyen  de  fes  per- 
fections ,  qui  font  comme  autant  de  canaux  par  lef- 
quels l'être  fouverain  communique  fes  faveurs. 

Les  trois  premières  fplendeurs  font  beaucoup  plus 
excellentes  que  les  autres.  Les  Cabaliftes  les  cifiin- 
guent  :  ils  les  approchent  beaucoup  plus  prés  de  l'in- 
fini ,  auquel  elles  font  étroitement  unies  ;  &  la  plu- 
part en  font  le  chariot  d'Ezéchiel  ou  le  mercava  , 
qu'on  ne  doit  expliquer  qu'aux  initiés.  Les  Chrétiens 
(Kirch.  (Edip.  Aigypt.  Gymnaf.  Hyerog.  ciaff.4.  §.a.) 
profitent  de  cet  avantage ,  &  foùtiennent  qu'on  a  in- 
diqué par  là  les  trois  perfonnes  de  la  Trinité  dans  une 
feule  &  même  eflence  qui  eft  infinie.  Ils  fe  plaignent 
même  de  l'ignorance  &  de  l'aveuglement  des  Caba* 
liftes  modernes  ,  qui  regardent  ces  trois  fplendeurs 
comme  autant  d'attributs  de  la  Divinité  :  mais  ces 
Cabaliftes  font  les  plus  fages.  En  effet ,  on  a  beau  ci- 
ter les  Cabaliftes  qui  difent ,  que  celui  qui  efl  un  a  fait 
émaner  les  lumières  ,  qu'il  a  fait  trois  ordres  d'émana- 
tions ,  &  que  ces  nombres  prouvent  la  tnnité  du  roi  pen- 
dant toute  t 'éternité  j  ces  expreftions  vagues  d'ifachof 
Béer  (Ifachor  Béer,  fil.  Mojïs  ,  Pefahc.  lib.  irnve  Be- 
riah.  )  lont  expliquées  un  moment  après  :  tout  le  myf 
tere  confife  dans  V émanation  de  quatre  mondes  ;  l'Arcke- 
tipe ,  l'Angélique ,  celui  des  Etoiles  ,  &  l'Elémentaire. 
Cependant  ces  quatre  mondes  n'ont  rien  de  com- 
mun avec  la  Trinité:  c'eft  ainfi  que  Siméon  Jochaï- 
des  trouvoit  dans  le  nom  de  Jehovah  le  Père  ,  le  Fils , 
la  Fille  ,  &  la  Mère  ;  avec  un  peu  de  fubtilité  on  trou* 
veroit  le  faint-Efprit  dans  la  Fille  de  la  Voix ,  &  la 
Mère  pourroit  être  regardée  comme  l'EfTence  divi- 
ne, ou  l'Eglife  Chrétienne.  Cependant  on  voit  bien 
que  ce  n'étoit  point  l'intention  de  ce  Cabalifte  :  le 
Jod  ,  dilbit-il ,  eft  le  Père  ;  Vh ,  ou  la  féconde  lettre 
du  nom  ineffable  ,  eft  la  Mère  ;  Vit  eft  le  Fils  ;  &  la 
dernière  h  eft  la  Fille  :  &  qu'entend-il  par  là  ?  l'Ef- 
prit ,  le  Verbe  ,  la  voix ,  &  l'ouvrage.  On  cite  Maimo- 
nides  ,  qui  dit  :  «  que  la  couronne  eft  l'efprit  origi- 
»  nal  des  dieux  vivans;  que  la  fagefle  eft  l'efprit  de 
»  PEfprit  ;  &  que  l'intelligence  eft  l'eau  qui  coule  de 
»  l'efprit  :  que  s'il  y  a  quelque  diftindlion  entre  les 
»  effets  de  la  fagefle  ,  de  l'intelligence ,  &  de  la  feien- 
»  ce  ,  cependant  il  n'y  a  aucune  différence  entr'elles  ; 
»  car  la  fin  eft  liée  avec  le  commencement,  &  le 
»  commencement  avec  la  fin  ».  Mais  il  s'explique 
lui-même ,  en  comparant  cela  au  feu  ou  à  la  flamme 
qui  jette  au -dehors  plufleurs  couleurs  différentes, 
comme  autant  d'émanations  qui  ont  toutes  leur  prin- 
cipe &  leur  racine  dans  le  feu.  On  ne  conçoit  pas  les 
perfonnes  de  la  Trinité  ,  comme  le  bleu ,  le  violet , 
èv  le  blanc  qu'on  voit  dans  la  flamme  :  cependant  les 
Cabaliftes  foùtiennent  que  les  fplendeurs  émanent 
de  la  Divinité  ,  comme  les  couleurs  fortent  de  la 
flamme  ,  ou  plutôt  du  feu.  Il  ne  finit  donc  pas  s'ar- 
rêter aux  éloges  que  les  docleurs  font  des  trois  pre- 
miers léphirots  comme  fi  c'étoient  les  perfonnes  dé 
la  Trinité ,  d'autant  plus  qu'ils  unifient  tous  les  fé- 
phirots  à  l'effence  de  Dieu  ;  6c  dès  le  moment  qu'on 
regarde  les  trois  piemiers  comme  autant  de  perfon- 
nes de  l'Eifence  divine  ,  il  faudra  les  multiplier  juf- 
qu'à  dix  ,  puifqu'ils  fubfiftent  tous  de  la  même  ma- 
nière, quoiqu'il  y  ait  quelque  différence  d'ordre. 

La  couronne  eft  la  première  des  gra.ndesjplcn deurs ; 
parce  que  comme  la  couronne  eft  le  dernier  habit  qui 
couvre  l'homme,  &  qu'on  porte  fur  la  tête,  cette 
fplendiur  eft  la  plus  proche  de  l'infini ,  &  le  chef  du 
monde  Azileiitique  :  elle  eft  pleine  de  mille  petits  ca- 
naux ,  d'où  coulent  les  effets  de  la  bonté  &  de  l'amour 
de  Dieu.Toutes  les  troupes  des  Anges  attendent  avec 
impatience  qu'une  portion  de  ccxtefplendeur  delccn- 
de  fur  eux,  parce  que  c'eft  elle  qui  leur  fournit  les 
alimens  £c  la  nourriture.  On  l'appelle  le  non  -  are , 


C  A  B 

parce  qu'elle  fe  retire  dans  lefcin  caché  de  Dieu,  dans 
un  abyfint  inacceffible  de  lumière. 

On  donne  quelquefois  le  titre  de  couronne  au  royau- 
me ,  qui  n'eft  que  la  dernière  des  (plendeurs  :  mais  c'eft 
dai.s  un  iens  impropre ,  parce  qu'il  eft  la  couronne  du 
temple  ,  de  la  foi ,  &  du  peuple  d'If  ael. 

La  ieconde  émanation  eft  hfagejfe ,  &  la  troifieme 
eft  Y  intelligence  :  mais  nous  ferions  trop  longs  li  nous 
voulions  expliquer  ces  trois  grandes  fplendeurs ,  pour 
deicendre  enfuitc  aux  fept  autres.  Il  vaut  mieux  re- 
marquer la  liaifon  qui  eft  entre  ces.fplendeurs  ,  &  celle 
qu'elles  ont  avec  les  créatures  qui  compolent  l'uni- 
vers. A  chaque  fephirot  on  attache  un  nom  de  Dieu , 
im  des  principaux  anges ,  une  des  planètes  ,  un  mem- 
bre du  corps  humain ,  un  des  commandemens  de  la 
loi  ;  &  de  là  dépend  l'harmonie  de  l'univers.  D'ail- 
leurs une  de  ces  chofes  fait  penler  à  l'autre  ,  &  lert 
de  degré  pour  parvenir  au  plus  haut  degré  de  la  con- 
noilîance  &c  de  la  Théologie  contemplative.  Enfin 
on  apprend  par  là  l'influence  que  lesjplendcurs  ont 
fur  les  anges  ,  fur  les  planètes  ,  fur  les  aftres ,  fur  les 
parties  du  corps  humain ,  &c. 

Il  y  a  donc  une  fubordination  entre  toutes  les  cho- 
fes dont  cet  univers  eft  compoié ,  &  les  unes  ont  une 
grande  influence  fur  les  autres  ;  car  les /plendeurs  in- 
fluent fur  les  anges ,  les  anges  fur  les  planètes ,  &  les 
planètes  lur  l'homme  :  c'eft  pourquoi  on  dit  que  Moy- 
fe,  qui  avoit  étudié  l' Aftronomie  en  Egypte,  eut  beau- 
coup d'égard  aux  aities  dans  la  loi.  Il  ordonna  qu'on 
fanûilîât  le  jour  du  repos ,  à  caule  de  Saturne  qui  pré- 
fide  lur  ce  jour  là ,  &  dont  les  malignes  influences  fe- 
roient  dangereuies  ,  fi  on  n'en  détournoit  pas  les  ef- 
fets par  la  dévotion  &  par  la  prière.  Il  mit  l'ordre 
d'honorer  fon  pere  6c  fa  mère  fouslaiphere  de  Jupi- 
ter, qui  étant  plus  doux  ,  eft  capable  d'inlpirer  des 
fentimens  de  relpecl  &  de  fofimifîion.  Je  ne  fai  pour- 
quoi Moyfe  qui  étoit  li  habile  ,  mit  la  defenfe  du 
meurtre  fous  la  conltellation  de  Mars  ;  car  il  eft  plus 
propre  à  les  produire  qu'à  en  arrêter  le  cours.  Ce  font 
là  les  excvs  &  les  vifions  de  la  Cabale.  Paffons  à  d'au- 
tres. 

En  fuppofant  la  liaifon  des  /plendeurs  ou  perfec- 
tions divines  ,  &  leur  fubordination ,  il  a  fallu  ima- 
giner des  canaux  Se  des  conduits  ,  par  lefquels  les  in- 
fluences de  chaque  perfc£t:on  le  communiquafîent  à 
l'autre:  autrement  l'harmonie  aliroit  été  renverlée; 
&  chaque  Jplendeur  a  giflant  dans  la  fpherc  particu- 
lière, les  mondes  des  anges  ,  des  altres ,  èv  des  hom- 
mes terreftres,  n'en  auroient  tiré  aucun  avantage. 
C'eft  pourquoi  les  Cabaliftes  ne  manquent  pas  de 
dire  qu'il  y  a  vingt-deux  canaux  ,  conformément  au 
nombre  des  lettres  de  l'alphabet  Hébreu ,  &  ces  vingt- 
deux  canaux  fervent  à  la  communication  de  tous 
les  léphirots:  car  ils  portent  les  influences  de  l'une  à 
l'autre. 

Il  fort  trois  canaux  de  la  couronne  ,  dont  l'un  va  fe 
rendre  à  la  fagcjje  ,  le  fécond  à  Y  intelligence  ,  &  le 
troifieme  à  la  beauté.  De  l.i  J-ig\j'e  fort  un  quatrième 
canal  qui  va  fe  jetter  dans  l'intelligence  :  le  cinquiè- 
me pâlie  de  la  même  fource  à  la  beauté ,  &  le  lixicme 
à  la  magnificence. 

Il  faut  remarquer  que  ces  lignes  de  communicat'on 
ne  remontent  jamais ,  mais  elles  defeendent  toujours. 
Tel  clt  le  cours  des  eaux  qui  Ont  leur  fource  lur  les 
montagnes,  6V  qui  viennent  fe  répandre  dans  les  lieux 
plus  bas.  En  effet ,  quoique  toutes  \s.sfpltndturs  foient 
unies  à  FEfTence  divine  ,  cependant  la  première  a  de 
la  fupériorité  fur  la  féconde  ;  du  moins  c'eft  de  la  pre- 
mière que  fort  l.i  vertu  &i  la  force  ,  qui  fait  agir  la  fé- 
conde; &  le  royaume,  qui  eft  le  dernier,  tire  toute 
fa  vigueur  des  /plendeurs  qui  font  au-defliis  de  lui. 
Cette  fubordination  des  attributs  de  Dieu  pourroit 
paroître  erronée  :  mais  les  Cabaliftes  dilent  que  cela 
ne  le  tait  que  félon  notre  manière  de  concevoir  ;  6c 
Tome  II, 


C  A  B 


& 


qu'on  range  ainfi  ces  /plendeurs ,  afin  de  lésdiftinsiier 
&  de  faciliter  la  connoifîance  exacte  &  pure  de  leurs 
opérations. 

C'eft  dans  la  même  vue  qu'ils  ont  imaginé  trente- 
deux  chemins  &c  cinquante  portes  qui  conduilént  les 
hommes  à  la  connoiffance  de  ce  qu'il  y  a  de  plus  f  e- 
cret  &  de  plus  caché.  Tous  les  chemins  fbrtent  de  la 
fageJJc >  parce  que  l'Ecriture  dit,  tu  as  créé  le  monde 
avec  Jagejje.  Toutes  ces  routes  font  tracées  dans  un  li- 
vre qu'on  attribue  au  patriarche  Abraham  ;&  un  rab- 
bin célèbre  du  même  nom  y  a  ajouté  un  commentai- 
re,  afin  d'y  conduire  plus  iùrement  les  hommes. 

Les  Chrétiens  fe  divifênt  fur  l'explication  desfé- 
phirots  auffi-bien  que  les  Juifs  ;  &  il  n'y  rien  qui  puilîe 
mieux  nous  convaincre  de  l'incertitude  de  la  Cabale , 
que  les  différentes  conje&ures  qu'ils  ont  faites  :  car 
ils  y  trouvent  la  Trinité  6c  les  autres  principes  de  la 
religion  Chrétienne.  (Morus,  epijl.  in  Cab.  denud. 
tom.  II.  Kircher,  (Sdip.  uHgypt.  Gymnaf.  &C.  cap.  ix; 
tom.  H.  )  Mais  Y\  l'on  fe  donne  la  peine  d'examiner 
les  chofes ,  on  trouvera  que  fi  les  Cabaliftes  Ont  voulu 
dire  quelque  choie ,  ils  ont  eu  deffein  de  parler  des 
attributs  de  Dieu.  Faut -il,  parce  qu'ils  cUltmguent 
trois  de  ces  attributs  comme  plus  excellens  ,  con- 
clurre  que  ce  font  trois  perfonnes  ?  Qu'on  life  leurs 
dofteurs  fans  préjugé  ,  on  y  verra  qu'ils  comparent 
les  Jéphirots  à  dix  verres  peints  de  di.c  couleurs  diffé- 
rentes. La  lumière  du  ioleil  qui  frappe  tous  ces  ver- 
res eft  la  même  ,  quoiqu'elle  rafle  voir  des  couleurs 
différentes  :  c'eit  ainfi  que  la  lumière  ou  l'Eifence  di- 
vine elt  la  même  ,  quoiqu'elle  fe  diverfifie  dans  les 
fplendeurs  ,  tk.  qu'elle  y  verfe  des  influences  tres-dif- 
iérentes.  On  voit  par  cette  comparaiion  que  ïcsjc- 
phirots  ne  font  point  regardés  par  les  Cabaliftes  com- 
me les  perfonnes  de  la  Trinité  que  les  Cfiretiens  ado- 
rent. Ajoutons  un  autre  exemple  qui  met  la  même 
choie  dans  un  plus  grand  jour,  quoiqu'on  s'en  ferve 
quelquelois  pour  prouver  le  contraire. 

Rabbi  Schabté  compare  lesjplendeurs  à  un  arbre  , 
dans  lequel  on  diftingue  la  racine,  le  germe,  &  les 
branches.  «  Ces  trois  choies  forment  l'arbre;  &c  la 
»  feule  différence  qu'on  y  remarque ,  elt  que  la  ra- 
»  cine  elt  cachée  pendant  que  le  tronc  &  les  bran- 
»  ches  le  produilent  au -dehors.  Le  germe  porte  la 
»  vertu  dans  les  branches  qui  fructifient  :  mais  au 
»  fond  ,  le  germe  6z  les  branches  tiennent  à  la  raci- 
»  ne  ,  &  forment  enfemble  un  Ieul  &z  même  arbre. 
»  Dilons  la  même  choie  àeb  fplendeurs.  La  couronne 
»  eft  la  racine  cachée,  impénétrable  ;  les  trois  ci- 
»  prits ,  ou  léphirots  ^  ou  fplendeurs ,  font  le  germe  de 
»  l'arbre;  èv  les  lept autres,  lont  les  branches  unie; 
»  au  germe  fans  pouvoir  en  être  feparées:  car  celui 
»  qui  les  féparc,  fait  comme  un  homme  qui  arrache* 
»  roit  les  branches  de  l'arbre  ,  qui  couperait  le  tronc 
»  &  lui  ôteroit  la  nourriture  en  le  féparant  de  fa  ra- 
»  cine.  La  couronne  elt  la  racine  qui  unit  toutes  les 
»  fplendeurs  ».  (  Schabté  in  Je;':ra'i.  ) 

Comment  trouver  là  la  Trinité?  Si  on  l'y  dé- 
couvre ,  il  faut  que  ce  l'oit  dans  ces  trois  chofes  qui 
compolent  l'arbre  ;  la  racine,  le  germe ,  &  les  bran- 
ches. Le  Pere  lera  la  racine,  le  germe  fera  le  Fils, 
&  les  branches  le  laiht -  Efprit  qui  fructifie.  Mais" 
alors  les  trois  premiers. Jplendeurs  cefient  d'être  les 
perfonnes  de  la  Trinité;  car  ce  font  elles  qui  for- 
ment le  tronc  &  le  germe  del'aibre:  &z  que  fera 
t-on  des  branches  &  de  la  racine ,  li  l'on  veut  que  ce 
tronc  Ieul,  c'elt-à-dire  les  trois  premières  fph 
foient  la  Trinité?  D'ailleurs  ne  voit-on  pas  que  com- 
me les  d'w JpLr.-Jeurs  ne  font  qu'un  arbre  ,  il  faudrait 
conclurre  qu'il  y  a  dix  peifonnes  dans  la  Trinité,  li 
on  vouloit  adopter  les  principes  des  Cabaliftes  ? 

Création  du  monde  par  voie  d'émanation.  Les  Caba- 
liftes ont  un  autre  fyltème,  qui  n'eft  pas  plus  intel- 
ligible que  le  précédent.  Ils  loùtiennent  qu'il  \ 

Ppp  ij 


484 


CAB 


fieurs  mondes,  &que  ces  mondes  font  f'ortis  de  Dieu 
par  voie  d'émanation.  Ils  font  compofés  de  lumière. 
Cette  lumière  divine  étoit  fort  fubtile  dans  fa  four- 
ce  :  mais  elle  s'eft  épaifîie  peu -à -peu  à  proportion 
qu'elle  s'eft  éloignée  de  l'Être  fouverain ,  auquel  elle 
étoit  originairement  attachée. 

Dieu  voulant  donc  créer  l'univers  ,  il  y  trouva 
deux  grandes  difficultés.  Premièrement  tout  étoit 
plein ,  car  la  lumière  éclatante  &  fubtile  (  Introduit, 
adlib.  Zohar.ftci.  I.  Cab.  denud.  tom.  III.  )  qui  éma- 
noit  de  l'Effence  divine ,  rempliiîbit  toutes  chofes  :  il 
falloit  donc  former  un  vuide  pour  placer  les  émana- 
tions et  l'univers.  Pour  cet  effet ,  Dieu  preffa  un  peu 
la  lumière  qui  l'environnoit ,  &  cette  lumière  com- 
primée fe  retira  aux  côtés  ,  &  laiffa  au  milieu  un 
grand  cercle  vuide  ,  dans  lequel  on  pouvoit  lituer 
le  monde.  On  explique  cela  par  la  comparaifon  d'un 
homme  qui  fe  trouvant  chargé  d'une  robe  longue  la 
retrouffe.  On  allègue  l'exemple  de  Dieu  qui  changea 
de  figure ,  ou  la  manière  de  fa  prélence  fur  le  mont 
Sinaï ,  &  dans  le  buiffon  ardent.  Mais  toutes  ces  com- 
paraifons  n'empêchent  pas  qu'il  ne  refte  une  idée  de 
fubftance  fenfible  en  Dieu.  Il  n'y  a  que  les  corps  qui 
puiffent  remplir  un  lieu ,  &  qui  puiffent  être  com- 
primés. 

On  ajoute  que  ce  frit  pour  l'amour  des  juftes  & 
du  peuple  laint ,  que  Dieu  fit  ce  reflerrement  de  lu- 
mière. Ils  n'étoient  pas  encore  nés ,  mais  Dieu  ne 
lailïbit  pas  de  les  avoir  dans  fon  idée.  Cette  idée  le 
réjoùiffoit  ;  &  ils  comparent  la  joie  de  Dieu  qui  pro- 
duifit  les  points,  &  enfuite  les  lettres  de  l'alphabet, 
&  enlîn  les  récompenfes  &  les  peines  ,  au  mouve- 
ment d'un  homme  qui  rit  de  joie. 

La  lumière  qui  émanoit  de  FEffence  divine ,  fai- 
foit  une  autre  difficulté ,  car  elle  étoit  trop  abondante 
&  trop  fubtile  pour  former  les  créatures.  Afin  de  pré- 
venir ce  mal ,  Dieu  tira  une  longue  ligne ,  qui  def- 
cendant  dans  les  parties  baffes  ,  tantôt  d'une  manière 
droite,  &  tantôt  en  fe  recourbant ,  pour  faire  dix  cer- 
cles ou  dix  féphirots ,  fervit  de  canal  à  la  lumière.  Elle 
fe  communiqua  d'une  manière  moins  abondante  ;  &C 
s'épaiffiffant  à  proportion  qu'elle  s  eloignoit  de  fon 
centre ,  &  defeendant  par  le  canal ,  elle  devenoit 
plus  propre  à  former  les  elprits  &  les  corps. 

La  première  émanation ,  plus  parfaite  que  les  au- 
tres ,  s'appelle  Adam  Kadmon  ,  le  premier  de  tout  ce  qui 
a  été  créé  au  commencement.  Son  nom  eff  tiré  de  la  Ge- 
nefe  ,  où  Dieu  dit  ifaifons  l'homme  ou  Adam  à  notre 
image  ;  &  on  lui  a  donné  ce  nom  ,  parce  que  comme 
l'Adam  terreftre  eft  un  petit  monde  ,  celui  du  ciel  eft 
un  grand  monde  ;  comme  l'homme  tient  le  premier 
rang  fur  la  terre  ,  l'Adam  célefte  l'occupe  dans  le 
ciel  ;  comme  c'eft  pour  l'homme  que  Dieu  a  créé 
toutes  chofes ,  V Eternel  a  pojfedé  f  autre  des  le  commen- 
cement ,  avant  qu'il  fit  aucune  de  fes  œuvres  ,  &  dés  les 
rems  anciens.  (  Prov.  ch.  viij.  verf.  ZZ.  )  Enfin ,  au  lieu 
qu'en  commençant  par  l'homme  (Abraham  Cohen  Iri- 
rœ  philofoph.  Cab.  dijfert.  FI.  cap.  vij .~)  on  remonte  par 
degrés  aux  intelligences  fupérieures  jufqu'à  Dieu  ; 
au  contraire ,  en  commençant  par  l'Adam  célefte  qui 
eft  fouverainement  élevé ,  on  defeend  jufqu'aux  créa- 
tures les  plus  viles  &  les  plus  baffes.  On  le  repréfente 
comme  nn  homme  qui  a  un  crâne  ,  un  cerveau ,  des 
yeux ,  &  des  mains  ;  &:  chacune  de  fes  parties  ren- 
ferme des  myfteres  profonds.  La fagefie  (Apparatus 
in  lib.  Zohar.  figura  prima  ,  pag.  igj>.  )  cil:  le  crâne  du 
premier  Adam ,  &  s'étend  jufqu'aux  oreilles  ;  Vintelli- 
gence  eft  fon  oreille  droite  ;  la  prudence  fait  fon  oreille 
gauche  ;  fes  pies  ne  s'allongent  pas  au-delà  d'un  cer- 
tain monde  inférieur ,  de  peur  que  s'ils  s'étendoient 
jufqu'au  dernier  ils  ne  touchaffent  à  l'infini,  &  qu'il  ne 
devint  lui-même  infini. Sur  fon  diaphragme  eftunamas 
de  lumière  qu'il  y  a  condenfée  :  mais  une  autre  par- 
tie s'eft  échappée  par  les  yeux  St  par  les  oreilles.  La 


CAB 

ligne  qui  a  fervi  de  canal  à  la  lumière  ,  lui  a  commu- 
niqué avec  l'intelligence  &  la  bonté ,  le  pouvoir  de 
produire  d'autres  mondes.  Le  monde  de  cet  Adam 
premier  eft  plus  grand  que  tous  les  autres  ;  ils  reçoi- 
vent de  lui  leurs  influences ,  &  en  dépendent.  Les 
cercles  qui  forment  fa  couronne  ,  marquent  fa  vie  & 
fa  durée ,  que  Plotin  tk.  les  Egyptiens  ont  repréfentée 
par  un  cercle ,  ou  par  une  couronne. 

Comme  tout  ce  qu'on  dit  de  cet  Adam  premier 
femble  convenir  à  une  perfonne  ,  quelques  Chrétiens 
interprétant  la  Cabale,  ont  cru  qu'on  défignoit  parla 
Jefus-Chrift ,  la  féconde  perfonne  de  la  Trinité.  Ils  fe 
font  trompés  ;  car  les  Cabaliftes  (  Abraham  Cohen. 
Irirœ  philofoph.  Cab.  dijfert.  IV.  cap.  vij.  )  donnenf  à 
cet  Adam  un  commencement  :  ils  ont  même  placé  un 
efpace  entre  lui  &  l'infini ,  pour  marquer  qu'il  étoit 
d'une  effence  différente  ,  &  fort  éloigné  de  la  perfec- 
tion de  la  caufe  qui  l'avoit  produit  ;  &  malgré  l'em- 
pire qu'on  lui  attribue  pour  la  production  des  autres 
mondes ,  il  ne  laiffe  pas  d'approcher  du  néant  ,  & 
d'être  compofé  de  qualités  contraires  :  d'ailleurs  les 
Juifs  qui  donnent  fouvent  le  titre  de  fils  à  leur  Seir- 
Anpin ,  ne  l'attribuent  jamais  à  Adam  Kadmon  qu'ils 
élèvent  beaucoup  au-defîus  de  lui. 

On  diftingue  quatre  fortes  de  mondes ,  &  quatre 
manières  de  création. 

i°.  Il  y  a  une  production  par  voie  d'émanation  ; 
&  ce  font  les  féphirots  &  les  grandes  lumières  qui 
ont  émané  de  Dieu  ,  Se  qui  compofent  le  monde 
A^ileutique :  c'eft  le  nom  qu'on  lui  donne.  Ces  lu- 
mières font  forties  de  l'Etre  infini ,  comme  la  chaleur 
fort  du  feu ,  la  lumière  du  foleil ,  &  l'effet  de  la  caufe 
qui  le  produit.  Ces  émanations  font  toujours  proche 
de  Dieu ,  où  elles  confervent  une  lumière  plus  vive 
&  plus  fubtile  ;  car  la  lumière  fe  condenfe  &  s'épaiffit 
à  proportion  qu'on  s'éloigne  de  l'Être  infini. 

Le  fécond  monde  s'appelle  Briathique ,  d'un  terme 
qui  fignifie  dehors  ,  ou  détacher.  On  entend  par  là  le 
monde  ou  la  création  des  âmes  qui  ont  été  détachées 
de  la  première  caufe  ,  qui  en  font  plus  éloignées  que 
les  féphirots  ,  &  qui  par  conféquent  font  plus  épaif- 
fes  &  plus  ténébreufes.On  appelle  ce  monde  le  throne 
de  la  gloire  ,  &  les  féphirots  du  monde  fupérieur  y 
verfent  leurs  influences. 

Le  troifieme  degré  de  la  création  regarde  les  an- 
ges. On  affûre  (  Philof.  Cabb.  dijf.  I.  cap.  xvij .  )  qu'ils 
ont  été  tirés  du  néant  dans  le  deffein  d'être  placés 
dans  des  corps  céleftes  ,  d'air  ou  de  feu  ;  c'eft  pour- 
quoi on  appelle  leur  formation  Jcjlrah  ,  parce  que 
ces  efprits  purs  ont  été  formés  pour  une  fubftance  qui 
leur  étoit  deftinée.  Il  y  avoit  dix  troupes  de  ces  an- 
ges. A  leur  tête  étoit  un  chef  nommé  Métraton  ,  éle- 
vé au-deffus  d'eux  ,  contemplant  inceffamment  la 
face  de  Dieu  ,  leur  diflribuant  tous  les  jours  le  pain  de 
leur  ordinaire.  Ils  tirent  de  lui  leur  vie  &  leurs  autres 
avantages  ;  c'eft  pourquoi  tout  l'ordre  angélique  a 
pris  fon  nom. 

Enfin  Dieu  créa  les  corps  qui  ne  fubfiftent  point 
par  eux-mêmes  comme  les  âmes  ,  ni  dans  un  autre 
fujet ,  comme  les  anges.  Ils  font  compofés  d'une  ma- 
tière divifible ,  changeante  ;  ils  peuvent  fe  détruire , 
&  c'eft  cette  création  du  monde  qu'ils  appellent 
Afiah.  Voilà  l'idée  des  Cabaliftes  ,  dont  le  féns  eft 
que  Dieu  a  formé  différemment  les  âmes ,  les  anges  , 
&  les  corps  ;  car  pour  les  émanations ,  ou  le  monde 
A^ilcutique ,  ce  font  les  attributs  de  la  divinité  qu'ils 
habillent  en  perfonnes  créées  ,  ou  des  lumières  qui 
découlent  de  l'Etre  infini. 

Quelques  bifarres  que  foient  toutes  ces  imagina- 
tions ,  on  a  tâché  de  juftifier  les  viiionnaires  qui  les 
ont  enfantées ,  &  ce  font  les  Chrétiens  qui  fe  char- 
gent fouvent  de  ce  travail  pour  les  Juifs.  Mais  il  faut 
avouer  qu'ils  ne  font  pas  toujours  les  meilleurs  in- 
terprètes de  la  Cabale,  Ils  penfertf:  toujours  à  la  Tri- 


C  A  13 

•  ...  des  perfonnes  divines  ;  &  quand  il  n'y  auroit 
que  ce  feul  article  dont  ils  s'entêtent ,  ils  n'entre- 
roient  jamais  dans  le  fentiment  des  Cabaliftes.  Ils 
nous  apprennent  feulement  par  leur  idée  de  la  Tri- 
nité ,  qu'on  peut  trouver  tout  ce  qu'on  veut  dans  la 
Cabale.  Cohen  Irira ,  dans  fon  livre  intitulé  ,  Phi- 
lof.  Cab.  differt.  V.  chap.  v'iij.  nous  fait  mieux  com- 
prendre la  penfée  des  Cabaliftes  ,  en  foûtenant,  i°. 
que  la  lumière  qui  rempliffoit  toutes  choies  étoit  trop 
uibtiie  pour  former  des  corps  ni  même  des  efprits. 
Il  falloit  condenfer  cette  lumière  qui  émanoit  de 
Dieu.  Voilà  une  première  erreur ,  que  le  monde  eft 
forti  de  la  divinité  par  voie  d'émanation  ,  &  que 
les  efprits  font  fortis  de  la  lumière.  i°.  Il  remarque 
que  Dieu  ne  voulant  pas  créer  immédiatement  lui- 
même  ,  produifit  un  être  qu'il  revêtit  d'un  pouvoir 
fuffifant  pour  cela  ,  &  c'eft  ce  qu'ils  appellent  Adam 
premier ,  ou  Adam  kadmon.  Ce  n'eft  pas  que  Dieu  ne 
pût  créer  immédiatement  :  mais  il  eut  la  bonté  de 
ne  le  pas  faire ,  afin  que  fon  pouvoir  parût  avec  plus 
d'éclat ,  &  que  les  créatures  devinffent  plus  parfai- 
tes. 3°.  Ce  premier  principe  que  Dieu  produifit, 
afin  de  s'en  fervir  pour  la  création  de  l'Univers  , 
ctoit  fini  &  borné:  Dieu  lui  donna  les  perfections  qu'il 
a ,  &  lui  laijfa  les  défauts  qu'il  n'a  pas.  Dieu  eft  in- 
dépendant ,  6c  ce  premier  principe  dépendoit  de  lui  ; 
Dieu  eft  infini ,  ôë  le  premier  principe  eft  borné  ;  il 
eft  immuable  ,  &  la  première  caufe  étoit  fujette  au 
changement. 

Il  faut  donc  avouer  que  ces  théologiens  s'éloi- 
gnent des  idées  ordinaires  ,  &  de  celles  que  Moyfe 
nous  a  données  fur  la  création.  Ils  ne  parlent  pas 
ieulement  un  langage  barbare  ;  ils  enfantent  des  er- 
reurs ,  &  les  cachent  fous  je  ne  fai  quelles  figures. 
On  voit  évidemment  par  Iiaac  Loriia  ,  commenta- 
teur Juif,  qui  fuit  pas  à  pas  fon  maître  ,  qu'ils  ne 
donnent  pas  immédiatement  la  création  à  Dieu  ;  ils 
font  même  confifter  fa  bonté  à  avoir  fait  un  principe 
inférieur  à  lui  qui  pût  agir.  Trouver  J.  C.  dans  ce 
principe ,  c'eft  non  feulement  s'éloigner  de  leur  idée  , 
mais  en  donner  une  très-fauffe  du  Fils  de  Dieu ,  qui 
eft  infini ,  immuable  ,  &  indépendant. 

Si  on  defeend  dans  un  plus  grand  détail ,  on  aura 
bien  de  la  peine  à  ne  fe  feandalifer  pas  du  Seir  Anpin, 
qui  eft  homme  &  femme  ;  de  cette  mère  ,  ce  père  , 
cette  femme ,  ou  Nucha  ,  qu'on  fait  intervenir  ;  de  cet- 
te lumière  qu'on  fait  fortir  par  le  crâne  ,  par  les 
yeux  &  par  les  oreilles  du  grand  Anpin.  Ces  méta- 
phores font-elles  bien  propres  à  donner  une  jufte 
idée  des  perfections  de  Dieu  ,  tk.  de  la  manière  dont 
il  a  créé  le  monde  ?  Il  y  a  quelque  chofe  de  bas  Se 
de  rampant  dans  ces  figures  ,  qui  bien  loin  de  nous 
faire  diftinguer  ce  qu'on  doit  craindre  &  ce  qu'on  doit 
aimer ,  ou  de  nous  unir  à  la  divinité  ,  l'aviliiïcnt ,  &C  la 
tendent  méprifablc  aux  hommes. 

Voilà  les  principes  généraux  de  la  Cabale ,  que 
nous  avons  tâché  d'expliquer  avec  clarté  ,  quoique 
nous  ne  nous  flattions  pas  d'y  avoir  réufîî.  II  faut 
avouer  qu'il  y  a  beaucoup  d'extravagance ,  &  même 
de  péril  dans  cette  méthode  ;  car  fi  on  ne  dit  que  ce 
que  les  autres  ont  enfeigné  fur  les  opérations  &  fur 
les  attributs  de  Dieu  ,  il  eft  inutile  d'employer  des 
allégories  perpétuelles,  &C  des  métaphores  outrées  , 
qui ,  bien  loin  de  rendre  les  vérités  fcnlibles  ,  ne 
fervent  qu'à  les  obfcurcir.  C'eft  répandre  un  voile 
fur  un  objet  qui  étoit  déjà  caché  ,  &  dont  on  ne  dé- 
couvrait qu'avec  peine  quelques  traits.  D'ailleurs  , 
on  renvcrle  toute  l'Ecriture  ,  on  en  change  le  fens  , 
&  jufqu'aux  mots  ,  alîn  de  pouvoir  trouver  quel- 
que fondement  &  quelque  appui  à  fes  conjectures. 
On  jette  même  fouvent  les  hommes  dans  l'erreur  , 
parce  qu'il  eft  impoffible  de  fuivre  ces  théologiens  , 
qui  entaffent  figures  fur  figures,  &  qui  ne  les enoifif- 
ient  pas  toujours  avec  jugement,  Ce  mélange  d'hom- 


CAB 


48? 


mes  &  de  femmes  qu'on  trouve  aflbciés  dans  les 
Jplendeurs,  leur  union  conjugale  ,  &  la  manière 'dont 
elle  fe  fait ,  font  des  emblèmes  trop  puérils  &c  trop 
ridicules  pour  repréfenter  les  opérations  de  Dieu, 
&  fa  fécondité.  D'ailleurs,  il  y  a  fouvent  une  pro- 
fondeur fi  obfcure  dans  les  écrits  des  Cabaliftes  , 
qu'elle  devient  impénétrable  :  la  raifon  ne  difte  rien 
qui  puifie  s'accorder  avec  les  termes  ,  dont  leurs 
écrits  font  pleins.  Après  avoir  cherché  long-tems  inu- 
tilement ,  on  fe  lafle ,  on  ferme  le  livre  ;  on  y  revient 
une  heure  après  ;  on  croit  appereevoir  une  petite 
lueur  ;  mais  elle  difparoît  auffitôt.  Leurs  principes 
paroiffent  d'abord  avoir  quelque  liaifon  :  mais  la  di- 
verfité  des  interprètes  qui  les  expliquent  eft  fi  gran- 
de ,  qu'on  ne  fait  où  fe  fixer.  Les  termes  qu'on  em- 
ployé font  fi  étrangers ,  ou  fi  éloignés  de  l'objet , 
qu'on  ne  peut  les  y  ramener  ;  &  il  y  a  lieu  d'être 
étonné  qu'il  y  ait  encore  des  perfonnes  entêtées ,  qui 
croyent  que  l'on  peut  découvrir  ,  ou  éclaircir  ,  des 
vérités  importantes  ,  en  fe  fervant  du  fecours  de  la 
Cabale.  Il  ferait  difficile  de  les  guérir  :  d'ailleurs  ,  fï 
en  expofant  aux  yeux  cette  feience  dans  fon  état 
naturel ,  on  ne  s'apperçoit  pas  qu'elle  eft  creufe  & 
vuide  ;  &  que  fous  des  paroles  obfcures  ,  fouvent  in- 
intelligibles à  ceux  mêmes  qui  s'en  fervent ,  on  ca- 
che peu  de  chofe ,  tous  les  raifonnemens  du  monde 
ne  convaincraient  pas.  En  effet ,  un  homme  de  bon 
fens  qui  aura  étudié  à  fond  les  féphirots  ,  la  couronne 
qui  marque  la  perfection  ,  lafagejj'e ,  ou  la  magnificence  , 
en  comprendra-t-il  mieux  que  Dieu  eft  un  être  infi- 
niment parfait  ,  &  qu'il  a  créé  le  monde  ?  An-con- 
traire ,  il  faut  qu'il  faffe  de  longues  fpéculations 
avant  que  de  parvenir  là.  Il  faut  lire  les  Cabaliftes  ; 
écouter  les  différentes  explications  qu'ils  donnent  à 
leurs  fplendeurs  ,  les  fuivre  dans  les  conféquences 
qu'ils  en  tirent  ;  pefer  fi  elles  font  juftes.  Après  tout,  il 
faudra  en  revenir  à  Moyfe  ;  &  pourquoi  n'aller  pas 
droit  à  lui,  puifque  c'eft  le  maître  qu'il  faut  fuivre, 
&  que  le  Cabalifte  s'égare  dès  le  moment  qu'il  l'a- 
bandonne ?  Les  féphirots  font,  comme  les  diftinttions 
des  fcholaftiques  ,  autant  de  remparts  ,  derrière  lef- 
quels  un  homme  qui  raifonne  jufte  ne  peut  jamais 
percer  un  ignorant  qui  fait  fon  jargon.  Les  écrivains 
facrés  ont  parlé  comme  des  hommes  fages  &  judi- 
dicieux  ,  qui  voulant  faire  comprendre  des  vérités 
fublimes  ,  fe  fervent  de  termes  clairs.  Us  ont  dû 
néceffairement  fixer  leur  penfée  &  celle  des  Lec- 
teurs ,  n'ayant  pas  eu  deffein  de  les  jetter  dans  un. 
embarras  perpétuel  &  clans  des  erreurs  dangereufes. 
S'il  eft  permis  de  faire  dire  à  Dieu  tout  ce  qu'il  a  pu 
dire ,  fans  que  ni  le  terme  qu'il  a  employé  ,  ni  la 
liaifon  du  difeours  détermine  à  un  fens  précis ,  on 
ne  peut  jamais  convenir  de  rien.  Les  fyftèmes  de  re- 
ligion varieront  à  proportion  de  la  fécondité  de  l'i- 
magination de  ceux  qui  liront  l'Ecriture  ;  &  pendant 
que  l'un  s'occupera  à  chercher  les  évenemens  fu- 
turs ,  &  le  fort  de  l'Eglife  dans  les  cxprefîîons  les 
plus  fimples  ,  un  autre  y  trouvera  fans  peine  les  er- 
reurs les  plus  groffieres. 

Mais,  nous  dira-t-on ,  puifque  les  Juifs  font  entêtés 
de  cette  feience  ,  ne  icroit-il  pas  avantageux  de  s'en 
fervir  pour  les  combattre  plus  facilement  ?  Quel 
avantage  !  quelle  gloire  pour  nous ,  lorfqu'on  trou- 
ve ,  par  la  Cabale. ,  la  Trinité  des  perfonnes ,  qui  eft 
le  grand  épouvantail  des  Juifs,  &  le  phantôme  qui 
les  trouble  !  quelle  confolation  ,  lorfqu'on  découvre 
tous  les  myfteres  dans  une  feience  quifemble  n'être 
faite  que  pour  les  obfcurcir  ! 

Je  réponds  i°.  que  c'eft  agir  de  mauvaife  foi  que 
de  vouloir  que  le  Chriftianifmc  foit  enferme  dans  les 
féphirots;  car  ce  n'étoit  point  l'intention  de  ceux  qui 
les  ont  inventés.  Si  on  y  découvre  nos  myfteres  , 
afin  de  faire  fentir  le  ridicule  exi  le  foible  de  cette  mé- 
thode ,  à  la  bonne  heure  :  mais  Morus  &  les  autres 


86 


C  A 


4 

Cabaliftes  Chrétiens  entrent  dans  le  combat  avec  une 
bonne  toi  qui  déconcerte,  parce  qu'elle  fait  connoî- 
jtre  qu'ils  ont  deûein  de  prouver  ce  qu'ils  avancent, 
&C  qu'ils  font  convaincus  que  toute  la  religion  chré- 
tienne fe  trouve  dans  la  Cabale  ;  ils  inliùtent  ceux 
qui  s'en  moquent ,  &c  prétendent  que  c'elt  l'igno- 
rance  qui  entante  ces  foùris  méprilans.  On  peut  em- 
ployer cette  feience  contre  les  rabbins  qui  en  font 
entêtés ,  afin  d'ébranler  leur  incrédulité  par  les  ar- 
gumens  que  l'on  tire  de  leur  propre  fein  ;  &  l'ul'age 
qu'on  fait  des  armes  qu'ils  nous  prêtent ,  peut  crie 
bon  quand  on  les  tourne  contre  eux-mêmes  :  mais  il 
faut  toujours  garder  ton  bon  fens  au  milieu  du  com- 
bat ,  Se  ne  le  laiffer  pas  éblouir  par  l'éclat  d'une  vic- 
toire qu'on  remporte  facilement ,  ni  la  pouffer  trop 
loin.  Il  faut  fentirla  vanité  de  ces  principes  ,  &n'eH 
pas  faire  dépendre  les  vérités  folides  du  Chriftianif- 
me  ;  autrement  on  tombe  dans  deux  fautes  fenlibles. 

En  effet,  le  Juif  converti  par  des  argumens  caba- 
liftiques ,  ne  peut  pas  avoir  une  véritable  foi.  Elle 
chancellera  des  le  moment  que  la  raifon  lui  décou- 
vrira la  vanité  de  cet  art  ;  Se  fon  chriftianifme ,  s'il 
n'eit  tiré  que  du  fond  de  la  Cabale  ,  tombera  avec  la 
bonne  opinion  qu'il  avoit  de  fa  feience.  Quand  mê- 
me l'illuiion  durerait  jufqu'à  la  mort ,  en  feroit-on 
plus  avancé  ?  On  ferait  entrer  dans  l'églife  chré- 
tienne un  homme  dont  la  foi  n'eit  appuyée  que  fur 
des  rofeaux.  Une  connoiffance  fipeu  lolide  peut-elle 
produire  de  véritables  vertus  ?  Mais  ,  de  plus  ,  le 
prolelyte  ,  dégagé  des  préjugés  de  fa  nation ,  &  de 
l'autorité  de  fes  maitres ,  6c  de  leur  feience  ,  perdra 
peu  à  peu  l'eltime  qu'il  avoit  pour  elle.  Il  commen- 
cera à  douter  :  on  ne  le  ramènera  pas  aifément ,  par- 
ce qu'il  le  déliera  de  fes  maîtres  qui  ont  commencé 
par  la  fraude  ;  &  s'il  ne  rentre  pas  dans  le  Judaïfme 
par  intérêt,  il  demeurera  Chrétien  fans  religion  & 
fans  piété,  (c?) 

Voilà  bien  des  chimères  :  mais  l'hiftoire  de  la 
Philofophie,  c'eft-à-dire  des  extravagances  d'un 
grand  nombre  de  favans ,  entre  dans  le  plan  de  notre 
ouvrage  ;  &  nous  croyons  que  ce  peut  être  pour 
les  Philofophes  même  un  fpectacle  affez  curieux  & 
affez  intëreffant,  que  celui  des  rêveries  de  leurs  fem- 
blables.  On  peut  bien  dire  qu'il  n'y  a  point  de  folies 
qui  n'ayent  paffé  par  la  tête  des  hommes ,  &c  même 
des  fages  ;  &  Dieu  merci ,  nous  ne  iommes  pas  fans 
doute  encore  au  bout.  Ces  Cabaliftes  qui  découvrent 
tant  de  myfteres  en  tranfpofant  des  lettres  ;  cette 
lumière  qui  lbrt  du  crâne  du  grand  Anpin  ;  la  flam- 
me bleue  que  les  brachmanes  le  cherchent  au  bout 
du  nez  ;  la  lumière  du  Tabor  que  les  ombilicaux 
croyoient  voir  à  leur  nombril  ;  toutes  ces  vifions 
font  à  peu-près  fur  la  même  ligne  :  éc  après  avoir 
lu  cet  article  &  plufieurs  autres  ,  on  poura  dire  ce 
vers  des  Plaideurs  : 

Que  de  fous  !  je  ne  fus  jamais  à  telle  fête.       (0) 

CABALIG ,  (  Géog.  )  ville  d'Alie  dans  le  Turquef- 
tan.  Long.  103.  Lit.  44. 

CABALISTh  ,  terme  de  Commerce  ufîtê  à  Touloufe 
&  dans  tout  le  Languedoc.  C'elt  un  marchand  qui  ne 
fait  pas  le  commerce  fous  fon  nom  ,  mais  qui  elt  in- 
térefle  dans  le  négoce  d'un  marchand  en  chef.  (G) 

CABAL1STES  ,  f.  m.plur.  (Hijl.)  ff-tte  des  Juifs 
qui  fuit  &  pratique  la  Cabale ,  qui  interprète  l'Ecri- 
ture félon  les  règles  de  la  Cabale  prife  au  fécond  fens 
que  nous  avons  expliqué.  Voyt{  Cabale. 

Les  Juifs  font  partagés  en  deux  fecles  générales  ; 
les  Karaites ,  qui  ne  veulent  par  recevoir  les  tradi- 
tions, ni  le  thaîmud  ,  mais  le  feul  texte  de  l'Ecri- 
ture (.Voye^  Karaïtes.  )  ;  &  les  Rabbiniites ,  ou 
Thalmudiites  ,  qui  outre  cela  reçoivent  encore  les 
traditions  ,  &  huvent  le  Thalmud.  Voye{  Rabbi- 
NISTES. 


C  A  B 

Ceux-ci  font  encore  div-ifés  en  deux  partis  ;  fei- 
voir,  Rabbimjies Jimples,  qui  expliquent  1  Ecriture  fé- 
lon le  iens  naturel ,  par  la  grammaire  ,  l'hiftoire  ,  ou 
la  tradition  ;  .6c  en  Cabalifles  ,  qui  pour  y  découvrir 
les  fens  cachés  &  myfterieux  que  Dieu  y  a  mis  ,  le 
fervent  de  la  Cabale  ,  &  des  principes  fublimes  que 
nous  avons  rapportés  dans  l'article  précédent. 

Il  y  a  des  vifionnaires  parmi  les  Juifs  ,  qui  difent 
que  ce  n'eit  que  parles  myfteres  de  la  Cabale  ,-que 
J.  C.  a  opéré  les  miracles.  Quelques  fçavans  ont  cru 
que  Pythagore  &  Platon  avoient  appris  des  Juifs 
en  Egypte  l'art  cabaliltique,  &  iis  ont  cru  en  trou- 
ver des  vertiges  bien  marqués  dans  leurs  philolo- 
phies.  D'autres  croyent  au  contraire  que  c'elt  la 
Philofophie  de  Pythagore  &  de  Platon  qui  a  produit 
la  Cabale.  Quoi  qu'il  en  foit ,  il  elt  certain  que  dans 
les  premiers  fiecles  de  l'Eglife ,  la  plupart  des  héré- 
tiques donnèrent  cans  les  vaines  idées  de  la  Caba- 
le. Les  Gnolîiques,  les  Valentiniens,  les  Balilidiens  , 
y  turent  lurtout  très  attachés.  C'elt  ce  qui  produiiit 
Vabvaz A2  ,  ôc  tant  de  talifmans ,  dont  il  nous  ref- 
te  encore  une  grande  quantité  dans  les  cabinets  des 
antiquaires.  Voye^  Talisman,  &c.  (fJ) 

CABAMITEN  ou  CABAMITAN  ,  {Geog.)  petite 
contrée  d'Alie  dans  la  Tartane. 

CABANE  ,  f.  f.  (  Architecture.  )  du  Latin  capana  ; 
c'elt  aujourd'hui  un  petit  lieu  bâti  avec  de  la  bauge 
(  elpece  de  terre  graffe  )  &  couvert  de  chaume  , 
pour  mettre  à  la  campagne  les  pauvres  gens  à  l'abri 
des  injures  du  tems.  Anciennement  les  premiers 
hommes  n'avoient  pas  d'autres  demeures  pour  habi- 
tation :  l'Architecture  a  commencé  par  les  cabanes , 
&  a  fini  par  les  palais.  Foye-  Architecture.  (/>) 

CABANE  ,  f.  m.  (  en  terme  de  Marine.  )  c'elt  un  pe- 
tit logement  de  planches  pratiqué  à  l'arriére  ,  ou  le 
long  des  côtés  du  vaiffeau ,  pour  coucher  les  pilotes 
ou  autres  officiers  ;  ce  petit  réduit  elt  long  de  fix  pies, 
&  large  de  deux  &  demi  ;  &  comme  il  n'en  a  que 
trois  de  hauteur  ,  on  n'y  peut  être  debout. 

On  donne  le  même  nom  à  l'appartement  prati- 
qué à  l'arriére  des  bûches  qui  vont  à  la  pêche  du 
hareng  ,  &  qui  elt  deftiné  pour  les  officiers  qui  les 
conduifent.  Voye?K  PI.  XII.  fig.  2. 

C'elt  aufîi  un  bateau  couvert  de  planches  de  fa- 
pin  ,  fous  lequel  un  homme  peut  fe  tenir  debout  & 
à  couvert  ;  il  a  un  fond  plat  ,  &  on  s'en  fert  fur  la 
Loire. 

Les  bateliers  appellent  aulîi  cabane  un  bateau  cou- 
vert du  côté  de  la  poupe  ,  d'une  toile  que  l'on  nom- 
me banne  ,  ibûtenue  fur  des  cerceaux  plies  en  forme 
d'arc  ,  pour  mettre  les  paffagers  à  couvert  du  foleil 
&  de  la  pluie.  Voye\  Bateau.  (  Z  ) 

CAEANIA  ou  KABANIA ,  (  Geog.)  ville  &  forte- 
refle  de  la  Rufîie  feptentrionale  ,  dans  la  province 
de  Burati. 

CABARER ,  verb.  neut.  eft  un  terme  de  brafferie, 
qui  lignifie  jetter  les  métiers  ou  l'eau  d'un  vaiffeau 
dans  un  autre  ,  foit  avec  le  jet  ou  avec  le  chapelet. 
Voye^  C  article  B  R  A  S  S  E  R I E . 

CABARET,  f.  m.  (Hifl.nat.bot.)  afdrum.  Genre 
de  plante  à  fleurs  fans  pétales  ,  compolee  de  cinq  ou 
fixétamines  qui  fortent  d'un  calice  découpé  en  trais 
parties.  La  partie  poltérieure  de  ce  calice  devient 
dans  la  fuite  un  fruit  qui  eft  pour  l'ordinaire  angu- 
leux ,  divifé  en  lix  loges ,  &  rempli  de  quelques  le- 
mences  oblongues.  Tournefort  Infl.  rei  lierb.  Voye%_ 
Plante. 

Uiifarum  offic.  germ.  a  la  racine  purgative  &  émé- 
tique  ;  elle  defobltrue  le  foie ,  provoque  les  règles , 
expulfe  l'arrierefaix  ,  &  même  le  fœtus.  On  la  re- 
commande dans  la  jauniffe  ,  l'hydropilie ,  les  dou- 
leurs des  reins  ,  &  la  goutte  :  on  l'appelle  la  panacée 
des  fièvres  quartes.  Les  payfans  en  font  leur  fébrifuge. 
Une  emplâtre  de  fes  feuilles  appliquée  fur  la  région 


C  A  B 


lombaire,  pouffe  les  urines  ;  extérieurement  elle  eft 
réfolutive  ,  déterfive  ,  &  vulnéraire.  Les  femmes  en- 
ceintes doivent  en  éviter  Fuiage  ,  quoi  qu'en  dife 
Fernel. 

Potion  émétique  avec  le  cabaret.  Prenez  fuc  (Tafarum 
une  once  ;  oxymel  de  fouille  demi-once;  eau  de  char- 
don deux  onces  :  c'eft  un  très-puiffant  émétique  ,  ex- 
cellent dans  la  manie  ,  où  il  reuffit  mieux  que  tous 
les  remèdes  ordinaires. 

Le  cabaret  pris  en  décoction  purge  doucement,  & 
ne  fait  point 'vomir.  Fernel  en  t'aifoit  une  compoli- 
tion  émétique  qui  convient,  félon  lui ,  à  tout  le  mon- 
de. Elle  fe  prépare  dans  les  boutiques. 

Le  cabaret  eft  ainli  nommé,  parce  que  les  ivrognes 
s'en  fervent  pour  s'exciter  au  vomnTenïent.  (Ar) 

Cabaret  ,  Taverne  ,  (  Commerce.  )  ces  deux 
lieux  ont  eu  cela  de  commun  ,  que  Tony  vendoit  du 
vin  :  mais  dans  les  tavernes  on  n'y  vendoit  que  du 
vin  ,  fans  y  donner  à  manger;  au  lieu  qu'on  donnoit 
à  manger  dans  les  cabarets.  Cette  diftinction  eft  an- 
tienne. Les  Grecs  nommoient  TaC-pvaj  les  lieux  où 
l'on  vendoit  du  vin ,  &  y.a-Tiù  ,  ceux  où  l'on  donnoit 
à  manger.  Les  Romains  avoient  auffi  leurs  tabemœ  Se 
popince ,  dont  la  diftinction  étoit  la  même.  Les  profef- 
iions  d'Hôteliers ,  de  Cabaretiers ,  &c  de  ïaverniers, 
font  maintenant  confondues  :  la  police  leur  a  pref- 
crit  quelques  règles  relatives  à  la  religion, aux  mœurs, 
à  ia  fante  ,  &  à  la  fureté  publique  ,  qui  font  fort  bel- 
les ,  mais  de  peu  d'ufage. 

CAB ARETIER. ,  f.  m.  celui  qui  eft  autorifé  à  don- 
ner à  boire  &  à  manger  dans  la  maifon  à  tous  ceux 
qui  s'y  préfentent.  foye*  Cabaret. 

CABAR-HUD,  (  Géog.  )  ville  de  l'Arabie  heu- 
reufe  dans  la  province  de  Hadhramuth. 

*  CABARNES ,  f.  m.  pi.  (  Hijl.  anc.  )  c'eft  ainfi 
qu'on  appeiloit  les  prêtres  de  Cerès  dans  l'île  de  Pa- 
ros.  Ce  mot  vient  du  Phénicien  ou  de  l'Hébreu  car- 
karninoù  careb ,  offrir:  il  étoit  en  ufage  dans  le  mê- 
me fens  parmi  les  Syriens  ,  ainli  que  Jofephe  le  fait 
■\oir  par  Théophrafte  :  d'autres  prétendent  que  ce 
fut  le  nom  du  premier  de  ces  prêtres ,  qui  apprit ,  à 
ce  qu'on  dit ,  à  Cerès  l'enlèvement  de  fa  fille. 

*  CABARRES  ,  f.  m.  pi.  (  Marine  &  Commerce.  ) 
on  donne  ce  nom  à  toutes  fortes  de  petits  bâtimens 
à  fonds  plats,  qui  fervent  à  fecourir  &C  alléger  les 
gros  vaiffeaux  en  mer.  Les  Suédois  &  les  Danois  les 
appellent  clincar, 

CABAS  ,  f.  m.  (  Meffagerie.  )  grand  coche  dont 
le  corps  eft  d'ofier  cliffé.  Cette  voiture  appartient 
ordinairement  aux  meiTagerics. 

Cabas  ou  Cabat  ,  (  Commerce.  )  panier  fait  de 
jonc  ou  de  feuilles  de  palmier,  ('eit  dans  ces  fortes 
de  paniers  que  l'on  met  les  figues  de  Provence  ,  après 
les  avoir  fait  lécher.  Il  y  en  a  de  grands  &  de  petits; 
les  uns  pour  la  marchandife  d'élite,  &  les  autres 
pour  la  commune  :  on  les  couvre  également  avec  une 
toile  ordinairement  bleue  ou  violette.  Voye^  Figue. 

Cabat  le  dit  aufti  dans  quelques  provinces  de  Fran- 
ce, d'une  mefure  à  mefurerles  grains ,  particulière- 
ment le  blé.   (G) 

CABASET  ,  f.  m.  fignifioit  autrefois,  dans  CArt 
milit.  une  arme  défenlive  qui  couvroit  la  tète. Ce  mot 
vient  ,  félon  Nicod,  de  l'Hébreu  coba  ,  qui  lignifie  un 
Cdfque  ou  heaume,  ou  de  l'Efpagnol  cabeça  ,  tête.  (Q>) 

*  CABAY,  f.  m.  (  Hijl.  moi.  )  c'eft  le  nom  que 
les  Indiens,  &  les  habitans  de  l'île  de  Ceylan  èv  d  A- 
racan  ,  donnent  à  des  habits  faits  de  foie  ou  de  co- 
ton ornés  d'or,  que  les  feigneurs  &  principaux  du 
pays  ont  coutume  de  porter. 

CABE,  (  Géog.')  petite  rivière  d'Efpagne  au  royau- 
me de  Galice  ,  qui  te  jette  dans  le  Velezar,  &  tom- 
be avec  lui  dans  le  Minho. 

CABEÇA-DE-YIDE,  (  Géog.  )  petite  ville  avec 
château,  en  Portugal , dans  l'Alentéjo  ,  à  cinq  lieues 


C  A  B  487 

de  Port-Aîcgre.  Longitude  10.  48.  latitude  Jo. 

*  CABELA  ,  {Hijl  nat.  )  c'eft  le  nom  d'un  fruit 
des  Indes  occidentales,  qui  reffemble  beaucoup  à 
des  prunes  :  l'arbre  qui  le  produit  ne  diffère  pref- 
qu'en  rien  du  cerilier. 

CABENDE ,  (  Géog.  )  ville  &  port  d'Afrique  au 
royaume  de  Congo,  dans  la  province  d'AngOy,  où 
il  le  fait  un  grand  commerce  de  Nègres. 

CABES  ou  GABES ,  (  Géog.  )  ville  d'Afrique  au 
royaume  de  Tunis,  affez  près  du  golfe  du  même  nom. 
Long.  28.  3o.  lat.  33.  40. 

CABESTAN,  f.  m.  (Mar.  )  c'eft  une  machine  de 
bois  reliée  de  fer ,  faite  en  forme  de  cylindre  ,  pofée 
perpendiculairement  fur  le  pont  du  vaiffeau,  que  des 
barres  paflees  en  travers  par  le  haut  de  l'éffieu  font 
tourner  en  rond.  Ces  barres  étant  conduites  à  force 
de  bras ,  font  tourner  autour  du  cylindre  un  cable  , 
au  bout  duquel  font  attachés  les  gros  fardeaux  qu'on 
veut  enlever.  Voye^  Cable. 

C'eft  encore  en  virant  le  cabejlan  qu'on  remonte 
les  bateau v  ,  &  qu'on  tire  fur  terre  les  vaiffeaux 
pour  les  calfater,  qu'on  les  décharge  des  plusgroffes 
marc!''  ifidifès  ,  qu'on  levé  les  vergues  &  les  voiles  , 
auffi  bien  que  les  ancres.  Voyc^  Ancre. 

Il  y  a  deux  cabejlans  fur  les  vaiffeaux  ,  qu'on  dis- 
tingue par  grand  &  petit  cabejlan  ':  le  grand  cabejlan 
eft  placé  derrière  le  grand  mat  fur  le  premier  pont, 
&  s'élève  jufqu'à  quatre  ou  cinq  pies  de  hauteur  au- 
deffus  du  deuxième.  Voye-r  PI.  LV.fig.  1.  n°  102.  On 
l'appelle  aufîi  cabejlan  double,  à  caufe  qu'il  iért  à. 
deux  étages  pour  lever  les  ancres ,  &  qu'on  peut  dou- 
bler fa  force  en  mettant  des  gens  fur  les  deux  ponts 
pour  le  faire  tourner. 

Le  petit  cabeflan  eft  pofé  fur  le  fécond  pont ,  entre 
le  grand  mât  6c  le  mât  de  mifene.  Voye-^  Plan.  LV. 
fig.  1.  n°.  103.  il  iért  principalement  à  iffer  les  mâts 
de  hune  &  les  grandes  voiles  ,  &  dans  les  occalions 
où  1!  tant  moins  de  force  que  pour  lever  les  ancres. 

Les  François  appellent  cabeflan  Anglais  ,  celui  où 
l'on  n'employé  que  des  demi-barres  ,  &  qui  à  caufe 
de  cela  n'eft  percé  qu'à  demi  ;  il  eft  plus  renflé  que 
les  cabejlans  ordinaires. 

II  v  a  encore  un  cabejlan  volant  que  l'on  peut  tranf- 
porter  d'un  lieu  à  un  autre,   f'oye^  VlNDAS. 

/  .  • .  /■ ,  >/.'  cabsfl  :  -.' ,  poi    er  ai:  cabeflan,  faire  jouer  au 
•• .  c'eft-à-dire ,  faire  tourner  le  cabeflan-, 
au  cabejlan,  envoyer  au  cabeflan  :  quand  les 
garçons  de  IV  ou  les  moufles  ont  commis 

quelque  faute,  le  maître  les  fr.it  aller  au  cabeflan  pour 
les  y  châtier  :  on  y  envoyé  auffi  les  matelots.  Tous 
le.  châtimens  qu'on  fait  au  cabejlan  chez  les  Fran- 
çois ,  fe  font  au  pié  du  grand  mât  chez  les  Hollan- 
d      .   (Z) 

Le  cabeflan  n'a  pas  la  forme  exactement  cylindri-. 
que ,  mais  efl  à  peu  près  comme  un  cône  tronqué  qui 
va  en  diminuant  de  bas  en  haut ,  afin  que  le  corda- 
ge qu'on  y  roule  l'oit  plus  ferme  ,  &  moins  fujet  à. 
couler  ou  gliffer  de  liant  en  bas. 

II  eft  viiible  par  la  description  de  cette  machine, 
que  le  cabejlan  n'eft  autre  choie  qu'un  treuil ,  dont 
l'axe  au  lieu  d'être  horiibntal,  eft  vertical.  '  ;.,; 
à  l'article  A  x  E  les  lois  par  lefquelles  on 
mine  la  force  du  treuil,  appelle  en  Latin  axis  in  pé- 
ri'trochio  ,  axe  dans  le  tambour,  OU  ejieit  dans  le  tour. 
Dans  le  cabejlan  le  tambour, peritrochium  ,  eft  le  cy- 
lindre, ec  Laxe  ou  I'eflieu  font  les  leviers  qu'on 
adapte  aux  cylindres  ,  6v  par  le  moyen  defquels  on 
fait  tourner  le  cabeflan. 

Le  cabejlan  n'eft  donc  proprement  qu'un  levier  , 
ou  un  anemblage  de  leviers  auxquels  plufieurs  puif- 

fonl  appliquées.  Donc  fmvant  les  1 
\       .  ■  i  .  ■    :i  faite  du  frottement  ,  la  ; 

ce     tau  1  mme  le  rayon  du  cyl  1 

jvier  auquel  la  puiiiance  eft  atti  1 


'4&8 


C  A  B 


&  le  chemin  de  La  puiflance  efl  à  celui  du  poids», 
comme  le  levier  eft  au  rayon  du  cylindre.  Moins  il 
faut  de  force  pour  élever  le  poids  ,  plus  il  faut  faire 
de  chemin  :  il  ne  faut  donc  point  faire  les  leviers  nop 
longs  ,  afin  que  la  puiflance  ne  fane  pas  trop  de  che- 
min ;  ni  trop  courts  ,  afin  qu'elle  ne  foit  pas  obligée 
de  faire  trop  d'effort;  car  dans  l'un  &  l'autre  cas  elle 
feroit  trop  fatiguée. 

On  appelle  encore  en  général  du  nom  de  cabcjlan, 
tout  treuil  dont  l'axe  efï  pofe  verticalement  :  tels  lont 
ceux  dont  on  fe  fert  fur  les  ports  à  Paris ,  pour  attti- 
rer  à  terre  les  fardeaux  qui  fe  trouvent  fur  les  gros 
bateaux  ,  comme  pierres  ,  &c. 

Un  des  grands  inconvéniens  du  cabcjlan ,  c'eft  que 
•la  corde  qui  fe  roule  deffus  defeendant  de  la  grofleur 
à  chaque  tour  ,  il  arrive  que  quand  elle  eft  parvenue 
tout-à-fait  au  bas  du  cylindre ,  le  cabcjlan  ne  peut  plus 
virer ,  &  l'on  eft  obligé  de  choquer ,  c'eft-à-dire  , 
de  prendre  des  boiTes ,  de  devirer  le  cabcjlan ,  de 
hauffer  le  cordage ,  &c.  manœuvre  qui  fait  perdre 
Un  tems  coniidérable.  C'eft  pour  y  remédier  que  l'A- 
cadémie des  Sciences  de  Paris  propofa  pour  le  fujet 
du  prix  de  1739,  de  trouver  un  cabcjlan  qui  tùt 
exempt  de  ces  inconvéniens.  Elle  remit  ce  prix  à 
1741  ;  &  l'on  a  imprimé  en  1745  les  quatre  pièces 
qu'elle  crut  devoir  couronner  ,  avec  trois  acccjju. 
L'Académie  dit  dans  fon  avertiffement ,  qu'elle  n'a 
trouvé  aucun  des  cabcjlans  propolés  exempt  d'incon- 
véniens.  Cela  n'empêche  pas  néanmoins  ,  comme 
l'Académie  l'obferve  ,  que  ces  pièces  ,  fur-tout  les 
quatre  pièces  couronnées,  &  parmi  les  accejjit,  celle 
de  M.  l'abbé  Fenel ,  aujourd'hui  de  l'Académie  des 
belles  lettres ,  ne  contiennent  d'excellentes  chofes , 
principalement  par  rapport  à  la  théorie.  Nous  y 
renvoyons  nos  leâeurs.   (O) 

*  CABESTERRE,  (Géog.  )  on  appelle  ainfidans 
les  îles  Antilles  ,  la  partie  de  l'île  qui  regarde  le  le- 
vant ,  &  qui  eft  toujours  rafraîchie  par  les  vents  ali- 
fés ,  qui  courent  depuis  le  nord  jufqu'à  l'eft-fud-eft. 
La  baffe  terre  eft  la  partie  oppoiee  ;  les  vents  s'y  font 
moins  fentir  ;  &  par  conféquent  cette  partie  eft  plus 
chaude  ,  &  la  mer  y  étant  plus  tranquille  ,  elle  eft 
plus  propre  pour  le  mouillage  &  le  chargement  des 
vaiffeaux  ;  joint  à  ce  que  les  côtes  y  font  plus  baffes 
que  dans  les  cabcjlcrrcs ,  où  elles  font  ordinairement 
hautes  &£  efearpées ,  &  où  la  mer  eft  prefque  tou- 
jours agitée.  Voyages  du  P.  Labat. 

CABIDOS  ou  CAVIDOS,  f.  m.  (Commerce.)  forte 
de  mefure  de  longueur ,  dont  on  fe  fert  en  Portugal 
'pour  mefurer  les  étoffés ,  les  toiles ,  &c. 

Le  cabidos ,  ainii  que  l'aune  de  Hollande  ou  de  Nu- 
remberg ,  contient  z  pies  1 1  lignes ,  qui  font  quatre 
feptiemes  d'aune  de  Paris.  L'aune  de  Paris  fait  un  ca- 
bidos &  trois  quarts  de  cabidos  ;  de  forte  que  fept  ca- 
bidos font  quatre  aunes  de  Paris.  Voye^_  Aune.  (G  ) 

*  CABIGIAK  ou  CAPCHAK,  f.  m.  (Hijl.  mod.) 
tribu  des  Turcs  Orientaux.  Une  femme  de  l'armée 
d'Oghuz-Kan  preffée  d'accoucher ,  fe  retira  dans  le 
creux  d'un  arbre.  Oghuz  prit  foin  de  l'enfant ,  l'a- 
dopta, &  i'appella  Cabigiak,  ccorcedc  bois  ;  nom  qui 
marquôit  la  ungularité  de  fa  naiiTance.  Cabigiak  eut 
une  poftérité  nombreufe  qui  s'étendit  juiqu'au  nord 
de  la  mer  Cafpienne.  Il  s'en  fit  un  peuple  qu'on  con- 
noît  encore  aujourd'hui  fous  le  nom  de  Defcht  Kit- 
chak  ;  ceft  de  ce  peuple  que  font  forties  les  armées 
qui  ont  ravagé  les  états  que  le  Mogol  poffédoit  dans 
la  Perfe  ,  &  ce  furent  les  premières  troupes  que  Ba- 
jazet  oppofa  àTamerlan. 

*  CABILLE  ou  C ABILAH ,  f.  m.  (Hijl.  mod.)  nom 
d'une  tribu  d'Arabes  ,  indépendans  &  vagabonds  , 
qu'un  chef  conduit.  Ils  appellent  ce  chet  cauque.  On 
compte  quatre-vingts  de  ces  tribus  :  aucune  ne  re- 
connoît  de  fouverains. 


C  A  B 

CABîLLOTS ,  f.  m.  pi.  (Marine.)  ce  font  de  petits 
bouts  de  bois  ,  qui  font  faits  comme  les  boutons  des 
Récolets ,  c'eft- à-dire  taillés  longs  &  étroits,  plus 
épais  vers  le  milieu ,  &  un  peu  courbes,  les  deux  ex- 
trémités étant  plus  pointues ,  &  fe  relevant  un  peu. 
On  met  ces  morceaux  de  bois  aux  bouts  de  plufieurs 
heries  qui  tiennent  aux  grands  haubans ,  qui  fervent 
à  tenir  les  poulies  de  pantoquiere. 

Cabillots  ;  ce  font  auffi  de  petites  chevilles  de 
bois  qui  tiennent  aux  chouquets  avec  une  ligne  ,  6c 
qui  fervent  à  tenir  la  balancine  de  la  vergue  de  hune 
quand  les  perroquets  font  ferrés.  (Z  ) 

CABIN ,  (Géog.)  rivière  de  France ,  en  Gafcognes, 
CABINET,  f.  m.  (Architecl.)  fous  ce  nom  on  peut 
entendre  les  pièces  deftinées  à  l'étude ,  ou  dans  les- 
quelles l'on  traite  d'affaires  particulières,  ou  qui  con- 
tiennent ce  que  l'on  a  de  plus  précieux  en  tableaux, 
en  bronzes,  livres,  curiofités,  &c.  On  appelle  auffi 
cabinet,  les  pièces  011  les  dames  font  leur  toilette,  leur 
oratoire  ,  leur  méridienne ,  ou  autres  qu'elles  deiti- 
nent  à  des  occupations  qui  demandent  du  recueille- 
ment &  de  la  folitude.  On  appelle  cabinet  d'aifance  , 
le  lieu  oii  font  placées  les  commodités ,  connues  au- 
jourd'hui fous  le  nom  de  lieux  àjbupape. 

Les  premières  efpeces  de  cabinets  doivent  être  pour 
plus  de  décence,  placés  devant  les  chambres  à  cou- 
cher &  non  après ,  n'étant  pas  convenable  que  les 
étrangers  paffent  par  la  chambre  à  coucher  du  maî- 
tre pour  arriver  au  cabinet ,  cette  dernière  pièce  chez 
un  homme  d'un  certain  rang ,  lui  fervant  à  conférer 
d'affaires  particulières  avec  ceux  que  fon  état  ou  fa 
dignité  amènent  chez  lui  ;  par  ce  moyen  le  maître  , 
au  fortir  du  lit,  peut  aller  recevoir  les  vifites,  parler 
d'affaires  fans  être  interrompu  par  les  domeihques  , 
qui  pendant  (on  ablence  entrent  dans  la  chambre  à 
coucher  par  des  dégagemens  particuliers,  &  y  lont 
leur  devoir,  fans  entrer  dans  le  lieu  qu'habitent  les 
maîtres ,  à  moins  qu'on  ne  les  y  appelle.  Je  parle  ici 
d'un  cabinet  faifant  partie  d'un  appartement  deitiné 
à  un  très-grand  feigneur ,  à  qui  pour  lors  il  faut  plu- 
fieurs de  ces  pièces  ,  qui  empruntent  leur  nom  de 
leurs  différens  ufages,  ainfi  que  nous  venons  de  le  dire 
ci-deffus.  On  a  une  pièce  qu'on  appelle  le  grand  ca- 
binet de  l'appartement  du  maître  ;  elle  eft  confacrée 
à  Fufage  dont  nous  venons  de  parler  ;  c'eft  dans  Ion 
cabinet  paré  qu'il  raflemble  ce  qu'il  a  de  tableaux  ou 
de  curiofités  ;  fon  arrière-cabinet  contient  les  livres  , 
fon  bureau ,  Se  c'eft  là  qu'il  peut  recevoir  en  particu- 
lier ,  à  la  laveur  des  dégagemens  qui  l'environnent , 
les  perfonnes  de  diftinâion  qui  demandent  de  la  pré- 
férence :  un  autre  lui  fert  de  ferre-papiers ,  c'eft  là 
que  font  confervés  fous  fa  main  &  en  fureté  fes  ti- 
tres ,  fes  contrats,  fon  argent:  enfin  il  y  en  a  un  del- 
tiné à  lui  lervir  de  garde-robe  &:  à  contenir  des  lieux 
à  foupape ,  où  il  entre  par  fa  chambre  à  coucher ,  & 
les  domeftiques  par  un  dégagement.  Ce  détail  nous 
a  paru  nécefTaire. 

Il  y  a  encore  d'autres  cabinets;  on  en  a  un  du  côté 
de  l'appartement  de  fociété,qui  a  fes  ufages  particu- 
liers ;  il  peut  fervir  pour  un  concert  vocal  ;  les  lieux 
pour  les  concerts  compolés  de  beaucoup  d'inftrumens 
devant  être  plus  fpacieux ,  alors  on  les  appelles/A;  de 
concert  ;  dans  ce  même  cabinet  on  peut  tenir  jeu ,  pen- 
dant que  la  falle  d'affemblée,  qui  eft  à  côté,  lerviroit 
ainlî  que  celle  de  compagnie  ,  à  recevoir  une  plus 
nombreufe  fociété.  Un  petit  fallon  peut  auffi  lervir 
de  cabinet  au  même  ulage  :  mais  fa  forme  elliptique, 
la  manière  dont  il  eft  plafonné ,  &  principalement  les 
pièces  qui  l'environnent,  lui  ont  fait  donner  le  nom 
dej'allon  ,  pendant  que  la  pièce  qui  lui  eft  oppoiee 
peut  recevoir  le  nom  de  cabinet ,  par  rapport  à 
l'appartement  dont  elle  fait  partie  ;   cependant  il 

Ifaut  avouer  qu'il  eft,  pour  ainli  dire,  des  formes 
confacrées  à  Fufage  de  chaque  pièce  en  particulier  : 
par 


C  A  B 

par  exemple  ,  il  femble  que  les  cabinets  deftinés  aux 
affaires  ou  à  l'étude,  doivent  être  de  forme  réguliè- 
re ,  à  caufe  de  la  quantité  des  meubles  qu'ils  font 
obligés  de  contenir ,  au  lieu  que  ceux  de  concerts , 
de  bijoux,  de  toilette  ,  &C  autres  de  cette  efpece ,  peu- 
vent être  irréguliers  :  il  faut  fur-tout  que  ta  décora- 
tion des  uns  &  des  autres  foit  relative  à  leur  ufage, 
c'eit-à-dire  qu'on  obferve  de  la  gravité  dans  l'ordon- 
nance des  cabinets  d'affaires  ou  d'étude  ;  de  la  fimpli- 
cité  dans  ceux  que  l'on  décore  de  tableaux  ;  &  de  la 
légèreté  ,  de  l'élégance  ,  &  de  la  richefle  ,  dans  ceux 
deflinés  à  la  fociété  ,  fans  que  pour  cela  on  ufe  de 
trop  de  licence. 

Il  n'y  a  perfonne  qui  ne  fente  la  nécefïïté  qu'il  y 
a  de  faire  précéder  les  chambres  à  coucher  par  les 
cabinets ,  lur-tout  dans  les  appartemens  qui  ne  font 
compofés  que  d'un  petit  nombre  de  pièces. 

On  appelle  auffi  cabinets, certains  meubles  en  for- 
me d'armoire,  faits  de  marqueterie  ,de  pièces  de  rap- 
port 6c  de  bronze,  fervant  à  ierrer  des  médailles, 
des  bijoux,  &c.  Ces  cabinets  étoient  fort  en  ufage  dans 
le  dernier  fiecle  :  mais  comme  ils  ne  laiflbient  pas 
d'occuper  un  efpace  affez  confidérable  dans  l'inté- 
rieur des  appartemens,  on  les  y  a  fupprimés.  Il  s'en 
voit  encore  cependant  quelques-uns  dans  nos  anciens 
hôtels ,  exécutés  par  Boule ,  ében  fie  du  roi ,  ainfi 
que  des  bureaux  ,  des  fecrétaires  ,  ferre-papiers,  bi- 
bliothèques ,  &c.  dont  l'exécution  eft  admirable  ,  & 
d'une  beauté  fort  au-deflus-  de  ceux  qu'on  fait  au- 
jourd'hui. 

On  appelle  aufli  cabinets ,  de  petits  bâtimêns  ifolés 
en  forme  de  pavillons  ,  que  l'on  place  à  l'extrémité 
de  quelque  grande  allée ,  dans  un  parc  ,  fur  une  ter- 
rafle  ou  fur  un  lieu  éminent  ;  mais  leur  forme  étant 
prefque  toujours  lphérique ,  elliptique  ou  à  pans  cou- 
verts ,  en  calotte  ,  &  fouvent  percés  à  jour ,  le  nom 
de  /allons  leur  convient  davantage  ;  &  lorfque  ces 
pièces  font  accompagnées  de  quelques  autres  ,  com- 
me de  veflibules ,  d'anti-chambres ,  garde-robes ,  &c. 
on  les  nomme  belvédères.  Voye{  Belvédère. 

On  appelle  cabinets  de  treillage  ,  de  petits  fallons 
quarrés ,  ronds  ,  ou  à  pans ,  compofés  de  barreaux 
de  fer  maillé  d'échalats  peints  en  verd,  tels  qu'il  s'en 
voit  un  à  Ciagny ,  d'un  deflein  &  d'une  élégance  très- 
eflimable ,  &  plulieurs  à  Chantilly ,  d'une  distribution 
îrès-ingénieuie.  {P  ) 

Cabinet  d'Histoire  naturelle.  Le  mot  ca- 
binet doit  être  pris  ici  dans  une  acception  bien  diffé- 
rente de  l'ordinaire ,  puifqu'un  cabinet  d'Hijioire  na- 
turelle efl  ordinairement  compolé  de  plulieurs  P£K~| 
&  ne  peut  être  trop  étendu  ;  la  plus  grande  f^Be 
plutôt  le  plus  grand  appartement ,  ne  feroit  i^S^tr 
elpace  trop  grand  pour  contenir  des  collections  en 
tout  genre  des  différentes  productions  de  la  nature  : 
en  effet ,  quel  immenfe  &  merveilleux  aflembla^e  ! 
comment  même  fe  faire  une  idée  julte  du  fpectacle 
que  nous  prélenteroient  toutes  les  fortes  d'animaux, 
de  végétaux ,  &  de  minéraux  ,  ii  elles  étoient  raffem- 
blées  dans  un  même  lieu  ,  ce  vues ,  pour  ainfi  dire , 
d'un  coup  d'œil  ?  ce  tableau  varié  par  des  nuances  à 
l'infini ,  ne  peut  être  rendu  par  aucune  autre  expref- 
fion,  que  par  les  objets  mêmes  dont  il  efl  compofé  : 
un  cabinet  d'Hiffoire  naturelle  efl  donc  un  abrégé  de 
la  nature  entière. 

Nous  ne  lavons  pas  fi  les  anciens  ont  fait  des  ca- 
binets d'Hijioire  nature/le.  S'il  y  en  a  jamais  eu  un  leul , 
il  aura  été  établi  chez  les  Grecs,  ordonné  par  Ale- 
xandre, &  formé  par  A  idiote.  Ce  fameux  naturalifte 
voulant  traiter  Ion  objet  avec  toutes  les  vues  d'un 
grand  philofophe  ,  obtint  delà  magnificence  d'Ale- 
xandre des  fommes  très-confidérables  ,  es:  il  les  em- 
ploya àraflembler  des  animaux  de  toute  elpece,  &  à 
les  taire  venir  de  toutes  les  parties  du  monde  connu. 
Ses  livres  fur  le  règne  animal ,  prouvent  qu'il  avoit 
Tome  II, 


C  A  B 


489. 


obfervé  prefque  tous  les  animaux  dans  un  grand  dé" 
tad  ,  &  ne  permettent  pas  de  douter  qu'il  n'eût  une 
ménagerie  tres-complettë  à  la  difpofltion,  ce  qui  fait 
le  meilleur  cabinet  que  l'on  puifle  avoir  pour  l'hilloire 
des  animaux.  D'ailleurs  les  dépouilles  de  tant  d'ani- 
maux ,  &  leurs  différentes  parties  difféquées ,  étoient 
plus  que  fuffifantes  pour  faire  un  très -riche  cabinet 
d'Hijioire  naturelle  dans  cette  partie  ;  car  on  ne  peut 
pas  douter  qu'Ariflote  n'ait  difféqué  les  animaux  avec 
foin,puilqu 'il  nous  a  laifle  des  rélultats  d'obfervations 
anatomiques ,  oc  qu'il  a  attribué  à  certaines  elpeces 
des  qualités  particulières ,  dont  elles  font  douées  à 
l'exclufion  de  toute  autre  efpece.  Pour  tirer  de  pa- 
reilles conféquences,  il  faut  avoir,  pour  ainfi  dire 
tout  vu.  Si  nous  fommes  quelquefois  tentés  de  les 
croire  halardées,  ce  n'eft  peut-être  que  parce  que  les 
connoiflances  que  l'on  a  acquiles  fur  les  animaux  de- 
puis la  renaiffance  des  lettres ,  ne  font  pas  encore 
allez  étendues  ,  &  que  les  plus  grandes  colledions 
d'animaux  que  l'on  a  faites  font  trop  imparfaites  en 
comparailon  de  celles  d'Ariflote. 

La  Icience  de  l'Hifloire  naturelle  fait  des  progrès 
à  proportion  que  les  cabinets  le  complètent  ;  l'édifice 
ne  s'élève  que  par  les  matériaux  que  l'on  y  employé, 
&  l'on  ne  peut  avoir  un  tout  que  lorlqu'on  a  mis  en- 
femble  toutes  les  parties  dont  il  doit  être  compofé. 
Ce  n'a  guère  été  que  dans  ce  fiecle  que  l'on  s'efl  ap- 
pliqué à  l'étude  de  1  Hiftoire  naturelle  avec  affez  d'ar- 
deur &  de  lucces  pour  marcher  à  grands  pas  dans 
cette  carrière.  C'efl  aufli  à  notre  fiecle  que  l'on  rap- 
portera le  commencement  des  établiflemens  les  plus 
dignes  du  nom  de  cabinet  d'Hijioire  naturelle. 

Celui  du  jardin  du  Roi  efl  un  des  plus  riches  de  l'Eu- 
rope. Pour  en  donner  une  idée  il  Influa  de  faire  ici 
mention  des  collections  dont  il  efl  compolé ,  en  fui- 
vant  l'ordre  des  règnes. 

Règne  animal.  Il  y  a  au  cabinet  du  Roi  différens  fque- 
letes  humains  de  tout  âge,  &  une  très-  nombreuse 
collection  d'os  remarquables  par  des  coupes ,  des  frac- 
tures ,  des  difformités, &  des  maladies  :  des  pièces  d'a- 
natomie  injectées  &  defiechées  ;  des  fœtus  de  diffé- 
rens âges  ,  &  d'autres  morceaux  linguliers  conier- 
vés  dans  des  liqueurs:  de  très-belles  pièces  d'anato- 
mie  ;epréfentées  en  cire,  en  bois,  &c.  quelques  par- 
ties de  momies  Se  des  concrétions  pierreufes  tirées 
du  corps  humain.  Voye^  la  defeription  du  cabinet  du 
Roi,  Hijl.  nat.  tome  III.  Quantité  de  vètemens  ,  d'ar- 
mes, d'uflenciles  de  lauvages,  &c.  apportés  de  l'A- 
mérique &  d'autres  parties  du  monde. 

Par  rapport  aux  quadrupèdes ,  une  très-grande  fui- 
te de  fquejetes  ci  d'autres  pièces  d'ofléologie ,  & 
quantité  d'animaux  &  de  parties  d'animaux  conser- 
vées dans  des  liqueurs,  des  peaux  empaillées,  une 
collection  de  toutes  les  cornes  des  quadrupèdes ,  des 
bézoards,  des  égagropiles,  &c. 

De  très-beaux  Iqueletes  des  oileaux  les  plus  gros 
&  les  plus  rares  ;  des  oileaux  entiers  conierves  dans 
des  liqueurs,  év  d'autres  empailles,  &c. 

Une  nombreule  ^  de  poiffons  de  mer  & 

d'eau    douce    deffeches  ou  conlerves   dans  des   li- 
queurs. 

Un  très-grand  nombre  d'el'peces  différentes  de  fer- 
pens,  de  lefàrds,  &c.  recueillis  de  toutes  les  pâmes 
du  monde. 

Une  très-grande  fuite  de  coquilles ,  de  cruflacées  , 
&c. 

Enfin  quantité  d'infectes  de  terre  &  d'eau,  entr'au- 
tres  une  mite  de  papillons  prefque  complette  ,  ce  une 
très-grande  collection  de  faillies  plantes  mannes  de 
toutes  efpeces. 

Règne  végétal.  Des  herbiers  très-complets  faits  par" 
M.  d  >rt  &  par  M.  Vaillant;  de  nombreu- 

fes fuites  de  racines,  d'éço  ces  de  bois,  de  femen- 
ces  ce  de  fruits  de  plantes  ;  une  collection  prelqu'en- 

Qqq 


49° 


C  A  B 


tiere  dégommes,  de  rétines,  de  baumes,  &  d'au- 
tres fucs  de  végétaux. 

Règne  minéral.  Des  collections  de  terres ,  de  pier- 
res communes  &  de  pierres  figurées ,  de  pétrifica- 
tions ,  d'incruftations ,  de  rélidus  pierreux  ,  &  de  fta- 
laftites:  une  très-belle  fuite  de  cailloux,  de  pierres 
fines  ,  brutes,  polies ,  façonnées  en  plaques ,  taillées 
en  vafes ,  &c.  &  de  pierres  précieulés  ,  de  cryftaux  ; 
toutes  fortes  de  fels  &  de  bitumes ,  de  matières  miné- 
rales &  foffiles ,  de  demi-métaux  &  de  métaux.  En- 
fin une  très-nombreufe  colledion  de  minéraux  du 
royaume,  &  de  toutes  les  parties  de  l'Europe,  fur- 
tout  des  pays  du  nord ,  des  autres  parties  du  monde  , 
&  principalement  de  l'Amérique. 

Toutes  ces  collections  font  rangées  par  ordre  mé- 
thodique, &  diftribuées  de  la  façon  la  plus  favora- 
ble à  l'étude  de  l'Hiftoire  naturelle.  Chaque  individu 
porte  fa  dénomination ,  &  le  tout  eft  placé  fous  des 
glaces  avec  des  étiquettes ,  ou  difpofé  de  la  manière 
la  plus  convenable.  (/) 

*  Pour  former  un  cabinet  d,HiJloire  naturelle  ,  il 
ne  fufïït  pas  de  raffembler  fans  choix,  &  d'entaffer 
fans  ordre  &  fans  goût,  tous  les  objets  d'Hiftoire  na- 
turelle que  l'on  rencontre  ;  il  faut  favoir  diftinguer 
ce  qui  mérite  d'être  gardé  de  ce  qu'il  faut  rejetter , 
&  donner  à  chaque  choie  un  arrangement  convena- 
ble. L'ordre  d'un  cabinet  ne  peut  être  celui  de  la 
nature  ;  la  nature  affefte  par-tout  un  defordre  lu- 
blime.  De  quelque  côté  que  nous  l'envifagions ,  ce 
font  des  malles  qui  nous  tranfportent  d'admiration , 
des  groupes  qui  fe  font  valoir  de  la  manière  la  plus 
furprenante.  Mais  un  cabinet  d'ffijloire  naturelle  eft 
fait  pour  inftruire  ;  c'eft-là  que  nous  devons  trouver 
en  détail  &  par  ordre ,  ce  que  l'univers  nous  préfen- 
te en  bloc.  Il  s'agit  d'y  expofer  les  thréfors  de  la  na- 
ture félon  quelque  diftribution  relative,  foit  au  plus 
ou  moins  d'importance  des  êtres ,  foit  à  l'intérêt  que 
nous  y  devons  prendre ,  foit  à  d'autres  coniidérations 
moins  lavantes  &  plus  raifonnables  peut-être,  entre 
lefquelles  il  faut  prétérer  celles  qui  donnent  un  ar- 
rangement qui  plait  aux  gens  de  goût ,  qui  intérefî'e 
les  curieux,  qui  inftruit  les  amateurs,  &  qui  infpi- 
re  des  vues  aux  favans.  Mais  fatisfaire  à  ces  diffé- 
rens  objets,  fans  les  facrifier  trop  les  uns  aux  autres  ; 
accorder  aux  diltributions  feientifiques  autant  qu'il 
faut ,  fans  s'éloigner  des  voies  de  la  nature,  n'eftpas 
une  entreprife  facile  ;  &  entre  tant  de  cabinets  d'Hif- 
toire naturelle  formés  en  Europe,  s'il  doit  y  en  avoir  de 
bien  rangés,  il  doit  aufli  y  en  avoir  beaucoup  d'autres 
qui  peut-être  auront  le  mérite  de  la  richefle ,  mais  qui 
n'auront  pas  celui  de  l'ordre.  Cependant  qu'eft-ce 
qu'une  collection  d'êtres  naturels  fans  le  mérite  de 
l'ordre  ?  A  quoi  bon  avoir  raffemblé  dans  des  édifi- 
ces ,  à  grande  peine  &  à  grands  frais ,  une  multitude 
de  product ions ,  pour  me  les  offrir  confondues  pêle- 
mêle  &  fans  aucun  égard  ,  foit  à  la  nature  des  chofes, 
foit  aux  principes  de  l'hiftoire  naturelle  ?  «  Je  dirois 
»  volontiers  à  ces  Naturalises  qui  n'ont  ni  goût 
»  ni  génie  :  Renvoyé^  toutes  vos  coquilles  à  la  mer  ; 
»  rende £  à  la  terre  fes  plantes  &  Jon  engrais  ,  & 
»  nettoyé^  vos  appartemens  de  cette  foule  de  cadavres , 
»  d'oifeaux ,  de  poijjons ,  6-  d'infectes  ,  (i  vous  n'en 
>»  pouve^  faire  quun  chaos  où  je  napperqois  rien  de 
»  difincl ,  quun  amas  où  les  objets  épars  ou  entafjés 
»  ne  me  donnent  aucune  idée  nette  &  précife.  Vous 
»  ne  fave{  pas  faire  valoir  l'opulence  de  la  nature , 
»  &farichejj'e  dépérit  entre  vos  mains.  Reflc^  au  fond. 
»  de  la  carrière  ,  taille^  des  pierres  ,•  mais  laijj'e^  à  d'au- 
«  très  le  foin  d'ordonner  f édifice  ».  Qu'on  pardonne 
cette  fortie  au  regret  que  j'ai  de  favoir  dans  des  ca- 
binets ,  même  célèbres,  les  productions  de  la  nature 
les  plus  prétieufes ,  jettées  comme  dans  un  puits  :  on 
accourt  fur  les  bords  de  ce  puits ,  vous  y  fuivez  la  fou- 
le,  vous  cherchez  à  percer  les  ténèbres  qui  couvrent 


C  A  B 

tant  de  raretés  ;  mais  elles  font  trop  épaiflès ,  vous 
vous  fatiguez  envain ,  &  vous  ne  remporterez  que  le 
chagrin  d'être  privé  de  tant  de  richeffes ,  foit  car  l'in- 
dolence de  celui  qui  les  poffede ,  foit  par  la  négligen- 
ce de  ceux  à  qui  le  foin  en  elt  confié. 

Nous  n'aurions  jamais  fait ,  fi  nous  entreprenions 
la  critique  ou  l'éloge  de  toutes  les  collections  d'Hif- 
toire naturelle  qui  font  en  Europe  ;  nous  nous  arrête- 
rons feulement  à  la  plus  fiorifiante  de  toutes ,  je  veux 
dire  le  cabinet  du  Roi.  11  me  femble  qu'on  n'a  rien  né- 
gligé ,  foit  pour  faire  valoir ,  loit  pour  rendre  utile 
ce  qu'il  renferme.  Il  a  commencé  des  fa  naiffance  à 
intéreffer  le  public  par  fa  propreté  &  par  fon  élégan- 
ce :  on  a  pris  dans  la  fuite  tant  de  foins  pour  le  com- 
pléter, que  les  acquilitions  qu'il  a  faites  en  tout  gen- 
re ,  font  lurprenantes ,  fur-tout  fi  en  les  compare  avec 
le  peu  d'années  que  l'on  compte  depuis  fon  inftitu- 
tion.  Les  chofes  les  plus  belles  &  les  plus  rares  y  ont 
afflué  de  tous  les  coins  du  monde  ;  &  elles  y  ont  heu- 
reufement  rencontré  des  mains  capables  de  les  réu- 
nir avec  tant  de  convenance ,  6c  de  les  mettre  en- 
femble  avec  tant  d'ordre ,  qu'on  n'auroit  aucune  pei- 
ne à  y  rendre  à  la  nature  un  compte  clair  &  fidèle  de 
fes  richeffes.  \.h\  établiffement  li  conlidcrable  ce  ii 
bien  conduit ,  ne  pouvoit  manquer  d'avoir  de  la  célé- 
brité ,  &  d'attirer  des  fpedateurs  ;  aufli  il  en  vient  de 
tous  états,  de  toutes  nations,  &  en  fi  grand  nombie, 
que  dans  la  belle  faifon,  lorfque  le  mauvais  tems  n'em- 
pêche pas  de  refier  dans  les  f  ailes  du  cabinet,  leur  ef- 
pace  y  fuffit  à  peine.  On  y  reçoit  douze  à  quinze  cents 
perfonnes  toutes  les  femaines  :  l'accès  en  eft  facile  ; 
chacun  peut  à  fon  gré  s'y  introduire  ,  s'amufer ,  ou 
s'inltruire.  Les  productions  de  la  nature  y  font  expo- 
fées  fans  fard ,  &  fans  autre  apprêt  que  celui  que  le 
bon  goût,  l'élégance,  &  la  connoifïance  des  objets 
dévoient  luggérer  :  on  y  répond  avec  complaifance 
aux  queftions  qui  ont  du  rapport  à  l'Hiftoire  naturel- 
le. La  pédanterie  qui  choque  les  honnêtes  gens ,  & 
la  charlatanerie  qui  retarde  les  progrès  de  la  feience, 
font  loin  de  ce  lanefuaire  :  on  y  a  lènti  par  une  im- 
puliion  particulière  aux  âmes  d'un  certain  ordre , 
quelle  b a fieffé  ce  feroit  à  des  particuliers  qui  auroient 
quelques  collections  d'Hiftoire  naturelle  ,  de  préten- 
dre s'en  faire  un  mérite  réel ,  &  de  travailler  à  enfler 
ce  mérite ,  foit  en  les  étalant  avec  faite ,  foit  en  les 
vantant  au-delà  de  leur  jufte  prix  ,  foit  en  mettant 
du  myftere  dans  de  petites  pratiques  qu'il  eft  toujours 
aflez  facile  de  trouver,  lorsqu'on  veut  fe  donner  la 
peine  de  les  chercher.  On  a  fenti  qu'une  telle  con- 
tJMJfcg'accorderoit  moins  encore  avec  un  grand  éta- 
bliffement ,  où  l'on  ne  doit  avoir  d'autres  vues  que  le 
bien  de  l'établifièment,  où  en  rendant  le  public  té- 
moin des  procédés  qu'on  fuit ,  on  en  tire  de  nouvel- 
les lumières ,  &  l'on  répand  le  goût  des  mêmes  occu- 
pations. C'eft  le  but  que  M.  d'Aubenton ,  garde  &  dé- 
monihdtem  du  cabinet  du  Roi ,  s'eftpropofé  ,  &  dans 
fon  travail  au  cabinet  même  qu'il  a  mis  en  un  fi  bel 
ordre,  &c  dans  la  defeription  qu'on  en  trouve  dans 
l'Hiftoire  naturelle.  Nous  ne  pouvons  mieux  faire 
que  d'inférer  ici  fes  obfervations  fur  la  manière  de 
ranger  &  d'entretenir  en  général  un  cabinet  d' Hi foire 
naturelle;  elles  ne  font  point  au-deflbus  d'un  aufli 
grand  objet. 

«  L'arrangement,  dit  M.  d'Aubenton,  le  plus  fa- 
rt vorable  à  l'étude  de  l'Hiftoire  naturelle ,  feroit  l'or- 
»  dre  méthodique  qui  diftribue  les  choies  qu'elle 
>t  comprend,  en  dalles,  en  genres,  &  en  efpeces  ;  ainfi 
»  les  animaux ,  les  végétaux  ,  &  les  minéraux ,  fe- 
»  roient  exactement  feparés  les  uns  des  autres  ;  cha- 
»  que  règne  auroit  un  quartier  à  part.  Le  même  or- 
»  dre  fubfifteroit  entre  les  genres  &  les  efpeces  ;  on 
»  placcroit  les  individus  d'une  même  efpece  les  uns 
»  auprès  des  autres  ,  fans  qu'il  fut  jamais  permis  de 
»  les  éloigner.  On  verroit  les  efpeces  dans  leurs  gen- 


C  A  B 

si  res ,  &  les  genres  dans  leurs  clarTes.  Tel  eft  l'arran- 
y-  gcment  qu'indiquent  les  principes  qu'on  a  imagi- 
»  nés  pour  faciliter  l'étude  de  l'Hiftoire  naturelle  ; 
»  tel  eft  l'ordre  qui  f'eul  peut  les  réalifer.  Tout  en 
)>  effet  y  devient  inftructif  ;  à  chaque  coup  d'ceil , 
»  non-feulement  on  prend  une  connoiflance  réelle 
»  de  l'objet  que  l'on  confidere  ,  mais  on  y  découvre 
»  encore  les  rapports  qu'il  peut  avoir  avec  ceux  qui 
»  l'environnent.  Les  reffemblances  indiquent  le  gcn- 
»  re,  les  différences  marquent  l'efpece;  ces  carac- 
»  teres  plus  ou  moins  reffemblans ,  plus  ou  moins  dif- 
»  férens,  &  tous  comparés  enfemble,  préfentent  à 
»  l'eiprit  &  gravent  dans  la  mémoire  l'image  de  la 
»  nature.  En.  la  fuivant  ainfi  dans  les  variétés  de  fes 
»  productions ,  on  paffe  infeniiblement  d'un  règne  à 
m  un  autre  ;  les  dégradations  nous  préparent  peu  à 
»  peu  à  ce  grand  changement,  qui  n'eft  ienfible  dans 
»  ion  entier  que  par  la  comparailon  des  deux  extrè- 
»  mes.  Les  objets  de  l'Hifloire  naturelle  étant  préien- 
»  tés  dans  cet  ordre ,  nous  occupent  allez  pour  nous 
»  intéreffer  par  leurs  rapports,  fans  nous  fatiguer, 
»  6c  même  fans  nous  donner  le  dégoût  qui  vient  or- 
»  dinairement  de  la  confufion  &  du  defordre. 

»  Cet  arrangement  paroît  fi  avantageux,  que  l'on 
»  devroit  naturellement  s'attendre  à  le  voir  dans  tous 
»  les  cabinets  ;  cependant  il  n'y  en  a  aucun  où  l'on 
»  ait  pu  le  fuivre  exactement.  Il  y  a  des  efpeces  & 
»>  même  des  individus  qui ,  quoique  dépendans  du 
»  même  genre  6e  de  la  même  efpece  ,  font  fi  dif- 
»  proportionnés  pour  le  volume,  que  l'on  ne  peut 
»  pas  les  mettre  les  uns  à  côté  des  autres  ;  il  en  eft 
»  de  même  pour  les  genres ,  &  quelquefois  aufîî  pour 
»  les  clafîés.  D'ailleurs  on  efl:  fouvent  obligé  d'inter- 
»>  rompre  l'ordre  des  luîtes  ;  parce  qu'on  ne  peut  pas 
»  concilier  l'arrangement  de  la  méthode  avec  la  con- 
»  venance  des  places.  Cet  inconvénient  arrive  fou- 
»  vent ,  lorfque  l'efpace  total  n'eft  pas  proportionné 
»  au  nombre  des  chofes  qui  compotent  les  collcc- 
»  tions  :  mais  cette  irrégularité  ne  peut  faire  aucun 
»  obftacle  à  l'étude  de  l'Hifloire  naturelle  :  car  il  n'eft 
»  pas  pofliblc  de  confondre  les  chofes  de  différens  re- 
»>  gnes  &  de  différentes  clafles  ;  ce  n'eft  que  dans  le 
»>  détail  des  genres  &  des  efpeces  ,  que  la  moindre 
»  équivoque  peut  caufer  une  erreur. 

»  L'ordre  méthodique  qui ,  dans  ce  genre  d'étude, 
»  plaît  li  fort  à  l'eiprit,  n'eft  prefque  jamais  celui  qui 
»>  eft  le  plus  avantageux  aux  yeux.  D'ailleurs,  quoi- 
»  qu'il  ait  bien  des  avantages,  il  ne  laifle  pas  d'avoir 
»  plufieurs  inconvéniens.  On  croit  fouvent  connoî- 
»  tre  les  choies ,  tandis  que  l'on  n'en  connoît  que  les 
»  numéros  &  les  places  :  il  eft  bon  de  s'éprouver 
»  quelquefois  fur  des  collections ,  qui  ne  iuivent  que 
»  l'ordre  de  la  iymmétrie  &  du  contraire. Le  cabinet  du 
»  Roi  étoit  allez  abondant  pour  fournir  à  l'un  &  à 
»  l'autre  de  ces  arrangemens  ;  ainfl  dans  chacun  des 
»>  genres  qui  en  étoit  f  ufccptible  ,  on  a  commencé  par 
»  choilir  une  fuite  d'efpeces  ,  &  même  de  plufieurs 
»  individus ,  pour  faire  voir  les  variétés  aufïi  bien 
»  que  les  efpeces  conftantes  ;  6c  on  les  a  rangés  mé- 
»  thodiquement  par  genres  S:  parclaffes.Le  furplus  de 
»  chaque  collection  a  été  diftribné  dans  les  endroits 
»  qui  ont  paru  le  plus  favorables  ,  pour  en  taire  un 
»  enfemble  agréable  à  l'œil ,  &  varié  par  la  diffet  en- 
>»  ce  des  formes  &  des  couleurs.  C'eft-là  que  les  ob- 
»  jets  les  plus  importons  de  l'Hifloire  naturelle  l'ont 
»  préfentes  à  leur  avantage  ;  on  peut  les  juger  fans 
»  être  contraint  par  l'ordre  méthodique,  parce  qu'au 
»  moyen  de  cet  arrangement ,  on  ne  s'occupe  que  des 
»  qualités  réelles  de  l'individu,  fans  avoir  égard  aux 
»  caractères  arbitraires  du  genre  &  de  l'efpece.  Si  on 
»  avoit  toujours  fous  les  yeux  des  fuites  rangées  mé- 
»  thodiquement ,  il  feroit  à  craindre  qu'on  ne  le  Iaiffât 
»  prévenir  par  la  méthode ,  &  qu'on  ne  vînt  à  négli- 
»  ger  l'étude  de  la  nature  ,  pour  fe  livrer  à  des  con- 
Tomc  II, 


C  A  B 


491 


»  Ventions  auxquelles  elle  n'a  fouvent  que  très-peu 
»  de  part.  Tout  ce  qu'on  peut  raffembler  de  l'es  pro- 
»  duclions ,  dans  un  cabinet  d'HiJloirc  naturelle ,  dé- 
»  vroit  y  être  diftribné  dans  l'ordre  qui  approcheroit 
»  le  plus  de  celui  qu'elle  fuit ,  lorfqu'elle  eft  en  libér- 
»  té.  Quoique  contrainte ,  on  pourroit  encore  l'y  ré- 
»  connoître  ,  après  avoir  raflemblé  dans  un  petit  ëf- 
»  pace  des  productions  qui  font  cliiperfées  an  loin  fur 
»  la  terre  ;  mais  pour  peu  que  ces  objets  loient  norn- 
»  breux ,  on  fe  croit  obligé  ci'cn  faire  des  clafles"  , 
»  des  genres  &  des  efpeces,  pour  faciliter  l'étude  de 
»  leur  hiftoire  :  ces  principes  arbitraires  iont  fautifs 
»  pour  la  plupart  ;  ainfl  il  ne  faut  le;>  Suivre  rangées 
»  méthodiquement ,  que  comme  des  indices  qui  ebri- 
»  duifent  à  obferver  la  nature  dans  les  colleûiop.s  où 
»  elle  paroît,  fans  preiqu'aucun  autre  apprêt  qUe 
»  ceux  qui  peuvent  la  rendre  agréable  aux  yeux.  Les 
»  plus  grands  cabinets  ne  fuffiroient  pas ,  fi  on  vouioit 
»  imiter  fcrupuleufement  les  difpôfitions  &  les  pro- 
»  greffions  naturelles.  On  eft  donc  obligé ,  afin  d'é  .  i- 
»  ter  la  confuhon  ,  d'employer  un  peu  d'art ,  pour 
»  faire  de  la  fymmétne  ou  du  contrarie. 

»  Tant  qu'on  augmente  un  cabinet  d'HiJloire  natu» 
»  rel ,  on  n'y  peut  maintenir  l'ordre  qu'en  déplaçant 
»  continuellement  tout  ce  qui  y  eft.  Par  exemple  , 
»  lorfqu'on  veut  faire  entrer  dans  une  fuite  une  ef- 
»  pece  qui  y  manque  ,  fi  cette  efpece  appartient  au 
»  premier  genre ,  il  faut  que  tout  le  refte  de  la  fuite 
>■>  f'oit  déplacé  ,  pour  que  la  nouvelle  efpece  foit  mile 

»  en  ion  lieu Quoique  ce  genre  d'occupa- 

»  tion  demande  de  l'attention  ,  &  qu'il  emporte  toù- 
»  jours  beaucoup  de  tems  ,  ceux  qui  font  des  collec- 
»  tions  d'hiftoire  naturelle  ne  doivent  point  le  négli- 
»  ger  :  on  ne  le  trouvera  point  ennuyeux  ni  même 
»  infruÉruèux  ,  fi  on  joint  au  travail  de  la  main  l'ef- 
»>  prit  d'obi'ervation.  On  apprend  toujours  quelque 
»  chofe  de  nouveau  en  rangeant  méthodiquement 
»  une  collection  ;  car  dans  ce  genre  d'étude  plus  on 
»  voit ,  plus  on  fait.  Les  arrangemens  qui  ne  lont  faits 
»  que  pour  l'agrément ,  fuppofent  aulfi  des  tentati- 
»  ves  inutiles  ;  ce  n'eft  qu'après  plufieurs  combinai- 
»  ions  qu'on  trouve  un  réfultat  fatisfaifant  dans  les 
»  choies  de  goût  :  mais  on  eft  bien  dédommagé  de  la 
>»  peine  qu'on  a  eue  par  le  plailir  qu'on  relient,  lorf* 
»  qu'on  croit  avoir  réuni.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  défa* 
»  gréable  iont  les  ioins  nue  l'on  eft  obligé  de  pren-*> 
»  dre  pour  Gohferver  certaines  pièces  fujettes  à  un 
»  prompt  dépériffement  ;  1  on  ne  peut  être  trop  at- 
»  tentif  à  tout  ce  qui  peut  contribuer  à  leur  confer- 
>»  vation,  parce  que  la  moindre  négligence  peut  être 
»  préjudiciable.  Heureufement  toutes  les  pieees  d'un 
»  cabinet  ne  demandent  pas  autant  de  foins  les  unes 
»  que  les  autres,  &  toutes  les  faùons  de  l'année  ne 
»  lont  pas  également  critiques.* 

»  Les  minéi  u  -  en  gén<  I  ne  demandent  que  d'ê- 
»  tre  tenus  proprement  ,&d«  façon  qu'ils  ne  puiflent 
»  pas  fe  choquer  les  uns  contre  les  autres;  il  y  en  a 
»  feulement  quelques-uns  qui  craignent  l'humidité, 
»  comme  les  lels  qui  le  fondent  ailement,  &  les  py- 
»  rites  qui  le  ileiuillent ,  c'efl-à-dire  qui  tombent  en 
»  pouffiere.  Mais  les  animaux  &  les  végétaux  font 
»  plus  ou  moins  fu jets  à  la  corruption.  On  ne  peut 
»  la  prévenir  qu'en  les  defféchant  le  plus  qu'il  eft 
»  poiiible  ,  ou  en  les  mettant  dans  des  liqueurs  pré- 
»  parées  ;  dans  ce  dernier  cas ,  il  faut  empêcher  que 
»  la  liqueur  ne  s'évapore  ou  ne  fe  corrompe.  Les 
»  pièces  qui  font  deiTéchées  demandent  encore  uri 
»  plus  grand  foin  ;  les  infe&es  qui  y  naiiîènt  &  qui 
»  y  trouvent  leurs  alimens ,  les  détruifent  dans  l'in- 
»  téricur  avant  qu'on  les  .:it  apperçûs.  Il  y  a  des  vers, 
»  des  fearabées  ,  des  tcigr.es  ,  des  papillons ,  des  mi- 
»  tes,  &c.  qui  s'établiffcnt  chacun  dans  les  choies  qui 
»  leur  font  le  plus  convenables  ;  ils  rongent  les  chairs, 
»  les  cartilages ,  les  peaux ,  les  poilo ,  ce  les  plumes  ; 


49* 


CAB 


»  ils  attaquent  les  plantes,  quoique  defféchées  avec 
>»  le  plus  grand  loin  ;  on  l'ait  que  le  bois  même  peut 
»  être  réduit  en  poudre  par  les  vers  :  les  papillons  ne 
»  font  pas  autant  de  mal  que  les  icarabées  ;  &  il  n'y 
»  a  que  ceux  quiproduilentles  teignes  qui  lbient  nui- 
»  libles.  Tous  ces  infectes  pullulent  en  peu  de  tems , 
»  &  leur  génération  eit  Il  abondante ,  que  le  nombre 
»  en  deviendroit  prodigieux  ,  il  on  n'employoit  pas 
»  différens  moyens  pour  les  détruire.  La  plupart  de 
»  ces  petits  animaux  commencent  ordinairement  à 
»  éclorre  ou  à  le  mettre  en  mouvement  au  mois  d'A- 
»  vril ,  lorfque  le  printems  eft  chaud  ,  ou  au  mois  de 
»  Mai ,  lorfque  la  faifon  eit  plus  tardive  ;  c'eft  alors 
»  qu'il  faut  tout  viliter  ,  ck  examiner  fi  on  n'apper- 
»  cevra  pas  la  trace  de  ces  iniectes  ,  qui  eit  ordinai- 
»  rement  marquée  par  une  petite  poulîiere  qu'ils  font 
»  tomber  des  endroits  où  ils  l'ont  logés  ;  dans  ce  cas 
»  il  y  a  déjà  du  mal  de  fait  ;  ils  ont  rongé  quelque 
»  choie  :  ainfi  on  ne  doit  point  perdre  de  tems ,  il  faut 
»  travailler  à  les  détruire.  On  doit  obferver  ces  petits 
»  animaux  juiqu'à  la  fin  de  l'été  ;  dans  ce  tems  il  n'en 
»  relie  plus  que  des  œufs  ,  ou  bien  ils  font  arrêtés  & 
»  engourdis  par  le  froid.  Voilà  donc  environ  cinq 
>»  mois  pendant  lefquels  il  faut  veiller  fans  celle  ; 
»  mais  auffi  pendant  le  relte  de  l'année ,  on  peut  s'é- 
»  pargner  ce  foin. 

»  Il  fufnt  en  général  de  garantir  l'intérieur  d'un  ca- 
»  binet  du  trop  grand  froid ,  de  la  trop  grande  chaleur, 
»  &  fur-tout  de  l'humidité.  Si  les  animaux  defféchés  , 
»  particulièrement  ceux  de  la  mer ,  qui  relient  toû- 
»  jours  imprégnés  de  fel  marin, étoient  expolés  à  l'air 
»  extérieur  dans  les  grandes  gelées ,  après  avoir  été 
»  imbibés  de  l'humidité  des  brouillards  ,  des  pluies , 
»  ou  des  dégels,  ils- feraient  certainement  altérés  & 
»  décompolés  en  partie  ,  par  l'action  de  la  gelée  oc 
»  par  de  li  grands  changemens  de  température.  Auffi 
»  pendant  la  fin  de  l'automne  ôf  pendant  tout  l'hy  ver, 
»>  on  ne  peut  mieux  faire  que  de  tenir  tous  les  caln- 
»  nets  bien  fermés  ;  il  ne  faut  pas  craindre  que  l'air 
»  devienne  mauvais  pour  n'avoir  pas  été  renouvel- 
»  lé  :  il  ne  peut  avoir  de  qualité  plus  nuilible  que  celle 
»  de  l'humidité.  D'ailleurs  les  falles  des  cabinets  font 
»  ordinairement  affez  grandes  pour  que  l'air  y  circu- 
»  le  ailêment  :  au  relte  en  choùiffant  un  tems  fec ,  on 
»  poarroit  les  ouvrir  au  milieu  du  jour.  Pendant  l'été 
»  on  a  moins  à  craindre  de  l'humidité  :  mais  la  cha- 
»  leur  produit  de  mauvais  effets  ,  qui  font  la  fermen- 
»  tation  &  la  corruption.  Plus  l'air  elt  chaud ,  plus  les 
»  infectes  font  vigoureux  ;  plus  leur  multiplication 
»  elt  facile  &  abondante ,  plus  les  ravages  qu'ils  font 
»  font  conlidérables  :  il  faut  donc  parer  les  rayons  du 
»  foleil  par  tous  les  moyens  poffibles ,  &  ne  jamais 
»  donner  l'entrée  à  l'air  du  dehors  ,  que  lorlqu'il  elt 
»  plus  frais  que  celui  du  dedans.  Il  leroit  à  louhai- 
»  ter  que  les  cabinets  d'HiJloire  naturelle  ne  tuffent  ou- 
»  verts  que  du  côté  du  nord  ;  cette  expofition  elt  cel- 
»  le  qui  leur  convient  le  mieux  ,  pour  les  prélerver 
»  de  l'humidité  de  l'hy  ver ,  &  des  chaleurs  de  l'été. 

»  Enfin  par  rapport  à  la  dillribution  &  aux  propor- 
»  tions  de  l'intérieur  ,  comme  les  planchers  ne  doi- 
»>  vent  pas  être  fort  élevés ,  on  ne  peut  pas  faire  de 
»  très-grandes  falles  ;  car  fi  l'on  veut  décorer  un  ca- 
»  binet  avec  le  plus  d'avantage ,  il  faut  meubler  les 
»  murs  dans  toute  leur  hauteur  ,  &  garnir  le  plat- 
»  fond  comme  les  murs ,  c'elt  le  feul  moyen  de  faire 
»  un  enlemble  qui  ne  loit  point  interrompu  ;  &c  même 
»  il  y  a  des  choies  qui  font  mieux  en  place  étant  iuf- 
»  pendues  que  partout  ailleurs.  Mais  fi  elles  fe  trou- 
»  vent  trop  élevées ,  on  fe  fatiguerait  inutilement  à 
»  les  regarder  fans  pouvoir  les  bien  diftinguer.  En 
»  pareil  cas ,  l'objet  qu'on  n'apperçoit  qu'à  demi ,  elt 
»  toujours  celui  qui  pique  le  plus  la  curiofité  :  on  ne 
»  peut  guère  voir  un  cabinet  a"  Hifloire  naturelle,  fans 
»  une  certaine  application  qui  eit  déjà  allez  fatiguait- 


CAB 

»  te  ;  quoique  la  plupart  de  ceux  qui  y  entrent ,  ne 
»  prétendent  pas  en  faire  une  occupation  férieufe  , 
»  cependant  la  multiplicité  ôc  la  lingularité  des  ob= 
»  jets  fixent  leur  attention. 

»  Par  rapport  à  la  manière  de  placer  &  de  préfen- 
»  teravantageufementles  différentes  pièces  d;Hiftoi- 
»  re  namrelle  ,  je  crois  que  l'on  a  toujours  à  choifir. 
»  Il  y  en  a  pluiieurs  qui  peuvent  être  aufli  convena- 
»  blés  les  unes  que  les  autres  pour  le  même  objet  ; 
»  c'elt  au  bon  goût  à  lervir  de  règle  ».  M.  d'Auben- 
ton  ne  prétend  entrer  dans  aucune  dii'cufiion  à  cet 
égard  ;  il  s 'elt  contenté  dans  la  delcnption  du  cabi- 
net du  Roi ,  de  rapporter  la  façon  dont  les  choies  de 
différens  genres  y  font  difpofees ,  6c  en  même  tems 
les  moyens  de  les  conlerver. 

Me  lèra-t-il  permis  de  finir  cet  article  par  I'expo- 
fition  d'un  projet  qui  ne  leroit  guère  moins  avanta- 
geux qu'honorable  à  la  nation  ?  Ce  leroit  d'élever  à 
la  nature  un  temple  qui  fût  digne  d'elle.  Je  l'imagine 
compofé  de  pluiieurs  corps  de  bâtimens  proportion- 
nés à  la  grandeur  des  êtres  qu'ils  devraient  renfer- 
mer :  celui  du  milieu  leroit  ipatieux  ,  immeme ,  & 
deltiné  pour  les  monftres  de  la  terre  &  de  la  mer  r 
de  quel  étonnement  ne  feroit-on  pas  frappé  à  l'entrée 
de  ce  lieu  habité  par  les  crocodiles ,  les  éiéphans  & 
les  baleines  ?  On  paiTeroit  de-là  dans  d'autres  falles 
contigués  les  unes  aux  autres ,  où  l'on  verrait  la  na- 
ture dans  toutes  les  variétés  &  les  dégradations.  On 
entreprend  tous  les  jours  des  voyages  dans  les  dif- 
férens pays  pour  en  admirer  les  raretés  ;  croit-on 
qu'un  pareil  édifice  n'attireroit  pas  les  hommes  cu- 
rieux de  toutes  les  parties  du  monde ,  &  qu'un  étran- 
ger un  peu  lettré  pût  fe  réloudre  à  mourir  ,  fans 
avoir  vu  une  fois  la  nature  dans  Ion  palais  ?  Quel 
fpectacle  que  celui  de  tout  ce  que  la  main  du  tout- 
puiffant  a  répandu  fur  la  furface  de  la  terre  ,  expol'é 
dans  un  feul  endroit  !  Si  je  pouvois  juger  du  goût 
des  autres  hommes  par  le  mien,  il  me  femble  que 
pour  jouir  de  ce  fpectacle  ,  penonne  ne  regretterait 
un  voyage  de  cinq  ou  fix  cents  lieues  ;  &  tous  les 
jours  ne  fait-on  pas  la  moitié  de  ce  chemin  pour  voir 
des  morceaux  de  Raphaël  &l  de  Michel-Ange?  Les 
millions  qu'il  en  coûterait  à  l'état  pour  un  pareil  éta- 
blilfement  ieroient  payés  plus  d'une  fois  par  la  mul- 
titude des  étrangers  qu'il  attirerait  en  tout  tems.  Si 
j'en  crois  Philtoire ,  le  grand  Colbert  leur  fit  autre- 
fois acquitter  la  magnificence  d'une  fête  pompeufe  , 
mais  paifagere.  Quelle  comparailon  entre  un  car- 
roufel  &  le  projet  dont  il  s'agit  ?  &  quel  tribut  ne 
pourrions-nous  pas  en  elpérer  de  la  curiofité  de  tou- 
tes les  nations  ? 

Cabinets  secrets  ,  (Phyjîque)  forte  de  cabi- 
nets dont  la  conitruction  elt  telle  que  la  voix  de  celui 
qui  parle  à  un  bout  de  la  voûte ,  elt  entendue  à  l'au- 
tre bout  :  on  voit  un  cabinet  ou  chambre  de  cette 
elpece  à  l'Obfervatoire  royal  de  Paris.  Tout  l'artifi- 
ce de  ces  fortes  de  chambres  conhite  en  ce  que  la 
muraille  auprès  de  laquelle  elt  placée  la  perlonne 
qui  parle  bas ,  foit  unie  &  cintrée  en  ellipi'e  ;  l'arc 
circulaire  pourrait  aufli  convenir  ,  mais  il  feroit 
moins  bon.  Voici  pourquoi  les  voûtes  elliptiques  ont 
la  propriété  dont  nous  parlons.  Si  on  imagine  (;%. 
16.  n°.j.  Pneumatique.  )  une  voûte  elliptique  ACB , 
dont  les  deux  foyers  foient  F6cf,  voye?^  Ellipse, 
&  qu'une  perlonne  placée  au  point  /"parle  tout  aufli 
bas  qu'on  peut  parler  à  l'oreille  de  quelqu'un ,  l'air 
pouffé  fuivant les  directions  FD,  FC,  FO,  &c.  le 
réfléchira  à  l'autre  foyer  /  par  la  propriété  de  l'el- 
liple  qui  elt  connue  &  démontrée  en  Géométrie  ; 
d'où  il  s'enfuit  qu'une  perlonne  qui  aurait  l'oreille  à 
l'endroit/,  doit  entendre  celui  qui  parle  en  F  aufit 
diltindtement  que  li  elle  en  étoit  tout  proche. 

Les  endroits  fameux  par  cette  propriété  étoient  la 
prilbn  de  Denys  à  Syraçufe ,  qui  çhangeoit  en  un 


CAB 

bruit  considérable  un  fimple  chuchotement ,  &  uri 
claquement  de  mains  en  un  coup  très-violent  ;  l'a- 
quéduc  de  Claude,  qui  portoit  la  voix ,  dit-on,  juf- 
qu'à  feize  milles;  &  divers  autres  rapportés  par  Kir- 
cher  dans  fa  Phonurgie. 

Le  cabinet  de  Denys  à  Syracufe  étoit ,  dit-on ,  de 
forme  parabolique  ;  Denys  ayant  l'oreille  au  foyer 
de  la  parabole ,  entendoit  tout  ce  qu'on  diibit  en  bas  ; 
parce  que  c'elt  une  propriété  de  la  parabole ,  que 
toute  action  qui  s'exerce  fuivant  des  lignes  parallè- 
les à  l'axe  ,  tè  réfléchit  au  foyer.  Voye^  Parabole 
6*  Foyer. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable  fur  ce  point, 
en  Angleterre ,  c'eft  le  dôme  de  l'égide  de  S.  Paul  de 
Londres  ,  où  le  battement  d'une  montre  fe  fait  en- 
tendre d'un  côté  à  l'autre ,  &  oii  le  moindre  chucho- 
tement femble  faire  le  tour  du  dôme.  M.  Derham 
dit  que  cela  ne  fe  remarque  pas  feulement  dans  la 
galerie  d'en-bas  ,  mais  au-deflus  dans  la  charpente 
où  la  voix  d'une  perfonne  qui  parle  bas  eft  portée  en 
rond  au-deflus  de  la  tête  julqu'au  fommet  de  la  vou- 
te ,  quoique  cette  voûte  ait  une  grande  ouverture 
dans  la  partie  iupérieure  du  dôme. 

Il  y  a  encore  à  Glocefler  un  lieu  fameux  dans  ce 
genre ,  c'eft  la  galerie  qui  eft  au-deflus  de  l'extré- 
mité orientale  du  chœur  ,  &  qui  va  d'un  bout  à  l'au- 
tre de  l'églife.  Deux  perionnes  qui  parlent  bas ,  peu- 
vent s'entendre  à  la  diftance  de  15  toiles.  Tous  les 
phénomènes  de  ces  ditférens  lieux  dépendent  à  peu- 
pres  des  mêmes  principes.  Voye^  Echo  &  Porte- 
yoix.  (0) 

CABIRES  ,  f.  m.  pi.  (  Myth.  )  divinités  du  paga- 
nifme  révérées  particulièrement  dans  i'ile  de  Samo- 
thrace.  Ces  dieux  étoient  félon  quelques-uns  ,  Plu- 
ton  ,  Prolerpine ,  &:  Cerès  ;  &  félon  d'autres  c'étoient 
toutes  les  grandes  divinités  des  payens.  Ce  nom  eft 
Hébreu  ou  Phénicien  d'origine,  cabir,  ikfignifîe  grand 
&  puijjant.  Mnafcas  met  ces  dieux  au  nombre  de 
trois  ;  Axieres  ,  Cerès  ;  Axiocerfa  ,  Proferpine  ;  & 
Axioccrfus,  Pluton,  auxquels  Dionyliodore  ajoute  un 
quatrième  nommé  Cajlmil,  c'eft-à-dire  Mercure.  On 
croyoit  que  ceux  qui  étoient  initiés  dans  les  myfteres 
de  ces  dieux  en  obtenoient  tout  ce  qu'ils  pouvoient 
fouhaiter  :  mais  leurs  prêtres  avoient  affecté  de  ré- 
pandre une  fi  grande  obfcurité  fur  ces  myfteres , 
qu'on  regardoit  comme  un  facrilége  de  prononcer 
feulement  en  public  le  nom  de  ces  dieux.  De-là  vient 
que  les  anciens  fe  font  contentés  de  parler  des  myf- 
teres de  Samothrace  tk.  du  culte  des  dieux  Cabires , 
comme  d'une  choie  très-refpe&able ,  mais  fans  entrer 
dans  le  moindre  détail.  M.  Pluche  dans  Ion  hifloire 
du  Ciel ,  dit  que  les  figures  de  ces  dieux  venues  d'E- 
gypte en  Phénicic  ,  ci  de-là  en  Grèce,  portoient  fur 
la  tête  des  feuillages ,  des  cornes ,  des  ailes  &  des  glo- 
bes, qui, ajoute  cet  auteur,ne  pouvoient  pas  manquer 
de  paroître  ridicules  à  ceux  qui  ne  comprenoientpas 
la  lignification  de  ces  lymboles  ,  comme  il  arriva  à 
Cambyle  roi  des  Perles  en  entrant  dans  leur  temple. 
Mais  ces  mêmes  figures,  fifingulieres  en  apparence  , 
délîgnoient  Olîris ,  Ilis  &  Horus ,  qui  enfeignoient  au 
peuple  à  fe  précautionner  contre  les  ravages  de  l'eau. 
Voilà,  félon  lui,  à  quoi  le  réduifoit  tout  l'appareil 
de  ces  myfteres  ,  à  apprendre  à  ceux  qui  y  étoient 
initiés  une  vérité  fort  Ample  &  fort  commune. 

Cabires  ,  dans  Origene"  contre  Celfc  ,  fe  prend 
pour  les  anciens  Pcrians  qui  adoroient  le  foleil  &  le 
feu.  Hyde  dans  fon  Hijloire  de  la  religion  des  anciens 
Perfans  confirme  cette  étymologie.  Cabiri ,  dit-il, 
chap.xxix./«/z£  Gabri,  voce  Perfîcd  aliquantulum detor- 
td ;  c'eft-à-dire,  que  du  mot  Gabres  ou  Guebres ,  qui 
eft  Perlàn  ,  on  a  fait  celui  de  Cabires.  Voye{  G-UE- 
Sres.  (G) 

C ABIMES ,  f.  f.  pi.  (  Myth.  )  fêtes  que  les  anciens 


C  A 


493 


habitans  de  Lemnos  &  de  Thebes  ,  célebrbient  en 
l'honneur  des  dieux  Cabires. 

^  Cette  fête  paflbit  pour  être  très-ancienne  ,  &  an- 
térieure au  tems  même  de  Jupiter,  qui  la  renouvella 
à  ce  qu'on  dit.  Les  cabines  fe  célebroient  pendant  la 
nuit  ;  &  l'on  y  confaeroit  les  enfans  depuis  un  certain 
âge.  Cette  confécration étoit,  félon  l'opinion  payen- 
ne,  un  préfervatif  contre  tous  les  danger  de  la  mer, 

La  cérémonie  de  la  confécration  ,  appellée  &ps«- 
c-i; ,  ou  $port<r/*oç ,  confiftoit  à  mettre  l'initié  fur  uri 
throne  ,  autour  duquel  les  prêtres  faiioient  des  dan- 
fes.  La  marque  des  initiés  étoit  une  ceinture  ou  échar- 
pe  d'un  ruban  couleur  de  pourpre. 

Quand  on  avoit  commis  quelque  meurtre ,  c'é- 
tait un  afyle  que  d'aller  aux  lacnfices  des  cabiries., 
Meurfius  produit  les  preuves  de  tout  ce  que  nous 
venons  d'avancer.  (G) 

CABITA  ,  (  Géog.  )  une  des  îles  Philippines  avec 
un  port ,  à  deux  lieues  de  Manilla. 

C ABLAN ,  (  Géog.  )  ville  &  royaume  d'Afie  dans 
l'Inde,  au-delà  du  Gange,  dépendant  du  roi  d'Ava. 

CABLE ,  f.  m.  (  Corderie.  )  fe  dit  en  général  de  tous 
cordages  néceflaires  pour  traîner  &  enlever  les  far- 
deaux ;  ceux  qu'on  nomme  brayers ,  en  Architecture  « 
fervent  pour  lier  les  pierres,  baquets  à  mortier,  bon- 
riquets  à  moilon  ,  &c.  les  haubans ,  pour  retenir  & 
haubaner  les  engins  ,  grues  ,  &  gruaux  ,  &c.  les  vin- 
taincs  qui  font  les  moindres  cordages ,  pour  conduire 
les  fardeaux  en  les  montant ,  &  pour  les  détourner 
des  faillies  Se  des  échaffauds.  Ils  fervent  aufli  à  atta- 
cher les  boulins  pour  former  les  échaffauds.  On  dit 
bander,  pour  tirer  un  cMe  ;  ce  mot  vient  du  Latin  capu- 
lum  ,  ou  caplum ,  tait  du  verbe  capere ,  prendre.  Voyez 
Bander.  (/>) 

Cable,  f.  m.  en  Marine,  que  quelques-uns  écri- 
vent &  prononcent  chable  :  ce  dernier  n'eft  point  ufité 
par  les  gens  de  mer.  C'eft  une  groiie  &  longue  corde 
ordinairement  de  chanvre,  faite  de  trois  hanlieres  , 
dont  chacune  a  trois  torons.  ^.Hansiere  6*  Toron, 

Le  cable  fert  à  tenir  un  vaifîeau  en  rade  ,  ou  en 
quelque  autre  lieu.  On  appelle  aufli  cables  les  cordes 
qiii  fervent  à  remonter  les  grands  bateaux  dans  les 
rivières ,  &  à  élever  de  gros  fardeaux  dans  les  bâti- 
mens  par  le  moyen  des  poulies. 

Il  y  a  ordinairement  quatre  cables  dans  les  vaif- 
feaux  ,  &  le  plus  gros  s'appelle  maître-cable.  Ce  maî- 
tre-cable eft  long  de  1  20  brades ,  6c  ceh:  eft  caufe  que 
le  mot  de  cable  le  prend  aufli  pour  cette  mefure  :  de 
forte  que  quand  on  dit  qu'on  mouille  à  deux  ou  trois 
cables  de  terre  ou  d'un  vaifîeau  ,  on  veut  dire  qu'on 
en  eft  à  la  diftance  de  240  ou  360  brades.  A  l'égard  de 
la  fabrique  des  cables ,vo;e^  Cordage,  Corde,  & 
Corderie. 

Les  plus  petits  vaifleaux  ont  au  moins  trois  ca- 
bles ;  il  y  a  le  cable  ordinaire ,  le  maître  cable  ,  &  le 
cable  d'affourchi  qu'on  nomme  aufli  groflin  ,  qui  eft  lé 
plus  petit  :  la  longueur  la  plus  ordinaire  de  ces  ca- 
bles eft  de  1 10  &  de  1 20  brafles. 

On  proportionne  fouvent  la  groffeur  du  cable  de 
la  moyenne  ancre  à  la  longueur  du  vaifleau  ,  &  on 
lui  donne  un  pouce  d'épais  pour  chaque  dix  pies  de 
cette  longueur.  On  fe  fert  bien  aufli  de  ces  mêmes 
cables  pour  la  maîtrefle  ancre.  Lorfqu'on  mouille  dans 
un  très  -  mauvais  tems ,  on  met  jufqu'à  deux  cables  à 
une  même  ancre ,  afin  qu'ils  ayent  plus  de  force ,  & 
qu'en  même  tems  l'ancre  puiffe  jouer  plus  facilement. 

Un  vaifleau  de  134  pies  de  long  de  l'étrave  à  l'é- 
tambord  ,doit  être  pourvu  de  quatre  cables  de  treize 
pouces  de  circonférence  ,  ce  de  100  brades  de  long, 
ce  d'un  autre  de  douze  pouces. 

Mais  les  vaifleaux  de  guerre  font  pourvus  de  ca- 
bles de  1  20  brafles  ,  afin  qu'ils  jouent  plus  ailément 
fur  l'ancre  :  ces  cables  ont  vingt  à  vingt-deux  pouces 
de  circonférence,  &  font  çompofés  de  trois  hanfig* 


494 


C  A 


€  A  B 


res  :  chaque  hanfiere  eft  de  trois  torons ,  &  chaque 
toron  eft  de  trois  cordons  &  d'environ  600  fils  ;  de 
forte  que  le  cable  entier  eft  de  1 800  fils  ,  pris  à  vingt 
pouces  de  circonférence,  &il  doit  peler  9  5  00  livres 
fans  être  goudronné.  Ces  proportions  peuvent  ce- 
pendant varier  un  peu  ,  &  ne  font  pas  toujours  éga- 
lement fuivies. 

Quelques-uns  règlent  fur  la  largeur  du  vaiffeau 
les  proportions  des  cables ,  &  donnent  autant  de  de- 
mi-pouces de  circonférence  au  maître  cable  que  le  vaif- 
feau  a  de  pies  de  largeur.  D'autres  font  tous  les  ca- 
bles prefque  d'égale  groffeur  pour  les  navires  de  guer- 
re :  mais  pour  les  navires  marchands  dont  les  équipa- 
ges font  foibles ,  c'eft-à-dire  qui  ont  peu  de  monde  , 
on  ne  leur  donne  qu'un  gros  cable  pour  maître  cable , 
&  on  fait  le  cable  ordinaire  d'un  huitième  plus  léger , 
&  le  cable  a" affourchi  encore  plus  léger  d'un  autre  hui- 
tième. 

Le  cable  Je  touê  n'eft  qu'une  fimple  hanfiere ,  & 
Ton  ne  s'en  fert  ordinairement  crue  dans  les  rivières 
&  dans  les  endroits  où  les  bancs  rendent  le  chenal 
étroit  &  le  refferrent. 

Le  cable  a"affourche  fert  avec  le  cable  ordinaire  ou 
avec  le  maître  cable  ;  parce  que  fi  les  vaiffeaux  n'é- 
toient  que  fur  une  ancre  ou  fur  un  cable ,  ils  ne  man- 
queroient  pas  de  tourner  au  premier  changement  de 
vent  &  de  marée ,  ce  qui  pourrait  nuire  à  la  fureté 
du  vaiffeau. 

Les  cables  &  cordages  dont  on  fe  fert  dans  les  vaif- 
feaux ,  ont  depuis  trois  pouces  jufqu'à  vingt  &  vingt- 
deux  pouces  de  circonférence ,  &  font  compofés  d'un 
plus  grand  nombre  de  fils ,  félon  leur  groffeur.  On  en 
auroit  pu  joindre  ici  une  table  ,  de  même  que  de  leur 
poids:  mais  on  la  trouvera  à  l'article  de  laCoRDERiE. 

Quoiqu'on  ait  dit  ci-devant  que  les  vaiffeaux  ont 
ordinairement  quatre  cables,  les  vaiffeaux  du  Roi  en 
font  mieux  pourvus.  Le  vaiffeau  le  Dauphin  royal  du. 
premier  rang ,  avoit  quatre  cables  de  vingt-trois  pou- 
ces de  circonférence  &  de  1 10  braffes  de  long ,  pe- 
fant  chacun  9650  livres  en  blanc  ,  &  12.873  livres 
goudronné  :  quatre  cables  de  vingt -deux  poucss  de 
circonférence  ,  pefant  chacun  8900  livres  en  blanc  , 
&  1 1869  livres  goudronné  :  deux  de  douze  pouces, 
pefant  chacun  2610  livres  en  blanc,  &  3495  livres 
goudronnés  :  deux  de  onze  pouces ,  pefant  2154  liv. 
en  blanc  ,  &  2872  livres  goudronnés  :  un  tournevire 
de  douze  pouces  de  circonférence  &  de  foixante  braf- 
fes de  longueur ,  pefant  1400  liv.  blanc  ,  &  1866  liv. 
goudronné.  Voye^  Goudronnerie. 

Biner  le  cable  ,  voyei  BlTTER. 

Couper  le  cable,  le  tailler,  c'eft  le  couper  à  coups 
de  hache  fur  l'écubier ,  &  abandonner  l'ancre  ,  afin 
de  mettre  plus  vite  à  la  voile ,  foit  pour  éviter  d'être 
furpris  par  le  gros  tems  ou  par  l'ennemi ,  foit  dans  le 
deffein  de  chaffer  fur  quelque  vaiffeau ,  n'ayant  pas 
alors  le  loifir  de  lever  l'ancre  &  de  retirer  le  cable. 
On  laiffe  alors  une  bouée  fur  l'ancre  attachée  avec 
une  corde  ,  par  le  moyen  de  laquelle  on  fauve  l'an- 
cre &C  le  cable  qui  y  tient ,  lorfqu'on  peut  renvoyer 
le  chercher. 

Lever  un  cable ,  c'eft  le  mettre  en  rond  en  manière 
de  cerceau  ,  pour  le  tenir  prêt  à  le  filer ,  &  en  donner 
ce  qu'il  faut  pour  la  commodité  du  mouillage. 

Donner  le  cable  à  un  vaiffeau ,  c'eft  fecourir  un  vaif- 
{eau  qui  eft  incommodé  ou  qui  marche  mal ,  ce  qu'on 
fait  en  le  toiiant  ou  en  le  remorquant  par  l'arriére 
d'un  autre  vaiffeau.  En  terme  de  Marine  cela  s'ap- 
pelle tirer  en  ouaiche. 

Laiffer  traîner  un  cable  fur  le  filiale  du  vaiffeau  ,  cette 
manœuvre  fe  fait  pour  rallentir  la  courte  du  vaiffeau. 
Les  vaiffeaux  corfaires  fe  fervent  affez  volontiers  de 
cette  rufe  pour  contrefaire  les  méchans  voiliers. 

Les  cables  font  dits  avoir  un  demi-tour  ou  un  tour, 
lorfquun  vaiffeau  qui  eft  mouillé  Cv  affourché ,  a  fait 


un  tour  ou  deux  en  obéiffant  au  vent  ou  au  courant 
de  la  mer  ;  enforte  qu'il  ait  croifé  ou  cordonné  près 
des  écubiers  les  cables  qui  les  tiennent. 

Filer  du  cable,  c'eft  lâcher  &  laiffer defcendre  le 
cable.  Filer  le  cable  bout  pour  bout ,  c'eft  lâcher  &c 
abandonner  tout  le  cable  qui  tient  l'ancre  ,  &  le  laif- 
fer aller  à  la  mer  avec  l'ancre,  quand  on  n'a  pas  le 
tems  de  la  lever. 

Le  cable  à  pic,  c'eft  lorfque  le  vaiffeau  approchant 
de  l'ancre  qui  eft  mouillée ,  ce  cable  commence  à  fe 
roidir  pour  être  à  pic ,  c'eft-à-dire  perpendiculaire. 

CABLE  ,  adj.  en  termes  d' 'Architecture ,  fe  dit  des 
cannelures  quilont  rejc  vées  &  contournées  en  forme 
de  cables.  ^oyqCANNLLLKr.  (P) 

CÂBLÉ  ,  en  termes  de  Blafon  ,  le  dit  d'une  croix  faite 
de  deux  bouts  de  cable  de  vaiffeau,  ou  bien  d'une 
croix  couverte  ou  entortillée  de  corde  ;  ce  qu'on  ap- 
pelle plus  proprement  croix  cordée.  Voye^  Croix 
&  Cordée.  (  F) 

CABLER  ,  terme  de  Boutonnier ;  c'eft  affembler 
plufieurs  fils  ou  cordons  au  moyen  d'un  infiniment 
nommé  fabot ,  &  les  tordre  avec  un  rouet  pour  en 
former  un  cordon  plus  gros.  Voyt{  Sabot. 

CABLEAU  ,  f.  m.  (  Marine.  )  on  fe  fert  de  ce  mot 
pour  le  diminutif  d'un  cable  :  on  l';.pr'ique  commu- 
nément à  la  corde  qui  fert  d'amarre  à  la  chaloupe 
d'un  vaiffeau  lorfqu'elle  eft  mouillée. 

On  appelle  auffi  cableav.  ou  cmcenelle  cette  longue 
corde  dont  les  bateliers  fe  fervent  pour  tirer  les  ba- 
teaux en  remontant  les  rivières.  (  Z  ) 

CABLIAU ,  (  Hifi.  nat.  Ichthyolog.)  lesHollandois 
nomment  ainii  un  poiffon  de  mer  tort  grand,  fort 
long  ,  dont  la  tête  eft  fort  groffe.  On  pêche  ce  poif- 
fon dans  tous  les  ports  de  mer,  où  il  fe  trouve  en  abon- 
dance. C'eft  un  excellent  manger.  Sa  chair  eft  très- 
blanche  ,  &  fe  divife  en  grandes  écailler.  Ce  n'eft  au- 
tre chofe  que  la  morue  fraîche.  Voye^  Morue. 

*  CABLIAUX  ,  f.  m.  plur.  {Hifi.  mod.  )  nom  de 
factieux  qui  troublèrent  la  Hollande  en  1 3  50.  lis  le 
prirent  du  poiffon  appelle  cabliau,  &  ils  fepromet- 
,--  toient  de  dévorer  leurs  adverfaires ,  comme  le  ca- 
bliau dévore  les  autres  poiffons.  La  faction  oppofée 
fe  fit  appeller  des  Hocckens  ou  Hameçcnniers. 

CABO ,  (  Géog.  )  royaume  d'Afrique  dans  la  Ni- 
gritie,  fur  le  Riogrande  vers  le  fud. 

CABOCEIRA  ou  CABACEIRA  ,  (  Géog.  )  pref- 
qu'île  attachée  au  continent  de  l'Afrique  près  de  Mo- 
fàmbique  par  une  langue  de  terre  que  la  mer  cou- 
\  re  iorlqu'elle  eft  haute.  Elle  eft  fort  près  &  vis-à-vis 
de  l'île  Saint-George. 

CABO -CORSO,  {Géog.)  cap  d'Afrique  fur  la 
côte  d'Or  de  Guinée ,  auprès  duquel  les  Anglois  ont 
une  importante  fortereffe.  Long.  18.  20.  lat.  4.  40. 

CABO-MISERADO  ,  (  Géog.  )  cap  d'Afrique  fur 
la  côte  de  Malaguette  ,  près  d'une  rivière  nommée 
Duro. 

CABOCHE ,  f.  f.  terme  de  Cloutier,  efpece  de  clous 
qu'on  nomme  plus  fouvent  clous  àfouliers ,  parce  que 
le  menu  peuple  &  les  ouvriers  de  la  campagne  en 
font  garnir  le  deffous  du  talon  &  de  la  femelle  de 
leurs  fouliers  ,  afin  qu'ils  durent  plus  long-tems.  Il  y 
a  deux  fortes  de  caboches  ;  les  unes  qu'on  nomme  à 
deux  têtes ,  &  les  autres  à  tête  de  diamant.  En  général 
ces  fortes  de  clous  font  courts ,  &  ont  la  tête  large. 

CABOCHE ,  adj.  terme  de  Blajon ,  fe  dit  d'une  tête 
d'animal  coupée  derrière  les  oreilles  par  une  feciion 
parallèle  à  la  face ,  ou  par  une  feefron  perpendicu- 
laire ;  au  lieu  qu'on  diroit  coupé ,  li  la  lecfron  étoit 
faite  horilontalement.  (  F) 

CABOCHON  ,  f.  m.  terme  de  Jouaillier ,  pierre  pré- 
cieufe  qui  n'eft  que  polie,  &  qu'on  a  laiffée  telle  qu'on 
l'a  trouvée ,  c"eft-ù--ire  à  laquelle  on  a  feidement  ôté 
ce  qu'elle  avoit  de  brut,  fans  lui  donner  aucune  ri- 


C  A  B 


C  A  C 


495 


gure  particulière.  On  dit  fur-tor.t  rubis-cabochon.  Voy. 
Rubis. 

*  CABOLETTO ,  (  Commerce.  )  monnoie  d'Italie 
ufitée  clans  les  états  de  la  république  de  Gènes  ,  qui 
vaut  environ  quatre  fous  de  notre  argent. 

CABOT ,  poiffon  de  mer.  Voye^  Mulet. 

CABOTER  ,  v.  neut.  terme  de  Marine ,  pour  dire 
aller  de  cap  en  cap  ,  déport  en  port  ,  naviguant  le  long 
des  côtes. 

CABOTAGE  ,  f.  m.  (  Marine.  )  on  appelle  ainfi  la 
navigation  le  long  des  côtes.  On  entend  auffi  par  ce 
mot  la  connoirTance  des  mouillages ,  bancs ,  courans 
&  marée  que  l'on  trouve  le  long  d'une  côte. 

CABOTTIERE,  1".  f.  (  Commerce.  )  barque  plate  , 
longue  &  étroite ,  d'environ  trois  pies  de  profondeur, 
avec  un  gouvernail  très-long ,  fait  en  forme  de  rame. 
Cette  eipece  de  bateau  n'eft  utile  qu'au  commerce 
qui  fe  fait  par  la  rivière  d'Evre.  Cette  rivière  prend 
la  iource  du  côté  de  Chartres  ,  paiTe  à  Dreux ,  &  fe 
jette  dans  la  Seine  à  un  quart  de  lieue  au  -  defl'us  du 
Pont-de-1' Arche.  (Z) 

CABOUCH AN  ,  (  Gêog.  )  ville  d'Afie  dans  le  Co- 
rafian  ,  dépendante  de  Nicha bour. 

C ABRA ,  (  Géog.  )  ville  d'Afrique  au  royaume  de 
Tombut  dans  la  Nigritie  ,  fur  le  bord  du  Sénégal. 
Long.  18.  23.  lat.  l5.  10. 

CABRÉ  ,  adj.  en  termes  de  Blafon ,  fe  dit  d'un  che- 
val acculé. 

La  Chevalerie  dans  le  Maine  ,  de  gueules  au  che- 
val cabré  d'argent. 

CABRER ,  v.  pafT.  fe  cabrer,  (  Manège.  )  fe  dit  des 
chevaux  qui  fe  lèvent  &c  dreffent  fur  les  pies  de  der- 
rière prêts  à  fe  renverfer  lorlqu'on  leur  tire  trop  la 
bride ,  ou  qu'ils  font  vicieux  ou  fougueux.  Lorfqu'un 
cheval  fe  cabre  plufieurs  fois  de  fuite,  &  fe  jette  fi 
haut  fur  les  jambes  de  derrière  qu'il  eft  en  péril  de  le 
renverfer  ,  on  appelle  ce  defordre  faire  des  ponts-le- 
vis  :  il  faut  que  le  cheval  ait  beaucoup  de  force ,  & 
lui  tendre  la  main  à  propos ,  autrement  ces  ponts- 
levis  font  très-dangereux.  Le  moyen  de  rendre  obéif- 
fant  un  poulain  fujet  à  fe  cabrer  fouvent  ôc  à  defo- 
béir,  eft  de  prendre  le  tems  que  fes  pies  de  devant 
retombent  à  terre ,  &  lui  appuyer  alors  fortement 
des  deux.  (  V) 

CABB.ERA,  (  Géog.')  contrée  d'Efpagne  dans  la 
partie  feptentrionale  du  royaume  de  Léon. 

CABRERA  o«  CAPRARIA,  {Géog.)  petite  île 
d'Efpagne  dans  la  mer  Méditerranée,  à  peu  de  dii- 
tance  de  celle  de  Mayorque. 

CABRES,  f  f.  c'eft  ainfi  qu'on  appelle,  dans  les 
Manufactures  d'ouvrages  en  foie,  deux  pièces  de  bois 
de  fept  à  huit  pies  de  longueur  ,  foùtenues  d'un  côté 
par  des  pies  qui  les  traverfent  dans  une  mortoile  de 
neuf"  à  dix  pouces  de  hauteur  en-dehors.  On  s'en  fert 
pour  placer  l'enfuple  quand  on  plie  les  chaînes,  ou 
qu'on  les  met  fur  l'enfuple. 

CABRES  ,  (  Géog.  )  petite  île  d'Afrique  près  des 
côtes  de  Guinée,  à  pende  diftancede  celle  de  Saint- 
Thomas. 

CABRESTAN,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Afie  dans 
une  plaine ,  formée  par  les  montagnes  qui  régnent  le 
long  du  golfe  Perfique. 

CABRIOLE  ou  CAPRIOLE  f.  f.  terme  de  Danfe  , 
élévation  du  corps  ,  faut  léger  &  agile  que  les  dan- 
feurs  font  ordinairement  à  la  fin  des  cadences. 

Frifer  la  cabriole ,  c'eft  agiter  les  pics  avec  vîteffe 
tandis  qu'ils  font  en  l'air.  En  matière  de  danfe  la  ca- 
briole eft  la  même  choie  que  le  faut.  La  demi-<. 
eft  lorlqu'on  ne  retombe  que  fur  l'un  des  pies.  rvyt{ 
Saut. 

CABRIOLE,  en  termes  de  Manège  ,  eft  un  faut 
vif  que  le  cheval  l'ait  fans  aller  en  avant ,  de  fa- 
çon qu'étant  en  Pair  il  montre  les  fers,  détache  des 
ruades  aulîi  loin  qu'il  peut  les  porter ,  tk  fait  du  bruit 


avec  les  pies.  Ce  mot  vient  de  capreolare,  &  celui-ci 
de  capreolus. 

La  cabriole  eft  la  plus  difficile  de  toutes  les  ruades. 
Il  y  a  plufieurs  fortes  de  caprioles  :  capriole  droite  ; 
capriole  en  arrière  ;  capriole  de  coté  ;  capriole  battue  ou 
frifée  ;  capriole  ouverte.  Lever  à  capriole.  Aoy^  LEVER  ; 
voyei  auffi  SAUTER.   (  F  ) 

CABROLLE  ,  poiffon  de  mer.  Foye?  BlCHE. 

*  CABRUS  ou  CAPRUS,  (Myth.  )  dieu  particu- 
lier qu'on  honoroit  à  Phafelis,  ville  de  Pamphilie  : 
on  ne  lui  offroit  en  facrlfice  que  du  poiffon  falé  ;  ce 
qui  donna  lieu  de  nommer  proverbialement  un  re- 
pas de  poiffon  falé  ,  unjacrijice  de  Phafelites. 

*  CABUJ  A  ,  (  Hifl.  nat.  bot.  )  plante  d'Amérique 
dont  les  feuilles  rcficmblent  beaucoup  à  celles  du 
chardon.  On  dit  que  les  Américains  travaillent  cette 
plante  comme  nous  faifons  le  chanvre  &  le  lin  ,  &: 
qu'ils  s'en  fervent  pour  faire  du  fil  &  des  cordes. 

C ABUL  ou  CABOUL  ,  (  Géog.  )  grande  ville  d'A- 
fie dans  les  Indes  ,  capitale  du  Cabufiftan ,  avec  deux 
bons  châteaux. 

CABULISTAN  ou  CABOULISTAN,  province 
d'Afie  dans  l'empire  du  Mogol  ,  bornée  au  nord  par 
la  Tartarie  ,  à  l'eft  par  la  Cachemire,  à  l'oueft  par 
le  Zabuliftan  &  le  Candahar  ,  au  fud  par  le  Multan. 
On  y  trouve  des  mines  de  fer  ,  des  bois  aromatiques, 
&  plufieurs  fortes  de  drogues.  Ce  pays ,  peu  fertile 
d'ailleurs  ,  eft  cependant  riche  par  le  commerce. 

*  CABURA ,  (Géog.)  endroit  de  la  Mélopotamie 
où  il  y  a ,  dit-on ,  une  fontaine  dont  les  eaux  ont  une 
odeur  douce  &  agréable.  Pline  qui  en  parle  ,  dit  que 
cette  odeur  leur  fut  laiffée  par  Junon  ,  qui  s'y  bai- 
gna une  fois. 

CABURLAUT  ,  poiffon  de  mer  ;  Voye^  CHABOT. 

CACAC A ,  (  Géog.  )  ville  d'Afrique  au  royaume 
de  Fez,  proche Melille. 

CACALIA  ,  f.  f.  (  Hifl.  nat.  bot.)  genre  de  plante 
dont  la  fleur  eft  un  bouquet  à  fleurons  découpés  en 
quatre  parties  ,  portés  par  un  embryon  ,  &  foûtenus 
par  un  calice  cylindrique.  Lorfque  la  fleur  eft  paflée, 
chaque  embryon  devient  une  graine  garnie  d'une 
aigrette.  Tournefort ,  Injl.  rei  kerb.  Foye^  Plante. 

<*>  r    ■       ;.-**. 

*  On  dit  que  fa  racine  macérée  dans  du  vin,  ou 
mâchée  feule ,  foulage  dans  la  toux  ;  &  que  fes  baies 
pulvérifées  tk  réduites  en  cerat ,  adoucifient  la  peau, 
&  effacent  les  rides. 

*  CACAO  ou  CACAOYER  ,  f.  m.  (  Hifl.  nat.  ) 
arbre  étranger. 

Sa  defeription.  Le  cacaoyer  eft  un  arbre  d'une  gran- 
deur &  d'une  groffeur  médiocres  ,  qui  augmentent 
ou  diminuent  félon  la  qualité  du  fonds  où  il  vient. 

Sur  la  côte  de  Caraquc  ,  par  exemple  ,  il  prend 
beaucoup  plus  de  croifTance  que  dans  nos  îlesFran- 
çoifes. 

Son  bois  eft  poreux  &  fort  léger  ;  fon  écorce  eft 
afTez  unie,  tk.  de  couleur  de  canelle  plus  ou  moins 
foncée  ,  fuivant  l'âge  de  l'arbre. 

Ses  feuilles  font  longues  d'environ  neuf  pouces 
fur  quatre  ,  dans  le  fort  de  leur  largeur,  qui  diminue 
vers  les  deux  extrémitésoù  elles  fe  terminent  en  poin- 
te; leur  couleur  eft  d'un  verd  un  peu  foncé,  mais 
plus  clair  en-deflus  qu'en-deflbus  ;  elles  font  ati 
à  des  pédicules  longs  de  trois  pouces,  &  d'une  ligne 
de  diamètre.  L'alongement  de  ces  pédicules  forme 
le  long  du  milieu  de  chaque  feuille  une  cote  droite 
un  peu  relevée,  qui  depuis  fa  naiffance  jufqu'au 
bout  va  en  diminuant  ;  &  de  part  ce  d 'autre  de  cette- 
côte  fortent  alternativement  treize  à  quatorze  nervu- 
res obliques. 

Comme  ces  feuilles  ne  tombent  guère  que  fuccef- 
fivement,  &  à  mefure  que  d'autres  les  remplacent, 
l'arbre  ne  paroît  jamais  dépouillé  :U  fleurit  en  tout 


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teins  ;  mais  plus  abondamment  vers  les  deux  folfti- 
ces  que  dans  les  autres  laitons. 

Ses  fleurs  qui  font  régulières  &  en  rofe  ,  mais  fort 
petites  &  fans  odeur ,  fortent  par  bouquets  des  aifîel- 
les  des  anciennes  feuilles ,  dont  on  apperçoit  encore , 
pour  ainû  dire ,  les  cicatrices  aux  endroits  oîi  l'ar- 
bre s'en  étoit  autrefois  dépouillé.  Une  grande  quan- 
tité de  ces  fleurs  coulent ,  &  à  peine  de  mille  y  en 
a-t-il  dix  qui  nouent  ;  en  forte  que  la  terre  qui  cil  au- 
deffous  paroît  toute  couverte  de  ces  faillies  fleurs. 

Chaque  fleur  eft  attachée  à  l'arbre  par  un  pédi- 
cule délié ,  &  long  de  cinq  à  fix  lignes  ;  &  quand 
elle  eft  encore  en  bouton ,  elle  n'a  qu'em  iron  d 
lignes  de  diamètre  ,  fur  deux  &  demie  ou  trois  tout 
au  plus  de  longueur.  Plus  elle  eft  petite  par  rapport 
à  l'arbre  &  au  fruit ,  plus  elle  m'a  paru  finguliere  & 
digne  d'attention. 

Lorfque  le  bouton  vient  à  s'épanouir  ,  on  peut 
confidérer  le  calice ,  le  feuillage  ,  &  le  cœur  de  la 
fleur. 

Le  calice  fe  forme  de  l'enveloppe  du  bouton ,  di- 
vifée  en  cinq  parties  ou  feuilles  de  couleur  de  chair 
fort  pâle. 

Les  cinq  véritables  feuilles  de  même  couleur  leur 
fuccedent ,  &  rempliflent  les  vuides  ou  féparations 
du  calice.  Ses  feuilles  ont  deux  parties  ;  l'une  qui 
eft  au-defïbus  en  forme  de  tafle  oblongue ,  panachée 
intérieurement  de  pourpre ,  fe  recourbe  vers  le  cen- 
tre par  le  moyen  d'une  étamine  qui  lui  fert  comme 
de  lien  ,  d'oiiibrt  enfuite  au-dehors  l'autre  partie  de 
la  feuille  qui  femble  en  être  féparée ,  &  eft  formée 
en  manière  de  fer  de  pique. 

Le  cœur  de  la  fleur  eft  compofé  de  cinq  filets  & 
de  cinq  étamines  ,  avec  le  piftil  au  milieu  ;  les  filets 
font  droits  ,  de  couleur  de  pourpre  ,  &  difpofés  vis- 
à-vis  des  intervalles  des  feuilles  ;  les  étamines  font 
blanches  &  courbes  en-dehors  ,  avec  une  efpece  de 
bouton  au  fommet  qui  s'engage  dans  le  milieu  de 
chaque  feuille  pour  la  foûtenir. 

Quand  on  obferve  ces  menues  parties  avec  le  mi- 
crofeope,  on  diroit  que  la  pointe  des  filets  eft  argen- 
tine ,  &  que  les  étamines  font  de  cryftal ,  auffi  bien 
que  le  piftil  que  la  nature  femble  avoir  placé  au  cen- 
tre ,  en  forme  de  filet  blanc  ,  ou  pour  être  les  prémi- 
ces du  jeune  fruit ,  ou  pour  lui  fervir  de  détente  ,  s'il 
eft  vrai  que  cet  embryon  ne  fe  produife  &  ne  fe  dé- 
veloppe qu'à  fa  bafe. 

Le  cacaoyer  porte  prefque  toute  l'année  des  fruits 
de' tout  âge ,  qui  mûriffent  fuccefîïvement ,  mais  qui 
ne  viennent  point  au  bout  des  petites  branches, com- 
me nos  fruits  enEurope  ,  mais  le  long  de  la  tige  &  des 
mères  branches  ;  ce  qui  n'eft  pas  rare  en  ces  pays-là, 
où  plufieurs  arbres  ont  la  même  propriété  :  tels  font 
les  cocotiers ,  les  abricotiers  de  S.  Domingue  ,  les 
calebafïiers  ,  les  papayers ,  &c. 

Le  fruit  du  cacao  eft  contenu  dans  une  code,  qui 
d'une  extrême  petitefle  parvient  en  quatre  mois  à  la 
groffeur  &  à  la  figure  d'un  concombre  qui  feroit 
pointu  par  le  bas ,  &  dont  la  furface  feroit  taillée  en 
côte  de  melon. 

Cette  gouffe  dans  les  premiers  mois  eft  ou  rouge 
ou  blanche ,  ou  mêlée  de  rouge  &  de  jaune  ;  &  cette 
variété  de  couleurs  fait  trois  lortes  d'arbres  de  cacao, 
qui  n'ont  entr'eux  que  cette  feule  différence ,  que  je 
ne  crois  pas  fuffilante  pour  établir  trois  efpeces  de 
cacao. 

La  première  eft  d'un  rouge  vineux  &  foncé  ,  prin- 
cipalement fur  les  côtés,  lequel  devient  plus  clair  Ôc 
plus  pâle  en  mùrilTant. 

La  féconde  ,  qui  eft  la  blanche  ,  eft  au  commen- 
cement d'un  verd  fi  clair ,  qu'il  en  paroît  blanc  ;  peu- 
à-peu  elle  prend  la  couleur  de  citron  ;  &  le  colorant 
toujours  de  plus  en  plus ,  elle  devient  enfin  tout-à-fait 
jaune  dans  la  maturité, 


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Là  troifieme  ,  qui  eft  rouge  &  jaune  tout  enfem- 
ble,  tient  un  milieu  entre  ces  deux  premières  ;  car 
en  mûrilîànt  la  rouge  pâlit ,  &  la  jaune  le  renforce. 
On  a  remarqué  que  les  colles  blanches  font  plus 
trapues  que  les  autres  ,  lur-tout  du  côté  qu'elles  tien- 
nent à  l'arbre  ,  &  que  les  cacaoyers  de  cette  forte  en 
rapportent  communément  davantage. 

Si  Ton  fend  une  cie  ces  colles  iuivant  la  longueur, 
on  trouve  qu'elle  a  environ  quatre  lignes  d'épailicur , 
&  que  fa  capacité  eft  pleine  d'amandes  ce  cacao  , 
dont  les  intervalles  font/remplis  avant  leur  maturité 
d'une  i'ubltance  blanche  &  ferme,  mais  qui  le  chan- 
ge enfin  en  une  elpece  de  mucilage  d'une  acidité 
charmante  ;  c'eft  pourquoi  on  fe  donne  fouvent  le 
piailir  de  mettie  de  ces  amandes  de  cacao  avec  leurs 
enveloppes  dans  la  bouche,  pour  la  rafraîchir  agréa- 
blement ,  &  pour  étanchei  la  foif  :  mais  on  le  garde 
bien  d'y  appuyer  la  dent,  parce  qu'en  perçant  la 
peau  du  cacao  on  lentiroit  une  amertume  extrême. 

Lorlqu'on  examine  avec  attention  la  ftructure  in- 
térieure de  ces  colles  ,  &  qu'on  en  anatomife  ,  pour 
ainli  dire,  toutes  les  paities,  on  trouve  que  les  fi- 
bres de  la  queue  du  fruit  pafiàm  à  travers  la  cofTe 
fe  partagent  en  cinq  branches  ;  que  chacune  de  ces 
branches  fe  divile  en  plufieurs  filamens  ,  qui  le  ter- 
minent chacun  au  gros  bout  d'une  des  amandes  ;  & 
que  le  tout  enfemble  forme  comme  une  elpece  de 
grappe  de  vingt,  vingt-cinq,  trente  à  trente -cinq 
grains  au  plus  ,  rangés  &  appliqués  l'un  contre  l'au- 
tre dans  la  colTe  avec  un  ordre  merveilleux. 

Après  un  grand  nombre  d'expériences ,  on  n'y 
trouve  ni  moins  ni  plus  de  vingt-cinq  :  peut-être  qu'à 
force  de  chercher  les  plus  grolTes  colles  ,  dans  les 
fonds  les  plus  féconds ,  &  lur  les  fujets  les  plus  vi- 
goureux ,  on  en  pourroit  trouver  de  quarante  aman- 
des ;  mais  comme  cela  n'ira  jamais  au-delà  ,  il  eft  de 
même  certain  qu'on  ne  trouvera  point  de  colTes  qui 
en  ayent  au-delïous  de  quinze ,  à  moins  que  ce  ne 
loient  des  cofîes  avouées  ,  ou  le  fruit  de  quelqu'ar- 
bre  fatigué ,  c'eft-  à-dire  ,  ulé  de  vieillefie  ,  de  mé- 
chant fonds,  ou  par  défaut  de  culture. 

Lorlqu'on  ôte  la  peau  à  quelqu'une  des  graines  de 
cacao ,  on  découvre  la  lubftance  de  l'amande ,  qui 
paroît  tendre  ,  liffe,  un  peu  violette,  &  comme  di- 
vifée  en  plufieurs  lobes  ,  quoique  dans  la  vérité  elle 
n'en  ait  que  deux  ,  mais  fort  irréguliers ,  &  iortem- 
barrafTés  l'un  dans  l'autre. 

Enfin  coupant  l'amande  en  deux  fuivant  la  lon- 
gueur ,  on  trouve  à  l'extrémité  du  gros  bout  une  ef- 
pece de  grain  cylindrique  de  deux  lignes  de  long  , 
fur  une  demi-ligne  de  diamètre ,  qui  eft  le  vrai  ger- 
me de  la  plante  ;  au  lieu  que  dans  nos  amandes  Eu- 
ropéennes cette  partie  eft  placée  à  l'autre  bout. 

On  peut  voir  même  en  France  cette  irrégularité 
des  lobes  ,  &  le  germe  du  cacao ,  dans  les  amandes 
rôties  &  mondées  pour  faire  le  chocolat. 

Du  choix  &  de  la  dijpojuion  du  lieu  pour  planter  uns 
cacaoyere.  Le  cacaoyer  croît  naturellement  dans  plu- 
fieurs contrées  de  la  zone  torride  de  l'Amérique  , 
mais  particulièrement  au  Mexique  ,  dans  les  provin- 
ces de  Nicarague  &  de  Guatimale  ,  comme  aulTi  le 
long  des  bords  de  la  rivière  des  Amazones  ,  &  fur  la 
côte  de  Caraque ,  c'eft-à-dire  ,  depuis  Comana  jui- 
qu'à  Carthagene ,  &  à  l'île  d'Or  ;  on  en  a  même  trou- 
vé quelques-uns  dans  les  bois  de  la  Martinique. 

Les  Elpagnols  &  les  Portugais  ont  été  les  premiers 
à  qui  les  Indiens  ont  donné  connoilïance  du  cacao  ; 
ils  en  ont  long-tems  ulé  fans  le  communiquer  aux 
autres  nations. 

En  1 649  on  ne  connoilToit  encore  aux  îles  du  Vent 
qu'un  feul  arbre  de  cacao  ,  planté  par  curioliré  dans 
le  jardin  d'un  Anglois  habitant  de  l'île  de  Sainte- 
Ci  oix.  En  1655  les  Caraïbes  montrèrent  à  M.  du  Par- 
quet le  cacaoyer,  dans  les  bois  de  l'île  de  la  Martinique 

dont 


C  A  C 

dont  il  étoit  feigneur  :  cette  découverte  donna  lieu 
à  plusieurs  autres  de  même  efpece  ,  dans  les  mêmes 
bois  de  la  Capeftere  de  cette  île  ;  &c  c'eft  apparem- 
ment aux  graines  qu'on  en  tira  que  les  cacaoyeres  qu'on 
y  a  depuis  plantées  doivent  leur  origine.  Un  Juif 
nommé  Benjamin  y  planta  la  première  vers  l'année 
1660  :  mais  ce  ne  fut  que  vingt  ou  vingt-cinq  ans 
après,  que  les  habitans  de  la  Martinique  commencè- 
rent à  s'appliquer  à  la  culture  du  cacao  ,  6c  à  plan- 
ter des  cacaoyeres. 

On  appelle  une  cacaoyere ,  une  efpece  de  verger 
d'arbres  de  cacao  plantés  au  cordeau ,  à  peu  près 
comme  nous  difons  en  France  une  cerifaie  ,  une  pom- 
meraie, une prunelaie ,  une  fguerie ,  ècc. 

Lorsqu'on  veut  planter  une  cacaoyere ,  il  faut  fur- 
tout  choifir  la  fituation  du  lieu,  6c  la  nature  du  ter- 
roir qui  lui  conviennent. 

Le  cacaoyer  demande  un  lieu  plat ,  humide ,  &  à 
l'abri  des  vents  ;  une  terre  neuve  ,  &  pour  ainfi  dire 
vierge  ,  médiocrement  grade  ,  meuble  &  protonde  ; 
c'eft  pourquoi  les  fonds  nouvellement  détrichés,  dont 
la  terre  eft  noire  &  fabloneufe  ,  qu'une  rivière  tient 
frais ,  &  que  les  coteaux  ou  mornes  d'alentour  (  pour 
parler  le  langage  du  pays)  mettent  à  couvert  des 
Vents  ,  fur-tout  du  côté  de  la  mer ,  font  préférables 
à  toute  autre  fituation  ;  &  l'on  ne  manque  guère  de 
les  mettre  à  cet  ufage ,  quand  on  eft  allez  heureux 
pour  en  avoir  de  femblables. 

J'entends  par  fonds  nouvellement  défrichés ,  ceux 
dont  le  bois  vient  d'être  abattu  exprès  pour  cela  ;  car 
il  faut  remarquer  qu'on  place  encore  aujourd'hui  tou- 
tes les  cacaoyeres  au  milieu  des  bois ,  de  même  qu'on 
a  fait  depuis  la  création  du  monde  ;  &  cela  pour  deux 
raifons  très-effentielles  ;  la  première ,  afin  que  le  bois 
debout  qui  relie  autour  leur  ferve  d'abri  ;  &  la  fé- 
conde ,  afin  qu'elles  donnent  moins  de  peine  à  far- 
der, la  terre  qui  n'a  jamais  produit  d'herbe  n'en 
pouffant  que  peu  faute  de  graines. 

Aux  cacaoyeres  plantées  fur  des  éminences,  la  terre 
n'a  ni  affez  d'humidité  ni  affez  de  profondeur  ,  & 
ordinairement  le  pivot  ou  la  maitreffe  racine,  qui 
feule  s'enfonce  à  plomb  dans  la  terre ,  ne  peut  percer 
le  tuf  qu'elle  rencontre  bien-tôt  :  les  vents  d'ailleurs 
y  ont  plus  de  prife ,  font  couler  les  fleurs  nouées ,  & 
pour  peu  qu'ils  foient  forts ,  abattent  les  arbres  dont 
prefque  toutes  les  racines  font  fuperficiellcs. 

C'eft  encore  pis  aux  coteaux  dont  la  pente  eft  un 
peu  rude  ;  car  outre  les  mêmes  inconvéniens  ,  les 
avalaifons  en  entraînent  la  bonne  terre ,  &  décou- 
vrent infenfiblement  toutes  les  racines. 

On  peut  donc  conclurre  que  toutes  ces  fortes  de  ca- 
caoyeres lbnt  long-tems  à  porter  ,  qu'elles  ne  font  ja- 
mais abondantes ,  &c  qu'elles  le  ruinent  en  peu  de 
tems. 

Il  eft  bon  aufTî  (  autant  qu'il  eft  pofîîble  )  qu'une 
cacaoyere  foit  entourée  de  bois  debout  ;  ou  s'il  y  a 
quelque  côté  d'ouvert ,  on  doit  y  remédier  de  bon- 
ne heure  par  une  liiierc  à  plulieurs  rangs  de  bana- 
niers. 

Il  faut  encore  qu'une  cacaoyere  foit  d'une  gran- 
deur médiocre  ;  car  les  petites  ,  furtout  dans  les 
fonds  ,  n'ont  pas  affez  d'air,  &  font  comme  étouf- 
fées ;  &  les  grandes  jufqu'à  l'excès  font  trop  expo- 
fées  à  la  fechereffe  6c  aux  grands  vents  qu'on  nom- 
me ouragans  en  Amérique. 

La  place  de  la  cacaoyere  étant  choiiie,  &  les  di- 
menlions  déterminées  ,  on  le  met  à  abattre  le  bois  : 
on  commence  par  arracher  les  petites  plantes  ,  &  à 
couper  les  arbriffeaux  &  le  menu  bois  ;  puis  on  tron- 
çonne les  tiges  &  les  groffes  branches  dos  petits  ar- 
bres ,  &  des  médiocres  ;  on  tait  des  bûchers  &:  on 
allume  des  feux  de  toutes  parts  ;  on  brûle  même  fur 
pié  les  plus  gros  arbres  ,  pour  s'épargner  la  peine 
île  les  couper. 

Tome  II, 


C  A  C 


497 


Lorfque  tout  eft  brûlé  ,  qu'il  ne  refte  plus  fur  la 
terre  que  les  troncs  des  plus  grands  arbres  qu'on  né- 
glige de  faire  confumer  ,  &  que  l'abattis  fe  trouve 
parfaitement  nettoyé  ,  on  dreffe  au  cordeau  des  ai- 
lées équidiitantes  &  parallèles  ,  où  l'on  plante  en 
quinconce  des  piquets  de  deux  à  trois  pies  de  long, 
à  l'intervalle  de  5.  6.  7.  8.  9.  ou  10  pies  ,  en  un 
mot  ,  à  telle  diftance  qu'on  a  réfolu  de  donner  aux 
cacaoyers  qu'ils  repréfentent.  Enfin  on  fait  une  pièce 
de  manioc  de  tout  l'efpace  défriché  ,  prenant  garde 
de  n'en  planter  aucun  pié  trop  près  des  piquets. 

On  obfervera  que  les  cacaoyeres  plantées  à  «ren- 
des diftances  de  8.  9.  &  10  pies  donnent  bien  plus 
de  peine  à  tenir  nettes  dans  les  premières  années 
(  comme  nous  dirons  dans  la  fuite  )  :  mais  auffi  quand 
elles  font  dans  de  bons  fonds  ,  elles  réulïîffent  mieux 
de  cette  forte  ,  rapportent  6c  durent  beaucoup  plus. 
Les  habitans  qui  font  preffés  de  leurs  befoins  , 
plantent  plus  près  les  arbres  ,  parce  que  cela  aug- 
mente confidérablement  le  nombre  des  pies  ,  &  di- 
minue en  même  tems  le  travail  de  les  tenir  nets. 
Quand  dans  la  fuite  les  arbres  viennent  à  fe  nuire 
réciproquement  par  leur  proximité  ,  ils  ont  déjà  re- 
cueilli quelques  levées  de  cacao  ,  qui  ont  pourvu  à 
leurs  néceffités  les  plus  urgentes  ;  &  au  pis  aller  ils 
coupent  alors  une  partie  des  arbres  pour  donner  de 
l'air  au  refte. 

A  la  côte  de  Caraque  ,  on  plante  les  cacaoyers  à  1  z 
&  1  5  pies  d'intervalle ,  &  l'on  pratique  des  rigoles 
de  tems  en  tems  pour  les  arrofer  dans  les  grandes  fé- 
chereffes  :  on  a  fait  auffi  une  heureufe  expérience  de 
cette  pratique  à  la  Martinique  depuis  quelques  an- 
nées. 

Au  refte  le  manioc  eft  un  arbufte  dont  les  racines 
gragées  &  cuites  fur  le  feu  ,  fourniffent  la  caffave 
Cv  la  farine  qui  fervent  de  pain  à  tous  les  habitans 
naturels  de  l'Amérique.  On  en  plante  dans  les  nou- 
veaux abattis  ,  non-feulement  parce  qu'il  en  faut  né- 
ceffairement  à  un  habitant  pour  la  nourriture  de  fes 
nègres  ,  mais  auffi  pour  diminuer  la  production  des 
mauvaises  herbes ,  &  pour  mettre  à  l'ombre  les  pies 
de  cacao  qui  lèvent ,  dont  la  plume  tendre  ni  même 
les  fécondes  feuilles  ne  pourroient  rélîfter  à  l'ardeur 
exceffive  du  foleil  :  c'eft  pourquoi  on  attend  que  le 
manioc  puiffe  ombrager  le  pié  des  piquets  ,  avant 
que  de  planter  le  cacao. 

De  la  manière  de  planter  une  cacaoyere  ,  &  de  la  cul- 
tiver juj'quà  la  maturité  des  fruits.  Tout  le  cacao  fe 
plante  de  graine  ,  le  bois  de  cet  arbre  ne  prenant 
point  de  bouture.  On  ouvre  une  coffe  de  cacao ,  6c  à, 
mefure  qu'on  en  a  befoin  ,  on  en  tire  les  amandes  , 
&  on  les  plante  une  à  une  ,  commençant ,  par  exem- 
ple ,  par  le  premier  piquet,  on  l'arrache  &  avec  une 
forte  de  houlette  de  fer  bien  affilée,  ayant  fait  une  ef- 
pece de  petit  labour  ,  &  coupé  ,  en  béquillant  tout 
autour  ,  les  petites  racines  qui  pourroient  nuire  ,  on 
plante  la  graine  à  trois  au  quatre  pouces  de  profon- 
deur ,  Se  l'on  remet  le  piquet  un  peu  à  côté  pour  fer- 
vir  de  marque  ;  Se  ainfi  de  piquet  en  piquet ,  Se  de 
rang  en  rang  ,  on  parcourt  toute  la  cacaoyere. 

Il  faut  oblerver  ,  i°.  de  ne  point  planter  dans  les 
tems  fecs  ;  on  le  peut  à  la  vérité  tous  les  mois  ,  & 
toutes  les  lunes  vieilles  ou  nouvelles  ;  lorfque  la  fai- 
fon  eft  fraîche  ,  ce  que  la  place  eft  prête  :  mais  on 
croit  communément  que  plantant  depuis  le  mois  de 
Septembre  jufqu'aux  tètes  de  Noèl >  les  arbres  rap- 
portent plutôt  de  quelques  mois. 

z°.  De  ne  planter  que  de  groffes  amandes ,  &  bien 
nourries  ;  car,  puifque  dans  les  plus  belles  colles  il 
fe  trouve  des  graines  avortées ,  il  y  auroit  de  l'im- 
prudence de  les  employer. 

3°.  De  planter  le  gros  bout  des  graines  en  bas, 
c'eft  celui-là  qui  rient  par  un  petit  filet  au  centre  de 
la  colle  quand  en  tire  l'amande  en  dehors.  Si  on  plan- 

Rri; 


493 


C  A  C 


toit  le  petit  bout  en  bas ,  le  pié  viendrait  tortu  ,  & 
ne  réuffiroit  point  ;  fi  on  plantoit  la  graine  de  plat  , 
le  pié  ne  laifleroit  pas  de  venir  affez  bien. 

4°.  De  mettre  deux  ou  trois  graines  à  chaque  pi- 
quet ,  afin  que  fi  par  malheur  les  criquets  ou  autres 
petits  infecles  coupoient  la  plume  encore  tendre  cl  un 
ou  deux  pics ,  il  en  reftât  un  troilieme  ,  pour  fup- 
pléer  au  défaut  des  autres.  S'il  n'arrive  point  d'ac- 
cident ,  on  a  au  moins  l'avantage  de  pouvoir  choi- 
fir  enluite  le  brin  qui  eft  le  plus  droit  &  de  meilleu- 
re venue  :  mais  on  ne  fe  réfout  à  couper  les  pies 
furnuméraires  ,  que  lorfque  celui  qu'on  a  choifi,  eft 
couronné  ,  &  hors  de  nique  félon  toutes  les  appa- 
rences. 

Les  graines  de  cacao  lèvent  dans  huit ,  dix  ou  dou- 
ze jours  plus  ou  moins  ,  félon  que  le  tems  plus  ou 
moins  propre  avance  ou  recule  la  végétation  :  le 
grain  cylindrique  du  germe  venant  à  fe  gonfler,  pouf- 
fe en  bas  la  radicule  ,  qui  devient  enfuite  le  pivot  de 
l'arbre  ;  &  en  haut  la  plume ,  qui  eft  un  racourci  de 
la  tige  &  des  branches  :  ces  parties  croiflant ,  &C  fe  dé- 
veloppant de  plus  en  plus ,  les  deux  lobes  de  l'aman- 
de un  peu  féparés  &  recourbés ,  fortent  les  premiers 
de  la  terre  ,  &  à  mefure  que  le  pié  s'élève  ,  fe  re- 
drefTent  &  fe  féparent  tout-à-fait  en  deux  feuilles 
diflemblables ,  d'un  verd  obfcur ,  épaiff^s ,  inégales, 
&  comme  recoquillées,  qui  font  ce  qu'on  appelle  les 
oreilles  de  la  plante  :  la  plume  paroît  en  même-tems, 
&  fe  partage  en  deux  feuilles  tendres ,  &c  d'un  verd 
clair  &  naifTant  ;  à  ces  deux  premières  feuilles  op- 
poiéefcdeux  à  deux  en  fuccedent  deux  autres  de-mê- 
me ,  a  celles-ci  deux  troifiemes  ,  le  pié  s'élève  à  pro- 
portion ,  &  ainfi  de  fuite  durant  une  année  ou  en- 
viron. 

Toute  la  culture  du  cacao  fe  réduit  alors  à  la  pra- 
tique de  deux  choies. 

Premièrement  à  le  recouvrir  tous  les  quinze  jours , 
c'eft  à-dire  ,  planter  de  nouvelles  graines  aux  lieux 
où  les  premières  n'ont  pas  levé ,  ou  bien  plutôt ,  où 
les  pies  ont  été  rongés  par  les  criquets ,  &  autres  in- 
fecles ,  qui  font  fou  /ent  un  dégât  terrible  de  ces  nou- 
velles plantes ,  lors  même  qu'on  les  croit  hors  de  tout 
danger.  Quelques  habitans  font  des  pépinières  à  part, 
&  tranfplantent  enfuite  des  pies  de  cacao  où  il  en 
manque  ;  mais  comme  ils  ne  prennent  pas  tous ,  lors 
principalement  qu'ils  font  un  peu  grands  ,  ou  que  la 
faifon  n'eft  pas  favorable  ,  &  que  la  plupart  même 
de  ceux  qui  prennent ,  font  long-tems  à  languir ,  il  a 
toujours  paru  plus  convenable  de  recouvrir  avec  la 
graine. 

Secondement ,  à  ne  laiffer  croître  aucune  herbe 
dans  la  cacaoyere  ,  recommençant  à  farcler  par  un 
bout  dès  qu'on  a  fini  par  l'autre  ;  &  prenant  garde 
fur  toutes  choies  de  laiffer  jamais  grener  aucune  her- 
be ;  car  s'il  arrive  une  fois  qu'on  en  laiffe  monter  en 
graine  ,  on  a  dans  la  fuite  bien  de  la  peine  &  du  tra- 
vail à  détruire  les  mauvaifes  herbes  ,  &  à  tenir  nets 
les  cacaoyers ,  parce  que  la  végétation  n'eft  jamais 
interrompue  en  ce  pays-là  par  le  froid. 

Ces  farclaifons  continuelles  durent  jufqu'à  ce  que 
les  cacaoyers  devenus  grands  ,  &  leurs  branches  fe 
croifant ,  l'ombrage  empêche  les  herbes  de  pouffer; 
èc  que  d'ailleurs,  les  feuilles  tombant  des  arbres  & 
couvrant  la  terre  ,  achèvent  d'étouffer  les  herbes. 
Ainfi  finit  le  pénible  exercice  de  farcler  ;  il  fufHt 
alors  de  faire  tous  les  mois  une  revue  eu  le  prome- 
nant dans  la  cacaoyere  ,  d'arracher  par-ci  par-là  le 
peu  d'herbes  qu'on  y  trouve  ,  &  de  les  traniporter 
loin  dans  le  bois ,  crainte  des  graines. 

Dès  que  les  cacaos  ont  neut  mois  ,  on  doit  com- 
mencer à  arracher  le  manioc  ,  &  taire  fi  bien  qu'en 
trois  mois  au  plus  tard  il  n'y  en  ait  plus.  À  mefure 
qu'on  l'arrache  ,  on  peut  encore  en  replanter  une 
rangée  ou  deux  au  milieu  de  chaque  allée  ,  ôc  fe- 


C  A  C 

mer  dans  les  autres  vuides  des  concombres,  des  ci- 
trouilles ,  des  giraumonts  &  des  choux  caraïbes  ;  par- 
ce que  ces  plantes  ayant  de  grandes  feuilles  rempati- 
tes  ,  font  fort  propres  à  conferver  la  fraîcheur  de  la 
terre  ,  &  à  étouffer  les  méchantes  herbes.  Quand  les 
cacaoyers  font  parvenus  à  couvrir  leur  terre  ,  on  eft 
contraint  d'arracher  tout ,  car  rien  ne  peut  plus  pro- 
fiter au-deffous. 

Les  cacaoyers  d'un  an  ont  ordinairement  quatre  pies 
de  tige  ou  environ  ,  &  commencent  à  faire  leur  tête 
en  pouffant  tout  à  la  fois  cinq  branches  au  fommet,  qui 
forment  ce  qu'on  appelle  Az  couronne  du  cacao.  Il  arrive 
rarement  que  cette  couronne  n'ait  pas  ces  cinq  bran- 
ches ;  &  lorfque  par  quelque  accident  ,  ou  contre 
Tordre  de  la  nature  ,  elle  n'en  a  que  trois  ou  quatre  , 
l'arbre  ne  vient  jamais  bien  ;  &  il  feroit  peut-être 
mieux  de  le  recéper  d'abord  ,  &  d'attendre  une  nou- 
velle couronne  qui  ne  feroit  pas  long-tems  à  fe  for- 
mer. 

Si  à  la  fin  de  l'année  le  manioc  n'étoit  pas  enco- 
re arraché  ,  cela  retarderoit  la  portée  des  arbres;  & 
leurs  tiges  montant  trop  haut ,  feroient  foibles ,  veu- 
les  ,  &  plus  expoiées  aux  coups  de  vent:  que  fi  elles 
couronnoient ,  les  couronnes  feroient  trop  ferrées  , 
&  les  mères  branches  ne  s'évafant  pas  affez ,  les  ar- 
bres ne  feroient  jamais  bien  dégagés  ,  &  n'auroient 
point  l'étendue  qui  leur  eft  naturelle. 

Quand  tous  les  pies  font  couronnés  ,  on  fait 
choix  des  plus  beaux  jets  ,  &  l'on  coupe  fans  mifé- 
ricorde  tous  les  furnuméraires  ;  fi  l'on  ne  prend  bruf- 
quement  ce  parti ,  on  a  bien  de  la  peine  à  s'y  réfou- 
dre dans  la  fuite  ;  cependant  il  n'eft  pas  poffible  que 
des  arbres  ainfi  accolés  ne  s'entrenuifent  à  la  fin. 

Les  cacaoyers  ne  font  pas  plutôt  couronnés  qu'ils 
pouffent  de  tems  en  tems  un  pouce  ou  deux  au-def- 
fous de  leur  couronne  ,  de  nouveaux  jets  qu'on  ap- 
pelle rejetions  ;  fi  on  laiffe  agir  la  nature  ,  ces  rejet- 
tons  produifent  bientôt  une  féconde  couronne  ,  fous 
laquelle  un  nouveau  rejetton  venant  à  pouffer,  en  for* 
me  encore  une  troifieme ,  &c.  C'eft  ainfi  que  font 
faits  les  cacaoyers  naturels  &  fans  culture  ,  qu'on 
trouve  dans  les  bois  de  la  Capefterre  de  la  Martini- 
que. Mais  parce  que  toutes  ces  couronnes  à  plu- 
fieurs  étages  ne  font  qu'anéantir  en  quelque  manière 
la  première  ,  qui  eft  la  principale ,  &  que  l'arbre 
abandonné  à  lui-même  devient  trop  haut  &  trop  ef- 
filé ;  on  a  foin  tous  les  mois  en  fardant ,  ou  en  cueil- 
lant le  fruit ,  d'ébourgeonner  ,  c'eft-à-dire  ,  de  châ- 
trer tous  ces  rejettons  ;  &  c'eft  ce  qu'on  appelle  fur 
les  lieux  rejettonner. 

On  ne  s'eft  point  encore  avifé  de  tailler,  non  plus 
que  de  greffer  les  cacaoyers  ;  il  y  a  cependant  une  ef- 
pece  de  taille  qui  pourroit  leur  être  avantageufe.  Il 
eft  confiant ,  par  exemple ,  que  ces  fortes  d'arbres 
ont  toujours  quelque  partie  de  bois  mort,  les  uns 
plus,  les  autres  moins;  fur-tout  aux  extrémités  des 
branches  :  &  il  n'y  a  pas  lieu  de  douter  qu'il  ne  leur 
fût  très-utile  de  retrancher  ce  bois  moit  jufqu'au  vif 
avec  la  ferpette  :  mais  comme  l'avantage  qu'on  en 
retireroit  ne  feroit  ni  fi  préfent ,  ni  ii  leniible  que  le 
tems  &  le  travail  qu'on  y  employeroit  ;  il  y  a  bien  de 
l'apparence  qu'on  négligera  toujours  cette  opération, 
&  qu'on  la  traitera  même  de  peine  inutile.  Les  Efpa- 
gnols  n'en  jugent  pas  de  même,  Se  ils  ont  au  contraire 
un  grand  loin  de  retrancher  tous  ces  bois  morts  ;  aufîî 
leurs  arbres  font  plus  vigoureux  que  les  nôtres,  & 
donnent  de  plus  beaux  fruits.  On  doute  qu'ils  ayent 
la  même  attention  de  les  greffer,  &  que  perfonne  ait 
encore  tenté  de  le  faire  ;  on  croit  néanmoins  que  les 
cacaos  en  feroient  bien  meilleurs. 

A  mefure  que  les  cacaoyers  croiffent ,  ils  fe  dépouil- 
lent peu  à  peu  des  feuilles  de  la  tige  ,•  qu'il  faut  laif- 
fer tomber  d'elles-mêmes  ;  car  dès  qu'ils  en  font  en- 
tièrement dépouillés,  Us  ne  font  pas  long-tems  à  fleu- 


C  A  C 


rir  :.mais  ces  premières  fleurs  coulent  ordinairement, 
&  on  ne  doit  guère  efpérer  de  fruit  mûr  avant  trois 
ans ,  encore  faut-il  que  ce  foit  en  bonne  terre  ;  à  qua- 
tre ans  la  levée  eft  médiocre  ,  &  à  cinq  elle  eft  dans 
toute  fa  force.  Pour  lors  les  cacaoyers  portent  ordinai- 
rement pendant  toute  l'année  des  fleurs  &  des  fruits 
de  tout  âge  ;  il  eft  à  la  vérité  des  mois ,  où  ils  n'en 
ont  prefquc  point ,  &  d'autres  où  ils  en  font  tout  char- 
gés ;  vers  les  folftices  les  levées  font  toujours  plus 
abondantes  que  dans  les  autres  faifons. 

Comme  dans  les  ouragans  le  vent  peut  faire  Ië 
tour  du  compas  en  très-peu  d'heures ,  il  eft  mai-ailé 
que  perçant  par  l'endroit  le  plus  foible ,  &  le  moins 
couvert  des  cacaoyers ,  il  n'y  faffe  bien  du  defordre  , 
&  il  eft  néceffaire  d'y  remédier  le  plus  promptement 
qu'il  eft  poffible.  Si  le  vent  n'a  fait  que  renverfer  les 
arbres  fans  rompre  leur  pivot ,  en  ce  cas  le  meilleur 
parti  qu'il  y  ait  à  prendre  ,  fur-tout  dans  les  bonnes 
terres ,  eft  de  relever  fur  le  champ  ces  arbres ,  &  de 
les  remettre  en  place  ;  les  appuyant  avec  une  four- 
che ,  &  les  réchauffant  bien  avec  de  la  terre  d'alen- 
tour :  de  cette  manière  ils  font  raffermis  en  moins  de 
•fix  mois,  &  rapportent  comme  s'ils  n'avoient  jamais 
eu  de  mal.  Dans  les  mauvaifes  terres  ,  il  vaut  mieux 
les  laiffer  couchés ,  rechauffer  les  racines.,  &:  culti- 
ver à  chaque  pié  le  rejetton  de  plus  belle  venue ,  & 
le  plus  proche  des  racines  qu'il  pouflera  ,  en  retran- 
chant avec  foin  tous  les  autres  :  l'arbre  en  cet  état  ne 
laiffe  pas  de  fleurir  &  de  porter  du  fruit;  &  quand 
dans  deux  ans  le  rejetton  confervé  eft  devenu  un  ar- 
bre nouveau ,  on  étronçonne  le  vieux  arbre  à  un  de- 
mi pié  du  rejetton. 

De  la  cueillette  du  cacao ,  &  de  la  manière  de  le  faire 
refluer  &fécher,  pour  pouvoir  être  confervé  &  tranfporté  en 
Éurope.Le  cacao  eft  bon  à  cueillir  lorfque  toute  la  coffe 
a  changé  de  couleur ,  &  qu'il  n'y  a  que  le  petit  bou- 
ton d'en-bas  qui  foit  demeuré  verd.  On  va  d'arbre  en 
arbre,  &  de  rang  en  rang ,  èc  avec  des  gaulettes  four- 
chues, on  fait  tomber  les  coffes  mûres,  prenant  gar- 
de de  ne  point  toucher  à  celles  qui  ne  le  font  pas , 
non  plus  qu'aux  fleurs  :  on  employé  à  cela  les  Nègres 
les  plus  adroits  ;  &  d'autres  qui  les  fuivent  avec  des 
paniers ,  ramaffent  les  coffes  à  terre ,  &  en  font  à 
droit  &  à  gauche  dans  la  cacaoyere  des  piles  qu'on 
laiffe  là  quatre  jours  fans  y  toucher. 

Dans  les  mois  d'un  grand  rapport,  on  cueille  tous 
les  quinze  jours  :  dans  les  faifons  moins  abondantes , 
on  cueille  de  mois  en  mois. 

Si  les  graines  reftoient  dans  les  coffes  plus  de  qua- 
tre jours,  elles  ne  manqueroient  pas  de  germer  &  de 
fe  gâter;  c'eft  pourquoi,  lorfque  de  la  Martinique, 
on  a  voulu  envoyer  aux  îles  voifines  des  coffes  de 
cacao  pour  avoir  de  la  graine  à  planter,  on  a  eu  un 
foin  extrême  de  ne  cueillir  que  lorfque  le  bâtiment 
de  tranfport  alloit  mettre  à  la  voile ,  &  de  les  em- 
ployer d'abord  en  arrivant  :  il  n'eft  donc  pas  poffible 
que  les  Efpagnols  voulant  avoir  de  la  femence  pour 
produire  ces  arbres ,  laiffent  parfaitement  mûrir  &  lé- 
cher les  gouffes  qui  la  contiennent ,  qu'après  ils  ôtent 
la  femence  de  ces  gouffes,  &  qu'ils  les  fafferit  loigneu- 
fement  lécher  à  l'ombre  ,  pour  les  planter  enfin  en 
pépinière,  comme  le  rapporte  Oexmelin,  Hifloire  des 
aventuriers  ,  tom.  I.pag.  424.  Il  eft  néceffaire  de  les 
écaler  dès  le  matin  du  cinquième  jour  au  plus  tard  ; 
pour  cela  on  frappe  fur  le  milieu  des  coffes,  avec  un 
morceau  de  bois  pour  les  fendre  ,  &  avec  les  mains 
on  achevé  de  les  ouvrir  en  travers,  &  d'en  tirer  les 
amandes  qu'on  met  dans  des  paniers ,  jettant  dans  la 
cacaoyere  les  coffes  vuides  pour  lui  fervir  d'amande- 
ment  &  d'engrais,  quand  elles  font  pourries,  à  peu 
omme  les  feuilles  de  la  dépouille  îles  arbres 
i  lit  de  fumier  continuel. 

lans  une  café  tout  le  cacao  écalé, 
&  on  I  le ,  fur  une  elpece  de  plancher  vo- 

Tome  IL 


C  A  C  499 

Iant  couvert  de  feuilles  de  balifier,  qui  ont  environ 
quatre  pies  de  long  fur  vingt  pouces  de  large;  puis 
entourant  le  cacao  de  planches  recou vertes  des  mê- 
mes feuilles ,  ce  faifant  une  efpece  de  grenier  qui 
puiffe  contenir  toute  la  pile  de  cacao  étendue,  on  cou- 
vre le  tout  de  femblables  feuilles ,  qu'on  affermit  avec 
quelques  planches:  le  cacao  ainfi  entaffé,  couvert, 
&  enveloppé  de  toutes  parts ,  ne  manque  pas  de  s'é- 
chauffer par  la  fermentation  de  les  parties  ihfenfi- 
bles,  &  c'eft  ce  qu'on  appelle  fur  les  lieux  rejfuer. 

On  découvre  ce  cacao  fbir  &  matin ,  &  l'on  fait  en- 
trer dans  le  lieu  où  il  eft  des  Nègres  qui  travaillant  à 
force  des  pies  &  des  mains,  le  remuent  bien  &  le 
renverfent  fens-deffus-deffous ,  après  quoi  on  le  re- 
couvre comme  auparavant  avec  les  mêmes  feuilles 
ôc  les  mêmes  planches.  On  continue  cette  opération 
chaque  jour  jufqu'au  cinquième,  auquel  il  eft  ordinai- 
rement affez  rejfùé;  ce  qu'on  connoit  à  la  couleur  qui 
eft  beaucoup  plus  foncée,  &  tout-à-fait  rouffe. 

Plus  le  cacao  reffue ,  &  plus  il  perd  de  fa  pefanteur 
&  de  fon  amertume:  mais  s'il  ne  reffue  pas  affez ,  il 
eft  plus  amer,  lent  le  verd,  &  germe  quelquefois  ; 
il  y  a  donc  pour  bien  faire  ,  un  certain  milieu  à  gar- 
der, ce  qui  s'apprend  par  l'ufage. 

Dès  que  le  cacao  a  affez  reffue ,  on  le  met  à  l'air, 
&  on  Pexpofe  au  foleil  pour  le  faire  lécher  en  la  ma- 
nière fuivante. 

On  a  déjà  dreffé  d'avance  plufieurs  établis  à  deux 
pies  ou  environ ,  au-deffus  du  plan  d'une  cour  defti- 
née  à  cela  ;  (  ce  font  deux  efpeces  de  fablieres  paral- 
lèles, à  deux  pies  l'un  de  l'autre,  affermies  fur  de 
petits  poteaux  enfoncés  dans  la  terre).  On  étend  fur 
ces  établis  plufieurs  nattes  faites  de  brins  de  rofeaux 
refendus,  afïèmblés  avec  des  liens  d'écorce  de  ma- 
hot  ;  (  le  mahot  eft  un  arbrilfeau  dont  les  feuilles  font 
rondes  &  douces  au  maniement ,  comme  celle  de  la 
guimauve;  fon  écorce  qui  fe  levé  facilement,  8c 
qu'on  divife  en  longs  rubans,  fert  de  ficelle  &  de  cor  ■ 
de  aux  habitans  &  aux  fauvages)  &  fur  ces  nattes  on 
met  du  cacao  reffue  environ  à  la  hauteur  de  deux  pou- 
ces ,  on  le  remue  &  on  le  retourne  fort  fouvent  avec 
un  rabot  de  bois ,  fur-tout  les  deux  premiers  jours  : 
le  foir  on  plie  le  cacao  dans  les  nattes ,  qu'on  recou- 
vre de  quelques  feuilles  de  bahlier,  crainte  de  la 
pluie;  on  entait  autant  le  jour  quand  il  va  pleuvoir. 
Ceux  qui  craignent  qu'on  ne  le  vole  la  nuit,  l'enferi 
ment  dans  une  cale. 

Il  y  a  des  habitans  qui  fe  fervent  de  caiffes  d'envi- 
ron cinq  pies  de  long  fur  deux  de  large ,  &  trois  à 
quatre  pouces  de  rebord,  pour  faire  fecher  leur  ta* 
cao  :  elles  ont  cette  commodité  ,  que  dans  les  gran- 
des pluies  ou  qui  lurviennent  tout-à-coup,  lorfque  le 
cacao  commence  à  lécher,  on  peut  vite  mettre  tou- 
tes ces  caiffes  en  pile  l'une  fur  l'autre  ,  enforte  qu'il 
ne  refte  que  la  dernière  à  couvrir ,  ce  qui  cil  bientôt 
fait  avec  des  feuilles  de  balilier,  recouvertes  d'une 
caiffe  vuide  renverfée.  Mais  ce  qui  rend  l'ufage  des 
nattes  préférable,  eft  que  l'air  qui  palfe  par-deffous  à 
travers  les  vuides  des  rofeaux,  fait  mieux  lécher  le 
cacao.  Des  caiffes  dont  le  fond  leroit  en  |éfeau  fort 
ferré  de  fil  de  laiton ,  feroient  excellentes  ;  mais  il  fau- 
drait les  faire  faire  en  Europe,  ce  qui  leroit  une  dé^ 
penle  conlidérable. 

Quand  le  cacao  eft  affez  reffue,  il  faut  lexpofer  fur 
les  nattes  quelque  tems  qu'il  rafle  :  fi  l'on  pré^  '-voit 
même  une  pluie  abondante  &  de  durée,  il  leroit  bon 
de  le  laitier  moins  refluer  d'un  demi-jour  ou  en\  iron  ; 
on  remarque  que  quelques  heures  de  pluie  dans  le 
commencement,  bien  loin  de  lui  mure,  ne  fen 
qu'à  le  rendre  plus  beau  &  mieux  conditioi 
la  belle  faifon  au  lieu  de  cette  pluie  ,  il  n'eft  pas  mal 
de  l'expoferles  premières  nuits  au  ferein  6c  à  la  10- 
fee,  La  pluie  même  d'un  jour  ou  deux  ne  lui  fera  pas 

R  r  r  ij 


500 


CAC 


fort  nuifible ,  fi  l'on  obferve  de  ne.  le  point  couvrir 
absolument  jufqu'à  ce  qu'il  ait  eu  un  jour,  ou  tout  au 
moins  un  demi-jour  de  foleil;  car  après  un  jour  de  beau 
tems,  on  le  plie  le  foir  dans  fa  natte,  comme  nous 
avons  dit ,  &  après  un  demi-jour ,  on  fe  contente  fans 
le  plier ,  de  le  couvrir  pendant  la  nuit  de  feuilles  de 
baliiier ,  arrêtées  avec  des  pierres  mifes  défais  aux 
deux  bouts.  Mais  une  trop  longue  pluie  fait  fendre 
le  cacao;  &  parce  qu'alors  il  ne  le  conferve  pas  long- 
tems,  on  l'employé  fur  les  lieux  à  taire  du  chocolat. 
Si  le  cacao  n'eft  pas  affez  reflué ,  ou  qu'on  le  plie 
trop  tôt  dans  fa  natte,  il  eft  fujet  à  germer  ;  ce  qui  le 
rend  tort  amer,  &  tout-à-fait  mauvais. 

Lorlque  le  cacao  a  été  une  fois  plié  dans  fa  natte  , 
&  qu'il  a  commencé  à  fe  lécher,  il  ne  faut  plus  fouf- 
frir  qu'il  le  mouille  ;  il  ne  s'agit  alors  que  de  le  remuer 
de  tems  en  tems ,  jufqu'à  ce  qu'il  foit  fuffifamment 
fec  ;  ce  qu'on  connoît,  fi  en  prenant  une  poignée  de 
cacao  dans  la  main ,  &  la  ferrant ,  il  craque  ;  alors  il 
eft  tems  de  le  mettre  en  magalin ,  &  de  l'expolèr  en 
vente. 

Ceux  qui  veulent  acquérir  la  réputation  de  livrer 
de  belle  marchandife,  fe  donnent  le  foin,  avant 
que  d'enfutailler  leur  cacao,  de  trier  &  de  mettre  à 
part  les  grains  trop  petits ,  mal  nourris ,  &  plats,  qui 
font  feulement  moins  beaux  à  la  vue,  &  rendent  un 
peu  moins  en  chocolat. 

C'eft  de  cette  manière  que  les  graines  ou  amandes 
de  cacao  léchées  au  foleil,  nous  font  appoitées  en 
Europe,  &  vendues  chez  les  Epiciers,  qui  les  distin- 
guent (je  ne  fai  pourquoi  )  en  gros  Cv  petit  caraque  , 
&  en  s,ros  &  petit  cacao  des  îles  ;  car  fur  les  lieux  il 
n'eft  point  fait  mention  Je  cette  diverfité ,  &  il  faut 
apparemment  que  les  marchands  qui  en  font  commer- 
ce ,  aycnt  trouvé  leur  compte  à  faire  ce  triage ,  puil- 
que  naturellement  tout  cacao  provenu  du  même  ar- 
bre &  de  la  même  coffe,  n'eft  jamais  de  la  même 
groffeur.  Il  eft  bien  vrai  que  comparant  une  partie 
entière  de  cacao  avec  une  autre,  on  peut  trouver  que 
l'une  eft  pour  la  plupart  compofée  de  plus  gros  grains 
que  l'autre,  ce  qui  peut  provenir  ou  de  l'âge  du  plant, 
ou  de  la  vigueur  des  arbres,  ou  bien  de  la  fécondité 
particulière  de  la  terre  :  mais  très-aflïïrement  il  n'y  a 
point  d"efpece  de  cacao  qu'on  puifle  appeller  grande 
par  rapport  à  une  autre  qu'on  puifle  appeller  petite. 

Le  cacao  qui  nous  vient  de  la  côte  de  Caraque,  eft 
plus  onctueux  &c  moins  amer  que  celui  de  nos  îles , 
&  on  le  préfère  en  Efpagne  &  en  France  à  ce  der- 
nier :  mais  en  Allemagne  &  dans  le  Nord ,  on  eft ,  à 
ce  qu'on  dit,  d'un  goût  tout  oppolé.  Bien  des  gens 
mêlent  le  cacao  de  Caraque  avec  celui  des  îles  moi- 
tié par  moitié ,  &  prétendent  par  ce  mélange  rendre 
leur  chocolat  meilleur.  On  croit  que  dans  le  fond  la 
différence  des  cacaos  n'eft  pas  fort  confidérable ,  puif- 
qu'eile  n'oblige  qu'à  augmenter  ou  diminuer  la  dofe 
du  fucre  pour  tempérer  le  plus  ou  le  moins  d'amertu- 
me de  ce  fruit.  Car  il  faut  confidérer,  comme  nous 
l'avons  déjà  dit,  qu'il  n'y  a  qu'une  elpece  de  cacao  , 
qui  croît  aulfl  naturellement  dans  les  bois  de  la  Mar- 
tinique, que  dans  ceux  de  la  côte  de  Caraque  ;  que 
le  climat  de,  ces  lieux  eft  prefquele  même,  &  par  con- 
féquent  la  température  des  laitons  égales ,  &  qu'ainlî 
il  ne  fauroit  y  avoir  entre  ces  fruits  de  différence  in- 
trinfeque  qui  foit  tort  effentielle. 

A  l'égard  des  différences  extérieures  qu'on  y  remar- 
que, elles  ne  fauroient  provenir  que  du  plus  ou  du 
moins  de  fécondité  des  terroirs ,  du  plus  ou  du  moins 
de  foin  donné  à  la  culture  des  arbres,  du  plus  ou  du 
moins  d'induftrie  &  d'application  de  ceux  qui  le  pré- 
parent &  qui  le  travaillent,  depuis  fa  cueillette  juf- 
qu'à fa  livraifon  ;  &  peut-être  même  de  tous  les  trois 
enfemble  ;  ce  qu'on  peut  obferver  à  la  Martinique 
même,  où  il  y  a  des  quartiers  oîi  le  cacao  réuflit  mieux 
que  dans  d'autres,  par  la  feule  différence  des  terres 


CAC 

plus  ou  moins  grafles,  plus  ou  moins  humide  . 

On  a  l'expérience  de  ce  que  l'attention  à  la  culture 
&  à  la  préparation  du  cacao ,  peuvent  ajouter  à  fon 
prix  :  avec  des  foins  &  de  l'intelligence  ,  on  trouve 
le  moyen  de  faire  la  plus  belle  marchandife  de  toute 
l'île ,  &  de  fe  procurer  la  préférence  de  tous  les  mar- 
chands pour  la  vente  &  le  prix  du  cacao ,  iur  tous  les 
voifins. 

Le  cacao  de  Caraque  eft  un  peu  plat ,  &  reffemble 
affez  par  fon  volume  &  fa  figure  à  une  de  nos  groffes 
fèves;  celui  de  S.  Domingue ,  de  la  Jamaïque  ,  &  de 
l'île  de  Cube  ,  eft  généralement  plus  gros  que  celui 
des  Antilles.  Plus  le  cacao  eft  gros  &c  bien  nourri ,  & 
moins  il  y  a  de  déchet  après  l'avoir  rôti  &  monc  é. 
Le  bon  cacao  doit  avoir  la  peau  fort  brune  &  allez 
unie  ;  &  quand  on  l'a  ôtée,  l'amande  doit  fe  montrer 
pleine ,  bien  nourrie,  &  lifle  ;  de  couleur  de  noifette 
fort  obfcure  au-dehors ,  un  peu  plus  rougeâtre  en-de- 
dans ;  d'un  goût  un  peu  amer  &  aftringent ,  lans  fen- 
tir  le  verd  ni  le  moili;  en  un  mot  fans  odeur  &  fans 
être  piqué  des  vers. 

Le  cacao  eft  le  fruit  le  plus  oléagineux  que  la  na- 
ture produife  ;  il  a  cette  prérogative  admirable  de  ne 
jamais  rancir,  quelque  vieux  qu'il  foit,  comme  font 
tous  les  autres  fruits  qui  lui  font  analogues  en  quali- 
té ,  tels  que  les  noix ,  les  amandes,  les  pignons ,  les 
piftaches ,  les  olives  ,  &c 

On  nous  apporte  aufli  de  l'Amérique  du  cacao  ré- 
duit en  pains  cylindriques  d'environ  une  livre  cha- 
cun ;  &  comme  cette  préparation  eft  la  première  Se 
la  principale  qu'on  lui  donne  pour  faire  le  chocolat , 
il  me  femble  à  propos  d'aioûter  ici  la  manière  de  la 
faire. 

Les  Indiens ,  dont  on  l'a  tirée ,  n'y  faifolent  pas 
grande  façon  ;  ils  faifoient  rôtir  leur  cacao  dans  des 
pots  de  terre ,  puis  l'ayant  mondé  de  fa  peau  &  bien 
écrafé  &  broyé  entre  deux  pierres,  ils  en  formoient 
des  maffes  avec  leurs  mains. 

Les  Eipagnols  ,  plus  induftrieux  que  les  Sauva- 
ges ,  &  aujourd'hui  les  autres  nations ,  à  leur  exem- 
ple ,  font  choix  du  meilleur  cacao  &  du  plus  récent. 
(  Comme  le  cacao  n'eft  jamais  fi  net ,  que  parmi  les 
bons  grains  il  n'y  en  ait  d'avortés  ,  de  la  terre  ,  des 
pierres,  &c.  il  faiit,  avant  que  de  l'employer,  faire 
pafler  ces  ordures  à  travers  un  crible  ,  qui  leur  don- 
ne iflue  fans  donner  paffage  aux  amandes  de  cacao.) 
Ils  en  mettent  environ  deux  livres  dans  une  grande 
poêle  de  fer  fur  un  feu  clair,  &  ils  les  remuent  6z 
les  retournent  continuellement  avec  une  grande  lpa- 
tule ,  jufqu'à  ce  que  les  amandes  foient  affez  rôt'.es 
pour  être  facilement  dépouillées  de  leur  peau  ;  ce 
qu'il  faut  frire  une  à  une,  &  les  mettre  à  part,  pre- 
nant un  foin  extrême  de  rejetter  les  grains  cariés  r 
les  moilis ,  &  toute  la  dépouille  des  bons  ;  car  ces 
pellicules  reliées  parmi  le  cacao  ne  fe  duTolvent  ja- 
mais dans  aucune  liqueur ,  pas  même  dans  l'eftomac  , 
&  fe  précipitent  au  fond  des  taffes  de  chocolat ,  dont 
le  cacao  n'a  pas  été  bien  mondé.  Les  ouvriers ,  pour 
expédier  plus  promptement  cette  opération  é-:  gagnes 
du  tems ,  mettent  une  groffe  nappe  fur  une  table ,  ÔC 
y  étendent  leur  cacao  for  tant  tout  chaud  de  la  poêle, 
puis  ils  font  couler  le  rouleau  de  fer  deflus  ,  pour  faire 
craquer  &  détacher  les  pellicules  du  cacao  ;  enfin  ils 
vannent  le  tout  dans  un  van  d'olîer,  jufqu'à  ce  que 
le  cacao  foit  parfaitement  mondé. 

Si  on  a  eu  foin  de  peler  le  cacao  chez  l'épicier ,  & 
qu'enluite  on  le  repefe  après  qu'il  eft  rôti  &  mondé  , 
on  y  trouvera  environ  un  fixieme  de  déchet,  un  peu 
plus,  un  peu  moins ,  félon  la  nature  &  les  qualités  du 
cacao;  c'eft-à-dire,  par  exemple,  que  de  trente  livres 
d'achat  ,  il  en  reliera  à  peu-près  vingt-cinq  toutes 
mondées. 

Tout  le  cacao  étant  ainfi  rôti  6c  mondé  à  diverfes 
rcpriles ,  on  le  met  encore  une  fois  rôtir  dans  la  me- 


C  A  C 

me  poêle  de  fer,  mais  avec  un  feu  moins  violent  ;  on 
remue  (ans  ceffe  les  amandes  avec  la  fpatule ,  jufqu'à 
ce  qu'elles  foient  rôties  également  &c  au  point  qu'il 
tant;  ce  qu'on  connoît  au  goût  favoureux  &  à  la  cou- 
leur brune  fans  être  noire  ;  l'habileté  conlifte  à  éviter 
les  deux  extrémités,  de  ne  les  pas  rôtir  fuffiiàmmcnt 
&  de  les  trop  rôtir,  c'eft-à-dire  de  les  brûler.  Si  on  ne 
les  rôtit  pas  afTez  ,  elles  confervent  une  certaine  ru- 
deffe  de  goût  defagréable;  &  fi  on  les  rôtit  jufqu'à  les 
brûler ,  outre  l'amertume  &  le  dégoût  qu'elles  con- 
tractent ,  on  les  prive  entièrement  de  leur  on&uofité , 
&  de  la  meilleure  partie  de  leurs  bonnes  qualités. 

En  France ,  où  on  outre  ordinairement  toutes  chc- 
fes,  on  s'eft  fort  entêté  du  goût  de  brûlé  &  de  la  cou- 
leur noire ,  comme  de  qualités  requifes  au  bon  cho- 
colat ;  ne  confidérant  pas  que  charbon  pour  charbon 
il  vaudroit  autant  y  mettre  celui  du  feu  que  celui  du 
cacao.  Cette  obfervation  n'eft  pas  feulement  confor- 
me à  la  raifon  &  au  bon  fens  :  mais  elle  eft  d'ailleurs 
confirmée  par  le  contentement  unanime  de  tous  ceux 
qui  ont  écrit  fur  cette  matière ,  &  elle  eft  de  même 
autoriiée  par  la  pratique  univcrfelle  de  toute  l'Amé- 
rique. 

Lorfque  le  cacao  eft  rôti  à  propos  &  bien  mondé  , 
on  le  pile  dans  un  grand  mortier  pour  le  réduire  en 
maffe  grofficre ,  qu'on  pafle  enfin  fur  la  pierre  juf- 
qu'à ce  qu'elle  foit  d'une  extrême  fîneffe  ,  ce  qui  de- 
mande une  explication  plus  étendue. 

On  choifit  une  pierre  qui  rélifte  naturellement  au 
feu,  &  dont  le  grain  foit  ferme ,  fans  être  ni  trop  doux 
pour  s'égrainer,  ni  trop  dur  pour  recevoir  le  poli. 
On  la  taille  de  feize  à  dix-huit  pouces  de  large  fur 
vingt-fept  à  trente  de  long  &  trois  d'épaiffeur ,  en- 
forte  que  fa  furface  foit  courbe  &  creufe  au  milieu 
d'environ  un  pouce  &  demi  ;  cette  pierre  eft  affer- 
mie fur  un  chafîis  de  bois  ou  de  fer ,  un  peu  plus  re- 
levé d'un  côté  que  de  l'autre  :  on  place  deflbus  un 
brafier  pour  échauffer  la  pierre  ,  afin  que  la  chaleur 
mettant  en  mouvement  les  parties  huileufes  du  ca- 
cao ,  &  le  reduifant  en  confiftance  liquide  de  miel, 
facilite  beaucoup  l'action  d'un  rouleau  de  fer  ,  dont 
on  fe  fert  pour  le  travailler  avec  force  ,  le  broyer, 
&  l'affiner  jufqu'à  ce  qu'il  n'y  ait  ni  grumeau  ,  ni  la 
moindre  dureté.  Ce  rouleau  eft  un  cylindre  de  fer 
poli ,  de  deux  pouces  de  diamètre  fur  dix-huit  ou 
environ  de  long  ,  ayant  à  chaque  bout  un  manche 
de  bois  de  même  grofieur  ,  &  de  fix  pouces  de  long 
pour  placer  les  mains  de  l'ouvrier. 

Quand  la  pâte  eft  autant  broyée  qu'on  le  juge  né- 
ceffairc,  on  la  met  toute  chaude  dans  des  moules  de 
fer  blanc ,  oîi  elle  fe  fige  &  fe  rend  folide  en  très-peu 
de  tems.  La  forme  de  ces  moules  eft  arbitraire  &  cha- 
cun les  peut  faire  à  fa  fantaific  :  cependant  les  cylin- 
driques qui  peuvent  contenir  deux  à  trois  livres  de 
matière  ,  me  paroiffent  les  plus  convenables ,  parce 
que  les  pains  les  plus  gros  fe  confervent  plus  long- 
tems  dans  leur  bonté,  &  font  plus  commodes  pour 
le  maniement  quand  il  s'agit  de  les  râper.  On  doit 
conferver  ces  billes  enveloppées  de  papier  dans  un 
lieu  îêc ,  &  obfcrver  qu'elles  font  fort  fufceptibles 
des  bonnes  &  des  mauvaifes  odeurs  ,  &  qu'il  eft  bon 
de  les  garder  cinq  ou  lix  mois  avant  que  d'en  ufer. 

Au  refte  le  cacao  étant  fuffifamment  broyé  &  pafle 
fur  la  pierre  ,  comme  nous  venons  de  l'expliquer,  fi 
l'on  veut  achever  la  compolition  du  chocolat  en 
malle,  il  ne  s'agit  plus  que  d'ajouter  à  cette  pâte  une 
poudre  paflec  au  tamis  de  foie ,  &  compofée  de  lu- 
cre, de  canelle  ,  &c  li  l'on  veut  de  vanille  ,  fuh  ant 
les  dofes  &  les  proportions  que  nous  enfeignerons 
dans  la  fuite  de  cet  article  ;  de  repafler  le  tout  fur  la 
pierre  pour  le  bien  mêler  &  incorporer  cnfemble  , 
&  de  cliftribiier  enfin  cette  confection  Américaine 
dans  des  moules  de  fer  blanc  en  Tonne  de  tablettes 
d'environ  quatre  onces  chacune  ,  ou  demi-livre  li 
l'on  veut. 


C  A  C 


5oî 


Propriétés  du  cacao.  Le  cacao  eft  fort  tempéré ,  nour- 
riflant ,  &  de  facile  digeftion.  Il  répare  promptement 
les  efprits  diffipés  &  les  forées  épuilées  ;  il  eft  falu» 
taire  aux  vieillards. 

Ufages  du  cacao;  on  en  fait  des  confitures ,  du  cho- 
colat ,  &  l'on  en  tire  l'huile  qu'on  appelle  beurre  de 
cacao. 

Du  cacao  en  confiture.  On  fait  choix  des  colles  de 
cacao  à  demi  mûres  ;  on  en  tire  proprement  les  aman- 
des fans  les  endommager,  Se  on  les  met  tremper  pen- 
dant quelques  jours  dans  de  l'eau  de  fontaine ,  que 
l'on  a  foin  de  changer  foir  &  matin  :  enfuite  les  ayant 
retirées  &  efïïiyées  ,  on  les  larde  avec  des  petits  lar- 
dons d'écorce  de  citron  &  de  canelle ,  à  peu-pres 
comme  on  fait  les  noix  à  Rouen. 

On  a  cependant  préparé  un  lirop  du  plus  beau  fu- 
cre ,  mais  fort  clair ,  c'eft-à-dire  où  il  y  ait  fort  peu 
de  fucre;  &  après  l'avoir  bien  purifie  &  bien  clarifié, 
on  l'ôte  tout  bouillant  de  deffus  le  feu  ,  on  y  jette  les 
grains  de  cacao ,  ck.  on  les  y  laiffe  tremper  pendant 
vingt-quatre  heures ,  après  quoi  on  les  retire  de  ce 
firop;  &  pendant  qu'on  les  laiffe  égoutter,  on  en  fait 
un  nouveau  femblable  au  précédent,  mais  plus  fort 
de  lucre,  où  on  les  fait  pareillement  tremper  durant 
vingt-quatre  heures.  On  réitère  cinq  ou  fix  fois  cette 
opération  ,  augmentant  à  chaque  fois  la  quantité  de 
fucre  ,  fans  les  mettre  jamais  fur  le  feu  ni  donner 
d'autre  cuiffon.  Enfin  ayant  tait  cuire  un  dernier  fi- 
rop en  confiftance  de  lucre,  on  le  verfe  fur  les  cacaoi 
qu'on  a  mis  bien  efiùyer  dans  un  pot  de  fayence  pour 
les  conferver ,  &:  quand  le  lirop  eft  prefque  refroidi , 
on  y  mêle  quelques  gouttes  d'effence  d'ambre. 

Quand  on  veut  tirer  cette  confiture  au  fée ,  on  ôte 
les  amandes  hors  de  leur  lirop  ;  ck  après  les  avoir  bien 
égouttées,  on  les  plonge  dans  une  baliine  pleine  d'un 
firop  bien  clarifié  &  fort  de  fùcre  ,  &  fur  le  champ  on 
les  met  dans  une  étuve,  où  elles  prennent  le  candi. 

Cette  confiture  ,  qui  reffemble  afTez  aux  noix  de 
Rouen ,  eft  excellente  pour  fortifier  l'eftomac  fans 
trop  l'échauffer,  ce  qui  fait  qu'on  peut  même  en  don- 
ner aux  malades  qui  ont  la  fièvre. 

Du  chocolat.  Foye^ l'article  CHOCOLAT. 
Beurre  de  cacao.  On  prend  du  cacao  rôti ,  mondé ,  & 
pafle  fur  la  pierre  ;  on  jette  cette  pâte  bien  fine  dans 
une  grande  baffine  pleine  d'eau  bouillante  fur  un  feu 
clair,  où  on  la  laiffe  bouillir  jufqu'à  la  confomption 
prefque  entière  de  l'eau  ;  alors  on  verfe  deffus  une 
nouvelle  eau  dont  on  remplit  la  baffine  :  l'huile  mon- 
te à  la  furface,  &  fe  fige  en  manière  de  beurre,  à  me- 
fure  que  l'eau  fe  refroidit.  Si  cette  huile  n'eft  pas 
bien  blanche ,  il  n'y  a  qu'à  la  faire  fondre  dans  une 
baffine  pleine  d'eau  chaude ,  où  elle  fe  dégagera  ce 
fe  purifiera  des  parties  rouffes  &c  terreftres  qui  lui  ref- 
toient. 

A  la  Martinique  cette  huile  eft  en  confiftance  de 
beurre  :  mais  portée  en  France  ,  elle  devient  comme 
du  fromage  afTez  dur,  qui  fe  fond  néanmoins  &  fe 
rend  liquide  à  une  légère  chaleur;  elle  n'a  point  d'o- 
deur fort  fenfible  ,  ci  a  la  bonne  qualité  de  ne  ran- 
cir jamais.  L'huile  d'olive  ayant  manqué  une  année, 
on  ufa  de  celle  de  cacao  pendant  tout  un  carême  : 
elle  eft  de  fort  bon  goût;  &  bien  loin  d'être  malfai» 
faute,  elle  contient  les  parties  les  plus  eflentielles  & 
les  plus  falutaires  du  cacao. 

Comme  cette  huile  eft  très-anodvne,  elle 
cellente  a  l'intérieur  pour  guérir  l'enrouenw 
pour  émouffer  l'acrete  des  fels  qui  dans  le  rhume  pi- 
cotent la  poitrine.  Pour  s'en  fer\  ir  on  la  tait  tondre , 
on  y  mêle  une  fuffifante  quantité  de  li.. 
on  en  forme  de  petites  tablettes,  qu'on  retient  le  plus 
long-tcms  qu'on  peut  dans  la  bouche,  les  laiffant fon- 
dre tout  doucement  fans  les  avaler. 

L'huile  de  cacao  prife  à  propos  ,  pouri 
core  merveilleufe  contre  les  poifons  c< 


502 


C  A  C 


n'a  pas  de  moindres  vertus  pour  l'extérieur  •  i°.  elle 
cit.  la  meilleure  &  la  plus  naturelle  de  toutes  les  pom- 
mades ,  dont  les  dames  qui  ont  le  teint  l'ec  puiffent  ie 
fervir ,  pour  fe  le  rendre  doux  &  poli ,  fans  qu'il  y 
parohTe  rien  de  gras  ni  de  luifant.  Les  Efpagnols  du 
Mexique  en  connoiffent  bien  le  mérite  :  mais  com- 
me en  France  elle  durcit  trop ,  il  faut  nécefTairement 
la  mêler  avec  l'huile  de  ben,  ou  celle  d'amandes  dou- 
ces tirée  fans  feu. 

2°.  6i  l'on  vouloit  rétablir  l'ancienne  coutume 
que  les  Grecs  &  les  Romains  avoient  d'oindre  le 
corps  humain  d'huile ,  il  n'y  en  a  point  dont  l'ufa- 
ge  répondît  mieux  aux  vues  qu'ils  avoient  de  con- 
ferver  par  ce  moyen  aux  parties ,  &  même  de  leur 
augmenter  la  force  &  la  fouplefie  des  mufcles  ,  &c 
de  les  garantir  des  rhûmatilmes  &  de  plulieurs  au- 
tres douleurs  qui  les  affligent.  On  ne  peut  attribuer 
l'anéantiflement  de  la  pratique  de  ces  ondions  qu'à 
la  mauvaife  odeur  &  à  la  mal-propreté  qui  l'accom- 
pagnoient  ;  mais  comme  en  fubftituant  l'huile  de  ca- 
cao à  celle  d'olive,  on  ne  tomberait  point  dans  ces 
inconvéniens  ,  parce  que  celle-là  ne  lent  rien  ,  & 
qu'elle  fe  feche  plutôt  fur  le  cuir  ;  rien  fans  doute  ne 
feroit  plus  avantageux ,  fur-tout  pour  les  perfonnes 
âgées  ,  que  de  renouveller  aujourd'hui  un  ufage  û 
autorifé  par  l'expérience  de  toute  l'antiquité. 

3°.  Les  Apothicaires  doivent  employer  cette  huile 
préférablement  à  toute  autre  choie  pour  fervir  de 
bafe  à  leurs  baumes  apoplectiques  ;  parce  que  toutes 
les  graiffes  ranciflent ,  &  que  l'huile  de  mufeade  blan- 
chie avec  l'efprit  de  vin ,  conferve  toujours  un  peu 
de  fon  odeur  naturelle ,  au  lieu  que  l'huile  de  cacao 
n'eft  point  fujette  à  ces  accidens. 

4°.  Il  n'y  en  a  aucune  plus  propre  pour  empêcher 
les  armes  de  rouiller  ,  parce  qu'elle  contient  moins 
d'eau  que  toutes  les  autres  huiles  dont  on  fe  fert 
ordinairement  pour  cela. 

5°.  Aux  îles  de  l'Amérique  ,  on  fe  fert  beaucoup 
de  cette  huile  pour  la  guérifon  des  hémorrhoïdes  : 
quelques-uns  en  ufent  fans  mélange  ;  d'autres  ayant 
fait  fondre  deux  ou  trois  livres  de  plomb ,  en  ramaf- 
fent  la  craffe  ,  la  réduifent  en  poudre  ,  la  parlent  au 
tamis  de  foie ,  l'incorporent  avec  cette  huile ,  &  en 
font  un  Uniment  très-efficace  pour  cette  maladie. 

5°.  D'autres  pour  la  même  intention  mêlent  avec 
3ette  huile  la  poudre  des  cloportes  ,  le  lucre  de  fa- 
turne ,  le  pompholyx  ,  &  un  peu  de  laudanum. 

D'autres  fe  fervent  utilement  de  cette  huile  pour 
appaifer  les  douleurs  de  la  goutte ,  l'appliquant  chau- 
dement fur  la  partie  avec  une  comprefle  imbibée 
qu'ils  couvrent  d'une  lerviette  chaude.  On  pourrait 
en  ufer  de  même  pour  les  rhûmatilmes. 

6°.  Enfin  l'huile  de  cacao  entre  dans  la  compofi- 
tion  de  l'emplâtre  merveilleux  ,  &  de  la  pommade 
pour  les  dartres. 

Emplâtre,  excellent  pour  la  guérifon  de  toutes  fortes 
d'ulcères.  Prenez  huile  d'olive  une  livre  ;  cerufe  de 
Venife  (  elle  eft  plus  chère  que  celles  d'Hollande  & 
d'Angleterre ,  qui  font  mélangées  de  craie ,  &  qu'il 
faut  lailTer  aux  peintres  )  en  poudre  demi -livre: 
mettez-les  dans  une  baffine  de  cuivre  ou  dans  une 
caiîerole  de  terre  verniffiée  fur  un  feu  clair  &  mo- 
déré ,  remuant  toujours  avec  une  fpatule  de  bois 
îufqu'à  ce  que  le  tout  loit  devenu  noir,  &  de  con- 
fiftance  prelque  d'emplâtre  (  ce  qu'on  connoît  en 
laiiïant  tomber  quelques  gouttes  fur  une  affiette 
d'étain  ;  car  fi  la  matière  fe  fige  fur  le  champ  ,  & 
ne  prend  prelque  point  aux  doigts  en  la  maniant , 
elle  eft  fuffifamment  cuite.  )  Alors  on  y  ajoute  de  la 
cire  coupée  en  petites  tranches ,  une  once  &  demie  ; 
huile  ou  beurre  de  cacao ,  une  once  ;  baume  de  copa- 
hu ,  une  once  &  demie.  Quand  tout  eft  fondu  &  bien 
mêlé,  on  tire  la  baffine  de  deffus  le  feu ,  &  remuant 
toujours  avec  la  fpatule ,  on  y  ajoute  peu  à  peu  les 


C  A  C 

drogues  fuivantes  réduites  en  poudre  très-fubrile  j 
fép?  rément,  &  puis  bien  mêlées  enfemble  ;  favoir,  de 
la  pierre  calaminaire  rougie  au  milieu  des  charbons, 
puis  éteinte  dans  l'eau  de  chaux ,  &  broyée  fur  le 
porphyre  ,  une  once  ;  de  la  myrrhe  en  larmes ,  de 
l'aloès  iûccotrin  ,  de  l'ariftoloche  ronde  ,  de  l'iris  de 
Florence  ,  de  chacun  deux  dragmes  ;  du  camphre  , 
une  dragme.  Lorfque  tout  fera  bien  incorporé ,  cri 
le  laiflera  un  peu  refroidir,  après  quoi  on  le  veriera 
fur  le  marbre ,  pour  en  former  des  magdaléons  en  la 
manière  ordinaire. 

Ce  remède  produit  des  effets  ftirprenans  ;  il  gué- 
rit les  ulcères  les  plus  rebelles  &c  les  plus  invétérés, 
pourvu  que  l'os  ne  loit  pas  carié;  car  en  ce  cas, 
pour  ne  pas  travailler  en  vain ,  il  faut  commencer  par 
la  cure  de  l'os,  &  traiter  enfuite  l'ulcère  avec  l'em- 
plâtre. On  panie  la  plaie  foir  &  matin  après  l'avoir 
nettoyée  avec  l'eau  de  chaux ,  &  bien  efluyée  avec 
un  linge  fin. 

Le  même  emplâtre  peut  fervir  plufieurs  fois ,  pour- 
vu qu'avant  que  de  l'appliquer  on  l'ait  lavé  avec 
l'eau  de  chaux ,  qu'on  l'ait  efluyé  avec  un  linge  ,  pré- 
lente  au  feu  un  moment ,  &  qu'on  l'ait  un  peu  ma- 
nié avec  les  doigts  pour  le  renouveller  en  quelque 
manière.  On  exhorte  les  perfonnes  charitables  de  fai- 
re cet  emplâtre  &  de  le  distribuer  aux  pauvres,  fur- 
tout  à  ceux  de  la  campagne. 

Pommade  excellente  pour  guérir  les  dartres ,  les  rubisy 
&  les  autres  difformités  de  la  peau.  Prenez  fleurs  de 
foufre  de  Hollande  ,  (  la  fleur  de  fourre  de  Hollande 
eft  un  pain  comme  le  ftil  de  grain,  fort  légère  ,  dou- 
ce, friable,  &  plutôt  blanche  que  jaune;  elle  ne 
doit  pas  moins  coûter  de  trente  lous  la  livre.  A  ion- 
défaut  on  prendra  de  ceile  de  Marleille,  qui  eft  en 
poudre  impalpable,  légère,  &  d'un  jaune  doré)  ;  fal- 
petre  rafiné,  de  chacun  demi- once;  bon  précipité 
blanc  ,  deux  dragmes  ;  (  l'examen  du  précipité  blanc 
fe  fait  ainfi.  On  en  met  un  peu  fur  un  charbon  allu- 
mé ;  s'il  s'exhale  ,  c'eft  figne  qu'il  eft  bon  &  fidèle  ; 
s'il  refte  fur  le  feu  ou  qu'il  fe  fonde  ,  ce  n'eft  que  de 
la  cerufe  broyée ,  ou  quelqu'autre  blanc  femblable  ;)■ 
benjoin  ,  une  dragme.  Pilez  pendant  long-tems  le 
benjoin  avec  le  falpètre  rafiné  dans  un  mortier  de 
bronze  ,  jnfqu'à  ce  que  la  poudre  foit  très-fine;  mê- 
lez-y enfuite  la  fleur  de  foufre  &  le  précipité  blanc  ; 
&  quand  le  tout  fera  bien  mélangé ,  gardez  cette  pou- 
dre pour  le  befoin. 

A  la  Martinique  ,  lorfqu'il  étoit  queftien-  de  m'en- 
fervir,  je  l'incorporais  avec  le  beurre  de  eacao  ;mzi$ 
en  France  où  il  durcit  trop  ,  je  lui  ai  fubftitué  la  pom- 
made blanche  de  jafmin  la  plus  odorante;  cette  odeur 
j.ointe  à  celle  du  benjoin  corrige  en  quelque  manière 
celle  du  foufre ,  que  beaucoup  de  perfonnes  abhor- 
rent. Hifl.  nat.  du  cacao,  vol.  in-iz  ,  cke{  M.di  Dhoury. 

*  C AC AOTETL  ,  (  Hijl.  nat.  )  nom  qu'on  donne 
dans  les  Indes  à  une  pierre  que  Borelli  nomme  en  La- 
tin lapis  corvinus  Indice  ;  on  prétend  que  fi  on  vient  à 
faire  chauffer  cette  pierre  dans  le  feu ,  elle  fait  un 
bruit  très-confidérable ,  &  femblable  à  un  coup  de. 
tonnerre. 

CACATOWA  ,  (  Géog.  )  petite  île  de  la  mer  des 
Indes ,  près  de  l'île  de  Sumatra. 

CACCIONDE ,  f.  f.  (  Pharm.  )  nom  d'une  pilule 
dont  le  cachou  fait  la  bafe ,  &  que  Baglivi  recomman- 
de dans  la  dyflenterie. 

CAÇERES ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Efpagne  dans- 
l'Eftramadure ,  proche  les  confins  de  Portugal  :  elle 
eft  fur  la  rivière  de  Sabrot ,  à  neuf  lieues  d'Alcantara. 
Long.  iz.  8.  lat.  3$.  15. 

Caçeres  de  Camerinha,  (Géog.)  petite  ville 
d'Alie  dans  f  île  de  Luçon.  Lon.  142.  26.  lat.  14.  zà. 

CACHALOT,  f.  m.  cete  Cluf(Hift.  nat.  Icktkyol.) 
très-grand  poiiïbn*de  mer,  du  genre  des  cétacées. 
Willughby  fait  la  defeription,  d'aprèsClulius ,  d  un. 


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cachalot  qui  fut  jette  fur  les  côtes  occidentales  de  la 
Hollande  par  une  violente  tempête  :  cet  animal  rel- 
piroit  encore  lorfqu'on  l'apperçut ,  environ  dix  heu- 
res après  la  tempête.  Il  avoit  cinquante-deux  ou  cin- 
quante-trois pies  de  longueur,  &  trente-un  pies  de 
circonférence,  &  même  beaucoup  plus  félon  d'au- 
tres relations  :  on  ne  put  pas  avoir  des  mefures  exac- 
tes ,  parce  qu'une  partie  du  corps  s'étoit  enfoncé  dans 
le  fable  par  les  mouvemens  que  fit  l'animal  avant  que 
de  mourir.  Il  y  avoit  quinze  pies  de  diftance  depuis 
le  bout  de  la  mâchoire  fupérieure  jufqu'aux  yeux.  Le 
palais  étoit  percé  de  quarante-deux  alvéoles  ,  vingt- 
un  de  chaque  côté,  dans  lefquels  entraient  autant 
de  dents  de  la  mâchoire  inférieure  ,  qui  étoient  de 
la  grandeur  du  pouce  d'un  homme  de  haute  taille. 
Ce  poiffon  avoit  fur  la  tête  auprès  du  dos  un  .• .  it 
d'environ  trois  pies  de  diamètre,  par  lequel  il  jettoit 
de  l'eau  en  l'air.  La  mâchoire  inférieure  étoit  longue 
de  fept  pies.  Les  yeux  de  cet  animal  étoient  très-pe- 
tits à  proportion  de  fa  groffeur  énorme  :  on  auroit 
pu  les  entourer  en  faifant  toucher  l'extrémité  du 
pouce  avec  celle  du  premier  doigt.  Il  y  avoit  quatre 
pies  de  diftance  entre  les  veux  &  les  nageoires;  feize 
pies  depuis  les  mâchoires  jufqu'au  nombril  ;  trois  pies 
depuis  le  nombril  jufqu'à  la  verge  ;  trois  pies  6c  demi 
depuis  la  verge  jufqu  à  l'anus  ,  &£  treize  pies  6c  demi 
depuis  l'anus  jufqu'à  la  queue.  Les  nageoires  avoient 
quatre  pies  quatre  pouces  de  longueur ,  6c  un  pié  d'é- 
naiffeur.  La  longueur  du  membre  éto  t  de  li.x  pouces 
après  la  mort  de  l'animal.  La  queue  étoit  fort  ép  liffe 
&  elle  avoit  treize  pies  d'étendue.  On  tira  de  la  tète 
de  ce  poiffon  du  blanc  de  baie. ne  en  afiez grande  quan- 
tité, pour  remplir  plus  du  quart  d'un  tonneau  ;  &  le 
corps  entier  rendit  environ  quarante  tonneaux  de 
graifle  ,  fins  compter  celle  qui  le  i  ép  ndit  fur  la  terre 
&  dans  la  mer.  La  peau  du  dos  étoit  ;>oire  comme 
celle  des  dauphins  ou  des  thons  ;  le  ventre  étoit  blanc. 

Cluiius  fait  mention  d'un  autre  cachalot  qui  avoit 
foixante  pies  de  longueur ,  quatorze  pies  de  hauteur, 
&  trente-fix  pies  de  circonférence. 

M.  Ahderîon  fait  mention  de  pluficurs  cachalots 
dans  Ion  hijloire  de  Groenland ,  &c.  Il  y  en  a  ,  dit  cet 
auteur,  qui  ont  de  grofles  dents  plus  ou  moins  lon- 
gues ,  un  peu  arrondies  &  plates  par  le  défais  ;  les 
autres  les  ont  minces  6c  recourbées  comme  des  fau- 
cilles. On  ne  trouve  dans  le  détroit  de  Davis  &  aux 
environs  de  Spitzberg ,  qu'une  efpece  de  cachalot.  Il 
a  les  dents  cou  tes ,  grofles  6c  applaties  ;  la  tète  fort 
groffe  ;  deux  nageoires  longues  aux  côtés  ;  une  lorte 
de  petite  nageoire  qui  s  eieve  fur  le  dos ,  &  une  queue 
large  de  douze  ou  quinze  pies.  Les  cachalots  de  cette 
efpece  voyagent  par  troupes.  On  en  a  vu  qui  avoient 
plus  de  cent  pies  de  longueur,  &  quifaiioientenfouf- 
flant  l'eau  un  très-grand  bruit  que  l'on  pourroit  com- 
parer aufon  des  cloches.  Ces  poiffons  le  trouvent  en 
quantité  au  cap  du  Nord  ,  <m  fur  les  côtes  de  Finmar- 
chie  :  mais  on  en  prend  rarement ,  parce  qu'ils  font 
plus  agiles  que  les  !  tnd,  &  qu'ils 

n'ont  que  deux  ou  trois  endroits  a  t-deflus  de  la  na- 
geoire où  le  harpon  puiffi  pénétrer  ;  d'ailleurs  leur 
graille  cil  fort  tendineufe,  ce  ne  rend  pas  beaucoup 
d'huile. 

Les  marins,  dit  M.  Anderfon  ,  diftinguent  deux  ef- 
peces  de  cachalots  qui  le  reffemblent  parfaitement  par 
la  figure  du  corps  eic  par  les  dents ,  mais  qui  différent 
en  ce  que  les  uns  font  verdâtres  .  &  ont  un  crâne  ou 
couvercle  dur  &  offeux  par-deffus  le  cerveau  ;  les 
autres  font  gris  fur  le  dos ,  &  blancs  fous  le  ventre  , 
6c  leur  cerveau  n'eft  recouvert  que  par  une  forte 
membrane  qui  eft  de  l'épaiffeur  du  doigt.  On  prétend 
que  cette  différence  ne  <  -  ;  e  l'âge  du  poiffon; 

Lorfqu'on  a  ôté  la  peau  du  haut  de  la  tête  des  ca- 
chalots  qui  n'ont  point  de  crâne,  on  trouve  de  la  graille 
de  i'epaùieur  de  quatre  doigts ,  6c  au  -  délions  une 


C  A  C 


503 


membrane  cpaifTe  &  fort  nerveufe  qui  fert  de  crâne  , 
6c  plus  bas  une  autre  cloifon  qui  eft  aflez  femblable 
à  la  première ,  &  qiri  s'étend  clans  toute  la  têt, 
le  muieau  jufqu'à  la  nuque.  La  première  1 
eft  entre  ces  deux  membranes,  renferme  le  c 
le  plus  précieux,  &  dont  on  prépare  le  meilleur  blanc 
de  baleine.  Cette  chambre  eft  divifée  en  plufieurs 
cellules  ,  qui  font  formées  par  une  forte  de  réfeau 
reffemblant  en  quelque  façon  à  un  gros  crêpe.  Dans 
le  cachalot  fur  lequel  cette  defeription  a  été  faite ,  on 
tira  de  cette  chambre  fept  petits  tonneaux  d'huile 
qui  étoit  claire  6c  blanche:  mais  lorfqu'on  la  jettoit 
fur  l'eau  ,  elle  fe  coaguloit  comme  du  fromage  ;  & 
■  >n  l'en  1  etiroit ,  elle  redevenoit  fluide  comme 
auparavant.  Au-deffous  de  la  première  chambre  il  y 
en  a  une  autre  qui  le  trouve  au-deffus  du  paiais ,  Se 
qui  a  depuis  qu  tre  jufqu'à  le  hau- 

teur, félon  ij  groffeur  du  poiffon,  &  eft  remplie 
de  blaUe  de  baleine:  il  eft  renfermé  comme  le  miel 
dans  de  petites  cellules  ,  dont  les  parois  rcffemblent 
à  la  pellicule  intérieure  d'un  œuf.  A  mefure  que  l'on 
enlevé  le  blanc  de  baleine  qui  eft  dans  cette  cham- 
bre ,  il  en  revient  de  nouveau  en  allez  grande  quan- 
tité ,  pour  que  le  tout  rempliilè  jufqu'à  onze  pet.ts 
tonneaux.  La  matière  qui  remplace  celle  que  l'on 
tire ,  fort  d'un  vailfeau  qui  eft  auprès  de  la  tête  du 
poiffon  ,  &  qui  eft  gros  comme  la  cuiffe  d'un  homme  ; 
il  s'étend  le  long  de  l'épine  jufqu'à  la  queue ,  où  il  n'eft 
pas  plus  gros  que  le  dogt.  Lorfqu'on  coupe  la  graifle 
du  cachalot,  il  faut  éviter  ce  vailfeau;  car  fi  on  le 
coupe,  le  blanc  de  baleine  s'écoule  par  l'ouverture. 

Le  cachalot  que  l'on  prend  fur  les  cotes  de  la  nou- 
velle Angleterre  &  aux  Bermudes  ,  eft  une  efpece 
différente.  Ses  dents  font  plus  groifes  &  plus  larges  , 
elles  redemblent  aux  dents  de  la  roue- d'un  moulin, 
&  font  de  la  groffeur  du  poignet.  On  trouve  dans  les 
cachalots  de  cette  efpece  des  boules  d'ambre-gris  qui 
ont  jufqu'à  un  pié  de  diamètre  ,  &  qui  pèlent  jufqu'à 
vingt  livres.  Voye[  C  article  Baleine.  (/) 

CACHAN  ,  (  Géog.)  ville  de  Perle  dans  l'Irac, 
fituée  dans  une  grande  plaine  à  vingt-  deux  lieues 
d'ifpahan.  Il  s'y  fait  grand  commerce  d'étorîés  de 
foie  en  or  &  argent ,  &  de  belle  fayence. 

CACH AO  ,  (  Géog.  )  grande  ville  d'Alie ,  capitale 
de  la  province  du  même  nom ,  au  royaume  de  Ton- 
quin.  Les  Anglois  6c  les  Hollandois  y  ont  un  comp- 
toir. Long.  Ij2.  J2.lat.  22. 

*  CACHE-ENTRÉE,  f.  m.  c'eft  ainfi  que  les  Ser- 
ruriers appellent  une  petite  pièce  de  fer  qui  dérobe 
l'entrée  d'une  ferrure.  Il  y  a  des  cacht-emrézs  faits 
avec  beaucoup  d'art,  f^oye^  l'article  Serrure  ,  6" 
l'explication  des  planches  de  Serrurerie. 

CACHECTIQUES,  adj.  plur.  (Médecine.)  c'eft 
ainfi  qu'on  appelle  des  remèdes  bons  pour  prévenir 
la  cachexie,  ou  la  guérir  lorfque  le  malade  en  eft  at- 
taque. Il  s'agit  pour  parvenir  à  la  guérifon  de  cette 
maladie,  d'en  lever  les  obftAtcfions  commençantes, 
même  les  plus  enracinées.  Les  préparations  de  Mars, 
les  fèls  apéritifs ,  les  amers,  6c  furtout  le  quinquina  , 
ont  cette  vertu. 

Ces  remèdes  fontfouvent  employés  trop  tard.  Les 
malades  négligent  de  demander  du  fecours  ,  &  laif- 
fent  parce  moyen  enraciner  kir  eux  la  came  d'une 
maladie  qui  devient  par  la  fuite  facheufe,  èv  qu'on 
auroit  pu  détruire  au  commencement,  f^oy'i  Ca- 
CHEXIE.    (  A  ) 

CAL  HEMIRE  ,  (  Géog.)  province  d'Alie  dans  les 
états  du  Mogol  au  nord  :  elle  a  environ  trente 
de  long  fur  douze  de  large.  Ce  pays  eft  peuple  ,  &c 
fertile  en  pâturages ,  riz  ,  f  ornent ,  légumes  :  1  y 
trouve  beaucoup  de  bois  &  de  bétail.  Les  h.ibitans 
font  adroits  6c  laborieux  ,  &  les  femmes  y  font  bel- 
les On  les  croit  Juifs  d'origine  ,pa  >nt tou- 
jours à  la  bouche  le  nom  de  Moyl'e,  qu'ils  croyent 


504 


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avoir  été  dans  leur  pays ,  ainfi  que  Salomon.  Ils  font 
aujourd'hui  Mahométans  ou  idolâtres.  Diction,  de  M. 
<&Vofgien. 

Cachemire,  c'eft  la  capitale  de  la  province  de 
ce  nom.  Long,  pj.  lat.  34.  30. 

CACHEO ,  (  Géog.  )  ville  d'Afrique  dans  la  Ni- 
gritie,  fur  la  rivière  de  Saint-Dominguo  :  elle  appar- 
tient aux'  Portugais.  Long.  2.  40.  lat.  iz. 

♦CACHER,  DISSIMULER,  DÉGUISER, 
(Gram.)  termes  relatifs  à  la  conduite  que  nous  avons 
à  tenir  avec  les  autres  hommes ,  dans  les  occafions  où 
il  nous  importe  qu'ils  fe  trompent  fur  nos  penfées  &c 
fur  nos  actions ,  ou  qu'ils  les  ignorent.  On  cache  ce 
qu'on  ne  veut  point  laiflër  appercevoir  ;  on  diffimule 
ce  qui  s'apperçoit  fort  bien  ;  on  dégiàfe  ce  qu'on  a  in- 
térêt de  montrer  autre  qu'il  n'eft.  Les  participes  dijji- 
mulé  &  caché  fe  prennent  dans  un  fens  plus  fort  que 
les  verbes  diffimuler  &  cacher.  L'homme  caché  eft  ce- 
lui dont  la  conduite  eft  impénétrable  par  les  ténèbres 
dont  elle  eft  couverte  ;  l'homme  dijfimuléeû  celui  dont 
la  conduite  eft  toujours  mafquée  par  de  fauffes  appa- 
rences. Le  premier  cherche  à  n'être  pas  connu  ;  le  fé- 
cond à  l'être  mal.  Il  y  a  fouvent  de  la  prudence  à  ca- 
cher ;  il  y  a  toujours  de  l'art  &  de  la  faulîété ,  foit  à 
diffimuler ,  foit  à  déguifer.  On  cache  par  le  filence  ; 
on  diffimule  par  les  démarches  ;  on  déguife  par  les  pro- 
pos. L'un  appartient  à  la  conduite  ;  l'autre  au  difcours. 
On  pourroit  dire  que  la  diffimulation  eft  un  menfon- 
ge  en  a£Hon. 

*  CACHERE  ,  f.  f.  terme  de  Verrerie  en  bouteilles  ; 
c'eft  ainfi  qu'on  appelle  une  petite  muraille  contiguë 
aux  fils  des  ouvraux  ,  ou  au  remettement  du  four , 
fur  laquelle  le  maître  fépare  la  bouteille  de  la  canne. 
Le  cou  de  la  bouteille  étant  glacé ,  il  pofe  le  corps 
dans  la  cachere  ;  &  tenant  fes  deux  mains  étendues  en 
avant ,  il  preflé  de  la  main  gauche  le  milieu  de  la  can- 
ne ;  &  plaçant  la  main  droite  à  l'extrémité  de  la  can- 
ne, il  levé  cette  extrémité ,  &  donne  en  même  tems 
en  fens  contraire  une  fecoufle  de  la  main  gauche. 
Cette  fecoufle  fépare  la  bouteille  de  la  canne.  Cela 
fait ,  il  tourne  le  cul  de  la  bouteille  de  fon  côté  ;  il  y 
applique  la  partie  du  cou  qui  refte  attachée  à  la  can- 
ne ,  &  met  le  cou  au  crochet  pour  y  appliquer  la  cor- 
deline.  V.  Cordeline  ;voy.  Verrerie  en  bouteille. 

*  CACHET  ,  f.  m.  petit  infiniment  qu'on  peut 
faire  de  toutes  fortes  de  métaux ,  &  de  toutes  les  pier- 
res qui  fe  gravent ,  tk.  dont  on  fe  fert  pour  fermer  des 
lettres ,  fceller  des  papiers ,  &c.  par  le  moyen  d'une 
fubftance  fufible  fur  laquelle  on  l'applique.  Voy.  V ar- 
ticle SCEAU.  Il  y  a  des  cachets  en  bague ,  c'eft  toujours 
une  pierre  gravée  &  montée  en  or  ou  en  argent  :  il  y 
en  a  à  manche;  ils  font  ordinairement  d'argent  ,  le 
manche  en  eft  en  poire  ,  &  la  matière  du  manche 
d'ébene ,  d'ivoire ,  de  bonis ,  &c.  Il  y  en  a  qui  font 
tout  d'or  ou  d'argent  ;  ils  font  petits  ;  ils  ont  une  poi- 
gnée proportionnée ,  qu'on  prend  entre  le  pouce  & 
l'index  quand  on  les  applique  fur  la  cire.  Mais  de 
quelqu'elpece  que  foient  les  cachets,  ils  fe  fondent 
tous  ,  &  ils  ont  le  même  ufage  &  la  même  forme  prin- 
cipale ,  je  veux  dire  une  furface  plane  ,  ronde ,  ou 
ovale  ,  fur  laquelle  on  a  gravé  en  creux  ou  des  armes , 
ou  une  tête ,  ou  quelques  figures  d'hommes  ,  d'ani- 
maux ,  de  plantes  ,  &c.  Cette  gravure  en  creux  ap- 
pliquée fur  une  matière  molle ,  rend  ces  figures  en 
relief.  Voy 't^t 'article  Gravure.  Les  cachets  ont  été  à 
l'uiage  des  anciens  :  il  nous  en  refte  même  quelques- 
uns  d'eux  qui  font  précieux  par  le  travail.  Celui  qui 
eft  connu  fous  le  nom  de  cachet  de  Michel- Ange ,  peut 
être  mis  au  nombre  des  chefs  -  d'œuvres  de  gravure 
antique.  Il  eft  au  cabinet  du  Roi  :  c'eft  une  petite  cor- 
naline tranfparente ,  gravée  en  creux,  que  l'on  croit 
avoir  fervi  de  cachet  à  Michel-Ange ,  &  qui  dans  un 
efpace  de  cinq  à  fix  lignes  ,  contient  quatorze  figures 
humaines,  fans  compter  des  animaux,  des  arbres,  des 


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fleurs ,  des  vafes ,  &c.  &  un  exergue ,  où  l'on  voit 
encore  des  monticules ,  des  eaux  avec  un  petit  pê- 
cheur, &c. 

On  prétend  que  le  tout  eft  une  efpece  de  fête  qu'on 
célébroit  anciennement  en  mémoire  de  la  naiflance 
de  Bacchus.  On  remarque  d'abord  deux  femmes  dont 
l'une  tient  fur  les  genoux  un  enfant  nud;  c'eft  Bac- 
chus, dit-on ,  avec  fa  nourrice,  &  la  belle  Hippa  dont 
il  eft  parlé  dans  les  hymnes  d'Orphée.  Le  vieillard  affis 
par  terre  eft  Athamas  ,  mari  d'Ino ,  ou  û  l'on  veut ,  un 
faune  qui  tient  une  patere ,  &  qui  fait  une  libation  , 
&c.  C'eft  ainfi  que  M.  de  Mautour  qui  a  tâché  d'ex- 
pliquer le  cachet  dont  il  s'agit,  amené  à  fon  fyftème  tou- 
tes les  autres  figures  de  la  pierre,  hors  celle  du  cheval. 

M.  Bourdelot  prétend  au  contraire  que  les  puanep- 
fies  font  le  fujet  de  la  cornaline  de  Michel-Ange.  Voy. 
Puanepsies.  Il  prend  la  figure  humaine  couronnée 
d'olivier,  élevant  de  la  main  droite  un  vafe  ,  &  te- 
nant de  la  gauche  les  renés  d'un  cheval ,  pour  Thefée  ; 
le  cheval  pour  le  fymbole  de  Neptune ,  père  de  The- 
fée ;  les  autres  figures  d'hommes  &  de  femmes ,  pour 
des  Athéniens  &  des  Athéniennes  qui  prennent  part 
à  la  fête  ;  l'enfant  entre  les  bras  de  fa  mère ,  pour  le 
figne  de  la  délivrance  de  ce  tribut  ;  &  le  petit  pêcheur 
de  l'exergue  ,  pour  l'image  de  la  paix  que  Thefée 
avoit  aflùrée  à  fon  pays. 

Quoi  qu'on  puifle  dire  du  talent  des  modernes  & 
des  progrès  des  beaux  Arts  parmi  nous  ,  nous  aurions 
de  la  peine  à  trouver  quelqif  ouvrage  dans  le  même 
genre,  qu'on  put  comparer  à  la  pièce  dont  il  s'agit, 
foit  pour  fa  difficulté ,  foit  pour  fa  perfection. 

CACHETI  ou  KACHETI ,  (  Géog.  )  pays  defert 
de  l'Afle  dans  la  Géorgie. 

CACHEUR,  f.  m.  en  termes  de  Rafineur  de  fucre  ; 
eft  un  morceau  de  bois  de  neuf  à  dix  pouces  de  long  , 
plat  par  un  bout  &  rond  par  le  manche.  Le  bout  qui 
eft  plat,  fert  à  frapper  les  cercles  de  bois  qui  envi- 
ronnent les  formes.  Celui  qui  eft  rond  fert  alors  de 
poignée.  On  s'en  fert  pour  fonder  les  formes.  Voye^ 
Sonder,  Forme. 

CACHEXIE ,  f.  f.  (  Médecine.  )  ce  mot  eft  tiré  du 
Grec  y.cty.oç ,  mauvais ,  &  tfjig ,  conjlitution.  Ainfi  l'on 
entend  par  cachexie  la  mauvaife  conftitution ,  le  mau- 
vais état  du  corps  humain  dans  toute  fon  habitude. 

Pour  donner  une  idée  jufte  de  la  cachexie ,  il  faut 
pofer  pour  principes,  i°.  que  le  corps  ne  peut  ref- 
ter  dans  fon  état  naturel ,  ni  augmenter ,  s'il  n'eft  ré- 
paré à  proportion  de  la  déperdition  qu'il  fait  jour- 
nellement. On  appelle  la  première  opération  nutri- 
tion ,  &la  féconde  accroiffement ,  qui  arrivelorfquela 
déperdition  eft  plus  que  compenfée  par  l'addition  du 
fuc  nourricier.  Voye^  Nutrition  ,  &  Accrois- 
sement. 2.9.  Que  ce  fuc  nourricier  doit  être  tiré 
des  alimens  changés  en  chyle  par  l'opération  nom- 
mée digejlion,  voyez  Digestion  ,  Se  convertis  en 
fang  dans  la  veine  foûclaviere  gauche.  Voyt{  San- 
guification.  3°.  Que  de  ce  fang  fe  fépare  le  fuc 
nourricier  ;  que  ce  fuc  fera  propre  à  la  nutrition  lorf- 
que  le  chyle  &  le  fang  feront  de  bonne  qualité  ;  qu'au 
contraire  il  fera  dépravé ,  &  ne  produira  pas  une 
bonne  nutrition ,  loi -{qu'il  fera  fourni  par  un  mauvais 
chyle  &  un  mauvais  fang.  40.  Que  le  chyle  ni  le  fang 
ne  feront  pas  louables ,  lorfque  les  alimens  dont  ils 
font  tirés  feront  de  mauvaife  qualité  ,  ou  que  les  vif- 
ceres  deftinés  à  les  compofer  feront  viciés.  Cela  po- 
fé  ,  examinons  à  préfent  quels  effets  produira  fur  le 
corps  la  dépravation  du  chyle  &  du  fang.  Lorfque 
le  fang  n'aura  pas  une  conliftance  requife  ,  qu'il  ne 
fera  pas  fourni  ou  renouvelle  par  un  bon  chyle ,  il 
s'enfuivra  par  fon  défaut  de  couleur  la  pâleur  de 
toutes  les  parties  charnues,  &  fur-tout  du  vifage  ,  la 
déperdition  des  forces  du  corps  en  général ,  tk  l'inap- 
titude aux  fondions  tant  naturelles  que  volontaires  ; 
d'où  naîtront  les  lafîitudes  dans  les  bras  &  les  jam- 
bes, 


C  A  C 

tes ,  la  difficulté  de  refpirer  -,  l'inégalité  du  pouls ,  là 
fieVre  même  ,  la  perte  de  l'appétit ,  la  douleur  d'el- 
îomac  appellée  cardialgie ,  les  palpitations,  &c.  enfin 
la  dépravation  du  lue  nourricier,  d'oii  l'amaigrûTe- 
ment  &  l'affaiffement  total  de  la  machine,  à  quoi  ié 
joignent  les  obftructions  dans  les  glandes  ,  &  fur-tout 
dans  le  foie.  Tous  les  accidens  ci-dellus  détaillés  ca- 
ractérifent  la  cachexie,  qui  lorfqu'on  la  néglige  dégé- 
nère très -facilement  en  hydropiiie  ;  le  chyle  mal  pré- 
paré faifant ,  pour  ainfi  dire ,  fur  le  iang  le  même  ef- 
fet que  le  vinaigre  fur  le  lait ,  en  fépare  la  férofité  qui 
s'épanche»  On  voit  ailément  après  cette  expoiition  , 
pc;urquoi  les  jeunes  perionnes  qui  n'ont  point  encore 
et.:  réglées  ,  ou  les  femmes  qui  auront  eiiuyé  des  per- 
tes confidérables  ,  deviennent  cachectiques  ;  la  trop 
gj  ande  abondance  ou  la  fuppreffion  de  quelque  éva- 
cuation ordinaire  ou  néceilaire  ,  étant  une  cauie  de 
cachexie  ;  leur  appétit  dérègle  pour  le  fruit  verd,  pour 
la  craie  ,  le  charbon ,  &  autres  drogues  de  cette  efpe- 
•.  ■  <  v  luit  iouvent  chez  eiies  le  même  accident.  Par 
la  mauvaife  qualité  du  chyle  qui  en  réiulte  ,  on  voit 
i  lie  coniéquence  il  eit  de  corriger  la  caule  de  la 

le,  Pour  y  parvenir ,  il  faut  examiner  fi  le  vice 
cil  dans  les  liqueurs  ou  dans  les  parties  iolides ,  ou 
enfin  dans  l'un  &  l'autre  eniemble  ;  lorlque  Ion  le 
fera  apperçu  que  ce  font  les  liqueurs  qui  pèchent , 
&i  que  Ion  reconnoîtra  par  les  lignes  détaillés  aux 
articles  Acide  Cr  Alkali  confidérés  comme  cail- 
lés de  maladies  ,  il  fera  queftion  de  vuider  l'elîomac 
&  les  inteftins  ,  loit  par  un  vomitif  doux ,  foit  par  un 
purgatif  léger  ,  &  empêcher  par  toutes  fortes  de 
moyens  le  renouvellement  de  la  matière  morbinque. 
Lorlque  les  parties  Iolides  feront  caufe  de  la  cachexie, 
les  remèdes  corroborans,  &  fur -tout  les  martiaux, 
feront  convenables;  enfin  lorfqu'elle  procédera  du 
vice  Je  l'un  &  de  l'autre ,  on  la  détruira  par  les  re- 
mèdes deftinés  à  réparer  ce  vice.  On  aura  loin  de 
joindre  aux  remèdes  dans  l'un  &  l'autre  cas  ,  l'ulage 
d'un  exercice  modéré  ,  &  d'un  régime  capable  de 
rendre  au  lue  nourricier  la  douceur  qui  lui  eit  né- 
ce!!  a  ire  pour  être  employé  utilement  ;  de  détendre 
•  les  alimens grolfiers  ,  farineux ,  &  de  difficile 
i  on.  De  tout  ce  que  j'ai  dit  ci-dehus ,  il  faut 

<:  ne  que  la  cachexie  eft  un  état  très -fâcheux  ; 

que  lorfqu'elle  eit  la  mue  de  la  foibleiie  de  quelque 
partie  folide  ,  elle  eft  plus  difficile  à  guérir  ;  &  que 
lorfqu'elle  eit  accompagnée  d'une  fièvre  opiniâtre  , 
elle  eit  très-dangereule.  (A') 

*  (  AL  Hl ,  f.  m.  (  Hifi.  nai.foff.  )  C'eft  une  cfpe- 
ce  de  pierre  blanche  fort  relîemblante  à  de  l'albâtre, 
qu'on  trouve  en  quantité  dans  les  mines  d'argent  de 
L'Amérique;  elles  contiennent  ordinairement  quel- 
ques parties  de  plomb. 

*  CACHIMAS  ,  (  Hifi.  nat.  bot.  )  arbre  des  Indes 
occidentales  dans  les  lies  Antilles  :  on  en  compte  de 
deux  efpeces  ;  le  cachimasfauvage  ,  &  le  cachimas pri- 
ve. Le  premier  eft  garni  de  pointes;  fon  fruit  eft  de 
la  gi -ollêur  d'une  pomme  de  moyenne  grandeur , 
dont  la  pelure,  qui  demeure  toujours  verte  &  dure  , 
eit  remplie  de  bolles  &  d'inégalités.  Le  cachimas  pri- 
vé a  une  écorce  lifte  ,  &  des  traits  unis  qui  iont  beau- 
coup plus  grands  que  ceux  du  premier;  loriqu'ils 
font  mûrs  ils  font  d'un  beau  rouge  ,  &  blancs  au-def- 
fous  C'C  l'enveloppe  ;  le  goût  en  eit  très-agréable.  Les 
feu  lies  des  i\y.ux  efpeces  de  cachimas  reiîemblent 
beaucoup  à  celles  du  châtaignier:  on  dit  que  le  fruit 
donne  de  l'appétit,  Cv  a  la  propriété  de  diviler  les 
humeurs. 

*  CACHIMENTIER  ,  (  Hifi.  nat.  bot.)  arbre  très- 
commun  aux  îles  Antilles,  è\-  dans  plufieurS  endroits 
de  l'Amérique  ;  il  y  en  a  plu  rieurs  efpeces.  Cet  arbre 
porte  un  fruit  que  l'on  appelle  cachiment ;  il  clt  de 
foi  nie  ronde  ,  d'environ  cinq  ou  lix  pouces  de  dia- 
mètre ,  il  eft  couvert  d'une  peau  brune  rougeâtre, 

Tome  II. 


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ck  quelquefois  d'un  vert  tirant  fur  le  jaune  1 
dans  de  laquelle  le  trouve  une  fubftahce  bianchei 
d'un  goût  fort  fade  &  d'une  confiltance  de  crème  ; 
tout  le  fruit  eft  rempli  de  graines  grofies  c 
de  petites  fèves,  oblongues ,  brunes ,  filles  &  tort  af- 
tringentes.  Les  deux  principales  eipeces  de  cachiment 
font  le  cœur  de  hœufqui  a  la  forme  &  la  couleur  de 
ce  dont  il  porte  le  nom  ,  &  le  cachiment  morveux  très- 
bien  nomme  parcomparailon.  Cette  dernière  efpece 
eit  fort  rafraîchiiïante  ;  la  peau  qui  le  couvre  eft  ver- 
te ,  &  devient  un  peu  jaunâtre  lorlqu'il  eit  mûr.  foy. 
Gonzaler  Oviedo  &  le  R.  P.  Plumier,  qui  apellent  cet 
arbre  guanabanus  fruciu  purpureo. 

*  CACHLEX ,  (  Hifi.  nat.  )  efpece  de  pierre  dont 
il  n'y  a  point  de  deicription,  mais  qu'on  dit  fe  trou- 
ver fur  le  bord  delà  mer.  Galien  prétend  que  ii  on  la 
fait  rougir  dans  le  feu  ,  &  qu'on  vienne  à  l'éteindre 
enfuite  dans  du  petit-lait ,  elle  lui  donne  la  vertu  d'ê- 
tre un  excellent  remède  contre  la  dyfienterie. 

*  CACHOS,  (  Hijt.  nat.  bot.  )  arbriffeau  qui  ne 
croît  que  lur  les  montagnes  du  Pérou  :  il  eft  fort  verd  ; 
fa  feuille  eft  roitde  6c  mince  ,  &  Ion  fruit  comme  la 
pomme  d'amour  ;  il  s'ouvre  d'un  côté  ,  &  a  la  forme 
de  coquillage  ;  la  couleur  eft  cendrée  ,  &  for 
agréable:  il  contient  une  petite  Umence.  Les  In- 
diens lui  attribuent  de  grandes  propriétés  ;  telles  que 
celle  de  débarraffer  les  reins  de  la  gravelle  ,  &  même 
de  diminuer  la  pierre  dans  la  veille  ,  quand  elle 
commence  à  s'y  former; 

CACHOT  ,  f.  m.  (  Architecl.  )  c'eft  dans  les  pri- 
fons  un  lieu  fouterrain  ,  voûté  ,  lans  aucun  jour  ,  oiî 
l'on  enferme  les  malfaiteurs! 

CACHOU  ,  (  Hifi.  nat.  des  drogues.)  fuc  épaiffitiré 
du  règne  des  végétaux  :  en  Anglois  cashoo  ;  en  Latin 
terra  Japonica  ,  terre  du  Japon  ;  dénomination  rerùe 
depuis  près  d'un  iiecle,  quoique  tres-fauiîé  en  elle- 
même,  &C  d'autant  plus  impropre  ,  que  tout  le  cachou 
qu'on  trouve  au  Japon  y  eft  apporté  d'ailleurs. 

Il  en  eft  du  cachou ,  iuivant  la  remarque  de  M.  dé 
Juflieu ,  comme  de  la  plupart  des  autres  di 
fur  l'hiftoire  deiquelles  il  y  a  autant  de  variations 
que  de  relations  de  voyageurs, 

Le  cachou  nefi point  une  terre.  Le  public  &  les  mar- 
chands épiciers  leduits  par  la  iécherefle  &Ia  friabi- 
lité du  cachou ,  ont  commencé  par  goûter  avidement 
les  dédiions  de  ceux  qui  s'éloignent  du  récit  de  Gar- 
cie  du  Jardin  ,  &  ont  mis  cette  drogue  au  ranç  des 
terres.  M.  de  Caen  ,  docteur  en  Médecine  de  la  fa- 
culté de  Paris,  eil  un  des  particuliers  qui  a  le  plus 
accrédité  cette  opinion  en  France,  en  détaillant  l'ori- 
gine &  la  nature  de  cette  terre  ,  fur  l'atteliaiion  d'un 
de  fes  amis  voyageur. 

On  trouve  ,  a-t-il  dit ,  cette  terre  dans  le  Levant, 
&  elle  y  eft  appellée  mafquiqui  :  on  la  ramafle  prin- 
cipalement lur  les  plus  hautes  montagnes  où  croif- 
fent  les  cedi  es ,  Cv  fous  la  racine  defquels  on  la  ren- 
contre dure  ,  &  en  bloc.  Pour  ne  rien  perdre  de  cet- 
te terre  ,  les  naturels  du  pays,  qu'on  nomme  Algon- 
quins ,  la  ramaffent  en  entier  avec  ce  fable  qui 
s'y  trouve  joint.  Ils  vcrlenr  defiûs  le  tout  de  l'eau  de 
rivière.,  le  rendent  liquide  ,  *k.  en  pétrifient  une  pâtd 
qu'ils  mettent  lécher  au  ioleil ,  jufqu'à  ce  qu'elle  l'oit 
dure  comme  nous  la  voyons.  Les  Algonquins  en 
portent  toujours  fur  eux  ,  cv  en  ufent  pour  les  maux 
d'eftomac.  Ils  l'appliquent  auiîi  extérieurement  en 
forme  d'onguent  lur  la  région  du  bas-ventre. 

Ce  roman  a  pallè  débouche  en  bouche,  de  livres 
en  livres, avec  d'au  tics  circonttanccsiingulieres:  tout 
cela  n'a  lervi  qu'à  lui  donner  plus  de  créance  ;  &  le 
petit  gravier  qu'on  trouve  quelquefois  dans  le  cachou 
n'y  ;i  pas  nui.  Enfin  le  nom  même  de  terre  du  Japon  , 
fous  lequel  le  cachou  eft  connu  depuis  ii  iong-tems 
parmi  les  auteurs  de  matière  médicale  ,  n'a  pas  peu 
contribué  à  confirmer  l'opinion  que  c'eft  effeclive- 

Sss 


506 


C  A  C 


ment  une  terre ,  ou  du  moins  qu'il  y  a  une  terre  qui 
lui  i'ert  de  baie. 

Mais  on  eft  à  préfent  détrompé  de  cette  erreur  par 
l'examen  analytique  qui  a  été  tait  des  principes  du 
cachou  ;  premièrement  en  Allemagne  par  Hagen- 
dorn ,  "SVedelius,  &  autres ,  tk.  enluite  en  France  par 
M.  Boulduc. 

Les  expériences,  les  diiTolutions,  &  les  différentes 
analyfes  de  ce  mixte ,  ont  prouvé  démonftrativement 
que  c'eft  un  fuc  de  végétal  épaiili  :  car  i°.  au  lieu  de 
jetter  comme  toutes  les  autres  terres  un  limon  dans 
l'humidité  ,  il  s'y  diflbut  entièrement ,  à  quelques 
parties  groflîeres  près  ;  &  non-ieulement  dans  les  li- 
queurs aqueules ,  mais  encore  dans  les  fpiritueufes  : 
2°.  il  le  diflbut  facilement  dans  l'eau  commune,  s'in- 
corpore avec  elle  ,  &  lui  communique  une  teinture 
rouge  ,  de  même  qu'un  grand  nombre  d'extraits  &  de 
(lies  de  végétaux  épailfis  :  30.  la  fîltration  ne  l'en  fé- 
pare  point  ainli  qu'elle  fait  les  terres  ;  mais  il  paffe 
par  le  filtre  avec  l'eau  :  40.  en  le  filtrant  on  n'y  trou- 
ve jamais  de  terre  ,  fi  ce  n'eft  lorfqu'il  eft  mal-pro- 
pre :  )°.  il  s'enflamme  ,  brûle  dans  lé  feu ,  &l  ne  don- 
ne que  peu  de  cendres  :  6°.  mis  dans  la  bouche  il  ne 
laiffe  fur  la  langue  aucun  goût  de  terre  ,  &  s'y  fond 
totalement  :  70.  on  en  tire  par  la  chimie  beaucoup 
d'huile  &  de  fels  eiî'entiels  ,  pareils  à  ceux  qu'on  tire 
des  plantes. 

Le  cachou  ri  efl  point  une  fubfanct  v'uriolique.  Ces 
raiforts  étant  decilives  ,  d'autres  Phyticiens  ont  ima- 
giné de  placer  le  cachou  dans  la  clafie  des  vitriols  , 
c'eft-à-dire  ,  de  le  regarder  comme  une  lubftance 
compoiée ,  qui  tient  de  leur  nature  :  mais  cette  ima- 
gination n'a  pas  fait  fortune  ;  les  expériences  la 
détruilent ,  &  prouvent  que  le  cachou  n'a  rien  de 
vitriolique  :  en  effet,  i°.  on  n'en  fépare  aucun  lel 
de  cette  nature  ;  20.  fi  on  le  mêle  avec  un  alkali  ,  il 
ne  produit  ni  effervefeence  ni  précipitation  ;  30.  fa 
folution  fait  l'encre,  avec  une  addition  de  quelques 
fubftances  vitrioliques. 

C'efl  une  fubflance  végétale.  Il  feroit  inutile  de  m'é- 
tendre  davantage  fur  de  pures  ridions  :  d'ailleurs 
tout  le  monde  convient  aujourd'hui  qu'il  faut  mettre 
le  cachou  dans  le  rang  desfubfiances  végétales  ;  per- 
fonne  n'oferoit  le  contefter  ;  c'eft  un  fait  dont  on  eft 
pleinement   convaincu. 

Sa  définition.  Par  confisquent  on  peut  hardiment  le 
définir  un  fuc  gommeux  ,  réfineux  ,  fans  odeur,  fait  & 
durci  par  art,  d'un  roux  noirâtre  extérieurement ,  &  d?un 
roux  brun  intérieurement  ;  fon  goût  efl  afringent ,  amer 
quand  on  le  met  dans  la  bouche  ,  ,  enfuite  plus  doux  & 
plus  agréable.  Voilà  ce  qu'on  connoît  du  cachou  :  mais 
on  n'ell  point  encore  afluré  fi  c'eft  un  fuc  qu'on  tire 
de  la  décoction  de  diverles  plantes,  ou  le  fruit  d'u- 
ne feule  ;  &  fi  notre  cachou  eft  la  même  choie  que 
le  lycium  Indien  de  Diofcoride. 

//  ne  faut  pas  le  confondre  avec  le  cajou.  Quelques- 
uns  fe  fondant  fur  l'affinité  des  noms  ,  ont  avancé 
que  le  cachou  eft  l'extrait  ou  le  lue  épaiili  du  fruit 
que  nous  appelions  noix  £  acajou;  car  ce  fruit  le  nom- 
me cat^u  ou  caiou  :  mais  ceux  qui  ont  eu  cette  idée 
ne  connoiffoient  pas  l'acajou  ,  qui  contient  dans  fa 
fuftance  un  fuc  acre  ,  mordicant ,  brûlant  les  lèvres 
&  la  langue ,  &  qui  eft  d'une  laveur  bien  différente 
de  celle  du  cachou. 

Arbre  dont  on  tire  le  cachou  fuivant  Garde.  Si  nous 
nous  en  rapportons  à  Garcie,  l'arbre  dont  on  tire 
le  cachou  eft  de  la  hauteur  du  frêne  :  il  a  des  feuilles 
très-petites  ,  &  fort  femblables  à  celle  de  la  bruyère 
ou  du  tamaris  :  il  eft  toujours  verd ,  &  hérifle  de 
beaucoup  d'épines.  Voici  comment  il  rapporte  la 
manière  de  le  tirer.  On  coupe  par  petits  morceaux 
les  branches  de  cet  arbre ,  on  les  fait  bouillir ,  enfuite 
on  les  pile  ;  après  cela  on  en  forme  des  paftilles 
&  des  tablettes  avec  la  farine  de  nachani ,  &  avec 


C  A  C 

la  fciure  d'un  certain  bois  noir  qui  naît  dans  le  pays*' 
On  fait  fécher  ces  paftilles  à  l'ombre  :  quelquefois 
on  n'y  mêle  pas  cette  lciure. 

DeJ'cripiion  de  cet  arbre  fuivant  Bontius.  Bontius  , 
un  des  premiers  voyageurs  qui  en  ait  parlé  ,  dit  que 
cet  arbre  eft  tout  couvert  d'épines  fur  le  tronc  & 
fur  les  branches  ,  ayant  des  feuilles  qui  font  preique 
comme  celles  de  la  fabine  ,  ou  de  l'arbre  que  l'on  ap- 
pelle Marbre  de  vie ,  hormis  qu'elles  ne  font  pas  fi  gref- 
fes ni  fi  épaiffes.  Il  porte  ,  dit-il ,  des  fèves  rondes 
de  couleur  de  pourpre ,  dans  lefquelles  font  renfer- 
mées trois  ou  quatre  noix  tout  au  plus  ,  &  qui  font 
fi  dures  que  l'on  ne  peut  les  cafter  avec  les  dents.  On 
en  fait  bouillir  les  racines  ,  l'écorce  &  les  feuilles  , 
pour  en  faire  un  extrait  que  l'on  appelle  cale  ;  ex- 
trait ,  pour  le  dire  en  paflant ,  que  ces  deux  auteurs  , 
Garcie  &  Bontius  ,  croyent  être  le  lycium  Indien  de 
Diofcoride. 

Suivant  Hébert  de  Jager.  Mais  Hébert  de  Jager  , 
dans  les  Ephéméridesdes  curieux  de  la  nature ,  décad.  II. 
an. 3.  écrit  que  le  lycium  des  Indes,  ou  le  cate  de  Gar- 
das, ouïe  kaath  ,  comme  les  Indiens  l'appellent ,  & 
le  reng  des  Perles ,  eft  un  fuc  tiré  non  d'un  arbre  , 
mais  de  prefque  toutes  les  elpeces  d'acacia  qui  ont 
l'écorce  aftringente  &  rougeâtre  ,  &  de  beaucoup 
d'autres  plantes  dont  on  peut  tirer  par  l'ébullition  un 
fuc  femblable.  Tous  ces  lues  font  défignés  ,  ajoûte- 
t-il  ,  dans  ces  pays-là  fous  le  nom  de  kaath,  quoi- 
qu'ils foient  bien  differens  en  bonté  &  en  vertu. 

Il  parle  cependant  d'un  arbre  qui  porte  le  plus  ex- 
cellent &  le  meilleur  kaath  :  cet  arbre  eft  nommé 
khier  par  les  Indiens ,  khadira  par  les  Brachmanes  , 
tfaanra  par  les  Golcondois  ,  karanggalli  fatti  par  les 
Malabares. 

C'eft  une  efpece  d'acacia  épineux ,  branchu , 
dont  les  plus  grandes  branches  font  couvertes  d'une 
écorce  blanchâtre  cendrée.  Les  rameaux  qui  produi- 
fent  des  feuilles  font  couverts  d'une  peau  roulsâtre, 
&  ils  fortent  des  plus  grandes  branches  entre  les  pe- 
tites épines  ,  placées  deux  à  deux  ,  crochues  &  op- 
pofées.  Les  feuilles  ailées  ,  portées  fur  une  côte  , 
font  femblables  à  celles  de  l'acacia  ,  mais  plus  peti- 
tes. Cet  auteur  n'a  pas  vu  les  fleurs  ni  le  fruit.  On  re- 
tire de  cet  arbre  par  la  décoftion  ,  dans  le  royaume 
de  Pégu,  un  lue  dont  on  fait  le  kaath,  fi  recherché 
dans  toutes  les  Indes  orientales. 

L  arbre  qui  fournit  le  cachou  efl  fur-tout  C  Areca.  En 
effet,  quoi  qu'en  dife  Hébert  de  Jager,  l'arbre  qu'on 
nomme  areca  eft  le  plus  célèbre  parmi  ceux  qui  don- 
nent l'extrait  de  kaath  ou  le  cachou  ;  tk.  c'eft  même 
le  feul  qui  fourniffe  le  vrai  cachou  ,  fi  l'on  en  croit 
les  voyageurs  qui  méritent  le  plus  de  créance  ,  & 
en  particulier  Jean  Othon  Helbigius  ,  homme  très- 
verfé  dans  la  connoiffance  des  plantes  orientales , 
&  qui  a  fait  un  très-long  féjour  dans  le  pays. 

Synonymes  de  cet  arbre.  Voilà  donc  la  plante  que 
nous  cherchions  :  c'eft  un  grand  arbre  des  Indes 
orientales  ,  qui  croît  feulement  fur  les  bords  de  la 
mer  &  dans  les  terres  fabloneules ,  une  efpece  de 
palmier  qui  porte  les  noms  fuivans  dans  nos  ouvra- 
ges de  Botanique  ;  palma  cujus  fruclusfeffilis  Faufel 
dicitur ,  C.  B.  P.  510.  Filfîl  &  Fufel  Avicen.  Faufel, 
five  areca  palmœ  foliis  ,  J.  B.  1.  389.  areca  ,five  Fau- 
vel ,  Cluf.  Exot.  188.  Pinung.  Bont.  caunga  hort. 
Malab.  où  l'on  en  trouvera  la  figure  très-exa&e. 

Sa  defeription.  Sa  racine  eft  noirâtre  ,  oblongue  ,' 
épaiffe  d'un  empan ,  garnie  de  plufieurs  petites  ra- 
cines blanchâtres  &  ronfles  ;  l'on  tronc  eft  gros  d'un 
empan  près  de  la  racine,  &  un  peu  moins  vers  fon 
fommet  ;  fon  écorce  eft  d'un  verd  gai,  &c  fi  unie  , 
qu'on  ne  peut  y  monter  à  moins  qu'on  n'attache  à 
fes  pies  des  crochets  &  des  cordes  ,  ou  qu'on  ne  l'en- 
toure par  intervalles  de  liens  faits  de  nattes,  ou  de 
quelqu'autre  matière  femblable. 


C  A  C 

Les  branches  feuillées  fortent  du  tronc  en  fautoif 
deux  a  deux  ;  celles  qui  font  au-deflus  fortent  de 
l'cntre-deux  des  inférieures  ;  elles  enveloppent  par 
leur  baie  le  fommet  du  tronc  ,  comme  par  une  gaine 
ou  une  capfule  ronde  &c  fermée  ;  elles  forment  par 
ce  moyen  une  tête  oblongue  au  fommet,  plus  groffe 
que  le  tronc  de  l'arbre  même. 

Le  pié  des  branches  feuillées  extérieurement  fe 
fend  &  fe  rompt ,  &c  elles  tombent  fucceflivement 
l'une  après  l'autre  :  les  branches  feuillées  font  com- 
poiées  d'une  côte  un  peu  creufe  en-deflus  ,  arrondie 
en-deflôus  ,  &  de  feuilles  placées  deux  à  deux  &op- 
pofées ,  longues  de  trois  ou  quatre  pies ,  larges  de 
trois  ou  quatre  pouces  plus  ou  moins  ,pliées  comme 
un  éventail ,  veites  ,  &  luifantes  :  au  haut  du  tronc 
il  fort  de  chaque  aiffelle  de  feuille  une  capfule  en 
forme  de  gaine  ,  longue  de  quatre  empans  ,  plus  ou 
moins ,  qui  renferme  les  tiges  chargées  de  fleurs  &c 
de  fruits  ,  concaves  par  où  elles  le  rompent  &  s'ou- 
vrent ,  d'un  verd  blanchâtre  d'abord  extérieurement, 
jaunâtre  enfuite,  &  blanches  en-dedans. 

Les  tiges  qui  font  renfermées  dans  ces  gaines  font 
les  unes  plus  groffes ,  &  chargées  vers  le  bas  de  fruits 
tendres  ;  les  autres  font  plus  grêles ,  &  garnies  des 
deux  côtés  de  boutons  de  fleurs  :  ces  boutons  font  pe- 
tits ,  anguleux  ,  blanchâtres  ,  s'ouvrant  en  trois  pé- 
tales, roides  ,  pointus,  &  un  peu  épais  ;  ils  contien- 
nent dans  leur  milieu  neuf  étamines  grêles,  dont  trois 
font  plus  longues,  d'un  jaune  blanchâtre,  qui  font 
entourées  des  fix  autres  plus  petites  &  plus  jaunes. 
•  Defcription  du  fruit  arec.  Les  fruits  encore  tendres 
&  mous  font  blancs  &  luifans  ,  attachés  à  des  pédi- 
cules blancs  ,  de  figure  anguleufe  &  non  arrondis  , 
renfermés  pour  la  plus  grande  partie  dans  les  feuilles 
du  calice  ,  qui  font  ovalaires  &  entrelacées  les  unes 
avec  les  autres  :  ils  contiennent  beaucoup  de  liqueur 
limpide ,  d'un  goût  attringent ,  placée  au  milieu  de 
la  pulpe ,  qui  s'augmente  avec  le  tems  ;  &  la  liqueur 
diminue  juiqu'a  ce  qu'il  n'en  refte  plus  :  enfuite  il  naît 
une  moelle  blanchâtre,  tandis  que  la  pulpe  s'endurcit , 
&  l'écorce  acquiert  enfin  la  couleur  de  jaune  doré. 

Les  fruits  devenus  afTez  gros ,  &  n'étant  pas  enco- 
re focs  ,  font  ovalaires ,  &  reflemblent  fort  à  des 
dattes  :  ils  font  plus  lerrés  aux  deux  bouts  ,  &  com- 
pofés  d'une  écorce  épailfe,  lhje,  membraneulé  ,  & 
d'une  pulpe  d'un  brun  rougeâtre  ,  qui  devient  en  lé- 
chant fibreufeou  cotonneufe ,  &  jaunâtre  :  la  moelle, 
ou  plutôt  le  noyau  ou  la  femence  qui  eft  au  milieu, 
eft  blanchâtre. 

Lorfque  le  fruit  eft  foc  ,  le  noyau  fe  fépare  aifé- 
jnent  de  la  pulpe  librcule  ;  il  eft  de  la  grofleur  d'une 
aveline  ou  d'une  mui'cade  ,  le  plus  fouvent  en  forme 
de  poire ,  ou  applati  d'un  côté  &  fans  pédicule  ,  con- 
vexe de  l'autre  ,  ridé  ,  cannelé  extérieurement  ;  d'u- 
ne couleur  roufie  ou  de  canelle ,  d'une  matière  dure , 
difficile  à  couper  ,  panaché  de  veines  blanchâtres, 
ronfles  &  rougeâtres  ;  d'un  goût  un  peu  aromatique, 
&  légèrement  aftringent.  C'eft  ce  fruit  que  nous 
nommons  proprement  arec ,  &  les  Arabes  fauvel. 

Ufages  que  les  Indiens  font  de  ce  fruit.  L'ulage  que  les 
Indiens  en  font  tous  les  jours  ,  lui  a  donné  une  très- 
grande  réputation.  Ils  le  mâchent  continuellement, 
ioit  qu'il  foit  mou  ,  foit  qu'il  foit  dur ,  avec  le  lycium 
indien  ,  ou  le  kaath,  les  feuilles  de  bétel  ,  &  très- 
peu  de  chaux.  Ils  avalent  le  fuc  ou  la  falive  teinte 
de  ces  choies  ,  &  ils  crachent  le  refte  ;  leur  bouche 
alors  paroît  toute  en  feng  ,  ce  fait  peur  à  voir. 

Ils  ne  manquent  pas  de  l'employer  comme  une  cf. 
pece  de  régal  dans  les  vifites  qu'ils  fe  font.  Leur  ma- 
nière de  le  iérvir  ,  eft  de  le  préfenter  en  entier,  ou 
coupé  en  plufieurs  tranches.  Lorfqu'on  le  préfente 
entier  ,  on  lert  en  même  tems  un  infiniment  propre 
à  le  couper ,  qui  eft  une  efpece  de  cifeau  ,  compolé 
de  deux  branches  mobiles  arrêtées  par  une  de  leurs 
Tome  II, 


C  A  C 


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exrcmités  ,  &  qui  s'ouvre  de  l'autre.  C'eft  par  l'ex- 
trémité par  laquelle  le  cifeau  s'ouvre ,  que  l'on  prefle 
l'arec  ,  que  l'on  met  entre  ces  deux  branches  pour  le 
couper  en  autant  de  parties  que  l'on  veut  :  &  de  ces 
deux  branches  il  n'y  en  a  qu'une  ,  qui  eft  la  fupérieu- 
re  ,  deftinée  à  couper  ;  l'inférieure  ne  fort  que  d'ap- 
pui pour  foûtenir  cette  femence  dans  le  tems  de  l'ef- 
fort que  l'on  fait  par  l'abaiflement  de  la  partie  fit* 
périeure  du  cifeau. 

Lorfqu'on  le  fort  coupé  en  tranches ,  c'eft  ordinai- 
rement fur  des  feuilles  de  bétel  dans  lefquelles  on 
enveloppe  ces  morceaux,  après  les  avoir  auparavant 
couverts  d'une  couche  légère  de  chaux  ,  propre  à  fe 
charger  du  fuc  de  l'arec  &  du  bétel ,  quand  on  les  mâ- 
che ,  pour  en  faire  conferver  plus  longtems  dans  la 
bouche  une  faveur  agréable. 

Préparations  du  cachou.  Je  viens  à  la  manière  de 
préparer  l'extrait  d'areca  ;  la  voici ,  félon  que  le  rap- 
porte Hébert  de  Jager  dans  les  Ephémerides  des  cu- 
rieux de  la  nature  ,  decur.  II.  an.  J. 

On  coupe  en  deux  ou  en  trois  morceaux  la  noix 
d'areca  ou  faufel  avant  qu'elle  foit  tout-à-fait  mûre  , 
&  lorfqu'elle  eft  encore  verte  ,  &  on  la  fait  bouillir 
dans  de  l'eau ,  en  y  ajoutant  un  peu  de  chaux  de  co- 
quillages calcinés  pendant  l'efpace  de  quatre  heures, 
jufqu'à  ce  que  les  morceaux  de  cette  noix  ayent  con- 
tracté une  couleur  d'un  rouge  obfcur.  La  chaux  y 
fort  beaucoup.  Alors  on  pafle  cette  décoction  encore 
chaude  ;  &;  lorfqu'elle  eft  refroidie  ,  on  la  fépare  un 
peu  de  la  matière  épaifle  &  de  la  lie  qui  va  au  fond 
du  vaifleau.  Cette  lie  étant  épaifle ,  s'appelle  auflï 
kaatk ,  &  on  l'employé  de  la  même  manière  que  ^'ex- 
trait appelle  cate.  Mais  pour  rendre  cet  extrait  plus 
excellent ,  ils  y  ajoutent  l'eau  de  l'écorce  encore  ver- 
te du  tflanra ,  ou  de  l'acacia ,  dont  nous  avons  parlé  , 
qu'ils  pilent  &  font  macérer  pendant  trois  jours.  En- 
fin, lorfque  ce  fuc  eft  épaifli  ,  ils  l'expofent  au  ioleil 
fur  des  nattes  ,  &c  ils  le  réduilent  en  petites  mafles 
ou  en  paftilles. 

Les  grands  du  pays  &  les  riches  ne  fe  contentent 
pas  de  ce  cachou  :  ils  y  mêlent  du  cardamome  ,  du 
bois  d'aloès ,  du  mufe  ,  de  l'ambre  ,  &  d'autres  cho- 
fes  ,  pour  le  rendre  plus  agréable  &  plus  flatteur  au 
goût.  Telle  eft  la  compofltion  de  quelques  paftilles 
que  l'on  prépare  dans  les  Indes  ,  qui  font  rondes  , 
plates ,  de  la  grofleur  d'une  noix  vomique ,  que  les 
Hollandois  apportent  en  Europe  fous  le  nom  defri 
gâta  gamher. 

Telles  font  auflï  des  paftilles  noires  qui  ont  diffé- 
rentes figures,  tantôt  rondes  comme  des  pilules  ,  tan- 
tôt comme  des  graines  ,  des  fleurs  ,  des  fruits  ,  des 
mouches  ,  des  infectes  ,  tantôt  comme  des.crotes  de 
fouris  ,  &c.  que  les  Portugais  font  dans  la  ville  de 
Goa  ,  &  que  les  François  m£prifont  à  caufe  de  leur 
violente  odeur  aromatique.  Mais  comme  les  nations 
qui  fabriquent  ces  paftilles  ,  font  fort  trompeufes  , 
il  leur  arrive  fouvent  d'y  mêler  d'autres  corps  étran- 
gers ,  pour  en  augmenter  le  poids  &  le  volume  ;  de- 
forte  qu'il  eft  rare  d'en  voir  fortir  de  pures  de  leurs 
mains. 

Pour  ce  qui  eft  du  cachou  Ample  ,  naturel ,  &  fans 
aromates  ,  qui  pafle  en  Europe  ,  &  que  nous  recher- 
chons le  plus  ;  c'eft  un  pur  extrait  de  l'arec  fait  fur 
les  lieux  ,  &  rendu  lolide  par  l'évaporation  de  toute 
l'humidité  que  cet  extrait  contenoit. 

On  coupe  les  graines  d'arec  vertes  ,  en  tranches  ; 
on  les  met  bouillir  dans  l'eau  ,  jufqu'à  ce  que  cette 
eau  foit  chargée  d'une  forte  teinture  rouge-brune  ; 
on  pafle  cette  décoction  ,  qu'on  fait  évaporer  jufqu'à 
coafiftance  d'extrait,  auquel  on  donne  telle  torme 
que  l'on  veut ,  &  qui  fe  durcit  bientôt  après. 

Effets  de  Carte  quand  il  ejl  verd.  Gardas  &  Bon- 
tius  aflùrent  que  fl  Ton  mâche  l'arec  verd  ,  il  caufe 
une  efpece  de  vertige  U  d'ivrefle  femblable  à  celle 

S  s  s  ij 


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C  A  C 


C  A  C 


que  caufe  le  vin ,  mais  qu'on  diïîipe  bientôt  en  pre- 
nant un  peu  de  Ici  6c  d'eau  fraîche  :  quand  ce  fruit 
eft  mûr  ou  cuit ,  il  ne  fait  point  le  même  effet  ,  il 
n'en  produit  que  de  falutaires  ;  &  je  ne  crois  pas 
vraisemblable  qu'il  tire  fon  feul  mérite  de  la  mode , 
de  l'habitude  ,  &  de  la  volupté. 

Vertus  médicinales  du  cachou.  Les  Orientaux  l'em- 
ployent  continuellement  contre  la  puanteur  de  l'ha- 
leine ,  pour  raffermir  les  gencives ,  pour  aider  la  di- 
geition  ,  pour  arrêter  le  vomiiTement ,  la  diarrhée  , 
Ta  dyfienterie  ;  6c  les  relations  de  nos  voyageurs ,  de 
Garcie  ,  de  Linfchot,  de  Bontius,  de  Cleyer,  d'Her- 
man  ,  d'Helbigius ,  conviennent  de  fon  efficace  dans 
tous  ces  cas. 

Par  l'ulage  que  npus  en  avons  fait  en  Europe  , 
nous  y  avons  remarqué  à  peu  près  les  mêmes  pro- 
priétés ;  nous  avons  trouvé  que  le  cachou  naturel  eft 
bon  pour  raffermir  les  gencives ,  pour  l'angine  aqueu- 
fe  ,  pour  diifiper  les  catarrhes  ,  pour  appaiier  la 
toux  qui  vient  d'une  pituite  acre  ,  pour  arrêter  les 
flux  de  ventre  qui  viennent  du  relâchement  de  l'efto- 
mac  &  des  intérims  ,  &c  autres  maladies  femblables. 

Si  nous  pénétrons  jufques  dans  les  principes  qui 
peuvent  opérer  ces  effets  ,  il  femble  que  ce  foit  à 
î'altriction  dont  cette  drogue  eft  principalement 
douée  ,  que  l'on  doive  lès  vertus. 

Effectivement ,  c'eft  par  cette  aftri£tion  que  l'ef- 
tomac  plus  capable  de  retenir  les  alimens ,  eft  en  état 
de  les  mieux  digérer  ;  ce  qui  eft  le  vrai  remède  de  la 
plupart  des  diarrhées  qui  ont  pour  caufe  la  foibleffe 
de  ce  vifeere. 

C'eft  par  cette  même  aftriction  ,  que  réunifiant 
les  principes  du  fang  qui  étoient  divifés ,  elle  peut 
arrêter  la  dyfienterie  ,  6c  les  fluxions  dans  lefquelles 
le  iang  ou  la  iérolité  s'épanchent  avec  trop  de  fa- 
cilité. 

Le  caractère  fpécifique  du  cachou  eft  dohe  d'être 
comme  un  compoié  des  lues  d'hypociftis  6c  d'aca- 
cia, defquels  il  a  l'aftriûion  ;  6c  par  fa  douceur,  il 
approche  de  celle  de  la  réglifle  6c  du  fang-dragon  , 
eniorte  qu'il  réunit  en  foi  les  vertus  de  ces  différens 
lues,  en  modifiant  ce  qu'ils  ont  de  trop  aftringent 
ou  de  trop  difficile  à  diffoudre ,  dans  l'eau  iimple. 

Nous  pouvons  le  difputer  aux  Indiens  par  rapport 
aux  différentes  préparations  que  nous  donnons  au 
cachou  pour  le  rendre  plus  agréable.  On  le  dilTout  dans 
l'eau  fimple  ,  qui  dans  peu  de  tems  fe  charge  de  fes 
parties  les  plus  pures  ;  on  la  coule  ,  on  laiflè  évapo- 
rer la  colature  ,  &  l'on  ne  trouve  au  fond  du  vafe 
qu'un  extrait  rouge-brun ,  qui  eft  ce  cachou  purifié  , 
auquel  on  ajoute  les  aromates  les  plus  convenables 
au  goût  de  chacun  ,  quelquefois  même  le  fucre  , 
pour  en  corriger  cette  amertume  qui  ne  prévient  pas 
«d'abord  en  fa  faveur.     * 

Les  formes  fous  lefquelles  on  le  réduit ,  font  celles 
ou  de  pilules  ,  ou  de  paftilles  ,  ou  de  tablettes  ,  pour 
s'accommoder  aux  goûts  des  diverfes  perfonnes  qui 
en  tout  ufage  ;  l'ambre-gris ,  dont  l'odeur  eft  utile  à 
ceux  qui  ont  l'haleine  mauvaife  ,  s'y  retranche  ordi- 
nairement pour  les  dames  à  qui  elle  pourroit  caufer 
des  vapeurs.  On  le  donne  en  iûbftance  fous  la  for- 
me de  pilules  ,  de  paftilles,  ou  de  tablettes,  depuis 
un  demi-fcrupule  jufqu'à  une  drachme. 
.  Son  ufage  ,  fous  quelqu'une  de  ces  formes  que  ce 
foit ,  convient  le  matin  à  jeun ,  avant  &  après  le  re- 
pas ,  &  dans  tous  les  cas  où  l'on  veut  faciliter  la  di- 
geftion  ,  qui  manque  par  1'affoiblifTement  de  l'efto- 
mac ,  ou  par  l'acide  qui  domine  dans  les  premières 
voies. 

Enfin  ,  une  qualité  particulière  par  laquelle  le  ca- 
chou fe  fait  diftinguer  des  autres  drogues  avec  lefquel- 
les il  a  quelque  analogie  ,  eft,  qu'au  lieu  que  celles- 
ci  fe  déguilent  aifément  par  le  mélange  des  autres 
ingrédiens  que  l'on  y  joint ,  le  cachou  fe  fait  toujours 


rëconhoître ,  dans  quelque  compofition  où  on  le  falTe 
entrer.  i 

Je  ne  dois  pas  oublier  un  avantage  que  l'on  peut 
tirer  du  cachou ,  en  faveur  de  ceux  qui  ont  de  la  répu- 
gnance pour  les  tifanes  ,  &  pour  la  commodité  de 
ceux  qui  veulent  faire  fur  le  champ  une  boiflbn  con-» 
venable  clans  les  dévoiemens  ,  dans  les  fièvres  bi- 
lieules  ,  dans  les  maladies  provenantes  d'une  abon- 
dance de  férofités  acres  ,  &c.  c'eft  que  la  quantité 
d'un  ou  deux  gros  de  cette  fubftance  ,  jettée  dans  de- 
mi-pinte d'eau  ,  lui  donnera  une  teinture  rougeârre, 
une  faveur  douce  &  un  peu  aftringente  ,  telle  qu'il 
convient  dans  ces  occafions. 

Il  me  paroit  que  l'on  n'a  rien  à  craindre  d'une  trop 
grande  dote  du  cachou  ;  car  l'on  peut  en  retenir  con- 
tinuellement de  petits  morceaux  dans  la  bouche  , 
&  en  fubftituer  de  nouveaux  à  ceux  qui  font  diflous  , 
fans  accident  fâcheux.  Il  faut  obferver  que  plus  les 
morceaux  font  petits ,  plus  ils  paroiflènt  agréables  au 
goût.  On  en  prend  de  la  grolTeur  d'une  graine  d'anis 
ou  de  coriandre. 

Teinture  de  cachou.  "Wedelius  en  tire  une  teinture 
de  la  manière  fuivante.  1Ù  cachou  en  poudre  quantité 
fuffiiante  ;  verfez  defTus  fix  ou  huit  fois  autant  d'ef- 
prit  de  vin  re&ifié  :  digérez.  On  retire  une  très-belle 
teinture  ,  que  l'on  ftpare  de  la  lie ,  en  la  verfant  peu 
à  peu ,  &  on  la  garde  pour  l'ulage  ;  la  dofe  eft  depuis 
20  gouttes  jufqu'à  6o. 

On  employé  heureufement  cette  teinture  dans  la 
cachexie  6c  autres  maladies  de  fibres  lâches  ,  où  les 
aftringens  conviennent.  On  peut  s'en  fervir  en  gar- 
garifme  dans  un  véhicule  propre  ,  pour  le  feorbut , 
pour  raffermir  les  dents  6c  les  gencives ,  6c  pour  adou- 
cir l'haleine. 

Pajlilles  de  cachou.  2£  cachou ,  une  drachme  ;  fucre 
royal  ,  une  once  :  réduifez-les  en  poudre  fine.  M. 
avec  du  mucilage  de  gomme  adraganth  ,  &  une 
goutte  ou  deux  d'huile  de  canelle.  Faites  des  paftil- 
les ,  que  l'on  tiendra  dans  la  bouche  ,  dans  les  toux 
catarrhales. 

Opiate  de  cachou.  Ï/L.  cachou,  trois  onces  ;  corail 
rouge  préparé  ,  deux  drachmes  ;  firop  de  coing  , 
quantité  fuffiiante.  M.  F.  un  opiat.  La  dofe  eft  une 
drachme  trois  ou  quatre  fois  le  jour ,  dans  la  fuper- 
purgation ,  la  diarrhée ,  &  la  dyfienterie. 

Julep  de  cachou.  If.  cachou ,  une  drachme  ;  diaco- 
de  ,  trois  onces  ;  firop  de  rofes  lèches  ,  une  once  ; 
eau  de  pourpier,  de  laitue,  ana  quatre  onces:  fai- 
tes-en un  julep  dans  le  crachement  de  fang ,  ou  la> 
dyffenterie. 

Looch  de  cachou.  2C.  cachou  en  poudre ,  deux  drach- 
mes ;  mucilage  de  gomme  adraganth,  trois  onces; 
firop  de  grande  confonde ,  une  once  :  M.  &  faites- 
en  un  looch ,  contre  la  toux  provenante  de  pituite 
acre  ,  qui  tombe  fur  le  poumon. 

Tout  médecin  peut  changer ,  combiner ,  amplifier 
ces  fortes  de  formules  à  fon  gré  ,  &  les  employer 
dans  les  occafions.  Je  ne  les  ai  indiquées  que  parce 
que  je  mets  le  cachou  au  rang  des  bonnes  drogues  qui 
ont  le  moins  d'inconvéniens. 

Choix  du  cachou.  Il  faut  le  choifir  pefant ,  d'un  rou- 
ge tanné  au-defl'us  ,  point  brûlé ,  &  très-luilant.  On 
l'apporte  de  Malabar  ,  de  Surate  ,  de  Pégu  ,  &  des 
autres  côtes  des  Indes. 

Notre  cachou  paroit  un  extrait  du  feul  areca.  Parmi 
celui  que  nous  recevons  ,  il  le  trouve  des  morceaux 
de  différentes  couleurs  &  figures  ;  les  uns  font  formés 
en  boules ,  &  d'autres  en  maffes  applaties  plus  ou 
moins  groffes  ;  de  plus  ,  il  y  en  a  de  pur  qui  fe  fond 
promptement  dans  la  bouche  ,  6c  d'autre  plus  grof- 
lier  ,  plus  amer  ,  terreux  ,  fablonneux  ,  brûlé.  Ces' 
différences  ont  porté  plulieurs  auteurs  de  matière  mé- 
dicale ,  à  diftinguer  deux  fortes  de  cachou ,  qu'ils  ont 
imaginé  être  des.  ftiçs  extraits  de  différentes  plan-» 


C  A  C 


C  A  C 


509 


■tes  ;  cependant  toutes  les  différences  dont  on  vient 
de  parler,  ne  femblent  qu'accidentelles,  &  peuvent 
venir  dé  diverfes  préparations  d'un  feul  &  même 
fruit. 

En  effet,  fuivant  Pobfervation  de  M.  de  Juffieu  , 
la  différence  des  couleurs  de  l'intérieur  &  de  l'exté- 
rieur des  maffes  ,  peut  ne  dépendre  que  du  plus  ou 
du  moins  de  cuiffon  du  lue  extrait ,  qui  ayant  été  ex- 
pofé  au  feu  &  au  foleil  pour  être  déffeché  ,  a  re- 
çu à  l'extérieur  plus  d'imprefiion  de  feu  qu'à  l'inté- 
rieur. 

Il  ne  faut  d'ailleurs  qu'un  peu  d'expérience  fur  les 
différens  effets  qu'eft  capable  de  produire  le  plus  ou 
le  moins  de  maturité  dans  les  fruits  &  les  femences 
dont  on  extrait  ces  fucs ,  pour  juger  de  la  caufe  de 
cette  diverfité  de  couleur  dans  les  différentes  maffes 
de  cachou  qui  nous  font  apportées  des  Indes. 

Le  plus  ou  le  moins  de  fécherefle  de  l'arec  peut 
auflî  contribuer  à  rendre  ces  morceaux  de  cachou 
plus  ou  moins  terreux ,  &  à  les  faire  paroître  plus  ou 
moins  réfineux  ;  puifqu'il  ell  impoffible  qu'à  propor- 
tion de  l'un  de  ces  deux  états  dans  lequel  cette  fe- 
mence  aura  été  employée  ,  il  n'y  ait  plus  ou  moins 
de  fécules  ,  dont  la  quantité  le  rendra  plus  terreftre 
&  plus  friable  ;  il  fera  au  contraire  plus  compael , 
plus  pefant ,  moins  caffant ,  &  paroîtra  plus  réfineux, 
plus  il  y  aura  d'extrait  gommeux. 

Le  fable ,  les  petites  pierres ,  &  corps  étrangers 
qu'on  trouve  dans  quelques  morceaux  &  non  clans 
d'autres ,  font  l'effet  de  la  malpropreté  &c  du  manque 
de  foin  dans  la  préparation. 

Enfin  la  couleur  &  la  faveur  de  l'arec ,  qui  fe  ren- 
contrent dans  Pun  &  l'autre  cachou ,  paroiffent  indi- 
quer qu'ils  ne  tirent  leur  origine  que  de  ce  feul  &  mê- 
me fruit ,  &  que  tous  les  autres  accidens  qu'on  a  dé- 
taillés ne  dépendent  que  de  la  préparation. 

Cependant  je  n'oferois  nier  qu'il  n'y  ait  d'autre  ca- 
chou dans  le  monde  que  celui  qu'on  retire  de  l'arec  ; 
il  n'eft  pas  même  vraiffemblable  que-  ce  feul  fruit 
puiffe  fuffire  à  la  quantité  prodigieufe  qu'on  débite 
de  cette  drogue  aux  Indes  ;  &  il  eft  à  préfumer  que 
leur  extrait  kaath  ell  un  fuc  tiré  non -feulement  du 
fruit  de  l'arec,  mais  de  beaucoup  d'autres  fruits  ou 
plantes ,  dont  on  tire  par  l'ébullition  un  fuc  qui  lui 
ell  analogue. 

Le  cachou  n'eft  point  le  lycium  Indien  des  Grecs.  Il  ne 
me  relie  plus  qu'à  examiner  fi  le  cachou  ell  la  même 
chofe  que  le  lycium  Indien  de  Diojcoride  ;  on  a  grand 
fujet  d'en  douter. 

L'illuftre  médecin  d'Anazarbe  ,  Galien  ,  &  Pline , 
ont  fait  mention  de  deux  fortes  de  lycium  ;  favoir ,  de 
celui  de  Cappadoce ,  8c  de  celui  des  Indes.  Le  pre- 
mier étoit  un  fuc  tiré  d'un  certain  arbre  épineux  , 
dont  les  branches  ont  trois  coudées  de  long ,  &  mê- 
me plus  ;  fon  écorce  eft  pcâle  ;  fes  feuilles  iont  fem- 
blables  à  celles  du  bonis;  elles  font  touffues  :  fon  fruit 
eft  noir  comme  le  poivre,  lu ifant,  amer,  compact; 
fes  racines  font  nombreufes ,  obliques  ,  &  ligneules. 
Cet  arbre  croît  dans  la  Cappadoce ,  la  Lycie ,  &  plu- 
fieurs  autres  endroits.  Les  Grecs  l'appclloient  Kukiov 

On  préparait  le  lycium ,  ou  cet  extrait ,  avec  les 
rameaux  tk  les  racines  que  Pon  piloit  :  on  les  macé- 
roft  enfuite  pendant  plulieurs  jours  dans  Peau  ,  Oc  en- 
fin on  les  faifoit  bouillir.  Alors  on  rejettoit  le  bois  ; 
on  faifoit  bouillir  de  nouveau  la  liqueur  jufqu'à  la 
confillance  de  miel. 

On  en  faifoit  de  petites  maffes  noires  en-dehors  , 
ronfles  en -dedans  lorfqu'on  venoit  de  les  rompre  , 
mais  qui  fe  nohcifToient  bientôt  ;  d'une  odeur  qui 
n'étoit  point  du -tout  puante  ;  d'un  goût  aftringent 
avec  un  peu  d'amertume.  On  avoit  auffi  coutume 
défaire  un  lycium ,  que  Pon  exprimoit  ôc  que  Pon  fai- 
foit lécher. 


L'autre  lycium  ,  ou  celui  des  Indes  ,  étoit  de  cou- 
leur de  fafran  ;  il  étoit  plus  excellent  &  plus  efficace 
que  le  précédent.  On  dit ,  ajoute  Diofcoride ,  que 
l'on  fait  ce  lycium  d'un  arbriffeau  qui  s'appelle,  lon- 
ckitis. 

Il  eft  auffi  du  genre  des  arbres  à  épines  ;  fes  bran- 
ches font  droites  ;  elles  ont  trois  coudées ,  ou  même 
plus  ;  elles  fortent  en  grand  nombre  de  la  racine  ,  & 
font  plus  greffes  que  celles  de  l'églantier  :  l'écorce 
devient  rouflé  après  qu'on  l'a  briiée;  les  feuilles  pa- 
roiffent femblables  à  celles  de  l'olivier. 

Ces  deferiptions  ne  conviennent  point  du -tout 
avec  celles  que  Garcias  &  Bontius  font  du  cati ,  ou 
avec  celle  que  Herbert  de  Jager  fait  de  l'acacia  In- 
dien ,  ni  avec  celle  que  nous  avons  donnée  du  palmier 
areca;  d'où  nous  pouvons  conclurre  avec  Clufius  &c 
Veflingius  ,  que  nous  n'avons  pas  le  lycium  Indien  des 
Grecs.  On  ne  trouve  plus  dans  les  boutiques  le  lycium 
de  Cappadoce. 

Auteurs  fur  le  cachou.  J'ai  lu  fur  le  cachou  quantité 
de  relations  de  voyageurs ,  qui  m'ont  pani  la  plupart 
infidèles  ;  le  Traité  J'Hagendorn  ,  imprimé  en  Latin 
à  Gènes  en  1679 ,  in  8^  ,  qui  eft  une  fort  médiocre 
compilation  ;  plufieurs  DiJJ'ertations  d'Allemagne ,  qui 
n'ont  rien  de  remarquable  ;  les  Ephémerides  des  cu- 
rieux de  la  nature ,  qui  ont  du  bon  &  du  mauvais  ;  un 
Mémoire  de  M.  Boulduc  ,  dans  le  recueil  de  l'Académie 
des  Sciences,  qui  ne  renferme  rien  de  particulier  ;  un 
autre  de  M.  de  Juffieu ,  qui  eft  intéreffant  ;  l'article 
qu'en  a  donné  M.  Geoffroi  dans  fa  Matière  médicale  , 
qui  eft  excellent,  &c  dont  j'ai  fait  le  plus  d'ufage.  En- 
fin j'ai  beaucoup  travaillé  ce  fujet  pour  m'en  inltruire 
&  pour  en  parler  avec  quelque  connoiffance.  Article 
communiqué  par  M.  LE  CHEVALIER  DE  JAUCOURT. 

*  C ACHRY ,  (Hijl.  nat.  bot.)  c'ell  la  graine  d'une 
plante  que  M.  Ray  appelle  libanoùs  cachryophora  ; 
elle  eft  échauffante  &  defficcative. 

CACHUNDE,  fub.  m.  (Pharmacie.)  remède  fort 
vanté  dans  la  Chine  &  dans  l'Inde,  décrit  dans  Za- 
cutus  Lujitanus,  dont  cet  auteur  fait  un  fi  grand  élo- 
ge ,  qu'il  lui  attribue  les  avantages  de  prolonger  la 
vie  &  d'éloigner  la  mort  ;  enfin  c'eft  félon  lui  un  rc-. 
mede  vraiment  royal. 

Ce  remède  eft  un  opiat  compofé  de  médicamens 
aromatiques,  de  pierres  prétieufes,  &  d'autres  cho- 
ies fort  couteufes.  Zacutus  Lujitan.  de  MedU.  princip, 
lib.I.obf.3y.(N) 

CACHIMIA ,  f.  f.  (Chimie.)  ce  mot  ne  fe  trouve 
guère  que  dans  Paracclfe,  qui  s'en  fert  pour  délîgner 
des  fubltances  minérales  qui  ne  (ont  point  parvenues 
à  perfection  ,  ou  ce  qui  n'eft  ni  fel  ni  métal ,  mais  qui 
participe  cependant  plus  de  la  nature  métallique  que 
de  toute  autre.  Les  fubltances  de  ce  genre  iont  les 
différentes  efpeces  de  cobalt ,  le  bifmuth ,  le  zinc  , 
l'arienic,  &c.  (—) 

CACIQUE,  fubft.  m.  (Hijl.  mod.)  nom  que  les 
peuples  d'Amérique  donnoient  aux  gouverneurs  des 
provinces  &  aux  généraux  des  troupes  fous  les  an- 
ciens Yncas  ou  empereurs  du  Pérou.  Les  princes  de 
Pile  de  Cuba ,  dans  l'Amérique  feptentrionale  ,  por- 
toient  le  nom  de  caciques  quand  les  Espagnols  s'en 
rendirent  maîtres.  Depuis  leurs  conquêtes  dans  le 
nouveau  monde,  ce  titre  eft  éteint  quant  à  l'autorité 
parmi  les  peuples  qui  leur  obéiffent  :  mais  les  Sau- 
vages le  donnent  toujours  par  honneur  aux  plus  no- 
bles d'entr  eux  ;  ck  les  chefs  des  Indiens  qui  ne  font 
pas  encore  fournis  aux  Européens  ont  retenu  ce  nom 
de  caciques,  (G) 

CACOCHYMIE ,  fub.  f.  (Médecine.)  état  dépravé 
des  humeurs;  mot  tiré  du  Grec  **k<k,  mauvais ,  &c 
de  Kvja.it ,  f&c. 

Un  corps  devient  fujet  à  la  cacojtymie  par  plulieurs 
caufes  :  i°.  par  Pufage  habituel  d'alimens  qui  ont 
peine  à  être  digérés /loit  par  leur  trop  grande  vif- 


5îo 


C  A  C 


coûté ,  foit  par  leur  texture  trop  forte  pour  céder  à 
l'a£rion  des  organes  de  la  digeition  :  la  pléthore,  les 
hémorrhagies  coniîdérables ,  les  diarrhées ,  les  per- 
tes dans  les  femmes  ,  les  fleurs  blanches ,  ainiï  que 
leur  ceffation  fubite ,  l'oiûveté ,  les  veilles  immo- 
dérées ,  font  autant  de  caufes  de  la  cacochymie ,  qui 
elt  elle-même  la  caufe  d'une  infinité  de  maladies. 

Un  régime  doux ,  un  exercice  modéré ,  quelques 
légers  purgatifs  appropriés  au  tempérament,  au  fexe 
&  à  l'âge  de  la  perfonne  menacée  de  cacochymie  ,  en 
font  les  préfervatifs.  (A7) 

CACONGO,  (Géog.)  petit  royaume  d'Afrique  , 
dans  le  Congo,  fur  la  rivière  de  Zair;  Malemba  en 
eit  la  capitale. 

'  '  CACOPHONIE  ,  f.  f.  terme,  de  Grammaire  ou  plu- 
tôt de  Rhétorique  :  c'eft  un  vice  d'élocution,  c'eit  un 
ion  defagréable  ;  ce  qui  arrive  ou  par  la  rencontre 
de  deux  voyelles  ou  de  deux  fyllabes ,  ou  enfin  de 
deux  mots  rapprochés ,  dont  il  réfulte  un  fon  qui  dé- 
plaît à  l'oreille. 

Ce  mot  cacophonie  vient  de  deux  mots  Grecs;  /.a.- 
kcç  ,  mauvais ,  &  $mn  ,  voix ,  fon. 

Il  y  a  cacophonie ,  fur-tout  en  vers  ,  par  la  ren- 
contre de  deux  voyelles  :  cette  forte  de  cacophonie  fe 
nomme  hiatus  ou  bâillement ,  comme  dans  les  trois 
derniers  vers  de  ce  quatrain  de  Pibrac ,  dont  le  der- 
nier eit  beau  : 

Ne  vas  au  bal  qui  n  aimera  la  danfe, 
Ni  à  la  mer  qui  craindra  le  danger , 
Ni  au  felîin  qui  ne  voudra  manger  , 
Ni  à  la  cour  qui  dira  ce  qu'il  penje. 
La  rime ,  qui  eit  une  reifemblance  de  fon ,  produit  un 
effet  agréable  dans  nos  vers ,  mais  elle  nous  choque  en 
profe.  Un  auteur  a  dit  que  Xerxès  tranfporta  en  Per- 
ié  la  bibliothèque  que  Piiiitrate  avoit  faite  à  Athènes, 
où  Seleucus  Nicanor  la  fit  reporter  :  mais  que  dans  la 
fuite  Sylla  la  pilla  ;  ces  trois  la  font  une  cacophonie 
qu'on  pouvoit  éviter  en  difant ,  mais  dans  la  Juite  elle 
fut  pillée  par  Sylla.  Horace  a  dit ,  œquam  mémento  ré- 
bus in  arduis  fervare  mentem  ;  il  y  auroit  eu  une  caco- 
phonie fi  ce  poète  avoit  dit  mentem  mémento ,  quoique 
(a  penfée  eût  été  également  entendue.  Il  elt  vrai  que 
l'on  a  rempli  le  principal  objet  de  la  parole ,  quand 
on  s'eft  exprimé  de  manière  à  fe  faire  entendre  :  mais 
il  n'elt  pas  mal  de  faire  attention  qu'on  doit  des 
égards  à  ceux  à  qui  l'on  adreiïe  la  parole  :  il  faut 
donc  tâcher  de  leur  plaire  ou  du-moins  éviter  ce  qui 
leur  feroit  defagréable  &  ce  qui  pourrait  offenfer  la 
délicatefie  de  l'oreille,  juge  févere  qui  décide  en  fou- 
verain ,  &  ne  rend  aucune  raifon  de  fes  décifions  :  Ne 
extremorum  verborum  cum  infequentibus  primis  concur- 
fus ,  aut  hiulcas  voces  efficiat  aut  afperas  ;  quamvis  cm  m 
fuaves  grave/que  fententice  ,  tamenfi  inconditis  verbis  ef- 
feruntur,  offendent  aures,  quarurn  ejl  judiciumfuperbijjî- 
mum  :  quod  quidem  Latina  linguajic  obfcrvat ,  nemo  ut 
tam  rujlicusfit  quin  vocales  nolit  conjungen.  Cic.  Orat. 

c-44-  GO 

Cacophonie,  f.  f.  bruit  defagréable ,  qui  réfulte 
du  mélange  de  plulieurs  ions  difeordans  ou  diiTonans. 
Voyei  Dissonance,  Harmonie,  &c.  (O) 

CAÇORLA  ,  (Géog.)  ville  d'Elpagne ,  dans  l'An- 
daloufie ,  iur  le  ruiffeau  de  Véga ,  à  deux  lieues  de  la 
fource  du  Guadalquivir,  fur  les  frontières  du  royau- 
me de  Grenade. 

C ACOUCHACS,  (Géog.)  nation  fauvage  de  l'A- 
mérique feptentrionale ,  dans  la  nouvelle  France. 
:  *  CACTONITE ,  f.  f.  (  Hijl.  nat.  Litholog.)  caclo- 
nites  ;  pierre  que  quelques-uns  prennent  pour  la  far- 
de ou  pour  la  cornaline.  On  a  prétendu  que  fon  feul 
attouchement  rendoit  victorieux ,  &  que  prife  dans 
la  dote  d'un  fcrupule  elle  mettoit  à  couvert  des  ma- 
léfices ;  propriété%  fi  fabuleufes ,  qu'à  peine  ofons- 
nous  en  faire  mention. 

CAD  on  CADILS ,  (Hift,  anc.)  fignifie  en  Hébreu 


CAD 

une  mefure  de  continence  pour  les  liquides ,  une  cru- 
che, une  barrique,  un  feau  ;  mais  dans  S.  Luc,  c.  xvj* 
verf.  6.  il  fe  prend  pour  une  certaine  mefure  déter- 
minée. Combien  deve^-vous  à  mon  maître?  cent  cades 
d'huile.  Le  Grec  lit  cent  baths  ;  or  le  bath  ou  éphi  con- 
tenoit  vingt-neuf  pintes,  chopine  ,  demi-ieptier ,  un 
poiifon  &  un  peu  plus  mefure  de  Paris. 

CADAHALSO  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Efpagne , 
dans  la  nouvelle  Caltille. 

C ADALENS ,  ou  CADELENS  ,  (  Géog.  )  ville  de 
France  dans  l'Albigeois  ,  au  Languedoc. 

CADAN  ou  KADAN,  {Géog.  )  petite  ville  de 
Bohême  ,  au  cercle  de  Zatz,  fur  l'Eure. 

CAD  ARIEN  ,  (Hifi.  mod.  )  nom  d'une  fefte  Ma- 
hométane.  Les  Cadariens  font  une  fecte  de  Mulul- 
mans  qui  attribue  les  actions  de  l'homme  à  l'homme 
même  ,  &  non  à  un  décret  divin  qui  détermine  fa 
volonté. 

L'auteur  de  cette  fecte  fut  Mabedben-Kaled-al- 
Gihoni ,  qui  fouffrit  le  martyre  pour  défendre  fa 
croyance  :  ce  mot  vient  de  l'Arabe  "Hp,  kadara  , 
pouvoir.  Ben- A  un  appelle  les  Cadariens ,  leS  Mages  ou 
les  Manichéens  du  MuJ'ulmanifme  ;  on  les  appelle  au- 
trement Mota^ales.  (  G) 

CADASTRE  ,f.m.  {terme  a"  Aides  ou  de  Finances.") 
éft  un  regiftre  public  pour  l'afîiette  des  tailles  dans 
les  lieux  oii  elles  font  réelles  ,  comme  en  Provence 
&  en  Dauphiné.  Le  cadaflre  contient  la  qualité  ,  l'ef- 
timation  des  fonds  de  chaque  communauté  ou  pa- 
roiffe  ,  &  les  noms  des  propriétaires.  (  H) 

Cadastre  ,  (  Commerce.')  eitauiTi  le  nom  que  les 
marchands  de  Provence  &  de  Dauphiné  donnent 
quelquefois  au  journal  ou  regiltre  fur  lequel  ils  écri- 
vent chaque  jour  les  affaires  concernant  leur  com- 
merce &  le  détail  de  la  dépenfe  de  leur  maifon.  Voye^ 
Journal  &  Livre  ,  DiUwnn.  du  commerce,  tom.  II. 
page  ig.  (G) 

C  AD  AVRE ,  f.  m.  c'eft  ainfi  qu'on  appelle  le  corps 
d'un  homme  mort  :  il  elt  des  cas  où  ne  pouvant  pror 
céder  contre  la  perfonne  d'un  criminel ,  parce  qu'il 
elt  mort  avant  que  fon  procès  pût  lui  être  fait,  on  le 
fait  au  cadavre ,  s'd  elt  encore  exiltant ,  finon  à  la  mé- 
moire. Voyelles  cas  dans  lejquels  cette  jorme  de  procéder 
ejl  ujitée,  au  mot  MÉMOIRE. 

Pour  cet  effet ,  le  juge  doit  nommer  un  curateur  au 
cadavre  ou  à  la  mémoire  ,  lequel  prête  lennent  de  bien 
&  fidèlement  défendre  le  cadavre  ou  fa  mémoire.  Toute 
la  procédure  le  dirige  contre  ce  curateur ,  à  l'excep- 
tion du  jugement  définitif  qui  le  rend  contre  le  cada~ 
vre  ou  la  mémoire  du  défunt. 

Le  curateur  cependant  peut  interjetter  appel  du 
jugement  rendu  contre  le  défunt  :  il  peut  même  y 
être  obligé  par  quelqu'un  des  parens  du  défunt,  le- 
quel en  ce  cas  elt  tenu  d'avancer  les  frais  pour  ce 
néceiTaires. 

Et  s'il  plaît  à  la  cour  fouveraine  oii  l'appel  eit  por- 
té ,  de  nommer  un  autre  curateur  que  celui  qu'a- 
voient  nommé  les  juges  dont  eit  appel  ,  elle  le  peut. 
Foye{  Curateur.  {H) 

La  loi  falique  ,  dit  l'illuitre  auteur  de  l'efprit  des 
lois,  interdifoit  à  celui  qui  avoit  dépouillé  un  cadavre 
le  commerce  des  hommes ,  jufqu'à  ce  que  les  parens 
acceptant  lafatisfaction  du  coupable,  euiîènt deman- 
dé qu'il  pût  vivre  parmi  les  hommes.  Les  parens 
étoient  libres  de  recevoir  cette  fatisfaction  ou  non  : 
encore  aujourd'hui ,  dit  M.  de  Fontenelle ,  éloge  de 
M.  Littre ,  la  France  n'eit  pas  fur  ce  fujet  autant  au- 
deffus  de  la  fuperltition  Chinoife ,  que  les  Anato- 
miftes  le  delireroient.  Chaque  famille  veut  qu'un 
mort  joùiiïè  pour  ainfi  dire,  de  fes  obfeques  ,  &  ne 
foudre  point ,  ou  fouffre  très-rarement  qu'il  foit  fa- 
crifié  à  l'initruction  publique  ;  tout  au  plus  permet- 
elle  en  certains  cas  qu'il  le  foit  à  fon  initruction ,  ou 
plutôt  à  fa  curiolité  particulière.  M.  de  Marfollier 


CAD 

raconte  clans  la  vie  de  S.  François  de  Sales,  que  ce 
faim  encore  fort  jeune  étant  tombé  dangereuiement 
malade  ,  vouloit  léguer  l'on  corps  par  tcitament  aux 
écoles  de  iMedecine ,  parce  qu'il  étoit  fcandalilé  de 
l'impiété  des  étudians  qui  déterraient  les  morts  pour 
en  taire  la  diffecfron.  Il  eft  pourtant  néceffaire  que 
les  magiftrats  ferment  jufqu'à  un  certain  point  les 
yeux  fur  cet  abus ,  qui  produit  un  bien  conlidérable. 
Les  cadavres  font  les  fculs  livres  où  on  piuiïe  bien 
étudier  l'Anatomie.  Voye{  Anatomie.(O) 

*  L'ouverture  des  cadavres  ne  feroit  pas  moins 
avantageulé  aux  progrès  de  la  Médecine  ;  tel ,  dit  M. 
de  la  Métrie ,  a  pris  une  hydropifie  enkiftée  dans  la 
duplication  du  péritoine  ,  pour  une  hydropifie  ordi- 
naire ,  qui  eut  toujours  commis  cette  erreur ,  li  la  dif- 
fection  ne  l'eût  éclairé  :  mais  rJbur  trouver  les  caufes 
des  maladies  par  l'ouverture  des  cadavres ,  il  ne  fau- 
drait pas  le  contenter  d'un  examen  fuperficiel,il  fau- 
drait fouiller  les  vifeeres ,  ck  remarquer  attentive- 
ment les  accidens  produits  dans  chacun  &  dans  toute 
l'ceconomie  animale  ;  car  un  corps  mort  diffère  plus 
encore  au-dedans  d'un  corps  vivant ,  qu'il  n'en  dif- 
'fere  à  l'extérieur.  La  conlervationdes  hommes  ck  les 
progrès  de  l'art  de  les  guérir  ,  font  des  objets  fi  im- 
portans ,  que  dans  une  fociété  bien  policée  ,  les  prê- 
tres ne  devraient  recevoir  les  cadavres  que  des  mains 
de  l'Anatomifte  ;  &  qu'il  devrait  y  avoir  une  loi  qui 
défendît  l'inhumation  d'un  corps ,  avant  l'on  ouvertu- 
re. Quelle  foule  de  connoiifancesn'acquerroit-on  pas 
par  ce  moyen  ]  Combien  de  phénomènes  qu'on  ne 
î'oupçonne  pas  ,  &  qu'on  ignorera  toujours ,  parce 
qu'il  n'y  a  que  la  diifeclion  fréquente  des  cadavres 
qui  piaffe  les  faire  appercevoir  !  La  confervation  de 
la  vie  eft  un  objet  dont  les  particuliers  s'occupent 
alfez ,  mais  qui  me  femble  trop  négligé  par  la  fo- 
ciété. Voye^  les  articles^  FUNERAILLES  ,  BUCHER  , 

Sépulcre  ,  Tombeau  ,  &c 

C  ADDOR ,  (  Géog.  )  ville  d'Afie ,  dans  l'Inde ,  au 
royaume  de  Brampour ,  dépendante  du  grand  Mo- 
gol. 

Caddor  ,  (  IHJl.  mod.  )  c'eft  le  nom  qu'on  donne 
en  Turquie  à  une  épée  dont  la  lame  eft  droite  ,  que 
les  fpahis  font  dans  Fufage  d'attacher  à  la  felle  de 
leurs  chevaux  ,  ck  dont  ils  fe  fervent  dans  une  ba- 
taille au  défaut  de  leurs  fabres. 

*  CADEAU ,  f  m.  (  An  d'écrire.}  grand  trait  de 
plume  ,  dont  les  maîtres  d'Ecriture  embelliiient  les 
marges ,  ck  le  haut  &  le  bas  des  pages ,  &  qu'ils  font 
exécuter  à  leurs  élevés  pour  leur  donner  de  la  fer- 
meté &  de  la  hardieffe  dans  la  main. 

CADÉE ,  f.  f.  (ffi/t.  mod.  )  c'eft  ainfi  qu'on  nom- 
me celle  des  trois  ligues  qui  compofent  la  républi- 
que des  Grifons ,  qu'on  appelle  autrement  la  ligue  de 
la  mai/on  de  Dieu.  C'eft  la  plus  étendue  ck  la  plus 
puiffante  des  trois  ;  elle  renferme  l'évêché  de  Coire , 
la  vallée  Engadine  ,  &  celle  de  Bregaillc  ou  Prigél; 
elle  eft  alliée  aux  fept  premiers  cantons  SuifTesdepuis 
1498;  on  y  profeffe  le  Proteftantifme  ;  l'Allemand 
eft  la  langue  de  deux  des  onze  grandes  &  vingt  ck 
une  petites  communautés  dont  la  Cadée  eft  compo- 
sée ;  les  autres  parlent  le  dialecfe  Italien  appelle  le 
Rhitique. 

CADEGI ,  (Hijî.  nat.  bot.  )  arbre  qui  croît  aux 
Indes  &  en  Arabie  ,  &  qui  a  beaucoup  de  reffem- 
blance  avec  celui  qui  porte  la  cafle,  mais  dont  la 
feuille  eft  cependant  plus  longue  ck  plus  mince.  On 
donne  aurli  le  même  nom  à  un  autre  arbre  des  In- 
des ,  qui  a  beaucoup  de  conformité  avec  un  prunier  ; 
fon  écorce  eft  d'un  brun  foncé  ;  fes  feuilles  font  un 
peu  plus  longues  que  celles  du  poirier  ;  la  fleur  qu'il 
produit  eft  blanche  ck  pourpre  ,  d'une  odeur  fort 
agréable  ,  ck  le  fruit  reftemble  aux  poires  de  berga- 
motte. 

CADEL-AVANACU ,  (  Hijl.  nat.  bot.  )  efpecc  de 


CAD 


511 


ricin  qui  croît  au  Brefil ,  fleurit ,  &  porte  fruit  en 
Janvier  ck  en  Juillet  :  c'eft  tout  ce  que  Ray  nous  en 
apprend,  Voye^  dans  le  dictionnaire  de  Médecine  fes 
propriétés  qui  font  en  grand  nombre ,  &  qui  feraient 
délirer  une  meilleure  defeription  du  cadel-avanacu , 
fi  elles  étoient  bien  réelles. 

C  ADENAC  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  dans 
le  Querci,  fur  la  rivière  de  Lot. 

C  A  DE  NAT,  f.  m.  eft  une  efpece  de  petite 
ferrure  qui  fèrt  à  fermer  les  malles,  les  coffres  forts, 
les  caffette5,  &c.  Il  y  en  a  de  différentes  figures  &  de 
méchanifme  différent  :  mais  on  peut  les  renfermer 
tous  fous  trois  claffes  ,  ck  dire  que  les  uns  font  à 
ferrure ,  les  autres  à  rejfort ,  &  les  troifiemes  à  fecret. 
Quant  aux  figures ,  il  y  en  a  de  ronds ,  de  longs  , 
d'ovales ,  en  éculfon ,  en  cylindre ,  en  triangle  ,  en 
baluftre  ,  en  cœur,  &c. 

Les  cadenats  d'Allemagne  ont  toutes  leurs  pièces 
bralées. 

Pour  expliquer  les  cadenats ,  nous  allons  commen- 
cer par  ceux  en  cœur,  en  triangle,  &  en  boule.  Ils 
ont  une  anfe  ON,fig.  3.  &  4.  PI.  II.  de  Serrurerie , 
arrêtée  par  une  goupille  entre  les  deux  oreilles  qui 
forment  la  tête  du  palatre.  Cette  anfe ,  par  un  mou- 
vement de  charnière ,  va  fe  rendre  dans  une  Ouver- 
ture pratiquée  entre  les  deux  oreilles  oppofées  aux 
précédentes  ,  où  fon  extrémité  ,  à  laquelle  on  voit 
une  encoche,  rencontre  un  pèle  IL,  foutenu  fur  une 
couliffe  K  ,  qu'elle  pouffe  ,  ck  qui  eft  repouffé  dans 
l'encoche  par  un  reffort  à  chien  M  qui  eft  fixé  fur  le 
palatre  du  cadenat  :  c'eft  ainfi  que  le  cadenat  fe 
ferme  de  lui-même.  Pour  l'ouvrir,  on  a  une  clé  dont 
le  panneton  vient  s'appliquer  en  tournant  de  gauche 
à  droite  contre  la  queue  L  du  pèle  qui  eft  coudé  en 
équerre  ,  repoulfe  le  reffort ,  &  fait  fortir  le  pèle  / 
de  l'encoche  de  l'anfe  du  cadenat,  ck  alors  le  cadenat 
eft  ouvert. 

Ces  cadenats  font,  comme  on  voit,  compofés  d'un 
palatre ,  d'une  cloifon ,  &  d'une  couverture ,  qui  eft 
le  côté  où  entre  la  clé,  pour  le  dehors;  &  quant  à 
la  garniture  du  dedans,  c'eft  un  pèle  à  queue  coudé 
en  équerre ,  &  foutenu  fur  une  couliffe  K  ,  avec  un 
reffort  à  chien  par  derrière  ,  &  une  broche  qui  entre 
dans  le  canon  de  la  clé. 

Autre  cadenat  en  demi-cœur  &  à  anfe  quarrée.  Celui- 
ci  a  les  mêmes  pièces  au  dehors ,  mais  aucune  gar- 
niture en  dedans.  Les  deux  extrémités  de  fon  anfe 
FGH ',  FGH ,  font  garnies  fur  deux  faces ,  lavoir 
celles  qui  regardent  le  ventre  du  cadenat,  ck  celles 
qui  fe  regardent  fous  l'anfe ,  chacune  d'un  reffort 
en  aîie  ,  F  G,  F  G ,  foudés  furies  extrémités  F,  F,  de 
l'anfe.  On  fait  entrer  ces  extrémités  de  l'anfe  avec 
ces  refforts  dans  les  ouvertures  E,  E,  qui  font  entre 
les  oreilles  de  delfus  la  tête  du  paiatre  ;  dans  ce 
mouvement,  les  refforts  FG,  FG,  fe  preffent  contre 
les  faces  des  extrémités  de  l'anfe,  ck  fe  détendant 
enfuite  dans  l'intérieur  du  cadenat,  au-delà  du  dia- 
mètre des  ouvertures,  l'anfe  ne  peut  fortir  d'elle- 
même  &  le  cadenat  te  trouve  fermé.  Pour  l'ouvrir, 
on  a  une  clé  forée  Kl,  dont  le  panneton  eft  entaillé 
à  fes  deux  extrémités ,  fuivant  la  forme  des  bouts 
de  l'anfe.  En  tournant  cette  clé  de  gauche  à  droite, 
les  deux  parties  entaillées  du  panneton  preffent  les 
deux  refforts  de  devant,  &  la  partie  du  panneton 
qui  eft  reliée  entière ,  &qui  paffe  entre  les  deux  au- 
tres refforts  qui  fe  regardent  entre  les  branches  de 
l'anfe,  les  preffe  en  même  tems  ;  d'où  il  arrive  qu'ils 
font  tous  quatre  appliqués  fur  les  faces  de  l'extré- 
mité de  l'anfe  qui  perd  fon  arrêt ,  ck  lui  permet  de 
fortir. 

Cadenat  cylindrique  à  reffort  à  boudin  (fg.  J.  même 
Planche').  Ce  cadenatz  pour  corps  un  cylindre  creux 
ABI  fermé  par  une  de  ces  extrémités  5,  ck  garni  à 
l'autre  extrémité  d'un  guide  immobile  ck  bralé  avec 


5îî 


C  A 


CAD 


le  corps ,  ou  fixe  par  une  goupille.  Le  corps  porte  à 
la  même  extrémité  du  guide,  où  entre  la  clet ,  deux 
oreilles  entre  lesquelles  le  meut  l'ànfe  B  z  ,  qui  y 
eft  arrêtée  par  une  goupille  d'un  bout,  &  dont  l'au- 
tre terminée  par  une  iurface  plate  ,  quanée  &  per- 
cée dans  ion  milieu  d'un  trou  quarré  ,  entre  par  une 
ouverture  faite  au  corps,  dans  ia  cavité  à  la  partie 
oppolée  des  oreilles  ;  voilà  toutes  les  parties  extérieu- 
res. L'intérieur  eft  garni  d'un  guide  ou  plaque  cir- 
culaire E  3,  percée  pareillement  d'un  trou  carré  ,  & 
fondée  parallèlement  au  guide  ,  à  très-peu  de  distan- 
ce de  l'ouverture  qui  reçoit  l'extrémité  de  l'anle  qui 
doit  recevoir  le  pèle.  Entre  ces  deux  guides  le  pofe 
un  relîbrt  à  boudin  H  G3,  fur  l'extrémité  duquel 
eft  fituée  une  nouvelle  plaque  ou  pièce  ronde  G  J  , 
&  percée  dans  l'on  milieu  d'un  trou  quarré  ,  dans  le- 
quel le  pèle  a  F  6  eft  fixé.  Ce  pèle  traverle  le  relîbrt 
à  boudin  ,  la  pièce  ronde  mobile  dans  laquelle  il  eft 
fixé ,  l'autre  pièce  ronde  fixée  dans  le  corps  ,  &  s'a- 
vance par  un  de  les  bouts  ,  juiqu'au  de-là  de  l'ouver- 
ture du  cadenat ,  comme  on  voit  en  R  M  L  y.  Son 
autre  extrémité  eft  en  vis ,  &  entre  dans  le  guide  du 
côté  de  l'anle  ;  il  eft  évident  que  dans  cet  état  le  ca- 
denat eft  fermé.  Pour  l'ouvrir  ,  on  a  une  clé  1  4, 
dont  la  tige  eft  forée  en  écrou  ;  cet  écrou  reçoit  la  vis 
du  pèle,  tire  cette  vis,  fait  mouvoir  le  pèle,  approcher 
la  pièce  ronde  à  laquelle  il  eft  fixé  ,  6c  lortir  Ion  ex- 
trémité de  la  pièce  ronde  fixée  dans  le  corps ,  &t  du 
trou  quarré  de  Fauberon  ;  alors  le  cadenat  eft  ouvei  t. 
La  pièce  ronde  s'appelle  picolet.  Il  eft  évident  que 
quand  on  retire  la  clé  ,  on  donne  lieu  à  l'action  du 
relîbrt,  qui  repouiîè  le  picolet  mobile,  &  fait  aller 
le  bout  du  pèle  de  delîus  le  picolet  fixe  dans  l'au- 
beron.  Cette  clé  a  un  épaulement  vers  le  milieu  de 
fa  tige;  cet  épaulement  l'empêche  d'entrer,  &  con- 
traint le  relîbrt  à  laitier  revenir  le  pèle. 

Autre  cadenat  à  cylindre  ,  ji g.  6.  il  eft  fermé  par 
un  de  fes  bouts  M  ,  l'autre  N  eft  ouvert.  Le  côté 
ouvert  peut  recevoir  une  broche  D  £  F,  qui  a  qua- 
tre ailes ,  foudées  par  la  pointe  de  la  broche  &  for- 
mant relîbrt.  L'anle  accrochée  par  un  bout  M  ou  B 
dans  un  anneau ,  qui  eft  à  l'extrémité  par  laquelle  en- 
tre la  clé,  a  en  fon  autre  extrémité  un  auberon 
C  ,  percé  d'un  trou  quarré  ,  &  qui  entre  dans  le 
cylindre  qui  forme  le  corps  du  cudenat  ;  lorfqu'on 
veut  fermer  le  cadm.it ,  on  poulie  la  broche  D  E  F 
par  le  côté  ouvert  du  cylindre  ,  &  on  la  fait  palier 
avec  les  relions  E  F  à  travers  l'auberon  ;  ces  reiïbrts 
parlent  au-delà  de  l'auberon  ,  s'ouvrent,  forment  un 
arrêt,  &  le  cadznat  eft  fermé.  Pour  l'ouvrir,  on  a  une 
clé  G  H ii  garnie  d'un  aubeion,  qui  reçoit  la  poin- 
te de  la  broche  ,  relïerre  les  refforts  ,  &  les  relions 
font  ferrés  avant  que  l'auberon  de  la  clé  foit  parve- 
nu jufqu'à  l'auberon  de  l'anle  ;  cette  clef  ouvie  le  ca- 
denat ,  &  chalîe  la  broche. 

Cudenat  à  ferrure  ,  figure  2.  même  Planche  :  il  eft 
compote  quant  à  la  cage,  d'un  palatre  ,  d'une  cloi- 
fon,  d'une  couverture  &  d'une  anle  ;  quant  au  de- 
dans, d'un  pèle,  monté  dans  deux  picolets  fixés  fur 
le  palatre  ;  un  grand  relîbrt  à  gorge ,  aulîi  monté 
furie  palatre  ;  au-delïbus  du  pelé  cil  un  roue:  fimple , 
avec  une  broche,  desétochios  qui  arrêtent  la  cloilon 
entre  le  palatre  &  la  couverture  ,  &  fixent  le  tout  en- 
femble.  La  cloifon  eft  ouverte  en  deflus  en  deux  en- 
dioits ,  dont  l'un  reçoit  une  des  branches  de  l'anle  al- 
longée &  terminée  par  un  bouton  qui  fixe  la  courie, 
l'empêche  de  fortir  du  cadenat ,  &  dont  l'autre  reçoit 
l'autre  branche  de  l'anle  qui  eft  plate,  &  qui  a  une 
entaille  ou  ouverture.  Cette  entaille  reçoit  le  pèle , 
lorfque  la  clé  tournant  de  droite  à  gauche  rencontre 
la  gorge  du  relîort ,  le  fait  lever  &  échapper  de  fon 
encoche  ,  &  poulie  les  barbes  du  pèle  qui  entre  dans 
l'entaille  de  l'anle  ,  &c  reçoit  le  relîbrt  qui  retombe 
dans  une  autre  encoche ,  qui  empêche  le  pelé  de 


reculer.  Alors  le  cadznat  eft  fermé  ;  fi  l'on  meut  îa  ci<J 
en  lens  contraire,  tout  s'exécutera  en  feus  conti ai- 
re, &  le  cadenat  lera  ouvert. 

On  voit  encore  à  ce  cadenat  un  cache-entrée,  qui 
eft  fixé  iur  la  couverture  par  deux  vis,  dont  l'une 
eft  rivée ,  &  l'autre  peut  fortir  jufqu'à  fleur  du  cache- 
ent'-ée  ;  l'utilité  du  cache-entrée ,  eft  d'empêcher  que 
l'eau  n'entre  dans  le  cadenat  :  la  tête  de  la  broche  qui 
eft  lur  le  palatre,  eft  tout-à-tait  iemulable  au  cache- 
ent.ee. 

Cadenat  à  fecret,  même  PL  il  eft  formé  d'une  plaque 
A  B  ,  au  milieu  de  laquelle  eft  rivé  un  canon  CD  , 
ouvert  par  la  partie  lupérieure.  Sur  ce  canon  peu- 
vent s'enfiler  des  plaques  rondes  ,  pereces  dans  le 
milieu  E  ,  échancrées  circulairement  en  F  G  H,  &C. 
fendues  en  F;  une  aift-e  plaque  1 K ,  porte  fixée  lur 
ion  milieu  une  broche  LM ,  faite  en  icie.  Cette  bio- 
che  entre  dans  le  canon  CD ,  &  traverle  toutes  les 
piaques  F  G  //,demanieie  pour.anc  que  les  dents 
débordent  par  l'ouverture  du  canon,  6c  font  reçues 
dans  les  échancrures  des  plaque  .  Qu;  nd  la  bioche 
L  M  avance  dans  le  canon  C  D  ,  l'extrémité  Q  d'u- 
ne des  moitiés  de  l'anle  entre  dans  l'extrémité  R  de 
l'autre  moitié.  Si  vous  faites  tourner  les  plaques 
F  G  H  lur  elles-mêmes  ,  il  eft  évident  que  les  dents 
de  la  broche  L  M  leront  retenues  par  toutes  les 
échancrures  de  ces  plaques ,  6i.  qu  on  ne  pourra  en 
faire  lortir  cette  broche  ,  qu'en  failant  mouvoir  tou- 
tes les  plaques  ,  jufqu'à  ce  que  toures  ils  fentes  F  de 
ces  plaques  le  trouvent  &£  dans  la  même  direction, 
&  dans  la  direction  des  dents  de  la  bicche  ;  or,  s'il 
y  avoit  feulement  fix  à  lept  plaques  échancrées  ,  il 
taudroit  les  tourner  long-ten.s  avant  que  le  haiard 
fit  rencontrer  cette  pofinon  un. que.  Mais ,  dira-t-on  , 
comment  ouvre-t-on  donc  ce  cadenat  ?  c'elî  par  le 
moyen  de  fignes  &  ue  caracteies  répandus  er  grand 
nombre  fur  toutes  les  circontérences  des  plaques  e  n- 
filées.  Il  n'y  a  qu'une  leule  pofition  de  tous  ces  ca- 
ractères ,  qui  donne  aux  plaques  celle  dans  laquelle 
0.1  peut  faire  fortir  la  broche  du  car  on  ;  &  il  n  \  a 
que  le  maître  du  cadenat  qui  connoille  cette  pofi- 
tion, &  qu'un  Géomètre  qui  épu:leioit  les  combinai- 
fons  de  tous  les  caractères,  &  qui  éprouveioit  ces 
combinailons  de  caractères  les  unes  après  les  autres, 
qui  puilTe  rencontrer  la  bonne;  mais  par  malheur, 
cette  eipece  de  cadenat  eft  à  l'ufage  de  gens  ,  dont 
l'humeur  inquiète  ne  lailî'e  guère  aux  autres  le  tems 
de  faire  un  fi  grand  nombre  d'épreuves. 

CADENCE  ,  f.  f.  (  Belles-Lettres  )  ce  mot  dans  le 
difeours  oratoire  &  la  Pocfie ,  lignifie  la  marche  har- 
monieufe  de  la  proie  &  des  vers ,  qu'on  appelle  au- 
trement nombre ,  &  que  les  anciens  nommoient  ^hpU. 
Foyei  Nombre  ,  Rythme  ,  cv  Harmonie. 

Quant  à  la  profe,  Ariftote  veut  que  fans  être  me- 
furée  comme  les  vers  ,  elle  foit  cependant  nombreu- 
fe  ;  &  Ciceron  exige  que  l'orateur  prenne  loin  de 
contenter  l'oreille ,  dont  le  jugement,  dit-il ,  eft  il  fa- 
cile à  révolter  ,  JuperbiJJlmum  aurium  judicium.  En 
effet  la  plus  belle  penlée  a  bien  de  la  peine  à  plaire, 
lorfqu'elle  eft  énoncée  en  termes  durs  &  mal  arran- 
gés ;  iî  l'oreille  eft  agréablement  flattée  d'un  diicours 
doux  &  coulant ,  elle  eft  choquée  quand  le  nombre 
eft  trop  court,  mal  ibûtenu  ,  la  chute  trop  rapide  ; 
ce  qui  fait  que  le  ftyle  haché  il  fort  à  la  mode  aujour- 
d'hui ne  paroît  pas  être  le  ftyle  convenable  aux  ora- 
teurs :  au  contraire,  s'il  elt  traînant  &  languiiîant, 
il  lalîè  l'oreille  &  la  dégoûte.  C'eft  donc  en  gardant 
un  jufte .milieu  entre  ces  deux  défauts,  qu'on  don- 
nera au  difeours  cette  harmonie  toujours  nécelîaire 
pour  plaire  ,  &  quelquefois  pour  perluader  ;  &  tel 
eft  l'avantage  du  ftyle  périodique  &  ioùtenu  ,  comme 
on  peut  s'en  convaincre  par  la  lecture  de  Ciceron. 

Quant  à  la  cadence  des  vers ,  elle  dépend  dans  la 
Poelie  Greque  &  Latine  ,  du  nombre  &  de  l'entre- 
lacement 


CAD 

lacement  des  pies  ou  mefurcs  profodiques  ,  qui  en- 
trent dans  la  compofition  des  vers ,  des  céfures,  &c 
ce  qui  varie  félon  les  différentes  efpeces  de  vers  :  & 
dans  les  langues  vivantes ,  la  cadence  réfulte  du  nom- 
bre des  fyllabes  qu'admet  chaque  vers,  de  la  richeffe, 
de  la  variété  &  de  la  difpofition  des  rimes.  Voyei 
Harmonie. 

»  Dans  l'ancienne  Poëfie,  il  y  a ,  dit  M.  Rollin, 
»  deux  fortes  de  cadences  :  l'une  iimple ,  commune  , 
»  ordinaire  ,  qui  rend  les  vers  doux  &  coulans  ,  qui 
»>  écarte  avec  foin  tout  ce  qui  pourroit  bleffer  l'o- 
»  reille  par  un  fon  rude  &  choquant  ;  &  qui  par  le 
»  mélange  de  différens  nombres  &  différentes  mefu- 
»  res  ,  forme  cette  harmonie  fi  agréable,  qui  règne 
»>  univerfellement  dans  tout  le  corps  d'un  poëme. 

»  Outre  cela ,  continue-t-il ,  il  y  a  de  certaines  ca- 
»  dences  particulières  plus  marquées  ,  plus  frappan- 
»  tes  ,  &  qui  fe  font  plus  fentir  ;  ces  fortes  de  caden- 
y>  ces  forment  une  grande  beauté  dans  la  verfîfica- 
»  tion ,  &  y  répandent  beaucoup  d'agrément ,  pour- 
»  vu  qu'elles  l'oient  employées  avec  ménagement  & 
»  avec  prudence ,  &  qu'elles  ne  fe  rencontrent  pas 
>>  trop  louvent.  Elles  fauvent  l'ennui  que  des  caden- 
»  ces  uniformes ,  &  des  chûtes  réglées  fur  une  même 
h  mefure  ne  manqueraient  pas  de  caufer.  .  .  .  Ainfi 
»  la  Poëfie  Latine  a  une  liberté  entière  de  couper 
»  fes  vers  où  elle  veut ,  de  varier  fes  cefures ,  &  fes 
»  cadences  à  fon  choix ,  &  de  dérober  aux  oreilles  dé- 
»  licates  les  chiites  uniformes  produites  par  le  dacly- 
»  le  &  le  fpondée ,  qui  terminent  les  vers  héroïques  ». 
Il  cite  enfuite  un  grand  nombre  d'exemples  tous 
tirés  de  Virgile  ;  nous  en  rapporterons  quelques-uns. 
i°.  Les  grands  mots  placés  à  propos  forment  une 
cadence  pleine  cVnombreufe  ,  fur-tout  quand  il  entre 
beaucoup  de  fpondées  dans  le  vers. 

Luclantes  ventos  tempefiatefque  fonoras  , 

Imperio  premit.  iEneid.  i . 
Ainfi  le  vers  fpondaïque  a  beaucoup  de  gravité. 

Confiât,  atque  oculis  Phrygia  agmina  circumfpexit t 
Un  monofyllabe  à  la  fin  du  vers  lui  donne  de  la  force, 

Hœret  pes  pede  denjufque  viro  vir.  jEneid.  X. 
Il  y  a  des  cadences  fufpenducs  propres  à  peindre  les 
objets  ,  telle  que  celle-ci , 

Et  frufira  retinacula  tendens  , 

Fertur  equis  auriga.  Georg.  i. 
d'autres  coupées  ,  d'autres  où  les  élifions  font  un 
très-bel  effet.  Les  fpondées  multipliés  font  propres  à 
peindre  la  trifteffe. 

Extincliun  nimphee  crudeli  funcre  Daphnim 

Fichant.  Eclog.  V. 

des  dactyles  au  'contraire  ,  à  marquer  la  joie  ,  le 
plailîr , 

Saltantes  fatyros  imitabitur  Alphefibœus ,  Eclog.  V. 
Pour  exprimer  la  douceur  ,  on  choifit  des  mots  où  il 
n'entre  prefquc  que  des  voyelles  avec  des  confonnes 
douces  &  coulantes  , 

Devenere  locos  lœtos  &  amœna  vireta  \ 

Fortunatorum  nemorian  fedefquc  beatas .  jErteid.  VI. 
La  dureté  fe  peint  par  des  rr  ,  ou  d'autres  confonnes 
dures  redoublées. 

Ergo  œgre  raflris  terram  rimant ur.  Georg.   III. 
la  légèreté  par  des  dactyles  ; 

Ergo  id'i  clara  dédit  fonitum  tuba  ,  fini  bus  on:  nés, 

Haud  rnora ,  projiluere  fuis  j  fait  alliera  clamor. 
vEneid.  v. 
&  la  pefanteur  par  des  fpondées  ; 

Illi  inter  Jefe  magna  vi  brachia   tollunt, 
In  numerum  y  yerfantque  tenaci  fircipë  ferrum. 
Georg.  iv. 
Tome  II. 


CAD  513 

Dans  d'autres  cadences,  un  mot  placé  &  comme  re- 
jette à  la  fin ,  a  beaucoup  de  grâce. 

Vox  quoque  per  lucos  vu/go  exaudita  filent  es 

Ingens.  Georg.  1. 

Traité  des  Etudes  ,  tam.  prem.  pag.  Jj3.  &fuiv.   (  C) 

Cadence,  en  Mufique,  eft  la  terminaifon  d'une 
phrafe  harmonique  fur  unrepos  ou  fur  un  accord  par- 
fait, ou  pour  parler  plus  généralement,  c'eft  tout  paf- 
fage  d'un  [accord  difîbnant  à  un  autre  accoid  quel- 
conque ;  car  on  ne  peut  jamais  fortir  d'un  accord  dif- 
fonant  que  par  une  cadence.  Or  comme  toute  phrafe 
harmonique  eft  néceffairement  liée  par  des  diffonan- 
ces  exprimées  ou  fous-entendues ,  il  s'enfuit  que  tou- 
te l'harmonie  n'eft  proprement  qu'une  fuite  de  ca- 
dences. 

Ce  qu'on  appelle  acte  décadence  réfulte  toujours  de 
deux  fons  fondamentaux  ,  dont  l'un  annonce  la  ca- 
dence ,  &  l'autre  la  termine. 

Comme  il  n'y  a  point  de  dilîbnance  fans  cadence , 
il  n'y  a  point  non  plus  de  cadence  fans  difïbnance  ex- 
primée ou  fous-entendue  ;  car  pour  faire  fentir  agréa- 
blement le  repos ,  il  faut  qu'il  loit  précédé  de  quelque 
chofe  qui  le  faffe  délirer ,  &  ce  quelque  choie  ne  peut 
être  que  la  difïbnance  :  autrement  les  deux  accords 
étant  également  parfaits,  on  pourroit  fe  repofer  fur 
le  premier  ;  le  fécond  ne  s'annonceroit  point ,  &  ne 
feroit  pas  néceflaire  :  l'accord  formé  fur  le  premier 
fon  d'une  cadence ,  doit  donc  toujours  être  difTonant. 
A  l'égard  du  fécond,  il  peut  être  confonant  ou  difîb- 
nant ,  félon  qu'on  veut  établir  ou  éluder  le  repos* 
S'il  eft  confonant,  la  cadence  eft  pleine  :  s'U  eft  difîb- 
nant ,  c'eft  une  cadence  évitée. 

On  compte  ordinairement  quatre  efpeces  de  ca- 
dences :  fa  voir ,  cadence  parfaite  ,  cadence  interrompue  , 
cadence  rompue ,  &  cadence  irréguiiere.  Ce  font  les  noms 
que  leur  a  donné  M.  Paimeau. 

1.  Toutes  les  fois  qu'après  un  accord  de  feptieme, 
la  baffe  fondamentale  defeend  de  quinte  fur  un  ac- 
cord parfait,  c'eft  une  cadence  parfaite  pleine,  qui  pro- 
cède toujours  d'une  dominante  à  une  tonique  :  mais 
fi  la  cadence  eft  évitée  par  une  diffonance  ajoutée  à 
la  féconde  note  ,  elle  peut  fe  faire  derechef  fur  cette 
féconde  note ,  &  fe  continuer  autant  qu'on  veut  en 
montant  de  quarte  ,  ou  defeendant  de  quinte  fur  tou- 
tes les  cordes  du  ton ,  &  cela  forme  une  fucceffion  de 
cadences  parfaites  évitées.  Dans  cette  fucceffion  qui 
eft  la  plus  parfaite  de  toutes,  deux  ions,  lavoir  la 
feptieme  &  la  quinte ,  defeendent  fur  la  tierce  &  fur 
l'octave  de  l'accord  luivant,  tandis  que  deux  autres 
fons,  favoir  la  tierce  &  l'octave  ,  refient  pour  faire 
la  feptieme  &  la  quinte  ,  &  defeendent  enfuite  alter- 
nativement avec  les  deux  autres  :  ainfi  une  telle  fuc- 
ceffion donne  une  harmonie  defeendante  :  elle  ne 
doit  jamais  s'arrêter  qu'à  une  dominante  pour  tom- 
ber enfuite  par  cadence  pleine  fur  la  tonique.  Voye^ 
PI.  I.  de  mufique ,  fig.  l. 

2.  Si  la  baffe  fondamentale  defeend  feulement  de 
tierce,  au  lieu  de  def cendre  de  quinte  après  un  ac- 
cord de  feptieme,  la  cadence  s'appelle  interrompue  : 
celle-ci  ne  peut  jamais  être  pleine:  mais  il  faut  né- 
ceffairement que  la  féconde  note  de  cette  cadence  por- 
te un  autre  accord  de  feptieme  :  on  peut  de  même 
continuer  à  delccndre  par  tierces  ou  monter  par  fix- 
tes, d'accords  de  feptieme  en  accords  de  feptieme* 
ce  qui  fait  une  féconde  fucceffion  de  cadences  e\  teesi 
mais  bien  moins  parfaite  que  la  précédente;  car  la 
feptieme  quiïe  fauve  fur  la  tierce  dans  la  cadence  par- 
faite ,  fe  fauve  ici  fur  l'octave ,  ce  qui  fait  moins  d'har- 
monie, &  fait  même  fous-entendre  deux  ot 

de  forte  que  pour  les  éviter,  on  retranche  ordinaire- 
ment la  dilîbnance,  ou  l'on  renverfe  l'harmonie. 

Puilqiie  la  cadem  interrompue  ne  peut  jamais  êtr«j 
pleine  ,  il  s'enfuit  qu'une  phrafe.  ne  peut  finir  par  elle* 

T  1 1 


5M 


C  A 


mais  il  faut  recourir  à  la  cadence  parfaite  pour  faire 
entendre  l'accord  dominant.  Voycifig.  z. 

La  cadence  interrompue  forme  encore  par  fa  fuccef- 
fion  une  harmonie  dépendante  :  mais  il  n'y  a  qu'un 
feul  l'on  qui  defeende  ;  les  trois  autres  relient  en  pla- 
ce pour  defeendre  fuccefîivement  chacun  à  fon  tour. 
(Voye^  même  fig.j  Quelques-uns  prennent  pour  ca- 
dence interrompue  un  renverfement  de  la  cadence  par- 
faite, où  la  balle  après  un  accord  de  feptieme  ,def- 
cend  de  tierce  portant  un  accord  de  fixte  :  mais  il  eft 
évident  qu'une  telle  marche  n'étant  point  fondamen- 
tale ,  ne  fauroit  conft ituer  une  cadence  particulière. 

3.  Cadence  rompue  eft  celle  où  la  baffe  fondamen- 
tale ,  au  lieu  de  monter  de  quarte  après  un  accord 
de  feptieme,  comme  dans  la  cadence  parfaite ,  monte 
feulement  d'un  degré.  Cette  cadence  s'évite  le  plus 
fouvent  par  une  feptieme  fur  la  féconde  note  :  il  elt 
certain  qu'on  ne  peut  la  faire  pleine  que  par  licence  ; 
car  alors  il  y  a  néceffairement  défaut  de  liaifon.  Voye^ 

fis-  .3- 

Une  fuccelîion  de  cadences  rompues  eft  encore  des- 
cendante ;  trois  fons  y  deicendent ,  &  l'o&ave  refte 
feule  pour  préparer  la  diffonance  :  mais  une  telle  fuc- 
celîion eft  dure,  &  lé  pratique  très-rarement. 

4.  Quand  la  baffe  defeend  de  quinte  de  la  domi- 
nante fur  la  tonique ,  c'eft ,  comme  je  l'ai  dit ,  un  afte 
de  cadence  parfaite  :  fi  au  contraire ,  la  baffe  monte  de 
quinte  de  la  tonique  fur  la  dominante ,  c'eft  un  afte 
de  cadence  irréguiiere,  félon  M.  Rameau,  ou  de  caden- 
ce imparfaite ,  félon  la  dénomination  commune.  Pour 
l'annoncer  on  ajoute  une  fixte  à  l'accord  de  la  toni- 
que, d'où  cet  accord  prend  le  nom  de  fixte  ajoutée. 
Voye^  Accord.  Cette  fixte  qui  fait  diffonance  fur 
la  quinte ,  eft  auffi  traitée  comme  diffonance  fur  la 
balle  fondamentale ,  &  comme  telle  eft  obligée  de 
fe  fauver  en  montant  diatoniquement  fur  la  tierce  de 
l'accord  fuivant. 

.  Il  faut  remarquer  que  la  cadence  irréguiiere  forme 
une  oppofition  prefqu'entiere  à  la  cadence  parfaite. 
Dans  le  premier  accord  de  l'une  &  de  l'autre  on  di- 
vife  la  quarte  qui  fe  trouve  entre  la  quinte  &  l'oûa- 
ve  par  une  diffonance  qui  y  produit  une  nouvelle 
tierce  ;  &  cette  diffonance  doit  aller  fe  relbudre  fur 
la  tierce  de  l'accord  fuivant  par  une  marche  fonda- 
mentale de  quinte.  Voilà  tout  ce  que  ces  deux  caden- 
dences  ont  de  commun  :  voici  ce  qu'elles  ont  de  con- 
traire. 

Dans  la  cadence  parfaite ,  le  fon  ajouté  fe  prend  au 
haut  de  l'intervalle  de  quarte  auprès  de  î'oûave , 
formant  tierce  avec  la  quinte ,  &  produit  une  diffo- 
nance mineure  qui  le  fauve  en  delcendant  ;  tandis 
que  la  baffe  fondamentale  monte  de  quarte ,  ou  def- 
eend de  quinte  de  la  dominante  à  la  tonique ,  pour 
établir  un  repos  parfait.  Dans  la  cadence  irréguiiere , 
le  fon  ajouté  fe  prend  au-bas  de  l'intervalle  de  quar- 
te auprès  de  la  quinte ,  &  formant  tierce  avec  l'octa- 
ve ,  il  produit  une  diffonance  majeure  qui  fe  fauve 
en  montant,  tandis  que  la  baffe  fondamentale  def- 
eend de  quarte  ,  ou  monte  de  quinte  de  la  tonique  à 
la  dominante ,  pour  établir  un  repos  imparfait. 

M.  Rameau  qui  a  parlé  le  premier  de  cette  caden- 
ce ,  &  qui  en  a  admis  plufieurs  renverfemens ,  nous 
défend  dans  fon  traité  de  F  Harmonie ,  pag.  il  y.  d'ad- 
mettre celui  oii  le  fon  ajouté  eft  au  grave ,  portant  un 
accord  de  feptieme.  Il  a  pris  cet  accord  de  feptieme 
pour  fondamental ,  de  forte  qu'il  fait  fauver  une  fep- 
tieme par  une  autre  feptieme ,  une  diffonance  par 
une  autre  diffonance  ,  par  mouvement  femblable  fur 
la  baffe  fondamentale.  Foye^  fig.  4  Mais  l'harmonie 
fous  laquelle  cet  auteur  a  mis  une  telle  baffe  fonda- 
mentale ,  eft  viliblement  renverfée  d'une  cadence  ir- 
réguiiere évitée  par  une  feptieme  ajoutée  fur  la  fécon- 
de note,  même  figure  ;  &  cela  eft  fi  vrai,  que  la  baffe 


CAD 

continue  qui  frappe  la  diffonance,  eft  néceffaire- 
ment obligée  de  monter  diatoniquement  pour  la  fau- 
ver, autrement  le  paffage  ne  vaudroit  rien.  D'ail- 
leurs M.  Rameau  donne  dans  le  même  ouvrage  ,pag. 
ZJZ.  un  exemple  d'un  paffqge  femblable  avec  la 
vraie  baffe  fondamentale  :  on  peut  remarquer  en- 
core que  dans  un  ouvrage  poftérieur  ,  (  Gêner. 
Harm.  pag.  186  .j  le  même  auteur  femble  reconnoî- 
tre  le  véritable  fondement  de  ce  paffage  à  ra  faveur 
de  ce  qu'il  appelle  le  double  emploi.  F'oye^  DOUBLE 
Emploi.  (S) 

M.  Rameau  donne  les  raifons  fuivantes  des  déno- 
minations qu'on  a  données  aux  différentes  efpeces 
de  cadence. 

La  cadence  parfaite  confifte  dans  une  marche  de 
quinte  en  delcendant ,  &  au  contraire  Yimparfaite 
confifte  dans  une  marche  de  quinte  en  montant.  En 
voici  la  raifon  :  quand  je  dis  ut ,  fol,fiol  eft  déjà 
renfermé  dans  ut ,  puilque  tout  fon  comme  ut,  por- 
te avec  lui  fa  douzième,  dont  fol  eft  l'oûave.  Ainll 
quand  on  va  d'ut  à  fol,  c'eft  le  fon  générateur  qui 
paffe  à  fon  produit ,  de  manière  pourtant  que  l'o- 
reille defire  toujours  de  revenir  à  ce  premier  gé- 
nérateur; au  contraire,  quand  on  dît Jbl ,  ut,  c'eft 
le  produit  qui  retourne  au  générateur,  l'oreille  eft 
fatisfaite,  &  ne  defire  plus  rien.  De  plus  dans  cet- 
te marche  fol,  ut,  le  fol  fe  fait  encore  entendre 
dans  ut ,  ainfi  l'oreille  entend  à  la  fois  le  générateur 
&c  fon  produit  ;  au  lieu  que  dans  la  marche  ut ,  Jbl, 
l'oreille  qui  dans  le  premier  fon  avoit  entendu  ut 
&  Jbl ,  n'entend  plus  dans  le  fécond  que  fol  fans 
ut.  Ainfi  le  repos  ou  cadence  de  fol  à  ut  eft  plus  par- 
fait que  le  repos  ou  cadence  de  ut  à  fol . 

Il  femble  que  dans  les  principes  de  M.  Rameau, 
on  peut  encore  expliquer  l'effet  de  la  cadence  rompu* 
&  de  la  cadence  interrompue  :  imaginons  pour  cet  ef- 
fet qu'après  un  accord  de  feptieme  fol  fi  re  fia ,  on 
monte  diatoniquement  par  une  cadence  rompue  à  l'ac- 
cord la  ut  mi  fol,  il  eft  vilible  que  cet  accord  eft  ren- 
verfé  de  l'accord  de  fous-dominante  ut  mi  fol  la  ;  ainli 
la  marche  de  cadence  rompue  équivaut  à  celle-ci  fol  fi 
re  fia,  ut  mi  Jbl  la ,  qui  n'eft  autre  chofe  qu'une  caden- 
ce parfaite ,  dans  laquelle  ut  au  lieu  d'être  traité  com- 
me tonique  ,  eft  rendue  fous-dominante.  Or  toute  to- 
nique peut  toujours  être  rendue  fous-dominante  en 
changeant  de  mode.  Voye^  Dominante,  Sous- 
dominante,  Basse  fondamentale,  &c. 

À  l'égard  de  la  cadence  interrompue ,  qui  confifte  à 
defeendre  d'une  dominante  fur  une  autre  par  l'inter- 
valle de  tierce  en  defeendant,  en  cette  ibnefolfi  re- 
fa,  mi  Jbl  fi  re,  il  femble  qu'on  peut  encore  l'expli- 
quer :  en  effet  le  fécond  accord  mi  Jbl  fi  re,  eft  renver- 
fé  de  l'accord  de  fous-dominante ,  fol  fin  mi  ;  ainfi  la 
cadence  interrompue  équivaut  à  cette  fuccelîion, fbly 
fi  re  fia,  fol  fi  re  mi,  où  la  note  jbl,  après  avoir  été 
traitée  comme  dominante ,  eft  rendue  lous-dominan- 
te  en  changeant  de  mode ,  ce  qui  eft  permis ,  &  dé« 
pend  du  compofiteur.  /^by^MoDE,  &c.  (0) 

La  cadence  irréguiiere  fe  prend  auffi  de  la  fous-do- 
minante à  la  tonique  :  on  peut  de  cette  manière  lui 
donner  une  fuccelîion  de  plufieurs  notes,  dont  les 
accords  formeront  une  harmonie  ,  dans  laquelle  la 
fixte  &  l'oftave  montent  fur  la  tierce  &  la  quinte  de 
l'accord  fuivant ,  tandis  que  la  quinte  &  la  tierce  res- 
tent pour  faire  l'octave ,  &  préparer  la  fixte ,  &c. 

Nul  auteur  jufques-ici  n'a  parlé  de  cette  afeenfior» 
harmonique,  &  il  eft  vrai  qu'on  ne  pourroit  prati- 
quer une  longue  fuite  de  pareilles  cadences,  à  caufe 
des  lîxtes  majeures  qui  éloigneroient  la  modulation, 
ni  même  en  remplir  fans  précaution  toute  l'harmo- 
nie. Mais  enfin  li  les  meilleurs  ouvrages  de  Mulique, 
ceux,  par  exemple,  de  M.  Rameau,  font  pleins  de 
pareils  paffages  ;  ù  ces  paffages  font  établis  fur  de 


CAD 

bons  principes,  &  s'ils  plaifent  à  l'oreille,  pourquoi 
n'en  avoir  pas  parle  ?  (S) 

On  pourroit  au  relie ,  ce  me  femble ,  obferver  que 
M.  Rameau  a  parlé  du  moins  indirectement  de  cette 
forte  de  cadence,  lorfqu'il  dit  dans  fa  Génération  har- 
monique ,  que  toute  fous-dominante  doit  monter  de 
quinte  fur  la  tonique ,  &  que  toute  tonique  peut  être 
rendue  à  volonté  fous-dominante.  Car  il  s'enfuit  de- 
là qu'on  peut  avoir  dans  une  baffe  fondamentale  une 
fuite  de  fous-dominantes  qui  vont  en  montant  de 
quinte ,  ou  en  defeendant  dé  quarte ,  ce  qui  eft  la  mê- 
me chofe.  (  O  ) 

Il  y  a  encore  une  autre  efpece  de  cadence  que  les 
Muficiens  ne  regardent  point  comme  telle ,  &  qui , 
félon  la  définition ,  en  cil:  pourtant  une  véritable; 
c'eft  le  partage  de  l'accord  feptieme  diminuée  de  la 
note  fenlible  ,  à  l'accord  de  la  tonique  ;  dans  ce  pal- 
fage  il  ne  le  trouve  aucune  liaifon  harmonique ,  & 
c'eft  le  fécond  exemple  de  ce  défaut  dans  ce  qu'on 
appelle  cadence.  On  pourroit  regarder  les  tranlîtions 
enharmoniques  comme  des  manières  d'éviter  cette 
même  cadence  :  mais  nous  nous  bornons  à  expliquer 
ce  qui  eft  établi. 

•  Cadence  fe  dit,  en  terme  de  chant,  de  ce  batte- 
ment de  voix  que  les  Italiens  appellent  trillo ,  que 
nous  appelions  autrement  tremblement ,  &c  qui  fêtait 
ordinairement  fur  la  pénultième  note  d'une  phrafe 
muficale,  d'oii  fans  doute  il  a  pris  le  nom  de  caden- 
ce. Quoique  ce  mot  foit  ici  très-mal  adapté ,  &  qu'il 
ait  été  condamné  par  la  plupart  de  ceux  qui  ont  écrit 
fur  cette  matière ,  il  a  cependant  tout-à-fait  prévalu  ; 
c'eft  le  feul  dont  on  le  ferve  aujourd'hui  à  Paris  en 
ce  fens,  &  il  eft  inutile  de  difputer  contre  l'ufage. 

CADENCE,  dans  nos  dan/es  modernes ,  lignifie  la 
conformité  des  pas  du  danfeur  avec  la  mefure  mar- 
quée par  l'infti  ument  :  mais  il  faut  obferver  que  la 
cadence  ne  fc  marque  pas  toujours  comme  fe  bat  la 
mefure.  Ainfi  le  maître  de  Mufique  marque  le  mou- 
vement du  menuet  en  frappant  au  commencement 
de  chaque  mefure  ;  au  lieu  que  le  maître  à  danfer  ne 
bat  que  de  deux  en  deux  mefures ,  parce  qu'il  en  faut 
autant  pour  former  les  quatre  pas  de  menuet.  (S) 

Cadence  ,  dans  la  Danfe ,  fc  prend  dans  le  même 
fens  que  mefure  ck  mouvement  en  Mufique  :  ainûjèn- 
tir  la  cadence ,  c'eft  lentir  la  mefure, &  luivre  le  mou- 
vement d'un  air  ;fortir  de  cadence  ,  c'eft  ceffer  d'ac- 
corder fes  pas  avec  la  mefure  &  le  mouvement  d'une 
pièce  de  mufique.  Les  danfeurs  diftinguent  deux  Tor- 
ies de  mefures;  une  vraie  &  une  faufle  ,  ck  confé- 
quemment  deux  fortes  de  cadence,  l'une  vraie  ck  l'au- 
tre fitujfe.  Exemple  :  clans  le  menuet  la  mefure  vraie 
eft  la  première  mefure ,  &  la  féconde  eft  la  faune  ; 
ôk  comme  les  couplets  du  menuet  font  de  huit  ou  de 
douze  mefures,  la  vraie  cadence  eft  en  commençant, 
&  la  fuuffe  en  finiiîant.  La  première  fe  marque  en 
frappant  de  la  main  droite  dans  la  gauche  ;  Se  la  fé- 
conde ou  faujfe  cadence  en  levant ,  ce  que  l'on  conti- 
nue par  deux  tems  égaux. 

Le  pié  tait  tout  le  contraire  de  la  main.  Eft  effet, 
dans  le  tems  que  l'on  relevé  fur  la  pointe  du  pié  droit , 
c'eft  dans  ce  même-tems  que  vous  f,  appez  ;  ainfi  on 
doit  plier  fur  la  fin  de  la  dernière  mefure ,  pour  fe 
trouver  à  portée  de  relever  dans  le  tems  que  l'on 
frappe. 

La  cadence  s'exprime  de  deux  manières  en  dan- 
fant:  i°.  les  pas  qui  ne  font  que  plies  év  élevés  font 
relevés  en  cadence.  i°.  Ceux  qui  font  fautes  doivent 
tomber  en  cadence.  Il  tant  donc  toujours  que  les  mou- 
vemens  la  préviennent ,  ck  plier  fur  la  fin  de  la  der- 
nière mefure  ,  afin  de  fe  relever  lorsqu'elle  le  doit 
marquer. 

CADENCE  ,  en  termes  de  Manche  ,  fe  dit  de  la  me- 
fure ck  proportion  égale  que  le  cheval  doit  garder 
dans  tous  fes  mouvemens,  foit  qu'il  manie  au  galop, 
Tome  II, 


CAD 


5?5 


ou  terre  à  terre ,  ou  dans  les  airs ,  enforte  qu'aucun 
de  fes  tems  n'embraife  pas  plus  de  terrein  que  l'au- 
tre ,  qu'il  y  ait  de  la  juftefiè  dans  tous  fes  mouve- 
mens ,  &c  qu'ils  fe  foûtiennent  tous  avec  la  même 
égalité.  Ainli  on  dit  qu'un  cheval  manie  toujours  de 
la  même  cadence ,  qu'il  fuit  fa  cadence,  ne  change  point 
fa  cadence ,  pour  dire  qu'il  obférve  régulièrement  fon 
terrein  ,  ck  qu'il  demeure  également  entre  les  deux- 
talons.  Lorfqu'un  cheval  a  la  bouche  fine,  les  épau- 
les èk  les  hanches  libres,  il  n'a  aucune  peine  d'entre- 
tenir fa  cadence.  Cheval  qui  prend  une  belle  cadence 
fur  les  airs,  fans  fe  démentir,  fans  fe  brouiller;  qui 
manie  également  aux  deux  mains.  (V) 

CADENE,  f.  t.  en  terme  de  Marine,  cftfynonyme 
à  chaîne. 

Cadene  de  hauban  ;  ce  font  des  chaînes  de  fer,  au 
bout  defquelles  on  met  un  cap  de  mouton  pour  fer- 
-^  ir  à  rider  les  haubans. 

On  voit  à  chaque  porte-hauban  une  cadene  ou  chaî- 
ne de  fer,  faite  d'une  feule  barre  recourbée ,  ck  qui 
furmonte.  Il  y  a  une  corde  qui  eft  amarrée ,  èk  qui 
partant  dans  les  trous  du  cap  de  mouton  que  la  ca- 
dene  environne ,  &  qui  fervent  comme  de  rouets  , 
tient  ferme  les  haubans  ck  les  fait  rider,  &  contribue 
par  ce  moyen  à  l'affermiflement  du  mât  ;  les  cadenes 
font  tenues  par  de  bonnes  chevilles  de  fer.  Celles  des 
hunes  font  fort  longues ,  &  fur -tout  celles  qui  font 
aux  hunes  des  mâts  d'avant  &  d'artimon,  parce  que 
les  haubans  des  mâts ,  qui  font  entés  défais,  v,c  âei 
cendent  pas  jufqu'aux  cercles  de  la  hune.  Il  n'y  a 
point  de  cadene  à  la  hune  de  beaupré.  Les  cadenes  qui 
font  aux  porte-haubans  font  rider  les  haubans  par  le 
moyen  des  palanquins  :  mais  les  haubans  des  hauts- 
mâts  ne  fe  rident  qu'avec  des  caps  de  mouton. 

11  y  a  dans  les  grands  porte-haubans  deux  loigucs 
barres  de  fer  plates  qui  font  mobiles,  ék  que  l'on  ap- 
pelle pareillement  cadenes  ;  l'une  iert  à  mettre  le  pa- 
lang  qui  ride  les  grands  haubans  ,  èk  l'autre  à  defeen- 
dre  la  chaloupe  à  la  mer,  ou  à  la  haler  à  bord.  (Z  ) 

CADENET  ,  (Géog.)  petite  ville  de  France  ,  en 
Provence  ,  à  cinq  lieues  d'Aix,  près  de  la  Durance. 

CADEQUIE  ou  CADAQUEZ,  (Géog.)  port 
d'Efpagne,  en  Catalogne  ,  fur  la  mer  Méditerranée. 

CADES ,  (Géog.Jainte.)  ville  de  la  tribu  de  Neph- 
tali ,  lîtuée  au  haut  d'une  montagne,  à  l'occident  du 
lac  de  Lamechon.  Ce  fut  là  que  Jonathas  ,  frère  de 
Judas  Machabée ,  tua  trois  mille  hommes  à  Deme- 
trius  Nicanor ,  avec  une  poignée  de  foldats. 

CAD  ES  ,  {Géog.  fainte.)  ville  dans  le  defert  de 
Pharan&  de  Sin  ,  qui  eft  entre  la  terre  promife  ,  l'E- 
gypte ,  ck  l'Arabie.  Ce  fut  là  que  Marie,  fœur  de 
Moyfe ,  mourut  ck  fut  enterrée.  Il  y  avoit  dans  la 
Paleftine  d'autres  villes  du  même  nom. 

CADESSIA ,  {Géog.)  ville  d'Aiîe,  dans  la  provin- 
ce de  l'Irac  Babylonienne. 

CADET,  f.  m.  (terme de  relation.)  eft  fynonyme 
à  pu:nc ,  6k  fe  dit  de  tous  les  garçons  nés  depuis  lame. 

Dans  la  coutume  de  Paris  ,  les  cadets  des  familles 
bourgeoifes  partagent  également  avec  leurs  aines. 
Dans  d'autres  coutumes  les  aînés  ont  tout  ou  pref- 
que  tout.  En  Efpagne,  l'ufage  dans  les  grandes  fa- 
milles eft  qu'un  des  cadets  prenne  le  nom  de  là  mère. 

w        ,' 

Cadet  ,  (A 'ri  militaire.)  un  officier  eft  dit  le  eadet 
d'un  autre  de  même  fonction  que  lui,  lorfque  là  com- 
milfion  eft  plus  nouvelle;  il  n'importe  qu'il  foit  plus 
âgé  ou  qu'il  eût  beaucoup  plus  de  fervice  dans  un 
autre  gn 

(  >  DETS,  fc  dit  aurti  ,  dans  F  Art  militain  ,  de 
plufieurs  compagnies  de  jeunes  gentilshommes  que 
LoiiisXlY.  avoit  créés  en  i6bz,  pour  leur  tin. 
ner  toutes  les  infrrucrions  néceffaires  à  un  homme  de 
guerre.  Le  roi  pavoit  pour  chaque  compagnie  un 
maître  de  mathématique,  un  maître  à  deifinei  ,  un 

T  t  t  ij 


5i6 


CAD 


maître  de  langue  Allemande ,  un  maître  à  danfer , 
ôi.  deux  maîtres  d'armes. 

Cet  établiffement  dura  dix  ans  dans  fa  vigueur  : 
mais  les  grandes  guerres  que  le  roi  eut  fur  les  bras 
après  la  ligue  d'Ausbourg  ,  l'obligèrent  à  retran- 
cher les  dépenfes  qui  n'étoient  pas  abfolument  né- 
ceffaires  ,  &C  l'on  penfa  à  fe  décharger  de  celles  qui 
fe  faifoient  pour  les  cadets.  On  avoit  déjà  commencé 
à  ne  pas  admettre  gratuitement  ceux  qui  fe  prélen- 
toient.  Il  falloit  cautionner  pour  eux  cinquante  écus 
de  penfion ,  &  ils  étoient  obligés  d'aller  prendre  leurs 
lettres  à  la  cour.  Ces  frais  en  rebutèrent  beaucoup, 
&  altérèrent  même  l'établiffement  ,  en  ce  que  plu- 
fieurs  qui  n'étoient  pas  gentilshommes  étoient  reçus 
à  ces  conditions ,  pourvu  qu'ils  f  uffent  de  bonne  ia- 
mille  &  vivant  noblement.  Enfin  ,  après  1691  on 
ceffa  de  faire  des  recrues ,  &  peu  à  peu  dans  l'efpa- 
ce  de  deux  ans  ces  compagnies  furent  anéanties. 

Le  Roi  a  rétabli  pluiîeurs  compagnies  de  cadets  en 
1726,  mais  elles  ont  été  réformées  lors  de  la  guerre 
de  1733. 

Cadets  d'Artillerie  ,  font  de  jeunes  gens  de 
famille ,  que  le  grand-maître  reçoit  pour  les  taire  inl- 
truire  dans  les  écoles  d'Artillerie ,  &  les  mettre  par- 
là  en  état  de  fe  rendre  capables  de  devenir  officiers. 
Foyei  Écoles  d'Artillerie. 

On  appelle  encore  cadets ,  dans  les  troupes ,  de 
jeunes  gentilshommes  qui  font  un  fervice  comme  les 
cavaliers  &  foldats ,  en  attendant  qu'ils  ayent  pu  ob- 
tenir le  grade  d'officier.  (Q  ) 

C  A  D I ,  (  Hift.  mod.  )  c'eft  le  nom  qu'on  donne 
aux  juges  des  caufes  civiles  chez  les  Sarrafins  &  les 
Turcs.  On  peut  cependant  appeller  de  leurs  fenten- 
ces  aux  juges  lupérieurs. 

Ce  mot  vient  de  l'Arabe  ,  kadi ,  juge.  D'Herbelot 
écrit  cadhi. 

Le  mot  cadi ,  pris  dans  un  fens  abfolu,  dénote  le 
juge  d'une  ville  ou  d'un  village  ;  ceux  des  provinces 
s'appellent  molla  ou  moulas ,  quelquefois  moula-cadïs 
OU  grand-cadis.  (G) 

CADI  AR,  (  Géog.)  rivière  d'Efpagne ,  au  royau- 
me de  Grenade  ,  qui  fe  jette  dans  la  Méditerranée 
près  de  Salobrena. 

CADIERE  (la)  ,  Géog.  petite  ville  de  France  , 
en  Provence  ,  à  trois  lieues  de  Toulon. 

CADILESQUER  ou  CADILESQUIER  ,  fub.  m. 
(Hift.  mod.)  chef  de  la  juftice  chez  les  Turcs.  Voye^ 
Cadi. 

Ce  mot  eft  Arabe ,  compofé  de  kadi  ,juge,  &c  af- 
char ,  &  avec  l'article  al ,  alafchar ,  c'eft-à-dire  ar- 
mée, d'où  s'eft  formé  kadilafeher, juge  d'armée,  parce 
que  d'abord  il  étoit  juge  des  foldats.  D'Herbelot  écrit 
cadhi-lesker  ou  cadhiasker. 

Chaque  cadilefquier  s.  fon  diftrict  particulier  ;  d'Her- 
belot  n'en  compte  que  deux  dans  l'empire ,  dont  l'un 
cil  le  cadilefquier  de  Romanie ,  c'elf-à-dire  d'Europe , 
&  le  fécond  d'Anatolie  ou  d'Afie.  M.  Ricaut  en  ajou- 
te un  troilieme ,  qu'il  appelle  cadilefquier  du  Caire. 

Le  cadilefquier  d'Europe  &  celui  d'Afie  font  fubor- 
donnes  au  reis  eftèndi ,  qui  eft  comme  le  grand  chan- 
celier de  l'empire.  Voye{  Reis  effendi.  (G) 

CADILLAC  ,  petite  ville  de  France  ,  en  Guyenne 
dans  le  Bafadois,  proche  la  Garonne,  à  4  lieues  de 
Bafas. 

*  CADIS ,  f.  m.  {Commerce.)  petite  étoffe  de  laine 
croifée ,  ou  ferge  étroite  &  légère  ,  qui  n'a  qu'une 
demi-aune  moins  ~  de  large  ,  fur  30  à  3  1  aunes  de 
long.  Il  s'en  fabrique  beaucoup  dans  le  Gevaudan  & 
les  Cevenes.  Elle  eft  exceptée  par  les  reglemens  du 
nombre  de  celles  qu'il  eft  défendu  de  teindre  en  rou- 
ge avec  le  brefil,  à  moins  qu'elles  n'ayent  une  demi- 
aune  de  large. 

On  donne  encore  le  nom  de  cadis  à  une  autre  ef- 
pece  d'étoffe  de  laine  fine  croifée  &  drapée ,  d'une 


CAD 

demi-aune  de  large  ,  &  dont  les  pièces  portent  de- 
puis 38  jufqu'à  42  aunes.  Ces  derniers  cadis  fe  fabri- 
quent particulièrement  en  Languedoc.  On  appelle 
cadis  ras ,  ceux  qui  ont  la  croit ure  déliée  &  peu  de 
poil;  on  nous  les  envoyé  à  Paris  en  blanc  &  en  noir. 
Les  religieux  en  confomment  beaucoup. 

*  CADISÉ  ,  adj.  (Commerce.)  On  défigne  par  cette 
épithete  une  efpece  de  droguets  croifés  &  drapés , 
dont  les  chaînes  font  de  48  portées ,  &  chaque  por- 
tée de  16  fils.  &  qui  ont,  tout  apprêtés  ,  une  demi- 
aune  de  large  &  40  aunes  de  long.  Ils  fe  fabriquent 
en  pluiîeurs  endroits  du  Poitou. 

CADISADELITES  ,  f.  m.  pi.  (Hift.  mod.)  nom 
d'une  feue  Mufulmane.  Les  Cadifadelites  font  une  ef- 
pece de  Stoïciens  Mahométans ,  qui  fuient  les  telfins 
&c  les  divertifïemens ,  &  qui  affe&ent  une  gravité  ex- 
traordinaire dans  toutes  leurs  actions. 

Ceux  des  Cadifadelites  qui  habitent  vers  les  fron- 
tières de  Hongrie  &  de  Bolnie,  ont  pris  beaucoup  de 
choies  du  Chriftianifme  qu'ils  mêlent  avec  le  Maho- 
métifme.  Ils  lifent  la  traduction  Efclavone  de  l'évanr 
gile ,  aulîi-bien  que  Palcoran,  &  boivent  du  vin ,  mê- 
me pendant  le  jeune  du  Ramalan. 

Mahomet,  félon  eux,  eft  le  S.  Efprit  qui  defeendit 
fur  les  apôtres  le  jour  de  la  Pentecôte.  Ils  pratiquent 
la  circoncifion  comme  tous  les  autres  Mufulmans, 
&  fe  fervent  pour  l'autorifer  de  l'exemple  de  Jefus- 
Chrift ,  quoique  la  plupart  des  Turcs  &  des  Arabes 
le  fondent  bien  davantage  fur  celui  d'Abraham.  (G) 

CADIX  ,  (Géog.  anc,  &  mod.)  ville  d'Efpagne ,  en 
Andaloufie ,  avec  bon  port.  Cette  ville  bâtie  par  les 
Phéniciens  ,  eft  grande  ,  forte  ,  riche  ,  &  très- com- 
merçante :  elle  eft  dans  une  petite  île  ,  à  8  lieues  de 
Médina  Sidonia,  &  à  18  de  Gibraltar.  Long.  iz.  lat. 
36.  z3.  Les  anciens  l'ont  nommée  Gades  6c  Gadira. 

C  ADMIE  ,  f.  f.  (  Chimie  &  Métallurgie.  )  c'eft  une 
fubftance  femi-métallique ,  arfénicale,  fulphureufe , 
&  alkaline  ,  qui  s'attache  comme  une  croûte  aux  pa- 
rois des  fourneaux  où  l'on  fait  la  première  fonte  de 
certains  minéraux.  On  la  nomme  cadmia  fornacum  , 
cadmie  des  fourneaux ,  pour  la  diftinguer  de  la  pierre 
calaminaire  ,  qu'on  appelle  quelquefois  cadmia  foffi- 
lis  ,  cadmie  foffile.  Voye?^  l'article  CALAMINE.  En 
effet  elle  en  a  toutes  les  propriétés.  La  vraie  diffé- 
rence qui  fe  trouve  entre  ces  deux  lubftances  ,  c'eft 
que  la  pierre  calaminaire  eft  une  production  de  la 
nature  ,  au  lieu  que  la  cadmie  des  fourneaux  en  eft  une 
de  l'art. 

Il  femble  que  les  auteurs  qui  ont  écrit  fur  la  cad- 
mie ,  loin  de  chercher  à  nous  la  faire  connoître  d'une 
façon  diftin£te,fe  font  étudiés  à  obfcurcir  l'idée  qu'on 
pouvoit  s'en  former.  En  effet ,  à  quoi  peut-on  attri- 
buer les  différens  noms  inutiles,  empruntés  du  Grec 
&  de  l'Arabe  ,  dont  ils  fe  font  fervis  pour  la  défigu- 
rer ?  On  trouve  dans  différens  ouvrages  cette  ma- 
tière délignée  fous  les  noms  de  capnites ,  diphryges , 
fpodium  ,  oftracites ,  botryites  ,  cadmia  ,  climia  ,  &zc  qui 
tous  doivent  lignifier  la  cadmie  des  fourneaux  ,  &  qui 
ne  marquent  cependant  dans  leur  étymologie  que  la 
figure  différente  qu'elle  prend ,  &  la  place  qu'elle  oc- 
cupe dans  le  fourneau.  C'eft  encore  plus  mal-à-pro- 
pos qu'on  la  trouve  dans  quelques  auteurs  confon- 
due avec  d'autres  lubftances ,  avec  qui  elle  n'a  que 
certains  points  de  conformité  ,  telles  que  la  tutie ,  le 
pompholix ,  Se  le  nihilum.  Voye^ces  articles.  On  a  cru 
devoir  fe  récrier  contre  cette  erreur  &  cet  abus  de 
mots  ,  fur -tout  attendu  les  fuites  fâcheufes  qui  peu- 
vent en  réfulter.  En  voici  un  exemple  frappant.  On 
fait  que  la  tutie  paffe  pour  un  bon  remède  contre 
les  maux  d'yeux ,  &  que  le  pompholix  eft  employé 
pour  deffécher  les  plaies  :  où  en  feroit-on  ,  li  au  lieu 
de  ces  remèdes  on  employoit  à  ces  ufages  la  cadmie  , 
qui  eft  prefque  toujours  mêlée  de  parties  arfénicales  ? 

Il  y  a  différentes  fortes  de  cadm'us ;  c'eft  la  divtr- 


CAD 

fité  des  minéraux- ,  dont  les  vapeurs  les  produifenr, 
qui  en  font  la  différence.  On  en  voit  qui  s'élèvent 
fous  la  forme  d'une  farine  légère ,  d'autres  fous  celle 
d'une  pierre  compacte  ,  &  cependant  friable  ;  tandis 
qu'une  autre  eft  légère,  feuilletée  &  fpongieufe.  La 
couleur  ne  laifie  point  d'en  varier  comme  la  figure  ; 
elle  eft  tantôt  d'un  bleu  d'ardoife,  tantôt  brune  ,  & 
tantôt  elle  tire  furie  jaune.  Enfin  il  y  a  de  la  cadmic 
qui  a  la  propriété  de  jaunir  le  cuivre  de  rofette  ;  celle 
qui  a  cette  qualité  ,  en  eft  redevable  au  zinc  qui  lui 
communique  fa  volatilité  :  la  preuve  eft  qu'on  peut 
aiiement  tirer  ce  demi-métal  de  la  cadmic.  Celle  qui 
ne  jaunit  point  le  cuivre ,  ne  peut  point  être  appellée 
une  vraie  cadmie:  ce  n'eft  autre  chofe  qu'une  tiimée 
condenfée  ,  dont  jufqu'à  préfent  on  n'a  pu  découvrir 
l'ufage. 

De  toutes  les  cadmies  ,  la  meilleure  &C  la  plus  ufi- 
tée  elt  celle  de  Gofiar  dans  le  duché  de  Brunlv/ick: 
il  y  a  dans  le  voifinage  de  cette  ville  plufieurs  fonde- 
ries oii  l'on  travaille  des  mines  de  plomb  qui  font  en- 
tremêlées de  quelque  choie  de  terreftre ,  qu'on  peut , 
félon  M.  Marggraf ,  à  la  fimple  vue  diftinguer  de  fes 
autres  parties ,  &  qui  n'eft  autre  chofe  que  de  la  cala- 
mine, où  par  conféquent  il  le  trouve  du  zinc  ;  dans  la 
fonte  une  partie  s'en  diffipe  en  fumée ,  &  l'autre  de- 
meure attachée  comme  un  enduit  aux  parois  des 
fourneaux.  M.  Stahl  dit  qu'anciennement  on  jet- 
toit  cet  enduit  comme  inutile  avec  lesfcories  :  mais 
depuis  qu'on  a  trouvé  à  le  vendre  à  ceux  qui  font  le 
cuivre  de  laiton  ,  on  le  recueille  avec  foin  ,  &  même 
on  a  la  précaution  d'humecter  de  tems  en  tems  avec 
un  peu  d'eau ,  la  partie  antérieure  du  fourneau  vis- 
à-vis  des  tuyères,  qu'on  appelle  ordinairement  la 
chemife ,  afin  qu'il  s'y  forme  davantage  de  cadmic. 
Cette  partie  antérieure  ou  chemife  ,  eft  faite  avec 
des  tables  ou  plaques  de  pierre  fort  minces  ,  néan- 
moins capables  de  réfifter  au  feu.  Quand  après  la 
fonte  on  les  ôte  des  fourneaux  ,  on  en  détache  à 
coups  de  cifeau  la  cadmic  qui  s'y  eft  attachée.  Elle 
eft  d'une  couleur  d'ardoife ,  ou  d'un  gris  tirant  fur 
le  jaune.  C'eft-là  la  matière  dont  on  fe  fert  en  bien 
des  endroits  d'Allemagne  pour  faire  le  cuivre  de  lai- 
ton ;  on  la  préfère  même  à  la  calamine.  Nous  allons 
en  donner  le  procédé. 

Lorfqu'on  a  détaché  la  cadmie,  on  la  laiffe  expo- 
fée  pendant  long -tems  ,  quelquefois  même  pendant 
deux  ou  trois  ans  ,  aux  injures  de  l'air  :  on  prétend 
que  cela  la  rend  beaucoup  meilleure  ,  parce  que 
par-là  elle  devient  moins  compacte  &  plus  friable. 
On  la  torréfie  dans  des  fourneaux  faits  exprès  ;  on 
la  réduit  en  une  poudre  très-fine  ,  qu'on  pâlie  au  ta- 
mis ;  on  en  mêle  une  partie  avec  deux  parties  de 
charbon  pilé  ;  on  unit  bien  exactement  ces  deux  ma- 
tières toutes  lèches  ;  on  y  verfe  de  l'eau  ;  d'autres 
veulent  que  ce  loit  de  l'urine  ,  &  qu'on  y  joigne  un 
peu  d'alun  ;  ils  prétendent  que  cela  contribue  à  don- 
ner une  plus  belle  couleur  au  laiton  :  on  remue  bien 
tout  le  mélange,  &  on  y  ajoute  du  lel  marin.  Voilà 
la  préparation  qu'on  donne  à  la  cadmie  de  Gojlar. 
Lorfqu'on  veut  en  faire  du  laiton ,  on  a  pour  cela  des 
fourneaux  ronds  enfoncés  en  terre ,  qui  font  percés 
de  plufieurs  trous  par  le  bas ,  pour  que  le  vent  puiffe 
y  entrer  &  faire  aller  le  feu  ;  on  met  dans  chaque 
fourneau  huit  creufets  à  la  fois ,  &  lorlqu'ils  font 
échauffés ,  on  y  met  le  mélange  qu'on  vient  de  dire  , 
de  charbon  &  de  cadmie  ;  de  façon  que  quarante-lix 
livres  de  ce  mélange  fe  trouvent  également  reparties 
dans  les  huit  creufets  :  on  met  enluite  dans  chaque 
creufet  huit  livres  de  cuivre  en  morceaux  ;  on  les 
remet  au  fourneau ,  &c  on  les  laiffe  expofés  à  un  feu 
violent  pendant  neuf  heures  :  au  bout  de  ce  tems  , 
on  prend  un  des  creufets  pour  examiner  fi  la  fonte 
s'eft  bien  faite  ;  on  le  remet ,  &  on  laiffe  le  tout  en- 
core une  heure  au  feu ,  &  enfin  on  vuide  les  creu- 


CAD 


51 


I 

fets  dans  des  lingotieres ,  où  on  coule  le  cuivre  de 
laiton  en  tables.  Il  y  a  des  gens  qui  font  dans  l'ufage 
de  remettre  le  laiton  encore  une  fois  au  fourneau ,  Se 
qui  prétendent  par-là  lui  donner  une  plus  belle  cou- 
leur :  mais  il  n'y  a  point  de  profit  à  le  faire.  Le  cui- 
vre dans  l'opération  que  nous  venons  de  décrire  , 
acquiert  près  d'un  tiers  de  fon  poids  :  en  effet  ,  fi 
avant  la  fonte  on  répartit  foixante  -  quatre  livres  de 
cuivre  dans  les  huit  creufets ,  on  aura  à  la  fin  de  l'o- 
pération quatre-vingts-dix  livres  de  laiton.  Voilà  fui- 
vant  Lazare  Ercker ,  la  manière  dont  fe  fait  le  cui- 
vre de  laiton  dans  plufieurs  endroits  d'Allemagne , 
comme  dans  le  Hartz ,  dans  le  pays  de  Heffe ,  &  près 
de  la  ville  de  Goilar. 

On  peut  tirer  du  zinc  de  la  cadmie  des  fourneaux , 
comme  de  la  cadmie  foffîle  ou  calamine  ;  voyet  l' 'article 
Zinc  :  cette  fubftance  fait  comme  elle  effervefeence 
dans  les  acides.  M.  Swedenborg  dit ,  que  fi  on  fait 
diffoudre  la  cadmie  dans  l'efprit  de  vinaigre  ,  elle  lui 
donne  une  couleur  jaune  ;  fi  on  fait  évaporer  à  fie- 
cité  ce  diffolvant,  on  trouve  au  fond  du  vafe  un  pré- 
cipité ou  une  chaux  qui  a  la  forme  de  petites  étoi- 
les inferites  dans  un  cercle  ,  &  dont  tous  les  rayons 
font  à  une  diftance  égale  les  uns  des  autres.  (— ) 

CADODACHES  ™CADODAQUIOS ,  (Géog.) 
peuple  fauvage  de  la  Louifiane  dans  l'Amérique  fep- 
tentrionale. 

CADORE  ou  PIEVE  DI  CADORE ,  (  Géog.  ) 
petite  ville  d'Italie  dans  l'état  de  Venife ,  au  petit 
pays  de  Cadorino  ,  ainfi  appelle  de  fon  nom. 

CADOROUSE  ou  CADEROUSSE  ,  (Géog.)  pe- 
tite ville  de  France  dans  la  principauté  d'Orange  , 
à  l'endroit  où  l'Argenté  tombe  dans  le  Rhône. 

CADRAN  ou  CADRAN  SOLAIRE,  (  Ordre  en- 
cyclopédique. Entend.  Rai/on.  P/ulofophie  ou  Science. 
Science  de  la  nature.  Mathématiques.  Mathématique* 
mixtes.  Agronomie  géométrique.  Gnomonique  ,  ou  Art 
de  faire  des  Cadrans.  )  c'eft  une  furface  fur  laquelle  on 
trace  certaines  lignes  qui  fervent  à  mefurer  le  tems 
par  le  moyen  de  l'ombre  du  foleil  fur  ces  lignes. 
Foye^  TEi\is  &  Ombre. 

Les  anciens  donnoient  auffi  aux  cadrans  le  nom 
àefeiatériques ,  parce  que  l'ombre ,  sy.ia. ,  fert  à  y  mar- 
quer les  heures. 

On  définit  plus  exactement  le  cadran. ,  la  deferip- 
tion  de  certaines  lignes  fur  un  plan  ou  fur  la  furface 
d'un  corps  donné ,  faite  de  telle  manière  que  l'ombre 
d'un  ftyle ,  ou  les  rayons  du  foleil  paffant  à-travers  un 
trou  pratiqué  au  ftyle,  tombent  fur  de  certains  points 
à  certaines  heures.  Voye^  Style. 

La  diverfité  des  cadrans  folaires  vient  de  la  diffé- 
rente fituation  des  plans  Si.  de  la  différente  figure  des 
furraces  fur  lefquelles  on  les  décrit:  c'eft  pourquoi 
il  y  a  des  cadrans  équinocliaux ,  horifontaux ,  verticaux, 
polaires  ,  directs  ,  élevés ,  déclinans  ,  inclinans  ,  récli- 
nans,  cylindriques  ,  &c.  Voy.  PLAN  ,  GNOMONIQUE, 

Pour  montrer  l'heure  fur  la  furface  des  cadrans , 
on  y  met  deux  fortes  de  ftyles  :  l'un  appelle  droit ,  qui 
confifte  en  une  verge  pointue,  laquelle  par  Ion  ex- 
trémité &  par  la  pointe  de  fon  ombre ,  marque  l'heu- 
re ou  partie  d'heure  qu'il  eft.  Au  lieu  de  ces  verges , 
on  peut  fe  contenter  d'une  plaque  de  métal ,  élevée 
parallèlement  au  cadran ,  Si  percée  d'un  trou  par  où 
paffe  l'image  du  foleil:  ce  trou  repréfente  l'extré- 
mité lupérieure  de  la  verge  ,  comme  on  le  voit  à 
prefque  toutes  les  méridiennes.  V.  MÉRIDIENNE. 
L'autre  efpece  de  ftyle  eft  nommé  ftyle  oblique  ou  in- 
cliné, ou  bien  axe ,  &  montre  l'heure  par  une  ombre 
étendue. 

Le  bout  du  ftyle  droit  de  tous  les  cadrans  repré- 
fente le  centre  du  monde ,  &  par  conféquent  uilfi  le 
centre  de  l'horifon  ,  de  Fequateur ,  des  méridiens , 
des  verticaux,  &c.  en  un  mot  de  tous  les  grands  cer- 
cles de  la  fphere.  Le  plan  du  cadran  eft  fuppcle  élao. 


5i? 


CAD 


gaé  du  centre  de  la  terre  d'une  quantité  égale  à  1» 
longueur  du  ityle  droit. 

En  effet ,  la  diltance  du  foleil  au  centre  de  la  terre 
eit  ii  grande ,  que  l'on  peut  regarder  tous  les  points 
-de  la  iùperficie  de  la  terre  que  nous  habitons  ,  com- 
me s'ils  étoient  réunis  au  centre ,  fans  que  l'on  puiiïe 
s'appercevoir  que  la  différence  de  leur  diftance  ré- 
ciproque ,  qui  elt  tout  au  plus  le  diamètre  de  la  ter- 
re ,  apporte  aucun  changement  feniible  au  mouve- 
ment journalier  du  foleil  autour  du  centre  de  la  terre, 
ou  aiitour  d'une  ligne  qui  représente  ce  centre  ,  & 
que  l'on  nomme  l'axe  du  monde.  C'eit  pourquoi  l'ex- 
trémité du  ityle  de  tous  les  cadrans  peut  être  prife 
pour  le  centre  de  la  terre ,  &  la  ligne  parallèle  à  l'axe 
du  monde  qui  paffe  par  l'extrémité  de  ce  ityle,  peut 
«tre  confiderée  comme  l'axe  du  monde. 

Les  lignes  horaires  que  l'on  trace  fur  les  plans  des 
cadrans  iont  la  rencontre  des  cercles  horaires ,  c'elt- 
à-dire  des  méridiens  où  le  foleil  fe  trouve  aux  diffé- 
rentes heures  ,  avec  le  plan  du  cadran. 

Le  centre  du  cadran  elt  la  rencontre  de  fa  furface 
avec  l'axe  du  cadran  qui  paffe  par  l'extrémité  du  ityle 
&  qui  eit  parallèle  à  l'axe  du  monde.  Toutes  les  li- 
gnes horaires  fe  rencontrent  au  centre  du  cadran  ;  d'où 
il  s'enfuit  qu'une  ligne  tirée  par  l'extrémité  du  ltyle 
■&  par  le  point  de  rencontre  des  lignes  horaires,  elt. 
parallèle  à  l'axe  du  monde. 

Tous  les  plans  des  cadrans  peuvent  avoir  un  cen- 
tre ,  excepté  ceux  dont  le  plan  ell  placé  de  manière 
qu'il  loir  parallèle  à  l'axe  du  monde  ;  car  alors  la  ligne 
tirée  par  l'extrémité  du  ityle  parallèlement  à  cet  axe, 
cft  parallèle  au  plan  du  cadran,  &  par  conféquent 
elle  ne  rencontre  point  ce  plan  :  ainli  le  cadran  n'a 
point  alors  de  centre ,  &  les  lignes  horaires  ne  fe  ren- 
contrent point  ;  par  conféquent  elles  font  parallèles. 

La  verticale  du  plan  du  cadran  elt  une  ligne  qui 
paffant  par  l'extrémité  du  ityle ,  rencontre  perpendi- 
culairement ce  plan  ,oCy  détermine  le  pié  ou  le  lieu 
du  ityle.  On  appelle  hauteur  du fiylt ,  la  diltance  du 
pié  du  ityle  à  ia  pointe. 

La  ligne  horifontale  elt  une  ligne  parallèle  à  l'ho- 
lifon,  qui  eit  la  rencontre  du  plan  du  cadran  avec 
-un  plan  horifontal  ,  qu'on  imagine  paffer  par  la 
pointe  ou  par  le  pié  du  ityle. 

La  verticale  du  lieu  elt  a  ligne  droite  ,  qui  paffant 
par  le  pié  du  ityle  ,  eit  perpendiculaire  à  l'horifon. 

On  appelle  encore  verticale  celle  des  lignes  d'un 
cadran ,  qui  paffant  par  le  pié  du  ityle  ,  eit  perpendi- 
culaire à  la  ligne  horifontale  :  cette  ligne  eit  la  fection 
que  fait  avec  la  luriace  du  cadran  ,  le  cercle  vertical 
qui  lui  elt  perpendiculaire. 

Il  y  a  auiiï  deux  méridiennes ,  dont  Tune  eit  la  mé- 
ridienne propre  du  plan  ou  la  foùitylaire  ,  parce  que 
fon  cercle  qui  eit  un  des  méridiens  ,  paffe  par  la  ver- 
ticale du  plan ,  6c  par  conféquent  par  le  pié  du  ityle  ; 
l'autre  qui  elt  la  méridienne  du  lieu ,  a  fon  cercle  mé- 
ridien qui  paffe  par  la  verticale  du  lieu. 

Lorique  le  cadran  ne  décline  point  vers  l'orient  ou 
vers  l'occident,  c'eit-à-dire  qu'il  regarde  directement 
le  nord  ou  le  midi ,  ces  deux  méridiennes  le  confon- 
dent. 

La  ligne  équinodtialc  eit  la  fection  ou  rencontre  du 
plan  du  cadran  avec  le  plan  de  l'équinodial  ou  de  l'é- 
quateur: cette  ligne  elt  toujours  d'équerre  avec  la 
ioùityîaire. 

Le  point  où  le  rencontrent  la  foùitylaire  &  la  mé- 
ridienne ,  eit  le  centre  du  cadran  ;  -car  le  centre  du 
cadran  eit  déterminé  par  la  rencontre  de  deux  lio-nes 
qui  ibient  les  fections  du  plan  du  cadran  avec  deux 
méridiens.  Or  la  foùitylaire  &la  méridienne  font  les 
fèttions  du  pian  du  cadran  avec  deux  méridiens  :  ainfi 
le  point  où  ces  deux  lignes  le  rencontrent ,  doit  être 
le  centre.  Ces  principes  pôles  ,  nous  allons  enfei°;ner 
la  delcription  des  principaux  cadrans.  Voye\  13 ion. 


CAD 

Les  cadrans  fe  diitinguent  quelquefois  eh  deux  ef-< 
peces. 

Les  cadrans  de  la  première  efpece  font  ceux  qui 
font  tracés  fur  le  plan  de  l'horifon  ,  &c  que  l'on  ap- 
pelle cadrans  horijontaux  ;  ou  bien  perpendiculaires  à 
l'horifon  fur  les  plans  du  méridien  ou  du  premier  ver- 
tical ,  &  qui  font  appelles  cadrans  verticaux  ;  au  nom- 
bre delquels  on  met  auiîî  ordinairement  ceux  que  l'on 
trace  iur  des  plans  polaires  &  équinoenaux  ,  quoi- 
qu'ils ne  foient  ni  horifontaux  ,  ni  verticaux. 

Les  cadrans  de  la  féconde  efpece  font  ceux  qui  font 
tracés  fur  des  plans  déclinans  ,  ou  inclinés  ,  ou  recli- 
nés,  ou  déinclinés.  On  trouvera  dans  la  fuite  de  cet 
article  les  explications  de  tous  ces  mots. 

Le  cadran  équinociial  lé  décrit  fur  un  plan  équinoc- 
tial ,  c'eit-à-dirc  fur  un  plan  qui  repréfente  l'équa- 
teur.  ^qy^EQUINOCTIAL  &  EQUATEUR. 

Un  plan  oblique  à  l'horifon  s'incline  d'un  côté,  & 
tait  un  angle  aigu  avec  l'horifon  ,  ou  fe  renverfe  en 
arnere  en  iaifant  un  angle  obtus  :  on  appelle  ce  der- 
nier un  plan  rèclinant  y  ii  l'a  réclinaifon  eit  égale  au 
complément  de  la  latitude  du  lieu ,  il  fe  trouve  dans 
le  plan  de  l'équinoctial  :  ainfi  un  cadran  tracé  deffus, 
prend  le  nom  de  cadran  équinociial. 

Les  cadrans  cquinocliaux  fe  diitinguent  ordinaire- 
ment en  fupéricurs  ,  qui  regardent  le  zénith,  &c  en 
intérieurs  qui  regardent  le  nadir. 

Or  comme  le  foleil  n'éclaire  que  la  furface  fupé- 
rieure  d'un  plan  équinoûial ,  quand  il  elt  fur  notre 
hémifphere  ou  du  côté  feptentrional  de  l'équateur , 
un  cadran  équinociial  fupérieur  ne  marquera  les  heu- 
res que  dans  les  faifons  du  printems  &  de  l'été. 

De  même ,  comme  le  foleil  n'éclaire  que  la  furfa- 
ce intérieure  d'un  plan  équincctial ,  quand  il  eit  dans 
l'hémifphere  méridional  ou  de  l'autre  coté  de  l'équa- 
teur ,  un  cadran  équinociial  inférieur  ne  marquera  les 
heures  qu'en  automne  &  en  hyver. 

C'elt  pourquoi  afin  d'avoir  un  cadran  équinociial 
qui  ferve  pendant  toute  l'année,  il  faut  joindre  en- 
iemble  le  Supérieur  &  l'inférieur  ;  c'elt- à-dire  ,  qu'il 
faut  tracer  un  cadran  fur  chaque  côté  du  plan. 

Et  puifque  le  foleil  luit  pendant  tout  le  jour  fur 
l'un  ou  l'autre  côté  d'un  plan  équinociial ,  un  cadran 
de  cette  efpece  marquera  toutes  les  heures  d'un  jour 
quelconque. 

Tracer  géométriquement  un  cadran  équinoaial.  he  ca- 
dran équinociial  eit  le  premier,  le  plus  aifé  &  le  plus 
naturel  de  tous  :  mais  la  néceffité  de  le  faire  double  , 
eit  caufe  que  l'on  n'en  fait  pas  un  grand  uiage.  Néant- 
moins  comme  fa  conitruction  fait  entendre  celle  des 
cadrans  des  autres  eipeces ,  &  qu'elle  fournit  même 
une  bonne  méthode  de  les  tracer,  nous  allons  enen- 
feigner  ici  la  pratique. 

i°.  Pour  décrire  un  cadran  équinociial  fupérieur 
d'un  centre  C ,  (PI.  I.  de  Gnomon,  fig.  4.)  décrivez  un 
cercle  A  B  D  E ,  &:  par  deux  diamètres  AD  &  B  E  , 
qui  s'entre-coupent  à  angles  droits  ,divifez  ce  cercle 
en  quatre  quarts  AB,BD,DE,&cEA;  fubdivi- 
fez  chaque  quart  en  fix  parties  égales  par  les  lignes 
droites  C  1  ,  C  i ,  C  3  ,  &c.  ces  lignes  feront  les  lignes 
horaires.  Au  centre  C  attachez  un  ityle  perpendicu- 
laire au  plan  A  B  D  E. 

Après  que  le  cadran  a  été  ainfi  tracé ,  diipofez-le  de 
manière  qu'il  foit  parallèle  au  plan  de  l'équateur ,  que 
la  liçne  C  1 1  foit  dans  le  plan  du  méridien  ,  èc  que  le 
point  A  regarde  le  iùd  ou  le  midi  ;  l'ombre  du  ityle 
marquera  les  heures  avant  &  après  midi. 

Car  les  cercles  horaires  divifent  l'équateur  en  arcs 
de  quinze  degrés  (vaye{  Équation  du  tems)  ;  par 
conféquent  Te  pian  A  B  D  E  étant  fuppofé  dans  le 
plan  de  l'équateur ,  les  cercles  horaires  di\  lieront 
pareillement  le  cercle  A  B  D  E  en  arcs  de  quinze  de- 
grés chacun.  C'elt  pourquoi  puifque  les  angles  12  C 
il  j  nt'io,  10  C  9,  &c.  font  fuppefés  chacun  de 


CAD 

1 5  degrés  ;  les  lignes  C  1 2 ,  C  1 1 ,  C  10 ,  C9  font  les 
interibâions  des  cercles  horaires  avec  le  plan  de  l'é- 
quinoctial. 

De  plus ,  puifcjue  le  ftyle  qui  pane  par  le  centre  C 
représente  l'axe  du  monde  ,  6c  qu'il  eft  outre  cela  le 
diamètre  commun  des  cercles  horaires  ou  méridiens  , 
fon  ombre  couvrira  la  ligne  horaire  C  1 2  quand  le 
foleil  fera  dans  le  méridien  ou  dans  le  cercle  de  dou- 
ze heures  ;  la  ligne  C  1 1 ,  quand  il  fera  dans  le  cer- 
cle de  onze  heures  ;  la  ligne  C  10 ,  quand  il  fera  dans 
le  cercle  de  dix  heures. 

Pour  difpofer  le  plan  du  cadran  parallèlement  au 
plan  de  l'équateur,  il  ne  faut  qu'avoir  un  triangle 
rectangle  de  bois  dont  l'angle  oblique  à  la  bafe  loit 
égale  à  l'élévation  de  l'équateur ,  (  par  exemple  , 
41  d  io' pour  Paris)  &  d'appliquer  le  plan  du  cadran 
à  l'hypoténufe  ou  grand  côté  de  ce  triangle,  dont 
on  placera  la  bafe  horifontalement  ;  6c  pour  mettre 
la  ligne  AD  dans  la  direction  de  la  méridienne,  il 
faut  favoir  trouver  la  méridienne.  Voy,  Ligne  mé- 

DIENNNE. 

2°.  Pour  décrire  un  cadran  équinoclial  inférieur ,  la 
méthode  n'eft  pas  différente  de  celle  que  nous  venons 
de'fuivre  pour  tracer  le  fupérieur  ,  excepté  que  l'on 
ne  doit  pas  tracer  les  lignes  horaires  au-delà  de  la  li- 
gne de  fix  heures  ;  parce  que  ces  cadrans  ne  peuvent 
fervir  qu'en  automne  &  en  hyver  ,  oii  les  jours  ne 
paffent  pas  fix  heures. 

30.  Pour  décrire  un  cadran  équinoclial  univerfel , 
joignez  deux  plans  de  métal  ou  d'ivoire  A  B  CD  6c 
C  D  E  F(jîg.  5.  )  ,  qui  foient  mobiles  à  l'endroit  où 
ils  fe  joignent  :  fur  la  furface  fupérieure  du  plan 
A  B  C  D  ,  décrivez  un  cadran  cquinoclial  fupérieur, 
&  un  inférieur  fur  la  furface  inférieure ,  ainfi  qu'on 
l'a  déjà  enfeigné ,  6c  placez  un  ftyle  au  centre  /  :  pla- 
cez une  boîte  G  dans  le  plan  D  £  FC,  &  mettez-y 
une  aiguille  aimantée  :  ajuftez  fur  le  même  plan  un 
quart  de  cercle  de  cuivre  A  E  bien  exactement  divilé, 
8>C  qui  paffe  par  un  trou  fait  au  plan  A  B  CD  :  cela 
pofé ,  moyennant  l'aiguille  aimantée  ,  on  peut  placer 
le  plan  A  B  C  Dde  manière  que  la  ligne  /  1 2  foit  dans 
le  plan  du  méridien  ;  &  par  le  moyen  du  quart  de 
cercle  ,  on  peut  le  difpofer  de  manière  que  l'angle 
B  C  F  foit  égal  à  l'élévation  de  l'équateur.  On  pourra 
donc  fe  fervir  de  ce  cadran  en  quelqu'endroit  du  mon- 
de que  ce  ioit.  Il  elt  à  remarquer  que  le  jour  de  l'équi- 
noxe ,  les  cadrans  équinocliaux  ne  marquent  point 
l'heure  ,  parce  qu'ils  ne  font  point  éclairés  par  le  fo- 
leil ,  qui  ces  jours-là  ,  eft  dans  le  plan  de  l'équateur. 

Le  cadran  horifontal  elt  celui  qui  eft  tracé  lur  un 
plan  horifontal  ou  parallèle  à  l'horifon.  Voye^  Ho- 
Risgn. 

Puifque  le  foleil  peut  éclairer  un  plan  horifontal 

Fendant  toute  l'année  ,  lorfqu'il  eft  au-deffus  de 
horifon  ;  un  cadran  horifontal  peut  montrer  toutes 
les  heures  du  jour  pendant  toute  l'année  :  ainii  l'on 
ne  fauroit  avoir  un  cadran  plus  parfait. 

Tracer  géométriquement  un  cadran  horifontal.  Ti- 
rez une  ligne  méridienne  A  B  (  fig.  G.  )  fur  le  plan 
immobile  donné.  Ou  tracez-la  à  volonté  fur  un  plan 
mobile.  Voye^  LlGNE  MÉRIDIENNE. 

D'un  point  pris  à  volonté  ,  comme  C ,  élevez  une 
perpendiculaire  CD,  &  faites  l'angle  CAD  égal  à 
l'élévation  du  pôle.  En  D  faites  un  autre  angle  CD 
£  égal  aufîi  à  l'élévation  du  pôle  ,  6c  tirez  la  ligne 
droite  D  E  qui  rencontre  A  B  en  E.  Enfuite  faites 
E  B  =  E  D  ,  &  du  centre  B  avec  le  rayon  E  B ,  dé- 
crivez un  quart  de  cercle  E  B  F,  6c  divifez-le  en  fix 
parties  égales.  Par  E  tirez  la  ligne  droite  G  H ,  qui 
coupe  A  B  d  angles  droits.  Du  centre/?  par  les  di- 
vifions  du  quart  de  cercle  E  F  tirez  les  lignes  droites 
Ba,  B  b ,  Bc,  Bd,  B  H,  qui  rencontrent  la  ligne 
G Hdux  points  a,b,c,d,  H.  Du  point  E  fur  la  ligne 
droite  EG portez  lei  intervalles  EatEbt  &c,  ç'eft- 


CAD 


519 


à-dire ,  portez  E  a  de  E  en  e ,  £  b  de  E  en/,  E  c ,  en 
£  cng,6cc.  Du  centre  ^/décrivez  un  petit  cercle,  6c 
mettant  une  petite  règle  fur  le  point  A  6c  fur  les  dif- 
férens  points  de  divifion  a,b ,c,d ,  H,  6ce,f,g,hy 
G,  tirez  les  lignes^  1,  Ai,  A},  A4,  A  }  6c  A  11, 
A  10,  A  9,  A  8 ,  A  7.  Par  le  point  A  tirez  une 
ligne  droite  6  6  ,  perpendiculaire  à  la  ligne  AB.  Pro- 
longez la  ligne  droite  A  7 ,  au-deià  du  petit  cercle 
julqu'en7,  A  8  jufqu'en  8,^5  jufqu'en  5,^4  juf- 
qu'en  4.  Autour  de  tout  le  plan  ,  tracez  un  quarré  , 
un  cercle  ,  ou  un  ovale.  Enfin  au  point  A  fixez  un 
ftyle  ,  qui  faffe  avec  le  méridien  A  B  un  angle  égal 
à  l'élévation  du  pôle  :  ou  bien  élevez  en  C  un  ftyle 
perpendiculaire  égal  à  C  D  ;  ou  bien  fur  la  ligne  AE 
placez  un  triangle  AD  E  perpendiculaire  au  plan  du 
cadran. 

Les  lignes  A  11 , A  10,  Aç),&c.  font  les  lignes  ho- 
raires d'avant  midi  ;  &  les  lignes  A  1  ,A  x  ,A  3  ,  &c. 
font  celles  d'après  midi.  Et  l'ombre  des  ftyles  dont  on 
a  parlé  ci-deffus ,  tombera  à  chaque  heure  fur  les  li- 
gnes horaires  refpeclives» 

Si  on  s'eft  contenté  de  tracer  à  volonté  la  ligne  mé- 
ridienne ,  6c  de  décrire  enfuite  toutes  les  lignes  du 
cadran  ,  ce  qui  n'eft  permis  que  quand  le  plan  du  ca- 
dran eft  mobile  ,  il  faut  alors  orienter  le  cadran  de 
manière  que  la  ligne  méridienne  qu'on  y  a  tracée  fe 
trouve  dans  le  plan  du  méridien  :  on  peut  en  venir  à 
bout  par  différens  moyens ,  entr'autres  par  le  moyen 
de  la  boufTole  :  mais  cette  méthode  n'eft  pas  extrê- 
mement exafte  ,  parce  que  la  déclinaifon  de  l'aiguille 
aimantée  varie  ;ainli  il  vaut  mieux  tracer  géométri- 
quement la  méridienne  fur  un  plan  horifontal  immo- 
bile. 

Décrire  un  cadran  horifontal  trigonométriquement. 
Dans  les  grands  cadrans  ,  où  l'on  a  befoin  de  la  plus 
grande  exactitude ,  il  vaut  mieux  fe  paffer  des  lignes 
géométriques ,  &  déterminer  les  lignes  du  cadran  par 
un  calcul  trigonométrique.  M.  Clapiès,dans  les  Mé- 
moires de  l'académie  royale  des  Sciences  ,  pour  Pannes 
iyoj  ,  nous  a  donné  un  moyen  très-aifé  &  très-ex- 
péditif  de  calculer  les  lignes  horaires  :  nous  rappor- 
terons fes  règles  ou  fes  analogies  pour  chaque  clpece 
de  cadran  dont  nous  aurons  à  parler. 

Pour  le  cadran  horifontal  :  l'élévation  du  pôle 
du  lieu  étant  donnée  ,  trouver  les  angles  que  les  li- 
gnes horaires  font  avec  le  méridien ,  au  centre  du  ca- 
dran, 

Voici  la  règle  ou  l'analogie  :  comme  le  finus  total 
eft  au.^inus  de  l'élévation  du  pôle  du  lieu  propofé  , 
ainii  la  tangente  de  la  diftance  du  foleil  au  méridien 
pour  l'heure  requife ,  eft  à  la  tangente  de  l'angle 
cherché. 

Le  cadran  vertical  eft  un  cadran  tracé  fur  le  plan 
d'un  cercle  vertical.  Voye^  Vertical. 

Ces  fortes  de  cadrans  varient  félon  le  vertical  que 
l'on  choifit.  Les  verticaux  qui  font  principalement 
en  ufage  ,  font  le  méridien  ,  6c  le  premier  vertical  , 
c'eft-dire  ,  le  cercle  vertical  perpendiculaire  au  mé- 
ridien :  d'où  viennent  les  cadrans  méridionaux  ,ftp- 
tentrionaux  ,  orientaux ,  &  occidentaux. 

Les  cadrans  qui  regardent  les  points  cardinaux  de 
l'horifon ,  s'appellent  particulièrement  cadrans  directs, 
Voye{  Direct. 

Si  l'on  prend  un  autre  vertical ,  on  dit  que  le  cadran 
décline.  Voyer^  DÉCLINANT. 

De  plus  en  général ,  fi  le  plan  fur  lequel  on  opè- 
re ,  eft  perpendiculaire  à  l'horifon ,  comme  on  le  doit 
fuppofex  dans  tous  les  cas  dont  il  eft  queition  à  pre- 
fent ,  les  cadrans  font  appelles  particulièrement  des 
cadrans  droits.  Par  exemple  ,  on  dit  :  un  cadran  droit 
méridional ,  ou  feptentrional  ,&C. 

Si  le  plan  du  cadran  eft  oblique  à  l'horifon ,  on  dit 
qu'il  incline,  ou  qu'il  réçline.  foye^  Inclinaison, 

RÉCLINANT,  £f, 


5  20 


CAD 


Le  cadran  méridional ,  ou  pour  le  défigner  plus  par- 
ticulièrement ,  le  cadran  droit  directement  méridional , 
efl  celui  que  l'on  décrit  fur  la  furface  du  premier 
vertical ,  qui  regarde  le  midi. 

Le  foleil  éclaire  le  plan  du  premier  vertical  qui 
regarde  le  midi  ,  lorfque  dans  l'a  courfe  ,  il  paffe  de 
ce  vertical  au  méridien  ,  ou  qu'il  va  du  méridien  au 
premier  vertical  ;  en  quoi  il  employé  fix  heures  avant 
midi  &  fix  heures  après  le  jour  de  l'équinoxe  ;  & 
environ  quatre  heures  &  demie  avant  midi ,  &c  qua- 
tre heures  &c  demie  après  le  jour  du  folflice  d'été  ,  & 
ainfi  des  autres  jours  ;  &  en  hyver ,  le  foleil  ne  paroît 
fur  l'horifon  qu'après  fix  heures  ;  d'où  il  s'enfuit  qu'un 
cadran  méridional  ne  peut  marquer  les  heures  que 
depuis  fix  heures  du  matin  jufqu'à  fix  heures  du  foir. 

Tracer  un  cadran  vertical  méridional.  Sur  le  plan 
du  vertical  qui  regarde  le  midi ,  tracez  une  ligne  mé- 
ridienne A  B  (fig.  g.  )  &  prenant  l'intervalle  A  C  k 
volonté  pour  la  grandeur  du  cadran  propofé  ,  élevez 
en  C  une  perpendiculaire  d'une  longueur  indéfinie 
C D  ;  &  faifant  un  angle  CAD  égal  à  l'élévation  de 
l'équateur,  tirez  une  ligne  droite  AD  qui  rencontre 
la  perpendiculaire  CD  en  D  ;  enfuite  faites  au  point 
D  l'angle  CD  E  égal  auffi  à  l'élévation  de  l'équateur, 
en  tirant  la  ligne  droite  D  E  qui  coupe  le  méridien  en 
E.  Par  le  point  E  tirez  la  ligne  droite  G  H  qui  coupe 
le  méridien  A  B  à.  angles  droits.  Prenez  E  B  égal  à 
E  D  ,  &  avec  ce  rayon  décrivez  un  quart  de  cercle 
E  F.  Le  refte  fe  fait  comme  dans  le  cadran  horifon- 
tal,  excepté  que  les  heures  d'après  midi  doivent  être 
écrites  à  main  droite  ,  &  celles  d'avant  midi  à  main 
gauche ,  ainfi  que  la  figure  le  fait  comprendre.  Enfin 
au  point  A  fixez  un  flyle  oblique  ,  qui  fafle  un  angle 
égal  à  l'élévation  de  l'équateur  ;  ou  bien  ,  élevez  en 
c?un  flyle  perpendiculaire  égal  à  CD  ;  ou  enfin ,  éle- 
vez fur  AE  un  triangle  A  D  E ,  qui  foit  perpendicu- 
laire au  plan  du  cadran. 

L'ombre  du  flyle  couvrira  les  différentes  lignes 
horaires  aux  heures  qui  répondent  à  ces  lignes. 

Le  cadran  feptentrional ,  ou  le  cadran  droit  directe- 
ment  feptentrional  ,fe  trace  fur  la  furface  du  premier 
vertical  qui  regarde  le  nord.  Foye^  Nord. 

Le  foleil  n'éclaire  cette  furface  que  quand  il  avan- 
ce de  l'orient  au  premier  vertical ,  ou  qu'il  vient  de 
ce  même  vertical  au  couchant  :  de  plus  ,  le  foleil  efl 
dans  le  premier  vertical  à  fix  heures  du  matin  &  à 
fix  heures  du  foir  le  jour  de  l'équinoxe  ;  le  jour  du 
folffice  d'été  il  fe  levé  fur  l'horifon  de  Paris  à  quatre 
heures ,  &  arrive  au  premier  vertical  vers  les  fept 
heures  Se  demie  ;  &  en  hyver  le  foleil  n'éclaire  point 
du  tout  ce  plan  feptentrional;  d'où  il  efl  évident  que 
le  cadran  feptentrional  ne  peut  marquer  que  les  heu- 
res d'avant  fept  heures  &  demie  du  matin  ,  &  celles 
d'après  fept  heures  &  demie  du  foir.  C'efl  pourquoi , 
comme  dans  l'automne  &  dans  l'hyver  le  foleil  ne  fe 
levé  pas  avant  fix  heures  ,  &  qu'il  fe  couche  avant 
lix  heures  du  foir  ,  on  voit  que  pendant  toutes  ces 
deux  faifons  ,  le  cadran  feptentrional  n'efl  d'aucun 
ufage  :  mais  en  le  joignant  au  cadran  méridional ,  il 
iupplée  ce  qui  manque  à  celui-ci. 

Décrire  un  cadran  vertical  feptentrional.  Tirez  une 
•ligne  méridienne  E  B  (fig.  10)  &  du  pointa  décri- 
vez un  petit  cercle  à  volonté  :  au  point  A  faites  l'an- 
gle DAC  égal  à  l'élévation  de  l'équateur,  &  du 
point  C  pris  à  volonté  ,  élevez  une  perpendiculaire 
CD  qui  rencontre  AD  au  point  D.  Faites  un  autre 
•angle  CD  E  égal  auffi  à  l'élévation  de  l'équateur,  & 
tirez  pareillement  une  ligne  D  E  qui  rencontre  A  E 
au  point  E.  Enfuite  prenez  IB  égal  k£D ,  &  par  / 
tirez  G  H  qui  coupe  SB  à  angles  droits.  Du  centre 
B  avec  le  rayon  / B  décrivez  un  quart  de  cercle  ;  & 
divifez-le  en  fix  parties  égales.  Par  les  deux  derniè- 
res divifions  tirez  des  lignes  du  centre  B ,  c'efl-à-dire 
BhècBG,  qui  rencontrent  G  H  en  h  Si  G ,  ce  faites   I 


CAD 

TVégal  à  Ik,  &/i/égal  kl  G.  Enfuite  appliquant 
une  règle  aux  points  A  ,  d  &  H ,  &  encore  aux 
points  A ,  h  &  G ,  tirez  les  lignes  droites  A  5,  A  4  , 
A  7  ,  A  8.  Enfin  ,  au  pointa  fixez  un  flyle  obli- 
que AD  ,  faifant  un  angle  D  AE ,  avec  la  ligne  mé- 
ridienne dans  le  plan  du  méridien  ,  égal  à  l'élévation 
de  l'équateur  :  ou  bien  un  flyle  perpendiculaire  en 
C ,  égal  à  CD  ;  ou  ,  au  lieu  d'un  flyle ,  mettez  fur 
la  ligne  méridienne  E  A  un  triangle  EDA  perpen- 
diculaire au  plan  du  cadran. 

Les  lignes  ^4,^5,^6  ,  marqueront  les  heures 
du  matin  ;  &  les  lignes  A  6  ,  A  y ,  AS  ,  marqueront 
celles  de  l'après-midi ,  &  par  conféquent  l'ombre  de 
V index  montrera  ces  heures. 

Ou  bien  encore  ,  opérez  de  la  manière  fuivante. 
Dans  le  cadran  méridional  (fg.  £.)  fi  les  lignes  horai- 
res 4  &  5  ,  de  même  que  7  &  8 ,  font  continuées  au- 
delà  de  la  ligne  6  A  6  ,  &c  que  le  triangle  A  DE  tour- 
ne autour  de  fon  pôle  A ,  jufqu'à  ce  que  A  E  tombe 
fur  le  prolongement  de  A  1 2  ;  il  efl  évident  que  par 
ce  moyen  on  a  un  cadran  feptentrional ,  oblervant 
feulement  ce  que  l'on  a  dit  fur  la  manière  de  marquer 
les  heures. 

Si  fur  l'extrémité  IK  d'un  cadran  horifontal ,  (  fg. 
y.  Gno7non.s)  on  élevé  à  angles  droits  un  plan  veiti- 
cal  1 KN M,  &  qu'on  prolonge  Y  index  horaire  AL 
du  cadran  horifontal  jufqu'à  ce  qu'il  rencontre  le  plan 
vertical  en  L  ,  on  n'aura  qu'à  tirer  enfuite  du  point 
L  à  la  ligne  de  contingence  ou  de  rencontre  IK  des 
deux  plans  des  lignes  droites  qui  pafTent  par  les  diffé- 
rens  points  des  heures  marquées  fur  cette  ligne  IK  ; 
on  aura  un  cadran  vertical  méridional ,  dont  L  fera  le 
centre  ;  ce  qui  efl  évident ,  puifque  l'ombre  du  flyle 
marquera  les  mêmes  heures  fur  les  deux  cadrans. 

Tracer  par  la  Trigonométrie  un  cadran  vertical  fep- 
tentrional ou  méridional.  La  defeription  de  ces  cadrans 
ne  diffère  de  celle  du  cadran  horifontal ,  qu'en  ce  qu» 
l'angle  CA  D ,  efl  égal  au  complément  de  l'élévation 
du  pôle  du  lieu  ;  de  forte  que  l'on  doit  fe  fervir  de  la 
même  analogie  que  pour  le  cadran  horifontal  :  en  ob- 
fervant  feulement  que  le  fécond  terme  foit  le  com- 
plément de  l'élévation  du  pôle  pour  le  lieu  où  l'on 
trace  le  cadran. 

Le  cadran  oriental ,  ou  h  cadran  droit  directement 
oriental,  efl  celui  que  l'on  trace  fur  le  côté  du  méri- 
dien qui  regarde  l'orient.  Voye^  Orient. 

Comme  le  foleil  n'éclaire  le  plan  du  méridien  qui 
regarde  l'orient ,  qu'avant  midi  ;  un  cadran  oriental 
ne  peut  marquer  les  heures  que  jufqu'à  midi. 

Tracer  un  cadran  oriental.  Sur  le  côté  oriental  du 
plan  du  méridien ,  tirez  une  ligne  droite  AB  (Jîg.  zi.y 
parallèle  à  l'horifon  ,  &  joignez-y  la  ligne  À  K  ,  qui 
fafle  avec  elle  un  angle  KAB  ,  égal  à  l'élévation  de 
l'équateur.  Enfuite  avec  le  rayon  D  E  décrivez  un 
cercle ,  &  par  le  centre  D ,  tirez  E  C  perpendiculaire 
à  A  K  ;  moyennant  quoi  le  cercle  fera  divifé  en  qua- 
tre quarts.  Subdivifez  chacun  de  ces  quarts  en  fix  par- 
ties égales.  Et  du  centre  D ,  par  les  différentes  divi- 
fions ,  tirez  les  lignes  droites  Z>4,Z)^,Z>6,  Djy 
D$  ,  Dy,  D  10,  Du.  Enfin ,  en  D  élevez  un  flyle 
égal  au  rayon  D  £  perpendiculairement  au  plan ,  ou 
fur  deux  petites  pièces  fixées  perpendiculairement 
en  E,C,  &  égales  au  même  rayon  D  E ,  attachez  un 
flyle  parallèle  k  E  C. 

Par  ce  moyen ,  chaque  index  aux  différentes  heu- 
res ,  jettera  une  ombre  fur  les  lignes  refpeûives  44  , 
5  5  ,  66 ,  à-c 

Le  cadran  occidental ,  ou  le  cadran  droit  directement 
occidental ,  fe  trace  fur  le  côté  occidental  du  méri- 
dien. Voyt^  Occident. 

Comme  le  foleil  n'éclaire  qu'après  midi  le  côté  du 
plan  du  méridien  ,  qui  regarde  l'occident  ,  on  voit 
qu'un  cadran  occidental  ne  peut  marquer  les  heures 
que  depuis  midi  jufqu'au  foleil  couchant. 

Ainfi  j 


CAD 


CAD 


521 


Ainfi  ,  en  joignant  le  cadran  occidental  avec  Po- 
rîental ,  ces  deux  cadrans  marqueront  toutes  les  heu- 
res du  jour. 

Tracer  un  cadran  occidental.  La  conflru£lion  efl 
précifément  la  même  que  celle  du  cadran  oriental; 
excepté  que  la  fituation  efl  renvcrfée ,  &  les  heures 
écrites  conformément  à  cette  difpofition. 

Le  cadran  polaire  cft  tracé  for  un  plan  qu'on  ima- 
gine parler  pal'  les  pôles  du  monde ,  &  par  les  points 
de  l'orient  &  de  l'occident  de  l'horifon.  II  y  en  a  de 
"deux  efpeces  :  ceux  de  la  première  efoece  regardent 
le  zénith ,  &font  appelles  polaires  fupérieurs  ;  ceux  de 
la  féconde  regardent  le  nadir,  &  font  appelles  polai- 
res inférieurs. 

Ainfi  le  cadran  polaire  efl  incliné  à  l'horifon,  avec 
lequel  il  fait  un  angle  égal  à  l'élévation  du  pôle. 

Comme  le  plan  polaire  PO  ,  Q  S  ,  {figure  iz.  ) 
pâlie  par  les  points  O  &  S  de  l'orient  &  de  l'occident, 
il  y  a  un  quart  de  l'équateur  ,  &  de  chacun  des  pa- 
rallèles à  l'équateur  ,  intercepté  entre  ce  plan  &  le 
méridien  P  H  Q  :  donc  la  furface  fupérieure  efl 
éclairée  par  le  foleil  depuis  fix  heures  du  matin  juf- 
.qu'à  fix  heures  du  foir;  &  la  furface  inférieure  de- 
puis le  lever  du  foleil  jufqu'à  fix  heures  du  matin  ; 
&  depuis  fix  heures  du  foir  jufqu'au  coucher  du  fo- 
leil. 

C'eft  pourquoi  un  cadran  polaire  inférieur  marque 
les  heures  du  matin  depuis  le  lever  du  foleil  jufqu'à 
fix  heures ,  &  celles  du  foir  depuis  fix  heures  jufqu'à 
fon  coucher;  &  un  cadran  polaire  fupérieur  marque 
les  heures  depuis  fix  heures  du  matin  jufqu'à  fix  heu- 
res du  foir. 

Tracer  un  cadran  polaire  fupérieur.  Tirez  une  ligne 
droite  A  B  (fig.  13.  )  parallèle  à  l'horifon  ;  &  fi  le 
plan  efl  immobile ,  trouvez  la  ligne  méridienne  CE  : 
divifezCi?  en  deux  parties  égales,  &  par  C  tirez  une 
ligne  droite  F  G  parallèle  à  A  B  ;  enfuite  du  centre 
D ,  avec  l'intervalle  D  E ,  décrivez  un  quart  de  cer- 
cle ,  &  divifez-le  en  fix  parties  égales  :  du  centre  D , 
par  les  differens  points  de  divilion ,  tirez  les  lignes 
droites  D  \  ,D  x ,  Z?  3  ,  Z>  4,  Z>  5  ,  &  placez  en 
fens  contraire  les  intervalles  E 1 ,  E  1,  E  ■$,  E  4, 
E  5  ,  c'efl-  à-dire  ,£n,  10  ,  9 ,  8  ,  &  7  ,  des  points 
5,4,3,1,1,  &c.  élevez  des  perpendiculaires  qui 
rencontrent  la  ligne  F  G  aux  points  correfpondans  ; 
enfin  élevez  en  D  un  flyle  perpendiculaire  égal  à 
DE;  ou  fur  deux  flyles  égaux  à  E  D,  placez  une 
verge  horifontale  parallèle  à  E  C:  les  lignes  12  11, 
1 1  1 1 ,  22,  33  ,  &c.  feront  les  lignes  horaires. 

Un  cadran  polaire  fupérieurne  diffère  des  cadrans 
orientaux  &  occidentaux ,  que  par  fa  fituation  ,  &  que 
par  la  manière  d'écrire  les  heures. 

On  a  un  cadran  polaire  inférieur  ,  en  négligeant  les 
heures  d'avant  midi ,  9 ,  10 ,  &  1 1 ,  &  celles  d'après 
midi ,  1  ,  2 ,  Se  3  ,  avec  l'heure  1 2  de  midi  ;  tk  en  ne 
laiffant  que  les  heures  7  &  8  du  matin ,  &  4  tk  5  du 
foir,  qui  deviendront  alors  les  heures  7  &c  8  du  foir  , 
&  4  &  5  du  matin  ,  en  renverfant  le  cadran  f ens-def- 
fus-deffous. 

Tracer  tous  les  cadrans  de  la  première  efpecefur  le  mê- 
me corps  irrégulier.  i°.  Suppofons  que  le  plan  ABCD , 
(figure  14.  )  dans  la  fituation  naturelle  du  corps, 
ibit  horilontal  ;  décrivez  defl'us  un  cadran  liorifontal  y 
comme  il  a  été  enfeigné  plus  haut. 

20.  Tirez  les  lignes  E  M  &  F L  ,  parallèles  à  D  C , 
qui  feront  par  conféquent  parallèles  à  l'horifon  dans 
la  fituation  naturelle  du  corps;  fi  on  fuppofe  enfuite 
que  le  plan  B  N  M  C,  fane  un  angle  C  ME  avec 
E  M ,  égal  à  l'élévation  du  pôle;  décrivez  défais  un 
cadran  polaire  fupérieur. 

3°.  Suppofant  que  le  plan  oppofé  AD  E  ,  faffe 
avec  E  M  un  angle  D  E  M ,  égal  à  l'élévation  de 
Tome  II, 


l'équateur;  tracez  fur  ce  plan  un  cadran  équinoclial 
J'upét  leur. 

40.  Suppofant  que  le  plan  K  L  H ,  fafle  avec  L  F 
un  angle  H  L  F ',  égal  à  l'élévation  de  l'équateur  ;  tra- 
cez fur  ce  plan  un  cadran  équinociial  inférieur. 

50.  Si  le  plan  pppofé  F G ,  fait  avec  F  L  un  angle 
G  F  L  ,  égal  à  l'élévation  du  pôle  ;  tracez-y  un  cadran 
polaire  inférieur. 

6°.  Si  le  plan  M  A"  A"  L  ,  &  l'oppoié  E  F,  font  per- 
pendiculaires à  F  L  ;  fur  l'un  d'eux  tracez  un  cadran 
méridional ,  &c  fur  l'autre  un  cadran  feptentrional. 

70.  Sur  le  plan  E  M  LF,  décrivez  un  cadran  occi- 
dental, ÔC  un  oriental  fur  le  plan  oppole. 

Nous  avons  expliqué  plus  haut  &  fort  en  détail 
les  méthodes  dont  on  doit  le  fervir  pour  tracer  ces 
différentes  efpeces  de  cadrans. 

Cela  fait ,  fi  le  corps  ell  difpofé  de  manière  que 
le  plan  M  N  K  L  regarde  le  midi,  &  que  le  plan  du 
méridien  le  coupe  en  deux  dans  la  ligne  de  12  heu- 
res du  cadran  liorifontal  A  B  C  D  ,  &  du  cadran  mé~ 
ridional  M  N  KL  ;  tous  ces  differens  plans  marque- 
ront en  même  tems  les  heures  du  jour. 

Les  cadrans  fecondaires ,  ou  de  la  féconde  efpece  ,  font 
tous  ceux  que  l'on  place  fur  les  plans  de  cercles  dif- 
ferens de  l'horifon  ,  du  premier  vertical ,  de  l'équi- 
noclial ,  &  des  cercles  polaires  ;  c'efl-à-dire  fur  des 
plans  qui  déclinent ,  inclinent,  réclment. 

Les  cadrans  verticaux  déclinans  ,  font  des  cadrans 
droits  ou  verticaux  qui  déclinent ,  ou  qui  ne  regar- 
dent pas  direftement  quelqu'un  des  points  cardi- 
naux. 

Les  cadrans  déclinans  font  d'un  ufage  fort  ordinai- 
re ,  car  les  murailles  des  maifons  fur  lefquelles  on 
trace  communément  les  cadrans  ,  ne  font  pas  direc- 
tement expoiées  aux  points  cardinaux.  Voye^  Dé- 
clinant. 

Il  y  a  différentes  efpeces  de  cadrans  déclinans , 
qui  prennent  leurs  noms  des  points  cardinaux  vers 
lefquels  ils  paroiffent  le  plus  tournés  ,  mais  dont  ils 
déclinent  réellement  :  il  y  en  a  qui  déclinent  du  mi- 
di ou  du  nord ,  &  même  du  zénith. 

Tracer  trigonométriquement  un  cadran  vertical 
nant.  1  °.  La  déclinaifon  du  plan  tk.  l'élévation  du  pô- 
le du  lieu  étant  donnés  ,  voici  la  règle  pour  trouver 
l'angle  formé  au  centre  du  cadran  par  la  méridienne 
&  la  foùllyldire  :  comme  le  iinus  total  ell  à  la  tan- 
gente du  complément  de  la  hauteur  du  pôle  du  lieu  ; 
ainfi  le  iinus  de  l'angle  de  déclinaifon  du  plan  ell  à 
la  tangente  de  l'angle  cherché. 

20.  La  déclinaifon  du  plan  étant  donnée ,  avec  l'é- 
lévation du  pôle  du  lieu,  voici  comment  on  trouve 
l'angle  formé  au  centre  d'un  cadran  vertical  dicli* 
nant ,  par  la  loûllylaire  &  l'axe. 

Règle.  Comme  le  finus  total  ell  au  finus  du  com- 
plément de  l'élévation  du  pôle  ;  ainfi  le  iinus  du  com- 
plément de  déclinaifon  du  plan  ell  au  iinus  de  l'angle 
cherché. 

30.  La  déclinaifon  du  plan  &  l'élévation  du  pôle 
étant  données ,  fi  on  veut  trouver  l'arc  de  i'équateur 
compris  entre  le  méridien  du  lieu  6c  le  méridien  du 
plan  ;  voici  la  règle. 

Comme  le  iinus  total  ell  au  finus  de  la  hauteur 
du  pôle  du  lieu  ;  ainfi  la  tangente  du  complément  île 
déclinaifon  du  plan  eli  à  la  tangente  du  complément 
de  l'angle  cherché,  que  nous  appellerons  pour  abré- 
ger ,  ..•/;;,•.'.•  de  la  différence  des  longitudes. 

4".  L'angle  de  la  différence  des  longitudes,  &  ce- 
lui de  l'axe  avec  la  foùilylaire ,  étant  donnes ,  on  de- 
mande les  angles  formés  au  centre  d'un  cadian  \  ertieal 
décimant ,  entre  la  foùilylaire  oc  les  lignes  horaires. 

Ce  problème  a  trois  cas;  car  le  >raires 

dont  on  cherche  les  angles ,  peuvent  eue  i°.  entre 
le  méridien  &  la  fou  il  \  lairejou  1".  au-delà  de  la  foûf- 
tylaire  ;  ou  3".  du  cote  du  méridien  où  la  loûllylaire 

Vvv 


522 


CAD 


n'eft  pas.  Dans  les  deux  premiers  cas  on  doit  pren- 
dre la  différence  entre  la  diftance  du  foleil  au  méri- 
dien à  chaque  heure  ,  &  l'angle  de  la  différence  des 
longitudes  trouvées  par  le  dernier  problème  ;  &  dans 
le  troilieme  cas  on  doit  prendre  la  fomme  de  ces 
deux  angles ,  &  faire  ufage  de  la  règle  fuivante. 

Règle.  Comme  le  linus  total  eft  au  finus  de  l'angle, 
entre  l'axe  &  la  foûftylaire  ;  ainfi  la  tangente  de  la  dif- 
férence de  la  diftance  du  foleil  au  méridien ,  &  de  la 
différence  des  longitudes ,  ou  la  tangente  de  la  fom- 
me de  ces  deux  angles  eft  à  la  tangente  de  l'angle 
cherché. 

50.  L'angle  formé  par  la  foûftylaire  avec  les  lignes 
horaires,  &  celui  de  la  foûftylaire  avec  le  méridien 
étant  donnés,  on  peut  trouver  les  angles  formés  en- 
tre le  méridien  &  les  lignes  horaires  au  centre  des 
cadrans  verticaux  déclinans. 

Les  angles  des  lignes  horaires  entre  le  méridien 
&C  la  foûftylaire,  le  trouvent  en  ôtant  l'angle  formé 
par  la  foûftylaire  avec  la  ligne  horaire,  de  l'angle 
formé  par  la  foûftylaire  avec  la  méridienne. 

Les  angles  au-delà  de  la  foûftylaire  &  du  côté 
oppoiè  à  celui  du  méridien ,  le  trouvent  en  ajoutant 
ces  deux  angles. 

On  trouve  ceux  qui  font  de  l'autre  côté  du  mé- 
ridien ,  en  prenant  leur  différence. 

Décrire  géométriquement  un  cadran  vertical  qui 
décline  du  midi  à  Vouent  ou  au.  couchant.  Trouvez  la 
déclinaifon  du  plan  ,  ainfi  qu'il  eft  enfeigné  à  Yarti- 

cli  DÉCLINAISON  &  DÉCLINATEUR. 

Enfuite  tracez  fur  le  papier  un  cadran  horifontal , 
en  luppolant  que  G  H  foit  la  ligne  de  contingence, 
ou  de  rencontre  du  plan  avec  le  plan  équinoclial , 
(  ;..;;  .'  6.  )  :  par  ÎC  point  E  où  la  ligne  méridienne 
A  E  coupe  la  ligne  G  H ,  tirez  une  ligne  droite  /•&, 
qui  faffe  avec  G  H  un  angle  H  E  K,  égal  à  la  décli- 
naifon du  pian  donné  ;  ainlï  comme  GH  repréfente 
l'interleclion  du  premier  vertical  avec  Fhorifon  ,  / 
il  fera  l'interleclion  du  plan  déclinant  Se  de  l'hori- 
lon ;  c'eft  pourquoi  la  partie  I  E  doit  être  élevée 
au-deffus  de  G  E  ,  en  cas  que  le  pian  donné  décline 
vers  l'occident;  ou  bien  au-deffous  de  GE ,  fi  le 
plan  décline  vers  l'orient.  Tirez  une  ligne  droite  pa- 
rallèle à  l'horifon  ,  fur  le  plan  ou  fur  le  mur  donné 
pour  repréfenter  I K;  &c  prenant  fur  cette  ligne  un 
point  correfpondant  au  point  E  ,  traniportez-y  les 
différentes  diftances  horaires  E  i ,  E  2  ,  E  3  ,  &c. 
marquées  dans  la  ligne  I K  tracée  fur  le  papier  :  en- 
fuite  du  point  E  élevez  une  perpendiculaire  E  C  , 
égale  à  la  diftance  qu'il  y  auroit  de  la  ligne  de  con- 
tingence G  H,  au  centre  d'un  cadran  méridional  éle- 
vé fur  G  H ,  &  dont  le  ftyle  pafferoit  par  le  centre 
de  ce  cadran  ,  &  par  le  points/  :  de-là  tirez  aux  dif- 
férens  points  1,2,  3  ,  &c.  les  lignes  C  1  ,  C  2  ,  C  3  , 
&c.  qui  leront  les  lignes  horaires  :  enfuite  faites  tom- 
ber une  perpendiculaire  A  Z>,  du  centre  A  du  cadran 
horifontal ,  fur  la  ligne  de  contingence  I  K ,  &c 
tranfportez  la  diftance  E  D  du  point  E  fur  la  mu- 
raille ;  CD  fera  la  ligne  foûftylaire.  J^oyei  Sousty- 
laire. 

C'eft  pourquoi  joignant  AD  ScDCk  angles  droits, 
ï'hypoténufe  A  C  fera  un  ftyle  oblique  ,  qui  doit 
être  attaché  fur  la  muraille  au  point  C,  de  manière 
que  le  côté  C  D  tombe  fur  le  côté  CD,&c  que  A  D 
foit  perpendiculaire  au  plan  de  la  muraille.  Il  faut 
bien  remarquer  que  la  ligne  I K  qui  eft  tracée  obli- 
quement fur  le  papier ,  doit  être  horifontale  fur  le 
plan  ;  &  comme  on  lùppofe  que  le  foleil  éclaire  la 
face  du  plan  qui  eft  tournée  vers  A ,  il  faut  que  fur 
le  cadran  le  point  C  loit  en  haut ,  &  le  point  E  en 
bas. 

Tracer  un  cadran  vertical  déclinant  du  nord  vers 
l'orient  ou  Voccident.  Trouvez  d'abord  la  déclinai- 
Ion  au  plan ,  enfuite  tracez  un  cadran  vertical  decli- 


CAD 

nant  du  midi  ,  dans  lequel  le  point  Cfoit  en  haut,  Se 
le  point  E  en-bas  ;  renverfez-le  de  manière  que  le 
centre  C  foit  en-bas  ,  &  le  point  E  en-haut ,  &  por- 
tez fur  la  gauche  les  heures  de  la  main  droite  ,  &  au 
contraire  ,  en  lupprimant  toutes  les  lignes  horaires 
que  l'on  ne  peut  pas  voir  dans  un  plan  de  cette  ef- 
pece. 

La  meilleure  méthode  dans  h  pratique ,  c'eft  après 
que  l'on  a  tracé  fur  le  papier  un  cadi'cn  méridional 
déclinant ,  d'en  piquer  les  différens  points  en  \z  per- 
çant avec  une  épingle  ,  appliquant  enfuite  à  la  mu- 
raille la  face  du  papier  lûr  laquelle  le  cadran  eft  tra- 
cé ,  &  ayant  foin  de  mettre  le  point  C  en-bas;  le 
revers  donnera  tous  les  points  néceffaires  pour  tra- 
cer un  cadran  feptentrional  déclinant. 

Si  le  cadran  décline  trop  ,  enforte  que  le  point  C 
doive  être  trop  éloigné ,  on  fe  contentera  de  ne  tra- 
cer qu'une  partie  des  lignes  horaires  ;  &C  au  lieu  du 
ftyle  triangulaire  A  C  D ,  on  ne  mettra  qu'une  par- 
tie du  ftyle  A  C,  foûtenue  par  deux  appuis ,  de  ma- 
nière pourtant  que  cette  partie  de  ftyle  étant  prolon- 
gée ainfi  que  les  lignes  horaires  ,  puiffe  rencontrer 
le  plan  du  cadran  au  point  C. 

Les  cadrans  inclinés  font  ceux  que  l'on  trace  fur 
des  plans  qui  ne  font  pas  verticaux ,  mais  qui  s'in- 
clinent ou  qui  penchent  vers  le  côté  méridional  de 
l'horifon  ,  en  faifant  un  angle  plus  grand  ou  plus 
petit  que  le  plan  équinoftial.  Voye^  INCLINAISON. 

On  peut  concevoir  un  plan  incliné,  en  fuppofant 
que  le  plan  de  l'équateur  fe  rapproche  du  zénith  d'un 
côté  ,  &  de  l'autre  s'abaiffe  vers  le  nadir ,  en  tour- 
nant fur  une  ligne  tirée  du  point  eft  au  point  oueft  de 
l'horifon. 

Tracer  un  cadran  incliné.  i°.  L'inclinaifon  du  plan  , 
comme  D  C ,  (fig.  zj.)  étant  trouvée  par  le  moyen 
d'un  déclinateur ,  ainfi  qu'il  fera  enfeigné  à  V article, 
DÉCLINATEUR  ;  fi  ce  plan  tombe  entre  le  plan  équi- 
noclial C  E ,  &  le  vertical  C  B ,  de  manière  que  l'an- 
gle d'inclinaifon  D  C  A  foit  plus  grand  que  l'éléva- 
tion de  l'équateur  E  C  A  ;  fur  le  côté  fupérieur  tra- 
cez un  cadran  feptentrional ,  &  fur  le  côté  intérieur 
un  méridional  pour  une  élévation  de  l'équateur  ,  qui 
foit  égale  à  la  fomme  de  l'élévation  de  l'équateur  du 
lieu  donné ,  &  du  complément  de  l'inclinaifon  du 
plan  à  un  quart  de  cercle. 

20.  Si  le  plan  incliné  F  C  tombe  entre  l'horifontal 
CJ,!k  l'équinoclial  CE ,  tellement  que  l'angle  d'in- 
clinaifon F  C  A  foit  plus  petit  que  l'élévation  de  l'é- 
quateur E  C  A  ;  décrivez  un  cadran  horifontal  pour 
une  élévation  du  pôle  ,  égale  à  la  fomme  de  l'élé- 
vation du  pôle  du  lieu  donné ,  &  de  l'inclinaifon  du 
plan. 

Les  cadrans  ainfi  inclinés  fe  tracent  de  la  même 
manière  que  les  cadrans  de  la  première  efpece ,  ex- 
cepté que  le  ftyle  dans  le  premier  cas  doit  être  fixé 
fous  l'angle  A  D  C,  &  dans  le  dernier  cas ,  fous  l'an- 
gle D  F '  C;  &  que  la  diftance  du  centre  du  cadran  à 
la  ligne  de  contingence  dans  le  premier  cas  eft  D  C, 
Si  dans  le  dernier  ei\FC. 

Les  cadrans  réclinans  font  ceux  que  l'on  trace  fur 
des  plans  qui  ne  font  pas  verticaux,  mais  penchés  , 
en  s'écartant  du  zénith  vers  le  nord ,  &:  faifant  un  an- 
gle plus  grand  ou  plus  petit  que  le  plan  polaire. 

On  peut  concevoir  un  plan  réclinant ,  en  luppo- 
fant  que  le  plan  polaire  s'eleve  d'un  côté  vers  le  zé- 
nith ,  &  de  l'autre  s'abaiffe  vers  le  nadir  ,  en  tour- 
nant autour  d'une  ligne  tirée  de  l'orient  à  l'occi- 
dent. Pour  trouver  la  réclinaifon  d'un  plan ,  voye^ 
RÉCLINAISON. 

Tracer  un  cadran  réclinant ,  i°.  Si  le  plan  réclinant 
HC  tombe  entre  le  plan  vertical  B  C,  &  le  plan  po- 
laire IC,  de  manière  que  l'angle  de  réclinaifon  BC H 
foit  plus  petit  que  la  diftance  du  pôle  au  zénith 
B  CI,  décrivez  deux  cadrans  verticaux  3  unfeptentrio- 


CAD 

71  al  Scunméridional,  pour  une  élévation  de  l'équateur 
égale  à  la  différence  entre  l'élévation  de  l'équateur 
du  lieu  donné  ,  '&  l'angle  de  réclinaifon. 

2°.  Si  le  plan  récliné  comme  K  C,  tombe  entre  le 
plan  polaire  /  C ,  &  l'horifontal  CL ,  de  manière  que 
l'angle  de  réclinaifon  B  CK  foit  plus  grand  que  la 
diltancedu  pôle  au  zénith  ICB  :  décrivez  deffus  un 
cadran  horifontal  pour  une  élévation  du  pôle ,  égale  à 
la  différence  entre  l'angle  de  réclinaifon  &  1 
tion  de  l'équateur  du  lieu  donné. 

On  trace  auffi  par  la  Trigonométrie  les  cadrans  incli- 
nans  &  réclinans ,  l'inclinaiibn  ou  la  réclinaifon  du 
plan  ,  &C  l'élévation  du  pôle  étant  connues  ;  &  l'on 
trouve  les  angles  faits ,  au  centre  d'un  cadran  inclinant 
vu  redinant,  par  le  méridien  &C  les  lignes  horaires. 

Un  cadran  de  cette  efpece  cil  proprement  un  ca- 
dran horifontal  pour  une  latitude  égale  à  l'élévation 
particulière  du  pôle  fur  le  plan  du  cadran  :  c'ell  pour- 
quoi l'on  détermine  les  angles  par  la  règle  que  l'on  a 
donnée  pour  les  cadrans  horifontaux . 

Quant  à  l'élévation  du  pôle  fur  le  plan  du  cadran , 
on  la  trouve  de  cette  manière  :  le  plan  étant  incliné, 
fon  élévation  efl  plus  grande  que  l'élévation  du  pôle 
du  lieu  ,  ou  ell  plus  petite,  ou  lui  efl  égale  ;  dans 
les  deux  premiers  cas ,  pour  les  cadrans  fupérieurs  mé- 
ridionaux, ou  inférieurs  feptentrionaux  ,  on  a  l'éléva- 
tion particulière  du  pôle  fur  le  plan ,  en  prenant  ia 
différence  entre  l'élévation  du  pôle  du  lieu ,  &  l'in- 
clinaifon  du  plan  :  &  dans  le  dernier  cas  ,  le  cadran 
eil  un  cadran  polaire  ,  où  les  lignes  horaires  feront 
parallèles  ,  à  caufe  que  le  plan  étant  placé  fur  l'axe 
du  monde  ,  aucun  des  deux  pôles  n'y  peut  être  re- 
préfenté. 

Pour  les  cadrans  fupérieurs  feptentrionaux ,  &  infé- 
rieurs méridionaux ,  i°.  fi  l'inclinaiibn  efl  plus  grande 
que  le  complément  de  l'élévation ,  il  faut  ajouter  le 
complément  de  l'inclinaiibn  au  complément  de  l'élé- 
vation. z°.  Si  elle  efl  plus  petite  ,  il  faut  ajouter  l'in- 
clinaifon  à  l'élévation.  30.  Si  elle  efl  égale  ,  le  cadran 
fera  un  cadran  équinoclial ,  où  les  angles  au  centre 
feront  égaux  à  la  dillance  du  foleil  au  méridien. 

Les  cadrans  déinclinés  font  ceux  qui  font  en  même 
tems  déclinans  &  réclinans  ou  inclinés. 

On  ic  fort  rarement  des  cadrans  inclinés,  réclinans , 
&  furtout  des  cadrans  déinclinés  ;  c'ell  pourquoi  la 
conllruction  géométrique  &  trigonométrique  en 
étant  un  peu  compliquée ,  nous  prenons  le  parti  de  la 
fupprimer ,  &:  de  renvoyer  ceux  qui  auroient  du  goût 
ou  de  la  curiofité  pour  les  cadrans  de  cette  efpece , 
à  la  méthode  méchanique  générale  de  tracer  toutes 
fortes  de  cadrans  :  méthode  que  nous  allons  expoler 
en  peu  de  mots. 

Méthode  facile  de  tracer  un  cadran  fur  toutes  for- 
tes de  plans,  par  le  moyen  d'un  cadran  équinoclial  mo- 
itié. Suppofons ,  par  exemple  ,  que  l'on  demande 
un  cadran  fur  un  plan  horifontal  ;  fi  le  plan  eil  im- 
mobile ,  comme  A  B  D  C  (fig.  18.)  déterminez  fa 
ligne  méridienne  G  F;  ou ,  fi  le  plan  eil  mobile ,  pre- 
nez une  méridienne  à  volonté.  Enfuiteparle  moyen 
du  triangle  EKF,  dont  vous  appliquerez  la  baie  fur 
la  ligne  méridienne  ,  élevez  le  cadran  équinoclial  H, 
jufqu'à  ce  que  le  flyle  G I  devienne  parallèle  à  l'axe 
du  monde  ;  ce  qui  fe  trou\  e  en  faifant  l'angle  KE  F 
cgal  à  l'élévation  du  pôle  ,  6e  que  la  ligne  de  1 1 
heures  du  cadran  foit  bien  directement  au-deflus  de 
la  ligne  méridienne  du  plan  ou  de  la  baie  du  triangle. 
Alors,  ii  pendant  la  nuit  une  bougie  allm 
appliquée  à  l'axe  G 1 ,  deforte  que  i  oui! 
ou  le  ilyle  GI  tombe  fuccciîivcment  fur  les  lignes 
horaires  ;  cette  même  ombre  marquera  les  difl  s 
lignes  horaires  fur  le  plan  ABCD. 

Ainfi  marquant  des  points  hir  l'ombre,  tirez, par 
ces  points  des  lignes  au  point  G  ;  alors  un  index  étant 
placé  en  G  ,  îuiyaut  l'angle  1  GF}  fon  ombre  raar- 
Tçrnc  II, 


CAD 


523 


quera  les  différentes  heures  ,  à  la  lumière  du  foleil. 

Si  vous  voulez  un  cadran  fur  un  plan  vertical , 
ayant  élevé  le  cercle  équinoclial ,  comme  on  l'a  eut 
ci-deffus,  pouffez  en  avant  V index  G I,  jufqu'à  ce 
que  la  pointe  I  touche  le  plan  vertical  fur  lequel 
vous  voulez  tracer  le  cadran. 

Si  le  plan  eil  incliné  à  l'horifon,  il  faudra  trouver 
l'élévation  du  pôle  fur  ce  même  plan,  &  l'on  fera 
l'angle  du  triangle  KEF  égal  à  cette  élévation. 

Remarquez  qu'outre  les  différentes  efpeces  de  ca- 
drans ci-deflus  mentionnés ,  qui  l'ont  des  cadrans  à 
centre  ,  il  y  en  a  d'autres  appelles  des  cadrans  fans 
centre. 

Les  cadrans  fans  centre  font  ceux  dont  les  lignes 
horaires  font  à  la  vérité  convergentes  ,  c'efl-à-dire  , 
tendent  à  ié  réunir  en  un  point ,  mais  fi  len; 
que  l'on  ne  fauroit  marquer  fur  le  plan  donné  le  cen- 
tre vers  lequel  elles  font  convergentes. 

Les  cadrans  horifontaux  fans  centre  ,  doivent  être 
faits  pour  les  endroits  où  l'élévation  du  pôle  ellhes- 
petite ,  ou  ,  ce  qui  revient  au  même  ,  l'élévation  de 
l'équateur  très-grande  :  en  effet  dans  \afig.  6'.  fil'on 
fuppoi'e  l'angle  A  E  D  prçi'que  droit,  c'eft-à-dire, 
l'équateur  prefque  perpendiculaire  à  Thorilbn,  le 
point  A  qui  eil  le  centre  du  cadran  deviendra  très- 
éloigné  ,  &  la  ligne  DA  qui  repréfente  l'axe  du 
monde,  fera  prefque  parallèle  à  l'horifon. 

De-Ià  il  s'eniuit  que  les  cadrans  verticaux  fans  cen- 
tre conviennent  aux  endroits  qui  font  fort  près  du 
pôle  ,  &  que  les  cadrans  horifontaux  fans  centre  con- 
viennent aux  endroits  qui  font  fort  près  de  l'équa- 
teur. 

Pour  tracer  un  cadran  horifontal  fans  centre  {fig. 
i5.  )  on  commencera  par  tracer  la  méridienne  AO  , 
&  par  un  point  quelconque  E  de  cette  méridienne  , 
on  tirera  la  perpendiculaire  G //qui  dciignera  la  li- 
gne de  contingence  de  l'horifon  6c  du  plan  de  l'é- 
quateur. On  fera  l'angle  CED,  égal  à  l'élévation 
de  l'équateur;  &  enfuite  ayant  porté  ED  en  E  B  , 
on  divilera  la  ligne  de  contingence  comme  j 
cadran  horifontal  ordinaire  ;  on  élèvera  eniuite  au 
point  D  une  perpendiculaire  D  F  de  longueur  arbi- 
traire ;  &c  ayant  tiré  la  perpendiculaire  F  L  à  D  F , 
on  tranfportera  FL  en  LO,  &  on  divifera  j 

point  O ,  la  ligne  M  N,  en  intervalles  horaires,  com- 
me on  a  divifé  la  ligne  G //parle  point  B  ;  enfuite 
par  les  points  horaires  correipondans  de  ces  deux  li- 
gnes G  H,  M  N,  on  tirera  les  lignes  horaires  XI  il; 
enfin  aux  points  E ,  L,  on  placera  perpendiculaire- 
ment au  plan  du  cadran  V index  E  DFL,  compofé 
du  flyle  DF,  èv  de  deux  appuis  ED ,  F  L,  ec  le 
cadran  fera  achevé. 

Pour  tracer  un  cadran  vertical  méridional  fins  cen- 
tre, on  remarquera  qu'un  tel  cadran  n'ell  autre  chofe, 
qu'un  cadran  horifontal  conilruit  pour  une  hauteur 
de  pôle  égale  au  complément  de  l'élévation  du  pôle 
donnée  ;  ainii  la  conllruction  de  ce  cadran  lera  la 
même  que  celle  du  cadran  horifontal  fans  centre. 

Dans  la  fphere  droite ,  c'eft-à-dire ,  dans  L 
frtués  fous  l'équateur,  le  cadran  horifontal  ell  le 
que  le  cadran  polaire,  6v  le  cadra;:  \  traçai  ■ 
cpie  le  cat  -uinoclial. 

\    Dans  la  fphere  parallèle  ,  c'eft-à-dire,  pour  les  ha- 
bitais des  pôles,  le  cadran  horifontal  eu  le  mêi 
le  cadran  équinoclial  ;  &.  le  cadiar:  vertical  cil  ie  même 
que  le  cadran  polaire. 

Outre  la  description  des  heures ,  on  trace  furies 
cadrans  polaires  beaucoup  d'autres  i  leur 

fervent  comme  d'accompagnement  &  d'orne 

On  décrit  aufli  des  cadrans  folâtres  li: 
de  différent  corps  irréguliers  :  nous  avons  déjà  fait 
voir  comment  fur  un  corps  irrégulier,  on  ; 
tracer  tous  les  cadrans  de  la  première  efpece.  On  peut 
en  tracer  de  plus  fur  differens  autres  corps  ;  par. 

Y  y  v  ij 


V-4 


CAD 


exemple  ,  fur  un  bâton  ,  fur  un  cylindre  ;  on  n'at- 
tend pas  de  nous  que  nous  entrions  fur  ce  fujet  dans 
un  plus  grand  détail ,  qui  n'appartiendroit  qu'à  un 
ouvrage  complet  fur  la  Gnomonique.  Ceux  qui  vou- 
dront en  lavoir  davantage,  pourront  avoir  recours 
aux  différens  traités  qui  en  ont  été  publiés. 

On  trouvera  auifi  dans  ces  mêmes  traités  des  mé- 
thodes pour  tracer  géométriquement  des  cadrans  uni- 
verfels  :  mais  nous  ne  nous  y  arrêterons  point ,  parce 
qu'elles  nous  paroiffent  plus  curieufes  qu'utiles  ,  & 
que  dans  un  ouvrage  de  la  nature  de  celui-ci,  nous 
devons  principalement  faire  mention  de  ce  qui  peut 
être  le  plus  d'ulage. 

Nous  ne  dirons  rien  non  plus  des  Cadrans  qu'on 
appelle  à  réflexion  &  à  réfraction.  Voye^  ces  mots. 

Le  cadran  nocturne  ou  de  nuit ,  montre  les  heures 
de  la  nuit. 

Il  y  en  a  de  deux  efpeces  ;  le  lunaire  ou  le  cadran 
à  la  lune ,  &  Icfldéréal  ou  le  cadran  aux  étoiles. 

Le  cadran  à  la  lune  ou  le  cadran  lunaire  eft  celui 
qui  montre  l'heure  de  la  nuit ,  par  le  moyen  de  la 
lumière  ou  de  l'ombre  de  la  lune  ,  qu'un  index  jette 
defhis. 

Tracer  un  cadran  lunaire.  Suppofons  ,  par  exem- 
ple, que  l'on  demande  un  cadran  lunaire  horifontal: 
décrivez  d'abord  un  cadran  folaire  horifontal  :  élevez 
enfuite  les  deux  perpendiculaires  A  B  &  CD,  (fig. 
iç).  )  à  la  ligne  de  douze  heures  ;  &  divifant  l'inter- 
valle G  F  en  douze  parties  égales  ,  par  les  différens 
points  de  divifion,  tirez  des  lignes  parallèles.  Main- 
tenant fi  on  deftine  la  première  ligne  CD  au  jour  de  la 
nouvelle  lune ,  &  la  féconde  au  jour  où  la  lune  arrive 
au  méridien, une  heure  plus  tard  que  le  foleil  ;  &  enfin 
la  dernière  ligne  A  B  au  jour  de  la  pleine  lune  :  les  in- 
terférions de  ces  lignes  avec  les  lignes  horaires  don- 
neront des  points  ,  par  leiquels  on  tracera  une  ligne 
courbe  12  12,  qui  fera  la  ligne  méridienne  de  la  lu- 
ne ;  on  déterminera  eniuite  de  la  même  manière  les 
autres  lignes  horaires,  11,  2  2,  3  3  ,  &c.  lelquel- 
les  feront  coupées  aux  heures  folairescorrefpondan- 
tes  &  refpeftives  ,  ou  par  l'ombre  de  la  lune ,  que  jet- 
tera le  ftyle  du  cadran.  On  effacera  les  lignes  horaires 
du  cadran  folaire ,  auffi  bien  que  les  perpendiculaires, 
par  où  l'on  a  tiré  les  heures  lunaires  ;  &  on  divifera 
l'intervalle  G  F  par  d'autres  lignes  parallèles  en 
quinze  parties  égales  ,  qui  répondent  aux  quinze 
jours  entre  la  nouvelle  &  la  pleine  lune.  Enfin  on 
écrira  auprès  de  ces  lignes  les  différens  jours  de  l'âge 
de  la  lune. 

Maintenant ,  connoiffant  par  un  calendrier  l'âge 
de  la  lune ,  l'interfe&ion  de  la  ligne  de  l'âge  de  la 
lune ,  avec  les  lignes  horaires  de  la  lune  ,  donnera 
l'heure  de  la  nuit. 

On  peut  de  la  même  manière  transformer  tout 
autre  cadran  folaire  en  cadran  lunaire. 

Tracer  un  cadran  lunaire  portatif  fur  un  plan ,  qui 
peut  être  difpoféfelon  i 'élévation  de  féquateur.  Décrivez 
un  cercle  A  B  {fig.  ZO.  )  &  diviiez  fa  circonférence 
en  29  parties  égales.  Du  même  centre  D  décrivez  un 
autre  cercle  mobile  D  E  ,  divifez-le  en  24  parties  ou 
en  24  heures  égales.  Au  centre  C  placez  un  index , 
de  même  que  pour  un  cadran  équinoctial. 

Si  l'on  place  ce  cadran,  comme  il  faut,  dans  un 
plan  parallèle  à  l'équateur ,  comme  le  cadran  équi- 
noctial,  &  que  l'on  porte  la  ligne  de  12  heures  au 
jour  de  l'âge  de  la  lune ,  l'ombre  du  fiyle  donnera 
l'heure. 

Pour  fe  fervir  d'un  cadran  folaire ,  comme  fi  c'étoit 
un  cadran  lunaire ,  c'eft-à-dire  ,  trouver  l'heure  de  la 
nuit ,  par  le  moyen  d'un  cadran  folaire  ,  on  obferve- 
ra  l'heure  que  l'ombre  du  ftyle  montre  à  la  lumiè- 
re de  la  lune.  On  trouvera  l'âge  de  la  lune  dans  le 
calendrier ,  &  on  multipliera  le  nombre  des  jours  par 
\  :  le  produit  eft  le  nombre  d'heures  qu'il  faut  ajoù- 


CAD 

ter  à  l'heure  marquée  par  l'ombre,  afin  d'avoir  l'heu- 
re que  l'on  demande.  La  railon  de  cette  pratique  eft, 
que  la  lune  paffe  tous  les  jours  au  méridien ,  ou  à 
quelque  cercle  horaire  que  ce  (oit ,  trois  quarts  d'heu- 
re plus  tard  que  le  jour  précédent.  Or  le  jour  de  la 
nouvelle  &  de  la  pleine  lune  ,  elle  pafle  au  méridien 
en  même  tems  que  le  foleil  ;  d'où  il  s'eniuit  que  le 
troiiieme  jour,  par  exemple ,  après  la  nouvelle  lune, 
elle  doit  palier  deux  fois  trois  quarts  d'heure  plus 
tard  au  méridien,  tk.  ainfi  des  autres. 

Si  le  nombre  des  jours  multipliés  par  |,  &  ajoutés 
au  nombre  des  heures ,  excède  1 2 ,  il  faudra  en  ôter 
1 2  ,  pour  avoir  l'heure  cherchée. 

Si  on  veut  connoître  plus  facilement  &  plus  exac- 
tement l'heure  de  la  nuit  par  le  moyen  de  l'ombre 
de  la  lune  fur  un  cadran  folaire  ,  on  pourra  fe  fervir 
de  la  table  fuivante  ;  &  ajouter  pour  chacun  des 
jours  de  l'âge  de  la  lune ,  les  heures  marquées  dans 
cette  table  ,  aux  heures  marquées  fur  le  cadran  par 
l'ombre  de  la  lune. 


Jo 

trs 

Différence  des  Heures 

de  "âge  d 

e  la  Lune. 

lunaires 
&  des  Heures  fola'res. 

H.        M. 

I 

16 

0         0 

2 

17 

0       48 

3 

18 

1       36 

4 

X9 

2       24 

5 

20 

3       11 

6 

21 

4        0 

7 

22 

4       48 

8 

^3 

5       36 

9 

M 

6       24 

10 

M 

7       m 

1 1 

26 

8        0 

12 

27 

8      48 

13 

28 

9       36 

14 

29 

10       24 

*5 

11        12 

Le  cadran  aux  étoiles  eft  un  infiniment  par  lequel 
on  peut  connoître  l'heure  de  la  nuit  en  obfervant 
quelque  étoile  ;  ce  cadran  fe  fait  par  la  connoiffance 
du  mouvement  journalier  que  font  autour  du  pôle  ou 
de  l'étoile  polaire ,  qui  n'en  eft  pi  éfentement  éloignée 
que  de  deux  degrés,  les  deux  étoiles  de  la  grande  our- 
fe  ,  qu'on  appelle  fes  gardes ,  ou  la  claire  du  quarré  de  la 
petite  ourfe  :  pour  la  conftruftion  de  ce  cadran ,  il  faut 
lavoir  l'afcenfion  droite  de  ces  étoiles ,  ou  à  quel  jour 
de  l'année  elles  le  trouvent  dans  le  même  cercle  ho- 
raire que  le  foleil  ;  ce  qui  fe  peut  connoître  par  le 
calcul  aftronomique  ,  ou  par  un  globe  ,  ou  avec  un 
plànifphere  célefte  conftruit  fur  les  nouvelles  obfer- 
vations  ,  en  mettant  fous  le  méridien  l'étoile  dont  il 
s'agit ,  &  en  examinant  quel  degré  de  Pécliptique  fe 
trouve  en  même  tems  fous  ce  méridien.  V.  Globe. 

Les  jours  de  l'année  où  les  deux  étoiles  ont  la 
même  afeenfion  droite  que  le  foleil ,  elles  marque- 
ront les  mêmes  heures  que  le  foleil  :  mais  comme  les 
étoiles  fixes  retournent  au  méridien  chaque  jour  plu- 
tôt que  le  foleil  d'environ  1.  degré  ou  4.  minutes 
d'heures  ;  ce  qui  fait  2.  heures  par  mois,  il  faudra 
avoir  égard  à  cette  différence ,  pour  avoir  l'heure  du 
foleil  par  le  moyen  des  étoiles. 

Le  cadran ,  dont  il  s'agit,  eft  compofé  de  deux  pla- 
ques circulaires  appliquées  L'une  fur  l'autre  (^fig.zi. 
Gnomon.  )  la  plus  grande  a  un  manche  poux  tenir  à 


CAD 

la  main  l'inftrument  dans  les  ufages  qu'on  en  fait. 

La  plus  grande  roue  a  environ  deux  pouces  &  de- 
mi de  diamètre  :  elle  eft  divifée  en  i  2  pour  les  i  x 
mois  de  l'année ,  &  chaque  mois  de  5  en  5  jours  ; 
de  telle  forte  que  le  milieu  du  manche  répondejufte- 
ment  au  jour  de  l'année  auquel  l'étoile  ,  dont  on  veut 
fe  fervir ,  a  la  même  afcenfion  droite  que  le  foleil. 
Et  h  on  veut  que  le  même  cadran  ferve  pour  différen- 
tes étoiles,  il  faut  rendre  le  manche  mobile  autour 
de  la  roue ,  afin  de  l'arrêter  où  l'on  voudra. 

La  roue  de  deffus,  qui  elt  la  plus  petite  ,  doit  être 
diviiée  en  24  parties  égales ,  ou  deux  fois  1  2  heures 
pour  les  24  heures  du  jour  ,  &  chaque  heure  en 
quarts  ;  ces  24  heures  fe  distinguent  par  autant  de 
dents ,  dont  celles  où  font  marquées  1 2  heures ,  font 
plus  longues  que  les  autres ,  afin  de  pouvoir  compter 
la  nuit  les  heures  fans  lumière. 

A  ces  deux  roues  ,  on  ajoute  une  règle  ou  alidade 
qui  tourne  autour  du  centre  ,  &  qui  déborde  au-delà 
de  la  plus  grande  circonférence. 

Ces  trois  pièces  doivent  être  jointes  enfemble  par 
le  moyen  d'un  clou  à  tête  ,  percé  de  telle  forte  dans 
toute  fa  longueur  ,  qu'il  y  ait  au  centre  de  ce  clou 
un  petit  trou  d'environ  deux  lignes  de  diamètre ,  pour 
voir  facilement  à  travers  ce  trou  l'étoile  polaire. 

L'inftrument  étant  ainfi  confiant ,  fi  on  veut  fa- 
voir  l'heure  qu'il  eft  de  la  nuit ,  on  tournera  la  roue 
des  heures  jufqu'à  ce  que  la  plus  grande  dent  où  eft 
marquée  1 2  heures ,  foit  fur  le  jour  du  mois  courant  ; 
on  approchera  l'inftrument  de  les  yeux  ,  en  le  tenant 
par  le  manche  ,  enforte  qu'il  ne  penche  ni  à  droite 
ni  à  gauche  ,  &  qu'il  regarde  directement  l'étoile  po- 
laire ,  ou  ce  qui  eft  la  même  choie  ,  qu'il  foit  à  peu 
près  parallèle  au  plan  de  l'équinoctial  ;  enfuite  ayant 
vû  par  le  trou  du  centre  l'étoile  polaire ,  on  tour- 
nera l'alidade  jufqu'à  ce  que  fon  extrémité  ,  qui  palle 
au-delà  des  circonférences  des  cercles  ,  raie  la  claire 
du  quarré  de  la  petite  ourfe ,  fi  l'inftrument  eft  difpo- 
fé  pour  cette  étoile.  Alors  la  dent  de  la  roue  des  heu- 
res ,  qui  fera  fous  l'alidade  ,  marquera  l'heure  qu'il 
eft  de  la  nuit.  Voye{  BlON  ,  Inflrumens  de  Mathémati- 
que ,  &  Wolf  ,  Elémcns  de  Gnomonique.  On  trace 
fouvent  fur  la  ftrrfaee  d'un  cadran  d'autres  lignes  que 
celles  des  heures  ,  comme  des  lignes  qui  marquent 
les  lignes  du  zodiaque  ,1a  longueur  des  jours,  les  pa- 
rallèles des  déclinaifons ,  les  azimuths,  les  méridiens 
des  principales  villes ,  les  heures  babyloniennes  6c 
italiques,   &c.  Voye^  Gnomonique.  ■ 

L'analemme  ou  le  trigone  des  fignes  ,  eft  l'inftru- 
ment dont  on  le  fert  principalement  pour  tracer 
ces  fortes  de  lignes  Sr  de  points  fur  les  cadrans.  Voye{ 
Analemmf.  &  Trigone  des  Signes. 

Au  relie  la  defeription  de  ces  fortes  de  lignes  & 
de  points  eft  plus  curieuie  qu'utile  ;  la  condition  la 
plus  cffcntielle  pour  un  bon  cadran Jblaire ,  c'eft  que 
les  lignes  horaires,  &  fur-tout  la  méridienne, y  foient 
bien  tracées  ,  &  le  ftyle  bien  pofé  ;  &  toutes  les  au- 
;  :es  qu'on  y. peut  décrire  ,  pour  marquer  au- 

tre ebofe  que  les  heures  du  lieu  où  l'on  eft ,  peuvent 
être  quelquefois  nuifibles  par  trop  de  confuiion.  (O) 

Cadran  de  Mer.  Voye^  Boussole. 

Cadran  ,  dans  les  horloges ,  eft  une  plaque  fur  la- 
quelle font  peintes  ou  gravées  les  heures,  les  minu- 
tes ,  les  fécondes  ,  &c  tout  ce  que  la  dîfpofitiori  du 
mouvement  lui  permet  d'indiquer. 

Ce  que  Ton  exige  principalement  d'un  cadran  , 
c'eft  qu'il  foit  bien  divifé  ,  bien  monté  ,  &  que  tou- 
tes les  parties  s'en  diftinguent  facilement. 

Le  cadran  des  montres  eft  fait  d'une  plaque  de  cui- 
vre rouge  ,  recouverte  d'une  couche  d'émail  de  l'é- 
paiffeur  d'un  fiard  environ. 

Les  cadrans  tiennent  pour  l'ordinaire  à  la  platine 
des  piliers  ,  par  le  moyen  de  pluiieurs  pies  foudés 
Vers  leur  circonférence,  au  coté  qu'on  ne  voit  pas.    I 


CAD 


5îj 


Ces  pies  entrent  jufte  dans  des  trous  percés  à  la  pla- 
tine; ils  la  débordent  &  l'on  fiche  des  goupilles  dans- 
de  petits  trous  percés  dans  leur  partie  excédante  : 
ainfi  le  cadran  tient  à  la  platine  des  piliers  de  là 
même  manière  que  cette  platine  tient  à  celle  du 
deffus.  Voyei  Cage.  PL  l.  Horl.fig.  /.  (T) 

CADRAN  ,  fe  dit ,  en  Architecture  ,  de  la  décoration 
extérieure  d'une  horloge  enrichie  d'ornemens  d'ar- 
ehiteâure  &  de  fculpture ,  comme  le  cadran  du  palais 
à  Paris ,  où  il  y  a  pour  attributs  la  loi  &  la  juftice  , 
avec  les  armes  de  Henri  III.  roi  de  France  ÔC  de  Po- 
logne. Cet  ouvrage  eft  du  célèbre  Germain  Pilon. 

On  ne  fait  guère  ufage  de  ces  lortes  de  déla- 
tions dans  les  bâtimens  particuliers,  ma 
prelqu'indifpenfables  aux  édifices  lacrés  ,  tels  que 
font  les  paroifiès  ,  les  couvens,  communautés,  &c. 
ou  bien  aux  monumens  publics  ,  comme  hôtels-de- 
ville  ,  bourfes  ,  marchés  ;  alors  il  eft  convenable  de 
rendre  leurs  attributs  relatifs  aux  différens  ciraûeres 
de  l'édifice  ,  &  fur-tout  que  les  ornemens  foient  unis 
avec  des  membres  d'architedure  qui  paioiiient  liés 
avec  le  refte  de  l'ouvrage.  Quelquefois  ces  cadrans 
font  funnontés  par  des  lanternes,  dans  lefquelles  l'ont 
pratiqués  des  carillons,  tels  qu'il  s'en  voyou  au  mar- 
ché-neuf il  y  a  quelques  années  ,  &  qu'on  en  voit 
encore  aujourd'hui  à  celle  de  la  Samaritaine  ,  bâti- 
ment hydraulique  fitué  fur  le  pont-neuf  à  Paris. 

Les  cadrans  fiolaires  qui  font  placés  fur  la  lurface 
perpendiculaire  des  murailles  dans  les  grandes  cours 
ou  jardins  des  hôtels ,  comme  au  Palais  royal  à  Paris, 
ou  poiés  fur  des  piédeftaux ,  s'ornent  auiïi  de  figures, 
attributs  &  allégories  relatifs  au  fujet;  tel  eft  celui 
qu'on  voit  à  Fontainebleau  dans  le  jardin  de  l'oran- 
gerie. (P) 

CADRAN,  f.  m.  {inflrument  de  Lapidaire.}  eft  une 
machine  fort  ingénieutement  inventée  pour  tenir  le 
bâton  à  ciment,  à  l'extrémité  duquel  le  diamant  eft 
attaché ,  foit  avec  du  muftic  0.1  de  l'étain  fondu ,  & 
lui  faire  prendre  telle  inchnaifon  que  l'on  lbuhaite  à 
1  égard  de  la  meule. 

Cet 'infiniment,  qui  eft  de  bois,  eft  compofé  de 
quatre  pièces  principales  ;  favoir ,  le  corps,  la  bafe  , 
&  les  deux  noix.  Le  corps  repréfenté  leparément , 
fig.  ij.  Planche  du  Lapidaire  ,  eft  une  pièce  de  bois 
d'en\  iron  5  ou  6  pouces  de  long  &  de  4  à  5  de  large, 
dans  laquelle  eft  un  trou  K  qui  eft  le  centre  de  l'arc 
hi  percé  à  jour.  Sur  Pépaiffeur  de  la  face  g  g  s'élève 
la  vis  //.'  qui  eft  dans  le  même  plan,  &  par  laquelle 
elle  s'afièmble  avec  la  bafe  u  x  en  paffant  par  le 
tiouy  ;  elle  y  eft  retenue  par  l'écrou  en  S  marqué  {  , 
ainli  qu'on  peut  le  voir  dans  la  figure  10.  qui  repré- 
fenté le  cadran  tout  monté. 

La  bafe  ,  outre  le  Xrowy ,  en  a  encore  un  autre  x 
qui  delcend  verticalement:  ce  trou  reçoit  le  clou  qui 
eft  fixé  fur  l'établi ,  comme  on  voit  en  R  ,Jig.  3. 

Le  trou  K  du  corps  reçoit  la  noix  //.  La  partie  o 
eft  celle  qui  entre  dans  le  trou  A  ,  6c  la  partie/*  faite 
en  vis  reçoit  l'écrou  Z,fig.  19.  au  moyen  duquel  elle 
fe  trouve  fixée  fur  le  coi  ps  du  c: 

L'ouverture  circulaire  h  i  reçoit  la  noix  de  hfig.  8. 
la  partie  r  eft  celle  qui  entre  dans  l'ouverture  h  i  ; 
cette  partie  eft  cavée  du  cote  qui  doit  s'appliquer  fur 
l'arc  convexe  de  l'ouverture  circulaire,  &  elle  eft  de 
même  que  la  première  rétenue  j  ar  l'écrou  6,  fig-iQ' 
Les  deux  noix  font  chacune  percées  d'un  trou, 
dans  lequel  palle  le  bâton  à  ciment  312,  fig.  10. 
qui  peut  tourner  fur  ion  axe  ec  fe  fixer  dans  les  ouver- 
tures des  noix  par  le  feul  frottement ,  à  quoi  contri- 
bue beaucoup  fa  forme  conique. 

Voye^  pour  l'ufage  de  cet  infiniment  l'article  La- 
pidaire &  la  figure  3.  R  eft  le  cadran  monté  fur  fon 
clou,  enforte  que  le  diamant  fondé  au  bout  du  bâton 
à  ciment  porte  fur  la  meule  K. 

CADRATURE ,  f.  i.  lignifie  en  général ,  parmi 


5x6 


CAD 


les  Horlogers,  l'ouvrage  contenu  dans  l'efpace  qui  eft 
entre  le  cadran  &  la  platine  d'une  montre  ou  d'un 
pendule  ,  &c.  Planches  VI.  VIL.  &  XI.  de  l'Horlog. 
mais  il  lignifie  plus  particulièrement  cette  partie  de 
la  répétition ,  laquelle ,  dans  une  montre  ou  un  pen- 
dule qui  répète ,  eft  contenue  dans  cet  efpace. 

Dans  les  montres  fimples ,  la  cadrature  eft  compo- 
fée  de  la  chauffée  ,  de  la  roue  de  minutes  ,  &  de  la 
roue  de  cadran.  Ces  deux  roues  fervent  à  faire  tour- 
ner l'aiguille  des  heures ,  portée  fur  la  roue  de  cadran 
pour  cet  effet  ;  la  chauffée  tournant  en  une  heure  a 
1 2  dents ,  &  elle  engrené  la  roue  de  minutes  de  36  ; 
cgUc-qJHg)rte  un  pignon  de  10,  qui  engrené  dans  la 
rote  dè*cadran  de  40  ;  par  ce  moyen  un  tour  de  la 
chauffée  fait  faire  à  la  roue  de  cadran  ~  de  tour , 
ou  plutôt  1 2  tours  de  la  chauffée  ,  où  1 2  heures  équi- 
valent à  un  tour  de  la  roue  de  cadran  ;  &  ainfi 
l'aiguille  portée  par  cette  roue  marquera  les  heures. 
Dans  toutes  les  montres  fimples,  à  répétition,  ou 
autres  ,  il  y  a  toujours  ces  trois  roues  qui  fervent  à 
faire  tourner  l'aiguille  des  heures.  Dans  les  pendu- 
les ,  il  y  a  de  même  toujours  une  cadrature  pour  faire 
tourner  les  aiguilles ,  &  elle  eft  difpofée  félon  les  mê- 
mes principes. 

Dans  les  montres  ou  pendules  à  répétition,  la  ca- 
drature ,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut ,  outre  les 
roues  dont  nous  venons  de  parler,  contient  encore 
une  partie  des  pièces  de  la  répétition,  l'autre  étant 
contenue  dans  la  cage.  Ces  pièces  font  la  crémail- 
lère ,  le  tout  ou  rien ,  la  pièce  des  quarts ,  le  doigt , 
l'étoile  ,  tk  le  limaçon  des  heures  ;  le  valet ,  le  lima- 
çon des  quarts ,  &  la  furprife  ;  la  fourdine,  les  deux 
poulies  ,  jes  refforts  des  marteaux ,  les  levées ,  ôt 
tous  les  refforts  qui  fervent  au  jeu  de  ces  différentes 
pièces. 

Comme  la  conftruction  &  la  difpofition  de  ces  pie- 
ces  ,  les  unes  par  rapport  aux  autres ,  peuvent  être 
très-variées ,  il  eft  facile  d'imaginer  qu'on  a  fait  un 
grand  nombre  de  cadratures  très-différentes  les  unes 
des  autres  :  mais  de  toutes  ces  cadratures  il  n'y  en  a 
guère  que  trois  ou  quatre  qu'on  employé  ordinaire- 
ment :  telles  font  les  cadratures  à  l'Angloife ,  à  la  Sta- 
gden ,  à  la  Françoife  ,  &  celle.de  M.  Julien  leRoy. 
Voyei  là-deiTus  l'article  RÉPÉTITION.  Voyc{  auffi 
les  jïS.  31.  34.  35. 

La  perfection  d'une  cadrature  confifte  principale- 
ment dans  la  jufteffe  &  la  fureté  de  fes  effets  ;  cette 
dernière  condition  eft  fur-tout  effentielle ,  parce  que 
fans  cela  il  arrive  fouvent  que  les  machines  de  la  ré- 
pétition venant  à  fe  déranger ,  elles  font  arrêter  la 
montre. 

Plu  fleurs  horlogers  ont  fait  des  tentatives  pour  pla- 
cer toutes  les  parties  de  la  répétition  dans  la  cadra- 
ture ,  mais  jufqu'ici  elles  ont  été  infruchieulès  :  il  eft 
vrai  que  ce  feroit  un  grand  avantage,  car  la  cage  ne 
contenant  alors  que  le  mouvement ,  on  pourroit  le 
faire  auffi  grand  &  auffi  parfait  que  celui  des  mon- 
tres fimples. 

Nous  avons  dit  dans  la  définition  de  cadrature  , 
que  c'étoit  cette  partie  de  la  répétition  contenue  en- 
tre le  cadran  &  la  platine:  mais  quoique  cette  défi- 
nition foit  vraie  en  général ,  il  femble  que  les  hor- 
logers entendent  plus  particulièrement  par  cadrature, 
l'affemblage  des  pièces  dont  nous  avons  parlé  plus 
haut ,  foit  que  ces  pièces  foient  fiîuées  entre  le  ca- 
dran &  la  platine ,  foit  qu'elles  le  foient  ailleurs.  C'eft 
ainfi  que  dans  une  pendule  à  répétition  que  M.  Julien 
le  Roy  a  imaginée ,  &  dans  laquelle  ces  mêmes  pièces 
font  fituées'fur  la  platine  de  derrière,  elles  ont  tou- 
jours confervé  le  nom  de  cadrature.  Voye^  Pendule 
À  répétition.  (T) 

CADRATURIER ,  fub.  m.  nom  que  les  Horlogers 
donnent  à  celui  qui  fait  des  cadratures  ;  il  ne  fe  dit 
qu'en  parlant  des  cadratures  des  montres  $  répéti- 


CAD 

tion ,  parce  que  clans  les  pendules  il  n'y  a  point  d'ou- 
vrier particulier  pour  les  cadratures,  c'eft  à-dire  qui 
ne  faffe  que  de  cela.  (7") 

C  ADRE ,  1.  m.  en  Architecture ,  eft  une  bordure  de 
pierre  ou  de  plâtre  traîné  au  calibre,  laquelle  dans 
les  compartimens  des  murs  de  face  &  les  plafonds 
renferme  des  ornemens  de  iculpture.  V.  Bordure. 

Cadre  de  plafond  ;  ce  font  des  renroncemens  caufés 
par  les  intervalles  des  poutres  dans  les  plafonds  lam- 
briffés  avec  de  la  Iculpture  ,  peinture  ,   &  dorure. 

Cadre,  (Marine.)  c'eft  un  carre  fait  de  quatre 
pièces  de  bois  d'une  moyenne  force  &  groffeur ,  mi- 
les en  carré  long  &  entrelacées  de  petites  cordes  , 
ce  qui  forme  un  chaifis,  fur  lequel  on  met  un  mate- 
las pour  le  coucher  à  ia  nier.  (Z  ) 

CADRES  ,  terme  de  manufacture  de  papier  ;  ce  font 
des  chaifis,  G  G,  HH,  voy.  PL  IV,  de  Papeterie,  com- 
polés  de  quatre  tringles  ue  bois  jointes  enlemble  par 
les  extrémités  ,  à  angles  droits ,  &  ayant  un  drageoir 
comme  les  cadres  des  miroirs  &  tableaux.  L'ouvrier 
fabriquant  les  applique  lur  la  forme  pour  lui  fervir 
de  rebord  &  empêcher  que  la  pâte  ne  tombe  quand* 
il  égoutte  la  forme. 

Cadre  eft  encore  fynonyme  à  bordure,  Se  s'appli- 
que aux  tableaux  &  aux  eftampes. 

CADR1TE,  f.  m.  (Hijï.  mod.)  forte  de  religieux 
Mahométans. 

Les  Cadrites  ont  eu  pour  fondateur  un  habile  phi- 
lofophe  &  jurifconfulte,  nommé  Abdul  Cadri,  de  qui 
ils  ont  pris  le  nom  de  Cadrites. 

Les  Cadrites  vivent  en  communauté  &  dans  des  ef- 
peces  de  monafteres  ,  qu'on  leur  permet  néanmoins 
de  quitter  s'ils  veulent ,  pour  le  marier ,  à  condition 
de  porter  des  boutons  noirs  à  leur  vefte  pour  fe  dis- 
tinguer du  peuple. 

Dans  leurs  monafteres  ,  ils  paffent  tous  les  ven- 
dredis une  bonne  partie  de  la  nuit  à  tourner ,  en  fe 
tenant  tous  par  la  main ,  &  repétant  fans  ceffe  ghai , 
c'eft-à-dire,  vivant,  qui  eft  un  des  noms  de  Dieu. 
Pendant  ce  tems-là  un  d'entr'eux  joue  de  la  flûte  , 
pour  les  animer  à  cette  danfe  extravagante.  Ils  ne 
rafent  jamais  leurs  cheveux,  ne  fe  couvrent  point  la 
tête ,  &  marchent  toujours  les  pies  nuds.  Ricaut,  de 
C  empire  Ottom.  (<?) 

CADSANDT,  (Géog.)  île  de  la  Flandre  Hollan- 
doife,  entre  la  ville  de  l'Éclufe  &  File  de  Zélande. 

CADUC ,  adj.  VIEUX ,  CASSÉ ,  qui  a  perdu  fes 
forces  &  qui  en  perd  tous  les  jours  davantage.  On 
dit  devenir  caduc  ,  tige  caduc  ,  Janté  caduque.  Voye^ 
Vieillesse. 

Caduc  (mal),  Médecine,  fe  dit  de  l'épilepfie  ;  elle 
a  été  airtfi  nommée ,  parce  que  les  malades  tombent 
à  la  renverie  dans  l'accès  de  cette  maladie;  cet  acci- 
dent joint  aux  convulfions  qui  l'accompagnent,  don- 
ne beaucoup  de  frayeur  aux  fpectateurs.  Cette  chiite 
fait  fouvent  périr  les  malades,  fur-tout  lorfqu 'elle  ar- 
rive la  nuit ,  qu'ils  font  feuls ,  ou  qu'ils  tombent  d'un 
lieu  élevé.  Voye[  Épilepsie.  (A7) 

Caduc,  dans  les  matières  de  J urif prudence ,  fe  dit 
de  ce  qui  étant  valide  dans  l'origine,  eft  cependant 
devenu  nul  dans  la  fuite  à  cauie  de  quelqu'évenement 
poftérieur  :  ainfi  l'on  dit  en  ce  fens  qu'un  legs  ou  une 
inftitution  d'héritier  eft  devenue  caduque  par  la  mort 
du  légataire  ou  de  l'héritier  inftitué ,  avant  celle  du 
teftateur.  Caducité  fe  dit  aufii  dans  le  même  lens.  (H) 

CADUCÉE,  f.  m.  (-^V-)  verge  ou  baguette  que 
les  Poètes  &  les  Peintres  donnent  à  Mercure.  Quel- 
ques Mythologiftes  diient  que  ce  dieu  ayant  rencon- 
tré deux  ferpens  qui  fe  battoient,  il  jetta  fa  baguette 
au  milieu  d'eux ,  6^  les  réunit ,  &  que  depuis  il  la  por- 
ta toujours  pour  iymbole  de  paix.  Auffi  peint-on  le 
caducée  aVec  deux  ferpens  entrelacés,  &  lur  le  haut 
on  ajoute  deux  ailerons  ;  ce  qui,  félon  d'autres }  raar- 


C  A  E 

que  la  force  de  l'éloquence ,  dont  Mercure  étoit  ré- 
puté le  dieu  aufîï  bien  qu'Apollon.  Et  en  ce  cas  les 
ferpens,  iymbolesdeia  prudence,  marquent  combien 
cette  qualité  eft  néceflaire  à  l'orateur;  &  les  ailes 
lignifient  la  promptitude  &  la  véhémence  des  paro- 
les. Comme  Mercure  étoit  auffi  cenfé  préfider  aux 
négociations,  pour  avoir  plus  d'une  fois  rétabli  la 
bonne  intelligence  entre  Jupiter  &  la  femme  Junon  ; 
les  ambaûadcms  feciaux  ou  hérauts,  chargés  à  Ro- 
me de  traiter  de  la  paix ,  portoient  en  main  un  ca- 
ducée d'or ,  d'où  leur  vint  le  nom  de  caduceatores.  Les 
Poètes  attribuoient  encore  au  caducée  de  Mercure  di- 
verles  autres  propriétés ,  comme  de  conduire  les 
âmes  aux  enfers,  tk  de  les  en  tirer,  d'exciter  ou  de 
troubler  le  fommeil ,  &c 

Le  caducée  qu'on  trouve  fur  les  médailles ,  eft  un 
fymbole  commun;  il  lignifie  la  bonne  conduite,  la 
paix  &  la  félicité  :  le  bâton  marque  le  pouvoir  ou 
l'autorité  ;  les  deux  lerpens ,  la  prudence ,  &  les  deux 
ailes  la  diligence ,  toutes  chofes  néceffaires  pour  réuf- 
fir  dans  les  entreprifes  où  l'on  s'engage.  Jobert,  Scien- 
ce des  médailles  ,  tome  I.  pag.  3JJ.  (G) 

CADUCÉE,  en  Phyfique.  Voye{  BAGUETTE  DIVI- 
NATOIRE. (O) 

CADUCITÉ  ,  f.  f.  l'état  d'une  perfonne  caduque  : 
on  dit  cette  perfonne  approche  de  la  caducité  ;  d'oii  l'on 
voit  que  la  caducité  le  prend  pour  l'extrême  vieillef- 
fe  ;  mais  il  n'en  eft  pas  de  même  de  caduc  :  on  dit  d'un 
jeune  homme  qu'il  eft  caduc,  &  d'un  vieillard  qu'il 
ne  l'eft  pas. 

CADURCIENS,f.  m. pi.  (Géog.anc.) peuples  qui 
occupoient  les  pays  que  nous  nommons  aujourd'hui 
Je  Quercy  :  c'étoit  un  des  quatorze  qui  habitoient  en- 
Ire  la  Loire  &  la  Garonne. 

CADUS  ou  CERANLUM,  (  Hifi.  anc.  )  grande 
melure  des  anciens,  contenant  cent  vingt  livres  de 
vin,  ÔC  environ  cent  cinquante  livres  d'huile. 

CADUSIENS,  f.  m.  pi.  (Géog.)  peuples  d'Afie, 
qui  habitoient  quelques  contrées  voiiines  du  Pont- 
Euxin;  lelon  Strabon,  ils  occupoient  la  partie  lep- 
tcntrionale  de  la  Médie  Atropatene ,  pavs  monta- 
gneux, &  affez  femblable  à  la  delcription  que  Plu- 
larque  fait  de  celui  des  Cadujiens. 

CAEN  ,  (Gcog.)  ville  de  France ,  capitale  de  la 
baffe  Normandie;  elle  eft  fur  l'Orne.  Lon.  ly.  18. 
23.  lat.  4c.  2  1.  io. 

CAERJJEN ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Allemagne  , 
dans  l'éledorat  de  Trêves ,  fur  la  Mofelle. 

CAERMARTHEN,  (Géog.)  ville  d'Angleterre, 
dans  la  principauté  de  Galles ,  fur  la  rivière  de  Towy, 
dans  une  province  qui  le  nomme  Caermarthenshire. 

CAERNARVAN,  (Géog.)  ville  d'Angleterre  , 
dans  le  pays  de  Galles,  fur  le  Menay,  capitale  du 
Caernarvan^hire. 

CjESALPINA,  f.  f.  (Hifi,  nat.  bot.)  genre  de  plan- 
te, dont  le  nom  a  été  dérivé  de  celui  d'André  Caefal- 
pin  ,  Médecin  du  pape  Clément  VIII.  la  fleur  des 
plantes  de  ce  genre  eft  monopétale,  laite  en  forme 
de  mafque,  irréguliere ,  &  divifée  en  quatre  parties 
inégales:  celle  du  deffus  eft  la  plus  grande,  elle  eft 
creufée  en  forme  de  cuilliere  :  il  s'élève  du  fond 
de  la  fleur  un  piftil  entouré  d'étamines  recourbées. 
Ce  piftil  devient  une  filique  remplie  de  femences 
oblongues.  Plumier,  Nova  plant.  Amer,  gêner.  Voye^ 
Plante.  (1) 

*  On  ne  lui  attribue  aucune  propriété  médccinale. 
<    \tFFA,  (Géog.)  autrefois  Tkéodofie ,  ville  riche, 

ancienne  &  conliclérable  ,  capitale  de  la  Tartarie 
Grimée  ,  avec  deux  citadelles;  elle  eft  fur  la  mer 
Noire,  à  60  lieues  de  Conftantinople.  Lon.  Si.  30- 
lat.  44.  5$. 

*  GAFFÉ,  f.  m.  (Hifi-  n^-  bot.)  Depuis  environ 
foixante  ans,  cliioit  M.  de  Juffieu  en  1715,  que  le 
cafj'é  eft  connu  en  Europe ,  tant  de  gens  en  ont  écrit 


C  A  F 


5*7 


fans  connoître  fon  origine,  que  û  l'on  entreprenoit 
d'en  donner  une  hiftoire  fur  les  relations  qu'on  nous 
en  a  laiffées ,  le  nombre  des  erreurs  feroit  fi  grand  , 
qu'un  feul  mémoire  ne  fuffiroit  pas  pour  les  rappor- 
ter toutes. 

Ce  que  nous  en  allons  dire  eft  tiré  d'un  mémoire 
contenu  dans  le  recueil  de  C  Académie  des  Sciences ,  an- 
née 1J13.  Ce  mémoire  eft  de  M.  de  Juffieu ,  le  nom 
de  l'auteur  fuffit  pour  garantir  les  faits.  L'Europe, 
dit  M.  de  Juffieu ,  a  l'obligation  de  la  culture  de  cet  ar- 
bre aux  foins  des  Hollandois ,  qui  de  Moka  l'ont  por- 
té à  Batavia,  &  de  Batavia  au  jardin  d'Amftcrdam. 
La  France  en  eft  redevable  au  zèle  de  M.  de  Ref- 
fons ,  lieutenant  général  de  l'Artillerie ,  &  amateur  de 
la  Botanique,  qui  le  priva  en  faveur  du  jardin  du 
Roi,  d'un  jeune  pié  de  cet  arbre  qu'il  avoit  fait  venir 
de  Hollande.  Il  cil  maintenant  affez  commun,  &  on 
lui  voit  donner  fucceflivement  des  fleurs  &  des  fruits. 

Cet  arbre  dans  l'état  où  il  étoit  au  jardin  du  Roi , 
Iorique  M.  de  Juffieu  rit  fon  mémoire ,  avoit  cinq  pies 
de  hauteur  &  la  groffeur  d'un  pouce  ;  il  donne  des 
branches  qui  fortent  d'efpace  en  efpace  de  toute  la 
longueur  de  fon  tronc,  toujours  oppofées  deux  à  deux, 
&  rangées  de  manière  qu'une  paire  croife  l'autre. 
Elles  font  fouples,  arrondies  ,  noiieufes  par  interval- 
les ,  couvertes  aufli  bien  que  le  tronc  ,  d'une  écorce 
blanchâtre  fort  fine,  qui  lé  gerfe  en  fe  defféchant  : 
leur  bois  eft  un  peu  dur  &  douçâtre  au  goût  ;  les  bran- 
ches inférieures  font  ordinairement  limples,  &  s'éten- 
dent plus  horifontalement  que  les  fupérieures  qui  ter- 
minent le  tronc,  lefquelles  font  divifées  en  d'autres 
plus  menues  qui  partent  des  aifl'elles  des  feuilles,  & 
gardent  le  même  ordre  que  celles  du  tronc.  Les  unes 
6c  les  autres  font  chargées  en  tout  tems  de  feuilles  en- 
tières ,  fans  dentelures  ni  crenelures  dans  leur  con- 
tour, aiguës  par  leurs  deux  bouts,  oppofées  deux  à 
deux ,  qui  fortent  des  nœuds  des  branches ,  &  ref- 
iemblent  aux  feuilles  du  laurier  ordinaire  ;  avec 
cette  différence  qu'elles  font  moins  feches  &  moins 
épaiffes,  ordinairement  plus  larges  ,  plus  pointues  par 
leur  extrémité ,  qui  iouvent  s'incline  de  côté  ;  qu'el- 
les font  d'un  beau  verd  gai  &  luifant  en-deffus,  verd 
pâle  en-deffous ,  &  verd  jaunâtre  dans  celles  qui  font 
naiffantes  ;  qu'elles  font  ondées  par  les  bords ,  ce  qui 
vient  peut-être  de  la  culture,  &  qu'enfin  leur  goût 
n'eft  point  aromatique,  Se  ne  tient  que  de  l'herbe. 
Les  plus  grandes  de  les  feuilles  ont  deux  pouces  en- 
viron dans  le  fort  de  leur  largeur,  fur  quatre  à  cinq 
pouces  de  longueur;  leurs  queues  font  fort  courtes. 
De  l'aiffelle  de  la  plupart  des  feuilles  naiflént  des 
fleurs  jufqu'au  nombre  de  cinq ,  foûtenues  par  un  pé- 
dicule court  ;  elles  font  toutes  blanches,  d'une  feule 
pièce ,  à  peu  près  du  volume  &  de  la  figure  de  celles 
du  jafmin  d'Efpagne ,  excepté  que  le  tuyau  en  eft  plus 
court,  &  que  les  découpures  en  font  plus  étroites, 
&  font  accompagnées  de  cinq  étamincs  blanches  à 
fommets  jaunâtres ,  au  lieu  qu'il  n'y  en  a  que  deux 
dans  nos  jafmins  :  ces  étamines  débordent  le  tuyau 
de  leurs  fleurs ,  &  entourent  un  ftyle  fourchu  qui  fur- 
monte  l'embryon  ou  piftil  placé  dans  le  fond  d'un 
calice  verd  à  quatre  pointes,  deux  grandes  &  deux 
petites ,  difpofecs  alternativement.  Ces  fleurs  paflènt 
fort  vite ,  &  ont  une  odeur  douce  &  agréable.  L'em- 
bryon ou  jeune  fruit,  qui  devient  à  peu-près  de  la 
groffeur  &  de  la  figure  d'un  bigarreau,  ic  termine 
en  ombilic,  &-  eit  verd  clair  d'abord,  puis  rougea- 
tre,  enfuite  d'un  beau  ronge,  S:  enfin  rouge  obfcur 
dans  fa  parfaite  maturité.  Sa  chair  eft  glairèufe  ,  d'un 
goût  defagréable,  qui  fe  change  en  celui  de  nos  pru- 
neaux noîrs  fecs,  lorfqu'elle  eft  féchée ,  &  la  g  offeur 
de  ce  fruit  iè  réduit  alors  en  celle  d'une  baie  de  lau- 
rier. Cette  chair  fertd'ènvdoppe  à  deux  coques  min- 
ces, ovales,  étroitement  unies,  arrondies  fur  leur 
dos,  applaties  par  l'endroit  00  elles  fe  joignent,  de 


5*8 


C  A  F 


couleur  d'un  blanc  jaunâtre ,  &  qui  contiennent  cha- 
cune une  femence  calleufe ,  P°ur^  ainlî-dire  ovale , 
voûtée  fur  fon  dos ,  &c  plate  du  côté  oppofé,  creu- 
fée  dans  le  milieu  &c  dans  toute  la  longueur  de  ce  mê- 
me côté ,  d'un  fillon  affez  profond.  Son  goût  eft  tout- 
à-fait  pareil  à  celui  du  caffi  qu'on  nous  apporte  d'A- 
rabie :  une  de  les  deux  femences  venant  à  avorter , 
celle  qui  refte  acquiert  ordinairement  plus  de  volu- 
me ,  a  les  deux  côtés  plus  convexes ,  év  occupe  leule 
le  milieu  du  fruit.  Voyc^  Plan.  XXVIII.  d'Hifl.  nat. 

On  appelle  caffé  en  coque  ,  ce  fruit  entier  Se  deffé- 
ché  ;  &  caffé  monde  ,  les  femences  dépouillées  de 
leurs  enveloppes  propres  &  communes. 

Par  cette  defcnption  faite  d'après  nature  ,  il  eft 
ailé  de  juger  que  l'arbre  du  caffe  ,  que  l'on  peut  ap- 
peller  le  caffîer,  ne  peut  être  rangé  fous  un  genre  qui 
lui  convienne  mieux  que  fous  celui  des  jafmins,  fi 
l'on  a  égard  à  la  figure  de  fa  fleur,  à  la  ftrutture  de  fon 
fruit,  &  à  la  difpolition  de  lés  feuilles. 

Cet  arbre  croît  dans  fon  pays  natal ,  &  même  à 
Batavia ,  juiqu'à  la  hauteur  de  quarante  pies  ;  le  dia- 
mètre de  fon  tronc  n'excède  pas  quatre  à  cinq  pou- 
ces :  on  le  cultive  avec  foin  ;  on  y  voit  en  toutes  les 
faifons  des  fruits ,  &  preique  toujours  des  fleurs.  Il 
fournit  deux  ou  trois  fois  l'année  une  récolte  très- 
abondante.  Les  vieux  pies  portent  moins  de  fruit  que 
les  jeunes ,  qui  commencent  à  en  produire  dès  la  troi- 
sième &  quatrième  année  après  la  germination. 

Les  mots  caffe  en  François  ,  &c  coffee  en  Anglois  & 
en  Hollandois  ,  tirent  l'un  &  l'autre  leur  origine  de 
caouhe ,  nom  que  les  Turcs  donnent  à  la  boiffon  qu'on 
prépare  de  cette  plante. 

Quant  à  fa  culture  ,  on  peut  affûrer  que  fi  la  fe- 
mence du  caffe  n'eft  pas  mile  enterre  toute  récente, 
comme  plufieurs  autres  femences  des  plantes,  on  ne 
doit  pas  efpérer  de  la  voir  germer.  Celles  de  l'arbre 
qu'on  cultivoit  depuis  une  année  au  Jardin-royal , 
mifes  en  terre  auffi-tôt  après  avoir  été  cueillies  ,  ont 
prefque  toutes  levé  fix  femaines  après.  Ce  fait,  dit 
M.  de  Jufîieu  ,  juftifîe  les  habitans  du  pays  où  fe  cul- 
tive le  caffe  ,  de  la  malice  qu'on  leur  a  imputée  de 
tremper  dans  l'eau  bouillante  ,  ou  de  faire  fécher  au 
feu  tout  celui  qu'ils  débitent  aux  étrangers ,  dans  la 
crainte  que  venant  à  élever  comme  eux  cette  plan- 
te ,  ils  ne  perdiffent  un  revenu  des  plus  confidé- 
rables. 

La  germination  de  ces  femences  n*a  rien  que  de 
commun. 

A  l'égard  du  lieu  où  cette  plante  peut  fe  confer- 
ver,  comme  il  doit  avoir  du  rapport  avec  le  pays 
dans  lequel  elle  naît  naturellement ,  &  où  Ton  ne 
reffent  point  d'hyver ,  on  a  été  obligé  jufqu'ici  de 
fuppléer  au  défaut  de  la  température  de  l'air  &  du 
climat ,  par  une  ferre  à  la  manière  de  celles  de  Hol- 
lande ,  fous  laquelle  on  fait  un  feu  modéré  ,  pour  y 
entretenir  une  chaleur  douce  ;  &  l'on  a  obfervé 
que  pour  prévenir  la  lechereffe  de  cette  plante  ,  il 
lui  talloit  de  tems  en  tems  un  arrofement  propor- 
tionné. 

Soit  que  ces  précautions  en  rendent  la  culture  dif- 
ficile ,  foit  que  les  Turcs ,  naturellement  pareffeux  , 
ayent  négligé  le  foin  de  la  multiplier  dans  les  autres 
pays  fujets  à  leur  domination  ;  nous  n'avons  pas  en- 
core appris  qu'aucune  contrée  que  celle  du  royau- 
me d'Yemen  en  Arabie ,  ait  l'avantage  de  la  voir 
croître  chez  elle  abondamment  ;  ce  qui  paroît  être 
la  caufe  pour  laquelle  avant  le  xvi.  liecle  fon  ufage 
nous  étoit  prefqu'inconnu. 

On  laiflè  à  d'autres  le  foin  de  rapporter  au  vrai  ce 
qui  y  a  donné  occafion  ,  &  d'examiner  fi  l'on  en  doit 
la  première  expérience  à  la  vigilance  du  fupérieur 
d'un  monaftere  d'Arabie  ,  qui  voulant  tirer  lès  moi- 
nes du  fommeil  qui  les  tenoit  affoupis  dans  la  nuit 


C  A  F 

aux'  offices  du  chœur ,  leur  en  fît  boire  l'infufion  , 
fur  la  relation  des  effets  que  ce  fruit  caufoit  aux 
boucs  qui  en  avoient  mangé  ;  ou  s'il  faut  en  attri- 
buer la  découverte  à  la  piété  d'un  mufti ,  qui  pour 
faire  de  plus  longues  prières  ,  &  pouffer  les  veilles 
plus  loin  que  les  dervis  les  plus  dévots ,  a  paffe  pour 
s'en  être  fervi  des  premiers. 

L'ulage  depuis  ce  tems  en  eft  devenu  fi  familier 
chez  les  Turcs,  chez  les  Perlans,  chez  les  Arméniens, 
&c  même  chez  les  différentes  nations  de  l'Europe  , 
qu'il  eft  inutile  de  s'étendre  fur  la  préparation ,  & 
fur  la  qualité  des  vaifîèaux  tk.  inftrumens  qu'on  y  em- 
ployé. 

Il  eft  bon  d'oblèrver  que  des  trois  manières  d'en 
prendre  l'infufion  ,  lavoir ,  ou  du  caffe  mondé  8c  dans 
l'on  état  naturel  ,  ou  du  caffe  rôti ,  ou  feulement  des 
enveloppes  propres  &  communes  de  cette  fubftance, 
auxquelles  nos  François  au  retour  de  Moka  ont  im- 
proprement donné  le  nom  de  fleur  de  caffe  ;  la  féconde 
de  ces  manières  eft  préférable  à  la  première ,  &  à  la 
troifieme  appellée  aufti  caffe  à  lafultane. 

Qu'entre  le  gros  &  le  blanchâtre  qui  nous  vient 
par  Moka  ,  &c  le  petit  verdâtre  qui  nous  eft  apporté 
du  Caire  par  les  caravanes  de  la  Mcque  ,  celui-ci 
doit  être  cholfi  comme  le  plus  mûr  ,  le  meilleur  au 
goût ,  &  le  moins  fujet  à  le  gâter. 

Que  de  tous  les  vaifîèaux  pour  le  rôtir  ,  les  plus 
propres  font  ceux  de  terre  verniffée,  afin  d'éviter 
l'imprefïion  que  ceux  de  fer  ou  d'airain  peuvent  lui 
communiquer. 

Que  la  marque  qu'il  eft  fuffifament  brûlé  ou  rôti 
eft  la  couleur  tirant  fur  le  violet ,  qu'on  ne  peut  ap- 
percevoir  qu'en  fe  fervant  pour  le  rôtir  d'un  vaiffeau 
découvert. 

Que  l'on  ne  doit  en  pulvérifer  qu'autant  &  qu'au 
moment  que  l'on  veut  l'infufer  :  on  fe  fert  pour  cet 
effet  d'un  petit  moulin  portatif,  compofé  de  deux 
ou  trois  pièces  ;  d'une  gorge  qui  fait  la  fonction  de 
trémie  ,  dans  laquelle  on  met  le  caffé  grillé  ,  &  qu'on 
bouche  d'un  couvercle  percé  d'un  trou  ;  d'une  noix 
dont  l'arbre  eft  foûtenu  &  fixé  dans  le  coffre  ou  le 
corps  du  moulin  qui  la  cache ,  &  dans  lequel  elle  le 
meut  fur  elle-même  :  la  partie  du  coffre  qui  corref- 
pond  à  la  noix  eft  de  fer  ,  &  taillée  en  dent  ;  il  y  a 
au-deffous  de  la  noix  un  coffret  qui  reçoit  le  caffe  à 
melure  qu'il  fe  moud.  Voye^  Plan,  du  Tailland.  3  un 
moulin  à  caffé ,  rf  tout  monté  ;  &  dans  lesflg.  4.  m 
ml,  k  ,  o  p p  ,  n  ,  un  autre  moulin  &  Ion  détail.  La 
fig.  4.  eft  l'arbre  féparé  du  moulin  rf:  m  m  /,  autre 
moulin  ;  m  ,  fon  arbre  ;  k  ,  Ion  embale  ;  n ,  la  coupe 
par  le  milieu  ;  o,  fa  noix  ;fig.  rf,  r  eft  la  trémie. 

Et  qu'étant  jette  dans  l'eau  bouillante  ,  l'infufion 
en  eft  plus  agréable ,  &  fouffre  moins  de  diiîipation 
de  fes  parties  volatiles ,  que  lorfqu'il  eft  mis  d'abord 
dans  l'eau  froide. 

Quant  à  la  manière  d'agir  &  à  fes  vertus,  la  ma- 
tière huileufe  qui  fe  fépare  du  caffé ,  &  qui  paroît 
fur  fa  iùperfîcie  lorfqu'on  le  grille  ,  &  Ion  odeur  par- 
ticulière qui  le  fait  diftinguer  du  feigle  ,  de  l'orge  , 
des  pois,  des  fèves,  Se  autres  femences  que  l'épar- 
gne fait  fubftituer  au  caffé ,  doivent  être  les  vraies 
indications  de  fes  effets  ,  fi  l'on  en  juge  par  leur  rap- 
port avec  les  huiles  tirées  par  la  cornue ,  puifqu'elle 
contient  auffi-bien  que  celles-là  ,  des  principes  vola- 
tils ,  tant  falins  que  lulphureux. 

C'eft  à  la  diffolution  de  fes  fels  ,  &  au  mélange 
de  fes  foufres  dans  le  fang ,  que  l'on  doit  attribuer 
la  vertu  principale  de  tenir  éveillé  ,  que  l'on  a  tou- 
jours remarquée  comme  l'effet  le  plus  conlîdérablede 
fon  infufion.  C'eft  de-là  que  viennent  fes  propriétés 
de  faciliter  la  digeftion  ,  de  précipiter  les  alimens» 
d'empêcher  les  rapports  des  viandes  ,  &  d'éteindre 
les  aigreurs  ,  lorfqu'il  eft  pris  après  le  repas. 

C'eft  par-là  que  la  fermentation  qu'il  caufe  dans 

le 


C  A  F 

lé  fartg  ,  utiles  aux  perfonnes  grattes  ,  replettes,  pi- 
tuiteufes,  &  à  celles  qui  font  lujettes  aux  migraines, 
devient  nuifible  aux  gens  maigres  ,  bilieux ,  &  à 
ceux  qui  en  ufent  trop  fréquemment. 

Et  c'eft  auffi  ce  qui  dans  certains  fujets  rend  cette 
boiffon  diurétique. 

L'expérience  a  introduit  quelques  précautions 
qu'on  ne  fauroit  blâmer  ,  touchant  la  manière  de 
prendre  cette  inrufion  :  telles  font  celles  de  boire  un 
verre  d'eau  auparavant ,  afin  de  la  rendre  laxative  ; 
de  corriger  par  le  lucre  l'amertume  qui  pourrait  la 
rendre  defagréable  ,  &  de  la  mêler ,  ou  de  la  faire 
quelquefois  au  lait  ou  à  la  crème  ,  pour  en  éteindre 
les  fourres  ,  en  embarraflér  les  principes  falins  ,  & 
la  rendre  nourriflante. 

Enfin  l'on  peut  dire  en  faveur  du  caffe,  que  quand 
il  n'auroit  pas  des  vertus  auffi  certaines  que  celles 
que  nous  lui  connoilî'ons ,  il  a  toujours  l'avantage 
par-deflus  le  vin  de  ne  laiffer  dans  la  bouche  aucune 
odeur  defagréable  ,  ni  d'exciter  aucun  trouble  dans 
l'efprit  ;  &  que  cette  boifibn  au  contraire  femble 
l 'égayer ,  le  rendre  plus  propre  au  travail ,  le  récréer, 
en  difiiper  les  ennuis  avec  autant  de  facilité,  que 
ce  fameux  Népenthe  fi  vanté  dans  Homère.  Mémoires 
de  V Académie  royale  des  Sciences  ,  année  IJlJ  ,  page 

299- 

M.  Leaulté  père,  docteur  en  Médecine  de  la  Fa- 
culté de  Paris  ,  a  fait  une  obfervation  fur  l'infufion 
de  caffe,  qu'il  n'eft  pas  inutile  de  rapporter  ici.  Un 
homme  à  qui  un  charlatan  avoit  conieillé  l'ufage  d'u- 
ne compofition  propre  ,  à  ce  qu'il  difoit ,  à  a 
une  toux  opiniâtre  qui  le  tourmentoit  depuis  long- 
tems ,  prit  le  remède  ,  fans  être  inftruit  des 
diens  qui  y  entroient  :  cet  homme  fut  tout-à-coup 
iaili  ci  un  ailoupifiement  ce  d'un  étouffement  cenfi- 
dérable ,  accompagnés  de  la  fupprefiion  de  toutes 
les  évacuations  ordinaires,  plus  de  crachats,  plus 
d'urine,  &c.  On  appella  M.  Leàulté  ,  qui  informé 
de  la  nature  des  diogues  que  cet  homme  avoit  pri- 
fes  ,  lui  ordonna  fur  le  champ  une  faignéc  :  mais  le 
poifon  avoit  figé  le  fang ,  de  manière  qu'il  n'en  vint 
ni  des  bras  ni  des  pies  :  le  médecin  ordonna  plufieurs 
taffes  d'une  forte  infufioh  de  café  fans  lucre  ,  ce  qui 
en  moins  de  cinq  à  lix  heures  reftitua  au  (  u 
mouvement  allez  confidérablc  pour  fortir  par  les 
quatre  ouvertures,  &  le  malade  guérit. 

Simon  Pauli  ,  médecin  Danois,  a  prétendu  qu'il 
enivroit  les  hommes  ,  6c  les  rendoit  inhabiles  à  la 
génération.  Les  Turcs  lui  attribuent  le  même  effet, 
&  penfent  que  le  grand  ufage  qu'ils  en  font  eft  la 
caule  pour  laquelle  les  provinces  qu'ils  occupent, 
autrefois  fi  peuplées ,  le  font  aujourd'hui  fi  peu. Mais 
Diiiour  relate  cette  opinion ,  dans  Ion  Truite  du  c.zffé, 
du  thé ,  &  du  chocolat. 

Le  père  Malebranchc  affûra  à  MM.  de  l'Académie 
des  Sciences ,  qu'un  homme  de  fa  connoilTance  avoit 
été  guéri  d'une  apoplexie  par  le  moyen  de  plufieurs 
lavemens  de  caffe:  d'autres  diient  qu'employé  de  la 
même  manière  ,  ils  en  ont  été  délivrés  de  maux  de 
tête  violens  ce  habituels.  (  A) 

Le  comme  ce  du  caffe  en  confidérablc  :  on  afïïirc 
que  les  fculs  habitans  du  royaume  d'Ycmen  en  dé- 
bitent tous  les  ans  pour  plufieurs  millions  ;  ce  qu'on 
n'aura  pas  de  peine  à  croire ,  li  l'on  tait  attention  à  la 
confbiumation  prodigicule. 

Caffe  mariné  ;  c'en  ainfi  qu'on  appelle  celui  qui 
dans  le  rranfport  a  été  mouiilé  d'eau  de  mer  :  on  en 
fait  peu  de  cas ,  à  càufe  de  l'acrete  de  l'eau  de  mer , 
que  la  torréfaction  ne  lui  ôte  pas. 

CaffÉS  :  ce  font  des  lieux  à  l'établifiemcnt  def- 
quels  l'ufage  du  caffe  a  donné  lieu  :  on  y  prend  tou- 
tes fortes  de  liqueurs.  Ce  font  auffi  des  manufactures 
d'elprit,  tant  bonnes  que  mauvaifes. 

CAFFETIER,  f.  m.  (Commerce.')  celui  qui  a  le 
Tome  II, 


C  A  G 


29 


droit  de  vendre  au  public  du  caffe  ,  du  thé  ,  du  cho- 
colat ,  &  toutes  foites  de  liqueurs  froides  Se  chau- 
des. Les  C^lti;rs  font  de  la  communauté  des  Limo- 
nadiers. Voye^  Limonadier. 

C  AFFILA,  f.  t.  (  Commerce.  )  troupe  de  marchands 
ou  de  voyageurs ,  ou  compolée  des  uns  &  des  au- 
tres ,  qui  s'aflémblent  pour  traverfer  avec  plus  de  fu- 
reté les  valles  états  du  Mogol  >  ôc  autres  endroits  de 
la  terre  ferme  des  Indes. 

Il  y  a  auffi  de  femblables  cafflas  qui  traverf  ent  une 
partie  des  deferts  d'Afrique  ,  6c  particulièrement  ce 
qu'on  appelle  la  nier  de  fable  ,  qui  eft  entre  Maroc  & 
Tamboucîou  ,  capitale  du  royaume  de  Gago.  Ce 
voyage,  qui  cil  de  quatre  cents  lieues ,  dure  deux 
mois  pour  aller,  6c  autant  pour  le  retour,  lacaffîlœ 
ne  marchant  que  la  nuit  à  caule  des  chaleurs  excef- 
fives  du  pays. 

La  caffîla  eft  proprement  ce  qu'on  appelle  cara- 
vane dans  l'empire  du  grand-Seigneur,  en  Perle, 
&  autres  lieux  de  l'Orient.  Voye^  Caravane. 

L'affila  lé  dit  auffi  dans  les  differens  ports  que  les 
Portugais  occupent  encore  fur  les  côtes  du  royaume 
de  Guzarate,  des  petites  flottes  marchandes  qui  vont 
de  ces  ports  à  Surate  ,  ou  qui  reviennent  de  Surate 
fous  l'elcorte  d'un  vaifleau  de  guerre  que  le  roi  de 
Portugal  y  entretient  à  cet  effet. 

CAFF1S ,  1.  m.  (  Commerce.  )  mefurede  continence 
dont  on  fe  fert  pour  les  grains  à  Alicante.  Le  caffs 
revient  à  une  charge  6c  demie  de  Marfeille,  &  con- 
tient fix  quillots  de  Conffantinople  ,  c'eil-à-dire  qua- 
tre cents»cinquante  livres  poids  de  Marfeille  :  ce  qui 
revient  à  trois  cents  foixante-quatre  livres  poids  de 
marc.  (G) 

*C  .A  FI  CI,  (  Commerce.  )  mefure  ufitée  en  Afri- 
que ,  fur  les  côtes  de  Barbarie.  Vingt  guibis  font  un 
cafici ,  &  fept  cafici  font  un  lait  d'Amlterdam  ,  ou 
162  {  iivres  de  Hollande. 

CAFRERIE  ,  (  Géog.  )  grand  pays  fitué  dans  la 
partie  méridionale  de  l'Afrique ,  borné  au  nord  par 
l'Abylïinie  &  la  Nigritie  ;  à  l'occident  par  la  Guinée 
6c  le  Congo  ;  au  fuel  par  le  cap  de  Bonnc-Elpérance  ; 
à  l'orient  par  l'Océan.  Les  habitans  de  cette  contrée 
font  nègres  &  idolâtres.  Ce  pays  eff  peu  connu  des 
Européens  ,  qui  n'ont  point  encore  pu  y  entrer  bien 
avant  :  cependant  on  accule  les  peuples  qui  l'habi- 
tent d'être  anthropophages. 

*  CAFRI,  (  Hiji.  nat.  bot.  )  fruit  des  Indes  qui 
croît  fur  de  petits  arbriffeaux  :  il  eft  à  peu  près  de  la 
grolîeur  des  noix  ;  lorfqu'il  eft  mùr  il  eft  d'un  beau 
rouge ,  comme  la  eerife  ;  fes  fleurs  reflernblent  à  cel- 
les du  dictamne  de  Crète. 

CAFSA ,  (  Géog.  )  ville  d'Afrique  dans  le  Biledul- 
geridj  tributaire  du  royaume  de  Tunis.  Long.  40. 
lat.  zy.  1 0 . 

CAFTAN  ,  (  Hijl.  mod.  )  c'eft  le  nom  qu'on  don- 
ne à  une  efpece  de  manteau  chez  les  Turcs  &  les 
Perfans. 

CAGASIAN,  (  Géog.)  fort  d'Afrique  fur  la  côte 
i!e  Malaguette. 

*  l.IGASTRUM,  (Médecine.)  Paracelfe  fefert 
de  ce  mot  pour  défigner  le  germe  &  le  principe  de 
toutes  les  maladies. 

CAGAVEL  ,  poiffbn  de  mer  ;  voyc{  Merdolë. 

CAGAYAN  ,  (  Géog.  )  province  &  ii\  iere  d'Afie 
dans  l'île  deLuçon,  l'une  ces  Philippi  1 

*CAGE,  1.  f.  c'eft  au  propre  un  affemblage  de 
plufieurs  petits  bois  équarris ,  emmortoifés  les  uns 
avec  les  autres,  6c  traverfés  de  bas  en  haut  par  des 
fils  d'archal,de  manière  que  le  tout  renferme  un  ef- 
pace  dans  lequel  des  oifeairx  pui  fent  fe  mouvoir  fa- 
cilement, fans  s'échapper.  On  place  e  1  t:.t vers, dans 
l'intérieur  de  la  cage  ,  quelques  petits  bâtons  londs, 
fur  lefquels  les  oileaux  puiflent  ie  repofer.  t1  n 
couvre  le  fond  d'une  planche  mince  qui  en:  v 

X  x  x 


53° 


C  A  G 


devant  à  cOuliffe  dans  les  traverfes  affemblées  eft 
reâangle  ,  qui  forment  la  bat'c  &  les  contours  infé- 
rieurs de  h.  cage.  Cestraverfes  ibnt  aufli  grillées  de 
fils  d'archal ,  afin  que  quand  on  tire  la  planche  du 
fond  ,  les  oiiéaux  ne  puifient  pas  fortir  par  ce  fond 
qui  refteroit  tout  ouvert.  On  a  laifie  cette  planche 
mobile  afin  de  pouvoir  nettoyer  la  cage  ;  on  la  tire 
par  un  petit  anneau  de  fer  qui  y  eft  attaché.  On  pra- 
tique une  petite  porte  par-devant ,  &  aux  deux  cô- 
tés deux  ouvertures  au-deflbus  defquelles  on  place 
des  petits  augets  dans  leiquels  Poifeau  peut  boire  Se 
manger.  Le  tond  de  toutes  les  cages  efi  n^ceiîaire- 
ment  reétangle  ou  quarré.  On  lui  donne  au  relie  telle 
forme  qu'on  veut  ;  on  coupe  fur  cette  forme  les  pe- 
tits bois  qui  fervent  à  la  conftruétion  ;  on  les  perce 
au  foret  &  à  l'archet.  On  peut  fe  férvir  pour  plus 
d'expédition ,  de  la  perçoire ,  &  de  la  machine  à  per- 
cer les  moules  de  boutons.  Voyei  Carticle  Bouton. 
Si  on  ajoùtoit  à  cette  commodité  des  patrons  d'acier 
fur  lefquels  on  équarrît  les  petits  bois  à  la  lime  ,  il 
faudrait  très-peu  de  tems  Se  d'adreflè  pour  faire  une 
cage,  où  il  paroîtroit  qu'il  y  auroit  beaucoup  d'art  & 
d'ouvrage.  On  pourroit  aifément  équarrir  Se  per- 
cer plulieurs  bâtons  à  la  fois  par  le  moyen  des  pa- 
trons. 

On  a  tranfpôrté  le  mot  de  cage  dans  plufieurs  arts 
méchaniques ,  aux  parties  extérieures  qui  fervent  de 
bafe  à  d'autres  ,  dans  une  grande  machine.  Ainii  on 
dit  la  cage  du  métier  des  ouvriers  en  foie  ;  la  cage  du 
métier  à  faire  des  bas  ;  la  cage  d'une  grande  horloge  , 
&c.  Voyt^  à  la  fuite  de  cet  article  ,  plufieufs  de  ces 
acceptions. 

C  âge  ,  (  en  Anhiuclnre  )  eft  un  efpace  terminé  par 
quatre  murs  ,  qui  renferment  un  efeaiief  ,  ou  quel- 
que divilion  d'appartement. 

Cage  de  cloches  ;  c'eft  un  affemblage  de  char- 
pente ,  ordinairement  revêtu  de  plomb ,  &  compris 
depuis  la  chaiiè  fin  laquelle  il  pôle  ,  jufqu'à  la  bafe 
de  la  rleche. 

Cage  de  moulin  à  vent  ;c  eft  un  affemblage  quar- 
ré de  charpente  en  manière  de  pavillon ,  revêtu  d'ais 
Se  couvert  de  bardeau  ,  qu'on  fait  tourner  fur  un  pi- 
vot poié  fur  un  maflif  rond  de  maçonnerie  ,  pour 
expoier  au  vent  les  volans  du  moulin. 

Cage  ,  terme  de  Bijoutier  ,  c'eft  une  tabatière  qui 
.  de  la  garniture  en  ce  que  celle-ci  a  fa  bâte 
d'or,  Se  que  la  cage  n'a  qu'une  bâte  de  fermeture, 
(  foyei  Bâte)  une  petite  moulure ,  &  un  pilier  fur 
chaque  angle.  Le  relie  eft  rempli ,  comme  le  deftbus 
Se  le  defTus. 

Cage  lignifie  dans  V Horlogerie  ,une  efpece  de  bâ- 
ti qui  contient  les  roues  de  l'horloge.  Dans  les  mon- 
tres &les  pendides  elle  eft  compoiée  de  deux  pla- 
ques ,  qu'on  appelle  platines.  Ces  plaques  font  tenues 
éloignées  l'une  de  l'autre  d'une  certaine  difrance  , 
au  moyen  des  piliers  P  P  P  P.  Voye^  lesfig.  ^.z.  jf.y. 
&  56.  PI.  X.  de  l'Horlogerie.  Ces  piliers  d'un  côté  , 
font  rivés  à  la  platine  des  piliers  E  ,  Se  de  l'autre  , 
ils  ont  chacun  un  pivot  qui  entre  dans  les  trous  faits 
exprès  dans  l'antre  platine  D.  De  plus,  ils  ont  un 
rebord  ou  afïiette  R ,  pour  faire ,  comme  on  l'a  dit , 
que  ces  platines  ibienî  tenues  à  une  certaine  diitan- 
ce  l'une  de  l'autre.  Pour  qu'elles  ne  faflént  qu'un 
corps  enfemble  ,  Se  que  celle  qui  entre  fur  les  pivots 
des  piliers  n'en  forte  pas  ,  chacun  de  ces  pivots 
eft  percé  d'outre  en  outre  d'un  petit  trou  il  tué  aune 
diltance  du  rebord  R  un  peu  mon  ::aiffeur 

de  la  platine  :  une  petite  goupille  étant  enfoncée  à 
force  dans  ce  trou  ,  elle  la  preffe  ce:-.,:-  ce  rebord  , 
&  chaque  pilier  en  ayant  une  de  même  ,  la  platine 
D  elt  retenue  fermement  avec  l'autre  E. 

Tout  ce  que  nous  venons  de  dire  des  cages  de  mon- 
tres ,  s'applique  également  à  celles  des  pendules. 
Pour  qu'une  cage  foit  bien  montée ,  il  faut  que  les 


C  A  G 

platines  foient  bien  parallèles  entr'elles ,  Se  que  là 
platine  O  qui  entre  air  les  piliers ,  le  faffe  librement 
&  fans  brider.  On  trouvera  à  l'article  Horloge  de 
clocher ,  la  defeription  des  cages  de  ces  horloges.  Voy. 
Platine  ,  Pilier  ,  &c.  (  ï) 

Cage,  chc7^  les  Tourneurs ,  eft  la  partie  ambiante 
du  tour  à  figurer:  elle  fert  à  porter  les  roulettes  qui 
pouffent  contre  les  rofettes  de  l'arbre.  Voytit  Tour 
FIGURÉ  ,  Se  Planche  du  tour  III.  &  1K. 

Cage  ,  (  Marine.  )  c'eft  une  efpece  d'échéuguette 
qui  eft  faite  en  cage  au  haut  du  mât  d'un  vaiffeau. 
On  lui  donne  le  nom  de  hune  fur  l'Océan,  Se  celui 
de  gabie  fur  la  Méditerranée.   (  Z  ) 

CAGLl ,  (  Géog.  )  ville  d'Italie  au  duché  dl 
au  pié  de  l'Appennin.  Long.  Jo.  l8.  lot.  4.3.  ,30. 

C AGLIARI ,  (  Géog.  )  ville  capitale  du  royaume 
de  Sardaigne ,  dans  la  partie  méridionale  de  l'île  fur 
la  mer  Méditerranée.  Long.  zy.  y.  lat.jc).  zo. 

CAGNARD  ,  f.  m.  forte  de  fourneau  à  l'ufaj 
Ciriers.  Il  confifie  en  une  efpece  de  baquet  fans  fond 
&  renverié  ,  fur  lequel  on  pofe  la  cuve  qui  contient 
la  cire  fondue  ,  dont  les  Ciriers  forment  les  bougies 
de  table  &  les  cierges.  Dans  l'un  des  côtés  du  ca- 
gnard  on  a  ménagé  une  ouverture  ,  par  laquelle  on 
fait  entrer  fous  la  cuve  une  poêle  de  fer  remplie  de 
feu  ,  pour  faire  fondre  la  cire  que  la  cuve  contient. 
Voyelles jîg.  8.  &  2.  Plan.  duCiritr.  On  fe  fert  pour 
modérer  le  feu  lorfqu'il  devient  trop  violent,  d'une 
plaque  de  tôle  percée  de  plufieurs  trous ,  repréfentée 
fig.  10.  avec  laquelle  on  couvre  la  poêle. 

*  CAGOTS  ou  CAPOTS,  f.  m.  pi.  (  Hifi.  mod.  ) 
c'eft  ainfi ,  dit  Marca  dans  fon  hifioire  de  Béarn,  qu'on 
appelle  en  cette  province ,  &  dans  quelques  endroits 
de  la  Gafcogne  ,  des  familles  qu'on  prétend  dépen- 
dues des  Vifigots  qui  relièrent  dans  ces  cantons  après 
leur  déroute  générale.  Ce  que  nous  en  allons  racon- 
ter ,  eft  un  exemple  frappant  de  la  force  &  de  la  du- 
rée des  haines  populaires.  Ils  font  cenfés  ladres  Se 
infects;  &  il  leur  eft  défendu  ,  par  la  coutume  de 
Béarn ,  fous  les  peines  les  plus  féveres  ,  de  fe  mêler 
avec  le  refte  des  habitans.  Ils  ont  une  porte  particu- 
lière pour  entrer  dans  les  églifes ,  Se  des  fiéges  fépa- 
res.  Leurs  maifons  iom  écartées  des  villes  &  des  vil- 
lages. Il  y  a  des  endroits  où  ils  ne  font  point  admis 
à  la  confeflion.  Ils  lent  charpentiers ,  &  ne  peuvent 
s'armer  que  des  inltrumens  de  leur  métier.  Ils  ne  font 
point  reçus  en  témoignage.  On  leur  faifoit  ancienne- 
ment la  grâce  de  compter  fept  d'entr'eux  pour  un  té- 
moin ordinaire.  On  fait  venir  leur  nom  de  caas  Goths  f 
chiens  de  Goths.  Cette  dénomination  injurieufe  leur 
eft  reitée  ,  avec  le  foupçon  de  ladrerie  ,  en  haine  de 
l'arianifme  dont  les  Goths  faifoient  profeffion.  Ils 
ont  été  appelles  chiens  &  réputés  ladres ,  parce  qu'ils 
avoient  eu  des  ancêtres  Ariens.  On  dit  que  c'eft  par 
un  châtiment  femblabie  à  celui  que  les  Iiraéiitcs  in- 
fligèrent aux  Gabaonites,  qu'ils  font  tous  occupés 
ai;  travail  des  bois.  En  1460,  les  états  de  Béarn  de- 
mandèrent à  Galion  d'Orléans ,  prince  de  Navarre  , 
qu'il  ieur  fût  défendu  de  marcher  pies  nuds  dans  les 
rues ,  fous  peine  de  les  avoir  percés  ,  &  enjoint  de 
porter  le  pié  d'oie  ou  de  canard  fur  leur  habit.  On 
craignoit  qu'ils  n'infectaffent ,  &  l'on  préîendoit  an- 
noncer par  le  pié  d'un  animal  qui  le  lave  fans  ceffe , 
qu'ils  étoient  immondes.  On  les  a  aufli  appelles  Ge- 
liatins,  de  Giezi ,  ferviteur  d'Elifée,  qui  fut  frappé 
de  lèpre.  Le  mot  cagot  eft  devenu  fynonyme  à  hy- 
pocrite. 

CAGOUILLE  ou  GAGOUÏLLE ,  f .  f .  (  Marine.  ) 
volute  du  revers  de  l'éperon.  C'eft  ce  qui  fait  un  or- 
nement au  haut  du  bout  de  l'éperon  d'un  - 
Foyei  Revers  d'éperon. 

CAGUE  ,  f.  f.  (  Marine.  )  c'eft  une  forte  de  petit? 
bâtiment  Kollandois  ,  dont  il  faut  voirie  defieifl  PI- 
XI F.  fig.  1.  pour  pouvoir  s'en  former  une  id^ . 


C  A  H 

Voici  le  devis  dé  la  cague  qui  eft  feprëfehtee  ici. 

Ce  bâtiment  a  47  pies  de  long  de  l'étrave  à  Fé- 
tambord ,  1 2  pies  6  pouces  de  large  de  dedans  en-de- 
dans ,  &  4  pies  2  pouces  de  creux.  L'étrave  à  9  pies 
de  haut ,  un  pié  de  large  par  le  haut ,  &  5  pies  &  de- 
mi de  quefte.  L'étambord  a  7  pies  8  pouces  de  haut , 
&  3  pics  de  quefte.  Il  a  7  pouces  d'épais  en-dedans , 
&  5  pouces  en-dehors ,  &  un  pié  de  large  par  le  haut. 
La  f  aile  a  8  pies  5  pouces  &  demi  de  large ,  &  4  pou- 
ces d'épais.  Les  varengues  ont  3  pouces  &  demi  d'é- 
pais ,  6c  font  à  un  pié  de  diftance  l'une  de  l'autre  ; 
les  genoux  font  à  même  diftance ,  ayant  4  pouces  d'é- 
pailfeur  vers  le  haut ,  6c  5  pouces  de  largeur.  Le  bor- 
dage  a  un  pouce  &  demi  d'épais ,  6c  la  ceinte  en  a  4 
&  demi ,  6c  autant  de  largeur.  Le  bordage  au-deflus 
de  la  ceinte  a  un  pié  de  large  ;  le  lerre-gouttiere  qui 
cft  au-deflus  a  un  pié  7  pouces  de  large,  év  2  pouces 
d'épais.  La  couverte  de  l'avant  a  1  5  pies  de  long.  La 
carlingue  a  un  pié  2  pouces  de  large ,  &  3  pouces  d'é- 
pais. Le  cornet  du  mât  s'élève  d'un  pié  7  pouces  au- 
deflus  du  tillac  ,  &  a  4  pouces  d'épais  ;  l'on  étendue 
en-dedans  eft  de  13  pouces  d'épais ,  &  1  5  pouces  de 
•large.  L'écoutille  qui  eft  au-devant  a  7  pies  7  pouces 
de  long.  La  hifle  a  un  pouce  &  demi  d'épais.  La  cou- 
verte de  l'arriére  a  4  pies  8  pouces  de  long ,  &c  deux 
écoutilles.  Le  traverfin  d'écoutille  a  2  pouces  d'é- 
pais 6c  4  pouces  de  large.  Les  courbatons  ont  4  pou- 
ces d'épais  &  5  de  large.  La  ferre- gouttière  a  un  pié 
9  pouces  de  large.  Derrière  le  mât ,  il  y  a  un  ban  011 
les  iemelles  font  attachées ,  &  un  autre  au  bout  de  la 
couverte  de  l'arriére.  Les  femelles  ont  1 1  pies  6c  de- 
mi de  long  ,  2  pies  de  large  par-devant ,  4  pies  6c  de- 
mi par-derrière,  &  2  pouces  &  demi  d'épaifleur.  Le 
gouvernail  a  2  pies  &  demi  de  large  par  ie  haut ,  4 
pies  5  pouces  6c  demi  par  le  bas  ,  6c  d'épaifleur  par- 
devant  autant  que  l'étambord  :  mais  il  eft  un  peu  plus 
mince  par-derriere.  La  barre  du  gouvernail  a  8  pies 
de  long ,  4  pouces  d'épais  ,  6c  5  de  large.  Le  mât  a 
4Ï  pies  de  long.  Le  balefton  a  50  pies  de  Ion;1,.  Il  y 
a  dans  les  courcives  un  taquet  au-deffus  de  chaque 
c  !:uuon.  Les  branches  fupérieures  des  genoux 
aboutitlént  iur  la  préceinte.  (Z) 

CAHI  ou  CAHYS.  Voyer^  Cakys. 

CAHIER ,  f.  m.  c'eft  au  propre  l'affcmblage  de 
plufieurs  feuillets  de  papier  blancs  ou  écrits  ,  plies 
enlemble ,  fans  être  ni  attachés  ni  reliés.  On  a  tranf- 
porté  ce  nom  à  des  ouvrages  qui  le  dictent  fous  cette 
forme  :  ainfi  on  dit ,  des  cahiers  de  Philofophie ,  des  ca- 
hiers de  Droit ,  6cc. 

Cahier  ,  en  termes  de  Droit  public  ,  cft  la  fuppli- 
que  ou  le  mémoire  des  demandes,  des  propofitions , 
ou  remontrances  que  le  clergé  ou  les  états  d'une  pro- 
vince font  au  Roi.  (  H} 

Cahier;  les  Relieurs  appellent  cahier  les  feuilles 
d'un  livre  pliées  fuivant  leur  format.  Les  feuilles 
in-  4'.  6c  i«-8°.  ne  font  jamais  qu'un  cahier.  Il  faut 
deux  ou  trois  feuilles  in-fol.  pliées  l'une  dans  l'autre 
pour  faire  le  cahier  in-fol.  fuivant  que  \c  livre  eftim- 
pi  imé.  Les  in- 1 2  font  quelquefois  deux  cahiers  :  niais 
i  mvent  un  fcul.  Les  formats  au-defious  font 

toujours  plufieurs  cahiers.  I  oye\  Plier. 

CAHORLE  ou  CAORLE,  (Géog.  )  petite  île  du 
golfe  de  Venife  fur  les  côtes  c!u  Frioul  ,  avec  une 
ville  de  même  nom. 

C  AHCRS  ,  (  Géog.  )  ville  de  France ,  capitale  du 
Quercy  dans  la  Guicnne  fur  la  Lot.  Long,  ig  d.  j' . 
9".  Lit.  44*.  26'.  4". 

CAHYS  ,  f.  m.  (  Commerce.  )  mefurc  de  grains  dont 
on  le  fert  en  quelques  endroits  d'Efpagne  ,  particu- 
nent  à  Seville  &  à  Cadix.  Quatre  cakys  font  le 
fanega  ,  &  cinquante  fanegas  font  le  lait  d'Amfter- 
dam.  Il  faut  douze  anegias  pour  un  cahys.  l  oytr 
Fanega,  Last,  Anegka.  Diclionn.  du  Commerce , 
tome  II.  page  J 1 , 
Tome  11, 


C  A  I 


531 


Le  Cahys  cft  généralement  en  ufage  en  Ëfpacmé 
pour  les  marchandifes  feches  ;  l'anegra  tient  douze 
almudas ,  6c  Palmuda  répond  à  environ  fept  livres 
de  Hollande  ou  d'Amfterdam ,  6c  neuf  à  dix  onces. 

C  AI ,  (  Géog.  )  petit  royaume  dépendant  de  l'em- 
pire du  Japon ,  dans  l'île  de  Niphon. 

CAIABO,  (  Géog.  )  province  de  l'Amérique  fep- 
tentrionale  dans  l'île  Efpagnole. 

*  CAJ  AN  ou  KAYAN  ,  (  Hifl.  nat.  bot.  )  arbre 
des  Indes  d'une  grandeur  médiocre ,  dont  les  feuilles 
font  rondes  6c  attachées  trois  à  trois  comme  des  trè- 
fles à  l'arbre.  Il  porte  des  fleurs  d'une  odeur  agréa- 
ble ,  &  conferve  fa  verdure  i'hyvcr  &  l'été.  Il  pro- 
duit une  graine  ou  femence  qui  reffemble  à  des  pois 
chiches. 

CAJ  ANEBURG ,  (  Géog.  )  ville  forte  de  la  Suéde 
en  Finlande  ,  fur  le  lac  d'Uia. 

CAJANIE  ,  (  Géog.  )  grande  province  de  la  Fin- 
lande appartenante  aux  Suédois ,  iur  le  golfe  de  Both-^ 
nie  ,  dont  la  capitale  eft  Cajaneburg. 

CAJ  ARE  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  dans 
le  Quercy. 

CAJ  AZZO ,  (Géog.)  petite  ville  d'Italie  au  royau» 
me  de  Naples  ,  dans  la  terre  de  Labour.  Long.  32. 
lat.  41.  10. 

CAICHE  ,  forte  de  bâtiment.  Voyc\  Quai  c  HE. 
^  ÇAICS  ou  SAIQUES ,  f.  f.  pi.  (Hifl.  &  Navigat.) 
L'on  nomme  ainfi  de  petites  barques  qui  font  ordi- 
nairement attachées  aux  galères,  de  même  qu'une 
chaloupe  l'eft  aux  vaifleaux.  On  donne  aufFi  ce  nom 
à  des  bâtimens  dont  on  fe  fert  affez  communément 
en  Hongrie  pour  naviger  fur  le  Danube ,  aufli-bien 
qu'à  des  barques  couvertes  par  en-haut  de  peaux  d'a- 
nimaux ,  dont  les  Cofaques  fe  fervent  pour  pirater 
6c  croifer  fur  la  mer  Noire.  Une  çaïc  tient  quarante 
à  cinquante  hommes.  (  Z  ) 

CA1COS  ,  (  Géog.  )  îles  de  l'Amérique  ,  au  nord 
de  celle  de  Saint-Domingue  :  elles  font  au  nombre 
de  fix. 

CAIENNE  ou  CAYENNE,  {Géog.  )  île  de  l'A- 
mérique ,  avec  une  ville  de  même  nom ,  appartenant 
à  la  France,  f'oye-  Pfndtjle. 

CAIES ,  f.  f.  (  Marine.  )  c'eft  un  banc  de  fable  ou 
dé  toche,  couvert  d'une  vafe  épailfe  ou  de  quantité 
d'herbages  ,  quelquefois  à  fleur-d'eau  ,  6c  le  plus  fou- 
vent  couvert  de  tres-peu  d'eau  ,  fur  lequel  les  petits 
bâtimens  peuvent  échouer.  On  écrit  auffi  cayes.  (Z) 

CAJUMANE  ,  (Hifl.  nat.  bot.  )  c'eft  une  efpece 
de  canellier  lainage  qui  croît  dans  certains  pays 
des  Indes  orientales ,  dont  on  n'a  point  de  bonne  def- 
cription. 

CAIFUNG ,  (  Géog.  )  ville  d'Afie  dans  la  Chine , 
province  de  Honnang.  Long.  131.30.  Lit.  j3. 

CAILLE  ,  f.  f.  coturnix,  (  Hifl.  nat.  Ornith.  )  oi- 
feau  plus  petit ,  plus  large ,  6c  moins  reflerré  par  les 
côtés  que  le  râle.  Il  a  fept  pouces  de  longueur  de- 
puis la  pointe  du  bec  julqu'à  l'extrémité  de  la  queue, 
6c  treize  à  quatorze  pontes  d'envergure.  Le  bec  a  un 
peu  plus  d'un  demi-pouce  de  longueur  depuis  la  poin- 
te juiqu'aux  coins  delà  bouche  :  îleft  plus  applatique 
le  bec  des  autres  oileaux  de  ce  genre  ;  la  pièce  inté- 
rieure eft  noire  ,&  la  fupérieure  eft  légèrement  teinte 
de  brun,  cv  ion  extrémité  eit  pointue.  L'iris  des  yeux 
cft  couleur  de  noifette.  Le  ventre  &  la  poitrine  font 
d'un  jaune  pâle  mêlé  de  blanc  ,  ck  la  gorge  a  de  plus 
une  teinte  de  roux.  Il  y  a  fous  la  pièce  inférieure  du 
bec  une  large  bande  noirâtre  qui  s'étend  en  bas  ,  & 
au-deflus  des  yeux  une  ligne  blanchâtre  qui  pafle  fur 
le  milieu  de  la  tête ,  dont  les  plumes  font  noires ,  à 
l'exception  des  bords  qui  font  roux  ou  cendres.  Les 
plumes  du  deiîbus  du  cou,  6c  celles  qui  recouvrent 
le  dos ,  ont  chacune  à  leur  milieu  une  marque  de  cou- 
leur jaune-blanchâtre,  &le  refte  de  la  plume  eft  bi- 
garré de  noir  6i  de  roux  cendre.  On  voit  fous  les  ailes 

Xxx  ij 


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C  A  I 


C  A  I 


une  longue  bande  dont  le  milieu  eft  noir  &  les  côtés 
de  couleur  ronfle  mêlée  de  noir.  Les  grandes  plumes 
des  ailes  font  bnines  &  pariemées  de  lignes  tranfver- 
fales  de  couleur  roufle  pâle.  Les  petites  plumes  des 
ailes  qui  recouvrent  les  grandes  ,  font  preiqu'entie- 
rement  roufsâtres.  La  queue  eft  courte,  &  n'a  qu'un 
pouce  &  demi  de  longueur  ;  elle  eft  compofée  de 
douze  plumes  de  couleur  noirâtre  entremêlée  de  li- 
gnes tranfverfales  d'un  roux  peu  foncé.  Les  pattes 
font  de  couleur  pâle,  &  recouvertes  d'une  peau  divi- 
fée  plutôt  en  écailles  qu'en  anneaux  entiers.  Le  dei- 
fous  du  pié  eft  jaune  ;  le  doigt  extérieur  tient  par  une 
membrane  au  doigt  du  milieu  jufqu'à  la  première  ar- 
ticulation. Les  cailles  font  des  oifeaux  de  paflage  :  el- 
les quittent  ces  pays- ci  aux  approches  de  l'hyver  , 
pour  aller  dans  des  climats  plus  chauds  ,  &  elles  pal- 
ientles  merspour  y  arriver .Willughby,  Ornit.  Voye^ 
Oiseau. 

Caille  ,  (  roi  de  )  ortigometra ,  oifeau  qui  pefe  en- 
viron cinq  onces.  Il  a  treize  ou  quatorze  pouces  de 
longueur  depuis  la  pointe  du  bec  jufqu'à  l'extrémité 
des  ongles,  &C  onze  pouces,  fi  on  ne  prend  la  lon- 
gueur que  jufqu'au  bout  de  la  queue.  L'envergure 
eft  d'environ  un  pié  &  demi.  Le  bec  a  un  pouce  de 
longueur  depuis  fa  pointe  juiqu'aux  coins  de  la  bou- 
che. Le  corps  eft  applati  fur  les  côtés.  Le  bas  de  la 
poitrine  &  le  ventre  font  blancs.  Le  menton  eft  blanc; 
le  jabot  de  couleur  fale.  Il  y  a  fur  la  tête  deux  traits 
noirs  ;  le  milieu  des  plumes  du  dos  eft  de  même  cou- 
leur, &  les  bords  font  de  couleur  cendrée  roufle.  Les 
cuifles  font  marquées  de  bandes  tranfverfales  blan- 
ches. Il  y  a  vingt-trois  grandes  plumes  dans  chaque 
aile.  Les  petites  plumes  qui  recouvrent  les  grandes , 
font  de  couleur  de  fafran  en-deflus,  &  en-deflbus  de 
même  couleur  que  les  bords  des  grandes  plumes.  La 
queue  a  près  de  deux  pouces  de  longueur ,  &  elle  eft 
compofée  de  douze  plumes.  La  partie  fupérieure  du 
bec  eft  blanchâtre ,  &  l'inférieure  de  couleur  brune. 
Les  jambes  font  dégarnies  de  plumes  jufqu'au-deflus 
de  l'articulation  du  genou.  Les  pies  font  blanchâtres. 
On  dit  que  cet  oifeau  fert  de  guide  aux  cailles  lorf- 
qu'elles  paflent  d'un  pays  à  un  autre.  On  le  nomme 
rallus  ou  grallus  ;  parce  que  fes  jambes  font  fi  lon- 
gues qu'il  femble  marcher  fur  des  échafles.  Cet  oi- 
feau eft  excellent  à  manger  :  c'eft  pourquoi  on  dit 
vulgairement  que  c'eft  un  morceau  de  roi,  Willugh- 
by, Ornith.  Voye{  OlSEAU. 

Caille  de  Bengale,  {Hifl.nat.  Ornith.}  oi- 
feau un  peu  plus  gros  que  notre  caille  ;  fon  bec  eft 
d'une  couleur  de  frêne  lombre ,  tirant  fur  le  brun  ; 
les  coins  de  fa  bouche  font  rouges  ,  les  narines  font 
grandes  &  oblongues  ;  l'iris  des  yeux  eft  de  couleur 
blanchâtre  ;  le  fommet  de  la  tête  eft  noir  ;  au-deflbus 
de  ce  noir  il  y  a  une  couche  de  jaune ,  &  enfuite  une 
ligne  noire  qui  commence  auprès  des  coins  de  la 
bouche  ,  &C  qui  entoure  le  derrière  de  la  tête  :  au- 
deflbus  de  cette  bande ,  il  y  a  une  couche  de  blanc  ; 
la  poitrine  ,  le  ventre ,  &  les  cuifles  font  de  couleur 
de  buffle  pâle  &c  tirant  fur  le  jaune  ;  la  partie  de  def- 
fous  contiguë  à  la  queue  eft  tachetée  de  rouge  ;  le 
derrière  du  cou  &  les  plumes  qui  recouvrent  les  ai- 
les,  font  d'un  verd  jaunâtre ,  à  l'exception  d'une  mar- 
que d'un  verd  pâle  bleuâtre  qui  eft  à  la  naiflance  des 
ailes  &  d'une  autre  de  la  même  couleur  fur  le  crou- 
pion ;  les  grandes  plumes  des  ailes  font  noires  ,  &  il 
y  a  une  ligne  blanche  fur  les  petites  ;  les  jambes  & 
les  pattes  font  de  couleur  de  citron ,  &  les  ongles  font 
rougeâtres.  Hijl.  nat.  des  Oifeaux.  Derham.  Voye? 
Oiseau.  (/) 

*  Chajje  de  la  caille  ;  La  caille  fe  chafle  au  chien 
couchant  &  au  fufil ,  au  halier  &  à  la  tirafle.  Voye-^ 
Halier  ,  voye^  Tirasse.  La  chafle  de  la  caille  au 
chien  couchant  n'a  rien  de  particulier  ;  on  tend  le 
fcalier  en  zig-  zag  ;  c'eft  un  petit  filet  d'un  pié  de 


hauteur  au  plus,  qui  fe  tient  perpendiculaire  à  l'aide 
de  piquets  ;  on  a  un  appeau  ;  le  halier  fe  place  entre 
la  caille  &  le  chafleur  :  le  chafleur  contrefait  la  voix 
de  la  femelle  ;  &  les  mâles  accourant ,  fe  jettent  dans 
les  mailles  du  halier  dont  ils  ne  peuvent  plus  fe  dé- 
barrafler.  L'appeau  de  la  caille  eft  fait  d'une  petite 
bourfe  de  cuir  pleine  de  crin ,  à  laquelle  on  ajufte  un 
flfflet  fait  d'un  os  de  jambe  de  chat ,  de  cuiffe  d'oie , 
d'aile  de  héron  ,  &c.  qu'on  rend  fonore  avec  un  peu 
de  cire  molle  ;  ou  d'un  morceau  de  peau  mollette 
attachée  fur  un  fil  de  fer  en  fpirale,  &  collée  à  l'une 
de  fes  extrémités  fur  un  petit  morceau  de  bois  en 
forme  de  cachet ,  &  à  l'autre  extrémité  fur  un  petit 
fifflet  femblable  à  celui  du  premier  appeau.  On  tient 
celui-ci  de  la  main  gauche  appuyé  contre  le  côté 
droit ,  &  l'on  frappe  defliis  avec  le  doigt  index,  de 
manière  à  imiter  le  chant  de  la  caille.  L'autre  appeau 
a  un  fil  pafle  à  l'extrémité  du  petit  morceau  de  bois 
en  cachet  ;  on  prend  ce  fil  entre  le  pouce  &  Vindex 
de  la  main  gauche  ,  &  tenant  le  fifflet  de  la  droite  , 
on  pouffe  l'appeau  contre  les  doigts  de  la  gauche  , 
afin  de  le  faire  réfonner  convenablement.  On  peut 
au  lieu  d'appeau  fe  fervir  d'une  caille  femelle  qu'on* 
a  dans  une  cage  qi>'on  entoure  de  halier  ;  cette  mé- 
thode eft  la  plus  fùre.  Voye^  Planches  de  chaffe  en  A 
&  B  ,  les  deux  appeaux  dont  il  s'agit ,  &  en  C  le  ha- 
lier. 

On  rôtit  les  cailles  comme  tout  autre  gibier;  on 
les  met  en  ragoût ,  ou  on  les  fert  à  la  braile. 

*  Cailles  ,  (Mytk.)  Latone  perfécutée  par Ju- 
non ,  fut  changée  en  caille  par  Jupiter ,  &  fe  réfugia 
fous  cette  forme  dans  l'île  de  Delos.  Les  Phéniciens 
facrifioient  la  caille  à  Hercule  ,  en  mémoire  de  ce 
que  ce  héros  que  Typhon  avoit  tué  ,  fut  rappelle  à 
la  vie  par  l'odeur  d'une  caille  qu'Iolaus  lui  fit  fentir. 

C  AILLEBOTIS  ,  f.  m.  (  Marine.  )  c'eft  une  efpece 
de  treillis  fait  de  petites  pièces  de  bois  entrelacées 
&  miles  à  angle  droit.  Ils  font  bordés  par  des  hiloi- 
res ,  &  on  les  place  au  milieu  des  ponts  des  vaif- 
feaux.  Les  caillebotis  fervent  non-feulement  à  donner 
de  l'air  à  l'entre-deux  des  ponts  quand  les  fabords 
font  fermés  durant  l'agitation  de  la  mer  ,  mais  en- 
core à  faire  exhaler  par  ces  fortes  de  treillis  ,  la  fil- 
mée du  canon  qui  tire  fous  les  tillacs.  On  met  des 
prélarts  fur  les  caillebotis,  pour  les  couvrir ,  afin  que 
l'eau  de  la  mer  ne  tombe  pas  fous  les  ponts  dans  le 
gros  tems.  Voye{  Planche  Kl.  n°.  jô.  la  figure  d'un 
caillebotis.  Koye^  auffi  Planche  IK.fig.  l.  nu .  iz6.  le 
caillebotis  du  fécond  pont ,  n°.  l^y.  le  caillebotis  des 
gaillards ,  n° .  IÇ)l.  le  caillebotis  d' 'éperon. 

Le  caillebotis  eft  compofé  des  hiloires  ,  des  vafla- 
les  ,  &  des  lattes  ;  le  grand  caillebotis  dans  les  vaif- 
feaux  de  guerre  doit  avoir  fept  pies  de  large  dans  fort 
milieu  ;  les  hiloires  10  à  1 1  pouces  de  large  ,  fur  5 
à  6  d'épais  ;  les  vaflales  environ  2  pouces  &  demi 
de  large  ,  &  au  moins  2  pouces  d'épais  ;  les  lattes 
doivent  avoir  trois  pouces  &  demi  de  large  ,  &  plus 
de  demi-pouce  d'épais  ;  elles  font  pofées  fur  les  vaf- 
fales  par  la  longueur  du  vaiflëau. 

Le  petit  caillebotis  qui  eft  derrière  le  mât  doit  avoir 
trois  pies  en  quarré  ,  les  hiloires  fept  à  huit  pouces, 
les  lattes  trois  pouces  &  demi  de  large ,  &c  un  peu 
plus  de  demi-pouce  d'épais. 

Le  caillebotis  qui  eft  devant  la  grande  écoutille, 
&  celui  qui  eft  fur  le  château  d'avant ,  doivent  être 
de  même  largeur.  (  Z  ) 

CAILLELAIT  ,  f.  m.  gallium  ,  (  Hifl.  nat.  bot.  ) 
genre  de  plante  dont  la  fleur  eft  faite  en  forme  de 
cloche ,  ouverte  &  découpée.  Le  calice  devient  dans 
la  fuite  un  fruit  compofé  de  deux  femences  feches, 
dont  la  figure  reflèmble  pour  l'ordinaire  à  celle  d'un 
croiflant.  Ajoutez  aux  caractères  de  ce  genre,  que  les 
feuilles  ne  font  ni  rudes  ni  cotoneufes,  &  qu'il  y  en 
a  cinq  ou  fix  enfemble ,  ôc  même  davantage  autour 


C  A  I 

des  nœuds  des  tiges.  Tournefort,  Inft.  rei  htrb,  Voy. 
Plante.  (/) 

On  a  donné  ce  nom  François  à  la  plante  appellée 
gallium  luttum  ,  à  caufe  de  la  propriété  que  l'on  lui 
a  découverte  de  faire  cailler  le  lait.  On  fe  fert  du  cail- 
Itlait  contre  l'épileplie  ,  en  le  donnant  en  poudre  le 
matin  à  jeun ,  à  la  dote  d'un  gros  ;  ou  bien  on  fait 
prendre  quatre  onces  de  fon  iuc  dans  une  chopine 
d'eau  commune  ;  ou  enfin  on  fait  bouillir  une  poi- 
gnée de  cette  plante  dans  une  pareille  quantité  d'eau. 

On  lui  donne  auffi  la  propriété  d'arrêter  les  hé- 
morrhagies ,  fur-tout  celle  du  nez  ,  en  la  mettant  en 
poudre,  &  la  prenant  comme  du  tabac. 

Nota  ,  que  lorfqu'on  fait  une  infufion  de  gallium 
luttum  ou  cailklait ,  on  doit  la  faire  à  froid,  parce 
qu'en  la  mettant  dans  l'eau  bouillante  comme  le  thé, 
elle  perd  beaucoup  de  fa  vertu.  Il  faut  donc  la  met- 
tre infufer  le  foir  pour  la  prendre  le  lendemain.  (iV) 

CAILLER,  v.  n.  p.  {Chimie')  Cailler  &  coaguler 
font  mots  fynonymes  ;  cependant  cailler  ne  fe  dit  or- 
dinairement que  du  fang  &  du  lait,  &  plus  particu- 
lièrement du  lait.  On  ne  peut  dire ,  en  parlant  d'au- 
tres liqueurs ,  qu'elles  fe  caillent ,  ou  qu'on  les  fait 
cailler  ;  on  fe  fert  alors  du  terme  de  coaguler.  On  peut, 
en  parlant  du  fang ,  fe  fervir  également  du  terme  de 
coaguler ,  &  de  celui  de  cailler:  mais  en  parlant  du 
lait,  cailler  elt  un  terme  plus  propre  que  coaguler, 
foit  que  cela  fe  fafle  par  la  chaleur,  par  la  prefure, 
&c.  yoye{  Lait-pris  &  Petit-Lait. 

On  dit  aufîî  quelquefois  en  Chimie ,  en  parlant  du 
changement  qui  arrive  à  certaines  diflblutions ,  qu'el- 
les fe  caillent ,  comme  il  arrive  à  la  diflblution  d'ar- 
gent faite  par  l'acide  du  nitre ,  qui  fe  caille  lorfqu'on 
y  ajoute  de  l'acide  du  fel  marin ,  tk.  il  s'y  fait  un  pré- 
cipité en  caillé  blanc.  (A/) 

CAILLÉ  ,  f.  m.  qui  ne  doit  être  employé ,  propre- 
ment parlant ,  que  pour  fignifier  du  lait  caillé.  On  dit 
auffi  au  participe  paffif:  Caillé;  lait  caillé,  fang  caillé. 
De-là  vient  le  mot  caillebotte,  lait  caillé  en  petites 
maries.  Vo-ji  Lait. 

CAILLETTE  ,  f.  f.  la  partie  du  veau  oii  fe  trouve 
la  prefure  à  cailler  le  lait.  La  caillette  elt  le  dernier 
eftomac  de  ces  animaux  :  les  animaux  ruminans  ont 
quatre  eltomacs  différens  ;  favoir  la  panfc  ,  le  refeau, 
le  feuillet ,  &  la  caillette.  Voyt{  Rumination.  (M) 

C  A I L  LI Q  U  E,  poiflbn  de  mer.  Voye^  Haren- 
GAde. 

CAILLOT  ,  f.  m.  qui  ne  fe  dit  que  du  fang  caillé 
en  petites  mafîes. 

CAILLOU ,  fdex ,  (  Hijl.  nat.  )  matière  vitrifiable 
produite  par  Fargille  tk  analogue  au  fable  vitrifia- 
ble ,  grès ,  granit ,  &c.  Il  y  a  des  carrières  de  cailloux 
où  cette  matière  elt  difpofée  en  grandes  mafTes  & 
par  couches  ;  il  y  a  auffi  dans  diftérens  pays  des  cail- 
loux en  petite  mafle  &  répandus  en  très-grande  quan- 
tité ,  foit  à  la  furface ,  foit  à  l'intérieur  de  la  terre. 
Ainli  la  matière  du  caillou  elt  une  de  celles  qui  tom- 
bent le  plus  fouvent  fous  les  yeux  ,  &  qu'il  importe 
par  conféquent  de  connoître  le  mieux.  Or  pour  la 
confidérer  tous  deux-  afpects  ;  l'un  relatif  à  l'Hiltoire 
naturelle,  l'autre  à  la  Chimie:  nous  allons  commen- 
cer par  le  premier.  Voici  comment  M.  de  Buffon 
explique  la  formation  du  caillou ,  Hijl.  nat.  tome  I. 
p.  25,g. 

«Je  conçois,  dit-il,  que  la  terre  dans  le  premier 
»  état  étoit  un  «lobe  ,  ou  plutôt  une  fphéroïde  de 
»  matière  vitrifiée  de  verre  ,  fi  l'on  veut  très-com- 
>»  pacte,  couverte  d"une  croûte  légère  Cv  friable, 
»  formée  par  les  feorics  de  la  matière  en  fufion 
»  d'une  véritable  pierre- ponce  :  le  mouvement  tk 
»  l'agitation  des  eaux  &  de  l'air  briferent  bientôt  & 
»  réduifirent  en  poufficre  cette  croûte  de  verre  lpon- 
»  gieufe  ,  cette  pierre-ponce  qui  étoit  à  la  fui-face  ; 
»  de-là  les  fables  qui  en  s'uniflant,  produinrent  en- 


C  A  I 


533 


»  fuite  les  grès  &  le  roc  vif,  ou  ce  qui  elt  la  même 
»  choie,  les  cailloux  m  grande  malle,  qui  doivent 
»  aufli-bicn  que  les  cailloux  en  petite  mafle ,  leur  du- 
»  rete  ,  leur  couleur ,  ou  leur  tranfparence ,  &  la  va- 
»  nete  de  leurs  accidens  ,  aux  différens  degrés  de 
»  pureté  &  à  la  finefle  des  grains  de  fable  qui  font 
»  entres  dans  leur  compofition. 

»  Ces  mêmes  fables  dont  les  parties  confirmantes , 
»  s  unifient  par  le  moyen  du  feu  ,  s'affimilent  &  de- 
»  viennent  un  corps  dur  très-denfe ,  &  d'autant  plus 
»  tranfparent ,  que  le  fable  elt  plus  homogène  ;  ex- 
»  pôles  au  contraire  long-tems  à  l'air  ,  ils  le  déc'om- 
»  pofent  par  la  defunion  &  l'exfoliation  des  petites 
»  lames  dont  ils  font  formés ,  ils  commencent  à  de» 
»  venir  terre  ;  &  c'elt  ainfi  qu'ils  ont  pu  former  les 
»  glaifes  &  les  argilles.  Cette  poufficre,  tantôt  d'un 
»  jaune  brillant ,  tantôt  femblable  à  des  paillettes 
»  d^argent ,  dont  on  fe  fert  pour  lécher  l'écriture  , 
»  n'elt  autre  chofe  qu'un  fable  très-pur  ,  en  quelque 
»  façon  pourri ,  prefque  réduit  en  fes  principes ,  tk. 
»  qui  tend  à  une  décompofition  parfaite  ;  avec  le 
>►  tems  ces  paillettes  fe  feroient  atténuées  &  divifées 
»  au  point ,  qu'elles  n'auroient  plus  eu  allez  d'épaif- 
»  feur  &  de  furface  pour  refléchir  la  lumière ,  &  elles 
»  auraient  acquis  toutes  les  propriétés  des  glaifes» 
»  Qu'on  regarde  au  grandjour,un  morceau  d'argille, 
»  on  y  appercevra  une  grande  quantité  de  ces  paib 
»  Jettes  talqueufes ,  qui  n'ont  pas  encore  entièrement 
»  perdu  leur  forme.  Le  fable  peut  donc  avec  le  tems 
»  produire  l'argille  ,  &  celle-ci  en  fe  divilant  acquiert 
»  de  même  les  propriétés  d'un  véritable  limon,  ma- 
»  tiere  vitrifiable  comme  l'argille ,  &  qui  eft  du  mê- 
»  me  genre. 

»  Cette  théorie  elt  conforme  à  ce  qui  fe  pafle  tous 
»  les  jours  fous  nos  yeux  ;  qu'on  lave  du  fable  for* 
»tant  de  fa  minière,  l'eau  le  chargera  d'une  aflez 
»  grande  quantité  de  terre  noire ,  dudtile ,  grafle ,  de 
»  véritable  argdle.  Dans  les  villes  où  les  rues  font 
»  pavées  de  grès  ,  les  boues  font  toujours  noires  & 
»  très-grafles  ;  &  deflechées ,  elles  forment  une  terre 
»  de  la  même  nature  que  l'argille.  Qu'on  détrempe 
»  &  qu'on  lave  de  même  l'argille  prife  dans  un  ter- 
»  rein  oii  il  n'y  a  ni  grès  ni  cailloux  ,  il  fe  précipitera 
»  toujours  au  tond  de  l'eau  une  aflez  grande  quantité 
»  de  fable  vitrifiable. 

»  Mais  ce  qui  prouve  parfaitement  que  le  fable ,  & 
»  même  le  caillou  &  le  verre  exiltent  dans  l'argille, 
»  &  n'y  font  que  déguifés,  c'elt  que  le  feu  en  réu- 
»  niflant  les  parties  de  celle-ci ,  que  l'a£Hon  de  l'air 
»  &  des  autres  élémensavoit  peut-être  divifées,  lui 
»  rend  fa  première  forme.  Qu'on  mette  de  l'argille 
»  dans  un  fourneau  de  réverbère  échauffe  au  degré  de 
»  la  calcination  ,  elle  fe  couvrira  au-dehors  d'un 
»  émail  très-dur  ;  li  à  l'extérieur  elle  n'elt  point  en- 
»  core  vitrifiée  ,  elle  aura  cependant  acquis  une  très- 
»  grande  dureté  ;  elle  réliltera  à  la  lime  &  au  burin  ; 
»  elle  étincellera  fous  le  marteau  ;  elle  aura  enfin 
»  toutes  les  propriétés  du  caillou  :  un  degré  de  cha- 
»  leur  de  plus  la  fera  couler  ,  &;  la  convertira  en  un 
»  véritable  verre. 

»  L'argille  e^  le  fable  font  donc  des  matières  par- 
•>  faitement  analogues  &  du  même  genre.  Si  Pareil- 
»  le  en  le  condenlant  peut  devenir  dq  caillou,  du 
»  verre  ,  pourquoi  le  fable  en  fe  divilant  ne  pour- 
»  roit-il  pas  devenir  de  l'argille  ?  le  verre  paraît  être 
»  la  véritable  terre  élémentaire ,  &  tous  les  mixtes  un 
»  verre  déguifé  ;  les  métaux  ,  les  minéraux  ,  les  fels, 
»  &c.  ne  font  qu'une  terre  vitrcfcible  ;  la  pierre  or- 
»  dinaire  ,  les  autres  matières  qui  lui  font  analogues  , 
»  &  les  coquilles  des  teltacées,  des  enntacées,  &t 
»  font  les  feules  fubltances  qu'aucun  agent  connu  n'a 
»  pu  jufqu'à  préfent  vitrifier  ,  Cv  les  leides  qui  fem- 
»  blent  faire  une  clafle  à  part.  Le  teu  en  réunifiant 
»  les  parties  divifées  des  premières ,  en  fait  une  ma- 


534 


C  A  I 


»  tiere  homogène  ,  dure ,  tranfparente  à  un  certain 
»  degré  ,  fans  aucurfe  diminution  de  pefanteur  ,  &  à 
»  laquelle  il  n'eft  plus  capable  de  caufer  aucune  al- 
v  tération  ;  celles-ci  au  contraire ,  dans  lesquelles  il 
»  entre  une  plus  grande  quantité  de  principes  actifs 
»  &  volatils ,  &  qui  fe  calcinent ,  perdent  au  feu  plus 
h  du  tiers  de  leur  poids  ,  &  reprennent  Simplement 
»  la  forme  de  terre  ,  fans  autre  altération  de  leurs 
»  principes  ;  ces  matières  exceptées,  qui  ne  font  pas 
»  en  grand  nombre ,  &  dont  les  combinaifons  ne  pro- 
»  duifent  pas  de  grandes  variétés  dans  la  nature , 
»  toutes  les  autres  fubftances ,  &  particulièrement 
»  Pargille ,  peuvent  être  converties  en  verre  ,  &  ne 
»  font  efïentiellement  par  conféquent  qu'un  verre  dé- 
»  compofé.  Si  le  feu  fait  changer  promptement  de 
»  forme  à  ces  fubftances,  en  les  vitrifiant,  le  verre 
»  lui-même  ,  foit  qu'il  ait  fa  nature  de  verre ,  ou  bien 
»  celle  de  fable  &  de  caillou ,  fe  change  naturelle- 
»  ment  en  argille ,  mais  par  un  progrès  lent  &  infen- 
»  fible. 

»  Dans  les  terreins  où  le  caillou  eft  la  pierre  domi- 
»  nante ,  les  campagnes  en  font  ordinairement  jon- 
»  chées  ;  &  li  le  lieu  eft  inculte  ,  &  que  ces  cailloux 
»  ayent  été  long-tems  expofés  à  l'air  fans  avoir  été 
»  remués ,  leur  fuperfîcie  eft  toujours  très-blanche  , 
»  tandis  que  le  côté  oppofé  qui  touche  immédiate- 
»  ment  la  terre  ,  eft  très-brun  &  conferve  fa  couleur 
»  naturelle.  Si  on  cafTe  plufieurs  de  ces  cailloux ,  on 
»  reconnoitra  que  la  blancheur  n'eft  pas  feulement 
»  au  dehors  ,  mais  qu'elle  pénètre  dans  l'intérieur 
»►  plus  ou  moins  profondément ,  &  y  forme  une  ef- 
»  pcce  de  bande  ,  qui  n'a  dans  de  certains  cailloux 
»  que  très-peu  d'épailTeur  ;mais  qui  dans  d'autres  oc- 
»  cupe  prelque  toute  celle  du  caillou.  Cette  partie 
»  blanche  eft  un  peu  grenue ,  entièrement  opaque , 
»>  aulîi  tendre  que  la  pierre;  &  elle  s'attache  à  la  lan- 
»  gue  comme  les  bols  ,  tandis  que  le  reite  du  caillou 
»  eft  liffe  &c  poli ,  qu'il  n'a  ni  fil  ni  grain  ,  6c  qu'il  a 
»  conferve  fa  couleur  naturelle ,  fa  tranfparence  & 
»  fa  même  dureté.  Si  on  met  dans  un  fourneau  ce  mê- 
»  me  caillou  à  moitié  décompolé ,  fa  partie  blanche 
»  deviendra  d'un  rouge  couleur  de  tuile ,  &  fa  par- 
»  tie  brune  d'un  très-beau  blanc.  Qu'on  ne  dife  point 
»  avec  un  de  nos  plus  célèbres  naturaliftes ,  que  ces 
»  pierres  font  des  cailloux  imparfaits  de  différens 
»  âges ,  qui  n'ont  point  encore  acquis  leur  perfec- 
»  tion  ;  car  pourquoi  feroient-ils  tous  imparfaits  ? 
»  pourquoi  le  feroient-ils  tous  d'un  même  côté  ,  & 
»  du  côté  qui  eft  expofé  à  l'air  ?  il  me  femble  qu'il  eft 
»  ailé  au  contraire  de  fe  convaincre  que  ce  font  des 
»  cailloux  altérés ,  décompofés ,  qui  tendent  à  repren- 
»  dre  la  forme  &  les  propriétés  de  Pargille  &  du  bol, 
»  dont  ils  ont  été  formés. 

»  Si  c'eft  conjecturer  que  de  raifonner  ainfi,  qu'on 
»  expofe  en  plein  air  le  caillou  le  plus  caillou  (  comme 
»  parle  ce  fameux  naturalifte  )  le  plus  dur  &  le  plus 
»  noir  ,  en  moins  d'une  année  il  changera  de  couleur 
»  à  la  furface  ;  &  fi  on  a  la  patience  de f uivre  cette  ex- 
»  périence ,  on  lui  verra  perdre  infenflblement  &  par 
»  degrés  fa  dureté ,  fa  tranfparence  &  fes  autres  ca- 
»  raderes  Spécifiques ,  &  approcher  de  plus  en  plus 
»  chaque  jour  de  la  nature  de  l'argille. 

»  Ce  qui  arrive  au  caillou  arrive  au  fable  ;  chaque 
»  grain  de  fable  peut  être  confidéré  comme  un  petit 
»  caillou ,  &  chaque  caillou  comme  un  amas  de  grains 
»  de  Sab!e  extrêmement  fins  &  exactement  engrenés. 
»  L'exemple  du  premier  degré  de  décompolition  du 
»  fable  fe  trouve  dans  cette  poudre  brillante  ,  mais 
»  opaque ,  mica ,  dont  nous  venons  de  parler ,  &  dont 
»  l'argille  &  l'ardoife  font  toujours  parfemées  ;  les 
»  cailloux  entièrement  tranfparens  ,  les  quartz  pro- 
»  duifent ,  en  fe  décompofant ,  des  talcs  gras  &  doux 
»  au  toucher  ,  auiij  paitriffables  &  duûiles  que  la 
h  glaiiè,  &  vitrifiables  comme  elle,  tels  que  ceux  de 


C  A  I 

»  Venife  &  de  Mofcovie.  Il  me  paroît  que  le  talc  elî 
»  un  terme  moyen  entre  le  verre  ou  le  caillou  tranf- 
»  parent  &  l'argille  ;  au  lieu  que  le  caillou  grofficr  Si. 
»  impur ,  en  fe  décompofant ,  paffe  à  l'argille  fans  in- 
»  termede. 

»  Nous  avons  dit  qu'on  pouvoit  divifer  toutes  les 
»  matières  en  deux  grandes  claffes ,  &  par  deux  ca- 
»  racteres  généraux  ;  les  unes  font  vitrifiables  ,  les 
»  autres  font  calcinables  ;  l'argille  &  le  caillou ,  la 
»  marne  &  la  pierre  ,  peuvent  être  regardées  corn- 
»  me  les  deux  extrêmes  de  chacune  de  ces  claffes  , 
»  dont  les  intervalles  font  remplis  par  la  variété 
»  prefque  infinie  des  mixtes  ,  qui  ont  toujours  pour 
»  bafe  l'une  ou  l'autre  de  ces  matières. 

»  Les  matières  de  la  première  clafîe  ne  peuvent 
»  jamais  acquérir  la  nature  &  les  propriétés  de  cel- 
»  le  de  l'autre;  la  pierre  quelqu'ancienne  qu'on  la 
»  fuppofe ,  fera  toujours  aufîi  éloignée  de  la  nature 
»  du  caillou,  que  l'argille  l'eft  de  la  mai  ne  :  aucun 
»  agent  connu  ne  Sera  jamais  capable  de  les  San  e  ior«- 
»  tir  du  cercle  de  combinaifons  propres  à  leur  natu- 
»  re  ;  les  pays  où  il  n'y  a  que  des  marbres  &  de  la 
»  pierre ,  aufli  certainement  que  ceux  où  il  n'y  a  que 
»  du  grès ,  du  caillou  ,  &  du  roc  vif,  n'auront  jamais 
»  de  la  pierre  ou  du  marbre. 

»  Si  l'on  veut  obfèrver  l'ordre  Se  la  distribution 
»  des  matières  dans  une  colline  compofée  de  matie- 
»  res  vitrifiables  ,  comme  nous  l'avons  Sait  tout  à 
»  l'heure  dans  une  colline  compofée  de  matières  cal- 
»  cinables  ,  on  trouvera  ordinairement  fous  la  pre- 
»  miere  couche  de  terre  végétale  un  lit  de  glaife  ou 
»  d'argille ,  matière  vitritiable  &  analogue  au  caillou, 
»  &  qui  n'eft  ,  comme  je  l'ai  dit ,  que  du  Sable  vitri- 
»  fiable  décompolé  ;  ou  bien  on  trouve  fous  la  terre 
»  végétale ,  une  couche  de  fable  vitrifîable  ;  ce  lit 
»  d'argille  ou  de  iable  répond  au  lit  de  gravier  qu'on 
»  trouve  dans  les  collines  compofées  de  matières  cal- 
»  cinables  ;  après  cette  couche  d'argille  ou  de  fable  , 
»  on  trouve  quelques  lits  de  grès ,  qui ,  le  plus  fou- 
»  vent  n'ont  pas  plus  d'un  demi  pié  d'épaifTeur,  & 
»  qui  font  divifésen  petits  morceaux  par  une  infinité 
»  de  fentes  perpendiculaires  ,  comme  le  moellon  du 
»  troiiiemc  lit  de  la  colline,  compofée  de  matières  cal- 
»  cinables  ;  fous  ce  lit  de  grès  on  en  trouve  plufieurs 
»  autres  de  la  même  matière  ,  &c  aufli  des  couches 
»  de  fable  vitrifîable,  &  le  grès  devient  plus  dur,  & 
»  fe  trouve  en  plus  gros  blocs  à  mefure  que  l'on  def- 
»  cend.  Au-dcfîbus  de  ces  lits  de  grès ,  en  trouve  une 
>>  matière  très-dure  ,  que  j'ai  appellée  du  roc  vif,  ou 
»  du  caillou  en  grande  majfe  :  c'eft  une  matière  très- 
>>  dure ,  très-denie,  &  qui  réfifte  à  la  lime ,  au  burin  , 
»  à  tous  les  efprits  acides ,  beaucoup  plus  que  n'y  ré- 
»  Sfre  le  fable  vitrifîable  ,  &  même  le  verre  en  pou- 
»  dre ,  fur  lefquels  Feau-forte  paroit  avoir  quelque 
»  prife  ;  cette  matière  frappée  avec  un  autre  corps 
»  dur  jette  des  étincelles  ,  &  elle  exhale  une  odeur 
»  de  foufre  très-pénétrante.  J'ai  crû  devoir  appeller 
»  cette  matière  du  caillou  en  grande  majje  ,•  il  eft  or- 
»  dinairement ftratifîé  fur  d'autres  lits  d'argille,  d'ar- 
»  doife  ,  de  charbon  de  terre  ,  de  fable  vitrifîable 
»  d'une  très-grande  épaifTeur,  &  ces  lits  de  cailloux 
»  en  grande  majje,  répondent  encore  aux  couches  de 
»  matière  dures  ,  &  aux  marbres  qui  fervent  de  bafe 
»  aux  collines  compofées  de  matières  calcinables. 

»  L'eau,  en  coulant  par  les  fentes  perpendiculai- 
»  res  &c  en  pénétrant  les  couches  de  ces  fables  vitri- 
»  fiables ,  de  ces  grès ,  de  ces  argilles ,  de  ces  ardoi- 
»  fes ,  fe  charge  des  parties  les  plus  fines  &  les  plus 
»  homogènes  de  ces  matières ,  &  elle  en  forme  plu- 
»  fieurs  concrétions  différentes ,  telles  que  les  talcs, 
»  les  amiantes ,  &  plufieurs  autres  matières ,  qui  ne 
»  font  que  des  productions  de  ces  ftillations  de  ma- 
»  tieres  vitrifiables. 

»  Le  caillou,  malgré  fon  extrême  dureté  &  fa  gran« 


C  A  I 

5>  de  denfité ,  a  auffi ,  comme  le  marbre  ordinaire  ck 
»  comme  la  pierre  dure  ,  Tes  exudations  ;  d'où  réful- 
»  tent  des  ftalaôites  de  différentes  efpeces  ,  dont  les 
»  variétés  dans  la  tranfparence  des  couleurs  ck  la  con- 
»  figuration  l'ont  relatives  à  la  différente  nature  du 
»' caillou  qui  les  produit,  6k  participent  auffi  des  dif- 
»  férentes  matières  métalliques  ou  hétérogènes  qu'il 
«^contient  :  le  cryftal  de  roche  ,  toutes  les  pierres 
»  précieufes,  blanches  ou  colorées,  &  même  le  dia- 
»  mant,  peuvent  être  regardées  comme  des  ftala&i- 
»  tes  de  cette  efpecc. 

»  Les  cailloux  en  petite  maffe,  dont  les  couches  font 
»  ordinairement  concentriques ,  font  auffi  des  ftalac- 
»  tites  &  des  pierres  parantes  du  caillou  en  grande 
»  maffé ,  &  la  plupart  des  pierres  fines  opaques  ne 
»  font  que  des  efpeces  de  caillou.  Les  matières  du 
»  genre  vitrifiable  produifent,  comme  l'on  voit,  une 
»  auffi  grande  variété  de  concrétions ,  que  celle  du 
»  genre  calcinable;  ck  ces  concrétions  produites  par 
»  les  cailloux ,  font  prefque  toutes  des  pierres  dures 
»  6k  précieufes;  au  lieu  que  celles  de  la  pierre  calci- 
»  nable  ne  font  guère  que  des  matières  tendres  6k  qui 
»  n'ont  aucune  valeur  ».  (/) 

Nous  allons  ajouter  ici  pluficurs  obfervations  6k 
conjectures  fur  le  caillou ,  qui  fe  trouvent  répandues 
dans  les  opufcules  minéralogiques  de  M.  Henckel  , 
êk  dans  le  commentaire  de  M.  Zimmermann  fur  ces 
opufcules  ,  ouvrages  Allemands  ,  qui  n'ont  jamais 
paru  en  François;  laiflant  au  lecteur  à  décider  de  ce 
qu'elles  peuvent  avoir  de  favorable  au  fyftème  de 
M.  de  Buffon. 

M.  Henckel  penfe  que  le  caillou,  dans  fa  première 
origine,  a  été  formé  par  de  la  marne,  tonde  lur  ce  que 
la  marne  fans  addition  a  la  propriété  de  fe  durcir  dans 
le  feu ,  au  point  de  donner  des  étincelles  lorfqu'on  la 
frappe  avec  l'acier  ,  ce  qui  fait  une  des  principales 
propriétés  du  caillou  :  mais  il  ne  peut  pas  croire  que 
dans  fa  formation  le  feu  doive  être  regardé  com- 
me agent  extérieur.  //  ejl  vrai ,  dit-il ,  que  le  caillou  ejl 
vitreux  ,  ainfi  qu'il  ejl  vifible  quand  il  a  la  pureté  &  la 
tranfparence  du  cryjial:  mais  il  ne  fe  trouve  point  dans 
les  entrailles  de  la  terre  un  feu  affe~  violent  pour  vitrifier, 
à  r  exception  des  volcans  qui  jettent  des  flammes ,  &  dont 
le  feu  dejlruclif  n  ell  qri  accidentel  &  incapable  de  produire 
aucun  être ,  &  que  d'ailleurs  la  nature  ejl  lente  dans  tou- 
tes fes  opérations:  d'où  l'on  voit  que  M.  de  Buffon  6k 
M.  Henckel  ont  été  portés  l'un  6i  l'autre  à  croire,  par 
l'infpc&ion  du  caillou ,  que  c'étoit  une  matière  don- 
née par  le  feu  ;  mais  que  M.  Henckel  ne  s'eft  écarté 
de  cette  idée ,  que  parce  qu'il  ne  rencontrait  point 
dans  les  entrailles  de  la  terre  un  principe  de  vitrifi- 
cation,  ce  que  M.  de  Ruftbn  lui  accordera  fort  vo- 
lontiers ,  puifqu'il  remonte  beaucoup  plus  loin  pour 
trouver  ce  principe,  cv  le  déduit  du  fyftème  général. 

M.  Zimmermann  dit  que  fi  l'on  vient  à  cafter  un 
caillou ,  on  le  trouvera  feuilleté  &  tranchant  à  l'en- 
droit où  il  aura  été  cafté  ;  qU<  oux  font  tou- 
jours plus  durs ,  plus  purs ,  &  plus  tranfparens  vers  le 
milieu  ou  le  centre  ,  ce  qu'il  appelle  lé  grain  intérieur , 
qu'à  l'enveloppe;  d  ce  grain  central  fe 
diftingue  toujours  des  autres  parties  environnantes  , 
qui  font  plus  molles  6k  moins  compactes;  qu'il  a  ren- 
contré dans  plufieurs  caillou?,  deux  ,  trois,  &  même 
davantage  de  ces  grains  ou  centres  ,  à  cote  les  uns 
des  autres,  &  féparés  feulement  par  la  partie  molle 
&  rare  du  caillou,  de  forte  qu'un  grand  caillou  à  plu- 
fieurs grains  lui  parut  être  un  aftemblage  de  cailloux 
petits ,  fondus  enieinble  ,  6k  réunis  de  quelque  façon 
que  ce  fût;  que  quand  on  polit  les  cailloux  ,  ils  de- 
viennent tranfparens,  mais  qu'ils  le  deviennent  en- 
core plus ,  quand  on  n'en  polit  que  les  grains  ;  que 
s'étant  informé  des  lapidaires,  s'il  étoit  vrai,  ainfi 
cju'on  le  difoit  &  qu'Henckel  conleilloit  de  le  recher- 


C  A  I 


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cher  ,  que  le  caillou  contient  du  cryftal ,  ils  avoierit 
varié  dans  leur  rapport ,  les  uns  Pafi'ûrant ,  les  autres 
le  mant,  mais  tous  convenant  de  ce  qu'il  vient  de 
dire  fur  le  grain  intérieur,  6k  s'accordant  à  le  regar- 
der comme  plus  cryftallin  que  le  refte  du  caillou; qu'il 
s'enfuit  cle-là  ,  que  puifqne  le  caillou  eft  tranfparent 
&  pur,  il  faut  qu'il  ait  été  dans  fon  principe  fous  une 
forme  liquide  ;  car  la  tranfparence  fuppofe  un  ordre, 
un  arrangement,  &  une  forte  de  iymmétrie  dans  les 
parties  qu'on  ne  peut  trouver  que  dans  un  fluide  ; 
que  le  caillou  étant  gerfé  6k  plein  de  crevaffes ,  il  eft 
clair  que  la  matière  en  eft  aigre  ,  qualité  qui  vient 
apparemment  d'une  condenfation  fubke,  comme  on 
le  remarque  aux  larmes  de  verre  qu'on  éteint  dans 
l'eau,  &  à  tous  les  verres  qui  fe  refroidiffent  fubite- 
ment ,  ce  qui  rend  en  même-tems  le  grain  intérieur 
plus  clair  ck  plus  compact  que  l'enveloppe  ,  parce 
qu'il  n'a  pas  été  faifi  ou  condenfé  fi  promptement  ; 
que  fi  les  cailloux  font  fi  petits ,  c'eft  une  preuve  nou- 
velle de  la  promptitude  du  refroidifTement  &  de  la 
condenfation  qui  a  occafionné  l'effraclion  ;  en  un 
mot ,  que  nous  pouvons  tenir  pour  certain  ,  i°.  que 
le  caillou  a  été  originairement  liquide  :  2°.  qu'il  a 
été  faifi  6k  condenfé  fubitement  ;  d'où  il  fuit ,  félon 
lui,  que  s'il  n'eût  pas  été  interrompu  dans  fa  forma- 
tion ,  il  ferait  devenu  un  corps  plus  pur  Ô:  plus  par- 
fait ;  que  la  caufe  de  ce  faififîcment  ck  de  cette  con- 
denfation fubite  a  été  tout-à-fait  accidentelle  ,  hors 
de  l'ordre  commun  ,  ck  extraordinaire  ;  6c  que  c'eft- 
là  ce  qui  nous  rend  obfcure  la  formation  des  cailloux. 
Ainfi  parlent  deux  grands  obfervateurs  de  la  natu- 
re ;  6k  quelle  preuve  M.  de  Buffon  n'en  auroit-il  pas 
tirée  en  faveur  de  fon  fyfteme  du  monde  ,  fi  ces 
autorités  lui  avoient  été  connues  ? 

Voilà  ce  que  les  Naturaliftes  penfent  du  caillou  ; 
voici  maintenant  le  fentiment  des  Chimiftes  fur  la 
même  fubftance.  Le  caillou  eft  une  pierre  qui  eft 
dans  la  claffe  des  terres  ou  pierres  vitrifiables ,  non 
pas  qu'il  fe  vitrifie  tout  feul  êk  fans  addition  ,  mais 
il  faut  pour  cela  qu'il  foit  mêlé  avec  fuffifante  quan- 
tité de  Ici  alkali.  A 'oyerj 'article  CRYSTAL  FACTICE. 
Un  de^  caractères  diftinôifs  du  caillou ,  eft  de  faire 
feu  lorfqu'il  eft  frappé  avec  l'acier;  M.  Cramer  dit 
que  fi  on  regarde  avec  le  microfeope  les  étincelles 
que  l'acier  en  fait  partir,  on  les  trouvera  tout-à-fait 
femblables  à  des  feories  de  fer  mêlées  d'un  peu  de 
ce  métal  &  de  caillou  vitrifié.  On  trouve  par  l'exa- 
men du  feu  de  la  différence  entre  les  cailloux  ;  il  y 
en  a  qui  n'entrent  que  très -difficilement  en  fufion 
au  feu  de  réverbère ,  tandis  que  d'autres  fe  fondent 
affez  facilement  :  mais  ce  n'eft  jamais  que  par  l'ad- 
dition de  plus  ou  de  moins  de  fel  alkali.  Cependant 
M.  Henckel  parle  ,  dans  fes  opufcules  minéralogi- 
ques ,  d'une  efpece  de  caillou  qui  lui  fut  envoyé,  qui 
entroit  en  fufion  fans  aucune  addition ,  ck  formoit 
en  fondant  une  mafte  noire.  Il  allure  la  même  chofe 
d'une  forte  de  pierre  à  fufil  qui  le  trouve,  quoique 
rarement,  dans  des  couches  de  terre  argilletrfe  près 
de  Waldenburg.  Le  fable  ne  doit  être  regardé  que 
comme  un  amas  de  petits  cailloux,  auffi  en  a-t-il 
toutes  les  propriétés.  Voye^  l'article  ACIER. 

Les  cailloux  ont  bien  des  formes  ck  couleurs 
rente  :  les  M  incs  font  regardés  comme  les  meilleurs 
dans  l'ufage  de  la  verrerie.  Les  taches  ou  veines  rou- 
ges qu'on  y  remarque  ,  ne  font  autre  choie  que  du 
ter  qui  s'y  eft  attaché  extérieurement  ;  mais  lorl- 
qu'on  veut  les  employer  dans  l'art  de  la  verrerie,  il 
tant  avoir  foin  d'en  féparer  la  partie  métallique,  de 
peur  qu'elle  ne  donne  une  couleur  au  verre. 

M.  Henckel  dit  avoir  trouve  dos  cailloux  de  ri- 
vière qui  devenoient  plus  pefans  au  fou  ;  fur  quoi 
fon  commentateur  remarque  que  li  le  tait  étoit  bien 
prou\  é  ,  ce  ferait  un  triomphe  pour  ceux  qui ,  com- 
me Boyle ,  penfent  que  les  particules  ignées  ont  eu 


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C  A  I 


poids,  &  doivent  par  conféquent  augmenter  celai 
des  corps  où  elles  entrent. 

Bêcher  le  vante  d'avoir  réduit  les  cailloux  en  une 
fubftance  gradffe  ,  huileufe ,  &  mucilagineufe  ,  fem- 
blable  à  de  la  gelée  ,  6c  qui  pouvoit  le  pétrir  com- 
me de  la  cire  ,  en  les  railant  rougir  au  feu,  &  en  en 
raiiant  l'extinction  dans  l'eau.  Le  même  auteur  pré- 
tend tirer  de  cette  liqueur  un  fel  verd  &  une  huile 
rougeâtre ,  qui  a ,  félon  lui ,  la  propriété  de  précipi- 
ter le  mercure  ,  &  de  le  fixer  en  partie  beaucoup 
mieux  que  ne  peut  faire  l'huile  de  vitriol.  Mais  ces 
grandes  promenés  ont  bien  l'air  d'être  du  genre  mer- 
veilleux de  celles  que  tous  les  Alchimift.es  affectent 
de-  faire  fans  jamais  les  tenir. 

Si  on  mêle  deux  ou  trois  parties  de  fel  de  tartre  avec 
une  partie  de  caillou  bien  pulverifé  ,  qu'on  mette 
ce  mélange  dans  une  cornue  tubulée  toute  rouge ,  il 
fe  fait  une  eiïèrvefcence  très-confidérable,  &  il  parle 
à  la  diftillation  un  efprit  acide,  d'une  odeur  fulphu- 
reufe;  c'eft  ce  qu'on  appelle  liquorfrficum,  ou  liqueur 
de  caillou  ;  les  Alchimiltes  lui  ont  attribué  des  ver- 
tus tout  extraordinaires,  &  l'ont  même  regardée  com- 
me le  vrai  alkaheft  ou  difiblvant  univeriel.  Glauber 
va  plus  loin ,  6c  dit  qu'en  y  mettant  en  digeftion  des 
métaux  difibus ,  il  fe  formera  des  végétations  métal- 
liques. 

M.  Lemery  donne  une  autre  manière  de  faire  le 
liquor  filicum  ,  c'eft  de  mêler  4  onces  de  cailloux  cal- 
cuves  éc  réduits  en  une  poudre  impalpable,  avec  24 
onces  de  cendre  gvavelée  ,  de  vitrifier  ce  mélange 
dans  un  creufet ,  6c  lorfque  la  vitrification  eft  faite, 
de  mettre  ce  verre  à  la  fraîcheur  de  la  cave  où  il  fe 
réfout  en  eau.  Si  on  môle  à  cette  eau  une  dofe  égale 
de  quelque  acide  corrolif,  il  fe  formera  une  efpece 
de  pierre.  (— ) 

CAIMACAN  ou  CAIMACAM ,  f.  m.  (Hifi.  mod.) 
dignité  dans  l'empire  Ottoman  qui  répond  à  celle  de 
lieutenant  ou  de  vicaire  parmi  nous. 

Ce  mot  eft  compolc  de  deux  mots  Arabes ,  qui  font 
caim  maçhum ,  celui  qui  tient  ia  place  d'un  autre ,  qui 
s'acquite  de  la  fonction  d'un  autre. 

Il  y  a  pour  l'ordinaire  deux  caimacans  :  l'un  réfide 
à  Conftantinople  ,  dont  il  eft  gouverneur  ;  l'autre  ac- 
compagne toujours  ie  grand- vilir  en  qualité  de  lieu- 
tenant. Quelquefois  il  y  en  a  trois,  dont  l'un  ne  quitte 
jamais  le  grand-ièigneur,  l'autre  le  grand-vifir,  &  le 
troifieme  réfide  à  Confrantinople,  où  il  examine  tou- 
tes les  affaires  de  police  &  les  règle  en  partie. 

Le  caimacan  qui  accompagne  le  grand-vifir  n'exer- 
ce fa  fonction  que  quand  il  eft  éloigné  du  grand-fei- 
gneur ,  &  fa  fonction  demeure  fuipendue  quand  le 
vifir  eft  auprès  du  fultan.  Le  caimacan  du  vifir  eft 
comme  fon  fecrétaire  d'état ,  &  le  premier  miniftre 
de  ion  confeil. 

Un  auteur  moderne  ,  qui  après  beaucoup  d'autres 
a  écrit  fur  le  gouvernement  des  Turcs  ,  parle  ainii  du 
caimacan  :  «  Le  caim.ican  eft  proprement  le  gouver- 
»  neur  de  la  ville  de  Conftantinople  ;  il  a  rang  après 
»  les  vifirs ,  &c  fon  pouvoir  égale  celui  des  bâchas 
»  dans  leurs  gouvernemens  ;  cependant  il  ne  peut 
»  rien  ftatuer  par  rapport  à  l'adminiftration  de  la  juf- 
»  tice  ou  le  règlement  civil ,  fans  un  mandement  du 
»  vifir. 

»  Si  ce  miniftre  eft  engagé  dans  quelqu'expédition 
»  militaire ,  &  que  le  grand-feigneur  loit  refté  au  fé- 
»  rail ,  ce  prince  nomme  toujours  un  des  vifirs  du 
»  kubbe  ou  un  bâcha  à  trois  queues,  rekiafkaimacqn, 
»  c'eft-à-dire ,  député  pour  tenir  l'émcr.  Le  vifir  azem 
»  ne  fait  donner  cette  charge  qu'à  une  de  fes  créafu- 
»  res,  de  peur  qu'un  autre  abufant  du  privilège  de  fa 
»  place ,  qui  veut  qu'en  l'abience  du  premier  minif- 
»  tre  le  caimacan  ne  cpiitte  jamais  la  hauteffe,  ne  pro- 
»  fite  de  la  conjoncture  pour  le  fupplanter. 

»  Cet  officier  eft  chargé,  dans  l'abience  du  vifir, 


C  A  ï 

»  de  toutes  les  affaires  qui  regardent  le  gouverne- 
»  ment,  &  que  le  vifir  décideroit  s'il  étoit  prêtent  : 
»  mais  il  ne  peut  pas  créer  de  nouveaux  bâchas,  ni 
»  dégrader  ceux  qui  le  iont ,  ou  en  mettre  aucun  à 
»  mort.  Dès  que  le  premier  miniftre  eft  de  retour , 
»  le  pouvoir  du  caimacan  ceile.  Il  n'a  nulle  autorité 
»  dans  les  viiies  de  Conftantinople  &  d'Andrinople , 
»  tant  que  le  fultan  y  eft  préfent  :  mais  il  ce  prince 
»  s'en  abiente  feulement  huit  heures ,  l'autorité  du 
»  caimacan  commence  ,  &  va  prefque  de  pair  avec 
»  celle  du  fouverain  ».  Guer,  Moeurs  des  Turcs ,  to- 
me II.  (G) 

*  CAÏMAN  ,  fub.  m.  (Hifi.  nat.  Lith.)  pierre  que 
l'on  apportoit,  fuivant  quelques  auteurs  ,  des  Indes 
orientales ,  &  fur-tout  de  Carthagene  6c  de  Nombre 
de  Dios.  On  prétend  qu'elle  reflemble  au  caillou  des 
rivières  ;  qu'elle  fe  trouve  dans  i'eftomac  des  grands 
crocodiles  appelles  caimans,  61  que  les  Indiens  ôc  les 
Efpagnols  la  recherchent  avec  loin  comme  un  remè- 
de aiïïiré  contre  la  fièvre  quarte  ;  il  faut  en  appliquer 
une  à  chaque  tempe.  Fojez  Crocodile. 

Caïman  ou  Caymanes  ,  {Géog.)  île  de  l'Amé- 
rique ,  dans  ie  golfe  de  Mexique  ;  il  y  a  encore  une 
île  de  ce  nom  au  même  endroit,  qu'on  appelle  le  petit 
Caïman. 

CAINITES  ou  CAIANIENS ,  f.  m.  pi.  {Hifi.  ecclef) 
nom  d'anciens  hérétiques  qui  rendoient  un  honneur 
extraordinaire  aux  perfonnes  que  l'Écriture  nous  re- 
prélente  comme  les  plus  méchans  de  tous  les  hom- 
mes. Ils  ont  été  ainfi  appelles  de  Caïn,  qu'ils  regar- 
doient  comme  leur  pere  :  c'étoit  une  branche  de  Gnof- 
tiques,  qui  foûtenoient  des  erreurs  monftrueufes:  ils 
prétendoient  que  Caïn  6c  même  Eiaii ,  Lot  &  ceux 
de  Sodome,  étoient  nés  d'une  vertu  celefte  très-puif> 
faute;  &  qu'A  bel  au  contraire  étoit  né  d'une  vertu 
fort  inférieure  à  la  première.  Us  afibeioient  à  Caïn 
&aux  autres  du  même  ordre  Judas,  qui  avoit  eu  fé- 
lon eux,  une  grande  connoifiance  de  toutes  chofes; 
6c  ils  en  faiibient  une  fi  grande  eftime ,  qu'ils  avoient 
un  ouvrage  fous  fon  nom,  intitulé  Y  évangile  de  Judas. 
S.  Epiphane  a  rapporté  &  réfuté  en  même  tems  leurs 
erreurs,  dont  les  principales  étoient  :  que  l'ancienne 
ici  n'étoit  pas  bonne ,  &  qu'il  n'y  auroit  point  de  ré- 
iurreûion.  Ils  exhortoient  les  hommes  à  détruire  les 
ouvrages  du  Créateur ,  &  à  commettre  toutes  fortes 
de  crimes ,  perfuadés  que  les  mauvaifes  aérions  con- 
duifoient  au  falut.  Ils  invoquoient  même  les  anges 
à  chaque  crime  qu'ils  commettoient ,  parce  qu'ils 
croyoient  qu'il  y  avoit  un  ange  qui  ainitoit  à  chaque 
péché  &  à  chaque  action  honteufe,  &  qui  aidoit  à 
la  faire.  Enfin  ils  faifoient  confifter  la  fouveraine  per- 
fection à  dépouiller  tellement  toute  honte  &  tous 
remords ,  qu'on  commît  publiquement  les  aérions  les 
plus  brutales.  Ils  erroient  aufii  furie  baptême,  com- 
me il  paroît  par  Tertullien  ;  6c  la  plupart  de  leurs  opi- 
nions étoient  contenues  dans  un  livre  qu'ils  avoient 
compoié  fous  le  titre  d'afeenfon  de  S.  Paul,  où  fous 
prétexte  des  révélations  faites  à  cet  apôtre  dans  fon 
ravifiement  au  ciel ,  ils  débitoient  leurs  impietés  & 
leurs  blafphcrnes.  Dupin,  biblioth.  des  auteurs  ecclef. 
tom.  II.  Fieury ,  lùfi.  ecclef.  tom.  I.  liv.  iij.  {G) 

CAINITO  ,  f.  m.  {Hifi.  nat.  bot.)  genre  de  plante 
à  fleur  monopétale,  en  cloche  ouverte  &c  découpée  : 
il  s'élève  du  calice  un  piftil  qui  devient  dans  la  fuite 
un  fruit  mou,  charnu,  rond,  ou  de  la  forme  d'une 
olive ,  contenant  un  ou  plufieurs  noyaux  qui  renfer- 
ment chacun  une  amande.  Plumier,  Nova  plantar. 
Amer,  gênera,  l'oye^  Plante.  (/) 

CAJOLER.,  v.  n.  {Marine.)  c'eft  mener  un  vaif- 
feau  contre  le  vent  à  la  faveur  du  courant:  on  ie  iert 
auffi  de  ce  terme  pour  dire ,  faire  de  petites  : 
ou  attendre  fans  voile  ,  en  iaiiant  peu  de  route. 

CAIRE,  (le)  Géog.  grande  ville  d'Africjue,  capi- 
tale de  l'Egypte  ;  elle  pafle  pour  l'une  des  plus  eoniî- 

d. râbles 


C  A  I 

dcrab'es  de  h  domination  desTurcs  :  elle  eft  furla  rive 
orientale  du  Nil.  Lon.  49*.  6'.  là",  lat.  3  od.  2'.  30". 

CAIROAN  ,  (  Géog.  )  vilie  d'Afrique  ,  au  royau- 
me de  Tunis.  Lon.  zg.  lat.  Ji.  40. 

CAISSE,  f.  f.  du  latin  capja,  coffre  ou  boîte  ,  fe 
dit  au  propre  d'un  coffre  de  planches  de  bois  de  la- 
pin, affemblées  avec  des  clous,  ou  des  traverses 
clouées  ou  autrement,  &  dcffinées  à  renfermer  des 
marchandées,  foit  pour  les  conferver,  foit  pour  les 
tranlporter  :  le  nom  de  caijfe  a  pris,  par  analogie ,  un 
grand  nombre  d'autres  acceptions ,  comme  on  va 
voir  à  la  iuite  de  cet  article. 

Caisse  ,  terme  d 'Architecture ,  c'eft  dans  chaque  in- 
tervalle des  modillons  du  plafond  de  la  corniche  co- 
rinthienne ,  un  renforcement  quarré  qui  rcnterme 
une  rôle.  Ces  renforcemens  qu'on  nomme  auffi  pan- 
neaux ou  cajjettes  ,  font  de  divcrfes  figures  dans  les 
compartimens  des  voûtes  6c  plafonds.  (/*) 

Caisse  ,  (  Lutherie.  )  c'eft  une  machine  ou  inftru- 
ment  de  guerre,  de  la  groffeur  d'un  minot,  couvert 
à  chaque  bout  d'une  peau  de  veau,  qui  rend  union 
vraiment  martial  en  battant  fur  l'une  de  ces  peaux 
.avec  deux  baguettes  de  bois  faites  exprès.  Ce  fon 
eft  plus  ou  moins  fort ,  félon  que  les  peaux  font  plus 
ou  moins  étendues  par  le  moyen  de  plulieurs  corda- 
ges qui  fe  refferrent  avec  de  petits  tirets,  ou  des  oreil- 
les de  cuir  qui  les  environnent ,  &  (elon  que  le  tim- 
bre ,  qui  n'eft  autre  choie  qu'une  corde  qui  traverfe 
la  peau  de  deffous,  eft  plus  ou  moins  tendu.  Voye^ 
TAMBOUR  &  le*  Planches  de  Lutherie. 

CAISSE  defufées  ;  les  Artificiers  appellent  ainfi  un 
coffre  cie  planches ,  long  6c  étroit ,  en  quarré  fur  fa 
longueur  ,  &  polé  verticalement ,  dans  lequel  on  en- 
ferme une  grande  quantité  de  fuites  volantes  ,  lors- 
qu'on veut  faire  partir  en  même  tems  &  former  en 
l'air  une  figure  de  feu  femblable  à  une  gerbe  de  blé, 
qu'on  appelle  pour  la  même  railon  gerbe  de  feu. 

Caijfe  aérienne,  c'eft  une  efpece  de  balon  qui  ren- 
ferme beaucoup  d'artifice  de  petites  fufées. 

Caisse  à  fable ,  eft  un  coffre  de  bois  de  quatre  pies 
de  long ,  de  deux  de  large,  &  de  dix  pouces  environ 
de  profondeur,  foûtenuà  hauteur  d'appui  par  quatre 
pies.  C'eft  dans  cette  caijfe  qu'eft  contenu  le  fable 
dont  on  forme  les  moules ,  6c  qu'on  le  corroyé.  Voye^ 
l'article  FONDEUR  EN  SABLE,  &  lajig.  14.  Plan,  du 
Fondeur  en  fable. 

Caisse,  à  la  Monnoie,  fe  prend  à  peu-près  dans 
le  même  lens  que  chez  le  Fondeur  en  fable. 

Caisse  ,  {Jardinage.)  vaiffeau  quarré  fait  de  plan- 
ches de  chêne  clouées  fur  quatre  piliers  du  même  bois, 
qui  lert  à  renfermer  les  orangers  ,  les  jalmins ,  &  au- 
tres aibres  de  fleur. 

Pour  faire  durer  les  caijfes ,  on  les  peint  par  dehors 
de  deux  couches  à  l'huile  ,  foit  de  blanc ,  foit  de  verd , 
&  on  les  goudronne  en-dedans.  Les  grandes  font  fer- 
rées. Les  petites  caiffes  fe  tont  de  douves  fortant  des 
tonneaux  :  les  moyennes ,  de  mairain  ou  panneau  :  les 
grandes,  de  chevrons  de  chêne  ,  avec  de  gros  ais  de 
chêne  attachés  deffus,  garnies  d'équerres  &  de  liens 
de  fer.  (A) 

Caisse,  en  terme  de  Rafineur  defucre,  c'eft  un  pe- 
tit coffret  de  bois  plus  long  que  large  ,  lur  le  derrière 
duquel  il  y  a  un  rebord  plus  élevé  que  le  refte ,  &  à 
gauche  une  traverfe  d'environ  deux  pouces  de  hau- 
teur 6c  d'un  pouce  &  demi  d'épaiffeur.  Le  rebord  em- 
pêche le  lucre  que  l'on  gratte  de  tomber  par  terre  , 
6c  la  tra\  erfe  lert  à  foùtenir  la  l'orme  que  l'on  gratte 
furla  caijfe.  Voye^  Gratter. 

Caisse  des  marches ,  (  Manufacture  de  foie.  ) 
efpece  de  coffret  percé  de  part  en  part,  &  qui  re- 
çoit le  boulon  qui  enfile  les  marches.  On  le  charge 
d'un  poids  considérable  pour  leftcr  les  marches  ar- 
rêtées. Cette  façon  d'arrêter  les  marches  dans  la  caijfe 
eft  la  meilleure;  parce  qu'on  peut  avancer  ou  recu- 
Tome  IL. 


C  A  I 


537 


1er  le  poids  félon  le  befoin  :  mais  il  n'en  eft  pas  de 
même  quand  le  boulon  eft  arrêté  à  de  gros  pitons 
fichés  dans  le  plancher. 

Caisse,  (Commerce.*)  efpece  de  vaiffeau  ou  coffre 
fait  de  menues  planches  de  lapin,  ou  autre  bois  lé- 
ger, jointes  enfemble  par  des  clous  ou  des  chevilles 
de  bois ,  &  propre  à  tranlporter  des  marchandifes  plus 
facilement  fans  les  gâter  ou  corrompre.  On  dit  une 
caijje  d'étojjes  ,  de  toiles  ,  d'oranges  ,  de  vins  étrangers  , 
&c. 

Caijfe  emballée ,  eft  une  caijfe  pleine  de  marchandi- 
fes, entourée  de  paille ,  6c  couverte  d'une  grofi'e  toi* 
le  qu'on  nomme  balle  ou  emballage,  foye^  Balle  & 
Emballage. 

Caijje  cordé-- ,  eft  une  caijfe  qui  n'a  point  d'embal- 
lage, 6c  qui  eft  feulement  liée  par  delius  avec  de  la 
corde  de  diftance  en  diftance,  pour  empêcher  les 
planches  de  s'écarter 

Caijje  ficelée  &  plombée,  eft  celle  que  les  commis 
de  la  doitane  ont  fait  emballer  &  corder  en  leur  pré- 
fence,  après  avoir  fait  payer  les  droits  néceffaircs,  6c 
qu'ils  ont  fait  noiier  autour  du  nœud  de  la  corde 
d'une  ficelle  dans  laquelle  eft  un  plomb  marqué  deffus 
6c  deffous  des  coins  du  bureau.  Ces  iortes  de  caiffes 
ne  doivent  être  ouvertes  qu'au  dernier  bureau  de  la 
route,  fuivant  l'ordonnance  de  1687. 

CAISSE,  (Commerce.)  lignifie  aulïl  une  efpece  de 
coffre  fort  tout  de  fer ,  ou  de  bois  de  chêne  garni  de 
bonnes  barres  de  fer,  &  d'une  ou  de  plufieurs  fer- 
rures, qui  ordinairement  ont  des  reflorts  qui  ne  lont 
connus  que  de  ceux  à  qui  la  caijje  appartient. 

C'eft  dans  ces  iortes  de  caijfes  que  les  marchands 
Négocians  &  Banquiers  enferment  leur  argent  comp- 
tant 6c  leurs  principaux  effets  de  petit  volume ,  com- 
me lettres  &  billets  de  change,  promeffes,  lingots 
d'or,  &c. 

On  entend  auffi  par  le  mot  de  caijfe  le  cabinet  du 
Caiffier,  où  eft  la  caijfe  ou  coffre-fort ,  &  où  il  fait  fa 
recette  6c  fes  payemens.  Voye^x  Caissier. 

On  appelle  livre  de  caijje ,  une  forte  de  livre  qui 
contient  en  débit  &  crédit  tout  ce  qui  entre  d'argent 
dans  la  caijje,  &  tout  ce  qui  en  fort.  Ce  livre  eft  le 
plus  important  de  tous  ceux  que  les  Négocians  nom- 
ment livres  auxiliaires. 

Caisse  fe  dit  de  tout  l'argent  qu'un  marchand  Né- 
gociant ou  Banquier  peut  avoir  à  fa  dilpolition  pour 
négocier:  on  dit  en  ce  fens  que  la  caijfe  d'un  tel  Ban- 
quier eft  de  cent  mille  écus ,  de  huit  cent  mille  livres, 
&c.  M.  Savary  ,  dans  fon  parfait  Négociant,  II.  part* 
liv.  L.  chap.  iv.  donne  d'excellentes  maximes  pour  le 
bon  gouvernement  d'une  coiffe,  i  oy  .--les  dans  cet  ou- 
vrage ou  dans  le  Diclionn.  du  commerce,  tom.  IL.pag. 

33-34-&3à- 

Caisse  de  crédit,  c'eft  une  caijfe  établie  en  faveur 
des  Marchands  forains ,  qui  amènent  à  Paris  des  vins 
&  autres  boifîbns. 

Le  premier  établiffement  de  cette  caijfe  eft  du  mois 
de  Septembre  1719.  L'Edit  porte:  «  que  les  Mar- 
»  chands  forains  6c  autres  pourront  y  recevoir  fur  le 
»  champ  le  prix  de  leurs  vins  K  boiffons,  &  y  pren- 
<•  die  crédit  moyennant  lix  deniers  pour  livres  ».  On 
peut  voir  ce  qui  concerne  la  police  &  l'adminiftration 
de  cette  coiffe  dans  le  Diclionn.  du  commerce,  tom.  II. 
pag.  36. 

Caissi  des  cwpmnts,  nom  qu'on  a  donné  en  France 
a  une  caijfe  publique  établie  à  Paris  dans  l'hôtel  des 
Ici  mes  unies  du  Roi,  où  toutes  fortes  de  perfonnes  de 
quelque  qualité  ou  condition  qu'ils  lullent ,  tant  Fran- 
çois qu'étrangers,  étoient  reçus  à  porter  leur  argent 
pour  le  faire  valoir,  6c  d'où  ils  pouvoient  le  retirer 
à  l'échéance  des  promeffes  folidaires  que  les  Fermiers 
généraux  de  la  Miellé  leur  en  fourniffoient,  lignées 
de  quatre  de  la  compagnie  prépolés  à  cet  effet. 

Ces  Iortes  de  promeffes  dont  le  nom  de  celui  qui 

Vyy 


533 


C  A  I 


en  avoit  payé  la  valeur  refloit  en  blanc ,  étoient  faî- 
tes payables  au  porteur  dans  un  an  ,  &  les  intérêts 
qui  y  étoient  compris  pour  Tannée,  ne  le  payoient 
qu'à  leur  échéance ,  lbit  en  les  renouvellant ,  foit  en 
retirant  fon  capital. 

Cette  caifjé  avoit  d'abord  été  établie  en  1673  ,  & 
fut  fupprimée  vers  la  fin  du  même  liecle  :  elle  tut  ré- 
tablie en  1702  >  &  les  intérêts  réglés  à  huit  pour  cent 
par  an.  Mais  les  promefTes  qu'on  nommoit  billets  de  la 
caiffe  des  emprunts,  s'étant  prodigieusement  multi- 
pliés pendant  la  guerre  finie  en  171 3  ,  on  prit  alors 
divers  moyens  de  les  rembourfer  :  ils  furent  enluite 
convertis  en  billets  de  l'état  en  171 5 ,  &  enfin  retirés 
du  commerce  par  différentes  voyes  qu'explique  l'au- 
teur du  Dïàïonn.  du  commerce,  tom.  II.  pag.  38.  & 

39-  (G) 

*  Selon  M.  le  Pr.  Henault  (  Abrégé  de  CHifi.  deFr.) 

ces  billets  furent  introduits  en  1707,  M.  de  Cha- 
millard  étant  controlleur  général  des  finances. 

CAISSETIN  ,  f.  m.  c 'efl  ainii  qu'on  appelle  dans 
les  Manufactures  d'' ouvrages  en  J'oie ,  une  petite  armoire 
en  forme  de  caiffe ,  de  trois  pies  de  longueur  ,  d'un 
demi-pié  de  large ,  à  plulieurs  étages ,  dans  lelquels 
l'ouvrier  range  les  dorures  ôc  les  foies  qu'il  em- 
ployé. 

CAISSETINS  ,  (Commerce.*)  petites  caiffes  de  fa- 
pin  plus  longues  que  larges  ,  dans  lefquelles  on  en- 
voyé de  Provence  les  raifins  en  grappes  féchés  au 
foleil ,  qu'on  appelle  raijins  aux  jubis.  foye^  Rai- 
sins aux  jubis.  (G) 

CAISSIER.,  f.  m.  (Commerce  &  Finance.)  efl  celui 
qui  tient  un  état  des  revenus  &  des  deniers  d'une 
compagnie ,  &  en  rend  compte.  Voye^  Receveur  , 
Tkrésorier. 

Savary  le  définit  celui  qui  garde  l'argent  d'une 
compagnie  ou  d'un  banquier,  négociant ,  &c.  &  qui 
efl  chargé  de  recevoir  &  de  payer.  (G) 

CAISSON  ,  f.  m.  diminutif  de  caife,  petite  caiffe 
dans  laquelle  on  envoyé  des  marchandilés.  (G) 

Caisson,  efl  aufîi  un  charriot  couvert  dont  on 
fe  lert  pour  voiturer  le  pain  de  munition  à  l'armée. 

Caisson  de  bombes,  (Artillerie.)  efl  une  tonne 
ou  une  cuve  qu'on  emplit  de  bombes  chargées  ;  on 
l'enterre  jufqu'au  niveau  du  rez-de-chauffée ,  en  l'in- 
clinant un  peu  de  côté ,  &  répandant  beaucoup  de 
poudre  de  guerre  deffus  :  on  y  met  le  feu  par  le  moyen 
d'un  fauciffon  qui  répond  au  fond  de  ce  caij/bn  ;  il 
fait  élever  les  bombes  en  l'air  du  côté  que  le  caiffon 
efl  incliné.  Cette  invention  n'eîl  plus  guère  d'ufage  ; 
on  y  a  fubilitué  les  fougaces,  qui  produifent  de  plus 
grands  effets.  Voye{  FouGACE.  (  Q  ) 

Caissons  ,  f.  m.  pi.  (  Marine.  )  on  nomme  ainfi 
les  coffres  qui  font  attachés  fur  le  revers  de  l'arriére 
d'un  vaiffeau.  (Z) 

C AITHNESS ,  (  Géog.  )  province  au  nord  de  l'E- 
cofîé. 

*  CAJUMANIS  ,  (  Hift.  nat.  bot.  )  on  appelle  de 
ce  nom  une  efpece'de  canellier  fauvage  qui  croît 
dans  les  Indes  orientales ,  fur  le  côtes  duSunde. 

CAIL'S,  (Hijt.  anc.  )  nom  propre  ,  mais  en  gé- 
néral &  fans  addition  employé  par  les  Romains  pour 
fignifîer  un  homme  ,  de  même  que  Cala  fignifioit  une 
femme.  Ils  exprimoient  le  premier  de  ces  mots  par 
la  lettre  C  toute  feule ,  dans  fa  polition  naturelle  ,  & 
le  fécond  par  la  même  lettre,  mais  renverfée  j. 
Quintilien  rapporte  que  dans  les  époufailles  &  fêtes 
nuptiales,  on  faifoit  mention  de  Caïus  &  de  Caïa; 
ce  que  Plutarque  confirme  lorfqu'il  dit  ;  «  Pourquoi 
»  ceux  qui  conduifoient  la  nouvelle  époufe  en  la 
»  maifon  du  mari,  lui  font-ils  prononcer  ces  mots  : 
»  uki  tu  Caïus  ,  &  ego  Cala  }qÙ  tu  feras  Caïus  ,  je  fe- 
»  rai  aujfi  Cala  ?  linon  pour  marquer  qu'elle  y  entre 
»  à  cette  condition  ,  d'avoir  part  aux  biens  &  au  gou- 
>»  vernement  de  la  famille ,  6c  que  Caïus  étant  mai- 


CAL 

»  tre  ,  Caïa  doit  être  aufll  maîtrene  ».  D'où  il  s'en- 
fuit que  les  noms  Caïus  &  Caïa  dans  cette  cérémonie , 
équivaloient  à  ceux  de  pater  familias ,  ck  de  mater 
familias  ;  père  &  mère  de  famille.   (G) 

CAJUTES,  f.  f.  pi.  (Marine.)  on  appelle  ainfi 
les  lits  des  vaiffeaux  qui  font  emboîtés  autour  du  na- 
vire ;  on  les  appelle  aufîi  cabanes.  Voye^  Cabane. 

(Z)  ,        s 

CAKET,  (Géog.)  ville  &  petit  royaume  d'Afie  , 
dépendant  du  roi  de  Perle ,  prés  du  Caucafe.  Long. 
63.60.  lut.  43.32. 

CAKETA  ,  (  Géog.  )  grande  rivière  de  l'Améri- 
que méridionale  ,  qui  prend  fa  fource  dans  la  nou- 
velle Grenade. 

CAKILE ,  f.  f.  (  Hif}..  nat.  bot.  )  genre  de  plante  à 
fleur  en  croix  ;  le  piflil  fort  d'un  calice  ,  &  devient 
dans  la  fuite  un  fruit  femblable  en  quelque  façon  à 
la  pointe  d'une  pique  ,  &  compolé  de  deux  parties 
qui  font  jointes  enfemble  par  une  forte  d'articula- 
tion ,  &  qui  renferment  une  femence  finguliere  ,  & 
ordinairement  oblongue.  Tournefort ,  Irijt,  ni  heii. 
cor.  foyei  Plante.  (  /  ) 

C ALAA ,  (  Géog.  )  ville  d'Afrique  au  royaume  de 
Tremecen.  Long.  iz.  30.  lat.  31. 10. 

CALABA  ,  f.  m.  (Hift-  nat.  bot.  )  genre  de  plante 
à  fleur  en  rôle,  compoiée  deplufieurs  pétales  difpo- 
lés  en  rond;  ii  s'élève  du  fond  du  calice  un  piftil  , 
qui  devient  dans  la  fuite  un  fruit  fphérique  ,  charnu, 
qui  renferme  un  noyau  ou  une  femence  de  la  même 
forme  ,  dans  laquelle  il  y  a  une  amande  aufîi  de  la 
fiiême  figure.  Plumier ,  nova  plant.  Amer.  gen.  Voye^ 
Plante.  (/) 

*  Il  fort  de  fon  tronc  &  de  fes  branches  une  gom- 
me claire  ,  à  peu  près  femblable  au  maftic  ,  dont 
elle  porte  le  nom,  &  auquel  on  la  fubftitue  quel- 
quefois. 

CALABRE  ,  (  la  )  Géog.  province  d'Italie  dans 
la  partie  méridionale  du  royaume  de  Naples ,  avec 
titre  de  duché.  On  la  divifê  en  citérieure  &C  ulté- 
rieure. 

Calabre,  (  la  merde  )  s'appelloit  anciennement 
mare  Aufonium.  C'efl  celle  qui  baigne  les  côtes  de 
la  Calabre. 

*  CALABRISME  ,  f.  m.  (Hifl.  anc.  )  nom  d'une 
danfe  des  anciens,  dont  nous  ne  connoilfons  rien  de 
plus . 

CALACIA  ,  (  Géog.  )  ville  d'Afie  dans  la  Tarta- 
rie  ,  au  royaume  de  Tanguth. 

CALACOROLY  ,  (  Géog.  )  royaume  d'Afrique 
dans  la  Nigritie ,  au  nord  de  la  rivière  de  Saint-Do- 
mins;'o. 

*  C ALADARIS ,  f.  f.  toile  de  coton  rayée  de  rou- 
ge ou  de  noir,  qu'on  apporte  des  Indes  orientales, 
fur-tout  de  Bengale.  La  pièce  a  huit  aunes  de  long, 
fur  j  d'une  aune  de  large. 

C  A  L  A  D  E  ,  (  Marech.  )  efl  la  même  chofe  que 
baffe.  Voyei  BASSE.    (  V) 

CALA-DUCIRA  ,  (  Géog.  )  ville  &  port  de  l'île 
de  Gozo  ,  dans  la  mer  Méditerranée. 

CALAF  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Efpagne  dans  la 
province  de  Catalogne. 

CALAFIGUER  ,  (  Géog.)  ville  &  port  de  la  côte 
méridionale  de  l'île  de  Majorque. 

CALAFUSUNG,  (Gc^.) grande  ville  d'Afiedans 
l'île  de  Buton ,  l'une  des  Moluques. 

CALAH  ,  (  Géog.  )  île  de  la  mer  des  Indes ,  près 
de  la  ligne  équinoctiale. 

CALAHORRA,  (  Géog.  )  ville  d'Efpagne  dans  la 
vieille  Caflille.  Long.  i5.  48.  lat.  42.  12. 

CALAJATE,  (  Géog.  )  ville  ruinée  d'Afie ,  dans 
l'Arabie  heureufe ,  vers  le  golfe  Perfique. 

CALAIS  ,  (Géog.  )  ville  fortifiée  de  France  dans 
la  Picardie  ,  fur  le  bord  de  la  mer.  Long.  i<)A,  30'. 
â6".lat.5oA.âf.3i"> 


CAL 

Calais  ,  (  lt  pas  de  )  on  nomme  ainfi  la  partie  la 
plus  étroite  de  la  Manche  ou  du  canal  qui  fépare  la 
France  de  l'Angleterre. 

Calais,  (Saint-)  Géog.  petite  ville  de  France 
dans  le  Maine. 

C ALALOU ,  (  Hijl.  mod.  )  ragoût  que  préparent 
les  dames  Créoles  en  Amérique  ;  c'eft  un  compote 
d'herbes  potagères  du  pays, comme  choux  caraïbes, 
goment ,  gombaux  &  force  piment  :  le  tout  foigneu- 
ièment  cuit  avec  une  bonne  volaille,  un  peu  de  bœuf 
falé  ou  du  jambon.  Si  c'eft  en  maigre,  on  y  met  des 
crabes  ,  du  poiflon  ,  &  quelquefois  de  la  morue  lè- 
chc.  Le  calalou  paffe  pour  un  mets  fort  fain  &  très- 
nourriffant  ;  on  le  mange  avec  une  pâte  nommée  ouan- 
gou ,  qui  tient  lieu  de  pain. 

CALAMA  ,  (Géog.)  ville  d'Afrique  au  royaume 
d'Alger  fur  la  Malvia. 

CALAMALA,  (Géog.)  ville  d'Europe  dans  la 
Morée,  fur  la  rivière  de  Spinarza.Zo/20'.  J^.  ^3.  lut. 
37-8. 

*  CALAMBOURG ,  (  Comm.  )  bois  odoriférant 
dont  la  couleur  tire  fur  le  verd  :  il  diffère  du  calam- 
bouc  qui  vient  de  la  Chine,  &  qu'on  fubftitue  au  bois 
d'aloès.  On  l'apporte  des  Indes  en  bûches.  On  l'em- 
ployé en  ouvrages  de  tabletterie ,  &  dans  les  bains 
de  propreté. 

CALAMENT  ,  f.  m.  (  Hifl.  nat.  bot.  )  calamintha  , 
genre  de  plante  à  fleur  monopétale  labiée  ,  dont  la 
levre  fupérieure  eft  échancrée ,  arrondie ,  &  relevée  ; 
&  l'inférieure  eft  divifée  en  trois  parties  :  il  fortdu  ca- 
lice un  pifKl,  qui  eft  attaché  comme  un  clou  à  la  partie 
poftérieure  de  la  fleur  ,  &c  qui  eft  environné  de  qua- 
tre embryons  ,  qui  deviennent  dans  la  fuite  autant 
de  femences  arrondies  &£  renfermées  dans  la  capfule 
qui  a  fervi  de  calice  à  la  fleur.  Ajoutez  aux  caractè- 
res de  ce  genre ,  que  les  fleurs  naiffent  dans  les  ail- 
felles  des  feuilles,  &  tiennent  à  des  pédicules  bran- 
chus.  Tournefort,  Injî.  rei  herb.  Voy.  Plante.  (  /) 

Le  calamintha  vulgaris  ojfîcinarum  ,  eft  plein  d'un 
Ici  aromatique  ,  volatil ,  huileux  ;  il  eft  ftomachique, 
diurétique, apéritif, &  provoque  les  règles:  on  peut 
s'en  iervir  comme  du  thé  :  fa  décoction  en  clyftere 
calme  les  douleurs  de  la  colique  ,  réfout  les  tumeurs 
cedémateufes,  &  fortifie  les  parties.  Tournefort.  (  N) 

CALAMIANES,  (Géog.)  île  d'Alîe  dans  la  mer 
des  Indes  ,  entre  celle  de  Bornéo  &  les  Philippines. 

CALAMINE,  ou  PIERRE  CALAMINAIRE,f.  f. 
(  Minéral.  &  Metall.  )  en  Latin  calamités  ,  mais  plus 
communément  lapis  calaminaris  ,  cadmia  nativa,  ou 
cadmia  fojjïlis  ,  cadmie  foffile  ,  pour  la  diftinguer  de 
la  cadmie  des  fourneaux.  C'eft  une  pierre  ou  terre, 
qui  mêlée  au  cuivre  par  le  moyen  de  la  partie  inflam- 
mable du  charbon ,  produit  un  mixte  métallique  , 
qu'on  appelle  cuivre  jaune  ,  ou  laiton. 

Cette  pierre  le  trouve  en  plufieurs  endroits  de 
l'Europe,  comme  en  Allemagne,  en  Bohème,  en 
Hongrie  ,  en  Pologne,  en  Efpagne,  en  Angleterre  ; 
il  s'en  trouve  en  Berry  :  le  pays  de  Liège  &  les  envi- 
rons d'Aix-la-Chapelle  en  fourniffent  une  grande 
quantité. 

M.  Hcnckel  dit ,  dans  fa  Pyritologie ,  que  la  cala- 
mine le  trouve  ordinairement  dans  des  terres  grafles 
&  argilleufes  :  il  n'eft  pas  befoin  pour  cela  de  creu- 
fer  bien  avant ,  attendu  qu'elle  fe  préfente  très-fou- 
vent  aufîi-tôt  qu'on  a  levé  la  première  couche  ;  il  ar- 
rive  même  quelquefois  qu'elle  forme  elle-même 
cette  première  couche.  On  la  trouve  aulïï  mêlée  à 
des  mines  métalliques  ,  &  fur-tout  à  des  mines  de 
plomb  ,  comme  on  peut  le  voir  dans  celles  de  Gofiar 
cv  d'Angleterre. 

La  calamine  eft  ordinairement  d'une  figure  irrégu- 
liere  :  elle  ne  laiffe  pas  aufti  de  varier  dans  fa  cou- 
leur ;  tantôt  elle  eft  d'un  beau  jaune  de  couleur  d'or; 
tantôt  elle  cil  brime  ;  quelquefois  elle  tire  furie  rou- 
Tornc  II, 


CAL 


539 


ge  :  celle  de  Berry  eft  de  cette  dernière  couleur. 

Celle  qui  eft  pefante  &  compacte  ,  eft  préférable 
à  celle  qui  eft  légère  &  fpongieufe  ;  &  celle  qui  eft 
entremêlée  de  veines  blanches  ,  paffe  pour  la  meil- 
leure. L'inconvénient  de  celle  d'Angleterre  eft  d'être 
mêlée  avec  beaucoup  de  plomb;  c'eft  pour  cela 
qu'on  eft  obligé  de  lui  donner  bien  des  préparations 
avant  de  l'employer  à  faire  du  laiton ,  parce  que  le 
plomb  ne  vaudrait  rien  dans  cette  opération. 

La  calamine  contient  la  terre  qui  fert  de  bafe  au 
zinc  volatil  &  inflammable,  &  à  ce  qu'on  appelle  la 
cadmie  des  fourneaux  :  on  juge  de  fa  bonté  par  l'abon- 
dance de  zinc  qui  y  eft  contenu  ,  &  par  le  plus  ou  le 
moins  de  mélange  qui  s'y  trouve  d'autres  terres  limo- 
neufes  ou  ferrugineufes  qui  lui  font  tout-à-fait  étran- 
gères. On  confond  quelquefois  mal  à  propos  avec  la 
pierre  calaminaire  beaucoup  d'autres  minéraux  qui 
lui  refTemblent  à  l'extérieur.  Agricolal'a  confondue 
avec  une  mauvaife  efpece  de  mine  de  cobalt  tres- 
arlénical ,  qu'on  nomme  en  Allemand  fiiegenflein  , 
pierre  aux  mouches:  mais  la  marque  diftinctive  de  la 
pierre  calaminaire ,  c'eft  de  jaunir  le  cuivre  de  rofette, 
&  de  contenir  du  zinc.  La  règle  de  M.  Marggraf ,  la- 
vant chimifte  de  l'Académie  de  Berlin ,  eft  que  «  tou- 
»  te  pierre  qui  mêlée  avec  des  charbons,  &qui  ex- 
»  pofée  à  l'action  la  plus  véhémente  d'un  feu  renfer- 
»  mé,  ne  produit  point  de  zinc  ,  ou  qui  à  un  feu  dé- 
»  couvert  ne  compofe  point  le  laiton  lorfqu'elle  eft 
»  mêlée  avec  le  cuivre  &  le  charbon ,  n'eft  point 
»  une  pierre  calaminaire  ». 

Il  y  a  néanmoins  du  choix  à  faire  entre  les  diffé- 
rentes efpeces  de  pierres  calaminaires  :  en  effet  ,  il 
s'en  trouve  quelques-unes  qui  augmentent  plus, 
d'autres  moins,  le  cuivre ,  lorfqu'on  en  fait  du  laiton. 
Voye^  l'article  Cuivre.  Il  y  en  a  qui  lui  donnent 
une  couleur  plus  ou  moins  belle  ,  le  rendent  plus  ou 
moins  malléable  ,  lorfque  la  calamine  fe  trouve  mê- 
lée à  du  plomb  ;  comme  cela  eft  ordinaire  à  celle 
de  la  province  de  Sommerfet  en  Angleterre  ;  ou  à 
du  fer ,  comme  il  arrive  à  celle  de  Bohème  &  à  celle 
du  Berry.  Il  n'eft  point  douteux  que  ces  efpeces  ne 
rendent  le  cuivre  fragile  &  caftant ,  à  moins  qu'on 
ne  prévienne  ces  mauvais  effets  par  des  torréfac- 
tions réitérées  avant  de  mêler  la  calamine  au  cuivre  , 
tandis  qu'il  s'en  trouve  d'autre  qui  peut  être  em- 
ployée tout  de  fuite  fans  aucune  préparation  anté- 
rieure. Ce  ferait  donc  fe  tromper  que  d'attendre  les 
mêmes  effets  de  toutes  fortes  de  pierres  calaminaires. 

M.  Henckel  oblèrve  qu'un  des  phénomènes  les 
plus  remarquables  de  la  Chimie  ,  c'eft  la  façon  dont 
la  calamine,  qui  eft  une  terre,  s'unit  &  s'incorpore 
avec  le  cuivre  qui  eft  un  métal ,  fans  lui  ôter  fa  mal- 
léabilité. Il  conclut  de  là  qu'il  y  a  des  terres  qui  ont 
la  faculté  de  fe  métallifer.  En  effet,  du  laiton  où  l'on 
aura  fait  entrer  un  tiers  de  pierre  calaminaire,  le  laiffe 
travailler  avec  autant  de  facilité  que  le  cuivre  de 
rofette  le  plus  pur  &  le  plus  fin  ;  il  faut  pour  cela  que 
l'union  qui  fe  fait  par  ce  mélange  foit  bien  intime 
Se  toute  particulière ,  furtout  attendu  qu'il  eft  poffi- 
ble  de  féparer  enfuite  la  calamine  du  cuivre ,  fans 
qu'il  arrive  aucun  changement  à  ce  métal. 

Le  rapport  qui  le  trouve  entre  la  calamine  &  le 
zinc  ,  lui  a  fait  donner  par  Giauber  le  nom  de  cad- 
mie fufible  :  en  effet ,  comme  on  a  dit ,  toute  bonne 
pierre  calaminaire  contient  du  zinc  ,  &  doit  être  re- 
gardée comme  la  minière  de  ce  demi-métal,  M.  Henc- 
kel a  oblervé  que  la  calamine  de  Bohème  contient 
une  petite  quantité  de  mauvais  fer  :  elle  fe  trouve 
mêlée  à  des  pyrites  ferrugineufes  appellées  en  Alle- 
mand eifenflein  ;  on  peut  en  tirer  du  vitriol  de  Mars , 
&  on  la  trouve  jointe  à  de  l'alun.  Ce  lavant  Minera- 
logifte  ne  doute  point  qu'il  n'en  loit  de  même  de  tou- 
tes les  pierres  calaminaires. 

La  calamine  reffemble  en  quatre  points  à  la  cadmit 

Y  y  y  ij 


540 


CAL 


des  fourneaux:  i°.  elle  contient  du  zinc  comme  elle  ; 
°.  elle  jaunit  comme  elle  le  cuivre  de  rofette  ;  30. 
elles  ont  toutes  deux  pour  bafe  une  terre  alkaline  ; 
40.  elles  font  toutes  deux  effervefcence  avec  les 
acides. 

La  grande  volatilité  des  fleurs  de  la  calamine ,  & 
l'odeur  qui  s'en  élevé  ,  donnent  lieu  de  croire  que 
cette  pierre  eft  ordinairement  mêlée  d'arfenic  ;  fa 
promptitude  à  s'enflammer  fur  les  charbons  ou  avec 
le  nitre  ,  eft  une  marque  qu'elle  contient  beaucoup 
de  parties  inflammables  ou  de  phlogiftique.  C'eft  à 
la  même  raifon  qu'il  faut  attribuer  fa  prompte  &  vé- 
hémente folution  dans  les  acides ,  fa  concrétion  avec 
le  cuivre  ,  &  les  autres  phénomènes  qu'on  y  remar- 
que. y<yye[  à  l'article  Cuivre  la  manière  de  l'exploi- 
ter ,  &  de  l'employer  à  la  fonte  du  cuivre  de  rofette. 

La  calamine  eft  quelquefois  ufitée  extérieurement 
dans  la  Médecine  :  on  lui  attribue  la  propriété  d'ê- 
tre aftringente ,  &  de  fécher  &  cicatrifer  les  plaies 
&  les  ulcères  :  mais  il  faut  pour  cela  la  bien  dégager 
de  toute  partie  arfénicale.  Ce  que  les  apothicaires 
nomment  calamine  préparée  ,  n'eft  autre  chofe  que 
cette  pierre  bien  broyée  &  formée  en  trochifques 
avec  de  l'eau-rofe.  (— ) 

C  ALAMITA  ,  (  Géog.  )  rivière  d'Afie  dans  la  Tar- 
tarie-Crimée ,  qui  fe  jette  dans  la  mer  Noire. 

•  CALAMITE ,  adj.  (  Mat.  med.  )  épithete  que  l'on 
d  Jnne  quelquefois  au  ftyrax  ,  à  caufe  qu'on  le  met- 
toit  autrefois  dans  des  rofeaux  appelles  calami  pour 
le  conferver.  Vo$ rqr Styrax.  (A7) 

C ALAMO ,  (Géog.)  rivière  de  la  Grèce  qui  prend 
fa  fource  dans  l'Albanie,  &  fe  jette  dans  la  mer,  vis- 
à-vis  de  l'île  de  Corfou. 

Calamo  ,  (  Géog.  )  île  de  l'Archipel  autrefois  ap- 
pellée  Claros  ,  près  de  la  côte  d'Afie. 

CALAMUS  AROMATICi/S,  (Hift.  nat.  bot.) 
genre  de  plante  à  fleur  fans  pétales  :  elle  eft  compo- 
iée  de  fix  étamines  foûtenues  par  un  calice  de  fix 
pièces.  Il  fort  du  milieu  de  ce  calice  un  piftil ,  qui  de- 
vient dans  la  fuite  un  fruit  divifé  en  trois  loges  ,  & 
rempli  de  femences  oblongues.  Ajoutez  aux  caractè- 
res de  ce  genre,  que  les  fleurs  forment  un  épi  coni- 
que reflemblant  à  celui  du  poivre -long.  Micheli , 
Nova  plant,  gen.  Voye{  PLANTE.  (/) 

On  donne,  en  Pharmacie,  le  nom  de  calamus  aro- 
maticus,  rofeau  aromatique,  à  une  racine  amere  & 
épicée  ,  produite  par  une  efpece  particulière  de  jonc , 
ou  plutôt  de  flambe  ou  de  glayeul  qui  vient  dans  le 
Levant ,  &  même  en  plufieurs  endroits  d'Angleterre  , 
de  l'épahTeur  environ  d'une  plume  d'oie ,  &  haute  de 
deux  ou  trois  pies ,  dont  on  fait  un  grand  ufage  com- 
me d  un  céphalique  ÔC  d'un  ftomachique  ,  lur-tout 
dans  les  douleurs  occafxonnées  par  la  foibleffe  de 
l'eitomac. 

Le  calamus  aromatïcus  eft  ce  que  l'on  appelle  au- 
trement acorus.  Voye^  AcORUS. 

On  l'appelle  aufîi  calamus  odoratus ,  &  calamus 
amarus  ;  Se  quelquefois  calamus  verus  ,  ou  officinalis  , 
pour  le  diftinguer  d'une  autre  efpece ,  que  l'on  ap- 
pelle adulurinus  ,  en  François  le  rofeau  doux  ou  flam- 
be aromatique. 

Le  meilleur  eft  celui  qui  eft  grisâtre  en-dehors  & 
rougeâtre  en-dedans ,  dont  la  pulpe  eft  blanche  &  le 
goût  extrêmement  amer,  mais  qui  a  fes  feuilles  &  fes 
racines  d'une  bonne  odeur.  (  A7  ) 

Calamus  scriptorius  ,  en  Anatomie ,  eft  le 
nom  de  l'extrémité  poftérieure  du  quatrième  ventri- 
cule du  cerveau ,  qui  fe  termine  comme  le  bec  d'une 
plume  à  écrire.  Voyei  Cerveau.  (Z.  ) 

CALANDRE  ,  f.  f.  calandra  ,  (  Omithol.  )  oifeau 
du  genre  des  alouettes.  Voye?^  Alouette.  Il  eft  un 
peu  plus  gros  que  l'aloiiette  ordinaire  ,  &  il  lui  ref- 
femble  affez  par  la  forme  du  corps.  On  peut  le  com- 
parer à  la  grive  pour  fa  grandeur  ;  cependant  la  tête 


CAL 

eft  plus  groffe ,  le  bec  plus  court  &  plus  épais  :  les 
pattes  font  comme  celles  des  autres  alouettes.  Toute 
la  face  antérieure  ou  inférieure  eft  de  couleur  cen- 
drée ,  avec  quelques  taches  noires  qui  font  fur  la  poi- 
trine comme  dans  les  grives.  Toute  la  face  fupérieu- 
re  ou  poftérieure  eft  de  couleur  de  terre  d'ombre.  A 
deux  pouces  au-deffous  du  bec  il  y  a  un  cercle ,  ou 
plutôt  un  collier  de  plumes  noires  qui  entoure  le  cou. 
W'illughby,  Ornith.  Voye7^  Oiseau.  (7) 

Calandre,  infecte.  Voye^  Charençon. 

CALANGUE  ,  CALE  ,  f.  f.  (  Marine.  )  c'eft  un 
abri  le  long  d'une  côte ,  derrière  une  hauteur  ou  dans 
quelque  petit  enfoncement ,  où  des  bâtimens  médio- 
cres peuvent  fe  mettre  à  couvert  du  mauvais  tems. 

CALANTIGAS  ,  (  Gcog.  )  nom  qu'on  donne  à 
trois  petites  îles,  fur  la  côte  orientale  de  l'île  de  Su- 
matra. 
^  *  C ALANTIQUE ,  f.  f.  (  Hifl.  anc.)  ornement  de 
tête  des  femmes  Romaines ,  dont  Ciceron  fait  men- 
tion :  Fous  ajufiit7^,  dit-il  à  Clodius,Az  calantique à 
fa  tete.  On  ne  lait  rien  de  plus. 

*  CALAOIDIES  ,  f.  f.  pi.  (  Hifl.  anc.  )  fêtes  insti- 
tuées en  l'honneur  de  Junon.  On  n'en  fait  autre  cho- 
ie ,  finon  qu'elles  fe  célébroient  dans  la  Laconie. 

CALAPATE ,  (  Géog.  )  ville  d'Afie  dans  l'Inde  en 
deçà  du  Gange,  fur  la  côte  de  Coromandel ,  dans  le 
royaume  de  Bifnagar. 

CAL  ARE ,  (  Géog.  )  contrée  des  Indes  fur  la  côte 
de  Malabar  ,  aux  confins  des  royaumes  de  Travan- 
cor  &  de  Changanate. 

*  CALASINI,  f.  f.  (Hijl.  anc.)  tunique  de  lin  , 
frangée  par  le  bas ,  que  les  Egyptiens  portoient  fous 
un  habit  de  laine  blanche.  Quand  ils  entroient  dans 
les  temples ,  ils  quittoient  l'habit  de  laine ,  &  ne  con- 
fervoient  que  celui  de  lin.  La  calajini  paroît  leur  avoir 
fervi  d'habit  &  de  chemife.  Elle  a  été  aufîi  en  ufage 
chez  les  Grecs  :  il  en  eft  parlé  dans  les  nuées  d'Arifto- 
phane ,  &  Hefychius  l'appelle  la,  tunique  au  clou  largi^ 
foyei  Clou  large. 

CALAT,  (  Géog.)  ville  d'A.fie  dans  le  royaume 
de  Cotan ,  près  de  Candahar. 

CALATA-BELLOTA  ,  (  Géog.  )  ville  de  Sicile 
fur  une  rivière  de  même  nom. 

Calât a-fimi,  (  Géog.)  ville  de  Sicile  dans  la 
vallée  de  Mazare. 

Calata-girone  ,  (  Géog.  )  ville  de  Sicile  dans 
la  vallée  de  Noto,  près  de  la  rivière  de  Diillo. 

Calata-nisseta  ,  (  Géog.  )  ville  de  Sicile  dans 
la  vallée  de  Noto  ,  près  de  la  rivière  de  Salfo. 

Calata-xibeta  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Sicile 
dans  la  vallée  de  Noto ,  près  des  lources  de  la  rivière 
de  Dataino. 

CALAT AYUD  ,  (  Géog.)  ville  d'Efpagne  dans  le 
royaume  d'Arragon ,  au  confluent  du  Xalon  &  du 
Xiloca.  Long.  16.  10.  lat.  41.  22. 

CALAT HUS ,  (  Hifl.  anc.  )  corbeille  ou  panier  à 
ouvrage  ,  fait  ordinairement  de  jonc  ou  de  bois  tort 
léger ,  qui  fervoit  aux  ouvriers  à  mettre  leurs  laines, 
&  étoit  fpécialement  confacré  à  Minerve,  qu'on  re- 
gardoit  comme  l'inventrice  des  arts  &  des  ouvrages 
faits  à  l'aiguille.  Virgile  pour  exprimer  que  Camille  , 
reine  des  Volfques ,  avoit  les  inclinations  martiales, 
&  ne  s'amufoit  point  aux  petits  travaux  propres  à 
fon  fexe ,  dit  : 

Non  Ma  colo ,  calathifve  Minervce , 
Fœmineas  ajfueta  manus.  jEneid.  7. 

Pline  compare  ce  panier  à  la  fleur  du  lis ,  dont  les 
feuilles  vont  en  s'évafant  à  mefure  qu'elles  s'élargif- 
fent:  ab  angufiis  in  latitudinem  paulatim  fcfe  laxantis 
effigie  calathi  ;  &  telles  étoient  les  corbeilles  que  les 
Canephores  portoient  fur  leur  tête  dans  les  fêtes  de 
Minerve ,  &  qui  renfermoient  les  choies  facrées,  def-, 
tinées  à  fes  myfteres. 


CAL 

Sur  les  monumens  antiques ,  les  dieux  d'Egypte 
font  repréfentés  avec  une  efpcce  de  boifleau  fur  la 
tête ,  qu'on  croit  être  le  calathus.  Mais  il  n'y  a  pas  de 
doute  que  ce  ne  foit  ce  même  calathus  dont  cil  fur- 
montée  la  coeffure  de  Minerve  dans  une  médaille 
que  M.  l'abbé  de  Fontenu  a  expliquée  fous  le  titre  de 
Minerve  Iliade.  Mem.  acad.  des  B.  L.  ton.  V.  (G) 

*  CALATISME,  f.  m.  (Hijl.  anc.)  danfe  ancienne 
dont  il  ne  nous  eft  parvenu  que  le  nom.  V.  Danse. 

CALATRAVA ,  (  Géog.  )  ville  d'Efpagne  dans  la 
nouvelle  Caftille ,  fur  la  rivière  de  Guadiane ,  près 
de  la  Sierra-Morena  ,  dans  un  pays  nommé  Campo  di 
Calai rava.  Long.  14.  20.  lai.  Je).  S. 

Calatrava  ,  (  Hijl.  mod.  )  ordre  militaire  en  Ef- 
pagne ,  inftitué  en  1 1  5  8  par  Sanche  III.  roi  de  Caftille. 
Les  hiftoriens  en  rapportent  l'origine  ,  à  ce  que  ce 
prince  ayant  conquis  fur  les  Mores  le  château  de  Ca- 
latrava ,  qui  étoit  alors  une  forterefle  importante  ,  il 
en  confia  d'abord  la  garde  aux  Templiers ,  qui  ne  pou- 
vant détendre  cette  place,  la  lui  rendirent.  Ils  ajou- 
tent, qu'à  la  lollicitation  de  Diego  Velafquez, moine 
de  Cîteaux  ,  &  homme  de  condition  ,  Raimond  , 
abbé  de  Fitero ,  l'un  des  monafteres  du  même  ordre , 
obtint  du  roi  la  permiflîon  de  défendre  Calatrava,  & 
s'en  acquita  très -bien  contre  les  Mores;  que  plu- 
fieurs  de  ceux  qui  l'avoient  accompagné  dans  cette 
entreprife  ,  prirent  l'habit  de  l'ordre  de  Cîteaux ,  fans 
toutefois  renoncer  aux  exercices  militaires.  De  là  , 
dit-on ,  fe  forma  l'ordre  de  Calatrava  ,  qui  s'étant 
beaucoup  augmenté  fous  le  règne  d'Alphonle  le 
Noble  ,  fut  d'abord  approuvé  par  le  pape  Alexandre 
III.  en  1 164,  &  confirmé  par  Innocent  III.  en  1198  , 
&  enfuite  gouverné  par  des  grands  maîtres ,  dont  le 
premier  fut  Don  Gardas  Redon  :  mais  fous  Ferdi- 
nand oc  Ifabelle  ,  la  grande  maîtrife  fut  réunie  à  la 
couronne  de  Caftille  en  1489.  Le  premier  habit  de 
ces  chevaliers  étoit  la  robbe  &  le  fcapulairc  blanc 
comme  les  religieux  de  Cîteaux ,  ôc  ils  ne  pouvoient 
pas  fe  marier  :  mais  les  papes  les  ont  dilpenfés  de 
ces  deux  règles  ;  &  les  quatre-vingts  commanderies 
que  cet  ordre  poffede  en  Efpagne ,  font  ordinaire» 
ment  tenues  par  des  gens  mariés.  Leurs  armes  font 
d'or  à  la  croix  fleurdelilée  de  gueules ,  accoftée  en 
pointe  de  deux  entraves  ou  menotes  d'azur  ;  &:  les 
chevaliers  portent  de  même  fur  l'eftomac  une  croix 
rouge  ,  qui  eft  la  marque  de  leur  ordre.  (  G  ) 

CALAVON  ,  (  Géog.  )  petite  rivière  de  France 
dans  le  comté  de  Provence ,  qui  fe  jette  dans  la  Du- 
rance  près  de  Cavaillon. 

CALAW ,  {Géog.  )  petite  ville  de  Bohème  fur  la 
rivière  de  Bober. 

CALAZEITA ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Efpagne  au 
royaume  d'Arragon  ,  près  de  la  rivière  de  Mata- 
ranna. 

CALAZZOPHYLACES  ,  f.  m.  pi.  (Hijl.  anc.  ) 
prêtres  ou  miniftres  de  la  religion  chez  les  anciens 
Grecs  ,  dont  la  fonction  étoit  d'obferver  les  grêles  , 
les  orages ,  &  les  tempêtes ,  pour  les  détourner  par 
le  facrifice  d'un  agneau  ou  d'un  poidet.  Au  défaut 
de  ces  animaux  ,  ou  s'ils  n'en  tiroient  pas  un  augure 
favorable,  ils  fe  découpoient  le  doigt  avec  un  canif 
ou  un  poinçon  ,  6c  croyoient  ainii  appailer  les  dieux 
par  l'effufion  de  leur  propre  fang.  Ils  avoient  été 
inftitués  par  Cléon.  Leur  nom  eft  formé  de  y.aXalÇa., 
grêle  ,  &  de  çuxàtaw ,  j'obferve ,  /épie.  Les  Ethiopiens 
ont  de  fcmblables  charlatans  qui  fe  déchiquetait  le 
corps  à  coups  de  couteau  &  de  rafoir  ,  pour  obte- 
nir ta  pluie  ou  le  beau  tems  ;  &  l'on  trouve  dans 
l'Ecriture  un  exemple  des  mêmes  pratiques  ,  miles 
en  œuvre  par  les  prêtres  de  Baal  que  confondit 
Elic.  Foye{  Baal  ,  Bellonaires,  &c.  (G) 

CALBARY  ,(  Géog.  )  rivière  d'Afrique  au  royau- 
me de  Bénin  ,  qui  fe  jette  dans  le  golfe  de  Guinée. 


CAL 


54* 


CALBE,  (Géog.  )  ville  d'Allemagne  fur  la  Saales 
au  duché  de  Magdebourg. 

CALBOTIN ,  f.  m.  eft  un  panier  de  paille  dans 
lequel  les  Cordonniers  mettent  le  fil.  Faye^  la  figure 
33.  &  36.  qui  en  ejl  le  profil. 

^  CALCAIRE ,  (  Terre  ou  Pierre)  Hijl.  nat.  &  Chimie. 
L'on  nomme  ainfi  les  terres  ou  pierres  qui,  expofées 
à  l'aûion  d'un  feu  convenable ,  fe  réduifent  en  pou- 
dre ou  en  chaux  ,  ou  qui  font  difpofées  par  le  feu  à 
prendre  cette  forme.  M.  Pott ,  favant  Chimifte  ,  qui 
dans  fon  excellent  Traité  de  la  Lithogeognofie  ,  a  fait 
un  examen  tout  particulier  des  différentes  efpeces  dé 
terres  &  pierres,  diftingue  abfolument  la  terre  calcaire 
de  la  terre  gypfmfe  ,  avec  laquelle  cependant  pref- 
quetous  les  auteurs  la  confondent.  Suivant  ce  favant 
naturalifte,  les  caractères  diftinftifs  de  la  vraie  terre 
ou  pierre  calcaire  font,  de  ne  point  prendre  corps  lorf- 
qu'elle  a  été  mife  en  diiîb'ution  dans  l'eau ,  fans  le 
iecours  d'une  fubftance  intermédiaire ,  comme  le  fa- 
ble ,  le  ciment ,  &c.  &  de  fe  diflbudre  dans  les  acides; 
On  peut  même  dire  en  général ,  que  toute  terre  qui 
ne  fe  diftbut  point  dans  l'eau-forte  ,  ne  doit  point  être 
appellée  une  terre  calcaire  ;  le  même  auteur  nommé 
aufti  cette  efpece  de  terre  alkaline  :  en  effet  elle  a 
toutes  les  propriétés  des  alkalis.  Elle  fait  effervef- 
cence  dans  tous  les  acides  ;  elle  s'y  diftbut ,  &  peut 
être  précipitée  par  les  fels  alkalis. 

Lorfque  la  terre  ou  pierre  calcaire  a  éprouvé  l'ac- 
tion du  feu,  elle  eft  encore  plus  difpofée  à  fe  diflbu- 
dre dans  les  acides  ;  elle  attire  pour  lors  l'humidité 
de  l'air ,  &  fait  effervefeence  même  dans  l'eau  com- 
mune :  c'eft  ce  que  nous  voyons  tous  les  jours  dans 
la  chaux  vive. 

Les  principales  efpeces  du  genre  des  calcaires  font, 
la  craie  ,  le  marbre ,  une  efpece  de  fpath ,  que 
M.  Pott  nomme  alkalin ,  la  marne ,  le  lapis  judaicus , 
la  pierre  de  lynx  ,  la  pierre  à  ciment,  la  terre  d'An- 
gleterre ,  la  terre  d'alun  ,  le  corail ,  les  cendres  lcfli- 
vées  ,  le  lapis fpongiœ ,  les  os  des  animaux ,  &  toutes 
les  coquilles  calcinées  :  on  la  trouve  aufti  dans  quel- 
ques ardoifes ,  dans  l'argille ,  le  limon ,  l'oftéocollc  , 
&c.  &  dans  un  grand  nombre  de  corps  qui  ne  diffé- 
rent entre  eux  ,  que  par  des  choies  qui  leur  font  ac- 
cidentelles. 

C'eft  la  terre  calcaire ,  qui  fait  la  bafe  des  os  des 
animaux ,  oit  elle  fe  trouve  liée  par  une  efpece  de 
gluten ,  qui  leur  donne  la  confiftance  néceflaire  ;  c'eft 
ce  même  gluten  ou  lien  qui  met  aufli  toute  la  diffé- 
rence que  nous  remarquons  entre  les  fubftances  du 
genre  des  calcaires ,  comme  entre  la  craie  &  le  mar- 
bre ,  la  pierre  à  chaux  ,  &  la  marne ,  &c.  différence 
qui  ne  s'y  trouve  plus ,  lorfque  le  gluten  a  été  chafle 
par  l'aclion  du  feu.  C'eft  aufli  ce  lien  qui  empêche 
quelquefois  les  acides  d'agir  fur  les  terres  calcaires , 
comme  on  peut  le  voir  dans  la  pierre  à  chaux  ,  qui 
ne  fe  diftbut  point  dans  l'eau  avant  d'avoir  été  brû- 
lée ,  &  dans  l'eau  forte  qui  n'agit  point  fur  l'ivoire  , 
quoiqu'il  ait  été  calciné  ;  parce  que  l'aftion  du  feu 
n'a  pu  entieremeut  détruire  le  gluten  qui  y  lie  la  ter- 
re calcaire. 

Les  terres  calcaires  ne  peuvent  point  fe  vitrifier,  ni 
fe  mettre  en  fulîon  toutes  feules  &  fans  addition  , 
quelque  violent  que  foit  le  feu  qu'on  y  employé  ;  pour 
produire  cet  effet ,  il  faut  y  joindre  une  bonne  quan- 
tité de  fcl  alkali.  Cette  terre  s'unit  afle/.  bien  aux 
matieres  déjà  vitrifiées  fans  leur  oter  leur  tranfpa- 
renec  ,  pourvu  qu'elle  n'y  foit  mêlée  qu'en  très-peti- 
te quantité. 

Le  favant  M.  Hcnckcl  explique  comment  nous 
voyons  que  plulîcurs  eaux  minérales  e*;  lourccs 
d'eau  chaude  participent  aux  propriétés  de  la  chaux  : 
c'eft  félon  lui ,  parce  que  les  terres  ou  pierres  calcaireit 
par-deflus  lcfquelles  ces  eaux  viennent  à  pafler .  font 
brûlées  &  tournées  en  chaux  par  l'aftion  du  feu  cù- 


542 


CAL 


ché  dans  les  entrailles  de  la  terre ,  &C  par-là  difpofées 
à  le  diiî'oudre  dans  ces  eaux ,  à  les  échauffer ,  &  à 
leur  communiquer  leurs  vertus  &C  leurs  propriétés. 

De  toutes  les  qualités  de  la  terre  calcaire ,  ne  pour- 
roit-on  point  conclurre,  i°.que  c'eft  par  ia  tache  dil- 
folution  dans  les  acides  qu'elle  devient  propre  à  pal- 
fer  avec  eux  dans  tous  les  corps  organiles  de  la  na- 
ture ;  i°.  que  par  la  propriété  que  la  terre  calcaire  a  de 
favoriler  la  diiïolution  des  loutres  &  des  tels  par  les 
acides  ,  elle  développe  les  organes  des  corps  ,  & 
les  rend  vifibles  en  le  mêlant  à  eux  ;  30.  que  par  la 
faculté  qu'elle  a  d'attirer  l'humidité  de  l'air ,  &:  d'en 
être  réciproquement  attirée, elle  produit  l'élévation 
&  l'accroiftément  des  coips.  Ce  iont-là  des  conlé- 
quences  naturelles  des  propriétés  de  la  terre  calcaire  , 
dont  il  faut  laillér  l'examen  aux  Chirmftes ,  à  qui  des 
expériences  exactes  feront  connoître  fi  ces  conjec- 
tures l'ont  bien  ou  mal  fondées.  (— ) 

CA  L  CA  N  EU  M,  en  Anatomic ,  c'eft  la  même 
choie  que  l'os  du  talon.  Il  eft  fitûé  tous  l'aitragale  à 
la  partie  poftérieure  du  tarie  ;  c'eft  le  plus  gros  des 
os  du  pié. 

On  peut  y  diftinguer  fix  faces  :  une  poftérieure  , 
convexe  ôc  inégale ,  qui  forme  la  partie  du  pié  qu'on 
appelle  le  talon:  une  fupérieure,  qui  eft  divilée  en 
deux  portions ,  dont  la  poftérieure  eft  la  plus  élevée , 
inégale  &  un  peu  concave  ;  l'antérieure  plus  balle  a 
deux  faces  articulaires  iéparées  l'une  de  l'autre  par 
une  gouttière  :  une  intérieure,  à  la  partie  poftérieure 
de  laquelle  on  remarque  deux  tubérolités  ;  une  gi  offe 
fituée  intérieurement  ;  l'autre  petite  fituée  poftéiieu- 
rement  :  deux  latérales,  dont  l'externe  eft  légèrement 
convexe  ;  l'interne  eft  concave  :  une  anténeuie , 
qu'on  appelle  la  grande  apophyfe.   (Z.) 

CALCAR,  (Géog.)  ville  d'Allemagne,  dans  le 
duché  de  Cleves ,  fur  le  ruifiéau  de  Men.  Long.  24. 
x5.  lat.  5i.  46. 

CALCE,  (  Géog.)  petite  ville  d'Italie  au  duché 
de  Milan  ,  fur  la  rivière  d"Oglio. 

CALCE ,  (  Géog.  )  petite  île  de  l'Archipel ,  fur  les 
côtes  de  l'A  lie  mineure. 

CALCEDOINE  ou  CHALCEDOINE,  lapis  chal- 
eedonius ,  pierre  fine  qui  a  été  mile  dans  la  clafle  des 
pierres  fines  demi-tranfparentes.  Voye-^  Pierre  fi- 
ne. Les  deferiptions  de  la  Calcédoine ,  que  nous  trou- 
vons dans  les  anciens  auteurs  l'ont  fi  différentes  les 
unes  des  autres ,  qu'on  ne  peut  pas  les  rapporter  à 
la  même  pierre  ;  parce  qu'on  a  donné  autrefois  le 
nom  de  calcédoine  à  plufieurs  eipeces  de  pierres.  La 
defeription  que  Pline  nous  a  laillée,  donne  l'idée  d'un 
grenat  oriental ,  ou  d'une  amethifte.  D'autres  del- 
criptions  défignent  l'Onyce  ou  la  Sardoine  onyce.  Le 
nom  de  calcédoine  appartient  aujourd'hui  à  une  pier- 
re de  même  nature  ,  que  le  caillou  que  l'on  appelle 
communèmçnt  pierre  àfujil,  de  couleur  blanche ,  lai- 
teule,  &  légèrement  teinte  de  gris,  de  bleu,  ôc  de  jau- 
ne. Cette  pierre  a  aufti  été  nommée  agate  blanche;  û 
la  teinte  de  bleu  eft  allez  foncée  pour  approcher  du 
brun  ou  du  noir ,  la  pierre  prend  le  nom  a  agate  noi- 
re ;  fi  la  teinte  de  jaune  eft  affez  vive  pour  approcher 
de  la  couleur  orangée  ou  du  rouge  ,  la  pierre  doit 
être  zppellce  fardoine  ou  cornaline. 

On  diftingue  la  calcédoine  comme  l'agate ,  en  orien- 
tale &  en  occidentale  ;  V orientale  a  des  couleurs  plus 
vives  &  plus  nettes  que  celles  de  l 'occidentale ,  qui 
eft  ordinairement  d'un  blanc  fale  ,  ou  d'une  couleur 
ronflé.  On  trouve  des  calcédoines  de  cette  efpece  en 
Allemagne  ,  en  Flandre ,  aux  environs  de  Louvain 
£c  de  Bruxelles ,  &c  II  y  a  des  calcédoines  allez  grofi- 
fes  pour  faire  des  vafes  ;  mais  ces  grandes  pièces  lont 
rares,  &  on  tiouve  communément  de  petits  mor- 
ceaux, que  l'on  grave  pour  faire  des  bagues  ou  des 
cachets.  La  dureté  de  la  calcédoine  eft  égale  à  celle 
de  l'agate. 


CAL 

Les  Joiiailliers  appellent  pierres  calcedoineufes  ,  cel- 
les qui  ont  des  nuages  ou  des  teintes  laiteules  com- 
me la  calcédoine;  ce  défaut  eft  allez  commun  dans  les 
grenats  &  dans  les  rubis  ;  on  tâche  par  la  manière  de 
les  tailler  ,  de  faire  dilparoître  ces  taches.  Le  moyen 
le  plus  lûr  eft  de  les  chever ,  c'eft-à-dire,  de  rendre 
concave  l'une  des  faces  de  la  pierre ,  &  l'autre  con- 
vexe. (  l  ) 

Calcédoine  Factice  ,  (Chimie)  comme  il  y  a 
beaucoup  de  rapport  entie  l'agate ,  le  jaipe ,  &  la  cal- 
cédoine ,  le  même  procédé  pourra  fervir  pour  imiter 
ces  trois  eipeces  de  pierres  précieules.  Faites  diffou- 
dre  une  once  d'argent  dans  de  Peau-forte  ,  prenez  de 
chaux,  d'étain,  de  cinnabre,  de  bol  d'aiménie,  de  cha- 
cun -i-once  ;  de  lalran  de  Mars ,  d'antimoine  crud ,  de 
minium, d'orpiment ,  &  d'arfenic  blanc  ,  d'as  uflum; 
de  chacun  \  once  ;  réduifez  toutes  ces  matières  en 
une  poudre  très-fine  ,  &  verfez  par-deffus  petit  à  pe- 
tit &bien  doucement,  luffilante  quantité  d'eau-forte, 
parce  qu'il  le  fera  une  effervefeence  confidérable  : 
torique  toute  l'effervelcence  fera  paflée,  verfez-y 
encore  de  l'eau-forte ,  &  mettez  le  vaie  en  digeftion 
dans  un  lieu  modérément  chaud  ;  on  pourra  au  bout 
de  quelques  jours  retirer  l'eau-forte  par  diftillation  ; 
il  reliera  un  lédiment  ou  une  poudre  d'un  rouge  ver- 
dâtre  ,  on  n'aura  qu'à  la  broyer  &  la  réduire  en  une 
poudre  très-fine,  &  en  mêler  à  clifîti entes  reprifes 
une  |  once  ou  deux  onces  fur  1 2  liv.  ce  fritte  de  cryf- 
tal ,  faite  avec  des  morceaux  de  cryltai  caffé  ;  on  re- 
muera bien  exactement  ce  mélange  pendant  qu'il  fe- 
ra en  r'ulion  ,  en  donnant  un  teu  convenable  :  au  bout 
de  vingt-quatre  heures  l'opération  leia  faite  ,  ec  le 
verre  ou  cryftal  coloré  lera  en  état  d'être  travaillée 

Calcédoine  ,  (  Géog.  )  ville  autrefois  confidéra- 
ble d'Alie  mineure  ,  fur  la  mer  de  Maimara,  n'eft 
plus  qu'un  mauvais  bourg  ,  que  les  Turcs  nom- 
ment aujourd'hui  Calcitiu. 

C  ALCET ,  1.  m.  (  Marine  )  affemblage  de  planches 
élevé  &  cloué  fur  le  haut  des  arbres  d'une  galère ,  &C 
qui  fert  à  renfermer  les  poulies  de  bronze  ,  qui  font 
deftinées  au  mouvement  des  antennes.  (Z) 

*  CALCIO  ,  (  Jeu)  il  giuoco  del  calcio,  c'eft  une 
efpece  de  jeu  de  ballon  fort  ufité  en  Italie,  fur-tout 
dans  les  environs  de  Floience  ;  on  y  joue  avec  bien 
des  formalités  &  lolennités  pendant  l'hiver  :  les  jeu- 
nes gens  qui  y  jouent  le  partagent  en  deux  bandes, 
qui  pour  le  diftinguer  portent  ies  unes  des  rubans 
rouges,  d'autres  des  rubans  verds  ;  chaque  bande  élit 
un  chef  qu'on  nomme  principe  del  calcio,  qui  eft  pour 
l'ordinaire  un  gentilhomme  nche  ;  ce  prince  ou  chef 
le  choifit  des  officiers ,  &  le  forme  une  ccur  parmi 
ceux  de  la  bande  ou  de  fon  paiti  :  il  envoyé  des  am- 
baiîadeurs  au  chef  qui  lui  eft  oppofé ,  tk  en  nie  com- 
me feraient  de  vrais  iouverains.  Comme  il  r.e  man- 
que jamais  d'arriver  une  rupture,  il  lui  déclare  la 
guerre ,  &  va  lui  livrer  bataille ,  qui  n'eft  point  fan- 
glante  ;  c'eft  une  partie  au  ballon  qui  décide  de  la 
victoire  ,  &  le  vainqueur  marche  la  tête  haute  aufS 
content  de  lui ,  que  s'il  avoir  remporté  des  lauriers 
plus  langlans.  Cette  bataille  fe  livre  ordinairement 
dans  la  ville  de  Florence  ,  ce  ci-devant  le  donnoit  fous 
les  fenêtres  du  grand  duc. 

CALCINATÏON ,  f.  f.  (  Chimie.) L'opération  chi- 
mique ,  connue  tous  le  nom  de  calcination ,  eft  l'ap- 
plication d'un  feu  ouvert  à  des  matières  folides  &  fi- 
xes ,  difpofées  de  manière  qu'elles  prélentent  au  leu 
&  à  l'air  le  plus  de  furface  qu'il  eft  poffible. 

On  fe  propolé  en  général  dans  la  calcination  êcv.x 
objets  différeras  :  ou  l'on  cherche  à  léparer  une  li  bf- 
tance  volatile  ,  qu'on  ne  le  met  pas  en  peine  de  re- 
tenir, d'une  fubftance  fixe  qu'on  a  feule  en 
comme  dans  la  calcination  des  mines,  dont  on  diffipe 
par  cette  opération  les  matières  volatiles  étrangères 


CAL 

au  métal  qui  eft  l'objet  du  travail ,  principalement  le 
foutre  6c  l'arlenic.  Cette  opération  eft  plus  connue 
dans  le  traitement  des  mines  ,  Toit  pour  l'efTai ,  ftfit 
pour  le  travail  en  grand  fousde  nom  de  rotij/age  ou 
de  grillage,  Voye{  Grillage.  C'eft  cette  eipece  de 
calcinaùcn  que  M.  Cramer  appelle  ujlulatio,  6c  qu'il 
diftingue  ,  mais  feulement  par  ion  objet ,  de  celle 
dont  nous  allons  parler  dans  un  moment.  L'opération 
par  laquelle  on  iouffle  ou  fait  fumeries  culots  d'or, 
dans  la  purification  de  ce  métal  par  l'antimoine  ,  fe 
peut  rapporter  aux  calcinations  de  la  première  efpece; 
comme  aufïi  la  calana'ion  des  fels  fixes ,  foit  neutres , 
fbit  alkalis,  gras,  ou  empâtes  de  matières  huileufes 
qu'on  blanchit  :  on  purifie  par  ce  moyen  celle  des 
vrais  favons  ,  celle  des  lèls  très-aqueux  ,  comme  l'a- 
lun, le  vitriol,  le  fel  de  Glauber ,  &c.  La  calcination 
de  ces  fels  au  foleil,  &  leur  calcination  à  l'air,ne  dif- 
férent de  la  précédente  6c  entr'elies ,  que  par  le  de- 
gré de  feu.  Voyc^  Feu. 

Le  fécond  objet  général  de  la  calcination ,  c'eft 
d'ouvrir  certains  corps ,  ou  de  rompre  la  liaifon , 
de  détruire  le  maftic  naturel ,  le  gluten  de  certaines 
•  matières ,  telles  que  les  parties  dures  des  animaux  & 
des  pierres  ,  ëc  les  terres  alkalines  &  gypfeuies ,  qui 
fournilTent  par  la  calcination  ces  produits  connus  de 
tout  le  monde  fous  les  noms  de  chaux  &  de  plâtre  ; 
telles  encore  que  les  gangues  dures  ,  réfradaires  ou 
fauvages ,  des  mines  d'ailleurs  peu  fulphureufes  & 
peu  ariénicales  ,  qu'on  ne  grille  que  pour  difpofer 
cette  gangue  à  la  fuiion.  C'eft  à  peu  près  dans  la  mê- 
me vue  que  cette  opération  eft  en  ufage  dans  les  tra- 
vaux de  la  verrerie  ,  des  émaux ,  des  porcelaines  , 
&  dans  les  laboratoires  des  Chimiftes ,  pour  la  pré- 
pai  ation  des  chaux  métalliques  ,  &c. 

On  appelle  encore  calcination  en  Chimie  ,  calci- 
nation par  la  voie  humide  ,  la  divifion  de  toute  lubf- 
tance  métallique  opérée  par  un  menfïnie ,  lorfque 
cette  divifion  eft  fuivie  d'un  précipité ,  foit  fponta- 
née  ,  foit  produit  par  l'action  d'un  précipitant  ;  6c 
tous  les  précipités  lont  appelles indiftinclemcntcta#.v. 
Ainli  on  appelle  chaux  d'or ,  l'or  départi  de  l'argent , 
ou  l'or  de  départ  précipité  par  l'huile  de  tartre; 
chaux  d'argent  ,  l'argent  départi  de  l'or  ,  ou  l'argent 
de  départ  précipité  par  le  cuivre ,  le  précipité  par 
le  fel  marin  ou  par  ion  acide  de  la  difiblution  d'ar- 
gent dans  l'acide  nitreux  ,  &c.  Mais  la  plupart  de  ces 
iubftances  ne  conviennent  avec  les  chaux  propre- 
ment dites ,  que  par  le  nom.  La  calcination  par  la  voie 
humide  porte  encore  le  nom  bien  plus  exact  de  pul- 
vérifation  philojbphiqtu.  Voye^_  Pulvérisation  & 
Lu/-  C  IPITÉ. 

On  prend  aufîi  le  mot  de  calcination  dans  un  fens 
trop  vague  ,  quand  on  l'applique  à  la  préparation 
des  parties  folides  tics  animaux  ,  qu'on  épuile  de  leur  . 
partie  lymphatique  par  l'eau  bouillante  :  on  appelle 
ces  fublhinccs  ainli  épuifées,  calcinées  philofophique- 
ment  ;  corne  de  cerf  calcinée  philosophiquement  ,  cnIC 
mais  ce  n'eit  ici  abiblument  qu'une  décoction.  Foye^ 

DÉCOCTION. 

Quel  eft  donc  le  caractère  propre  de  la  vrwle  cal- 
cination ?  JVntre  pour  le  déterminer  dans  un  examen 
plus  détaillé  de  les  principaux  phénomènes ,  des  dif- 
férens  changemens  qu'elle  opère  dans  les  divers  fu- 
jets  auxquels  on  l'applique.  Cette  diicufîion  nous 
ira  de  la  manière  la  plus  abrégée  à  la  vraie 
théorie  de  notre  opération. 

Jediftingue  d'abord  les  effets  qui  lui  font  communs 
avec  d'autres  opérations  chimiques,  de  ceux  qui 
lui  font  propres  :  1".  la  i  confidérée  comme 

féparant  des  parties  volatiles  d'avec  des  parties  plus 
fixes ,  peut  ne  différer  de  la  diftillation  qu'en  ce  qu'on 
retient  ces  parties  volatiles  dans  la  dernière  i 
tion,  &  qu'elles  s'échapent  dans  la  première.  (.  'efl 
ainli  que  les  tels  aqueux  le  deliecheroient  dans  les 


C  A  L  545 

vaifTéaux  termes,  comme  ils  fe  delTechent  dans  les 
vaWie-aux  ouverts  ;  la  première  opération  exigerait 
feulement  un  feu  plus  violent  :  mais  les  deux  pro- 
duits de  chaque  opération  ,  c'e-i't-à-dire  ,  le  phlegme 
paffé  dans  la  diftillation,  oa  difiipé  par  la  calcina- 
tion ,  (  on  peut  en  ramafler  en  e.\ pelant  un  miroir  à 
m  )  oc  le  réfidu  de  l'une  &  de  l'autre  ,  feroient 
exactement  les  mêmes.  Je  pourrais  faire  de  cette  opé- 
ration une  efpece  diftin&e  de  calcination:  mais  elle 
eft  fi  diftinûe  des  deux  autres  que  je  vais  propofer, 
qu'il  fera  plus  exact  encore  de  l'en  féparer  abfolu^ 
ment. /'oy^  Dessiccatk     . 

2.''.  Les  lavons  ,  les  tels  gras  ou  empâtés  de  ma- 
tières grafks  ou  huileufes,  pourraient  auffi  être  pri- 
ves ce  ces  matières  par  la  diftillation ,  auffi  bien  que 
par  la  calcination.  La  plupart  des  fubitances  métal- 
liques minéralifées  ,  traitées  dans  les  vaifi'eaux  fer- 
mes ,  lailTeroient  fublimer  du  fourre  Se  de  l'arfenic  : 
mais  j'obferve  dans  ce  cas  une  différence  remarqua- 
ble; c'ell  que  la  fubftance  volatile  féparée  cjui  eft  in- 
flammable ,  du  moins  pour  la  plus  grande  partie , 
s  élevé  dans  la  diftillation  ou  dans  la  fublimation,fans 
éprouver  aucune  altération  ,  ou  n'étant  que  très-peu 
altérée  ;  au  lieu  qu'elle  eft  décompofée  dans  la  calci- 
nation, elle  eft  enflammée  ,  détruite.  Cette  efpece  de 
calcination  opère  donc  la  féparation  réelle  de  deux 
cîpeces  de  corps  qui  formoient  un  compofé  ou  un 
fnrcompofé  pSr  leur  union  ;  circonftance  commune 
à  cette  opération  &  à  la  dilliilation  ,  mais  de  plus 
la  deftrudion  d'un  des  principes  de  la  compofltior» 
du  corps  calciné,  celle  du  mixte  ou  du  compofé  in- 
flammable. Cette  efpece  de  calcination  fera  propre 
à  tous  les  corps  folides  compoles  ou  fiircompolés , 
dans  la  formation  defquels  entreront  des  mixtes  ou 
des  compoles  inflammables.  Ces  corps  font  les  mines 
ou  iubilances  métalliques  minéralifées ,  les  métaux 
fulphurés ,  tous  les  lavons,  les  extiaits  folides  des  vé- 
gétaux ,  le  tartre  ,  la  lie,  les  os  des  animaux ,  les  bi- 
tumes folides ,  &c. 

Il  eft  enfin  une  autre  efpece  de  calcination  eflen- 
tiellement  diftincle  des  opérations  faites  dans  les 
vaiffeaux  fermés  :  c'eft  l'opération  qui  prive  par 
l'action  du  feu  un  mixte  fixe  &  folide  de  fon  phlo- 
giitiqitc  ,  ou  la  décompofition  par  le  feu  d'un  mixte 
folide,  dont  le  phlogiflique  pur  eft  principe 
constituant.  Les  fujers  de  cette  c  donation  lont  les 
métaux  imparfaits,  les  demi-métaux,  excepté  le 
mercure  ,  &  tous  les  vrais  charbons  tirés  des  trois 
règnes.  V/n-par  julphuris  ou  foie  de  foutre  peut  fe 
ranger  aufîi  avec  ces  corps,  quoiqu'avec  quelqu'in- 
exactitude. 

Quoique  la  fixité  abfoluc  de  l'or  &de  l'argent  te- 
nus en  fulion  pendant  un  tems  très-confidérable ,  foit 
unanimement  adoptée  d'après  les  expériences  de 
Kunckcl ,  il  el't  très-probable  cependant  que  leur 
calcination  n'eft  que  beaucoup  plus  difficile  que 
celle  des  autres  fiîbftances  métalliques  ,  mais  non 
pas  abiblument  impraticable.  C'eft  la  doctrine  de 
plufienrs  Chimiftes  illuftres. 

[faac  le  Hollandois  ,  dans  fon  traité  de  falibus  & 
oleis  metaliorum  ,  cap.  ij.  de  ;'..  ..s,  al- 

lure que  la  chaux  d'argent ,  c'eft-à-dire ,  l'argent  dé- 
jà ouvert  par  un  menftrue,  e  dant  vin^r- 
un  jours  à  un  feu  non  interrompu  ,  cv  te!  qu'il  eft 
néceflaire    pour  tenir  le  plomb  en  tuf  on  < 

,  te  réduit  en  une  vraie  chaux  ;  & 
ouïe  précipité  d'or  expofé  au  même  d< 
éprouve  la  même  altération  en  ii\  femaines. 

Kunckel  ne  daigne  pas  même  réfuter  un  auteur 
à  qui  ilavoit  l'ait  cet  honneur  fur  plufieurs  autres 
points;  un  auteur,  dis-je  ,  qui  avoit  mis  la  vraie 
chaux  d'or  parmi  les  non-êtres  chimie] , 

Stahl  qui  compte  beaucoup  furie 
ces  deux  auteurs  ,  eft  perl'uade  qu'Us  entendent  par- 


544 


CAL 


CAL 


1er  l'un  &  l'autre  de  la  même  opération  ;  favoir  ,  de 
la  réverbération  ,  ou  de  la  calcination  ta  grand  ré- 
verbère, tant  vanté  par  le  premier  (  Iiaac  le  Hollan- 
dois.  )  ^oyeile  Vitulus  aurais  igné  combujlusde  Stahl. 
Il  paroît  que  l'or  &  l'argent ïont  vitriftables,  qu'ils 
font  dans  l'état  de  verre  dans  les  émaux.  (  Voyt^  Vi- 
trification. )  Il  paroit  encore  par  les  expérien- 
ces faites  avec  le  miroir  de  Tfchirnhaufen,ougra7<& 
lentille  duPabis-royal,  (  KoyeiMim.  del'Acad.  royale 
dis  Scierie,  ijoz.  )  que  ces  métaux  ont  été  vitrifiés  , 
même  fans  addition ,  du  moins  évidente.  Or  la  vitri- 
fication fuppofe  une  calcination  :  calciner  l'or  &  l'ar- 
gent ,  eft  pourtant  encore  un  problème  chimique. 

Les  produits  de  cette  calcination  font  des  chaux  ou 
des  cendres. 

Les  chaux  métalliques  font  plus  ou  moins  parfai- 
tes ,  félon  que  les  fubftances  qui  les  ont  fournies  ont 
été  plus  ou  moins  exactement  calcinées  :  elles  font 
des  chaux  ablblues,fi  le  phlogiftique  en  a  été  entière- 
ment féparé. 

Lorlque  ces  chaux  font  volatiles ,  elles  s'appellent 
flairs.  Foye{  FLEURS  &  SUBLIMATION. 

Ma.  dernière  efpece  de  calcination  ne  diffère  pas 
réellement  de  la  précédente  ,  coniidérée  comme  de- 
mi;: a  nt  un  mixte  inflammable.  Le  caractère  généri- 
que &  eiî'entiel  de  l'une  &  de  l'autre  ,  ou  de  la  calci- 
nation proprement  dite  ,  c'eit  de  ne  pouvoir  être 
exécutée  dans  les  vaiffeaux  fermés  ;  car  les  mixtes 
inflammables  volatils  ne  peuvent  être  qu'élevés  dans 
les  vaiffeaux  fermés  ,  quelque  feu  qu'on  employé  ; 
&  les  mixtes  fixes ,  tels  que  font  les  l'ujets  de  la  der- 
nière elpece  de  calcination  ,  peuvent  y  être  actuelle- 
ment ignés  ou  embraies  ,  fans  y  éprouver  aucune  el- 
pece d'altération ,  pas  même  un  changement  de  lieu, 
dimotionem  a  loco. 

Ces  faits  n'ont  été  qu'énoncés  jufqu'à  prélent ,  fur- 
tout  l'inaltérabilité  du  charbon  parfait ,  6c  celle  des 
métaux  dans  les  vaiffeaux  fermés.  Cette  propriété 
finguliere  peut  fe  déduire  pourtant  par  une  analogie 
toute  l'impie  de  plulieurs  phénomènes  connus,  & 
très-bien  expliqués  par  les  Chimiltes ,  entr'autres  par 
Stahl.  C'eft  parla  théorie  de  la  flamme  en  un  mot 
qu'il  faut  expliquer  les  phénomènes  de  la  calcination: 
car  nous  ne  connoiffons  que  deux  efpeces  d'ignition 
réelle  ,  la  flamme  &  l'embrafement  fimple  :  or  les 
corps  propres  à  la  calcination  reltent  embraies  dans 
les  vaiffeaux  fermés  fans  s'y  calciner  ;  donc  ce  n  eft 
pas  dansd'embralement  fimple  qu'il  taut  chercher  le 
méchanifme  de  cette  opération. 

Ce  méchanifme  eft  fenfible  dans  la  deftruftion  des 
mixtes  inflammables  humides  ou  aqueux  :  l'huile,  le 
foutre ,  l'elprit-de-vin ,  le  phofphore  de  Kunckel ,  ne 
fe  décompofent  que  par  l'inflammation  :  mais  les 
mixtes  inflammables  fecs  ou  terreux ,  tels  que  font 
les  fujets  propres  de  ma  2e  elpece  de  calcination , 
ne  paroiffent  pas  capables  de  donner  une  vraie  flam- 
me ;  on  a  même  fait  entrer  dans  la  détermination  de 
leur  caractère  la  propriété  de  n'en  point  donner  , 
même  à  l'air  libre  ,  du  moins  par  eux-mêmes  :  le  zinc 
feul  efl:  excepté. 

.  Voici  par  quelle  chaîne  de  confidérations  je  me  crois 
autorité  à  généralifer  cette  théorie,  à  l'étendre  à 
tous  les  lu  jets  de  la  calcination. 

Les  charbons  qui  flambent  (  je  demande  grâce  pour 
cette  expreflion  )  ,  lorfqu'ils  font  expofés  à  un  cou- 
rant rapide  d'air,  font  infiniment  plutôt  confirmés 
ou  détruits  ,  que  lorfqu'ils  brûlent  fans  flamber  dans 
un  lieu  où  l'air  n'eft  point  renouvelle  ,  comme  dans 
un  fourneau  dont  le  cendrier  eft  fermé  ,  ou  dans  la 
caffe  d'une  forge  dont  le  foufflet  ne  joue  point.  On 
ne  fauroit  attribuer  cette  différence  à  la  fimple  aug- 
mentation de  la  vivacité  du  feu;  c'eft  la  flamme, 
comme  telle ,  qui  la  conftitue  ;  car  des  charbons  ex- 
poles  dans  les  vaiffeaux  fermés  à  un  feu  dix  fois  plus 


fort  nue  celui  qui  les  confume  lentement,  lorfqu'on 
les  couvre  de  cendres  par  exemple,  ne  les  altère 
pas. 

Le  zinc  ne  fe  calcine  qu'en  flambant  :  les  fubftan- 
ces métalliques  qui  ne  flambent  pas  par  elles-mêmes  , 
le  fer,  l'étain  ,  le  régule  d'arfenic  ,  le  régule  d'anti- 
moine ,  détonnent  ou  flambent  avec  le  nitre  :  or  le 
nitre  feul  ne  flambe  jamais  ;  donc  ces  fubftances  mé- 
talliques contribuent  matériellement  à  la  flamme  ; 
car  d'ailleurs  par  cette  détonnation  ou  cette  inflam- 
mation ,  leur  calcination ,  très-lente  fans  ce  lecours  , 
eft  effectuée  fur  le  champ. 

Voilà ,  fi  je  ne  me  trompe  ,  l'énergie  de  l'inflam- 
mation ou  de  la  flamme  bien  conftatee  pour  la  calci- 
nation :  n'eft-il  donc  pas  permis  de  la  regarder  com- 
me une  ufiion  avec  flamme  fenfible  dans  la  plupart 
des  fujets;  cachée,  ou  même  infenfible  clans  la  moin- 
dre partie,  dans  les  quatre  métaux  imparfaits,  dont 
deux  même  flambent  avec  le  nitre ,  &  dans  trois  de- 
mi-métaux dont  un  feul ,  le  bifmuth,  ne  flambe  point 
avec  le  nitre  ?  Voye^  Feu. 

La  calcination  des  pierres  Se  des  terres  calcaires  , 
&  celle  des  pierres  &  des  terres  gypfeufes  ,  fera  plus 
ou  moins  analogue  à  l'opération  dont  je  viens  de  ref- 
traindre  l'idée ,  à  raifon  du  plus  ou  du  moins  de  com- 
buftibilité  des  parties  qu'on  diftipe  dans  la  prépara- 
tion des  chaux  &  des  plâtres  :  des  inductions  très- 
bien  fondées  rangent  cette  opération ,  du  moins  pour 
les  matières  calcaires ,  dans  la  claffe  des  calcinations 
les  plus  proprement  dites.  Les  parties  dures  des  ani- 
maux donnent  des  chaux  par  la  deftru&ion  d'une  ma- 
tière lymphatique  ,  c'eft-à-dire  ,  d'une  fubftance  in- 
flammable ,  qui  conftituoit  leur  gluten.  Or  entre  le 
corps  d'un  animal  le  moins  dégénéré,  une  corne  ,  un 
os  récent ,  &  la  pierre  calcaire  la  plus  déguifée ,  le 
marbre  ,  il  exiite  tant  d'efpeces  intermédiaires  dans 
lefquelles  on  diftingue  évidemment  l'efpece  même 
des  matières  animales  dont  elles  font  formées ,  & 
où  l'on  voit  ces  matières  plus  ou  moins  détruites , 
depuis  la  plus  groffe  corne  d'ammon,  jufqu'auxfrag- 
mens  ou  aux  iemences  de  coquilles  imperceptibles 
fans  le  fecours  de  la  loupe  ou  du  microfeope,  qu'il 
eft  naturel  de  conclurre  de  cette  reffemblance  exté- 
rieure ,  que  le  gluten  des  pierres  calcaires  eft  en  gé- 
néral une  matière  animale ,  qui  peut  être  un  peu  dé- 
générée à  la  vérité  ,  &  que  leur  calcination  eft  par 
cenféquent  une  vraie  deftruction  d'une  fubftance  in- 
flammable :  la  conformité  des  qualités  intérieures  de 
toutes  ces  fubftances ,  avec  celles  des  parties  dures 
des  animaux,  confirme  cette  analogie.  Il  en  eft  de  mê- 
me de  ces  qualités  intérieures  qui  démontrent  immé- 
diatement du  phlogiftique  dans  les  pierres  &  les  ter- 
res calcaires ,  comme  dans  la  craie,  le  marbre,  &c. 
Voye{  Terre.       i 

La  théorie  de  la  calcination  des  pierres  &  des  ter- 
res gypfeufes  tient  moins  immédiatement  à  celle-ci. 
Foyei  Terre. 

Le  feu  s'applique  de  différentes  façons  aux  matiè- 
res qu'on  veut  calciner;  ou  on  expoie  ces  matières 
immédiatement  à  un  feu  de  bois  ou  de  charbon. 
Cette  manière  eft  la  plus  ufitée  dans  la  préparation 
des  chaux  &  des  plâtres.  Voyt\  Chaux  &  Plâtre. 

Ou  on  les  expofe  à  la  flamme  d'un  réverbère.  L'une 
&  l'autre  de  ces  méthodes  eft  en  uiage  dans  les  tra- 
vaux des  mines.  Voye^  Grillage. 

Ou  enfin  on  les  place  dans  des  vaiffeaux  plats  & 
évafés  ,  appelles  têt ,  écuelles  à  rôtir  ou  feorificatoires  , 
qu'on  met  fur  un  feu  de  charbon  ,  ou  fous  la  mouffle 
du  fourneau  d'effai.  Les  calcinations  pratiquées  dans 
les  laboratoires  desChimiftes  pour  des  vues  d'analy- 
fe ,  s'exécutent  ordinairement  dans  ces  vaifléaux. 

Les  règles  générales  du  manuel  de  ces  dernières 
opérations  font  : 

i<\De 


CAL 


CAL 


i°.  De  réduire  en  poudre  groffiere  le  corps  à  cal- 
ciner. 

i°.  De  gouverner  le  feu  de  forte  que  la  matière 
n'entre  point  en  fufion  ;  du-moins  d'éviter  la  fufion 
autant  qu'il  eft  poffible.  Cette  règle  n'eft  pas  abfolu- 
ment  générale  ;  car  la  fufion  favorife  la  calcination 
du  plomb  &  de  l'étain ,  &  elle  ne  nuit  pas  à  celle  du 
bifmuth  ,  pourvu  néanmoins  que  ce  ne  foit  qu'une 
fufion  commençante. 

3°.  Si  on  a  laiffé  fondre  fa  matière,  ou  feulement 
s'empâter ,  de  la  laiffer  refroidir  &  de  la  réduire  de 
nouveau  en  poudre  grofiiere. 

4°.  De  remuer  fouvent  la  matière. 

5°.  Enfin  de  ménager  l'accès  libre  de  l'air ,  autant 
qu'il  eft  poffible. 

Quelques  fubftances  métalliques  éprouvent  par  la 
calcination,  dans  de  certaines  circonftances,  un  chan- 
gement fingulier.  Leurs  chaux  le  chargent  d'une  ma- 
tière qui  augmente  le  poids  abiolu  du  corps  calciné. 
Cette  circonitance  eft  fur-tout  très-remarquable  dans 
le  minium.  Voye{  MlNIUM. 

La  calcination  vraie  peut-être  confidérablement 
hâtée  par  le  fecours  du  fourre  ,  par  celui  du  nitre , 
&  par  celui  de  l'un  &  de  l'autre  employés  en  même- 
tems. 

Vœs  ujfum  ,  le  fafran  de  Mars ,  communément  ap- 
pelle ajlringent ,  &c.  font  des  chaux  préparées  par  le 
loutre.  Les  chaux  de  cette  efpece  portent  le  nom  gé- 
nérique de  fafran  ,  crocus.  La  théorie  de  cette  opéra- 
tion ,  eft  précifément  la  même  que  celle  du  grillage 
des  métaux  imparfaits  &  des  demi-métaux  minéraii- 
fés.  Poyei  Grillage. 

Le  nitre  projette  dans  un  creufet  rougi  au  feu  avec 
les  charbons  en  poudre  ,  avec  la  limaille  des  métaux 
imparfaits ,  &  avec  les  demi-métaux  folides  pulvé- 
rifés,  ou  jette  fur  ces  fubftances  embrafées ,  concourt 
très-efficacement  à  leur  calcination ,  qui  s'opère  dans 
ce  cas  très-promptement.  Lorfque  cette  calcination 
fe  fait  avec  bruit  &  flamme  manifefte  ,  comme  celle 
du  fer  ,  de  l'étain  ,  du  régule  d'antimoine ,  du  zinc  , 
du  régule  d'arfenic ,  elle  s'appelle  détonation.  Voyt{ 

DÉTONATION. 

Les  chaux  d'antimoine  tirées  de  l'antimoine  crud 
ordinaire  par  le  fecours  du  nitre ,  comme  l'antimoine 
diaphorétique  préparé  avec  l'antimoine  crud  ,  le  fa- 
fran des  métaux ,  &c.  font  dues  au  concours  du  nitre 
&  du  foufre. 

L'efprit  de  nitre  opère  auffi  des  calcinations  vraies. 
Le  fer  difîbus  par  l'acide  nitreux  &  abandonné  par 
cet  acide  à  mefure  qu'il  eft  attaqué  ,  eft  une  vraie 
chaux  de  fer  ;  voye^  Fer.  Cet  acide  agit  de  la  mê- 
me façon  fur  le  zinc ,  &  même  un  peu  fur  le  bif- 
muth. Foye{  les  aniclesZltiC ,  BlSMUTH,  c>Mens- 
TRUE. 

Mais  la  chaux  de  cette  efpece  la  plus  parfaite ,  une 
chaux  abfolue,  c'eft  le  produit  de  l'action  de  l'acide 
nitreux  fur  la  partie  réguline  de  l'antimoine ,  foit 
qu'on  l'applique  immédiatement  à  ce  régule  ,  foit 
qu'on  l'applique  à  l'antimoine  crud  ,  ou  au  beurre 
d'antimoine  pour  faire  le  bézoard  minéral. 

Glauber  a  fort  ingénieufement  obfcrvé  dans  la 
première  partie  de  fis  Journeaux  philofopkiques  ,  que  le 
bézoard  minéral  &  l'antimoine  diaphorétique  étoient 
exactement  la  même  choie,  &  qu'il  n'importait  pas 
que  ce  diaphorétique J ùt  fait  avec  l'elprit  de  nitre  ou  avec 
le  nitre  même  corporel.  Voyc^  M t NSTRUE  ,  ANTIMOI- 
NE &  Feu. 

Il  ne  faut  pas  confondre  ces  chaux  avec  les  pré- 
cipités métalliques  qui  portent  le  même  nom,  dont 
on  a  parlé  plus  haut.  Cet  article  efl  de  M.  t'enel. 

CALCUL,  f.  m.  (Mathém. pures.')  fupputation  de 
plufieurs  lommes  ajoutées,  foultraites,  multipliées, 
ou  diviiées.  ^'oye{  Arithmétique. 

L'erreur  de  calcul 'ne  le  couvre  jamais  ni  par  arrêt 
Joint  U, 


545 


m  par  tranfadtion,  &c.  Quand  on  arrête  un  compte 
on  fous-entend  toûjoursfauf erreur  de  calcul. 

L  art  de  calculer  en  général ,  eft  proprement  l'art 
de  trouver  l'expreffion  d'un  rapport  unique ,  qui  ré- 
fuite  de  la  combinaifon  de  plufieurs  rapports.  Les  dé- 
férentes efpeces  de  combinaifons ,  donnent  les  diffé- 
rentes règles  de  calcul.  Cela  eft  expliqué  plus  au  long 
à  l'article  Arithmétique. 

Voyçi  les  différentes  efpeces  de  calcul  aux  articles 
Algèbre,  Différentiel  ,  Exponentiel  ,  In- 
tégral, Addition,  &c 

Plufieurs  peuples  de  l'Amérique  ,  de  l'Afrique,  Se 
de  l'Afie  calculent  avec  des  cordes  ,  auxquelles  ils 
font  des  nœuds. 

Le  calcul  aux  Jetions  fe  fait  aifément ,  en  repréfen- 
tant  les  unités  par  des  jettons ,  les  dixaines  par  d'au- 
tres jettons ,  les  centaines  par  d'autres.  Par  exemple, 
fi  je  veux  exprimer  3  1 5;  avec  des  jettons ,  je  mets  3 
jettons  pour  marquer  les  centaines ,  1  pour  les  dixai- 
nes, 5  pour  les  unités.  Foye?^  Dixaine,  &c.  (£  ) 

Le  mot  calcul  vient  du  Latin  calculus ,  qui  fignifie 
une  pierre,  parce  que  les  anciens  fe  fervoient  de  pe- 
tits cailloux  plats  pour  faire  leurs  fupputations,  foit 
des  fommes  multipliées  ou  divifées  dans  les  comptes, 
foit  en  Afti  onomie  6c  en  Géométrie.  De-là  vient  que 
nous  avons  donné  le  nom  de  calcul  aux  Sciences  des 
nombres ,  à  l'Arithmétique ,  à  l'Algèbre.  Les  Romains 
s'en  fervoient  encore  pour  donner  les  fiiffrages  dans 
les  afiemblées  &  dans  les  jugemens  ;  ils  marquoient 
auffi  les  jours  heureux  avec  une  pierre  blanche,  d'us 
albo  notanda  lapillo ,  dit  Horace,  &  les  jours  malheu- 
reux par  une  pierre  noire.  Ils  avoient  emprunté  la 
première  de  ces  coutumes  des  Grecs ,  qui  nommoient 
ces  efpeces  de  jettons  naturels  4»P&?  ;  c'étoient  d'a- 
bord des  coquilles  de  mer ,  remplacées  depuis  par  des 
pièces  d'airain  de  la  même  figure  ,  appcÛccsJpondy- 
les.  Deux  choies  diftinguoient  les  calculs;  la  forme  & 
la  couleur.  Ceux  qui  portoient  condamnation  étoient 
noirs  &  percés  par  le  milieu ,  les  autres  étoient  entiers 
&  blancs.  M.  l'abbé  de  Canaye  ,^dont  nous  avons 
déjà  parlé  à  l'article  Aréopage,  avec  l'éloge  que 
méritent  la  fine  fie  de  fon  efprit  &  la  variété  de  les 
connoifl'ances ,  dit  qu'on  pourroit  regarder  la  pré- 
caution de  percer  les  noirs  comme  une  preuve  que 
les  Aréopagites ,  qui  s'en  fervoient,  jugeoient  pen- 
dant la  nuit;  car  à  quoi  bon  percer  les  calculs  noirs, 
fi  l'on  eût  pu  voir  les  uns  &  les  autres ,  &c  apperce- 
voir ,  par  le  fecours  de  la  lumière  ,  la  différence  de 
leur  couleur  ;  au  lieu  qu'en  jugeant  dans  les  ténèbres 
il  eft  clair  qu'on  avoit  beloin  d'une  différence  au- 
tre que  celle  de  la  couleur  &c  relative  au  tact ,  pour 
démêler  les  calculs  de  condamnation  d'avec  ceux  qui 
marquoient  l'ablolution.  On  comptoit  ces  calculs  , 
&c  le  nombre  des  uns  ou  des  autres  décidoit  pour  ou 
contre  l'aceufé. 

On  fe  fervoit  auffi  de  calculs  ou  bulletins  pour  ti- 
rer les  athlètes  au  fort  dans  les  jeux  publics ,  &:  les  ap- 
parier. Voici  comme  la  choie  le  pratiquoit  aux  jeux 
olympiques,  au  rapport  de  Lucien  dans  ion  dialogue 
intitulé  Hcrmotime  ou  des  Secles.  «  On  place  ,  dit-il, 
»  devant  les  juges ,  une  urne  d'argent  confacrée  au 
»  dieu  en  l'honneur  de  qui  fe  célèbrent  les  jeux.  On 
»  met  dans  cette  urne  des  ballotes  de  la  groflcur 
»  d'une  téve,  &  dont  le  nombre  répond  à  celui  des 
»  combattans.  Si  ce  nombre  eft  pair,  onu 
»  deux  de  ces  ballotes  la  lettre  A ,  fur  deua 
»  la  lettre  B ,  fur  deux  aunes  la  lettre  r ,  Cv  a 
>»  refte.  Si  le  nombre  eft  impair,  il  y  a  de  néceffité 
»  une  des  lettres  employées  qui  ne  le  trouve  :ii  crite 
>»  que  fur  une  feule  ballote  ;  enfuite  les  athlètes  s'ap- 
»  prochent  l'un  après  l'autre  ,  ce  ayant  invoque  Ju- 
»  piter,  chacun  met  la  main  dans  l'urne  èv:  en  tire 
»  une  ballote.  Mais  ui\  des  maitigophores  ou  porte- 
»  verges  lui  retenant  la  main ,  l'empêche  de  re^ar^ 


546 


CAL 


»  der  la  lettre  marquée  fur  cette  ballote  jufqu  a  ce 
»  que  tous  les  autres  ayent  tiré  la  leur.  Alors  un  des 
»  juges  faifant  la  ronde  examine  les  ballotes  de  cha- 
»  cun,  &  apparie  ceux  qui  ont  les  lettres  femblabies. 
»  Si  le  nombre  des  athlètes  eft  impair  ,  celui  qui  a 
»  tiré  la  lettre  unique  eft  mis  en  réferve  pour  le  bat- 
»  tre  contre  le  vainqueur  ».  Mém.  de  l  Acadcm.  dis 
Bell.  Lett.  tom.  I.  &  VIL  {G  ) 

CALCUL  des  nombres ,  lignifie ,  en  Méchanique  & 
parmi  les  Horlogers  ,  l'art  de  calculer  les  nombres  des 
roues  Se  des  pignons  d'une  machine ,  pour  leur  faire 
faire  un  nombre  de  révolutions  donné  dans  un  terns 
donné.  On  ne  peut  parvenir  à  cela,  qu'en  modérant 
la  vîtefTe  des  roues  par  un  pendule  ou  balancier,  dont 
les  vibrations  foient  ifochrones.  Voy.  Pendule  &  la 
fig.  2.  &  3.  PI.  I.  de  l'Horlogerie  ,  qui  reprélente  un 
rouage  de  pendule  ;  D  ,  la  roue  de  rencontre  ;  C, la 
roue  de  champ  ;  B,  la  grande  roue ,  laquelle  doit  faire 
un  tour  en  une  heure.  Le  mouvement  lui  eft  commu- 
niqué par  la  roue  A  adoffée  à  une  poulie  que  le  poids 
G  fait  tourner  en  tirant  en  en-bas  :  cette  roue  engre- 
né dans  un  pignon  fixe  au  centre  ou  fur  la  même  tige 
que  la  roue  B,  qui  doit  faire  un  tour  en  une  heure. 
Cette  roue  engrené  de  même  dans  le  pignon  fixe  fur 
la  tige  de  la  roue  de  champ  C  ;  cette  dernière  engre- 
né dans  le  pignon  de  la  roue  de  rencontre  D ,  dont 
la  vîtefTe  eft  modérée  par  les  vibrations  du  pendule , 
qui  ne  laiffe  palier  qu'une  dent  de  la  roue  de  rencon- 
tre à  chaque  vibration  du  pendule.  Mais  comme  cha- 
que dent  de  la  roue  de  rencontre  ,  dans  une  révolu- 
tion entière ,  frappe  deux  fois  contre  les  palettes  du 
pendule ,  il  fuit  que  le  nombre  de  vibrations  pendant 
un  tour  de  la  roue  de  rencontre  eft  double  de  celui 
des  dents  de  cette  roue.  Ainfi ,  fi  les  vibrations  du 
pendule  durent  chacune  une  féconde,  &  que  la  roue 
de  rencontre  ait  1 5  dents ,  le  tems  de  fa  révolution 
fera  de  30"  ou  une  demi-minute.  Si  on  fuppofe  que 
le  pignon  x  de  la  roue  de  rencontre  D  ait  fix  ailes 
ou  dents ,  &  que  la  roue  de  champ  qui  le  mené  en 
ait  24 ,  il  eft  manifefte  ,  vu  que  les  dents  du  pignon 
ne  parlent  qu'une  à  une  dans  celles  de  la  roue ,  qu'il 
faudra ,  avant  que  la  roue  de  champ  C  ait  fait  un 
tour,  que  le  pignon  x  en  ait  fait  quatre,  puifque  le 
nombre  de  fes  dents  6  eft  contenu  4  fois  dans  le  nom- 
bre 24  de  la  roue.  Mais  on  a  obfervé  que  la  roue  de 
rencontre ,  Se  par  conféquent  le  pignon  x  qui  eft  fixé 
fur  la  même  tige ,  employé  30"  à  faire  une  révolu- 
tion ;  par  conféquent  la  roue  de  champ  C  doit  em- 
ployer quatre  fois  plus  de  tems  à  faire  une  révolu- 
tion entière:  30"  X  4=  1 20"  =  2',  ainii  le  tems  de  fa 
révolution  eft  de  deux  minutes. 

Préfentement  fi  on  fuppofe  que  le  pignon  y  fixé 
fur  la  roue  de  champ  ait  fix  ailes ,  &  que  la  roue  à 
longue  tige  B  ait  60  dents,  il  faudra  que  le  pignon 
y  faffe  dix  tours  avant  que  la  roue  B  en  ait  fait  un  ; 
mais  le  pignon  y  fixé  fur  la  tige  de  la  roue  de  champ 
C  employé  le  même  tems  qu'elle  à  faire  une  révo- 
lution ,  Se  le  tems  eft  de  2'  ;  la  roue  B  en  employera 
donc  10  fois  davantage ,  c'eft-à-dire  20'  ou  1200" 
ou  vibrations  du  pendule.  Ainli  Ton  voit  que  le  tems 
qu'elle  met  à  faire  une  révolution ,  n'eft  que  le  tiers 
de  3600"  ou  d'une  heure ,  qu'elle  devoit  employer  à 
la  faire.  Les  nombres  fuppofés  font  donc  moindres 
que  les  vrais ,  puilqu'ils  ne  fatisfont  pas  au  problème 
propofé  ;  ainli  on  lent  qu'il  eft  néceffaire  d'avoir  une 
méthode  fûre  de  trouver  les  nombres  convenables. 

Il  faut  d'abord  connoître  le  nombre  des  vibrations 
du  pendule  que  l'on  veut  employer  pendant  le  tems 
qu'une  roue  quelconque  doit  faire  une  révolution. 
Voye{  à  F  article  Pendule  la  manière  de  déterminer 
le  nombre  des  vibrations,  par  cette  règle,  que  le 
quarré  de  ce  nombre,  dans  un  tems  donné,  eft  en 
raifon  inverfe  de  la  longueur  du  pendule.  Divifez  le 
nombre  par  deux ,  Se  vous  aurez  le  produit  de  tous  les 


CAL 

expofans  :  on  appelle  les  expo/ans  les  nombres  qui  mar- 
quent combien  de  tois  une  roue  contient  en  nombre 
de  dentures  le  pignon  qui  engrené  dans  cette  roue. 
Ainli  li  on  a  une  roue,  de  îoixante  dents  Se  un  pignon 
de  fix  qui  y  engrené,  l'expofant  fera  10  qui  mar- 
que que  le  pignon  doit  faire  dix  tours  pour  un  de  la 
roue:  on  écrit  les  pignons  au-deffus  des  roues,  &C 
l'expofant  entre  deux  en  cette  forte  : 
6  =  pignon , 
10  =  expofant, 
60  =  roue. 
Lorfqu'il  y  a  pluiieurs  pignons  &  roues  ,  on  les  écrit 
à  la  file  les  uns  des  autres,  en  féparant  les  expofans 
par  le  figne  X  (multiplié  pur~)  dont  un  des  côtés  repré- 
lente la  tige  fur  laquelle  eft  un  pignon  Se  une  roue  , 
qui  ne  compofant  qu'une  feule  pièce ,  font  leur  révo- 
lution en  tems  égaux.  Exemple  : 
0778 
^2X15x6x5x7-^-     &c. 
15    42    35    60   B 
1,2,15,6,5,7;,  font  les  expofans  ou  les  quo- 
tiens  des  roues  diviiés  par  leurs  pignons.  7,7,8, 
les  pignons.  15,  42,  3  5  ,  60 ,  les  roues  qui  engrè- 
nent dans  les  pignons  placés  au-deffus.  Les  X  mar- 
quent, comme  il  a  été  dit,  que  le  pignon  7  &  la  roue 
1  5  lont  fur  une  même  tige,  ainfi  que  le  fécond  pi- 
gnon 7  &  la  roue  42,  de  même  le  pignon  8  eft  fur 
la  tige  de  la  roue  35. 

Théorème.  Le  produit  des  expofans  doublé  eft  égal 
au  nombre  des  vibrations  du  pendide  pendant  une 
révolution  de  la  dernière  roue  B. 

Démonjlration.  La  roue  de  rencontre  1 5 ,  ainfi 
qu'il  a  été  expliqué  ci-deffus ,  ne  laiffe  paffer  qu'u- 
ne dent  à  chaque  vibration  du  pendule  :  mais  com- 
me chaque  dent  paffe  deux  fois  fous  les  palettes  du 
pendule,  le  nombre  des  vibrations,  pendant  une 
révolution  de  la  roue  de  rencontre ,  eft  le  double 
du  nombre  de  dents  de  cette  roue  ;  ainfi  on  doit 
compter  30  vibrations  ou  2  X  15  :  mais  le  pignon 
7  fixé  fur  la  tige  de  la  roue  de  rencontre ,  fait  fa 
révolution  en  même  tems  que  la  roue  fait  la  fien- 
ne  ;  Se  il  faut  qu'il  faffe  fix  révolutions  pour  que  la 
roue  42  en  faffe  une  ;  le  nombre  de  vibrations  pen  ■ 
dant  une  révolution  de  cette  féconde  roue  42 ,  fera 
donc  fextuple  de  celui  du  pignon  7  qui  employé 
2x15a  faire  fa  révolution;  ainfi  la  roue  42  em- 
ployera 2x15x6  vibrations  à  faire  une  révolution 
entière.  Le  fécond  pignon  7  fixé  fur  la  tige  de  cette 
roue ,  employera  autant  de  tems  qu'elle  a  à  faire 
une  révolution  :  mais  il  faut  cinq  révolutions  de  ce 
pignon  pour  un  tour  de  la  roue  3  5  :  ainfi  le  nombre 
de  vibrations  pendant  un  tour  de  cette  dernière  roue, 
fera  (2X  15X  6)x  5  vibrations  ;  le  pignon  8  em- 
ployera le  même  tems,  Se  la  roue  60 ,  7  {  fois  davan- 
tage, puifqu'il  faut  que  le  pignon  8  faffe  y-  tours, 
pour  que  la  roue  60  en  faffe  un  :  ainfi  le  nombre  des 
vibrations  pendant  une  révolution  de  cette  dernière 
roue ,  fera  (2X15X6X  5  )  X  7  7 ,  ce  qui  eft  le 
produit  de  tous  les  expofans  multiplié  par  2.  Ce  qu'il 
falloit  démontrer. 

Dans  un  rouage  on  place  ordinairement  les  plus 
petits  pignons  vers  l'échappement,  Se  les  plus  gros 
vers  le  moteur  :  on  place  de  même  les  roues  plus 
chargées  de  dentures  ;  ce  qui  fait  que  les  plus  grands 
expofans  fe  trouvent  vers  l'échappement  :  ainii  dans 
l'exemple  précédent,  les  roues  35  &  42  devroient 
changer  de  place  ,  pour  que  les  expofans  allaffenten 
décroiffant  de  A  vers  B  en  cette  forte  : 
o  579 

^2X15x10X8x7     B 

5°      56     63  , 

ce  qui  fait  un  roiiage  qui  peut  être  employé  avec 
avantage  pour  toutes  les  parties.  On  met  le  nombre 
de  vibrations  ou  produit  des  expofans  à  la  fin ,  le- 


CAL 


CAL 


547 


paré  feulement  par  le  figne  =  en  cette  forte  : 

5       7       9 
2X   15  X   10x8x7=  16800 


M 


50      56      6; 


ce  qui  exprime  le  nombre  de  vibrations  pendant  une 
révolution  entière  de  la  dernière  roue  63. 

Lors  donc  que  l'on  propote  de  conftruirc  un  roua- 
ge, il  faut  connoître  le  nombre  de  vibrations  du  pen- 
dule qu'on  veut  appliquer  au  rouage  pendant  le  tems 
que  l'on  veut  qu'une  roue  employé  à  taire  la  révo- 
lution :  fuppofons  que  ce  tems  foit  une  heure ,  6c  que 
le  pendule  batte  les  fécondes  ,  c'eft-à-dire ,  que  cha- 
que vibration  foit  de  la  durée  d'une  féconde ,  une 
heure  en  contient  3600  :  ainii  pendant  la  révolution 
de  la  roue  qui  fera  un  tour  en  une  heure,  le  pendule 
fera  3600  vibrations,  &  ce  nombre  3600  eft  le  dou- 
ble du  produit  de  tous  les  expofans  2  X  r  X  s  X  t 
des  roues  6c  des  pignons  qu'il  faut  connoître.  Divi- 
fez  le  nombre  3600  par  2,  il  vient  1800  qui  eft  le 
produit  de  trois  grandeurs  inconnues  r,  s,  t,  mais  que 
l'on  fait  devoir  aller  en  décroiflant  de  r  à  t ,  6c  que 
l'expofant  r  qui  représente  le  rochet  de  la  roue  de 
rencontre ,  peut  être  double  du  triple  de  l'expofant  s , 
qui  ne  doit  furpaffer  le  troifieme  t  que  d'une  unité 
au  plus. 

Pour  trouver  ces  trois  inconnues,  on  fuppofe  une 
valeur  à  la  première  r ,  6c  cette  valeur  eft  un  nom- 
bre commode  pour  être  un  rochet ,  &  eft  toujours 
un  nombre  impair  pour  une  roue  de  rencontre.  Sup- 
posant que  r  =  30,  on  le  dégage  facilement  de  l'é- 
quation 1800  =  r  s  t,  &  on  a  pour  la  valeur  de  s  t , 
s  t  =  ^~  =  60.  Préfentement ,  puifque  s  6c  t  font 
égaux  ou  prefqu'égaux ,  en  fuppofant  t  =  s,  on  aura 
l'équation  5  s  =  60;  donc  s  =  y/6o  :  ainfiil  faut  ex- 
traire la  racine  quarrée  de  60  :  mais  comme  elle  n'eft 
pas  exacte  ,  on  prend  pour  expofant  la  racine  du  quar- 
ré  le  plus  prochain,  foit  en-defius,  ou  en-deflbus,  & 
on  divife  le  produit  s  t  =  60  par  cette  racine,  &  le 
quotient  eft  l'autre  expofant,  &  le  plus  grand  eft  ce- 
lui que  l'on  met  le  premier  :  ainii  dans  l'exemple  ,  64 
eft  le  quarré  le  plus  prochain  de  60,  fa  racine  eft  8  ; 
on  divife  60  par  8  ,  il  vient  7 1  pour  l'autre  expofant. 
On  les  difpofera  tous  an  cette  forte  : 
2x30x8x7!=  3600 
Préfentement  il  faut  trouver  les  pignons  &  les  roues , 
ce  qui  n'eft  point  difficile  :  pour  7-  on  prendra  8  pour 
pignon ,  6c  pour  roue  8  fois  l'expofant  7  f ,  ce  qui 
fait  60  ;  pour  l'expofant  8 ,  on  prendra  un  pignon  7, 
&c  la  roue  fera  56  ;  la  troifieme  roue  qui  eft  le  rochet 
eft  toujours  égale  au  premier  expofant  : 
178' 
2X30x8x7^  =  3600 
30  56  60 
On  doit  obferver  i°.  lorfque  l'expofant  eft  un  mixte, 
que  le  pignon  doit  toujours  être  le  dénominateur  de 
la  fraction  du  mixte ,  ou  un  multiple  de  ce  dénomi- 
nateur, s'il  eft  trop  petit  pour  être  un  pignon.  i°.Que 
s'il  y  a  voit  trois  expofans  s  c  u,  non  compris  le  ro- 
chet ou  la  roue  de  rencontre,  ondevroit  extraire  la 
racine  cubique  de  leur  produit  ;  cette  racine  cubique 
ou  celle  du  cube  le  plus  prochain ,  fera  un  des  ex- 
pofans. (Z>) 

CALCUL,  (Médecine.)  Voyei  PiFRRE. 
CALCULATEURS,  fub.  m.  pi.  (Hift.  anc.)  nom 
que  les  Romains  donnoient  auv  maitres  d'Arithméti- 
que ,  parce  qu'ils  montraient  d'abord  aux  enfans  à 
calculer  ou  compter  avec  des  jettons  appelles  en  La- 
lin  calculï.  Ce  terme  le  trouve  dans  les  anciens  jurif- 
confultes  ;  oc  félon  d'habiles  critiques ,  il  fervoit  à  dé- 
figner  les  maîtres  d'Arithmétique  de  condition  libre , 
au  lieu  que  par  le  mot  calculants  qui  s'y  rencontre 
auffi ,  l'on  entendoit  les  cfclaves  ou  les  affranchis  de 
nouvelle  date  ,  qui  exerçoient  la  même  profcffîon. 
Tertuhen  appelle  ces  maîtres  primi  numerorum  arma- 
Tome  II, 


ni,  peut-être  parce  qu'après  avoir  enfeigné  aux  en- 
fans  la  manière  de  compter  aux  jettons ,  ils  leur  mon- 
traient l'Arithmétique,  en  traçant  fur  le  fable  les  figu- 
res des  chiffres  à  là  manière  des  anciens  Géomètres. 
Ordinairement  il  y  avoit  un  de  ces  maîtres  pour  cha- 
que maifon  confidérablc ,  6c  le  titre  de  fa  charge  étoit 
à  calculis,à  rationibus ,  c'eft-à-dire,  officier  chargé 
des  comptes  ,  des  calculs,  (G) 

CALCULER,  v.  a  et.  c'eft  en  général  appliquer 
les  règles  ou  de  l'Arithmétique  ou  de  TAlgebre,  ou 
les  unes  &  les  autres  à  la  détermination  de  quelque 
quantité.  Voye^  CALCUL.  Ainfi, 

Calculer  en  Hydraulique,  eft  cherchera  con- 
noître la  force  6c  la  vîteffe  d'un  jet,  d'un  ruiffeau , 
d'un  courant  de  rivière,  ce  qui  eft  la  même  chofe 
que  fa  dépenfe.  Voye^ Dépense. 

Quand  il  s'agit  du  poids  de  l'eau  &  de  fon  éléva- 
tion, voye^  ces  deux  mots  &  celui  de  Colonne.  Si 
l'on  veut  connoître  le  contenu  d'eau  d'un  baflin  , 
voyei Toisé  des  Bassins. 

On  ne  fe  fert  point  dans  l'Hydraulique  vulgaire  du 
calcul  algébrique  ;  l'Arithmétique  vulgaire  lui  a  été 
préférée  comme  plus  familière  à  tout  le  monde.  (/£) 
CALE ,  f .  f .  (  en  Architeclure.  )  eft  un  petit  morceau 
de  bois  mince  qui  détermine  la  largeur  du  joint  de  lit 
d'une  pierre.  Mettre  une  pierre  fur  cales,  c'eft  la  po- 
fer  fur  quatre  cales,  de  niveau  &  à  demeure,  pour 
enfuite  la  ficher  avec  un  mortier  fin.  On  fe  fert  quel- 
quefois de  cales  de  cuivre  ou  de  plomb  pour  pofer  le 
marbre.  (/*) 

Cale  ,  fond  de  cale  ,  (  Marine.  )  c'eft  la  partie  la 
plus  baffe  d'un  navire  qui  entre  dans  l'eau  ,  fous  le 
franc  tillac  ;  elle  s'étend  de  poupe  en  proue.  Le  fond 
de  cale  comprend  tout  l'efpace  compris  depuis  la  car- 
lingue jufqu'au  franc  tillac  ou  premier  pont.  C'eft  le 
lieu  où  l'on  met  les  munitions  &  les  marchandifes. 
Voye^  Planche  IV.  fig.  1.  n° .  Ji.  le  fond  de  cale  &  fa 
diftribution,  les  cloilons  &  féparations.  Il  n'y  a  point 
d'ufage  particulier  pour  la  diftribution  ,  qui  le  fait 
fuivant  la  deftination  du  bâtiment. 

On  tient  le  fond  de  cale  plus  large  dans  les  vaif- 
feaux  qu'on  deftine  pour  charger  à  cueillette  ou  au 
quintal ,  que  dans  les  autres;  parce  que  la  diverfe 
manière  des  paquets  ,  des  tonneaux ,  des  caiffes ,  6c 
de  toutes  les  choies  qu'on  y  charge  ,  fait  qu'il  eft  plus 
difficile  de  les  bien  arrimer.  Voye^  Arrimer  ,  Ar- 
rimage ,  Cueillette. 

Dans  le  combat,lî  l'on  a  des  prifonniers  ou  des  ef- 
claves  contre  lefquels  on  doive  être  en  garde  ,  on 
les  enferme  fous  le  tillac  dans  le  fond de  cale. 

CALE  ,  donner  la  cale  ,  (  Marine.  )  c'eft  une  forte 
d'eftrapade  en  ufage  parmi  les  gens  de  mer,  à  laquelle 
on  condamne  ceux  de  l'équipage  qui  lont  convain- 
cus d'avoir  volé ,  blafphémé ,  ou  excité  quelque  ré- 
volte. Il  y  a  la  cale  ordinaire  6c  la  cale  fe^he  :  lori- 
qu'on  donne  la  cale  ordinaire,  on  conduit  le  criminel 
vers  le  plat  bord ,  au-deflous  de  la  grande  vergue  , 
&  là  on  le  fait  affeoir  fur  un  bâton  qu'on  lui  pâlie 
entre  les  jambes ,  afin  de  le  foulager  ;  il  embraffe  un 
cordage  auquel  ce  bâton  eft  attaché,  ôc  qui  répond 
à  une  poulie  fufpendue  à  un  des  bouts  de  la  vergue. 
Enfuite  trois  ou  quatre  matelots  hiffent  cette  corde 
le  pluspromptement  qu'ils  peuvent,  juiqu'à  ce  qu'ils 
ayent  guindé  le  patient  à  la  hauteur  de  la  v( 
après  quoi  ils  lâchent  le  cordage  tout-à-coup  ;  ce  qui 
le  précipite  dans  la  mer.  Quelquefois  quand  le  crime 
eft  tel  qu'il  fait  condamner  celui  que  l'on  veut  punir, 
à  une  chute  plus  rapide  ,  on  lui  attache  un  boi 
canon  aux  pies.  Ce  fupplice  fe  réitère  jufqu'à  cinq 
fois,  félon  que  la  fentence  le  porte.  On  l'appelle  cale 
feche,  quand  le  criminel  eft  fufpendu  à  une  corde 
raccourcie,  qui  ne  descendant  qu'à  quelques  pies  de 
la  furfacede  l'eau  ,  empêche  qu'il  ne  plonge  dans  la 
mer;  c'eft  une  cfpecc  d'eftrapade.  Ce  châtiment  eft 

Z  zz  ij 


548 


CAL 


rendu  public  par  un  coup  de  canon  qu'on  tire ,  pour 
avertir  tous  ceux  de  l'ef  cadre  ou  de  la  flotte  d'en  être 
les  ipeclateurs. 

Donner  la  grandi  cale  ,  ou  donner  la  cale  par-deffous 
la  quille  ,  (  Marine.  )  c'eft  une  forte  de  punition 
qu'on  pratique  à  la  mer  parmi  les  Hollandois  :  on 
mené  le  coupable  au  bord  du  vaifleau  ,  &  on  y  atta- 
che une  corde ,  au  milieu  de  laquelle  il  eft  lié  par  le 
milieu  du  corps,  ou  bien  on  amené  la  vergue  fur  le 
vibord ,  &  ayant  mis  le  coupable  fur  le  bout ,  on  y 
attache  la  corde.  Autour  de  fon  corps  on  met  quel- 
que choie  de  pefant,  ou  bien  on  l'attache  à  fes  pies  ; 
la  corde  eft  aufîi  longue  qu'il  Faut  pour  pafler  fous  la 
quille  du  vaifleau  ;  un  des  bouts  en  eft  tenu  de  l'au- 
tre côté  par  quelques-uns  des  plus  forts  matelots  de 
l'équipage  ,  &  l'autre  bout  eft  celui  qui  eft  attaché  au 
vibord  ou  à  la  vergue.  Le  coupable,  à  l'ordre  qu'en 
donne  le  quartier-maître,  étant  jette  à  la  mer,  ceux 
qui  tiennent  la  corde  à  l'autre  bord  du  vaiffeau,  la 
tirent  le  plus  vite  qu'ils  peuvent,  deiorte  qu'il  parle 
avec  une  grande  rapidité  dans  l'eau  fous  la  quille. 
On  recommence  même  quelquefois ,  &  on  le  jette 
autant  de  fois  que  la  fentence  le  porte.  Ce  châtiment 
eft  rude  &c  dangereux  ;  car  le  moindre  détaut  de  di- 
ligence ou  d'adreffe  de  la  part  de  ceux  qui  tirent  la 
corde ,  ou  quelqu'autre  petit  accident,  peut  être  cau- 
fe  que  celui  qu'on  tire ,  le  rompe  ou  bras  ou  jambes, 
&  même  le  cou  ;  auffi  l'on  met  ce  châtiment  au  rang 
des  peines  capitales.  (  Z  ) 

Cale  ,  (  Marine.  )  c'eft  un  abri  fur  la  côte.  Voye^ 
Calangue. 

Cale  ,  fe  dit  encore  d'un  terrein  creufé  d'une  cer- 
taine longueur  &  largeur  dans  un  chantier  de  conf- 
truclion ,  préparé  en  pente  douce ,  &  s'étendant  juf- 
que  dans  la  mer  pour  tirer  les  vaiffeaux  à  terre 
lorfqu'il  eft  queftion  de  les  radouber. 

On  a  long-tems  agité  en  France  fi  les  cales  étoient 
plus  avantageufes  pour  la  conftruftion  que  les  for- 
mes :  mais  les  formes  paroiffent  l'avoir  emporté.  Le 
principal  inconvénient  que  l'on  trouve  dans  les  cales, 
c'eft  que  le  vaifleau  eft  en  danger  de  tomber  fur  le 
côté  quand  on  le  tire  fur  la  cale ,  ou  qu'on  le  remet  à 
l'eau  ;  &  quand  le  navire  refte  fur  la  cale,  il  ne  peut 
être  foùtenu  que  par  des  coittes,  qui  ne  pouvant  aller 
d'un  bout  à  l'autre  du  vaifleau ,  à  caufe  du  relève- 
ment des  façons  de  l'arriére  &c  de  l'avant ,  n'en  foû- 
tiennent  qu'une  partie  ,  pendant  que  le  devant  &  le 
derrière  qui  ne  font  foùtenus  de  rien  fouffrent  beau- 
coup. D'ailleurs  la  cale  étant  plus  étroite  que  le  vaif- 
feau ,  on  ne  peut  l'épontiller  d'un  bout  à  l'autre. 
Ces  inconvéniens  ne  fe  rencontrent  point  dans  la 
forme. 

Pour  qu'une  cale  foit  dans  fa  perfection ,  il  faut  que 
le  fond  en  foit  fort  folide  &C  extrêmement  uni ,  con- 
fervant  une  pente  douce  &  égale  d'environ  6  à  8 
lignes  par  pie  ;  deforte  qu'elle  devient  extrêmement 
longue,  &  peut  avoir  environ  6oo  pies  de  long  fur 
25  à  30  pies  de  large.  Il  faut  qu'elle  s'étende  fous 
l'eau  de  façon  qu'il  y  ait  au  moins  x  1  pies  d'eau  au 
bout ,  afin  qu'un  navire  fe  puiffe  porter  tout  entier 
fur  la  cale ,  Se  que  la  quille  touche  d'un  bout  à  l'au- 
tre dans  le  même  moment  ;  car  un  vaiffeau  dont  une 
partie  touche  &  l'autre  eft  flot  ,  fouffre  beaucoup. 
Pour  rendre  le  fond  de  la  cale  folide  ,  on  le  fait  de 
grandes  caiffes  maçonnées  qu'il  faut  avoir  attention 
de  pofer  de  façon  que  le  niveau  de  la  pente  foit  bien 
confervé  ;  la  caiffe  du  bout  qui  eft  la  plus  avant  fous 
l'eau ,  eft  fort  difficile  à  enfoncer.  On  met  fur  ce  fond 
un  grillage  de  bois  qu'on  appelle  échelle,  qui  fert  à 
faire  gaffer  le  vaiffeau  &  y  établir  des  couliffes  pour 
le  tirer  droit  &  l'empêcher  de  varier.  On  fe  fert 
de  plufieurs  cabeftans  pour  tirer  le  vaiffeau  fur  la 
cale ,  &  d'un  bâtis  de  charpente  qu'on  appelle  ber- 
c-eau.  Il  faut  pour  le  fervice  d'une  caley  une  échelle  , 


CAL 

trois  berceaux,  un  pour  les  grands  vaiffeaux,  un  pour 
les  moyens  ,  &c  un  pour  les  petits  ,  &c  plulieurs  ca- 
beftans. 

Cale  ,  (  Marine.  )  ce  met  fe  dit  enfin  d'un  plomb 
dont  on  fe  fert  pour  faire  enfoncer  l'hameçon  au  fond 
de  l'eau  dans  la  pêche  de  la  morue. 

Cale,  (  Marine.  )  terme  de  commandement  qui 
fe  fait  pour  laiffer  tomber  tout  d'un  coup  ce  que  l'on 
tient  fufpendu.  Cale-tout.  (Z) 

CALE-BAS  ,  CARGUEBAS  ,  CAL-BAS  ,  CAR- 
QUE-BAS  ,  f.  m.  {Marine.  )  c'eft  un  cordage  qui 
fert  à  amener  les  vergues  des  paefis  ;  il  eft  amarré  par 
un  bout  au  racage  de  l'un  de  ces  paefis  ,  &  par  l'au- 
tre bout  à  un  arganeau  qui  eft  au  pié  du  mât  ;  &  ce 
cordage  eft  un  palan  fimple. 

Calebas  ,  (  Marine.  )  c'eft  aufîi  un  petit  palan  , 
dont  on  fe  fert  pour  rider  le  grand  étai.  (  Z  ) 

CALEBASSE ,  cucurbita ,  f.  f.  (  Hijt.  nat.  bot.  )  gen- 
re de  plante  dont  les  fleurs  font  faites  en  forme  de 
cloche  ouverte  ,  &  pour  l'ordinaire  découpées  de 
façon  qu'elles  paroiffent  être  compofées  de  cinq  pé- 
tales :  les  unes  de  ces  fleurs  font  ftériles  ,  &c  ne  tien- 
nent à  aucun  embryon  ;  les  autres  font  fécondes  & 
font  portées  fur  un  embryon  qui  devient  dans  la 
fuite  un  fruit  cylindrique  dans  quelques  efpeces  ,  Se 
fait  en  forme  de  flacon  ;  dans  d'autres ,  ce  fruit  eft 
ordinairement  partagé  en  fix  loges  remplies  de  fe- 
mences  applaties ,  oblongues ,  émouffées  par  les  deux 
bouts,  échancrées  par  le  plus  large.  Tournefort, 
Injl.  rei  herb.  Voyc7^  Plante.  (/) 

CALEBASSIER  d'Amérique  ,  f.  m.  plante  étran- 
gère. Les  Efpagnols  l'appellent  higuero  ;  les  Anglois , 
tlte  calabash-tree ,  &C  les  Botaniftes  ,  cucurbitifera  arbor 
Americana.  H.  L. 

Un  arbre  d'Amérique  dont  on  ne  peut  prefque  fe 
paffer  dans  aucune  habitation  ,  eft  le  cakbaffier.  Le 
lecteur  en  va  juger  tout-à-1'heure. 

Ses  caractères.  Sa  fleur  eft  d'une  feule  pièce ,  faite 
en  forme  de  cloche ,  &  découpée  en  divers  fegmens. 
Du  calice  de  là  fleur  s'élève  un  piftil ,  qui  devient 
un  gros  fruit  plein  de  chair,  femblable  à  nos  calebaf- 
fes  ,  revêtu  d'une  écorce  dure  &  forte ,  &  contenant 
plufieurs  femences  faites  en  cœur. 

Defeription  du  calebaffîer.  Cet  arbre  s'élève  à  une 
grande  hauteur  dans  les  pays  chauds  de  l'Amérique. 
Son  tronc  eft  tortueux ,  couvert  d'une  écorce  grife , 
blanchâtre  ,  &  raboteufe.  Il  eft  divifé  en  plufieurs 
branches ,  compofées  d'autres  plus  petites .  chargées 
de  feuilles.  Son  bois  eft  plus  coriace  que  dur.  Ses 
feuilles  ont  quatre  ,  cinq,  fix  pouces  de  longueur  fur 
un  pouce  de  largeur ,  plus  larges  dans  le  milieu  que 
par  l'une  ou  l'autre  de  leurs  extrémités  ;  épaiffes  , 
liftes ,  glabres ,  d'un  verd  clair  en-deffous ,  plus  obf- 
cures  en-deffus  :  elles  font  attachées  le  long  des  bran- 
ches les  unes  après  les  autres.  Ses  fleurs  qui  croiffent 
fur  le  tronc  comme  fur  les  branches  ,  font  d'une  feule 
pièce  en  forme  de  cloche  ,  approchant  affez  pour  la 
figure  à  des  rofes  fauvages  éclofes  à  moitié  :  elles  font 
longues  d'un  pouce  &  demi  fur  un  pouce  de  largeur, 
poinîillées  fur  leur  furface ,  &  d'une  odeur  defagréa- 
ble.  Les  étamines  font  blanches ,  &  le  calice  de  la 
fleur  eft  verdâtre,  à  deux  feuilles  arrondies,  du  milieu 
defquelles  s'élève  un  piftii  qui  devient  un  fruit  fem- 
blable aux  calebaffes  6\i  au  potiron  ,  de  différente  fi- 
gure &  groffeur ,  revêtu  d'une  écorce  blanchâtre  , 
dure  ,  liffe  ,  épaifîe  ,  forte  ,  &  renfermant  plulieurs 
graines  brunes. 

Noms  de  fon  fruit.  On  nomme  communément  ce 
fruit  macha-mona  en  Guinée ,  cuicle  dans  la  Nouvelle- 
Efpagne  ,  &c  coui  dans  nos  colonies  Françoifes. 

On  connoît  que  les  calebaffes  font  mûres  quand  la 
queue  qui  les  attache  à  l'arbre  fe  flétrit  &  fe  noircit; 
pour  lors  on  les  détache  de  l'arbre.  Si  on  veut  s'en 
-fervir  pour  mettre  de  l'eau  ou  d'autres  liqueurs  ,  on 


CAL 

fait  près  de  la  queue  un  trou  d'une  grandeur  conve- 
nable ,  par  lequel  on  verfe  de  l'eau  bouillante  dans  la 
calebaffe  pour  macérer  plus  promptement  la  moelle 
ou  pulpe  dont  elle  elt  remplie. 

Ufages  de  la  coque  de  ce  fruit.  Après  que  cette  pulpe 
eft  bien  macérée ,  on  introduit  dans  la  calebaffe  un  pe- 
tit bâton  ,  pour  rompre  entièrement  cette  pulpe  &c  l'a 
faire  lortir  :  enfuite  on  y  met  encore  de  l'eau  chaude 
avec  du  gros  fable ,  que  l'on  remue  fortement  pour 
achever  de  détacher  ce  qui  peut  reft er  de  la  calebajje , 
6c  en  polir  le  dedans.  Quand  les  calebajjes  font  ainfi 
nettoyées  &c  féchées  ,  le  vin  &  les  autres  liqueurs 
qu'on  y  met  s'y  confervent  parfaitement ,  &c  ne  con- 
tractent point  de  mauvais  goût.  Lo:  lqu'on  veut  lé- 
parer  une  calebajfe  en  deux  parties  pour  en  faire  deux 
couis,  qui  font  propres  à  une  infinité  d'ufages  ,  on 
l'environne  avec  une  petite  corde  que  l'on  (erre  for- 
tement à  l'endroit  où  on  veut  couper  la  calebaffe  ;  &c 
de  cette  manière  on  la  lépare  en  deux  :  mais  il  tant 
pour  cela  qu'elle  ne  f oit  ni  trop  (eche  ,  ni  trop  traî- 
chement  cueillie.  Etant  ouverte ,  on  la  vuide  faci- 
lement, on  en  gratte  le  dedans  avec  une  coquille  de 
.  moule  ou  autre  ,  pour  le  polir. 

Les  Indiens  poliffent  l'écorce  du  coui  en -dedans 
&  en -dehors,  l'émaillent  fi  agréablement  avec  du 
roucou  ,  de  l'indigo ,  &c  autres  belles  couleurs  >  que 
les  délicats  même  peuvent  boire  &c  manger  fans  dé- 
goût dans  les  divers  vaiffeaux  qu'Us  en  forment.  Ils 
ilefîincnt  &C  gravent  fur  la  convexité ,  des  comparti- 
mens  &c  des  grotefques  à  leur  manière.  Ils  remplil- 
fent  les  hachures  de  couleurs  afforties  ,  &  leurs  def- 
feins  font  auffi  juftes  qu'on  peut  l'attendre  de  gens 
qui  ne  fe  fervent  ni  de  règle,  ni  de  compas.  Il  y  a 
des  curieux  qui  recherchent  ces  lortes  d'ouvrages  , 
&  qui  ne  les  eftiment  pas  indignes  d'une  place  entre 
les  raretés  de  leurs  cabinets. 

Ces  couis  font  d'un  ufage  très-diverfifié  ;  &  quoi- 
qu'ils ne  foient  que  de  bois,  on  ne  laiffe  pas  que  de 
les  employer  à  y  faire  chauffer  de  l'eau.  Lorfqu'ils 
font  rompus  ,  leurs  pièces  fervent  à  faire  des  cuil- 
liercs  :  on  en  fait  des  écumoires  &  des  paffoircs ,  en 
les  perçant  avec  un  petit  fer  rouge.  C'elt  la  vaiffelle 
ordinaire  &  la  batterie  de  cuifine  ,  tant  des  Caraïbes 
que  de  nos  Nègres.  En  un  mot  le  calebaffîer  fournit 
tout  feul  la  plus  grande  partie  des  petits  meubles  du 
ménage  des  Indiens  &  des  habitans  étrangers  qui  de- 
meurent aux  îles. 

Uj'ages  de  la  pulpe.  Mais  la  pulpe  de  la  calebaffe  leur 
cft  encore  plus  précieule  que  la  coque  :  c'cft-là  leur 
grande  panacée  pour  une  infinité  de  maladies  ou  d'ac- 
cidens.  Dans  toute  efpcce  de  brûlure ,  ils  en  font  une 
efpecc  de  cataplafmc,  qu'ils  appliquent  fur  la  partie 
brûlée  ou  échaudée  ;  ils  renouvellent  de  tems  entems 
ce  cataplafmc ,  &  le  maintiennent  par  un  bandage: 
ils  fuivent  la  même  méthode  pour  guérir  les  maux  de 
tête  caufés  par  des  coups  de  foleil.  Ils  cuifent  cette 
pulpe  ,  ou  la  macèrent  dans  des  cendres  chaudes  ;  & 
du  lue  qu'elle  fournit ,  ils  en  compofent  des  lavemens 
pour  la  colique.  Ils  l'employcnt  encore  comme  un 
préfervatif  contre  tout  accident  dans  les  chûtes  con- 
sidérables :  pour  cet  effet ,  ils  vont  cueillir  une  cale- 
baffe prefque  mûre,  la  cuifent  fous  des  cendres  chau- 
des, l'ouvrent  enflute ,  expriment  ie  lue  de  la  moelle 
Bans  un  vaie,  &  le  donnent  à  boire  au  malade.  Ne 
nous  moquons  point  ici  de  cette  pratique  ;  cette  boif- 
fon  rafraîchiffante  vaut  mieux  en  pareil  cas  que  celle 
de  rintuiion  des  herbes  vulnéraires  ,  que  plusieurs  de 
nos  Médecins  ordonnent,  &  que  je  trouve  recom- 
mandées djns  les  Mémoires  deV Académie  des  Sciences. 
Enfin  les  habitans  de  l'Amérique  regardent  la  pul- 
pe du  coui  comme  louveraine  pour  arrêter  les  he- 
morrhagies  cauiees  par  des  bleffures ,  pour  prévenir 
des  abcès  ,  pour  refoudre  des  tumeurs  par  contufion  , 
pour  empêcher  les  défaillances,  &c,  Les  pauvres 


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549 


gens  font  excufables  de  croire  à  ce  prétendu  remè- 
de :  mais  nos  voyageurs  Oviedo  ,  Rochefort  ,  du 
Tertre ,  Labat ,  &  tant  d'autres ,  ne  fe  moquent-ils 
pas  de  nous  quand  ils  nous  vantent  les  merveilleux 
effets  opérés  par  la  moelle  de  calebaffe  dans  les  der- 
niers cas  dont  nous  venons  de  parler  ? 

Culture  du  calebaffîer  en  Europe.  Quoique  la  pulpe 
de  calebaffe  ni  fa  coque  ne  nous  touchent  guère  en 
Europe  par  le  peu  d'utilité  que  nous  en  pouvons  ti- 
rer,  nous  avons  cependant  pouffé  la  curiofité  juiqu'à 
chercher  à  élever  dans  nos  climats  le  calebaffîer  d  A- 
mérique,  &  nous  y  avons  réuffi.  En  voici  la  méthode 
enfeignée  par  Miller  ,  &  que  tout  le  monde  né  con- 
noît  pas. 

Il  faut  tenir  cet  arbre  dans  un  endroit  de  la  ferre 
dont  le  degré  de  chaleur  foit  modéré  ,  par  le  moyen 
du  thermomètre.  Il  fembleroit  qu'étant  originaire  des 
pays  chauds ,  il  auroit  befoin  d'une  très -forte  cha- 
leur: mais  on  a  trouvé  par  expérience ,  que  la  cha- 
leur tempérée  lui  ell  beaucoup  plus  avantageufe.  Il 
demande  une  terre  légère  ,  fablonneufe  ,  de  fréquens 
arrolemens,  &  beaucoup  d'air  en  été  ;  autrement  il 
arrive  que  fes  feuilles  font  mangées  d'infectes  ,  ce  qui 
le  défigure  étrangement  &  retarde  fa  pouffe.  Il  n'y  a 
d'autres  moyens  de  prévenir  ce  mal  ou  d'y  remé- 
dier ,  que  de  nettoyer  ibigneufement  les  feuilles  avec 
une  guenille  de  laine ,  de  mettre  l'arbre  en  été  à  un 
plus  grand  air  ,  &  en  hyver  dans  un  endroit  plus 
frais. 

On  multipliera  le  calebaffîer  en  plantant  pendant 
l'été  de  fes  rejettons  dans  des  pots  garnis  de  bonne 
terre  ,  &  en  plongeant  ces  potb  dans  un  lit  de  tan  d'u- 
ne chaleur  modérée ,  obfervant  de  les  arrofer  &  de 
les  abrier  pendant  le  chaud  du  jour,  jufqu'à  ce  que 
les  remettons  ayent  pris  racine.  Les  gra'mes  de  cet  ar- 
bre ,  £  on  les  apporte  fraîches  dans  le  fruit  même  , 
viendront  à  merveille  en  les  femant  fur  des  couches 
chaudes  ,  &  en  les  cultivant  comme  des  ananas.  Le 
calebaffîer  vient  mieux  de  bouture  que  de  graine ,  & 
porte  bien  plutôt.  On  en  tranfplante  même  en  Amé- 
rique de  très-grands  &  gros  ,  d'un  lieu  à  un  autre , 
avec  fuccès  ,  fans  qu'ils  en  reçoivent  le  moindre 
dommage. 

De  la  calebaffe  d'herbe  d'Amérique.  Je  n'entrerai 
dans  aucun  detcrtl  fur  une  autre  efpcce  de  calebaffe 
commune  en  Amérique,  très'-groffe,  longue,  qu'on 
feme  chaque  année  ,  &  que  les  François  de  nos  iles 
nomment  calebajje  <T herbe.  Ces  fortes  de  calebajjes  ne 
font  autre  choie  que  la  gourde  européenne  ,  plante 
cucurbitacée  dont  la  racine  branchue  périt  toutes  les 
années,  Se  dont  la  graine  a  été  portée  de  l'Europe 
dans  le  nouveau  monde.  Leur  écorce  ou  coque  ell 
beaucoup  plus  épaiffe  que  celle  des  calcbaljcs  d'ar*- 
bres,  mais  beaucoup  moins  durable  ,  parce  qu'elle 
cft  molle  &  fpongieufe  :  ce  qui  fait  encore  qu'elles 
contfa&ent  ailément  un  mauvais  goût  ,  &  qu'elles 
gâtent  ce  qu'on  y  met. 

Les  curieux  trouveront  toutes  fortes  de  détails  fur 
le  calebaffîer  d'Amérique  dans  le  recueil  général  des 
voyages,  Oviedo,  Marcgrave,  du  Tertre,  Rochefort, 
Labat  ,  Plumier,  &  Miller.  Cet  article  ejl  de  M.  le 
CHEVALIER"  DE  JaUCOURT. 

CALEBEG  ou  KILBEG ,  (Géog.)  petite  villed'lr- 
lande  dans  la  province  d'Ulfter,  au  comte  de  Dun- 
negal. 

CALEÇONNIER ,  f.  m.  Les  maîtres  Peaujjîcrs- 
Teinturiers  en  cuir  prennent  la  qualité  tic  Laleçonniers , 
parce  que  leurs  ftatuts  leur  donnent  pouvoir  de  pal- 
ier les  cuirs  propres  à  faire  des  caleçons ,  qu'ils  peu- 
vent auffi  fabriquer  &  vendre  dans  leurs  boutiques. 
Voye^  Peaussier. 

CALECOULON,  (  Géog.  )  petit  royaume  d'Afic 
dans  l'Inde  ,  fur  la  côte  de  Malabar. 

CALEDONIEN,  (Océan)  Géog.  anc.  &  moi. 


5?o 


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CAL 


c'eft  ainfi  qu'on  nomme  quelquefois  la  mer  qui  en- 
vironne l'Ecoffe  ,  qui  eft  une  partie  de  la  mer  du 
Nord  :  elle  s'étend  depuis  le  nord  de  l'Ecoffe  julqu'à 
la  partie  méridionale  de  l'Iflande. 

CALÉFACTION  ,  f.  f.  terme  de  Pharmacie  ,  qui  fe 
dit  de  l'aclion  du  feu  qui  caulé  de  la  chaleur  ,  ou 
l'impuliion  que  les  particides  d'un  corps  chaud  im- 
priment fur  d'autres  corps  à  la  ronde.  Voye^  Cha- 
leur. 

Ce  mot  eft  particulièrement  ufité  en  Pharmacie, 
oii  l'on  diftingue  la  caléfaclion  de  la  coclion  ;  la  calé- 
faction  n'étant  en  ufage  que  pour  exprimer  l'action 
du  feu  fur  quelque  liqueur  ,  ians  qu'on  l'ait  fait 
bouillir.  J-oy^CocTioN  &  Feu.   (A') 

CALFAT  ,  f.  m.  (  Marine.  )  on  nomme  ainfi  un 
infiniment  de  fer  ,  reffemblant  affez  à  un  cifeau  qui 
auroit  la  tête  arrondie  au  lieu  d'être  emmanché  dans 
un  morceau  de  bois ,  qui  fert  au  cal/as,  pour  calfater 
un  vaiffeau.  Il  y  a  différens  calfats  deffinés  à  diffé- 
rens  ufages. 

Calfat  à  fret,  c'eft  un  infiniment  qui  a  le  bout  à 
demi-rond  ,  &  avec  lequel  on  cherche  autour  des 
têtes  des  clous  &  des  chevilles  s'il  n'y  a  point  quel- 
ques ouvertures ,  afin  d'y  pouffer  des  étoupes  pour 
les  boucher. 

Calfat  fimple  ;  celui-ci  eft  plus  large  que  le  précé- 
dent ,  fie  un  peu  coupant  :  on  s'en  fert  pour  faire  en- 
trer l'ctoupe  jufqu'au  fond  de  la  couture. 

Calfat  double  ;  il  eft  rayé  ,  8e  paroît  comme  dou- 
ble par  le  bout  :  on  s'en  fert  à  rabattre  les  coutures. 

(Z) 

CALEMAR,  f.  m.  fe  dit  ,  dans  V Ecriture  ,  d'un 

vafe  de  plomb  ou  de  verre  plein  d'encre  qu'on  a 
placé  au  milieu  d'une  éponge  mouillée ,  dans  un  pla- 
teau de  fayence  ou  de  bois.  On  donne  aufîi  le  nom 
de  calemar  à  un  vaiffeau  de  cryftal,  à  peu -pires  de 
la  forme  d'un  alambic  ,  excepté  que  le  bec  de  celui- 
ci  tend  en -bas,  &  celui-là  en-haut.  On  l'appelle 
plus  communément  cornet  à  lampe. 

CALEMBERG,  (Gèog.)  principauté  d'Allema- 
gne dans  la  baffe-Saxe  ,  qui  fait  partie  du  duché  de 
BmnlVick  :  on  l'appelle  ordinairement  le  pays  de 
Hanovre. 

*  CALENCARDS  ,  f.  m.  pi. ,(  Commerce.  )  toiles 
peintes  qui  viennent  des  Indes  &c  de.  Perfe  :  ce  font 
les  plus  eftimées  des  indiennes. 

*  CALENDARIS ,  (  Myth.  )Yurnom  donné  à  Ju- 
non,  à  qui  les  calendes  de  chaque  mois  étoient  con- 
facrées ,  &  qu'on  honoroit  dans  ces  jours  par  des  fa- 
crifîces. 

*  CALENDER  -  HERREN  pu  FRERES  DES 
CALENDES,  {Hifl.  mod.  )  c'ell  ainfi  qu'on  appel- 
loit  il  y  a  quelques  fiecles  ,  une  fociété  ou  confré- 
rie de  laïques  Se  d'eccléfiaftiques  ,  établie  dans  pref- 
que  toutes  les  principales  villes  de  l'Allemagne.  Le 
nom  de  frères  des  Calendes  leur  fut  donné  ,  parce  qu'ils 
s'affembloient  le  premier  jour  de  chaque  mois ,  que 
les  Latins  nomment  calendce:  chacun  apportoit  à  ces 
affemblées  de  l'argent ,  qui  étoit  deftiné  à  prier  pour 
les  morts ,  fie  à  être  employé  en  aumônes.  Cette  el- 
pece  de  iociété  n'a  plus  lieu  aujourd'hui. 

CALENDERS,  f.  m.  pi.  (Hifl.  mod.)  efpecede 
derviches  ou  religieux  Mahométans,  répandus  fur- 
tout  dans  la  Perfe  6c  dans  les  Indes  ;àinfi  nommés  du 
Santon  Calenderi ,  leur  fondateur.  C'eft  une  fefte  d'E- 
picuriens ,  qui  s'adonne  aux  plaihrs  au  moins  autant 
qu'aux  exercices  de  fa  religion ,  Se  qui  ufant  de  tou- 
tes les  commodités  de  la  vie ,  pente  auffi-bien  hono- 
rer Dieu  par  là  que  les  autres  feues  par  leurs  aufté- 
rités:  en  général ,  ils  font  habillés  fimplement  d'une 
tunique  de  plufieurs  pièces ,  piquée  comme  des  ma- 
telats.  Quelques-uns  ne  fe  couvrent  que  d'une  peau 
d'animal  velue  ,  &  portent  au  lieu  de  ceinture  un  ler- 
pent  de  cuivre  ,  que  leurs  maîtres  ou  docteurs  leur 


donnent  quand  ils  font  profefîïon ,  &  qu'on  regarde 
comme  une  marque  de  leur  feience.  On  les  appelle 
abdals  ou  abdallas ,  c'eft-à-dire  en  Perfan  ou  en  Ara- 
be ,  gens  confacrés  à  Dieu.  Leur  occupation  eft  de  prê- 
cher dans  les  marchés  &  les  places  publiques  ;  de 
mêler  dans  leurs  difeours  des  imprécations  contre 
Aboubekrc  ,  Omar  ,  &  Ofman ,  que  les  Turcs  hono- 
rent ,  fie  de  tourner  en  ridicule  les  perionnages  que 
les  Tartares  Usbegs  révèrent  comme  des  faints.  Ils 
vivent  d'aumônes  ;  font  le  métier  de  charlatans ,  mê- 
me celui  de  voleurs,  tk  font  très -adonnés  à  toutes 
fortes  de  vices  :  on  craint  autant  leur  entrée  dans  les 
maifons ,  que  leur  rencontre  fur  les  grands  chemins  ; 
&  les  magiftrats  les  obligent  de  fe  retirer  dans  des  ef- 
peces  de  chapelles  bâties  exprès  proche  des  mofquées. 
Les  Calenders  reffemblent  beaucoup  aux  Santons  des 
Turcs.  Voyei  Santon.  (  G  ) 

CALENDES,  f.  f.  pi.  calendes,  c'étoit  dans  la  Chro- 
nologie Romaine,  le  premier  jour  de  chaque  mois. 
Voye^  Mois. 

Ce  mot  eft  formé  du  Latin  calo ,  ou  plutôt  du  Grec 
v.a.\îm,  f  appelle  ou  je  proclzme,  parce  qu'avant  la  pu- 
blication des  faites  Romains,  une  des  charges  des 
pontifes  étoit  d'obferver  la  nouvelle  lune,  fie  d'en 
donner  connoiffance  au  rex facrificulus ;  alors,  après 
avoir  offert  un  facrifice ,  le  pontite  ajournoit  le  peu- 
ple au  capitole  ,  &  là  il  publioit  à  haute  voix  le  nom- 
bre des  calendes ,  ou  quel  jour  f  croient  les  nones  ;  ce 
qu'il  faifoit  en  répétant  cette  formule ,  calojuro  no- 
vellce ,  autant  de  fois  qu'il  y  avoit  de  jours  de  calen- 
des. C'eft  de-là  qu'eft  venu  le  mot  calendce,  de  calo , 
calare,  appeller  ou  publier.  C'eft  la  raifon  qu'en  don- 
ne Varron.  Plutarque ,  fie  après  lui  Gaza  ,  dérivent  ce 
mot  de  clam,  quia  luna  calendis  clam  fit  ;  mais  cela  pa- 
roit  cherché  trop  loin  :■.  d'autres  font  venir  ce  nom 
de  ce  que  le  peuple  ,  étant  affemblé  ce  jour-là ,  le  pon- 
tife nommoit  ou  publioit  les  jours  de  fêtes  qui  dé- 
voient arriver  dans  le  mois.  Cette  coutume  continua 
julqu'à  l'an  de  Rome  450  ,  où  Caius  Flavius  édile 
curule,  ordonna  que  l'on  affichât  les  faftes  ouïe  ca- 
lendrier dans  les  places  publiques,  afin  que  tout  le 
monde  pût  connoître  la  différence  des  tems,  &c  le  re- 
tour des  fêtes.  Voye^  Fastes. 

Les  calendes  fe  comptoient  à  reculons,  ou  dans  un 
ordre  rétrograde  :  ainfi ,  par  exemple ,  le  premier  de 
Mai  étant  les  calendes  de  Mai ,  le  dernier  ou  le  tren- 
tième d'Avril  étoit  le  pridie  calendas  ou  le  lecond  des 
calendes  de  Mai;  le  vingt-neuf  d'Avril,  le  troiiïeme 
des  calendes,  ou  avant  les  calendes,  fie  ainfi  de  iuite  en 
rétrogradant  jufqu'au  treizième,  où  commençoient  les 
ides  que  l'on  comptoit  pareillement  en  rétrogradant 
jufqu'au  cinquième  qui  étoit  le  commencement  des 
nones;  elles  le  comptoient  toujours  de  même  julqu'au 
premier  jour  du  mois ,  qui  étoit  les  cale/idts  d'Avril. 
Voye^  Nones  6-Ides. 

On  a  renfermé  dans  les  vers  fuivans  les  règles  du 
comput  par  calendes. 

Prima  dies  menfis  cujufque  efl  dicta  calendce; 
Sex  Malus  nonas ,  Oclober,  Julius  6-  Mars 
Quatuor  at  reliqui  :  dabit  idus  quilibet  ocio. 
Inde  dies  reliquos  omnes  die  efje  calendas, 
Quos  rétro  numerans  dices  à  menfefequente. 

Pour  trouver  le  jour  des  calendes  qui  répondent  à 
chaque  jour  du  mois  où  l'on  eft,  voyez  combien  il  y 
a  encore  de  jours  du  mois  qui  relient ,  6c  ajoutez  deux 
à  ce  nombre.  Par  exemple,  luppolons  que  ion  foit 
au  vingt-deux  d'Avril ,  c'eft  donc  le  1  oe  des  calendes 
de  Mai  :  car  Avril  a  30  jours;  Se  22  ôtés  de  30,  don- 
nent 8  pour  refle ,  auquel  ajoutant  2,  là  lomme  eft  10. 
La  raiion  pour  laquelle  on  ajoftte  z,  c'ell  que  le  der- 
nier du  mois  s'appelle  Jècundo  calcndas,  d'où  il  s'en- 
fuit que  le  pénultième  ou  le  29e  doit  s'appeller  tertio 
calendas,  l'antépénultième  ouïe  28e quarto  caandas, 


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CAL 


&  ainfi  de  fuite.  Or  fi  de  30  on  ôte  29 ,  il  refte  1 ,  nu- 
quel  par  conséquent  il  faut  ajouter  2  pour  avoir  le 
urtïo  calendas  :  de  même  fi  de  30  on  ôte  28  ,  il  refte  2 
auquel  il  faut  ajouter  2  pour  avoir  le  quarto  calen- 
das ,  &c. 

Les  auteurs  Romains  ne  favent  pas  trop  eux-mê- 
mes la  raifon  de  cette  manière  ablurde  &  bifarre  de 
compter  les  jours  du  mois,  néanmoins  on  s'en  iert 
encore  aujourd'hui  dans  la  chancellerie  Romaine  ; 
&  quelques  auteurs ,  par  une  afte&ation  frivole  d'é- 
rudition, la  préfèrent  à  la  méthode  commune  qui  eft 
bien  plus  naturelle  6c  plus  ailée.  Voye^  An,  Nones, 
Jour,  Ides. 

Cette  manière  de  compter  par  calendes  étoit  fi  par- 
ticulière aux  Romains,  qu'elle  a  donné  lieu  àuneef- 
pece  de  proverbe  encore  en  ufage  aujourd'hui  :  on 
dit  qu'on  fera  une  chofe  aux  calendes  greques ,  pour 
dire  qu'on  ne  la  fera  jamais,  parce  que  les  Grecs  ne 
comptoient  point  par  calendes.  Charniers* 

*  CALENDRE ,  f.  m.  machine  qui  fert  à  tabifer  6c 
à  moirer  certaines  étoffés ,  &  à  cacher  les  défauts  des 
toiles  6c  de  quelques  autres  étoffes.  Cette  machine 
qu'on  voit  fig.  z.  PI.  XI.  des  manufactures  en  foie , 
eft  composée  de  deux  montans  ^4i>,  ab,  fixés  en  A  a, 
dans  un  bâtis  de  gros  bois  de  charpente ,  ou  dans  un 
maffïf  de  pierre  C  D  c  d;  ce  maffif  eft  couvert  d'un 
grand  bloc  de  marbre  E  A  F  e  a  /qui  embrafié  par 
chacun  de  fes  bouts  un  des  montans,  6c  defeend  en- 
fiiite  en  plans  inclinés  :  les  deux  plans  inclinés  font 
féparés  par  une  grande  furface  plane  :  ce  marbre  s'ap- 
pelle la  table  inférieure  de  la  calendre  :  fa  partie  plarfe 
H  h  eft  garnie  d'une  plaque  de  cuivre  d'un  pouce  d  e- 
paificur;  les  montans  A  B,  a  b,  font  ouverts  félon 
la  longueur  de  la  calendre ,  chacun  de  deux  ouvertu- 
res iï,kk;  II,  K  K.  Les  trois  ouvertures  k  k,  K  K, 
II,  (ont  chacune  garnies  d'une  poulie;  les  montans 
font  encore  conlolidés  par  une  traverfe  B  b  :  on  re- 
marque à  celui  qui  cil  marqué  AB ,  un  boulon  percé 
dans  ion  milieu,  &  tenu  par  deux  pitons  cloués  fur 
les  côtés  du  montant.  On  voit  fur  la  table  deux  rou- 
leaux L,  l,  6c  fur  ces  rouleaux  une  forte  pièce  de 
bois  O  M  N  n  o  p ,  dont  la  furface  inférieure  M  N 
n  m,  imite  celle  de  la  table  ;  fes  extrémités  MN,  m  n, 
font  coupées  en  plans  inclinés,  6c  fa  partie  N  n  eft 
plate  &  garnie  pareillement  d'une  table  de  cuivre 
d'un  pouce  au  moins  d'épàiffeur;  à  chaque  extrémité 
de  cette  pièce  de  bois ,  lur  le  milieu ,  eff  aflcmblé  per- 
pendiculairement lin  montant  O  P,  o  p  ;  chacun  de 
ces  montans  OP ,  o  p,  eff  percé  de  deux  ouvertures, 
félon  la  longueur  de  la  calendre ,  qq ,r  r,  QQ,  R  R; 
&  il  y  a  dans  chacune  de  ces  quatre  ouvertures  une 
poulie;  les  extrémités  fupéricures  des  montans  O  P , 
o  p ,  font  confolidées  6c  ioûtenues  par  une  forte  barre 
de  fer  P  p  qui  les  traverfe.  Sur  le  bois  O  MN  nm  o 
eft  aflis  un  maffif  de  pierre  détaille  use  V  S  T  du  plus 
grand  poids.  A  l'une  des  extrémités  de  la  calendre  eft 
un  plancher  A  B  C  D.  Sur  le  milieu  de  ce  plancher 
eft  arrêté  une  efpece  de  treuil  ou  tourniquet  .F  G  HE, 
à  la  partie  fupérieure duquel,  au-deflbus  du  tambour, 
eff  adapte  un  levier  ou  bras  ouaiflélier  I  K,  qui  por- 
te à  fon  extrémité  K  un  bout  de  traverfe  armé  de 
deux  pitons  ou  anneaux  L  L.  Une  corde  attachée  au 
boulon  x  paffe  fous  la  poulie  Q  Q  ,  revient  deflus  la 
même  poulie,  paffe  fous  la  poulie  /  /,  revient deffus  la 
même  poulie,  paffe  fous  la  poulie/?  R,  revient  deffus 
la  même  poulie,  paffe  fous  la  poulie  K  K ,  revient  def- 
fusla  même  poulie,  &  fe  rend  fur  le  tambour  fupé- 
rieur  G  du  tourniquet  F  E.  Une  corde  fixée  à  la  bro- 
che y  paffe  deffous  la  poulie  rr,  revient  deffous  la 
même  poulie,  paffe  deffus  la  poulie  k  k,  revient  def- 
fous la  même  poulie,  paffe  deffus  la  poulie  .;./,  re- 
vient délions  la  même  poulie,  traverfe  le  montant 
a  b  par  l'ouverture  ii,  &  fe  rend  fur  le  tambour  in- 
férieur H  du  tourniquet  FE ,  fous  le  plancher  A  B 


5  5  ï 


C  D.  La  corde  x  &  la  cordej  s'enveloppent  fur  leurs 
tambours ,  chacune  en  fens  contraire.  Si  donc  on  at- 
telle un  cheval  au  bras  IK,6i  qu'il  fa  fie  envelopper 
la  corde  x  G  fur  le  tambour  G  ;  la  maffe  MN  nm  6c 
tout  fon  équipage  avancera  dans  la  direction  m  M, 
6c  à  mefure  que  la  corde  x  G  s'enveloppera  fur  le 
tambour  G,  la  corde  y  H  fe  développera  de  deffus  le 
tambour  H.  Si  la  corde  x  G  fe  développe  de  deffus 
fon  tambour  G,  la  corde  y  H  s'enveloppera  fur  le 
fien ,  6c  la  maffe  MN  nm  6c  tout  fon  équipage  re- 
viendra dans  la  place  M  n.  On  a  donc  par  ce  mécha- 
nifme  le  moyen  de  faire  aller  &  venir  la  maffé  M  N 
n  m  6c  toute  fa  charge  ;  &  cette  machine  eft  ce  qu'on 
appelle  une  calendre. 

L'ufage  de  cette  machine  eft,  comme  nous  avons 
dit,  de  tabifer  &  de. moirer:  on  entend  par  moirer , 
tracer  fur  une  étoffe  ces  filions  de  lultre  qui  fembient 
fe  fuccéder  comme  des  ondes  qu'on  remarque  nir 
certaines  étoffés  de  lbie  &  autres,  &  qui  s'y  corner* 
vent  plus  ou  moins  de  tems;  &  il  n'y  a  de  différence 
entre  tabifer  6c  moirer,  que  celle  qui  eft  occ..;. 
par  la  groffeur  du  grain  de  l'étoffe  ;  c'eft-à-dire ,  que 
dans  le  tarais,  le  grain  de  l'étoffé  n'étant  pas  confidéra- 
ble,  les  ondes  ie  remarquent  moins  que  dans  le  moiré 
où  le  grain  de  l'étoffe  eft  plus  confulérable.  L'opéra- 
tion de  la  calendre  n'eft  pas  entièrement  la  même  pour 
toutes  les  étoffes ,  6c  l'on  ne  moire  pas  préciicment 
comme  l'on  tabife  :  pour  moirer  on  prend  un  coutil , 
&  un  rouleau  L  ou  /,  comme  on  le  voit  fous  la  ca- 
lendre ;  on  fait  faire  au  coutil  un  tour  fur  le  rouleau  ; 
on  plie  l'étoffé  à  moirer  en  deux  félon  la  longueur, 
eriforte  que  la  lifiere  fe  trouve  fur  la  lifiere.  Puis  on 
la  met  en  zig-zag,  enforte  que  l'étendue  de  chaque 
zig-zag  foit  à  peu  près  celle  du  rouleau  ,  &  que  cha- 
que pli  couvre  en  partie  celui  qui  le  précède,  6c  foit 
couvert  en  partie  par  celui  qui  le  fuit ,  comme  on 
voit  même  PL  fig.  z.  A  B  eft  le  rouleau  ;  1,2,3, 
4,  5 ,  6  ,  7,  &c.  îbnt  les  zig-zags  de  l'étoffe.  On  en- 
veloppe l'étoffe  ainfi  pliée  en  zig-zag  fur  le  rouleau  , 
obfervant  de  ferrer  chaque  tour  à  force  de  bras  ,  les 
uns  contre  les  autres  ,  par  le  moyen  du  coutil  ;  Se 
l'on  continue  de  plier  en  zig-zag  ,  &  d'envelopper 
jufqu'à  la  fin  de  la  pièce.  On  ne  met  guère  fur  un 
rouleau  plus  de  trente  à  trente-cinq  aunes  de  gros 
grain ,  comme  moire ,  cannelé  ,  &  autres  femblables, 
&  guère  plus  de  cinquante  aunes ,  fi  c'elt  un  petit 
grain  ;  le  coutil  qui  enveloppe  n'en  a  pas  plus  de  fix , 
fur  trois  quarts  de  large.  On  appelle  fourreau,  cette 
enveloppe  de  coutil  qui  fuit  tous  les  tours  de  i  e- 
toffe  en  zig-zag  fur  le  rouleau.  Il  faut  obferver  quand 
on  roule  la  pièce  à  moirer  de  mettre  la  lifiere  en 
ù.cc  de  foi ,  ce  de  mouiller  la  tête  du  fourreau ,  afin 
d'arrêter  l'étoffe  &  le  fourreau  fur  le  rouleau. 

Lorfque  le  rouleau  eff  ainli  charge  ,  on  le  fait  paf- 
fer  fous  la  calendre ,  6c  on  lui  en  donne  vingt-cinq 
tours.  On  entend  par  un  tour  une  allée  èv  pne  Ve- 
nue, c'eff-à-dire  qu'on  fait  aller  ce  venir  la  maffe 
M  N  n  m  avec  fa  charge  vingt-cinq  ibis.  On  retire 
enfuite  le  rouleau ,  on  déroule  l'étoffe ,  puis  on  la  re- 
met en  zig-za<; ,  mais  de  manière  que  les  parties  de 
l'étoffe,  qui  faifoient  l'extrémité  des  premiers  zig- 
zags, ta  lient  le  milieu  de  ceux-ci.  Cela  fait,  on  la  re- 
met lous  la  calendre,  6c  on  lui  donne  encore  quinze 
tours ,  après  lefquels  on  retire  le  rouleau  ,  on  iL\  e- 
loppe  l'étoffé  ,  ce  on  la  dreffe  ;  la  dreffer ,  c'eft  la  met- 
tre en  plis  égaux  d'une  demi  aune,  niais  non  pas  en 
zig-zag,  finis  toutefois  l'ouvrir;  quand  elle  eft  dref- 
fée,  on  la  preffe  à  chaud.  La  preffe  des  CaL 
n'a  rien  de  particulier  :  on  a  des  plaques  de  ter  chaud 
de  la  grandeur  de  l'étoffé  pliée;  on  met  une  ; 
de  fer  chaud  tiède  ,on  la  couvre  d'une  feuille  de  car- 
ton; on  met  l'étoffe  pliée  fur  ce  carton  ;  on  met  une 
autre  plaque  de  ter  chaud  fur  l'étoffe  avec  unt 
feuille  de  carton ,  ce  on  ferre  le  tout  à  fores  de  bras. 


551 


CAL 


Cette  précaution  de  preffer  à  chaud  l'étoffe  moirée , 
fait  tenir  l'onde  plus  long-tems  ;  l'ans  la  preffe ,  l'hu- 
midité agirojt  tellement  lur  les  ondes,  qu'elle  les  ef- 
faceroit  dans  les  envois  qu'on  fait  au  loin  des  étoffes 
moirées.  On  preffe  tous  les  draps  à  plaque  chaude , 
excepté  l'écarlate. 

Il  s'entait  de  ce  qui  précède  ,  que  la  moire  n'eft  ni 
un  effet  du  travail  de  l'étoffe  ,  ni  un  effet  de  la  tein- 
ture ;  que  ce  n'eft  autre  choie  que  les  différentes  im- 
preffions  des  plis  de  l'étoffe  fur  elle-même  ;  ces  plis  ap- 
pliqués fur  l'étoffe  par  un  poids  immenfe ,  en  écralent 
le  grain  en  zig-zag  ,  &  forment  en  entraînant  le  rou- 
leau ,  ces  ondes  ou  reflects  de  lumière  qui  frappent 
û  agréablement  les  yeux.  Le  maffif  de  pierre  ust, 
VST,  eft  ordinairement  de  vingt-lîx  à  vingt-lépt  mille 
livres  pelant  :  on  le  pouffe  à  la  calcndre  royale  jufqu'à 
quarante  mille. 

Pour  tabifer,  on  plie  en  deux,  mais  on  ne  fait 
point  de  zig-zag  ;  on  fe  contente  de  bien  rouler 
l'étoffe  fur  elle-même,  &  de  bien  ferrer  les  tours  les 
uns  fur  les  autres.  L'étoffe  étant  foible ,  fi  on  la  met- 
toit  en  zig-zag  comme  pour  moirer  ,  elle  ne  pour- 
roit  foùtenir  limpreffion  des  plis  appliqués  par  le 
poids ,  fans  s'érailier  &  même  fe  déchirer.  Quand  on 
preffe  les  étoffes  tabifées,  c'eft  à  froid;  on  oblerve  feu- 
lement d'en  féparer  chaque  lit  par  des  planches. 

Mais  ibit  moire ,  l'oit  tabis  ,  les  étoffes  ne  paffent 
qu'une  nuit  lous  la  preffe. 

Les  belfamines  qui  font  fil  &  foie  fe  tabifent  feule- 
ment. On  ne  met  les  damas  fur  fil  à  la  calendre  que 
pour  les  unir ,  leur  donner  plus  d'ceil ,  les  faire  paroî- 
tre ferrés,  &  les  allonger.  L'allongement  eft  de  trois 
aunes  fur  quarante ,  félon  toutefois  que  la  chaîne  a  été 
plus  ou  moins  tendue  ,  &  la  trame  plus  ou  moins 
frappée  ;  les  étoffes  de  Paris  ,  les  latins  fur  coton  , 
la  papeline  ,  s'étendent  à  la  calendre  :  mais  quand 
cette  dernière  eft  déroulée  ,  elle  fe  remet  dans  le 
même  état  ;  ce  qui  eft  commun  à  toutes  les  étof- 
fes en  laine.  Il  y  a  des  camelots  qui  fe  moirent ,  mais 
c'eft  à  force  de  cakndre  &  de  preffe  à  feu.  On  calendre 
les  toiles  à  carreaux  &  les  toiles  de  coton  ;  les  toiles 
de  coton ,  pour  les  faire  paroître  ferrées.  Les  toiles  à 
carreaux  s'étendent  beaucoup  &  ne  fe  remettent  pas. 
La  calendre  écrafe  les  fleurs  des  fiamoifes  à  fleurs  & 
d'autres  étoffes  figurées ,  &  les  empêche  d'avoir  du 
relief.  Les  fiamoifes  à  raies  font  expoiées  à  un  incon- 
vénient fous  la  calendre,  c'eft  de  faire  ferpenter  leurs 
raies.  On  donne  à  ces  étoffes,  &  aux  toiles  à  carreaux , 
dix  à  douze  tours ,  en  deux  reprifes  ;  après  les  fix 
premiers  tours  ,  elles  le  lâchent  tellement  fur  le  rou- 
leau qu'il  faut  les  refferrer.  On  donne  plus  ou  moins 
de  tours ,  félon  que  l'étoffe  eft  plus  ou  moins  dure. 
Les  papelines  ne  ie  preffent  point  ;  il  faut  les  tenir 
roulées ,  afin  qu'elles  ne  fe  retirent  pas.  On  preffe  les 
toiles  à  carreaux ,  à  coton  ;  mais  on  oblerve  d'a- 
voir des  ais  &  de  les  rouler  deffus  ;  autant  de  pièces , 
autant  d'ais.  Les  fiamoifes  &  les  toiles  communes  fe 
preffent  feulement ,  cueillies  ou  faudées ,  c'eft-à-di- 
re  plis  fur  plis. 

Il  n'eft  permis  qu'aux  maîtres  Teinturiers  d'avoir 
des  calcndres.  On  paye  la  moire  deux  fous  par  aunes; 
les  belfamines ,  un  fou  ;  les  tabis ,  fix  blancs  ou  deux 
fous  ;  les  autres  étoffes ,  à  peine  un  liard  ;  les  toiles 
communes ,  un  liard. 

Les  rouleaux  dont  on  fe  fert  font  de  charme  ;  ils 
ont  trois  pies  huit  pouces  de  longs ,  y  compris  les 
pommes  ou  poignées ,  fur  fix  à  lept  pouces  de  dia- 
mètre. Ils  fervent  tout  au  fortir  des  mains  du  Tour- 
neur ;  ils  ne  font  pas  tous  également  bons  :  les  fila- 
menteux &  blancs  font  préférables  aux  durs  &  roux. 
Ces  premiers  ne  fe  paîtrifient  ni  ne  le  caffent.  S'il  ar- 
rive à  un  rouleau  de  s'écrafer ,  il  faut  arrêter  fur  le 
champ  la  calendre  ;  fans  cela ,  les  tragmens  du  rouleau 
jCOuperoient  l'étoffe. 


CAL 

Quand  les  pièces  ont  peu  d'aunage  ,  on  les  calen- 
dre  les  unes  fur  les  autres;  le  moins  qu'on  en  puiffe 
calendrer  à  la  fois,  c'eft  douze  ou  quinze  aunes,  quand 
elles  ne  fe  doublent  pas  ;  &  lept  à  huit  aunes ,  quand 
elles  fe  doublent  ou  plient  en  deux.  Toutes  les  étoffes 
ne  fe  ferrent  pas  lur  le  rouleau  également  bien. 
Quand  on  les  apperçoit  lâches,  il  faut  les  dérouler. 
Pour  empêcher  les  pièces  de  fe  décharger  les  unes  fur 
les  autres ,  ou  on  les  fait  leules,  ou  on  les  fépare  par 
des  papiers  blancs  fur  le  même  rouleau.  Quand  on 
a  des  rouleaux  neufs ,  il  eft  à  propos  de  les  faire  tra- 
vailler d'abord  avec  des  pièces  qui  loient  en  largeur 
de  toute'la  longueur  de  ces  rouleaux.  Il  arrive  d'en 
perdre  jufqu'à  vingt,  trente,  quarante  en  une  fe- 
maine. 

Lorlqu'on  s'apperçoit  qu'il  fe  forme  un  bourlet  à 
l'étoffe  moite ,  ou  qu'étant  lèche  &c  la  calendre  gliffant 
deflus,  le  rouleau  le  dérange,  on  le  remet  en  place 
avec  une  mailloche  ;  ce  qui  s'appelle  en  terme  de 
l'art ,  châtier  le  rouleau. 

Mais  la  manière  dont  on  fait  mouvoir  la  maffe 
M  N ,n  m ,  avec  la  charge ,  n'eft  pas  la  leule  qui  foit 
en  ula&e.  Il  y  a  des  calendres  où  la  p:ece  de  bois  MNy 
nm  ,  eft  toute  plate  ,  comme  on  voit  même  Pl.fig.  J. 
La  table  inférieure  eft  terminée  à  les  deux  extrémités 
G  g  en  plans  inclinés;  il  y  a  à  la  maiïe  ust,  U S  T f 
deux  anneaux  P  p  ;  il  palfe  dans  ces  deux  anneaux 
deux  crochets  R  r  ;  ces  crochets  font  attachés  aux 
extrémités  de  deux  cables ,  dont  l'un  fe  roule  fur 
l'arbre  XX;  quand  l'autre  le  développe ,  on  fait  tour- 
ner l'arbre  XX ,  par  la  grande  roue  Y  Y,  dans  la- 
quelle des  hommes  montent ,  tantôt  d'un  côté ,  tan- 
tôt de  l'autre;  ce  qui  fait  aller  &  venir  la  maffe  MN , 
nm  ,  avec  fa  charge  &  les  rouleaux  L l  qu'elle  preffe  ; 
quand  on  veut  retirer  les  rouleaux,  on  fait  avancer 
la  maffe  MN,  nm,  vers  l'une  des  extrémités  de  la  ta- 
ble G  g,  jufqu'à  ce  que  la  partie  de  cette  maffe,  qui 
correfpond  à  un  des  plans  inclinés  étant  plus  lourde 
que  l'autre,  &  l'emportant  en  haut,  comme  on  voit 
dans  la  figure ,  elle  n'appuie  plus  deffus  le  rouleau. 

Il  y  a  à  Paris  deux  calendres  royales ,  la  grande  & 
la  petite  ;  la  grande  a  fa  table  inférieure  d'un  mar- 
bre bien  uni,  &c  la  fupérieure  d'une  plaque  de  cui- 
vre bien  polie  :  la  petite  a  les  deux  tables  de  fer  ou 
d'acier  bien  poli  ;  au  lieu  que  les  calendres  ordinaires 
des  Teinturiers  n'ont  que  des  tables  de  bois. 

Avant  M.  Colbert  il  n'y  avoit  point  de  calendre 
en  France;  c'eft  à  l'amour  que  ce  grand  miniftre  avoit 
pour  les  arts  &  pour  les  machines  utiles  ,  que  nous 
devons  les  premières  calendres. 

On  prétend  que  la  calendre  à  roue  eft  meilleure  que 
la  calendre  à  cheval ,  parce  qu'elle  a  le  mouvement 
plus  égal  &  plus  uni  ;  relie  à  favoir  fi  un  peu  d'irré- 
gularité dans  le  mouvement  eft  un  défavantage , 
quand  il  s'agit  de  former  des  ondes  fur  une  étoffe. 

CALANDREUR ,  f.  m.  (  Commerce  )  c'eft  ainfi 
qu'on  appelle  dans  quelques  manufactures ,  l'ouvrier 
qui  met  les  étoffes  fous  la  calendre. 

CALENDRIER ,  f.  m.  (  Hift.  &  Afiron.  )  c'eft  une 
diftribution  de  tems  accommodée  aux  ufages  de  la 
vie  ;  ou  bien  c'eft  une  table  ou  almanach  qui  con- 
tient l'ordre  des  jours,  des  femaines  ,  des  mois  ,  des 
fêtes,  &c.  qui  arrivent  pendant  le  cours  de  l'année. 
Voye?  Tems  ,  Année  ,  Mois ,  Fête. 

Il  a  été  appelle  caLndrier,  du  mot  calendœ,  que  l'on 
écrivoit  anciennement  en  gros  caraeferes  au  com- 
mencement de  chaque  mois.  Vaye\  Calendes. 

Le  calendrier  Romain  ,  qui  eft  encore  en  ufage, 
doit  Ion  origine  à  Romulus  :  mais  depuis  il  a  fubi  dif- 
férentes réformes.  Ce  légillateur  diftribuale  tems  en 
différentes  périodes ,  pour  l'ufage  du  peuple  qui  vi- 
vent fous  ton  gouvernement  :  mais  comme  il  étoit 
beaucoup  plus  \  eilé  dans  la  guerre  que  dans  les  ma- 
tières auronomiques ,  il  ne  divila  l'année  qu'en  dix 

mois, 


C  A  L 


CAL 


înoîs  ,  qui  étoient  alternativement  de  trente-un  &  de 
trente  jours  :  elle  commencent  le  premier  de  Mars  ; 
&  Romulits  croyoit  qu'au  moyen  de  cette  distribu- 
tion l'année  recommençoit  toujours  au  printems  ; 
s'imaginant  que  le  foleil  parcouroit  toutes  les  lailbns 
.dans  l'eipace  de  trois  cents  quatre  jours  ;  au  lieu 
qu'en  effet  il  s'en  falloit  foixante-un  jours  que  cette 
année  ne  s'accordât  avec  la  vraie  année  folairc. 

Le  calendrier  de  Romulus  tut  réformé  par  Numa  , 
qui  y  ajouta  deux  mois  de  plus  ,  Janvier  tk.  Février, 
qu'il  plaça  avant  le  mois  de  Mars  :  de  plus  Numa  or- 
donna que  le  mois  de  Janvier  auroit  vingt-neuf  jours, 
Février  vingt-huit ,  tk  les  autres  mois  alternative- 
ment trente-un  &c  vingt-neuf,  excepté  Août  &  Sep- 
tembre ,  qui  en  avoient  vingt-neuf  chacun;  de  ma- 
nière que  l'année  de  Numa  confiitoit  en  trois  cents 
cinquante-cinq  jours  ,  &  commençoit  au  premier  de 
Janvier  :  il  s'en  falloit  dix  jours  par  an,  tk.  quarante- 
un  jours  au  bout  de  quatre  ans  ,  que  cette  année  ne 
s'accordât  avec  le  cours  du  foleil  ;  &  l'année  Gre- 
que  lunaire  qui  étoit  de  trois  cents  cinquante-quatre 
jours ,  donnoit  en  quatre  ans  quarante-cinq  jours  d'er- 
•  reur.  Cependant  Numa,  à  l'imitation  des  Grecs, 
aima  mieux  faire  une  intercalation  de  quarante-cinq 
jours  ,  qu'il  divifa  en  deux  parties  ,  intercalant  un 
mois  de  vingt-deux  jours  à  la  fin  de  chaque  deuxiè- 
me année ,  tk  à  la  fin  de  deux  autres  années  fuivantes 
un  autre  mois  de  vingt-trois  jours.  Ilappella  ce  mois 
ainfi  interpofé  ,  le  Macédonien  ou  le  Février  interca- 
laire. 

On  ne  fut  pas  long-tems  fans  s'appercevoir  du  dé- 
faut de  cette  intercalation  ,  &  on  y  ordonna  une  ré- 
forme, foyer  An. 

Mais  cette  réforme  étant  mal  obfervée  par  les  pon- 
tifes auxquels  Numa  en  confia  le  foin ,  occafionna  de 
grands  defordres  dans  la  conititution  de  l'année. 

Céfar  ,  en  qualité  de  fouverain  pontife  ,  tâcha 
d'y  remédier  :  dans  cette  vue  il  s'adreiTaàSofigenes, 
célèbre  aftronomc  de  l'on  tems  :  cet  altronome  trou- 
va que  la  dillribution  du  tems  dans  le  calendrier  ne 
pourroit  jamais  être  établie  fur  un  pié  bien  fur  ,  fans 
avoir  auparavant  obiérvé  avec  beaucoup  de  foin  le 
cours  annuel  du  loleil  :  Se  comme  le  cours  annuel 
du  foleil  ne  s'achève  qu'en  trois  cents  foixante-cinq 
jours  lîx  heures ,  il  réduiiit  Tannée  à  ce  même  nom- 
bre de  jours.  L'année  de  cette  correftion  du  calen- 
drier fut  une  année  de  confufion  ;  car  on  fut  obligé , 
afin  d'abloibcr  l'erreur  de  foixante-fept  jours  dans 
laquelle  on  étoit  tombé  ,  &  qui  étoit  caufe  de  la  con- 
fulion,  d'ajouter  deux  mois  outre  le  Macédonien,  qui 
fe  trouvoit  avoir  lieu  clans  cette  même  année  ;  de 
manière  qu'elle  fut  compolée  de  quinze  mois,  ou  de 
cents  quarante-cinq  jours.  Cette  réformation 
le  fit  l'an  de  Rome  708  ,  quarante-deux  ou  quarante- 
irois  ans  avant  J.  C. 

Le  calendrier  Romain  ,  que  l'on  appelle  aulîi  ca- 
Julitn,  du  nom  de  Jule  Ccfar  l'on  réforma- 
teur, eft  difpofé  eu  périodes  de  quatre  années  ;  les 
premières  années,  qu'on  appelle  communes, 
ont  trois  cents  foixante-cinq  jours;  cv  la  quatrième, 
t)  ée  biffextile ,  en  a  trois  cents  foixante-fix  ,  à 

caufe  des  iix  heures  qui  dans  l'eipace  lie  quatre  ans 
compofent  un  jour.  Il  s'en  faut  à  la  vérité  quelque 
chofe  ;  en  effet ,  après  un  efpace  décent  trente- 
quatre  ans,  il  faut  retrancher  un  jour  intercalaire.  Ce 
lut  pour  cette  raifon  que  le  pape  Grégoire  XIII.  f'ui- 
vant  les  confeils  de  Cïavius  &  deCiaconius,  ordon- 
na que  la  centième  année  de  chaque  fiecle  ne  feroit 
point  biffextile  ,  excepté  celle  de  chaque  quatrième 
fiecle;  c'eft-à-dire,  que  l'on  feroit  une  fouftraûion 
de  trois  jours  biilextiles  dans  l'eipace  de  quatre  fie- 
cles  ,  à  caufe  des  onze  minutes  qui  manquent  dans 
les  Ux  heures  dont  la  biffextile  ell  compolée.  Voya 

BiSbEXTILE. 

Tome  II. 


ï5S 


La  reformation  du  calendrier ,  ou  le  nouveau  lty-i 
le  ,  ainfi  qu'on  l'appelle  en  Angleterre  ,  commença 
le  quatrième  Octobre  1 582 ,  où  l'on  retrancha  tout» 
d'un-coup  dix  jours  qui ,  faute  d'avoir  tenu  compté 
des  onze  minutes,  s'étoient  introduits  dans  le  com- 
put depuis  le  concile  de  Nicée  en  325  ;  ce  concile 
avoit  fixé  l'équinoxe  pafchal  au  21  de  Mars, 

Le  calendrier  Julien  des  Chrétiens  ell  celui  dans  le- 
quel les  jours  de  la  femaine  font  déterminés  par  les 
lettres  sï,B,C,D,E,  F,  G  ,  au  moyen  du  cycle 
folaire;  &  les  nouvelles  &  pleines  lunes,  particu- 
lièrement la  pleine  lune  de  Pâque  ,  avec  la  fête  dé 
Pâque  6v  les  autres  fêtes  mobiles  qui  en  dépendent  j 
par  celui  des  nombres  d'or,  difpofés  comme  il  faut 
dans  tout  l'eipace  de  l'année  Julienne.  Foyei  Nom- 
bre d'or  6' Cycle  solaire; 

On  luppofe  dans  ce  calendrier  que  l'équinoxe  d'au- 
tomne eft  fixé  au  vingt-unième  de  Mars  (  V.  Equi- 
noxe  )  ,  &  que  le  cycle  de  dix-neuf  ans,  ou  les  nom- 
bres d'or  ,  indiquent  conftamment  les  lieux  des  nou- 
velles &  pleines  lunes  :  cependant  l'une  &  l'autre  de 
ces  fuppofitions  eft  erronée.  (  Voye^  Cycle.  )  Auffî 
cette  erreur  fit  naître  une  fort  grande  irrégularité 
dans  le  tems  de  la  Pâque. 

Pour  démontrer  cette  erreur  d'une  manière  plus 
évidente  ,  appliquons  cette  méthode  de  comprit  à 
l'anné  171  5  ,  où  l'équinoxe  du  printems  tomboit  au 
10  de  Mars,  fuivant  le  vieux  ftyle  ,  &c  au  21  fuivant 
le  nouveau  :  la  vraie  pleine  lune  d'après  l'équinoxe 
tomboit  au  7  d'Avril;  ainli  c'étoit  trois  jours  trop 
tard  par  rapport  au  cycle  lunaire  ou  nombre  d'or  , 
qui  donnoit  cette  année  la  pleine  lune  pafchale  le  10 
d'Avril  ;  or  le  10  d'Avril  fe  trouvant  un  dimanche, 
la  Pâque  doit  être  remife  au  1 7  fuivant  la  règle  ;  ain- 
fi la  Pâque  qui  devroit  être  le  dixième  d'Avril ,  ne 
feroit  que  le  dix-feptieme.  L'erreur  confilfe  ici  dans 
la  poft-poiition  de  la  pleine  lune  ;  ce  qui  vient  du 
défaut  du  cycle  lunaire  :  fi  la  pleine  lune  eût  tombe 
le  onzième  de  Mars  ,  Pâque  auroit  tombé  le  treiziè- 
me du  même  mois  ;  ainfi  l'erreur  qui  vient  de  l'an- 
ticipation de  l'équinoxe  ,  auroit  excelTivemcnt  aug- 
menté celle  qui  procède  de  la  poft-poiition.  Foye£ 
MÉTEiMPTOSE. 

Ces  erreurs  étoient  û  multipliées  par  la  fucceffion 
du  tems,  que  Pâque  n'avoit  plus  aucune  régularité 
dans  le  calendrier.  Ainli  le  pape  Grégoire  XIII.  eri 
1582  retrancha  dix  jours  du  mois  d'Ôétobrc  ,  pour 
rétablir  l'équinoxe  dans  fa  vraie  place ,  c'eft-à-dire  , 
au  vingt-unième  de  Mars.  Il  introduilit  de  cette  ma- 
nière la  forme  de  l'année  Grégorienne ,  ordonnant 
que  l'on  prendroit  toujours  l'équinoxe  au  vingt- 
unième  Mars.  Ce  pape  déclara  qu'on  n 'indiquèrent 
plus  les  nouvelles  tk  pleines  lunes  par  les  nombres 
d'or,  mais  par  les  épaftes.  Voyt{  Epacte.  Cepen- 
dant on  fuit  encore  aujourd'hui  (en  1749)  l'ancien 
calendrier  en  Angleterre  fans  cette  correction  ;  &c  c'eft 
ce  qui  caufe  une  dilîerence  de  onze  jours  entre  le 
comput  des  Anglois  &  celui  de  la  plupart  des  autres 
nations  de  l'Europe. 

Le  calendrier  Grégorien  eft  donc  celui  qui  détermi- 
ne les  nouvelles  &  pleines  lunes  ,  le  tems  de  la  Pâ- 
que ,  avec  les  têtes  mobiles  qui  en  dépendent  dans 
l'année  Grégorienne  ,  par  le  moyen  des  épactesdif- 
es  dans  les  différens  mois  de  l'année. 

(  'ell  pourquoi  le  calendrier  Grégorien  cil  différent 
du  calendrier  Julien;  i°.  par  la  forme  de  l'année  (  foy» 
An);  20.  par  les  épactes  qui  ont  été  iùbftituees  au 
lieu  des  nombres  d'or  :  quant  à  leur  ufage  Cv  à  leur 
difpofition,  voye^  Epacte. 

Quoique  le  calendrier  Gngo-i:n  (bit  préférable  au 
calendrier  Julien,  il  n'eft  pas  cependant  lans  défaut  : 
peut-être  n'eft-il  paspoflible,ainfiqueleconjeôurent 
Caffini  &  Tycho-Brahé .  de  porter  ce  comput  à  une 
jufteffe  qui  ne  laiilé  rien  à  defirer  ;  car  premièrement 

ÂAaj 


554 


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CAL 


l'intercalation  Grégorienne  n'empêche  pas  que  1  e- 
quinoxe  n'arrive  après  le  vingt-unième  de  Mars  ;  ce 
n'eft  quelquefois  que  le  vingt-troiiieme  ;  &  quelque- 
fois l'equinoxe  anticipe ,  en  tombant  le  dix-neuvie- 
me  ;  Se  la  pleine  lune  qui  tombe  le  vingtième  de 
Mars  5  eft  alors  la  vraie  lune  pafchale  :  néanmoins 
dans  le  talendrien  Grégorien  on  ne  la  compte  pas  pour 
telle.  D'un  autre  côté ,  dans  ce  calendrier  on  prend 
pour  la  lune  pafchale  la  pleine  lune  duvingt-deuxie- 
me  de  Mars,  qui  cependant  n'eft  point  pafchale  lorf- 
qu'elle  tombe  avant  l'equinoxe  :  ainfi  dans  chacun 
de  ces  deux  cas  le  calendrier  Grégorien  induit  en  er- 
reur. Déplus  le  comput  par  épatles  étant  fondé  fur 
les  lunes  moyennes  ,  qui  peuvent  néanmoins  précé- 
der ou  luivre  les  vraies  lunes  de  quelques  heures  , 
la  pleine  lune  de  Pâque  peut  tomber  un  famedi , 
lorique  l'épacle  la  met  au  dimanche  ;  &  au  contraire 
l'épactc  peut  mettre  au  famedi  la  pleine  lune  qui  eft 
le  dimanche  :  d'où  il  fuit  que  dans  le  premier  cas  la 
Pâque  eft  célébrée  huit  jours  plus  tard  qu'elle  ne  le 
doit  être  ;  dans  le  fécond  cas  elle  eft  célébrée  le  vrai 
jour  de  la  pleine  lune ,  avec  les  Juifs  &  les  hérétiques 
quarto-décimans ,  condamnés  pour  de  bonnes  rai- 
fons  par  le  concile  deNicée;  ce  qui  eft,  dit  M/SVolf, 
un  inconvénient  fort  à  craindre.  Scaliger  fait  voir 
d'autres  défauts  dans  le  calendrier  Grégorien  :  c'eft  ce 
calendrier  que  fuivent  les  Catholiques  Romains ,  & 
même  la  plupart  des  Proteftans.  Foyei  les  articles 
Epacte  &  Pasque. 

Le  calendrier  réformé  ou  corrigé,  eft  celui  où  fans 
s'embarraiTer  de  tout  l'appareil  des  nombres  d'or  , 
des  épa£tes,des  lettres  dominicales,  on  détermine 
l'equinoxe  ,  avec  la  pleine  lune  de  Pâque  Se  les  tè- 
tes mobiles  qui  en  dépendent ,  par  les  calculs  aftro- 
nomiques ,  fuivant  les  tables  Rudolphines. 

Ce  calendrier  fut  introduit  dans  les  états  Proteftans 
d'Allemagne  l'an  1700 ,  où  l'on  retrancha  tout-d'un- 
coup  onze  jours  du  mois  de  Février  ;  de  manière 
qu'en  1700  Février  n'eut  que  dix-huit  jours  :  par  ce 
moyen  le  ftyle  corrigé  revint  à  celui  du  calendrier 
Grégorien.  Les  Proteftans  d'Allemagne  ont  ainii  re- 
çu pour  un  certain  tems  la  forme  de  l'année  Grégo- 
rienne ,  jufqu'à  ce  que  la  quantité  réelle  de  l'année 
tropique  étant  enfin  déterminée  par  observation, 
d'une  manière  plus  exaâe  ,  les  Catholiques  Romains 
puiffent  convenir  avec  eux  d'une  forme  plus  exacte 
Se  plus  commode. 

Conflruclion  d'un  calendrier  ou  d'un  almanach.  i°. 
Calculez  le  lieu  de  la  lune  Se  du  foleil  pour  chaque 
jour  de  l'année  ;  ou  bien  prenez-les  dans  les  éphé- 
mérides.  Foye[  Soleil  &  Lune.  z°.  Trouvez  la  let- 
tre dominicale,  Se  par  fon  moyen  divifez  le  calen- 
drier en  femaines.  Foye^  Lettre  dominicale.  30. 
Calculez  le  tems  de  la  Pâque  ,  Se  déterminez  par-là 
les  autres  fêtes  mobiles.  Foye^  Pasque.  40.  Ecrivez 
aux  jours  marqués  les  fêtes  immobiles ,  avec  les  noms 
des  faints  qu'on  y  célèbre.  50.  Marquez  à  chaque 
jour  le  lieu  du  foleil  &  de  la  lune  ,  avec  leur  lever  & 
leur  coucher  ;  la  longueur  du  jour  &  de  la  nuit  ;  le 
crépufcùle  Se  les  afpects  des  planètes.  6°.  Mettez  aux 
endroits  qui  conviennent  les  principales  phaies  de 
la  lune.  Foye^  Phase.  Mettez-y  auffi  l'entrée  du  fo- 
leil dans  les  points  cardinaux  ,  c'eft-à-dire  ,  dans  les 
folftices  Se  dans  les  équinoxes  ,  avec  le  lever  Se  le 
coucher  des  planètes,  particulièrement  leur  lever  Se 
leur  coucher  héliaque  ,  Se  ceux  des  principales  étoi- 
les fixes.  On  trouvera  les  méthodes  pftur  ces  différens 
calculs  aux  articles  qui  leur  font  particuliers. 

La  durée  des  crépufcules,  c'eft-à-dire  ,  la  fin  de 
l'après-midi  Scie  commencement  du  matin  ,  avec  le 
lever  ôc  le  coucher  du  foleil,  &  la  longueur  des  jours  ; 
tout  cela  peut  être  tranfporté  des  calendriers  d'une 
année  dans  ceux  d'une  autre ,  la  différence  étant 


trop  petite  dans  chaque  année  pour  être  de  quelque 
confidération  dans  l'ufage  civil. 

Ainfi  la  conftruction  d'un  calendrier  n'a  rien  en  foi 
de  fort  difficile  ,  pourvu  que  l'on  ait  fous  la  main  des 
tables  des  mouvemens  céleftes.  F.  Ephémérides. 

Le  calendrier  Gélalîen  eft  une  correction  du  calen- 
drier Perfan  :  elle  fut  faite  par  Tordre  du  fultan  Géla- 
leddan ,  la  467e  année  de  l'hégire ,  &  de  J.  C.  1089. 
La  correction  du  calendrier  ordonnée  par  ce  fultan  eft 
telle  ,  qu'elle  donne  fort  exactement  la  grandeur  de 
l'année.  Voye\  An. 

Dans  le  calendrier  des  Juifs  il  y  a  tin  cycle  de  19 
années  commençant  à  une  nouvelle  lune  que  les 
Juifs  feignent  être  arrivée  un  an  avant  la  création  ; 
cette  nouvelle  lune  eft  appellée  par  eux  molad  toh.u  ; 
Se  clans  le  cycle  de  19  années  ,  qui  font  des  années 
lunaires,  la  3e,  la  6e,  la  8e, la  11e,  la  14- ,  la  17e, 
Se  la  19e,  font  des  années  embolifmiqucs  de  383 
jours  21  heures  ;  les  autres  font  des  années  communes 
de  3  54  jours ,  8  heures. 

Dans  le  calendrier  des  Mahométans ,  il  y  a  un  cycle 
de  30  années  ,  dans  lequel  les  années  2  ,  5,7,  10 , 
13,  15,  1 8  ,  2 1  ,  24 ,  26 ,  29 ,  font  embolifmiques  ou 
de  3  5  5  jours  ;  les  autres  communes  ou  de  3  54  jours. 

Selon  les  Juifs,  l'année  de  la  création  du  monde  eft 
la  959e  de  la  période  Julienne,  commençant  au  7e 
d'Octobre  ;  Se  comme  l'année  delà  naiffance  de  J.C. 
eft  la  4714e  de  la  période  Julienne ,  il  s'enfuit  que 
J.  C.  eft  né  l'an  3761  de  l'ère  des  Juifs  ;  c'eft  pour- 
quoi fi  on  ajoute  3761  à  une  année  quelconque  de 
l'ère  chrétienne  ,  on  aura  l'année  Juive  correfpon- 
dante  ,  qui  doit  commencer  en  automne  ;  bien  en- 
tendu qu'on  regarde  alors  l'année  Juive  comme  une 
année  folaire,  Se  elle  peut  être  regardée  comme 
telle  en  effet ,  à  caufe  des  années  embolifmiques  qui 
remettent  à  peu  près  de  trois  en  trois  ans  le  com- 
mencement de  l'année  Juive  avec  celui  de  l'année 
folaire. 

L'ère  des  Mahométans  commence  à  l'an  622  de 
J.  C.  qui  eft  l'année  de  l'hégire  ;  d'où  il  s'enfuit  que 
fi  d'une  année  quelconque  de  l'ère  chrétienne  on  ôte 
621 ,1e  refte  fera  le  nombre  des  années  deJ.  C.  écou- 
lées depuis  le  commencement  de  l'ère  Mahométane, 
Or  l'année  Julienne  eft  de  365  jours  6  heures  ,  &  les 
années  de  l'hégire ,  qui  font  des  années  lunaires,  font 
de  3  54  jours  8  heures  48  '  ;  d'où  il  s'enfuit  que  cha- 
que année  de  l'hégire  anticipe  fur  l'année  Julienne  de 
10 jours  21  heures  12';  Se  par  conféquent  33  ans, de 
359  jours  3  heures  36',  c'eft-à-dire  d'une  année,  plus 
4  jours  18  heures  48'  ;  donc  fi  on  divife  par  33  le 
nombre  trouvé  des  années  Juliennes  écoulées  depuis 
l'ère  Mahométane  ,  Se  qu'on  ajoute  le  quotient  à  ce 
nombre  d'années,  on  aura  le  nombre  des  années  Ma- 
hométanes. 

Il  faut  remarquer  que  le  furplus  des  4  jours  1 8  heu- 
res 48  ' ,  doit  former  aufli  une  année  au  bout  de  piu- 
fieurs  fiecles ,  c'eft-à-dire  au  bout  d'environ  72  fois 
3  3  ans  ;  mais  cette  correction  ne  regardera  que  nos 
defeendans.  Wolf ,  Elem.  de  chronologie. 

On  fe  fert  aufti  du  mot  calendrier  pour  défigner  le 
catalogue  ou  les  faftes  que  l'on  gardoit  ancienne- 
ment dans  chaque  églife  ,  Se  où  étoient  les  faints  que 
l'on  y  honoroit  en  général  ou  en  particulier ,  avec 
les  évêques  de  cette  églife ,  les  martyrs ,  &c  Foye^ 
Saint  ,  Nécrologe  ,  &c. 

Il  ne  faut  pas  confondre  les  calendriers  avec  les 
martyrologes  ;  car  chaque  églife  avoit  fon  calendrier 
particulier;  au  lieu  que  les  martyrologes  regardent 
toute  l'Eglife  en  général  :  ils  contiennent  les  martyrs 
Se  les  confeffeurs  de  toutes  les  églifes.  De  tous  les 
différens  calendriers  on  en  a  formé  un  feul  martyro- 
loge ;  en  forte  que  les  martyrologes  font  pofterieurs 
aux  calendriers.  ^oy^MARTïROLOG;. 

Il  y  a  encore  quelques-uns  de  ces  calendriers  qui 


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exigent,  particulièrement  un  de  l'églife  de  Rome 
fort  ancien  ,  qui  fut  fait  vers  le  milieu  du  quatriè- 
me fiecle ,  il  contenoit  les  fêtes  des  payens  com- 
me celles  des  chrétiens  ;  ces  dernières  étoient  alors 
en  affez  petit  nombre.  Le  père  Mabillon  a  t'ait  im- 
primer auffi  le  calendrier  de  l'églife  de  Carthage, 
qui  fut  fait  vers  l'an  483.  Le  calendrier  de  l'églife 
d'Ethiopie  ,  &  celui  des  Cophtes ,  publies  par  Lu- 
dolphe,  paroiffent  avoir  été  faits  après  l'année  760. 
Le  calendrier  des  Syriens  imprimé  par  Genebrard  , 
eft  fort  imparfait  ;  celui  des  Moicovites  ,  publié  par 
le  père  Papebrock ,  convient  pour  la  plus  grande 
partie  avec  celui  des  Grecs,  publié  par  Genebrard. 
Le  calendrier  mis  au  jour  par  dom  Dachery  ,  fous  le 
titre  &  année  folaire ,  ne  diffère  en  rien  du  calendrier 
de  l'églife  d'Arras.  Le  calendrier  que  Beckius  publia 
à  Augsbourg  en  1687  ,  eft  félon  toute  apparence  , 
celui  de  l'ancienne  églife  d' Augsbourg  ,  ou  plutôt  de 
Strasbourg ,  qui  fut  écrit  vers  la  fin  du  dixième  fie- 
cle. Le  calendrier  Mojarabique  ,  dont  on  fait  encore 
uiage  dans  les  cinq  égliles  de  Tolède  ;  le  calendrier 
Ambrojlen  de  Milan,  &  ceux  d'Angleterre,  avant  la 
.  réformation  ,  ne  contiennent  rien  que  l'on  ne  trouve 
dans  ceux  des  autres  églifes  occidentales ,  c'eft-à- 
dire  ,  les  laints  que  l'on  honore  dans  toutes  ces  égli- 
fes en  général ,  6c  les  faints  particuliers  aux  églifes 
qui  faifoient  uiage  de  ces  calendriers.  Chambers. 

Calendrier  perpétuel.  On  appelle  ainfi  une 
fuite  de  calendriers  relatifs  aux  différens  jours  011  la 
fête  de  Pàque  peut  tomber  ;  &  comme  cette  fête 
n'arrive  jamais  plûtard  que  le  25  Avril,  ni  plutôt 
que  le  22  Mars,  le  calendrier  perpétuel  eft  compofé 
d'autant  de  calendriers  particuliers,  qu'il  y  a  de  jours 
depuis  le  22  Mars  inclufivement ,  julqu'au  25  Avril 
inelulivement ;  ce  qui  fait  35  calendriers. 

On  trouve  un  calendrier  perpétuel  fort  utile  &  fort 
bien  entendu ,  dans  l'excellent  ouvrage  de  Y  Art  de 
vérifier  les  dates ,  par  des  religieux  Bénédictins  de  la 
congrégation  de  S   Maur. 

Calendrier  Rustique,  eft  le  nom  qu'on  donne 
à  un  calendrier  propre  pour  les  gens  de  la  campagne, 
dans  lequel  ils  apprennent  les  tems  oit  il  faut  femer, 
planter  ,  railler  la  vigne  ,  &c.  Ces  fortes  de  calen- 
driers font  ordinairement  remplis  de  beaucoup  de  rè- 
gles faillies  ,  eV  fondées  la  plupart  fur  les  influences 
&  les  afpeâs  de  la  lune  &c  des  planètes.  C'eft  pour- 
quoi il  eft  bon  de  diftinguer  avec  foin  les  règles  qui 
font  fondées  fur  des  expériences  exactes  &  réitérées, 
d'avec  celles  qui  n'ont  que  le  préjugé  pour  princi- 
pc.(O) 

CALENGE,  f.  f.  {Jurif prudence.}  terme  qui  fe 
trouve  fréquemment  dans  les  anciennes  coutumes, 
011  il  fe  prend  tantôt  pour  débat  ou  contejlation ,  tantôt 
pour  accufaàon  ou  dénonciation  judiciaire  ,  &c.  tantôt 
pour  défi  ou  appel. 

CALENGER  ,  verbe  formé  de  calengc ,  a  les  mê- 
mes lignifications  :  en  Normandie  oii  il  eft  encore 
en  ufage  ,  il  lignifie  barguigner.  (//) 

CALENTER  ,  f.  m.  (Hifi.  mod.)  les  Perfes  nom- 
mentainli  le  thrélorier  &  receveur  desfinanecs  d'une 
province  ;  il  a  la  direction  du  domaine,  tait  la  re- 
cette des  deniers,  &  en  rend  compte  au  confeil,  ou 
au  chan  de  la  province,  loy^i  Chan. 

CALENTURE,  f.  f.  (Medeàne.)  efpece  de  fiè- 
vre accompagnée  d'un  délire  lubit,  commune  à  ceux 
qui  font  des  voyages  de  long  cours  dans  des  cli- 
mats chauds  ,  Cv  furtout  à  ceux  qui  panent  fous  la 
ligne. 

L'hiftoire  luivante  donnera  une  idée  de  cette  ma- 
ladie ,  ce  de  la  manière  de  la  traiter. 

Un  matelot  âgé  de  trente  à  quarante  ans ,  affez 
grand  ,  mais  fluet ,  fut  attaqué  d'une  calenturt  li  vio- 
lente, que  quatre  de  les  camarades  iufhfoient  à  pei- 
ne pour  le  retenir:  il  s'écrioit  de  tems  en  tems  qu'il 
Tome  II, 


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555 


vouloit  aller  dans  les  champs  ;  il  avoit  la  vue  égarée, 
furieule  ;  ion  corps  étoitdans  une  chaleur  biûljnre, 
&C  fon  pouls  fort  déréglé  ,  fans  aucune  vibration  dif- 
tincte.  Le  Chirurgien  du  vailîeau  tacha  delefaigner: 
mais  quoique  la  veine  du  bras  fut  affez  ouverte  ,  il 
n'en  pût  jamais  tirer  une  once  de  fang  ;  on  lui  ouvrit 
la  veine  du  front  avec  aulfi  peu  de  fuccès  ;  on  paffa 
à  la  jugulaire,  il  enfortit  deux  onces  de  fang  fleuri, 
après  quoi  il  ceffa  de  couler ,  quoique  l'ouverture  fût 
affez  large  ;  on  répéta  les  la  ignées ,  on  en  tiroit  de 
trois  ouvertures  à  la  fois  ;  le  lang  couloir  plus  libre- 
ment à  melurc  que  les  vailieaux  le  vuidoient.  Après 
une  évacuation  conlidérable ,  la  fièvre  diminua  de 
même  que  l'agitation  ;  le  malade  avoit  la  vue  moins 
égarée  ,  il  ne'crioit  plus  ;  le  pouls  devint  plus  régu- 
lier ,  la  chaleur  fe  modéra ,  &  la  fureur  fe  rallentit  , 
de  façon  qu'un  feu]  homme  fuffilbit  pour  le  contenir. 
On  lui  tira  environ  cinquante  onces  de  fang  par 
les  trois  ouvertures  dont  on  a  parlé  :  l'ayant  fait  coin 
cher ,  on  lui  donna  une  once  de  firop  de  diacode 
dans  un  verre  d'eau  d'orge  ;  après  quoi  il  dormit  fort 
tranquillement  pendant  quelques  heures ,  Se  ne  fen- 
tit  en  s'éveillant  qu'une  foibleffe  qui  venoit  du  fane 
qu'on  lui  avoit  tiré  ,  &  un  malaife  par  tout  le  corps 
produit  apparemment  par  la  violence  des  convul- 
fions  qu'il  avoit  eues ,  &  des  efforts  qu'il  avoit  faits 
pour  s'échapper. 

Il  eft  vraiffemblable  que  quand  les  matelots  font 
attaqués  de  cette  chaleur  vioiente  &  de  cette  mala- 
die ,  ce  qui  leur  arrive  ordinairement  pendant  la 
nuit ,  ils  le  lèvent ,  s'en  vont  fur  le  bord ,  &  le  jettent 
dans  la  mer ,  croyant  aller  dans  les  prés  ;  ce  qui  rend 
cette  conjecture  d'autant  plus  vraiffemblable ,  c'eft 
que  dans  la  mer  Méditerranée  ,  il  arrive  fouvent  en 
été  &  dans  des  tems  chauds,  que  des  gens  de  mer 
dilparoiffent  fans  qu'on  lâche  ce  qu'ils  font  devenus  ; 
ceux  qui  relient  dans  le  bâtiment  ,  penfent  que  tous 
ceux  qui  dilparoiffent  ainlilelont  lauvés  fans  qu'on 
s'en  ioit  apperçu.  Quant  à  celui  dont  il  eft  parlé  ci- 
deffus  ,  le  Médecin  apprit  d'un  de  les  camarades , 
qu'ayant  loupçonné  fon  deffein,  ill'avoit  faifi ,  com- 
me il  étoit  fur  le  point  de  s'élancer  dans  l'eau  ,  & 
qu'on  l'avoit  coniervé  par  ce  moyen.  Si  les  calentu- 
res  font  plus  fréquentes  pendant  la  nuit  que  pendant 
le  jour  ,  c'eft  qu'alors  les  bâtimens  font  plus  fermés 
oc  reçoivent  moins  d'air.  Pkilofoph.  tranfact.  air.  vol. 
I  V.  par  le  docteur  Olivier. 

Le  docteur  Shaw  veut  qu'on  traite  cette  maladie 
de  la  manière  luivante. 

Il  faut  tâcher  de  procurer  du  repos  :  on  donnera 
de  l'eau  d'orge  avec  du  vin  blanc  ;  on  proferira  la 
bière,  &  toute  liqueur  fpiritueufe,  &  on  prelcrira 
un  régime  foible  &  liquide.  Le  premier  pas  qu'on  ait 
à  faire  dans  la  cure  ,  c'eft  de  faigner  ;  il  arrive  affez 
fouvent  que  les  vaiffeaux  font  pleins  d'un  '  G 
épais,  qu'on  eft  obligé  d'en  ouvrir  plulieiu s  pour 
évacuer  affez  de  fang  ;  la  veine  jugulaire  eft  préfé- 
rable à  celle  du  bras.  Huit  ou  dix  heures  après  la 
faignée  ,  on  donnera  l'émétiquc,  on  appliquera  au 
cou  un  large  epifpaftique  ,  on  reviendra  à  la  faignée 
auflï-tôt  qu'on  le  pourra  ;  le  loir  lorfque  le  malade 
fera  prêt  à  repofer,  on  lui  donnera  un  parégorique. 

Si  la  maladie  eft  furhfamment  calmée,  on  ordon- 
nera le  purgatif  doux  qui  fuit. 

Prenez  feuilles  de  féné  deux  gros  &  demi ,  rhu- 
barbe un  demi-gros,  fel  de  tartre  un  demi-fcrupule, 
graine  de  coriandre  broyée  un  fcrupule  ;  taites  intu* 
fer  le  tout  dans  fufhfante  quantité  d'eau  de  fontaine  ; 
Cv  fur  deux  onces  ce  demie  de  la  liqueur  paffee,  ajou- 
te/ firop  folutif  de  roîes  fix  gros  ,  firop  de  corne  de 
cerf  deux  gros;  efprit  de  mtre  dulcine,  fel  volatil 
huileux  ,  de  chacun  trente  gouttes.  Faites-en  une  po- 
tion que  le  malade  prendra  deux  ou  trois  fois ,  félon 

A  A  a  a  ij 


556 


CAL 


que  la  maladie  l'exigera  ,  &  en  gardant  un  régime 
exact.: 

Voilà  la  manière  ordinaire  de  traiter  la  caknture, 
(N) 

CALER,  (terme  d'Architecture.')  c'eft  arrêter  la 
pofe  d'une  pierre ,  mettre  une  cale  de  bois  mince  qui 
détermine  la  largeur  du  joint ,  pour  la  ficher  enfuite 
avec  facilité.  (P) 

CALER ,  v.  n.  (  Marine.  )  c'eft  enfoncer  dans  l'eau  ; 
lorfqu'un  vaifieau  eft  trop  chargé ,  cela  le  peut  faire 
caler  fi  bas  dans  l'eau ,  que  fa  batterie  d'entre  deux 
ponts  eft  noyée. 

CALER  les  voiles  ,  (  Marine.  )  c'eft  amener  ou 
abaiffer  les  voiles  avec  les  vergues ,  en  les  faifant 
gliffer  &  defcendre  le  long  du  mât.  Un  dit  à  pré- 
térit amener  les  voiles,  &  très-rarement ,  caler  les  voi- 
les. (Z) 

CALER  ,  V.  a£h  (Plomberie.)  on  dit  caler  des  tuyaux, 
quand  on  en  arrête  la  pofe  avec  des  pierres  pour  qu'ils 
ne  s'afFaifTent  pas ,  ce  qui  les  feroit  crever.  (K  ) 

*  CALESIAM  ,  (Hift.  nat,  bot.)  arbre  qui  croît 
dans  les  contrées  du  Malabar.  Il  eft  grand;  l'on  bois 
eft  de  couleur  de  pourpre  obfcur  ,  uni  &  flexible  ; 
fes  fleurs  croiflent  en  grappes  à  l'extrémité  de  fes 
branches  ;  elles  reflembîent  aflez  à  celles  de  la  vigne: 
fes  baies  font  oblongues  ,  rondes,  plates,  vertes, 
couvertes  d'une  écorce  mince  ,  pleines  d'une  pulpe 
inlipide  ,  contenant  un  noyau  verd ,  oblong  ,  plat , 
&  portant  une  amande  blanche  &  infipide.  Outre  ce 
fruit ,  qui  eft  le  vrai ,  il  en  porte  un  fécond  à  la  chute 
des  feuilles ,  qui  croît  au  tronc  &  aux  branches  ;  il  eft 
plus  gros  que  le  fruit  vrai ,  ridé  ,  en  forme  de  rein , 
couvert  d'une  écorce  de  couleur  de  verd  d'eau,  fous 
laquelle  on  trouve  une  pulpe  dénié.  Ray  croit  que  ce 
fruit  bâtard  n'eft  qu'une  grofleur  produite  par  la  pi- 
quùre  des  infeftes ,  qui  cherchent  dans  cet  arbre  une 
retraite  &  de  la  nourriture.  Il  donne  du  fruit  une  fois 
l'an ,  depuis  dix  ans  jufqu'à  cinquante. 

Son  écorce  pulvérifée  &  réduite  en  onguent  avec 
le  beurre ,  guérit  le  fpafme  cynique  &  les  convul- 
fions  caufées  par  les  grandes  douleurs  ;  le  même  re- 
mède s'employe  avec  fuccès  dans  les  ulcères  malins 
ik.  calme  les  douleurs  de  la  goutte  ;  le  fuc  de  l'écorce 
diflîpe  les  aphthes  &  arrête  la  dyflenterie  ;  fa  poudre 
avec  celle  de  compulli  purge  &  chaffe  les  humeurs 
pituiteufes  &c  atrabilaires. 

On  fait  prendre  une  rafle  de  la  déco&ion  de  l'é- 
corce &  des  feuilles  dans  de  l'eau ,  pour  hâter  l'ac- 
couchement. 

CALETURE ,  (Géog.)  forterefle  de  l'île  de  Cey- 
lan ,  appartenante  aux  Hollandois.  Longit.  qj.  z6. 
lat.  6.  38. 

CALFAT,  f.  m.  (Marine.)  c'eft  le  radoub  d'un 
navire ,  qui  fe  fait  lorfqu'on  en  bouche  les  trous  ik. 
qu'on  les  enduit  de  fuif,  de  poix,  de  goudron,  afin 
d'empêcher  qu'il  ne  faffe  eau;  ou  bien  c'eft  une  étou- 
pe  enduite  de  brai ,  que  l'on  poufle  de  force  dans  les 
joints  ou  entre  les  planches  du  navire ,  pour  le  tenir 
fain,  étanché  &  franc  d'eau.  Ce  terme  s'employe 
pourjignifier  l'ouvrier  &  l'ouvrage. 

Calfat ,  Calfateur  , Calfas,  f.  m.  (Marine.) 
c'eft  un  officier  de  l'équipage ,  qui  a  foin  de  donner 
le  radoub  aux  vaiffeaux  qui  en  ont  befoin ,  &  qui  foir 
&c  matin  examine  le  corps  du  bâtiment ,  pour  voir 
s'il  ne  manque  point  de  clous  ni  de  chevilles  ;  s'il  n'y 
en  a  point  qui  foient  mal  aflurées  ;  fi  les  pompes  font 
en  bon  état ,  &  s'il  ne  ic  fait  point  quelque  voie  d'eau 
afin  de  l'arrêter.  Il  doit  avoir  l'œil  particulièrement 
à  l'étrave ,  qui  eft  l'endroit  du  vaifieau  le  plus  ex- 
pofé  aux  acciclens  de  la  mer  ;  &  aux  carènes  &  œu- 
vres de  marée.  Il  examine  fi  l'étoupe  eft  bien  poufl'ée 
dans  les  jointures  &  dans  les  fentes  du  bordage.  Lorf- 
qu'ily  a  combat,  il  fe  tient  à  la  fofle  aux  cables,  avec 
des  plaques  de  plomb  &  autres  chofes  néceflaires ,  & 


CAL 

fe  met  à  la  mer  pour  boucher  par-dehors  les  voies 
d'eau  qu'on  découvre. 

CALFATAGE,  f.  m.  (Marine.)  c'eft  l'étoupe  qui 
a  été  mife  à  force  dans  la  couture  du  vaifieau. 

CALFATER  ,  CALFADER  ,  CALFEUTRER , 
v.  adt.  (Marine.)  c'eft  boucher  les  fentes  des  jointu- 
res du  bordage  ou  des  membres  d'un  vaifieau  ,  avec 
ce  qui  peut  être  propre  à  le  tenir  fain  &  étanché ,  en- 
forte  qu'il  ne  puifl'e  y  entrer  d'eau.  On  fe  fert  pour 
cela  de  planches ,  de  plaques  de  plomb ,  d'étoupes, 
&C  d'autres  matières. 

Calfater,  c'eft  poufler  l'étoupe  dans  les  coutures. 

Calfater  lesfabords;  c'eft  emplir  d'étoupe  le  vuide 
du  tour  des  labords,  ainfi  que  les  coutures  du  vaif- 
feau.  On  ne  fait  ce  calfatage  que  très-rarement ,  ÔC 
lorfqu'on  eft  obligé  de  tenir  long  tems  la  mer. 

CALFATEUR,  (Marine.)  Foy^  CALFAT. 

CALFATIN,  f.  m.  (Marine.)  c'eft  le  moufle  qui 
fert  de  valet  au  calfateur. 

CALFEUTRER,  (Marine.)  V.  CALFATER.  (Z) 

CALGINU ,  (Géog.)  ville  d'Afrique ,  dans  l'Abyfi- 
finie ,  dans  une  contrée  deferte. 

CALI ,  (Géog.)  ville  de  l'Amérique  méridionale  , 
au  Popayan,  fur  le  bord  de  la  rivière  Cauca.  Long, 
304.  30.  lat.  3.  i$. 

CALIACA ,  (Géog.)  ville  &  port  d'Europe ,  dans 
la  Bulgarie  ,  fur  la  mer  noire  ,  appartenante  aux 
i  urcs. 

*  CALIBRE ,  f.  m.  (Arts  méch.)  ce  mot  a  deux  ac- 
ceptions différentes  :  il  fe  prend  ou  pour  le  diamètre 
d'un  corps,  &  en  ce  fens  on  dit,  ces  colonnes,  ces 
juflls ,  &c.  font  de  même  calibre;  ou  pour  l'inftru- 
ment  qui  fert  à  en  mefurer  les  dimenfions ,  &  en  ce 
fens  les  Serruriers ,  &  prefque  tous  les  ouvriers  en 
métaux  ,  ont  des  calibres.  Voye^  les  articles  fuiv  ans. 

*  Calibre,  pris  dans  le  fécond  fens,  eft  un  infini- 
ment ou  de  fer  ou  de  bois ,  dont  l'ufage  eft  différent, 
lelon  les  diftérens  ouvriers. 

Les  Maçons  ont  leur  calibre  ;  c'eft  une  planche  fur 
le  champ  de  laquelle  on  a  découpé  les  différens  mem- 
bres d'urchiteefrire  qu'ils  veulent  exécuter  en  plâtre 
aux  entablemens  des  maifons ,  corniches  des  plafons 
des  appartemens,  plintes  ,  &  ouvrages  de  maçonne- 
rie qui  fe  traînent.  Ce  calibre  fe  monte  fur  un  mor- 
ceau de  bois  qu'ils  appellenty^or.  On  a  pratiqué  fur 
le  fibot,  à  fa  partie  du  devant  qui  fe  doit  traîner  fur 
les  règles ,  une  rainure  pour  fervir  de  guide  au  ca- 
libre. 

Calibre  des  Serruriers  ;  les  uns  font  faits  de  fer 
plat  battu  en  lame ,  &  découpés  comme  ceux  des 
maçons ,  fuivant  la  forme  &  figure  que  l'on  fe  pro- 
pofè  de  donner  à  la  pièce  que  l'on  veut  ou  forger  ou 
limer.  Ce  calibre  a  une  queue,  que  le  forgeron  tient 
à  fa  main ,  pour  le  préfenter  fur  le  fer  rouge  quand 
il  forge.  Pour  ceux  dont  on  fe  fert  en  limant ,  ils  font 
figurés  &c  terminés  fort  exactement  ;  on  les  applique 
fur  la  pièce  à  limer ,  &  avec  une  pointe  d'acier  on 
trace  la  figure  &  les  contours  du  calibre ,  pour  enle- 
ver avec  la  lime  ce  qui  eft  au-delà  du  trait. 

D'autres  fervent  à  mettre  les  fers  droits  ou  con- 
tournés de  largeur  &  d'épaifieur  égales  dans  toute  la 
longueur.  Ces  fortes  de  calibres  font  des  lames  de  fer 
battu  mince  ,  dans  lefquelles  on  a  fait  des  entailles 
fuivant  la  largeur  &  l'épaifleur  que  l'on  veut  donner 
au  fer.  On  fait  gliflèr  ce  calibre  fur  le  fer ,  &  l'on 
forge  jufqu'à  ce  qu'il  puifle  s'appliquer  fucceflive- 
ment  fur  toute  la  barre.  Il  eft  évident  que  ces  fortes 
de  calibres  ne  peuvent  fervir  que  pour  un  feul  &  mê- 
me ouvrage. 

II  y  a  d'autres  calibres  qu'on  appelle  calibres  brifes 
ou  à  coulijfe.  Il  y  en  a  de  plufieurs  figures  :  les  uns 
font  compofés  de  quatre  parties  ;  favoir ,  de  la  tige 
retournée  en  équerre  par  une  de  fes  extrémités ,  qui 


CAL 

forme  une  des  ailes  du  calibre ,  &  ouverte  dans  fon 
milieu  6c  dans  toute  fa  longueur  d'une  entaille  qui 
reçoit  un  bouton  à  vis,  à  tête  &  à  colct  quarré,  qui 
glifie  exactement  dans  l'entaille  ;  il  eff  garni  d'un 
écrou  à  oreille,  &  il  traverfc  une  couliffe  qui  em- 
braffe  entièrement  &  exactement  la  largeur  de  la  tige; 
la  partie  de  cette  couliffe  qui  regarde  l'aile  de  la  tige 
pareillement  conduite  en  équerre  ,  forme  une  autre 
aile  parallèle  en  tout  fens  à  l'aile  de  la  tige  ;  de  forte 
que  ces  deux  ailes  peuvent  s'écarter  plus  ou  moins 
l'une  de  l'autre,  à  la  volonté  de  l'ouvrier,  fans  per- 
dre leur  parallélifme  par  le  moyen  de  l'entaille  &  de 
la  couliffe  ,  &  font  fixées  à  la  diffance  que  l'ouvrier 
veut  par  le  moyen  de  l'écrou.  On  fe  fert  de  ce  cali- 
bre pour  dreffer  des  pièces  ,  6c  s'afiiïrcr  fi  elles  font 
partout  de  groffeur  &  de  largeur  égales. 

Il  y  en  a  d'autres  qui  ont  le  même  ufage ,  &  dont 
la  conftrucrion  ne  diffère  de  la  précédente ,  qu'en  ce 
qu'une  des  deux  ailes  peut  s'éloigner  de  l'autre  par 
le  moyen  d'une  vis  de  la  longueur  de  la  tige,  qui  tra- 
verfe  le  talon  de  la  tige ,  &  parle  dans  un  talon  en 
écrou  pratiqué  au  derrière  de  la  couliffe  mobile  dans 
laquelle  paffe  la  tige  que  cette  couliffe  embraffe  en- 
tièrement ;  quant  à  l'extrémité  de  la  vis ,  elle  eff"  fixée 
au  talon  de  l'autre  aile,  qui  eff  pareillement  à  cou- 
liffe, mais  immobile,  pardeux  goupilles  qui  l'arrêtent 
fur  le  bout  de  la  tige  :  le  bout  de  la  vis  eff:  reçu  dans 
un  petit  chapeau  fixé  immobilement  fur  le  talon  de 
l'aile  fupérieure  ,  de  forte  que  cette  vis,  fans  baiffer 
ni  defeendre ,  tourne  toujours  fur  elle-même ,  &  fait 
feulement  monter  &  defeendre  la  couliffe  avec  l'aile 
inférieure. 

Un  calibre  portatif  d'une  troifieme  conffruâion , 
eff  compofé  d"une  tige  fur  laquelle  eff  fixée  une  aile, 
&  fous  laquelle  fe  meuvent  deux  coulifles  en  ailes 
qui  l'embraffent  entièrement,  mais  qu'on  fixe  à  la 
diffance  qu'on  veut  de  l'aile  fixe ,  par  le  moyen  de 
deux  petites  vis  qui  traverfent  la  couliffe  :  par  ce 
moyen  on  peut  prendre  deux  mefures  à  la  fois. 

Le  fécond ,  qui  eff  à  vis  en-deffbus,  eff  divifé  par- 
deflus  en  pouces ,  lignes  ,  &  demi-lignes  ;  ainff  on 
donne  à  la  diffance  des  ailes  tel  accroiffèment  ou 
diminution  qu'on  veut,  ce  qui  montre  encore  l'ex- 
cès de  dimenlions  d'une  pièce  fur  une  autre. 

Mais  au  premier  calibre  on  met  entre  l'écrou  6c  la 
couliffe  une  rondelle  de  cuivre ,  pour  empêcher  les 
deux  fers  de  le  ronger,  &  pour  rendre  le  mouvement 
plus  doux. 

C  ali  BB  E  ,  terme  a" Arquebuficr  :  les  Arquebufiers  fe 
fervent  de  diverfes  fortes  d'outils,  auxquels  ils  don- 
nent le  nom  de  calibre ,  dont  les  uns  font  de  bois,  6c 
les  autres  d'acier. 

Les  calibres  de  bois  font  proprement  les  modèles , 
d'après  lefquels  ils  font  débiter  ou  débitent  eux-mê- 
mes les  pièces  de  bois  de  noyer ,  de  frêne ,  ou  d'éra- 
ble ,  dont  ils  font  les  fûts ,  fur  lefquels  ils  montent  les 
canons  &  les  platines  des  armes  qu'ils  fabriquent.  Ce 
ne  font  que  de  fimples  planches  très-minces,  taillées 
de  la  figure  du  fût  qu'on  veut  taire  ;  de  forte  qu'il  y 
en  a  autant  que  de  différentes  efpeccs  d'armes ,  com- 
me calibres  de  fit  fil ,  de  itioufquel ,  de  piflolet ,  6Cc 

Les  calibres  d'acier  pour  l'Arquebulerie  font  de  deux 
fortes  ;  les  uns  doubles ,  6c  les  autres  fimples.  Les  fim- 
ples font  des  efpeccs  de  limes  fans  manche  ni  queue , 
percées  de  diffance  en  diffance  par  des  trous  de  diffé- 
rent diamètres.  Ils  fervent  à  dreffer  6V:  limer  le  dc\- 
fous  des  vis.  Les  calibres  doubles  ne  différent  des  fim- 
ples que  parce  qu'ils  font  compofés  de  deux  limes  pô- 
les l'une  fur  l'autre  ,  &  jointes  par  deux  vis  qui  font 
aux  deux  bouts ,  &:  avec  lefquclles  on  les  éloigne  6c 
on  les  rapproche  à  diferétion.  La  lime  de  de  flou  s  a  de 
plus  un  manche  auffi  d'acier  un  peu  recourbé  en-de- 
dans. Ces  derniers  calibra  fervent  à  roder  ,  c'eff-à- 
dire  a  tourner  comme  on  tait  au  tour  les  noix  des 
platines  que  l'on  met  entre  deux, 


CAL  557 

Calibre  ,  dans  V Artillerie  ,  eff  l'ouverture  de  la 
pièce  de  canon  &  de  toutes  les  autres  armes  à  feu  , 
par  où  entrent  &  fortent  le  boulet  &c  la  balle.  On  dit 
Cette  pièce  efl  d'un  tel  calibre  :  on  le  dit  auffi  d'un  bou- 
let ;  l'inffrument  même  dont  on  fe  fert  pour  prendre 
la  grandeur  de  l'ouverture  ou  diamètre  d'une  pièce 
ou  d'un  mortier  ,  s'appelle  auffi  calibre. 

Cet  infiniment  eff  fait  en  manière  de  compas, 
mais  ayant  des  branches  courbes,  afin  de  pouvoir 
auffi  s'en  fervir  pour  calibrer  &  embrafler  le  boulet. 

Quand  il  eff  entièrement  ouvert ,  il  a  la  longueur 
d'un  pié  de  roi ,  qui  eft  de  douze  pouces  ,  chaque 
police  compofé  de  douze  lignes ,  entre  les  deux  bran- 
ches. 

Sur  l'une  des  branches  font  gravés  &  divifés  tous 
les  calibres  ,  tant  des  boulets  que  des  pièces  ;  &  au- 
dedans  de  la  branche  font  des  crans  qui  répondent 
aux  fections  des  calibres. 

Et  à  l'autre  branche  eff  attachée  une  petite  tra- 
verse ou  languette,  faite  quelquefois  en  forme  d'i", 
ôc  quelquefois  toute  droite ,  que  l'on  arrête  fur  le 
cran  oppofé  qui  marque  le  calibre  de  la  pièce. 

Le  dehors  des  pointes  fert  à  calibrer  la  pièce  ;  &c 
le  dedans  qui  s'appelle  talon  ,  à  calibrer  les  boulets. 
Voyt^  PI.  Vil.  de  L'Art  milit.Jig.  J. 

Il  y  a  un  autre  moyen  de  calibrer  les  pièces.  L'on  a  une 
règle  bien  divifée ,  &c  où  font  gravés  les  calibres  tant 
des  pièces  que  des  boulets  ,  comme  il  fe  voit  dans  la 
Planche.  Appliquez  cette  règle  bien  droit  fur  la  bou- 
che de  la  pièce ,  rien  de  plus  fimplc  ;  le  calibre  fe  trou- 
ve tout  d'un  coup  :  ou  bien  l'on  prend  un  compas 
que  l'on  préfente  à  la  bouche  de  la  pièce  ;  on  le  rap- 
porte enf  uite  fur  la  règle ,  &c  vous  trouvez  votre  ca- 
libre. 

Mais  en  cas  qu'il  ne  fe  trouvât  pas  de  règle  divi- 
fée par  calibre  dans  le  lieu  où  vous  ferez",  il  faut 
prendre  un  pié  de  roi  divifé  par  pouces  &  par  lignes 
à  l'une  de  fes  extrémités. 

Rapportez  fur  ce  pié  le  compas  ,  après  que  vous 
l'aurez  retiré  de  la  bouche  de  la  pièce  où  il  faudra 
l'enfoncer  un  peu  avant  ;  car  il  arrive  fbuvent  que 
des  pièces  fe  font  évafées  &c  aggrandies  par  la  bou- 
che ,  où  elles  font  d'un  plus  fort  calibre  que  n'-eff  leur 
ame. 

Vous  compterez  les  pouces  &:  les  lignes  que  vous 
aurez  trouvés  pour  l'ouverture  de  la  bouche  &  de  la 
volée  de  la  pièce  ,  6c  vous  aurez  recours  à  la  table 
que  voici ,  pour  en  connoître  le  calibre  ;  elle  eff  tres- 
exacle. 

Calibre  des  pièces.  La  pièce  qui  reçoit  un  boulet  pe- 
fant  une  once  poids  de  marc  ,  a  d'ouverture  à  fa  bou- 
che neuf  lignes  &  cinq  feiziemes  de  ligne. 

Celle  qui  reçoit  un  boulet  pefant  deux  onces  ,  a 
d'ouverture  à  fa  bouche  onze  lignes  ck  trois  quarts 
de  ligne. 

On  va  continuer  fuivant  cet  ordre. 

Pefanteur  du  Boulet.  Ouverture  du  Calibre. 

Onces.  Teuus,  Lignes.  FtaRïons* 

1 o  .....    9  ....    ^ 

1    O....II....       1 

3 i  ....  i   ....  ^ 

4 i  ....  .  i  .  .  .  .  \ 

5 i  .....  4 

6 i 4 { 

7 t  .  .  .  .  5      -      -  fr 

8 i  .  .....  6  ....  £ 

IO I     .     .     .     •         S     .     .     .     .      -ù; 

ii i  .  .  .  .     9  .  .  .  .     -j- 

M i   ....   10  ....   ^ 

La  pièce  qui  reçoit  un  boulet  pelant  i  livre ,  qui 


553 


CAL 


fait  16  onces,  a  d'ouverture  à  fa  bouche  i  pouce 
1 1  lignes  &  demie. 

Pefanteur  du  Boulet.  Ouverture  du  Calibre. 

livres.  Pouces.  Lignes.  Fractions. 


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29  . 

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35  • 

36  . 

37  • 

38  . 

39  • 

40  . 

41  . 

42  . 

43  • 

44  • 

45- 

46-. 

47  •• 
48-- 

49  • 

50  . 

55  ■ 
60  -. 
64.. 


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6  . 

6  . 

6  , 

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6 

6 

6 

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6 

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6 

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6 

6 

6 
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Il  eft  bon  de  remarquer  qu'en  l'année  1668  l'on 
rétablit  le  pié  de  roi  conformément  à  la  toile  du  châ- 
telet  de  Paris  ;  c'eft  de  ce  pié  rétabli  que  l'on  s'eft 


CAL 

fervi  ici ,  &  dont  l'original  aufii-bien  que  celui  de  la 
toife ,  le  conferve  à  l'Obfervatoire  royal  de  Paris. 
Il  faut  aufii  remarquer  que  pour  avoir  le  pié  de  roi 
bien  exact  ,  il  faut  avoir  la  toife  du  châtelet  bien 
julte ,  Se  la  diviler  en  fix  parties  bien  égales. 

On  a  omis  exprès  quelques  nombres,  parce  qu'il 
ne  fe  trouve  que  peu  ou  point  du  tout  de  ces  cali' 
bres  rompus.  Saint-Remy,  Mémoires  £  Artillerie..  (Q) 
CALIBRE,  lignifie  ,  dans  les  Manufactures  d'armes  à. 
feu ,  l'ouverture  d'un  fufil  ou  d'un  piftolet  par  oii  en- 
tre &  fort  la  balle  :  ainfi  on  dit  cette  arme  a  trop  de  ca- 
libre. Voye^  Canon  de  fufil. 

Calibre  ,  che^  les  Fontainiers ,  fe  dit  de  l'ouverture 
d'un  tuyau ,  d'un  corps  de  pompe,  exprimée  par  leur 
diamètre  :  ainfi  on  dit ,  tel  tuyau  a  un  demi-pie  de  cali- 
bre ,  c'eft-à-dire  de  diamètre.  (  K  ) 

Calibre  ,  dans  f  Horlogerie  :  les  Horlogers  en  ont 
de  plufieurs  efpeces  :  mais  celui  dont  ils  font  le  plus 
d'ufage,  eft  le  calibre  à  pignon  ,  fig.  âj.  PI.  XV.  de 
r Horlogerie.  Il  eft  compoié  de  la  vis  V  &  des  deux 
branches  AB ,  A  B ,  qui  par  leur  reffort  tendent  tou- 
jours à  s'éloigner  l'une  de  l'autre  :  au  moyen  de  cette 
vis  on  les  approche  à  volonté.  Les  Horlogers  s'en  fer- 
vent pour  prendre  la  groffeur  des  pignons ,  ôc  pour 
égaler  leurs  ailes.  Voyc^  Egaler.  (  7") 

Calibre,  che^  les  Horlogers  ,  fignifie  encore  une 
plaque  de  laiton  ou  decarton, fur  laquelle  les  grandeurs 
des  roues  &  leurs  fituations  refpectives  font  mar- 
quées. C'elt  en  fait  de  machine,  la  même  chofe  qu'un 
plan  en  fait  d'Architecture.  Voy.  lafig.  60. Planche  X. 
d'Horlogerie.  C'elt  pourquoi  l'Horloger  dans  la  conl- 
truction  d'un  calibre  ,  doit  avoir  la  même  attention 
qu'un  Architecte  dans  celle  d'un  plan  :  celui-ci  doit 
bien  profiter  du  terrein ,  félon  les  lois  de  convenance 
&  de  la  belle  architecture  ;  de  même  l'autre  doit  pro- 
fiter du  peu  d'efpace  qu'il  a ,  pour  dilpoier  tout  le- 
lon  les  lois  de  la  méchanique. 

Il  feroit  fort  difficile  de  donner  des  règles  généra- 
les pour  la  conltru&ion  d'un  calibre  ;  parce  que  l'im- 
polîibilité  où  l'on  cil  fouvent  de  le  faire  de  manière 
qu'il  réunifie  tous  les  avantages  poflîbles  ,  fait  que 
l'on  ell  contraint  d'en  facrifier  certains  à  d'autres  plus 
importans.  Nous  donnerons  cependant  ici  le  détail 
des  règles  que  l'on  doit  obferver  ;  &  comme  c'elt  par- 
ticulièrement dans  les  montres  que  fe  rencontrent  les 
plus  grandes  difficultés ,  nous  nous  bornerons  à  ne 
parler  que  de  leurs  calibres  ,  parce  que  l'application 
de  nos  principes  aux  calibres  des  pendules ,  fera  fa- 
cile à  faire. 

Une  des  premières  règles  Se  des  plus  cflentielles 
à  obferver ,  c'ell  que  la  diipolition  des  roues ,  les  unes 
par  rapport  aux  autres ,  (bit  telle  que  les  engrenages 
changent  le  moins  qu'il  ell  poffible  par  l'ulure  des 
trous ,  c'elt-à-dire ,  que  la  diftance  du  centre  d'une 
roue  au  centre  du  pignon  dans  lequel  elle  engrené  , 
foit  autant  que  faire  fe  peut  toujours  la  même. 

On  en  concevra  facilement  la  néceflité  ,  fi  l'on 
fait  attention  que  Faction  d'une  roue  fur  un  pignon 
pour  le  faire  tourner ,  ne  fe  fait  point  fans  qu'il  y  ait 
du  frottement  fur  les  pivots  de  ce  pignon  :  mais  ce 
frottement  ne  peut  le  faire  fans  qu'il  en  réfulte  une 
ulure  dans  les  trous ,  qui  le  fait  toujours  dans  le  lens 
de  la  prefiîon  de  la  roue  ;  &  qui  augmentant  par  con- 
fisquent la  diftance  au  centre  d'un  pignon  ,  diminue 
l'engrenage,  &  produit  les  inconveniens  dont  il  eft 
parlé  à  l'article  Engrenage. 

Pour  remédier  à  ces  inconveniens ,  il  faut  que  les 
roues  depuis  le  barnliet  jufqu'au  balancier  (  voye^la 
figure  46.  )  agiflent  autant  qu'on  le  peut ,  les  unes  fur 
les  autres ,  en  forte  que  fi  la  grande  roue  moyenne , 
par  exemple,  pouffe  le  pignon  de  la  petite  roue 
moyenne  56  dans  la  direction  d  i  ,fig.  5o.  elle  foit  à 
fon  tour  poufiee  par  la  grande  roue  dans  la  direction 
S  c  d'une  certaine  quantité ,  telle  que  par  ce  moyen 


CAL 

(tance  entre  le  centre  de  cette  roue  ,  &  celui  du 
pignon  où  elle  engrené  ,  ne  change  pas  fenfiblement. 
La  féconde  règle ,  c'eft  que  les  roues  &  les  pignons 
foient  encore  ,  autant  qu'il  eft  pcffible ,  dans  le  milieu 
de  leurs  tiges ,  ou  à  une  égale  diftance  de  leurs  pi- 
vots :  par  ce  moyen  on  eft  plus  à  portée  de  mettre 
fen  ufage  la  règle  que  nous  venons  de  donner  ,  &  on 
évite  un  grand  défaut  ;  c'eft  que  Iorfqu'un  pignon 
eit  à  l'extrémité  de  fa  tige,  il  fe  fait  un  très -grand 
frottement  fur  le  pivot  qui  eft  fitué  du  même  côté  , 
ce  qui  en  occafionne  l'ulurc  ,  de  même  que  celle  de 
fon  trou  ,  &  diminue  beaucoup  de  la  liberté  du  pi- 
gnon. Il  eft  même  bon  de  remarquer  ,  que  Iorfqu'un 
pignon  eft  à  une  des  extrémités  de  fâ  tige ,  &  que 
la  roue  qui  eft  adaptée  fur  la  môme  tige  ,  eft  à  l'au- 
tre ,  la  première  règle  ne  peut  avoir  lieu  ;  car 
quoique  le  pignon  foit  pouffé  par  la  roue  qui  le 
mené  dans  la  diretlion  néceffaire  pour  que  l'engre- 
nage de  la  roue  qui  eft  fur  la  même  tige  ,  le  conferve 
toujours  le  même  avec  le  pignon  dans  lequel  elle  en- 
grené ,  cette  roue  ne  fait  qu'éprouver  une  efpece  de 
bercement ,  à  caufe  que  la  diftance  où  elle  fe  trouve 
du  pignon  ,  fait  que  quelque  mouvement  de  tranfport 
que  celui -ci  ait,  la  roue  n'en  éprouve  qu'un  très- 
petit. 

La  troisième  règle ,  mais  qu'on  ne  peut  guère  met- 
tre parfaitement  en  ufage  que  dans  les  pendules  & 
les  horloges  ,  eft  celle  dont  nous  parlerons  à  l'article 
Horloge  de  clocher  :  elle  confifte  à  fituer  les 
roues  les  unes  par  rapport  aux  autres ,  de  façon  que  les 
pignons  dans  lefquels  elles  engrennent ,  foient  pla- 
cés dans  les  points  de  leur  circonférence ,  tels  qu'il  en 
réfulte  le  moins  de  frottement  poftible  ,  fur  les  pi- 
vots de  ces  roues.  Tout  ceci  étant  plus  détaillé  à 
l'article  Horloge  de  clocher,  nous  y  ren- 
voyons. 

Enfin  la  force  motrice  dans  les  montres  étant  pref- 
que  toujours  trop  petite  :  on  doit  s'eiforcer  d'avoir 
de  grands  barrillets ,  pour  avoir  par-là  de  plus  grands 
reflorts.  De  plus ,  comme  il  y  a  toujours  beaucoup 
de  frottement  fur  les  pivots  ,  on  doit  avoir  pour  prin- 
e  rendre  toutes  les  roues ,  autant  qu'il  eft  pof- 
rrt  grandes,  afin  par-là  de  le  diminuer.  Une 
chofe  qui  n'eft  pas  moins  importante,  c'eft  de  difpo- 
ler  le  calibre  de  façon  que  le  balancier  puiffe  avoir 
une  certaine  grandeur.  On  en  trouve  la  raifon  à  l'ar- 
ticle Balancier. 

Pour  terminer ,  il  faut  que  le  calibre  d'une  montre , 
d'une  pendule,  &c.  foit  tel  qu'il  en  réfulte  tous  les 
avantages  qui  peuvent  naître  de  la  difpofition  ref- 
pc&ive  des  roues  ;  telle  que  la  montre  en  général 
éprouve  le  moins  de  frottement,  &  qu'elle  fublifte 
le  plus  conftamment  qu'il  eft  poftible  dans  le  même 
état.  / oye{ Roue,  Pignon,  Engrenage,  Tige, 
Tigeron,  Balancier,  &c  (7) 

Calibre  ,  fe  dit,  en  Marine,  d'un  modèle  qu'on 
fait  pour  la  conftruétion  d'un  vaifteau  ,  &  fur  lequel 
d  fa  longueur,  fa  largeur,  &  toutes  fes  pro- 
portions :  c'eft  la  même  choie  que  gabarit.  f'oye^G  \- 
jbarit.  (Z) 

CALIBRE  ,  en  ter/ne  l'Orfèvre  en  tabatière,  c'eft  un 
morceau  de  fer  plat  ,  large  par  un  bout,  &  percé 
«l'un  feul  trou.  Il  fert  à  drefler  les  charrions,  après 
les  y  avoir  tait  entrer  à  force.  Il  faut  que  le  calibre 
foit  bien  trempé  ,  afin  que  la  lime  ne  morde  que  fur 
le  chaînon.  Voyc^V  article  TABATIERE. 

CALIBRER  ,  (  Horlogerie.  )  c'eft  prendre  avec  un 
calibre  la  grandeur  eu  Tepaiffeur  de  quelque  chofe. 
Calibre.  (7~) 

CALICE  ,  f.  m.  (  Théol.  )  coupe  ou  vaifleau  qui 
fert  à  la  méfié  pour  la  confecration  du  vin.  Ce  mot 
vient  du  Grec  y.vXi*  ou  xaAtsif,  qui  lignifie  un  vafe  ou 
un  verre. 

Le  vénérable  Bede  a  fu  que  le  calice  dont  (c  fer- 


CAL 


■ 


Vit  Jéiûs-Chrift  à  la  dernière  cène  .  étoit  un  vafe  à 
&  contenoit  une  chopine;  &  que  ceux 
dont  on  s  eft  fervi  dans  les  commencemens,  étoient 
de  la  même  forme.  Dans  les  premiers  lieclcs  ,  les  ca- 
lices étoient  de  bois.  Le  pape-Zéphyrin  ,ou  félon  d'au- 
tres ,  Urbain  Ier.  ordonna  qu'on  les  fît  d'or  ou  d'ar- 
gent. Léon  IV.  défendit  qu'on  en  fît  d'étain  ou  de 
verre  ;  &  le  concile  de  Calchut  ou  de  Celcyth  en 
Angleterre,  fkauflï  la  même  défenfe.  Les  calices  des 
anciennes  églifes  pefoient  au  moins  trois  marcs  ;  Se 
l'on  en  voit  dans  les  threfors  &  facrifties  de  plulieurs 
églifes  anciennes ,  d'un  poids  bien  plus  confidérable. 
Il  y  en  a  même  dont  il  eft  comme  impofTiblc  qu'on 
fe  foit  jamais  fervi ,  attendu  leur  volume  ,  &  qui  pa-» 
roiffent  n'être  que  des  libéralités  des  princes.  Horn. 
Lmclan ,  &  Beatus  Rhenanus  ,  attellent  qu'ils  ont  vu 
en  Allemagne  quelques  anciens  calices  ,  auxquels  on 
avoit  ajufté  avec  beaucoup  d'art  un  tuyau  qui  fervoit 
aux  laïques  pour  recevoir  TEuchariftie  fousl'cfpcce 
du  vin.   (G) 

Calice  ,  (  Bot.  )  fe  dit  de  la  partie  qui  enveloppe 
les  teuilles  ou  pétales  d'une  fleur ,  laquelle  eft  formée 
en  coupe  ou  calice.  (  K  ) 

*  CALIENDKUM,  (Hifl.  anc.)  tour  de  cheveux 
que  les  femmes  Romaines  ajoûtoient  à  leur  cheve- 
lure naturelle ,  afin  de  donner  plus  de  longueur  à  leurs 
trèfles. 

CALICUTo«  C ALECUT ,  (  Gêog.  )  ville  & 
royaume  des  Indes  fur  la  côte  de  Malabar.  La  ville 
de  ce  nom  eft  une  des  plus  grandes  de  l'Inde.  Le  fa- 
morin  ou  roi  du  pays  y  fait  fa  réiidencc.  On  dit  que 
lorfquc  ce  prince  fe  marie ,  les  prêtres  commencent 
par  coucher  avec  fa  femme ,  &  qu'enfuite  il  leur  fait 
un  préfent  pour  leur  marquer  fa  reconnoifTance  de  la 
faveur  fignalée  qu'ils  ont  bien  voulu  lui  faire  :  ce  ne 
font  point  fes  enfans  qui  lui  fuccedent  ,  mais  ceux 
de  fa  fœur.  A  l'exemple  de  leur  fouverain  ,  les  habi- 
tans  de  ce  royaume  ne  font  point  difficulté  de  com- 
muniquer leurs  femmes  à  leurs  amis.  Une  femme 
peut  avoir  jufqù'à  fept  maris  :  fi  elle  devient  grofîé  , 
elle  adjuge  l'enfant  à  qui  bon  lui  femble  ,  &  on  ne 
peut  appeller  de  fon  jugement.  Les  habitai. 
eut  croient  un  Dieu  :  mais  ils  prétendent  qu'il  ne  fe 
mêle  point  du  gouvernement  de  l'univers  ,  &  qu'il 
a  laiffe  ce  foin  au  diable ,  à  qui  conféquemment  ils 
offrent  des  facririces.  Il  fe  fait  un  grand  commerce 
à  Calicut  :  il  confifte  en  poivre  ,  gingembre  ,  bois  d'a- 
loès  ,  canelle  ,  &  autres  épiceries.  La  ville  de  Calicut 
eft  au  degré  de  long.  r»J.  io-  la  t.  n.  zi. 

CALIDUCS  ,  f.  m.  (  Phyfiq.)  c'étoit  une  forte  de 
canaux  ,  dilpofés  autrefois  le  long  des  murailles  des 
maifons  &  des  appartemens  ,  &  dont  les  anciens  fe 
fervoient  pour  porter  de  la  chaleur  aux  parties  de 
leurs  maifons  les  plus  éloignées  ;  chaleur  qui  étoit 
fournie  par  un  foyer,  ou  par  un  fourneau  commun. 
Voye^  Poêle  ,  Feu  ,  &c 

Ce  mot  eft  formé  des  mots  latins  calidus,  chaud  , 
&  duco ,  je  conduis.  Chambers. 

CALIFE  ,  f.  m.  (  Hijl.  mod.  )  titre  que  prirent  les 
fuccefteurs  de  Mahomet ,  dans  le  nouvel  empire  tem- 
porel 6V  fpirituel  établi  par  ce  législateur.  /  o)  t\  Caf* 
tu.'-:  MAHOMÉTAN. 

Ce  mot  eft  originairement  Arabe,  khalifah,  qui  fî- 
gnifîe  proprement unfucceffeur ,  ou  un  héritier.  (Quel- 
ques-uns prétendent  qu'il  vient  d'un  verbe,  qui  ii- 
gnifie  non-feulement  fuceider ,  mais  en  là 

place  d'un  autre ,  en  qualité  d'héritier  ce  de  vicaire. 
C'eft  en  ce  fens,  félon  Erpcnius ,  que  les  empereurs 
&  les  grands-prêtres  Sarrafins  étoient  app«  - 
comme  étant  les  vicaires  ou  les  lieutenant  de  Dieu* 
Mais  l'opinion  lapins  reçue  eft  qu'ils  prirent  ce  ti- 
tre en  qualité  de  fucceffeurs  de  Mahomet. 

Apres  la  mort  de  Mahomet ,  Aboubekre  ayant  été 
élu  par  les  Mufulmans,  pour  remplir  fa  place,  il  ne 


560 


CAL 


voulut  point  prendre  d'autre  titre  que  celui  de  khal'ifa 
refoul  Allah ,  c'eft-à-dire  ,  vicaire  du  prophète  ou  mef- 
j'ager  de  Dieu.  Omar ,  qui  fuccéda  à  Aboubekre  ,  re- 
préfenta  au  chef  des  Mahométans ,  que  s'il  prenoit  à 
l'imitation  du  calife  dernier  mort ,  le  titre  de  vicaire 
ou  de  fucceffeur  du  prophète  ,  par  la  fuite  des  ternsle 
mot  vicaire  ieroit  répété  &  multiplié  fans  fin  :  fur  cette 
repréfentation,  &  par  l'avis  de  Mogairah ,  Omar  prit 
le  titre  à' émir  moumenin ,  c'eft- à-dire ,  le  feigneur,  ou  le 
prince  des  croyans.  Depuis  ce  tems  ,  tous  les  califes  , 
ou  les  fuccefleurs  légitimes  de  Mahomet  ,  ont  con- 
senti à  porter  ce  nom.  Ils  ont  encore  retenu  le  titre 
de  calife  fans  aucune  addition. 

Les  premiers  califes  réunilfoient  donc  en  leurs  per- 
fonnes  l'autorité  temporelle  &  fpirituelle ,  &  étoient 
en  même  tems  chefs  de  l'empire  &t  du  facerdoce  , 
comme  avoient  été  les  empereurs  romains  dans  le 
Paganifme.  Aufli  les  princes  mahométans  recevoient- 
ils  d'eux  Finveftiture  de  leurs  états  avec  beaucoup 
de  cérémonies  religieuiés ,  &  ils  décidoientdes  points 
de  dodrine.  Les  califes  fuccefleurs  de  Mahomet  ont 
régné  dans  la  Syrie  ,  &  on  les  divife  en  deux  races  , 
celle  des  Ommiades  ,  &  celle  des  Abaflides.  Mais  à 
mefure  que  les  Sarrafins  augmentèrent  leurs  conquê- 
tes  ,  les  califes  fe  multiplièrent  ,  plulieurs  de  leurs 
fouverains  ayant  pris  ce  titre  ;  car  outre  celui  de  Sy- 
rie &  de  Babylone  ,  qu'on  nommoit  encore  le  calife 
du  Caire ,  on  trouve  dans  les  hiftoriens  ,  des  califis  de 
Çàrvan ,  de  Fe^ ,  d'Ejpagne ,  de  Perje ,  de  Cilicie  ,  de  Me- 
Jbpotamie.  Mais  depuis  que  les  Turcs  fe  font  rendus 
maîtres  de  la  plus  grande  partie  des  conquêtes  des 
Sarrafins ,  le  nom  de  calife  a  été  aboli ,  &c  la  première 
dignité  de  la  religion  mahométane  chez  eux,  eft de- 
venue celle  de  muphti.  foyeç  Muphti.   (G) 

CALIFORNIE  ,  (Géog.)  grande  prefqu'ile  de  l'A- 
mérique feptentrionale ,  au  nord  de  la  mer  du  fud ,  ha- 
bitée par  des  fauvages  qui  adorent  la  lune;  chaque 
famille  y  vit  à  fon  gré  ,  fans  être  foumiie  à  aucune 
forme  de  gouvernement.  Les  Eipagnols  y  ont  bâti 
un  fort  nommé  Notre-Dame  de  Lorette. 

CALIMNO  ,  (  Géog.  )  ile  de  l'Archipel ,  habitée 
par  des  Grecs. 

CALLIN  ,  f.  m.  à  la  Monnoie,  compofition  de 
plomb  &  d'étain  ,  dont  l'alliage  &  Fufage  vient  de 
la  Chine. 

C'eft  de  cette  efpece  de  métal  que  plufieurs  faux- 
monnoyeurs  ont  fabriqué  des  écus ,  en  y  ajoutant  ce 
qu'ils  ont  cru  le  plus  propre  à  remplir  leur  deiTein. 

A  la  Chine ,  à  la  Cochinchine ,  au  Japon ,  à  Siam , 
on  couvre  les  maifons  de  callin  bas  ou  commun  ;  on 
fait  avec  le  callin  moyen  des  boites  de  thé  ,  &  autres 
vaiffeaux  femblables  ;  &c  du  callin  qu'ils  appellent 
fin  ,  on  en  fabrique  des  efpeces. 

CALIND  A ,  (  Hift.  mod.  )  danfe  des  Nègres  créols 
en  Amérique ,  dans  laquelle  les  danfeurs  6c  les  dan- 
feufes  font  rangés  fur  deux  lignes  en  face  les  uns  des 
autres  ;  ils  ne  font  qu'avancer  &  reculer  en  cadence  , 
fans  s'élever  de  terre  ,  en  faifant  des  contoriions  du 
corps  tort  lingulieres  ,  &  des  geites  fort  lafeifs  ,  au 
fon  d'une  efpece  de  guitare  &  de  quelques  tambours 
fans  timbre  ,  que  des  Nègres  frappent  du  plat  de  la 
main.  Le  R.  P.  Labat  prétend  que  les  religieuiés  Ef- 
pagnoles  de  l'Amérique  danlent  le  calinda  par  dévo- 
tion ;  &C  pourquoi  non  ! 

CALINGUE,  CARLINGUE,  CONTRE- 
QUILLE.  Foyei  Carlingue. 

CALIO  ,  (Géog.)  petite  ville  d'Afie  dans  la  Nato- 
lie  ,  avec  un  port  lur  la  mer  Noire. 

C  ALIORNE  ,  f.  f.  (  Marine  )  la  caliorne  eft  un  gros 
cordage  parlé  dans  deux  mouffles  à  trois  poulies , 
dont  on  fe  fert  pour  guinder  &  lever  de  gros  far- 
deaux. On  l'attache  quelquefois  à  une  poulie  fous  la 
hune  de  mifene ,  &  quelquefois  au  grand  étai  au-def- 
fiis  de  la  grande  écoutille.  (Z) 


CAL 

CALIPPIQUE.  Période  calippique  ,  (en  Chronologie) 
c'eft  une  période  de  ioixante-feizeans ,  après  laquelle 
les  nouvelles  &  pleines  lunes  moyennes  revenoient 
au  même  jour  de  l'année  folaire  ,  félon  Calippus 
Athénien  ,  inventeur  de  cette  période.  Voye?^  Pé- 
riode. 

Cent  ans  auparavant  ,  Méton  avoit  inventé  un<> 
période  ou  un  cycle  de  1 9  ans.  foye^r  Cycle. 

Il  avoit  formé  ce  cycle  en  prenant  pour  la  quan- 
tité de  l'année  folaire  365  j.  6  h.  18  '  56"  50"' 
31  "",  34""';  &  le  mois  lunaire  de  29  j.  12.  h.  45' 

47  "  26  "'  48""  30  "'".  Mais  Calippus  confidérant 
que  la  quantité  Métonique  de  l'année  folaire  n'é- 
toit  pas  exacte ,  multiplia  par 4  la  période  de  Méton, 
ce  qui  produilit  une  période  de  76  ans  ,  appellée  ca- 
lippique :  c'eft  pourquoi  la  période  calippique  contient 
277  5  9  jours;  &  comme  le  cycle  lunaire  contient  23  c 
lunaifons  ,  ce  que  la  période  calippique  eft  quadru- 
ple de  ce  cycle  ,  il  s'enfuit  qu'elle  contient  940  lu- 
naifons. 

Il  eft  démontré  cependant  que  la  période  calippique. 
elle-même  n'eft  point  exacte  ;  qu'elle  ne  met  point  les 
nouvelles  &c  pleines  lunes  précilément  à  leurs  pla- 
ces ,  mais  qu'elle  les  fait  retarder  de  tout  un  jour  dans 
l'efpace  de  225  ans.  En  effet  l'année  folaire  étant  de 
36  5  j.  6  h.  49',  &  la  période  calippique  de  76  ans  ;  cette 
même  période  fera  par  conféquent  de  27758  j.  10  h. 
4'.  Or  la  grandeur  du  mois  lunaire  étant  de  29  j. 
12  h.  44'  3"  1 1'"  ;  940  mois  lunaires  font  27758  j. 
18  h.  9'  52"  20'",  &  par  conféquent  furpaftent 
76  années  folaires  ,  de  8  h.  5  '  52  20'".  Ainfi  à 
chaque  révolution  de  la  période  ,  les  pleines  lunes 
&  les  nouvelles  lunes  anticipent  de  cet  intervalle. 
Donc  comme  cet  elpace  de  tems  fait  environ  un  jour 
entier  en  225  ans,  il  s'enfuit  que  les  pleines  &  nou- 
velles lunes  moyennes  anticipent  d'un  jour  dans  cet- 
te période  au  bout  de  225  ans  ,  &  qu'ainii  la  période 
calippique  n'étant  bonne  que  pour  cet  efpace ,  eft  en- 
core plus  bornée  que  le  cycle  métonique  de  19  ans, 
qui  peut  fervir  pendant  un  peu  plus  de  300  ans. 

Au  relie  ,  Ptolemée  fe  fert  quelquefois  de  cette  pé- 
riode ;  Calippus  avoit  fuppofé  l'année  folaire  de  365 
jours  6  h.  &  le  mois  lunaire  de  29  j.  12  h.  44' ,  12", 

48  '"  ;  &  par  conféquent  il  avoit  fait  l'un  &  l'autre 
trop  grand.  Voit*,  elem.  de  Chronol.   (0) 

CÂLIS  ou  CALIX ,  (Géog.")  petite  ville  de  Suéde 
dans  la  Bothnie  occidentale ,  fur  une  rivière  de  mê- 
me nom ,  qui  a  fa  fource  dans  la  Laponie  Suédoife  , 
&  fe  jette  dans  le  golfe  de  Bothnie, 

CALIXTINS  ,  f.  m.  pi.  (  Hift.  eccl.)  Seftaires  qui 
s'élevèrent  en  Bohême  au  commencement  du  XV. 
fiecle ,  &  qui  prirent  ce  nom ,  parce  qu'ils  foùtenoient 
que  Fufage  du  calice  ,  ou  de  la  coupe  ,  étoit  ablolu- 
ment  nécefiaire  au  peuple ,  dans  la  réception  de  l'Eu- 
chariftie. 

La  doctrine  des  Calixtins  confiftoit  d'abord  en  qua* 
tre  articles.  Le  premier  concernoit  la  coupe.  Les 
trois  autres  regardoient  la  correction  des  péchés  pu- 
blics &  particuliers ,  qu'ils  portoient  à  certains  ex- 
cès ;  la  libre  prédication  de  la  parole  de  Dieu  ,  qu'ils 
ne  vouloient  pas  qu'on  pût  défendre  à  perfonne  ;  & 
les  biens  d'Eglife  contre  lefquels  ils  déclamoient.  Ces 
quatre  articles  furent  réglés  dans  le  Concile  de  Balle 
d'une  manière  dont  les  Calixtins  furent  contens ,  &la 
coupe  leur  fut  accordée  à  certaines  conditions  dont 
ils  convinrent.  Cet  accord  s'appella  CompaBatum , 
nom  célèbre  dans  l'hiftoire  de  Bohême.  L'ambition 
de  Roquefane  leur  chef  en  empêcha  l'effet ,  &  ils  ont 
duré  jufqu'au  tems  de  Luther  auquel  ils  le  réunirent. 
Quoique  depuis  ce  tems-Ià  la  fecle  des  Calixtins  ne 
foit  pas  nombreufe  ,  il  s'en  trouve  cependant  quel- 
ques-uns répandus  en  Pologne.  Boff.  hift.  des  variât. 
Liv.  XI.  n°.  16 S  &  171.  (G) 

Calixtins  eft  encore  le  nom  qu'on  donne  à  quel- 
ques 


CAL 

Sues  Luthériens  mitigés,  qui  fuivent  les  opinions  de 
George  Calixte,  théologien  célèbre  parmi  eux ,  qui 
mourut  vers  le  milieu  du.  XVIIe  fiecle.  Il  n'étoit  pas 
du  fentiment  de  S.  Augmtin  fur  la  prédeftination  ,  la 
grâce ,  le  libre  arbitre  ;  auffi  les  diiciples  font-ils  re- 
gardés comme  des  Sémipélagiens.  Calixte  ibûtenoit 
qu'il  y  avoit  dans  les  hommes  un  certain  pouvoir 
d'intelligence  &  de  volonté,  avec  un  degré  luffilant 
de  connoiffance  naturelle ,  &  qu'en  ufant  bien  de  ces 
facultés  ,  Dieu  ne  manque  pas  de  donner  tous  les 
moyens  néceffaires  pour  arriver  à  la  perfection  dont 
la  révélation  nous  montre  le  chemin.  Outre  cela  il 
étoit  fort  tolérant ,  Si  ne  témoignoit  pas  un  refpecr 
aveugle  pour  les  décifions  de  Luther  ;  ce  qui  n'a  pas 
contribué  à  accréditer  fon  fyftème  ,  ni  à  groiîir  le 
nombre  de  les  partifans.  (C) 

CALKA  ,  (  Géog.  )  royaume  d'Ane  danslaTarta- 
rie,  borné  par  la  Sibérie,  le  royaume  d'Eluth,  &c. 

*  CALLÂF,  (  Hijl.  r.itur.  botan.  )  arbriffeau  fort 
bas  ,  dont  le  bois  eft  uni  ,  la  feuille  lemblablc  à 
celle  du  cerifier ,  dentelée  par  les  bords  ,  Si  placée  à 
l'extrémité  des  branches  qui  font  droites  ,  jaunes ,  Si 
tans  nœuds  ;  Si  les  fleurs  qui  viennent  avant  les  feuil- 
les ,  en  grand  nombre ,  font  dilpolées  à  égale  diftan- 
ce  ies  unes  des  autres  ;  ce  font  de  petites  lpheres  ob- 
longues ,  cotoneules  ,  jaunes  ,  ou  d'un  jaune  blan- 
châtre ,  &  d'une  odeur  agréable.  On  en  prépare 
à  Damas  une  eau  excellente  pour  fortifier  ,  d'une 
agréable  odeur  ,  li  pénétrante  ,  qu'elle  fuffit  pour  dil- 
fiper  la  défaillance.  Les  Maures  s'en  fervent  tant  in- 
térieurement qu'extérieurement  dans  les  fièvres  ar- 
dentes &  peftilentielles.  Elle  humeûe  &  rafraîchit. 
On  en  tire  une  huile  qu'on  employé  à  plufieurs  ufa- 
ges.   Profpcr  Alpin. 

C  ALLAHUYA  ,  (  Géog.  )  province  de  l'Amérique 
méridionale  au  Pérou  ,  très-fertile  en  mines  d'or. 

*  C  ALLAIS }  f.  f.  (Hifl.  nat.  Lith.)  pierre  qui  imite 
le  faphyr ,  excepté  que  la  couleur  eft  plus  claire  ,  Se 
reiTemble  à  celle  de  l'eau  de  mer  :  on  la  trouve  ,  à  ce 
qu'il  dit ,  dans  les  rochers  efearpés  &  couverts  de  gla- 
ce ;  qu'elle  a  la  forme  de  l'ail  ,  Si  qu'elle  y  adhère 
légèrement.  Il  paroît ,  ajoute  de  Boot ,  que  c'eft  l'ai- 
guë marine  des  modernes.  Voye\_  Aiguë  marine. 
Maiscen'eft  pas  l'avis  dedeLaet,  qui  dit  que  c'eft  la 
turquoife. 

CALLAO,  {Géog.)  ville  forte  &  confidérablede 
l'Amérique  méridionale,  au  Pérou,  à  i\c\.\x  lieues  de 
Lima,  avec  un  bon  port  qui  a. été  ruiné  en  1746  par 
lin  tremblement  de  terre.  Long.  jo.  1.  lat.  mérid.  iz. 
%9-  y°yci  Tremblement  de  terre. 

CALLEADA ,  (  Géog.  )  ville  des  Indes ,  fur  la  ri- 
vière de  Septa  ,  dans  les  états  du  Mogol. 

*  C  ALLÉE,  f.  f.  (  Commerce.)  Cuirs  dccalléc;  c'eft 
ainfi  qu'on  appelle  des  excellens  cuirs  de  Barbarie  , 
que  les  Tagrains  &  les  Andalous  achettent ,  &  dont 
ils  rendent  le  commerce  difficile  ,  par  le  cas  &  les 
ufages  qu'ils  en  font. 

CALLEN  ,  (  Géog.  )  ville  d'Irlande  ,  dans  la  pro- 
vince de  Leinfter ,  au  comté  de  Kilkenny  ,  fur  une 
rivière  de  même  nom. 

CALLEUX  ,  adjectif  (  terme  de  Chirurgie  )  qui  fe 
dit  en  général  de  toute  forte  de  dureté  de  la  peau  , 
de  la  chair  &  des  os  ;  mais  en  particulier  on  donne 
cette  épithete  aux  bords  durs  d'une  plaie  &  d'un  ul- 
cère ,  tels  que  font  ceux  des  fiftules  ,  &  des  ulcères 
malins  Si  carcinomateux.  (Y) 

Calleux  ,  corps  calleux  (  en  Anatomie  )  eft  le  nom 
qu'on  a  donné  à  la  partie  fupérieurc  ,  ou  à  celle  qui 
couvre  les  deux  ventricules  du  cerveau,  qui  paroît 
immédiatement  au-delfous  de  la  faux,  lorfqu'on  l'a 
enlevée  ,  &  légèrement  écarté  les  deux  hémifpheres 
du  cerveau.  Elle  eft  enfoncée  au-delfous  de  toutes  les 
circonvolutions  du  cerveau  ;  elle  eft  formée  par  l'u- 
nion des  fibres  médullaires  de  chaque  côté.  Ses  fi- 
Tome  II, 


CAL 


561 


bres  paroiffer.t  fe  rencontrer  un  peu  obliquement  fous 
une  eipece  de  raphé,que  l'on  remarque  tout  le  Ionc 
de  la  partie  moyenne  de  la  face  fupérieure  ;  de  ma- 
nière que  celles  qui  viennent  du  côté  droit  fe  croi- 
fent  légèrement  avec  celles  qui  viennent  du  cô'té  gau- 
che. Voyeit  Siège  de  l'Ame  à  l'article  Ame. 

C  A  L  L I  A  R ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  l'Inde ,  au 
royaume  de  Vifapour. 

■f  CALLIGRAPHE  ,  adj.  pris  fubft.  (  BeUes-Let.  ) 
écrivain  copifte  ,  qui  mettoit  autrefois  au  net  ce  qui 
avoit  été  écrit  en  notes  par  les  Notaires  ;  ce  qui  re- 
vient à  peu  près  à  ce  que  nous  exprimerions  main- 
tenant ainlî ,  celui  qui  fait  lagrojje  d'une  minute. 

Ce  mot  eft  Grec ,  y.a.),xtyç,â$c,ç ,  compoié  de  ■■■■'> ;■  " , 
beauté,  Si  ypàça,  j'écris;  &  lignifie  par  conféquent 
Jcriptor  ekgans ,  écrivain  qui  a  une  belle  main. 

Autrefois  on  écrivoit  la  minute  d'un  acte,  le  brouil- 
lon ou  le  premier  exemplaire  d'un  ouvrage,  en  notes, 
c'eft-à-dire  ,  en  abréviations ,  qui  étoient  une  cfpece 
de  chifres.  Telles  font  les  notes  de  Tiron  dans  Gruj 
ter  ;  c'étoit  afin  d'écrire  plus  vite ,  Si  de  pouvoir  fui- 
vre  celui  qui  di&oit.  Ceux  qui  écrivoient  ainlî  en 
notes  s'appelloient  en  Latin  Notaires,  &  en  Grec, 
fit/LMioypttçoi  &C  ■ntyu'if'i^t;  c'eft-à-dire,  écrivains  en 
notes  ,  6c  gens  qui  écrivoient  vite.  Mais  parce  que 
peu  de  gens  connoilfoient  ces  notes  ou  ces  abrévia- 
tions ,  d'autres  écrivains ,  qui  avoient  la  main  bon- 
ne, &  qui  écrivoient  bien  Si  proprement,  les  co- 
pioient  pour  ceux  qui  en  avoient  befoin ,  ou  pour 
les  vendre  ;  c'-:  cei:\>ci  s':ippe;i"ier.t  c. 
comme  on  le  voit  dans  plufieurs  auteurs  anciens^ 
Voyc{  Scribe,  Libraire,  Notaire  ,  &c  (CV) 

*  CALLIMUS  ,  f.  m.  (  Hijl.  nat.  Litholog.  )  pier- 
re  ou  caillou  qui  fe  trouve  dans  la  pierre  d'aigle.  Sa 
couleur  &  fa  dureté  varient  ;  elle  eft  quelquefois  auffi 
tranlparente  que  le  cryftal  :  on  trouve  pies  de  l'Elbe , 
une  forte  de  pierre  d'aigle  ,  qui  contient  un  caillou 
blanc  très-dur  ,  dont  la  liipcrfîcie  eft  pleine  de  cap- 
fules ,  comme  un  rayon  de  miel.  On  lui  attribue  les 
mêmes  qualités  qu'à  la  pierre  d'aigle.  Voye^  Pierre 
d'Aigle. 

*  CALLIOPE,(  Myth.  )  une  des  neuf  Mufes , 
ainfi  appellée  à  caufe  de  la  douceur  de  fa  voix  ;  elle 
préiîde  à  l'éloquence  &  à  la  Poèlie  héroïque.  On  la 
reprélente  le  bras  gauche  chargé  de  guirlandes ,  Si  la 
main  appuyée  fur  les  œuvres  des  premiers  Poètes 
héroïques.  On  la  donne  pour  mère  à  Orphée  ,  Si  l'on 
dit  qu'elle  eut  de  Jupiter  les  deux  Corybantes ,  &  le9 
Syrenes  d'Acheloiis. 

*  CALLISTES  ou  C ALLISTHES ,  ( Myth. )  fê- 
tes inftituées  en  l'honneur  ds  Venus  ;  elles  fe  célé- 
braient dans  l'île  de  Lesbcs ,  &  les  femmes  s'y  dif- 
putoient  le  prix  de  la  beauté. 

*  CALLITRICHEN  ,  (Hijl.  nat.  Zoologie  )  nom 
qu'on  donne  à  une  eipece  de  linges  à  longue  queue, 
qui  font  couverts  de  longs  poils  fort  hériffés ,  Se  qui 
forment  autour  de  leur  tête  une  cfpece  de  capuchon. 

CALLOSITÉ  ,f.  f.  (  Chirurgie)  chair  blanchâtre  , 
dure  ,  Se  indolente  ,  qui  couvre  les  bords  Se  les  pa- 
rois des  anciennes  plaies  Si  des  vieux  ulcères ,  qui 
ont  été  négligés  Si  maltraités.  On  détruit  ordinaire- 
ment les  chairs  callcufes  parles  efcharotiques.  Voye{ 
Escharotique  ,  Caustique.  L'épailillèment  de 
la  lymphe  dans  lès  vaiffeaux  eft  la  caufe  première 
de  la  callofué.  Le  mauvais  ufage  des  bourdonnetS 
donne  fouvent  lieu  aux  callofuis  des  ulcères.  Poye{ 
Bourdonnet.  (  Y) 

CALLOSITÉ  ,Çen  Jardinage) fe  dit  d'une  matière 
calleulc  qui  le  forme  à  la  jointure  ou  à  la  reprife  des 
pouffes  d'une  jeune  branche  chaque  année,  ou  aux 
inlertions  des  racines.  V<ryt{  Calls.  (  A  ) 

*  CALLYNTERIES  ,  V.  f.  pi.  (  Hijl.  anc.  )  fêtes 
célébrées  par  les  Athéniens,  dont  il  ne  nous  eft  par- 
venu que  le  nom. 

BBbb 


56l 


C  A  L 


CALMANT  ,  adj.  (  Médecine  )  forte  de  remèdes 
qui  adouciffent  les  douleurs  caufées  par  des  humeurs 
acres ,  ou  par  une  diftention  trop  violente  des  par- 
ties ;  ils  agiffent  par  leur  humidité  6c  leurs  parties 
mucilagineules ,  qui  le  gliffant  entre  les  fibres ,  les  hu- 
mectent, les  relâchent,  èc  empâtent  les  molécules 
acides  qui  picottent  &  irritent  les  tuniques  des  vail- 
feaux.  Ces  remèdes  font  de  plulieurs  claffes  ;  ils  font 
en  général  nommés  fédatifs ,  parégoriques,  adoucijjans 
&  émolliens. 

C'eft  ainfi  que  les  béchiques  doux  font  de  vrais 
calmants  dans  la  toux  ;  que  la  graine  de  lin ,  le  nitre , 
la  guimauve  ,  &  les  autres  diurétiques  froids  cal- 
ment les  ardeurs  d'entrailles ,  des  reins  ,  de  la  veffie 
&  des  uretères.  L'opium  eft  à  ce  titre  le  plus  grand 
&  le  plus  énergique  de  tous  les  caïmans  ;  toutes  les 
préparations  font  employées  pour  les  mêmes  indi- 
cations. Toutes  les  plantes  foporeufes  de  la  claffe  des 
mandragores ,  des  morelles ,  &  des  pavots ,  font  auffi 
calmantes.  Foye^  SEDATIF  &  DOULEUR.  (A7) 

CALMAR  ou  CALEMAR,  CORNET,  loligo,  f.  m. 
(  Hijl.  nat.  Zoologie')  animal  du  genre  des  animaux 
mous ,  mollia.  M.  Needham  ,  de  la  fociété  royale 
de  Londres  ,  nous  en  a  donné  la  defeription  fans  J es 
nouvelles  obfervations  microfcop.Vo'icice  que  nous  en 
avons  tiré.  Le  calmar  eft  allez  reffemblant  à  la  lèche 
&  au  polype  de  mer,  &  il  a  comme  eux,  un  réfer- 
voir  plein  d'une  liqueur  noire  comme  de  l'encre  :  le 
corps  eft  allongé  ;  la  partie  qui  porte  le  nom  d'os 
dans  la  lèche  n'eft  point  dans  le  calmar;  il  y  a  en  pla- 
ce une  lubftance  élaftique ,  fine ,  tranlparente ,  rel- 
femblante  à  du  talc ,  pliée  iuivant  la  longueur  de  fon 
prand  axe  dans  l'état  naturel ,  &  de  la  figure  d'un  ova- 
fe  allongé ,  lorsqu'elle  eft  étendue.  Cette  fubftance 
eft  placée  immédiatement  entre  la  partie  intérieure 
du  dos  ou  de  l'étui  de  l'animal ,  &  les  inteftins  qu'elle 
renferme  dans  fa  cavité.  Le  calmar  a  dix  cornes  ou 
bras  rangés  à  égale  diftance  les  uns  des  autres ,  au- 
tour d'une  lèvre  difpofée  en  cercle  &  ridée,  qui 
renferme  un  bec  compofé  de  deux  pièces  de  fubftan- 
ce analogue  à  la  corne ,  &  de  deux  parties  cro- 
chues emboîtées  l'une  dans  l'autre  ,  &  mobiles  de 
droit  à  gauche.  L'ouverture  qu'elles  laiffent  entre 
elles ,  eft  perpendiculaire  au  plan  qui  paffe  par  les 
deux  yeux,  qui  font  placés  de  chaque  côté  de  la  tête 
allez  près  l'un  de  l'autre  ,  &  au-delfous  de  la  racine 
des  bras  de  l'animal.  Ces  bras  ne  font  pas  tous  de  la 
même  longueur  ;  il  y  en  a  deux  qui  lont  auffi  longs 
que  l'animal ,  tandis  que  les  autres  font  beaucoup 
plus  petits  :  la  groffeur  de  ceux-ci  diminue  peu  à  peu 
depuis  la  racine  jufqu'à  l'extrémité  qui  eft  terminée 
en  pointe  ;  leur  côté  intérieur  eft  convexe,  &  garni 
de  plulieurs  rangées  de  petits  fuçoirs  mobiles.  Il  y 
a  fur  le  côté  extérieur  deux  plans  qui  forment  un  an- 
gle en  fe  réunifiant.  Les  deux  bras  les  plus  longs  font 
cylindriques ,  excepté  à  leur  extrémité ,  qui  a  la  mê- 
me forme  que  les  petits  bras ,  &  qui  eft  garnie  de  fu- 
çoirs ;  la  fubftance  de  tous  ces  bras  eft  affez  fembla- 
ble  à  celles  des  tendons  des  animaux ,  &  fort  élafti- 
que. 

Chaque  fuçoir  tient  au  bras  de  l'animal  par  un 
pédicule  ;  lorfqu'ils  font  étendus  ils  reffemblent  en 
quelque  forte  au  calice  d'un  gland  :  dans  la  contrac- 
tion ,  le  pédicule  s'élève  conjointement  avec  une 
membrane  fine ,  qui  environne  un  anneau  cartilagi- 
neux, garni  de  petits  crochets;  ces  crochets  s'atta- 
chent à  ce  qu'ils  touchent ,  &  enfuite  l'animal  retire 
le  pédicule  &  les  crochets  pour  retenir  fa  proie.  C'eft 
par  ce  moyen  que  s'opère  la  luccion  qui  eft  faite  en 
même  tems  par  plus  de  mille  fuçoirs  difFérens  ;  on 
en  a  compté  plus  de  cent  à  l'un  des  petits  bras ,  & 
plus  de  cent  vingt  à  l'extrémité  des  longs  bras  :  mais 
leur  nombre  ne  peut  être  déterminé  au  jufte  ,  parce 
qu'ils  font  à  peine  fenfibles  à  l'extrémité  des  petits 


CAL 

bras.  Le  diamètre  des  plus  grands  fuçoirs  dans  un 
de  leize  pouces  eft  de  trois  dixièmes  de  pouce  ,  & 
leur  profondeur  eft  à  peu  près  égale  au  diamètre. 

11  y  a  au-dedans  de  la  cavité  du  bec  une  membrane 
garnie  de  neuf  rangées  de  dents,qui  en  s'élargiffant  par 
le  haut  &  en  fe  contournant  par  le  bas ,  forme  en  même 
tems  une  langue  &c  un  gofier.  Le  corps  du  calmar  eft 
un  étui  cartilagineux,  garni  de  deux  nageoires;  il  y  a 
immédiatement  au-delfous  du  bec  un  conduit  ou  ca- 
nal en  forme  d'entonnoir  ouvert  par  les  deux  bouts , 
qui  donne  iffue  à  une  liqueur  noire ,  qui  trouble  l'eau 
lorfque  l'animal  la  répand  :  cette  liqueur  étant  expo- 
fée  à  l'air,  fe  condenle  &  devient  une  fubftance  dure 
ck  fragile  comme  du  charbon  ;  &  enfuite  elle  peut  fe 
diffoudre  dans  l'eau.  Vers  le  milieu  de  Décembre, 
M.  Needham  remarqua  près  de  la  racine  du  rélervoir, 
qui  renferme  la  liqueur  noire  ,  deux  facs  membra- 
neux d'une  figure  ovale  ,  d'un  quart  de  pouce  de  dia- 
mètre ;  ils  étoient  remplis  d'une  matière  gluante  où 
étoit  contenu  le  frai  de  l'animal.  A  la  vue  fimple  on 
n'y  diftinguoit  que  de  petites  taches  d'une  belle  cou- 
leur de  cramoili  :  mais  à  l'aide  du  microfeope  on 
voyoit  des  œufs  très-différens  les  uns  des  autres, 
pour  la  grandeur  &  pour  la  figure  :  les  deux  côtés  du 
canal  par  où  palfe  la  liqueur  noire  font  foûtenus  & 
écartés  l'un  de  t'autre  par  deux  cartilages  parallèles 
&  cylindriques.  On  voit  au-deffus  du  cartilage  gau- 
che deux  tuyaux  fortement  adhérens  l'un  à  l'autre  , 
quoique  leurs  cavités  foient  féparées  :  peut-être  ler- 
vent-ils  de  conduit  au  frai  lorlqu'il  fort  ;  au  moins  il 
eft  certain  qu'il  y  a  dans  le  corps  du  calmar  mâle, 
deux  vaifleaux  de  la  même  nature ,  &  fitués  de  la  mê- 
me manière  par  lefquels  l'animal  fait  fortir  fa  laite. 

Ce  fut  au  milieu  de  Décembre  que  M.  Needham 
découvrit,  pour  la  première  fois,  quelqu'apparence 
de  la  laite  &  des  vélkules  qui  la  renferment  ;  avant 
ce  tems  il  n'avoit  trouvé  aucun  veftige  de  femence 
dans  les  mâles ,  ni  de  frai  dans  les  femelles.  Les  deux 
conduits  de  la  femence  étoient  bien  vifibles  :  mais  ils 
ne  fe  terminoient  point  en  un  long  réfervoir  ovale  , 
étendu  parallèlement  à  l'eftomac  ,  &  occupant  plus 
de  la  moitié  de  la  longueur  de  l'animal  ;  ces  parties 
fe  forment  &  accroilTent  à  mefure  que  la  femence  ap« 
proche  de  fon  degré  de  maturité.  Les  vaifleaux  qui 
la  contiennent  font  rangés  par  paquets ,  plus  ou  moins 
éloignés  des  conduits  déférens. 

»  L'étui  extérieur  eft  tranfparent ,  cartilagineux  , 
»  &  élaftique  ;  Ion  extrémité  fupérieure  eft  terminée 
»  par  une  tête  arrondie ,  qui  n'eft  aune  chofe  que  le 
»  fommet  même  de  l'étui ,  contourné  de  façon  qu'il 
»  ferme  l'ouverture  ,  par  où  l'appareil  intérieur  s'é- 
»  chappe  dans  le  tems  de  fon  action. 

»  Au-dedans  eft  renfermé  un  tube  tranfparent ,  qui 
»  eft  élaftique  en  tous  fens ,  comme  il  eft  ailé  de  s'en 
»  convaincre  par  les  phénomènes  qu'il  offre  ;  ce  tube 
»  fait  effort  pour  palier  par  les  ouvertures  qu'il  trou- 
»  ve  :  quoiqu'il  ne  foit  pas  par-tout  également  vifi- 
»  ble ,  diverfes  expériences  prouvent  cependant  qu'il 
»  renferme  la  vis ,  le  fuçoir,  le  barillet  &c  la  fubftan- 
»  ce  fpongieufe  qui  s'imbibe  de  la  femence.  La  vis 
»  en  occupe  le  haut  &c  fait  fortir  au-deçà  de  fa  par- 
»  tie  fupérieure ,  deux  petits  ligamens  par  lefquels 
»  elle  eft  adhérente  ,  auffi  bien  que  tout  le  refte  de 
»  l'appareil ,  auquel  elle  eft  jointe  ,  au  fommet  de 
»  l'étui  extérieur.  Le  fuçoir  &  le  barillet  font  pla- 
»  ces  au  milieu  de  ce  tube  ;  la  fubftance  fpongieufe 
»  dilate  fa  partie  inférieure ,  &  eft  jointe  au  barillet 
»  par  une  efpece  de  ligament. 

»  Plulieurs  de  ces  vaifleaux  parvenus  à  leur  maturi- 
»  té ,  &  débarraffés  de  cette  matière  gluante  qui  les 
»  environne  pendant  qu'ils  font  dans  le  réfervoir  de 
»  la  laite ,  agiffent  dans  le  moment  qu'ils  font  en  plein 
»  air  ;  &  peut-être  que  la  légère  preffion  qu'ils  foul- 
»  firent  en  fortant,  fuffit  pour  les  déterminer  à  cela  : 


CAL 

»  cependant  la  plupart  peuvent  être  placés  commo- 
»  dément  pour  être  vus  au  microscope ,  avant  que 
»  leur  adion  commence  ;  &c  même  pour  qu'elle  s'e- 
»  xécute  ,  il  faut  humecter  avec  une  goutte  d'eau 
»  l'extrémité  Supérieure  de  l'étui  extérieur,  qui  com- 
»  mence  alors  à  le  développer,  pendant  que  les  deux 
»  petits  ligamens  qui  Sortent  hors  de  L'étui  le  contour- 
»  nent  &  s'entortillent  en  différentes  façons  ;  en  mê- 
»  me  tems  la  vis  monte  lentement ,  les  volutes  qui 
»  Sont  à  Son  bout  Supérieur  Se  rapprochent  &c  agil- 
»  Sent  contre  le  Sommet  de  l'étui.  Cependant  celles 
»  qui  Sont  plus  bas  arrivent  aufli  ,  &  iemblent  être 
»  continuellement  Suivies  par  d'autres  qui  Sortent  du 
»  piSton.  M.  Needham  dit  qu'elles  Semblent  être  fui- 
»  vies  ,  parce  qu'il  ne  croit  pas  qu'elles  le  Soient  en 
»>  effet  ;  ce  n'elt  qu'une  Simple  apparence  produite 
»  par  la  nature  du  mouvement  de  la  vis.  Le  Suçoir 
m  &  le  barillet  Se  meuvent  auffi  Suivant  la  même  di- 
»  reclion  ;  &  la  partie  intérieure  qui  contient  la  le- 
»  mence  s'étend  en  longueur  ,  &  Se  meut  en  même 
»  tems  vers  le  haut  de  l'étui  :  ce  qu'on  remarque  par 
»>  le  vuide  qu'elle  laiffe  au  fond.  Dès  que  la  vis  avec 
»>  le  tube  dans  lequel  elle  eft  renfermée  ,  commence 
»  à  paroître  hors  de  l'étui,  elle  fe  plie,  parce  qu'elle 
y>  eft  retenue  par  Ses  deux  ligamens  ;  &C  cependant 
»  tout  l'appareil  intérieur  continue  à  Se  mouvoir , 
*>  lentement  &  par  degrés ,  julqu'à  ce  que  la  vis  ,  le 
»  Suçoir  ,  &c  le  barillet  Soient  entièrement  Sortis. 
♦>  Quand  cela  eStSait,  tout  le  refte  Saute  dehors  en  un 
»  moment  ;  le  Suçoir  Se  Sépare  du  barillet  ;  le  liga- 
»  ment  apparent  qui  eSt  au-deffous  de  ce  dernier ,  le 
#>  gonfle  6c  acquiert  un  diamètre  égal  à  celui  de  la 
»  partie  Spongieulc  qui  le  fuît.  Celle-ci ,  quoique 
»  beaucoup  plus  large  que  dans  l'étui,  devient  enco- 
»  re  cinq  fois  plus  longue  qu'auparavant  ;  le  tube  qui 
»  renferme  le  tout  s'etrécit  dans  fon  milieu  ,  &  for- 
»  me  ainfi  deux  efpeces  de  nœuds  diftans  environ 
•»  d'un  tiers  de  la  longueur  ,  de  chacune  de  les  extré- 
»  mités;  enfuite  la  Semence  s'écoule  par  le  barillet, 
»  &c  elle  eft  compofée  de  petits  globules  opaques  , 
»  qui  nagent  dans  une  matière  iereufe  ,  fans  donner 
»  aucun  ligne  de  vie,  &  qui  font  précilément  tels 
»>  qu'on  les  a  vus  ,  quand  ils  étoient  répandus  dans 
»  le  réfervoir  de  la  lemence.  La  partie  comprite  en- 
»  tre  les  deux  nœuds  paroit  être  frangée  ;  quand  on 
»  l'examine  avec  attention,  on  trouve  que  ce  qui  la 
»  fait  paroître  telle  ,  c'eft  que  la  SubStance  fpongicu- 
»  fe , qui  eft  en  dedans  du  tube,  eft  rompue  &  féparée 
*>  en  parallèles  à  peu  près  égales. 

»  Quelquefois  il  arrive  que  la  vis  &  le  tube  fe 
»  rompent  précilément  au-deffus  du  Suçoir  ,  lequel 
»  refte  dans  le  barillet  ;  alors  le  tube  fe  ferme  en  un 
»  moment ,  &  prend  une  figure  conique ,  en  le  con- 
♦»  traûant  autant  cpi'il  eft  poffible  par-deffus  l'extré- 
»  mité  de  la  vis;  ce  qui  démontre  qu'il  eft  très-élaf- 
»  tique  en  cet  endroit ,  &c  la  manière  dont  il  s'accom- 
»  mode  à  la  figure  de  la  fubftance  qu'il  renferme  , 
»  lorfque  celle-ci  fouffre  le  moindre  changement , 
»  prouve  qu'il  l'eft  également  par-tout  ailleurs. 

On  fait  par  les  fragmens  d'alimens  que  l'on  a  trou- 1 
vés  dans  Pcftomac  du  calmar ,  qu'il  le  nourrit  d'ani- 
maux ,  &  entre  autres  de  pélamides  ec  de  melettes , 
qui  font  de  petits  poiffons,  dont  il  y  a  grand  nombre 
dans  les  bas-fonds ,  prés  de  l'embouchure  du  Tage. 
Voyc{  les  nouvelles  obfervations  microjcopiques. 

On  a  diftingué  deux  fortes  de  calmars,  le  grand  & 
le  petit,  celui-ci  eft  aufti  appelle  cajjeron;  il  diffère 
de  l'autre  en  ce  qu'il  eft  plus  petit,  &  que  l'extré- 
mité de  fon  corps  eft  plus  pointue. 

Le  nom  du  calmar  vient  de  la  rcffemblance  qu'on 
lui  a  trouvée  avec  un  encrier,  fur-tout  pour  la  liqueur 
noire  qui  elt  dans  le  corps  de  ranimai ,  &;  que  l'on 
prendroit  pour  de  l'encre.  Rondclei.   (  /  ) 

CALMAR,  (Géog.)  grande  ville  fortifiée  de  Sue- 
Jonit  II. 


CAL 


56? 


de,  dans  la  province  de  Smaland,  avec  un  port  fur 
la  mer  Baltique,  fur  le  détroit  auquel  on  donne  le 
nom  de  Calmar-Sund.  Long.  34.  JJ.  lac.  56 .48. 

CALME,  1".  m.  {Marine.')  c'eft  une  celfation  en- 
tière de  vent:  on  dit  fur  mer  calme  tout  plat,  pour 
dire  qu'il  ne  fait  point  du  tout  de  vent.  Quelques- 
uns  prétendent  que  le  grand  calme  eft  un  préfage  d'u- 
ne prochaine  tempête.  On  dit  mer  calme. 

Etre  pris  du  calme ,  c'eft  demeurer  fans  aucun  vent, 
enforte  qu'on  ne  peut  plus  gouverner. 

CALMENDA ,  (Géog.')  ville  du  royaume  de  Por- 
tugal ,  peu  éloignée  de  Bra»ue. 

*  CALMANDE,  f.  f.  (Commerce.)  étoffe  de  laine 
d'un  excellent  mer:  elle  fe  fabrique  partiel 
ment  en  Flandre.  Il  y  en  a  de  deux  efpeces  ,  de 
ou  rayéem  &  des  calmandes  à  fleurs.  On  fait  entrer 
dans  ces  dernières  de  la  foie,  &  dans  quelques  au- 
tres du  poil  de  chèvre.  Il  n'y  a  rien  de  conftant  ni 
fur  leur  longueur  ni  fur  leur  largeur. 

CALMER,  appaiter  la  tempête;  il  coma. 
calmer  le  dit  à  la  mer,  calmer,  devenir  calme,  pour 
fignifier  que  le  vent  diminue. 

Dans  un  combat  entre  deux  armées  navales ,  le 
grand  nombre  de  coups  de  canon  qui  fe  tirent ,  fait 
prefque  toujours  calmer.  (Z) 

CALMOUCKS  ou  CALMUQUES,  (Géog.)  peu- 
ples d'Alîe  ,  dans  la  grande  Tartane  ,  entre  le  Mon- 
gul  &  le  Wolga  :  ils  lbnt  divifés  en  hordes  ou  tribus 
qui  ont  chacune  leur  chef  ou  kam,  dont  le  prii 
rélide  à  Samarcand.  Les  Calmouks  n'ont  point  de  de- 
meure fixe  ;  ils  campent  toujours  fous  des  teni 
ont  des  efpeces  de  chariots  qui  les  Suivent  par-tout, 
&  qui  portent  leurs  femmes,  leurs  enfans,  Cv  le  peu 
de  bagage  qu'ils  peuvent  avoir.  La  Ruffie  cil  en  al- 
liance avec  cette  nation,  &c  a  toujours  6000  Cal- 
mouks à  fa  foluc. 

CALOMEL,  f.  m.  terme  de  Pharmacie ,  nom  qu'on 
donne  au  mercure  doux,  Sublimé  julqu'à  quatre  f  is 
ou  même  davantage.  Voye^  Mercure. 

Il  paroît  que  cette  dénomination  a  été  d'abord  don- 
née à  l'éthiops  minéral ,  ck  eft  compofée  des  deux 
mots  Crées  xuXoç,  beau,  6i  u->  ■--,  noir,  parce  que 
les  corps  pâles  ou  blancs  qu'on  en  Srotte,  devien- 
nent noirs.  Voye[  Ethiops. 

D'autres  veulent  qu'elle  ait  été  donnée  dès  le  com- 
mencement au  mercure  doux,  par  la  fantaifie  d'un 
certain  Chimifte  qui  le  faifoit  lervir  dans  fes  1 
lions  par  un  noir;  &.  nue  cette  dénomination  fait  al- 
lulîon  tout-à-la-fois  à  la  couleur  de  l'ai 
noir,  &  à  la  beauté  du  médicament  qui  étoit  d'une 
fort  belle  apparence.  (A) 

CALOMNIE,  f.  f.  (  Morale.  )  on  calomnie 
qu'un ,  lorfqu'on  lui  impute  des  défauts  * 
qu'il  n'a  pas.  La  calomnie  eft  un  mer  ieux  que 

chacun  réprouve  ce  detefte,  ne  fut-ce  que  par  la 
crainte  d'en  être  quelque  jour  l'objet.  Mais  ; 
tel  qui  la  condamne,  n'en  eft  pas  innocent  lui-mê- 
me: il  a  rapporté  de:-  taits  avec  infidélité,  les  a  gr-of- 
fis,  altérés  ou  changés,  étourdiement  peut-être,  & 
par  la  feule  habitude  d'orner  ou  d'exagérer  fes 

Un  moyen  fur,  &  le  Seul  qui  le  loit ,  pour  ne  point 
calomnier,  c'eft  de  ne  jamais  médire. 

Tranfportez-vous  en  el'prit  dans  quelque  m 

[aire,  ou  vous  fuppoîerez  que  les  paroles  font 
toujours  l'expreffiori  fidèle  du  fentiment&  de  la  pen- 
(ee  ,  on  l'ami  qui  vous  Sera  des  offres  de  lervu 
en  clièt  rempli  de  bienveillance;  où  l'on  ne  cher- 
che point  à  fe  prévaloir  de   votre  crédulité, 
vous  repaître l'efprit de  fables; où  lavéritédk 
les  difeours,  lesrécits  8clespromefles;où  l'on  \  ■  e 
parconlequent  Sans  Soupçon  &  1  ins  défiance,  à  l'a- 
bri des  impoftures ,  des  perfîi  délations  <•*- 
lomnieufes:  quel  délicieux  commerce,  que  celui  des 
hommes  qui  peupleroient  cet  heureux  globe  ! 
1                                   B  B  b  b  ij 


5<$4 


CAL 


Vous  voudriez  que  celui  que  vous  habitez  jouît 
d'une  pareille  félicité  :  eh  bien ,  contribuez  y  de  vo- 
tre part,  &  commencez  par  être  vous-même  droit, 
fincere  &  véridique.  (C) 

»  L'égliie ,  dit  le  célèbre  M.  Pafcal ,  a  différé  aux 
»  calomniateurs ,  aufli  -  bien  qu'aux  meurtriers  ,  la 
»  communion  jufqu'à  la  mort.  Le  concile  de  Latran 
»  a  jugé  indignes  de  l'état  eccléfialtique  ceux  qui  en 
s>  ont  été  convaincus ,  quoiqu'ils  s'en  fuflent  corri- 
»  gés  ;  &C  les  auteurs  d'un  libelle  diffamatoire ,  qui 
»  ne  peuvent  prouver  ce  qu'ils  ont  avancé  ,  font 
»  condamnés  par  le  pape  Adrien  à  être  fouettés  , 
»  jlagellentur  ». 

L'illuftre  auteur  de  Yefprh  des  loix ,  obferve  que 
•chez  les  Romains,  la  loi  qui  permettoit  aux  citoyens 
de  s'aceufer  mutuellement,  &  qui  étoit  bonne  félon 
l'efprit  de  la  république ,  où  chaque  citoyen  doit  veil- 
ler au  bien  commun ,  produifit  fous  les  empereurs  une 
foule  de  calomniateurs.  Ce  fut  Sylla ,  ajoute  ce  philo- 
fophe  citoyen ,  qui  dans  le  cours  de  fa  diâature , 
leur  apprit,  par  Ion  exemple,  qu'il  ne  falloit  point 
punir  cette  exécrable  efpece  d'hommes  :  bientôt  on 
alla  jufqu'à  les  récompenfer.  Heureux  le  gouverne- 
ment où  ils  font  punis.  (O) 

*  Les  Athéniens  révérèrent  la  calomnie  ;  Apelle,  le 
peintre  le  plus  fameux  de  l'antiquité ,  en  fit  un  ta- 
bleau dont  la  compofition  fuffiroit  feule  pour  juiiifîer 
l'admiration  de  fon  fiecle  :  on  y  voyoit  la  crédulité 
avec  de  longues  oreilles,  tendant  les  mains  à  la  ca- 
lomnie qui  aDoit  à  fa  rencontre  ;  la  crédulité  étoit  ac- 
compagnée de  l'ignorance  &  du  foupçon  ;  l'ignoran- 
ce étoit  repréfentée  fous  la  figure  d'une  femme  aveu- 
gle ;  le  foupçon ,  fous  la  figure  d'un  homme  agité  d'u- 
ne inquiétude  fecrette ,  &  s'applaudiiTant  tacitement 
de  quelque  découverte.  La  calomnie,  au  regard  fa- 
rouche, occupoit  le  milieu  du  tableau  ;  elle  fecoùoit 
une  torche  de  la  main  gauche ,  &  de  la  droite  elle 
traînoit  par  les  cheveux  l'innocence  fous  la  figure 
d'un  enfant  qui  fembloit  prendre  le  ciel  à  témoin  : 
l'envie  la  précédoit,  l'envie  aux  yeux  perçans  &  au 
vifage  pâle  &  maigre;  elle  étoit  fuiviede  l'embûche 
&  de  la  flatterie  :  à  une  diftance  qui  permettoit  enco- 
re de  difeerner  les  objets ,  on  appercevoit  la  vérité 
qui  s'avançoit  lentement  fur  les  pas  de  la  calomnie, 
conduifant  le  repentir  en  habit  lugubre.  Quelle  pein- 
ture !  Les  Athéniens  eufTent  bienfait  d'abatre  la  fta- 
tue  qu'ils  avoient  élevée  à  la  calomnie ,  Se  de  mettre 
à  fa  place  le  tableau  d'Apelle. 

Calomnie,  en  Droit ,  outre  fa  fignification  ordi- 
naire ,  s'eft  dit  aufli  de  la  peine  ou  amende  impofée 
pour  une  action  mal  intentionnée  &  fans  fondement. 

Onappelloit  auiTi  anciennement  calomnie  l'action 
ou  demande  par  laquelle  on  mettoit  quelqu'un  en 
juftice  ,  foit  au  civil,  foit  au  criminel;  &  en  ce  fens 
elle  le  difoit  même  d'une  légitime  aceufation,  & 
d'une  demande  jufte.  (H) 

CALONE,  (Géog.)  comté  des  Pays-bas,  dans  le 
duché  de  Brabant,  fur  les  frontières  du  pays  de 
Liège. 

Calone,  (Géog.)  rivière  de  France,  en  Norman- 
die. 

CALOPINACO,(  Géog.  )  petite  rivière  du 
royaume  de  Naples ,  dans  la  Calabre  ultérieure. 

CALORE,  (Géog.)  rivière  du  royaume  de  Na- 
ples, dans  la  principauté  ultérieure,  qui  prend  fa 
fource  près  de  Bagnolo,  &  qui  fe  jeite'dans  le  Sa- 
bato ,  près  de  Benevent. 

CALOT,  f.  m.  terme  de  Bimblotier ,  ou  f ai feur  de  dra- 
gées au  moule;  c'eft  une  calotte  de  chapeau  dans  la- 
quelle ils  mettent  les  dragées  après  qu'elles  font  fépa- 
rées  des  branches.  Voye^  D.fig.  %.  PI.  de  la  Fonderie 
des  dragées  au  moule. 

CALOTTE,  f.  f.  eft  une  efpece  de  petit  bonnet 
de  cuir,  de  laine,  de  latin  ou  d'autre  étoffe,  qu'on 


CAL 

porta  d'abord  par  nécefîîté,  mais  qui  par  fucceflîort 
eft  devenu  un  ornement  de  tête ,  furtout  pour  les  ec* 
cléfiaftiques  de  France. 

Le  cardinal  de  Richelieu  eft  le  premier  qui  en  ait 
porté  en  France.  La  calotte  rouge  eft  celle  que  por- 
tent les  cardinaux.  Foye^  Bonnet. 

On  a  tranfporté  par  analogie  avec  la  calotte  par- 
tie de  notre  vêtement ,  le  nom  de  calotte  à  un  grand 
nombre  d'autres  ouvrages.  Voye^  la  fuite  de  cet  article. 

Calotte  ,  en  terme  d'Architecture,  eft  une  cavité 
ronde  ou  un  enfoncement  en  forme  de  coupe  ou  de 
bonnet ,  latte  &  plâtré ,  imaginé  pour  diminuer  la 
hauteur  ou  l'élévation  d'une  chapelle,  d'un  cabinet, 
d'une  alcôve,  par  rapport  à  leur  largeur.  (P) 

Calotte  ,  en  terme  de  Boutonnier ,  c'eft  la  couver- 
ture d'un  bouton  orné  de  tel  ou  tel  deflein.  Les  ca- 
lottes font  de  cuivre,  de  plomb,  d'étain  argenté, 
d'or,  d'argent,  de  pinchbec,  &c.  &c  font  ferties  fur 
des  moules.  Voye^  Bouton. 

Calotte,  en  terme  de  Fourbiffeur ,  c'eft  cette  partie 
de  la  garde  d'une  épée  qu'on  remarque  au-deffus  du 
pommeau ,  fur  laquelle  on  applique  le  bouton. 

CALOTTE  ,  en  terme  de  Fondeur  de  petit  plomb ,  fe 
dit  des  formes  de  chapeaux  dans  lelquelles  on  met  le 
plomb  auiii-tôt  qu'il  eft  féparé  de  fa  branche.  Voye^ 
Calot. 

Calotte,  nom  que  les  Horlogers  donnent  à  une  ef- 
pece de  couvercle  qui  s'ajufte  furie  mouvement  d'u- 
ne montre.  Les  Anglois  font  les  premiers  qui  s'en  font 
fervis.  Cette  calotte  fert  à  garantir  le  mouvement  de  la 
poufliere  ;  on  n'en  met  guère  aux  montres  limples  ; 
ce  n'eft  qu'aux  répétitions  à  timbre  qu'elles  devien- 
nent ablolument  nécefïaires  ,  parce  que  la  boîte 
étant  percée,  pour  que  le  timbre  rende  plus  de  fon, 
on  eft  obligé  d'avoir  recours  à  ce  moyen  pour  garan- 
tir le  mouvement  de  toute  la  poufliere  qui  y  entre- 
roit  fans  cela. 

On  a  prefque  abandonné  l'ufage  des  calottes ,  par- 
ce qu'eues  rendoient  les  montres  trop  petites  ;  fans 
cela  elles  feraient  fort  utiles  :  car  il  faut  convenir 
qu'une  montre  en  iroit  beaucoup  mieux ,  fi  l'on  pou- 
voit  enfermer  fon  mouvement  de  façon  que  la  poul- 
fiere  n'y  pût  pas  pénétrer.  Voye^  la  fig.  S3-  PI-  X* 
£  Horlogerie ,  où  C  marque  la  cavité  néceflaire  pour 
loger  le  coq.  Voye^  Répétition.  La  fig.  de  défais 
eit  le  profil.  (7) 

Calotte  Céphalique  ou  Cucupha,  {Phar- 
macie?) fachet  qu'on  appliquoit  fur  la  tête  dans  la  cé- 
phalalgie; il  étoit  fait  avec  des  morceaux  de  linge, 
de  fatin,  de  coton,  doublés,  entre  lefquels  on  met- 
toit  des  médicamens  céphaliques  ;  on  imprégnoit 
aufli  ce  fachet  de  quelque  huile  diftillée. 

Nota.  Ces  calottes  ne  font  plus  en  ufage,  parce  que 
fouvent  leurs  effets  devenoient  funeftes  ;  le  plus  pe- 
tit mal  qui  en  arrivoit ,  étoit  de  rendre  les  malades 
très-feniîbles  aux  changemens  les  plus  légers  de  l'air. 

On  peut  voir  fur  ces  calottes  les  différentes  Phar- 
macopées ,  furtout  celle  de  Lemery.  (iV) 

CALOTTIER,  f.  m.  (  Commerce.  )  celui  qui  a  le 
•  droit  de  faire  ôc  de  vendre  des  calottes  :  les  maîtres 
Calottiers  font  de  l'état  des  marchands  Merciers. 

CALOYER  ou  CALOGER ,  f.  m.  (Hijl.  ecclef.  ) 
calogeri,  moine,  religieux  ou  religieufe  Greque ,  qui 
fuivent  la  règle  de  S.  Baille.  Les  Caloycrs  habitent  par- 
ticulièrement le  mont  Athos:  mais  ils  deflervent  pref- 
que toutes  les  égliies  d'Orient.  Ils  font  des  vœux  com- 
me les  moines  en  Occident.  Il  n'a  jamais  été  fait  de 
réforme  chez  eux  ;  car  ils  gardent  exactement  leur 
premier  inftitut,  6i  confervent  leur  ancien  vêtement. 
Tavernier  obferve  qu'ils  mènent  un  genre  de  vie 
fort  auftere  &  fort  retirée;  ils  ne  mangent  jamais  de 
viande,  &  outre  cela  ils  ont  quatre  carêmes,  &  ob- 
fervent  pluiieurs  autres  jeûnes  de  l'égliie  Greque  avec 
une  extrême  régularité.  Us  ne  mangent  du  pain  qu'a- 


CAL 

près  l'avoir  gagné  par  le  travail  de  leurs  mains  :  il  y 
en  a  qui  ne  mangent  qu'une  fois  en  trois  jours,  &  d'au- 
tres deux  fois  en  fept  :  pendant  leur  fept  femaines  de 
carême ,  ils  parlent  la  plus  grande  partie  de  la  nuit  à 
pleurer  &  à  gémir  pour  leurs  péchés  6c  pour  ceux 
des  autres. 

Quelques  auteurs  obfervcnt  qu'on  donne  particu- 
lièrement ce  nom  aux  religieux  qui  font  vénérables 
par  leur  âge ,  leur  retraite  6c  l'auftérité  de  leur  vie , 
&  le  dérivent  du  Grec  ko.Xo{  ?  beau ,  &  >  ripaç ,  vieillejfe. 
Il  eft  bon  de  remarquer  que  quoiqu'en  France  on  com- 
prenne tous  les  moines  Grecs  fous  le  nom  de  Caloyers , 
il  n'en  eft  pas  de  même  en  Grèce  :  il  n'y  a  que  les  frè- 
res qui  s'appellent  ainfi  ;  car  on  nomme  ceux  qui  font 
prêtres ,  Jéromonaques ,  Hieromonachi ,  l'tpofjtœvwtù. 

Les  Turcs  donnent  auffi  quelquefois  le  nom  de  ca- 
loyers à  leurs  dervis  ou  religieux.  Voyt7^  Dervis. 

*  Les  religieufes  caloyeres  font  renfermées  dans 
des  monafteres,  ou  vivent  féparément  chacune  dans 
leur  maifon.  Elles  portent  toutes  un  habit  de  laine 
noire,  &c  un  manteau  de  même  couleur;  elles  ont  la 
tête  rafée ,  &  les  bras  &  les  mains  couvertes  jufqu'au 
bout  des  doigts:  chacune  a  une  cellule  iéparée,& 
toutes  font  foumifes  à  une  fupérieure  ou  à  une  abbef- 
fe.  Elles  n'obfervent  cependant  pas  une  clôture  fort 
régulière  ,  puilque  l'entrée  de  leurs  couvens ,  inter- 
dite aux  prêtres  Grecs ,  ne  l'eft  pas  aux  Turcs  qui  y 
vont  acheter  de  petits  ouvrages  à  l'aiguille  faits  par 
ces  religieufes.  Celles  qui  vivent  fans  être  en  com- 
munauté ,  font  pour  la  plupart  des  veuves ,  qui  n'ont 
fait  d'autre  vœu  que  de  mettre  un  voile  noir  fur  leurs 
têtes ,  &  de  dire  qu'elles  ne  veulent  plus  fe  marier. 
Les  unes  &  les  autres  vont  partout  où  il  leur  plaît , 
&  joiiifTent  d'une  affez  grande  liberté  à  la  faveur  de 
l'habit  religieux.  {G) 

CALPÉ  ,  f.  f.  (Jiifi,  anc.~)  courfe  de  jumens  intro- 
duite Se  peu  de  tems  après  proferite  par  les  Eléens 
dans  leurs  jeux  :  elle  coniiftoit ,  félon  Paufanias ,  à 
courre  avec  deux  jumens ,  dont  on  montoit  lune , 
&  l'on  menoit  l'autre  en  main  ;  fur  la  fin  de  la  cour- 
fe on  fe  jettoit  à  terre ,  on  prenoit  les  jumens  par 
leurs  mords ,  &  l'onachcvoit  ainfi  fa  carrière.  Ama- 
iie ,  dans  fa  verfion  Latine  de  Paufanias  ,  s'eft  trom- 
pé en  rendant  koàt™  ,  par  carpentum  ,  chariot ,  puifque 
dans  l'auteur  Grec  il  ne  s'agit  nullement  d'une  courfe 
de  chars,  mais  d'une  courfe  de  jumens  libres  &  fans 
aucun  attelage.  Budé  tire  du  Grec  Kottorn ,  l'éty- 
mologie  de  nos  mots  François  galop  6c  galoper.  En 
effet  de  *à.\tn  ou  *.&Kit*. ,  les  Grecs  ont  fait  ttaXw?  6c 
xaAwaÇw.  Les  Latins  ont  dit  calpare  &  calupere ,  d'où 
nous  avons  formé  gdlop  &  galoper.  Mêrn.  de  l'Acadé- 
mie des  B.  L.  tom.  FUI.  (G) 

CALPÉ,  {Géog.)  haute  montagne  d'Efpagne,  au 
royaume  d'Andalouiie  ,  au  détroit  de  Gibraltar,  qui 
fait  l'une  des  colonnes  d'Hercule.  La  montagne  d'A- 
byla  qui  eft  en  Afrique ,  vis-à-vis  de  celle-ci ,  fait 
l'autre. 

CALPENTINE ,  {Géog.)  petite  île  d'Afie,  à  l'oucft 
de  celle  de  Ccyian,  avec  une  ville  de  même  nom, 
appartient  aux  Holland  i    . 

*  CALQUE,  f.  m.  {Hifl.  anc.)  poids  de  la  dixiè- 
me partie  d'une  obole.  Voye^  Obole. 

CALQUER  ,  {Peinture.  Deffein.)  manière  de 
deffmer,  ou  tranfporter  un  deffein  d'un  corps  iur  lin 
autre. 

Lorfqu'on  veut  calquer  quelque  deffein  que  ce 
foit ,  on  en  frotte  le  revers  avec  un  crayon  ou  une 
pierre  tendre  de  couleur  quelconque,  mais  différente 
de  celle  du  papier  ,  ou  autre  matière  fur  laquelle  on 
veuttranfporter  le  deffein  ;  on  applique  le  curé  trotté 
de  crayon  fur  le  papier  ou  autre  matière  où  l'on  veut 
porter  le  deffein ,  en  l'y  affujettiffant  d'une  main,  tan- 
dis que  de  l'autre  on  paffe  avec  une  pointe  de  fer 
emouffée  fur  chaque  trait  du  deffein  ;  alors  il  s'impri- 


CAL 


565 


me  fur  le  papier  placé  deffous  au  moyen  de  la  cou- 
leur ,  dont  le  deffein  eft  frotté  fur  fon  revers.  Si  l'on 
vouloit  ne  pas  colorier  le  revers  du  deffein  ,  on  pré- 
pare avec  cette  même  couleur  un  papier ,  qu'on  place 
entre  le  deffein  &  le  corps  fur  lequel  on  veut  le  por- 
ter ,  &  l'on  opère  ainfi  qu'il  vient  d'être  dit.  Lorfqu'im 
deffein  eft  fur  du  papier  affez  mince  pour  qu'on  en 
puiffe  voir  les  contours  au-travers  du  jour  ,  on  affu- 
jettit  deffus  celui  fur  lequel  on  veut  reporter  ce  def- 
fein ;  enfuite  on  les  pôle  contre  une  vitre  de  cham- 
bre ,  ou  contre  une  glace  expofée  au  jour ,  ou  bien 
on  les  applique  fur  une  table  où  l'on  a  fait  une  ou- 
verture ;  on  pofe  une  lumière  deffous  la  table ,  & 
par  l'une  ou  l'autre  de  ces  manières ,  on  diftingue 
tous  les  traits  du  deffein  que  l'on  veut  avoir  promp- 
tement  &  exactement ,  &  qu'on  trace  avec  du  crayon 
fur  le  papier  qui  fe  trouve  deffus.  Lorfqu'on  veut 
avoir  le  deffein  en  fens  contraire  ,  au  lieu  de  placer 
le  papier  fur  le  deffein  même ,  on  le  place  fur  fon 
revers,  6c  l'on  fuit  les  traits  comme  on  les  voit.  La 
pointe  à  calquer  A  fait  ordinairement  partie  du  nor- 
te-crayon  brifé  ,  représenté  fig.  24.  Plan.  II.  de  la 
Gravure.    {  R  ) 

CALQUERON ,  f.  m.  partie  du  métier  des  étoffes 
de  foie.  Le  calqueron  eft  Un  litteau  de  quatre  pies  de 
long  fur  un  pouce  de  large  &  un  pouce  d'épaiffeur  :  il 
fert  à  attacher  les  cordes  qui  répondent  aux  aleyrons 
pour  faire  jouer  les  liffes  fuivant  le  befoin  ,  pour  la 
fabrication  de  l'étoffe.  On  attache  encore  au  calque- 
ron les  cordes  ou  cftrivieres  qui  le  font  aulfi  aux  mar- 
ches ,  pour  donner  le  mouvement  aux  liffes. 

CALSERY ,  (  Géog.  )  ville  d'Alie  au  roj'aume  de 
Jamba  ,  de  la  dépendance  du  grand  Mogol. 

*  CALVAIRE,  (  Hifi.  &  Géog.  )  montagne  fituée 
hors  de  Jérufalem ,  du  côté  du  feptentrion ,  où  l'on 
exécutoit  les  criminels ,  ôc  où  l'innocence  même  ex- 
pira fur  une  croix. 

Calvaire,  f.  m.  {Hifi.  eccléf.)  chez  les  Chrétiens 
eft  une  chapelle  de  dévotion  où  fe  trouve  un  crucifix, 
&  qui  eft  élevée  fur  un  tertre  proche  d'une  ville ,  à 
l'imitation  du  calvaire  où  Jeius-Chrift  fut  mis  en  croix 
proche  de  Jérufalem.  Tel  eft  le  calvaire  du  Mont- Ya- 
lérien  près  de  Paris  :  dans  chacune  des  iept  chapelles 
dont  il  eft  compofé ,  eft  repréfenté  quelqu'un  des  myf- 
teres  de  la  Paffion. 

On  dérive  ce  nom  de  calvus  ,  chauve  ,  parce  que  , 
dit-on,  cette  éminence  à  Jérufalem  étoit  nue  &:  fans 
verdure  ;  &  c'eft  en  effet  ce  que  lignifie  le  mot  hé- 
breu Golgotha ,  que  les  interprètes  Latins  ont  rendu 
par  calvaritz  locus. 

CALVAIRE  ,  {Congrégation  de  Notre-Dame  du) 
Hijl.  eccléf.  ordre  de  religieufes  qui  fuivent  la  règle 
de  S.  Benoît.  Elles  turent  fondées  premièrement  à 
Poitiers  par  Antoinette  d'Orléans  de  la  maifon  de 
Longucville.  Le  pape  Paul  V*.  &  le  roi  Louis  XIII. 
conhrmei eut  cet  ordre  en  1617;  6c  le  25  Octobre, 
Antoinette  d'Orléans  prit  poffeffion  d'un  couvent 
nouvellement  bâti  à  Poitiers ,  avec  vingt-quatre  reli- 
gieufes de  l'ordre  de  Fontevrauld  ,  qu'elle  avoit  ti- 
rées de  la  maifon  d'Encloitre,  à  deux  lieues  ou  en- 
viron de  Poitiers.  Antoinette  mourut  le  25  ci"A\  .il 
16 18  ;  &  en  1620  ,  Marie  de  Medicis  fit  venir  de  ces 
religieufes  à  Paris,  &  les  établit  proche  le  palais 
d'Orléans  du  Luxembourg  qu'elle  avoit  fait  bâtir. 
Leur  couvent  du  Calvaire  lu  Maiais  ne  fut  bâti  qu'en 
1638  par  les  foins  du  fameux  P.  Jofeph ,  capucin , 
confeffeur&  agent  du  cardinal  de  Richelieu.  C'eft 
dans  cette  dernière  maifon  que  réfide  la  générale  de 
tout  l'ordre.  Supplém.  au  diction,  de  Moreri ,  tome  I. 
lettre  C.  page  216 .   {G) 

CALUCALA,  (Géog.)  rivière  d'Afrique  au 
royaume  d'Angola  ,  dans  la  province  d'Ilamba. 

CALVENSANO  ,  {Géog.)  petite  ville  d'Italie 
dans  le  duché  de  Milan  ,  fur  l'Adda. 


566 


CAL 


CAL VI ,  (  Géog.  )  ville  du  royaume  de  Naples , 
dans  la  terre  de  Labour. 

Calvi,  (  Géog.)  ville  &  port  de  l'île  de  Corfe 
fur  la  mer  Méditerranée,  avec  une  citadelle.  Long. 
zG.  J3.  lat.  42.  30. 

CALVINISME  ,  f.  m.  (  Hifi.  eccléf.  )  doftrine  de 
Calvin  &c  de  l'es  feftateurs  en  matière  de  religion. 

On  peut  réduire  à  lix  chefs  principaux  les  dog- 
mes caradériftiques  du  Calvimfme:  lavoir,  i°.  que 
Jefus-Chriit  n'elt  pas  réellement  préfent  dans  le  fa- 
crement  de  l'Euchariftie ,  mais  qu  il  n'y  eft  qu'en  fi- 
gne  ou  en  figure  :  20.  que  la  prédeifination  &  la  ré- 
probation lont  antérieures  à  la  prefeience  divine  des 
œuvres  bonnes  ou  mauvaifes  :  3°.  que  la  prédeftina- 
tion  &  la  réprobation  dépendent  de  la  pure  volonté 
de  Dieu ,  fans  égard  aux  mérites  ou  démérites  des 
hommes  :  40.  que  Dieu  donne  à  ceux  qu'il  a  prédéf- 
inies une  foi  &  une  jullice  inamiffible,  &  qu'il  ne 
leur  impute  point  leurs  péchés  :  50.  que  les  juftes 
ne  fauroient  faire  aucune  bonne  œuvre  en  conié- 
quence  du  péché  originel  qui  les  en  rend  incapables  : 
6°.  que  les  hommes  lont  juitifîés  par  la  foi  feule,  ce 
qui  rend  les  bonnes  œuvres  &  les  facremens  inutiles. 
A  l'exception  du  premier  article  qu'ils  ont  conitam- 
ment  retenu,  les  Calviniftes  modernes  ou  rejettent 
ou  adouciiîent  tous  les  autres.  Voye{  Arminiens 

&  GOMARISTES. 

Il  eft  vrai  que  de  ces  erreurs  capitales  fuivent  beau- 
coup de  coniéquences ,  qui  font  elles-mêmes  des  er- 
reurs ,  &  qu'ils  en  ont  aufli  plufieurs  communes  avec 
d'autres  hérétiques  :  mais  c'eft  une  exagération  vifi- 
ble  que  de  leur  en  attribuer  cent ,  comme  fait  le  père 
Gauthier  ,  Jéfuite,  dans  fa  Chronologie;  à  plus  forte 
raifon  quatorze  cents ,  comme  les  leur  impute  le  cor- 
delier  Feuardent  dans  fon  ouvrage  intitulé  Theoma- 
chia  calvinifiica. 

Le  Calvimfme  depuis  fon  établifTement  s'eft  tou- 
jours maintenu  à  Genève  qui  fut  fon  berceau  ,  où  il 
fubfifte  encore ,  &  d'où  il  lé  répandit  en  France ,  en 
Hollande  ,  &  en  Angleterre.  Il  a  été  la  religion  do- 
minante des  Provinces-Unies  jufqu'en  1 572  ;  &  quoi- 
que depuis  cette  république  ait  toléré  toutes  les  lec- 
tes ,  on  peut  toujours  dire  que  le  Calvinifmt  rigide  y 
eft  la  religion  de  l'état.  En  Angleterre  ,  il  a  toujours 
été  en  décadence  depuis  le  règne  d'Elifabeth ,  mal- 
gré les  efforts  qu'ont  fait  les  Puritains  &  les  Presbyté- 
riens pour  le  faire  prédominer:  maintenant  il  n'y  eft 
plus  guère  profeffé  que  par  des  Non  -  conformités 
quoiqu'il  fubfifte  encore ,  mais  bien  mitigé  dans  la 
doctrine  de  Péglife  Anglicane.  Mais  il  eft  encore  dans 
toute  fa  vigueur  en  EcofTe  ,  auffi  bien  qu'en  PrufTe. 
Des  treize  cantons  SuifTes ,  fix  profefTent  le  Calvimf- 
me. La  religion  eft  aufïï  mélangée  dans  quelques  par- 
ties de  l'Allemagne  ,  comme  dans  le  Palatinat  :  mais 
la  catholique  Romaine  commence  à  y  être  la  domi- 
nante, lia  été  toléré  en  France  jufqu'à  la  révocation 
de  l'édit  de  Nantes  en  1685.  Les  Proteftans  qui  forti- 
rent  à  cette  occafion  du  royaume ,  &  fe  retirèrent  en 
Hollande  &  en  Angleterre  ,  remplirent  l'univers  de 
plaintes  &  d'écrits.  Ce  n'eft  pas  ici  le  lieu  d'examiner 
s'il  eft  utile  à  un  état  de  ne  fouffrir  qu'une  religion  : 
mais  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de  remarquer 
que  lorfqu'ils  ont  fait  éclatera  cette  occafion  les  mur- 
mures &  les  reproches  les  plus  fanglans  ,  un  efpace 
de  plus  de  quatre-vingts  ans  leur  avoit  fait  perdre  de 
vue  les  moyens  dont  leurs  pères  s'étoient  fervis  pour 
arracher  d'Henri  IV.  alors  mal-affermi  fur  fon  throne, 
un  édit  qui  n'étoit  après  tout  que  provifionnel  ,  &c 
qu'un  des  fucceffeurs  de  ce  prince  a  pu  par  confé- 
quent  révoquer  fans  injultice. 

CALVINISTES ,  f.  m.  pi.  (  Hifi.  eccléf.  )  feft ateiys 
de  Calvin  ,  auxquels  on  donne  encore  les  noms  de 
Proteflans,  de  Prérendus-Réformés,  de  Sacramentaires, 
d: Huguenots.  Voye^tous  as  mots  chacun  fous  leur  titre. 


CAL 

Calvin  ,  leur  chef ,  commença  à  dogmatifer  ea 
1 5  3  3  ;  fe  retira  à  Genève  en  1536,  d'où  il  fut  chafTé 
deux  ans  après  :  mais  il  y  revint  &  s'y  fixa  en  1  541. 
Ses  erreurs  s'étant  infeniiblement  répandues  en  Fran- 
ce malgré  la  févérité  des  rois  François  I.  &.  Henri  II. 
les  Calviniftes  y  formèrent  fous  le  règne  des  trois  der- 
niers Valois  un  parti  formidable  à  l'Eglile  &  à  l'état. 
Après  bien  des  révoltes  &  des  amnilties ,  des  com- 
bats &  des  défaites ,  ou  comme  dans  toutes  les  guer- 
res de  religion  les  deux  partis  exercèrent  des  cruau- 
tés inoiiies ,  les  Calvinifies  obtinrent  d'Henri  IV.  qui 
leur  avoit  été  attaché  avant  fa  converfion  ,  le  libre 
exercice  de  leur  religion.  Ils  excitèrent  encore  des 
troubles  fous  le  règne  de  Loiiis  XIII.  &  furent  chaiTés 
du  royaume  fous  celui  de  Loùis-le-Grand. 

Les  Calvinifies  ont  emprunté  une  partie  de  leurs 
erreurs  des  hérétiques  qui  les  avoient  précédés,  & 
y  en  ont  ajouté  de  nouvelles.  Les  plus  célèbres  Pro- 
teftans conviennent  que  Calvin  a  pris  pour  le  fonds 
de  fa  doctrine  celle  des  Vaudois  ,  particulièrement 
en  ce  qui  regarde  le  faint  Sacrement ,  la  M  elle ,  le 
purgatoire  ,  l'invocation  des  laints  ,  la  hiérarchie  de 
l'Eglile  ,  &  les  cérémonies.  A  l'égard  des  autres  points 
qui  font  plus  théologiques ,  il  a  prefque  tout  pris  de 
Luther  ;  comme  les  articles  de  la  doefrine  qui  con- 
cernent le  libre  arbitre  ,  qu'il  détruit  ;  la  grâce  ,  qui 
félon  lui  a  toujours  Ion  effet ,  &  entraîne  le  conten- 
tement de  la  volonté  par  une  nécefhté  abfolue  ;  la 
juftifkation  par  la  foi  feule  ;  la  jullice  de  Jefus-Chrift 
qui  nous  cil  imputée  ;  les  bonnes  œuvres  fans  aucun 
mérite  devant  Dieu  ;  les  facremens  qu'il  réduit  à 
deux  ,  &  auxquels  il  ôte  la  vertu  de  conférer  la  grâ- 
ce ;  l'impolfibilité  d'accomplir  les  commandemens 
de  Dieu  ;  l'inutilité  &  la  nullité  des  vœux  ,  à  la  re-. 
ferve  de  ceux  du  Baptême  ;  &  autres  femblables  er- 
reurs ,  qu'il  a  tirées  des  écrits  de  Luther ,  &  femées 
dans  fon  livre  de  YInfiitution.  Les  opinions  que  Cal- 
vin y  a  ajoutées  du  lien  font  :  que  la  foi  eft  toujours 
mêlée  de  doute  &  d'incrédulité  ;  que  la  foi  Se  la  grâ- 
ce font  inamiffibles  ;  que  le  Père  éternel  n'engendre 
pas  continuellement  fon  fils  ;  que  Jefus-Chrift  n'a  rien 
mérité  à  l'égard  du  jugement  de  Dieu  ;  que  Dieu  a 
créé  la  plupart  des  hommes  pour  les  damner,  parce 
qu'il  lui  plaît  ainfi  ,  &  antécédemment  à  toute  pré- 
vilîon  de  leurs  crimes.  Quant  à  l'Euchariftie  ,  Calvin 
allure  que  Jefus-Chrift  nous  donne  réellement  fon  fa- 
cré  corps  dans  la  fainte  cène  :  mais  il  ajoute ,  que  c'eft 
par  la  foi ,  &  en  nous  communiquant  fon  efprit  &  fa 
vie ,  quoique  fa  chair  n'entre  pas  dans  nous.  Telle  eft 
l'idée  qu'on  peut  le  former  des  lentimens  des  Calvi- 
nifies  d'après  leurs  livres,  leurs  catéchiimes ,  leur  dif- 
cipline  eccléfialtique  ,  &  les  quarante  articles  de  la 
confeifion  de  foi  qu'ils  préfenterent  au  roi  de  France. 

Leurs  dilputes  dans  ces  derniers  tems  avec  les  Ca- 
tholiques fur  l'autorité,  la  vilibilité  de  l'Eglile,  & 
fes  autres  caractères,  les  ont  jettes  dans  des  opi- 
nions ou  fauffes  ou  ablurdes  ,  ou  dans  des  contradic- 
tions ,  dont  les  Controverfiftes  catholiques  ont  bien 
fû  tirer  avantage  pour  les  convaincre  de  ichifme. 
Voye^  Vhifioire  des  Variations  de  M.  Boffuet ,  liv.  XV. 
&  fes  Infiruclions  fur  CEglifc  contre  le  minifire  Jurieu. 
Voye{  auffi  les  ouvrages  de  M.  Nicole ,  intitulés  de  Va- 
nité de  VEglife  ,  &  les  Prétendus  -  Réformés  convaincus 
defchifme.  (  G  ) 

CALVITIE,  f.  f.  terme  de  Médecine,  efl  la  chute 
des  cheveux  ,  fur-tout  du  devant  de  la  tête ,  fans  qu'il 
y  ait  lieu  d'efpérer  qu'ils  reviennent  ;  elle  arrive  en 
conféquence  du  deffechement  de  l'humidité  qui  les 
nourriflbit ,  caule  par  une  maladie ,  par  le  grand  âge  , 
ou  par  l'ufage  exceffif  de  la  poudre.  Voy.  Cheveu  ; 
&  Alopécie.  (  A') 

CALUMET  ,  f.  m.  (Hifi.  mod.)  grande  pipe  à 
fumer ,  dont  la  tête  &  le  tuyau  font  ornés  de  figures 
d'animaux  ,  de  feuillages ,  &c,  à  l'ufage  des  fauva- 


CAL 


CAL 


56 


ges  du  Nord.  Le  calumet  eft  aufii  parmi  eux  un  fym- 
bole  de  paix. 

*  CALVNDRONIUS,{.  m.  (Hijl.  nat.  bot.) 
pierre  merveilleufe  dont  on  ne  donne  ancune  del- 
cription  :  mais  à  laquelle  en  récompenfe  on  attribue 
la  vertu  de  rendre  viftoricux ,  de  chaffer  la  mélan- 
cholie ,  de  renfler  aux  enchantemens  ,  &  d'écarter 
les  efprits  malins. 

CALUS  ,  f.  m.  en  général  fignifîe  une  dureté  à  la 
peau ,  à  la  chair  ,  ou  aux  os  ,  naturelle  ou  contre 
nature. 

En  ce  fens  ,Ies  cors  font  des  efpeces  de  calus.  Voye^ 
Cor. 

Calus  fe  dit  plus  particulièrement  d'un  nœud  ou 
d'une  dureté  qui  le  forme  aux  deux  extrémités  con- 
tiguës  d'un  os  qui  a  été  fractiiré.  Voye^  Os  6-  Frac- 
ture. 

La  formation  du  calus  fe  fait  de  la  manière  qui 
fuit  :  les  focs  qui  nourriflent  l'os  &  coulent  le  long 
de  fes  fibres ,  s'extravafent  à  l'endroit  oii  ces  fibres 
font  rompues  ;  enforte  que  s'y  amafTant ,  elles  s'y  at- 
tachent ,  s'y  fechent ,  &£  s'y  durcifîent ,  au  point  d'ac- 
quérir autant  de  confiflance  que  l'os  même ,  laiffant 
feulement  à  l'endroit  fractiiré  une  inégalité  plus  ou 
moins  grande  ,  félon  que  la  réduction  a  été  plus  ou 
moins  parfaites 

Le  calus  devient  aufîî  dur  qu'un  os  :  on  lit  dans  les 
Tranfactions philofophiques ,  l'exemple  d'un  calus  qui 
remplaça  un  humérus  que  M.  Fowler  avoit  féparé 
parce  qu'il  étoit  carié  ,  &  celui  d'un  autre  qui  rem- 
plaça un  fémur  qu'avoit  féparé  M.  Sherman  ;  &  cela 
îi  parfaitement ,  que  la  perlonne  n'en  eut  pas  la  cuifîe 
plus  foible  ,  ôc  marchoit  ferme  &  fans  boiter  aucu- 
nement. 

La  formation  du  calus  eft  proprement  l'ouvrage 
de  la  nature  ;  lorfque  par  une  parfaite  réduction  & 
l'application  des  bandages  convenables ,  on  l'a  mile 
en  état  d'agir.  Il  faut  néanmoins  que  le  lue  offeux 
ne  foit  point  vicié  ,  c'eft  à-dire  que  les  principes  qui 
le  compofent,  ne  le  rendent  ni  trop  ni  trop  peu  dif- 
pofé  à  fe  congeler.  Cette  difpofition  plus  ou  moins 
favorable  du  lue  nourricier  des  os  ,  fait  fouvent  que 
dans  des  fractures  de  même  efpece ,  le  calus  eft  plus 
ou  moins  promptement  affermi ,  &  que  le  terme  de 
trente-cinq  à  quarante  jours  luffit  pour  certaines  , 
tandis  que  d'autres  ont  befoin  d'un  tems  beaucoup 
plus  confidérable.  On  doit  avoir  en  vue  de  corriger 
les  mauvaifes  difpofitions  de  la  lymphe  ,  pour  tra- 
vailler à  la  formation  &  à  la  perfection  du  calus;  les 
alimens  de  bons  focs  &  de  bonne  digeftion  feront 
les  moyens  de  procurer  la  formation  du  calus ,  fi  le 
fang  dépourvu  de  parties  balfamiques  y  eft  un  obf- 
tacle.  Si  les  focs  étoient  trop  épaiffis,  il  faudroit  met- 
tre en  ufage  les  délayans,  les  apéritifs  &  les  fon- 
da ns  appropriés  à  la  nature  de  l'épaiffiffement  ;  l'u- 
fage  des  anti-vénériens  feroit  abfolument  néceffaire , 
fi  l'exiftenec  du  virus  vérolique  ôtoit  à  la  lymphe  la 
coniiitance  requife  pour  prolonger  le  conduit  des  fi- 
bres ofleufes  à  chaque  bout  de  l'os  rompu,  &  fonder 
l'endroit  de  la  fracture.  Extr.  du  traité  des  maladies 
des  os,  par  M.  Petit. 

Le  calus  eft  encore  une  dureté  qui  fe  forme  à  quel- 
que partie  du  corps  humain  ,  iingulierement  aux 
mains  ,  aux  pies ,  &c.  en  conféquence  de  frottement 
ou  de  prefîion  contre  des  corps  durs.  (  Y ) 

Calus  ,  (  en  Jardinage.  )  eft  une  reprife  de  la  ma- 
tière de  la  ieve  qui  fe  fait  en  forme  de  nœud  à  la 
jointure  d'une  branche  ou  d'une  racine.  (A) 

CALUTRE  ,  (  Géog.  )  ville  maritime  de  file  de 
Ceylan  ,  à  trois  lieues  de  Colombo. 

C ALW  ou  CALB A  ,  (  Géog.  )  ville  &  comté  d'Al- 
lemagne au  duché  de  W'irtemberg  ,  fur  la  rivière  de 
Nagold. 

*CALYPTRJ,  f.  m.  (Hifi  anc.)  ornement  de  tête 


/ 

des  femmes  Romaines  dont  il  n'eft  refté  de  connu 
que  le  nom. 

*  CALYPTRE,  f.  f.  (NiJI.anc.)  vêtement  des 
femmes  Greques  dont  il  eft  fait  mention  dans  Mien 
qui  parle  en  même  tems  d'un  grand  nombre  d'autres. 
«  La  femme  de  Phocion ,  dit-il ,  portoit  le  manteau 
»  de  fon  mari ,  &  n 'avoit  befoin  ni  de  crocote ,  ni  de 
»  robe  tarentine ,  ni  d'anabolé ,  ni  d'encyclion ,  ni  de 
»  cecryphale  ,  ni  de  calyptre ,  ni  de  tuniques  tein- 
»  tes  en  couleur.  Son  vêtement  étoit  premièrement 
»  la  modeltie ,  6c  enfuite  tout  ce  qu'elle  pouvoit  trou- 
»  ver  pour  fe  couvrir.  »  On  n'a  fur  la  plupart  de  ce9 
habits  que  des  conjectures  vagues. 

*  CALZ A  ,  (  l'ordre  de  la)  ou  de  la  boue ,  Hi(l.  mod, 
c'eft  le  nom  d'un  ancien  ordre  militaire  qui  commen- 
ça en  Italie  en  l'année  1400  ;  il  étoit  compolé  de 
gentilshommes  qui  choififîbient  un  chef  entre  eux  - 
leur  but  étoit  d'élever  &  d'inftruire  la  jeuneffe  dans 
les  exercices  convenables  à  l'art  militaire  ;  la  marque 
diftinctive  de  cet  ordre  ,  qui  ne  fubfifte  plus  aujour- 
d'hui ,  étoit  de  porter  à  une  des  jambes  une  botte ,  qui 
étoit  fouvent  brodée  en  or,  ou  même  plus  riche. 

CALZADA  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Efpagne  ,  fur 
la  rivière  de  Laglera ,  dans  la  Caftille  vieille. 

CALZENOW ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Livonie  ,' 
dans  la  province  de  Letten  ,  à  7  lieues  de  Riga. 

CAM AGNES  ,  {Marine.  )  Quelques  gens  de  mer 
appellent  ainfi  les  lits  des  vailieaux  qui  (ont  emboî- 
tés autour  du  navire.  V.  Cabane  &  Capite.  (Z  ) 

CAMAGUEIA  ,  (  Géog.  )  province  de  l'Améri- 
que feptentrionale  ,  dans  l'île  de  Cuba. 

CAM  AIL,  f.  m.  forte  de  couvre-chef  à  l'ufage  des 
eccléfiaftiques,  pendant  l'hyver;  c'eft  une  efpece  de 
cape  qui  enveloppe  la  tête  ,  à  l'exception  du  vifage, 
embraffe  le  col ,  s'étend  for  les  épaules ,  fe  ferme 
pardevant,&  defeend  jufqu'à  la  ceinture.  L'églife 
prend  le  camail  à  la  place  du  bonnet  quarrée,  le  17 
Octobre,  jour  de  S.  Cerboney. 

Camail,  {terme  de  Blafon.)  efpece  de  lambre- 
quin qui  couvrait  les  calques  &  les  écus  des  anciens 
chevaliers.  Quelques-uns  dérivent  ce  mot  de  camé- 
lanciers  ,  qui  étoit  une  petite  couverture  de  tête  ,  faite 
de  camelot  ;  &  d'autres  le  font  venir  de  cap  de  maille, 
à  caufe  qu'il  y  avoit  autrefois  des  couvertures  de 
tête  faites  de  maille.  L'hiftoire  ancienne  fait  men- 
tion de  chevaliers  armés  de  camails  ;  il  y  a  grande 
apparence  que  ces  camails  étoient  à  peu  pi  es  comme 
les  haufiecols,  &  que  les  camails  des  évëques  ont  été 
ainfi  nommés  ,  a  caufe  qu'ils  leur  reffemblent.  (  V) 

CAMALDULES  ,  f.  m.  pi.  {Hifi.  eccléf.  )  ordre  de 
religieux  fondés  par  S.  Romuald  en  1009  •>  ou  ^c'on 
d'autres  en  960  dans  l'horrible  defert  de  Campo-mal- 
doli ,  dans  l'état  de  Florence  ,  fur  le  mont  Apennin. 

Leur  règle  eft  celle  de  S.  Benoît  ;  par  leurs  ftatuts, 
leurs  maifons  doivent  être  éloignées  au  moins  de  cinq 
lieues  des  grandes  villes. 

Les  Camaldules  ne  portèrent  pas  ce  nom  dès  les 
commencemens  :  jufqu'à  la  fin  du  onzième  fiecle ,  on 
les  appella  Romualdins ,  du  nom  de  leur  fondateur. 
On  n'appelloit  alors  Camaldules ,  que  ceux  qui  habi- 
toient  dans  le  defert  même  de  Camaldoli;  &  le  P.  Gran- 
di obferve  que  le  nom  de  Camaldules  ne  leur  vient 
pas  de  ce  que  leur  première  maifon  a  été  établie  à 
Campo-maldoli ,  mais  de  ce  que  la  règle  s'eft  mainte- 
nue dans  cette  maifon  fans  dégénérer ,  mieux  que 
partout  ailleurs.  Il  n'y  a  qu'une  maifon  de  Camaldu- 
les en  France  ,  près  de  Gros-bois. 

La  congrégation  des  hermites  de  S.  Romuald 
ou  du  mont  de  la  Couronne  ,  cil  une  branche  de 
celle  de  Camaldoli,  avec  laquelle  elle  s'unit  en  1532. 
Paul  Juftinien  de  Veniie  commença  fon  établiffement 
en  1520,  &  fonda  le  principal  monafterc  dans  l'A- 
pennin ,  en  un  lieu  nommé  le  mont  de  la  Couronne ,  à 
dix  milles  de  Péroufe.  Baronius,  Raynaldi,  Sponde. 


563 


C  A  M 


*  CAMANHÀYA ,  (  Hifi.  nat.  bot.  )  plante  du  Bré- 
fil  ;  elle  eft  capillaire  ;  elle  croit  fur  les  arbres  les  plus 
hauts  ,  &  les  couvre  quelquefois  entièrement  ;  elle 
eft  oriie  ,  &  femblable  au  duvet  ;  elle  a  une  ,  deux  , 
trois  ,cinq ,  fix  feuilles  comme  celles  du  romarin  ;  on 
la  prendroit  pour  un  épithyme. 

CAMARA  ,  (  Hifi.  nat.  bot.  )  genre  de  plante  à 
fleur  monopétale  ,  faite  en  forme  de  malque ,  irré- 
guliere  ,  dont  la  lèvre  fupérieure  eft  relevée,  &  l'in- 
férieure découpée  en  trois  parties  ;  l'embryon  qui 
porte  la  fleur  devient  dans  la  fuite  un  fruit  mou  ou 
une  baye  qui  renferme  un  noyau  rond.  Ajoutez  au 
caractère  de  ce  genre,  que  pluiieurs  fruits  lontramaf- 
fés  en  une  efpece  de  grappe.  Plumier,  Nova  plantar. 
Amer,  gêner.  Voye{  PLANTE.  (/) 

*  CAMARA- JAPO,  CAMARA-MIRA,  CAMA- 
RA-TINGA ,  CAMARA-CUBA,  CAMARA-BAJA, 
{Hifi.  nat.  bot.)  plantes  qui  croiffent  au  Brefil;  la 
première  eft  une  efpece  de  mente  à  tige  ronde  ,  ve- 
lue &  rougeâtre  ,  haute  de  deux  pies  ,  à  teuilles  lé- 
gèrement découpées  ,  grisâtres  en-deffous  ,  oppo- 
iées  deux  à  deux  ;  les  grandes  environnées  de  peti- 
tes,  &  à  fleurs  placées  fur  les  branches  les  plus  éle- 
vées en  forme  d'ombelles  ,  femblables  à  celles  de  la 
taneiie  ,  naifîant  pendant  toute  l'année  ,  à  étamines 
de  couleur  d'azur ,  &  de  l'odeur  du  mentafirum  :  toute 
la  plante  eft  aromatique  &  amere  ;  la  femence  en 
eft  petite ,  longue ,  &  noire  ;  &  quand  elle  eft  mûre , 
elle  eft  difperfée  par  les  vents  avec  l'on  enveloppe 
cotoneufe. 

La  féconde  eft  une  plante  qui  s'élève  à  la  hauteur 
d'une  coudée  ;  fa  tige  eft  foible  &  ligneufe  ;  fa  fleur 
petite  &  jaune  ,  s'ouvrant  en  tout  tems  fur  le  milieu 
du  jour ,  &  fe  refermant  fur  les  deux  heures  ;  en- 
forte  qu'elle  fuppléroit  en  partie  au  défaut  de  mon- 
tre. Ray,  Hifi.  plant. 

La  troiiieme  eft  une  efpece  de  chevre-feuille  nain, 
à  fleur  rouge ,  &  quelquefois  jaune ,  fort  odorante  ; 
l'herbe  même  en  eft  fuave  ;  aux  fleurs  fuccedent  des 
grappes  de  baies  vertes,  groffes  comme  celles  du 
fureau. 

La  quatrième  a  la  feuille  âpre  ,  hérifïee  comme 
des  chardons  ,  la  fleur  femblable  à  celle  de  l'œil  de 
bœuf,  jaune,  à  neuf  pétales  ,  avec  un  ombilic  lar- 
ge, jaune  dans  le  milieu  ,  &  des  étamines  noires  ; 
elle  a  l'odeur  de  l'aminte  &  de  l'ortie  ;  les  femences 
qui  fuccedent  aux  fleurs  font  longues,  noirâtres,  fem- 
blables à  celles  delà  chicorée  ;  la  plante  entière  eft 
très-glutineufe. 

La  dernière  eft  une  efpece  de  lyfimachia. 

C AMARANA ,  (  Géog.  )  île  d'Afie  dans  l'Arabie , 
fur  la  mer  Rouge.  Lat.  zi. 

CAMARASSE ,  (  Géog.  )  ville  d'Efpagne  en  Ca- 
talogne ,  dans  le  territoire  de  Lérida. 

CAMARATA  ,  {Giog.)  petite  ville  de  Sicile, 
dans  la  vallée  de  Mazaro. 

CAMARCES  ,  (  Géog.  )  rivière  d'Afrique,  fur  la 
côte  de  Guinée  ,  dans  le  royaume  de  Bénin. 

CAMARE  ,  caveçon  camare ,  {Manège.)  efpece 
de  caveçon  qu'on  a  banni  des  académies  :  il  étoit 
garni  de  petites  dents  ou  pointes  de  fer  très  -  aiguës  , 
qui  déchiroient  le  cheval  &  le  tourmentoient.  Voy. 
Caveçon.  (V) 

CAMARGUE ,  (  la)  Géog.  île  de  France  en  Pro- 
vence ,  à  l'embouchure  du  Rhône. 
■  *  CAMARIN-BAS  ou  UMARI ,  (  Hifi.  nat.  bot.  ) 
arbre  qui  s'élève  à  une  hauteur  moyenne ,  &  porte 
de  petites  fleurs  jaunes ,  fuivies  d'un  fruit  ovale  fem- 
blable à  la  prune ,  de  la  faveur  de  la  pêche  ,  &  d'un 
verd  tirant  fur  le  jaune  pâle  :  la  pulpe  en  eft  petite, 
douce,  jaune,  &  contient  un  noyau  large,  ovale, 
blanc  ,  dont  l'amande  eft  bonne  à  manger.  Le  fruit 
eft  mûr,   &  tombe  en  Mars. 

On  lui  attribue  pluiieurs  propriétés  médicinales. 


C  A  M 

On  le  trouve  dans  les  environs  de  Riogrande. 

CAMARINES  ,  (  Géog.  )  contrée  d'Afie  dans  l'île 
de  Luçon ,  l'une  des  Philippines. 

CAMARONES ,  (  Los  )  Géog.  rivière  d'Afrique 
dans  le  golfe  de  Guinée ,  qui  prend  fa  fource  dans 
le  royaume  de  Biafara. 

CAMAÏEU,  f.  m.  pierre  fur  laquelle  fe  trouvent 
pluiieurs  figures  ou  repréfentations  de  payfages  6c 
autres  choies  ,  par  un  jeu  de  la  nature  ,  en  telle  for- 
te que  ce  font  des  elpeces  de  tableaux  fans  peintu- 
re. On  le  dit  aufîi  de  ces  pierres  précieufes  ,  comme 
onices  ,  fardoines,  &  agates  ,  fur  lelquelles  les  Gra- 
veurs en  pierre  employent  leur  art  pour  rendre  les 
productions  de  la  nature  plus  recommandables  :  alors 
les  têtes  ou  les  bas-reliefs  dont  ces  pierres  font  or- 
nées prennent  le  nom  de  camaïeu.  On  en  fait  aufîi  fur 
des  coquilles  :  ce  font  les  moins  recommandables  , 
par  la  raifon  de  leur  peu  de  dureté. 

Camaïeu  fe  dit  encore  de  tous  les  tableaux  faits  de 
deux  couleurs  feulement  :  on  dit  peindre  en  camaïeu  y 
de  beaux  camaïeux.  On  les  appelle  quelquefois  ta- 
bleaux de  grifaille  ,  &  de  clair-obfcur.  (R) 

CAMB  ou  KAMP,  (  Géog.  )  rivière  d'Allemagne 
en  Autriche  ,  qui  prend  fa  fource  aux  frontières  de 
Bohême ,  &  fe  jette  dans  le  Danube. 

CAMBALU,  voyei  Pékin. 

CAMB AMB A  ,  (Géog.  )  pays  d'Afrique  au  royau- 
me d'Angola ,  appartenant  aux  Portugais. 

CAMBANA,  ou  CAMBOVA,  ou  CAMBAVA, 
(  Géog.  )  île  des  Indes  orientales ,  entre  les  îles  Mo- 
lucques  ,  celle  de  la  Sonde  &  de  Java. 

C  A  M  B  A  Y  E ,  (  Géog.  )  grande  ville  d'Afie  au 
royaume  de  Guzurate ,  dans  les  états  du  grand  Mo- 
gol,  proche  d'un  golfe  de  même  nom.  Long.  8g. 
lat.  22-30. 

CAMBERG  ,  {Géog.)  ville  &  château  d'Allema- 
gne ,  de  l'éleclorat  de  Trêves. 

CAMBIO  ,  (Commerce.)  terme  Italien  qui  fignifîe 
change ,  &  paroît  dérivé  du  Latin  cambium  ,  qui  veut 
dire  la  même  chofe.  On  s'en  fert  allez  communé- 
ment en  Provence ,  &c  encore  davantage  en  Hollan- 
de. Voye^  Change. 

CAMBISTE ,  f.  m.  nom  qu'on  donne  dans  le  Com- 
merce à  ceux  qui  fe  mêlent  du  négoce  des  lettres  & 
billets  de  change ,  qui  vont  régulièrement  fur  la  pla- 
ce ou  à  la  bourfe  pour  s'inftruire  du  cours  de  l'ar- 
gent ,  &  fur  quel  pié  il  eft  relativement  au  change  des 
différentes  places  étrangères ,  afin  de  pouvoir  taire  à 
propos  des  traites  &  remifes ,  ou  des  négociations 
d'argent ,  de  billets ,  lettres  de  change  ,  &c.  Voyt^ 
Place,  Bourse,  Billet,  Lettre  de  change, 
&c 

Ce  mot ,  quoique  vieux  ,  ne  laiffe  pas  que  d'être 
d'ufage  parmi  les  marchands  négocians  ou  banquiers: 
on  croit  qu'il  vient  du  Latin  cambium ,  ou  de  l'Ita- 
lien cambio ,  qui  fignifient  change.  Voye^  Change. 

(G) 

CAMBOPJ  ,  (  Géog.  )  ville  d'Afie  au  royaume  de 

Siam  ,  fur  les  frontières  de  Pégu. 

CAMBOUIS  ,  f.  m.  (  Médecine.  )  graille  de  porc 
ou  d'autres  animaux  ,  dont  on  enduit  les  extrémités 
de  l'efîieu  des  roues  des  voiuires  :  le  vieux-oing 
prend  le  nom  de  cambouis  quand  il  s'eft  chargé 
-par  le  frottement ,  des  parties  de  fer  de  l'effieu 
&  de  la  garniture  des  roues.  Il  palTe  pour  propre 
à  réfoudre  les  hémorrhoides  étant  appliqué  deffus  : 
cette  vertu  lui  vient  du  mars  qui  s'eft  détaché  par  le 
mouvement  &  la  chaleur  continuelle  de  l'effieu  & 
delà  roue. 

Des  charlatans  en  ont  fait  pendant  long-tems  un 
fecret,  &  on  l'a  regardé  comme  un  remède  mer- 
veilleux. Il  eft  ailé  de  voir  que  ce  n'eft  qu'un  mélan- 
ge de  mars  &  de  graille ,  ou  un  Uniment  épaiffi  par 
le  fer  qui  s'y  eft  joint.  (A) 

CAMBOYE 


C  À  M 

LÀMBOYE  oh  CAMBOGEj  (Géog.)  ville  & 
royaume  d'Afie  dans  les  Indes  ,  borné  au  nord  par 
le  royaume  de  Laos ,  à  l'orient  par  la  Cochinchine  j 
au  ïud  &  à  l'oueft  par  le  royaume  &  le  golfe  de  Siam. 
Long.  izz.  30.  Ut.  12.40. 

CAMBRAY  ,  (  Géog.  )  belle  &  grande  ville  de 
France  dans  le  Pays-bas.  Elle  eft  tres-fortifiée ,  mu- 
nie d'une  citadelle  très-forte  fur  l'Efcaut.  Long.  zod. 
53'.  41".  Ut.  3od.  10'.  3z". 

CAMBRE ,  f.  m.  en  Architecture ,  on  CAMBRURE, 
du  Latin  cameratus ,  courbé ,  fe  dit  de  la  courbure  du 
cintre  d'une  voûte  ou  d'une  pièce  de  bois. 

Cambré  ,  voye^  Concave.  (P) 

CAMBRER  ,  v.  a£l.  il  eft  fynonyme  à  courber.-  la 
différence  qu'il  peut  y  avoir  entre  l'un  &  l'autre  , 
c'eft  que  cambrer  ne  fe  dit  que  d'une  courbure  peu 
confidcrable  ;  au  lieu  que  courber  fe  dit  de  toute  in- 
flexion curviligne,  grande  ou  petite. 

CAMBRER  un  livre ,  en  terme  de  Relieur ,  c'eft  le 
prendre  à  moitié  avec  les  deux  mains ,  &  courber 
lin  peu  les  pointes  des  cartons  en-dedans  pour  lui  don- 
ner une  meilleure  forme.  Cambrer  eft  la  dernière  fa- 
çon qu'on  donne  à  un  livre  relié. 

CAMBRESIS, (GVoo-.)  province  de  France  dans  le 
Pays-bas ,  bornée  au  nord  ôc  à  l'eft  par  le  Hainaut , 
au  midi  par  la  Picardie,  &  à  l'ouefl  par  l'Artois. 
Son  commerce  coniifte  en  grains  ,  &  fur-tout  en  toi- 
les de  lin  très-belles  &  très-eftimées.  Cambray  en  eft 
la  capitale. 

CAMBRIDGE,  (Géog.)  ville  confidérable  d'An- 
gleterre, capitale  du  Cambridgshire,  avec  titre  de 
duché  ,  fameufe  par  Ion  univerfité.  Elle  eft  fur  la 
rivière  de  Cam.  Long.  ij.  z8.  lat.  Sz.  10. 

CAMBURG,  (Géog.)  petite  ville  d'Allemagne 
dans  la  baffe  Saxe ,  à  un  mille  de  Naumbourg. 

*  CAM-CHAIN,  f.  m.  (Hijl.  nat.  bot.  )  efpece 
d'orange  qui  croît  au  royaume  de  Tonquin ,  dont  la 
pelure  eftfort  épaiffe,  &  remplie  d'inégalités  ;  elle  a 
l'odeur  très  -  agréable  ,  &  le  goût  délicieux.  On  re- 
garde ce  fruit  comme  fort  fain;  on  en  permet  même 
l'ufage  aux  malades. 

CAMELEE,  f.  f.  (Hifl.  nat.  bot.)  chamcvlea,  genre 
de  plante  à  fleur  monopétale,  découpée  en  trois  par- 
ties ,  de  façon  qu'elle  paroit  quelquefois  compofée 
de  trois  pétales.  Le  piftil  devient  dans  la  fuite  un 
fruit  à  trois  noyaux  ,  enveloppés  d'une  peau  mince, 
&  arrondis  :  ces  noyaux  renferment  chacun  une 
amande  oblongue.  Tournerort  ,  Injl.  rei  herb.  app. 
Foyei  Plante.  (/) 

CAMÉLÉON  ,  cameleo ,  f.  m.  (Hifl.  nat.  Zoolog.) 
petit  animal  du  genre  des  animaux  à  quatre  pies  qui 
l'ont  des  œufs  ,  comme  le  crocodile  &  le  lézard,  avec 
îefqueis  il  a  beaucoup  de  reffemblance.  Voyt{  Plan- 
che Xy.  d'Hijl.  nat.jig.  2.  Nous  ne  pouvons  mieux 
faire  ,  pour  ï'hiftoire  du  caméléon,  que  de  rapporter 
ici  ce  qu'en  a  écrit  M.  Formey  ,  fecrétaire  de  l'Aca- 
démie royale  des  Sciences  &  Belles- lettres  de  Prufle , 
dans  un  manuferit  qui  nous  a  été  remis. 

»  Le  caméléon  eft  fait  comme  le  lézard,  fi  ce  n'eft 
»  qu'il  a  la  tête  plus  grofle  &r  plus  large  :  il  a  quatre 
»  pies,  à  chacun  trois  doigts;  la  queue  longue ,  avec 
»  laquelle  il  s'attache  aux  arbres  aufli  bien  qu'avec 
»  Ijs  pics  ;  elle  lui  fort  à  grimper;  &  lorfqu'il  ne  peut 
»  atteindre  de  fes  pies  quelque  lieu  où  il  veut  aller, 
»  pourvu  qu'il  y  puilî'e  toucher  de  l'extrémité  de  la 
»  queue ,  il  y  monte  facilement.  Il  a  le  mouvement 
»  tardif  comme  la  tortue ,  mais  fort  grave.  Sa  queue 
»  eft  plate ,  le  mufeau  long  :  il  a  le  dos  aigu ,  la  peau 
»  pliffée  &  hériflée  comme  une  feie  ,  depuis  le  cou 
»  jufqu'au  dernier  nœud  de  la  queue  ,  6c  une  tonne 
»  de  crête  fur  la  tête.  Il  a  la  tête  fans  cou ,  comme 
»  les  poiffons  ;  il  fait  des  œufs  comme  les  lézards  ; 
»  fon  mufeau  cil  en  pointe  obtufe  ;  il  a  deux  petites 
»  ouvertures  dans  la  tète  qui  lui  fervent  de  narines  ; 
Tome  II, 


C  A  M 


569 


»  fes  yeux  font  gros ,  &  ont  plus  de  cinq  lignes  de 
»  diamètre,  dont  l'iris  eft  ifibelle ,  bordée  d'un  cer- 
»>  cle  d'or  ;  &  comme  il  a  la  tête  prefqu'immobile  „ 
»  &  qu'il  ne  peut  la  tourner  qu'avec  tout  le  corps  j 
»  la  nature  l'a  dédommagé  de  cette  incommodité  en 
»  donnant  à  fes  yeux  toutes  fortes  de  mouvemens  ; 
»  car  il  peut  non-feulement  regarder  de  l'un  devant 
»  lui  j  &c  de  l'autre  derrière  ;  de  l'un  en-haut  &  de 
»  l'autre  en-bas:  mais  il  les  remue  indépendamment 
»  l'un  de  l'autre  avec  tous  les  changemens  imagina- 
»  blés.  Sa  langue  eft  longue  de  dix  lignes  &  lar^e  de 
»  trois  ,  faite  de  chair  blanche  ,  ronde  ,  &  applatié 
»  par  le  bout,  où  elle  eft  creufe  &  ouverte  ,  iembla- 
»  ble  en  quelque  façon  à  la  trompe  d'un  éléphant.  Il 
»  la  darde  &  retire  promptement  fur  les  mouches  , 
»  qui  s'y  trouvent  attrapées  comme  fur  de  la  glu  ;  il 
»  s'en  nourrit ,  &  il  lui  en  faut  tres-peu  pour  fe  re- 
»  paître ,  quoiqu'il  rende  beaucoup  d'excrémens.  Ori 
»  dit  même  qu  il  vit  long-tems  fans  autre  nourriture 
»  que  l'air,  dont  il  fe  remplit  au  foleil  jufqu'à  ce  qu'il 
»  en  foit  enflé.  Il  n'a  point  d'oreilles,  &  ne  reçoit  nï 
»  ne  produit  aucun  Ion.  Il  a  dix -huit  côtes ,  &  fort 
>•  épine  a  foixante  &  quatorze  vertèbres,  y  compris 
»  les  cinquante  de  fa  queue.  11  devient  quelquefois 
»  fi  maigre  qu'on  lui  compte  les  côtes,  de  forte  que 
»  TertuU'icnVappeWe  une  peau  vivante.  Lorfqu'il  fe  voit 
»  en  danger  d'être  pris ,  il  ouvre  la  gueule  &  fifllé 
»  comme  une  couleuvre.  Gefner  &  Aldrovande  di- 
»  lent  qu'il  fe  défend  du  ferpent ,  par  un  fétu  qu'il 
»  tient  dans  fa  gueule. 

»  Le  caméléon  habite  dans  les  rochers  :  ce  qu'il  à 
»  de  plus  merveilleux ,  c'eft  le  changement  de  cou- 
»  leur  qu'il  éprouve  à  l'approche  de  certains  objets^ 
»  Il  eft  ordinairement  verd,  tirant  fur  le  briin  vers 
»  les  deux  épaules,  &  d'un  verd-jaune  fous  le  ven-» 
»  tre ,  avec  des  taches  quelquefois  rouges  quelquefo:s 
>i  blanches.  Sa  couleur  verte  fe  change  fouvent  ert 
»  un  brun  foncé  ,  fans  qu'il  refte  rien  dé  la  première 
»  couleur:  les  taches  blanches  difparoiflent  auffi  quel- 
»  quefois,  ou  changent  feulement  en  une  couleur 
»  plus  obfcure ,  qui  tire  fur  le  violet,  ce  qtii  arrive  or- 
»  dinairement  lorfqu'il  eft  épouvanté.  Lorfqu'il  dort 
»  fous  une  couverture  blanche  ,  il  devient  blanc  j 
»  mais  jamais  ni  rouge  ni  bleu  ;  il  devient  auflî  verd* 
«  brun  ou  noir,  fl  on  le  couvre  de  ces  couleurs.  Tel- 
»  les  font  au  moins  les  relations  ordinaires  qu'on  a 
»  données  de  ce  phénomène  :  mais  il  me  paroit  exa- 
»  géré  ;  &  avant  que  d'en  entreprendre  l'explication» 
»  il  faudroit  bien  conftater  le  fait.  Le  P.  Feuillée  > 
»  Minime ,  par  exemple  ,  prétend  dans  lbn  Journal 
»  a" obfervations  phyjiques ,  mathématiques  &  botaniques* 
>■>  que  le  changement  cle  couleurs  de  cet  animal  vient 
»  des  divers  points  de  vue  où  l'on  le  regarde,  ce  qui 
»  n'eft  point  aufli  merveilleux  que  ce  qu'en  avoienf 
»  publié  les  anciens  (Mém.  de  Trévoux ,  Août  ijzj. 
»  pag.  141g.).  M.  Souchu  de  Renncfort  affûre  dans 
»  fon  Hijloire  des  Indes  Orientales ,  que  les  caméléons 
»  prennent  par  les  yeux  les  couleurs  des  objets  fur 
»  Iefqueis  ils  s'arrêtent  (Hifl.  des  ouvr.  des  Sav.  Mars 
»  lô'SS.  tom.  II.  p.  308.).  Un  autre  auteur  avance 
»  qu'il  n'eft  pas  vrai  que  le  caméléon  change  de  cou-» 
»  leur,  fuivant  les  choies  fur  lefquclles  ilfe  trouve: 
»  mais  ce  changement  arrive,  félon  lui,  fuivant  les 
»  différentes  qualités  de  l'air  froid  ou  chaud  qui  l'en* 
»  vironne  (Rce.  d'Hifl.  &  de  Litter.  tom,  III. p.  J3-) 
»  MUede  Scudery,  dans  une  relation  qu'elle  a  pu- 
>*  bliéc  de  deux  caméléons  qui  lui  furent  apportés  d'A- 
»  frique,  affûre  qu'elle  les  conferva  dix  mois,  &  que 
»  pendant  ce  tems-là  ils  ne  prirent  rien  du-tout.  On 
»  les  mettoit  au  foleil  &  à  l'air,  qui  paroilîoit  être 
»  leur  unique  aliment  :  ils  changeoient  fouvent  de 
»  couleur,  fans  prendre  celle  des  choies  fur  quoi  on 
»  les  mettoit.  On  remarquoit  feulement ,  quand  ils 
»  étoient  varies ,  que  la  couleur  fur  laquelle  ils  étoien) 

C  Ccç 


570 


C  A  M 


»  fc  mêloit  avec  les  autres ,  qui  par  leurs  fréquéns 
»  changemens  faifoient  un  effet  agréable  {Fumure , 
»  article  Caméléon).  Toutes  ces  divei  fîtes  demande- 
»  roient  un  examen  plus  circoniped ,  qui  épargnât 
»  la  peine  de  chercher  des  explications,  pour  ce  qui 
»  n'exiile  peut-être  point  :  cependant  Ton  en  a  pro- 
»  pofé  pluiieurs  :  les  uns  dilént  que  ce  changement 
»  de  couleurs  fe  fait  par  fuffufion ,  les  autres  par  ré- 
»  flexion  ,  d'autres  par  la  dilpolition  des  particules 
»  qui  compolent  la  peau.  Elle  elt  traniparente ,  dit 
»  le  P.  Regnault,  (Entr.  de  Phyf.  corn.  IV.  p.  i8l.) 
»  &  renferme  une  humeur  traniparente  qui  renvoie 
»  les  rayons  colorés,  à  peu  près  comme  une  lame 
»  mince  de  corne  ou  de  verre  Matthiole  rapporte 
»  plufieurs  iuperflitions  des  anciens  touchant  le  ca- 
»  méléon:  ils  ont  dit  que  (a  langue  ,  qu'on  lui  avoit 
»  arrachée  étant  en  vie ,  lervoit  à  faire  gagner  le  pro- 
»  ces  de  celui  qui  la  portoit  ;  qu'on  failoit  tonner  & 
»  pleuvoir  fi  l'on  brùloit  fa  tête  &c  Ion  gofier  avec 
m  du  bois  de  chêne ,  ou  li  on  rôtiffoit  ion  foie  fur  une 
»  tuile  rouge;  que  li  on  lui  arrachoit  l'œil  droit  étant 
»  en  vie  ,  cet  œil  mis  dans  du  lait  de  chèvre  ôtoit  les 
»  taies  ;  que  fa  langue  liée  fur  une  temme  enceinte 
»  la  faifoit  accoucher  fans  danger  ;  que  la  mâchoire 
»  droite  ôtoit  toute  frayeur  à  ceux  qui  la  portoient 
»  fur  eux ,  &  que  fa  queue  arrêtoit  des  rivières.  Ce 
»  qui  montre  que  les  naturalises  ont  débité  des  cho- 
»  les  aufïî  fabuleufes  que  les  poètes. 

»  Il  y  a  en  Egypte  des  caméléons  qui  ont  onze  à 
»  douze  pouces ,  y  compris  la  queue  ;  ceux  d'Arabie 
»  &  du  Mexique  ont  lix  pouces  leulement  ». 

On  ne  fait  pourquoi  les  Grecs  ont  donné  à  une 
bête  aulîi  vile  &c  auifi  laide,  d'auffi  beaux  noms  que 
ceux  de  petit-lion  ou  de  chameau-lion.  Cependant  on 
a  loupçonné  que  c'étolt  parce  qu'elle  a  une  crête  fur 
la  tête  comme  le  lion  :  mais  cette  crête  ne  paroît  à 
la  tête  du  lion,  qu'après  que  les  mufcles  des  tempes 
ont  été  enlevés.  On  a  auiïi  prétendu  que  c'eft  parce 
que  le  caméléon  prend  les  mouches ,  comme  le  lion 
challe  &  dévore  les  autres  animaux ,  qu'il  a  été  com- 
paré au  lion  ;  de  même  que  le  formica-  leo. 

Les  caméléons  ont  les  jambes  plus  longues  que  le 
crocodile  Se  le  lézard  :  cependant  ils  ne  marchent 
aifément  que  fur  les  arbres.  On  en  a  obfervé  de  vi- 
vans ,  qui  avoient  été  apportés  d'Egypte.  Le  plus 
grand  avoit  la  tète  de  la  longueur  d'un  pouce  &  dix 
lignes.  Il  y  avoit  quatre  pouces  &  demi  depuis  la 
tête  jufqu'au  commencement  de  la  queue.  Les  pies 
avoient  chacun  deux  pouces  &  demi  de  long  ,  &  la 
queue  étoit  de  cinq  pouces.  La  groffeur  du  corps  le 
trouvoit  différente  en  différens  tems  ;  il  avoit  quel- 
quefois deux  pouces  depuis  le  dos  jufqu'au-deffous  du 
ventre  ;  d'autres  fois  il  n'avoit  guère  plus  d'un  pou- 
ce ,  parce  que  le  corps  de  l'animal  le  contraâoit  & 
fe  dilatoit.  Ces  mouvemens  étoient  non-leulement 
dans  le  thorax  ôc  le  ventre  ,  mais  encore  dans  les 
bras  ,  les  jambes  &  la  queue  ;  ils  ne  fuivoient  pas 
ceux  de  la  refpiration  ,  car  ils  étoient  irréguliers 
comme  dans  les  tortues  ,  les  grenouilles  ,  &  les  lé- 
zards. On  a  vu  ici  des  caméléons  refter  enflés  pen- 
dant plus  de  deux  heures  ,  &  demeurer  défendes 
pendant  un  plus  long  tems  ;  dans  cet  état  ils  paroif- 
fent  fi  maigres ,  qu'on  croiroit  qu'ils  n'auroient  que 
la  peau  appliquée  fur  leurs  fqueletes.  On  ne  peut 
attribuer  ces  fortes  de  contractions  &  de  dilatations 
qu'à  l'air  que  refpire  l'animal  :  mais  on  ne  fait  pas 
comment  il  peut  fe  répandre  dans  tout  le  corps  en- 
tre la  peau  &  les  mulcles  ;  car  il  y  a  toute  apparence 
que  l'air  forme  l'enflure  comme  dans  la  grenouille. 
Quoique  le  caméléon  qui  a  été  oblervé  ,  parût  fort 
maigre  lorfqu'il  étoit  defenflé  ,  on  ne  pouvoit  cepen- 
dant pas  fentir  le  battement  du  cœur.  La  peau  étoit 
froide  au  toucher  ,  inégale ,  relevée  par  de  petites 
toiles  comme  le  chagrin,  ôc  cependant  afTez  douce, 


C  A  M 

parce  que  les  grains  étoient  polis  :  ceux  qui  cou* 
vroientles  bras  ,  les  jambes ,  le  ventre  &  la  queue , 
avoient  la  groileur  de  la  tête  d'une  tpingle  ,  ceux 
qui  fe  trouvoient  fur  les  épaules  &  fur  la  tête  étoient 
un  peu  plus  gros  &  de  figure  ovale.  Il  y  en  avoit  lous 
la  gorge  de  plus  élevés  &  de  pointus  ;  ils  étoien'  ran- 
gés en  forme  de  chapelet,  depuis  la  lèvre  inférieure 
jufqu'à  la  poitrine.  Les  grains  du  dos  &  de  la  t"ete 
étoient  raiiemblés  au  nombre  de  deux  ,  trois  ,  qua- 
tre ,  cinq ,  fix ,  &  lept  ;  les  intervalles  qui  le  trou- 
voient entre  ces  petits  amas ,  étoient  paifemés  de 
grains  preiqu  împerctptioles. 

Lorlque  le  caméléon  avoit  été  à  l'ombre  &  en  re* 
pos  depuis  long  tems,  la  couleur  de  tous  les  gu.ns 
ue  la  peau  étoit  d'un  gris-bleuâtre  ,  excepté  ie  def- 
fous  des  pattes  qui  étoit  d'un  blanc  un  peu  jaunâti  e , 
&  les  intervalles  entre  les  amas  de  grains  au  uos  ÔC 
de  la  tête  étoient  d'un  rouge  pâle  &  jaunâtre ,  de 
même  que  le  fond  de  la  peau. 

La  couleur  grile  du  caméléon  changeoit  loffqu'il 
étoit  expolé  au  ioleil.  Tous  les  endroits  qui  en  éto.ent 
éclairés  prenoient ,  au  lieu  de  leur  gris  bleuâtre ,  un 
gris  plus  b;un  &  tirant  mr  le  minime  ;  le  relie  de  la 
peau  changeoit  Ion  gris  en  plufieurs  couleurs  écla- 
tantes ,  qui  iormoient  des  taches  de  la  grandeur  de 
la  moitié  du  doigt  ;  quelques-unes  cielcencio.ent  de- 
puis la  crête  de  l'épine  julqu'à  la  moitié  du  dos  ;  il  y 
en  avoit  d'autres  lur  les  côtés ,  fur  les  bras ,  &  lui  la 
queue;  leur  couleur  étoit  ilabelle,  par  le  mehnge 
d'un  jaune  pâle  dont  les  grains  le  coloroient ,  &  d'un 
rouge  clair  qui  étoit  la  couleur  du  fond  de  la  peau 
entre  les  grains.  Le  relie  de  cette  peau ,  qui  n'étoit 
pas  expolee  au  ioleil  6c  qui  étoit  demeurée  d'un  cris 
plus  pâle  qu'à  l'ordinaire  ,  refïembloit  aux  draps  mê- 
lés de  laines  de  pluiieurs  couleurs  ;  car  on  voyoit 
quelques-uns  des  grains  d'un  gris  un  peu  vërdâtre  , 
d'autres  d'un  gris  minime,  d'autres  d'un  gris  bleuâr 
tre  qu'ils  ont  d'ordinaire  ;  le  fond  demeuroit  rouge 
comme  auparavant.  Lorfque  le  caméléon  ne  fut  plus 
expolé  au  ioleil  ,  la  première  couieur  grile  revint 
peu-à-peu  lur  tout  le  corps ,  excepté  le  délions  des 
pies  qui  conferva  la  première  couleur,  avjc  quelque 
teinte  de  brun  de  phib.  Lorlqu'on  le  toucha  ,  il  païut 
incontinent  fur  les  épaules  &  fur  les  jambes  de  de- 
vant pluiieurs  taches  fort  noires  de  la  grandeur  de 
l'ongle  ;  quelquefois  il  devenoit  tout  marqueté  de 
taches  brunes  qui  tiroient  fur  le  verd.  Apres  avoir 
été  enveloppé  dans  un  linge  pendant  deux  ou  trois 
minutes ,  il  devint  blanchâtre ,  ou  plutôt  d'une  cou- 
leur grife  fort  pâle  ,  qu'il  perdit  inlenhbiement  quel- 
que tems  après.  Cette  expérience  ne  réufîït  qu'une 
feule  fois ,  quoiqu'elle  fût  répétée  plufieurs  fois  en 
différens  jours  :  on  la  tenta  aufîî  lur  d'autres  cou- 
leurs ,  mais  l'animal  ne  les  prit  pas.  On  pourroit 
croire  qu'il  ne  pâlit  dans  le  linge  blanc ,  que  parce 
qu'il  s'y  trouva  dans  robicurité,&  parce  que  le  linge 
étoit  froid  de  même  que  l'air,  qui  fe  trouva  plus 
froid  le  jour  de  cette  expérience ,  qu'il  ne  le  tut  les 
autres  jours  où  on  la  répéta. 

La  tête  de  ce  caméléon  étoit  allez  femblable  à  celle 
d'un  poifîôn ,  parce  qu'il  avoit  le  col  fort  court ,  & 
recouvert  par  les  côtés ,  de  deux  avances  cartilagi- 
neuies  aflez  reflemblantes  aux  ouies  des  poillons. 
Il  y  avoit  fur  le  fommet  de  la  tête  une  crête  élevée 
&  droite  ;  deux  autres  au-defîûs  des  yeux,  contour- 
nées comme  une  S  couchée  ;  &  entre  ces  trois  crêtes 
deux  cavités  le  long  du  deflus  de  la  tête.  Le  muièau 
formoit  une  pointe  obtufe ,  &  la  mâchoire  de  délions 
étoit  plus  avancée  que  celle  de  deifus.  On  voyoit 
fur  le  bout  du  muleau  ,  un  trou  de  chaque  côté  pour 
les  narines ,  &  il  y  a  apparence  que  ces  trous  fervent 
aufîi  pour  rouie.  Les  mâchoires  étoient  garnies  de 
dents ,  ou  plutôt ,  c'étoit  un  os  dentelé  ,  qui  n'a  pas 
paru  fervir  à  aucune  maitication ,  parce  que  l'animal 


C  A  M 

avaloit  les  mouches  &  les  autres  infectes  qu'il  pre- 
noit  ,  fans  les  mâcher.  La  bouche  étoit  fendue  de 
deux  lignes  au-delà  de  l'ouverture  des  mâchoires  , 
&  cette  continuation  de  fente  defcendoit  oblique- 
ment en  bas. 

Le  thorax  étoit  fort  étendu  en  comparaifon  du  ven- 
tre. Les  quatre  pies  étoient  pareils  ,  ou  s'il  y  avoit 
quelque  différence  ,  c'eft  que  ceux  de  devant  étoient 
plies  en  arrière  ,  6c  ceux  de  derrière  en  devant ,  de 
forte  que  l'on  pourroit  dire  que  ce  font  quatre  bras 
qui  ont  leur  coude  en  dedans ,  y  ayant  dans  chacun 
l'os  du  bras  &  les  deux  os  del'avant-bras.  Les  quatre 
pattes  étoient  compofées  chacune  de  cinq  doigts,  &c 
refiembloient  plutôt  à  des  mains  qu'à  des  pies.  Elles 
étoient  néanmoins  auffi  larges  l'une  que  l'autre  ,  les 
doigts  qui  étoient  deux  à  deux  étant  plus  gros  que 
ceux  qui  étoient  trois  à  trois.  Ces  doigts  étoient  en- 
Fermés  enfemble  fous  une  même  peau ,  comme  dans 
une  mitaine  ,  &  n'étoicnt  point  féparés  l'un  de  l'au- 
tre ,  mais  paroiffbient  feulement  à  travers  la  peau. 
La  difpofition  de  ces  pattes  étoit  différente ,  en  ce  que 
celles  de  devant  avoient  deux  doigts  en  dehors  &  trois 
en  dedans ,  au  contraire  de  celles  de  derrière ,  qui  en 
avoient  trois  en  dehors  &  deux  en  dedans. 

Avec  ces  pattes  il  empoignoit  les  petites  branches 
des  arbres  ,  de  même  que  le  perroquet ,  qui  pour  fe 
percher  partage  fes  doigts  autrement  que  la  plupart 
des  autres  oifeaux  ,  qui  en  mettent  toujours  trois  de- 
vant &  un  derrière  ;  au  lieu  que  le  perroquet  en  met 
deux  derrière  de  même  que  devant. 

Les  ongles  étoient  un  peu  crochus  ,  fort  pointus  , 
&  d'un  jaune  pâle  ;  &  ils  ne  fortoient  que  de  la  moi- 
tié hors  la  peau  ;  l'autre  moitié  étoit  cachée  &  enfer- 
mée défions.  Ils  avoient  en  tout  deux  lignes  &c  de- 
mie de  long. 

Le  caméléon  marchoit  plus  lentement  qu'une  tor- 
tue ,  quoique  lés  jambes  fuiTent  plus  longues  &  moins 
èmbarraffées.  On  a  cru  que  les  animaux  de  cette  ef- 
pece  pourraient  aller  plus  vite  ,  &  on  a  foupçonné 
que  c'en;  la  timidité  qui  les  arrête.  La  queue  de  ce- 
lui qui  a  été  obfervé  reffembloit  affez  à  une  vipère , 
ou  à  la  queue  d'un  grand  rat ,  lorfqu'elle  étoit  gon- 
flée ;  autrement  elle  prenoit  la  forme  des  vertèbres 
fur  lesquelles  la  peau  eft  appliquée.  Lorfque  l'animal 
étoit  fur  des  arbres ,  il  entortilloit  fa  queue  autour  des 
branches;  6c  lorfqu'il  marchoit ,  il  la  tenoit  parallèle 
au  plan  fur  lequel  il  étoit  pofé ,  6i  il  ne  la  lailfoit  traî- 
ner par  terre  que  rarement. 

On  Ta  vu  prendre  des  mouches  &  autres  infe£res 
avec  fa  longue  langue  ;  on  a  trouvé  ces  mêmes  mou- 
ches &  des  vers  dans  l'eftomac  &  les  inteftins  ;  il  eft 
vrai  qu'il  les  rendoit  prefque  auffi  entiers  qu'il  les 
avoit  pris  :  mais  on  fait  que  cela  arrive  à  d'autres 
animaux  qui  n'ont  jamais  été  foupçonnés  de  vivre 
d'air  comme  le  caméléon.  Ce  préjugé  n'eft  pas  mieux 
fondé  que  celui  qui  a  rapport  au  changement  de 
couleurs  qu'on  a  dit  lui  arriver  par  l'attouchement 
des  différentes  chofes  dont  il  approche.  Mém.  deVA- 
cad.  roy.  des  Sciences  ,  tom.  III.  part.  j.  pag.  J3.  & 
fuiv.  Voyei  Quadrupède.  (/) 

CAMÉLEOPARD.  Voyt{  GiRAFFE. 
CAMELFORD  ,  (  Géog.)  ville  d'Angleterre  ,  dans  la 
province  de  Cornoiiaillcs. 

*  CAMELOT ,  f.  m.  (Draperie.')  étoffe  non  croifée 
qui  fe  fabrique  comme  la  toile  ou  comme  l'étamine  , 
fur  un  métier  à  deux  marches.  Il  y  en  a  de  dirleren- 
tes  longueurs  &  largeurs  ,  &:  de  toutes  couleurs.  On 
en  diftingue  de  plufieurs  fortes ,  entre  lefquels  les  uns 
font  tout  poil  de  chèvre  ;  d'autres  ont  la  trame  poil , 
&  la  chaîne  mo:tié  poil  &  moitié  l'oie  ;  de  troilîemes 
qui  font  tout  laine  ;  &  de  quatrièmes ,  où  la  chaîne 
eu  tîl  &  la  trame  eft  laine.  Tous  ces  camelots  pren- 
nent différens  noms  félon  la  façon  ;  il  y  en  a  de  teints 
en  fil  &  de  teints  en  pièce.  On  appelle  teints  en  fil , 
Tome  II. 


C  A  M 


571 


ceux  dont  le  fil ,  tant  de  chaîne  que  de  trame  ,  a  été 
teint  avant  que  d'être  employé  ;  &c  teints  en  pièce  , 
ceux  qui  vont  à  la  teinture  au  fortir  du  métier.  Il  y 
en  a  de  jafpés  ,  de  gauffrés ,  d'ondes ,  de  rayés  ,  &c. 
On  en  fait  des  habits  ,  des  meubles  ,  des  ôrnemens 
d'églife  ,  &c.  Il  s'en  fabrique  particulièrement  en 
Flandre  ,  en  Artois,  en  Picardie;  on  en  tire  auffi  de 
Bruxelles,  de  Hollande  &  d'Angleterre,  qui  font 
effimés.  Il  en  vient  du  Levant.  On  en  fait  de  foie, 
cramoifis ,  incarnats ,  violets ,  &c.  Mais  ce  font  des 
tafetas  ,  &  des  étoffes  tabilées ,  qu'on  fait  palier 
pour  des  camelots. 

Comme  cette  étoffe  eft  d'un  grand  ufage ,  le  Con- 
feil  a  pris  des  précautions  pour  que  la  fabrication  en 
fût  bonne.  Il  a  ordonné  que  les  camelots  de  grain  tout 
laine  ,  auraient  la  chaîne  de  quarante-deux  portées, 
&C  chaque  portée  ou  buhot,  de  vingt  fils,  avec  de- 
mi-aune demi-quart  de  largeur  entre  les  lifieres  ,  & 
trente-fix  aunes  de  longueur.  Que  ceux  à  deux  fils  de 
foie  ,  auroient  quarante-deux  portées ,  &  vingt-fix  ou 
huit  fils  à  chaque  portée ,  avec  même  longueur  &  lar- 
geur que  les  précédens.  Que  les  camelots  fuperfins 
auroient  la  chaine  de  poil  de  chèvre  filé ,  avec  deux 
fils  de  foie  ;  quarante-deux  portées  à  trente-fix  fils 
chacune,  la  trame  double,  de  fil  de  turcoin  ,  ou  de 
poil  de  chèvre  filé ,  avec  même  longueur  &  largeur 
que  ci-deffus.  Enfin  ,  que  les  rayés  &  unis ,  tout  lai- 
ne ,  auroient  trente-trois  portées ,  &  douze  fils  à  cha- 
cune ,  fur  demi-aune  de  largeur  entre  les  lifieres ,  & 
vingt-une  aunes  de  longueur  pour  revenir  à  vinot- 
une.   Voye-t  les  regUmens  de  16 Q g. 

Les  camelots  ondes  ont  pris  cette  façon  à  la  calen- 
dre ,  de  même  que  les  gaufrés  à  la  gaufrerie.  Foye^ 
Calendre,  &  Gaufrer.  Les  camelots  à  eau  ont 
reçu  une  eau  d'apprêt  ,  qui  les  a  difpofés  à  fe  Initier 
fous  la  preffe  à  chaud. 

Il  faut  être  fort  attentif  à  ne  point  biffer  prendre 
de  mauvais  plis  au  camelot ,  parce  qu'on  auroit  beau- 
coup de  peine  à  les  lui  ôter.  Voye^  Portée  ,  Buhot, 
Chaîne  ,  Trame  ,  &  à  l'article  Draperie  ,  la  fa- 
brication &  la  différence  de  toutes  ces  étoffes. 

CAMELOTER  ,  v.  neut.  c'eft  travailler  un  ou- 
vrage de  tiffu  ,  comme  on  travaille  le  camelot.  Il  y 
a  des  étamines  camelotées  ,  à  gros  grain  &  à  petit 
grain. 

CAMELOTINE  ,{.{.  (  Draperie.  )  petite  étoffe 
faite  de  poil  &  de  fleuret,  à  la  manière  des  camelots. 
Elle  eft  paffée  de  mode  ;  il  y  en  avoit  de  différentes 
largeurs. 

CAMELOTTE,  f.  f.  reliure  à  la  camelottt;  ces  re- 
liures font  d'ufage  pour  les  livres  d'un  très-modique 
prix  ,  comme  les  livres  des  plus  baffes  claffes  ,  ou  de 
prières  ,  à  très-bon  marché.  La  camelotte  confifte  à 
coudre  un  livre  à  deux  nerfs  feulement  :  après  qu'on 
a  marqué  les  endroits  de  la  couture  avec  la  greque, 
on  les  paffe  en  carton  groffier,  mais  mince,  on  les 
endoffe  fans  mettre  des  ais  entre  les  volumes,  &  on 
ne  met  que  du  papier  fur  le  dos  ,  &  le  refle  fe  finit 
groffierement. 

CAMEN,  (Géog.)  petite  ville  d'Allemagne  dans 
le  comté  de  la  Marclc,  en  Weftphalie. 

CAMENEC,  (  Géog.  )  ville  de  Pologne,  au  grand 
duché  de  Lithuanie  ,  dans  le  palatinat  de  Briefcia. 

CAMENTS,  ou  CAMENITZ,  (Géog.)  ville 
d'Allemagne  ,  clans  la  Luface, fur l'Ef fier. 

CAMERA  (  la  TORRE  de)  (Geog.)  petite  ville 
d'Afrique  en  Barbarie  au  Royaume  de  Bai xa. 

CAMER  AN  ,  (  Geog.  )  îlle  d'Afrique  ,  dépendante 
de  l'A  by  (finie  ,  dans  la  mer  Rouge. 

CAMERARIA  ,  f.  f.  (  Hifl.  tau.  bot.  )  genre  de 
plante  dont  le  nom  a  été  dérivé  de  celui  de  Joachim 
Camerarius ,  Médecin  de  Nuremberg.  La  fleur  des 
plantes  de  ce  genre  eit  monopétale ,  faite  en  forme 
de  tuyau  &  de  foùcoupe  découpée.    Il  s'élève  du 

C  C  c  c  ij 


57* 


C  A  M 


calice  un  piftil  qui  eft  attaché  au  bas  de  la  fleur 
comme  un  clou  ,  &  qui  devient  dans  la  fuite  un 
fruit  ordinairement  double  ,  filiqueux ,  bordé  ,  qui 
s'ouvre  longitudinalement ,  &  qui  renferme  des  fe- 
mences  oblongues ,  ailées ,  &  difpofées  par  écailles. 
Plumier  ,  Nova  plant.  Amer,  gêner.  V.  Plante.  (/) 

CAMERINO  ,  (Géog.)  petite  ville  d'Italie  ,  dans 
l'état  de  FEglife,  proche  de  l'Apennin  ,  fur  la  rivière 
de  Chiento.  Long.  Jo.  42.  Lu.  43.5. 

CAMERLINGUE  ,  f.  m.  (  Hijl.  civ.  &  ecclêf.)  ce 
nom,  félon  M.  Ducange,  a  été  autrefois  employé 
pour  lignifier  un  thréforicr  du  pape,  &  de  l'empereur. 
Il  vient  de  l'Allemand  kammer-ling,  qui  fignifie  c/m/«- 
brier ,  ou  maître  de  la  chambre  ,  ou  thréjorier  ;  &  dans 
une  charte  de  l'empereur  Lothaire  ,  on  trouve  un 
Berthold  ,  qui  exerçoit  la  charge  de  thréforier ,  ap- 
pelle camerling. 

Aujourd'hui  ce  nom  n'eft  plus  en  ufage  qu'à  Ro- 


eft  à  la  tête  des  finances.  Pendant  la  vacance  du  faint 
liège  il  fait  battre  monnoie  ,  marche  en  cavalcade 
accompagné  des  Suiffes  de  la  garde  &  autres  offi- 
ciers ,  &  fait  publier  des  édits.  Le  cardinal  camerlin- 
gue a  fous  lui  un  thréforier  général ,  un  auditeur  gé- 
néral ,  &  eft  préfident  d'une  chambre  ou  bureau  des 
finances  ,  compofée  de  douze  prélats  ,  qu'on  nom- 
me clercs  de  la  chambre.  Le  cardinal  Alexandre  Alba- 
ni ,  neveu  de  Clément  XI.  eft  aujourd'hui  camerlin- 
gue du  faint  fiege.  (G) 

CAMERON,  (Géog.)  petite  ville  d'Allemagne  , 
dans  la  Poméranie ,  au  duché  de  Stettin. 

*  CAMERONIENS ,  f.  m.  pi.  (  Hijl.  ecclef.  )  On 
appelloit  de  ce  nom  en  Ecoffe  dans  le  dix-feptieme 
iiecle ,  une  fefte  qui  avoit  pour  chef  un  nommé  Ar-~ 
chibald  Cameron ,  miniftre  presbytérien ,  qui  ne  vou- 
loit  pas  recevoir  la  liberté  de  confeience  que  Char- 
les II.  roi  d'Angleterre ,  vouloit  accorder  aux  pref- 
bytériëns  ,  parce  que ,  félon  lui ,  c'étoit  reconnoître 
la  fuprémacie  du  roi ,  &  le  regarder  comme  chef  de 
l'Edile.  Ces  Caméroniens  non  contens  d'avoir  fait 
fchifme  avec  les  autres  presbytériens ,  pouffèrent  les 
chofes  fi  loin  ,  qu'ils  regardèrent  le  roi  Charles  II. 
comme  déchu  de  la  couronne  ,  &:  fe  révoltèrent  : 
mais  on  les  réduiiit  en  peu  de  tems ,  Se  enfin  en  1690, 
fous  le  règne  de  Guillaume  III.  ils  fe  réunirent  aux 
autres  presbytériens.  Mais  en  1709  ,  ils  jugèrent  à 
propos  d'exciter  de  nouveaux  troubles  dans  l'égide 
d'Ecoffe  ;  il  s'en  amaffa  un  grand  nombre  en  armes 
près  d'Edimbourg  :  mais  ils  furent  difperfés  par  des 
troupes  réglées  qu'on  envoya  contre  eux.  On  pré- 
tend qu'ils  ont  une  haine  plus  forte  contre  les  pref- 
bytériens  que  contre  les  épifeopaux. 

CAMHOFF  ,  (Géog.)  ville  d'Allemagne  ,  dans  la 
baffe  Bavière. 

*  CAMILLE,  f.  m.  (  Hijl.  anc.)  jeune  garçon  qui 
fervoit  à  l'autel  dans  les  lacrifices  des  Romains  ;  fa 
fonction  étoit  de  tenir  le  coffret  d'encens  &  de  par- 
fums appelle  acerra ,  ou  le  prœfericulum.  y.  AcERRA, 
&  Prœfericulum.  Il  falloit  que  ce  deffervantfùt 
de  bonne  famille ,  &  qu'il  eût  père  &  mère  vivans. 
À  l'autel  il  étoit  vêtu  de  long  ;  fa  robe  étoit  large  ,  re- 
levée par  la  ceinture ,  ôi  descendant  fort  bas  ;  il  avoit 
fur  la  tète  un  ornement  en  pointe;  du  moins  c'eft  ainfi 
qu'on  le  voit  dans  plufieurs  antiques.  On  lui  marque 
dans  quelques  autres  la  tête  découverte  quand  le  fa- 
criricateur  l'a  voilée  ,  &  la  tête  couverte  quand  le 
facrificateur  l'a  nue.  Il  feroit  difficile  d'en  dire  la  rai- 
fon.  Le  Camille  étoit  de  la  célébration  des  mariages 
&  des  pompes  publiques. 

CAMIN  ou  CMAUm,(Géog.)  ville  d'Allemagne 
dans  la  Poméranie  ultérieure  ,  proche  de  la  mer  Bal- 


C  A  M 

tique ,  à  l'embouchure  de  l'Oder.  Long.  32.  46.  lai. 
54.  4. 

CAMINHA  ,  (Géog.)  ville  forte  du  Portugal ,  avec 
titre  de  Duché.  Long.  g.  3.  lat.  41.  44. 

CAMINIETZ ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Pologne , 
fur  la  rivière  de  Bug,  dans  la  Province  de  Mazovie. 

C  AMINIZI ,  (Géog.)  ville  &  fortereffe  d'Afie ,  fur 
la  mer  Noire. 

CAMION ,  f. m.  (ouvrage  de  Charron.  )  c'eft  une  ef- 
pece  de  petite  voiture  ou  petit  haquet  ,  monté  fur 
quatre  petites  roues  ,  faites  d'un  feul  morceau  de  bois 
chacune  ,  fur  laquelle  on  trainedes  fardeaux  pefans 
&  difficiles  à  manier.  Le  camion  eft  à  l'ufage  de  plu- 
fieurs ouvriers. 

Camion  eft  parmi  les  Epingliers ,  la  plus  petite  de 
toutes  les  efpeces  d'épingles  ;  elle  ne  fert  gueres  que 
pour  attacher  les  coeffures  &  les  autres  ornemens  des 
femmes. 

CAMIS,  f.  m.  pi.  (Hijl.  mod.)  idoles  qu'adorent 
les  Japonois  ,  &  principalement  les  bonzes  ou  mi- 
niftres  de  la  fecte  de  Xenxus.  Ces  idoles  repréfen- 
tent  les  plus  illuftres  feigneurs  du  Japon  ,  à  qui  les 
bonzes  font  bâtir  de  magnifiques  temples  ,  comme  à 
des  dieux ,  qu'ils  invoquent  pour  obtenir  la  fanté  dii 
corps,  &  la  victoire  fur  leurs  ennemis.  (G) 

CAMIS ADE  ,  f.  f.  terme  de  Guerre ,  qui  fignifîe  une 
attaque  par  furprife,  de  nuit  ou  de  grand  matin,  lorf- 
qu'on  fuppofe  que  l'ennemi  eft  couché. 

Ce  terme  vient  du  mot  chemije ,  qu'en  quelques 
provinces  on  prononce  camije.  Cette  forte  d'attaqué 
s'appelloit  camijade ,  parce  que  les  foldats  qui  atta- 
quoient ,  mettoient  leur  chemife  par-deffus  leurs  ar- 
mes pour  fe  reconnoître  plus  aifément  dans  la  mêlée. 

(Q) 

CAMISARDS  ou  CAMISARS  ,  f.  m.  plur.  (Hi/f. 
mod.  )  eft  un  nom  qu'on  a  donné  en  France  aux  Cal- 
viniftes  des  Cevenes  ,  qui  fe  liguèrent  &  prirent 
les  armes  pour  la  défenfe  du  Calvinifme  en  1688. 

On  ne  convient  pas  fur  l'étymologie  de  ce  mot  : 
quelques  -  uns  le  font  venir  de  camijade  ;  parce  que 
leurs  attaques  &  leurs  incurfions  furent  fubites  &C 
inattendues  :  d'autres  le  font  venir  de  camije ,  qui  en 
quelques  provinces  de  France  fe  dit  pour  chemije  ; 
parce  qu'ils  alloient  dans  les  maifons  prendre  de  la 
toile  pour  fe  faire  des  chemifes  ,  ou  parce  qu'ils  por- 
toient  des  habillemens  faits  comme  des  chemifes: 
d'autres  le  font  venir  de  camis  ,  un  grand  chemin  ; 
parce  que  les  routes  publiques  étoient  infeftées  de 
Camijards. 

On  donna  encore  le  même  nom  aux  fanatiques , 
qui  au  commencement  de  ce  fiecle  fe  révoltèrent  & 
commirent  beaucoup  de  defordres  dans  les  Cevenes. 
Ils  furent  enfin  réduits  &  diffipés  par  la  bravoure  & 
la  prudence  du  maréchal  de  Villars.  (  G  ) 

CAMISSANO  ,  (  Géog.  )  ville  d'Italie  dans  le  Vi- 
centin ,  fur  les  frontières  du  Padouan ,  aux  Vénitiens. 

C  AMMALAMM  A  ,  (  Géog.  )  ville  d'Afie  dans  l'île 
de  Ternate ,  dont  elle  eft  la  capitale. 

CAMMANAH  ,  (  Géog.  )  petite  province  d'Afri- 
que dans  la  Guinée  ,  fur  la  côte  d'Or. 

CAMME,  f.  f.  c'eft  ainfi  qu'on  nomme  ,  dans  les 
grojjes-jorges  &  dans  plujieurs  autres  ujines ,  dés  émi- 
nences  pratiquées  à  la  furface  d'un  arbre  ,  qui  tour- 
nant fur  lui-même  par  le  moyen  d'une  grande  roue 
&  d'une  chute  d'eau ,  fait  lever  ou  des  pilons ,  ou 
des  loufflets  ,  auxquels  on  a  pratiqué  d'autres  émi- 
nences  que  les  cammes  rencontrent. 

*  CAMMONIA,  (  Hijl.  nat.  bot.  )  c'eft  une  plante 
des  Indes  orientales  ,  dont  il  y  a  plufieurs  efpeces 
différentes.  Elle  croît  à  la  hauteur  de  dix  à  douze 
pies  ;  fes  feuilles  reffemblent  allez  à  celles  du  bonis , 
hormis  qu'elles  font  un  peu  plus  grandes.  Elle  fleurit 
quatre  fois  par  année  ;  f  es  fleurs  font  blanches  com- 
me de  la  neige  ,  reffemblent  à  celles  du  jafmin ,  èv 


C  A  M 

ont  une  odeur  pour  le  moins  auffi  gracieufe  que  la 
fienne,  &  qui  fe  répand  au  loin  ;  fes  branches  ou  ra- 
meaux fe  remplirent  de  fleurs  qui  font  monopétales 
&  qui  fe  forment  en  grappes  comme  des  raifins. 

*  CAMAZNA ,  f.  f.  (  Myth.  )  déeffe  des  Romains 
dont  il  eft  fait  mention  dans  S.  Auguftin  :  elle  préfi- 
tloit  aux  chants. 

CAMOMILLE ,  f.  f.  (Hifl.  nât.  bot.)  chamœmelum  , 
genre  de  plante  à  fleur  ordinairement  radiée  ,  dont 
le  difque  eft  un  amas  de  fleurons ,  Se  dont  la  couron- 
ne cil  formée  par  des  demi- fleurons  portés  fur  des 
embryons ,  &  ibûtenus  par  un  calice  écailleux.  Les 
embryons  deviennent  dans  la  fuite  des  femences  at- 
tachées à  la  couche  :  ajoutez  au  caractère  de  ce  gen- 
re le  port  de  la  plante  ,  Se  principalement  fes  feuilles 
qui  font  découpées  en  petites  parties.  Tournefort , 
Injî.  rei  herb.  'Voye^  Plante.   (  /  ) 

On  l'employé  fur  les  plates -bandes  :  il  ne  s'agit 
que  de  l'expoîer  a\i  grand  chaud ,  Se  que  de  lui  choi- 
fir  des  lieux  fablonneux.  Elle  vient  de  graine  ou  de 
plant  en  racine ,  &  fleurit  en  été.   (  K  ) 

La  camomille  appellée  chamœmelum  vulgare  ,  leu- 
camhemum  Diofcoridis  ,  C.  B.  P.  I  3  5.  chanwmilla  ro- 
mana  offzc.  Buxb.  eft  d'ufage  en.  Médecine  :  elle  efl 
amere  ,  aromatique  ,  Se  rougit  beaucoup  le  papier 
bleu.  Elle  contient  du  fel  ammoniac  chargé  de  beau- 
coup d'acide  ,  &  enveloppé  d'une  grande  quantité 
de  foufre  Se  de  terre.  Elle  eft  apéritive ,  diurétique  , 
adoucifTante ,  fébrifuge. 

Les  fleurs  ,  dès  le  tems  de  Diofcoride  ,  fervoient 
dans  les  fièvres  intermittentes.  Rivière  Se  Morthon 
l'cmployent  de  même  ;  Se  c'eft  encore  à  préfent  le 
fébrifuge  ordinaire  des  Irlandois  Se  des  Ecofibis. 

L'infufion  de  fes  fommités  &  de  mélilot  foulage 
dans  la  colique  néphrétique  Se  dans  la  rétention  d'u- 
rine :  elle  appaife  les  grandes  tranchées  qui  furvien- 
nent  après  l'accouchement. 

Simon  Pauli  loue  le  vin  de  camomille  dans  la  pleu- 
réfie ,  Se  les  fomentations  de  la  décoction  faites  en 
même  tems  fur  le  côté. 

Elle  eft  bonne  en  lavemens  Se  en  bains  :  on  en 
fait  des  cataplafmes  ,  lorfqu'il  eft  queftion  d'adoucir 
&  réfoudre  ,  comme  dans  la  feiatique  ,  dans  les  hé- 
niorrhoïdcs. 

L'huile  de  camomille  faite  par  l'infufion  de  la  plan- 
te ,  eft  bonne  contre  les  douleurs  de  rhûmatif  me  :  on 
la  mêle  avec  parties  égales  d'huile  de  millepertuis  Se 
d'efprit-dc-vin  camphré  ;  on  en  fait  un  Uniment  fur 
la  partie  malade  ,  que  l'on  couvre  d'un  linge  bien 
chaud  plié  en  quatre. 

La  camomille  fétide  eft  d'un  ufage  moins  étendu. 
Fqyc{  Maroute. 

On  trouve  dans  les  boutiques  l'eau  diftillée  ,  fim- 
ple,  &  compofée  de  camomille  ;  l'huile  diftillée  ,  Se 
l'huile  par mfufion.  (A') 

CAMONICA  ,  (  Geo*.  )  petit  pays  d'Italie  dans 
le  Brcfcian,  appartenant  aux  Vénitiens. 

CAMOUFLET  ,  f.  m.  Donner  un  camouflet,  dans 
VArt  militaire,  c'eft  chercher  à  étouffer  ou  écrafer 
le  mineur  ennemi  dans  la  galerie. 

Le  camouflet  fe  donne  de  différentes  façons  ,  fui- 
vant  la  diftance  de  l'éloignement  &  de  la  ligne  de 
moindre  réfiftance.  Voici  la  plus  commune. 

Si  le  mineur  eft  bien  voifin  ,  on  fe  fert  pour  lui 
donner  le  camouflet  d'une  bombe  de  douze  pouces 
chargée  aVec  la  fufée.  On  la  loge  dans  un  trou  du 
côté  du  parvis  oppofé  au  mineur  qu'on  veut  étouf- 
fer ;  on  regarnit  le  trou  ;  on  le  couvre  d'un  ou  de  plu- 
sieurs bouts  de  madriers  que  l'on  areboute  bien  loli- 
dement  contre  le  côté  oppofé  ;  on  remplit  le  bout 
du  rameau  ou  de  la  galerie  ,  que  l'on  areboute  en- 
core à  proportion  de  la  réfiftance  qu'elle  doit  taire. 
Avant  de  faire  cette  opération  ,  on  met  le  lauciffon 
avec  lbn  auget ,  qui  commence  à  la  fufée  jufqu'à  la 


C  A  M 


573 


fortîe  de  Fétançonhemént ,  de  la  même  manière  qu'on 
en  ufe  pour  mettre  le  feu  au  fourneau  ,  ou  à  la  cham- 
bre des  mines.  On  met  le  feu  au  lauciffon  ,  &  le  mi- 
neur ennemi  fe  trouve  étouffé  par  le  renverfement 
des  terres ,  le  manque  d'air  ,  &  la  fumée  dont  il  eft 
accablé.  Voye^  Mine.  (Q) 

CAMP,  f.  m.  dans  l'Art  militaire,  eft  l'efpace  ou 
le  terrein  occupé  par  une  armée  pour  lbn  logement 
en  campagne. 

«  Ce  qui  carattérife  le  camp  ,  &  qui  en  détermine 
»  le  nom  fuivant  nos  ufages,  ce  font  les  tentes  que 
»  les  officiers  &  les  foldats  ont  avec  eux  pour  s'en 
»  fervir  au  lieu  de  maifons» 

»  Les  tentes  font  des  pièces  de  toile  ou  de  coutil 
»  préparées  &  accommodées  ,  pour  être  foûtenues 
»  en  l'air  avec  des  cordes  ,  des  piquets  ,  &  de  petites 
»  pièces  de  bois  ,  ou  gros  bâtons. 

»  Il  eft  aifé  de  comprendre  que  ces  tentes  doi- 
»  vent  être  placées  d'une  manière  déterminée  ,  qui 
»  convienne  à  la  commodité  He  ceux  qui  habitent  le 
»  camp  ,  &  aux  précautions  néceffaires  pour  le  dé- 
»  tendre  :  ces  précautions,  &  tout  ce  qui  concerne 
»  la  fureté  du  camp ,  font  le  principal  objet  ou  la  baie 
»  de  fa  difpofition. 

»  Les  conféquences  tirées  de  ce  principe ,  ont  été 
»  différentes  fuivant  les  tems.  Les  anciens  refferroient 
»  le  campement  de  leurs  troupes ,  &  ils  formoient  un 
»  retranchement  tout  autour,  qui  étoit  prefque  toû- 
»  jours  quarré  chez  les  Romains.  Les  Turcs ,  &  quel- 
»  ques  autres  nations  de  l'Alie,  qui  font  la  guerre  le 
»  plus  fouvent  dans  des  pays  de  plaines  entièrement 
»  découvertes  ,  entourent  leur  camp  d'une  enceinte 
»  formée  par  leurs  chariots  &  autres  bagages. 

»  La  pratique  préfente  des  nations  de  l'Europe  eft 
»  toute  différente.  On  fait  confifter  la  fureté  du  camp 
»  à  la  facilité  qu'on  procure  aux  cavaliers  &  aux  fol- 
»  dats  de  fe  raffembler  devant  leurs  tentes ,  pour  s'y 
»  mettre  en  état  de  fe  défendre  contre  l'ennemi ,  Se 
»  le  combattre. 

»  C'eft  pourquoi  l'ordre  de  bataille  fixé  par  le  gé- 
»  néral ,  devant  être  regardé  comme  la  meilleure  dif- 
»  pofition  dans  laquelle  l'armée  puiffe  combattre  ,  il 
»  s'enfuit  que  les  troupes  doivent  camper  de  manière 
»  à  fe  raffembler  dans  cet  ordre  lorfqu'il  en  eft  be- 
»  foin  ,  &  que  le  terrein  le  permet. 

»  Ainfi  c'eft  l'ordre  de  bataille  qui  doit  décider 
»  abfolument  celui  du  campement  ;  ce  qui  eft  con- 
»  forme  à  ce  que  M.  le  marquis  de  Santa -Crux  ob- 
»  ferve  à  ce  fujet,  en  difant  :  que  la  bonne  règle  exige 
»  de  camper  félon  V  ordre  quon  marche  ,  &  de  marcher 
y»  félon  i ordre  dans  lequel  on  doit  combattre. 

»  Les  troupes  étant  deftinées  à  combattre  par  di- 
»  vifion  de  bataillons  5c  d'efeadrons ,  elles  doivent 
»  donc  camper  dans  le  même  ordre  ,  Se  être  arran- 
»  gées  dans  le  camp  de  la  même  manière  qu'elles  le 
»  lont  dans  l'ordre  de  bataille. 

»  D'où  il  fuit  :  que  V étendue  de  droit  à  gauche  des 
»  camps  particuliers  des  bataillons  &  des  efeadrons  ,  doit 
»  être  égale  au  front  que  ces  troupes  occupent  en  bataille  , 
»  &  qu'il  doit  y  avoir  entre  ces  camps  des  intervalles 
»  auffi  égaux  à  ceux  qu'on  met  alors  entre  les  mêmes 
»  troupes. 

>»  Par  cette  difpofition  ,  l'étendue  du  front  de  tout 
»  le  camp  de  droit  à  gauche  ,  eft  égal  au  front  de  l'or- 
»  dre  de  bataille  ;  Se  l'armée  étant  en  bataille  à  la  tête 
»  de  ce  front,  chaque  bataillon  &  chaque  efeadron 
»  peut  faire  tendre  Ion  camp  derrière  lui  :  ce  qui  étant 
»  fait ,  toutes  les  troupes  peuvent  entrer  eniemble 
»  dans  leur  camp ,  s'y  placer  prefque  en  un  moment , 
»  Se  en  loi  tir  de  même ,  s'ii  en  eft  befoin,  pour  com- 
»  battre. 

»  Si  le  camp  a  un  front  plus  grand  que  celui  de  l'ar- 
»  inée  en  bataille,  les  troupes,  en  le  formant  à  la 
»  tête  du  camp ,  bifferont  de  grands  intervalles  en- 


574 


C  A  M 


»  tr'elles  fi  elles  veulent  le  couvrir  ;  fi  au  contraire 
»  le  front  du  camp  eit  plus  petit,  les  troupes  n'au- 
>►  ront  pas  Pefpace  nécelfaire  pour  le  former  en  avant 
»  avec  lès  diftancés  preferites  par  le  général.  D'où 
h  l'on  voit  que  pour  éviter  ces  deux  inconvéniens , 
»  il  faut  que  le  front  du  camp  fe  trouve  fenfiblement 
»  écal  à  celui  de  l'armée  rangée  en  bataille ,  &  pour 
»  cela  que  le  camp  particulier  de  chaque  troupe,  joint 
»  à  l'intervalle  qui  le  fépare  du  camp  voiiin ,  ait  un 
»  front  égal  à  celui  de  la  même  troupe  Sx.  de  l'on  in- 
»  tervalle  en  bataille.  C'eft  aulîi  ce  que  preferit  M.  le 
»  maréchal  de  Puifcgur ,  qui  dit  dans  fon  livre  de  l'art 
»  de  la  guerre  :  que  la  première  règle  à  obferver  pour 
»  affeoir  un  camp  ,  ejl  de  lui  donner  au  moins  la  même 
»  étendue  que  les  troupes  occupent  en  bataille  ,  parce 
»  qu  il  faut  quelles  puifjent  être  mij'es  promptement  &  en 
»  tout  tems  en  ordre  pour  combatre. 

»  Remarque  fur  les  intervalles  qu'on  doit  lai  (fer  entre 
»  les  camps  de  différentes  troupes  de  f  armée.  Il  n'y  a  rien 
»  de  déterminé  ni  dans  l'ulage  ,  ni  dans  les  auteurs 
»  militaires ,  fur  la  largeur  des  eipaces  qui  doivent 
»  iéparer  les  corps  particuliers  de  l'armée. 

»  M.  de  Bombelles  dit  dans  fon  livre  fur  le  fervice 
»  journalier  de  l'infanterie ,  que  cette  détermination 
»  ne  fe  peut  faire  avec  précilion ,  parce  que  l'éten- 
»  due  du  front  du  camp  de  chaque  bataillon  dépend 
»  de  l'efpace  dans  lequel  le  général  veut  faire  cam- 
»  per  fon  armée.  Il  fuppoie  cependant  qu'en  terrain 
»  ordinaire  on  peut  donner  cent  vingt  pas  au  front 
»  d'un  bataillon,  y  compris  celui  de  ion  intervalle  ; 
»  comme  il  fuppoie  aufîi  que  le  camp  de  ce  bataillon 
»  doit  occuper  quatre-vingts-dix  pas  :  d'où  il  s'enfuit 
>>  que  félon  cet  oificier  général ,  trente  pas  font  un  ef- 
»  pace  fuffifant  pour  l'intervalle  des  bataillons  dans 
»1e  camp. 

»  D'autres  auteurs  ne  donnent  point  d'intervalles 
»  entre  tous  les  camps  des  bataillons  de  l'armée  ;  ils 
»  prelcrivent  feulement  de  iéparer  les  camps  des  ré- 
»  gimens  par  un  eipace  de  trente  pas:  mais  ils  n'ap- 
»  puient  ce  principe  d'aucune  railbn ,  enibrte  qu'il 
»  paroît  que  leur  intention  à  cet  égard  eft  unique- 
»  ment  de  divifer  le  camp  par  régimens.  Quoique 
»  cette  divifion  ibit  celle  qui  paroifle  la  plus  confor- 
»  me  à  l'ulage  préfent,  on  ne  peut  néantmoins  lare- 
»  garder  ni  comme  générale  ,  ni  comme  ayant  toû- 
»  jours  été  obfervée.  M.  Roland  lieutenant  colonel , 
»  &  Ingénieur  dans  les  troupes  de  Bavière,  qui  a 
»  donné  en  1733  un  très-bon  traité  de  Fortification, 
»  prétend  dans  cet  ouvrage ,  qu'il  a  toujours  vu  don- 
»  ner  dans  les  camps  ,  quarante  ou  cinquante  pas  de 
»  cheval  par  efeadron ,  &  pareille  diftance  pour  l'ef- 
»  pace  ou  l'intervalle  des  camps  particuliers  de  cha- 
»  cune  de  fes  troupes;  qu'il  a  vu  donner  de  même 
»  cent  pas  de  cheval  pour  le  front  du  camp  de  cha- 
»  que  bataillon,  &  autant  pour  fon  intervalle.  Cette 
»  pratique  qui  eft  conforme  aux  principes  ci-devant 
»  établis ,  peut  être  regardée  comme  une  règle  inva- 
»  riable,  file  général  veut  combattre  avec  des  inter- 
»  valles  égaux  aux  fronts  des  différentes  troupes  de 
»  fon  armée  :  mais  quel  que  foit  le  parti  qu'il  prenne 
»  à  cet  égard,  le  camp  particulier  de  chaque  troupe, 
»  joint  à  ion  intervalle ,  doit  toujours  répondre  fen- 
»  fiblement  au  front  &  à  l'intervalle  des  troupes  en 
»  bataille,  au  moins  fi  on  veut  obferver  quelque  re- 
»  gle  dans  la  détermination  du  front  du  camp. 

»  Il  fuit  des  principes  qui  ont  été  expolés  fur  l'é- 
»  tendue  ou  le  front  du  camp,  qu'il  doit  toujours  y 
»  avoir  devant  tous  les  corps  des  bataillons  &  des  ef- 
»  cadrons ,  un  terrein  libre  oii  l'armée  puiffe  fe  met- 
»  tre  en  bataille. 

»  C'eft  pourquoi  fi  l'on  eft  obligé  de  camper  dans 
»  des  lieux  embarraffés ,  la  première  choie  à  laquelle 
»  on  doit  veiller,  c'eft  de  faire  accommoder  le  ter- 
»  rein  de  manière  que  les  troupes  qui  l'occupent , 


C  A  M 

»  puiffent  communiquer  aifément  entr'elles,  &  fe 
»  mouvoir  fans  aucun  obltacle. 

»  L'ordre  de  bataille  étant  ordinairement  dirigé  du 
»  côté  de  l'ennemi  par  une  ligne  droite,  le  camp  eit  dé- 
»  terminé  du  même  côté  &  par  une  même  ligne  ,  lorf- 
»  que  le  terrein  le  permet.  On  place  fur  cette  ligne, 
»  ou  plutôt  quelque  pas  en  avant,  les  drapeaux  àc 
»  les  étendards  des  troupes  :  on  lui  donne  par  cette 
»  railbn  le  nom  de  front  de  bandiere ,  vieux  mot  Fran» 
»  çois  qui  fignifîe  baniere,  &  en  général  tout  figne  ou 
»  enfeigne  militaire.  C'eft  la  principale  ligne,  ou 
»  pour  s'exprimer  en  terme  de  Fortification,  la  ligne 
»  magiflrale  du  camp ,  à  laquelle  toutes  les  autres  fe 
»  rapportent. 

»  Après  avoir  expliqué  les  principes  qui  peuvent 
»  fervir  à  déterminer  le  front  de  bandiere  du  camp  , 
»  il  s'agit  de  dire  un  mot  de  fa  profondeur. 

»  Elle  eft  déterminée  par  celle  des  camps  des  ba- 
»  taillons  &  des  efeadions ,  qu'on  peut  évaluer  à  qua- 
»  tre-vingts  toiles.  Il  faut  obferver  que  la  féconde  li- 
»  gne  doit  avoir  un  terrein  devant  elle  allez  grand 
»  pour  fe  mettre  en  bataille ,  fans  que  les  dernières 
»  tentes  de  la  première  ligne  anticipent  fur  ce  ter- 
»  rein. 

»  L'éloignement  de  la  tête  du  camp  ou  du  front  de 
»  bandiere  de  la  première  ligne  à  celui  de  la  féconde, 
»  eft  affez  ordinairement  de  trois  ou  quatre  cents  pas, 
»  c'eft- à-dire,  de  cent  cinquante  ou  deux  cents  toi- 
»  fes:  on  donne  même  à  cet  intervalle  jufqu'à  cinq 
»  cents  pas  ou  deux  cents  cinquante  toiles ,  fi  le  ter- 
»  rein  eft  affez  fpacieux  pour  cela  :  mais  cette  diitan- 
»  ce  ne  peut  être  moindre  que  deux  cents  pas ,  autre- 
»  ment  la  queue  des  camps  de  la  première  ligne  s'é- 
»  tendroit  jufqu'à  la  tête  du  camp  de  la  féconde. 

»  Il  eft  très-utile  en  cas  d'attaque,  que  non-feule- 
>»  ment  le  camp  de  la  première  ligne  ait  affez  de  ter- 
»  rein  libre  en  avant,  pour  que  cette  ligne  puiffe  s'y 
»  porter  aifément  s'il  en  eft  beibin ,  ainfi  qu'on  l'a 
»  déjà  dit ,  mais  encore  pour  que  la  féconde  ligne  , 
»  paffant  par  les  intervalles  du  camp  de  la  première, 
»  puiffe  venir  fe  former  derrière  cette  première  à  une 
»  diftance  convenable  pour  la  loûtenir.  C'eft  pour- 
»  quoi  toutes  les  fois  qu'on  peut  procurer  cet  avan- 
»  tage  au  camp,  on  ne  doit  jamais  le  négliger,  fur- 
»  tout  lorfqu'on  eft  dans  un  camp  à  portée  de  l'en- 
»  nemi. 

»  Il  arrive  quelquefois  qu'on  fait  un  retranche-- 
»  ment  devant  tout  le  front  du  camp  :  alors  il  ne  doit 
»  y  avoir  aucun  obftacle  qui  empêche  les  troupes  de 
»  communiquer  librement  du  camp  au  retranche- 
»  ment. 

>»  Dans  les  pays  tels  que  la  Hongrie  &  les  provin- 
»  ces  voifmes  du  Danube ,  où  les  Allemands  font  la 
»  guerre  aux  Turcs  ,  tous  les  officiers  généralement 
»  fe  fervent  de  tentes:  mais  dans  la  Flandre,  l'AHe- 
»  magne ,  l'Italie  ,  &c  où  l'on  a  coutume  de  faire  la 
»  guerre,  &  où  il  le  trouve  beaucoup  de  villages  Se 
»  demaifons,  on  s'en  fert  pour  le  logement  des  offi- 
»  ciers  généraux  ,  c'eft-à-dire  ,  pour  celui  des  lieute- 
»  nans  généraux  &  des  maréchaux  de  camp.  Les  iour- 
»  riers  de  l'armée  leur  font  marquer  à  chacun  une 
»  mailon  dans  les  villages  qui  fe  trouvent  renfermés 
»  dans  le  camp.  Les  brigadiers  mêmes  peuvent ,  lui- 
v>  vant  les  ordonnances  militaires,  le  loger  dans  une 
»  mailon,  s'il  s'en  trouve  à  la  queue  de  leur  briga- 
>t  de  :  mais  les  colonels  &  les  autres  officiers  infe- 
»  rieurs  doivent  néceifairement  camper  à  la  queue 
»  de  leurs  troupes,  félon  les  mêmes  ordonnances. 

»  On  a  foin  que  les  officiers  généraux  foient  cam- 
»  pés  ou  logés  à  côté  des  troupes  ou  des  parties  de 
»  l'armée  qu'ils  commandent  :  ainfi  ceux  qui  com- 
»  mandent  à  la  droite  ou  à  la  gauche  de  l'armée  ,  oc- 
»  cupent  les  villages  qui  le  trouvent  dans  ces  parties, 
»  tk  les  autres  ceux  qui  font  vers  le  centre;  lorfque 


c 


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«>  ces  villages  ne  feront  pas  fuffifamment  couverts 
m  ou  gardés  par  les  troupes  du  camp ,  on  fait  cam- 
»  perpourla  fureté  des  officiers  qui  y  font  logés,  des 
»  corps  de  troupes  qui  mettent  ces  lieux  à  l'abri  de 
»  toute  infulte.  Ejjaijitr  la  cajlramétation  ,  par  M.  le 
»  Blond. 

Camp  rétranché,  c'eftiin  efpace  fortifié  pour 
y  renfermer  un  corps  de  troupes,  &  le  mettre  à  cou- 
vert des  entrepriies  d'un  ennemi  fupérieur  :  les  camps 
retranchés  le  conffruifent  ordinairement  dans  les  envi- 
rons d'une  place  dont  le  canon  peut  lervir  à  leur  dé- 
fenfe  ;  6c  ils  ont  particulièrement  pour  objet  de  cou- 
vrir &  de  protéger  une  place  dont  la  fortification  ne 
permettroit  pas  une  longue  réiiffance. 

Le  retranchement  dont  les  camps  retranches  font 
entourés,  ne  co.nfiite  guère  que  dans  un  fofié,  &  un 
parapet  flanqué  de  quelques  redans ,  ou  de  baf- 
tions.  Les  troupes  font  campées  environ  à  cent  vingt 
toiies  du  retranchement.  Voye^  Plan.  XII.  de  l'Art 
milit.  une  partie  d'un  camp  retranche'  dans  un  terreïn. 
inégal. 

C'eft  des  Turcs,  dit  M.  le  Marquis  de  Feuquie- 
res  ,  que  nous  avons  Pillage  des  camps  retranchés, 
fous  le  nom  de  palan.jues.  Cet  ufage  elt  fort  bon 
quand  il  elt  judicieulement  pris,  6c  j'approuve  la 
-  que  M.  de  Vauban  a  eue  d'en  conlfruire  lous 
quelques-unes  des  places  du  Roi:  mais  il  ne  faut  pas 
pour  cela  en  faire  ions  toutes  les  places  qui  leroient 
lufccptibics  d'une  pareille  protection,  parce  qu'on 
ne  pourroit  pas  les  garnir  luffilamment  de  troupes , 
Se  qu'ainlî  ces  camps  retranchés  feroient  plus  préjudi- 
ciables que  profitables.  Voici  le  cas  où  je  les  ap- 
prouve. 

Lorlque  le  prince  a  la  guerre  à  foùtenir  de  plu- 
fieurs  côtés  de  Ion  état,  que  de  quelques-uns  de 
ces  côtés  il  veut  demeurer  lur  la  défenlive,  &  qu'à 
la  tète  de  ce  pays  il  y  a  une  place  dont  la  conftruc- 
tion  permet  d'y  placer  un  camp  retranché  ;  le  prince 
en  peut  ordonner  la  conlhuction  d'avance,  afin  qu'il 
loit  bon  ,  6c  que  par-là  l'ennemi  foit  forcé  d'attaquer 
ce  camp  dans  les  lormes,  avant  que  de  pouvoir  allié- 
ger  la  place. 

Lorlqu'une  ville  cft  grande,  que  fon  circuit  n'a 
pu  «.lie  fortifié  régulièrement  à  caufe  de  la  grande 
dépenfe,  &  que  cependant  la  conlervation  eft  nécef- 
faire ,  on  peut  pour  la  protection  y  placer  un  camp 
retranché  lorlque  fa  lituation  la  rend  lufceptible  de  le 
recevoir.  Lorlqu'on  ne  veut  garder  qu'un  petit  corps 
à  la  tête  d'un  pays,  lbit  pour  empêcher  les  courfes 
de  l'ennemi,  loit  pour  pénétrer  dans  le  pays  enne- 
mi ,  on  peut  chercher  la  ville  la  plus  commode  pour 
les  effets  dont  je  viens  de  parler,  &C  y  conlfruire  un 
Camp  retranché,  parce  qu'il  elf  plus  ailé  de  le  fervir 
des  troupes  qui  lont  dans  un  camp  retranché,  que  de 
celles  qui  font  logées  dans  une  ville,  dont  le  lervice 
ne  lauroit  être  aufîi  prompt  que  celui  des  troupes 
campées. 

Lorlqu'on  veut  protéger  une  place  dominée  par 
dés  hauteurs,  6c  qu'il  s'en  trouve  quelques  unes  où 
lin  camp  retranché  peut  être  placé  de  manière  que  la 
communication  de  ce  camp  à  la  place  ne  puifle  point 
être  ôtee,  qu'il  éloigne  la  circonvallation, qu'il  ne  foit 
point  dominé,  6c  lous  le  feu  du  canon  de  l'ennemi , 
ou  qu'il  donne  quelque  liberté  au  fecours  qu'on  pour- 
roit introduire  dans  la  place,  ou  une  facilité  à  l'ar- 
mée qui  veut  (ecourir,  de  s'appiocher  de  ce  camp; 
on  y  peut  taire  un  camp  retranché. 

Loi  luu'une  place  le  trouve  fituée  fur  une  rivière, 
6c  qu'elle  elt  du  même  côté  par  lequel  l'ennemi  la 
peut  le  plus  favorablement  aborder  pour  en  for- 
mer le  liège,  on  peut  encore  en  ce  cas  avoir  un 
camp  retranché  de  l'autre  côte  de  la  rivière,  princi- 
palement file  terrein  fe  trouve  difpoféde  manière 
que  de  cet  autre  côté  de  la  rivière  il  le  trouve 


575 


une  hauteur  voifine  dont  l'occupation  force  l'en- 
nemi à.  une  circonvallation  étendue  de  ce  côté-là  ; 
parce  que  cette  grande  circonvallation  ainfi  féparée 
&  coupée  par  une  rivière  ,  rendra  la  place  bien  plus 
ailée  à  lecourir. 

On  peut  encore  faire  un  camp  retranché  au-devant 
des  fortifications  d'une  place ,  lorfqu'il  peut  être  fait 
de  manière  qu'il  éloigne  l'attaque ,  6c  que  l'ennemi 
foit  obligé  à  ouvrir  une  tranchée  ,  &  à  prendre  les 
mêmes  établilTemcns  contre  ce  camp  retranché  ,  que 
pour  l'attaque  même  de  la  place  ;  6c  qu'après  qu'il 
aura  forcé  les  troupes  qui  lont  dans  ce  camp  à  la 
lui  abandonner ,  la  terre  qui  y  aura  été  remuée  ne 
donnera  pas  des  établilTemens  contre  la  place. 

Enfin  les  camps  retranchés  font  d'un  fort  bon  ufagè 
dans  les  efpeces  dont  je  viens  de  parler,  pourvu  qu'ils 
foient  bons  ,  qu'ils  ayent  les  épailTeurs  convenables 
pour  foùtenir  les  efforts  de  l'artillerie  ennemie  ;  qu'ils 
loient  protégés  de  la  place  qu'ils  protègent  ;  qu'ils  y 
tiennent,  6V  que  les  flancs  en  foient  en  fureté  par  la 
protection  du  canon  de  la  place  &  des  ouvrages,  & 
fous  le  feu  de  la  moufqueterie  du  chemin  couvert  ; 
lans  quoi  ils  pourroient  être*  dangereux  à  foùtenir 
avec  trop  d'opiniâtreté  :  lorlqu'on  les  veut  foùtenir 
avec  opiniâtreté  ,  à  caufe  de  leur  conféquence  pour 
la  durée  d'un  fiége,  l'on  y  peut  faire  un  fécond  re- 
tranchement intérieur ,  qui  fera  garni  d'infante. ie  le 
jour  qu'on  craindra  d'être  attaqué  de  vive  force, 
afin  que  le  feu  de  cette  infanterie  facilite  la  retraite 
des  troupes  forcées ,  &  contienne  l'ennemi  qui  pour- 
f uivroit  avec  chaleur  les  troupes  forcées  jufque  dans 
le  chemin  couvert  de  la  place. 

Tous  les  camps  retranchés  doivent  être  conftruits 
de  manière  que  les  troupes  qui  y  lont  campées  foient 
à  couvert  du  feu  du  canon  de  l'ennemi  :  car  il  ne 
Faut  pas  que  par  Ion  artillerie  il  en  puifle  enfiler  au- 
cune partie  :  fi  cela  étoit,  le  camp  deviendroit  fort 
difficile  à  foùtenir ,  trop  peu  tranquille  ,  &  trop  coû- 
teux. 

Ce  que  j'ai  dit  jufqu'à  préfent  des  camps  retran- 
chés ,  ne  regarde  que  ceux  qui  font  conlt i  uits  pour 
un  corps  d'infanterie,  pour  rendre  une  circonval- 
lation plus  difficile  ,  pour  éloigner  l'attaque  du  corps 
de  la  place ,  6c  par  conséquent  augmenter  la  curée 
du  fiége.  Il  ne  relie  plus  lur  cette  matière  qu'à  dire 
quel  elt  l'ufage  des  camps  retranchés  pour  y  mettre 
auffi  de  la  cavalerie. 

L'ufage  de  ces  camps  n'eft  que  dans  certains  cas  ," 
qui  regardent  plutôt  la  guerre  de  campagne  que  celle 
des  fiéges  ;  6c  voici  quels  ils  font. 

Ou  l'on  veut  dans  les  guerres  offenfivcs  6c  défen- 
lîves  faire  des  courfes  dans  le  pays  ennemi  ;  ou  l'on 
veut  empêcher  que  l'ennemi  n'en  fade  commodé- 
ment ,  6c  ne  pénètre  le  pays  ;  ou  l'on  veut  pou- 
voir mettre  les  convois  en  fureté  fous  une  place  où 
il  ne  feroit  pas  commode  de  les  faire  entrer. 

Dans  tous  ces  cas  l'on  peut  conltruire  un  camp  re- 
tranché fous  une  place  ;  6c  pour  lors  il  faut  avoir 
plus  d'attention  à  la  commodité  de  la  lituation  pour 
y  entrer  6:  en  lortir  facilement,  6c  à  Ion  voifina- 
gedes  eaux ,  qu'à  fa  force  par  rapport  à  la  défen- 
lc  de  la  place.  Ces  camps  font  toujours  de  lervice, 
pourvu  qu'ils  foient  hors  d'infulte ,  gardés  par  un 
nombre  d'infanterie  fuffiiànt  ,  6c  allez  étendus  pour 
y  camper  commodément  la  cavalerie  ,  6c  taire  en- 
trer Cv  rellortir  les  charrois  des  convois  fans  em- 
barras. 

Voilà  ,  ce  me  fcmble  ,  tous  les  ufages  différens 
qu'on  peut  faire  des  camps  retranchés  :  ils  font  tous 
fort  utiles  :  mais  il  ne  faut  pas  pour  cela  avoù  trop  de 
ces  camps  retranchés  :  il  doit  fuÎHre  d'en  avoir  un  bon 
fous  une  place  principale  fur  une  frontière;  parce 
que  leur  garde  confommeroit  trop  d'hommes  ,  qui 


576 


C  A 


feraient  de  moins  au  corps  de  l'armée.  Tout  ceu  eft 
tiré  des  Mémoires  de  M.  le  marquis  de  Feuquiere. 

Camp  volant  ,  eft  un  petit  corps  d'armée  com- 
pofé  de  quatre,  cinq  ou  fix  mille  hommes  ,  &  quel- 
quefois d*un  plus  grand  nombre ,  d'infanterie  &  de 
cavalerie ,  qui  tiennent  continuellement  la  campa- 
gne ,  &  qui  Vont  différais  mouvemens  pour  empê- 
cher les  incui  lions  de  l'ennemi ,  ou  pour  taire  échouer 
leurs  entrepriiés ,  intercepter  les  convois  ,  fatiguer 
le  pays  voifin ,  &  pour  le  jetter  dans  une  place  aiiié- 
gée  en  cas  de  beibin.   (Q) 

Camp  prétorien  ,  (Hift.  anc-. )  c'étoit  chez  les 
Romains  une  grande  enceinte  de  bâtiment,  qui  ren- 
fermoit  plulieurs  habitations  pour  loger  les  loldats  de 
la  garde  ,  comme  pourroit  être  aujourd'hui  l'hôtel 
des  moulquetaires  du  Roi  à  Paris. 

Camp  ,  (  Commerce.')  Les  Siamois ,  &  quelques  au- 
tres peuples  des  Indes  orientales ,  appellent  des  camps 
les  quartiers  qu'Us  aflignent  aux  nations  étrangères 
qui  viennent  taire  commerce  chez  eux  :  c'eft  dans 
ces  camps ,  où  chaque  nation  forme  comme  une  ville 
particulière ,  que  le  fait  tout  leur  négoce  ;  &  c'eûMà 
où  non-feulement  ils  ont  leurs  magalins  &  leurs  bou^ 
tiques ,  mais  aulîi  où  ils  demeurent ,  avec  leur  fa- 
mille ,  &  leurs  fadeurs  S:  commilhonnaires.  Les  Eu- 
ropéens font  pourtant  exempts  à  Siam  ,  6c  prefque 
par-tout  ailleurs  ,  de  cette  lujétion;  &  il  leur  eft  li- 
bre de  demeurer  dans  la  ville  ou  dans  les  faubourgs, 
comme  ils  le  jugent  à  propos  pour  leur  commerce. 

(G) 

CAMPAGNA  ,  (Géog.)  ville  d'Italie  au  royaume 

de  Naples,  dans  la  principauté  ultérieure.  Lon,  32. 

4J.  lat.41.42. 

CAMPAGNANO,  (Géog.)  petite  rivière  d'Italie 
au  royaume  de  Naples,  dans  la  Calabre  citérieure. 

CAMPAGNE ,  f.  f.  en  terme  de  Guerre ,  fignifie  l'ef- 
pace  de  tems  de  chaque  année  que  l'on  peut  tenir 
les  troupes  en  corps  d'armée. 

Les  Allemands  commencent  leur  campagne  fort 
tard ,  &c  attendent  fouvent  jufqu'après  la  moiflbn  : 
les  François  ouvrent  la  campagne  de  bonne  heure  ; 
ils  la  commencent  quelquefois  dès  la  fin  de  l'hyver  ; 
&  cette  méthode  leur  eft  fort  avantageule.  Ce  qui 
doit  décider  de  l'ouverture  de  la  campagne ,  ce  font  les 
moilîbns  :  il  faut  ou  de  grands  magalins  pour  la  nour- 
riture des  chevaux,  ou  que  la  terre  foit  en  état  de 
pourvoir  à  leur  fubliftance  ;  ce  qui  ne  fe  peut  guère 
que  vers  le  milieu  du  mois  de  Mai.  Voye{  FoURAGE. 

(Q) 

CAMPAGNE  ,  (  Marine.')  faire  une  campagne  ;  on 
entend  fur  mer  par  le  mot  de  campagne ,  le  tems  que 
dure  un  armement  ,  foit  pour  faire  un  voyage  de 
long  cours ,  foit  le  tems  que  dure  une  croifiere  ,  ou 
celui  qu'une  armée  navale  peut  tenir  la  mer.  (  Z  ) 

Campagne  ,  (Géog.)  petite  ville  de  France  dans 
l'Armagnac  ,  fur  la  Douze. 

Campagne  de  Rome  ,  (  la  )  Géog.  province 
d'Italie  bornée  à  l'oueit  par  la  mer  &  le  Tibre  ;  au 
fud  ck  àl'eft  par  la  mer  ,  l'Abruzze  ,  &  le  pays  de 
Labour;  Si  au  nord  par  la  Sabine. 

CAMPANE ,  f.  f.  terme  d' Architecture  ,  du  Latin 
campana,  cloche.  On  donne  ce  nom  au  corps  du  cha- 
piteau corinthien  &  de  celui  du  compolite  ,  parce 
qu'ils  reffemblent  à  une  cloche  renverlée  :  on  l'ap- 
pelle auffi  vajï  ou  tambour,  &  le  rebord  qui  touche 
au  tailloir  le  nomme  lèvre. 

Campane  ,  ornement  de  fculpture  en  manière  de 
crépines  ,  d'où  pendent  des  houpes  en  forme  de 
clochettes  pour  un  dais  d'autel ,  de  throne ,  de  chai- 
re à  prêcher ,  comme  la  campane  de  bronze  qui  pend 
à  la  corniche  compofite  du  baldaquin  de  S.  Pierre 
de  Rome. 

Campane  de  comble  ,  ce  font  certains  ornemens 
de  plomb  chantournés  &c  évuidés  qu'on  met  au  bas 


C  A  M 

du  faîte  d'un  comble,  comme  il  s'en  voit  de  dorés 
au   château  de  Verlailles. 

Campanes  ,  voye^_  Gouttes.  (P) 

Campane  ,  ouvrage  de  Boutonnier ;  c'eft  une  efpe» 
ce  de  crépine  ou  de  frange  faite  de  fil  d'or  ,  d'argent, 
ou  de  foie ,  qui  fe  termine  par  en-bas  d'elpace  à  au- 
tre par  de  petites  houpes  lemblables  à  des  clochettes; 
ce  qui  leur  a  fait  donner  le  nom  de  campane ,  qui 
vient  du  mot  Latin  campana. 

Quoique  les  marchands  Merciers  vendent  dans 
leurs  boutiques  des  houpes  &  campanes  coulantes 
ou  arrêtées,  montées  fur  moules  &  bourrelets, 
noiiées  &  à  l'aiguille  ,  il  n'y  a  cependant  que  les 
maîtres  Paffèmentiers-Boutonniers  qui  ayent  la  fa-< 
culte  de  les  fabriquer  ,  luivant  l'article  vingt-troi- 
lîeme  de  leurs  ftatuts  du  mois  d'Avril  1653. 

Campane  ,  tirage  des  Joies  ;  c'eft  le  nom  que  les 
Piémontois  ont  donné  à  une  des  roues  principales  de 
la  machine  à  tirer  les  foies.  Voye^  à  l'artick  Soie, 
le  tirage  des  Joies. 

CAMPANELLA  (  Philo fophie  de).  Campanella 
étoit  de  Stilo  ,  petite  ville  de  la  Calabre  :  il  prit  l'ha- 
bit de  S.  Dominique  à  l'âge  de  treize  ans.  On  l'accula 
d'héréfie  ;  c'eft  pourquoi  les  juges  de  l'inquifition  le 
tinrent  en  prifon  pendant  vingt-cinq  ans.  Le  pape 
Urbain  VIII.  obtint  fa  liberté.  Il  vint  à  Paris  en  1634; 
&  le  cardinal  de  Richelieu,  qui  avoit  une  eftime 
particulière  pour  les  favans,  lui  fit  de  grands  biens. 
Il  mourut  à  Paris  en  1639,  âgé  de  7 1  ans ,  après  une 
grande  mélancholie,  &  un  dégoût  extraordinaire. 

Campanella  le  croyoit  fait  pour  donner  à  la  Philo- 
fophie  une  face  nouvelle  :  fon  efprit  hardi  &  indépen-" 
dant  ne  pouvoit  plier  fous  l'autorité  d'Ariftote  ,  ni 
de  les  commentateurs.  Il  voulut  donner  le  ton  à  fon 
fiecle  ;  &  peut-être  qu'il  en  feroit  venu  à  bout ,  s'il 
n'eût  fallu  que  de  l'elprit  &  de  l'imagination.  On  ne 
peut  nier  qu'il  n'ait  très-bien  apperçû  les  défauts  de 
laphiloiophie  fcholaltique,  &  qu'il  n'ait  entrevu  les 
moyens  d'y  remédier  :  mais  fon  peu  de  jugement  &C 
de  folidite  le  rendirent  incapable  de  réufiir  dans  ce 
grand  projet.  Ses  ouvrages  remplis  de  galimathias, 
fourmillent  d'erreurs  &  d'abfurdités  :  cependant  il 
faut  avouer  qu'il  avoit  quelquefois  de  bons  inter- 
valles ;  &  on  peut  dire  de  lui  ce  qu'Horace  difoit 
d'Ennius  : 

Cumftueret  lutulentus  ,  erat  quodtollere  v elles. 

On  allure  qu'il  prétendoit  connoître  la  penfée  d'u~. 
ne  perlbnne  ,  en  lé  mettant  dans  la  même  fituation 
qu'elle,  &  en  difpofant  les  organes  à-peu-près  de  la 
même  manière  que  cette  perlbnne  les  avoit  dilpolés. 
Ce  fentiment  devroit  paroître  bien  fmgulier,  fi  on  ne 
favoit  qu'il  n'eft  pas  néceffaire  ,  pour  prendre  plaifir 
à  mettre  au  jour  des  choies  extraordinaires,  de  les 
croire  véritables  ;  mais  qu'il  fuffit  d'efpérer  que  le 
peuple  les  regardera  comme  des  prodiges,  &  que 
par  leur  moyen  on  palTera  foi-même  pour  un  pro- 
dige. 

Dialectique  de  Campanella.  Pour  mettre  les  lec- 
teurs en  état  de  fe  former  une  idée  de  l'elprit  phi- 
lolbphique  de  Campanella  ,  nous  allons  mettre  ici  les 
lentimens. 

1.  La  dialectique  eft  l'art  ou  l'inftrument  du  fage  , 
qui  lui  enfeigne  à  conduire  fa  raiibn  dans  les  feien- 
ces. 

2.  La  Logique  fe  divife  en  trois  parties  ,  qui  ré- 
pondent aux  trois  a£tes  de  l'entendement ,  la  con- 
ception ,  le  jugement ,  &  le  railonnement. 

3.  La  définition  n'eft  pas  différente  du  terme:  or 
les  termes  font  ou  parfaits  ou  imparfaits. 

4.  Les  termes  font  les  femences ,  &  les  définitions 
font  les  principes  des  feiences. 

5.  La  Logique  naturelle  eft  une  efpece  de  parti- 
cipation de  l'intelligence  de  Dieu  même,  par  laquelle 

nous 


C  A 


C  A  M 


ïicus  fortunes  raifonnables  :  la  Logique  artificielle  eft 
l'art  de  diriger  notre  cîprit  parle  moyen  de  certains 
préceptes. 

6.  Les  termes  font  les  figues  de  nos  idées. 

7.  Le  genre  eft  un  terme  qui  exprime  une  fimili- 
tude  efféntielle  qui  fe  trouve  entre  plufieurs  êtres 
communs. 

8.  L'eipece  eft  un  terme  qui  exprime  une  fimili- 
tude  efféntielle  entre  plufieurs  individus. 

9.  La  différence  eft  un  terme  qui  divile  le  genre , 
&C  qui  conftitue  Fefpece. 

10.  La  définition  eft  un  terme  complexe ,  qui  ren- 
ferme le  genre  &  la  différence. 

1 1 .  Le  propre  eft  un  terme  qui  fignifie  l'état  par- 
ticulier des  choies. 

1 2.  L'accident  eft  un  terme  qui  fignifie  ce  qui  n'eft 
point  efléntiel  à  un  être. 

1 3 .  La  première  fubftance ,  qui  eft  la  bafe  de  tout, 
&  qui  ne  le  trouve  dans  aucun  fujet ,  c'eft  Fefpace 
qui  reçoit  tous  les  corps  :  en  ce  fens  Dieu  eft  une  fubf- 
tance improprement  dite. 

14.  La  fubftance  eft  un  être  fini,  réel ,  fubfiftant 
par  lui-même,  parfait,  &  le  premier  fujet  de  tous  les 
accidens. 

15.  La  quantité,  qui  eft  le  fécond  prédicament, 
eft  la  mefure  intime  de  la  iubftance  matérielle;  & 
elle  eft  de  trois  fortes;  le  nombre,  le  poids  ,  6c  la 

are. 

16.  La  divifion  eft  la  réduction  d'un  tout  dans  fes 
parties  ,  lbit  qu'on  regarde  le  tout  comme  intégral  , 
ou  comme  quantitatif  ,  ou  comme  ejj'entiel,  ou  com- 
me potentiel,  ou  comme  univerjil. 

17.  Il  y  a  plufieurs  manières  de  définir,  parce 
qu'il  y  a  plufieurs  manières  d'être. 

18.  Dieu  ne  peut  point  être  défini,  parce  qu'il  n'a 
qu'une  différence  négative. 

19.  La  deicription  eft  un  difeours  qui  indique  l'ef- 
fence  d'une  chofe  par  des  propriétés,  par  des  effets, 
ck  par  des  fimilitudes. 

10.  Le  nom  eft  un  terme  qui  fignifie  proprement 
Vejjence  des  chofes  ;  &  le  verbe  eft  un  terme  qui  figni- 
fie V action  des  ckojès. 

21.  L'argumentation  eft  l'action  par  laquelle  l'ef- 
prit  va  de  ce  qui  lui  eft  connu  à  ce  qui  lui  eft  in- 
connu ,  pour  le  connoître ,  le  déclarer,  6c  le  prouver. 

22.  Les  fens  font  le  fondement  de  toutes  lesfcien- 
ces  humaines. 

23.  Le  fyllogifme  eft  compofé  de  deux  proposi- 
tions, dans  l'une  defquelles  fe  trouve  le  fujet  de  la 
conclufion  ,  6c  dans  l'autre  l'attribut  de  la  même 
conclufion. 

24.  L'induttion  eft  un  argument  qui  conclut  du 
dénombrement  des  parties  au  tout. 

25.  L'expofition  eft  la  preuve  d'une  propofition  , 
par  d'autres  propositions  plus  claires  &  équipol- 
ïentes. 

26.  L'enthimème  eft  un  fyllogifme  tronqué,  dans 
lequel  on  foufentend  ou  la  majeure  ou  la  mineure. 

17.  La  Science  conlifte  à  connoître  les  choies  par 
leurs  caules. 

Voilà  ce  qu'il  y  a  de  moins  déraifonnable  dans  la 
Logique  de  Campanella  :  le  lefteur  eft  en  état  de  ju- 
ger s'il  eft  ou  plus  clair  ou  plus  méthodique  qu'Arif- 
tote ,  &  s'il  a  ouvert  une  route  plus  ailée  6c  plus  cour- 
te que  cet  ancien  philolbphe. 

Phyjtque  de  Campanella.  1.  Les  fens  font  la  bafe  de 
la  Phyfique:  les  connoiffances  qu'ils  nous  donnent 
font  certaines ,  parce  qu'elles  naiilent  de  la  préfence 
même  des  objets. 

2.  L'eflence  d'une  chofe  n'eft  point  différente  de 
fon  exiftenc'e  ;  ce  qui  n'a  point  d'exiftence  ne  peut 
avoir  d'eflence. 

3.  Ce  qui  exifte  phyfiquement,  exifte  dans  un 
Jieu. 

J'orne  II, 


■ 

4.  Le  lieu  eft  la  fubftance  première  :  elle  eft  fpi- 
rituelle ,  immobile  ,  &  capable  de  recevoir  tous  les 
corps. 

5.  Il  n'y  a  point  de  vuide  ,  parce  que  tous  les 
corps  fentent,  &  qu'ils  font  doiiés  du  fens  du  taft  : 
mais  il  eft  poffible  qu'il  y  ait  du  vuide  par  violence. 

6.  Le  tems  eft  la  durée  fucceftive  des  êtres  :  c'efl 
la  mefure  du  mouvement,  non  pas  réellement ,  mais 
feulement  dans  notre  penfée. 

7.  Le  tems  peut  mefurer  le  repos ,  &  on  peut  le 
concevoir  fans  le  mouvement  ;  il  eft  compofé  de  par- 
ties indivifibles  d'une  manière  fenfible  :  mais  l'imagi- 
nation peut  le  divifer  fans  fin. 

8.  Il  n'eft  point  prouvé  que  le  tems  ait  commen- 
cé :  mais  on  peut  croire  qu'il  a  été  fait  avec  l'efr 

pace. 

9.  Dieu  mit  la  matière  au  milieu  de  l'efpace ,  & 
il  lui  donna  deux  principes  adifs  ,  favoir  la  chaleur 
&  le  froid. 

10.  Ces  deux  principes  ont  donné  naiffance  à  deux 
fortes  de  corps  :  la  chaleur  divifa  la  matière  &  en  fit 
les  cieux  :  le  froid  la  condenfa  ,  &  en  fit  la  terre. 

11.  Une  chaleur  violente  divifa  fort  vite  une  por- 
tion de  matière  ,  &  fe  répandit  dans  les  lieux  que 
nous  appelions  élevés  :  le  froid  fuyant  fon  ennemie 
étendit  les  cieux  ,  &  fentant  fon  impuiffance  ,  il  reu- 
nit quelques-unes  de  fes  parties,  &  il  brilla  dans  ce 
que  nous  appelions  étoiles. 

12.  La  lune  cil  compofée  de  parties  qui  ne  bril- 
lent point  par  elles-mêmes  ,  parce  qu'elles  font  en- 
gourdies parle  froid  de  la  terre  ;  au  lieu  que  les  cieux 
étant  fort  éloignés  du  globe  terreftre ,  &  n'en  crai- 
gnant point  le  froid ,  lont  remplis  d'une  infinité  d'é- 
toiles. 

1 3 .  Le  folcil  renferme  une  chaleur  fi  confidérable, 
qu'il  eft  en  état  de  fe  défendre  contre  la  terre. 

14.  Le  foleil  tournant  autour  de  la  terre  &  la  corri- 
battant,  ou  il  en  divife  les  parties,  &  voilà  de  l'air 
&  des  vapeurs  ;  ou  il  la  diflbut ,  &  voilà  de  l'eau  ;  où 
il  la  durcit ,  &  il  donne  naiffance  aux  pierres  :  s'il  là 
diflbut  6c  la  durcit  en  même  tems ,  il  fait  naître  des 
plantes  ;  s'il  la  diflbut ,  la  durcit ,  &  la  divile  en  même 
tems  ,  il  tait  naître  des  animaux. 

15.  La  matière  eft  invilible  ,  &  par  conféquent 
noire. 

16.  Toutes  les  couleurs  font  compofées  des  ténè- 
bres, de  la  matière,  6c  de  la  lumière  du  foleil. 

17.  La  lumière  eft  une  blancheur  vive  :  la  blan- 
cheur approche  fort  de  la  lumière  ;  enfuire  viennent 
le  rouge  .  l'orangé  ,  le  verd  ,  le  pourpre  ,  &c. 

18.  Les  cieux  ne  font  point  fujets  à  la  corruption, 
parce  qu'ils  font  compofés  de  feu  ,  qui  n'admet  point 
les  corps  étrangers  ,  qui  feuls  donnent  naiffance  à  la 
pourriture. 

19.  Il  y  a  deux  élémens  ,  favoir  le  foleil  Se  la  terre, 
qui  engendrent  toutes  choies. 

20.  Les  comètes  font  compofées  de  vapeurs  fub- 
tiles  ,  éciairées  par  la  lumière  dit  foleil. 

21.  L'air  n'eft  point  un  élément ,  parce  qu'il  n'en- 
gendre rien ,  &  qu'il  eft  au  contraire  engendré  par 
le  foleil  ;  il  en  eft  de  même  de  Pc 

22.  La  différence  du  mâle  6c  de  la  femelle  ne 
vient  cpie  de  la  différente  irttenfité  de  la  chaleur. 

23.  Nous  fommes  compofés  de  trois  fubftances,' 
du  corps ,  de  Pefprit ,  &  de  Pâme.  Le  corps  cil  l'or- 
gane ;  Pefprit  eft  le  véhicule  de  l'aine  ;  6c  Pâme  donne 
la  vie  au  corps  &  à  Pefprit. 

Voilà  une  très-petite  partie  des  principes  &  des 
opinions  qu'on  trouve  clans  les  ouvrages  de  Campa- 

'a  fur  la  Phyfique.  Il  eft  fingulier  qu'un  homme 
qui  fe  donnoit  pour  le  reftaurateur  de  la  Phifofophie, 
n'ait  pas  pris  plus  de  foin  de  déguifer  les  larcins.  Il 
fuffit  d'avoir  une  connoiffance  médiocre  des  fenti- 
mens  philoibphiques  des  anciens  &  des  modernes  « 

DDdd 


5?3 


C  A  M 


pour  reconnoître  tout  d'un  coup  les  fources  où  Cam- 
panella  a  puifé  la  plupart  des  idées  que  nous  venons 
d'expofer.  Je  ne  parle  point  ici  des  abiurdités  qui 
rempliiTent  les  ouvrages  de  notre  Dominiquain  : 
fottife  pour  fottife  ,  il  me  femble  que  les  anciennes 
font  auffi  bonnes  que  les  modernes  ;  &  il  étoit  affez 
inutile  d'étourdir  le  monde  lavant  par  des  projets 
de  réforme  ,  lorsqu'on  n'avoit  que  des  chimères  à 
propofer.  Foyei  AristotelisME. 

Comme  le  livre  où  Campanella  donne  du  fenti- 
ment  aux  êtres  les  plus  infenfibles ,  fit  beaucoup  de 
bruit  dans  le  tems,  on  fera  peut-être  bien  aile  d'en 
voir  ici  l'extrait ,  d'autant  plus  que  cet  ouvrage  eft 
extrêmement  rare.  Il  eft  intitulé  defenfu  rerum. 

i .  On  ne  donne  point  ce  qu'on  n'a  point  ;  par  con- 
féquent  tout  ce  qui  eft  dans  un  effet ,  eft  auffi  dans 
fa  caufe  :  or  comme  les  animaux  ont  du  fentiment , 
èc  que  le  fentiment  ne  fort  point  du  néant ,  il  faut 
conciurre  que  les  élémens  qui  font  les  principes  des 
animaux  ,  ont  auffi  du  fentiment  ;  donc  le  ciel  &  la 
terre  fentent. 

2.  Le  fentiment  n'eft  pas  feulement  une  pafiion  : 
mais  il  eft  fouvent  accompagné  d'un  raifonnement  fi 
prompt ,  qu'il  n'eft  pas  poffible  de  s'en  appercevoir. 

3.  Si  le  fentiment  elt  une  pajfwn  ,  &  fi  les  élémens 
&  les  êtres  qui  en  font  compotes  ont  des  paffions  , 
tous  les  êtres  ont  donc  du  fentiment. 

4.  Sans  le  fentiment ,  le  monde  ne  feroit  qu'un 
chaos. 

5.  L'inftincT:  eft  une  impulfion  de  la  nature,  la- 
quelle éprouve  quelque  fentiment  :  donc  ceux  qui 
prétendent  que  tous  les  êtres  agiffent  par  inftincl: , 
doivent  par  conféquent  fuppoler  qu'ils  agiffent  par 
fentiment  ;  car  ils  accordent  que  tous  les  êtres  na- 
turels agiffent  pour  une  fin  :  il  faut  donc  qu'ils  la  con- 
noiffent  cette  fin  ;  donc  l'inftinct  eft  une  impulfion 
qui  fuppofe  de  la  connoiffance  dans  la  nature. 

6.  Tous  les  êtres  ont  horreur  du  vuide  ;  donc  ils 
ont  du  fentiment ,  &  on  peut  regarder  le  monde  com- 
me un  animal. 

7.  Il  feroit  ridicule  de  dire  que  le  monde  n'a  point 
de  fentiment ,  parce  qu'il  n'a  ni  pies  ni  mains ,  ni 
nez ,  ni  oreilles ,  &c.  Les  mains  du  monde  font  les 
rayons  de  lumière  ;  fes  yeux  font  les  étoiles  ,  &  fes 
pies  ne  font  autre  chofe  que  la  figure  ronde  qui  le 
rend  propre  au  mouvement. 

8.  Il  paroît  par  l'origine  des  animaux  ,  que  l'ame 
eft  un  elprit  lubtil ,  chaud  ,  mobile  ,  propre  à  rece- 
voir des  paffions ,  &  par  conféquent  à  fentir. 

9.  Tous  les  êtres  ont  une  ame ,  comme  on  peut  s'en 
convaincre  par  les  chofes  qui  naiffent  d'elles-mê- 
mes ,  &  qui  ont  toujours  quelque  degré  de  chaleur. 

10.  Les  chofes  les  plus  dures  ont  un  peu  de  fenti- 
ment :  les  plantes  en  ont  davantage ,  &  les  liqueurs 
encore  plus.Le  vent  &  l'air  fentent  facilement:  mais 
la  lumière  &  la  chaleur  font  les  êtres  qui  ont  le  plus 
de  fentiment ,  &c. 

En  voilà  affez  ,  ce  me  femble ,  pour  mettre  le  lec- 
teur au  fait  des  fentimens  de  Campanella  ;  nous  fini- 
rons cet  article  en  rapportant  le  jugement  que  Def- 
cartes  portoit  de  cet  auteur.  «  Il  y  a  15  ans  (  écri- 
»  voit-il  au  P.  Merfenne  )  que  j'ai  lu  le  livre  defenfu 
»  rerum  de  Campanella  ,  avec  quelques  autres  trai- 
»  tés  :  mais  j'avois  trouvé  dès-lors  fi  peu  de  folidité 
»  dans  fes  écrits  ,  que  je  n'en  avois  rien  gardé  dans 
»  ma  mémoire.  Je  ne  faurois  maintenant  en  dire  au- 
»  tre  chofe  ,  finon  que  ceux  qui  s'égarent  en  affec- 
»  tant  de  fuivredes  chemins  extraordinaires,  me  pa- 
»  roiffent  beaucoup  moins  excufables  que  ceux  qui 
»  ne  s'égarent  qu'en  compagnie  &  en  fuivant  les 
»  traces  de  beaucoup  d'autres  ».  (  C) 

CAMPANULE ,  f.  f.  campanula  ,  (  Hif.  nat.  bot.  ) 
genre  de  plante  à  fleur  monopétale  ,  faite  en  forme 
de  cloche ,  &  découpée  i  le  calice  devient  un  fruit 


CAM 

membraneux  partagé  en  trois  loges  ou  plus  ,  au  mi- 
lieu desquelles  il  y  a  un  pivot  chargé  de  trois  pla- 
centa qui  lbûtiennent  plufieurs  femences  menues  ; 
dans  quelques  efpeces,  ovales ,  applaties  ;  &  pour  ain- 
fi  dire  entourées  d'un  anneau  dans  quelques  autres. 
Ces  femences  s'échappent  par  un  trou  qui  fe  trouve 
dans  chaque  loge.  Tournefort ,  Inji.  rei  herb.  Voyeç 
Plante.  (/) 

La  campanule  eft  vivace  ,  &  demande  une  terre  à 
potager  avec  peu  d'eau ,  beaucoup  de  fbleil ,  &  une 
culture  ordinaire  ;  elle  fleurit  en  été ,  &  fe  feme  en 
Septembre  &.  O&obre  ;  on  la  foûtient  ordinairement 
par  de  petites  baguettes. 

Quelques  Botaniftes ,  comme  Lemery ,  l'appellent 
gantdée  ou  gants  notre-dame  ;  Bradley  dans  lbn  ca- 
lendrier des  jardiniers  l'appelle  miroir  de  Venus.  (  K  ) 

La  campanula  ej'culenta  rapuncultts  officin.  campa- 
nula radice  efulentà  flore  cœruleo ,  Tournefort,  In/?, 
111.  eft  d'ufage  en  médecine.  La  femence  en  eft  bon- 
ne pour  les  yeux  ;  fon  lue  eft  bon  pour  les  maux 
d'oreille  ;  la  racine  fe  mange  dans  les  lalades  du 
printems  ;  on  prétend  que  prife  avec  du  poivre  long, 
elle  fait  venir  le  lait. 

La  gantelée  eft  une  autre  campanule  d'ufage.  Voye^ 

GANTJiI.ÉE. 

La  campanule  jaune  ,  bulbocodium  vulgatius  ,  J.  B* 
eft  une  elpece  de  narciffe,  dont  la  racine  contient 
beaucoup  d'huile  &  de  tel  eflentiel  ;  elle  eft  purga- 
tive &c  apéritive  ,  à  la  dote  de  deux  gros  en  infu- 
fion. 

On  prétend  qu'elle  ne  vaut  rien  pour  les  nerfs  ; 
mais  qu'appliquée  extérieurement  ,  elle  eft  bonne 
pour  les  brûlures  ,  les  bleflures  ,  &  les  hernies. 

Clufius  &  Lobel  prétendent  que  toutes  les  raci- 
nes de  toutes  les  efpeces  de  narciffe  excitent  le  vo- 
miffement.  (A^) 

C  A  M  P  E  C  H  E  ,  ou  S.  FRANCISCO ,  (Ge'og.) 
ville  de  l'Amérique  léptentrionale  ,  dans  la  nouvelle 
Efpagne  ,  fur  la  côte  orientale  de  la  baie  de  Campe- 
che.  Long.  28  J.  lat.  ig.  20. 

CAMPEN  ,  (  Géog  )  ville  forte  des  Provinces- 
unies  des  Pays-bas  ,  dans  la  province  d'Overiffel. 
Long.  23.  28.  lat.  52.  38- 

CAMPER  pour  uriner ,  (  SE  )  Maréckalerie  ,  ell 
unfignedeconvalefcence  dans  de  certaines  maladies 
où  le  cheval  n'avoit  pas  la  force  de  fe  mettre  dans  la 
fituation  ordinaire  de  chevaux  qui  urinent.  (  V} 

CAMPER  ,  (Géog)  petit  royaume  d'Afie  ,  dans 
l'île  de  Sumatra. 

CAMPERCHE,  f.  f.  (  Tapifur.  )  barre  de  bois  ,' 
ainfi  appellée  par  les  baffe-liffiers  ou  ouvriers  en  ta- 
pifferies  de  baflé-liffe ,  qui  traverfe  leur  métier  d'une 
roine  à  l'autre  ,  &  qui  foûtient  les  fautriaux  où  font 
attachées  les  cordes  des  lames.   Voye^  Basse-lisse. 

CAMPESTRE  ou  CAMPESTE  f.  f.  (Hfl.anc.) 
c'étoit  chez  les  Romains  une  efpece  de  culotte  ,  ou 
d'habillement  femblable  à  ce  qu'on  appelloit  autre- 
fois parmi  nous  tonnelet,  bas  de  foie  tourné  en  rond, 
ou  haut-de-chaufjes ,  tels  qu'on  en  voit  iùr  des  tableaux 
du  règne  d'Henri  II.  Charles  IX.  Henri  III.  ou  tels 
qu'en  portent  encore  aujourd'hui  les  danleursde  cor- 
de. Cette  partie  de  l'habillement  que  nos  ancêtres 
avoient  convertie  en  parure  par  fa  forme  ,  d'étoffe 
précieufe  garnie  de  galons  &  de  rubans  ,  n'étoitchez 
les  anciens  qu'un  tablier  deftiné  à  le  couvrir  dans 
les  exercices  du  champ  de  Mars  ,  &  qui  prenant  de- 
puis le  nombril  jufqu'au  milieu  des  cuiffes  ,  laiffoit 
tout  le  refte  du  corps  à  nud  ;  ou  l'on  en  avoit  de  faits 
exprès  comme  des  caleçons  ,  ou  on  les  tormoit  au 
beioin  avec  la  tunique.  (  G  ) 

CAMPHRE ,  f.  m.  (  Hifi.  nat.  bot.  &  Chimie.  )  en 
Latin  camphora  ou  caphura.  C'eft  une  lubftance  blan- 
che ,  tranfparente  ,  folide ,  lèche ,  friable ,  très-vola- 
tile ,  très-inflammable ,  d'une  odeur  tres-pénétrante  , 


C  A  M 

&C  d'un  goût  très-amer  &  piquant  ;  elle  paraît  être 
compofée  de  beaucoup  de  phlogilrique  ,  d'une  terre 
très-fubtile  ,  &  de  fort  peu  d'eau. 

Les  arbres  dont  on  tire  le  camphre  fe  trouvent  à  la 
Chine  &  au  Japon  :  mais  les  meilleurs  font  ceux  des 
îles  de  Bornéo  ,  de  Sumatra  &  de  Ceylan.  Les  rela- 
tions ne  s'accordent  pas  fur  la  manière  dont  on  s'y 
prend  pour  tirer  le  camphre  ;  l'opinion  la  plus  commu- 
ne ,  &c  peut-être  la  moins  fondée  ,  eft  qu'il  découle 
naturellement  de  l'arbre  comme  une  gomme,  &  qu'on 
le  ramaffe  figé  au  pié  de  ces  arbres.  Il  y  a  des  gens 
qui  prétendent  que  les  Indiens  pour  l'obtenir ,  font 
des  incifions  aux  arbres  d'où  il  tombe  en  abondance. 
Suivant  les  Lettres  curieufes  &  édifiantes ,  voici  la  mé- 
thode ufitée  à  la  Chine  pour  tirer  le  camphre  :.  on  fe 
fert  pour  cela  des  nouvelles  branches  d'un  arbre  que 
les  Chinois  nomment  Tchang,  on  les  coupe  en  petits 
morceaux  ,  on  les  met  en  macération  pendant  trois 
jours  &  trois  nuits  dans  de  l'eau  de  puits  ;  au  bout  de 
ce  tems  on  les  fait  bouillir  dans  une  marmite ,  en  ob- 
iervant  de  remuer  continuellement  avec  un  petit  bâ- 
ton de  bois  de  faule  ;  quand  on  voit  qu'il  s'attache  à 
ce  petit  bâton  une  efpece  de  gelée  blanche ,  on  paiTe 
la  décoêlion  ,  on  en  fépare  toutes  les  faletés  ,  on  la 
verfe  dans  un  pot  de  terre  verniffé  ,  où  on  la  laiffe 
repofer  pendant  une  nuit  ;  on  trouve  le  lendemain 
que  ce  fiic  s'efr.  coagulé  ,  &  a  formé  une  maffe.  Pour 
purifier  cette  première  production  ,  on  prend  de  la 
terre  graffe  fort  feche ,  on  la  réduit  en  poudre  bien 
fine ,  on  en  met  une  couche  dans  un  baffin  de  cui- 
vre ,  &  fur  cette  couche  de  terre  ,  on  en  met  une  de 
camphre;  on  continue  à  faire  des  couches  de  cette 
manière  jufqu'à  ce  qu'il  y  en  ait  quatre,  &  on  cou- 
vre la  dernière  avec  des  feuilles  de  la  plante  poko  , 
ou  de  pouliot.  On  couvre  le  baffin  de  cuivre  ainli 
garni  d'un  dôme  ou  autre  baffin  qui  s'y  adapte  exacte- 
ment ;  on  garnit  les  joints  de  terre  graffe  ,  on  les  met 
fur  un  feu  qu'on  a  foin  de  rendre  égal  &  réglé  ;  on 
prend  garde  qu'il  ne  fe  faffe  ni  fentes  ni  crevaffes  à 
l'enduit  de  terre  qui  fert  à  luter  les  jointures  des  baf- 
fins  ,  de  peur  que  la  partie  fpiritueufe  du  camphre  ne 
vienne  à  s'échapper  :  lorfqu'on  a  donné  un  feu  fuffi- 
fant ,  on  laiffe  refroidir  les  baffins  ,  on  les  détache  , 
&c  l'on  trouve  le  camphre  fublimé  dans  celui  d'en 
haut  ;  en  réitérant  deux  ou  trois  fois  la  même  opéra- 
tion ,  on  aura  un  camphre  très-pur. 

L'arbre  dont  les  branches  fourniffent  ce  camphre,  a , 
fuivant  les  mêmes  relations  ,  jufqu'à  cent  trois  cou- 
dées de  haut  ;  &  fa  groffeur  cil  fi  prodigieufe  ,  que 
vingt  hommes  peuvent  à  peine  l'embraffer.  Tout  ce 
détail  cft  une  traduftion  fidèle  d'un  livre  chinois  fort 
cftimé  dans  le  pays.  Mais  les  Chinois  donnent  eux- 
mêmes  la  préférence  au  camphre  de  File  de  Bornéo  , 
qu'ils  regardent  comme  fort  fupérieur  au  leur. 

Selon  d'autres  relations  du  Japon ,  on  fuit  la  mê- 
me méthode  à  peu  de  chofe  près  qu'à  la  Chine.  On 
prend  les  racines  ,  les  branches  &  même  les  feuilles 
de  l'arbre  qui  donne  le  camphre ,  on  les  coupe  en  mor- 
ceaux groffiers,  on  les  met  dans  un  baffin  de  fer ,  on 
verte  de  l'eau  par-defftis,  &  on  y  adapte  un  chapi- 
teau à  bec  ,  garni  de  paille  en  dedans  ;  on  lute  les 
jointures  ;  après  y  avoir  appliqué  un  récipient ,  on 
commence  à  diltiller  :  par  ce  moyen ,  la  plus  grande 
partie  du  camphre  s'attache  aux  brins  de  paille  ibus  la 
forme  de  cryltaux  ,  le  refte  paffe  dans  la  diflillation  , 
&  on  l'en  fépare  eniuite.  Ces  deux  dernières  manières 
femblent  les  plus  vraiffcmblables ,  &  celles  qui  s'ac- 
cordent le  plus  avec  la  nature  volatile  du  camphre  , 
que  la  moindre  chaleur  fait  non-feulement  diminuer 
confidérablement ,  mais  encore  difparoître  entière- 
ment. II  ctl  donc  plutôt  à  préfumer  qu'on  le  recueille 
de  cette  façon  clans  les  Indes ,  qu'aux  pies  des  arbres , 
où  il  paraît  que  la  chaleur  du  pays  doit  aifément  le 
faire  difparoître» 
Tome  //, 


C  A  M 


579 


Outre  ces  manières  dont  nous  venons  de  dire  que 
le  camphre  fe  tire  à  la  Chine. &  au  Japon,  on  pré- 
tend auffi  qu'il  peut  fe  tirer  de  la  racine  du  canellier , 
du  zidoar  de  Ceylan ,  du  romarin  ,  de  l'aurone ,  & 
d'autres  arbriffeaux  aromatiques  du  genre  des  lau- 
riers. M.  Neumann  croit  que  l'on  a  pu  tirer  de  ces 
végétaux  une  fubftance  graffe  &  huiieuie  ;  mais 
que  jamais  cette  fubftance  n'a  eu  la  dureté  ni  la  lie- 
cité  ,  ni  une  reffemblance  parfaite  avec  le  vrai  cam- 
phre des  Indes.  Ce  lavant  Chimiïte  a  tiré  du  thym 
un  camphre  qui ,  à  l'odeur  près  ,  rellembicit  en  tout 
point  à  celui  des  Indes  ,  &  qui  avoit  toutes  les  quali- 
tés qu"on  y  remarque.  C'eft  ce  dont  il  rend  compte 
dans  les  Mifcellama  Bero'.imnjia ,  Continuatio  1 1. 
pag.JO.  &J'uiv. 

Apres  avoir  diftillé  de  l'huile  de  thym  ,  il  voulut  fé- 
parer  cette  huile  d'avec  l'eau  par  le  moyen  d'une 
mèche  de  coton  ;  il  s'apperçut  que  l'huile  ne  venoit 
qu'avec  peine  ,  &  qu'elle  éioit  retardée  par  de  petits 
cryftaux  qui  s'étoient  formés  autour  du  co;on  ;  ne 
lâchant  à  quoi  attribuer  ce  phénomène ,  il  ciiicon- 
tinua  l'opération.  Il  la  reprit  au  bout  dé  quelques 
jours ,  &  fut  fort  furpris  de  voir  qu'il  s'étoit  formé  au 
tond  du  vale  où  il  avoit  biffé  le  produit  de  ia  ctiftil- 
lation  du  thym ,  uns  affez  grande  quai 
taux  de  forme  cubique ,  &  dont  quelques-uns  e 
de  la  groffeur  d'une  noifette  ;  ces  cryltaux  ne  pou- 
voient  le  diifoudre  dans  l'eau  ;  ce  M.  Neumann  y 
découvrit  toutes  les  autres  propriétés  du  camphre  des 
Indes  ,  avec  la  ieule  différence  ,  que  le  camphrt  fut 
de  cette  dernière  matière  avoit  l'odeur  du  thym  dont 
il  avoit  été  tiré. 

Les  propriétés  du  camphre  font  de  diminuer  con- 
fidérablement, lorfqu'il  cit.  expofé  à  l'air,  &  des'ex- 
■  haler  entièrement  à  la  fin  :  il  ne  fe  môle  point  à  l\  tu  , 
mais  il  y  furiiage  ;  &  lorfqu'eile  elt  chaude  ,  il  s'y  re- 
font en  une  huile  tres-voiatiie.  Quand  on  le  met  à 
diftiller,  on  n'en  tire  aucune  liqueur  :  mai^  ^  fe  fubli- 
mé en  entier ,  fans  qu'il  s'en  perde  la  moindre  choie  ; 
il  ne  donne  point  d'empyreume  ,  &  ne  laiffe  point  de 
tête-morte  en  arrière  ;  il  s'enflamme  très-a 'orient 
à  un  feu  ouvert ,  &  brûle  même  dans  l'eau  ;  il  donne 
beaucoup  de  luie  ,  mais  aucunes  cendres.  Le  camphre 
fe  diffout  très-aifément  dans  toutes  les  huiles  ,  tant 
exprimées  que  diltillées  ,  dans  l'efpritde  vin  bien  rec- 
tifie ,  dans  l'eau-forte  ,  mais  plus  difficilement  dans 
l'huile  de  vitriol.  On  ne  parvient  à  le  mêler  avec 
l'eau  que  par  le  moyen  du  blanc  d'eeuf. 

De  toutes  ces  propriétés  M.  Neumann  le  croit  au- 
torité à  conclurre  que  le  camphre  doit  être  regardé 
comme  une  fubftance  toute  particulière  ,  qui  ne  doit 
être  rangée  dans  aucune  autre  claffe  ,  &  que  le  nom 
qu'on  lui  donne  eft  générique  ,  ec  doit  le  joindre  à 
celui  de  la  plante  dont  il  a  ete  tire  ;  c'elt-à-dire  qu'on 
devroit  dire  camphre  de  thym  ,  camphre  de  romarin  ,  Se 
ainli  des  autres  plantes  dont  on  pourrait  le  tirer.  En 
effet,  félon  lui,  les  propriétés  qui  viennent  d'être  énon- 
cées, prouvent  qucle  camphre  ne  peut  être  appelle  ni 
ré/vu,  ni  gomme,  m/cl  volatil,  ni  huile ,  &  que  c'efturte 
fubitance  toute  particulière,  &  qui  a  des  caractères 
qui  la  diftinguent  de  tous  les  autres  corps.  M.  Neu- 
mann en  conclut  auffi  que  tout  camphre  a  l'odeur  t;;e- 
cifique  du  végétal  dont  il  a  été  tiré  ,  &  que  ia  façon 
dont  il  l'a  tiré  du  thym  conduit  à  croire  qu'on  peut  le 
tirer  de  même  de  beaucoup  d'autres  plantes. 

Le  camphre  s'employe  dans  les  ùux  d'artifice  , 
dans  beaucoup  de  vernis  ,  &c.  On  prétend  que  dans 
les  cours  des  princes  orientaux  on  le  brûle  avec  de 
la  cire  pour  éclairer  pendant  la  nuit.  On  affure  que  le 
camphre  réduit  en  poudre  ,  &;  faupoudré  fur  les  habits 
&  meubles,  les  préfervedes  mittes  &  teignes:  mais 
l'on  principal  ufage  elt  dans  la  Médecine  &:  dans  la 
Chirurgie.  Il  cil  regardé  comme  un  des  pluspuiffans 
diaphoniques  ,  c^  fa  volatilité  fait  que  lorfqu'il  elt 

D  D  d  d  ij 


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échauffé  par  la  chaleur  de  l'eftomac ,  il  pénètre  dans 
toutes  les  parties  du  corps.  On  prétend  que  c'eft  un 
préfervatif  contre  la  pefte  &  les  maladies  contagieu- 
fes.  Bien  des  gens  croyent  qu'il  eft  foporatif ,  rarraî- 
chifTant  &  calmant:  mais  ces  dernières  propriétés  ne 
font  point  avérées.  On  s'en  fert  dans  des  poudres  & 
dans  des  élixirs  ;  il  entre  auffi  clans  l'huile  bézoardi- 
que  de  Wedclius.  Mais  les  effets  extérieurs  du  cam- 
phre font  beaucoup  plus  certains  &  d'un  ufage  très- 
fréquent  dans  la  Chirurgie  :  mêlé  avec  l'efTence  de 
myrrhe  &  d'aloès,  c'eft  un  excellent  remède  pour  ar- 
rêter le  progrès  de  la  gangrené,  la  carie  des  os  ,  ou 
déterger  les"  plaies.  L'ufage  de  l'efprit-de-vin  ou  de 
l'eau-de-vie  camphrée  eft  journalier  ck.  connu  de  tout 
le  monde.  (— ) 

Le  camphre  s'employe  intérieurement  avec  fuccès , 
diflbus  parle  moyen  du  jaune  d'œuf,  &  étendu  dans 
quelques  liqueurs  appropriées,pour  arrêter  le  progrès 
de  la  gangrené  dans  les  efquinancies  gangréneufes. 
La  dole  eft  de  quatre  ou  cinq  grains  dans  une  potion 
de  huit  onces.  Mêlé  avec  les  fels  de  cantharides ,  il 
empêche  qu'elles  n'offenfent  la  veflie  ;  fa  fubtilité  le 
mettant  en  état  de  les  accompagner  dans  tous  les  re- 
coins des  vahTeaux,  Ôcd'émouffer  leur  acreté. 

Le  docteur  Quincy  obferve  que  l'on  commence  à 
unir  avec  fuccès  le  camphre  aux  remèdes  mercuriaux  ; 
qu'il  modère  leur  qualité  irritante ,  &  les  aide  à  pé- 
nétrer dans  les  conduits  les  plus  déliés ,  où  ils  opèrent 
par  fufion  &  par  la  force  de  l'impulfion  :  car  non-feu- 
lement le  mercure  doux  ou  calomel  n'agit  plus  par 
ce  moyen  furies  glandes  falivales;  mais  le  turbith 
minéral  qui  opère  de  lui-même  avec  violence  par 
haut  &  par  bas ,  étant  mêlé  avec  le  camphre  ,  fe  fait 
beaucoup  moins  fentir,  circule  avec  plus  de  facili- 
té, &  excite  la  tranfpiration  d'une  manière  beaucoup 
plus  efficace  qu'aucun  autre  remède  d'une  moindre 
pefanteur  ipécirique. 

M.  Lcmcry  a  tenté  de  faire  l'analyfe  du  camphre  : 
mais  foit  que  fes  parties  ayent  été  trop  déliées  & 
trop  volatiles ,  pour  être  pouffées  à  un  plus  grand  de- 
gré de  pureté  par  un  procédé  chimique ,  ou  que  fes 
principes,  qui  félon  toute  apparence  doivent  être 
une  huile  &  un  fel  volatil ,  foient  unis  trop  étroi- 
tement ,  il  n'a  jamais  pu  venir  à  bout  de  les  décom- 
-pofer. 

Cet  auteur  remarque  que  le  camphre  ne  peut  fe 
difîbudre  dans  des  liqueurs  aqueufes,  mais  bien  dans 
celles  qui  font  fulphureufes  ;  qu'il  ne  fe  difTout  point 
non  plus  dans  les  alkalis,  ni  dans  certains  acides, 
mais  bien  dans  l'efprit  de  nitre  ;  ce  qu'aucune  autre 
réfine  ne  peut  faire.  On  donne  ordinairement  à  cette 
dinolution  le  nom  &  huile  de  camphre;  &  c'eft  à  elle 
que  l'on  attribue  la  vertu  médecinale  du  camphre , 
dans  les  plaies ,  les  gangrenés ,  &  la  carie  des  os.  On 
n'en  ufe  point  intérieurement  à  caule  de  fon  acreté 
&  de  fa  caufticité  ;  quoique  M.  Lemery  lui  ait  vu  pro- 
duire de  bons  effets  dans  les  obftructions  &  les  abcès 
de  matrice,  pris  à  la  dofe  de  deux  ou  trois  gouttes. 
Il  le  mêle  cependant  pour  l'ordinaire  avec  une  égale 
quantité  d'huile  d'ambre.  On  a  fait  ce  proverbe  fur 
le  camphre  : 

-Camphora  per  nares  caflrat  odore  marcs, 
mais  il  eft  faux  fuivant  Scaliger  &  Tulpius. 

Si  on  jette  du  camphre  dans  un  baffin  fur  de  l'eau- 
de-vie,  qu'on  les  falTe  bouillir  jufqu'à  leur  entière 
évaporation,  dans  quelque  lieu  étroit  &  bien  fermé , 
&  qu'on  y  entre  enfuite  avec  un  flambeau  allumé , 
tout  cet  air  enfermé  prend  feu  fur  le  champ,  &  pa- 
roît  comme  un  éclair,  fans  incommoder  le  bâtiment 
ni  les  fpeftateurs. 

On  fait  du  camphre  artificiel  avec  de  la  fandaraque 
&  du  vinaigre  blanc  diftillé ,  qu'on  met  pendant  10 
jours  dans  le  fumier  de  cheval ,  &  qu'on  laiffe  après 


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au  foleil  pendant  un  mois  pour  fécher ,  &  on  trouve 
le  camphre  lous  la  forme  d'une  croûte  de  pain-blanc, 
qu'on  appelle  autrement  gomme  de  genièvre  ,  vernis- 
blanc  ,  &C  majlic.  {N  ) 

*  CAMPHRÉE  ,  f.  f.  camphorata  ,  {Hifi.  nat.  bot.) 
la  racine  eft  ligneufe  ,  longue  ,  de  la  groiîeur  du 
pouce.  Ses  tiges  lont  nbmbreufes ,  ligneufes ,  un  peu 
grolTes  ,  hautes  d'une  coudée  ,  branchues  ,  un  peu 
velues  ,  blanchâtres,  garnies  de  nœuds  placés  alter- 
nativement ,  de  chacun  defquels  il  fort  un  grand 
nombre  de  petites  feuilles ,  qui  n'ont  pas  plus  d'un 
tiers  de  pouce  de  long  ,  menues ,  velues ,  médiocre- 
ment roides;  d'une  odeur  aromatique,  &  qui  appro- 
che un  peu  du  camphre  quand  on  les  frotte  entre  les 
doigts,  d'une  faveur  un  peu  acre.  Ses  fleurs  font  fans 
pétales  ,  &  compofées  de  quatre  étamines  garnies  de 
fommets  de  couleur  de  rofe ,  qui  s'élèvent  d'un  ca- 
lice d'une  feule  pièce,  de  couleur  d'herbe,  partagé 
tantôt  en  trois  parties  ,  tantôt  en  cinq.  Le  piftil  le 
change  en  une  petite  graine  noire ,  oblongue ,  ar- 
rondie ,  cachée  dans  une  capfule  qui  étoit  le  calice 
de  la  fleur.  Cette  plante  vient  communément  dans 
la  Provence  &  dans  le  Languedoc  :  elle  eft  d'ufage 
en  Médecine. 

Lobel  la  dit  aftiïngente  &  vulnéraire  :  M.  Burlet, 
Mim.  de  l' Acad.  IJ03.  lui  attribue  la  vertu  d'exciter 
les  urines ,  les  lueurs ,  la  tranfpiration ,  &  les  règles  ; 
de  lever  les  obftru étions  récentes  des  vilceres  ;  d'être 
falutaire  dans  les  maladies  chroniques;  de  loulager 
fur-tout  dans  l'afthme  humide,  &  dans  l'hydropifie 
où  il  n'y  a  ni  chaleur  ni  altération  :  il  en  faut  faire 
un  long  ufage  ,  &  fe  purger  de  tems  en  tems.  On  la 
prend  en  décoction  dans  de  l'eau,  ou  macérée  dans 
le  vin.  On  peut  la  prendre  infufée  comme  le  thé  ; 
elle  échauffe  beaucoup  ,  &  il  en  faut  ufer  avec  pré- 
caution. 

*  CAMPHRIER  (le)  ,  Hijl.  nat.  bot.)  arbre  qui 
croît  de  lui-même  &  lans  culture  au  Japon,  à  la 
Chine ,  clans  l'île  de  Bornéo ,  &  dans  plufieurs  au- 
tres contrées  des  Indes  orientales.  On  dit  qu'il  eft 
de  la  grandeur  d'un  beau  tilleul.  Ses  racines  font 
fortes ,  tres-odorantes  ,  &  fournilfent  plus  de  cam- 
phre que  le  refte  de  l'arbre.  L'écorce  eft  d'un  gris 
oblcur  autour  du  tronc  ,  mais  autour  des  rameaux 
les  plus  jeunes  elle  eft  verte  :  ces  rameaux  contien- 
nent un  lue  vil  queux  &  gluant;  le  bois  en  eft  blanc. 
Les  feuilles  en  font  longues  ,  fe  terminant  en  pointes 
ondulées  par  les  bords,  en-defliis  d'un  verd  foncé 
&  brillant.  Cet  arbre  porte  en  Mai  &  en  Juin  des 
fleurs  blanches  à  lix  pétales  ;  lorfqu 'elles  rombent, 
il  vient  en  leur  place  des  baies  ,  qui  étant  mûres 
font  de  la  grofleur  d'un  pois ,  d'un  rouge  oblcur  , 
d'un  goût  qui  approche  de  celui  du  clou  de  gérofle. 
Foye{  r article  CAMPHRE. 

*  CAMPHUR,  (Hijl.  nat.  Zoolog.)  efpece  d'âne 
fauvage  qui  le  trouve  dans  les  deferts  de  l'Arabie  , 
qui ,  ïuivant  le  rapport  de  quelques  voyageurs  ,  a 
une  corne  au  milieu  du  front ,  dont  il  le  lert  pour 
fe  détendre  des  taureaux  fauvages.  Les  Indiens  at- 
tribuent des  vertus  merveilleules  à  cette  corne  ,  & 
la  regardent  comme  un  remède  fouverain  dans  plu- 
fieurs maladies. 

CAMPI ANO ,  (Géog.)  petite  ville  forte  de  Sicile," 
dans  le  val  di  Taro ,  fur  la  rivière  de  Taro. 

CAMPINE  ou  CAMPIGNE ,  (Géog.)  contrée  des 
Pays-bas  ,  dont  une  partie  dépend  du  Brabant  Hol- 
landois,  &  l'autre  de  l'évêché  de  Liège. 

CAMPIGNOLE,  (Géog.)  ville  de  France,  dans 
la  province  de  Breffe,  fur  la  rivière  de  Dain. 

CAMPION,  {Géog.)  ville  d'Aile  dans  la  Tarta- 
rie,  capitale  du  royaume  de  Tangut.  Lon.  izz.  30. 
lat.  40.  z5. 

CAMPLI ,  {Géog.)  petite  ville  d'Italie ,  au  royau- 


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me  de  Naples ,  dans  l'Abruzze.  Long.  Ji.  JO-  l-at. 
•42-  38. 

CAMPNER-D AHLER  ,  icu  de  Campen ,  (Comm.) 
c'cft  une  pièce  d'argent  qui  a  cours  dans  les  provin- 
ces-unies des  Pays-bas ,  qui  vaut  zb'  ftuyvers  d'Hol- 
lande, &  environ  57  fous  monnoie  de  France. 

CAMPO,  (Géog.)  petite  ville  d'Italie,  de  la  dé- 
pendance de  la  république  de  Gènes. 

Campo  d'Andevalo,  (Géog.)  petit  pays  d'Ef- 
pagne  ,  dans  l'Andalouûe  ,  fur  les  frontières  du  Por- 
tugal. 

Campo  di  Montiel  ,  (Géog.)  petit  diftricl  d'Ef- 
pagne,  dans  la  partie  méridionale  de  la  nouvelle  Caf- 
rille. 

Campo  di  S.  Pietro  ,  (Géog.)  petite  ville  d'I- 
talie ,  dans  le  Padoiian ,  fur  la  rivière  de  Mufon. 

Campo  Major  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Portu- 
gal ,  dans  la  province  d'Alentejo.  Long.  11.  iy.  lat. 
38.  60. 

C  A  M  P  O  L I ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie  ,  au 
royaume  de  Naples  ,  dans  l'Abruzze  ultérieure ,  fur 
les  frontières  de  la  Marche  d'Ancone. 

CAMPREDON ,  {Géog.}  ville  d'Efpagne ,  dans  la 
Catalogne ,  au  pié  des  Pyrénées. 

*  CAMQUIT,  (Hijl.  nat.  bot.)  fruit  du  royaume 
de  Tonquin ,  femblable  à  une  orange,  mais  qui  n'eft 
pas  li  grand  que  le  cam-chaïn  ;  fa  couleur  eft  d'un 
rouge  foncé  ;  la  pelure  eft  fort  mince  ;  elle  eft  aufli 
rouge  en-dedans ,  6c  ne  le  cède  à  aucun  fruit  en  dé- 
licatefte  :  mais  ce  fruit  eft  fort  mal-fain  &  donne  la 
dyflenterie. 

CAMSUARE  ,  (  Géog.  )  province  de  l'Amérique 
méridionale  ,  habitée  par  differens  peuples. 

CAMUL,  (Géog.)  ville  d'Afie  ,  à  l'extrémité  du 
royaume  de  Cialis  ,  fur  les  frontières  de  celui  de 
Tanguth.  Long.  n5.  40.  lat.  Jy.  ;3. 

CAMULE,  lub.  m.  (Myth.)  nom  que  les  Saliens 
donnoient  à  Mars.  Il  eft  reprefenté  dans  les  monu- 
xnens  avec  la  pique  &  le  bouclier. 

CAMUS  ou  CAMARD ,  qui  a  le  nez  court  ou 
creux,  &  enfoncé  vers  le  milieu,  ^oy^ Nez. 

Les  Tartares  font  grand  cas  des  beautés  camufes  ; 
Rubruquis  obferve  que  la  femme  du  grand  cham  Ieng- 
his,  beauté  qui  fit  beaucoup  de  bruit  en  fon  teins, 
n'avoit  pour  tout  nez  que  deux  petits  trous.  (H) 

Ce  Rubruquis  étoit  un  religieux  envoyé  par  laint 
Louis ,  pour  convertir  le  cham  des  Tartares  ;  nous 
avons  la  relation  de  fon  voyage ,  qui  eft  très-curieu- 
fe ,  fur-tout  pour  des  philofophes.  (O) 

Camus  ,  cheval  camus,  eft  celui  qui  a  le  chamfrain 
enfoncé.  Voyei  Chamfrain. 

CANA  ,  (Gcog.fainte.)  ville  de  Galilée  ,  dans  la 
tribu  de  Zabulon ,  où  Jefus-Chrift  a  fait  pluheurs  mi- 
racles. Ce  n'eft  plus  qu'un  village  peuplé  de  Maho- 
métans.  Sainte  Hélène  avoit  confacré  ce  lieu  par  une 
églife  &  par  un  feminaire  ;  l'églife  a  été  transformée 
en  mofquée ,  &  le  leminaire  en  un  logement  de  fan- 
tons. 

CANADA  ou  CANADE;  (H'jl.  mode)  on  nomme 
ainfi  la  mefure  de  vin  ou  d'eau  qu'on  donne  par  jour 
fur  les  vaiftcanx  Portugais  à  chaque  matelot  ou  hom- 
me de  l'équipage. 

Canada  ou  Nouvelle  France,  (Géog.)  pays 
fort  vafte  de  lAmérique  feptentrionale  ,  borné  à 
J'eft  par  l'Océan  ,  à  l'oueft  par  le  Milîiftipi ,  au  fud 
par  les  colonies  Angloifes ,  &  au  nord  par  des  pays 
deferts  &  inconnus.  Ce  pays  eft  habité  par  plulieurs 
nations  fauvas.es,  qui  ne  vivent  que  de  la  chaffe  6c 
de  la  pèche.  Outre  ces  nations ,  les  François  y  ont 
des  établuTemens  coniidérables,  &on  y  t'ait  un  grand 
commerce  de  pelleteries  ,  que  les  fauvages  apportent 
en  quantité  du  produit  de  leur  chaffe.  Le  Canada  ^i\ 
rempli  de  forets  ,  &  il  y  fait  très-froid.  Les  fam  âges 
qui  habitent  ce  pays  adorent  le  foleil  6c  un  premier 


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efprit,  qu'ils  regardent  comme  au-defTus  de  lui.  La 
capitale  du  Canada  eft  Québec.  Voye^  Canadiens. 

CANADELLE ,  f.  f.  (Hlfi.  nat.  hhthyolog.)  petit 
poilion  de  mer ,  qui  eft  nommé  facchetto  à  Venife ,  & 
qui  eft  peut-être  le  channadilla  de  Belon  &  de  Ron- 
delet. Il  eft  femblable  à  la  perche  d'eau  douce  pour 
la  figure  ,  les  couleurs  ,  &  les  bandes  tranfveriales. 
Les  nageoires  font  comme  celles  de  la  mendole  ;  cel- 
le du  dos  a  une  tache  noire  à  fa  partie  fuperieure  au- 
delà  des  aiguillons  :  cette  marque  eft  particulière  à  la 
canadel/e,  &  pourroit  la  faire  diftinguer  de  tout  autre 
poiftbn.  Le  bec  eft  pointu ,  &  la  bouche  grande  en 
comparaifon  du  corps.  La  mâchoire  du  defibus  eft  un 
peu  plus  grande  que  ceile  du  delfus  ;  elles  font  l'une 
&  l'autre  garnies  de  petites  dents  :  il  y  a  auffi  fur  le 
palais  un  efpace  triangulaire  rude  au  toucher.  L'iris 
des  yeux  eft  de  couleur  d'argent  :  les  nageoires  du 
ventre  font  noirâtres  :  la  queue  eft  fourchue  &  tra- 
verfée  par  des  lignes  de  couleur  d'or.  Les  écailles  de 
ce  poiftbn  font  très-petites.  "Willughby,  HiJi.piJ'cium. 
Foye^_  Poisson.  (/) 

CANADIENS  (  Philosophie  des).  Nous  de- 
vons la  connoiflance  des  fauvages  du  Canada  au  ba- 
ron de  la  Hontan  ,  qui  a  vécu  parmi  eux  environ  l'ef- 
pace  de  dix  ans.  Il  rapporte  dans  la  relation  quelques 
entretiens  qu'il  a  eus  fur  la  religion  avec  un  de  ces 
fauvages  ;  Se  il  paroît  que  le  baron  n'avoit  pas  tou- 
jours l'avantage  dans  la  difpute.  Ce  qu'il  y  a  de  fur- 
prenant  ,  c'eft  de  voir  un  huron  abufer  aflez  fubtile- 
ment  des  armes  de  notre  dialectique  pour  combattre 
la  religion  Chrétienne  ;  les  abftractions  &  les  ter- 
mes de  l'école  lui  font  prefque  auiïï  familiers  qu'à 
un  Européen  qui  auroit  médité  fur  les  livres  de  Scot. 
Cela  a  donné  lieu  de  foupçonner  le  baron  de  la  Hon- 
tan d'avoir  voulu  jetter  un  ridicule  fur  la  religion 
dans  laquelle  il  avoit  été  élevé,  6c  d'avoir  mis  dans 
la  bouche  d'un  fauvage  les  raifons  dont  il  n'auroit 
olë  le  fervir  lui-même. 

La  plupart  de  ceux  qui  n'ont  point  vu  ni  entendu 
parler  des  fauvages  ,  le  font  imaginés  que  c'étoient 
des  hommes  couverts  de  poil ,  vivant  dans  les  bois 
fans  fociété  comme  des  bêtes  ,  &  n'ayant  de  l'hom- 
me qu'une  figure  imparfaite  :  il  ne  paron  pas  même 
que  bien  des  gens  loient  revenus  de  cette  idée.  Les 
fauvages  ,  à  l'exception  des  cheveux  de  des  tourcils 
que  plulieurs  même  ont  loin  d'arracher ,  n'ont  aucun 
poil  fur  le  corps  :  car  s'il  arrivoi;  par  hafarjd  qu'il  leur 
en  vînt  quelqu'un  ,  ils  le  l'ôteroient  d'abord  jufqu 'à 
la  racine.  Ils  naiffent  blancs  comme  nous ,  leur  nu- 
dité ,  les  huiles  dont  ils  lé  graillent ,  &  ... 
couleurs  dont  ils  le  fardent ,  que  le  foleil  à  ia  longue 
imprime  dans  leur  peau  ,  leur  hâlent  le  teint.  Us 
font  grands,  d'une  taille  fuperieure  à  îa  notre,  ont 
les  traits  du  vilage  fort  réguliers,  le  nez  aquilin  ;  ils 
font  bien  faits  en  général ,  étant  raie  de  voir  parmi 
eux  aucun  boiteux,  borgne,  boflu  ,  aveugle,  &c, 

A  voir  les  Sauvages  du  premier  coup  d'œil ,  il  eft 
impofïïble  d'en  juger  à  leur  avantage  ,  parce  qu'ils 
ont  le  regard  farouche,  le  port  ruftique,  6c  l'abord 
li  iimple  &  li  taciturne  ,  qu'il  feroit  tres-difticile  à  un 
Européen  qui  ne  les  connoitroit  pas,  de  croire  que 
cette  manière  d'agir  eft  une  elpccc  de  civilité  à  leur 
mode ,  dont  ils  gardent  entre-eux  toutes  les  bienféan- 
ces,  comme  nous  gardons  chez  nous  les  nôtres,  dont 
ils  fe  moquent  beaucoup.  Ils  font  donc  peu  caret- 
fans,  6c  tont  peu  de  démonftrations:  mais  nonobs- 
tant cela  ils  font  bons,  affables ,  &  exercent  >.  n\  ers 
les  étrangers  &  les  malheureux  une  charitable  hol- 
pitalite ,  qui  a  dequoi  confondre  toutes  les  nations 
de  l'Europe.  Ils  ont  l'imagination  aile/  vive:  il 
lent  jufte  fur  leurs  affaires  :  ils  vont  ù  leur  fin  par 
des  voies  fines  :  ils  agiffent  de  fang  froid  &  avec  un 
phlcgmeqiu  lafleroit  notre  patience.  Parrailbn  d'hon- 
neur cv  par  grandeur  d'ame  ,  ils  ne  le  fâchent  pref- 


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que  jamais.  Ils  ont  le  cœur  haut  &  fier ,  un  courage 
à  l'épreuve ,  une  valeur  intrépide  ,  une  confiance 
dans  les  tourmens  qui  femble  iurpafier  l'héroïl'irie  , 
&  une  égalité  d'ame  que  ni  l'adverlité  ni  la  profpé- 
rité  n'altèrent  jamais. 

Toutes  ces  belles  qualités  feroient  trop  dignes 
d'admiration  ,  fi  elles  ne  fe  trouvoient  malheureu- 
fement  accompagnées  de  quantité  de  défauts  :  car 
ils  font  légers  &  volages  ,  fainéans  au-delà  de  toute 
exprefïïon ,  ingrats  avec  excès  ,  foupçonneux  ,  traî- 
tres ,  vindicatifs  ,  &  d'autant  plus  dangereux  ,  qu'ils 
lavent  mieux  couvrir  &  qu'ils  couvrent  plus  long- 
tems  leurs  reffentimens.  Ils  exercent  envers  leurs  en- 
nemis des  cruautés  û  inouïes ,  qu'ils  furpalTent  dans 
l'invention  de  leurs  tourmens  tout  ce  que  l'hifloire 
des  anciens  tyrans  peut  nous  représenter  de  plus  cruel. 
Ils  font  brutaux  dans  leurs  plailirs  ,  vicieux  par  igno- 
rance &  par  malice  :  mais  leur  rufticité  &  la  dilctte 
où  ils  font  de  toutes  choies,  leur  donne  fur  nous  un 
avantage  ,  qui  eft  d'ignorer  tous  les  raffinemens  du 
vice  qu'ont  introduit  le  luxe  &  l'abondance.  Voici 
maintenant  à  quoi  fe  réduit  leur  philoibphie  ce  ieur 
religion. 

i°.  Tous  les  Sauvages  foûtiennent  qu'il  y  a  un 
Dieu  :  ils  prouvent  fon  exiilence  par  la  compoiition 
de  l'univers  qui  fait  éclater  la  toute-puiffance  de  fon 
auteur;  d'où  il  s'enfuit ,  diiént-ils ,  que  l'homme  n'a 
pas  été  fait  par  hafard ,  &  qu'il  eft  l'ouvrage  d'un 
principe  fupérieur  en  fageffe  &  en  connoiffance  , 
qu'ils  appellent  le  grand  Efprit.  Ce  grand  Efprit  con- 
tient tout ,  il  paroït  en  tout ,  il  agit  en  tout ,  &  il 
donne  le  mouvement  à  toutes  choies  ;  enfin  tout  ce 
qu'on  voit  &  tout  ce  qu'on  conçoit,  eft  ce  Dieu  qui 
fubfiftant  fans  bornes ,  fans  limites  ,  &  fans  corps  , 
ne  doit  point  être  repréfenté  fous  la  figure  d'un  vieil- 
lard ,  ni  de  quelque  autre  choie  que  ce  puiffe  être  , 
quelque  belle  ,  vafte ,  ce  étendue  qu'elle  foit  :  ce  qui 
fait  qu'ils  l'adorent  en  tout  ce  qui  paroit  au  monde. 
Cela  eft  fi  vrai ,  que  lorsqu'ils  voient  quelque  choie 
de  beau ,  de  curieux ,  ce  de  Surprenant ,  fur-tout  le 
foleil  &  les  autres  aftres ,  ils  s'écrient  :  O  grand  Ef- 
prit ,  nous  te  voyons  par-tout  ! 

i°.  Ils  difent  que  l'ame  eft  immortelle  ;  parce 
que  fi  elle  ne  l'étoit  pas ,  tous  les  hommes  feroient 
également  heureux  en  cette  vie ,  puifque  Dieu  étant 
infiniment  parfait  &  infiniment  fage  ,  n'auroit  pu 
créer  les  uns  pour  les  rendre  heureux,  &  les  autres 
pour  les  rendre  malheureux.  Ils  prétendent  donc  que 
Dieu  veut  par  une  conduite  qui  ne  s'accorde  pas  avec 
nos  lumières  ,  qu'un  certain  nombre  de  créatures 
foufirent  en  ce  monde  pour  les  en  dédommager  en 
l'autre  :  ce  qui  fait  qu'ils  ne  peuvent  fouflrir  que  les 
Chrétiens  difent  que  tel  a  été  bien  malheureux  d'être 
tué ,  brûlé ,  &c.  prétendant  que  ce  que  nous  croyons 
malheur  ,  n'eil  malheur  que  dans  nos  idées  ;  puifque 
rien  ne  fe  fait  que  par  la  volonté  de  cet  Être  infini- 
ment parfait ,  dont  la  conduite  n'eil  ni  bifarre  ,  ni 
capricieufe.  Tout  cela  n'eil  point  ii  fauvage. 

3".  Le  grand  Efprit  a  donné  aux  hommes  la  rai- 
fon ,  pour  les  mettre  en  état  de  difeerner  le  bien  ce 
le  mal ,  &  de  fuivre  les  règles  de  la  juftice  ce  de  la 
fagefle. 

40.  La  tranquillité  de  l'ame  plaît  infiniment  à  ce 
grand  Efprit.  Il  déteile  au  contraire  le  tumulte  des 
paffions ,  lequel  rend  les  hommes  méchans. 

50.  La  vie  eft  un  fommeil  ,  &  la  mort  un  réveil 
qui  nous  donne  l'intelligence  des  choies  vifibles  & 
invifibles. 

6°.  La  raifon  de  l'homme  ne  pouvant  s'élever  à 
la  connoiffance  des  choies  qui  font  au-deffus  de  la 
terre ,  il  eft  inutile  &  même  nuiiible  de  chercher  à 
pénétrer  les  chofes  invifibles. 

70.  Après  notre  mort ,  nos  âmes  vont  dans  un  cer- 
tain lieu  ,  dans  lequel  on  ne  peut  dire  ii  les  bons  font 


C  A  N 

bien  ,  ce  fi  les  méchans  font  mal  ;  parce  que  nous 
ignorons  ii  ce  que  nous  appelions  bien  ou  mal ,  eft 
regardé  comme  tel  par  le  grand  Efprit.  (  C) 

CANADOR,  f.  m.  (  Commerce.  )  mefure  des  li- 
quides de  Portugal,  dont  les  douze  font  une  almonde 
qui  eft  une  autre  mefure  du  même  royaume.  Le  ca- 
nador  eft  équivalent  au  mingle  ou  bouteille  d'Amfter- 
dam.  Foyei  MiNGLE  &  Almonde.  Dictionnaire  du 
Commerce  ,  tome  II.  page  5ç).   {G) 

*  CANAL  ARTIFICIEL ,  (  Hhjh.  &  Architecture.  ) 
lieu  creufé  pour  recevoir  les  eaux  de  la  mer  ,  d'une 
ou  plufieurs  rivières  ,  d'un  fleuve  ,  &c.  Les  rivières 
ne  contribuent  pas  feulement  à  la  richeffe  naturelle 
des  campagnes  en  les  arrofant ,  elles  font  encore  la 
richeffe  artificielle  des  provinces  ,  en  facilitant  le 
tranfport  des  marchandifes.  Plus  leur  cours  eft  éten- 
du dans  un  état ,  &  plus  elles  communiquent  les  unes 
avec  les  autres  ,  plus  les  parties  du  corps  de  cet  état 
font  liées  &  difpolées  à  s'enrichir  mutuellement.  Si 
la  nature,  comme  il  arrive  toujours,  n'a  pas  fait  pour 
les  hommes  tout  ce  qu'il  y  avoir  de  plus  avantageux 
à  faire ,  c'eft  à  eux  à  achever  ;  &  les  Hollandois ,  ou 
pour  prendre  fur  la  foi  des  voyageurs  un  exemple 
conlidérable  ,  les  Chinois  qui  ont  un  pays  d'une  éten- 
due fans  comparaiion  plus  grande  ,  ont  bien  fait  voir 
juiqu'oii  peut  aller  ,  en  fait  de  canaux  Se  de  naviga- 
tion ,  l'indullrie  humaine ,  Se  quelle  en  eft  la  récom- 
penfe.  Mais  l'avantage  des  canaux  eft  une  choie  très- 
anciennement  connue.  Les  premiers  habitans  de  la 
terre  ont  travaillé  à  rompre  les  ifthmes  Se  à  couper 
les  terres  ,  pour  établir  entre  les  contrées  une  com- 
munication par  eau.  Hérodote  rapporte  que  les  Cni- 
diens ,  peuples  de  Carie  dans  l'Alie  mineure  ,  entre- 
prirent de  couper  l'ilthme  qui  joint  la  prefqu'île  de 
Cnide  à  la  terre  ferme  ,  mais  qu'ils  en  furent  détour- 
nés par  un  oracle.  Plufieurs  rois  d'Egypte  ont  tâché 
de  joindre  la  mer  Rouge  à  la  Méditerranée.  Cléopa- 
tre  eut  le  même  deffein.  Soliman  IL  empereur  des 
Turcs,  y  employa  50000  hommes  ,  qui  y  travaillè- 
rent fans  effet.  Les  Grecs  Se  les  Romains  projetterent 
un  canal  à-travers  l'ifthme  de  Corinthe  qui  joint  la 
Morée  Se  l'Achaie ,  afin  de  paffer  ainfi  de  la  mer  Io- 
nienne dans  l'Archipel.  Le  roi  Démétrius ,  Jules-Cé- 
far ,  Caligula  ,  &  Néron  ,  y  firent  des  efforts  inutiles. 
Sous  le  règne  de  ce  dernier ,  Lucius  Verus ,  un  des 
généraux  de  l'armée  Romaine  dans  les  Gaules  ,  en- 
treprit de  joindre  la  Saône  &  laMofellepar  un  canal , 
&  de  faire  communiquer  la  Méditerranée  Se  la  mer 
d'Allemagne  par  le  Rhône  ,  la  Saône ,  la  Mofelle  & 
le  Rhin  ;  ce  qu'il  ne  put  exécuter.  Charlemagne  for- 
ma le  deffein  de  joindre  le  Rhin  &  le  Danube  ,  afin 
d'établir  une  communication  entre  l'Océan  &  la  mer 
Noire  ,  par  un  canal  de  la  rivière  d'Almutz  qui  fe  dé- 
charge dans  le  Danube  ,  à  celle  de  Reditz  qui  fe  rend 
dans  le  Mein ,  qui  va  tomber  dans  le  Rhin  près  de 
Mayence  :  il  fît  travailler  une  multitude  innombra- 
ble d'ouvriers  ;  mais  dirferens  obftacles  qui  fe  fuccé- 
derent  les  uns  aux  autres  ,  lui  firent  abandonner  fon 
projet.  Bernard  propofe,  dans  fon  traité  de  la  jonction 
des  mers,  une  communication  entre  la  mer  de  Pro- 
vence Se  l'Océan,  vers  la  côte  de  Normandie,  en 
joignant  l'Ouchc  à  l'Armanfon.  On  traverleroit  ainli 
la  France  par  le  Rhône  ,  la  Saône  ,  l'Ouche  ,  l'Ar- 
manfon ,  l'Yonne ,  &  la  Seine. 

La  France  a  plufieurs  grands  canaux  :  celui  de 
Briare  fut  commencé  fous  Henri  IV.  &  achevé  fous 
Louis  XIII.  par  les  foins  du  cardinal  de  Richelieu.  Il 
établit  la  communication  de  la  rivière  de  Loire  à  la 
rivière  de  Seine  par  le  Loing.  Il  a  onze  grandes  lieues 
de  longueur ,  à  le  prendre  depuis  Briare  jufqu'à  Mon- 
targis.  C'eft  au-deffous  de  Briare  qu'il  entre  dans  la 
Loire  ,  Se  c'eft  à  Cepoi  qu'il  finit  dans  le  Loing.  Les 
eaux  du  canal  font  foùrenues  par  quarante-deux  éclu- 
fes  ,  qui  fervent  à  monter  Se  à  deicendre  les  trains 


CAN 

de  bois  &  les  bateaux,  qu'on  conftruit  pour  cet  effet 
d'une  longueur  &  d'une  largeur  proportionnée.  On 
paye  un  droit  de  péage  à  chaque  éclufe  pour  l'entre- 
tien du  canal  &  le  rembourfement  des  propriétaires. 
Le  canal  d'Orléans  fut  entrepris  en  1675  Pour  'a 
communication  de  la  Seine  &c  de  la  Loire.  Il  a  vingt 
éclufes.  C'eft  Philippe  d'Orléans ,  régent  de  France 
qui  l'a  fait  achever  (dus  la  minorité  de  Louis  XV.  Il 
porte  le  nom  d'une  ville  dans  laquelle  il  ne  paffe  pas. 
Il  commence  au  bourg  de  Combleux ,  qui  eft  à  une 
petite  lieue  d'Orléans. 

Le  projet  du  canal  de  Picardie  pour  la  jon&ion  des 
rivières  de  Somme  6c  d'Oife ,  a  été  formé  fous  les  mi- 
nifteres  des  cardinaux  de  Richelieu  6c  de  Mazarin , 
&  (dus  celui  de  M.  de  Colbert. 

Mais  un  des  plus  grands  &  des  plus  merveilleux 
ouvrages  de  cette  efpece  ,  &  en  même  tems  un  des 
plus  utiles,  c'eft  la  jonction  des  deux  mers  par  le  canal 
de  Languedoc ,  propolé  (dus  François  I.  fous  Henri 
IV.  ions  Louis  XIII.  entrepris  &  achevé  fous  Louis 
XiV.  Il  commence  par  un  réfervoir  de  quatre  mille 
pas  de  circonférence  ,  &  de  quatre-vingts  pies  de  pro- 
fondeur, qui  reçoit  les  eaux  de  la  montagne  Noire. 
Elles  delcendent  à  Nauroule  dans  un  baffin  de  deux 
Cents  toiles  de  longueur  ,  6c  de  cent  cinquante  de 
largeur,  revêtu  de  pierre  de  taille.  C'eft-là  le  point 
de  partage  d'où  les  eaux  fe  diftribuent  à  droite  &  à 
gauche  dans  un  canal  de  foixante  &  quatre  lieues  de 
long ,  où  fe  jettent  plufieurs  petites  rivières,  foûtenues 
d'efpace  en  efpace  de  cent  quatre  éclufes.  Les  huit 
échues  qui  font  voifines  de  Bcfiers,  forment  un  très- 
beau  (peclacle  :  c'eft  une  cafcade  de  cent  cinquante- 
iix  toifes  de  long  fur  onze  toiles  de  pente. 

Ce  canal  eft  conduit  en  plufieurs  endroits  fur  des 
âquéducs  6c  fur  des  ponts  d'une  hauteur  incroyable, 
qui  donnent  pafTage  entre  leurs  arches  à  d'autres  ri- 
vières. Ailleurs  ,  il  eft  coupé  dans  le  roc  tantôt  à  dé- 
couvert ,  tantôt  en  voûte  ,  fur  la  longueur  de  plus  de 
mille  pas.  Il  fe  joint  d'un  bout  à  la  Garonne  près  de 
Touloufe  :  de  l'autre  traverfant  deux  (dis  l'Aude  ,  il 
paiTe  entre  Agde  tk  Bcfiers  ,  &  va  finir  au  grand  lac 
de  Tau  ,  qui  s'étend  julqu'au  port  de  Cette. 

Ce  monument  eft  comparable  à  tout  ce  que  les 
Romains  ont  tenté  de  plus  grand.  Il  fut  projette  en 
1666,  &  démontré  potlible  par  une  multitude  infinie 
d'opérations  longues  6c  pénibles ,  faites  fur  les  lieux 
par  François  Riquct ,  qui  le  finit  avant  fa  mort ,  ar- 
rivée en  1680.  Quand  les  grandes  choies  font  exé- 
cutées ,  il  eft  facile  à  ceux  qui  les  contemplent  de  les 
imaginer  plus  parfaites  6c  plus  grandes.  C'eft  ce  qui 
eft  arrivé  ici.  On  a  propoië  un  réfervoir  plus  grand 
que  le  premier,  un  canal  plus  large  ,  6c  des  éclufes 
plus  grandes  :  mais  on  a  été  arrêté  par  les  frais. 

Nous  n'entrerons  pas  dans  tous  les  détails  de  la 
conftrudtion  de  ce  canal,  mais  nous  ne  pouvons  guère 
nous  difpenfer  d'expliquer  le  méchanifme  &  le  jeu 
des  échues  ou  rélervoirs  d'eau,  qu'on  peut  regarder 
comme  de  grands  coffres  qu'on  remplit  à  diferétion  , 
&C  à  l'aide  defquels  on  fait  monter  ou  defeendre  un 
bâtiment  d'une  portion  de  canal  dans  une  autre. 

Il  faut  obfervcr  d'abord  ,quc  dans  les  canaux  l'eau 
eft  de  niveau  clans  chaque  partie,  c'eft-à-dire  entre 
une  éclufe  6c  une  autre  éclufe ,  &  que  les  eaux  des 
différentes  parties  font  dans  des  niveaux  différens. 

Une  éclufe  eft  compofée  de  deux  murs  parallèles 
IX,  34,  voy.  PI.  du  canal  de  Lang.  à  la  fin  de  nos  PI. 
d'Hyd.fig.  1.  &  4.  la  hauteur  N  M  de  ces  murs  eft 
de  deux  pics  ou  environ  plus  haute  que  depuis  le  fond 
du  canal  inférieur  jufqu'au  niveau  de  la  furface  de 
l'eau  du  canal  fupérieur  :  ces  deux  murs  font  éloi- 
gnés l'un  de  l'autre  d'autant  qu'il  convient ,  pour 
que  les  bâtimens  puiffent  paffer  commodément  ;  & 
ils  doivent  être  bâtis  ldlidemcnt  fur  pilotis  ou  terre 


CAN 


583 


franche  &  un.  peu  en  talud ,  pour  qu'ils  puiffent  mieux 
foûtenir  l'effort  des  terres. 

On  a  placé  entre  ces  deux  murs  les  portes  24 ,  15, 
fig.  1.  la  première  pour  empêcher  l'eau  du  canal  fu- 
périeur d'entrer  dans  le  coffre  ou  dans  l'éclufe  ;  &  la 
féconde,  pour  arrêter  &  foûtenir  l'eau  quand  elle  en 
eft  remplie.  Ces  portes  doivent  être  très -fortes  j  & 
tourner  librement  fur  leurs  pivots  :  c'eft  pour  les  pou- 
voir ouvrir  &  fermer  avec  facilité  ,  qu'on  y  ajufte 
les  longues  barres  Ab,Ca,au  moyen  defquelles  on 
les  meut  comme  le  gouvernail  d'un  vaiffeau  par  fa 
barre  ou  (on  timon.  Il  faut  aufli  les  conftruire  de  ma- 
nière qu'elles  foientbien  étanchées,  &  qu'elles  bif- 
fent paffer  le  moins  d'eau  qu'il  eft  poiïible.  Les  deux 
battans  de  chaque  porte  s'appuient  l'un  contre  l'au- 
tre ,  &  forment  un  angle  faillant  du  côté  où  l'eau  fait 
effort  contre  eux. 

Outre  ces  parties ,  une  éclufe  a  encore  deuxcanaux 
foûterrains  G,  H;  K,F.  Le  canal  G  7/ qui  defeend 
obliquement,  (ert  à  lâcher  l'eau  dircanal  fupérieur  Dy 
fig.  z.  dans  le  corps  de  l'éclufe ,  où  elle  eft  retenue 
par  la  porte  Cqui  eft  fuppofée  fermée.  On  lâche  cette 
eau  en  levant  la  pelle  D  G  ,  qui  en  ferme  l'ouvertu- 
re. Voycifig.  3.  le  canal  G  # ouvert  en  G,  6c  l'autre 
canal  K  F  fermé  en  K.  Quand  au  contraire  on  veut 
vuider  le  coffre  de  l'éclule ,  on  ferme  le  canal  G  H 
en  baiffant  la  pelle  G  ;  &  l'on  ouvre  le  canal  K  F  en 
levant  la  pelle  K  :  l'eau  n'étant  plus  retenue,  s'écoule 
par  le  canal  K  F  dans  le  canal  inférieur  B  ;  enforte 
qu'elles  fe  mettent  de  niveau  dans  le  canal  &  dans 
l'éclufe.  Voy&7_  la  fig.  2. 

Jm  des  éclufes.  Si  l'on  propofe ,  par  exemple ,  de 
faire  monter  le  bateau  B  du  canal  inférieur  dans  le 
canal  fupérieur  G  ,fig.  2.  la  porte  A  &  la  pelle  G  du 
canal  fupérieur  étant  fermées ,  on  laiffera  écouler  par 
le  canal  K  F  toute  l'eau  que  contient  l'éclufe  ,  fi  elle 
n'eft  pas  vuide:  on  ouvrira  enfuite  les  grandes  por- 
tes C,  en  tournant  leurs  barres  C a ,  ou  en  tirant  leurs 
battans  fig.  1.  &  4.  ce  qui  fera  facile,  puifquc  l'eau 
qu'elles  ont  de  part  &  d'autre  eft  en  équilibre.  Les 
portes  étant  ouvertes ,  on  fera  entrer  le  bateau  dans 
le  corps  de  l'éclufe  ;  on  refermera  enfuite  les  portes 
C&  la  pelle  K;  enfuite  on  ouvrira  la  pelle  G  pour 
remplir  l'éclufe  de  l'eau  du  canal ,  jufqu'à  ce  qu'elle 
(oit  de  niveau  avec  celle  du  canal  D  ,  comme  on  voit 
fig.  3.  Le  bateau  s'élèvera  à  mefure  que  l'éclufe  fe 
remplira  d'eau  ,  &  il  arrivera  à  la  hauteur  B.  Les  cho- 
ies étant  en  cet  état ,  on  ouvrira  la  porte  A  ,6c  le  ba- 
teau paffera  dans  le  canal  D  ;  ce  que  l'on  s'étoit  pro- 
po(é  de  faire. 

S'il  eût  été  queftion  de  faire  defeendre  le  bateau 
du  canal  D  fig.  J.  dans  le  canal  inférieur ,  il  faudrait 
commencer  par  remplir  l'éclule  d'eau,  ouvrir  la  porte 
A,  y  faire  enfuite  paffer  le  bateau,  refermer  cette 
porte  &  la  pelle  G ,  ouvrir  enfuite  la  pelle  K ,  pour 
laiffer  écouler  l'eau  de  l'éclufe  dans  le  canal  \n\êr\e\\r. 
Le  bateau  baiffera  à  mefure  que  l'éclufe  fe  vuidera  ; 
&  lorfque  l'eau  de  l'éclufe  fera  au  niveau  de  ceile  du 
canal  inférieur ,  on  ouvrira  la  porte  Cpour  faire  for- 
tir  le  bateau  6c  le  faire  paffer  dans  le  canal  B.  Voye^ 
l' article  E CLUSE. 

Canal,  (Jardin.)  c'eft  ordinairement  une  lon- 
gue pièce  d'eau  ,  pratiquée  dans  un  jardin  pour  l'or- 
nement &  la  clôture. 

Canal  ,  ehe{  les  Fontainiers  ,  fe  prend  encore  pour 
un  tuyau  de  fontaine. 

Canal  en  cafcade,  (Jardinage.  )  eft  un  canal  inter-' 
rompu  par  plufieurs  chûtes  qui  ftiiveht  l'inégalité  du 
terrein.  On  en  voit  à  Fontainebleau  ,  à  Marly,  au 
théâtre  d'eau  à  Verfailles ,  6c  dans  les  jardins  de  Cou- 
vanecs. 

Canaux  foûterreins ,  font  des  aqueducs  enfoncés 
en  terre,  qui  fervent  à  conduire  les  eaux.  Voye-^ 
Aqueduc. 


534 


C  A  N 


Ce  font  àufli  les  tuyaux  &  conduits  dont  on  fe  fert 
pour  amener  les  eaux,  lefquels  le  trouvent  tout  re- 
couverts de  terre  loriqu'ils  font  poiés.  (K  ) 

Canal  de  Cêtrave ,  e'êft ,  en  Marine,  le  bout  creu- 
fe ou  cannelé  de  l'étrave  ,  iur  quoi  repoie  le  beaupré 
quand  on  n'y  met  point  de  couffin. 

Canal  ,  faire  canal,  (Marine.)  ce  terme  n'eft  guè- 
re ufité  que  pour  la  navigation  des  galères.  Une  ga- 
lère fait  canal  iorfqu'eiie  fait  un  trajet  de  mer  allez 
coniîdérable  pour  perdre  la  côte  de  vue  ,  avant  que 
d'arriver  au  lieu  vers  lequel  elle  fait  route.  (Z) 

Canal,  enAnatomie,  eft  un  mot  pris  générale- 
ment pour  exprimer  tous  les  vaiffeaux  du  corps, 
tels  que  les  veines ,  les  artères ,  &c  par  lefquels  dif- 
férents fluides  circulent.  Voye^  Vaisseau,  Artè- 
re, &c. 

Le  canal  artériel ,         -\  /"ARTERIEL. 

Le  canal  vtint  ux  ,  j  \  Ve  I N  EUX. 

Le  canal  hépatique,  j  \  HÉPATIQUE. 

Le  canal  cy pique ,  /  ïCySTIQUE. 

Les  canaux  kepati-cyfiq\  /HÉPATï-CÏ  STIQ. 

Le  canal  cholidoque,        .  ^oy.   ^Ckolidoçue. 
Le  canal  thorachique  ,       \  /  T*  0  R  A  CHîQ  O  £ , 

Le  canal pancréatique ,      t  -jf  PANCRÉATIQUE. 

Les  canaux  déferons ,  I  |  DÉFÉRENT. 

Les  canaux  adipeux.        J         y  Adipeux. 

Les  canaux  demi-circulaires  font  trois  canaux  dans 
le  labyrinthe  de  l'oieille,  qui  s'ouvrent  par  autant 
d'orifices  dans  le  veltibule.  Voyer  Oseille. 

Ils  font  au  nombre  de  trois ,  un  vertical  fupérieur, 
un  vertical  poftérieur,  &  un  horilontal.  Ce  dernier 
eft  ordinairement  le  pius  petit  des  trois  ;  le  vertical 
poftérieur  eft  fouvent  le  pius  grand ,  quelquefois  c'eft 
le  vertical  fupérieur  qui  furpafte  les  autres.  Ils  va- 
rient fouvent  fuivant  la  différence  des  fujets:  mais 
ils  font  toujours  femblables  dans  la  même  perfonne. 
Valfalva  conjecture  que  l'intention  de  la  nature ,  en 
donnant  des  grandeurs  différentes  à  ces  canaux ,  dans 
lefquels  une  paitie  du  nerf  auditif  eâ  logée,  a  été  de 
les  accommoder  à  la  différence  des  fons ,  dont  les  im- 
preffions  euffent  toujours  été  les  mêmes  fi  ces  canaux 
avoient  été  de  même  grandeur  :  &  quoiqu'on  remar- 
que quelque  différence  dans  leur  forme  &  leur  gran- 
deur dans  différentes  perfonnes ,  ils  ne  biffent  pas 
d'être  entièrement  femblables  dans  le  même  homme; 
car  fans  cette  précaution,  il  n'eût  pas  manqué  d'y 
avoir  de  la  discordance  dans  les  organes  de  l'ouie. 

Les  canaux  aqueux,  duclus  aquojî Nuckii,  font  cer- 
tains canaux  dans  la  fclérotique  ,  que  M.  Nuck  a  dé- 
couverts, par  lefquels  on  croit  que  l'humeur  aqueufe 
de  l'œil  eft  apportée  dans  l'intérieur  des  membranes 
qui  renferment  cette  liqueur  :  mais  cette  découverte 
n'eft  pas  généralement  reçue.  Foye^  Aqueux  & 
<Eil. 

Canal,  (Maréchalerie.)  on  appelle  ainfi  le  creux 
qui  eft  au  milieu  de  la  mâchoire  inférieure  de  la  bou- 
che du  cheval,  qui  eftdeftiné  à  placer  la  langue ,  & 
qui  étant  borné  de  part  &  d'autre  par  les  barres ,  fe 
termine  aux  dents  mâchelieres.  C'eft  dans  ce  canal 
que  croiffent  les  barbillons. 

Quand  le  canal  eft  large ,  le  gofier  s'y  loge  facile- 
ment, &  le  cheval  peut  bien  brider:  mais  lorfqu'il 
eft  trop  étroit,  le  cheval  eft  contraint  de  porter  le 
nez  au  vent.  (V) 

C  an  A  L  ;  c'eft  dans  un  aqueduc  de  pierre  ou  de 
terre ,  la  partie  par  où  paffe  l'eau  qui  fe  trouve  dans 
les  aqueducs  antiques,  revêtue  d'un  corroi  de  maf- 
tic  de  certaine  compofition  ,  comme  au  pont  du 
Gard  en  Languedoc. 

Canal  ou  Gouttière.  Voye^  Gouttière. 

Canal  d'un  larmier t  en  Architecture ,  c'eft  le  pla- 


C  A  N' 

fond  creufe  d'une  corniche ,  qui  fait  le  pendant  à  moii* 
chettes.  ^oye^ Larmier  &  Sophii. 

Canal  de  volute;  c'eft  dans  la  volute  ionique ,  la  fa- 
ce des  circonvolutions  renfermée  par  un  ftftel,  6c 
dont  le  chapiteau  eft  entre  le  liftel  &  l'ove. 

CANAL,  terme  d' Architecture  ,  ie  dit  des  cavités 
droites  ou  tories ,  dont  on  orne  les  tigelles  des  cauli- 
coles  d'un  chapiteau. 

Canal  de  triglyphe.  Voye^  Triglyphe. 
*  Canal  des  ejpolins,  (  manufacture  de  foie.  )  machi- 
ne de  fer  blanc,  lur  laquelle  on  range  les  efpoiins, 
quand  l'étoffe  n'eft  pas  aifez  large  pour  les  contenir, 
gu  qu'ils  font  en  trop  grande  quantité.  Le  canal  eft 
plus  large  que  l'étoffe. 

v  NAL  de  Venfuple,  fe  dit  dans  les  mêmes  manu- 
factures, d'une  cannelure  dans  laquelle  on  place  la 
verge  qui  eft  attachée  à  la  tête  ou  au  cheî  d .  I  é  toffe , 
oit  plutôt  à  la  queue  de  la  chaîne. 

*  C  a  nal  e  encore  chez  les  mêmes  ouvriers  , 

un  morceau  de  bois  cave,  en  forme  de  tuile  creufe  , 
dont  la  concavité  imite  la  convexité  de  l'enfuple.  Il 
eft  long  de  deux  pies  ou  environ,  il  s'applique  fur 
l'enfuple  même  ,  &  fert  à  garantir  l'ouvrier  des  poin- 
tes d'aiguille  qui  arrêtent  l'étoffe  dans  le  velours  ci- 
felé ,  tk.  à  garantir  l'étoife  même  du  frotement  dans  le 
veiours  uni.  Voy.  Us articles  VELOURS  «S'AIGUILLE 
d'ensuple. 

Canal  (Je)  ou  la  Manche  ,  (Gèograp.)  c'eft  le 
nom  qu'on  donne  ordinairement  à  la  mer  qui  lépare 
la  France  de  l'Angleterre. 

CANAN,  f.  m.  (Commerce.)  mefure  des  liquides 
dont  on  fe  fert  dans  le  royaume  de  Siam ,  &  que  les 
Portugais  appellent  choup  :  le  canan  tient  environ  un 
pot  ou  deux  pintes  de  Paris  :  le  quart  du  canan  s'ap- 
pelle lenigj  c'eft  notre  chopine.  Au-defibus  du  lenig 
font  les  cocos  ;  il  y  en  a  cependant  qui  peuvent  con- 
tenir une  pinte  entière  de  liqueur.  Poyi{  Cocos ,  me- 
fure. (G)     v 

CAWANOR ,  (Gèog.)  petit  royaume  d'Afie,  avec 
upe  ville  qui  porte  le  même  nom ,  fur  la  côte  de  Ma- 
labar, appartenante  aux  Portugais.  Long,  g 3.  ^J. 
Lu.  iz.  là. 

CANAPÉ,  f.  f.  longue  chaife  à  dos,  fur  laquelle 
pliriieurs  perfonnes  peuvent  s'affeoir,  &  même  le 
coucher. 

C  ANAPÉ ,  f.  m.  en  terme  de  Raffineur  defucre ,  eft  une 
efpece  de  chaife  de  bois  fur  laquelle  on  met  le  baffin, 
lorfqu'il  eft  queftion  de  tranfporter  la  cuite  du  rafrai- 
chiftoir  dans  les  formes  :  deux  des  monta  ns  font  un 
peu  plus  élevés  que  les  autres,  pour  empêcher  le  baf- 
fin de  répandre. 

CANAPEYES ,  (  Gèog.  )  nom  qu'on  donne  à  une 
nation  fauvage  de  l'Amérique  méridionale,  qui  habi- 
te une  partie  de  la  nouvelle  Grenade. 

CANAPLES,  (  Gèog.  )  petite  ville  de  France  en 
Picardie ,  entre  Amiens  &  Dourlens. 

CANARA,  {Gèog.)  royaume  d'Afie,  fur  la  côte 
de  Malabar,  habité  par  des  peuples  idolâtres. 

CANARANE,  {Gèog.)  royaume  d'Afie  dans  l'In- 
de, au-de-lâ  du  Gange.  Quelques  Géographes  dou- 
tent de  fon  exiftence. 

CANARD ,  f.  m.  anas,  (Hifl.  nat.  Zoolog.)  oifeau 
aquatique ,  dont  la  femelle  porte  le  nom  de  cane.  Les 
canards  &  autres  oifeaux  de  rivière  font  pefans,  & 
fcmblent  fe  mouvoir  difficilement  ;  c'eft  pourquoi  ils 
font  du  bruit  avec  leurs  ailes  en  volant.  Il  y  a  des 
canards  fauvages  qui  font  aufti  gros  &  plus  que  les  ca- 
nards  domeftiques,  &  qui  leur  reffemblent  à  tous 
égards  ;  d'autres  qui  font  plus  petits  :  ainfi  il  y  en  a 
de  deux  fortes.  On  doit  les  diftinguer  en  grands  &  en 
petits,  &  non  pas  en  fauvages  &  en  domeftiques, 
puifque  ceux-ci  font  venus  des  œufs  de  canards  fau- 
vages. Les  couleurs  de  ceux-ci  font  confiantes  :  mais 
celles  des  autres  varient  j  ils  font  quelquefois  mi-par- 
tis 


C  A  N 

ris  de  blanc  ou  entièrement  blancs.  Cependant  il  s'en 
trouve  qui  ont  les  mêmes  couleurs  que  les  fauva- 
ges.  Belon,  Hifl.  de  la  nat.  des  oij'eaux. 

Il  y  a  quantité  d'elpeces  de  canards:  il  fuffira  de 
rapporter  ici  les  principales ,  je  veux  dire  celles  qui 
ont  été  nommées  en  François. 

Canard  à  bec  crochu,  anas  rojlro  adunco:  le  mâle 
pefe  deux  livres  deux  onces  ;  il  a  depuis  la  pointe 
du  bec  jufqu'à  l'extrémité  de  la  queue  environ  deux 
pies  de  longueur:  l'envergure  eft  de  trente-deux  pou- 
ces ;  le  bec  eft  long  de  deux  pouces  &  demi  ;  il  elt  un 
peu  courbé,  &  d'un  verd  pâle;  la  pointe  qui  cil  à  l'ex- 
trémité eft  de  couleur  noire.  Le  plumage  de  la  tête 
&  du  deffous  du  cou  eft  d'un  verd  l'ombre ,  &  il  y  a 
deux  raies  formées  par  de  petits  points  ou  taches 
blanches  ;  l'une  des  raies  paile  au  -  defius  du  bec  , 
prefque  fur  l'œil,  &  s'étend  jufqu'au  derrière  de  la 
tète,  &  l'autre  va  depuis  le  bec  jufqu'au-deflbus  de 
l'œil,  qui  eft  entouré  d'un  cercle  déplumes  de  la 
même  couleur  :  le  plumage  du  menton  eft  aufii  bi- 
garré de  la  même  manière;  celui  de  la  gorge,  de  la 
poitrine  &  du  ventre,  eft  blanc,  &  cette  couleur  eft 
mélangée  de  quelques  petites  taches  tranfveriàles 
d'un  brun  rougeâtre  ;  les  plumes  du  dos  de  même  que 
celles  de  la  naiffance  des  ailes  &  des  flancs  ,  font  de 
cette  même  couleur,  6c  bordées  oc  bigarrées  par-tout 
de  blanc.  Les  grandes  plumes  des  ailes  font  au  nom- 
bre de  vingt-quatre,  les  fix  premières  font  toutes  blan- 
ches, &  les  autres  font  d'un  brun  rougeâtre  ;  les  pe- 
tites plumes  du  premier  rang  font  bleues,  à  l'excep- 
tion des  pointes  qui  font  blanches;  les  plumes  du  fé- 
cond rang  font  brunes ,  &  leur  pointe  eft  blanche  : 
la  queue  eft  compolée  de  vingt  plumes  noires ,  leurs 
pointes  font  blanches  ;  les  quatre  du  milieu  font  re- 
courbées par  en  haut  en  forme  de  cercle  vers  le  dos  : 
les  jambes  &  les  pattes  font  de  couleur  orangée.  La 
femelle  de  cet  oilèau  refl'emble  beaucoup  à  celle  du 
canard  ordinaire ,  à  l'exception  du  bec  qui  eft  cro- 
chu ;  elles  pondent  plus  qu'aucunes  autres  de  ce  gen- 
re. Derham,  Hifl.  nat.  des  oij'eaux.  Voye^  OlSEAU. 

CANARDA  crête  noire,  anas  Juligula  prima  Geln.  il 
pcfe  deux  livres  ;  fa  longueur  depuis  la  pointe  du 
bec  jufqu'à  l'extrémité  de  la  queue  eft  de  quinze  à 
feize  pouces  ;  &  l'envergure  eft  de  deux  pies  6c  trois 
ou  quatre  pouces  :  le  bec  a  depuis  la  pointe  jus- 
qu'aux coins  de  la  bouche  ,  environ  deux  pouces 
de  longueur  ;  il  eft  large ,  d'un  bleu  pâle  par-tout  , 
excepté  à  la  pointe  qui  eft  noire  :  les  narines  font 
grandes ,  &  environnées  par  un  efpace  dégarni  de 
plumes  :  l'iris  des  yeux  eft  jaune,  ou  de  couleur  d'or  : 
les  oreilles  font  petites  ;  la  tête  ,  fur-tout  le  fommet , 
eft  d'un  pourpre  noirâtre ,  ou  plutôt  d'une  couleur 
mélangée  de  noir  6c  de  pourpre  ;  c'eft  pourquoi  on 
appelle  cet  oifeau  à  Venife,  6c  dans  d'autres  endroits 
d'Italie ,  capo-negro.  Il  a  une  crête  qui  pend  derrière 
la  tête,de  la  longueur  d'un  pouce  &  demi  :  la  couleur 
du  cou  ,  des  épaules,  du  dos,  enfin  toute  la  partie 
fupérieure  de  ['oifeau  eft  d'un  brun  foncé  ,  prelque 
noir.  Les  ailes  font  courtes  ,  6c  toutes  les  petites  plu- 
mes font  noires;  les  quatre  premières  grandes  plu- 
mes font  de  la  même  couleur  que  le  corps;  les  fix 
qui  fuivent  deviennent  fucceffivement  blanches  par 
degrés  ;  les  dix  Iuivantes  font  blanches  comme  nei- 
ge, à  l'exception  de  leurs  pointes  qui  font  noires  ; 
les  fix  dernières  font  entièrement  noires  :  la  queue 
eft  très-courte  ,  &  compolée  de  quatorze  plumes 
noires  ;  le  deffous  du  cou  &  le  devant  de  la  poitrine 
font  noirs,  &  le  refte  de  la  poitrine  eft  blanc  ;  le  ven- 
tre eft  de  la  même  couleur  jufqu'à  l'anus,  ot 
plusobfcurc ,  6c  au-delà  elle  eft  noirâtre  :  les  plumes 
des  côtés  ,  que  recouvrent  les  ailes  lorfqu'elles  font 
pliées  ,  celles  qui  couvrent  les  cuifles  ,  &  les  petites 
plumes  du  délions  de  l'aile,  lont  blanches  ;  les  jam- 
bes font  courtes,  6ç  placées  en  arrière;  les  pattes 
Tome  11. 


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585 


font  d'une  couleur  livide ,  ou  de  bleu  obfcur  ;  les 
doigts  lont  longs ,  &  la  membrane  qui  les  joint  eft 
noire.  Le  corps  de  cet  oifeau  eft  court ,  épais ,  large, 
6c  un  peu  applati.  On  n'a  trouvé  que  des  cailloux" 6c 
de  l'algue  dans  l'eftomac  de  cet  oileau.  Willughby , 
Crnith.  Derham ,  Hijl.  nat.  des  oifeaux.  Vcye7^  OI- 
SEAU. 

Canard  à  tête  élevée. ,  anas  arrecla  ;  le  bec  de  cet 
oileau  eft  verd,  &  mêlé  d'une  couleur  brune  ;  l'iris 
des  yeux  eft  blanc  ;  le  fommet  de  la  tête  eft  noir  ;  il 
y  a  une  bande  blanche  qui  commence  fous  la  bafe 
du  bec  ,  &  qui  entoure  le  fommet  de  la  tête  au-def- 
fous  du  noir  ;  le  refte  de  la  tète  eft  d'une  couleur 
oblcure  ,  mêlée  de  verd  6c  de  rouge  ;  ce  qui  la  fait 
paraître  très-belle ,  félon  les  différeras  reflets  de  lu- 
mière :  le  cou  eft  bigarré  de  plumes  noires  6c  blan- 
ches ;  celles  de  la  poitrine  &  du  ventre  font  de  cette 
dernière  couleur  ;  les  côtés  du  ventre  fous  les  ailes 
&  les  cuifles  ,  font  d'une  couleur  oblcure  tirant  fur 
le  noir  ;  les  grandes  plumes  des  ailes  font  brunes  , 
&  leurs  bords  extérieurs  font  blancs  ;  le  dos  eft  d'u- 
ne couleur  Ibmbre  ,  mêlée  de  verd  &  de  rouge  ;  les 
jambes  &  les  pies  lont  d'un  jaune  oblcur.  Cet  oifeau 
le  tient  droit  en  marchant  ;  c'eft  pour  cette  raifort 
qu'on  l'appelle  le  canard  droitou  à  tête  élevée. Derham, 
Hifl.  nat.  des  oifeaux.  Voye^  OlSEAU. 

CANARD  de  Barbarie:  cet  oifeau  parait  avoir  eu 
plusieurs  dénominations  ;  car  on  croit  qu'il  a  été  dé- 
ligné parles  noms  luivans ,  anas  Mofchata  ,  anas  Cai- 
rina ,  anas  Libyca  ,  anas  Indica  ;  toutes  les  deferip- 
tions  que  l'on  en  a  faites  fous  ces  dirférens  noms ,  s'ac- 
cordent pour  la  grandeur,  pour  la  voix  rauque  6c  en- 
trecoupée comme  par  des  lifîlemens ,  pour  les  tubé- 
rolités  dégarnies  de  plumes  entre  les  narines  Cv"  su- 
tour  des  yeux ,  &  pour  la  grandeur  du  mâle ,  qui  lur- 
palfe  celle  de  la  femelle.  Les  couleurs  du  plumage 
varient  comme  dans  tous  les  oileaux  domeftiques. 
J'ai  vu  un  mâle  de  trois  ans  qui  peloit  quatre  livres 
treize  onces  ;  il  avoit  deux  pies  deux  pouces  6c  de- 
mi de  longueur ,  depuis  la  pointe  du  bec  julqu'au 
bout  des  pattes ,  &  deux  pies  6c  demi  jufqu'au  bout 
de  là  queue  ;  la  partie  fupérieure  du  bec  a  deux  pou- 
ces cinq  lignes  de  longueur  ,  depuis  l'ouverture  de 
la  bouche  jufqu'à  l'extrémité  de  cette  partie  fupé- 
rieure ,  qui  eft  terminée  par  une  forte  d'ongle  large 
&  plat ,  noir  &  crochu ,  allez  reflemblant  à  un  ongle 
humain  ;  les  bords  de  cet  ongle  font  blanchâtres  ;  il 
y  a  un  pareil  ongle  à  l'extrémité  de  la  partie  infé- 
rieure du  bec  ;  la  fupérieure  a  onze  lignes  de  lar- 
geur, &  deux  pouce->  huit  lignes  de  longueur  jus- 
qu'aux premières  plumes  de  la  tète  ;  elle  eft  en  forme 
de  gouttière-  renverlée;  les  narines  font  à  égale  dif- 
tance  de  la  pointe  du  bec  &  du  mi    _  .  ux  :  le 

bec  eft  élevé  ,  &  tuberculeux  derrière  les  narines  ; 
mais  cette  partie  eft  recouverte  par  une  membrane 
marbrée  de  noir  &  de  rouge,  qui  environne  la  baie 
du  bec  entier ,  qui  s'étend  jufqu'aux  yeux ,  <Sc  qui  les 
entoure  ;  cette  membrane  recouvre  des  tubercules 
ofl'eux  plus  ou  moins  gros ,  qui  font  placés  autour 
des  veux  ,  Cv  qui  ont  une  couleur  blanche  rouliàtre  ; 
le  bec  eft  marbre  de  rouge  ,  de  couleur  de  chair  Cv 
de  noir  ;  les  dents  lont  en  forme  de  feie  ,  comme  dans 
les  canards  ordinaires  ;  la  langue  elt  aufli  pareille  ;  la 
tête  ,  ce  le  defius  du  cou  fur  la  moitié  de  fa  longueur, 
font  panaches  de  noir  ce  de  blanc  ;  tout  le  refte  du 
defius du  cou  ,  le  dos  entier ,  le  croupion,  &  la  queue, 
font  d'une  couleur  oblcure  &  changeante  .  mêlée 
d'or ,  de  pourpre,  de  bleu  6c  de  verd  ;  les  lis:  pre- 
mières grandes  plumes  des  ailes  font  blanc! 
dix-fept  Iuivantes  font  de  la  même  couleur  que  les 
longues  plumes  de  l'épaule  6c  de  la  queue  ;  la  partie 
moyenne  de  ces  dix-fept  grandes  plumes  de  l'aile  eft 
panachée  de  noir  &  de  blanc  ,  principalement  fur  les 
barbes  intérieures  ;  car  les  barbes  extérieures  des  der- 

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nieres  de  ces  dix-fept  grandes  plumes ,  font  de  même 
couleur  que  l'extrémité  ,  &:  les  trois  ou  quatre  der- 
nières grandes  plumes  l'ont  entièrement  de  la  même 
couleur  que  la  pointe  des  autres;  toutes  les  plumes  qui 
recouvrent  les  grandes  l'ont  blanches  ,  à  l'exception 
des  fix  ou  fept  premières ,  qui  font  en  grande  partie 
de  la  couleur  changeante  qui  eft  fur  la  plupart  des 
grandes  plumes  :  tout  le  deffous  de  l'aile  eft  blanc , 
à  l'exception  des  endroits  des  plumes  qui  font  de  cou- 
leur changeante  à  l'extérieur  ;  l'intérieur  en  eft  brun  ; 
la  gorge  eft  tachetée  de  blanc  ,  de  brun,  &  de  noir  ; 
le  cou  &  la  poitrine  font  blancs,  avec  des  taches  ir- 
régulieres  fur  le  jabot ,  qui  font  formées  par  plufieurs 
plumes  brunes  mêlées  parmi  les  blanches  ;  le  ventre 
6c  les  cuiiTes  font  bruns  ;  les  côtés  &  le  deffous  de  la 
queue  font  auffi  d'une  couleur  brune  ,  mais  elle  eft 
un  peu  mêlée  de  couleur  changeante  ;  les  pattes  font 
brunes  ;  la  membrane  qui  réunit  les  doigts  eft  auffi 
brune ,  &  marquetée  de  blanc  fale  ;  le  deffous  du 
pie  &  les  oncles  font  d'un  blanc  fale  tacheté  de  noir. 
Ces  oifeaux  font  privés ,  &  fe  multiplient  comme 
les  canards  communs,  f'oye^  OlSEAU. 

CANARD  de  Madagajèar  ,  anas  Madagafcirienfîs  , 
eft  un  peu  plus  grand  que  le  canard  privé  ;  le  bec  eft 
d'un  brun  jaunâtre  ,  &  l'iris  des  yeux  eft  d'un  beau 
rouge  ;  le  cou  &  la  tête  font  d'un  verd  iombre ,  &  le 
dos  eft  d'un  pourpre  foncé  mélangé  de  bleu,  à  l'ex- 
ception des  bords  des  plumes  qui  lont  rouges  ;  la  poi- 
trine eft  d'un  brun  fombre  ,  excepté  les  bords  exté- 
rieurs des  plumes  qui  font  rouges  ;  le  bas  du  ventre 
eft  brun;  les  plumes  des  épaules  lônt  d'une  couleur 
fombre  mêlée  de  bleu  ,  de  même  que  le  premier  rang 
des  petites  plumes  des  ailes  ;  les  grandes  ont  les  bords 
rouges  ;  le  fécond  rang  des  petites  plumes  eft  verd  ; 
les  jambes  &  les  pies  font  de  couleur  orangée.  Cet 
oifeau  eft  très-beau  ;  il  vient  originairement  de  Ma- 
dagafear.  Derham  ,  Hijl.  nat.  des  oifeaux.  Voye{  Oi- 
seau. 

CANARD  d'été,  anas  criflatus  elegans ;  cet  oifeau 
a  une  double  hupe  qui  pend  en  arrière,  &  un  fort 
beau  plumage;  il  a  été  décrit  par  Catesby ,  Hiji.  de 
la  Caroline  ,  vol.  I.  page  qj .  il  fe  trouve  en  Virginie 
&  en  Caroline  :  il  fait  fon  nid  dans  les  trous  que  les 
piverts  font  fur  les  grands  arbres  qui  croiffent  dans 
l'eau ,  &  principalement  fur  les  cyprès.  Tant  que  les 
petits  font  encore  trop  jeunes  pour  voler,  les  vieux 
canards  les  portent  iur  leur  dos  jufque  dans  l'eau;  & 
lorfqu'il  y  a  quelque  choie  à  craindre  pour  eux  ,  ils 
s'attachent  par  le  bec  au  dos  &  à  la  queue  du  gros 
oifeau  ,  qui  s'envole  avec  fa  famille.  Hiji.  nat.  de 
divers  oif.  par  Edvards  ,  art.  xcjx.  Voye^  OlSEAU. 

CANARD  domeflique ,  anas  domejîica  vulgaris  ;il  eft 
plus  petit  que  l'oie ,  &  prefque  de  la  groffeur  d'une 
poule ,  mais  moins  élevé  ;  le  dos  &  le  bec  font  lar- 
ges ;  les  jambes  courtes  ,  greffes ,  &  dirigées  en  ar- 
rière ,  ce  qui  lui  donne  de  la  facilité  pour  nager,  & 
de  la  difficulté  pour  marcher;  auffi  marche-t-il  len- 
tement &  avec  peine.  Les  couleurs  varient  à  l'infi- 
ni dans  ces  canards ,  de  même  que  dans  les  poules , 
&  dans  tous  les  autres  oifeaux  domeftiques.  Le  mâle 
diffère  de  la  femelle  ,  en  ce  qu'il  a  fur  le  croupion 
des  plumes  qui  s'élèvent  &  fe  recourbent  en  avant. 
La  femelle  fait  d'une  feule  ponte  douze  ou  quatorze 
ceufs ,  &  quelquefois  plus  ;  ils  reffemblent  à  ceux  des 
poules  ,  &  font  de  couleur  blanchâtre  teinte  de  verd 
ou  de  bleu;  le  jaune  en  eft  gros  ,  &  d'un  jaune  rou- 
geâtre.  Willughby ,  Omith.  foye^  Oiseau. 

CANARD  fauvage ,  ou  cane  au  collier  blanc  ,  cane 
de  mer  ;  bofchas  major  ,  anas  torquata  minor ,  Aid.  il 
pefe  trente-lix  à  quarante  onces  ;  il  a  environ  un  pié 
neuf  pouces  de  longueur,  depuis  la  pointe  du  bec  juf- 
qu'à  l'extrémité  de  la  queue  ;  l'envergure  a  près  de 
deux  pies  neuf  pouces  ;  le  bec  eft  d'un  verd  jaunâ- 
tre ;  il  a  deux  pouces  6c  demi  de  longueur  depuis  les 


C  A  N 

coins  de  la  bouche  jufqu'à  fon  extrémité,  &£  près 
d'un  pouce  de  largeur  ;  il  n'eft  pas  trop  applati  ;  il  a 
à  l'extrémité  de  la  pièce  fupérieure  du  bec  une  ap- 
pendice ou  un  ongle  rond,  comme  dans  la  plupart 
des  oifeaux  de  ce  genre  ;  les  paupières  inférieures 
font  blanchâtres  ;  les  pattes  font  de  couleur  de  lafran  ; 
les  ongles  font  bruns  ;  celui  du  doigt  de  derrière  eft 
prefque  blanc  ;  celui  du  doigt  intérieur  eft  le  plus  pe- 
tit de  tous  ceux  de  devant  :  la  membrane  qui  joint 
les  doigts  enfemble  eft  d'une  couleur  plus  fale;  les 
cuiffes  font  couvertes  de  plumes  jufqu'au  genou  :  le 
mâle  a  la  tête  &  le  deffus  du  cou  d'un  beau  verd  > 
au  bas  duquel  il  y  a  un  collier  blanc  bien  entier  en- 
devant,  mais  qui  ne  l'eft  pas  par  derrière  ;  la  gorge 
eft  de  couleur  de  châtaigne  ,  depuis  le  collier  jufqu'à 
la  poitrine  ,  qui  eft  mêlée  de  blanc  &  de  cendré  ,  de 
même  que  le  ventre ,  &  parfemée  d'un  nombre  infi- 
ni de  points  bruns  ;  les  plumes  de  deffous  la  queue 
font  noires  ;  la  face  fupérieure  du  cou  eft  parfemée 
de  taches  rouffes  ,  mêlée  de  cendré  ;  la  partie  du  dos 
entre  les  deux  ailes  eft  rouffe  ;  le  deffous  de  l'oifeau 
eft  noirâtre  ;  le  croupion  eft  d'une  couleur  plus  fon- 
cée ,  &  mêlée  d'un  pourpre  luifant  ;  les  côtés  fous 
les  ailes ,  &  les  plus  longues  plumes  qui  vont  jufque 
fur  les  ctiiffes ,  font  marquées  de  lignes  tranfverlales 
d'un  très-beau  brun  ,  avec  du  blanc  mêlé  de  bleu  ; 
les  petites  plumes  des  ailes  font  rouffâtres  ;  les  lon- 
gues plumes  qui  fortent  des  épaules  font  de  couleur 
d'argent,  &  élégamment  panachées  de  petites  lignes 
tranlverlales  brunes.  Il  y  a  vingt-quatre  grandes  plu- 
mes à  chaque  aile  ;  les  dix  premières  font  brunes  ; 
les  dix  fuivantes  ont  la  pointe  blanchâtre  ,  &  les 
barbes  extérieures  d'un  beau  pourpre  bleuâtre  ;  en- 
tre le  bleu  &  le  blanc  il  y  a  de  petites  bandes  noi- 
res ;  la  vingt-unième  plume  a  la  pointe  blanche  ,  & 
le  bord  extérieur  de  couleur  de  pourpre  obfcur  ;  la 
vingt-deuxième  a  un  peu  de  couleur  d'argent  dans 
fon  milieu;  la  vingt-troilieme  eft  entièrement  blan- 
che ,  à  l'exception  des  bords  qui  font  noirâtres  ;  la 
vingt-quatrième  eft  blanche  auffi  en  entier ,  excepté 
le  bord  extérieur  qui  eft  noirâtre  :  les  petites  plumes 
font  de  la  même  couleur  que  les  grandes  ;  cepen- 
dant celles  qui  recouvrent  les  pourprées  ont  la  pointe 
noire  ,  &  enfuite  une  large  ligne  ou  tache  blanche  ; 
la  queue  eft  compolée  de  vingt  plumes  ,  dont  l'ex- 
trémité eft  pointue  ;  les  quatre  du  milieu  font  con- 
tournées en  cercle  ,  &  ont  une  belle  couleur  luifan- 
te  mêlée  de  pourpre  &  de  noir  ;  les  huit  fuivantes 
de  chaque  côté  font  blanchâtres;  les  plumes  du  def- 
fous de  l'aile  &  de  la  fauffe  aile  font  blanches. 

Ces  oifeaux  vont  par  troupes  pendant  l'hyver  ; 
au  printems  le  mâle  fuit  la  femelle  ;  ils  marchent  par 
paires  ,  &  ils  font  leur  nid  le  plus  fouvent  près  de 
l'eau ,  dans  les  joncs  &  les  bruyères  ,  &  raremeut 
fur  les  arbres.  La  femelle  fait  d'une  feule  ponte  dou- 
ze ou  quatorze  ceufs,  &  plus,  &  elle  les  couve: 
elle  n'a  pas  la  tête  verte  ,  ni  de  collier  fur  le  cou  ; 
fa  tête  &  fon  cou  ont  du  blanc  ,  du  brun,  &  du  roux 
noirâtre  ;  le  milieu  des  plumes  du  dos  eft  d'un  brun 
prefque  noir ,  &  les  bords  font  d'un  blanc  rouffâtre. 
Villughby  ,  Ornith.  Voye{  OlSEAU.   (  /) 

Le  canard  fauvage  paffe  pour  meilleur  que  le  do- 
meflique, étant  nourri  à  l'air  libre,  &  d'alimens  qu'il 
va  chercher  lui-même  ,  &  plus  exercé  que  l'autre  ; 
ce  qui  contribue  à  atténuer  &:  à  chaffer  au-dehors 
les  humeurs  groffieres  qu'il  peurroit  contenir ,  6t 
enfin  à  exalter  de  plus  en  plus  les  principes  de  fes  li- 
queurs ;  ainfi  il  abonde  davantage  en  fel  volatil  : 
cette  chair  eft  cependant  de  difficile  digeftion. 

Le  foie  du  canard  fauvage  paffe  pour  propre  à  ar- 
rêter le  flux  hépatique. 

La  graille  du  canard  eft  adouciffante ,  réfolutive  , 
6c  émolliente.  (-V) 

Canard  de  pré  de  France ,  roy.  Cane  petiere,- 


C  A  N 


C  A  N 


587 


Canard  de  Mofcov'u ,  voye{  Canard  de  Barbarie. 
Canard  d'Inde  ,  voye^  Canard  de  Barbarie. 
Dans  les  lieux  de  grand  partage  on  fait  au  milieu 
des  prairies  &  des  rofeaux  ,  loin  de  tous  arbres  &c 
haies ,  des  canardieres  ou  grandes  marres  ,  où  l'on 
met  quelques  canards  privés  qui  appellent  les  paf- 
fans ,  &  un  homme  caché  dans  une  hute  les  tire  au 
ïufil.  On  les  prend  auffi  aux  pièges,  foit  collets  ou 
autres  :  l'heure  la  plus  favorable  pour  les  tirer  eft  de 
grand  matin  ,  à  mefure  qu'ils  partent.  On  les  prend 
encore  avec  des  nappes  ou  à  l'appât ,  ou  bien  au 
tri&rac  avec  des  panneaux ,  &  à  la  glu  le  long  des 
marres  d'eau  où  ils  fe  repoient. 

Pour  le  vol  du  canard  il  faut  fe  fervir  des  autours 
qui  font  leur  coup  à  la  toife ,  c'eft-à-dire  tout  d'une 
haleine  ,  d'un  feul  trait  d'aile  ,  &  font  toujours  plus 
vîtes  à  partir  du  poing  que  les  autres.  Quand  on  eft 
arrivé  fur  le  lieu  ,  &  qu'on  a  obfervé  où  font  les  ca- 
nards, on  prend  les  devants  le  long  du  forte  avec  l'au- 
tour fur  le  poing;  on  le  préfente  vis-à-vis  les  ca- 
nards, qui  prennent  l'épouvante  &  fe  lèvent  :  mais 
l'autour  part  auffi-tôt  du  poing  ,  vole  à  eux ,  &  en 
empiète  toujours  quelqu'un. 

Dans  la  faiibn  où  les  canards  fouvagts  font  leurs 
canetons,  on  fuit  les  bords  des  étangs  6c  des  rivières 
avec  un  filet  attaché  à  la  queue  d'une  barque  ;  on  bat 
tous  les  endroits  couverts  &  marécageux ,  les  cane- 
tons effrayés  fortent  &  fe  jettent  dans  les  filets  ;  on 
les  prend,  on  leur  brûle  les  bouts  des  ailes ,  &  on  les 
mêle  avec  les  canetons  domejllques. 

Canards,  ou  bois  perdus  ;  voyei  Bois. 

CANARI  ,  f.  m.  oifeau  ainfi  appelle  des  îles  Ca- 
naries d'où  on  nous  l'a  apporté.  Voye-^  Serin.  (/) 

CANARIE  (la  grande)  ,  Géog.  île  de  l'Océan, 
proche  de  l'Afrique  ,  l'une  des  Fortunées  :  elle  a  en- 
viron quarante  lieues  de  circuit;  fa  capitale  eft, 

Canarie  ou  Ciutad  de  Palmas  ,  ville  forte. 
Long.  2.  l5.  lat.  z8.  4. 

CANARIES  (les  îles),  Géog.  îles  de  l'Océan, 
ainfi  nommées  de  la  plus  grande  :  elles  étoient  con- 
nues des  anciens  fous  le  nom  d'îles  Fortunées.  On  en 
compte  fept ,  qui  font  celle  de  Palme  ,  de  Fer  ,  Go- 
mero  ,  Ténériffe ,  la  grande  Canarie ,  Fuerteventura  , 
&  Lancerote  :  on  pourroit  encore  y  en  ajouter  quel- 
ques autres  moins  confidérables.  Elles  font  très-fer- 
tiles, &  produifent  des  vins  délicieux.  Les  Efpagnols 
en  fqnt  les  maîtres.  L.  o-â.  30.  lat.  xy.  J 0-29.  45. 

Canarie  ,  fubft.  f.  efpece  d'ancienne  danfe ,  que 
quelques-uns  croyent  venir  des  îles  Canaries  ,  &  qui 
Jelon  d'autres  vient  d'un  balet  ou  d'une  mnfearade, 
dont  les  danfeurs  étoient  habillés  en  Sauvages.  Dans 
cette  danfe  on  s  approche  &  on  s'éloigne  les  uns  des 
autres,  en  faifant  plufieurs  partages  bifarres  ,  à  la 
manière  des  Sam 

La  canarie  ,  en  Mujique  ,  eft  une  efpece  de  gigue. 
Voye^  L'article  Gl  GUE  ,  &  le  prologue  de  l'Europe 
galante. 

CANASSE ,  fub.  f.  (Commerce.}  on  nomme  ainfi  à 
Amrterdam  des  efpcccs  de  grandes  cairtes  ,  qui  font 
quelquefois  d'étain  ,  dans  lelquelles  les  vaiffeanx  de 
la  compagnie  apportent  les  différens  thés  de  la  Chine 
&  des  Indes  orientales.  Dans  la  vente  de  cette  mar- 
1  handile ,  on  donne  ordinairement  feize  livres  de  tare 
par  canafft.  Vbye{  Tare.  (G) 

*  CANATHOS ,  (Myth.)  fontaine  de  Nauplia ,  où 
Junon  alloit,  dit-on  ,  fe  baigner  une  fois  tous  les  ans, 
pour  recoin  rer  fa  divinité;  fable  fondée  fur  quelque 
particularité  des  myftcres  fecrets  qu'on  y  célébrait 
en  l'honneur  de  la  dceffe. 

C  A  N  C  A  L  E ,  (Géog.')  ville  de  France ,  dans  la 
haute  Bretagne  ,  fur  le  bord  de  la  mer.  Long.  iSA. 
48'.  là",  lat.  48*.  40'.  40". 

*  CANCAMUM ,  (Hijl.  nat.  )  gomme  rare,  qui 
paroit  plutôt  un  artcmblagc  de  plufieurs  gommes  : 

Tome  II, 


on  y  dillingue  quatre  fubftances  différentes,  qui  ont 
chacune  leur  couleur  féparee.  La  première  reflem- 
ble  au  fuccin  ;  elle  fe  fond  au  feu  ,  &  a  l'odeur  de 
la  gomme  laque.  La  féconde  eft  noire  ,  fe  fond  au 
feu  comme  la  première ,  mais  rend  une  odeur  plus 
douce.  La  troilicme  eft  femblable  à  de  la  corne,  & 
n'a  point  d'odeur.  La  quatrième  eft  blanche,  &  c'eft 
la  gomme  animé.  On  dit  que  ces  gommes  découlent 
d'un  arbre  qui  croît  en  Afrique,  au  Brefil,  &  dans 
l'île  de  S.  Chriftophe,  &  qui  a  quelque  reffemblance 
avec  celui  qui  donne  la  myrrhe. 

CANCE,  (Géog.)  rivière  de  France,  dans  le  Vi- 
varais,  qui  fe  jette  dans  le  Rhône. 

CANCELLAR1US,  fub.  m.  (Hift.  anc.)  mot  que 
quelques  auteurs  ont  rendu  en  François  par  chance- 
lier. C'étoit  chez  les  Romains  un  officier  fubalterne, 
qui  fe  tenoit  dans  un  lieu  fermé  de  grilles  &  de  bar- 
reaux ,  cancelll ,  pour  copier  les  fentences  des  juges 
&  les  autres  actes  judiciaires,  à  peu  près  comme  nos 
greffiers  ou  commis  du  greffe.  Ils  étoient  payés  par 
rôles  d'écritures ,  ainfi  qu'il  paroit  par  le  fragment 
d'une  loi  des  Lombards,  cité  par  Saumaife.  Il  falloit 
que  cet  officier  fût  très-peu  de  chofe  ,  puifque  Vo- 
piieus  rapporte  que  Numerien  fit  une  élection  hon- 
teufe ,  en  confiant  à  un  de  ces  greffiers  le  gouverne- 
ment de  Rome.  M.  du  Cange  prétend  que  ce  mot 
vient  de  la  Paleftine  ,  où  les  toits  étoient  plats  & 
faits  en  terraffe  ,  avec  des  barricades  ou  baluftrades 
grillées  nommées  cancelll  ;  que  ceux  qui  montoient 
fur  ces  toits  pour  réciter  quelque  harangue  s'appel- 
loient  cancellaril  ;  qu'on  a  depuis  étendu  ce  titre  à 
ceux  qui  plaidoient  dans  le  barreau  ,  nommés  cancel- 
larll forenfes.  Ménage  a  tiré  du  même  mot  l'étymolo- 
gie  de  chancelier,  canccllarlus,  à  cancellls  ;  parce  que, 
félon  lui ,  quand  l'empereur  rendoit  la  juftice  ,  le 
chancelier  étoit  à  la  porte  de  la  clôture  ou  des  grilles 
qui  féparoient  le  prince  d'avec  le  peuple.  (G) 

CANCELLATION  ,  f.  f.  (Commerce.)  terme  en 
ufage  à  Bordeaux ,  dans  le  bureau  du  courtage  &  de 
la  foraine. 

Il  fignifie  la  décharge  que  le  commis  donne  aux 
marchands,  de  la  foùmiliion  qu'ils  ont  faite  de  payer 
le  quadruple  des  droits,  faute  de  rapporter  dans  un 
rems  limité  un  certificat  de  l'arrivée  de  leurs  mar- 
chandifes  dans  les  lieux  de  leur  deftination.  (G) 

Sur  l'étymologie  du  mot  cancellatlon  ,  voye^  l'ar- 
ticle foirant. 

CANCELLER,  v.  aft.  en  Droit,  fignifie  barrer  on 
biffer  une  obligation  ou  autre  acte. 

Ce  mot  vient  du  Latin  cancellare  ,  crolfer,  traverfen* 
fait  de  cancelll ,  qui  lignine  des  b.irreaux  ou  un  treillis; 
parce  qu'en  effet  en  biffant  un  acte  par  des  raies  tirées 
en  différens  fens ,  on  forme  une  efpece  de  treillis.  (//) 
CANCELLI ,  lùbft.  m.  plur.  (Hifl.  anc.)  petites 
chapelles  érigées  par  les  anciens  Gaulois  aux  déciles 
mères  ,  qui  préfidoient  à  la  campagne  C-c  aux  fruits 
de  la  terre.  Ces  peuples  y  portoient  leurs  offrandes 
avec  de  petites  bougies  ,  &  après  avoir  prononcé 
quelques  paroles  myftérieufes  fur  du  pain  ou  fur  quel- 
ques herbes ,  ils  les  cachoient  dans  un  chemin  creux 
ou  dans  le  tronc  d'un  arbre ,  &  croyoient  par-là  ga- 
rantir leurs  troupeaux  de  la  contagion  ,  &  de  la  mort 
même.  Cette  pratique  ,  ainfi  que  plufieurs  fuperlti- 
tions  dont  elle  étoit  accompagnée  ,  tut  défendue  par 
les  capitulaires  de  nos  rois  ëc  par  les  éveques.  Mon. 
de  l'Acad.  tom.  ni.  (G  ) 

CANCER ,  f.  m.  terme  de  Chirurgie  ,  eft  une  tumeur 
dure  ,  inégale  ,  raboteuie  ,  6c  de  couleur  cendrée  ou 
livide  ,  environnée  tout  au-tour  de  pluheurs  veines 
diftendues  è\:  gonflées  d'un  fang  noir  &  limoneux, 
iituee  à  quelque  partie  glanduleufe  ;  ainfi  appellée  , 
à  ce  que  quelques-uns  prétendent ,  parce  qu'elle  eft 
à  peu  près  de  la  figure  d'une  écrevifle,  ou  ,  à  ce  que 
difent  d'autres,  parce  que  fembluble  à  l'ecrcviffe  elle 

E  E  e  c  ij 


583 


C  A  N 


ne  quitte  pas  prife  quand  une  fois  elle  s'eft  jettée  fur 
une  partie.  .      , 

Dans  les  commencemcns  elle  ne  caule  point  de 
douleur  ,  &  n'eft  d'abord  que  de  la  groffeur  d'un 
pois-chiche  :  mais  elle  groffit  en  peu  de  tems  &C  de- 
vient très-douloureuie. 

Le  cancer  vient  principalement  à  des  parties  glan- 
duleufes  &  lâches,  comme  les  mamelles  &les  émonc- 
toires.  Il  eft  plus  ordinaire  aux  femmes  qu'aux  hom- 
mes ,  &  fingulierement  à  celles  qui  l'ont  ftériles ,  ou 
qui  vivent  dans  le  célibat.  La  raifbn  pourquoi  U  vient 
plutôt  aux  mamelles  qu'à  d'autres  parties  ,  c'eft  que 
comme  elles  font  pleines  de  glandes  &  de  vaiffeaux 
lymphatiques  &  languins  ,  la  moindre  contufion  , 
compreflîon  ou  piquùre  peut  faire  extravaler  ces  li- 
queurs, qui,  par  degrés  contractant  de  l'acrimonie  , 
forment  un  cancer.  C'eft  pourquoi  les  maîtres  de  l'art 
difent  que  le  cancer  eft  aux  glandes,  ce  qu'eft  la  cane 
aux  os ,  &  la  gangrené  aux  parties  charnues. 

Le  cancer  cependant  vient  quelquefois  à  d'autres 
parties  molles  &  fpongieufes  du  corps  ,  &  on  en  a 
quelquefois  vu  aux  gencives ,  au  ventre ,  au  cou  de  la 
matrice ,  à  Furethre-,  aux  lèvres  ,  au  nez  ,  aux  joues  , 
à  l'abdomen  ,  aux  cuilTes ,  &  même  aux  épaules. 

On  appelle  loup,  un  cancer  aux  jambes;  6t  celui 
qui  vient  au  vilage  ou  au  nez ,  noli  me  tangere.  Voye^ 
NOLI    ME     TAN  G  ERE. 

On  divile  les  cancers,  félon  qu'ils  font  plus  ou  moins 
invétérés,  en  cancer  occulte ,  &  cancer  ouvert  ou  ulcère. 
■  Le  cancer  occulte  eft  celui  qui  n'a  point  encore  tait 
tout  le  progrès  qu'il  eit  capable  de  faire ,  &  qui  ne 
s'eft  point  encore  fait  jour. 

•  Le  cancer  ulcéré  fe  reconnoît  par  les  inégalités  & 
par  quantité  de  petits  trous ,  defquels  fort  une  ma- 
tière iordide  ,  puante ,  &  glutineule ,  pour  l'ordinaire 
jaunâtre  ;  par  des  douleurs  poignantes ,  qui  reffem- 
blent  aux  piquCires  que  feroient  des  milliers  d'épin- 
gles ;  par  fa  noirceur  ;  par  l'enflure  des  veines  de  l'ul- 
cère ;  par  la  couleur  noirâtre ,  le  gonflement ,  ôt  les 
varices. 

Quelquefois  les  extrémités  des  vaiffeaux  fanguins 
font  rongées,  &  le  fang  en  fort.  Dans  un  cancer  au 
fein ,  la  chair  eft  quelquefois  confuméc  au  point  qu'on 
peut  voir  dans  la  cavité  du  thorax.  Il  occafionne  une 
fièvre  lente ,  un  fentiment  de  pefanteur ,  fort  fouvent 
des  défaillances ,  auelquefois  l'hydropiiic ,  &  la  mort 
à  la  fin. 

-  La  caufe  immédiate  du  cancer  paroît  être  un  fel 
volatil  exceflivement  corrofif ,  qui  approche  de  la 
nature  de  l'arfenic  ,  formé  par  la  ftagnation  des  hu- 
meurs ,  &c  On  eft  quelquefois  venu  à  bout  de  le 
guénr  par  le  moyen  du  mercure  &  de  la  falivation. 
Quelques-uns  croyent  que  le  cancer  ulcéré  n'eft  autre 
chofe  qu'une  infinité  de  petits  vers  qui  dévorent  la 
chair  petit-à-petit.  Le  cancer  paffe  avec  raifon,  pour 
une  des  plus  terribles  maladies  qui  puiffe  arriver. 
Ordinairement  on  le  guérit  par  l'extirpation ,  quand 
la  tumeur  eft  encore  petite ,  qu'elle  n'eft,  par  exem- 
ple, que  de  la  groffeur  d'une  noix,  ou  tout  au  plus 
d'un  petit  œuf  :  mais  quand  il  a  gagné  toute  la  ma- 
melle ,  qu'il  crevé  &  devient  ulcéré ,  on  n'y  peut  re- 
médier que  par  l'amputation  de  la  partie. 

Le  cancer  ulcéré  eft  une  maladie  qui  n'eft  pas  mé- 
connoiffable  :  fes  bords  tuméfiés  &  «enverfés  ;  la  fa- 
nie ,  femblable  à  celle  d'une  partie  gangrenée ,  qui 
découle  de  fes  chairs  baveufes  ;  fa  puanteur  ,  & 
l'horreur  qu'il  fait  au  premier  alpcft  ,  en  annoncent 
le  mauvais  cara&ere.  Mais  il  eft  important  pour  la 
pratique  ,  qu'on  établiffe  le  diagnoftic  du  cancer  oc- 
culte commençant.  Il  y  a  une  infinité  de  gens  qui  van- 
tent des  fecrets  pour  la  guérifon  des  cancers  naiffans , 
&  qui  font  munis  de  témoignages  &  d'atteftations 
des  cures  qu'ils  ont  faites  ,  parce  qu'ils  donnent  le 
nom  de  cancer  à  une  glande  tuméfiée  qu'un  emplâtre 


C  A  N 

réfolutif  auroit  fait  difparoître  en  peu  de  tems.  Les 
nourrices  &  les  femmes  grofîes  font  fujettes  à  des 
tumeurs  dures  &  douleureules  aux  mamelles  ,  qui  fe 
terminent  ordinairement  Se  fort  heureufement  par 
fuppuration.  Il  furvient  fouvent  preique  towt-à-coup 
des  tumeurs  dures  aux  mamelles  des  filles  qui  en- 
trent dans  l'âge  de  puberté ,  &  elles  fe  diffipent  pour 
la  plupart  fans  aucun  remède.  Le  cancer  naiflant  au 
contraire  fait  toujours  des  progrès ,  qui  font  d'autant 
plus  rapides ,  qu'on  y  applique  des  médicamens  ca- 
pables de  délayer  &  de  réloudre  la  congeftion  des 
humeurs  qui  le  forment.  On  n'en  peut  taire  trop  tôt 
l'extirpation ,  par  les  raifbns  que  nous  expoferons  ci- 
après.  Il  faut  donc  le  connoître  par  des  fignes  carac- 
tériftiques ,  afin  de  ne  le  pas  confondre  avec  d'autres 
tumeurs  qui  demandent  un  traitement  moins  doulou- 
reux, &  afin  de  ne  pas  jetter  mal-à-propos  les  mala- 
des dans  de  fauffes  allarmes. 

Le  cancer  des  mamelles  &  de  toute  autre  partie ,' 
eft  toujours  la  fuite  d'un  skirrhe  :  ainfi  toute  tumeur 
cancéreujé  doit  avoir  été  précédée  d'une  petite  tumeur 
qui  ne  change  pas  la  couleur  de  la  peau ,  &  qui  refte 
indolente ,  fouvent  plufieursmois,  &  même  plufieurs 
années  fans  faire  de  grands  progrès.  Lorfque  le  skir- 
rhe dégénère  en  cancer ,  la  douleur  commence  à  fe 
faire  ientir  ,  principalement  lorsqu'on  comprime  la 
tumeur.  On  s'apperçoit  enfuite  qu'elle  groffit ,  &  peu 
de  tems  après  elle  excite  des  élancemens  doulou- 
reux ,  qui  fe  font  reflentir  fur-tout  dans  les  change- 
mens  de  tems ,  après  les  exercices  violens  ,  &  lorf- 
qu'on  a  été  agité  trop  vivement  par  les  paffions  de 
Pâme.  La  tumeur  croit ,  &  fait  enfuite  des  progrès 
qui  empêchent  qu'on  ne  fe  trompe  fur  fa  nature.  Les 
élancemens  douloureux  qui  furviennent  à  une  tu- 
meur skirrheufe  ,  font  les  fignes  qui  caraclérifent  le 
cancer.  Ces  douleurs  ne  font  point  continues  ;  elles 
font  lancinantes  ou  pungitives  ;  elles  ne  répondent 
point  au  battement  des  artères  comme  les  douleurs 
pulfatives  ,  qui  font  le  figne  d'une  inflammation  fan- 
guine  :  il  femble  que  la  tumeur  foit  de  tems  à  autre 
piquée  &  traverfée  ,  comme  fi  on  y  enfonçoit  des 
épingles  ou  des  aiguilles.  Ces  douleurs  font  fort  cruel- 
les, &  ne  laiffent  fouvent  aucun  repos,  ce  qui  réduit 
les  malades  dans  un  état  vraiment  digne  de  pitié  : 
elles  font  l'effet  de  la  préfence  d'une  matière  corro- 
five,  qui  ronge  le  tiffu  des  parties  folides.  Les  remè- 
des fondans  &  émolliens  ne  conviennent  point  à  ces 
maladies ,  parce  qu'en  procurant  la  diffolution  des 
humeurs  qui  forment  le  cancer,  ils  en  accélèrent  la 
fonte  putride  ,  &  augmentent  par-là  conlidérable- 
ment  les  accidens. 

On  voit  par  ces  raifons  ,  qu'on  ne  peut  pas  trop 
promptement  extirper  une  tumeur  cancéreujé,  même 
occulte.  Après  avoir  préparé  la  malade  par  des  re- 
mèdes généraux,  (je  fuppofe  cette  maladie  à  la  ma- 
melle), on  la  fait  mettre  en  fituation  convenable; 
elle  doit  être  affiffe  fur  un  fauteuil ,  dont  le  doflier 
foit  fort  panché.  Je  fais  fort  volontiers  cette  opéra- 
tion ,  en  laiffant  les  malades  dans  leurs  lits.  On  fait 
tenir  &  écarter  le  bras  du  côté  malade,  afin  d'éten- 
dre le  mufcle  grand  pe£foral.  Si  la  tumeur  eft  petite  , 
on  fait  une  incilion  longitudinale  à  la  peau  &  à  la 
graiffe  qui  recouvre  la  tumeur  ;  on  la  faifit  enfuite 
avec  une  errine ,  voyei  Errine  ,  &  en  la  difféquant 
avec  la  pointe  du  biftouri  droit  qui  a  fervi  à  taire 
l'incifion  de  la  peau ,  on  la  détache  des  parties  qui 
l'environnent,  éc  on  l'emporte.  J'ai  fait  plufieurs  fois 
cette  opération  ,  j'ai  réuni  la  plaie  avec  une  future 
lèche ,  &c  cela  m'a  réuffi  parfaitement. 

Si  la  tumeur  eft  un  peu  confid-érable  ,  qu'elle  foit 
mobile  fous  la  peau ,  &  que  le  tiffu  graiffeux  ne  foit 
point  embarraffé  par  des  congeftions  lymphatiques , 
on  peut  conferver  les  tégumens  :  mais  une  incilion 
longitudinale  ne  fuffiroit  point  ;  il  faut  les  incifer 


C  A  N 

crucialement  ou  en  T,  félon  qu'on  le  juge  le  plus 
convenable.  On  difleque  les  angles ,  &  on  emporte 
la  tumeur  ;  on  réunit  enfuite  les  lambeaux  des  tégu- 
inens  ;  ils  le  recollent ,  &C  on  guérit  les  malades  en 
très-peu  de  tems. 

Lorfque  la  peau  eft  adhérente  à  la  tumeur ,  ou  que 
les  grailles  font  engorgées ,  fi  l'on  n'emporte  tout  ce 
qui  n'eft  pas  dans  l'état  naturel,  on  nique  de  voir 
revenir  un  cancer  avant  la  guérifon  parfaite  de  la 
plaie  ,  ou  peu  de  tems  après  l'avoir  obtenue  :  on 
l'impute  alors  à  la  malle  du  fang ,  que  l'on  dit  être 
infectée  du  virus  cancéreux;  virus,  de  l'exiftence  du- 
quel tout  le  monde  n'eft  point  perfuadé.  Le  préjugé 
que  l'on  auroit  fur  ce  point,  pourroit  devenir  préju- 
diciable aux  malades  qui  neledétermineroientpas  à 
fe  faire  faire  une  féconde  opération,  de  crainte  qu'il 
ne  vînt  encore  un  nouveau  cancer.  On  a  vu  des  per- 
sonnes qu'on  a  guéries  parfaitement  après  s'être  fou- 
rnîtes à  deux  ou  trois  opérations  confécutives.  Le 
cancer  eft  un  vice  local  qui  a  commencé  par  un 
skirrhe,  effet  de  Pextravafation  &  de  l'épaifliflement 
de  la  lymphe  :  le  skirrhe  devient  carcinomateux 
par  la  diiîblution  putride  des  fucs  épanchés  ;  dès  que 
les  fignes  qui  cara&érifcnt  cette  dépravation  fe  (ont 
manifeftés  ,  on  ne  peut  faire  trop  tôt  l'extirpation  de 
la  tumeur,  pour  empocher  qu'il  ne  parle  de  cette  ma- 
tière putride  dans  le  fang  ,  où  elle  cauferoit  une  col- 
liquation qu'aucun  remède  ne  pourroit  empêcher. 
Le  docteur  Turner  afîûre*que  deux  perfonnes  de  fa 
connoiffance  perdirent  la  vie  pour  avoir  goûté  de  la 
liqueur  qui  couloit  d'un  cancer  à  la  mamelle.  Mal- 
gré toutes  les  précautions  que  puiffe  prendre  un  ha- 
bile Chirurgien  ,  il  peut  y  avoir  encore  quelques 
points  skirrheux  ,  qui  échappant  à  les  recherches 
dans  le  tems  de  l'extirpation  d'un  cancer,  feront  le 
germe  d'un  nouveau ,  qu'il  faudra  enfuite  extirper  : 
alors  ce  n'eft  point  une  régénération  du  cancer  ;  c'eft 
une  maladie  nouvelle ,  de  même  nature  que  la  pre- 
mière, produite  par  un  germe  local  qui  ne  fuccede 
point  à  celui  du  cancer  précédent.  On  peut  en  faire 
l'extirpation  avec  fuccès;  #es  cas  exigent  des  atten- 
tions, &  doivent  déterminer  à  faire  faire  ufage  des 
délayans ,  des  fondans ,  &C  des  apéritifs  tant  internes 
qu'externes.  J'ai  vu  faire  deux.  &  même  trois  fois 
l'opération  avec  fuccès  :  fi  la  mafle  du  fang  eft  at- 
teinte de  colliquation  ,  on  ne  doit  pas  craindre  la 
production  d'un  nouveau  cancer  ;  on  fe  difpen- 
fe  abfolument  de  taire  une  opération ,  qui  en  ôtant 
la  maladie,  n'affranchiroit  pas  la  malade  d'une  mort 
certaine  ;  on  fe  contente  alors  d'une  cure  palliati- 
ve. L'expérience  a  prouvé  l'utilité  des  préparations 
de  plomb  dans  ces  cas  :  on  peut  appliquer  fur  le 
cancer  ulcéré  des  remèdes  capables  d'agir  par  invif- 
cation  fur  les  fucs  dépravés  ;  les  remèdes  coagulans 
qui  donneraient  de  la  conliftance  aux  fucs  expofés 
à  l'action  de  l'humeur  putride,  pourraient  les  mettre, 
du  moins  quelque  tems,  à  l'abri  de  la  difi'olution. 
M.  Quefnay  perfuadé  que  la  malignité  de  l'humeur 
cancércufc  dependoit  d'une  dépravation  alkaline  ,  a 
penfé  que  les  plantes  qui  font  remplies  d'un  fuc  acer- 
be ,  dévoient  modérer  la  férocité  de  cette  humeur  ; 
il  a  fait  l'eflai  àufedum  vcrmiculare  dans  quelques  cas 
avec  beaucoup  de  fuccès. 

Lorfque  le  cancer  occupe  toute  la  mamelle ,  & 
que  la  matle  du  fang  n'eft  point  en  colliquation  ,  on 
peut  amputer  cette  partie  :  pour  taire  cette  opéra- 
tion, après  les  préparations  générales,  on  met  la  ma- 
lade  en  fituation.  Le  Chirurgien  placé  à  droite,  (où- 
leve  la  mamelle  avec  là  main  gauche  ,  &  la  tire 
un  peu  à  lui ,  il  tient  de  l'autre  main  un  biftouri  avec 
lequel  il  incite  la  peau  à  ia  partie  inférieure  de  la 
circonférence  de  la  tumeur.  Il  introduit  tes  doigts 
dans  cette  incifion  pour  lbulcver  la  tumeur  èv  la  dé- 
coller de  deffus  le  mufcl*  pectoral  ;  cv  avec  ton  bit- 


C  A  N 


589 


touri  il  coupe  la  peau  à  mefure  qu'il  difleque  la  tu- 
meur. Il  doit  prendre  garde  de  couper  la  peau  en 
talud  pour  ne  pas  découvrir  les  houpes  nerveufes  , 
ce  qui  rendroit  les  panfemens  très-douloureux  ;  s'il 
reftoit  quelques  pelotons  graiffeux  affeftés  à  la  cir- 
conférence de  la  plaie  ou  \  ers  l'aiffelle,  il  faudrait 
les  extirper.  On  parue  la  plaie  avec  de  la  charpie 
brute  ;  je  fuis  dans  l'ufage  de  faire  une  embroca- 
tion  tout  autour  de  la  plaie  avec  l'huile  d'hypericum  ; 
je  pofe  des  comprennes  allez,  épaiiies  fur  la  charpie  , 
&  je  contiens  le  tout  avec  le  bandage  de  corps ,  que 
j'ai  foin  de  fendre  par  une  de  les  extrémités  pour  en 
former  deux  chefs,  dont  l'un  paffe  au-deflus ,  Se  l'au- 
tre au-deflous  de  la  mamelle  laine ,  afin  qu'elle  ne 
foit  point  comprimée.  Voye^  Bandage  de  corps. 
Je  ne  levé  l'appareil  que  le  troilïeme  ou  quatrième 
jour ,  lorfque  la  fuppuration  le  détache ,  &  je  termi- 
ne la  cure  comme  celle  des  ulcères.  Foye^  Ulcère. 

L'on  a  fait  graver  quelques  figures  pour  l'intelli- 
gence des  choies  qui  viennent  d'être  dites  ,  &  pour 
qu'on  puifle  juger  des  anciennes  méthodes  de  prati- 
quer l'opération  du  cancer. 

Planche  XXVIII.  fig.  J.  cancer  occulte  à  la  ma- 
melle droite,  &  qui  n'en  occupoit  qu'une  partie. 

Fig.  4.  La  cicatrice  qui  relie  après  l'extirpation 
méthodique  d'une  pareille  tumeur. 

Fig.  5.  Autre  cancer  qui  occupe  toute  la  ma- 
melle ,  6c  dont  on  a  fait  l'extirpation  avec  fuccès. 

Fig.  6.  Méthode  que  les  anciens  preferivoient 
pour  l'opération  du  cancer.  Lorfqu'ils  avoient  pane 
deux  fils  en  croix  fous  la  tumeur,  ils  foûlevoient  la 
mamelle ,  &  l'amputoient  comme  on  voit  Planche 
XX.  fig.  1 .  cette  méthode  eft  abfolument  proferite 
pour  fa  cruauté  &c  les  imperleftions. 

Planche  XX.  fig.  2-  Fourchette  que  l'on  a  crû  pou- 
voir lûbftituer  aux  points  d'aiguille  ,  pour  foulever 
les  tumeurs  dont  le  volume  eft  conlidérable. 

Fig.  4.  Autre  inftrument  pour  les  petites  tu- 
meurs. 

Fig.  J.  Inftrument  tranchant  comme  un  rafoir 
pour  l'amputation  de  la  mamelle. 

Fig.  3.  Nouvel  inftrument  avec  lequel  on  em- 
brafle  la  mamelle  ,  comme  on  voit  fig.  o.  la  bran- 
che moyenne  eft  d'acier  &  tranchante  fur  fa  con- 
vexité. 

Ces  inftrumens  ne  peuvent  fervir  qu'à  une  opé- 
ration ciéfectucufc.  Les  figures  font  d'après  M.  Heif- 
ter,  dans  fes  lnfiltuts  de  Chirurgie.  (  J  ) 

Cancer,  (en  Aflronomie.  )  eft  un  des  douze  fi- 
gnes du  zodiaque  :  on  le  reprefente  fur  le  globe  fous 
la  forme  d'une  écrevifle ,  &c  dans  les  ouvrages  d' As- 
tronomie, par  deux  figures-placées  l'une  auprès  de 
l'autre  ,  tk.  allez  femblables  à  celles  dont  on  fe  fert 
pour  exprimer  foixante-neuf  en  Arithmétique,  ?5. 
Vcrye^  Signe  ,  Constellation. 

Ptolomée  compte  1 3  étoiles  dans  le  figne  du  can- 
cer ;  Ticho  ,15;  Bayer  oc  Hevelius  ,  29  ;  Flamfteed  , 
71  au  moins. 

Tropique  du  CANCER , (  en  terme  (T  Aflronomie.  )  eft 
un  des  petits  cercles  de  la  fphere  ,  parallèle  à  l'équa- 
tcur  ,  &  qui  patTe  par  le  commencement  du  ligne  du 
tr.  Ce  tropique  eft  dans  l'hémifphere  feptentrio- 
nal,  &c  eft  éloigne  de  lequateur  de  23"-  {.  Voyt^ 
Tropique.  Voyc^  aulîi  Sphère.  (0) 

C  ANCHE  ,  (  Géog.  )  rivière  de  France,  en  Picar- 
die ,  qui  prend  la  fource  en  Artois. 

C  ANCHES ,  (Géog.)  Sauvages  de  l'Amérique  mé- 
ridionale ,  au  Pérou. 

CANCHEUoaCANTCHEOU  ,  (  Géog.  )  grande 
ville  de  la  Chine,  dans  la  province  de  KiangS  ,  ca- 
pitale d'un  pays  qui  porte  le  même  nom.  Long.  iJJ. 
32.  lut.  2.5.  J>3- 

CANCRE,  v<y^  Crabe. 


590 


C  A  N 


CAND  ADÏ ,  (  Gèog.  )  petit  pays  d'Efpagne ,  clans 
fEftramadoure. 

CANDAHAR ,  (  Géog.  )  grande  &  forte  ville  d'A- 
sie ,  capitale  de  la  province  de  même  nom  ,  fous  la 
domination  du  roi  de  Perfe  ,  aux  frontières  des  états 
du  Mogol.  Long.  8â.  lat.  33. 

*  C  AND  ARE  N  A  ,  ou  CANDRENA ,  {  Myth.  ) 
Junon  fut  ainfi  furnommée  de  Candara  ,  ville  de  Pa- 
phlagonie  ,  oii  elle  étoit  particulièrement  honorée. 

CANDAU  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Allemagne  , 
dans  le  duché  de  Courlande  à  9  milles  de  Mittau. 

CANDÉ  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  enTou- 
raine  ,  au  continent  de  la  Loire  &  de  la  Vienne. 

CANDELABRE,  1".  m.  {Architecture.)  du  Latin 
canddabrum ,  chandelier  :  c'eft  une  efpece  de  vafe 
fort  élevé  en  manière  de  baluftre  ,  que  l'on  place  or- 
dinairement pour  fervir  d'amortiffement  à  Fentour 
extérieur  d'un  dôme ,  ou  pour  couronner  un  portail 
d'églife  ;  tels  qu'il  s'en  voit  à  la  Sorbone,  au  Val-de- 
Grace ,  aux  Invalides ,  &c  {P) 

CANDELARO,  (  Géog.  )  rivière  d'Italie  au 
royaume  de  Naples  dans  la  Capitanate  ,  qui  fe  jette 
dans  le  golfe  de  Manfredonia. 

CANDELETTE ,  f.  f.  <  Marine.  )  bofe  de  bofoir , 
jarre-bojfe  ;  c'eft  une  corde  garnie  d'un  crampon  de 
fer ,  dont  on  fe  fert  pour  accrocher  l'anneau  de  l'an- 
cre lorfqu'ellc  fort  de  l'eau ,  &  qu'on  veut  la  baiffer 
ou  remettre  en  place.  Chaque  candelette  a  de  fon  côté 
fon  pendour  ck  fon  étrope.  (  Z  ) 

CANDELOR ,  (  Géog.  )  ville  de  la  Turquie  en 
Afie ,  près  de  la  côte  de  Natolie. 

CANDIDAT  ,  f.  m.  (  Hift.  anc.  &  mod.  )■  fe  dit 
en  général  de  toute  perfonne  qui  afpire  à  un  emploi 
honorable  ou  lucratif.  Les  Romains  nommoient  ainfi 
particulièrement  les  prétendans  aux  charges  publi- 
ques ,  qui  fe  mettaient  fur  les  rangs  au  tems  de  l'é- 
lection des  magiftrats.  Le  mot  elt  Latin, candidatus, 
formé  de  candidus,  blanc ,  à  caufe  de  la  robe  blan- 
che que  ces  afpirans  portoient.  Vêtus  de  la  forte , 
ils  alloient  folliciter  les  fumages ,  accompagnés  de 
leurs  proches  ,  de  leurs  amis ,  &  de  leurs  cliens.  Les 
plus  illuftres  magiftrats  qui  prenoient  intérêt  à  un  can- 
didat, le  recommandoient  au  peuple.  De  fon  côté  , 
le  candidat  averti  p^r  l'es  nomenclateurs ,  gens  char- 
gés de  lui  faire  connoître  par  noms  &  furnoms  ceux 
dont  il  briguoit  les  fuffrages,  faluoit  tous  ceux-ci, 
embrafToit'tous  ceux  qu'il  rencontroit  en  chemin  ou 
dans  la  place  publique.  La  loi  Tullienne  défendoit 
aux  candidats  de  donner  des  jeux  ou  des  têtes  au  pu- 
blic ,  de  peur  que  par  ce  moyen  on  ne  gagnât  les  liif- 
frages  du  peuple  :  mais  du  relie  on  n'oublioit  rien 
pour  y  parvenir  ;  careffes  ,  intrigues  ,  libéralités  , 
baffelles  même ,  tout  étoit  prodigué.  Dans  les  der- 
niers tems  de  la  république  ,  on  en  vint  jufqu'à  cor- 
rompre les  diftributeurs  des  bulletins ,  qui  en  les  don- 
nant au  peuple  pour  le  fcrutin ,  gliffoient  adroitement 
par-delîous  une  pièce  d'or  à  chacun  de  ceux  dont  on 
vouloit  déterminer  le  fufFrage  en  faveur  du  candidat, 
dont  le  nom  étoit  inicrit  fur  ce  bulletin.  C'étoit  pour 
prévenir  cet  inconvénient ,  dilent  quelques  auteurs , 
qu'on  avoit  impofé  aux  candidats  la  néceffité  de  ne 
paraître  dans  les  aiïemblées  qu'avec  la  robe  blanche 
fans  tunique  ,  afin  d  otcr  tout  loupçon  qu'ils  portai- 
fent  de  l'argent  pour  corrompre  les  fuffrages  :  d'au- 
tres difent  que  cet  habillement  iervoit  limplement  à 
les  faire  mieux  remarquer  dans  la  foule  par  leurs 
cliens  &  leurs  amis.  (G) 

CAND1DI  CERVl  ARGENTUM,  {Hift.  mod?) 
tribut  ou  amende  payée  à  l'échiquier  par  certains 
cantons  du  dedans  ou  des  environs  de  la  forêt  de 
Whitehart  dans  leDorfetslnre.  Cette  amende  elt  la 
continuation  de  celle  que  Henri  III.  avoit  impolée 
à  Thomas  de  la  Lende  &.  à  d'autres ,  pour  avoir  tué 


C  A  N 

un  cerf  blanc  d'une  beauté  finguliere  que  ce  roi  avoit 
excepté  de  la  chafTe.   (  G) 

CANDIDIANO,  {Géog.)  petite  rivière  d'Italie 
dans  la  Romagne ,  dépendante  de  l'état  de  l'Eglife. 

CANDIE  ou  CRETE  ,  (  Géog.)  île  confidérable 
d'Europe  dans  la  mer  Méditerranée  ,  dont  la  capitale 
perte  le  même  nom.  L'île  a  environ  200  lieues  de 
circonférence  :  elle  eft  aux  Turcs.  Long.  42-  58.  lat. 
35.  zo. 

C  A  N  D  1 1  L ,  f.  m.  (  Commerce.  )  eft  un  poids 
dont  on  fe  fert  à  la  Chine  &  à  Galanga.  Il  eft  de  deux 
fortes  :  l'un  qu'on  nomme  le  petit ,  qui  eft  de  feize 
mans,  èc  l'autre  qui  eft  plus  fort,  eft  de  vingt  mans. 
Le  candiil  de  feize  mans,  fait  trois  chintals  bien  forts , 
&  celui  de  vingt  mans  trois  chintals  &  trois  rubis. 
Le  rubis  fait  trente-deux  rotolis.  rqy<{  Chintal  , 
R.OTOLI ,  &  Rubis.  {G) 

CANDIL  ou  CANDILE,  f.  m.  (  Commerce.  )  me- 
fure  dont  on  fe  fert  aux  Indes ,  à  Cambaye ,  &  à  Ben- 
gale ,  pour  vendre  le  riz  &.  les  autres  grains  :  elle 
contient  quatorze  boifleaux,  &  pefe  environ  cinq 
cents  livres.  Voyt^  Boisseau. 

C'eft  fur  le  pié  du  candil  qu'on  eftime  &  qu'on  jau- 
ge dans  ce  pays -là  les  navires  ,  comme  nous  faiiôns 
en  Europe  au  tonneau.  Ainfi  ,  lorfqu'on  dit  qu'un 
bâtiment  eft  du  port  de  400  candils ,  c'eft-à-dire  qu'il 
peut  porter  deux  cents  milliers  pefant ,  qui  font  cent 
tonneaux  ,1e  tonneau  pris  fur  le  pié  de  deux  milliers. 
Voyei Jauger  &  Tonneau.  {G  ) 

CANDIR  ,  v.  au.  en  parlant  de  fucre ,  préparation 
de  cette  fubftance  faite  en  la  fondant ,  la  claréfîant , 
&  la  cryftallifant  fix  ou  fept  fois  différentes ,  pour  la 
rendre  dure  ÔC  tranfparente.  Voye^  Sucre. 

Les  Apothicaires  font  auffi  candir  certains  médica- 
mens  en  les  faifant  bouillir  dans  le  lucre ,  &  les  con- 
fervent  par  ce  moyen  en  nature  :  c'eft  à  proprement 
parler  ce  qu'on  appelle  confire  ;  car  ces  deux  opéra- 
tions ne  différent  entr'elles  que  du  plus  au  moins  de 
cuiffon  de  lucre.  {N) 

CANDIS,  en  termes  de  Confifeur ,  fe  dit  des  confi- 
tures de  fruits  ordinairement  tout  entiers  ,fur  lefquels 
l'on  a  fait  candir  du  fucre ,  après  qu'ils  ont  été  cuits 
dans  le  firop ,  ce  qui  les  rend  comme  de  petits  rochers 
cryftallifés  de  diverlès  formes  &  figures  ,  dont  les 
couleurs  variées  approchent  de  celle  des  fruits  qui  y 
entrent. 

Une  pyramide  de  candis  fur  une  table ,  fait  un  coup 
d'ceil  agréable. 

Candis  ,  fe  dit  encore ,  che{  les  mimes  ouvriers,  des 
confitures  liquides ,  lorlqu'à  force  d'avoir  été  gardées 
le  fucre  vient  à  s'en  féparer  &  à  s'élever  au-deffus  du 
fruit ,  où  il  forme  une  efpece  de  croûte  dure. 

CANDISH  ,  (  Géog.  )  province  d'Alie  dans  les 

états  du  grand  Mogol ,  dont  la  capitale  eft  Brampour. 

CANDO  ,  CANDI ,  ou  CONDI ,  (  Commerce.  ) 

mefure  ou  aune  dont  on  fe  fert  en  plulîeurs  endroits 

des  Indes  ,  &  fur-tout  à  Goa. 

Lé  cando  de  Goa  eft  de  dix-fept  aunes  de  Hollande , 
&  de  \  par  cent  plus  grand  que  les  aunes  de  Babel 
&  de  Balfora ,  &  de  6  &  \  plus  que  le  varre  ou  aune 
d'Ormus. 

Les  étoffes  de  foie  &  celles  de  laine  fe  mefurent 
au  varre  ,  &  les  toiles  au  cando.  Le  cando  ou  condi 
dont  on  le  fert  dans  le  royaume  de  Pegu  ,  eft  pareil 
à  Faune  de  Venife.  Voye^  Aune  &  Varre.  Diclionn. 
du  Commerce,  tom.  JJ.pag.  69.   {G) 

*  CANDOU  ,  {Hift.  nat.  bot.)  arbre  des  Indes 
orientales ,  qui  croît  fur-tout  dans  les  îles  Maldives  : 
il  reffemble  par  l'es  feuilles  &  par  fa  grandeur  à  notre 
peuplier  ;  il  ne  porte  point  de  fruit.  Son  bois  eft  mou 
&  fpongieux  :  on  dit  qu'il  a  la  propriété  de  faire  feu  , 
lorfqu'on  en  prend  deux  morceaux  ,  &  qu'on  frap- 
pe l'un  avec  l'autre. 

CANDY ,  (  Géog.  )  royaume  d'Afie  dans  l'île  de 


C  A  N 

Ceylan ,  habité  par  des  idolâtres.  La  capitale  de  ce 
royaume  s'appelle  aufii  Candy.  Long.  g8.  30.  bat. 

CANE  a  tête  rouffe ,  anas  fera  fufca  :  cet  oifeau  pefe 
deux  livres  ;  il  a  un  pié  fept  ou  huit  pouces  de  lon- 
gueur depuis  la  pointe  du  bec  jufqu'à  l'extrémité  des 
doigts ,  &  environ  un  pié  &  demi  ,  fi  on  n'étend  la 
melure  que  jufqu'au  bout  de  la  queue.  Cet  oiieau 
eit  pins  gros,  plus  court,  &  plus  épais  que  la  cane 
rouge.  Les  petites  plumes  qui  recouvrent  les  grandes 
plumes  des  ailes  &c  celles  du  milieu  du  dos ,  iont  de 
couleur  cendrée  &  parfemée  de  petites  lignes  on- 
doyantes ,  dont  les  unes  font  de  couleur  cendrée  ,  & 
les  autres  de  couleur  roufie  :  elles  font  placées  alter- 
nativement. Les'plumes  du  defious  du  cou ,  du  crou- 
pion ,  &  celles  qui  le  trouvent  autour  de  l'anus  iont 
noires;  les  petites  plumes  qui  recouvrent  l'aile  en- 
dettons font  blanches  ;  la  tête  &  le  cou  prelque  en 
entier,  font  de  couleur  jaune  foncée  ou  ronfle  ;  les 
plumes  du  milieu  de  la  poitrine  font  blanches  ,  à  l'ex- 
ception des  bords  qui  iont  jaunâtres  :  il  y  a  lur  le  bas 
de  la  poitrine  des  lignes  brunes ,  <k  la  couleur  du  ven- 
tre devient  peu-à-peu  de  plus  en  plus  brune  &  oblcu- 
re  à  mefure  qu'on  approche  de  l'anus.  La. queue  eii 
compofée  de  quatorze  plumes,  qui  ont  deux  pouces 
de  longueur,  &  qui  font  de  couleur  cendrée  noirâ- 
tre. Il  y  a  environ  vingt -cinq  grandes  plumes  à 
chaque  aile  ;  elles  font  toutes  d'une  môme  couleur 
cendrée  &  mêlée  de  brun  :  cependant  fi  on  y  regarde 
de  près,  on  trouvera  que  queiques-uncs  aes  plumes 
qui  iont  au-delà  de  la  dixième  o.u  la  pointe  blanchâ- 
tre. Le  bec  eit  plus  grand  &  plus  large  que  celui  de 
la  cane  mouche  ;  la  pièce  fupérieure  du  bec  eii  de  cou- 
leur plombée  ,  à  l'exception  de  l'extrémité  qui  eit 
noirâire  ;  la  pièce  intérieure  eit  preique  entièrement 
noire.  L'iris  des  yeux  eft  d'une  belle  couleur  jaune 
éclatante  ;  les  pattes  font  de  couleur  plombée  ,  &  la 
membrane  qui  tient  les  doigts  unis  enfemble  eit  noi- 
re ;  le  doigt  intérieur  eit  le  plus  petit,  é:  1  extérieur 
eii  prelque  égal  au  doigt  du  milieu  ,  dont  l'ongle  eii 
tranchant.  Ce  qu'il  y  a  de  particulier  dans  cet  oiieau  , 
c'eil  que  les  plumes  des  ailes  font  toutes  prefque  d'u- 
ne même  couleur  ,  qui  eit  le  cendré.  \Villughby  , 
Omit  h.  foy^  Oiseau. 

Cane  du  Levant ,  anas  circia  Gefn.  Cet  oifeau  eft  le 
plus  petit  de  ion  genre.  Le  bec  eit  noirâtre  ;  toute  la 
face  fupérieure  de  l'oileau  eit  de  couleur  brune  cen- 
drée. L'extrémité  des  plumes  du  dos  eit  blanchâtre  ; 
il  y  a  fur  les  ailes  une  bande  large  d'un  pouce,  en  partie 
noire  &  en  partie  de  couleur  d'émeraude  ,  èv  blanche 
de  chaque  côté  ;les  plumes  delà  queue  font  pointues. 
Toute  la  face  inférieure  de  l'oiieau  eit  de  couleur 
jaune  pâle  mêlée  de  blanc  :  il  y  a  cependant  iur  la 
poitrine  &  fur  le  bas- ventre ,  grand  nombre  de  taches 
noirâtres  afiez  larges.  Les  jambes  font  d'un  bleu  pâle  ; 
la  membrane  qui  eit  entre  les  doigts  eit  noire.  On 
trouve  dans  Peitomac  des  femences  &  des  petites 
pierres.  D.  Johnfon.  Willughby  ,  Ornith.  Voye^  OI- 
SEAU. 

CANE  haute  furfes  jambes,  anas  alticrura  ;  oiieau 
qu'Aldrovande  rapporte  au  genre  des  plongeons.  Il 
a  le  bec  pointu  ,  en  partie  noire  &  en  partie  rouge  ; 
le  cou  eit  entouré  d'un  collier  blanc  ;  le  dos  eit  de  cou- 
leur cendrée  pâle;  le  ventre  eit  blanc  ;  les  ailes  font 
très-larges  ;  les  quatre  premières  grandes  plumes  font 
noires,  celles  du  milieu  font  blanches,  &  les  autres 
noires ,  à  l'exception  de  la  pointe  qui  eit  blanche  ;  la 
oiieue  eit  en  entier  de  la  même  couleur ,  excepté 
l'extrémité  fupérieure  qui  eit  légèrement  teinte  de 
noir  ;  les  jambes  font  plus  minces  &  plus  longues  que 
dans  les  autres  oifeaux  de  ce  genre  ;  le  pié  &  la  mem- 
brane qui  joint  les  doigts  les  uns  aux  autres  ,  font 
blancs.  Aldrovande,  Ornith.  Ub,  XIX.  cap,  Lx,  Voy, 
Oiseau. 


C  A  N 


591 


Cane  MOUCHE,  anas  mu/caria  ;  cet  oifeau  a  été 
ainli  nommé  ,  parce  qu'il  prend  les  mouches  qui  vo- 
lent fur  l'eau.  Il  eft  prefque  de  la  grofleur  du  canard 
domeihque  ,  &  il  lui  reilemble  beaucoup.  Le  bec  eit 
large  &  court ,  il  n'a  pas  plus  de  deux  pouces  de  lon- 
gueur ;  la  pièce  de  deil'us  eit  de  couleur  de  fafran  ;  les 
dents  iont  difpoiées  de  chaque  coté  comme  celles  d'u- 
ne icie  ;  elles  iont  un  peu  larges  ,  prefque  membra- 
neuies,  flexibles  &  iaillantes ,  fur-tout  dans  la  pièce 
du  defïïis  ,  car  celles  du  delîbus  iont  moins  élevées  , 
&  forment  des  lortes  de  cannelures  fur  le  bec.  Tout 
le  corps  de  cet  oifeau  eit  de  plufieurs  couleurs  mêlées 
eniemble ,  telles  que  le  noirâtre ,  le  blanc  &  le  vert- 
clair,  avec  une  couleur  de  feu  brillant,  ou  pour  mieux 
dire ,  approchantes  de  celles  de  la  perdrix.  Les  pattes 
font  jaunes ,  odes  doigts  font  noirâtres  ,  &  fe  tiennent 
par  une  membrane.  Le  cou  a  en-deflus  &  en-defibus 
des  couleurs  iemblables  à  celles  dont  il  a  déjà  été 
fait  mention.  Le  i'ommet  de  la  tête  eit  plus  noir  que 
toute  autre  partie  de  l'oifeau,  à  l'exception  des  ailes 
où  cette  même  couleur  domine  auffi  :  elles  ne  s'éten- 
dent pas  jufqu'au  bout  de  la  queue.  Gefn.  Willugh- 
by  ,  Ornith.  Voye{  OlSEAU. 

Cane  petiere,  anas  campeflris ,  tetrax  ,  oifeau 
qui  paroît  être  particulier  à  la  France  ;  de  forte  qu'il 
n'y  a  point  de  payfan  qui  ne  le  connoitït  fous  ce  nom, 
qui  ne  doit  pas  déiigner  ici  que  cet  oifeau  foit  aqua- 
tique ,  ni  im  vrai  canard  ,  mais  feulement  qu'il  s'ac- 
croupit fur  la  terre  comme  les  canards  ,  car  il  n'a 
d'ailleurs  aucune  refiémblance  avec  les  oifeaux  de 
ce  genre  :  c'eit  un  oifeau  de  campagne  ;  il  eit  de  la 
grofleur  du  phaifan  ;  il  a  la  tête  lemblable  à  celle  de 
la  caille ,  quoique  plus  grofle ,  &  le  bec  comme  le 
coq  ;  il  a  trois  doigts  à  chaque  patte  ,  comme  dans  le 
pluvier  &  l'outarde  ;  les  racines  des  plumes  font  rou- 
ges &c  preique  de  couleur  de  fang  ,  &  elles  tiennent 
à  la  peau  comme  celles  des  plumes  de  l'outarde  ,  ce 
qui  fait  croire  que  cet  oifeau  eit  une  cfpece  d'outar- 
de. Il  eit  blanc  ious  le  ventre  comme  un  evgne;  le 
dos  eit  de  trois  ou  quatre  couleurs ,  le  fauve,  le  cen- 
dré &£  le  roux  mêlé  de  noir  ;  les  quatre  premières 
plumes  des  ailes  l'ont  noires  à  l'extrémité  ,  celles  qui 
ie  trouvent  au-deflbus  du  bec  font  blanches.  Il  y  a 
des  canes  petiens  qui  ont  comme  les  merles  de  Savoie 
à  l'endroit  du  jabot ,  un  collier  blanc  qui  entoure  la 
poitrine  :  cette  couleur  s'étend  jufqu'à  la  poitrine.  La 
tête  £c  le  deffus  du  cou  font  de  même  couleur  que  les 
ailes  &  le  dos  ;  le  bec  eit  moins  noir  que  celui  du  fran- 
colin  ;  la  couleur  des  pattes  tire  fur  le  cendré  ;  celle 
de  la  tête  &  du  cou  n'elt  pas  confiante  ,  c'eit  ce  qui 
fait  une  différence  entre  le  mâle  &  la  femelle:  mais 
la  couleur  du  dos  &c  des  ailes  eit  toujours  la  même. 
On  met  la  cane  petiere  au  nombre  des  oifeaux  les  plus 
excellens  à  manger ,  &  on  la  croit  auffi  bonne  que 
le  phaifan  :  elle  ie  nourrit  indifféremment  de  toutes 
fortes  de  graines  ;  elle  mange  aufii  des  fourmis,  des 
fearabés  ,  des  mouches  ,  &i  du  blé  lorfqu'il  eit  en 
herbe.  On  prend  les  canes  potières  comme  les  perdrix 
au  lacet,  au  filet,  à  la  forme,  &  avec  l'oileau  de 
proie  :  mais  cette  chaflé  n'elt  pas  ailée ,  parce  qu'el- 
les font  un  vol  de  deux  ou  trois  cents  pas  tort  prompt 
&  peu  élevé;  &  lorfqu'elles  font  tombées  à  terre  , 
elles  courent  fi  vite  qu'un  homme  pourroit  à  peine 
les  liiivre.  Belon  ,  Hijl.  de  la  nature  des  oifeaux.  )  oy. 
Oiseau. 

Cane  ,  ou  Canard  femelle  ,  voyer  Canard. 
Cane  de  mer ,  voye^  Canard  sauvage. 
Cane^'  Guinée  ,  voy  ci  Canakd  de  Barbarie. 
CANE</«  Caire ,  voye^  Canard  de  Barbarie.   (  /  ) 
*  CANES,  ((Economie  ru/Uaue.)  il  faut  drellér  à  cette 
volaille  un  petit  toit  qui  les  mette  à  couvert  des  ani- 
maux qui  les  mangent;  ce  toit  leur  fuffit. 

Les  canes  aiment  l'eau:  il  n'en  faut  pas  cleveroù 
elles  n'ont  pas  dequoi barboter  ;  on  le  lert  de  leur  plu- 


59i 


CAÎ 


me  en  oreillers,  traverfin,  matelats,  &c.  les  œufs  & 
la  chair  en  font  bons.  Il  faut  choifir  les  plus  grottes  , 
&  donner  huit  ou  dix  femelles  à  chaque  mâle  :  on  leur 
jette  à  mander  le  foir  &  le  matin  avec  le  relie  de  la 
volaille ,  &la  même  nourriture.  Elles  font  carnacie- 
res ,  cependant  elles  ne  font  point  de  dégât  :  elles 
commencent  ordinairement  leur  ponte  en  Mars ,  & 
la  continuent  jufqu'à  la  fin  de  Mai  ;  il  faut  alors  les 
retenir  fous  le  toit  jufqu'à  ce  qu'elles  ayent  pondu  :  on 
employé  ibuvent  les  poules  à  couver  les  œufs'd'oie 
&  de  cane,  parce  qu'elles  font  plus  affidues;  qu'une 
poule  peut  couver  une  douzaine  d'oeufs,  &  que  la 
cane  n'en  fauroit  guère  couver  que  iix  :  il  faut  trente- 
un  jour  de  couvée  pour  faire  éclorre  les  canetons  ;  on 
les  élevé  comme  les  pouffins  ;  on  ne  les  laine  fortir 
qu'au  bout  de  huit  à  dix  jours. 

On  ne  donne  que  lix  femelles  à  chaque  mâle  de 
canes  d'Inde  :  leurs  canetons  s'élèvent  plus  difficile- 
ment que  les  autres  ;  on  ne  leur  donne  dans  le  com- 
mencement que  des  miettes  de  pain  blanc  détrempées 
dans  le  lait  caillé. 

Les  mâles  d'entre  les  canes  d'Inde  fe  mêlent  fou- 
vent  avec  les  canes  communes ,  &il  en  vient  des  canes 
bâtardes  qui  font  allez  greffes,  &  qui  s'elevent  bien. 
Canee,  (la)  Gêog.  ville  forte  de  l'île  de  Can- 
die, avec  un  port.  Long.  41.  43.  Lat.  ji.  28. 

CANELLE,  f.  f.  (Botanique  exotique.)  c'eft  la  fé- 
conde écorce  &  l'intérieure  d'un  arbre  qui  ne  croît 
plus  que  dans  l'île  de  Ceylan. 

Les  Hollandois  font  parvenus  à  faire  feuls  le  com- 
merce de  la  canelle.  Les  hiitoires  anciennes  ne  nous 
fourniffent  pas  d'exemples  de  nation ,  qui  ait  fait  dans 
le  commerce  en  auffi  peu  de  tems  un  progrès  pareil  à 
celui  des  Hollandois ,  furtout  au  milieu  des  guerres 
étrangères  &C  des  divifions  domeliiques.  Piufieurs 
cauies  ont  concouru  à  procurer  aux  Hollandois  ce 
grand  avantage  ;  la  néceffité  de  fe  domicilier  dans  un 
terroir  ingrat,  d'y  fubliiter  par  artifice,  de  défendre 
des  prifes  fur  mer ,  les  formèrent  d'abord  à  de  petites 
courfes ,  enfuite  à  des  armemens ,  enfin  à  la  naviga- 
tion, à  la  création  de  puiffantes  compagnies,  &  au 
commerce  le  plus  étendu  dans  les  quatre  parties  du 
monde.  Auffi  cette  nation  poffede  en  ce  genre  des 
qualités  très-eflentielles  :  de  ce  nombre  font  un  génie 
né  pour  la  pêche ,  une  frugalité  naturelle,  un  goût  do- 
minant pour  l'épargne,  pour  le  travail,  &  pour  la 
propreté ,  qui  fort  à  conferver  leurs  vaifieaux  &  leurs 
équipages.  Ajoùtez-y  leur  induitrie  ôt  leur  perféve- 
rance  à  fupporter  les  plus  grandes  pertes  fans  fe 
rebuter. 

Par  tous  ces  moyens  ils  établirent  dans  l'île  de  Ja- 
va un  fécond  fiége  de  leur  empire ,  conquirent  fur 
les  Portugais  d'un  côté  les  îles  Molucques,  produifant 
feules  le  girofle ,  voye{  Girofle  ;  &c  de  l'autre  file 
de  Ceylan,  autrefois  Taprobane ,  feule  féconde  en 
canelle,  écorce  précieufe ,  d'un  goût  admirable  ,  thré- 
for  de  luxe  &  de  commerce ,  qui  de  fupeiflu  elt  de- 
venu néceflaire. 

Entrons  dans  les  détails;  M.  Geoffroi  me  fournira 
ceux  de  Botanique  ;  les  Hollandois  ,  éclairés  iur 
cette  matière  ,  m'en  ont  confirmé  l'exactitude. 

Defcription  de  la  canelle.  La  canelle  commune ,  cinna- 
momum  des  boutiques ,  elt  une  écorce  mince ,  tan- 
tôt de  l'épaillèur  d'une  carte  à  joiier ,  tantôt  de  la  grof- 
feur  de  deux  lignes:  elle  elt  roulée  en  petits  tuyaux 
ou  cannules,  de  la  longueur  d'une  coudée ,  d'une  de- 
mi-coudée ,  plus  ou  moins ,  d'un  pouce  de  large  le 
plus  fouvent;  d'une  lubltance  ligneufe  &  fibreufe, 
caftante  cependant ,  dont  la  fuperficie  elt  quelque- 
fois ridée,  quelquefois  unie,  de  couleur  d'un  jaune 
rougeâtre,  ou  tirant  furie  fer;  d'un  goût  acre,  pi- 
quant, mais  agréable,  douceâtre,  aromatique,  un 
peu  aftringent ,  d'une  odeur  douce  6c  très-pénétrante. 
L'arbre  qui  la  produit  eit  le  cinnamomum ,  foliis  lu- 


C  A  N 

tis ,  ovatis  ,frugiferum ,  Burm.  Ther.  Zeyl.  pag.  Gz.  tab. 
2J7.  laurus  fol  us  oblongo-ovatis ,  trinerviis  ,niiidis ,  pla- 
nts ,  Linn.  Hort.  Cliffort ,  154. 

Defcription  du  canellier.  La  racine  de  cet  arbre  elt 
gn  n,.,  partagée  en  piufieurs  branches,  fibreufe, 
dure,  couverte  d'une  écorce  d'un  roux  grifâtre  en 
dehors,  rougeâtre  en-dedans,  qui  approche  de  l'o- 
deur du  camphre  ;  le  bois  de  cette  racine  elt  lolide  , 
dur,  blanchâtre,  &  fans  odeur. 

Le  tronc  s'élève  à  trois  ou  quatre  toiles ,  &  il  elt 
couvert  auffi  bien  que  les  branches  qui  font  en  grand 
nombre ,  d'une  écorce  qui  elt  verte  d'abord  ,  &  qui 
rougit  enfuite  avec  le  tems  :  elle  enveloppe  le  bois 
avec  une  petite  peau  &  une  croûte  grile  ;  Ion  goût 
elt  foible  lorfqu'elle  elt  verte,  mais  douceâtre  ,  acre, 
aromatique,  &  très-agréable  lorfqu'elle  eft  lèche; 
cette  écorce  récente,  léparée  de  la  croûte  qui  efl 
grile  &  inégale  ,  enlevée  en  Ion  tems,  &c  léchée  au 
loleil,  s'appelle  canelle;  le  bois  elt  dur  intérieure- 
ment, blanc,  &  fans  odeur. 

Les  fouilles  nailîent  tantôt  deux  à  deux ,  tantôt  feu- 
le à  feule  :  elles  font  femblables  aux  feuilles  du  lau- 
rier ou  du  citronier;  elles  font  longues  de  plus  d'un 
palme ,  lilfos ,  tarifantes  ,  ovalaires ,  terminées  en 
pointe  :  lorfqu'ellcs  font  tendres ,  elles  ont  la  couleur 
de  foie  ;  félon  qu'elles  font  plus  vieilles ,  plus  lèches  , 
elles  font  d'un  verd  foncé  en-deffus,  &c  d'un  verd 
plus  clair  en-delïbus ,  foûtenues  d'une  queue  d'un  de- 
mi-pouce, épailTe,  cannelée,  terminée  par  trois  filets 
nerveux  qui  s'étendent  tout  le  long  de  la  feuille ,  l'ail- 
lans  des  deux  côtés,  d'où  partent  de  petites  nervures 
tranfverfales  :  enfin  elles  ont  le  goût  &  l'odeur  de  la 
canelle ,  caractère  qui  les  diltingue  principalement 
de  la  feuille  du  malabathrum. 

Les  fleurs  font  petites,  étoilées ,  à  fix  pétales ,  blan- 
châtres ,  &  comme  difpofées  en  gros  bouquet  à  l'ex- 
trémité des  rameaux,  portées  fur  des  pédicules  d'un 
beau  verd ,  d'une  odeur  agréable  ,  &  qui  approche 
de  celle  du  muguet.  Au  milieu  de  la  fleur  elt  renfer- 
mé un  petit  cœur  compolé  de  deux  rangs  d'étami- 
nes ,  avec  un  piltil  verd,  noirâtre  au  fommet,  qui  fe 
change  en  une  baie  ovalaire ,  longue  de  quatre  ou 
cinq  lignes,  lifle,  verte,  d'abord,  enfuite  d'un  brun 
bleuâtre,  tachetée  de  pointes  blanchâtres ,  fort  atta- 
chées à  un  calice  un  peu  profond ,  un  peu  épais ,  verd> 
partagé  en  iix  pointes. 

Elle  contient  fous  une  pulpe  verte ,  onctueufe ,  af- 
tringente ,  un  peu  acre  &  aromatique ,  un  petit  noyau 
caffant,  qui  renferme  une  amande  ovalaire ,  acre  , 
prefque  de  couleur  de  chair,  ou  de  pourpre  légère. 

Cet  arbre  naît,  &  ne  fe  trouve  prélentement  que 
dans  l'île  de  Ceylan ,  où  il  feroit  auffi  commun  dans 
les  forêts  &c  dans  les  haies ,  que  le  coudrier  l'elt  par- 
mi nous ,  lî  on  n'avoit  grand  foin  de  l'arracher. 
Auffi  ne  le  cultive-t-on  que  dans  un  efpace  d'environ 
quatorze  lieues  le  long  de  la  mer  :  mais  cette  petite 
étendue  de  pays  en  produit  fi  abondamment,  que  fur 
le  pié  de  la  confommation  de  canelle  qui  fe  fait  au- 
jourd'hui ,  Ceylan  en  pourroit  fournir  ailément  à 
quatre  mondes  comme  le  nôtre. 

Les  canclliers  doivent  avoir  un  certain  nombre 
d'années  avant  qu'on  enlevé  leur  écorce  :  luivant  mê- 
me le  terroir ,  la  culture ,  &  l'efpece ,  ils  donnent  la 
canelle  plus  ou  moins  promptement.  Ceux  qui  croif- 
fent  dans  des  vallées  couvertes  d'un  fable  menu,  pur 
&  blanchâtre ,  font  propres  à  être  écorcés  au  bout 
de  trois  ans;  au  lieu  que  ceux  qui  font  plantés  dans 
des  lieux  humides  &  marécageux,  profitent  beaucoup 
moins  vite.  Ceux  qui  font  lîtués  à  l'ombre  des  grands 
arbres  qui  leur  dérobe  les  rayons  du  foleil ,  parvien- 
nent auffi  plus  tard  à  la  maturité  ;  il  y  a  même  quel- 
que différence  entre  les  écorces  des  uns  &  des  au- 
tres. L'écorce  des  canelliers  plantés  dans  des  lieux  hu- 
mides &  ombragés ,  a  un  peu  plus  le  goût  du  cam- 

ptre 


C  A  N 

phre,  que  celle  de  ceux  qui  viennent  à  découvert 
dans  un  terrein  fabloneux  ;  car  l'influence  du  iblei! 
rend  le  camphre  fi  volatil,  qu'il  fe  mêle  facilement 
avec  les  lues  de  l'arbre ,  &  que  s'élevant  entre  le  bois 
&  la  membrane  intérieure  &  tendre  de  l'écorce,  il 
fc  répand  lî  parfaitement  entre  les  branches  8c  dans 
les  feuilles  où  il  fe  transforme ,  qu'il  ne  fe  laille  plus 
diftinguer ,  &  que  ce  qui  en  relie  n'eft  pas  fenfible. 

L'odeur  du  cane/lier  eft  admirable  quand  il  eft 
en  fleur  ;  &  lorfque  les  vents  favorables  foufrlent  de 
terre ,  le  parfum  en  eft  porté  fort  avant  dans  la  mer, 
enforte  qu'au  rapport  de  quelques  voyageurs,  ceux 
qui  navigent  alors  dans  ces  contrées,  fentent  cette 
odeur  fuave  à  quelques  milles  de  diftance  du  rivage. 

Méthode  en  ufage  pour  tirer  la  candie  de  l'arbre.  La 
canelle  des  boutiques  eft  l'écorce  tirée  des  canelliers 
de  trois  ans:  on  a  coutume  de  l'enlever  au  printems 
&  en  automne ,  dans  le  tems  que  l'on  obferve  une 
fève  abondante  entre  l'écorce  &  le  bois  ;  lorfqu'on 
l'a  enlevée  >  on  fépare  la  petite  écorce  extérieure 
grife  &  raboteufe  ;  enfuite  on  la  coupe  par  lames  , 
on  Fexpofe  au  foleil  ;  &  là  en  fe  léchant,  elle  fe  rou- 
le d'elle-même  comme  nous  la  voyons:  on  choifit 
fur-tout  le  printems,  &  lorfque  les  arbres  commen- 
cent à  fleurir,  pour  enlever  cette  écorce.  Après  qu'on 
l'a  enlevée,  l'arbre  refte  nud  pendant  deux  ou  trois 
sfns  ;  enfin  au  bout  de  ce  tems  il  fe  trouve  revêtu  d'u- 
ne nouvelle  écorce ,  &  eft  propre  à  la  même  opéra- 
tion. 

La  canclle  Portugaife  ne  fubfiftc  plus.  On  a  eu  pen- 
dant quelque  tems  dans  le  commerce  cette  canclle, 
qu'on  appelloit  canelle fauvage,  canelle grife ,  qui  croit 
foit  dans  le  royaume  de  Cochin ,  fur  la  côte  de  Ma- 
labar;-les  Portugais  chafles  par  les  Hollandois  de 
Ceylan,  débitoient  cette  canelle  fauvage  à  la  pla- 
ce de  la  véritable;  mais  ce  débit  n'a  pas  duré  long- 
fèrhS  :  ces  derniers  ne  virent  pas  fans  envie  le  négoce 
de  la  canelle  Portugaife,  ôc  l'on  croit  que  cette  jalou- 
fie  fut  e*n  partie  la  caufe  qui  les  engagea  de  s'empa- 
rer en  1661  de  Cochin,  dont  ils  firent  arracher  toute 
la  canellcfauvage ,  afin  de  le  trouver  feuls  maîtres  dans 
le  monde  de  cette  précieufe  épicerie. 

On  demande  fi  les  anciens  ont  connu  notre  canel- 
le ,  &  fi  le  cinnamome  dont  il  eft  tant  parlé  dans  les 
ccrits  des  anciens  ,  étoit  la  canelle  de  nos  jours  : 
problème  qui  partage  tous  les  auteurs. 

Il  eft  d'abord  certain  que  le  kin-namom  des  Hé- 
breux, mentionné  dans  l'Ecriture-fainte  ,  Exode  xx. 
33.  cantiq.  iv.  14.  n'eft  point  celui  des  Grecs  &  des 
Romains ,  encore  moins  quelque  canelle  d'Amérique, 
ou  celle  des  Indes  orientales.  Le  nouveau  monde  n'é- 
^toit  pas  connu ,  &  le  commerce  avec  l'île  de  Ceylan 
oudeTaprobane,  n'étoit  pas  ouvert.  Dieu  ordonne 
à  Moyfe  de  prendre  du  kin-namom  avec  divers  au- 
tres aromates  ,  Se  d'en  compofer  une  huile  de  par- 
fum pour  oindre  le  tabernacle.  Il  s'agit  donc  ici  d'u- 
ne gomme,  ou  d'une  huile,  plutôt  que  d'une  écorce 
ou  (l'un  bois  odorant. 

La  difficulté  eft  bien  plus  grande  à  l'égard  du  cinna- 
mome des  autres  peuples.  Quelques-uns  penfent  que 
leur  cinnamome  étoit  les  tendres  rameaux  de  l'ar- 
bre qui  porte  le  clou  de  girofle:  mais  ils  ne  fongent 
pris  que  lî  les  anciens  euflent  connu  cet  arbre,  ils 
n'auroient  pas  omis,  comme  ils  l'ont  fait,  de  par- 
ler de  les  fruits ,  qui  font  fi  remarquables  par  leur  aro- 
mate ,  leur  goût  piquant,  &  leur  odeur  pénétrante. 

Ceux  qui  prétendent  que  le  cinnamomum  des  an- 
ciens, de  Théophrafte,  Diofcoride,  Galien,  &  Pli- 
ne ,  eft  notre  canelle  moderne ,  s'appuient  fur  la  ref- 
femblance  des  caractères  de  cet  arbriffeau  avec  no- 
tre canellier,  dans  la  description  que  ces  anciens  écri- 
vains nous  ont  donnée  de  la  petiteffede  l'écorce,  de 
f  >n  odeur,  de  l'on  goût ,  de  fes  vertus ,  &  de  fon  prix  : 
mais  on  combat  les  (éclateurs  de  cette  opinion  pré- 
Tome  II, 


C  A  N 


59? 


cifément  par  les  mêmes  armes  qu'ils  employent  pour 
la  défendre.  On  leur  oppofe  que  les  anciens  difflm- 
guant  pluficurs  efpeces  de  cinnamomum ,  une  mofyli- 
tique  noirâtre, d'un  gris  vineux,  qui  eft  la  plus  excel- 
lente, acre,  échauffante,  &  faléeen  quelque  maniè- 
re, une  autre  de  montagne,  une  noire  ,  une  blanche; 
aucune  de  ces  efpeces  ne  convient  à  notre  canelle  : 
d'où  l'on  conclut  que  les  anciens  Grecs  &  Romains 
ne  l'ont  point  connue.  Les  curieux  trouveront  tou- 
tes les  railbns  poflîbles  en  faveur  de  ce  dernier  fen- 
timent ,  rafl'emblées  dans  un  ouvrage  exprès  de  Bal- 
thafar  Michael  Campi,  intitulé:  Spicilegio  botanico , 
nd  qualefi  manifefta  lo  fconofciuto  cinnamomo  ielli  an~ 
tichi.  Lucca  ,  1652,  in-40. 

Sans  décider  une  queftion  fufceptible  de  raifons 
pour  &  contre  ,  nous  nous  contenterons  de  remar- 
quer ,  que  les  anciens  n'ayant  point  déterminé  clai- 
rement ni  unanimement  ce  qu'ils  entcr.do'.ent  par 
leur  cinnamomum ,  nous  n'en  pouvons  juger  qu'en 
aveugles  ;  ils  n'en  connoiflbient  pas  même  i'hiftoire, 
comme  il  eft  aile  de  le  prouver. 

Pline  raconte  que  les  marchands  qui  l'apportaient 
en  Europe ,  fàîfoient  un  voyage  fi  long  &  fi  péril- 
leux ,  qu'ils  étoient  quelquefois  cinq  ans  fans  reve- 
nir ;  que  la  plupart  mouroient  en  chemin  ;  &  que  la 
plus  conliderable  partie  de  ce  trafic  fe  faifoit  par  des 
femmes.  L'éloignement  du  lieu  dont  on  tiroit  la  mar- 
chandée ,  la  longueur  du  trajet  ,  l'avidité  du  gain  , 
le  prix  naturel  de  la  chofe  ,  les  diverfes  mains  par 
lesquelles  elle  pafibit  ;  cn  faut-il  davantage  pour 
donner  lieu  à  toutes  les  fables  qu'on  débitait  fur  l'o- 
rigine de  la  production  végétale  qu'ils  nommèrent 
cinnamomum  ? 

Du  tems  de  Galien  elle  étoit  déjà  fi  rare  ,  qu'on 
n'en  trouvoit  plus  que  dans  les  cabinets  des  Empe- 
reurs. Pline  ajoute  que  le  prix  en  étoit  autrefois 
très-confidérable  ,  &  que  ce  prix  étoit  augmenté  de 
moitié  par  le  dégât  des  Barbares ,  qui  en  avoient  brû- 
lé tous  les  plants.  Seroit-il  donc  hors  de  vrailTemblan- 
ce  de  penfer  que  le  cinnamome  des  anciens  nous  eft 
entièrement  inconnu ,  &  qu'il  eft  préfentement  per- 
du ? 

Il  n'en  arrivera  pas  de  même  de  notre  canelle  ,  ni 
du  canellier  :  deicription  exaûe  ,  planches  ,  culture, 
débit ,  ufage  en  Médecine ,  tant  de  préparations  qu'on 
en  tire ,  ou  dans  lefquelles  elle  entre  ;  tout  nous  allu- 
re ion  immortalité. 

Du  débit  qui  s'en  fait ,  de  fes  diverfes  fortes  ,  &  de 
fon  choix.  J'ai  déjà  remarque  que  la  compagnie  des 
Indes  orientales  en  Hollande  étoit  feule  maîtrefle  de 
la  canelle  :  mais  au  lieu  d'en  augmenter  la  quantité 
par  la  multiplication  des  arbres  qui  la  produifent  , 
ce  qui  feroit  facile  ,  la  compagnie  prend  grand  foin 
de  faire  arracher  de  tems  en  tems  une  partie  de  ceux 
qui  croiflent  fans  culture  ,  ou  qui  ne  feraient  pas  dans 
de  certains  diftricts  de  l'ile-  elle  fait  par  une  expé- 
rience de  près  de  cent  ans  la  quantité  de  canelle  qu'il 
lui  faut  pour  le  commerce,  &  eft  perlùadée  qu'elle 
n'en  débiteroit  pas  davantage  ,  quand  même  elle  la 
donneroit  à  meilleur  marché. 

On  juge  que  ce  que  cette  compagnie  en  apporte 
en  Europe  ,  peut  aller  à  environ  fix  cents  mille  li- 
vres pefantparan,  &  qu'elle  en  débite  à  peu-près 
autant  dans  les  Indes. 

Il  s'en  confomme  une  grande  quantité  cn  Amér:- 
rique,  particulièrement  au  Pérou  pour  le  chocolat, 
dont  les  Efpagnols  ne  peuvent  fe  palier. 

Ce  qu'on  appelle  à  Ceylan  le  champ  it 
&  qui  appartient  en  entier  à  la  compagnieHo" 
fe  ,  eft  depuis  Négambo  jufqu'à  Galueres:  la  meil- 
leure canellt  eft  celle  des  environs  dj  Negambo  Scde 
Colombo. 

On  en  diflingue  de  trois  fortes ,  de  fine ,  de  moyen- 
ne ,  &  de  groffiere  :  cette  Jiveriîté  procède  de  la  va- 

FFff 


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C  A  N 


riétc  ,  non-feulement  des  arbres  dont  on  la  tire  ,  par 
apport  à  leur  âge  ,  leur  pofition ,  leur  culture  ,  mais 
encore  des  différentes  parties  de  l'arbre  :  car  la  ca- 
ndie d'un  jeune  arbre  diffère  de  celle  d'un  vieux 
arbre  ;  Fécorce  du  tronc  ,  de  celle  des  branches  ;  & 
l'écorcé  de  la  racine  ,  de  celle  de  l'un  tk  de  l'autre  : 
les  jeunes  arbres  produifent  la  plus  fine  ,  tk  tou- 
jours de  moindre  qualité  à  menue  qu'ils  acquièrent 
plus  de  trois  ans. 

Ainfi  cette  candie  groffiere ,  connue  communé- 
ment dans  le  commerce  fous  le  nom  de  canelle  matte, 
n'eft  autre  chofe  que  des  écorces  de  vieux  troncs  de 
candiurs  :  une  telle  écorce  eft  de  beaucoup  inférieu- 
re par  fon  odeur  ,  fon  goût ,  &  fes  vertus ,  à  la  fine 
candie  ;  auffi  la  doit-on  rejeîter  en  Médecine. 

On  demande  pour  le  choix  de  la  bonne  candie , 
qu'elle  foit  fine ,  unie ,  facile  à  rompre ,  mince  ,  d'un 
jaune  tirant  fur  le  rouge  ,  odorante  ,  aromatique  , 
d'un  goût  vif  piquant ,  tk  cependant  douçâtre  tk 
agréable:  celle  dont  les  morceaux  en  même  tems 
font  petits ,  &  les  bâtons  longs ,  ont  la  préférence 
par  les  connoiffeurs. 

il  fembîe  que  toute  fa  vertu  confifte  dans  une  pelli- 
cule très-fine,  qui  revêt  intérieurement  cette  écorce; 
du  moins  a-t-on  lieu  d'en  juger  ainfi ,  fi  ce  que  dit 
Kerman  eft  vrai ,  qu'on  retire  plus  d'huile  d'une  livre 
de  cette  pellicule ,  que  de  lix  livres  de  fécorce 
entière. 

De  fes  falff cations.  Il  y  a  des  gens  qui  pour  ga- 
gner iiir  le  débit  de  cette  épicerie  ,  la  mélangent 
avec  des  écorces  de  même  groileur  tk  couleur  ;  d'au- 
tres la  vendent  après  en  avoir  tiré  les  vertus  par  la 
dillillation.  Ces  fraudes  le  connoîtront  aifément , 
tant  au  goût  qu'à  l'odorat.  On  dit  qu'en  biffant  lé- 
journer  pendant  long-tems  des  bâtons  de  canelle  pri- 
vés par  la  dillillation  de  leur  huile  odorante ,  parmi 
de  bonne  canelle ,  ils  reprennent  leurs  vertus.  Mais , 
fuivant  la  remarque  de  Boerhaave  ,  fi  le  fait  eft  vrai , 
c'eftaux  dépens  de  la  bonne  canelle  fur  laquelle  on  les 
a  mis  ;  &  alors  il  eft  évident  qu'elle  doit  avoir  per- 
du tout  ce  qu'ils  ont  recouvré.  Cependant  comme 
il  n'eft  pas  poffible  dans  l'achat  de  la  canelle  de  goû- 
ter tous  les  bâtons  les  uns  après  les  autres  ,  le  vrai 
fecret  eft  de  la  prendre  chez  d'honnêtes  négocians , 
qui  méprifentles  gains  illicites. 

Toutes  les  parties  du  candlier  fourniffent  des  fe- 
cours  à  la  Médecine  :  fon  écorce  ,  fa  racine ,  fon 
tronc  ,  fes  tiges ,  fes  feuilles ,  fes  fleurs ,  &  fon  fruit  : 
on  en  tire  des  eaux  diltillées ,  des  fels  volatils ,  du 
camphre  ,  du  fuif  ou  de  la  cire ,  des  huiles  précieu- 
jes  ;  l'on  en  compofe  des  firops  ,  des  paftilles ,  des 
effences  odoriférantes ,  d'autres  qui  convenaient 
en  hypocras  toutes  fortes  de  vins  ;  en  un  mot  c'eft 
le  roi  des  arbres  à  tous  ces  égards.  Prouvons-le  en 
détail. 

De  la  diflillation  de  l'huile  de  canelle  ,  &  de  fa  na- 
ture. Nev/rnan  dit  que  la  canelle  eft  un  fingulier  com- 
pofe de  parties  huileufes ,  falines  ,  réfineufes  ,  gom- 
meufes  ,  tk  fur-tout  terreftres  ,  enforte  que  dans  une 
livre  de  canelle  il  y  a  prefque  les  trois  quarts  d'une 
terre  indiiîbluble ,  deux  onces  d'une  fubftance  réfi- 
neufe  ,  une  once  tk  demie  d'une  fubftance  gommeu- 
fe  ,  tk  près  d'une  dragme  d'une  huile  effentielle. 

Cette  huile  vient  dans  la  diftillation  avec  une  eau 
blanche  au  fond  de  laquelle  elle  fe  précipite,  parce 
qu'elle  eft  plus  pelante  en  pareil  volume.  La  qualité 
effentielle  de  cette  eau  &  de  cette  huile  ,  lo^ée  dans 
leur  efpriî  recteur  invifible  ,  qui  n'en  augmente  ni 
n'en  diminue  le  poids ,  eft  un  phénomene'bien  fur- 
prenant. 

Si  l'on  diftille  la  canelle  quand  elle  eft  récente, elle 
donne  plus  d'huile  que  quand  elle  eft  vieille  :  de- 
là vient  peut-être  que  quelques  chimiftes  difent  n'a- 
voir tiré  qu'une  dragme  d'huile ,  &  d'autres  deux , 


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d'une  livre  de  canelle  ;  mais  il  fe  peut  auffi  que  l'art 
de  la  diftiliation  y  concoure  pour  beaucoup,  s'il  eft 
vrai  qu'il  y  a  des  artiftes  qui  lavent  tirer  près  d'une 
once  d'huile  pure  d'une  livre  de  canelle,  par  le  moyen 
de  l'efprit-de-vin  préparé  d'une  certaine  manière , 
dont  ils  font  un  fecret.  C'cft  aux  Indes  même  ,  à 
Ceylan ,  à  Batavia ,  qu'on  lait  la  diftillation  de  la 
plus  grande  partie  d'huile  de  canelle  qui  fe  débite  en 
Europe  ;  les  Droguiftes  &  Apothicaires  Hollandois 
trouvant  encore  mieux  leur  compte  à  l'acheter  de 
la  compagnie  ,  qu'à  la  tirer  de  la  canelle  par  la  diftil- 
lation. 

Mais  comme  cette  huile  eft  extrêmement  chère  , 
tk  vaut  environ  cinquante  francs  l'once ,  l'amour  du 
gain  a  fait  imaginer  des  rufes  pour  l'adultérer  fine- 
ment ;  tk  on  y  a  réuffi  par  le  mélange  de  l'huile  de 
girofle,  qui  perdant  avec  le  tems  fon  odeur,  ne  laifie 
prefcju'aiicun  moyen  de  découvrir  la  falfification. 
Suivant  le  procédé  de  Boerhaave,  on  retire  par 
la  diftillation  d'une  livre  de  canelle  avec  de  l'eau 
bouillante  ,  une  liqueur  laiteufe ,  au  fond  de  laquelle 
on  trouve  une  petite  quantité  d'huile  limpide ,  rou- 
geâtre ,  inflammable ,  brûlante  ,  extrêmement  odo- 
riférante ,  &  douée  au  fuprème  degré  des  qualités- 
effentielles  de  la  canelle  :  il  faut  la  garder  dans  une 
phiole  étroite  bien  bouchée  ;  il  en  eft  de  même  de 
la  liqueur  laiteufe  ,  fi  recherchée  par  fon  agréable 
odeur,  fon  goût  vif  &  piquant.  Cette  liqueur  étant 
gardée  ,  dépofe  un  peu  d'huile  ,  &  devient  inienfi- 
blement  plus  claire  ,  &  moins  aromatique. 

Si  on  conferve  l'huile  de  canelle  pendant  plufieurs 
années  dans  des  phioles  hermétiquement  bouchées  , 
on  prétend  que  la  plus  grande  partie  fe  transforme- 
ra en  un  fel  qui  a  les  vertus  de  la  canelle  ,  tk  qui  fe 
diffout  dans  l'eau.  Le  doûewr  Slare  affùre  ,  dans  les 
Tranfailions philofophiques ,  que  dans  l'efpace  de  vingt 
ans  la  moitié  d'une  certaine  quantité  d'huile  de  ca- 
nelle fe  changea  en  fel. 

La  canelle  eft  donc  remplie  d'un  fel  effenti^l ,  foit 
acide,  foit  urineux,  qui  approche  du  fel  ammoniac, 
uni  avec  une  huile  effentielle  aromatique  ,  d'où  fon 
aclion  paroît  dépendre  principalement.  Toutes  les 
expériences  nous  manquent  fur  ce  fel. 

Du  camphre  que  donne  la  racine  du  canellier.  Voici 
d'autres  phénomènes.  Par  la  diftillation  on  retire  de 
l'ecorce  de  la  racine  du  canellier  une  huile  &  un  fel 
volatil ,  ou  plutôt  du  camphre  :  l'huile  eft  plus  légère 
que  l'eau,  limpide  ,  jaunâtre  ,  fubtile,  &:  fe  diiîipe 
aifément  dans  l'air  ;  d'une  odeur  forte ,  vigoureufe, 
agréable  ,  qui  tient  le  milieu  entre  le  camphre  &  la 
canelle  ;  d'un  goût  fort  vif:  fans  employer  même  la 
diftillation  ,  l'écorcé  de  la  racine  du  canellier  rend 
de  tems  en  tems  du  camphre  en  gouttes  oléagineufes, 
qui  fe  coagulent  en  forme  de  grains  blancs. 

Le  camphre  de  la  canelle  eft  très-blanc  ;  il  furpafTe 
de  beaucoup  parla  douceur  de  fon  odeur  le  cam- 
phre ordinaire  ;  il  eft  très-volatil ,  tk  fe  diffipe  fort 
aifément;  il  s'enflamme  promptement,  &il  ne  laine 
point  de  marc  après  la  déflagration. 

L'huile  que  l'on  tire  de  fécorce  de  la  racine  du 
canellier,  eft  employée  extérieurement  aux  Indes 
dans  les  douleurs  aux  jointures ,  produites  par  le 
froid  ,  dans  les  rhûmatifmes  tk  dans  les  paralyiies  ; 
on  l'y  donne  intérieurement  broyée  avec  du  lucre, 
pour  exciter  les  fueurs ,  les  urines ,  fortifier  l'efto- 
mac  ,  chaffer  les  vents ,  diffiper  les  catarrhes.  On 
y  regarde  le  camphre  du  canellier  comme  le  meilleur 
dont  on  puiffe  faire  ufage  en  Médecine  :  on  le  ra- 
maffe  avec  foin  ,  &  il  eft  deftiné  pour  les  rois  du 
pays  ,  qui  le  prennent  comme  un  cordial  d'une  effi- 
cacité peu  commune.  La  blancheur  de  ce  fel  ,  fon 
odeur  douce ,  fa  volatilité  ,  fa  rareté  ,  affùreroient 
là  fortune  quelque  part  que  ce  fût.  L'eau  camphrée 
qui  vient  ayee  l'huile  dans  la  diftillation ,  eft  extrè- 


C  A  N 

mement  recommandée  à  Ceyian  dans  les  fluxions, 
les  fièvres  malignes ,  &  extérieurement  pour  diliiper 
les  tumeurs  aqueufes  &  œdémateufcs. 

De  l'ufage  de  l 'huile  des  feuilles  du  canellier.  L'huile 
des  feuilles  diltillées  va  au  fond  de  Teau  :  elle  elt 
d'abord  trouble  ;  elle  devient  jaunâtre  &  transpa- 
rente avec  le  tems  ,  d'un  goût  douçâtre,  acre  ,  aro- 
matique, fentant  un  peu  la  canette,  &  approchant  un 
peu  de  l'odeur  du  clou  de  girofle. 

Cette  huile  paffe  pour  un  correctif  des  violens  pur- 
gatifs :  on  la  donne  mêlée  avec  quelque  poudre  ap- 
propriée ,  dans  les  maux  d'eftomac ,  les  coliques  ven- 
îeules ,  &  caufées  par  le  froid  ;  bouillie  avec  de  l'hui- 
le commune ,  elle  elt  recommandée  dans  les  compo- 
rtions des  linimens ,  des  cataplafmes  nervins  ou  ré- 
solutifs :  on  preferit  même  à  Ceyian  les  feules  feuil- 
les du  canellier  dans  les  bains  aromatiques  ,  &  les  on- 
guens  defiiecatifs. 

De  l'ufage  des  fleurs  du  canellier.  On  obtient  des 
fleurs  par  la  diftillation,  une  eau  odoriférante,  agréa- 
Ile  ,  bonne  contre  les  vapeurs  ,  propre  à  rétablir  le 
cours  des  efprits ,  à  les  ranimer ,  à  adoucir  la  mau- 
"vaife  haleine  ,  à  donner  du  parfum  &  de  l'agrément 
à  différentes  fortes  de  mets.  On  prépare  encore  avec 
ces  fleurs  une  conferve  très-bonne  pour  les  perlon- 
nesd'un  tempérament  leucophlegmatique. 

De  l'ufage  des  fruits  &  de  la  cire.  Les  fruits  donnent 
deux  fortes  de  lubitanecs  ;  on  en  tire  par  la  diitilla- 
iionune  huile  effentielle  ièmblable  à  l'huile  de  geniè- 
vre, qui  feroit  mêlée  avec  un  peu  de  canette  &  de  clou 
de  girofle;  &  parla  décoction  on  en  tire  une  certai- 
ne graifïe  épaifle  ,  d'une  odeur  pénétrante ,  refTem- 
blante  au  fuif  par  la  couleur ,  fa  conliitance ,  ck  qu'on 
jnet  en  pain  comme  le  favon. 

La  compagnie  des  Indes  orientales  Hollandoife 
ïious  l'apporte  lous  le  nom  de  cire  de  canette  ,  parce 
crue  le  roi  de  Candy  ,  province  du  Mogoliftan  ,  en 
fait  faire  fes  bougies ,  (es  flambeaux ,  qui  rendent 
«ne  odeur  agréable  ,  &  font  réfervés  pour  fon  uiage 
ck  celui  de  la  cour.  Elle  fert  d'un  remède  intérieur 
ck  extérieur  chez  les  Indiens  ;  ils  la  donnent  intérieu- 
rement ,  affez  mal-à-propos  ,  dans  les  contufions  , 
les  luxations ,  les  fractures  ;  ils  la  font  entrer  dans  les 
onguens  ck  les  emplâtres  réfolutifs ,  nerveux  ,  cé- 
phaliques:  elle  pourrait  peut-être  fervir  à  faire  un 
excellente  pommade  odorante  ,  pour  nettoyer  ck 
adoucir  la  peau  ,  pour  les  petits  boutons ,  les  gerçu- 
res ,  les  engelures ,  &c. 

Dans  les  vieux  troncs  du  canellier,  il  y  a  des  nœuds 
réiïncux  qui  ont  l'odeur  du  bois  de  Rhodes  :  nos  che- 
nilles pourraient  en  tirer  quelque  ufage'  pour  des 
ouvrages  de  leur  profelfion. 

De  r ufage  de  la  canette  ,  de  feau  fpiritueufe  ,  &  de 
l'huile  qu'on  en  tire  pur  la  dijtilLition.  Mais  de  toutes 
les  parties  du  cancliur ,  nous  n'employons  guère  en 
Europe  dans  la  Médecine  que  fon  écorec  ,  l'eau  fpi- 
ritueufe ,  &C  l'huile  elîénticllc  qu'on  en  tire  par  la 
diltillation. 

Les  modernes  attribuent  à  Pécorce  du  canellier, 
les  mêmes  vertus  que  les  anciens  attribuoient  à  leur 
cinnamomum ,  ou  à  lcurcafTe  en  tuyau.  Ils  l'eltiment 
aromatique  ,  ltimulante,  corroborative  ,  cordiale, 
itomachique  ,  emménagogue ,  ftyptique.  Le  docteur 
Hales  démontre  ,  dans  les  Efjais  deflatique  ,  cette 
dernière  qualité  de  la  canette  par  l'expérience  im  van- 
te. Il  injecta  une  certaine  quantité  de  cette  décoction 
chaude  clans  les  intcltinsd'un  gros  chien  ;  aufli-tut  les 
vaificaux  Ce  refferrerent ,  ck  retinrent  pendant  quel- 
que tems  la  liqueur  qu'ils  avaient  reçue  ;  d'où  l'on 
peut  inférer  que  l'etfet  de  cet  aromate  àans  les  intel- 
tins ,  feroit  d'en  arrêter  les  évacuations  trop  abon- 
dantes, &  par  conféquent  conviendrait  aux  cours 
de  ventre  qui  naiffent  du  relâchemenl  (.les  vahTeaux. 
Elle  elt  cordiale  dans  l'abattement  des  efprits,  ck  la 
Tome  II. 


C  A  N 


défaillance  qui  en  eftla  fuite  ;  parce  que  pico. 
membranes  de  l'eftomac  ,  elle  met  les  nerfs  de  ci  vii- 
cere  en  jeu  :  fuivant  les  mêmes  raifons  elle  efi  em- 
ménagogue ,  quand  les  règles  font  fupprimées  par 
l'atome  des  vailfeaux  :  c'elt  encore  d'après  les  mê- 
mes principes  qu'elle  eft  carminative  ,  en  diffipant 
les  vents  par  fon  aftion  fur  l'eftomac  &  les  inteftins. 

En  un  mot  comme  c'elt  le  meilleur  des  aromates , 
elle  en  a  toutes  les  propriétés  au  fouverain  degré  : 
mais  elle  en  a  auffi  les  inconvéniens.  Son  ufageim- 
modéré  ou  mal  placé  ,  difpole  l'eftomac  à  l'inflam- 
mation ,  en  crifpant  les  fibres  ,  &  refferrant  les  ori- 
fices des  glandes  ltomacales  ;  ce  qui  diminue  la  quan- 
tité du  fuc  digeftif ,  6k  jette  un  delordre  général  dans 
la  machine  :  de  plus  fon  ufage  trop  fréquent  rend  les 
lues  trop  épais  ,  trop  acres  ;  d'oii  nailient  plulieurs 
maladies  chroniques.  Il  ne  faut  donc  l'employer  qu'à 
propos  ,  &  prendre  garde  d'en  continuer  l'uiage  trop 
îong-tems. 

L'écorce  de  canette  entre  dans  les  plus  fameufes 
compolïtions  pharmaceutiques  ;  &  on  fait  quantité 
de  différentes  préparations  de  cette  écorce ,  dont  la 
principale  eft  l'eau  fpiritueule  de  candie  ,  qui  a  les 
mêmes  qualités  que  l'aromate. 

On  la  prépare  en  faifant  macérer  pendant  vingt- 
quatre  heures  une  livre  de  canette  concaffée  ,  dans 
trois  livres  d'eau  de  mélifie  diltillée  ck  trois  livres  de 
vin  blanc.  On  diltille  la  liqueur  à  un  feu  violent  dans 
l'alembic  avec  un  réfrigérant.  On  conferve  pour  l'u- 
fage les  trois  livres  d'eau  qui  viennent  les  premières. 
Cette  eau  elt  trouble  ,  blanchâtre,  laiteule ,  à  caufe 
des  parties  huileules  de  la  canette  qui  y  font  incorpo- 
rées ,  ck  qui  lui  donnent  beaucoup  de  force. 

Mais  cette  force  n'elt  pas  comparable  à  celle  de 
l'huile  pure  ,  qui  eft  vraiment  caultique ,  &  qui  adou- 
cie par  le  mélange  du  lucre  ,  fous  la  forme  d'un  oleo- 
faccharum  ,  elt  delicieule  au  goût.  On  la  preicrit  en- 
core depuis  une  goutte  julqu'à  fix  dans  un  œuf  po- 
ché ,  ou  quelques  liqueurs  convenables.  C'elt  dans 
cette  huile  que  réfide  toute  l'efficacité  de  la  canelle  ; 
auffi  elt-elle  étonnante  par  les  effets.  Rien  de  plus 
agréable ,  ni  de  plus  admirable ,  pour  animer ,  échauf- 
fer ,  fortifier  tout  d'un  coup  la  machine  :  mais  il  faut 
bien  le  garder  d'en  faire  un  ufage  déplacé.  Elle  eft  utile 
dans  les  accouchemens  laborieux  pour  Pexpulfion  du 
fœtus  ,  de  l'arrierefaix  Se  des  vuidanges ,  dans  les 
femmes  froides  ,  phlegmatiques  ,  &  dont  les  forces 
languiflent:  mais  il  faut  s'abltenir  de  ce  remède  dans 
les  tempéramens  échauffés  ,  pléthoriques  ,  &  dans 
les  cas  où  l'on  craint  quelque  inflammation.  On  en 
éprouve  au-contraire  le  luccès  dans  les  maladies  qui 
proviennent  d'un  phlegme  muqueux  ,  dans  celles  oit 
il  règne  un  défaut  de  chaleur  &  de  mouvement,  oc- 
cafionné  par  L'habitude  flafque  des  vahTeaux ,  ou  par 
la  conftitution  languiflante  des  humeurs. 

On  peut  ajouter  l'huile  de  canelle  aux-  purgatifs  , 
non-feulement  pour  les  rendre  moins  defagi 
au  goût ,  mais  encore  ,  pour  prévenir  les  flatulences 
&  les  tranchées.  On  la  fait  entrer  dans  les  linimens , 
les  onguents  &  les  baumes  ,  tant  à  caufe  de  fa  bonne 
odeur,  que  parce  qu'elle  elt  échaulfante  ,  rélolutive 
&  difeuffive. 

Comme  elle  elt  extrêmement  acre  ,  brûlante  Se 
corrolive,  elle  cauterife  avec  promptitude,  quand 
on  l'applique  extérieurement  ;  quelques  Chirurgiens 
l'ont  employée  dans  la  carie  profonde  des  os  :  m. us 
outre  qu'on  a  d'autres  remèdes  plus  faciles  &  plus 
fûrs  ,  fon  prix  exceffif  empécheale  s'en  fervir.  Tout 
le  monde  en  connoît  l'ufage  dans  le  mal  de  dents  : 
mais  elle  ne  le  guérit  qu'en  déffechant  Cv  brûlant  le 
nerf  par  ("on  acreté  caultique  ;  il  ne  faut  donc  l'em- 
ployer qu'avec  prudence  dans  ce  cas-ci ,  Se  dans  tous 
ceux  dont  nous  avons  parle. 

Auuurs.  Je  n'en  connois  point  de  particuliers  fur 

F  F  if  ij 


)c>6 


C  A  N 


la  candie;  il  n'y  a  de  bonnes  figures  du  candl'ur, 
que  celles  des  Botaniftes  Hollandois  ;  d'un  autre  côté , 
je  ne  fâche  aucun  voyageur ,  dont  les  relations  mé- 
ritent notre  confiance  fur  ce  fujet.  L'académie  des 
Sciences  ne  l'a  point  traité  ,  &  l'on  trouve  peu  de  dé- 
tails intérefTans  dans  les  Transactions  philojbphiques. 
Article  communique  par  M.  le  Chevalier  de  Jaucourt. 

Canelle,  {le  pays  de  la)  {Géog.)  grande  con- 
trée de  l'île  de  Ceylan.  L'arbre  qui  fournit  la  candie 
lui  a  donné  fon  nom  ,  à  caufe  de  la  grande  abondan- 
ce qu'on  en  retire.  Il  y  a  des  mines  de  pierres  pré- 
cieufes  très-riches  ;  les  Hollandois  font  maîtres  des 
côtes. 

CANELUDE  ,  ou  C ANELADE ,  f.  f .  (  Fauconne- 
rie. )  efpece  de  curée  compofée  de  canelle,  de  lucre 
&  de  moelle  de  héron  ;  les  fauconniers  préparent  cet- 
te curée  &  la  donnent  à  leurs  oifeaux ,  pour  les  ren- 
dre plus  héroniers ,  plus  chauds  &  plus  ardens  au  vol 
du  héron. 

CANEPHORES ,  f.  f.  pi.  (  Hijl.  anc.  )  porte-cor- 
beilles, du  grec  stàmç,  corbeille,  &  <p'pa  ,  je  porte.  C'é- 
toit  à  Athènes  deux  jeunes  vierges  de  qualité ,  confa- 
crées  au  fervice  des  dieux,  &  particulièrement  de 
Minerve ,  dans  le  temple  de  laquelle  elles  demeu- 
roient.  Dans  les  panathénées ,  les  caniphores  parées 
fuperbement ,  portoient  fur  leurs  tètes  des  corbeilles 
couronnées  de  fleurs  &  de  myrte ,  Si  remplies  de 
choies  deftinées  au  culte  des  dieux.  Elles  commen- 
çoïent  la  marche  dans  les  procédions  folemnelles  ,  & 
étoient  fuivies  des  prêtreffes  &  du  chceur.  On  les 
nommoit  encore  Xijlophores.  {G) 

C  ANEPHORIES ,  f.  f.  pi.  {Myth.)  fêtes  de  Diane 
chez  les  Grecs,  dans  lelquelles  toutes  les  filles  nubi- 
les offf  oient  à  cette  déeffe  des  paniers  pleins  de  petits 
ouvrages  faits  à  l'aiguille  ,  &  faifoient  connoître  par 
cette  offrande  qu'elles  s'ennuyoientdu  célibat.  D'au- 
tres auteurs  difent,  avec  plus  de  vrailTemblance,  qu'à 
Athènes  les  canéphories  étoient  une  cérémonie  quifai- 
foit  partie  de  la  fête  que  les  jeunes  filles  célébroient 
la  veille  de  leurs  noces ,  &  qui  fe  pratiquoit  ainli  : 
La  fille  conduite  par  fes  parens  au  temple  de  Miner- 
ve ,  préfentoit  à  cette  divinité  une  corbeille  remplie 
de  préfens  ,  afin  que  Minerve  rendit  heureux  le  ma- 
riage qu'elle  alloit  contracter.  Ou  plutôt,  comme  re- 
marque le  Scholiafte  de  Théocrite,  c'étoit  une  efpe- 
ce d'amende  honorable  que  ces  filles  alloient  faire  à 
la  chafte  Minerve  ,  pour  l'appailer  &  détourner  fa 
colère ,  de  ce  qu'elles  ne  confervoient  pas  à  fon  exem- 
ple leur  virginité.  {G) 

C  ANEPIN ,  f.  f.  {Megifiîer.)  c'eft  une  pellicule  très- 
mince  que  les  Mégiffiers  tirent  de  deffus  les  peaux 
de  chevreau  ou  de  mouton  qui  ont  été  paffées  en  mé- 
gie. C'eft  précifément  ce  que  les  Anatomiftes  appel- 
lent Vc'piderme  dans  l'homme. 

Paris  eft  l'endroit  de  France  où  l'on  fait  mieux  le- 
ver le  canepin  •  ce  iont  les  Peaufiiers  qui  font  cette 
opération. 

Les  Gantiers  appellent  ordinairement  le  canepin 
cuir  de  poule  ,  &  c'eft  avec  cette  forte  de  cuirs  qu'ils 
fabriquent  la  plus  grande  partie  des  gants  que  por- 
tent les  femmes  ,  furtout  dans  l'été.  On  en  fait  aufîi 
des  éventails. 

Le  canepin  qu'on  tire  de  delTus  la  peau  des  che- 
vreaux ,  eft  le  plus  eftimé  pour  la  fabrique  des 
gants. 

*  Les  Couteliers  en  font  un  grand  ufage  pour  elTayer 
leurs  lancettes  ,  6e.  lavoir  fi  elles  font  allez  pointues 
&  allez  tranchantes.  Ils  tendent  un  morceau  de  cand- 
pin  entre  le  pouce  &  l'index  d'un  bout ,  &  entre  le 
doigt  du  milieu  Sr  l'annulaire  de  l'autre  bout ,  écar- 
tant l'index  &  l'annulaire.  Ils  placent  enfuite  la  poin- 
te de  la  lancette  fur  ce  canepin  tendu  ;  ils  élèvent  la 
châlTe  ;  fi  la  lancette  par  fon  propre  poids  perce  le  ca- 
mpin  fans  faire  aucun  bruit,  elle  eft  allez  pointue  ôc 


C  A  N 

alTez  tranchante  ;  fi  elle  ne  le  perce  point ,  ou  qu'elle 
faffe  un  petit  bruit  en  le  perçant ,  elle  eft  cenfée  ne 
piquer  ni  ne  couper  affez. 

Il  y  a  du  choix  dans  le  canepin  ;  celui  qui  eft  épais 
&  jaunâtre  ordinairement  ne  vaut  rien  pour  Perlai  de 
la  lancette.  Iltaut  prendre  celui  qui  eft  le  plus  mince, 
le  plus  blanc  ,  &  le  plus  doux  au  toucher. 

CANES ,  (  Géog.)  petite  ville  de  France  ,  en  Pro- 
vence ,  fur  le  bord  de  la  mer  Méditerranée. 

C  ANET ,  (  Gèog.  )  petite  ville  de  France  dans  le 
Comté  de  Rouffillon. 

Canet  ,  {Géog.)  petite  ville  d'Efpagne,  dans  la 
Catalogne  ,  au  territoire  de  Girone. 

C  A  N  E  T  A  ,  (  Géog.  )  petite  rivière  d'Italie ,  au 
royaume  de  Naples  ,  dans  la  Calabre  extérieure  ,  qui 
le  jette  dans  le  golfe  de  Tarente. 

CANETO ,  {Géog.)  petite  viile  d'Italie ,  au  duché 
de  Mantoue  ,  iur  l'Oglio.  Long.  zj.  55.  lat.  4.5. 
10. 

CANETTE ,  f.  f.  (  terme  de  Blafon.)  On  s'en  fert  en 
parlant  des  petites  canes  qu'on  repréiente  comme  des 
merlettes  avec  les  ailes  ferrées.  La  différence  eft 
qu'elles  ont  bec  &  jambes  ,  au  lieu  que  les  merlettes 
n'en  ont  point.  ^oye^MERLETTE.  (  V) 

*  CANEVAS ,  f.  m.  {Commerce)  toile  écrue ,  claire," 
de  chanvre  ou  de  lin,  dont  on  fe  fert  pour  les  ouvra- 
ges de  tapilferie  à  l'aiguille  :  cette  toile  eft  diviléeen 
carreaux  qui  dirigent  l'ouvrage  ;  &  même  le  defîi- 
nateur  ,  lorlqu'il  trace  fur  cette  toile  des  fleurs ,  des 
fruits ,  des  animaux  à  remplir  en  laine  ,  en  foie  ,  en  or 
&  argent ,  en  marque  les  contours  avec  des  fils  de 
différentes  couleurs, qui  indiquent  àlaBrodeufe  les 
couleurs  qu'elle  doit  employer. 

Nous  allons  propofèr  ici  une  forte  de  canevas  qui 
rendroit  la  broderie ,  foit  en  laine  ,  foit  en  foie  ,  in- 
finiment plus  belle  ,  moins  longue  ,  &  moins  coû- 
teule.  Ce  font  ceux  qui  le  feroient  fur  le  métier  des 
ouvriers  en  foie.  On  monteroit  le  métier  comme  s'il 
étoit  queftion  d'exécuter  le  deflèin  en  brocher  :  mais 
on  ne  brocheroit  point.  Ainli  le  deffein  relteroit  vui- 
de  en  défions ,  il  feroit  couvert  en  deffus  par  des  bri- 
des ,  comme  à  la  gafe  ,  &  tout  le  fond  feroit  fait.  La 
Brodeuie  n'auroit  plus  qu'à  remplir  les  endroits  vui- 
des.  Il  eft  étonnant  qu'on  ne  fe  foit  point  encore  avifé 
de  faire  de  ces  canevas  ;  le  point  en  eft  infiniment  plus 
beau  &  plus  régulier  qu'il  ne  fe  peut  faire  à  l'aiguil- 
le ;  le  métier  fait  en  mêmetems  la  toile  &  le  point  ; 
&  chaque  coup  de  battant  fait  une  rangée  de  points 
de  toute  la  largeur  du  métier.  Les  contours  du  def- 
fein font  tracés  d'une  façon  infiniment  plus  réguliè- 
re &  plus  diftinfte  que  par  des  fils.  Il  me  lemble  que 
cette  invention  a  autant  d'avantage  fur  l'ouvrage  à 
l'aiguille  ,  foit  pour  la  perfection  ,  foit  pour  la  vî- 
teffe  ,  que  l'ouvrage  au  métier  à  bas  en  a  fur  le  tri- 
cot à  l'aiguille.  Il  n'y  a  point  d'ouvrier  qui  ne  pût 
faire  en  un  jour  prelque  autant  d'aunes  de  tonds  de 
fauteuils  ,  foit  en  foie  ,  foit  en  laine  ,  qu'un  tifferan 
fait  d'aunes  de  toile.  Et  qu'en  ne  croye  pas  qu'il  y 
ait  grand  myftere  à  la  façon  de  ces  canevas  :  il  faut 
que  la  chaîne  foit  de  gros  fil  retors  de  Piémont  ; 
qu'elle  levé  &  baiffe  moitié  par  moitié ,  comme  pour 
la  toile;  avec  cette  différence  qu'à  la  toile ,  où  le  grain 
doit  être  tout  fin  &C  partout  égal ,  un  fil  baiffe ,  un  fil 
levé ,  un  fil  baiffe,  un  fil  levé ,  ôc  ainfi  de  fuite  ;  au 
lieu  qu'ici ,  oîi  il  faut  donner  de  l'étendue  &  du  re- 
lief au  point ,  on  feroit  baiiîer  deux  fils ,  lever  deux 
fils  ,  baiffer  deux  fils  ,  lever  deux  fils  ,  &  ainli  de 
fuite.  On  prendrait  une  trame  de  laine  ou  de  foie ,  for- 
te, large,  épaiffe ,  &  bien  capable  de  garnir.  Au  refte, 
j'ai  vûl'effaide  l'invention  que  je  propofe  :  il  m'a  pa- 
ru infiniment  fupérieur  au  travail  de  l'aiguille.  Quant 
à  la  célérité ,  on  peut  faire  une  rangée  de  points  de 
la  longueur  de  vingt  pouces  &  davantage  d'un  feu! 
coup  de  battant.  Les  brides  qui  couvriroient  les  en- 


C  A  N 

droits  du  deflein ,  les  fbrtifïeroient  encore ,  &  leur 
donneroient  du  relief. 

Nous  proposons  nos  vues  toutes  les  fois  qu'elles 
nous  paroiilent  utiles  ;  au  refte  ,  c'elt  aux  ouvriers 
à  les  juger  :  mais  pour  qu'ils  en  jugeaflent  faincment, 
il  feroit  à  propos  qu'ils  fe  défilîent  de  la  prévention 
qu'il  n'y  a  rien  de  bien  imaginé  que  ce  qu'ils  inven- 
tent eux-mêmes ,  ni  rien  de  mieux  à  taire  que  ce  qu'ils 
(ont.  Je  les  avertis  que  par  rapport  au  canevas  en 
queftion  ,  j'en  croirai  plutôt  l'expérience  que  j'ai  , 
que  tous  les  raifonnemens  qu'ils  feront.  J'ai  vu  des 
fonds  de  canevas  tels  que  je  les  propoie,  remplis  avec 
la  dernière  célérité ,  ck  où  le  point  étoit  de  la  derniè- 
re beauté. 

Canevas  ,  autre  groffe  toile  de  chanvre  écrue  , 
dont  on  le  fert  en  piquùre  de  corps  ,  ou  en  loùtien 
de  boutonnières  pour  les  habits  d'homme". 

Canevas  :  on  donne  ce  nom  à  des  mots  fans  au- 
cune fuite,  que  les  Muficiens  mettent  fous  un  air, 
qu'ils  veulent  faire  chanter  après  qu'il  aura  été  exé- 
cuté par  l'orcheih  e  6c  la  danie.  Ces  mors  fervent  de 
modèle  au  Poète  pour  en  arranger  d'autres  de  la 
même  mefure  ,  &  qui  forment  un  (eus  :  la  chanion 
faite  de  cette  manière  ,  s'appelle  aufli  canevas  ou  pa- 
rodie. Voye7^  Parodie. 

Il  y  a  de  fort  jolis  canevas  dans  l'opéra  de  Tan- 
crede  ;  aimable  vainqueur  ,  &c.  d'Héfîone  ,  eft  un  ca- 
nevas ancien.  Ma  bergère  fuy oit  l'amour,  &c.  des  Fêtes 
de  l'hymen  ,  en  eft  un  moderne  ;  prelque  toutes  les 
chaconnes  de  Lully,  ainfi  que  les  paiiacailles  ont  été 
parodiées  par  Quinault  ;  c'elt  dans  ces  canevas  que 
l'on  trouve  des  vers  de  neuf  lyllabes ,  dont  le  repos 
eft  à  la  troiiieme  ;ce  Poète  admirable  ne  s'en  elt  fervi 
que  dans  ces  occalions. 

Les  bons  Poètes  lyriques  ne  s'écartent  jamais  de 
la  règle  qui  veut  que  les  rimes  foient  toutes  cioi- 
fées  ,  hors  dans  les  canevas  ieulement.  Il  y  en  a  tel 
qui  forcément  doit  être  en  rimes  masculines,  tel  au- 
tre en  demande  quatre  feminir.es  de  luite.  Il  y  en 
a  enfin  ,  mais  en  petit  nombre  ,  dont  toutes  les  ri- 
mes font  de  cette  dernière  clpecc. 

La  correction  d?ns  l'arrangement  des  vers,  eft  une 
grande  partie  du  Poète  lyrique  ;  les  vers  de  douze 
lyllabes  ,  ceux  de  dix  ,  de  fept ,  oc  de  fix ,  adroite- 
ment mêlés ,  font  les  feuls  dont  il  ie  fert  ;  encore 
obierve-t-il  de  n'uier  que  trcs-lobrcmcnt  de  ceux  de 
fept.  Il  faut  même  alors  que  dans  le  même  morceau 
où  ils  font  employés ,  il  y  en  ait  au  moins  deux  de 
cette  mefure.  Les  vers  de  cinq  ,  de  quatre  ,  de  trois 
fyllabes  font  réfervés  au  canevas  ;  la  phralc  de  Mu- 
iique  qu'il  faut  rendre  donne  la  loi  ;  une  note  quel- 
quefois exige  un  fens  fini ,  &  un  vers  par  conléquent 
d'une  feule  fyllabe. 

Les  canevas  les  mieux  faits  font  ceux  dont  les  repos 
&  les  fens  des  vers  répondent  aux  différens  repos, 
&  aux  tems  des  phrai'es  de  la  Muiiquc.  Aiois  le  re- 
doublement des  rimes  ett  un  nouvel  agrément  :  il 
n'eft  point  d'ouvrage  plus  d:fhc;le  ,  qui  exige  une 
oreille  plus  délicate,  &  où  la  prolbdieFrançoilëdo  \  e 
être  plus  obfervée.  Le  Poète  qui  eft  en  même  tems 
Muficien  ,  a  dans  ces  fortes  de  découpures  un  grand 
avantage  fur  celui  qui  n'eft  que  Poète.  (  B  ) 

Auffi  ,  comme  l'obiei  ve  M.  Rouffeau  ,  il  y  a  bien 
des  canevas  dans  nos  opérai  qui  ,  pour  l'ordinaire  , 
n'ont  ni  fens  ni  ef  prit ,  &  où  la  prolodie  Françoife 
fe  trouve  ridiculement  eftropiée. 

CANGERECORA  ,  (  Géog.  )  ville  des  Indes  ,  en- 
deçà  du  Gange  ,  au  pays  de  Canara  ,  fui  les  frontiè- 
res du  Malabar. 

*  CANGETTE  ,  f  f.  (  Comment.  )  petite  ferge 
qui  fc  fabrique  en  quelques  endroits  de  balle-Nor- 
mandic  ;  elle  eft  de  bon  u l'âge  &  à  bon  prix. 

CANGIANO,  {Géog.) 'petite  ville  d'Italie,  au 
royaume  deNaples,  dans  la  prin  cipauté  citerieurc. 


C  A 


597 


CANGOXUMA  ,  (  Géog.  )  ville  d'Afie  de  l'em- 
pire du  Japon ,  dans  l'île  de  Ximo  ,  au  royaume  de 
Bungo. 

CANGRI ,  (  Géog.)  petite  contrée  d'Afie,  dans  la 
Natolie ,  dont  la  capitale  qui  eft  fur  le  fleuve  Zaca- 
rat  porte  le  même  nom. 

CANGRI  A,  (  Géog.  )  ville  de  la  Turquie  en  Afie 
dans  la  Natolie. 

CANIART  ,  oifeau.  Voye^  Colin. 

CANICIA  ,  (  Géog.  )  province  d'Afiique  en  Bar- 
barie ,  entre  Alger  &  Tunis. 

CANICIDE  ,  f.  m.  fe  dit  d'une  direction  Anato- 
mique  des  chiens  vivans.  Drelincourt  s'elt  lervi  de 
ce  terme  dans  fes  XVII.  expériences  Anatomiques  , 
dans  lelquelles  il  décrit  fes  cameides  avec  tous  les 
phénomènes  qui  les  ont  accompagnes.  Cajlelli.  (Z.) 

CANICLU  ,  {Géog  )  piovince  d'Afie,  dans  la 
grande  Tartarie  ,  à  l'oueft  du  Tibeth  ;  les  habitans 
font  idolâtres. 

CANICULAIRES,  {jours caniculaires.)  marquent 
proprement  un  certain-  nombre  de  jours  qui  précè- 
dent ce  qui  fuivent  celui  où  la  canicule  fe  levé  le 
matin  avec  le  foleil.  Voye^  Canicule.  Les  Egyp- 
tiens &  les  Ethiopiens  commençoient  leur  année 
aux  jours  caniculaires. 

CANICULE,  f.  f.  'Agronomie.)  c'elt  le  nom  d'une 
des  étoiles  de  la  conlfolîafion  du  grand  chien  ,  qu'on 
appelle  aufli  fimplement  ['étoile  du  chien  ;  lesGiecs 
la  nommo.ent  «  pc?  ,  Jïrius.  f^oyei  SlRlUS. 

Pline  &  Galien  donnent  aufli  à  la  canicule  le  nom 
de  Procyon ,  quoiqu'en  effet  Procy  on  foit  le  nom  d'une 
autre  étoile  dans  le  petit  chien.  /  >,v-  Procyon. 

La  canicule  elt  la  dixième  étoile  dans  le  catalogue 
Anglois  de  Flamltced,  6c  la  féconde  dans  ceux  de 
Ptolomée  &  de  Tycho.  Eile  eft  limée  dans  la  gueule 
du  grand  ch. en,  ci  elt  de  la  première  grandeur  ;  c'eflfc 
la  plus  grande  ôc  la  plus  brillante  de  toutes  les  étoi- 
les du  ciel. 

Quelques  auteurs  anciens  nous  dii'ent  après  H'p- 
pocrate  Se  Pline  ,  que  le  jour  où  la  canicule  fe  levé, 
la  mer  bouillonne  ,  le  vin  tourne  ,  les  chien:,  entrent 
enrage,  la  bile  s'augmente  &  s'irrite,  ce  tous  les 
animaux  tombent  en  langueur  &  dans  l'abattement  ; 
que  les  maladies  qu'elle  caufe  le  plus  ordinairement, 
font  les  fièvres  ardentes  &  continues  ,  les  dyflente- 
ries  &  les  phrénéfies  ,  &c.  Voilà  bien  des  chimères. 

Si  la  canicule  pouvoit  avoir  la  propriété  d'appor- 
ter Le  chaud  ,  ce  devrait  être  plutôt  aux  habitans  de 
Phémifphere  méridional  qu'à  nous  ,  puilque  cette 
étoile  eft  dans  l'hémifphere  méridional,  de  l'autre 
côté  de  l'équatcur.  Cependant  il  eft  ceitain  que  les 
peuples  de  cet  hémifphere  font  alors  en  hyver.  La 
canicule  &  les  autres  étoiles  lont  trop  éloignés  de 
nous  ,  pour  produire  fur  nos  coips  ni  fur  notre  iyt- 
teme  planétaire  aucun  effet  fenfible.  (  O  ) 

*  Les  Romains  étoient  fi  periùadés  ue  la  maligni- 
té de  la  canicuk  ,  que  pour  en  écai  ter  les  influences  , 
ils. lui  facrilioient  tous  les  ans  un  chien  roux  ;  le  chien 
ayôit  eu  la  préférence  dans  le  choix  des  victimes ,  à 
cauie  de  la  conformité  des  noms.  Ce  n'eft  pas  la  feu- 
le occafion  oii  cette  conformité  ait  donné  nai 
à  des  branches  de  fuperftition  :  la  canicule  pafîbit  ou 
pour  la  chienne  d'Erigone,  ou  pour  le  chien  que  Ju- 
piter donna  à  Minos ,  que  Minos  donna  à  Procris, 
6c  eue  Procris  donna  à  Cephâle. 

(  ANLDE,oa  CANIVET ,  très-grand  &  très-beau 
perroquet  d'Amérique,  /'ovf-  PERROQUET. 

CANIF  ,  f.  f.  outil  Je  C  Ecrivain  ;  c'elt  une  efpece 
de  petit  couteau  d'acier,  fort  tranchant  ,  6c  dont  le 
manche  reflemble  affez  A  une  pyr;  mide  à  pans;  il 
fert  à  tailler  les  plumes  ;  il  y  en  a  un  d'une  autre  ef- 
pece ,  à  reffort,  &  dont  le  manche  reflemble  beau- 
coup par  la  partie  fupérieure  à  celui  d'un  couteau: 
mais  ta  partie  inférieure  finit  en  pointe.  Cette  points 


598 


C  A  N 


fert  à  fendre  la  plume ,  quand  on  en  taille.  Il  y  a 
des  canifs  à  fecrct  qui  taillent  eux-mêmes  la  plume  ; 
mais  ils  font  de  mauvais  fervice. 

Canif  ou  KNiF,eft  un  outil  des  Graveurs  en  bois, 
qui  leur  fert  à  creufer  différentes  parties  de  leurs  plan- 
ches ,  comme  par  exemple  ,  à  étrecir  des  filets  que  les 
burins  ont  laifféstrop  gros.  Voye^lafig.  36 '.  PI.  IL  de 
la  Gravure. 

CANIFICIER,  {Hift.  nat.  bot.)  c'eft  ainfi  que 
l'on  nomme  aux  Antilles  le  caffier  ou  l'arbre  qui  pro- 
duit la  caffe  ;  ce  mot  vient  de  l'Efpagnol  canafiftola  , 
qui  iiqnifie  la  même  choie. 

CANIN ,  adjea.  m.  {Anatomie.)  c'eft  le  nom  d'un 
mufcle  qui  vient  de  la  partie  majeure  de  la  foffe  ma- 
xillaire ,  &  fe  termine  à  la  lèvre  fupérieure ,  au-dei- 
fus  des  dents  canines.  {L) 

CANINA ,  {Géog.)  ville  &  territoire  de  la  Grèce, 
dans  l'Albanie ,  dépendant  de  la  Turquie,  en  Europe. 
CANINES,  {dents.)  terme  d' Anatomie,  font  deux 
dents  pointues  à  chaque  mâchoire ,  l'une  d'un  côté  , 
l'autre  de  l'autre ,  placées  entre  les  incifives  &  les 
molaires. 

Elles  font  épaiffes  &  rondes,  &  font  terminées  en 
pointe  par  le  bout  ;  elles  nïont  ordinairement  qu'une 
racine  qui  eft  plus  longue  que  celle  des  incifives  :  leur 
ufage  propre  eft  de  déchirer  les  alimens.  Comme  les 
dents  de  devant  non-feulement  peuvent  être  déraci- 
nées ou  rompues  par  les  choies  qu'on  tient  ou  qu'on 
caffe  avec ,  mais  font  aufîî  plus  expofées  aux  coups , 
elles  font  enfoncées  aux  deux  tiers  dans  les  alvéo- 
les ;  moyennant  quoi  elles  font  plus  en  état  même 
que  les  molaires ,  de  foûtenir  les  preffions  latérales. 
Voyei  Dent.  {L) 

*  C  ANIRAM ,  {Hift.  nat.  bot.)  grand  arbre  du  Ma- 
labar, dont  le  tronc  &  les  groffes  branches  font  cou- 
vertes d'une  écorce  cendrée  ,  blanche  ou  rougeâtre  ; 
les  petites  font  d'un  verd  fale,  noiieufes  &  couvertes 
d'une  écorce  amere  :  les  feuilles  font  placées  par  pai- 
res à  chaque  nœud.  La  figure  en  eft oblongue,  ovale, 
&  le  goût  amer.  Des  nœuds  des  petites  branches  for- 
tent  auffi  des  fleurs  en  parafol ,  à  quatre ,  cinq  ou  fix 
pétales,  de  couleur  verd-d  eau,  pointues ,  peu  odo- 
riférantes ,  mais  affez  fuaves  :  fon  fruit  eft  une  pom- 
me ronde ,  liffe  ,  jaune ,  dont  la  pulpe  eft  blanche , 
mucilagineufe ,  &C  couverte  d'une  écorce  épaiffe  &C 
friable.  Cette  pulpe ,  ainfi  que  les  graines  qu'elle  con- 
tient ,  font  très-ameres  au  goût  :  l'arbre  fleurit  en  été, 
&  porte  fruit  en  automne  ;  la  racine  en  decoûion  paffe 
pour  cathartique  &  faîutaire  dans  les  fièvres  pituiteu- 
fes ,  les  tranchées ,  &  le  cours  de  ventre  ;  on  s'en  fert 
en  fomentation  pour  la  goutte  :  mêlée  avec  le  lait  de 
vache ,  on  en  lave  la  tête  aux  mélancholiques  &  aux 
vertigineux  :  fon  écorce  pilée  &  pétrie  avec  de  l'eau 
de  riz  ,  eft  bonne  dans  la  dyffenterie  bilieufe ,  &c. 

CANÏSCHAoa  CANISE,  {Géog.)  ville  forte  de 
la  baffe  Hongrie  ,  fur  la  rivière  de  Sala ,  aux  fron- 
tières de  la  Stirie. 

CANISTRO,  {Géog.)  petite  ville  de  la  Turquie, 
en  Europe  ,  dans  la  Macédoine ,  près  du  cap  de  mê- 
me nom. 

CANIVEAUX,  f.  m.  en  Architecture ,  c'eft  ainfi 
qu'on  appelle  les  plus  gros  pavés ,  qui  étant  affis  al- 
ternativement 6c  un  peu  inclinés ,  traverfent  le  mi- 
lieu d'un  ruiffeau  d'une  cour  ou  d'une  rue. 

Une  pierre  taillée  en  caniveau,  eft  celle  qui  eft  creu- 
fée  dans  le  milieu  en  manière  de  ruiffeau  pour  faire 
écouler  l'eau  :  on  s'en  fert  pour  paver  une  cuifine  , 
un  lavoir  ,  une  laiterie ,  un  privé,  ou  lieu  commun, 
&c.  {P) 

CAKSABINA,  fub.  f.  {Hift.  nat.  bot.)  genre  de 
plante  à  fleurs,  fans  pétales,  compofées  deplufîeurs 
étamines ,  mais  fteriles  ;  les  efpeces  de  ce  genre  qui 
ne  portent  point  de  fleurs ,  produifent  des  fruits  qui 


C  A  N 

font  des  capfules  membraneufes ,  oblongues ,  &  pref- 
que  triangulaires ,  dans  lcfquelles  il  y  a  des  femen- 
ces  ordinairement  oblongues.  Tournefort,  Inft.  rei 
herb.  corol.  Foye{ PLANTE.  {I) 

CANNAGE ,  f.  m.  {Commerce.)  méfurage  des  étof- 
fes, rubans,  &c.  à  la  canne.  Foye^  Canne,  mt~ 
fure. 

CANNARES,  {Géog.)  nation  fauvage  de  l'Amé- 
rique méridionale ,  au  Pérou. 

*  CANNE,  f.  f.  morceau  de  jonc  ou  de  bois  pré- 
cieux ,  d'environ  trois  pies  de  long ,  droit ,  ferme  , 
couvert  d'un  vernis  ;  armé  par  un  bout  d'une  douille 
de  fer,  &  d'une  pomme  de  l'autre ,  &  percé  à  quel- 
ques pouces  au-deffousde  la  pomme,  d'un  trou  dans 
lequel  on  met  un  cordon  de  foie ,  où  l'on  paffe  la 
main.  L'ufage  de  la  canne  eft  d'appuyer  en  mar- 
chant. Le  nom  de  cannez  paffé  à  beaucoup  d'autres 
objets. 

Canne ,  voyei  Roseau. 
Canne  d'Inde,  voye^  Balisier. 
CANNE  ,  {Architecture.)  elpece  de  rofeaux  dont 
on  fe  fert  en  Italie  &  au  Levant ,  au  lieu  de  doffes  , 
pour  garnir  les  travées  entre  les  cintres ,  dans  la  conf- 
tru&ion  des  voûtes. 

On  fe  fert  auffi  de  ces  rofeaux  à  la  place  de  chau- 
me ,  c'eft-à-dire  ,  de  paille  de  feigle  ou  de  froment , 
pour  couvrir  à  la  campagne  les  étables,  granges, 
écuries ,  de  peu  d'importance  ,  ou  bien  les  marions 
des  payfans.  {P) 

CANNE  ou  JONC  à  écrire,  {Hift.  anc.)  calamusfcriptO' 
rius,  ou  arundo  feriptoria.  Les  anciens  fe  fervoient  de 
ftilets  pour  écrire  fur  les  tablettes  enduites  de  cire ,  ou 
de  jonc  ,  ou  de  canne,  pour  écrire  fur  le  parchemin, 
ou  le  papier  d'Egypte  ;  car  notre  papier  ordinaire 
eft  d'une  invention  nouvelle.  Le  Pfalmifte  dit  que  fa 
langue  eft  comme  la  canne  ou  \zjonc  à  écrire  d'un  écri- 
vain habile  :  lingua  mea  calamus  feribee  ;  du  moins 
c'eft  ainfi  que  traduit  la  vulgate  :  mais  le  texte 
Hébreu  lignifie  plutôt  un  ftylet  qu'une  canne  à  écrire. 
L'auteur  du  troifieme  livre  des  Machabées,  dit  que 
les  écrivains  employés  à  faire  le  rôle  des  Juifs  qui 
étoient  en  Egypte,  vinrent  montrer  leurs  rofeaux  qui 
étoient  tout  ulés ,  difant  qu'ils  ne  pouvoient  fuffire 
à  faire  le  dénombrement  que  l'on  demandoit.  Baruch 
écrivoit  fes  prophéties  avec  de  Y  encre ,  &  par  con- 
fisquent avec  les  rofeaux  dont  nous  venons  de  parler; 
car  il  ne  paroît  pas  que  l'ufage  des  plumes  fût  connu 
en  ce  tems-là.  Saint  Jean,  dans  fa  troifieme  épître  , 
dit  qu'il  n'a  pas  voulu  écrire  avec  l'encre  &  le  ro- 
feau  :  noluiper  atramentum  &  calamum  feribere  tibi.  Cet 
ufage  eft  commun  chez  les  auteurs  prophanes.  Inquc 
manus  chartœ  nodofaque  venit  arundo.  Les  Arabes ,  les 
Perfes,les  Turcs,  les  Grecs,  &  les  Arméniens,  fe 
fervent  encore  aujourd'hui  de  ces  cannes  ou  rofeaux, 
comme  le  témoignent  les  voyageurs.  Jerem.  xxxvj. 
18  ;  3.  Joann.  verf.  13.  Perf.  J'atyr.  J.  Calmet,  die-, 
tion.  de  la  bibl. 

Canne  à  vent,  {Phyftque.)  eft  une  efpece  de  canne. 
creufe  intérieurement ,  &  par  le  moyen  de  laquelle 
on  peut ,  fans  le  fecours  de  la  poudre ,  chaffer  une 
balle  avec  grande  violence.  La  conftruftion  en  eft  à 
peu-près  la  même  que  celle  de  l'arquebufe  à  vent, 
avec  cette  différence,  que  l'arquebufe  à  vent  a  une- 
croffe  &  une  détente  pour  chaffer  la  balle ,  au  lieu 
que  la  canne  à  vent  n'en  a  point ,  &  a  extérieurement 
la  forme  d'une  canne  ordinaire.  Voye^  Arquebuses 
vent.  (O  ) 

Canne,  en  Hébreu  kanna  ,  {Hift.  anc.)  forte  de 
mefure  dont  parlent  Ezechiel,  chap.  xl.  verf.  3.  Se  S. 
Jean  dans  l'Apocalypfe,  chap.  x.  verf.  1.  Ezechiel  dit 
qu'elle  avoit  lix  coudées  &  un  palme ,  ou  plutôt  fix 
coudées  &  fix  palmes,  c'eft-à-dire  fix  coudées  Hé- 
braïques ,  dont  chacune  étoit  plus  grande  d'un  pal- 
me que  la  coudée  Babylonienne,  Le  prophète  eft 


C  A  N 

©bligé  de  déterminer  ainfi  la  coudée  dont  il  parle, 
parce  qu'au-delà  de  l'Euphrate  où  il  étoit  alors ,  les 
mefures  étoient  moins  grandes  qu'en  Paleiline.  La 
coudée  Hébraïque  avoit  vingt-quatre  doigts  ou  fix 
palmes ,  ou  environ  vingt  pouces  &  demi ,  en  pre- 
nant le  pouce  à  douze  lignes  ;  ce  qui  donne  à  la  canne 
ou  calamus  cent  vingt-trois  pouces  ou  dix  pies  trois 
pouces  de  notre  mefure.  Voy.  liofeau  d'E?echiel.  Dicl. 
delaBibl.  (G) 

Canne,  mefure  Romaine,  compofée  de  dix  pal- 
mes ,  qui  font  fix  pies  onze  pouces  de  roi. 

Canne  ,  mefure  de  longueur,  dont  on  le  fert  beau, 
coup  en  Italie,  en  Efpagne,  &dans  les  provinces  mé- 
ridionales de  la  France ,  &  qui  eft  plus  ou  moins  lon- 
gue en  différens  endroits. 

A  Naples  la  canne  vaut  fept  pics  trois  pouces  & 
demi  Anglois  ,  ce  qui  fait  une  aune  &  quinze  dix-fep- 
tiemes  d'aune  de  Paris  ;  ainfi  1 7  cannes  de  Naples  font 
3  2  aunes  de  Paris.  La  canne  de  Touloufe  &  de  tout  le 
haut  Languedoc  eft  femblable  à  la  varre  d'Arragon, 
&  contient  7  pies  8  pouces  f  Anglois.  À  Montpellier, 
en  Provence,  en  Dauphiné  ,  &:  en  bas  Languedoc 
elle  contient  6  pies  5  pouces  &  demi  Anglois.  foyer 
Mesure,  Pie. 

La  canne  de  Touloufe  contient  cinq  pies  cinq  pou- 
ces fix  lignes  de  notre  mefure,  qui  font  une  aune  & 
demie  de  Paris  ;  ainfi  deux  cannes  de  Touloufe  font 
trois  aunes  de  Paris. 

Celle  de  Montpellier  &  du  bas-Languedoc  a  fix 
pies  neuf  lignes  de  longueur,  &  fait  une  aune  deux 
tiers  de  Paris;  ainfi  trois  de  ces  cannes  font  cinq  au- 
nes de  Paris. 

L'ufage  de  la  canne  a  été  défendu  en  Languedoc  &: 
en  Dauphiné  par  arrêt  du  confeil  du  24  Juin  &  27 
Octobre  1687,  fuivant  lefquels  on  ne  peut  fe  fervir 
dans  ces  provinces ,  pour  l'achat  &  vente  des  étoffes, 
que  de  l'aune  de  Paris  au  lieu  de  canne. 

Canne  fe  dit  aufli  de  la  chofe  qui  a  été  mefurée 
avec  la  canne  :  une  canne  de  drap  ,  une  canne  de  toile , 
comme  nous  difons  une  aune  de  drap.  (G  ) 

Canne  ,  f.  f.  {Manufactures  en  J'oie?)  grandes  ba- 
guettes de  rofeau  ou  de  noyer ,  qu'on  palTc  dans  les 
envergures  des  chaînes ,  foit  pour  remettre  foit  pour 
tordre  les  pièces.  Voye^  Remettre  ,  &  Tordre. 

*  Canne  ,  (  Verrerie  en  bouteilles.  )  infiniment  de 
fer  ,  d'environ  quatre  pies  huit  pouces  de  long  ,  en 
forme  de  Canne  ,  percé  dans  toute  fa  longueur  d'un 
trou  d'environ  deux  lignes  de  diamètre  ,  dont  on 
fe  fert  pour  fouffler  les  bouteilles  &  autres  ouvrages. 
Voye{  Verrerie. 

Canne,  (Géog.)  petite  rivière  d'Italie ,  au  royau- 
me de  Naples,  dans  la  province  de  Bari. 

CANNEBERGE,  fub.  f.  oxycoccus,  (Hifl.  nat.  bot.) 
genre  de  plante  à  fleur  en  ro(é ,  compolée  de  pluficurs 
pétales  difpofés  en  rond.  Le  calice  devient  dans  la 
mite  un  fruit  ou  une  baie  prefque  ronde  ,  qui  eft  di- 
vifée  en  quatre  loges ,  &  qui  renferme  des  femences 
arrondies.  Tourncforî,  Intl.  reiherb.  Foyer  Plante. 

(0 

CANNELLE,  f.  f.  en  terme  d'Êpmglier  Aiguillctier, 
fe  dit  d'une  efpece  de  couteau ,  dont  la  lame  cfl  den- 
telée comme  une  feie.  Elle  lert  à  faire  une  petite  rai- 
nure fur  un  morceau  dci>ois ,  dans  laquelle  on  tient 
l'aiguille  avec  des  tenailles  pour  l'y  ébaucher.  Voye^ 
!  u  cher.  Cette  petite  tente  s'appelle  aufli  can- 
nelle. Voye^  AIGUILLE  ,  &  la  Planche  de  l'Aiguilletier, 

CANNELLE  ,  terme  d'Aiguilletier;  c'efl  ainfi  qu'on 
appelle  une  petite  cannelure,  qui  fe  voit  de  chaque 
coté  de  la  tête  des  aiguilles  à  coudre  ou  à  tapifl'erie. 
On  l'appelle  aufli  la  railettede  f  aiguille.  V.  AIGUILLE. 

Cannelle,  (z?oW0/z;V.)  c'eft  un  morceau  de  bois 
percé  en  rond  par  le  milieu  ,  qui  fe  met  dans  le  trou 
de  la  jatte ,  pour  empêcher  que  l'ouvrage  ne  s'en- 


C  A  N 


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dommage  en  frottant  contre  fes  bords  afTez  mal  po- 
lis. Il  y  a  des  cannelles  qui  ont  leur  trou  quarré  ,  pour 
recevoir  des  trèfles  quarrées.  Voye?_ Tresse.  Les 
unes  &  les  autres  font  rffciirtées  par  un  bourlet ,  qui 
lùrpaflant  le  trou  de  la  jroe  ,  les  empêche  de  tomber 
au-travers.  Voye^  Jatte. 

CANNELLE  ,  terme  de  Tonnejier  &  de  Marchands  de 
vin,  qui  lignifie  un  petit  tuyau  ou  fontaine  de  cuivre, 
qu'on  enfonce  dans  le  trou  d'un  muid  qu'on  a  mis  en 
perce ,  afin  d'en  tirer  le  vin. 

*  CANNELÉ ,  adj.  {Arts  médian.)  On  donne  ce 
nom  à  tout  corps ,  pierre ,  bois  ou  métal ,  auquel  on 
remarque  des  cavités  longitudinales  &  femi-  circulai- 
res ou  à  peu-près ,  l'oit  que  ces  cavités  ayent  été  pra- 
tiquées par  la  nature ,  foit  qu'elles  ayent  été  faites  par 
art;  ainlî  on  dit  d'un  canon  de  fufil,  qu'il  eft  cannelé, 
&  de  la  tige  d'une  plante  qu'elle  eft  cannelée.  De  tou- 
tes les  occafions  dans  lefquelles  la  nature  forme  des 
cannelures  aux  corps  ,  il  n'y  en  a  peut-être  pas  une 
où  la  Phyiique  foit  en  état  de  rendre  raifon  de  ce  phé- 
nomène. L'art  a  plufieurs  moyens  différens  de  can- 
neler  :  on  cannelé  au  rabot  ;  on  cannelé  au  cifeau  ;  on 
cannelé  à  la  fonte;  on  cannelé  à  l'argue,  f^oye^  Argue  , 
Rabot,  Ciseau,  Fonderie,  &c 

CANNELÉ,  en  Anatomie  ,  les  corps  cannelés  > 
quelquefois  corps  f  ries ,  font  deux  éminences  qui  fe 
trouvent  à  la  partie  antérieure  des  ventricules  du 
cerveau ,  qui  font  formées  par  l'entrelacement  de  la 
lùbftance  médullaire ,  &  de  la  fubftance  cendrée,  ce 
qui  fait  paraître  ,  lorfqu'on  les  racle  avec  un  fcalpe! , 
des  lignes  blanches  &  des  lignes  cendrées  alternati- 
vement difpofées ,  ôc  que  l'on  a  regardé  comme  des 
cannelures.  (Z.  ) 

Cannelé,  étoffe  de  foie  ;  le  cannelé  eft  un  tiflii 
de  foie  comme  le  gros  de  tour  &  le  taffetas ,  à  l'excep- 
tion qu'on  laifle  oifive  une  des  deux  chaînes  nécef- 
faires  pour  former  le  corps  de  l'étoffe ,  du  côté  de 
l'endroit,  pendant  deux,  trois,  ou  quatre  coups.  Il 
eft  compoié  de  deux  chaînes  &  de  la  trame ,  dont  on 
proportionne  le  nombre  des  bouts  à  la  qualité  qu'on, 
veut  qu'il  ait.  Voyt\  Étoffe  de  soie. 

Il  fe  fait  des  cannelés  unis  &  des  cannelés  brodés 
foie  &  dorure;  ils  font  tous  ordinairement  de  -\. 

Lorfque  la  chaîne  qui  forme  le  cannelé  a  ceflé  ds 
travailler  trois,  quatre,  ou  cinq  coups  plus  ou  moins, 
on  la  fait  toute  lever  pour  arrêter  cette  même  foie , 
&  former  le  grain  du  cannelé. 

Cannelé  ,  en  termes  de  Blafon  ,  fe  dit  de  l'engre- 
lure ,  dont  les  pointes  font  en-dedans  &  le  dos  en-de- 
hors, de  même  que  les  cannelures  des  colonnes  en 
Architecture.  (F) 

CANNELER,verb.  acl.  terme  d' Architecture  ;  c'eft 
tracer  ou  former  des  cannelures.  Voytr_  Cannelé  & 
Cannelures. 

CANNELER,  (Architecture.)  c'eft,  dans  le  fût 
d'une  colonne ,  d'un  pilallre ,  ou  bien  dans  les  gai- 
nes ,  thermes ,  &  confoles ,  creufer  des  canaux  formés 
ou  d'untlemi-ccrcle  ou  de  l'arc  ,  dont  le  côté  du  trian- 
gle équilatéral  ferait  la  corde,  foye^  Cannelures. 

CANNELURES  ,  termes  d'Architecture  ;  ce  font  des 
canaux  ou  des  cavités  longitudinales  formés  ou  tail- 
lés tout  le  long  du  fût  d'une  colonne,  ou  d'un  pi- 
Iaftre  ,  ou  de  tout  autre  objet.  Vitrine  croit  qu'elles 
ont  été  introduites  aux  colonnes ,  à  l'imitation  des 
plis  des  vêtemens  des  anciennes  dames  Greques  ; 
aufli  les  nomme-t-il  flriures  du  latin  fiiiges  ,  les  plis 
d'une  robe.  Cette  étymologie  peut  avoir  quelque  for- 
te de  vraifiemblance  ,  prefque  toutes  les  figures  an- 
tiques étant  revêtues  de  draperies  perpendiculaires, 
lelquelles  forment  des  ondulations  conca\  es,  quiref- 
femblent  allez  aux  cannelures  dont  on  parle  ici.  Les 
Anglois  les  appellent/»'" ,  parce  qu'elles  ont  quel- 
que reflemblance  à  l'infrxument  de  mufique  qui  porte 
ce  nom. 


6oo 


C  A  N 


On  prétend  que  les  'cannelures  ont  été  employées 
pour  la  première  fois  à  l'ordre  ionique  ,  enfuite  on 
les  a  introduites  au  coriruhien,  puis  au  dorique, 
avec  cette  différence  qu'^Pn'en  diitribue  que  vingt 
fur  la  circonférence  du  fût  de  cet  ordre ,  à  caufe  ue 
ion  caraftere  iblide  ,  au  lieu  que  Ton  en  peut  distri- 
buer vingt-quatre ,  lur  celle  des  ordres  ionique  &c 
corinthien ,  ainfi  qu'au  compolite ,  n'y  ayant  pas  d'e- 
xemple qu'on  en  ait  jamais  employé  au  toican,  que 
l'on  charge  plutôt,  quand  on  veut  orner  le  fût  de 
cet  ordre ,  de  bofTages  ,  ainfi  qu'on  l'a  pratiqué  au 
palais  du  Luxembourg.  Voye^  Bossages. 

Ordinairement  on  pratique  un  lifteau  ou  liftel  pour 
féparer  les  cannelures  ,  lefquelles  fe  forment  d'un 
demi-cercle  ou  bien  d'une  portion  de  cercle  foûte- 
nue  parle  côté  d'un  triangle  équilatéral  infcrit:  mais 
prefque  tous  les  auteurs  ont  retranché  ce  liflel  aux 
cannelures  de  l'ordre  dorique  ;  je  crois  que  cette  mé- 
thode d'introduire  des  cannelures  à  un  ordre  foiide  eft 
contraire  à  fon  caractère.  Vôyc{  les  différentes  cfpe- 
ces  de  cannelures  tant  anciennes  que  modernes  dans  nos 
Planches  d'Architecture,  Je  regarde  auffi  comme  abus- 
de  pratiquer  de  cannelures  torjès,  formant  une  fpirale, 
autour  d'un  fût  perpendiculaire  ;  cela  ne  peut  être 
autorifé  qu'aux  décorations  théâtrales  ou  fêtes  pu- 
bliques ,  qui  ne  demandent  pas  autant  de  féverité 
que  les  édifices  conftruits  de  pierre ,  ainfi  que  nous 
l'avons  dit  ailleurs. 

Ces  cannelures  concaves  fe  rempliffent  affez  fou- 
vent  de  rudentures ,  voyeç  Rudentures  ,  dans  toute 
la  hauteur  du  tiers  inférieur  des  colonnes  ou  pilaf- 
tres ,  tant  pour  enrichir  leur  fût,  que  pour  affecter  de 
la  folidité  dans  les  parties  d'en-bas;  alors  on  les  ap- 
pelle cannelures  rudentées.  Quelquefois  à  l'ordre  dori- 
que on  ne  fait  régner  les  cannelures  que  dans  les  deux- 
tiers  du  fût  fupérieur ,  afin  de  laifier  au  tiers  inférieur 
toute  fa  folidité. 

Ces  rudentures  font  fouvent  enrichies  d'ornemens, 
tels  qu'il  s'en  voit  à  l'ordre  ionique  du  château  des 
Tuileries  du  côté  des  jardins,  dont  l'exécution  fur- 
paffe  tout  ce  que  nous  avons  de  meilleur  en  France 
dans  ce  genre  :  mais  il  faut  obferver ,  lorfqu'on  y 
affe&e  des  ornemens ,  ou  qu'on  enrichit  feulement 
les  cannelures  de  baguettes  ou  de  doubles  lifleaux , 
de  ne  les  pas  orner  indifféremment  ;  leur  richefîe  aufïi 
bien  que  leur  élégance  doit  être  en  rapport  avec 
la  folidité  ou  la  légèreté  de  l'ordre  ;  il  faut  éviter,  fur- 
tout  lorfque  l'on  furmonte  un  ordre  corinthien  fur 
un  ordre  ionique ,  de  faire  les  cannelures  de  l'ordre 
d'en-haut  plus  fimples  que  celles  de  l'ordre  d'en-bas; 
c'eft  un  défaut  de  convenance  que  l'on  peut  remar- 
quer aux  colonnes  corinthiennes  &  ioniques  du  por- 
tail des  Feuillans  à  Paris. 

On  fait  ufage  auffi  des  cannelures  dans  les  gaines 
&  dans  les  confoles ,  lefquelles  font  fufceptibles  d'or- 
nemens félon  la  richeffe  de  la  matière  dont  elles  font 
conftruites  ,  ou  des  figures,  thermes  ,  vaie*  ,  bulles 
qu'elles  foîitiennent.  (i5) 

*  CANNEQUINS  ,  f.  m.  (  Commerce.  )  toiles  de 
coton  qui  viennent  des  Indes,  &  dont  on  fait  le  com- 
merce à  la  côte  de  Guinée. 

CANNER ,  fignific  mefurer  les  étoffes  avec  la  can- 
ne dans  les  lieux  où  cette  mefure  eft  en  ufage  ,  com- 
me on  dit  auner  à  Paris ,  Se  par-tout  oii  Ton  fe  fert  de 
l'aune.  Diction,  du  Comm.tom.  II.  pag.  j6.  (G) 

CANNETÏLLE ,  f.  f.  (  Bâtonnier.  )  c'eft  un  mor- 
ceau de  fil  d'or  ou  d'argent  trait ,  fin ,  ou  faux ,  plus 
ou  moins  gros ,  qu'on  a  roulé  fur  une  longue  aiguille 
de  fer  par  le  moyen  d'un  roiiet.  On  employé  la  can- 
netille  dans  les  broderies ,  les  crépines,  6c  autres  ou- 
vrages femblables. 

La  fabrique  Se  l'emploi  de  la  cannetille  forme  une 
portion.du  métier  des  Paffementiers-Boutonniers. 
Quand  la  cannetille  eft  plate  &C  luifante  ,pour  avoir 


C  A  N 

été  ferrée  entre  deux  roues  d'acier,  on  l'app-''. 

Ion  :  cette  marchandife  entre  auffi  dans  la  compôii- 

tion  des  crépines  &  des  broderies. 

*  CANNETTE,  f.  f.  (  Manufactures  en  foie.)  petit 
tuyau  de  rofeau  ou  de  bouii  fait  autour ,  fur  lequel 
on  met  la  foie  pour  la  trame  ou  la  dorure.  Faire  des 
can,iettes,ce&  mettre  la  foie  ou  dorure  fur  ces  tuyaux. 
Voye^  Brocher;  voyei Espolin  &  Navette. 

Cannette  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  l'Amena- ic 
méridionale  au  Pérou,  dans  la  vallée  de  Guarco. 

CANNEY,  (  Géog.  )  île  d'Ecoffe,  lune  des  Vef- 
ternes. 

CANNIBALES ,  voye^  Caraïbes. 
C  ANNOBIO ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie  au  du- 
ché du  Milan  fur  le  lac  majeur  ,  aux  frontières  de 
la  Suiffe. 

CANNS  ,  (  Géog,  )  rivière  d'Angleterre  dans  la 
province  de  "SVcftmorland,  qui  va  le  jetter  dans  la 
mer  d'Irlande. 

C  ANNULE,  f.  f.  terme  de  Chirurgie,  petit  tuyau 
fait  d'or ,  d'argent,  d"étain  ou  de  plomb ,  qu'on  intro- 
duit dans  les  plaies  pour  les  tenir  ouvertes ,  &  don- 
ner ifïïie  aux  matières  qui  y  croupiffent.  Il  y  a  auffi 
une  cannule  pour  faciliter  l'entrée  &  la  fortie  de  Pair 
dans  les  poumons  ,  dont  on  fe  fert  dans  l'opération 
de  la  bronchotomie.  Vbye^  Bronchotomie. 

Les  différens  ufages  des  cannules,  &  la  différence 
des  parties  auxquelles  on  les  deffine  ,  obligent  d'en 
conltruire  de  différentes  formes  :  il  y  en  a  de  ro  .- 
des ,  d'ovales ,  de  plates ,  de  courtes ,  de  longues  , 
d'ailécs«ou  à  platine,  à  anfes  ou  à  anneaux  pour  les 
attacher.  Kl.  Foubert ,  de  l'académie  royale  de  Chi- 
rurgie, fe  fert  toujours  d'une  cannule  flexible,  lors- 
qu'il taille  à  fa  méthode  (  PL  XIII.  Chir.fig.  z.  )  ; 
cette  cannule  procure  la  liberté  du  cours  des  uri- 
nes ,  &  empêche  Pépanchement  de  ce  fluide  dans  le 
tiffu  cellulaire  ,  qui  entoure  la  partie  antérieure  de 
la  veffie  &  le  reclum  ,  ce  qui  occafionneroit  des  dé- 
pôts qui  font  capables  de  faire  périr  les  malades. 
Voye^  le  premier  volume  des  Mémoires  de  Pacad.  royale 
de  Chirurgie  ,  &  l'article  LlTHOTOMlE  dans  c:  Dic- 
tionnaire. 

M.  Foubert  fe  fert  auffi  d'une  cannule  particuli  '  i 
pour  les  perfonnes  auxquelles  on  a  fait  une  ineffion 
au  périnée,  pour  procurer  le  cours  des  urines  St  du 
pus  dans  le  cas  de  veffie  ulcérée  ou  paralytique.  Voy. 
Boutonnière.  Cette  cannule  a  à  ion  extrémité  pof- 
térieure  un  petit  robinet,  au  moyen  duquel  les  ma- 
lades peuvent  uriner  à  leur  volonté  ,  &  ne  font  pas 
continuellement  baignés  de  leur  urine,  qui  s'échappe; 
par  les  cannules  ordinaires,  à  rneluré  que  ce  liquide 
excrémenteux  diftille  par  les  uretères  dans  la  veffie. 
M.  Petit  a  inventé  une  cannule  faite  d'un  fil  d'ar- 
gent tourné  en  fpirale,  qui  la  rend  flexible  dans  toute 
fa  longueur.  Cette  cannule  a  un  pié  &  demi  de  long  ; 
elle  eft  garnie  à  fon  extrémité  d'un  morceau  d'épon- 
ge  :  elle  fert  à  enfoncer  dans  l'efîbmac  ,  ou  à  retirer 
de  l'cefophage  les  corps  étrangers  arrêtés  à  la  partie 
inférieure  de  ce  conduit.  Lorfqu'on  veut  fe  fervir  de 
cet  inftrument ,  on  met  dans  la  cannule  un  brin  de  ba- 
leine proportionné  à  fa  longueur  &  à  ion  diamètre  , 
afin  de  lui  donner  toute  la  force  qui  lui  eft  néceffaire 
pour  l'ufage  auquel  elle  eft  deftinée.  Cette  ba'elne 
eft  plus  longue  que  la  cannule ,  &  l'extrémité  qui  n'en- 
tre pas  dedans  eft  plus  groffe  ,  afin  qu'elle  puiffe  fer- 
vir de  manche.  La  baleine  ainii  adaptée  ,  eft  retenue 
en  place  dans  la  cannule  par  deux  petits  crochets,  qui 
font  au  dernier  fil  de  cette  cannule  ,  &  qui  s'engrè- 
nent dans  deux  rainures  qui  font  au  manche  de  la  ba- 
leine. Foyei  lafig.  l.  PI.  V.  de  Chir. 

Les  anciens  qui  faifoient  un  grand  ufage  du  cautè- 
re aftuel ,  avoient  des  cannules  de  fer  ou  de  cuivre , 
femblables  à  des  cercles  peu  élevés ,  à-travers  ('ci- 
quelles 


C  -A  N 

quelles  ils  paffoient  le  fer  rougi,  de  peur  qu'il  n'of- 
fensât les  parties  circonvoifines.  Voye^  Cautère. 

On  ne  doit  pas  fe  fervir  fans  néceffité  des  cannu- 
les  pour  le  paniement  des  plaies ,  parce  que  ce  font 
autant  de  corps  étrangers ,  qui  par  leur  préfcnce  ren- 
dent les  parois  des  plaies  dures  &  calleufes,  &  occa- 
fionnent  des  fîfrules.  Il  faut  fa  voir  s'en  fervir  â  pro- 
pos ,  &  en  fupprimer  l'ulage  à  tems.  (  1  ) 

CANO  ou  ALCANEM,  (  Géog.  )  royaume  d'A- 
frique dans  la  Nigritie  ,  avec  une  ville  qui  porte  le 
même  nom. 

*  CANON ,  f.  m.  ce  terme  a  dans  notre  langue 
une  infinité  d'acceptions  différentes  ,  qui  n'ont  pref- 
qu'aucun  rapport  les  unes  avec  les  autres.  Il  déligne 
un  catalogue  ,  une  décifton ,  une  arme ,  &  pluiieurs  inl- 
trumens  méchaniques  de  différentes  fortes. 

*  Canon  ,  en  Théologie ,  c'eft  un  catalogue  authen- 
tique des  livres  qu'on  doit  reconnoitre  pour  divins , 
fait  par  une  autorité  légitime  ,  &  donné  au  peuple 
pour  lui  apprendre  quels  font  les  textes  originaux 
qui  doivent  être  la  règle  de  fa  conduite  &c  de  la  foi. 
Le  canon  de  la  Bible  n'a  pas  été  le  même  en  tout  tems  ; 
îl  n*a  pas  été  uniforme  dans  toutes  les  fociétés  qui  re- 
connoiffent  ce  recueil  pour  un  livre  divin.  Les  Ca- 
tholiques Romains  font  en  contefîation  fur  ce  point 
avec  les  Protcitans.  L'Êglife  chrétienne,  outre  les  li- 
vres du  nouveau-Teitament  qu'elle  a  admis  dans  fon 
canon ,  en  a  encore  ajouté,  dans  le  canon  de  l'ancien- 
Teitament  qu'elle  a  reçu  de  l'églile  juive,  quelques- 
uns  qui  n'étoient  point  auparavant  dans  le  canon  de 
celle-ci ,  &:  qu'elle  ne  reconnoiffoit  point  pour  des  li- 
vres divins.  Ce  font  ces  différences  qui  ont  donné 
lieu  à  la  difrribution  des  livres  faints  en  protocanoni- 
ques,  deutérocanoniques  ,  &  apocryphes.  Il  faut  cepen- 
dant obferver  qu'elles  ne  tombent  que  fur  un  très-pe- 
tit nombre  de  livres.  On  convient  fur  le  plus  grand 
nombre  qui  compofe  le  corps  de  la  Bible.  On  peut 
former  fur  le  lujet  que  nous  traitons ,  plulicurs  quef- 
tions  importantes.  Nous  en  allons  examiner  quelques- 
unes,  moins  pour  les  décider,  que  pour  propoier  à 
ceux  qui  doivent  un  jour  fe  livrer  à  la  critique  ,  quel- 
ques exemples  de  la  manière  de  dilcuter  Se  d'éclair- 
cir  les  queïtions  de  cette  nature. 

Y  a-t-il  eu  che^  les  Juifs  un  canon  des  livres  facrés  ? 
Première  quellion.  Le  peuple  Juif  ne  reconnoiffoit 
pas  toutes  (ortes  de  livres  pour  divins  ;  cependant  il 
î'ecordoit  ce  carafterc  à  quelques-uns  :  donc  il  y  a  eu 
che~  lin  un  canon  Je  ces  livres  ,Jixé  &  déterminé  par  C  au- 
torité de  lajynagogue.  Peut-on  douter  de  cette  vérité 
quand  on  confidere  que  les  Juifs  donnoient  tous  le  ti- 
tre de  divins  aux  mêmes  livres  ,  &  que  le  contente- 
ment ètoit  entr'eux  unanime  fur  ce  point  ?  D'où  pou- 
voit  naître  cette  unanimité  ?  linon  d'une  règle  faite 
&  connue  qui  marquoit  à  quoi  l'on  devoit  s'en  tenir  ; 
c'efi-à-dirc  d'un  canon  ou  d'un  catalogue  authentique 
qui  fixoit  le  nombre  des  livres ,  &  en  indiquoit  les 
noms.  On  ne  conçoit  pas  qu'entre  plulieurs  livres 
écrits  en  différais  tems  êv  par  différens  auteurs  ,  il  y 
en  ait  eu  un  certain  nombre  généralement  admis  pour 
divins  à  Pexclufion  des  autres ,  fans  un  catalogue  au- 
torité qui  difqnguât  ceux-ci  de  ceux  pour  qui  l'on 
n'a  pas  eu  la  même  vénération;  &  ce  feroit  nous  don- 
ner une  opinion  auffi  fauffe  que  dangereufe  de  la  na- 
tion Juive,  que  de  nous  la  îefJreienter  acceptant  in- 
diilinctcment  &  fans  examen  tout  ce  qu'il  plaifoit  à 
chaque  particulier  de  lui  propofer  comme  infpiré  : 
ce  qui  précède  me  paroît  fans  réplique.  II  ne  s'agit 
plus  que  de  prouver  que  les  Juifs  n'ont  reconnu  pour 
divins  qu'un  certain  nombre  de  livres,  &  qu'ils  le 
font  tous  accordés  à  divinifer  les  mêmes.  Les  j".  cu- 
ves en  font  fous  les  yeux.  La  première  fe  tire  de  l'u- 
niformité des  catalogues  que  les  anciens  pères  ont 
rapportés  toutes  les  fois  qu'ils  ont  eu  lieu  de  taire  Ré- 
munération des  livres  reconnus  pour  lucres  par  les 
Tome  //, 


C  A  N  Coi 

Hébreux.  Si  les  Juifs  n'avoient  pas  eux-mêmes  fixé  le 
nombre  de  leurs  livres  divins ,  les  pères  ne  fe  feroient 
pas  aviles  de  le  faire  :  ils  le  feroient  contentés  de  mar- 
quer ceux  que  les  Chrétiens  dévoient  regarder  com- 
me tels  ,  fans  fe  mettre  en  peine  de  la  croyance  des 
Juifs  là-deilus  ;  ou  s'ils  av oient  ofé  fuppofer  un  canon 
Juif  qui  n'eût  pas  exifté ,  ils  ne  l'auroient  pas  tous  fa- 
briqué de  la  même  manière  ;  la  vérité  ne  les  dirigeant 
pas ,  le  caprice  les  eût  fait  varier ,  foit  dans  le  choix, 
foit  dans  le  nombre  ;  &  plufieurs  n'auroient  pas  man- 
qué furtout  d'y  inférer  ceux  que  nous  nommons  deuté- 
rocanoniques,  puifqu'ils  les  croyoient  divins,  &  les  ci- 
toient  comme  tels.  Nous  devons  donc  être  perfuadés 
de  leur  bonne  foi  par  l'uniformité  de  leur  langage  , 
&  par  la  fincérité  de  l'aveu  qu'ils  ont  fait  que  quel- 
ques livres  mis  par  l'Eglife  au  rang  des  anciennes 
écritures  canoniques  ,  en  étoient  exclus  par  les  fyna- 
gogues.  La  même  raifon  doit  auffi  nous  convaincre 
qu'ils  ont  été  furïïfamment  inftruits  de  ce  fait  :  car  s'il 
y  avoit  eu  de  la  diverfité  ou  des  variations  fur  ce  point 
entre  les  Juifs  ,  ils  auraient  eu  au  moins  autant  de 
facilité  pour  s'en  informer,  que  pour  favoir  qu'on  y 
comptoit  ces  livres  par  les  lettres  de  l'alphabet,  èc  ils 
nous  auroient  tranlmis  l'un  comme  l'autre.  L'accord 
des  pères  fin  la  queffion  dont  il  s'agit ,  démontre  donc 
celui  des  Juifs  fur  leur  canon. 

Mais  à  l'autorité  des  pères  fe  joint  celle  de  Jofephe» 
qui  fur  ces  matières ,  dit  M.  Huet ,  en  vaut  une  foulé 
d'autres,  unus pro  mille.  Jofephe,ds  race  facerdotale  , 
&  profondément  inftruit  de  tout  ce  qui  concernoit 
la  nation  ,  eft  du  fentiment  des  pères.  On  lit  clans  fon 
premier  livre  contre  Appion,  que  les  Juifs  n'ont  pas 
comme  les  Grecs  ,  une  multitude  de  livres  ;  qu'ils 
n'en  reconnoiffent  qu'un  certain  nombre  comme  di- 
vins ;  que  ces  livres  contiennent  tout  ce  qui  s'efî 
paffé  depuis  le  commencement  du  monde  jufqu'à 
Artaxercès  ;  que  quoiqu'ils  ayent  d'autres  écrits,  ces 
écrits  n'ont  pas  entr'eux  la  même  autorite  que  les 
livres  divins ,  &  que  chaque  Juif  ett  prêt  à  répandre 
Ion  fang  pour  la  défenfe  de  ceux-ci  :  donc  il  y  avoic 
che{  les  Juifs,  félon  Jofephe ,  un  nombre jixé  &  détermi- 
né de  livres  reconnus  pour  divins  ;&c  cil  -là.  précilé- 
mént  ce  que  nous  appelions  canon. 

La  tradition  confiante  du  peuple  Juif  eft  une  troi- 
sième preuve  qu'on  ne  peut  rejetter.  Ils  ne  comptent 
encore  aujourd'hui  entre  les  livres  divins  que  ceux  , 
difent-ils ,  dont  leurs  anciens  percs  ont  dreffé  le  canon 
dans  le  tems  delà  grandefynagOgue ,  qui  fleurit  après 
le  retour  de  la  captivité.  C'eft  même  en  partie  par 
cette  raifon  qu'elle  fut  nommée  grande.  L'auteur  du 
traité  Megillah  dans  la  Gémare,  nous  apprend  au  ch. 
//'/.que  ce  litre  lui  fut  donné  non-feulement  pour  avoir 
ajouté  au  nom  de  Dieu  l'épithete  gadol ,  grand,  ma- 
gnifique, mais  encore  pour  avoir  dreffé  le  canon  des 
livres  facrés:  donc  ,  pouvons-nous  conclurrepourla 
troifieme  fois ,  /'/  ejl  certain  qu'il  y  a  eu  che{  les  Juifs  un 
canon  déterminé  &  authentique  des  livres  de  V ancien  TeJ- 
rnent  regardés  comme  divins. 

N'y  a-t-il  jamais  eu  chc^  les  Juifs  quun  même  &  feut 
canon  des  filmes  Ecritures  ?  Seconde  quellion,  pour 
fervir  de  confirmation  aux  preuves  de  la  quellion  pré- 
cédente. Quelques  auteurs  ont  avancé  que  les  Juifs 
avoient  fait  en  différais  tems  différais crt/jo/z.s-  de  leurs 
livres  facrés;  &  qu'outre  le  premier  compofé  de  vingt- 
deux  livres, ils  en  avoient  dreffé  d'autres  où  ils  avoient 
inféré  comme  divins  ,  Tobie  ,  Judith  ,  i ' Eccléjuijliquc  , 
/./  Sagtjfc,  C--  les  Mae1:.!-. .. 

Genebrard  fuppofe  dans  ù  chronologie  trois  diffé- 
rais canons  faits  par  les  aflemblées  de  là  fj 
le  premier  au  temsd'Efdras,  dreffe  par  la 
nagogue ,  qu'il  compte  pour  le  cinquième 
contenait  \  in:;t -deux   livres  :  le  fécond  au  tems  du 
pontife  Eléazaf ,  dans  un  fynode  affemblé  pour  déli- 
bérer fur  la  verfion  que  demandât  le  roi  Ptolémée, 

G  Gge 


602 


C  A 


C  A  N 


&  que  nous  appelions  des  Septante ,  où  l'on  mit  au 
nombre  des  livres  divins  Tobie ,  Judith ,  la  Sageffe  , 
&  V  Eccléfiajlique  :  le  trcifieme  au  tems  d'Hircan ,  dans 
le  feptieme  fynode  affemblé  pour  confirmer  la  feue 
des  Phariiiens  ,  dont  Hillel  &  Sammai  étoient  les 
chefs ,  &  condamner  Sadoc  &c  Barjetos  ,  promoteurs 
de  celle  des  Saducéens  ,  &c  où  le  dernier  canon  fut 
augmenté  du  livre  des  Machabécs  ,  &  les  deux  canons 
precédens  confirmés  malgré  les  Saducéens ,  qui  com- 
me les  Samaritains  ne  vouloient  admettre  pour  di- 
vins que  les  cinq  livres  de  Moyié.  À  entendre  Gene- 
brard  établir  fi  délibérément  toutes  ces  diftinâions  , 
on  diroit  qu'il  a  tous  les  témoignages  de  l'hiltoire  an- 
cienne des  Juifs  en  fa  faveur  ;  cependant  on  n'y  trou- 
ve rien  de  pareil ,  &  l'on  peut  regarder  fa  narration 
comme  un  des  efforts  d'imagination  les  plus  extraor- 
dinaires ,  &  une  des  meilleures  preuves  que  l'on  ait 
de  la  nécefllté  de  vérifier  les  faits  avant  que  de  les 
admettre  en  démonftration. 

Serrarius ,  qui  eft  venu  après  Génébrard  ,  n'a  pas 
jugé  à  propos  d'attribuer  aux  Juifs  trois  canons  diffé- 
rens.  Il  a  cru  que  c'étoit  affez  de  deux ,  l'un  de  vingt- 
deux  livres  fait  par  Efdras  ;  &  le  même  ,  augmenté 
des  livres  deutérocanoniques  ,  &c  dreffé  du  tems  des- 
Machabées.   Pour  preuve  de  ce  double  canon,  il 
lui  a  femblé  ,  ainfi  qu'à  Genebrard  ,  que  fa  parole 
fuffifoit.  Il  fe  propofe  cependant  l'objection  du  filen- 
ce  des  pères  fur  ces  differens  canons^,  &  de  leur  ac- 
cord unanime  à  n'en  reconnoître  qu'un  compofé  de 
vin«t-deux  livres  divins.  Mais  fa  réponfc  eft  moins 
celle  d'un  favant  qui  cherche  la  vérité ,  que  celle 
d'un  difputant  qui  défend  fa  thefe.  Il  prétend  avec 
confiance  que  les  pères  en  parlant  du  canon  des  écritures 
Juives ,  compofées  de  vingt-deux  livres ,  n'ont  fait  mention 
que  du  premier,  fans  exclurre  les  autres.  Quoi  donc ,  lorf- 
qu'on  examine  par  une  recherche  expreffe  quels  font 
les  livres  admis  pour  divins  par  une  nation ,  qu'on  en 
marque  pofitivement  le  nombre  ,  &  qu'on  en  donne 
les  noms  en  particulier,  on  n'exclut  pas  ceux  qu'on  ne 
nomme  pas  ?  Moyfe  en  difant  qu'Abraham  prit  avec 
lui  trois  .cents  dix-huit  de  fes  ferviteurs  ,  pour  déli- 
vrer Loth  fon  neveu  des  mains  de  fes  ennemis ,  n'a- 
t-il  pas  exclu  le  nombre  de  quatre  cents  ?  &  lorfque 
Févangélifte  dit  que  Jefus-Chrift  choifit  douze  apô- 
tres parmi  fes  difciples,  n'exciud-il  pas  un  plus  grand 
nombre  ?  Les  pères  pouvoient-ils  nous  dire  plus  ex- 
preffément  que  le  canon  des  livres  de  l'ancien  Tef- 
tament  n'alloit  pas  jufqu'à  trente  ,  qu'en  nous  afsû- 
rant  qu'il  étoit  de  vingt-deux  ?  Quand  Meliton  dit  à 
Onéfime  qu'il  a  voyagé  jufques  dans  l'orient  pour 
découvrir  quels  étoient  les  livres  canoniques ,  &  qu'il 
nomme  enluite  ceux  qu'il  a  découverts  &  connus  , 
n'en  dit-il  pas  affez  pour  nous  faire  entendre  qu'il  n'en 
a  pas  connu  d'autres  que  ceux  qu'il  nomme?  C'eft 
donc  exclurre  un  livre  du  rang  des  livres  facrés,  que 
de  ne  point  le  mettre  dans  le  catalogue  qu'on  en  fait 
exprès  pour  en  défigner  le  nombre  &  les  titres.  Donc, 
en  failant  rémunération  des  livres  reconnus  pour  di- 
vins par  les  Juifs  ,  les  pères  ont  néceffairement  ex- 
clu tous  ceux  qu'ils  n'ont  pas  nommés  ;  de  même 
que  quand  nos  papiers  publics  donnent  la  lifte  des  of- 
ficiers que  le  Roi  a  promus,  on  eft  en  droit  d'aflùrer 
qu'ils  excluent  de  ce  nombre  tous  ceux  qui  ne  le  trou- 
vent pas  dans  leur  lifte.  Mais  fi  ces  raiibns  ne  fuffi- 
fent  pas ,  fi  l'on  veut  des  preuves  pofitives  que  les 
pères  ont  exclu  d'une  manière  expreffe  &  formelle 
du  canon  des  Ecritures  admifes  pour  divines  par  les 
Juifs  ,  tous  les  livres  qu'ils  n'ont  pas  comptés   au 
nombre  des  vingt-deux  ,  il  ne  fera  pas  difficile  d'en 
trouver. 

Saint  Jérôme  ,  dans  fon  prologue  défenfif,  dit  qu'il 
l'ac  ompofé  afin  qu'on  fâche  que  tous  les  livres  qui 
ne  font  pas  des  vingt-deux  qu'il  a  nommés ,  doivent 
être  regardés  comme  apocryphes  ;  ut  foire  valeamus 


quidquid  extra  hos  efl  (  on  verra  dans'la  queftion  fùî- 
vante' quels  étoient  ces  vingt-deux  livres  )  inter  apo- 
crypha  ejje  ponendum.  Il  ajoute  enfuite  que  la  Sageffe  , 
V EccUfiajlique  ,  Tobie ,  Judith,  ne  lent  p;;s  dans  le  ca- 
non, igitur  Sapientia ,  qnœ  vulgo  Salomonis  inferibitur  , 
&  Jefu  filii  Sirach  liber,  &  Judith  ,  &  Tobias  ,  &  Pafor, 
non  j'unt  in  canone.  Dans  la  préface  fur  Tobie ,  il  dit 
que  les  Hébreux  excluent  ce  livre  du  nombre  des  Ecri- 
tures divines  ,  &  le  rejettent  entre  les  apocryphes. 
Il  en  dit  autant  à  la  tête  de  fon  commentaire  fur  le 
prophète  Jonas. 

On  lit  dans  la  lettre  qu'Origene  écrit  à  Africanus, 
que  les  Hébreux  ne  reconnoiffent  ni  Tobie  ni  Judith , 
mais  qu'ils  les  mettent  au  nombre  des  livres  apocry- 
phes: nos  oportet  feire  quod  Hebrœi  Tobiù  non  utuntut 
ncque  Judith  ;  non  enim  ea  liaient  niji  in  apocryphis. 

Saint  Epiphane  dit,  nomb.  3  &  4  de  fon  livre  des 
Poids  &  des  mefures ,  que  les  livres  de  la  Sageffe  &  de 
V Ecclifiaflique  ne  font  pas  chez  les  Juifs  au  rang  des 
Ecritures-faintes. 

L'auteur  de  la  Synopfe  affure  que  Tobie ,  Judith  , 
la  Sagejji  Se  ï  Eccléfiajlique  ,  ne  font  point  des  livres 
canoniques  ,  quoiqu'on  les  life  aux  catéchumènes. 

Y  a-t-il  rien  de  plus  clair  &  de  plus  décififque  ces 
paffages  ?  Sur  quoi  fe  retranchera  donc  Serrarius  ? 
Il  répétera  que  les  pères  ne  parlent  dans  tous  ces  en- 
droits que  du  premier  canon  des  Juifs  :  mais  on  ne 
l'en  croira  pas  ;  en  verra  qu'ils  y  difent  nettement 
que  Judith ,  Tobie,  &  les  autres  de  la  même  claffe,  ne 
font  pas  reconnus  pour  divins  par  les  Juifs ,  par  les 
Hébreux  ,  par  la  nation.  D'ailleurs  ,  ce  fécond  canon 
imaginaire  ne  devoit-il  pas  avoir  été  fait  par  les  Juifs 
ainfi  que  le  premier?  Comment  donc  S.  Jérôme  Se 
Origene  auraient- ils  pu  avancer  que  les  Juifs  regar- 
doient  comme  apocryphes  des  livres  qu'ils  auroient 
déclarés  authentiquement  divins  Se  facrés  ,  quoique 
par  un  lecond  canon ?  Le  premier  ajoûteroit-il ,  com; 
me  il  fait  dans  fa  préface  fur  Tobie ,  que  les  Juifs  peu- 
vent lui  reprocher  d'avoir  traduit  cet  ouvrage  com- 
me un  livre  divin  ,  contre  l'autorité  de  leur  canon  , 
s'il  y  avoit  eu  parmi  eux  un  fécond  canon  où  Tobie 
eût  été  mis  au  rang  des  livres  divins  ?  Méliton  n'a- 
t-il  recherché  que  les  livres  du  premier  canon ,  ou 
a-t-il  voyagé  jufques  dans  l'orient  pour  connoître 
tous  les  ouvrages  reconnus  de  fon  tems  pour  cano- 
niques ?  en  un  mot,  le  defîein  des  pères  en  publiant  le 
catalogue  des  livres  admis  pour  divins  chez  les  Juifs  , 
étoit-il  d'expofer  la  croyance  de  ce  peuple  au  tems 
d'Efdras ,  ou  plutôt  celle  de  leur  tems  ?  &  s'il  y  avoit 
eu  lieu  à  quelque  diftinftion  pareille  ,  ne  l'auroient- 
ils  pas  faite  ?  Laiflbns  donc  l'école  penferlà-deffus  ce 
qu'elle  voudra  :  mais  concluons  ,  nous ,  que  les  Juifs 
n'ont  eu  ni  trois  ,  ni  deux  canons,  mais  feulement  un 
canon  de  vingt-deux  livres  ;  &  perfiftons  dans  ce  fen- 
timent  jufqu'à'  ce  qu'on  nous  en  tire  ,  en  nous  faifant 
voir  que  les  pères  fe  font  trompés ,  ce  qui  n'eft  pas 
poffible.  Car  d'où  tireroit-on  cette  preuve  ?  aucun 
ancien  auteur  n'a  parlé  du  double  canon\La  tradi- 
tion des  Juifs  y  eu  formellement  contraire.  Ils  n'ont 
encore  aujourd'hui  de  livres  divins  que  les  vingt-deux 
qu'ils  ont  admis  de  tout  tems  comme  tels.  Jofephe 
dit,  ainfi  qu'on  l'a  déjà  vu ,  &  qu'on  le  verra  plus  bas 
encore  ,  que  fa  nation  ne  reconnoît  que  vingt-deux 
livres  divins  ;  &  que  *,  fi  elle  en  a  d'autres  ,  elle  ne 
leur  accorde  pas  la  même  autorité.  Mais,  dira-t-on  , 
Jofephe  a  cité  P  Eccléfiajlique  dans  fon  fécond  livre  con- 
tre Appion.  Quand  on  en  conviendroit ,  s'enfuivroit-il 
de  là  qu'il  en  a  fait  un  livre  divin  ?  Nullement.  Mais 
il  n'eft  point  du  tout  décidé  que  Jofephe  ait  cité  YEc- 
cléftafiiquc.  Il  fe  propofe  de  démontrer  l'excellence  & 
la  fupériorité  de  la  législation  de  Moyfé  fur  celles  de 
Solon ,  de  Lycurgue  &  des  autres.  Il  rapporte  à  cette 
occafion  des  préceptes  &  des  maximes  ,  &  il  attri- 
bue à  Moyfe  l'opinion  que  l'homme  eft  fupérieur  en 


C  A  N 

tout  à  la  femme.  Il  lui  fait  dire  que  l'homme  méchant 
elt  meilleur  que  la  femme  bientaifante  ;  ■ywi  ft  %û^m 

Çrch  a.\Spoç  ûç  ts  vraiTa,  v.a.t  «  crovîtoia.  avTov  wûtf,  aja-Jo- 

îTwew  ywa.ix.ot  ;  paroles  citées  comme  de  Moyfe ,  & 
non  comme  de  ï  EccUfiajlique.  On  objectera  fans  dou- 
te que  ce  paffage  ne  le  trouve  point  dans  Moyle.  Soit. 
Donc  Jofephe  ne  le  lui  attribue  pas.  Je  le  nie  ,  parce  que 
le  fait  elt  évident.  Mais  quand  je  conviendrois  de  tout 
ce  qu'on  prétend ,  on  n'en  pourrait  jamais  intérer  que 
Jolephe  ait  déclaré  Y  Ecclcfîajlique  livre  canonique. 
M.  Pithou  remarque  que  les  dernières  paroles  du 
paffage  cité  de  Jolephe  ne  font  pas  de  lui ,  &  qu'el- 
les ont  été  inférées  ielon  toute  apparence  par  quel- 
que copifte.  Cette  critique  elt  d'autant  plus  vraisem- 
blable ,  qu'elles  ne  fe  trouvent  pas  dans  l'ancienne 
verfion  Latine  de  Rufin.  Donc  le  double  &  le  triple 
canon  Jont  des  chimères  ,  les  Juifs  nen  fa.ifa.nt  aucune 
mention,  &  les  pères  ne  les  ayant  point  connus  :  ce  qu'il 
falloit  démontrer. 

De  combien  dt  livres  étoit  compofi  le  canon  des  Ecri- 
tures divines  che^  les  Juifs  ,  &  quels  étoient  ces  livres. 
Troifieme  queltion ,  dont  la  folution  fervira  d'éclair- 
ciffement  &  d'appui  aux  deux  queftions  précéden- 
tes. Les  Juifs  ont  toujours  compofé  leur  canon  de 
vingt-deux  livres  ,  ayant  égard  au  nombre  des  let- 
tres de  leur  alphabet  dont  ils  faifoient  ulage  pour 
les  défigner ,  félon  l'obfervation  de  S.  Jérôme  ,dans 
fon  prologue  général  ou  défenfif.  Quelques  rabbins 
en  ont  compté  vingt-quatre  ;  d'autres  vingt-fept  ; 
mais  ces  différens  calculs  n'augmentoient  ninedimi- 
nuoient  le  nombre  réel  des  livres  ;  certains  livres  di- 
vifés  en  plufieurs  parties  y  occupoient  feulement 
pluiieurs  places. 

Ceux  qui  comptoient  vingt-quatre  livres  de  l'É- 
criture ,  féparoient  les  Lamentations ,  de  la  Prophé- 
tie de  Jérémie  ,  &  le  liVre  de  liuth  de  celui  des  Juges, 
que  ceux  qui  n'en  comptoient  que  vingt-deux  laii- 
ioicnt  unis  :  les  premiers  ,  afin  de  pouvoir  marquer 
ces  vingt-quatre  livres  avec  les  lettres  de  leur  alpha- 
bet ,  répétoient  trois  fois  la  lettre  jod,  en  l'honneur 
du  nom  de  Dieu  Jehova  ,  que  les  Chaldéens  écri- 
voient  partroisyW.  Ce  nombre  de  vingt-quatre  elt 
celui  dont  les  Juifs  d'à  prélent  fe  fervent  pour  défi- 
gner les  livres  de  l'Ecriturc-fainte  ;  &  c'elt  peut-être 
à  quoi  les  vingt-quatre  vieillards  de  l'Apocalypfe 
font  allufion. 

Ceux  qui  comptoient  vingt-fept  livres ,  féparoient 
encore  en  fix  nombres  les  livres  des  Rois  6c  des  Pa- 
ralipomenes ,  qui  n'en  faifoient  que  trois  pour  les  au- 
tres. Et  pour  les  indiquer  ,  ils  ajoûtoient  aux  vingt- 
deux  lettres  ordinaires  de  l'alphabet  les  cinq  finales, 
comme  nous  l'apprend  S.  Epiphane  dans  fon  livret 
Foids&des  me/ures.Ccux  qui  lavent  l'alphabet  Hébreu 
(  car  il  n'en  faut  pas  favoir  davantage  )  connoiffent 
ces  lettres  finales.  Ce  font  cap/i ,  mem ,  nun ,  pé ,  tfad, 
qui  s'écrivent  à  la  fin  des  mots  d'une  manière  diffé- 
rente que  dans  le  milieu  ou  au  commencement. 

Le  canon  étoit  donc  toujours  le  même  ,  loit  qu'on 
comptât  les  livres  par  22 ,  14011  17.  Mais  la  premiè- 
re manière  a  été  la  plus  générale  &  !a  plus  commu- 
ne ;  c'elt  celle  de  Jolephe.  M.  Simon  donne  l'ancien- 
neté à  celle  de  24  :  mais  je  ne  lai  fur  quelle  preuve  , 
car  il  n'en  rapporte  aucune.  J'avoue  que  ces  matiè- 
res ne  me  font  pas  affez  familières  pour  prendre  parti 
dans  cette  queltion  ,  &  pour  hafarder  une  conjecture. 
Voyons  maintenant  quels  étoient  ces  22,  24  Cv  27 
livres.  S.  Jérôme  témoin  digne  de  foi  clans  cette  ma- 
tière, en  fait  l'énumération  fuivante.  La  Genefe.  VE- 
xode.  Le  Lcvitique.  Les  Nombres.  LvDeutéro/wme  .J rofki '. 
Les/«g)U,auquel  elt  joint  Rttth.  Samuel ',cc  font  les  deux- 
premiers  des  Rois.  Les  Rois ,  ce  font  les  deux  derniers  li- 
vres. IJaie.  Jeremie ,  avec  fes  Lamentations.  E~echiel. 
Les  dou^e  petits  Prophètes.  Job.  Les  PJeaumes.  LesPro- 
j  tries,  L  Eccléjîajlc.  Le  Cantique  des  Cantiques,  Daniel. 
Tome  II. 


C  A  N 


603 


Les  Paralipomenes  ,  double.  Efdras ,  doubla.  Eflher. 

S.  Epiphane  ,  Heref.  viij.  nomb.  6.  c'ait,  de  Petau> 
rapporte  les  mêmes  livres  que  S.  Jérôme.  On  retrou- 
ve le  même  canon  en  deux  ou  trois  autres  endroits  de 
fon  livre  des  Poids  &  mefures.  Vâye^  les  nomb.  J.  4. 
22.  2.3 ■  C>n  lit  au  nombre  22  ,  que  les  Hébreux  n'ont 
que  22  lettres  à  leur  alphabet  ;  que  c'elt  par  cette 
raifon qu'ils  ne  comptent  que  22  livres  facrés  ,  quoi- 
qu'ils en  ayent  27 ,  entre  Ielquels  ils  en  doublent  cinq, 
ainli  qu'ils  ont  cinq  caractères  doubles  ;  d'où  il  arrive 
que  comme  il  y  a  dans  leur  écriture  27  caraclcres  , 
qui  ne  font  pourtant  que  vingt-deux  lettres  ,  de  mê- 
me ils  ont  proprement  vingt-fept  livres  divins ,  qui 
le  réduifent  à  vingt-deux. 

S.  Cyrille  de  Jérufalem  dit  aux  Chrétiens ,  dans  fa 
quatrième  catechefe,  de  méditer  les  vingt-deux  livres  de 
l'ancien  Teltament ,  &  de  fe  les  mettre  dans  la  mé- 
moire tels  qu'il  va  les  nommer  ;  puis  il  les  nomme 
ainli  que  nous  venons  de  les  rapporter  d'après  S.Jé- 
rôme &  S.  Epiphane. 

S.  Hilaire,  dans  fon  Prologue  fur  les  Pfeaumes  ,  ne 
diffère  de  l'énumération  précédente ,  ni  fur  les  nom- 
bres ,  ni  fur  les  livres.  Le  canon  60  ,  de  Laodicée  , 
dit  la  même  choie.  Origene  ,  cité  par  Eufebe  ,  avoit 
dreffé  le  même  canon.  Ce  feroit  recommencer  la  mê- 
me choie  jufqu'à  l'ennui  ,  que  de  rapporter  ces  ca- 
nons. 

Méliton  Evêque  de  Sardes  ,  qui  vivoit  au  fécond 
fiecle  de  l'Eglife  ,  avoit  fait  un  catalogue  qu'Eulebe 
nous  a  confervé,  c.  xxvj.  I.  IV.  de  Ion  hiltoire.  Il  avoit 
pris  un  loin  particulier  de  s'inffruire.  Il  avoit  voyagé 
exprès  dans  l'orient,  &  fon  catalogue  elt  le  même  que 
celui  des  auteurs  précédens  ;  car  il  elt  à  prélumer  que 
l'oubli  d'Elther  elt  une  faute  de  copifte. 

Bellarmin  donne  ici  occalion  à  une  réflexion  ,  par 
ce  qu'il  dit  dans  fon  livre  des  Ecrivains  eccléjiafliquesx 
favoir ,  que  Méliton  a  mis  au  rang  des  livres  de  L'an- 
cien Tejlameut  celui  de  la  Sageffe  ,  quoiqu'il  ne  fût  point 
reconnu  par  Jes  Juifs  pour  un  livre  divin.  Mais  Bellar- 
min le  trompe  lui-même.  La  Sageffe  n'elt  point  dans 
le  canon  de  Méliton.  On  y  lit  :  Salomonis  Proverbia  quee. 
&  Sapientia,  la.Xcfj.arlcç  Ïïuf.oi/Ma.1  »  v.a.i  1c$ix.  D  OÙ  il 
s'enfuit  que  Méliton  ne  nomme  pas  la  SLigeffe  comme 
un  livre  dillingué  des  Proverbes;  c'elt  l'a  foit  oublie  , 
foit  mal  entendu  ,  qui  a  donné  lieu  à  la  méprife. 
Mais  ,  pour  revenir  au  canon  des  Juifs  ,  Jofephe  dit 
dans  Ion  livre  contre  Appion ,  qu'il  n'y  a  dans  fa  nation 
que  22  livres  reconnus  pour  divins  ,  cinq  de  Moyfe , 
treize  des  prophètes ,  contenant  l 'hiltoire  de  tous  les 
tems  jufqu'à  Artaxercès  ,  &  quatre  autres  qui  ren- 
ferment des  hymnes  à  louange  de  Dieu ,  ou  des  pré- 
ceptes pour  les  mœurs.  Il  n'entre  pas  dans  le  dé- 
tail ,  mais  il  déligne  évidemment  les  mêmes  livres 
que  ceux  qui  font  contenus  dans  les  catalogues  des 
percs. 

Sur  ce  que  l'hiftorien  Juif  a  placé  dans  fes  Anti- 
quités l'hiitoire  d'Elther  fous  le  règne  d'Artaxerces  , 
&  fur  ce  qu'il  dit  dans  le  même  endroit  que  les  pro- 
phètes n'ont  écrit  l'hiftoire  que  /'ufqu'su  tems  de  ce 
prince ,  ôt  qu'on  n'a  pas  la  même  foi  à  ce  qui  s'eft 
paffé  depuis ,  M.  Dupin  s'elt  perluadé  qu'il  exclut  le 
livre  (ÏE/iher  du  nombre  des  vingt-deux  livres  de  Ion 
canon.  Mais  quiclt-ccqui  a  dit  à  M.  Dupin  que  Jole- 
phe ne  s'elt  point  lervi  du  mot  juf que  dans  un  lens  in- 
clufif,  ainli  que  du  terme  depuis  dans  un  le;. s  excluiit  r 
Ce  feroit  faire  injure  à  d'habiles  cv  judicieux  auteurs 
qui  ont  précédé  M.  Dupin  ,  que  de  balancer  leur  té- 
moignage par  une  obferv  ation  grammaticale  qui ,  au 
pis  aller  ,  ne  prouve  ni  pour  ni  contre. 

Il  ne  faut  point  non  plus  s'imaginer  que  Jofephe 
n'ait  point  nus  le  livre  de  toi  au  nombre  des  vingt- 
deux  livres  divins  ,  parce  qu'il  ne  dit  rien  dans  fon 
ouvrage  des  malheurs  de  ce  faint  homme.  Cet  auteur 
a  pu  regarder  le  livre  de  Job  connue  un  livre  infpire  , 

G  G  g  g  ij 


& 


004 


C  A  N 


mais  non  comme  une  hiftoire  véritable  ;  comme  un 
poème  qui  montroit  partout  l'efprit  de  Dieu ,  mais 
non  comme  le  récit  d'un  événement  réel  ;  &  en  ce 
fcns^  quel  rapport  pourroit  avoir  l'aventure  de  Job 
avec  l'hiftoire  de  fa  nation. 

Quel  efi  le  tems  &  quel  efi  P  auteur  du  canon  des  li- 
vres facrès  chc{  hs  Juifs.  Quatrième  queltion.  Il  iém- 
ble  que  ce  iéroit  aujourd'hui  un  paradoxe  d'avancer 
qu'Eldras  ne  fut  jamais  l'auteur  du  canon  des  livres 
facrés  des  Juifs  ;  les  docteurs  mêmes  les  plus  judi- 
cieux ayant  mis  fur  le  compte  d'Eldras  tout  ce  dont 
ils  ont  ignoré  l'auteur  &  l'origine  ,  dans  les  chofes 
qui  concernent  la  Bible.  Ils  l'ont  fait  réparateurdes 
livres  perdus  ou  altérés ,  réformateur  de  la  manière 
d'écrire  ;  quelques-uns  même  inventeur  des  points 
voyelles  ,  &  tous  auteur  du  canon  des  Ecritures.  Il 
n'y  a  fur  ce  dernier  article  qu'une  opinion.  Il  eft 
étonnant  que  nos  Scaliger ,  nos  Huet ,  ceux  d'en- 
tre nous  qui  fe  piquent  d'examiner  de  près  les  cho- 
fes, n'ayent  pas  duTerté  là-deffus  ;  la  matière  en  va- 
loit  pourtant  bien  la  peine.  M.  Dupin ,  au  lieu  de 
tranferire  en  copifte  l'opinion  de  les  prédéceifeurs, 
auroit  beaucoup  mieux  fait  d'expoiér  la  queltion,  & 
de  montrer  combien  il  étoit  difficile  de  la  réfoudre. 

Quoi  qu'il  en  foit  de  l'opinion  commune  ,  il  me 
femble  qu'il  n'y  auroit  aucune  témérité  à  affûrer  qu'on 
peut  foutenir  qu'Efdras  n'eft  point  l'auteur  du  canon 
des  livres  reconnus  pour  livres  divins  par  les  Juifs  , 
foit  qu'on  veuille  difeuter  ce  fait  par  l'hiftoire  des 
empereurs  de  Perle  ,  &  celle  du  retour  de  la  captivi- 
té ;  lbit  qu'on  en  cherche  l'éclairciiîement  dans  les 
livres  d'Eldras  &  de  Néhemie ,  qui  peuvent  particu- 
lièrement nous  inftruire.  L'opinion  contraire ,  quoi- 
que plus  fuivie,  n'eft  point  article  de  foi. 

En  un  mot  voici  les  difficultés  qu'on  aura  à  réfou- 
dre  de  part  &  d'autre  ,  &  ces  difficultés  me  paroif- 
fent  très-grandes  :  i°.  il  faut  s'afïïirer  du  tems  où  Ef- 
dras  a  vécu;  2°.  fous  quel  prince  il  eft  revenu  de 
Babylone  à  Jérufalem  ;  30.  fi  tous  les  livres  qui  font 
dans  le  canon  étoient  écrits  avant  lui  ;  40.  fi  lui-mê- 
me eft  auteur  du  livre  qui  porte  l'on  nom. 

Voilà  la  route  par  laquelle  il  faudra  paner  avant  que 
d'arriver  à  la  -folution  de  la  4e  queltion  :  nous  n'y  en- 
trerons point ,  de  crainte  qu'elle  ne  nous  menât  bien 
au-delà  des  bornes  que  nous  nous  fommes  preferi- 
tes:  ce  que  nous  avons  dit  juiqu'à  prélent  fuffit  pour 
donner  à  ceux  qui  fe  fentent  le  goût  de  la  critique  , 
un  exemple  de  la  manière  dont  ils  doivent  procé- 
der pour  parvenir  à  quelque  réfultat ,  fatisfaifant 
pour  eux  &  pour  les  autres  ;  c'étoit  là  principale- 
ment notre  but. 

Il  ne  nous  relie  plus  qu'une  obfervation  à  faire , 
c'eft  que  le  canon  qui  fixe  au  nombre  de  vingt-deux 
les  livres  divins  de  l'ancien-Teftament ,  a  été  fiiivi 
dans  la  première  Eglife  jufqu'au  concile  de  Carthage  ; 
que  ce  concile  augmenta  beaucoup  ce  canon,  com- 
me il  en  avoit  le  droit  ;  &  que  le  concile  de  Trente 
a  encore  été  au-  delà  du  concile  de  Carthage  ,  pro- 
nonçant anathème  contre  ceux  qui  réfuteront  de  fe 
foûmettre  à  fes  décifions. 

D'où  il  s'enfuit  que  dans  toutes  difcufîions  criti- 
ques fur  ces  matières  délicates  ,  le  jugement  de  l'E- 
glife  doit  toujours  aller  avant  le  nôtre  ;  &  que  dans 
les  occafions  où  il  arriveroit  que  le  réfultat  de  nos 
recherches  ne  feroit  pas  conforme  à  fes  décrets  , 
nous  devons  croire  que  l'erreur  efi  de  notre  cô- 
té :  l'autorité  que  nous  avons  alors  contre  nous  eft 
d'un  fi  grand  poids ,  qu'elle  ne  nous  laifTe  pas  feu- 
lement le  mérite  de  la  modeitie ,  quand  nous  nous 
y  foûmettons ,  &  que  nous  montrons  une  vanité 
impardonnable ,  quand  nous  balançons  à  nous  foû- 
mettre. Tels  font  les  fentimens  dans  lefquels  j'ai  com- 
mencé, continué  ,  &  fini  cet  article ,  pour  lequel  je 
demande  au  lecteur  un  peu  d'indulgence  :  il  la  doit 


C  A  N 

à  la  difficulté  de  la  matière ,  &  aux  foins  que  j'ai  pris 
pour  la  difeuter  comme  elle  le  mérite.  Voye^  à  l'arti- 
cle Canoniques  (Livres)  ce  qui  concerne  le  canon 
du  nouveau-Teftament  ;  c'eft  la  fuite  naturelle  de  ce 
que  nous  venons  de  dire. 

Canon  ,  terme  d'Hijloire  ecclifiafiique ,  fignifie  pro- 
prement règle  ou  décijion  ,  foit  fur  le  dogme  ,  foit  fur 
la  difeipline. 

Ce  mot  eft  originairement  Grec ,  kavÙv  ,  règle ,  dif- 
eipline. 

Nous  avons  les  canons  des  apôtres,  de  l'authenti- 
cité defquels  tout  le  monde  ne  convient  pas ,  quoi- 
qu'on avoue  en  général  qu'ils  font  fort  anciens  ,  & 
diverfes  collections  de  canons  des  conciles  que  nous 
allons  indiquer  d'après  M.  Fleury  ,  dans  fon  Inflitu- 
don  au  droit  eccléfîajhque. 

Sous  le  règne  de  Conftantin,  l'an  314,  fe  tin- 
rent les  conciles  d'Ancyre  en  Galatie  ,  &  de  Néoce- 
farée  dans  le  Pont ,  qui  font  les  plus  anciens  dont  il 
nous  refte  des  canons  :  enfuite  ,  c'eft-à-dire  en  3  2  5  , 
fe  tint  le  concile  général  de  Nicée  ,  dont  les  canons 
ont  aufîi  été  recueillis.  Il  y  eut  enfuite  trois  conci- 
les particuliers  dont  les  canons  furent  de  grande  auto- 
rité ;  l'un  à  Antioche  ,  capitale  de  l'Orient,  en  341  ; 
l'autre  à  Laodicée  en  Phrygie  ,  vers  l'an  370  ;  &  le 
troifieme  à  Gangres  en  Paphlagonie  ,  vers  l'an  375  ; 
enfin  l'an  381  fe  tint  le  fécond  concile  univerlel  à 
Conftantinople. 

Les  canons  de  ces  fept  conciles  furent  recueillis 
en  un  corps  qu'on  appella  le  code  des  canons  de  VE- 
glife  univerfelle  ,  auxquels  on  ajouta  ceux  du  concile 
d'Ephefe ,  qui  fut  le  troifieme  œcuménique  tenu  en 
430,  &  ceux  du  concile  de  Chalcédoine  ,  tenu  en 
450  :  on  y  ajouta  aufïï  les  canons  des  apôtres  ,  au 
nombre  de  cinquante ,  &  ceux  du  concile  de  Sardi- 
que  ,  tenu  en  3  47 ,  &  que  l'on  regardoit  en  plulieurs 
églifes  comme  une  fuite  du  concile  de  Nicée. 

Tous  ces  canons  avoient  été  écrits  en  Grec  ,  &  il 
y  en  avoit  pour  les  églifes  d'Occident  une  ancienne 
verfion  Latine  dont  on  ne  fait  point  l'auteur.  L'Egli- 
fe  Romaine  s'en  fervit  jufqu'au  commencement  du 
vie  fiecle  ;  &  les  autres  églifes ,  particulièrement 
celles  de  Gaule  &  de  Germanie ,  n'en  connurent 
point  d'autres  jufqu'au  IXe  fiecle.  Mais  vers  l'an  530 
l'abbé  Denys  le  Petit  fit  une  autre  verfion  des  canons 
plus  fidcle  que  l'ancienne  ,  &  y  ajouta  tout  ce  qui 
étoit  alors  dans  le  code  Grec  ;  favoir  les  cinquante 
canons  des  Apôtres ,  ceux  du  concile  de  Chalcédoine, 
du  concile  de  Sardique,  d'un  concile  de  Carthage,  & 
de  quelques  autres  conciles  d'Afrique.  Il  fit  aufîiune 
collection  de  pluficurs  lettres  décretales  des  papes  , 
depuis  Sirice  qui  mourut  en  398  ,  julqu'à  Analtafe  II. 
qui  mourut  en  498.  foye^  Décretales. 

La  collection  de  Denys  le  Petit  fut  de  fi  grande 
autorité ,  que  l'Eglife  Romaine  s'en  fervit  toujours 
depuis  ,  &  on  l'appella  lîmplement  le  corps  des  ca- 
nons de  r Eglife  d'Afrique ,  formé  principalement  des 
conciles  tenus  du  tems  de  S.  Auguftin.  Les  Grecs  la 
traduifirent  pour  leur  ufage  ;  &  Charlemagne  l'ayant 
reçue  en  787  du  pape  Adrien  I.  l'apporta  dans  les 
Gaules. 

Les  Orientaux  ajoutèrent  aufîi  des  canons  à  l'an- 
cien code  ;  favoir  ,  trente-cinq  canons  des  apôtres , 
enforte  qu'ils  en  comptoient  quatre-vingts-cinq  ;  le 
code  de  l'églife  d'Afrique  traduit  en  Grec  ;  les  canons 
du  concile  in  trullo,  faits  en  692  ,  pour  fuppléer  au 
cinquième  &  au  fixieme  concile  qui  n'avoient  point 
fait  de  canons  ;  ceux  du  fécond  concile  de  Nicée,  qui 
fut  le  feptieme  œcuménique  tenu  en  787  :  tout  cela 
compolà  le  code  des  canons  de  l'Eglife  d'Orient  ;  & 
ce  peu  de  lois  fuffit  pendant  8oo  ans  à  toute  l'Eglife 
catholique. 

Sur  la  fin  du  règne  de  Charlemagne  on  répandit 
en  Occident  une  collection  des  canons  qui  avoit  été 


C  A  N 

apportée  d'Efpagne,  &  qui  porte  le  nom  d'un  Ifidore, 
que  quelques-uns  iurnomment  le  marchand ,  ljldorus 
mercator  :  elle  contient  les  canons  orientaux  d'une 
verfion  plus  ancienne  que  celle  de  Denys  le  Petit, 
plufieurs  canons  des  conciles  de  Gaule  &  d'Efpagne, 
6c  un  grand  nombre  de  'décrétâtes  des  papes  des  qua- 
tre premiers  fiecles  jufqu'à  Sirice  ,  dont  plufieurs  ibnt 
fauffes&  fuppoiées.  ^oy^DECRETALES. 

On  fit  cnfuite  plufieurs  compilations  nouvelles  des 
anciens  canons ,  comme  celle  de  Réginon,  abbé  de 
Prum  ,  qui  vivoit  l'an  900  ;  celle  de  Burchard  ,  évo- 
que de  Vormes,  faite  l'an  ioao;  celle  d'Yves  de 
Chartres,  qui  vivoit  en  1 100  ;  &  enfin  Gratien  ,  Bé- 
nédictin de  Boulogne  en  Italie ,  fit  la  fienne  vers  l'an 
1151;  c'eft  celle  qui  eft  la  plus  citée  dans  le  Droit 
canon.  Fleury  ,  Injlit.  au  Dr.  eccléf.  tome  I.  part.  I. 
ch.j.page  2.  3.  4. 3.  6.  y.  8.  &  10. 

Gratien  mit  à  fa  collection  des  textes  de  la  Bible, 
les  fentimcns  des  pères  fur  les  plus  importantes  ma- 
tières eccléfiaftiques ,  &  intitula  ion  ouvrage  la  Con- 
cordance des  canons  difcordans  ;  il  le  partagea  par  or- 
dre de  matières  ,  &  non  par  ordre  de  tems  ,  comme 
on  avoit  fait  avant  lui.  Cette  compilation  fait  partie 
du  Droit  .canonique,  &  eft  appellée  Décret.  Koye^ 
Décret  &  Canonique  (droit). 

On  nous  a  depuis  donné  diveries  collerions  des 
conciles  ,  où  l'on  en  a  coniervé  les  canons  ,  comme 
celle  des  PP.  Labbe  &  Coffart ,  Hardoiiin  ,  &c. 

Les  canons  des  conciles  font  pour  l'ordinaire  con- 
çus en  forme  de  lois ,  en  termes  impératifs ,  quelque- 
fois conditionnels ,  tk.  oii  l'injonction  eft  prefque  tou- 
jours accompagnée  de  la  peine  infligée  à  ceux  qui  la 
violeront  :  quand  il  s'agit  du  dogme,  les  canons  font 
quelquefois  conçus  en  forme  d'anathème;  c'eft-à-di- 
re ,  que  les  PP.  du  concile  y  difent  anathème ,  ou 
excommunient  quiconque  foûtiendra  telle  ou  telle 
erreur  qu'ils  ont  condamnée. 

Canons  des  Apôtres  ;  on  appelle  ainfi  une  efpe- 
cc  de  collection  des  canons  ou  lois  eccléfiaftiques  que 
l'on  attribue  à  S.  Clément  pape ,  difciple  de  S.  Pierre, 
comme  s'il  l'eût  reçue  de  ce  prince  des  apôtres.  Mais 
les  Grecs  même  n'aflûrent  pas  que  ces  canons  ayent 
été  faits  par  les  apôtres ,  &  recueillis  de  leur  bou- 
che par  S.  Clément  ;  ils  fe  contentent  de  dire  que  ce 
ibnt  des  canons  ,  Ae;  0f4.i1  ci  tw  à.^o^'huiv ,  que  F  on  ap- 
pelle des  apôtres  :  tk.  apparemment  ils  ibnt  l'ouvra- 
ge de  quelques  évêques  d'Orient,  qui  vers  le  milieu 
du  111e.  fiecle  rafîémblerent  en  un  corps  les  lois  qui 
étoient  en  ufage  dans  les  églifes  de  leurs  pays  ,  & 
dont  une  partie  pouvoit  avoir  été  introduite  par  tra- 
dition des  le  tems  des  apôtres  ,  &  l'autre  par  des 
conciles  particuliers.  Il  y  a  quelque  difficulté  tant 
fur  le  nombre  que  fur  l'autorité  de  ces  canons.  Les 
Grecs  en  comptent  communément  85  :  mais  les  La- 
tins n'en  ont  reçu  que  50  ,  dont  même  plufieurs  ne 
font  pas  obfervés.  Les  Grecs  comptent  les  50  pre- 
miers à  peu-près  comme  nous  :  mais  ils  en  ajoutent 
d'autres  dans  la  plupart  dcfquels  il  y  a  des  articles 
qui  ne  font  pas  conformes  à  la  difeiplinc  ni  même 
à  la  créance  de  PEglife  Latine  ;  &  c'eit  pour  cette 
raifon  qu'elle  rejette  les  3  s  derniers  canons,  comme 
ayant  été  la  plupart  infères  ou  faliïfiés  par  les  héré- 
tiques tk  fchifmatiqucs.  A  l'égard  de  l'autorité  de 
ces  canons  ,  le  pape  Gelafe  ,  dans  un  concile  tenu  à 
Rome  l'an  494  ,  met  le  livre  de  ces  canons  des  Apô- 
tres entre  les  apocryphes  ;  &  cela  après  le  pape  Da- 
male  ,  qui  lemble  avoir  été  le  premier  qui  détermi- 
na quels  livres  il  talloit  recevoir  ou  rejetter.  Par 
cette  raifon  Ifidore  les  condamne  auffi ,  dans  le  paflâ- 
ge  que  Gratien  rapporte  de  lui  dans  la  fermant  dif- 
timlion.  Le  pape  Léon  IX.  au  contraire  excepte  cin- 
quante canons  du  nombre  des  apocryphes.  Avant  lui 
Denys  le  Petit  avoit  commencé  ion  code  des  canons 
eccleiittfhques   par  ces  cinquante  canons,  Gratien, 


C  A  N 


60 


dans  la  même  diflinclion  fe'i^ieme,  rapporte  qu'Ificîore 
ayant  changé  de  ientiment,  &  fe  contredifant  lui- 
même  ,  met  au-deffus  des  conciles  ces  canons  des 
apôtres ,  comme  approuvés  par  la  plupart  des  peies  , 
&  reçus  entre  les  conftitutions  canoniques  ;  &  ajou- 
te que  ie  pape  Adrien  I.  a  approuvé  les  canons  en  re- 
cevant le  quatrième  concile  ou  ils  lont  inférés  :  mais 
on  peut  due  que  Gratien  le  trompe  ,  &  qu'il  prend 
le  iecond  concile  in  trullo ,  que  les  Grecs  appellent 
fouvent  le  quatrième  concile  ,  pour  le  premier  con- 
cile tenu  in  trullo  ,  qui  eft  véritablement  le  iixieme 
œcuménique  ou  général.  Quant  à  Ifidore ,  le  pre- 
mier paiîage  eft  d'Ifidore  de  Séville ,  &  le  iecond  eft 
d'ilidore  mercator  ou  peccator,  félon  la  remarque  d'An- 
toine Auguftin,  archevêque  de  Tarragor.e  ,  qui  dit 
que  pour  concilier  ces  diveries  opinions  il  faut  fui- 
vre  le  fentiment  de  Léon  IX.  qui  elt  qu'il  y  a  cin- 
quante de  ces  canons  des  apôtres  qui  ont  été  reçus  , 
&que  les  autres  n'ont  aucune  autorité  dans  l'églife 
Occidentale.  Il  eft  certain  que  ces  canons  ne  font 
point  des  apôtres  :  mais  ils  paroiffent  fort  anciens  , 
&  ont  été  cités  par  les  anciens  fous  le  nom  de  canons 
anciens,  canons  des  Pères ,  canons  eccléfiaftiques.  S'ils 
font  quelquefois  appelles  ou  intitulés  canons  apojlo- 
liques  ,  ce  n'elt  pas  à  dire  pour  cela  qu'ils  foient  des 
apôtres:  mais  il  fuffit  qu'il  y  en  ait  quelques-uns 
qui  ayent  été  faits  par  des  évêques  qui  vivoient 
peu  de  tems  après  les  apôtres  ,  &  que  l'on  appelloit 
hommes  apofloliques.  L'auteur  des  Conjlitutions  apoflo- 
liques eit  le  premier  qui  attribue  ces  canons  aux  Apô- 
tres. Ils  contiennent  des  réglemcns  qui  conviennent 
à  la  diieipline  du  fécond  &  du  troifieme  ficelé  de  l'E- 
glife  :  ils  font  cités  dans  les  conciles  de  Nicée , 
d'Antioche  ,  de  Conitantinople ,  &  par  plufieurs  an- 
ciens. On  ne  fait  pas  en  quel  tems  cette  collection  de 
canons  a  été  faite  ;  il  le  peut  faire  que  ce  l'oit  en  dif- 
férens  tems  ;  non-feulement  les  cinquante  premiers, 
mais  les  trente-cinq  derniers  ,  font  fort  anciens  ;  les 
Grecs  les  ont  toujours  reçus  :  Jean  d'Antioche  ,  qui 
vivoit  du  tems  de  Juftinien  ,  les  cite  dans  fa  fixieme 
novelle  ;  ils  font  approuvés  dans  le  fynode  in  trul- 
lo ,  tk  loiiés  par  Jean  Damaicene  &  par  Photius. 
Parmi  les  Latins  ils  n'ont  pas  toujours  eu  le  même 
fort  :  le  cardinal  Humbert  les  a  rejettes  ;  Gelafe  lésa 
mis  aunombre  des  livres  apocryphes:  Denys  le  Petit 
a  traduit  les  cinquante  premiers,  &  les  a  mis  à  la  tête 
de  fa  collection  ;  remarquant  toutefois  que  quelques 
perionnes  ne  les  avoient  pas  voulu  reconnoître;c'eft 
peut-être  pour  cette  raifon  que  Martin  de  Braguene 
les  fit  point  entrer  dans  fa  collection  :  mais  Ifidore  ne 
fit  point  difficulté  de  les  mettre  dans  la  fienne  ;  tk. 
depuis  ils  ont  toujours  fait  partie  du  Droit  canon. 
Auifi-tôt  qu'ils  parurent  en  France  ils  furent  eitimés, 
tk  allégués  pour  la  première  fois  dans  la  caufe  de 
Prétextât  du  tems  du  roi  Chilperic ,  &  on  y  déféra. 
Hincmar  témoigne  qu'ils  étoient  à  la  tête  d'une  col- 
lection de  canons  faite  par  l'Eglife  de  France ,  tk  les 
croit  anciens ,  quoiqu'ils  ne  foient  pas  des  Apôtres. 
Voye^  Beveregius  ,  dans  la  Defenfe  du  code  des  canons 
de  PEglife  primitive.  Daillé ,  de  Pjeud.  epigraphis.  Du- 
pin  ,  Difjcrtations  préliminaires  fur  la  Bible ,  chap.  iij. 
Doujat ,  Hijl.  du  Droit.  (G) 

Canon,  (Chronol.  )  ce  mot,  autant  qu'on  en 
peut  juger  en  parcourant  les  Chronologiltes,  elt  em- 
ployé en  difterens  lens  :  quelquefois  il  lignifie  ample- 
ment des  tables  chronologiques ,  telles  que  les  tables  du 
nombre  d'or,  desépactes,  &de  la  pàque  ;  quelque- 
fois il  lignifie  la  méthode  ou  règle  pour  réibudre  cer- 
tains problèmes  de  chronologie  ;  comme  trouver  les 
épaôes ,  les  pleines  lunes ,  lesfêtes  mobiles ,  &c  (O) 
*  Canon  Paschal  ,  (  Hijl  eccléf.  )  c'eit  une  ta- 
ble des  fêtes  mobiles  où  l'on' marque  pour  un  cycle 
de  dix-neuf  ans  le  jour  auquel  tombe  la  fête  de  Pâ- 
que  ,  ecles  autres  fetes  qui  en  dépendent. 


6o6 


C  A  N 


On  croit  que  le  canon pafchalu  été  calculé  par  Eu- 
febe  de  Céfarée ,  &  de  l'ordre  du  concile  deNicée. 
Voyt{  Pasque  ,  Fête  ,  Cycle. 

*  Canon  ,  parmi  les  religieux  ,  c'eft  le  livre  qui 
contient  la  règle  &  les  inftituts  de  l'ordre  :  on  l'ap- 
pelle ^auffi  régie ,  inftitut.  Voye^  Règle. 

*  Canon  ,  lé  dit  encore  dans  l'Eglilé  du  catalogue 
des  faints  reconnus  &c  canonifés  par  l'Eglilé.  Voye?^ 
Saint  &  Canonisation. 

*  Canon;  on  appelle  ainfi  par  excellence  les  pa- 
roles facramentales  de  la  meffe  ;  les  paroles  fecre- 
tes  dans  lesquelles  on  comprend  depuis  la  préface 
jufqu'au  Pater  ;  intervalle  au  milieu  duquel  le  prêtre 
fait  la  confécration  de  l'hoftie.  Voye{  Messe. 

Le  léntiment  commun  eft  que  le  canon  commen- 
ce à  Te  igitur  ,  &c.  Le  peuple  doit  lé  tenir  à  genoux 
pendant  le  canon  de  la  meffe ,  &  le  réciter  en  loi- 
même  tout  bas  ,  &  de  manière  à  n'être  point  enten- 
du. Quelques-uns  difentque  S.  Jérôme  par  ordre  du 
pape  Sirice ,  a  mis  le  canon  dans  la  forme  où  nous 
l'avons  ;  d'autres  l'attribuent  au  pape  Sirice  même 
qui  vivoit  lùr  la  fin  du  ive.  liecle.  Le  concile  de 
Trente  dit  que  le  canon  de  la  meffe  a  été  dreffé  par 
l'Eglilé  ,  &  qu'il  elt  compoié  des  paroles  de  Jel'us- 
Chrift ,  de  celles  des  apôtres ,  &  des  premiers  pon- 
tifes qui  ont  gouverné  l'Eglilé. 

Canon,  dans  la  Mufique  ancienne  ;  c'étoit  une 
règle  ou  méthode  de  déterminer  les  intervalles  des 
notes,  fioyei  Gamme  ,  Note  ,  Musique  ,  &c. 

Canon  ,  en  Mufique  moderne  ,  eft  une  forte  de 
fugue  qu'on  appelle  perpétuelle ,  parce  que  les  parties 
partant  l'une  après  l'autre ,  répètent  fans  ceffe  le 
même  chant. 

Autrefois ,  dit  Zarlin ,  on  mettoit  à  la  tête  des  fu- 
gues perpétuelles  qu'il  appelle  fughe  in  confeguenra, 
certains  avertiffemens  qui  marquoient  comment  il 
falloit  chanter  ces  fortes  de  fugues  ;  &  ces  avertiffe- 
mens étant  proprement  les  règles  de  cette  efpece  de 
fugue,  s'intituloient  canoni ,  canons.  C'eft  de-là  que 
prenant  le  titre  pour  la  chofe  même  ,  on  a  nommé 
canons  ces  fortes  de  fugues. 

Les  canons  les  plus  faciles  &  les  plus  communs  , 
fe  prennent  à  l'uniffon  ou  à  l'octave  ,  c'eft-à-dire  , 
que  chaque  partie  répète  fur  le  même  ton  le  chant 
de  celle  qui  l'a  précédée.  Pour  compofer  cette  ef- 
pece de-  canon ,  il  ne  faut  qu'imaginer  un  chant  à 
Ion  gré  ,  y  ajouter  en  partition  autant  de  parties 
qu'on  veut ,  puis  de  toutes  ces  parties  chantées  fuc- 
ceffivement  n'en  compofer  qu'un  feul  air  ;  faifant 
enforte  que  le  chant  de  l'une  puiffe  tormer  une  fuite 
agréable  avec  celui  de  l'autre. 

Pour  exécuter  un  tel  canon ,  la  perfonne  qui  chan- 
te la  première  partie  part  feule ,  chantant  de  fuite 
tout  l'air ,  &  le  recommence  aufîi-tôt  fans  manquer 
à  la  mefure.  Dès  que  celui-ci  a  fini  le  premier  chant 
qui  a  fervi  de  fujet ,  le  fécond  entre  ,  commence  ,  & 
pourfuit  ce  même  chant  comme  a  fait  le  premier  ; 
les  autres  partent  de  même  fucceffivement  auffi-tôt 
que  celui  qui  les  précède  a  achevé  le  premier  chant; 
&  recommençant  ainfi  fans  ceffe ,  on  peut  continuer 
ce  canon  auffi  long-tems  qu'on  veut. 

L'on  peut  encore  prendre  une  fugue  perpétuelle 
à  la  quinte  ou  la  quarte  ;  c'eft-à-dire ,  que  chaque 
partie  fera  entendre  le  même  chant  que  la  précé- 
dente ,  une  quinte  ou  une  quarte  au-deffus  d'elle.  Il 
faut  alors  que  l'air  foit  entièrement  imaginé  ,  &  que 
l'on  ajoute  des  diéfes  ou  des  bémols  félon  le  cas , 
aux  notes  dont  les  degrés  naturels  ne  rendroient  pas 
exactement  à  la  quinte  ou  à  la  quarte  ,  le  chant  de 
la  partie  précédente.  On  ne  doit  avoir  ici  égard  à 
aucune  modulation  ,  mais  feulement  au  chant  ;  ce 
qui  augmente  beaucoup  la  difficulté  :  car  à  chaque 
fois  qu'une  partie  reprend  la  fugue  ,  elle  entre  dans 
un  nouveau  ton. 


C  A  N 

Pour  faire  un  canon  dont  l'harmonie  foit  un  peu 
variée  ,  il  faut  que  les  parties  ne  fe  fuivent  pas  trop 
promptement ,  que  l'une  n'entre  que  long-tems  après 
l'autre  ;  quand  elles  fe  luivent  rapidement,  comme 
à  la  demi-paufe  ou  aux  foirpirs  ,  on  n'a  pas  le  tems 
d'y  faire  entendre  plufieurs  accords  ,  &  le  canon  ne 
peut  manquer  d'être  monotone  :  mais  c'eft  un  moyen 
de  faire  fans  beaucoup  de  peine  des  canons  à  tant  de 
parties  qu'on  veut  ;.  car  un  canon  de  quatre  mefures 
feulement  fera  déjà  à  huit  parties  fi  elles  fe  fuivent 
à  la  demi-paufe  ;  tk.  à  chaque  mefure  qu'on  ajoutera, 
on  gagnera  encore  deux  parties. 

L'empereur  Charles  VI.  qui  étoit  grand  Muficien, 
&  compofoit  très-bien  ,  fe  plailoit  beaucoup  à  faire 
&  chanter  des  canons.  L'Italie  eft  encore  pleine  de 
tort  beaux  canons  qui  ont  été  faits  pour  ce  prince 
par  les  meilleurs  maîtres  de  ce  pays-là.  (  ^) 

*  CANON ,  (en  Géométrie  &  en  Algèbre,  )  lignifie  une 
règle  générale  pour  la  folution  de  plufieurs  queftions 
d'un  même  genre  ;  ce  mot  eft  aujourd'hui  peu  ufité. 
On  fe  fertplus  communément  des  termes  méthode  & 
formule.  Voye^  MÉTHODE  6*  FORMULE. 

Canon  naturel  des  triangles  :  c'eft  une 
table  qui  contient  tout  enfemble  ,  les  finus,  les  tan- 
gentes ,  &  les  fécantes  des  angles  ;  on  la  nomme  de 
la  forte  ,  parce  qu'elle  fert  principalement  à  la  réfo- 
lution  des  triangles.  Voye^  Triangle. 

Canon  artificiel  des  triangles  :  c'eft  une 
table  où  fe  trouvent  les  logarithmes  des  linus  &  des 
tangentes ,  &c.  Voyc^  Sinus  ,  Tangente  ,  Loga- 
rithme. 

Canon  ,  (  dans  PArt  militaire.  )  eft  une  arme  à  feu 
de  fonte  ou  de  fer,  propre  à  jetter  des  boulets  de 
plomb  ou  de  fer. 

Le  mot  de  canon  femble  venir  de  l'Italien  cannant, 
qui  vient  de  canna ,  canne  ,  parce  que  le  canon  eft 
long ,  droit ,  &  creux  comme  une  canne. 

Les  premiers  canons  ont  été  appelles  bombardes. 
Voye^  Bombarde.  On  leur  a  aulîi  donné  des  noms 
terribles ,  pareils  à  ceux  que  les  anciens  donnoient 
à  leurs  machines  de  guerre  ;  tels  font  ceux  de  cou- 
levrine,  qui  vient  du  nom  de  couleuvre;  de  ferpentine , 
de  baflic,  &  d'autres  femblables.  Ces  noms  leur  fu- 
rent donnés  à  caufe  de  la  figure  de  ces  animaux  que 
l'on  repréfentoit  fur  ces  fortes  de  pièces  :  les  Efpa- 
gnols  par  dévotion  leur  donnoient  quelquefois  des 
noms  de  faints  ,  témoins  les  douze  apôtres  que  l'em- 
pereur Charles-Quint  fit  faire  à  Malaga  pour  fon 
expédition  de  Tunis. 

Les  principales  parties  du  canon  font  Planche  V. 
de  CArtmilit.  fig.  4,  3,  &  6.  i°.  La  culajfe  A  avec 
fon  bouton  ;  elle  n'eft  autre  chofe  que  l'épailîeur  du 
métal  du  canon  depuis  le  fond  de  fa  partie  concave 
jufqu'au  bouton  ,  lequel  termine  le  canon  du  côté 
oppolé  à  la  bouche. 

20.  Les  tourillons  I ,  qui  font  deuxefpeces  de  bras 
qui  fervent  à  foûtenir  le  canon ,  &  fur  lefquels  il  peut 
fe  balancer  &  fe  tenir  à  peu  près  en  équilibre  :  je 
dis  à  peu  près  y  parce  que  le  côté  de  la  culafle  doit 
l'emporter  fur  l'autre  d'environ  la  trentième  partie 
de  la  pelanteur  de  la  pièce.  Comme  le  métal  eft  plus 
épais  à  la  culaffe  que  vers  l'embouchure  du  canon  , 
les  tourillons  font  plus  près  de  fa  culaffe  que  de  fa 
bouche. 

30.  Uame  qui  eft  toute  la  partie  intérieure  ou  con- 
cave du  canon.  Elle  eft  marquée  dans  la  fig.  5.  PL  y. 
de  PArt  milit.  par  deux  lignes  ponctuées. 

Au  fond  de  l'ame  eft  la  chambre  ,  c'eft-à-dire  la 
partie  qu'occupe  la  poudre  dont  on  charge  la  pièce. 
Foye{  Chambre. 

Dans  les  pièces  de  24  &  de  16,  on  pratique  au 
fond  de  l'ame  une  efpece  de  petite  chambre  cylin- 
drique a  h,  PI.  F.  de  l'Art  mil.  fig.  5.  &6,  qui  peut 
contenir  environ  deux  onces  de  poudre. 


C  'A 


J-L 


4°.  La  lumière  S ,  qui  eft  une  ouverture  qu'on  tait 
clans  l'épaiffeur  du  métal  proche  la  culaffe,  &  par 
laquelle  on  met  le  feu  à  la  poudre  qui  eft  dans  le 
canon.  Elle  fe  fait  dans  une  efpece  de  coquille  qu'on 
conftruit  fur  la  partie  fupérieure  du  canon. 

Dans  les  pièces  de  24  &  de  1 6  livres  de  balle ,  la 
lumière  aboutit  vers  le  fond  des  petites  chambres  cy- 
lindriques dont  on  vient  de  parler  ,  comme  c  d,  fg. 
6.  Elles  ont  pour  objet  d'empêcher  que  l'effort  de  la 
poudre  dont  le  canon  eft  chargé  ,  n'agiffe  immédia- 
ment  fur  le  canal-de  la  lumière,  ce  qui  peut  le  con- 
ferver  plus  long-tems.  Suivant  X ordonnance  du  y  Oc- 
tobre lyjz,  la  lumière  des  pièces  de  canon,  mor- 
tiers, &  pierriers  ,  doit  être  percée  dans  le  milieu 
d'une  maffe  de  cuivre  rouge  ,  pure  rofette,  bien  cor- 
royée ;  &  cette  maffe  doit  avoir  la  figure  d'un  cône 
tronqué  rcnverlé.  Voye^  Lumière. 

50.  Les  an/es  H,  qui  font  deux  cfpeces  d'anneaux 
de  même  métal  que  la  pièce,  placés  vers  les  tou- 
rillons du  côté  de  la  culaffe ,  auxquels  on  donne  la 
figure  de  dauphins ,  de  ferpens  ,  &  autres  animaux  ; 
ces  anfes  fervent  à  paffer  des  cordages  parle  moyen 
defquels  on  élevé  ck  on  fait  mouvoir  le  canon.  Lorf- 
qu'il  eft  fufpendu  à  ces  cordages ,  il  doit  être  en  équi- 
libre ,  c'eft-à-dire  ,  que  la  culaffe  ne  doit  point  l'em- 
porter fur  la  bouche. 

Noms  des  autres  parties  du  Canon. 

B  ,  plate-bande  &  moulures  de  la  culajje.  C  ,  champ  de 
la  lumière.  D  ,  ajlragale  de  la  lumière.  E ,  premier  ren- 
fort. F  ,  plate-bande  &  moulures  du  premier  renfort.  L  , 
ceinture  ou  ornement  de  volée.  M ,  ajlragale  de  la  ceinture. 
N ,  volée.  O  ,  rafragale  du  collet.  P ,  collet  avec  le  bour- 
relet en  tulipe.  Q  ,  couronne  avec fes  moulures.  R,  bouche. 
Compofuion  du  métal  du  canon.  Le  métal  ou  la  fonte 
dont  on  fe  fert  pour  les  canons,  eft  compofee  de  rofette 
ou  cuivre  rouge,  de  laiton  ou  cuivre  jaune,  &  d'étain. 

*  On  n'eft  pas  encore  d'accord  fur  la  quantité  pro- 
portionnelle des  métaux  qui  doivent  entrer  dans  la 
compofition  deftinée  à  la  fonte  des  canons.  Les  étran- 
gers mettent  100  livres  de  rofette  ;  10  ck  même  20  li- 
\  1  es  d'étain ,  &  20  livres  de  laiton. 

On  prétend  que  les  Keller  mêloient  à  10  milliers 
de  rofette  900  livres  d'étain  &  600  livres  de  laiton. 

L'étain  eft  très-propre  à  empêcher  les  chambres: 
mais  comme  il  eft  mou ,  les  lumières  durent  d'autant 
moins  qu'on  en  a  plus  employé. 

Le  fieur  Bereau,  tondeur,  prétend  que  quand  on 
eft  obligé  d'employer  de  vieilles  pièces  de  métal  bas, 
le  fondeur  doit  demander  fur  100  livres  de  ce  métal, 
25  livres  de  bon  cuivre  &  5  livres  d'étain. 

D'autres  prennent  un  tiers  de  rofette ,  un  quart  de 
laiton  ou  vieux  métal ,  &  un  dix-feptieme  d'étain. 

Il  faut  à  chaque  fonte  mettre  dix  livres  de  vieux* 
oing  ,  fur  cinq  mille  livres  de  métal. 

On  a  foin  de  purifier  le  cuivre ,  l'étain  Si  le  plomb. 


'607 


Pour  cet  effet  on  prend  une  once  de  cinnabre ,  quatre 
onces  de  poix  noire ,  une  once  &  demie  de  racine  de 
raiiort  feche  ,  feizé  onces  d'antimoine;  quatre  onces 
de  mercure  fublimé ,  fix  onces  de  bol  d'Arménie ,  & 
vingt  onces  de  falpetre.  On  met  tout  en  poudre  fé= 
parement;  puis  on  mêle.  On  arrofe  enfuite  de  deux 
livres  de  l'eau-forte  fuivante  :  Prenez  deux  livres  dé 
vitriol ,  deux  onces  de  fel  ammoniac  ,  douze  onces 
de  falpetre ,  trois  onces  de  verd-de-gris ,  huit  onces 
d'alun  :  mettez  en  poudre  féparément ,  mêlez  &  dif- 
tillez. 

Mettez  deux  parties  de  cette  eau-forte  fur  trois 
parties  de  la  poudre  précédente  dans  une  terrine  fur 
le  feu ,  remuant  bien ,  6c  laiffant  évaporer  l'eau  juf- 
qu'à  deffication. 

Cela  préparé  ,  fondez  97  livres  de  rofette ,  avec  6 
de  laiton  ,  6c  avec  autant  d'étain  :  laiffez  le  tout 
quelque  tems  en  fufion  ,  le  remuant  de  tems  en  tems 
avec  un  bâton  ferré  ck  entortillé  de  haillons  trempés 
dans  le  vieux-oing. 

Au  bout  d'un  quart  d'heure  ,  fur  les  109  livres  de 
métal  mettez  deux  onces  de  la  poudre  fufdite.  Pour 
cet  effet  renfermez  ces  deux  onces  dans  une  boîte  : 
attachez  cette  boîte  à  une  verge  de  fer,  ck  plongez- 
la  au  fond  du  métal ,  remuant  jufqu'à  ce  qu'il  ne  s'é- 
lève plus  de  fumée  blanche.  Laiffez  encore  le  tout  en 
fufion  pendant  une  demi-heure  ,  au  bout  de  laquelle 
vous  pouvez  jetter  en  moule. 

A  l'égard  des  canons  de  fer,  on  les  conftruit  de  la 
même  manière  que  les  autres.  Ils  ne  font  pas  capa- 
bles de  la  même  réiîltance  que  ceux  de  fonte  :  mais 
comme  ils  coûtent  beaucoup  moins ,  on  s'en  fert  fur 
les  vaiffeaux  ,  &  même  dans  différentes  places  de 
guerre. 

Les  canons  font  de  différentes  grandeurs  ,  &  ils 
chaffent  des  boulets  plus  ou  moins  gros ,  fuivant  leur 
ouverture. 

On  faifoit  autrefois  des  canons  qui  chaffoient  des 
boulets  de  3  3  ,  de  40 ,  &  même  de  96  livres  de  balie  : 
mais  fuivant  l'ordonnance  du  y  Gclobre  iyjz  ,  il  ne 
doit  être  fondu  en  France  que  des  pièces  de  24  ^  qui 
font  les  plus  groffes  ;  enfuite  de  1 6 ,  de  1 2 ,  de  8  ,  ck 
de  4,  c'eft-à-dirc  des  pièces  qui  chaffent  des  boulets 
de  24  livres  j  de  16  livres,  &c.  car  le  canon  porte  or- 
dinairement le  nom  de  la  peianteur  du  boulet  qu'il, 
peut  chaffer.  Ainfi  une  pièce  de  24,  eft  un  canon  qui 
tire  un  boulet  de  24  livres ,  ck  de  même  des  autres 
pièces. 

On  deligne  encore  les  pièces  de  canon  par  le  dia- 
mètre de  leur  bouche  ,  qu'on  nomme  ordinairement 
leur  eaL  \  Calibre.  On  doit  le  divifer  en 

36  parties,  fuivant  l'ordonnance  du  y  Octobre  i yjl  * 
pour  déterminer  par  ces  parties  ies  dimennons  des 
différentes  moulures  du  canon. 

On  joint  ici  la  table  de  toutes  les  dimenfions  des 
pièces  des  cinq  calibres  liuvant  cette  ordonnance, 


6o3 


C  A  N  C  A  N 

Table  des  dimenfions  dis  puces  de  canon  des  cinq  calibres. 


Pièces  de  canon 

Longueur  de  l'ame 

Profondeur  de  la  petite  chambre 

Epaiffeur  du  métal  à  la  culaffe 

Longueur  du  bouton < 

Diamètre  des  tourillons 

Saillie  des  tourillons 

Calibre  de  la  pièce 

m 

Diamètre  du  boulet t. 

Longueur  totale 

Poids  de  la  pièce 


de  24 


pie  pouce  1 

9     6 


2     6 


5     5 


5     5 


5     5 


5     8 


5     6 


5400  hv. 


de  16 


pic  pouce  lig. 

9     * 


I 

1G 

4 

9 

9 

6 

4 

9 

4 

9 

4 

1 1 

4 

9 

10     6 

4200  liv. 


de  1: 


fie  pouce 

8    8 

**■ 

4 

4 

8 

8 

4 

4 

4 

4 

4 

6 

4 

4 

10 

3200  liv. 


de  8 


pié  pouce 

7  10 

%■ 

3 

9 

7 

7 

3 

10 

3 

10 

3 

11 

3 

9 

8  10 

2100  liv. 


de  4 


/»/V  pouce 

6      6 

«*■ 

3 

6 

3 

3 

3 

X 

3 

7 

3 

11 50  liv. 


L'ordonnance  de  ijjz  affujettit  tous  les  Fondeurs 
à  fuivre  le  même  profil  ou  les  mêmes  moulures  dans 
les  différentes  pièces  des  cinq  calibres  :  on  joint  ici 
1  a  table  des  dimenfions  de  ce  profil ,  qui  accompagne 
cette  ordonnance.  On  y  fuppofe  le  calibre  de  chaque 
pièce  divifé  en  36  parties  égales  :  ce  font  ces  parties 
qui  fervent  à  exprimer  ou  donner  les  différentes  di- 
menfions de  ce  profil  général. 

Table  des  dimenfions  des  moulures  d'une  pièce  de  canon , 
exprimées  en  parties  de/on  calibre  divifé  en  Jô' par- 
ties égales. 


Noms  des  Moulures. 

larg. 

1 

Saillie. 

1. 

2. 

Plinthe  ou  plate-bande  de 

9 
36 

4 
36 

4 
36 

3- 
4- 

Liitel  inférieur  de  la  gorge 
Gorge  de  la  culaffe  .... 

V6 

3 
3  6 

3 

36 

Les  extrémités 
tînilTent  aux  an- 
gles des  liltels. 

5- 
6. 

Liitel  fupérieur  de  la  gorge 
Rondeau  de  la  culaffe  .  .  . 

36 

3 

1 

36 

2 
36 

7- 

3  6 

7* 

y 

Champ  de  lumière 

1  8 
36 

Vif  de  la  pièce. 

9- 

Liitel  inférieure  de  l'aftra- 

10. 

gale  du  premier  renfort.. 
Altragale  du  premier  ren- 
fort   

I 
36 

3~6 

7 
36 

108 

3 

11. 

1 1 

Liitel  fupér.  de  l'altragale 

du  premier  renfort  .... 

Plate  -  bande  du  premier 

T 

lu! 

fol 

~  an  plus  faill. 

13 

Doucine  du  renfort  .  < . . 

7      J 

36     > 

'-ïg  au  mo\  en. 
-^  au  plus  bas. 

14.  Liitel  de  la  doucine  du  fé- 

cond renfort 

15.  Plate-bande  du  2d  renfort 

16.  Doucine  de  la  volée 

17.  Liitel  de  la  doucine  de  la 

volée 

1 8.  Ornemens  de  la  volée  .  .  . 

19.  Liitel  inférieur  de  l'altra- 

gale de  la  volée 

20.  Altragale  de  l'ornement 

de  la  volée 

5.1.  Liitel  fupérieur  de  l'aitra- 

gale  de  la  volée 

22.  Scotie  de  l'aitrag.  du  collet 
it,.  Ceinture  de  la  Icotie  .... 

24.  Ailragale  du  collet 

25.  le  collet  &  le  bourrelet  en 

tulipe ,  formés  en  dou- 
cine renvçrfée 

26 .  Ceinture  de  la  couronne. . 

27.  Couronne 

28.  Réglet  ou  ceinture  de  la 

bouche  

Longueur  totale  de  la  pièce , 
y  compris  le  bouton  de 
la  culaffe 


i  au  plus  faill. 
^  au  moyen. 
Yi  au  plus  bas. 

Fcs 

Vif  de  la  volée. 


j-6  au  plus  haut. 

\-rx  au  f> lus  bas. 


,9fi  au  plus  liant. 
36    1  _'   au  plus  bas. 


au  p'us  haut. 
)    -   au  plus  bas. 


22 

liam. 


(Q) 

Manière  de  faire  les  moules  du  canon  &  de  le.-, 

k  Avant  tout,  il  eft  à  propos  d'avoir  les  terres 
toute,  préparées.  La  première  qu'on  employera  fur 
la  natte,  ainfi  qu'il  fera  dit  ci-après,  fera  de  !  1 
graffe  détrempée  avec  de  la  poudre  de  briqu 

quantité 


C  A  N 

quantité  de  la  poudre  de  brique  dépend  de  la  bonté 
de  la  terre  grade. 

La  féconde  terre  qui  fervira  pour  le  moule ,  fera 
pareillement  de  la  terre  graffe  bien  battue,  avec  de 
la  fiente  de  cbeval  &  de  la  bourre  ;  la  quantité  de 
.fiente  de  cheval  dépend  aufïi  de  la  qualité  de  la  terre. 

La  troifieme  ,  nommée  potée ,  dont  on  fe  fervira 
pour  commencer  la  chape  du  moule,  fera  de  la  terre 
graffe  très-fine  &  paffée  au  tamis ,  mêlée  de  fiente  de 
cheval ,  d'argille ,  &  de  bourre.  La  terre  graffe,  l'ar- 
gille  &  la  fiente  de  cheval  fe  mettront  en  parties 
égales  avec  un  tiers  de  bourre. 

La  quatrième  ,  qui  s'appliquera  fur  la  potée ,  fera 
de  la  terre  graffe  avec  fiente  de  cheval  &  bourre, 
dans  la  proportion  ci-deffus. 

Il  y  a  une  façon  de  faire  une  potée  ,  qui  fera  meil- 
leure que  la  précédente.  Prenez  une  demi-queue  de 
terre  à  four ,  deux  leaux  de  fiente  de  cheval  :  mêlez 
le  tout  dans  un  tonneau  avec  de  l'eau  commune,  & 
l'y  laiffez  plufieurs  jours ,  au  bout  defquels  faites  des 
gâteaux  de  ce  mélange  :  faites  lécher  ces  gâteaux  : 
pilez-les  bien  menus  :  mettez  cette  poudre  à  détrem- 
per avec  de  l'eau  de  fiente  de  cheval  :  broyez-la  , 
ainfi  détrempée  ,  avec  une  molette  ,  fur  une  pierre  à 
broyer  les  couleurs.  Quand  elle  fera  bien  broyée , 
ajoûtez-y  environ  un  litron  de  cérufe  pilée  6c  pal- 
fée  au  tamis  de  foie  :  rebroyez  le  mélange  à  la  mo- 
lette avec  de  l'urine ,  puis  ajoutez  une  douzaine  de 
blancs  d'œufs. 

Pour  faire  l'eau  de  fiente  de  cheval  dont  on  vient 
de  parler ,  rempliffez  un  tonneau  de  cette  fiente  ;  jet- 
tez  deffus  de  l'eau  juiqu'à  ce  que  l'eau  fumage  ;  laif- 
fez tremper  quelque-tems  ,  6c  vous  aurez  l'eau  de 
fiente. 

Quant  à  la  terre  qu'on  employera  fur  cette  potée , 
on  la  compoléra  d'un  muid  de  terre  graffe  ,  de  qua- 
tre féaux  de  fiente  de  cheval ,  &c  d'autant  de  forte 
urine  qu'il  en  faudra  pour  détremper  la  terre  6c  la 
bourre,  &  battre  le  tout  enlemble. 

On  prend  une  pièce  de  bois  de  lapin  ,  bien  droite 
êc  à  plufieurs  pans,  ou  même  toute  unie  6c  plus  lon- 
gue que  la  pièce  ne  peut  être  ,  c'eft-à-dire  de  1 2  pies 
&  plus  :  cette  pièce  de  bois  s'appelle  trouffeau.  On 
couche  ce  trouffeau  tout  de  fon  long  ,  &:  l'on  en  ap- 
puie les  bouts  fur  des  tréteaux  ou  chantiers.  V.  PL  I. 
Fonderie  des  canons ,  figure  1.  Le  trouffeau  de  bois  A 
fur  les  chantiers  B  B.  La  partie  C  du  trouffeau  s'ap- 
pelle le  moulinet:  ce  moulinet  fert  à  tourner  le  trouf- 
feau ,  lorfqu'on  y  met  la  natte,  &  que  l'on  applique 
la  terre  qui  doit  former  par  fon  enduit  le  moule  ou 
la  chape. 

On  graille  le  trouffeau  avec  du  vieux  oing  ;  on  roule 
par-deffus,  6c  l'on  attache  avec  deuxclous  une  natte 
de  paille  qui  couvre  le  trouffeau,  6c  qui  lui  donne 
une  groffeur  relative  à  celle  que  doit  avoir  la  pièce 
de  canon,  foyc-,  même  figure,  cette  natte  fur  le  troufj'eau. 

Sur  cette  natte  on  applique  plufieurs  charges  ou 
couches  d'une  terre  graffe  détrempée  avec  de  la  pou- 
dre de  brique,  &  l'on  commence  à  former  un  modèle 
de  canon. 

On  met  enfuite  une  autre  couche ,  dont  la  terre 
eft  bien  battue  ce  mêlée  avec  de  la  bourre  &  de  la 
fiente  de  cheval  :  on  en  garnit  le  modèle ,  juiqu'à  ce 
qu'il  (oit  de  la  groffeur  dont  on  veut  la  pièce. 

En  appliquant  toutes  ces  couches  de  terre  ,  on  en- 
tretient toujours  fous  le  trouffeau  un  feu  de  bois  ou 
de  tourbes,  fuivant  les  lieux,  afin  de  faire  lécher  la 
terre  plus  promptement. 

Après  cela  on  fait  toutes  les  parties  de  la  pièce, 
comme  le  bourrelet ,  le  collet,  les  aftragales ,  les  ren- 
ions, les  plates-bandes ,  &c.  ce  qui  fe  Fait  d'une  ma- 
nière fort  umple  ,  èc  néanmoins  fort  ingénieufe. 

Lorfque  la  dernière  terre  appliquée  eft  encore  toute 
molle  ,  on  approche  du  moule ,  qui  eft  brut ,  ce  que 
Tome  II, 


C  A  N 


609 


l'on  appelle  V échantillon:  c'eft  une  planche  de  douze 
pies  ou  environ,  dans  laquelle  font  entaillées  toutes 
les  difrérentes  moulures  du  canon  :  on  allure  cette 
planche  bien  folidement  fur  les  deux  chantiers,  en- 
forte  qu'elle  ne  puiffe  recevoir  aucun  mouvement. 

On  tourne  après  cela  à  force  le  moule  contre  l'é- 
chantillon ,  parle  moyen  de  petits  moulinets  qui  font 
à  l'une  de  ces  extrémités  :  le  moule  frottant  ainfi  con- 
tre les  moulures  de  l'échantillon  ,  en  prend  fimpref- 
fion,  enforte  qu'il  reffcmble  entièrement  à  une  pièce 
de  canon  finie  dans  toutes  fes  parties. 

A  la  fonderie  de  Paris ,  au  lieu  des  terres  fufdites 
on  employé  du  plâtre  bien  fin  :  mais  ce  plâtre  a  un 
inconvénient ,  c'eft  de  fe  renfler  inégalement,  ce  qui 
rend  la  lurface  des  pièces  moins  parfaite  ;  ce  qu'on 
pourroit  corriger  en  riniffant  le  moule  un  peu  plus 
menu ,  laiffant  faire  au  plâtre  fon  effet  ;  le  rechar- 
geant enfuite  avec  du  fuif ,  &  le  repaffant  à  l'échan- 
tillon jufqu'à  ce  qu'il  eût  la  groffeur  requife. 

Voye^  Plane.  XI.  de  l'Art  milit.fig.  1.  le  trouffeau 
de  bois  A  poféfur  les  chantiers  B  B .  C  ,  eft  le  moulinet 
du  trouffeau.  D  ,  eji  l'échantillon  de  bois  arrêté  fur  des 
chantiers  garnis  de  fer  du  côté  du  moule  de  la  pièce  ,  qui 
fert  à  form  r  les  moulures  fur  la  terre  molle  qui  couvre  le 
trouffeau  ,  à  mefure  qu'on  tourne  par  le  moulinet  que  fon 
voit  au  bout  du  troufj'eau.  E ,  efi  le  moule  de  terre  fur  le 
trouffeau  ,  que  Lon  tourne  par  le  moulinet  pour  lui  im- 
primer les  moulures  marquées  fur  f  échantillon, 

Lorfque  le  moule  du  canon  eft  formé  avec  fes  mou- 
lures ,  on  lui  pôle  les  anlés ,  les  devifes  ,  les  armes  , 
le  baffinet ,  le  nom  ,  l'ornement  de  volée  ;  ce  qui  fe 
fait  avec  de  la  cire  &  de  la  térébenthine  mêlées ,  qui 
ont  été  fondues  dans  des  creux  faits  de  plâtre  très- 
fin  ,  où  ces  ornemens  ont  été  moulés. 

Les  tourillons  fe  font  enfuite  ;  ce  font  deux  mor- 
ceaux de  bois  de  la  figure  que  doivent  avoir  les  tou- 
rillons :  on  les  fait  tenir  au  moule  avec  deux  grands 
clous.  Il  faut  avoir  foin  de  renfler  les  renforts  avec 
de  la  filaffe  ;  car  faute  de  cette  précaution ,  ils  font 
creux  à  caufe  des  moulures  qui  l'aillent. 

Après  avoir  ôté  le  feu  de  deffous  le  moule,  on  le 
frotte  partout  avec  force  fuif,  afin  que  la  chape  qui 
doit  être  travaillée  par-deffus ,  pour  le  couvrir ,  ne 
s'y  attache  point.  On  paffe  enfuite  le  moule  par  l'é- 
chantillon, pour  faire  coucher  le  fuif  également  par- 
tout. 

Cette  chape  fe  commence  d'abord  par  une  cou- 
che ou  chemife  de  terre  graffe  ,  mais  très -fine  ,  qui 
s'appelle  potée.  On  a  déjà  dit  que  cette  potée  eft  une. 
terre  paffée  &  préparée  avec  de  la  fiente  de  cheval  , 
de  l'argille,  6c  de  la  bourre. 

On  laifîe  fécher  la  première  couche  fans  feu ,  ce 
qui  s'appelle  à  l'ombre. 

Quand  elle  eft  feche,  on  met  par-deffus  d'une  terre 
plus  graffe ,  mêlée  aufïi  de  bourre  <5c  de  liente  de  che- 
val :  la  proportion  eft  demi-livre  de  terre ,  demi-li\  re 
de  fiente  de  cheval ,  &  un  tiers  de  bourre  ou  environ. 
Quand  c'eft  d'une  certaine  terre  rouge  comme  celle 
qui  fe  prend  à  Paris  auprès  des  Chartreux ,  elle  luffit 
feule  en  y  mêlant  un  peu  de  bourre. 

Après  que  la  chape  a  pris  une  épaiffeur  de  quatre 
pouces  ,  &  qu'elle  a  été  bien  féchee  au  feu  ,  on  tire 
les  clous  qui  arrétoient  les  anfes  &  les  tourillons,  on 
en  bouche  les  entrées  avec  de  la  terre  ,  puis  l'on  ban- 
de ce  moule,  ainfi  bien  couvert  déterre,  arec  de 
bons  bandages  de  fer  paffés  en  long  &  en  large  6c 
bien  arrêtes  :  par-defî'us  ce  fer  on  met  encore  de  la 
groffe  terre. 

La  chape  des  gros  moules  a  ordinairement  cinq 
ou  iix  pouces  d'épaiffeur. 

Quand  le  trou  eft  bien  (ce ,  on  ôte  les  clous  de  la 

natte  ;  on  donne  quelques  coups  de  marteau  lur  les 

extrémités  du  trouffeau  ,  lequel  étant  plus  menu  par 

un  bout  que  par  l'autre  ,  ce  que  l'on  appelle  être  en 

1     i  HHhh 


6io  C  A  N 

dépouille ,  fe  détache  infenfiblement  du  milieu  du 
moule  qu'il  traverse  de  bout  en  bout  ;  &  en  retirant 
ce  troufleau ,  la  natte  vient  à  mefure,  &  fe  défile  avec 
beaucoup  de  facilité. 

Ce  moule  ainfivuidé  par  dedans,  on  le  porte  tout 
d'un  coup  dans  la  foffe  qui  eft  devant  le  fourneau  ,  & 
où  le  canon  doit  être  fondu. 

L'on  jette  force  bûches  allumées  dans  ce  moule  juf- 
qu'à  ce  qu'il  foit  parfaitement  fec  ;  &  c'eft  ce  qu'on 
appelle  le  mettre  au  recuit. 

L'ardeur  du  feu  opère  deux  effets  :  elle  fond  le  fuif 
quifépare  la  chappe  d'avec  le  moule;  &  elle  feche 
en  même  tems  les  terres  de  ce  moule ,  de  manière 
qu'on  les  caffe  facilement  avec  des  ferremens  ,  afin 
qu'il  ne  relie  en  entier  que  la  chape  feule  ,  laquelle 
dans  ion  intérieur  a  coniervé  l'impreiïïon  de  tous  les 
Ornemens  faits  fur  le  moule. 

A  la  place  du  moule  que  l'on  vient  de  détruirej'on 
met  une  longue  pièce  de  fer  qu'on  appelle  le  noyau. 
Voye^  Noyau.  Elle  fe  pofe  très-jufte  dans  le  milieu 
de  la  chape ,  afin  que  le  métal  le  répande  également 
de  côté  &  d'autre. 

Le  noyau  eft  couvert  d'une  pâte  de  cendre  bien  re- 
cuite au  feu  comme  le  moule  ,  &  arrêtée  avec  du  fil 
d'archal ,  aulli  bien  recuit ,  le  long  &  à  l'entour  par 
trois  fois  en  fpirale  ,  couche  fur  couche ,  juiqu'à  la 
groffeur  du  calibre  dont  doit  être  l'ame  de  la  pièce  , 
enforte  qu'il  reft e  un  efpace  vuide  enn  e  le  noyau  & 
le  creux  de  la  chape  qui  doit  être  rempli  par  le  mé- 
tal ;  ce  qui  fait  l'épaiffeur  de  la  pièce.  Cette  précau- 
tion de  couvrir  ce  noyau  ,  s'obierve  pour  empêcher 
que  le  métal  ne  s'attache  ,  &  pour  pouvoir  eniuite  le 
retirer  aifément  du  milieu  de  la  pièce  ;  comme  en  ef- 
fet on  l'en  tire  quand  la  pièce  eft  fondue. 

Pour  faire  tenir  ce  noyau  bien  droit ,  on  le  foûtient 
du  côté  de  la  culaffe  par  des  barreaux  d'acier  paffés 
en  croix  ;  c'eft  ce  qu'on  appelle  le  chapelet.  Voye^ 
Chapelet.  Du  côté  de  la  bouche  de  la  pièce  ,  le 
noyau  eft  foùtenu  par  une  meule  faite  de  plâtre  & 
de  tuiles ,  dans  laquelle  pafTe  le  bout  oppolé  au  cha- 
pelet. 

Lorfque  le  noyau  eft  placé  ,  on  attache  la  culaffe 
au  moule.  Cette  culaffe  eft  faite  à  part ,  de  la  même 
composition  &  ce  la  même  manière  que  le  moule  du 
corps  de  la  pièce.  Elle  eft  auffi  bien  bandée  de  lames 
de  fer  ,  &  elle  s'enchâffe  proprement  au  bout  du 
moule,  où  elle  s'accroche  avec  du  fil  d'archal  aux 
crochets  des  bandages  de  la  chape. 

On  coule  ordinairement  les  pièces  de  la  culaffe  en 
bas,  &  on  laiffe  au  bout  du  moule  qui  eft  en  haut, 
un  efpace  vuide  d'environ  deux  pies  &  demi  de  haut, 
lequel  iert  à  contenir  la  mafjelotte ,  c'eft-à-dire  l'ex- 
cédent du  métal  de  la  pièce,  qui  pefe  quatre  milliers 
au  moins  :  ce  poids  fait  ferrer  le  métal  qui  compoiè 
la  pièce ,  &  il  le  rend  moins  poreux  &  moins  iujet 
à  avoir  des  chambres. 

F ,  dans  la  fig.  i.  de  la  PI.  II.  de  F  Art  milit.  repré- 
sente le  noyau.  G ,  dans  la  même  figure  ,  ejl  une  coupe  du 
noyau  recouvert  de  pâte  de  cendre  pour  former  le  calibre  de 
la  pièce.  H  ,  ejl  le  chapelet  de  fer  qui  fe  met  a  V  extrémité 
de  Vame  de  la  pièce  pour  affembler  la  pièce  avec  la  culaffe. 
I ,  ejl  le  profil  du  moule  recouvert  defes  terres,  &  retenu  par 
des  bandages  de  fer.  KK^dans  la  fig.i. toujours  même  PI. 
ILefil  épaifjenr  de  la  terre  ,  qui  forme  la  chape  du  moule. 
L  L ,  ejl  la  chape  de  la  culaffe  qui  s'affemble  au  corps  de 
la  pièce  par  le  chapelet ,  comme  les  lignes  ponctuées  le  font 
voir.  M  M  ,  eft  V efpace  vuide  pour  recevoir  le  métal  entre 
la  chappe  &  le  noyau.  NN,  ejl  le  noyau  tel  qu'il  efipojé 
dans  le  moule  :  on  l'en  fait J'ortir  lorfque  la  pièce  ell  fon- 
due. O  O,  ejl  la  maffelotte  ou  [excédent  de  la  matière  , 
que  fonfeie  au  bout  de  la  volée  à  l'endroit  qui  eft  ponc- 
tué. P  ,  eft  le  paffageparoù  le  métal  s'écoule  dans  le  mou- 
le. Q  ,  ejl  le  moule  recouvert  defes  terres  &  bandages ,  tel 
qu'il  eft  doits  la  fcjje  où  an  le  met  pour  fondre  la  pièce. 


CAH 

Suppofant  qu'on  veuille  fondre  plufieurs  pièces  à  la 
fois  ,  au  haut  du  moule  font  difpoiés  plufieurs  tuyaux 
creux  &  godets  de  terre  répondant  à  l'intérieur  du 
corps  du  moule  ,  par  où  le  métal  doit  couler  ;  &  l'on 
laiffe  auffi  plufieurs  tuyaux  pour  fervir  d'évent. 
Quand  tout  eft  bien  préparé  ,  la  foffe  fe  remplit  de 
terre  bien  feche  que  l'on  bat  avec  grand  foin  couche 
fur  couche  autour  du  moule  jufqu'en  haut ,  les  go- 
dets ,  tuyaux  ,  &  évents  furpaffant  de  quelques  pou- 
Ces  l'air  ou  la  fuperficie  du  deffus  de  la  foffe.  On  for- 
me des  rigoles  tout  autour  avec  une  terre  graffe  que 
l'on  feche  parfaitement  :  elles  fe  nomment  échenos  , 
&  elles  fervent  à  conduire  le  métal  du  fourneau  dans 
le  moule  des  pièces.  S.  Remy.  (Q) 

*  Le  fourneau  de  cette  fonderie  ne  diffère  pref- 
qu'en  rien  du  fourneau  de  la  grande  fonderie  en  bron- 
ze. Voye^  P  article  de  cette  fonderie.  Il  y  a  à  l'es  fonda- 
tions voûte  fous  la  chauffe,  &  voûte  lous  le  fourneau  , 
avec  évent ,  pour  donner  lortie  à  la  fumée.  Il  y  a  au 
raiz-de-chauffée  des  atres  de  fer  pour  remuer  le  métal 
en  tufion  ,  avec  une  ouverture  pour  jetter  le  bois  dans 
la  chauffe  :  cette  ouverture  fe  bouche  avec  une  pelle 
de  fer.  Voye-^  Plane.  II.  de  la  fonderie  dont  il  s'agit  ici  , 
une  coupe  du  fourneau  parle  milieu  furies  atres  de 
fer ,  fig.  J.  B  B  ,  évents  de  deffus  le  fourneau.  G  G  ,  atres 
de  fer  par  où  l'on  remue  le  métal.  L  L  ,  ouvertures  par  où 
l'on  tireles  craffes.  M  ,  chauffe.  P,  voûte  fous  le  fourneau. 
La  figure  4.  de  la  même  Planche  ,  eft  une  autre  coupe 
du  même  tourneau perpendiculaire  à  la  précédente, 
&  par  la  chauffe.  Q,  évent  pour  la  fumée.  OO,  voûte 
fous  la  chauffe.  N  ,  grille.  G ,  atres  de  fer.  K ,  la  chauffe. 
L  ,  ouverture  pour  remuer  le  métal.  M  ,  le  fourneau.  ZZ  , 
bâtis  de  charpente  pour  dej'cendre  les  moules  &  remonter 
les  pièces  fondues.  V  ,  X ,  Y  ,  bafcule  pour  lever  &  baif- 
Jer  la  porte  du  fourneau  par  où  l'on  remue  le  métal.  Fig. 
3.  cette  porte  vûeféparément.  X  ,  la  porte.  V  ,  la  bafcule. 
Y  ,  le  boulet  qui  la  fait  hau(Jer  &  baiffer. 

Quand  le  métal  eft  chaud  à  un  certain  degré  con- 
nu par  le  fondeur,  c'eft-à-dire  fort  fluide  &  non  em- 
pâté, à  quoi  l'on  employé  ordinairement  24  ou  30 
heures  ou  environ  ,  obiervant  de  tenir  les  morceaux 
de  rofette  dans  le  fourneau  élevés  fur  des  grès ,  & 
ne  pofant  pas  fur  l'atre  ;  on  difpofe  des  hommes  qui 
tiennent  des  pinces  ou  éclufes  de  fer  fur  tous  les  trous 
qui  communiquent  dans  les  moides  ,  afin  que  quand 
le  métal  vient  à  fortir  du  fourneau ,  il  remphffe  éga- 
lement toutes  les  rigoles, &  qu'il  foit  également  chaud 
en  defeendant  dans  toutes  les  parties  du  moule. 

On  débouche  le  trou  du  fourneau  avec  une  lon- 
gue &  groffe  pièce  de  fer  pointue  appellée  laferriere. 
Ce  trou  eft  fermé  en-dedans  avec  de  la  terre  graffe. 
Auffi-tôt  qu'il  eft  ouvert ,  le  métal  tout  bouillonnant 
fort  avec  impétuofité  ,  &  il  remplit  toutes  les  rigo- 
les :  alors  les  hommes  qui  tiennent  les  petites  éclu- 
fes de  fer  fur  les  trous ,  les  débouchent  deux  à  deux  , 
&  à  mefure  que  les  trous  fe  remplirent  ils  fe  reti- 
rent ;  &  le  métal  tombant  avec  rapidité  dans  le  mou- 
le ,  forme  la  pièce. 

Pour  éviter  les  foufflures  que  le  métal  forme  dans 
fon  bouillonnement  &  dans  la  chute  précipitée  qui 
preffe  l'air  dans  les  canaux,  les  Keller  avoient ima- 
giné un  tuyau  qu'ils  difpofoient  à  côté  de  leur  mou- 
le :  le  métal  entroit  par  ce  tuyau  ;  &  comme  il  fai- 
foit  le  chemin  de  defeendre  avec  violence  au  fond 
de  ce  tuyau ,  qui  avoit  un  trou  pour  communiquer 
dans  le  moule  ,  il  remontoit  dans  le  moule  par  ce 
trou  ,  de  la  même  manière  que  l'eau  qu'on  verfe 
dans  une  branche  d'un  fiphon  ,  remonte  dans  l'au- 
tre :  par-là  il  chaffoit  l'air  devant  lui ,  &  il  étoit  moins 
à  portée  d'en  conierver  des  parties.  Mais  l'ulage  de 
ces  habiles  Fondeurs  fur  ce  point,  n'a  pas  été  géné- 
ralement iuivi. 

Les  moules  &  les  fontes  des  mortiers  &  des  picr- 
riers  fe  font  de  la  même  manière  que  pour  le  canon,. 


C  A  N 

Lorfque  les  moules  font  retirés  de  la  forte ,  on  les 
caffe  à  coups  de  marteau  pour  découvrir  la  pièce 
qu'ils  renferment.  La  figure  fe  montre  enfuite  ;  Se 
comme  elle  eft  brute  en  plufieurs  endroits ,  on  fe  fert 
de  cifeaux  bien  acérés  Se  de  marteaux ,  pour  couper 
toutes  les  fuperfluités  &  les  jets  du  métal  ;  &  avec 
le  tems  ,  on  donne  à  la  pièce  toute  la  perfection  que 
l'on  veut.  Lorfqu'elle  commence  à  avoir  une  forme 
un  peu  régulière ,  ce  qui  s'appelle  être  décrottée ,  on 
la  met  à  l'aléfoir  pour  lui  donner  le  calibre  qu'elle 
doit  avoir.  Voye^  Alésoir.  On  perce  enfuite  fa  lu- 
mière avec  une  efpece  de  foret  particulier  :  après 
quoi  on  fait  l'épreuve  de  la  pièce,  f^oye^  Epreuve. 
Mémoires  d'Artillerie  par  Saint-Remy . 

On  n'a  pas  toujours  fondu  le  canon  avec  un  noyau 
ou  un  vuide  dans  le  milieu  :  il  y  a  eu  des  Fondeurs 
qui  l'ont  coulé  mafïïf  ;  on  voit  même  dans  les  Mé- 
moires de  M.  de  Saint-Remy,  la  figure  de  la  machine 


C  A  N  Sit 

dont  ils  fe  fervoient  pour  former  l'ame  de  la  pièce. 
Cette  méthode  fut  abandonnée  ,  fuivant  cet  auteur, 
pour  revenir  à  l'ancienne  :  mais  le  fieur  Maritz  a  ob- 
tenu depuis  quelques  années  la  permiflion  de  fondre 
les  pièces  maîïîves.  On  prétend  qu'il  a  inventé  une 
machine  plus  parfaite  que  celle  dont  il  eft  fait  men- 
tion dans  les  Mémoires  de  M.  de  Saint-Remy  ,  pour 
les  forer.  Voyei  Noyau. 

Lorfque  la  pièce  fe  coule  maffive  ,  le  moule  fe 
forme  de  la  même  manière  que  s'il  devoit  avoir  un 
noyau.  On  ne  fait  que  fupprimer  ce  noyau. 

On  joint  ici  une  table  de  ce  que  le  Roi  paye  actuel- 
lement en  France  pour  la  façon  des  pièces  de  canon 
dans  les  différens  arfenaux  du  royaume  :  le  prix  des 
pièces  de  la  fonderie  de  Strasbourg  eft  plus  confidé- 
rable  que  celui  des  autres ,  parce  qu'elles  y  font  cou- 
lées mafîives  Se  forées  avec  la  machine  du  Sr  Maritz, 


Table  du  prix  des  façons  des  pièces  de  canon  en  France. 


FONDERIES 

DU    ROY. 

Pièce 
de  24. 

Pièce 
de  16. 

Pièce 
de  12. 

Pièce 
de  8. 

Pièce 
de  4. 

Pièce 

de  4, 

de  brancard 
&  a  dos 
de  mulet. 

Pi  pcf. 

de  2  longue, 

pefant 
6  à  "00  liv. 

Pièce 

de  2  courte. 

Prix 
des 

lumières. 

8ooliv- 

700liv' 

6ooIIv« 

450^ 

350'^ 

750 

711  iof- 

500 

400 

300 

200Uv- 

iooliv- 

Strasbourg   .  .  . 

1000 

950 

650 

55° 

400 

100 
100 

900 

850 

600 

500    . 

350 

Perpignan .... 

800 

750 

5ï° 

450 

300 

220 

300 

2CO 

IOO 

Les  métaux  font  fournis  par  le  Roi  aux  commiffai- 
res  des  fontes  ;  il  leur  eft  accordé  dix  pour  cent  de 
déchet  fur  tous  les  métaux  qu'ils  livrent  en  ouvrages 
neufs  ,  faits  ,  parfaits ,  &  reçus. 

Le  Roi  fournit  auffi  les  outils  Se  uftenfilcs  de  fon- 
derie :  mais  les  commifTaires  des  fontes  font  chargés 
de  pourvoir  à  leurs  frais  au  radoub  &  à  l'entretien  des 
outils  Se  uftenfilcs  qui  leur  font  remis  en  bon  état , 
&e  dont  on  les  charge  par  un  inventaire  en  bonne 
forme. 

Le  Roi  paye  à  Douay  &  à  Perpignan  3  fous ,  à 
Lyon  Se  à  Strasbourg  3  fous  6  deniers  de  façon  pour 
chaque-livre  de  métal  pefant ,  pour  les  petits  ouvra- 
ges ,  comme  poulies ,  boîtes  à  rouage  ,  mortiers  Se 
pilons  pour  comportions,  boîtes  à  fignaux ,  &  autres 
petits  ouvrages  à  l'ufage  de  l'Artillerie. 

Les  pièces  de  canon ,  mortiers ,  S:  pierriers  ,  font 
portés  aux  lieux  deftinés  pour  leur  épreuve  ,  Se  rap- 
portés dans  les  fonderies  aux  dépens  du  Roi ,  à  l'ex- 
ception des  pièces  qui  font  rebutées,  que  les  com- 
mifTaires des  fontes  font  obligés  de  faire  rapporter  à 
leurs  frais  Se  dépens. 

Dans  les  cas  preffans  ,  Se  lorfqu'il  eft  ordonné  aux 
commifTaires  des  fontes  de  ne  point  réparer  les  pie- 
ces  ,  ils  font  tenus  de  les  livrer  brutes;  Se  alors  il  leur 
eft  rabattu  50  livres  par  pièce  de  24,  de  16  Si  de  12, 
&  25  livres  par  chacune  pièce  de  calibre  inférieur  , 
ainfi  que  pour  les  mortiers  Se  pierriers.  Mémoires  d' Ar- 
tillerie de  Saint-Remy  ,  troifume  édition.  (Q) 

*  Lorfque  la  pièce  eft  finie  ,  on  perce  la  lumière  : 
pour  cet  effet,  on  renverfe  la  pièce  de  cùté,  de  ma- 
nière qu'un  des  tourillons  foit  tourné  vers  la  terre. 
Elle  elt  poléc  fur  des  chantiers ,  l'endroit  où  fe  doit 
Tome  II, 


percer  la  lumière  correfpondant  à  la  pointe  du  foret 
quand  il  eft  monté  fur  la  bafcule ,  comme  on  voit 
PI.  Lfig.  2. 

Suivant  {'ordonnance  du  y  Octobre  ly^z.  le  canal 
de  la  lumière  doit  être  pratiqué  dans  le  milieu  d'un© 
maffe  de  cuivre  rouge ,  pure  rofette,  bien  écroiii ,  Se 
qu'on  a  placée  clans  le  moule  à  la  place  où  devoit  être 
faite  la  lumière.  On  a  préféré  le  cuivre  rouge  à  la  ma- 
tière même  du  canon  ,  parce  qu'il  réfifte  davantage 
à  l'effort  de  la  poudre. 

La  lumière  doit  être  percée  de  manière  qu'elle  for- 
me un  angle  obtus  de  100  degrés  avec  l'extérieur  de 
la  pièce  vers  la  volée.  C'eft  à  quoi  l'ouvrier  doit  faire 
attention  en  perçant ,  afin  de  diriger  Ion  foret  conve- 
nablement. 

Dans  les  pièces  de  1 2 ,  le  canal  de  la  lumière  doit 
aboutir  à  8  lignes  du  fond  de  la  lumière.  Dans  celles 
de  8  à  7  lignes ,  Se  dans  celles  de  4  à  6  lignes. 

Dans  celles  de  24&de  16  où  il  y  a  de  petites  cham» 
bres,  à  9  lignes  du  fond  de  la  petite  chambre  dans 
celle  de  14  ,  Cn:  à  8  lignes  dans  celle  de  16. 

Le  foret  dont  on  fe  fert  eft  le  même  que  celui  des 
Serruriers;  fa  partie  tranchante  eft  feulement  en  lan- 
gue de  ferpent. 

Comme  la  force  d'un  homme  ne  ferait  pas  fuftî-* 
faute  pour  pouffer  le  foret  &  le  faire  mordre ,  on  fe 
fert  de  la  machine  qu'on  voit fig.  1.  elle  s'appelle  baf- 
cule ;  Se  s'en  fervir  ,  c'eft/<>'V''  à  bajcule. 

La  palette  G  eft  tenue  fortement  appliquée  au  fo- 
ret par  le  levier  A  B  C  Se  le  poids  D. 

*  Quand  la  lumière  eft  faite  ,  on  procède"  à  l'é- 
preuve :  pour  cet  effet ,  on  choilit  un  lieu  terminé  par 
une  butte  de  terre  allez  forte  pour  arrêter  le  boulet. 

H  H  h  h  ij 


6n 


C  A  N 


On  place  la  pièce  à  terre  fur  un  chantier ,  Se  on 
la  tire  trois  fois.  La  première  charge  de  poudre  eft 
de  la  pefanteur  du  boulet.  Après  la  première  épreu- 
ve ,  on  y  brûle  encore  un  peu  de  poudre  en-dedans 
pour  la  flamber  ;  on  y  jette  de  l'eau  fur  le  champ  ;  on 
bouche  la  lumière  ;  on  preffe  cette  eau  avec  un  eepu- 
villon ,  &  l'on  examine  fi  elle  ne  s'échappe  par  aucun 
endroit. 

On  prend  enfuite  le  chat  :  c'eft  un  morceau  de  fer 
foit  à  trois,  (oit  à  deux  griffes ,  comme  on  le  voltfîg. 
3.  4.  à.  du  calibre  de  la  pièce ,  que  l'on  conduit  par- 
tout pour  trouver  les  chambres.  On  ne  peut  uler  de 
la  bougie  que  pour  les  petites  pièces,  la  fumée  l'étei- 
gnant d  ins  les  grandes. 

On  n'éprouve  les  pièces  de  la  nouvelle  invention 
qu'avec  une  charge  de  poudre  des  trois  quarts  du 
poids  du  boulet. 

On  fubftitue  quelquefois  au  boulet  des  cylindres 
de  terre  grafle  du  calibre  de  la  pièce ,  &  d'environ 
deux  pies  de  long. 

Le  chat  de  l&fig.  5.  eft  à  l'ufage  de  toute  forte  de 
pièces ,  par  la  commodité  qu'on  a  d'étendre  ou  de  rei- 
ferrer  les  griffes  par  le  moyen  de  l'anneau  dans  lequel 
elles  font  paffées ,  6c  du  reffort  qui  eft  placé  entre 
elles. 

Quand  on  s'eft  affûré  par  le  chat  qui  fe  trouve  ar- 
rêté dans  l'intérieur  de  la  pièce,  qu'il  y  a  chambre,  on 
connoît  la  profondeur  de  la  chambre  de  la  manière 
fuivante  :  on  prend  le  chat  fimple  de  la/g-.  3-  on  éle- 
vé fur  fa  plaque  de  la  terre-glaife  jufqu'à  la  hauteur 
du  bout  de  la  griffe  ;  vous  conduilez  votre  griffe  dans 
cet  état  dans  la  chambre  ;  vous  l'y  faites  entrer  le  plus 
que  vous  pouvez  :  quand  elle  y  eft  bien  enfoncée , 
vous  retirez  votre  chat  ;  les  bords  de  la  chambre  ap- 
puient contre  la  glaife ,  &c  la  détachent  de  la  griffe  ; 
&  la  partie  découverte  de  la  griffe  marque  la  profon- 
deur de  la  chambre. 

*  L'on  met  des  grains  aux  lumières  des  pièces ,  en 
les  alefant  d'un  trou  d'environ  deux  pouces  ;  cela 
fait,  on  fait  couler  par  la  bouche  du  canon  de  la  cire 
au  fond  de  l'ame,  lorfque  l'épaiffeur  de  derrière  de 
la  culaffe  n'eft  pas  affez  confidérable.  On  met  fur 
cette  cire  du  fable  un  peu  moite  :  on  le  frappe  avec 
un  refouloir  jufqu'à  la  hauteur  des  anies  ;  on  fait 
chauffer  la  pièce  ;  on  place  au-deffus  un  écheno  de 
terre  ;  la  pièce  eft  à  deux  pies  au  deffous  de  l'éche- 
no  qui  y  conduit  le  métal.  Il  y  a  dans  le  fourneau  à 
peu  près  800  livres  de  métal.  On  pratique  un  gros 
jet  pour  la  lumière  ;  elle  s'abbreuve  de  métal  par  ce 
jet;  on  la  laiffe  refroidir:  on  enlevé  ce  qu'il  y  a  de 
trop,  &  on  fore  une  nouvelle  lumière. 

Banii,  fondeur  Polonois,  s'y  prend  autrement:  il 
creufe  la  lumière  en  écrou  avant  que  d'y  couler  le 
métal  ;  le  métal  s'engage  fi  bien  dans  ces  tours  ou 
pas  d'écrou ,  qu'il  n'en  peut  être  chaflé. 

On  a  propofé  d'autres  moyens  que  les  précédens 
pour  mettre  des  grains ,  mais  qui  ont  tous  leurs  in- 
véniens.  M.  Gor,  commiffaire  des  fontes  de  Perpi- 
gnan, en  propofa  un  en  1736,  par  le  moyen  duquel 
le  grain  fe  met  à  une  pièce  en  moins  de  quatre  heu- 
res fans  la  démonter  :  l'effai  s'en  fit  le  deux  Mai ,  & 
il  fut  heureux. 

Lorfqu'on  refond  des  pièces ,  il  s'agit  de  les  met- 
tre en  tronçons  pour  les  jetter  dans  le  fourneau  ;  pour 
cela ,  on  fait  une  rainure  à  la  pièce  dans  l'endroit  où 
l'on  veut  la  couper  avec  une  tranche  &c  le  marteau; 
puis  on  fait  une  maçonnerie  lèche  de  quatre  briques 
d'épaiffeur  :  on  y  place  la  pièce  en  équilibre  ;  on  rem- 
plit de  charbon  allumé  la  maçonnerie  ;  on  fait  chauf- 
fer la  pièce  jufqu'à  lui  donner  la  couleur  de  cerife  ; 
puis  on  élevé  un  gros  poids  avec  la  chèvre ,  qu'on 
laiffe  retomber  à  plomb  fur  la  pièce  qui  en  eft  briiée. 
*  Des  lavures.  Dans  les  lieux  où  l'on  fond  &  où  on 
alefe  les  canons,  il  refte  des  grains,  des  fçiures,  & 


C  A  N 

autres  pièces  de  métal  mêlées  avec  les  ordures.  Il  en 
relie  auffi  dans  les  fourneaux,  attaché  au  fond  de 
l'atre,  qu'on  appelle  gâteau.  La  manière  deféparerces 
portions  métalliques  s'appelle  laver;  &  ces  portions 
métalliques  léparées  s'appellent  lavures.  Pouriaver  , 
on  fait  paffer  le  ramas  de  matières  hétérogènes  ti- 
rées de  l'attelierde  l'aleloir  des  terres  de  la  Fonde- 
rie, &c.  par  plufieurs  eaux;  &  on  met  au  moulin  ce 
qui  fort  des  eaux.  Il  y  a  deux  fortes  de  moulins  ;  la 
première  n'a  rien  de  particulier,  elle  reflemble  aux 
moulins  à  cidre.  C'eft  une  meule  de  fer  coulé ,  d'en- 
viron trois  pies  de  diamètre  ,  fur  quinze  pouces  d'é- 
paiffeur,  pofée  verticalement  lur  une  cuvette.coulée 
auffi  de  fer,  &  affile  fur  une  maçonnerie.  Les  rebords 
de  la  cuvette  ont  fix  pouces  de  haut  :  un  levier  pane 
au  centre  de  la  meule ,  la  traverfe ,  &  fe  rend  dans 
un  arbre  vertical  mobile  fur  lui  même  ,  &  foûtenu 
par  en  haut  dans  une  l'olive  où  entre  Ion  tourillon, 
&  par  en  b^  fur  une  crapaudine  placée  au  centre  de 
la  cuvette.  Deux  hommes  s'appliquent  au  levier,  & 
font  tourner  avec  l'arbre  la  meule  qui  écrafe  les  la- 
vures :  quand  elles  font  bien  écralées  on  les  relave  ; 
puis  on  les  fond  pour  les  mettre  en  laumon.  Il  y  a  une 
autre  forte  de  moulin  qu'on  voit  Plan.  il.  de  la  Fon- 
derie de  canons. 

B  B  ,  baquet  à  laver  les  lavures. 

C  C ,  pilons  qui  écrafent  dans  l'auger  D  D  les  la- 
vures. 

A ,  arbre  qui  meut  les  pilons. 

E ,  grande  roue  mue  par  des  hommes. 

F,  lanterne  qui  fait  mouvoir  la  roue  E. 

G,  autre  lanterne  fixée  lnr  ie  même  arbre  que  la 
lanterne  F,  &  qui  fait  mouvoir  l'arbre  A ,  qui  tait 
hauffer  les  pilons  C,  C,  C ,  d'où  l'on  voit  que  cette 
machine  à  laver,  n'eft  autre  choie  que  ceileàbocar- 
der  des  grandes  fonderies  &  ufines  placées  aux  envi- 
rons des  mines. 

Les  lavures  font  portées ,  comme  nous  avons  dit, 
au  fourneau  d'affinage ,  qu'on  voitj%.  3.  même  Plan. 

F,  fourneau. 

G  H,  efpece  de  rigoles  où  l'on  jette  la  matière  & 
le  charbon  pêle-mêle. 

/,  un  foufflet. 

K ,  levier  à  mouvoir  le  foufflet. 

Voilà  tout  ce  qui  peut  concerner  la  fonte  des  ca- 
nons. Pour  l'entendre  bien  parfaitement,  il  ne  feroit 
pas  hors  de  propos  d'en  faire  précéder  la  lect ure  par 
celle  de  la  fonte  des  grandes  ftatues  en  bronze.  Voy. 
BRONZE.  Quant  à  lamaniere  de  charger  le  canon, 
voye{  Charge  ;  6c  pour  celle  de  le  mettre  en  litua- 
tion  néceffaire  pour  que  le  boulet  atteigne  dans  un 
lieu  défigné,  voyei  Pointer. 

On  croit  que  l'on  n'a  commencé  à  fe  fervir  de  ca- 
nons qu'en  1  3  50  fur  la  mer  Baltique;  quoi  qu'il  en 
foit,  il  eft  certain  qu'ils  furent  employés  en  1380 
pendant  la  guerre  des  Vénitiens  avec  les  Génois.  Six 
ans  après ,  il  en  paffa  quelques-uns  en  Angleterre  fur 
deux  vaiffeaux  François  pris  par  ces  infulaires.  Les 
Anglois  en  firent  de  fer  au  commencement  du  feizie- 
me  liecle.  (  Q  ) 

Canon  de  la  nouvelle  invention  ou  à  t Efp.ignole  .* 
on  appelloit  ainfi  des  pièces  imaginées  vers  la  rin  du 
fiecle  dernier,  qui  avoient  une  chambre  au  fond  de 
l'ame,  en  forme  de  lphere  un  peu  applatie.  Ces  ca- 
nons étoient  donc  plus  courts  que  les  autres. 

L'objet  qu'on  s'étoit  propofé  dans  cette  invention, 
étoit  de  chaffer  le  boulet  dans  un  canon  plus  court  , 
moins  pefant  $  &C  par  conléquent  plus  ailé  à  tranf- 
porter  que  les  anciens ,  avec  la  même  force  que  dans 
les  canons  ordinaires. 

Pour  cela  on  faifoit  aboutir  la  lumière  à  peu-près 
vers  le  milieu  de  la  chambre  fphérique,  afin  qu'il 
s'enfl.immât  une  plus  grande  quantité  de  poudre  à  la 
fois ,  que  lorfque  l'ame  du  canon  étoit  par-tout  uni- 
forme. 


C  A  N 

L'expérience  a  prouvé  la  réuffite  de  ce  qu'on  s4é- 
toit  propolé  clans  la  conttru&ion  de  ces  fortes  de  pic- 
ces  ;  car  quoique  beaucoup  plus  courtes  que  les  an- 
ciennes, &  avec  une  moindre  quantité  de  poudre, 
elles  produifoient  les  mêmes  effets:  mais  comme  il 
étoitdifficilede  nettoyer  leur  capacité  intérieure  après 
que  la  pièce  avoit  tiré,  il  y  reftoit  affez  louvent  du  feu, 
qui  produifoit  de  fâcheux  accidens  aux  canoniers  char- 
gés du  fervice  de  ces  pièces,  furtout  lorfqu'ils  étoient 
obligés  de  tirer  promptement.  D'ailleurs  la  poudre , 
avant  de  fortir  de  la  chambre,  agiffoit  de  tous  côtés 
avec  une  fi  grande  impétuofité ,  qu'elle  brifoit  les  af- 
fùts,ou  du  moins  qu'elle  les  mettoit  en  très-peu  de  tems 
hors  de  fervice  ;  elles  avoient  auffi  par  une  fiiitë  néeef- 
faire  de  ce  grand  mouvement,  beaucoup  de  recul  & 
tres-peu  de  jufteffe  dans  leurs  coups.  Toutes  ces  con- 
fidérations  ont  fait  abandonner  l'ufage  de  ces  pièces, 
malgré  leurs  avantages  particuliers  ;  &  l'on  a  même 
fait  réfondre  la  plupart  de  celles  qui  le  trouvoient 
dans  les  arfenaux  &  dans  les  places.  Vcfyï\  une  de  ces 
pièces  de  vingt-quatre  livres  de  balle ,  Plan.  VI.  de 
l'Art  milit.  fig.  i.  L'échelle  qui  eft.  devions  en  fera 
connoître  les  principales  dimenlions.  Et  PL  IL  fig.  i. 
èefig.  A,  B,  C,  D,  l'affût  du  capitaine  Efpagnol  avec 
fes  dimenfions.  Il  fervira  du  moins  à  faire  connoître  le 
canon  &t  l'affût  dans  toutle  détail  de  fes  parties.  (Q) 

Proportions  de  la  pièce  de  huit  livres  de  balle ,  &  defon 

affût ,  roues,  &  avant- train,  de  la  nouvelle 

invention  du  capitaine  Efpagnol. 

Proportion  de  la  pièce  de  huit  livres  de  balle. 

Pies,  pouc.  lig' 

La  longueur  de  cette  pièce,  non  com- 
pris le  bouton  ni  les  ornemens  de  la 
culaffe,  429 

Longueur  du  bouton  &  des  ornemens 

de  la  culaffe ,  078 

Longueur  depuis  la  platte -bande,  ou 
les  ornemens  de  la  culaffe ,  jufqu'au 
^ou  de  la  lumière ,  016 

lueur  depuis  la  platte-bande,  ou  les 
îemens  de  la  culafle ,  julqu'au  der- 
iere  des  tourillons,  173 

Diamètre  des  tourillons  ,  030 

Longueur  depuis  le  devant  des  touril- 
lons,  jufques  &  compris  le  bourlet,  248 
Diamètre  de  la  bouche  qui  eft  le  calibre 

de  la  pièce, 
Diamètre  au  bourlet, 
Diamètre  derrière  les  tourillons, 
Diamètre  de  la  culaffe,  106 

Longueur  de  la  culaffe  ,  060 

Diamètre  auprès  de  la  culaffe  oh  font 

les  armes  du  roi,  o       9      10 

Longueur  du  bourlet,  015 

Longueur  des  anfes ,  073 

Longueur  des  tourillons,'  o       3      10 

Longueur  de  toute  la  pièce,  4      10        5 

Proportion   de  P  affût  de  la  pièce  dfhuit  livres  ,  de  la 
nouvelle  invention  du  capitaine  Efpagnol. 


0 

3 

0 

8 

0 

10 

I 

0 

0 

6 

Première  Figure. 

1 

2  Longueur  de  l'affût ,  < 

3  longueur  depuis  la  tête  de 

l'affût ,  jufqu'au  devant 
du  tourillon ,  i 

5  longueur  depuis  le  derriè- 

re du  tourillon ,  julqu'au 
cintre  de  L'affût, 

6  longueur  depuis  le  cintre 

de  l'affût,  jufqu'au  cin- 
tre de  la  croffe, 


pouc. 

o 


//:'.  points* 

6       3 


3     10 


613 

,  pouc.  li°.  points. 

t       O       o 


3  8 

4  3 

o  o 

11  10 

10  4 

9  o 

9  9 

5  ° 


C  A  N 

PU 
6     7  longueur  depuis  le  cintre  de 
la  croffe,  julqu'au  bout 
de  l'affût ,  1 

3  4  ouverture  pour  le  touril- 
lon ,  011  il  eft.  encaftré  de 
moitié ,  o 

8  cintre  de  l'affût,  o 

1  9  hauteur  des  flafques  à  la  tê- 
te de  l'affût,  1 

10  11  hauteur  des  flafques  derriè- 
re les  tourillons,  o 

1 2     8  hauteur  des  flalques  au  cin- 
tre de  l'affût ,  o 
6   1 3   hauteur  des  flafques  au  cin- 
tre de  la  croffe ,  0 

14   15  hauteur  au  renfort  de  la 

croflé ,  o 

6  cintre  de  la  croffe,  o 

Seconde  Figure, 
A  Epaiffeur  du  flafque  depuis 
la  tête  de  l'affût,  julques 
au  délardement,  o 

B  epaiffeur  depuis  le  délar- 
dement julqu'à  la  mou- 
lure, o 

C  C  epaiffeur  depuis  la  moulu- 
re julqu'à  la  moulure  de 
l'entre-toiie  de  lunette,  o 

D  D  epaiffeur  des  flafques  à  l'en- 
droit de  l'entre -toile  de 
lunette ,  o 

E  E  longueur  depuis  la  tête  de 
l'affût,  julqu'à  l'entre- 
toife  de  lunette,  6 

F  F  longueur  depuis  la  tête  de 
l'affût,  julqu'à  l'entre- 
toile  de  volée,  o 

G     G  largeur  de  l'entre-toife  de 

volée ,  o 

G     H  longueur  de  l'entre-toife  de 

volée ,       •  o 

epaiffeur  de  l'entre-toife  de 
volée,  o 

I  I  longueur  depuis  l'entre-toi- 
le  de  volée,  julqu'à  l'en- 
tre-toife de  couche ,  1 

L      L  longueur  del'entre-toile  de 

couche ,  o 

/      M  largeur  de  l'entre- toile  de 

couche ,  o 

epaiffeur  de  l'entre-toife  de 
couche ,  o 

M  N  longueur  depuis  l"entre-toi- 
lè  de  couche ,  julqu'à 
l'entre-toife  de  mire  ,         o 

N     O  largeur  de  rentre-toile  de 

mire ,  o 

P      P  longueur  de  l'entre-toife  de 

mire,  o 

epaiffeur  de  l'entre-toife  de 
mire ,  o 

P  Q  longueur  depuis  l'entre-toi- 
fe de  mire ,  julqu'à  la 
moulure  qui  clt  près  de 
l'entre-toife  de  lunette,    3 

C      R  longueur  des  moulures,       o 

O  S  longueur  depuis  l'entre-toi- 
le  de  mire,  juiqu'à  l'en- 
tre-toife de  lunette,  3976 

P  T  longueur  depuis  l'entre-toi- 
fe de  mire,  julqu'à  la 
moulure  qui  ell  auprès  ,0       2       2.0 

R     V  longueur  depuis  la  oioulu- 


400 
463 
310 
463 

6  4      3 

480 
5     10      o 

7  1  o 
311       o 

3  8       o 

10  4  3 
700 
311       o 

8  1       o 

4  5      ° 

11  o  o 
711       o 


10      9       6 
220 


614 


C  A  N 


C  A  N 


Ug.  po 


7 

6 

5 

4 

o 

4 

3 

0 

2 

3 

O 

2 

0 

6 

^ 

3 

re ,  près  de  l'entre-toife 

de  lunette ,  jufqu'au 

bout  de  l'affût ,  i        i      1 1 

•S"     X  largeur  de  l'entre-toife  de 

lunette,  i        2        5 

D     Y  longueur  de  l'entre-toife  de 

lunette,  158 

épaiffeur  de  l'entre-toife  de 

lunette,  047 

Z     Z  longueur  depuis  la  tête  de 

l'affût ,  jufqu'au  devant 

du  tourillon ,  092 

D    K  longueur  de  tout  l'affût  ,906 

Proportion  des  ferrures  de  l'affût  de  huit, 

Preîviiere  Figure. 

pu 

A  Deux    crochets   de  retraite , 

longeur, 

largeur  près  le  crochet , 

épaiffeur , 
B  deux  grands  liens  de  flafque  , 

long. 

larg. 

épaiff. 
C  deux  autres  liens  de  flafque , 

long. 

larg. 

épaiff. 
D  quatre    contre  -  rivures   quar- 

rées ,  ou  en  façon  de  trèfle , 

long. 

larg. 

épaiff. 
E  le  bandeau ,  long, 

larg. 

épaiff. 
îly  a  auflîà  chaque  ouverture 

de  tourillon  deux  clavettes , 

long. 

largv 

epani. 
F  deux  chevilles  à  têts  platte , 

long. 

circonférence , 

largeur  de  la  tête  platte , 

épaiffeur , 
G  deux  heurtoirs ,  long. 

circonférence, 

largeur  de  la  tête  du  heur- 
toirs, 

épaiiîeur , 

Seconde  Figure. 

i  deux  fusbandes,  long. 

larg. 

épaiff. . 
a  deux  contre-heurtoirs ,  long. 

larg. 

épaiff. 

3  deux  boulons  de   charnière , 

long. 

circonférence , 
circonférence  de  la  tête  du 
boulon  de  charnière , 

4  deux  petits  boulons ,  long. 

circonférence , 
ç  deux  boulons  à  tête   de  dia- 
mant, long. 

circonférence  de  la  tête , 

circonférence  du  boidon , 
$  deux  petits  boulons  à  tête  de 


0 

6 

6 

0 

5 

0 

0 

0 

2 

6 

9 

6 

0 

3 

4 

0 

0 

3 

0 

3 

6 

0 

1 

0 

0 

0 

2 

1 

4 

10 

0 

3 

0 

0 

2 

2 

0 

0 

6 

1 

5 

3 

0 

3 

2 

0 

2 

3 

0 

0 

10 

2 

1 

4 

0 

2 

9 

0 

0 

6 

2 

3 

7 

0 

2 

6 

0 

0 

4 

1 

3 

0 

0 

2 

10 

0 

5 

6 

0 

3 

0 

0 

1 

6 

i 

2 

0 

0 

6 

0 

0 

3 

0 

diamant,  &  à  pointe  perdue,' 

l0ng'    P  4      1. 

circonférence  de  la  tête  , 
circonférence  du  boulon , 

7  boulon  de  l'entre-toife  de  volée, 

long,  entre  les  deux  têtes , 
circonférence  du  boulon , 
circonférence  de  la  tête , 

8  boulon  de  l'entre-toife  de  cou- 

che ,  long,  entre  les  deux  tê- 
tes, 

circonférence  du  boulon , 
circonférence  de  la  tête, 

9  boulon  de  l'entre-toife  de  mire, 

long,  entre  les  deux  têtes , 
circonférence  du  boulon , 
circonférence  de  la  tête , 

10  boulon  de  l'entre-toife  de  lu- 

nette ,  long,  entre  les  deux- 
têtes  , 

circonférence  du  boulon  , 
circonférence  de  la  tête  , 

1 1  Deux  bouts  d'affûts,  long. 

larg.  entre  les  deux  mou- 
lures, 
épaiff. 

12  largeur  des  bouts  d'affût  près 

l'entre-toife  de  lunette , 

1 3  deux  liens  d'entre-toifes  de  lu- 

nette ,  long. 

14  lunette  de  deffus, 
lunçtte  de  deffous , 

1 5  l'anneau  de  lunette  ,  diamètre 

groffeur  de  l'anneau , 

16  le  boulon  d'anneau  de  lunette , 

long. 

circonférence  de  la  tête, 

épaiffeur  de  la  tête  , 

17  diamètre  du  trou  de  l'entre- 

toife  de  lunette , 
Proportion  des  roues  de  l'affût  de 
huit  livres. 

A  B  Longueur  du  moyeu  , 
CD  diamètre  au  bouge  , 
B  E  face  au  gros  bout , 
A  T  face  au  menu  bout , 
F  G  hauteur  des  jantes, 

Il  y  a  fix  jantes  dans  une  roue , 
&  à  chaque  jante  il  y  a  deux 
raies. 
H I  longueur  des  raies,  1 

L  face  des  raies  ,  o 

MN  hauteur  des  roues ,  4 

Proportions  des  ferrures  des 
roues  de  raffut. 
O  Douze  bandes ,  long.  z 

larg.  o 

épaiff.  o 

P  Douze  liens  rends  à  une  chevil- 

lette  chacun  ,  long.  1 

largeur  par-deflus  la  bande,  o 
larg.  à  côté  de  la  jante  au 

plus  gros,  o 

épaiff.  fur  la  bande ,  o 

épaiff.  à  côté  de  la  jante ,     o 
Quatre  frettes, 

Proportion  de  l  effîeu  de  l'affût  de 
huit  livres. 

Longueur  du  corps  de  l'effieu ,  non 

compris  les  fuiées  ,  2 

Longueur  des  fuiées  ,  1 

Longueur  avec  les  fuiées  ,  6 


0 

5 

0 

0 

3 

7 

0 

2 

0 

I 

3 

4 

0 

3 

5 

0 

6 

0 

I 

6 

0 

0 

3 

0 

0 

6 

0 

I 

8 

0 

0 

3 

4 

0 

6 

3 

2 

1 

0 

O 

3 

6 

O 

6 

2 

6 

4 

11 

0 

2 

4 

0 

0 

3 

3       4 


3 

1 

9 

1 

1 1 

10 

1 

11 

10 

0 

4 

4 

0 

3 

0 

0 

7 

7 

0 

3 

G 

0 

1 

0 

4       6 


6  o 

3  o 

11  6 

8  8 

4  1(7 


O 
IO 

O 

S 

1 


6     10 
9     10 


C  A  N 

Groffcur  du  corps  de  l'eflieu  ,  o 
Largeur  du  corps.de  l'elîieu  ,  où  po- 

Tent  les  flafques ,  o 
Longueur  du  petit  bout  des  fufécs , 

qui  pafle  le  moyeu  ,  o 

Face ,  o 
Proportion  de  la  ferrure  de  Ceffieu 
de  V affût  de  huit  livres. 

Deux  étriers ,  longueur,  i 

largeur,  o 

epaifleur ,  o 

Deux  équignons  ,  long.  2 

larg 

epaili.  o 

Deux  brabans  longs ,  1 

larg.  par  le  plus  large ,  o 

&  par  le  plus  étroit  qui  erl  def- 

fous  l'eflieu ,  o 

épaiff.  o 
Longueur  des  petits  anneaux  qui  font 

au  bout  des  fiiiées  de  l'eflieu ,  o 

largeur ,  o 

epaifleur ,  o 

Proportion  de  Pavant- train  avec 
les  roues  &  eflîcu. 

Longueur  du  corps  de  l'eflieu  ,  non 
compris  les  fufées , 

Longueur  des  fufées, 

Grofleur  du  corps  de  l'eflieu  , 

Largeur  du  corps  de  l'eflieu  où  pofe 
la  fellette  , 

Longueur  de  la  fellette  , 

Largeur , 

Hauteur  de  la  fellette  depuis  l'eflieu 
jufqu'à  la  cheville  ouvrière , 

Longueur  du  petit  bout  de  la  limo- 
niere  qui  pafle  derrière  la  fel- 
lette, 

Longueur  des  limonieres , 

Leurs  faces, 

Longueur  de  l'entrc-toife  de  limonic- 
re  de  dedans  en  dedans  , 

Largeur  de  l'entretoile  de  limonicre,  o 

Son  épaifleur, 

Longueur  de  répars  de  dedans  en  de- 
dans , 

Largeur  de  l'épars , 

Epaifleur  de  l'épars , 

Face  des  limonieres  vers  l'épars  , 

Face  des  limonieres  au  bout  , 

Longueur  depuis  la  fellette  jufqu'à 
l'épai  s, 

Longueur  depuis  l'épars  jufqu'à  l'cn- 
trc-toile  de  limonicre, 

Longueur  depuis  l'entretoife  jufque 
aux  ragots  , 

Longueur  du  moyeu , 

Diamètre  au  bouge  , 

Face  au  gros  bout , 

Face  au  petit  bout , 

Longueur  des  raies , 

FJauteur  des  jantes, 

Face  des  raies , 

Epaifleur  des  jantes , 

Hauteur  des  roues , 

Largeur  des  limonieres  vers  le  mi- 
lieu ,  2 
Proportion  des  ferrures  de  V  avant-train 

&  des  rouages. 
Quatre  cordons ,  long.  j 

larg.  o 

épaiff,  o 


C  A  N 


Gtj 


6    10 
6       3 


1 1 


o 
1       o 

O         I 


3 

0 

10 

1 

4 

4 

0 

5 

0 

0 

4 

0 

3 

2 

10 

0 

4 

0 

0 

4 

0 

7 

9 

0 

0 

3 

0 

1 

10 

10 

0 

3 

8 

0 

1 

6 

1 

ÏO 

10 

0 

2 

8 

0 

3 

10 

0 

3 

9 

0 

3 

0 

0 

7 

6 

0 

6 

1 1 

3 

8 

3 

1 

1 

3 

0 

10 

0 

0 

9 

0 

0 

6 

6 

0 

8 

0 

0 

4 

4 

1  > 

1 

6 

0 

2 

5 

3 

3 

8 

Deux  grandes  frettes ,  long. 

2 

8 

0 

larg. 

0 

1 

3 

épaiff. 

0 

0 

4 

Deux  petites  frettes ,  long. 

2 

0 

9 

larg. 

0 

1 

0 

épaiff. 

0 

0 

4 

Deux  liens  de  fellette  ,  long. 

2 

j 

7 

larg. 

0 

2 

2 

épaiff. 

0 

0 

5 

Deux  petits  anneaux  de  limoniere 

, 

long. 

0 

1 1 

3 

H* 

0 

0 

1 1 

épaiff. 

0 

0 

3 

Deux  petits  anneaux  d'eflicu ,  long. 

0 

8 

10 

larg. 

0 

0 

10 

épaiff. 

0 

0 

2 

Une  plaque  de  fellette  ,  long. 

2 

0 

11 

larg.  par  le  haut ,  diminuant  à 

rien  par  le  bas  x 

0 

7 

0 

épaiff. 

0 

0 

2 

Dix  bandes  à  dix  clous  chacune, 

long. 

1 

9 

5 

larg. 

0 

2 

2 

épaiff. 

0 

0 

6 

Deux  ragots,  long. 

0 

6 

0 

longueur  du  crochet, 

0 

3 

0 

largeur  du  ragot  près  le  crochet3 

diminuant  à  rien  par  le  bas  , 

0 

3 

0 

Face  du  crochet . 

0 

0 

6 

o 
10 
3 


A  l'égard  de  la  manière  de  voiturerle  canon  &  de 
le  foûtenir ,  vqye<r  Affust. 

Pour  ce  qui  concerne  la  méthode  de  le  charger  , 
voyei  Charge. 

Canon  à  la  Suédoife  ;  c'eft  une  pièce  de  quatre 
livres  de  balle  de  nouvelle  invention.  Dans  l'épreu- 
ve de  deux  de  ces  pièces  fondues  à  l'arfenal  de  Pa- 
ris en  1740,  on  a  aifément  tiré  dix  coups  par  mi- 
nute. Ces  pièces  ne  pèlent  qu'environ  600  ou  62Ç 
livres  ,  ce  qui  les  rend  d'un  tranfport  tres-aifé  dans 
toutes  fortes  de  terreins.  On  affure  que  M.  Dubro- 
card ,  tué  a  Fontenoy,  s'en  efl.  fervi  très-avantageufe- 
ment  en  Bohême.  (  Q  ) 

*  Canon  defufl,  {Arts  méchaniaues.}  Le  canon 
d'unfufd  en  efl  la  partie  principale.  C'efl  ce  ti'be  de 
fer  dans  lequel  on  met  la  poudre  &:  le  plomb,  &  qui 
dirige  le  coup  où  l'on  veut  qu'il  atteigne.  Il  ne  pa- 
roît  pas  au  premier  coup  d'œil  ,  que  ce  foit  un  ou- 
vrage difficile ,  que  celui  d'un  bon  canon  ;  cepen- 
dant il  demande  pour  l'exécution ,  des  précautions  6c 
de  l'expérience.  Sans  les  précautions  ,  le  canon  pé- 
chant parla  matière  ,  celui  qui  s'en  fervira  fera  ex- 
pofé  à  en  être  eltropié  ,  ou  peut-être  même  tut  :  fans 
l'expérience,  la  matière  lera  bonne  ;  mais  étant  mal 
travaillée  ,  celui  qui  le  fervira  du  fûfil  ,  fera  peu  (tir 
de  fon  coup  ,  à  moins  que  par  une  longue  habitude 
de  fon  arme ,  il  ne  parvienne  à  en  connoître  &  cor- 
riger le  défaut.  Il  y  a  des  canons  qui  ne  portent  qu'à 
peu  de  alliance  ;  d'autres  portent  ou  trop  bas  ,  ou 
trop  haut  ,  ou  à  gauche ,  ou  à  droite.  Il  y  en  a  qui 
ont  le  recul  très-incommode.  On  peut  inviter  les  Phy- 
ficiens  à  tourner  leurs  vues  de  ce  côté  ;  à  s'inftruire 
de  la  manière  dont  on  forge  les  canons  de  fufiJ ,  >x.  à 
rechercher  tout  ce  qui  peut  contribuer  à  la  perfec- 
tion &  à  la  bonté  de  cette  arme. 

Une  des  principales  attentions  que  doit  avoir  ce- 
lui qui  fait  un  canon  de  fulil ,  c'ell  de  choilir  de  bon 
fer.  Le  meilleur  pour  cet  ufage  doit  être  doux  ,  liant, 
&  Unis  paille. 

Il  prendra  environ  fix  pies  de  barre  de  ce  ter, de 
leux  lignes  de  large,  fur  quatre  lignes  environ 
d'épaiffeur.  Cette  barre  pliee  en  tro;s ,  appeUée  par 
les  ouvriers  maquelle  ,  fera  chauffée  ,  foudee ,  <5cbien 
corroyée  fous  le  gros  marteau,  pour  en  former  la  la- 
me du  canon, 


6i6 


C  A  N 


On  entend  par  la  lame ,  un  morceau  de  fer  plat, 
deftmé  à  être  roulé  ou  tourné  fur  une  longue  bro- 
che ,  &  à  former  le  tube  ou  canal  du  canon. 

La  broche  fait  ici  la  fonction  d'une  bigorne.  C'eft 
fur  elle  que  fe  fait  l'opération,  la  plus  délicate ,  celle 
de  fouder  le  canon  ,  ou  la  lame  roulée ,  félon  toute 
fa  longueur.  On  conçoit  que  fi  cette  foudure  pèche 
en  quelque  endroit ,  l'effort  de  la  poudre  ne  man- 
quera pas  d'ouvrir  le  canon  dans  cet  endroit  ;  ôcque 
û  le  défaut  fe  trouve  malheureufement  à  la  partie 
inférieure  du  canon  qu'on  appelle  le  tonnerre  ,  le 
moindre  accident  qui  puiffe  en  arriver  à  celui  qui 
s'en'fert ,  c'eft  d'avoir  un  bras  ,  une  main  empor- 
tée. Il  eft  des  Arts  dont  la  bonne  police  devroit  in- 
terdire l'exercice  à  tout  mauvais  ouvrier  ,  &  où  les 
bons  ouvriers  font  plus  particulièrement  obligés  à 
ne  point  faire  de  mauvais  ouvrages.  Un  Ouvrier  en 
canon  de  firfil  qui  s'eft  négligé  dans  fon  travail ,  s'eft 
expofé  à  un  homicide,  il  n'en  eft  pas  d'un  canon  de 
fufil  ainii  que  d'un  couteau ,  d'un  cifeau ,  d'une  mon- 
tre ,  &c 

Pour  que  la  foudure  foit  bien  faite  ,  il  eft  enjoint 
à  l'ouvrier  de  donner  les  chaudes  de  deux  pouces 
en  deux  pouces  au  plus.  S'il  les  donnoit  moins  fré- 
quentes &c  fur  plus  de  longueur  ,  quelques  portions 
de  matière  fe  refroidiffant  avant  que  d'être  travail- 
lées ^au  marteau  ,  ou  ne  louderoient  point ,  ou  lou- 
deroient  mal. 

Lorfque  le  canon  aura  été  fondé  fur  la  broche  de 
l'un  à  l'autre  bout ,  l'ouvrier  obfervera  avec  atten- 
tion ,  s'il  n'y  eft  pas  refté  d'éventures  ou  crevaffes  , 
ou  de  travers.  Les  travers  font  des  efpeces  de  cre- 
vaffes tranfverfaîes,qui  viennent  du  défaut  de  la  ma- 
tière. S'il  y  remarque  quelqu'une  de  ces  défecluofi- 
tés ,  il  rapportera  en  cet  endroit  des  lames  de  fer 
erichaffées  en  queue  d'aronde ,  &  au  lieu  de  la  troi- 
iieme  chaude  douce  ,  il  reffoudra  le  canon  depuis  un 
bout  jufqu'à  l'autre  ;  cette  reffoudure  eft  même  très- 
bonne  à  pratiquer  ,  foit  qu'il  y  ait  eu  des  éventures 
ou  non.  Elle  achèvera  de  refferrer  les  pores  de  l'é- 
toffe ,  &  de  rendre  le  canon  cie  bon  fervice. 

Cela  fait ,  le  canon  fera  forgé.  Il  s'agit  maintenant 
de  le  forer;  car  on  fe  doute  bien  que  fa  f  urface  tant  in- 
térieure qu'extérieure  au  fortir  de  la  torge  ,  doit  être 
très-inégale.  Le  canon  fera  foré  par  vingt  forets  au 
moins ,  qui  augmenteront  le  calibre  peu  à  peu  ;  mais 
au  lieu  de  l'inftrument  appelle  la  mouche,  qui  a  une 
efpece  de  ramaffe  &  qui  ne  peut  pas  rendre  un  ca- 
non égal  de  calibre ,  il  eft  ordonné  de  fe  fervir  d'une 
mèche  ou  outil  quarré  de  la  longueur  de  douze  à 
quatorze  pouces, tur  laquelle  on  appliquera  une  ételle 
de  bois ,  qui  couvrira  les  deux  carnes  de  la  mèche  ; 
à  chaque  fois  que  l'on  paffera  la  mèche  dans  le  ca- 
non ,  on  rehauffera  l'ételle  de  bois  par  une  bande 
de  papier  mife  entre  elle  &  la  mèche  ;  ce  qui  fervira 
à  enlever  les  traits  du  foret ,  &  à  rendre  le  canon  égal 
dans  l'ame  ,  &  du  calibre  preferit. 

Voyez  Planche  première  de  la  fabrication  des  ca- 
nons ,  la  perfpeclive  d'une  ufine  dont  on  voit  le  plan, 
Planche  II.  A  eft  un  bac  qui  fe  remplit  d'eau  par  le 
moyen  du  tuyau  ou  de  la  canelle  B  ,  qui  aboutit 
par  fon  autre  extrémité  dans  un  réfervoir  ou  courant 
qui  conduit  de  l'eau  ,  dont  la  chute  fur  les  aubes  d'u- 
ne grande  roue  fixée  fur  l'arbre  de  la  roue  D ,  fait 
tourner  cette  roue.  On  a  pratiqué  deux  rainures  dans 
l'épaiffeur  de  la  roue  D ,  propres  à  recevoir  deux 
cordes  ;  l'une  de  ces  cordes  ,  après  s'être  croifée ,  fe 
rend  fur  la  poulie  E  ,  &  la  fait  tourner.  La  poulie  E , 
fixée  fur  l'arbre  F,  fait  tourner  cet  arbre  ,  &  avec 
cet  arbre ,  la  roue  <?,  la  meule  H  &  le  quarré  /,  dans 
lequel  eft  adapté  le  foret  L.  La  roue  G ,  porte  une 
corde  qui  fe  ci  oii'e  &  fe  rend  fur  la  roue  M  ;  la  roue 
M-,  fait  tourner  l'arbre  N,  la  meule  O  ,  le  quarré  P 
&  le  forêt  Q,  qui  y  eft  adapté.  Cet  équipage  forme 


C  A  N 

la  moitié  d'une  ufine ,  telle  que  font  celles  de  St.  Etien* 
ne  en  Forés.  Si  l'on  imagine  une  corde  qui  paffe  fur 
la  féconde  rainure  de  la  roue  Z>,  &  qui  fe  rende  fur 
une  roue  placée  de  l'autre  côté  ,  &  telle  que  la  roue 
G ,  on  aura  l'uline  entière. 

Chacune  des  roues  M  occupe  deux  ouvriers  ;  l'urt 
s'appelle  lejoreur ,  l'autre  le  femeur.  Le  foreur  eft  pla- 
cé dans  la  foffe  R  ;  il  adapte  dans  le  quatre  P,le  foret 
qui  convient.  11  applique  fon  canon  à  ce  foret.  Le  ca- 
non eft  porté  dans  une  pièce  échancrée  T,  qui  Fem- 
braffe.  Une  fermeture  S ,  le  contient  dans  Féchan- 
crure  de  la  pièce  T.  Le  foreur  dirige  le  canon ,  &  fait 
i uccéder  les  forets  les  uns  aux  autres ,  jufqu'à  ce  que- 
le  canon  foit  du  calibre  qui  convient.  Le  femeur  eft 
couché  fur  la  planche  V ,  &  c'eft  lui  qui  réduit  le  ca- 
non fur  la  meule  O  ,  à  fes  proportions  extérieures. 

Lorfque  le  canon  eft  foré  ,  on  en  vérifie  le  calibre 
avec  un  dé  ou  mandrin  long  de  trois  pouces ,  tour- 
né ,  trempé ,  poli ,  &  du  diamètre  de  fept  lignes  trois 
quarts.  On  parle  ce  mandrin  dans  le  canon  de  l'un  à 
l'autre  bout.  Le  femeur  a  deux  calibres ,  l'un  de  feize> 
lignes  juftes  ,  &c  l'autre  de  huit  lignes  &  demie  pour 
vérifier  les  bouts  du  canon  ;  c'eft  en  femant  le  ca- 
non ,  c'eft-à-dire  en  le  mefurant  exactement  avec 
fes  deux  calibres ,  que  le  femeur  lui  donne  à  l'exté- 
rieur la  forme  de  cierge  qu'il  doit  avoir. 

On  conçoit  aifément  que  le  foret  ne  peut  travail- 
ler au-dedans  d'un  canon  ,  fans  qu'il  s'y  faffe  un 
grand  frotement  &  une  chaleur  capable  de  le  détrem- 
per ;  c'eft  pour  obvier  à  cet  inconvénient  qu'on  a 
pratiqué  les  rigoles  C,  x  ,y ,  qui  portent  de  l'eau  vers 
toutes  les  folles ,  &  arroient  l'endroit  où  la  fermetu- 
re foùtient  le  canon ,  &  où  la  pointe  &  les  carnes  du 
foret  agiffent.  Les  meules  H  ,  O  ,  tournent  dans  des 
auges  qui  font  aufîl  pleines  d'eau  qui  les  rafraîchit. 

L'ouvrage  du  femeur  n'eft  guère  moins  délicat  que 
celui  du  forgeron  ;  c'eft  lui  qui  dreffe  le  canon  ,  & 
qui  lui  donne  cette  diminution  d'épaiffeur,  qu'il  faut 
conduire  avec  tant  de  précifion,  de  la  culaffe  à  la 
bouche  ,  pour  rendre  le  canon  jufte.  Il  faut  un  grand 
nombre  d'années  pour  former  un  excellent  ouvrier, 
en  ce  genre. 

Le  canon  du  fulîl  grenadier  ou  de  foldat ,  eft  rond  ,' 
&  n'a  qu'un  fèul  pan  qui  prend  de  la  culaffe ,  &  va 
finir  à  trois  pouces  du  guidon.  La  longueur  du  canon 
eft  de  trois  pies  huit  pouces  juftes. 

Le  diamètre  entier  à  l'arriére  ou  à  la  culaffe  eft  de 
feize  lignes.  Le  diamètre  entier  fur  le  devant  ou  à  la 
bouche  eft  de  huit  lignes  &  demie ,  &  le  calibre  de 
fept  lignes  trois  quarts ,  afin  que  la  balle  des  dix-huit 
à  la  livre  ait  fufhfammcnt  de  vent. 

Suivant  ces  dimenùons  ,  l'épaiffeur  du  fer  à  la  cu- 
laffe doit  être  de  quatre  lignes  &  un  huitième  de  li- 
gne ,  &  l'épaiffeur  du  fer  à  la  bouche ,  de  trois  hui- 
tièmes de  ligne. 

Il  eft  enjoint  de  faire  la  culaffe  double  &  bien 
jointe  deffus  &  deffous  ;  la  queue  épaiffe  de  trois  li- 
gnes proche  du  talon ,  venant  au  bout  à  deux  lignes  ; 
&  le  talon  de  deux  lignes  &  demie  d'épaiffeur  par- 
deffous ,  allant  au-deifus  à  la  largeur  du  pan  du  ca- 
non ,  fur  fix  à  fept  lignes  de  haut.  La  vis  de  la  plati- 
ne de  derrière,  paffant  au-travers  du  talon,  il  fera 
ouvert  en  forme  de  fourche  ,  afin  que  le  canon  fe 
démonte,  fans  ôter  la  vis.  Il  n'y  aura  que  la  vis  de 
la  queue  à  lever. 

La  tête  de  la  culaffe  fera  de  huit  lignes  de  haut, 
&  la  lumière  fera  percée  à  fept  lignes  de  derrière  ; 
par  conféquent  la  tête  de  la  culaffe  fera  entaillée  d'u- 
ne ligne  du  côté  de  la  lumière  ,  &  reliera  plate  par 
le  bout. 

On  n'a  pu  régler  la  hauteur  de  la  culaffe  par  le 
nombre  de  fes  filets ,  ces  filets  étant  plus  gros  ou  plus 
fins  les  uns  que  les  autres  :  mais  il  faut  avoir  foin  qu'ils 
foient  vifs  6c  b^en  enfoncés.  La  queue  de  la  culaffe 

aura 


C  A  N 


C  A  N 


617 


aura  devrx  pouces  de  longueur  &  fe  terminera  en 
ovale. 

Il  y  aura  un  tenon  aux  canons  ;  il  fera  placé  à  qua- 
tre pouces  du  bout ,  Ôé  fe  trouvera  logé  dans  le  fût 
fous  le  premier  anneau.  Le  guidon  fera  auffi  bralé  à 
vingt  lignes  jufr.es  du  bout.  On  y  aura  une  attention 
finguliere ,  pour  que  les  bayonetres  des  différentes 
manufactures  puiffent  fe  rapporter  facilement. 

Les  canons  demi-citadelle  ou  de  rempart  leront  fa- 
briqués ,  comme  nous  l'avons  preferit  ci-defTus  ;  ils 
•auront  trois  pies  huit  pouces  de  longueur  :  le  diamè- 
tre entier  de  la  culaffe  fera  de  dix-huit  lignes.  Le  dia- 
mètre furie  devant,  ou  à  la  bouche,  fera  d'onze  lignes 
un  quart ,  &  le  calibre  de  huit  lignes  un  quart.  Ils 
auront  comme  ceux  de  grenadier ,  un  tenon  ,  &  le 
guidon  en  fera  pofé  à  feize  lignes  du  bout. 

Le  bouton  de  la  culaffe  aura  la  même  hauteur ,  & 
le  talon  la  même  épaiffeur  que  la  culaffe  du  fufil  gre- 
nadier ;  la  lumière  en  fera  aulîi  percée  à  la  même 
diftance. 

Les  canons  tant  de  rempart  que  de  foldat  feront 
éprouvés  horifontalement ,  avec  leur  vraie  culaffe, 
couchés  fur  des  chevalets  ,  la  culaffe  appuyée  contre 
une  poutre  armée  de  barres  de  ter ,  ce  qui  arrêtant 
le  recul ,  rendra  l'épreuve  pius  forte.  Chaque  canon 
foûtiendra  deux  épreuves  :  la  première  fera  une  char- 
ge de  poudre  du  poids  île  la  balle  ,  bourrée  avec  du 
papier,  et  la  balle par-deffus  aulîi  bourrée;  la  fécon- 
de fera  d'un  cinquième  de  poudre  de  moins  ,  aulîi 
bourrée  &  de  même  la  balle  par-deffus. 

La  balle  du  fufil  de  foldat  elt  de  dix-huit  à  la  livre , 
&  la  balle  du  fufil  de  rempart  elt  d'une  once  ou  de 
feize  à  la  livre. 

Il  elt  rare  qu'il  crevé  des  canons  à  la  féconde 
épreuve  :  mais  elle  elt  ordonnée ,  parce  qu'elle  ouvre 
&  fait  découvrir  les  éventures  imperceptibles  que  la 
première  épreuve  n'a  point  affez  dilatées.  Les  ca- 
nons éventés  font  mis  au  rebut ,  ainfi  que  les  canons 
crevés. 

Le  canon  tient  au  bois  fur  lequel  on  le  monte ,  par 
la  vis  de  la  culaffe  ,  &  par  deux  anneaux  qui  le  joi- 
gnent au  fut  ;  l'un ,  au  commencement ,  où  il  fert  de 
porte-baguette  à  queue  ;  &  l'autre ,  vers  le  bout  du 
fût  qu'il  faiiit  avec  le  canon ,  Se  où  il  elt  arrête  au 
moyen  d'une  petite  lame  à  reffort ,  qui  porte  fa  gou- 
pille encadrée  dans  le  côté  du  fût.  Voyc^  aux  articles 
Fusil  ,  Platine  ,  &c.  ce  qui  concerne  le  relie  de  l'ar- 
me-à-leu,  avec  les  dimenhons  lelon  lelqueiles  M.  de 
Valliere,  lieutenant  général  des  armées  du  Roy,  ôc 
infpecteur  des  manufactures  des  armes ,  a  règle  que 
les  différentes  parties  fuffént  toutes  fabriquées. 

Notre  fabrique  de  canon  de  Saint-Etienne  en  Forés 
elt  très-confiderable  ,  tant  par  la  quantité  d'armes  qui 
en  fartent ,  que  par  la  qualité  qu'elles  ont.  Elle  eft  com- 
poléc  d'une  multitude  d'ouvriers  qui  ne  peut  guère 
s'eltimcr  ,  que  par  celle  des  ufines  conltruites  lur  les 
bords  cle  la  Furenle  ;  cette  rivière  fait  tourner  des 
milliers  de  meules.  Cependant  comme  elle  manque 
d'eau  quelquefois,  cela  a  déterminé  quelques  tabri- 
■cateurs  à  transporter  les  leurs  fur  la  Loire.  M.  de 
Saint-Perieux ,  gendre  de  M.  Girard  un  de  ceux  qui 
ont  le  mieux  répondu  aux  vues  que  M.  cle  Valliere  a 
toujours  eues  pour  perfectionner  la  fabrication  des  ar- 
mes, a  placé  la  lienne  a  Saint-Paul  en  Cornillon,  à 
deux  lieues  de  Saint-Etienne. 

Quelques  aràftes  ont  imaginé  de  fouder  plufieurs 
•canons  cnlemble ,  &  d'en  fane  des  fulils  à  plufieurs 
coups.  Les  liilils  à  deux  coups  font  communs.  Il  en 
«Il  lorti  un  à  trois  coups  de  la  fabrique  des  nouveaux 
entrepreneurs  pour  le  Roi ,  remarquable  par  la  légè- 
reté ,  fon  méchanifme,  fa  lùreté ,  Ion  travail  de  forge 
&  de  l.me- èv  lesornemens.  Nous  en  ferons  mention 
à  l'article  Fusil.  Voyt\  t'amde  FusïL. 

Les  canons  n'ont  pas  tous  la  même  forme  exte- 
Tomc  II. 


rieure  ;  il  y  en  a  de  ronds  ;  il  y  en  a  à  pans  ,  ou  can- 
nelés :  les  uns  font  unis  ;  d'autres  font  cifelés.  Mais 
ces  ornemens  s'exécutent  fur  le  canon  du  fufil ,  com- 
me fur  tout  autre  ouvrage.  foye^  Ciseler,  & 
Canneler.  On  a  inventé  quelques  machines  pour 
les  pans  &  pour  les  cannelures  :  mais  elles  n'ont  p;  s 
répondu  à  l'effet  qu'on  en  attendoit  ,&ona  été  obli- 
gé de  les  abandonner  &  de  s'en  tenir  à  la  lime  :  il  y 
a  des  canons  brilés  ;  des  canons  carabinés  ,  &c.  Koyer 
la  fuiu  de  cet  article. 

CANON  BRISÉ  ,  (terme  cTJrquebufur.)  c'ell  un 
canon  qui  eft  coupé  en  deux  parties  au  haut  du  ton- 
nerre ;  la  partie  Supérieure  elt  en  écrou  viffé ,  &  fe 
monte  fur  le  tonnerre  qui  eft  en  vis  ,  de  façon  qu'ils 
fe  joignent  enlemble,  6z  forment  en-deffus  une  face 
unie.  Ces  canons  font  ordinairement  carabinés  ;  il  y 
en  a  de  toutes  fortes  de  grandeur  6e  de  grofîeur. 
Foye{  Fusil. 

CaNON  CARABINÉ  ,  (  terme  d'Arquebuficr.  )  Ce 
canon  tait  à  l'extérieur  comme  les  canons  ordinaires, 
elt  tarodé  en-dedans  dans  toute  fa  longueur  de  mou- 
lures longitudinales  ou  circulaires.  L'on  eft  obligé 
dans  ces  canons  d'enfoncer  la  balle  avec  une  baguette 
de  1er,  &  de  l'y  forcer;  ces  canons  portent  la  balle 
plus  loin  Ôc  plus  jultc.  Koye^  les  articles  Mousquet 
&  Fus*il. 

Petit  CANON  ,  (  Fonderie  en  caractères  J  Imprimerie.) 
quinzième  corps  des  caractères  d'Imprimerie  ;  la  pro- 
portion elt  de  quatre  lignes  quatre  points ,  mefure  de 
l'échelle.  foye^  Proportions  des  Caractères 

DTMPRIMERli.  ,  Ôé  C  exemple  à  Carticle  CARAC- 
TERES. 

Gros  CANON  ,  [chat  les  mîmes  ouvriers.)  dix-fep-1 
tieme  corps  des  caractères  d'Imprimerie  ;  la  propor- 
tion elt  de  fept  lignes  deux  points  mefure  de  l'é- 
chelle. Veye^  PROPORTIONS  DES  CARACT.  d'I.MP. 
&  l'exemple  a  l'article  CARACTERES. 

Double  Canon  ,  (che^  les  mêmes.  )  dix-huitieme 
corps  des  caractères  d'Imprimerie;  fa  proportion  elt 
de  neuf  lignes  deux  points,  mefure  de  l'échelle.  Voye^ 
Proportions  des  Caract.  d'Imprim.  &  V exem- 
ple, à  Carticle  CARACTERES. 

Triple  CANON  ,  (encore  che^  les  mêmes.  )  dix-neu- 
vieme  corps  des  caractères  d'Imprimerie  ;  la  propor- 
tion elt  de  douze  lignes ,  mefure  de  L'échelle.  Voye^ 
Proportions  des  Caract.  d'Imprim.  ce  "«- 
xemple  à  l'article  Caractères. 

Canon  ,  (  en  terme  de  Chaudronnier.  )  eft  un  mor- 
ceau de  fer  à  tête  large  &  foré  ,  que  l'on  appuie 
fur  la  pièce  ,  à  l'endroit  011  on  la  perce.  Voyc^_  PI. 
II.  du  Chaudronnier  ,  fig.  8.  qui  rcpielcnte  un  ou- 
vrier qui  appuie  le  canon  contre  une  cuve  pc 
que  l'ouvrier  fig.  y.  perce  un  trou  avec  un  poinçon 
qu'il  chaffe  avec  un  marteau.  La  figure  18.  de  la 
même  Flanche  représente  le  canon  en  particulier,  & 
la  //_;.  tj.  une  cfpece  de  tas  qui  iert  au  même  ufage. 

Canon  ,  terme  dont  les  Emaillew  \  le  fervent  pour 
fignifier  les  plus  gros  morceaux  ou  filets  d'email 
qu'ils  tirent  pour  le  mettre  en  état  d'être  employé 
aux  divers  ouvrages  de  leur  métier.. 

Suivant   l'article  x.x.  des  jlatuts  des  Email'eurs ,  il 
elt  défendu  à  toute  pei  formes,  marchands  ou  autres, 
démêler  aucune  forte  d'émail,  &  retenir  canon  pour 
vendre ,  li  ce  n'elt  aux  maîtres  du  métier. 
Email  ,  &  Emailleur. 

Canon  ,  (parmi  les  Horlogers. }  lignifie  une  1 
de  petit  tuyau  ,  ou  un  cylindre  creux  un  peu  long, 
percé  de  part  en  part.  On  adapte  des  ca 
lentes  pièces  ou  roues,  pour  qu'elles  tournent  fur 
des  arbres  ou  tiges  fans  aucun  bercement  ,    : 
pour  qu'elles  puiffent  y  tenir  à  fr< 
canon  de  la  chauffée  ,  celui  de  la  roue  de 
'.;u;Chaussée,  R o  l  h.  de  cadran  ,  c 
Planche  des  Mon  très.  (T) 

Iîii 


6i8 


C  A  N 


Canon;  ce  mot  a  deux  fens  dans  le  Manège  :  dans 
le  premier ,  il  fignifie  la  partie  qui  eft  depuis  le  ge- 
nouil  &  le  jarret  jufqu'au  boulet.  Les  fufées  ;  les  lur- 
os  viennent  au  canon  des  chevaux  ;  les  arrêtes  ,  tout 
le  long  du  canon  jufqu'au  roulet ,  ne  viennent  que 
très-rarement  aux  barbes.  Dans  le  fécond  ,  c'eft  une 
partie  du  mors  ou  de  l'embouchure  du  cheval ,  qui 
confiée  dans  une  pièce  de  fer  arrondi  qui  entre  dans 
la  bouche  &  la  tient  fu jette.  Il  y  a  plufieurs  fortes 
de  canons  ,  Savoir  le  canon fimple  ,  le  canon  a  trompe , 
le  canon  gorge  de  pigeon  ,  le  canon  montant,  le  canon 
à  compas  ,  le  canon  à  col  d'oie  la  liberté  gagnée ,  le  ca- 
non à  bafcule  ,  le  canon  à  pas  d'âne  ,  le  canon  coupé  à 
pas  d'âne ,  &c.  dont  on  peut  voir  la  description  dans 
les  auteurs.  Voye^  Embouchure.  &  fig.  zz.  Plane, 
de  l' Eperonnier  en  P. 

Canon,  {terme  de  Plombier.}  c'eft  un  tuyau  de 
plomb  de  trois  ou  quatre  pies  de  longueur  ,  où  vont 
le  rendre  les  eaux  des  chêneaux  qui  entourent  un 
bâtiment ,  &  qui  jette  l'eau  bien  loin  des  fondemens 
qu'elle  pourroit  gâter ,  fi  elle  tomboit  au  pié  du 
mur. 

Canons  d'une  jauge,  font  les  ouvertures  qui  font 
percées  dans  fon  pourtour ,  &  où  font  foudés  des 
bouts  de  tuyaux.  Voye{  Jauge.  (  /£) 

Canon  ,  (  terme  de  Potier  defiyence.  )  c'eft  une  ef- 
pece  de  pot  de  fayence  un  peu  long  &  rond ,  dans 
lequel  les  marchands  Apothicaires,  particulièrement 
ceux  de  Paris ,  mettent  les  confections  &  les  élec- 
tuaires  à  meiure  qu'ils  les  préparent. 

Canon,  (terme  de  Rubannier.  )  fe  dit  d'un  petit 
tuyau  de. buis,  ayant  ainfi  que  le  rochet  de  petits 
bords  à  ies  bouts  pour  empêcher  les  foies  d'ébou- 
ler ;  il  eil  percé  d'outre  en  outre  d'un  trou  rond  pour 
recevoir  la  brochette  de  la  navette  dans  laquelle  il 
doit  entrer  ;  fon  ulage  eft  d'être  rempli  dans  chaque 
ouvrage  de  ce  qui  compofe  la  trame  Voye^  Trame. 
Il  eft  à  propos  à  chaque  ouvrier  d'avoir  quantité  de 
ces  canons,  pour  éviter  de  faire  de  la  trame  à  tous 
momens. 

Canon  à  dévider ,  qui  fe  pafTe  dans  la  ceinture 
de  la  devideufe  ;  c'eft  iouvent  un  vieux  rochet  dans 
l'épaiffeur  du  corps  duquel  on  fait  ira  trou  qui  va 
jufqu'au  trou  de  la  longueur  ;  il  y  en  a  d'unique- 
ment deftinés  à  cet  ufage,  qui  font  faits  par  les  Tour- 
neurs ;  ils  fervent  à  recevoir  le  bout  de  la  broche 
à  dévider,  pour  foulager  la  devideufe.  Voye^  Dé- 
vider. 

Canon  ,  en  Serrurerie  ,  c'eft  cette  pièce  de  la  fer- 
rure qui  reçoit  la  tige  de  la  clé  ,  quand  il  s'agit  d'ou- 
vrir ou  fermer  la  ferrure.  Cette  pièce  n'eft  autre 
chofe  qu'un  canal  fendu  par  fa  partie  inférieure  , 
qui  fert  de  conducteur  à  la  clé  :  quand  la  ferrure  a 
une  broche  ,  la  broche  traverfe  le  canon ,  &  lui  fert 
d'axe.  Le  canon  aboutit  par  fon  entrée  à  la  partie  ex- 
térieure de  la  porte  ,  &  par  fon  extrémité  intérieure 
il  va  fe  rendre  à  la  couverture  ou  au  foncet  de  la 
ferrure.  Voyt^  Foncet. 

On  diftingue  deux  fortes  de  canons  ;  il  y  en  a  à 
patte ,  &;  de  tournans. 

Les  canons  à  patte  font  attachés  avec  des  rivures 
ou  des  vis,  fur  la  couverture  ou  fur  le  foncet  de  la 
ferrure. 

Les  canons  tournans  ,  qui  font  d'ufage  aux  ferrures 
de  coffres  forts ,  ronds  à  l'extérieur  comme  les  au- 
tres canons,  font  ordinairement  figurés  intérieure- 
ment ,  foit  en  trèfle  ,  foit  en  tiers  point ,  ou  de  quel- 
qu'autre  figure  pareille,  &  reçoivent  par  conséquent 
des  clés  dont  les  tiges  ont  la  même  figure  de  trèfle  ou 
de  tiers  point  ;  d'où  il  arrive  qu'ils  tournent  fur  eux- 
mêmes  avec  la  clé  ,  fans  quoi  la  clé  ne  pourroit  fe 
mouvoir.  Pour  leur  faciliter  ce  mouvement,  au  lieu 
d'être  fixés  foit  à  rivnre  foit  à  vis  fur  la  couverture 
ou"  fur  le  foncet,  ils  traverfent  toute  la  ferrure,  & 


C  A  N 

leur  tête  qui  pofe  fur  le  palatre,  eft  fous  une  pièce 
creule  qu'on  nomme  couverture ,  qui  les  empêche  de 
réfifter ,  mais  non  de  fe  mouvoir  :  la  couverture  eft 
fixée  fur  le  palatre  par  des  vis.  Voye-^  Serrure. 

Canon  pour  la  trame,  injlrument  des  ouvriers  en 
étoffes  de  foie  ;  le  canon  pour  la  trame  eft  un  bois  arron- 
di ,  pointu  d'un  côté ,  &  avec  une  tête  de  l'autre 
percée  d'un  bout  à  l'autre  ;  il  eft  de  fix  à  fept  pou- 
ces de  long  environ  ;  la  trame  eft  dévidée  fur  ce  ca- 
non. Voye^  Navette. 

Canon  pour  Corgancin,  injlrument  des  ouvriers  en 
étoffes  de  foie  ;  le  canon  ou  rochet  pour  l'organcin  eft 
différent  de  celui  de  la  trame ,  en  ce  qu'il  eft  un  peu 
plus  petit ,  &  qu'il  a  une  tête  à  chaque  bout.  Voye^ 
Rochet. 

Canon  ,  terme  de  Tourneur  ;  on  nomme  canons  d'un 
arbre  à  tourner  en  ovale  ou  en  d'autres  iigures  irré- 
gulieres ,  deux  cylindres  creux  qui  font  traverfés  par 
une  verge  de  fer  quarrée  qui  joint  la  boîte  au  man- 
drin. Voye^  Tour. 

CANONIAL  ,  adj.  terme  de  Droit  eccléfiaflique ,  fe 
dit  de  ce  qui  concerne  un  chanoine  ;  ainli  l'on  dit  une 
maifon  canoniale  ,  un  titre  canonial. 

CANONICAT  ,  f.  m.  terme  de  Jurifpr.  eccléf.  {ynony- 
me  à  chanoinie  :  fouvent^les  canoniftes  le  confondent 
avec  prébende  ;  il  en  diffère  cependant  en  ce  que  le 
canonicat  n'eft  que  le  titre  ou  la  qualité  fpirituelle  , 
laquelle  eft  indépendante  du  revenu  temporel  ;  au 
lieu  que  la  prébende  eft  le  revenu  temporel  même. 
Autrefois  le  pape  créoit  des  canonicats  fans  prében- 
de ,  avec  l'expeclative  de  la  première  qui  viendroit 
à  vaquer  :  mais  ces  expectatives  ne  fe  donnent  plus 
depuis  le  concile  de  Trente ,  qui  les  a  abolies.  Seu- 
lement le  pape  crée  quelquefois  un  chanoine  fans 
prébende  ,  quand  il  veut  conférer  une  dignité  dans 
une  églife  ,  pour  l'obtention  de  laquelle  il  faut  être 
chanoine.  Ces  canonicats  s'appellent  canonicats  ad 
effeclum  ;  ce  n'eft  qu'un  titre  fterile  &  infructueux ^ 
qu'on  appelle  aufti  par  cette  raifon  jus  ventofum.  y. 
Chanoinie  &  Prébende.  (#) 

C  ANONIER ,  f.  m.  (  Artillerie.  )  en  France  eft  ce- 
lui qui  fert  à  charger  le  canon ,  avec  l'aide  des  fol- 
dats  commandés  pour  le  fervice  des  batteries. 

Il  n'y  a  perfonne  actuellement  qui  ait  le  fimple 
titre  de  canonizr  dans  l'artillerie  ,  parce  qu'on  fe  fert 
de  foldats  de  Royal-artillerie  pour  faire  les  fonctions 
de  canonier. 

Il  y  en  a  eu  autrefois  des  compagnies  particuliè- 
res ,  mais  elles  ont  été  incorporées  dans  Royal-artil- 
lerie, en  conféquence  de  l'ordonnance  du  5  Février 
1720.  Voye?^  Artillerie. 

L'art  du  Canonier  eft  la  manière  de  tirer  le 
canon  &  les  mortiers ,  c'eft-à-dire ,  de  les  charger, 
de  les  pointer  ,  &  d'y  mettre  le  feu  avec  toute  la 
jufteflé  &  promptitude  poftlbles. 

Uart  du  canonier  fe  confidere  quelquefois  comme 
une  partie  de  l'art  militaire  ,  &  quelquefois  comme 
une  partie  de  la  Pyrotechnie.  Voye^  Art  militaire 
&  Pyrotechnie. 

Cet  art  enfeigne  à  connoître  la  force  &  l'effet  de 
la  poudre ,  les  dimenfions  des  pièces  d'artillerie  ,  & 
les  proportions  de  la  poudre  ce  du  boulet  dont  on  les 
charge,  auffi-bien  que  la  manière  de  les  manier, 
charger,  pointer,  nettoyer  ,  &  rafraîchir.  V.  Pou- 
dre-à-canon, Charge,  Pointer,  Eponge,  &c 
Il  y  a  quelques  parties  de  cet  art  qui  font  du  ref- 
fort  des  Mathématiques  ;  lavoir,  la  manière  de  poin- 
ter un  canon  fur  un  angle  donné  ,  &  de  calculer  fa 
portée  ;  ou  de  pointer  &  de  diriger  le  canon  de  ma» 
niere  qu'il  atteigne  le  but.  Voye^  Projectile. 

Les  inftrumens  principaux  dont  on  Se  lert  dans 
cette  partie  de  l'art  du  canonier ,  font  la  l^gle  du  ca- 
libre ou  verge  fphéréométrique  ,  le  quart  de  cercle, 
§c  le  niveau.  Pour  ce  qui  eft  de  la  manière  de  fe 


C  A  N 

fervïr  de  ces  inftrumens ,  confultez  les  articles  Ca- 
libre, Niveau  ,  &  Quart  de  cercle. 

La  ligne  que  décrit  le  boulet,  ou  la  route  qu'il 
tient  en  fortant  du  canon ,  à  quelque  hauteur  qu'il 
ait  été  pointé  ,  fe  trouve  être  la  même  que  celle  de 
tous  les  autres  projectiles,  favoir  une  parabole  (foye* 
Parabole  )  ;  c'eft  pourquoi  les  lois  particulières 
que  l'on  oblerve  dans  le  mouvement  ou  dans  la  vo- 
lée du  boulet ,  fa  vîteffe  ,  fon  étendue,  &c.  avec  les 
règles  pour  atteindre  le  but,  fe  trouvent  fous  l'article 
Projectile. 

Maltais  ,  ingénieur  Anglois ,  parle  pour  celui  qui  a 
enfeigné  le  premier,  en  1634,  la  manière  de  fe 
fervir  des  mortiers  fuivant  des  règles  :  mais  toutes 
les  connoiffances  n'étoient  fondées  que  fur  des  expé- 
riences &  tentatives  ;  il  n'avoit  aucune  idée  de  la 
ligne  courbe  que  décrit  le  boulet  fur  fon  paflage ,  ni 
de  la  différence  de  fa  portée ,  fuivant  les  différentes 
hauteurs  auxquelles  on  pointe  le  canon. 

Avant  que  M.  Blondel  eût  donné  fon  livre  de  Y  Art 
dejetter  les  bombes ,  la  plupart  des  canoniers  ne  fe  con- 
duifoient  par  aucunes  règles  en  fervant  les  batte- 
ries ;  s'ils  ne  frappoient  point  au  but ,  ils  hauffoient 
ou  baiffoient  la  pièce,  jufqu'à  ce  qu'elle  fe  trouvât 
pointée  julle:  cependant  il  y  a  pour  toutes  ces  opéra- 
tions des  règles  certaines  ,  fondées  fur  celles  de  la 
Géométrie  ,  8c  defquelles  nous  fommes  redevables 
à  Galilée  ,  ingénieur  du  grand  duc  de  Toicane  ,  &  à 
fon  difciple  Toricelli.  Voyt^  Bombe  ,  &c.  (Q) 

CANONIERES  ,  f.  f.  pi.  font  les  tentes  des  fol- 
dats  te  cavaliers.  Une  canoniere  doit  contenir  lept 
foldats.  (Q) 

CANONIQUE,  fe  dit,  en  JfyU  de  Jurifprudence 
eccléjlajlique ,  de  tout  ce  qui  eft  conforme  à  la  diipo- 
fiîion  des  canons. 

Canonique  (Droit  )  eft  un  corps  de  droit ,  ou 
recueil  de  lois  eccléfialliques  concernant  la  difei- 
pline  de  l'Eglife.  Ce  recueil  eft  compoié ,  1  °.  du  Dé- 
cret de  Gratien  ;  20.  des  Decrétales  ;  30.  d'une  fuite 
desDecrétales  appelléc  leSexte;^0.  des  Clémentines; 
50.  des  Extravagantes.  Voye{  Canon  ,  Décret, 
Decretale  ,  Sexte  ,  Clémentines  ,  &  Extra- 
vagantes. 

Dans  les  églifes  proteftantes ,  le  droit  canonique  a 
été  fort  abrégé  depuis  la  réformation;car  elles  n'en  ont 
retenu  que  ce  qui  étoit  conforme  au  droit  commun 
du  royaume ,  ce  à  la  doctrine  de  chaque  églife.  (  fl) 

Canoniques  (  Livres  )  ,  (  Théol.  )  on  donne  ce 
nom  aux  livres  compris  dans  le  canon  ou  le  catalo- 
gue de  livres  de  l'Ecriture  ;  voye^  à  l'article  Canon 
ce  qui  concerne  les  livres  canoniques  de  l'ancien-Tef- 
tament:  à  l'égard  des  livres  canoniques  Au  nouveau  , 
on  a  conftamment  admis  dans  l'Eglife  les  quatre 
évangéliftes ,  les  quatorze  épîtresde  S.Paul,  excep- 
té l'epître  aux  Hébreux,  la  première  épine  de  S. 
Pierre,  ik  la  premierre  de  S.Jean.  Quoiqu'il  y  eût 
quelque  cloute  fur  l'epître  aux  Hébreux,  les  épîtres 
de  S.  Jacques  &  de  S.  Jude  ,  la  féconde  de  S.  Pierre- 
la  féconde  &  la  troilieme  de  S.  Jean,  &  l'apocalyp- 
ie  ;  cependant  ces  écrits  ont  toujours  été  d'une  gran- 
de autorité  :  reconnus  par  plufieurs  églifes ,  l'Eglife 
univerfelle  n'a  pas  tardé  à  les  déclarer  canoniques  ; 
cela  le  démontre  par  les  anciens  catalogues  des  li- 
\  res  facrés  du  nouveau-Teftament,  par  le  canon  du 
concile  de  Laodicée  ,  par  le  concile  de  Carthage, 
par  le  concile  Romain  ,  &c.  auxquels  la  décision  du 
concile  de  Trente  eft  conforme.  Le  mot  canoniqm 
\  ient  de  canon  ,  loi ,  règle,  table  ,  catalogue. 

Le  canon  des  livres  du  nouveau-Teftament  n'a 
point  été  drefle  par  aucune  affemblée  de  Chi 
ni  par  aucun  particulier  ;  il  s'eft  formé  (ùr  le  con- 
fentement  unanime  de  toutes  les  églifes,  qui  avoient 
reçu  par  tradition,  «S»  reconnu  de  tout  tems  certains 
livres  comme  écrits  par  certains  auteurs  infj 
Tome  II. 


C  A  N 


619 


S.  Êfprit ,  prophètes,  apôtres,  &c  Eufebe  diftingue 
trois  fortes  de  livres  du  nouveau-Teftament  :  la  iie 
dafTe  comprend  ceux  qui  ont  été  reçus  d'un  con- 
fentement  unanime  par  toutes  les  églifes  ;  favoir ,  les 
quatre  évangiles,  les  quatorze  épîtres  de  S.  Pau! ,  à 
l'exception  de  celle  aux  Hébreux,  &  les  premières 
épîtres  de  S.  Pierre  êk  de  S.  Jean  :  la  féconde  claffe 
comprend  ceux  qui  n'ayant  point  été  reçois  par  tou- 
tes les  églifes  du  monde  ,  ont  été  toutefois  confidé- 
rés  par  quelques-unes  comme  des  livres  canoniques  , 
&  cités  comme  des  livres  de  l'Ecriture  par  des  au- 
teurs ecclénalliques  :  mais  cette  claffe  le  divife  en- 
core en  deux  ;  car  quelques-uns  de  ces  livres  ont  été 
depuis  reçus  de  toutes  les  églifes ,  &  reconnus  com- 
me légitimes  ;  tels  que  font  l'epître  de  S.  Jacques  , 
l'epître  de  S.  Jude ,  la  féconde  épître  de  S.  Pierre ,  la 
féconde  &  la  troifieme  de  S.  Jean  ;  les  autres  au  con- 
traire ont  été  rejettes,  ou  comme  fuppofés ,  ou  com- 
me indignes  d'être  mis  au  rang  des  canoniques,  quoi- 
qu'ils puffent  être  d'ailleurs  utiles;  tels  que  font  les 
livres  du  paffeur ,  la  lettre  de  S.  Barnabe ,  Vé\ 
félonies  Egyptiens,  un  autre  félon  les  Hébreux, 
les  actes  de  S.  Paul ,  la  révélation  de  S.  Pierre  :  en- 
fin la  dernière  claffe  contient  les  livres  fuppofés  par 
les  hérétiques ,  qui  ont  été  toujours  rejettes  par  l'E- 
glife ;  tels  que  font  l'évangile  de  S.  Thomas  &  de 
S.  Pierre,  &c.  L'apocalypfe  étoit  mife  par  quelques- 
uns  dans  la  première  claffe,  &  par  d'autres  dans  la 
féconde  :  mais  quoique  quelques  livres  du  nouveau- 
Teftament  n'ayent  pas  été  reçus  au  commencement 
dans  toutes  les  églifes  ,  ils  fe  trouvent  tous  dans  les 
catalogues  anciens  des  livres  facrés ,  fi  l'on  en  ex- 
cepte l'apocalypfe,  qui n'eft  point  dans  le  canon  du 
concile  de  Laodicée  ,  mais  que  le  contentement  una-« 
nime  des  églifes  a  depuis  autorité.  M.  Simon  ,  Hijl. 
critique  du  vieux-Teflament.  M.  Dupin,  Dijfert.  prclim. 
fur  la  Bible,  tome  III.  Vo  er  APOCRYPHES.  (  G  ) 

CANONISATION,  f.  f.  (Tkèolog.)  déclaration 
du  pape  par  laquelle,  après  un  long  examen  &  plu- 
fieurs folennités ,  il  met  au  catalogue  des  feints  un 
homme  qui  a  mené  une  vie  fainte  &c  exemplaire  ,  cv 
qui  a  fait  quelques  miracles.  V.  Saint  &  Miracle. 

Le  mot  de  canonijation  femble  être  d'une  origine 
moins  ancienne  que  la  chofe  même  ;  on  ne  trouve 
point  qu'il  ait  été  en  ufage  avant  le  XIIe  liecle  ,  quoi- 
que des  le  xi'-  on  trouve  un  décret  ou  bulle  de 
nifation  donnée  à  la  prière  deLintolfe,évêque  d'Augs- 
bourg,  par  le  pape  Jean  XV.  pour  mettre  S.  I 
ou  Ulric  au  catalogue  des  faints 

Ce  mot  cil  formé  du  mot  canon  ,  catalogue ,  &  il 
vient  de  ce  que  la  canonijation  n'étoit  d'abord  qu'un 
ordre  des  papes  ou  des  évêques,  par  lequel  il  étoit 
ftatué  que  les  noms  de  ceux  qui  s'étoient  diftingués 
par  une  pieté  &  une  vertu  extraordinaires  ,  feraient 
inferésdans  les  facrés  diptyques  ou  le  canon  d. 
fe,  afin  qu'on  en  tit  mémoire  dans  la  liturgie.  On  y 
ajouta  enfuite  les  ufages  de  marquer  un  office  parti- 
culier pour  les  invoquer,  d'ériger  des  .  jlifes  tous 
leur  invocation,  èv  îles  autels  pour  y  offrir  le  faint 
facrifice,  de  tirer  leurs  corps  de  leurs  premiers  fe- 
pulcres;  peu  à  peu  on  y  joignit  d'autres  cérémonies: 
on  porta  en  triomphe  les  im 

procédions  ;  on  déclara  jour  de  fête  l'anniverfaire  de 
celui  de  leur  mort ,  &  pour  rendre  la  chofe  plus  fo- 
Iennelle,  le  pape  Honorais III,  en  i::î,  accorda 
plufieurs  jours  d'indulgence  pour  1. 

Toutes  ces  règles  font  modernes ,  &  étoient  incon- 
nues à  la  primitive  Églife.  Sa  difeipline  à 
pendant  les  premiers  fiecles ,  c  :  à  Ro- 

me ,  qui  fut  long  tems  le  premier  théâtre  des 
curions ,  des  greffiers  ou  notaires  ]  >ur  re- 

cueillir foîgneufement  &  avec  la  dernière  fi<  - 
actes  des  martyrs,  c'eft-à-dire  le 
Chrétiens  touchant  la  mort  des  martyrs,  leur  conf- 

1  1  i  1  ij 


6io 


C  A  N 


tance ,  leurs  derniers  difeours ,  le  genre  de  leurs  liip- 
plices ,  les  circonstances  de  leurs  aceufations ,  &  fur- 
tout  la  caule  &  le  motif  de  leur  condamnation.  Et 
afin  que  ces  notaires  ne  pùiïent  pas  fallifier  ces  aûes, 
FÉglife  nommoit  encore  des  foûdiacres  &  d'autres 
officiers  ,  qui  veilloient  fur  la  conduite  de  ces  hom- 
mes publics ,  &  qui  vifitoient  les  procès-verbaux  de 
la  mort  de  chaque  martyr ,  auquel  FÉglife ,  quand 
elle  le  jugeoit  à  propos ,  accordoit  un  culte  public 
&  un  rang  dans  le  catalogue  des  faints.  Chaque  éyê- 
que  avoit  le  droit  d'en  ufer  de  même  dans  Ion  dio- 
cefe ,  avec  cette  différence,  que  le  culte  qu'il  ordon- 
noit  pour  honorer  le  martyr  qu'il  permettoit  d'invo- 
quer ,  ne  s'étendoit  que  dans  les  lieux  de  fa  jurifdic- 
tion,  quoiqu'il  pût  engager  les  autres  évêques  ,  par 
lettres,  à  imiter  fa  conduite  ;  s'ils  ne  le  faifoient  pas, 
le  martyr  n'étoit  regardé  comme  bienheureux  que 
dans  le  premier  diocefe  :  mais  quand  l'égliie  de  Ro- 
me approuvoit  ce  culte,  il  devenoit  commun  à  tou- 
tes les  églifes  particulières.  Ce  ne  fut  que  long  tems 
après  qu'on  canonifa  les  confeffeurs. 

Il  eft  difficile  de  décider  en  quel  tems  cette  difei- 
pline  commença  à  changer,  enforte  que  le  droit  de 
canonifatlon ,  que  l'on  convient  avoir  été  commun 
aux  évêques ,  &C  fur-tout  aux  métropolitains  ,  avec 
le  pape ,  a  été  réfervé  au  pape  feul.  Quelques-uns 
prétendent  qu'Alexandre  III.  élu  pape  en  1 1  59  ,  eft 
le  premier  auteur  de  cette  réferve ,  qui  ne  lui  fut 
conteftée  par  aucun  évêque.  Les  Jéfuites  d'Anvers 
afTùrent  qu'elle  ne  s'eft  établie  que  depuis  deux  ou 
trois  iîecles  par  un  confentement  tacite  &  une  cou- 
tume qui  a  paffé  en  loi ,  mais  qui  n'étoit  pas  géné- 
ralement reçue  dans  le  x.  &  le  xi.  fiecle  :  on  a  mê- 
me un  exemple  de  canonifatlon  particulière ,  faite  en 
1 373  Par  "Witikind ,  évêque  de  Mindon  en  Weftpha- 
lie  ,  qui  fit  honorer  comme  faint  l'évêque  Félicien  , 
par  une  fête  qu'il  établit  dans  tout  fon  diocefe.  Ce- 
pendant on  a  des  monumens  plus  anciens ,  qui  prou- 
vent que  les  évêques  qui  connoilfent  le  mieux  leurs 
droits  &c  qui  y  font  les  plus  attachés ,  les  évêques  de 
France,  reconnoiflbient  ce  droit  dans  le  pape.  C'eft 
ce  que  firent  authentiquement  l'archevêque  devien- 
ne &c  fes  fuffragans  ,  dans  la  lettre  qu'ils  écrivirent  à 
Grégoire  IX.  pour  lui  demander  la  canonifatlon  d'E- 
tienne, évêque  de  Die,  mort  en  1208.  Quia  nemo , 
difoient-ils ,  quantdllbet  maitorum  prœrogatlvd  polleat, 
ab  eccleflâ  Del  pro  fanclo  habendus  aut  vencrandus  efl , 
nifi  prius  per  fedem  apoflollcam  ej us  fanclltas  fuerlt  ap- 
probata. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  le  faint  fiege  apoftolique  eft  en 
pofîeffion  de  ce  droit  depuis  plufieurs  fiecles ,  &  l'e- 
xerce avec  des  précautions  &  des  formalités  qui  doi- 
vent écarter  tout  foupçon  de  furprife  &  d'erreur. 

Le  cardinal  Profper  Lambertini ,  aujourd'hui  pape 
fous  le  nom  de  Benoît  XIV.  a  publié  fur  cette  matière 
de  favans  ouvrages ,  qui  prouvent  qu'il  ne  peut  rien 
s'introduire  de  faux  dans  les  procès-verbaux  que  l'on 
dreffe  au  fujet  de  la  canonifatlon  des  faints. 

Le  P.  Mabillon  diftingue  auffi  deux  efpeces  de  ca- 
nonifatlon :  l'une  générale ,  qui  fe  fait  par  toute  FÉ- 
glife afiemblée  en  concile  œcuménique  ,  ou  par  le 
pape  ;  &  l'autre  particulière  ,  qui  fe  faifoit  par  un 
évêque,  par  une  églife  particulière,  ou  par  un  con- 
cile provincial.  On  prétend  auffi  qu'il  y  a  eu  des  ca- 
nonlfations  faites  par  de  fimples  abbés.  Voy.  Pompe 
Tyrrheniçue.  (g7) 

CANOxNISTE,  f.  m.  (Jurlfprud.)  dodeur,  ou  du 
moins  homme  verfé  dans  le  droit  canonique.  (H) 

*  CANOPE ,  f.  m.  (Myth.)  dieu  des  Égyptiens  , 
dont  Suidas  raconte  ainfi  Forigine  :  il  s'éleva,  dit-il, 
un  grand  différend  entre  les  Égyptiens,  les  Chaldéens, 
&  les  autres  peuples  voifins,  fur  la  primauté  de  leurs 
dieux;  après  bien  des  conteftations  il  fut  arrêté  qu'on 
les  oppoferoit  les  uns  aux  autres,  &  que  celui  qui  ref- 


C  A  N 

teroit  vainqueur  feroit  reconnu  pour  fouverain.  Or 
lesChaldéens  adoroientle  feu,  qui  eut  bientôt  dévoré 
les  dieux  d'or ,  d'argent ,  de  pierre ,  &  de  bois  qu'on 
lui  expofa;  &  il  alloit  être  déclaré  le  maître  des  dieux, 
quand  un  prêtre  dé.Canope,  ville  d'Egypte,  s'avifa  de 
prendre  une  cruche  de  terre,  qui  fervoità  la  purifica- 
tion des  eaux  du  Nil ,  d'en  boucher  les  trous  avec  de 
la  cire,  de  la  remplir  d'eau,  &  de  la  placer  fur  la  tête 
du  dieu  de  Canope,  qui  devoit  lutter  contre  le  feu. 
A  peine  le  dieu  de  Canope  fut-il  fur  le  feu ,  que  la  cire 
qui  bouchoit  les  petits  trous  du  vafe  s'étant  fondue  , 
l'eau  s'écoula ,  éteignit  le  feu ,  &  que  la  foiweraineté 
fur  les  autres  dieux  fait  acquife  au  dieu  de  Canope,  grâ- 
ce à  l'invention  de  fon  miniftre.  On  raconte  la  chofe 
d'une  autre  manière ,  qui  eft  un  peu  plus  honorable 
pour  le  dieu ,  &  011  la  prééminence  fut  une  fuite  toute 
fimple  de  fes  qualités  perfonnelles.  On  dit  que  le  dieu 
même  étoit  repréfenté  fous  la  forme  d'un  vafe  percé 
d'une  infinité  de  petits  trous  imperceptibles  ,  du  mi- 
lieu duquel  s'élevoit  une  tête  d'homme  ou  de  femme, 
ou  de  chien ,  ou  de  bouc ,  ou  d'épervier ,  ce  qui  ne 
laifle  au  miniftre  que  le  mérite  d'avoir  bouché  avec 
de  la  cire  les  petits  trous  de  la  divinité. 

*  CANOPIEN ,  adj.  (Myth.)  furnom  donné  à  Her- 
cule ,  de  la  ville  de  Canope ,  dans  la  baffe  Egypte, 
où  il  étoit  particulièrement  honoré. 

CANOPINA,  (Géog.)  petite  ville  d'Italie,  dans 
l'état  de  FEglife. 

CANOPUS  ,  (^Afron.~)  étoile  de  la  première  gran- 
deur ,  fituée  dans  l'hémifphere  auftral ,  à  l'extrémité 
la  plus  auftrale  de  la  conftellation  appellée  argo  ou  le 
navire  argo.  Voye^  Argo.  Voye^  l'aicenfion  droite  de 
cette  étoile  pour  1750,  à  l'article  Ascension.  (O) 

CANOSA ,  (Gécg.}  ville  d'Italie ,  au  royaume  de 
Naples,  près  de  la  mer,  dans  la  province  de  Bazi. 

CANOT,  fub.  m.  {Marine.}  c'eft  une  petite  cha- 
loupe ou  petit  bateau  deftiné  au  fervice  d'un  grand 
bâtiment. 

Canot  de  bols  ;  on  appelle  ainfi  un  canot,  qui  eft 
fait  d'un  feul  tronc  d'arbre  creufé. 

CANOT  de  Sauvages  &  Canot  d'écorces  ;  ce  font 
de  petits  bateaux  faits  d'écorce  d'arbre ,  dont  fe  fer- 
vent les  Sauvages  de  l'Amérique  pour  pêcher  à  la 
mer,  &c  pour  voyager  &  aller  en  courfe  &  en  traite 
fur  les  rivières.  Ils  les  nomment  piroques.  Ceux  du 
Canada  les  font  d'écorce  de  bouleau,  &  affez  grands 
quelquefois  pour  contenir  quatre  ou  cinq  perionnes. 

Les  François  du  Canada,  qu'on  appelle  coureurs  de 
bois  &c  traiteurs  ,  s'en  fervent  auffî-bien  que  les  Sau- 
vages pour  aller  jufques  dans  leurs  habitations  leur 
porter  des  marchandées  &C  en  rapporter  des  pellete- 
ries. Deux  hommes  conduifent  ces  canots  ;  &  quand 
à  caufe  des  fauts  des  rivières  il  faut  faire  portage ,  ils 
chargent  canots  &  marchandifes  fur  leurs  épaules,  & 
les  tranfportent  au-deffus  &  au-deffbus  des  fauts,  fé- 
lon qu'ils  montent  ou  qu'ils  defeendent  les  rivières. 

Les  canots  des  Indiens  &  des  Caraïbes  font  faits  de 
troncs  d'arbres  qu'on  creule ,  &  ces  fortes  de  bateaux 
font  plus  grands  ou  plus  petits,  félon  la  grandeur  & 
grofléur  des  arbres  qu'on  employé  pour  les  faire.  On 
dreffe  ces  troncs  d'arbres  félon  la  forme  qu'on  veut 
donner  au  canot ,  &  l'on  les  creufe.  On  les  conduit 
avec  des  pagaies  &  des  rames,  &  on  y  ajoute  quel- 
quefois une  petite  voile  ;  on  met  la  charge  au  fond  : 
mais  comme  ils  ne  font  point  leftés,  ils  tournent  fou- 
vent  fens-deffus  deflbus.  Ils  n'ont  point  de  gouver- 
nail ,  &  ce  font  les  rames  de  l'arriére  qui  leur  en  fer- 
vent. 

La  plupart  des  canots  ont  à  l'avant  &  à  l'arriére 
des  avances  comme  les  navettes ,  &  quelques-unes 
de  ces  avances  fe  terminent  auffi  de  même  en  pointe. 
D'autres  ont  l'avant  &  l'arriére  tout  plat  ;  il  n'y  en  a 
prefque  point  qui  ayent  un  avant  arrondi.  Lorlqu'on 
veut  y  ajouter  une  voile ,  on  élevé  un  petit  mât 


C  A  N 

vers  l'avant.  Les  voiles  font  ou  de  nattes ,  ou  de  toi- 
le ,  ou  de  joncs  entrelacés. 

On  voit  pourtant  en  Mofcovie ,  fur  le  lac  de  Wol- 
da  ,  des  canots  arrondis  à  l'avant  6c  à  l'arriére  ,  & 
beaucoup  plus  larges  au  milieu  que  par  les  bouts  : 
on  les  fait  avancer  avec  une  leule  rame,  dont  on  fe 
fert  à  l'arriére  :  mais  tous  les  autres  canots  de  ce  pays- 
là  font  aigus  à  l'arriére  6c  à  l'avant ,  6c  ont  du  relè- 
vement par  les  bouts  :  on  les  peint ,  on  leur  donne  le 
feu ,  &  on  les  bi  aye  pour  les  conferver. 

Les  canots  dont  fe  fervent  les  Nègres  de  la  côte  de 
Guinée ,  ne  font  que  des  arbres  creufés  :  ils  font  d'une 
figure  longue  ,  &  il  ne  leur  relie  guère  de  bois  au- 
deffus  de  l'eau ,  de  forte  que  celui  qui  eft  à  l'arriére 
&  qui  gouverne  le  canot  fe  trouve  fouvent  dans  l'eau. 
Ils  vont  fort  vite ,  &  ne  laiffent  pas  que  d'aller  allez 
avant  en  mer  ;  ils  font  donc  fort  longs ,  bas ,  &  étroits, 
&  il  n'y  a  d'efpace  dans  la  largeur  que  pour  tenir  un 
feul  homme,  &  dans  la  longueur  lept  à  huit  :  les  hom- 
mes y  font  aftîs  fur  de  petits  fieges  de  bois  ronds ,  6c 
la  moitié  de  leur  corps  s'élève  au-defïïis  du  bord.  Ils 
ont  à  la  main  une  rame  de  bois  bien  dur,  6c  ils  rament 
tous  à  la  fois,  à  la  manière  des  galères,  &  s'accor- 
dent ;  ou  fi  quelqu'un  tire  trop  fort  &  que  le  bâtiment 
penche ,  il  ell  redreffé  par  celui  qui  gouverne ,  ii  bien 
qu'ils  femblent  voler  lur  la  furface  de  l'eau  ,  &  il  n'y 
a  pas  de  chaloupe  qui  puiffe  les  fuivre  d'un  beau 
tems  ;  mais  aufîi  quand  la  mer  ell  haute ,  ils  ne  peu- 
vent fdler ,  l'élévation  des  flots  empêchant  leur  aire. 
Lorfque  la  hame  les  renverfe ,  ils  ont  l'adreffe  de  les 
retourner  dans  l'eau  ,  de  les  vuider ,  6c  de  s'y  rem- 
barquer fans  courir  le  moindre  danger,  nageant  tous 
comme  des  poiffons.  Ces  canots  ont  ordinairement  i 6 
pies  de  long  &  un  à  deux  pies  de  large.  Il  y  en  a  de 
plus  grands ,  qui  ont  jufqu'à  3  5  pies  de  long ,  <j  de  lar- 
ge ,  &  3  de  profondeur  :  ils  lont  plats  par  lanière , 
où  il  y  a  un  gouvernail  &  un  banc  ;  ils  y  ajoutent  des 
voiles  faites  de  jonc  &c  de  natte.  Les  Nègres  ne  laif- 
fent point  leurs  canots  à  l'eau  ;  ils  les  tirent  à  terre  & 
les  élèvent  fur  quatre  fourches  pour  les  faire  lécher; 
6c  quand  ils  font  fecs ,  deux  hommes  peuvent  les 
charger  fur  leurs  épaules  &  les  porter. 

Pour  les  conflruire  6c  les  creufer  ,  les  Nègres  fe 
fervent  à  préfent  de  haches ,  que  les  Européens  leur 
portent.  Ils  leur  donnent  aux  deux  côtés  un  peu  de 
rétréciffement  par  le  fond.  Les  bouts  en  font  pointus 
à  l'avant  &  à  l'arriére  ;  à  chaque  bout  il  y  a  une  ef- 
pece  de  petit  éperon  ou  gorgere  d'un  pié  de  long,  & 
large  comme  la  paume  de  la  main ,  qui  fert  à  donner 
prife  pour  enlever  le  canot. 

Les  canots  des  Sauvages  de  la  terre  de  Feu  &  des 
environs  du  détroit  de  Magellan  ,  font  d'une  fabri- 
que particulière.  Ils  prennent  des  écorces  des  plus 
gros  arbres  ,  qu'ils  courbent  pour  leur  donner  des 
façons,  fi-bien  qu'ils  les  rendent  affez  femblables  aux 
gondoles  de  Venife  ;  pour  cet  effet  ils  les  pofent  fur 
de  petites  pièces  de  bois,  comme  on  ferait  un  vaif- 
feau  fur  le  chantier  ;  6c  lorfque  l'écorce  a  pris  la  for- 
me de  gondole  &  le  pli  néceffaire,  ils  affermirent  le 
fond  &  les  côtés  avec  des  bois  affez  minces  ,  qu'ils 
mettent  en  travers  depuis  l'avant  jufqu'à  l'arriére, 
de  même  qu'on  met  les  membres  dans  les  vaùTeaux  ; 
&  au  haut  fur  le  bord  ils  pofent  encore  une  autre 
écorce  qui  règne  tout  autour,  prenant  foin  de  bien 
lier  le  tout  enlemble.  Ces  canots  ont  10,  12,  14,  & 
jufques  à  16  pies  de  long  6c  2  de  large  ;  ils  font  à  7 
ou  8  places,  c'eft-à-dùe  qu'il  peut  y  tenir  affez  com- 
ment  lept  ou  huit  hommes  qui  rament  débout 
6c  extrêmement  vite. 

Les  canots  des  fauvages  du  détroit  de  Davis  font 
encore  plus  linguliers  ;  ces  bateaux  font  en  forme 
de  navette ,  longs  de  fept  à  huit  pies  &:  larges  de 
dcu\  pics ,  compofés  de  petites  baguettes  de  bois 
pliant  en  forme  de  claie,couvcrtes  de  peaux  de  chiens 


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611 


marins  ou  loups  marins.  Chaque  canot  ne  peut  por- 
ter qu'un  homme  ,  qui  s'aflied  dans  un  trou  pratiqué 
au  milieu.  Ils  s'en  fervent  pour  aller  à  la  pêche ,  & 
d'une  côte  à  l'autre. 

Canot, jaloux  ;  c'eft  un  canot  qui  a  le  côté  foi- 
ble  ,  &  fe  renverfe  aiiément.  (  Z  ) 

CANOURGUE ,  (  la  )  Géog.  petite  ville  de  Fran- 
ce dans  le  Gevaudan. 

*  CANSCHY ,  (  Hift.  nat.  bot.  )  c'efl  le  nom  d'un 
arbre  fort  gros  qui  le  trouve  au  Japon  ,  dont  les  habi- 
tansdu  pays  fe  fervent  pour  faire  une  efpecc  de  pa  pier. 
Voici  comment  ils  s'y  prennent.  On  coupe  l'arbre  à 
fleur  de  terre  ;  il  continue  à  pouffer  de  petits  rej  ït- 
tons  :  quand  ils  font  de  la  greffeur  ou  doigt,  on  les 
coupe  ,  on  les  fait  cuire  dans  un  chaudron  jufqu'à 
ce  que  l'écorce  s'en  fépare  ,  on  feche  cette  écorce  , 
&  on  la  remet  cuire  encore  deux  fois ,  en  remuant 
continuellement ,  afin  qu'il  fe  forme  une  efpece  de 
bouillie  ;  on  la  divife  &  on  l'écrafe  encore  plus  dans 
des  mortiers  de  bois ,  avec  des  pilons  de  la  même 
matière  ;  on  met  cette  bouillie  dans  des  boîtes  quar- 
rées,  fur  lefquelles  on  met  des  groffes  pierres  pour 
en  exprimer  l'eau  :on  porte  la  matière  fur  des  formes 
de  cuivre,  &  on  procède  de  la  même  manière  que 
font  les  Papetiers. 

CANSTADT,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Allemagne 
en  Soiiabe  fur  le  Necker,  au  duché  de  Wirtemberc. 

CANTABP.ES ,  f.  m.  pi.  (Géog.)  anciens  peuples 
de  l'Eipagne  Tarragonoife  :  ils  habitoient  le  pays  de 
Guipuicoa  ,  la  Bifcaye,  les  Affiiries,  &  la  Navarre: 
ils  etoient  très-belliqueux ,  &  une  liberté  durable  fut 
la  récompenfe  de  leur  courage. 

CANTALABRE ,  f.  m.  (  ArchUecl.  )  ce  mot  n'eft 
ufité  que  parmi  les  ouvriers ,  6c  iignirîe  le  bandeau 
ou  la  bordure  d'une  porte  ou  d'une  croifée.  Il  peut 
avoir  été  fait  du  Grec  y.urà ,  autour,  &  du  Latin  la- 
brum ,  lèvre  ou  bord.  (  P  ) 

CANTANETTES ,  f.  f.  (Marine.  )  petites  ouver- 
tures rondes ,  entre  lefquelles  efl  le  gouvernail ,  & 
qui  donnent  la  lumière  au  gavon.  Foye^  Gavon  , 
Gouvernail.  (Z) 

CANTARA  ,  (  Géog.  )  rivière  de  Sicile  dans  la 
vallée  de  Demona.  Il  y  en  a  une  autre  de  même 
nom  en  Sicile,  dans  la  vallée  de  Noto. 

CANTARO  ,  (  Commerce.  )  poids  dont  on  fe  fert 
en  Italie  ôc  ailleurs,  pour  pefer  certaines  efpeces  de 
marchandifes. 

Il  y  a  plufieurs  fortes  de  cantaros  ;  l'un  pefe  cent 
cinquante  livres;  l'autre  cent  cinquante -une  livre, 
6c  le  troifieme  cent  foixante  livres.  La  livre  de  Li- 
vourne  ell  de  douze  onces  ,  poids  de  marc  ;  &  celle 
de  Paris ,  d'Amfterdam  ,  de  Strasbourg  ,  6c  de  Be- 
fançon  ,  où  les  poid^  iont  égaux ,  cil  de  feize  onces  , 
aulîi  poids  de  marc  ;  cnlorte  que  fur  ce  pié  ces  trois 
fortes  de  cantaros  doivent  rendre  à  Paris  ,  Amfter- 
dam ,  &c.  celui  de  cent  cinquante  livres  ,  cent  trois 
livres  huit  onces  ;  celui  de  cent  cinquante-une  livres  , 
cent  quatre  livres  trois  onces  ;  &  celui  de  cent  foi- 
xante livres  ,  cent  dix  livres  lix  onces  trois  gros ,  xm 
peu  plu  .  Vi  . . \  le  dictionn,  du  Commerce. 

*  CANTARO  ;  on  nomme  ainli  le  quintal  clans 
l'île  de  Cli)  pie  ,  il  contient  100  rotolis  ou  livres  de 
Chypre ,  ce  qui  revient  à  pies  de  400  livres  de  notre 
poids.  A  Conirantinople ,  à  Florence ,  &  à  Livourne , 
le  canton  n'cll  pas  ii  conlidérable. 

(  wt.yro,  ell  auffi  une  mefure  de  continence 
dont  on  fe  lért  à  Cochin.  II  y  en  a  jufqu'à  trois  qui 
différent  de  quelques  livres.  On  s'en  fert  fuivant  les 
diverfes  marchandifes  qu'on  veutmefurer,  Ordinai- 
rement le  canton  eft  de  quatre  rubis  ,  &:  le  rubis  de 
trente-deux  rotolis.  f',n  ej  RUBIS  &  Rotolis.  (G) 

C  \  sTATE,  f.  f.  (Belles- Lettres.)  petit  poème 
fait  pour  erre  mis  en  mufique  ,  contenant  le  récit 


622 


C  A  N 


d'une  action  galante  ou  héroïque  :  il  eft  compofé  d'un 
récit  qui  expoie  le  fujet  ;  d'un  air  en  rondeau  ;  d'un 
fécond  récit ,  &  d'un  dernier  air  contenant  le  point 
moral  de  l'ouvrage. 

L'illuftre  Rouffeau  eft  le  créateur  de  ce  genre  par- 
mi nous.  Il  a  fait  les  premières  cantates  Françoiles  ; 
&:  dans  prefque  toutes  ,  on  voit  le  feu  poétique  dont 
ce  crénie  rare  étoit  animé  :  elles  ont  été  miles  en  mu- 
fique  par  les  Muficiens  les  plus  célèbres  de  fon  tems. 
Il  s'en  faut  bien  que  lés  autres  poèmes  lyriques 
ayent  l'agrément  de  ceux-ci.  La  Poëfie  de  ftyle  n'eft 
pas  ce  qui  leur  manque  :  c'eft  la  partie  théatrale,celle 
du  fentiment ,  &  cette  coupe  rare  que  peu  d'hommes 
ont  connue  ,  qui  eft  le  grand  talent  du  théâtre  lyri- 
que ,  qu'on  ne  croit  peut-être  qu'une  fimple  mécha- 
nique ,  &  qui  fait  feule  réuffir  plus  d'opéra  que  tou- 
tes les  autres  parties.  Voyt{  Coupe.  (^) 

La  cantate  demande  une  poéfie  plutôt  noble  que 
véhémente,  douce ,  harmonieufe  ;  parce  qu'elle  doit 
être  jointe  avec  la  mufique  ,  qui  ne  s'accommode  pas 
de  toutes  fortes  de  paroles.  L'enthoufiafme  de  l'ode  ne 
convient  pas  à  la  cantate  :  elle  admet  encore  moins 
le  defordre  ;  parce  que  l'allégorie  qui  fait  le  fonds 
de  la  cantate,  doit  être  foûtenue  avec  lageffe  &  exac- 
titude ,  afin  de  quadrer  avec  l'application  qu'en  veut 
faire  le  poëte.  Princ.  pour  la  lect.  des  Poët.  tom.  I.  (G) 
On  appelle  auffi  cantate ,  la  pièce  de  Mufique  vo- 
cale accompagnée  d'inftrumens ,  compofée  fur  le  pe- 
tit poëme  de  même  nom  dont  nous  venons  de  par- 
ler ,  &  variée  de  deux  ou  trois  récitatifs  ,  &  d'autant 
d'ariettes. 

Le  goût  de  la  cantate  auffi-bien  que  le  mot ,  nous 
eft  venu  d'Italie.  Plufieurs  bons  auteurs ,  les  Ber- 
niers,  les  Campras,  les  Monteclairs  ,  les  Batiitins  , 
en  ont  compofé  à  l'envi  :  mais  peribnne  en  cette  par- 
tie n'a  égalé  le  fameux  Clerambault,  dont  les  canta- 
tes doivent  par  leur  excellent  goût  être  confacrées  à 
l'immortalité. 

Les  cantates  font  tout-à-fait  paffées  de  modes  en 
Italie ,  &  elles  fuivent  en  France  le  même  chemin. 
On  leur  a  fubftitué  les  cantatilles.  {S) 

CANTATILLE  ,  diminutif  de  cantate  ,  n'eft  en 
effet  qu'une  cantate  fort  courte  ,  dont  le  fujet  eft  lié 
avec  quatre  ou  cinq  vers  de  récitatif  en  deux  ou  trois 
airs  communément  en  rondeau ,  avec  des  accompa- 
gnemens  de  fymphonie.  (  S  ) 

CANTAZ ARO ,  (  Géog.  )  ville  d'Italie  au  royau- 
me de  Naples  dans  la  Calabre  ultérieure.  Long.  34. 
35.  lot.  38.  59. 

CANTECROIX ,  (Géog.)  petite  centrée  des  Pays 
Bas  au  duché  de  Brabant ,  avec  titre  de  principauté. 
CANTHARIDE ,  cantharis ,  f.  f.  (Hifi.  nat.  Infect.) 
genre  d'inlècle  dont  on  diftingue  plulieurs  efpeces. 
M.  Linnauis  le  met  dans  la  claflë  desiniéftes ,  qui  ont 
des  enveloppes  à  leurs  ailes  &  des  mâchoires  dans 
leurs  bouches.  Les  cantharid.es ,  félon  le  même  auteur , 
ont  les  antennes  faites  en  forme  de  foies  ;  les  faufles 
ailes  flexibles;  la  poitrine  un  peu  applatie,  bordée  & 
arrondie,  &  les  côtés  du  ventre  pliflés  ,  &c  Syjl.  na- 
turel. MoufFet  divilé  les  efpeces  de  cantharides  en  gran- 
des &  en  petites.  Celles  qu'on  eftime  le  plus  comme 
remède ,  font  grandes  ;  leur  corps  eft  épais  &  allon- 
gé :  il  y  a  lur  leurs  ailes  des  lignes  tranfverlales  de 
couleur  d'or.  On  les  trouve  dans  les  blés.  Infect,  thea- 
trum.  Il  y  a  des  cantharides  de  différentes  couleurs  : 
celles  que  l'on  employé  dans  la  Pharmacie  font  d'une 
très-belle  couleur  verte  luifante,  azurée,  mêlée  de 
couleur  d'or  ;  elles  ont  environ  neuf  lignes  de  lon- 
gueur. On  les  trouve  en  été  aux  environs  de  Paris  & 
en  plufieurs  autres  lieux ,  fur  les  feuilles  du  frêne ,  du 
rofier  ,  du  peuplier ,  du  noyer ,  du  troène ,  &c.  dans 
les  prés  ,  &  auffi  furies  blés ,  où  elles  caufent  du  dom- 
mage. Il  y  a  beaucoup  de  ces  infeû  es  dans  les  pays 
chauds ,  comme  l'Efpagne ,  l'Italie ,  &  les  provinces 


C  A  N 

méridionales  de  la  France.  Ils  font  fort  rares  en  Al- 
lemagne. Les  cantharides  font  quelquefois  réunies  en 
fi  grand  nombre,  qu'elles  paroiflent  en  l'air  comme 
un  eiTain  qui  feroit  pouffé  par  le  vent  :  alors  elles  font 
précédées  par  une  odeur  defagréable  qu'elles  répan- 
dent au  loin.  Ordinairement  cette  mauvaiie  odeur 
fert  de  guide  lorfqu'on  cherche  à  ramaffer  de  ces  in- 
fectes. Les  cantharides  viennent  d'un  vermifTeau  fem- 
blable  en  quelque  façon  à  une  chenille,  foye^ladeL- 
cription  détaillée  des  trois  efpeces  de  cantharides , 
dans  les  Eph.  de  Cacad.  des  cur.  de  la  nat.  dec.  2.  an. 
2.  obf.  20.21.  6"  22.  ^bjfç INSECTE.    (/) 

*  Les  cantharides  en  poudre  appliquées  fur  l'épi- 
derme  ,  y  caufent  des  ulcérations ,  excitent  même  des 
ardeurs  d'urine  ,  la  ftrangurie ,  la  foif,  la  fièvre,  le 
pifiement  de  fang ,  &c.  ôc  rendent  l'odeur  puante  & 
cadavéreufe.  Elles  caufent  les  mêmes  fymptomes 
prifes  intérieurement.  On  a  obfervé  qu'elles  nui- 
foient  beaucoup  à  la  veffie.  Voyt\_  des  exemples  de 
ces  effets  dans  les  Ephémérid.  des  curieux  de  la  nat.  dec. 
2,  an.  y.  obf.  86.  dans  les  Récits  anat.  de  Barthol  , 
cent.  I.  hijt.  21.  On  lit  dans  Paré ,  qu'une  courtifane 
ayant  préfenté  des  ragoûts  laupoudrés  de  canthari- 
des pulvérifées  à  un  jeune  homme  qu'elle  avoit  rete- 
nu à  fouper,  ce  malheureux  fut  attaqué  le  jour  fui- 
vant  d'un  priapifme  &  d'une  perte  de  fang  par  l'anus 
dont  il  mourut.  Un  autre  fut  tourmenté  du  mai  de 
tête  &  eut  un  pifiement  de  fang  dangereux  ,  pour 
avoir  pris  du  tabac  mêlé  de  poudre  de  cantharides. 
Eoylc  va  plus  loin:  il  affûre  que  des  perfonnes  ont 
fenti  des  douleurs  au  cou  de  la  veffie  ,  6c  ont  eu  quel- 
ques-unes dés  parties  qui  lervent  à  la  fecrétion  des 
urines ,  offenfées  ,  pour  avoir  feulement  manié  des 
cantharides  lèches  ;  d'où  il  s'enfuit  qu'on  peut  comp- 
ter les  cantharides  au  nombre  des  poifons.  Boerhaave 
ordonne  contre  ce  poifon  les  vomitifs  ,  les  liqueurs 
aqueufes ,  délayantes,  les  fubftances  huileufes ,  émol- 
lientes  ,  &  les  acides  qui  réfiftent  à  la  putréfaction. 
Quand  on  les  employé  dans  les  véficatoires ,  il  faut 
avoir  égard  &  à  la  maladie  &  à  la  quantité  qu'on 
en  employé.  Boerhaave  les  croit  falutaires  dans  le  . 
rachitis  ,  &  toutes  les  fois  qu'il  s'agit  d'aiguillonner 
les  vaiffeaux ,  &  de  réfoudre  des  concrétions  mu- 
queufes.  Mais  en  général, l'application  extérieure  de 
ce  remède  ,  &  fur-tout  fon  ufage  intérieur,  demsr.de 
beaucoup  de  prudence  &  d'expérience  de  la  part  du 
Médecin. 

CANTHENO,  cantharus, i.  m.  (Hifl.  nat.  Ichth.) 
poilfon  de  mer  qui  reffemble  au  fargo  &  au  fparail- 
lon  pour  la  forme  du  corps ,  mais  qui  diffère  de  ces 
poill'ons  &  des  autres  du  même  genre  ,  en  ce  que  fa 
couleur  eft  plus  obfcure  &c  plus  noire  ;  que  fes  écail- 
les font  beaucoup  plus  petites  ;  qu'il  n'y  a  pas  de  cer- 
cle noir  auprès  de  la  queue  ;  que  fes  dents  ,  quoique 
difpofées  de  la  même  manière  que  dans  les  autres 
poiifons  de  ce  genre ,  ne  font  pas  larges  ,  mais  au  con- 
traire menues  &  pointues  ;  &  qu'il  n'a  point  dans  les 
mâchoires  de  tubercules  offeux ,  mais  feulement  quel- 
ques inégalités  :  enfin  la  principale  différence  connfte 
dans  des  lignes  jaunâtres  preique  parallèles,  qui  s'é- 
tendent depuis  la  tête  jufqu'à  la  queue ,  comme  dans 
la  faupe  ,  mais  cependant  d'une  couleur  plus  obfcu- 
re. L'iris  des  yeux  eft  d'une  belle  couleur  d'argent 
fans  aucun  mélange  de  couleur  d'or  ,  ni  d'autres  cou- 
leurs ;  les  lignes  qui  paftent  fur  le  milieu  des  côtés 
font  bien  marquées ,  &  plus  larges  que  dans  la  plu- 
part des  autres  poiffons.  Rondelet  prétend  que  l'on 
a  donné  à  ce  poifibn  le  nom  de  cantharus ,  parce  qu'il 
refte  dans  l'ordure  comme  l'infecte  qui  eft  appelle  en 
François  fouille-merde ,  &  en  Latin  cantharus.  En  effet 
le  cantheno  demeure  dans  la  fange  fur  les  bords  des 
ports  de  mer,à  l'embouchure  des  fleuves,  &  dans  les 
endroits  oit  les  flots  de  la  mer  entraînent  des  immon- 
dices. Ce  poilfon  eft  allez  fréquent  dans  la  mer  Mé- 


C  A  N 


C  A  N 


diterranée.  On  en  trouve  à  Rome  &  à  Gènes.  Sa 
chair  a  la  même  qualité  que  celle  de  la  dorade ,  du 
fparaillon ,  du  largo ,  &c.  "Willughby ,  Hijl.pijc.  f^oy. 
Poisson.  (/) 

CANTHUS  ,  f.  m.  (  terme  eTAnatomie.  )  eft  le 
coin  ou  angle  dç  l'œil ,  formé  par  ia  commirlure  ou 
jonâion  de  la  paupière  fupérieure  &  de  l'inférieure. 
Voye^  CEiL. 

L'angle  qui  eft  du  côté  de  l'œil ,  s'appelle  le  grand 
canthus  ,  ou  le  canthus  interne  ;  celui  qui  eft  du  cô- 
té des  tempes  s'appelle  petit  canthus ,  ou  canthus  ex- 
terne. {L  ) 

CANTILLANA  ,  (  Giog.  )  petite  ville  &  comté 
d'Efpagne  ,  dans  I'Andaloufie ,  fur  le  Guadalquivir. 
C  A  NT  I M  AR  O  N  S  ,  ou  C  ATIM  ARONS  ,  I .  m . 
(  Marine.  )  ce  font  deux  ou  trois  canots  de  pies  d'ar- 
bres ,  croifés  6c  liés  enfemble  avec  des  cordes  de 
coco  ,  qui  foûtiennent  des  voiles  de  nattes  en  forme 
de  triangle  ,  dont  les  Nègres  de  la  côte  de  Coroman- 
del  fe  fervent  pour  aller  pêcher ,  &  même  trafiquer 
de  proche  en  proche.  Ceux  qui  les  conduifent  font 
ordinairement  à  demi  dans  l'eau ,  aflis  les  jambes  croi- 
fées ,  n'y  ayant  qu'un  endroit  un  peu  élevé  vers  le 
milieu  ,  pour  mettre  leurs  marchandifes.  Ils  ne  font 
aucune  difficulté  d'aller  à  dix  ou  douze  lieues  au  lar- 
ge ;  ils  vont  très-vite  pour  peu  qu'il  vente.  (Z) 

CANTINE  f.  f.  dans  VArt  militaire ,  eft  le  lieu  où 
l'on  fournit  aux  foldats  de  la  garnifon  l'eau-de-vie , 
le  vin  &  la  bière  à  un  certain  prix  beaucoup  au-def- 
fous  de  celui  des  cabarets.  C'eft  un  privilège  particu- 
lier que  le  Roi  veut  bien  accorder  à  l'es  troupes. 
Il  y  a  auffi  des  cantines  pour  les  fournir  de  tabac. 

(Q) 

CANTIQUE  ,  f.  m.  (  Hift.  &  Bell.  lett.  )  difeours 
ou  paroles  que  l'on  chante  en  l'honneur  de  la  divi- 
nité. 

Les  premiers  &  les  plus  anciens  cantiques  furent 
compofés  en  mémoire  de  quelques  évenemens  mé- 
morable* ,  &  doivent  être  comptés  entre  les  pre- 
miers monumens  hiftoriques. 

«  Le  genre  humain  s'étant  multiplié  ,  dit  un  au- 
»  teur  moderne ,  6c  Dieu  ayant  fait  éclater  fa  puiflan- 
»  ce  en  faveur  du  jufte  ,  contre  l'injufte,  les  peuples 
»  reconnoiflans  immortaliiercnt  le  bienfait  par  des 
»  chants  qu'une  religieufe  tradition  lit  palier  à  la  pol- 
»  térité.  C'eft  de-là  que  vinrent  les  cantiques  de  Moy- 
»  fe ,  de  Debora ,  de  Judith  ;  ceux  de  David  6c  des 
»  prophètes.  Voye-^  Pseaùme. 

M.  Fourmont  prétend  qu'il  y  a  dans  les  pfeaumes 
&  dans  les  cantiques  des  Hébreux  ,  des  dictions  étran- 
gères ,  des  expreffions  peu  ufitées  ailleurs ,  des  phra- 
fes  dont  les  mots  font  tranfpofés  ;  que  leur  ftyle , 
comme  celui  de  nos  odes  ,  en  devient  plus  hardi ,  en 
paroît  plus  pompeux  6c  plus  énergique  ;  qu'on  y 
trouve  des  ftrophes  ,  des  mefurcs  6c  différentes  for- 
tes de  vers,  &  même  des  rimes.  A^j^Rime. 

Ces  cantiques  étoient  chantés  par  des  chœurs  de 
mufique  ,  au  Ion  des  mlhumens ,  &  fouvent  accom- 
pagnés de  danfes  ,  comme  il  paroît  par  l'écriture. 
La  plus  longue  pièce  qu'elle  nous  offre  en  ce  genre 
eft  le  Cantique  des  cantiques ,  ouvrage  attribue  à  Sa- 
lomon  ,  &  que  quelques  auteurs  prétendent  n'être 
que  l'épithakime  de  Ion  mariage  avec  la  tille  du  roi 
d'Egypte.  Mais  les  Théologiens  prouvent  que  fous 
cet  emblème,  il  s'agit  de  l'union  de  Jefus-Chriftavec 
l'Eglife. 

«  Quoique  les  Paycns  ,  dit  encore  l'auteur  que 
»  nous  avons  déjà  cité  ,  le  trompalfent  dans  l'objet 
«  de  leur  culte  ,  cependant  ils  avoient  dans  le  fonds 
»  de  leurs  fêtes  le  même  principe  que  les  adorateurs 
»  du  vrai  Dieu.  Ce  hit  la  joie  &  la  reconnoiliance 
»  qui  leur  fit  inftituer  des  jours  folemnels  pour  célé- 
»  bierles  dieux  auxquels  ils  le  croyoient  redevables 
»  de  leur  récolte.  De  la  vinrent  ces  chants  de  joie 


6iy 


»  qu'il  nommoient  Dithyrambes ,  parce  qu'ils  étoient 
»  confacrés  au  dieu  qui,  félon  la  Fable,  eut  unedou- 

»  ble  nailTance ,  c"eft-à-dire,  à  Bacchus Après 

»  les  dieux  ,  les  héros  enfaus  des  dieux  devinrent  les 

»  objets  de  ces  chants C'eft  ce  qui  a  produit 

»  les  poèmes  d'Orphée  ,  de  Linus  ,  d'Alcée,  de  Pin- 
»  dare,  &c.  »  Voye{  DITHYRAMBE  &  Ode.  Coursde 
Bell. lett.  tom.  II.p.28  &zg. 

Au  refte  ni  parmi  les  Hébreux  ni  parmi  les  Payens, 
les  cantiques  n'étoient  pas  tellement  des  expreffions 
de  la  joie  publique ,  qu'on  ne  les  employât  auffi  dans 
les  occafions  trilles  &  lugubres  ;  témoin  ce  beau  can- 
tique de  David  fur  la  mort  de  Saiïl  &  de  Jonathas  , 
qu'on  trouve  au  //.  livre  des  Rois  ,  chap.  j.  Ces  for- 
tes de  cantiques  ou  d'élégies  eurent  tant  de  charmes 
pour  les  Hébreux  ,  qu'ils  en  firent  des  recueils  ,  6c 
quelong-tems  après  la  mort  de  Jofias ,  ils  répétoient 
les  plaintes  de  Jérémie  fur  la  fin  tragique  de  ce  roi. 
//.  Paralip.  ch.  xxxv. 

Les  anciens  donnoient  encore  le  nom  de  cantiques 
à  certains  monologues  paffionnés  &  touchans  de  leurs 
tragédies,  qu'on  chantoit  fur  le  modehypodorien& 
hypophrygien  ,  comme  nous  l'apprend  Ariftote  au 
xix.  de  les  Problèmes ,  à  peu-pres  comme  certains 
monologues  qui  ,  dans  quelques  tragédies  de  Cor- 
neille ,  font  en  ftances  cie  vers  irréguliers  ,  &  qu'on 
auroit  pu  mettre  en  mufique.  Telles  font  les  ftances 
du  Cid,  celles  de  Polieuéte  qui  font  très-belles,  6c 
celles  d'Héraclius  :  au  refte  l'ulage  de  ces  ftances  pa- 
roit  entierrement  banni  de  nos  Tragédies  modernes. 
f^oyei  Stances.  (G) 

CANTON  f.  m.(Hijl.mod.)  quartier  d'une  ville 
que  l'on  conlidere  comme  lepare  de  tous  les  autres. 
/^«{Quartier. 

Ce  mot  paroît  dérivé  de  l'Italien  canton; ,  pierre 
de  coi.i. 

Le  mot  canton  eft  plus  communément  emplové 
pour  déligner  une  petite  contrée  ou  diftnct ,  fous  un 
gouvernement  léparé. 

Tels  font  les  treize  Cantons  SuiiTes  ,  dont  chacun 
forme  une  république  à  part.  Ils  font  cependant  liés 
enfemble,  6c  compofent  ce  qu'on  appelle  le  Corps 
Helvétique ,  ou  république  des  Suijfss.  (  G) 

CANTON,  (  en  terme  de  Blajbn.}  eft  une  des  neuf 
pièces  honorables  des  armoiries.  C'eft  une  partie 
quarrée  de  l'écu  léparee  des  autres.  Elle  n'a  aucune 
proportion  fixe  ,  quoiqu'elle  doive  être ,  luivant  les 
règles  ,plus  petite  que  le  quartier.  Elle  eft  fouvent  ia 
neuvième  partie  de  l'écu  ,  &  on  l'employé  comme 
une  addition  ou  différence  ,  6c  fouvent  pour  marque 
de  bâtardife. 

Le  canton  eit  quelquefois  placé  au  coin  dextre  6c 
quelquefois  au  feneltie  ;  &  dans  ce  cas  on  l'appelle 
canton  fenejlré.  Sa  forme  eft  repielentee  dans/'/jz/j';. 
Herald.  On  dit ,  il  porte  d'hermine  au  canton  d'argent 
chargé  d'un  chevron  de  gueules. 

Les  efpaces  que  laiiTent  les  croix  &  les  fautoirs 
font  auffi  nommés  cantons.  (  /  ) 
Canton,  foyei  Quan-ton. 
CANTONNE,  ad  j.  (terme  dArchiu3;ire.)  On  dit 
qu'un  bâtiment  eft  cantonne ,  quand  Ion  encoLnure 
eft  ornée  d'une  colonne  ou  d'un  pilaftre  angulaire, 
ou  de  chaînes  en  lîaifon  de  pierres  de  refend  ou  de 
boffages  ,  ou  de  quelques  autres  corps  qu 
le  niul  du  mur.  Les  anciens  nommoient  les  pilaûres 
<|ui  étoient  aux  encoignures  antes ,  &  les  temples  ou 
il  \   avoit  de  ces  pilaftres  temples  a  antes. 

CANTONNÉ  ,  (enterme  dt  Blafon  )  fe  dit  lorfque  les 
efpaces  que  les  croix  ec  les  fautoirs  laifient  vuides  , 
font  remplis  de  quelques  figures. 

Remond  de  Modene  en  Provence  ,  de  gueules  à 
la  croix  d'argent ,  cantonne  de  quatre  coquilles  de 
même.  (  y") 

CANTONNER  des  troupes  ,  (  )  c'eft 


614 


CAO 


CAP 


les  difperfer  en  différens  corps  qu'on  place  clans  tin 
pays  ,  pour  leur  donner  plus  de  facilité  pour  les  fub- 
iiftances.  (Q) 

C ANTOR ,  f.  m.  (  Commerce.")  poids  dont  on  fe  fert 
en  Sardaigne.  Un  cantor  pefe  cent  quarante-cinq  li- 
vres de  Venife.  foye^  Livre. 

CANTO RBER Y,  (Géog.)  ville  d'Angleterre, 
capitale  du  comté  de  Kent  fur  la  Stoure.  L'archevê- 
que eft  primat  d Angleterre.  Long.  18.  j8.  lat.  5i. 

17- 

C  ANTRE ,  f.  f.  fe  dit  dans  les  manufactures  en  foie  , 
d'une  partie  de  l'ourdhToir  dans  laquelle  on  paifeles 
rochets  pour  ourdir.  Foyei  Ourdissoir. 

*  Cantre  ,  pour  les  velours  &  autres  ouvrages , 
eft  auffi  dans  les  manufactures  en  loie ,  une  efpece 
de  chaffis  foutcnu  fur  des  pies  plus  courts  par-devant 
que  par-derriere  ,  ce  qui  incline  le  chaffis  du  côté  de 
l'ouvrier  ;  ce  chaffis  eft  diviié  félon  fa  longueur  en 
deux  parties  égales  par  une  traverie  ;  cette  traver- 
fe  &  les  côtés  du  chaffis  qui  lui  font  parallèles  , 
font  percés  de  petits  trous.  Ces  petits  trous  reçoivent 
autant  de  broches  de  fil-de-fer.  Ces  broches  font  cha- 
cunes  portées  par  les  deux  bouts  fur  les  deux  côtés 
en  longueur  de  la  cantre ,  &  par  le  milieu  lur  la  tra- 
verfe  parallèle  à  ces  côtés.  C'eft  fur  elles  qu'on  en- 
file les  roquetins  à  qui  elles  fervent  d'axe.  Les  fils  de 
foie  dont  les  roquetins  font  chargés  ne  fe  mêlent 
point  au  moyen  de  l'inclinaifon  de  la  cantrz  &  de 
ion  plan  incliné  ,  qui  tient  toutes  les  broches  ,  6c  par 
conléquent  chaque  rangée  de  roquetins  plus  haute 
Tune  que  l'autre.  La  cantre  eft  piacée  au  derrière 
du  métier.  Quant  à  fon  ufage  ,  voye^  L'article  Ve- 
JLOURS. 

C  ANC/S  ,  A  LP  H  EST  ES ,  f.  m.  (  Hi(l.  nat.  Iclh.  ) 
poiiîbn  de  mer.  Son  dos  eft  de  couleur  de  pourpre ,  & 
le  refte  du  corps  jaunâtre.  Le  canus  eft  plus  étroit  que 
la  dorade  8c  le  pagre.  Il  eft  affez  lemblable  à  la  men- 
dole ,  quoique  plus  grand  &  plus  épais.  Il  a  un  pié 
de  longueur ,  fa  bouche  eft  de  médiocre  grandeur  , 
il  a  des  lèvres;  fes  dents  font  ferrées  les  unes  contre 
les  autres.  Il  a  depuis  la  tête  juiqu'à  la  queue  des  pi- 
quants joints  enfemble  par  une  membrane  fort  min- 
ce. Rondelet.  foyt{  Poisson,  (/  ) 

CANZON ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie ,  dans  le 
duché  de  Milan  ,  au  comté  de  Corne. 

CANZUGA ,  (  Géog.  )  ville  de  Pologne  ,  dans  le 
palatinat  de  Ruffie. 

CANZULA  ,  (Géog.")  ville  maritime  d'Afie  ,  au 
Japon  ,  dans  l'île  de  Niphon. 

CAO,  (Geog.)  ville  de  la  Chine  ,  fur  un  lac  de  mê- 
me nom  ,  dans  la  province  de  Kianp-nan. 

CAOCHEU,  ou  TCHAOTCHEOU,  (  Géog.  ) 
ville  de  la  Chine,  dans  la  province  de  Quan-ton. 

*  CAOPOÏBA  ,  (Hift.  nat.  bot.)  arbre  des  Indes  , 
de  la  hauteur  &  de  la  forme  du  hêtre.  Son  écorce  eft 
cendrée ,  6c  a  des  ondes  brunes  ;  les  feuilles  font  fer- 
mes, de  figure  oblongue  ,  &  il  fort  de  leur  queue 
quand  on  la  rompt ,  une  liqueur  laiteufe  ;  les  fleurs 
ont  un  pédicule  ,  elles  ont  l'étendue  de  la  rofe  ;  les 
pétales  en  font  blancs  ,  avec  de  petits  onglets  rou- 
ges ;  au  lieu  de  nombril ,  on  leur  remarque  un  petit 
globule  rouge  ,  rélineux  ,  de  la  groffeur  d'un  pois  , 
qui  donne  une  liqueur  gluante  ,  jaunâtre  ,  transpa- 
rente ,  6c  affez  femblable  à  la  térébenthine.  Le  tiu.t 
eft  dans  une  capfule ,  de-même  que  le  gland,  &  laiffe 
voir  quand  on  le  coupe  en  long  ,  avant  la  maturité , 
plufieurs  rangs  de  lemences ,  de  la  groffeur  tk  de  la 
figure  de  pépins  de  pommes.  Chaque  femence  eft 
couverte  d'une  pellicule  rouge,  fous  une  autre,  cou- 
leur de  vermillon.  La  pulpe  du  fruit  ei\  jaune  ,  ce 
donne  un  fuc  jaune.  L'écorce  de  l'arbre  ,  qui  eft 
épaiffe  ,  fe  fépare  aifément  du  bols  qui  eft  fragile  , 
&  qui  contient  une  moelle  que  l'on  en  tire  facile- 
ment, 6c  qui  laifte  le  bois  creux. 


Il  y  a  une  autre  efpece  de  caopoiba  à  écorce  grife , 
&  à  feuilles  oblongues  ôc  carinées. 

C AOMING ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  guerre  de  la 
Chine  ,  dans  la  province  de  Younnang. 

CAOR  ,  ou  C AHOR ,  (  Géog.  )  royaume  d'Afie , 
dans  l'Inde ,  au  delà  du  Gange  ;  la  capitale  porte  le 
même  nom. 

C AOPv. A  (  Géog.  )  rivière  de  l'Amérique  méridio- 
nale. 

CAORLE ,  (  Géog.  )  petite  ile  du  golfe  de  Venife, 
fur  les  côtes  du  Frioul. 

COATANG  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  guerre  de  la 
Chine  ,  dans  la  province  de  Chantung  ,  lur  la  riviè- 
re de  Mingto. 

*  C*AOUANNE,  (Hifl.  nat.  Zoolog.  )  grande  tor- 
tue de  mer ,  dont  la  chair  quoique  mangeable  ,  n'a 
pas  la  délicatefie  de  celle  qu'on  appelle  tortiu  fran- 
che ;  d'ailleurs  elle  lui  reifemble  en  tout.  foye{ 
Tortue. 

*  CAOUP  ,  arbre  qui  croît  dans  l'île  de  Mara- 
gnan  dans  l'Amérique  ;  fa  feuille  reffemble  à  celle 
du  pommier  :  mais  elle  eft  plus  large  ;  il  a  la  fleur 
rouge  ou  jaune  ,  &  le  fruit  comme  l'orange  pour  la 
figure  6c  le  goût  :  il  eft  plein  d'amandes. 

CAP ,  f.  m.  ou  PROUE ,  (  Marine.)  c"eft  la  pointe 
qui  eft  à  l'avant  du.  vaiffeau ,  qu'on  nomme  auffi 
poulaine,  éperon,  avantage,  tous  mots  uiités  parmi 
les  gens  de  mer ,  pour  fignifier  la  même  choie.  Voye^ 
Blanchi  1.  la  cotte  N. 

On  dit  mettre  le  cap  ,  porter  le  cap ,  avoir  le  cap  à 
terre  ou  au  large  ,  pour  dire  ,  mettre  la  proue  du  vaif- 
Jeau  du  coté  de  la  terre  ou  de  la  mer. 

Porter  le  cap  fur  l'ennemi ,  c'eft  faire  route  pour 
l'aller  chercher  6c  avancer  fur  lui. 

Porter  le  cap ,  mettre  le  cap  à  fouef ,  aufud ,  au  nord, 
&c.  c'eft  faite  route  à  l'oueft  ou  au  fud. 

Avoir  le  cap  à  la  marée  ;  cela  fe  dit  lorique  le  vaif- 
feau préfente  l'avant  au  courant  de  flot. 

Cap  de  Mouton,  (  Marine.)  Les  caps  de  mou- 
ton font  de  petits  billots  de  bois  ,  taillés  en  façon  de 
poulie  ,  qui  lont  environnés  6c  fortifiés  d'une  bande 
de  fer,  pour  empêcher  que  le  bois  n'éclate. 

Le  cap  de  mouton  eft  percé  par  trois  endroits  fur 
le  plat ,  ayant  à  chaque  trou  une  ride  ;  c'eft  ainli 
qu'on  appelle  une  petite  corde  qui  fert  à  plufieurs 
autres  ufages  :  ordinairement  il  entre  160  caps  de 
mouton  pour  agréer  un  vaiffeau. 

Les  caps  de  moutons  fervent  principalement  à  ri- 
der qu  roidir  les  haubans  6c  les  otais  ;  c'eft  par  leur 
moyen  qu'on  roidit  ou  lâche  ces  manœuvres  dor- 
mantes ,  félon  qu'on  y  eft  obligé  par  le  tems  qu'il  fait  ; 
ils  fervent  auffi  à  donner  la  forme  aux  trélingages 
qui  font  au  haut  des  étais  ,  ayant  divers  petits  trous 
par  où  paffent  les  marticles  ;  ils  font  en  même  tems 
une  efpece  d'ornement  au  vaiffeau  ;  ils  font  de  figure 
ovale  ôc  plats  ;  ceux  des  haubans  font  amarrés  aux 
porte-haubans ,  ou  aux  cadenes. 

Les  caps  de  moutons  des  grands  haubans  font  amar- 
rés aux  porte-haubans  ,  moitié  dans  les  haubans, 
moitié  dans  les  cadenes  ;  oc  comme  les  cordage*s 
neufs  fe  lâchent ,  il  faut  les  roidir  autant  qu'il  le 
peut  en  fanant. 

Cap  de  Mouton  de  Martinet,  (Marine.)  c'eft 
le  cap  de  mouton  du  trélingage ,  ou  des  marticles  qui 
font  au  bout  du  martinet  de  l'artimon  &  à  la  vergue  ; 
mais  le  cap  de  mouton  fur  l'étai ,  qui  a  la  figure  ovale, 
d'où  partent  plufieurs  lignes,  qui  von;  en  s'elarg.i- 
fant  en  patte  d'oie ,  fur  le  bord  de  la  hune  ,  pour  em- 
pêcher les  huniers  d-e  fe  couper  contre  la  hune  ;  e'eit 
la  moque  de  rre'inj;ay;e.  Foye7_  Martinet  ,  Marti- 
CLE,    &  TrÉUNuAGE. 

Cap  de  Mouton  a  croc,  (  Marine.)  ce  fonides 
caps  de  mouton  où  il  y  a  un  croc  de  fer  ,  pour  a.cc  o- 

cher 


CAP 

cher  au  côté  d'une  chaloupe;  c'eft-là  qu'on  a  cou- 
tume de  les  faire  iervir  pour  retenir  les  haubans. 
Cap  deMore  ,Tète  deMore,  Bloc  ,Chou- 

QUET,  voyc{  CHOUQUET.  (Z) 

Cap,  ou  Cavesse  de  More,  (Manège.)  eft  un 
che\  al  de  poil  rouhan ,  qui  outre  ion  mélange  de 
poil  gris  &  bai ,  a  la  tête  &  les  extrémités  des  pies 
noires.  Voye^  Rouhan.  (V) 

*  Cap  ,  ou  Promontoire,!". m.  (Géog. )ce  mot 
eft  dérivé  de  l'Italien  capo,  qui  veut  dire  tête  en  cette 
langue.  Les  Grecs  le  lervoient  des  mots  axpov ,  ou 
«poTHMov ,  pour  défigner  un  cap ,  &  les  Latins  àepro- 
montorium  ;  c'eft  une  pointe  de  terre  qui  s'avance 
dans  la  mer ,  plus  que  les  terres  contigues.  Quand 
en  rangeant  une  côte ,  on  paffe  près  d'un  cap,  on  le 
fert  à  la  mer  de  l'exprefïïon  doubler  le  cap  ,  parer  le 
cap.  La  Sicile  fut  appellée  par  les  anciens  trinacria , 
à  caule  de  les  trois  caps  ou  promontoirs. 

Cap  de  Bonne-Espérance:  ce  cap  eft  à  l'ex- 
trémité méridionale  de  l'Afrique  ;  les  Portugais  le 
découvrirent  ;  depuis  les  Hollandois  y  bâtirent  un 
fort  &  s'y  établirent;  enforte  qu'ils  exigent  des  péa- 
ges des  autres  nations  qui  y  abordent.  Il  y  croit  du 
froment  &  de  l'orge  en  abondance  ,  ainli  que  diffé- 
rentes fortes  de  légumes  &  de  fruits;  il  y  croît  aufli 
du  vin  de  liqueur  tres-eftimé.  Long.  Jj.  45.  lat.  mé- 
rid.  34.  40. 

Cap-Breton  ,  voye{  Isle  royale. 
Cap-François;  il  eft  fur  la  côte  feptentrionale 
de  l'île  de  S.  Domingue  ;  &  c'eft  le  port  le  plus  fré- 
quenté de  la  partie  de  cette  île  qui  appartient  aux 
François.  On  y  a  bâti  une  ville  confidérable. 

Cap-Verd  ,  (  Géog.)  cap  très-confidérable  fur  la 
côte  d'Afrique  ;  il  a  été  découvert  par  les  Portugais 
en  1474;  il  eft  bordé  des  deux  côtés  par  la  Gambre 
&  le  Sénégal.  Il  eft  habité  par  des  Nègres,  qui  lont 
laborieux  &  appliqués  ,  &  dont  la  plupart  adorent 
la  lune  &  les  diables. 

Cap-Verd  ,  (  des  du  )  Voye^  IsLES. 
CAPABLE,  adj.  (en  Droit.')  eft  celui  qui  a  les 
qualités  requifes  par  les  lois  pour  faire  quelque  fonc- 
tion appartenante  à  la  vie  civile  :  par  exemple  ,  il 
faut  avoir  xj  ans  accomplis  pour  être  capable  d'alié- 
ner. Il  faut  être  régnicole  pour  être  capable  de  pof- 
féder  des  bénéfices  en  France  ;  il  n'y  a  que  les  gra- 
dués qui  foient  capables  de  poiTédcr  des  cures  dans 
les  villes  murées.  (H). 

Capable  ,  (  Gcom.  )  on  dit  qu'un  fegment  de  cer- 
cle eft  capable  d'un  angle  ,  lorlque  ce  legment  eft  tel 
qu'on  y  peut  inferire  cet  angle  ;  enforte  que  les  deux 
côtés  de  l'angle  fe  terminent  aux  extrémités  du  feg- 
ment ,  &:  que  le  fommet  de  l'angle  foit  fur  la  circon- 
férence du  legment.  On  fait  que  tous  les  angles  inf- 
crits  dans  un  même  legment  font  égaux  ;  ainli  le  leg- 
ment E  F D  ,  (fig.  _o3.  Geom.  )  eft  capable  de  l'angle 
EFD  ,  ou  de  ion.  égal  EH  D.  On  a  plufieurs  mé- 
thodes pour  décrire  un  fegment  capable  d'un  angle 
donné  :  en  voici  une  allez  limple.  Faites  un  triangle 
ifofccle  ,  dont  l'angle  au  iommet  EFD  foit  égal  à 
l'angle  donné  ;  ou  ,  ce  qui  eft  la  même  choie ,  taites 
les  angles  FE  D  ,  FDE ,  égaux  chacun  à  la  moitié 
de  180  degrés  moins  la  moitié  de  l'angle  donne  ;  &c 
par  les  points  F ,  D  ,  décrivez  l'arc  de  cercle  £  F  D. 
Foyei  Cercle.  (O) 

CAPACCIO,™  CAPACE,  (  GJog.) petite  ville 
d'Italie,  au  royaume  de  Naples  ,  dans  la  principauté 
citérieurc.  Long.  Jz.  38.  Iat.*f0.  2J- 

CAPACITE  ,  1.  t.  dans  un  fens  général  marque 
une  aptitude  ou  difpofition  à  quelque  choie. 

Les  lois  d'Angleterre  donnent  au  roi  deux  capacîm 
tés  ;  l'une  naturelle  ,  &  L'autre  politique  :  par  la  pre- 
mière ,  il  peut  acheter  des  terres  pour  lui  ci.  les  héri- 
tiers ;  par  la  féconde,  il  en  peut  acheter  pour  lui  &C 
fes  fucceiTeuis  ;  il  en  eft  de  même  du  clergé. 
Tome  II. 


CAP 


625 


Capacité  (en  Droit.)  fe  prend  dans  le  même 
fens  que  capable.  Voye^  ci-deiTus. 

En  Droit  canonique  ,  on  entend  par  capacité,  les 
qualités  extérieures  feulement ,  comme  V  extrait  bap- 
tijlaire  ,  la  tonfure  ,  les  dimijjoires ,  s'il  en  eft  befoin  , 
la  provifion  du  bénéfice ,  la  prife  de  po/Mion  ,  &  quel- 
quefois les  grades  ,  les  induits ,  ou  adves  privilèges. 

Capacité  d'un  corps  ,  fe  dit  proprement  de  l'ef- 
pace  ou  volume  qu'il  occupe,  Poye{  Espace  ,  Vo- 
lume. (O) 

C  APÀDE ,{.{.(  terme  de  Chapelier.  )  eft  une  cer- 
taine quantité  de  laine  ou  de  poil  qu'on  a  formée 
par  le  moyen  de  l'arçon.  Un  chapeau  eft  compoié 
de  quatre  cipades  que  l'on  feutre  lur  le  bafîîn ,  &.  que 
les  ouvriers  foulent  eniuite  avec  de  la  lie  de  vin. 

*  Capades  ,  f.  m.  pi.  (Hijî.  mod.  )  l'on  nomme 
ainfi  aux  Indes  chez  les  Maures  &  parmi  d'autres 
nations ,  les  eunuques  noirs  à  qui  on  confie  la  garde 
des  femmes  ,  &  qui  les  accompagnent  dans  leurs 
voyages. 

C APALANIER  ,  f.  m.  (  Marine.  )  on  nomme  ainlt 
fur  les  vaiflèaux  Bretons  qui  vont  à  la  pêche  de  la 
morue  feche ,  les  matelots  qui  aident  à  cette  pêche  ; 
ils  ont  rang  entre  les  décoleurs  &  les  lâleurs  ,  &  ont 
le  même  pot-de-vin.  ^oye^DÉCOLEUR  6-Saleur. 

CAPARAÇON,  f.  m.  (Manège.)  couverture  qu'on 
met  fur  les  chevaux.  Les  caparaçons  ordinaires  font 
d'une  fimple  toile  ou  treiilis  pour  l'été,  ou  de  drap 
en  hyver;  ceux  des  chevaux  de  main  font  de  drap, 
ornés  &c  chargés  des  armoiries  ou  des  chiffres  du  maî- 
tre ,  en  or ,  en  argent,  en  laine  ou  en  lbie.  Les  capara- 
çons des  anciens  gendarmes  étoient  de  riches  notif- 
ies brodées ,  dont  ils  faifoient  parade  dans  les  mon- 
tres, les  tournois,  les  pompes,  &  les  cérémonies. 
Les  caparaçons  étoient  autrefois  une  armure  de  fer 
dont  on  couvroit  les  chevaux  de  bataille. 

Les  caparaçons  de  l'armée  font  quelquefois  d'une 
grande  peau  d'ours  ou  de  tigre ,  de  même  que  ceux 
des  chevaux  de  carrolle  en  hyver.  (F~) 

CAPARAÇONNER  un  cheval,  (  Manège.  )  c'eft 
lui  mettre  un  caparaçon.  Voye^  Caparaçon,  (y) 

CAPALITA ,  (Gcog.)  grande  ville  de  l'Amérique 
feptentrionale  ,  dans  la  province  de  Guaxaca. 

CAPDENAC,  (Géog.)  ancienne  &  petite  ville  de 
France  dans  leQuercy,  lur  un  rocher  efearpé,  &C 
prefqu'environné  de  la  rivière  de  Lot. 

CAPE  ,  f.  f.  ou  GRAND-PACFI ,  (Marine.)  c'eft 
la  grande  voile  :  être  à  la  cape,  c'eft  ne  porter  que  La 
grande  voile  bordée ,  &  amurée  toute  arrière.  On 
met  aulTi  à  la  cape  avec  la  miiene  &  l'artimon.  On  fe 
tient  a  la  cape,  quand  le  vent  eft  trop  tort ,  &  qu'il  eft 
contraire  à  la  route  qu'on  veut  faire.  V.  Capéer.(Z) 
Cape,  (la)  c'eft  dans  la  Fortification ,  la  partie 
fupérieure du batardeau.  Voye^  Batardeau.  (Q) 

LAPECHIUM,  (Géog.)  ville  de  l'Amérique  icp- 
^htrionalc,  dans  la  nouvelle  Elpagnc,  lur  la  pref- 
qulle  lie  Jucatan. 

CAPEER,  L  \PIER,  CAPÉIER,  aller  à  la  cape  , 
mettre  le  vaiffeau  a  la  cape  ,  (Marine.)  c'eft  taire  iervir 
La  grande  voile  feule  ,  après  avoir  ferlé  toutes  les  au- 
nes, &C  portant  le  gouvernail  fous  le  vent,  mettre 
le  vaifTeau  c<  té  à  navets,  pour  le  laiîTer  aller  à  U 
dérive  ,  ÔCfe  maintenir  dans  le  parage  où  l'on  eft  au- 
tant qu'il  eft  polTible,  foit  pendant  un  vent  force  Se 
de  gros  tems,  l'oit  quand  la  nuit  ou  la  brunie  vous 
lui  prend  auprès  d'une  côte  qu'on  ne  connoît  pas  bien, 
ou  qui  eft  dangereufe ,  &  qu'on  ne  veut  aborder  que 
de  jour.  Que  fi  le  vent  n'eit  pas  forcé ,  on  porte  auiit 
la  miiene ,  &  quelquefois  on  y  ajoute  l'artimon  :  mais 
de  uros  tems  on  les  amené  auili-bien  que  les  perro- 
quets &  les  huniers,  pour  donner  moins  de  pnie  au 
vent;  cv  li  l'oratt  eft  fi  grand  qu'on  ne  puifleplus 

KKkk 


6i6 


CAP 


capcUr ,  on  fait  le  jet ,  &  on  met  le  vaiffeau  à  fec ,  le 
laiffant  aller  à  mâts  &  à  cordes.  (Z) 

CAPELAN,  f.  m.  (Hijl. nat.  Ichth.)  afellus  mollis ml- 
nor,  feu  afellus  omnium  minimus ,  anthitz  fecundajpecies. 
Rond.  Ce  poiffon  eft  le  plus  petit  de  Ion  genre  :  ce- 
lui fur  lequel  oaja  fait  cette  defeription  n'avoit  qu'en- 
viron îîx  pouowde  longueur.  Le  capelan  a  un  barbil- 
lon à  l'angle  delà  mâchoire  inférieure;  les  yeux  font 
recouverts  d'une  membrane  lâcher  le  dos  eft  d'un 
brun  clair,  &  le  ventre  d'un  blanc  fale.  La  première 
nageoire  du  dos  eft  compofée  de  douze  piquans  ;  cel- 
le du  miiieu  en  a  dix-neuf,  &  la  dernière  n'en  a  que 
dix-fept.  La  nageoire  qui  eft  immédiatement  au-de- 
là de  l'anus,  en  a  vingt-fept ,  &  celle  qui  eft  plus  loin 
en  a  dix-fept  :  les  nageoires  des  ouies  en  ont  chacune 
treize,  &  celles  du  ventre  n'en  ont  que  lix  feulement. 
La  chair  de  ce  poiffon  eft  douce  &  tendre,  &  a  un 
très-bon  goût.  On  en  trouve  en  grande  quantité  dans 
la  mer  Méditerranée ,  &  on  en  voit  beaucoup  à  Ve- 
nife  &  à  Marfeille.  Willughby ,  Hijlpifc.  Voy.  Pois- 
son. (T) 

CAPELER  les  haubans,  {Marine.')  c'eft  paffer  les 
haubans  par-deffus  la  tête  du  mât,  pour  les  mettre  en 
place.  (Z) 

CAPELET,  f.  m.  (Maréchalerle.)  enflure  qui 
vient  au  train  de  derrière  du  cheval ,  à  l'extrémi- 
té du  jarret,  qui  eft  groffe  à  peu -près  comme  une 
petite  balle  de  jeu  de  paume.  Cette  maladie  eft  eau- 
fée  par  une  matière  phlegmatique  &  froide ,  qui  s'en- 
durcit par  fa  vifeofité,  &  ne  fait  pas  grand  mal.  (V) 

CAPELINE  ,  f.  f.  terme  de  Chirurgie,  bandage  pour 
contenir  l'appareil  qu'on  applique  fur  le  moignon 
d'un  membre  amputé.  Foye^  Amputation.  (Y) 

CAPELINES,  f.  m.  pi.  en  terme  de  Plumajferie ,  ce 
font  des  panaches  ou  bouquets  de  plumes,  dont  fe 
fervent  quelquefois  les  aefrices  fur  le  théâtre. 

CAPELLE,  (la)  Géog.  petite  ville  de  France ,  en 
Picardie,  dans  laTierache,  à  cinq  lieues  de  Guife. 
Long.  zi.  34.  lat.  4g.  58. 

Capelle,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Allemagne,  de 
l'éle&orat  de  Trêves ,  fur  le  Rhin ,  au-deffus  de  Co- 
blentz. 

*  CAPELLETTI ,  f.  m.  pi.  (Hift.  mod.)  c'eft  le  nom 
qu'on  donne  à  Venife  à  une  milice  que  la  république 
compofe  des  fujets  qu'elle  a  en  Efclavonie ,  Dalma- 
tie,  Albanie  &  Morlachie;  qui  eft  regardée  comme 
l'élite  de  l'es  troupes ,  &  à  la  garde  de  qui  elle  con- 
fie fes  places  les  plus  importantes  :  il  y  en  a  toujours 
deux  compagnies  à  Venife  pour  la  garde  du  palais 
£>C  de  la  place  de  S.  Marc. 

CAPENDU,  (  Géog.)  petite  ville  de  France,  en 
Languedoc,  au  diocefe  de  Carcaffbnne. 

CAPER,  nom  Latin  de  la  conftellation  du  capri- 
corne. Voye^  Capricorne.  (O) 

CAPES  ou  CABEZ,  {Géog.  )  ville  d'Afrique,  au 
royaume  de  Tripoli,  fur  une  grande  rivière  de  mê- 
me nom,  qui  prend  fa  fource  dans  le  BiledulgericL» 
&c  qui  fépare  les  deux  royaumes  de  Tunis  &  de  T* 
poli,  &  tombe  dans  la  mer  Méditerranée,  dans  un 
golfe  qui  porte  fon  nom  :  on  dit  que  l'eau  en  eft  fi 
chaude,  qu'on  ne  peut  en  boire  qu'après  l'avoir  laif- 
fé  refroidir. 

*  Capes  ,  (Géog.)  peuple  d'Afrique ,  en  Guinée , 
fur  les  côtes  de  l'Océan,  près  de  la  Sierra -Lionna. 
On  dit  que  dans  chaque  village  il  y  a  une  grande  mai- 
fon  feparée  des  autres,  où  l'on  met  toutes  les  jeunes 
filles  du  lieu ,  pour  écouter  les  leçons  d'un  vieillard 
choifi  pour  les  inftruire;  au  bout  de  l'année  cette 
troupe  de  filles  fort  au  fon  des  inftrumens ,  &  fe  rend 
dans  de  certaines  places  pour  y  darder  :  les  jeunes 
gens  vont  dans  ces  endroits,  &  y  prennent  pour  fem- 
mes celles  qui  leur  conviennent. 

CAPESTAN,  (Géog.)  petite  ville  de  France, 
dans  le  Languedoc ,  près  de  la  rivière  d'Aude  &  du 


CAP 

canal  royal.  Long.  zo.  40.  lat.  43.  z5. 

*  CAPETIEN,  f.  m.  (Hijl.  mod.)  nom  par  lequel 
on  défigne  la  troifieme  race  de  nos  rois  ;  il  vient  de 
Hugues  Capet,  le  premier  roi  de  cette  race.  Il  y  a 
aujourd'hui,  en  1752,765  ans  qu'elle  occupe  le  thro- 
nc  de  la  France.  Nulle  généalogie  ne  remonte jl  haut  qxtt 
celle  de  Jefus-Chrijl ,  dit  un  auteur  Allemand,  cité  par 
les  auteurs  du  Trévoux ,  pas  même  celle  des  Capétiens. 
CAPHAR ,  f.  m.  (  Hijl.  mod.  )  péage  Ou  droit  que 
les  Turcs  font  payer  aux  marchands  Chrétiens,  qui 
conduifent  ou  envoyent  des  marchandifes  d'Alep  à 
Jérufalem. 

Le  droit  du  caphar  avoit  été  établi  par  les  Chré- 
tiens mêmes ,  lorlqu'ils  étoient  maîtres  de  la  Terre- 
fainte  ;  &  ce  fut  pour  l'entretien  des  troupes ,  qu'on 
mettoit  dans  les  paffages  difficiles  pour  obferver  les 
Arabes,  &  empêcher  leurs  courfes:  mais  les  Turcs 
qui  l'ont  continué  &c  augmenté ,  en  abufent ,  faifant 
payer  arbitrairement  aux  marchands  &  aux  voya- 
geurs Chrétiens  des  fommes  confidérables ,  fous  pré- 
texte de  les  défendre  des  Arabes,  avec  qui  néant- 
moins  ils  s'entendent  le  plus  fouvent  pour  favorifer 
leurs  brigandages.  (G) 

CAPHARNAUM  ou  CAPERNAUM ,  (Géograph. 
fainte.)  ville  maritime  de  la  tribu  de Nephthali,  à  l'ex- 
trémité de  celle  de  Zabulon ,  fur  le  rivage  de  la  mer  de 
Tibériade.  Ses  habitans  incrédules  ne  tirèrent  aucur» 
fruit  d'un  grand  nombre  de  miracles  que  Jefus-Chrift 
fit  parmi  eux,  &  dont  la  lumière  auroit  fuffi  pour 
éclairer  d'autres  peuples  à  qui  il  ne  fit  pas  la  même 
grâce  ;  parce  qu'il  eft  le  maître  de  fes  dons ,  &  qu'il 
peut  fans  injuftice ,  les  accorder  à  ceux  qui  n'en  pro- 
fiteront pas ,  &  les  refiifer  à  ceux  à  qui  ils  auroient 
été  des  moyens  de  falut.  O  altitudo  !  V.  Grâce. 

CAPHESA  ou  CAPHSA,  (Géog.)  ancienne  ville 
d'Afrique ,  dans  le  Biledulgerid ,  vers  la  fource  de 
la  rivière  de  Magrada. 

C API-AGA  ou  CAPI-AGASSI ,  f.  m.  (Hijl.  mod.  ) 
officier  Turc  qui  eft  le  gouverneur  des  portes  du  fé- 
rail ,  &  le  grand  maître  du  férail.  Voyc^  Sérail. 

La  dignité  de  capi-aga  eft  la  première  des  eunu- 
ques blancs  :  le  capi-aga  eft  toujours  auprès  du  grand- 
leigneur ,  il  introduit  les  ambaifadeurs  à  l'audience  ; 
perfonne  n'entre  &  ne  fort  de  l'appartement  du  grand- 
leigneur  que  par  fon  miniftere.  Sa  charge  lui  donne 
le  privilège  de  porter  le  turban  dans  le  férail ,  & 
d'aller  par-tout  à  cheval:  il  accompagne  le  grand- 
feigneur  julqu'au  quartier  des  fultanes ,  mais  il  de- 
meure à  la  porte ,  &  n'y  entre  point.  Le  grand-fei- 
gneur  fait  les  frais  de  fa  table,  &  lui  donne  environ 
lbixante  livres  par  jour  :  mais  fa  charge  lui  attire  de 
plus  un  très-grand  nombre  depréfens,  parce  qu'au- 
cune affaire  de  conféquence  ne  vient  à  la  connoif- 
fance  de  l'empereur,  qu'elle  n'ait  paffé  par  fes  mains. 
Le  capi-agaffi  ne  peut  être  bâcha  quand  il  quitte  fa 
charge.  Voyt{  Aga.  (G) 

*  CAPI-CAG-TINGA,  (Hijl.  nat.  bot.)  efpece  d'à- 
corus  qui  croît  aux  Indes  occidentales ,  &  reffemble 
beaucoup  à  celui  de  l'Europe  par  fa  racine  &  fes 
feuilles  ;  il  eft  feulement  plus  petit  :  mais  on  lui  attri- 
bue des  vertus  bien  fupérieures  à  celles  de  l'autre  ; 
il  eft  plus  chaud  &  plus  aromatique  ;  il  incife  les  hu- 
meurs froides  &  peccantes  ;  il  rélifte  au  poifon ,  &c. 

*  C  A  P  Ie,  f.  f.  fe  dit  dans  les  manufactures  où  fort 
travaille  la  foie,  le  fil,  la  laine,  &c.  de  plulieurs  brins 
mis  en  double ,  à  l'aide  defquels  on  ferre  l'écheveau 
quand  il  eft  fini,  6c4'on  arrête  le  dernier  bout  ;  ce 
qui  empêche  l'écheveau  de  fe  déranger,  &;  ce  qui 
en  facilite  le  devidage,  en  permettant  d'en  prendre 
toujours  le  dernier  bout. 

*  CAPIER  ,  v.  aft.  manufacture  en  foie ,  fil,  laine, 
&c.  c'eft  dans  un  écheveau  de  fil,  de  foie,  laine,  &c. 
arrêter  le  bout  par  lequel  il  a  commencé,  &  celui 
par  lequel  il  a  fini,  de  façon  qu'au  devidage  onpuiffe 


CAP 

toujours  trouver  &  prendre  le  dernier  ;  la  façon  d'ar- 
rêter eft  arbitraire.  Dans  le  fil  on  noue  les  deux  bouts 
cnfemble;dans  la  foie  onles  arrête  féparément.Quand 
il  efl  queftion  de  teindre  en  bleu,  en  verd ,  ou  autres 
couleurs  dont  la  teinture  ne  doit  être  que  tiède  ;  on 
cafTe  les  caples  fous  lefquelles  la  teinture  ne  prendroit 
pas ,  parce  qu'ordinairement  elles  refferrent  la  par- 
tie de  l'écheveau  qu'elles  enveloppent.  Le  règlement 
de  Piémont  ordonne  de  caplerles  organcins  toutes  les 
huit  heures,  &  les  tramer  toutes  les  quatre:  cela 
vient  de  ce  que  les  organcins  font  plus  tors  que  les 
trames ,  &  que  par  conféquent  les  afpes  ou  guindres 
fe  chargent  d'une  beaucoup  moindre  quantité  d'or- 
gancins  que  de  trames,  en  des  tems  égaux. 

CAPiERfe  dit  aufîi,  dans  les  manufactures  en  foie , 
des  mailles  qu'on  efl  obligé  de  faire  aux  lifles  ,  lorf- 
qu'elles  commencent  à  s'ufer  :  c'eft  arrêter  la  maille 
par  fon  nœud  fur  la  criftellc,  précifément  dans  l'en- 
droit qu'elle  doit  occuper.  Foye^  Cristelle. 

CAPIGI,  f.  m.  (Hift-  mod.)  portier  du  ferai]  du 
grand-feigneur.  Il  y  a  dans  le  férail  environ  cinq 
cents  capigis  ou  portiers  partagés  en  deux  troupes  : 
l'une  de  trois  cents,  fous  un  chef  appelle  caplgl-baffa, 
qui  a  de  provifion  trois  ducats  par  jour;  &  l'autre 
de  deux  cents  appelles  cuccicapigi ,  de  leur  chef  cuc- 
clcaplgl-baffi ,  qui  a  deux  ducats  d'appointement.  Les 
capigis  ont  depuis  fept  jufqu'à  quinze  afpres  par  jour, 
l'un  plus ,  l'autre  moins.  Leurs  fondions  font  d'affifter 
avec  les  JaniiTaires  à  la  garde  de  la  première  &  de 
la  féconde  porte  du  férail,  quelquefois  tous  ensem- 
ble ,  comme  quand  le  Grand-feigneur  tient  cenfeil  gé- 
néral ,  qu'il  reçoit  un  ambaffadeur ,  ou  qu'il  va  à  la 
mofquée  ;  &  quelquefois  ils  ne  gardent  qu'une  par- 
tie, &fe  rangent  des  deux  côtés,  pour  empêcher  que 
perfonne  n'entre  avec  des  armes,  ou  ne  f'afle  du  tu- 
multe, &c. 

Ce  mot  dans  fon  origine  fignifie  porte.  Voye^  SÉ- 
RAIL. (G) 

Capigi-Bachi  ,f.  m.  (  Hifl.  mod.  )  capitaine  des 
portes  ,  officier  du  ferrail  du  Grand-feigneur.  Les  ca- 
plgis-bachis  font  iubordonnés  au  capi-aga  ou  capou-a- 
gajji,  &  font  au  nombre  de  douze  ;  leur  fonction  eit 
de  monter  la  garde  deux  à  deux  à  la  troiiieme  porte 
du  férail ,  avec  une  brigade  de  fimples  capigis  ou 
portiers.  Lorfque  le  Grand-feigneur  eit  à  la  1 
ion  armée  ou  en  voyage ,  fix  capigis  -  hachis  mar- 
chent toujours  à  cheval  devant  lui  pour  reconnoître 
les  ponts  ;'  ils  y  mettent  pied  à  terre ,  attendent  le  ful- 
tan  rangés  à  droite  &C  à  gauche  fur  fa  route  ,  &  lui 
font  une  profonde  révérence  pour  marquer  la  fureté 
du  partage.  A  l'entrée  des  tentes  ou  du  férail  ils  fe 
mettent  en  haie  à  la  tête  de  leur  brigade.  (G) 

CAPILLAIRE  ,  tiré  du  Latin  capUli ,  cheveux  ,  fe 
dit  de  plufieurs  chofes,  pour  marquer  leur  petiteffe, 
&c.  qui  rcflemblc  à  celle  des  cheveux. 

Vaiffeaux  Capillaires  ,  en  Anatomie ,  ce  font  les 
dernières  &  les  plus  petites  ramifications  des  veines 
&  des  artères  ,  qui  font  infcnliblcs ,  &  qui  lorfqu'on 
les  coupe  ou  rompt ,  ne  rendent  que  fort  peu  de  fang. 
Foye{  Veine  &  Artère. 

Les  vaijfeaux  capillaires  doivent  être  beaucoup 
plus  fins  que  les  cheveux  ;  on  ne  fauroit  mieux  les 
comparer  qu'aux  fils  des  toiles  d'araignée ,  ck.  on  les 
appelle  quelquefois  vaiffeaux  évanouijjans.  Voyc^  Cir- 
culation.  (Z.) 

Les  tuyaux  ou  tubes  capillaires,  en  Phyfique  ,  font 
de  petits  tuyaux  les  plus  étroits  que  les  ouvriers  puif- 
fent  faire,  &c  non  pas  dont  le  diamètre  ne  pâlie  pas 
la  grofïeur  d'un  cheveu  ;  car  on  n'en  a  peut-être 
jamais  fait  de  cette  efpcce. 

Le  diamètre  ordinaire  des  vaiffeaux  capiUai  wefl 
de  la  moitié ,  du  tiers ,  ou  du  quart  d'une  ligne 
dant  le  dofteur  Hook  nous  allure  qu'il  a  tire  à  la  flam- 
uie  d'une  lampe  des  tuyaux  plus  petits  encore ,  oc 
Tome  II, 


CAP 


627 


au  moins  auffi  fins  qu'un  fil  de  toile  d'araignée.  Ce 
tait  eit  affez  difficile  à  croire. 

L'a'ccnfion  de  l'eau  dans  les  tuyaux  capillaires  eft 
un  phénomène  ,  dont  l'explication  embarafte  fort 
les  philofophes.  Mettez  dans  l'eau  l'un  des  bouts  d'un 
petit  tuyau  ou  d'un  petit  tube  ouvert  des  deux  cô- 
tés ,  Se  l'eau  s'élèvera  à  une  hauteur  fenfible  dans  le 
tube  où  elle  demeurera  fufpendue  :  de  plus  plongez 
dans  le  fluide  plufieurs  tubes  capillaires ,  dont  l'un  toit 
d'un  diamètre  beaucoup  plus  petit  que  l'autre  ;  l'eau 
montera  beaucoup  plus  haut  dans  le  petit  tube  caplU 
laire  :  fon  élévation  fera  en  raifon  réciproque  du  dia- 
mètre des  tubes. 

Cette  élévation  fpontanée  ,  contraire  en  apparen- 
ce aux  loix  de  la  pefanteur  mérite  une  attention 
particulière.  Le  corps  humain  efl  une  machine  hv- 
draulique;  &  dans  le  nombre  prefqu'infini  de  tuyaux 
qui  le  compofent,  celui  des  capillaires  efl  ians  com- 
paraifon  le  plus  grand;  &c  c'eft  par  conféquent  la 
connoilTance  de  cette  efpece  de  tuyaux  qui  nous  in- 
térefle  le  plus. 

M.  Carré  ,  aidé  de  M.  Geoffroy ,  dit  avoir  fait  fur 
les  tuyaux  capillaires  les  expériences  iuivantes.  i°. 
l'eau  s'étant  élevée  au-deflus  de  fon  niveau  dans 
un  tuyau  capillaire,  fi  enfuite  on  pornpe  l'air  aufîi 
exactement  qu'il  foit  poffible ,  elle  ne  redefeend 
point  ;  au  contraire  elle  monte  encore  un  peu  :  20.  fi 
l'on  enduit  de  fuif  le  dedans  d'un  tuyau  capillaire, 
l'eau  ne  s'y  met  que  de  niveau  au  ref le  de  fa  furfa- 
ce  :  mais  fi  ce  tuyau  n'efl  enduit  de  fuif  que  jufqu'à 
une  hauteur  moindre  que  celle  où  il  efl  plongé  dans 
l'eau  ,  elle  monte  à  fon  ordinaire  au-deiTus  de  fon 
niveau  ;  &  s'il  n'efl  enduit  de  fuif  que  d'un  côté  , 
l'eau  de  ce  côté-là  le  met  de  niveau,  ck  de  l'autre 
monte  au-deffus.  Hijl.  accad.  ijo5. 

Plufieurs  auteurs  attribuent  l'afcenfion  de  l'eau 
dans  ces  tuyaux  ,  à  la  prefilon  inégale  de  l'air  dans 
des  tubes  inégaux  :  l'air ,  dif  ent-ils  ,  efl  compofé  de 
parties  rameufes ,  fpongieufes  ,  entremêlées  &c  em- 
barraffées  les  unes  avec  les  autres  :  ainfi  une  colonne 
d'air  étant  placée  perpendiculairement  fur  l'ouver- 
ture d'un  petit  tuyau  capillaire,  une  partie  fenfible  de 
la  prelfion  agira  fur  les  parois  de  la  furface  du  tube  , 
de  façon  que  la  colonne  ne  prefl'era  pas  avec  tout 
fon  poids  fur  le  fluide  placé  au-defïbus ,  mais  qu'elle 
en  aura  perdu  une  quantité  plus  ou  moins  grande  , 
fuivant  que  le  diamètre  fera  plus  petit  ou  plus  grand. 
Mais  une  explication  fi  vague  le  détruit  îk  par  elle- 
même  ,  &  par  cette  obfervation ,  que  l'expérience 
réufîit  auffi  bien  dans  le  vuide  que  dans  l'air. 

D'autres  ,  comme  M.  Hauksbée,  &c.  ont  recours 
à  l'attraction  des  anneaux  de  la  furface  concave  du 
tube  ;  &  le  docteur  Morgan  fouferit  à  cette  opinion 
en  ces  termes.  «  Une  partie  de  la  gravité  de  l'eau 
»  dans  ce  tube  étant  arrêtée  par  la  force  attractive 
»  de  la  furface  interne  concave  du  verre  ;  le  fluide 
>>  qui  efl  dans  le  tube  devra,  au  moyen  de  la  lupe- 
»  riorité  du  poids  extérieur  ,  monter  auffi  haut  qu'il 
»  faudra  pour  compenler  cette  diminution  de  gravi- 
»  té  produite  par  l'attraction  du  verre  ».  Il  ajoute 
que  comme  la  force  de  l'attradion  des  tubes  efl  en 
raifon  réciproque  des  diamètres,  on  pourra  en  di- 
minuant ces  diamètres ,  ou  en  prenant  des  tubes 
de  plus  en  plus  petits,  faire  monter  l'eau  à  telle  hau- 
teur qu'on  voudra. 

Mais  cet  auteur  s'eft  un  peu  mépris  en  cela ,  félon 
MJurin;earpuifquedans  les  tuyaux  capUlaites  la  hau- 
teur à  laquelle  l'eau  s'élèvera  naturellement ,  efl  ré- 
ciproquement comme  le  diamètre  du  tube ,  il  s  en- 
fuit de-là  que  la  furface  qui  tient  l'eau  fufpendue  eit 
toujours  une  quantité  donnée  :  mais  la  colonne  d'eau 
fufpendue  dans  chaque  tube  efl  comme  le  diamètre 
du  tube  ;  &  par  conféquent  li  l'attradion  de  la  furfa- 
ce contenante  étoit  la  cuule  de  la  fufpenfion  de  l'eau, 

KKkk  ij 


6iS 


CAP 


il  s'enfuivroit  de-îà  ,  félon  M.  Jurin ,  que  des  caufes 
égales  proàuiroient  des  effets  inégaux;  ce  qui  eft  ab- 
furde.  De  plus,  M.  Jurin  ajoute  que  ce  n'eft  pas  feu- 
lement l'explication  de  M.  Hauksbée  qui  s'étend  trop 
loin  ,  mais  aufîi  le  phénomène  qu'il  fuppofe  ;  car  il 
n'a  pas  lieu  dans  tous  les  fluides  :  il  arrive  même 
tout  le  contraire  dans  le  mercure  ;  cette  liqueur  ne 
s'élevant  pas  dans  le  tube  julqu'au  niveau  de  celle 
qui  eft  dans  le  vaifleau ,  &  la  hauteur  qui  s'en  man- 
que fe  trouvant  d'autant  plus  grande ,  que  le  vaifleau 
efl  plus  petit. 

M.  Jurin  propofe  une  autre  explication  de  ce 
phénomène ,  laquelle  efl  confirmée  ,  félon  lui ,  par 
les  expériences.  «  La  fufpeniion  de  l'eau ,  dans  le 
»  fyfleme  de  cet  auteur  ,  doit  s'attribuer  à  l'attrac- 
»  tion  de  cette  circonférence  de  la  furface  concave 
»  du  tube  ,  à  laquelle  la  furface  fupérieure  de  l'eau 
»  eft  contiguë  ,  &  adhère  ;  cette  circonférence 
»  étant  la  feule  partie  du  tube  de  laquelle  l'eau  doi- 
»  ve  s'éloigner  en  fortant  du  repos,  &  par  confé- 
»  quent  la  leule  qui  par  la  force  de  la  cohéiion  &c  de 
»  fon  attraction ,  s'oppofe  à  la  defcente  de  l'eau  ». 
Il  fait  voir  que  c'eft  une  caufe  proportionnelle  à  l'ef- 
fet, parce  que  cette  circonférence  &  la  colonne  fuf- 
pendue  font  toutes  deux  en  la  même  proportion  du 
diamètre  du  tube.  Après  cette  explication  de  lafufpen- 
fion  de  la  liqueur,  l'afcenlion  qui  paroît  fpontanée  de 
cette  même  liqueur  dans  ce  tube  s'expliquera  aufli  fort 
aifément  ;  car  puifque  l'eau  qui  entre  dans  les  tuyaux 
capillaires  ,  aulli-tôt  que  leur  orifice  y  eft  plongé , 
perd  une  partie  de  fa  gravité  par  l'attraclion  de  la 
circonférence  à  laquelle  fa  furface  touche  ;  il  faut 
donc  néceflairement  qu'elle  s'élève  plus  haut ,  foit 
par  la  preflion  de  l'eau  itagnante ,  foit  par  l'attraction 
de  la  circonférence  qui  eft  immédiatement  au-deflùs 
de  celle  qui  lui  eft  contiguë. 

M.  Clairaut,  dans  la  Théorie  de  la  figure  de  la  ter- 
re ,  imprimée  à  Paiis  en  1743  ,  a  donné  une  théorie 
de  l'élévation  ou  de  l'abaiflëment  des  liqueurs  dans 
les  tuyaux  capillaires  ,  où  il  combat  l'explication  de 
M.  Jurin.  Voici  ce  qu'il  lui  objecte. 

i°.  On  ne  fauroit  employer  le  principe  que  les 
effets  font  proportionnels  aux  caulës ,  que  quand  on 
remonte  à  une  caufe  première  &c  unique ,  &  non 
lorfqu'on  examine  un  effet  qui  réfulte  de  la  combi- 
naifon  de  plufieurs  caufes  particulières ,  qu'on  n'é- 
value pas  chacune  féparément  :  or  quand  on  com- 
pare l'élévation  de  l'eau  dans  deux  tubes  différens , 
l'attraction  de  chaque  furface  eft  le  réfultat  de  toutes 
les  attractions  de  chaque  particule  de  verre  fur  tou- 
tes celles  de  l'eau  ;  &  comme  toutes  les  petites  for- 
ces qui  compofent  la  force  totale  d'une  de  ces  furfa- 
ces  ne  font  pas  égales  entr 'elles ,  on  n'a  aucune  rai- 
fon  pour  conclurre  l'égalité  d'attraction  de  deux  fur- 
faces  ,  de  l'égalité  d'étendue  de  ces  lùrfacos  ;  il  fau- 
drait de  plus  que  ces  furfaces  fufiënt  pareilles.  Par 
la  même  raifon ,  quand  même  on  admettrait  que  le 
feul  anneau  du  verre  qui  eft  au-deflùs  de  l'eau  ferait 
la  caufe  de  l'élévation  de  l'eau ,  on  n'en  lauroit  con- 
clurre que  le  poids  élevé  devroit  être  proportionnel 
à  ce  diamètre  ;  parce  qu'on  ne  peut  connoître  la  for- 
ce de  cet  anneau ,  qu'en  fommant  celle  de  toutes  les 
particules. 

20.  Suppofé  qu'on  eût  trouvé  que  la  force  d'un  an- 
neau de  verre  tût  en  raifon  confiante  avec  fon  dia- 
mètre, on  n'en  pourrait  pas  conclurre  qu'une  colon- 
ne du  fluide  d'un  poids  proportionnel  à  cette  force , 
ferait  fufpendue  par  fon  moyen.  On  voit  bien  qu'un 
corps  lolide  tiré  en  en-haut  par  une  force  égale  à  fon 
poids ,  ne  fauroit  tomber  :  mais  fi  ce  corps  eft  fluide , 
les  parties  étant  détachées  les  unes  des  autres  ,  il 
faut  faire  voir  qu'elles  fe  foûtiennent  mutuellement. 

M.  Clairaut  examine  enfuite  la  queftion  des  tuyaux 
capillaires, par  les  principes  généraux  de  l'équilibre  des 


CAP 

fluides:  fon  expofé  eft  trop  géométrique  pour  être  ren- 
du ici,ôc  nous  renvoyons  à  l'ouvrage  même  ceux  qui 
voudront  s'en  inftruire.Nous  nous  contenterons  de  di- 
re que  M. Clairaut  attribue  l'élévation  de  l'eau  à  l'at- 
traclion du  bout  inférieur  du  verre ,  &  à  celle  du 
bout  fupérieur  ;  &  qu'il  fait  voir  que  quand  le  tube 
a  un  fort  petit  diamètre ,  l'eau  doit  s'y  élever  à  une 
hauteur  qui  eft  en  raifon  inverfe  de  ce  diamètre  ; 
pourvu  qu'on  fuppofe  que  l'attraction  du  verre  atiffe 
fuivant  une  certaine  loi.  Il  ajoute  que  quand  mCme 
l'attraction  du  tuyau  capillaire  ferait  d'une  intenfité 
plus  petite  que  celle  de  l'eau  ,  pourvu  que  cette  in- 
tenfité  ne  fût  pas  deux  fois  moindre ,  l'eau  monterait 
encore  ;  ce  qu'il  prouve  par  lés  formules.  Il  explique 
en  paflant  une  expérience  de  M.  Jurin  ,  qui  au  pre- 
mier coup  d'ceil  paroît  contraire  à  les  principes  :  cette 
expérience  confiiie  en  ce  que  ii  on  fonde  deux  tuyaux 
capillaires  d'inégale  grofleur,  &  qu'on  trempe  le  bout 
le  plus  étroit  dans  l'eau  ,  cette  liqueur  n'y  monte 
pas  plus  haut  que  fi  tout  le  tuyau  étoit  de  la  même 
groflëur  que  par  le  bout  d'en-haut.  Quant  à  la  def- 
cente du  vif-argent  dans  les  tuyaux  capillaires ,  il 
l'explique  en  montrant  que  les  forces  qui  tirent  en 
en-bas  dans  la  colonne  qui  traverië  le  tube ,  font 
plus  grandes  que  les  forces  qui  agiflent  dans  les  au- 
tres colonnes;  &c  qu'ainli  cette  colonne  doit  être  la 
plus  courte  ;  afin  cie  faire  équilibre  aux  autres. 

Au  relie  dans  cette  explication  M.  Clairaut  fup- 
pofe que  l'attraction  n'eft  pas  en  raifon  inverfe  des 
quarrés  des  diftances ,  mais  qu'elle  fuit  une  autre 
loi,  8z  dépend  d'une  fonction  quelconque  de  la  dif- 
tance  ;  fur  quoi  voy.  la  fin  de  tan.  Attraction. 

Il  faut  pourtant  ajouter  à  ce  que  nous  avons  dit 
dans  cet  article  ,  que  li  on  fuppofe  les  phénomènes 
des  tuyaux  capillaires  produits  par  l'attraclion  ,  il  pa- 
roît difficile  d'exprimer  la  loi  de  cette  attraction,  au- 
trement que  par  une  fonction  de  la  diftance  ;  car  cet- 
te attraction  ne  fauroit  être  en  raifon  inverfe  du  quar- 
ré  de  la  diftance  ,  parce  qu'elle  eft  trop  forte  au 
point  de  contael  ;  nous  l'avons  prouvé  à  l'article  At- 
traction. Elle  ne  fauroit  être  non  plus  comme 
une  limple  puiflance  plus  grande  que  le  quarré  ;  car 
elle  ferait  infinie  à  ce  point  de  contact  ;  elle  ne  peut 
donc  être  que  comme  une  fonction  :  il  eft  vrai  qu'une 
telle  loi  ferait  bien  bifarre  ,  &  que  cela  firffit  peut-ê- 
tre pour  fufpendre  ion  jugement  fur  la  caufe  de  ce 
phénomène. 

On  trouve  dans  les  tomes  VIII.  &  IX.  des  Mémoi- 
res de  l'Académie  de  Petersbourg ,  des  difiertations  fur 
cette  même  matière  ,  par  M.  "Weitbrecht.  L'auteur 
paroît  la  bien  entendre  ,  &  l'avoir  approfondie.  La 
diflertation  de  M.  Jurin  fur  les  tuyaux  capillaires , 
contient  un  choix  ingénieux  d'expériences  faites  pour 
remonter  à  la  caufe  de  ces  phénomènes  ;  elle  eft  in- 
férée dans  les  Tranfaclions  philofophiques  ,  &  on  la 
trouve  en  François  à  la  fin  des  Leçons  de  Pkyjïque  ex- 
périmentales de  M.  Cotes ,  traduites  par  M.  le  Mon- 
nier  ,  &  imprimées  à  Paris  en  1742. 

De  toutes  les  liqueurs  qui  s'élèvent  dans  les  tuyaux 
capillaires  ,  l'eau  eft  celle  qui  monte  le  plus  haut  : 
c'efl  ce  que  M.  Carré  a  trouvé  en  faifant  les  expé- 
riences des  tuyaux  capillaires  avec  un  grand  nombre 
de  liqueurs  différentes.  Selon  cet  auteur ,  la  raifon 
de  cette  afcenlîon  plus  grande  de  l'eau,  c'eft  que  les 
furfaces  de  les  petites  parties  font  d'une  telle  confi- 
guration ,  qu'elles  touchent  plus  immédiatement , 
c'eft-à-dire  ,  en  un  plus  grand  nombre  de  points  ,  la 
furface  du  verre.  Il  eft  aifé  d'appliquer  ce  raifonne- 
ment  aux  liqueurs  qui  mouillent  certains  corps ,  & 
n'en  peuvent  mouiller  d'autres  :  car  lorfque  les  par*- 
ties  des  liqueurs  ont  leurs  furfaces  telles  qu'elles  peu- 
vent s'appliquer  plus  immédiatement  à  la  furface  des 
corps  qu'elles  touchent ,  elles  y  adhèrent ,  &  y  font 
comme  collées ,  foûtenues  d'ailleurs  par  la  preflioa 


c 


A 


CAP 


du  fluide  environnant;  Scc'eftpar  cette  raiion  que 
les  gouttes  d'eau  fufpendues  aux  feuilles  des  arbre. , 
ou  à  d'autres  corps,  ne  tombent  pas.  L'on  peut  auffi 
par  ce  même  principe  rendre  raiion  pourquoi  cer- 
taines liqueurs  ,  comme  l'huile  &  l'eau,  ne  s'unifient 
pas  ;  &  au  contraire  ,  pourquoi  les  parties  d'une  mê- 
me liqueur  s'unifient  fi  facilement. 

Nous  devons  à  M.  Formey  une  partie  de  cet  ar- 
ticle. (O) 

Capillaire  ,  (fracture  )  eft  une  fracture  au  crâ- 
ne fi  peu  marquée  ,  qu'à  peine  la  peut-on  voir  :  elle 
ne  laifle  pas  d'être  mortelle.  Vbye^  Fracture  & 
Fissure. 

La  fracture  capillaire  efi  l'effet  d'un  coup,  d'une  chu- 
te ,  qui  peut  procurer  un  dépôt  fous  le  crâne;  ainii 
lorfqu'on  l'a  reconnue ,  il  faut  faire  l'opération  du 
trépan.  Voy.  TRÉPANER.  (  N) 

Capillaire  ,  (  HiJI.  nat.  bot.  )  adiantum  ,  genre 
de  plante  que  l'on  peut  feconnoître  par  fes  feuilles. 
Tournefort ,  Infl.  rei  herb.  Voyei  PLANTE.  (  1  ) 

Capillaire,  (Médecine.)  le  dit  de  cinq  plantes 
dont  voici  les  noms  ;  favoir  l'adiante  commun  ou 
noir  ;  l'adiante  blanc  ,  appelle  capillaire  de  Montpel- 
lier ;  le  polytric  (  Voye^  Polytric)  ;  le  céterach 
ou  la  fcolopendre  (  Voyei  Céterach  )  ;  &  la  fal- 
via  vittz  ou  ruta  muraria.  V.  Rue  DE  MURAILLE. 

La  vertu  de  tous  les  capillaires  efi:  d'être  incififs  , 
atténuans  ,  diurétiques  ,  fiomachiques ,  S:  propres 
pour  aider  l'expectoration.  Le  meilleur  capillaire  eft 
ïe  iuivant. 

C'eft  de  Y  adiantum  fruticofum  brafllianum  ,  C.B. 
P.  qu'on  fait  le  firop  de  capillaire  ,  qui  eft  très-adou- 
cifiànt  ;  on  peut  lui  fubfiituer  le  capillaire  commun  ; 
filicula  quet  adiantum  nigrum  offuinarum  pinnulis  ob- 
tufioribus.  J.  R.  H.  Il  entre  dans  le  firop  de  chicorée 
compoie,  ck.  dans  le  firop  de  guimauve  de  Fernel. 

Le  meilleur  après  ceux-là  efi  le  capillaire  de  Mont- 
pellier ;  adiantum  foliis  coriandri.  C.  P.  B.  &  J.  R.  H. 
Capillaire  ,  (firop  de)  fe  prépare  de  plùfieurs 
façons  ;  le  meilleur  efi  celui  qui  nous  vient  de  Mont- 
pellier. 

Sirop  de  capillaire ,  félon  la  Pharmacopée  nouvelle  de 
Paris.  Prenez  capillaire  de  Canada  deux  onces  ;  fai- 
tes-les minier  pendant  deux  heures  ,  en  y  verfant 
eau  bouillante  iix  livres  :  cette  infufion  le  fera  dans 
un  vaiffeau  fermé  ;  on  y  fondra  fucre  blanc  fix  livres  ; 
on  clarifiera  enfuite  ,  ckl'on  fera  cuire  à  coniifiance 
de  firop ,  ou  mieux  encore  à  coniifiance  d'élcttuaire  : 
on  y  ajoutera  une  nouvelle  infufion  de  capillaire  ;  on 
aromatifera  enfuite  le  firop  avec  l'eau  de  fleur  d'o- 
range. 

Le  firop  de  capillaire  efi  très-vanté  ;  il  poflede  tou- 
tes les  vertus  de  cette  plante  :  on  l'employé  dans 
les  maladies  de  poitrine  :  on  le  mêle  dans  la  tifane 
ordinaire,  dans  les  émulfions,  dans  le  thé,  pour  les 
rendre  plus  adouciflans.  (A) 

C APILLAMENT ,  f.  m.  (  Anatom.  Bot.  )  lignifie  à 
la  lettre  un  cheveu  ,  étant  formé  du  Latin  capillus,  & 
celui-ci  de  caput ,  tête  ,  Se  de  pilus ,  poil  (  Voy.  Che- 
veu )  ;  c'eit  pourquoi  on  donne  figurément  ce  nom 
à  plulieurs  choies  ,  qui  par  rapport  à  leur  longueur 
Cv  à  leur  finefle  refiemblent  à  des  cheveux;  comme 
les  capillamens  des  nerts,  qui  lignifient  les  fibres  dé- 
liées ,  ou  lesfilamens  dont  les  nerfs  font  compolées. 
ï'oye^  Nerf  6*  Fibre. 

«  La  viiion,  dit  M.  Newton,  ne  fe  fait-elle  pas 
>>  principalement  par  les  vibrations  excitées  au  fond 
»  de  l'oeil  par  les  rayons  de  lumière ,  &  continuées 
»  à  travers  les  capillamens  folides  ,  tranlparens  ,  & 
»  uniformes  des  nerfs  optiques  jusqu'au  fcnjbrium  »  ? 
Newton,  Opt.  Voy.  Vision.  (O) 

CAPILOTADE ,  f.  f.  (  Ciùjbu)  ragoût  qu'on  fait 

de  refies  de  volailles  &  de  pièces  de  rôti  dépecées. 

*  CAPIOGLAN ,  f.  m.  (  Hifl.  mod.  )  clpcce  de 


629 


ferviteur  qui  a  foin  dans  le  férail  des  atremoçlans, 
que  le  grand  feigneur  y  appelle  pour  être  em] 
dans  la  fuite  auprès  de  fa  peribnne. 

CAPION,f.  m.  (Marine")  capion  de  proue ,  capion 
de  poupe  ;  c'eft  un  terme  dont  les  Levantins  le  fervent , 
appellant  l'étrave  capion  de  proue  ,  &  l'étambord  ca- 
pion de  poupe.  On  dit  encore  capion  à  capion  ,  pour  li- 
gnifier la  diilance  de  l'extrémité  de  la  poupe  à  celle 
de  la  proue.  Voye{  Etrave,  &  Etambord.  (Z) 

*  CAPISCOL,  f.  m.  (Hifl.  eccléfîajlique)  digni- 
taire de  plùfieurs  églifes,  chapitres,  cathédrales  ou 
collégiales ,  qu'on  dit  être  le  même  fous  un  autre  nom 
dans  la  Provence  &  le  Languedoc  ,  où  cette  dignité 
eft  plus  ordinaire  ,  que  le  chantre  dans  les  autres  Pro- 
vinces :  fi  l'on  s'en  rapporte  à  l'étymologie  ,  la  capif- 
col  a  la  prééminence  au  chœur  ;  car  capifcol  vient , 
à  ce  qu'on  prétend  ,  de  caput  chori ,  le  premier  au  chœur, 

CAPISTRANO  ,  (  Géog.  )  petite  principal  il 
talie,  dans  le  royaume  de  Naples. 

*  CAP1TA-GAUHAH,  (Hifl.  nat.  Bot.)  arbrif- 
feau  des  Indes  orientales ,  dont  le  bois  tk  l'écorce  ont 
une  odeur  très-pénétrante,  auflî  bien  que  l'es  feuilles 
qui  font  d'un  beau  verd  clair,  rondes,  velues  5c 
grandes.  Il  produit  des  baies  d'une  forme  ronde ,  de 
couleur  brune ,  èv  à  peu  près  femblables  aux  grains 
de  genièvre. 

CAPITAINE ,  f.  m.  (Artmilit.)  le  titre  de  Capitaine 
en  matière  de  guerre ,  a  toujours  lignifié  un  comman- 
dant ou  un  chef  de  troupe  ;  ce  mot  vient  du  Latin 
caput,  qui  lignifie  chef. 

Capitaine  d'une  compagnie ,  eft  un  officier  fubal- 
terne ,  qui  commande  une  compagnie  de  ca\  s  . 
ou  d'infanterie  ,  fous  les  ordres  du  colonel.  Voye^ 
Compagnie   &  Colonel. 

Nous  difons  dans  le  même  fens  un  capitaine  de  dra- 
gons ,  de  grenadiers,  de  marine  ,  d'invalides.  Voy.  DRA- 
GON ,  Grenadier  ,  &c.  Les  capitaines  des  gardes  à 
pié  tk  à  cheval  du  Roy  d'Angleterre  ont  le  titre  de 
colonel  ;  parce  que  ce  font  pour  l'ordinaire  gens  du 
premier  rang  tk  des  officiers  généraux. 

Dans  la  compagnie  colonelle  d'un  régiment  ou  pre- 
mière compagnie  ,  dont  le  colonel  eft  lui-même  capi- 
taine, l'officier  commandant  eft  appelle  c.-..  Itaine-lieu 
tenant.  Voye\  Capitaine-Lieutj  nant. 

Lieutenant  capitaine ,  cil  le  capitaine  en  fécond  ou 
l'officier  qui  commande  la  compagnie  fous  les  ordres 
du  capitaine  ;  tk  pendant  ion  ablence.  Va)  et  LlEUTE- 
nant.  On  l'appelle  dans  quelques  compagnies,  capi- 
taine-lieutenant. 

Capitaine  lieutenant  ,  eft  celui  qui  commande 
une  troupe  ou  compagnie,  au  nom  &  à  la  place  de 
quelqu'autre  ,  qui  en  a  la  commiflion  avec  le  titre  , 
les  honneurs  &  la  paye  ;  mais  qui  efi  difpenfé  à  caufe 
de  ion  rang  d'exercer  les  fonctions  de  ce  pofte. 

Le  colonel  étant  ordinairement  c.:/  Haine  de  la  pre- 
mière compagnie  de  ion  régiment ,  il  la  fait  comman- 
der par  un  fubalterne  avec  le  titre  de  capitaine  lieu- 
tenant. 

En  France  &  en  Angleterre ,  &c  le  roi ,  la  reine  , 
le  dauphin,  les  princes,  &c.  ont  pour  l'ordinaire  les 
titres  Cx  les  dignités  de  capitaines  des  gardes ,  dt 
d'armes  ,  &c.  quoique  les  capitaines  lieutenans  en  exer- 
cent véritablement  les  fonctions. 

Capitaine-Lieutenant,  eft  donc  da 
darmes&  les  chevau-légersdela  garde  du  Roi,  dans 
les  deux  compagnies  de  moufquetairês  ,  celle  des 
grenadiers  à  cheval  &  les  compagnies  des  ■ 
mes  d'ordonnance,  le  commandant  de  chacune  de 
ces  compagnies;  parce  que  c'elt  le  Roi  qui  eft  le  ca- 
pitaine. 

Il  y  a  deux  raifons  de  -lieute- 

:  la  première  eft  l'autorité  que  le  roi  donne  aux 

commandans  des  compagnies  qui  le  portent ,  tk  qui 

eft  le  même  que  celle  du  capitaine  dans  les  autres 


630 


CAP 


compagnies  ;  &  la  féconde ,  que  le  capitaine-lieutenant 
a  les  gages  de  capitaine  &  ceux  de  lieutenant. 

Les  compagnies  de  la  gendarmerie,  qui  portent  le 
nom  de  quelques  princes ,  comme  les  gendarmes  de 
Bretagne  ,  de  Berry,  &c.  ont  également  des  capitaines- 
lieutenans ,  quoiqu'il  n'y  ait  point  actuellement  de 
prince  de  ce  nom  ;  parce  que  le  Roi  en  eft  cenfé  le 
capitaine. 

Capitaine  réformé ,  eft  un  officier  dont  la  place 
&  la  charge  ont  été  réformés ,  mais  qui  conferve  ce- 
pendant le  grade  de  capitaine  en  fécond,  &i  fans  au- 
cun commandement.  Voye^  RÉFORMÉ. 

Capitaine  général  d'une  armée,  eft  celui  qui  la 
commande  en  chef.  Voye^  Général. 

Ce  dernier  mot  eft  fenl  en  ufage  par  une  efpece 
d'ellipfe.  Le  Stathouder  a  pourtant  titre  de  capitaine 
général  des  provinces  unies. 

Capitaine  de  milice  ,  eft  celui  qui  commande 
une  compagnie  de  milice.  Voyc{  Milice. 

Capitaine  des  guides,  eft  celui  qui  eft  chargé  du 
détail  des  chemins  de  l'armée.  Il  doit  être  très-ha- 
bile dans  la  carte  &  dans  la  topographie  des  lieux 
oii  le  fait  la  guerre.  Les  capitaines  des  guides  font  fous 
les  ordres  des  maréchaux  des  logis  de  l'armée.  Il  y  a 
auffi  des  capitaines  de  mineurs ,  qui  ont  foin  d'inftruire 
&  de  fournir  les  mineurs  ;  un  capitaine  des  charrois , 
pour  les  attelages  &  les  chariots  des  vivres  &  de  l'ar- 
tillerie ,  &c.  (Q) 

Capitaine  de  vaiffeau ,  ou  Capitaine  des  vaif-K 
féaux,  (Marine.  )  c'eft  un  officier  employé  en  cette 
qualité  fur  l'état  du  Roi ,  dont  il  tient  fa  commiffion , 
pour  commander  les  vaiffeaux  de  guerre. 

Les  devoirs  &  les  fonctions  du  capitaine  de  vaiffeau , 
font  renfermés  dans  47  articles  du  titre  7  du  livre  Ier 
de  f  Ordonnance  de  Louis  XI V.  pour  les  armées  nava- 
les &  arfenaux  de  marine,  du  15  Avril  1689.  Nous 
croyons  qu'il  eft  inutile  de  copier  cette  Ordonnance , 
qui  eft  commune  &  connue  de  tout  le  monde. 

Lorfque  les  capitaines  des  vaiffeaux  du  roi  fe  trou- 
vent fervir  fur  terre  ,  ils  roulent  avec  les  colonels , 
fuivant  l'ancienneté  de  leur  commifTion. 

Quoique  le  nombre  des  capitaines  ne  foit  pas  abfo- 
lument  fixé,  le  roi  en  a  toujours  au  moins  1 10  ou 
1 20  ,  employés  fur  l'état  de  la  marine. 

Lorfqu'un  capitaine  monte  un  vaiffeau  pavillon  , 
c'eft-à-dire  un  vaiffeau  monté  par  un  officier  géné- 
ral ;  c'eft  au  capitaine  à  faire  faire  le  détail  du  fervice. 

Les  connoiffances  d'un  capitaine  des  vaiffeaux  du 
roi  doivent  être  fort  étendues.  Il  doit  favoir  la  conf- 
tru&ion  &  la  bâtiffe  des  vaiffeaux  ;  il  doit  pofféder 
foutes  les  manœuvres  qu'il  convient  faire  dans  les 
différentes  fituations  où  il  peut  fe  trouver  à  la  mer , 
foit  dans  le  mauvais  tems ,  foit  pour  attaquer  ou  évi- 
ter l'ennemi  :  il  doit  favoir  les  évaluations  navales 
convenables  pour  marcher  en  corps  d'armée ,  ou  en 
efeadre  ;  l'hydrographie  &  toutes  les  opérations  lui 
doivent  être  familières.  Enfin  c'eft  un  métier  perpé- 
tuel d'étude  ,  de  réflexion  ,  &  d'attention  ;  &  on  ne 
parvient  au  grade  de  capitaine,  qu'après  avoir  parle 
iiicceffivement  par  tous  les  autres  grades  de  la  ma- 
rine ,  tels  que  ceux  de  garde  de  la  marine ,  enfei- 
gne  ,  &  lieutenant. 

Capitaine  en  fécond  ;  il  fait  les  mêmes  fondions 
que  le  capitaine  qui  commande  le  vaiffeau  en  fon  ab- 
fence  ;  le  capitaine  en  fécond  eft  moins  ancien  que  le 
commandant. 

CAPITAINE  de  Faifflau  marchand,  ou  Capitaine  de 
navire.  Voye^  Maitp.e  &  Patron. 

Capitaine  déport,  c'eft  l'officier  établi  dans  quel- 
que port  confidérable ,  où  il  y  a  un  arlenal  de  mari- 
ne ,  &  qui  y  commande  une  garde  pour  la  fureté  de 
toutes  chofes.  Dans  les  défarmemens  qui  fe  font  au 
retour  des  voyages ,  les  capitaines  &  les  officiers  qui 
ont  monté  des  vaiffeaux ,  les  remettent  à  la  charge 


CAP 

&  à  la  garde  du  capitaine  du  port;  c'eft  lui  qui  a  foin 
de  l'amarrage  des  navires  de  guerre,  &  qui  oblige  les 
vaiffeaux  qui  arrivent,  à  rendre  les  faluts  ordinaires. 
Il  fait  les  rondes  néceffaires  autour  des  baffins,  pour 
veiller  à  la  confervation  des  vaiffeaux  du  roi ,  &  doit 
coucher  toutes  les  nuits  à  bord.  Il  doit  vifiter  les  vaif- 
feaux à  armer  &  en  dreffer  l'état  de  radoub  &  de  ca- 
rène. Il  eft  obligé  de  mener  en  rade  les  vaiffeaux  du 
premier  &  du  deuxième  rang,  fon  lievitenant ,  ceux 
des  troifieme  &  quatrième  rang ,  &c  l'enfeigne  aux 
au-deffous.  Il  y  a  préfentement  en  France  fix  capitai- 
nes de  port,  à  Toulon ,  Rochefort ,  Breft ,  le  Havre , 
Dunkerque,  &  Port-Louis. 

Le  détail  de  ce  qui  concerne  toutes  les  fondions 
de  capitaines  de  port  fe  trouve  renfermé  en  1  5  arti- 
cles du  livre  XII.  titre  iij.  de  YOrdonnance  de  Louis 
XI f^.  pour  les  armées  navales  &  arfenaux  de  marine  ,  du. 
l5  Avril  168 g. 

Capitaine  de  Marine ,  c'eft  celui  qui  commande 
les  foldats  gardiens  d'un  port.  Il  y  en  a  dans  chaque 
port  où  il  y  a  des  foldats  gardiens. 

Capitaine  d'armes ,  c'eft  un  bas  officier  qui  a  foin 
des  foldats  fur  les  vaifleaux  :  il  eft  immédiatement 
au-deffus  des  lergens  ,  &  a  l'infpeâion  fur  les  menues 
armes  du  vaiffeau  ;  comme  auffi  fur  les  baies ,  ban- 
dolieres ,  pertuifanes ,  efpontons ,  haches  d'armes ,  & 
autres  chofes  femblables  qu'il  diftribue  lelon  les  be- 
foins. 

C'eft  au  capitaine  d'armes  d'avoir  foin  des  menues 
armes  ,  &  de  fe  mettre  à  la  tête  des  foldats  Iorfqu'il 
faut  combattre  ;  il  doit  fur-tout  vifiter  leurs  mouf- 
quets  ,  &  voir  s'ils  font  chargés  comme  il  faut,  &  fi 
les  foldats  ont  leurs  petites  gargouffes  toutes  prêtes. 
C'eft  lui  qui  pofe  la  fentinelle  devant  la  chambre  du 
capitaine ,  &:  au  haut  de  la  tire-vieille. 

Capitaine  desMatelots ,  c'eft  un  officier  marinier 
qui  commande  aux  matelotsfouslemaître  d'équipage. 

Capitaine  garde  -  côtes  ,  ce  font  ceux  qui  com- 
mandent la  milice  que  l'on  établit  pour  garder  les 
côtes ,  &  pour  empêcher  les  ennemis  de  faire  quel- 
ques defeentes.  (  Z  ) 

*  CAPITAINERIE ,  f.  m.  nom  de  dignité  qui  n'a 
plus  guère  lieu,  que  par  rapport  au  commandement 
des  gardes-côtes  &  de  chaffes,  &  à  l'entretien  des  fo- 
rêts &  de  tout  ce  qui  concerne  les  chaffes.  La  capitai- 
nerie fe  dit  d'un  certain  canton  fur  l'étendue  duquel 
le  capitaine  des  chaffes  accorde  ou  refufe  la  permil- 
fion  de  chaffer ,  &  veille  à  ce  qu'il  foit  bien  fourni  de 
gibier.  Les  capitaineries  font  affez  ordinairement  des 
annexes  de  maifons  royales. 

Capitainerie  Garde-côte,  (Marine')  on  don- 
ne ce  nom  à  une  étendue  de  pays  le  long  des  côtes 
de  la  mer ,  qui  renferme  un  certain  nombre  de  paroif- 
fes  ,  qui  font  fujettes  à  la  garde  des  côtes. 

Chaque  capitainerie  eft  commandée  par  un  capi- 
taine général ,  un  major  général ,  Se  un  lieutenant 
général ,  qui  en  forment  l'état  major. 

Ces  capitaineries  font  compoiées  chacune  plus  ou 
moins  du  nombre  des  paroiffes  qui  fourniflènt  les 
foldats  de  milice ,  garde-côtes ,  depuis  Page  de  1 8  ans 
jufqu'à  60  ans. 

Il  y  a  des  capitaineries  garde-côtes ,  qui  font  formées 
en  bataillons ,  dont  chaque  compagnie  eft  de  qua- 
rante hommes  ;  &  en  compagnies  de  cavalerie  de 
foixante  &  dix  maîtres  chacune ,  bien  montés  &  bien 
équipés  ,  à  la  tête  defquelles  font  des  capitaines  com- 
mandans ,  des  majors ,  des  aides-majors  ,  des  lieute-» 
nans ,  &  des  enfeignes  par  commiffion  du  roi. 

Il  y  a  deux  fortes  de  fervice  dans  la  garde-côte.  Le 
fervice  militaire ,  pour  s'oppofer  aux  defeentes  ;  & 
le  fervice  d'obfervation  dans  les  paroiffes ,  pour  y 
veiller  journellement. 

Les  capitaines  généraux  ,  majors  &  lieutenans  de 
chaque  capitainerie  garde-côte  des  provinces  duroyau- 


CAP 


CAP 


(55 1 


fnè ,  jotiiiTent  de  l'exemption  du  droit  de  tutelle  & 
curatelle  ;  les  foldats  &c  cavaliers  des  milices  gardes- 
côtes  ,  font  difpenfés  de  tirer  pour  la  milice  ordinaire 
chacun  dans  leur  paroiffe,  qui  en  font  exemptes  par 
ordre  du  F.oi.  Les  paroifles  loûmifes  à  la  garde-côte, 
font  celles  qui  fe  trouvent  fur  les  côtes  &  jufqu'à 
deux-  lieues  du  bord  de  la  mer. 

Les  côtes  de  France  tant  fur  l'Océan  que  fur  la  Mé- 
diterranée ,  font  divifées  en  1 1  2  capitaineries  garde- 
côtes,  qui  compôfent  environ  deux  cents  miile  hom- 
mes à  pié  &  à  cheval.  (  Z  ) 

CAPITAL;  il  vient  du  Latin  caput ,  &  fe  dit  en 
différentes  occafions ,  pour  marquer  la  relation  de 
chef  ou  principal  ;  ainfi  ville  capitale  fignifie  la  pre- 
mière ville  d'un  royaume,  d'une  province,  d'un  état, 
comme  Paris  eft  la  capitale  de  France  ;  Londres  eft  la 
capitale  d Angleterre;  Mofcou,  la  capitale  deMofco- 
vie;  Conjlantinople,  la  capitale  de  l'empire  Ottoman  ; 
Rouen ,  la  capitale  de  Normandie,  &c. 

Capital  ,  le  dit  auffi  de  la  fomme  qu'on  doit  rem- 
bourfer ,  indépendamment  des  intérêts  ;  ainfi  1 00  liv. 
au  denier  vingt ,  produifent  à  la  fin  de  l'année  105  , 
liv.  dont  100  efl:  le  capital,  &  5  ,  l'intérêt,  foyer  AR- 
RÉRAGES, Intérêt,  Principal. 

Capital,  owFqnds  dans  le  Commerce,  fe 
dit  du  fonds  d'une  compagnie  de  commerce  ou  de  la 
fomme  d'argent  que  ceux  qui  la  compôfent  fournif- 
fent  en  commun  ,  pour  être  employée  dans  leur  com- 
merce. Voyei^  Fonds. 

Le  capital  de  la  compagnie  des  Indes  d'Angleterre 
étoit  dans  le  commencement  de  fon  inftitution  de 
36986 1  livres  fterlins  ;  on  le  doubla  enfuite ,  &  il  va 
maintenant  à  plus  de  1703422  livres  fterlins  :  quand 
on  a  500  livres  dans  les  fonds  de  la  compagnie ,  on  a 
alors  voix  dans  les  aflemblées  générales. 

Le  pouvoir  que  le  roi  d'Angleterre  donna  à  la  com- 
pagnie du  Sud  d'augmenter  fon  capital ,  fut  la  fource 
de  tous  les  malheurs  qui  arrivèrent  à  cette  compa- 
gnie en  l'année  1720.  Voye[  Compagnie. 

Capital  ,  fe  dit  auffi  de  la  fomme  d'argent  qu'un 
marchand  met  d'abord  dans  fon  commerce ,  lorlqu'il 
s'établit  pour  fon  compte  particulier. 

Le  mot  de  capital  eft  oppoié  à  celui  de  gain  oupro- 
fit ,  quoique  fouvent  le  gain  augmente  le  capital ,  & 
devienne  capital  lui-même ,  lorlqu'il  cft  joint  au  pre- 
mier capital.  Diilionn.  du  comm.  tom.  Il.pag.  81.  {G) 

Capital,  (  crime  )  eft  celui  pour  la  réparation  du- 
quel on  inflige  au  criminel  une  peine  capitale ,  com- 
me la  perte  delà  vie  naturelle  ou  civile.  K.  Crime 
&  Châtiment.  (H) 

Capitale  ,  (lie)  cft  une  lie  forte  que  laifTe  la  po- 
tafTe  au  fond  des  chaudières  où  l'on  fait  le  lavon. 
Voyei  Savon. 

On  l'employé,  en  Chirurgie ,  en  qualité  de  caufti- 
que ,  &  elle  entre  dans  la  compofition  de  la  pierre 
infernale. 

CAPITALES  ,  (médecines)  font  les  préparations  des 
boutiques  les  plus  fameufes  tk.  les  plus  eflenticllcs  , 
remarquables  pour  le  nombre  des  ingrédiens  qui  y 
entrent,  pour  leurs  vertus  extraordinaires,  &c.  com- 
me la  thériaque  de  Venife  ,  le  mithridate ,  &c.  Voye^ 
MlTHRIDATE,  &C.    (X) 

Capital  ,  (  Peinture.  )  on  appelle  auffi  de  ce  nom 
un  tableau  qu'on  fuppofe  d'une  grande  beauté ,  fi  le 
deflein  en  eft  d'une  grande  ordonnance  :  un  deflein 
qui  ne  feroit  que  de  quelques  parties ,  ou  même  d'u- 
ne figure  entière  ,  ne  feroit  point  appelle  defjein  capi- 
tal. Cependant  la  perfection  d'une  figure  ,  la  confer- 
vation  d'un  beau  morceau,  la  rareté  des  Ouvrages 
exceilens  en  ce  genre,  font  des  motifs  pour  leur  ap- 
pliquer ce  mot.  (  R  ) 

Capitale  du  hajlion ,  (la)  eft,  en  Fortification, 
une  ligne  tirée  de  l'angle  flanqué  à  l'angle  du  centre 
du  baftion.  Elle  eft  la  différence  du  rayon  du  poly- 


gone extérieur  &  de  l'intérieur.  Telle  eû.KH,  Pi.  J. 
de  VArt  milit.  fis,  1 . 

Les  capitales  des  baftions  ont  depuis  trente  jufqu'à 
quarante  toiles  de  longueur.  C'eft  fur  leur  prolonge- 
ment que  l'on  fe  dirige  ou  conduit  dans  les  tranchées 
pour  approcher  du  baftion.  Foye^ Tranchées.  (Ô) 

Capitales,  adj.  F.  pi.  on  nomme  ainfi  ,  dans  là 
pratique  de,  l'Imprimerie ,  certaines  lettres ,  qui  quoi- 
qu'elles faflent  partie  d'une  fonte ,  &  foient  du  mê- 
me corps  de  caractère ,  différent  feulement  en  ce  que 
l'œil  en  eft  plus  gros  ,  en  ce  que  la  figure  n'eft  pa» 
la  même ,  &  qu'elles  font  moins  d'ufage  ,  &  moins 
courantes  dans  l'impreffion;  ces  fortes  de  lettres  n'é- 
tant laites  que  pour  la  plus  grande  perfeûion  de  l'Art. 
Elles  iônt  indifpenfables  au  commencement  d'une 
phrafe,  d'un  a-linea,  au  commencement  d'un  vers, 
aux  noms  propres  d'hommes ,  de  femmes ,  de  royau- 
mes ,  de  provinces ,  de  villes  ,  &c. 

Les  petites  capitales  s'employent  fuivant  le  fyftème 
que  l'on  fe  propôfe  de  fuivre  dans  un  ouvrage.  Elles 
font  d'un  œil  plus  petit  que  celui  des  capitales ,  & 
leur  configuration  eft  la  même,  auffi  en  plus  petit. 
foyei  Majuscules  &  Minuscules. 

CAPITAN  BACHA  ou  CAPOUDAN  BACHA, 
f.  m.  (  Hifl.  mod.  )  c'eft  en  Turquie  le  grand  amiral. 
Il  pofiede  la  troifieme  charge  de  l'empire  ,  &  a  fur 
mer  autant  de  pouvoir  que  le  grand-vifir  en  a  fui' 
terre.  Ce  commandant  n'avoit  point  autrefois  le  titre 
de  capitan  bâcha  ou  d'amiral;  il  n'étoit  que  beg  de 
Gallipoli.  Soliman  II.  inftitua  cette  charge  en  faveur 
du  fameux  Barberoufle,  &  ^attacha  une  autorité  ab- 
folue  fur  tous  les  officiers  de  la  marine  &  de  l'arfe- 
nal ,  que  le  capitan  hacha  peut  punir ,  cafier ,  &  faire 
mourir  dès  qu'il  eft  hors  du  détroit  des  Dardannel- 
les.  Il  commande  dans  toutes  les  terres  ,  les  villes , 
châteaux ,  &  forterelTes  maritimes  ;  vifite  les  places  , 
les  fortifications ,  les  magafins  ;  ordonne  des  répara- 
tions, des  munitions  de  guerre  &  de  bouche;  chan- 
ge les  milices ,  &  tient  confeil  pour  recevoir  les  plain- 
tes des  officiers. 

Lorfque  cet  officier  eft  à  Conftantinople,  il  a  droit 
de  police  dans  les  villages  de  la  côte  du  port  &C  du 
canal  de  la  mer  Noire ,  qu'il  fait  exercer  ou  par  fon 
keajà  eu  lieutenant ,  ou  par  le  boftangi  bachi. 

La  marque  de  fon  autorité  eft  une  grande  canne 
d'inde ,  qu'il  porte  à  la  main  dans  l'arlenal  &  à  l'ar- 
mée. Son  canot,  par  un  privilège réfervé  feulement 
au  grand- feigneur ,  eft  couvert  d'un  tendelet ,  &  ar- 
mé d'un  éperon  à  la  proue.  Il  difpofe  des  places  de 
capitaines  de  vaifîeau  &  de  galère  ,  vacantes  par 
mort. 

Cet  officier  a  urne  copie  de  l'état  des  troupes  de 
mer  &  des  fonds  deftinés  pour  l'entretien  des  armées 
navales.  Trois  compagnies  de  Janifiaires  compôfent 
fa  garde  :  elles  débarquent  par-tout  où  la  flotte  fé- 
journe,  Se  campent  devant  la  galère  du  général.  Sa 
maifon,  fans  être  auffi  nombreufe  que  celle  du  grand- 
vilir ,  cft  compofée  des  mêmes  officiers  ;  &  quand  la 
flotte  mouille  dans  un  port,  il  tient  un  divan  ou  con- 
feil compofé  des  officiers  de  marine. 

Le  capitan  hacha  jouit  de  deux  fortes  de  revenus  ; 
les  uns  fixes,  &  les  autres  cafuels.  Les  premiers  pro- 
viennent de  la  capitation  des  îles  de  l'Archipel ,  & 
certains  gouvernemens  &:  bailliages  de  la  Naï 
de  Romelie  ,  entre  autres  de  celui  de  Gallipoli,  que 
le  grand-feigneur  lui  donne  en  apanage  avec  la  même 
que  celle  du  grand-vifir.  Ses  revenus  cafuels 
conliftent  en  ce  qu'il  tire  de  la  paye  des  bénévoles,  Se 
de  la  demi-paye  de  ceux  cpii  meurent  pendant  la  cam- 
pagne, qu'il  partage  avec  leTerfana  Emini.  Il  a  en- 
core le  cinquième  des  prifés  que  font  les  begs  ,  & 
loue  fes  cfclaves  pour  mariniers  &  rameurs  fur  les 
galères  du  grand-feigneur,  à  raifon  de  50  écus  par 
tete7  uns  qu'ils  lui  coûtent  rien  à  nourrir  ni  à  entre- 


&>- 


CAP 


tenir  ;  parce  qu'au  retour  de  la  flotte,  il  les  fait  en- 
fermer avec  ceux  de  fa  hauteffe.  Les  contributions 
qu'il  exige  dans  les  lieux  où  il  pane  ,  augmentent 
considérablement  fes  revenus  cai'uels.  Guer ,  Mœurs 
&  ufag.  des  Turcs  ,  tom.  II.   (  G  ) 

C  APITANATE,  (  la  )  Géog.  province  d'Italie  au 
royaume  de  Naples ,  bornée  au  nord  &  à  l'orient 
par  le  golfe  de  Venile  ;  à  l'occident  par  le  comté  de 
Molile  ;  au  midi  par  la  principauté  ultérieure  ,  la 
Bafîlicate  ,  &  la  terre  deBari.  Lucera  delli  Pagani 
en  eft  la  capitale. 

CAPITANE ,  gahrt  capitane,  (Marine).  Les  puif- 
fances  maritimes ,  &  les  états  fouverains  qui  n'ont 
pas  le  titre  de  royaume ,  donnent  le  nom  de  galère 
capitane  à  la  principale  de  leurs  galères. 

Depuis  la  fuppreffion  de  la  charge  de  capitaine 
général  des  galères  de  France,  il  n'y  a  plus  eu  de  ga- 
lère capitane.  La  principale  a  été  nommée  réale ,  &  la 
féconde  patrone.  La  galère  capitane  porte  trois  fanaux 
polés  en  ligne  courbe ,  &  non  pas  en  droite  ligne 
comme  ceux  de  la  réale.   (  Z  ) 

C  API  T  ATI  ON,  f.  f.  (Finance.)  eft  un  droit 
annuel  qui  fe  levé  fur  tous  les  bourgeois  ou  habitans 
des  villes  ,  à  raifon  de  leur  état  &  de  leurs  facultés. 
On  levé  fur  les  payfans  ou  habitans  de  la  campagne 
un  droit  à  peu-près  femblable  ,  qu'on  appelle  taille. 
Voye{  Taille. 

En  France  ,  la  capitation  eft  un  droit  très-diftingué 
de  la  taille ,  &  que  payent  toutes  les  perfonnes  tailla- 
bles  ou  non-taillables. 

C'eft  proprement  une  taxe  ou  une  impofition  qui 
fe  levé  fur  chaque  perfonne  à  raifon  de  fon  travail , 
de  fon  induftrie ,  de  fa  charge,  ou  de  fon  rang.  Per- 
fonne n'en  eft  exempt  en  France ,  pas  même  les  prin- 
ces du  fang. 

Cette  eipece  de  tribut  en  général  eft  fort  ancien , 
&  répond  à  ce  que  les  Grecs  appelloient  v.vça.'Kniàv , 
les  Latins  capita  ou  capitatio ,  ou  tributum  capitis  ou 
capitulare  ;  ce  qui  diftinguoit  les  taxes  fur  les  perfon- 
nes ,  des  taxes  fur  les  marchandées  qu'on  nommait 
vecligalia.  Voye^  Droit  6- Taxe. 

On  appelle  encore  capitation  une  taxe  qu'on  im- 
pofe  par  tête  dans  certains  befoins  de  l'état. 

La  capitation  eft  encore  aujourd'hui  la  taille  des 
Turcs.  Elle  n'a  commencé  fous  Loiiis  XIV.  qu'en 
1695,  &  l'édit  qui  en  ordonne  l'impolition  eft  du  1 8 
Janvier  de  la  même  année.  Le  R.oi  avoit  promis  de 
la  fupprimer  après  la  paix  :  mais  les  befoins  conti- 
nuels de  l'état  ne  l'ont  pas  encore  permis.  Larrey , 
HiQ.  de  Louis  XIV.  tom.  VI.  Les  eccléfiaftiques  ne 
payent  point  de  capitation  ,  mais  ils  en  donnent  l'é- 
quivalent fous  d'autres  titres.  (G) 

Capitation,  en  Angleterre  ,  eft  une  taxe  impo- 
fée  par  l'autorité  du  parlement  fur  chaque  perfonne 
ou  tête,  fur  tout  le  monde  indifféremment  ,  ou  fui- 
vant  quelque  marque  de  diftinftion  reconnue ,  telle 
que  la  qualité ,  le  métier  ,  &c  Voye^  Taxe. 

Ainfi  par  le  règlement  ou  le  ftatut  xvm.  de  Char- 
les II.  chaque  fujet  du  royaume  d'Angleterre  fut  co- 
tifé  par  tête  fuivant  fon  degré.  Un  duc  payoit  cent 
livres ,  un  marquis  quatre-vingts  livres  ,  un  baronet 
trente  livres ,  un  chevalier  vingt  livres ,  un  écuyer 
dix  livres ,  &  toute^perfonne  roturière  douze  deniers. 
Il  paroît  par  d'anciens  aftes  du  parlement ,  que  ce 
règlement  n'établit  pas  une  nouvelle  taxe ,  comme 
on  le  peut  voir  particulièrement  par  celui  qui  parut 
l'an  1380,  qui  porte  :  Qiùlibet  t.un  conj ugatus  quant 
joint  us  ,  utriufjuefexûs  ,pro  capite  Juofolvcre  cogebatur, 
"SVallîngham. 

Camden  ,  dans  les  ouvrages  qui  nous  reftent  de 
lui  fur  la  monnoie  ,  dit  qu'il  y  avoit  anciennement  un 
tribut  perfonnel  appelle  capitatio  ,  unpoié  fur  chaque 
tête  ;  fur  les  femmes  depuis  l'âge  de  douze  ans ,  Se  fur 
les  hommes  depuis  l'âge  de  quatorze  ans. 


CAP 

CAPITE,  lit  de  vaifeau.  Voye?^  CAJUTES.   (Z) 
CAPITELLO  ,  (  Géog.  )  petite  rivière  de  l'île  de 
Corfe ,  qui  fe  jette  dans  le  golfe  d'Ajazzo. 

CAPITULE ,  f.  m.  (Hijt.  anc.  &  mod.  )  forterefle 
de  l'ancienne  Rome ,  bâtie  fur  le  mont  Tarpeien ,  où 
il  y  avoit  un  temple  de  Jupiter  furnommé  de  là  Capi- 
tolin  :  le  fénat  s'y  affembloit  ;  &  aujourd'hui  c'eft  une 
maifon-de-ville  où  les  confervateurs  du  peuple  Ro- 
main ont  leur  tribunal.  Les  Italiens  l'appellent  campU 
doglio. 

On  prétend  que  ce  nom  de  capitule  vint  d'une  tête 
d'homme  encore  fraîche  &  faignante ,  trouvée  dans 
la  terre  lorfqu'on  creufa  les  fondemens  de  cette  for- 
terefle fous  Tarquin  l'ancien  ,  l'an  de  Rome  139.  Ar- 
nobe  ajoute  que  cet  homme  dont  on  trouva  la  tête, 
fe  nommoit  Tolus  ,  d'où  l'on  a  fait  capitole ,  quajià 
capite  Toli.  Servius  ,  fuccefleur  de  Tarquin,  fit  éle- 
ver l'édifice,  &  Tarquin  le  fuperbe  l'acheva  en  221. 
mais  il  ne  fut  conlacré  que  trois  ans  après  i'expulflon 
des  rois  &  l'établiflement  du  confulat.  Horace  alors 
revêtu  de  la  dignité  confulaire ,  en  fit  la  dédicace  l'an 
de  Rome  246. 

Le  capitole  étoiteompofé  de  trois  parties ,  un  vafle 
bâtiment  ou  temple  au  milieu  ,  conlacré  à  Jupiter ,  & 
deux  ailes  dédiées  l'une  à  Junon ,  l'autre  à  Minerve. 
On  y  montoit  par  cent  degrés ,  félon  Jufte  Lipfe  ,  y 
compris  ceux  qui  facilitoient  l'abord  de  la  roche  Tar- 
péienne.  Le  frontiipice  &  les  côtés  étoient  environ- 
nés de  galeries  ou  portiques ,  dans  lefquelles  les  vain- 
queurs qui  avoient  obtenu  l'honneur  du  triomphe  , 
donnoient  au  fénat  un  repas  fplendide ,  après  avoir 
facrifié  aux  dieux.  C'étoit  au  capitole  que  les  triom- 
phateurs terminoient  leur  marche.  Les  dedans  &les 
dehors  de  cet  édifice  étoient  extrêmement  ornés  , 
fur-tout  le  temple,  où  brilloit  la  ftatue  deJupiter  avec 
la  foudre  ,  le  feeptre  ,  &  la  couronne  d'or.  On  voyoit 
encore  dans  le  capitole  un  temple  de  Jupiter  Gordien  , 
un  de  Junon  ,  l'hôtel  de  la  monnoie.  Sur  la  pente  de 
la  montagne  étoient  le  temple  de  la  Concorde,  &  plus 
de  cinquante  autres  moindres  confacrés  à  différentes 
divinités. 

Ce  bel  édifice  renfermoit  les  dépôts  les  plus  facrés 
de  la  religion  ,  comme  les  livres  des  Sibylles ,  les 
anciles  ou  boucliers  tombés  du  ciel.  Il  fut  brûlé  du 
tems  de  Sylla.  Un  nouvel  incendie  le  confuma  fous 
Vitellius ,  &  Yefpafien  le  rétablit.  Il  éprouva  le  mê- 
me fort  fous  Tite ,  &  Domitien  en  répara  les  ruines. 
A  l'imitation  de  Rome  diverfes  villes,  &  fur-tout 
les  colonies  Romaines ,  voulurent  avoir  leur  capitoHy 
foit  temples ,  fort  fortereflés.  Conftantinopîe ,  Jéru- 
falem  ,  Carthage  ,  Milan  ,  Ravenne  ,  Vérone,  Aus- 
bourg  ,  Trêves ,  Cologne ,  Nifmes ,  Reims ,  Toulou- 
fe,  fe  conformèrent  à  cet  égard  à  la  capitale  de  l'em- 
pire. On  croit  communément  que  les  capitouls  ou 
juges-coniuls  de  Touloufe  ont  tiré  leur  nom  du  capi- 
tole érigé  dans  leur  ville.  (G  ) 

CAPITOLINS ,  adj.  pi.  (  Hift.  anc.  )  jeux  capito- 
lins ,  ludi  capitolini.  Camille  les  inftitua  en  mémoire 
de  la  levée  du  fiége  du  capitole  par  les  Gaulois  ,  ou 
plutôt  de  ce  que  le  cri  des  oies  avoit  empêché  ces 
barbares  de  furprendre  cette  citadelle.  On  les  célé- 
broit  tous  les  ans  en  l'honneur  de  Jupiter  Capitoliru 
Plutarque  dit  qu'une  partie  de  ces  jeux  confiftoit  en 
ce  que  les  cricurs  publics  mettoient  les  Etruriens  à 
l'enchère  ,  &  qu'on  prenoit  un  vieillard  qu'on  habil- 
loit  avec  la  robe  prétexte  &  une  bulle  d'or  au  cou 
pour  repréfenter  les  rois  d'Etrurie  ;  origine  qui  ne 
paroît  pas  avoir  beaucoup  de  rapport  à  l'événement 
que  Camille  avoit  prétendu  retracer  dans  l'inititu- 
tion  de  ces  jeux. 

Domitien  en.inftitua  de  nouveaux,  hommes  ago- 
nes  capitolini  ,  dans  lefquels  non  -  feulement  les  lut- 
teurs,, les  gladiateurs ,  les  conduclcurs  de  chars  ,  Se 
les  autres  athlètes  s'exerçoient ,  mais  encore  les  poè- 
tes» 


CAP 


CAP 


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tes ,  les  orateurs ,  les  hiftoriens ,  les  muficiens  ,  Se 
les  a&eurs  de  théâtre ,  fe  difputoient  des  prix.  Ces 
nouveaux  jeux  capitolins  fe  célébraient  de  cinq  en 
cinq  ans  :  l'empereur  lui-même  y  diftribuoit  les  cou- 
ronnes ;  Se  ils  devinrent  fi  fameux  ,  qu'au  calcul  des 
années  par  luftres  on  fubftitua  l'ufage  de  compter 
par  jeux  capitolins  ,  comme  les  Grecs  avoient  fait 
par  olympiades.  Il  paroît  pourtant  que  cet  ufage  ne 
fut  pas  de  longue  durée.  (  G  ) 

CAPITON ,  f.  m.  (Commerce  de  foie.')  bourre  qu'on 
tire  de  deffus  le  cocon  après  qu'on  en  a  enlevé  la  bon- 
ne foie.  On  l'appelle  auffi  laj/is,  cardaffe  ;  6c  l'on  don- 
ne les  mêmes  noms  à  des  étoffes  communes  qu'on 
en  fait. 

CAPITOULS,  f.  m.  (Hijt.  mod.)  magiftrats  de 
ville  à  Touloufe  ,  ou  officiers  municipaux ,  qui  y 
exercent  la  même  jurifdicfion  que  les  échevins  à  Pa- 
ris, les  jurats  à  Bordeaux,  les  confuls  en  Provence 
&  en  Languedoc.  On  ne  choifit ,  pour  remplir  ces 
places ,  que  des  bourgeois  des  plus  honnêtes  famil- 
les ,  ôc  c'eft  un  honneur  que  d'avoir  palTé  par  ces 
charges.  (G) 

CAPITULAIRES ,  fub.  m.  pi.  (Hi/l.  mod.  &  Droit 
canoniq.)  Ce  nom  qui  fignifie  en  général  un  livre  divi- 
fé  en  pluficurs  chapitres  ou  capitules,  s'eft  appliqué 
en  particulier  aux  lois  tant  civiles  que  canoniques, 
&  fpécialement  aux  lois  ou  reglemens  que  les  rois 
de  France  faifoient  dans  les  affemblées  des  évêques 
&  des  feigneurs  du  royaume.  Les  évêques rédigeoient 
en  articles  les  reglemens  qu'ils  croyoient  néceffaires 
pour  la  difeipline  eccléfiaftique  ,  qu'ils  tiroient  pour 
la  plupart  des  anciens  canons.  Les  feigneurs  dref- 
foient  des  ordonnances  fuivant  les  lois  6c  les  coutu- 
mes ;  le  roi  les  confirmoit  par  fon  autorité  ,  6c  en- 
fuite  ils  étoient  publiés  Se  reçus. 

L'exécution  de  ceux  qui  regardoient  les  affaires 
eccléfiaftiques  ,  étoit  commile  aux  archevêques  6c 
aux  évêques  ;  &  celle  des  capitulaiaires  qui  concer- 
noient  les  lois  civiles  ,  aux  comtes  &  aux  autres 
feigneurs  temporels  :  Se  à  leur  défaut ,  des  commif- 
faircs  envoyés  par  le  roi ,  qu'on  appelloit  mifji  domi- 
nai ,  étoient  chargés  d'y  veiller.  Ces  capitulaires 
avoient  force  de  loi  dans  tout  le  royaume  ;  non- 
feulement  les  évêques  ,  mais  les  papes  même  s'y 
foûmettoient.  Childebcrt,  CIotaire,Dagobert  Car- 
loman ,  Pépin ,  &  fur-tout  Charlemagne  ,  Loiiis  le 
débonnaire  ,  Charles  le  chauve  ,  Lothaire,  &  Loiiis 
II.  ont  publié  pluiieurs  capitulaires  :  mais  cet  ufage 
s'eft  aboli  fous  la  troifieme  race  de  nos  rois. 

Anfegife  ,  abbé  de  Lobe  ,  félon  quelques-uns ,  ou 
félon  M.  Baluze  ,  abbé  de  Fontenelles  ,  a  fait  le  pre- 
mier un  recueil  des  reglemens  contenus  dans  les  ca- 
pitulaires de  Charlemagne  Se  de  Loiiis  le  débonnaire  ; 
ce  recueil  cil  partagé  en  quatre  livres ,  &  a  été  ap- 
prouvé par  Loiiis  le  débonnaire  &  par  Charles  le 
chauve.  Après  lui ,  Benoît ,  diacre  de  Mayenne,  re- 
cueillit vers  l'an  845,  des  capitulaires  de  ces  deux  em- 
pereurs omis  par  Anlegilc  ,  &  y  joignit  les  capitulai- 
res de  Carloman  &  de  Pépin.  Cette  collection  eft  di- 
vifée  en  trois  livres  ,  qui  compolent  avec  les  quatre 
précédens  les  fept  livres  des  capitulaires  de  nos  rois  : 
les  li\  premiers  livres  ont  été  donnés  par  du  Tillet  en 
1 548 ,  &  le  recueil  entier  des  fept  livres  par  Mrs  Pi- 
thou.  Mais  on  a  encore  des  capitulaires  de  ces  princes 
en  la  manière  qu'ils  ont  été  publies,  &  des  l'an  ^4^  ; 
il  y  en  a  eu  quelques-uns  imprimés  en  Allemagne  ;  en 
1  557  on  en  a  imprimé  une  autre  collection  plus  am- 
ple à  Balle.  Le  P.  Sinnond  a  fait  paraître  quelques 
capitulaires  de  Charles  le  chaîne  ;  6e  enfin  M.  Baluze 
nous  a  procuré  une  belle  édition  des  capitulaires  de 
nos  rois ,  fort  ample ,  &  revue  fur  pluiieurs  manuf- 
crits ,  imprimée  en  deux  volumes  in- fol.  à  Paris  en 
1677.  Elle  contient  les  capitulaires  originaux  de  nos 
Tome  II. 


rois ,  Se  les  collections  d'Anfegife  ôc  de  Benoît ,  avec 
quelques  autres  pièces* 

Les  évêques  donnoient  auffi  dans  le  vme  fieclc  Se 
dans  les  fuivans ,  le  nom  de  capitules  Se  de  capitulai- 
res aux  reglemens  qu'ils  faifoient  dans  leurs  affem- 
blées fynodales  fur  la  difeipline  eccléfiaftique,  qu'ils 
tiroient  ordinairement  des  canons  des  conciles  ,  &c 
des  ouvrages  des  SS.  Pères.  Ces  reglemens  n'avoient 
force  de  loi  que  dans  l'étendue  du  diocefe  de  celui 
qui  les  publioit ,  à  moins  qu'ils  ne  fuffent  approuvés 
par  un  concile  ou  par  le  métropolitain  ;  car  en  ce  cas 
ils  étoient  obfervés  dans  toute  la  province  :  cepen- 
dant quelques  prélats  adoptoient  fouvent  les  capitu- 
les publiés  par  un  feul  évêque.  C'eft  ainfi  qu'ont  été 
reçus  ceux  de  Martin  ,  archevêque  de  Brague  ,  de 
l'an  515;  ceux  du  pape  Adrien  I.  donnés  à  Angilram 
ou  Enguerran ,  évêque  de  Metz  ,  l'an  785  ;  ceux  de 
Théodulphe ,  évêque  d'Orléans ,  de  l'an  797  ;  ceux 
d'Hincmar,  archevêque  de  Reims,  en  852;  ceux 
d'Herard,  archevêque  de  Tours,  en  858,  &  ceux 
d'ifaac  ,  évêque  de  Langres.  Doujat  ,  Hijioire  du. 
Droit  canon.  Baluze,  Prœfatio  ad  capitularia.  M.  du 
Pin  ,  Biblioth.  des  Aut.  ecclef.  Vlll.fucle.   (  G  ) 

L'illuitre  auteur  de  YEfprit  des  lois ,  obferve  que 
fous  les  deux  premières  races  on  affembloit  fouvent 
la  nation  ,  c'eft-à-dire ,  les  feigneurs  Se  les  évêques  ; 
car  il  n'étoit  pas  encore  queftion  des  communes.  On 
chercha  dans  ces  affemblées  à  régler  le  clergé  par  des 
capitulaires.  Les  lois  des  fiefs  s'étant  établies ,  une 
grande  partie  des  biens  de  l'Eglife  fut  gouvernée  par 
ces  lois.  Les  eccléfiaftiques  feïéparerent,  &  négligè- 
rent des  lois  dont  ils  n'avoient  pas  été  les  feuls  au- 
teurs :  on  recueillit  les  canons  des  conciles  6c  les 
Décrétâtes,  qu'ils  préférèrent  comme  venant  d'une 
fource  plus  pure.  D'ailleurs  la  France  étant  divifée 
en  plufieurs  petites  feigneuries ,  en  quelque  manière 
indépendantes ,  les  capitulaires  furent  plus  difficiles 
à  faire  obferver,  &  peu-à-peu  on  n'en  entendit  plus 
parler.  Ejprit  des  lois,  liv.  XXVlll.  ch.  ix.  (O  ) 

CAPITULANT,  qui  a  voix  délibérative  dans  un 
chapitre.  On  peut  dire  auffi  capitulaire  dans  le  même 
fens  ;  mais  cette  dernière  façon  de  parler  eft  moins 
en  ufage.  (i/) 

CAPITULATION  IMPÉRIALE  ,  {Jurifprudencc 
&  Hijl.  mod.')  l'on  appelle  ainlî ,  en  Allemagne  ,  une 
loi  fondamentale ,  faite  par  les  élett eurs  au  nom  de 
tout  l'empire ,  &  impofée  à  l'empereur  pour  gouver- 
ner fuivant  les  règles  qui  y  font  contenues ,  dont  il 
jure  l'obfervation  à  fon  couronnement.  Les  points 
principaux  auxquels  l'empereur  s'oblige  par  la  capi- 
tulation ,  font  de  prendre  la  défenfe  de  l'Eglife  &  de 
l'empire  ;  d'oblerver  les  lois  fondamentales  de  l'em- 
pire, de  maintenir  6c  conlerver  les  droits,  privilè- 
ges ,  6c  prérogatives  des  électeurs,  princes,  îk  autres 
états  de  l'empire  qui  y  font  fpéciriés ,  &c. 

Bien  des  jurifeoniultes  font  remonter  l'origine  des 
capitulations  aux  tems  les  plus  reculés  ,  &  prétendent 
qu'elles  étoient  en  ufage  des  le  tems  de  Charles  le 
chauve  Se  de  Loiiis  le  Germanique  :  mais  ceux  qui 
font  dans  ce  fentiment  ,  fèmblent  avoir  confondu 
a\  ce  les  capitulations  en  ufage  aujourd'hui,  des  for- 
mules de  fermens  que  les  rois  de  plufieurs  pays 
&  les  empereurs  ont  de  tems  immémorial  prêtés  à 
leur  lucre ,  qui  ne  contiennent  que  des  promeffes  gé- 
nérales de  gouverner  leurs  états  fuivant  les  règles 
de  la  jiiftice  &  de  l'équité  ,  &  de  remplir  envers 
leurs  lujets  les  devoirs  de  bons  fouverains  :  les  ca- 
pitulations dont  il  eft  ici  queftion  font  plus  particu- 
lières ,  &  doivent  être  regardées  comme  des  condi- 
tions auxquelles  l'empereur  eft  obligé  de  fouferire, 
avant  de  pouvoir  entrer  en  poffelfion  de  la  couron- 
ne impériale. 

La  première  qui  ait  été  faite  dans  l'empire  ,  fut 
prclçnte  à  l'empereur  Charles-Quint.  Ce  fut  Frédé- 

LL11 


634 


CAP 


rie  le  fage ,  électeur  de  Saxe ,  qui  propofa  cet  expé- 
dient ,  pour  favorifer  l'élection  de  ce  prince ,  dont 
les  vaftes  états  &  la  trop  grande  puiffance  faifoient 
de  l'ombrage  aux  autres  électeurs  ;  il  leur  ouvrit  l'a- 
vis de  prelcrire  cette  capitulation  ,  pour  limiter  le 
pouvoir  de  l'empereur ,  l'obliger  à  obferver  les  lois 
&  coutumes  établies  dans  l'empire ,  mettre  à  cou- 
vert les  prérogatives  des  électeurs ,  princes ,  &  au- 
tres états ,  &  affùrer  par-là  la  liberté  du  corps  Ger- 
manique. 

Depuis  Charles-Quint,  les  électeurs  ont  toujours 
continué  de  prelcrire  des  capitulations  aux  empereurs 
qu'ils  ont  élus  après  lui ,  en  y  faiiànt  cependant  quel- 
ques changemens  ou  additions  ,  luivant  l'exigence 
des  cas.  Enfin  du  tems  de  Rodolphe  II.  on  commença 
à  douter  fi  le  droit  de  faire  la  capitulation  n'apparte- 
noit  qu'aux  feuls  électeurs  ;  en  conléquence  les  prin- 
ces &  états  de  l'empire  voulurent  auili  y  concourir, 
&  donner  leurs  fuffrages  pour  celle  qu'on  devoit  prel- 
crire à  l'empereur  Matthias.  Ils  vouloient  que  par  la 
fuite  la  capitulation  rïït  faite  dans  la  diète  ou  affera- 
blée  générale  des  états  de  l'empire.  Les  électeurs  qui 
auraient  bien  voulu  demeurer  feuls  en  poffefïïon  d'un 
droit  qu'ils  avoient  jufqu'alors  feuls  exercé ,  alléguè- 
rent, pour  s'y  maintenir,  que  ce  droit  leur  étoit  ac- 
quis par  une  poffefïïon  centenaire  ,  &  l'affaire  de- 
meura en  fufpens  ;  cependant  les  états  obtinrent  en 
1648 ,  à  la  paix  de  Weftphalie ,  qu'on  inférerait  dans 
l'article  VIII.  §.  3.  du  traité  conclu  à  Ofnabruck,  que 
dans  la  prochaine  diète  on  travaillerait  à  dreffer  une 
capitulation  perpétuelle  &  fiable,  à  laquelle  les  prin- 
ces &  états  auraient  part.  Nonobftant  cette  précau- 
tion &  les  proteftations  réitérées  des  états ,  les  élec- 
teurs ont  toujours  trouvé  le  lecret  d'éluder  l'exécu- 
tion de  cet  article.  La  queition  eft donc  refiée  indécife 
jufqu'à  prélent  :  cependant  pour  donner  une  efpece 
de  fatisfaction  à  leurs  adverfaires ,  ils  ont  depuis  in- 
féré dans  les  capitulations  des  empereurs ,  &  nommé- 
ment dans  celle  de  François  I.  aujourd'hui  régnant, 
une  promeffe  de  travailler  avec  force  à  faire  décider 
l'affaire  de  la  capitulation  perpétuelle. 

Le  collège  des  princes  ,  qui  ne  perd  point  de  vue 
cet  objet ,  a  fait  préfenter  en  dernier  lieu  ,  au  mois 
de  Juin  175 1,  un  mémoire  à  la  diète  de  Ratisbonne, 
fur  la  nécefTité  de  dreffer  un  projet  de  capitulation 
perpétuelle,  qui  règle  d'une  manière  ferme  &  fiable 
les  engagemens  auxquels  les  empereurs  font  tenus 
par  leur  dignité  de  chefs  du  corps  Germanique.  La 
fuite  fera  voir  fi  cette  dernière  tentative  aura  plus  de 
fuccès  que  les  précédentes ,  &C  fi  le  collège  électoral 
fera  plus  difpolé  que  par  le  paffé  à  y  faire  attention. 

Capitulation,  dans  VArt  militaire ,  efl  un 
traité  des  différentes  conditions  que  ceux  qui  rendent 
une  ville ,  obtiennent  de  ceux  auxquels  ils  font  obli- 
gés de  la  céder. 

Lorfque  le  gouverneur  qui  défend  une  ville  fe  voit 
réduit  aux  dernières  extrémités  ,  ou  que  fa  cour  lui 
donne  ordre  de  fe  rendre  pour  avoir  de  meilleures 
compofitions  de  l'ennemi ,  &c  faire  un  traité  plus  avan- 
tageux ,  tant  pour  la  ville  que  pour  la  garnifon ,  il 
fait  battre  ce  qu'on  appelle  la  chamade.  Pour  cela  en 
fait  monter  un  ou  pluiieurs  tambours  fur  le  rempart , 
du  côté  des  attaques ,  qui  battent  pour  avertir  les  af- 
fiégeans  que  le  gouverneur  a  quelque  chofe  à  leur 
propofer  :  on  élevé  aufîi  un  ou  plufieurs  drapeaux 
blancs  fur  le  rempart  pour  le  même  fujet ,  &  on  en 
laiffe  un  planté  fur  le  rempart  ou  fur  la  brèche  pen- 
dant rfout  le  tems  de  la  négociation.  On  en  ufe  de 
même  pour  demander  une  fufpennon  d'armes ,  après 
des  attaques  meurtrières,  pour  enlever  les  morts,  les 
bleffés ,  &c. 

Auffi-tôt  que  la  chamade  a  été  battue ,  on  ceffe  de 
tirer  de  part  &  d'autre,  &  le  gouverneur  fait  fortir 


CAP 

quelques  officiers  de  marque  de  la  ville ,  qui  vont 
trouver  le  commandant  du  liège  ,  &  qui  lui  expofent 
les  conditions  fous  lefquelles  le  gouverneur  offre  de 
rendre  la  ville.  Pour  la  sûreté  de  ces  officiers,  les  af- 
liégeans  en  envoyent  dans  la  ville  un  pareil  nom- 
bre pour  otages.  Si  les  proportions  du  gouverneur  ne 
conviennent  pas  au  commandant  de  l'armée  afïïé- 
geante,  il  lesrefufe  ,  &  il  dit  quelles  font  celles  qu'il 
veut  accorder.  Il  menace  ordinairement  le  gouver- 
neur de  ne  lui  en  accorder  aucune ,  s'il  ne  prend  le 
parti  de  fe  rendre  promptement;  s'il  laiffe  achever  , 
par  exemple ,  le  paffage  du  foffé  de  la  place»,  ou  éta- 
blir quelque  batterie  vis-à-vis  les  flancs,  &c.  Si  l'on 
trouve  les  propoiitions  qu'il  fait  trop  dures ,  on  rend 
les  otages ,  &  on  fait  rebattre  le  tambour  fur  le  rem- 
part ,  pour  faire  retirer  tout  le  monde ,  avant  que 
l'on  recommence  à  tirer ,  ce  que  l'on  fait  très-peu  de 
tems  après.  Il  faut  obferver  que  pendant  le  tems  que 
dure  la  négociation ,  on  doit  fe  tenir  tranquille  de 
part  &  d'autre ,  &  ne  travailler  abfolument  en  au- 
cune manière  aux  travaux  du  fiége.  Le  gouverneur 
doit  aufîi  pendant  ce  tems  fe  tenir  exactement  fur  fes 
gardes ,  pour  n'être  point  furpris  pendant  le  traité  de 
la  capitulation;  autrement  il  pourrait  le  trouver  ex- 
polè  à  la  diferétion  de  l'afïïégeant. 

Suppofant  que  l'on  convienne  des  termes  de  la  ca- 
pitulation, le  gouverneur  envoyé  aux  afiiégeans  pour 
otages  deux  ou  trois  des  principaux  officiers  de  fa 
garnifon ,  ôc  le  général  des  afiiégeans  en  envoyé  le 
même  nombre  &£  de  pareil  grade ,  pour  sûreté  de  l'e- 
xécution de  la  capitulation.  Lorfque  les  afïïégés  ont 
exécuté  ce  qu'ils  ont  promis ,  on  leur  remet  leurs  ota- 
ges ;  &  lorfque  les  afïïégeans  ont  pareillement  exé- 
cuté leurs  engagemens ,  on  leur  renvoyé  aufîi  les 
leurs. 

Les  conditions  que  demandent  les  afïïégés ,  varient 
fuivant  les  différentes  circonftances  &  fituations  où 
l'on  fe  trouve.  Voici  les  plus  ordinaires  :  i°.  Que  la 
garnifon  fortira  par  la  brèche  avec  armes  &  baga- 
ges, chevaux,  tambour  battant,  mèche  allumée  par 
les  deux  bouts ,  drapeaux  déployés ,  un  certain  nom- 
bre de  pièces  de  canon  &  de  mortiers,  avec  leurs  ar- 
mes, &  des  affûts  de  rechange,  des  munitions  de 
guerre  pour  tirer  un  certain  nombre  de  coups  ;  pour 
être  conduite  en  fureté  dans  la  ville  qu'on  indique ,  & 
qui  eft  ordinairement  la  plus  prochaine  de  celles  qui 
appartiennent  aux  afïïégés  :  on  obferve  de  mettre 
par  le  plus  court  chemin ,  ou  on  indique  clairement  ce- 
lui par  lequel  on  veut  être  mené.  Lorfque  la  garni- 
fon doit  être  plufieurs  jours  en  marche  pour  fe  ren- 
dre au  lieu  indiqué ,  on  demande  que  les  loldats  foient 
munis  de  proviiions  de  bouche  pour  quatre  ou  cinq 
jours,  fuivant  le  tems  que  doit  durer  la  marche  par 
le  chemin  dont  on  eft  convenu. 

20.  Que  l'on  remettra  le  foir,  ou  le  lendemain  à 
telle  heure ,  une  porte  de  la  ville  aux  afïïégeans ,  & 
que  la  garnifon  en  fortira  un  jour  ou  deux  après ,  fui- 
vant ce  dont  on  fera  convenu  à  ce  fujet  de  part  & 
d'autre. 

30.  Que  les  afïïégeans  fourniront  un  certain  nom- 
bre de  chariots  couverts ,  c'elt-à-dire  ,  qui  ne  fe- 
ront point  vifités ,  &  en  outre  des  chariots  pour  con- 
duire les  malades  &  les  bleffés  en  état  d'être  trans- 
portés ,  &  en  général  toutes  les  voitures  néceffaires 
pour  emporter  les  bagages  de  la  garnifon  ,  Se  l'artil- 
lerie accordée  par  la  capitulation. 

40.  Que  les  malades  &  les  bleffés,  obligés  de  ref- 
ter  dans  la  ville ,  pourront  en  lbrtir  avec  tout  ce 
qu'il  leur  appartient ,  lorfqu'ils  feront  en  état  de  le 
faire ,  &  qu'en  attendant  il  leur  fera  fourni  des  loge- 
mens  gratis ,  ou  autrement. 

e°.  Qu'il  ne  fera  prétendu  aucune  indemnité  con- 
tre les  afÏÏégés,  pour  chevaux  pris  chez  le  bourgeois 


C    À    P 

&  pouf  les  maifons  qui  ont  été  bridées  &  démolies 
pendant  le  fîége. 

6°.  Que  le  gouverneur,  tous  les  officiers  de  l'état 
major,  les  officiers  des  troupes,  &  les  troupes  elles- 
mêmes  ,  &  tout  ce  qui  ell  au  fervice  du  roi ,  Sortiront 
de  la  place ,  rans  être  fujets  à  aucun  acre  de  représail- 
les, de  quelque  nature  que  ce  puifîé  être,  6c  fous  quel- 
que prétexte  que  ce  foit. 

7°.  Si  ceux  auxquels  on  rend  la  ville  ne  font  point 
de  la  religion  catholique  ,  apollolique  &c  Romaine  , 
on  ne  manque  pas  d'inlérer  dans  la  capitulation,  qu'el- 
le fera  conlèrvée  dans  la  ville. 

8°.  Que  les  bourgeois  &  habitans  feront  mainte- 
nus dans  tous  leurs  droits,  privilèges  &  prérogatives. 

9°.  Qu'il  fera  libre  à  ceux  qui  voudront  lortir  de 
la  ville,  d'en  fortir  avec  tous  leurs  effets,  &  d'aller 
s'établir  dans  les  lieux  qu'ils  jugeront  à  propos.  On  y 
marque  auffi  quelquefois  (  &  on  le  doit,  lorfqu'on 
craint  que  l'ennemi  ne  traite  avec  trop  de  rigueur  les 
bourgeois,  fur  les  marques  d'attachement  qu'ils  au- 
ront donné  pendant  le  liège  pour  le  prince  dont  ils 
quittent  la  domination)  qu'ils  ne  feront  ni  inquiétés 
ni  recherchés  pour  aucune  des  choies  qu'ils  auront 
pli  faire  avant  ou  pendant  le  fiége. 

io°.  On  met  auffi  dans  la  capitulation ,  qu'on  livre- 
ra les  poudres  &  les  munitions  qui  fe  trouveront  dans 
la  place,  &  qu'on  indiquera  les  endroits  où  il  y  aura 
des  mines  préparées. 

ii°.  Que  les  prifonniers  faits  de  part  &  d'autre 
pendant  le  fiége ,  lieront  rendus. 

Il  tant  oblerver  que  pour  qu'une  place  foit  reçue 
à  compolition ,  il  faut  qu'elle  ait  encore  des  vivres 
&  des  munitions  de  guerre  au  moins  pour  trois  jours , 
fans  quoi  elle  le  trouverait  obligée  de  fe  rendre  pri- 
fonniere de  guerre  :  mais  fi  l'affiégeant  n'en  ell  point 
informé,  &Z  que  la  capitulation  ait  été  fignée ,  il  ne  fe- 
rait pas  julle  de  retenir  la  garnifon  prifonniere  de 
guene,  lorfque  l'on  reconnoîtroit  la  dilette  de  mu- 
nitions. 

Quand  l'ennemi  ne  veut  point  accorder  de  capitu- 
lation ,  à  moins  que  la  garnifon  ne  fe  rende  prifon- 
niere de  guerre ,  &  qu'on  fe  trouve  dans  la  fâcheufe 
néceffité  de  fubir  cette  loi ,  on  tâche  de  l'adoucir  au- 
tant qu'il  efl  poflible  :  on  convient  allez  communé- 
ment : 

i°.  Que  le  gouverneur  &  les  principaux  officiers 
garderont  leurs  épées,  pillolets,  bagages,  &c. 

i°.  Que  les  officiers  Subalternes ,  au-deffbus  des  ca- 
pitaines, auront  leurs  épées  feulement,  avec  leurs 
ultenciles  ou  bagages. 

3°.  Que  les  foldats  ne  feront  ni  dépouillés,  ni  dif- 
pcrlés  de  leur  régiment. 

4°.  Que  la  garnifon  fera  conduite  en  tel  endroit , 
pour  y  demeurer  prifonniere  de  guerre. 

5°.  Que  les  principaux  officiers  auront  la  permit- 
fion  d'aller  vaquer  à  leurs  affaires  pendant  deux  ou 
trois  jours. 

6°.  Que  lorfque  la  garnifon  évacuera  la  place ,  il 
ne  fera  pas  permis  de  débaucher  les  foldats ,  pour  les 
faire  déferter  de  leurs  regimens. 

Lorfque  toute  la  capitulation  ell  arrêtée ,  il  entre 
dans  la  place  un  officier  d'artillerie  des  affiégeans, 
pour  faire  conjointement  avec  un  officier  d'artillerie 
de  la  garnifon,  un  inventaire  de  toutes  les  munitions 
de  guerre  qui  le  trouvent  dans  la  place  ;  il  y  entre 
auffi  un  commiffaire  des  guerres  pour  faire  un  état 
des  munitions  de  bouche  qui  s'y  trouvent  encore. 

Lorfqu'on  prévoit  être  clans  la  néceffité  de  fe  ren- 
dre ,  &  que  l'on  a  des  magafins  confidérables  de  mu- 
nitions de  guerre  &  de  bouche,  on  en  gâte  autant 
que  l'on  peut  avant  de  parler  de  fe  rendre  ,  afin  qu'il 
n'en  relie  dans  la  place  que  ce  qu'il  doit  y  en  avoir 
pour  pouvoir  capituler,  ce  que  l'ennemi  n'en  profite 
pas  :  li  l'on  attendoit  pour  les  brûler  ou  gâter,  que 


CAP 


H\ 


l'on  entrât  en  capitulation ,  l'ennemi  pourrait  infiller 
a  ce  qu'ils  f'uffent  eonfervés,  mais  il  ne  peut  plus  y 
penfer  lorfqu'on  a  pris  les  précautions  auparavant.    ! 

Auffi-tôt  que  les  affiégés  ont  livré  une  porte  de  leur 
ville  aux  afïiégeans ,  le  premier  régiment  de  l'armée 
s'en  empare ,  &  y  fait  la  garde. 

Le  jour  venu  que  la  garnifon  doit  fortir  de  la  pla- 
ce ,  on  fait  mettre  l'armée  affiégeante  fous  les  armes  : 
elle  fe  range  ordinairement  en  deux  haies  de  batail- 
lons &  d'efeadrons,  &  la  garnifon  pafle  au  milieu. 
L'heure  venue  de  fa  fortie ,  le  général  &  les  princi- 
paux officiers  fe  mettent  à  la  tête  des  troupes,  pouf 
la  voir  défiler  devant  eux. 

Le  gouverneur  fort  à  la  tête  de  la  garnifon,  ac- 
compagné de  Pétat-major  de  la  place ,  &  des  princi- 
paux officiers;  il  la  fait  défiler  dans  le  meilleur  or- 
dre qu'il  lui  ell  poffible.  On  met  ordinairement  les 
anciens  regimens  à  la  tête  &  à  la  queue,  &  les  autres 
au  milieu  avec  les  bagages.  Lorfqu'on  a  de  la  cava- 
lerie ,  on  la  partage  de  même  en  trois  corps,  pour  la 
tête ,  le  centre  Se  la  queue.  On  détsche  des  cav  aliers 
6c  de  petits  corps  d'infanterie  pour  marcher  le  long 
des  bagages ,  &  veiller  à  leur  fiuété  ,  afin  qu'il  n'en 
foit  pillé  aucune  partie. 

L'artillerie  accordée  par  la  capitulation,  marche 
après  le  premier  bataillon  ;  lorfque  la  garnifon  efl 
arrivée  à  la  place  où  elle  doit  être  conduite  ,  elle  re- 
met à  l'efeorte  les  otages  des  afliégeans  ;  &  lorfque 
cette  efeorte  a  rejoint  l'armée ,  on  renvoyé  les  otages 
que  les  affiégés  avoient  biffés  pour  la  fureté  de  l'ef- 
eorte, des  chariots ,  &  autres  choies  accordées  par 
l'armée  affiégeante  pour  la  conduite  de  la  garnifon», 

Lorfque  la  garnilon  efl  prifonniere  de  guerre ,  on 
la  conduit  aulïi  avec  efeorte,  jufqu'â  la  ville  où  on 
doit  la  mener  par  la  capitulation. 

Tout  ce  qui  eft  porté  dans  les  capitulations  doit 
être  lacré  &  inviolable,  &  l'on  doit  en  entendre  tous 
les  termes  dans  le  fens  le  plus  propre  &  le  plus  na- 
turel; cependant  on  ne  le  fait  pas  toujours.  Il  faut 
que  le  gouverneur  apporte  la  plus  grande  attention, 
pour  qu'il  ne  s'y  gliffe  aucun  terme  équivoque  &  fuf- 
ceptible  de  différentes  interprétations  ;  il  y  a  nombre 
d'exemples  qui  prouvent  la  néceffité  de  cette  atten-* 
tion. 

Lorfque  la  garnifon  d'une  ville  où  il  y  a  une  cita- 
delle, capitule  pour  fe  retirer  dans  la  citadelle,  il  y  a 
quelques  conditions  particulières  à  demander,  telles 
que  lont  celles-ci  : 

Que  la  citadelle  ne  fera  point  attaquée  du  coté  de 
la  ville  ;  que  les  malades  &  blefles  qui  ne  pourront 
être  tranlportés ,  relieront  dans  la  ville  6c  dans  les  lo- 
gemens  qu'ils  occupent  ;  êv  qu'après  leur  guérifon  , 
il  leur  fera  fourni  des  voitures  6c  des  pafTe-ports,  pour 
fe  retirer  en  toute  fureté  dans  une  ville  qui  fera  mar- 
quée dans  la  capitulation.  On  doit  ne  laiffer  entrer 
dans  la  citadelle  que  ceux  qui  peuvent  y  être  utiles 
pour  fa  défenfe  ;  les  autres  personnes  qu'on  nomme 
communément  touches  inutiles  ,  ne  doivent  point  ab- 
folument  y  être  fouft'ertes.  Il  faut  faire  inférer  dans 
la  capitulation  ,  qu'ils  feront  conduits  dans  une  ville 
voilinc  de  la  domination  du  prince ,  que  l'on  indique- 
ra. On  doit  auffi  convenir  d'un  certain  tems  pour 
faire  entrer  toute  la  garnifon  dans  la  citadelle,  & 
marquer  evprcffement  que  pendant  ce  tems  il  ne  fe- 
ra fait  de  la  part  de  l'affiégeant  aucuns  des  travaux 
néceflaires  pour  l'attaque  de  la  citadelle. 

Une  ville  maritime  demande  encore  quelques  atten- 
tions particulières  pour  les  vaùTeaux  qu'il  peut  y 
avoir  dans  l'on  port  :  on  doit  convenir  qu'ils  (ortiront 
du  port  le  jour  que  la  garnifon  lortira  de  la  ville, 
ou  lorfque  le  tems  le  permettra,  pour  le  rendre  en 
fureté  dans  le  port  dont  on  leva  convenu.  Ils  doivent 
conferver  leur  artillerie,  agrès,  provilions  de  guerre 
&  de  bouche,  &e,  Si  le  mauvais  tems  les  obligeoit 

L  L  1 1  ij 


636 


CAP 


de  rélâcher  pendant  leur  route  dans  un  des  ports  des 
affiégeans,  il  doit  être  porté  dans  la  capitulation,  qu'ils 
y  feraient  reçus,  &  qu'on  leur  fourniroit  tous  les  fe- 
cours  dont  ils  auraient  beibin  pour  les  mettre  en  état 
de  continuer  leur  route;  ils  doivent  auffi  être  munis 
de  paffe-ports ,  &  en  un  mot  avoir  toutes  les  ïïïretés 
qu'on  peut  exiger  pour  n'être  point  infulr.es  par  les 
vaifleaux  ennemis,  &  fe  rendre  fans  aucun  obftacle 
dans  le  port  qui  leur  fera  indiqué.  Défenfe  des  places, 
par  M.  Le  Blond.  (Q) 

*  C  APIVAR. ,  (  Hijl.  nat.  Zoologie.  )  animal  qua- 
drupède &  amphibie.  Il  reffcmble  par  le  corps  à  un 
cochon  :  mais  fa  tête  eft  comme  celle  d'un  lièvre  ;  il 
n'a  point  de  queue  ;  il  fe  tient  ordinairement  affis  fur 
fes  pattes  de  derrière  ,  à  peu  près  comme  les  finges. 
On  en  trouve  beaucoup  fur  les  cotes  du  Brefil.  Cet 
animal  fe  tient  communément  dans  la  mer  pendant 
la  journée  ;  il  ne  vient  à  terre  que  durant  la  nuit.  Il 
fait  un  grand  tort  aux  arbres  &  aux  plantations  ,  at- 
tendu qu'il  arrache  les  arbres  &  en  ronge  les  racines. 
On  afsùre  qu'il  eft  fort  bon  à  manger. 

CAPNOBATES ,  f.  m.  pi.  (  Hifi.  tf«c.)furnomque 
l'on  donna  anciennement  aux  Myfiens ,  peuples  d'A- 
fie ,  parce  qu'ils  faifoient  une  profeffion  particulière 
d'honorer  les  dieux ,  &:  qu'ils  s'employoient  unique- 
ment à  leur  culte.  Selon  Strabon  ,  ils  s'abftenoient 
de  toute  autre  occupation ,  ne  mangeoient  point  de 
chair  ,  ni  rien  de  ce  qui  avoit  été  animé  ,  &  vivoient 
f  mplement  de  miel  &  de  laitage.  Kawvos,  en  Grec  , 
f  gnide  fumée  ;  &  comme  la  fumée  de  l'encens  entrait 
pour  beaucoup  dans  les  cérémonies  de  la  religion 
payenne  ,  on  penfe  que  c'eft  de  là  que  ces  peuples 
ont  eu  le  nom  de  Capnobates.  (  G  ) 

C APNOIDES ,  (  Hifi.  nat.  bot.  )  genre  de  plante  à 
fleur  polypétale  ,  irréguliere  ,  femblable  à  celle  de 
la  fumeterre.  Le  piitil  fort  du  calice  ,  &  devient 
une  filique  cylindrique  ,  compolée  de  deux  panneaux 
affemblés  fur  un  chaffis  auquel  font  attachées  quel- 
ques femences  arrondies.  Tournefort ,  Infi.  rti  herb. 
Voye{  Plante.  (/) 

CAPNOMANC1E,  f.  f.  divination  dans  laquelle 
les  anciens  obfervoient  la  fumée  pour  en  tirer  des 
préfages. 

Ce  mot  eft  Grec  ,  &  formé  de  moto;  ,  fumée ,  & 
de  (MOTutt ,  divination. 

On  diftinguoit  deux  fortes  de  capnomancie  ;  l'une 
qui  fe  pratiquoit  en  jettant  fur  des  charbons  ardens 
des  graines  de  jafmin  ou  de  pavot ,  &  en  obfervant  la 
fumée  qui  en  fortoit.  L'autre  qui  étoit  la  principale 
&  la  plus  ufitée  ,  confiftoit  à  examiner  la  fumée  des 
facrifices.  C'étoit  un  bon  augure  quand  la  fumée 
qui  s'élevoit  de  l'autel  étoit  légère  ,  peu  épaiffe  ,  &c 
quand  elle  s'élevoit  droit  en  haut ,  fans  fe  répandre 
autour  de  l'autel.  Théophrafte ,  fur  le  prophète  Ofée, 
remarque  que  les  Juifs  étoient  auffi  adonnés  à  cette 
fuperlhtion.  On  pratiquoit  encore  la  capnomancie  en 
humant  ou  refpirant  la  fumée  qu'exhaloient  les  vic- 
times ,  ou  celle  qui  fortoit  du  feu  qui  les  confumoit  ; 
comme  il  paraît  par  ces  vers  de  la  Thébaïde  de  Stace, 
où  le  poète  dit  du  devin  Tirefias  : 

Ille  coronatos  jamdudum  amplccîitur  ignés  , 
Fatidicum  forbens  vultu  flagrante  vaporem. 

On  penfoit  fans  doute  que  cette  fumée  donnoit  des 
infpirations  prophétiques.  Delrio ,  Difquijït.  magie, 
lib.  IV.  chap.  ij .  quafl.  J.fecl.  l.pag.  S5z.  (G) 

CAPO-BLANCO  ,  (  Géog.  )  cap  de  l'Amérique  , 
dans  la  mer  du  Sud ,  à  la  partie  occidentale  de  l'ifth- 
me  de  Panama. 

CAPO-D'ISTRIA  ,  (  Géog.  )  ville  confidérable 
d'Italie  ,  dans  lïftrie  ,  fur  le  golfe  de  Trieite  ,  &  à 
trois  lieues  de  la  ville  de  ce  nom.  Long.  Ji,  jâ.  Lu. 
4à.  48. 


CAP 

CAPOLETTO,(  Géog.)v'û\c  &  port  d'Ane,  dans 
la  Géorgie  ,  fur  la  mer  Noire. 

CAPOLINIERI  ,  (Géog.)  petite  ville  d'Italie  fur 
l'île  d'Elba ,  dans  la  mer  de  Tofcane. 

C APOLLIN  ,  (  Hifi.  nat.  bot.  )  arbrevqui  croît  au 
Mexique.  Sa  groflèur  eft  médiocre  ;  il  Pla  feuille  de 
notre  amandier  ;  les  fleurs  font  en  boffettes ,  pendan- 
tes ;  Ion  fruit  eft  tout  lemblable  à  la  cerife.  L'arbre 
fleurit  au  printems ,  &  porte  fruit  en  été.  On  fait  de 
fa  baie  une  boiffon  ,  &  une  forte  de  pain  dont  on  ufe 
dans  les  tems  de  difette.  On  diftingue  trois  efpeces 
de  capollin. 

CÂPON  ,  f.  m.  (Marine.")  c'eft  une  machine  com- 
polée d'une  corde  &£  d'une  groffe  poulie  ,  à  quoi  l'on 
joint  un  gros  croc  de  fer  ,  dont  l'ufage  eft  de  lever 
l'ancre  loriqu'elle  paroît  hors  de  l'eau  ,  &  de  laifir 
l'orin ,  ou  cordage  ,  qui  répond  à  l'arganeau  de  la 
bouée  &  à  la  croilée  de  l'ancre. 
Croc  de  canon ,    -, 

Poulie  de  capon,  l  fervent  a  M/wwKrl  ancre. 
CAPONNER  l'ancre  ,  (  Marine.  )  c'eft  accro- 
cher l'arganeau  de  l'ancre  avec  le  croc  du  capon  , 
pour  la  hilîèr  ou  tirer  au  boffoir. 

CAPONNE  ,  terme  de  commandement  qu'on  fait 
à  ceux  de  l'équipage  deftinés  à  lever  l'ancre  ,  pour 
les  faire  haler  fur  le  capon ,  afin  de  mettre  l'ancre  en 
place.  (Z)  -' 

CAPONNIERE ,  f.  f.  en  terme  de  Fortification ,  eft 
une  efpece  de  double  chemin  couvert ,  large  de  dou- 
ze à  quinze  pies ,  conftruit  au  fond  du  foffé  fec  ,  vis- 
à-vis  le  milieu  de  la  courtine.  Elle  occupe  toute  la 
largeur  du  folle  en  cet  endroit  ;  c'eft-à-dire ,  qu'elle 
aboutit  à  l'angle  rentrant  de  la  contrefearpe.  Elle  eft 
paliffadée  de  part  &  d'autre  ;  &  l'on  parapet,  qui  eft 
feulement  élevé  de  trois  pies  au  deffus  du  niveau  du 
foffé  ,  va  fe  perdre  en  pente  douce  ou  en  glacis  , 
dans  le  foffé ,  à  dix  ou  douze  toiles  de  fon  côté  in- 
térieur. Son  terre-plein  eft  creule  de  trois  pies  dans  le 
foffé  :  ainfi  toute  la  hauteur  de  fon  parapet  eft  de  fix  , 
pies. Elle  a  des  banquettes  comme  le  chemin  couvert. 
Pour  conftruire  la  caponnure ,  il  faut  tirer  les  lignes 
de  défenfe  E  H ,  G  F,  (PI.  I.  de  l'Art  milit.fig.  n.) 
pour  avoir  l'angle  flanquant  C  B  D  ;  de  fon  lommet 
B ,  tirer  au  fommet  A  de  l'angle  rentrant  de  la  con- 
trefearpe ,  la  ligne  BA  ;  mener  de  part  &  d'autre  des 
parallèles  à  cette  ligne  ,  à  la  diftance  de  fis  ou  fept 
pies  ,  terminées  d'un  côté  par  la  contrefearpe ,  &c  de 
l'autre  par  les  lignes  de  défenfe,&  l'on  aura  la  capon- 
niere  tracée. 

On  conftruit  fouvent  des  caponràeresàansle  foffé  fec^ 
quoiqu'il  n'y  ait  point  de  tenailles  :  mais  alors  on 
lubftitue  à  la  tenaille  ordinaire  une  efpece  de  tenaille 
fimple  O  B  P ,  qui  confifte  en  une  élévation  de  terre 
de  8  ou  9  pies  le  long  des  parties  O  B ,  B  P  des  lignes 
de  défenfe.  Elle  va  le  perdre  en  glacis  dans  le  foffé 
à  la  diftance  de  10  ou  utoifes.  On  donne  une  ou 
deux  banquettes  à  cette  efpece  de  tenaille ,  qui  a 
le  même  ufage  que  la  tenaille  ordinaire.  Voye^  Te- 
naille. 

Le  principal  ufage  de  la  caponnkre  qu'on  vient  de 
décrire ,  eft  de  défendre  directement  le  paftage  du 
foffé  des  faces  des  baftions  ,  &  de  donner  un  parta- 
ge fur  au  foldat  pour  aller  de  la  place  dans  les  ou- 
vrages extérieurs.  Afin  qu'il  ne  loit  point  découvert 
en  iortant  de  la  caponniere  ,  on  coupe  ordinairement 
la  contrefearpe  dans  Ion  angle  rentrant ,  par  une  li- 
gne IK,(Pl.I.  de  l'An  milit.  fig.  n.)  parallèle  à  la 
courtine.  On  pratique  auffi  quelquelois  pour  le  mê- 
me fujet  ,un  petit  enfoncement  LMNK  dans  cet 
endroit  auquel  on  donne  différentes  figures. 

On  couvrait  autrefois  le  deffus  de  la  capopnurt 
par  de  forts  madriers  ,  qui  font  des  planches  très- 
épaiffes  ,  &  on  mettoit  beaucoup  de  terre  fur  ces 
madriers.  On  pratiquoit  de  petites  ouvertures  dans 


CAP 

le  parapet  de  cet  ouvrage  ,  par  lefquelles  le  foldat 
tiroit  fur  l'ennemi  ;  mais  la  fumée  de  la  poudre  qui 
en  rendoit  le  féjour  très-incommode  ,  a  fait  fuppri- 
mer  ces  efpcces  de  routes  ou  couvertures.  On  fe 
contente  feulement  aujourd'hui ,  dans  untems  de  fié- 
§e  ,  de  couvrir  le  defliis  de  la  caponniere  de  claies  ou 
de  blindes  ,  pour  garentir  ceux  qui  défendent  la  ca- 
ponnierc des  pierres  que  l'ennemi  jette  dans  le  foflé 
pour  la  faire  abandonner. 

Outre  la  caponniere  du  fofle ,  il  faut  obferver  qu'on 
donne  quelquefois  le  même  nom  aux  communica- 
tions du  chemin  couvert  avec  les  ouvrages  qui  font 
au  pié  du  glacis  ,  parce  que  ces  communications  font 
de  même  des  eipeecs  de  doubles  chemins  couverts. 
Voyc^  Communication.  Elêmens  de  Fortifie,  pur 
M.  Le  Blond.  (Q) 

CAPORAL  ,f.  m.  (An  milit.)  c'eft  un  bas  offi- 
cier d'infanterie  ,  qui  pofe  Se  levé  les  fentinelles ,  fait 
garder  le  bon  ordre  dans  le  corps-de-garde  ,  com- 
mande une  eicoiiade  ,  Se  reçoit  le  mot  des  rondes 
qui  paflent  auprès  de  fon  corps-de-garde.  Il  y  a  pour 
l'ordinaire  trois  caporaux  dans  chaque  compagnie. 
Foye{  Compagnie. 

Ce  mot  vient  de  l'Italien  caporah  ,  qui  fignifie  la 
même  chofe  ,  &  qui  eft  dérivé  de  caput ,  tête  ,  chef; 
le  caporal  étant  le  premier  de  fa  compagnie. 

CAPORAL  d'un  vaijjiau',  cil  un  officier  qui  a  foin 
de  pofer  le  guet  &  les  fentinelles  ,  &  de  les  lever  ; 
il  vifite  auffi  les  armes  des  foldats  &  des  mariniers  , 
&  leur  apprend  à  s'en  fervir.  Il  a  un  aide  fous  lui. 

ce) 

CAPORIE ,  ou  CAPORIO ,  (  Géog.  )  ville  de  Sué- 
de ,  en  Ingrie ,  fur  le  golfe  de  Finlande. 
.       C APORNACK  ,  (Géog.  )  ville  &  château  d'Hon- 
f  grie  ,  dans  l'Efclavonie. 

CAPOSER ,  verb.  neut.  (  Mari  m.  )  ce  mot  peu 
ufité  ,  fignifie  mettre  le  navire  à  la  cape. 

On  capofe  en  amarrant  le  gouvernail  bien  ferme  , 
pour  laifler  aller  le  vaifleau  au  gré  du  vent.  Voye^ 
Cape,  &c  Capeier. 

CAPOT  ,  f.  m.  (  Marine.  )  c'eft  un  habillement 
fait  en  forme  de  robe  capuchonnée  ,  que  mettent 
les  gens  de  mer  par  deflus  leur  habit  ordinaire ,  pour 
les  garantir  de  l'injure  du  tems  (Z) 

CAPOT,  f.  m.  voyc{  Cagot. 

Capot,  (terme  de  jeu  de  Pique'..*)  On  dit  de  celui  qui 
ne  fait  aucune  levée  ou  main  ,  qu'il  eil  capot.  Le  ca- 
pot  vaut  quarante  points.  FoyeiPiQyET.  Celui  qui 
gagne  feulement  les  cartes  ,  n'en  compte  que  dix. 

CAPOTAGE,  f.  m.  (  Marine.)  on  donne  ce  nom 
à  cette  partie  de  la  feience  du  pilote ,  qui  ceniifte 
dans  la  connoiflance  du  chemin  que  le  vaifleau  fait 
fur  la  furface  de  la  mer  ;  connoiflance  nécefiaire 
pour  conduire  fûrement  le  vaifleau. 

On  fait  que  la  ligne  décrite  par  un  vaifleau  fur 
la  furface  de  la  mer,  eft  une  courbe  ,  appeilée  loxo- 
dromie ,  ou  loxodromique ,  qui  coupe  tous  les  méri- 
diens à  angles  égaux.  Plufieurs  auteurs  nous  ont  don- 
né des  traités  de  cette  loxodromie  ,  dans  l'hypothe- 
fe  de  la  terre  iphérique.  Mais  comme  on  a  reconnu 
que  la  terre  cil  un  fphéoride  applati,  il  a  tallu  taire  en- 
trer cette  nouvelle  confidération  dans  la  théorie  de  la 
loxodromie  ,  qui  en  cil  devenue  beaucoup  plus  diffi- 
cile. C'eft  ce  qu'ont  fait  MM.  Murdoch  &  Walz  ,  fa- 
Vans  Géomètres  ,  l'un  Anglois ,  l'autre  Allemand  , 
dans  des  traités  qu'ils  ont  publiés  exprès  fur  cela. 
M.  de  Maupertuis  a  traité  le  même  fujet  d'une  ma- 
nière plus  élégante  oc  plus  commode  pour  la  prati- 
que ,  dans  un  mémoire  qui ,  quoiqu'afle?  court ,  ren- 
ferme toute  la  théorie  du  capotage  dans  l'hypothcfe 
de  la  terre  applatie.  Ce  mémoire  imprime  parmi 
ceux  de  Y  académie  des  Sciences  de  IJ44  ,  ell  intitulé  : 
Traité  de  la  loxodromie.  On  y  réduit  tout  le  capotage  à 


CAP 


H 


/ 

ces  quatre  problèmes,  dont  il  donne  la  folution  en 
très  peu  de  pages, 

I.  Étant  connue  la  longueur  de  la  route  faite  fur 
un  même  cercle  parallèle  à  l'équateur  ,  trouver  la 
différence  en  longitude  ;  ou  réciproquement ,  étant 
connue  la  différence  en  longitude  fur  le  même  pa- 
rallèle ,  trouver  la  longueur  de  l'arc  du  parallèle. 

I I.  Étant  connue  la  latitude  d'un  lieu  de  la  furfa* 
ce  de  la  terre  ,  trouver  l'arc  du  méridien  intercepté 
entre  l'équateur  &  ce  lieu. 

III.  Étant  connus  l'angle  de  la  route  &  la  latitu- 
de d'un  lieu ,  trouver  l'arc  de  la  loxodromie  termi- 
né par  l'équateur  ,  &  ce  lieu. 

IV.  Étant  connus  l'angle  delà  route  &  la  latitu- 
de d'un  lieu  ,  trouver  la  différence  en  longitude  en- 
tre ce  lieu  &  le  point  où  la  loxodromie  coupe  l'é- 
quateur. 

M.  de  Maupertuis  donne  des  formules  algébriques 
pour  réfoudre  ces  queflions ,  &  fait  voir  comment 
on  y  peut  rapporter  tous  les  problèmes  qu'on  peut 
propofer  fur  la  navigation. 

Il  feroit  à  fouhaiter  qu'on  réduisit  ces  formules  al- 
gébriques en  tables  toutes  calculées,  pour  l'utilité  & 
la  commodité  des  pilotes.  Voye^  Navigation  , 
Route  , Terre,  Loxodromie  ,  &c.  (O) 

CAPOUE ,  (Géog.)  ville  d'Italie  ,  au  royaume  de 
Naples ,  dans  la  terre  de  Labour.  Long.  31.  55.  lat<, 

41- y- 

CAPOZWAR  ,  (Géog.)  petite  ville  forte  de  la 
bafle  Hongrie  ,  fur  la  rivière  de  Capoz. 

*  CAPPADOCE ,  f.  m.  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  con* 
trée  ancienne  Se  confidérable  de  l'Afie  mineure  , 
bornée  par  l'Arménie  mineure  à  l'orient,  la  Cilicie 
au  midi ,  la  Galatie  ôc  la  Pamphilie  au  couchant,  & 
le  Pont-Euxin  au  feptentrion.  Ce  fut  un  royaume  t 
mais  les  Romains  la  réduifirent  en  province  :  elle  ap- 
partient maintenant  aux  Turcs. 

CAPPE  ,  f.  f.  (Sucrerie.  )  c'efl  ainfi  qu'on  appelle 
des  morceaux  de  bois  légers ,  minces  ,  arrêtés  enfem- 
ble  par  le  bout  d'enhaut  ;  on  en  couvre  les  formes 
cafiees  pour  les  mettre  en  état  de  fervir  encore  ;  l'é- 
lévation que  forme  l'aflem!#a°e  des  morceaux  de 
bois  s'appelle  la  tête  ou  le  crochet  de  la  caope. 

CAPPEL,  ou  WALD-CAPPEL  ,  (  Géog.  )  petite 
ville  d'Allemagne  dans  le  pays  de  Hefle,  fur  la 
Vohra. 

CAPRAIA  ,  ou  LA  CAPRÉE  ,  (  Géog.  )  île  d'Ita- 
lie ,  dans  la  mer  de  Tofcane ,  au  nord-cil  de  celle  dé 
Corfe  dont  elle  dépend  ;  elle  a  environ  fix  lieues  de 
tour. 

CAPRANICA  ,  (  Géog.)  petite  ville  d'Italie  dans 
l'état  de  I'Eglife  ,  à  deux  milles  de  Sutri. 

CAPRARA  ,  (  Géog.  )  petite  île  du  golfe  de  Ve- 
nife ,  une  de  celles  de  Trémiti ,  dépendante  du  royau- 
me de  Naples. 

CAPRÉES  ou  CAPRI  ,  (Géog.  )  île  de  la  Médi- 
terranée ,  au  royaume  de  Naples  ,  dans  la  principau- 
té citérieure ,  fameufe  par  la  retraite  &  les  débau- 
ches de  Tibère,  &par  la  grande  quantité  de  cailles 
qui  y  paflent  tous  les  ans. 

CAPRES ,  f.  m.  pi.  (  Marine.  )  c'efl:  le  nom  qu'on 
donne  aux  armateurs  èc  aux  vaifleaux  qui  font  ar- 
més en  guerre  pour  faire  la  courte.  (  Z) 

Câpres  ,  f.  f.  pi.  baie  du  câprier.  Foye^  Câ- 
prier. 

CAPRI ,  (  Géog.  )  capitale  de  l'île  du  même  nom; 
elle  a  un  bon  château  ;  elle  ell  à  8  lieues  de  Naples, 
Lonç.  31.  41.  lut.  40.  J5. 

CAPRIANA,  (Geog.  )  petite  ville  forte  d'Italie, 
dans  le  Mantouan. 

CAPRI ATO  ,  (  Géog.)  petite  ville  d'Italie  ,  dans 
le  marqoifat  de  Montferrat. 

CAPRICE  ,  f.  f.  (  en  Architecture.  )  cm  fe  fert  de  ce 
nom  par  métaphore ,  pour  exprimer  une  compofr- 


63  8 


C  A  P 


tion  bifarre  ,  quoiqu'ingénieufe  ,  maïs  qui  eft  éloi- 
gnée des  préceptes  de  l'Art ,  tels  que  font  les  ouvra- 
ges du  Boromini,  Architecte  d'Italie,  de  Berin,  &de 
îaJoue,  Peintres  &Deffinateurs  François,  &deplu- 
fieurs  autres  de  nos  jours  ;  par  une  imagination 
aufii  fertile  que  déréglée ,  ils  mettent  en  ufage  des  li- 
cences qui  autorifent  la  plupart  des  jeunes  Architec- 
tes fans  expérience  &  fans  règle  à  les  imiter ,  &  par 
là  à  rendre  l'Architefture  fufceptible  de  variations  , 
comme  les  habits  ,  les  modes  ,  &c.  (P  ) 

Caprice,  ou  Fantaisie  ,  forte  de  pièce  de  Mufi- 
que  libre  ,  dans  laquelle  l'auteur  fans  s'affujettir  à 
rien  ,  donne  carrière  à  fon  génie  ,  &  fe  livre  à  tout 
le  feu  de  la  compofition  :  le  caprice  de  Rebel  étoit 
eftimé  dans  fon  tems  ;  aujourd'hui  les  caprices  de  Lo- 
catelli  donnent  de  l'exercice  à  nos  violons.  (  S  ) 

CAPRICORNE ,  (  en  JJlronomie.  )  eft  le  dixième 
figne  du  zodiaque  ;  il  donne  fon  nom  à  la  dixième 
partie  de  l'écliptique.  Voyei  Signe,  Ecliptique. 

Le  caraftere  dont  fe  fervent  les  auteurs  d'Aftrono- 
mie ,  pour  défigner  le  capricorne  ,  eft  >  . 

Les  anciens  ont  regardé  le  capricorne  comme  le  di- 
xième figne  du  zodiaque  ,  &  fixé  le  folftice  d'hy  ver 
pour  notre  hémilphcre  à  l'arrivée  du  foîeil  dans  ce 
figne.  Mais  les  étoiles  ayant  avancé  d'un  figne  tout 
entier  vers  l'orient ,  le  capricorne  eft  maintenant  plu- 
tôt le  onzième  figne  que  le  dixième  ;  &  c'eft  à  l'en- 
trée du  foleil  dans  le  fagittaire  ,  que  fe  fait  le  lolfti- 
ce ,  quoiqu'on  ait  confervé  la  façon  de  s'exprimer 
des  anciens.  foye^  Solstice,  &  Précession. 

Ce  figne  a  dans  les  anciens  monumens,  dans  les 
médailles,  &c.  la  tête  d'un  bouc  &  la  queue  d'un  poit- 
fon ,  ou  la  forme  d'un  égipan  ;  il  eft  quelquefois  dé- 
figné  fimplement  par  un  bouc. 

Le  capricorne  a  dans  les  catalogues  dePtolomée  & 
de  Tycho  28  étoiles;  dans  celui  d'Hevelius,  29; 
quoiqu'au  tems  d'Hevelius  il  en  eût  difparu  une  de 
la  fixieme  grandeur  ,  que  Ticho  comptoit  la  vingt- 
feptieme ,  &£  qu'il  avoit  placée  dans  la  queue  du  ca- 
pricorne. Flamfteed  fait  le  capricorne  de  5 1  étoiles  , 
dans  fon  catalogue  Britannique.  (  O  ) 

Capricorne  ,  f.  n^  ( Hifl.  nat.  Infeclolog.  )  capri- 
cornus ,  cerambix ,  infe£te  de  la  clafTe  de  ceux  qui  ont 
des  fauffes  ailes ,  &  dont  la  bouche  a  des  mâchoi- 
res. Selon  M.  Linnsus,  Syfl.  nat.  le  capricorne  reffem- 
ble  au  cerf-volant  pour  la  grandeur  &  pour  la  cou- 
leur ;  fa  tête  eft  large  ,  les  yeux  font  grands  ;  fa  bou- 
che eft  ouverte  &  garnie  de  deux  dents  crochues  & 
dures.  La  partie  du  corps  qui  correfpond  aux  épau- 
les des  quadrupèdes,  fejnble  être  lculptée  comme  un 
ouvrage  d'ébene  polie  ;  il  a  trois  pattes  qui  ont  cha- 
cune trois  articulations  ,  &  qui  paroiffent  fort  foi- 
bles.il  a  deux  antennes  placées  au-deffus  des  yeux, 
plus  longues  que  le  corps,  &  flexibles ,  par  le  moyen 
de  neuf  ou  dix  articulations  ;  ces  antennes  ne  ibnt 
pas  d'égale  grofTeur  dans  toute  leur  étendue  :  elles 
ont  au  contraire  des  inégalités  ou  des  nœuds  à  peu 
près  comme  ceux  des  cornes  du  bouc  ;  c'eft  d'oii 
vient  le  nom  de  capricorne.  Mouflet,  Thèat.  infect.  Cet 
auteur  ajoute  que  le  capricorne  fe  fufpend  aux  arbres 
par  le  moyen  de  fes  antennes,  qu'il  s'en  aide  pour 
marcher  ,  &  qu'en  rongeant  le  bois  avec  fes  dents , 
il  fait  un  bruit  que  l'on  peut  comparer  au  cri  ou  au 
grognement  des  pourceaux.  Mouflet  donne  auflî  la 
defeription  de  plulieurs  autres  efpeces  de  capricornes  ; 
M.  Linnœus  en  rapporte  dix-huit  efpeces  dans  le  Fau- 
na  Suecica.  Voye-^  Insecte.  (  /) 

CAPRIER ,  f.  m.  (  Hifl.  nat.  bot.  )  capparis  ,  genre 
de  plante  à  fleur  compofée  pour  l'ordinaire  de  qua- 
tre pétales  difpofés  en  rofe.  Il  fort  du  calice  un  piftil 
qui  a  un  embryon  :  cet  embryon  devient  dans  la  fuite 
un  fruit  fait  en  forme  de  poire  ou  une  Clique  char- 
nue ,  dans  laquelle  il  y  a  plulieurs  lemences  qui  font 
allez  fouvent  arrondies ,  ck  d'une  figure  approchante 


CAP 

de  celle  d'un  rein.  Tournefort ,  Injl.  rei  herb.  Voye?^ 
Plante.  (7) 

On  cueille  les  boutons  du  capparis  fpinofa  ,  J.  B.  2.' 
63.  on  les  confit  dans  le  vinaigre ,  &  on  les  envoyé 
par  toute  l'Europe. 

Les  câpres  lont  aftringentes ,  ameres ,  corroborant 
tes  ,  bonnes  pour  les  eftomacs  foibles  &  grofîïers 
chargés  d'humeurs  pituiteules ,  &  qui  ont  perdu  l'ap- 
pétit :  elles  font  bonnes  pour  lever  les  obllruftions 
des  vifeeres  ,  fur-tout  de  la  rate  ;  pour  la  paralyue 
&  les  convulfions  caulées  par  la  fuperfluité  des  hu- 
meurs. On  les  recommande  dans  les  fièvres  chroni- 
ques &  continues. 

On  applique  des  linges  ,  ou  une  éponge  trempée 
dans  la  iaumure  de  câpres  ,  fur  le  côté  au-deflbus  de 
l'hypocondre,  pour  réfoudre  l'enflure  de  la  rate  ;  fi 
l'on  y  ajoute  de  la  femence  de  moutarde ,  pour  que' 
le  vinaigre  puifle  s'imprégner  de  fon  fel  volatil,  le 
remède  n'en  lera  que  meilleur. 

Les  câpres  font  aufïï  bonnes  pour  tuer  les  vers. 

La  racine  du  câprier  eft  une  des  cinq  petites  raci- 
nes apéritives. 

L'écorce  de  cette  racine  eft  apéritive ,  diurétique  ; 
elle  entre  dans  les  tifannés  apéritives. 

L'huile  du  câprier  fe  fait  par  l'ébullition  de  cette 
racine  dans  l'huile  d'olive  :  on  en  oint  la  région  de 
la  rate  dans  les  douleurs  de  cette  partie. 

Cette  huile  eft  fort  compofée  dans  Lémery  ,  & 
n'en  n'eft  pas  meilleure.  Zweifer  ajoute  à  la  compo- 
fition pour  la  rendre  plus  efficace  ,  du  fel  ammoniac, 
du  tabac ,  du  camfi  e  ,  de  l'huile  diftillée  de  gomme 
ammoniaque.   (A) 

*  CAPRIFICATION,  f.  f.  (Hifl.  nat.  bot.  )  ma- 
nière d'élever  des  figuiers.  Les  anciens  en  ont  parlé 
avec  beaucoup  d'admiration}  &  elle  n'eft  pas  ima-  ~ 
ginaire.  Elle  fe  pratique  tous  les  ans  dans  la  plupart  J 
des  îles  de  l'Archipel ,  par  le  moyen  des  moucherons. 
Les  figuiers  y  portent  beaucoup  de  fruits  :  mais  ces 
fruits ,  qui  font  une  partie  des  richefies  du  pays ,  ne 
proriteroient  pas  fi  l'on  ne  s'y  prenoit  de  la  manière 
que  nous  allons  décrire. 

On  cultive  dans  les  îles  de  l'Archipel  deux  fortes 
de  figuiers.  La  première  efpece  s'appelle  ornos  ,  du 
Grec  littéral  erinos ,  qui  fignifie  le  figuier  fauvage  ou 
le  caprificus  des  Latins.  La  féconde  efpece  eft  le  figuier 
domeltique.  Le  fauvage  porte  trois  fortes  de  fruits  ," 
qui  ne  font  pas  bons  à  manger ,  mais  qui  font  abfo- 
lument  néceflaires  pour  faire  mûrir  ceux  desfigujgrs 
domeftiques.  Les  fruits  du  fauvage  font  nommés/or- 
nites  ,  cratitires*,  &  orni.  Ceux  qu'on  appelle  fornites 
paroifiént  dans  le  mois  d'Août  ,  &  durent  jufqu'en 
Novembre  fans  mûrir  :  il  s'y  engendre  de  petits  vers 
de  la  piquûre  de  certains  moucherons  ,  que  l'on  ne 
voit  voltiger  qu'autour  de  ces  arbres.  Dans  les  mois 
d'Octobre  &  de  Novembre  ces  moucherons  piquent 
d'eux-mêmes  les  féconds  fruits  des  mêmes  pies  du  fi- 
guier. Ces  fruits  que  l'on  nomme  cratitires  ne  fe  mon- 
trent qu'à  la  fin  de  Septembre,  &  les  fomites  tombent 
peu  à  peu  après  la  fortie  de  leurs  moucherons  :  ces 
cratitires  au  contraire  relient  fur  l'arbre  jufqu'au  mois 
de  Mai ,  &  renferment  les  œufs  que  les  moucherons 
des  fornites  y  ont  laiffés  en  les  piquant.  Dans  le  mois 
de  Mai ,  la  troifieme  efpece  de  fruit  commence  à 
pouffer  fur  les  mêmes  pies  des  figuiers  fauvages,  qui 
ont  produit  les  deux  autres.  Ce  fruit  eft  beaucoup 
plus  gros ,  &  fe  nomme  orni.  Lorfqu'il  eft  parvenu 
à  une  certaine  grofleur ,  ce  que  fon  œil  commence  à 
s'entr'ouvrir ,  il  eft  piqué  dans  cette  partie  par  les 
moucherons  des  cratitires ,  qui  fe  trouvent  en  était  de 
paffer  d'un  fruit  à  l 'autre  pour  y  décharger  leurs  ceure. 
Il  arrive  quelquefois  que  les  moucherez  des  cratiti- 
res tardent  à  fortir  dans  certainç  quartiers  ,  tandis  que 
les  orni  de  ces  mêmes  quartiers  font  dilpoics  à  les  re- 
cevoir. On  eft  obligé  dans  ce  cas-là  d'aller  chercher 


CAP 

des  craàùres  dans  un  autre  quartier,  &  de  les  ficher 
à  l'extrémité  des  branches  des  figuiers,  dont  les  orni 
font  en  bonne  difpofition ,  afin  que  les  moucheronsles 
piquent.  Si  l'on  manque  ce  tems-là,les  orni  tombent, 
&c  les  moucherons  des  cratitires  s'envolent  ,  s'ils  ne 
trouvent  pas  des  orni  à  piquer.  Il  n'y  a  que  les  payfans 
qui  s'appliquent  à  la  culture  des  figuiers  ,  qui  con- 
nohTent  le  vrai  tems  auquel  il  faut  y  pourvoir ,  & 
pour  cela  ils  oblervent  avec  loin  l'œil  de  la  figue  ; 
car  cette  partie  ne  marque  pas  feulement  le  tems  que 
les  piqueurs  doivent  fortir,  mais  aufli  celui  où  la  fi- 
gue peut  être  piquée  avec  fuccès.  Si  l'œil  eft  trop  dur 
6c  trop  ferré  ,  le  moucheron  n'y  fauroit  dépoler  les 
œufs  ,  &  la  figue  tombe  lorfque  cet  œil  eft  trop  ou- 
vert. Ce  n'eft  pas-là  tout  le  myftere  :  ces  trois  fortes 
de  fruits  ne  font  pas  bons  à  manger;  ils  font  deftinés 
par  l'auteur  de  la  nature,  comme  nous  l'avons  dit , 
à  faire  mûrir  les  figues  des  figuiers  domeftiques. 
Voici  l'ufage  qu'on  en  fait.  Dans  les  mois  de  Juin  & 
de  Juillet,  les  paylans  prennent  les  orni  dans  le  tems 
que  leurs  moucherons  font  prêts  à  fortir ,  &  les  vont 
porter  fur  les  figuiers  domeftiques.  Ils  enfilent  plu- 
sieurs de  ces  fruits  dans  des  fétus ,  tk  les  placent  fur 
ces  arbres  à  meiure  qu'ils  le  jugent  à  propos.  Si  l'on 
manque  ce  tems-là ,  les  orni  tombent ,  &  les  fruits  du 
figuier  domeflique  ne  mûriffant  pas  ,  tombent  en 
aufli  peu  de  tems.  Les  payfans  connoiffent  fi  bien 
ces  précieux  momens ,  que  tous  les  matins  en  taifant 
leur  revue  ,  ils  ne  tranfportent  fur  les  figuiers  domef- 
tiques  que  des  orni  bien  conditionnés  ;  autrement  ils 
perdroient  leur  récolte.  Il  eft  vrai  qu'ils  ont  encore 
une  reffource  ,  quoique  légère  ;  c'eft  de  répandre  fur 
les  figuiers  domeltiques  les  fleurs  d'une  plante  qu'ils 
nomment  afcolimbros.  Il  fe  trouve  quelquefois  dans 
les  têtes  de  ces  fleurs  des  moucherons  propres  à  pi- 
quer ces  figues  ;  ou  peut  -  être  que  les  moucherons 
des  orni  vont  chercher  leur  vie  fur  les  fleurs  de  cette 
plante.  Enfin  les  payfans  ménagent  fi  bien  les  orni  , 
que  leurs  moucherons  tont  mûrir  les  figues  du  figuier 
domeflique  dans  l'clpace  d'environ  quarante  jours. 
Ces  figues  fraiches  font  fort  bonnes.  Pour  les  lécher, 
on  les  expofe  au  foleil  pendant  quelque  tems  ;  après 
quoi  on  les  pafle  au  four,  afin  de  les  conlerver  pen- 
dant le  reftede  l'année. C'efl  une  des  principales  nour- 
ritures des  ifles  de  l'Archipel  ;  car  on  n'y  trouve 
gueres  que  du  pain  d'orge  &  des  figues  feches.  Il  s'en 
faut  bien  pourtant  que  ces  figues  ïbient  auifi  bonnes 
que  celles  que  l'on  lèche  en  Provence  ,  en  Italie  &  en 
Efpagne  ;  la  chaleur  du  four  leur  fait  perdre  leur  bon 
goût  :  mais  d'un  autre  côté  elle  fait  périr  les  œufs 
que  les  piqueurs  de  Yorni  y  ont  déchargés  ,  &C  ces  œufs 
ne  manqueraient  pas  de  produire  de  petits  vers  qui 
endommageroient  ces  fruits.  Voilà  bien  de  la  peine 
&  du  tems  perdu  ,  dira  - 1  -  on  ,  pour  n'avoir  que  de 
méchantes  figues.  Quelle  doit  être  la  patience  des 
Grecs  qui  patient  plus  de  deux  mois  à  porter  les  pi- 
queurs d'un  figuier  à  l'autre  ;  &  ne  lemble-t-il  pas 
qu'ils  devroient  plutôt  cultiver  les  efpeces  de  figuiers 
que  l'on  élevé  en  France  &  en  Italie  ?  Mais  ce  qui 
les  détermine  à  préférer  cette  efpece  inférieure ,  c'eft 
la  quantité  de  beaucoup  fupéricurc  de  fruits  qu'ils  en 
retirent.  Un  de  leurs  arbres  produit  ordinairement 
jufqu'à  280  livres  de  figues ,  au  lieu  que  les  autres 
n'en  produifent  pas  2.5  livres.  Peut-être  que  les  pi- 
queurs contribuent  à  la  maturité  des  fruits  du  figuier 
domeftique ,  en  faifant  extravalcr  le  lue  nourricier , 
dont  ils  déchirent  les  tuyaux  lorlqu'ils  y  déchargent 
leurs  œufs  :  peut-être  aulli  qu'avec  ces  œufs  ils  lail- 
fent  échapper  quelque  liqueur  qui  fermente  douce- 
ment avec  le  lait  de  la  ligue  ,  &  en  attendrit  la  chair. 
Les  figues  en  Provence  &  à  Paris  même  ,  mûriflent 
bien  plutôt,  fi  on  pique  leurs  yeux  avec  une  paille  , 
ou  avec  une  plume  graiffée  d'huile  d'olive.  Les  pru- 
nes 6c  les  poires  qui  ont  été  piquées  par  quelque  in- 


CAP 


639 


fecle  ,  mùriffent  bien  plutôt  aufli  ,  &  même  la  chair 
qui  eft  autour  de  la  piquûre  eft  de  meilleur  goût  que 
le  refte.  Il  eft  hors  de  doute  qu'il  arrive  un  change- 
ment conlïdérable  à  la  tiflure  des  fruits  piqués.  Il  lem- 
ble  que  la  principale  caufe  en  doit  être  1  apportée  à 
l'épanchement  de  lues  ,  qui  ne  s'altèrent  pas  leule- 
ment  lorfqu'ils  font  hors  de  leurs  vaifieaux  ,  mais  qui 
altèrent  les  parties  voifines  :  de  même  qu'il  arrive 
aux  tumeurs  des  animaux  furvenues  a  l"occafion  des 
piquûres  de  quelque  infiniment  aigu.  Miin.  de  Tacad. 
des  Sciences ,  ann.  IJQÔ.  pag.  44  J.  &  Juiv.  Article 
communiqué  par  M.  Formey. 

CAPRIOLE ,  vojei  Cabriole. 

CAPRISANT,  adj.  (Médecine.)  épithete  du  pouls 
irrégulier  &  fautillant,  dans  lequel  i'artei  e  inten  ompt 
fon  mouvement  ;  enlorte  que  le  fécond  battement 
qui  vient  après  cette  interruption  ,  eft  plus  prompt 
Se  plus  fort  que  le  premier  :  de  même  qu'il  arrive 
aux  chèvres  qui  bondiflent  ôc  femblent  faire  un  dou- 
ble mouvement  en  marchant.  Galien,  de  Dijf.  pulf. 
lib.  I.  c.ip.  xxix. 

CAPRONS ,  (Jardinage.)  ce  font  de  grofles  fraifes 
plus  belles  que  bonnes  ,  dont  on  fait  peu  de  cas  ,  & 
qui  mùriiTent  en  même  tems  que  les  autres.  Leurs 
feuilles  lont  plus  larges  &  en  plus  grand  nombre. 

(*) 

CAPRONEZA,  (Géog.)  petite  ville  de  Hongrie , 

dans  l'Elclavonie,  à  deux  milles  de  la  Save. 

*  CAPROTINE,  adj.  f.  (Hijl.  anc.  )  furnom  que 
les  anciens  Romains  avoient  donné  à  Junon  &  aux 
nones  de  Juillet ,  tems  auquel  ils  célébi oient  une  fête 
dont  Plutarque  &  Macrobe  racontent  ainfi  l'origine. 
Les  peuples  voifins  de  Rome  crurent  qu'il  leur  le- 
roit  facile  de  prendre  ou  de  détruire  cette  ville 
épuilée  ,  après  l'invafion  des  Gaulois.  Ils  s'afiemble- 
rent,  &  mirent  à  leur  tête  Lucius ,  dictateur  des  Fi- 
denates.  Lucius  fit  annoncer  aux  Romains  par  un  hé- 
raut ,  que  le  feul  moyen  qu'ils  euffent  de  conlerver 
les  reftes  de  leur  ville ,  c'etoit  de  lui  livrer  leurs  tem- 
mes  &  leurs  filles.  Les  fénateursneiavoient  quel  parti 
prendre,  lorfqu'une  efclave  appellée  Philotis ,  per- 
liiada  à  fes  compagnes  de  fe  couvrir  des  habits  de 
leurs  maîtrefles  ,  &  de  pafler  dans  le  camp  ennemi. 
Ce  qui  fut  exécuté.  Le  général  les  diftribua  aux  ca- 
pitaines &c  aux  foldats.  Ces  filles  les  invitèrent  à  pren- 
dre part  à  une  fête  folennelle  qu'elles  feignirent  de 
célébrer  entr'elles.  Les  hôtes  féduits  par  cette  inno- 
cente fupercheric,  s'abandonnèrent  à  la  débauche  : 
mais  lorlqu'ils  furent  afioupis  par  le  vin  &  par  le  lom- 
meil  ,  elles  appellerent  les  Romains  par  un  lignai 
qu'elles  leur  donnèrent  du  haut  d'un  figuier  fauvage. 
Ceux-ci  accoururent,  &  rirent  main-baffe  par-tout. 
La  liberté  fut  accordée  à  ces  généreufes  elclaves, 
avec  une  fomme  d'argent  pour  le  marier  ;  le  jour  de 
cette  délivrance  extraordinaire  ,  appelle  Nones  c'-r- 
protines  ou  du  figuier;  &  une  tète  mftitr.ee  tous  le  mê- 
me nom  en  l'honneur  de  Jr.non.  Depuis  ce  tems  ,  à 
pareil  jour  ,  les  elclaves  1  égaloient  leurs  maîtrefles 
hors  de  la  ville  ,  fous  des  figuiers  fauvages  ,  luttoient 
entr'elles,  &  rappelloient  par  des  exercices  la  mé- 
moire d'une  défaite  qu'elles  avoient  occafionnée  par 
leur  dévouement  &  leur  induftrie. 

CAPSA  ,  (  Gcog.  )  ville  de  la  Turquie  en  Europe 
dans  la  Romanie. 

*  CAPSAIRE,  f.  m.  (  HiJI.  anc.  & mod.)  Les  Ro- 
mains &:  les  Grecs  donnoient  ce  nom  àceu\  quigar- 
doient  les  habits  dans  les  bains  publics,  &:  à  certains 
domeltiques  qui  conduilbient  les  enfans  à  l'école, 
portant  leurs  livres  dans  une  boîte  ,  cap/a. 

CAPSCHAC  ,  (Gcog.)  pays  très-conlidérable 
de  la  Tartarie ,  qui  s'étend  depuis  le  Turqueftan  juf- 
qu'au  NVolga  ,  &  depuis  le  Volga  jufqu'au  pays  de 
Crimée.  Sa  plus  grande  étendue  eft  depuis  la  mer 
Cafpienne  jufqu'à  la  mer  Glaciale. 


640 


CAP 


C  A  P  S  E ,  f.  f.  efpece  de  chauffe  de  velours  mi- 
partie  ,  dans  laquelle  on  met  les  billets  le  jour  de  l'é- 
lection des  prévôt  des  marchands  &  échevins. 

C APSULAIRE ,  adj.  (  en  Anatomie.  )  épithete  des 
ligamens  &  des  membranes  qui  forment  avec  les  os 
auxquels  elles  font  attachées  des  efpeces  de  capfules. 
Voye^  Ligament,  Membrane  ,  &  Capsule.  {L) 

CAPSULE  lignifie  à  la  lettre  bourfe ,  étui,  poche. 
Ce  mot  vient  du  latin  capfula ,  diminutif  de  cap/a  , 
qui  fignifie  une  boîte  à  ferrer  quelque  chofe. 

La  capfule  de  Glifîbn  eft  une  membrane  qui  naît  du 
péritoine ,  enveloppe  le  tronc  de  la  veine-porte  à 
ion  entrée  dans  le  foie ,  &  lui  fert  comme  d'étui ,  fe 
partageant  en  autant  de  branches  qu'elle ,  &  l'ac- 
compagnant jufques  dans  fes  moindres  ramifications. 
Voye^  Veine-Porte. 

Cette  même  capfule  ou  membrane  enferme  auffi 
ïe  conduit  biliaire ,  &  autres  vaiffeaux  du  foie ,  ce 
qui  lui  a  fait  donner  le  nom  de  capfule  commune.  V. 
Conduit  biliaire. 

Capfule  du  cœur  eft  une  membrane  qui  environne 
ïe  cœur,  la  même  que  celle  qu'on  appelle  plus  com- 
munément péricarde.  Voye^  PÉRICARDE. 

CAPSULES  atrabilaires ,  (autre  terme  dAnatomie)  fe 
dit  de  deux  glandes  fituées  fur  les  veines  ,  qu'on  ap- 
pelle auffi  reins  fuccenturiaux  ou  glandes  rénales.  L'é- 
pithete  à' atrabilaires  leur  a  été  donnée  à  caufe  de  la 
liqueur  noire  qui  fe  trouve  dans  leur  cavité  ;  &  celle 
de  rénales  ou  reins  fuccenturiaux ,  à  caufe  de  leur  po- 
iition.  Voy.  Reins  Succenturiaux  &  Rénales. 

Elles  font  à  peu-près  de  la  grofTeur  d'une  noix  vo- 
mique  ;  leur  figure  n'eft  pas  tout-à-fait  la  même  dans 
tous  les  fujets  :  dans  quelques-uns  elles  font  rondes  ; 
dans  d'autres  triangulaires,  quarrées,  &c.  La  mem- 
brane dont  elles  font  couvertes  eft  très-fine ,  &  leur 
cavité  confidérable  à  proportion  de  leur  volu- 
me. On  ne  fait  pas  bien  quel  eft  leur  ufage  ;  il  y  a 
pourtant  apparence  qu'elles  fervent  à  féparer  l'hu- 
meur noire  qu'on  trouve  dans  leur  cavité  ,  Se  qui  eft 
enfuite  verfée  par  leur  veine  dans  l'émulgente ,  où 
elle  fe  mêle  avec  le  fang ,  auquel  elle  fert  de  ferment, 
ïelon  quelques-uns  ;  &  félon  d'autres ,  de  délayant 
pour  l'atténuer  &  le  rendre  moins  épais.  Ces  glan- 
des dans  le  fœtus  font  prefque  de  la  grofTeur  des  reins. 
Voyei  Bile. 

Capsules  féminales.  C'eft  la  même  chofe  que  vê- 
Jlculesféminales.  Voye^  VÉSICULES  SÉMINALES.  {L) 

Capsule  ,  capfula ,  {Hifl.  nat.  bot.)  c'eft  une  loge 
ou  une  forte  de  boîte ,  theca ,  qui  renferme  les  femen- 
ces  des  plantes.  Cette  enveloppe  eft  plus  ou  moins 
mince  ou  épaifle ,  plus  ou  moins  molle  ou  dure ,  &c. 
Tournefort,  Inft.  rei  herb.  (I) 

C  APTATEUR ,  f.  m.  terme  de  Palais ,  par  où  l'on 
entend  celui  qui  par  flatteries  &  par  artifices  tâche  à 
furprendre  des  teftamens  ou  des  donations.  {H  ) 

CAPTIF,  f.  m.  {Hifl.  mod.)  efclave  ou  perfonne 
proie  fur  l'ennemi ,  en  particulier  par  un  pirate  ou 
corfaire.  Voye^  Esclave,  Pirate,  &c 

On  appelle  plus  particulièrement  de  ce  nom  les 
«fclaves  chrétiens  que  les  corfaires  de  Barbarie  font 
dans  leurs  courfes,  &  que  les  PP.  de  la  Merci  &  les 
Mathurins  vont  racheter  de  tems  en  tems  à  Alger  & 
dans  d'autres  endroits  de  la  partie  feptentrionale  d'A- 
frique. 

CAPTIVERIE,  f.  f.  {Commerce.)  on  nomme  ainfi 
dans  le  commerce  des  Nègres ,  qui  fe  fait  par  les  Fran- 
çois au  Sénégal ,  des  grands  lieux  deftinés  à  renfer- 
mer les  captifs  que  l'on  traite,  &  dans  lefquels  on  les 
tient  jufqu'à  ce  qu'ils  foient  en  allez  grand  nombre 
pour  être  tranfportés  aux  vaifleaux  &  envoyés  aux 
îles. 

Les  captiveries  les  plus  grandes  &  les  plus  fûres  que 
la  compagnie  Françoife  du  Sénégal  ait  dans  toute  ré- 


CAP 

tendue  de  fa  conceffion,  font  celles  de  l'île  de  Gorée. 

{G) 

CAPTURE ,  f.  f.  terme  de  Pratique ,  eft  l'appréhen- 
fion  au  corps  d'un  débiteur  ou  criminel  par  des  ar- 
chers ou  fergens ,  à  l'effet  d'être  conduit  &  détenu 
dans  les  priions.  {H) 

*  CAPUCHON ,  f.  m.  {Hifl.  eccléf.)  efpece  de  vê- 
tement à  l'ufage  des  Bernardins ,  des  Bénédictins.  &c. 
Il  y  a  deux  fortes  de  capuchons  ;  l'un  blanc ,  fort  am- 
ple ,  que  l'on  porte  dans  les  occafions  de  cérémo- 
nie :  l'autre  noir ,  qui  eft  une  partie  de  l'habit  ordi- 
naire. 

Le  P.  Mabillon  prétend  que  le  capuchon  étoit  dans 
fon  origine ,  la  même  chofe  que  le  fcapulairc.  Mais 
l'auteur  de  l'apologie  pour  l'empereur  Henri  IV.  dif- 
tingue  deux  efpeces  de  capuchon;  l'une  étoit  une  robe 
qui  delcendoit  de  la  tête  jufqu'aux  pies ,  qui  avoit 
des  manches,  &  dont  on  le  couvroit  dans  les  jours  6c 
les  occafions  remarquables  ;  l'autre ,  une  forte  de 
camail  pour  les  autres  jours  :  c'eft  ce  dernier  qu'on 
appelloit  proprement  feapulaire ,  parce  qu'il  n'enve- 
loppoit  que  la  tête  &  les  épaules.  V.  Scapulaire. 

Capuchon,  fe  dit  plus  communément  d'une  pièce 
d'étoffe  groffiere ,  taillée  &  coufue  en  cône ,  ou  ar- 
rondie par  le  bout ,  dont  les  Capucins ,  les  Récolets  , 
les  Cordeliers  ,  &  d'autres  religieux  mendians  ,  fe 
couvrent  la  tête. 

Le  capuchon  fut  autrefois  l'occafion  d'une  grande 
guerre  entre  les  Cordeliers.  L'ordre  fut  divifé  en 
deux  fatlions  ,  les  frères  fpirituels ,  &  les  frères  de 
communauté.  Les  uns  vouîoient  le  capuchon  étroit , 
les  autres  le  vouîoient  large.  La  difpute  dura  plus 
d'un  fiecle  avec  beaucoup  de  chaleur  &  d'animolîté  , 
&  fut  à  peine  terminée  par  les  bulles  de  quatre  pa- 
pes, Nicolas  IV,  Clément  V,  Jean  XXII,  &  Benoît 
XII.  Les  religieux  de  cet  ordre  ne  fe  rappellent  à 
prélent  cette  conteftation  qu'avec  le  dernier  mépris. 

Cependant  fi  quelqu'un  s'aviloit  aujourd'hui  de 
traiter  le  Scotifme  comme  il  le  mérite  ,  quoique  les 
futilités  du  dofteur  fubtil  foient  un  objet  moins  impor- 
tant encore  que  la  forme  du  coqueluchon  de  fesdif- 
ciples  ,  je  ne  doute  point  que  l'agrefteur  n'eût  une 
querelle  fort  vive  à  foûtenir  ,  &  qu'il  ne  s'attirât 
bien  des  injures. 

Mais  un  Cordelier  qui  auroit  du  bon  fens  ne  pour- 
roit-il  pas  dire  aux  autres  avec  raifon  :  «  Il  me  fem- 
»  ble ,  mes  pères  ,  que  nous  faifons  trop  de  bruit 
»  pour  rien  :  les  injures  qui  nous  échapperont  ne  ren- 
»  dront  pas  meilleur  l'ergotifme  de  Scot.  Si  nous  at- 
»  tendions  que  la  faine  philofophie,  dont  les  lumie- 
»  res  fe  répandent  partout ,  eût  pénétré  un  peu  plus 
»  avant  dans  nos  cloîtres  ,  peut-être  trouverions- 
»  nous  alors  les  rêveries  de  notre  docteur  auffi  ridi- 
»  cules  que  l'entêtement  de  nos  prédécelîéurs  fur  la 
»  rnelure  de  notre  capuchon  ».  Voye?  les  articles  Cor- 
deliers &Scotisme. 

CAPUCIATI  ou  ENCAPUCHONNÉS ,  certains 
hérétiques  qui  s'élevèrent  en  Angleterre  en  1 387,  & 
qui  furent  ainfi  nommés ,  parce  qu'ils  ne  fe  décou- 
vraient point  devant  le  S.  Sacrement.  Ils  fuivoient 
les  erreurs  de  "Wiclef ,  &  foùtenoient  l'apoftafie  de 
Pierre  Pareshul ,  moine  Auguftin ,  lequel  ayant  quitté 
le  froc,accufa  fon  ordre  de  pluûeurs  crimes.  Sponde, 

A-  c.  137 y. 

CAPUCINS,  religieux  de  l'ordre  de  S.  François, 
de  la  plus  étroite  oblervance.  Voye%_  Religieux. 

On  leur  donna  ce  nom  par  rapport  à  la  réforme 
extraordinaire  de  leur  capuchon.  Ils  font  vêtus  d'une 
groffe  robe ,  d'un  manteau ,  &  d'un  capuce  d'un  gros 
drap  gris  ;  portent  la  barbe ,  des  fandales ,  &  une 
couronne  de  cheveux.  Cette  réforme  des  Mineurs  ou 
Cordeliers  a  pour  auteur  Matthieu  de  Balchi ,  frère 
Mineur  obfervantin  ,  du  duché  de  Spolete  ,  &  reli- 
gieux au  couvent  de  Montefiafcone ,  qui,  en  1 5 2. 7 , 

aflura 


C  A  P 


C  A  P 


641 


afîTira  que  Dieu  Favoit  averti  plulîeurs  fois ,  d'une 
manière  miraculeule  ,  qu'il  devoit  pratiquer  à  !a  let- 
tre la  règle  de  S.  François.  Dans  ce  deiîéin  il  le  re- 
tira ,  avec  la  permiffion  du  pape  Clément  VII ,  dans 
une  folitude  ,  oii  il  fut  fuivi  de  douze  autres  perfon- 
nes.  Le  duc  de  Florence  leur  donna  un  hermitage 
dans  l'es  terres  ,  Se  Clément  VII.  approuva  leur  con- 
grégation par  une  bulle  de  1 5  2.9.  Son  fucceffeur,  Paul 
ÏII ,  la  confirma  en  1535,  avec  pcrmiffîon  de  s'établir 
par-tout,  &  lui  donna  un  vicaire  général  avec  des  fii- 
péricurs.  Ils  furent  reçus  en  France  fous  Charles  IX , 
&  s'y  font  tellement  multipliés ,  qu'ils  y  ont  dix  pro- 
vinces en  comprenant  celle  de  Lorraine.  Ils  rendent 
des  fervices  à  l'Eglife  par  les  catéchifmes ,  conféren- 
ces ,  prédications ,  millions  auxquelles  ils  font  em- 
ployés ,  &  doivent  pratiquer  la  plus  étroite  pauvre- 
té, leurs  maiibns  ne  fubiiftant  que  d'aumônes.  Il  y 
a  aulfi  des  Religieules  capucines.  (G) 

*  Quoique  leurs  conftitutions  auxquelles  ils  font 
toujours  reftés  lort  attachés,  &  l'indigence  extrême 
dont  ils  font  profeffion  particulière  ,  ne  leur  ayent 
guère  permis  de  fe  livrer  à  des  études  affidues  ,  ce- 
pendant ils  ont  eu  d'habiles  gens  en  différens  gen- 
res ,  &  l'on  doit  préfumer ,  à  Fefprit  d'émulation  qui 
commence  à  les  animer  ,  que  le  favoir  y  deviendra 
encore  plus  commun.  Il  cil  à  fouhaiter  que  les  fupé- 
rieurs  donnent  toute  leur  attention  à  fortifier  cet  ef- 
prit ,  &  que  l'Eglife  repare  de  ce  côté  les  pertes  de 
lumière  qu'elle  lemble  faire  de  plufieurs  autres. 

CAPUCINE,  f.  f.  {Hifl.  nat.  bot.)  cardamindum  , 
genre  de  plante  à  fleur  polypétale  irréguliere,  com- 
pofée  de  cinq  pétales  qui  lortent  des  échancrures  du 
calice  :  le  calice  efl  terminé  par  un  prolongement  en 
forme  de  queue  :  le  piftil  fort  du  fond  du  calice ,  Se 
devient  dans  i.i  fuite  un  fruit  compofé  pour  l'ordi- 
naire de  trois  capfules  arrondies  Se  raffemblces  en 
forme  de  tête.  Chaque  caphile  renferme  une  femen- 
ce  de  même  figure.  Tournefort ,  Injî.  rei  herb.  Voye^ 
Plante.  (/) 

On  fe  fert  de  la  capucine  pour  couvrir  les  murs 
des  petits  jardins  des  cours ,  Se  pour  ombrager  quel- 
que cabinet  de  treillage  ,  dont  elle  gagne  le  haut  en 
la  palifTant  avec  du  jonc.  Sa  culture  confifle  à  en  la- 
bourer le  pié  en  forme  de  plate-bande  ,  &  répandre 
deflus  un  pouce  d'épaiffeurde  bon  terreau,  Se  l'ar- 
rofer  de  tems  en  tems.  Il  y  a  la  grande  6c  la  petite 
capucine.   (/C  ) 

*  CAPUK  ou  CAPAS-PUSSAR,  {Hifl.  nat.  bot.) 
c'eft  le  nom  d'un  arbre  qui  croît  communément  aux 
Indes  orientales  ,  fans  culture  &  de  lui-même  ,  &  fe 
multiplie  par  la  femence  qui  en  tombe  :  fes  feuilles 
reflemblent  à  Vagnus-caflus ,  mais  elles  font  un  peu 
plus  longues  Se  plus  larges  ;  fes  branches  croiffent  à 
côté  les  unes  des  autres  par  couronnes.  Le  fruit  qui 
en  vient  cft  une  gonfle  fort  épailfe  ,  de  la  longueur 
de  !  :  main  ,  qui  léchée  par  le  foleilfc  crevé  &  tom- 
be ;  les  Indiens  la  ramaffent  Se  en  tirent  le  capuk  ,  qui 
efl  une  efpece  de  coton  ,  qu'ils  renferment  dans  des 
facs  faits  d'écorec  d'arbres,  Se  vont  le  vendre  aux 
Hollandois  à  Batavia  :  on  s'en  fert  au  lieu  de  plumes 
pour  garnir  les  oreillers  &  les  matelas  des  lits. 

CÀPULE  ,  f.  m.  {Hifl.  anc.)  c'étoit  chez  les  an- 
ciens Romains  une  bière  ou  cercueil ,  pour  porter  les 
morts  en  terre.  De-là  vient  qu'on  appelloit  les  vieil- 
lards capulares  fenes  ,  Se  les  criminels  condamnés  à 
mort  capulares  rei ,  pour  exprimer  que  les  uns  Se  les 
autres  étoient  fur  le  bord  de  leur  folle  ,  Se  près  de  la 
bière  ou  du  tombeau.  {G) 

CAPULO  ou  CAPOUL ,  {Géog.)  île  d'Afie,  l'une 
des  Philippines  ,  appartenante  aux  Ffpaçnols. 

*  CAPURIONS ,  fub.  m.  {Hifi.  mod.  &  anc.)  La 
ville  de  Rome  efl  encore  aujourd'hui  divifée,  com- 
me elle  l'étoit  du  tems  des  Céfars,  en  quatorze  ré- 
gions ou  quartiers,  que  les  Italiens  nomment  rio;'d$ 

Tome  II, 


en  ont  feulement  changé  les  noms.  Il  en  efl  arrivé  dé 
même  des  officiers.  Ils  étoient  fous  les  empereurs  au 
nombre  de  dix-huit  ;  ils  font  aujourd'hui  dix-huit.  Ils 
s'appelloient  fous  Augufte ,  curatores  regionum  urbis  ; 
on  les  nomme  à  préfent  capurioni.  Leurs  fondions  font 
les  mêmes ,  &  c'eft  à  eux  d'entretenir  la  tranquillité 
publique ,  d'empêcher  qu'il  ne  fe  commette  des  vio- 
lences dans  les  mes ,  d'en  informer  les  magiitrars  de 
police ,  veiller  à  ce  que  chaque  citoyen  s'applique  à 
une  profeffion  honnête  ,  pourfuivre  les  gens  de  mau* 
yaife  vie ,  chafTer  les  fainéans ,  avoir  l'œil  fur  les  édi* 
fices  publics,  aflembler  les  citoyens  quand  il  en  efl 
befoin  ,  furveiller  les  boulangers ,  les  bouchers ,  Se 
autres  gens  d'arts  ;  d'où  l'on  voit  que  les  curatores 
urbis  des  anciens ,  les  capurions  des  Italiens  d'aujour- 
d'hui, &  nos  commiffaires,  ont  beaucoup  de  rapport 
entr'eux, 

CAPUT  DR ACONIS,  tête  de  dragon,  en  Aftro* 
norme  ;  c'eft  le  nœud  afeendant  de  la  lune.  Voyc^ 
Dragon  &  Nœud.  (O) 

CdPVT  mortuum,  {Chimie.)  Les  Chimifles  ont 
déligné  par  cette  expreffion  le  produit  le  plus  fixe 
des  analyfes  ordinaires,  faites  par  le  moyen  de  la 
diilillation ,  ou  la  partie  du  corps  analylé  qui  a  été 
épuifée  par  le  feu  (pouffé  au  plus  haut  degré  auquel 
ils  avoient  coutume  de  l'élever  dans  les  diflillations) 
Se  qui  refle  encore ,  après  l'opération ,  au  fond  du 
vaiffeau  dans  lequel  les  matières  à  diftiller  ont  été 
expofées  au  feu. 

Le  caput  mortuum  étoit  un  des  cinq  principes  pré- 
tendus des  anciens  Chimifles ,  ou  plutôt  un  des  cinq 
produits  des  anciennes  analyfes  chimiques.  Ces  cinq 
produits  étoient  Fefprit  ou  mercure  ,  le  phlegme  , 
l'huile  ou  foufre  ,  le  fel ,  &  la  terre  damnée  ou  caput 
mortuum,  Foye^  Principe. 

C'efl  avec  raifon  qu'on  commence  à  bannir  Fex- 
preffion  caput  mortuum  du  langage  chimique ,  Se  de 
lui  fubftituer  le  mot  générique  Se  indéterminé  de  ri- 
fidu.  La  première  dénomination  efl  abfolument  faill- 
ie ;  car  on  pourroit  regarder ,  fur  la  foi  du  nom ,  les 
matières  qu'elle  défigne ,  comme  dépouillées  de  tout 
principe  actif,  comme  indeftructibles ,  ou  ne  donnant 
prife  à  aucun  agent  naturel  ;  en  un  mot  comme  une 
pure  terre  exactement  fîmple ,  Se  par  confisquent  con- 
nue autant  qu'il  efl  poffible  par  l'art ,  ou  du  moins  peu 
digne  d'un  examen  ultérieur  ;  Se  c'efl  là  l'idée  que  plu- 
fieurs Chimifles  s'en  étoient  faite. 

Mais  ces  matières  ne  font  rien  moins  que  fimples 
&  inaltérables  ;  elles  contiennent  le  plus  fouvent  des 
fubftances  faîines ,  foit  neutres,  foit  alkalines ,  qu'on 
en  k  pare  très-facilement.  A'byj^LixiviATiON.  Les 
rélîdus  charboneux  contiennent  au  moins  du  phlo- 
giftique  ,  qui  en  efl  très-féparable  auffi.  f'oye^  Inci- 
nération &  Chareon. 

D'ailleurs  l'examen  ultérieur  du  rendu  des  distilla- 
tions que  j'appellerai  analytiques  (  de  celles  qu'on 
pouffe  à  grand  feu  ,  car  ce  n'efl  que  de  celles-là  dont 
il  s'agit  dans  cet  article  )  entre  néceffairement  dans 
la  fuite  des  opérations  d'un  procédé  régulier.  Il  efl 
même  telle  de  ces  diflillations  qu'on  n'exécute  que 
pour  ce  produit ,  pour  le  réfîdu  ;  comme  fi  on  diflil- 
loit,  par  exemple,  une  huile  minérale  avec  de  l'al- 
kali  fixe,  ou  un  lavon  de  Starckey  préparé  avec  une 
huile  effentielle  dans  laquelle  on  fbupçonne  l'acide 
vitriolique  ou  le  marin  ,  pour  vérifier  ce  foupçon. 

La  nouvelle  anaiyfe  ,  ou  Fanalyfe  par  combinaî- 
fons,  exige  fans  contredit  cet  examen;  &  c'efl  même 
fans  doute  ,  la  méthode  de  cette  anaiyfe  étendue  aux 
diflillations  des  fubffances  regardées  comme  uniques 
ou  homogènes ,  comme  celle  d'une  plante ,  d'une  gom- 
me ,  d'une  graille  ,  &c  qui  a  réveillé  l'attention  fur 
l'abus  de  negUgeries  rendus  de  ces  dernières  opéra- 
tions. Mais  on  fera  bien  plus  tonde  à  n'en  négligez 
aucun,  Si  à  généralifer  la  loi  de  les  étudier  avec  loin% 

M  M  m  m 


641 


CAR 


fi  on  fait  réflexion  que  la  plupart  des  tu  jets  des  diftilla- 
tions  analytiques  ordinaires  font  des  composés  ou  des 
mélanges  naturels,  qui  portent  en  eux-mêmes  des 
principes  de  réaction ,  qui  n'ont  beibin  que  d'être  mis 
en  jeu  par  le  feu  pour  produire  de  nouvelles  combi- 
na iions  ;  &  que  ce  n'eft  qu'à  la  faveur  de  ces  nouvel- 
les combinaifons,  dont  on  retrouve  les  produits  dans 
les  réiîdus ,  qu'on  obtient  les  produits  plus  mobiles , 
les  fubftances  qui  parlent  ou  qui  s'élèvent  dans  la  dif- 
tiilation.  V.  Distillation,  &  Analyse  Végé- 
tale à  fart.  VÉGÉTAL.  Cet  article  ejl  de  M.  Venel. 

*  C APUUPEBA ,  (Hift.  nat.  bot.  )  forte  de  gafon 
qui  vient  au  Brelil ,  à  la  hauteur  de  deux  ou  trois 
pies  ;  i'a  tige  eft  ronde  &  liffe ,  genouillée,  &  garnie 
d'une  feuille  à  chaque  nœud  ;  elle  fe  diitribue  à  l'on 
fommet  en  une  trentaine  de  branches  plus  petites , 
dont  l'extrémité  fe  termine  en  une  ombelle  argentée 
d'où  naît  la  femence. 

CAQUE ,  f.  f.  (  Commerce.  )  que  nous  appelions 
communément  baril  ;  c'eft  un  petit  tonneau  dans  le- 
quel on  encaque  les  harengs  ,  c'eft-à-dire,  où  on  les 
enferme  après  qu'ils  ont  été  apprêtés  &  falés. 

Caque  fe  dit  auffi  des  petits  barils  dans  lefquels  on 
renferme  la  poudre  à  canon. 

Caque  eft  encore  le  nom  qu'on  donne  en  Cham- 
pagne à  ce  qu'on  nomme  plus  communément  un  quar- 
teau.  l'oyei  QUARTEAU.   (G) 

*  C  AQUEUX ,  f.  m.  pi.  (  Hift.  mod.)  efpece  de 
fe£re  que  les  Bretons,  entre  lefquels  elle  s'étoit  for- 
mée, regardoient  avec  une  extrême  averfion,  comme 
un  refte  de  Juifs  infeclé  de  lèpre.  Les  caqueux  exer- 
çoient  tous  le  métier  de  cordier ,  &  il  leur  étoit  pref- 
que  défendu  de  faire  autre  chofe  :  la  haine  &  le  pré- 
jugé public  les  traitoient  du  refte  à  peu  près  comme 
les  cagots.  Voye^  l'article  Cagot.  La  police  civile 
6c  eccléfiaftique  fit  des  efforts  pour  détruire  la  pré- 
vention des  peuples ,  6c  rétablir  dans  les  droits  de  la 
fociété  des  gens  qui  contribuoient  à  fon  avantage  : 
mais  ces  efforts  furent  long-tems  inutiles. 

*  CARA ,  (Hijl.  nat.  bot.  )  efpece  de  convolvulus 
à  tige  quarrée ,  fort  anguleuiè ,  velue  &  barbue  aux 
angles ,  verte,  rougeâtre,  &  tortueufe  :  il  rampe,  & 
s'étend  fi  prodigieufement ,  qu'une  feule  plante  fuf- 
fit  pour  garnir  une  furface  de  cent  vingt  pies  en  quar- 
ré  :  les  branches  &  la  tige  prennent  racine  partout 
où  elles  touchent  terre  ;  il  a  la  tige  de  notre  fagitta- 
le  ;  quand  on  en  coupe  la  tige  il  en  fort  des  larmes  : 
fa  racine  entre  en  terre  de  plus  d'un  pié ,  &  a  jufqu'à 
douze  doigts  de  diamètre  :  elle  eft  couverte  d'une 
peau  mince  ,  obfcure  ,  jaunâtre  ,  &  cendrée  ;  eUe  a 
une  pulpe  blanche  ,  &  pleine  d'un  fuc  laiteux  :  on  la 
mange  comme  un  légume  :  les  habitans  de  Guinée 
en  font  même  du  pain.  Margg. 

*  CARABACCIUM ,  (  Hijl.  nat.  bot.  )  c'eft  le 
nom  que  l'on  donne  à  un  bois  aromatique  des  In- 
des ,  dont  l'odeur  relTemble  beaucoup  à  celle  du  clou 
de  girofle ,  excepté  qu'elle  eft  plus  douce  &  moins 
pénétrante  ;  extérieurement  il  eft  brun  ,  ou  de  la  cou- 
leur de  la  canelle  :  on  lui  attribue  la  qualité  d'adou- 
cir l'acrimonie  delà  lymphe  ,  &  d'être  un  excellent 
remède  contre  le  feorbut;  il  fortifie  l'eftomac  ,  &  fa- 
cilite la  digeftion.  On  le  prend  en  décoûion,  ou  in- 
fufé  comme  du  thé  &  du  cafTé. 

CARABANA  ,  (  GJog.  )  province  de  l'Amérique 
méridionale  ,  appartenante  aux  Efpagnols. 

CARA3I ,  (  Géog.  )  petite  rivière  de  Sicile  dans 
la  vallée  de  Mazara ,  qui  fe  jette  dans  la  mer  d'A- 
frique. 

CARABINE  ,  f.  f.  eft  une  efpece  de  moufque- 
ton  dont  le  canon  eft  rayé  circulairement  ou  en  foi- 
raie  ,  depuis  la  culalïe  jufqu'à  l'autre  bout,  en  forte 
que  lorfque  la  balle  ,  qu'on  y  enfonce  à  force ,  fort 
poruTée  parrimpétuofité  de  la  poudre,  elle  s'allonge 


CAR 

environ  d'un  travers  de  doigt ,  &  elle  fort  empreinte 
des  rayures  du  canon. 

Le  canon  de  la  carabine  a  trois  pies  de  long ,  &  elle 
a  quatre  pies  étant  toute  montée  :  elle  a  une  baguette 
de  fer ,  6c  l'on  commence  à  y  faire  entrer  la  balle 
avec  une  efpece  de  verge  de  même  métal  appelles 
poujjeballe  ,  iur  la  tête  de  laquelle  on  frappe  avec  un 
petit  marteau  deftiné  à  cet  effet. 

La  carabine  a  beaucoup  plus  de  portée  que  le  fu- 
fil,  parce  que  les  rayures  du  canon  arrêtant  la  balle, 
la  font  réliftcr  aux  premières  impreflions  de  la  pou- 
dre ,  qui  ayant  le  tems  de  s'enflammer  entièrement 
avant  que  de  pouvoir  la  faire  fortir ,  la  chafle  enfuite 
avec  bien  plus  de  force  que  le  fufd  ordinaire.  Traiti 
d\4rtill.  par  M.  le  Blond.  (  Q  ) 

CARABINER,  v.  acL  c'eft  tracer  en-dedans  d'un 
canon  des  traces  longitudinaires  ou  circulaires.  Voy. 
Fusil. 

CARABINIERS ,  f.  m.  pi.  (Artmilit.  )  efpece  de 
chevaux-légers  qui  portent  des  carabines  plus  lon- 
gues que  les  autres ,  &  qui  fervent  quelquefois  à 
pié. 

Les  François  ont  formé  des  corps  entiers  de  ces  ca- 
rabiniers ,  qui  ne  peuvent  être  que  très-utiles ,  parce 
que  ce  font  des  troupes  choihes  dans  toute  la  cava- 
lerie, &  qui  font  mieux  payées  que  les  autres.  On 
dit  qu'il  n'y  en  a  point  du  tout  parmi  les  Anglois ,  ex- 
cepté dans  un  feul. 

Il  y  a  en  France  le  régiment  royal  des  Carabiniers. 
Plufieurs  années  avant  l'inftitution  de  ce  régiment , 
on  avoit  mis  deux  carabiniers  dans  chaque  compa- 
gnie de  cavalerie ,  que  l'on  choiiiifoit  parmi  les  plus 
habiles  tireurs ,  &  qu'on  mettoit  dans  les  combats  à 
la  tête  des  efeadrons  ,  pour  faire  une  décharge  de 
loin  fur  ceux  des  ennemis. 

Sur  la  fin  de  la  campagne  de  1690  ,  le  Roi  ordon- 
na que  l'on  formât  par  régiment  de  cavalerie  une 
compagnie  de  carabiniers;  cette  compagnie  étoit  de 
trente  maîtres  ;  elle  avoit  Un  capitaine,  deux  lieute- 
nans  ,  un  cornette  ,  &  un  maréchal  des  logis  :  cha- 
que mettre  de  camp  dans  fa  compagnie  choiiiifoit  l'es 
officiers.  Le  capitaine  pour  faire  la  compagnie ,  avoit 
le  choix  de  donner  260  livres  pour  un  cavalier  tout 
monté  ,  ou  60  livres  pour  un  homme  tout  feul.  Il 
choiiiifoit  auffi  par  compagnie  un  nombre  égal  dans 
chacune ,  6c  il  n'y  avoit  d'exclus  pour  lui  que  les 
deux  brigadiers  &  les  deux  carabiniers ,  pour  laiiîer 
toujours  des  têtes  aux  régimens  de  cavalerie. 

Le  Roi  accorda  à  tous  les  officiers  des  penfions  qu'il 
attribua  à  leurs  emplois.  La  compagnie  devoit  tou- 
jours fuivre  le  régiment ,  6c  cependant  être  toujours 
prête  à  camper  féparément.  Elle  étoit  auffi  recrutée 
à  tour  de  rôle  des  compagnies, moyennant  cinquan- 
te francs  par  homme.  Tous  les  meftres  de  camp  fe 
firent  une  idée,  différente  de  cette  création,  6c  ne 
s'accordèrent  que  fur  la  valeur  qu'ils  cherchèrent 
tous  également  dans  les  officiers  qu'ils  choifirent. 
Quoiqu'une  des  conditions  impofée  par  fa  Majefté 
fut  qu'ils  n'eulïent  pas  plus  de  trente-cinq  ans ,  on  ne 
s'y  arrêta  pas  beaucoup ,  6c  les  meftres  de  camp  y 
placèrent ,  ou  ceux  qui  s'accordoient  le  moins  avec 
eux  ,  ou  les  plus  anciens ,  ou  leurs  parens ,  ou  leurs 
amis  ,  ou  au  moins  ceux  qui  témoignoient  le  plus 
d'envie  d'y  aller  ;  ce  qui  compofa  un  affemblage  de 
très-braves  gens,  mais  très-différents. 

Toutes  ces  compagnies  étoient  lùrnuméraires  clans 
leurs  régimens ,  &  turent  en  très-bon  état  pour  la 
campagne  fuivante  169 1.  Le  Roi  ordonna  que  toutes 
les  compagnies  de  c.zr.:ri:iicrs  campaffent  enfemble , 
&  compofaiTent  une  brigade  à  laquelle  on  nommoit 
un  brigadier,  &  deux  meftres  de  camp  fous  lui  quand 
la  brigade  étoit  forte.  La  deftination  de  ce  corps  étoit 
d'aller  en  parti. 

L'année  1691  les  carabiniers  firent  le  mêmefervice 


CAR 

que  l'année  précédente  ;  on  et  oit  très-fatisfait  d'eux  : 
mais  on  commença  à  trouver  qu'étant  la  plupart  ha- 
billés de  diverfes  couleurs,  cette  bigarrure  étoit  cho- 
quante ,  Si  que  de  plus  les  officiers  ne  fe  connoif- 
i oient  point  les  uns  les  autres  ;  ce  qui  fit  prendre  à  la 
Majefté  la  réfolution  de  former  un  foui  régiment,  fous 
le  nom  de  Royal-Carabiniers  ,  de  toutes  ces  compa- 
gnies ,  excepté  celles  des  régimens  Allemands.  Le 
Roi  qui  affeâionnoit  fort  ce  corps ,  dont  il  étoit  très- 
content  ,  choifit  pour  le  commander  M.  le  duc  du 
Maine ,  qu'il  jugea  très-propre  pour  le  mettre  en  bon 
état ,  &  lui  donner  î'efprit  qu'il  vouloit  qu'il  prît,  le 
deftinant  à  un  genre  de  forvice  tout  particulier.  Sa 
Majefté  prit  la  peine  elle-même  de  donner  par  écrit 
des  inftruclions  fur  ce  fujet. 

Les  compagnies  Allemandes  étoient  retranchées  ; 
il  en  refta  cent  Françoifes ,  qui  furent  divifées  en 
cinq  brigades  de  quatre  efcadrons  chacune  ,  &  les  ef- 
cadrons  de  cinq  compagnies. 

Le  Roi  affedïa  à  chaque  compagnie  un  meftre  de 
camp ,  un  lieutenant-colonel ,  un  major  ,  un  aide- 
major,  avec  des  penfions  attachées  à  leur  emploi. 

Les  cinq  meftres  de  camp  eurent  le  titre  de  chefs 
de  brigade  :  le  premier  étoit  le  chevalier  du  Mefnil  ; 
le  fécond  étoit  le  chevalier  du  Profel  ;  le  troifieme  , 
le  fieur  d'Achi  ;  le  quatrième ,  le  fieur  de  Signi  ;  &  le 
cinquième ,  le  commandeur  de  Courcelles. 

Tout  le  régiment  fut  habillé  de  bleu  :  au  lieu  de 
deux  lieutenans  qu'il  y  avoit  par  compagnie,  il  n'y 
en  eut  plus  qu'un.  Le  Roi  donna  deux  étendarts  par 
efeadron  ,  &  un  timbalier  par  brigade. 

Tout  le  régiment  ayant  été  mis  en  état  dès  le 
commencement  de  l'année  1694,  la  Majefté  voulut 
le  voir  à  Compiegne  au  mois  de  Mars  de  la  même 
année  ,  &  elle  en  fut  très-contente.  Le  roi  ayant  def- 
fein  que  ce  régiment  ne  fît  pas  un  corps  à  part  dans 
la  cavalerie,  M.  le  duc  du  Maine  voulut  bien  pren- 
dre l'attache  de  M.  le  comte  d'Auvergne,  colonel 
général  de  la  cavalerie  légère  ,  quoique  l'intention 
du  Roi  fût  de  l'en  exempter  ;  il  fe  contenta  du  titre 
de  meftre  de  camp  -  lieutenant.  Il  prit  pour  fa  com- 
pagnie de  meftre  de  camp  celle  qui  avoit  été  tirée 
de  ion  régiment  du  Maine ,  Si  elle  fut  attachée  à  la 
première  brigade  ;  de  forte  que  toutes  les  fois  que 
les  brigades  changent  de  rang ,  ce  qui  arrive  par  l'an- 
cienneté ou  la  dignité  de  ceux  qui  les  commandent, 
elle  change  aufli  de  brigade ,  &  eft  toujours  à  la 
première. 

Le  corps  des  carabiniers  fut  trouvé  fi  bon  &  fi  nom- 
breux, que  fa  Majefté  le  partagea  dans  différentes  ar- 
mées; ce  qui  s'eft  prefque  toujours  pratiqué  depuis. 
Nul  corps  ne  l'a  furpaiié  pour  la  diieipline  ,  pour  la 
fermeté  ,  &  pour  la  valeur,  dans  toutes  les  occa- 
iîons  :  Fontenoy  les  a  imortalifés 

En  1698  la  paix  étant  faite,  Si  le  Roi  ayant  ré- 
formé une  grande  partie  de  fes  troupes  ,  il  réforma 
foixante  compagnies  des  carabiniers ,  fans  pourtant 
diminuer  le  nombre  des  brigades  ni  leur  état  major  ; 
elles  furent  feulement  réduites  chacune  à  huit  com- 
pagnies ,  qui  formèrent  deux  efcadrons  ;  &  à  la  fin 
de  l'année  1698  les  compagnies  furent  encore  rédui- 
tes à  vingt  carabiniers.  Elles  ne  furent  plus  recrutées 
comme  elles  l'avoient  été  par  les  régimens  dont  elles 
fortoient  ;  mais  tous  les  régimens  qui  reftoient  fur 
pié  y  fourniffoient  à  tour  de  rôle  le  remplacement 
néceffaire  ,  auquel  les  infpcctcurs  tenoient  la  main. 
Tous  les  officiers  des  foixante  compagnies  réformées 
demeurèrent  chacun  à  la  fuite  de  leur  brigade  ,  lé- 
parés  par  compagnies  ,  excepté  les  cornettes  qui  ne 
le  trouvèrent  pas  dix  ans  de  forvice  dans  le  tems  de 
la  réforme,  &  qui  turent  congédiés  abfolument.  M.  le 
duc  du  Maine  reçut  ordre  de  remplacer  tous  les  au- 
tres par  rang  d'ancienneté  ,  à  mefure  qu'il  vaqueroit 
des  emplois  qui  leur  feroient  propres. 
Tome  //. 


CAR 


643 


En  1694  le  chevalier  du  Mefnil  étant  mort,  le  Roi 
donna  fa  brigade  au  comte  d'Aubeterre ,  &:  par-là 
elle  devint  la  dernière  :  ainfi  la  compagnie  de  M.  le 
duc  du  Maine  paffa  à  celle  de  du  Rofel,  qui  devint  la 
première  ;  Se  cela  s'eft  toujours  ainfi  pratiqué  à  tous 
les  changemens  des  chefs  de  brigade.  Sous  quelque 
prétexte  que  ce  puiffe  être  ,  le  Roi  ne  veut  jamais 
permettre  de  vendre  les  compagnies  de  carabiniers. 

Pour  conferyer  toujours  les  compagnies  de  cara- 
biniers fur  un  pié  de  diftinftion ,  le  Roi  permettoit  de 
prendre  quelquefois  des  capitaines  dans  la  cavalerie, 
mais  il  ne  confentoit  pas  qu'ils  vendiffent  leurs  com- 
pagnies :  fa  Majefté  trouvoit  bon  auffi  qu'on  y  prît 
des  chefs  de  brigade  ;  Si  l'on  obfervoit  affez  de  les 
prendre  alternativement  avec  les  lieutenans-colonels 
du  corps. 

On  accordeit  affez  aifément  aux  lieutenans-colo- 
nels du  corps,  des  commiffions  de  meftres  de  camp  , 
Se  on  ne  refufoit  guère  aux  aides-majors  &  aux  lieu- 
tenans des  compagnies  meftres  de  camp,  des  commif- 
fions de  capitaines. 

Les  compagnies  des  carabiniers  furent  remifes  à 
trente  maîtres  dans  l'hy  ver  1701  &  1702.  Voicy  le 
règlement  qu'on  leur  donna  pour  lors. 

Le  régiment  des  carabiniers  du  roi  fera  compofé  de 
cent  compagnies  de  carabiniers  de  30  maîtres  chacu- 
ne ,  faiiant  en  tout  3000  carabiniers,  &  41 1  officiers , 
y  compris  le  meftre  de  camp  en  chef,  les  cinq  mef- 
tres de  camp  fous  lui ,  les  cinq  lieutenans-colonels  , 
les  cinq  majors ,  Se  les  cinq  aides-majors.  Ils  feront 
vingt  efcadrons  de  cinq  compagnies  chacun ,  dont  il 
y  en  aura  deux  de  vieux  régimens ,  Se  trois  de  nou- 
veaux. Le  meftre  de  camp  en  chef  aura  l'infpeûion 
lur  tous  les  régimens  ,  tk  les  autres  l'auront  feule- 
ment fur  vingt  compagnies,  faiiant  quatre  efcadrons, 
Si  cela  par  police  ,&  pour  la  commodité  du  forvice  ; 
car  ils  auront  auffi  autorité  fur  tous  également  félon 
leur  emploi  Si  leur  grade ,  auffi-bien  que  les  lieu- 
tenans colonels ,  les  majors ,  les  aides-majors. 

Quand  on  féparera  le  régiment  en  différentes  ar- 
mées ,  on  mettra  toujours  un  meftre-de-camp  com- 
mander les  différens  corps  ,  &  les  autres  officiers  de 
l'état-major  à  proportion. 

Le  fervice  fe  fera  comme  les  carabiniers  l'ont  fait 
jufqu'à  préfent,  tant  pour  les  gardes  que  pour  les  dé- 
tachemens. 

Les  compagnies  feront  entretenues  par  tous  les  ré- 
gimens de  cavalerie  François ,  qui  fourniront  les  re- 
crues néceffaires  à  tour  de  rôle ,  tant  pour  les  offi- 
ciers que  pour  les  cavaliers ,  à  moins  que  le  roi  n'en 
ordonnât  autrement. 

Le  régiment  fera  habillé  de  bleu  doublé  de  rou- 
ge ;  les  cavaliers  d'un  bon  drap  tout  uni ,  Se  les  offi- 
ciers de  même  ;  à  la  réferve  des  boutons  d'argent 
fur  les  manches  &  aux  colets  des  manteaux  qui  fe- 
ront bleus  comme  ceux  des  cavaliers  ;  le  chapeau 
fera  bordé  d'argent  d'un  galon  plus  large  que  celui 
des  cavaliers  ;  les  houffes  des  cavaliers  feront  bleues, 
tout  unies  ,  bordées  d'un  galon  de  foie  blanche  , 
les  bourfes  des  piftolets  de  même  ,  leur  ceinturon  de 
bulle  ,  avec  un  bord  de  cuir  blanc  Si  la  bandoulière 
de  même,  des  gants  Si  des  cravates  noires  ;  les  offi- 
ciers en  auront  auffi ,  excepté  que  ce  qui  eft  blanc  au 
cavalier  ,  ils  L'auront  d'argent. 

Les  têtières  des  chevaux  feront  propres  &  tout 
unies,  des  boffettes  dorées  tout  unies  auffi,  des  epees 
île  même  longueur  Si  largeur,  des  carabines  rayées 
pareilles,  Si  tout  ce  qu'il  faut  pour  les  charger;  obfer- 
vant  d'avoir  des  balles  de  deux  calibres ,  les  unes 
pour  entrer  à  force  avec  le  marteau  &  la  baguette 
de  fer,  Si  les  plus  petites  pour  recharger  plus  promp- 
tement  fi  l'on  en  a  befoin. 

Les  piftolets  feront  les  meilleurs  que  l'on  pourra,  &C 
de  quinze  nonces  de  longueur  ;  les  chevaux  tous  de 

M  M  m  m  ij 


C  A 


644  ^    A    ix. 

même  taille,  à  longue  queue ,  &  l'ayant  retrouffée  de 
même  fans  ruban  ni  troufie-queue. 

A  chaque  elcadron  il  y  aura  un  timbalier  à  la  com- 
pagnie de  meftre-de-camp ,  qui  i'era  habillé  des  livrées 
du  roi ,  fans  or  ni  argent  ,  auffi-bien  que  les  trom- 
pettes de  toutes  les  compagnies  ;  les  tentes  feront 
pareilles  avec  du  bleu  fur  leur  faîte.  Il  y  aura  à  cha- 
que quatre  efcadrons  un  aumônier  à  qui  on  donnera 
une  chapelle ,  &c  un  Chirurgien.  On  aura  foin  de  n'a- 
voir que  de  bons  chevaux,  pour  que  la  troupe  foit 
toujours  bien  en  état  d'entreprendre  ce  qu'on  lui  or- 
donnera. 

Le  meftre-de-camp  en  chef,  &les  autres  meftres- 
de-camp  fous  lui ,  tiendront  la  main  qu'il  n'y  ait  au- 
cun officier  mal  monté  ,  &  qui  ne  foit  fur  un  cheval 
de  bonne  taille  :  les  officiers  auront  le  moins  de  ba- 
gage qu'il  leur  fera  poffible  ;  rien  que  des  chevaux  de 
bât ,  ou  des  mulets ,  &  point  de  charriots ,  de  char- 
rettes ,  ni  furtouts. 

On  fera  les  détachemens  par  chambrée ,  de  ma- 
nière que  le  cavalier  commandé  ne  porte  que  celui 
qui  lui  fera  néceffaire ,  &  laine  les  autres  hardes  à 
ceux  de  fa  chambrée  qui  demeureront  au  corps  du 
régiment. 

Les  compagnies ,  fans  avoir  égard  aux  régimens 
dont  elles  fortent,  prendront  leur  rang  de  l'ancien- 
neté de  leur  capitaine  ;  à  la  réferve  de  celle  de  mef- 
tre-de-camp ,  6c  des  lieutenans-colonels. 

S'il  y  a  des  commiffions  du  même  jour ,  ou  des 
rangs  incertains  ,  on  entendra  les  raiforts  de  chacun , 
qui  Ve  débiteront  fans  aigreur  ni  difpute ,  pour  en  ren- 
dre compte  au  roi,  afin  qu'il  décide  promptement. 
L'intention  du  roi  eft  que  ce  régiment  ne  faffe  jamais 
de  difficulté  en  tout  ce  qui  regardera  le  fervice,  & 
que  la  difcipline  y  foit  obfervée  fort  régulièrement. 
Il  ne  doit  point  monter  de  gardes. 

Il  faut  deux  étendarts  par  efcadrons  ,  avec  unede- 
vife  bien  choifie  ,  qui  ait  un  foleil  pour  corps  d'un 
côté ,  &  de  l'autre,  des  fleurs  de  lis  parfemées ,  com- 
me la  plupart  des  autres  régimens  du  roi. 

Pour  fe  fervir  des  carabiniers  à  pié  quand  l'occa- 
fion  s'en  préfente  ,  il  faut  qu'ils  ayent  des  bottes  de 
baffe  tige  ,  mais  de  cuir  fort,  avec  une  petite  ge- 
nouilliere  échancrée  à  la  moufquetaire  ,  &  de  petits 
deffus  d'éperons. 

Quand  les  meftres-de-camp  de  cavalerie  à  qui  ce 
fera  à  fournir  les  recrues  ,  n'auront  pas  envoyé  de 
bons  fujets,  on  les  leurrenvoyera  à  leurs  frais  &  dé- 
pens ,  &  ils  feront  obligés  d'en  donner  d'autres , 
quand  même  il  méfarriveroit  defdits  cavaliers  ;  les 
meftres-de-camp  auront  mille  livres  de  penfion  ;  les 
lieutenans-colonels  auront  huit  cents  livres ,  les  ma- 
jors fix  cents ,  &  les  aides-majors  trois  cents  ;  les  au- 
tres officiers  demeureront  comme  ils  font  déjà.  Les 
carabines  rayées  auront  trente  pouces  de  canon  ;  les 
épées  auront  trente-trois  pouces  de  lame  ;  il  fera  per- 
mis aux  officiers  d'avoir  de  petites  carabines ,  pour- 
vu qu'elles  foient  bonnes.  Les  cravates  noires,  feront 
tant  des  officiers  que  des  carabiniers ,  de  floure  ,  de 
longueur  de  deux  aunes  de  Paris. 

Les  veftes  des  habits  uniformes  feront  de  drap 
rouge  brodées  d'argent  avec  des  boutons  &  des  bou- 
tonnières d'argent ,  &  un  galon  d'argent  pareil  à  ce- 
lui du  jufte-au-corps,  fur  l'amadis;  les  officiers  auront 
tous  des  plumets  blancs.  Le  roi  permet  que  le  Maré- 
chal qu'il  faut,  foit  pris  hors  de  la  compagnie.  Hif- 
toire  de  la  Milice  Françoife. 

Outre  le  corps  de  carabiniers  dont  on  vient  de  par- 
ler, on  appelle  encore  de  ce  même  nom  un  certain 
nombre  de  gendarmes  ,  chevau  -légers  ,  &c.  aux- 
quels dans  le  tems  de  guerre  le  roi  fait  donner  des 
carabines.  Foyer^  Carabines.  Ces  carabiniers  ne  for- 
ment point  de  corps  féparé  ;  ils  combattent  avec 
leurs  troupes ,  ôc  ils  fe  fervent  feulement  de  leurs  ça- 


CAR 

rabines  pour  tirer  fur  l'ennemi  lorfqu'il  n'eft  pas  à 
portée  d'être  joint.  (  <2  ) 

*  CARABINS,  f.  m.  pi.  (Hijl.  mod.)  efpece  de  che- 
vau-légers  ,  dont  le  fervice  en  guerre  étoit  affez  fem- 
blable  à  celui  de  nos  houfards.  Ils  formoient  des  com- 
pagnies féparées ,  quelquefois  des  régimens  ;  les  offi- 
ciers généraux  les  employoient  dans  leur  garde  ;  ils 
portoient  une  cuiraffe  échancrée  à  l'épaule  pour  tirer 
plus  commodément,un  gantelet  à  coude  pour  la  main 
de  la  bride  ,  un  cabaffet  en  tête  ,  une  longue  épée , 
avec  la  carabine  à  l'arçon. 

CARACAS  ,  CARACOS ,  LES  CARAQUES , 
ou  S.  JEAN  DE  LÉON ,  ville  riche  &  confidérable 
de  l'Amérique  en  terre-ferme  ,  dans  la  province  de 
même  nom  ;  les  environs  produifent  beaucoup  de 
cacao.  Long.  Jiz.  J3.  lat.  9.  40. 

CARACATAY,  {Géog.)  grand  pays  au  fepten- 
trion  de  l'Aiie,  habité  par  plulieurs  nations  différen- 
tes :  on  l'appelle  auffi  Khita.  Il  ne  faut  point  le  con- 
fondie  avec  le  Catay ,  qui  n'eft  autre  chofe  que  la 
Chine.  Voye{  Chine  6*  Chinois. 

CARACHISAR  on  CHURGO,  {Géog.)  ville  d'A- 
fle  dans  la  Natolie ,  avec  port  &  château ,  fur  la  côte 
de  la  Caramanie. 

CARACOLE  ,  f.  f.  Manège  &  Art  milit.  eft  un 
mouvement  qui  fe  fait  dans  la  cavalerie  par  le  flanc 
ou  la  hauteur  de  l'efcadron;  chaque  file  fait  une  efpe- 
ce de  quart  de  converfion  en  ferpentant  &  en  faifant 
des  paffades  par  la  campagne  à  droit  &  à  gauche 
pour  ôter  la  mire  à  ceux  que  l'on  infulte. 

Ce  mouvement  diffère  de  la  converfion  en  ce  que 
celle-ci  fe  fait  par  rang ,  &  crue  la  caracole  fe  fait  par 
file.(Q) 

CARACOLER  ,  (  Maneg.  &  Art  milit.  )  c'eft  fai- 
re des  caracoles  dans  un  manège.  On  fe  fert  du 
même  terme  quand  plufieurs  efcadrons  fe  détachent 
l'un  après  l'autre  du  corps  de  la  cavalerie  pour  aller 
agacer  l'ennemi  à  coup  de  piftolet.  (  V) 

*  CARACOLY,  (Hijl.  mod.)  métal compofé  de 
parties  égales  d'or ,  d'argent ,  &  de  cuivre  :  il  eft  très- 
eftimé  ,  ck  fort  recherché  des  Caraïbes  ou  Sauvages 
des  îles  de  l'Amérique.  Ils  nomment  auffi  caracolys 
les  petites  plaques  faites  du  même  métal ,  dont  ils  font 
leur  principal  ornement ,  en  fe  les  attachant  au  nez  , 
aux  lèvres ,  &  aux  oreilles.  Ils  tiroient  autrefois  cette 
compofition ,  des  Sauvages  de  la  rivière  d'Orenoque': 
mais  aujourd'hui  les  Orfèvres  du  pays  les  contrefont 
en  altérant  un  peu  l'alliage ,  &  leur  vendent  bien  cher 
ces  bagatelles. 

CAR ACOMBO ,  (  Géog.  )  île  d'Afrique  dans  l'O- 
céan Ethiopien  ,  fur  la  côte  de  la  baffe  Guinée. 

CARACORÉ ,  f.  m.  (  Marine.  )  c'eft  un  bâtiment 
des  Indes ,  dont  les  habitans  de  l'île  de  Bornéo  ie  fer- 
vent beaucoup.  Il  va  à  la  rame  pendant  le  calme ,  ou 
lorfqu'il  fait  peu  de  vent.  Les  rameurs  font  affis  fur 
une  galerie  de  rofeaux  qui  règne  autour.  Le  dernier 
eft  jufque  dans  l'eau ,  &  ils  ont  chacun  leur  flèche  6c 
leur  arc  à  leur  côté.  Ces  fortes  de  bâtimens ,  bien 
loin  d'avoir  du  relèvement ,  baiffent  à  l'avant  &  à 
l'arriére.  Lorfqu'il  y  a  du  vent  affez  fort  pour  aller  à 
la  voile ,  ils  en  mettent  de  cuir.  Ils  portent  1 50  & 
jufqu  'à  1 70  hommes.  Ils  n'ont  de  bordages  ou  de  plan- 
ches que  quatre  ou  cinq  de  chaque  côté  de  la  quille. 
Ils  font  aigus  ;  i'étrave  ck  l'étambord  demeurent  tout 
découverts  au-deffus  du  bordage  de  planches.  Sur  ces 
bordages  ,  il  y  a  de  petits  barots  qui  font  faillie  fur 
l'eau  ,  félon  la  largeur  qu'on  veut  donner  au  bâti- 
ment ,  &  l'on  couvre  ces  barots  de  rofeaux  ;  ce  qui 
fert  d'un  pont  qui  s'étend  jufqu 'au  bout  de  l'élance- 
ment que  les  barots  font.  Ces  rofeaux  font  environ 
de  la  groffeur  du  bras. 

C'eft  fur  l'élancement  de  ce  pont ,  qui  fait  de  cha- 
que côté  comme  une  galerie ,  que  font  les  rameurs  ; 
&c  û  y  a  entre  chaque  rang  de  rameurs ,  vm  ouver- 


CAR 

ture  aflez  grande  pour  donner  lieu  au  mouvement  de 
la  pagaie  ou  rame.  On  proportionne  les  rangs  des  ra- 
meurs à  la  grandeur  du  bâtiment.  Chaque  rang  eft 
ordinairement  de  i  o  ou  1 2  hommes.  Les  pagaies  font 
compofées  de  palettes  plates  ,  avec  des  manches 
courts  ;  elles  font  toutes  égales  &  fort  légères.  Il  y  a 
quelquefois  un  rang  de  rameurs  en-dedans  du  borda- 
ge.  C'eft  en  chantant  &  en  battant  la  caiffe  ,  ou  en 
jouant  de  quelque  infiniment  de  mufique ,  qu'on  com- 
mande aux  rameurs  ce  qu'ils  ont  à  faire.  Le  bâtiment 
flotte  fur  l'eau ,  &c  vogue  par  le  moyen  du  pont  de 
rofeaux ,  dont  la  faillie  fe  trouve  fur  la  furface  de 
l'eau ,  &  fans  laquelle  le  caracore ,  étroit  comme  il  eft , 
ne  manquerait  pas  de  fc  renverfer  ;  l'avant  ne  s'éle- 
ve  point  au-deffus  du  bordage  de  planches. 

Quelquefois  les  faillies  ou  galeries  de  pont  des- 
cendent depuis  le  haut  du  bâtiment  en  talus  fur  l'eau , 
&C  alors  on  ne  peut  ramer  du  dedans  du  vaiffeau.  (Z) 

CARACOSA,(  Géog.  )  petite  ville  d'Efpagne 
dans  la  nouvelle  Caftille. 

CARACTERE ,  (  Ordre  encyclopédique.  Entende- 
ment. Raijon.  Philojbphie  ou  Science.  Science  de  L'hom- 
me. Logique.  Art  de  communiquer  Lapenfée.  Grammaire. 
Science  de  Cinjlrument  du  difeours.  Signes.  Caractère.  ) 
Ce  mot  pris  dans  un  fens  général ,  lignifie  une  mar- 
que ou  une  figure  tracée  fur  du  papier ,  fur  du  métal , 
fur  de  la  pierre ,  ou  fur  toute  autre  matière ,  avec  la 
plume  ,  le  burin ,  le  cifeau  ,  ou  autre  infiniment ,  afin 
de  faire  connoître  ou  de  déligner  quelque  chofe.  Voy. 
Marque,  Note,  &c 

Ce  mot  vient  du  Grec  x^f^^'P  >  H1"  cft  formé  du 
Verbe  Kat.pa.eGuv ,  injculpere ,  graver ,  imprimer ,  &c. 

A  peine  les  hommes  furent -ils  en  fociété  ,  qu'ils 
fentirent  le  befoin  qu'ils  avoient  d'inventer  une  lan- 
gue pour  fe  communiquer  leurs  penlées.  Cette  lan- 
gue ne  confifta  fans  doute  d'abord  qu'à  défigner  par 
certains  fons  &  par  certains  lignes  les  êtres  fenfibles 
&  palpables  qu'ils  pouvoient  le  montrer ,  &  par  con- 
féquent  elle  étoit  encore  fort  imparfaite  :  mais  les 
hommes  ne  fuient  pas  long-tems  fans  s'appercevoir 
que  non -feulement  il  leur  étoit  néceffaire  de  repré- 
fênter ,  pour  ainfi  dire  ,  ces  êtres  à  l'oreille  par  des 
fons  ,  mais  de  les  repréfenter  aufïï  en  quelque  ma- 
nière aux  yeux ,  en  convenant  de  certaines  marques 
qui  les  défignafïent.  Par  là  le  commerce  de  la  fociété 
tlevoit  s'étendre ,  puifqu'il  devenoit  également  facile 
de  défigner  ces  êtres  préiens  ou  ablens ,  &  que  la  com- 
munication des  idées  étoit  rendue  également  pofïîble 
entre  les  hommes  abfens ,  &  entre  les  hommes  pré- 
fens.  Il  y  a  bien  de  l'apparence  que  les  figures  même 
de  ces  êtres,  tracées  grolîierement  fur  quelques  corps, 
furent  les  premiers  caractères  par  le! quels  on  les  défi- 
gna  ,  &  la  première  efpece  d'écriture ,  qui  a  du  naî- 
tre à-peu-près  dans  le  même  tems  que  les  langues. 
Voye^  ECRITURE.  Mais  on  dût  bientôt  fentir  l'infuf- 
fiiance  de  ces  caractères;  Sz  peut-être  cette  infuffifan- 
ce  contribua-t-elle  à  faire  mieux  fentir  l'inperfection 
des  premières  langues.  Voye^  Langue.  Les  hommes 
qui  avoient  la  facilité  de  fc  parler  en  défignant  les 
Êtres  palpables  par  des  fons  ,  pouvoient  fuppléer 
par  d'autres  fignes ,  comme  par  des  geftes ,  à  ce  qui 
pouvoit  manquer  d'ailleurs  à  cette  langue  ;  c'eft 
ainfi  qu'un  muet  fait  entendre  fa  penfée  en  mon- 
trant les  objets  dont  il  parle  ,  &  fuppléant  par  des 
geftes  aux  choies  qu'il  ne  peut  montrer  :  mais  une 
telle  converfation  devenoit  impoiîible  entre  des 
hommes  éloignés  ,  &  qui  ne  pouvoient  fe  voir.  Les 
hommes  comprirent  donc  bientôt  qu'il  falloit  nécef- 
faircment  i  °.  inventer  des  fons  pour  défigner,  foit  les 
Êtres  non-palpables ,  foit  les  termes  abftraits  &  géné- 
raux ,  foit  les  notions  intellectuelles,  foit  enfin  Les  ter- 
mes qui  fervent  à  lier  des  idées  ;  &  ces  Ions  furent  in- 
ventes peu  à  peu  :  i°.  trouver  la  manière  de  peindre 
ces  fons  une  fois  inventés  ;  Si.  c'eft  à  quoi  les  hom- 


CAR 


645 


mes  purent  parvenir ,  en  convenant  de  certaines  mar- 
ques arbitraires  pour  défigner  ces  ions.  Feu  à  peu  on 
s'apperçut  que  dans  la  multitude  infinie  en  appa- 
rence des  ions  que  forme  la  voix ,  il  y  en  a  un  certain 
nombre  de  fimples  auxquels  tous  les  autres  peuvent 
ierédiure,&:dont  ils  ne  font  que  des  combinaiibns. 
On  chercha  donc  à  repréfenter  ces  fons  fimples  par 
des  caractères,  &  les  fons  combinés  parla  combinaifon 
des  caractères ,  Si  l'on  forma  l'alphabet.  Voye^  L'arti- 
cle Alphabet. 

On  n'en  refta  pas  là.  Les  différens  befoins  des  hom- 
mes les  ayant  portés  à  inventer  différentes  feiences 
ces  feiences  furent  obligées  de  fe  former  des  mots  par- 
ticuliers ,  de  fe  réduire  à  certaines  règles ,  &  d'inven- 
ter quelquefois  des  caractères ,  ou  du  moins  de  faire 
un  ulage  particulier  des  caractères  déjà  inventés  pour 
défigner  d'une  manière  plus  courte  certains  objets 
particuliers.  L'Arithmétique  ou  feience  des  nombres 
a  dû  être  une  de  ces  premières  feiences  ;  parce  que 
le  calcul  a  dû  être  un  des  premiers  befoins  des  hom- 
mes réunis  en  fociété  :  les  autres  feiences  à  fon  exem- 
ple fc  firent  bientôt  des  caractères  plus  ou  moins 
nombreux,  des  formules  d'abréviation,  formant  com- 
me une  eipece  de  langue  à  l'uiage  de  ceux  qui  étoient 
initiés  dans  la  feience. 

On  peut  donc  réduire  les  différentes  efpeces  de 
caractères  à  trois  principales  ;  lavoir  les  caractères  litté- 
raux ,  les  caractères  numéraux,  &  les  caractères  d'abré- 
viation. 

On  entend  par  caractère  littéral,  une  lettre  de  l'al- 
phabet ,  propre  à  indiquer  quelque  fon  articulé  :  c'eft 
en  ce  fens  qu'on  dit  que  les  Chinois  ont  tfoooo  ca- 
ractères. Foye^  Alphabet. 

Les  caractères  littéraux  peuvent  fe  divifer ,  eu  égard 
à  leur  nature  &  à  leur  ufage ,  en  nominaux ,  &  en  em- 
blématiques. 

Les  caractères  nominaux  font  ce  que  l'on  appelle 
proprement  des  lettres  qui  fervent  à  écrire  les  noms 
des  chofes.  Voye^  Lettre. 

Les  caractères  emblématiques  owjymboliques  expri- 
ment les  chofes  mêmes,  &  les  perfonirient  en  quel- 
que forte  ,  &  repréfentent  leur  forme  :  tels  iont  les 
hiéroglyphes  des  anciens  Egyptiens.  (O) 

Suivant  Hérodote  ,  les  Egyptiens  avoient  deux 
fortes  de  caractères,  les  uns  facrés,  les  autres  popu- 
laires :  les  facrés  étoient  des  hiéroglyphes  ou  fym- 
boles;  ils  s'en  fervoient  dans  leur  morale,  leur  po- 
litique, &>fur  tout  dans  les  chofes  qui  avoient  rap- 
port à  leur  fanatifme  &  à  leur  fuperftition.  Les  mo- 
numens  où  l'on  voit  le  plus  d'hiéroglyphes  ,  font  les 
obélifques.  Diodorc  de  Sicile,  liv.  III. pag.  144. 
dit  que  de  ces  deux  fortes  de  caractères  ,  les  populai- 
res Se  les  facrés ,  ou  hiéroglyphiques ,  ceux  -  ci  n'é- 
toient  entendus  que  des  prêtres,  ^oy^j  Hiérogly- 
phe ,  Symbole  ,  &c  (F) 

Les  hommes  qui  ne  formoient  d'abord  qu'une  fo- 
ciété unique ,  &  qui  n'avoient  par  conféquent  qu'u- 
ne langue  Se  qu'un  alphabet ,  s'étant  extrêmement 
multipliés,  fuient  forcés  de  le  diftribuer,  pour  ainfi 
dire  ,  en  plufieurs  grandes  fociétés  ou  familles ,  qui 
féparées  par  des  mers  vaftes  ou  par  des  continens  ari- 
des ,  ou  par  des  intérêts  différens ,  n'avoient  prefque 
plus  rien  de  commun  entr'elles.  Ces  circonfiances 
occafionnerent  les  différentes  langues  &  les  différens 
alphabets  qui  fe  font  fi  fort  multipliés. 

Cette  diverfité  de  caractères  dont  fe  fervent  les  dif- 
férentes nations  pour  exprimer  la  même  idée  ,  eft  re- 
gardée comme  un  des  plus  grands  obltaçles  qu'il  y 
ait  au  progrès  des  Sciences  :  aufîi  quelques  auteurs 
penlant  à  affranchir  le  genre  humain  de  cette  fervi- 
tude  ,  ont  propofé  des  plans  de  caractères  qui  puf- 
fent  être  univerfels  ,  &  que  chaque  nation  pût  lire 
dans  fa  langue.  On  voit  bien  qu'en  ce  cas ,  ces  lor- 
tes  de  caractères  devraient  être  réels  Se  non  nominaux _, 


646 


CAR 


c'cft-à-dire  exprimer  des  choies,  &  non  pas,  com- 
me les  caractères  communs  ,  exprimer  des  lettres  ou 
des  ions. 

Ainfi  chaque  nation  auroit  retenu  fon  propre  lan- 
gage ,  &  cependant  auroit  été  en  état  d'entendre  ce- 
lui d'une  autre  (ans  l'avoir  appris,  en  voyant  Ample- 
ment un  caractère  réel  ou  univeriél ,  qui  auroit  la  mê- 
me lignification  pour  tous  les  peuples ,  quels  que  puif- 
fent  être  les  ions,  dont  chaque  nation  fe  ierviroit  pour 
l'exprimer  dans  ion  langage  particulier  :  par  exem- 
ple ,  en  voyant  le  caractère  deftiné  à  lignifier  boire  ,un 
Anglois  auroit  lu  to  drink ,  un  François  boire ,  un  Latin 
bibere ,  un  Grec  irirtiv,  un  Allemand  trincken,  &  ainli 
des  autres  ;  de  même  qu'en  voyant  un  cheval,  cha- 
que nation  en  exprime  l'idée  à  la  manière  ,  mais  tou- 
tes entendent  le  même  anima!. 

Il  ne  faut  pas  s'imaginer  que  ce  caractère  réel  (bit 
une  chimère.  Les  Chinois  &  les  Japonois  ont  déjà  , 
dit-on  ,  quelque  choie  de  femblable  :  ils  ont  un  ca- 
ractère commun  que  chacun  de  ces  peuples  entend  de 
la  même  manière  dans  leurs  différentes  langues ,  quoi- 
qu'ils le  prononcent  avec  des  ions  ou  des  mots  telle- 
ment différens  ,  qu'ils  n'entendent  pas  la  moindre 
fyllabe  les  uns  des  autres  quand  ils  parlent. 

Les  premiers  effais ,  &  même  les  plus  coniîdéra- 
bles  que  l'on  ait  fait  en  Europe  pour  l'inftitution  d'u- 
ne langue  univerielle  ou  philoibphique  ,  font  ceux 
de  l'évêque  Wilkins  &  de  Dalgarme  :  cependant  ils 
font  demeurés  fans  aucun  effet. 

M.  Leibnitz  a  eu  quelques  idées  fur  le  même  fujet. 
Il  penié  que  Wilkins  &  Dalgarme  n'avoient  pas  ren- 
contré la  vraie  méthode.  M.  Leibnitz  convenoit  que 
plufieurs  nations  pourroient  s'entendre  avec  les  ca- 
ractères de  ces  deux  auteurs  :  mais  ,  félon  lui ,  ils  n'a- 
voient  pas  attrapé  les  véritables  caractères  réels  que 
ce  grand  philofophe  regardait  comme  l'inftrument  le 
plus  fin  dont  l'efprit  humain  pût  fe  fervir ,  &  qui  dé- 
voient ,  dit -il ,  extrêmement  faciliter  &  le  raisonne- 
ment ,  &  la  mémoire ,  &  l'invention  des  choies. 

Suivant  l'opinion  de  M.  Leibnitz  ,  cescaracteres  dé- 
voient reffembler  à  ceux  dont  on  fe  iert  en  Algèbre , 
qui  font  effectivement  fort  fimples ,  quoique  tres-ex- 
preiîifs  ,  fans  avoir  rien  de  fuperflu  ni  d'équivoque , 
&  dont  au  refte  toutes  les  variétés  font  raifonnées. 

Le  caractère  réel  de  l'évêque  Wilkins  fut  bien  reçu 
de  quelques  favans.  M.  Hook  le  recommande  après 
en  avoir  pris  une  exaûe  connoiilance  ,  &  en  avoir 
fait  lui-  même  l'expérience  :  il  en  parle  comme  du 
plus  excellent  plan  que  l'on  puiffe  fe  former  fur  cet- 
te matière;  Si  pour  engager  plus  efficacement  à  cette 
étude  ,  il  a  eu  la  complaiiance  de  publier  en  cette 
langue  quelques-unes  de  les  découvertes. 

M.  Leibnitz  dit  qu'il  avoit  en  vue  un  alphabet  des 
penfées  humaines ,  &  même  qu'il  y  travailloit ,  afin  de 
parvenir  à  une  langue  philoibphique  :  mais  la  mort 
de  ce  grand  philofophe  empêcha  ion  projet  de  venir 
en  maturité. 

M.  Lodwic  nous  a  communiqué ,  dans  les  tranfac- 
tions philofophiques ,  un  plan  d'un  alphabet  ou  caractère 
univerfel  d'une  autre  elpece.  Il  devoit  contenir  une 
énumération  de  tous  les  fons  ou  lettres  fimples ,  ufi- 
tés  dans  une  langue  quelconque  ;  moyennant  quoi , 
on  auroit  été  en  état  de  prononcer  promptement  & 
exactement  toutes  fortes  de  langues  ;  &  de  décrire  , 
en  les  entendant  fimplement  prononcer ,  la  pronon- 
ciation d'une  langue  quelconque  ,  que  l'on  auroit  ar- 
ticulée ;  de  manière  que  les  perfonnes  accoutumées 
à  cette  langue ,  quoiqu'elles  ne  l'euffent  jamais  en- 
tendu prononcer  par  d'autres ,  auraient  pourtant  été 
en  état  fur  le  champ  de  la  prononcer  exactement  :  en- 
fin ce  caractère  auroit  iervi  comme  d'étalon  ou  de  mo- 
dèle pour  perpétuer  les  fons  d'une  langue  quelcon- 


que 


Dans  le  journal  littéraire  de  Cannée  i  jzo  ,  il  y  a 


CAR 

auffi  un  projet  d'un  caractère  univerfel.  L'auteur ,  après 
avoir  répondu  aux  objections  que  l'on  peut  faire  con- 
tre la  poiîîbilité  de  ces  plans  ou  de  ces  projets  en  gé- 
néral ,  propofe  le  fien.  Il  prend  pour  caractères  les  chif- 
fres Arabes  ou  les  figures  numériques  communes  :  les 
combinailbns  de  ces  neuf  caractères  peuvent  fuffire  à 
l'exprefiion  diftin&e  d'une  incroyable  quantité  de 
nombres  ,  &c  par  conféquent  à  celle  d'un  nombre  de 
termes  beaucoup  plus  grand  que  nous  n'en  avons 
beibin  pour  fignifier  nos  actions ,  nos  biens ,  nos  maux, 
nos  devoirs  ,  nos  paillons ,  &c.  par  là  on  fauve  à  la 
fois  la  double  incommodité  de  former  &  d'appren- 
dre de  nouveaux  caractères  ;  les  figures  Arabes  ou  les 
chiffres  de  l'Arithmétique  ordinaire  ayant  déjà  toute 
l'univerfalité  que  l'on  demande. 

Mais  ici  la  difficulté  eft  bien  moins  d'inventer  les 
caractères  les  plus  fimples  ,  les  plus  ailés  ,  &  les  plus 
commodes  ,  que  d'engager  les  différentes  nations  à 
en  faire  ufage;  elles  ne  s'accordent,  dit  M.  de  Fonte- 
nelle,  qu'à  ne  pas  entendre  leurs  intérêts  communs. 

(°) 

Les  caractères  littéraux  peuvent  encore  fe  divifer  , 

eu  égard  aux  différentes  nations  chez  lefquelles  ils 
ont  pris  naiffance  ,  &  où  ils  font  en  ufage  ,  en  carac- 
tères Grecs  ,  caractères  Hébraïques ,  caractères  Romains , 
&c. 

Le  caractère  dont  on  fe  fert  aujourd'hui  communé- 
ment par  toute  l'Europe ,  eft  le  caractère  Latin  des  an- 
ciens. 

Le  caractère  Latin  fe  forma  du  Grec ,  &  celui-ci  du 
Phénicien  ,  que  Cadmus  apporta  en  Grèce. 

Le  caractère  Phénicien  étoitlemême  quecelui  de  l'an- 
cien Hébreu ,  qui  fubfifta  jufqu'au  tems  de  la  captivité 
de  Babylone  ;  après  quoi  l'on  fit  ufage  de  celui  des 
AiTyriens ,  qui  eft  l'Hébreu  dont  on  fe  fert  à  préfent  ; 
l'ancien  ne  le  trouvant  que  fur  quelques  médailles 
Hébraïques  ,  appellées  communément  Médailles  fa- 
maritaines.   Voye{  SAMARITAIN. 

Poft el  èc  d'autres  prouvent  qu'outre  le  Phénicien  , 
le  caractère  Chaldéen  ,  le  Syriaque  ,  &  Y  Arabe ,  étoient 
pareillement  dérivés  de  l'ancien  Hébreu.  Voye^  Hé- 
breu, &c. 

Les  François  furent  les  premiers  qui  admirent  les 
caractères  Latins ,  avec  l'Office  Latin  de  S.  Grégoire. 
L'ufage  des  caractères  Gothiques ,  inventés  par  Ulfîlas, 
fut  aboli  dans  un  fynede  provincial,  qui  fe  tint  en 
1 09 1 ,  à  Léon ,  ville  d'Efpagne ,  &  l'on  établit  enleur 
place  les  caractères  Latins.  Voye^  GOTHIQUE. 

Les  Médailliftes  obfervent  que  le  caractère  Grec ,  qui 
ne  confifte  qu'en  lettres  majulcules ,  a  confervé  (on 
uniformité  fur  toutes  les  médailles  jufqu'au  tems  de 
Gallien  ;  on  n'y  trouve  aucune  altération  dans  le  tour 
ou  la  figure  du  caractère  ,  quoiqu'il  y  ait  plufieurs 
changemens  confidérables ,  tant  dans  l'ufage  que  dans 
la  prononciation.  Depuis  le  tems  de  Gallien,  il  paroît 
un  peu  plus  foibie  &  plus  rond. Dans  Fefpace  de  tems, 
qui  s'écoula^entre  le  règne  de  Conftantin  &  celui  de 
Michel ,  qui  fut  environ  de  500  ans ,  on  ne  trouve 
que  des  caractères  Latins.  Après  Michel ,  les  caractères 
Grecs  recommencèrent  à  être  en  ufage  ;  mais  depuis 
ce  tems ,  ils  reçurent  des  altérations  ,  ainfi  que  le  lan- 
gage ,  qui  ne  fut  alors  qu'un  mélange  de  Grec  &  de 
Latin.  Foyeç  Grec. 

Les  médailles  latines  conferverent  leurs  caractères 
&  leur  langue  jufqu'à  la  tranilation  du  iïége  de  l'em- 
pire à  Conftantinople.  Vers  le  tems  de  Decius ,  le  ca- 
ractère commença  à  s'altérer  &  à  perdre  de  fa  ron- 
deur &  de  fa  beauté  :  on  la  lui  rendit  quelque  tems 
après ,  &  il  fubfifta  d'une  manière  paffable  jufqu'au 
tems  de  Juftin  ;  il  tomba  enfuite  dans  la  dernière  bar- 
barie ,  dont  nous  venons  de  parler  ,  fous  le  règne  de 
Michel  ;  enfuite  il  alla  toujours  de  pis  en  pis ,  jufqu'à 
ce  qu'enfin  il  dégénérât  en  Gothique.  Ainii  plus  le 
caractère  «ift  rond  &  mieux  il  eft  formé ,  plus  l'on  peut 


CAR 

aiïùrer  qu'il  efl  ancien.  Voyc?^  Médaille. 

Nous  nous  fervons  de  deux  fortes  de  caractères  pour 
l'imprefîion  des  livres;  i°.  le  romain  ;  z°.  l'italique. 
Nous  avons  aufîi  deux  fortes  d'écritures  à  la  main; 
i°.  la  bâtarde,  qui  efl  le  plus  en  ufage,  &  que  les 
maîtres  appellent  aufîi  italienne;  20.  la  ronde  ou  fi- 
nancière nommée  ivaffifrançoi/e.  Voye^  plus  bas  Ca- 
ractères d'écriture,  &  fonderie  en  CARACTERES. 

Les  caraciercs  numéraux  iont  ceux  dont  on  fe  fert 
pour  exprimer  les  nombres  ;  ce  font  des  lettres  ou  des 
figures ,  que  l'on  appelle  autrement  chiffres.  Les  cfpe- 
ces  de  caractères,  qui  font  principalement  en  ufage  au- 
jourd'hui ,  font  le  commun  ôc  le  Romain  :  on  peut  y 
joindre  le  Grec  &C  un  autre  nommé  le  caractère  Fran- 
çois ,  ainfi  que  les  lettres  des  autres  alphabets ,  dont 
on  s 'efl  fervi ,  pour  exprimer  les  nombres. 

Le  caractère  commun  efl  celui  que  l'on  appelle  or- 
dinairement le  caractère  Arabe  ,  parce  que  l'on  fuppofe 
qu'il  a  été  inventé  par  les  Afîronomes  Arabes  ;  quoi- 
que les  Arabes  eux-mêmes  l'appellent  le  caractère  In- 
dien ,  comme  s'ils  i'avoient  emprunté  des  peuples  de 
l'Inde. 

Il  y  a  dix  caracleres  Arabes ,  fa  voir ,  1,1,3,4,  5  » 
6,7,8,9,0,  dont  le  dernier  s'appelle  en  latin  cy- 
phra  ;  en  France,  on  donne  en  général  le  nom  de 
chiffre  à  tout  caractère  ,  qui  fert  à  exprimer  les  nom- 
bres. Foyei  Chiffre. 

On  fe  fert  du  caractère  Arabe  prefque  dans  toute 
l'Europe ,  &  prefque  dans  toutes  les  circonllances  où 
il  peut  avoir  lieu ,  en  fait  de  commerce ,  de  mefure, 
de  calculs  Aflronomiques,  &c. 

Le  caractère  Romain  efl  compofé  de  lettres  majus- 
cules de  l'alphabet  Romain,  d'où  probablement  lui 
efl  venu  ion  nom  :  ou,  peut-être  ,  de  ce  que  les  an- 
ciens Romains  en  faifoient  ufage  fur  leurs  monnoies, 
&  dans  les  inferiptions  de  leurs  monumens  publics  , 
érigés  en  l'honneur  de  leurs  divinités ,  &  de  leurs 
hommes  illuftres  ;  de  même  que  fur  leurs  tombeaux , 
&c. 

Les  lettres  numérales  ,  qui  compofent  le  caractère 
Romain  ,  font  au  nombre  de  fépt ,  lavoir,  /,  V ',  X, 
L,C,D,M. 

Le  caractère  /,  lignifie  un  ;  V ',  cinq  ;  X ' ,  dix  ;  L , 
cinquante;  C ,  un  cent;  D ,  cinq  cents;  &  M ,  un 
mille. 

Le  /,  répété  deux  fois ,  fait  deux ,  //  y  trois  fois , 
trois  ,  111  ;  quatre  s'exprime  ainfi  //'".  /,  mis  devant 
V ov\  X,  retranche  une  unité  du  nombre  exprimé  par 
chacune  de  ces  lettres. 

Pour  exprimer  fix ,  on  ajoute  /  à  V,  VI  ;  pour 
fept ,  on  y  en  ajoute  deux ,  VII  ;  Se  pour  huit ,  trois  , 
VIII :  on  exprime  neuf,  en  mettant  I  devant  A', 

IX,  conformément  à  la  remarque  précédente. 

On  peut  faire  la  même  remarque  par  rapport  à  X 
devant  L  ou  C  ;  ceATindique  alors  qu'il  faut  retran- 
cher dix  unités  élu  nombre  fuivant;  ainfi  XL  lignifie 
quarante ,  (k  XC ,  quatre-vingt-dix  ;  une  L  fuivie  d'un 

X,  lignifie  Jbixante,  LX,  &c.  On  a  déligné  quelque- 
fois quatre  cents  par  CD ,  mais  cela  cil  rare. 

Outre  la  lettre  D  ,  qui  exprime  cinq  cents ,  on  peut 
encore  exprimer  ce  nombre  par  un  I  devant  un  C 
renverfé ,  de  cette  manière  10; as  même  au  lieu  de 
M ,  qui  fignirie  un  mille, on  le  fert  quelquefois  de  /en- 
tre deux  C,  l'un  droit  &  l'autre  renverlé,  en  cette 
forte  CIJ  ;  fuivant  cette  convention ,  on  peut  ex- 
primeryTx  cents  par  IDC,  ikj'ept  cents  par  1JCC,  &c. 

L'addition  de  C&  J  devant  &  après,  augmente 
CIJ  en  raifort  décuple  ;:\ïnl\CCiJJ ,  lignifie  10000; 
CCC1J  JJ ,  1 00000 ,  &c. 

C  ecieftla  manière  commune  de  marquer  les  nom- 
bres ,  anciennement  ulîtée  par  les  Romains,  qui  ex- 
primoient  aufîi  tout  nombre  de  mille  par  une  ligne  , 
tirée  fur  un  nombre  quelconque  momdre  que  nulle. 


CAR 


647 


Par  exemple  V  fignifîe  5000  ;  L X ,  60000  ;  pareille- 
ment M  efl  1 000000  ;  MAI ,  efl  2000000 ,  &c. 

Outre  cela,  i°.  certaines  libertés  ou  variations 
ont  été  admifes  ,  au  moins  dans  quelques  écrivains 
modernes  ;  par  exemple  11X ,  fignifîe  8  ;  IICIX , 
89  ;  20.  certains  caractères  ont  été  en  ufage  ,  qui  fem- 
blent  avoir  du  rapport  aux  lettres  ;  par  exemple  A/, 
par  lequel  on  exprime  mille,  1000,  a  été  formé  de 
CXJ,  ou  CIJ ,  dont  la  moitié ,  c'efl-a-dire  ,  ID  étoit 
prife  pour  500  ;  de  même ,  afin  d'avoir  peut  être  plus 
de  commodité  pour  écrire  ,  ID  femble  avoir  été 
changé  en  D.  Nous  ignorons  au  refte  comment  les 
Romains  faifoient  leurs  calculs  par  le  moyen  de 
ces  nombres.  Ils  avoient  fans  doute  une  Arithméti- 
que comme  nous  ,  &c  peut  être  ne  fcroit-il  pas  im- 
pofîible  de  la  retrouver  :  mais  ce  feroit  une  recherche 
de  pure  curiofité.  Le  caractère  Arabe  qui  a  prévalu  par 
tout  nous  en  exempte. 

Chiffres  Grecs.  Les  Grecs  avoient  trois  manières 
d'exprimer  les  nombres.  i°.  La  plus  iimple  étoit  pour 
chaque  lettre  en  particulier  ,  fuivant  fa  place  dans 
l'alphabet,  afin  d'exprimer  un  nombre  depuis  a.  1  , 
jufqu'à  «  24  :  c'efl  de  cette  manier*  que  font  diflin- 
gues  les  Livres  de  l'Iliade  d'Homère.  20.  Il  y  avoit 
une  autre  manière,  gui  fe  faifoit  par  une  divilion  de 
l'alphabet  en  8  unités  :  *  1.  C  2,  &c.  8  dixaines  e: 
/  10,  y.  20,  &c.  3.  8  centaines  p  100,  c-  200,  &c. 
N.  B.  ils  exprimoient  mille  par  un  point  ou  un 
accent  fous  uns  lettre;  par  exemple,  »  1000, 
Ç  2000,  &c.  30.  Les  Grecs  avoient  une  troifieme 
manière  qui  fe  faifoit  par  fix  lettres  capitales,  en 
cette  manière,  1  [,'a  pour  juia]  1,  n  [^ï.tè]  5,  ^[J-.:-] 

IO,  H  [iaaToY]  IOO,  X  [%/Xiftj  IOOO,  M  [/Lapa]  IOOOO. 

Et  quand  la  lettre  11  en  renfermoit  quelques-unes, 
excepté  1 ,  cela  montrait  que  la  lettre  renfermée 
étoit  le  quintuple  de  fa  propre  valeur,  comme 
jÂ|  50,    HÎj  500,  |X|  5000,  |Mj  soooo. 

Chiffres  Hébraïques.  L'alphabet  Hébreu  étoit  divifé 
en  9  unités ,  N  1,  2  2,  &c.  en  9  dixaines  ,  >  10,  2  20, 
&c.  en  9  centaines,  p  100,  "I  200,  &c.  "j  500, 23  600, 
]  700,  F|8oo,  S  900.  Les  mille  s'exprimoient  quel- 
quefois par  les  unités  ,  que  l'on  mettoit  avant  les 
cents,  1?"S,  1534,  6c  de  même  devant  les  dixai- 
nes, >X  ,  1070.  Mais  en  général  on  exprimoit  mille 
par  le  mot  THH,  Se  2000  par  Q'S^N  ;  OSnH  pré- 
cédé des  autres  lettres  numérales,  fervoit  à  déter- 
miner le  nombre  de  mille  ;  par  exemple ,  Cî^NJ, 
3000,  &c 

Le  caractère  François ,  ainfi  appelle,  à  caufe  que 
les  François  l'ont  inventé ,  &  en  font  principalement 
ufage,  cil  plus  ordinairement  nommé  chiffre  de  compte 
ou  de  finance. 

Ce  n'eil  proprement  qu'un  chiffre  Romain  en  let- 
tres non  majufcules;  ainfi  au  lieu  d'exprimer  56  par 
LVI.  en  chiffre  Romain,  on  l'exprime  en  plus  petits 
res  par  Ivj.  &  ainfi  des  autres,  6c. 

On  en  fait  principalement  ufage  dans  les  chambres 
des  comptes;  dans  les  comptes  que  rendent  les  thré- 
foriers,  les  receveurs,  &c.  &c  autres  perfonnes  em- 
ployées dans  l'adminiflration  des  revenus. 

l  ...  3eres  d'abréviation.  On  fe  fert  aufîi  du  mot  ca- 

en  plusieurs  arts  pour  exprimer  un  fymbole 

delliné  à  communiquer  d'une  manière  plus  concile 

6v  plus  immédiate  ,  la  connoifîance  des  choies.  Voy. 

Abréviation. 

Paul  Diacre  attribue  l'invention  de  ces  caractères 
à  Ennius,  qui  en  a  inventé,  dit-il,  les  premiers  onze 
cents.  Tyron,  affranchi  de  Ciceron;  Philargyrus; 
Faunius  &  Aquila ,  affranchis  de  Mécène ,  y  en  ajou- 
tèrent un  bien  plus  grand  nombre. 

Enfin  Seneque  en  fit  une  collection  qu'il  mit  en 
ordre,  &  il  augmenta  leur  nombre  jufqu'à  cinq  mille. 


643 


CAR 


On  peut  lire  les  notes  de  Tyron  à  la  fin  des  infcrip- 
tions  de  Gruter. 

Valerius  Probus ,  Grammairien ,  du  tems  de  Né- 
ron, travailla  avec  fuccès  à  expliquer  les  notes  des 
anciens.  Paul  Diacre  écrivit  un  ample  traité  touchant 
l'explication  des  caractères  de  droit,  fous  le  règne  de 
l'Empereur  Conrad  I.  &Goltziusenfitun  autre  pour 
l'explication  des  médailles. 

On  fait  un  ufage  particulier  de  plufieurs  caractères 
différens  dans  les  Mathématiques,  &  particulière- 
ment en  Algèbre,  en  Géométrie,  en  Trigonométrie , 
&en  Aftronomie,  de  même  qu'en  Médecine,  en  Chi- 
mie, en  Mufique ,  &c 

Caractères  ujïtés  en  Arithmétique ,  &  en  Algèbre.  Les 
premières  lettres  de  l'alphabet  a,  b,  c,d,  &c.  font 
les  lignes  ou  les  caractères  qui  expriment  des  quantités 
données;  &  les  dernières  lettres  ç ,  y,  x,  &c.  font  les 
caractères  des  quantités  cherchées.  Foye{  QUANTITÉ  ; 
voye{ aufîî  l'article  Arithmétique  universelle, 
où  nous  avons  expliqué  pourquoi  l'Algèbre  le  fert  de 
lettres  pour  défigner  les  quantités  foit  connues  ,  foit 
inconnues. 

Obfervez  que  les  quantités  égales  fe  marquent  par 
le  même  caractère.  Les  lettres  m,  n ,  r ,f,  t,  &c.  font 
les  caractères  des  expolans  indéterminés  des  rapports 
&  des  puifTances;  ainfi  xm,yn,  <( ,  &c.  défignentles 
puiffances  indéterminées  de  différente  efpece  ;  mx , 
ny,  r{,  les  différens  multiples  ou  fous-multiples  des 
quantités  x,y,  i,  félon  que  m,  n,  r,  reprélentent 
des  nombres  entiers  ou  rompus. 

-(-  Eli:  le  figne  de  ce  qui  exifte  réellement,  &  on 
l'appelle  figne  affirmatif  ou  pofitif,  il  fait  comprendre 
que  les  quantités  qui  en  font  précédées ,  ont  une 
exiftence  réelle  &  pofitive.  Voyei  Positif. 

C'eft  aufîi  le  ligne  de  l'addition  ;  &  en  lifant ,  on 
prononce  plus;  ainli  9  +  3  le  prononce  neuf  plus 
trois  ;  c'eft-à-dire ,  9  ajouté  à  3  ,  ou  la  fomme  de  9  &c 
3  égale  ix.  Voyei  Addition. 

Quand  le  figne  —  précède  une  quantité  fimple  ,  il 
exprime  une  négation,  ou  bien  une  exiftence  néga- 
tive ;  il  fait  voir ,  pour  ainfi-dire ,  que  la  quantité 
qui  en  eft  précédée ,  eft  moindre  que  rien.  Car  on 
peut  dire ,  par  exemple ,  d'un  homme  qui  a  20000 
livres  de  dettes ,  &  qui  n'a  rien  d'ailleurs,  que  fa  for- 
tune eft  au-deiTous  de  rien  de  la  valeur  de  20000 
livres  ,  puifque  fi  on  lui  donnoit  20000  livres ,  il  fe- 
roit  obligé  de  payer  fes  dettes ,  &  il  ne  lui  refteroit 
rien  ;  ce  qu'on  peut  exprimer  ainfi ,  la  fortune  de  cet 
homme  eii  —  20000  livres.  Au  refte  nous  donnerons 
plus  au  long  &  plus  exactement  l'idée  des  quantités 
négatives  à  l'article  Négatif. 

Si  on  met  ce  figne  entre  des  quantités ,  c'eft  le  fi- 
gne de  la  fouftradtion ,  &  en  le  lifant,  on  prononce 
moins  ;  ainfi  14  — 2  fe  lit  14  moins  2  ,  ou  diminué  de 
2;  c'eft- à-dire ,  le  refte  de  14,  après  que  l'on  en  a 
fouftrait  2,  ce  qui  fait  12.  Foyei  Soustraction. 

=  eft  le  figne  de  l'égalité  ;  ainfi  9  -\-  3  =  14  —  2 , 
fignifie  que  9  plus  3  font  égaux  à  14  moins  2. 

Harriot  eft  le  premier  qui  a  introduit  ce  caractère. 
En  fa  place  Deicartes  fe  fert  de  oc  :  avant  Harriot  il 
n'y  avoit  aucun  ligne  d'égalité.  Volf  &  quelques 
autres  auteurs  fe  lervent  du  même  caractère  z=  pour 
exprimer  l'identité  des  rapports,  ou  pour  marquer 
les  termss  qui  font  en  proportion  géométrique ,  ce 
que  plufieurs  auteurs  indiquent  autrement.  Le  figne 
X  eft  la  marque  de  la  multiplication;  il  fait  voir  que 
les  quantités  qui  font  de  l'un  tic  de  l'autre  côté  de  ce 
figue,  doivent  être  multipliées  les  unes  par  les  autres  : 
ainfi  4  X  6  fe  lit  4  multiplié  par  6 ,  ou  bien  le  produit 
de  4  &  6  =  24,  ouïe  rectangle  de  4  &  de  6.  Cepen- 
dant dans  l'Algèbre  on  omet  allez  fouvent  ce  fi- 
gne, &  l'on  met  Amplement  les  deux  quantités  en- 
f'emble  :  ainfi  b  d  exprime  le  produit  des  deux  nom- 
bres marqués  par  b  Ikd,  lefquels  étant  fuppofés  va- 


CAR 

loir  2  Si  4 ,  leur  produit  eft  8  lignifié  par  b  d. 

Wolf  &  d'autres  auteurs  prennent  pour  figne  de 
multiplication  un  point  (.)  placé  entre  deux  mul- 
tiplicateurs ;  ainfi  6  .  2  fignifie  le  produit  de  6  & 
2  ,  c'eft-à-dire  12.  Voye^  Multiplication. 

Quand  un  des  facteurs  ou  tous  les  deux  font  com- 
pofés  de  plufieurs  lettres  ,  on  les  ciiftingue  par  une 
ligne  que  l'on  tire  delTus  ;  ainfi  le  produit  de  a  -f  b — c 

par  d  s'écrit  dxa-\-b  —  c. 

Guido  Grandi,  &  après  lui  Leibnitz,  Wolf,  & 
d'autres  ,  pour  éviter  l'embaras  des  lignes  ,  au 
lieu  de  ce  moyen  ,  diftinguent  les  multiplicateurs 
compofés  en  les  renfermant  dans  une  parenthelè  de 
la  manière  fuivante  (a-\-b  —  c)  d. 

Le  ligne  -=-  exprimoit  autrefois  la  divifion  ;  ainfi 
a~  b  défignoit  que  la  quantité  a  eft  divifée  par  la 
quantité  b.  Mais  aujourd'hui  en  Algèbre  on  ex- 
prime le  quotient  fous  la  forme  d'une  fraction  ;  ainfi 
j  fignifie  le  quotient  de  a  divifé  par  b. 

Wolf  &  d'autres  prennent ,  pour  indiquer  la 
divifion  ,  le  figne  (  :  )  ;  ainfi  8:4,  fignifie  le  quotient 
de  8  divifé  par  4 ,  =  2. 

Si  le  divifeur  ou  le  dividende  ,  ou  bien  tous  les 
deux  font  compofés  de  plufieurs  lettres  ;  par  exem- 
ple ,  a  -f  b  divile  par  c ,  au  lieu  d'écrire  le  quotient 
fous  la  forme  d'une  fraction  de  cette  manière  -±-  , 
Wolf,  renferme  dans  une  parenthefe  les  quan- 
tités compofées ,  comme  (  a  -J-  b  )  :  c.  Voye^  D  I- 
vision. 

>  eft  le  figne  de  majorité  ou  de  l'excès  d'une  quan- 
tité fur  une  autre.  Quelques-uns  fe  fervent  du  carac- 
tère [_  ou  de  celui-ci  m . 

<  eft  le  figne  de  minorité  ;  Harriot  introduifit  le 
premier  ces  deux  caractères ,  dont  tous  les  auteurs 
modernes  ont  fait  ufage  depuis. 

D'autres  auteurs  employent  d'autres  fignes;  quel- 
ques-uns fe  fervent  de  celui-ci  __j  ;  mais  aujourd'hui 
on  n'en  fait  aucun  ufage. 

</5  eft  le  figne  de  fimilitude ,  recommandé  dans  les 
Mifcellanea  BerolinenJIa  ,  &  dont  Leibnitz ,  Wolf, 
&  d'autres  ont  fait  ufage  ,  quoiqu'en  général  les  au- 
teurs ne  s'en  fervent  point.  Voye^  Similitude. 

D'autres  auteurs  employent  ce  même  caractère  , 
pour  marquer  la  différence  entre  deux  quantités  , 
lorfque  l'on  ignore  laquelle  eft  la  plus  grande.  froye^ 
Différence. 

Le  figne  y/  eft  le  caractère  de  radicalité  ;  il  fait  voir 

que  la  racine  de  la  quantité  qui  en  eft  précédée ,  eft: 

1 

extraite  ou  doit  être  extraite  :  ainfi  yA,-  ou  y/iç  fi- 
gnifie la  racine  quarrét  de  25  ,  c'eft-à-dire  ,  5  :  Se 

\/~  indique  \a.racine  cubique  de  25.  Voye^ Racine, 
Radical. 

Ce  caractère  renferme  quelquefois  plufieurs  quan- 
tités, ce  que  l'on  diftingue  en  tirant  une  ligne  deflus  ; 
ainli  y V+7y  lignifie  la  racine  quarrée  de  la  fomme  des 
quantités  b  &Z  d. 

Wolf,  au  lieu  de  ce  figne  renferme  dans  une 
parenthelè  les  racines  compofées  de  plufieurs  quan- 
tités ,  en  y  mettant  l'expofant  :  ainfi  (a  +  b— c  )  2  fiï 
gnifie  le  quarréde  a-\-b  —  c,  qui  s'écrit  ordinairement 

Le  ligne  :  eft  le  caractère  de  la  proportion  arithmé- 
tique ;  ainli  7.3:13.9  fait  voir  que  trois  eft  fur- 
pafie  par  7  autant  que  9  l'eft  par  1 3  ,  c'eft-à-dire , 
de  4.  f-'oyei  Progression. 

Le  ligne  :  :  eft  le  caractère  de  la  proportion  géo- 
métrique ;  ainli  8  .  4:  :  30.  15.  ou  8:  4::  30:  15. 
montre  que  le  rapport  de  30  à  15  eft  le  même  que 
celui  de  8  à  4 ,  ou  que  les  quatre  termes  font  en  pro- 
portion géométrique ,  c'eft-à-dire  que  8  eft  à  4  com- 
me 30  eft  ù  15.  Voyei  Proportion. 

Au 


CAR 

Au  lieu  de  ce  caractère,  "Wolf  fe  fert  du  figne  d'é- 
galité = ,  qu'il  préfère  au  premier,  comme  plus  fcien- 
tifique  &  plus  cxpreffif.  D'autres  défignent  ainfi  la 
proportion  géométrique  ,a\h\\c\d.  Tout  cela  eft  in- 
différent. 

Le  ligne  -H-  eft  le  caractère  de  la  proportion  géomé- 
trique continue  ;  il  montre  que  le  rapport  eft  toujours 
le  même  fans  interruption  :  ainfi -K-  2..  4.  8.  16.  32.. 
font  dans  la  même  proportion  continue  ;  car  1  eft  à  4 
comme  4  eft  à  8 ,  comme  8  eft  à  16 ,  &c.  Voye^  Pro- 
portion 6*  Procession. 

Caractères  en  Géométrie  &  en  Trigonométrie. 
Il  eft  le  caractère  du  parallélifme  ,  qui  montre  que 
deux  lignes  ou  deux  plans  doivent  être  à  égale  dif- 
tance  l'un  de  l'autre.  Aoyq  Parallèle. 

A  eft  le  caractère  d'un  triangle.  Voye^  Triangle. 

Q  eft  le  figne  d'un  quarré ;  4.  marque  l'égalité  des 
côtés  d'une  figure. 

i    1  fignifie  un  rectangle;  <  eftlefignc  d'un  angie. 

O  caradérife  un  cercle;  \_  marque  un  angle  droit. 

Z.  exprime  V égalité  des  angles.  J_  eft  le  figne  d'une 
perpendiculaire. 

0  exprime  un  degré  ;  ainfi  750  fignifie  foixante  & 
quinze  degrés. 

1  eft  le  figne  d'une  minute  ou  d'une  prime ,  ainfi  50' 
dénote  cinquante  minutes.  " ,  '" ,  ""  ,  &c.  font  les  ca- 
ractères des  fécondes ,  des  tierces ,  des  quartes,  &cc.  de 
degré;  ainfi  5",  6'",  18"",  io'/w,  fignifie  5  fécon- 
des ,  6  tierces  ,  18  quartes ,  20  quintes.  Les  quartes  & 
les  quintes  s'expriment  auffi  par  iv.  &  par  v. 

Au  refte ,  plulîcurs  des  caractères  de  Géométrie , 
dont  nous  avons  parlé  dans  cet  article ,  font  peu  ufi- 
tés  aujourd'hui  :  mais  nous  avons  cru  pouvoir  en 
faire  mention.  (£) 

Caractères  dont  on  fait  ufage  dans  V Arithmétique 
des  injinis. 
Le  caractère  d'un  infinitéfimal  ou  d'une  fluxion ,  fe 
marque  ainfi  x  }  y  y  &c.  c 'eft- à-dire  que  ces  quanti- 
tés ainfi  affedées  expriment  les  fluxions  ou  les  diffé- 
rentielles des  grandeurs  variables  x  &  y  :  deux,  trois, 
ou  un  plus  grand  nombre  de  points  défignent  les  fé- 
condes ,  les  troifiemes  fluxions ,  ou  des  fluxions  d'un 
plus  haut  degré.  Voyc^  Fluxion. 

On  doit  à  l'illuftrc  Newton ,  l'inventeur  des  flu- 
xions ,  la  méthode  de  les  caradérifer  :  les  Anglois 
l'ont  fuivie  :  mais  les  autres  Mathématiciens  fuivent 
M.  Leibnitz ,  &  au  lieu  d'un  point,  ils  mettent  la 
lettre  d  au-devant  de  la  quantité  variable  ,  afin  d'é- 
viter la  confufion  qui  vient  de  la  multiplicité  des 
points ,  dans  le  calcul  des  différentielles.  Voye-^  Dif- 
férentiel. 

Ainfi  d  eft  le  caractère  de  la  différentielle  d'une 
quantité  variable  ;  dx  eft  la  différentielle  de  x  ;  dy 
la  différentielle  de  j. 

Cette  différente  manière  de  caradérifer  les  flu- 
xions &  les  quantités  différentielles ,  tient  peut-être 
jufqu'à  un  certain  point  à  la  différente  manière  dont 
Mrs.  Newton  ot  Leibnitz  les  envifageoient  ;  en  effet 
l'idée  qu'ils  s'en  formoient  n'étoit  pas.la  même,  com- 
me on  le  verra  aux  articles  cités. 
00  exprime  V infini. 

Caractères  ufités  en  Afironomie. 
ff  Caractère  de  Saturne.  H   les  Gémeaux. 

■£  Jupiter.  «5  le  Cancer. 

o*  Mars.  £1  le  Lion. 

<j>  Venus.  nj  la  Vierge, 

îj  Mercure.  &  la  Balance. 

#  le  Soleil.  i".  le  Scorpion. 

tjT  la  Lune.  4-»  le  Sagittaire. 

3  la  Terre.  ■£>  le  Capricorne. 

y  le  Bélier.  «s  le  Verfeau. 

.f  le  Taureau.  )(  les  Poillons. 

Tome  II. 


CAR 


649 


Caractères  des  Jfpects  ,  &c. 

o   Conjonction.  A  Trine. 

S  S  Semi-fextile.  Bq.  Biquintile. 

*  Sextile.  Kc  Quinconce. 

Q.  Quintile.  </>  Oppolition. 

□  Quadrat  ou  quartile.  P_  Nœud  afcerfflant. 

Td  Tridecile.  \j;  Nœud  defeendant. 

Caractères  de  Tems. 

A.  M.  (avant  midi,  ou  ante  meridiem.  ) 
P.  M.  (pojl  meridiem}  ;  ou  après  midi. 
M.  matin. 
S.  foir.  (O) 

Caractères  de  Chimie. 

Les  caractères  chimiques  font  une  efpece  d'écriture 
hiéroglyphique  &  myftérieufc  »  c'eft  proprement  la 
langue  facrée  de  la  Chimie  :  mais  depuis  qu'on  en  a 
drefle  des  tables  ,  avec  des  explications  qui  font  en- 
tre les  mains  de  tous  les  gens  de  l'art ,  ils  ne  peuvent 
plus  rien  ajouter  à  l'obfcurité  des  ouvrages  des  phi- 
lofophes.  Voye^  Planche  de  Chimie. 

On  s'eft  fervi  des  mêmes  caractères  lorfciue  la  Chi- 
mie a  commencé  à  fournir  des  remèdes  à  la  Médeci- 
ne ,  pour  cacher  ces  remèdes  au  malade ,  aux  aftii- 
tans  ,  &  aux  barbiers.  Les  malades  fe  font  enfin  ac- 
coutumés aux  remèdes  chimiques ,  &  les  Médecins  à 
partager  l'exercice  de  leur  art  avec  tous  leurs  minif- 
tres  ;  &  les  caractères  chimiques  font  devenus  encore 
inutiles  pour  ce  dernier  ufage  :  on  ne  s'en  fert  plus 
aujourd'hui  que  comme  d'une  écriture  abrégée. 

Les  caractères  chimiques  les  plus  anciens  lont  ceux 
qui  défignent  les  fubftances  métalliques  connues  des 
anciens  ,  leurs  fept  métaux  ;  ces  caractères  defignoient 
encore  leurs  fept  planètes  qui  portent  auiîi  les  mê- 
mes noms  que  ces  métaux.  Que  de  doctes  conjectu- 
res ne  peut-on  pas  former  iur  cette  conformité  de 
nom ,  de  figne ,  de  nombre  fur-tout  ?  Auffi  l'on  n'y 
a  pas  manqué  :  mais  la  plus  profonde  difeuftion  n* 
nous  a  rien  appris  ,  finon  que  ces  lignes  &  ces  noms 
leur  font  communs  depuis  une  antiquité  fi  reculée, 
qu'il  eft  à  peu  près  impoflible  de  décider  il  les  As- 
trologues les  ont  empruntés  des  Chimiftes  ,  ou  fi  ce 
font  ceux-ci  au  contraire  qui  les  ont  empruntes  dçs 
premiers. 

Il  eft  au  moins  certain  que  ces  caractères font  vrai- 
ment fymboliques  ou  emblématiques  chez  les  Chi- 
miftes ;  qu'ils  expriment  par  des  lipuiicatior.s  déjà 
convenues,  des  propriétés  efléntielies  des  corps  dé- 
fignés ,  ôc  même  leurs  rapports  génériques  ck  lpeci- 
fiques. 

Ces  fept  fignes  n'ont  que  deux  élémens  ou  racines 
primitives  ;  le  cercle  ,  &  la  croix  ou  la  pointe  :  le 
cercle  défigne  la  perfection  ;  la  croix  ou  la  pointe  , 
tout  acre ,  acide ,  corrofif ,  arfénical ,  volatil ,  &c. 

L'or  ou  le  foleil  eft  donc  déiigné  par  le  cercle  ,  par 
le  caractère  de  la  perfection;  l'argent  pu  la  lune  ,  par 
le  demi-cercle  ou  la  demi-pei fedion  ;  les  métaux  im- 
parfaits ,  par  l'un  ou  l'autre  de  ces  fignes  ,  &  par  le 
caractère  d'imperfection  ;  imperfection  qui  dépend 
d'un  (outre  immùr,  immaturum ,  volatil,  corrolif, 
&c.  félon  le  langage  de  l'ancienne  Chimie. 

Ces  métaux  font  folaires  ou  lunaires;  cette  divi- 
lion  eft  ancienne  &  très-réelle.  /  oj  .  -  Mlnstrue. 

Le  ter  ou  Mars,  &  le  cuivre  Ou  Venus,  font  lol.ii- 
rcs  ou  colores  ;  le  plomb  ou  Saturne  ,  ce  l'étain  ou 
Jupiter  ,  font  lunaires  ou  blancs  ;  auffi  les  deux  pre- 
miers font-ils  défignés  par  le  cercle ,  &  la  croix  ou  Lt- 
pointe  ;  &  les  deux  derniers ,  par  le  demi-cercle  Cv  la 
croix.  Le  mercure  prétendu  tivs-toluue  intérieure- 
ment, quoique  lunaire  ou  blanc  extérieurement  ,  en 
défigné  par  le  cercle  furmopté  du  denu»cercle  ,  e>: 
parle  caractère  d'impertèdion.  /  '<n  ftj  la  l 
moine ,  demi-métal  prétendu  (blaire. ,  efl 

N  N  n  n 


650 


CAR 


le  cercle  ,  &  par  le  caractère  d 'imperfection  ou  la 
croix. 

Les  caractères  chimiques  plus  modernes  n'ont  pas  été 
imaginés  fur  les  modèles  de  ceux-là  ;  on  n'y  a  pas 
employé  tant  d'art  ou  tant  de  fineffe  :  quelques-uns 
ne  font  autre  choie  que  les  lettres  initiales  des  noms 
des  fubftances  ,  des  opérations ,  des  inftrumens  ,  &c 
qu'ils  défignent ,  comme  celui  du  bifmuth ,  de  l'effer- 
vefcence,  du  bain-marie ,  &c.  d'autres  peignent  la 
choie  exprimée  comme  ceux  qu'on  employé  ordi- 
nairement pour  cornue  ,  bain  de  fable  ,  &c.  d'autres 
enfin  font  purement  arbitraires  &  de  convention  ; 
tels  font  ceux  dont  on  fe  fert  pour  le  cinnabre  ,  les 
cendres,  le  lait,  &c.  Cet  article  e/t  de  M.  Venel. 

Caractères  ufités  en  Pharmacie  &  en  Médecine. 

2f.  .  .   .  recipe ,  prenez. 

a  âà.  ana ,  de  chacun  également. 

§.  une  once. 

3.  une  dragme. 

9.  un  fcrupide. 

Gr.  un  grain. 

fi.  la  moitié  de  quelque  chofe. 

Cong.  congius  ,  ou  quatre  pintes. 

Coch.  cockleare ,  une  cuillerée. 

M.  manipulas  ,  une  poignée. 

P.  la  moitié  d'une  poignée. 

P.  E.  parties  égales. 

S.  A.  conformément  à  l'art. 

Q.  S.  une  quantité  fufîïfante. 

Q.  PL   quantum  p 'lacet ,  autant  qu'il  vous  plaît. 

P.  P.  pulvis  patrum ,  le  quinquina. 

Caractères  ufités  parmi  les  anciens  Avocats,  &  dans  les 
anciennes  infcriptions. 

§.  paragraphe. 

ff.  Digefte. 

E.  extra. 

S.  P.  Q.  R.  fenatus  ,  populufque  Romanus. 

S.  cto.  Jenatus  confulto, 

P.  P.  pater  patries. 

C.  code. 
CC.  confules. 
T.  titulus ,  &c. 

Caractères  que  Von  met  fur  les  tombes. 

S.  V.  Jifle  viator,  arrête-toi  voyageur. 

M.  S.  memoriœ  facrum  ,  confacré  à  la  mémoire. 

D.  M.   diis  manibus. 
IHS.  Je/us. 

X  P.  caractère  trouvé  fur  d'anciens  monumens ,  fur 
la  fignification  duquel  les  auteurs  ne  s'accordent 
pas. 

Caractères  en  Grammaire  ,  Rhétorique  ,  Poéjïe  ,  &C. 

j  caractère  d'un  comma  ou  d'une  virgule. 

;  fémicolon ,  un  point  &  une  virgule. 

:  colon  ,  deux  points. 

.  point. 

!  exclamation. 

?  interrogation. 

()  parenthefe. 

'  apoftrophe. 

accent  aigu. 
x  accent  grave. 
a  accent  circonflexe. 
"  brève. 
«  guillemet. 
+  renvoi. 

§  feâion  ou  paragraphe. 
M.  D.  docteur  en  médecine. 
A.  M.   artium  magifier  ,  maître  es  arts. 
F.  R.  S.  fellow  ofthe  royal  fociety ,  membre  de  la  fo- 

ciété  royale. 


CAR 

Caractères  ,  en  Commerce.  \ 

D°.  diclo ,  le  même.  , 

N°.  numéro  ,  ou  nombre. 
F°.  folio  ou  page. 
R°.  recto.        j   r  ,. 
V°.  verfo.        U°h9 
L.  ou  tb.  livres  d'argent, 
tfc.  livres  pelant. 
f.  fols, 
d.  deniers. 
Rx.  rixdalles. 
Dd.  ducat. 
P.  S.  poftfcript.  Sec. 

Caractères,  en  Muflque ,  font  les  fignes  dont  on  fe  fert 
pour  la  noter.  Voye^  Note. 

Caractère ,  en  Écriture  &  en  Imprefjîon  :  outre  les 
acceptions  qui  précèdent,  où  il  fe  prend  pour  lettre, 
il  défigne  auffî  la  grandeur  relative  d'un  caractère  ou 
d'une  lettre  à  une  autre;  ainfi  on  dit  un  gros  caractè- 
re i  un  petit  caractère;  caractère  en  écriture  elf.  alors 
fynonyme  à  oeil  en  Impreffion ,  ou  en  Fonderie  en  ca- 
ractère, foyei  CElL,  voyei  FONDERIE  EN  CARACTE- 
RES à  l'article  fuivant.  On  diftingue  en  écriture  qua- 
tre fortes  de  caractères  pris  dans  ce  dernier  fens  :  le 
gros  titulaire  ;  le  moyen ,  ou  le  caractère  de  finance  ;  la 
coulée  commune ,  &  la  minute. 

Les  caractères  en  Écriture  &  en  Imprefjîon  fe  diftin— 
guent  encore  relativement  à  une  certaine  forme  par- 
ticulière; &  l'on  a  en  écriture  le  bâtard  ou  Italien  , 
&  le  rond  ou  financier  ;  &  en  Impreflion  le  Romain  & 
Y  Italique.  Voye7  V  article  fuivant ,  &  les  articles  IMPRI- 
MERIE &  ÉCRITURE. 

»  CARACTERES  D'IMPRIMERIE,  ce  font  au- 
tant de  petits  parallélépipèdes  d'une  compofition  mé- 
tallique particulière ,  à  l'extrémité  defquels  eft  en  re- 
lief une  lettre  ou  quelqu'autre  figure  employée  dans 
l'imprefîion  des  livres,  &  dont  la  lurface  enduite  d'en- 
cre noire,  rouge,  ou  d'autre  couleur,  voye^  Encre, 
&  appliquée  fortement  par  la  preffe  d'Imprimerie  , 
voye{  Imprimerie  &  Presse,  contre  du  papier  pré- 
paré à  cet  effet,  y  laine  fon  empreinte. 

On  conçoit  qu'il  faut  que  le  caractère  qui  doit  laif- 
fer  fon  empreinte  fur  le  papier ,  foit  tourné  dans  le 
fens  oppolé  à  l'empreinte.  Exemple,  pour  que  le  ca- 
ractère B  donne  l'empreinte  B ,  il  faut  que  ce  carac- 
tère foit  difpofé  comme  le  voici  &  ;  car  fi  l'on  fpu- 
pofe  un  papier  appliqué  fur  ce  ,  S.  de  manière  qu'il 
en  reçoive  l'empreinte,  il  eft  évident  que  quand  on 
retournera  le  papier  pour  appercevoir  l'empreinte 
laiffée  ,  les  parties  de  ce  ££  qui  étoient  à  gauche ,  fe 
trouvant  à  droite,  &  celles  qui  étoient  à  droite,  fe 
trouvant  à  gauche,  on  ne  verra  plus  la  figure  &  ,  mais 
la  figure  B.  C'eft  précifément  comme  fi  le  papier 
étant  tranfparent,  on  regardeit  le  caractère  Q^  par  der- 
rière. C 'eft  là  ce  qui  rend  la  leéfure  d'une  forme  dif- 
ficile à  ceux  qui  n'en  ont  pas  l'habitude.  Voye^  Im- 
primerie, Forme. 

On  conçoit  encore  que  fi  l'on  avoit  autant  de  ces 
petits  caractères  en  relief,  qu'il  en  peut  entrer  dans 
l'écriture ,  &  qu'on  pofTedât  l'art  de  les  arranger 
comme  ils  le  doivent  être  pour  rendre  récriture  ;  de 
les  enduire  de  quelque  matière  colorante ,  &  d'ap- 
pliquer deffus  fortement  du  papier ,  de  manière  que 
ce  papier  ne  fe  chargeât  que  des  figures  des  caractè- 
res difpofés ,  on  auroit  l'art  le  plus  utile  qu'on  pût 
defirer ,  celui  de  multiplier  à  peu  de  frais  &  à  l'in- 
fini les  exemplaires  des  boqs  livres  pour  lefquels  cet 
art  devroit  être  rélérvé;  car  il  femble  que  l'Imprime- 
rie mettant  les  productions  del'efprit  humain  entre 
les  mains  de  tout  le  monde ,  il  ne  faudroit  impri- 
mer de  livres  que  ceux  dont  la  lecture  ne  peut  nuire 
à  perfonne. 

Cet  art  fuppofe  celui  de  faire  les  caractères,  ck, 


CAR 

celui  de  les  employer  :  l'art  de  faire  les  caractères  fe 
diftribue  en  deux  autres ,  celui  de  préparer  les  poin- 
çons néceffaires  pour  la  fonte  des  caractères ,  &  l'art 
de  fondre  ces  caractères  à  l'aide  des  poinçons. 

On  peut  donc  distribuer  l'art  d'imprimer  en  trois 
parties  :  l'art  de  graver  Us  poinçons ,  première  partie  ; 
l'art  de  fondre  Les  caractères ,  féconde  partie  ;  l'art  d'en 
faire  ufage,  auquel  nous  avons  reitraint  le  nom  d' 'Im- 
primerie ,  troifieme  partie. 

Nous  allons  expofer  ici  l'art  de  graver  les  poin- 
çons ,  &  celui  de  fondre  les  caractères.  Quant  à  celui 
d'employer  les  caractères,  on  le  trouvera  à  V  article  Im- 
primerie, avec  l'hiftorique  détaillé  de  l'art  entier. 
De  la  Gravure  des  poinçons.  On  peut  regarder  les 
Graveurs  des  poinçons  comme  les  premiers  auteurs 
de  tous  les  caractères  mobiles ,  avec  lefquels  on  a  im- 
primé depuis  l'origine  de  l'Imprimerie  :  ce  font  eux 
qui  les  ont  inventés ,  corrigés  &  perfectionnés  par 
une  fuite  de  progrès  longs  &  pénibles ,  &  qui  les  ont 
portés  dans  l'état  où  nous  les  voyons. 

Avant  cette  découverte,  on  gravoit  le  difcours  fur 
une  planche  de  bois ,  dont  une  feule  pièce  faifoit  une 
page ,  ou  une  feuille  entière  :  mais  la  difficulté  de 
corriger  les  fautes  qui  fe  gliifoient  dans  les  planches 
gravées,  jointe  à  l'embarras  de  ces  planches  qui  fe 
multiplioient  à  l'infini ,  infpira  le  deffein  de  rendre 
les  caractères  mobiles,  &  d'avoir  autant  de  pièces  lé- 
parées,  qu'il  y  avoit  de  figures  diftinfles  dans  l'é- 
criture. 

Cette  découverte  fut  faite  en  Allemagne  vers  l'an 
1440;  l'utilité  générale  qu'on  lui  trouva,  en  rendit 
les  fuccès  très-rapides.  Pluiieurs  perfonnes  s'occupè- 
rent en  même  tems  de  fa  pcifedf  ion  ;  les  uns  s'unifîant 
d'intérêt  avec  l'inventeur  ;  d'autres  volant,  à  ce  qu'on 
prétend ,  une  partie  du  fecret  pour  faire  fociété  à 
part,  &  enrichir  l'art  naiffant  de  leur  propres  expé- 
riences ;  de  manière  qu'on  ne  fait  pas  au  jufte  qui  eft 
le  véritable  auteur  de  l'art  admirable  de  la  Gravure 
des  poinçons  &  de  la  Fonderie  des  caractères,  plu- 
fieurs  perfonnes  y  ayant  coopéré  prcfqu'en  même 
tems  ;  cependant  on  en  attribue  plus  communément 
l'honneur  à  Jean  Guttemberg ,  gentilhomme  Alle- 
mand. Voye^  l'article  IMPRIMERIE. 

Les  Graveurs  de  caractères  font  peu  connus  dans  la 
république  des  Lettres.  Par  une  injuftice  dont  on  a 
des  exemples  plus  importans ,  on  a  attribué  aux  Im- 
primeurs qui  ont  fait  les  plus  belles  éditions,  une 
réputation  cv  des  éloges  que  dévoient  au  moins  par- 
tager avec  eux  les  ouvriers  habiles  qui  avoient 
gravé  les  poinçons  fur  lefquels  les  caractères  avoient 
été  fondus  ;  fans  les  difficultés  de  l'art  typographique 
qui  font  grandes ,  ce  feroit  comme  fi  l'on  eût  donné 
à  un  Imprimeur  en  taille-douce  la  gloire  d'une  belle 
eftampe,  dont  il  auroit  acheté  la  planche,  &  vendu 
au  public  des  épreuves  imprimées  avec  loin. 

On  a  beaucoup  parlé  des  Plantins ,  des  Elzevirs , 
des  Etiennes,  &C  autres  Imprimeurs,  que  la  beauté 
&  la  netteté  de  leurs  caractères  ont  rendus  célèbres, 
fans  obferver  qu'ils  n'en  étoient  pas  les  auteurs ,  & 
qu'ils  n'auroient  proprement  que  montré  l'ouvrage 
d'autrui,  s'ils  n'avoient  tra\  aillé  à  le  faire  \  a  loir  par 
les  foins  d'une  impreffion  propre  Se  foignée. 

Nous  ne  prétendons  point  ici  déprimer  l'art  ap- 
pelle proprement  Typographique:  il  a  fes  règles  ,  qui 
ne  font  pas  toutes  faciles  à  bien  obferver,  ci  fa  diffi- 
culté qu'on  ne  parvient  à  vaincre  que  par  une  lon- 
gue habitude  du  travail.  Ce  travail  le  diftribue  en 
pluiieurs  branches  qui  demandent  chacune  un  talent 
particulier.  Mais  n'eft-cc  pas  aile/  pour  l'Impri- 
meur de  la  louange  qui  lui  revient  du  méchanifme  de 
la  compolition,  de  la  propreté  de  l'impreffion  ,  de  la 
pureté  de  la  correction,  &c.  fans  lui  tranfporter  en- 
core celle  qui  appartient  à  des  hommes  qu'on  a  lail- 
fés  dans  l'oubli ,  quoiqu'on  leur  eut  l'obligation  de 
lome  II. 


CAR 


651 


ce  que  l'Imprimerie  a  de  plus  beau?  Car  une  chofé 
qui  doit  étonner,  c'eft  que  les  Écrivains  qui  ont  fait 
en  ditférens  tems  l'hiftoire  de  l'Imprimerie,  qui  en 
ont  fuivi  les  progrès ,  &  qui  fe  font  montrés  les  plus 
inftruits  fur  cet  objet ,  fe  font  fort  étendus  fur  le  mé- 
rite des  Imprimeurs ,  fans  prefque  dire  un  mot  des 
Graveurs  en  caractères  ;  quoique  l'Imprimeur  ou  plu- 
tôt le  Typographe  ne  foit  au  Graveur,  que  comme 
un  habile  chanteur  eft  à  un  bon  compofiteur  de  Mu- 
fique. 

C'eft  pour  rendre  à  ces  Artiftes  la  gloire  qui  leur 
eft  due ,  que  M.  Fournier  le  jeune,  lui-même  habile 
Fondeur  &  Graveur  en  caractères  à  Paris ,  en  a  fait 
mention  dans  un  livre  de  modèles  de  caractères  d'Im- 
primerie ,  qu'il  a  publié  en  1741.  Il  a  mis  au  nom- 
bre de  ceux  qui  fe  font  diftingués  dans  l'art  de  gra- 
ver les  caractères,  Simon  de  Colines  ,  né  dans  le  vil- 
lage de  Gcntilly  près  Paris;  il  gravoit  en  1480 des 
caractères  romains  ,  tels  que  ceux  que  nous  avons  au- 
jourd'hui. Aide  Manuce  faifoit  la  même  choie  èc 
dans  le  même  tems  à  Venife.  Claude  Garamond,  na- 
tif de  Paris,  pamt  en  1510,8c  porta  ce  travail  au 
plus  haut  point  de  perfection  qu'il  ait  jamais  acquis , 
ioit  parla  figure  des  caractères,  foit  par  la  juftefle  Se 
la  précifion  avec  lefquelles  il  les  exécuta. 

Vers  le  commencement  de  ce  fiecle  on  a  perfec- 
tionné quelques  lettres ,  mais  on  n'a  rien  ajoute  à 
l'exactitude  &  à  l'uniformité  que  Garamond  avoit 
introduites  dans  fon  art.  Ce  fut  lui  qui  exécuta  par 
ordre  de  François  I.  les  caractères  qui  ont  tant  fait 
d'honneur  à  Robert  Etienne.  Robert  Granjean  auffi 
de  Paris ,  fils  de  Jean  Granjean ,  Imprimeur  &  Librai- 
re ,  grava  de  très-beaux  caractères  grecs  ëc  latins  ;  il 
excella  dans  les  caractères  italiques.  Il  pafTa  à  Lyon  en 
1 570  ;  il  y  travailla  huit  ans ,  au  bout  defquels  il  alla 
à  Rome  où  le  pape  Grégoire  XIII.  l'avoit  appelle. 
Les  caractères  de  ce  Graveur  ont  été  plus  eltimés 
que  ceux  d'aucun  de  fes  contemporains  :  ils  étoient 
dans  le  même  goût ,  mais  plus  finis.  Les  trappes  ou 
matrices  s'en  font  fort  répandues  en  Europe ,  &  elles 
fervent  encore  en  beaucoup  d'endroits. 

Le  goût  de  ces  italiques  a  commencé  à  pafltr  vers 
le  commencement  du  dix-huitieme  liecle  :  cette  efpe- 
ce  de  révolution  typographique  fut  amenée  par  les 
fieurs  Granjean  &  Alexandre ,  Graveurs  du  roi ,  dont 
les  caractères  fervent  à  l'Imprimerie  royale.  En  1742, 
M.  Fournier  le  jeune  que  nous  avons  déjà  cité  avec 
éloge,  les  approcha  davantage  de  notre  manière  d'é- 
crire ,  par  la  figure ,  les  pleins  Se  les  délies  qu'il  leur 
donna.  Foye^  l'article  Italique. 

Guillaume  le  Bé,  né  à  Troies  en  Champagne  \  et  s 
l'an  1 5 2,5  ,  grava  pluiieurs  caractères,  &  s'appliqua 
principalement  aux  hébreux  &  rabbiniques  :  il  travail- 
la d'abord  à  Paris  ;  de-là  il  alla  à  Venife  ,  à  Rome  , 
&c.  Il  revint  à  Paris  où  il  mourut.  Robert  Etienne  a 
beaucoup  employé  de  fes  caractères  dans  fes  éditions 
hébraïques. 

Jacques  de  Sanlecque ,  né  à  Cauleu ,  dans  le  Bon  - 
lonois  en  Picardie,  commença  des  l'on  extrême  jeu- 
nefle ,  à  cultiver  la  Gravure  en  caractères.  Il  D 
loit  vers  l'an  1 5  58  ;  il  y  a  bien  reulîi. 

Jacques  de  Sanlecque  Ion  fils ,  né  à  Pans ,  com- 
mença par  étudier  les  Lettres  ;  il  y  fit  ces  pr<  ij 
fe  rendit  auffi  digne  fuccefleur  de  fon  père  dans  la 
Gravure.  Sanlecque  père  &  fils  étoient,  en  1614,  les 
feuls  Graveurs  qu'on  eût  à  Paris.  Le  fil 

ielles  notes  de  Plein-Chant  &  ae,  plu- 

iieurs beaux  caractères ,  entre  lefqi  -  it  nom- 

mer le  plus  petit  qu'on  connût  alors  à  Pari'  ,  &z  que 
appelions  la  Parifiuuu.  Vbye{  P.\ 
M.  Fournier  le  jeune, juge  très  compétent,  par 
la  connoiffance  qu'il  a  e<  de  fon  Art  &  de  l'Hiftoird 
de  cet  Art ,  prononce  féveremenl 
que  fils ,  jufqu'au  commencement  du  ciix-huitieme  lie-- 

NNnn  ij 


651 


CAR 


cle ,  il  ne  s'eft  trouvé  en  France  aucun  Graveur  en 
caractères  tant  foit  peu  recommandable.  Lorfqu'il 
fut  queftion  de  diftinguer  les  i  &  les  u  confonnes  & 
voyelles ,  il  ne  le  trouva  pas  un  feul  ouvrier  en  état 
d'en  graver  paffablement  les  poinçons  ;  ceux  de  ces 
anciens  poinçons  qu'on  retrouve  de  tems  en  tems  , 
montrent  combien  l'art  avoit  dégénéré.  Il  en  fera 
ainfi  de  plufieurs  Arts  ,  toutes  les  fois  que  ceux  qui 
ïes  profeffent  feront  rarement  employés  ;  on  fond  ra- 
rement des  ftatues  équeftres;  les  poinçons  des  carac- 
tères Typographiques  font  prefqu'éternels  :  il  eft  donc 
néceûaire  que  la  manière  de  s'y  prendre  ôc  d'ex- 
celler dans  ces  ouvrages  ,  s'oublie  en  grande  partie. 

La  Gravure  des  caractères  eft  proprement  le  lecret 
de  l'Imprimerie  ;  c'eft  cet  Art  qu'il  a  fallu  inventer 
pour  pouvoir  multiplier  les  lettres  à  l'infini .  &  rendre 
par-là  l'Imprimerie  en  état  de  varier  les  compofitions 
autant  qu'une  langue  a  de  mots,  ou  que  l'imagina- 
tion peut  concevoir  d'idées,  &  les  hommes  inventer 
de  fignes  d'écriture  pour  les  défigner. 

Cette  gravure  fe  fait  en  relief  (ur  un  des  bouts 
d'un  morceau  d'acier,  d'environ  deux  pouces  géo- 
métriques de  long  ,  &  de  grolTeur  proportionnée  à  la 
grandeur  de  l'objet  qu'on  y  veut  former ,  &  qui  doit 
y  être  taillé  le  plus  parfaitement  qu'il  elt  poihble ,  fui- 
vant  les  règles  de  l'Art  &  les  proportions  relatives  à 
chaque  lettre  ;  car  c'eft  de  la  perfection  du  poinçon , 
que  dépendra  la  perfection  des  caractères  qui  en  éma- 
neront. 

On  fait  les  poinçons  du  meilleur  acier  qu'on  peut 
choiftr.  On  commence  par  arrêter  le  delïein  de  la 
lettre  :  c'eft  une  affaire  de  goût  ;  &  l'on  a  vu  en  dif- 
férens  tems  les  lettres  varier ,  non  dans  leur  forme 
eiTentielle  ,  mais  dans  les  rapports  des  différentes  par- 
ties de  cette  forme  entr'elles.  Soit  le  defiein  arrêté 
d'une  lettre  majufcule  B  ,  que  nous  prendrons  ici 
pour  exemple ,  cette  lettre  eft  compoiée  de  parties 
blanches  &  de  parties  noires.  Les  premières  font 
creufes  ,  &  les  fécondes  font  faillantes. 

Pour  former  les  parties  creuies  ,  on  travaille  un 
contre-poinçon  d'acier  de  la  forme  des  parties  blan- 
ches. Voye{  Planchr  III.  de  la  Gravure ,  fig,  3z.  le 
contre-poinçon  de  la  lettre  B  ;  ce  contre-poinçon 
étant  bien  formé  ,  trempé  dur  ,  &  un  peu  revenu  ou 
recuit,  afin  qu'il  ne  s'égraine  pas,  lera  tout  prêt  à 
fervir. 

Le  contre-poinçon  fait ,  il  s'agit  de  faire  le  poin- 
çon :  pour  cela  on  prend  de  bon  acier  ;  on  en  dreffe 
un  morceau  de  grolTeur  convenable  ,  que  l'on  fait 
rougir  au  feu  pour  le  ramollir  ;  on  le  coupe  par  tron- 
çons de  la  longueur  dont  nous  avons  dit  plus  haut. 
On  arrondit  un  des  bouts  qui  doit  fervir  de  tête  ,  & 
l'on  dreffe  bien  à  la  lime  l'autre  bout  ;  enforte  que  la 
face  foit  bien  perpendiculaire  à  l'axe  du  poinçon  ; 
ce  dont  on  s'alTûrera  en  le  palTant  dans  l'équerre  à 
drelTer  fur  la  pierre  à  l'huile  ,  ainti  qu'il  lera  expli- 
qué ci-après.  On  obferve  encore  de  bien  drelTer  deux 
des  longues  faces  latérales  du  poinçon,  celles  qui 
doivent  s'appliquer  contre  les  parois  internes  de  l'é- 
querre à  dreffer.  On  fait  une  marque  de  repaire  fur 
une  de  ces  faces  ;  cette  marque  lert  à  deux  fins  :  i°. 
à  faire  connoître  le  haut  ou  le  bas  de  la  lettre  ,  félon 
le  côté  du  poinçon  fur  lequel  elle  eft  tracée  ;  i°.  à 
faire  que  les  mêmes  faces  du  poinçon  regardent  à 
chaque  fois  qu'on  le  remet  dans  l'équerre  ,  les  faces 
de  l'équerre  contre  lelquelles  elles  étoient  appliquées 
la  première  fois.  Cette  précaution  eft  très  eiTentielle  ; 
fans  elle  on  ne  parviendrait  jamais  à  bien  dreffer  la 
petite  face  du  poinçon,  fur  laquelle  la  lettre  doit  être 
pour  ainfi  dire  découpée. 

Lorfqu'on  a  préparé  le  poinçon ,  comme  nous  ve- 
nons de  le  preferire  ,  on  le  fait  rougir  au  feu ,  quand 
il  eft  très-gros  ;  quand  il  ne  l'eft  point ,  il  fnffit  que 
l'acier  foit  recuit,  pour  recevoir  l'empreinte  du  con- 


CAR 

tre-poinçon  ;  on  le  ferre  dans  un  tas  dans  lequel  il  y 
aune  ouverture  propre  à  le  recevoir.  On  l'y  affermit 
par  deux  vis  ,  la  race  perpendiculaire  à  l'axe  tour- 
née en  haut;  on  prélente  à  cet  é  face  le  contre-poin- 
çon qu'on  enfonce  à  coup  de  malle ,  d'une  ligne  ou 
environ,  dans  le  coips  du  poinçon,  qui  reço.t  ainfi 
l'empreinte  des  parties  creuies  de  la  lettre. 

Cette  opération  faite ,  on  retire  le  contre  poinçon  ; 
on  ôte  le  poinçon  du  tas  ;on  le  dégroffit  à  la  f  me,  tant 
à  fa  furface  perpendiculaiie  à  i'axe  ,  qu'à  la  lui  face 
latérale  ;  on  le  dreffe  fur  la  pierre  à  l'huile  avec  l'équer- 
re. Il  y  en  a  qui  tracent  quelquefois  avec  une  pointe 
d'acier  bien  aiguë ,  le  contour  extérieur  des  épaiffeurs 
des  parties  faillantes  de  la  lettre  :  mais  quand  le  con- 
tre-poinçon eft  bien  tait,  le  Graveur  n'a  qu'à  le  laif- 
fer  diriger  par  la  foi  me.  On  enlevé  à  la  lime  les 
parties  qui  font  fituées  hois  du  trait  de  la  pointe  ai- 
guë ,  quand  on  s'en  lert ,  ce  qui  arrive  toujours  dans 
la  gravure  des  vignettes  ;  on  obferve  bien  de  ne  pas 
gâter  les  contours  de  la  lettre  ,  en  emportant  tiop. 
On  dreffe  la  lettre  fur  la  pierre  à  huile  pour  enlever 
les  rebarbes  que  la  lime  a  occafionnées  ;  on  finit  la 
lettre  à  la  lime,  &  quelquefois  au  burin,  ne  laiffant 
à  cette  extrémité  que  la  lettre  feule ,  telle  qu'en  voit 
la  lettre  B  ,fig.  do.  même  Planch.  M.  Cette  figure 
montre  le  poinçon  de  la  lettre  B  achevé  ;  on  voit 
que  la  lime  a  enlevé  en  talud  les  parties  qui  excé- 
doient  les  contours  de  cette  lettre. 

L'équerre  à  dreffer,  qu'on  voit  fig.  53-  eft  un  mor- 
ceau de  bois  ou  de  cuivre  formé  par  deux  parallélé- 
pipèdes ABCD,  ABEF ',  qui  forment  un  angle  droit 
fur  la  ligne  A  B;  enforte  que ,  quand  l'équerre  eft  po- 
fé  fur  un  plan  ,  comme  dans  la  fig.  Si.  cette  ligne 
A  B  foit  perpendiculaire  au  plan.  La  partie  inférieu- 
re de  l'équerre,  celle  qui  polë  fur  le  plan,  eft  garnie 
d'une  femelle  d'acier  ou  d'autre  métal,  bien  dreffée 
lur  la  pierre  à  huile ,  qui  doit  être  elle-même  parfai- 
tement plane.  On  place  le  poinçon  dans  l'angle  de 
l'équerre  ;  on  l'y  affujettit  avec  le  pouce,  &  avec  le 
relie  de  la  main  dont  on  tient  l'équerre  extérieure- 
ment ,  on  promené  le  tout  fur  la  pierre  à  huile  fur  la- 
quelle on  a  foin  de  répandre  un  peu  d'huile  d'olive. 
La  pierre  ufe  à  la  fois  &  la  femelle  de  l'équerre  &  la 
partie  du  poinçon.  Mais  comme  l'axe  du  poinçon 
conlerve  toujours  Ion  parallélifme  avec  l'arrête  an- 
gulaire de  l'équerre  A  B ,  &  que  l'équerre  à  caufe  de 
la  grande  étendue  de  fa  bafe ,  ne  perd  point  fa  direc- 
tion perpendiculaire  au  plan  de  la  pierre  ;  il  s'enfuit 
qu'il  en  eft  de  même  du  poinçon  ,  qu'il  eft  drelîé  & 
que  le  plan  de  la  lettre  eft  bien  perpendiculaire  à  l'axe 
du  poinçon. 

Quand  le  poinçon  a  reçu  cette  façon ,  on  le  trem- 
pe pour  le  durcir.  On  le  fait  enfuite  un  peu  revenir 
ou  recuire ,  afin  qu'il  ne  s'égraine  pas  quand  on  s'en 
fervira  pour  marquer  les  matrices  ;  c'eft  de  fa  ferme 
coniiftance  que  dépend  fa  dureté  &  fa  bonté.  Trop 
dur,  il  le  brife  facilement  ;  trop  mou,  les  angles  de  fa 
lettre  s'émouffent ,  &  il  faut  revenir  à  la  taille  &  à  la 
lime. 

Tous  les  poinçons  des  lettres  d'un  même  corps  doi- 
vent avoir  une  hauteur  égale ,  relativement  à  leur  fi- 
gure. Les  capitales  doivent  être  toutes  de  même  gran- 
deur entr'elles  ,  &  de  la  hauteur  des  minufcules  b  , 
d ,  l ,  &c.  &  autres  lettres  à  queue  ;  il  en  eft  de  même 
de/>,  q,  par  en  bas.  Les  minufcules  font  auffi  égales 
entr'elles,  mais  d'un  calibre  plus  petit ,  comme  m, 
a,  &c.  On  les  égalife  avec  un  calibre  ;  ce  calibre  eft 
un  morceau  de  laiton  plat  dans  lequel  font  trois  en- 
tailles ,  la  plus  grande  pour  les  lettres  pleines  ,  telles 
que  7  long,  Q  capital  ,  &c.  la  féconde  pour  les  let- 
tres longues  qui  font  les  capitales ,  les  minufcules  lon- 
gues ,  telles  que  d,b  ,p,  q ,  &c.  la  troifieme  pour  les 
minufcules ,  comme  m  ,  a,  c,  e.  La  lettre  du  poinçon 
qu'on  prélënte  à  l'une  de  ces  entailles ,  doit  la  rem- 


CAR 

plir  exactement  :  deforte  qu'après  que  les  caractères 
font  fondus  ,  leurs  fommets  &  leurs  bafes  fe  rrouvent 
précifément  dans  la  même  ligne ,  ainfi  qu'on  voit 
dans  l'exemple  fuivant  Anhr&rf:   &c- 

Les  poinçons  faits ,  ils  palient  entre  les  mains  du 
Fondeur,  qui  doit  veiller  à  ce  que  les  poinçons  qu  il 
acheté  ou  qu'il  fait,  ayent  l'œil  bien  terminé  &  d'u- 
ne profondeur  fuffifante  ,  &  que  les  bafes  &  fommets 
des  lettres  fe  renferment  bien  entre  des  parallèles. 
On  commence  ordinairement  par  le  poinçon  de  la 
lettre  M,  &  c'eft  lui  qui  fert  de  règle  pour  les  autres. 

De  la  Fonderie  en  caractères.  La  Fonderie  en  carac- 
tères eft  une  fuite  de  la  gravure  des  poinçons.  Le  ter- 
me Fonderie  en  caractères  a  plufieurs  acceptions  :  il  fe 
prend  ou  pour  un  affortiment  complet  de  poinçons 
&  de  matrices  de  tous  les  caractères,  fignes,  figure  , 
&c.  fervant  à  l'Imprimerie ,  avec  les  moules  ,  four- 
neaux- ,  &  autres  uftcnliles  néceifaires  à  la  fonte  des 
caractères;  ou  pour  le  lieu  où  l'on  fabrique  les  carac- 
tères ;  ou  pour  l'endroit  où  l'on  prépare  le  métal  dont 
ils  font  formés  ;  ou  enfin  pour  l'art  même  de  les  fon- 
dre :  c'eft  dans  ce  dernier  fens  que  nous  en  allons 
traiter  particulièrement. 

La  Fonderie  en  caractères  eft  un  art  libre.  Ceux  qui 
l'exercent  ne  font  point  fujets  à  maîtrife ,  à  réception, 
ou  vifites.  Ils  joùiflent  néanmoins  des  privilèges  , 
exemptions  &  immunités  attribuées  à  l'Imprimerie , 
&  font  réputés  du  corps  des  Imprimeurs. 

Cet  art  eft  peu  connu  ,  parce  que  le  vulgaire  ne 
fait  point  de  diftin&ion  entre  Fonderie  &  Imprime- 
rie ,  &  s'imagine  que  l'imprefiion  eft  l'ouvrage  de 
l'Imprimeur,  comme  un  tableau  eft  l'ouvrage  d'un 
Peintre.  Il  y  a  peu  d'endroits  où  l'on  exerce  cet  Art  : 
à  peine  compte-t-on  douze  fonderies  en  caractères  en 
France  ;  de  ces  douze  fonderies ,  il  y  en  a  plus  de  la 
moitié  à  Paris. 

Les  premiers  Fondeurs  étoient  Graveurs  ,  Fon- 
deurs ,  &  Imprimeurs  ;  c'eft-à-dire  qu'ils  travailloient 
les  poinçons  ,  frappoient  les  matrices  ,  tiroient  les 
empreintes  des  matrices ,  les  difpofoient  en  formes , 
&  imprimoient  :  mais  l'art  s'eft  divifé  en  trois  bran- 
ches ,  par  la  difficulté  qu'il  y  avoit  de  réuffir  égale- 
ment bien  dans  toutes. 

On  peut  obfcrver  fur  les  ouvriers  qui  ne  font  que 
Fondeurs ,  ce  que  nous  avons  obfervé  fur  ceux  qui 
ne  font  qu'Imprimeurs:  c'eft  qu'ils  ne  font  les  uns 
&  les  autres  que  prendre  des  empreintes  ;  les  uns  fur 
le  métal ,  les  autres  fur  le  papier.  Que  les  caractères 
foient  beaux  ou  laids  ,  ils  n'en  font  ni  à  louer  ni  à 
blâmer  ;  chacun  d'eux  coopère  feulement  à  la  beauté 
de  l'édition  ,  les  Imprimeurs  par  hi  composition  &  le 
tirage ,  les  Fondeurs  par  les  foins  qu'ils  doivent  avoir 
que  les  caractères  foient  fondus  exactement  fuivant  les 
règles  de  l'Art;  c'eft-à-dire  que  toutes  les  lettres  de 
chaque  corps  foient  entr'elles  d'une  épaiffeur  &  d'u- 
ne hauteur  égale  ;  que  tous  les  traits  de  chacune  des 
lettres  foient  bien  de  niveau,  &  également  diftans 
les  uns  des  autres  ;  que  toutes  les  lettres  des  caractè- 
res romains  foient  droites,  &  parfaitement  perpendi- 
culaires ;  que  celles  des  italiques  foient  d'une  incli- 
naifon  bien  uniforme  ;  &  ainiî  des  autres  caractères 
fuivant  leur  nature  :  toutes  chofes  que  nous  allons 
expliquer  plus  en  détail. 

Lorfque  le  Fondeur  s'eft  pourvu  des  meilleurs 
poinçons  ,  il  travaille  à  former  des  matrices  :  pour 
cet  effet  il  prend  le  meilleur  cuivre  de  rofette  qu'il 
peut  trouver;  il  en  forme  à  la  linie  des  petits  paral- 
lélépipèdes longs  de  quinze  à  dix-huit  lignes  ,  6c  d'u- 
ne baie  &  largeur  proportionnées  à  la  lettre  qui  doit 
être  formée  fur  cette  largeur.  Ces  morceaux  de  cui- 
vre dreftés  &  recuits,  lont  pôles  l'un  après  l'autre 
fur  un  tas  d'enclume  :  on  applique  deftus  à  l'endroit 
qui  convient,  l'extrémité  gravée  du  poinçon  ;  ci:  d'un 
ou  de  plufieurs  coups  de  marteau  ,  on  l'y  tait  entrera 


CAR 


6n 


une  profondeur  déterminée  depuis  une  demi -ligne 
jufqu'à  une  ligne  &  demie. 

Par  cette  opération ,  le  cuivre  prend  exactement 
la  forme  du  poinçon  ,  &  devient  un  véritable  moule 
de  corps  de  lettres  fen.blablcs  à  celles  du  poinçon; 
&  c'eft  par  cette  raifon  qu'on  lui  a  donné  le  nom  de 
matrice.  Le  nom  de  moule  a,  été  réfervé  pour  un  affem- 
blage  ,  dont  la  matrice  n'eft  que  la  partie  principale. 

La  matrice  ainfi  frappée  n'eft  pas  parfaite  ,  eu 
égard  à  la  figure  dont  elle  porte  l'empreinte  :  il  faut 
fdig'nëiiferheht  obferverque  fa  face  Supérieure  ,fig. 
13. PI.  II.de  la  Fonderie  en  caractères,  fur  laquelle  s'eft 
faite  l'empreinte  du  poinçon ,  foit  exactement  paral- 
lèle à  la  lettre  imprimée  fur  eile ,  &  que  les  deux  fa- 
ces latérales  foient  bien  perpendiculaires  à  celle-ci. 
On  remplit  la  première  de  ces  conditions  en  enle- 
vant à  la  lime  la  matière  qui  excède  le  plan  paral- 
lèle à  la  face  de  la  lettre  ;  &  la  féconde ,  en  ufant  de 
la  lime  &  de  l'équerre. 

Cela  fait ,  on  pratique  les  entailles  a , b ,c ,  qu'on 
voit Jig.  iz.  &  13.  Les  deux  entailles  a  ,  t> ,  placées 
l'une  en-defTus,  &  l'autre  en -délions, /g.  zj.  à  la 
même  hauteur  ,  fervent  à  attacher  la  matrice  au 
moule  :  l'autre  entaille  c  reçoit  l'extrémité  de  l'arc 
ou  archet  qui  appuie  la  matrice  contre  le  moule , 
ainli  que  nous  Talions  expliquer. 

Le  moule  eft  l'afTcmblage  d'un  grand  nombre  de 
parties ,  dont  on  peut  conlidérer  la  fomme  comme 
divifée  en  deux. 

Toutes  les  pièces  de  chacune  de  ces  deux  moitiés 
de  moule  ,  font  afïïijetties  les  unes  aux  autres  par  des 
vis  ôc  par  des  écrous  ,  &  font  toutes  de  fer  bien  dreffé 
&  bien  poli ,  à  l'exception  des  deux  extérieures  qui 
font  de  bois  ,  &  qu'on  appelle  par  cette  raifon  le  bois 
du  moule.  Ce  revêtement  garantit  les  mains  de  l'ou- 
vrier de  la  chaleur  que  le  métal  fondu  qu'on  jette 
continuellement  dans  le  moule  ,  ne  manque  pas  de 
lui  communiquer. 

Les  deux  premières  parties  qu'on  peut  confidérer 
dans  le  moule ,  font  celles  qu'on  voit  Planche  II.  dt 
la  Fonderie  en  caractères ,  Jig.  20  Se  21.  La_/f^.  20.  re- 
préfente  la  platine  vue  en-dedans,  &  garnie  de  tou- 
tes les  pièces  :  h  Jig.  21.  la  même  platine  ,  ou  fa  fem- 
blable  ,  mais  vue  du  côté  oppofé  ;  c'eft  fur  les  plati- 
nes que  l'on  afïiijettit  toutes  les  autres  pièces  ;  elles 
leur  fervent ,  pour  ainli  dire ,  de  point  d'appui ,  com- 
me on  va  voir.  La  première  pièce  qu'on  ajufte  fur  la 
platine  cil  la  pièce  ByJtg.  1.2.  3.  ij.  20.  on  l'appelle 
longue pu:c  :  elle  êv  la  temblable  font  en  effet  les  plus 
longues  du  moule.  (  On  obfervera  que  les  mêmes  pièces 
dans  Us  différentes  Jigurcs  font  marquées  des  mêmes  let- 
tres ).  Cette  longue  pièce  qui  a  dix  Ii^r.es  de  large , 
ck.  qui  eft  epaifle  à  dilcretion,  cil  Fourchue  par  l'une 
de  ces  extrémités  X,Jig.  ij.  ce  20.  cV  reçoit  parce 
moyen  la  tête  de  la  potence  de  l'autre  moitié,  à  la- 
quelle elle  fert  de  coulùTe:  il  ne  faut  pas  oublier  que 
les  deux  moitiés  du  moule  font  prelque  entièrement 
femblables  ,  &  que  toutes  les  pièces  dont  nous  avons 
déjà  parlé ,  &  dont  nous  allons  faire  mention  dans  la 
fuite  ,  font  doubles  ;  chacpie  moitié  du  moule  a  la 
lien  ne. 

La  longue  pièce  cil  fixée  fur  la  platine  par  une 
vis  A  tête  ronde  b,Jig.  iS.  qui  après  avoir  paffé  par 
le  trou  i\Jig.  21.  va  s'envillcr  dans  le  trou  taraudé 
fait  à  la  longue  pièce  à  la  hauteur  de  la  fourchette  A". 
C  e  trou  taraudé  ne  traverle  pas  entièrement  l'epail- 
feur  de  la  longue  pièce  ,  qui  a  à  Ion  extrémité  oppo- 
fee  \ni  trou  quatre  d  ,jig.  iy.  ik.  iS.  qui  reçoit  le  te- 
non quarré  de  la  potence, .Ai,'.  9.  Si  10. 

Avant  que  de  placer  la  potence  Z>,  on  applique 
un  des  blancs  C,  qu'on  voit  AV.  14.  &  /.">.  affem- 
blés  avec  la  potence.  C  es  blancs  ont  la  même  lar- 
geur que  les  longues  pièces.  Leur  longueur  eft  un 
peu  moindre  que  la  munie  de  celle  de  la  longu» 


654 


CAR 


pièce  :  elles  ont  la  même  épaiffeur  que  celle  du  corps 
que  l'on  veut  fondre  dans  le  moule. 

Le  blanc  appliqué  fur  la  longue  pièce,  comme 
on  voit  fig.  20.  eft  percé  d'un  trou  quarré  ,  fembla- 
ble  à  celui  qu'on  lui  voit  fig.  y.  Ce  trou  quarré  reçoit 
le  tenon  quarré*  de  la  potence  ,  fig.  Q.  &  10.  Le  te- 
non traverié  le  blanc ,  la  longue  pièce  ,  &  la  platine , 
&  fixe  toutes  ces  pièces  enfemble. 

Le  nez  D  de  la  potence  fe  jette  du  côté  de  l'ex- 
trémité la  plus  prochaine  de  la  longue  pièce.  Son 
extrémité  m  faite  en  vis ,  reçoit  un  écrou-  qui  le  con- 
tient. On  voit  cet  écrou  end,  fig.  zi. 

Ces  écrous  qui  font  à  pans  fe  tournent  avec  la  clé 
ou  le  toume-écrou  de  laj%.  z6. 

Le  blanc  peut  encore  être  fixé  fur  la  platine  par 
une  vis  à  tête  perdue ,  qui  traverferoit  la  platine  ;  la 
lon<me  pièce  entrerait  dans  l'épaifleur  du  blanc ,  & 
s'y  arrêteroit  :  mais  cela  n'eft  plus  d'ufage. 

Au-deffus  des  longues  pièces  &  des  blancs  ,  on 
place  les  jets  A,  fig.  5.  &  6.  comme  on  les  voit  fig. 
eo.  Ces  jets  font  des  moitiés  d'entonnoirs  pyrami- 
daux ,  dont  les  faces  extérieures  font  perpendiculai- 
res les  unes  aux  autres.  Celles  de  ces  faces  qui  s'ap- 
pliquent fur  la  platine ,  fur  le  blanc  ,  &  fur  la  longue 
pièce  ,  doivent  s'y  appliquer  exa&ement.  Quand  les 
deux  moitiés  du  moule  lont  réunies  ,  il  eft  évident 
que  les  jets  forment  une  trémie  ,  dont  la  plus  petite 
ouverture  eft  en  enbas.  Leurs  faces  inclinées  A,  fig. 
20.  doivent  un  peu  excéder  les  faces  de  la  longue 
pièce  &  du  blanc  ,  afin  de  former  un  étranglement  au 
métal  fondu  qu'on  verfera  dans  le  moule  ,  &  afin  de 
déterminer  en  même  tems  le  lieu  de  la  rupture  du  fu- 
perflu  de  matière  qu'on  y  verfera ,  &  faciliter  cette 
rupture.  Voye\  les  figures  2.  3-  &  20.  où  cette  faillie 
des  faces  inclinées  des  jets  eft  fenfiblement  marquée. 

Chaque  jet  porte  une  vis ,  qu'on  voit fig.  6.  par  le 
moyen  de  laquelle  &  d'un  écrou  ,  on  fixe  cette  pièce 
fur  la  platine ,  comme  on  le  voit  en  a  ,fig.  zi .  La  par- 
tie de  cette  vis  ou  tenon  viffé  qui  répond  à  l'épaifleur 
de  la  platine  ,  eft  quarrée  ,  &  entre  dans  un  trou  de 
même  figure  ;  ce  qui  empêche  le  jet  de  vaciller  :  in- 
convénient qui  eft  encore  prévenu  par  l'application 
exacte  de  l'une  de  ces  faces  contre  la  platine  ,  &  de 
l'autre  contre  la  longue  pièce  &  le  blanc. 

Au-deflbus  du  trou  quarré  d  de  la  longue  pièce  eft 
une  vis /fixée  en  queue  d'aronde  dans  cette  longue 
pièce.  Cette  vis  au  moyen  d'un  écrou  F ,fig.  zo.  af- 
fujettit  la  pièce  E  ,fig.  ig.  qu'on  appelle  regijlre.  La 
partie  de  la  vis  ou  du  tenon  viffé  /  qui  fe  loge  dans 
l'épaifleur  du  regiftre  ,  eft  quarrée .,  &  entre  dans  une 
mortoife  plus  longue  que  large  ;  ce  qui  donne  la  com- 
modité d'avancer  ou  de  reculer  le  regiftre  à  difcré- 
tion ,&  de  laiffer  entre  fon  extrémité E,fig.zo.  & 
l'extrémité  ou  l'angle  faillant  du  blanc ,  tant  &  ii  peu 
de  diftance  que  l'on  voudra.  L'écrou  F  (en  à  l'affer- 
mir dans  la  fituation  convenable. 

Chaque  platine  porte  à  fa  partie  poftérieure  une 
vis  G ,  qu'on  voit  figure  z  i .  elle  traverié  une  petite 
planche  appellée  bois  ,  qui  a  la  forme  &  la  grandeur 
de  la  platine ,  au  derrière  de  laquelle  on  la  fixe  par  le 
moyen  d'un  écrou  ;  &  pour  que  la  platine  &  le  bois 
s'appliquent  plus  exactement  l'un  contre  l'autre  ,  on 
a  pratiqué  au  bois  des  cavités  propres  à  recevoir  les 
vis ,  écrous ,  &  autres  parties  faillantes  qu'on  voit  à 
la  partie  poftérieure  de  la  platine  ,fig.  21. 

Les  deux  moitiés  femblables  du  moule  conftruites 
somme  nous  venons  de  l'expliquer ,  &  comme  on  les 
voit  fig.  2.  &  3-  s'ajuftent  exactement  ,  &  forment 
un  tout ,  qu'on  voit  fig.  /.  La  potence  de  l'une  entre 
dans  l'entaille  fourchue  de  la  longue  pièce  de  l'au- 
tre ;  &  comme  les  entailles  ont  la  même  direûion  que 
les  potences ,  elles  fe  fervent  réciproquement  de  cou- 
liffes  ;  &  il  eft  évident  qu'ainfi  les  blancs  pourront 
s'approcher  ou  s'éloigner  l'un  de  l'autre,  en  faifant 


CAR 

mouvoir  les  deux  moitiés  du  moule  l'une  fur  l'autre. 

On  voit  avec  la  même  évidence  que  le  viii'de  for- 
mé par  les  jets  ,  aura  la  forme  d'une  pyramide  tron- 
quée ;  &  que  celui  qui  eft  entre  les  longues  pièces 
tk.  les  blancs ,  aura  la  forme  d'un  prifme  quadrangu- 
laire  d'environ  dix  lignes  de  hauteur ,  d'une  épaiffeur 
confiante  ;  celle  des  blancs  eft  d'une  largeur  à  discré- 
tion ,  cette  largeur  augmentant  ou  diminuant  félon 
qu'on  tient  les  blancs  plus  ou  moins  près  l'un  de  l'au- 
tre :  ce  qui  s'exécute  par  le  moyen  des  regiftres  qu'on 
avance  ou  qu'on  recule  à  difcrétion  ,  comme  nous 
avons  dit.  Le  vuide  du  jet  &  celui  du  prifme  commu- 
niquent enfemble ,  &  ne  font  proprement  qu'une  mê* 
me  capacité. 

Voilà  bien  des  pièces  affemblées  :  cependant  le 
moule  n'eft  pas  encore  formé  ;  il  y  manque  la  pièce 
principale ,  celle  pour  laquelle  toutes  les  autres  ont 
été  inventées  &  difpofées,  la  matrice.  La  matrice  fe 
place  entre  les  deux  regiftres  en  M ,  comme  on  la 
voit  fig.  z.  elle  appuie  d'un  bout  contre  la  platine 
de  l'autre  moitié ,  &  elle  eft  liée  par  l'on  autre  ex- 
trémité à  l'attache.  L'attache  eft  une  petite  pièce  de 
peau  de  mouton  qu'on  colle  au  bois  d'une  des  parties 
du  moule.  L'attache  pafl'e  entre  le  jimblet  &  le  bois. 
On  appelle  jimblet  une  petite  fiche  de  fer  plantée 
dans  le  bois  de  la  pièce  de  deffus ,  &  qui  retenant 
l'attache  ,  empêche  la  matrice  de  fortir  de  place. 

La  matrice  ainli  placée  entre  les  regiftres  ,  eft  te- 
nue appliquée  aux  longues  pièces  &  aux  blancs  par 
le  reflort  D  CE  ,fig.  i .  qu'on  appelle  l'arc  ou  archet  : 
l'extrémité  E  de  ce  reflort  entre  dans  l'entaille  C  de 
la  matrice  ,  fig,  iz.  &  13.  &  fait  effort  pour  preffer 
la  matrice  contre  la  platine  oppofée  ,  &  fur  le  heur- 
toir ou  la  pièce  qu'on  voit  fig.  zz.  cette  pièce  cil 
adoflée  à  celle  qu'on  voit  en  m,  fig.  zi.  rivée  à  la 
partie  poftérieure  de  la  platine  ;  elle  fert  à  monter 
ou  delcendre  à  difcrétion  la  matrice  vers  l'ouvertu- 
re intérieure  du  moule  ,  &  à  mettre  la  lettre  dans 
la  place  qu'elle  doit  avoir  fur  le  corps  :  pour  cet  ef- 
fet on  la  prend  plus  ou  moins  épaiffe. 

Pour  empêcher  la  matrice  de  tomber  ,  &  de  for- 
tir  d'entre  les  regiftres  ,  on  met  entre  la  platine  & 
le  bois  qui  porte  l'attache  ,  un  petit  crochet  qu'on 
voit  fig.  2j,  ce  crochet  s'appelle  jobet.  L'anneau  du 
jobet  s'enfile  fur  la  tige  G  de  la  platine ,  fig.  zi.  & 
Ion  crochet  defcend  au-deflbus  de  la  matrice ,  &  la 
foùtient  comme  on  l'apperçoit  en  x  ,  fig.  2.  en  laif- 
lant  toutefois  la  place  de  la  matrice  qu'il  embraffe. 

Outre  les  parties  dont  nous  venons  de  parler ,  on 
peut  remarquer  à  chaque  moitié  du  moule ,  fig.  1.  z. 
3.  un  crochet  a  b  ,  dont  nous  expliquerons  Fufage 
plus  bas. 

Il  eft  à  propos,  avant  que  de  fermer  le  moule, 
d'obferver  à  la  partie  lupérieure  de  la  longue  pièce 
repréfentée  fig.  ij.  un  demi-cylindre  a  b,  placé  à 
deux  lignes  au-deflbus  ou  environ  de  fon  arrête  fu- 
périeure  :  ce  demi-cylindre,  qu'on  appelle  cran  ,  efl: 
une  pièce  de  rapport  qui  traverié  la  longue  pièce , 
&  dont  la  partie  iaillante  efl  arrondie  :  mais  comme 
cette  partie  iaillante  empêcherait  le  blanc  de  l'autre 
moitié  de  s'appliquer  exactement  à  la  longue  pièce 
qui  la  porte  ,  on  a  pratiqué  à  cette  moitié  un  canal 
concave  dans  le  blanc.  Ce  canal  hémi-cylindrique 
reçoit  le  demi-cylindre.  On  voit  ce  canal  en  b  a  , 
fig-  i5. 

Voilà  tout  ce  qui  concerne  la  ftrucTure  du  moule," 
qui  efl  une  des  machines  les  plus  ingénieufes  qu'on 
pouvoit  imaginer  ,  ainfi  qu'on  achèvera  de  s'en  con- 
vaincre parce  que  nous  allons  dire  de  la  fonte. 

Le  moule  eft  compofé  de  douze  pièces  principa- 
les ,  dont  nous  avons  fait  mention.  Toutes  ces  pie- 
ces  de  fer  ont  été  bien  limées  ,  &  font  bien  jointes  ; 
elles  forment  avec  les  autres  un  tout ,  qui  a  depuis 
deux  pouces  de  long  jufqu'à  quatre ,  fuivant  la  grof- 


CAR 

leur  du  caractère ,  fur  deux  pouces  environ  de  large, 
contenant  fur  ion  plan  horifontal  au  moins  quarante 
pièces  de  morceaux  diftinfts.  Les  deux  portions  pref- 
que  lemblaMes  dans  lefquelles  il  fe  divife  s'appel- 
lent, l'une  pièce  de  defius  ,  l'autre  pièce  de  dejfous  : 
c'eft  celle  qui  porte  l'archet  qu'on  appelle  pièce  de 
dejfous. 

La  première  opération  qu'on  ait  à  faire  quand  on 
a  conlrruit  &c  diipofé  le  moide ,  eft  de  préparer  la 
matière  dont  les  caractères  doivent  être  fondus.  Pour 
cet  effet ,  prenez  du  plomb  &c  du  régule  d'antimoi- 
ne ,  fondez-les  féparément  ;  mêlez-les  enfuite ,  met- 
tant quatre  cinquièmes  de  plomb  &  un  cinquième  de 
régule  ;  &  ce  mélange  vous  donnera  un  compofé  pro- 
pre pour  la  fonte  des  caractères. 

Ou ,  prenez  de  l'antimoine  crud  ,  prenez  égale 
quantité  de  potin  ;  mettez  le  tout  cnfemble  avec  du 
plomb  fondu  ,  &  vous  aurez  une  autre  compofition. 

La  précédente  eft  préférable  à  celle-ci ,  qu'il  lem- 
blc  qu'on  a  abandonnée  en  France  depuis  une  ving- 
taine d'années  ,  parce  qu'on  a  trouvé  que  le  potin  &c 
l'antimoine  faifoient  beaucoup  de  feories  ,  rendoient 
la  matière  pâteufe  ,  &  exigeoient  beaucoup  plus  de 
feu. 

Au  refte  nous  pouvons  affûrer  en  général  que  la 
matière  dont  on  fond  les  caractères  d'Imprimerie  eu  un 
mélange  de  plomb  &  de  régule  d'antimoine ,  où  le 
dernier  de  ces  ingrédiens  corrige  la  molleffe  de 
l'autre. 

Cette  fonte  fe  fait  dans  un  fourneau  ,  tel  que  ce- 
lui qui  occupe  le  milieu  de  la  vignette ,  Planche  I.  de 
Fonder,  il  eft  divifé  en  deux  parties ,  l'une  &  l'autre 
de  brique.  Celle  qui  répond  à  la  fig.  4.  eft  un  four- 
neau fur  lequel  on  a  établi  une  chaudière  de  fonte, 
dans  laquelle  le  plomb  eft  en  fufion  :  cette  chau- 
dière eft  chauffée  avec  du  bois ,  comme  on  voit  ;  la 
fumée  s'échappe  par  une  ouverture  qu'on  peutdiftin- 
guer  fur  le  fond ,  &  fuit  la  cheminée  qui  eft  commu- 
ne aux  deux  fourneaux. 

Le  fécond  fourneau  qui  correfpond  à  la  figure  3 • 
même  vignette ,  eft  un  fourneau  proprement  dit  : 
à  fa  partie  fupérieure  eft  l'ouverture  du  fourneau  ; 
l'inférieure  eft  un  cendrier  ;  elles  font  féparées  par 
une  grille  horifontale  :  cette  grille  foûtient  un  creu- 
fet  qui  contient  le  régule  d'antimoine  ,  &  les  char- 
bons allumés  qui  fervent  à  le  mettre  en  fufion.  Le  feu 
eft  excité  par  le  courant  d'air  qui  fe  porte  à  la  grille. 
On  recommande  aux  ouvriers  occupés  à  ce  fourneau 
de  l'opération  qu'ils  y  ont  à  faire ,  de  fe  garantir 
avec  loin  de  la  vapeur  du  régule  ,  qu'on  regarde 
comme  un  poifon  dangereux  :  mais  c'eft  un  préjugé  ; 
l'ulage  du  régule  n'expole  les  Fondeurs  à  aucune  ma- 
ladie qui  leur  foit  particulière  ;  fa  vapeur  n'eft  fu- 
nefte  tout  au  plus  que  pour  les  chats  :  les  premières 
fois  qu'ils  y  (ont  expofes  ,  ils  font  attaqués  de  verti- 
ges d'une  nature  ii  fingutiere  ,  qu'après  s'être  tour- 
mentés pendant  quelque  teins  dans  la  chambre  où  ils 
font  forcés  de  la  refpirêr  ,  ils  s'élancent  par  les  fenê- 
tres :  j'en  ai  vu  deux  lois  l'expérience  dans  un  même 
jour.  Mais  quand  ils  en  rechapent ,  6f  qu'ils  ne  pé- 
nitent pas  dans  les  premiers  accès,  ils  n'ont  plus  rien 
à  redouter  des  féconds  ;  ils  le  font  à  la  vapeur  qui 
les  iivoit  d'abord  fi  violemment  agités,  6c  vivent 
fort  bien  dans  les  fonderies. 

Le  régule  fondu  dans  le  creufet  eft  verfé  en  quan- 
tité furrhantedansla  chaudière  qui  contient  le  plomb  : 
l'ouvrier  4.  prend  le  mélange  avec  une  cuilliere,  & 
le  vcrle  dans  les  moules  oulingotieres  qui  font  à  fes 
piés  :  on  voit  auffi  fur  le  plancher  des  tenailles  pour 
le  creufet ,  ion  couvercle ,  une  cuilliere  ,  &c  d'autres 
outils  au  ki  vice  de  la  fonderie. 

Le  rapport  entre  le  plomb  &  l'antimoine  n'eft  pas 
le  même  pour  toute  forte  àecaraSercs:  la  propriété 
de  l'antimoine  étant  de  donner  du  corps  au  plomb  , 


CAR 


655 


on  en  mêle  plus  ou  moins ,  félon  que  les  caractères 
qu'on  a  à  fondre  font  plus  ou  moins  gros  ;  les  petits 
caractères  n'étant  pas  auiïï  propres  à  rélifter  à  l'action 
de  la  preffe  que  les  gros  ,  on  les  fond  de  la  matière 
que  les  ouvriers  appellent  matière  forte ,  &c  ceux-ci  de 
celle  qu'ils  appellent  matière  foible.  La  matière  forte 
deftinée  pour  les  petits  caractères ,  eft  un  mélange  de 
régule  &  de  plomb,  où  le  premier  de  ces  ingrédiens 
eft  en  quantité  beaucoup  plus  coniidérable  ,  relati- 
vement à  celle  du  plomb ,  que  dans  la  matière  foible. 

Quand  la  matière  ou  compofition  eft  ainfi  prépa- 
rée &  mife  en  lingots ,  elle  paffe  dans  les  fourneaux 
des  Fondeurs.  Voye^  ces  fourneaux  dans  la  vignette , 
fig.  z.  &  Z.  à  droit  &  à  gauche.  Ce  fourneau  eft  fait 
de  la  terre  dont  fe  fervent  les  fournaliftes  pour  la  fa- 
brique des  creufets ,  mais  moins  fine  ;  elle  eft  compo- 
fée  de  ciment  de  pots  à  beurre  caffés ,  &  de  terre 
glaife  pétris  enfemble  :  la  grandeur  eft  de  dix-huit  à 
vingt  pouces  de  hauteur, lur  dix  à  douze  de  diamètre, 
&  deux  piés  ÔC  demi  de  long;ileft  féparé  en  deux  dans 
fa  hauteur  par  une  grille  qui  peut  être  indifférem- 
ment de  terre  ou  de  fer.  On  pofe  le  bois  fur  cette 
grille  ;  la  partie  inférieure  D  fert  de  cendrier  :  la  fa- 
ce fupérieure  eft  percée  d'un  trou  rond  B  d'environ 
dix  pouces  de  diamètre  ;  ce  trou  rond  eft  environné 
d'une  eipece  de  bourlet  qui  iupporte  la  chaudière  de 
fer  A ,  fig.  g.  on  appelle  cette  chaudière  cueillere. 
Cette  cueillere  eft  divilée  en  deux  ou  trois  portions 
comme  on  voit  ;  ces  divifions  iervent  à  contenir  des 
matières  de  différentes  forces  ou  qualités ,  liiivant 
les  ouvriers  qui  y  travaillent,  6c  chaque  ouvrier 
puife  dans  la  divition  qui  contient  la  compofition 
dont  il  a  befoin. 

Le  fourneau  a  encore  une  autre  ouverture  H ,  à 
laquelle  on  adapte  un  autre  tuyau  de  tôle  qui  porte 
les  fumées  hors  de  l'attelier  ,  comme  on  voit  dans 
la  vignette.  Tout  ce  fourneau  eft  porté  lur  un  banc 
F  G  G  G ,  au  milieu  de  la  hauteur  duquel  on  a  pra- 
tiqué une  tablette  F,  qui  fert  à  placer  différens  uf- 
tenfiles. 

A  côté  du  fourneau  on  range  plufieurs  autres 
bancs  ,  tels  qu'on  les  voit  dans  la  vignette  ,  6c  au  bas 
de  la  Plan.  fig.  11.  ce  font  des  efpeces  de  tables  dont 
le  deffus  eft  à  hauteur  d'appui  ;  ces  bancs  font  envi- 
ronnés d'un  rebord  ;  ils  doivent  être  de  deux  ou  trois 
pouces  moins  hauts  que  ia  partie  fupérieure  du  four- 
neau, à  un  des  côtés  duquel  ils  doivent  s'arranger 
comme  on  voit  dans  la  vignette.  On  a  une  plaque  de 
tôle  ou  de  fer ,  qu'on  place  de  manière  qu'elle  porte 
d'un  bout  fur  le  fourneau,  &  de  faut; e  iur  le  banc. 
L'ulage  de  cette  tôle  eft  de  ramaffer  les  gouttes  d  :  ma- 
tière fondue  qui  s'échappent  de  la  cuilliere ,  ■ 
l'ouvrier  rejette  du  moule  quand  il  eft  trop  plein. 

Quand  l'ouvrier  veut  fondre  un  caractère ,  il  prend 
le  moule  préparé  comme  nous  avons  dit,  &  comme 
on  le  voit  fig.  1.  de  la  main  gauche,  il  place  l'exné- 
mitédel'arc  ou  archet  dan-*  l'entaille  quenous  avons 
dit  être  à  la  partie  inférieure  de  la  matrice ,  afin 
qu'elle  s'applique  exactement  contre  les  longues  pie- 
ces  &  les  parties  l'aillantes  des  blancs  :  il  pre 
fuite  les  deux  moitiés  du  moule  ,  de  manière  que  les 
regiitres  foient  bien  placés  contre  les  faces  Lai 
de  la   matrice  ;  &  il  enduit  fiiperficiellerrjeriî  le  tond 
du  jet  d'un  peu  d'ocré  délaye  dans 
quand  la  lettre  eft  extrêmement  fine.  Cel  I 

couler  le  métal  promptement ,  6c  le  précipite  ai  I 

du  parallélépipède  vuide,  avant  que  rafraîchi  parle 
contael  de  la  furface  des  pièces  qui  tonnent  cet  ef- 
pace  vuide ,  il  ait  eu  le  teins  de  le  figer  6;  de  s  arrê- 
ter. On  fe  fert  de  la  même  précaution  dans  l'ufage 
du  moule  à  régler,  dont  nous  parlerons  pli 
Comme  dans  ce  moule  le  métal  a  iouvent  plus  d'e- 
paiilêur,  &  qu'il  a  beaucoup  de  chemina  parcourir, 
il  n'en  eft  que  plus  difpoie  à  fe  figer ,  6c  à  ne  pas  dei- 


656 


CAR 


cendre  jufqu'au  fond  du  moule  :  c'eft  pourquoi  1  on 
ne  le  contente  pas  feulement  d'enduire  le  jet  d'ocre 
délayé  ,  on  en  enduit  même  toute  fa  furrace  inté- 
rieure ,  d'une  couche  à  la  vérité  la  plus  légère  qu  on 
peut  :  mais  revenons  à  la  fonte  des  caractères. 

Tout  étant  dans  cet  état ,  le  Fondeur  puile  avec  la 
cuilliere  à  verfer  qu'on  voit  fig.  ij-  «ne  quantité  de 
métal  fondu  qu'il  jette  par  l'efpece  d'entonnoir  que 
nous  avons  dit  avoir  été  formé  par  les  jets.  Le  métal 
fluide  defeend  dans  le  prifme  vuide  que  laiflent  en- 
tre elles  les  faces  des  longues  pièces  6c  des  blancs  , 
&  fe  répand  fur  la  furface  de  la  matrice  dont  il  prend 
toutes  les  formes  ;  de  manière  que  quand  on  l'en  tire, 
il  en-  parfaitement  femblable  au  poinçon  qui  a  lervi 
à  la  former.  Il  rapporte  aufli  en  creux  l'impreffion 
du  demi-cylindre  ab,  fixé  à  une  des  longues  pièces, 
&  dont  nous  avons  parlé  plus  haut.  Ce  creux  qu  on 
appelle  cran ,  doit  toujours  être  à  la  race  qui  répond 
à  la  partie  fupérieure  de  la  lettre  :  il  lert  aux  Impri- 
meurs à  connoître  fi  la  lettre  eft  du  lens  dont  elle 
doit  être  ,  ou  fi  elle  eft  renverfée.  Voye^C  article  Im- 
primerie. Les  deux  opérations  de  puiler  dans  le 
moule  avec  la  cuilliere  &  de  verfer  dans  le  moule  , 
font  repréfentées/^.  3.  6-  6.  de  la  vignette. 

Il  y  a  ici  une  chofe  importante  à  oblerver  ;  c  en 
que  dans  le  même  infiant  que  l'on  yerfe  la  matière 
dans  le  moule ,  on  doit  donner  à  celui-ci  une  lecoufie 
en-haut ,  afin  que  la  matière  qui  defeend  en  lens  con- 
traire ,  frappe  avec  plus  de  force  le  fond  de  la  matri- 
ce ,  &  en  prenne  mieux  l'empreinte. 

Après  que  l'ouvrier  a  verfé  fon  inétal ,  il  remet  fa 
cuilliere  fur  le  fourneau ,  &  il  fe  difpofe  à  ouvrir  le 
moule  :  pour  cet  effet ,  il  commence  par  déplacer 
l'arc  ou  archet ,  ou  le  reflbrt  de  l'entaille  de  la  ma- 
trice ,  &  le  placer  dans  un  cran  fait  au  bois  fous  le 
heurtoir.  Il  ouvre  le  moule  en  léparant  les  deux  moi- 
tiés ;  &  s'il  arrive  que  la  lettre  refte  adhérente  à  l'une 
des  moitiés  ,  il  la  détache  avec  le  crochet  qui  eft  fixé 
fur  l'autre  ,  ce  qui  s'appelle  décrocher.  C'eft  ce  qu'e- 
xécute la/£.  8.  delà  vignette  :  après  quoi  il  referme 
le  moule  ,  replace  l'arc  fous  la  matrice  ,  yerfe  de  la 
matière ,  6c  recommence  la  même  opération  julqu'à 
trois  ou  quatre  mille  fois  dans  un  feul  jour. 

Il  ne  faut  pas  s'imaginer  que  la  lettre  au  fortir  du 
moule  foit  achevée ,  du  moins  quant  à  ce  qui  regar- 
de fon  corps  ;  car  pour  le  caraûere  il  eft  parfait  ;  il 
eft  beau  ou  laid  ,  félon  que  le  poinçon  qui  a  lervi  à 
former  la  matrice  a  été  bien  ou  mal  gravé. 

Quelle  que  foit  la  figure  d'un  caractère ,  les  contre- 
poinçons  ,  les  poinçons ,  les  matrices,  &c  la  fonte  en 
eft  la  même  ;  ÔC  il  n'y  a  dans  toutes  ces  opérations 
aucune  différence  de  l'Arabe,  au  Grec,  au  François , 
à  l'Hébreu ,  &c. 

La  lettre  apporte  avec  elle  au  fortir  du  moule  une 
éminence  de  matière  de  forme  pyramidale  ,  adhéren- 
te par  fon  fommet  au  pié  de  la  lettre.  Cette  partie  de 
matière  qu'on  appelle  jet,  eft  formée  de  ^'excédent 
de  la  matière  néceffaire  à  former  les  caractères,  qu'on 
a  verfée  dans  le  moule.  On  la  fépare  facilement  du 
corps  de  la  lettre  ,  au  moyen  de  l'étranglement  que 
les  plans  inclinés  des  parties  du  moule  appellées  jets, 
y  ont  formé ,  ainfi  que  nous  avons  dit  plus  haut ,  & 
qu'on  voit  fig.  z.  Planche  II.  D'ailleurs  la  compofi- 
tion  que  l'addition  de  l'antimoine  rend  caftante ,  pref- 
que  comme  de  l'acier  trempé ,  facilite  cette  fépara- 
tion  ;  le  jet  féparé  de  la  lettre  s'appelle  rompure. 

Après  que  toutes  les  lettres  font  rompues  ,  c'eft- 
à-dire,  qu'on  en  a  féparé  lesy'titt,  qui  le  remettent  à  la 
fonte  ;  on  les  frotte  fur  une  meule  de  grès  qu'on  voit 
fig-  y-  PL-  LU-  &  qu'on  appelle  pierre  à  frotter.  Cette 
meule  a  depuis  quinze  julqu'à  vingt-cinq  pouces  de 
diamètre  ;  elle  eft  de  la  même  forte  que  celles  dont 
fe  fervent  les  Couteliers  pour  émoudre.  Pour  la  ren- 
dre propre  à  l'opération  du  Fondeur  en  caractère  3  on 


CAR 

en  prend  deux  qu'on  met  à  plat  l'une  fur  l'autre  ;  on 
répand  entre  elles  du  fable  de  rivière ,  puis  on  les 
meut  circulairement ,  répandant  de  tems  en  tems  de 
nouveau  fable,  julqu'à  ce  que  les  petites  éminences 
qui  font  à  ces  pierres  foient  grugées  ,  &  qu'on  ait 
rendu  leurs  liufaces  planes  &  unies.  Le  fable  en  dref- 
fant  les  grès  ou  meules ,  ne  les  polit  pas  ;  il  y  lailfe 
toujours  de  petits  grains  qui  fervent  à  enlever  aux 
caractères  les  bavures  qui  leur  viennent  de  la  fonte. 

On  ne  peut  pas  frotter  toutes  les  lettres  ;  il  y  eu 
a  ,  mais  en  plus  grand  nombre  dans  l'italique  que 
dans  le  romain  ,  dont  une  partie  de  la  figure  excède 
le  corps  du  côté  qu'on  frotte.  Il  eft  évident  que  fi  on 
les  frottoit ,  la  pierre  emporteroit  cette  partie ,  &  ef- 
tropieroit  la  lettre  :  c'eft  pourquoi  on  commence 
parla  dégager  légèrement ,  &  par  en  enlever  un  peu 
de  matière  avec  un  canif,  afin  qu'elle  puilîe  le  loger 
facilement  dans  l'efpace  vuide  que  lui  présentera 
une  lettre  voiline.  Cette  opération  par  laquelle  on 
dégage  la  partie  faillante  au  canif,  s'appelle  crener. 

Après  que  la  lettre  eft  crenée  ,  on  la  ratifie  6c  on- 
emporte  avec  le  canif  tout  ce  qu'il  y  a  d'étranger 
au  corps  depuis  l'œil  julqu'au  pié.  Ces  deux  opéra- 
tions luppléent  au  frottement  ;  les  lettres  crenées  & 
ratifiées  s'accolent  6c  le  joignent  aulfi-bien  que  li 
elles  avoient  été  frottées.  Les  deux  faces  du  carac- 
tère que  l'on  frotte  fur  la  meule ,  font  celles  qui  s'ap- 
pliquent aux  blancs  du  moule  ,  quand  on  y  verfe  le 
métal  ;  on  donne  cette  façon  à  ces  faces  pour  en  en- 
lever le  morfil  ou  la  vive  arrête  occafionnée  tant  par 
la  face  du  blanc  d'une  des  moitiés ,  que  par  celle  de 
la  longue  pièce  de  l'autre  moitié. 

Lorlque  les  lettres  ont  été  frottées  ou  crenées  & 
ratifiées  ,  on  les  arrange  lur  un  compofteur  ;  le  com- 
pofteur  qu'on  voit  fig.  5.  PL  III.  de  la  Fonderie  des 
caractères ,  eft  une  règle  de  bois  entaillée  ,  comme  on 
voit ,  lur  laquelle  on  arrange  les  caractères  la  lettre 
en-haut ,  ôc  tous  les  crans  tournés  du  même  côté  ; 
enlorte  qu'on  a  tous  les  a  ,  rangés  en  cette  maniè- 
re, a ,  a , a ,  a ,  a,  a,  6c  non  en  celle-ci  ava  ,  vav , 
&  ainfi  des  autres  lettres  :  c'eft  ce  que  l'infpe&ior» 
des  crans  indiquera  tacilement.  Les  caractères  ainli 
rangés  dans  le  compofteur  font  tranfportés  fur  la  rè- 
gle de  fer  A  B  dujujlijîeur,fig.  3.  même  Planche  ;  on 
les  y  place  de  manière  que  leur  pié  foit  en-haut ,  & 
que  le  caractère  porte  fur  la  face  horifontale  du  jufti- 
fieur ,  qui  n'eft  lui-même  ,  comme  on  voit  ,  qu'un 
compofteur  de  fer.  A  cette  règle  ,  on  en  applique  une 
autre  CD  ,  qui  a  un  épaulement  en  C ,  comme  celui 
que  l'on  voit  en  B  de  la  première  pièce  fig.  3.  cette 
re -de  a  de  plus  en  C  &  D ,  de  petites  languettes  qui 
entrent  dans  les  mortoifes  a  &  b  de  \z figure  3  ,  enlor- 
te que,  quand  les  deux  règles  fig.  3.  6c  4.  font  ap- 
pliquées l'une  fur  l'autre,  elles  enferment  exacte- 
ment la  rangée  de  caractères  placée  fur  la  première 
règle  ;  ainli  il  n'y  a  que  les  pies  des  lettres  qui  ex- 
cédent d'environ  une  ligne  au-defius  des  règles  de 
fer,  qui  forment  le  juftifieur. 

Le  juftifieur  ainli  garni  d'une  rangée  de  caractères  ,' 
eft  placé  entre  les  deux  jumelles  AB  ,  CD  du  cou- 
poir  qu'on  voit  fig.  1 .  Planche  III.  Le  coupoir  eft  une 
forte  d'établi  tres-folide  :  fur  fa  table  font  fortement 
fixées  la  jumelle  AB  ,  qui  eft  une  planche  d'un  bon 
pouce  d'épailleur ,  &  la  barre  de  fer  FE ,  qui  a  un 
crochet  £  6c  un  crochet  F  à  chacune  de  fes  extré- 
mités. Le  crochet  F  eft  taraudé  6c  reçoit  une  vis  , 
au  moyen  de  laquelle  on  peut  faire  avancer  la  fé- 
conde règle  du  juftifieur,  que  nous  avons  décrite  ci- 
defius. 

Les  deux  règles  du  juftifieur  font  ferrées  l'une 
contre  l'autre  par  l'autre  jumelle  CD ,  repréientée 
par  fa  partie  inférieure  dans  la  fig.  z.  A  B ,  C  D  {ont 
deux  fortes  barres  de  fer,  dont  les  crochets  A,  C, 
entrent  dans  la  table  du  coupoir.  B  D  eft  une  autre 

barre 


CAR 

barre  de  fer  qui  porte  un  écrou  qui  reçoit  la  vis  FE , 
que  l'on  tourne  comme  celle  d'un  étau ,  par  le  moyen 
du  manche  F  G.  Tout  cet  aflemblage  eft  fixé  à  la  ta- 
ble du  coupoir  ,  enforte  que  la  jumelle  C  D  tirée  ou 
pouffée  par  la  vis  FE  ,  peut  feule  fe  mouvoir. 

Il  fuit  de  cette  defeription  du  coupoir ,  que  fi  l'on 
tourne  la  vis  E  F,fig.  2.  on  fera  marcher  la  jumelle 
mobile  AB  ,  vers  la  jumelle  immobile  CD, fig.  1. 
&  que  par  conféquent  on  fera  appliquer  les  deux  rè- 
gles du  juftifieur  contre  la  rangée  de  caractères  qu'elles 
contiennent.  Mais  pour  ferrer  les  caractères  les  uns 
contre  les  autres  ,  on  fera  tourner  la  vis  Ff.  Cette 
vis  fera  couler  la  féconde  règle  du  juftifieur  le  long 
de  la  rangée  de  caractères  ,  jufqu'à  ce  que  fon  épaule- 
ment  Cfig.  4.  rencontrant  la  rangée  de  caractères ,  les 
preffera  &  les  pouffera  vers  l'épaulement  B  de  la 
première  pièce  fig.  J.  jufqu'à  ce  qu'ils  foient  tous 
exactement  appliqués  les  uns  contre  les  autres.  Cela 
fait,  il  eft  évident  que  les  caractères  formeront  com- 
me un  corps  folide  contenu  par  les  deux  extrémités 
entre  les  épaulemens  des  deux  pièces  du  juftifieur  , 
&  félon  fa  longueur  entre  les  mêmes  pièces ,  par  Fac- 
tion des  deux  jumelles. 

Mais  avant  que  de  confolider  ainfi  la  rangée  de 
caractères,  on  parle  un  morceau  de  bois  dur  fttr  leurs 
extrémités  raillantes  ou  fur  leurs  pies ,  afin  de  les  en- 
foncer toutes  également ,  &c  d'appliquer  leur  tête , 
ou  la  lettre ,  contre  la  furface  de  la  règle  horifontale 
du  juftifieur. 

Lorfque  tout  eft  ainfi  difpofé,  on  coupe  les  caractè- 
res avec  le  rabot ,  de  la  manière  que  nous  allons  dire. 
L'inftrument  qu'on  voit  Planche  III.  de  la  Fondent 
tn  caractères  ,  fig.  6.  eft  appelle  rabot.  Il  eft  compefé 
d'un  fût  de  fer ,  qu'on  voit  fig.  10.  Sous  la  partie  NO 
de  ce  fut,  font  arrêtés  avec  des  vis  les  deux 
Ce ,  Df.  Cet  aflemblage  eft  furmonté  d'un  bois  P  Q 
qu'on  voit  fig.  8.  ce  bois  fert  de  poignée  au  rabot.  Il 
le  fixe  fur  la  partie  NO  ,  fig.  10.  comme  on  l'y  voit 
fixé,  fig.  6.  Le  fer  AB  du  rabot  fe  place  fur  la  face 
inclinée  du  fût,  par  les  deux  vis  G Î7  taraudées,  bc 
entrant  dans  les  collets  que  le  fer  traverfe,&  qui  font 
eux-mêmes  fixés  fur  le  fût  par  la  vis  que  l'on  voit  en 
R.  Toutes  ces  pièces  affemblécs  forment  le  rabot  de 
la  fig.  G.  Les  vis  fe  ferrent-  avec  le  tourne-vis  de  la 
fig.  16'.  même  Planche  III. 

Quand  on  veut  couper  les  lettres ,  on  place  le  ra- 
bot fur  le  juftifieur,  enforte  que  les  parties  l'aillantes 
des  lettres  foient  entre  les  guides  du  rabot  ;  on  hauffe 
ou  l'on  baiffe  le  fer ,  qui  eft  un  peu  arrondi  par  fon 
tranchant ,  enforte  qu'il  puiffe  emporter  autant  de 
matière  que  l'on  fouhaite. 

Les  reglemcns  ont  ftatué  fur  la  hauteur  des  lettres  ; 
il  eft  ordonné  que  la  lettre  portera  ,  depuis  fa  furface 
jufqu'à  l'extrémité  de  fon  pié  ,  dix  lignes  &  demie  de 
pié  de  roi.  Cette  hauteur  n'eft  pas  la  même  par-tout  ; 
la  hauteur  de  Hollande  a  près  d'une  ligne  de  plus  que 
celle  de  Paris  ;  celles  de  Flandre ,  &  même  de  Lyon , 
ont  plus  de  dix  lignes.  Au  refte  ,  lorfque  des  Impri- 
meurs ,  fans  aucun  égard  pour  les  ordonnances ,  veu- 
lent des  caracLus  au-deffus  ou  au-deffous  de  dix  li- 
gnes 6c  demie ,  on  a  de  petites  pièces  qu'on  ajufte  au 
moule  à  fondre  les  caractères ,  entre  le  jet  Se  les  lon- 
gues pièces. 

Ces  pièces  s'appellent  h.-uffes  ;  félon  que  les  hauf- 
fes  font  plus  ou  moins  épaifîes  ,  un  même  moule  fert 
à  fondre  des  caractères  plus  ou  moins  hauts  de  papier  ; 
c'eft  l'expreffion  dont  on  fe  fert  pour  deligner  la  di- 
menfion  dont  il  s'agit  ici. 

Le  fer  du  rabot  étant  convexe  ,  les  caractères  cou- 
iront  tous  une  petite  échancrure  concave,  de 
manière  qu'étant  pôles  fur  leurs  pies ,  ils  ne  porte- 
ront, pour  ainii  dire,  que  fur  deux  lignes,  au  lieu  de 
porter  fur  une  furface.  On  a  pratiqué  cette  con 
cavité  aux  pics  des  caractères,  afin  qu'ils  s'arrangent 
Tome  II. 


CAR 


657 


mieux  fur  le  marbre  de  la  preffe,  fur  lequel  expofant 
moins  de  furface  ,  ils  font  moins  fujets  à  rencontrer 
des  inégalités. 

Mais  ce  retranchement  de  matière  n'eft  pas  le  feul 
qui  fe  faffe  avec  le  rabot  ;  on  eft  contraint  d'enlever 
encore  de  l'étoffe  au  haut  du  caractère,  comme  on  peut 
le  voir  en  B,  figure  14.  Ce  retranchement  fe  fait  des 
deux  côtés  aux  lettres  qui  n'ont  ni  tête  ni  queue,  6c 
feulement  du  côté  oppofé  à  la  queue  ,  lorfque  les  ca- 
ractères en  ont  une.  Le  but  de  cette  opération  eft  de 
dégager  encore  mieux  l'œil  du  caractère.  On  voit  en 
effet,  fig.  14.  que  le  caractère  B  eft  plus  taillant  que 
le  caractère  A ,  quoiqu'ils  ayent  été  fondus  l'un  &£  l'au- 
tre dans  le  même  moule. 

La  machine  repréfentéey?"'//^  14.  &  qui  contient 
les  deux  caractères  AtkB  dont  nous  venons  de  parler, 
s'appelle  Jufiificationj  elle  fert  à  connoître  ,  par  le 
moyen  du  petit  reglet  qu'on  -voit figure  ij.  &  qu'on 
appelle  Jetton  )  fi  les  traits  des  lettres  fe  trouvent  tous 
fur  une  même  ligne.  Pour  cet  effet,  après  avoir  jufti- 
fîé  les  lettres  mm,  que  nous  avons  dit  être  la  première 
lettre  que  l'on  fabrique ,  on  place  un  a ,  par  exemple , 
entre  les  deux  m,  en  cette  lortc  mam,  &  Ion  examine 
fi  l'arrête  du  jetton  s'applique  également  fur  les  trois 
caractères. 

Le  morceau  de  glace,  fig.  iz.  &  fon  jetton ,  fig.  1. 
fervent  à  jauger  de  la  même  manière  les  épaiffeurs  , 
ôc  l'une  &  l'autre  de  ces  deux  machines  indique  pa- 
reillement ,  par  l'application  du  jetton  ,  fi  les  traits 
des  lettres  fe  trouvent  tous  exactement  dans  la  même 
ligne  droite ,  comme  nous  venons  de  dire. 

On  entend  par  une  fonte  de  caractères  d'Imprimerie,  un 
affortiment  complet  de  toutes  les  lettres  majufcules  , 
minufcules,  accents,  points,  chiffres,  &c.  néceffaires 
à  imprimer  un  difeours ,  &  fondues  fur  un  feul  corps. 

Le  corps  eft  une  épaifleur  jufte  &  déterminée ,  re- 
lative à  chaque  caractère  en  particulier  ;  c'eft  cette 
épaifleur  qui  fait  la  diftance  des  lignes  dans  un  livre, 
&  qui  donne  le  nom  au  caractère ,  &  non  l'œil  de  la 
lettre  ;  cependant  pour  ne  rien  confondre  on  dit  fon- 
dre un  Cicero  fur  un  corps  de  S.  Auguflin  ,  quand  on  a 
pris  ce  moyen  pour  jetter  plus  de  blanc  entre  les 
lignes. 

Mais  pour  fe  faire  une  idée  jufte  de  ce  qu'on  appel- 
le en  Fonderie  de  caractères  ou  en  Imprimerie  ,  corps  , 
ail ,  &  blanc ,  prenez  une  diftance  ou  ligne  quelcon- 
que ,  (uppofez-la  divifée  en  fept  parties  égales  par 
des  lignes  parallèles  ;  fuppofez  écrite  entre  ces  lignes 
parallèles  une  des  lettres  que  les  Imprimeurs  appel- 
lent courtes ,  telles  que  Va ,  le  c ,  Vm  ,  &c.  car  ils  ap- 
pellent les  lettres  à  queue,  telles  que  le/>,  le  q  ,  le  d , 
lettres  longues.  Suppofez-la  tracée  entre  ces  parallè- 
les de  manière  qu'elle  ait  fa  bafe  appuyée  fur  la  troi- 
fieme  parallèle  en  montant ,  &  qu'elle  touche  de  fon 
fommet  la  troilieme  parallèle  en  defeendant,  ou  ce 
qui  revient  au  même  ,  que  des  fept  intervalles  égaux 
dans  lefquelles  vous  a\  ;ne,  elle  occu- 

pe les  trois  du  milieu  ;  il  eft  évident  qu'il  reliera  au- 
deflus  de  ces  trois  intervalles  occupés, deux cfpaces 
-,  &  qu'il  en  reliera  a.  m  ides  au-def- 

fous. Cela  bien  compris  ,  il  ne  fera  pas  difficile  d'en- 
tendre ce  que  c'elt  que  le  Vccil ,  le  corps,  tk  le  blanc. 
Le  corps  eft  repréfenté  par  la  ligne  entière  ;  Vailoc- 
les  trois  cfpaces  du  milieu,  c'eft  la  hauteur 
même  de  la  lettre  ;  &  l'on  entend  par  les  blancs ,  les 
deux  cfpaces  qui  relient  vuides  au-defl'ous  ce  au-del- 
fus  de  lœil. 

A 
C 


Exemple. 


la  ligne  AB,  re- 
prélentela  hau- 
teur du  corps; 
C  D  ,  le  blanc 
d'en-haut  ;DE, 
l'œil;  E  F,  le  blanc  d'en-bas.  CD, forme  dans  une 

OO00 


658 


CAR 


page  imprimée  la  moitié  de  l'efpace  blanc  qui  eft 
entre  une  ligne  &  la  fupérieure  ;  &  E  F,  la  moitié 
de  l'elpace  blanc  qui  eft  entre  la  même  ligne  &  l'on 
intérieure. 

Il  y  a  des  lettres  qui  occupent  toute  la  hauteur 
du  corps  ,  telle  eft  l'y  conibnne  avec  ion  point ,  com- 
me on  voit  dans  l'exemple ,  les  Q  capitales  en  ro- 
main ,  &  les  f&cf  en  italique,  ainfi  que  les  lignes 

(,§,*[,  ^- 

Dans  les  lettres  longues,  telles  que  le  d  &  le  q, 
il  faut  diftinguer  deux  parties,  le  corps  &  la  queue; 
le  corps  occupe  les  trois  intervalles  du  milieu ,  de 
même  que  les  lettres  courtes ,  &  la  queue  occupe 
les  deux  intervalles  blancs ,  l'oit  d'en-haut ,  loir  d'en- 
bas ,  le'on  que  cette  queue  eft  tournée.  Voyt{  dans 
l'exemple  le  d  &  le  q.  S'il  fe  trouve  dans  une  ligne 
un  q,  &  dans  la  ligne  au-deffous  un  d,  qui  corref- 
ponde  exactement  au  q ,  il  n'y  aura  point  d'inter- 
valle entre  les  queues  :  les  extrémités  de  ces  queues 
lé  toucheront  ,  d'où  il  s'enluit  que  voilà  la  hau- 
teur relative  des  corps  &  celle  des  caractères  déter- 
minée ;  que  refteroit-il  donc  à  faire  pour  que  la 
Fonderie  &  l'Imprimerie  fuffent  aliùjeties  à  des  rè- 
gles convenables?  finon  de  déterminer  la  largeur 
des  lettres  ou  caractères  ,  relativement  à  leur  hau- 
teur :  c'eft  ce  que  perfonne  n'a  encore  tenté.  On  eft 
convenu  que  la  hauteur  du  corps  étant  divifée  en  lépt 
parties  égales ,  la  hauteur  du  caractère  ,  de  Y  m  ,  par 
exemple ,  feroit  de  trois  de  ces  parties  ;  quant  à  la 
largeur ,  chacun  fuit  ion  goût  &  fa  fantaifie  ;  les  uns 
donnent  au  caracleree  ou  à  l'œil ,  une  forme  plus  ou 
moins  voifine  du  quarré  que  les  autres. 

Nous  invitons  M.  Fournier ,  à  qui  nous  devons  la 
table  des  rapports  des  corps  entr'eux ,  à  nous  donner 
la  table  des  proportions  des  caractères  entr'eux  dans 
chaque  corps.  Elle  eft  bien  auflî  importante  pour  la 
perfection  de  l'art  de  la  gravure  en  caractères ,  que 
la  première  pour  la  perfection  &  commodité  de  l'art 
d'imprimer. 

Il  pourra  pour  cet  effet,  confulter  les  règles  que 
les  grands  écrivains  à  la  main  fe  font  preferites,  & 
celles  que  les  plus  habiles  graveurs  ont  fuivies  par 
goût. 

Une  obfervation  qui  fe  préfente  naturellement 
&  qu'on  ne  fera  pas  fâché  de  trouver  ici,  c'eft  qu'il 
y^a  quelque  rapport  entre  l'impreffion  &  le  génie 
d'une  langue  ;  par  exemple ,  l'Allemand  eft  extraor- 
dinairement  diffus  ;  auiîi  n'y  a-t-il  prefque  point  de 
blanc  entre  les  lignes ,  &  les  caractères  font-ils  ex- 
trêmement ferrés  fur  chaque  ligne  :  les  Allemands 
tâchent  de  regagner  par  là  ,  l'elpace  que  la  proli- 
xité de  leur  didion  exigeroit. 

Les  expreffions  œil ,  corps ,  blanc,  caractère  fondu 
fur  un  corps  d'' un  autre  caractère  ,  Sec.  ne  doivent  plus 
rien  avoir  d'obfcur. 

On  difoit  corps  foible  &  corps  fort ,  dans  le  tems 
qu'on  ignoroit  la  proportion  que  les  yeux  des  carac- 
tères dévoient  avoir  avec  leurs  corps ,  &  celle  que 
les  corps  &  les  caractères  dévoient  avoir  avec  d'autres 
corps  &  caractères. Cène  ignorance  a  duré  parmi  nous 
mfqu'en  1742,  que  M.  Fournier  le  jeune,  graveur  & 
fondeur  de  caractères  ,  propofa  fa  table  des  rapports 
des  différens  corps  des  caractères  d'Imprimerie.  Nous 
ne  tarderons  pas  à  en  faire  mention.  Nous  obferve- 
rons  en  attendant ,  qu'avant  cette  table  on  n'avoit 
aucune  règle  fûre  pour  l'exécution  des  caractères;  cha- 
que Imprimeur  commandoit  des  caractères  fuivant  les 
modèles  qu'il  en  trouvoit  chez  lui,  ou  qu'il  imagi- 
noit.  Aucun  n'ayant  l'idée  foit  du  corps  ibit  de  l'œil , 
par  exemple,  d'un  véritable  Cicéro,  ce  caractère  avoit 
autant  de  hauteurs  de  corps  &  d'œil  différentes  qu'il 
y  avoit  d'Imprimeries  ,  &  s'appelloit  ici  foible,  là 
fort  ;  ici  petit  œil ,  là  gros  œil. 

On  dit  une  fonte  de  Cicéro  3  de  Petit-Romain  }  &c. 


CAR 

lorfque  ces  caractères  ont  été  fondus  fur  les  corps  de 
leurs  noms.  Les  fontes  iont  plus  ou  moins  grandes , 
fuivant  le  beibin  ou  le  moyen  de  l'Imprimeur  qui  les 
commande,  par  cent  pelant  ou  par  feuilles.  Quand 
un  Imprimeur  demande  une  fonte  de  cinq  cents  ,  il 
veut  que  cette  fonte  ,  bien  affortie  de  toutes  fes  let- 
tres ,  pefe  cinq  cents.  Quand  il  la  demande  de  dix 
feuilles  ,  il  entend  qu'avec  cette  fonte  on  puifle  com- 
pofer  dix  feuilles  ou  vingt  formes ,  lans  être  obligé 
de  difiribuer.  Le  Fondeur  prend  alors  fes  mefures  ;  il 
compte  cent- vingt  livres  pelant  pour  la  feuille,  y 
compris  lesquadrats  &£  eipaces,  oufoixantepour  la 
forme,  qui  n'eftque  la  demi-feuille.  Ce  n'elt  pas  que 
la  feuille  pefe  toujours  cent  vingt  livres ,  ni  la  forme 
foixante  ;  tout  cela  dépend  de  la  grandeur  de  la  for- 
me ,  Se  on  iuppoie  toujours  qu'il  en  refte  dans  les 
cafés. 

S'il  n'entre  pas  dans  toutes  les  feuilles  le  même  nom- 
bre de  lettres ,  ni  les  mêmes  fortes  de  lettres  ,  il  eft 
bon  de  remarquer  que ,  comme  il  y  a  dans  une  lan- 
gue des  fons  plus  fréquens  que  d'autres ,  &  par  con- 
iéquent  des  fignes  qui  doivent  revenir  plus  liéquem- 
ment  que  d'autres  dans  l'ufage  qu'on  en  fait  en  im- 
primant ,  une  fonte  ne  contient  pas  autant  d'à  que 
de  b ,  cftitant  de  b  que  de  c ,  &  ainli  de  fuite.  La  .- 
termination  des  rapports  en  nombre  ,  qu'il  faut  met- 
tre entre  les  différentes  fortes  de  caractères  qui  for- 
ment une  fonte,  s'appelle  la  police.  Il  eft  évident  que 
la  police  peut  varier  d'une  langue  à  une  autre ,  mais 
qu'elle  eft  la  même  pour  toutes  fortes  de  caractères  em- 
ployés dans  la  même  langue.  Pour  donner  une  idée 
de  la  police  dans  notre  François ,  foit ,  par  exemple , 
demandée  une  fonte  de  cent  mille  lettres.  Pour  rem- 
plir ce  nombre  de  cent  mille  caractères ,  on  prendra 
les  nombres  fuivans  de  chacun.  L'expérience  a  rélolu 
chez  les  Fondeurs  un  problème,  dont  on  auroit  trou- 
vé difficilement  ailleurs  une  foluîion  exacte.  J'efpere 
que  les  Philofophes  &  les  Grammairiens  jetteront  les 
yeux,  avec  quelque  fatisfaction,  fur  cette  table  ,  & 
en  délireront  de  lemblables  du  Latin ,  du  Grec ,  de 
l'Anglois  ,  de  l'Italien ,  &  de  la  plupart  des  langues 
connues.  Pour  fe  les  procurer ,  ils  n'ont  qu'à  s'adref- 
fer  aux  Fondeurs  en  caractères  des  différens  pays  où 
ces  langues  font  en  ufage. 

Police  pour  cent  mille  lettres  définies  à  une  impreffion 
Françoife  ordinaire. 

Le  lecteur  s'appercevra  facilement  qu'elle  ne  con- 
tient que  les  lignes  grammaticaux ,  &  qu'il  ne  s'agit 
ici  que  de  ceux-là;  &  que  par  conféquent  cette  po- 
lice n'elt  pas  particulière  à  un  livre  ou  d'algèbre,  ou 
d'arithmétique,  ou  de  chimie  ;  mais  qu'elle  convient 
feulement  à  un  difeours  oratoire ,  à  la  poèfre ,  &c. 


Bas  d:  Café. 

0 .  . 

.  4800. 

w.  . 

.    50. 

Pon 

luttions. 

a. . .  5000. 

p.. 

.  2400. 

&.. 

.  500. 

•      ~ 

.  2200. 

b  .  .  .    800. 

q.. 

.  1200. 

a.. 

.  200. 

■> 

.  2000. 

c  .  .  .  3000. 

r  . . 

.  5000. 

ft.. 

.  500. 

:  .  . 

.     4OO. 

ç  .  .  .      IOO. 
d  .  .  .  3000. 

s  . . 

.  3500. 
.  1800. 

fi .. 
fi .. 

.  400. 
.  500. 

>  •  • 

9 

.     4OO. 
.   IOOO. 

e  .  .  1 1000. 

t .  . 

.  4600. 

n.. 

.  100. 

—  ■• 

.  IOOO. 

f  .  .  .    900. 
g  .  .  .    800. 
h.  .  .    800. 

u.  . 

V.  . 
X  .  . 

.  5000. 
.  1500. 
.    400. 

û.  . 
ff .. 
ir. . 

•     5°- 
.  400. 

.  300. 

1 

?  .  . 

» .  . 

.      IOO. 
.     IOO. 
.      IOO. 

i  .  .  .  5400. 
j  .  .  .    400. 
k  .  . .    100. 

y- 

z  .  . 

.    300. 

400. 

ffi.. 
m., 
ffi.. 

.   100.   (  )• 

•  '°-  £ 

•   10°-  1 

.     IOO. 
.      IOO. 

.    50. 

1  .  .  .  4000. 
m  .  .  2800. 
n.  .  .  5000. 

Doubles. 
ce.  .  .     100. 
œ  .  .  .   ioo.i 

y-. 

■     5°- 
.     50. 

» 

.    50. 

.    50. 

50. 

J 

C  A 

R 

rÀcctns-. 

Greffes  ccpit. 

Y... 

100. 

p . 

. .    120. 

k .  . 

50. 

A...    350. 

Z... 

IOO. 

Q- 

..   100. 

é  .  . 

1500. 

B...    150. 

JE... 

M- 

R  . 

..   150. 

i  .  .  • 

50. 

C  . . .    250. 

Œ... 

M- 

S  . 

..   150. 

©  . . 

50. 

Ç...      50. 

\v... 

M- 

T. 

..    150. 

Û  .  •'.  4 

50. 

D...    300. 

U. 

..   150. 
..   120. 

à  .  • 

400. 

E...    450. 

Petites 

Capit. 

V  . 

è  .  . 

1 50. 

É.  . .      50. 

A  .  .  . 

150. 

X  . 

..     50. 

i  .  . 

50. 

F  . . .    150. 

B  .  .  . 

80. 

Y. 

..     50. 

o.  . 

50. 

G. . .   iïo. 

C  .  .  . 

140. 

Z  . 

..     50. 

ii .  . 

100. 

H...   150. 

Ç.  .. 

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m. 

..     15. 

â  .  . 

.    100. 

I  ...    350, 

D  .  .  . 

150. 

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..     15. 

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.    300. 

J  . . .    aoo. 
K...     5c. 
L  .  .  .   300. 

E  .  .  . 

250. 

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ô . . 

.     100. 

.    100. 

É  .  ,  . 
E... 

25- 
25- 

Chiffres. 

û  .  . 

.    100. 

M. . .    300. .  £  .  . . 

M- 

1  . 

.  .     250. 

ë .  • 

.    100. 

N..  .  300. 

F... 

80. 

2 . 

.  .     250. 

ï  .  . 

.  150. 

O...  250. 

G... 

80. 

3- 

.  .     200. 

ii .  . 

.    100. 

P  . . .  300. 

H  .  .  . 

80. 

A- 

.  .     200. 

a  . . 

.    50. 

Q...   150. 

I  .  .  . 

180. 

5 

.  .     200. 

é  .  . 

.    50. 

R  . . .  300. 

»... 

100. 

6 

.  .     200. 

ï  ■  . 

•      5°- 

S..  .    350. 

K... 

20. 

7 

. .     200. 

Ô  .  . 

.     50. 

T...    300. 

L  .  .  . 

150. 

8 

.  .     200. 

û . . 

•      5°- 

U  . . .  300. 

M.  . 

150. 

; 

.  .     200. 

m.. 

.      50. 

V...  250. 

N.  . 

150. 

0 

.  .     200. 

n  .  . 

.      50. 

X...   100. 

O.  . 

150. 

CAR 


6)9 


S'il  eft  évident  que  la  même  police  ne  convient 
pas  à  toute  langue ,  il  ne  l'elr  pas  moins  qu'elle  con- 
vient à  tout  caractère ,  de  quelque  corps  que  ce  foit , 
clans  une  même  langue. 

Il  y  a  dans  l'Imprimerie  ,  ou  plutôt  dans  la  Fon- 
derie en  caractères,  vingt  corps  différens. 

Chacun  de  ces  corps  a  ion  nom  particulier  &  dif- 
îinftif ,  propre  aux  caractères  fondus  fur  ces  corps.  Le 
plus  petit  le  nomme  Parif enne,  &  en  delcendant  de 
la  Parilienne  jufqu'aux  caractères  les  plus  gros  ,  on  a 
la  Nompareille  ,  la  Mignone,  le  Petit-Texte ,  la  Gail- 
larde ,  le  Petit-Romain ,  la  Philofophie  ,  le  Cicéro  , 
le  Saint-Auguftin  ,  le  Gros-Texte,  le  Gros-Romain  , 
le  Petit-Parangon  ,  le  Gros-Parangon,  la  Pale-lime, 
le  Petit-Canon  ,  le  Trifmegilte,  le  Gros-Canon  ,  le 
Double-Canon,  le  Triple-Canon  ,  la  Groffe-Nom- 
pareille  ;  voye\  les  articles  de  ces  caractères  à  leurs 
noms  particuliers,  &  ci-après  les  modèles  de  ces  ca- 
ractères dans  les  Planches  placées  à  la  fin  de  cet  ar- 
ticle. Ces  Planches  ont  été  compofées  fur  les  carac- 
tères de  M.  Fournier  le  jeune ,  de  qui  nous  tenons  auffi 
tous  les  matériaux  qui  forment  cet  article  &  les  au- 
tres articles  de  la  Fonderie  en  caractères.  Nous  pour- 
rions bien  affùrer  que  notre  Ouvrage  ne  laiffcroit  rien 
;i  délirer  d'important  fur  les  Arts,  fi  nous  avions  tou- 
jours rencontré  des  gens  auiîi  attachés  au  progrès  de 
leur  art,  aufïï  éclairés ,  &  auiîi  communicatifs  que  M. 
Fournier  le  jeune.  Une  oblervation  que  nous  avons 
cté  cent  lois  dans  le  cas  de  faire  ,  c'eft  qu'entre  les 
ouvriers  qui  s'occupent  d'un  même  art,  les  ignorans, 
&  entre  les  ouvriers  qui  s'occupent  de  différents 
arts,  ceux  dont  les  métiers  étoient  les  moins  étendus 
&;  les  plus  vils,  fc  font  toujours  montrés  les  plus  myf- 
iéricux  ,  comme  de  raifon. 

Ces  corps  fe  fuivent  par  degrés  ;  les  uns  fe  trou- 
Vent  julte ,  le  double,  le  tiers ,  le  quart,  &c.  des  au- 
tres, de  manière  que  deux  ou  plufieurs  combinés  cn- 
fcmble,  rempliflent  toujours  exactement  le  corps  ma- 
jeur qui  eit  en  tête  de  la  combinaifon  ;  régularité  bien 
cffcntielle  à  l'Imprimerie. 

Mais  pour  établir  entre  les  corps  la  corrcfpondan- 
Torne  II. 


ce  dont  nous  venons  de  parler,  &  qui  fe  remarquera 
bien  dans  ia  table  des  rapports  ci-jointe ,  M.  Four- 
nier a  été  obligé  de  créer  un  corps  exprès  appelle  le 
Gros-Texte ,  qui  équivaut  à  deux  corps  de  Petit-Tex- 
te ,  &  d'en  faire  revivre  deux  autres  qui  n'éfoient 
point  connus  ou  qui  l'étoient  peu,  la  PaUJiine  &  le 
TnfmêgifU.  Le  premier  fait  les  deux  corps  de  Cicéro  ; 
le  caractère  le  plus  en  ufage  dans  l'Imprimerie  ;  &  le 
fécond  fait  les  deux  points  du  Gros-Romain. 

Sans  ces  trois  corps  la  correspondance  efî  inter- 
rompue. On  a  placé  dans  la  table  qui  fuit ,  dans  la 
première  colonne  ,  les  noms  de  ces  corps ,  &  dans 
celle  du  milieu ,  les  corps  auxquels  ils  équivalent. 

Quand  on  rencontre  le  figne  ||  dans  un  des  arti- 
cles de  la  colonne  du  milieu,  il  faut  entendre  que  le 
nombre  des  corps  qui  rempliroient  celui  qui  eit  en 
marge  va  changer,  &  que  ce  font  d'autres  corps  qui 
vont  fuivre,&  dont  lafomme  feroit  équivalente  au 
feul  corps  qui  elt  dans  la  première  colonne. 

Mais  ce  n'étoit  pas  afTez  d'avoir  fixé  le  nombre 
des  corps  des  caractères  à  vingt ,  &  d'avoir  établi  les 
rapports  que  ces  vingt  corps  dévoient  avoir  entr'eux  ; 
il  falloit  encore  donner  la  grandeur  abiolue  d'un  de 
ces  corps ,  n'importe  lequel.  Pour  cet  effet ,  M.  Four- 
nier le  jeune  s'en:  fait  une  échelle,  d'après  le  conleil 
des  perfonnes  les  plus  expérimentées  dans  l'Art. 

Cette  échelle  efl  compofée  de  deux  parties  qu'il 
appelle  pouces  ;  ces  deux  pouces  ne  font  pas  de  la 
même  longueur  que  les  deux  pouces  de  pie  de  Roi. 
Nous  dirons  plus  bas  quel  elt  le  rapport  du  pouce  de 
fbn  échelle ,  avec  le  pouce  de  pie  de  Roi.  Il  a  divifé 
fon  pouce  en  trois  lignes ,  &  fa  ligne  en  trois  points. 
On  voit  cette  échelle  au  haut  de  la  table  qui  fuit. 

Cette  table  elt  divifée  en  quatre  colonnes  : 

La  première  marque  en  chiffres  l'ordre  des  carac- 
tères. 

La  féconde ,  les  noms  de  ces  caractères  &  leur  équi- 
valence en  autres  caractères. 

La  troifieme  &  quatrième ,  leurs  hauteurs  en  par» 
ties  de  l'échelle. 

Proportions  des  différens  corps  de  caractères  de  l'Im- 
primerie ,  fuivant  S.  P.  Fournier. 

Echelle  de  deux  pouces. 

I  1  I  I  lnl,!i,l,U 


1 1  1 1  1 1  1 1  iTT 


llgn.  points. 


1.  Parijtcnne o 

2.  Nompareille 1 

3.  Mignone 1 

4.  Petit-Texte 1 

y  Gaillarde I 

6.  Petit-Romain  ,  2  Pariliennes 1 

7.  Philofophie,  1  Parilienne,  1  Nompareille.     1 

8.  Cicéro,  2  Nompareillcs.  ||  1  Parifienne, 

1  Mignone.  2 

9.  Saint-Augujlin ,  2  Mignones.   ||  1  Nom- 

pareille  ,  1  Petit-Texte.  2 

10.  Gros-Texte ,  2  Petit -Textes.  Il  1  Parif. 

1  Philofophie.  I  1  Nompareille,  1  Petit- 
Romain.  |  1  Mignone,  1  Gaillarde.  Il  2 
Pariliennes,  1  Nompareille.  2 

11.  Gros-Romain,  2  Gaillardes. ||  3  Nomp.|| 

1  Nomp.  1  Cicéro.  |  1  Mign.  1  Philof.  | 
1  Petit-Texte,  i  Petit-Rom.  Il  2  Parif. 
1  Petit-Texte.  ||  1  Parif.  1  Nompar. 
1  Mignone.  J 

12.  Petit-Parangon,  2  Petit-Rom.  I  4  Parif.  j| 

1  Nomp.  1  Saint- Augult.  I  1  Pet. Texte, 

1  Cicéro.  |  1  Gaillarde ,  1  Philofop.  1 1 

2  Parif.  1  Petit -Romain.  I  2  Nompar. 
1  Pet. Texte.  I  iMignones,  1  Nomp.|| 
1  Parif.    1  Nompar."  1  G.iill.  |  1  Parif- 

j  Mijinone,  1  Petit-Texte.  j 

O  O  o  0  ii 


CGo 


CAR 


13.  Gros-Parangon,  2  Philofoph.  I|  1  Nomp,; 
1  Gros-Texte.  |  1  Petit  Texte  ,  1  Saint- 
Auguftin.  I  1  Pet.  Rom.  1  Cic.  ||  2  Parif, 
1  Cic.  |  2  Nomp.  1  Pet.  Rom.  |  2iMign. 
1  Petit-Texte. I  2  Pet.  Texîes,  1  Nomp.|| 
1  Parif.  1  Nomp.  1  Philofoph.  1 1  Nomp. 
1  Mign.  1  Gaill.  ||  2  Parif.  2  Nomp.  | 
3  Parifienne  ,  1  Mignone.  3     4 

\14.PaleJline,  2Cicéros.|  3  Pet.Textes.  |  4 
Nompareill.  ||  1  Nomp.  1  Gros-Rom.  | 

1  Petit-Texte,  1  Gros-Texte.  |  1  Petit 
Rom.  1  Saint-Aug.  ||  2  Parif.  1  S.Aug.| 

2  Nomp.  1  Cic.  I  2  Mign.  1  Pet. Rom.  | 
2  Gaill.  iNomp.  ||  1  Parif.  1  Mignone, 
1  Cic.  |  1  Parif.  1  Gaill.  1  Petit-Rom.  I 
1  Nompar.  1  Mignone  ,  1  Philofoph.  | 
1  Nomp.  1  Petit-Texte  ,  1  Petit-Rom. I 

1  Mign.  1  Pet.Text.  1  Gaill.  ||  2  Parif. 

2  Mignones.  |  3  Parif.  1  Gaillarde.         4     o 
15.  Petit-Canon,  2  Saint-Aug.   |  4  Mign.  || 

1  Nomp.  1  Gros-Parangon.  |  1  Petit- 
Texte  ,  1  Petit-Parang.  |  1  Petit-Rom. 

1  Gros-Rom.  j  1  Cic.  1  Gros-Texte.  || 

2  Parif.  1  Gros-Romain.  |  2  Nompar. 

1  Gros-Texte.  |  2  Mign.  1  Saint-Aug.  | 

2  Petit-Textes,  1  Cic.  |  2  Gaill.  1  Petit- 
Rom.   |  2  Petit-Rom.   1  Petit-Texte.  | 

2  Philofoph.  1  Nomp.  ||  2  Parif.  2Gail.| 
2 Nomp.  2  Pet.Text. |  2 Parif.  3  Nomp.| 

3  Nomp.  1  Pet.  Rom.|  4  Parif.  1  Petit- 
Text.  il  1  Parif.  1  Mign.  1  GrosText.| 
1  Nomp.  1  Pet.  Text.  1  S.  Auguft.  j 
1  Parif.   1  Gaill.   1  S.  Aug.  |  1  Parif. 

1  Philofop.  1  Ciel  1  Nomp.  1  Petit- 
Rom.  1  Cic.|  1  Mign.  1  Gaill.  1  Cic.|| 

2  Nomp.  1  Mign.   1  Gaill.  I  2  Mign. 

1  Nomp.  1  Pet.  Text.  4     4 

16  Trifmegijle ,  2  Gros-Rom.  |  3  Ciceros| 

4  Gaillardes  I  6  Nompareilles  1 1  1  Petit- 
Text.  1  Petit-Canon  |  1  Cic.  1  Paleft.| 
1  S.  Aug.  1  Gr.  Parang.|  1  Gr.  Text. 

1  Pet.  Parang.  6     o 

(On  peut  encore  augmenter  de  beaucoup 
Pajfemblage  de  ce  corps  &  desfuivans.) 

17  Gros-Canon,  2  Gr-Parang.|  4  Philofoph.  || 

1  Pet.  Text.  1  Trifmégifle|  1  Gr.  Text. 

1  Pet.  Canon.  1 1  Pet.  Parang.  1  Paleft.     7     2 

18  Double-Canon,  2  Pet.  Canons. 1 4  S.  Aug.| 

8  Mign.  Il  1  Cic.  1  Gr.  Canon. |  1  Petit- 
Parang.  1  Trifmég.  9     2, 

19  Triple-Canon,  2  Trifmégiftes.  |  4  Gros- 

Romains.  H  6  Ciceros.  8  Gaillardes.  | 
12  Nomp.  |  1  Gr.  Text  1  Double- 
Canon.  |  1  'Pet.  Can.  1  Gr.  Can.  12     o 

20  Grojfe-NompareUle,  4  Paleft.  |  8  Cicéros.| 

12  Petits-Textes.  |  16  Nompareilles.  || 
1  Paleft.  1  Triple-Canon.  16     0 

C'eft  un  fait  affez  fimple  qui  a  conduit  M.  Fournier 
à  la  formation  de  fa  table  des  rapports  des  caractères  : 
un  Imprimeur  demande ,  par  exemple  ,  un  Cicéro  au 
Fondeur,  &  envoyé  en  lettres  un  échantillon  fur  le- 
quel il  veut  que  ce  Cicéro  foit  fondu.  Un  autre  Im- 
primeur demande  auffi  un  Cicéro  ;  &  comme  c'eft 
un  caractère  de  même  nom  qu'il  faut  à  tous  les  deux , 
on  croiroit  que  ce  caractère  eft  auffi  le  même  ;  point 
du  tout  :  l'échantillon  de  l'un  de  ces  Imprimeurs  elt 
ou  plus  grand  ou  plus  petit  que  l'échantillon  de  l'au- 
tre ,  &  le  Fondeur  le  trouve  dans  la  néceffité  ou  de 
réformer  fes  moules  ,  ou  même  d'en  faire  d'autres  ; 
ce  qui  peut  être  pouiTé  fort  loin ,  ainfi  que  toutes  les 
chofes  de  fantaifie.  Il  femble  que  les  écrivains  ayent 
été  plus  d'accord  entr'eux,  qu'on  ne  l'eft  dans  l'Im- 
primerie fur  la  hauteur  &  fur  la  largeur  des  caractè- 
res. Ils  on;  commencé  par  convenir  des  dimenfions 


CAR 

du  bec  de  plume  ;  enfuite  ils  ont  fixé  tant  de  becs  dé- 
plume pour  chaque  forte  de  caractère. 

En  formant  fa  table  des  rapports ,  il  paroît  que 
M.  Fournier  le  jeune  eft  entré  dans  les  vues  de  l'edit 
du  Roi ,  du  28  Février  1723  ,  portant  un  règlement 
pour  l'Imprimerie,  qui  femble  fuppofer  cette  table. 
Exemple.  Quand  le  règlement  ordonne  ,  que  UGros- 
Romainfoit  équivalent  à  un  Petit-Romain  &  à  un  Petit- 
Texte  ,  qu'eft  ce  que  cela  doit  lignifier  ?  quel  Petit-R.o- 
main^  &  quel  Petit-Texte  choilira-t-on  ?  ils  lont  par- 
tout inégaux.  En  preferivant  cette  règle ,  on  imagi- 
noit  donc  ou  qu'il  y  avoit  une  table  des  rapports  des 
caractères  inftituée  ,  ou  qu'on  en  inftitueroit  une.  Mais 
quand  on  auroit  eu  pour  les  caractères  une  grandeur 
fixe  &  déterminée  ,  on  n'auroit  pas  encore  atteint  à 
la  perfection  qu'on  fe  pouvoit  promettre;  puifque 
pour  avoir  l'équivalent  convenable  du  Gros-Romain , 
ce  n'étoit  point  un  Petit-Romain  &  un  Petit-Texte 
qu'il  falloit  prendre  :  car  les  corps  des  caractères  de- 
vant ,  félon  M.  Fournier ,  aller  toujours  foit  en  dimi- 
nuant fbit  en  augmentant  dans  la  proportion  double, 
pour  les  avantages  que  nous  ailons  expliquer ,  il  s'en- 
fuit  que  le  Gros-Romain  a  deux  Gaillardes  pour  équi- 
valent, &  non  pas  un  Petit-Romain  &  un  Petit-Texte. 

En  déterminant  les  forces  des  corps  ,  M.  Fournier 
a  mis  les  Imprimeurs  en  état  de  lavoir  au  julte  ce 
qu'un  caractère  augmente  ou  diminue  de  pages  fur  un 
autre  caractère  ;  combien  il  faudra  de  lignes  de  Petit- 
Romain  ,  par  exemple ,  pour  faire  la  page  in-iz.  de 
Cicéro  ou  de  St.  Auguftin  ;  combien  par  ce  moyen  , 
on  gagnera  ou  perdra  de  pages  fur  une  feuille ,  &£ 
par  conléquent  ce  qu'un  volume  aura  de  plus  ou  de 
moins  de  feuilles  en  l'imprimant  de  tel  ou  tel  caractère. 

Ces  proportions  établies  &  connues  rendent  le 
méchaniime  de  l'Imprimerie  plus  lùr  &  plus  propre  ; 
l'ouvrier  fâchant  la  portée  de  fes  caractères ,  remplit 
exactement  tous  les  efpaces  vuides  de  fes  ouvrages 
fans  addition  ni  fraction ,  foit  dans  la  compofition  des 
vignettes  ,  foit  dans  tout  autre  ouvrage  difficile  &  de 
goût.  Il  a  par  exemple  pour  relte  de  page  un  vuide 
de  fix  lignes  de  Nompareille  à  remplir,  il  faura  tout 
d'un  coup  qu'il  peut  y  fubltituer  ou  quatre  lignes  de 
quadrats  de  Gaillarde ,  ou  trois  de  Cicéro,  ou  deux  de 
gros  Romain,  ou  un  feul  de  Trifmégifte.  Il  a  à  choi- 
fir ,  &  tout  cela  remplit  &  fait  exactement  ion  blanc 
fans  peines  ni  foins. 

On  évite  par  le  même  moyen  la  confufion  dans 
l'Imprimerie ,  particulièrement  pour  ce  qu'on  appelle 
lettres  de  deux  points  :  les  lettres  doivent  fe  trouver 
exactement  par  la  fonte ,  le  double  des  corps  pour 
lefquels  elles  font  les  deux  points  ;  voje^  Lettres 
de  deux  Points  :  mais  ces  corps ,  foit  Petit-Texte, 
foit  Petit-Romain,  foit  Cicéro,  étant  indéterminés, 
plus  forts  dans  une  Imprimerie ,  plus  foibles  dans  une 
autre  ,  il  s'enfuit  que  ces  lettres  de  deux  points 
n'ayant  point  de  rapport  fixe  avec  les  gros  corps  , 
formeront  une  multiplicité  d'épaifleurs  différentes  ou 
de  corps  dans  l'Imprimerie  ,  oii  l'on  n'aura  cepen- 
dant point  d'autres  noms ,  que  celui  de  lettres  de  deux 
points. 

Il  faut  pour  l'ufage  de  ces  lettres  de  deux  points ,' 
des  quadrats  ou  efpaces  faits  exprès  &  affujettis  à  la 
même  épaifTeur:mais  les  rapports  inftitués  par  la  ta- 
ble ramèneront  tout  à  la  fimplicité  ;  les  lettres  de 
deux  points  de  Petit-Texte  feront  fondues  fur  le 
corps  de  Gros-Texte  ;  celles  de  Petit-Romain  fur  le 
corps  de  Petit-Parangon  ;  celles  de  Cicéro ,  fur  le 
corps  de  Paleltine ,  &  ainli  de  fuite.  Il  ne  fera  plus 
nécefïaire  de  fondre  exprès  des  quadrats  &  efpaces 
pour  ces  lettres  ;  parce  que  ceux  qui  fervent  pour 
les  caractères  ,  qui  font  le  double  de  ces  corps ,  feront 
inconteltablement  les  mêmes. 

Nous  avons  obfervé  au  commencement  de  cet  ar- 
ticle ,  que  l'art  de  la  Gravure  en  poinçon ,  &  de  la 


CAR 

Fonderie  en  caractère ,  étoit  redevable  de  fa  naiffance 
parmi-nous,  &  de  les  progrès ,  à  Simon  de  Colines  , 
Claude  Garamond ,  Robert  Grandjean,  Guillaume  le 
Bé  ;  Jacques  de  Sanlecque ,  pour  les  15,  16  ,  &  17e 
iîecles  ,  &  pour  le  18e  à  MM.  Grandjean  &  Alexan- 
dre ,  qui  ont  confacré  leurs  travaux  à  l'Imprimerie 
du  Roi. 

L'équité  &c  la  reconnoiffance  ne  nous  permettent 
pas  de  paffer  fous  iilence  ce  que  M.  Fournier  le  jeune 
a  fait  pour  le  même  art ,  depuis  ces  habiles  Artiftes. 
Il  a  commencé  par  l'article  important  de  la  table  des 
rapports  ,  dont  nous  avons  fait  mention  plus  haut. 
Cherchant  enfuite  ce  qui  pourrait  être  innové  d'ail- 
leurs avec  avantage ,  il  a  remarqué  que  l'Imprime- 
rie manquoit  de  grandes  lettres  majulcules  pour  les 
placards ,  affiches  ,  &  frontiipices.  Celles  dont  on  fe 
iervoit  avant  lui  étoient  trop  petites  &  d'un  goût  fu- 
ranné  ;  les  lettres  de  bois  étoient  communément  mal 
formées,  fujettes  à  fe  déjetter  ,  à  fe  pourrir,  &c.  Il 
en  a  gravé  de  quinze  lignes  géométriques  de  haut  ; 
&  par  conséquent  une  fois  plus  grandes  que  celles  de 
fonte ,  dont  on  ufoit  auparavant  :  il  en  a  continué  la 
col  eclion  complette  depuis  cette  hauteur,  jufqu'aux 
plus  peti:es. 

Il  a  redoublé  ce  travail,  en  exécutant  des  caracte- 
de  la  même  grandeur  ;  cette  forte  de  let- 
tre a  exiitolt  point  dans  l'Imprimerie.  Les  plus  grol- 
fes  qu'on  y  avoit  eues  étoient  de  deux  points  de 
Saint-Auguftin  ,  ou  Gros -Pramain  ,  encore  maigres 
&  mai  taillées.  Il  ne  faut  pourtant  pas  celer  qu'on 
en  employé  de  fort  belles  à  l'Imprimerie  royale  , 
mais  jufqu'à  une  certaine  hauteur  feulement  ;  6c  c'eft 
d'ailleurs  comme  fi  elles  n'exiftoient  pas  pour  les  au- 
tres Imprimeries  du  royaume. 

Ces  grandes  majulcules  ont  prcfqu'étcint  i'ufage 
d'imprimer  les  affiches  &  frontiipices  en  rouge  6c 
noir.  Les  mots  que  Ton  veut  rendre  plus  lenfibles  le 
remarquant  allez  par  le  mélange  des  lignes  de  ro- 
main &  d'italique  dont  les  figures  tranchent  allez 
l'une  lur  l'autre  ;  on  a  évité  par  ce  moyen  le  double 
tirage  du  rouge  &  du  noir,  &  l'on  a  formé  de  plus 
beaux  titres. 

L'Imprimerie  étoit  aufïï  comme  dénuée  de  ces  pe- 
tits ornemens  de  fonte  qu'on  appelle  vignettes.  Le  peu 
qu'on  en  avoit  étoit  fi  vieux  6c  d'un  goût  fi  luranné, 
qu'on  n'en  pouvoit  prefique  faire  aucun  ufage.  M. 
Fournier,  à  l'imitation  des  fieurs Grandjean  oc  Ale- 
xandre ,  qui  en  ont  exécuté  de  fort  belles  pour  l'Im- 
primerie du  Roi ,  en  a  inventé  de  plus  de  cent  cin- 
quante fortes,  qu'il  a  gravées  relativement  à  la  pro- 
portion qu'il  a  donnée  aux  corps.  Une  figure  ,  par 
exemple,  gravée  pour  être  fondue  fur  un  corps  de 
Cicéro  de  la  moitié  de  fon  épaifTeur,  n'a  qu'à  être 
renverlée  pour  s'ajiifter  à  la  nompareille;  une  autre 
fera  quarrée ,  &  reprefentera  le  Cicéro  en  tout  fens  ; 
une  autre  iera  de  la  largeur  d'un  Cicéro  &  demi ,  & 
viendra  au  corps  de  Gros  Romain  ;  une  autre  de  deux 
Cicéros  fera  le  corps  de  Palellinc  :  ainfi  du  relie ,  qui 
fondu  fur  un  corps  fixe,  forme  par  les  largeurs,  tels 
ou  tels  autres  corps,  de  manière  que  de  quelque  fens 
qu'on  les  retourne ,  elles  préfentent  des  grandeurs  dé- 
terminées, dont  les  interftices  feront  exactement 
remplis  par  des  corps  plus  ou  moins  torts. 

C'eft  ainli  qu'en  combinant  ces  petits  objets,  on 
compofe  facilement  des  ornemens  de  fonte  plus  ou 
moins  grands,  félon  le  befoin,  &  plus  ou  moins  bien 
entendus,  félon  le  goût  du  compoiiteur  de  l'Impri- 
merie. Pqye{  quelques-uns  de  ces  ornemens  dans  les 
planches  des  caractères  qui  font  à  la  fin  de  cet  article. 

Dans  la  gravure  des  poinçons  des  notes  de  Plein- 
chant,  M.  Fournier  a  fait  des  changemens  dont  lui 
ont  lu  gré  les  Imprimeurs  des  différens  dioceles  qu'il 
a  tournis.  Les  notes  l-é.juarres ,  bémols,  &c.  étoient 
gravées  cv  fondues  de  différentes  épaiù'eurs,  fuivant 


CAR 


661 


leurs  figures  ;  de  manière  que  pour  compofer  ces  no- 
tes, &  juftifier  les  lignes,  il  falloit  fondre  des  ei'pa- 
ces  d'épaiffeurs  indéterminées ,  parmi  lefquels  il  y  en 
avoit  de  très-fins.  Ces  efpaces  portoient  quatre  filets  ; 
multipliés  ils  formoient  autant  de  hachures  dans  les 
filets  de  la  note ,  parce  que  la  jonction  ne  fe  falloir 
jamais  fi  bien  qu'on  n'en  vît  l'endroit,  fur-tout  lorf- 
que  la  note  avoit  un  peu  fervi;  ces  hachures  deve- 
nant plus  fcnfibles,  n'en  étoient  que  plus  defagréa- 
bles.  D'ailleurs ,  l'ouvrier  étoit  toujours  obligé  de 
juftifier  fa  ligne  en  tâtonnant,  comme  on  ta". -nue 
une  ligne  de  caractères  avec  les  efpaces  ordinaires* 
Pour  éviter  ces  inconvéniens,  M.  Foui  nier  a  »ravé 
des  poinçons  de  notes ,  bèquarres ,  bémols ,  guidons  , 
pofes,  &c.  préciléinent  d'une  même  largeur,  6c  des 
efpaces  portant  quatre  filets  de  la  même  épaifTeur  , 
ou  deux ,  trois ,  quatre  ,  cinq  fois  plus  large  ;  les  plus 
minces  font  moitié  d'épaiffeur  de  la  note  :  or  toutes 
ces  épaiffeurs  étant  égales  &  déterminées,  quand 
l'Imprimeur  a  décidé  la  longueur  de  la  ligne ,  toutes 
les  autres  fe  trouvent  juftiriées  comme  d'elles-mê- 
mes; il  ne  s'agit  que  d'employer  le  même  nombre  de 
notes,  ou  leur  équivalent  en  efpace,  ce  qui  fe  fait 
fans  foin.  Arrivé  au  bout  de  la  ligne ,  on  y  placera 
une  demi-note,  ou  fon  équivalent,  ou  l'équivalent 
d'une  note ,  ou  un  efpace  équivalent  à  pluiieurs  no- 
tes, fuivant  le  vuide  à  remplir,  &  la  ligne  fe  trouve- 
ra juftifiée.  Les  fautes  qui  feront  furvenues  dans  la 
compoiîtion  ,  ne  feront  pas  difficiles  à  corriger,  puif- 
qu'on  aura  toujours  préciléinent  l'équivalent  de  ce 
qu'on  déplacera.  Comme  on  ne  fera  plus  obligé  de 
juftirier  avec  des  efpaces  fins,  il  y  aura  moins  de  ha- 
chures, &  l'ouvrage  fera  plus  parfait. 

Pour  cet  effet ,  il  a  luffi  de  graver  les  filets  qui 
portent  la  note  tous  de  la  même  largeur,  &  de  laiffer 
fur  ces  filets  la  note,  ou  telle  autre  figure  ,  fuivant  la 
grandeur  qu'elles  doivent  avoir,  fuivant  l'exemple 
qu'on  voit.    ~    E     T 

M.  Fournier  a  rétranché  delà  note  dont  on  fe  fer- 
voit  avant  lui,  une  multiplication  inutile  de  huit  for- 
tes, dont  l'effet  étoit  defagiéable,  comme  on  voit, 

par  I'ufage  où  l'on 

r~r  ™  ■    T^r^»    ^to'it  cie  mettic  lc5 

~  ™  i~™        queues  de  ces  notes 

en-bas,  elles  fe  rrouvoient  mêlées  avec  les  cÊraclt* 
res  qui  étoient  deffous.  Pour  éviter  cet  inconvénient, 
de  quoi  s'agiffoit-il  ?  De  retourner  en-haut  la  queue  do 
ces  notes,  ainfi  qu'on  le  pratique  en  Mufîque.  Cet 
expédient  a  été  d'autant  plus  avantageux,  qu'on  trou- 
ve dans  le  refte  de  la  note  de  quoi  former  celle-ci , 
fans  qu'il  toit  befoin  d'en  faire  exprès.  Exemple  : 

retour- 
nez ces 


m 


& 


caractères  à  la  compoiîtion  ,  &  vous  aurez , 


â^==^ 


Z=  c'eft -à- 

ZZ  direl'ctl 

fet  delîré,  à  moins  de  frais,  fans  embarras,  &  avec 
plus  de  propreté.  Voyer  l'exemple  dans  les  tables  des 
caractères  qui  fuivent. 

On  fe  lert  clans  l'Imprimerie  beaucoup  plus  frér 
quemment  de  reglets  fîmples,  doubles  ou  triples, 
qu'on  ne  failoit  il  y  a  dix  ans,  grâce  à  M.  fournier 
qui  a  inventé  un  moule  pour  les  tondre.  On  les  exe- 
cutoit  ci-devant  en  cuivre  rouge  ou  laiton  ;  ils  étoient 
chers,  &  jamais  juftes.  Il  eût  été  trop  long,  &  peut- 
être  impoffible  de  bien  planir  les  lames  de  laiton,  de 
l'epailieur  déterminée  de  quelques  corps  de  1 
res.  On  n'avoit  d'autre  reflource  que  dans  dit 
tes  lames  d'épaiffeurs  inégales,  qu'on  ajuftoit  avec 
le  moins  d'inconvénient  que  Ton  pouvoit.  Le  mou- 
le de  M.  Fournier  remédie  a  tout  cela:  c*eft  une  ma-. 


66 1 


CAR 


chine  fimple  &  commode  de  quatorze  à  quinze  pou- 
ces de  longueur,  fur  un  pouce  ou  environ  de  large , 
dans  laquelle  on  tond  des  lames  de  la  longueur  de  qua- 
torze pouces ,  &  de  la  hauteur  d'un  caraclere  donné. 
Le  même  moule  fert  pour  telle  hauteur  qu'on  veut  : 
pour  avoir  des  lames  d'une  épaiffeur  déterminée ,  il 
ne  s'agit  que  d'y  diipoier  le  moule ,  ce  qui  s'exécute 
en  un  moment  :  on  met  ces  lames  dans  le  coupoir  , 
&  avec  les  rabots  fervant  aux  lettres ,  èc  des  fers 
faits  exprès  ,  on  taille  fur  une  des  faces  un  reglet  de 
telle  figure  qu'on  le  fouhaite. 

L'utilité  de  ce  moule  à  reglets  a  été  fi  généralement 
reconnue ,  que  deux  ou  trois  mois  après  qu'il  en  fut 
fait  ufage ,  les  autres  Fondeurs  s'emprefferent  de  l'i- 
miter :  mais  ce  qu'ils  ont  trouvé  eft  grofîier ,  moins 
fimple ,  d'un  ufage  moins  commode ,  le  fieur  Four- 
nier  n'ayant  point  communiqué  le  lien,  &  l'ayant 
toujours  réfervé  pour  fa  Fonderie.  Voye^  à  l'article 
Reglet,  l'explication  de  cette  machine,  &  dans 
nos  planches  de  Fonderie  en  caracleres ,  fa  figure  &  les 
détails. 

Pour  jetter  un  peu  de  variété  dans  l'impreffion, 
6c  fervir  à  l'exécution  de  quelques  ouvrages  particu- 
liers, M.  Fournier  vient  de  graver  un  caraclere  nou- 
veau dans  fon  genre  ;  il  eft  en  deux  parties  &  fur  deux 
corps  différents.  La  première  fondue  fur  le  corps  de 
grand  Parangon  ,  s'appelle  bâtarde  coulée  ;  &  l'autre 
partie  qui  a  l'œil  plus  gros ,  eft  fondue  fur  le  Trilmé- 
gifte ,  qu'on  appelle  bâtarde.  Ces  caracleres  avec  l'al- 
phabet de  lettres  ornées  &  feftonées ,  pour  tenir  lieu 
de  petites  capitales,  font  faits  pour  aller  enfemble, 
&  forment  un  tout  qu'il  appelle  caractère  de  finance  , 
parce  qu'il  imite  l'écriture.  Voye^-en  le  modèle  dans 
les  planches  qui  fuivent. 

La  partie  la  plus  utile  pour  l'Imprimerie ,  Se  qui 
fera  le  plus  d'honneur  à  M.  Fournier,  après  fa  table 
des  rapports  ,  c'eft  le  changement  des  caracleres  itali- 
ques auxquels  il  a  donné  une  figure  plus  terminée , 
dont  il  a  rendu  les  pleins  &  les  déliés  plus  fenfibles , 
&  qu'il  a  plus  approchés  de  notre  écriture. 

Au  commencement  de  ce  fiecle ,  les  fieurs  Grand- 
jean  &  Alexandre  firent  quelques  changemens  dans 
les  italiques  qu'ils  gravèrent  pour  l'Imprimerie  du 
roi  ;  cet  exemple  a  enhardi  le  lïeur  Fournier.  Pour 
mettre  le  lecteur  en  état  de  juger  de  fon  travail ,  voici 
quelques  lignes  des  italiques ,  telles  qu'il  les  a  trou- 
vées, &  de  celles  qu'il  leur  a  fubftituées. 

Italique  ancienne  de  Gros  Romain. 

Vous  égale^  ^es  Dieux  ,  âfoit  Cicéron  a 

Céfar  ;  roous  voulez  faire  du  bien ,  &  vous 

le  bouvez  comme  eux. 

Italique  nouvelle  de  Gros  Romain. 

Vous  égale^  les  Dieux,  difoit  Cicéron 
a  Céfar  ;  vous  voule-^  faire  du  bien,  & 
vous  Le  pouve^  comme  eux. 

Pour  l'exécution  des  proportions  données  aux  ca- 
ractères ,  &  pour  s'affûrer  de  leur  exattitude  ,  il  faut 
faire  une  jultitîcation  ou  mefure  jufte  de  quarante  li- 
gnes, mefure  de  l'échelle  de  M.  Fournier,  &  de  tren- 
te-fept  lignes  géométriques  :  elle  contiendra  ou  qua- 
rante-huit Parilîennes ,  ou  quarante  Nompareilles,  ou 


CAR 

trente-deux  Mignones  &  un  gros  Texte,  ou  trente  pe- 
tits textes,  ou  vingt-fix  Gaillardes  &  une  Nompareil- 
le,  ou  vingt-quatre  petits  Romains,  ou  vingt-un  Phi- 
lofophies  &  une  Gaillarde,  ou  vingt  Cicéros,  ou  feize 
Saint-augultins  &  un  gros-Texte,  ou  quinze  gros  Tex- 
tes ,  ou  treize  gros-Romains  &une  Nompareille ,  ou 
douze  petits-Parangons,  ou  dix  gros-Parangons  &  un 
petit  Parangon  ,  ou  dix  Paleftines ,  ou  huit  petits-Ca- 
nons &  un  gros-Texte  ,  ou  fix  Trifmégiftes  ôc  une  Pa- 
leftine ,  ou  cinq  gros-Canons  &  un  petit-Parangon  , 
ou  quatre  doubles  canons  &  un  gros-texte  ,  ou  trois 
triples  canons  &  une  paleftine ,  ou  deux  groffes  nom- 
pareilles  &  deux  paleftines. 

S'il  y  a  ou  quelques  gros  ou  quelques  petits  carac 
ares  dont  il  ne  foit  point  fait  mention  dans  la  table 
des  rapports  ,  ni  dans  la  juftification  précédente  , 
c'eft  que  ces  gros  caracleres  ne  le  fondent  pas  ,  &  que 
les  petits  tels  que  la  perle ,  la  fédanoife ,  &c.  font  hors 
de  proportions ,  quoiqu'ils  le  fondent.  Au  refte  il  fe- 
roit  à  fouhaiter  qu'on  les  réduifit  aux  mefures  de  la 
table  ;  l'art  de  l'Imprimerie  n'en  feroit  que  plus  par- 
fait, &  fa  pratique  que  plus  facile. 

Il  ne  nous  refte  plus  qu'un  mot  à  dire  desregle- 
mens  auxquels  les  Fondeurs  en  caracleres  font  affu- 
jettis. 

Les  Fondeurs  font  tenus ,  avant  que  d'exercer  leur 
profefiion ,  de  fe  préfenter  aux  fyndic  &  adjoints  de 
l'Imprimerie ,  &  de  fe  faire  inferire  fur  le  regiftre  de 
la  communauté  en  qualité  de  Fondeurs  de  caracleres  • 
ce  qui  doit  fe  faire  fans  frais. 

Il  leur  eft  néanmoins  défendu  d'exercer  la  Librai- 
rie ou  l'Imprimerie. 

Ils  doivent  rélider  &  travailler  dans  le  quartier 
de  l'Univerfité. 

On  a  vu  par  ce  qui  précède ,  ce  qu'il  faut  penfer 
de  l'article  des  reglemens  fur  la  proportion  des  ca- 
ractères. Il  leur  eft  enjoint  de  fondre  les  caracleres  de 
bonne  matière  forte  &  caftante  (  vqye^  plus  haut  ce 
que  c'efl  que  cette  matière  )  :  de  travailler  pour  les  Im- 
primeurs de  Paris  par  préférence  à  ceux  de  provin- 
ce :  de  n'envoyer  au  -  dehors  aucune  fonte  fans  en 
avoir  déclaré  au  bureau  de  la  communauté  la  qua- 
lité ,  le  poids  ,  &  la  quantité  :  de  fondre  les  fontes 
étrangères  fur  la  hauteur  de  celles  de  Paris  :  de  ne 
livrer  des  fontes  &  caracleres  qu'aux  Imprimeurs. 

Voilà  les  principaux  reglemens  ,  d'où  l'on  voit 
combien  ils  font  imparfaits ,  &  combien  il  eft  incer- 
tain qu'en  féparant  les  arts  de  Graveur  ,  de  Fondeur, 
&  d'Imprimeur  ,  on  ait  travaillé  à  leur  perfection 
réelle. 

Je  n'ai  rien  épargné  pour  expofer  clairement  ce 
qui  concerne  les  deux  premiers  ,  qui  fervent  de  pré- 
liminaires effentiels  au  troilieme  ;  &  j'efpere  que  les 
gens  de  lettres ,  qui  ont  par  leurs  ouvrages  quelque 
prétention  à  l'immortalité  ,  ne  m'acculeront  pas  d'a- 
voir été  prolixe  :  quant  au  jugement  des  autres  ,  il 
m'importe  peu.  J'aurois  été  beaucoup  plus  étendu , 
fi  je  n'avois  pris  fur  moi  de  gliffer  légèrement  fur  les 
opérations  les  moins  importantes.  En  revanche  j'ai 
tâché  de  décrire  les  autres  de  manière  à  m'acquiter 
envers  l'art  &  à  le  conferver  ,  s'il  étoit  jamais  me- 
nacé de  fe  perdre.  Voye^  la  fuite  à  l'article  Imprime- 
rie. Devions-nous  moins  à  la  Fonderie  en  caracleres  , 
par  laquelle  les  productions  des  grands  génies  fe  mul- 
tiplient &  s'éternifent ,  qu'à  la  fonderie  en  bronze, 
qui  met  en  relief  les  héros  &  leurs  actions  ?  Voye^  Fon- 
derie  en  bronre  à  l'article  BRONZE. 


Voici  des  exemples  de  tous  les  Caracleres  en  ufage  :  ils  font  de  l'Imprimerie  de  M.  le  Breton ,  netre  Imprimeur, 
&  de  la  fonderie  du  fieur  Fournier,  excepté  la  Perle  &  la  Sédanoife  ,  qui  nefe  trouvent  qu'à  l'Imprimerie  Royale, 
&  que  M.  Aniffbn  ,  directeur  de  cette  Imprimerie  ,  a  bien  voulu  communiquer. 

Nous  renvoyons  à  nos  Planches  gravées  les  alphabets  de  la  plupart  des  peuples  ,  tant  anciens  que  modernes. 


CAR 


CAR 


661 


EXEMPLES 

DE    TOUS     LES    CARACTERES     ROMAINS    ET    ITALIQUES 


EN     USAGE     DANS     L'IMPRIMERIE. 


Perle. 


I. 

S  EDAN  OISE    OU  PaRISIEKNE. 


1  i  r      1 

■ 
O  cpK  !a  U-ihifon  et  un  aiwc  liomeui  '. 


XV  guerre, 
■ 


!  !. 


NOMPAREILLE 


gouverna  l'Empire 

grandes 

rent  le  furnom   de 


/■■ 


NOMPAREILLE. 


ité  par  fon 
emJre  &.  refoectueux  attachement  pour 
Ldricn.  Son  zïle  £:  fon  attention  à  pro- 
urer  la  tranquilitc'  de  l'Empire,  le  ht 
egarder  comme  un  fécond  Numi.  Il 
beautdup  plus  l'eiUmc  des 
lois  alliez  ,  qu'à  s*cn  faire  craindre. 


Ln'admtttoitaux  Char  ses  publiques  que 
dei  perfonnes  recommindabUi  par  leur  équi- 
té. Il  combU  d'honneur  les  çcr.\  de  bien,  & 
la  réputation  de  fa  justice  pénétra  jusqu'aux 
txtremitet  du  monde  ;  en  forte  que  les  Na- 
tions les  plus  reculées  mirent fouvent  les  ar* 
mes  bas  ,'  &  le  choisirent  pour  médiateur  & 
arbitre  de  leur,  diférens.  Il  mourut  la  foi- 

irru  année  de  fon  ag  t 
troisième  de  fon  règne. 


III. 


LiACmté 


MIG  NONE. 


:n'cfl  pas  plus  afTùréc 
que  celle  du  corps;  &  quoiqu'on  paroiffe 
éloigné  des  paflion,  »onncft  pas  moins 
en  danger  de  s'y  laùier  emporter, que  de 
tomber  malade  quand  on  fc  porte  bien. 
Les  défauts  de  l'ame  fon:  comme  les 
bleffures  du  corps;  quelque  foin  que  l'on 
prenne  ,  la  cicatrice  paroit  toujours  ,  & 
elles  font  à  tout  moment  en  danger  de 


Dt 


M  I  G  N  O  N  E. 


'  E tromper  un  homme  préoccupé  de  fon 
te  c'est  lui  rendre  un  aussi  mauvais  fer  ■ 
que  celui  que  l'on  rendit  à  ce  fou  à'A- 
:s  qui  eroyoit  que  tous  Us  vaisfeaux  qui 
s  le  port ,  croient  à  lui. 
L'homme  aime  lamaligntti  0  Ufatîre  }  te 
n*at  p.'.s  contre  les  malheureux,  mets  con- 
tre les  heureux  fuperbe s  ;  &  c'est  fe  tromper 
que  d'en  juger  autrement. 


IV. 


PETIT-TEXTE. 

LES  honneurs ,  Pautoril 
richeffes  ne  méritent  pas  d'être 
comptées  parmi  les  bijns  ,  parce 
qu'elles  n'ont  d'autre  utilité  que  cel- 
le que leshommesyattachent.  Que 
me  iert  en  etVet  la  poffeflion  de  plu- 
sieurs terrci,  li  ut;e  l'eule  de  gran- 
deur médiocre  fuflît  à  itm  ni 
re,  &  me  donne im  air  auiii  libre  à 

■   l'autorité  fur  les  autres 

ipporteroit  -  elle 

non  cfprit  ?  toutes  les  per- 
les de  l'Orient  jointes  à  tout  l'or 
des  Indes  ,  ne  rendraient  pas  mon 
fommeil  plus  doux  ni  ma  i'anté  plus 
robufte. 


PETIT-TEXTE. 

ZÂ  pluspart  des  manier: 
a  introduites  en  Europe,  ont  quel- 
que chose  de  fatiguant  pour  des  esprits 
naturels:  ces  révérences  de  théâtres  , 
ces  gestes  outrés  qui  expriment  des 
transports  lorsqu'il  ne  s'agit  que  des 
fentimens:  ces  louantes  prodiguées  , 
ces  fausses  protestations  de  fervices  , 
ces  affectations  de  visage  riant  où  ta 
U  contrainte  y  ces  airs  con~ 
.  bonté  &  de  cordialité ,  où 
l'on  entrevoit  quelque  chose  de  gêné 
&  de  farouche;  vains  artifices  des  hom- 
mes, qui  font  les  charmes  du  vulgaire 
<  pris  des  gens  de  bien. 


v. 


G  A  ILLARDE. 


.L'Amour  eft  une  paflïon  de  l'ap- 
pétit concupifeiblequi  fe  porte  au 
b;cn  fcnfiblc ,  conçu  tel  par  l'ima- 
gination ,  &  l'amitié  eft  une  vertu 
qui  porte  notre  volonté  au  bien 
honnête,  conçu  tel  par  l'entende- 
ment. Le  premier  eft  fouvent  con- 
traire a  l'autre.car  les  paffions  vio  - 
lentes  troublent  la  rail'on ,  &  


GAILLARDE. 

'reur  Trajjn  avait  pourma- 
xime  qu'il  fallait  qui  fis  Citoyens  U 
trouvassent  tel ,  qu'il  eiuvoulu  trou- 

•rcur,  s'il  euViti  lui-même 
Jîmple  Citoyen.  Heureux  que  l'ivro- 
gnerie tyj'es  infâmes  amours,  vices  fi 
déplorables  dans  un  fi  grand  homme, 
ne  lui  ayent  point  fait  abandonner  les 
intérêts  &■  le  bonheur  de  fes  Peuples. 


VI. 


PETIT-ROMAIX. 

ON  n'avok  pas  honte  de  fes 
ichesfousHenrilII. 
Louis  X I.  a  nui  a  la  droiture 
&  .1  la  franchilê  naturelle  à  la 
•uvernoit:  fans 
'.  ferions  deve- 
nus diilimulcs.  Il  n'y  a 
de  cinquante  ou  foix.i 
que  l'ivrognerie  avoit  un  air  de 
qualité  comme  l'ignorance.  Ne 
reprochons-nous  pas  à  certaines 
Nations  defc  permettre  des  ex- 
les  autres  ne  pem  ent 


riT-ROMAIN. 

//  faut  s'armer  contre  les  vi- 
ces ;  ils  méritent  fuis  notre  indi- 
Si  nous  ne  pouvons  les 
détruire  ,  en  les  rendant 
du  moins  nous  les  affaiblirons. 
I  nous  fitr-tot.: 

guifer  la  difformité  ,    ,  . 
pour  le  nombre  de  ceux  qui  s'y 
livrent  :  A  fora 
. 
.  comme  on  s'habitue 
avec  les  vifages  les  pi 


VII. 


PHILOSOPHIE. 

JLi  orsque  les  grands  hom- 
mes fe  [aillent  abattre  par 
ta  longueur  de  leurs  infor- 
tunes ils  font  voir  qu'ils  ne 
les  foûtenoient  que  par  la 
force  de  leur  ambition,  ck 
non  par  celle  de  leur  ame, 
&  qu'à  une  grande  vanité 
près  ,  les  Héros  font  faits 
comme  les  autres  hommes. 


PHILOSOPHIE. 

iV  011s  fommes fi  préoccupés 
en  notre,  faveur  ,  que  Jou- 
.  s  que  nous  prenons 
pour  dis  venus  ne  font  que 
des  vices  qui  Leur  ressem- 
blent, &  que  r  amour  propre 
nous  déduise. 


VI 

CI  CE  R  O.  * 

,  U'on  choifuTe  telle 
__  condition  que  l'on 
voudra  ,  &  qu'on  y  af- 
femble  les  biens  &  les 
fatisfa&ions  qui  femblent 
pouvoir  contenter  un 
homme.  Si  celui  qu'on 
aura  mis  dans  cet  état 
cil  fans  occupation,  & 
qu'on  le  laiiîe  faire  réfle- 
xion fur  ce  qu'il  eft,  cette 
félicité  languhTante  ne  le 
foutiendra  pas. 

*  C'eft  le  caractère 


II. 

C  I  C  E  R  O. 

/Lfaut  gouverner  la  for- 
tune comme  li  fanté, 
en  joidr  quand  elle  efl  bon- 
ne,  prendre  patience  quand 
elle  efl  mauvaife,  &  ne  faire 
jamais  de  grands  remèdes 
fans  un  extrême  befoin. 

Cefl  une  ennuyé: 
ladie  que  de  conftrver   fa 
fantè  par   un   trop  grand 
régime. 


de  l'Encyclopédie. 


I  X. 


SAINT-AUGUSTIN. 

E  m'imagine  avec 
plaifir  qu'il  y  a  dans 
l'Univers  une  certaine 
quantité  de  bien  6k  de 
mal ,  qui  rend  en  un 
fens  toutes  les  condi- 
tions égales. Si  les  Rois 
ont  plus  d'agrémens 
que  leurs  fujets,  ils  l'ont 
aufiî  plus  vivement 
frappés  des  difgraces 
auxquelles  un  particu- 
lier n'eft  pas  fcnfible. 


SAINT- AUGUSTIN. 

XA  condition  d' au- 
trui paroit  plus 
agréable  que  la  notre  , 
parce  quelle  nous  efl 
moins  connue.  Elle  réf. 
à  ces  figures 
d'Optique,  qui  de  loin 
ruent  une  belle 
ville  ou  une  belle  mai  fon, 
&  qui  de  près  ne  font 
qu'un  amas  de  traits 
grojflers  &  confus. 


GROS-TEXTE. 

.L'homme  croit  fouvent  fe  conduire  lors 
qu'il  eft  conduit  ;  &  pendant  que  par  fon 
efprit  il  tend  à  un  but,  fon  cœur  l'entraîne 
Lnfeniiblement  à  un  autre. 

Allez  de  Gens  méprifent  le  bien  ;  mais 
peu  favent  le  donner  comme  il  faut. 

GROS-TEXTE. 

±  L  y  a  des  crimes  qui  deviennent  innocens 
&  même  glorieux  par  leur  éclat ,  leur  nombre 
&  leur  excès.  Il  arrh  e  Je- là  que  les 


664 


CAR 


XI. 
GROS-ROMAIN. 

Ous  les  fentimens  ont  chacun  un 
ton  de  voix,  des  gefles  &  des 
mines  qui  leur  font  propres  :  Ce  rap- 
port bon  ou  mauvais,  agréable  ou  def- 
agréable ,  efl  ce  qui  fait  que  les  per- 
sonnes plaifent  ou  déplaifent. 

GROS-ROMAIN. 

PRcsque  tout  le  monde  prend  plaisir 
à  s  aquitter  des  petites  obligations  3 
beaucoup  de  gens  ont  de  la  reconnoissance 
pour  les  médiocres  ,  mais  il  n'y  a  quasi 
personne  qui  n'ait  de  l ingratitude  pour 
les  grandes. 

XI I. 
PETIT-PARANGON. 

L'homme  aiant  befoin  de  la 
fociété  pour  vivre  commo- 
dément &  agréablement ,  il  doit 
contribuer  au  bien  de  cette  fo- 
ciété en  fe  rendant  utile  à  ceux  qui 
la  compofent- 

PETIT-PARANGON. 

L  y  a  dans  le  cœur  &  dans  l'es- 
prit humain  une  génération  per- 
pétuelle de  passions  en  forte  que  la 
ruine  de  F  une  efl  presque  toujours 
rétablissement  d'une  autre. 

XIII. 
GROS-PARANGON. 

N  ne  fauroit  conferver 
les  lentimens  que  l'on 
doit  avoir  pour  fes  amis  fi  on 
fe  donne  la  liberté  de  parler 
fouvent  de  leurs  défauts. 

GROS-PARANGON. 

T"  E  defir  de  mériter  les  louan- 

t  j  ges  qu'on  nous  donne  fortifie 

notre    vertu  :    <3C  celles  que  l'on 

donne  à  la  valeur ,  SC  à  l'esprit, 

contribuent  à  les  augmenter. 


CAR 

XIV. 
PALESTINE. 


JLi  A  vanité ,  la  honte  9  & 
fur- tout  le  tempérament, 
font  en  plusieurs  la  valeur 
des  hommes  &  la  vertu  .... 


PALESTINE. 


'orgueil  contrepese  tou- 
tes nos  miser  es.  Car  ou  il  les 
cache ,  ou  s' il  les  montre ,  il 
fe  glorifie  de  les  connoitix. 

XV. 
PETIT-CANON  {Romain  &  Italique.} 

Uelque  bien  que 
Ton  nous  dife  de 
nous ,  on  ne  nous  ap- 
prend rien  de  nouveau. 

La  Sagesse  &  la  impu- 
tation ne  J  ont  pas  moins 
a  la  mercy  de  la  Fortune 
que  le  bien. 

XVI. 
TRISMEGISTE  {Romain  &  Italique.) 

JE  N  peu  de  tems 
nous  pafîbns  de  la 
vie  à  la  mort. 

L'honneur  acquis 
est  caution  de  celui 
qilon  acquérera. 

XVII. 


C  A  R  xv,,  CAR 

GROS-CANON  ( Romain  &  ludique.  ) 


66] 


Rien  de  durable  dans  ce  monde. 
Heureux  celui  qui  ne  s'y  attache  pas 

XVIII. 
DOUBLE-CANON  {Romain  &  Italique.  ) 

Dieu  foit  aimé  &  Adoré. 
iïil  le  fait  éternellement. 


XIX. 
TRIPLE-CANON. 


N  donne  libérale- 
ment des  conieils. 


6    «*  5 
•S   *>  5 

"   ai 


"îlw. 


e 


NOTE. 


cor  -  nu    fa-lu-tis        no 


îs     in 


F*au  u  1  ■BJ"4-«.-»-"J 


Trii 


do  -  mo   Da-vid    pu  -  e  -  ri         lu  -  i , 
*  Ad  faci-en  -  dam    miferi-  cor-  diam 


oiwcaiL  L^atactere* 


a> 


01LU~  imiter'  eu  l  thuptetiionJ 
ceX^  deuxJ}  diffeteitteùL-  OctituteX^. 
£  a  cl0te.mie.tc  eïi—  avv effets  OùatatèeS 


C%r    la  Jecoiide^  UbaLaùt^  coulci^J. 


Tome  II, 


pppp 


666 


CAR 


Voilà  les  principaux  carafons  qui  fe  rapportent  ou 
aux  Sciences  ,  ou  aux  Arts ,  ou  au  Commerce  ;  & 
c'eft  ce  que  nous  avions  à  dire  de  plus  important  fur 
le  mot  carafon  pris  dans  fon  feps  propre  &  primitif, 
c'eft-à-dire  pour  une  marque  qui  iert  à  défigner  quel- 
que chofe.  Mais  ce  mot  carafon  fe  prend  en  beau- 
coup d'autres  fens  ;  la  lignification  qu'on  lui  donne 
eft  alors  figurée.  Le  mot  dont  il  s'agit  n'efr  pas  le  feul 
qu'on  ait  tranfporté  du  propre  au  figuré  :  on  peut 
dire  avec  allez  de  vérité  ,  que  prefque  tous  les  mots 
lie  la  langue  font  dans  ce  cas.  Il  en  eft  même  quel- 
ques-uns qui  ont  perdu  leur  fens  propre ,  &  qui  n'ont 
puis  que  le  métaphorique ,  comme  aveuglement  &c  baj- 
Jijfe;  d'autres  qui  s'employent  plus  fouvent  au  fens 
métaphorique  qu'au  fens  propre  ;  &  d'autres  enfin 
qui  s'employent  également  &  aufïi  fouvent  dans  l'un 
que  dans  l'autre  :  caractère  eli  de  ce  nombre.  Voici  (es 
principales  acceptions  au  figuré:  elles  ont  toutes,  ainfi 
que  les  acceptions  de  cette  efpece ,  un  rapport  plus 
ou  moins  éloigné  au  fens  propre  ,  c'eft-à-dire  qu'el- 
les délignent  une  forte  de  marque  ou  d'empreinte 
fùbfiftaate  avec  plus  ou  moins  de  ténacité  :  on  peut 
même  ajouter  que  le  mot  carafon  eft  un  de  ceux 
où  le  fens  propre  diffère  le  moins  du  figuré. 

Caractère  ,  en  Morale ,  eft  la  difpofition  habi- 
tuelle de  l'ame ,  par  laquelle  on  eft  plus  porté  à  faire  , 
&  l'on  fait  en  effet  plus  fouvent  des  actions  d'un  cer- 
tain genre ,  que  des  adt ions  du  genre  oppofé.  Ainfi 
un  homme  qui  pardonne  rarement ,  ou  qui  ne  par- 
donne jamais ,  eft  d'un  carafon  vindicatif ;  je  dis  rare- 
ment ou  jamais  ;  en  effet  le  carafon  eft  formé  ,  non 
par  la  difpofition  rigoureufement  confiante  ,  mais 
par  îa  difpofition  habituelle ,  c'eft-à-dire  la  plus  fré- 
quente dans  laquelle  l'ame  fe  trouve. 

M.  Duclos ,  dans  fes  Conf dérations  fur  les  mœurs  , 
remarque  avec  grande  railbn  que  la  plupart  des  fau- 
tes &  des  fotifes  des  homrhes  dans  leur  conduite  vien- 
nent, de  ce  qu'ils  n'ont  pas  l'eiprit  en  équilibre ,  pour 
.  ainli  dire ,  avecieur  carafon:  Cicéron ,  par  exemple, 
éioiî  un  grand  efprit,  &  une  amefoible;  c'eft  pour 
cela  qu'il  fait  grand  orateur ,  &  homme  d'état  médio- 
cre ;  &  ainli  des  autres. 

Rien  n'eft  plus  dangereux  dans  la  fociété  qu'un 
homme  fans  carafon ,  c'eft-à-dire  dont  l'ame  n'a  au- 
cune difpofition  plus  habituelle  qu'une  autre.  On  fe 
fie  à  l'homme  vertueux  ;  on  fe  défie  du  fripon.  L'hom- 
me fans  carafon  eft  alternativement  l'un  &  l'autre  , 
fans  qu'on  puifie  le  deviner ,  &  ne  peut  être  regardé 
ni  comme  ami ,  ni  comme  ennemi  ;  c'eft  une  efpece 
d'anti-amphibie,  s'il  eft  permis  de  s'exprimer  de  la  for- 
te ,  qui  n'eft  bon  à  vivre  dans  aucun  élément.  Cela 
me  rappelle  cette  belle  loi  de  Solon ,  qui  déclaroit  in- 
fâmes tous  ceux  qui  ne  prenoient  point  de  parti  clans 
les  léditions  :  il  fentoit  que  rien  n'étoit  plus  à  crain- 
dre que  les  caraBeres  &  les  hommes  non  décidés. 

Caractère  des  nations.  Le  carafon  d'une 
nation  confifte  dans  une  certaine  difpofition  habi- 
tuelle de  l'ame ,  qui  eft  plus  commune  chez  une  na- 
tion que  chez  une  autre ,  quoique  cette  difpofition  ne 
fe  rencontre  pas  dans  tous  les  membres  qui  compo- 
sent la  nation  :  ainfi  le  carafon  des  François  eft  la  lé- 
gèreté ,  la  gaieté ,  la  fociabilité  ,  l'amour  de  leurs 
rois  &  de  la  monarchie  même ,  &c. 
■  Dans  les  nations  qui  fubliftent  depuis  long-tems  , 
on  remarque  un  fond  de  carafon  qui  n'a  point  chan- 
gé :_  ainfi  les  Athéniens ,  du  tems  de  Démofthene  , 
étoient  grands  amateurs  de  nouvelles  ;  ils  l'étoient 
du  tems  de  S.  Paul ,  &  ils  le  font  encore  aujourd'hui. 
On  voit  aufti  dans  le  livre  admirable  de  Tacite ,  fur 
les  mœurs  des  Germains ,  des  chofes  qui  font  encore 
vraies  aujourd'hui  de  leurs  defeendans. 

Il  y  a  grande  apparence  que  le  climat  influe  beau- 
coup fur  Je  caractère  général  ;  car  on  ne.fauroit  l'at- 
tribuer à  la  forme  du  gouvernement  qui  change  toù- 


CAR 

jours  au  bout  d'un  certain  tems  :  cependant  il  ne  faut 
pas  croire  que  la  forme  du  gouvernement  lorfqu'elie 
lùbfifte  long-tems  ,  n'influe  aufîi  à  la  longue  fur  le 
carafon  d'une  nation.  Dans  un  état  defpotïque,  par 
exemple  ,  le  peuple  doit  devenir  bientôt  parefîeux  , 
vain  ,  &  amateur  de  la  frivolité  ;  le  goût  du  vrai  & 
du  beau  doivent  s'y  perdre  ;  on  ne  doit  ni  faire  ni 
penfer  de  grandes  chofes. 

Caractère  des  fociétés  ou  corps  particuliers.  Les 
fociétés  ou  corps  particuliers  au  milieu  d'un  peuple  , 
font  en  quelques  manières  de  petites  nations  entou- 
rées d'une  plus  grande  :  c'eft  une  efpece  de  greffe 
bonne  ou  mauvaife ,  entée  fur  un  grand  tronc  ;  aufti 
les  fociétés  ont  elles  pour  l'ordinaire  un  caractère  par- 
ticulier ,  qu'on  appelle  efprit  du  corps.  Dans  certai- 
nes compagnies ,  par  exemple  ,  le  carafon  général 
eft  l'eiprit  de  lubordination  ;  dans  d'autres  l'eiprit 
d'égalité  ,  ck  ce  ne  font  pas-là  les  plus  mal-partagées  : 
celles-ci  lont  fort  attachées  à  leurs  ufages  ;  celles-là 
fe  croyent  faites  pour  en  changer.  Ce  qui  eft  un  dé- 
faut dans  un  particulier  ,  eft  quelquefois  une  vertu 
dans  une  compagnie.  Il  feroit  néceftaire ,  par  exem- 
ple ,  fuivant  la  remarque  d'un  homme  d'efprit,  que 
les  compagnies  littéraires  fuffent  pédantes. 

Souvent  le  carafon  d'une  fociété  eft  très-différent 
de  celui  de  la  nation,  où  elle  fe  trouve  pour  ainfi 
dire  tranfplantée.  Des  corps ,  par  exemple  ,  qui  dans 
une  monarchie  feroient  vœu  de  fidélité  à  un  autre 
prince  qu'à  leur  fouverain  légitime  ,  devroient  natu- 
rellement avoir  moins  d'attachement  pour  ce  fou- 
verain que  le  refte  de  la  nation  ;  c'eft  la  raifon  pour 
laquelle  les  moines  ont  fait  tant  de  mal  à  la  France 
du  tems  de  la  ligue  :  il  ne  faut  pas  croire  cependant 
que  cet  efprit  ne  change  pas  :  d'autres  tems ,  d'autres 
mœurs.  «  Les  religieux ,  dont  les  chefs  réfident  à  Ro- 
»  me ,  dit  le  célèbre  M.  de  Voltaire  ,  dans  fon  admi- 
»  rable  Ejfai  fur  lefiecle  de  Louis  XIV.  font' autant 
»  de  lu  jets  immédiats  du  pape  répandus  dans  tous  les 
»  états.  La  coutume  qui  lait  tout ,  &  qui  eft  caufe  que 
»  le  monde  eft  gouverné  par  des  abus  comme  par  des 
»  lois  ,  n'a  pas  toujours  permis  aux  princes  de  remé- 
»  dier  entièrement  à  un  danger ,  qui  tient  d'ailleurs  à 
»  des  chofes  utiles  &  facrées.  Prêter  ferment  à  un  au- 
»  tre  qu'à  fon  prince  ,  eft  un  crime  de  lefe-majefté 
»  dans  im  laïque  :  c'eft  dans  le  cloître  un  aile  de  reli- 
»  gion.  La  difficulté  de  lavoir  à  quel  point  on  doit 
»  obéir  à  ce  fouverain  étranger ,  la  facilité  de  fe  laif- 
»  fer  féduire  ,  le  plaifir  de  fécoùer  un  joug  naturel 
»  pour  en  prendre  un  qu'on  fe  donne  à  foi  -  même , 
»  l'efprit  de  trouble ,  le  malheur  des  tems ,  n'ont  que 
»  trop  fouvent  porté  des  ordres  entiers  de  religieux 
»  a  fervir  Rome  contre  leur  patrie. 

»  L'efprit  éclairé  cpii  règne  en  France  depuis  un 
»  fiecle ,  &  qui  s'ell  étendu  dans  prefque  toutes  les 
»  conditions ,  a  été  le  meilleur  remède  à  cet  abus.  Les 
»  bons  livres  écrits  lùr  cette  matière ,  font  de  vrais 
»  fervices  rendus  aux  rois  &  aux  peuples  ;  &  un  des 
»  grands  changemens  qui  fe  foient  faits  par  ce  moyen 
»  dans  nos  mœurs  fous  Louis  XIV ,  c'eft  la  periuanon 
>•  dans  laquelle  les  religieux  commencent  tous  à  être, 
»  qu'ils  l'ont  fujets  du  Roi  avant  que  d'être  ferviteurs 
du  Pape  ».  Ainli  pour  le  falut  des  Etats,  la  Philolb- 
phie  brife  enfin  les  portes  fermées.  (O) 

Caractère  fe  dit  aufîi  de  certaines  qualités  vi- 
fibles  qui  attirent  du  refpecl  &  de  la  vénération  à  ceux 
qui  en  font  revêtus.  La  majefté  des  rois  leur  donne 
un  carafon  qui  leur  attire  le  refpecr.  des  peuples.  Un 
évêque  foûtiendroit  fon  caractère  par  fon  favoir  &  fa 
vertu  ,  beaucoup  plus  que  par  l'éclat  de  la  vanité 
mondaine  ,  &c  Le  droit  des  gens  met  le  carafon  d'un 
ambafladeur  à  couvert  de  toute  infulte. 

Caractère  ,  en  Théologie,  c'eft  une  marque  fpi- 
rituelle  &C  ineffaçable  ,  imprimée  à  l'ame  par  quel- 


C  A  R 


CAR 


667 


«mes  facremens,  ce  qui  fait  qu'on  ne  peut  pas  réité- 
rer ces  facremens. 

Il  n'y  a  que  trois  facremens  qui  impriment  carac- 
tère, l'avoir  le  Baptême  ,  la  Confirmation ,  Se  l'Ordre  : 
aufîi  ne  les  réitère -t  -on  jamais  ,  même  aux  héréti- 
ques ,  pourvu  qu'en  les  leur  conférant  il  n'ait  rien 
manqué  d'efTentiel  dans  la  forme,  ni  dans  la  matière. 
Les  Catholiques  fondent  l'exiftence  Se  la  réalité 
du  caractère  fur  quelques  pafTages  de  S.  Paul,  qui  ne 
paroiflent  pas  également  concluans  ,  non-feulement 
aux  Protêt! ans, mais  même  à  plulieurs  théologiens  Ca- 
tholiques. On  en  trouve  des  preuves  plus  folidcs  dans 
la  tradition.  S.  Auguftin  entr'autres  écrivant  .contre 
lesDonatiftes,  &  parlant  des  facremens  de  Baptême 
&  d'Ordre  ,  dit:  U  manque  jacramentum  ejl ,  &  quadam 
confecratlone  utrumque  homini  ditur  ,  illud  cum  bapti- 
j'atur,  ijlud  cum  ordtnatur ;ideoque  in  catholicd  utrumque 
non  licet ïterari.  Epift.  contr.  Parmen.  n°.  28.  La  mê- 
me chofe  eft  prouvée  pa:  la  doctrine  de  toute  l'églife 
d'Afrique  contre  les  Donatiftes  ,  qui  rebaptifoient  & 
réordonnoient  les  Catholiques.  Le  caractère  qu'impri- 
ment certains  facremens  ,  ne  fe  perd  ni  par  le  crime  , 
ni  par  l'héréfie  ,  ni  par  le  ichifme. 

Voilà  ce  qu'enfeigne  l'Eglife.  Quant  à  la  nature 
ou  l'efience  du  caractère ,  les  Théologiens  font  parta- 
gés entre-eux.-  Durand,  in^.dijt.  ji.quceji.  /.dit  que 
le  caractère  n'eft  point  une  qualité  abfolue  diftinéte  de 
l'ame ,  mais  une  limple  relation  de  raifon  ,  ou  une 
dénomination  extérieure,  par  laquelle  l'homme  bap- 
tifé ,  confirmé  ,  ou  ordonné  ,  eft  diipolé  par  la  feule 
volonté  de  Dieu  ,  ou  rendu  propre  à  exercer,  foit 
paffivement,  ioit  a£tivemenr,quelques  fonctions  fim- 
ples.  Scot  convient  que  le  caractère  n'eft  pas  une  qua- 
lité abiolue  :  mais  il  prétend  que  c'eft  une  relation 
réelle  que  l'ame  reçoit  de  dehors.  D'autres  enfin  loù- 
tiennentque  c'eft  quelque  chofe  de  réel  Se  d'abfolu  , 
une  efpece  de  puùlancc  pour  exercer  ou  recevoir 
des  chofes  faintes,  &  qui  réfide  dans  l'entendement 
comme  dans  l'on  fujet  immédiat.  Tourncl.  de  Sacr. 
in  gêner,  quœjt.  IF.  art.  il. 

Les  Proteftans  nient  l'exiftence  du  caractère  facra- 
mentel ,  Se  dilent  qu'il  a  été  imaginé  par  le  pape  Inno- 
cent III.  cependant  ils  ne  réitèrent ,  ni  ne  veulent 
qu'on  réitère  le  Baptême.  Foye^  Baptême. 

Caractère  dans  les  personnages  ,  qu'un  poëte 
dramatique  introduit  iur  la  lcene  ,  cil  l'inclination  ou 
la  pafïïon  dominante  qui  éclate  dans  toutes  les  de- 
marches  &  les  difeours  de  ces  perfonnages  ,  qui  eft 
le  principe  Se  le  premier  mobile  de  toutes  leurs  ac- 
tions ;  par  exemple  ,  l'ambition  dansCéfar ,  la  jalon- 
ne dans  Hermione  ,  la  probité  dans  Burrhus  ,  l'ava- 
rice dans  Harpagon,  l'hypocrifie  dans  Tartufe,  &c. 

Les  caractères  en  général  font  les  inclinations  des 
hommes  conlidérés  par  rapport  à  leurs  pallions.  Mais 
comme  parmi  ces  parlions  il  en  eft  qui  iont  en  quel- 
que forte  attachées  a  l'humanité  ,  Se  d'autres  qui  va- 
rient félon  les  rems  Se  les  lieux ,  ou  les  ulages  propres 
à  chaque  nation  :  il  faut  aufîi  diftinguer  des  caractères 
généraux  ,  Se  des  caractères  particuliers. 

Dans  tous  les  ficelés  Se  clans  toutes  les  nations ,  on 
trouvera  des  princes  ambitieux  qui  préfèrent  la  gloire 
à  l'amour;  des  monarques  à  qui  l'amour  a  fait  négli- 
ger le  foin  de  leur  gloire  ;  des  héroïnes  diftinguées 
par  la  grandeur  d'aine  ,  telles  que  Cornélie ,  Androma- 
que;  Se  des  femmes  dominées  par  la  cruauté  &  la  ven- 
geance ,  comme  Athalie  &  Cléopatre  dans  Rodogune  ; 
des  miniftres  fidèles  Se  vertueux  ,  Se  de  lâches  flat- 
teurs :  de  même  dans  la  vie  commune  qui  eft  l'objet 
de  la  tragédie  ,  on  rencontre  par-tout  &  en  tout  tems 
de  jeunes  gens  étourdis  Se  libertins  ;  des  valets  four- 
bes oc  menteurs  ;  des  vieillards  avares  Se  fâcheux; 
des  riches  infolens  &  fuperbes.  Voilà  ce  qu'on  ap- 
pelle caractères  généraux. 

Mais  parce  qu'en  confequence  4es  ufages  établis 
Tome  II, 


dftns  la  fociété  ces  cara&eresne  fe  produifent  pas  fous 
les  mêmes  formes  dans  tous  les  pays ,  Se  qu'une  paf- 
fion  qui  eit  la  même  en  foi ,  varie  d'un  fiecie  à  l'au- 
tre ,  n'agit  pas  aujourd'hui  comme  elle  faifoit  il  y  a 
deux  Ou  trois  mille  ans  chez  les  Grecs  Se  chez  les  Ro- 
mains où  les  erremens  étoient  compafiés  fur  leurs 
ufages ,  Se  que  dans  le  même  fiecie  eÛe  n'agit  pas  à 
Londres  comme  à  Rome ,  ni  à  Paris  comme  à  Ma- 
drid ;  il  en  réfulte  des  caractères  particuliers ,  communs 
toutefois  à  chaque  nation. 

Enfin  parce  que  dans  une  même  nation  les  ufages 
varient  encore  non-feulement  de  la  ville  à  la  cour 
d'une  ville  à  une  autre  ville,  mais  même  d'une  fo- 
ciété à  une  autre  ,  d'un  homme  à  un  autre  homme  ;  il 
en  naît  une  troilîeme  efpece  de  caractère  auquel  on 
donne  proprement  ce  nom  ,  Se  qui  dominant  dans 
une  pièce  de  théâtre,  en  fait  ce  que  nous  appelions 
une  pièce  de  caractère,  genre  dont  M.  Riccoboni  attri- 
bue l'invention  aux  François  :  tels  font  le  Mifantrope^ 
le  Joueur ,  le  Glorieux  ,  Sec. 

Il  faut  de  plus  obferver  qu'il  y  a  certains  ridicules 
attaches  à  un  climat,  à  un  tems,  qui  dans  d'autres 
climats  8e  dans  d'autres  tems  ne  formeraient  plus  un 
caractère.  Tels  font  les  Précieufes  Ridicules ,  &  les  Fem- 
mes Savantes  de  Molière  ,  qui  n'ont  plus  en  France  le 
même  fel  que  dans  leur  nouveauté ,  Se  qui  n'auraient 
aucun  fuccès  en  Angleterre  ,  où  les  finguïarités  que 
frondent  ces  pièces  n'ont  jamais  domine. 

Le  caractère  dans  ce  dernier  fens  n'eit  donc  autre 
chofe  qu'une  paflîon  dominante  qui  occupe  tout  à  la 
fois  le  cœur  Se  l'efprit  ;  comme  l'ambition  ,  l'amour, 
la  vengeance ,  dans  le  tragique  ;  l'avarice ,  la  vanité  , 
la  jalonne ,  la  palîion  du  jeu ,  dans  le  comique.  L'on 
peut  encore  distinguer  les  Caractères  f.m pies  &c  domi- 
nans  ,  tels  que  ceux  que  nous  venons  de  nommer, 
d'avec  les  caractères  accejjbircs ,  qui  leur  font  comme 
fubordonnés.  Ainiî  l'ambition  elt  foupçpnneufe  ,  in- 
quiète, inconflante  dans  les  attachemens  qu'elle  noue 
ou  rompt  félon  les  vues  ;  l'amour  eft  vif,  impétueux» 
jaloux  ,  quelquefois  cruel;  la  vengeance  a  pour  com- 
pagnes la  perfidie  ,  la  duplicité,  la  colère  ,  Scia  cruau- 
té :  de  même  la  défiance  Se  la  léfine  accompagnent 
ordinairement  l'avarice  ;  la  pafïïon  du  jeu  entraine 
après  elle  la  prodigalité  dans  la  bonne  fortune  ;  l'hu- 
meur &  la  brufquerie  dans  les  revers  :  la  jaloulie  ne 
marche  guère  fans  la  colère  ,  l'impatience  ,  les  ou- 
trages ;  Se  la  vanité  eft  fondée  fur  le  mémo. 
dédain ,  &  la  fatuité.  Si  le  caractère  fimple  Se  princi- 
pal eft  fuffifant  pour  conduire  l'intrigue  Se  remplir 
l'a£tion  ,  il  n'eft  pas  befoin  de  recourir  aux  caractères 
acce[foires  :  mais  li  ces  derniers  font  naturellement 
lies  au  caractère  principal ,  on  ne  fauroit  les  en  déta- 
cher fans  l'eftropier. 

M.  Riccoboni ,  dans  fes  Obfervationsfur  la  comédie  , 
prétend  que  la  manière  de  bien  traiter  le  caractère  , 
eft  de  ne  lui  en  oppoler  aucun  autre  qui  foit  ca- 
pable de  partager  l'intérêt  Se  l'attention  du  fpecra- 
teur.  Mais  rien  n'empêche  qu'on  ne  rafle  contrafter 
les  caractères  ;  &  c'eft  ce  qu'oblervcnt  les  bons  au- 
teurs :  par  exemple,  dans  Britannicus,  la  probité  de 
Burrhus  eft  en  oppofition  avec  la  fcelératelle  1 

&  la  crédule  confiance  de  Britannicus  avec  la 
diliimulation  de  Néron. 

Le  même  auteur  obferve  qu'on  peut  diùinguer  les 
pièces  de  caractère  des  comédies  de  caractère  mixte;  Se  par 
celles-ci  il  entend  celles  où  le  poète  peut  le  fervir 
d'un  caractère  principal ,  Se  lui  afTocier  d'autres  ca- 
ractères fubalternes  :  c'eft  ainfi  qu'au  caractère  du  Mi- 
fantrope  ,  qui  fait  le  caractère  don:  table  , 

Molière  a  ajouté  ceux  SAranùtae  Se  de  Ceûmene ,  l'u- 
ne coquette,  Se  l'autre  méditante  ,  ce  ceux  des  pe- 
tits maîtres ,  qui  ne  fervent  tous  qu'à  mettre  plus  en 
évidence  le  caractère  du  Mifantropc.  Le  poète  peut  en- 
core joindre  enfemble  plulieurs  caractères,  (oit prim 

P  P  p  p  ij 


668 


CAR 


cipaux  folt  accefoires  ,  fans  donner  à  aucun  d'eux  af- 
fez  de  force  pour  le  faire  dominer  fur  les  autres  ;  tels 
font  V Ecole  des  maris ,  V Ecole  des  femmes ,  &  quelques 
autres  comédies  de  Molière. 

C'eft  une  queftion  de  lavoir  fi  l'on  peut  &  fi  l'on 
doit ,  dans  le  comique  ,  charger  les  caractères  pour 
les  rendre  plus  ridicules.D'uncôté  il  eft  certain  qu'un 
auteur  ne  doit  jamais  s'écarter  de  la  nature ,  ni  la 
faire  grimacer  :  d'un  autre  côté  il  n'eft  pas  moins 
évident  que  dans  une  comédie  on  doit  peindre  le  ri- 
dicule, &  même  fortement:  or  il  femble  qu'on  n'y 
fauroit  mieux  réulîir  qu'en  raflemblant  le  plus  grand 
nombre  de  traits  propres  à  le  faire  connoitre  ,  &  par 
conlequent  qu'il  eft  permis  de  charger  les  caractères. 
Il  y  a  en  ce  genre  deux  extrémités  vicieules  ;  &  Mo- 
lière a  connu  mieux  que  perfonne  le  point  de  per- 
fection qui  tient  le  milieu  entr'elles  :  fes  caractères  ne 
font  ni  fi  fimples  que  ceux  des  anciens  ,  ni  fi  chargés 
que  ceux  de  nos  contemporains.  La  iimplicité  des 
premiers,  qui  n'eft  point  un  défaut  en  foi,  n'auroit  ce- 
a  ît  pus  été  du  goût  du  fiecle  do  Molière  :  mais 
i'affe&ation  des  modernes  qui  va  jufqtia  choquer 
la  vraiffèmblancè ,  eft  encore  plus  vicîeufe.  Qu'on 
caractériïe  les  pallions  fortement ,  à  la  bonne  heure  ; 
mais  il  n'eft  jamais  permis  de  les  outrer. 

Enfin  une  qualité  eflenticile  au  caractère,  c'eftqu'il 
fe  foùtienhe  ;  &  le  pôëté  cil  d'autant  plus  obligé 
d'oblerver  cette  régie  ,  que  dans  le  tragique  fes  ca- 
ractères font ,  pour  ainfi  dire  ,  tous  donnés  par  la  fa- 
ble ou  l'hiftoire. 

Aut  famam  fequere  ,  autjibi  convenientia  finge , 
dit  Horace. 

Dans  le  comique  il  eft  maître  de  fa  fable ,  &  doit 
y  difpofer  tout  de  manière  que  rien  ne  s'y  démente , 
&  que  le  fpeftateur  y  trouve  à  la  fin  comme  au  pre- 
mier acfe  les  perfonnages  introduits ,  guidés  par  les 
mêmes  vues,  agiffans  par  les  mêmes  principes,  fenfi- 
bles  aux  mêmes  intérêts,  en  un  mot,  les  mêmes  qu'ils 
ont  paru  d'abord. 

Servetur  ad  imum 
Qualis  ab  incepto  procejferh ,  &Jibi  confia. 

Horace ,  Artpoét. 

Voyc^  Mœurs.  Princip.  pour  la  lecl.  des  poét.  tom.  II. 
page  iSç).  &fuiv. 

Caractère  d'un  ouvrage ,  différence  fpecifique 
qui  le  diftingue  d'un  autre  ouvrage  de  même  genre. 
Ainlî  l'ode ,  l'éclogue,  l'élégie,  le  poëme  épique  ,  la 
tragédie ,  la  comédie ,  &c.  font  des  ouvrages  de  poë- 
iie  ou  des  poèmes  :  mais  chacun  a  fes  principes  ,  fes 
règles ,  fon  ton  propre  &  particulier  ;  &  c'eft  ce  qu'on 
appelle  fon  caractère.  De  même  clans  l'éloquence  un 
plaidoyer ,  un  fermon,  un  panégyrique ,  lont  des  dif- 
cours  oratoires  ;  la  différence  de  la  méthode  qu'on 
y  fuit ,  celle  du  ftyle  qu'on  y  employé  ,  forment  leur 
caractère  propre  &  particulier.  Voye^  Ode,  Eclo- 
gue,  &c.  Panégyrique,  Plaidoyer. 

Caractère,  en  parlant  d'un  auteur,  eft  la  ma- 
nière qui  lui  eft  propre  &  particulière  de  traiter  un 
fujet ,  dans  un  genre  que  d'autres  ont  traité  comme 
lui  ou  avant  lui ,  ck  ce  qui  le  diftingue  de  ces  au- 
teurs. Ainfi  l'on  dit  en  pariant  des  poètes  lyriques , 
que  Pindare  eft  fublime,  &  quelquefois  obfcur ,  en- 
tortillé ;  Anacréon  ,  doux,  tendre,  élégant;  qu'Ho- 
race a  l'élévation  de  l'un  &  la  molleffe  de  l'autre  ; 
que  Malherbe  eft  noble ,  harmonieux  ;  Rouffeau  im- 
pétueux ,  hardi  ;  La  Motte  ingénieux  &  délicat.  M.  de 
Fenelon  trace  ainfi  en  peu  de  mots  les  caractères  des 
principaux  hiftoriens  de  l'antiquité.  «  Hérodote  , 
»  dit-il ,  raconte  parfaitement  ;  il  a  même  de  la  grâce 
»  par  la  variété  des  matières  :  mais  fon  ouvrage  eft 
»  plutôt  un  recueil  des  relations  des  divers  pays , 
»  qu'une  hiftoire  qui  ait  de  l'unité. 


CAR 

»  Polybe  eft  habile  dans  l'art  de  la  guerre  &  dans 
»  la  politique  :  mais  il  raifonne  trop ,  quoiqu'il  rai- 
»  fonne  très-bien.  Il  va  au-delà  des  bornes  d'un  fim- 
»  pie  hiftorien  ;  il  développe  chaque  événement  dans 
»  fa  caufe  ;  c'eft  une  anatomie  exacte  ,  &c. 

»  Sallufte  a  écrit  avec  une  noblefle  &  une  grâce 
»  finguliere  :  mais  il  s'eft  trop  étendu  en  peintures 
»  de  mœurs ,  &  en  portraits  de  perfonnes ,  dans 
»  deux  hiftoires  très-courtes. 

»  Tacite  montre  beaucoup  de  génie,  avec  une  pro- 
»  fonde  connoifiance  des  cœurs  les  plus  corrompus  : 
»  mais  il  affecte  trop  une  brièveté  myftérieufe.  Il  efl 
»  trop  plein  de  tours  poétiques  dans  les  deferiptions  ; 
»  il  a  trop  d'efprit ,  il  raffine  trop.  Il  attribue  aux  plus 
»  fubtils  refforts  de  la  politique ,  ce  qui  ne  vient  iou- 
»  vent  que  d'un  mécompte ,  que  d'une  humeur  bi- 
»  farre ,  que  d'un  caprice ,  &c.  ».  Lett.  fur  l'éloquence  , 
&c. 

On  voit  par  cet  échantillon ,  que  le  caractère  des 
auteurs  ne  confifte  pas  moins  dans  leurs  défauts  que 
dans  leurs  perfections  ;  &  comme  il  n'eft  point  de 
genre  d'écrire  qui  n'ait  fon  caractère  particulier ,  il 
n'eft  point  non  plus  d'auteur  qui  n'ait  le  fien  :  l'un 
&  l'autre  font  fondés  lur  la  différente  nature  des  ma- 
tières ,  &  fur  la  différence  des  génies.   (G) 

CARACTERE  ,  terme  moderne  de  Botanique:  le  ca- 
ractère d'une  chofe  eft  ce  qui  la  diftingue  eflentielle- 
ment  de  toute  autre  choie.  Suivant  cette  définition  , 
le  caractère  d'une  plante  eft  ce  qui  la  diftingue  fi  bien 
de  toutes  celles  qui  ont  quelque  rapport  avec  elle, 
qu'on  ne  fauroit  la  confondre  avec  ces  autres  plan- 
tes ,  quand  on  fait  attention  aux  marques  effentielles 
qui  les  diftinguent  :  or  ce  caractère  diftinefif ,  fuivant 
plutieurs  Botanif tes ,  doit  être  formé  d'après  l'examen 
des  parties  qui  compoient  la  fleur.  V.  Botanique, 
Méthode.  ' 

L'on  nomme  caractère  incomplet,  ou  félon  M.  Lin- 
naeus  ,  caractère  artificiel,  celui  dans  lequel  on  décrit 
feulement  quelques  parties  de  la  fleur,  en  gardant 
le  iilence  fur  les  autres  parties,  que  par  la  méthode 
qu'on  s'eft  propolée ,  l'on  iuppoie  inutiles  ;  au  lieu 
que  l'on  entend  par  le  caractère  naturel ,  celui  dans 
lequel  on  déligne  toutes  les  parties  de  la  fleur,  &  on 
en  conlidere  le  nombre,  la  iituation,  la  figure ,  &  la 
proportion.  Article  communiqué  par  M.  le  CHEVALIER 
DE   JAUCOURT. 

Caractère  ,  en  Peinture ,  fignifie  les  qualités  qui 
conftituent  l'eilence  d'une  choie  ,  qui  la  diftinguent 
d'une  autre  ;  caractère  des  objets  ,  caractère  des  pajfions. 

La  pierre  ,  les  eaux  ,  les  arbres  ,  la  plume  ,  les 
animaux  ,  demandent  une  touche  différente,  qui  ex- 
prime leur  différent  caractère. 

On  dit  beau  caractère  de  tête ,  non-feulement  pour 
dire  qu'elle  exprime  bien  la  palïion  dont  la  figure  eft 
affeefée ,  mais  on  le  dit  auffi  pour  le  rapport  du  def- 
fein  convenable  à  cette  même  tête. 

Caractère  de  deff'ein  ,  le  dit  encore  pour  exprimer 
la  bonne  ou  la  mauvaile  manière  dont  le  peintre  def- 
fine ,  ou  dont  la  chofe  en  queftion  eft  rendue.  (/? ) 
CARACTERISER,  v.  au.  en  Peinture ,  c'eft  faifir  fi 
bien  le  caractère  qui  convient  à  chaque  objet,  qu'on 
le  reconnoiffe  au  premier  coup  d'œil.  On  dit  ce  Peintre 
caractérijé  bien  ce  qu'il  fait ,  c'eft-à-dire ,  qu'il  eft  jufte. 

(*) 

CARACTERISTIQUE  ,«dj.  pris  fub.  en  général, 

fe  dit  de  ce  qui  caraclérife  une  chofe  ou  une  perfonne, 
c'eft-à-dire  ,  de  ce  qui  conftitue  Ion  caraefere  ,  par 
lequel  on  en  fait  la  diftindion  d'avec  toutes  les  au- 
tres chofes.  Voye-^  Caractère. 

Caraclériflique  eft  un  mot  dont  on  fe  fert  particulie- 
ment  en  Grammaire  pour  exprimer  la  principale  let- 
tre d'un  mot ,  qui  fe  conferve  dans  la  plupart  de  fes 
tems  ,  de  fes  modes ,  de  fes  dérivés  &  compofés. 

La  caraclérijlique  marque  fouvent  l'étymologie  d'un 


CAR 

mot,  &elle  doit  être  confervée  dans  fon  orthogra- 
phe, comme  IV  eft  dans  le  mot  de  courfe  ,  mort ,  .  c. 
Les  caraclérijliqius  iont  de  grand  ulage  dans  la 
Grammaire  Greque  ,  particulièrement  dans  la  for- 
mation des  terns ,  parce  qu'ils  font  les  mêmes  dans 
les  mêmes  tems  de  tous  les  verbes  de  la  même  con- 
jugaifon  ,  excepté  le  tems  préfent  qui  a  différentes 
caractérij/iques,  &  le  futur,  Faoriftc  premier,  le  prété- 
rit parfait ,  6c  le  plufqne  -  parfait  de  la  quatrième 
conjugaifon ,  qui  ont deuxcaraclérijliques.  Voy.  Tems, 
Verbe  ,  Mode  ,  &c  {G) 

Caractéristique,  f.  f.  La  caraclèrijtique  d'un  lo- 
garithme eft  lbn  expofant ,  c'eft-à-dire  ,  le  nombre 
entier  qu'il  renferme:  ainli  dans  ce  logarithme  1,000 
ooo  ,  i  eft  l'expofant  ;  de  même  2  eft  l'expolant  dans 
celui-ci  ,  2  ,  4513  &c.  En  général  on  appelle  en 
Mathématique  caraclérijUque ,  une  marque  ou  carac- 
tère par  laquelle  on  défigne  quelque  choie.  Voye-^  Ca- 
ractère. Ainfi  d  eft  la  caraclèrijtique  des  quantités 
différentielles,  fuivant  M.  Leibnitz  ;  &  fuivant  M. 
Newton  ,  la  cara'àêrijlique  des  fluxions  eft  un  point. 
Voye{  Fluxion  ,  Différentiel. 

Dans  la  haute  Géométrie  on  appelle  triangle  ca- 
raclérijiiquc  d'une  courbe  ,  un  triangle  recbiigne  rec- 
tangle ,  dont  Fhypothénuie  fait  une  partie  de  la  cour- 
be ,  qui  ne  diffère  pas  fenliblement  d'une  ligne  droi- 
te ,  parce  que  cette  portion  de  courbe  eft  luppolée 
infiniment  petite.  Ce  triangle  a  été  appelle  caraclèrij- 
tique, à  caule  qu'il  fert  ordinairement  à  diftinguer  les 
lignes  courbes.  Voye?^  CoURBE. 

Suppofons ,  par  exempic ,  la  demi-ordonnée  p  m , 
(  PI.  d'Anal,  fig.  18.  )  infiniment  proche  d'une  au- 
tre demi-ordonnée  P  Al  ;  alors  Pp  fera  la  différence 
de  l'abfciffe  ;  &  abaiffant  une  perpendiculaire  M  R 
=  P  p ,  Km  fera  la  différence  de  la  demi-ordonnée. 
Tirant  donc  une  tangente  T  M ,  en  ce  cas  l'arc  infi- 
niment petit  Mm  ne  différera  pas  d'une  ligne  droite  ; 
par  conféquent  Al  m  R  eft  un  triangle  rectiiigne  rec- 
tangle ,  &  conftitue  le  triangle  caraclèrijtique  de  cette 
courbe  ,  autrement  appelle  triangle  différentiel  :  en 
effet  l'équanon  différentielle  qui  eft  entre  les  petits 
côtés  de  ce  triangle  ,  eft  l'équation  qui  deiigne  Se 
caraftérife  la  courbe.  J'cyq  Triangle  différent 

TIEL.    (O), 

Caractéristique  ,  adj.  en  Littérature ,  fe  dit  de 
ce  qui  fert  à  caractérifer,  à  diftinguer  les  ouvrages  & 
les  auteurs  :  ainfi  l'élévation  6c  la  véhémence  font 
les  traits  caraclérijliques  de  Corneille  ;  la  nobiefîc  & 
l'élégance,  ceux  de  Racine. 

CARADIVA ,  (  Géog.  )  île  de  l'Afie  ,  auprès  de 
l'île  de  Ceylan. 

C  ARAGl ,  f.  m.  (Commerce.')  on  nomme  ainfi  dans 
les  états  du  grand-feigneur  les  droits  d'entrée  &  de 
fortie  qu'on  paye  pour  les  marchandées  :  ces  droits 
ne  fe  payent  qu'une  fois,  6c  feulement  à  la  douane 
où  les  marchandiies  font  d'abord  déchargées.  On  eft 
libre  de  les  tranfporter  dans  une  autre  ville  ,  en  re-  .1 
présentant  le  premier  acquit. 

Caragi  eft  aufîi  le  nom  qu'on  donne  aux  commis 
des  bureaux  011  fe  perçoivent  les  droits  :  leur  chef 
ou  directeur  de  la  douane  fe  nomme  caragi-baclii.  (G7) 

CARAGONA  ,  (  Hiji.  nat  bot.  )  arbre  qui  fe  trou- 
ve fréquemment  dans  les  Indes  orientales ,  &  dont 
on  ne  nous  apprend  rien  ,  finon  qu'il  conlerve  la  ver- 
dure hyver  Ôc  été  ,  &  qu'il  a  beaucoup  de  reiîem- 
blance  avec  celui  qui  produit  la  gomme  de  Caranne. 

CARAGROUCH  ,  f.  m.  (  Commerce.  )  monnoie 
d'argent  d'ufage  dans  l'Empire  ,  au  titre  de  dix  de- 
niers vingt-trois  trente-deuxième  ;  elle  vaut  argent 
de  France  deux  livres  dix-huit  fous  cinq  denier- .  C  et 
te  monnoie  a  cours  à  Conftantinople  ;  elle  y  eft  re- 
çue pour  cent  feize  afpres. 

CARAGUATA  ,  f.  f.  (  Hift.  nat.  bot.  )  genre  de 
plante  à  fleur  monopétale  ,  en  cloche  tabulée  ,  de- 


CAR 


669 


coupée  ordinairement  fur  les  bords  en  trois  parties. 
II  s'élève  du  fond  du  calice  un  piftil  qui  eft  attaché 
comme  un  clou  à  la  partie  pofterieure  de  la.  fl 
&  qui  devient  dans  la  fuite  un  fruit  oblong  ,  pointu , 
membraneux,  qui  s'ouvre  d'un  bout  à  l'autre  en  trois 
parties ,  &  qui  renferme  des  lémences  garni,  i 
greUes.P\umier,Noi>aplant.sim:r.  gen.l''.Pi.A\-ïE.(  1) 
CARA-HISSAR  ,  (  Géog.)  ville  d'Aile  ,  dan^hi 
province  qui  étoit  anciennement  appeliée  Galatu. 

^  CARAIAM,  (  Géog.  )  grande  province  ou  pays 
d'Afie  dans  la  Tartane  ,   dont  la  capitale  | 
même  nom. 

CARAIBES  ,  ou  CANNIBALES  ,  Sauvages  infu- 
laires  de  l'Amérique ,  qui  pofîèdent  une  partie  des 
îles  Antilles.  Ils  font  en  général  trilles ,  rêveurs ,  & 
parelleux  ,  mais  d'une  bonne  conftitution ,  vivans 
communément  un  fieclc.  Ils  vont  nuds  ;  leur  teint 
eft  oliyâtre.  Ils  n'emmaillotent  point  leurs  enfans  , 
qui  des  l'âge  de  4  mois  marchent  à  quatre  pattes  , 
ck  en  prennent  l'habitude  au  point  de  courir  de  cette 
façon  quand  ils  lont  plus  âgés ,  auiîi  vite  qu'un  Eu- 
ropéen avec  les  deux  jambes.  Ils  ont  pluûeurs  fem- 
mes qui  ne  iont  point  jalouies  les  unes  des  autres  ; 
ce  que  Montagne  regarde  comme  un  miracle  dans 
Ion  chapitre  fur  ce  peuple.  Elles  accouchent  fans  pei- 
ne ,  ci  des  le  lendemain  vaquent  à  leurs  occupa- 
tions ;  le  mari  garde  le  lit,  6c  fait  diète  pour  elles 
pendant  piuiicnrs  jours.  Us  mangent  leurs  prifonaiers 
rôtis  ,  6c  en  envoyent  des  morceaux  à  leurs  amis. 
Ils  croyent  un  premier  homme  nommé  Longuo ,  qui 
deicenuit  du  ciel  tout  fait;  &c  les  premiers  habitons 
de  la  terre,  fuivant  eux,  fortirent  de  Ion  énorme 
nombril  au  moyen  d'une  inciiîon.  Ils  adorent  cL-s 
dieux  &c  des  diables  ,  6c  croyent  l'immorta] 
l'âme.  Quand  un  d'entre  eux  meurt  ,  on  tue  ion  nè- 
gre pour  qu'il  aille  le  iervir  dan->  l'autre  monde  :  ils 
iont  fort  adroits  à  tirer  de  l'arc  ;  leurs  flèches  font 
faites  d'un  bois  empoifbnné  ,  taillées  de  façon  qu'on 
ne  les  peut  retirer  du  corps  fans  déchirer  la  piaie  ; 
ik  eiiesiontarrofées  d'un  venin  tres-dangereux ,  fait 
avec  le  nie  du  mancenilier.  ï'oye?  Sauvages. 

CARAITES,  f.  m.  pi.  (HijLccdéf.)  lecle  très- 
ancienne  parmi  les  Juifs ,  ii  l'on  en  croit  quelques  au- 
teurs ,  &  qui  lubliite  encore  parmi  les  Juifs  moder- 
nes en  Pologne ,  en  Rullie,  à  Conftantinople,  au 
Caire,  &dans  philieurs  autres  endroits  du  Levant. 
Ce  qui  les  diftingue  des  autres  Juifs  quant  à  la  reli- 
gion ,  c'eft  leur  attachement  lerupuleux  à  la  lettre 
de  l'Ecriture  ,  exclufivement  aux  allégories,  : 
tions  ,  interprétations  humaines ,  6-c. 

Léon  de  Modene  rabbin  de  Venifc  ,  obier-, 
de  toutes  les  héréfies  qui  étoient  chez  les  Juifs  r 

la  dcftrucLon  du  temple  ,  il  n'eft  relte  que  c 
Caraitn  ,  nom  dérive  de  Mitra ,  qui  lignine  le  pur  texte 
dt  t  criture  i  parce  que  les  Caràues  veulent  qu'on 
s'en  tienne  au  Pentateuque  ,  qu'on  le  garde  à  la  let- 
tre ,  fans  égard  pour  les  gioles  Cv  les  interpolations 
des  rabbins. 

Aben  Ezra  &  quelques  autres ,  pour  rendre  les 
Carottes  odieux,  les  qualifient  de  Sadducécns  :  mais 
Léon  de  Modene  le  contente  de  les  appeller  .V 

.  parce  qu'ils  admettent  l'immortalité  de 
Famé  ,  la  réiurrechon  ,  les  recompenies  ,  cv  les  pei- 
ne-, de  la  vie  future,  que  rejettoient  les  anciens  Sad- 
ducéens  ,  dont  il  doute  même  que  les  Caruites  foient 
defeendus.  Poy'i  Sadducéens. 

M.  Simon  luppoie  avec  plus  de  vraiflemblance , 
que  cette  lecte  ne  s'elt  formée  que  de  l'oppoution 
qu'ont  apportée  aux  rêveries  des  Thalroudiftes  les 
Juifs  les  plus  lenfés  ,  qui  s'en  tenant  au  texte  de  l'E- 
criture, pour  réfuter  les  traditions  ma! 
ces  nouveaux  docteurs,  en  reçurent  le  nom  d< 
ratm,  qui  Ggnifie  en  Latin  barbare,  fcriptunnl ,  c'eft- 
à-dire,  gens  attaches  au  texte  de  l'Ecriture  ,  6c  qu'on 


670 


CAR 


y  ajouta  le  nom  odieux  de  Sadducéèns ,  parce  qu'à 
l'imitation  de  ceux-ci,  ils  rejettoient  les  traditions 
des  dofteurs. 

Scaliger,  Voflîus,&  M.  Spanheim,  par  une  erreur 
qui  n'eft  pas  pardonnable  à  des  favans  du  premier  or- 
dre ,  ont  mis  les  Caraïtes  au  même  rang  que  les  Sa- 
béens ,  les  Mages ,  les  Manichéens ,  &  même  les  Mu- 
sulmans. Wolfgang  ,  Fabricius,  &c.  difent  que  les 
Sadducéèns  6c  les  Efféniens  turent  appelles  Caraïtes, 
par  oppofition  aux  Pharifiens ,  qui,  comme  l'on  lait, 
étoient  grands  traditionnaires.  D'autres  croyent  que 
ce  font  les  docteurs  de  la  loi ,  Ugifperiti  ,  dont  il  eft  fi 
fouvent  parlé  dans  l'Ecriture  :  mais  toutes  ces  con- 
jectures lbnt  peu  folides.Jofephe  ni  Philon  ne  font  au- 
cune mention  des  Caraïtes  ;  cette  fefte  eft  donc  plus 
récente  que  ces  deux  auteurs  ;  on  la  croit  même  pof- 
térieure  à  la  colle&ionde  la  féconde  partie  du  Thal- 
mud ,  connue  fous  le  nom  de  Gemara  :  peut-être 
même  ne  commença-t-elle  qu'après  la  compilation 
de  la  Mifchna  vers  le  Ve.  ou  v'i*.  fiecle  ;  d'autres  en 
reculent  l'origine  jufqu'au  vu  Ie.  fiecle. 

Les  Caraïtes  de  leur  côté  intéreffés  à  fe  donner  le 
mérite  de  l'antiquité,  font  remonter  la  leur  jufqu'au 
tems  où  les  dix  tribus  furent  emmenées  captives  par 
Salmanafar.  "Wblf  ,  fur  les  mémoires  du  Caraïte 
Mardochée  ,  la  fixe  au  tems  du  maffacre  des  dofteurs 
Juifs ,  fous  le  règne  d'Alexandre  Jannée ,  environ 
cent  ans  avant  Jefus-Chrift.  On  raconte  qu'alors  , 
Simon  fils  de  Schétach ,  frère  de  la  reine ,  s'étant  en- 
fui en  Egypte  ,  y  forgea  fes  prétendues  traditions , 
qu'il  débita  à  fon  retour  à  Jerufalem ,  interprétant  la 
loi  à  fa  fantaifie ,  6c  fe  vantant  d'être  le  dépositaire 
des  connoiffances  que  Dieu  avoit  communiquées  de 
bouche  à  Moyfe  ;  enforte  qu'il  s'attira  un  grand  nom- 
bre de  difciples:  mais  il  trouva  des  contradicteurs  qui 
foûtinrent  que  tout  ce  que  Dieu  avoit  révélé  à  Moy- 
fe étoit  écrit,  &  qu'il  falloit  s'en  tenir-là.  Cette  di- 
"vifion  ,  ajoûte-t-on  ,  donna  naifTance  à  la  fefte  des 
Rabbiniftes  ou  Traditionnaires ,  parmi  lefquels  brilla 
Hillel,  &  des  Caraïtes,  dont  Juda  fils  de  Tabbaï ,  fut 
un  des  chefs.  Le  même  auteur  met  au  nombre  de 
ceux-ci  non-feulement  les  Sadducéèns  ,  mais  aufîiles 
Scribes  dont  il  eft  parlé  dans  l'évangile.  L'adreffe  6c 
le  crédit  des  Pharifiens  affoiblirent  le  parti  des  Caraï- 
tes ;  Volf  dit  qu'Anam  le  releva  en  partie  dans  le 
vme.  fiecle ,  &  rabbi  Schalomon  dans  le  ixe.  Il  étoit 
très-nombreux  dans  le  XIVe.  mais  ils  ont  toujours  été 
depuis  en  déclinant. 

Les  ouvrages  des  Caraïtes  font  peu  connus  en  Eu- 
rope ,  quoiqu'ils  méritent  mieux  de  l'être  que  ceux 
des  Rabbins.  On  en  a  un  manuferit  apporté  de  Conf- 
tantinople  ,  qui  fe  conferve  dans  la  bibliothèque  des 
pères  de  l'Oratoire  de  Paris.  Les  favans  les  plus  ver- 
fés  dans  l'intelligence  de  l'Hébreu,  n'ont  d'ailleurs 
vu  que  très-peu  de  leurs  écrits.  Buxtorf  n'en  avoit 
vît  aucun  ;  Selden  n'en  avoit  lu  que  deux  ;  Trigland 
affûre  qu'il  en  a  recouvré  affez  pour  en  parler  avec 
quelque  certitude  ;  &  il  avance  apparemment  d'a- 
près eux ,  que  peu  de  tems  après  que  les  prophètes 
eurent  ceffé  ,  les  Juifs  fe  partagèrent  touchant  les 
œuvres  de  furérogation  ;  les  uns  foûtenant  qu'elles 
étoient  néceflaires ,  fuivant  la  tradition  des  doûeurs  ; 
les  autres  les  rejettant ,  parce  qu'il  n'en  eft  pas  fait 
mention  dans  la  loi  ;  6c  ce  dernier  parti  forma  la  fecle 
des  Caraïtes.  Il  ajoute  qu'après  la  captivité  de  Baby- 
lone ,  on  rétablit  Fobfervation  de  la  loi  6c  des  prati- 
ques qu'on  en  regardoit  comme  des  dépendances  ef- 
fentielles ,  félon  les  Pharifiens ,  qui  en  rapportoient 
l'inftitution  à  Moyfe. 

Léon  de  Modene  obferve  que  les  Caraïtes  moder- 
nes ont  leurs  fynagogues  &  leurs  cérémonies  parti- 
culières ,  6c  qu'ils  fe  regardent  comme  les  feuls  vrais 
obfervateurs  de  la  loi  ;  donnant  par  mépris  lenom 
de  Rabbanim ,  ù  ceux  qui  fuivent  les  traditions  des 


CAR 

rabbins.  Ceux-ci  de  leur  côté  haïfTent  mortellement 
les  Caraïtes ,  avec  lefquels  ils  ne  veulent  ni  s'allier , 
ni  même  converfer  ,  &  qu'ils  appellent  mam^erim  , 
c'eit-à-dire  bâtards,  parce  que  les  Caraïtes  n'obfer- 
vent  point  les  ufages  des  rabbins  dans  les  mariages  > 
les  divorces  ,  la  purification  légale  des  femmes  ,  &c, 
averfion  pouffée  fi  loin ,  que  fi  un  Caraïte  vouloit 
paifer  dans  la  feue  des  Rabbiniftes,  ceux-ci  le  refu- 
feroient. 

11  eft  cependant  faux  que  les  Caraïtes  rejettent  ab- 
foîument  toutes  fortes  de  traditions  ;  ils  n'en  ufent 
ainfi  qu'à  l'égard  de  celles  qui  ne  leur  paroifïent  pas 
bien  fondées.  Selden  qui  traite  au  long  de  leurs  ien- 
timens  dans  fon  livre  intitulé  Uxor hebraica,à'it,  qu'ou- 
tre le  texte  de  l'Ecriture  ,  les  Caraïtes  reçoivent  cer- 
taines interprétations  qu'ils  appellent  liéréditaires,  6c 
qui  font  de  véritables  traditions.  Leur  théologie  ne 
diffère  de  celle  des  autres  Juifs, qu'en  ce  qu'elle  eft 
plus  dégagée  de  vétilles  &  de  fuperftitions ,  car  ils 
n'ajoutent  aucune  foi  aux  explications  des  cabaliftes, 
ni  aux  fens  allégoriques  ,  fouvent  plus  fubtils  que 
raifonnables.  Ils  remettent  aufîi  toutes  les  décifions  du 
Thalmud  qui  ne  font  pas  conformes  au  texte  de  l'Ecri- 
ture, ou  qui  n'en  fuivent  pas  par  des  conféquences  né- 
ceffaires  6c  naturelles:  en  voici  trois  exemples. Le  pre- 
mier regarde  les  mj^ouiot  ou  parchemins  que  les  Juifs 
Rabbiniftes  attachent  à  toutes  les  portes  par  Iefquel-1 
les  ils  ont  coutume  de  paffer.  Le  fécond  concerne 
les  Theph'dim  ou  Philacleres  dont  il  eft  parlé  dans  le 
Nouveau-teftament.  Le  troifieme  eft  fur  la  détente 
faite  aux  Juifs  de  manger  du  lait  avec  de  la  viande. 
Les  Rabbiniftes  prétendent  que  les  deux  premiers  de 
ces  articles  font  formellement  ordonnés  par  ces  pa- 
roles du  Deutéronome ,  ch.  vj.  v.  8  :  &  ligabis  ea  quajl 
Jïgnum  in  manu  tua. ,  eruntque  &  movebuntur  inter  ocu- 
ios  tuos ,  feribesque  ea  in  lïmine  &  in  ojliis  domùs  tuœ. 
Aaron  le  Caraïte ,  dans  fon  commentaire  fur  ces  pa- 
roles ,  répond  qu'on  ne  doit  point  les  prendre  à  la 
lettre  ;  que  Dieu  a  feulement  voulu  faire  connoîtie 
par-là ,  que  dans  toutes  les  circonftances  de  la  vie  , 
fon  peuple  devoit  avoir  devant  les  yeux  la  loi  don- 
née à  Moyfe.  Quant  aux  Thephilim  ,  après  y  avoir 
donné  une  pareille  interprétation,  les  Caraïtes  appel- 
lent par  raillerie  les  rabbins  des  ânes  bridés  de  leurs 
fronteaux.  Voye^  Fronteau.  Saint  Jérôme  explique 
auffi  ce  paffage  dans  un  fens  figuré.  Sur  le  troifieme 
article  que  les  rabbins  croyent  expreffément  défendu 
par  le  Deutéronome,  chap.  xiv.  v.  2 1 ,  Non  coques  lue- 
dum  in  lacté  matris  fuœ  ;  les  Caraïtes  répondent  avec 
beaucoup  de  vraiflemblance ,  qu'on  doit  l'expliquer 
par  cet  autre  paffage,  7«  ne  tueras  point  la  mère  quand 
elle  aura  des  petits  ou  quelle  fera  pleine,  À  cela  les  rab- 
bins n'oppofent  que  la  tradition  6c  l'autorité  de  leurs 
docleurs  ;  motif  infuffifant,  félon  les  Caraïtes,  pour 
admettre  une  infinité  de  pratiques  dont  on  ne  trouve 
rien  dans  le  texte  facré. 

Ces  derniers  retiennent  cependant  plufieurs  fuperf- 
titions des  rabbins.  Schupart,  dans  ion  livre  defectd 
Karrxorum ,  montre  qu'ils  ont  les  mêmes  fcrupules  , 
6c  s'attachent  aux  mêmes  minuties,  fur  l'obfervation 
du  fabbat ,  de  la  pâque  ,  des  fêtes ,  de  l'expiation  , 
&  des  tabernacles ,  &c  ;  qu'ils  obfcrvent  auffi  régu- 
lièrement les  heures  de  la  prière  &  les  jours  de  jeu- 
ne, qu'ils  portent  les  ^it^it  ou  morceaux  de  frange  aux 
coins  de  leurs  manteaux ,  &  croyent  que  tout  péché 
peut  être  effacé  par  la  pénitence ,  au  contraire  des 
rabbins  qui  foûtiennent  que  certains  péchés  ne  peu- 
vent être  effacés  que  par  la  mort.  Les  Caraïtes  ne 
croyent  pas  comme  les  traditionnaires, qu'il  doive  y 
avoir  du  fang  répandu  dans  la  circonciiion,  ni  que  ce 
figne  de  leur  loi  doive  être  donné  à  l'enfant  toujours  le 
huitième  jour  après  fa  naifTance ,  6c  même  aux  enfans 
morts,  mais  qu'à  ceux  qui  font  en  danger  on  doit  an- 
ticiper ce  jour.  Quant  aux  divorces  j  ils  conviennent 


CAR 

avec  les  autres  Juifs,  auffi-bien  que  dans  la  manière 
de  tuer  &  de  préparer  les  viandes  permifes  :  ils  en 
différent  Seulement  fur  les  eipeces  d'impuretés  Se  de 
pollutions  légales. 

Peringer  dit  que  les  Caraïtes  de  Lithuanie  font  fort 
différens  ,  &  pour  le  langage  &  pour  les  mœurs,  des 
Rabbiniftes  dont  ce  pays  eft  plein  ;  qu'ils  parlent  la 
langue  Turque  dans  leurs  écoles  &  leurs  fynago- 
gues,  à  l'exemple  des  Tartares  Mahométans  ;  que 
leurs  fynagogues  font  tournées  du  feptentrion  au 
midi,  parce  que,  difent-ils,  Salmanafar  ayant  tranf- 
porté  leurs  pères  dans  des  provinces  fituées  au  nord 
deJerufalem,  ceux  ci  pour  prier,  regardoient  le  côté 
où  étoit  fituée  la  Ville  iainte,  c'eft-à-dire  le  midi. 
Le  même  auteur  ajoute  qu'ils  admettent  tous  les  li- 
vres de  l'Ancien-teftament;  opinion  oppofée  à  celle 
du  plus  grand  nombre  des  favans,  qui  prétendent 
que  les  Caraïtes  ne  reconnoiffent  pour  canonique  que 
le  Pentateuque  ,  &  ne  reconnoiifent  que  trois  pro- 
phètes ,  favoir ,  Mqyfe  ,  Aaron  &  Jofué. 

Caleb  réduit  à  trois  points  toutes  les  différences 
qui  le  rencontrent  entre  les  Caraïtes  6c  les  Rabbinif- 
tes ;  lavoir,  que  les  premiers  nient,  i°  que  la  loi 
orale  ou  la  tradition  viennent  de  Moyfj  ,  &  rejet- 
tent la  cabale.  z°.  Ils  abhorrent  leThalmud.  30.  Ils 
obfcrvent  les  fêtes  comme  le  fabbat  &c.  beaucoup 
plus  rigoureufement  que  leurs  adverfaires ,  à  quoi 
l'on  peut  ajouter  qu'ils  étendent  prefque  à  l'infini  les 
dégrés  prohibés  pour  le  mariage.  Foye^  Cabale  , 
Thalmud,  Sabbat,  &c.  Les  Caraïtes  ont  encore  ce- 
ci de  particulier,  crue,  félon  l'ancienne  coutume  des 
Juifs ,  ils  règlent  leurs  fêtes  fur  l'apparition  de  la 
lune  ,  &  blâment  les  Rabbiniftes  qui ,  dans  leur  ca- 
lendrier, le  fervent  des  calculs  aftronomiques.  Foye^_ 
Racbinistes.  (G) 

CARA-KALPACKS ,  (Géog.  )  peuple  qui  habite 
en  Afie,  dans  le  Turqueftan. 

CARAMAN  ,  (Géog.)  ville  &  royaume  d'Afri- 
que en  Ethiopie  ,  dont  l'exiftence  eft  douteufe. 

*  CARAMBOLAS ,  (Bip.  nat.  bot.  )  pommier  des 
Indes  à  fruit  oblong,  avec  un  petit  ombilic  ;  garni  à 
fon  extrémité  de  cinq  côtes  fort  épaiffes ,  &  couvert 
d'une  peau  mince,  adhérente  à  la  pulpe  ,  lifte,  écla- 
tante ,  verte  d'abord,  puis  jaunâtre.  Ce  fruit  contient 
dix  graines  oblongues ,  pentagonales  ,  mouftes  par 
un  bout,  pointues  par  l'autre ,  féparées  par  quelques 
pellicules  dures  6c  membraneufes ,  qui  forment  des 
cellules  où  les  graines  font  deux  à  deux.  On  cultive 
cette  plante  dans  les  jardins:  trois  ans  après  avoir  été 
greffée  elle  porte  fleurs  &  fruits  trois  fois  l'an  :  on 
lui  attribue  beaucoup  de  propriétés  médicinales  , 
qu'on  peut  voir  dans  l'hiftoire  des  plantes  de  Ray. 

CARAMINNAL  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Elpagne 
fttr  la  côte  de  Galice. 

CARAMOUSSAL,  fub.  m.  (  Marine.  )  C'eft  un 
yaiffeau  marchand  de  Turquie  conftruit  en  huche  ; 
c'eft-à-dire  qui  a  la  poupe  fort  haute.  Cette  forte  de 
bâtiment  n  a  ni  mifene  ni  perroquets  que  le  feul 
îourmentin  ,  &c  porte  feulement  un  beaupré  ,  un 
petit  artimon  6c  un  grand  mât:  ce  mât  avec  fon  hu- 
nier s'éleve  à  une  hauteur  extraordinaire ,  6c  il  n'y 
a  que  des  galaubcns  6c  un  étai ,  répondant  de  l'ex- 
trémité fupérieure  du  mât  de  hune  à  la  moitié  du 
Iourmentin  ;  fa  grande  voile  porte  ordinairement 
une  bonnette  maillée.  (Z) 

C ARAMANICO ,  {Géog.)  ville  d'Italie  au  royau- 
me de  Naples  dans  l'Abbruzze. 

CARAM  ANIE ,  (  Géog.  )  province  de  la  Turquie 
en  Afie  dans  la  Natolie  ;  Satalie  en  eft  la  capitale. 

CARAMANTA,  (Géog.)  provincede  l'Amérique 
méridionale ,  bornée  au  nord  par  le  pays  de  Car- 
thagene  &  la  nouvelle  Grenade  ,  au  midi  par  le  Po- 
payan,  à  l'occident  par  l'audience  de  Panama  :  la 
capitale  porte  le  même  nom.  Long.  joJ.lat,  5.  i$. 


CAR 


671 


CARANCEBES  ou  Karan-sebes  ,  )  Géog.)  ville 
de  la  baffe  Hongrie ,  au  confluent  de  la  Sebes  ùl  du 
Ternes. 

*  CAR  AND  AS  ou  ANZUBA ,  {Bip.  nat.  bot.)  ef- 
pece  de  plante  ou  d*arbufte  des  Indes  orientales  , 
dont  la  feuille  reffemble  beaucoup  à  celle  du  frai- 
fier,  &  fuivant  d'autres  à  celles  du  Tamarin  ;  il  pro- 
duitplufieurs  fleurs  odoriferentes  ;  fon  fruit  reffemble 
à  une  petite  pomme ,  qui  eft  verte  au  commence- 
ment ,  6c  pleine  d'un  fuc  blanc  comme  du  lait  ; 
mais  lorfqu'elle  mûrit,  elle  devient  noirâtre,  & 
prend  un  goût  affez  femblable  à  celui  du  railin.  Il  y 
a  des  gens  qui  en  tirent  le  fuc  pour  en  faire  une  ef- 
pecc  de  verjus  :  on  mange  auffi  ce  fruit  confit  dans 
du  vinaigre  &  du  fel  ;  on  dit  qu'il  eft  propre  à  exci- 
ter l'appétit.  Il  s'en  trouve  beaucoup  au  royaume  de 
Bengale. 

•CARANGUE,  (Bip.  nat.  Zoolog.)  poiffon  de 
mer  très-commun  aux  Indes  occidentales ,  &  fur-tout 
aux  Antilles  ;  on  en  trouve  fouvent  de  deux  ou  trois 
pies  de  long ,  un  peu  plats  ;  ils  ont  les  yeux  grands 
6c  la  queue  fourchue  ;  la  chair  en  eft  excellente  6c 
le  mange  à  toute  fauce. 

CARANGUER,  (terme  deRlv.  )  c'eft  un  terme  dont 
les  matelots  du  pays  d'Aunis  le  fervent  pour  dire 
agir  :  ce  maître  eft  un  grand  carangueur ,  c'eft-à-dire 
qu'il  eft  agiffant.  Cette  exprefîion  n'eft  point  en  ufage 
hors  du  batteau  .  (Z) 

CARANGUES,  (Géog.)  peuple  de  l'Amérique 
méridionale  au  Pérou. 

•CARANNA,  (Bip.  nat.  bot.)  on  varie  fur  la 
defeription  de  cet  arbre  :  les  uns  difent  qu'il  eft  haut 
&  fort;  d'autres  que  c'eft  une  forte  de  palmier  dont 
on  fend  l'ecorce ,  &  qui  rend  la  refîne  ou  gomme  cen- 
drée ou  blanchâtre  ,  qui  porte  fon  nom.  Cette  gom- 
me eft  en  dedans  de  la  couleur  de  la  poix,  a  le  goût 
amer  ,  gras  6c  oléagineux ,  l'odeur  forte ,  aromati- 
que &  tirant  fur  celle  de  la  lavande  :  on  l'apporte 
de  Carthagene  en  maffes  molles ,  envelopées  dans 
des  morceaux  de  jonc.  La  plus  blanche  eft  la  meil- 
leure. Ses  propriétés  font  à  peu-près  les  mêmes  que 
celles  du  Tacamahaca.  ^oj^Tacamahaca. 

Cette  gomme  ne  fe  diflbut  que  dans  l'efprit-de- 
vin;  c'eft  ce  qui  a  donné  lieu  à  M.  Geoffroy  de  dire 
que  l'on  l'appelle  improprement  gomme.  Elle  eft  fon- 
dante, difcufîive,  réfolutive. 

On  la  mêle  dans  un  mortier  chaud  avec  le  baume 
de  Copahu,  &  on  l'applique  avec  fucces  fur  l'épi- 
gaftre,  dans  les  douleurs  d'eftomac,  dans  les  affec- 
tions des  hypochondres. 

Délayée  avec  de  l'huile  d'ambre,  elle  eft  excel- 
lente dans  la  goutte.  Schroder  recommande  pour  la 
goutte  une  emplâtre  faite  avec  une  once  de  gomme 
caranna,  une  demi-once  de  cire  jaune,  6c  une  quan- 
tité raifonnable  d'huile. 

On  trouve  dans  Pomet  la  defeription  d'un  baume 
fait  avec  le  caranna  qu'il  dit  être  très  en  ufage  en 
Amérique  pour  \c  plaies.  ( N) 

CARAQUE,  f.  f.  (Marine.  )  c'eft  le  nom  que  les 
Portugais  donnent  aux  vaiiïeaux  qu'ils  envoyent  au 
Brelîl  6c  aux  Indes  orientales.  Il  les  appellent  aufïï 
naos,  comme  voulant  dire  navires  par  excellence.  Ce 
font  de  très-grands  vaiiïeaux  ronds  ,  également  pro- 
pres pour  le  combat  &  pour  le  commerce ,  plus  étroits 
par  le  haut  que  par  le  bas  ;  qui  ont  quelquefois  fept 
ou  huit  planchers,  &  fur  lefquels  on  peut  loger  jul- 
qu'à  deux  mille  hommes.  Ces  fortes  de  bàtimens  ne 
font  plus  en  ufage  ;  il  y  en  avoit  du  port  de  deux  mille 
tonneaux.  La  capacité  des  caraques  conlifte  plus  dans 
le  creux  qu'elles  ont,  que  dans  leur  longueur  £:  lar- 
geur. Cette  profondeur  des  tarafues,  Se  la  manière 
dont  elles  font  conftruites,  aflez  foible  d'échantillon, 
les  rend  finettes  à  fe  renverfer  lori'que  leur  charge 
n'eft  pas  entièrement  complette  ;  mais  loi  l'qu'elles 


6-1.  CAR 

*ont  toutes  chargées,  elles  ne  courent  pas  beaucoup 
plus  de  rifques  que  les  autres  vaifieaux,  parce  que 
le  grand  poids  qui  eft  dedans ,  les  fait  beaucoup  en- 
foncer ,  ce  qui  les  foùtient.  (Z) 

CARAQUES  ,  {Us)  Géog.  peuple  fauvage  de  l'A- 
mérique méridionale,  au  Pérou,  fur  la  côte  delà 
mer  du  Sud  ;  leurs  coutumes  différent  des  autres  na- 
tions de  ce  pays. 

CAR  ARA ,  f.  m.  {Commerce.)  poids  dont  on  fe  fert 
en  quelques  endroits  d'Italie  ,  &  particulièrement  à 
Livourne ,  pour  la  vente  des  laines  &c  des  morues. 

Le  carara  eft  de  cent  foixante  livres  du  pays ,  où 
la  livre  n'eft  que  de  douze  onces  poids  de  marc,  ce 
qui  revient  à  cent  dix  livres  fix  onces  trois  gros,  un 
peu  plus ,  de  Paris ,  Amiterdam ,  &  autres  villes  où  la 
livre  eft  de  feize  onces.  Le  carara  fait  cent  trente-fix 
livres  poids  de  Marfeille.  {G) 

CARARA ,  {Géog.)  petite  ville  d'Italie,  avec  titre 
de  principauté ,  fameufe  par  fes  carrières  de  marbre. 

*  CARA-SCHULLI,  (  Hijl.  nat.  bot.  )  arbriffeau 
des  Indes ,  afiez  femblable  au  câprier.  Voye^  dans 
VHijioire  des  plantes  de  Ray ,  la  lifte  des  propriétés 
merveilleufes  qu'on  lui  attribue. 

CARASOU,  {Géog.)  il  y  a  deux  rivières  de  ce 
nom  dans  la  Turquie  ;  Tune  en  Natolie  ,  dans  la  Ca- 
ramanie  ;  l'autre  en  Romanie ,  dans  la  Turquie ,  en 
Europe. 

Carasou,  (  Géog.  )  ville  de  la  Tartarie  Précopi- 
te,  dans  la  Crimée. 

CARAT ,  f.  m.  on  donne  ce  nom  au  poids  qui  ex- 
prime le  degré  de  bonté ,  de  finefle ,  &  de  perfection 
ou  d'imperfection  de  l'or.  Les  auteurs  ne  font  pas  d'ac- 
cord fur  l'origine  de  ce  mot  :  Ménage ,  après  Alciat , 
le  dérive  du  Grec  K*p  aif/s? ,  qui  étoit  une  efpece  de 
petit  poids.  Savot  le  dérive,  ce  qui  revient  au  même , 
de  carafon,  qui  fignifioit  un  denier  de  tribut,  ou 
une  efpece  de  monnoie  qu'on  battoit  à  cette  fin  :  cet 
auteur  dit  que ,  comme  la  diviiion  du  fin  de  l'argent 
a  été  faite  par  une  efpece  de  monnoie  qu'on  appel- 
loit  denier,  auffi  le  titre  de  l'or  a  été  marqué  par 
une  monnoie  d'or  qu'on  appelloit  en  ce  tems-là  ca- 
rat. D'autres  le  dérivent  iimpiement  du  Latin  carac- 
ter  :  mais  beaucoup  de  perlonnes  aiment  mieux  fui- 
vre  l'opinion  de  Kennet,  qui  le  dérive  decare&a,  ter- 
me qui  fignifioit  anciennement ,  félon  cet  auteur ,  un 
certain  poids,  &  qui  a  été  employé  depuis  pour  ex- 
primer la  finette  de  l'or ,  ou  la  pefanteur  des  diamans. 

Le  carat  d'or  eft  la  vingt-quatrième  partie  d'une 
quantité  d'or,  quelle  qu'elle  loit:  ainfi  un  fcrupule 
qui  doit  pefer  vingt-quatre  grains ,  eft  un  carat  à  l'é- 
gard d'une  once  d'or  ;  car  une  once  contient  vingt- 
quatre  fcrupules. 

Si  une  once  d'or  n'a  aucun  alliage  ,  c'eft  de  l'or  à 
vingt  quatre  carats  ;  fi  l'alliage  eft  d'un  carat ,  c'eft 
de  l'or  à  vingt-trois  carats  ;  s'il  eft  de  deux  carats , 
c'eft  de  l'or  à  vingt-deux  carats,  &  ainfi  du  refte  :  mais 
on  affùre  qu'il  ne  peut  fe  trouver  d'or  à  vingt-quatre 
carats  ;  parce  qu'il  n'y  en  a  point  qui  ne  contienne 
quelque  portion  d'argent  ou  de  cuivre ,  fi  bien  pu- 
rifié qu'il  foit.  Voye7K  CARATURE. 

L'or  rouge  eft  le  moins  eftimable,  parce  qu'il  con- 
tient quelque  portion  de  cuivre  qui  lui  donne  cette 
couleur;  le  jaune  eft  le  meilleur. 

Le  carat  de  perles ,  de  diamant ,  &  des  autres  pier- 
res précieufes,  n'eft  que  de  quatre  grains.  Chimie  de 
Lemery ,  onzième  édit.  de  Paris,  pag.  C)i. 

Suivant  ce  que  l'on  a  vu  ci-delîus ,  les  Monnoyeurs 
ont  fixé  à  vingt-quatre  carats  le  plus  haut  titre  ou  la 
plus  grande  perfection  de  l'or.  Il  y  a  des  demi ,  des 
quarts,  des  huitièmes,  des  feiziemes,  &  des  trente- 
deuxièmes  de  carat.  Ces  degrés  fervent  à  marquer 
l'alliage  :  par  les  lois  de  France,  il  eft  détendu  aux 
orfèvres  de  travailler  l'or  au-deflbus  de  vingt-trois 
carats. 


CAR 

Le  carat  de  fin  eft  donc  un  vingt-quatrïeme  degré 
de  bonté  ou  de  perfection  d'une  pièce  de  pur  or. 

Le  carat  de  prix  eft  la  vingt-quatrième  partie  de  la 
valeur  d'une  once  ou  d'un  marc  d'or.  On  dit  aufïï 
quelquefois  un  carat  de  poids ,  qui  eft  la  vingt-quatriè- 
me partie  du  poids  de  l'once  ou  du  marc.  V.  Grain  , 
Poids  ,  &c 

On  a  déjà  vu  que  le  carat  eft  auffi  un  poids  dont 
on  fe  fert  pour  pefer  les  diamans  ,  les  perles  &  les 
pierres  précieufes,  &  qu'en  ce  cas  il  ne  fe  divife 
qu'en  quatre  grains.  Voye^  Diamant  «S*  Grain. 
C'eft  ce  qui  fait  conjecturer  à  quelques-uns  que  ce 
mot  doit  dériver  du  Grec  ntatùmv ,  qui  lignifie  un  fruit, 
que  les  Latins  appellent  fdiqua,  &  les  François  ca- 
rouge  ou  caroube.  Chaque  grain  de  ce  légume  peut 
pefer  quatre  grains  de  froment  ou  d'orge  ;  c'eft  pour- 
quoi le  mot  Latin  Jiliqua  a  toujours  été  ufité  pour 
fignifier  un  poids  de  quatre  grains.  {£) 

CARATCHOLIS,  {Us)  Géog.  peuple  d'Afie,  dans 
la  Colchide  ,  au  nord  du  mont  Caucafe  ;  on  les  nom- 
me auffi  Karakirks  ou  Circajjîens  noirs ,  à  caufe  du 
tems  noir  &  toujours  couvert  qu'il  fait  dans  leur  pays. 

CARATURE ,  f.  f.  (  Chimie  ù  métall.  )  c'eft  ainli 
qu'on  appelle  le  mélange  de  parties  d'or  avec  des 
parties  ou  d'argent  feul ,  ou  d'argent  &  de  cuivre  , 
félon  une  certaine  proportion.  Ce  mélange  eft  defti- 
né  à  faire  les  aiguilles  d'efiai  pour  l'or.  Selon  que 
l'on  veut  avoir  un  plus  grand  nombre  d'aiguilles ,  & 
mettre  une  plus  grande  précifion  dans  l'eflai  de  l'or 
par  la  pierre  de  touche,  on  divife  le  marc  d'or  en  un 
plus  grand  nombre  de  parties  égales  :  fuppofons-le  , 
par  exemple ,  divife  en  vingt-quatre  parties  ,  l'or  pur 
fera  repréfenté  par  vingt-quatre  ;  l'or  le  plus  pur  après 
le  premier,  par  vingt-trois  parties  d'or,  &  par  une 
partie  d'argent  ;  l'or  le  plus  pur  après  le  précédent  , 
fera  repréfenté  par  vingt-deux  parties  d'or,  &  par 
deux  parties  d'argent  ;  ainfi  de  fuite.  Cette  diviiion 
du  marc  en  vingt-quatre  parties  eft  purement  arbi- 
traire ,  Se  l'on  auroit  pu  la  faire  ou  plus  petite  ou 
plus  grande.  S'il  n'entre,  dans  le  mélange  deftiné  à 
faire  les  aiguilles  d'efiai ,  que  de  l'or  &  de  l'argent  s 
il  s'appellera  carature  blanche.  S'il  y  entre  de  l'or ,  de 
l'argent  &  du  cuivre ,  il  s'appellera  carature  mixte. 

On  voit  par  rapport  à  la  carature  mixte ,  que  la  corn- 
binaiion  eft  double.  Exemple,  l'or  le  plus  pur  étant 
comme  vingt-quatre ,  celui  qui  fera  le  plus  pur  im- 
médiatement après  l'or  de  vingt-quatre ,  fera  allié ,  ou 
de  deux  parties  égales  d'argent  &  de  cuivre,  ou  de 
deux  parties  inégales  ;  &  dans  ce  fécond  cas  où  il  y 
a  inégalité,  ou  il  y  aura  deux  parties  d'argent  contre 
une  de  cuivre ,  ou  deux  parties  de  cuivre  contre  une 
d'argent  ;  ou  trois  parties  d'argent  contre  une  de  cui- 
vre ;  ou  une  partie  d'argent  contre  trois  de  cuivre  ; 
ainli  de  toutes  les  autres  combinaifons  d'alliage  d'ar- 
gent &  cuivre ,  dont  le  nombre  des  parties  prifes 
enfemble  doit  fervir  de  complément  à  celui  de  vingt- 
quatre  qui  repréfenté  l'or  pur. 

Obl'ervez  toutefois  que  quoique  la  divifion  du  marc 
d'or  pur  deftiné  à  taire  des  aiguilles  d'efiai,  l'oit  arbi- 
traire; elle  ne  peut  pourtant  être  poufTée  que  jufqu'à 
un  certain  point,  au-delà  duquel  les  altérations  de 
couleurs  occalionnées  par  l'alliage,  dans  les  traces 
des  aiguilles  fur  la  pierre  de  touche,  pafl'eroient  par 
des  nuances  fi  imperceptibles,  qu'on  ne  pourrait 
porter  aucun  jugement  du  degré  de  pureté  de  l'or 
éprouvé.  Voye^  Alliage. 

Le  mélange  deftiné  à  faire  les  aiguilles  d'efiai  pour 
l'argent  s'appelle  ligature.  Voye^  Ligature.  Vayt\  à 
V article  Essai  la  manière  de  faire  les  aiguilles  d'ef- 
iai pour  l'or  &  l'argent ,  Se  à  ï 'article  Pierre  celui  de 
Pierre-de-touche.  (— ) 

CARAVAIA  ,  {Géog.)  rivière  de  l'Amérique  mé- 
ridionale ,  qui  prend  la  fource  dans  le  Pérou. 

CARAVALLE,  voyc; Caravelle.      . 

CARAVANE , 


CAR 


CAR 


67* 


CARAVANE  ,  f.  f.  (  Hift.  mod.  )  dans  l'Orient, 
troupe  ou  compagnie  de  voyageurs  ,  marchands  ,  & 
pèlerins  qui ,  pour  plus  de  fureté,  marchent  ensemble 
pour  traverser  les  deferts ,  &  autres  lieux  dangereux 
infeflés  d'Arabes  ou  de  voleurs. 

Ce  mot  vient  de  l'Arabe  cairawan  ou  caïman ,  & 
celui-ci  du  Perfan  kerwan  ou  karwan ,  négotiant  ou 
commerçant.  Foye^  Périt!".  Ion.  mund.  éd.  Hyde,p. 
61. 

Les  marchands  élifent  entr'eux  un  chef  nommé  ca- 
ravan-bachi ,  qui  commande  la  caravane;  celle  de  la 
Mecque  efl  commandée  par  un  officier  nommé  Emir 
Adge ,  qui  a  un  nombre  de  janiffaires  ou  autres  mili- 
ces iuffilant  pour  la  défendre.  Ordinairement  ces 
troupes  de  voyageurs  marchent  plus  la  nuit  que  le 
jour ,  pour  éviter  les  grandes  chaleurs,  à  moins  que 
ce  ne  (bit  en  hy  ver  ;  alors  la  caravane  campe  tous  les 
foirs  auprès  des  puits  ou  ruiffeaux  qui  font  connus 
des  guides ,  &  il  s'y  obferve  une  difcipline  auffi  exadle 
qu'à  la  guerre.  Les  chameaux  font  ordinairement  les 
voitures  dont  on  fe  fert;  ces  animaux  fupportant  ai- 
fément  la  fatigue  ,  mangeant  peu ,  &  fur-tout  fe  paf- 
fant  des  trois  de  quatre  jours  de  boire.  On  les  atta- 
che à  la  file  les  uns  des  autres ,  &£  un  feul  chamelier 
en  mené  fept.  Les  marchands  &c  les  foldats  fe  tien- 
nent fur  les  ailes. 

Le  grand  feigneur  donne  la  quatrième  partie  des 
revenus  de  l'Egypte  pour  les  frais  de  la  caravane ,  qui 
va  tous  les  ans  du  Caire  à  la  Mecque  viiîter  le  tom- 
beau de  Mahomet  ;  cette  troupe  de  pieux  Mufulmans 
efl  quelquefois  de  40  à  70  mille  hommes ,  accompa- 
gnée de  les  foldats  pour  les  mettre  à  couvert  du  pil- 
lage des  Arabes ,  &  fuivie  de  huit  ou  neuf  mille  cha- 
meaux chargés  de  toutes  les  provifions  néceffaires 
pour  un  fi  long  trajet  à  travers  les  deferts.  Il  y  en 
vient  auffi  de  Maroc  &c  de  Perfe. 

Les  pèlerins  pendant  le  chemin  s'occupent  à  chan- 
ter des  verfets  de  l'Alcoran  ;  quand  ils  font  à  deux 
journées  de  la  Mecque  ,  dans  un  lieu  nommé  Rabak , 
ils  fe  dépouillent  tout  nuds  &  ne  prennent  qu'une 
ferviette  fur  leur  cou,  &  une  autre  autour  des  reins. 
Arrivés  à  la  Mecque ,  ils  y  demeurent  trois  jours  à 
faire  leurs  prières  &  à  vifiter  les  lieux  faints;  de-là 
ils  vont  au  Mont-Arafat  offrir  leur  corban  ou  facrifî- 
ce  ;  &  après  y  avoir  reçu  la  bénédi&ion  du  fcherif 
ou  prince  de  la  Mecque  ,  ils  fe  rendent  à  Médine , 
pour  honorer  le  tombeau  du  prophète. 

On  diilingue  en  Orient  les  journées,  en  journées 
de  caravanes  de  chevaux  ,  &  de  caravanes  de  cha- 
meaux ;  celles  de  chevaux  en  valent  deux  de  cha- 
meaux :  il  part  pluiieurs  caravanes  d'Alep  ,  du  Caire, 
&  d'autres  lieux,  tous  les  ans ,  pour  aller  en  Perfe, 
à  la  Mecque ,  au  Thibet.  Il  y  a  auffi  des  caravanes  de 
mer  établies  pour  le  même  fujet  ;  telle  efl  la  carava- 
nt  de  vaùTeaux  qui  va  de  Conllantinople  jufqu'à 
Alexandrie. 

On  appelle  auffi  caravanes ,  les  campagnes  de  mer , 
que  les  chevaliers  de  Malte  font  obligés  de  faire 
contre  les  Turcs  &  les  corlaires  ,  afin  de  parvenir  aux 
cominanderies  &  aux  dignités  de  l'ordre  :  on  les  nom- 
me de  la  forte ,  parce  que  les  chevaliers  ont  fouvent 
enlevé  la  caravane ,  qui  va  tous  les  ans  d'Alexandrie 
à  Conllantinople.  (G') 

CARAVANSERAI ,  f.  m.  (Hift.  mod.  )  grand  bâ- 
timent public  dclîiné  à  loger  les  caravanes.  Voye^_ 
Caravane. 

Ce  mot  vient  de  l'Arabe  cairawan  ou  du  Perfan  kar- 
wan, qui  fignifie  caravane  &  de  ferrai,  hôtel  ou  gran- 
de mailon  ,  c'efl-à-dire ,  hâtelerie  des  voyageurs. 

Ces  caravanferais ,  ou ,  comme  Chardin  les  appelle , 
caravanferails  ,  font  en  grand  nombre  dans  l'Orient , 
où  ils  ont  été  bâtis  par  la  magnificence  des  princes 
des  différais  pays. 

Ceux  dcSchiras  ce  de  Casbin  en  Perfe  pafient  pour 
Tome  II, 


avoir  coûté  plus  de  foixante  mille  écus  à  bâtir  ;  ils 
font  ouverts  à  tous  venans ,  de  quelque  nation  &  re- 
ligion qu'ils  foient ,  fans  que  f  on  s'informe  ni  de  leur 
pays ,  ni  de  leurs  affaires ,  &  chacun  y  ell  reçu  gratis. 
Les  caravanferais  font  ordinairement  un  valle  & 
grand  bâtiment  quarré ,  dans  le  milieu  duquel  fe  trou- 
ve une  cour  très-fpacieufe  :  fous  les  arcades  qui  l'en- 
vironnent, règne  une  efpece  de  banquette  élevée 
de  quelques  pies  au-deffus  du  rez  de  chauffée  ,  où 
les  marchands  &  voyageurs  fe  logent  comme  ils  peu- 
vent eux  &  leurs  équipages  ;  les  bêtes  de  fomme  étant 
attachées  au  pic  de  la  banquette.  Au-deffus  des  por- 
tes qui  donnent  entrée  dans  la  cour,  il  y  a  quelque- 
fois de  petites  chambres  que  les  concierges  des  cara- 
vanferais favent  louer  fort  cher  à  ceux  qui  veulent 
être  en  particulier. 

Quoique  les  caravanferais  tiennent  en  quelque  forte 
lieu  en  Orient  des  auberges ,  il  y  a  cependant  une 
différence  très-grande  entr'eux  &c  les  auberges  ;  c'efl 
que  dans  les  caravanferais ,  on  ne  trouve  ablblument 
rien  ni  pour  les  hommes  ni  pour  les  animaux ,  & 
qu'il  y  faut  tout  porter  ;  ils  font  ordinairement  bâtis 
dans  des  lieux  arides ,  flériles  &  deferts ,  où  l'on  ne 
peut  faire  venir  de  l'eau  que  de  loin  &  à  grands  frais  , 
n'y  ayant  point  de  caravanferai  fans  fa  fontaine.  Il  y 
en  a  auffi  plufieurs  dans  les  villes  où  ils  fervent  non- 
feulement  d'auberge  ,  mais  encore  de  boutique  ,  de 
magafin,  &  même  de  place  de  change. 

Il  n'y  a  guère  de  grandes  villes  dans  l'Orient ,  fur- 
tout  de  celles  qui  font  dans  les  états  du  grand  fei- 
gneur ,  du  roi  de  Perfe ,  &  du  Mogol ,  qui  n'ayent  de 
ces  fortes  de  bâtimens.  Les  caravanferais  de  Conllan- 
tinople ,  d'Ifpahan ,  &  d'Agra  ,  capitales  des  trois  em- 
pires ,  font  fur-tout  remarquables  par  leur  magnifi- 
cence &  leur  commodité. 

En  Turquie ,  il  n'efl  permis  qu'à  la  mère  &  aux: 
feeurs  du  grand  feigneur  ,  ou  aux  vifirs  &c  bâchas  qui 
fefont  trouvés  trois  fois  en  bataille  contre  les  Chré- 
tiens ,  de  fonder  des  caravanferais.  (G) 

CARAVANSERASKIER ,  f.  m.  (  Hift.  mod.  )  di- 
recteur ou  intendant,  chef  d'un  caravanferai.  l'oye^ 
Caravanserai. 

Dans  chaque  caravanferai  qui  fe  rencontre  furies 
routes  &C  dans  les  deferts  ,  il  y  a  un  caravanferaskier  ; 
dans  ceux  qui  font  fitués  dans  les  villes ,  &  deftinés 
à  ferrer  ou  à  étaler  les  marchandifes  ,  comme  dans 
celui  d'Ifpahan ,  il  y  a  auffi  un  officier  ou  garde  ma- 
gafin qu'on  appelle  caravanferaskier.  Il  répond  des 
marchandifes  dépofées  dans  le  caravanferai ,  moyen- 
nant un  certain  droit  ou  rétribution  qu'on  lui  paye. 
{G) 

CARAVELLE  ,  f.  f.  (Marine.)  c'efl  un  petit  bâti- 
ment Portugais  à  poupe  carrée  ,  rond  de  bordage  , 
&  court  de  varangue  ;  il  porte  jufqu'à  quatre  voiles 
latines  ,  ou  à  oreilles  de  lièvre,  outre  les  bourfets  & 
les  bonnettes  en  étui.  Ces  voiles  latines  font  faites 
en  triangle  ;  cette  forte  de  bâtiment  n'a  point  de  hu- 
ne ,  &£  la  pièce  de  bois  qui  traverfe  le  mât  efl  feule- 
ment attachée  près  de  fon  fommet.  Le  bout  d'embas 
de  la  voile  n'efl  guère  plus  élevé  que  les  autres  four- 
nitures du  vaiffeau  ;  au  plus  bas  il  y  a  de  groffes  pic- 
ces  de  bois  comme  un  mât ,  qui  font  vis-à-vis  l'une 
de  l'autre  ,  aux  côtés  de  la  caravelle,  &  s'amenuifent 
peu  à  peu  en  haut.  Les  caravelles  font  regardées  corn* 
me  les  meilleurs  voiliers  ;  elles  font  ordinairement  du 
port  de  1 20  à  140  tonneaux.  Les  Portugais  le  fervent 
de  ces  fortes  de  vaiffeaux  en  tems  de  guerre  pour 
aller  &  venir  en  plus  grande  diligence  ;  la  manœu- 
vre en  étant  facile  &C  tàifant  bien  toutes  les  évolu- 
tions. 

On  nomme  auffi  caravelle ,  fur  quelques  côtes  de 
France,  les  bâtimens  qui  vont  à  la  pèche  du  hareng 
fur  les  bancs  ;  ils  font  ordinairement  de  25  à  30  ton- 
neaux. Ceux  qui  font  dellinés  pour  la  même  pêche, 

QQqq 


674 


CAR 


qui  fe  fait  dans  la  Manche ,  s'appellent  trinquarts  ;  ils 
font  depuis  i  z  jufqu'à  1 5  tonneaux.  (Z) 

CARAY ,  (  Géog.  )  petite  île  d'Ecofîe  ,  l'une  des 
Wefternes ,  affez  fertile. 

CARBATINE ,  f.  f.  (  Chafe  )  on  donne  ce  nom  en 
«énéral  à  toute  peau  de  bête  nouvellement  écorchée. 
°  CARBEQUI ,  f.  m.  (  Commerce  )  monnoie  de  cui- 
vre fabriquée  à  Teflis ,  capitale  de  Géorgie ,  qui  vaut 
un  demi  -  chaoury ,  ou  trois  fous  quatre  deniers  ar- 
gent de  France.  f    ( 

C ARBONADE ,  f.  f.  (  Cuîfine  )  on  donne  en  gêne- 
rai ce  nom  à  toute  viande  que  l'on  fert  fans  autre 
apprêt,  que  de  l'avoir  expofée  au  feu  fur  le  gril.  Un 
pigeon  à  la  carbonaie ,  eft  un  pigeon  ouvert  par  l'ef- 
toniac  &  cuit  fur  le  gril.  Une  tranche  de  bœuf  à  la 
carbonade ,  c'eft  un  morceau  mince  de  cette  viande 
cuit  de  la  même  manière  ;  on  fait  quelquefois  une 
fauce  à  la  carbonade  ,  quelquefois  on  n'en  fait  point. 

CARBONILLA,  f.  f.  (Chimie)  on  nomme  ainfi 
au  Potofi ,  un  mélange  de  deux  parties  de  charbon , 
&  d'une  partie  de  terre  graffe,qu'on  humeûe  &  qu'on 
pétrit  enfemble  ,  jufqu'à  ce  que  ces  matières  loient 
bien  mêlées  &  bien  retournées  avec  lesmains,  qu'el- 
les s  unifient  parfaitement  entr'elles ,  ôcqu'elles  pa- 
roiffent  ne  faire  qu'un  même  corps  ;  cette  terre  ainfi 
préparée  ,  cette  carbonilla  fert  à  faire  des  vaiffeaux 
pour  les  effais  des  mines ,  pour  faire  les  catins.  Voy. 
Catin.  (M) 

CARBONIEN  (fedit)  ,  Hijl.  anc.  ediclum  Carbo- 
nianum  ;  étoit  dans  l'origine  un  décret  du  Préteur 
Cn.  Carbo ,  lequel  fut  dans  la  fuite  adopté  par  les 
empereurs  ;  qui  portoit  que  dans  le  cas  oii  on  difpu- 
toit  à  un  impubère  fa  qualité  de  fils  &  celle  ^d'héri- 
tier tout  enfemble ,  la  queftion  d'état  devoit  être  re- 
mife  après  fa  puberté ,  &t  celle  concernant  l'hérédité 
devoit  être  jugée  fans  délai  ;  &  au  cas  qu'il  y  eût 
lieu ,  la  fuccelïïon  adjugée  provifoirement  à  l'impu- 
bère ,  fauf  l'examen  de  la  queftion  d'état  après  la 
puberté. 

Or  il  falloit ,  pour  qu'il  y  eût  lieu  au  bénéfice  de 
Védit  Carbonien  ,  i°.  qu'il  s'agît  des  biens  paternels  & 
non  pas  des  maternels  :  20.  que  la  queftion  d'état  & 
celle  fur  l'hérédité  fuffent  mues  toutes  deux:  30.  & 
enfin  que  l'impubère  n'eût  été  ni  inftitué  ni  deshérité. 

CARBOUILLON,  f.  m.  (terme de  Finances.)  eft 
un  droit  des  falines  de  Normandie ,  dont  il  eft  fait 
mention  dans  l'ordonnance  des  Gabelles.  Ce  droit 
eft  la  quatrième  partie  du  prix  du  fel  blanc  qui  s'y 
fabrique.  (H) 

CARBURY  ou  CARBER,  (Géog.)  petite  ville 
d'Irlande ,  dans  la  province  de  Leinfter ,  au  comté 
de  Kildare  ,  fur  la  Boyne. 

CARCAGNOLES  ,  fub.  f.  (  Soierie  )  ;  c'eft  ainfi 
que  les  Piémontois  appellent  des  efpeces  de  petites 
crapaudines  de  verre ,  fur  lefquelles  tournent  les  fu- 
feaux  des  moulins  ,  foit  à  ovaler ,  foit  à  organciner 
la  foie.  Voye{  à  C  article  Soie  ,  le  moulin  à  tordre  les 
foies;  &  à  t 'article  Fil,  le  moulin  ou  ovale  à  tordre  le  fil. 

CARCAJOU,  CARCAJOUX  ou  CARCAIOU, 
f.  m.  (Hijl.  nat.  Zoolog.)  animal  quadrupède  de  l'A- 
mérique feptentrionale  ;  il  eftearnacier ,  &  il  habite 
les  cantons  les  plus  froids  ;  il  pefe  ordinairement  de- 
puis vingt-cinq  jufqu'à  trente-cinq  livres  ;  il  a  envi- 
ron deux  pies  depuis  le  bout  du  mufeau  jufqu'à  la 
queue ,  qui  peut  avoir  huit  pouces  de  longueur  :  la 
tête  eft  fort  courte  &  fort  grofle  à  proportion  du 
refte  du  corps  :  les  yeux  font  petits,  les  mâchoires 
très-fortes  &  garnies  de  trente-deux  dents  ,  dont  il 
y  en  a  treize  molaires ,  quatre  canines ,  qui  font  très- 
longues ,  &  douze  incilives ,  qui  font  courtes ,  étroi- 
tes ,  épaiffes ,  &c  fort  tranchantes  :  les  jambes  font 
fort  courtes  ;  il  y  a  cinq  doigts  dans  chaque  pié ,  &  des 
ongles  crochus ,  très-forts ,  &  très-pointus  :  le  poil  a 


CAR 

quatorze  ou  quinze  lignes  de  longueur  ;  il  eft  de  plu- 
sieurs couleurs ,  noir ,  roux  ,  blanc  ,  &c.  Cet  animal 
eft  très-fort  ôt  très-furieux ,  quoiqu'il  foit  petit  ;  il 
eft  fi  lent  &  fi  pelant ,  qu'il  fe  traîne  fur  la  neige  plu- 
tôt qu'il  ne  marche,  auffi  ne  peut-il  attraper  en  mar- 
chant que  le  caftor.  En  hyver  il  brile  &  démolit  la 
cabane  du  caftor  :  mais  celui-ci  y  eft  rarement  fur- 
pris  ,  parce  qu'il  a  la  retraite  afiûrée  fous  la  glace. 
La  chafle  qui  rend  le  plus  au  carcajou ,  eft  celle  de 
l'orignac  6c  du  caribou.  Dans  l'hyver ,  lorfqu'il  y  a 
de  la  neige  de  cinq  ou  fix  pies  de  hauteur ,  l'orignac 
fe  fait  des  chemins  dans  les  endroits  où  il  trouve  la 
nourriture  qui  lui  eft  convenable  ;  c'eft  dans  ces  che- 
mins qu'il  eft  attaqué  par  le  carcajou ,  qui  monte  fur 
un  arbre  ,  attend  l'orignac  au  partage  ,  s'élance  fur 
lui ,  tk.  lui  coupe  la  gorge  en  un  moment  ;  c'eft  en 
vain  que  l'orignac  fe  couche  par  terre ,  fe  frotte  con- 
tre les  arbres,  ôc.fait  des  efforts  affez  violens  pour 
y  laifler  des  morceaux  de  fa  peau  larges  comme  la 
main  ;  rien  n'elt  capable  de  faire  lâcher  prife  au  car* 
cajou.  Il  tue  le  caribou  de  la  même  façon  ,  &  il  a  beau- 
coup d'autres  rufes  ;  il  détend  les  pièges ,  &  enfuite 
il  mange  l'appât  fans  péril.  M.  Sarralin,  Hijl.  de  VA- 
cad.  roy.  des  Scienc.  année  iyij.   (I) 

CARCAISE,  fub.  f.  (Verrerie.)  c'eft  un  fourneau 
particulier  aux  manufactures  en  glaces  &  en  cryftal, 
où  l'on  prépare  les  frites  deftinées  à  ces  ouvrages , 
&  qui  font  propres  à  quelques  autres  opérations  rela- 
tives aux  frites,  y.  les  articles  GLACE  &  CRYSTAL. 

CARCAN  ,  f.  m.  eft  un  poteau  planté  en  terre, 
avec  un  collier  de  fer  attaché  à  hauteur  d'homme , 
à  quoi  on  attache  par  le  cou  des  malfaiteurs  qu'on 
ne  juge  pas  dignes  de  mort ,  pour  les  punir  d'un  délit 
qui  marque  de  la  bafleffe  d'ame,par  la  confufion.  La 
plupart  de  ceux  qu'on  attache  au  carcan ,  ont  été  au- 
paravant fuftigés  par  le  bourreau ,  &  marqués  d'un 
fer  chaud  ,  &c  font  fouvent  enfuite  ou  bannis  ou  en- 
voyés aux  galères.  (H) 

CARCANOSSI ,  (  Géog.  )  province  d'Afie  ,  dans 
l'île  de  Madagafcar ,  au  midi  de  la  rivière  de  Mata- 
nengha. 

CARCARANNE  ou  CARCARAVAL  ,  (Géog.  ) 
rivière  de  l'Amérique  méridionale  ,  au  Paraguai , 
qui  fe  jette  dans  la  Plata. 

*  CARCAPULI,  (Hijl.  nat.  bot.)  c'eft  une  efpece 
d'oranger  de  Malabar  ,  grand  &  gros  à  proportion, 
que  deux  hommes  peuvent  à  peine  embraffer:  les  feuil- 
les font  par  paires  le  long  des  branches ,  au  bout  def- 
quelles  il  y  a  des  fleurs  tetrapétales ,  jaunâtres ,  fans 
odeur ,  &  d'un  goût  aigrelet  :  le  calice  eft  à  quatre 
pièces  pâles  &  concaves  ;  le  fruit  pend  à  un  pédi- 
cule d'un  pouce  de  long  ;  il  eft  gros  ,  rond,  divifé  en 
huit  ou  neuf  côtes  ,  gonflées  à  leurs  extrémités  :  il 
eft  d'abord  verd ,  il  jaunit ,  &  finit  par  être  blanc  :  il 
eft  d'une  acidité  agréable  ;  fa  graine  eft  oblongue  , 
un  peu  plate  ,  d'une  couleur  d'azur  foncé ,  &  logée 
au  centre  de  la  pulpe.  Il  fe  mange  ;  il  fe  tranfporte 
feché  ,  &  on  lui  attribue  plufieurs  propriétés  médi- 
cinales. Voye^  Ray. 

CARCASSE  ,  f.  f.  (Anatomie.)  c'eft  proprement 
le  fquelete  d'un  animal ,  ou  le  corps  mort  de  cet  ani- 
mal ,  tel  qu'il  eft  lorfque  la  chair  en  eft  enlevée ,  brû- 
lée ou  deflechée.  Voye$_  Squelete. 

C'eft  ainfi  qu'on  dit  :  on  voyoit  long-tems  après  la- 
bataille  les  carcajfes  des  Jbldats  ,  des  chevaux  ,  &c. 

Carcajfe  d'un  oifeau  ,  d'une  poularde ,  d'une  per- 
drix ,  d'un  levraud ,  d'un  lapin,  &c.  c'eft  ce  qui  refte 
après  qu'on  en  a  enlevé  les  quatre  membres ,  favoir, 
les  cuiffes  &  les  ailes. 

On  dit  auflî ,  en  Architeclure  &  en  Charpenterie ,  la 
carcajfe  d'un  bâtiment;  elle  comprend  les  folives ,  les 
poutres ,  les  cloifons  ,  les  planchers ,  &c  &  c'en  eft 
proprement  l'aflemblage  coniîdéré  indépendamment 
des  murs  qui  l'environnent ,  des  tuiles  ou  ardoiles  qui 


CAR 

îc  couvrent ,  &  des  autres  matières  qu'on  y  applique} 
foit  pour  le  confolider ,  foit  pour  l'orner. 
Carcasse.  Voye^  Parquet. 
CARCASSE  de  navire,  (Marine.')  c'eftle  corps  du 
vaiffeau  qui  n'eft  point  bordé ,  &:  dont  toutes  les  pic- 
ces  du  dedans  paroiffent  au  côté ,  comme  tous  les  os 
d'une  carcaJJ'e.  (Z  ) 

Carcasse  :  les  artificiers  appellent  ainii  une  ma- 
chine ou  efpecé"de  bombe ,  ovale ,  rarement  fphéri- 
que  ,  compofée  de  deux  cercles  de  fer  paffés  l'un  fur 
l'autre  en  croix ,  en  forme  d'ovale,  avec  un  culot  de 
fer ,  le  tout  prefque  de  la  même  figure  que  font  cer- 
taines lanternes  d'écurie.  On  difpofe  en-dedans ,  fé- 
lon la  capacité  de  la  carcaffe,  de  petits  bouts  de  canon 
à  moufquet,  chargés  de  balles  de  plomb  ;  de  petites 
grenades  chargées ,  du  calibre  de  deux  livres ,  &  de  la 
poudre  grenée;  on  couvre  le  tout  d'étoupe  bien  gou- 
dronée ,  6c  d'une  toile  forte  6c  neuve  par-deffus  ,  à 
laquelle  on  fait  un  trou  pour  placer  la  fufée  qui  ré- 
pond au  fond  de  l'ame  de  la  carcajfe.  On  la  jette  avec 
un  mortier,  pour  mettre  feu  aux  maifons  6c  pour  pro- 
duire d'autres  pareils  effets. 

On  a  donné  à  cette  machine  le  nom  de  carcaffe , 
parce  que  les  cercles  qui  la  compofent  repréfentent 
en  quelque  forte  les  cotes  d'un  cadavre  humain. 

On  prétend  que  les  carcajjes  turent  inventées  vers 
l'an  1672,  6c  que  les  François  en  firent  ufage  dans  la 
guerre  qu'il  y  eut  alors  entre  la  France  6c  la  Hollande. 
La  carcajje  pefoit  environ  20  livres  ;  elle  avoit  1 2 
pouces  de  hauteur  &  10  pouces  de  diamètre  par  le 
milieu.  L'ufage  en  efl  pour  ainfi  dire  aboli ,  parce 
qu'on  a  remarqué  qu'elle  ne  faifoit  guère  plus  d'effet 
que  la  bombe ,  &  qu'elfe  étoit  d'une  plus  grande  dé- 
penfe .  Voye^  B  O  M  B  e  .  (  Q  ) 

CARCASSE,  en  terme  de  Marchand  de  modes,  font 
des  branches  de  fil  de  fer ,  couvertes  d'un  cordonnet, 
&  foùtenues  toutes  par  une  traverfe  commune  à  la- 
quelle elles  aboutiffent.  Ces  carcajfes  fervent  à  mon- 
ter les  bonnets ,  à  en  tenir  les  papillons  étendus ,  &c 
à  empêcher  qu'ils  ne  fe  chiffonent. 

CARCASSEN,  (Géog.)  ville  d'Efpagne,  dans  le 
royaume  de  Valence  ,  dans  la  vallée  de  Xucar. 

CARCASSEZ  (le)  Géog.  petit  pays  de  France , 
au  bas  Languedoc  ,  dont  Carcaffone  eu  la  capitale. 

CARCASSONE,(<SVo£.)  villede France,  en  Lan- 
guedoc :  il  y  a  beaucoup  de  manufactures  de  draps  ; 
elle  elt  fur  l'Aude.  Lon^it.  zod.  0'.  49".  lot.  ^jd. 
10'.  5i\ 

CARCHI,  (Géog.)  petite  île  très-fertile,  dans  la 
mer  Méditerranée,  près  de  celle  de  Rhodes. 

CARCINOME ,  f.  m.  y.a.pnitû>/xa ,  termede  Médecine, 
fynonyme  à  cancer.  Ce  mot  vient  de  «ape/roc,  cancer, 
ecreviffe.  Voye{  Cancer. 

CARCUNAH ,  (  Géog.  )  ville  d'Afrique ,  dans  la 
province  de  Berbcra  en  Barbarie  Éthiopique. 

CARDAILLAC  ou  CARDILLAC ,  (Géog.)  petite 
ville  de  France,  dans  le  Quercy. 

CARDAIRE,  f.  f.  (Hijl.  nat.  Ichlh.)  raiafpinofa, 
poiffon  tic  mer  du  genre  des  raies  :  il  efl  heriflé  d'ai- 
guillons à  peu  près  comme  des  cardes  avec  lelqucl- 
les  on  carde  la  laine ,  c'eft  pourquoi  on  lui  a  donné 
le  nom  de  cardaire.  Il  a  des  aiguillons  non-feulement 
fur  les  nageoires,  comme  la  raie  appellée  ronce,  mais 
encore  fur  les  côtés  de  la  tête  ,  devant  les  yeux  ,  fur 
le  dos,  &c.  Rondelet.  V&ye^  Raie.  (I) 

CARDA  MINE,  fub.  f.  (/////.  nat.  bot.)  genre 
de  plante  ,  dont  la  fleur  cftcompolée  de  quatre  feuil- 
les difpofées  en  croix.  Le  piftil  fort  du  calice  ec  de- 
vient dans  la  fuite  un  fruit  ou  une  filique  compofée 
de  deux  lames  on  panneaux  appliqués  lur  les  bords 
d'une  cloifon,  qui  divife  la  filique  en  deux  loges  rem- 
plies de  quelques  femences  arrondies  pour  l'ordinai- 
re. Ajoutez  aux  caractères  de  ce  genre ,  que  les  lames 
Tome  II, 


C  A  Ri 


ۥ7  y 


df?s  filiques  fe  recoquillent  par  une  efpece  de  1 1 
fe  roulent  en  volute,  6c  répandent  les  femences  d* 
part  6c  d'autre  avec  allez  de  force,  Tournefort,  InJL 
rciherb.   FÔy^PLANTE,  (I) 

La  cardamine  ofpc.  Gain,  etnai.  Z.jf).  reffemble 
fort  au  creflbn  de  fontaine,  6c  en  a  a, peu  près  les 
propriétés  ;  elle  efl  échauffante  ,  &  bonne  contre  lé 
feorbut  ;  elle  fe  donne  à  la  place  du  creflon  de  fon- 
taine. On  l'employé  rarement  d'ans  les  boutiques. 
Miller  Bot.  of.  (N) 

*  CARDAMOME  ,  f.  m.  (TTifi.  nat.  bot.)  carda- 
momum  ;  le  meilleur  vient  de  Comagene  ,  d'Armé- 
nie ,  6c  du  Bofphore  ;  il  en  croit  auffi  dans  l'Inde  6c 
dans  l'Arabie  :  il  faut  préférer  c-dui  qui  efl  plein  ,  bien" 
ferme  ,  6c  difficile  à  rompre  ;  celui  qui  manque  de 
ces  qualités  efl  vieux.  Le  bon  çtydtùnpme  doit  avoir 
l'odeur  forte ,  6c  le  goût  acre  6c  un.peu  amer. 

On  en  distingue  de  quatre  elpeces  ;  le  cardamome 
proprement  dit ,  dont  nous  Venons  de  parler  i  le  ma- 
ximum, le  majus ,  6c  le  mir:us. 

Le  maximum ,  qu'on  appelle  aulïï  graine  de  para- 
dis ,  a  les  grains  quarrés ,  angulaires,  d'un  rouge 
brun,  blancs  en-dedans ,  d'une  faveur  chaude  &  mor- 
dicante ,  mais  moins  aromatique  que  le  cardamome 
proprement  dit  :  la  coffe  qui  renferme  les  grains  efl 
à  peu  près  fphérique;  elle  vient  de  Guinée:  l'arbre 
qui  la  porte  efl  inconnu.  Les  grains  de  cardamomum 
maximum  ,  ou  grains  de  paradis  ,  font  chauds ,  del- 
ficcatifs ,  &  ont  à  peu  près  Jes  mêmes  qualités  que  le 
poivre. 

Le  majus  ou  grand  cardamome  a  la  coffe  longue  ,  à 
peu  près  triangulaire,  le  grain  cornu,  rouge ,  l?i un, 
chaud >  6c  aromatique;  il  vient  de  l'île  de  Java.  On 
n  en  tire  guère ,  parce  qu'il  n'eft  plus  d'ufaçe  en  Mé- 
decine. 

Le  minus ,  ou  cardamome  commun ,  a  la  coffe  trian- 
gulaire ,  fur  une  tige  courte ,  coriace ,  flriée ,  &  con- 
tenant des  grains  petits,  angulaires,  chauds,  épi- 
ces.  On  l'apporte  des  Indes  orientales  :  la  plante  qui 
le  produit  elt  inconnue. 

On  attribue  à  tous ,  mais  fur-tout  à  ce  dernier  dont 
op  tait  beaucoup  d'ufage  en  Médecine,  les  propriétés 
d'échauffer,  de  fortifier ,  d'aider  la  digeltion  ,  d'être 
bienfaifant  à  l'eltomac  &:  aux  vifeeres  ,  de  chaffer 
les  vents  ,  de  foulager  dans  les  maux  de  nerfs  6c  de 
tête  ,  de  provoquer  les  urines  6c  les  règles,  &  de  difi- 
iiper  la  jauniffe. 

CARDAN  (Philofophie  de).  Jérôme  Cardan ,  Mi- 
lanois,  naquit  le  premier  Octobre  1508;  il  fut  pro- 
teffeur  en  Médecine  dans  prefque  toutes  les  Acadé- 
mies d'Italie.  En  1 5  70  il  fut  mis  en  prifon;  &  en  étant 
forti  il  alla  à  Rome,  où  le  pape  lui  donna  une  pen- 
fion.  On  remarqua  une  étrange  inégalité  dans  les 
mœurs  ,  &  fa  vie  a  été  remplie  de  différentes  aven- 
tures qu'il  a  écrites  lui-même  avec  une  l'implicite  ou 
une  liberté  qui  n'eft  guère  en  uiage  parmi  les  siens  de 
lettres.  En  effet  il  paroît  n'avoir  compofé  l'niltoire 
de  fil  vie,  que  pour  inltruire  le  public  qu'on  peut 
être  fou  6c  avoir  beaucoup  de  génie.  Il  avoue  égale- 
ment tes  bonnes  ce  les  mauvaifes  qualités.  Il  femble 
avoir  tout  facrifie  au  dt  tir  d'être  linccre  ;  &  cette 
lincérité  déplacée  va  toujours  à  ternir  fa  réputation. 
Quoiqu'un  auteur  ne  fe  trompe  guère  quand  ii  parle 
de  fes  mœurs  &  de  les  fentimens,  on  elt  cependant: 
affez  difpofé  à  contredire  Cj-dûn  ,  6c  à  lui  rèfyfei  t< 
te  créance ,  tant  u  femble  difficile  que  la  nature 
pu  former  un  caractère  auflî  capricieux  Csi  auf£  iné- 
gal que  le  lien.  11  fe  felicitoit  de  n'avoir  aucun  ami 
lui  la  terre,  mais  en  revanche  d'avoir  un  efprit  aé- 
rien mi-parti  de  Saturne  \  de  Mercure,  qui  le  . 
duifoit  (ans  relâche  ,  Cx:  l'avefl 

voirs.  Il  nous  apprend  encore  qu'il  étdit  li  inégal  dans 
lbn  marcher,  qu'on  le  prenoit  fans  doute  pour  un 
fou.  Quelquefois  il  nurchoit  fort  lentement.   . 

Q  Q  q  q  >j 


6f6 


CAR 


homme  qui  étoit  dans  une  profonde  méditation  ;  & 
puis  tout  d'un  coup  il  doubloit  le  pas  avec  des  poftu- 
res  bifarres.  Il  fe  plaifoit  dans  Bologne  à  fe  promener 
fur  un  chariot  à  trois  roues.  Enfin  on  ne  fauroit 
mieux  repréfenter  la  fingularité  de  ce  Philolbphe 
que  par  ces  vers  d'Horace,que  Cardan  avoue  lui  con- 
venir très-bien. 

Nil  cequale  homlni  fuit  Mi  :  fœpe  vdut  qui 
Currebat  fugiens  hojlem ,  perfcepe  vdut  qui 
Junonis  facra  ferret  :  habebat  fxpt  ducentos  , 
Scepe  decemfervos ,  &C 

Quand  la  nature  ne  lui  faifoit  pas  fentir  quelque 
douleur  ,  il  fe  procurait  lui-même  ce  fentiment  defa- 
gréable ,  en  fe  mordant  les  lèvres ,  &  en  fe  tirail- 
lant les  doigts  jufqu  a  ce  qu'il  en  pleurât.  Il  n'enufoit 
ainfi,  difoit-il ,  que  pour  tempérer  des  faillies  ou  des 
impétuofités  d'efprit  fi  violentes  ,  qu'elles  lui  étoient 
plus  infupportables  que  la  douleur  même ,  &  pour 
mieux  goûter  enfuite  le   plaifir  de  la  fanté.  Enfin 
Cardan  afïïire  qu'il  étoit  vindicatif,  envieux,  traî- 
tre ,  forcier  ,  médifant,  calomniateur,  abandonné 
aux  plus  fales  &  plus  exécrables  excès  que  l'on  puiiTe 
imaginer.  D'un  autre  côté ,  il  n'y  a  jamais  eu  perfon- 
ne  qui  ait  eu  fi  bonne  opinion  de  foi-même ,  &  qui  fe 
foit  tant  loiié  que  Cardan.  Voici  quelques-uns  des 
éloges  qu'il  fe  donne.  «  Nous  avons  été  admirés  de 
»  plufieurs  peuples.  On  a  écrit  une  infinité  de  choies 
»  à  ma  louange ,  tant  en  vers  qu'en  profe.  Je  fuis  ne 
»  pour  délivrer  le  monde  d'une  infinité  d'erreurs.  Ce 
»  que  j'ai  inventé  n'a  pu  être  trouvé  par  aucun  de 
»  mes  contemporains  ,  ni  par  ceux  qui  ont  vécu 
»  avant  moi  ;  c'eft  pourquoi  ceux  qui  écrivent  quel- 
»  que  choie  digne  d'être  dans  la  mémoire  des  hom- 
»mes,  n'ont  pas  honte  d'avouer  qu'ils  le  tiennent 
»  de  moi.  J'ai  fait  un  livre  de  diale&ique  oii  il  n'y  a 
>»  pas  une  lettre  de  fuperflue  ,  &c  où  il  n'en  manque 
»  aucune.  Je  l'ai  achevé  dans  fept  jours ,  ce  qui  fem- 
»•  ble  un  prodige.  A  peine  fe  trouvera-t-il  quelqu'un 
»  qui  puiiTe  fe  vanter  de  l'avoir  bien  entendu  dans 
»>  un  an  ;  &  celui  qui  l'aura  compris  iemblera  avoir 
»  été  inlîruit  par  un  démon  familier. Natura  mea  in  ex- 
»  tremitate  humanœfubjlantix  conditionifque  ,  &  in  con- 
»fnio  immortalium  pofita  ». 

Si  l'on  coniidere  dans  Cardan  les  qualités  d'efprit, 
on  ne  fauroit  nier  qu'il  ne  fût  orné  de  toutes  fortes 
de  connoiiTances ,  &  qu'il  n'eût  fait  plus  de  pro- 
grès dans  la  Philofophie ,  dans  la  Médecine ,  dans 
F'Aflronomie  ,  dans  les  Mathématiques  ,  &c.  que  la 
plupart  de  ceux  mêmes  qui  de  l'on  tems  ne  s'é- 
toient  appliqués  qu'à  une  feule  de  ces  feiences.  Sca- 
liger ,  qui  a  écrit  contre  Cardan  avec  beaucoup  de 
chaleur  ,  avoue  qu'il  avoit  un  ei'prit  très-profond , 
très-heureux ,  &  même  incomparable  ;  de  forte  qu'on 
ne  peut  s'empêcher  de  convenir  que  ion  ame  ne  tût 
d'une  trempe  finguliere.  Voyt{  Algèbre. 

Quelques-uns  l'ont  aceufé  d'impiété  ,  &  même 
d'athéifme  :  en  effet ,  dans  fon  livre  de  Subtilitate ,  il 
rapporte  quelques  dogmes  de  diverfes  religions,  avec 
les  argumens  dont  on  les  appuie  ;  il  propofe  les  rai- 
fons  des  Payens ,  des  Juifs ,  des  Mahométans ,  &  des 
Chrétiens  ;  mais  celles  des  Chrétiens  font  toujours 
les  moins  fortes  :  cependant  en  lifant  le  livre  que 
Cardan  a  compoié  de  Vitdpropriâ,  on  y  trouve  plus  le 
caractère  d'un  homme  fiiperftitieux,  que  celui  d'un 
efprit  fort.  Il  eft  vrai  qu'il  avoue  qu'il  n'étoit  guère  dé- 
vot ,  parum  plus  ;  mais  il  allure  auffi  qu'encore  que 
naturellement  il  fait  très-vindicatif,  il  négligeoit  de 
fe  vanger  quand  l'occafion  s'en  préfentoit  ;  il  le  négli- 
geoit ,  dis-je,  par  refpedt  pour  Dieu  ,  Dei  ob  venera- 
tionem.  Il  n'y  a  point  de  prière ,  dit-il ,  qui  vaille  le 
culte  que  l'on  rend  à  Dieu ,  en  obéiifant  à  ia  loi  con- 
tre le  plus  fort  penchant  de  la  nature.  Il  fe  vante  d'a- 
voir refufé  d'Edouard ,  roi  d'Angleterre  ,  une  fom- 


CAR 

me  confidérable  que  ce  prince  lui  offrait ,  à  condi- 
tion qu'il  lui  donnerait  les  titres  que  le  pape  lui  avoit 
ôtés.  Enfin  on  ne  peut  rien  voir  de  plus  lolide  ni  de 
plus  fage  que  les  réflexions  qu'il  fait  dans  fon  cha- 
pitre xxij.  où  il  expofe  fa  religion.  La  railon  de 
ion  goût  pour  la  loiitude  fent-elle  l'impie  ?  Quand 
je  fuis  Jeu/ ,  difoit-il ,  je  fuis  plus  qu'en  tout  autre  tems 
avec  ceux  que  f  aime  ,  Dieu  &  mon  bon  ange. 

Cardan  avoit  un  eiprit  vaife  &  de*i  cglé  ,  plus  har- 
di que  judicieux ,  plus  amoureux  de  l'abondance  que 
du  choix.  La  même  bifarrerie  qu'il  avoit  dans  fa  con- 
duite paroit  dans  la  compoiîtion  de  fes  ouvrages. 
Nous  avons  de  cet  auteur  une  multitude  d'écrits ,  où 
l'obfcurité  &  les  digreffions  arrêtent  le  le£tcur  à  cha- 
que pas.  On  trouve  dans  ion  arithmétique  plufieurs 
difeours  fur  le  mouvement  des  planètes ,  fur  la  créa- 
tion ,  fur  la  tour  de  Babel.  Il  y  a  dans  fa  dialectique 
un  jugement  fur  les  hiltoriens  i  &  fur  ceux  qui  ont 
compoié  des  lettres.  Il  avoue  qu'il  faifoit  des  digrcl- 
fions  afin  de  remplir  plutôt  la  teuille  ;  car  ion  mar- 
ché avec  le  libraire  étoit  à  tant  par  feuille  ;  &  il  ne 
travailloit  pas  moins  pour  avoir  du  pain  que  pour 
acquérir  de  la  gloire.  C'eft  lui  qui  a  réveillé  dans  ces 
derniers  fiecles  toute  cette  philofophie  fecrete  de  la 
cabale  &  des  cabaliftes ,  qui  rempliiToit  le  monde 
d'efprits  ;  auxquels  Cardan  prétendoit  qu'on  pouvoir, 
devenir  femblable ,  en  fe  purifiant  par  la  Philofo- 
phie. Voyc^  Cabale. 

Cardan  avoit  pris  cette  belle  devife  ,  tempus  mea 
pojfefjio  ,  tempus  ager  meus  ;  le  tems  eft  ma  richeiTe, 
c'elt"  le  champ  que  je  cultive.  Voye^  Bayle,  d'où  l'on" 
a  tiré  quelques  traits  de  la  vie  de  ce  philolbphe.  (C) 
CARDANO  ,  (  Gèog.  )  petite  ville  d'Italie  au  du- 
ché de  Milan  ,  fur  l'Ame. 

CARDASSE,  voyei Raquette. 
CARDE  ,  i»  f.  en  terme  de  Cardeur  de  laine ,  eft  un 
infiniment  ou  une  efpece  de  peigne  compoié  de  mor- 
ceaux de  fils  de  fer  aigus  ,  courbés  ,  &  attachés  par 
le  pié  l'un  contre  l'autre  ,  6c  par  rangées  fort  preifées, 
Voye^  à  l'article  Cardier  la  manière  dont  on  les 
fait ,  avec  leurs  différentes  efpeces;  &  à  Y  article  Lai- 
ne &  Draperie  ,  leur  ufage. 

♦  CARDE A  ,  f.  f.  (  Myth.  )  déefle  qui  préfidoit 
chez  les  Romains  aux  gonds  des  portes.  On  dit  que 
Janus  lui  donna  cette  intendance  en  réparation  d'u- 
ne injure  qu'il  lui  avoit  faite. 

CARDÉE,  f.  f.  les  Cardeurs  appellent  ainfi  la 
quantité  de  laine  ou  de  coton  qu'on  a  levé  à  chaque 
fois  de  deiïïis  les  deux  cardes,  après  qu'en  les  a  tirées 
&  pafiées  à  plufieurs  repriies  l'une  fur  l'autre. 

CARDER,  terme  de  Cardeur ,  lignifie  l'a&ion  de 
préparer  la  laine ,  en  la  faifant  palier  entre  les  pointes 
de  fer  de  deux  inllrumens  qu'on  nomme  cardes , 
pour  la  peigner  ,  en  démêler  le  poil ,  &  la  mettre 
en  état  d'être  filée ,  ou  employée  à  divers  ouvrages 
qu'on  fe  propoie  d'en  faire.  Voye^  Laine  &  Dra- 
perie. 

CARDER ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  PEcofTe  mé- 
ridionale ,  dans  la  province  de  Lothian. 

CARDES  ,  f.  f.  pi.  (Hift.  nat.  &  Jard.  )  beta  ;  if 
y  a  deux  fortes  de  cardes ,  celles  d'artichaut ,  &  les 
cardes  poirées. 

Les  cardes  d'artichauts  ne  font  autres  que  les  côtes 
ou  feuilles  de  l'artichaut  que  l'on  enveloppe  de  paille 
ou  de  vieux  fumier  dans  toute  leur  longueur  ,  excep- 
té le  bout  d'en-haut  :  lorfqu'elles  font  blanchies  elles 
perdent  leur  amertume.  On  choifit  les  vieux  pies 
qu'on  veut  ruiner,  &  on  les  tient  enveloppés  bien 
droit  de  peur  qu'ils  ne  crèvent  fur  un  des  côtés.  Il  y 
a  des  Jardiniers  qui  pour  les  mieux  aiTûrer  contre  le 
vent ,  les  buttent  entièrement  comme  le  céleri. 

Les  cardes  poirées  le  replantent  au  mois  d'Avril  & 
de  Mai  :  ce  ne  font  que  les  pies  de  poirée  replantés 
en  planche  ,  qui  pouffent  de  grandes  fanes ,  ayant 


CAR 


CAR 


C-n 


dans  le  milieu  un  coton  blanc  &  épais  ;  &  ce  coton 
eft  la  véritable  tard»  qui  iért  aux  potages  &  aux  en- 
tremets; 

On  les  cultive  l'une  &  l'autre  comme  les  arti- 
chauts ,  &  elles  le  multiplient  de  graine  qui  relTemble 
à  celle  de  la  beterave.   (A') 

C ARDEUR,  fa  m.  ouvrier  qui  carde  la  laine  ,  le 
coton,  la  bourre,  &c  f^oye^  a  l'article  Draperie 
leur  fonction. 

La  communauté  des  Cardans  de  Paris  eft  afTez  an- 
cienne ;  les  ftatuts  ou  réglcmens  ont  été  confirmés 
par  lettres  patentes  de  Louis  XI.  du  24  Juin  1467, 
&  depuis  par  autres  de  Louis  XIV.  du  mois  de  Sep- 
tembre 1688  ,  &  enregiftrées  au  parlement  le  iz  Juin 
1691. 

Par  ces  ltatuts  &  réglemens  ,  les  maîtres  de  cette 
communauté  lont  qualifiés  Cardeurs  ,  Peigneurs  ,  Ar- 
çonneurs  de  laine  &  cocon  ,  Drapiers  drapans  ,  Coupeurs 
de  poil ,  Fileurs  de  lumignons ,  &c. 

Aucun  ne  peut  être  reçu  maître  qu'après  trois  ans 
d'apprentiflage  *  &  un  de  compagnonage  ,  &  fans 
avoir  fait  le  chef-d'œuvre  preferit  par  les  jurés. 

Il  y  a  toujours  à  la  tête  de  la  communauté  des  Car- 
deurs trois  jurés  en  charge  ,  établis  pour  veiller  &  ré- 
former les  abus  &  malverfations  qui  peuvent  s'in- 
troduire dans  le  métier,  &  défendre  les  intérêts  de 
la  communauté.  L'élection  des  jurés  le  fait  d'année 
en  année  ;  lavoir ,  la  première  de  deux ,  ôc  la  drivan- 
te du  trûiiîeme. 

Outre  le  pouvoir  attribué  aux  maîtres  Cardeurs  de 
Paris ,  de  carder  &  peigner  la  laine  ou  le  coton  ,  de 
couper  toute  forte  de  poil,  de  faire  des  draps,  &c. 
ils  ont  encore ,  fuivant  ces  mêmes  ft atuts ,  celui  de 
faire  teindre  ou  de  teindre  dans  leurs  rnailons  tou- 
te forte  de  laine  ,  en  noir  ,  mule  ,  &  brun  :  mais  il 
leur  eft  défendu  par  arrêt  du  confeil  du  Roi  du  10 
Août  1700  ,  d'arracher  ou  couper  aucun  poil  de  liè- 
vre ,  même  d'en  avoir  des  peaux  dans  leurs  maifons, 
n'étant  pas  permis  aux  Chapeliers  d'employer  de 
cette  forte  de  poil  dans  la  fabrique  des  chapeaux. 
Voye^  Us  regl.  gêner,  pour  le  Commer.  le  dicl.  du  Comm, 
&  l'article  CARDIER. 

CARDIALGIE ,  f.  f.  (  Médecine. )  des  mots  Grecs 
ivtpPia.)  cœur,  &  de  «aÇta  ,/efoujfrc  :  douleur  violen- 
te qui  le  fait  fentir  à  l'orifice  fupérietir  de  l'eftomac  , 
que  les  anciens  appel loient  auffi  le  cœur.  Cette  faillie 
dénomination  a  donné  occalion  à  une  façon  de  par- 
ler très-commune  Se  très-impropre ,  qui  eft  de  dire 
j'ai  des  maux  de  cœur,  lorfque  l'on  a  envie  de  vomir; 
ce  mouvement  contre  nature  eft  ablblument  dépen- 
dant de  l'eltomac ,  &  en  aucune  façon  du  cœur. 
La  cardialgie  eft  efTenticlle  ou  lymptomatique. 
L'eflentielle  eft  occalionnée  par  l'irritation  des  fi- 
bres de  l'eltomac  ,  leur  trop  grande  contraftion ,  ou 
leur  foiblefle. 

La  lymptomatique  a  des  califes  étrangères  à  ce  vif- 
cere  ;  telle  qu'une  inflammation  ou  obftrucfion  du 
foie,  ou  quelque  affection  du  cerveau  ou  de  la  ma- 
trice. 

La  cardialgie  cfTentielle  eft  ou  inflammatoire  ou 
venteufe.  Un  lang  épais  engorgé  dans  les  vailïeaux 
du  ventricule  eft  caufe  de  la  première  cfpcce  ;  voye^ 
l'article  Inflammation:  des  vents  occalion- 
nés  par  l'air  raréfié  &  échappé  des  alimens  que  l'on 
a  pris ,  produilent  la  féconde  ;  celle-ci  le  diftingue  de 
l'autre  par  la  difficulté  qu'a  le  malade  à  relpirer,  par 
le  gonflement  de  l'eltomac  ,  la  douleur  en  cette  par- 
tic,  qui  augmente  lorfque  l'on  a  mangé,  enfin  par  les 
rots  Se  les  naulées  fréquentes  qui  tourmentent  le  ma- 
lade. Les  remèdes  carminatifs  lont  très-indiqués  dans 
ce  cas,  &  cet  accident  cède  ailément  à  leur  ufage. 

Il  y  a  encore  une  efpece  de  cardialgie  que  l'on  nom- 
mc  fpafmodiqut  :  celle-ci  eft  plus  cruelle  que  les  au- 
tres ,  $C  eft  accompagnée  de  douleurs  tres-violentes , 


les  nerfs  de  l'eftomac  fe  trouvant  dans  un  érethifme 
&  une  tenfion  des  plus  confidérables ,  qui  occupe  les 
hypochondres  &  toute  la  région  épigaftrique.  Elle 
eft  caillée  par  un  amas  d'humeurs  mordicantes  ,  par 
un  émétique  donné  à  trop  forte  dofe ,  ou  par  un  poi- 
fon  :  dans  ces  deux  derniers  cas ,  les  fymptomes  font 
très-effrayans.  Le  vertige ,  les  maux  de  tête ,  la  perte 
du  fommeil ,  le  délire  ,  les  coavulfions ,  i'oppreflîon 
de  poitrine,  les  palpitations,  lafoiblefle,  &  l'intet1- 
mittence  du  pouls ,  lesfyncopes,  les  tranchées ,  la 
conftipation ,  la  liipprelnon  des  urines ,  le  froid  des 
extrémités  ,  les  lueurs  froides ,  la  lividité  du  vifage  > 
&  la  pâleur ,  font  autant  de  fymptomes  de  ce  funefte 
accident,  qui  lorlque  le  Médecin  n'eft  point  promp- 
tement  averti ,  caule  en  peu  de  tems  la  mort  du  ma- 
lade. 

Après  cette  deicription  de  la  cardialgie  ,  on  con- 
çoit ailément  comment  le  lait  caillé  ,  ou  les  vers  dans 
l'eftomac  des  enfans  occafionnent  cette  maladie  ; 
pourquoi  les  hypochondriaques  &  les  femmes  hyfté- 
riques  y  font  lujets  ;  la  délicateffe  des  fibres  de  l'ef- 
tomac dans  les  uns ,  les  mauvaifes  digeftiens  dans  les 
autres ,  font  les  caules  de  la  maladie  :  enfin  comment 
un  accès  de  colère,  de  peur,  ou  de  quelque  palîion 
violente  ,  peut  occafionner  la  cardialgie  :  un  engorge- 
ment du  lang  dans  les  vaiffeaux  de  l'eftomac  ,  &  Ion 
peu  de  facilité  à  le  dégorger  dans  la  veine-porte, 
la  produilent. 

La  cardialgie  eft  un  état  fâcheux ,  &  auquel  on  ne 
peut  trop  tôt  remédier  ;  car  les  fuites  en  (ont  très-fu- 
neftes. 

Le  traitement  varie  félon  les  càiifes  de  la  maladie  ; 
rien  en  même  tems  n'eft  plus  difficile  que  de  placer 
les  remèdes  dont  on  doit  nier  :  car  les  cordiaux  que 
l'on  employé  affez  fréquemment  parmi  le  peuple , 
tels  que  la  thériaque,  la  confection  d'hyacinthe,  & 
autres  remèdes  de  cette  elpece  ,  ne  font  pas  toujours 
indiqués.  C'eft  aux  lumières  d'un  Médecin  qu'il  faut 
s'en  rapporter  pour  en  diriger  l'ulagc.  Rien  de  plus 
dangereux  pour  un  malade  attaqué  de  cardialgie  in- 
flammatoire ,  que  l'adminiftratiort  de  ces  remèdes. 
Quel  effet  doit- on  en  attendre  dans  une  cardialgii 
Jpafmodique  ?  enfin  quel  lîiccès  auront-ils  lof  (qu'elle 
lèra  caulée  par  des  vers  ,  ou  des  matières  bilieufes 
&  glaireules  ,  amaflees  dans  l'eftomac  r  Un  Méde- 
cin expérimenté  examinera  les  caulés  de  la  maladie  ; 
il  appliquera  les  remèdes  convenables ,  &  vou!  i  \  '.li- 
gnera les  dangers  que  vous  feroient  courir  par  leur 
confeil,  des  gens  qui  n'ont  nulle  connoifîance  de 
l'économie  animale  ,  ni  des  maladies ,  ni  de  la  fa- 
çon de  les  traiter.   (Ar) 

CARDIAQUE  ,  adj,  en  Anatomie  ,  le  dit  de  l'ori- 
fice gauche  de  l'eftomac ,  à  caule  de  la  proximité  du 
cœur.  Voye^  Estomac. 

On  donne  aulfi  cette  épithete  aux  vaifleaux,  ar- 
tère, veine,  &c  qui  fe  diftribtient.  Voyt^  Artère , 
Veine,  &c 

Le  plexus  cardiaque  eft  un  lacis  de  différens  ra- 
meaux, tant  de  la  huitième  paire  que  du  nerf  înter- 
coftal,  qui  le  diftribtient  au  cœur,  f^'oy.  Cœur,  (i) 
Cardiaque  ,  adj.  (Mcd.) paffiati  cardiaque  ,  eft 
imc  maladie  dont  il  eft  lbuvent  parlé  dans  les  au- 
teurs fous  ce  nom  ;  mais  dont  les  modernes  traitent 
plus  fouvent  fous  le  nom  de  fyncopt  :  c'ell  une  toi- 
bleffe  extrême  ,  que  le  vulgaire  nomme  défaiù ar.ee. 
Voyc^  Syncope. 

Cardiaque,  remède  qui  peut  reveiller  &  rani- 
mer les  forces  abattues  &  hinguilTantes.  Ces  fortes 
de  remèdes  agillent  en  detruilant  les  obftacles  qui 
s'oppofent  à  la  circulation  ,  en  augmentant  le  mou- 
vement du  lanç  ;  &  enfin  leur  effet  le  rend  fenlible 
par  le  pouls  plus  élevé" ,  la  ti  anfpiration  augmentée  , 
&  par  tous  les  lignes  qu'accompagnent  nuage  mo- 
déré des  liqueurs  reftaurantes. 


673 


CAR 


Ce  tefme  eft  fynonyme  à  cordiaux  rejlauràns ,  for- 
■eifians,  analeptiques.  Voyer^  CORDIAUX.   (  A7) 

*  CARDIER  ou  FAISEUR  DE  CARDES  ,  (  Art 
méchaniq.  )  Les  Cardiers  fe  fervent  pour  leur  ouvrage 
de  la  peau  de  veau ,  de  bouc ,  ou  de  chèvre  bien  tan- 
née. Ils  prennent  cette  peau  ;  ils  la  coupent  par  mor- 
ceaux quarres  oblongs  de  la  grandeur  dont  la  carde 
doit  être  ;  ils  tendent  ces  morceaux ,  qu'ils  appellent 
feuillets ,  fur  une  efpece  de  métier  appelle  le  panteur. 
Le  panteur  qu'on  xoit  fig.  l.  PI.  du  Cardier ,  efteom- 
poie  de  deux  tringles ,  ou  rames  ,  ou  branches  de 
bois  ébifelées  en -dedans  ,  A  A ,  a  a.  Les  bords  des 
ébifelures  font  garnis  de  deux  rangées  de  clous  à  cro- 
chet ;  à  l'aide  defquels  on  tend  les  morceaux  de  peau, 
comme  on  le  voit.  Dans  les  extrémités  des  deux  trin- 
gles ou  rames  font  reçus  deux  bâtons  ou  cylindres 
B  B  ,  bb  ,  terminés  par  les  bouts  d'un  coté  en  tenon 
rond  ou  tourillon,  &  parles  bouts  de  l'autre  en  vis. 
Les  tourillons  font  reçus  dans  la  tringle  A  A  ,  &  les 
vis  dans  la  tringle  a  a.  Il  y  a  des  cordes  fines  parlées 
aux  bords  CC  de  la  peau ,  &  afïujetties  fur  les  rames 
A  A  ,  a  a.  Il  eft  évident  que  fi  l'on  fait  tourner  les  bâ- 
tons B  B  ,bb  fur  eux-mêmes  dans  le  fens  convena- 
ble ,  la  rame  a  a  fera  forcée  de  monter ,  &c  qu'il  vien- 
dra un  moment  où  la  peau  tirée  félon  fa  hauteur  par  la 
rame  aa,  &c  félon  fa  largeur  parles  ficelles  CC, lera 
tendue  en  tout  fens  &c  à  diferétion.  On  appelle  cette 
opération,  monter une  peau  fur le  panteur ,  oupanter. 

Lorfque  la  peau  eft  montée  ,  on  prend  une  pierre 
ponce  qu'on  pafiè  deffus  pour  i'égaiifer ,  pour  enle- 
ver les  parties  trop  dures ,  lui  donner  par  tout  la  mê- 
me épaiffeur ,  &  la  rendre  plus  déliée  &  plus  fouple  , 
fuivant  le  genre  de  cardes  auquel  elle  eft  deftinée. 
S'il  s'y  trouve  des  endroits  trop  minces  ,  on  y  colle 
du  papier  ou  du  parchemin.  Cette  féconde  opéra- 
tien  s'appelle  parer. 

Lorfque  la  peau  eft  parée ,  on  la  pique.  Piquer  une 
peau ,  c'eft  la  percer  de  petits  trous  places  iur  une 
même  ligne  droite  ,  tous  à  la  même  diftance ,  de  ma- 
nière que  le  premier*de  la  leconde  ligne  le  trouve  au 
centre  du  petit  quarré,  dont  lôs  deux  premiers  de  la 
première  ligne,  &  les  deux  premiers  de  la  troiiieme 
occupent  les  angles  ;  que  le  premier  de  la  quatrième 
ligne  occupe  le  centre  du  petit  quarré ,  dont  les  deux 
premiers  de  la  troifieme  &  de  la  cinquième  marquent 
les  angles ,  &  ainfi  de  fuite  ,  comme  on  voit fig.  2. 
Cette  opération  fe  fait  avec  l'infiniment  reprélenté 
fig.  3.  Cet  infiniment  s'appelle  une  fourchette.  Il  eft 
garni  à  fa  partie  fupérieure  de  deux  aiguilles  plus  ou 
moins  fines  ,  félon  les  trous  qu'on  veut  faire ,  &c  ion 
manche  eft  entaillé.  Cette  entaille  fert  à  recevoir 
l'index  ,  tandis  que  le  relie  du  manche  eft  embrafié 
par  la  paume  de  la  main.  Il  eft  effentiel  que  les  trous 
foient  bien  rangés  en  Hgne  droite ,  à  même  diftance , 
&  dans  l'ordre  où  on  les  voit  :  cependant  pour  le  leur 
donner  ,  les  ouvriers  ne  tracent  aucune  ligne  fur  la 
peau  ;  l'habitude  feule  les  dirige  ,  &  ils  travaillent 
avec  une  vîteffe  incroyable.  Au  refte  il  ne  ferait  pas 
impofiible  d'imaginer  une  machine  qui  leur  épargne- 
rait toute  cette  peine.  Il  me  femble  que  quand  la  peau 
ferait  fuffifamment  tendue  fur  le  panteur  ,  on  pour- 
rait l'appuyer  en- défions  de  matelats ,  ou  de  gros 
draps ,  ou  de  chapeaux ,  &  la  prefTer  en-deflùs  d'une 
furface  armée  de  pointes  courtes  &  roides  ,  &  ran- 
gées comme  on  le  délire.  Rien  n'empêcheroit  que 
cette  prefie  ne  reffemblât  tout-à-fait  à  celle  des  Im^ 
primeurs.  On  dit  qu'il  y  a  des  ouvriers  qui  ont  des 
fourchettes  à  quatre ,  fix ,  huit  pointes  ;  mais  nue  l'u- 
fage  de  ces  fourchettes  eft  plus  difficile  que  de  celles 
à  deux  pointes  ;  Se  qu'il  le  trouve  de  l'inégalité  foit 
dans  le  diamètre  ,  foit  dans  l'arrangement  des  trous , 
ce  qui  eft  de  conféquence. 

Quand  on  a  piqué  la  peau ,  il  s'agit  de  la  garnir  de 
fils  d'archal, Pour  cet  effet  on  choilit  celui  qui  a  la  qua- 


CAR 

îité  convenable  à  la  groffeur  de  la  carde  qu'on  veut 
faire.  Les  fils  dont  on  fait  les  cardes  pour  les  laines  fi- 
nes ,  font  connus  dans  le  Languedoc  fous  les  noms  de 
fils  à  2,  à  3  ,  à4,  à  5,  à~6  ,  ôt  Ù7  plombs  ,  &défignés 
à  Paris  par  les  numéros  1,2,3,4,  5,6, 7:  le  nu- 
méro 1  eft  moins  gros  que  le  numéro  2 ,  &  ainfi  de 
fuite.  Les  gros  fils  employés  aux  cardes  des  mar- 
chandifes  ,  ou  laines ,  ou  fils ,  ou  poils  extrêmement 
groffiers  ,  vont  depuis  le  numéro  30  jirfqu'au  nu-, 
méro  40 ,  toujours  augmentant  en  groffeur. 

On  commence  par  couper  le  fil  de  fer  d'une  lon- 
gueur.proportionnée  à  la  carde  qu'on  veut  taire  ;  ce 
qui  s'exécute  par  le  moyen  de  la  jauge.  La  jauge  eft 
un  infiniment  qu'on  voir.  fig.  4.  Son  corps  A  eft  de 
bois:  il  eft  entaillé  en  B.  Cette  entaille  eft  revêtue 
de  fer  bien  dreffé.  Sa  partie  fupérieure  C'el':  couverte 
d'une  plaque  bien  unie.  Il  eft  traverfé  d'une  vis  D 
qui  fert  de  queue  à  la  plaque  C.  Sur  fon  corps  à  ion 
extrémité  E  eft  fixé  un  écrou  à  oreilles ,  qui  ne  def- 
cend  ni  ne  monte  ,  mais  qui  fe  mouvant  feulement 
iur  lui-même ,  fait  bailler  ou  defeendre  à  diferétion 
la  plaque  C.  On  remplit  l'entaille  B  de  fils  d'archal 
attaches  en  paciuet ,  ainli  qu'on  le  voit  dans  la  figure. 
On  frappe  un  coup  fur  la  plaque  C  j  afin  que  les  fils 
s'arrangent  entr'eux  Se  s'appliquent  bien  tous  exac- 
tement fur  la  garniture  inférieure  6.  On  a  une  ci- 
faille  dont  la  lame  s'applique  à  la  plaque  C ,  qui  lui 
lèrt  de  guide  ;  &  l'on  enlevé  d'un  coup  de  cette 
force  ou  cifaille  les  tronçons  égaux  &  longs  à  dif- 
erétion ,  qu'on  vdilfig.  5.  On  les  coupe  ordinaire- 
ment d'un  pouce  &  demi  plus  ou  moins.  11  faut  que 
ces  fils  foient  bien  droits  ,  afin  qu'ils  prennent  tous 
une  inflexion  égale  ,  &  dans  le  même  endroit.  On  en 
prépare  depuis  50  jufqu'à  100  à  la  fois,  fuivant  la  ca- 
pacité de  la  jauge. 

Quand  les  fils  font  coupés  ,  on  les  double.  Pour 
cette  opération ,  on  fe  fert  de  l'inftrument  qu'on  voit 
fig.  â.  il  eft  appelle  doubleur,  de  fa  fonction.  Son  man- 
che A  eft  de  bois.  Sa  partie  fupérieure  C  C  eft  gar- 
nie de  deux  joues  de  ter.  Une  pièce  de  fer  bien  dref- 
fée  &  fixée  à  vis  dans  le  corps ,  revêtit  l'efpace  DDD 
creufé  à  la  partie  fupérieure.  L'eipece  de  gouttière 
E  E  fig.  5.  eft  compnfe  entre  les  deux  joues  C  C,  de 
manière  qu'il  y  ait  entre  fa  face  inférieure  &  la  pla- 
que D  D  D  ,  un  efpace  fuffifant  pour  pouvoir  y  in- 
férer les  tronçons  de  fil  d'archal.  La  gouttière  EE  a 
fa  rainure  tournée  en-devant.  On  verra  tout  à  l'heure 
pourquoi  on  lui  a  pratiqué  cette  rainure  ,  &  pour- 
quoi on  lui  a  donné  du  refte  la  forme  d'un  prifme 
triangulaire-.  On  pafle  autant  de  tronçons  de  ni  d'ar- 
chal  entre  la  gouttière  E  E  &  la  plaque  DDD  qu'on* 
v  en  peut  inférer ,  comme  on  y  voit  le  tronçon  EL  , 
&t  l'on  ramené  la  partie  F  par-detTus  la  gouttière  juf- 
qu'au  fond  de  la  concavité  D  D  ;  ce  qui  fait  fournir" 
au  fil  deux  inflexions  à  la  fois  ,  &  le  réduit  à  la  figure 
de  celui  qu'on  voit  fur  le  doubleur  en  G  H 1  K.  On 
a  grand  foin  que  le  fond  de  la  concavité  D  D  foit 
bien  en  ligne  droite ,  &  que  tous  les  bouts  d^^rtron- 
çons  foient  bien  exaftement  appliqués  fur  ce  fond. 
Avec  ces  précautions ,  non-feulement  les  fils  fouffri- 
ront  tous  deux  inflexions  ,  l'une  en  H  &  l'autre  en. 
1  :  mais  ces  inflexions  ou  angles  leront  placés  préci- 
fément  aux  mêmes  endroits  &  leront  tres-viîs  ;  ce  qui 
eft  un  efiêt  du  taillant  de  la  gouttière  qu'on  a  fait  prif- 
matique,  afin  que  l'extrémité  du^ronçon  put  être  ra- 
menée jufqu'en  K.  On  la  ramené  jufqu'en  A",  afin  que 
le  fil  venant  à  fe  reftituer  un  peu  par  fort  reflbrt ,  l'an- 
gle /refte  droit. Les  tronçons  auiortir  du  doubleur, 
ont  la  figure  qu'on  leur  volt  fig.  6.  Les  partie*  a  c  ,  bd 
font  toujours  de  même  longueur  entr'elles  :  mais  & 
ces  parties  &  la  diftance  a  b ,  font  plus  ou  moins  lon- 
gues ,  félon  l'eipece  de  cardes  auxquelles  les  fils  d'ar- 
chal font  deftinés.  Quant  aux  angles  a  &  b,  ils  l'un* 
toujours  droits.  Les  tronçons  dans  cet  état  s'aj  : 
pointes. 


CAR 


CAR 


679 


Les  pointes  font  portées  fur  la  partie  qu'elles  oc- 
cupent fig.  6.  du  plateau  ABC  D  ;  le  plateau  AB 
CD,  eft  une  planche  quarrée  garnie  d'un  rebord. 
Au  milieu  du  côté  A  D ,  eft  fixé  un  liteau  E  F ,  par 
Je  moyen  d'une  corde  I K ,  qui  pafTe  par-deffus,  qui 
traverfe  la  planche  ou  le  fond  du  plateau  ,  &  qu'on 
arrête  en-deffous  avec  une  clavette.  On  élevé  le 
bout  F  de  ce  liteau  par  le  moyen  d'une  efpece  de 
coin  G  H  ;  le  bord  de  fa  furface  fupérieure  eft  garni 
d'une  plaque  de  fer  L  M.  Cette  plaque  eft  percée  de 
trous  ;  &  ces  trous  pénètrent  dans  le  fond  ou  corps 
du  liteau  à  une  profondeur  déterminée.  Ce  liteau 
fait  exactement  la  fonction  d'un  fécond  doubleur  ;  on 
prend  les  pointes  a  b  c  d  ;  on  les  plante  dans  les  trous- 
du  crocheux  ou  croqueux  ;  car  c'eftainfi  qu'on  appelle 
cet  infiniment.  On  en  voit  une  en  O  ,  puis  on  abaiffe 
la  partie  O  de  la  pointe  en-devant  fur  la  plaque  L  M 
du  croqueux;  Si  les  côtés  ac,  b  d  ,  des  pointes,  flé- 
chiffant ,  prennent  encore  deux  nouveaux  angles,  & 
fe  réduifènt  fous  la  forme  no  p  q  r. 

Lorfque  les  pointes  font  crochées ,  on  les  parle 
dans  les  trous  de  la  peau  piquée  &  tendue  fur  le  pan- 
teur.  On  voit  fig.  y.  une  peau  couverte  de  pointes 
en-deffous  ,  &cjig.  8.  la  même  peau  en-deffus  ;  cette 
opération  de  garnir  la  peau  de  pointes  s'appelle  bou- 
ter ou  ficher.  Lorfqu'on  a  bouté  ,  &  que  la  peau  eft 
couverte  de  pointes  ou  crocs ,  on  paffe  deffus  de  la 
colle  forte  ;  après  s'être  bien  affûré  toutefois  qu'il 
n'y  a  point  de  crocs  à  contre  fens  ;  car  il  eft  évident 
que  tous  les  angles  doivent  avoir  leurs  côtés  parallè- 
les ,  &  les  fommets  tournés  du  même  côté.  Pour  s'af- 
sûrer  de  cela ,  on  a  une  planche  qu'on  appelle  pa- 
tron. On  applique  cette  planche  fur  le  feuillet  ou  fur 
la  peau  percée  Si  garnie  de  crocs ,  Si  on  retourne  le 
panteur  fans  crainte  que  les  crocs  fortent  de  leurs 
trous  ,  ou  fe  dérangent. 

Lorfqu'on  a  bien  fixé  les  crocs  fur  le  feuillet  avec 
la  colle  forte  dont  on  l'a  enduit ,  on  prend  une  pierre 
de  grès  très-fine  ,  &c  on  enlevé  le  morfil ,  &  l'on  ai- 
guife  les  pointes  des  crocs  en  paffant  deffus  cette 
pierre.  Cette  opération  s'appelle  habiller  ou  rhabiller 
la  carde. 

Après  que  la  carde  eft  habillée ,  on  prend  le  fendoir, 
Si  l'on  démêle  les  crocs  qui  font  embarraffés  les  uns 
dans  les  autres.  Voye^fig.  g.  cet  infiniment.  C'eft  une 
efpece  de  cifeau  dont  une  des  branches  eft  inclinée 
en  un  fens  ,  &c  l'autre  en  fens  contraire  ;  il  a  un  dos 
&  un  tranchant  ;  on  paffe  fa  pointe  entre  les  crocs 
entrelacés ,  &  on  les  démêle. 

Après  cette  opération  ,  on  prend  l'inftrument  re- 
préfenté  fig.  10.  Si  appelle  dreffeur,  de  fa  fonction. 
C'eft  un  petit  canon  emmanché  ;  ion  ouverture  eft 
à  peu  près  du  diamètre  du  fil  ;  on  s'en  fert  pour  re- 
dreffer  les  crocs  verfés  ou  renverfés  ;  on  infère  la 
pointe  du  croc  dans  l'ouverture,  Si  on  lui  donne 
l'angle  que  l'on  veut,  &  à  l'endroit  où  il  faut. 

Lufage  du  fendoir  eft  de  mettre  les  crocs  en  ligne 
&  de  les  démêler  :  celui  du  dreffeur,  c'eft  de  placer 
tous  les  fommets  des  angles  dans  un  même  plan  pa- 
rallèle au  feuillet ,  &  de  rendre  tous  les  crocs  bien 
perpendiculaires ,  ou  dans  une  même  inclinaifon. 

11  s'agit  maintenant  de  recorder  la  carde  :  recorder 
une  carde,  c'eft  examiner  tous  les  crocs  ,  ôter  ceux 
qui  le  font  caffés  ,  foit  dans  l'opération  du  fendoir, 
foit  dans  celle  du  dreffeur  ,  &  ceux  qui  fe  font  trou- 
vés trop  courts.  Pour  cet  effet,  on  ôte  la  colle  dans 
l'endroit  du  feuillet  auquel  ils  correfpondent ,  &  on 
leur  en  fubftitue  d'autres. 

Quand  la  carde  a  reçu  toutes  ces  façons,  on  la 
détend  pour  la  monter  fur  un  morceau  de  bois  de 
hêtre  de  même  grandeur  ;  ce  qui  s'exécute  au  poin- 
çon Si  au  marteau.  Le  poinçon  fert  à  faire  des  trous 
dans  l'épaiffeur  du  bois,  Cv  Le  marteau  a  enfoncer 
les  clous.  On  a  foin  que  le  feuillet  foit  bien  tendu  fur 


le  bois  ;&pourl'y  arrêter  plus folidement, on  borde 
la  carde  avec  une  lilîere  de  peau  dont  on  couvre  les 
extrémités  cloiièes  du  feuillet ,  &  qu'on  fixe  avec  de 
nouveaux  clous. 

Lorfque  la  carde  eft  montée,  on  la  mouve  :  les  ou- 
vriers  entendent  par  mouver  ,  repaffer  les  pointes  au 
grès,  les  égalifer  derechef,  &  donner  la  dernière 
façon  tant  à  celles  qu'on  a  fubftituées ,  qu'aux  au- 
tres. 

Les  Cardiers  ne  peuvent  guère  fe  négliger  dans  la 
façon  des  cardes  que  l'apprêt  des  laines  ne  s'en  ref- 
fente  :  fi  les  Cardiers  n'obfervent  aucune  reole  fixe 
dans  la  manière  de  fabriquer  les  cardes  deftinées  à 
mélanger  Si  à  carder  les  laines  ,  ou  que  les  Cardeurs 
fe  fervent  indiftinftement  de  toutes  fortes  de  cardes, 
les  laines  n'obtenant  pas  toute  la  perfection  de  tra- 
vail dont  elles  font  fufceptibles  ,  les  draps  Si  les 
étoffes  qu'on  en  fabriquera  feront  moins  parfaits. 
C'eft  pourquoi  le  Roi  a  ftatué  par  un  arrêt  du  30 
Décembre  iJZJ  ,  que  les  cardes  appellées  grofifes pla- 
quettes,  qui  fervent  à  embourer ,  ou  carder  pour  la 
première  fois  les  laines  fines  d'Efpagne  ou  de  Lan- 
guedoc ,  qui  entrent  dans  la  fabrication  des  draps 
Londrins  premiers  &  féconds,  auront  neuf  pouces  de 
long ,  cinq  &  demi  de  large  ,  au  moins  cinquante  & 
un  rangs  de  dents,  de  foixante  dents  chacun,  d'un 
fil  de  fer  d'Allemagne  de  trois  plombs. 

Que  les  cardes  appellées  groffes plaquettes,  qui  fer- 
vent à  embourer  pour  la  première  fois  les  draps 
communs,  auront  neuf  pouces  de  long  ,  cinq  pouces 
Si  demi  de  large,  au  moins  quarante-cinq  rangs  de 
dents,  de  cinquante-quatre  dents  chacun  ,  de  fil  de 
fer  d'Allemagne  de  deux  plombs. 

Que  les  droffettes  deftinées  à  dreffer  ou  carder 
les  laines  pour  la  féconde  fois  ,  auront  neuf  pouces 
de  long  ,  cinq  de  large  ,  au  moins  foixante  &  un 
rangs  de  dents  de  foixante  Si  une  dents  chacun  ,  de 
fil  de  fer  d'Allemagne  de  quatre  plombs. 

Que  les  fines  plaquettes  qui  fervent  à  emprimer 
ou  recarder  fur  le  genou  pour  la  troifieme  fois  ,  au- 
ront neuf  pouces  de  long ,  quatre  pouces  trois  lignes 
de  large  ,  au  moins  quatre-vingts-quatre  rangs  de 
dents ,  de  foixante  Si  une  dents  chacun ,  fil  de  fer 
d'Allemagne  de  fix  plombs. 

Que  les  petites  ou  fines  cardes  qui  fervent  à  re- 
carder pour  la  dernière  S:  quatrième  fois  les  laines 
deftinées  pour  les  chaînes  des  draps  Londres ,  El- 
bœuf,  &c.  auront  neuf  pouces  de  long,  deux  pou- 
ces deux  lignes  de  large  ,  au  moins  quatre-vingts- 
quatre  rangs  de  dents  ,  de  quarante  &  une  dents  cha- 
cun ,  fil  de  fer  d'Allemagne  de  fix  plombs. 

Que  les  petites  ou  fines  cardes  à  carder  les  laines 
fines  d'Efpagne  pour  chaînes  de  draps  Londrins  pre- 
miers Si  féconds,  draps  fins  noirs,  écarlatcs,  ik 
autres  de  même  qualité  ,  façon  d'Efpagne  ,  d'Angle- 
terre, de  Hollande,  &c.  auront  neuf  pouces  de  long, 
deux  pouces  de  large,  au  moins  quatre-vingts-quatre 
rangs  de  dents  ,  de  quarante-trois  dents  chacun ,  de 
til  de  fer  d'Allemagne  de  fept  plombs. 

Que  les  petites  ou  fines  cardes  à  recarder  pour  la 
quatrième  S:  dernière  fois  les  laines  pour  trame  de 
draps  Londres  larges  ,  Elbœuf ,  droguets  d'Angle- 
terre, &c  auront  neuf  pouces  de  long  ,  deux  pouces 
&  demi  de  large,  au  moins  quatre-vingts-quatre  rangs 
de  dents  ,  de  quarante  ck.  une  dents  chacun  ,  èx'  de 
fi  de  ter  d'Allemagne  de  cinq  plombs. 

Que  les  petites*  ou  fines  cardes  à  carder  la  trame 
des  draps  tins  qui  paflent  au  Lc\  ant ,  façon  d'Angle- 
terre ,  de  Hollande  ,  d'Efpagne,  &e.  auront  neuf  pou- 
ces de  long  ,  deux  pouces  cv'  demi  de  large ,  au  moins 
quatre-vingts-quatre  dents,  de  quarante-trois  dents 
chacun  ,  fil  de  ter  d'Allemagne  de  fix  plombs. 

Que  le  Cardier  mettra  fa  marque  à  (eu  fur  les  car- 
des qu'il  fabriquera  ,  avec  le*  numéros  de  la  grofleur 


68o 


CAR 


du  fil  &  des  rangs  &  des  dents ,  fous  peine  de  con- 
fifcation. 

Que  le  Cardeur  n'employera  point  de  cardes  non- 
marquées  ,  &  ne  cardera  des  laines  qu'avec  celles 
qui  font  deftinées  à  cette  qualité  de  laine  ,  fous  pei- 
ne de  confifcation  des  laines  &  d'amende ,  foit  con- 
tre lui ,  foit  contre  le  fabriquant. 

Que  le  Cardeur  ne  cardera  point  des  laines  blan- 
ches avec  des  cardes  qui  auront  fervi  à  des  laines 
teintes. 

Que  les  laines  dont  on  fait  les  Londrins  premiers 
&  ieconds  ,  les  Londres  larges  ,  &  autres  draps  en 
blanc  ,  n'ayant  pas  befoin  d'être  cardées  autant  que 
les  laines  teintes  ;  fi  on  ne  les  carde  que  trois  fois  , 
feront  cardées  la  première  avec  les  groffes  plaquet- 
tes ;  la  féconde  avec  les  droffettes  ou  avec  les  fines 
plaquettes ,  &  la  troilieme  avec  les  petites  ou  fines 
cardes  ,  &  que  les  jurés  veillent  à  ce  que  les  Cardiers 
&  Cardeurs  le  conforment  à  ces  ordonnances.  Voye^ 
les  Règlement  génér.  pour  les  manuf.  tom.lll.  pag,  25  J. 

Les  cardes  pour  le  coton  ne  font  pas  différentes  de 
celles  qu'on  employé  pour  la  laine  :  ce  font  celles 
qui  fervent  à  carder  fur  le  genou  ,  &  qu'on  appelle 
vulgairement  petites  cardes,  Voye^  F  article  Drape- 
rie. Voye{  auflî  les  dimenfwns  de  cette  forte  de  carde 
plus  haut  dans  cet  article  même  ,  &  l'article  LAINE. 

CARDIFF  ou  GLAMORGAN ,  (Géog.) ville  d'An- 
gleterre ,  dans  la  principauté  de  Galles ,  avec  un  bon 
havre.  Long.  14.  20.  lat.  5l.  32. 

CARDIGAN,  (Géog.)  ville  d'Angleterre,  capita- 
le d'une  province  qu'on  nomme  Cardigan-shire  ,  avec 
titre  de  comté,  dans  la  province  de  Galles.  Long.  zz. 
ôo.  lat.  5z.  13. 

CARDINAL ,  terme  qui  fert  à  exprimer  la  rela- 
tion ou  qualité  de  premier,  principal ,  ou  plus  confi- 
dérable. 

Ce  mot  vient  de  cardo ,  terme  Latin  qui  lignifie  un 
gond;  parce  qu'en  effet  il  femble  que  iur  les  points 
principaux  ,  portent  &  roulent  pour  ainfi  dire  toutes 
les  autres  chofes  de  même  nature. 

Ainli  la  juftice,  la  prudence  ,  la  tempérance,  &  la 
force,  font  nommées  les  quatre  vertus  cardinales,  com- 
me étant  la  bafe  de  toutes  les  autres.  Voy.  Vertu. 

Points  cardinaux  ,  en  Cofmographie ,  font  les  quatre 
interférions  de  l'horifon ,  avec  le  méridien  &  le  pre- 
mier vertical.  Voye{  Point. 

Il  y  en  a  deux,  lavoir,  les  interférions  de  l'hori- 
fon &  du  méridien ,  qu'on  nomme  nord  dcfud ,  ou 
nord  &  midy  par  rapport  aux  pôles  vers  lelquels  ils 
fe  dirigent.  foyqNoRD  ,  Sud  ,  Midy. 

Quant  à  la  manière  de  déterminer  ces  points.  Voy. 

LlGNL  MERIDIENNE. 

Les  deux  autres,  favoir,  les  interférions  de  l'ho- 
rifon &  du  premier  vertical ,  s'appellent  ejl  &  ouefl, 
ou  levant  &  couchant,  ou  orient  &  occident.  V.  ces  mots. 

Les  points  cardinaux  coincident  donc  avec  les  qua- 
tre régions  cardinales  des  cieux ,  &  font  éloignées  de 
quatre-vingts  dix  degrés  les  uns  des  autres. 

Les  points  intermédiaires  s'appellent  points  colla- 
téraux. Foye{  Points  collatéraux. 

Points  cardinaux  du  ciel ,  fe  dit  auffi  quelquefois  , 
mais  plus  rarement,  du  lever  &  du  coucher  du  foleil, 
du  zénith  &c  du  nadir.  Voye^  Lever  ,  Coucher, 
Zénith  &  Nadir. 

Cardinaux  (vents)  ,font  ceux  qui  foufflent  des 
points  cardinaux.  Voye^  VENT. 

Cardinaux  (fignes  )  ,  adj.  pi.  en  Afronomie.  On 
défigne  ainli  les  lignes  du  zodiaque ,  qui  font  les  pre- 
miers où  le  foleil  eu:  cenfé  entrer  au  commencement 
de  chaque  faifon  ;  favoir ,  le  bélier,  le  cancer,  la  ba- 
lance &  le  capricorne.  Voy.  SIGNE  &  PRÉCESSION. 
(O) 

Cardinaux  (nombres),  en  Grammaire,  ce  font 
les  nombres  1,2,3,  ^  S"*  ^ont  indéclinables  par 


CAR 

oppcfition  aux  nombres  ordinaux  ,  premier ,  fécond^ 
troilieme  ,  &c.  Voye^  Nombre. 

Cardinal,  f.  m.  (Hift.  eccléf.)  fe  dit  plus  parti- 
culièrement d'un  prince  ecclélialtique,  qui  a  voix  ac- 
tive &  palfive  dans  le  conclave ,  lors  de  l'éleûion  du 
pape.  Voyei  Conclave. 

Quelques  auteurs  dilent  que  le  mot  cardinal  vient 
du  Latin  incardinatio ,  qui  lignifie  l'adoption  que  fai- 
foitun  églife  d'un  prêtre  d'une  églife  étrangère  ,  d'où 
il  avoit  été  éloigné  par  quelques  malheurs  ;  que  l'u- 
lage  de  ce  mot  a  commencé  à  Rome  &  à  Ravenne, 
parce  que  les  églifes  de  ces  deux  villes  étant  les  plus 
riches ,  les  prêtres  malheureux  s'y  retiroient  ordinai- 
rement. 

Les  cardinaux  compofent  le  confeil  &  le  fénat  du 
pape.  Il  y  a  dans  le  Vatican  une  constitution  du  pape 
Jean ,  qui  règle  le  droit  &  les  titres  des  cardinaux ,  & 
qui  porte  que  comme  le  pape  repréfente  Moyie  ,  ainli 
les  cardinaux  repréfentent  les  fôixante-dix  anciens , 
qui  fous  l'autorité  pontificale  jugent  oé  terminent 
les  différends  particuliers. 

Les  cardinaux  dans  leur  première  inltitution ,  n'é- 
toienr  autre  choie  que  les  prêtres  principaux  ou  les 
curés  des  parodies  de  Rome.  Dans  la  primitive  égli- 
fe le  prêtre  principal  d'une  paroifle,  qui  fuivoit  im- 
médiatement l'évêque  ,  fut  appelle  presbyter  cardina- 
lis.  On  les  diftinguoit  par-là  des  autres  prêtres  moins 
relevés  en  dignité,  qui  n'avoient  ni  églife,  ni  em- 
ploi. Ce  mot  a  commencé  environ  l'an  1 50  ;  d'autres 
tiennent  que  ce  fut  fous  le  pape  Sylveûre  l'an  300: 
ces  prêtres  cardinaux  étoient  les  leuls  qui  pouvoient 
baptiler  &  adminiftrer  les  facremens.  Autrefois  les 
prêtres  cardinaux  étant  faits  évêqucs ,  leur  cardinalat 
vaquoit ,  parce  qu'ils  croyoient  être  élevés  à  une  plus 
grande  dignité.  S.  Grégoire  fe  fert  fouvent  de  ce  mot 
pour  exprimer  une  grande  dignité.  Sous  le  pape  Gré- 
goire les  cardinaux  prêtres  6c  les  cardinaux  diacres 
n'étoient  autre  choie  que  les  prêtres  ou  les  diacres 
qui  avoient  une  églile  ou  une  chapelle  à  deffervir. 
C'eit-là  ce  que  le  mot  fignifioit  félon  l'ancienne  & 
véritable  interprétation.  Léon  IV.  les  nomme  dans  le 
concile  de  Rome,  tenu  en  853  , presbyttros fui  cardi- 
nis,  ÔC  leurs  églifes  parochias  cardinales. 

Les  cardinaux  demeurèrent  fur  le  même  pié  juf- 
qu'au  XI'.  fiscle:  mais  la  grandeur  du  pape  s'étant 
depuis  extrêmement  accrue ,  il  voulut  avoir  un  con- 
feil de  cardinaux ,  plus  élevés  en  dignité  que  les  an- 
ciens prêtres.  li  ell  vrai  que  l'ancien  nom  eft  demeu- 
ré :  mais  ce  qu'il  exprimons  n'elt  plus.  Il  le  palîa  un 
allez  long  tems  fans  qu'ils  prifient  le  pas  fur  les  évê- 
ques ,  ou  qu'ils  fe  fuûent  rendus  les  maîtres  de  l'élec- 
tion du  pape  :  mai'-  tes  qu'une  fois  ils  ont  été  en  pof- 
fefïion  de  ces  privilèges,  ils  ont  eu  bientôt  après  le 
chapeau  rouge  &la  pourpre;  en  forte  que  cioifTant 
toujours  en  grandeur ,  ils  le  font  enfin  élevés  au-def- 
fus  des  évêques  par  la  feule  dignité  de  cardinal. 

Du  Cange  oblerve  qu'originairement  il  y  avoit  trois 
fortes  d'égides  ;  que  les  vraies  églifes  s'appelloient 
proprement  paroiffes  :  les  lecondes,  diaconies,  qui 
étoient  jointes  à  des  hôpitaux  defîervis  par  des  dia- 
cres :  les  troisièmes  de  fimples  oratoires,  où  on  difoit 
des  méfies  particulieies,Si  qui  étoientdelfervis  par  des 
chapelains  locaux  &  rélidens  ;  &  que  pour  dillinguer 
les  églifes  principales  ou  les  paroifies,  des  chapelles 
ou  des  oratoires ,  on  leur  donna  le  nom  de  cardinales. 
Les  églifes  paroiliiaies  donnèrent  en  conléquence  les 
titres  aux  cardinaux  piètres,  &  quelques  chapelles 
donnèrent  enluite  le  litre  aux  cardinaux  diacres.  Voy. 
Église. 

Tous  les  cardinaux  furent  distribués  fous  cinq  égli- 
fes patriai  châles:  lavoir,  de  S.  Jean  de  Latran,  de- 
Sainte  Marie-majeure,  de  S.  Pierre  du  Vatican,  de 
S.  Paul,  de  S.  Laurent.  L'églile  de  S.  Jean  de  Latran 
avoit  fept  cardinaux  évêques  que  l'on  appelloit  col- 
latéraux 


C  A  R 


CAR 


latéraux  OU  hebdomadaires ,  parce  qu'ils  étoient  afïif- 
îans  du  pape  ,  tk  faifoient  en  fa  place  le  fervice  di- 
vin chacun  leur  femaine.  Ce  font  les  évoques  d'Of- 
tie ,  de  Porto ,  de  Sylva  Candida  ou  Sainte  Rufîne , 
dAlbano ,  de  Sabine ,  de  Frefcati ,  tk  de  Paleltrine. 

L'évêché  de  Sainte  Rufîne  eft.  maintenant  uni  à  ce- 
lui de  Porto.  L'églife  de  Sainte  Marie-majeure  avoit 
aiifli  fept  cardinaux  prêtres ,  favoir ,  ceux  de  S.  Phi- 
lippe &  S.  Jacques ,  de  S.  Cyriace ,  de  S.  Eufebe ,  de 
Sainte  Prudcnticnne,  de  S.  Vital,  des  SS.  Pierre  tk 
Marcellin,  tk  de  S.  Clément.  L'églife  patriarchale 
de  S.  Pierre  avoit  les  cardinaux  prêtres  de  Sainte  Ma- 
rie de-Ià  le  Tibre  ,  de  S.  Chryfogone ,  de  Sainte  Cé- 
cile ,  de  Sainte  Anaflafie ,  de  S.  Laurent  in  Damafo , 
de  S.  Marc ,  &c  des  SS.  Martin  &  Sylveftre.  L'églife 
de  S.  Paul  avoit  les  cardinaux  de  Sainte  Sabine,  de 
S.  Prifce ,  de  Sainte  Balbinc ,  des  SS.  Ncrée  &  Achil- 
lée ,  de  S.  Xifte  ,  de  S.  Marcel ,  tk  de  Sainte  Sulan- 
ne.  L'églife  patriarchale  de  S.  Laurent  hors  les  murs, 
avoit  fept  cardinaux ,  ceux  de  Sainte  Praxede,  de  S. 
Pierre-aux-liens  ,  de  S.  Laurent  in  Lucind,  des  SS. 
Jean  &  Paul ,  des  SS.  quatre  couronnés ,  de  S.  Etien- 
ne au  mont  Celio,  tk  de  S.  Quiricc.  Baronius  fur 
l'année  1057,  cite  un  rituel  ou  cérémonial  extrait 
de  la  bibliothèque  du  Vatican ,  qui  contient  ce  dé- 
nombrement des  cardinaux* 

D'autres  obfervent  qu'on  appclloit  cardinaux,  non- 
feulement  les  prêtres ,  mais  les  évêques ,  les  prêtres 
tk  les  diacres  titulaires ,  &  attachés  à  une  certaine 
églife  ;  à  la  différence  de  ceux  qui  ne  les  fervoient 
qu'en  paffant  &  par  commiffion.  Les  églifes  titulaires 
où  les  titres  étoient  des  efpeces  de  paroiffes ,  c'elt-à- 
dire,  des  églifes  attribuées  chacune  à  un  prêtre  car- 
dinal,  avec  un  quartier  fixé  tk  déterminé  qui  en  dé- 
pendoit ,  &  des  fonts  pour  adminiftrer  le  baptême 
dans  le  cas  où  il  ne  pouvoit  pas  être  adminiflré  par 
l'évêque.  Ces  cardinaux  étoient  fubordonnés  aux 
évêques.  C'cft  pour  cela  que  dans  les  conciles,  par 
exemple,  dans  celui  de  Rome  tenu  l'an  868 ,  ils  ne 
fouferivent  qu'après  les  évêques.  Ce  n'étoit  pas  feu- 
lement à  Rome  qu'ils  portoient  ce  nom  :  on  trouve 
des  prêtres  cardinaux  en  France.  Ainii  le  curé  de  la 
paroiffe  de  S.  Jean  des  Vignes  eft  nommé  cardinal  de 
cette  paroiffe  dans  une  charte  de  Thibault ,  évêque 
de  SoifTons ,  011  ce  prélat  confirmant  la  fondation  de 
l'abbaye  de  S.  Jean  des  Vignes  ,  faite  par  Hugue, 
iéigneurde  Château-Thierry,  exige  que  le  prêtre  car- 
dinal du  lieu  ,  presbyter  cardinalis  illius  loci ,  foit  tenu 
de  rendre  raifon  du  foin  qu'il  aura  eu  de  (es  paroif- 
iiens  à  l'évêque  de  SoifTons,  ou  à  fon  archidiacre, 
comme  il  faifoit  auparavant.  Les  mêmes  termes  le 
trouvent  employés  ,  &  dans  le  même  fens  ,  dans  la 
charte  du  roi  Philippe  I.  en  10  j6.  portant  confirma- 
tion de  la  fondation  de  S.Jean  des  Vignes. 

On  a  donné  auffi  ce  titre  à  quelques  évêques,  en 
tantqu'évêques.  Par  exemple,  à  ceux  deMaycncc  tk 
de  Milan.  D'anciens  écrits  appellent  l'archevêque  de 
Bourges  cardinal ,  tk  l'églife  de  Bourges  églife  cardi- 
nale. L'abbé  de  Vendôme  prend  le  titre  de  cardi- 
nal né. 

Les  cardinaux  font  divifés  en  trois  ordres  :  fix  évê- 
ques, cinquante  prêtres,  tk  quatorze  diacres ,  faifant 
en  tout  foixante-dix  ,  qu'on  appelle  le  facré-college.  y. 
Collège. 

Les  cardinaux  évêques ,  qui  font  comme  les  vicai- 
res du  pape ,  portent  le  titre  des  évèchés  qui  leur  font 
attribués.  Pour  les  cardinaux,  piètres  &  diacres,  ils 
ont  tous  des  titres  tels  qu'ils  leur  font  aflignés.  Le  nom- 
bre des  cardinaux  &  des  évêques  clt  fixé  :  mais  celui 
des  cardinaux  prêtres,  &:  diacres,  &  par  contequent 
le  nombre  des  membres  du  facré-college,  a  toujours 
varie  jufqu'à  l'année  1125.  Le  collège  des  cardinaux 
étoit  de  cinquante-deux  ou  cinquante-trois.  Le  con- 
çue de  Confiance  fixa  le  nombre  deb  cardinaux  à 
Tome  H, 


vingt  -quatre.  Sixte  IV.  fans  avoir  égard  aii  concile  $ 
en  grofîit  le  nombre ,  &  le  porta  jufqu'à  cinquante- 
trois  ;  ainfi  comme  le  nombre  des  cardinaux  étoit  anj 
ciennement  réglé  à  vingt-huit ,  il  fallut  établir  de  nou- 
veaux titres  à  mefure  que  l'on  créa  de  nouveaux  car- 
dinaux. A  l'égard  des  diacres ,  ils  n'étoient  originai- 
rement que  fept  pour  les  quatorze  quartiers  de  la  ville 
de  Rome.  On  les  augmenta  enfuite  jufqu'à  dix-neuf, 
après  quoi  le  nombre  en  fut  diminué  de  nouveau. 

Selon  Onuphre ,  ce  fut  le  pape  Pie  IV.  qui  régla 
le  premier  en  1562,  que  le  pape  feroit  feulement 
élu  par  le  fénat  des  cardinaux ,  au  lieu  qu'il  l'étoit  au- 
paravant  par  le  clergé  de  Rome.  D'autres  difentque 
dès  le  tems  d'Alexandre  III.  en  1 160,  les  cardinaux 
étoient  déjà  en  pofTcffion  d'élire  le  pape,  à  l'exclu-* 
fion  du  clergé.  On  remonte  encore  même  plus  haut, 
&  l'on  croit  que  Nicolas  II.  ayant  été  élu  à  Sienne 
en  1058,  par  les  feuls  cardinaux ,  c'eft  à  cette  Occa- 
iion  qu'on  ôta  le  droit  d'élire  le  pape  au  clergé  tk 
au  peuple  Romain,  qui  n'eurent  plus  que  celui  de 
le  confirmer,  en  donnant  leur  confentement  ;  ce  qui 
leur  fut  encore  ôté  dans  la  fuite.  Le  P.  Papebroch 
conjecture  que  c'ell  Honorius  IV.  qui  a  mis  le  pre- 
mier des  évêques  dans  le  facré-college,  en  y  faifant 
entrer  les  évêques  furliagansdupape,àquidc  droit  il 
appartient  de  le  nommer,  &  en  en  faifant  la  premiè- 
re clafie  des  cardinaux. 

La  conftitution  du  conclave  ,  pour  l'élection  du 
pape  ,  fut  faite  au  fécond  concile  de  Lyon  en  1 274. 
Le  décret  du  pape  Urbain  VIII.  par  lequel  il  eft  or- 
donné que  les  cardinaux  feroient  traités  d'éminencet 
eft  de  l'année  1630.  Avant  cela  on  les  traitoit  iïilluf- 
trijjîme. 

Depuis  ces  nouvelles  prérogatives ,  les  cardinaux 
ont  précédé  les  évêques;  cependant  ces  derniers, 
confervant  leur  prééminence ,  ont  quelquefois  pris 
le  pas  dans  les  airemblées  tk  les  cérémonies  publi- 
ques en  prélence  même  du  pape;  cela  le  voit  dans 
l'acte  de  dédicace  de  l'églife  de  Marmoutier  par  le 
pape  Urbain  II.  l'an  1090,  lorfqu'il  vint  en  France 
tenir  le  fameux  concile  de  Clermont  ;  car  dans  cette 
cérémonie  ,  Hugues  archevêque  de  Lyon ,  tenoit , 
après  le  pape  ,  le  premier  rang  ;  les  autres  archevê- 
ques &  évêques  le  fuivoient  ;  &  après  eux  venoient 
les  cardinaux ,  prêtres  &  diacres  qui  avoient  accom- 
pagné le  pape  dans  ce  voyage. 

Quand  le  pape  crée  des  cardinaux ,  il  écrit  le  nom 
de  ceux  qu'il  veut  élever  à  cette  dignité,  tk  il  les  fait 
lire  dans  le  conliitoire ,  après  avoir  dit  aux  cardinaux, 
habetis  fratres ,  c'eft-à-dire,  vous  ave^pour  frères  S  Ni 
Le  cardinal  patron  envoyé  enfuite  quérir  ceux  qui  fe 
trouvent  à  Rome,  tk  les  mené  à  l'audience  du  pape 
pour  recevoir  de  lui  le  bonnet  rouge,  tk  au  premier 
coniifioire  fa  fainteté  leui  donne  le  chapeau.  Jufques- 
là  ils  demeurent  incognito,  &  ne  peuvent  fe  trouver 
aux  aflémblées.  A  l'égard  des  abfens,  le  pape  leur  dé- 
pêche un  de  fes  cameriers  d'honneur  pour  leur  por- 
ter le  bonnet:  mais  ils  font  obligés  d'aller  recevoir 
le  chapeau  de  la  main  de  fa  fainteté  ;  tk  quand  ils  en- 
trent à  Rome  on  les  reçoit  en  cavalcade.  Les  habits 
des  cardinaux  font  la  (butane,  lerochet,  le  mante- 
let,  la  mozette,  &  la  chape  papale  fur  le  roc!,, 
les  relions  publiques  c\r  lolennelles.  La  couleur  de 
leur  habit  eft  différente  félon  le  tems .  ou  de  rouge, 
ou  de  rôle  lèche,  ou  de  violet  :  les  cardinal,  » 
liers  ne  portent  point  de  foie  ou  d'autre  couleur  qua 
celle  de  leur  religion  ,  avec  une  doublure  rouge  ; 
mais  le  chapeau  ci  le  bonnet  rouge  font  communs  à 
tous.  Les  cardinaux  que  le  pape  envoyé  aux  princes 
fouverains ,  font  décoi es  du  titre  de  légats  .1  ... 
lorfqu'ils  font  envo\  es  daris  une  \  tUe  de 
tion  du  pape,  leur  gom  ernement  s'appelle  .'■ 

ànt  tions,qur  font;  celles  d'Avign*     . 

Ferrare  ,  de  J  •  •  de  Peroule  ,  ex  de  U.'.vcnne, 

1  RRrr 


682 


CAR 


Voyt{  LÉGAT  &  LÉGATION,  traité  de  forig.  des  car- 
dinaux. Du  Cange,  G  lof.  Aubery,  Hift.  des  cardinaux. 
Cardinal  fe  dit  auffi  d'offices  féculiers  :  ainfi  les 
premiers  minières  de  la  cour  de  Theodoie  font  auffi 
appelles  cardinaux.  Et  Caffiodore,  liv.  Vll.form.  Si. 
fait  mention  du  prince  cardinal  de  la  ville  de  Rome. 
On  trouve  parmi  les  officiers  du  duc  de  Bretagne 
en  1447?  un  Raoul  de  Thorel,  cardinal  de  Quillart, 
chancelier  &c  ferviteur  du  vicomte  de  Rohan  ;  ce  qui 
montre  que  c'étoitun  office  fubalterne.  (G) 

CARDINALE  RAPUNTIUM,  (Hift.  nat.  bot.) 
genre  de  plante  à  fleur  monopétale ,  anomale ,  tubu- 
îée  ou  iïllonnée ,  découpée  en  plufieurs  parties  qui 
font  difpofées  comme  les  doigts  de  la  main ,  &  qui 
ont  chacune  la  forme  d*une  langue.  Cette  fleur  a 
une  gaine  qui  contient  le  piltil.  Le  calice  devient  un 
fruit  divifé  en  trois  loges ,  qui  renferment  des  lemen- 
ces  petites  pour  l'ordinaire ,  &  attachées  à  un  pla- 
centa divifé  en  trois  parties.  Tournefort,  Injl.  rei 
herb.  Voyei  PLANTE.  (/) 

CARDINAUX,  f.  m.  pi.  en  terme  de  Drapier  &  de 
Tondeur,  c'elt  une  efpece  de  petites  cardes  de  fer, 
remplies  par  le  pié  ,  &  dont  il  n'y  a  que  l'extrémité 
des  pointes  qui  paroifTe  ;  on  s'en  fort  pour  ranger  le 
poil  &  le  coucher  dans  la  tonte.  Voye^  C article  &  les 
jigures  de  la  Draperie. 

C  ARDONE ,  (  Géog.  )  ville  forte  d'Efpagne  dans 
la  Catalogne,  avec  titre  de  duché.  Il  y  a  auprès  de 
cette  ville  une  montagne  toute  de  fol ,  &  qui  ne  s'é- 
puife  point  ;  ce  fol  elt  de  différentes  couleurs  fort 
éclatantes,  qu'il  perd  lorfqu'on  le  lave.  Long,  ig.io. 
lat.  41.  42. 

CARDONERO ,  (  Géog.  )  rivière  d'Efpagne  dans 
la  Catalogne ,  quife  jette  dans  celle  de  Lobregat. 

C  ARDONS  d'Efpagne ,  (  Jardinage  )  elt  un  légume 
qui  vient  de  graine  que  l'on  feme  à  la  mi-Avril  ou 
en  Mai ,  fur  couche  ou  en  pleine  terre.  On  tranfplante 
en  motte  les  premières  qui  étoient  fur  couche  ,  dans 
une  planche  bien  amandée ,  de  quatre  pies  de  large  , 
&  à  trois  pies  l'une  de  l'autre  dans  des  trous  terrotés. 
Si  on  les  feme  dru  dans  la  rigole ,  on  les  éclaircit  en- 
fuite  ,  en  arrachant  les  plus  ferrés.  On  les  lie  quand 
ils  font  hauts  avec  de  la  paille,  &  on  les  butte  d'un 
pié  de  terre  pour  les  foùtenir  ;  enfuite  on  y  met  de  la 
terre  ou  de  la  paille  juiqu'en  haut  pour  les  faire  blan- 
chir. On  peut  les  traniporter  en  motte  dans  la  ferre 
en  les  replantant  fur  une  planche  de  terre  rapportée  ; 
lî-tor  que  les  cardons  feront  plantés ,  on  les  arrofera , 
on  les  fardera  fouvent ,  8c  on  leur  donnera  deux  ou 
trois  labours  par  an.  (  K  ) 

CARDUEL,  (le)  ou  CARTHUEL,  (Géog.  ) 
pays  d  Aile  à  l'Orient  de  la  Géorgie,  dont  la  capi- 
tale elt  Téflis. 

C  ARED1 VE ,  (  Géog.  )  île  d'Ane ,  dans  la  mer  des 
Indes ,  fur  la  côte  occidentale  de  l'île  de  Ceylan. 

CAREK. ,  (  Géog.  )  petite  île  d'Alie  ,  dans  le  golfe 
Perflque. 

C.i  RELIA, {.  f.  (Hift.  nat.  bot.  )  genre  de  plante 
à  fleur  en  fleurons  rafîemblés  en  forme  de  tête ,  écail- 
leufe  &  garnie  de  feuilles  ;  ces  fleurons  font  d'une 
foule  pièce,  dont  les  bords  font  découpés.  La  fomen- 
ce  elt  oblongue ,  anguleufe,  terminée  par  une  aigret- 
te garnie  d'écaillés  ;  elle  mûrit  fur  la  couche  qui  elt 
nue.  Pontedera  Dif.ocl.  Voye^  PLANTE.   (/) 

CARELIE,  (  Géog.  )  province  de  la  partie  orien- 
tale de  la  Finlande  ;  on  la  divifé  en  Suédoile  &  en 
Mofcovite  :  la  partie  la  plus  conlîdérable  appartient 
à  la  Ruffie. 

CARELL,  CRAOL  ou  CRAIL ,  (  GV0£.  )  petite 
ville  d'EcolTe ,  dans  la  province  de  File. 

CARELSBROOK  ,  (  Géog.  )  forterelfo  d'Angle- 
terre ,  dans  l'île  de  Wight ,  dans  la  Manche. 

CARÊME,  f.  m.  (Hift.  eccléfiaft.  )  quadragefima, 
tems  de  pénitence,  pendant  lequel  on  jeûne  quarante 


CAR 

jours ,  pour  fo  préparer  à  célébrer  la  fête  de  Pâque. 
Foyei  Jeûne. 

Anciennement  dans  l'Eglifo  Latine,  le  carême  n'é- 
toit  que  de  trente-fix  jours.  Dans  le  cinquième  ficelé , 
pour  imiter  plus  précilément  le  jeûne  de  quarante 
jours ,  que  Jelus-Chrilt  fouffrit  au  delert  ;  quelques- 
uns  ajoutèrent  quatre  jours ,  &  cet  ulage  a  été  niivi 
dans  l'Occident ,  lî  l'on  en  excepte  l'églifo  de  Milan , 
qui  a  confervé  l'ancien  ulage  ,  de  ne  taire  le  carême 
que  de  trente-fix  jours. 

Suivant  S.  Jérôme  ,  S.  Léon  ,  St.  Augultin ,  &  plu- 
fleurs  autres  ,  le  carême  a  été  inltitué  par  les  Apôtres. 
Voici  comment  ils  raifonnent  :  tout  ce  que  l'on  trou- 
ve établi  généralement  dans  toute  l'Eglifo,  fans  en 
voir  l'inltiiution  dans  aucun  concile ,  doit  pafler  pour 
un  établiflement  fait  par  les  Apôtres  ;  or  tel  elt  le 
jeûne  du  carême.  On  n'en  trouve  l'inltitution  dans  au- 
cun concile  ;  au  contraire ,  le  premier  concile  de  Ni- 
cée ,  celui  de  Laodicée  ,  auffi  bien  que  les  pères  Grecs 
&  Latins ,  fur-tout  Tertullien ,  parlent  du  carême  com- 
me d'une  choie  générale  &  très-ancienne. 

Calvin ,  Chemnitius ,  &  les  Proteltans  prétendent 
que  le  jeûne  du  carême  a  été  d'abord  inltitué  par  une 
efpece  de  fuperltition,&  par  des  gens  Amples  qui  vou- 
lurent imiter  le  jeûne  de  Jefus-Chrilt  ;  ils  prétendent 
prouver  ce  fait  par  un  mot  de  S.  Irénée,  cité  par 
Eufebe.  Preuve  très-foible  ,  ou  pour  mieux  dire  de 
nulle  valeur,  quand  on  a  contre  elle  le  témoignage 
confiant  de  tous  les  autres  pères ,  èc  la  pratique  de 
FEglife  univerfelle. 

D'autres  dilent  que  ce  fut  le  pape  Telesphore ,  qui 
l'inltitua  vers  le  milieu  du  fécond  iieclc  ;  d'autres  con- 
viennent que  l'on  obforvoit  à  la  vérité  le  carême  dans 
.  l'églifo ,  c'elt-à-dire ,  un  jeûne  de  quarante  jours  avant 
Pâques,  du  tems  des  Apôtres;  mais  que  c'étoit  volon- 
tairement ;  &  qu'il  n'y  eut  de  loi  que  vers  le  milieu 
du  troifieme  ficelé.  Le  précepte  eccléfialtique  quand 
il  foroit  foui ,  formerait  une  autorité  que  les  réfor- 
mateurs auroient  dû  relpefter  ,  s'ils  avoient  moins 
penfé  à  introduire  le  relâchement  dans  les  mœurs  que 
la  réforme. 

Les  Grecs  différent  des  Latins  par  rapport  à  l 'abs- 
tinence du  carême  ;  ils  le  commencent  une  femain2 
plutôt,  mais  ils  ne  jeûnent  point  les  famedis  com- 
me les  Latins ,  excepté  le  famedi  de  la  fomaine- 
fainte. 

Les  anciens  moines  Latins  faifoient  trois  carêmes  ; 
le  grand ,  avant  Pâque  ;  l'autre  ,  avant  Noël ,  qu'on 
appelloit  de  la  S.  Martin  ;  &  l'autre ,  de  S.  Jean-Bap^ 
tifte ,  après  la  Pentecôte  ;  tous  trois  de  quarante  jours. 

Outre  celui  de  Pâques,  les  Grecs  en  obforvoient 
quatre  autres  qu'ils  nommoient  les  carêmes  des  Apô- 
tres, de  l'Alîbmption  ,  de  Noël ,  &  de  la  Transfigura- 
tion :  mais  ils  les  réduiioient  à  fopt  jours  chacun  ;  les 
Jacobites  en  font  un  cinquième,  qu'ils  appellent  de  la 
pénitence  de  Ninive  ;  &  les  Maronites  flx  ,  y  ajoutant 
celui  de  l'exaltation  de  la  Sainte-croix. 

Le  huitième  canon  du  concile  de  Tolède  ordonne 
que  ceux  qui,  fans  une  néceffité  évidente,  auront 
mangé  de  la  chair  pendant  le  carême ,  n'en  mangeront 
point  pendant  toute  l'année ,  &  ne  communieront 
point  à  Pâque. 

Quelques-uns  prétendent  que  l'on  jeûne  les  qua- 
rante jours  que  dure  le  carême,  en  mémoire  du  délu- 
ge ,  qui  dura  autant  de  tems  ;  d'autre ,  des  quarante 
années  pendant  lefquelles  les  Juifs  errèrent  dans  le 
delert;  d'autres  veulent  que  ce  foit  en  mémoire  des 
quarante  jours  qui  furent  accordés  aux  Ninivites  pour 
faire  pénitence  ;  les  uns ,  des  quarante  coups  de  fouets 
que  l'on  donnoit  aux  malfaiteurs  pour  les  corriger; 
les  autres ,  des  quarante  jours  de  jeûne  que  Moyfe 
obferva  en  recevant  la  loi ,  ou  des  quarante  jours  que 
jeûna  Elie  ,  ou  enfin  des  quarante  jours  de  jeûne 
qu'obforva  Jenis-Chiift. 


CAR 

.  La  difcipline  de  I'églife  s'eft  infenfiblement  relâ- 
chée fur  la  rigueur  <k  la  pratique  du  jeune  pendant  le 
carême.  Dans  les  premiers  tems,  le  jeune  dans  I'églife 
d'Occident  coniîïtoit  à  s'abftenir  de  viandes ,  d'œufs, 
de  laitage ,  de  vin ,  6c  à  ne  faire  qu'un  repas  vers  le 
loir  :  quelques-uns  feulement  prétendant  que  la  vo- 
laille ne  devoit  pas  être  un  mets  défendu  ;  parce  qu'il 
eft  dit  dans  la  Genefe ,  que  les  oifeaux  avoient  été 
créés  de  l'eau  aulîi  bien  que  les  poiflbns ,  le  permirent 
d'en  manger  ;  mais  on  réprima  cet  abus.  Dans  I'églife 
d'Orient ,  le  jeûne  a  toujours  été  fort  rigoureux  ;  la 
plupart  ne  vivoient  alors  que  de  pain  6c  d'eau  avec 
des  légumes.  Avant  l'an  800 ,  on  s'étoit  déjà  beau- 
coup relâché ,  par  l'ufage  du  vin ,  des  œufs,  &  des 
laitages.  D'abord  le  jeûne  confiftoit  à  ne  faire  qu'un 
repas  le  jour  ,  vers  le  loir  après  les  vêpres  ;  ce  qui 
s'eft  pratiqué  jufqu'àl'ân  1200  dans  I'églife  Latine. 
Les  Grecs  dînoient  à  midi ,  &  faifoient  collation  d'her- 
bes &  de  fruits  vers  le  loir  dès  le  fixieme  fiecle.  Les 
Latins  commencèrent  dans  le  treizième  à  prendre 
quelques  conferves  pour  foûtenir  l'eftomac  ,  puis  à 
faire  collation  le  foir  :  ce  nom  a  été  empnmté  des  re- 
ligieux ,  qui  après  louper  alloient  à  la  collation ,  c'eft- 
à-dire  à  la  lecture  des  conférences  des  faints  pères  , 
appeliées  en  Latins  collationes  ;  après  quoi  on  leur 
permettoit  de  boire  aux  jours  de  jeune  de  l'eau  ou  un 
peu  de  vin,  &  ce  léger  rafraîchiifement  le  nommoit 
auiu  coLUuon.  Le  dîner  des  jours  de  carême  ne  le  fit 
cependant  pas  tout  d'un  coup  à  midi.  Le  premier  de- 
gré de  changement  fut  d'avancer  le  foûper  à  l'heure 
de  nom ,  c'eft-à-dne ,  à  trois  heures  après  midi  ;  alors 
on  duoit  aune ,  enmûe  la  méfie ,  puis  les  vêpres  , 
après  quoi  l'on  alloit  manger.  Vers  l'an  1 500 ,  on 
avança  les  vêpres  à  l'heure  de  midi  ;  &  l'on  crut  ob- 
ferver  l'abftinence  preferite  en  s'abftenant  de  vian- 
des pendant  la  quarantaine ,  &  fe  réduilant  à  deux 
repas  ,  l'un  plus  fort ,  &  l'autre  très-léger  fur  le  foir. 
On  joignoit  aulîi  au  jeûne  du  carême  la  continence  , 
l'abumence  des  jeux,  des  divertiflemens ,  6c  des  pro- 
cès. Il  n'eft  pas  permis  de  marier  fans  difpenie  pen- 
dant le  carême.  Thomalîîn  ,  Traité  hijïorique  &  dogma- 
tique des  Jeûnes.   {  G  ) 

CAREMBOUL ,  (  Géog.  )  contrée  de  l'île  de  Ma- 
dagafear ,  dans  la  partie  méridionale. 

CARENAGE ,  CRAN  AGE ,  CRAN ,  f.  m.  (  Ma- 
rine )  c'eft  un  lieu  convenable  fur  le  rivage  de  la  mer, 
pour  donner  la  carène  à  des  vaifTeaux  ;  les  mots  de 
cranage  6c  de  cran  font  venus  par  corruption ,  &  ne 
font  d'ufage  que  parmi  quelques  matelots. 

Pour  qu'un  lieu  fôit  propre  pour  en  faire  un  caré- 
nage ,  il  tant  qu'au  pié  de  la  côté  il  y  ait  affez  d'eau 
pour  que  le  vailTeau  y  foit  à  flot,  êv  qu'on  puilfe  l'a- 
battre aifément  fur  la  terre ,  &  le  coucher  fur  le  côte 
allez  pour  qu'on  lui  voye  la  quille. 

CARENE ,  Quii/e ,  f.  m.  (  Marine  )  c'elt  une  lon- 
gue &  grolTe  pièce  de  bois ,  ou  plusieurs  pièces  mi- 
les à  bout  l'une  de  l'autre  6c  qui  régnent  par-dehors, 
dans  la  plus  baffe  partie  du  vailTeau  ,  de  poupe  à 
proue  ,  afin  de  fervir  de  fondement  au  navire.  Voye^ 
"Quille.  On  prend  fouveht  le  mot  de  carène  plus  gé- 
néralement, 6c  on  entend  par-là  toute  la  partie  du 
vai(Teau,qui  efteomprife  depuis  la  quille  jufqu'à  la 
ligne  de  l'eau  ;  de-là  vient  qu'on  dit  caréner  un  vail- 
le, m  ,  donner  la  carène  ,  mettre  un  vailTeau  en  carène, 
pour  lignifier  qu'on  donne  le  radoub  au  fond  du  bâti- 
ment. 

Carf.ne  ,  Cran  ,  c'eft  le  travail  qu'on  fait  pour 
calfater  &  radouber  un  vailTeau  dans  les  œuvres  \  1 
ves  ,  6c  qui  vont  fous  l'eau. 

Demi-carene ,  fe  dit  lorfqu'en  voulant  caréner  11:1 
vailTeau,  on  ne  peut  travailler  que  dans  la  moitié  de 
fon  fond,  par  dehors  ,  £c  qu'on  ne  peut  joindre  juf- 
que  vers  la  quille. 
Tome  II, 


CAR  6î] 

^  Carène  entière ,  c'eft  quand  on  peut  caréner  tout  un 
côté  jufqu'à  la  quille. 

CARENER  ,  verb,  aft.  (  Marine.  )donrter'la  carè- 
ne à  un  vaiffeau  ,  mettre  un  vailTeau  en  carène.  Quel- 
ques-uns difent  par  corruption  carner ,  &  mettre  un 
vaifeau  en  cran  ;  car  le  mot  cran  n'eft  autre  chofe  ,  que 
celui  de  carène  qu'ils  ont  eftropié.  Caréner  un  vailTeau , 
c'eft  le  coucher  fur  le  côté ,  jufqu'à  ce  qu'on  lui  voye 
la  quille ,  pour  le  radouber ,  le  calfater ,  ou  le  raccom- 
moder aux  endroits  qui  font  dans  l'eau,  qu'on  nomme 
œuvres  vives;  6c  les  œuvres  mortes  comprennent  tou- 
tes les  parties  du  vailTeau  qui  font  hors  de  l'eau  ,  ou 
bien  tous  les  hauts  du  vailTeau. 

Pour  bien  caréner  un  vailTeau  ,  il  ne  faut  pas  épar- 
gner le  chauffage ,  qui  le  fait  avec  des  bourrées  de 
menus  bois;  ce  chauffage  eft  néceffaire  pour  bien 
nettoyer  le  vaiffeau ,  &  mieux  faire  paroitre  le , 
fecruofités  ou  les  fentes  qu'il  pourroit  y  avoir  ,  afin 
d'y  remédier;  enfuite  on  le  fraie  &  on  le  fuife. 

Pour  coucher  le  vailTeau  fur  le  côté  lorfqu'on  veut 
le  caréner,  on  le  fert  dans  les  ports  de  pontons,  fui 
lefquels  on  l'abat  &  on  l'amarre.  (Z  ) 

CARENTAN,  (  Géog.  )  petite  viLle  de  France  en 
baffe  Normandie,  dans  le  Cotcntin. 

CARETTE,  f.  f.  partie  du  métier  des  étoffes  de 
foie.  La  carette  eft  un  cadre  d'un  pié  &  demi  environ 
de  large  fur  deux  pies  6c  demi  de  long ,  compofé  d'un 
brancard  &  d'un  montant ,  fur  les  traverfes  duquel  de 
chaque  côté  ,  eft  un  râteau  dans  lequel  les  aleirons 
font  pofés  &  enfilés.  Voye^  Étoffe  de  Soie.  Koye^ 
aujjl  Aleirons. 

Il  n'y  a  pas  ordinairement  de  poulies  dans  les  ca- 
rettes  ;  les  aleirons  font  féparés  par  des  dentures  fai- 
tes aux  deux  planches  dans  lefquelles  font  enfilés  les 
aleirons  ;  d'ailleurs  il  y  a  des  carette*  qui  portent  juf- 
qu'à vingt  aleirons  de  chaque  côté  :  à  quoi  ferviroient 
donc  les  poulies? 

C  A-RE  VA  U  ,  cri  de  Chafe  ,  c'eft-à-dire  que  le  cerf 
s'en  retourne  dans  fon  pays. 

CAREX ,  f.  m.  {Hijl.  nat.  bot.)  genre  de  plante 
qui  ne  diffère  du  cyperoide ,  qu'en  ce  que  Tes  fleurs 
&  les  fruits  forment  plutôt  une  tète  qu'un  épi ,  6c 
qu'en  chaque  grouppe  il  fe  trouve  des  fleurs  &  des 
fruit?,  de  façon  que  dans  quelques  efpeces  les  fleurs 
occupent  la  partie  fupérieure  du  groupe  &  les  fruits  la 
partie  inférieure  ;  6c  dans  d'autres  elpeces,  les  fleurs 
font  au  contraire  dans  le  bas,  &  les  fruits  dans  le  haut* 
La  divilion  des  efpeces  de  ce  genre  dépend  de  cette 
différence  de  lituation,  &  de  la  figure  des  capfules. 
Micheli ,  Novaplant.  gen.  Voye^  Plante.  (/ ) 

CARFAGNANA,  {Géog.)  petit  pays  d'Italie, 
dans  le  Modénois ,  près  de  l'Apennin. 

CARGA ,  {Géog.')  île  d'Aiic  ,  dépendante  de  la 
Perfe ,  de  la  province  de  Kerman. 

CARGADORS,  f.  m.  pi.  {Commerce.')  nom  qu'on 
donne  à  Amfterdam  à  des  efpeces  de  courtiers,  qui 
ne  fe  mêlent  que  de  chercher  du  fret  pour  les  navires 
qui  font  en  chargement,  ou  d'avertir  les  marchands 
qui  ont  des  marchandées  à  voiturer  par  mer ,  des 
vaifTeaux  qui  font  prêts  à  partir ,  8c  pour  quels  lieux 
ils  font  deltinés. 

Si  le  cargador,  à  qui  le  maître  d'un  vaifleau  s'a- 
dreffe ,  trouve  à  le  fretter  tout  entier ,  il  convient  du 
prix  avec  le  marchand  qui  en  a  beloin  ;  li  au  con- 
traire il  trouve  à  ne  le  charger  qu'a  cueillete  ,  il  dif- 
tribue  des  billets  à  la  bourfe,  cv  y  fait  afficher  des 
placards  ,  qui  contiennent  le  nom  du  vaifleau,  du 
capitaine  ,  du  lieu  de  fa  deftination  ,  6c  celui  des  car- 
gadors.  On  peut  voir  un  modèle  de  ce  billet,  8c  la 
manière  de  traiter  avec  les  cargadbrst  dans  le 
du  Commerce  ,  tom.  II.  pag.  9  "•  {G) 

CARGAISON,  CARÔl   AlsoN  .  f.  f.  {Mai 
c'eft  le  chargement  du  vaiffeau  :  ainfi  toutes  les  mar- 

R  R  r  r  ij 


684 


CAR 


chandifes  dont  le  vaiffcau  eft  chargé  compofent  la 
cargaifon.  On  entend  auffi  quelquefois  par  ce  mot  la 
facture  des  marchandées  qui  font  chargées  dans  un 
vaiffeau  marchand. 

Quelcues-uns  fo  iérvent  du  mot  de  cargaifon ,  pour 
fi<*nifîer  l'action  de  charger ,  ou  le  tems  propre  à  char- 
ger certaines  marchandiiés ,  en  ce  dernier  iéns  on  dit 
ce  mois  efl  le  tems  de  la  cargaifon  des  vins,  des  huiles,  &c. 
CARGUE ,  CARGUES  ,  f.  f.  {Marine.)  On  ap- 
pelle ainlî  toute  forte  de  manœuvre  qui  fort  à  faire 
approcher  les  voiles  près  des  vergues ,  pour  les  trouf- 
for  &  les  relever ,  foit  qu'on  ait  deffein  de  les  laiffer 
en  cet  état  ou  de  les  ferrer. 

Les  cargues  font  distinguées  en  cargues -point,  en 
car  gués- f o  nd ,  &C  en  cargues-bouline. 

Il  faut  remarquer  que  quoiqu'on  difo  une  cargue  au 
féminin ,  ce  mot  devient  mafculin  lorfqu'il  eft  joint 
avec  un  autre  :  on  dit  le  cargue-point ,  le  cargue-bou- 
line ,  &c. 

Cargues  d'artimon  ;  quand  on  parle  de  ces  fortes  de 
cargues  ,  on  dit  les  cargues  du  vent ,  &  les  cargues  def- 
fous  le  vent  ;  les  unes  font  du  côté  d'où  le  vent  vient, 
&  les  autres  du  côté  oppofé. 

Mettre  les  baffes  voiles  fur  les  cargues,  mettre  les 
huniers  fur  les  cargues ,  cela  fe  dit  lorfqu'on  fe  fort 
des  cargues  pour  trouffer  les  voiles  par  en-bas* 

Cargue  à  vue,  c'eft  une  petite  manœuvre  paffée 
dans  une  poulie  fous  la  grande  hune ,  Se  qui  eft  frap- 
pée à  la  ralingue  de  la  voile ,  pour  la  lever  lorfqu'on 
veut  voir  par-deffous  :  cette  manœuvre  n'eft  pas  or- 
dinairement d'ufage. 

Prefque  toutes  les  voiles  ont  des  cargues  :  en  voici 
le  détail  &  le  renvoi  à  la  figure ,  pour  en  donner  une 
plus  parfaite  intelligence. 

Cargues  de  la  grande  voile  ,  Flanche  I.  n°  3  3. 
Cargues  du  grand  hunier ,  n°.  79. 
Cargues  du  grand  perroquet ,  n°.  81. 
Cargues  d'aï  timon,  n°.  32. 
Cargues  du  perroquet  de  foule  ,  n°.  78. 
Cargues  de  milene  ,  nJ.  34. 
Cargues  du  petit  hunier ,  n°.  80. 
Cargues  du  perroquet  de  milene  ,  n°.  82. 
Cargues  de  la  civaciere  ,  n°.  35. 
Cargues  du  perroquet  de  beaupré  ,  n°.  83. 
Cargues-pomt  ou  tailles  de  point  ;  ce  font  des  cordes, 
qui  étant  amarrées  aux  angles  ou  points  du  bas  de  la 
voile,  fervent  pour  la  trouffer  vers  la  vergue,  enforte 
qu'il  n'y  a  que  le  fond  de  la  voile  qui  reçoive  le  vent. 
Cargues-bouline  ,  contrefanons  ;  ce  font  des  cordes 
qui  font  attachées  ou  amarrées  au  milieu  des  côtés 
de  la  voile  vers  les  pattes  de  la  bouline ,  &  fervent 
à  trouffer  les  côtés  de  la  voile. 

Voye^  Planche  I.  les  cargues-boulines  de  la  grande 
voile,  cottes  51. 

Cargues-fond  ou  tailles  de  fond;  ce  font  des  cordes 
amarrées  au  milieu  du  bas  de  la  voile,  &  c'eft  par  le 
moyen  de  ces  cordes  qu'on  en  relevé  ou  trouffe  le 
fond,  f^ojei  Planche  I.  Cargues-fond  ou  tailles  de  fond 
de  la  grande  voile  ,  n°.  53.  Cargues-fond  de  la  voile 
de  milene,  n°.  54.  Cargues  fond  de  la  civadiere,  n°. 
55- (z) 

Cargue-bas.  Voye^  Cale-BAS. 

Cargues  de  hune.  Voyei  RETRAITES  DE  HUNE. 

CARGUER.  Carguer  la  voile  ,  bourcer  la  voile  , 
c'eft  la  trouffer  &  raccourcir  par  le  moyen  des  car- 
gues qui  la  lèvent  en-haut,  $c  qui  l'approchent  de  la 
vergue  jufqu'à  mi-mât  ou  juiqu'au  tiers  du  mât,  plus 
ou  moins ,  félon  qu'on  veut  porter  plus  ou  moins  de 
voile ,  ayant  égard  à  la  force  du  vent  &  à  la  diligence 
qu'on  veut  faire.  Trouffer  la  voile  entièrement,  c'eft 
la  ferler  ou  la  mettre  en  fagot ,  &  quand  elle  n'eft  ni 
ferlée  ni  carguee,  cela  s'appelle  mettre  la  voile  au  vent 
ou  la  mettre  dehors. 

Carguer  fignifîe  auffi pancher fur  le  côté  m  naviguant. 


CAR 

Carguer  C  artimon  ,  carguer  àflribord ,  carguer  de  f  ar- 
rière ,  carguer  de  V avant  ;  termes  de  commandement. 
Foye{  Cargue. 

CARGUEUR,  fub.  m.  (Marine.)  c'eft  une  poulie 
qui  fort  particulièrement  pour  amener  &  guinder  le 
perroquet  :  on  la  met  tantôt  au  tenon  du  perroquet , 
&  tantôt  à  fon  chouquet  ou  à  fes  barres.  (Z  ) 

CARHAIX ,  (Géog.  )  petite  ville  de  France  ,  en 
baffe  Bretagne ,  fameufe  par  la  bonté  des  perdrix  qui 
s'y  trouvent. 

C ARIATI ,  (Géog.)  petite  ville  d'Italie ,  au  royau- 
me de  Naples,  dans  la  Calabre  citerieure,  avec  titre 
de  principauté.  Long.  34.  5o.  lat.  J<).  38. 

CARIBANE,  (Géog.)  province  maritime  de  l'A- 
mérique méridionale,  qui  s'étend  depuis  l'embou- 
chure de  la  rivière  d'Orenoque  jufqu'à  celle  de  l'A-* 
mazone. 

CARIBES  (les),  Géog.  peuples  fauvages de  l'A- 
mérique méridionale  ,  aux  confins  des  terres  des  Ca- 
ripous  ,  ils  vont  tout  nuds  ,  tk.  fe  peignent  le  corps 
en  noir. 

CARIBOU,  f.  m.  (Hift.  nat.  Zoolog.)  efpece  de 
cerf  de  l'Amérique  :  il  eft  très-léger,  &  il  court  fur  la 
neige  prelqu'auffi  vite  que  fur  la  terre.  Cette  facilité 
lui  vient  de  la  conformation  de  fes  pies ,  qui  n'enfon- 
cent pas  a  lément  der.s  la  neige,  parce  que  la  corne 
de  fes  pies  eft  fort  large  &  garnie  d'un  poil  rude  dans 
les  intervalles ,  de  forte  qu'elle  lui  tient  lieu  des  ra- 
quettes des  Sauvages.  Lorlqu'il  habite  le  fort  des  bois, 
il  fe  fait  des  routes  dans  la  neige  ,  &C  il  y  eft  attaqué 
par  le  carcajou.  Voyer^  Carcajou.  (/) 

CARICATURE,  f.  f.  (Peinture.)  Ce  mot  eftfran- 
cifé  ,  de  l'Italien  caricatura  ;  &  c'eit  ce  qu'on  appelle 
autrement  charge.  Il  s'applique  principalement  aux  fi- 
gures grotefques  &  extrêmement  ciilproportionnées 
ioit  dans  le  tout ,  foit  dans  les  parties  qu'un  Peintre  , 
un  Sciilpteur  ou  un  Graveur  fait  exprès  pour  s'amu- 
fer, &  pour  faire  rire.  Calot  a  excellé  dans  ce  genre. 
Mais  il  en  eft  du  burîefque  en  Peinture  comme  en 
Poëne;  c'eft  une  efpece  de  libertinage  d'imagination 
qu'il  ne  faut  fe  permettre  tout  au  plus  que  par  délaf» 
fement.  (O) 

CARIE  ,  f.  f.  terme  de  Chirurgie,  folution  de  conti- 
nuité dans  un  os ,  accompagnée  de  perte  de  fubftan- 
ce,  laquelle  eft  occanonnée  par  une  humeur  acre  Se 
&C  rougeâtre.  Voye^  Os. 

La  carie  eft  une  forte  de  corruption  ou  putréfact ion 
particulière  aux  parties  dures  ou  offeules  du  corps  , 
qui  y  produit  le  même  effet  que  la  gangrené  ou  la 
mortification  fur  les  parties  molles  ou  charnues  ;  ou 
qui ,  comme  s'expriment  d'autres  auteurs ,  y  fait  ce 
que  font  aux  parties  molles  l'abcès  ou  l'ulcère.  Voye^ 
Gangrené,  Mortification,  Abcès,  Ulcère. 

La  carie  provient  de  l'afSuence  continuelle  d'hu- 
meurs vicieules  frif  l'os ,  ou  de  l'acrimonie  de  ces  hu- 
meurs ,  de  fract ure ,  de  contufion ,  de  luxation  ,  d'ul- 
cère ,  de  mal  vénérien ,  de  médicamens  corrofifs ,  de 
ce  que  l'os  eft  refté  long-tems  à  nud  &  dépoiiilié  de 
chair ,  expofé  à  l'air  extérieur ,  &c. 

Les  remèdes  ufités  dans  la  carie  font  les  teintures 
d'Euphorbe ,  de  myrrhe ,  tk  d'aloès  ,  ou  les  mêmes 
fubftances  en  poudre,  avec  une  addition  d'iris,  d'a- 
riftoloche  d'une  ou  d'autre  forte ,  de  gentiane ,  &c. 
&  fingulierement  la  poudre  de  diapenié.  Après  qu'on 
a  fait  ufage  de  la  teinture,  on  met  fur  l'os  un  phimaf- 
feau  faupoudré  des  mêmes  fubftances  pulvérifées. 
On  applique  auffi  fort  fouvent,  avec  fuccès,  fur  l'os 
carié,  le  cautère  actuel,  qu'on  paffe  à  travers  une 
cannule ,  pour  ne  point  endommager  les  parties  voi- 
fines.  Foye{  CAUTERE. 

Les  Anatomiftes  en  difféquant  des  corps ,  trouvent 
fouvent  des  os  cariés ,  fingulierement  ceux  des  mâ- 
choires ,  des  jambes,  &c.  quoique  pendant  que  les 
perfonores  étoient  vivantes  on  ne  foupeonnat  rien  de 


CAR 

femblable ,  &  qu'elles  n'en  refîentilTent  aucun  mal. 

Lorfque  les  caries  font  caulées  par  un  virus  véné- 
rien ,  fcorbutique ,  écrouelleux ,  &c.  il  faut  tacher  de 
détruire  la  caufe  avant  que  d'employer  les  remèdes 
locaux  capables  de  produire  l'exfoliation  de  la  carie. 
Voye^  Exfoliation. 

Les  caries  avec  vermoulure  ne  fe  peuvent  guérir  , 
il  faut  en  venir  à  l'amputation  du  membre.  Voye^ 
Amputation. 

La  carie  des  os  du  crâne  oblige  fouvent  à  mul- 
tiplier l'application  des  couronnes  de  trépans.  On 
trouve  dans  le  premier  volume  des  Mémoires  de  l'Aca- 
démie royale  de  Chirurgie ,  pluiîeurs  obfervations  im- 
portantes fur  la  guérifbn  des  caries  du  crâne  ,  à  l'ar- 
ticle de  la  multiplicité  des  trépans.  Il  y  en  a  une  en- 
tr'autres  de  M.  de  la  Peyronie,  qui  enleva  une  carie 
confidérable  ,  &  qui  employa  à  cette  opération  les 
trépans  ,  les  élévatoires  ,  les  tenailles,  les  fcies  ,  les 
limes ,  les  vilebrequins  ,  les  maillets  de  plomb  ,  les 
gouges ,  les  cifeaux  de  prefque  toutes  les  efpeces,  &c. 
Cette  obfervation ,  qui  fournit  un  des  plus  grands  faits 
de  Chirurgie ,  tant  par  la  grandeur  de  la  maladie  ,  &c 
la  confiance  du  malade ,  que  par  l'intrépidité  du 
Chirurgien ,  eft  un  de  ces  exemples  extraordinaires 
dûs  à  l'humanité  ,  qui  dans  les  cas  defefpérés  a  porté 
de  granas  Chirurgiens  à  des  entreprîtes  audacieuf  es, 
qui  ont  fervi  à  faire  connoître  de  plus  en  plus  les 
forces  de  la  nature ,  &  les  refTources  de  l'art. 

La  carie  des  dents  caufe  des  douleurs  confidérables 
qui  ne  ceffent  ordinairement  que  par  l'extirpation. 
Voy.  Odontalgie  ,  Dent,  Mal  de  dent.  (  Y) 

Carie  ,  (Géog.  anc.  &  mod.)  province  d'Alîe  en 
Natolie  ,  au  midi  de  l'Archipel ,  appellée  aujourd'hui 
Alidinelli. 

CARIFE ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie  au  royau- 
me de  Naples ,  dans  la  principauté  ultérieure. 

CARIGN AN ,  (  Géog.  )  petite  ville  du  Piémont , 
avec  titre  de  principauté.  Lon.  23.  20.  lat.  44.  46. 

CARIQUEUSE  ,  adl  f.  terme  de  Chirurgie,  eft  l'é- 
pithete  qu'on  donne  à  une  tumeur  ,  qui  par  fa  figure 
refTemble  à  une  figue.  Il  en  vient  quelquefois  de  cette 
efpece  parmi  les  hémorrhoïdes.  Voye\  Figue  6-Hé- 

MORRHOÏDE. 

Ce  mot  vient  du  Latin  carica,  qui  eft  le  nom  d'u- 
ne elpccc  de  figue  fauvage  ,  ainii  nommée  parce 
qu'elle  croillbit  en  Carie. 

CARIGOURIQUAS ,  (  Géog.  )  peuple  dAfrique 
dans  la  CafFrerie ,  aux  environs  de  cap  de  Bonne- 
Elpérance; 

CARILLON,  f.  m.  (  Horlogerie.")  horloge  ou  pen- 
dule à  carillon  ;  c'eft  une  horloge  qui  fonne  ou  répète 
un  air  à  l'heure ,  à  la  demie,  &  quelquefois  aux  quarts. 

Ces  horloges  font  fort  communes  en  Flandre  ;  on 
en  voit  prefqu'à  toutes  les  églifes  :  mais  dans  ce  pays- 
ci  elles  finit  affez  rares.  L'horloge  de  la  Samaritaine 
eft  je  crois  la  feule  de  cette  efpece  qui  foit  dans  Paris. 

Quant  aux  pendules  à  carillon ,  elles  font  beaucoup 
plus  en  ufage  en  Angleterre  qu'ici ,  où  on  en  fait 
peu. 

Les  carillons  font  faits  fur  les  mêmes  principes  que 
les  fermettes  ,  ou  le  >rgues  d'Allemagne.  Dans  cel- 
les-ci le  '  formes  p  r  îles  petits  tuyaux  d'or- 
gue ;  dans  les  carillons ,  ils  le  font  par  des  timbres  ou 
des  cloches,  dont  les  diamètres  doivent  fuivre  exac- 
tement le  diapafon.  Voyt{  Diapason  &  VareicU 
Cloche.  Ils  ont  de  même  un  tambour  qui  a  des 
chevilles  fur  fa  circonférence,  lefquelles  au  lieu  de 
lever  des  touches  comme  dans  ces  orgues ,  baillent 
les  leviers  pour  les  foire  frapperfur  les  timbres.  (T) 

Comme  les  cloches  des  carillons  font  fouvent  fort 
éloignées  du  cylindre  étant  placées  fymmétfiquement 
dans  une  lanterne  élevée  au-defïïis  du  bâtiment  qui 
contient  l'horloge ,  on  tranfmet  à  leurs  marteaux  l'ac- 
tion des  chevilles  du  cylindre  par  des  fils  de  fer  atta- 


CAR 


G8? 


chés  d'un  bout  à  la  queue  dii  marteau ,  &  de  l'antre 
au  milieu  d'une  bafcule  ,  fixée  par  une  de  fes  extié- 
mités.  Voye^  CLAVIER  du  grand  orgue  ;  &  pour  la 
manière  de  noter  le  cylindre  ,  Parade  Serinette. 
Il  faut  remarquer  que  le  clavier  du  cylindre  ne  peut 
pas  être  touché  avec  les  doigts ,  parce  que  le  cylindre 
occupe  la  place  de  l'Orgamlte  ;  &  d'ailleurs  que  les 
touches  font  trop  larges  &  toutes  de  même  longueur, 
les  feintes  n'étant  point  diftinguées  par  ces  fortes  de 
claviers.  Si  donc  on  veut  y  en  ajuft er  un  que  l'on  puif- 
fe  toucher  avec  les  doigts  ,  on  placera  le  clavier  où. 
on  jugera  à  propos  ,  &  par  le  moyen  d'un  ou  de  plu- 
fieurs  abrégés  (voye^  Abrégé  ),  on  établira  la  fort» 
nerie  entre  les  touches  du  clavier  6c  les  leviers,  ou 
queues  des  marteaux. 

On  conçoit  facilement  que  lorfque  le  carillon  ré- 
pète par  le  moyen  du  cylindre,  il  faut  une  puifTance 
qui  le  faffe  tourner  comme ,  par  exemple  ,  un  refiort , 
un  poids  ,  dont  le  mouvement  eft  modéré  par  le 
moyen  d'un  rouage,  comme,  dans  les  fonneries.  Voy. 
Sonnerie.  Il  eft  encore  facile  d'imaginer  qu'il  y  a 
une  détente  qui  correfpond  à  l'horloge  ,  au  moyen 
de  laquelle  le  carillon  fonne  aux  heures  &  aux  de- 
mies ,  &c.  &  que  cette  détente  eft  difpofée  de  façon  , 
qu'il  fonne  toujours  avant  l'horloge ,  &  que  celle-ci 
ne  peut  fonner  qu'après  le  carillon. 

Quant  à  la  manière  de  noter  le  tambour,  elle  eft 
la  même  que  pour  les  orgues  d'Allemagne,  raye^  Se- 
RINETTE ,  ORGUE  d'Allemagne. 

Les  tableaux  mouvans ,  &  les  figures  qui  jouent 
des  airs ,  foit  avec  un  violon ,  un  tambourin  ,  &c, 
font  faites  fur  le  même  principe  ;  c'elt  toujours  un 
tambour ,  qui  faifant  un  tour  dans  un  teins  donné  , 
levé  des  bafcules  ,  qui  par  de  petites  chaînes  font 
mouvoir  les  doigts  ,  les  bras  ,  &c.  Tel  étoit  ,  par 
exemple,  l'admirable  Auteur  de  M.  deVaucanfon. 
Voye^  l'article  Androide. 

*  CARIM-CURINI  ,  (Hijl.  nat.  bot.)  arbriffeau 
des  Indes,  quipo.te  des  fleurs  en  calque  d'un  bleu 
verdâtre ,  &  formant  des  épis ,  dont  le  fruit  eft  par- 
tagé en  deux  cellules .  où  font  deux  femences  plates , 
arrondies ,  &  faites  en  cœur ,  &  qui  a  la  racine  fibreu- 
fe,  blanchâtre ,  &  couverte  d'une  écorce  amere.  Foy. 
dans  Ray  ,  fes  propriétés  médicinales  ,  dont  les  prin- 
cipales font  attribuées  à  la  décodlion  de  la  racine  , 
qu'on  dit  appaifer  les  douleurs  de  la  goutte  ,  &c. 

«  CARINES ,  f.  f.  {Éifi.  anc.)  femmes  dont  la  pro- 
fefîion  étoit  de  pleurer  les  morts  dans  les  cérémonies 
des  funérailles  payennes.  On  les  faifoit  venir  de  Ca- 
rie, d'où  elles  ont  été  appellées  Carines. 

CARINOLA  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie  ,  au 
royaume  de  Naples ,  dans  la  terre  de  Labour.  Long. 
3i.  35.  lat.  41.  i5. 

CAR1NTHIE  ,  (  Géog.  )  province  d'Allemagne  , 
avec  titre  de  duché  ,  bornée  par  l'Autriche ,  la  Sty- 
rie,  la  Carniole  Se  le  Frioul,  le  Tirol ,  &c.  Clagcn- 
rurt  en  eft  la  capitale. 

C  ARIOLE  ,  f.  f.  (  Mejfhgerie.  )  efpece  de  voiture 
groffiere  à  deux  roues  ,  dont  on  fe  fert  dans  les  mef- 
fageries. 

CARIPI ,  f.  m.  (  HiJI.  mod.  )  efpece  de  cavalerie 
dans  les  armées  Turques.  Les  caripis  qui  font  au  nom- 
bre de  mille,  ne  font  point  efclaves  ,  ec  n'ont  point 
été  nourris  ni  élevés  comme  eux  au  lerrail  :  m 
font  pour  la  plupart  des  Maures  ou  Chrétiens  rené- 
gats, qui  ont  fait  le  métier  d'aventuriers  i  qui  cher- 
client  fortune ,  &  qui  par  leur  adrefïe  &  leur  coura- 
ge, font  parvenus  au  rang  de  cavaliers  de  la  g 
du  prince.  Ils  marchent  avec  Tufagi ,  à  main  gau- 
che derrière  le  fultan  ,  &  om  dix  à  douze  afpres  par 
jour.  Caripiûgiù&e  pauvre  &  étranger;  &  C  alcondyle 
dit  qu'on  leur  a  donne  ce  nom  ,  parce  qu'on  les  tire 
principalement  d'Egypte,  d'Afrique,  &c.   (G) 
CARIPOUS,  (  Géog.  )  peuple  «  l'Amérique  rué- 


686 


CAR 


ridionale ,  au  nord  du  Bréfil  &  de  la  rivière  des  Ama- 
zones. Ce  peuple  paffe  pour  le  plus  doux  &  le  plus 
humain  de  tous  ceux  des  Indes  occidentales.  Il  t'ait 
une  guerre  continuelle  aux  Caribes  qui  ne  font  point 
tout- a-fait  fi  honnêtes  gens  que  les  Caripous. 

CARISEO  ,  (  Géog.  )  île  d'Afrique ,  près  du  cap 
Saint-Jean ,  près  la  côte  de  Guinée,  au  royaume  de 
Bénin. 

CARISTO  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Grèce  dans 
l'île  de  Negrepont.  Long.  42.  5o.  lat.  38.  G. 

CARLADEZ  ,  (  LE  )  Géog.  petit  pays  de  France 
dans  la  haute  Auvergne  ,  fur  les  confins  du  Rouer- 
gue ,  dont  la  capitale  eft  Cariât. 

C ARLAT ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  dans 
la  province  d'Auvergne  au  Carladez. 

Carlat  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  dans  le 
haut  Languedoc  ,  fur  la  rivière  de  Bezegue.  Il  y  a 
encore  une  ville  de  ce  nom  en  France  au  comté  de 
Foix  :  c'eft  la  patrie  de  Bayle. 

CARLEBY  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Suéde  dans 
la  Cajanie  en  Finlande ,  à  l'orient  du  golfe  de  Both- 
nie. 

CARLENTINI ,  (Géog.)  petite  ville  de  Sicile  dans 
la  vallée  de  Noto. 

CARLETON  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Angleterre 
dans  la  province  d'Yorck. 

CARLETTE  ou  C ARRELETTE  ,  f.  f.  (  Commerce 
&  fabrication  d'ardoife.  )  c'eft  ainfi  qu'on  appelle  une 
forte  d'ardoife  qui  le  fabrique  dans  l'Anjou,  Voye^ 
Ardoise. 

CARLILE,  (Géog.)  ville  d'Angleterre  affez  forte, 
capitale  du  duché  deCumberland  ,  fur  l'Eden.  Long. 
14.  IJ.  lat.  55. 

CARLIN  ou  CARLINO ,  (  Commerça.  )  monnoie 
du  royaume  de  Naples ,  &  qui  a  auffi  cours  en  Sicile. 
Le  carlin  fait  dix  grains ,  ou  environ  huit  fous  de 
notre  argent. 

C ARLINE ,  carlina ,  f.  f .  (  Hifi.  nat.  bot.  )  genre 
de  plante  à  fleurs  ordinairement  radiées.  Le  difque 
de  ces  fleurs  eft  un  amas  de  fleurons  portés  chacun 
fur  un  embryon.  La  couronne  des  mêmes  fleurs  eft 
formée  par  piufieurs  feuilles  plates  ,  qui  ne  portent 
fur  aucun  embryon.  Toutes  ces  pièces  font  foûte- 
nues  par  un  grand  calice  épineux.  Les  embryons  de- 
viennent dans  la  fuite  des  femences  garnies  d'aigret- 
tes, &  féparées  les  unes  des  autres  par  de  petites 
feuilles  pliées  en  gouttière.  Tournefort ,  Injl.  rei  herb. 
Voye{  Plante.  (/) 

La  carlina  ,  chameleon  albus  ,  carlina  offic.  eft  d'u- 
fage.  On  fe  fort  de  la  racine  de  cette  plante  en  Méde- 
cine :  elle  eft  eftimée  fudorifique  ,  alexipharmaque  , 
bonne  contre  toutes  les  maladies  peftilentielles,  & 
même  contre  la  pefte  ;  elle  eft  aufïi  diurétique  ,  & 
falutaire  dans  l'hydropifie  ;  elle  excite  les  règles  ,  & 
on  peut  l'employer  dans  les  maladies  hypochondria- 
ques. 

Son  odeur  caufe  des  maux  de  tête  ,  des  vertiges , 
des  naufées.  (jV) 

CARLINGFORD,  (Géog.)  petite  ville  mariti- 
me d'Irlande,  au  comté  de  Louth.  Long.  11.  20. 
lat.  54.  6. 

CARLINGUE ,  CALINGUE ,  ESC ARLINGUE, 
ECARLINGUE  ,  CONTRE-QUILLE  ,  f.  f.  (Man- 
ne. )  on  appelle  ainfi  la  plus  longue  &  la  plus  groiTe 
pièce  de  bois  qui  foit  employée  dans  le  fond  de  cale 
d'un  vaifléau.  Comme  une  feule  pièce  ne  fuffit  pas  , 
n'y  en  ayant  point  d'affez  longue,  on  en  met  piufieurs 
bout  à  bout.  La  carlingue  le  poie  fur  toutes  les  va- 
rangues ;  elle  fert  à  les  lier  avec  la  quille ,  ce  qui  fait 
que  quelques-uns  l'appellent  contre-quille  ;  le  pie  du 
grand  mât  pôle  deffus.  Poye{,  Planche  VI.  n°.  37.  la 
forme  d'une  des  pièces  de  bois  qui  compolent  la  car- 
lingue. 


CAR 

Voye{,  Planche  I F.  figure  1.  n°.  22.1a  pofition  de 
la  carlingue ,  &  n°.  5.  la  partie  qu'on  nomme  contre- 
quille.  Voye^  encore,  Planche  V.  fig.  1.  n°.  22.  la  car- 
lingue dans  la  coupe  tranfverfale. 

La  carlingue  doit  avoir  FépaifTeur  des  deux  tiers 
de  celle  de  l'étrave  ;  elle  doit  être  plus  large  que  la 
quille,  à  caufe  que  la  carlingue  du  pié  du  mât  pofe 
deffus ,  &  que  le  ferrage  y  entre.  Elle  eft  jointe  à  la 
quille  par  des  chevilles  de  fer,  &  fert  à  l'affermiffe- 
ment  de  tout  le  vaiffeau  ;  on  la  peut  nommer  une 
quille  interne  ;  elle  a  fort  fouvent  un  écart  à  l'avant. 
Les  mefures  que  l'on  donne  à  la  carlingue  pour  fa 
largeur  &épaiffeur,  fe  règlent  fuivant  la  grandeur 
du  bâtiment  ;  par  exemple ,  la  carlingue  d'un  vaiffeau 
de  1 3  4  pies  de  long  ,  aura  9310  pouces  d'épaiffeur, 
deux  pies  4  à  5  pouces  de  largeur,  &  environ  3  pou- 
ces d'épais  aux  bouts  de  l'écart. 

La  carlingue  va  en  diminuant  vers  les  bouts  tant  à 
l'égard  de  la  largeur  que  de  l'épaiffeur.  On  met  à 
chaque  varangue  ,  ou  du  moins  de  deux  en  deux  va- 
rangues ,  une  cheville  de  fer  à  tête  perdue ,  qui  paffe 
au-travers  de  la  carlingue  &  de  la  varangue  ,  &  entre 
dans  la  quilie  fi  avant ,  qu'il  ne  s'en  faut  qu"un  pouce 
&  demi  qu'elle  ne  paffe  tout  au-travers  ;  &  lorlqu'on 
met  le  vaiffeau  furie  côté ,  on  garnit  le  refte  du  trou 
par-dehors  de  bouts  de  chevilles  de  bois ,  qu'on  y 
fait  entrer  avec  beaucoup  de  force  ,  afin  qu'il  n'y 
paffe  point  d'eau. 

On  renforce  la  carlingue  d'une  autre  pièce  de  bois, 
qu'on  met  deffus  à  l'endroit  qui  porte  le  pié  du  grand 
mât. 

Carlingue  ,  ou  Ecarlingue  de  pié  de  mât  ;  c'eft 
la  pièce  de  bois  que  l'on  met  au  pié  de  chaque  mât 
qui  porte  auffi  ce  nom. 

Le  grand  mât ,  le  mât  de  mifene  ,  &  le  mât  d'ar- 
timon, ont  chacun  leur  carlingue.  Voye^,Planche  VI. 
n°.  40.  la  figure  de  la  grande  carlingue  ou  carlingue 
du  grand  mât  ;  &  fa  fituation,  PI.  IV.  fig.  2.  n°.  34. 

Carlingue  du  mdt  de  mifene  j  fa  figure  Planche  VI. 
n°.  41.  fa  fituation  dans  le  vaiffeau,  Planche  IV. 
fig.i.n°.V). 

Carlingue  du  mdt  d'artimon.  Voye^  Planche  I  V.fig. 
il.  n°.  84.  &  106. 

La  grande  carlingue  ,  ou  Y  ecarlingue  du  pié  du  grand 
mât  fe  pofe  droit  fur  la  contre-quille  ;  les  proportions 
dépendent  de  la  grandeur  du  vaiffeau  ;  dans  un  bâ- 
timent de  134  pies  de  long  ,  elle  eft  à  6  pies  de  dis- 
tance du  milieu  de  la  longueur  du  vaiffeau ,  en  allant 
vers  l'arriére  ;  elle  eft  affûrée  par  deux  porques  mar- 
quées aa,  dans  la  figure  40.  de  la  Planche  VI.  ces 
porques  dans  un  vaiffeau  de  1 34  pies  de  long  ,  doi- 
vent avoir  1 4  pouces  de  large ,  &  1 2  pouces  d'épais, 
&  être  à  3  pies  &  demi  de  diftance  l'une  de  l'autre. 
La  porque  qui  eft  vers  l'avant  ,  fe  place  derrière  le 
banc  de  la  grande  écoutille.  Ces  porques  font  en- 
core fortifiées  par  4  genoux,  deux  du  côté  de  l'a- 
vant, &  deux  du  côté  de  l'arriére.  Ils  doivent  avoir 
10  pouces  d'épais  ,  &  ils  font  par  le  bas  de  la  même 
largeur  que  les  porques  ;  leurs  branches  inférieures 
ont  8  pies  de  long ,  &  leurs  branches  fupérieures  7 
pies  ;  celles-ci  font  moins  épaiffes  de  deux  pouces 
que  celles  d'en-bas.  De  chaque  coté  de  la  contre- 
quille  ,  on  met  un  billot  ou  taquet ,  pour  fupporter 
l'avance  que  la  carlingue  fait  au-delà  de  la  contre- 
quille  ,  au-deffus  de  laquelle  il  doit  monter  de  la  hau- 
teur de  4  pouces ,  &  il  a  4  pouces  d'épais  par  le  haut. 
La  largeur  de  la  carlingue  doit  être  de  2  pies  6  pou- 
ces ,  &  celle  de  la  carlingue  du  mât  de  mifene  ,  doit 
être  égale  ;  l'épaiffeur  de  l'une  &  de  l'autre  doit  être 
de  10  pouces  ;  le  billot  qu'on  pofe  fur  la  contre-étra- 
ve ,  fous  la  carlingue  du  mât  de  mifene ,  doit  avoir 
10  pouces  d'épais  ;  &  à  le  prendre  par  le  côté  qui 
regarde  l'avant  ;  il  eft  placé  à  la  neuvième  partie  de 
la  longueur  du  vaiffeau ,  où  eft  auffi  la  carlingue  du 


CAR 

pie  du  mât.  Il  fefte  au  côte  du  billot  une  partie  delà 
pièce  où  le  billot  a  été  coupé  ,  qui  fait  comme  une 
planche  épaiffe  qui  monte  avec  le  mât  jufqu'au  pont. 
Les  porques  de  la  carlingue  du  mât  de  mifene  doivent 
avoir  i  z  pouces  de  large ,  &  10  pouces  d'épais  ;  il  y 
a  4  genoux  au-deffous  &  deux  au-deffus,  qui  ont 
10  pouces  de  large ,  &  9  pouces  d'épais  ;  leurs  bran- 
ches ont  7  pies  de  long.  La  carlingue  du  mât  d'arti- 
mon doit  avoir  14  pouces  de  large ,  &  10  pouces  d'é- 
pais :  ces  mefures  dépendent  des  différentes  métho- 
des qu'adoptent  les  conftructeurs  ,  &  changent  com- 
me on  l'a  dit  ci-devant ,  fuivant  la  grandeur  des  vaif- 
feaux. 

Carlingue  de  cabejlan  ;  il  y  a  la  carlingue  du  grand 
cabelîan.  Voye\  Planche  iV.fig.  1.  n°.  67. 

La  carlingue  du  petit  cabejlan,  n°.  104. 

Carlingue  de  cabejlan  arquez  &  couj'ue  au  pont  j  c'efl: 
lorlque  le  pié  du  cabeltan  ne  defeend  pas  jufques  fur 
le  pont,  on  lui  fait  une  carlingue  courbée  ,  dont  les 
deux  bouts  font  attachés  aux  baux  ,  &  le  pié  du  ca- 
beftan  entre  dans  fon  arc  qui  eff  fufpendu. 

Carlingue  du  bâton  de  pavillon.  Voye7^  Planche  I V. 
figure  1.  n°.  1  55.  (  Z  ) 

*  CARLOVINGIENS ,  f.  m.  pi.  (  HiJÎ.  moi.  )  nom 
que  l'on  donne  aux  rois  de  France  de  la  féconde  race, 
qui  commença  en  75 z  en  la  perfonne  de  Pépin  le 
Bref,  fils  de  Charles  Martel ,  &  finit  en  celle  de 
Louis  V.  en  987.  On  compte  quatorze  rois  de  cette 
famille. 

C ARLOWITZ  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Hongrie, 
fur  le  Danube.  Long.  3  y.  43.  lat.  4.5.  z5. 

CARLSBAD  ,  (Géog.)  petite  ville  de  Bohème, 
fur  la  Toppel ,  remarquable  par  fes  bains  d'eau  chau- 
de, auxquels  toute  l'Allemagne  a  beaucoup  de  foi. 

CARLSEROON  ,  (  Géog.  )  ville  forte  de  Suéde  , 
dan:;  la  Blekingie ,  avec  un  port  fur  la  mer  Baltique. 
Long.  33.  35.  lat.  56.  i5. 

C  ARLSHAFEN  ,  (  Géog.  )  ville  &  port  de  Suéde , 
dans  la  Blekingie. 

CARLSRUHE  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Allema- 
gne ,  au  cercle  de  Souabe  ,  dans  le  Marggraviat  de 
Bade-Dourlach. 

CARLSTADT  ,  ou  CARLOWITZ  ,  (  Géog.  ) 
ville  &  fortereffe  d'Hongrie  dans  la  Croatie  ,  au  con- 
fluent des  rivières  de  Kulp  &  de  Merefvvitz. 

Carlstadt  ,  (  Géog.  )  ville  forte  de  Suéde , 
dans  la  Weit-Gothie ,  fur  une  île.  Long.  31.  40.  lat. 
69.  16. 

Carlstadt,  ou  Carstadt,  (Géog.)  petite 
ville  d'Allemagne  en  Franconie,  fur  le  Mein,  près  de 
.Wirtzbourg. 

CARLSBOURG ,  (  Géog.  )  ville  &  fortereffe  d'Al- 
lemagne ,  clans  le  duché  de  Bremen,  fur  la  rivière  de 
Geelte  qui  fe  jette  dans  le  Wefer. 

C  ARLS-TOWN ,  (  Géog.  )  ville  &  port  de  l'Amé- 
rique feptentrionale  dans  la  Caroline  ,  fur  l'Alty. 

CARMAGNOLE  ,  (  Géog.  )  ville  forte  d'Italie  , 
dans  le  Piémont  près  du  Po.    Long.  z5.   zo.  lat. 

44-  43- 

CARMAING ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  en 
Gaieogne,dans  la  Lomagne. 

CARMEN ,  (Belles-Lettres.  )  mot  Latin  dont  on 
fe  fervoit  en  général  pour  lignifier  des  vers  ,  &  dans 
un  fens  plus  particulier ,  pour  marquer  un  charme  > 
ou  formule  d'expiation,  d'exécration,  de  conjura- 
tion, &c.  renfermée  dans  un  petit  nombre  de  mots, 
d'où  l'on  croyoit  que  dépendoit  leur  efficacité. 

Carmina  vel  cœlo  pojfunt  deducerc  lunam. 

J'oyei  Vers  ,  Charme  ,  &e. 

Le  P.  Pezron  tait  venir  ce  mot  de  carm  ou  garm , 
qui  chez  Les  Celtes  ie  prenoit  pour  les  cris  de  joie  , 
&.  les  vers  que  les  Bardes  chantoient  avant  le  com- 


CAR 


6  R7 


bat  pour  encourager  les  foldats;  &  il  ajoute  qu'en 
Grec,  yÀ^a.  lignifie  tout  -à-la-îois  combat  &  joie;  mais 
ce  dernier  mot  n'eft  pas  dérivé  du  celtique  que  les 
Grecs  ignoroient  très-certainement  :  il  a  pour  raci- 
ne le  Grec  même  x*'f&>  ■>  }*  jne  réjouis. 

Quelques  auteurs  tirent  de  ce  mot" l'étymologie 
des  vers  ou  pièces  de  poélies  nommées  parles  Latins 
carmina ,  parce  que  ,  difem-ils ,  c'étoient  des  difeours 
mefures  &  d'une  forme  déterminée  telle  que  les  char- 
mes ou  formules  des  enchanteurs.  D'autres  au  con-* 
traire  prétendent  que  ces  formules  ont  été  nommées 
carmina  ,  parce  qu'elles  étoient  conçues  en  vers.  On 
croyoit  alors ,  ajoùtent-ils ,  que  le  langage  mefuré  &C 
cadencé  ,  avoit  beaucoup  plus  de  pouvoir  que  la 
proie ,  pour  produire  la  guérifon  de  certains  maux  , 
&  autres  effets  merveilleux  que  promettoient  les  ma- 
giciens. 

Vigenere dérive  carmen  de  Cz/vwc:«to,  prophéteffe, 
mère  d'Evandre  ,  parce  qu'elle  faifoit  fes  prédictions 
en  vers  ;&  d'autres  prétendent  que  c'efl  précilément 
par  cette  dernière  raifon  qu'on  lui  donna  le  nom  de 
cannante  ,  parce  qu'avant  elle  on  nommoit  tout  dif- 
eours en  vers  carmen.  Voye^  Car  mentales.  (G) 

CARMENTALES  ou  CARM£NTALIA,ad).  pria 
fubit.  (Hijl.anc.)  fête  des  anciens  Romains  qu'ils 
célebroient  tous  les  ans  le  1 1  de  Janvier  ,  en  l'hon* 
neur  de  Carmenta  ou  Carmentis  ,  prophéteffe  d'Ar- 
cadie ,  mère  d'Evandre  ,  avec  lequel  elle  vint  en  Ita- 
lie, foixante  ans  avant  la  guerre  de  Troie. 

Cette  folennité  fe  répétoit  auffi  le  1 5  Janvier  ;  ce 
qui  eft  marqué  dans  le  vieux  calendrier  par  carmenta- 
lia  relata. 

Cette  fête  fut  établie  au  fujet  d'une  grande  fécon- 
dité des  dames  Romaines ,  après  leur  réconciliation 
avec  leurs  maris  avec  qui  elles  s'étoient  brouillées  , 
parce  qu'ils  leur  avoient  défendu  l'ufage  des  chars 
par  un  édit  du  fénat. 

C'étoient  les  dames  qui  célébraient  cette  fête  ;  ce- 
lui qui  offrait  les  facririces  s'appeiloit  facerdos  car~ 
mentalis. 

Les  auteurs  font  partagés  fur  l'origine  du  mot  car* 
menta  :  Vigenere  dit  que  cène  prophéteffe  fut  ainfi 
zppdlce  de  carens  mente,  c'elt-à-dire,  hors  de  fens,  hors 
de  foi-même ,  à  caufe  de  l'enthouiiafme  011  elle  entrait 
fouyént.  D'autres  prétendent  que  fon  nom  vient  de 
carmen ,  parce  qu'elle  faifoit  fes  prophéties  en  vers  : 
mais  Vigenere  loutient  au  contraire  que  carmen  vient 
de  carmenta.  Voye^  CARMEN.  (G) 

C  ARMER.  Y  ,  (Géog.)  viile  &  abbaye  de  France 
au  pays  du  Yelay,  fur  la  rivière  de  Colance,  à  quatre 
lieues  du  Puy. 

C  A  R  M  E  S ,  f.  m.  pi.  (  Hifl.  eccléf.  )  ou  NOTRE- 
DAME  DU  MONT-CARMEL  ;  ordre  religieux  qui 
tire  fon  nom  du  Carmel ,  montagne  de  Syrie  ,  autre- 
fois habitée  par  les  prophètes  Eiie  6c  Elifée  ,  è\:  par 
les  enfans  des  prophètes  ,  defquels  quelques  auteurs 
peu  intelligens  ont  prétendu  que  les  Carmes  dei'cen- 
doient  par  une  fucceflion  non  interrompue  ;  l"un 
d'entr'eux  l'a  même  foùtenu  dans  des  theics  fingulie- 
res  imprimées  à  Befiers ,  &c  qu'on  trouve  dans  les 
nouvelles  de  la  république  des  Lettres  de  Bayle. 

D'autres ,  avec  auifi  peu  de  vraiffemblancc,  leur 
donnent  Jcius-Chvift  pour  fondateur  immédiat  :  quel- 
ques-uns on*  imagine  que  Pythagore  avoit  été  C*r- 
me ,  &  cela  naturellement,  cm  fans  le  lecours  de  la 
métempfycofe  ;  è<  d'autres  que  no»  anciens  Druides 
des  Gaules  etoient  une  branche  ou  un  rejetton  de 
cet  ordre.  Phocas,  moine  Grec  ,  qui  vivoit  en  1 185, 
e  de  Ion  tems  on  \  oyait  encore  fur  le  Carmel 
la  caverne  d'Elie,  auprès  de  laquelle  etoient  des  ref- 
iles d'un  bâtiment  qui  pal  oifloit  avoir  ete  un  monaf- 
tere  ;  que  depuis  quel.;  1     i    »  un  vieux  moine , 

prêtre  de  Caîabre  ,  s'étoit  établi  en  ce  lieu,  encon- 
féquençe  d'une  révélation  du  propbeteElic  ;  Se  qu'il 


633 


CAR 


y  avok  afTemblé  dix  frères.  Albert ,  patriarche  de  Jé- 
mfalem  ,  donna  en  1209  à  ces  folitaires  une  règle 
qui  fat  approuvée  deux  ans  après  par  le  pape  Ho- 
noré III.  &  que  le  père  Papebrock  a  fait  imprimer. 
En  1238  ,  le  roi  S.  Louis  revenant  delaTerre-fainte, 
emmena  avec  lui  quelques-uns  de  ces  religieux,  & 
les  établit  en  France  où  ils  ont  fept  provinces.  Cet  or- 
dre qui  eft  un  des  quatre  mendians  aggregés  à  l'uni- 
verfité  de  Paris ,  s'eft  rendu  célèbre  par  les  évêques , 
les  prédicateurs ,  &  les  écrivains  qu'il  a  donnés  à  l'E- 
glife.  L'habit  des  Carmes  eft  une  robe  noire  ,  avec 
un  fcapulaire  &un  capuce  de  même  couleur ,  &  par- 
deflùs  une  ample  chape  &  un  camail  de  couleur  blan- 
che.Il  n'étoit  pas  autrefois  de  même.^.BARRÉS.  L'or- 
dre des  Carmes  le  divilé  en  deux  branches  ;  ceux  de 
l'anciene  obfervance ,  qu'on  appelle  mitigés ,  parce 
que  l'auftérité  de  leur  règle  fat  adoucie  par  Inno- 
cent IV.  &  par  Eugène  IV.  &  qui  n'ont  qu'un  géné- 
ral auquel  obéiflent  quarante  provinces  ,  &  la  con- 
grégation de  Mantoue  qui  a  un  vicaire  général  ;  & 
l'étroite  obfervance  qui  a  deux  généraux ,  l'un  en 
Efpagne ,  qui  a  huit  provinces  de  l'on  obéiflance ,  & 
l'autre  en  Italie  ,  qui  a  douze  provinces  en  différen- 
tes parties  de  l'Europe. 

Carmes  Déchaussés  ou  deschaux  ,  ainfi  ap- 
pelles parce  qu'ils  vont  nud-piés  ;  c'eft  une  congré- 
gation religieufe  établie  dans  le  XVI.  fiecle  par  fain- 
te  Thérefe  :  cette  fainte  la  remit  dans  fa  première 
auftérité  vers  l'an  1 562.  Elle  commença  par  établir 
fa  réforme  dans  les  couvens  de  filles  ,  &  la  porta  en- 
fuite  dans  ceux  des  hommes  ,  aidée  dans  ce  defîein 
par  le  père  Antoine  de  Jefus,  &  le  père  Jean  de  la 
Croix  religieux  Carmes.  Pie  V.  l'approuva ,  &  cette 
réforme  fut" confirmée  par  Grégoire  XIII.  en  1580. 
Il  y  a  deux  congrégations  de  Carmes  déchauffes  ,  dont 
chacune  a  fon  général  &  fes  conftitutions  particu- 
lières :  l'une  eft  la  congrégation  d'Efpagne  ,  divifée 
en  fix  provinces  ;  l'autre  eft  la  congrégation  d'Italie, 
qui  comprend  tout  ce  qui  ne  dépend  pas  de  l'Efpa- 
<me.  Ils  ont  quarante-quatre  ou  quarante-cinq  cou- 
vents en  France,  où  ils  font  établis  depuis  1605.  (G) 

CARMELITES  ,  nom  d'un  ordre  de  religieufes 
réformé  par  fainte  Thérefe.  C'eft  un  ordre  extrême- 
ment auftere.  (G) 

CARMIN  ,  f.  m.  (  Peinture  &  Chimie.  )  c'eft  une 
efoece  de  laque  très-fine  &  fort  belle  ,  de  couleur 
rouge  fort  éclatante  &  précieufe  ,  dont  on  ne  fait 
guère  d'ufage  que  dans  la  mignature  &  peinture  en 
détrempe.  Comme  elle  n'a  pas  beaucoup  de  corps , 
non  plus  que  toutes  les  laques,  on  ne  peut  la  glacer 
fur  le  blanc. 

Pour  faire  le  carmin. ,  prenez  cinq  gros  de  coche- 
nille ,  trente-fix  grains  de  graine  de  chouan ,  dix-huit 
grains  d'écorce  deraucour ,  &  dix-huit  grains  d'alun 
de  roche  ;  pulvérifez  chacune  de  ces  matières  à  part 
dans  un  mortier  bien  net  ;  faites  bouillir  deux  pintes 
&  demie  d'eau  de  rivière  ou  de  pluie  bien  claire  dans 
un  vaifleau  bien  net,  &  pendant  qu'elle  bout  verfez- 
y  le  chouan  ,  &  le  laiiTez  bouillir  trois  bouillons ,  en 
remuant  toujours  avec  une  fpatule  de  bois ,  &  parlez 
promptement  par  un  linge  blanc  :  remettez  cette 
eau  parlée  dans  un  vaifleau  bien  lavé  ,  &  la  faites 
bouillir  ;  quand  elle  commencera  à  bouillir  ,  mettez- 
y  la  cochenille ,  &  la  laiffez  bouillir  trois  bouillons  ; 
puis  vous  y  ajouterez  le  raucour ,  &  lui  laifTerez  faire 
un  bouillon  :  enfin  vous  y  verferez  l'alun  ,  &  vous 
©terez  en  même  tems  le  vaifleau  de  deflus  le  feu  ; 
vous  parferez  promptement  la  liqueur  dans  un  plat 
de  fayence  ou  de  porcelaine  bien  net ,  &  fans  pref- 
fer  le  linge  :  vous  laifTerez  enfuite  repofer  la  liqueur 
rouge  pendant  fept  à  huit  jours ,  puis  vous  verferez 
doucement  le  clair  qui  fumage ,  &  laifTerez  lécher 
le  fond  ou  les  fèces  au  foleil  ou  dans  une  étuve  ;  vous 
les  ôterez  enfuite  avec  une  brofle  ou  plume ,  Ôc  ce 


CAR 

fera  du  carmin  en  poudre  très-fine  &  très-belle  en 
couleur. 

Remarquez  que  dans  un  tems  froid  on  ne  peut  pas 
faire  le  carmin ,  attendu  qu'il  ne  fe  précipite  pas  au 
fond  de  la  liqueur  ,  mais  fait  une  eipece  de  gelée  & 
fe  corrompt. 

La  cochenille  qui  refte  dans  le  linge  après  avoir 
paffé  la  liqueur  ,  peut  être  remife  au  feu  dans  de 
nouvelle  eau  bouillante ,  pour  en  avoir  un  fécond 
carmin  ;  mais  il  ne  fera  ni  fi  beau  ,  ni  en  fi  grande 
quantité  que  le  premier. 

Enfin  la  cochenille  qui  refte  dans  le  linge ,  &  la 
liqueur  rouge  qui  fumage  au  carmin  ,  peut  fe  mêler 
avec  la  teinture  de  bourre  d'écarlate ,  pour  en  faire 
la  laque  fine.  Voye^  Varticle  Laque,  8c  la  fuite  de 
celui-ci. 

Autre  manière.  Prenez  trois  chopines  d'eau  bien 
pure ,  c'elt-à-dire  ,  trois  livres  pelant  ;  mettez-les 
dans  un  pot  de  terre  vernilïé  ;  placez  ce  pot  devant 
un  feu  de  charbon  ;  ajoûtez-y  aufli-tôt  un  grain  au 
plus  de  graine  de  choiian  :  quand  ce  mélange  bouil- 
lira fortement ,  paffez-le  par  un  tamis  ferré ,  &  re- 
mettez cette  première  eau  dans  le  même  pot  furie  feu^ 
y  ajoutant  aufli-tôt  deux  gros  de  cochenille  mefte- 
que  ,  &  remuant  le  tout  une  fois  avec  une  fpatule. 
Quand  ce  nouveau  mélange  bouillira  bien  fort,  ajoû- 
tez-y un  grain  d'autour ,  &  immédiatement  enluite 
huit  grains  de  crème  de  tartre  pilée  ,  autant  de  talc 
blanc,  &  autantd'alundeRome  broyé  ;  laifTez  bouil- 
lir le  tout  pendant  deux  à  trois  minutes  ;  éloignez-le 
enfuite  du  feu ,  &  le  laifTez  refroidir  fans  y  toucher, 
julqu'à  ce  qu'il  loit  tiède,  alors  l'eau  paroîtra  plus 
rouge  que  l'écarlate  :  pafTez  la  tiède  au-travers  d'un 
linge  net  un  peu  fin ,  dans  un  plat  de  fayence  ;  laif- 
fez le  marc  au  fond  du  pot  pour  le  pafièr  &  prefTer 
à  part  dans  un  autre  plat  ;  ce  qui  vous  donnera  le 
carmin  commun  :  laifTez  repofer  vos  plats  pendant 
trois  jours  ;  décantez-en  l'eau ,  le  carmin  reft era  au 
fond  des  plats  :  faites-le  lécher  à  l'ombre  &  à  l'abri 
de  toute  poufliere  ,  &  quand  il  fera  fec,  enlevez-le 
avec  une  petite  brofTe  ;  vous  aurez  dix-huit  à  dix- 
neuf  grains  de  beau  carmin ,  fans  compter  le  com- 
mua , 

Obfervez  que  le  talc  blanc  doit  être  purifié  de  la 
manière  fuivante  pour  l'opération  qu'on  vient  de 
dire.  Prenez  du  talc  ,  calcinez-le  dans  un  bon  feu  , 
jettcz-lcs  enfuite  dans  de  l'eau  ,  remuez  &  délayez 
avec  les  mains  ;  quand  l'eau  paroîtra  blanche  ,  enle- 
vez-la avec  une  tafle ,  &  la  pafTez  par  un  tamis  dans 
un  grand  vaifleau ,  où  vous  la  laifTerez  repoler  pen- 
dant deux  heures  ;  le  talc  fe  précipitera  au  fond  du 
vaifleau  :  dont  vous  décanterez  l'eau ,  faites  fécher 
ce  fédiment,  ce  fera  le  talc  dont  vous  employerez 
huit  grains  au  carmin. 

Quoique  les  méthodes  précédentes  puifTent  être 
bonnes ,  nous  confeillons  au  lecleur  de  donner  la  pré- 
férence à  celle  qui  fuit  ;  elle  eft  de  Kunckel.  Voici 
comment  cet  auteur  enfeigne  à  faire  le  carmin. 

«  Prenez,  dit-il ,  quatre  onces  de  cochenille,  une 
»  livre  d'alun,  de  laine  bien  fine  &  bien  nette  une  de- 
»  mi-livre ,  de  tartre  pulvérifé  une  demi-livre,  de 
»  fon  de  froment  huit  bonnes  poignées  ;  faites  bouil- 
»  lir  le  fon  dans  environ  vingt-quatre  pintes  d'eau  , 
»  ou  plus  ou  moins  à  volonté  ;  laifTez  repofer  cette 
»  eau  pendant  une  nuit ,  pour  qu'elle  devienne  bien 
»  claire  ;  &  pour  la  rendre  encore  plus  pure,  filtrez- 
»  la  :  prenez  un  chaudron  de  cuivre  afTcz  grand  pour 
»  que  la  laine  y  fait  au  large  ;  verfez  deflus  la  moitié 
»  de  votre  eau  de  fon  ,  &  autant  d'eau  commune ,  à 
»  proportion  de  la  quantité  de  laine  que  vous  aurez 
»  à  y  faire  bouillir  ;  mettez-y  l'alun ,  le  tartre  ,  &  la 
»  laine  ;  enfuite  vous  ferez  bouillir  le  tout  pendant 
»  deux  heures ,  en  obfervant  de  remuer  la  laine  de 
»  bas  en  haut  ou  de  haut  en  bas }  afin  qu'elle  fe  net- 
toyé 


CAP,. 

»  toye  parfaitement  ;  mettez  la  laine  ,  après  qu'elle 
»  aura  bouilli  le  tems  r.éceffaire  ,  dans  un  filet,  pour 
m  la  laiffer  égoutter  :  prenez  pour  lors  la  moitié  qui 
»  vous  relie  2e  votre  eau  de  ion  ,  joignez  y  vingt- 
»  quatre  pintes  d'eau  commune ,  &  faites-les  bien 
»  bouillir;  dans  le  fort  de  la  cuiffon  mettez-y  la  co- 
»  chenille  pulvérifée  au  plus  fin  ,  mêlée  avec  deux 
»  onces  de  tartre  ;  il  faut  remuer  fans  celle  ce  mêlan- 
»  ge  pour  l'empêcher  de  fuir  :  on  y  mettra  la  laine, 
»  on  l'y  fera  bouillir  pendant  une  heure  &  demie  , 
»  en  obfervant  de  la  remuer,  comme  il  a  déjà  été 
»  dit  ;  lorfqu'clle  aura  pris  couleur ,  on  la  remettra 
»>  dans  un  filet  pour  égoutter  ;  elle  aura  pour  lors  une 
»  belle  couleur  écarlate. 

»  Voici  la  manière  de  tirer  la  laque  ou  le  carmin 
»  de  cette  laine  ainfi  colorée.  Prenez  environ  trente* 
»  deux  pintes  d'eau  claire  ,  faites-y  fondre  aviez  de 
»>  pbtafïe  pour  en  faire  une  lefîive  fort  acre  ;  purifiez 
»  cette  lelîîve  en  la  filtrant  ;  faites-y  bouillir  votre 
»  laine  jufqu'à  ce  qu'elle  ait  perdu  toute  fa  cou- 
»  leur ,  &c  foit  devenue  toute  blanche  ,  &  que  la  lef- 
»  five  fe  foit  chargée  de  toute  fa  teinture  ;  prenez 
»  bien  votre  laine,  &  panez  la  lcfïïve  parla  chauffe; 
»  faites  fondre  deux  livres  d'alun  dans  de  l'eau  ,  ver- 
>»  fez  cette  folution  dans  la  lefiive  colorée  ;  remuez 
»  bien  le  tout  ;  par  cette  addition  la  lcfïïve  fe  cail- 
»  lera  & s'épaiilira ;  repaffez-la  à  la  chauffe,  elle  for- 
»  tira  toute  claire  &  pure  :  fi  elle  étoiî  encore  char- 
>■  gée  de  couleur,  il  faudrait  la  remettre  bouillir, 
»  &  y  ajouter  encore  de  l'alun  diffous  ;  elle  acheve- 
»  ra  de  fe  cailler,  &  le  carmin  ou  la  laque  ne  paffe- 
»  ra  point ,  mais  réitéra  dans  la  chauffe.  On  aura  foin 
»  de  verfer  à  plufieurs  reprifes  de  l'eau  fraîche  par- 
»  diffus  ,  pour  achever  d'en  ôter  l'alun  ou  les  icls 
»  qui  pourraient  y  être  reliés  :  on  fait  fécher  enfuite 
»  la  couleur  ,  qu'on  réferve  pour  l'ufage  ,  après  l'a- 
»  voir  réduite  en  une  poudre  impalpable.  Si  dansl'o- 
»  pération  on  trouvoit  que  l'eau  fe  fut  trop  diminuée 
»  par  la  cuiffon,  il  faudra  bien  fe  garder  d'y  verfer 
»  de  l'eau  froide  ;  mais  il  faut  dans  ce  cas  n'y  mettre 
»  que  de  l'eau  bouillante  ». 

Si  on.  vouloit  faire  du  carmin  à  moins  de  frais  ,  & 
fans  fe  donner  la  peine  de  commencer  par  teindre  la 
laine ,  il  n'y  aurait  qu'à  faire  bouillir  dans  la  leffive 
fufdite  de  la  bourre  tontine  de  drap  écarlate  ,  &  pro- 
céder en  toutes  chofes  de  la  manière  qu'on  vient  de 
décrire.  Kunckcl  dit  avoir  fouvent  fait  ces  deux  opé- 
rations &  toujours  avec  fuccès.  Voye^  fes  remarques 
fur  Van  de  la  Verrerie  d'Antoine  Néri  ,  liv.  VII. 

On  contrefait  le  carmin  avec  du  bois  de  Bréfil  ou 
de  Fernambouc  ;  on  les  pile  pour  cet  effet  dans  un 
mortier,  on  les  met  tremper  dans  du  vinaigre  blanc  ; 
on  fait  bouillir  ces  matières ,  &  l'écume  qui  en 
vient  donne  une  cl'pece  de  carmin  :  mais  il  n'appro- 
che nullement  de  la  beauté  de  celui  que  nous  venons 
d'indiquer.  On  tire  auiii  une  couleur  rouge  des  grains 
de  kermès  &  de  la  garance.  Voye^Cart.  Rouge.  (— ) 

CARMIN  A,  (GJog.)  île  de  l'Archipel ,  habitée 
par  des  Grecs  &  des  Turcs  ,  qui  ne  s'occupent  qu'à 
la  piraterie. 

C ARMINACH ,  ou  C ARMINI AH ,  (  Géog.  )  ville 
d'Ane  ,  dans  la  grande  Tartaric  ,  dans  la  contrée  de 
Bochara.  Lori«.^88.  lat.  .2$.  30. 

CARMIN ATIF ,  adj.  (  Méd.  )  nom  que  l'on  a  don- 
né à  certains  médicamens ,  qui  ont  la  vertu  d'expul- 
fer  les  vents  retenus  dans  la  cavité  de  l'eliomac  &c 
des  inteiiins.  Quincy  penfe  que  la  promptitude  avec 
laquelle  ces  remèdes  agiffent,  les  a  fait  nommer  car- 
minatifs ,  qu'il  tire  du  mot  Latin  carmen  ,  vers  ;  parce 
que  l'on  loiioit  en  vers  tout  ce  qui  paroiffoit  furpre- 
nant,  &  tenant  du  charme  ou  de  l'enchantement.  On 
explique  leur  aciion  par  la  raréfaction  de  l'air  arrêté 
par  une  humeur  vifqueufe ,  placée  dans  l'eliomac  ou 
dans  les  inteliins.  Lorfque  cette  efpecc  de  digue  cli 
Tome  II. 


CAR 


689 


rompue  par  quelque  remède  atténuant ,  alors  l'air 
jort  avec  explofion  &  occafionne  du  bruit  par  haut 
ou  par  bas.  Rien  n'eli  plus  capable  de  produire  cet 
effet  que  les  femençes  que  l'on  employé  contre  les 
vents  ,  &  que  l'on  appelle  carminatives  :  telles  font  les 
femençes  d'ar.is  ,  de  fenouil,  de  perfil ,  &c.  les  eaux 
dillillées  de  ces  mêmes  plantes  ,  l'infufion  de  leurs 
fleurs ,  auxquelles  on  peut  aioûter  celles  de  camomil- 
le ,de  mélilot,de  matricaireôc  d'aneth.  Leur  nature 
chaude  les  rend  très-propres  à  raréfier  l'air ,  &  à  faire 
fur  la  membrane  de  l'eliomac  &  des  inteliins ,  une 
petite  irritation ,  &  un  petit  mouvement  capable  de 
broyer  ces  humeurs  vifqueufes  ,  &  d'en  détruire  la 
ténacité.  Voye^  Vent.   (A") 

C  ARMONE ,  (  Géog.  )  ville  d'Efpagne ,  dans  l'An- 
daloufie.  Long.  12.  32.  lat.  Jj.  24. 

CARMONS  ou  CORMONS ,  (  Géog.  )  petite  vil- 
le d'Italie  ,  dans  le  Frioul,  près  de  la  rivière  d'Indri. 

*  CAKNA  ,  CA  RNE,  ou  C  A  RDI  NE  A ,  f.  f. 
(  Myth.  )  Décile  révérée  chez  les  Pramains.  Elle  pré- 
lidoit  à  la  confervation  de  la  fanté  des  parties  inté- 
rieures du  corps ,  &  à  l'embonpoint  des  autres.  On 
lui  lacrifioit  le  premier  de  Juin  ;  l'offrande  étoit  d'une 
bouillie  de  farine  &  de  lard.  Il  étoit  encore  de  fon 
miniilere  d'écarter  les  efprits  folets,  qui  tourmen- 
toient  les  enfans  au  berceau.  Voye^  Esprits. 

CARNACIER  ,  adj.  (  Hift.  nat.)  épithete  qu'on 
donne  aux  animaux  qui  le  nourriffent  naturellement 
de  chair.  Voyei  Animal  &  Nourriture. 

Les  Phyficiens  font  en  difpute  fur  la  queliion  ,  fi 
l'homme  eli  ou  n'eli  pas  naturellement  carnacier  :  il 
y  en  a  qui  prétendent  que  les  fruits  de  la  terre  étoient 
dciiinés  feuls  à  le  nourrir  ;  6c  que  c'a  été  le  befoin 
dans  quelques  pays,  &  le  luxe  dans  d'autres ,  qui  les  a 
portés  à  le  nourrir  des  animaux  auxquels  ils  ont  tant 
de  reffemblance.  Pythagore  &  fes  feciateurs  regar- 
doient  cette  aciion  comme  une  grande  impiété ,  Sa 
s'en  ablienoient  rigoureulement  d'après  l'opinion  où 
ils  étoient  fur  la  métcmpfycofe  ;  &  les  Bramines  leurs 
fucceffeurs  continuent  encore  à  en  faire  autant  au- 
jourd'hui. Voye^ Abstinence  ,  Brachmanes  ,  &c. 

La  réflexion  fur  laquelle  Gaffendi  iniîlie  le  plus, 
pour  prouver  que  les  hommes  ne  font  pas  naturel- 
lement animaux  çarnaciers  ;  c'eli  la  conformation  de 
nos  dents  ,  dont  il  y  en  a  plufieurs  d'incilives  &  de 
molaires  ;  au  lieu  que  nous  n'avons  de  semblables  aux 
animaux  çarnaciers ,  &c  propres  à  déchirer  la  chair , 
que  les  quatre  canines  ;  comme  ii  la  nature  nous  avoit 
dciiinés  plutôt  à  couper  des  herbes  ,  des  racines , 
&c.  Cette  raifon  paraît  allez  foiblc.  Mais  on  peut  ob- 
ferver ,  que  fi  nous  nous  nourririons  de  viandes  ,  ce 
n'efi  qu'après  une  préparation  par  cociion  ,  &  en  la 
mangeant ,  foit  bouillie,  ioit  rôtie ,  &c.  &  qu'alors  mê- 
me, fuivant  que  l'obfervc  le  docieur  Drake ,  elle  cil 
plus  difficile  à  digérer  que  toutes  les  autres  nourritu- 
res ;  ce  qui  fait  qu'on  la  défend  dans  les  fièvres  &  dans 
d'autres  indifpofitions  :  enfin  que  les  enfans  ont  de 
l'éloignement  pour  les  viandes  ,  jufqu'à  ce  que  leur 
palais  ait  été  vicie  par  l'habitude  ;  &  que  la  maladie 
des  vers  à  la  quelle  ils  font  fujets  ,  ne  vient  que  de  ce 
qu'on  leur  fait  manger  trop  tôt  de  la  viande. 

Le  docieur  Wallis  en  apporte  encore  une  autre  preu- 
cc  :  c'eli  que  les  quadrupèdes  qui  broutent  les  plan- 
tes ,  ont  un  long  colum  avec  un  cœcum  à  fon  extré- 
mité inférieure  ,  ou  quelque  choie  d'équivalant ,  qui 
porte  la  nourriture  de  l'ciiomac  en  en-bas  par  un 
chemin  fort  long  &  fort  large  ,  par  où  la  nature  pa- 
rait avoir  eu  en  vue  de  rendre  le  paffage  des  nour- 
ritures dans  les  inteliins  plus  lent,  ce  de  les  y  taire 
arrêter  plus  long-tems  ;  au  lieu  que  dans  les  animaux 
çarnaciers  ,  on  ne  trouve  point  de  excum  ,  mais  on 
trouve  en  fa  place  un  boyau  plus  court  6c  plus  grêle , 
par  011  il  cil  évident  que  le  paffage  de  la  nourri- 
ture doit  fe  faire   plus   promptement.  Or  le  cœcum 

SSss 


690 


CAR 


eft  très-viiible  clans  l'homme  ;  ce  qui  forme  une  forte 
préfomption  ,  que  la  nature  qui  agit  toujours  d'une 
manière  uniforme ,  ne  s'eft  pas  propole  d'en  faire  un 
animal  carnacier.  Il  cil  vrai  que  le  caecum  n'eft  que 
fort  petit  dans  les  adultes ,  &  qu'il  femble  n'y  avoir 
que  fort  peu  d'ulage  ou  même  point  du  tout  :  mais 
il  eft  plus  grand  à  proportion  dans  le  fœtus  ;  &  il  eft 
probable  que  les  changemens  que  nous  faifons  dans 
notre  régime  à  mefure  que  nous  devenons  plus  âgés , 
peuvent  être  la  caufe  de  cette  diminution.  Voye{ 
Carnivore,  CoLUiM ,  &  Cœcum.  (I) 

CARNATION ,  f.  f.  fe  dit  au  fimple  de  la  couleur 
des  chairs  ,  &  au  figuré  de  l'art  de  les  rendre.  Il  s'é- 
tend en  Peinture  à  toutes  les  figures  d'un  tableau  qui 
font  nues  &  fans  draperie.  II  faut  obferver  que  le  mot 
de  carnation  ne  fe  dit  point  d'une  partie  en  particu- 
lier ;  ce  feroit  parler  improprement  que  de  dire  ce  bras 
eft  d'une  telle  carnation  ;  il  faut  dire  ,  ce  bras  ejl  de  belle 
chair,  &  non  pas  bien  de  chair,  ainfi  que  quelques  au- 
teurs le  prétendent  ;  bien  de  chair  exprime  les  mol- 
leffes  de  chair ,  &  fe  dit  également  des  molleffes  de 
chair  exprimées  dans  un  deiTein  ,  quoiqu'il  n'y  foit 
pas  queftion  de  la  beauté  des  carnations.  On  dit  en- 
core, les  carnations  de  ce  tableau  ,  font  admirables.  (/?) 

Carnation,  en  terme  deBlafon  fe  dit  de  toutes 
les  parties  du  corps  humain ,  particulièrement  du  vi- 
fage ,  des  mains ,  &  des  pies ,  qui  font  repréientées 
au  naturel. 

La  viile  de  Trêves  ,  d'argent  à  un  S.  Pierre  de  car- 
nation ,  vêtu  d'azur ,  tenant  de  la  main  droite  deux 
clés  d'or  paffées  en  fautoir.   (^) 

CARNAVAL,  f.  m.  (  Hifi.  mod.  )  tems  de  fête  & 
de  réjoiiiffance  qu'on  obierve  avec  beaucoup  de 
folennité  en  Italie ,  fur-tout  à  Venife. 

Ce  mot  vient  de  l'Italien  carnavale:  mais  du  Cange 
le  dérive  de  carn-aval,  parce  qu'on  mange  alors  beau- 
coup de  viande  ,  pour  fe  dédommager  de  l'abfti- 
nence  où  l'on  doit  vivre  enfuite  ;  il  dit  en  confé- 
quence  que  dans  la  baffe  latinité  on  l'a  appelle  car- 
ne levamen,  carnis  privium  ;  &  les  Efpagnols  carnes  tol- 
lendas. 

Le  tems  du  carnaval  commence  le  lendemain  des 
Rois ,  ou  le  fept  de  Janvier ,  &  dure  jufqu'au  carême. 
Les  bals ,  les  feftins ,  les  mariages, fe  font  principale- 
ment dans  le  carnaval.  (G) 

CARNÉ  ,  adj.  {Jardinage)  fe  dit  d'un  oeillet  dont 
le  blanc  tire  fur  la  couleur  de  chair  ;  ce  qui  eft  re- 
gardé comme  un  défaut  dans  un  œillet.  (K  ) 

C ARNEAU ,  f.  m.  (  Marine  )  les  matelots  donnent 
ce  nom  à  l'angle  de  la  voile  latine ,  qui  eft  vers  la 
proue.  (Z) 

CARNET,  f.  f.  (Commerce*)  c'eft  un  des  noms 
que  les  marchands ,  négecians ,  &  banquiers  donnent 
à  une  forte  de  livre  dont  ils  fe  fervent  pour  connoître 
d'un  coup  d'œil  le  tems  des  échéances  de  leurs  dettes 
actives  &  paffives  ;  c'eft-à-dire,  des  fommes  qu'ils  ont 
à  recevoir  &  de  celles  qu'ils  ont  à  payer ,  afin  qu'en 
faifant  la  balance  ou  comparaifon  des  payemens  à 
faire ,  ou  à  recevoir ,  ils  puiffent  pourvoir  aux  fonds 
néceffaires  pour  payer  à  point  nommé ,  &  dans  le 
tems  des  échéances. 

Le  carnet  eft  du  nombre  des  livres  auxiliaires  ;  on 
le  nomme  encore  bilan.  Voye?^  Bilan,  &  Livres 

AUXILIAIRES. 

Carnet  ,fe  dit  auffi  d'une  cfpece  de  petit  livre 
que  les  marchands  portent  dans  les  foires  &  mar- 
chés ,  fur  lequel  ils  écrivent,  foit  la  vente ,  foit  l'achat 
qu'ils  y  font  des  marchandiies ,  &  même  leur  recette 
«k  dépenfe  journalière. 

On  appelle  auffi  quelquefois  carnet ,  une  forte  de 
petit  livre  dont  fe  fervent  les  marchands  &  négocians 
de  Lyon ,  lorfqu'ils  vont  fur  la  place  du  change ,  pour 
faire  le  virement  des  parties  ;  mais  fon  nom  le  plus 
ulité  eft  bilan.  Voye^  Bilajn.  (G) 


CAR 

C ARNî A ,  (  la  )  (  Géog.  )  province  ou  defpotat  de 
la  Turquie  en  Europe ,  dans  la  baffe  Albanie. 

Carnta  ,  (  la  )  (  Géog.  )  pays  d'Italie ,  dans  l'état 
de  la  république  de  Venile ,  dans  la  partie  feptentrio- 
nale  du  Frioul ,  le  long  de  la  rivière  de  Tajamenta. 

*  CARNIEN ,  adj.  (  Hifl.  &  Myth.  )  furnom  d'A- 
pollon, &  nom  de  fêtes  inftituées  en  fon  honneur, 
fur-tout  à  Lacédémone  ,  pour  expier  la  mort  du  de- 
vin Carnus.  Les  prêtres  d'Apollon  Carnien  gouver- 
nèrent pendant  trente-cinq  ans  le  royaume  des  Sy- 
cioniens  ,  après  la  mort  de  leur  roi.  Carnus ,  prêtre 
d'Apollon  ,  fut  tué  à  coups  de  flèches  par  les  Héra- 
clides  ,  à  qui  il  prédifoit  des  fuites  malheureufes  de 
la  guerre  qu'ils  avoient  contre  les  Athéniens  ;  mais 
la  pefte  ayant  fuccédé  dans  l'armée  prefqu'immedia- 
tement  à  la  mort  de  Carnus,  on  ne  manqua  pas  de  la 
regarder  comme  un  effet  de  la  colère  célefte.  On 
éleva  un  temple  à  Apollon ,  &  Ton  inftitua  les  carnées. 

*  CARNIFICATION  des  os,  (  Chirurgie  &  Med.) 
maladie  des  os  ainfi  nommée  par  M.  Petit.  Dans  cette 
maladie  la  fubftance  des  os  eft  entièrement  changée; 
elle  perd  fa  dureté  ,  les  fibres  ne  paroiffent  plus  fi- 
bres offeufes  ;  les  os  ont  la  confiftance  de  chair ,  &c 
Ton  diroit  qu'ils  lont  devenus  chair,  prenant  ce  mot 
dans  la  lignification  générale  pour  toutes  les  fubftan- 
ces  de  notre  corps  qui  font  faignantes ,  quand  on  les 
coupe ,  &  fe  laiffent  couper  avec  facilité.  V.  Mémoi- 
res de  F  Académie ,  IJ2.Z  ,pag.  22,0  ,  pluiieurs  obferva- 
tions  de  MM.  Petit  &  Morand ,  qui  conftatent  la  cer- 
titude de  cette  maladie. 

CARNIOLE  ,  (  Géog.  )  province  d'Allemagne  , 
dans  les  états  de  la  maifon  d'Autriche  ,  bornée  par 
la  Carinthie  &la  Stirie  ,  par  l'Efclavonie  &  l'Iftrie  , 
la  Croatie  &  le  Frioul.  Laubach  en  eft  la  capitale. 

CARNIVORE,  adj.  (  Hift.  nat.)  fe  dit  des  ani- 
maux qui  vivent  de  chair.  Dans  les  animaux  carni- 
vores ,  le  colon  eft  fimple,  &  les  excrémens  liquides. 
C'eft  ce  qu'on  a  obfervé  dans  le  chat ,  dans  le  chien  , 
dans  le  lion  ,  dans  l'ours.  De  plus  ,  ils  n'ont  qu'un 
eftomac  membraneux,  mou  ;  &  il  eft  de  même  na- 
ture dans  les  lélards  ,  dans  les  poiffons  ,  dans  les  fer- 
pens ,  dans  le  veau-marin  ,  &c.  mais  toutes  les  efpe- 
ces  d'oies  ,  de  poules ,  &  d'autres  oifeaux  granivo- 
res ,  dont  le  nombre  eft  immenfe,  qui  n'ont  point  de 
dents  &  ne  fe  nourriuent  que  d'une  farine  végétale  , 
enfermée  dans  des  grains  à  double  écorce  ,  ont  une 
ftrufture  différente.  Au  cou  ,  au-deffus  du  fternum  , 
l'œfophage  fe  dilate  en  un  bulbe  ou  finus  ,  appelle 
communément  jabot ,  rempli  de  glandes  falivaires  , 
qui  verfent  fur  les  grains  une  liqueur  propre  à  les 
amollir.  Ces  glandes  font  en  grand  nombre ,  rondes  , 
oblongues  ,  h'ftuleufes  ,  diviiées  fuivant  leur  lon- 
gueur; elles  paroiffent  caves,  6c  verfent  un  fuc  blanc 
un  peu  vifqueux.  Dans  les  oifeaux  de  proie,  on  trou- 
ve beaucoup  de  corps  glanduleux.  Malpighi  remar- 
que que  dans  l'aigle ,  non- feulement  la  partie  fupé- 
rieure  de  l'eftomac  ,  mais  encore  l'œfophage ,  eft  par- 
femé  de  glandes  ovales ,  &  qu'on  y  voit  par-tout  de 
petits  tuyaux  qui  viennent  de  la  tunique  nerveufe  , 
&  qui  fourniffent  un  fuc.  Le  jabot  a  été  exactement 
décrit  par  "Wepfer  dans  la  cicogne ,  &  par  Grew  dans 
le  pigeon.  C'eft  donc  dans  ce  jabot  ou  premier  ven- 
tricule ,  que  les  matières  féjournent,  s'amolliffent ,  & 
deviennent  friables  ;  enfuite  elles  font  pouffées  au- 
deffous  du  diaphragme  dans  l'abdomen ,  ou  au  lieu 
d'un  eiïomac  mou  &  membraneux,  comme  celui  de 
l'homme  &  de  tous  les  carnivores,  elles  ont  à  effuyer 
l'acfion  de  deux  paires  demufeies ,  après  avoir  fouf- 
fert  celle  des  trois  tuniques  mufculeufes  du  jabot. 
Ces  mufcles  ont  à  leur  partie  fupérieure ,  des  glandes 
rangées  en  anneaux  qui  defeendent  de  la  membrane 
mufculeufe ,  &  font  percées  à  leurs  pointes  ;  comme 
on  le  voit  encore  dans  la  poule  &  dans  l'outarde. 
Mais  ce  qu'il  y  a  peut-être  ici  de  plus  lingulier  &  de 


CAR 


CAR 


'    -. 


plus  digne  de  remarque ,  e'cit  qu'étant  de  figure  eh- 
liptique  ,  ils  laifient  entr'eux  une  fente  fort  étroite , 
&  font  intérieurement  incruftés  d'une  membrane  for- 
te ,  remplie  de  filions  tranfverfaux  ,  raboteufe ,  du- 
re ,  calleufe  ,  preique  cartilagineufe  ;  de  forte  que 
cette  efpece  de  bouclier  eft  capable  de  moudre  les 
corps  les  plus  durs  :  car  fon  action  eft  preique  com- 
parable à  celle  des  dents  molaires.  Willis  même  ;  é- 
tend  que  les  écrevifles  ont  de  vraies  dents  dans  le 
ventricule.  Les  organes  qui  font  réunis  dans  l'hom- 
me ,  font  donc  féparés  dans  les  oiièaux.  Nous  avons 
dans  l'eftomac  la  lalive  qui  amollit ,  &  des  fibres  char- 
nues qui  broyent  ;  au  lieu  que  les  cifeaux  diifolvent 
dans  un  ventricule  ,  avant  que  de  broyer  dans  Tau- 
ire  ;  &  cette  ftructurc  leur  étoit  ablolument  nécef- 
iaire.  Sans  cette  duplicité  ,  qui  fait  que  l'aéfion  des 
fibres  charnues  n'eft  point  énervée  par  un  velouté 
&  par  des  humeurs ,  comment  pourroient-ils  digérer 
des  alimens  auffi  durs ,  que  la  maflication  n'eût  pas 
préparés  auparavant.  11  n'eft  donc  pas  furprenant 
qu'on  trouve  fi  ibuvent  dans  les  pigeons  des  matiè- 
res friables  dans  le  premier  ventricule  ,  &  réduites 
en  bouillie  dans  le  fécond  :  mais  il  y  a  des  animaux 
qui  n'ont  ni  dents  ,  ni  d'autre  infiniment  qui  leur  en 
tienne  lieu.  Pourquoi  cela  ?  c'eft  qu'ils  ne  le  nourrif- 
fent  pas  d'alimens  durs  ;  d'ailleurs  ce  qui  manque  en 
folide  à  quelques  eftomacs  >  leur  a  été  donné  en  li- 
quide. Telle  eft  la  variété  qui  s'obfcrve  dans  les  efto- 
macs des  granivores  ci  des  carnivores,  ^oy^CARNA- 
cier,  Granivore,  &  Estomac.  (L) 

CARNOSiTÉ  ,  i .  f.  terme  Je  Chirurgie ,  qui  lignifie 
une  excroijfance  charnue  &  fongueuie  formée  dans 
l'urethre  ou  col  de  la  vefiie  ,  ou  dans  la  verge  ,  qui 
bouche  le  paffage  des  urines. 

Les  carnojités  font  très-difficiles  à  guérir  :  on  ne  les 
connoit  guère  qu'en  introduifant  la  fonde  dans  le  paf- 
fage ,  où  elle  trouve  en  ce  cas  de  la  réfiftance.  Elles 
viennent  ordinairement  de  maladies  vénériennes  né- 
gligées ou  mal  guéries. 

Les  auteurs  ne  conviennent  point  unanimement  de 
l'exiftence  des  carnojités.  Ils  reconnoiflènt  tous  une 
maladie  dans  le  canal  de  l'urethre  ,  qui  occafionne 
une  difficulté  d'uriner,  laquelle  conlifte  en  ce  que  le 
jet  de  l'urine  eft  fort  délié  ,  fourchu  &  de  travers. 
Les  efforts  que  font  inutilement  les  malades  pour  pif- 
fer  ,  rendenr  cette  aftion  fort  douloureufe  ,  &  leur 
fait  rejetter  fouvent  les  excrémens  en  même  tems. 
La  vefiie ,  en  ne  le  vuidant  qu'imparfaitement ,  peut 
s'enflammer  &  s'ulcérer  par  l'acrimonie  que  l'urine 
contraire  en  léjournant  dans  la  cavité  de  ce  vifeere. 
Cette  maladie  eft  très-fâcheufe  ;  elle  petit  avoir  plu- 
fieurs  fuites  funeftes  ,  telles  que  la  rétention  totale 
d'urine  ,  &  l'impoiîibilité  de  pénétrer  dans  la  vefiie 
avec  la  fonde,  ce  qui  met  les  malades  dans  le  cas 
d'une  opération.  Voye^  Rétention  d'urine.  Il 
peut  aulîi  fe  taire  des  crevalfcs  à  l'urethre ,  &  en 
conféquence  une  inondation  d'urine  dans  le  tifixi  cel- 
lulaire qui  entoure  la  velue  &  le  rectum  :  de  là  des 
abcès  gangreneux»  fuivis  de  fiftules,  &c. 

M.  Dionis  attribue  la  caule  de  tous  ces  accidens  à 
des  cicatrices  qui  fe  font  faites  fur  des  ulcères  durs  & 
calleux  de  l'intérieur  de  l'urethre.  Il  allure  que  quel- 
que diligence  qu'il  ait  faite  en  ouvrant  des  corpsqu'on 
aceufoit  d'avoir  des  carnojités ,  il  n'en  a  jamais  trou- 
vé. Il  traite  d'erreur  commune  la  perfualion  de  l'e- 
xiftence des  carnojités.  Il  ajoure  que  ccu\  qui  préten- 
doient  avoir  des  remèdes  particuliers  pour  les  guérir  , 
avoient  intérêt  de  confirmer  cette  erreur  plutôt  que 
d'en  defabufer;  d'autant  plus  que  cette  maladie  ayant 
été  abandonnée  des  véritables  Chirurgiens,  etoit  de- 
venue le  partage  des  charlatans  ou  diftributeurs  de 
fecrets. 

Dionis  rapporte  à  ce  fujet  l'exemple  deJean-Bap- 
lifte  Loileau  ,  maître  Chirurgien  de  Bordeaux ,  qui 
Tome  II, 


dans,  un  recueil  d'obfervations  chirurgicales  ... 
écrites  ,  dit  qu'il  fut  appelle  pour  traiter  le  roi  Henri 
IV.  d'une  carnojité;  qu'il  l'assoit  panfé  &  guéri  ,  8£ 
qu'il  en  avoit  été  récompenfé  par  une  charge  de  Chi- 
Uirgien  de  fa  Majefté,  que  le  Roi  lui  donna.  Dionis 
tient  cette  hiftoire  pour  apocryphe  :  «  elle  ne  prouve 
»  point ,  dit-ii ,  qu'il  y  ait  des  camofués;  elle  fait  voir 
»  que  ce  M.  Loileau  fait  le  myftérieux  ,  &  tient  du 
»  charlatan,  en  publiant  ce  qu'il  a  fait,  fans  dire  ni 
»  les  moyens  ,  ni  les  remèdes  dont  il  s'eft  fervi.  S'il 
»  avoit  été  vrai ,  continue-t-il,  que  le  Roi  eût  eu 
»  une  carnojité;  il  falloir  qu'en  écrivant  cette  hiftoi- 
»  rc  ,  M.  Loileau  ne  fit  point  un  fecret  ni  de  la  nié- 
»  thode,  ni  des  drogues  qu'il  avoit  employées  à  une 
»  guérifon  pour  laquelle  il  avoit  été  li  libéralement 
»  gratifié  :  ck  puifqu'il  fe  tait  fur  l'eiTentiel  ,  ajoute 
»  M.  Dionis  ,  je  tiens  ie  tout  pour  apocryphe  ».  Ce 
railonncment  eft  d  un  ami  du  genre  humain  :  mais  il 
«1  n'eft  pas  concluant  contre  les  ccrnojîtés. 

Des  praticiens  poftérieurs  à  M.  Dionis  ont  eflayé 
dans  la  maladie  dont  eft queftion ,  de  diiater  peu-à- 
peu  le  canal  de  l'urethre,  en  fe  fervant  d'abord  de 
fondes  de  plomb  fort  déliées,  Se  les  augmentant  en- 
fuite  julqu'à  rétablir  le  diamètre  naturel  de  ce  con- 
duit. D'autres ,  avec  des  bougies  de  cordes  à  boyau 
qui  fe  gonflent  par  l'humidité ,  font  parvenus  à  met- 
tre en  forme  le  canal  de  l'urethre  ;  ils  ont  en  confé- 
quence attribué  le  rctréciflèment  de  l'urethre  au 
gonflement  du  tifîù  fpongieux  de  ce  canal,  en  remet- 
tant l'opinion  des  carnojités  &  des  cicatrices. 

Bénévole  ,  Chirurgien  de  Florence ,  a  cempofé  en 
1715  ,  un  petit  traité  en  langue  Italienne,  fur  les  ma- 
ladies de  l'urethre.  ii  n'eft  d'aucune  des  opinions  que 
nous  venons  d'expofer  :  il  penfe  que  la  maladie  fâ- 
cheufe  dont  nous  parlons  ,  eft  un  effet  de  la  tuméfac- 
tion des  glandes  proftates  en  conféquence  de  leur 
ulcération  ,  puifque  l'ulcère  de  cette  glande  eft  tou- 
jours le  principe  de  ce  qu'on  appelle  carnojité. 

S'il  m'étoit  permis  d'expofer  mon  fentiment  après 
celui  de  tous  ces  praticiens ,  je  dirois  librement  qu'ils 
ont  erré  en  donnant  pour  caufe  exclufive  le  vice  que 
quelques  obfervations  leur  avoient  fait  apperce- 
voir  ;  &  je  penfe  qu'ils  n'ont  trouvé  cette  maladie  li 
rebelle,  que  pour  avoir  réglé  leur  méthode  de  trai- 
ter invariablement  fur  la  caufe  qu'ils  avoient  recon- 
nue ,  &  qu'ils  croyoient  être  unique. 

Le  rétréenfement  de  l'urethre  par  la  préfence  des 
carnojités  eft  indubitable.  La  manière  avec  laquelle 
M.  Daran  traite  ces  maladies  ,  en  eft  une  preuve.  Il 
fe  fert  de  bougies  ,  qui  mettent  en  fuppuration  les 
obftacles  de  L'urethre.  A  mefure  qu'ils  difparoifient , 
l'urine  reprend  fon  cours;  &  lorsqu'elle  fort  à  plein 
canal ,  &  que  les  bougies  d'une  groifeur  convenable 
paiTent  librement  julque  dans  la  vefiie,  il  cicatrife  le 
canal  avec  des  bougies  defliccatives.  On  voit  que  M. 
Daran  traite  ces  maladies  comme  onferoit  un  ulcè- 
re à  la  jambe.  On  doit  rendre  juftiee  à  la  vérité  :  on 
ne  peut  difeonvenir  des  lucces  de  M. Daran  ;  Ion  ap- 
plication à  cette  forte  de  traitement ,  en  lui  faifant 
honneur ,  en  fait  beaucoup  à  la  Chirurgie  ,  dont  cette 
maladie  croit  preique  devenue  l'opprobre.  Les  gué- 
rifons  qu'il  a  laites  ,  ne  font  point  comme  quel- 
ques perfonnes  le  penient,  le  fondement  d'une  nou- 
velle théorie  :  elles  rétablilTent  la  doflrine  des  an- 
ciens; elles  encouragent  tous  les  Chirurgiens  à  ne 
pas  abandonner  le  traitement  d'une  maladie  ,  &  à  ne 
p. .s  le  rebuter  par  les  difficultés  qu'il  préfente.  M. 
Daran  pofiede  un  remède  pour  mettre  les  obfiaclçs 
de  l'urethre  en  fuppuration  :  il  a  apparemment  de 
raifons  particulières  pour  en  garder  le  fecret.  Mais 
il  y  a  tant  de  perfonnes  qui  ont  befoin  d'un  tel  fe- 
cours  !  ce  remède  n'auroit-il  point  de  lubftituts  qu'un 
habile  Chirurgien  pourroit  employer?  Ni.  Goulard  , 
eclebre  Chirurgien  de  Montpellier,  en  a  découver; 

S  S  s  s   ij 


692 


C  A  R 


un  qui  produit  les  meilleurs  effets ,  &  qu'il  a  commu- 
niqué à  la  fociété  royale  de  cette  ville  dont  il  eft  mem- 
bre. La  connoiffance  de  la  caufe  de  la  maladie  four- 
nira toujours  des  vues  efficaces  à  un  praticien  luffi- 
famment  éclairé.  J'ai  réuiîi  à  vaincre  quelques  obfta- 
cles ,  &c  à  mettre  l'urethre  en  fuppuration  avec  des 
bougies,  couvertes  d'un  mélange  d'emplâtres  de  Vi- 
go  cum  mercurio ,  &  de  diachylum  cum  gummis  ,  par- 
ties égales.  Lorlque  le  conduit  a  été  parfaitement  li- 
bre ,  j'ai  procuré  la  cicatrice  des  ulcères  avec  des 
bougies  couvertes  d'emplâtre  de  pierre  calaminaire. 
Aquapendente  ,  au  chap.  xiv.  du  livre  III.  des  Ul- 
cères &  Fiflules ,  décrit  la  méthode  curative  des  car- 
nofués  de  l'urethre.  Les  perfonnes  de  l'art  ne  liient 
point  ce  qu'on  en  dit  fans  en  tirer  quelque  fruit. 

Les  bougies  fuppuratives  ne  font  point  capables 
de  détruire  les  cicatrices  ,  &  de  remédier  aux  rétré- 
ciliemens  de  l'urethre  par  le  gonflement  du  tilfu  fpon- 
gieux.  Dans  quelques-uns  de  ces  cas,  il  faut  avoir  re* 
cours  à  Fufage  des  dilatans  ,  &  dans  d'autres  aux  ca- 
thérétiques  ;  remèdes  dont  l'application  demande 
beaucoup  de  prudence  et  de  circonfpect  ion.  On  trou- 
ve un  mémoire  de  M.  Petit ,  dans  le  I.  volume  des  Mé- 
moires de  l'académie  royale  de  Chirurgie  ,  oii  l'on  voit 
comment  ce  grand  Chirurgien  a  guéri  des  rétréciffe- 
mens  de  l'urethre  par  l'ufage  des  médicamens ,  &  par 
opération. 

Ambroife  Paré ,  qui  a  fort  bien  traité  des  carnofités 
dans  les  chap.  xxiij.  & Juiv.  de  fon  XIX.  livre  ,  pro- 
pofe  des  fondes  tranchantes  pour  franchir  l'obffacle 
qu'apportent  les  cicatrices  de  l'urethre.  M.  Foubert 
vient  de  rétablir  &  de  perfectionner  l'ufage  de  ces 
fondes  ,  que  les  modernes  avoient  méprilées.  Une 
perfonne  qui  avoit  dans  l'urethre  un  obftacle  fur  le- 
quel les  bougies  de  M.  Daran  n'agiffoient  point  , 
coniulta,  de  concert  avec  ce  Chirurgien,  plulieurs 
maîtres  de  l'art.  Oh  ne  put  jamais  parvenir  à  la  fon- 
der. M.  Foubert  qui  fut  appelle  eniuite ,  examina  at- 
tentivement ce  qui  fe  pafîbit  lorlque  le  malade  fai- 
foit  des  efforts  pour  uriner  :  il  tenoit  l'extrémité  de 
fa  fonde  fur  l'obftacle  ;  &  tâtant  extérieurement  la 
continuité  de  l'urethre  ,  il  oblerva  que  l'urine  n'é- 
toit  retenue  que  par  une  cloifon.  Il  promit  de  fonder 
le  malade  &  de  le  guérir.  Il  demanda  huit  jours  pour 
combiner  les  moyens  convenables.  Il  fît  armer  une 
algalie  d'une  pointe  de  trocar ,  qui  au  moyen  d'un 
ftylet ,  pouvoit  être  pouffée  hors  de  la  fonde  ,  ou  y 
refter  cachée.  M.  Foubert  introduifit  cette  fonde  dans 
l'urethre  la  pointe  renfermée  ;  ayant  pof  é  l'extrémité 
de  l'algalie  fur  l'obftacle,  il  pouffa  le  ftylet,  fît  fortir 
la  pointe  du  trocar  ,  &  perça  le  diaphragme  contre 
nature  ,  qui  bouchoit  la  plus  grande  partie  du  canal. 
Il  retira  la  pointe  du  trocar  dans  l'algalie  ,  qu'il  pouf- 
fa enfuite  très -facilement  jufque  dans  la  vcfïïe.  Le 
malade  elt  parfaitement  guéri  par  la  cicatrice  qui  s'eft 
tormée  pendant  qu'on  tenoit  una  fonde  d'un  diamè- 
tre convenable  dans  le  conduit  de  l'urine. 

Les  autres  vices  de  l'urethre  exigent  des  foins  & 
des  opérations  particulières.  Vbyc{  Rétention 
d'urine.  (Y) 

*  C  ARNUTES  ,  f  m.  plur.  (  Hift.  anc.  &  Géog.  ) 
anciens  peuples  des  Gaules.  On  dit  qu'ils  habitoient 
le  pays  Chartrain. 

CARO  FOSSILIS  ,  (  Hifl.  nat.  &  Minéralogie.  ) 
M.  Henckel,  dans  fes  Opufcules  minéralogiques ,  dit 
qu'on  appelle  ainfi  une  elpece  d'amiante  ,  qui  fe 
trouve  près  de  Dannemore  en  Norvège  ,  qui  a  la 
propriété  de  rougir  au  feu  &  d'en  être  pénétré  ;  ce 
qui  le  diminue  :  mais  il  ne  perd  point  pour  cela  la 
vertu  de  faire  feu  avec  l'acier ,  comme  un  caillou  ou 
une  pierre  à  tîifil.  (— ) 

CAROCHA  ,  f.  f.  (  Hifl.  mod.  )  nom  que  les  Es- 
pagnols &  les  Portugais  donnent  à  une  efpece  de 
mitre  faite  de  papier  ou  de  carton,  fur  laquelle  on 


CAR 

peint  des  flammes  de  feu«&  des  figures  de  démons , 
&  qu'on  met  fur  la  tête  de  ceux  qui  ont  été  condam- 
nés à  mort  par  le  tribunal  de  l'inquiiîtion.  f^oyei  In- 
quisition. (6) 

C  ..  AROLINE ,  f.  f.  (  Commerce.  )  monnoie  d'argent 
de  Suéde ,  fans  effigie ,  ni  cordon  ,  ni  marque  fur 
tranche  ;  ayant  pour  légende  ,fi  Deus  pro  nobis  quis 
contra  :  elle  vaut ,  argent  de  France ,  dix  -  neuf  fous 
deux  deniers. 

Caroline  ,  (  la  )  Géog.  contrée  de  l'Amérique 
feptentrionale  appartenante  aux  Anglois  :  on  la  cli- 
viie  en  feptentrionale  &  méridionale  :  elle  contient 
fix  provinces.  Elle  eft  bornée  au  nord  par  la  Virgi- 
nie ,  au  midi  par  la  nouvelle  Géorgie  ,  à  l'eft  par  la 
mer,  &  à  l'on  eft  par  les  monts  Apalathes.  Ce  pays 
eft  très-fertile.  La  capitale  eft  Charleftown. 

C  AROLINS  ,  adj.  pris  f.  (  Hifl.  eccléfl.')  nom  qu'on 
donna  à  quatre  livres  compolés  par  l'ordre  de  Char- 
lemagne  en  790,  pour  réfuter  le  fécond  concile  de 
Nicée. 

Ce  concile  avoit  fait  plufieurs  décrets  contre  les 
Iconoclafîes  fur  le  culte  des  images  ;  décrets  très-ca- 
tholiques ,  mais  qui  ayant  été  envoyés  mal  traduits 
aux  évêques  affemblés  à  Francfort  pour  la  même  cau- 
fe ,  &  par  ordre  de  Charlemagne ,  leur  parurent 
contenir  une  doctrine  jufqu'alors  inoiiie  ,  &:  qui  ten- 
doit  à  faire  rendre  aux  images  un  culte  fort  appro- 
chant de  celui  qu'on  rend  à  Dieu  même.  Cette  erreur 
de  fait  engagea  Charlemagne  à  faire  compoler  ces 
quatre  livres ,  qui  contiennent  cent  vingt  chefs  d'ac- 
eufation  contre  les  Grecs.  Ces  livres  furent  envoyés 
au  pape  Adrien  I.  à  qui  ils  furent  préfentés  par  Ân- 
gilbert ,  abbé  de  Centule.  Adrien  récrivit  à  Charle- 
magne pour  foûtenir  les  décifions  du  concile  de  Ni- 
cée :  mais  on  perfifta  en  France  à  les  rejetter  ,  parce 
qu'on  ne  les  entendoit  pas  ;  oppofition  qui  ceffa  pour- 
tant lorfqu'on  eut  démêlé  la  véritable  penlée  des 
Grecs,  &  réduit  à  leur  jufte  fens  des  expreffions  qui 
avoient  paru  outrées  ,  &  révolter  les  efprits.  Auflî 
les  prétendus  réformés  n'ont-ils  jamais  pu  tirer  au- 
cun avantage  réel ,  ni  des  décifions  du  concile  de 
Francfort ,  ni  des  livres  carolins. 

On  a  douté  de  la  vérité  &  de  l'antiquité  de  ces 
livres,  lorlque  M.  du  Tillet,  évêque  de  Meaux,  les 
donna  pour  la  première  fois  en  1549  fous  le  nom 
à'Eliaphilyra  ;  parce  qu'on  crut  qu'ils  avoient  été  fup- 
poles  par  les  nouveaux  feefaires ,  dont  ils  paroiffoient 
favorifer  extrêmement  les  opinions.  Quelques-uns 
les  attribuoient  à  Angilram ,  évêque  de  Metz  ;  d'au- 
tres à  Alicuin  ;  &c  d'autres  enfin  à  tous  les  évêques  af- 
femblés à  Francfort  :  mais  quoiqu'on  n'en  connoiffe 
pas  le  véritable  auteur ,  il  eft  certain  qu'ils  ont  été 
écrits  du  tems  de  Charlemagne,  comme  il  paroît  par 
la  réponfe  du  pape  Adrien,  parles  conciles  de  Franc- 
fort &  de  Paris ,  par  le  témoignage  d'Hincmar ,  qui 
les  cite,  &c  par  les  divers  manulcrits  anciens  qu'on  en 
a  recouvrés.  Dupin ,  Biblïoth.  des  auteurs  eccléflafl.  du 
huitième Jiecle.   (  Cr) 

C  ABSOLUS ,  f.  m.  (  Corn.  )  ancienne  monnoie  de 
billon  de  France  frappée  fous différens  règnes,  à  diffé- 
rent titre  &  valeur.  Les  premiers  çarolus  furent  fa- 
briqués fous  le  règne  de  Charles  VIII.  &  valoient 
dix  deniers  :  ■  ils  augmentèrent  fous  les  règnes  fui- 
vans  ,  revinrent  à  leur  première  valeur ,  puis  ceffe» 
rent  d'avoir  cours. 

II  y  a  eu  beaucoup  de  différens  carolus  dans  plu- 
fieurs  états  de  l'Europe ,  mais  prefque  tous  ont  été  de 
billon  tenant  argent  au  plus  haut  titre  de  cinq  deniers 
deux  grains  ,  &  au  plus  bas  de  deux  deniers ,  fi  l'on 
en  excepte  le  carolus  d'Angleterre,  &c 

Carolus  ,  ancienne  pièce  d'oraffez  groffe  frap- 
pée en  Angleterre  fous  Charles  I.  dont  elle  porte 
l'image  &  le  nom  ;  fa  valeur  a  été  de  vingt-trois  f  che- 
lins ,  quoiqu'on  dite  qu'au  tems  où  elle  a  été  frappée 


CAR 


CAR 


693 


çlle  ne  valoit  que  vingt  fchelins.  Vôyer^  Monnoie. 

(G) 

CARON,  (Ge'og.  )  rivière  d'Afie  clans  la  Perfe, 
qui  fe  décharge  dans  le  golfe  de  Balfora. 

CARONCULE ,  f.  f-  terme  d' Anatomie  ,  fignifie  à 
la  lettre  une  petite  portion  de  chair  ,  étant  un  dimi- 
nuai'du  latin  caro,  chair.  Voye^  Chair. 

Mais  ce  terme  s'applique  d'une  manière  plus  fpé- 
ciale  à  quelques  parties  du  corps  en  particulier. 

Les  caroncules  lacrymales  font  deux  petites  emmen- 
ées fituées ,  Tune  à  droite  l'autre  à  gauche ,  chacune 
au  grand  angle  de  l'oeil ,  &  qui  iéparent  les  deux 
points  lacrymaux. 

Quelques  auteurs  n'appellent  lacrymale  que  la  ca- 
roncule qui  eft  au  grand  angle  ou  angle  interne  ,  & 
appellent  celle  qui  eft  au  petit ,  innommée, 

Galien  avoit  enfeigné  qu'il  y  avoit  dans  l'œil  deux 
glandes  qui  verfent  un  lue  ,  &  cela  dans  les  brutes  ; 
&  cependant  les  modernes  voulant  les  trouver  dans 
l'homme  ,  ont  imaginé  que  la  caroncule  filtroit  les 
lai  mes  ;  &  l'erreur  n'a  fait  que  parler  ,  pour  ainfi  di- 
re ,  de  main  en  main  jufqu'à  Stenon  ci  Morgagni  ; 
l'un  qui  propofa  de  nouveaux  conduits  hygrophtal- 
miques ,  &  l'autre  qui  donna  une  anatomie  plus  exac- 
te de  la  caroncule  :  c'eft  une  glande  iebacée  ,  conglo- 
mérée ,  oblongue,  tranfverialcmcntfituée  dans  1  ap- 
pendice de  la  fente  de  l'œil ,  pleine  de  follicules  qui 
donnent  une  cire  qui  fort  par  divers  petits  trous,  lous 
la  forme  de  vers,  pleine  aufii  fouvent  de  divers  pe- 
tits poils  ,  comme  on  en  voit  prefque  par-tout  dans 
les  glandes  febacées.  Haller,  Comment.  Boerh. 

11  eft  facile  de  concevoir  que  cette  glande  empê- 
che le  lac,  ainfi  nommé  par  M.  Petit,  de  fe  defiécher. 
Quand  les  bords  des  paupières  font  exactement  joints, 
elle  diftend  les  points  lacrymaux  ,  afin  qu'ils  foient 
libres,éminens,&  comme  attentifs  à  leur  devoir  :  elle 
retient  dans  les  poils ,  les  ordures  de  1  œil  ;  enfin  elle 
fepare  une  partie  de  l'humeur  febacée  de  Meibom. 

Caroncules  myrùformes ,  font  quatre  petites  éminen- 
ces  charnues ,  environ  de  la  grofièur  d'une  baie  de 
myrte  ,  raifon  pour  laquelle  on  les  a  appeliées  myr- 
ùformes. Elles  font  fituées  proche ,  ou  pour  mieux 
dire,  à  la  place  même  de  l'hymen,  aux  parties  géni- 
tales des  femmes. 

Quelques-uns  prétendent  qu'elles  font  plus  grof- 
fes  dans  les  filles ,  &  qu'elles  s'appetiifent  de  plus  en 
plus  par  le  coït  :  mais  d'autres,  avec  plus  de  vraiffem- 
blance  ,  veillent  que  ce  foit  le  coit  même  qui  leur  ait 
donné  naiiTance ,  &  qu'elles  ne  foient  autre  choie 
que  des  portions  de  la  membrane  même  de  l'hymen 
déchirée  ,  qui  fe  font  retirées.  Voye{  HYMEN. 

Les  caroncules  papillaircs  ou  mamillaires  ,  iont  de 
petites  protubérances  en-dedans  du  baiîïnet  des  reins, 
formées  par  l'extrémité  des  conduits  qui  portent  la 
férofité  des  glandes  des  parties  extérieures  au  bafii- 
net. 

Elles  ont  été  découvertes  par  Carpi ,  &  ainfi  ap- 
peliées parce  qu'elles  reffemblcnt  à  un  petit  teton  ou 
une  mamelle.  Elles  ont  la  figure  d'une  tête  de  gland , 
&  font  moins  rouges  &  pins  dures  que  la  chair.  Elles 
font  de  la  grofTcur  d'un  pois  ,  mais  elles  font  plus 
groifes  en-haut  qu'en-bas  :  elles  fe  terminent  en  quel- 
que forte  en  pointe  ,  à  l'endroit  où  elles  font  p 
pour  laiiîer  pafler  l'urine  dans  le  baùinet.  /  oy<  Rein, 
i:  \sslNET,  &c.  (I) 

CAROTIDE  ,  f.  f.  terme  a" 'Anatomie  ,  font  deux 
artères  du  cou  placées  l'une  à  droite  l'autre  à  gau- 
che ,  dont  l'office  eft  de  porter  le  fang  de  l'aorte  au 
cerveau  &  aux  parties  externes  de  la  tête.  Voyt^Us 
Planches  a" Anatomie  ,  &  leur  explication.  Voyt^  l'ar- 
ticle Anatomie;  voye^  aujji  Artere,Sang,  CER- 
VEAU. 

Elles  naiftent  l'une  auprès  de  l'autre  de  la  cour- 


bure ou  arcade  de  l'aorte.  La  droite  prend  ordinai- 
rement ion  origine  de  l'artère  foûclaviere  ;  la  gau- 
che de  l'aorte  immédiatement.  Elles  font  fituées  très- 
profondément,  tk.  défendues  par  la  trachée  artère  à 
côté  de  laquelle  elles  font  placées  :  elles  paiTent  fans 
fouifrir  de  compreflion  ,  &  fans  prefque  donner  au- 
cunes branches  ,  jufqu'à  ce  qu'elles  foient  parvenues 
environ  à  la  partie  fupéricure  du  larynx  ,  où  elles  fe 
divifent  en  deux  groifes  branches ,  dont  on  appelle 
l'une  carotide  externe  ,  &  l'autre  carotide  interne. 

La  carotide  externe  eft  antérieure ,  &  V interne  eft 
poilérieure. 

La  carotide  externe  fe  porte  entre  l'angle  de  la  mâ- 
choire inférieure  &  la  glande  parotide  ;  elle  monte 
devant  l'oreille  fur  l'arcade  du  zygoma,  &  fe  termine 
fur  les  tempes  en  fe  divifant  ordinairement  en  trois 
rameaux ,  un  antérieur ,  un  moyen ,  6c  un  pofté- 
rieur. 

Dans  ce  trajet  elle  donne  plufieurs  branches  ,  qui 
fe  diftribuent  aux  parties  antérieures  &  poftérieures 
du  cou  ;  telles  font  l'artère  laringée,  l'artère  fublin- 
guale  ou  artère  ranine,  l'artère  maxillaire  inférieure, 
l'artère  maxillaire  externe,  l'artère  maxillaire  inter- 
ne ,  l'artère  maifeterique  ,  l'artère  occipitale,  l'artère 
auditive  externe,  &c.  Voye?K  chacune  à  leur  article  ,  La- 
ringée,  Sublinguale,  &c 

La  carotide  interne  monte  fans  aucune  ramification 
jufqu'à  l'orifice  inférieur  d'un  produit  de  l'apophyfe 
pierreuiè  de  l'os  des  tempes  ;  elle  s'y  coude  fuivant 
la  conformation  de  ce  canal  ;  &  lorfqu'elle  eft  par- 
venue à  l'orifice  interne,  elle  envoyé  deux  rameaux 
à  l'œil  ,  dont  l'un  parte  par  la  fente  fphenoïdale  ,  ce 
l'autre  par  le  trou  optique ,  par  lequel  elle  commu- 
nique avec  la  carotide  externe  :  elle  le  courbe  enfuite 
de  derrière  en  devant  à  côté  de  la  feile  fphenoïdale  : 
elle  vient  enfin  en  fe  repliant  fur  elle-même  gagner 
le  côté  de  l'entonnoir  ,  à  la  partie  antérieure  duquel 
les  carotides  internes  communiquent  quelquefois  au 
moyen  d'un  petit  conduit  qui  va  de  l'un  à  l'autre  ; 
elle  ie  divife  alors  en  plufieurs  branches  ,  qui  fe  dif 
tribuent  au  cerveau  :  la  poftérieure  de  ces  branches 
communique  avec  l'artère  vertébrale,  l'oyc^  Cer- 
veau ,  Vertébral,  &c. 

Hippocrate ,  &  les  autres  anciens  Médecins ,  pla- 
çaient le  fiége  de  raffoupiïfement  dans  ces  artères; 
ce  qui  leur  a  fait  donner  le  nom  de  carotides,  comme 
qui  diroit  affoupijfantes:  car  le  mot  de  carotide  vient  de 
zapoV  ,  affbupifiement.  Par  la  même  raifon  on  les  a  aulli 
appellees  léthargiques  &.  apoplectiques.   (  £) 

CAROTTE,  f.  f.  (  Hift.  nat.  )  daucus  ,  genre  de 
plante  à  fleur  en  rôle  &  en  ombelle ,  compofée  de 
plufieurs  pétales  inégaux  taits  en  forme  de  cœur  ,  dil- 
poiés  en  rond  ,  &  foùtenus  par  le  calice  qui  devient 
un  fruit  arrondi ,  compofé  de  deux  lemences  garnies 
&  entourées  de  poils  difpofés  en  manière  de  iourcil. 
Tournefort ,  Infl.  ni  herb.  Voy  «c  Plante.  (  /  ) 

La  carotte  légumineuft  eft  une  plante  qui  pouffe  de 
grandes  feuilles  velues ,  d'une  odeur  &  d'un  goût  ;if- 
lez  agréable:  fa  tige  qui  s'eleve  de  trois  pics,  eft 
,  e  dans  (a  fommité  de  parafols  qui  portent  de 
petites  fleurs  blanches  à  cinq  feuilles,  diîpofées  en 
fleur-de-lis:  fa  racine  charnue,  jaune  ou  blanche, 
>uçâtre  ,  eft  emploj  <l  e  dans  les  animes. 

Elle  ne  fe  multiplie  que  de  graine  s  quife  feméntau 
mois  d'Avril  ou  Mai  fur  planches  :  quand  elles  foui 
trop  drues  on  les  eclaireit  ;  &  pour  les  avancei  .  il 
fuit  à  la  mi-Aoùt  couper  tous  les  montans  à  un  de- 
mi-pié  de  terre.   (A) 

La  carotte  appe'     .  •"■  *  Tourn.  Infl. 

30 J.  eft  d'ufage  en  Médecine;  la  femence  infulée 
dans  le  vin  blanc  eft  diurétique  ,  bonne  pour  préve- 
nir le  calcul  ,  ec  en  diminuer  la  violence  des  accès; 
elle  ehafte  le  gravier ,  provoque  les  règles  ôc  l'urine, 


694 


CAR 


CAR 


6c  fait  beaucoup  de  bien  dans  les  maladies  de  la  ma- 
trice ,  &  dans  les  affeclions  hyftériques. 

Van-Helmont  affûre  qu'un  jurifconfulte  fut  exempt 
pendant  plufieurs  années  des  douleurs  du  calcul,  en 
buvant  d'une  infufion  de  la  graine  de  daucus  dans  de 
la  bierre.  (A7) 

CAROU ,  {Géog!)  province  d'Afrique  dans  la  Ni- 
gritie ,  au  royaume  de  Folgia  ,  près  des  rivières  de 
RiojunkÔ:  Arveredo. 

CAROUBIER ,  f.  m.  (  Hiji.  nat.  )  arbre  connu  des 
anciens  ôc  des  modernes.  Nos  Botaniftes  l'appellent 
caroba  fdiqua  dulcis ,  y.tptnwla.  ;  les  Arabes  kernab  ;  ÔC 
les  Egyptiens. carub  ou  carnub  ,  au  rapport  de  Proi- 
per  Alpin  qui  en  a  donné  une  figure  très-peu  cor- 
recte. 

C'eft  un  arbre  de  moyenne  grandeur  ,  branchu , 
&  garni  de  feuilles  arrondies  ,  nerveuies  ,  d'un  peu- 
ce  ou  deux  de  diamètre  ,  épailTes  ,  lifies ,  verd  ron- 
ce ,  portées  fur  des  queues  a  fiez  courtes ,  ôc  rangées 
fur  une  côte  à  droite  Ôc  à  gauche  :  fes  fleurs  font  de 
petites  grappes  rouges  chargées  d'étamines  jaunâ- 
tres :  fes  fruits  ,  que  nous  nommons  aujourd'hui  ca- 
rouges ,  ôc  autrefois  caroubes ,  l'ont  des  liliqucs  ou 
gouffes  applaties  ,  longues  depuis  un  demï-pié  jus- 
qu'à quatorze  pouces  ,  fur  un  pouce  Ôc  demi  de  lar- 
ge; eues  font  brunes  en-deffous,  courbées  quelque- 
fois ,  compofées  de  deux  colles  féparées  par  des  mem- 
branes en  plufieurs  loges  qui  contiennent  des  femen- 
ces  plates  ,  approchantes  de  celles  de  la  caffe. 

Ces  colles  font  remplies  dans  leur  fubftance  d'un 
fuc  épais,  noirâtre,  mielleux  ,  douçâtre,  qui  ne  s'é- 
loigne pas  beaucoup  de  celui  de  la  moelle  de  caffe. 
C'eil  apparemment  la  figure  courbée  de  cette  goufTe 
qui  lui  a  fait  donner  en  Grec  ôc  en  Latin  les  noms 
de  keratia ,  keratcni.i ,  qui  fignifient  de  petites  cornes. 

Le  caroubier  étoit  autrefois  fort  commun  en  Grè- 
ce ,  en  Egypte  ,  dans  la  Paleftine  ,  &  dans  les  mon- 
tagnes de  Judée. 

Les  Egyptiens,  à  ce  que  rapporte  Profper  Alpin, 
chap.  iij.  tirent  des  filiques  une  efpece  de  miel  fort 
doux ,  qui  tient  lieu  de  lucre  aux  Arabes.  Ils  s'en  fer- 
vent pour  confire  les  myrobolans ,  les  tamarins  ,  ôc 
plufieurs  autres  fruits  ;  ils  Femployent  fréquemment 
au  lieu  de  miel  dans  les  clyfteres  ,  &  le  donnent  aux 
malades  à  deffein  de  leur  rendre  le  ventre  libre  ;  car 
il  produit  autant  d'effet  que  la  pulpe  de  la  caffe.  Ils 
en  ufent  encore  extérieurement  &  intérieurement 
pour  les  inflammations  des  reins  ,  contre  la  toux  & 
Fafthrne.Tous  ceux  qui  prétendent  que  ce  fruit  refler- 
re,  font  dans  l'erreur  ;  il  efl  certain  qu'il  relâche  ôc 
qu'il  purge  ,  comme  la  pulpe  de  caffe  ,  quand  il  efl 
mûr  :  c'eft  ce  que  Bauhin  confirme  par  des  expérien- 
ces qu'il  en  a  faites  quand  il  étoit  à  Venile. 

Ce  fruit  eft  fort  commun  en  Italie ,  en  Provence , 
en  Barbarie  :  on  le  laiffe  mûrir  &  lécher  au  foieil  ; 
les  pauvres  s'en  nourriiTent ,  8c  on  en  engraiffe  le  bé- 
tail. Autrefois  on  en  tiroit  une  efpece  de  vin  ou  de 
liqueur  fermentée ,  d'un  grand  ufage  dans  la  Syrie 
&  dans  l'Egypte  ,  ôc  le  marc  fe  donnoit  aux  porcs. 

L'enfant  prodigue ,  dit  S.  Luc  chap.xvj.  S.  accablé 
de  mifere  ,  ôc  prelTé  par  la  faim  ,  auroit  deiiré  fe 
raffafier  des  gouffes  (  il  faudroit  traduire  des  carou- 
ges~)  dont  les  pourceaux  fe  nourriffoient.  C'eft  le 
fentiment  des  plus  habiles  interprètes  de  l'Ecriture , 
de  Bochart ,  Grotius,  Hammond ,  le  Clerc,  ôc  autres. 
En  effet  le  mot  Grec  xtfdria  qu'employé  S.  Luc  ,  fi- 
gnifie  des  carouges  ,  ou  ,  ce  qui  revient  au  même  ,  le 
fruit  du  caroubier.  Auifi  MM.  de  Beaufobre  &  Len- 
fant  ont  traduit  avec  railon  le  terme  qu'employé 
S.  Luc  par  celui  de  carouges:  mais  quand  ils  ajoutent 
dans  leur  note  fur  ce  palfage  de  l'évangélifte  ,  que 
ce  fruit  vient  dans  des  écofîes  ,  ils  ne  fe  font  pas  ex- 
primés avec  affez  d'exaôitude  ;  ils  dévoient  dire  que 
le  caroubier  porte  pour  fruit  des  filiques,  des  goulles, 


qui  contiennent  dans  leur  fubflance  ,  dans  leur  folli- 
cule, une  efpece  de  pulpe  douce  ,  mielleufe ,  6-c 
Article,  communiqué  par  M.  le  CHEVALIER  DE  Jau- 
COURT. 

CAROUGE  ou  CAROUBE,  f.  f.  Voyt{  Carou- 
bier. 

CARPA,  {Géog!)  ville  d'Afie  dans  l'Inde,  au-de- 
là du  Gange  ,  au  royaume  de  Brama  ,  fur  la  rivière 
de  Caipumo. 

CARPARY,  {Géog.)  île  de  l'Amérique  méridio- 
nale dans  la  Guiane.  Onl'appelle  aufiilV/c  des  lapins. 

C ARPATHIE ,  (  Géog.  ant.  &  mod.  )  ville  de  l'Ar- 
chipel qui  a  donné  fon  nom  à  la  mer  Capathienne  : 
elle  eft  limée  entre  Rhodes  &  Candie.  Il  y  fubfifte 
encore  des  vertiges  de  villes  anciennes ,  ôc  d'autres 
antiquités.  C'eft  aujourd'hui  Scarpamo. 

CARPE  ,  xâf.Toç ,  f.  m.  (  terme  d'Anatomie.  )  le  poi- 
gnet ,  ou  la  partie  qui  eft  entre  la  paume  de  la  main 
&  la  partie  inférieure  de  i'avant-bras.  Voye^Planchs 
A  nat.  &  leur  explication.  f,roye^ait£iy[\i's. 

Le  carpe  eft  compofé  de  huit  os  de  figure  ôc  grof- 
feur  différentes,  placés, en  deux  rangs ,  quatre  à  cha- 
que. Le  premier  rang  s'articule  avec  les  deux  os  de 
l'avant-bras  ,  &  le  fécond  avec  les  os  du  métacarpe. 
Ces  os  font  fortement  liés  enfemble  par  des  ligamens 
qui  viennent  du  radius ,  ôc  par  le  ligament  annulaire, 
par  lequel  paffent  les  tendons  qui  font  mouvoir  les 
doigts.  Quoique  ce  ligament  paffe  pour  être  unique, 
il  fournit  une  gaine  à  chaque  tendon  qu'il  reçoit. 

Les  Arabes  l'appellent  rafeeta ,  ôc  les  Latins  quel- 
quefois carpifmus. 

Les  os  du  carpe  font  le  feaphoïde ,  le  femi-lunaire , 
le  telocïde ,  le  pifîforme  ou  hors  de  rang ,  le  trapefe , 
le  trapefoïde,  le  grand,  &  le  crochu.  Voye^  Sca- 
pkoide  ,  &c.  {L) 

Carpe  ,  {Hiji.  nat.  Ichthiolog.)  en  Latin  cyprinus, 
poiffon  d'eau  douce  fort  commun  ,  &fort  connu. 

Ceux  qui  ne  font  touchés  que  de  la  bonté  des  lan- 
gues de  carpe ,  n'ont  pas  befoin  de  lire  cet  article ,  & 
ce  n'eff  pas  pour  eux  qu'il  eft  tait  ;  c'eft  pour  des  gens 
moins  curieux  de  la  délicateffe  du  palais  de  ce  poif- 
fon, que  de  fon  hilloire  anatomique.  On  en  eft  re- 
devable à  plufieurs  Phylîciens  ,  &  particulièrement 
à  M.  du  Verney  l'aîné,  &  à  M.  Petit  le  Médecin, 
qui  l'ont  donné  dans  les  Mémoires  de  P Académie  des 
Sciences ,  avec  les  lumières  &  l'exactitude  qui  régnent 
dans  leurs  recherches. 

Ménage  queBalfac  difoit  être  infpiré  pour  les  éty- 
mologies ,  n'a  pas  eu  befoin  d'une  révélation  pour 
dériver  notre  terme  François  carpe,  du  nom  Latin 
carpa  ,  qui  fe  trouve  dans  Caffiodore.  Ceux  qui  dé- 
rivent carpe,  de  carpio ,  qui  eft  un  poiffon  qu'on  trou- 
ve dans  un  lac  d'Italie  ;  doivent  céder  le  pas  à  Mé- 
nage ;  car  outre  qu'ils  fe  trompent  dans  le  tait ,  parce 
que  carpio  déiigne  un  poiffon  tout  différent  ;  la  per- 
mutation des  lettres  eft  bien  plus  grande ,  en  tirant 
carpe  de  carpio  ,  que  de  carpa. 

Les  Grecs  appellent  ce  poiffon  tanrpiroç,  d'où  les  La- 
tins comme  Pline ,  ont  fait  cyprinus. 

On  trouve  la  carpe  dans  les  rivières  ,  dans  les 
étangs ,  ôc  dans  les  marais  ;  il  y  en  a  de  plufieurs 
grandeurs  ;  elle  multiplie  beaucoup  ,  ôc  parvient  à 
un  âge  fort  avancé  :  mais  je  ne  fais  fi  nous  en  devons 
croire  "SVillughby ,  qui  dans  fon  hiftoire  des  poif- 
fons  ,  fait  mention  d'une  carpe  qui  avoit  vécu  cent 
ans.  On  fait  qu'il  y  a  des  carpes  mâles  ôc  des  carpes  fe- 
melles ;  que  la  carpe  laitée  eft  le  mâle.,  ôc  l'eeuvée  la 
femelle  :  il  y  en  a  même  d'hermaphrodites ,  comme 
nous  le  dirons  plus  bas. 

Les  naturaliftes  modernes  n'ont  pas  manqué  d'or- 
ner leurs  ouvrages  de  la  figure  de  ce  poiffon  :  celle 
d'Aldrovandi  ,  de  Blalius,  de  Jonfton  ,  tant  dans  la 
première  édition  d'Allemagne ,  que  dans  celle  d'Amjler- 
dam  ,  imprimes  fous  le  nom  du  Ruijcli ,  ne  font  pas 


CAR 

exactes.  Les  uns  n'ont  pas  repréfenté  les  mouftaches 
qui  l'ont  au-deflus  de  la  lèvre  fupérieure  ,  Se  celles 
qui  font  au  coin  des  deux  lèvres.  Les  autres  n'ont 
pas  marqué  les  rayons  qui  font  fur  les  écailles,  ou 
la  ligne  qui  fe  trouve  dans  toute  la  longueur  du 
corps  fur  les  deux  côtés  de  la  carpe ,  ou  encore  la  dif- 
férence de  la  groiTeur  du  ventre  des  carpes  laitées  6c 
des  carpes  œuvées.  La  figure  de  Willughby  eft  fort 
belle  ;  celle  de  Rondelet  bien  plus  exacte  ,  &  celle 
de  M.  Petit  encore  davantage. 

Les  écailles.  Tous  les  poilions  font  revêtus  de  peau 
ou  d'écaillés  ,  tant  dans  la  mer  &  les  rivières  ,  que 
dans  les  étangs  &  les  lacs.  La  carpe  eft  peut-être  celui 
de  tous  les  poiffons  qui  a  de  plus  grandes  écailles , 
à  proportion  de  la  grandeur.  Dans  la  même  carpe  il 
y  en  a  de  brunes ,  de  jaunes  ,  6c  de  blanches  ;  la  cou- 
leur brune  domine  dans  les  plus  grandes  écaiiles  ; 
dans  les  moyennes  c'eft  la  jaune  cela  dorée  :  on  trou- 
ve ces  trois  couleurs  dans  chacune  des  grandes  écail- 
les. En  général  plus  les  carpes  font  grandes,  plus  les 
ëca  lies  lont  brunes,  quoi  qu'en  dile  Rondelet. 

Les  plus  grandes  écailles  occupent  le  milieu  des 
cotes  de  la  carpe  par  rapport  à  la  longueur  ;  plus  elles 
font  près  de  la  tête  ,  plus  elles  îont  petites. 

Les  écailles  de  moyenne  grandeur  font  du  côté  de 
la  queue  ;  les  plus  petites  lous  le  ventre ,  &  lont  d'au- 
tant plus  petites ,  qu'elles  lont  plus  près  de  la  tête. 

Dans  les  carpes  les  plus  communes ,  qui  lont  de 
16  à  i<i  pouces  de  longueur  tout  compris,  ou  de 
9  à  10  pouces  entre  œil  &  bas,  c'eft-à-dire  ,  entre 
la  tête  6c  la  queue  ;  les  plus  grandes  écailles  ont 
7  lignes  ~  julqu'à  8  lignes  de  longueur  ,  ÔÇ  0  li- 
gnes jufqu'à  6  lignes  6c  ~  de  largeur.  Il  s'en  trouve 
allez  iouvent  qui  lont  aura  larges  que  longues  ;  elles 
font  épaifles  de  J  ou  ~  de  ligne  :  en  général,  plus 
elles  lont  petites  ,  plus  elles  font  allongées.  Lorf- 
qu'elles  lont  encore  fur  la  carpe,  il  n'en  paroît  tout 
au  plus  que  le  tiers  qui  elt  coloré  ;  cette  partie  ex- 
terne eft  iouvent  d'un  jaune  un  peu  rembruni ,  cou- 
leur qui  paroît  être  dans  la  propre  fubftance  de  1  é- 
caîlle  ;  car  on  ne  peut  Fôter  entièrement  en  raclant 
l'écaillé  ,  qu'on  n'en  enlevé  une  portion  ,  hors  un  en- 
droit qui  appartient  à  la  membrane  qui  attache  les 
écailles ,  6c  c'elt  auilî  l'endroit  le  plus  brun  fur  l'é- 
caillc  ;  il  y  a  fur  cette  partie  externe  des  lignes  en 
forme  ce  rayons. 

Le  délions  de  l'écaillé  oppofé  à  cette  partie  ex- 
terne ,  cil  argenté  au  moyen  d'une  membrane  ex- 
trêmement une  qui  porte  cette  couleur  ,  que  l'on  en- 
levé facilement  avec  la  membrane,  &  qui  lailic  l'é- 
caille  blanche  en  cet  endroit. 

Toutes  les  écailles  tiennent  cnfemble  parle  moyen 
des  membranes  qui  les  enveloppent  :  mais  tout  cela 
n'empêche  pas  qu'il  n'y  ait  un  peu  de  jeu  dans  les 
i  ■ . ,  les  unes  à  l'égard  des  autres;  fans  cela  la 

carpe  ne  pourroit  le  courber  vers  les  côtés  ,  comme 
elle  fait  dans  les  mouvemens.  Ces  membranes  tien- 
nent très-fortement  à  la  membrane  tcndineule  qui 
enveloppe  tout  le  corps  de  la  carpe ,  &  en  font  une 
continuité. 

Si  l'on  examine  bien  la  partie  externe  de  la  carpe  , 
on  remarque  une  ligne  brune  de  chaque  côté  qui  s'é- 
tend depuis  la  tête  julqu'à  la  queue.  Cette  ligne  pa- 
roît brune,  parce  que  la  membrane  qui  attache  la 
partie  inférieure  de  l'écaillé ,  eft  très-brune  dans  le 
milieu  ;  quelquefois  elle  elt  rouge. 

On  trouve  dans  la  fubftance  des  écailles ,  où  l'on 
voit  cette  ligne  ,  un  canal  Ion::;  de  deux  lignes  ou 
deux  lignes  &  demie,  qui  a  err\  iron  un  quart  a 
de  diamètre.  On  peut  y  introduire  une  petite  épin- 
gle de  cette  grofleur:  mais  elle  y  entre  plus  facile- 
ment parla  partie  interne  ec  inférieure  ,  que  par  la 
partie  externe  6v  fupérieure  de  l'ccdlle.  Ce  canal  va 


CAR 


695 


de  haut  en  bas  de  cette  écaille ,  ou  de  bas  en  haut , 
&  obliquement  de  dehors  en  dedans  ;  il  fe  conti- 
nue d'une  écaille  dans  l'autre  fucceilivement  depuis 
la  tête  julqu'à  la  queue  :  il  y  a  entre  chaque  écaille 
un  petit  canal  membraneux  qui  en  fait  la  continuité. 

Après  avoir  obiêrvé  ce  qu'il  y  a  de  plus  fingu- 
lier  dans  les  parties  externes  de  la  carpe ,  il  faut  ve- 
nir aux  parties  internes. 

Divifîon  de  la  carpe.  On  peut  divifer  la  carpe  en 
quatre  parties  :  i°.  la  tête,  2.0.  la  poitrine  ,  30.  le 
bas-ventre  ,  40.  la  queue.  La  tête  fe  prend  depuis  le 
muleau  jufqu'à  l'extrémité  des  couverts  des  ouies  , 
vis-à-vis  deïquelles  fe  trouve  la  poitrine  ;  car  il  n'y 
a  point  de  cou  entre  la  tête  &  le  tronc  de  la  carpe. 
La  poitrine  eft  féparée  du  bas-ventre  par  le  diaphrag- 
me ;  elle  renferme  feulement  le  cœur  ,  §t  une  partie 
conhdérable  des  reins  ;  le  bas-ventre  contient  les  en- 
trailles; la  queue  commence  à  l'anus,  &  eft  toute 
mufculcufe. 

La  tàe.  La  tête  eft  un  compofé  d'un  nombre  pro- 
digieux d'os  emboîtés  enlemble  avec  un  art  admira- 
ble :  on  y  trouve  entre  autres  un  os  pierreux  allez 
large,  plat,  triangulaire,  blanc,  placé  au  haut  du 
palais  ;  c'elt  proprement  l'os  hyoïde.  On  prétend 
qu'étant  réduit  en  poudre  lubtile,  &  donné  depuis 
un  fcrupule  julqu'à  demi-drachme ,  il  elt  propre  pour 
arrêter  les  cours  de  ventre ,  pour  exciter  l'urine  , 
pour  atténuer  les  pierres  des  reins  ,  pour  l'épileplie. 
C'elt  l'opinion,  des  Schroders ,  des  Boeclers ,  des 
Lémerys  :  mais  n'eft-cc  point  me  rendre  moi-mê- 
me ridicule  que  de  la  rapporter  ? 

La  mâchoire  fupérieure  de  la  carpe  eft  garnie  de 
fix  dents  molaires,  rangées  trois  à  trois.  L'inférieure 
a  un  os  cartilagineux  de  la  forme  d'une  olive  ap- 
platie;  cet  os  lui  lert  peut-être  pour  appuyer  &  aider 
à  broyer  les  alimens. 

Ses  yeux  font  fort  remarquables  ;  le  cryftallin 
dans  fa  partie  centrale  ,  a  une  fermeté  qui  appro- 
che prefque  de  la  dureté  de  la  corne.  Dans  une  car- 
pe de  quinze  pouces  de  longueur,  il  fait  par  fa  con- 
vexité antérieure  une  portion  de  fphere  qui  a  trois 
lignes  de  diamètre,  6c  la  poftérieure  deux  lignes  & 
demie  ;  il  a  deux  lignes  &  demie  de  largeur  ou  de  dia- 
mètre de  fa  circonférence  ,  ôé  deux  lignes  un  tiers 
d'axe  ou  d'epailîeur  :  il  pelé  deux  grains  ce  demi. 

Le  iceur.  Chacun  lait  que  le  cœur  de  tous  les  poif- 
fons qui  ne  relpirent  pas  l'air,  n'a  qu'une  cavité,  èv 
par  conféquent  qu'une  oreillette  à  l'embouchure  du 
vailTeau  qui  y  rapporte  le  iang  ;  celle  du  cœur  de  la 
carpe  eft  appliquée  au  côté  gauche. 

Sa  chair  elt  fort  épaifTe ,  £c  l'es  fibres  très-com- 
pactes :  mais  il  faudrait  des  figures  pour  bien  expli- 
quer la  ftructure  de  cet  organe  :  on  en  trouvera  de 
mnes  dans  les  Mémoires  de  C  Académie  des  Scien- 
ces  de  Vannée  1699. 

L'abdomen.  Ce  poifTbn  a  la  cavité  du  bas-ventre 
formée  par  les  vertèbres  du  dos ,  &  par  des  mufcles 
qui  font  tous  dirlerens  de  ceux  dç,  l'homme ,  cv  des 
animaux  à  quatre  pies,  lia  de  plus  feize  arrêtes  de 
chaque  cote  en  tonne  de  cote,  qui  fortent  de  cha- 
que vertèbre,  depuis  le  diaphragme  jufqu'à  l'anus, 
rmine  le  bas-ventre  comme  en  pointe  de  cône. 

L'anus.  L'anus  ,  que  les  mariniers  appelle: 
bilic  ,  ou  le  fondement ,  a  auiîi  les  fingulantés  dans  la 
carpe.  Il  ne  confifte  pas  feulement  dans  \\\\c  ouverture 
par  où  elle  décharge  les  excrémens  des  boyaux  :  il 
comprend  encore  (.\cux  autres  ou\  ei  turcs  ;  l'une  don- 
ne paflage  aux  œufs  dans  les  femelles,  e<  à  la  femen- 
ce  dans  les  mâles  lorfqu'ils  s'en  déchargent;  &  l'au- 
tre laifle  palier  rmine' tic  la  veffie  :  delortc  que  voi- 
là trois  conduits  qui  aboutiflent  à  cet  endroit. 

L'anus  appelle  padex  par  Rondelet,  efl  en  quelque 
manière  triangulaire  dans  les  carpes  laitées  ,  moins 
clans  les  carpes  am  tes,  &  a  environ  quatre  à  cinq  li- 


696 


CAR 


gnes  de  diamètre.  Si  Ton  pique  cette  partie  dans  les 
carpes  vives  avec  la  pointe  d'une  aiguille  ,  on  n'y  ap- 
perçoit  aucun  mouvement ,  Se  néanmoins  elle  le  ré- 
trécit infenfiblement  de  moitié. 

VeJIomac.  L'eftomac  ou  le  ventricule  prend  fon 
origine  du  tond  de  la  gorge  ;  il  paffe  à  travers  le  cen- 
tre du  diaphragme ,  &  a  la  figure  d'un  boyau.  Il  a  cinq 
ou  fix  pouces  de  longueur ,  &  s'étend  le  long  de  Yab- 
domtn;yA  fon  extrémité  du  côté  de  l'anus,  il  le  replie 
pour  former  le  premier  boyau. 

Cet  eftomac  eil  enveloppé  de  tous  côtés  par  les 
boyaux  &  le  foie  ;  dans  l'endroit  où  il  fe  replie  pour 
produire  le  premier  boyau  ,  il  n'y  a  ni  pylore  ni  val- 
vule à  ce  repli,  comme  dans  le  brochet  &  d'autres 
poiffons. 

Les  inujlins.  Les  inteftins-  au  nombre  de  fix ,  n'ont 
point  de  méfentere  ;  ils  font  liés  enfemble  par  les 
parties  du  foie ,  qui  fe  trouvent  logées  &  attachées 
entre  les  efpaces  qu'ils  laiffent  entre  leurs  circonvo- 
lutions. 

Le  foie.  Le  foie  eft  divifé  en  plufieurs  parties ,  & 
comme  par  appendices ,  qui  ont  peu  d'épaiffeur.  Il  eft 
aufli  long  que  le  paquet  des  boyaux,  logé  avec  eux 
entre  les  deux  laites.  Sa  couleur  eft  d'un  rouge  de 
chair  mufculeufe ,  tantôt  plus,  tantôt  moins  pâle.  Il 
recouvre  près  de  la  moitié  de  la  groffe  véiicule  aérien- 
ne ,  avec  laquelle  il  a  une  légère  adhérence ,  &  il  eft 
recouvert  à  les  côtés  par  le  paquet  des  œufs. 

La.  véjicule  du  fiel.  La  véficule  du  fiel  fe  trouve  en- 
châffée  dans  le  milieu  de  la  partie  principale  du  foie , 
tout  le  long  de  la  partie  fupéricurc  de  l'eftomac. 

Le  canal  cholidoque  &le  canal  cyftique  ne  font 
qu'un  canal  continu  &  de  même  diamètre,  qui  a  deux 
à  trois  lignes  de  longueur. 

La  véficule  du  fiel  dans  une  carpe  de  dix-huit  pouces 
tout  compris ,  eft  longue  d'environ  quinze  lignes ,  & 
a  fix  à  fept  lignes  de  diamètre.  La  bile  qu'elle  con- 
tient eft  ordinairement  verte  &  liquide.  Lémery  dit 
qu'elle  eft  propre  pour  éclaircir  la  vue  :  mais  on  s'en 
fervira  bien  plus  utilement  pour  le  dégraiflage. 

La  rate.  La  rate  eft  attachée  au  commencement  de 
l'eftomac ,  à  cinq  ou  fix  lignes  du  diaphragme  ;  fa  fi- 
tuation  eft  entre  le  paquet  des  boyaux  Se  la  greffe 
véficule  aérienne  vers  le  côté  gauche  ;  fa  longueur 
dans  une  carpe  de  dix-huit  pouces  eft  de  trois  ou 
quatre  pouces,  fa  longueur  de  y  pouce  ,  &  fon  épaif- 
ieur  de  deux  lignes.  Cette  partie  varie  très-fort  clans 
fes  dimenfions  ;  elle  eft  d'un  rouge  foncé  ,  comme  du 
fang  caillé. 

Les  œufs.  Les  œufs  de  la  carpe  forment  deux  pa- 
quets,  un  de  chaque  côté  de  Y  abdomen  ;  ils  s'étendent 
depuis  le  diaphragme  jufqu'à  l'anus  ;  ils  couvrent  de 
chaque  côté  le  paquet  formé  par  les  inteftins  Se  le 
foie,  Se  s'étendent  entre  ce  paquet  Se  la  veille  aérien- 
ne ,  qu'ils  couvrent  de  part  Se  d'autre  depuis  la  moi- 
tié de  la  greffe  véficule  aérienne  jufqu'à  l'anus. 

Ils  font  revêtus  d'une  membrane  très-fine  Se  tranf- 
parente  ,  formant  une  capfule  qui  enveloppe  entiè- 
rement les  œufs ,  auxquels  elle  eft  très-peu  adhéren- 
te ;  fi  l'on  fouffle  dans  cette  capfule ,  elle  fe  fépare 
facilement  des  œufs ,  &  fe  gonfle  beaucoup. 

Les  deux  caplules  le  réunifient  en  un  feul  canal , 
qui  fe  termine  à  la  partie  poftérieure  de  l'anus.  Cette 
capfule  eft  adhérente  au  péritoine,  Se  au  paquet  du 
foie  Se  des  boyaux ,  mais  très-légerement. 

Les  œufs  qu'elle  contient  font  adhérens  les  uns  aux 
autres  ;  ils  font  ronds ,  ou  à  peu  près  ronds ,  Se  ont 
4  ligne  jufqu'à  \  de  ligne  de  diamètre ,  ce  qui  eft  rare. 

Ils  font  d'un  jaune  très-léger ,  plus  ou  moins  ;fi  on 
les  fait  bouillir ,  ils  deviennent  blancs  :  mais  étant  re- 
froidis ,  ils  redeviennent  jaunes. 

Leur  quantité .  M.  Petit  a  été  curieux  de  voir  com- 
bien il  y  avoit  d'eeufs  dans  une  carpe  ;  pour  y  parve- 


CAR 

nir,  il  a  mis  dans  une  balance  très-fine,  la  quantité 
d'eeufs  qu'il  falloit  pour  la  pefanteur  d'un  grain  ,  & 
il  a  trouvé  qu'il  en  talloit  7 1  ou  72.  Les  deux  paquets 
qu'en  avoit  une  carpe  de  dix-huit  pouces  de  longueur, 
compris  la  tête  &  la  queue ,  pefoient  huit  onces  deux 
gros,  qui  font  4752  grains,  qui  multipliés  par  72, 
font  342144  œufs,  ou  environ ,  que  cette  carpe  coa- 
tenoit. 

Dans  une  autre  carpe  moins  greffe ,  c'eft-à-dire  de 
feize  pouces  ,  les  deux  paquets  d'œufs  ne  pefoient 
que  fept  onces  deux  gros  quarante-deux  grains ,  &  ne 
contenoient  que  303552  œufs.  Dans  une  carpe  de  14 
pouces ,  le  paquet  d'œufs  peloit  fix  onces  quatre  gros 
quarante-deux  grains  ,  Se  ne  contenoit  par  confé- 
quent  que  262224  œufs.  Les  œufs  de  toutes  ces  car- 
pes paroiffoient  de  la  même  groffeur.  Il  fuit  de  ces 
obfcrvations ,  que  plus  les  carpes  font  greffes  ,  plus 
elles  contiennent  d'œufs.  Ce  doit  être  un  fait  fort 
rare  de  rencontrer  jufte  dans  de  pareilles  opérations, 
Se  ce  feroit  bien  peu  de  chofe  de  ne  fe  tromper  que 
de  quelques  centaines. 

Leuvenhoeck  ,  tom.  1.  de  fes  Œuvres  ,  ne  donne 
aux  carpes  que  21 1629  œufs ,  &  quatre  fois  plus  aux 
morues ,  ajoutant  que  les  œufs  d'un  poiffon  d'un  an , 
font  aufli  gros  que  ceux  d'un  poifiôn  de  vingt-cinq  ans. 
Il  établit  enfuite  que  la  morue  contient  9344000 
(neuf  millions  trois  cents  quarante  quatre  mille) 
œufs ,  ce  qui  fait  non  pas  quatre  fois  plus  d'œufs 
que  la  carpe  ,  comme  il  avoit  dit  auparavant ,  mais 
quarante-quatre  fois  plus  Se  d'avantage.  Il  s'eft  ap- 
paremment gliffé  quelque  faute  d'imprefîion  dans  les 
chiffres  du  nombre  des  œufs  de  la  morue  ;  car  l'édi- 
tion latine  des  ouvrages  de  cet  habile  artifte ,  pour 
le  dire  en  parlant ,  eft  toute  pleine  de  pareilles  fau- 
tes; Se  il  n'y  a  que  l'édition  originale  de  Leuwenhoeck 
en  Hollandois ,  qui  foit  bonne. 

La  laite.  La  laite  que  l'on  nomme  aufli  laitance ,  eft 
une  partie  dans  les  carpes  mâles ,  compofée  de  deux 
corps  blancs ,  très-irréguliers  :  ce  font  les  tefticules 
dans  lefquels  fe  filtre  la  femence  ;  ils  font  prefque 
aufli  longs  que  la  cavité  du  bas-ventre.  Le  côté  droit 
eft  quelquefois  un  peu  plus  long  que  le  gauche ,  par- 
ce qu'il  commence  un  peu  plus  près  du  diaphragme  ; 
il  recouvre  par  les  côtés  ,  le  paquet  des  boyaux,  la 
veflie  aérienne ,  Se  la  veflie  urinaire. 

Les  véjîcules  féminales.  Chaque  corps  blanc  ou  tef- 
ticule  ,  eft  compofé  de  deux  parties.  La  première  Se 
la  plus  confidérable ,  qui  prend  fon  origine  près  le  dia- 
phragme ,  eft  le  corps  du  tefticule  qui  eft  uni  &  liffe 
à  fa  iuperficie  ;  la  féconde  partie  confifte  dans  les 
vélicules  féminales  ,  qui  font  près  de  l'anus. 

Ces  véficules  léminales  paroiffent  formées  par  des 
petites  véficules  diftinguées  les  unes  des  autres.  Pour 
les  voir  avec  facilité ,  il  faut  les  preflèr  doucement 
avec  le  doigt  en  ramenant  du  côté  de  l'anus  ;  &  par 
ce  moyen  on  en  fait  fortir  par  l'ouverture  qui  eft  au- 
defl'ous  de  l'anus,  la  femence  qu'elles  contiennent.  Si 
après  cela  on  fouffle  dans  cette  ouverture ,  on  voit 
gonfler  ces  véficules  qui  paroiffent  très-diftinc~tes  les 
unes  des  autres  à  l'extérieur.  Ces  deux  véficules  fé- 
minales fe  réunifient  en  un  canal  commun ,  qui  fe 
termine  au  dehors  comme  l'anus  à  la  partie  pofté- 
rieure duquel  il  eft  fitué.  Il  eft  long  de  quatre  à  cinq 
lignes ,  &  n'a  qu'une  ligne  Se  demie  jufqu'à  deux  li- 
gnes de  diamètre.  Si  on  ouvre  ce  canal ,  on  y  voit 
l'ouverture  de  la  veflie ,  qui  ne  paraît  pas  toujours 
au-dehors  dans  les  carpes  laitées. 

La  vefjie  aérienne.  On  trouve  dans  la  carpe  Se  dans 
la  plupart  des  autres  poiffons  une  veflie  remplie  d'air, 
&  qu'on  peut  appeller  pour  cela  vejfîe  aérienne.  C'eft 
pour  la  même  raifon  que  quelques  auteurs  l'ont  nom- 
mée vefuula  pneumatica ,  d'autres  utriculus  natatorius  , 
parce  qu'il  paraît  que  les  poiffons  s'élèvent  plus  eu 

moins 


CAR 


CAR 


697 


moins  facilement  vers  la  fuperficie  de  l'eau  ,  félon 
qu'elle  Ce  trouve  plus  ou  moins  remplie  d'air. 

Elle  efl  iicuée  entre  les  reins  &  les  œufs  ou  la  laite. 
Elle  s'étend  depuis  le  diaphragme  jufqu'à  la  vefîie 
urinaire. 

Elle  efr  attachée  légèrement  par  des  fibres  &  des 
vaiffeaux  à  toutes  les  parties  qui  la  touchent ,  mais 
elle  tient  très-fort  à  la  baie  d'un  petit  os  qui  refîem- 
ble  de  figure  à  la  partie  antérieure  d'une  mitre.  La 
partie  iupérieure  de  la  membrane  externe  de  cette 
vefîie  eft  attachée  ii  fortement  à  cet  os ,  qu'on  ne 
peut  la  féparer  fans  la  couper  ou  la  déchirer;  il  y  a 
même  queiques-unes  clos  fibres  de  cette  membrane , 
qui  font  continues  avec  le  diaphragme. 

Cette  vefîie  eft  compolée  de  deux  véficules.  La 
première  efl  la  plus  grolTe  &  la  plus  près  du  dia- 
phragme ;  elle  a  trois  pouces  ou  environ  de  longueur, 
&  dix-huit  à  vingt  lignes  de  diamètre  à  l'endroit  où 
elle  a  plus  de  grofleur  ;  elle  forme  une  elpece  d'o- 
vale. 

La  féconde  véficule  qui  efl  plus  petite  en  grofTeur 
que  la  précédente,  efi  de  deux  ou  trois  lignes  plus  lon- 
gue que  la  première  ;  mais  elle  n'a  qu'environ  douze 
lignes  de  diamètre  dans  l'endroit  oit  elle  a  le  plus  de 
grofleur. 

Chacune  de  ces  véficules  a  deux  membranes ,  une 
externe  &  une  interne.  La  première  tendineufe  & 
forte ,  eft  double  ;  ce  que  l'on  apperçoit  très-bien  en 
la  déchirant ,  principalement  lorsqu'elle  a  été  macé- 
rée dans  l'eau.  On  voit  que  chacune  des  deux  lames 
qui  la  compofent  a  des  fibres ,  dont  la  direction  eft 
différente.  Les  fibres  de  la  lame  extérieure  font  plus 
obliques  que  celles  de  l'intérieure. 

La  féconde  membrane  efl:  très-fine  :  malgré  cela, 
on  reconnoît  par  la  macération  ,  qu'elle  efl  double  ; 
elle  renferme  dans  fa  duplicature  un  mulcle  dont 
les  fibres  font  tranfverfes  ,  èc  occupent  toute  la  lon- 
gueur de  la  véficule,  ou  peu  s'en  faut,  &  environ  le 
tiers  de  fa  circonférence.  Les  fibres  inférieures  fe 
croifent  à  angles  droits  ,  avec  d'autres  fibres  char- 
nues ,  qui  font  à  la  partie  inférieure  de  la  véficule. 

La  féconde  véficule  a  les  mêmes  membranes  :  mais 
les  externes  font  plus  fines  que  celles  de  la  première 
véficule.  Elle  a  deux  plans  de  fibres  charnues  &  tranf- 
verfes, un  de  chaque  côté ,  qui  régnent  dans  toute  la 
longueur  de  la  véficule  :  mais  chaque  plan  n'oc- 
cupe qu'environ  le  quart  delà  circonférence. 

Les  deux  véficules  communiquent  l'une  à  l'autre 
par  un  petit  canal  qui  a  environ  une  ligne  de  dia- 
mètre ,  &  -y  de  ligne  de  longueur  pour  l'ordinaire.  Il 
n'y  a  point  de  valvule  ,  &c  l'air  pafl'e  librement  de  l'u- 
ne à  l'autre  véficule. 

Tout  le  monde  connoît  l'ufagc  de  la  vefîie  aérien- 
ne ;  félon  qu'elle  efl  plus  ou  moins  remplie  d'air ,  elle 
rend  le  corps  du  poiflbn  plus  ou  moins  pelant ,  &  par 
là  propre  à  monter  à  la  fuperficie  de  l'eau  ,  ou  à  s  en- 
foncer plus  ou  moins  dans  l'eau. 

Tout  le  monde  connoît  aufTi  la  nécefîité  abfolue 
de  l'air,  &  même  du  renouvellement  d'air  pour  la 
vie  des  poifîbns.  La  machine  du  vuide  a  prouvé  l'un 
&  l'autre  depuis  long-tems;  &C  c'ell  fur  la  carpe  que 
les  expériences  en  ont  été  faites  le  plus  fouvent , 
ce  poilfon  étant  fort  commun. 

Si  l'on  met  une  carpe  mâle  dans  un  vaifTeau  plein 
d'eau,  placé  fous  le  récipient  de  la  machine  pneuma- 
tique ,  &c  que  l'on  pompe  l'air  trois  ou  cjuatre  fois, 
la  carpe  commence  à  s'agiter;  toute  la  fui  lace  de  Ion 
corps  devient  perlée  ;  il  lui  fort  par  la  bouche  &  par 
les  otiies  une  infinité  de  bulles  d'air  foit  gro 
la  région  de  la  vefîie  aérienne  s'enfle  conlidcrable- 
ment.  Si  l'on  recommence  à  pomper ,  les  ou;es  re- 
commencent à  battre,  mais  peu  de  teras  cv 
ment;  enfuite  la  carpe  demeure  fans  aucun  mouve- 
ment, &  la  région  de  la  veiiie  aérienne  devient  ii 
Tome  II. 


gonflée  &  fi  tendue  ,  que  la  laite  fort  en  s'éfîlant  par 
l'anus  :  enfin  au  bout  d'une  demi-heure  ou  environ  , 
la  carpe  meurt  ;  fi  on  l'ouvre,  on  trouve  d'ordinaire 
la  vefîie  aérienne  crevée. 

Les  reins.  Les  reins  de  la  carpe  font  rouges-bruns  t 
mollaffes  ,  ièmblables  en  quelque  manie:  0  à  ou  feng 
caillé  :  ils  occupent  la  plus  grande  partie  de  la  poi- 
trine ,  &  de-là  s'étendent  dans  toute  la  longueur  du 
bas-ventre  jufqu'à  la  vefîie;  ils  font  adhérens  au  pé- 
ritoine ,  auffi  bien  qu'aux  ovaires  ,  ou  à  la  laite  ;  ils 
fe  grofiifTent  en  bofle  triangulaire  ,  &  font  logés  en- 
tre les  deux  véficules  aériennes  ;  ils  remplirent  l'ef- 
pace  que  ces  véficules  laiflenî  entr'elles. 

L'urine  pafîe  immédiatement  de  la  fubflance  des 
reins  dans  les  uretères,  par  le  moyen  des  vaiffeaux 
excrétoires  qui  s'y  rendent.  Les  uretères  font ,  com- 
me l'on  fait ,  des  canaux  qui  tranfportent  l'urine  des 
reins  dans  la  vefîie.  Ils  font  dans  la  carpe  cachés  en 
partie  dans  la  fubllance  des  reins,  &  principalement 
dans  la  partie  qui  efl  renfermée  dans  la  poitrine. 

La  veffk  urinaire.  La  vefîie  urinaire  efl  une  capfule 
oblongue ,  arrondie  ,  &  qui  étant  gonflée,  reffemble 
à  une  petite  cucurbite  renverfée  ,  dont  l'embouchure 
efl  tres-étroite.  Elle  ne  paroît  compofée  que  d'une 
feule  membrane  qui  ell  fort  fine  ;  ton  embouchure 
efl  tout  près  de  celle  du  rectum  ,  à  la  partie  poflé- 
rieure  de  l'anus  dans  les  carpes  auvées  :  mais  dans  les 
carpes  laitées ,  on  ne  la  découvre  point  au-dehors  ;  on 
la  trouve  dans  le  canal  commun  des  véficules  fémi- 
nales. 

Des  carpes  hermaphrodites.  M.  Morand  a  fait  voir 
à  l'Académie  des  Sciences  en  1737,  les  parties  inté- 
rieures d'une  groffe  carpe,  où  l'on  voyoit  diflincle- 
ment  d'un  côté  les  œufs  ,  &  de  l'autre  la  laite  :  elle 
étoit  donc  véritablement  hermaphiodite.  A  cette  oc- 
caiion,  M.  de  Reaumur  dit  qu'il  avoit  obfervé  plu- 
fîeurs  fois  la  même  choie  dans  lé  brochet  ;  &  M.  Mar- 
chand dans  le  merlan.  On  y  peut  ajouter  les  moules , 
dont  nous  parleions  :  &  voilà  bien  des  poifions  her- 
maphrodites qui  en  feroient  foupçonner  beaucoup 
d'autres.  Que  u'éclairciliemens  à  defîrer  fur  ce  fujet  ! 
Toute  une  efpece  n'aura-t-elle  que  des  hermaphrodi- 
tes, ou  ferait-elle  mêlée?  Plufîeurs  hermaphrodites 
ont  le  beloin  ordinaire  d'un  autre  animal  de  leur  ef- 
pece pour  engendrer  ;  les  moules  engendrent  toutes 
feules.  De  quel  genre  feront  ces  nom  eaux  herma- 
phrodites qui  fe  trouvent  parmi  les  poifîbns  ?  ce  font 
tout  autant  de  quetlions  de  M.  de  Fonu  nelle. 

De  la  rtfpiration  de  la  carpe.  Mais  de  quelque  fexe 
que  fo:ent  les  carpes,  auiees ,  lait  ces  ,  hermaphrodites, 
elles  ont  toutes  beloin  de  reipirer  pour  vivre. 

M.  Deiham  dit ,  que  pourvu  qu'on  les  mette  dans 
un  endroit  frais  &  dans  une  pofïtion  qui  ne  gene  point 
leur  refpiration  ,  elles  peuvent  vivie  long-tems  dans 
l'air,  &c  hors  de  l'eau  ;  ce  qu'il  prouve  d'après  le 
témoignage  d'une  perlonne  tres-ifluflre  &  très-cu- 
rieufe  ,  par  la  manière  dont  on  les  engraifle  en  Hol- 
lande, laquelle  a  aufîi  été  pratiquée  en  Angleterre. 
On  les  fuipend  à  la  cave,  ou  en  tout  autre  lieu  frais, 
dans  un  petit  filet ,  fur  de  la  moufîe  humide  ;  enforte 
que  la  tête  de  la  carpe  forte  hors  du  filet.  On  les  nour- 
cette  manière  de  pain  blanc  qui  a  trempé  dans 
du  lait. 

Ce  fait  cil  aifé  à  vérifier  :  il  n'efl  pas  aufîi  facile 
de  démontrer  toutes  les  pièces  qui  fervent  à  la  ref- 
piration de  ce  poiflbn; elles  montent  à  un  nombre  fi 
f'urprenant,  que  l'imagination  même  en  eft  enraya  j. 
M. us  lans  entrer  dans  un  détail  que  je  ne  faurois 
faire  par  écrit ,  je  me  contenterai  d'en  donner  le  dé- 
nombrement,  que  perfonne  ne  fera  tâché  de  voir  ; 
&je  ne  donnerai  point  ce  dénombrement  eh  chiffres, 
de  peur  que  quelqu'un  ne  loupçonne  ici  des  fautes 
d'impreflion. 

Les  pièces  ofîcules  font  au  nombre  de  quatre  mille 

T  Tt  t 


693 


CAR 


trois  cents  quatre-  vingts -frx  :  il  y  a  foixante-neuf 
mufcles. 

Les  artères  des  ouies  ,  outre  leurs  huit  branches 
principales ,  jettent  quatre  mille  trois  cents  vingt  ra- 
meaux; chaque  rameau  jette  de  chaque  côté  fur  le 
plat  de  chaque  lame ,  une  infinité  d'artères  capillai- 
res tranfverfales ,  dont  le  compte  ne  feroit  pas  im- 
poffible  :  il  pafTe  de  beaucoup  tous  ces  nombres  en- 
semble. 

Il  y  a  autant  de  nerfs  que  d'artères, les  ramifications 
des  premiers  fuivant  exactement  celles  des  autres. 

Les  veines  ainfi  que  les  artères ,  outre  leurs  huit 
branches  principales,  jettent  quatre  mille  trois  cents 
vingt  rameaux ,  qui  l'ont  de  fimples  tuyaux ,  &  qui  à 
la  différence  des  rameaux  des  artères,  ne  jettent  point 
de  vaiffeaux  capillaires  tranfverfatix. 

Ce  nombre  prodigieux  d'os ,  de  mufcles  ,  de  vaif- 
feaux ,  de  nerfs ,  de  veines  ,  &  d'artères ,  concourant 
au  même  but  ,  arrangés  avec  tant  d'induftrie ,  mar- 
quent fans  doute  la  main  du  ibuverain  artifte.  Que 
fes  œuvres  font  admirables  !  Et  puifqu'il  ne  s'eft  point 
laffé  de  les  produire  dans  les  eaux  comme  fur  la  ter- 
re ,  fuivant  la  remarque  de  Galien ,  les  hommes  peu- 
vent-ils jamais  fe  laflér  de  les  lire  &  de  les  étudier! 
Que  cette  étude  eft  belle  !  qu'elle  eft  intéreflante  ! 

Etude  de  tout  tems  ,  de  tous  lieux  ,  de  tout  âge , 
Que  n  épuiferont  point  lesjîecles  à  venir! 
Je  la  propofe  aux  grands  ,  je  la  propofe  aufage .' 
Par  où  faurois-j  e  mieux  finir  ? 

Article  communiqué  par  M.  le  CHEVALIER  DE 
Jaucourt. 

La  pêche  de  la  carpe  n'a  rien  de  particulier. 
*  CARPÉE  ,  f.  m.  (  Hijt.  anc.  )  efpece  de  panto- 
mime ancienne ,  que  les  Athéniens  &  les  Magnéfiens 
peuples  de  Theffalie ,  avoient  coutume  de  danfer  de 
la  manière  fuivante.  Un  des  danfeurs  mettoit  bas  fes 
armes  ,  fembloit  labourer  &  femer ,  regardoit  fou- 
vent  derrière  lui ,  comme  un  homme  inquiet.  Un  le- 
cond  danfeur  imitoit  l'aclion  d'un  voleur  qui  s'ap- 
proche. Le  premier  reprenoit  auffi-tôt  fes  armes  ,  & 
il  y  avoit  entr'eux  un  combat  autour  de  la  charrue 
&  des  bœufs  :  ce  combat  fe  livroit  en  cadence  & 
au  fon  de  la  flûte.  Le  voleur  remportoit  la  viftoire  ; 
lioit  le  laboureur  ,  &£  emmenoit  les  bœufs  ;  quelque- 
fois le  laboureur  étoit  victorieux.  Rien  n'a  plus  de 
rapport  avec  les  ballets  que  le  lieur  Dehefîe  ima- 
gine avec  tant  d'efprit ,  &  qui  font  fi  bien  exécutés 
par  nos  comédiens  Italiens. 

On  dit  que  cette  danfe  fut  inftituée  pour  accou- 
tumer les  payfans  à  fe  défendre  contre  les  incurfions 
des  brigands. 

CARPEN,  (  Géog.  )  petite  ville  forte  de  la  haute 
Hongrie  dans  le  comté  de  Bars. 

CARPENEDOLO  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie 
dans  le  Brefcian ,  aux  Vénitiens. 

CARPENTER-LAND  ou  CARPENTARIA, 
(  Géog.  )  pays  d'Ane  de  la  nouvelle  Guinée ,  dans  la 
nouvelle  Hollande. 

C  ARPENTRAS  ,  (  Géog.  )  ville  de  France  enPro- 
vence,  capitale  du  comté  Venaifîin.  Long.  zzd.  421. 
63".  lat.  44*.  3'.  33". 

*  CARPE  NTIZM,  (  Hifl.  anc.  &  antiq.  )  char  à 
plufieurs  ufages  chez  les  Romains.  Il  étoit  ordinaire- 
ment employé  à  porter  les  matrones ,  &  les  impéra- 
trices fous  les  empereurs.  Il  étoit  tiré  par  des  mules  ; 
il  n'avoit  que  deux  roues  ,  rarement  quatre  ;  il  ne 
fervoit  pas  feulement  pour  les  femmes.  Florus  fait 
mention  d'un  roi  Gaulois  qui  fut  pris  combattant  fur 
un  carpentum  d'argent ,  &  mené  en  triomphe  fur  le 
même  chariot. 

CARPI ,  (Géog.)  ville  d'Italie  en  Lombardie  dans 
leModénois.  Long.  z8.  Zà.  lut,  44.  4a, 


CAR 

CarPi  ,  (  Géog.)  petite  ville  d'Italie  dans  l'état 
de  Venife  au  Veronois ,  fur  l'Adige. 

CARPIO  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Efpagne  dans 
l'Andaloufie,  fur  le  Guadalquivir. 

CARPOBALSAMUM  ,  (  Hijt.  nat.  bot.  )  baie 
ou  fruit  de  l'arbre  qui  produit  le  vrai  baume  de  Ju- 
dée. Ce  fruit  n'a  pas  de  nom  François.  Il  eft  fort  fem- 
blable  en  groffeur ,  en  figure ,  &  en  couleur  ,  à  celui 
du  térébinthe.  Ce  mot  vient  de  deux  mots  Grecs  , 
na,f7Kç  y  f™11  >  &  Ca.Xtraip.oc ,  baume. 

Le  carpobalfamum  eft  une  baie  oblongue  ,  avec  un 
petit  calice  &  une  écorce  brune  ridée  ,  marquée  de 
quatre  côtés  ,  d'un  goût  &  d'une  odeur  agréable. 
On  en  trouve  peu  dans  les  boutiques.  Il  faut  s'y  con- 
noître  pour  l'acheter.  Il  eft  très -rare.  Celui  qu'on 
vend  d'ordinaire  n'eft  que  du  poivre  de  la  Jamaïque. 
D'autres  y  fubfiituent  les  çubebes  ou  les  baies  de  ge- 
névrier. 

Le  carpobalfamum  entre  dans  la  compofition  de  la 
thériaque  &c  du  mithridate  :  on  voit  par-là  qu'il  eft 
regardé  comme  ftomachique  ,  cordial ,  &  propre  à 
fortifier.  (  N  ) 

CARPOBOLUS ,  f.  m.  (  Hifl.  nat.  bot.  )  genre  de 
plante  dont  les  individus  paroifTent  ronds  lorfqu'ils 
font  renfermés  dans  leur  enveloppe  :  mais  dans  la 
fuite  l'enveloppe  &  le  corps  qu'elle  renfermoit  s'ou- 
vrent par  le  haut ,  de  forte  qu'ils  reffemblent  à  une 
cloche  renveriée  &c  découpée  par  les  bords.  Il  y  a  au 
centre  de  la  plante  un  fruit  rond ,  recouvert  d'une 
membrane  très -mince,  compolé  de  femences  très- 
petites  ,  &  environné  d'une  certaine  liqueur  très- 
claire.  Cette  liqueur  n'eft  pas  plutôt  évaporée  ,  que 
le  carpobolus  change  de  forme  ;  de  concave  qu'il  étoit  $ 
il  devient  convexe  :  ce  changement  fe  fait  en  un  inf- 
tant ,  &  avec  tant  de  violence  ,  que  le  reffort  du  fond 
de  la  plante  lance  le  fruit  en  haut.  Auffitôt  que  le  fruit 
eft  forti ,  le  carpobolus  perd  une  partie  de  fa  conve- 
xité ;  une  moitié  s'afFaiflé  &  fe  recourbe  en-dedans. 
Ces  ôbfervations  ne  fe  peuvent  faire  qu'à  l'aide  du 
microfeope.  Micheli ,  Nova  pi.  gen.  Voye^  PLANTE. 

(O 

CARPOCRATIENS  ,  f.  m.  pi.  (  Hifl.  eccléf.  )  hé- 
rétiques qui  parurent  dans  le  xi.  liecle  ,  &  prirent 
ce  nom  de  leur  chef  Carpocrate  ,  natif  d'Alexandrie. 
C'étoit  une  branche  de  la  leéte  des  Gnoftiques ,  qui 
renouvella  les  erreurs  de  Simon  le  Magicien,  de Me- 
nandre ,  de  Saturnin,  de  Bafdide  ,  &c 

Les  Carpocratiens  reconnoifîbient  un  principe  uni- 
que &  père  de  toutes  choies ,  mais  dont  ils  ne  dif  oient 
ni  le  nom ,  ni  la  nature  :  cependant  ils  penfoient  que 
le  monde  avoit  été  créé  par  des  anges  ou  des  génies 
bien  inférieurs  à  ce  premier  principe.  Ils  nioient  la 
divinité  de  Jefus-Chrift,  qui ,  difoient-ils ,  étoit  fils  de 
Jofeph  ,  né  comme  les  autres  hommes ,  mais  favorifé 
de  dons  extraordinaires ,  &  diftingué  par  fa  vertu. 
Pour  arriver  à  Dieu  il  falloit ,  félon  eux ,  avoir  ac- 
compli toutes  les  œuvres  du  monde  &  de  la  concu- 
pifeence  ,  à  laquelle  il  falloit  obéir  en  tout  ;  préten- 
dant qu'elle  étoit  cet  adverfaire  à  qui  l'Evangile  or- 
donne de  céder',  tandis  que  l'on  eft  avec  lui  dans  la 
voie  (  Matth.  v.  verf.  zô.  )  :  que  l'ame  qui  réfiftoit  à 
la  concupifcence,  en  étoit  punie  en  pafîant  après  la 
mort  lucceffivement  d'un  corps  dans  un  autre ,  juf- 
qu'à  ce  qu'elle  eût  accompli  toutes  les  œuvres  de  la 
chair  ;  &C  que  par  conléquent  on  ne  pouvoit  trop  fe 
hâter  d'acquitter  cette  dette.  De  -  là  ces  impudicités 
en  tout  genre  auxquelles  ils  fe  livroient  fans  remords  : 
au  moins  pour  leur  impofer  filence  avoient-ils  ima- 
giné ce  principe  qui  conduit  aux  derniers  excès ,  qu'il 
n'y  a  point  d'adion  bonne  ou  mauvaife  en  loi ,  mais 
feulement  par  l'opinion  des  hommes.  Ils  déteftoient 
le  jeûne ,  recherchoient  tous  les  plaifirs  des  fens  ,  & 
admettoient  la  communauté  des  femmes.  Fleurv, 
Hifl.  eccléf.  tom,  I.  liv.  III.  pag.  333. 


CAR 

CARQUOIS ,  f.  m.  {An.  milit.)  efpcce  de  boîte 
<ou  de  fourreau ,  dans  lequel  les  troupes  qui  fe  fer- 
vent d'arcs  mettent  leurs  flèches.  (Q) 

CARRAVEIRA ,  (Géog.)  ville  de  la  Turquie ,  en 
Europe,  clans  la  Macédoine.  Long.  40.  lat^o.ZJ. 

CARRE,  qu'on  nomme  aufïi  carfe,  f.  f.  (Comm.~) 
mefure  de  continence,  dont  on  fe  lèrt  à  Briare  pour 
mefurer  les  grains. 

La  carre  pefe  vingt  livres  ;  &  dix  carres  &  ff  de  ces 
carres  font  le  feptier  de  Paris.  foye{  Septier.  Diclion. 
de  Commerce ,  tom.  II.  pag.  lOZ-  (G) 

*  C  A  R  R  É  ,  qu'il  lémblc  qu'on  devroit  écrire 
quarré ,  eftun  adje&if  dont  on  a  tait  un.fubffantif,  qui 
deligne  dans  les  arts  méchaniques  &  des  initrumens 
&  des  formes ,  où  fe  fait  particulièrement  remarquer 
celle  du  quarré,  c'eft- à-dire  ,  de  la  figure  à  quatre 
côtés  perpendiculaires  l'un  à  l'autre,  &  égaux  en- 
tr'eux.  V.  ces  différentes  acceptions  dans  les  art.  fuivans. 

Carre,  f.  m.  en  terme  de  Bijoutier,  c'eft  propre- 
ment le  pilier  qui  fait  l'angle  d'une  tabatière.  Il  le  ti- 
re au  banc.  ^oy^BANC  À  tirer. 

Carré,  Traîne  ou  Traîneau,  (Corderie.j  bâtis 
de  charpente  en  forme  de  traîneau ,  fur  le  devant  du- 
quel s'élèvent  deux  montans  qui  portent  une  traver- 
ie  dans  laquelle  panent  les  manivelles  qui  fervent  à 
tordre  les  torons ,  ou  à  commettre  la  corde.  On  char- 
ge les  carrés  de  poids ,  pour  que  les  torons  foient  bien 
tendus.  Voye^L 'article  CORDERIE  &  les  figures. 

Carré  ,  (  Gravure  &  Monnoyage.  )  morceau  d'a- 
cier fait  en  forme  de  de,  dans  lequel  on  a  gravé  en 
creux  ce  qui  doit  être  en  relief  dans  une  médaille. 
Quand  les  carrés  font  bien  trempés ,  l'on  y  frappe  û 
l'on  veut  des  poinçons  de  même  que  l'on  frappe  des 
carrés  avec  les  poinçons  :  ces  derniers  carrés  alors  s'ap- 
pellent matrices.  Voye^  MATRICE.  Voye7^  PL  I.  de  la 
Monnoie ,  fig.  J.  &  4. 

CARRÉ  de  cuir ,  (Tanneur  &  Cordonnier.}  c'eft  ainfi 
que  les  Tanneurs  6c  autres  qui  font  commerce  de 
gros  cuirs,  appellent  des  morceaux  de  cuir  fort,  cou- 
pés par  carrés  :  un  carré  contient  jufte  ce  qu'il  faut  de 
cuir  pour  faire  une  paire  de  fouliers:  cette  étendue 
de  cuir  fe  nomme  aufïï  tableau;  &  l'on  dit  des  Cor- 
donniers qui  fe  pourvoyent  de  cette  manière  ,  parce 
ce  qu'ils  ne  l'ont  pas  en  état  d'acheter  des  cuirs  en- 
tiers, qu'ils  vont  au  tableau. 

*  CARREAU,  f.  m.  {Architecture, .)  terre  moulée 
de  différentes  formes  &  grandeurs,  6c  cuite  comme 
la  brique.  Voye^  l'article  Brique.  Le  carreau  prend 
différens  noms  :  le  quarré  ,  grand  de  fix  à  fept  pou- 
ces, fert  à  parer  les  atres  ;  le  grand  carreau  a  fix  pans 
de  fix  à  lept  pouces  ;  le  petit  carreau  a  fix  pans  de  qua- 
tre pouces.  Le  premier  de  ces  deux-ci  s'employe  quel- 
quefois aux  jeux  de  paume  &  grandes  galeries;  le  fé- 
cond ,  dans  les  tulles  6c  les  chambres  ordinaires.  Les 
anciens  appelloient  ces  carreaux  à  fix  pans,  A'o/,  de  la 
rcllemblance  qu'ils  ont  avec  les  panneaux  des  rayons 
de  miel;  ceux  ù  trois  pans  trigona;  les  quarrés^wa- 
drata  ;  ceux  qui  a  voient  la  même  baie  &  la  même 
hauteur,  tejjera.  Le  carreau  defayenct  ou  de  Hollande , 
ordinairement  de  quatre  pouces  en  quarré,  fert  à 
.paver  les  l'allés  de  bains,  les  petits  cabinets  ou  lieux 
à  foupapes  ,  &  autres  endroits  de  cette  nature.  Il  y  a 
des  carreaux  mi-parti& de  différentes  couleurs,  avec 
lelqucls  on  peut  toi  mer  un  grand  nombre  de  defîéins 
&  de  figures  agréables.  On  trouve  dans  les  Mém.  de 
l'Académie,  année  1704.  pag.  Jù'j .  un  effai  fur  cette 
matière  ,  par  le  fameux  P.  Sebaltien.  En  cherchant , 
félon  la  méthode  qu'il  propofe,  en  combien  de  ma- 
nières deux  carreaux  mi-partis  chacun  de  deux  mê- 
mes couleurs,  pourvoient  s'all'embler,  en  les  difpofant 
toujours  en  échiquier,  on  trouve  foixante-quatre , 
ce  qui  ne  doit  pas  étonner.  Deux  lettres  ou  deux  chif- 
fres ne  le  combinent  ordinairement  que  de  deux  fa- 
çons ,  parce  qu'ils  ne  changent  de  natation  que  pour 
Tome  IL 


CAR 


699 


être  mis  l'un  après  l'autre  fur  une  ligne,  la  bafe  de- 
meurant toujours  la  même  :  mais  dans  l'arrar 
de  deux  carreaux ,  l'un  des  deux  peut  prendr 
fituations  différentes,  dans  chacune  de 
tre carreau  peut  changer  feize  fois,  ce  qui  donne  les 
foixante-quatre  combinions.    ^'oye7_  ,  Plan 
Carreleur,  ces  foixante-quatre  combindifens. 

Mais  en  examinant  ces  foixante-quatre  comb'.nai- 
fons,  on  y  trouve  un  grand  nombre  de  figures  fem- 
blables,  &  l'on  voit  qu'elles  fe  réduifent  à  trenl  - 
deux  différentes  ;  parce  que  chaque  figure  efl  : 
deux  fois  dans  la  même  fituation,  &  que  le',  e 
blés  ne  différent  les  uns  des  autres,  que  par  la  tranf- 
pofition  du  carreau  le  plus  ombré.  Tels  font . 
Planche,  le  premier  6c  le  troifieme;  le  fécond  6c  le 
quatrième  ;  le  cinquième  6c  le  trente-unième  ;  le 
me  &  le  trente-deuxième  ;  le  feptieme  &  le  \  1 
neuvième  ;  le  huitième  &  le  trentième  ;  le  net. 
6c  le  quarante-troilieme;  le  dixième  &  le  qua 
quatrième  ;  le  onzième  &  le  quarante-unième  ;  I 
zieme&  le  quarante-deuxième;  le  treizième  &  le  cin- 
quante-cinquième ;  le  quatorzième  6c  le  cinquante- 
fixieme  ;  le  quinzième  6c  le  cinquante-troifieme  ;  le 
feizieme  &  le  cinquante-quatrième;  le  dix-feptieme 
&  le  dix-neuvieme  ;  le  dix-huitieme  &  le  vingtième  ; 
le  vingt-unième  6c  le  quarante-feptieme;  le  vingt- 
deuxième  &  le  quarante-huitième  ;  le  vingt-troifieme 
6:  le  quarante-cinquième  ;  le  vingt-quatrième  &  le 
quarante-fixieme;  le  vingt-cinquième  &  le  cinquan- 
te-neuvième ;  le  vingt-fixieme  6c  le  foixantieme  ;  le 
vingt-feptieme  &  le  cinquante-feptieme;  le  vin gt- 
huitieme  6c  le  cinquante-huitième;  le  trente-troilîe- 
me  6c  le  trente-cinquième  ;  le  trente-quatrième  6c  le 
trente-iixieme  ;  le  treme-feptieme  6c  le  foixante-troi- 
lieme;le  trente-huitième  &  le  foixante-quatrieme  ; 
le  trente-neuvième  &  le  foixante-unieme  ;  le  quaran- 
tième &  le  loixante-deuxieme;  le  quarante-neuviè- 
me 6c  le  cinquante-unième  ;  le  cinquantième  6c  le  cin- 
quante-deuxième. 

Il  y  a  plus:  fi  l'on  n'a  point  d'égard  à  la  fituation 
&  au  même  point  de  vue ,  on  apperçoit  que  ces  tren- 
te-deux figures  différentes  peuvent  encore  fe  réduire 
à  dix  iemblables.  Telles  font,  même  Planche,  la  pre- 
mière, la  troifieme,  la  dix-huitierne,  la 
la  trente  -  troifieme  ,  la  trente -cinquième,  la  cin- 
quantième, 6c  la  cinquante -deuxième:  la  féconde, 
la  quatrième,  la  dix-leptieme,  la  dix-neuvieme, 
la  trente  -  quatrième ,  la  trente-iixieme,  la  qua- 
rante-neuvième, ce  la  cinquante  -  unième  :  la  cin- 
quième, la  trente-unième,  la  feizieme,  la  cinquan- 
te-quatrième, la  trente-neuvième,  la  loixanre -uniè- 
me ,  la  vingt -quatrième,  6c  la  quarante-fixieme: 
la  fixieme,  la  trente  -  deuxième ,  la  treizième,  la 
cinquante-cinquième,  la  quarantième,  la  loixante- 
deuxieme,  la  vingt-unième,  &  la  quarante-feptie- 
me: la  feptieme,  la  vingt-neuvième,  la  quatorziè- 
me, la  cinquante-fixieme ,  la  trente-leptieme,  la  foi- 
xante-troifieme ,  la  vingt-deuxième,  &:  la  quarante- 
huitième:  la  huitième  ,  la  trentième,  la  quinzième  , 
la  cinquante-troifieme  ,  la  trente-huitième,  la  foixan- 
te-quatrieme, la  vingt-troifieme,  &  la  quarante-cin- 
quième :  la  neuvième,  la  quarante-troifieme,  la  vingt- 
huitième,  &  la  cinquante-huitième:  la  dixième,  la 
quarante-quatrième  ,  la  vingt-cinquième  ,  &  la  cin- 
quante-neuvième :  la  onzième ,  la  quarante-ui 
la  vingt-fixieme ,  &  la  foixantieme:  la  e 
quarante-deuxième,  la  vingt-feptieme ,  &  la  cinquan- 
te-feptieme. 

Si  l'on  exclut  de  ces  dix  figures  les  variétés  qui 
naiffent  de  ce  que  les  parties  blanches  fe  trouvent  à 
Ta  place  des  parties  noires,  &  les  noires  à  la 
îles  blanches,  elles  fe  réduiront  encore  à  quatre  ,  où 
ces  parties  fe  voyent  dans  les  unes  à  droite,  comme 
elles  font  dans  les  autres  à  gauche;ou  en-haut  comme 

TTtt  ij 


700 


CAR 


elles  font  en-bas  ;  enforte  que  fi  on  les  fuppofe  tra- 
cées fur  un  papier  tranfparent ,  on  verra  les  unes  en 
les  regardant  à  travers  le  papier,  comme  on  voit  les 
autres  fur  le  papier  même  ;  d'où  il  s'enfuit  qu'à  pro- 
prement parler,  leurs  figures  ne  font  pas  différentes. 
Telles  font  les  9e,  43%  iS%  58%  10e,  44e,  *5%  *9% 
11e,  41e,  26e,  60e,  11e,  41%  17e»  &  57%Ie«6% 
3i%  i3%  55%  40%  62e,  zie,  47%  8e,  30%  15% 
53%  38%  64e,  23%  &  45e;  les  7%  29%  14%  56% 
37%  63e,  22%  48e,  5%  3i%  16%  54%  39%  6l% 
24%  46e;  &  les  2e,  4e,  17e,   19e,   34%  36%  49% 

ïi%i«,3%rte,*>%33%35%ï°%5*\       ,    .., 

Peut-être  qu'en  cherchant  quelque  manière  de  dil- 

pofer  les  combinaifons  de  ces  carreaux  fur  le  papier, 
on  eût  rencontré  quelque  loi  qui  auroit  difpenié  de 
rémunération  précédente  :  mais  c'eft  ce  que  perfon- 
ne  n'a  encore  tenté ,  non  plus  que  la  combinaiion 
de  plufieurs  carreaux ,  &  moins  encore  la  combinai- 
fon de  carreaux  partis  de  plufieurs  couleurs. 

Si  l'on  s'occupe  à  former  des  deffeins  &  des  com- 
partimens  avec  ces  figures  jointes  enfemble  ck  tou- 
jours en  échiquier ,  on  en  formera  une  multitude  pro- 
digieufe.  Nous  n'avons  pas  jugé  à  propos  de  les  faire 
graver;  elles  en  paroîtront  plus  lurprenantes  à  ceux 
qui  les  verront  naître  fous  leurs  yeux,  loit  par  amufe- 
ment,  foit  par  utilité  :  mais  pour  les  diriger  dans  cet- 
te opération,  nous  allons  leur  indiquer  &  les  car- 
reaux &  l'ordre  dans  lequel  ils  auront  à  les  affembler 
pour  en  former  des  tous  agréables  :  ces  exemples 
pourront  être  de  quelque  commodité  non-feulement 
pour  les  Carreleurs ,  mais  encore  pour  les  ouvriers 
en  Marqueterie,  en  Tableterie ,  en  Menuiferie,  ck 
autres  ouvrages  faits  de  pièces  rapportées. 

On  voit ,  Planche  du  Carreleur,  les  foixante-quatre 
combinaifons  poffibles  que  l'on  peut  faire  avec  deux 
carreaux  mi-partis  félon  leur  diagonale.  Cette  plan- 
che eft  divifée  en  quatre  colonnes  de  haut-en-bas  ; 
chaque  colonne  eft  partagée  en  cinq  quarrés  :  dans 
le  premier  quarré  de  chaque  colonne  on  a  figuré  en 
grand  un  feul  carreau ,  qui  eft  différemment  fitué  clans 
chacune ,  ainfi  que  l'on  les  voit  par  A,  B,  C,  D,  qua- 
tre lettres  qui  marquent  toujours  les  mêmes  côtés  du 
carreau;  A,  D ,  les  deux  colores;  B,  C,  les  deux 
blancs.  Ainfi  dans  tous  les  quarrés  de  la  première  co- 
lonne ,  le  carreau  le  plus  ombré  eft  toujours  cenfé  ap- 
pliqué horifontalement  au  côté  A  ;  dr.ns  la  leconde, 
au  côté  B  ;  dans  la  troifieme ,  au  côté  C  ;  ck  dans  la 
quatrième ,  au  côté  D. 

Dans  les  quatre  quarrés  qui  achèvent  la  première 
colonne  ,  &  qui  ont  la  lettre  A  au  centre ,  on  a  figuré 
les  16  combinaifons  qui  fe  peuvent  faire  avec  deux 
carreaux  ;  l'un  defquels  qui  eft  le  plus  ombré ,  demeu- 
re toujours  horifontal  fur  le  côté  A.  On  a  fuivi  le  mê- 
me ordre  dans  les  autres  colonnes.  Les  quarrés  de 
chacune  font  marqués  d'une  même  lettre  :  ainfi  ils 
ont  au  centre  B  à  la  féconde  ;  C ,  à  la  troifieme;  D, 
à  la  quatrième.  On  a  féparé  les  combinaifons  de  qua- 
tre en  quatre,  pour  éviter  la  confufion  :  on  auroit  pu, 
outre  cet  avantage  ,  s'en  propoier  un  autre ,  celui  de 
rencontrerquelqueloiqui  donnât  fans  peine  lesleni- 
blables  &  les  différens  ,  ainfi  que  nous  l'avons  re- 
marqué plus  haut. 

On  aura  un  premier  deffein  régulier  ,  fi  l'on  fait 
une  ligne  de  la  combinaifon  2 ,  ck  fous  cette  ligne  une 
autre  ligne  de  même  longueur ,  avec  la  même  com- 
binaifon 2,  ck  ainfi  de  fuite. 

On  aura  un  fécond  deffein ,  fi  l'on  fait  une  pre- 
mière rangée  avec  la  combinaifon  2;  une  féconde 
avec  la  combinaifon  34,  &  alternativement  ainli  de 
fuite. 

Un  troifieme  deffein,  fi  l'on  fait  la  première  ran- 
gée de  la  combinaiion  6,  &  la  ieconde  de  la  com- 
binaifon 40  ,  ck  ainli  de  fuite  alternativement. 
Un  quatrième ,  fi  l'on  fait  la  première  rangée  avec 


CAR 

la  combinaifon  12,  &  la  féconde  avec  la  combinai- 
fon 10,  &  ainfide  fuite  alternativement. 

Un  cinquième ,  fi  l'on  fait  la  première  rangée  avec 
les  deux  combinaifons  24  &  14  ,  mifes  alternative- 
ment ;  la  féconde  avec  les  deux  combinaifons  22  & 
16  alternativement  ;  la  troifieme  avec  les  deux  com- 
binaifons de  la  première ,  mais  en  mettant  14  avant 
24  ;  la  quatrième  avec  les  deux  combinaifons  de  la 
féconde,  mais  en  mettant  16  avant  22,  &  ainfi  de 
fuite. 

Un  fixieme  ,  fi  l'on  fait  la  première  rangée  avec 
la  combinaifon  24 ,  &  la  féconde  avec  la  combinai- 
fon 1 6  ,  ck  ainfi  de  fuite  alternativement. 

Un  feptieme  ,  en  faifant  la  première  rangée  avec 
la  combinaifon  42  ;  la  féconde  avec  la  combinaifon 
10  ;  la  troifieme  comme  la  féconde  ;  ck  la  quatrième 
&  cinquième  comme  la  première. 

Un  huitième  ,  fi  l'on  fait  la  première  rangée  des 
28  ,  26 ,  ck  50  combinaifons  mifes  de  fuite  ;  la  fécon- 
de des  26,  50  ,  &  28;  &  la  troifieme  ,  des  combi- 
naifons 50,  28  ,  &  26. 

Un  neuvième ,  fi  l'on  fait  la  première  rangée  des 
deux  combinaifons  10  &  12;  ck  la  féconde  ck  troi- 
fieme ,  des  deux  combinaifons  12,  10. 

Un  dixième  ,  fi  l'on  fait  la  première  rangée  de  la 
combinaifon  14;  la  féconde,  des  combinaifons  40 
&  8  ;  la  troifieme  ,  des  combinaifons  38  ck  6  ;  ck  la 
quatrième  ,  de  la  combinaifon  22. 

Un  onzième  ,  en  faifant  la  première  rangée  de  la 
combinaifon  24  ;  ck  la  féconde  ,  de  la  combinai- 
fon 22. 

Un  douzième ,  en  faifant  la  première  rangée  des 
combinaifons  6  &  38  ;  la  féconde  ,  des  combinaifons 
40  ck  8  ;  la  troifieme ,  des  combinaifons  38  ck  6  ;  ck 
la  quatrième ,  des  combinaifons  8  &  40. 

Un  treizième  ,  fi  l'on  fait  la  première  rangée  des 
combinaifons  14  &  24;  la  féconde  ,  des  combinai- 
fons 24  ck  14. 

Un  quatorzième ,  fi  l'on  fait  la  première  rangée 
de  la  combinaiion  24;  ck  la  féconde  ,  de  la  combi- 
naifon 14. 

Un  quinzième  ,  fi  l'on  fait  la  première  rangée  des 
combinaifons  50  ck  2;  ck  la  féconde  ,  des  combinai- 
fons 18  ck  34. 

Un  feizieme ,  en  faifant  toutes  les  rangées  de  la 
combinaifon  14. 

Un  dix-feptieme,  en  faifant  toutes  les  rangées  des 
combinaifons  14  &  24. 

Un  dix-huitieme  ,  en  faifant  toutes  les  rangées  de9 
combinaifons  28  ck  12. 

Un  dix-neuvieme  ,  en  faifant  la  première  rangée 
des  combinaifons  10,  14,  10,  ck  6  ;  la  leconde ,  des 
combinaifons  16,  12,  8,  &  12;  la  troifieme,  des 
combinaifons  14,  10,6,  io;la quatrième , des  com- 
binaifons 12,  8,  12,  16;  la  cinquième  ,  des  combi- 
naifons 10,  6, 10,  14;  la  fixieme,  des  combinai- 
fons 8,i2,i6,8;la  feptieme ,  des  combinaifons  6 , 
10,  14,  10;  ck  la  huitième ,  des  combinaifons  12, 
16,  12,8. 

Un  vingtième  ,  en  faifant  la  première  rangée  des 
combinaifons  28  &  1 2  ;  la  féconde ,  des  combinaifons 
14  ck  22  ;  la  troifieme ,  des  combinaifons  1 2  ck  28  ; 
&  la  quatrième  des  combinaifons  22  ck  14. 

Un  vingt- unième,  en  faifant  la  première  rangée 
des  combinaifons  10,  14,  ck  12;  la  leconde,  des 
combinaifons  22,  34,  2;  la  troifieme  ,  des  combi- 
naifons 14  ,  12,  10  ;  la  quatrième ,  des  combinaifons 
34,  2,  22  ;  la  cinquième,  des  combinaifons  12,  10, 
14  ;  ck  la  fixieme,  des  combinaifons  2  ,  22  ,  34. 

Un  vingt-deuxième ,  en  faifant  la  première  rangée 
des  combinaifons  28  ,  1 2  ;  la  leconde ,  des  combinai- 
fous  26  ,  10  ;  la  troifieme  ,  des  combinaifons  10 ,  26  ; 
la  quatrième  ,  des  combinaifons  1 2 ,  28. 

Un  vingt-troifieme ,  en  faifant  la  première  rangée 


CAR 


des  combinaifons  24,  16  ;  &c  la  féconde ,  des  combi- 
naifons 26 ,  10. 

Un  vingt  -  quatrième  ,  fi  l'on  fait  la  première  ran- 
gée des  combinaifons  28,  10;  la  féconde  ,  des  com- 
binaifons 26  ,  1 2  ;  la  troifieme ,  des  combinaifons  1 2 , 
26  ;  &  la  quatrième  ,  des  combinaifons  10  ,  28. 

Un  vingt-cinquième ,  lî  l'on  fait  la  première  rangée 
de  la  combinaifon  1 2 ,  répétée  deux  fois  de  fuite  ;  & 
de  la  combinaifon  28  ,  répétée  auffi  deux  fois  ,  en 
continuant  ainfi  :  la  féconde ,  de  la  combinaifon  28, 
répétée  deux  fois  de  fuite  ;  &  de  la  combinaifon  1 2  , 
auffi  répétée  deux  fois  de  fuite  :  la  troifieme ,  de  la 
combinaifon  26 ,  répétée  deux  fois  de  fuite  ;  &  de  la 
combinaifon  10,  auffi  répétée  deux  fois  du  fuite  :  la 
quatrième  comme  la  féconde  ;  la  cinquième  comme 
la  troifieme  ;  la  fixieme  ,  de  la  combinaifon  10  ,  répé- 
tée deux  fois  ;  &  de  la  combinaifon  26  ,  auffi  répétée 
deux  fois  :  la  feptieme  ,  de  la  combinaifon  1 2,  répétée 
deux  fois  de  fuite  ;  &  de  la  combinaifon  28  ,  répétée 
auffi  deux  fois  ;  &  la  huitième  comme  la  fixieme. 

Un  vingt -fixieme,  en  faifant  la  première  rangée 
de  la  combinaifon  14 ,  une  fois  ;  la  combinaifon  22  , 
une  fois  ;  la  combinaifon  14,  deux  fois  ;  &  ainfi  de 
fuite  pour  cette  rangée  :  la  féconde  ,  des  trois  com- 
binaifons 12,  16 ,  28  ;  la  troifieme ,  des  trois  combi- 
naifons 10,  24,  26;  la  quatrième,  des  trois  combi- 
naifons 26,  16,  10;  la  cinquième  ,  des  trois  combi- 
naifons 28,  24,  12;  la  fixieme,  de  la  22  une  fois  , 
de  la  14  une  fois ,  de  la  22  deux  fois. 

Un  vingt-feptieme  ,  en  formant  la  première  rangée 
de  la  combinaifon  24 ,  deux  fois  ;  &  de  1 2 ,  1 4 ,  28  , 
une  fois  chacune  :  la  féconde ,  de  la  14  deux  fois  ;  & 
de  10  ,  22  ,  26  ,  chacune  une  fois  :  la  troifieme  ,  de 
la  24  ,  deux  fois  ;  &  des  12,  16,28,  chacune  une 
fois  :  la  quatrième  ,  des  8 ,  40 ,  28  >  24 ,  1 2 ,  chacune 
une  fois  ;  la  cinquième  ,  des  6, 35,12,16,28,  cha- 
cune une  fois  ;  la  fixieme  ,  de  la  16,  deux  fois  ;  &  des 
28 ,  24 ,  12,  une  fois  :  la  feptieme ,  de  la  22 ,  deux 
fois  ;  &  des  26  ,  14 ,  10 ,  une  fois  :  la  huitième  ,  de 
la  16 ,  deux  fois  ;  &  des  28  ,  22 ,  1 2  ,  une  fois  :  la  neu- 
vième ,  de  la  22 ,  deux  fois  ;  &  de  la  14,  trois  lois  : 
la  dixième  ,  de  la  14,  deux  fois;  &  delà  22,  trois  fois. 

Un  vingt-huitième  ,  en  faifant  la  première  rangée 
de  la  28  ,  une  fois  ;  de  la  12,  deux  fois  ;  de  la  22 ,  une 
fois ,  &  une  fois  de  la  28  :  la  féconde ,  de  la  26  ,  une 
fois  ;  de  la  10 ,  deux  fois  ;  de  la  22 ,  une  fois  ;  &  de 
la  26  ,  une  fois  :  la  troifieme ,  de  la  1 8  ,  de  la  34,  12, 
16  ,  &  28,  chacune  une  fois  :  la  quatrième,  des  28  , 
12,  10,  22,  &  26,  chacune  une  fois  ;  la  cinquième, 
des  12,  28,  26,  14,  &  10,  chacune  une  fois;  la  fi- 
xieme ,  des  2 ,  50 ,  28  ,  24 ,  &  1 2  ,  une  fois  chacune  ; 
la  feptieme ,  de  la  10  ,  une  fois  ;  26  ,  deux  fois;  14 , 
&  10 ,  chacune  une  fois  :  la  huitième  ,  de  la  12,  une 
fois  ;  de  la  28  ,  deux  fois  ;  de  la  14  &  de  la  11,  cha- 
cune une  fois  :  la  neuvième  ,  des  10 ,  26  ,  50 ,  24 ,  & 
a,  chacune  une  fois:  la  dixième  ,  des  26,  10,  34, 
16  ,  &  18  ,  chacune  une  fois. 

Un  vingt-neuvième,  fi  l'on  i.iitla  première  rangée 
de  la  26  ,  22,  &  10,  chacune  une  tois  ;  la  féconde  , 
des  28  ,  16,  &  12,  chacune  une  fois;  la  troifieme  , 
des  12,  14,  28,  chacune  une  fois  ;  la  quatrième  , 
des  28  ,  22,  12;  la  cinquième  ,  des  12  ,  14,  28;  &  la 
fixieme  ,  des  10,  14,26. 

Le  trentième  &  dernier  ,  de  ceux  que  nous  donne- 
rons ,  fi  l'on  fait  la  première  rangée  avec  les  16  & 
8  ,  chacune  une  fois  ;  la  22  ,  deux  fois  ;  les  40  &i  16 , 
chacune  une  fois  ;  la  féconde  avec  les  34,6,  ";o,  2, 
38,  &  18  ,  chacune  une  fois  ;  la  troifieme  ,  avec  les 
1 2  ,  8  ,  26 ,  1  o ,  40 ,  &  28  ,  chacune  une  fois  ;  la  qua- 
trième ,  avec  les  28  ,  6  ,  10 ,  26  ,  3  8  ,  1  2  ,  chacune 
une  fois  ;  la  cinquième  ,  avec  les  5©,  8  ,  34  ,  18,  40  , 
2  ,  chacune  une  fois  ;  la  fixieme ,  avec  la  44  &  la  3  2  , 
chacune  une  fois;  la  14,  deux  fois;  la  18  &  la  24, 
chacune  une  fois;  la  feptieme,  avec  les  22  5c  40, 


CAR  701 

chacune  une  fois  ;  la  16 ,  deux  fois  ;  ck  les  S  &  22  , 
chacune  une  fois:  la  huitième,  avec  les  2,  38,  18, 
34,  6  ,  &  50  ,  chacune  une  fois  ;  la  neuvième  ,  avec 
les  10,  40',  28  ,  1 2  ,  8 ,  26 ,  chacune  une  fois  ;  la  di-- 
xieme ,  avec  les  26,  38,  12,28,6,  &  10,  de  I 
la  onzième  ,  avec  les  1 8  ,  40 ,  2 ,  50 ,  8  ,  34,  de  fuite; 
enfin  la  douzième  ,  avec  les  14  &  38  ,  chacune  une 
fois;  la  24,  deux  fois  de  fuite;  les  6  &  14,  cha 
une  fois. 

Le  P.  Sébaftien  a  choifi  ces  trente  deffeins  fur  plus 
d'un  cent  ;  &  en  effet  ils  font  très-beaux ,  &  fuffifent 
pour  introduire  affez  de  variété  dans  les  ouvrages 
de  Tableterie  &  de  Menuiferie.  Au  relie  il  fera  facile , 
en  fuivant  la  même  méthode ,  d'en  former  un  "rand 
nombre  d'autres ,  même  au-delà  de  la  centaine  que 
le  P.  Sébaftien  avoit  trouvée. 

Carreau  ,  en  Architecture, ,  fe  dit  d'une  pierre  qui 
a  plus  de  largeur  au  parement  que  de  queue  dans  le 
mur,  &  qui  eft  pofée  alternativement  avec  la  boutilî'e 
pour  faire  liaifon.  Voye^  Boutisse.  (  P  ) 

Carreau  ou  Carreaux,  en  Marine  ;  on  donne 
en  général  le  nom  de  carreau  à  toutes  les  ceintes  ou 
préceintes  :  mais  il  fe  donne  auifi  bien  fouvent  en 
particulier  à  la  liffe  de  vibord  ,  qui  eft  la  plus  haute 
de  toutes  les  préceintes,  &  qui  forme  l'embelle.  ^". 
Ceinte,  Préceinte  ,  &  Lisse  de  Viuord. 

Carreau  de  chaloupe  ,  (Marine.')  ce  font  les  pie- 
ces  de  bois  qui  font  le  haut  des  côtés  d'une  chaioupe. 
Voyei  CHALOUPE  ,  &  la  Plan.  XT.fg.  1.  le  carreau  3 
rP.6.fig.z.&fig.3.cotéi.  (Z) 

Carreau  ,  (  Jardinage.  )  c'eft  une  pièce  de  terre 
oblongue  ,  qui  fait  partie  d'un  parterre  ou  d'un  pota- 
ger. Le  carreau  de  parterre  eft  ordinairement  bordé 
de  buis  nain ,  ôc  garni  de  fleurs  ou  de  galon.  Le  car- 
reau de  potager  eft  femé  de  légumes  &c  d'autres  her- 
bes ,  &  n'elt  féparé  du  relie  que  par  des  raies  un  peu 
plus  profondes. 

Carreau  vernissé  ,  (Manège.)  eft  un  grand 

carreau  plombé  qu'on  met  dans  les  écuries  au-deiuis 

des  mangeoires  des  chevaux ,  pour  les  empêcher  de 

,  lêcherlemur.  Voye^  Ecurie  , Mangeoire. On  fait 

auffi  du  petit  carreau  vemijjé  pour  les  compartimens. 

CARREAU  ,  en  Menuiferie,  c'eft  un  petit  ais  quar- 
ré  de  bois  de  chêne  ,  dont  on  prépare  autant  qu'il  en 
faut  pour  remplir  la  carcaffe  d'une  feuille  de  par- 
quet. 

Carreau ,  terme  d'ancien  Monnoyage:  lorfque l'on 
fabriquoit  les  efpecesau  marteau,  le  métal  ayant  éré 
moulé  en  lames,  6i  battu  fur  l'enclume  à  peu  près  de 
l'épauTeur  de  la  monnoic  à  fabriquer,  on  coupoit 
ces  lames  par  morceaux  quartes  avec  des  cifoirs ,  en- 
fuite  on  rechauffoit  &  l'on  abattoit  les  pointes  ou 
angles  de  ces  quarrés ,  qu'on  appelloit  enluite  car- 
reaux. 

Carreau, ( en  Rubantrie. )  Joyc-  Effilé. 

Carreau  ,  infiniment  ou  partie  du  métier  des  étof- 
fes de  foie.  On  fe  fert  de  carreaux  de  différentes  cfpe- 
ces  ;  il  y  en  a  de  plomb ,  de  fer  ,  &  de  terre;  on  les 
fait  d'un  poids  proportionné. 

Les  carreaux  pour  les  liftes  de  fatin  à  cinq  6vr  A  huit 
liflcs  font  trop  petits  à  trois  livres,  il  leur  en  faut  au 
moins  trois  livres  &  demie  ;  mais  l'ordinaire  eft  de 
quatre  :  ils  ont  befoin  de  ce  poids,  non-feulement 
pour  faire  bailler  ou  relever  la  liffe  ,  mais  encore 
pour  faire  relever  le  calqueron  &  la  marche  ,  qui 
font  toujours  un  poids. 

C.YRREAU,  c'eft  le  nom  qu'on  donne  en  Serrure- 
rie ,  Taillanderie ,  &  autres  arts  en  fer ,  à  une  forte  de 
groffes  limes  quarrees ,  triangulaires  ,  ou  méplates  : 
on  s'en  fert  pour  enlever  au  ter  les  inégalités  de  la 
forge;  ce  qui  s'appelle  degroffir.  La  taille  de  ces  li- 
mes eft  rude  ;  du  refte  elle  elt  la  même  qu'aux  au- 


70i 


CAR 


très.  Ces  fortes  de  limes  font  ordinairement  de  fer 
trempé  en  paquet. 

Il  y  a  le  derni-carreau  ou  carrela ,  qui  n'a  que  la  moi- 
tié de  la  force  du  carreau  ,  &  qui  fert  pour  les  ouvra- 
ges dont  le  dégroffiffage  efl  moins  confîdérable.    * 

CARREAU  ,  termede  Tailleur&  de  B 'anchijfeufe ,  c'efl 
un  infiniment  de  fer  dont  les  Tailleurs  Se  autres  ou- 
vriers en  couture  le  fervent  pour  applatir  leurs  ren- 
traitures,  &  d'autres  parties  des  étoffes  qu'ils  ont  cou- 
fues  enlemble,  en  l'appuyant  &  le  pafiant  par-demis 
après  l'avoir  fait  chauffer. 

Cet  infiniment  efl  de  fer,  d'environ  dix  pouces 
de  longueur  ,  6c  deux  de  largeur  par  un  bout ,  &  le 
termine  en  pointe  par  l'autre.  Il  a  auffi  un  manche 
de  fer  à  un  de  les  bouts  en  forme  de  queue  ,  qui  fe 
reploye  fur  la  maffe  du  carreau  ,  &  lui  efl  parallèle. 
Le  carreau  des  Tailleurs  diffère  de  celui  des  Blan- 
chifîèufes ,  en  ce  que  le  premier  ell  étroit ,  long ,  poin- 
tu ,  &  brut  ;  l'autre  au  contraire  efl  arrondi  par  fa 
partie  antérieure  ,  &  fa  platine  efl  tort  unie. 

Il  y  a  des  carreaux  de  Tailleur  &  de  Blanchiffeufe 
de  deux  efpeces  ;  les  uns  foîides,  les  autres  compolés 
de  ditférentes  pièces  qu'on  affemble ,  &  qui  forment 
une  efpece  de  boîte  ,  dans  laquelle  on  peut  enfermer 
ou  du  feu  ,  ou  quelque  corps  chaud.  Voye\  les  Plan- 
ches de  Taillanderie  &  leur  explication. 

Carreau  ;  les  Vitriers  appellent  ainfi  une  pièce 
de  verre  quarrée  ou  d'une  autre  figure  ,  mife  en 
plomb,  ou  retenue  avec  des  pointes  ,  ou  du  papier, 
ou  du  maflic,  dans  les  chaffis  d'une  fenêtre. 

Franc-CARREAV  ,  forte  de  jeu  dont  M.  de  Buffon 
a  donné  le  calcul  en  1733  ,  avant  que  d'être  de  l'A- 
cadémie des  Sciences.  Voici  l'extrait  qu'on  trouve 
de  fon  mémoire  fur  ce  fujet ,  dans  le  volume  de  l'A- 
cadémie pour  cette  année-là. 

Dans  une  chambre  carrelée  de  carreaux  égaux ,  & 
fuppofés  réguliers ,  on  jette  en  l'air  un  louis  ou  un 
écu  ,  &  on  demande  combien  il  y  a  à  parier  que  la 
pièce  ne  tombera  que  fur  un  feul  carreau,  ou  fran- 
chement. 

Suppofons  que  le  carreau  donné  foit  quatre  ;  dans 
ce  quarré  inferivons-en  un  autre  qui  en  foit  dillant 
partout  de  la  longueur  du  demi-diametre  de  la  pie- 
ce  ;  il  efl  évident  que  toutes  les  fois  que  le  centre 
de  la  pièce  tombera  fur  le  petit  quarré  ou  fur  fa  cir- 
conférence ,  la  pièce  tombera  franchement  ;  &  qu'au 
contraire  elle  ne  tombera  pas  franchement ,  fi  le  cen- 
tre de  la  pièce  tombe  hors  du  quarré  inferit  :  donc  la 
probabilité  que  la  pièce  tombera  franchement,  efl  à 
la  probabilité  contraire  ,  comme  l'aire  du  petit  quar- 
ré ell  à  la  différence  de  l'aire  des  deux  quarrés. 

Donc  pour  jouer  à  jeu  égal ,  il  faut  que  le  grand 
quarré  foit  double  du  petit  ;  c'eft-à-dire,que  le  diamè- 
tre de  la  pièce  étant  1  ,  &  x  le  côté  du  grand  quarré, 
on  aura  *a  :  (x  —  i)2  :  :  2  :  1  ,  d'où  l'on  tire  facile- 
ment la  valeur  de  x ,  qui  fera  incommenfurable  avec 
le  diamètre  de  la  pièce. 

Si  la  pièce  ,  au  lieu  d'être  ronde ,  étoit  quarrée  , 
& ,  par  exemple ,  égale  au  quarré  inferit  dans  la  pie- 
ce  circulaire  dont  nous  venons  de  parler  ;  il  faute 
aux  yeux  que  la  probabilité  de  tomber  franchement 
deviendroit  plus  grande  :  car  il  pourroit  arriver  que 
la  pièce  tombât  franchement  hors  du  petit  quarré  : 
le  problème  devient  alors  un  peu  plus  difficile  ,  à  cau- 
fe  des  différentes  pofitions  que  la  pièce  peut  pren- 
dre ;  ce  qui  n'a  point  lieu  quand  la  pièce  efl  circu- 
laire ,  car  toutes  les  pofitions  font  alors  indifférentes. 
Voici  dans  un  problème  fimple  une  idée  qu'on  peut 
fe  former  de  ces  différentes  pofitions. 

Sur  un  feul  plancher  formé  de  planches  égales  &: 


CAR 

parallèles ,  on  jette  une  baguette  d'une  certaine  lon- 
gueur, &  fuppofce  fans  largeur:  on  demande  la  pro- 
babilité qu'elle  tombera  franchement  fur  une  feule 
planche.  Que  l'on  conçoive  le  point  du  milieu  de  la 
baguette  à  une  diflance  quelconque  du  bord  de  la 
planche,  &  que  de  ce  point  comme  centre  on  décrive 
un  demi-cercle  dont  le  diamètre  foit  perpendiculaire 
aux  côtés  de  la  planche  ;  la  probabilité  que  la  ba- 
guette tombera  franchement ,  fera  à  la  probabilité 
contraire  ,  comme  le  fefteur  circulaire  renfermé  au- 
dedans  de  la  planche  efl  au  reile  de  l'aire  du  demi- 
cercle  ;  d'où  il  efl  aifé  de  tirer  la  folution  cherchée. 
Car  nommant  x  la  diflance  du  centre  de  la  baguette 
à  l'un  des  côtés  de  la  planche ,  A'Ie  fefteur  corref- 
pondant ,  dont  il  efl  toujours  facile  de  trouver  la  va- 
leur en  x ,  &  A  l'aire  du  demi-cercle^  la  probabilité 
cherchée  fera  à  la  probabilité  contraire  ,  comme 
fX  d x  efl  kfdx  (  A-X).  Voy.  Jeu  ,  Pari.  (0) 
CARREFOUR  ,  f.  m.  {Jardinage.}  efl  la  rencon- 
tre de  quatre  allées  dans  une  forêt,  dans  un  bois  ;  ce 
qui  imite  l'iffue  de  quatre  rues  dans  une  ville  ,  que 
l'on  nomme  auffi  carrefour. 

On  les  peut  faire  circulaires  ou  quarrés  :  dans 
cette  dernière  forme  on  en  retranche  les  encoignures, 
ce  qui  leur  donne  plus  de  grâce ,  &  les  aggrandit 
confidérablement.  (/Q 

CARRELAGE ,  f.  m. en  Architecture ,  fe  dit  de  tout 
ouvrage  fait  de  carreau  de  terre  cuite ,  ou  de  pierre, 
ou  de  marbre.  (P) 

CARRELER,  v.  a£l.  c'efl  paver  une  chambre, 
une  faile ,  &c.  avec  des  carreaux.  Ce  travail  s'exé- 
cute au  mortier  &  à  la  brique.  On  commence  par  ré- 
pandre fur  la  furface  à  carreler  une  couche  plus  ou 
moins  épaiffe  d'excellent  mortier  ;  on  applique  le 
carreau  fur  cette  couche  ;  on  enduit  les  côtés  du  car- 
reau de  mortier,  afin  qu'il  fe  lie  bien  avec  le  carreau 
contigu;  on  en  pofeainli  une  rangée  entière;  on  s'afïïi- 
re  que  cette  rangée  efl  bien  droite  &  bien  de  niveau, 
par  une  longue  règle ,  &  par  l'infirument  appelle  ni- 
veau. L'étendue  d'une  chambre  &  la  figure  du  carreau 
étant  données ,  il  n'efl  pas  difficile  de  trouver  le  nom- 
bre de  carreaux  qui  y  entreront  ;  il  ne  s'agit  que  de 
chercher  la  furface  de  la  chambre  &  celle  du  car- 
reau ,  &  divifer  la  première  par  la  féconde.  S'il  s'a- 
git de  former  un  pavé  dont  l'afpeft  foit  agréable  à  la 
vue ,  avec  des  carreaux  mi-partis  de  deux  couleurs, 
Voye^  l'article  CARREAU  en  Architecture. 

*  CARRELÉ ,  adj.  pris  fubfl.  dans  les  Manufactures 
en  foie ,  efpece  d'étoffe  qui  n'efl  pas  moins  à  la  mode 
aujourd'hui  que  le  cannelé,  furtout  quand  elle  a  du 
fond,  &  qu'elle  efl  un  peu  riche. 

Le  carrelé  &  le  cannelé  font  l'un  &  l'autre  compo- 
fés  de  quarante  portées  de  chaines ,  un  peu  plus  ou 
un  peu  moins  ,  &  d'un  pareil  nombre  de  portées  de 
poil  ;  c'efl  pourquoi  nous  joignons  ici  ces  étoffes.  La 
chaîne  efl  montée  ,  comme  le  gros-de-Tours,  fur  qua- 
tre liffes  pour  lever ,  quatre  de  rabat ,  &  de  même 
pour  le  poil.  Pour  faire  le  cannelé  ordinaire  par  le 
poil ,  on  paffe  trois  coups  à  l'ordinaire  ,  on  broche 
pareillement  fans  toucher  au  poil  :  le  quatrième  coup 
on  fait  lever  tout  le  poil ,  &  baiffer  la  moitié  de  la 
chaîne,  en  pafiant  un  coup  denavettebeaucoup  plus 
fin  que  les  trois  premiers  ;  le  poil  fe  trouve  arrêté  par 
ce  moyen.  Ce  même  poil  qui  a  demeuré  trois  coups 
fans  travailler  ,  forme  une  longueur  d'une  ligne  au 
moins  dans  le  travers  de  l'étoffe ,  avant  que  d'être 
arrêté  ;  &  quand  il  l'ell  au  quatrième  coup  ,  fa  re- 
paie forme  le  coup  de  cannelé  ;  après  quoi  on  recom- 
mence le  courfe ,  &  on  continue. 


CAR 

î>émonJîraùon  de  C  armure  d'un  cannelé. 


s.  2.  3-4« 

14- 


•i} 


-é 


1 — O '\      z.  IifTes  de  fond 
w  ]  Q  •  ; .  gros-de-Tour 


(>-<>- 


.  IifTes  de  fond  ou  de 


© 


■0-z.  IifTes  de 
;.  rabat. 


■  i.  IifTes  du 
•  i.  poil  qui 

■  j.  Forment  le 
.4.   cannelé. 


—  2.  IifTes  de 


Lorfque  la  dorure  &  les  nuances  font  liées  dans  le 
cannelé  ,  il  Ce  travaille  comme  le  gros-de-Tours  ;  & 
quand  la  dorure  &  les  nuances  font  liées  par  la  dé- 
coupure ,  comme  dans  les  fatins  réduits ,  pour-lors 
on  fupprime  totalement  le  liage. 

On  peut  faire  les  candis  à  la  marche  &  à  la  tire. 
Les  carrelés  à  la  tire  n'ont  befoin  d'aucune  liffe  de  poil, 
&  font  les  plus  ailés ,  parce  que  le  defTein  indique  ôc 
détermine  la  façon  ;  ce  qui  n'ell  pas  auffi  commode 
avec  la  marche  ,  qui  ne  peut  varier  le  carrelé  dans  le 
fond ,  comme  font  le  deffein  Se  la  tire. 

Pour  faire  un  carrelez,  la  marche ,  il  faut  remettre, 
c'ell-à-dire  ,  pafTcr  le  poil  dans  les  IifTes  autre- 
ment que  pour  les  autres.  On  paffe  8 ,  1  z ,  &  même 
16  fils  de  poil  fur  une  même  liffe ,  par  exemple ,  fur 
la  première  ;  autant  fur  la  féconde  ,  autant  fur  la 
troifieme ,  &  autant  lur  la  quatrième. 

On  paffe  trois  coups  en  failant  lever  deux  IifTes 
du  poil  en  taffetas ,  c'ell-à-dire ,  une  prife  &  une 
laiffée ,  tandis  que  les  deux  autres  repofent ,  leur  poil 
reliant  ians  travailler.  Au  quatrième  coup  on  fait  le- 
ver les  IifTes  qui  ont  paffé  trois  coups  fans  travailler , 
&  on  laiffe  repofer  les  deux  autres  pendant  trois 
coups  auffi ,  après  quoi  on  les  fait  relever  ;  ce  qui 
forme  le  carrelé.  On  voit  au-deffous  de  l'armure  du 
carrelé  fa  figure  :  quant  au  refle  du  travail ,  c'ell  le 
même  que  pour  le  cannelé.  Voici  l'armure  du  carrelé. 


CAR  7°3 

bémonjlration  de  ï armure  d'un  carrelé  à  la  marché 


On  a  fait  des  carrelés  dont  le  poil  étoit  compofé 
d'un  fil  d'or  ou  d'argent  :  ces  étoffes  ne  différent  du 
carrelé  de  foie  ,  qu'en  ce  qu'on  ne  met  fur  chaque  liffe 
de  poil  qu'autant  de  fils  que  l'on  en  veut  pour  faire 
la  figure  du  carrelé:  par  exemple  ,  û  on  ne  met  que 
deux  fils  de  fuite  fur  la  même  liffe ,  elle  ne  marquera 
pas  comme  s'il  y  en  avoit  ou  trois ,  ou  quatre  ;  Se 
ainfi  du  relie. 

CARRELET,  f.  m.  (  ffijl.  nat.  Ickthyol.)  quadratu- 
lus  ,  poiiîbn  de  mer  de  la  claffe  des  poiffons  plats. 
Bclon  donne  le  nom  de  plie  &  de  carrelet  au  même 
poiiîbn  :  il  rappclle/>//'c-  lorlqu'il  eft  jeune,  &  carrelée 
lorfqu'il  eft  vieux  :  mais  Rondelet  prétend  que  la  plie 
&C  le  carrelet  font  deux  elpeces  du  même  genre ,  qui  le 
reiîemblent  beaucoup,  mais  qui  différent  cependant 
en  ce  que  la  figure  du  carreler  approche  plus  du  qùar* 
ré  que  celle  de  la  plie  ;  c'ell  d'où  vient  le  nom  de 
currclct;  &c  que  l'a  face  liipcrieure  elt  parfemée  de 
taches  rouffes  :  il  cil  liffe  ;  fa  chair  elt  blanche ,  mol- 
le ,  &  on  le  pêche  en  grand  nombre  dans  l'Océan. 
Rondelet,  Willughby,  Hijl.pijc.  t'oye{  Plie  ,  Pois- 
son. (  /  ) 

Carrelet  ,  Cadre,  ou  Châssis,  infiniment 
dont  le  fervent  les  apothicaires  :  il  eft  compofé  de 
quatre  tringles  de  bois  uni ,  d'un  pouce  de  laii.e,  Se 
d'un  pié  ou  environ  de  longueur.  Ces  quatre  trin- 
pies  font  affcmblées  en  quarre p'airles  extrémités  avec 
des  clous  dont  les  pointes  paffent  outre ,  &  font  def- 
tinées  à  retenir  les  coins  du  torchon  ou  blanchet  par 
lequel  on  paffe  quelque  liqueur,  f^oje-  rJL.ANCiîLT. 

CarRelet,  cil  une  efpecc  de  grande  aiguille  à 
quatre  cornes  ou  angles  ,  dont  les  Selliers  ,  Bourre- 
liers j  Cordonniers,  &c.  le  fervent  pour  coudre  les 


704 


CAR 


cuirs  foibles  &  minces.  Voye{  Aiguille  À  Sel- 
lier. 

CARRELET,  infiniment  de  Chapelier,  c'eft  une  ef- 
pece  de  petite  carde  fans  manche  ,  dont  les  dents 
font  de  fil  de  fer  très-fin  :  on  s'en  fert  pour  donner 
la  façon  que  les  ouvriers  appellent  tirer  le  chapeau  à 
poil.  F.  Chapelier  ,  &  lajîg.  g.  PL  du  Chapelier. 

Carrelet  à  renverfer,  eft  une  efpece  d'aiguille 
qui  fert  au  Cordonnier  à  faire  la  trépointe  du  der- 
rière du  foulier  ;  elle  eft  un  peu  coudée  (  Voye^la fi- 
gure l5.  PL  du  Cordonnier-Bottier}  ,  au  lieu  que  le 
carrelet  à  coudre  les  ailettes  aux  empeignes  eft  droit. 
Fbye[  Soulier. 

Carrelet,  ou  demi-carreau  j  voyer^  CARREAU  en 
Serrurerie. 

Carrelet,  (  Pêche.  )  efpece  de  filet  pour  la  pê- 
che :  il  doit  avoir  fix  pies  en  quarré  ,  &  la  maille  af- 
fez  large;  car  plus  la  maille  eneft  grande,  puis  le 
carrelet  eft  facile  à  lever  de  l'eau ,  commodité  qui 
n'eft  pas  à  négliger  ;  car  file  carrelet  fe  tire  lentement, 
les  gros  poifîbns ,  &  fur-tout  les  carpes ,  iauteront 
par-defïus.  Pour  pêcher  avec  ce  filet ,  il  faut  y  met- 
tre une  bonne  poignée  d'achées  ou  vers  de  terre , 
qu'on  enfilera  par  le  milieu  du  corps ,  enforte  qu'ils 
remuent;  ce  qui  attire  le  poiflbn.  Voye^ Pêche. 

C  ARRELETTE,  en  terme  d'Eperonnier,  de  Coutelier, 
&  autres  ouvriers  enfer ,  fe  dit  d'une  lime  plate  moins 
groffe  que  le  carreau  :  au  refte  il  y  en  a  de  plus  ou 
moins  fortes ,  félon  les  befoins  qu'on  peut  en  avoir. 
Ce  font  les  Taillandiers  qui  travaillent  toutes  ces 
limes. 

*  CARRELEUR ,  f.  m.  en  Architecture  ;  il  fe  dit 
autant  du  maître  qui  entreprend  les  ouvrages  de  car- 
relage ,  que  du  compagnon  qui  pofe  les  carreaux. 
Il  faut  avoir  l'œil  à  ces  ouvriers  ;  au  lieu  d'afieoir 
leur  carreau  fur  du  plâtre  ,  ils  ne  le  pofent  quelque- 
fois que  fur  de  la  poulîîere  ;  ils  employent  du  car- 
reau mal  cuit  ;  &  quand  on  fe  plaint  de  leur  tra- 
vail ,  ils  difent  que  s'ils  faifoient  un  lit  de  plâtre ,  ce 
plâtre  poufîeroit  ;  ce  qui  efl  faux  :  il  eft  d'expérience 
que  le  plâtre  pur  attache  le  carreau  fi  fortement , 
qu'il  fe  détache  difficilement. 

CARRET ,  f.  m.  (  Corderie.  ~)fil  de  carret ,  gros  fil 
qui  fert  à  faire  les  cordages.  V.  l'article  Corderie. 

Carret  ,fil  de  carrer ,  (  Marine.  )  eft  encore  un  fil 
tiré  de  l'un  des  cordons  de  quelque  vieux  cable  coupé 
par,  morceaux.  On  s'en  fert  dans  les  vaifîeaux  quand 
on  veut  raccommoder  quelque  manœuvre  rompue. 

CARRETTO  ,  (Géog.)  petite  ville  d'Italie  dans 
la  province  d'Aqui,  au  duché  de  Montferrat. 

CARRICK,  {Géog.)  province  méridionale  de 
l'Ecoffe  ,  dont  la  capitale  eft  Bargeny. 

CARRIER ,  f.  m.  (  Art  méch.  )  ce  font  les  ouvriers 
qui  travaillent  à  tirer  les  pierres  des  carrières. 

Ils  fe  fervent  pour  cet  effet  de  coins  de  différentes 
figures  &  grofîeurs  ,  &  de  marteaux  qu'on  appelle 
mail,  mailloche,  pic,  &c.  &  d'un  grand  levier  que 
Ton  appelle  barre  ;  quelquefois  aufîi  de  poudre  à  ca- 
non ,  pour  détacher  de  grandes  pièces  de  rocher,  au 
moyen  d'une  mine. 

Les  figures  i.z.  3.  4.  PL  du  Carrier,  repréfentent 
les  coins  ;  celui  marqué  1  efl  tranchant  par  l'on  extré- 
mité inférieure  ;  les  autres  font  obtus  &  de  différen- 
tes grofîeurs,  pour  fervir  au  beioin  :  on  les  fait  en- 
trer à  grands  coups  de  mail  dans  le  vuide  que  le  pre- 
mier a  pratiqué  entre  deux  lits  ou  bancs  de  pierre.  Le 
mail  eft  repréfenté_/%.  £)■  ^a  pièce  A  B  eft  une  «roile 
barre  de  fer  du  poids  d'environ  50  à  70  livres ,  per- 
cée en  ion  milieu  pour  recevoir  un  manche  long  d'en- 
viron 2  pies  I  ;  la  mailloche  eft  un  marteau  de  même 
groffeur,  mais  dont  le  fer  eft  beaucoup  moins  long  ; 
<?lle  eft  repréfentéej%\  y. 

Après  que  le  Carrier  a  introduit  fes  plus  gros  coins, 


CAR 

il  arrive  afTez  fouvent  que  les  pierres  font  encore 
unies  enfemble  :  pour  achever  entièrement  de  les  fé* 
parer ,  il  prend  la  barre  ou  pince ,  fig.  i5.  par  la 
partie  A  qui  fert  de  manche  ,  &  il  met  l'extrémité  B 
du  bec  CB  ,  entre  les  deux  lits  de  pierre  qu'il  faut 
léparer;  le  crochet  C ,  qui  fert  d'hypomoclion  ou 
point  d'appui ,  tourne  vers  le  lit  inférieur  ;  il  pefe  en- 
iuite  fur  l'extrémité  A ,  &  fépare  ainfi  ce  que  les 
coins  n'avoient  pas  pu  léparer. 

La  mine  que  les  Carriers  font  pour  éclater  de  gros 
morceaux  de  pierre  ,  confifte  en  un  trou  cylindrique, 
fig.  14  .  d'environ  un  pouce  &  demi  de  diamètre  ,  &C 
allez  profond  pour  atteindre  le  centre  de  la  pierre  : 
on  charge  enfuite  ce  trou  comme  on  charge  un  canon, 
&  on  remplit  le  vuide  que  laifîe  la  poudre  d'un  cou-* 
lis  de  plâtre  ,  après  cependant  y  avoir  introduit  l'ai- 
guille de  fer  ,fig.  iz.  pour  former  la  lumière.  L'efpa- 
ce  occupé  par  la  poudre  eft  la  chambre  de  la  mine  : 
il  faut  apporter  un  grand  foin  pour  en  bien  boucher 
l'entrée.  Foye-:  l'article  MlNE. 

La  tarière  eft  repréfentée  fig.  /J.  elle  a  deux  poi- 
gnées perpendiculaires  à  la  tige  :  la  première  eft  fixe, 
&  fert  à  tourner  la  tarière  ;  la  féconde  eft  mobile 
dans  l'elpace  d'environ  un  pié ,  où  la  tige  eft  arron- 
die ;  elle  fert  à  appuyer  la  tarière  fur  l'endroit  qu'elle 
doit  percer  :  il  y  a  pour  cet  effet  ,  à  l'endroit  où  elle 
eft  traverfée  par  la  tige ,  plufieurs  rondelles  de  fer 
ou  de  cuivre  qui  appuient  fur  deux  chevilles  qui  tra- 
verfent  la  tige. 

CARRIERE ,  f.  f .  (  en  Architecture  )  c'eft  un  lieu 
creufé  en  terre  d'où  l'on  tire  la  pierre  pour  bâtir, 
ou  par  un  puits  comme  aux  environs  de  Paris  ,  ou 
de  plein  pie  le  long  de  la  côte  d'une  montagne ,  com- 
me à  S.  Leu  ,  Troci ,  Mallet ,  &  autres  endroits.  Les 
carrières  d'où  l'on  tire  le  marbre ,  font  appellées  en 
quelques  endroits  de  France  marbrière  ;  celles  d'où 
l'on  tire  la  pierre ,  perrieres ,  &  celles  d'ardoife  ardoi- 
fieres  ,  &  quelquefois  perrieres  comme  en  Anjou.  Le 
mot  carrière  vient  félon,  M.  Ménage,  du  latin  quadra- 
ria  ou  quadrataria ,  fait  de  quadratus  lapis ,  pierre  de 
taille.  fqye{  Carrier,  Pierre,  Marbre,  &  Ar- 
doise. (P) 

CARRiERE,(tt/vHi:  de  Manège}  c'eft  une  place  ren- 
fermée d'une  barrière  où  l'on  court  la  bague.  Voye^ 
Barrière. 

On  s'en  fert  aufîi  pour  marquer  la  courfe  même  des 
chevaux,  pourvu  qu'elle  ne  loit  pas  de  plus  de  zoo  pas. 
Dans  les  anciens  cirques,  la  carrière  étoit  l'elpace 
ou  les  biges  ou  quadriges ,  dévoient  courir  à  toute  bri- 
de pour  remporter  le  prix.  (  P  ) 

C  ARRION ,  (  Géog.  )  rivière  d'Efpagne ,  qui  prend 
fa  fource  dans  les  Afturies,  &  qui  fe  jette  dans  celle 
de  Piluergia.  Il  y  a  au  royaume  de  Léon,  une  ville 
qu'on  appelle  Carrion  de  los  Condes. 

*  CARROSSE,  f.  m.  (  ouvrage  de  Sellier-Carroffîer, 
de  Charron  ,  de  Serrurier ,  &c.  )  c'eft  une  voiture  com- 
mode &c  même  quelquefois  très-fomptueufe ,  fufpen- 
due  à  des  foûpentes  ou  fortes  courroies  de  cuir, 
&  montée  de  roues  fur  lefquelles  elle  fe  meut.  Voye^ 
Roue,  Timon,  Soupente,  Avant-train, 
Arriere-train,  &c. 

En  France  &  dans  le  refte  de  l'Europe ,  les  carof- 
fes  font  tirés  par  des  chevaux  ;  excepté  en  Elpagne  où 
l'on  fe  fert  de  mules  :  dans  une  partie  de  l'Orient, & 
particulièrement  dans  les  états  du  grand  feigneur , 
on  y  attel*  des  bœufs ,  &  quelquefois  des  rennes  j 
mais  c'eft  moins  par  ufage  que  par  oftentation.  Le 
cocher  eft  ordinairement  placé  fur  un  fiége  élevé  fur 
le  train ,  au-devant  du  carrojfe  :  mais  en  Efpagne  la 
politique  l'en  a  déplacé  par  un  arrêt ,  depuis  qu'un 
comte  duc  d'Olivarès  fe  fut  apperçû  qu'un  fecret 
important ,  dont  il  s'étoit  entretenu  clans  l'on  carrojfe, 
avoit  été  entendu  &  révélé  par  fon  cocher  ;  en  con- 
féquence  de  cet  arrêt ,  les  cochers  Efpagnols  occu- 
pèrent 


CAR 

fièrent  la  place  qu'occupent  les  cochers  dans  nos  car- 
rojfes de  voiture.  Chambcrs. 

Les  carrojjcs  font  de  l'invention  des  François  ,  & 
par  conséquent  toutes  les  voitures  qu'on  a  imaginées 
depuis  à  l'imitation  des  carrojfes.  Ces  voitures  t'ont 
plus  modernes  qu'on  ne  l'imagine  communément. 
L'on  n'en  comptoit  que  deux  ions  François  I.  l'une  à 
la  reine  ;  l'autre  à  Diane ,  fille  naturelle  de  Henri  II. 
Les  dames  les  plus  qualifiées  ne  tardèrent  pas  à  s'en 
procurer  ;  cela  ne  rendit  pas  le  nombre  des  équipa- 
ges fort  considérable  ;  mais  le  faite  y  fut  porté  fi  loin , 
qu'en  1563,  lors  de  1'cnregiftrement  des  lettres-paten- 
tés de  Charles  IX.  pour  la  réformation  du  luxe  ,  le  Par- 
lement arrêta  que  le  Roi  feroit  fupplié  de  défendre 
les  coches  par  la  ville  ;  &C  en  effet ,  les  confeillers  de 
la  cour,  non  plus  que  les  préfidens ,  ne  fuivirent  point 
cet  ufage  dans  fa  nouveauté  ;  ils  continuèrent  d'aller 
au  Palais  fur  des  mules  jufqu'au  commencement  du 
dix-fepfième  fiecle. 

Ce  ne  fut  que  dans  ce  teins  que  les  carrojfes  com- 
mencèrent à  lé  multiplier  ;  auparavant  il  n'y  avoit 
guère  que  les  dames  qui  s'en  fuflent  fervies.  On  dit 
que  le  premier  des  feigneurs  de  la  cour  qui  en  eut  un , 
fut  Jean  de  Laval  de  Bois-Dauphin,  que  fa  groffeur 
exceiîive  empêchoit  de  marcher  &  de  monter  à  che- 
val. Les  bourgeois  n'avoient  point  encore  ofé  fe  met- 
tre fur  le  même  pie  :  mais  comme  cette  voiture ,  ou- 
tre fa  grande  commodité ,  diftingue  du  commun ,  l'on 
parla  bien-tôt  par-deflus  toute  autre  considération  ; 
d'autant  plus  qu'on  n'y  trouva  aucun  empêchement 
de  la  part  du  prince  ou  des  magiftrats.  De-là  vint 
cette  grande  quantité  de  carrojjcs ,  qui  fe  firent  pen- 
dant les  règnes  de  Louis  XIII ,  de  Louis  XIV,  &  de 
Louis  XV.  Il  y  en  a ,  à  ce  qu'on  croît ,  à  peu  près 
quinze  mille  de  toutes  fortes  à  Paris  feulement  5 
au  refte  ,  on  ne  fera  pas  furpris  de  ce  nombre,  fi  on 
le  compare  à  celui  des  feigneurs  qui  l'habitent ,  & 
des  riches  citoyens  qui  y  font  établis ,  &  à  la  faci- 
lité d'y  entretenir  des  chevaux  par  le  bon  ordre  de 
la  police ,  qui  y  procure  fans  ceffe  l'abondance  des 
grains  &  des  fourages ,  &  qui  veille  au  dehors  &  au 
dedans  fur  le  prix  des  choies,  &  fur  la  conduite  du 
marchand  &  de  l'ouvrier.  Au  refte  M.  l'abbé  Gedoyn 
dans  un  de  les  ouvrages,  déplore  fort  cette  multipli- 
cité de  carolfes ,  qu'il  regarde  comme  une  des  princi- 
pales caules  de  la  décadance  des  lettres ,  par  la  faci- 
lité qu'elle  apporte  à  la  diifipation. 

Les  carrojjcs  ont  eu  le  fort  de  toutes  les  nouvelles 
inventions,  qui  ne  parviennent  que  fuccelfivement 
à  leur  perfection,  Les  premiers  qu'on  fit  étoient  ronds 
&  ne  tenoient  que  deux  perfonnes  ;  on  leur  donna 
dans  la  fuite  plus  de  capacité  ,  on  les  fit  quarrés  ,  & 
on  s'y  aiîcyoit  quatre  perfonnes  ;  ils  étoient  fermés 
par  devant ,  comme  le  font  encore  ceux  de  loiiage. 
On  peut  dire  qu'il  ne  manque  plus  rien  aujourd'hui 
foit  à  leur  commodité  ,  foit  à  leur  magnificence  ;  ils 
font  ornés  en  dehors  de  peintures  très-finies,  &c  ga- 
ranties par  des  vernis  précieux  ;  ils  l'ont  couverts  en 
dedans  de  velours. 

Les  parties  de  menuiferie  font  élégamment  fculp- 
tées  ;  celles  du  charronage  ont  des  moulures  &  des 
dorures  ;  le  Serrurier  y  a  étalé  tout  Ion  favoir-faire 
par  l'invention  des  reflbrts  doux,  plians,  ôi  folides; 
le  Sellier  n'y  a  rien  négligé  dans  les  parties  en  cuir. 
On  a  publié  quelques  lois  fomptuaires  pour  modérer 
la  dépenfe  excemve  de  ces  voitures  :  il  a  été  déten- 
du d'y  employer  l'or  &  l'argent  ;  mais  l'exécution  de 
ces  détentes  a  été  néglij 

On  diftinguoit  jadis  deux  fortes  de  carrojfes,  les 
uns  à  arcs  de  fer,  les  autres  j'ans  arcs:  mais  Pillage 
des  arcs  a  p.ili'e.  Voye^  Arc  de  Charron. 
Les  parties  principales  du  carro/Jc  font  Pavant-train  , 
le  train ,  le  bateau ,  l'impériale  ,  les  quenouilles , 
les  fonds,  les  portières,  les  maatelets ,  les  gouttières, 
Tome  II, 


CAR 


705 


les  roues ,  le  timon  ,  l'arriére-train ,  &c. 

Les  carrojfes  ont  differens  noms ,  eu  égard  à  leur 
ftructure  ;  il  y  a  des  carrojjes  proprement  dits  ,  des 
carrojjcs  coupés  ,  des  calèches  ,  des  berlines  ,  &c.  ils  en 
ont  aufîi  d'autres  ,  eu  égard  à  leur  ufage  ;  &  il  y  a 
des  carrojfes  de  campagne ,  des  carrojjes  de  voiture ,  des 
carrojjes  de  louage,  &c.  Voye{  PI.  du  SelUer-CarroJfif.r^ 
des  figures  de  la  plupart  de  ces  voitures. 

Le  carroffe  proprement  dit,  eft  à  quatre  places  ;  le 
carrojj'e  coupé  n'a  qu'un  fond  fur  le  derrière ,  &  un 
ftrapontin  fur  le  devant.  Si  la  voiture  eft  légère  .  a 
des  roues  très-baffes ,  eft  ouverte  de  toutes  parts ,  à 
un  ,  à  deux  ,  à  trois  rangs  de  places  011  l'on  eft  aflis  j 
non  le  vifage  tourné  les  Uns  vers  les  autres,  comme 
dans  les  carrojjes  ordinaires  ,  mais  pour  ainfi  dire  de 
front,  chaque  rang  ayant  l'on  doflier  ;  on  l'appelle 
calèche.  Il  y  a  des  chaifes  de  cent  façons  différentes. 
Voye?  Chaise.  Il  y  a  des  carrojfes  de  voiture  ,  qui  fer- 
vent à  tranfporter  les  voyageurs  d'une  ville  dans 
une  autre.  Voye^  Coche. 

Quelque  grand  que  fut  le  nombre  des  carrojfes  fous 
Louis  XIV.  l'ufage  en  paroifioit  encore  relervé  aux 
grands  &  aux  riches  ;  &  ces  voitures  publiques  ,  qui 
lont  maintenant  à  la  dil'pofition  des  particuliers ,  n'é- 
toient  point  encore  établies.  Ce  fut  un  nommé  Sau- 
vage à  qui  cette  idée  fe  préfenta  ;  fon  entreprife  eut 
tout  le  lucces  poffible  :  il  eut  bien-tôt  des  imitateurs. 
Sauvage  demeuroit  rue  S.  Martin ,  à  un  hôtel  appelle 
S.  Fiacre;  c'eft  de-là  qu'eft  venu  le  nom  de  Fiacre  y 
qui  eft  relté  depuis  &  à  la  voiture  de  au  cocher.  En 
1650,  un  nommé  Fdlerme  obtint  le  privilège  exclu- 
lit  de  louer  à  Paris ,  de  grandes  &  de  petites  carioîes. 
M.  de  Givri  en  obtint  un  pour  les  carrojjes  :  il  lui  fut 
accordé  par  lettres-paternes  du  mois  de  Mai ,  de  1 65  y  , 
de  placer  dans  les  carrefours ,  &  autres  lieux  publics, 
des  carrojfes  à  l'heure ,  à  la  demi-heure  ,  au  jour ,  qui 
meneroient  jufqu'à  quatre  à  cinq  lieues  de  Paris. 
L'exemple  de  M.  de  Givri  encouragea  d'autres  per- 
fonnes à  demander  de  pareilles  grâces  ;  &  l'on 
eut  à  Paris  on  nombre  prodigieux  de  voitures  de 
toute  elpece.  Les  plus  en  ufage  aujourd'hui  font  les 
carrojjes  appelles  fiacres ,  les  brouettes ,  les  chaifes 
à  porteur,  Ôt  les  voitures  pour  S.  Germain  ,  Verfail- 
les ,  &  autres  lieux  circonvoifins  de  Paris ,  fans  comp- 
ter les  voitures  d'eau.  Foyeç  Coche  de  Terre, 
Coche  d'Eau  ,  &c 

Les  fiacres  ou  carrojfes  de  place  fe  payent  ici  vingt- 
quatre  fous  la  première  heure,  &  vingt  fous  les  autres: 
mais  il  me  Pénible  que  la  police  de  ces  voitures  pour- 
roit  être  perfectionnée,  en  inftituant  fur  les  places 
un  officier  qui  reçût  leur  falaire  &  qui  les  fit  partir, 
&  en  leur  défendant  de  prendre  perionne  dans  les 
rues  &  de  s'y  arrêter  ;  par  ce  moyen ,  ils  ne  met- 
troient  pas  le  public  à  contribution  ,  &  ne  voleroient 
pas  leurs  maîtres.  Ce  font  les  commilTaires  qui  font 
ici  la  police  des  fiacres  ;  ainli  qu'à  Londres  où  les 
fiacres  ont  des  numéros  derrière  ,  comme  parmi 
nous.  Le  prix  qu'on  doit  leur  payer  le  tems ,  a  été 
fixe  par  le  quatrième fiatut  de  Charles  II.  confirmé  par 
d'autres  de  la  cinquième  Scfixieme  année  de  Guillau- 
me III.  il  leur  elt  du  pour  une  journée  entière  de  douze 
heures  j  dix  fois  lterlin  ;  pour  une  heure  feule,  un 
fous  fix  deniers;  pour  chaque  heure  après  la  premiè- 
re ,  un  fou  :  ils  font  obligés  de  mener  à  ee  prix  tous 
cettt  qui  s'en  fervent  jufqu'à  dix  milles  de  Londres. 

CARROSSIER,!',  m.  ouvrier  qui  fait  &  qui  vend 
des  carroil'es  ;  il  y  a  dans  la  ville  de  Paris  une  commu- 
nauté conliderable  de  maîtres  Carroffiers ,  qui  font 
plus  connus  fous  le  nom  dé  Selliers.  Ils  ont  dans  leurs 
ltatuts  la  qualité  de  maîtres  Selliers-Lormiers-c'jr- 
roffiers.  t'oyc;  SELLIER. 

"  CARROUSEL,  f.  m.  courfe  de  charriots  &  de  che 
vaux  ,  ou  fête  magnifique  que  donnent  des  princes 
ou  des  grands  feigneurs  dans  quelque  réjoùiflanc© 

V  V  V  Y. 


jo6 


CAR 


publique  ;  elle  confifte  en  une  cavalcade  de  plufieurs 
feigneurs  fuperbement  vêtus  &  équipés  à  la  manière 
des  anciens  chevaliers  ;  on  fe  divife  en  quadrilles  ; 
on  lé  rend  à  quelque  place  publique  :  là  le  font  des 
joutes ,  des  tournois  ,  &  d'autres  exercices  conve- 
nables à  la  nobleffe.  Foye^  Joute  &  Tournoi. 

Ce  mot  vient  de  l'Italien  carofdlo  ,  diminutif  de 
carro ,  cliarriot. 

Tertullien  attribue  à  Circé  l'invention  des  carrou- 
fels;  il  prétend  qu'elle  les  inflïtua  en  l'honneur  du  fo- 
leil ,  dont  les  Poètes  l'ont  fait  fille  ;  de  forte  que  quel- 
ques-uns croyent  que  ce  mot  vient  de  carras  jolis. 

Les  Maures  y  introduifirent  les  chiures  &  les  li- 
vrées dont  ils  ornèrent  leurs  armes  &  les  houfles  de 
leurs  chevaux ,  &c  Les  Goths  y  ajoutèrent  l'ufage 
des  aigrettes  &  des  cimiers  <,  &c 

On  diftinguoit  dans  les  canoi/fils  plufieurs  parties  ; 
i°.  la  lice  ou  le  lieu  où  devoit  lé  donner  le  combat, 
terminé  par  des  barrières  à  fes  deux  bouts ,  &  garni 
dans  toute  fa  longueur  de  chaque  côté  d'amphithéâ- 
tres pour  placer  fes  dames  &c  les  principaux  fpefta- 
teurs  ;  2°.  le  fujet  qui  eft  une  repréfentation  allégo- 
rique de  quelqu'évenement  fameux  pris  dans  la  fa- 
ble ou  dans  l'hiitoire ,  &  relatif  au  prince  en  l'hon- 
neur de  qui  le  fait  le  carroufd;  30.  les  quadrilles  ou 
la  divifion  des  combattans  en  plufieurs  troupes  qui 
fe  distinguent  par  la  forme  des  habits  &  par  la  diver- 
fité  des  couleurs ,  &  prennent  quelquefois  chacune  le 
nom  d'un  peuple  fameux  :  ainfi  dans  un  carroufd 
donné  fous  Louis  XIV.  il  y  avoit  les  quadrilles  des 
Romains  ,  des  Perlés  ,  des  Turcs  ,  &  des  Mofcovi- 
tes  ;  40.  l'harmonie  foit  militaire  ,  foit  douce  ,  ufitée 
dans  ces  fortes  de  fêtes  ;  50.  outre  les  chevaliers'qui 
compolént  les  quadrilles ,  tous  les  officiers  qui  ont 
part  au  carroufd ,  comme  le  mettre  de  camp  &  fes 
aides ,  les  hérauts ,  les  pages ,  les  eftafiers  ,  les  par- 
rains &  les  juges  ;  6°.  la  comparfe  ou  l'entrée  des 
quadrilles  dans  la  carrière  ,  dont  elles  font  le  tour  en 
ordre  pour  fe  faire  voir  aux  fpectateurs  ;  70.  enfin 
les  différentes  efpeces  de  combats,  qui  font  de  rom- 
pre des  lances  les  uns  contre  les  autres  ,  de  les  rom- 
pre contre  la  quintane  ou  figure  de  bois  ;  de  courre 
la  bague  ,  les  tètes  ,  de  combattre  à  cheval  l'épée  à 
la  main  ,  &  de  faire  la  foule  ,  c'eft-à-dire  ,  de  cou- 
rir les  uns  après  les  autres  fans  interruption.  Ces 
combats  qui  tenoient  de  l'ancienne  chevalerie  ,  fu- 
rent introduits  en  France  à  la  place  des  joutes  & 
tournois  fous  le  règne  d'Henri  I V  :  il  y  en  a  eu  quel- 
ques-uns fous  Louis  XIV:  mais  ces  diverfiffemens 
ont  ce  île  d'être  de  mode.  (G) 

*  CARRUQUE,  f.  f.Çdntiq.yhat  des  Romains  à 
l'ufage  des  gens  de  qualité  &  du  peuple  :  ceux-là 
l'ornoient  d'argent  ;  il  étoit  à  quatre  roues ,  tiré  or- 
dinairement par  des  mules  ou  des  mulets.  Le  peuple 
le  faifoit  garnir  de  cuivre  ou  d'ivoire  ;  l'empereur 
Alexandre  Severe  ne  permit  les  cantiques  argentées 
qu'aux  lénateurs  ;  l'empereur  Aurelien  rendit  la  li- 
berté à  chacun  d'avoir  des  cantiques  telles  qu'il  les 
defireroit  ;  &  on  en  vit  de  très-hautes ,  dans  lelquel- 
les  on  fe  faifoit  promener  en  habits  fomptueux. 

CAP..S  ,  (  Géog.  )  ville  forte  d'Afie  dans  l'Armé- 
nie ,  fur  la  rivière  de  même  nom.  Long.  60.  23.  lut. 
40.  20. 

CARSCHI  ,  (  Géog.  )  grande  ville  d'Afie  dans  la 
Tartarie ,  dans  la  grande  Boucharie. 

CARSO  ,  (  Géog.  )  partie  du  Frioul  en  Italie,  qui 
eft  entre  le  comté  de  Gortz ,  le  golfe  de  Venife  ,  &C 
Trielte  ,  à  la  maifon  d'Autriche. 

CARSWICK  ,  (Géog.)  petite  ville  &  port  d'E- 
coffe  ,  dans  file  de  Mula. 

CAIiTA  ,  f.  f.  (  Commerce.)  nom  ufité  parmi  quel- 
ques marchands  Provençaux  &  plufieurs  négocians 
étrangers,  pour  fignifier  la  page  ou  le  folio  d'un  re- 
giitre.  Diclionn,di  Commerce,  tome  11, page  il 5,  (G) 


CAR 

*  CAPiTAGER,  v.  neut.  (Agriculture  &  (Economie 
ruflique.  )  c'elt  donner  à  la  vigne  un  quatrième  la- 
bour ;  il  ne  faut  pas  l'épargner  à  celle  où  l'on  aura 
mis  du  fumier  depuis  la  dernière  vendange ,  &  quand 
l'année  aura  été  pluvieufe  ;  le  fumier  &  les  pluies 
fréquentes  produifant  des  herbes  qui  ufent  la  terre  , 
&  empêchent  le  raifin  de  profiter  &  de  mûrir.  Les 
Vignerons  ne  font  point  obligés  à  cette  façon  ,  à 
moins  que  ce  ne  foit  une  condition  du  marché.  Au 
refte  il  vaut  mieux  la  leur  payer  à  part  que  de  les  y 
obliger.  Voye^  Vigne.  Le  mot  canager  eft  princi- 
palement d'ulage  dans  l'Orléanois. 

CARTAHU  ,  f.  m.  (Marine.  )  c'eft  une  manœu- 
vre qu'on  paffe  dans  une  poulie  au  haut  des  mâts  , 
&  qui  fert  à  biffer  les  autres  manœuvres ,  ou  quel- 
qu'autre  chofe. 

CARTAMA,  (Géog.)  petite  ville  d'Efpagne  au 
royaume  de  Grenade.  Long.  13.  32.  lut.  36.  32. 

CARTA  SOURA  ,  ville  d'Afie,  capitale  de  l'île 
de  Java  ,  &  réfidence  de  l'empereur. 

CARTAYER ,  v.  neut.  (  terme  de  Meffagerie.  )  c'eft 
conduire  une  voiture  de  manière  que  les  roues  loient 
entre  les  ornières  &  les  ruiffeaux  ,  &  non  dedans ,  ce 
qui  facilite  le  roulement  &  foulage  les  chevaux. 

CARTE,  f.  f.  (Géog.)  figure  plane  qui  repré- 
fente  la  furface  de  la  terre ,  ou  une  de  fes  parties , 
fuivant  les  lois  de  la  perfpective.  Voyt{  Terre  ,  6* 
Perspective. 

Une  carte  eft  donc  une  projection  de  la  furface  du 
globe  ou  d'une  de  fes  parties ,  qui  repréfente  les  fi- 
gures &  les  dimenfions ,  ou  au  moins  les  lîtuations 
des  villes ,  des  rivières ,  des  montagnes ,  &c.  Foye^ 
Projection. 

Cartes  univerfelles ,  font  celles  qui  repréfentent  tou- 
te la  furface  de  la  terre ,  ou  les  deux  hémifpheres.  On 
les  appelle  ordinairement  mappemondes,  Foye^  Map- 

PEMONDE. 

Cartes  particulières  ,  font  celles  qui  repréfentent 
quelques  pays  particuliers ,  ou  quelques  portions  de 
pays. 

Ces  deux  efpeces  de  cartes  font  nommées  fouvent 
cartes  géographiques ,  ou  cartes  terreflres ,  pour  les  dis- 
tinguer des  hydrographiques  ou  marines  ,  qui  ne  repré- 
fentent que  la  mer  ,  fes  îles  ,  &  fes  côtes. 

Les  conditions  requifes  pour  une  bonne  carte ,  font 
i°.  que  tous  les  lieux  y  loient  marqués  dans  leur 
jufte  lîtuation  ,  eu  égard  aux  principaux  cercles  de 
la  terre ,  comme  l'équateur ,  les  parallèles  ,  les  méri- 
diens ,  &c.  20.  que  les  grandeurs  de  différens  pays 
ayent  entr'elles  les  mêmes  proportions  fur  la  carte, 
qu'elles  ont  fur  la  furface  de  la  terre:  30.  que  les  dif- 
férens lieux  foient  refpeclivement  fur  la  carte  aux  mê- 
mes diftances  les  uns  des  autres  ,  6c  dans  la  même 
lîtuation  que  fur  la  terre  elle-même. 

Pour  les  principes  de  la  conllruction  des  cartes ,  & 
les  lois  de  projection  ,  voyei  Perspective  &  Pro- 
jection delà  fphere.  Voici  l'application  de  ces  prin- 
cipes à  la  confruclion  des  cartes. 

Conflruclion  d'une  carte  ,  l'œil  étant  fuppofe  placé 
dans  l'axe.  Suppofons ,  par  exemple  ,  qu'il  taille  re- 
préfenter  l'hémifphere  boréal  tel  qu'il  doit  paroître 
à  un  œil  fitué  dans  un  des  points  de  l'axe  ,  comme 
dans  le  pôle  auftral ,  &  en  prenant  le  plan  de  l'équa- 
teur pour  celui  où  la  repréfentation  doit  fe  faire  : 
nous  imaginerons  pour  cela  des  lignes  tirées  de  cha- 
que point  de  l'hémifphere  boréal  à  l'œil ,  &  qui  cou- 
pent le  plan  en  autant  de  points.  Tous  ces  derniers 
points  joints  enfemble  ,  formeront  par  leur  affem- 
blage  la  carte  requife. 

Ici  l'équateur  fera  la  limite  de  la  projection  ;  le 
pôle  de  la  terre  fe  repréfentera  ou  fe  projettera  au 
centre  ;  les  méridiens  de  la  terre  feront  repréfentés 
par  des  lignes  droites  qui  iront  du  centre  de  l'équa- 
teur ou  du  pôle  de  la  carte ,  à  tous  les  points  de  l'é- 


CAR 

quateur  ;  les  parallèles  de  latitude  formeront  de  pe- 
tits cercles ,  dont  les  centres  feront  le  centre  même 
de  l'équateur  ou  de  la  projection. 

La  meilleure  manière  de  concevoir  la  projection 
d'un  cercle  fur  un  plan,  c'effd'imaginer  un  cône  dont 
le  fommet  placé  à  l'endroit  oii  nous  fuppofons  l'œil , 
foit  radieux ,  ou  envoyé  des  rayons  dont  la  bafe  foit 
le  cercle  qu'il  faut  repréfenter  ,  &  dont  les  côtés 
foient  autant  de  rayons  lancés  par  le  point  lumi- 
neux :  la  repréfentation  du  cercle  ne  fera  alors  autre 
chofe  que  la  feelion  de  ce  cône  par  le  plan ,  fur  le- 
quel elle  doit  fe  faire  ;  &  il  eft  clair  que  félon  les 
différentes  pofitions  du  cône  ,  la  repréfentation  fera 
une  figure  différente. 

Voici  maintenant  l'application  de  cette  théorie  à 
la  pratique.  Prenez  pourpole  le  milieu P{Pl.  de  Géog, 
fig.  2.  )  de  la  feuille  de  laquelle  vous  voulez  taire 
votre  carte  ;  &  de  ce  point  comme  centre  ,  décrivez 
pour  repréfenter  l'équateur,  un  cercle  de  la  grandeur 
que  vous  voulez  donner  à  votre  carte.  Ces  deux  cho- 
fes  peuvent  fe  faire  à  volonté  ;  &  c'eft  d'elles  que 
dépend  la  détermination  de  tous  les  autres  points  ou 
cercles.  Divifez  votre  équatcur  en  360  parties,  & 
tirez  des  droites  du  centre  à  chaque  commencement 
de  degré  :  ces  droites  feront  les  méridiens  de  votre 
carte ,  &  vous  prendrez  pour  premier  méridien  celle 
qui  paffera  par  le  commencement  du  premier  degré 
ou  par  zéro.  Voyc{  MÉRIDIEN. 

Conflruclion  des  parallèles  fur  la  carte.  Marquez  par 
les  lettres  A  B  ,  B  C ,  CD ,  D  A,  les  quatre  quarts 
de  l'équateur ,  compris  le  premier  depuis  zéro  jufqu'à 
90  ;  le  fécond  ,  depuis  90  jufqu'à  180  ;  le  troilieme , 
depuis  1  So  jufqu'à  270  ;  &  le  quatrième  ,  depuis 
270  jufqu'à  zéro  ;  &  de  tous  les  degrés  d'un  de  ces 
quarts  de  cercle  B  C,  comme  aufîî  des  points  qui  mar- 
quent 23e1  30' à  66d  30',  tirez  des  droites  occultes 
au  point  D ,  qui  marquent  celui  où  ces  lignes  cou- 
pent le  demi-diamctie  APC:  enfin  du  point  P com- 
me centre  ,  décrivez  différens  arcs  qui  pafTent  par  les 
différais  points  de  P  C;  ces  arcs  feront  les  parallèles 
de  latitude;  le  parallèle  de  23d  30'  fera  le  tropique 
du  cancer;  &  celui  de  66d  30'  fera  le  cercle  polaire 
arctique.  Voyc^  Parallèle  &  Tropique. 

Les  méridiens  &  les  parallèles  ayant  été  ainfi  dé- 
crits ,  on  écrira  les  différens  lieux  au  moyen  d'une 
table  de  longitude  &:  de  latitude  ,  comptant  la  longi- 
tude du  lieu  fur  l'équateur ,  à  commencer  du  premier 
méridien  ,  &  continuant  vers  le  méridien  du  lieu  ; 
&  pour  la  latitude  du  lieu  ,  on  la  prendra  fur  le  pa- 
rallèle de  la  même  latitude.  Il  cil  é\  ident  que  le  point 
d'interfection  de  ce  méridien  &  de  ce  parallèle  ,  re- 
présentera le  lieu  fur  la  carte  ;  &  on  s'y  prendra  de 
même  pour  y  repréfenter  tous  les  autres  lieux. 

Quant  à  la  moitié  de  l'écliptique  qui  pâlie  dans 
cet  hémifphere,  ce  grand  cercle  doit  fe  repréfenter 
par  un  arc  de  cercle  ;  de  façon  qu'il  ne  s'agit  plus 
que  de  trouver  fur  la  carte  trois  points  de  cet  arc.  Le 
premier  point ,  c'eft-à-dire  celui  011  l'écliptique  coupe 
l'équateur,  eft  le  même  que  celui  où  le  premier  mé- 
ridien coupe  l'équateur;  &  il  fe  distingue  par  cette 
raifon ,  par  le  ligne  à'Arics.  Le  dernier  point  de  cet 
arc  de  cercle,  ou  l'autre  interfection  de  l'équateur  6c 
d'écliptique ,  c'eft- à-dire  la  fin  de  Virgo  ,  fera  dans 
le  point  oppofé  de  l'équateur  à  i8od  le  milieu  de 
l'arc  ,  c'eft  le  point  où  le  méridien  de  90e'  coupe  le 
tropique  du  cancer:  ainfi  nous  avons  trois  points  de 
cet  arc  qui  donneront  l'arc  entier.  Voye^  Cercle  & 
Corde. 

Les  cartes  de  cette  première  projection  ont  la  pre- 
mière des  qualité&requifes ci-deflus :  mais  elles  man- 
quent de  la  féconde  &  de  la  troifieme  ;  car  les  degrés 
égaux  des  méridiens  font  repréfentés  fur  ces  cartes 
par  des  portions  de  ligne  droite  inégales. 

On  peut  par  cette  méthode  repréfenter  dans  une 
Tome  II, 


CAR 


707 


carte  prcfqiie  toute  la  terre ,  en  plaçant  l'œil ,  par 
exemple  ,  dans  le  pôle  antarctique ,  &  prenant  pour 
plan  de  projection  celui  de  quelque  cercle  voilin , 
par  exemple ,  celui  du  cercle  antarctique.  Il  ne  faut 
ici  de  plus  qu'à  la  première  projection  ,  que  conti- 
nuer les  méridiens ,  tirer  des  parallèles  du  côté  de 
l'équateur  ,  &  achever  l'écliptique  :  mais  ces  cartes 
feraient  trop  embrouillées  &  trop  difformes  pour 
qu'on  pût  en  faire  ufagè. 

On  fe  contente  pour  l'ordinaire  de  tracer  les  deux 
hémifpheres  féparément  ;  ce  qui  rend  la  carte  beau- 
coup plus  nette  &  plus  commode.  Si  on  veut  avoir 
par  le  moyen  de  cette  cartela  diftance  de  deux  lieux 
^■>B  ■>  {fis-  3-n°-  2.  Géog.  )  fitués  fous  le  même  mé- 
ridien P  B  ,  on  décrira  les  arcs  de  cercle  AE,B  Z>  ; 
on  verra  combien  la  partie  E  D  contient  de  divilîons 
ou  de  degrés ,  &  on  aura  le  nombre  de  degrés  depuis 
E  juiqu'en  D.  Or  comme  un  degré  de  la  terre  con- 
tient 25  lieues  ,  il  faudra  prendre  25  fois  ce  nombre 
de  degrés  pour  avoir  la  diftance  de  A  en  B. 

M.  de  Maupcrtuis  a  démontré  dans  fon  difeours 
fur  la  Parallaxe  de  la  lune  ,  que  les  loxodromiques 
dans  cette  projection  devenoient  des  fpirales  loga- 
rithmiques. Foyci  LOXODROMIQUE  ,  &  SPIRALE 
logarithmique.  Suppolons  donc  que  A  G  (fg. 
3.  n°.  4.  Gcog.  )  foit  une  portion  de  fpirale  loga- 
rithmique ,  ou  projection  de  loxodromique,  &:  qu'on 
veuille  lavoir  la  diftance  A  G  de  deux  lieux  placés 
fur  le  même  rhumb  ,  il  eft  certain  que  A  G  fera  à 
A  B  en  raifon  conftante  ,  c'eft-à-dire  dans  le  rapport 
du  finus  total  au  cofinus  de  l'angle  du  rhumb ,  ou  de 
l'angle  de  la  loxodromique  avec  le  méridien  :  donc 
connoiffant  A  B  par  la  méthode  précédente  ,  & 
fâchant  de  plus,  comme  on  le  fuppofe ,  l'angle  du 
rhumb,  on  connoitra  A  G  ;  c'eft-à-dire ,  on  connoî- 
tra  de  combien  de  lieues  font  éloignes  l'un  de  l'autre 
les  deux  endroits  dont  les  points  A ,  G ,  font  la  pro- 
jection. 

Cette  projection  cil  la  plus  aifée  de  toutes  :  mais  on 
préfère  pour  l'ufage  celle  où  l'œil  eft  placé  dans  l'é- 
quateur. C'eft  en  effet  de  cette  dernière  forte  qu'on 
fait  ordinairement  les  cartes.  Au  relie ,  comme  la  li- 
tuation  de  l'écliptique  ,  par  rapport  à  chaque  lieu  de 
la  terre,  change  continuellement,  ce  cercle  ne  doit 
point  avoir  lieu,  à  proprement  parler,  fur  la  furfa- 
ce  de  la  terre  :  maison  s'en  fert  pour  repréfenter, 
conformément  à  fa  fituation ,  quelques  momens  mar- 
qués ;  par  exemple ,  celui  où  le  commencement  (.Va- 
ries &  de  lïbra  1  croit  dans  l'interiection  du  premier 
méridien  &  de  l'équateur. 

Confruclion  des  cartes  ,  en  fuppofint  V càl placé  dans 
le  plan  de  l'équateur.  Cette  méthode  de  projection  , 
quoique  plus  difficile  ,  eft  cependant  plus  jufte  .  (lus 
naturelle,  &  plus  commode  que  la  première.  Pour 
la  concevoir,  nous  fuppoferons  que  la  furface  de  la 
terre  foit  coupée  en  deux  hémifpheres  parla  circon- 
férence entière  du  premier  méridien  ;  nous  propofant 
de  repréfenter  chacun  de  ces  hémifpheres  dans  une 
carte  particulière,  l'œil  fera  placé  dans  un  point  de 
l'équateur ,  éloigné  de  90  '.  du  premier  méridien  ,  tk. 
nous  prendrons  pour  plan  tranlparent  où  la  repréfen- 
tation doit  le  taue ,  celui  du  premier  méridien.  Dans 
cette  projection  l'équateur  devient  une  droite  ,  aufu 
bien  que  le  méridien  éloigné  de  90  '  du  premier: 
mais  les  autres  méridiens,  ou  parallèles  aux  Lijua- 
teurs,  deviennent  des  arcs  de  cercle  ,  ami;  que  l'é-» 
cliptique.  Foye{ PROJECTION  STÉRÉOGRAPHIQUI 
1)1    I  >.  SPH1 

Voici  la  méthode  pour  les  conftruiré.  Du  point  E 
comme  centre  (  figure  ,?.  )  décrive/  un  cercle  de  la 
grandeur  que  vous  voulez  donner  à  votre  carte  ,  il 
repréfentera  le  premier  méridien  ,  qui  efl  auffi  le 
même  que  celui  de  i8od;  car  tirant  le  diamètre  Ê Ût 
il  partagera  le  méridien  en  deux  demi-cercles,  donc 

V  V  v^  ij 


708 


CAR 


ie  premier  B  AD  conviendra  à  zéro ,  &  l'autre  BCD 
à  i8od.  Ce  diamètre  B  D  repréfentera  le  méridien 
de  t)Od  ;  ainfi  le  point  B  fera  le  pôle  arctique ,  &  le 
point  D ,  le  pôle  antarcliquc.  Le  diamètre  A  C  per- 
pendiculaire à  B  D  ,  fera  l'équateur.  Divilez  les 
quarts  de  cercle  A  B ,  BC,  C  D ,  D  A  ,  en  90  de- 
grés chacun  ;  &  pour  trouver  les  arcs  des  méridiens 
&  des  parallèles ,  vous  vous  y  prendrez  de  cette  for- 
te. Il  faudra  par  la  méthode  donnée  ci-deffus  ,  &  dé- 
montrée à  l'article  Projection  stéréographi- 
QUE  DE  LA  SPHERE,  divifer  l'équateur  en  fes  de- 
grés ;  lavoir  en  1 80  ,  parce  que  celui  de  la  carte  ne 
repréfente  en  effet  que  la  moitié  de  l'équateur.  Par 
ces  différentes  divifions  &  par  les  deux  pôles ,  vous 
décrirez  des  arcs  de  cercle  B  10  D,  B  zo  D ,  & 
ces  arcs  repréfenteront  les  méridiens. 

Pour  décrire  les  parallèles ,  il  faudra  divifer  de  la 
même  forte  le  méridien  B  D  en  i8od,  &  par  chacu- 
ne de  ces  divifions ,  &  les  divifions  correfpondantes 
des  quarts  de  cercle  AB,  B  C,  décrire  des  arcs  de 
cercle  ;  on  aura  de  cette  manière  les  parallèles  de 
tous  les  degrés ,  avec  les  tropiques ,  les  polaires ,  & 
les  méridiens. 

L'écliptique  peut  fe  marquer  de  deux  façons  ;  car 
fa  ûtuation  fur  la  terre  peut  être  telle  que  fes  inter- 
férions avec  l'équateur  répondent  perpendiculaire- 
ment au  point  E  :  en  ce  cas  ,  la  projection  de  ce  de- 
mi-cercle ,  depuis  le  premier  degré  du  Cancer  juf- 
qu'au  premier  du  Capricorne ,  fera  une  droite  qu'on 
déterminera  en  comptant  un  arc  de  13 d  30'  de  A 
vers  B  ,  &  tirant  par  l'extrémité  F  de  cet  arc  un  dia- 
mètre. Ce  diamètre  repréfentera  l'écliptique  pour  la 
fituation  dont  nous  parlons  ;  &  on  pourra  comme 
ci-deffus ,  le  divifer  en  degrés ,  &  y  marquer  les  nom- 
bres ,  fignes ,  &c  Mais  fi  l'écliptique  eft  placée  de  fa- 
çon que  fon  interfeûion  avec  l'équateur  réponde  au 
point  A ,  fa  projection  fera  en  ce  cas  un  arc  de  cer- 
cle qui  paffera  par  les  points  d'interfection  A  Sa  C 
de  l'écliptique  &  de  l'équateur ,  pris  fur  la  droite  qui 
marque  la  projeûion  de  l'équateur  ;  èc  par  celui  qui 
marque  l'interfeftion  du  tropique  du  Cancer ,  &  du 
méridien  de  c)Od  pris  fur  la  droite  qui  fert  de  pro- 
jection à  ce  méridien.  Ces  points  fuffifent  pour  dé- 
crire cet  arc  de  cercle. 

Il  ne  refte  plus  pour  rendre  la  carte  parfaite ,  qu'à 
prendre  dans  les  tables  les  longitudes  &  les  latitu- 
des des  différens  lieux  ,  &  à  placer  ces  lieux  confor- 
mément fur  la  carte  ;  ce  qu'on  fera  félon  qu'on  l'a  en- 
feigné  dans  la  conftruftion  des  cartes  de  la  première 
efpece.  On  pourroit  dans  cette  projection  repréién- 
ter  fur  une  feule  carte  prefque  tout  le  globe  de  la  ter- 
re ;  il  ne  faudroit  pour  cela  que  prendre  pour  plan 
de  projeftion ,  au  lieu  du  plan  du  premier  méridien , 
le  plan  de  quelqu'autre  petit  cercle ,  parallèle  à  ce 
premier  méridien  ,  &  fort  proche  de  l'œil  ;  car  par 
ce  moyen  on  pourra  décrire  tous  les  méridiens  & 
les  parallèles  à  l'équateur  en  entier ,  fans  qu'ils  for- 
tent  des  limites  de  la  carte.  Mais  comme  cela  rendrait 
la  carte  confufe  &  embrouillée ,  on  ne  le  fait  que  ra- 
rement ;  &  il  paroît  plus  à  propos  de  repréfenter 
les  deux  hémifpheres  en  entier  fur  deux  cartes  diffé- 
rentes. 

Un  des  avantages  de  cette  proje&ion  eft  qu'elle 
repréfente  d'une  manière  un  peu  plus  vraie  que  la 
précédente ,  les  longitudes  &  les  latitudes  des  lieux, 
leurs  diftances  de  l'équateur  &  du  premier  méridien. 
Ses  inconvéniens  font  :  i°.  qu'elle  rend  les  degrés  de 
l'équateur  inégaux,  ces  degrés  devenant  d'autant  plus 
grands ,  qu'ils  font  plus  près  de  D  A  B  ou  de  fon  op- 
pofé  BCD,  ce  qui  fait  que  des  efpaces  inégaux  fur 
la  terre  font  repréfentés  comme  égaux  fur  la  carte  ; 
&  réciproquement  ;  défaut  qu'on  n'éviteroit  que 
par  d'autres,  peut-être  plus  grands.  20.  Que  les  dis- 
tances des  lieux  ôc  leurs  Situations  mutuelles  ne 


CAR 

peuvent  pas  fe  bien  déterminer  dans  les  cartes  de  ce- 
te  projection. 

Conjlruclion  des  cartes  fur  le  plan  de  Vhorifon ,  ou 
dont  un  lieu  donné  quelconque  à  volonté  doive  être  le 
centre  ou  le  milieu,  Suppolons,  par  exemple,  qu'on 
veuille  décrire  la  carte  dont  le  centre  foit  la  ville  de 
Paris  ,  nous  fuppoferons  fa  latitude  de  48d  50'  10"  ; 
l'œil  fera  placé  dans  le  nadir  ;  la  carte  tranfparente 
fera  le  plan  de  l'horifon ,  ou  quelqu'autre  plan  pa- 
rallelle  à  celui-là  ,  en  fuppofant  qu'on  veuille  repré- 
fenter dans  la  cane  plus  qu'un  hémifphere:  prenez  le 
point  E,  fia,  ^,  pour  Paris,  &  de  ce  point  comme  cen- 
tre ,  décrivez  le  cercle  A  B  C  D  pour  repréfenter 
l'horifon,  que  vous  diviferez  en  quatre  quarts  de 
cercle ,  &  chacun  d'eux  en  c)od.  Que  le  diamètre  B  D 
foit  le  méridien  ;  B  ,  le  côté  du  nord  ;  D  ,  celui  du 
fud  ;  la  ligne  tirée  de  l'eft  de  l'équinoxe ,  à  l'oueft  de 
Péquinoxe ,  marquera  le  premier  vertical  ;  A  le  côté 
de  l'eft  ;  C  celui  de  l'oueft ,  c'eft-à-dire ,  deux  points 
du  premier  vertical ,  éloignés  de  part  &  d'autre  de 
90  du  zénith.  Tous  les  verticaux  font  repréfentés 
par  des  droites  tirées  du  centre  E ,  aux  différens  de- 
grés de  l'horifon.  Divilez  B  D  en  180  degrés  par  les 
méthodes  précédentes,  &  le  point  deE  B  qui  repré- 
fentera 48d  50'  10",  à  compter  depuis  B,  fera  la 
projection  du  pôle  boréal,  que  nous  marquerons  par 
la  lettre  P.  Le  point  de  E  D  qui  repréfentera  48e1, 
50'  10"  de  l'arc  D  C,  en  allant  de  C  vers  D ,  fera 
rinterfeâion  de  l'équateur  avec  le  méridien  de  Pa- 
ris ,  que  vous  marquerez  par  la  lettre  Q.  De  ce  point 
Q ,  en  allant  vers  P ,  vous  écrirez  les  nombres  1,1, 
3  ,  &c.  comme  auiîi  en  allant  de  Q  vers  D ,  &  en  al- 
lant de  B  vers  P ,  il  faudra  marquer  les  degrés  de 
cette  forte  48 ,  47 ,  46 ,  &c. 

Vous  prendrez  enfuite  les  points  correfpondans 
des  degrés  égaux  ;  &  de  leur  diftance  prife  pour  dia- 
mètre ,  vous  décrirez  des  cercles  qui  repréfenteront 
les  parallèles  ou  cercles  de  latitude  avec  l'équateur  , 
les  tropiques  &  le  cercle  polaire.  Pour  les  méridiens, 
vous  décrirez  par  les  points  A  P  C  un  cercle  qui  re- 
préfentera le  méridien  de  90  degrés  de  Paris ,  &  dont 
le  centre  fera  le  point  M,  &  P  N  le  diamètre;  &C 
ayant  divilé  K  L  en  degrés  par  les  méthodes  précé- 
dentes ,  vous  décrirez  par  les  points  P  N ,  &  par  les 
points  de  divifion  de  la  ligne  KL,  des  cercles  dont 
les  portions  renfermées  dans  le  cercle  B  A  D  C  re- 
préfenteront les  méridiens. 

Les  cartes  recîilignes  font  celles  oit  les  méridiens  & 
les  parallèles  font  tout-à-la-fois  repréfentés  par  des 
droites ,  ce  qui  eft  réellement  impoffible  par  les  lois 
de  la  perfpective,  parce  qu'on  ne  peut  point  affigner 
de  pofition  pour  l'œil  &  le  plan  de  projection,  tel- 
le ,  que  les  cercles  de  longitude  &  de  latitude  de- 
viennent tous- à-la-fois  des  lignes  droites.  Dans  la  pre- 
mière méthode  que  nous  avons  donnée  ci-deffus ,  les 
méridiens  étoient  des  droites ,  mais  les  paralelles 
étoient  des  cercles.  Dans  la  plupart  des  autres  efpe- 
ces  de  projetions,  les  méridiens  &  les  parallèles  font 
des  courbes.  Il  y  a  une  efpece  de  projeétion  oii  les 
méridiens  font  des  droites ,  &c  les  parallèles  des  hy- 
perboles. C'eftlorfque  l'œil  feroit  fuppofé  placé  dans 
le  centre  de  la  terre ,  &  que  la  projection  fe  feroit 
fur  un  parallèle  au  premier  méridien  :  mais  cette  pro- 
jection eft  plutôt  de  pure  curiolité  que  d'ufage. 

Conjlruclion  des  cartes  particulières.  Les  cartes  parti- 
culières de  grandes  étendues  de  pays ,  comme  les 
cartes  d'Europe ,  fe  projettent  de  la  même  manière 
que  les  cartes  générales ,  obfervant  feulement  qu'il 
eft  à  propos  de  faire  choix  de  différentes  méthodes 
pour  différentes  pratiques:  par  exemple,  l'Afrique 
&  l'Amérique  par  011  paffe  l'équateur,  ne  ie  projet- 
teraient pas  convenablement  par  la  première  mé- 
thode, mais  par  la  féconde;  l'Europe  &c  l'Afie  fe 
projetteraient  mieux  par  la  troifieme  ;  &  les  pays  voi- 


CAR 

fins  des  pôles  ou  les  zones  froides ,  par  la  première. 

Ainfi,  pour  commencer,  tirez  fur  votre  plan  ou  pa- 
pier une  droite ,  que  vous  prendrez  pour  le  méridien 
du  lieu  fur  lequel  l'œil  eft  imaginé  placé,  &  divifez- 
la  comme  ci-defîus  en  degrés ,  qui  feront  les  degrés 
de  latitude  :  prenez  enfuite  dans  les  tables  la  latitu- 
de des  deux  parallèles  qui  en  terminent  les  deux  ex- 
trémités ;  il  faudra  marquer  dans  le  méridien  ces  de- 
grés de  latitude,  &  tirer  par  ces  mêmes  degrés  des 
perpendiculaires,  qui  ferviront  à  la  carte  de  limite 
nord  &  fud.  Cela  fait,  il  faudra  tirer  des  parallèles 
dans  les  différens  degrés  des  méridiens,  &  placer  les 
lieux  jufqu'à  ce  que  la  carte  foit  complette. 

Des  cartes  particulières  de  moindre  étendue.  Les  Géo- 
graphes fuivent  une  autre  méthode  dans  la  conf- 
truction  des  cartes  qui  doivent  repréfenter  une  plus 
petite  portion  de  la  terre.  Premièrement  on  tire  une 
droite  au  bas  du  plan ,  qui  puiffe  repréfenter  la  longi- 
tude ,  &  qui  ferve  de  bornes  à  la  partie  méridionale 
du  pays  qu'on  veut  décrire.  On  prend  dans  cette  li- 
gne autant  de  parties  égales  que  le  pays  comprend  de 
degrés  de  longitude  ;  au  milieu  de  cette  ligne ,  on  lui 
élevé  une  perpendiculaire  dans  laquelle  on  prend  au- 
tant de  parties  que  le  pays  contient  de  degrés  de  la- 
titude. On  détermine  de  quelles  grandeurs  ces  par- 
ties doivent  être  par  la  proportion  d'un  degré  de 
grand  cercle  aux  degrés  des  parallèles  qui  terminent 
le  pays  dont  on  fait  la  carte.  Par  l'extrémité  de  cette 
perpendiculaire,  on  tire  une  autre  droite  perpendi- 
culaire ou  parallèle  à  celle  d'en-bas ,  fur  laquelle  les 
degrés  de  longitude  doivent  le  repréfenter  comme 
dans  la  ligne  d'en-bas  ;  c'eft-à-dire ,  prefqu'égaux  les 
uns  aux  autres ,  à  moins  que  les  latitudes  des  deux  ex- 
trémités ne  foient  fort  différentes  l'une  de  l'autre  ; 
car  li  la  parallèle  la  plus  baffe  eft  fituée  à  une  dif- 
tance  considérable  du  cercle  équinodtial ,  ou  que  la 
latitude  de  la  limite  boréale  foit  beaucoup  plus  gran- 
de que  celle  de  l'auftrale ,  les  parties  ou  degrés  de 
la  ligne  fupérieure  ne  feront  plus  égaux  aux  parties 
ou  degrés  de  l'inférieure  ;  mais  ils  feront  moindres 
fuivant  la  proportion  du  degré  de  la  partie  fepten- 
trionale ,  au  degré  de  la  partie  méridionale.  Après 
qu'on  aura  ainfi  déterminé  foit  fur  la  ligne  fiipéfieu- 
re  ,  foit  fur  l'inférieure  ,  les  parties  qu'on  doit  pren- 
dre pour  les  degrés  de  longitude;  on  tirera  par  les 
points  de  divilion  de  ces  parallèles  des  droites  qui  re- 
préfenteront  les  méridiens;  &  par  les  différens  de- 
grés de  la  perpendiculaire  élevée  au  milieu  de  la  pre- 
mière ligne  tranfvcrfale  ,  on  tirera  des  lignes  paral- 
lèles a  cette  première  ligne  tranfverfale ,  lefquelles 
repréfenteront  les  parallèles  de  latitude.  Enfin  on 
placera  les  lieux  fuivant  la  méthode  qui  a  été  déjà 
enfeignée,  aux  points  dans  lefquels  les  méridiens  ou 
cercles  de  longitude  concourront  avec  les  parallè- 
les ou  cercles  de  latitude. 

Pour  les  cartes  de  province  ou  de  pays  de  peu  d'é- 
tendue, comme  de  paroiffes,  de  terres,  &c.  on  le  fert 
d'une  autre  méthode  plus  litre  &  plus  exacte  qu'au- 
cune des  précédentes.  Les  angles  de  pofition  ou 
ceux  fur  lefquels  doivent  tomber  les  lieux,  y  font 
déterminés  par  des  inftrumens  propres  à  cet  effet ,  & 
rapportés  enfuite  fur  le  papier.  Cela  fait  un  art  à 
part  qu'on  appelle  arpentage.  Foy.  ARPENTAGE  ,  &c. 

Le^fig.  10.  &  ll.de  la  Géographie  représentent  des 
cartes  particulières  de  quelque  portion  de  la  terre  ;  la 
figure  io  eft  la  repréfentation d'une  portion  affe/  con- 
lidérable ,  oii  les  méridiens,  comme  on  le  voit,  font 
des  lignes  convergentes.  La  figure  n  eft  la  rep 
tation  d'une  portion  peu  étendue,  où  les  méridiens 
&  les  parallèles  font  des  lignes  droites  fenliblcment 
parallèles.  L,  K,  /,  font  trois  lieux  placés  fur  la 
carte.  Si  on  connoit  les  lieux  K,  I ,  &  leur  diftance 
au  lieu  L ,  on  connoitra  facilement  la  pofition  du  lieu 
L;  car  il  n'y  a  qu'à  décrire  des  centres  K  ,  1 ,  Ck  des 


CAR 


709 


diftances  L  K ,  L  I ,  qu'on  fuppofe  données,  deux 
arcs  de  cercle  qui  fe  couperont  au  point  cherché  L. 
Voye^  Lever  un  plan. 

L'ulage  des  cartes  fe  déduit  facilement  de  leur  conf- 
truefion.  Les  degrés  des  méridiens  &  des  parallèles 
marquent  les  longitudes  &  les  latitudes  des  lieux  ;  & 
l'échelle  des  lieues  qui  y  eft  jointe,  la  diftance  des 
uns  aux  autres.  La  lituation  des  lieux  les  uns  par  rap- 
port aux  autres,  comme  auffi  par  rapport  aux  points 
cardinaux,  paroît  à  la  feule  infpecfion  de  la  carte , 
puifque  le  haut  en  eft  toujours  tourné  vers  le  nord  ; 
le  bas  vers  le  fud;  la  droite  vers  l'eft,  &  la  gauche 
vers  l'oueft  ;  à  moins  que  la  bouffole  qu'on  met  affez 
fouvent  fur  la  carte,  ne  marque  le  contraire. 

Carte  Marine  ,  eft  la  projection  de  quelques 
parties  de  la  mer  fur  un  plan ,  pour  l'ufage  des  navi- 
gateurs. /^'«{Projection. 

Le  P.  Fournier  rapporte  l'invention  des  cartes  mari- 
nes à  Henri  fils  de  Jean  roi  de  Portugal  ;  elles  diffé- 
rent beaucoup  des  caries  géographiques  terreflres ,  qui 
ne  font  d'aucun  ufage  dans  la  navigation  :  toutes  les 
cartes  marines  ne  font  pas  non  plus  de  la  même  efpe- 
ce  ;  il  y  en  a  qu'on  nomme  cartes  planes  ;  d'autres 
réduites  ;  d'autres  ,  cartes  de  mercator  $  d'autres  ,  cartes 
du  globe ,  &c. 

Les  canes  planes,  font  celles  où  les  méridiens  &  les 
parallèles  font  reprélentés  par  des  droites  parallè- 
les les  unes  aux  autres. 

Ptolomée  les  rejette  dans  fa  Géographie,  à  caufe 
des  erreurs  auxquelles  elles  font  fujettes  ,  quoiqu'el- 
les puilfent  être  utiles  dans  des  .voyages  courts.  Leurs 
défauts  font,  i°.  que  puifque  tous  les  méridiens  fe 
rencontrent  en  effet  dans  les  pôles  ,  il  eft  abfurde  de 
les  reprélenter  ,  fur-tout  dans  de  grandes  cartes  ,  par 
des  droites  parallèles  ;  20.  que  les  cartes  planes  repré- 
lentent  les  degrés  des  différens  parallèles  égaux  k 
ceux  de  l'équateur  ,  &  par  conféquent  les  diftances 
des  lieux  de  l'eft  à  l'oueft ,  plus  grandes  qu'elles  ne 
font  ;  30.  que  dans  une  carte  plane  ,  le  vaiffeau  pa- 
roît, tant  qu'on  garde  le  même  rhumb  de  vent  ,  faire 
voile  dans  un  grand  cercle  du  globe  ,  ce  qui  eft  pour- 
tant très-faux. 

Malgré  ces  défauts  des  cartes  planes  ,  elles  font  ce- 
pendant affez  exaûes  ,  lorfqu'elles  ne  repréfentent 
qu'une  petite  portion  de  la  mer  ou  de  la  terre  ;  Se 
elles  peuvent  être  en  ce  cas  d'un  ufage  fort  limple 
&  fort  commode. 

Conjlruclion  d'une  carte  plane.  i°.  Tirez  une  droite 
comme  AB  {PI.  de  navigation  ,fig.  _o.  )  ,  &  divifez- 
la  en  autant  de  parties  «.gales  ,  qu'il  y  a  de  degrés  de 
latitude  dans  la  portion  de  mer  qu'il  faut  repréfenter} 
20.  joignez-y-en  une  autre  B  C  ii  angles  droits  ,  &  di- 
vifez-la  en  autant  de  parties  égales  les  unes  aux  au- 
tres ,  &  à  la  première ,  qu'il  y  a  de  degrés  de  longi- 
tude dans  la  portion  de  mer  que  vous  voulez  repré- 
fenter; 30.  achevez  le  parallélogramme  A  B  CD  ,  & 
partagez  l'on  aire  en  petits  quarrés,  &  les  droites 
parallèles  à  A  B,  CD,  lerontles  méridiens,  &les  pa- 
rallèles hADlkBC,  les  cercles  parallèles  ;  40.  vous 
y  placerez,  au  moyen  d'une  table  de  longitudes  &  de 
latitudes,  les  cotes  ,  les  iles  ,  les  bayes, les  bancs  de 
fable,  les  rochers,  de  la  manière  qui  a  ete  preferite 
ci-deffus  pour  les  cartes  particuliers. 

Il  s'enfuit  de-là  i°.  que  la  latitude  &  ta  longitude 
du  lieu  où  eft  un  vaiffeau  étant  données  ,  on  pourra 
alternent  repréfenter  fbn  lieu  dans  la  cane  ;  1 
tant  donnés  dans  la  carte ,  les  lieux  /"&  G ,  d'où  le 
vaiffeau  part ,  e<  où  il  va  ;  la  ligne  FG  ,  tirée  de  l'un 
à  l'autre,  fait  avec  le  méridien  A  B  uh angle  A  1 "G 
égal  à  l'inclinaifon  du  rhumb;  &  puifque  les  por- 
tions Fi  ,  iz  ,  lG ,  entre  des  parallèles  équidiftans 
font  égales  ,  «S:  que  l'inclinaifon  de  la  droite  FG  à 
tous  les  méridiens  ou  à  toutes  les  droites  parallèles 
à  A  B  .  et!  la  même  ,  la  droite  F  G  reprefente  dont; 


7îo  CAR 

le  rhumb.  On  peut  prouver  de  la  même  manière  que 
cette  carte  repréfente  véritablement  les  milles  de  lon- 
gitude. 

Il  s'enfuit  de-là  qu'on  peut  le  fervir  utilement  des 
taries  planes  pour  diriger  un  vaiffeau  dans  un  voyage 
qui  ne  foit  pas  de  long  cours ,  ou  même  clans  un  voya- 
oe  aflez  long  ,  pourvu  qu'on  ait  foin  qu'il  ne  ie  ghfTe 
point  d'erreur  dans  la  diftance  des  lieux  F  &c  G  ,  ce 
qu'on  corrigera  de  la  manière  iuivante. 

Conjlruclion  d'une  échelle  pour  corriger  les  erreurs  des 
dijlances  dans  les  cartes  planes.  i°.  Tranf  portez  cinq 
degrés  de  la  carte  à  la  droite  AB,fig.  iO,&c  divifez-les 
en  300  parties  égales  ou  milles  géographiques;  ac.dé- 
crivezfur  cette  droite  un  petit  cercle  ACB,  qu'il  fau- 
dra divifer  en  90  parties  égales  :  fi  l'on  veut  lavoir  en 
conféquence  ,  combien  cinq  degrés  font  de  milles 
dans  le  parallèle  de  cinquante ,  qu'on  prenne  au  com- 
pas l'intervalle  A  C  égal  à  cinquante ,  &  qu'on  le 
transporte  au  diamètre  A  B  ,  fur  lequel  il  marquera 
le  nombre  de  milles  requis. 

Il  s'enfuit  de-là  que  fi  un  vaiffeau  fait  voile  fur  nn, 
rhumb  à  l'eft  ou  à  l'oueft,  hors  de  Féquateur  ,  les 
milles  correfpondans  aux  degrés  de  longitude  ,  le 
•trouveront  comme  dans  l'article  précédent  ;  s'il  fait 
voile  fur  un  rhumb  collatéral ,  alors  on  peut  fuppo- 
fer  toujours  la  courfe  de  l'eft  à  l'oueft  dans  un  pa- 
rallèle moyen  entre  le  parallèle  du  lieu  d'où  le  vaif- 
feau vient,  &c  de  celui  où  il  va. 

Il  eft  vrai  que  cette  réduction  par  une  parallèle 
moyenne  arithmétique  n'eft  pas  exafte  :  cependant 
ons'enfert  fouvent  dans  la  pratique,  parce  que  c'eft 
une  méthode  commode  pour  Pufage  de  la  plupart 
des  marins.  En  effet ,  elle  ne  produira  point  d'erreur 
considérable  ,  fi  toute  la  courfe  eft  divifée  en  parties 
-dont  chacune  ne  paffe  pas  un  degré  ;  ce  qui  fait  qu'il 
eft  convenable  de  ne  pas  prendre  le  diamètre  du 
demi-cercle  ACB  de  plus  d'un  degré ,  &  de  le  divifer 
au  plus  en  milles  géographiques.  Pour  l'application 
-des  cartes  planes  à  la  navigation ,  voye^  NAVIGATION. 
Carte  réduite ,  ou  carte  de  réduction  :  c'eft  celle  dans 
laquelle  les  méridiens  font  repréiéntés  par  des  droi- 
tes convergentes  vers  les  pôles,  &  les  parallèles  par 
des  droites  parallèles  les  unes  aux  autres  ,  mais  iné- 
gales. Il  paroît  donc  parleur  conftruction  qu'elles 
doivent  corriger  les  erreurs  des  cartes  planes. 

Mais  puifque  les  parallèles  y  devroient  couper 
les  méridiens  à  angles  droits ,  il  s'enfuit  auffi  que  ces 
cartes  font  défechieufes  à  cet  égard ,  puifqu'elles  re- 
préfentent  les  parallèles  comme  inclinés  aux  méri- 
diens ;  c'eft  ce  qui  a  fait  imaginer  une  autre  efpece 
de  cartes  réduites ,'  dans  lefquelles  les  méridiens  font 
parallèles  ,  mais  les  degrés  inégaux  ;  on  les  appelle 
cartes  de  Mercator. 

Carte  de  Mercator  :  c'eft  celle  dans  laquelle  les  mé- 
ridiens &  les  parallèles  font  repréiéntés  par  des  droi- 
tes parallèles ,  mais  où  les  degrés  des  méridiens  font 
inégaux ,  &  croifient  toujours  à  mefure  qu'ils  s'ap- 
prochent du  pôle  dans  la  même  raifon  que  ceux  des 
.parallèles  décroiiîent  fur  le  globe  ;  au  moyen  de  quoi, 
ils  confervent  entre  eux  la  même  proportion  que  fur 
le  globe. 

Cette  carte  tire  fon  nom  de  celui  de  l'auteur  qui  l'a 
propofée  le  premier ,  &  qui  a  fait  la  première  carte 
de  cette  conftruction  ,  lavoir  de  N.  Mercator  :  mais  il 
n'eft  ni  le  premier  qui  en  ait  eu  l'idée  (car  Ptolomée 
y  avoit  penfé  quinze  cents  ans  auparavant)  ni  celui 
à  qui  on  en  doit  la  perfection  ;  M.  Whright  étant 
le  premier  qui  l'ait  démontrée  ,  &  qui  ait  enfeigné 
une  manière  ailée  de  la  conftruire  ,  en  étendant 
la  ligne  méridienne  par  l'addition  continuelle  des 
fécantes. 

Conjlruclion  delà  carte  de  Mercator.  i°. Tirez  une 
droite ,  &  divifez-la  en  parties  égales ,  qui  repréfen- 


CAR 

tent  les  degrés  de  longitude,  foit  dans  Péquateur,  foit 
dans  les  parallèles  qui  doivent  terminer  la  carte  ;  éle- 
vez de  ces  différens  points  de  divilion  des  perpendi- 
culaires qui  représentent  les  différens  méridiens  ,  de 
façon  que  des  droites  puiffent  les  couper  toutes  fous 
un  même  angle ,  &  par  conféquent  repréfenter  les 
rhumbs  ;  &  vous  ferez  le  refte  comme  dans  la  carte 
plane,  avec  cette  condition  de  plus  ,  que  pour  que  les 
degrés  des  méridiens  foient  dans  la  proportion  con- 
venable avec  ceux  des  parallèles  ,  il  faut  augmenter 
les  premiers  ;  car  les  derniers  relient  les  mêmes  à 
caule  du  parallélifme  des  méridiens.  Voye{  Degré. 
Décrivez  donc  dans  Féquateur  CD ,  &  de  l'inter- 
valle d'un  degré,  (  PL   Navig.  fig.  11,  )  le  quart 
de  cercle  D  L  E ,  &c  élevez  en  D  la  perpendiculaire 
D  G  ;  faites  l'arc  D  L  égal  à  la  latitude,  &  par  le 
point  L  tirez  CG  ;  cette  droite  C  G  fera  le  degré  du 
méridien  propre  à  être  tranfporté  fur  le  méridien  de 
la  carte  ;  le  refte  le  fera  comme  dans  les  caries  planes. 
Suppofons  qu'on  demande  dans  la  pratique  de  conf- 
truire une  carte  plane  de  Mercator  ,  depuis  le  quaran- 
tième jufqu'au  cinquantième  degré  de  latitude  bo- 
réale ,  &  depuis  le  iixieme  julqu'au  quinzième  de- 
gré de  longitude  ;  tirez  d'abord  une  droite  qui  repré- 
iente le  quarantième  parallèle  de  l'équateur,  &  divi- 
fez-la  en  douze  parties  égales  ,  pour  les  douze  degrés 
de  longitude  que  la  carte  doit  contenir  ;  prenez  enfui- 
te  une  ligne  de  parties  égales ,  fur  l'échelle  de  la- 
quelle ces  parties  foient  égales  à  chacun  des  degrés 
de  longitude  ,  &  à  chacune  de  fes  extrémités  élevez; 
des  perpendiculaires ,  pour  repréfenter  deux  méri- 
diens parallèles ,  qu'il  faut  divifer  au  moyen  de  l'ad- 
dition continuelle  des  fécantes  ,  lefquelles  on  démon- 
tre croître  dans  la  même  proportion  que  les  degrés 
de  longitude  décroiffent.  Foye?^  SÉCANTE. 

Ainli  pour  la  diftance  de  4011  de  latitude  à  4id, 
prenez  1 3  1  \  parties  égales  de  l'échelle  ,  qui  font  la 
fécante  de  40d  30'  ;  pour  la  diftance  de  41 d  à  42  d  , 
prenez  1 3  3  {  parties  égales  de  l'échelle  ,  qui  font  la 
fécante  de  41 d  30' ,  &c  ainfide  fuite  jufqu'au  dernier 
degré  de  votre  carte,  qui  contiendra  1 54  de  ces  par- 
ties égales,  lefquelles  font  la  fécante  de  49e1  30' ,  &C 
doivent  donner  par  conféquent  la  diftance  du  49d  de 
latitude  au  50.  Par  cette  méthode  les  degrés  de  la- 
titude fe  trouveront  évidemment  augmentés  dans  la 
proportion  fuivant  laquelle  les  degrés  de  longitude 
décroiiîent  fur  le  globe. 

Le  méridien  étant  divifé,  il  faudra  y  ajouter  la  bouf- 
fole  ou  le  compas  de  mer  :  choififfant  pour  cda  quel- 
qu'endroit  convenable  dans  le  milieu  ,  on  tirera  par 
cet  endroit  une  parallèle  au  méridien  divifé, laquelle 
fera  le  rhumb  de  nord  ;  &  au  moyen  de  celle-ci  on 
aura  les  3  1  autres  points  de  compas  :  enfin  on  rap- 
portera les  villes,  les  ports  ,  les  cotes  ,  les  îles  ,  &c. 
au  moyen  d'une  table  de  latitude  &  de  longitud 
&  la  carte  fera  finie. 

Dans  la  carte  de  Mercator ,  l'échelle  change  à  pro- 
portion des  latitudes  :  fi  par  conféquent  un  vaifléau 
fait  voile  entre  le  40  &  le  50  de  la  parallèle  de  lati  tu- 
demies  degrés  des  méridiens  entre  ces  deux  parallèles 
devront  fervir  d'échelle  pour  mefurer  le  chemin  du 
vaifîeau  ;  d'où  il  s'enfuit  que  quoique  les  degrés  de 
longitude  foient  égaux  en  longueur  fur  la  carte  ,  ils 
doivent  néanmoins  contenir  un  nombre  inégal  de 
milles  ou  de  lieues ,  &  qu'ils  décroîtront  à  mefure 
qu'ils  approcheront  plus  près  du  pôle  ,  parce  qu'ils 
font  en  raifon  inverfe  d'une  quantité  qui  croît  con- 
tinuellement. 

Cette  carte  eft  très-bonne ,  quoique  fauffe  en  ap- 
parence :  on  trouve  par  expérience  qu'elle  eft  fort 
exatte,  &  qu'il  eft  en  même  tems  fort  ailé  d'en  faire 
ufage.  En  effet  elle  a  toutes  les  qualités  requifes  pour 
l'ufage  de  la  navigation.  La  plupart  des  marins  ,  dit 
Chambers ,  paroiffent  cependant  éloignés  de  s'en 


CAR 

Je  rvir  ,  &  aiment  mieux  s'en  tenir  à  leur  vieille  carte 
plane,  qui  eft,  comme  on  Ta  vu,  très-fautive. 

Pour  l'ufage  de  la  carte  plane  de  Mercator  dans  la  na- 
vigation ,  voye\  Navigation. 

Carte  du  globe.  C'eft  une  projection  qu'on  nomme 
de  la  forte  à  caufe  de  la  conformité  qu'elle  a  avec 
le  globe  même ,  &  qui  a  été  propoiée  dans  ces  der- 
niers tems  par  MM.  Senex,  Wilfon,  &  Harris  :  les 
méridiens  y  font  inclinés  ,  les  parallèles  à  égales  dif- 
tances  les  uns  des  autres  ,  &  courbes  ;  &  les  rhumbs 
réels  font  en  fpirales  ,  comme  fur  la  furface  du  glo- 
be. Cette  projeclion  eft  encore  peu  connue  ;  nous 
n'en  pouvons  dire  cpie  peu  de  chofe  ,  jufqu'à  ce  que 
fa  conftruclion  èc  les  ufages  ayent  une  plus  grande 
publicité  ;  cependant  M.  Chambers  en  cfpere  beau- 
coup ,  puifqu'clle  eft  munie  d'un  privilège  du  roi 
d'Angleterre,  qu'elle  paroît  fous  fa  protection, qu'elle 
eft  approuvée  de  plufieurs  navigateurs  habiles ,  & 
entr'autres  du  doûeur  Halley ,  &  qu'elle  a  fubi  en 
Angleterre  l'épreuve  d'un  examen  très-févere.  M. 
Cambers  ajoute  que  la  projeftion  en  eft  très-con- 
forme à  la  nature ,  &  par  conséquent  fort  aiféé  à  con- 
cevoir ;  &  qu'on  a  trouvé  qu'elle  étoit  exacte ,  mê- 
me à  de  grandes  diffances,  où  fes  défauts ,  fi  elle  en 
eût  eu,  auroient  été  plus  remarquables,  y.  Globe. 
Voye^  aujjl  la  Géographie  de  M.  Wolf. 

Ci ites  compofées  par  rhumbs  &  dijlances.  Ce  font 
celles  où  il  n'y  a  ni  méridiens  ni  parallèles  ,  mais 
qui  ne  montrent  la  fituation  des  lieux  que  par  rhumbs, 
ck  par  l'échelle  des  milles. 

On  s'en  fert  principalement  en  France  ,  &  fur-tout 
dans  la  Méditerranée. 

On  les  trace  fans  beaucoup  d'art,  &  il  feroit  par 
conféquent  inutile  de  vouloir  rendre  un  compte 
exa£t  de  la  manière  de  les  conftruire  ;  on  ne  s'en 
J'ert  que  dans  de  courts  voyages.   (O) 

Carte  ou  Quarte  ,  f.  t.  (Commerce.}  mefure  de 
grains  dont  on  fe  fert  en  quelques  lieux  de  la  Savoie, 
6c  qui  n'eft  pas  partout  d'un  poids  égal. 

La  carte  deConflans  pe!e  3  5  livres  poids  de  marc. 

Celle  de  S.Jean  deMaurienne,  21  livres  auffi 
poids  de  marc. 

La  carte  de  Faverge,  30  poids  de  Genève. 

La  carte  de  Miolans  ,  S.  Pierre  d'Albigny  ,  S.  Phi- 
lippe ,  vingt-cinq  livres  poids  de  Genève. 

Celle  de  Modane  ,  24  livres  auffi  poids  de  Genève. 
Voyet  Livre  ,  Marc  ,  Poids.  Dût.  du  Com.  (G) 

Carte-blanche  ,  fe  dit  dans  V^rt  militaire  pour 
exprimer  qu'un  général  peut  faire  ce  que  bon  lui 
femblc  fans  en  avertir  la  cour  auparavant.  Ainli  dire 
qu'un  général  a  carte-blanche  ,  c'eft  dire  qu'il  peut 
attaquer  l'ennemi  lorfqu'il  en  trouve  l'occalion  ,  fans 
avoir  befoin  d'ordres  particuliers.   (Q) 

Carte  ou  Carde  ,  infiniment  dont  fe  fervent  les 
Perruquiers  pour  travailler  les  cheveux  deftinés  à  fai- 
re des  perruques.  C'eft  une  efpece  dépeigne  compo- 
fi  de  dix  rangées  de  pointes  de  fer  de  pies  d'un  pou- 
ce &  demi  de  hauteur ,  épaiffes  de  deux  lignes ,  & 
éloignées  les  unes  des  autres  par  la  pointe  ,  d'environ 
trois  lignes.  Ces  pointes  font  enfoncées  dans  une 
planche  de  bois  de  chêne  ,  afiujettic  fur  une  table 
par  des  clous  ,  &  rangées  en  lofanges. 

Il  y  a  des  cartes  ou  cardes  de  plufieurs  groffeurs,  fur 
lcfqucllcs  on  paffe  les  paquets  de  cheveux  pour  les 
1  -t  ,  en  commençant  par  les  plus  groflès  ,  & 

fûcceflivement  jufqu'aux  plus  fines. 

*  Cartes  ,  f.  f.  (  Jeux.  )  petits  feuillets  de  carton 
oblongs  ,  ordinairement  blancs  d'un  côté  ,  peints  de 
l'autre  de  figures  humaines  ou  autres ,  cv  dont  on 
fe  fert  a  plufieurs  jeux  ,  qu'on  appelle  par  cette  rai- 
ion  jeux  de  cartes.  Voye{ LANSQUENET ,  BittLAND, 
Pharaon,  Ombre, Piquet, Bassettf,  &c.  En- 
tre ces  jeux  il  y  en  a  qui  font  purement  de  hafard ,  & 
d'autres  qui  ibnt  de  hafard  &  de  çombinaùon.  On 


CAR 


711 


peut  compter  le  Ianfquenet ,  le  breland,  le  pharaon* 
au  nombre  des  premiers  ;  l'ombre  ,  le  piquet,  le  mé- 
diateur, au  nombre  des  féconds.  Il  y  en  a  où  l'éga- 
lité eft  très-exactement  confervée  entre  les  joueurs, 
par  une  jufte  compenfation  des  avantages  &c  des  de- 
lavantages  ;  il  y  en  a  d'autres  où  il  y  a  évidemment 
de  l'avantage  pour  quelques  joueurs ,  &  du  désavan- 
tage pour  d'autres  :  il  n'y  en  a  preiqu'aucun  dont  l'in- 
vention ne  montre  quelqu'efprit  ;  &  il  y  en  a  plu- 
fieurs qu'on  ne  joue  point  fupérieurement ,  fans  en 
avoir  beaucoup,  du  moins  de  l'efprit  du  jeu.  V.  Jeu. 

Le  père  Méncftrier ,  Jéfuite  ,  dans  fa  bibliothèque 
curteufe  &  injlrutlive  ,  nous  donne  une  petite  hiftoire 
de  l'origine  du  jeu  de  cartes.  Après  avoir  remarqué 
que  les  jeux  font  utiles  ,  foit  pour  délafier ,  ioit  mê- 
me pour  inftruire  ;  que  la  création  du  monde  a  été  pour 
L'Etre  jupreme  une  ejpece  de  jeu  ;  que  ceux  qui  mon- 
taient chez  les  Romains  les  premiers  élémens  s'ap- 
pclloient  ludi  magijlri;  que  Jefus-Chrift  même  n'a  pas 
dédaigné  de  parler  des  jeux  des  enfans:  il  diftribue 
les  jeux  en  jeux  de  hafard  ,  comme  les  dés ,  voye{ 
Des  ;  en  jeux  d'efprit,  commes  les  échecs,  voye^ 
Echecs  ;  &  en  jeux  de  hafard  &  d'efprit,  comme 
les  cartes.  Mais  il  y  a  des  jeux  de  cartes,  ainfi  que  nous 
l'avons  remarqué  ,  qui  font  de  pur  hafard. 

Selon  le  même  auteur  ,  il  ne  paroît  aucun  veftige 
de  cardia  jouer  avant  l'année  1391,  queCharles  VI. 
tomba  éh  phrénefie.  Le  jeu  de  cartes  a  dû  être  peu 
commun  avant  l'invention  de  la  gravure  en  bois,  à 
caufe  de  la  dépenle  que  la  peinture  des  cartes  eut  oc- 
cafionnée.  Le  P.Méneftrier  ajoute  que  les  Allemands, 
qui  eurent  les  premiers  des  gravures  en  bois,  gravè- 
rent auffi  les  premiers  des  moules  de  canes,  qu'ils  char- 
gèrent de  figures  extravagantes  :  d'autres  prétendent 
encore  que  l'impreflion  des  cartes  eft  un  des  premiers 
pas  qu'on  ait  fait  vers  l'impreiiion  en  caractères  gra- 
ves fur  des  planches  de  bois  ,  &  citent  à  ce  lu  jet 
les  premiers  effais  d'Imprimerie  faits  à  Harlem  ,  6c 
ceux  qu'on  voit  dans  la  bibliothèque  Bodleyane.  Ils 
penient  que  l'on  fe  feroit  plutôt  apperçû  de  cette  an- 
cienne origine  de  l'Imprimerie  ,  li  Ton  eût  confidéré 
que  les  grandes  lettres  de  nos  rrtanuferits  de  900  ans 
paroiffent  avoir  été  faites  par  des  Enlumineurs. 

On  a  voulu  par  lejeude cartes ,àït\eP.  Méneftrier, 
donner  une  image  de  la  vie  pailible,  ainfi  que  par  le 
jeu  des  échecs ,  beaucoup  plus  ancien  ,  on  en  a  vou- 
lu donner  une  de  la  guerre.  On  trouve  dans  le  jeu  de 
cartes  les  quatre  états  de  la  vie  ;  le  cœur  reprelente 
les  gens  d'églife  ou  de  chœur,  efpece  de  rébus  ;  le 
pique,  les  gens  de  guerre;  le  trejle ,  les  laboureurs; 
&  les  carreaux  ,  les  bourgeois  dont  les  maifons  font 
ordinairement  carrelées.  Voilà  une  origine  &  des  al- 
lufions  bien  ridicules.  On  lit  dans  le  père  Méneflrier 
que  les  Efpagnols  ont  reprelente  les  mêmes  choies 
par  d'autres  noms.  Les  quatre  rois ,  David,  Alexan- 
dre, Céfar,  Charlemagne,  font  des  emblèmes  des 
quatre  grandes  monarchies ,  Juive  ,  Greque,  Romai- 
ne, &  Allemande.  Les  quatre  dames,  Rachel  Judith, 
Pallas,  &  Argine  ,  anagrame  de  regina  ,  (  car  il  n'y 
a  jamais  eu  de  reine  appellée  Argme}  expriment  les 
quatre  manières  de  régner,  par  la  beauté,  par  la  pié- 
té ,  par  la  fageiTe,  &  par  le  droit  de  la  naiffance.  En- 
fin les  valets  repréfentoient  les  fervans  d'an 
nom  de  valet  qui  s'eft  avili  depuis  ,  ne  fe  donnoit 
alors  qu'à  des  vafTaux  de  grands  feigneurs,  ou  à  de 
jeunes  gentilshommes  qui  n'étoient  pas  encore  che- 
valiers. Les  Italiens  on  reçu  le  jeu  de  cartes  les  der- 
niers. Ce  qui  pourroit  faire  foupçonner  que  ce  jeu  a 
pris  naiffance  en  France,  ce  font  les  fleurs-de-lis  qu'on 
a  toujours  remarquées  furies  habits  de  toutes  le 
res  en  cartes.  Lahire,  nom  qu'on  voit  au  bas  du 
de  eceur,  pourroit  avoir  ete  l'inventeur  des  1 
&  s'être  fait  compagnon  d'Hector  &  d'Ogier  le  Da- 
nois ,  qui  font  les  valets  de  carreau  &  de  pique  ,  com- 


712 


CAR 


me  il  femble  que  le  Cartier  le  foit  réfervé  le  valet  de 
trèfle  pour  lui  donner  l'on  nom.  Voyt{  V  article  Jeu. 
Bibl.  cur.  &  infime},  p.  1 68. 

Apres  cette  hilloire  bonne  oumauvaife  de  l'origi- 
ne des  cartes,  nous  en  allons  expliquer  la  fabrication. 
Entre  les  petits  ouvrages  ,  il  y  en  a  peu  où  la  main 
d'œuvre  ioit  ii  longue  6cû multipliée  :  le  papier  paiTe 
plus  de  cent  fois  entre  les  mains  du  Cartier  avant  que 
d'être  mis  en  canes ,  comme  on  le  va  voir  par  ce 
qui  iuit. 

Il  faut  d'abord  fe  pourvoir  de  la  forte  de  papier 
qu'on  appelle  de  La  main  brune ,  veyes^  PAPIER  ;  on  dé- 
plie ion  papier  &  on  le  rompt  :  rompre,  c'eft  tenir  le 
papier  ouvert  de  la  main  gauche  par  le  bas  du  pli, 
de  la  droite  par  le  haut  du  pli ,  de  manière  que  les 
deux  pouces  foient  dans  le  pli ,  &  faire  gliffer  les  au- 
tres doigts  de  la  main  droite  tout  le  long  du  dos  du  pli, 
en  commençant  par  le  bas  ;  ce  qui  ne  peut  fe  faire 
fans  appliquer  le  haut  du  dos  du  pli  contre  le  bas  du 
dos  du  pli ,  &  paroitre  rompre  les  feuilles  Le  but  de 
cette  opération  ,  qu'on  réitère  autant  de  fois  qu'il  eft 
nécefîaire  fur  le  même  papier ,  c'eft  d'en  effacer  le 
pli  du  mieux  qu'on  peut. 

Après  qu'on  a  rompu  le  papier,  on  en  prend  deux 
feuilles  qu'on  met  dos  à  dos  :  fur  ces  deux  feuilles  on 
en  place  deux  autres  miles  auffi  dos  à  dos  :  mais  il 
faut  que  ces  deux  dernières  débordent  les  deux  pre- 
mières ,  foit  par  en-haut,  foit  par  en-bas,  d'environ 
quatre  doigts.  On  continue  de  faire  un  tas  le  plus 
grand  qu'on  peut  de  feuilles  prifes  deux  à  deux ,  dans 
lequel  les  deux  1,3,5,7,9,  &c.  fe  correfpondent 
exact ement,  &  font  débordées  d'environ  quatre  doigts 
par  les  deux  2,  4,  6,  8,  10,  &c  qui  par  conféquentle 
correfpondent  auffi  exactement. Cette  opération  s'ap- 
pelle mêler.  Dans  les  grolTes  manufactures  de  cartes  il 
y  a  des  perfonnes  qui  ne  font  que  mêler. On  donne  lix 
liards  pour  mêler  deux  tas;  la  rame  fait  un  tas. 

Après  qu'on  a  mêlé ,  ou  plutôt  tandis  qu'on  mêle 
d'un  côté ,  de  l'autre  on  fait  la  colle.  La  colle  fe  fait 
avec  moitié  farine ,  moitié  amydon  :  on  met  fur  vingt 
féaux  d'eau  deux  boifîèaux  de  farine ,  &  trente  livres 
d'amydon.  On  délaye  la  farine  &  l'amydon  avec  de 
l'eau  tiède  :  cependant  il  y  en  a  qui  chauffe  fur  le 
feu  :  quand  elle  eft  prête  à  bouillir,  on  jette  dedans 
le  mélange  de  farine  &  d'amydon  ,  en  le  paffant  par 
un  tamis  de  crin  médiocrement  ferré.  Tandis  que  la 
colle  fe  cuit,  on  la  remue  bien  avec  un  balai,  afin 
qu'elle  ne  fe  brûle  pas  au  fond  de  la  chaudière  :  on 
la  laiffe  bouillir  environ  une  bonne  heure  ;  on  la  re- 
tire enfuite  ,  &  elle  eft  faite.  Il  faut  avoir  foin  de  la 
remuer,  jufqu'à  ce  qu'elle  foit  froide,  de  peur,  dilènt 
les  ouvriers,  qu'elle  ne  s'étouffe,  ou  devienne  en 
eau.  On  ne  s'en  fert  que  le  lendemain. 

Quand  la  colle  eft  froide  ,  le  colleur  la  pafTe  par 
un  tamis ,  d'où  elle  tombe  dans  un  baquet,  &  fe  dif- 
pofe  à  coller.  Pour  cet  effet  il  prend  la  broffe  à  coller. 
Cette  broffe  eft  oblongue  ;  elle  a  environ  cinq  pou- 
ces de  large ,  &  fa  longueur  eft  de  la  largeur  du  pa- 
pier :  elle  eft  de  foie  de  fanglier  ,  &  garnie  en-delfus 
d'une  manique  ou  courroie  de  lifiere.  On  la  voitP/. 
du  Cartier  ,jig.  g.  le  colleur  la  trempe  dans  la  colle , 
ck  la  pafle  lur  le  papier  de  la  manière  qui  fuit  :  il  l'ap- 
plique au  centre  de  la  feuille  ,  d'où  il  va  à  l'angle  du 
haut  qui  eft  à  droite ,  &  de-là  à  l'angle  du  bas  qui  lui 
eft  oppofé  à  gauche  :  il  remet  fa  broffe  au  centre , 
d'où  il  l'avance  à  l'angle  du  haut  qui  eft  à  gauche,  la 
ramenant  de-là  à  l'angle  oppofé  du  bas  qui  eft  à  droi- 
te :  il  lui  eft  enjoint  de  réitérer  huit  fois  cette  opéra- 
tion fur  la  même  feuille. 

Cela  fait  il  enlevé  cette  feuille  enduite  de  colle  , 
&  avec  elle  la  feuille  qui  lui  eft  adoffée.  Il  fait  la  mê- 
me opération  fur  la  première  des  deux  feuilles  fui- 
vantes,les  enlevé  toutes  deux,  &  les  place  fur  les 
deux  précédentes .  Il  continue  ainii.,  collant  une  feuille 


CAR 

Se  en  enlevant  deux ,  &  reformant  un  autre  tas ,  où 
il  eft  évident  qu'une  feuille  collée  fe  trouve  toujours 
appliquée  contre  une  feuille  qui  nel'eftpas.  Dans  ce 
nouveau  tas  les  feuilles  ne  le  débordent  point  ;  on 
les  applique  les  unes  furies  autres  le  plus  exact  ement 
qu'on  peut. 

Quand  on  a  formé  ce  tas  d'environ  une  rame  & 
demie  ,  on  le  met  en  prelîe.  La  prefle  des  Cartiers 
n'a  rien  de  particulier  ;  c'eft  la  même  que  celle  des 
Bonnetiers  &  des  Calendreurs.  On  prefie  le  tas  légè- 
rement d'abord  ;  au  bout  d'un  quart-d'heure  ,  on  re- 
vient à  la  prelTe,  &  on  le  ferre  davantage.  Si  l'on  don- 
noit  le  premier  coup  de  preffe  violent,  le  papier  qui 
eft  moite  de  colle  ,  foible  &  non  pris ,  pourroit  s'ou- 
vrir. On  laiffe  ce  tas  en  preffe  environ  une  bonne 
heure  ;  c'eft  à  peu  près  le  tems  que  le  colleur  em- 
ployé à  former  un  nouveau  tas  pareil  au  premier  : 
quand  il  eft  formé  ,  il  retire  de  prefle  le  premier  tas  , 
&  y  fubftitue  le  fécond.  Un  bon  ouvrier  peut  faire 
quinze  à  feize  tas  par  jour.  Il  a  fix  blancs  par  tas. 

Quand  le  premier  tas  eft  forti  de  preffe  ,  on  le  tor- 
che ;  torcher ,  c'eft  enlever  la  colle  que  l'adion  de 
la  preffe  a  fait  fortir  d'entre  les  feuilles  :  cela-  fe  fait 
avec  un  mauvais  pinceau  qu'on  trempe  dans  de  l'eau 
froide ,  afin  que  ce  fuperflu  de  colle  fe  iépare  plus 
facilement.  Cette  colle  enlevée  des  côtés  du  tas  ne 
fert  plus. 

Ces  feuilles  qui  fortent  de  deffous  la  preffe ,  col- 
lées deux  à  deux,  s'appellent  étreffes  ;  quand  les  étref- 
fes  font  torchées ,  on  les  pique.  Pour  cet  effet  on  a 
une  perce  ou  un  poinçon  qu'on  enfonce  au  bord  du 
tas  ,  environ  à  la  profondeur  d'un  demi-doigt  :  on  en- 
levé du  tas  un  petit  paquet  d'environ  cinq  étreffes 
percées ,  &  on  paffe  une  épingle  dans  le  trou.  L'épin- 
gle des  Cartiers  eft  un  fil  de  laiton  de  la  longueur  & 
groffeur  des  épingles  ordinaires ,  dont  la  tête  eft  ar- 
rêtée dans  un  parchemin  plié  en  quatre ,  dans  un  bout 
de  carte,  ou  même  dans  un  mauvais  morceau  de  peau, 
&  qui  eft  plié  environ  vers  la  moitié ,  de  manière  qu'il 
piiiffe  faire  la  fonction  de  crochet.  Le piqueur  perce 
toutes  les  étreffes  ,  &  garnit  autant  de  paquets  d'en- 
viron cinq  à  lix  qu'il  peut  faire  ,  chacun  de  leur  épin- 
gle. Le  colleur  s'appelle  lefervant  du  piqueur;  celui-ci 
gagne  environ  trente  fous  par  jour. 

Quand  tous  les  paquets  d'étreffes  font  garnis  d'épin» 
gles,  on  les  porte  lécher  aux  cordes.  L'opération  de 
fufpendre  les  étreffes  aux  cordes  par  les  épingles  en 
crochet,  s'appelle  étendre.  Les  feuilles  ou  étreffes  de- 
meurent plus  ou  moins  étendues ,  félon  la  tempéra- 
ture de  l'air.  Dans  les  beaux  jours  d'été  ,  on  étend 
un  jour  ,  &  l'on  abat  le  lendemain.  Abattre,  c'eft  la 
même  chofe  que  détendre.  On  voit  que  l'été  eft  la  faifon 
favorable  pour  cette  partie  du  travail  des  cartes  ;  en 
hyver  ,  il  faudroit  un  poêle  ,  encore  n'éviteroit-on 
pas  l'inconvénient  du  feu  3  qui  mange  la  colle  &  fait 
griper  le  papier.  Ceux  qui  entendent  leur  intérêt  fe 
préparent  en  été  de  l'ouvrage  pour  l'hyver. 

En  abattant,  on  ôte  les  épingles  ,  &  l'on  reforme 
des  tas  ;  quand  ces  nouveaux  tas  font  formés,  onfé- 
pare  :  féparer ,  c'eft  détacher  les  étreffes  les  unes  des 
autres ,  &  les  diftribuer  féparément  ;  cette  opération 
fe  fait  avec  un  petit  couteau  de  bois  appelle  coupoir. 

Quand  on  a  feparé,  on  ponce  ;  poncer ,  c'eft  ,  ainfî 
que  le  mot  le  défigne,  frotter  l'étreffe  des  deux  cô- 
tés avec  une  pierre  ponce  :  il  eft  enjoint  de  donner 
dix  à  douze  coups  de  pierre  ponce  de  chaque  côté 
de  l'étreffe.  Cet  ouvrage  fe  paye  à  la  groffe.  On  don- 
ne cinq  fous  par  groffe  ;  un  ouvrier  en  peut  faire  fept 
à  huit  par  jour. 

Cela  fait ,  on  trie;  trier,  c'eft  regarder  chaque  étreffe 
au  jour ,  &  en  enlever  toutes  les  inégalités ,  foit  du 
papier,  foit  de  la  colle  ;  ce  qui  s'appelle  le  bro.  Le  tria- 
ge le  fait  avec  une  efpece  de  canif  à  main  ,  ou  grat- 
toir ,  que  les  ouvriers  nomment  pointe, 

L'étreffe 


CAR 

L'étreffe  triée  formera  l'ame  de  la  carte.  Le  papier 
dont  on  fait  les  étreffes  vaut  cinquante  à  cinquante- 
deux  fous  la  rame.  Quand  l'étreffe  eft  préparée  ,  on 
prend  deux  autres  fortes  de  papiers  :  l'une  appcllée  le 
carder,  qui  ne  fort  qu'à  l'ufage  dont  il  s'agit  ;  il  eft  fans 
marque  ;  il  pefe  vingt-deux  liv.  le  paquet  ou  les  deux 
rames,  &  vaut  environ  quinze  francs  la  rame:  l'autre, 
appellée  \cpau ,  qui  vaut  à  peu-près  trois  livres  dou- 
ze fols  la  rame.  Le  papier  d'étreffe,  le  cartier,  &  le 
pau ,  font  à  peu-près  de  la  même  grandeur,  excepté 
le  cartier  ;  mais  c'eft  un  défaut  :  s'ils  étoient  bien 
égaux ,  il  y  auroit  moins  de  déchet. 

Ces  papiers  étant  préparés ,  on  mêle  en  blanc.  Pour 
cette  opération  ,  on  a  un  tas  de  cartier  à  droite  ,  & 
un  tas  de  pau  à  gauche.  On  prend  d'abord  une  feuille 
de  pau  ,  on  place  deffus  deux  feuilles  de  cartier  ;  puis 
fur  celles-ci  deux  feuilles  de  pau  ;  puis  fur  ces  der- 
nières deux  feuilles  de  cartier,  6c  ainli  de  fuite  juf- 
au'à  la  fin ,  qu'on  termine  ainfi  qu'on  a  commencé  , 
par  une  feule  feuille  de  pau.  Il  faut  obferver  que  le 
nouveau  tas  eft  formé  de  manière  que  les  feuilles  fe 
débordent  de  deux  en  deux,  comme  quand  on  a  mêlé 
la  première  fois  pour  faire  les  étreffes  ;  ce  nouveau 
tas  contient  environ  dix  mains  de  papier. 

Quand  on  a  mêlé  en  blanc  ,  on  mile  en  étreffe  ;  mê- 
ler en  étrejje,  c'eft  entrelarder  l'étreffe  dans  le  blanc  : 
ce  qui  s'exécute  ainfi.  On  enlevé  la  première  feuille 
de  pau ,  on  met  deffus  une  étreïfe  ;  fur  cette  étreffe 
deux  feuilles  de  cartier  ;  fur  les  deux  feuilles  de  car- 
tier ,  une  étreffe  ;  fur  cette  étreffe ,  deux  feuilles  de 
pau  ,  &  ainli  de  luite  :  d'où  l'on  voit  évidemment 
que  chaque  étreffe  fe  trouve  entre  une  feuille  de  car- 
tier &c  une  feuille  de  pau.  Les  feuilles  de  cartier,  de 
pau ,  8c  les  étreffes  ,  doivent  fe  déborder  dans  le  nou- 
veau tas. 

Après  cette  manœuvre ,  on  colle  en  ouvrage.  Cette 
opération  n'a  rien  de  particulier  ;  elle  fe  fait  comme 
le  premier  collage;  &  confifte  à  enfermer  une  étreffe 
entre  une  feuille  de  pau  &  une  feuille  de  cartier. 
Après  avoir  collé  en  ouvrage ,  on  met  en  preffe,  on 
pique  ,  on  étend  ,  &  on  abat ,  comme  on  a  fait  aux 
étreffes ,  avec  cette  différence  qu'on  n'étend  que  deux 
des  nouveaux  feuillets  à  la  fois  ;  ces  deux  feuillets 
s'appellent  un  double  :  avec  un  peu  d'attention  on 
s'appercevra  que  les  deux  blancs  ou  feuilles  de  car- 
tier font  appliquées  l'une  contre  l'autre  dans  le  dou- 
ble ,  Se  que  les  deux  feuilles  de  pau  font  en  dehors  ; 
par  ce  moyen  la  defficcation  fe  fait  fans  que  le  papier 
perde  de  la  blancheur.  Le  cartier  fait  le  dos  de  la 
carte ,  &c  le  pau  le  dedans  ;  le  Cartier  qui  entend  fes 
intérêts  ,  conduira  jufqu'ici  pendant  l'été  fa  matière 
à  mettre  en  cartes. 

Loi  (que  les  doubles  font  préparés ,  on  a  propre- 
ment le  carton  dont  la  carte  fe  fait  ;  il  ne  s'agit  plus 
que  de  couvrir  les  fui  faces  de  ces  doubles ,  ou  de  têtes 
ou  de  points.  Les  têtes ,  ce  font  celles  d'entre  les  car- 
tes qui  portent  des  figures  humaines  ;  toutes  les  au- 
tres s'appellent  des  points. 

.  Pour  cet  effet,  on  a  un  moule  de  bois,  tel  qu'on 
le  voit ,  PI.  du  L'art,  jîg.  3.  il  porte  vingt  figures  à  tête; 
ces  figures  font  gravées  profondément  ;  voye^  1' 'arti- 
cle de  la  Gravure  en  Bois.  Ce  moule  eft  fixé  fur 
une  table  ;  il  eft  compolé  de  quatre  bandes ,  qui  por- 
tent cinq  figures  chacune  ;  chaque  bande  s'appelle 
un  coupeau. 

On  prend  du  papier  de  pau  ,  on  le  déplie ,  on  le 
rompt  ,  on  le  moitit  ;  moitir ,  c'ell  tremper.  Voyt\ 
Imprimerie.  On  le  met  entre  deuxais:  on  le  preffe 
pour  l'unir  ;  au  fortir  de  la  preffe  ,  on  moule. 

Pour  mouler ,  on  a  devant  foi  ou  à  côté  un  tas  de 
ce  pau  trempé  ;  on  a  aulfi  du  noir  d'Ëfpagne  qu'on  a 
fait  pourrir  dans  de  la  colle.  Plus  il  eft  relié  long- 
tems  dans  la  colle  ,  plus  il  eft  pourri  ,  meilleur  il  eft. 
Il  y  en  a  dont  le  pie  a  deux  à  trois  ans,  On  a  une 
Tome  l /, 


CAR 


7r3 


broffe  ;  on  prend  de  ce  noir  fluide  avec  la  broffe  ;  on 
la  pafle  fur  le  moule  :  comme  ce  font  les  parties  fail-» 
lantes  du  moule  qui  forment  la  figure ,  &  que  ces  par- 
ties font  fort  détachées  du  fond  ,  il  n'y  a  que  leurs 
traces  qui  fafTent  leurs  empreintes  fur  le  papier ,  qu'on 
étend  fur  le  moule  6c  qu'on  preffe  avec  un  froton  ;  le 
froton  cil:  un  infiniment  compofé  de  plutieurs  lifieres 
d'étoffes  roulées  les  unes  fur  les  autres  :  de  manière 
que  la  bafe  en  eft  plate  &  unie  ,  &  que  le  refte  a  la 
forme  d'un  fphéroide  allongé.  Voye^Pl.  duCart.  fia. 
13.  On  continue  de  mouler  autant  qu'on  veut.  Les 
moules  font  aujourd'hui  au  bureau  ;  on  y  va  mouler 
en  payant  les  droits  :  ils  font  d'un  denier  par  cartes. 
Ainfi  un  jeu  de  piquet  paye  à  la  ferme  32  deniers. 
Après  cette  opération,  on  commence  à  peindre  les 
têtes,  car  le  moule  n'en  a  donné  que  le  trait  noir,  tel 
qu'on  le  voit  jîg.  3.  On  applique  d'abord  le  jaune ,  en- 
luitelegris,puisle  rouge,  le  bleu  &  le  noir.  On  fait 
tous  les  tas  en  jaune  de  luite ,  tous  les  tas  en  gris ,  &c. 

Le  jaune  n'eft  autre  chofe  que  de  la  graine  d'Avi- 
gnon qu'on  fait  bouillir  ,  &  à  laquelle  on  mêle  un 
peu  d'alun  pour  la  purifier;  le  gris  ,  qu'un  petit  bleu 
d'indigo  qu'on  a  dans  un  pot  ;  le  rouge  ,  qu'un  ver- 
millon broyé  6c  délayé  avec  un  peu  d'eau  &  de  colle 
ou  gomme  ;  le  bleu ,  qu'un  indigo  plus  fort ,  délayé 
aufii  avec  de  la  gomme  ôc  de  l'eau  ;  le  noir ,  que  du 
noir  de  fumée. 

On  fe  fert  pour  appliquer  ces  couleurs,de  différens 
patrons  ;  le  patron  eft  fait  d'un  morceau  d' imprimure. 
Les  ouvriers  entendent  par  une  imprimure  ,  une  feuil- 
le de  papier  qu'on  prépare  de  la  manière  fui  vante  :  lai- 
tes calciner  des  écailles  d'huîtres  ou  des  coques  d'eeufs; 
broyez-les  ôc  les  réduiiez  en  poudre  menue.  Mêlez 
cette  poudre  avec  de  l'huile  de  lin ,  &  de  la  gomme 
arabique ,  vous  aurez  une  compolition  pàteine  &  li- 
quide, dont  vous  enduirez  le  papier.  Vous  donnerez 
fix  couches  à  chaque  côté  ;  ce  qui  rendra  la  feuille 
épaiffe ,  à  peu-près  comme  une  pièce  de  24  fous. 

C'eft  au  Cartier  à  découper  1  imprimure  ;  ce  qu'il 
exécute  pour  les  têtes  avec  une  efpece  de  canif:  pour 
cet  effet ,  il  prend  une  mauvaife  feuille  de  carte  toute 
peinte ,  il  applique  cette  feuille  fur  rimprimure  Ôcl'y 
fixe  ;  il  enlevé  avec  fa  pointe  ou  Ion  canif  tou- 
tes les  parties  peintes  de  la  même  couleur  ,  oc  de  la 
feuille  &  de  rimprimure  :  puis  il  ôte  cette  imprimure 
ôc  en  fubftitue  une  autre  fous  la  même  feuille  ,  & 
enlevé  au  canif  tant  de  la  feuille  que  de  l'imprimu- 
re ,  une  autre  couleur  ,  ôc  ainfi  de  fuite  autant  qu'il 
y  a  de  couleurs.  La  feuille  peinte  qui  fert  à  cette 
opération,  sappcllefaute.  Poye^fig.  6".  un  patron  dé- 
coupé ,  c'eit-à-dire ,  dont  on  a  enlevé  toutes  les  par- 
ties qui  doivent  être  peintes  d'une  même  couleur  en 
jaune  ,  fi  c'eft  un  patron  jaune.  Comme  il  y  a  cinq 
couleurs  à  chaque  carte ,  il  y  a  auffi  cinq  patrons.  On 
applique  les  patrons  iucceflivement  fur  la  même  tête, 
61  on  paffe  deilus  avec  un  pinceau  la  couleur  qui  con- 
vient ;  il  eft  évident  que  cette  couleur  ne  prend  que 
fur  les  parties  de  la  carte,  que  les  découpures  du  pa- 
tron laiffent  découvertes.  Dans  \ajig.  6.  d^un patron 
jaune  ,  les  parties  couvertes  font  reprélentées  par  le 
noir  ;  &  les  parties  découpées ,  par  les  taches  irrégu- 
lieres  blanches. 

Voilà  pour  la  peinture  des  têtes.  Quant  à  celle  des 
points  ,  les  patrons  ne  font  pas  découpes  au  canif  , 
mais  à  l'emporte-piece.  On  a  quatre  emporte-pièces 
différens,  pique  ,  trèfle  ,  cœur,  ôc  carreau,  dont 
on  frappe  les  imprimurcs.  Les  bords  de  ces  empor- 
te-pièces font  tranchans  &  coupent  la  partie  de  l'un* 
pnmure  fur  laquelle  ils  font  appliqués  ;  ces  imprimu- 
res  ainli  préparées  fervent  à  faire  les  points  ,  comme 
celles  des  têtes  ont  fervi  à  peindre  les  figures  :  il  faut 
feulement  obferver  pour  les  têtes  ,  que  la  planche  en 
étant  divifée  en  quatre  coupeaux ,  on  pâlie  le  pinceau 
à  quatre  repaies. 

XX  x  x 


7M 


CAR 


Quand  tous  les  papiers  ou  feuilles  de  pau  font 
peintes  ,  comme  nous  venons  de  dire ,  il  s'agit  de  les 
appliquer  fur  les  doubles  ;  pour  cet  effet,  on  les  mêle 
en  tas  :  une  feuille  peinte ,  un  double  ;  une  feuille 
peinte ,  un  double  ,  &  ainiï  de  fuite  :  de  manière  que 
le  double  foit  toujours  enfermé  entre  deux  feuilles 
peintes.  On  colle ,  on  preffe  ,  on  pique  ,  on  étend , 
comme  ci-deffus.  On  abat ,  &  l'on  féparé  les  dou- 
bles ,  ainfi  comme  nous  avons  dit  qu'on  féparoit  les 
étreffes.  Ce  nouveau  travail  n'a  rien  de  particulier  ; 
il  fait  feulement  parler  l'ouvrage  un  plus  grand  nom- 
bre de  fois  entre  les  mains  de  l'ouvrier. 

Quand  on  a  féparé ,  on  prépare  le  chauffoir  ;  le 
chauffoir  eft  tel  qu'on  le  voit  ,fig.  y.  c'eft  une  caiffe 
de  fer  quarrée  ,  à  pié ,  dont  les  bords  fupportent  des 
bandes  de  fer  quarrées  ,  paffées  les  unes  fur  les  au- 
tres ,  &  recourbées  par  les  extrémités.  Il  y  en  a  deux 
fur  la  longueur  ,  &  deux  fur  la  largeur  ;  ce  qui  for- 
me deux  crochets  fur  chaque  bord  du  chauffoir. 

On  allume  du  feu  dans  le  chauffoir  ;  on  paffe  dans  les 
crochets  ou  agraffes  qu'on  remarque  autour  du  chauf- 
foir ,  une  caiffe  quarrée  de  bois  qui  fert  à  concentrer 
la  chaleur;  on  place  enfuite  quatre  feuilles  en  dedans 
de  cette  caiffe  quarrée ,  une  contre  chaque  côté ,  puis 
on  en  pofe  une  deffus  les  barres  qui  fe  croifent  ;  on 
ne  les  laiffe  toutes  dans  cet  état,  que  le  tems  de  faire 
le  tour  du  chauffoir.  On  les  enlevé  en  tournant  ,  on 
y  en  fubftitue  d'autres ,  &  l'on  continue  cette  ma- 
nœuvre jufqu'à  ce  qu'on  ait  épuifé  l'ouvrage  ;  cela 
s'appelle  chauffer. 

Au  fortir  du  chauffoir ,  le  liffeur  prend  fon  ouvra- 
ge &  le  favonne  par-devant ,  c'eft-à-dire  du  côté  des 
figures.  Savonner ,  c'eft  avec  un  affemblage  de  mor- 
ceaux de  chapeau  confus  les  uns  fur  les  autres  à  l'é- 
paiffeur  de  deux  pouces ,  &  de  la  largeur  de  la  feuil- 
le (affemblage  qu'on  appelIeyivo/z«t:#r)  emporter  du 
favon ,  en  le  paffant  fur  un  pain  de  cette  marchan- 
dée ,  &  le  tranfporter  fur  la  feuille  en  la  frottant  feu- 
lement une  fois.  On  favonne  la  carte  pour  faire  cou- 
ler deffus  la  pierre  de  la  liffoire. 

Quand  la  carte  eft  favonnée ,  on  la  liffe.  La  liffoire 
eft  un  inftrument  compofé  d'une  perche  ,  dont  on 
voit  une  extrémité  Planche  du  Cart.  fig.  8.  l'autre 
bout  aboutit  à  l'extrémité  d'une  planche  ,  qu'on 
voit  dans  la  vignette  de  la  même  Planche  ,  fixée  aux 
folives.  Cette  planche  fait  reffort.  La  figure  M  eft  la 
boîte  de  la  liffoire  ;  la  figure  n  en  eft  la  pierre.  Cette 
pierre,  qui  n'eft  autre  choie  qu'un  caillou  noir  bien 
poli ,  fe  place  dans  l'ouverture  qu'on  voit  à  la  partie 
lupérieure  de  la  boîte  M.  La  pierre  fe  polit  fur  un 
grès  ;  on  la  figure  à  peu-près  en  dos  d'âne.  On  voit, 
figure  M  n,  la  boite  avec  la  pierre.  On  apperçoit  à  la 
partie  fupérieure  de  la  figure  M  n  de  part  &  d'autre, 
deux  entailles  circulaires.  La  langue  iolide  qui  eft  en- 
tre les  entailles ,  le  place  dans  la  fente  de  l'extrémité 
de  la  perche  8.  On  apperçoit  aux  deux  extrémités  de 
la  boîte  Ain,  deux  éminences  cylindriques:  ce  font 
les  deux  poignées  avec  lelquelles  l'ouvrier  appelle 
liffeur ,  fait  aller  la  liffoire  fur  la  feuille  de  carte.  Cette 
carte  k  liffer  eft  polée  fur  un  marbre.  Ce  marbre  eft 
fixé  fur  une  table  ;  la  pierre  de  la  liffoire  appuyée  for- 
tement contre  la  carte,  fur  laquelle  l'ouvrier  la  fait 
aller  de  bas  en  haut ,  &  de  haut  en  bas.  Pour  qu'une 
feuille  foit  bien  liffée ,  il  faut  qu'elle  ait  reçu  vingt- 
deux  coups  ou  vingt-deux  allées  &  venues!  Un  bon 
ouvrier  liffera  trente  mains  par  jour  :  il  eft  payé  30 
fous.  Son  métier  eft  fort  pénible  ;  &  ce  n'eft  pas  une 
petite  fatigue  que  de  vaincre  continuellement  l'élaf- 
ticité  de  la  planche  qui  agit  à  un  des  bouts  de  la  per- 
che de  la  liffoire ,  &  applique  fortement  la  pierre  con- 
tre la  feuille  à  liffer.  On  voit  dans  la  vignette  ,fig.  j, 
un  liffeur  ;  figure  2.  un  ouvrier  occupé  à  peindre  des 
points;  &fig.  1,  un  ouvrier  qui  peint  des  têtes. 


CAR 

Quand  la  carte  eft  liffée  par-devant ,  on  la  chauffe» 
comme  on  a  fait  ci-deffus.  Il  faut  oblerver  que  l'oit 
en  chauffant ,  foit  en  réchauffant ,  c'eft  la  couleur  qui 
eft  tournée  vers  le  feu.  Le  réchauffage  fe  fait  comme 
le  chauffage.  Après  cette  manœuvre  ,  on  favonne  la 
carte  par-derriere,  &  on  la  liffe  par-derriere. 

Au  fortir  de  la  liffe ,  la  carte  va  au  cileau  pour  être 
coupée.  On  commence  par  rogner  la  feuille.  Rogner, 
c'eft  enlever  avec  le  cileau  ce  qui  excède  le  trait  du 
moule ,  des  deux  côtés  qui  forment  l'angle  fupérieur 
à  droite  de  la  feuille.  Pour  fuivre  ce  trait  exactement, 
il  eft  évident  qu'il  faut  que  la  face  colorée  foit  en- 
deffus ,  &  puifl'e  être  apperçûe  par  le  coupeur.  Les 
traits  du  moule  tracés  autour  des  cartes,  &  qui ,  en  for- 
mant pour  ainfi  dire  les  limites ,  en  afîùrent  l'égalité, 
s'appellent  les  guides  :  c'eft  en  effet  ces  traits  qui  gui- 
dent le  coupeur. 

Le  coupeur  a  fon  établi  particulier.  Il  eft  repré- 
fenté  dans  la  vignette  ,Jig.  4.  il  eft  compofé  d'une  lon- 
gue table,  fur  laquelle  eft  Vejlo.  L'efto  eft  un  mor- 
ceau de  bois  d'environ  deux  pouces  d'épais ,  fur  un 
bon  pié  en  quarré ,  bien  équarri  ôc  affemblé  le  plus 
fermement  ôc  le  plus  perpendiculairement  qu'il  eft 
poffible  avec  le  deffus  de  la  table.  On  voit  ,figure  12. 
l'efto  féparé  Z,  &_/zg.  4.  de  la  vignette ,  on  le  voit  af- 
femblé avec  la  table  par  les  tenons  4 , 4 ,  &  fes  clavet- 
tes ou  clés  5  ,  5,  fur  la  furface  Z  de  l'efto  ,fig.  12.  on. 
a  fixé  un  litau  1  percé  :  c'eft  dans  le  trou  de  ce  litau 
qu'on  place  la  vis  12,  dont  l'extrémité  a  reçoit  l'é- 
crou  b  fur  l'autre  furface  de  l'efto.  La  corde  qui  paffe 
par-deffus  le  bord  fupérieur  de  l'efto  ,  foûtient  une 
broche  de  fer  à  laquelle  elle  eft  attachée ,  &  qui  fert 
à  avancer  ou  reculer  la  vis.  On  voit  à  l'extrémité  de 
la  vis ,  deux  arrêts  circulaires  1,2,  dont  nous  ne  tar- 
derons pas  d'expliquer  Tufage.  On  voit,  fig.io.  &11, 
les  cifeaux  defaffemblés  ;  &  dans  la  vignette  ,fig.  4. 
on  les  voit  affemblés  avec  l'établi ,  &  en  fituation 
pour  travailler.  Le  bout  d'une  des  branches  2  ,  fe 
viffe  dans  le  iolide  de  l'établi  par  le  boulon  taraudé, 
&  fon  extrémité  eft  contenue  entre  les  deux  arrêts 
circulaires  de  la  vis  ;  eniorte  que  cette  branche  ne 
peut  vaciller  non  plus  que  l'autre  ,  qui  eft  fixée  à 
celle-ci  par  le  clou  ,  comme  on  voit  vignette ,  fig.  4. 

Il  s'enfuit  de  cette  dil'polition ,  que  pour  peu  que 
l'ouvrier  foit  attentif  à  ion  ouvrage,  il  lui  eftimpolïï- 
ble  de  ne  pas  couper  droit  &  de  ne  pas  fuivre  les  gui- 
des. Quand  il  a  rogné ,  il  traverfe.  Traverfer,  c'eft  fepa- 
rer  les  coupeaux ,  ou  mettre  la  feuille  en  quatre  par- 
ties égales.  Quand  il  a  traverfe ,  il  ajufte  :  ajujler ,  c'eft 
examiner  il  les  coupeaux  font  de  la  même  hauteur. 
Pour  cet  effet ,  on  les  applique  les  uns  contre  les  au- 
tres ,  &  on  tire  avec  le  doigt  ceux  qui  débordent  ; 
on  repaffe  ceux-ci  au  cifeau.  On  doit  s'appercevoir 
que  le  cifeau  eft  tenu  toujours  à  la  même  diftance 
de  l'efto ,  &  qu'il  ne  s'en  peut  ni  éloigner ,  ni  appro- 
cher. On  a  planté  en  3,  3,  furie  milieu  de  l'efto,  dans 
une  ligne  parallèle  au  tranchant  de  la  lame  immobile 
du  cifeau ,  deux  épingles  fortes.  On  pofe  le  coupeau 
à  retoucher  contre  ces  épingles  en-deffous;  on  ap- 
plique bien  ion  côté  contre  l'efto  ,  &  l'on  enlevé 
avec  le  cifeau  tout  ce  qui  excède.  Cet  excédent  eft 
néceffairement  de  trop ,  parce  que  la  diftance  du  ci- 
feau à  l'efto  eft  précifément  de  la  hauteur  de  la  car- 
te. Quand  on  a  repaffé,  on  rompt.  Rompre ,  c'eft  plier 
un  peu  les  coupeaux ,  &  leur  taire  le  dos  un  peu  con- 
vexe. Après  avoir  rompu  les  coupeaux ,  on  les  mene- 
au petit  cileau.  Le  petit  cifeau  eft  monté  précifément 
comme  le  grand  ;  tk.  il  n'y  a  entre  eux  de  différence 
que  la  longueur  &  l'uiage.  Le  grand  fert  à  rogner  les 
feuilles  tk.  à  les  mettre  en  coupeaux;  &  le  petit ,  à 
mettre  les  coupeaux  en  cartes.  On  rogne ,  &  l'on  met 
en  coupeaux  les  feuilles  les  unes  après  les  autres  ;  & 
les  coupeaux  en  cartes  ,  les  uns  après  les  autres. 
Quand  les  coupeaux  i'ont  divilés,  on  affortit.  Affor* 


CAR 

tir,  c'eft  ranger  les  cartes  divifees  par  deux  rangs  de 
cartes,  déterminés  par  l'ordre  qu'elles  a'voient  iur  le 
moule  ou  fur  les  feuilles.  Il  y  a  entre  la  place  d'une 
carte  fur  la  feuille  &  fa  place  dans  le  rang  ,  une  cor- 
refpondance  telle  que  dans  cette  diftribution  ;  toutes 
les  cartes  de  la  même  efpece  ,  tous  les  rois  ,  toutes 
les  dames ,  tous  les  valets  ,  &c  tombent  enlémble  : 
alors  on  dit  qu'elles  font  par  fortes.  Mifes  par  fortes  , 
on  les  trie.  Trier,  c'eft  mettre  les  blanches  avec  les 
blanches,  les  moins  blanches  enfemble,  &  ôter  les 
taches  ,  qu'on  appelle  le  bro  ,  comme  nous  avons 
dit.  On  diftingue  quatre  lots  de  cartes  relativement 
à  leur  degré  de  fineffe  :  celles  du  premier  lot  s'ap- 
pellent la  fleur  ;  celles  du  fécond ,  les  premières  ;  celles 
du  troifieme ,  les  fécondes  ;  celles  du  quatrième  &  du 
cinquième  ,  les  triards  ou  fonds. 

Quand  on  a  diftribué  chaque  forte  relativement 
à  fa  qualité  ou  fon  degré  de  fineffe  ,  on  fait  la  cou- 
che ,  oii  l'on  forme  autant  de  fortes  de  jeu  qu'on  a  de 
différens  lots  ;  enfuite  on  range  &  on  complette  les 
jeux ,  ce  qui  s'appelle  faire  la  boutée.  On  finit  par  plier 
les  jeux  clans  les  enveloppes  ;  ce  qu'on  exécute  de 
manière  que  les  jeux  de  fleur  fe  trouvent  au-deflus 
du  fixain  ,  afin  que  fi  l'acheteur  veut  examiner  ce 
qu'on  lui  vend ,  il  tombe  nécelîàirement  fur  un  beau 
jeu. 

On  prépare  les  enveloppes  exactement  comme 
les  cartes  ,  avec  un  moule  qui  porte  l'enleigne  du 
Cartier.  Mais  il  y  a  à  l'extrémité  de  ce  moule  une 
petite  cavité  qui  reçoit  exactement  une  pièce  amo- 
vible ,  fur  laquelle  on  a  gravé  en  lettres  le  nom  de  la 
forte  de  jeu  que  l'enveloppe  doit  contenir  ,  comme 
piquet ,  fi  c'eft  du  piquet  ;  médiateur  ou  comète ,  fi  c'eft 
médiateur  ou  comète  :  cette  pièce  s'appelle  bluteau. 
Comme  il  y  a  deux  fortes  d'enveloppes,  l'une  pour 
les  fixains ,  l'autre  pour  les  jeux  ,  il  y  a  plusieurs  mou- 
les pour  les  enveloppes  :  ces  moules  ne  différent  qu'en 
grandeur. 

Les  cartes  fe  vendent  au  jeu ,  au  fixain  ,  &  à  la  gref- 
fe. Les  jeux  fe  distinguent  en  jeux  entiers  ,  en  jeux 
d'hombre  ,  &  jeux  de  piquet. 

Les  jeux  entiers  font  compoies  de  cinquante-deux 
tartes  ;  quatre  rois  ,  quatre  dames ,  quatre  valets , 
quatre  dix  ,  quatre  neuf,  quatre  huit ,  quatre  fept  , 
quatre  fix ,  quatre  cinq  ,  quatre  quatre,  quatre  trois, 
quatre  deux  ,  &  quatre  as. 

Les  jeux  d'hombre  font  compofés  de  quarante  car- 
tes ,  les  mêmes  que  ceux  des  jeux  entiers  ,  excepté 
les  dix  ,  les  neuf,  &  les  huit  qui  y  manquent. 

Les  jeux  de  piquet  lont  de  trente-deux  ;  as  ,  rois  , 
dames  ,  valets,  dix ,  neuf,  huit ,  &  fept. 

On  diftingue  les  cartes  en  deux  couleurs  principa- 
les ,  les  rouges  tk.  les  noires  :  les  rouges  repréfentent 
un  cœur  ou  un  lofange  ;  les  noires  un  trèfle  ou  un  pi- 
que* elles  font  toutes  marquées  depuis  le  roi  julqu'à 
l'as  de  cœur ,  trèfle ,  carreau  ou  pique. 

Celles  qu'on  appelle  roi,  lont  couronnées  &  ont 
différens  noms.  Le  roi  de  cœur  s'appelle  Charles; 
celui  de  carreau  ,  Cefar  ;  celui  de  trèfle  ,  Alexandre  ; 
&  celui  de  pique  ,  David. 

Les  dames  ont  auffi  leurs  noms  :  la  dame  de  cœur 
s'appelle  Judith  ;  celle  de  carreau  ,  Rachd;  celle  de 
trèfle  ,  Argine  ;  &  celle  de  pique  ,  Patlas. 

Le  valet  de  cœur  fe  nomme  Lahire;  celui  de  car- 
reau ,  Hector  ;  celui  de  pique,  Hogier ;  celui  de  trèfle 
a  le  nom  du  Cartier. 

Les  dix  portent  dix  points  fur  les  trois  rangées,  qua- 
tre ,deux  ,  quatre  ;  les  neut'lur  le  i  trois  rangées, qua- 
tre ,  un  ,  quatre  ;  les  huit  fur  les  trois  i  angees  ,  trois , 
deux,  trois;  les  fept  Iur  les  trois  rangées  ,  trois,  un, 
trois;  les  fix  fur  les  deux  rangées,  trois,  trois;  les 
cinq  fur  les  trois  rangées ,  deux  ,  un  ,  deux  ;  les  qua- 
tre fur  les  deux  rangées ,  deux  ,  deux  ;  les  trois  fur 
Tome  II, 


CAR 


7M 


une  rangée  ,  ainfi  que  les  deux  :  l'as  eft  au  milieu  de 
la  carte. 

S'il  y  avoit  un  moyen  de  corriger  les  avares  ,  ce 
feroit  de  les  inftruire  de  la  manière  dont  les  choies 
fe  fabriquent  :  ce  détail  pourroit  les  empêcher  de  re- 
gretter leur  argent;  &  peut-être  s'étonneroient-ils 
qu'on  leur  en  demande  li  peu  pour  une  marchandée 
qiti  a  coûté  tant  de  peine. 

On  a  mis  de  grands  impôts  fur  les  cartes,  ainfi  que 
fur  le  tabac  ;  cependant  je  ne  penfe  pas  que  ceux 
même  qui  ufent  le  plus  de  l'un,  &  qui  fe  fervent  le  plus 
des  autres  ,  ayent  le  courage  de  s'en  plaindre.  Qui 
eût  jamais  penfé  que  la  fureur  pour  ces  deux  fuper- 
fluités  ,  pût  s'accroître  au  point  de  former  un  jour 
deux  branches  importantes  des  fermes  ?  Qu'on  n'i- 
magine pas -que  celle  des  cartes  foit  un  fi  petit  ob- 
jet. Il  y  a  tel  Cartier  qui  fabrique  julqu'à  deux  cents 
jeux  par  jour. 

Il  y  auroit  un  moyen  de  rendre  cette  ferme  beau- 
coup plus  importante  :  je  le  publie  d'autant  plu.  vo- 
lontiers ,  qu'il  ne  feroit  certainement  à  charge  à  per- 
fonne  ;  ce  feroit  de  taxer  le  prix  des  cartes  au-delîous 
de  celui  qu'elles  ont.  Qu'arriveroit-il  de  là  ?  qu'il  y 
auroit  fi  peu  de  différence  entre  des  cartes  neuves  &c 
des  cartes  recoupées ,  qu'on  fe  déterminerait aifément 
à  n'employer  que  des  premières.  Le  Fermier  &  le 
Cartier  y  trouveraient  leur  compte  tous  deux  :  ce 
qui  eft  évident  ;  car  les  cartes  fe  recoupent  julqu'à 
deux  fois  ,  &  reparoiffent  par  conféquent  deux  fois 
fur  les  tables.  Si  en  diminuant  le  prix  des  cartes  neu- 
ves ,  on  parvenoit  à  diminuer  de  moitié  la  diftribu- 
tion des  vieilles  cartes ,  celui  qui  fabrique  &  vend 
par  jour  deux  cents  jeux  de  cartes ,  qui  par  la  recou- 
pe tiennent  lieu  de  fix  cents ,  en  pourroit  fabriquer 
&  \  endre  trois  cents.  Le  Cartier  regagnerait  fur  le 
grand  nombre  des  jeux  vendus  ,  ce  qu'on  lui  auroit 
diminué  fur  chacun ,  &  la  ferme  augmenteroit  fans 
vexer  perfonne. 

Il  eft  furprenant  que  nos  François  qui  fe  piquent 
fi  fort  de  bon  goût ,  &  qui  veulent  le  mieux  juique 
dans  les  plus  petites  choies ,  fe  foient  contentés  jufi- 
qu'à  préfent  des  figures  maulTades  dont  les  cartes  font 
peintes  :  il  eft  évident,  par  ce  qui  précède ,  qu'il  n'en 
coûterait  rien  de  plus  pour  y  reprélenter  des  fujèts 
plus  agréables.  Cela  ne  prouve-t-il  point  qu'il  n'ell 
pas  auifi  commun  qu'on  le  penfe,  de  jouer  ou  par 
amufement  ,  ou  fans  intérêt  ?  pourvu  qu'on  tue  le 
tems  ,  ou  qu'on  gagne ,  on  ne  fe  foucie  guère  que  ce 
foit  avec  des  cartes  bien  ou  mal  peintes. 

Carte  ,  (  Artificier.  )  ce  mot  lignifie  en  général  le 
carton  dont  le  fervent  les  Artificiers.  Ils  en  défignent 
l'épaifieur  par  le  nombre  des  feuilles  de  gros  papier 
gris  dont  il  eft  compolé  :  ainfi  on  dit ,  de  la  carte  en 
deux  ,  trois ,  quatre  ,  ou  cinq,  fans  y  ajourer  le  mot 
de  feuille,  qui  eft  foufentendu  chez  eux  6c  chez  les 
marchands  qui  les  vendent. 

On  défigne  les  petites  cartes  en  les  appellant  car- 
tes àjoiiir  )  &:  le  gros  carton  plus  roide  &  moins  pro- 
pre au  moulage  ,  qui  doit  être  flexible ,  s'appelle 
cirte-iiffe. 

CARTEL,  f.  m.  (  Hift.  mod.  )  lettre  de  défi  ,  ou 
appel  à  un  combat  fingulier,  qui  étoit  fort  en  ufage 
lonqu'on  décid<  it  des  différends  par  les  armes, &  uni- 
quement par  elles  ,  ainfi  que  certains  procès.  /  0}  f{ 
Combat  ,  Duel,  Champion,  &c.  (G) 

Cartel, (  Commerce.  )  mefure  de  continence  pour 
les  grains ,  èv  qui  eft  en  ufage  à  Rocroi ,  à  M  f 
&  autres  lieux  où  elle  varie  pour  la  grandeur  es;  pi  iur 
le  poids. 

Le  cartel  de  froment  pefe  à  Rocroi  trente-cinq  li- 
vres poids  de  mare  ,  celui  de  meteil  trente-quatre  , 
&  celui  de  feigle  trente-trois. 

A  Mezieres  le  cartel  de  fromentpefe  trente  livres, 
de  meteil  vingt-huit,  de  feigle  vingt-lix  livres. 

X  X  x  x  ij 


716 


CAR 


A  Sedan  le  cartel  de  froment  pefe  trente- neuf  li- 
vres ,  celui  de  méteil  une  livre  de  moins  ;  le  cartel  de 
feigle,  trente  fept,  &  celui  d'avoine  trente-cinq  livres. 

A  Montmidi  le  cartel  de  froment  pefe  quarante- 
huit  livres  &  demie  ;  de  méteil ,  quarante-fept;  d'a- 
voine ,  cinquante  livres.  Toutes  les  livres  dont  nous 
venons  de  parler ,  doivent  être  priies  poids  de  marc. 
Dictionnaire  du  Commerce.  (  (?) 

CARTELADE,  f.  f.  {Commerce.  )  mefure  en  lon- 
gueur dont  on  le  fert  dans  l'arpentage  des  terres  en 
pluiieurs  endroits  de  la  Guicnne  ;  elle  eft  environ 
de  1080  toifes. 

CARTELLES  ,  f.  f .  (  Commerce  de  bois.  )  petites 
planches  de  Fépaiffeur  de  deux  ,  trois  ,  quatre ,  cinq 
pouces ,  dans  lefquelles  on  débite  les  bois  qui  font  à 
l'ufage  des  Tabletiers  ,  Ebcniitcs ,  Armuriers ,  &c 

CARTERON  ,  f.  m.  {terme  de  Tiferan.  )  c'eft  une 
lame  de  bois  d'un  pouce  de  largeur,  plate  &  d'en- 
viron cinq  pies  de  longueur  ,  qui  fe  place  derrière  les 
verges.  Cette  barre  paiTe  entre  les  fils  de  la  chaîne, 
qui  fe  croifent  fur  elle ,  c'eft-à-dire  ,  qui  palfent  deux 
demis  &  deux  défions  ;  fon  ufage  cft  de  contenir  les 
fils  de  la  chaîne ,  &  les  empêcher  de  fe  mêler. 

CARTÉSIANISME,!",  m.  Philofophie  de  De/cartes, 
ainli  appeliée  du  nom  Latin  Cartejîus  de  fon  auteur. 
René  Defcartes  naquit  le  3  1  Mars  1  596  à  la  Haye  , 
petite  ville  de  la  Touraine ,  de  Joachim  Defcartes,  con- 
seiller au  parlement  de  Bretagne ,  &  de  Jeanne  Bro- 
ckard,  fîlie  du  lieutenant  général  de  Poitiers.  On  lui 
donna  le  furnorn  de  du  Perron  ,  petite  feigneurie 
fituée  dans  le  Poitou  ,  qui  entra  enfuite  dans  fon 
partage  après  la  mort  de  fon  père. 

La  délicateffe  de  fon  tempérament ,  &  lés  infirmi- 
tés fréquentes  qu'il  eut  à  foùtenir  pendant  fon  enfan- 
ce ,  firent  appréhender  qu'il  n'eût  le  fort  de  fa  mère , 
qui  étoit  morte  peu  de  tems  après  être  accouchée  de 
lui  :  mais  il  les  furmonta  ,  &  vit  fa  fanté  fe  fortifier 
à  mefure  qu'il  avança  en  âge. 

Lorfqu'il  eut  huit  ans ,  fon  père  lui  trouvant  des 
difpofitions  heureufes  pour  l'étude ,  Si.  une  forte  pai- 
llon pour  s'inftruire ,  l'envoya  au  collège  de  la  Flè- 
che. Il  s'y  appliqua  pendant  cinq  ans  &  demi  aux 
humanités  ;  &  durant  ce  tems ,  il  fît  de  grands  pro- 
grès dans  la  connoilfance  des  langues  Greque  èc 
Latine  ,  &  acquit  un  goût  pour  la  Poëlïe  ,  qu'il  con- 
ferva  julqu'à  la  fin  de  fa  vie. 

Il  pafTa  enfuite  à  la  Philofophie ,  à  laquelle  il  donna 
toute  Ion  attention  ,  mais  qui  étoit  alors  dans  un  état 
trop  imparfait,  pour  pouvoir  lui  plaire.  Les  Mathé- 
matiques auxquelles  il  confacra  la  dernière  année 
de  fon  féjour  à  la  Flèche  ,  le  dédommagèrent  des  dé- 
goûts que  lui  avoient  cauiés  la  Philofophie.  Elles  eu- 
rent pour  lui  des  charmes  inconnus  ,  &  il  profita 
avec  empreffement  des  moyens  qu'on  lui  fournit , 
pour  s'enfoncer  dans  cette  étude  auffi  profondément 
qu'il  pouvoit  le  fouhaiter.  Le  refteur  du  collège  lui 
avoit  permis  de  demeurer  long-tems  au  lit ,  tant  à 
caufe  de  la  délicateffe  de  fa  fanté  ,  que  parce  qu'il 
remarquoit  en  lui  un  efpiït  porté  naturellement  à  la 
méditation.  Defcartes,  qui  à  fon  réveil,  trouvoit 
toutes  les  forces  de  fon  efprit  recueillies ,  &  tous  fes 
fens  rafîls  par  le  repos  de  la  nuit ,  profitoit  de  ces 
conjonctures  favorables  pour  méditer.  Cette  prati- 
que lui  tourna  tellement  en  habitude  ,  qu'il  s'en  fit 
une  manière  d'étudier  pour  toute  fa  vie  ;  &  l'on  peut 
dire  que  c'eft  aux  matinées  qu'il  pafToit  dans  fon  lit , 
que  nous  fommes  redevables  de  ce  que  fon  génie  a 
produit  de  plus  important  dans  la  Phiiofophie  &;  dans 
les  Mathématiques. 

Son  père ,  qui  avoit  fait  prendre  à  fon  aîné  le  parti 
de  la  robe ,  fembloit  deftiner  le  jeune  du  Perron  à 
cv-lni  de  la  guerre  :  mais  fa  grande  jeunelTe  &  la  foi- 
bleffe  de  fon  tempérament  ne  lui  permettant  pas 
de  l'expofer  li-tôt  aux  travaux  de  ce  métier  pénible , 


CAR 

il  l'envoya  à  Paris ,  après  qu'il  eut  fini  le  cours  diî 
fes  études. 

Le  jeune  Defcartes  s'y  livra  d'abord  aux  plaifirs  , 
&  conçut  une  paffion  d'autant  plus  forte  pour  le  jeu  , 
qu'il  y  étoit  heureux.  Mais  il  s'en  defabufa  bientôt , 
tant  par  les  bons  avis  du  P.  Merfenne  ,  qu'il  avoit 
connu  à  la  Flèche ,  que  par  fes  propres  réflexions.  Il 
fongea  alors  aie  remettre  à  l'étude,  qu'il  avoit  aban- 
donnée depuis  fa  fortie  du  collège  ;  &  fe  retirant 
pour  cet  eifet  de  tout  commerce  oifif ,  il  fe  logea 
dans  une  maifon  écartée  du  faubourg  S.  German  , 
fans  avertir  fes  amis  du  lieu  de  fa  retraite.  Il  y  de- 
meura une  partie  de  l'année  16 14,  &  les  deux  fui- 
vantes  prefque  entières  ,  fans  en  fortir ,  &  fans  voir 
perfonne. 

Ayant  ainfi  repris  le  goût  de  l'étude  ,  il  fe  livra 
entièrement  à  celle  des  Mathématiques ,  auxquelles 
il  voulut  donner  ce  grand  loiiir  qu'il  s'étoit  procuré  ; 
&  il  cultiva  particulièrement  la  Géométrie  &  l'Ana- 
lyfe  des  anciens  ,  qu'il  avoit  déjà  approfondie  dès  le 
collège. 

Lorfqu'il  fe  vit  âgé  de  zi  ans,  il  crut  qu'il  étoit 
tems  de  longer  à  fe  mettre  dans  le  lervice  ;  il  fe  ren- 
dit pour  cela  en  Hollande  ,  afin  d'y  porter  les  armes 
fous  le  prince  Maurice.  Quoiqu'il  choisît  cette  école, 
qui  étoit  la  plus  brillante  qu'il  y  eût  alors  par  le  grand 
nombre  de  héros  qui  le  formèrent  fous  ce  grand  ca- 
pitaine ,  il  n'avoit  pas  deffein  de  devenir  grand  guer- 
rier ;  il  ne  vouloit  être  que  lpe&ateur  des  rôlles  qui 
fe  jouent  fur  ce  grand  théâtre  ,  &  étudier  feulement 
les  mœurs  des  hommes  qui  y  paroiffent.  Ce  fut  pour 
cette  raifon  ,  qu'il  ne  voulut  point  d'emploi ,  &  qu'il 
s'entretint  toujours  à  fes  dépens ,  quoique  pour  gar- 
der la  forme ,  il  eût  reçu  une  fois  la  paye. 

Comme  on  joûifïbit  alors  de  la  trêve  ,  Defcartes 
paffa  tout  ce  tems  en  garnifon  à  Breda  :  mais  il  n'y 
demeura  pas  oifif.  Un  problème  qu'il  y  réfolut  avec 
beaucoup  de  facilité ,  le  fit  connoître  à  Ijliac  Beeck- 
man  ,  principal  du  collège  de  Dordrecht ,  lequel  fe 
trouvoit  à  Breda ,  &  par  fon  moyen  à  plufieurs  fa- 
vans  du  pays. 

Il  y  travailla  auffi  à  plufieurs  ouvrages  ,  dont  le 
feul  qui  ait  été  imprimé  ,  eft  fon  Traite  de  la  Mufiquc. 
Il  le  compofa  en  Latin,  fuivant  l'habitude  qu'il  avoit 
de  concevoir  6v  d'écrire  en  cette  langue.  Après  avoir 
fait  quelques  autres  campagnes  fous  différens  géné- 
raux ,  il  le  dégoûta  du  métier  de  la  guerre ,  &  y  re- 
nonça avant  la  fin  de  la  campagne  de  1621. 

Il  avoit  remis  à  la  fin  de  fes  voyages  à  fe  détermi- 
•  ner  fur  le  choix  d'un  état  :  mais,  toutes  réflexions  fai- 
tes ,  il  jugea  qu'il  étoit  plus  à  propos  pour  lui  de  ne 
s'affujettir  à  aucun  emploi,  &  de  demeurer  maître 
de  lui-même. 

Après  beaucoup  d'autres  voyages  qu'il  fit  dans 
différens  pays  ,  la  reine  Chriltine  de  Suéde  ,  à  qui  il 
avoit  envoyé  fon  Traité  des  paffions  ,  lui  fit  faire  ait 
commencement  de  l'année  1649  ,  de  grandes  inflan- 
ces  pour  l'engager  à  fe  rendre  à  fa  cour.  Quelque 
répugnance  qu'il  le  fentît  pour  ce  nouveau  voyage  , 
il  ne  pût  s'empêcher  de  fe  rendre  aux  deiîrs  de  cette 
princeffe,  &  impartit  fur  un  vaiffeau  qu'elle  lui  avoit 
envoyé.  Il  arriva  à  Stockolm  au  commencement  du 
mois  d'O&obre  ,  &  alla  logera  l'hôtel  de  M.  Chanuty 
ambafîadeur  de  France ,  fon  ami ,  qui  étoit  alors  ab- 
fent. 

La  reine  ,  qu'il  alla  voir  le  lendemain  ,  le  reçut 
avec  une  diftinction  qui  fut  remarquée  par  toute  la 
cour  ,  &  qui  contribua  peut-être  à  augmenter  la  ja- 
loufie  de  quelques  favans  auxquels  fon  arrivée  avoit 
paru  redoutable.  Elle  prit  dans  une  féconde  vifite 
des  mefures  avec  lui ,  pour  apprendre  fa  Philofophie 
de  fa  propre  bouche  ;  &  jugeant  qu'elle  auroit  be- 
foin  de  tout  fon  efprit  &  de  toute  fon  application 
pour  y  réuffir ,  elle  choifit  la  première  heure  d'après 


C  A  ï 


CAR 


fcn  lever  pour  cette  étude  ,  comme  le  tems  le  plus 
tranquille  &  le  plus  libre  de  la  journée  ,  où  elle  avoit 
l'efprit  plus  tranquille,  &  la  tête  plus  dégagée  des 
embarras  des  affaires. 

Defcartes  s'affujettit  à  l'aller  trouver  dans  fa  bi- 
bliothèque tous  les  matins  à  cinq  heures  ,  fans  s'ex- 
eufer  fur  le  dérangement  que  cela  devoit  caufer  dans 
fa  manière  de  vivre  ,  ni  fur  la  rigueur  du  froid  ,  qui 
elt  plus  vif  en  Suéde  ,  que  partout  où  il  avoit  vécu 
jufques-là.  La  reine  en  récompenfe ,  lui  accorda  la 
grâce  qu'il  lui  avoit  fait  demander  ,  d'être  dilpenié 
de  tout  le  cérémonial  de  la  cour,  &c  de  n'y  aller 
qu'aux  heures  qu'elle  lui  donneroit  pour  l'entrete- 
nir. Mais ,  avant  que  de  commencer  leurs  exercices 
du  matin  ,  elle  voulut  qu'il  prît  un  mois  ou  fix  lemai- 
nes  pour  fe  reconnoître ,  fe  familiarifer  avec  le  génie 
du  pays  ,  &  former  des  liailons  qui  puffent  le  rete- 
nir auprès  d'elle  le  refte  de  fes  jours. 

Delcartes  drelfa  au  commencement  de  l'année 
ï 6  50  les  ftatuts  d'une  académie  qu'on  devoit  établi;  à 
Stockolm,  &  il  les  porta  à  la  reine  le  premier  jour  de 
Février,  qui  fut  le  dernier  qu'il  la  vit. 

Il  fentit  à  fon  retour  du  palais  des  prefTentimens 
de  la  maladie  qui  devoit  terminer  fes  jouis  ;  &  il  fut 
attaqué  le  lendemain  d'une  fièvre  continue  avec  une 
inflammation  de  poumon.  M.  Charnu  oui  fortoit  d'une 
maladie  lemblable  .  voulut  le  faire  traiter  comme 
lui  :  mais  fa  tête  étoit  fi  embarrafiee  ,  qu'on  ne  pût 
lui  faire  entendre  raifon ,  &  qu'il  réfuta  opiniâtre- 
ment la  faignée  ,  drfant ,  lorfqu'on  lui  en  parloit  : 
MeJJieurs  ,  épargne.-^  UJang  François.  Il  conientit  ce- 
pendant à  la  fin  qu'elle  fe  fit:  mais  il  étoit  trop  tard; 
&  le  mal  augmentant  fenfîblement ,  il  mourut  le  1 1 
Février  1650  ,  dans  fa  cinquante-quatrième  année. 

La  reine  avoit  deflein  de  le  faire  enterrer  auprès 
des  rois  de  Suéde  avec  une  pompe  convenable ,  & 
de  lui  dreffer  un  mauiolée  de  marbre  :  mais  M.  Cha- 
nut  obtint  d'elle  qu'il  fût  enterré  avec  plus  de  l'impli- 
cite dans  le  cimetière  de  l'hôpital  des  orphelins,  fui- 
vant  l'ulagedcs  Catholiques. 

Son  corps  demeura  à  Stockolm  jufqu'à  l'année 
1666,  qu'il  en  fut  enlevé  par  les  toins  de  M.  d'Ali- 
bert,  thrclorier  de  France ,  pour  être  porté  a  Paris, 
où  il  arriva  l'année  luivante.  Il  fut  enterré  de  nou- 
ver-.i  en  grande  pompe  le  24  Juin  1667  ,  dan 
de  Ste Geneviève  du  mont.  Mém.  dé  Littéral,  tom.  Ji. 

Quoique  Galilée,  Toriceiii,  P. ifcâ  ,  (oient 

proprement  les  pères  de  la  Phylique  moderne,  Del- 
cartes ,  par  la  hardieffe  &  par  l'éclat  mérité  qu'a 
eu  fa  Philofophie  ,  ell  peut-être  celui  de  . 
favar.s  du  dernier  lieeie  à  qui  nous  ayons  le  plus 
d'obligation.  Jufqu'à  lui  l'étude  de  la'nature  d 
ra  comme  engourdie  par  l'ufa  .  ;  où  étoiënt 

les  écoles  de  s'en  tenu  entoutauPéripatétifme.  Del- 
cartes ,  plein  de  guiie  &    le  pénétration,  (i 
vuide  de  l'ancienne  Philofophie;  il  la  reprév 
public  fous  les  vraies  couleurs,  &  jetta  un  ridicule 
li  marqué  fur  les  prétendues  connoifTances  q 
promettoit ,  qu'il  difpofa  tous  les  efpri      .  .       cl 
une  meilleure  route.  Ii  s'offrit  lui-même  à  1. 
guide  aux  autres;  &  comme  il  employoit  un 
thode  dont  chacun  le  lentoit  capable  ,  là  ci  ri 
réveilla  par-tout.  C'efl  le  premier  bien  que 
la  Philolophie  de  Delcartes;  le  goût  s'en  r« 
bien-tôt  par  tout:  on  s'en  faifôit  honneur  à  I 
&  à  l'armée.  Les  nations  voifînes  paruienr  1 
à  la  France  les  progrès  du  Cartèjianifmt ,  à  peu  près 
comme   les  fuccès  des  Efpagnols  aux  deux   . 
mirent  tous  les  Européens  dans  le  goût  îles  nou\  eaux 
établiflemens.  La  Phylique  Françpife,  en  excitant 
une  émulation  univerfelle ,  donna  lieu  à  d'autres  en- 
treprîtes, peut-être  a  de  meilleures  découvertes.  Le 
Newtonianilmc  même  en  ell  le  fruit. 

Nous  ne  parlerons  point  ici  de  la  Géométrie  de 


717 


Defcartes  ;  perfonne  n'en  contefte  l'exce'lence ,  ni 
rheureufë  application  qu'il  en  a  faite  à  l'Optique  : 
&  il  lui  eft  plus  glorieux  d'avoir  furpafie  en  ce  genre 
le  travail  de  tous  lesliecles  précédens,  qu'il  ne  I'eft 
aux  modernes  d'aller  plus  loin  que  Delcartes.  Voye{ 
Algèbre.  Nous  allons  donner  les  principes  de  fa 
Phiiolophie,  répandus  dans  le  grand  nombre  d'ouvra- 
ges qu'il  a  mis  au  jour:  commençons  par  fa  méthode. 
Difcoursfur  la  méthode.  Defcartes  étant  en  Alle- 
magne ,  &  fe  trouvant  fort  defeeuvre  clans  i'inaftion 
d'un  quartier  d'hyver,  s'occupa  plufieurs  mois  de  fui- 
te à  faire  l'examen  des  connoifTances  qu'il  avoit  ac- 
quifes  foit  dans  fes  études,  foit  dans  fes  voyages,  & 
par  fes  réflexions,  comme  par  les  fecours  d'autrui  : 
il  y  trouva  tant  d'obfcurité  &  d'incertitude,  que  la 
penfée  lui  vint  de  renverfer  ce  mauvais  édifice  ,  & 
de  rebâtir  le  tout  de  nouveau,  en  mettant  plus  d'ordre 
&  de  liaifon  dans  fes  connoifTances. 

1.  Il  commença  par  mettre  à  part  les  vérités  ré- 
vélées ;  parce  qu'il  penfoit ,  dilbit-il,  qui  pour  entre- 
prendre di  les  examiner  &  y  réuffîr ,  il  étoit  befoin  d'a- 
voir qiulqu  extraordinaire  ajjijlance  du  ciel,  &  d'étnplus 
qu homme. 

2.  Il  prit  donc  pour  première  maxime  de  conduite, 
d'obéir  aux  lois  &  aux  coutumes  de  ion  pays ,  rete- 
nant conftamment  la  religion  dans  laquelle  Dieu  lui 
avoit  fait  la  grâce  d'être  inftruit  des  l'enfance  ,  6c  fe 
gouvernant  en  toute  autre  chofe  félon  les  opinions 
les  plus  modérées. 

3.  Il  crut  qu'il  étoit  de  la  prudence  de  fe  preferire 
par  proviiion  cette  règle ,  parce  que  la  recherche 
iùccefTive  des  vérités  qu'il  vouloit  lavoir,  pouvoit 
être  très -longue;  &  que  les  actions  de  la  vie  ne 
fouffVant  aucun  délai,  il  falloit  fe  faire  un  plan  de 
conduite;  ce  qui  lui  fit  joindre  une  féconde  maxime 
à  la  précédente,  qui  étoit  d'être  le  plus  ferme  &  le 
plus  rclolu  en  fes  actions  qu'il  le  pourroit,  &  de  ne 
pas  fuivre  moins  conftamment  les  opinions  les  plus 
douteufes  lorlqu'il  s'y  leroiî  une  fois  déterminé  ,  que 
li  elles  enflent  été  tres-aflurées.  Sa  troifïeme  maxime 
fut  de  tâcher  toujours  plutôt  de  le  vaincre  que  la  for- 
tune, &  de  changer  plutôt  les  defirs  que  l'ordre  du 
monde.  Piéfléchili'ant  enfin  fur  les  diverfes  occupa- 
tions des  hommes,  pour  faire  choix  de  la  meilleure, 
il  crut  ne  pouvoir  rien  faire  de  mieux,  que  d'em- 
ployer la  vie  à  cultiver  fa  raifon  par  la  méthode  oue 
nous  alloii.  expofer. 

4.  Defcarte  s'etant  afiîiré  de  ces  maximes,  &  les 
ayant  miles  à  part,  avec  les  vérités  de  foi  qui  ont 
toujours  été  les  premières  en  fa  créance,  jugea  que 
pour  tout  le  îetïe  de  les  opinions,  il  pouvoit  libre- 
ment entreprendre  de  s'en  défaire. 

«  A  caule ,  dit-il ,  que  nos  lens  nous  trompent  quel- 
»  quefois,  je  voulus  fuppofer  qu'il  n'y  avoit  aucune 
•>  cl  ofe  qui  hit  telle  qu'ils  nous  la  font  imaginer  j  &C 
»  parce  qu'il  y  a  des  hommes  qui  le  méprennent  en 
anant,  même  touchant  les  plus  fimples  matie- 
»  res  de  Géométrie  ,  c\i  y  tout  des  paralogifmes,  ju- 
»  géant  que  j'étois  lujet  à  faillir  autant  qu'un  autre  , 
»  je  rejettai  comme  faillies  toutes  les  railonsque  j'a- 

vois  pnles  auparavant  pour  des  demonftrations  : 
»  &  enfin  considérant  que  toutes  les  mêmes  peniees 
»  que  nous  avons  étant  éveillés,  nous  peuvent  aufïï 
»  venir  quand  nous  dormons ,  fans  qu'il  y  en  ait  au- 
»  cune  pour  lors  qui  loit  vraie,  je  refolus  de  teindre 
»  que  toutes  les  choies  qui  m  etoient  jamais  entrées 
»  dans  l'efprit,  n'étoient  non  plus  vraies  que  les  illu- 
»  lions  de  mes  fonges.  MaisaïuE-tôt  api  es  je  p 
>•  de  que  pendant  que  je  voulois  ainfi  penfer  que  tout 
"  étoit  faux  ,  il  falloit  néceflairement  que  moi  qui  le 
»  penlois,  fuffe  quelque  choie:  ev  remarquant  que 
»  cette  vérité  ,  -,  donc  jejuîs ,  étoit  fi  ferme 

»  cV:  li  aflùrée,  que  tomes  les  plus  extravagante,  fup- 
»  pofitions  des  Sceptiques  n'étoient  pas  capables  ue 


7i8 


CAR 


»  l'ébranler ,  je  jugeai  que  je  pouvois  la  recevoir  fans 
»  fcrupule  pour  le  premier  principe  de  la  Philoibphie 
»  que  je  cherchois. 

»  Puis  examinant  avec  attention  ce  que  j'étois ,  & 
»  voyant  que  je  pouvois  feindre  que  je  n'avois  au- 
»  cun  corps,  &  qu'il  n'y  avoit  aucun  monde ,  ni  au- 
»  cun  lieu  où  je  fuffe;  mais  que  je. ne  pouvois  pas 
»  feindre  pour  cela  que  je  n'étois  point,  &  qu'au  con- 
»  traire  de  cela  même,  que  je  penfois  à  douter  de  la 
»  vérité  des  autres  chofes ,  il  fuivoit  très-évidem- 
»  ment  ÔC  très-certainement  que  j'étois  ;  au  lieu  que 
»  û  j'euffe  feulement  ceffé  de  penfer ,  encore  que  tout 
»  le  refte  de  ce  que  j'avois  jamais  imaginé  eût  été 
>»  vrai ,  je  n'avois  aucune  raifon  de  croire  que  j'euffe 
»  été  :  je  connus  de-là  que  j'étois  une  fubftance ,  dont 
»  toute  l'effence  ou  la  nature  n'eft  que  de  penfer ,  &c 
»  qui  pour  être  n'a  befoin  d'aucun  lieu ,  ni  ne  dépend 
»  d'aucune  choie  matérielle  ;  enforte  que  ce  moi , 
»  c'eft-à-dire ,  l'ame  par  laquelle  je  fuis  ce  que  je  fuis, 
»  eft  entièrement  diftincte  du  corps ,  &  même  qu'elle 
»  eft  plus  ailée  à  connoitre  que  lui ,  &  qu'encore 
»  qu'il  ne  fût  point,  elle  ne  laifferoit  pas  d  être  tout 
»  ce  qu'elle  cil. 

»  Après  cela  je  confidérai  en  général  ce  qui  eftre- 
»  quis  à  une  propoiition  pour  être  vraie  &  certaine  : 
»  car  puifquè  je  venois  d'en  trouver  une  que  je  fa- 
it vois  être  telle,  je  penfai  que  je  devois  auffi  lavoir 
»  en  quoi  conlîfte  cette  certitude  ;  &  ayant  remar- 
»  que  qu'il  n'y  a  rien  du  tout  en  ceci ,  je  penfe ,  donc 
»  je  fuis ,  qui  m'affûre  que  je  dis  la  vérité  ,  finon  que 
»  je  vois  très-clairement  que  pour  penfer  il  faut  être, 
»  je  jugeai  que  je  pouvois  prendre  pour  règle  géné- 
»  raie ,  que  les  choies  que  nous  concevons  fort  clai- 
»  rement  &  fort  diftinctement  font  toutes  vraies  ». 

5.  Defcartes  s'étend  plus  au  long  dans  fes  médita- 
tions ,  que  dans  le  difcours  fur  la  méthode ,  pour 
prouver  qu'il  ne  peut  penfer  fans  être  :  &  de  peur 
qu'on  ne  luicontefte  ce  premier  point,  il  va  au-de- 
vant de  tout  ce  qu'on  pouvoit  lui  oppofer ,  &  trou- 
ve toujours  qu'il  penfe,  &  que  s'il  penfe,  il  eft, 
foit  qu'il  veille,  foit  qu'il  fommeille ,  foit  qu'un  ef- 
prit  lupérieur  ou  une  divinité  puiffante  s'applique 
à  le  tromper.  Il  lé  procure  ainli  une  première  certi- 
tude ;  ne  s'en  trouvant  redevable  qu'à  la  clarté  de 
l'idée  qui  le  touche ,  il  fonde  là-delfus  cette  règle 
célèbre  ,  de  tenir  pour  vrai  ce  qui  cf.  clairement  contenu 
dans  Cidée  qii 'on  a  d'une  chofe  ;  &  l'on  voit  par  toute 
la  fuite  de  les  raifonnemens  ,  qu'il  fous-entend  & 
ajoute  une  autre  partie  à  fa  règle ,  lavoir  ,  de  ne 
tenir  pour  vrai  que  ce  qui  eft  clair. 

6.  Le  premier  ufage  qu'il  fait  de  fa  règle ,  c'eft  de 
l'appliquer  aux  idées  qu'il  trouve  en  lui-même.  Il  re- 
marque qu'il  cherche ,  qu'il  doute ,  qu'il  eft  incer- 
tain ,  d'où  il  infère  qu'il  eft  imparfait.  Mais  il  fait  en 
même  tems  qu'il  eft  plus  beau  de  lavoir,  d'être  fans 
foibleflé  ,  d'être  parfait.  Cette  idée  d'un  être  par- 
fait lui  paroît  enluite  avoir  une  réalité  qu'il  ne  peut 
tirer  du  fonds  de  Ion  imperfection  :  &  il  trouve  cela 
fi  clair,  qu'il  en  conclut  qu'il  y  a  un  être  louveraine- 
ment  parfait ,  qu'il  appelle  Dieu ,  de  qui  leul  il  a  pu 
recevoir  une  telle  idée,  f^oyci  Cosmologie. 

7.  Il  le  fortifie  dans  cette  découverte  en  conlidé- 
rant  que  l'exiftence  étant  une  perfection,  eft  renfer- 
mée dans  l'idée  d'un  être  fouverainement  parfait.  II 
fe  croit  donc  auffi  autorilé  par  fa  règle  à  affirmer 
que  Dieu  exifte,  qu'à  prononcer  que  lui  Defcartes 
exifte  puifqu'il  penfe. 

8.  Il  continue  de  cette  forte  à  réunir  par  plufieurs 
conféquences  immédiates ,  une  première  fuite  de 
connoiffances  qu'il  croit  parfaitement  évidentes ,  fur 
la  nature  de  l'ame ,  fur  celle  de  Dieu ,  &  fur  la  na- 
ture du  corps. 

Il  tait  une  remarque  importante  fur  fa  méthode , 


CAR 

favoir  que  «  ces  longues  chaînes  de  raifons  toutes 
»  fimples  &  faciles ,  dont  les  Géomètres  ont  coùtu- 
»  me  de  fe  fervir  pour  parvenir  à  leurs  plus  difficiles 
>»  démonftrations ,  lui  avoient  donné  occafion  de  s'i- 
»  maginer  que  toutes  les  chofes  qui  peuvent  tomber 
»  fous  la  connoiffance  des  hommes,  s'entrefuivent 
»  en  même  façon  ;  &  que  pourvu  feulement  qu'on 
»  s'abftienne  d'en  recevoir  aucune  pour  vraie  qui  ne  le 
»foit,  &  qu'on  garde  toujours  l'ordre  qu'il  faut  pour 
»  les  déduire  les  unes  des  autres,  il  ri  y  en  peut  avoir 
»  de  fi  éloignées  auxquelles  enfin  on  ne  parvienne .  ni  de 
»  fi  cachées  ,  qu'on  ne  découvre  ». 

10.  C'eft  dans  cette  efpérancc  que  notre  illuftrc 
Philofophe  commença  enluite  à  faire  la  liaifon  de  les 
premières  découvertes  avec  trois  ou  quatre  règles 
de  mouvement  ou  de  méchanique ,  qu'il  crut  voir 
clairement  dans  la  nature ,  &  qui  lui  parurent  fuffi- 
fantes  pour  rendre  raifon  de  tout ,  ou  pour  former 
une  chaîne  de  connoiffances,  qui  embraffât  l'univers 
&  les  parties ,  fans  y  rien  excepter. 

»  Je  me  réfolus,  dit-il,  de  laiffer  tout  ce  monde-ci 
»  aux  difputes  des  Philofophes  ,  &  de  parler  feule- 
»  ment  de  ce  qui  arriveroit  dans  un  nouveau  mon- 
»  de,  fi  Dieu  créoit  maintenant  quelque  part  dans 
»  les  efpaces  imaginaires  allez  de  matière  pour  le 
»  compofer ,  &  qu'il  agitât  diverfement  &c  fans  or- 
»  dre  les  diverles  parties  de  cette  matière,  en  lorte 
»  qu'il  en  compolât  un  chaos  auffi  confus  que  les 
»  Poètes  en  puiffent  feindre ,  &  que  par  après  il  ne 
»  fit  que  prêter  fon  concours  ordinaire  à  la  nature  , 
»  &  la  laiffer  agir  félon  les  lois  qu'il  a  établies. 

»  De  plus  je  ris  voir  quelles  étoient  les  lois  de  la 

»  nature Après  cela  je  montrai  comment  la  plus 

»  grande  partie  de  la  matière  de  ce  chaos  devoit, 
»  enluite  de  ces  lois,  fe  difpofer  &  s'arranger  d'une 
»  certaine  façon  qui  la  rendroit  toute  lemblablc  à 
»  nos  cieux  ;  comment  cependant  quelques-unes  de 
»  ces  parties  dévoient  compofer  une  terre  ;  &  quel- 
»  ques-unes,  des  planètes  &  des  comètes;  &r  quel- 

»  ques  autres ,  un  foleil  &  des  étoiles  fixes De-là 

»  je  vins  à  parler  particulièrement  de  la  terre  ;  com- 
»  ment  les  montagnes,  les  mers,  les  fontaines  &  les 
»  rivières  pouvoient  naturellement  s'y  former,  & 
»  les  métaux  y  venir  dans  les  mines  ;  &  les  plantes 
»  y  croître  dans  les  campagnes  ;  &  généralement 
»  tous  les  corps  qu'on  nomme  mêlés  ou  compofès,  s'y 

»  engendrer On  peut  croire,  fans  faire  tort  au 

»  miracle  de  la  création ,  que  parles  feules  lois  de  la 
»  méchanique  établies  dans  la  nature,  toutes  lescho- 
»  fes  qui  font  purement  matérielles ,  auraient  pu  s'y 
»  rendre  telles  que  nous  les  voyons  à  prélent. 

»  De  la  defeription  de  cette  génération  des  corps 
»  animés  &  des  plantes ,  je  paffai  à  celle  des  animaux, 
»  &  particulièrement  à  celle  des  hommes  ». 

1 1.  Defcartes  finit  Ion  difcours  fur  la  méthode ,  en 
nous  montrant  les  fruits  de  la  fienne.  «  J'ai  cru,  dit- 
»  il ,  après  avoir  remarqué  juiqu'où  ces  notions  gé- 
»  nérales,  touchant  laPhylîque,  peuvent  conduire, 
»  que  je  ne  pouvois  les  tenir  cachées,  fans  pécher 
»  grandement  contre  la  loi  qui  nous  oblige  à  procu- 
»  rer,  autant  qu'il  eft  en  nous,  le  bien  général  de 
»  tous  les  hommes.  Car  elles  m'ont  fait  voir  qu'il  eft 
»  potable  de  parvenir  à  des  connoiffances  qui  font 
»  fort  utiles  à  la  vie,  &  qu'au  lieu  de  cette  Philofo- 
»  phie  fpéculative  qu'on  enfeigne  dans  les  écoles  , 
»  on  en  peut  trouver  une  pratique  ,  par  laquelle  con- 
»  noiffant  la  force  &  les  actions  du  feu ,  de  l'eau  ,  de 
»  l'air ,  des  affres ,  des  lieux ,  &  de  tous  les  autres  corps 
»  qui  nous  environnent ,  auffi  dijlinclement  que  nous  con- 
»  noifjons  les  divers  métiers  de  nos  artifans ,  nous  les 
»  pourrions  employer  en  même  façon  a  tous  les  ufages 
»  auxquels  ils J ont  propres ,  &  ainfï  nous  rendre  maîtres 
&  pojjejjeurs  de  la  nature  ». 

Defcartes  fe  félicite  en  dernier  lieu  des  avanta- 


CAR 

gc.  qui  reviendront  de  fa  Phyfique  générale  à  la  Mé- 
decine &  à  la  fanté.  Le  but  de  ies  connoiffances  eft , 
de  je  pouvoir  exempter  d'une  infinité  de  maladies,  &  mê- 
me auffi  peut-être  de  l'affàiblifiement  de  la  vieillejfe. 

Telle  eft  la  méthode  de  Defcarus.  Telles  lbnt  fes 
promeuves  ou  fes  efpérances.  Elles  font  grandes  Tans 
cloute  :  &  pour  fentir  au  jufte  ce  qu'elles  peuvent  va- 
loir ,  il  eft  bon  d'avertir  le  leûeur  qu'il  ne  doit  point 
fe  prévenir  contre  ce  renoncement  à  toute  connoif- 
fance  fenfible  ,  par  lequel  ce  Philolophe  débute. 
On  eft  d'abord  tenté  de  rire  en  le  voyant  hériter  à 
croire  qu'il  n'y  ait  ni  monde,  ni  lieu  ,  ni  a\icun  corps 
autour  de  lui:  mais  c'eft  un  doute  métaphyfique , 
qui  n'a  rien  de  ridicule  ni  de  dangereux;  &  pour  en 
juger  férieuiement ,  il  eft  bon  de  le  rappeller  les  cir- 
constances où  Defcartes  fe  trouvoit.  Il  étoit  né  avec 
un  grand  génie  ;  &  il  régnoit  alors  dans  les  écoles 
un  galimathias  d'entités  ,  de  formes  fubftancieiies , 
&  de  qualités  attractives  ,  répuliives ,  retentrices  , 
concoclrices ,  expultrices ,  &  autres  non  moins  ri- 
dicules ni  moins  obfcures ,  dont  ce  grand  homme 
étoit  extrêmement  rebuté.  Il  avoit  pris  goût  de  bon- 
ne heure  à  la  méthode  des  Géomètres  ,  qui  d'une  vé- 
rité inconteftable  ,  ou  d'un  point  accordé,  condui- 
fent  l'efprit  à  quelqu'autre  vérité  inconnue  ;  puis  de 
celle-là  à  une  autre ,  en  procédant  toujours  ainfi  ; 
ce  qui  procure  cette  conviction  d'où  nait  une  fatis- 
facuon  parfaite.  La  penfée  lui  vint  d'introduire  la 
même  méthode  dans  l'étude  de  la  nature  ;  &  il  crut 
en  partant  de  quelques  vérités  fimples ,  pouvoir  par- 
venir aux  plus  cachées ,  &  enfeigner  la  Phyfique  ou 
la  tormation  de  tous  les  corps ,  comme  on  enfeigne 
la  Géométrie. 

Nous  reconnoîtrions  facilement  nos  défauts ,  fi 
nous  pouvions  remarquer  que  les  plus  grands  hom- 
mes en  ont  eu  de  femblables.  Les  philofophes  au- 
roient  fuppléé  à  l'impuiftance  où  nous  fournies  pour 
la  plupart  de  nous  étudier  nous-mêmes  ,  s'ils  nous 
avoient  laiffé  l'hiftoire  des  progrés  de  leur  efprit. 
Defcartes  l'a  fait ,  &  c'eft  un  des  grands  avantages 
de  fa  méthode.  Au  lieu  d'attaquer  directement  les 
fcholaftiques  ,  il  repréfente  le  tems  où  il  étoit  dans 
les  mêmes  préjugés  :  il  ne  cache  point  les  obftaclcs 
qu'il  a  eus  à  furmonter  pour  s'en  défaire  ;  il  don- 
ne les  règles  d'une  méthode  beaucoup  plus  limple 
qu'aucune  de  celles  qui  avoient  été  en  ufage  jufqu'à 
lui ,  laifl'e  entrevoir  les  découvertes  qu'il  croit  avoir 
faites  ,  &  prépare  par  cette  adrefle  les  efprits  à  re- 
cevoir les  nouvelles  opinions  qu'il  fe  propofoit  d'é- 
tablir. Il  y  a  apparence  que  cette  conduite  a  eu  beau- 
coup de  part  à  la  révolution  dont  ce  philolophe  eft 
l'auteur. 

La  méthode  des  Géomètres  eft  bonne ,  mais  a- 
t-elle  autant  d'étendue  que  Defcartes  lui  en  donnoit? 
II  n'y  a  nulle  apparence.  Si  l'on  peut  procéder  géo- 
métriquement en  Phyfique ,  c'eft  feulement  dans 
telle  ou  telle  partie ,  &  fans  efperance  de  lier  le  tout. 
Il  n'en  eft  pas  de  la  nature  comme  des  mefures  & 
des  rapports  de  grandeur.  Sur  ces  rapports  Dieu  a 
donné  à  l'homme  une  intelligence  capable  d'aller 
fort  loin ,  parce  qu'il  vouloit  le  mettre  en  état  de 
faire  une  maifon,  une  voûte  ,  une  digue  ,  Se  mille 
autres  ouvrages  oii  il  auroit  beloin  de  nombrer  & 
de  mefurcr.  En  formant  un  ouvrier ,  Dieu  a  mis  en 
lui  les  principes  propres  à  diriger  les  opérations  : 
mais  deftinant  l'homme  à  faire  ufage  du  monde  ,  & 
non  à  le  conftruirc  ,  il  s'eft  contenté  de  lui  en  taire 
connoitre  feniiblement  &  expérimentalement  les  qua- 
lités ufuclles  ;  il  n'a  pas  jugé  à  propos  de  lui  accorder 
la  vue  claire  de  cette  machine  immenle. 

Il  y  a  encore  un  défaut  dans  la  méthode  de 
Defcartes;  félon  lui  il  faut  commencer  par  définit 
les  choies  ,  &:  regarder  les  délinitions  comme  des 
principes  propres  à  en  faire  découvrir  les  proprié- 


CAR 


719 


tés.  Il  paroît  au  contraire  qu'il  faut  commencer  par 
chercher  les  propriétés  ;  car ,  fi  les  notions  que  nous 
fommes  capables  d'acquérir,  ne  font,  comme  il  pa- 
roît évident,  que  différentes  collections  d'idées  fimples 
que  l'expérience  nous  a  fait  rafîembler  fous  certains 
noms ,  il  eft  bien  plu:,  naturel  de  les  former,  en  cher- 
chant les  idées  dans  le  même  ordre  que  l'expérience 
les  donne,  que  de  commencer  par' les  définitions, 
pour  en  déduire  enfuite  les  différentes  propriétés  des 
chofes.  Defcartes  méprifoit  la  feience  qui  s'acquiert 
par  les  fens  ;  &  s'étant  accoutumé  à  fe  renfermer 
tout  entier  dans  des  idées  intellectuelles ,  qui  pour 
avoir  entr'elles  quelque  fuite ,  n'avoient  pas  en  effet 
plus  de  réalité ,  ii  alla  avec  beaucoup  d'efprit  de  mé- 
prit e  en  méprife.  Avec  une  matière  prétendue  homo- 
gène ,  mife  6c  entretenue  en  mouvement ,  félon  deux 
ou  trois  règles  de  la  méchanique  ,  il  entreprit  d'ex- 
pliquer la  tormation  de  l'univers.  Il  entreprit  en  par- 
ticulier de  montrer  avec  une  parfaite  évidence  ,  com- 
ment quelques  parcelles  de  chyle  ou  de  fane; ,  tirées 
d'une  nourriture  commune  ,  doivent  former  jufte  & 
précifément  le  tiffu,  l'entrelacement,  &  la  corref- 
pondance  des  vailfeaux  du  corps  d'un  homme,  plutôt 
que  d'un  tigre  ou  d'un  poiffon.  Enfin  il  fe  vantoit  d'a- 
voir découvert  un  chemin  qui  luijembloit  tel,  qu'on  devait 
infadliblement  trouver  la  feience  de  la  vraie  Médecine  en 
le  fuivant.  Voye^  AXIOME. 

On  peut  juger  de  la  nature  de  fes  connoiffances  à 
cet  égard  par  les  traits  fuivans.  Il  prit  pour  un  rhû- 
matilme  la  plcuréfie  dont  il  eft  mort ,  &  crut  fe  dé- 
livrer de  la  fièvre  en  buvant  un  demi-verre  d'eau- 
de-vie  :  parce  qu'il  n'avoit  pas  eu  befoin  de  la  fai- 
gnéedans  l'efpacede  40  ans  ,  il  s'opiniâtra  à  refufer 
ce  fecours  qui  étoit  le  plus  fpécifîque  pour  fon  mal  : 
il  y  confentit  trop  tard,  lorfque  fon  délire  fut  calmé 
&  di/fipé.  Mais  alors ,  dans  le  plein  ufage  de  fa 
raifon  ,  il  voulut  qu'on  lui  infusât  du  tabac  dans  du 
vin  pour  le  prendre  intérieurement  ;  ce  qui  déternfna 
fon  médecin  à  l'abandonner.  Le  neuvième  jour  de  fa 
fièvre  ,  qui  fut  l'avant-dernier  de  fa  vie  ,  il  deman- 
da de  lang  froid  des  panais ,  &  les  mangea  par  pré- 
caution ,  de  crainte  que  les  boyaux  ne  fe  retrécifTent, 
s'il  continuoit  à  ne  prendre  que  des  bouillons.  On 
voit  ici  la  diftance  qu'il  y  a  du  Géomètre  au  Phyfi- 
cien.  Hijl.  du  Ciel ,  tome  il. 

Quoique  M.  Defcartes  fe  fut  appliqué  a  l'étude  de 
la  morale  ,  autant  qu'à  aucune  autre  partie  de  la  phi- 
lof  ophic  ,  nous  n'avons  cependant  de  lui  aucun  traité 
complet  fur  cette  matière.  On  en  voit  les  raifons  dans 
une  lettre  qu'il  écrivit  à  M.  Char.ur.  »  Meilleurs  les 
»  régens  de  collège  (  difoit-il  à  fon  ami  )  font  il  ani- 
»  mes  contre  moi  à  caufe  des  innocens  principes  de 
»  Phyfique  qu'ils  ont  vu  ;  &  tellement  en  colère  de 
»  ce  qu'ils  n'y  trouvent  aucun  prétexte  pour  me  ca- 
»  lomnier ,  que  fi  je  traitois  après  cela  de  la  morale , 
»  ils  ne  me  laifleroienl  aucun  repos  ;  car ,  puilqu'un 
»  père  Jéfuite  a  crû  avoir  allez  de  fujet  pour  m'accu- 
»  1er  d'être  feeptique  ,  de  ce  que  j'ai  réfuté  les  feep- 
»  tiques  ;  &  qu'un  miniftre  a  entrepris  de  perfuader 
»  que  j'étois  athée  ,  fans  en  alléguer  d'autres  raifons , 
»  finon,que  j'ai  tâche  de  prouver  l'exiltence  de  Dieu  : 
»  que  ne  diroient-ils  point ,  li  j'entreprenois  d'exami- 
»  ner  quelle  eft  la  jufte  valeur  de  toutes  les  choies 
»  qu'on  peut  defirer  ou  craindre  ;  quel  fera  l'état  de 
»  l'amc  après  la  mort  ;  jufqu'où  nous  devons  aimer  la 
»  vie,  cv  quels  nous  devons  être  pour  n'avoir  aucun 
»  fujet  d'en  craindre  la  perte!  J'aurois  beau  n'a\o',r 
»  que  les  opinions  les  plus  conformes  à  la  Religion  ,  e'c 
»  les  plus  utiles  au  bien  de  l'Etat,  ils  ne  laillèroient 
»  pas  de  me  vouloir  faire  croire  que  j'en  aurois  de 
»  contraires  à  l'un  èv  à  l'autre.  Ainli  je  penfe  que  le 
»  mieux  que  je  puifle  faire  dorénavant, lera  de  m'abi- 
»  tenir  de  faire  des  livres  :  &  ayant  pris  pour  ma  de- 
»  vile  ,  illi  mors  guyis  incubât,  qui  notus  mmis  ornai- 


VIO 


CAR 


»  bus ,  ig notas  moriturfibi ,  de  n'étudier  phis  que  pour 
»  m'iniiruire  ;  &  ne  communiquer  mes  penlées  qu  a 
»  ceux  avec  qui  je  pourrai  converkr  en  particulier  ». 
On  voit  par-là  qu'il  n'étudioit  la  morale  que  pour 
fa  conduite  particulière  ;  &  c'eft  peut-être  aux  effets 
de  cette  étude  qu'on  pourroit  rapporter  les  delirs 
qu'on  trouve  dans  la  plupart  de  les  lettres,  de  confa- 
crer  toute  fa  vie  à  la  lcience  de  bien  vivre  avec  Dieu 
&  avec  fon  prochain  ,  en  renonçant  à  toute  autre 
connoiffance  ;  au  moins  avoit-il  appris  dans  cette 
étude  à  confidérer  les  écrits  des  anciens  payens  com- 
me des  palais  fuperbes ,  qui  ne  font  bâtis  que  fur  du 
fable.  Il  remarqua  dès  lors ,  que  ces  anciens  dans  leur 
morale  ,  élèvent  fort  haut  les  vertus,  &  les  font  pa- 
roitre  eftimables  au-defîûs  de  tout  ce  qu'il  y  a  dans 
le  monde  ;  mais  qu'ils  n'enléignent  pas  allez  à  les 
connoître ,  &  que  ce  qu'ils  appellent  d'un  fi  beau 
nom  ,  n'eft  fouvent  qu'infenlibilité  ,  orgueil ,  &  de- 
fefpoir.  Ce  fut  aufli  à  cette  étude  qu'il  fut  redevable 
des  quatre  maximes  que  nous  avons  rapportées  dans 
l'analyfe  que  nous  avons  donnée  de  la  méthode, & 
fur  lefquelles  il  voulut  régler  fa  conduite  :  il  n'étoit 
efclave  d'aucune  des  pâmons  qui  rendent  les  hom- 
mes vicieux.  Il  étoit  parfaitement  guéri  de  l'inclina- 
tion qu'on  lui  avoit  autrefois  infpirée  pour  le  jeu  , 
&  de  l'indifférence  pour  la  perte  de  fon  tems.  Quant 
à  ce  qui  regarde  la  religion ,  il  conferva  toujours  ce 
fonds  de  pieté  que  les  maîtres  lui  avoient  infpirée  à 
la  Flèche.  Il  avoit  compris  de  bonne  heure  que  tout 
ce  qui  eft  l'objet  de  la  foi ,  ne  fauroit  l'être  de  la  rai- 
fon  :  il  difoit  qu'il  feroit  tranquille ,  tant  qu'il  auroit 
Rome  &  la  Sorbonne  de  fon  côté. 

L'irréfolution  oii  il  fut  affez  long- tems  touchant  les 
vues  générales  de  fon  état ,  ne  tomboit  point  fur  fes 
aciions  particulières  ;  il  vivoit  &  agiffoit  indépen- 
damment de  l'incertitude  qu'il  trouvoit  dans  les  ju- 
gemens  qu'il  failoit  fur  les  Sciences.  Il  s'étoit  fait  une 
morale  limple,  félon  les  maximes  de  laquelle  il 
prétendoit  embralî'er  les  opinions  les  plus  modérées , 
le  plus  communément  reçues  dans  la  pratique  ,1e  fai- 
fant  toujours  allez  de  juftice ,  pour  ne  pas  préférer  fes 
opinions  particulières  à  celles  des  peribnnes  qu'il  ju- 
geoit  plus  fages  que  lui.  Il  apportoit  deux  rail'ons  qui 
l'obligeoient  à  ne  choifir  que  les  plus  modérées  d'en- 
tre plufieurs  opinions  également  reçues.'"  La  premie- 
»>  re,  que  ce  font  toujours  les  plus  commodes  pour  la 
»  pratique,  &  vraiffemblablement  les  meilleures,  tou- 
»  tes  les  extrémités  dans  les  actions  morales  étant  or- 
»  dinairement  vicieules  ;  la  féconde  ,  que  ce  feroit  fe 
»  détourner  moins  du  vrai  chemin ,  au  cas  qu'il  vînt 
»  à  s'égarer  ;  &  qu'ainfi ,  il  ne  feroit  jamais  obligé  de 
»  paffer  d'une  extrémité  à  l'autre  ».  Difc.fur  la  Méth. 
Il  paroiffoit  dans  toutes  les  occalîons  li  jaloux  de  fa 
liberté ,  qu'il  ne  pouvoit  diifimuler  l'éloignement qu'il 
avoit  pour  tous  les  engagemens  qui  font  capables  de 
nous  priver  de  notre  indifférence  dans  nos  actions. 
Ce  n'eft  pas  qu'il  prétendît  trouver  à  redire  aux  lois , 
qui ,  pour  remédier  à  l'inconfbnce  des  efprits  foi- 
bles  ,  ou  pour  établir  des  fùretés  dans  le  commerce 
de  la  vie  ,  permettent  qu'on  faffe  des  vœux  ou  des 
contrats  ,  qui  obligent  ceux  qui  les  font  à  perfévérer 
-dans  leur  entreprile  :  mais  ne  voyant  rien  au  monde 
qui  demeurât  toujours  dans  le  même  état ,  &  fe  pro- 
mettant de  perfectionner  fon  jugement  de  plus  en 
plus  ,  il  auroit  crû  offenfer  le  bon  fens ,  s'il  fe  îiit 
obligé  à  prendre  une  chofe  pour  bonne ,  lorfqu'elle 
auroit  ceffé  de  l'être  ,  ou  de  lui  paroître  telle  ;  fous 
prétexte  qu'il  l'auroit  trouvée  bonne  dans  un  autre 
tems. 

A  l'égard  des  aefions  de  fa  vie ,  qu'il  ne  croyoit 
point  pouvoir  fouffrir  de  délai  ;  lorlqu'il  n'étoit  point 
en  état  de  dif cerner  les  opinions  les  plus  véritables, 
il  s'attachoit  toujours  aux  plus  probables.  S'il  arrivoit 
qu'il  ne  trouvât  pas  plus  de  probabilité  dans  les 


CAR 

unes  que  dans  les  autres ,  il  ne  laifîbit  pas  de  fe  de** 
terminer  à  quelques-unes  ,  &  de  les  conlidérer  en- 
fuite  ,  non  plus  comme  douteulès  par  rapport  à  la 
pratique,  mais  comme  très- vraies  6c  très-certaines; 
parce  qu'il  croyoit  que  la  raiibn  qui  l'y  avoit  fait 
déterminer  le  trouvoit  telle  :  par  ce  moyen  ,  il  vint 
à  bout  de  prévenir  le  repentir ,  &  les  remords  qui  ont 
coutume  d'agiter  les  elprits  foibles  oc  chancelans  , 
qui  fe  portent  trop  légèrement  à  entreprendre  ,  com- 
me bonnes,  les  choies  qu'ils  jugent  eniufte  être  mau- 
vaifes. 

Il  s'étoit'fortcment  perfuadé  qu'il  n'y  a  rien  dont 
nous  puiiiions  difpofer  abfolument ,  hormis  nos  pen- 
fées  6c  nos  delirs  ;  delorte  qu'après  avoir  fait  tout  ce 
qui  pouvoit  dépendre  de  lui  pour  les  choies  de  de- 
hors ,  il  regardoit  comme  abiolument  impoffible  à 
fon  égard ,  ce  qui  lui  paroiffoit  difficile  ;  c'eft  ce 
qui  le  fit  réfoudre  à  ne  délirer  que  ce  qu'il  croyoit 
pouvoir  acquérir.  Il  crut  que  le  moyen  ue  vivre  con- 
tent ,  étoit  de  regarder  tous  les  biens  qui  font  hors 
de  nous ,  comme  également  éloignes  cie  notre  pou- 
voir. Il  dut  fans  doute  avoir  betoin  de  beaucoup 
d'exercice,  &  d'une  méditation  fouvent  réitérée,  pour 
s'accoutumer  à  regarder  tout  fous  ce  point  de  vue  ; 
mais  étant  venu  à  bout  de  mettre  fon  elpritdans  cette 
fituation ,  il  fe  trouva  tout  préparé  à  fouffrir  tranquil- 
lement les  maladies  6c  les  diigraces  de  la  fortune 
par  lefquelles  il  plairoit  à  Dieu  de  l'exercer.  II 
croyoit  que  c'étoit  principalement  dans  cepoint ,  que 
conliftoit  le  fecret  des  anciens  philolophes  ,  qui 
avoient  pu  autrefois  fe  fouftraire  à  l'empire  de  fa 
fortune ,  6c  malgré  les  douleurs  6c  la  pauvreté  ,  dit— 
puter  de  la  félicité  avec  leurs  Dieux.  DiJ'coursjur  la 
Méthode  ,pag.  zj.  2£). 

Avec  ces  difpofmons  intérieures ,  il  vivoit  en  ap- 
parence de  la  même  manière  que  ceux  qui ,  étant  li- 
bres de  tout  emploi ,  ne  longent  qu'à  paffer  une  vie 
douce  oc  irréprochable  aux  yeux  des  hommes  ;  qui 
s'étudient  à  léparer  les  plaiiirs  des  vices,  &  qui  , 
pour  joiiir  de  leur  loifir  lans  s'ennuyer ,  ont  recours 
de  tems  en  tems  à  des  divertifiemens  honnêtes.  Ainfi , 
fa  conduite  n'ayant  rien  de  fingulier  qui  fut  capable 
de  frapper  les  yeux  ou  l'imagination  des  autres ,  per- 
fonne  ne  mettoit  obftacle  à  la  continuation  de  lès 
deffeins ,  &  il  s'appliquoit  fans  relâche  à  la  recherche 
de  la  vérité. 

Quoique  M.  Defcartes  eût  réfolu,  comme  nous  ve- 
nons de  le  dire ,  de  ne  rien  écrire  fur  la  morale ,  il  ne 
put  refufer  cette  fatisfaction  à  la  princeffe  Elifabeth  ; 
il  n'imagina  rien  de  plus  propre  à  confoler  cette  prin- 
ceffe philolophe  dans  lès  difgraces ,  que  le  livre  de 
Seneque  ,  touchant  la  vie  heureufe  ,  fur  lequel  il  fît  des 
obfervations ,  tant  pour  lui  en  faire  remarquer  les 
fautes  ,  que  pour  lui  faire  porter  fes  penfées  au-delà 
même  de  celles  de  cet  auteur.  Voyant  augmenter  de 
jour  en  jour  la  malignité  de  la  fortune ,  qui  commen- 
çât à  perfécuter  cette  princeffe ,  il  s'attacha  à  l'en- 
tretenir dans  fes  lettres ,  des  moyens  que  la  Philofo- 
phie  pouvoit  lui  fournir  pour  être  heureufe  Se  con- 
tente dans  cette  vie  ;  &  il  avoit  entrepris  de  lui  per- 
fuader,  que  nous  ne  l'aurions  trouver  que  dans  nous- 
mêmes  cette  félicité  naturelle,  que  les  âmes  vulgai- 
res attendent  en  vain  de  la  fortune  ,  tom.  I.  des  Lett. 
Lorlqu'il  choilit  le  livre  de  Sineque  ,  de  la  vie  heu- 
reufe, «  il  eut  feulement  égard  à  la  réputation  de  l'au- 
»  teur,  &  à  la  dignité  de  la  matière ,  fans  fonger  à  la 
»  manière  dont  il  l'avoit  traitée  »:  mais  l'ayant  exa- 
minée depuis ,  il  ne  la  trouva  point  affez  exacte  pour 
mériter  d'être  fuivie.  Pour  donner  lieu  à  la  princeffe 
d'en  pouvoir  juger  plus  ailément ,  il  lui  expliqua  d'a- 
bord de  quelle  lorte  il  croyoit  que  cette  matière  eût 
dû  être  traitée  par  un  philolophe  tel  que  Séneque, 
qui  n'avoit  que  la  raifon  naturelle  pour  guide  ;  en- 
luite  il  lui  fît  voir  «  comment  Séneque  eût  dû  nous 

»  enfeigner 


C  A  R. 

»  enfeigner  toutes  les  principales  vérités  ,  dont  la 
»  connoiffance  eft  requife  pour  faciliter  l'ufage  de  la 
»  vertu,  pour  régler  nos  defirs  &  nos  paffions,  & 
»  jouir  ainfi  de  la  béatitude  naturelle  ?ce  cpii  auroit 
»  rendu  Ion  livre  le  meilleur  &  le  plus  utile  qu'un 
»  philolophe  payen  eût  lu  écrire  ».  Après  avoir  mar- 
qué ce  qu'il  lui  fembloit  que  Séneque  eût  dû  traiter 
dans  Ion  livre ,  il  examina  dnns  unefeconde  lettre  à 
la  princeffe  ce  qu'il  y  traite ,  avec  une  netteté  &  une 
force  d'elprit ,  qui  nous  fait  regretter  que  M.  Defcar- 
tes n'ait  pas  entrepris  de  reftitierainfi  les  penlées  de 
tous  les  anciens.  Les  réflexions  judicieufes  que  la 
princeffe  fit  de  fon  côté  fur  le  livre  de  Séneque ,  por- 
tèrent M.  Deicartes  à  traiter  dans  les  lettres  fui  van- 
tes,des  autres  queffions  les  plus  importantes  de  la  mo- 
rale ,  touchant  le  fouverain  bien  ,  la  liberté  de  l'hom- 
me ,  l'état  de  l'ame  ,  l'ufage  de  la  raifon  ,  Pillage  des 
pafîîons  ,  les  aefions  vertueuies  &  vicieufés  ,  l'ufage 
des  biens  &  des  maux  de  la  vie.  Ce  commerce  de  phi- 
lolophie  morale  fut  continué  parla  princeffe,  depuis 
fon  retour  des  eaux  de  Spa  ,  où  il  avoit  commencé  , 
avec  une  ardeur  toujours  égale  au  milieu  des  mal- 
heurs dont  fa  vie  fut  traverfée  ;  &  rien  ne  fut  capable 
de  le  rompre ,  que  la  mort  de  M.  Deicartes. 

En  1 64 1  parut  en  Latin  un  des  plus  célèbres  ouvra- 
ges de  notre  Philolophe  ,  &  celui  qu'il  paroit  avoir 
toujours  chéri  le  plus  ;  ce  furent  fes  Méditations  tou- 
chant lu  première  Philofophie ,  oh  Von  démontre  Vexif- 
tencedeDieu  6'  l 'immortalité de  Came. .Mais  on  fera  peut- 
être  furpris  d'apprendre,  que  c'eft  à  la  confeience  de 
Deicartes  que  le  public  fut  redevable  de  ce  préfent. 
Si  l'on  avoit  eu  affaire  à  un  philolophe  moins  zélé 
pour  le  vrai ,  &  fi  cette  paffion  fi  louable  &  fi  rare 
n'avoit  détruit  les  raiibns  qu'il  prétendoit  avoir  ,  de 
ne  plus  jamais  imprimer  aucun  de  fes  écrits  ,  c'étoit 
-fait  de  fes  Méditations,  auffi-bien  que  de  fon  Monde , 
de  lbn  Cours  philosophique  ,  de  fa  Réfutation  de  lafcho- 
Lijlique,  &  de  divers  autres  ouvrages  qui  n'ont  pas  vu 
le  jour,  excepté  les  Principes,  qui  avoient  été  nom- 
mément compris  dans  la  condamnation  qu'il  en  avoit 
faite.  Cette  diftinctionétoit  bien  due  aies  Méditations 
métaphyfîques.  Il  les  avoit  compofées  dans  fa  retraite 
en  Hollande.  Depuis  ce  teins- là  ,  il  les  avoit  laiffées 
dans  fon  cabinet ,  comme  un  ouvrage  imparfait ,  dans 
lequel  il  n'avoit  fongé  qu'à  fe  fatisfaire.  Mais  ayant 
confédéré  enfuite  la  difficulté  que  plufieurs  perfon- 
nes  auraient  de  comprendre  le  peu  qu'il  avoit  mis 
de  métaphyfique  dans  la  quatrième  partie  de  fon  D  if- 
cours  fur  la  Méthode ,  il  voulut  revoir  fon  ouvrage  , 
afin  de  le  mettre  en  état  d'être  utile  au  public, 'en 
donnant  des  éclairciffemens  à  cet  endroit  de  fa  Mé- 
thode, auquel  cet  ouvrage  pourroit  lervir  de  com- 
mentaire. Il  comparait  ce  qu'il  avoit  fait  en  cette  ma- 
tière, aux  démonftrations  d'Apollonius, dans  lelquel- 
les  il  n'y  a  véritablement  rien  qui  nefoit  très-clair  &  tics- 
certain  ,  lorfquon  confidere  chaque  point  à  part.  Mais 
parce  qu'elles  font  un  peu  longues,  &  qu'on  ne  peut  y 
voir  la  néceffité  de  la  conclu/ton  ,fifonnejejouvicnt 
exactement  de  tout  ce  qui  la  précède  ,  à  peine  peut-on  trou- 
ver un  homme  dans  toute  une  ville  ,  dans  toute  une  pro- 
vince ,  qui  fou  capable  de  les  entendre.  De  même  ,  M. 
Deicartes  croydk  avoir  entièrement  démontré  l'e- 
xiilence  de  Dieu  de  l'immatérialité  de  l'ame  humai- 
ne. Mais  parce  que  cela  dépendait  de  plufieurs  rai- 
fonnemens  qui  s'entrefuivoient  ,  &:  que  li  on  en  011- 
blioit  la  moindre  circonltance  il  n'étoit  pas  ailé  de 
bien  entendre  la  conclulion  ,  il  prévoyoit  que  fon 
travail  auroit  peu  de  fruit,  à  moins  qu'il  ne  tombât 
heûreufement  entre  les  mains  de  quelques  perfonnes 
intelligentes,  qui  prilfent  la  peine  d'examiner  lerieu- 
fement  fes  raifons  ;  &  qui  difant  fincerement  ce  qu'el- 
les en  penferoient ,  donnaflent  le  ton  aux  autres  pour 
en  juger  comme  eux  ,  ou  du  moins  pour  n'oier  les 
contredire  fans  raifon. 
Tome  II. 


CAR  ?2ï 

Le  Père  Merfenne  ayant  reçu  l'ouvrage  attendu, 
depuis  tant  de  tems  ,  voulut  fatisfaire  l'attente  de 
ceux  auxquels  il  l'avoit  promis,  par  l'activité  $ç 
l'induftrie  dont  il  ufa  pour  le  leur  communiquer.  Il 
en  écrivit  peu  de  tems  après  à  M.  Defcartes  ,  &  il 
lui  promit  les  objeftions  de  divers  théologiens  &  phi- 
lofophes.  M.  Defcartes  en  parut  d'autant  plus  fur- 
pris,  qu'il  s'étoit  perfuadé  qu'il  falloit  plus  de  tems 
pour  remarquer  exactement  tout  ce  qui  étoit  dans 
fon  traité ,  &  tout  ce  qui  y  manquoit  d'effentiel.  Le 
P.  Merfenne,  pour  lui  faire  voir  qu'il  n'y  avoit  ni 
précipitation  ,  ni  négligence  dans  l'examen  qu'il  en 
faifoit  faire  ,  lui  manda  qu'on  avoit  déjà  remarqué 
que  dans  un  traité  qu'on  croyoit  fait  exprès  pour 
prouver  l'immortalité  de  l'ame  ,  il  n'avoit  pas  dit  un 
mot  de  cette  immortalité.  M.  Defcartes  lui  répondit 
fur  le  champ  ,  qu'on  ne  devoit  pas  s'en  étonner  ;  qu'il 
ne  pouvoit  pas  démontrer  que  Dieu  ne  puifîe  anéan- 
tir l'ame  de  l'homme,  mais  feulement  qu'elle  eft  du- 
ne nature  entièrement  diftincf  e  de  celle  du  corps ,  & 
par  conféquent  qu'elle  n'eft  point  fujette  à  mourir 
avec  lui  ;  que  c'étoit-là  tout  ce  qu'il  croyoit  être  re- 
quis pour  établir  la  religion ,  &  que  c'étoit  auffi  tout 
ce  qu'il  s'étoit  propoié  de  prouver,  f'our  détromper 
ceux  qui  penfoient  autrement ,  il  fit  changer  le  titre 
du  lecond  chapitre  ,  ou  de  la  féconde  Méditation  , 
qui  portoit  de  mente  hurnanà  en  général  ;  au  lieu  de- 
quoi  il  fit  mettre,  dénatura  mentis  humanœ ,  quodipfi 
Jit notior quam  corpus,  afin  qu'on  ne  crût  pas  qu'il  eût 
voulu  y  démontrer  fon  immortalité. 

Huit  jours  après  ,  M.  Defcartes  envoya  au  P.  Mer- 
fenne un  abrégé  des  principaux  points  qui  touchoient 
Dieu  &  l'ame ,  pour  fervir  d'argument  à  tout  l'ou- 
vrage. Il  lui  permit  de  le  faire  imprimer  par  forme 
de  lommaire  à  la  tête  du  Traité ,  afin  que  ceux  qui  ai- 
moient  à  trouver  en  un  même  lieu  tout  ce  qu'ils  cher- 
choient ,  puffent  voir  en  raccourci  tout  ce  que  con- 
tenoit  l'ouvrage  ,  qu'il  crut  devoir  partager  en  fix 
Méditations. 

Dans  la  première,  il  propofe  les  raifons  pourlef- 
quelles  nous  pouvons  douter  généralement  de  toutes 
chofes  ,  &  particulièrement  des  choies  matérielles , 
juiqu'à  ce  que  nous  ayons  établi  de  meilleurs  fonde  - 
mens  dans  les  Sciences,  que  ceux  que  nous  avons  eus 
jufqu'à  préfent.  Il  fait  voir  que  futilité  de  ce  doute 
gênerai  conlilte  à  nous  délivrer  de  toutes  fortes  de 
préjugés  ;  à  détacher  notre  efprit  des  fens ,  &  à  faire 
que  nous  ne  puiffions  plus  douter  des  chofes  que 
nous  reconnoîtrons  être  très-véritables. 

Dans  la  féconde  ,  il  fait  voir  que  l'efprit  ufant  de 
fa  propre  liberté  pour  fuppofer  que  les  chofes  de  l'e- 
xiftenec  delquclles  il  a  le  moindre  doute,  n'exillent 
pas  en  effet ,  reconnoit  qu'il  elt  impolfible  que  ce- 
pendant il  n'cxilte  pas  lui-même  :  ce  qui  lert  à  lui  faire 
distinguer  les  chofes  qui  lui  appartiennent  d'avec  cel- 
les qui  appartiennent  au  corps.  Il  lemble  que  c'étoit 
le  lieu  de  prouver  l'immortalité  de  l'ame.  Mais  U 
manda  au  P.  Merfenne  qu'il  s'étoit  contenté  dans 
cette  féconde  Méditation  de  faire  concevoir  Vamefans 
le  corps ,  fans  entreprendre  encore  de  prouver  qu'elle 
elt  réellement  difincle  du  corps  ,•  parce  qu'il  n'avoit  pas 
encore  mis  dans  ce  lieu-là  les prémifjes  ,  dont  on  peut 
tirer  cette  conclulion  ,  que  l'on  ne  trouverait  que 
dans  lafxicme  Méditation.  C'elt  ainfi  que  ce  philolo- 
phe tachant  de  ne  rien  avancer  dans  tout  fon  Traité 
dont  il  ne  crût  avoir  des  démonftrations  exacles,  fe 
croyoit  obligé  de  fuivre  l'ordre  des  Géomètres,  qui 
ell  de  produire  premièrement  tous  les  principes  d'où 
dépend  la  propofition  que  l'on  cherche  ,  avant  que 
de  rien  conclurre.  La  première  <Sc  la  principale  cho- 
ie qui  ell  requife  félon  lui  pour  bien  connoître  l'im- 
mortalité de  l'ame  ,  cil  d'en  avoir  une  idée  ou  con- 
ception très-claire  &  tres-nctte ,  qui  foit  parfaitement 
dUUnfte  de  toutes  les  conceptions  qu'on  peut  avoir 

YYyy 


7"         CAR 

du  corps.  Il  faut  favoir  outre  cela  que  tout  ce  que 
nous  concevons  clairement  &  diftin&ement ,  eft  vrai 
de  la  môme  manière  que  nous  le  concevons  ;  c'eft 
ce  qu'il  a  été  obligé  de  remettre  à  la  quatrième  Mé- 
ditation. Il  faut  de  plus  ,  avoir  une  conception  dif- 
tin£te  de  la  nature  corporelle  ;  c'eft  ce  qui  fe  trouve 
en  partie  dans  la  féconde,  &  en  partie  clans  la  cin- 
quième ëcfxieme  Méditations.  L'on  doit  conclurre  de 
tout  cela ,  que  les  chofes  que  l'on  conçoit  clairement 
&  diftin&ement  comme  des  fubftances  diverfes  ,  tel- 
les que  font  l'efprit  &c  le  corps  ,  font  des  fubftances 
réellement  diftin&es  les  unes  des  autres.  C'eft  ce  qu'il 
conclut  dans  la.  fxieme  Méditation.  Revenons  à  l'or- 
dre des  Méditations  &  de  ce  qu'elles  contiennent. 

Dans  la  troifieme ,  il  développe  allez  au  long  le 
principal  argument  par  lequel  il  prouve  l'exiftence 
de  Dieu.  Mais  n'ayant  pas  jugé  à  propos  d'y  em- 
ployer aucune  comparaison  tirée  des  chofes  corpo- 
relles. ,  arin  d'éloigner  autant  qu'il  pourroit  l'efprit 
du  lecleur  de  l'ufage  &  du  commerce  des  fens  ,  il 
n'avoit  pu  éviter  certaines  obfcurités  ,  auxquelles  il 
avoit  déjà  remédié  dans  fes  réponfes  aux  premières 
obje&ions  qu'on  lui  avoit  faites  dans  les  Pays-Bas  , 
&  qu'il  avoit  envoyées  au  P.  Merfenne  pour  être 
imprimées  à  Paris  avec  fon  Traité. 

Dans  la  quatrième  ,  il  prouve  que  toutes  les  cho- 
fes que  nous  concevons  fort  clairement  &  fort  dif- 
tinclement ,  font  toutes  vraies.  Il  y  explique  auffi  en 
quoi  confifte  la  nature  de  l'erreur  ou  de  la  iaufleté. 
Par-là  il  n'entend  point  le  péché  ou  l'erreur  qui  le 
commet  dans  la  pourfuite  du  bien  &  du  mal  ,  mais 
feulement  l'erreur  qui  fe  trouve  dans  le  jugement  & 
le  difeernement  du  vrai  &c  du  faux. 

Dans  la  cinquième  ,  il  explique  la  nature  corpo- 
relle en  général.  Il  y  démontre  encore  l'exiftence 
de  Dieu  par  une  nouvelle  raifon.  Il  y  fait  voir  com- 
ment il  eft  vrai  que  la  certitude  même  des  démonf- 
trations  géométriques  dépend  de  la  connoiflance  de 
Dieu. 

Dans  la  fïxïeme,  il  diftingue  l'a&ion  de  l'entende- 
ment d'avec  celle  de  l'imagination  ,  &  donne  les 
marques  de  cette  diftinûion.  Il  y  prouve  que  l'ame 
de  l'homme  eft  réellement  diftin&e  du  corps.  Il  y 
expofe  toutes  les  erreurs  qui  viennent  des  fens ,  avec 
les  moyens  de  les  éviter.  Enfin  il  y  apporte  toutes 
les  raifons  ,  defquelles  on  peut  conclurre  l'exiftence 
des  chofes  matérielles.  Ce  n'eft  pas  qu'il  les  jugeât 
fort  utiles  pour  prouver  qu'il  y  a  un  monde ,  que  les 
hommes  ont  des  corps ,  &  autres  chofes  femblables  qui 
n'ont  jamais  été  mifes  en  doute  par  aucun  homme  de 
bon  fens  ;  mais  parce  qu'en  les  considérant  de  près  , 
on  vient  à  connoître  qu'elles  ne  font  pas  fi  évidentes 
que  celles  qui  nous  conduifent  à  la  connoiflance  de 
Dieu  &c  de  notre  ame. 

Voilà  l'abrégé  des  Méditations  de  Defcartes ,  qui 
font  de  tous  fes  ouvrages  celui  qu'il  a  toujours  le 
plus  eftimé.  Tantôt  il  remercioit  Dieu  de  fon  tra- 
vail ,  croyant  avoir  trouvé  comment  on  peut  dé- 
montrer les  vérités  métaphysiques  :  tantôt  il  fe  laif- 
foit  aller  au  plailir  de  faire  connoître  aux  autres 
l'opinion  avantageufe  qu'il  en  avoit  conçue.  «  Aflïï- 
»  rez-vous  ,  écrivoit-il  au  P.  Merfenne,  qu'il  n'y  a 
»  rien  dans  ma  métaphyfique  que  je  ne  croie  être  , 
»  ou  très -connu  par  la  lumière  naturelle  ,  ou  démontré 
»  évidemment ,  &  que  je  me  fais  fort  de  le  faire  en- 
»  tendre  à  ceux  qui  voudront  &  pourront  y  médi- 
»  ter,  &c.  »  En  effet,  on  peut  dire  que  ce  livre  ren- 
ferme tout  le  fonds  de  fa  doctrine ,  tk  que  c'eft  une 
pratique  très-exaâe  de  fa  Méthode.  Il  avoit  coutume 
de  le  vanter  à  fes  amis  intimes  ,  comme  contenant 
des  vérités  importantes ,  qui  n'avoient  jamais  été  bien 
examinées  avant  lui,  &c  qui  donnoient  pourtant  l'ou- 
verture à  la  vraie  Philofophie  ,  dont  le  point  princi- 
pal confifte  à  nous  convaincre  de  la  différence  qui  fe 


C  A  R 

trouve  entre  l'efprit  &  le  corps.  C'eft  ce  qu'il  a  pré- 
tendu faire  dans  ces  Méditations  par  une  analyf , 
qui  ne  nous  apprend  pas  feulement  cette  différence  , 
mais  qui  norîs  découvre  en  même  tems  le  chemin 
qu'il  a  fuivi  pour  la  découvrir.  Voyei  Analyse. 

Defcartes ,  dans  fon»  Traité  de  la  Lumière  ,  tranf- 
porte  fon  lecleur  au-delà  du  monde  dans  les  efpaces 
imaginaires  :  &  là  il  fuppoie,  que  pour  donner  aux 
philofophes  l'intejligence  de  la  ftrufture  du  monde  , 
Dieu  veut  bien  leur  accorder  le  fpeftacle  d'une  créa- 
tion. Il  fabrique  pour  cela  une  multitude  de  parcelles 
de  matières  également  dures  ,  cubiques  ou  triangu- 
laires ,  ou  Amplement  irrégulieres  &  raboteufes ,  ou 
même  de  toutes  figures,  mais  étroitement  appliquées 
l'une  contre  l'autre ,  face  contre  face  ,  &  fi  bien  en- 
taflees ,  qu'il  ne  s'y  trouve  pas  le  moindre  interftice. 
Il  foûtient  même  que  Dieu  qui  les  a  créées  dans  les 
efpaces  imaginaires  ,  ne  peut  pas  après  cela  laifler 
fubfifter  entr'elles  le  moindre  petit  efpace  vuide  de 
corps  ;  &  que  l'entreprife  de  ménager  ce  vuide ,  pâlie 
le  pouvoir  du  Tout-puiffant. 

Enfuite  Dieu  met  toutes  ces  parcelles  en  mou- 
vement :  il  les  fait  tourner  la  plupart  autour  de  leur 
propre  centre  ;  &  de  plus ,  il  les  pouffe  en  ligne  di- 
rede. 

Dieu  leur  commande  de  refter  chacune  dans  leur 
état  de  figure,  malle,  vîteffe,  ou  repos  ,  jufqu'à  ce 
qu'elles  foient  obligées  de  changer  par  la  réfiftance  , 
ou  par  la  fracture. 

Il  leur  commande  de  partager  leurs  mouvemens 
avec  celles  qu'elles  rencontreront ,  &  de  recevoir 
du  mouvement  des  autres.  Defcartes  détaille  les 
règles  de  ces  mouvemens  ck  de  ces  communications 
le  mieux  qu'il  lui  eft  poflible. 

Dieu  commande  enfin  à  toutes  les  parcelles  mues 
d'un  mouvement  de  progreflion  ,  de  continuer  tant 
qu'elles  pourront  à  fe  mouvoir  en  ligne  droite. 

Cela  fuppofé,  Dieu,  félon  Defcartes,  conferve 
ce  qu'il  a  fait  :  mais  il  ne  fait  plus  rien.  Ce  chaos 
forti  de  fes  mains ,  va  s'arranger  par  un  effet  du  mou- 
vement, &  devenir  un  monde  femblable  au  nôtre  ; 
un  monde  dans  lequel ,  quoique  Dieu  n'y  mette  aucun 
ordre  ni  proportion ,  on  pourra  voir  toutes  les  chofes  , 
tant  générales  qui  particulières  ,  qui  paroiffent  dans  h 
vrai  inonde.  Ce  font  les  propres  paroles  de  l'auteur , 
&  l'on  ne  fauroit  trop  y  faire  attention. 

De  ces  parcelles  primordiales  inégalement  mues , 
qui  font  la  matière  commune  de  tout,' &  qui  ont 
une  parfaite  indifférence  à  devenir  une  choie  ou 
une  autre  ,  Defcartes  voit  d'abord  fortir  trois  éle- 
mens  ;  &  de  ces  trois  élémens  ,  toutes  les  maffes  qui 
fubliftent  dans  le  monde.  D'abord  les  carnes  ,  an- 
gles, &  extrémités  de  parcelles ,  font  inégalement 
rompues  par  le  frottement.  Les  plus  fines  pièces  font 
la  matière  fubtile  ,  qu'il  nomme  le  premier  élément  : 
les  corps  ufés  &  arrondis  par  le  frottement ,  font  li 
fécond  élément  ou  la  lumière  :  les  pièces  rompues  les 
plus  groflieres ,  les  éclats  les  plus  mafiifs ,  &  qui  cpn- 
fervent  le  plus  d'angles,  font  le  troifieme  élément ,  ou 
la  matière  terreftre  &  planétaire. 

Tous  les  élémens  mus  &  fe  faifant  obftacle  les 
uns  aux  autres  ,  fe  contraignent  réciproquement  à 
avancer,  non  en  ligne  droite  ,  mais  en  ligne  circu- 
laire, &  à  marcher  par  tourbillons ,  les  uns  autour 
d'un  centré  commun ,  les  autres  autour  d'un  autre  \. 
de  forte  cependant  que  confervant  toujours  leur  ten- 
dance à  s'en  aller  en  ligne  droite ,  ils  font  effort  à 
chaque  inftant  pour  s'éloigner  du  centre;  ce  qu'il 
appelle  force  centrifuge. 

Tous  ces  élémens  tâchant  de  s'éloigner  du  cen- 
tre ,  les  plus  maflifs  d'entre  eux  font  ceux  qui  s'en 
éloigneront  le  plus  :  ainfi  l'élément  globuleux  fera 
plus  éloigné  du  centre  que  la  matière  fubtile  ;  & 
comme  tout  doit  être  plein ,  cette  matière  fubtile  le 


CAR 

rangera  en  partie  dans  les  interfaces  des  globules  de 
la  lumière  ,  6c  en  partie  vers  le  centre  du  tourbillon. 
Cette  partie  de  la  matière  fubtile  ,  c'eft- à-dire  de  la 
plus  fine  pouffiere  qui  s'eft  rangée  au  centre  ,  eft  ce 
que  Defcartes  appelle  un  foleil.  11  y  a  de  pareils  amas 
de  menue  pouffiere  dans  d'autres  tourbillons  com- 
me dans  celui-ci  ;  &  ces  amas  de  pouffieres  font  au- 
tant d'autres  foleils  que  nous  nommons  étoiles,  6c 
qui  brillent  peu  à  notre  égard  ,  vu  l'éloignement. 

L'élément  globuleux  étant  compofé  de  globules 
inégaux,  les  plus  forts  s'écartent  le  plus  vers  les  ex- 
trémités du  tourbillon  ;  les  plus  foibles  fe  tiennent 
plus  près  du  foleil.  L'action  de  la  fine  pouffiere  qui 
compofé  le  foleil ,  communique  Ion  agitation  aux 
globules  voifins,  &  c'eft  en  quoi  confifte  la  lumière. 
Cette  agitation  communiquée  à  la  matière  globu- 
leulé,  accélère  le  mouvement  de  celle-ci  :  mais  cette 
accélération  diminue  en  raiibn  de  l'éloignement,  6c 
finit  à  une  certaine  diftance. 

On  peut  donc  diviiér  la  lumière  depuis  le  foleil 
jufqu'à  cette  diftance ,  en  différentes  couches  ,  dont 
la  vîteffe  eft  inégale,  &  va  diminuant  de  couche  en 
couche.  Après  quoi  la  matière  globuleufe  qui  rem- 
plit le  relie  immenfe  du  tourbillon  (blaire ,  ne  reçoit 
plus  d'accélération  du  foleil:  &  comme  ce  grand  rel- 
ie de  matière  globuleufe  eft  compofé  des  globules  les 
plus  gros  6c  les  plus  forts ,  l'activité  y  va  toujours 
en  augmentant,  depuis  le  terme  où  l'accélération 
caufée  par  le  foleil ,  expire ,  jufqu'à  la  rencontre  des 
tourbillons  voifins.  Si  donc  il  tombe  quelques  corps 
mafiifs  dans  l'élément  globuleux ,  depuis  le  foleil , 
jufqu'au  terme  où  finit  l'action  de  cet  aftre ,  ces  corps 
feront  mus  plus  vite  auprès  du  foleil,  &C  moins  vite 
à  mefure  qu'ils  s'en  éloigneront.  Mais  li  quelques 
eorps  maffifs  font  amenés  dans  le  refte  de  la  matière 
globuleufe ,  entre  le  terme  de  l'action  iolaire  6c  la 
rencontre  des  tourbillons  voifins,  ils  iront  avec  une 
accélération  toujours  nouvelle,  jufqu'à  s'enfoncer 
dans  ces  tourbillons  voifins  ;  &l  d'autres  qui  s'écha- 
peroientdes  tourbillons  voifins ,  &  entreroient  dans 
l'élément  globuleux  du  nôtre,  y  pourroient  defeen- 
dre  ou  tomber,  &  s'avancer  vers  le  foleil. 

Or  il  y  a  de  petits  tourbillons  de  matière  qui  peu- 
vent rouler  dans  les  grands  tourbillons;  &  ces  petits 
tourbillons  peuvent  non -feulement  être  compotes 
d'une  matière  globuleufe  &  d'une  pouffiere  fine ,  qui 
rangée  au  centre,  en  faffe  de  petits  foleils:  mais  ils 
peuvent  encore  contenir  ou  rencontrer  bien  des  par- 
celles de  cette  groffe  pouffiere,  de  ces  grands  éclats 
d'angles  brifés  que  nous  avons  nommés  le  troifieme 
élément.  Ces  petits  tourbillons  ne  manqueront  pas 
d'écarter  vers  leurs  bords  toute  la  groffe  pouffiere  ; 
c'eft-à-dire,  fi  vous  l'aimez  mieux,  que  les  grands 
éclats  ,  formant  des  pelotons  épais  &  de  gros  corps , 
gagneront  toujours  les  bords  du  petit  tourbillon  par 
la  fupériorité  de  leur  force  centrifuge  :  Defcartes  les 
arrête-là,  6c  la  choie  eft  fort  commode.  Au  lieu  de  les 
laifler  courir  plus  loin  par  la  force  centrifuge  ,  ou  d'ê- 
tre emportés  par  l'impulfion  de  la  matière  du  grand 
tourbillon,  ils  obfcurciffent  le  foleil  du  petit,  6c  ils 
encroûtent  peu  à-peu  le  petit  tourbillon:  6c  de  ces 
croûtes  épaiffies  fur  tout  le  dehors,  il  fe  forme  un 
corps  opaque,  une  planète,  une  terre  habitable.  Com- 
me les  amas  de  la  fine  pouffiere  font  autant  de  foleils, 
les  amas  de  la  groffe  pouffiere  font  autant  de  planè- 
tes &  de  comètes.  Ces  planètes  amenées  dans  la  pre- 
iii  .i  e  moitié  de  la  matière  globuleufe  ,  roulent  d'une 
VÎteffe  qui  va  toujours  en  diminuant  depuis  la  pre- 
miere  qu'on    nomme  Mercure,  jufqu'à    la   dernière 
qu'on  nomme  Saturne.  Les  corps  opaques  qui  l'ont  jet- 
tés  dans  la  féconde  moitié,  s'en  vont  julqu( 
les  tourbillons  voifins,  6c  d'autres  partent  des  tour- 
billons voifins,  puis  descendent  dans  le  nôtre  vers  le 
foleil.  La  même  pouffiere  malîive  qui  nous  a  fourni 
Tome  II, 


CAR 


71?' 


une  terre ,  des  planètes  &c  des  comètes ,  s'arrange  j 
en  vertu  du  mouvement ,  en  d'autres  formes,  &  nous 
donne  l'eau ,  l'atmofphere ,  l'air  ,  les  métaux  ,  les 
pierres ,  les  animaux  6c  les  plantes  ;  en  un  mot  tou- 
tes les  choies,  tant  générales  que  particulières ,  que  ne  us 
voyons  dans  notre  monde,  organifées,  &  autres. 

Il .y  à  encore  bien  d'autres  parties  à  détailler  dans 
l'édifice  de  Deicartes  :  mais  ce  que  nous  avons  déjà 
vûcft  regardé  de  tout  le  monde  comme  un  afforti- 
menî  de  pièces  qui  s'écroulent  ;  &  fans  en  voir  davan- 
tage,  il  n'y  a  perfonne  qui  ne  puiffe  fentir  qu'un  tel 
fyltême  n'eft  nullement  recevable. 

i°.  II  eft  d'abord  fort  fingulier  d'entendre  dire  que 
D  eu  ne  peut  pas  créer  6c  rapprocher  quelques  corps 
anguleux,  fans  avoir  de  quoi  remplir  exactement  les 
interftices  des  angles.  De  quel  droit  ole-t-on  reffer- 
rer  ainli  la  fouveraine  puifiance? 

2°.  Mais  je  veux  que  Deicartes  fâche  précifément 
pourquoi  Dieu  doit  avoir  tant  d'horreur  du  vuide  ; 
je  veux  qu'il  puiffe  très-bien  accorder  la  liberté  des 
mouvemens  avec  le  plein  parfait  ;  qu'il  prouve  mê- 
me la  néceffité  actuelle  du  plein  :  à  la  bonne  heure* 
L'endroit  où  je  l'arrête,  eft  cette  prétention  que 
le  vuide  loit  impofnble.  Il  ne  l'eft  pas  même  dans  fa 
fuppofition.  Car  pour  remplir  tous  les  interftices,  il 
faut  avoir  des  pouffieres  de  toute  taille ,  qui  vien- 
nent au  befoin  fe  glilfer  à  propos  dans  les  interval- 
les entre-ouverts.  Ces  pouffieres  ne  fe  forment  qu'à 
la  longue.  Les  globules  ne  s'arrondiffent  pas  en  un 
initant.  Les  coins  les  plus  gros  fe  rompent  d'abord  j 
puis  les  plus  petits;  6c  à  force  de  frottemens,  nous 
pourrons  recueillir  de  nos  pièces  pulvérilées  de  quoi 
remplir  tout  ce  qu'il  nous  plaira  :  mais  cette  pulvé- 
rilation  eft  luccellive.  Ainii  au  premier  moment  que 
Dieu  mettra  les  parcelles  de  la  matière  primordiale 
en  mouvement  ;  la  pouffiere  n'eft  pas  encore  formée  : 
Dieu  fouleve  les  angles  ;  ils  vont  commencer  à  fe 
brifer:  mais  avant  que  la  choie  foit  faite,  voilà  en-' 
tre  ces  angles  des  vuides  fans  fin,  &  nulle  matière 
pour  les  remplir. 

3°.  Selon  Deicartes  ,  la  lumière  eft  une  maffe  de 
petits  globes  qui  fe  touchent  immédiatement,  en  for- 
te qu'une  file  de  ces  globes  ne  l'auroit  être  pouffée 
par  un  bout,  que  l'impulfion  ne  le  taife  ientir  en  mê- 
me tems  à.l'autre  bout ,  comme  il  arrive  dans  un  bâ- 
ton ,  ou  dans  une  file  de  boulets  de  canon  qui  fe  tou- 
chent. M.  Roemer  &  M.  Picard  ont  obiervé ,  que 
quand  la  terre  étoit  entre  le  foleil  &  Jupiter,  les  éclip- 
fes  de  fes  fatellites  arrivoient  alois  plutôt  qu'il  n'eft 
marqué  dans  les  tables  ;  mais  que  quand  la  terre  s'en 
alloit  du  côté  oppofé,  &  que  le  foleil  étoit  entre  Ju- 
piter 6c  la  terre,  alors  les  eclipfes  des  latellites  arri- 
voient pluficurs  minutes  plus  tard ,  parce  que  la  lu- 
mière avoit  tout  le  grand  orbe  annuel  de  la  terre  à 
traverfer  de  plus  dans  cette  dernière  lîtuution  que 
dans  la  précédente:  d'où  ils  l'ont  parvenus  à  pouvoir 
affûrer  que  la  lumière  du  foleil  mettoit  lept  à  huit 
minutes  à  franchir  les  trente  trois  millions  de  lieues 
qu'il  y  a  du  foleil  à  la  terre.  Quoi  qu'il  en  foit  au  refte 
fur  la  durée  précité  de  ce  trajet  de  la  lumière  ,  il  eft 
certain  que  la  communication  ne  s'en  fait  pas  en  un 
inftant;  mais  que  le  mouvement  ou  la  preiiion  de  la 
lumière  parvient  plus  vite  furies  corps  plus  voilins, 
&  plus  tard  fur  les  corps  plus  éloignés  :  au  lieu  qu'une 
file  de  douze  globes ,  6c  une  file  de  cent  globes ,  s'ils 
fe  touchent,  communiquent  leur  mouvement  auliî 
vite  l'une  que  l'autre.  La  lumière  de  Deicartes  n'eft 
donc  pas  la  lumière  du  monde.  Voy.  Aberration. 
En  voilà  affez,  ce  me  fcmble,  pour  faire  fentir 
les  inconvéniens  de  ce  fyftème.  On  peut,  a-,  s 
de  Fontenelle,  féliciter  le  fiecle,  qui,  en  nous  don- 
nant Deicartes,  a  mis  en  honneur  un  nouvel  art  de 
raifonner,  &  commumqué  aux  autres  feiences  l'exac- 
titude de  la  Géométrie,  Mais  on  doit ,  félon  fa  judi-: 

YYyy  ij 


7*4  CAR 

cieufe  remarque,  «  fentir  l'inconvénient  des  fyftè- 
»  rr.es  précipités,  dont  l'impatience  de  l'eiprit  hu- 
»  main  ne  s'accommode  que  trop  bien ,  &  qui  étant 
»  une  fois  établis ,  s'oppoient  aux  vérités  qui  fur- 
»  viennent  ». 

Il  joint  à  fa  remarque  un  avis  falutaire,  qui  eft  d'a- 
mafier,  comme  font  les  Académies ,  des  matériaux 
qui  le  pourront  lier  un  jour,  plutôt  que  d'entrepren- 
dre avec  quelques  lois  de  méchanique ,  d'expliquer 
intelligiblement  la  nature  entière  &  Ion  admirable 
variété. 

Je  lai  qu'on  allègue  en  faveur  du  fyfième  de  Def- 
cartes  ,  l'expérience  des  lois  générales  par  lelquelles 
Dieu  conlerve  l'univers.  La  coniervation  de  tous  les 
êtres  eft,  dit-on ,  une  création  continuée  ;  6c  de  mê- 
me qu'on  en  conçoit  la  coniervation  par  des  lois  gé- 
nérales, ne  peut-on  pas  y  recourir  pour  concevoir, 
par  forme  cie  iïmple  hypothefe,  la  création  &  tou- 
tes l'es  fuites  ? 

Raifonner  de  la  forte  eft  à  peu-près  la  même  cho- 
fe ,  que  fi  on  aiiùroit  que  la  même  méchanique ,  qui 
avec  de  l'eau  ,  du  foin  cv  de  l'avoine ,  peut  nourrir 
un  cheval ,  peut  auiîi  former  un  eftomac  &  le  che- 
val entier.  Il  eft  vrai  que  li  nous  fuivons  Dieu  dans  le 
gouvernement  du  monde,  nous  y  verrons  régner 
une  uniformité  lublime.  L'expérience  nous  autorité 
à  n'y  pas  multiplier  les  volontés  de  Dieu  comme  les 
rencontres  des  corps.  D'une  feule  volonté  ,  il  a  réglé 
pour  tous  les  cas  6c  pour  tous  les  fiecles ,  la  marche 
6c  les  chocs  de  tous  les  corps ,  à  railbn  de  leur  maf- 
fe  ,  de  leur  vîteiTe  &  de  leur  reffort.  Les  lois  de  ces 
chocs  6c  de  ces  communications  peuvent  être  fans 
doute  l'objet  d'une  Phyfique  très-fenfée  6c  très-utile , 
furtout  lorlque  l'homme  en  fait  uiage  pour  diriger  ce 
qui  eft  fournis  à  les  opérations ,  6c  pour  conftrui- 
re  ces  diriérens  ouvrages  dont  il  eft  le  créateur  fub- 
alterne.  Mais  ne  vous  y  méprenez  pas  :  autre  chol'e 
eft  de  créer  les  corps ,  6c  de  leur  afîigner  leur  place  & 
leurs  fonctions ,  autre  choie  de  les  conferver.  Il  ne 
faut  qu'une  volonté  ou  certaines  lois  générales  fidè- 
lement exécutées  pour  entretenir  chaque  efpece  dans 
fa  forme  ipéciale,  &  pour  perpétuer  les  vicifïïtudes  de 
l'oeconomie  du  tout ,  quand  une  fois  la  matière  eft 
créée.  Mais  quand  il  s'agit  de  créer ,  de  régler  ces  for- 
mes fpéciales,  d'en  rendre  l'entretien  fûr.&  toujours 
le  même ,  d'en  établir  les  rapports  particuliers,  &c  la 
correfpondance  univerfelle  ;  alors  il  faut  de  la  part 
de  Dieu  autant  de  plans  &  de  volontés  fpéciales, 
qu'il  fe  trouve  de  pièces  différentes  dans  la  machi- 
ne entière.  Hïji.  du  ciel,  tome  II. 

M.  Deicarîes  compofa  un  petit  traité  des pafjîons, 
l'an  1946  ,  pour  l'ulage  particulier  de  la  princeffe 
Eliiabeth.  Il  l'envoya  manuferit  à  la  reine  de  Sué- 
de fur  la  fin  de  l'an  1647.  Mais  fur  les  inftances  que 
l'es  amis  lui  firent  depuis  pour  le  donner  au  public  ,  il 
prit  le  parti  de  le  revoir,  &  de  remédier  aux  défauts 
que  la  princeffe  philofophe  fa  difciple  y  avoit  remar- 
qués. Il  le  fit  voir  enfuite  à  M.  Clerfelier ,  qui  le  trou- 
va d'abord  trop au-deffus  delà  portée  commune,  & 
qui  obligea  l'auteur  à  y  ajouter  de  quoi  le  rendre  in- 
telligible à  toutes  fortes  de  perfonnes.  Il  crut  enten- 
dre la  voix  du  public  dans  celle  de  M.  Clerfelier,  & 
les  additions  qu'il  y  fit  augmentèrent  l'ouvrage  d'un 
tiers.  Il  le  divifa  en  trois  parties,  dans  la  première 
defquelles  il  traite  des  paffions  en  général ,  &  par  oc- 
caiionde  la  nature  de  l'ame,  &c.  Dans  la  féconde, 
des  lix  paffionsprimitives;&dans  latroifieme,  de  tou- 
tes les  autres.  Tout  ce  que  les  avis  de  M.  Clerfelier 
firent  ajouter  à  l'ouvrage ,  put  bien  lui  donner  plus 
de  facilité  &  de  clarté  qu'il  n'en  avoit  auparavant  : 
mais  il  ne  lui  ôta  rien  de  la  brièveté  6c  de  la  belle  fim- 
plicité  du  ftyle,  qui  étoit  ordinaire  à  l'auteur.  Ce 
n'ett  point  en  Orateur ,  ce  n'eft  pas  même  en  Philo- 
fophe moral,  mais  enPhyficien,  qu'il  a  traité  ton 


CAR 

fujet  ;  et  il  s'en  acquita  d'une  manière  fi  nouvelle ,' 
que  fort  ouvrage  fut  mis  fort  au-deffus  de  tout  ce 
qu'on  avoit  fait  avant  lui  dans  ce  genre.  Pour  bien 
déduire  toutes  les  pallions,  &  pour  développer  les 
mouvemens  du  fangqui  accompagnent  chaque  paf- 
lion ,  il  étoit  néceffaire  de  dire  quelque  choie  1 
nimal.  Aufli  voulut-il  commencer  en  cet  endroit  à 
expliquer  la  compofition  de  toute  la  machine  du  corps 
humain.  11  y  fait  voir  comment  tous  les  mouvemens 
de  nos  membres,  qui  ne  dépendent  point  de  la  pen- 
lée ,  fe  peuvent  faire  en  nous  tans  que  notre  ame  y 
contribue ,  par  la  feule  force  des  eiprits  animaux , 
&  la  difpoiition  de  nos  membres.  De  forte  qu'il  ne 
nous  fait  d'abord  confidérer  notre  corps ,  que  comme 
une  machine  faite  par  la  main  du  plus  lavant  de  tous 
les  ouvriers ,  dont  tous  les  mouvemens  reffembient 
à  ceux  d'une  montre ,  ou  autre  automate ,  ne  fe  fai- 
fant  que  par  la  force  de  fon  refibrt ,  &  par  la  figure 
ou  la  diipofition  de  tes  roues.  Après  avoir  expliqué 
ce  qui  appartient  au  corps ,  il  nous  fait  ailement  con- 
clurre  qu'il  n'y  a  rien  en  nous  qui  appartienne  à  no- 
tre ame,  que  nos  penfées,  entre  lelquelles  les  pal- 
lions font  celles  qui  l'agitent  davantage  ;  &  que 
l'un  des  principaux  devoirs  de  la  Philofophie  eft  de 
nous  apprendre  à  bien  connaître  la  nature  de  nos  paf- 
fions ,  à  les  modérer,  6c  à  nous  en  rendre  les  maîtres. 
On  ne  peut  s'empêcher  de  regarder  ce  traité  de  M. 
Defcartes,  comme  l'un  des  plus  beaux  &  des  plus 
utiles  de  les  ouvrages. 

Jamais  Philofophe  n'a  paru  plus  refpeclueux  pour 
la  divinité  que  M.  Defcartes  ;  il  fut  toujours  fort  fa- 
ge  dansfes  difeours  fur  la  religion.  Jamais  il  n'a  parlé 
de  Dieu  qu'avec  la  dernière  circonfpedion  ;  toujours 
avec  beaucoup  de  lageffe  ,  toujours  d'une  manière 
noble  6c  élevée.  Il  étoit  dans  l'appréhennon  conti- 
nuelle de  rien  dire  ou  écrire  qui  hit  indigne  de  la  re- 
ligion ,  &  rien  n'égaloit  fa  délicatefl'e  lur  ce  point. 
Voye^  tome  premier  &  fécond  des  Lettres. 

Il  ne  pouvoit  fournir  fans  indignation  la  témérité 
de  certains  Théologiens  qui  abandonnent  leurs  gui- 
des ,  c'eft-à-dire  ,  l'Ecriture  6c  les  Pères,  pour  mar- 
cher tout  feuls  dans  des  routes  qu'ils  ne  connoiffent 
pas.  Il  blâmoit  furtout  la  hardiefle  des  Philofophes 
&  Mathématiciens ,  qui  paroiffenî  fi  décififs  à  déter- 
miner ce  que  Dieu  peut ,  6'  ce  qu'il  ne  peut  pas.  «  C'eft, 
»  dit-il,  parler  de  Dieu,  comme  d'un  Jupiter  ou 
»  d'un  Saturne ,  &  l'affujettir  au  ftyx  6c  au  deftin  , 
»  que  de  dire  qu'il  y  a  des  vérités  indépendantes  de 
»  lui.  Les  vérités  mathématiques  font  des  lois  que 
»  Dieu  a  établies  dans  la  nature  ,  comme  un  roi  éta- 
»  blit  des  lois  dans  fon  royaume.  Il  n'y  a  aucune  de 
»  ces  lois  que  nous  ne  puiffions  comprendre  :  mais 
»  nous  ne  pouvons  comprendre  la  grandeur  de  Dieu, 
»  quoique  nous  la  connoifîions  ,  &c. 

»  Pour  moi ,  dit  encore  ailleurs  M.  Defcartes,  il 
»  me  femble  qu'on  ne  doit  dire  d'aucune  choie , 
»  quelle  eft  impojjible  à  Dieu.  Car  ,  tout  ce  qui  eft 
»  vrai  6c  bon  dépendant  de  fa  toute-puiffance  ,  je 
»  n'oie  pas  même  dire  que  Dieu  ne  peut  faire  une  mon- 
»  tagne  fans  vallée  ,  ou  qu'un  &  deux  ne  faffent  pas 
»  trois.  Mais  je  dis  feulement  qu'il  m'a  donné  un  cf- 
»  prit  de  telle  nature  ,  que  je  ne  faurois  concevoir 
»  une  montagne  fans  vallée ,  ou  que  l'aggrégé  d'un 
»  &  de  deux  ne  faffent  pas  trois  ».  Foye^  tome  II. 
des  Lettres.  Cette  retenue  de  M.  Defcartes ,  peut- 
être  excefïïve,  a  choqué  certains  efprits,  qui  ont 
voulu  lui  en  faire  un  crime.  Car ,  fur  ce  qu'en 
quelques  occaiions ,  il  employoit  le  nom  d'un  ange 
plutôt  que  celui  de  Dieu ,  qu'il  ménageoit  par  pur 
refpecl:  ;  quelqu'un  (  Beecman  )  s'étoit  imaginé  qu'il 
étoit  affez  vain  pour  fe  comparer  aux  anges.  Il  fe 
crut  obligé  de  repouffer  cette  calomnie.  «  Quant  au 
»  reproche  que  vous  me  faites ,  dit-il ,  page  66 ,  6 yy 
»  de  m'être  égalé  aux  anges ,  je  ne  faurois  encore 


CAR 

»  meperfnader  que  vous  l'oyez  fi  perdu  d'efprit,qïtê 

croire.  Voici  fans  doute  ,  ce  qui  vous  a  donné 
»  occafion  de  me  faire  ce  reprocha:  c'eft  la  couiu- 
■  ■  les  Philofophes  &  même  des  Théologiens ,  tou- 
»  tes  les  fois  qu'ils  veulent  montrer,  qu'il  répugne 
»  tout-à-fait  à  la  raifon  que  quelque  choie  le  raiie , 
»  de  dire  que  Dieu  mime,  ne  kjauroit faire  :  ôc  parce 
»  que  cette  façon  de  parler  m'a  toujours  femblé  trop 
«  hardie  ;  pour  me  iervir  de  termes  plus  modeftes. 
»  quand  l'occafion  s'en  préiente ,  où  les  autres  di- 

.  que  Dieu  ne  peut  faire  une  ckofe ,  je  me  con- 
»  teirte  lculcment  de  dire  qu'un  ange  ne  la  fauroit 
y  faire  ....  Je  luis  bien  malheureux  de  n'avoir  pu 

.  r  le  ioupçon  de  vanité  en  une  choie ,  où  je  puis 
»  dire  que  j'aitectois  une  modeltie  particulière  ». 

A  l'égard  de  l'exiftence  de  Dieu ,  M.  Delcartes 
étoit  fi  content  de  l'évidence  de  la  démonftration , 
qu'il  ne  faifoit  point  difficulté  de  la  préférer  à  toutes 
celles  des  vérités  mathématiques.  Cependant  le  mi- 
nifire  Voetius  l'on  ennemi ,  au  lieu  de  l'acculer  d'a- 
voir mal  réfuté  les  Athées,  jugea  plus  à  propos  de 
l'acculer  d'Athéiime  ,  fans  en  apporter  d'autre 
preuve  ,  finon  qu'il  avoit  écrit  contre  les  Athées. 

■  étoit  aîtùrément  nouveau:  mais  afin  qu'il 
r.j  parut  pas  tel ,  Voetius  trouva  allez  à  tems  l'e- 
xemple de  Vanini,  pour  montrer  que  M.  Delcartes 
n'auroit  pas  été  le  premier  des  Athées  qui  auroit  écrit 
en  apparence  contre  l'Athéiime.  Ce  fut  furtout  l'im- 
pertinence de  cette  comparailbn ,  qui  révolta  M. 
Defcartes  ,  &  qui  le  détermina  à  jéfuter  une  ii  ridi- 
cule calomnie  dans  une  lettre  Latine  qu'il  lui  écri- 
vit. Quelques  autres  de  lés  ennemis  entreprirent  de 
l'augmenter  en  l'acculant  outre  cela  d'un  fcepticifme 
ridicule.  Leurs  aceufations  fe  réduifoient  à  dire 
que  M.  Delcartes  fembloit  infinuer  ,  qu  il  falloit  nier 
(  au  moins  pour  quelque  tems  )  qu'il  y  eût  un  Dieu; 
que  Dieu  pouvoit  nous  tromper  ;  qu'il  falloit  révoquer 
toutes  c/iojés  en  doute  ;  que  L'on  ne  devoit  donner  aucune 
créance,  aux  fins;  que  le  fommeil  ne  pouvoit  fe  difinguer 
d,  la  veille.  Al.  Delcartes  eut  horreur  de  ces  aceu- 
fations ;  &  ce  ne  fut  pas  fans  quelque  mouvement 
d'indignation  ,  qu'il  y  répondit.  «  J'ai  réfuté ,  dit-il , 
»  tômi  II.  des  Lettres ,  page  ijo  ,  en  paroles  très-ex- 
»  preffes  toutes  ces  choies  qui  m'avoient  été  objec- 
»  tées  par  des  calomniateurs  ignorans.  Je  les  ai  ré- 
»  futées  même  par  des  argumens  très-forts  ;  &  j'ofe 
»  dire  plus  forts  qu'aucun  autre  ait  fait  avant  moi. 
»  Afin  de  pouvoir  le  faire  plus  commodément  t>c 
»  plus  efficacement ,  j'ai  propofé  toutes  ces  choies 
»  comme  douteufes  au  commencement  de  mes  Me? 
»  dilations.  Mais  je  ne  luis  pas  le  premier  qui  les  ave 
»  inventées  ;  il  y  a  long  tems  qu'on  a  les  oreilles  bat- 
»  tues  de  iemblables  cloutes  propoiés  par  les  Sccp- 
»  tiques.  Mais  qu'y  a-t-il  de  plus  inique  ,  que  d'at- 
»  tribuer  à  un  auteur  des  opinions  ,  qu'il  ne  propofe 
»  que  pour  les  réfuter  ?  Qu'y  a-t-il  de  plus  imperti- 
»  nent  que  de  feindre  qu'on  les  propofe  ,  &  qu'elles 
»  ne  font  pas  encore  réfutées  ,  &c  par  conféquent 
»  que  celui  qui  rapporte  les  argumens  des  Athées., 
»  eit  lui-même  un  Athée  pour  un  tems  ?  Qu'y  a-t-il 
»  de  plus  puérile  que  de  dire  que  s'il  vient  à  mou- 
»  rir  avant  que  d'avoir  écrit  ou  inventé  la  démonf- 
»  tration  qu'il  ciperc  ,  il  meurt  comme  un  athée  ? 
»  Quelqu'un  dira  peut-être  que  je  n'ai  pas  rapporté 
»  ces  faillies  opinions  comme  venant  d'autrui  ,  mais 
»  comme  de  moi  :  mais  qu'importe  ?  puilque  dans  le 
»  même  livre  où  je  les  ai  rapportées  ,  je  les  ai  auifi 
r>  toutes  réfutées  ». 

Ceux  qui  ont  l'efprit  jufte  &£  le  cœur  droit ,  en 
lifant  les  Méditations  &  les  Principes  de  M.  Defcartes , 
n'ont  jamais  héiité  à  tirer  de  leur  lecture  des  conié- 
quences  tout  oppofées  à  ces  calomnies.  Ces  ouvrâ- 
tes n'ont  encore  rendu  Athée  jufqu'aujourd'hui  au- 
cun de  ceux  qui  çroyoient  en  Dieu  auparavant  ;  au 


CAR 


725 


contraire,  ils  ont  converti  quelques  Athées.  C'eft  au 
moins  le  témoignage  qu'un  Peintre  de  Suéde  nommé 
BeA  ,  a  rendu  publiquement  de  lui-même  chez  M, 
l'ambaffadeur  de  France  à  Stockolm.  Voye^  tout 
cela  plus  au   long  dans  la  vie  de  Delcartes  ,    nar  A. 

Baillét.  (C)  *  * 

On  peut  voir  dans  un  grand  nombre  d'articles  de 
ce  Dictionnaire ,  les  obligations  que  les  Sciences  ont 
à  Delcartes ,  les  erreurs  où  il  eit  tombé ,  &  les  prin- 
cipaux difciples.  Yoycr  Algèbre  ,  Equation  , 
Courbe,  Mouvement,  Idée,  Ame,  Percus- 
sion ,  Lumière  ,  Tourbillon  ,  Matière  sub- 
tile ,  &c 

Ce  grand  homme  a  eu  des  fectateurs  illunres  :  on 
peut  mettre  à  leur  tête  le  P.  Malebranche ,  qui  ne  l'a 
pourtant  pas  fuivi  en  tout.  Voye^  Malebranchis- 
me.  Les  autres  ont  été  Itohaut ,  Régis,  &c.  dont  nous 
avons  les  ouvrages.  La  nouvelle  explication  du  mou- 
vement des  Planètes ,  par  M.  Fillemot ,  curé  de  Lyon , 
imprimée  à  Paris  en  1 707,  eit  le  premier,  &  peut-être 
le  meilleur  ouvrage  qui  ait  été  fait  pour  défendre 
les  tourbillons,  t'oye?  TOURBILLONS. 

La  Philoiophic  de  Delcartes  a  eu  beaucoup  de  pei- 
ne à  être  admile  en  France  ;  le  parlement  penia  ren- 
dre un  arrêt  contre  elle  :  mais  il  en  fut  empêché  par 
la  requête  burlefque  en  faveur  d'Ariftote,  qu'on  lit 
dans  tes  œuvres  de  Dejpreaux,  &  où  l'auteur  lous  pré- 
texte de  prendre  la  défenfe  de  la  Phiiofophie  péripa- 
téticienne ,  la  tourne  en  ridicule  ;  tant  il  eil  vrai  que 
ridiculum  acri ,  &c.  Enfin  cette  Phiiofophie  a  été  re- 
çue parmi  nous.  Mais  Newton  avoit  déjà  démontré 
qu'on  ne  pouvoit  la  recevoir.  N'importe  :  toutes  nos 
univerfités  &  nos  académies  même  y  font  demeurées 
fort  attachées.  Ce  n'eft  que  depuis  environ  1 8  ans  , 
qu'il  s'eit  élevé  des  Newtoniens  en  Francej  mais  ce 
mal ,  fi  c'en  eu  un  (  car  il  y  a  des  gens  pour  qui  c'en 
eit  un  )  a  prodigieuiement  gagné  ;  toutes  nos  aca- 
démies maintenant  font  Nevtoniennes ,  &  quelques 
profefleurs  de  l'univerfité  de  Paris  enieignent  aujour- 
d'hui ouvertement  la  Phiiofophie  Angloife.  Voyc^ 
Attraction  ,  &c.  Voyc^  auffi  fur  Defcartes  &  les 
Carté/îens,  notre  Difcours  préliminaire. 

Quelque  parti  qu'on  prenne  fur  la  Phiiofophie  de 
Delcartes  ,  on  ne  peut  s'empêcher  de  regarder  ce 
grand  homme  comme  un  génie  fublime  &  un  Philo- 
sophe très-conféquent.  La  plupart  de  fes  feûateurs 
n'ont  pas  été  aui'Ii  conféquens  que  lui  ;  ils  ont  adopté 
quelques-unes  de  fes  opinions ,  &  en  ont  admis  d'au- 
tres ,  fans  prendre  garde  à  l'étroite  liaiion  que  pref- 
que  toutes  ont  entre  elles.  Un  Philofophc  moderne, 
écrivain  élégant  &  homme  de  beaucoup  d'elprit , 
M.  l'abbé  de  Gamaches  ,  de  C Académie  royale  des 
Sciences,  a  démontré  à  la  tête  de  l'on  Aflronomie phy- 
fque,  que  pour  un  Cartéfien ,  il  ne  doit  point  y  avoir 
de  mouvement  abfolu ,  S:  que  c'eft  une  coniéquen- 
ce  néceflaire  de  l'cpinion  de  Delcartes ,  que  l'éten- 
due &  la  matière  font  la  même  choie.  Cependant 
les  Cartéiiens  croyent  pour  la  plupart  le  mouvement 
abfolu  ,  en  confondant  l'étendue  avec  la  matière. 
L'opinion  de  Defcartes  fur  le  machinifmc  des  bêtes 
(Voye^  Ame  DES  BÈtes)  eit  très-favorable  au  dog- 
me île  la  fpiritualité  &  de  l'immortalité  de  l'âme  ; 
&  ceux  qui  l'abandonnent  fur  ce  point ,  Soi  ■ 
moins  avouer  que  les  difficultés  contre  l'ame  des 
bêtes  lont,  linon  infolubles,  du  moins  très-grandes 
pour  un  Philofophe  chrétien.  Il  en  eft  de  même  de 
plufieurs  autres  points  de  la  Phiiofophie  de  ce  grand 
homme.  L'édifice  eft  vafte,  noble,  &  bien  entendu: 
c'eft  dommage  que  le  fiecle  où  il  vivoit,  ne  lui  ait 
pas  fourni  de  meilleurs  matériaux.  Il  faut,  dit  M.  de 
Fontenelle ,  admirer  toujours  Defcartes,  &  le  luivre 
quelquefois. 

Les  perlécutions  que  ce  Philofophe  a  efluyées  pour 
avoir  déclaré  la  guerre  aux  préjuge;  Se  à  l'ignorai*- 


"726 


CAR 


ce,  doivent  être  la  confolation  de  ceux  qui  ayant  le 
même  courage,  éprouveront  les  mêmes  traverfes.  Il 
eft  honoré  aujourd'hui  dans  cette  même  patne,  ou 
peut-être  il  eût  vécu  plus  malheureux  qu'en  Hollan- 
de. (0) 

CARTÉSIENS ,  f.  m.  pi.  eft  le  nom  qu  on  donne 
aux  partifans  de  la  philofophie  de  Defcartes.  On  ap- 
pelle par  cette  raiibn  cette  philofophie ,  philofophie 
Cartéjienne,  ou  Cartefianifme.  Il  n'eft  prelque  plus  au- 
jourd'hui de.Cartéhens  rigides,  c'eit-à-dire  qui  fui- 
vent  Defcartes  exactement  en  tout;  fur  quoi  voye^ 
la  fin  de  l'article  Cartésianisme. 

CARTHAGE ,  dite  la  grandi ,  {Géog.)  fut  autre- 
fois capitale  d'un  puùTant  empire  ,  &  la  principale 
vil'e  d'Afrique  près  de  Tunis.  Scipion  le  jeune  la  prit 
&la  ruina  146  ans  avant  J.  C.  Elle  fat  rebâtie  lous 
C.  Gracchus,  1 23  ans  avant  J.C.  &  lesArabes  la  rui- 
nèrent environ  l'an  685.  Elle  étoit  fituée  dans  une 
langue  de  terre  qui  formoit  une  prefqu'ile  ,  jointe  à 
l'Afrique  par  un  iithme  de  vingt-cinq  ftades  ,  entre 
Utique  &  Tunis.  Toute  la  prefqu'ile  avoit  trois  cents 
foixante  ftades  de  tour.  Il  ne  relie  de  Carthage  que 
quelques  vertiges.  La  prefqu'ile  a  retenu  le  nom  de 
promontoire  de  Carthage. 

C  ARTH  AGENE ,  {Géog.)  ville  forte  &  port  d'Ef- 
pa^ne  au  royaume  de  Murcie  ,  capitale  du  pays  de 
mime  nom.  Long.  ij.  6.  lat.  zyd.  3 61 .  j". 

Carthagene  ,(Géog.  )  grande  ville  de  l'Amé- 
rique méridionale ,  capitale  de  la  province  de  même 
nom.  Il  s'y  fait  un  commerce  très-conlidérable.  Son 
port  paffe  pour  le  meilleur  du  Nouveau-monde.  Lon. 
301.  10.  lat.  ioA.3o'.z5". 

CAKTHAGO ,  (  Géog.  )  ville  confidérable  de  1  A- 
mérique  feptentrionale ,  dans  le  Mexique.  Lon.  23  6". 
iS.lat.g.â. 

CAR&AGO  ,  OH  la  NOUVELLE  CARTHAGENE  , 
(  Géog.)  ville  d'Amérique  dans  l'audience  de  Santa- 
fé ,  en  terre  ferme. 

C  ARTH  AME  ,f.  m.  ou  SAFRAN  BATARD  ,  car- 
thamus ,  (  Hijl.  nat.  bot.  )  genre  de  plante  dont  la 
fleur  eft  un  bouquet  à  plulieurs  fleurons  découpés 
en  lanières  ,  portés  chacun  fur  un  embryon  ,  &  ibû- 
tenus  par  un  calice  écailleux  garni  de  feuilles.  Lorf- 
que  la  fleur  eft  paffée ,  chaque  embryon  devient  une 
lemencefans  aigrette.  Tournefort ,  Infi.  rei  herb.  Voy. 
Plante.  (/) 

Le  carthamus  ojflcinarum  flore  croceo  ,  Tourn.  Injl. 
45  7  ,  eft  d'uiage  en  Médecine.  Sa  femence  paffe  pour 
un  violent  purgatif;  elle  évacue  la  pituite  par  haut 
Se  par  bas. 

Etmuller  dit  qu'elle  eft  propre  dans  les  cas  où  les 
premières  voies  lbntfurchargées  d'une  mucofité  épaif- 
fe  &  vifqueufe  ,  dans  les  maladies  de  la  poitrine  , 
dans  l'afthme  ,  ôt  dans  la  toux,  occafionnée  par  une 
matière  épaiffe  &  tenace  :  il  la  compte  par  cette  rai- 
fon  parmi  les  remèdes  qui  évacuent  le  phlegme. 

La  meilleure  façon  de  s'en  fervir  eft  de  la  donner 
enémulfion  purgative,  avec  quelqu'eau  aromatique, 
telle  que  celle  de  fenouil  ou  d'anis  ;  on  la  mêle  en- 
fuite  avec  un  lait  d'amande.  La  dofe  elt  jufqu'à  trois 
gros.  On  fait  avec  cette  femence  des  tablettes. 

Tablettes  diacarthami.  Prenez  du  turbith  choiii  une 
once  &  demie  ;  de  la  moelle  de  femence  de  carthame, 
de  la  poudre  diatraganth  froid  ,  des  hermodactes , 
du  diagrede ,  de  chacun  une  once  ;  du  gingembre  de- 
mi-once ;  de  la  manne  deux  onces  &c  demie  ;  du 
miel  rofat ,  de  la  chair  de  coin  confite  ,  de  chacun 
deux  gros  ;  du  fucre  blanc  diffous  dans  l'eau,  &  cuit 
,  en  éiectuaire  folide,  une  livre  fix  onces.  Faites -en 
'  félon  l'art  un  éiectuaire  folide  &  en  tablettes. 

Un  oros  de  ces  tablettes  contient  du  turbith  trois 
grains  ;  des  hermodactes  ôt  du  diagrede  ,  de  chacun 
deux  grains  ;  de  manne  cinq  grains.  La  dofe  eft  de- 
puis un  gros  jufqu'à  une  once  pour  les  tempéramens 
forts. 


CAR 

Tous  les  purgatifs  de  cette  efpece  font  très  à  crain- 
dre ,  &  ne  doivent  être  employés  qu'avec  de  gran- 
des précautions.  (-W) 

CARTIER  ,  f.  m.  aitifan  ou  marchand  qui  a  le 
droit  de  faire  ÔC  vendre  des  cartes  à  jouer.  Voye^ 
Cartes. 

Les  Cartiers  faifeurs  de  cartes  à  jouer  ,  forment  à 
Paris  une  communauté  fort  ancienne  :  on  les  nom- 
me aujourd'hui  Papetiers-Cartiers  :  mais  dans  leurs 
ftatuts  ils  ont  le  titre  de  maîtres  du  métier  de  Cartiers  , 
faifeurs  de  canes  ,  tarots  ,  feuillets  ,  &  cartons  ;  ou  Car- 
tiers ,  Tarotiers,  Feuilletiers  ,  &  Cartonniers. 

Les  ftatuts  dont  ils  fe  fervent  encore  à  préfent , 
&  qui  ne  font  que  des  ftatuts  renouvelles  en  confé- 
quence  de  Ledit  de  Henri  III.  de  1 5  8 1  ,  ont  été  con- 
firmés &  homologués  en  1 594  fous  Henri  IV.  ils  con- 
tiennent vingt-deux  articles  ,  auxquels  Louis  XIII. 
&  Louis  XIV.  en  ont  encore  ajouté  quelques  autres. 
Le  premier  &  le  quatrième  portent  qu'aucun  ne 
pourra  faire  le  métier  de  Cartier  s'il  n'eft  reçu  maître, 
&  s'il  ne  tient  ouvroir  ouvert  fur  la  rue. 

Les  deuxième  &  troiiieme  fixent  l'apprentiffage  à 
quatre  années  ,  fuivies  de  trois  autres  de  compagno- 
nage  ,  après  lefquelles  les  afpirans  font  obligés  de 
faire  le  chef-d'œuvre,  qui  coniifte  en  une  demi-groffe 
de  cartes  fines ,  &  de  payer  les  droits  aux  jurés  pour 
être  admis  à  la  maîtriie. 

Les  cinquième  &  lixieme  fixent  le  nombre  des  ap- 
prentis à  un  ,  ou  à  deux  fi  le  maître  tient  chez  lui 
cinq  ou  fix  compagnons  ;  &  défendent  aux  maîtres 
de  le  tranfporter  leurs  compagnons  fans  en  avertir 
les  jurés. 

Les  feptieme ,  huitième ,  neuvième ,  dixième ,  & 
dix-huitieme ,  fixent  les  droits  des  fils ,  filles ,  &  veu- 
ves des  maîtres. 

Le  feizieme  enjoint  aux  maîtres  d'avoir  une  mar- 
que différente  les  uns  des  autres ,  fur  laquelle  doit 
être  détaillé  leur  nom ,  furnom ,  enfeigne  ,  &  de- 
vife. 

Les  autres  articles  regardent  l'élection  des  deux 
jurés ,  &  contiennent  des  règles  de  difeipline  pour 
les  maîtres  &  les  compagnons.  Voye^  les  réglemens  des 
arts  &  métiers. 

Cartier  ,  nom  d'une  forte  de  papier  qui  eft  def- 
tiné  à  couvrir  les  jeux  ou  les  lixains  de  cartes  à  joiier. 
Foyei  Papier  &  Cartes. 

CARTILAGE ,  enAnatomie ,  c'eft  une  des  parties 
folides  du  corps  ,  blanche ,  polie  ,  uniforme ,  flexi- 
ble ,  &  éiaftique  ,  moins  compacte  qu'un  os,  mais 
plus  dure  qu'aucune  autre  partie. 

Les  cartilages  paroiffent  être  à  peu  près  de  même 
nature  que  les  os ,  puifqu'ils  ont  été  cartilages ,  &  que 
d'ailleurs  toutes  les  parties  folides  ne  paroiffent  dif- 
férer que  par  le  plus  ou  moins  de  confiitance.  Voye^ 
Os,  Ossification,  &  Solide. 

Il  y  en  a  qui  font  très-durs ,  &  qui  même  devien- 
nent ofleux  avec  le  tems  ;  comme  ceux  qui  uniffent 
les  côtes  au  lternum ,  ceux  du  larynx ,  &c.  Voye^ 
Sternum   &  Larynx. 

D'autres  font  plus  tendres ,  &  fervent  à  donner  à 
certaines  parties  leur  configuration  ;  comme  ceux 
du  nez  ,  des  oreilles  ,  &c  qui  doivent  avoir  un  pe- 
tit mouvement  que  produit  l'élalticité  de  ces  cartila- 
ges ,  laquelle  leur  fait  faire  l'office  de  mufcles  anta- 
goniftes.  Foye^  Nez  ,  &c. 

Il  y  en  a  d'autres  plus  mous  encore  ,  qui  tiennent 
quelque  chofe  de  la  nature  des  ligamens  ,  &  qui  par 
cette  raifon  font  appelles  cartilages  ligamenteux.  Foy. 
Ligament. 

Il  y  a  des  cartilages  de  différentes  figures  ,  auxquels 
on  donne  différens  noms  tirés  de  ceux  des  chofes  aux- 
quelles ils  reffemblent  :  l'un  fe  nomme  fémi-lunaire  ; 
un  autre  xiphoïde ,  parce  qu'il  reffemble  à  la  poin- 
te d'un  poignard  ;  un  autre  feutiforme ,  parce  qu'il 


CAR 

a  la  figure  d'un  bouclier;  &  ainfides  autres.  Voye^ 
chacun  de  ces  cartilages  à  leur  article. 

Les  cartilages  n'ont  point  de  cavités  qui  contien- 
nent de  moelle ,  ni  de  nerfs  ou  de  membranes  qui 
les  rendent  fufceptibles  de  fcnlations.  Leur  uiage  eft 
d'empêcher  les'  os  de  s'ofténier  ou  de  fe  blefier  par 
un  froifiement  continuel ,  de  les  joindre  l'un  à  l'autre 
par  lynchondrofe  ,  de  contribuer  à  la  conformation 
de  certaines  parties-,  comme  le  nez  ,  les  oreilles  ,  la 
trachée  ,  les  paupières ,  &c.  (i.) 

CARTILAGINEUX,  EUSE,  adj.  qui  eft  de  la 
nature  du  cartilage  ,  qui  eft  tompoié  de  cartilage  : 
ligament  cartilagineux  ;fymphife  cartilagineuje. 

*  C ARTISANNE  ,  en  terme  de  houtonnier ,  de  Paf 
fementier  ,  de  Rubanier ,  Ôcc.  c'eft  un  ornement  com- 
polé  d'un  tond  de  vélin  ou  de  veau  ,  recouvert  de 
foie  ,  de  milanoilé ,  d'or  ou  d'argent ,  &c.  on  coupe 
d'abord  l'on  vélin  ou  l'on  veau  ,  tantôt  par  bandes 
plus  ou  moins  étroites  ,  tantôt  en  pic  ,  en  l'abot ,  en 
pompons  >  avec  l'emporte-piece  ;  voye^  Pic,  Sa- 
bot ,  &  Pompon  ;  enfuite  on  couvre  ces  bandes 
ou  découpures  ,  les  premières  au  rouet ,  les  fécondes 
à  la  bobine  ,  avec  de  la  foie  de  trame  pour  les  car- 
tifannes  unie? ,  &  de  loie  de  grenade  pour  faire  les 
frilées.  Les  cartifannes  peuvent  être  couvertes  de 
nouveau  d'un  trait  d'or  ,  quand  les  ouvrages  qu'on 
veut  en  faire  font  riches.  La  cartifanne  s'employe  au 
lieu  de  mùanoile  ,  de  climmant ,  de  cordonnet ,  &c 
on  en  fait  le^  feuilles  d'une  cocarde ,  d'une  aigrette  ; 
on  en  recouvre  en  différens  deiïeins  des  bandes  dé* 
corniche  dans  les  appartemens ,  pour  imiter  des  mor- 
ceaux de  lculpture.  Le  vélin  s'employe  comme  il 
vient  de  chez  le  Parcheminier  ;  le  veau  le  prend  chez 
le  Corroyeur ,  &  on  lui  donne  un  apprêt  qui  eft  un 
fecret  parmi  les  Boutonniers  ,  pour  le  rendre  dur  & 
ferme.  Voy.fig.  14.  Planche  du  Boutonnier,  une  pièce 
de  corps  ouvragée  en  cartifanne;  &  dans  la  vignette  de 
la  même  Planche ,  des  ouvriers  qui  s'occupent  à  cette 
forte  d'ouvrage.  La  figure  là.  repréfente  leur  établi. 

*  CAPiTON  ,  f.  m.  (  Art  mechaniq.  )  le  carton  eft 
un  corps  qui  a  beaucoup  de  furface  &  peu  d'épail- 
feur  ,  compote  par  art  avec  des  rognures  de  cartes , 
des  rognures  de  reliures  ,  &:  de  mauvais  papier,  à 
l'ufage  d'un  grand  nombre  d'ouvriers  ;  mais  lur-tout 
des  Relieurs  mêmes.  Il  y  a  beaucoup  de  reflemblan- 
ce  entre  la  manœuvre  du  Papetier  6c  celle  du  Car- 
tonnier  :  le  Papetier  prend  dans  un  moule  le  chifon 
réduit  en  bouillie ,  pour  en  faire  du  papier  ;  le  Carton- 
nier  prend  dans  un  moule  le  papier  même  remis  en 
bouillie  ,  pour  en  faire  le  canon. 

Pour  faire  du  carton  ,  il  faut  ramaiTer  dans  un  ma- 
gafin  une  grande  quantité  de  rognures  de  Pvelieur  & 
de  Cartier  ,  avec  beaucoup  de  mauvais  papier  ; 
flpnd  on  a  la  provifion  faite  de  ces  matières ,  on  en 
tranl  porte  ce  qu'on  en  peut  travailler  relativement 
au  nombre  d'ouvriers  qu'on  employé  ,  dans  un  atte- 
lier  bien  clos.  Le  pavé  de  cet  attelier  doit  s'élever  un 
peu  vers  le  fond ,  &  l'attelier  doit  être  garni  d'auges 
de  pierre  ,  larges  &  profondes, placées  vers  le  côté 
oppofé.  Il  faut  qu'il  y  ait  des  trous  à  ces  auges  ,  Se 
fous  ces  trous  des  pierres  concaves ,  qui  puifient  con- 
duire les  eaux  dans  une  rigole  qui  les  évic;  il  (croit 
aufïï  à  propos  qu'il  y  eût  un  puits  dans  le  même  at- 
telier ,  avec  une  pompe  qui  conduisît  l'eau  dans  les 
auges ,  &  dans  tous  les  autres  endroits  de  la  carton- 
nerie où  l'on  en  peut  avoir  befoin. 

On  jette  au  lortir  du  magaiin  le  mélange  de  papier  , 
de  rognures  de  papier,  &c  de  cartes,  dans  les  auges 
del'attelicrque  je  viens  de  décrire  ,  &  qu'on  appelle 
celui  du  trempi  ;  on  humecte  ou  moitit  ces  matières 
avec  de  l'eau  ,  &  de-là  on  les  jette  fur  le  fond  de  l'at- 
telicr ,  oit  l'on  en  forme  des  tas  conliderables.  La 
gomme ,  la  colle ,  &  les  autres  fubftances  qui  font 
dans  ces  matières  qu'on  n'a  eu  garde  de  tiop  humec- 


CAR 


727 


ter,  y  élèvent  peu  à  peu  la  fermentation ,  au  bout  de 
quatre  à  cinq  jours  dans  les  chaleurs  de  l'été ,  &  de 
fix  à  lept  ou  huit ,  à  l'approche  de  l'hy  ver  ;  la  fermen- 
tation eft  fi  forte ,  qu'on  a  peine  à  fupporter  la  cha- 
leur &  l'odeur  des  tas  :  la  quantité  de  papier  dont  ils 
font  formés ,  eft  beaucoup  plus  confidérable  que  celle 
de  rognures  de  canes.  Ce  n'eft  pas  que  plus  il  y  a  de 
ces  rognures ,  plus  le  carton  ne  loit  fort  &  bon  :  mais 
on  les  épargne ,  parce  qu'elles  font  chères.  Elles  fe 
vendent  aujourd'hui  jufqu'à  fept  livres  dix  fous  le 
cent.  Afin  que  le  travail  ne  foit  point  interrompu 
dans  une  cartonnerie  ,  c'eft  la  coutume  de  mettre  en 
fermentation  autant  de  tas  qu'on  en  met  en  travail  ; 
de  manière  que  quand  un  tas  eft  à  fa  fin,  une  autre 
puilîe  être  entamé. 

Quand  la  matière  des  tas  a  fuffifammeàt fermenté, 
ce  qui  la  difpole  à  fe  mettre  en  bouillie,  on  en  prend 
une  quantité  convenable  qu'on  porte  dans  un  atte- 
lier contigu ,  qu'on  appelle  Y  attelier  du  moulin.  Cet  at- 
telier eft  partagé  en  deux  parties  ;  d'un  côté  font  des 
auges,  de  l'autre  le  moulin.  Les  auges  de  cet  attelier 
s'appellent  auges  à  rompre  ;  il  y  a  au-deffus  de  ces  au- 
ges de  gros  robinets  qui  fournifient  la  quantité  d'eau 
dont  en  a  befoin.  Avant  que  de  jetter  les  matières 
fermentées  dans  les  auges ,  on  les  ouvre  &c  on  les 
trie  ,  ou  rejette  les  grofles  ordures  qui  s'y  trouvent  : 
il  feroit  à  fouhaiter  que  ce  triage  fe  fît  mieux  ;  il  épar- 
gnerait prefqu'une  manœuvre ,  dont  nous  parlerons 
dans  la  fuite,  qu'on  appelle  Vépluchage. 

A  mefure  que  les  matières  font  ouvertes  &  triées , 
on  les  laifie  tomber  dans  les  auges  à  rompre  ;  on  lâ- 
che les  robinets ,  &  on  laifie  bien  imbiber  d'eau  les 
matières  ;  enfuite  on  les  remue  ,  puis  on  les  rompt  : 
les  rompre,  c'eft  les  battre  avec  des  pelles  de  bois 
qu'on  y  plonge  perpendiculairement ,  &  qu'on  tour- 
ne en  rond.  Des  ouvriers  vigoureux  continuent  ce 
travail  jufqu'à  ce  qu'ils  s'apperçoivent  que  les  ma- 
tières font  broyées  ,  hachées  &  miles  en  bouillie,  au- 
tant qu'on  peut  le  faire  par  une  manœuvre  aufli  grof- 
fiere  ;  alors  ils  prennent  des  fceaux  qu'ils  en  remplif- 
fent ,  &c  qu'ils  verfent  dans  le  moulin  qu'on  voit  PI. 
du  Cartonnier,  vignette, fig.  1.  La  cuve  AB ,  eft  com- 
pofée  de  douves  épaifles  ,  étroites ,  &  bandées  par  de 
larges  cerceaux  de  fer.  Il  y  a  au  fond  de  cette  cuve  une 
crapaudine  qui  porte  la  pointe  enfer  de  l'arbre  CD  ; 
l'autre  extrémité  de  cet  arbre  eft  garnie  d'un  touril- 
lon reçu  dans  une  poutre  :  le  milieu  en  eft  percé  d'un 
trou  quarré;  ce  trou  reçoit  le  bras  fupérieur  de  la  tra- 
verle  d'un  brancard  EFG.  Les  parties  E F 'du  bran- 
card afl'errtblées  perpendiculairement  avec  latraver- 
fe  liipérieurc  ,  lailfent  entre  elles  l'efpace  néceflaire 
pour  recevoir  un  cheval  qu'on  y  attelé  par  Ion  col- 
lier, percé  de  deux  trous  où  l'on  infère  des  bouts  de 
cordes  bouclés ,  qui  pendent  des  extrémités  des  par- 
ties E  F  du  brancard  ,  &  qu'on  arrête  fur  le  collier 
par  deux  clavettes.  Le  cheval  fe  meut  autour  de  la 
cuve ,  &  fait  tourner  l'arbre  qui  eft  garni  à  fa  partie 
inférieure  de  bandes  de  fer  pliées  en  quarré  ,  dont 
deux  bouts  font  fcellés  dans  l'arbre  ,  qui  forme  un 
des  côtés  du  quarré,  &  dont  un  autre  côté  lui  eft  pa- 
rallèle ,  ainii  qu'on  voit  fig.  4.  CD,  l'arbre;  EF , 
les  tourillons;  G  H,  bras  du  brancard;  IK,  LM, 
autres  parties  du  brancard  ,no,  pq,  cordes  &  cla- 
vettes ;  rs ,  rs ,  rs,  rs,  bandes  de  fer  pliées  qu'on  ap- 
pelle couteaux.  Ces  couteaux  achèvent  de  divilcr  la 
matière  contenue  dans  la  cuve ,  &  de  la  difpoler  à 
être  employée.  La  matière  relie  une  heure  &  demie , 
deux  heures ,  au  moulin ,  félon  que  le  cheval  marche 
plus  ou  moins  vîte. 

Quand  la  matière  eft  moulue  ,  on  la  pafle  dans  un 
nouvel  attelier ,  qu'on  peut  appeller  proprement  la 
cartonnerie.  L'attelier  de  la  cartonnerie  eft  divilé  en 
deux  parties ,  le  lieu  de  la  prefi'e  ,  &  celui  de  la  cu- 
ve. Pour  concevoir  le  lieu  de  la  cuve  .  il  faut  imagi- 


728 


CAR 


ner  un  grand  évier  entre  deux  auges ,  élevées  à  peu 
près  à  ià  hauteur  ;  l'auge  de  derrière  reçoit  la  matière 
au  fortir  du  moulin  ;  celui  de  devant  où  travaille  le 
cartonnier  s'appelle  la  cuve.  Le  cartonnier  a  une  ta- 
ble à  droite ,  &  fa  preffe  à  gauche.  Voye^fig.  2.  le 
Cartonnier  travaillant  ;JB,cAh  cuve  ;  CD,  le  grand 
évier  ,  qu'on  appelle  égouttoir  ;  G  ,  une  forme  ;  F,  le 
tonneau  du  bout ,  (c'eft  ion  nom) ,  qui  reçoit  l'eau  & 
la  matière  qui  defeendent  de  Pégouttoir  par  l'ouver- 
ture E.  On  n'a  point  repréfente  la  table  à  droite  dn 
cartonnier,  parce  qu'il  eft  facile  de  l'y  fuppofer,  non 
plus  que  l'auge  de  derrière ,  qui  devroit  être  placée 
en  X ,  précifément  comme  on  voit  en  AB ,  la  cuve 
ou  l'auge  de  devant.  , 

Lorfque  la  cuve  AB  eft  pleine  de  matière  prépa- 
rée ,  comme  nous  venons  de  l'expliquer  ,  1  ouvrier 
prend  une  forme  ;  on  entend  par.une  tonne ,  un  infini- 
ment tel  que  celui  que  tient  l'ouvrier  de  làfig.  2.  dans 
la  vignette  ,  ou  quon  voit  en  G  pqfejur  r  égouttoir.  Ce 
font  quatre  morceaux  de  bois  équarris  tk  aifemblés  , 
renfermant  un  efpace  de  la  grandeur  du  carton  qu'on 
veut  faire.  Le  fond  eft  traverfé  de  plulîeurs  tringles, 
qui  fortifient  Paffcmblage  de  celles  des  côtés  ;  ces 
côtés  ont  été  percés  de  trous,  &  on  y  a  travaillé  un 
tiffu  ou  crible  fort  ferré  de  fils  de  laiton;  on  apper- 
çoit  bien  ce  tiffu  ou  treillis  de  fils  de  laiton  longitudi- 
naux &  tranfverfaux  à  la  forme  G.  On  applique  fur 
cette  forme  un  chaiîis  de  bois  qui  l'embraffe  exacte- 
ment. On  plonge  dans  la  cuve  la  forme  garnie  de 
fon  chaffis ,  qui  lui  fait  un  rebord  plus  ou  moins  haut 
à  diferétion.  La  matière  couvre  le  treillis  de  laiton , 
&  y  eft  retenue  par  le  chaffis.  L'ouvrier  pôle  la  for- 
me couverte  de  matière  jufqu'à  la  hauteur  des  bords 
du  chaffis ,  fur  les  barres  qui  traverfent  Pégouttoir. 
L'eau  mêlée  à  la  matière  ,  ou  plutôt  la  partie  la  plus 
fluide  de  la  matière  ,  s'échappe  par  les  petits  trous  du 
treillis,  tombe  dans  Pégouttoir,  &  le  rend  dans  le  ton- 
neau du  bout.  La  partie  la  plus  épailTe  &  la  plus  grof- 
fiere  eft  arrêtée,  &c  fe  dépole  fur  le  grillage.  Pendant 
que  cette  forme  égoutte,  l'ouvrier  en  plonge  une  autre 
dans  la  cuve  qu'il  met  enfuite  fur  Pégouttoir,  puis  il 
reprend  la  première ,  en  enlevé  le  chaffis ,  &  renver- 
fe  la  matière  dépofée  fur  le  grillage  ,  ou  plutôt  la 
feuille  de  carton ,  car  c'eft  elle-même  ,  fur  un  mor- 
ceau de  molleton  de  fa  largeur ,  placé  fur  le  fond  du 
plateau  de  la  preffe.  On  voit  en  L  H  Kl ,  ce  plateau 
chargé  en  partie.  Il  étend  un  nouveau  molleton  fur 
cette  feuille  ;  puis  il  remplit  fa  forme  après  avoir  re- 
mis fon  chaffis  ,  &c  la  met  égoutter  ;  pendant  qu'elle 
égoutte ,  il  reprend  celle  qui  eft  égouttée  ,  ôte  fon 
chaffis  ,  &  la  renverfe  fur  le  molleton ,  qui  couvre  la 
première  feuille  de  carton.  Il  couvre  cette  féconde 
feuille  d'un  molleton  ,  &  il  continue  ainfi  Ion  travail , 
verlant  une  forme  ,  tandis  qu'une  autre  s'égoutte  ,  &c 
enfermant  les  feuilles  de  carton  entre  des  morceaux 
de  molleton  ,  qui  forment  fur  le  plateau  de  la  preffe 
KL,  une  pille  H I ,  qu'on  appelle  une  preffée,  quand 
elle  contient  environ  cent  vingt  feuilles  doubles ,  ou 
deux  cents  trente  feuilles  Amples  ,  telles  que  celles 
dont  il  s'agit  ici.  Il  faut  feulement  obferver  que  le  car- 
tonnier peut  fort  bien  travailler  à  deux  formes  avec 
un  feul  chaffis  ;  &  qu'il  y  a  même  à  cela  une  épar- 
gne de  manœuvre  &  de  tems.  Quand  une  feuille  eft 
égouttée ,  il  peut ,  en  la  laiffant  fur  Pégouttoir  ,  ôter 
fon  chaffis,  &  le  placer  fur  une  autre  forme,  qu'il  rem- 
plira ,  &:  mettra  pareillement  égoutter  ;  tandis  que 
celle-ci  égouttera ,  il  renverfera  la  première  fur  le 
molleton.  Le  tems  qu'il  mettra  à  renverferiùffira  pour 
que  la  féconde  forme  foit  affez  égouttée  ,  &:  puiffe  fe 
paffer  de  fon  chaffis,  qu'il  mettra  fur  celle  qui  eft  vui- 
de  qu'il  remplira  &  mettra  à  égoutter.  Pendant  que 
cette  dernière  égouttera,  il  renverfera  fur  le  molleton 
celle  qui  eft  reftée  fur  Pégouttoir  fans  chaffis ,  &  ainfi 
deiuite.  Il  faut  encore  obferver  que  le  cartonnier  a 


CAR 

foin  de  remuer  fa  cuve ,  &  de  la  rebrouiller  de  trois 
en  trois  formes ,  ce  qui  s'appelle  cocher.  L'inftrument 
avec  lequel  on  coche ,  eft  une  efpece  de  râteau  àgriffe 
de  fer,  qu'on  voit,  fig.  5.  l'ouvrier  le  prend  par  fon 
manche  ,  &c  le  promené  cinq  ou  fix  fois  d'un  bout  de 
la  cuve  à  l'autre ,  afin  de  ramener  à  la  furface  la  ma- 
tière qui  le  fera  dépolée  au  fond.  On  fe  doute  bien 
qu'il  n'a  garde  de  jetter  les  matières  qui  fe  rendent 
.  de  Pégouttoir  dans  le  tonneau  F.  c'eft  proprement  la 
gomme  &  la  colle  diflbutes ,  &  par  conféquent  les  par- 
ties les  plus  propres  à  lier  celles  du  carton ,  &  à  le 
fortifier  :  auffi  le  cartonnier  verfe-t-il  dans  fa  cuve 
avec  un  feau  la  matière  qui  le  rend  dans  ce  tonneau, 
lorfqu'il  en  eft  trop  plein. 

L'épaiffeur  de  la  feuille  de  carton  dépend  de  deux 
chofes;  de  l'épaiffeur  de  la  matière  ,&  de  la  hauteur 
du  chaffis  :  plus  la  matière  fera  épaiffe ,  le  chaffis  ref- 
tant  le  même,  plus  il  y  aura  de  matière  contenue  fur 
la  torme  :  plus  le  chaffis  fera  haut ,  la  matière  reftant 
la  même ,  plus  on  en  puifera  à  la  fois. 

La  grandeur  de  la  feuille  dépend  de  la  gran- 
deur de  la  forme  ;  cela  eft  évident  :  mais  il  eft  bon 
de  favoir  qvPavec  une  grande  forme  capable  ,  par 
exemple  ,  de  former  un  carton  de  l'étendue  de  la 
feuille  in-folio  de  papier ,  on  fait  aifément  à  la  fois 
&  fans  augmenter  la  manœuvre ,  deux  feuilles  de 
carton  égales  à  la  demi-feuille.  Pour  cet  effet ,  on  fe 
iert  d'un  chaffis  ,  divifé  du  haut  en  bas  par  une  trin- 
gle  de  bois  qui  entre  &  fe  fixe  par  fes  extrémités  dans 
Tes  côtés  d'en-haut  &  d'en- bas  de  la  forme  ;  de  ma- 
nière qu'il  ne  s'en  manque  prefque  rien  qu'elle  ne 
s'applique  exactement  fur  le  grillage.  Qu'arrive-t-il 
de  là  ?  c'eft  que  la  matière  puifée  dans  la  cuve  le 
trouve  partagée  fur  la  forme  en  deux  eipaces  difté- 
rens  ,  dont  chacun  donne  une  feuille  qui  rt'eft  que 
la  moitié  de  ce  que  feroit  la  feuille  totale  ,  fans  la 
tringle  qui  divife  la  forme,  ou  plutôt  le  chaffis  de  haut 
en  bas  ,  &  qui  s'applique  prefque  fur  le  grillage. 

Je  dis  ,  qui  s'applique  prefque  fur  le  grillage  :  c'eft 
qu'en  effet  la  tringle  ,  ou  ne  s'applique  pas  exacte- 
ment fur  le  grillage  ;  ou  le  grillage  fléchiffant  un  peu 
fous  le  poids  de  la  matière  dont  il  eft  chargé ,  fe  ié- 
pare  de  la  tringle  ,  &  laiffe  échapper  entre  la  trin- 
gle &  lui,  un  peu  de  matière  qui  lie  les  deux  feuil- 
les ,  &  n'en  forme  qu'une  apparente  :  mais  la  join- 
ture eft  fi  mince ,  c'eft  une  pellicule  de  carton  ii  dé- 
liée ,  qu'on  la  rompt  facilement  ;  elle  fe  rompt  même 
en  partie  ,  tout  en  renverfant  la  forme  fur  le  lange. 

Mais  ce  qu'on  pourroit  regarder  comme  un  in- 
convénient ,  devient  par  hafard  une  efpece  d'avan- 
tage :  cette  pellicule  de  carton  qui  ne  joint  pas  affez 
les  deux  feuilles  pour  n'en  faire  qu'une,  fuffit  pour- 
tant pour  qu'elles  fe  iéparent  en  même  tems  de  la 
forme  quand  on  les  renverfe  fur  le  lange.  Les  1^4- 
ges  font  les  mêmes ,  foit  qu'on  faffe  une  feule  feuille 
à  la  tois ,  foit  qu'on  en  faffe  deux. 

Quand  on  ne  veut  pas  que  la  feuille  fe  trouve  fé- 
parée  en  deux  parties  égales  ,  mais  qu'on  fouhaite 
que  la  feuille  foit  de  toute  la  grandeur  de  la  forme  , 
il  n'y  a  d'autre  choie  à  faire  qu'ôter  du  chaffis  la  trin- 
gle qu'on  y  avoit  arrêtée. 

Quand  le  cartonnier  a  fait  fa  preffée  ,  il  met  des 
morceaux  de  bois  fur  les  bords  de  la  prefTe  ,  &  fait 
monter  fon  plateau  par  ce  plan  incliné  ,  entre  les 
montans  ,  comme  on  le  voit  en  A  B.  C'eft  pour  cet 
effet  qu'on  a  mis  au  plateau  K  L  des  anneaux.  Lorf- 
que la  preffée  eft  entre  les  montans  ,  on  la  couvre 
de  planches  de  chêne  ;  on  place  fur  ces  planches  une 
rangée  de  madriers  ;  fur  ces  madriers  des  planches  ; 
fur  ces  planches  une  autre  rangée  de  madriers  plus 
forts  que  les  précédens  ;  &  fur  ces  derniers  madriers 
s'applique  fais  fupéneur  de  la  preffe  qui  en  fait  par- 
tie, qui  fe  meut  à  couliffe  le  long  de  fes  montans ,  &C 
qui  agit  également  fur  toute  la  preifée  par  le  moyen 

de 


CAR 


CAR 


de  la  vis ,  de  l'écrou  ,  &  de  la  lanterne.  On  paiîe  un 
levier  dans  les  rufeaux  de  la  lanterne  ;  on  met  une 
corde  à  l'extrémité  de  ce  levier  :  cette  corde  va  s'en- 
rouler fur  un  arbre  ;  cet  arbre  eft  tourné  par  un  bras 
de  levier  auquel  un  homme  s'applique.  L'écrou  étant 
attaché  fixement ,  la  vis  fait  par  bas  l'effort  le  plus 
violent  contre  la  preffée.  En  coniéquence  de  cet  ef- 
fort) les  feuilles  prifes  entre  les  molletons  s'étendentj 
leurs  parties  lâches  &  molles  fe  ferrent ,  s'appro- 
chent, &c  s'effuient.  On  reçoit  dans  un  baquet  1  eau 
qui  s'en  échappe  par  une  ouverture  pratiquée  au 
plateau  :  on  conçoit  aifément  que  cette  eau  n'eit  pas 
d'une  qualité  intérieure  à  celle  du  tonneau  dvi  bout; 
auffi  la  conferve-t-on.  Je  ne  doute  pas  même  qu'é- 
tant extrêmement  chargée  de  farine  ,  de  gomme  , 
de  colle ,  il  on  s'en  fervoit  dans  les  trempis ,  elle  n'en 
rendît  la  fermentation  beaucoup  plus  vigourcufe  & 
plus  forte.  On  voit  l'opération  de  la  preffe  fi  clai- 
rement, /'g.  3.  &  elle  cil  fi  fimple  ,  qu'il  eft  inutile 
de  la  détailler  davantage.  Cette  preffe  n'a  rien  de 
particulier,  que  fon  plateau  ,  fes  madriers,  &  la  grof- 
îéur  de  toutes  fes  parties. 

Le  carton  ne  relie  pas  long-tems  fous  la  preffe  :  ia 
preffée  ,  quand  elle  ne  rend  plus  rien  par  le  plateau, 
eft  envoyée  dans  un  autre  attelier. 

Cet  attelier  s'appelle  f 'épluchoir  :  là  des  filles  , 
qu'on  appelle  éplucheufes ,  s'occupent  à  tirer  les  feuil- 
les de  car/on  d'entre  les  molletons  que  les  ouvriers  ap- 
pellent langes ,  &c  à  les  vifiter  les  unes  après  les  au- 
tres pour  en  arracher  les#groffes  ordures.  Ces  greffes 
ordures  fe  fentent  facilement  à  travers  la  feuille  mol- 
le ,  quand  on  ne  les  voit  pas.  On  les  ôte  ;  on  prelie 
avec  le  doigt  l'endroit  déchiré  ,  &  il  n'y  paroît  plus 
qu'à  l'inégalité  d'épâiffeur.  L'endroit  reprend  ;  il  eit 
feulement  plus  mince. 

Ou  ces  feuilles  épluchées  font  deftinées  à  refier 
fimples  comme  elles  font ,  ou  à  former  un  canon  plus 
épais  dont  elles  feront:  parties  :  fi  elles  font  deftinées 
à  refier  (impies ,  on  les  rapporte  dans  l'attelier  de  la 
preffe,  ions  laquelle  on  les  remet,  &  on  les  équar- 
j  ir.  Equarrit,  c'ell  en  enlever  les  bords  Scies  rendre 
plus  quarrées  ;  ce  qui  s'exécute  avec  une  ratifibire 
ante.  On  conçoit  bien  qu'alors  les  feuilles  ne 
font  pas  entre  les  langes. 

Si  on  les  deftine  à  former  un  carton  plus  épais,  il 
y  a  des  ouvriers  qui  ne  les  épluchent  point,  de  peur 
qu'elles  ne  le  lèchent  trop;  elles  parlent  de  délions 
la  prelie  011  on  les  a  miles  entre  les  langes  pour  la 
première  fois ,  au  côté  droit  de  l'ouvrier  iur  une  ta- 
ble :  alors  l'ouvrier  remet  proche  de  lui  Ion  plateau 
vuide  ;  ôte  de  deffus  la  preffée  mile  fur  fa  table  ,  le 
premier  lange  qui  la  couvre, &  l'étend  au  fond  de  fon 
plateau  ;  il  enlevé  pareillement  la  première  feuille 
fimplc  qui  fe  prélente  :  mais  comme  elle  eft  mollette , 
pour  ne  la  point  déchirer,  il  prend  le  lange ,  fur  le- 
quel elle  eft  pofée,  par  les  deux  coins  d'en-bas  ;  il 
corne  ces  deux  coins  ;  puis  il  roule  le  relie  de  la  main 
droite,  en  allant  vers  la  gauche,  cv  de  la  gauche  en 
allant  vers  la  droite.  Il  porte  en  cet  état  la  feuille 
roulée  en  deux  parties  ;,\  ce  le  lange  ,  fur  le  fond  de 
fon  plateau.  L'endroit  des  coins  étant  plus  épais  que 
le  relie,  fait  dérouler  ;  &  la  feuille,  &  fous  cette 
feuille  le  lange  ,  font  étendus  en  un  moment  fur  le 
fond  du  plateau.  Cela  fait,  qu  plutôt  pendant  cette 
manœuvre ,  une  forme  de  matière  s'égoutte  furl'é- 
gouttoir;  le  cartonnier  en  ôte  auffitôt  le  chaffis,  le 
met  fur  une  féconde  forme  ;  remplit  celle-ci ,  la  met 
égoutter,  &  renverfe  la  première  fur  celle  qu'il  a 
étendue  fur  le  plateau. 

Puis  il  retourne  à  la  cuve  ;  ôte  à  la  forme  qui  égout- 
toit,  fon  chaffis  ;  le  met  à  la  foi  me  %  uide  ;  la  remplit, 
&  la  met  égoutter.  Pendant  qu'elle  égoutte  ,  il  s'a- 
vance vers  la  table  ;  enlevé  de  la  preffée  une  autre 
feuille  avec  la  même  précaution  que  ci-deffus,  c'eft* 
Tomc  II, 


ï*9 


à-dae  roulée  dans  fon  lange,  &  étend  ce  lange  8t 
cette  feuille  fur  ion  plateau  ;  puis  il  prend  de  ces  deux 
formes  la  première  égouttée  ,  celle  qui  n'a  point  de 
chaiiis,  &  la  renvcrle  fur  fon  plateau ,  ou  plutôt  fur 
la  feuille  de  pre: 

Il  retourne  à  fa  cuve  ;  ôte  à  la  forme  qui  égoutte 
fon  chaffis;  remplit  la  forme  qu'il  tient,  âpres  lui 
avoir  mis  le  chaffis  qu'il  a  ôte  à  l'autre  ,  cVla  pôle 
iur  l'égouttoir,  Tandis  qu'elle  égoutte,  il  enlevé  dé 
la  preffée  une  feuille  roulée  dans  ion  lange  ,  l'étend 
fur  le  plateau  avec  fon  lange  deffous  ;  puis  il  prend 
des  deux  formes  qui  égouttoient,  celle  qui  n'a  point 
de  chaffis ,  &  la  renverfe  Iur  le  plateau  ,  ou  plutôt 
fur  la  feuille  de  preffée.  Il  retourne  enluite  à  la  cu- 
ve ,  &  réitère  toute  la  manœuvre  que  nous  venons 
d'expliquer,  jufqu'à  ce  qu'il  ait  forme  une  nouvelle 
preffée,  qui  ne  différera  de  la  première  qu'en  ce  que 
entre  chaque  lange  il  ne  fe  trouvoit  qu'une  feuil.e  ; 
au  heu  qu'ici  il  y  en  a  deux  ,  la  feuille  de  la  nouvelle 
fabrique ,  &  celle  de  la  précédente. 

Quand  cette  preffée  eil  taite ,  on  remet  le  plateau 
fous  la  preffe  ,  &  l'on  preffe.  L'effet  de  la  manœuvre 
|  çécéftente  &  de  celle- ci  ?  cil  d'unir  fi  bien  la  pre* 
m, ère  feuille  faite  avec  la  fécondé  ,  qu'elles  n'enYai- 
fent  qu'une  à  peu-près  double  en  épaiffeur ,  ce  qui  ne 
manque  jamais  de  réuffir  ;  la  première  feuille  n'étant 
pas  lèche,  la  féconde  étant  toute  molle  &  fluide  ,  il 
fe  fait  entr'ellés  une  dittribution  égale  d'humidité  : 
la  feuille  de  deffous  reçoit,  pompe  même  ce  que  la 
feuille  de  deffus  en  a  de  plus  qu'elle  ;  de  manière  que 
l'action  de  la  preffe  les  identifie  fans  peine.  D'où  il 
arrive  que  quand  ces  nouvelles  feuilles  paiî'ent  à  l'at* 
telier  des  éplucheufes,  elles  font  réellement  doubles 
d'épaiffeur  ,  &  c'ell:  tout  :  mais  leur  corps  &  leur  con- 
liitance  ,  iont  auffi  parfaitement  uns  que  ii  elles 
avoient  été  moulées  tout  d'un  coup. 

Quand  on  veut  avoir  des  cartons  de  moulage  très-' 
forts,onpeuten  appliquer  trois  feuilles  l'une  Air  l'au- 
tre entre  les  mêmes  langes ,  &  n'en  faire  qu'une  de 
trois  :  mais  cela  ne  va  point  jufqu'à  quatre.  Comme 
ii  faut  que  chacune  foit  moulée  6c  preffée  en  parti- 
culier ,  l'humidité  a  le  tems  de  s'échapper  pendant 
ces  opérations  réitérées  ;  la  feuille  fe  feche  ;  5e  cette 
feu. Ile  compofée  déjà  de  trois  autres  ,  ou  n'eit  plus 
allez  molle  pour  pomper  l'humidité  d  une  quatrième 
qu'on  lui  appliquerait ,  ou  cette  quatrième  ,  qui  eil 
fimple  ,  n'a  pas  affez  d'humidité  pour  arrofet  6c  amol- 
lir celle  qui  eft  compofée  de  trois ,  fur  laquelle  on  l'é- 
tend :  ainli  il  arrive  qu'elles  ne  peuvent  plus  fe  lier 
ce  taire  corps. 

Quand  la  nouvelle  preffée,  foit  fimple,  foit  dou- 
ble ,  foit  triple  ,  fort  de  deffous  la  prelie ,  on  l'éplu- 
che ;  on  la  rapporte  fous  la  preffe  ;  on  l'équarrit ,  Se 
on  l'em  oye  aux  étendoirs. 

Les  étendoirs  font  de  grands  greniers  ;  les  plus  ai- 
res font  les  plus  propres  ;  par  la  railon  contraire  les 
caves  feroient  les  meilleurs  endroits  qu'on  put  choilïr 
pour  les  trempis.  Comme  il  n'y  a  plus  de  lan°cs  en- 
tre les  feuilles  de  carton  quand  on  les  équarrit ,  il  eft 
évident  qu'on  en  équarrit  beaucoup  plus  à  la  fois 
qu'on  n'en  preffe.  La  quantité  qu'on  équarrit  à  la 
lois  s'appelle  une  réglée  :  la  réglée  eit  faite  d'une 
trentaine  de  poignées;  cv  la  poignée  d'une  dixaine 
de  cartons  doubles.  On  peut  apprécier  là-de:  1 
réglées  ce  poignées  des  autres  fortes  :  elles  contien- 
nent d'autant  moins  de  feuilles ,  que  les  feuilles  font 
plus  fortes. 

Les  réglées  trouvent  dans  les  étendoirs  des  mains 
toutes  prêtes  à  les  employer  :  chacun  le  place  devant 
fa  réglée,  le  poinçon  à  la  main.  Cet  infiniment  n'eit 
autre  choie  qu'une  efpece  de  pointe  de  1er,  aiguë  , 
.  .  demie  de  diamètre  au  plus  par  le  bas, 
de  quatre  à  cinq  pouces  de  long  ,  cv  emmanchée  com- 
me une  alêne  de  Sellier,  Un  enfonce  cet  ini'trumen; 

ZZ  11 


730 


CAR 


au  bord  de  la  réglée ,  à  la  profondeur  de  trois  ou  qua- 
tre pouces  ;  ce  qui  s'appelle  piquer.  On  enlevé  les 
feuilles  piquées  ou  une  à  une  ,  ou  deux  à  deux  ,  ou 
trois  à  trois  :  lire  à  une ,  fi  elles  l'ont  fort  épaiffes  ; 
deux  à  deux ,  fi  elles  le  font  moins  ;  &  trois  à  trois  , 
fi  elles  font  Amples  :  cela  dépend  auffi  un  peu  6c  de 
la  faifon  qu'il  fait ,  &  de  Fefpace  qu'on  a  pour  ten- 
dre. Il  eft  évident  qu'il  y  a  de  l'avantage  à  étendre  , 
quand  on  le  peut  ,  les  feuilles  une  à  une  ;  expolant 
plus  de  furface  à  l'air ,  elles  en  fecheront  beaucoup 
plus  vite.  Quand  on  a  piqué  &  féparé  les  feuilles 
comme  il  convient ,  on  a  des  bouts  de  fil  d'archal , 
qu'on  recourbe  en  S,  de  deux  pouces  de  long  ou  en- 
viron ;  on  paffe  un  des  crochets  de  l'S  dans  le  trou 
de  la  feuille  piquée ,  &  on  la  fufpend  par  l'autre  cro- 
chet aux  lattes  du  toicl ,  qui  forment  des  efpeces  d'é- 
chelons en-dedans  des  greniers  ,  comme  tout  le  mon- 
de fait.  Les  feuilles  de  carton  reftent  dix  jours  ^dou- 
ze ,  quinze  ,  trois  femaines  étendues ,  félon  la  lailbn , 
Se  leur  épaiffeur.  Quand  elles  font  lèches ,  on  abat. 
Abattre ,  c'elt  détendre  &  ôter  les  aiguilles. 

De  ces  feuilles  ainfi  préparées, les  unes  font  ven- 
dues aux  relieurs ,  qui  les  achètent  dans  cet  état 
brut  ;  &  les  autres  deftinées  à  d'autres  ulages ,  font 
partagées  en  deux  portions  ,  dont  l'une  revient  de 
l'étendoir  dans  l'attelier  des  liffeurs  ,  &  l'autre  eft 
portée  dans  l'attelier-des  colleurs. 

Celles  qui  paffent  dans  l'attelier  des  lifTeurs  ,  y 
font  travaillées  à  la  liflbire.  La  liflbire  des  carton- 
niers  fe  meut  précifément  comme  celle  des  cartiers , 
par  un  gros  bâton  appliqué  par  fon  extrémité  Supé- 
rieure à  une  planche  attachée  par  un  bout  à  une  pou- 
tre, &  qui  fait  reffort  par  l'autre  bout ,  celui  auquel 
le  bâton  de  la  liflbire  eft  appliqué  :  ce  bâton  eft  fendu 
par  fon  extrémité  inférieure  ;  cette  extrémité  eft  en- 
core arrondie  circulairement.  La  langue  L  de  la  boîte 
de  la  liflbire  ,Jig.  6.  entre  dans  la  fente  du  bâton;  & 
les  extrémités  arrondies  du  bâton  fe  placent  dans 
les  échancrures  concaves  M.  Cette  boîte  le  meut  de 
bas  en  haut ,  &  de  haut  en  bas  de  la  feuille  de  car- 
ton ,  par  le  moyen  des  mains  N ,  N.  Les  feuilles  ou 
font  placées  les  unes  fur  les  autres  en  pile ,  ou  fur  un 
bloc  ,  &  font  applanies  par  le  cylindre  O  O  ,  placé 
fous  ia  liflbire  où  l'on  a  pratiqué  un  canal  concave 
qui  le  reçoit  à  moitié.  Ce  cylindre  eft  de  fer  poli  ; 
&  il  fe  meut  fur  deux  tourillons  reçus  dans  deux  pat- 
tes de  fer  ,  fixées  aux  deux  bouts  de  la  boîte  de  la 
liflbire,  comme  on  voit.  Au  fortir  de  la  liflbire ,  on 
peut  les  vendre.  Il  faut  obferver  que  celles  des  feuil- 
les qui  viennent  de  l'étendoir  pour  être  liflees  ,  ne 
doivent  pas  être  bien  feches  ;  fans  quoi  elles  ne  fe 
lifferoient  pas ,  &  il  faudroit  les  hume&er. 

Celles  qui  paffent  dans  l'attelier  des  colleurs ,  font 
ou  collées  les  unes  avec  les  autres, pour  former  du  car- 
ton plus  épais ,  ou  couvertes  de  papier  blanc  auquel 
elles  fervent  d'ame  :  d'où  l'on  voit  qu'il  y  a  déjà  trois 
fortes  de  carton  ;  du  carton  de  pur  moulage  ,  du  carton 
de  moulage  colle' ,  &  du  carton  couvert ,  auquel  le  car- 
ton de  moulage  fêrt  d'ame.  Il  n'y  a  rien  de  particulier 
fur  la  leco'nde  efpece  ,  celle  de  feuilles  de  carton  de 
moulage  collées  enfemble.  On  a  de  la  colle  de  farine 
à  l'ordinaire ,  ou  telle  que  celle  des  cartiers,  voye^ 
Cartier  ;  on  trempe  une  brofle  dans  cette  colle  , 
&  l'on  en  enduit  une  feuille  ;  on  pôle  fur  cette  feuille 
collée  deux  feuilles,  dont  celle  de  deflbus  n'eït  point 
collée ,  mais  celle  de  deflus  l'eft  ;  on  continue  à  pren- 
dre les  feuilles  deux  à  deux ,  &  à  ne  coller  que  celle 
de  deflus  ,  &  à  en  former  des  tas ,  dans  lefquels  les 
feuilles  le  trouvent  feulement  collées  deux  à  deux  ; 
on  paffe  ces  tas  fous  la  prefle  ;  on  ôte  avec  une  mau- 
vaise brofle  la  colle  que  l'aftion  de  la  prefle  fait 
fortir  ;  on  fépare  ces  feuilles  qui  tiennent  enfem- 
ble un  peu  par  les  bords  ;  on  les  porte  à  l'étendoir, 
ou  on  les  fait  fécher  fans  les  piquer  ,  parce  qu'elles 


CAR 

font  affez  fortes  pour  fe  foûtenir  appuyées  fans  fe 
courber. 

On  voit  que  pour  faciliter  le  prompt  collage  de 
ces  feuilles,  il  eft  bon  d'en  avoir  préparé  les  tas  au- 
paravant. Cette  préparation  confilte  à  mettre  le* 
feuilles  par  échelle  de  deux  en  deux  :  pour  cet  effet 
on  prend  une  feuille ,  on  la  met  fur  une  table  ;  on 
prend  deux  feuilles  qu'on  pôle  deflus  cette  première , 
de  manière  qu'elle  les  déborde  de  quatre  doigts  par 
en  bas  ;  fur  ces  deux  ,  deux  autres  qui  correfpondent 
à  la  première  ,  &  qui  font  par  conféquent  débordées 
par  en-haut  de  quatre  doigts  par  les  deux  premières  , 
&  ainlî  de  fuite  :  on  finit  le  tas  par  une  feule. 

Si  on  veut  ajouter  une  nouvelle  feuille  aux  deux 
précédentes ,  pour  avoir  un  carton  d'un  tiers  plus 
épais  ,  &  compolé  de  trois  feuilles  ,  on  facilitera 
cette  opération  en  prenant  la  même  précaution  ;  je 
veux  dire ,  en  mêlant  les  feuilles  fimples  &  les  feuil- 
les doubles  deux  à  deux  de  manière  qu'elles  foient 
en  échelle ,  &  que  fi  deux  débordent  par  en-haut  cel- 
les qui  les  précèdent ,  elles  foient  débordées  par  en- 
bas  par  les  deux  qui  les  fuivront ,  &  en  ne  collant 
jamais  que  celle  des  deux  qui  eft  deflus.  Il  elt  évident 
qu'on  formera  ainfi  toujours  des  tas  où  les  feuilles 
ne  feront  collées  que  deux  à  deux. 

On  continuera  la  même  manœuvre ,  mêlant ,  col- 
lant ,  preffant  &  féchant  autant  de  fois  qu'on  vou- 
dra doubler  les  cartons  :  on  parviendra  de  cette  ma- 
nière à  en  former  qui  auront  un  pouce  d'épais ,  & 
par-delà. 

Quant  aux  cartons  qu'on  veut  couvrir  de  beau  pa- 
pier, on  ne  fuivra  pas  une  autre  méthode  ;  il  fuffit 
de  l'avoir  indiquée. 

Il  y  a  ,  comme  on  voit,  bien  des  fortes  de  carton  .• 
il  y  en  a  de  trois  fortes  de  pur  moulage  ;  du  fimple  , 
du  double ,  &  du  triple. 

Il  y  en  a  de  feuilles  de  moulage  collées  enfemble  ^ 
de  tant  d'efpeces  que  l'on  veut. 

Il  en  elt  de  même  de  celui  de  moulage  qui  eft  cou- 
vert de  papier  blanc  ;  car  on  peut  également  cou- 
vrir &  celui  qui  eft  de  pur  moulage,  ce  qui  donner» 
trois  fortes  de  cartons  couverts  ;  &  celui  qui  eft  fait 
de  feuilles  de  moulage  collées ,  ce  qui  en  ajoutera  un, 
grand  nombre  d'autres  fortes. 

Outre  toutes  ces  fortes  de  carton ,  entre  Iefquelles 
il  faut  obferver  que  ceux  qui  font  couverts  d'un  leul 
ou  des  deux  côtés  reviennent  à  la  lifle  ,  &  que  pour 
les  bien  lifler  il  eft  fouvent  à  propos  de  les  favonner 
&  chauffer  auparavant ,  comme  nous  l'avons  prel- 
crit  à  l'article  cartier (yoye\  Cartier);  outre  ces  ef- 
peces ,  dis-je  ,  on  en  fait  de  pur  collage  ;  celui-ci 
eft  beaucoup  plus  fin  que  l'autre.  On  commence  par 
lui  préparer  une  ame  de  papier  commun  :  on  fait 
cette  ame  plus  ou  moins  épaifle  à  difcrétion  ,  &  on 
la  couvre  de  beau  papier.  Voye^  à  l'article  Cartier 
la  manière  détaillée  de  faire  ce  carton  ;  car  celui  dont 
on  fait  les  cartes  eft  de  cette  efpece. 

Il  y  a  auffi  des  cartons  de  collage  d'un  grand  nom- 
bre de  fortes,  dont  la  finefie  fediilingue  par  numé- 
ros. Il  y  en  a  de  couverts  des  deux  côtés,  d'un  leul  ; 
de  liffés  des  deux  côtés  ,  &  d'un  feul ,  &c. 

On  fait  en  France  un  commerce  confidérable  de 
carton.  J'ai  vifité  les  atteliers  des  ouvriers  ,  que 
je  n'ai  pas  trouvés  auffi  bien  entendus  que  celui 
que  je  viens  de  décrire  :  il  m'a  femblé  qu'ils  n'ap- 
portent pas  à  leur  ouvrage  autant  d'attention  & 
de  propreté  qu'ils  y  en  pourroient  mettre  :  ce  n'eft 
pas  la  feule  occafion  où  j'ai  remarqué  que  pourvu  que 
les  choies  fe  filTent  ,  on  s'embarraffoit  fort  peu  du 
comment.  On  fe  fert  de  carton  pour  relier  les  livres, 
faire  des  porte-feuilles ,  des  étuis  à  chapeaux,  à  man- 
chons, &c. 

Ce  font  les  Papetiers-Merciers  &  les  Papetiers-col- 
leurs de  feuilles,  autrement  dit  Cartonniers ,  qui  en 


CAR 

font  le  négoce  ;  avec  cette  différence  que  ces  der- 
niers fabriquent  &  vendent,au  lieu  que  les  premiers 
ne  peuvent  pas  fabriquer. 

Carton  ,  terme  d  Architecture,  fe  dit  d'un  contour 
chantourné  fur  une  feuille  de  carton  ou  de  fer  blanc, 
pour  tracer  les  profils  des  corniches,  &c  pour  lever 
les  panneaux  de  deffus  l'épure.  (  P  ) 

Carton  ,  fe  dit  en  Peinture  d'un  deffein  qu'on  fait 
fur  de  fort  papier  ,  pour  le  calquer  enfuite  fur  l'en- 
duit frais  d'une  muraille ,  où  l'on  veut  peindre  à 
frefque. 

Carton  fe  dit  auffi  d'un  deffein  en  grand  ,  coloré 
pour  travailler  en  mofaïque ,  en  tapifferie  ,  &c.  Voy. 
Tapiss&rie. 

Les  cartons  que  l'on  conferve  à  Hamptoncourt  en 
Angleterre,  font  des  deffeins  de  Raphaël  d'Urbin, 
faits  pour  être  exécutés  en  tapifferie.  (J.V) 

Carton;  les  Imprimeurs  appellent  ainfi  une  ma- 
culature  bien  unie  ,  fur  laquelle  ils  collent  des  hauf- 
fes  pour  remédier  à  l'inégalité  du  foulage ,  qui  fe 
rencontre  à  prcfque  toutes  les  preffes.  Ce  carton  fe 
place  entre  le  petit  tympan  &  les  Manchets.  Chaque 
ouvrage  doit  avoir  fon  carton  particulier.  Quand  il 
eft  bien  fait  il  y  a  peu  de  hauffes  à  mettre  fur  le  tym- 
pan ;  &  prefque  toujours  la  perfection  ou  la  dét'ec- 
ruofité  d'une  impreffion  en  dépendent ,  tant  il  eft 
utile  &c  de  coniéquence  de  le  bien  faire.  Voye^ 
Hausse,  &c. 

CARTON ,  terme  de  Libraire  ,  de  brochure ,  &  de  Re- 
lieur ,  eft  un  ou  plufieurs  feuillets  détachés  d'une 
feuille  entière.  Il  y  a  pluiîeurs  cas  où  l'on  eft  obligé 
de  mettre  des  cartons  dans  les  livres.  i°.  Quand 
après  l'impreffion ,  foit  d'un  manuferit,  foit  d'un  livre 
déjà  imprimé  ,  il  refte  de  la  matière  dont  la  quanti- 
té ne  fuffit  pas  pour  faire  une  feuille  entière  ,  ni  mê- 
me une  demi-feuille ,  ce  relte  s'imprime  fur  un  ou 
deux  feuillets  de  papier  féparés ,  &  s'appelle  carton. 
z°.  Quand  pendant  le  cours  de  l'impreffion  il  s'eft 
gliffé  quelques  fautes  groffieres  dans  l'ouvrage  ,  ou 
quelque  proposition  hafardée  relativement  à  la 
religion ,  au  gouvernement ,  aux  mœurs ,  ou  à  la 
réputation  des  particuliers  ,  on  a  foin  de  déchirer 
la  partie  de  la  feuille  fur  laquelle  fe  trouve  ce  qu'on 
veut  fupprimer  ,  &  l'on  y  fubftitue  d'autres  feuillets 
purgés  de  ces  fautes  ,  &  ces  feuillets  fe  nomment 
auffi  cartons. 

Le  public  à  Paris  eft  tellement  prévenu  contre  ces 
cartons,  qu'on  a  vu  des  ouvrages  décrédités  parce 
qu'il  y  enavoit,  quoiqu'ils  y  euffentété  placés  pour 
la  plus  grande  perfection  de  ces  ouvrages. 

Carton,  partie  du  métier  de  Rubanier  ;  il  eft  attaché 
d  une  part  à  la  barre  de  la  poitriniere ,  &  d'autre  au 
premier  travers  de  lames  ,  au  moyen  de  deux  ficel- 
les qui  le  tiennent  fufpcndu  un  peu  au-deffusde  l'en- 
fuple  de  devant:  il  fert  à  pofer  les  navettes  &  fabots, 
lorfqu'il  y  en  a  plufieurs  ,  pendant  que  l'ouvrier  en 
fait  travailler  une.  On  le  voit  très-diltindtement  dans 
les  fi  g.  de  paiement,  f'oy.  leur  explication. 

CARTONNER , parmi  les  Tondeurs  ,  c'eft  couvrir 
chaque  pli  d'une  pièce  d'étoffe  ,  d'un  carton  ou  d'un 
vélin  ,  avant  que  de  la  preffer  èv  de  la  catir. 

CARTONNIER ,  f.  m.  (  Art  midi.  )  ouvrier  qui 
a  le  droit  de  faire  &  vendre  du  carton.  Voyer^  Car- 
ton. 

CARTOUCHE  ,  en  Architecture ,  cû  un  ornement 
de  fculpture  ,  de  pierre  ,  de  marbre ,  de  bois ,  plâtre, 
&c.  compofé  de  membres  d'Archite&ure ,  au  milieu 
duquel  eft  un  efpace  de  forme  régulière  ou  irrégu- 
lierc,  dont  la  furfacc  eft  quelquefois  plane  ,  conca- 
ve ,  convexe  ,  ou  tous  les  deux  enfemble.  Ces  car- 
touches fervent  ordinairement  à  annoncer  le  nom  des 
grands  hôtels ,  ou  à  recevoir  des  inferiptions ,  des 
chiffres,  des  armoiries,  des  bas-reliefs,  pour  la 
décoration  extérieure  cv  intérieure  des  éjliies , 
Tome  II. 


CAR 


731 


Communautés ,  ou  pour  la  décoration  des  apparte- 
mens.  Ce  mot  vient  de  l'Italien  cartoccio  ,  qui  ligni- 
fie la  même  chofe. 

On  appelle  auffi  cartouche  le  deffein  qu'on  met  au 
bas  des  plans  ou  cartes  de  Géographie ,  &  qui  fert  à 
renfermer  le  titre  ou  le  blafon  de  celui  à  qui  on  le 
veut  préfenter.  Ces  cartouches  font  fufceptibles  d'at- 
tributs ou  d'allégories  qui  doivent  être  relatives  à 
celui  à  qui  l'on  préfente  ces  deffeins ,  ou  à  leur  objet. 

On  appelle  cartel  les  petits  cartouches  qui  fervent 
dans  les  décorations  des  frifes  ou  panneaux  de  me- 
nuiferie  ,  &  généralement  ceux  qu'on  employé  dans 
les  bordures  des  tableaux  aux  couronnemens  des 
trumeaux  ,  cheminées  ,  pilaftres ,  &c. 

En  général  il  faut  éviter  le  genre  tourmenté  &  trop 
pittorefque  dans  ces  fortes  de  fculptures  ;  leur  com- 
pofition  demande  de  la  retenue  ,  auffi  bien  que  tou- 
tes les  autres  productions  analogues  à  l'Arehiteûure. 
Voyc{  ce  qui  a.  été  dit  aufujet  des  amortijjemens.   (P) 

Cartouche  ,  (Peinture.')  eft  une  efpace  de  bor- 
dure d'ornemens  peints  ou  fculptés ,  qui  renferment 
des  tableaux  ,  des  bas-reliefs  ,  des  trophées,  des  inf- 
eriptions ou  devifes,  &c. 

On  fait  des  cartouches  de  toutes  fortes  de  formes , 
&  on  les  compofe  de  tout  ce  que  le  caprice  ou  la  mo- 
de peut  fuggérer  :  on  les  appelle  cartouches ,  parce 
qu'ils  ont  quelquefois  des  parties  qui  reffemblent  à 
des  cartons  roulés  &  entortillés.  Aujourd'hui  même 
ils  confervent  encore  quelques  parties  de  ces  cartons 
qui  leur  ont  donné  nom  ,  &  dont  ces  ornemens  ont 
été  compofés  dans  leur  origine.   (R) 

Cartouche  ,  en  Jardinage,  eft  un  ornement  ré- 
gulier en  forme  de  tableau  ,  avec  des  enroulemens  , 
qui  fe  répète  fouvent  aux  deux  côtés  ou  aux  quatre 
coins  d'un  parterre  ;  le  milieu  fe  remplit  d'une  co- 
quille de  galon  ,  ou  d'un  fleuron  de  broderie.  (/£) 

Cartouches,  Gargouges  ,  Gargouches, 
omGargousses:  on  fe  fert  prefque  également  de  ces 
mots  dans  f  Artillerie ,  pour  fignirïer  une  efpece  de 
boîte  faite  d'un  parchemin  ou  d'un  papier  en  plu- 
fieurs doubles,  ou  d'une  feuille  de  fer  blanc,  ou  mê- 
me de  bois,  qui  renferme  la  charge  de  poudre  &  le 
boulet ,  &  quife  met  dans  une  pièce  lorfque  l'on  eft 
tellement  preffé  de  tirer,  que  l'on  n'a  pas  le  tems  de 
s'ajulter. 

Quand  on  n'y  met  pas  de  boulet,  l'on  y  met  des 
balles  de  plomb  ,  des  clous ,  des  chaînes ,  &  de  la  mi- 
traille de  fer  ,  afin  que  le  coup  écarte  davantage. 

Surtout  les  cartouches  à  grappes  de  raifin  ,  qui  font 
des  balles  de  plomb  jointes  avec  de  la  poix ,  enfer- 
mées dans  une  toile  claire ,  &  difpofées  fur  ime  petite 
planche  en  forme  pyramidale  autour  d'un  piquet  de 
bois  qui  s'élève  du  milieu  de  la  planche ,  font  d'une 
grande  utilité  dans  un  combat  ou  dans  une  bataille. 

Il  y  a  des  moules  de  bois  dont  on  fe  fert  pour  fer- 
rer ces  gargouges  &  cartouches  ,  afin  de  pouvoir  les 
faire  avec  plus  de  propreté  &i.  de  jufteffe. 

On  fait  auffi  des  cartouches  a  moufquetaires ,  qui 
portent  la  charge  de  poudre  &  la  balle  au  bout ,  & 
le  loldat  n'a  autre  choie  à  faire  quand  il  veut  char- 
ger Ion  fuiil  ou  Ion  moulquct ,  que  de  déchirer  avec 
la  dent  cette  cartouche  ,  qui  eft  très-bien  collée  par- 
tout ,  par  le  bout  qui  doit  répondre  à  la  lumière  &  au 
baffinet  du  canon  du  tu  fil  ou  du  moufquet  où  il  amor- 
ce; &  cette  invention  abrège  beaucoup  de  tems. 

Il  faut  encore  obfervcr  que  quoique  bien  des  offi- 
ciers, &  des  auteurs  même  fort  habiles ,  confondent 
la  cartouche  avec  la  gargouge;  il  cil  certain  néanmoins 
que  L'ufage  nous  apprend  que  la  gargouge  ne  doit  s'en- 
tendre que  de  ce  qui  renferme  la  poudre  feule  ;  & 
que  la  cartouche  eft  ce  qui  renferme  les  clous ,  chaî- 
nes, balles  de  plomb ,  &  autres  mitrailles  &  ferrail- 
les que  l'on  met  dans  la  pièce  au  lieu  de  boulet,  foit 
fur  une  brèche  ou  fur  un  retranchement ,  toit  lorf* 

Z  Z  z  i  ij 


732 


CAR 


\ 


que  l'on  fe  trouve  près  des  ennemis  clans  une  batail- 
le :  on  dit  alors  tirer  à  cartouche. 

Les  gargouges  font  de  papier  ,  parchemin ,  ou  toi- 
le :  les  meilleures  &  les  plus  fûres  font  celles  qui  font 
faites  de  parchemin,  parce  que  le  feu  ne  s'y  attache 
point  ;  le  parchemin  ne  fait  que  griller  ,  fans  s'atta- 
cher à  la  pièce.  Le  papier  &  la  toile  ont  cette  incom- 
modité ,  qu'ils  laiffent  prefque  toujours  quelque  lam- 
beau accroché  au  métal  de  Pâme  de  la  pièce  avec  du 
feu  ;  ce  qui  a  fouvent  caufé  de  fort  fâcheux  accidens, 
&  ordinairement  ces  malheurs  arrivent  quand  on 
eft  près  de  l'ennemi  &  prefîe  :  car  quand  il  faut  fer- 
vir  une  pièce,  lescanoniers  négligent  d'écouviilon- 
ner  ;  la  nouvelle  gargouge  que  l'on  fourre  dans  la 
pièce  rencontrant  ce  papier  ou  cette  toile  allumée, 
prend  feu  ,  &  en  reffortant  de  la  pièce ,  brife  avec  la 
hampe  de  la  lanterne  ou  de  l'écouvillon  les  bras  &c 
les  jambes  de  ceux  qui  chargent ,  &  les  tue  fort  fou- 
vent. 

Lorfque  l'on  fera  obligé  de  fe  fervir  de  papier  ou 
de  toile  dans  Poccafion,  il  ne  faut  pas  oublier  d'é- 
couvillonner  à  chaque  coup  ,  &  pour  celles  de  par- 
chemin ,  de  trois  en  trois  coups. 

La  longueur  des  gargouges  fera  de  quatre  calibres 
de  ki  pièce  où  elles  devront  fervir  ,  dont  un  demi- 
calibre  fervira  à  fermer  le  cul ,  &  un  autre  pour  fer- 
mer le  deffus  quand  la  poudre  y  fera;  cette  poudre 
doit  être  charge  ordinaire.  Celles  de  parchemin  ne 
feront  qu'un  tour ,  avec  un  peu  plus  de  largeur  pour 
la  couture  :  elles  feront  trempées  dans  le  vinaigre  , 
afin  de  les  coudre  plus  facilement.  A  celles  de  toile 
la  largeur  de  la  couture  doit  être  en-dedans  la  gar- 
gouge  ;  les  ourlets  feront  froncés  avec  de  la  ficelle. 

L'on  pourra  aux  gargouges  de  toile  laifTer  deux  ca- 
libres de  plus ,  au-deffus  de  ce  qui  fera  froncé  quand 
elles  feront  pleines  de  poudre  :  cela  fert  à  y  mettre 
des  balles  de  plomb  ou  de  la  mitraille,  le  tout  bien  fer- 
mé :  l'on  en  pourra  faire  autant  avec  le  parchemin , 
&  alors  elles  fe  nomment  cartouches.  Elles  font  bon- 
nes pour  tirer  promptement  &  de  près.  Quand  on 
pourra  avoir  des  cartouches  de  fer  blanc  ,  elles  vau- 
dront mieux  ;  elles  portent  plus  loin  :  elles  auront  de 
longueur  un  calibre  demi-quart ,  le  diamètre  com- 
me les  gargouges  ,  fermées  par  un  bout  de  fer  blanc 
ainli  qu'une  mefure  ;  &  lorfqu'on  aura  rempli  la  car- 
touche de  balles  à  la  hauteur  d'un  calibre ,  l'on  y  fe- 
ra entrer  un  tampon  de  bois  long  d'un  demi-calibre, 
fur  lequel  on  attachera  avec  des  clous  les  bords  de 
la  cartouche.  En  les  fourrant  dans  l'ame  des  pièces  , 
il  faudra  prendre  garde  que  le  côté  du  tampon  foit 
mis  le  premier  dans  la  pièce. 

L'on  fait  encore  des  cartouches  en  pomme  de  pin  : 
c'eft  un  boulet  de  même  fer  que  les  autres ,  qui  fait 
le  noyau  de  la  cartouche  :  fa  figure  -cil:  en  pyramide 
ronde  ;  la  bafe  eft  égale  au  calibre  d'un  boulet  pro- 
pofé  pour  la  pièce  avec  laquelle  on  voudra  la  tirer  ; 
la  hauteur  eft  d'un  calibre  &  demi.  On  le  trempe  dans 
la  poix  goudronnée  ,  enfuite  on  le  roule  fur  des  bal- 
les de  plomb  ;  &  quand  il  eft  bien  couvert  de  balles 
de  plomb ,  on  le  trempe  dans  le  même  goudron  , 
après  quoi  on  peut  s'en  fervir  ,  en  pouffant  le  gros 
bout  devant  dans  la  pièce. 

Mais  les  cartouches  de  fer  blanc  valent  mieux  fur 
terre  ,  &  coûtent  moins  de  tems  à  faire  :  les  pommes 
de  pin  font  bonnes  pour  tirer  fur  mer  ;  car  outre  que 
les  balles  qui  y  font  attachées  en  s'écartant  bleffent 
bien  des  gens  fur  le  grand  pont ,  le  noyau  fait  enco- 
re bien  du  fracas  où  il  touche. 

L'on  peut  auffi  remplir  les  cartouches  de  fer  blanc 
de  toutes  fortes  d'efpeces  de  ferraille.  Si  l'on  man- 
que de  matières  dans  les  occafions  pour  faire  des 
gargouges  &  cartouches ,  l'on  pourra  charger  le  canon 
à  l'ordinaire,  &  y  mettre  par-deffus  le  fourrage  de 
la  ferraille ,  des  balles  de  plomb ,  ou  des  petits  bon- 


CAR 

lets ,  même  jufqu'à  de  petits  cailloux  ronds  :  de  cette 
façon  les  pièces  en  fouffriront  davantage  ;  mais  dans 
l'occafion  le  génie  doit  fuppléer  au  défaut  de  ce  qui 
manque.  Mém.  a"Arùl.  de  S.  Remy.  (Ç)) 

Cartouche  :  on  appelle  ainfi  toutes  fortes  de 
boîtes  de  carton ,  cubiques  ,  fphériques  ,  cylindri- 
ques, ou  mixtes  ,  dans  Icfquelles  on  renferme  les 
matières  combuftibles  des  artifices,  pour  en  déter- 
miner &  varier  les  effets  ;  les  cylindriques  font  les 
plus  ordinaires.  Ce  mot  eft  mafeulin  chez  les  Arti- 
ficiers ,  &  féminin  pour  les  charges  des  armes  à  feu  : 
on  dit  dans  l'exercice ,  déchire^  la  cartouche  avec  les 
dents. 

On  peut  faire  les  cartouches  de  différentes  matières , 
comme  de  bois  ,  de  toile ,  de  parchemin ,  de  carton , 
&  de  papier.  Ceux  de  bois  ne  font  plus  en  ufage ,  à 
caufe  des  inconvéniens  qu'on  y  a  trouvés  :  premiè- 
rement ,  tous  les  bois  n'y  font  pas  propres  ;  il  faut  en 
choifir  de  lians ,  de  doux  ,  ôc  de  légers  ,  comme  le 
tilleul ,  le  faule ,  &  autres  f  emblables  :  fecondement, 
il  faut  des  ouvriers  accoutumés  à  les  creufer  &  tour- 
ner proprement ,  &  d'une  figure  très-uniforme;  ce 
qu'on  ne  trouve  point  partout  :  troifiemement ,  ils 
font  fujets  à  fe  fendre  pendant  qu'on  les  charge ,  ou 
à  crever  lorfque  l'artifice  s'enflamme ,  deforte  qu'ils 
lancent  des  éclats  qui  peuvent  bleffer  les  fpeftateurs. 
Les  cartouches  de  toile  ne  font  propres  qu'à  renfer- 
mer les  artifices  deftinés  pour  l'eau  ;  parce  qu'on  a 
foin  de  les  goudronner  pour  empêcher  qu'elle  ne 
pénètre  au-travers.  Le  parchemin  feroit  affez  bon 
pour  faire  les  cartouches:  mais  c'eft  une  matière  trop 
chère ,  difficile  à  manier  ,  &  qui  fe  tourmente  aifé- 
ment  ;  il  vaut  donc  mieux  fe  fervir  de  carton  ou  de 
bon  papier. 

On  trouve  à  Paris  du  carton  pour  les  fufées ,  qu'on 
appelle  carte  de  moulage ,  dont  les  épaiffeurs  font  dé- 
fignées  par  le  nombre  des  feuilles  du  gros  papier 
collé  dont  il  eft  compofé,  comme  un ,  deux ,  trois , 
quatre,  cinq  ,  fix,  jufqu'à  huit;  on  acheté  de  gros 
papier  gris  ,  qui  eft  très-commun  ;  on  en  colle  deux' 
ou  trois  feuilles  enfemble  ,  plus  ou  moins  fuivant  la 
force  &C  l'épaiffeur  qu'on  veut  donner  au  carton ,  eu 
égard  à  l'emploi  qu'on  en  veut  faire.  Pour  les  pe- 
tits cartouches,  celui  de  deux  feuilles  fuffit;  pour  les 
plus  gros ,  on  en  met  trois  ,  &  même  quatre  ,  cinq  , 
&fix. 

Pour  les  coller,  on  prépare  de  la  pâte  de  farine  li- 
quide qu'on  fait  un  peu  cuire  ,  ayant  foin  de  la  bien 
délayer,  à  laquelle  on  peut  ajouter ,  fi  l'on  veut ,  de 
la  colle  forte.  On  l'étend  avec  une  broffe  fur  la  pre- 
mière feuille  de  papier  ,  pour  y  en  appliquer  une 
féconde  ou  une  troiïieme  qui  forme  la  feuille  de  car- 
ton ;  on  arrange  enfuite  toutes  les  feuilles  de  carton 
qu'on  vient  de  faire  en  une  pile  ,  comme  celles  d'un 
livre ,  fur  laquelle  on  met  un  bout  de  planche  unie 
qu'on  charge  d'un  poids  capable  de  les  preffer  &  ap- 
planir ,  afin  que  les  feuilles  ne  laiffent  aucun  vuide 
entr'elles  ,  &:  que  la  colle  prenne  également  par- 
tout. 

Après  avoir  ainfi  Iaiffé  Les  feuilles  de  carton  en 
preffe  pendant  quelques  heures ,  on  les  difperfe  dans 
un  lieu  couvert  pour  les  faire  fécher  doucement  ;  & 
fuppofé  qu'elles  viennent  à  fe  tourmenter  ,  on  les  re- 
met encore  fous  la  preffe.  De  cette  manière  on  a  du 
carton  uni ,  &  d'une  épaiffeur  convenable  à  la  gran- 
deur des  cartouches  qu'on  veut  faire. 

Les  cartouches  les  plus  ufités  font  de  figure  cylin- 
drique ,  parce  qu'après  la  fphérique ,  il  n'y  en  a  point 
de  plus  fimple ,  ni  de  plus  propre  à  contenir  les  ma- 
tières :  elle  a  même  cet  avantage  fur  la  fphérique  , 
qu'on  peut  les  y  fouler  autant  qu'on  veut ,  &  d'une 
égale  comprcflîon  ;  ce  qui  eft  néceffaire  à  la  forma- 
tion de  la  plupart  des  artifices. 

Pour  former  ces  fortes  de  cartouches,  il  faut  avoir 


CAR 

un  rouleau  de  bois  tourné  &  également  épais ,  fui- 
vant  la  groffeur  déterminée  pour  la  pièce  d'artifice 
qu'on  veut  faire.  Les  rouleaux  étant  faits  ,  on  coupe 
le  carton  ou  le  papier  qu'on  veut  employer,  de  la 
grandeur  convenable  à  la  pièce  qu'on  veut  faire  , 
&  parce  que  le  développement  d'un  cylindre  eft  un 
parallélogramme  ou  quarré  long  ;  il  n'y  a  point  de 
façon  dans  cette  coupe. 

Les  épaiffeurs  des  cartouches  doivent  être  propor- 
tionnées, non-feulement  à  la  groffeur  des  artifices  , 
mais  encore  à  la  force  du  feu  que  produifent  les  ma- 
tières dont  ils  font  remplis ,  laquelle  vient  de  leur 
qualité  plus  ou  moins  vive ,  &  d'un  volume  de  flam- 
me plus  ou  moins  grand.  Premièrement ,  ils  font  plus 
ou  moins  forts ,  fuivant  la  qualité  &  la  force  du  pa- 
pier ou  du  carton  dont  ils  font  faits.  Secondement , 
ils  dépendent  encore  d'une  exade  application  de 
chaque  feuille  dans  toute  l'étendue  de  la  révolution 
fur  le  rouleau  qui  fert  à  les  former  ;  car  lorfqu'elles 
ne  laiffent  pas  de  vuide  entr'elles ,  leur  réliftance 
n'eft  pas  divifée  par  parties  interrompues  ,  mais  ré- 
pandue fur  toute  la  circonférence  ,  enforte  qu'elle 
en  devient  plus  grande. 

Les  cartouches  étant  bien  faits ,  &  en  tel  nombre 
qu'on  veut  ,  on  les  range  proprement  fur  une  plan- 
che ,  de  manière  qu'ils  ne  fe  touchent  pas ,  pour  les 
faire  fécher  doucement  à  l'ombre  ,  parce  qu'ils  fe  dé- 
cèlent &  fe  courbent  lorfqu'on  les  fait  fécher  trop 
vite  au  foleil ,  ou  trop  près  du  feu  :  là  on  a  foin  de 
les  tourner  de  tems  en  tems,  pour  qu'ils  fechent  éga- 
lement de  tous  côtés  ,  &  qu'ils  ne  fe  défigurent  pas. 

Lorfque  les  cartouches  font  à  peu  près  à  moitié  fecs, 
il  faut  les  étrangler  par  un  bout ,  c'eft-à-dire  ,  en 
refferrer  tellement  l'ouverture,  qu'il  n'y  refte  qu'un 
trou  de  grandeur  à  recevoir  une  branche  de  fer  qui 
iloit  y  entrer  ;  quelquefois  il  faut  les  fermer  tout-à- 
fait  pour  les  remplir  de  matière  combuftible. 

Il  n'y  a  qu'un  tems  propre  pour  cette  opération  ; 
parce  que  ii  les  cartouches  font  trop  humides  ,  ils  fe 
chiffonnent  &c  fe  coupent  ;  s'ils  lont  trop  fecs ,  ils 
font  trop  de  réfiftance  ;  on  ne  peut  les  étrangler  qu'a- 
vec une  grande  force  qui  fait  louvent  caffer  la  corde 
ou  la  ficelle  dont  on  fe  fert. 

La  manière  ordinaire  d'étrangler  un  cartouche,  eft 
de  le  comprimer  fi  fort  par  un  tour  de  ficelle  ,  que 
le  carton  s'enfonce  dans  lui-même  par  de  petits  plis 
rentrans  qui  en  bouchent  l'orifice  ou  en  tout,  ou  en 
partie ,  luivant  l'ufage  qu'on  en  doit  faire. 

Pour  cet  effet ,  on  a  une  petite  corde  ou  ficelle  faite 
exprès  de  groffeur  proportionnée  aux  cartouches  qu'on 
veut  étrangler  ,  appdlée  fiiagore ,  qu'on  attache  par 
un  bout  à  un  poteau  folide ,  à  la  hauteur  de  trois  à 
quatre  pies;  &C  à  l'autre  bout  on  fait  une  boucle, 
dans  laquelle  on  introduit  le  milieu  d'un  bâton  d'en- 
viron dix-huit  à  vingt  pouces  de  long,  qu'on  fait  pal- 
fer  fous  les  feffes  ,  comme  fi  l'on  vouloit  s'affeoir 
deffus. 

On  frotte  la  filagorc  de  favon,  &  l'on  prend  d'une 
main  le  cartouche  dans  lequel  on  a  mis  le  rouleau  juf- 
qu'à  un  demi-pouce  près  du  bout  qu'on  veut  étran- 
gler, plus  ou  moins  fuivant  la  groffeur  du  cartouche, 
&  de  l'autre  on  tient  dans  l'on  orifice  un  bout  de  rou- 
leau avancé  feulement  en-dedans  de  quelques  lignes  ; 
enforte  qu'il  reltc  un  certain  intervalle  vuide  entre 
les  deux  bouts  de  bois,  dans  lequel  le  carton  preffé 
par  la  ficelle ,  puiffe  s'enfoncer  &  refferrer  en  cet 
endroit  fon  ouverture  ,  ou  tout-à-fnit ,  ou  feulement 
autant  qu'il  faut  pour  y  introduire  une  broche  de 
fer  de  la  groffeur  convenable  à  la  lumière  par  la- 
quelle on  doit  donner  le  feu  à  l'artifice. 

Sur  cet  efpace  vuide  ,  on  fait  paffer  deux  tours 
de  la  ficelle  qu'on  tend  fortement  en  fe  reculant  , 
comme  pour  s'affeoir  fur  le  bâton  dont  en  vient  de 
parler  ;  defortc  qu'elle  fait  un  tel  effort  fur  le  cartou- 


CAR 


73 


cke ,  qu'elle  l'enfonce  &  y  grave  fa  trace  :  mais  com- 
me elle  s'enfonceroit  plus  d'un  côté  que  de  l'autre 
on  a  foin  de  tourner  le  cartouche  pour  expofer  lùccef- 
fivement  fa  circonférence  au  point  où  fe  fait  la  plus 
grande  preffion  de  la  ficelle  ;  par  ce  moyen  ,  elle  fe 
grave  également  tout  au  tour  ,  &  il  fe  forme  à  l'ori- 
fice une  gorge  fort  régulière  en  façon  d'écuelle.  Lorf- 
que l'orifice  eft  fermé  au  point  qu'on  le  demande  , 
on  dégage  le  cartouche  de  la  filagore ,  &  on  lui  fubf- 
titue  auiîi-tôt  un  lien  de  plufieurs  tours  de  °ros  fil 
ou  de  ficelle  à  paumier ,  qu'on  arrête  avec  un  nœud 
coulant ,  pour  empêcher  que  le  reffort  du  carton  ne 
faffe  rouvrir  la  partie  étranglée.  Ceux  qui  defireront 
s'inftruire  plus  à  fond  fur  cette  matière,  n'ont  qu'à 
confulter  le  Traité  des  feux  d'artifice  de  M.  Ffezier 
où  ils  trouveront  un  détail  qui  n'eût  aucunement 
convenu  à  un  Dictionnaire. 

CARTULAIRES ,  f.  f.  pi.  (Hijl.  mod.)  nom  qu'on 
donne  aux  papiers  terriers  des  églifes  ou  des  monaf- 
teres,  où  font  écrits  les  contrats  d'acquifition,  de 
vente,  d'échange ,  les  privilèges ,  immunités ,  exemp- 
tions, chartres,  &  autres  titres  primordiaux.  Ces  re- 
cueils font  de  beaucoup  poftérieurs  à  la  plupart  des 
aftes  qui  y  font  compris  ;  on  ne  les  a  même  inventés 
que  pour  conferver  des  doubles  de  ces  aûes.  Ce  qui 
fait  que  les  critiques  foupçonnent  ces  acles  de  n'être 
pas  toujours  authentiques,  foit  qu'on  y  en  ait  gliffé 
de  faux,  foit  qu'on  ait  altéré  les  véritables.  (G) 

CAR VI ,  f.  m.  (  Hijl.  nat.  bot.  )  genre  de  plante  à 
fleurs  en  rofe  ,  dilpolces  en  ombelles,  8c  compofées 
de  plufieurs  pétales  faits  en  forme  de  cœur ,  inégaux , 
rangés  en  rond,  &  foûtenus  par  le  calice,  qui  devient 
un  fruit  compote  de  deux  petites  femences  renflées 
&  cannelées  d'un  côté,  &  plates  de  l'autre.  Ajoutez 
aux  caractères  de  ce  genre  que  les  feuilles  font  lé- 
gèrement découpées ,  &  rangées  par  paires  le  long 
d'une  côte.  Tournefort,  Inll.  rei  herb.  Foyer  Plan- 
TE.(7) 

Le  carvi  officinarum ,  C.  B.  Pin.  i58.  eft  d'ufage  en 
Médecine  ;  la  femence  eft  une  des  femences  chaudes  ; 
elle  eft ftomacale,  carminative,  bonne  contre  la  co- 
lique &  la  foibleffe  d'eftomac  ;  propre  pour  aider  la 
digeftion,  peur  exciter  l'urine,  &  augmenter  le  lait 
des  nourrices. 

Ses  préparations  officinales  font  fa  femence  con- 
fite avec  du  lucre  ,  &  l'huile  qu'on  en  tire  par  la  dil- 
tillation. 

L'huile  cffentielle  de  carvi  eft  acre  &  fort  péné- 
trante ;  on  l'ordonne  à  cinq  ou  fix  gouttes  dans  l'huile 
d'amandes  douces.  Pour  la  furdité  on  en  met  quel- 
ques gouttes  dans  de  bon  efprit-de-vin ,  que  l'on  in- 
jecte dans  l'oreille.  (A') 

CARULOM ,  (Ge'og.)  petite  rivière  de  Bulgarie, 
qui  tombe  dans  le  Danube,  près  de  Nicopoli. 

CARUS ,  f.  m.  de  xàf.cç ,Jbmmeil profond ,  terme  de 
Médecine,  efpece  de  maladie  léthargique  qui  confifte 
dans  un  profond  affoupiffement,  avec  privation  fu- 
bite  du  fentiment  &  du  mouvement,  Se  accompagné 
d'une  fièvre  aiguë. 

Le  carus  diffère  du  coma  ,  en  ce  que  le  malade  af- 
fligé du  coma ,  répond  lorfqu'on  lui  parle ,  ce  que  ne 
fait  pas  celui  qui  eft  affligé  du  carus.  Voye?  Coma. 

11  diffère  de  la  léthargie  par  la  fièvre  dont  il  eft  ac- 
compagné :  au  lieu  cjue  la  léthargie  eft  fans  fièvre  , 
cv  que  de  plus  fi  On  agite  ou  qu'on  pique  la  perfonne 
en  léthargie  ,  le  fentiment  lui  revient  ;  ce  qui  n'arri- 
■\  c  pas  de  même  dans  le  carus.  Vcyat  Léthargie. 

I!  diffère  de  l'apoplexie  propre,  en  ce  qu'il  laiffe 
la  refpiration  libre  :  au  lieu  qu'elle  ne  l'eft  jamais  dans 
l'apoplexie.  Voye^  Apoplexie. 

Il  diffère  de  l'épilepfie,  en  ce  que  le  malade  n'cit 
point  agité  dans  le  carus  ,  Se  n'écume  pas  comme  il 
fait  dans  l'épilepfie.  Il  diffère  de  la  fyncope,  en  ce  que 
dans  le  carus  le  pouls  eft  élevé  &  le  vil'age  rouge  ;  au 


34 


CAS 


/> 

lieu  que  dans  la  fyncope  le  pouls  eft  bas  &  la  face 
cadavéreufe.  Il  diffère  de  la  niffocation  hyftérique , 
en  ce  que  dans  celle-ci  le  malade  entend  ce  qu'on  lui 
dit  6c  s'en  fouvient,  ce  qu'il  ne  fait  pas  dans  le  carus. 
Voyei  Syncope,  Epilepsie,  &c  (N) 

*  CARYATIDES  ,  f.  f.  (  Architccl.  )  Statues  de 
femmes  fans  bras ,  vêtues  décemment  ,  &  placées 
pour  ornement  ou  pour  foûtien  aux  architraves  des 
édifices.  Vitruve  en  raconte  l'origine  de  la  manière 
fuivante.  Il  dit  que  Carie  dans  le  Péloponèfe , 
ayant  été  prife  &  ruinée  par  les  autres  Grecs , 
vainqueurs  des  Perfes  avec  lefquels  les  Cariâtes  s'é- 
toient  ligués ,  les  hommes  furent  paffés  au  fil  de  l'é- 
pée ,  &  les  femmes  emmenées  en  efclavage  ,  où  l'on 
contraignit  les  plus  qualifiées  d'entre  elles  à  garder 
leurs  longues  robes  &  leurs  ornemens  ;  &  il  ajoute 
que  dans  la  fuite  ,  pour  éternifer  la  mémoire  de  la 
trahifon  &  du  châtiment ,  les  architectes  fubftitue- 
rent  en  plufieurs  édifices  publics ,  des  figures  de  fem- 
mes Cariâtes  aux  pilaftres  &  aux  colonnes. 

*  C  AR  Y  ATI  S  ,  (  Myth.  )  furnom  de  Diane  en 
l'honneur  de  laquelle  les  jeunes  filles  de  la  Laconie 
s'affembloient  dans  le  tems  de  la  récolte  des  noix,  & 
célébroient  une  fête  appellée  carya  ,  c'eft-à-dire  ,  la 
fête  de  Diane  des  noix. 

CARYOCOSTIN  ,  (  électuaire)  fe  compofe  de  la 
façon  fuivante.  Prenez  clous  de  girofle,  coftus  blanc, 
zédoaire, gingembre, femence  de  cumin,  de  chacun 
deux  gros  ;  hermodattes  mondées ,  diagrede,  de  cha- 
cun demi-once  ;  miel  rofat  cuit  en  confiftance  d'é- 
ledfuaire  mou  ,  trois  fois  la  quantité  du  tout.  Pulvé- 
rifez  le  tout,  à  l'exception  du  diagrede  que  vous  n'a- 
jouterez qu'après  avoir  mêlé  le  refte  avec  le  miel  ro- 
fat ,  au  moyen  d'une  fpatule  de  bois  ;  faites  un  élec- 
tuaire félon  l'art. 

Cette  compofition  eft  bonne  pour  les  gens  robuf- 
tes  ,  forts  ,  les  pituiteux  &  les  hydropiques  :  mais  il 
ne  convient  point  aux  perfonnes  délicates.  La  dofe 
eft  depuis  un  gros  jufqu'à  fix. 

On  prétend  que  ce  purgatif  eft  excellent  dans  les 
maladies  foporeufes ,  &  dans  la  goutte. 

On  appelle  cet  éleftuaire  caryocoflin  ,  du  nom  de 
deux  des  ingrédiens  qui  entrent  dans  fa  compofition , 
qui  font  le  coftus  ,  &  les  clous  de  girofles  ,  appelles 
en  latin  caryophilli.  (A^ 

C  AS ,  f.  m.  (  terme  de  Grammaire  )  ce  mot  vient  du 
latin  cafus ,  chute ,  rac.  cadere ,  tomber.  Les  cas  d'un 
nom  font  les  différentes  inflexions  ou  terminaifons  de 
ce  nom  ;  l'on  a  regardé  ces  terminaifons  comme  au- 
tant de  différentes  chûtes  d'un  même  mot.  L'imagi- 
nation &  les  idées  acceffoires  ont  beaucoup  de  part 
aux  dénominations  ,  &  à  bien  d'autres  fortes  de  pen- 
fées  ;  ainfi  ce  mot  cas  eft  dit  ici  dans  un  fens  figuré 
&  métaphorique.  Le  nominatif,  c'eft-à-dire ,  la  pre- 
mière dénomination  tombant,  pour  ainfi  dire,en  d'au- 
tres terminaifons ,  fait  les  autres  cas  qu'on  appelle 
obliques.  Nominativus  Jlve  reclus  ,  cadens  àfud  termina-- 
tione  in  alias  ,facit  obliquos  cafus.  Prifc.  liv.  v.  de  cafu. 

Ces  terminaifons  font  auffi  appellées  définances  ; 
mais  ces  mots  terminai/on ,  dtfinance  ,  font  le  genre. 
Cas  eft  l'ejpece ,  qui  ne  fe  dit  que  des  noms  ;  car  les 
verbes  ont  auffi  des  terminaifons  différentes  J'aime , 
j'aimois,  j'aimerai ,  &c.  Cependant  on  ne  donne  le 
nom  de  cas ,  qu'aux  terminaifons  des  noms ,  foit  au 
singulier ,  foit  au  pluriel.  Pater  ,patris  , patri  ,patrem  , 
pâtre;  voilà  toutes  les  terminaifons  de  ce  mot  au  fin- 
gulier ,  en  voilà  tous  les  cas,  en  obfervant  feulement 
que  la  première  terminaifon  pater,  fert  également 
pour  nommer  ck  pour  appeller. 

Les  noms  Hébreux  n'ont  point  de  cas ,  ils  font  fou- 
vent  précédés  de  certaines  prépoiitions  qui  en  font 
connoître  les  rapports  :  fouvent  auffi  c 'eft  le  fens  , 
c'eft  l'enfemble  des  mots  de  la  phrafe  qui ,  parle  mé- 
çharrifme  des  idées  acceffoires  ck  parla  confidération 


CAS 


des  circonftances ,  donne  l'intelligence  des  rapports 
des  mots  ;  ce  qui  arrive  auffi  en  latin  à  l'égard  des 
noms  indéclinables  ,  tels  qaefas  &  ne/as ,  cornu ,  &c. 
Foye^  la  Grammaire  Hébraïque  de  Mafclef ,  tom,  I.  c. 
Z.  n.  6. 

Les  Grecs  n'ont  que  cinq  cas ,  nominatif,  génitif,  da-~ 
tif,  aceufatif,  vocatif:  mais  la  force  de  l'ablatif  eu.  fou- 
vent  rendue  par  le  génitif,  &  quelquefois  par  le  da- 
tif .Ablativi  forma  Grœci  carent ,  non  vi ,  quee  genitivo  & 
aliquando  dativo  refertur.  Canifii  Hellenilmi ,  Part, 
orat.  p.  S  J. 

Les  latins  ont  fix  cas  ,  tant  au  fingulier  qu'au  plu- 
riel ,  nominatif,  génitif,  datif,  accufaùf,  vocatif,  abla- 
tif. Nous  avons  déjà  parlé  de  l'ablatif  ëc  de  V  aceufa- 
tif; il  feroit  inutile  de  repéter  ici  ce  que  nous  difons 
en  particulier  de  chacun  des  autres  cas  :  on  peut  le 
voir  en  leur  rang. 

Il  fuffira  de  dire  ici  un  mot  du  nom  de  chaque  cas. 

Le  premier ,  c'eft  le  nominatif;  il  eft  appelle  cas 
par  extenfion ,  &  parce  qu'il  doit  fe  trouver  dans 
la  lifte  des  autres  terminaifons  du  nom  ;  il  nomme  , 
il  énonce  l'objet  dans  toute  l'étendue  de  l'idée  qu'on 
en  a  fans  aucune  modification  ;  Se  c'eft  pour  cela 
qu'on  l'appelle  auffi  le  cas  direct  ,  reclus  :  quand  un 
nom  eft  au  nominatif,  les  Grammairiens  difent  qu'il 
eft  in  recto. 

Le  génitif  eft.  ainfi  appelle ,  parce  qu'il  eft  pour  ain- 
fi  dire  le  fils-aîné  du  nominatif,  &  qu'il  fert  enfuite 
plus  particulièrement  à  former  les  cas  qui  le  fui- 
vent  ;  ils  en  gardent  toujours  la  lettre  caraftériftique 
ou  figurative ,  c'eft-à-dire  celle  qui  précède  la  ter- 
minaifon propre  qui  fait  la  différence  desdéclinaifons: 
par  ex.  is  ,  i ,  em  ou  im  ,  e  ou  i ,  font  les  terminaifons 
des  noms  de  la  troifieme  déclinaifon  des  latins  au  fin- 
gulier. Si  vous  avez  à  décliner  quelqu'un  de  ces  noms, 
gardez  la  lettre  qui  précédera  is  au  génitif  :  par  ex. 
nominatif  rèx ,  c'eft-à-dire  regs ,  génitif reg-is ,  enfuite 
reg-i ,  reg-em ,  reg-e,  &  de  même  au  pluriel  reg-es9 
reg-um  ,  reg-ibus.  Genilivus  naturale  vinculum  generis 
pojfldet  ;  nafeitur  quidem  à  nominativo ,  générât  autetrt 
omnes  obliquos  fequentes.  (  Prifc.  liv.  V.  de  Cafu.  ) 

Le  datif  Tert  à  marquer  principalement  le  rapport 
d'attribution ,  le  profit ,  le  dommage  ,  par  rapport  à 
quoi ,  le  pourquoi ,  finis  cui. 

h'accu/atifaccuft ,  c'eft-à-dire  déclare  l'objet ,  ou 
le  terme  de  l'acf  ion  que  le  verbe  fignifie  :  on  le  conf- 
truit  auffi  avec  certaines  prépofitions  &  avec  l'infi- 
nitif. Voye^  Accusatif. 

Le  vocatif  {en  à  appeller  ;  Prifcien  l'appelle  auffi 
falutatorius ,  vale  domine  j  bon  jour  monfieur ,  adieu 
monfieur. 

L'ablatif  fert  à  ôter  avec  le  fecours  d'une  prépofi- 
tion.  Nous  en  avons  parlé  fort  au  long.  Voye^  Abla- 
tif. 

Il  ne  faut  pas  oublier  la  remarque  judicieufe  de 
Prifcien:  «Chaque  cas,  dit-il,  a  plufieurs  ufages  ; 
»  mais  les  dénominations  fe  tirent  de  l'ufage  le  plus 
»  connu  &  le  plus  fréquent.  »  Multas  alias  quoque  & 
diverfas  unufquifque  cafus  habet  Jignificationes  ,fed  à  no- 
tïorïbus  &  frequentioribus  acceperunt  nominationem  ,Jî- 
cut  in  aliis  quoque  multis  hoc  invenimus.  Prifc.  /.  f^. 
de  Cafu. 

Quand  on  dit  de  fuite  &  dans  un  certain  ordre 
toutes  les  terminaifons  d'un  nom ,  c'eft  ce  qu'on  ap- 
pelle décliner  :  c'eft  encore  une  métaphore  ;  on  com- 
mence par  la  première  terminaifon  d'un  nom,  en- 
fuite  on  defeend  ,  on  décline ,  on  va  jufqu'à  la  der- 
nière. 

Les  anciens  Grammairiens  fe  fervoient  également 
du  mot  décliner,  tant  à  l'égard  des  noms  qu'à  l'égard 
des  verbes  :  mais  il  y  a  long-tcms  que  l'on  a  conlacré 
le  mot  de  décliner  aux  noms  ;  &  que  lorfqu'il  s'agit  de 
verbes ,  on  dit  conjuguer  ,  c'eft-à-dire  ranger  toutes 
les  terminaifons  d'un  verbe  dans  une  même  lifte ,  Se 


CAS 

tous  de  fuite,  comme  fous  un  même  joug;  c'eft  en- 
tore  une  métaphore. 

Il  y  a  en  Latin  quelques  mots  qui  gardent  toujours 
la  terminaifon  de  leur  première  dénomination  :  on 
dit  alors  que  ces  mots  font  indéclinables  ;  tels  font 
fas,  nef  as  ,  cornu  ,  au  fingulier ,  &c.  Ainfi  ces  mots 
n'ont  point  de  cas. 

Cependant  quand  ces  mots  fe  trouvent  dans  une 
phrafe  ;  comme  lorfqu 'Horace  a  dit ,  fas  atquc  ne/as 
txiguofine  libidinum  difcernunt  avidi.  L.  I.  od.  xviij.  v. 
i  o.  Et  ailleurs  :  &  peccare  nef  us ,  autpretium  e/l  mori.  L. 
III.  od.  iv.  v.  24.  Et  Virgile  :  jam  cornu petat.  Ecl.  ix. 
v.  57.  Cornu  ferit  ille ,  caveto.  Ecl.  XX.  v.  25.  alors  le 
fens ,  c'eft  -  à  -  dire  l'enfemble  des  mots  de  la  phrafe 
fait  connoître  la  relation  que  ces  mots  indéclinables 
ont  avec  les  autres  mots  de  la  même  proportion ,  & 
fous  quel  rapport  ils  y  doivent  être  confidérés. 

Ainfi  dans  le  premier  paffage  d'Horace  je  vois  bien 
que  la  conftruûion  eft ,  Uii  avidi  difcernunt  fas  &  ne- 
fas.  Je  dirai  donc  que  fas  &  nefas  font  le  terme  de 
l'afrion  ou  l'objet  de  difcernunt ,  &c.  Si  je  dis  qu'ils 
font  à  l'accufatif,  ce  ne  fera  que  par  extenfion  &  par 
analogie  avec  les  autres  mots  latins  qui  ont  des  cas , 
&  qui  en  une  pareille  pofition  auroient  la  terminaifon 
de  l'accufatif.  J'en  dis  autant  de  cornu  ferit  ;  ce  ne 
fera  non  plus  que  par  analogie  qu'on  pourra  dire  que 
cornu  eft  là  à  l'ablatif;  &  l'on  ne  diroit  ni  l'un  ni  l'au- 
tre ,  fi  les  autres  mots  de  la  langue  Latine  étoient  éga- 
lement indéclinables. 

Je  fais  ces  obfervations  pour  faire  voir,  i°.que  ce 
font  les  terminaifons  feules  ,  qui  par  leur  variété 
constituent  les  cas ,  &  doivent  être  appellées  cas  : 
enfortc  qu'il  n'y  a  point  de  cas ,  ni  par  conféquent 
de  déclinaifon  dans  les  langues  où  les  noms  gardent 
toujours  la  terminaifon  de  leur  première  dénomina- 
tion ;  &  que  lorfque  nous  difons  un  temple  de  marbre  , 
ces  deux  mots  de  marbre  ,  ne  font  pas  plus  un  génitif 
que  les  mots  Latins  de  marmore,  quand  Virgile  a  dit , 
templum  de  marmore  ,  G eorg.  L.  III.  v.  1  3.  ôc  ailleurs  : 
ainfi  à  6c  de  ne  marquent  pas  plus  des  cas  en  François 
que  par ,  pour ,  en, fur ,  Ôcc.  foye^  Article. 

20.  Le  fécond  point  qui  eft  à  confidérer  dans  les 
cas,  c'eft  l'ufage  qu'on  en  fait  dans  les  langues  qui 
ont  des  cas. 

Ainfi  il  faut  bien  obferver  la  deftination  de  cha- 
que terminaifon  particulière  :  tel  rapport ,  telle  vue 
de  l'efprit  eft  marquée  par  tel  cas  ,  c'eft-à-dire  par 
telle  terminaifon. 

Or  ces  terminaifons  fuppofent  un  ordre  dans  les 
mots  de  la  phrafe  ,  c'eft  l'ordre  fucceffif  des  vues  de 
l'elprit  de  celui  qui  a  parlé  ;  c'eft  cet  ordre  qui  eft  le 
fondement  des  relations  immédiates  des  mots  de  leurs 
enchainemens  &  de  leurs  terminaifons.  Pierre  bat 
Paul  ;  moi  aimer  toi ,  tkc.  On  va  entendre  ce  que  je 
veux  dire. 

Les  cas  ne  font  en  ufage  que  dans  les  langues  où 
les  mots  font  tranfpoles  ,  foit  par  la  raifon  de  l'har» 
monie  ,  foit  par  le  feu  de  l'imagination ,  ou  par  quel- 
qu'autre  caufe. 

Or  quand  les  mots  font  tranfpofés ,  comment  puis- 
jc  connoître  leurs  relations  ? 

Ce  font  les  différentes  terminaifons  ,  ce  font  les 
cas  qui  m'indiquent  ces  relations  ;  &  qui  lorfque  la 
phrafe  eft  finie  ,  me  donnent  le  moyen  de  rétablir 
l'ordre  des  mots,  tel  qu'il  a  été  néceilairement  dans 
l'elprit  de  celui  qui  a  parlé  lorfqu'il  a  voulu  énoncer 
fa  penfèe  par  des  mots  :  par  exemple  ; 

Frigidus  agricolam  fi  quando  continu  irnber. 
Virg.  Georg.  Lib.  I.  v.  259. 

Je  ne  puis  pas  douter  que  lorfque  Virgile  a  fait  ce 
a  ei  s ,  il  n'ait  joint  dans  fon  cfprit  l'idée  Ac  frigidus  à 
pelle  A'imSer]  puifque  l'un  eft  le  fubftantif,  &  l'autre 
l'adjectif.  Or  le  fubftantif  6c  l'adjeftif  font  la  çhofe 


CAS 


73  s 


même  ;  c'eft  l'objet'  confidéré  comme  tel  :  ainfi  1%C* 
prit  ne  les  a  point  féparés. 

Cependant  voyez  combien  ici  ces  deux  mots  font 
éloignés  l'un  de  l'autre  -.frigidus  commence  le  vers  , 
&  imber  le  finit. 

Les  terminaifons  font  que  mon  efprit  rapproche 
ces  deux  mots,  &  les  remet  dans  l'ordre  des  vues 
de  l'efprit ,  relatives  à  l'élocution  ;  car  l'efprit  ne 
divile  ainfi  les  penfées  que  par  la  nécefïité  de  re- 
nonciation. 

Comme  la  terminaifon  de  frigidus  me  fait  rappor» 
ter  cet  adjectif  k  imber  ,  de  même  voyant  qu'agrico* 
lam  eft  à  l'accufatif,  j'apperçois  qu'il  ne  peut  avoir 
de  rapport  qu'avec  continet;  ainfi  je  range  ces  mots 
félon  leur  ordre  fucceffif,  par  lequel  feul  ils  font  un 
fens  ,  fi  quando  imber  frigidus  continet  domi  agricolam. 
Ce  que  nous  difons  ici  eft  encore  plus  fenlible  dans 
ce  vers. 

Aret  ager  ,  vitio  ,  moriens  ,fitit ,  aeris ,  herba. 
Virg.  Ecl.  vij.  v.  57. 

Ces  mots  ainfi  féparés  de  leurs  corrélatifs ,  ne  font 
aucun  fens. 

Eflfec,  le  champ,  vice,  mourant ,  afoif,  de  l'air t 
l'herbe  :  mais  les  terminaifons  m'indiquent  les  corré- 
latifs ,  &  dès-lors  je  trouve  le  fens.  Voilà  le  vrai 
ufage  des  cas. 

Ager  aret  ,  herba  moriens  Jitit  pra;  vitio  aeris.  Ainfi 
les  cas  font  les  fignes  des  rapports ,  &  indiquent  l'or- 
dre fucceffif ,  par  lequel  feul  les  mots  font  un  fens. 
Les  cas  n'indiquent  donc  le  fens  que  relativement  à 
cet  ordre  ;  &  voilà  pourquoi  les  langues,  dont  la  fyn- 
taxe  fuit  cet  ordre  ,  &  ne  s'en  écarte  que  par  des  in- 
versons légères  ailées  à  appercevoir,  ck  que  l'efprit 
rétablit  aifément;  ces  langues,  dis -je,  n'ont  point 
de  cas;  ils  y  feroient inutiles  ,  puifqu'ils  ne  fervent 
qu'à  indiquer  un  ordre  que  ces  langues  fuivent  ;  ce 
feroit  un  double  emploi.  Ainfi  fi  je  veux  rendre  rai- 
fon d'une  phrafe  Françoife  ;  par  exemple  de  celle-ci , 
le  Roi  aime  le  peuple  ,  je  ne  dirai  pas  que  le  Roi  eft 
au  nominatif  ,  ni  que  le  peuple  eft  à  l'accufatif;  je 
ne  vois  en  l'un  ni  en  l'autre  mot  qu'une  fimple  dé- 
nomination ,  le  Roi ,  le  peuple  :  mais  comme  je  fai 
par  l'ufage  l'analogie  &  la  fyntaxe  de  ma  langue  ,  la 
fimple  pofition  de  ces  mots  me  fait  connoître  leurs 
rapports  &  les  différentes  vues  de  l'efprit  de  celui 
qui  a  parlé. 

Ainfi  je  dis  i°.  que  le  Roi  paroilTant  le  premier  eft 
le  fujet  de  la  propolition ,  qu'il  eft  l'agent ,  que  c'eft 
la  perfonne  qui  a  le  fentiment  d'aimer. 

20.  Que  le  peuple  étant  énoncé  après  le  verbe  ,  le 
peuple  eft  le  complément  à' aime  :  je  veux  dire  que 
aime  tout  feul  ne  feroit  pas  un  fens  iùfTifant ,  l'efprit 
ne  feroit  pas  fatisfait.  Il  aime  :  hé  quoi  ?  le  peuple. 
Ces  deux  mots  aime  le  peuple  ,  font  un  fens  partiel 
dans  la  proposition.  Ainfi  le  peuple  eft  le  terme  du 
fentiment  d'aimer  ;  c'eft  l'objet  ,  c'eft  le  patient. 
C'eft  l'objet  du  fentiment  que  j'attribue  au  Roi.  Or 
ces  rapports  font  indiqués  en  François  par  la  place 
ou  polition  des  mots ,  &  ce  même  ordre  eft  montré 
en  Latin  par  les  terminaifons. 

Qu'il  me  foit  permis  d'emprunter  ici  pour  un  mo- 
ment le  ftyle  figuré.  Je  dirai  donc  qu'en  Latin  l'har- 
monie ou  le  caprice  accordent  aux  mots  la  liberté 
de  s'écarter  de  la  place  que  l'intelligence  leur  avoit 
d'abord  marquée.  Mais  ils  n'ont  cette  permiinonqu'à 
condition  qu'après  que  toute  la  propolition  fera  fi- 
nie ,  l'efprit  de  celui  qui  lit  ou  qui  écoute  les  remet- 
tra par  un  fimple  point  de  vue  dans  le  même  ordre 
oii  ils  auront  été  d'abord,  dans  l'efprit  de  celui  qui 
aura  parlé. 

Amufons-nous  un  moment  à  une  fiction.  S'il  plai-» 
foit  à  Dieu  de  foire  revivre  Ciceron ,  de  nous  en  don- 
ner la  connoùlunce ,  6c  que  Dieu  ne  donnât  à  Cicé- 


73<5 


CAS 


ron  que  l'intelligence  des  mots  François ,  &  nulle- 
ment celie  de  notre  fyntaxe ,  c'eft  -  à  -  dire  de  ce  qui 
fait  que  nos  mots  afiemblés  &  rangés  dans  un  certain 
ordre  font  un  fens  :  je  dis  que  fi  quelqu'un  difoit  à 
Cicéron  :  illujtre  Romain  ,  après  votre  mort  Augufie 
vainquit  Antoine,  Cicéron  entcndroit  chacune  de  ces 
paroles  en  particulier  ,  mais  il  ne  connoîtroit  pas 
quel  eft  celui  qui  a  été  le  vainqueur ,  ni  celui  qui  a 
été  vaincu  ;  il  auroit  befoin  de  quelques  jours  d'ufa- 
ge ,  pour  apprendre  parmi  nous  que  c'eft  l'ordre  des 
mots  ,  leur  poiition ,  &  leur  place  ,  qui  eft  le  ligne 
principal  de  leurs  rapports. 

Or ,  comme  en  Latin  il  faut  que  le  mot  ait  la  ter- 
minaifon  deltinée  à  fa  pofition  ,  &  que  fans  cette 
condition  la  place  n'influe  en  rien  pour  faire  enten- 
dre le  fens ,  Augujlus  vieil  Anton-us  ne  veut  rien  dire 
en  Latin.  Ainfi  Augujh  vainquit  Antoine,  ne  forme- 
roit  d'abord  aucun  lens  dans  l'efprit  de  Cicéron; 
parce  que  l'ordre  fucçeffif  ou  fignincatif  des  vues  de 
l 'efprit  n'eft  indiqué  en  Latin  que  par  les  cas  ou  ter- 
minaifons  des  mots  :  ainfi  il  eft  indifférent  pour  le 
fens  de  dire  Antonium  vicit  Augujlus ,  ou  Augujlus 
vicit  Antonium.  Cicéron  ne  concevrait  donc  point 
le  fens  d'une  phrafe ,  dont  la  fyntaxe  lui  ferait  en- 
tièrement inconnue.  Ainii  il  n'entendrait  rien  à  Au- 
itnquit  Antoine;  ce  feroit-là  pour  liy  trois  mots 
qui  n'auraient  aucun  figne  de  rapport.  Mais  repre- 
nons la  fuite  de  nos  réflexions  fur  les  cas. 

Il  y  a  des  langues  qui  ont  plus  de  fix  cas,  &  d'au- 
tres qui  en  ont  moins.  Le  P.  Galanus  ,  Théatin  ,  qui 
avoiî  demeuré  pluiieurs  années  chez  les  Arméniens , 
dit  qu'il  y  a  dix  cas  dans  la  langue  Arménienne.  Les 
Arabes  n'en  ont  que  trois. 

Nous  avons  dit  qu'il  y  a  dans  une  langue  &  en  cha- 
que déclinaiion  autant  de  cas  ,  que  de  terminaifons 
différentes  dans  les  noms  ;  cependant  le  génitit  &  le 
datif  de  la  première  déclinaiion  des  Latins  ,  font  lem- 
blables  au  fingulier.  Le  datif  de  la  féconde  eft  auflî 
terminé  comme  l'ablatif:  ilfemble  donc  qu'il  ne  de- 
vrait y  avoir  que  cinq  cas  en  ces  déclinaifons.  Mais 
i°.  il  eft  certain  que  la  prononciation  de  Va  au  no- 
minatif de  la  première  déclinaiion  ,  étoit  différente 
de  celle  de  l'a  à  l'ablatif:  le  premier  efl  bref,  l'autre 
efl  long. 

z°.  Le  génitif  fut  d'abord  terminé  en  ai ,  d'où  l'on 
forma  ce  pour  le  datif.  In  prima  declinationc  diclum 
olim  menfai ,  &  bine  deinde  formatum  in  dativo  meniae. 
Perizonius  in  Sanclii  Minervâ,  L.  I.  c.  vj.  n.  4. 

30.  Enfin  l'analogie  demande  cette  uniformité  de 
fix  cas  dans  les  cinq  déclinaifons ,  &  alors  ceux  qui 
ont  une  terminaifon  femblable  ,  font  des  cas  par  imi- 
tation avec  les  cas  des  autres  terminaifons  ,  ce  qui 
rend  uniforme  la  raifon  des  conftructions  :  cafus  funt 
non  vocis  ,  fed  Jîgnificationis  ,  nec  non  etiam  Jlruclurœ 
rationem  fervamus .  Prifc.  L.  V.  de  Cafu. 

Les  rapports  qui  ne  font  pas  indiqués  par  des  cas 
en  Grec  ,  en  Latin ,  &  dans  les  autres  langues  qui 
ont  des  cas  ,  ces  rapports  ,  dis-je  ,  font  fuppléés  par 
des  prépofltions,  clam patrem.  Teren.  Hecy.  Act.  III. 
fc.  iij.  v.  36 

Ces  prépofltions  qui  précèdent  les  noms  équiva- 
lent à  des  cas  pour  le  fens ,  puifqu'elles  marquent  des 
vues  particulières  de  l'efprit  ;  mais  elles  ne  font  point 
dcb  cas  proprement  dits ,  car  l'eflence  du  cas  ne  con- 
fifte  que  dans  la  terminaifon  du  nom  ,  deltinée  à  in- 
diquer une  telle  relation  particulière  d'un  mot  à  quel- 
qu'autre  mot  de  la  propofition.   (.F) 

Cas  irréductible  du  troi/îéme  degré,  ou  Am- 
plement CAS  IRRÉDUCTIBLE  (en  Analyje)  c'eft  ce- 
lui où  une  équation  du  troilieme  degré  a  l'es  trois 
racines  réelles,  inégales  &  incommenfurables.  Dans 
ce  cas ,  fl  on  réfout  l'équation  par  la  méthode  ordi- 
naire ,  la  racine  quoique  réelle,  fe  prélente  fous  une 
forme  qui  renferme  des  quantités  imaginaires ,  & 


C  A  S 

l'on  n'a  pu  jufqu'à  préfent  réduire  cette  ex'pfeflion  à 
une  forme  réelle ,  en  chaffant  les  imaginaires  qu'elle 
contient.  ^oye^RÉEL,  Imaginaire,  &c.  Entrons 
fur  ce  fujet  dans  quelque  détail. 

Soit  xi  -J-  q  x  -f  r  =1  o  une  équation  du  troifleme 
degré ,  dans  laquelle  le  fécond  terme  eft  évanoui. 
Voye{  Evanouissement,  Equation  &  Trans- 
formation ,  &c.  Pour  la  réfoudre  ,  je  fais  x  —y 
-f-  1 ,  &  j'ai  xi  =yl  +  3 yyi+  3  [yy  +  ^  =  y> 
+  3J'îAr  +  î3  5  ^onc  Xi  ~  3J\X~ )  '  —  °-    Cette 

équation  étant  comparée  terme  à  terme  avec  x>  -\-qx 
+  r  =  o  ,  on  aura ,  i°.  -  3 y  j  =  q  ,  ou  £=  -  X  ; 

2.°- Jî  +&  =  -  r,  ou  yl+rz=  -j^  ;  ou  y*  +  ry\ 
_     V. 

Cette  équation  ,  qu  on  peut  regarder  comme  du 
fécond  degré,  (  f^oyer  Abaissement)  étant  réfolue 
à  la  manière  ordinaire,  {Voye^  Equation)  donne 
ys  —  -  -^  +  \/(  fj  +  -^  )•  Donc  à  caufe  de  çî  = 
-  r  -yi,  on  aura  #  =  -  ^  +  v/(  {-y  +  -j  )  ;  donc 

x  ou  y  +  i.=  ^-it/(^TT)       + 


)/-  —  +  V{  il  +  —  ).  Telle  eft  la  forme  de  I» 

valeur  de  x   Cela  pofé, 

i°.  Il  eft  évident  que  fi  q  eft  pofitif,  r  étant  po- 
fitif  ou  négatif,  cette  forme  eft  réelle ,  puifqu'elle  ne 
contient  que  des  quantités  réelles.  Or  dans  ce  casy 
comme  on  le  verra  à  l'article  Equation,  deux  des 
racines  font  imaginaires.  Ainfi  la  leule  racine  réelle 
fe  trouve  exprimée  par  une  formule  qui  ne  contient 
que  des  quantités  réelles.  Ce  cas  ne  tombe  donc  point 
dans  le  cas  irréduBible ,  &  n'a  aucune  difficulté. 

20.  Si  q  eft  négatif,  &  que-^f-  =-^-  ,  alors  l'é- 
quation a  deux  racines  égales  ,  &  il  n'y  a  encore 
aucune  difficulté. 

30.  Si  q  eft  négatif  &  -j-  >  -^  ,  il  y  a  deux 
racines  imaginaires ,  &  la  racine  réelle  fe  trouve 
repréfentée  par  une  formule  toute  réelle  ;  ce  qui  n'a 
point  de  difficulté  non  plus. 

40.  Mais  fi  q  eft  négatif  &  que  —  <  -£- ,  alorc 
—  y~  1  -^-  eft  une  quantité  négative,  &  par  con- 
fisquent \/{j-  | f"  -r"  )  eft  imaginaire.  Ainfi  l'ex- 

preffion  de  -v  renferme  alors  des  imaginaires. 

Cependant  on  démontre  en  Algèbre ,  que  dans  ce 
casles  trois  racines  font  réelles  &  inégales.  On  peut 
en  voir  la  preuve  à  la  fin  de  cet  article.  Comment 
donc  peut -il  le  faire  que  la  racine  x  fe  préfente  fous 
une  forme  qui  contienne  des  imaginaires  ? 

M.  Nicole  a  le  premier  réfolu  cette  difficulté 
(Mém.  acad.  zj7J^-)  Il  a  fait  voir  que  rexpreflion 
de  x ,  quoiqu'elle  contienne  des  imaginaires ,  eft  en 

effet  réelle.  Pour  le  prouver,  foit  i/(—  ~~  +  —  ) 

? 

=  b  y/—  1  ,  &  -f-  =  a ,  on  aura  x  =z\/a-\-b  j/— r. 


-f  ya  —  b  \/—i.  Il  s'agit  de  montrer  que  cette  ex- 
preflion,  quoiqu'elle  renferme  des  imaginaires ,  re- 
préfente  une  quantité  réelle.  Pour  cela,  foit  formée 
fuivantles  règles  données  à  l'article  Binôme  ,  une 


férié  qui  exprime  la  valeur  de  V  a  +  b  y/—  1  ou 

a-\-b  v/—  1  '  &  celle  de  a  —  /'  \/—  1  3 ,  on  trou- 
vera après  avoir  ajouté  enfemble  ces  deux  fériés, 
que  tous  les  termes  imaginaires  le  détruiront ,  & 
qu'il  ne  reliera  qu'une  fuite  infinie  de  termes  com- 
pofés  de  quantités  toutes  réelles.  Ainfi  la  valeur  de  -v 
eft  en  effet  réelle,  La  difficulté  eft  de  ibmmer  cette 

ferie; 


CAS 


férié  ;  c'eft  à  quoi  on  n'a  pii  parvenir  jnfqu'à  pré- 
fent.  Cependant  M.  Nicole  l'a  fommée  dans  quel- 
ques cas  particuliers ,  qu'il  a  par  conléquent  ibuf- 
traits  ,  pour  ainii  dire  ,  au  cas  irréductible.  Voye^  les 
Mem.  acad.   IJ38,  &  fuiv. 

Lorfque  l'une  des  trois  équations  réelles  &  iné- 
gales eft  commenfurablc  ,  alors  l'équation  n'eft  plus 
dans  le  cas  irréductible ,  parce  que  l'un  des  divifeurs 
du  dernier  terme  donne  la  racine  commenfurablc. 
Voye^  Diviseur  6-  Racine. 

Mais  quand  l'équation  eft  incommenfurable ,  il 
faut,  pour  trouver  l'expreffion  réelle  de  la  racine  , 
ou  fommer  la  férié  fufdite ,  ou  dégager  de  quelqu'au- 
tre  manière  l'expreffion  trouvée,  de  la  forme  imagi- 
naire qui  la  défigure  pour  ainfi  dire.  C'efl;  à  quoi  on 
travaille  inutilement  depuis  deux  cents  ans. 

Cette  racine  du  cas  irréductible ,  fi  difficile  à  trou- 
ver par  l'Algèbre ,  fe  trouve  aifément  par  la  Géo- 
métrie. /^'«{Construction.  Mais  quoiqu'on  ait 
fa  valeur  linéaire ,  on  n'en  eft  pas  plus  avancé  pour 
fon  expreffion  algébrique.  ^.Incommensurable. 

Cet  inconvénient  du  cas  irréductible  vient  de  la 
méthode  qu'on  a  employée  jufqu'ici  pour  réfoudre 
les  équations  du  troifieme  degré  ;  méthode  impar- 
faite ,  mais  la  feule  qu'on  ait  pu  trouver  jufqu'à  pré- 
fent.  Voici  en  quoi  confifte  l'imperfeftion  de  cette 
méthode.  On  fuppofe  xz=.y-\-{,  y  &  £  étant  deux 
quantités  indéterminées  ;  enfuite  on  a  tout  à  la  tois 
xi  —}yix—yi  =.0,  àcxî  -\-qx-{-r=.o.  On  com- 

pare  ces  équations  terme  à  terme ,  Se  cette  comparai- 
fou  terme  à  terme  enferme  une  fuppofition  tacite,  qui 
amené  la  forme  irréductible  fous  laquelle  x  eft  ex- 
primée; à  la  rigueur  on  zqx-\-r=z  —  $_y  £.v—  y  s—  £Î; 
voilà  la  feule  conféquence  rigoureufe  qu'on  puiife  ti- 
rer de  la  comparaifon  des  deux  équations  :  mais  ou- 
tre cela  on  veut  encore  fuppofer  que  la  première 
partie  de^x-f  r,  c'eft-à-dire^-vfoit  égale  à  —  ">>y{x, 
première  partie  du  fécond  membre.  Cette  fuppofi- 
tion n'eft  point  abfolue  ni  rigoureufement  néccfTaire, 
on  ne  la  fait  que  pour  parvenir  plus  aifément  à  trou- 
ver la  valeur  de  y  &  de  {,  qu'on  ne  pourroit  pas 
trouver  fans  cela  ;  d'ailleurs  commej  &  \  font  l'une 
&  l'autre  indéterminées  ,  on  peut  fuppofer  —  jy^x 
=  </ x&c  —y  s—^lzzr.  Mais  cette  luppoiition  même 
fait  que  les  deux  quantités,/  &  { ,  au  lieu  d'être  réel- 
les comme  elles  devroient,  fe  trouvent  chacune  ima- 
ginaires. Il  eft  vrai  qu'en  les  ajoutant  enfemblc,leur 
tomme  eft  réelle  :  mais  l'imaginaire  qui  s'y  trouve 
toujours  ,  &  qu'on  ne  peut  en  chafler ,  rend  inutile 
l'expreffion  de  x  qui  s'en  tire. 

En  un  mot,  l'équation  x=y-±-i  ne  donne  à  la  ri- 
gueur que  cette  équation^  x  -\-r=  —  }y{x—yl  —£i 
on  qy  +  <,{  +  r=-}yyi-lyii-yl-{l;  & 
toutes  les  tois  que  l'on  voudra  de  cette  équation  en 
faire  deux  autres  particulières,  on  fera  une  fuppofi- 
tion tacite  qui  pourra  entraîner  des  inconvéniens  îm- 
poffibles  à  éviter,  comme  il  arrive  ici,  où  y  &  ?  fe 
trouvent  forcément  imaginaires. 

Il  faudroit  voir  fi  par  quelque  moyen  on  ne  pour- 
roit pas  couper  l'équation  fufdite  en  deux  autres,  qui 
donnaient  à  y  &  à  j  une  forme  réelle  &  facile  à  trou- 
ver :  mais  cette  opération  paroît  devoir  être  fort  dif- 
ficile, fi  elle  n'eft  pas  impoffible. 

J'ai  fait  voir  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des 
Sciences  de  Pn/ffe  de  1746  ,  que  l'on  pouvoit  tou- 
jours trouver  par  la  trife£tion  d'un  arc  de  cercle, 
une  quantité  f-fcj/  —  1 ,  égale  à  la  racine  cube  de 


<c  -f  b  y/  —  1  ;  &  que  fi  c  -f-  e  y/—  1  =  y^a  ■+•  b  y/  —  *, 
1  

•n  a  y/a  —  b\/—  1  =c  —  e\/—  1.    /'.  Imaginaire. 
D'où  il  s'enfuit  que  dans  les  cas  où  un  arc  de  cercle 
peut  être  divifé  géométriquement,  c'eft-ù-dire  ,  par 
Tome  IL 


CAS  737 

la  règle  &  le  compas,  en  trois  parties  égales,  on  peut 
afîigner  la  valeur  algébrique  de  c  &  de  e  :  ce  qui  pour- 
roit tournir  des  vues  pour  réfoudre  eh  quelques  oc- 
casions des  équations  du  troifieme  degré  qui  tombe- 
raient dans  le  cas  irréductible.  Voye{  le  Mémoire  que  j'ai 
cité. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  la  racine  étant  incommenfura- 
ble dans  le  cas  irréductible ,  l'expreffion  réelle  de  cet- 
te racine ,  quand  on  la  trouveroit ,  n'empêcheroit  pas 
de  recourir  aux  approximations.  Nous  avons  donné 
à  l'article  Approximation  la  méthode  générale 
pour  approcher  de  la  racine  d'une  équation  ,  &  nous 
y  avons  indiqué  les  auteurs  qui  ont  donné  des  mé- 
thodes particulières  d'approximation  pour  le  cas  ir- 
réductible.  Voye^  aiiffî  CASCADE. 

Puifque  nous  en  fommes  fur  cette  matière  des  équa- 
tions du  troifieme  degré ,  nous  croyons  qu'on  ne  nous 
faura  pas  mauvais  gré  de  faire  ici  quelques  remarques 
nouvelles  qui  y  ont  rapport ,  &£  dont  nos  lecteurs 
pourront  tirer  de  l'utilité. 

On  fait  que  toute  équation  du  troifieme  degré  a 
trois  racines.  Il  faudroit  donc,  pour  réfoudre  d'une 
manière  complctte  une  équation  du  troifieme  degré  , 
trouver  une  méthode  qui  tit  trouver  à  la  fois  les  trois 
racines ,  comme  on  trouve  à  la  fois  les  deux  racines 
d'une  équation  du  fécond  degré.  Jufqu'à  ce  qu'on  ait 
trouvé  cette  méthode,  il  y  a  bien  de  l'apparence  que 
la  théorie  des  équations  du  troifieme  degré  reftera. 
imparfaite  :  mais  la  trouvera-t-on ,  cette  méthode  } 
c'eft  ce  que  nous  n'ofons  ni  nier  ni  prédire. 

Examinons  préfentement  de  plus  près  la  méthode 
dont  on  te  fert  pour  trouver  les  racines  d'une  équa- 
tion du  troifieme  degré.  On  a  d'abord  une  équation 
du  fixieme  degré  jy  6  ,  &c.  telle  qu'on  l'a  vue  ci-def- 
fus ,  &  qui  a  par  conléquent  fix  racines ,  qu'on  peut 
ailément  prouver  être  toutes  inégales  :  on  a  enfuite 
une  équation  du  troifieme  degré  {>  =  — y*  — r  ;  8c 
comme  yt  a  deux  valeurs  différentes  à  caufe  de  l'é- 
quation y  6  +  ryl ,  &c.  ==  o ,  &  que  {  eft  élevé  au 
troifieme  degré  ,  il  s'enfuit  que  cette  équation  doit 
donner  auffi  fix  valeurs  différentes  de  j ,  trois  pour 
chaque  valeur  de  y*  ;  or  chacune  des  fix  valeurs  de  ~ 
étant  combinée  avec  chacune  des  fix  valeurs  de^y  , 
on  aura  trente -fix  valeurs  différentes  pour  l+yî 
donc  .v  paroît  avoir  trente-iix  valeurs  différentes. 
Cependant  l'équation  étant  du  troifieme  degré ,  a  ne 
doit  avoir  que  trois  valeurs  :  comment  accorder  tout 
cela  ? 

Je  réponds  d'abord  que  les  trente-fix  valeurs  pré- 
tendues dey  +  {  doivent  fe  réduire  à  dix-huit;  en 
effet,  il  ne  tant  pas  combiner  indifféremment  chaque 
valeur  de  {  avec  toutes  les  valeurs  de_y,  mais  feu- 
lement avec  les  valeurs  de  y  qui  corrcfpondent  à 
la  valeur  qu'on  a  fuppoféc  àj-5.  Par  exemple,  on 
aj!="7  ±V(—  ^  +  ■£  )j  d'où  l'on  tire  ^  = 

—  ~  +  l/( —  Ij  +  ^jT  )  i  Ie  rig"0  +  qui  précède  le 
figne  radical  dans  la  valeur  de  .y',  répond  au  figne  — 
qui  précède  le  figne  radical  dans  la  valeur  de  {',  & 
le  figne  —  au  figne  +  ;  ce  qui  eft  évident ,  puifque 
lj  =  —  r—  y*  :  donc  pour  chacune  des  trois  valeurs 
de  y  qui  repondent  au  figne  -f-  placé  devant  le  figne 
radical ,  il  y  a  trois  valeurs  de  1  qui  répondent  au 
figne  —  placé  devant  le  figne  radical ,  ce  qui  fait 
neuf  valeurs  de  y  -f-  {  ;  &  en  y  ajoutant  les  neuf 
autres  valeurs  pour  le  cas  du  figne  —  placé  avant  le 
ligne  radical  dans  l'expreffion  dej  ;,  cela  tait  dix- 
huit  au  lieu  de  36  qu'on  auroit  eu  en  combinant 
indifféremment  les  lignes.  Mais  ce  n'eft  pas  tout. 

Quoique  chacune  des  valeurs  de  y  &  de  ^  ,  em- 
ployées &  combinées  comme  on  vient  de  le 
crire  ,  parouTe  donner  une  valeur  dej  +  - ,  il  faut 
encore  rejetter  celles  dans  lefquelles  le  produit  {  y 

A  A  a  a  a 


738 


CAS 


ne  fera  pas  égal  à  —  —  ;  car  c'eft  une  des  conditions 
de  la  folution  ,  comme  on  l'a  vu  plus  haut,  que 
—  3  ~ y  =  q  ;  il  eft  vrai  que  les  dix-huit  valeurs  de  y 
&  i  fatisfont  à  la  condition  que  —  27 y*  ^  —q*. 
Mais  cette  condition  —  27 y*  {i  =  q'i  elt  beaucoup 
plus  étendue  que  la  condition  —  3  iy  =  q  ,  quoique 
d'abord  elle  paroifle  la  même.  Par  exemple ,  u=  b 
ne  donne  qu'une  valeur  de  u  :  mais  w?  =  £?  donne 
trois  valeurs  de  u.  Pour  le  prouver ,  foit  u^  —  bi  =  o, 
&  divifons  par  u  —  b ,  il  viendra  uu-\-bu-\-  b  b  =  o , 

ce  qui  donne  u  = +  y/( — 3 —  ) ,  ainfi  iô  =  b^ 

donne u  =  b ,11  =  bx  ( — {  +  —  — )&  "  =  /'X  ( — \ 

~  ).  Donc  quoique  dans  les  dix-huit  valeurs 

dey  +1  on  ait  27J'  {'  =  —  q* ,  il  ne  faut  prendre 
que  celles  011  3j{= — q.  Cela  pofé. 
Soient  ces  quatre  équations  : 

I. 


II. 

III. 
IV. 


^5=-T-v/(-^+^). 

j"  =  --!-•(- ■£  +  -£  )• 


Et  foit  a  -f-£  V^— 1  =  à  la  racine  cubique  de - 

+  V(r-  y+  -7  )  >  on  aura  a  —b  y/—i  =  à  la 

racine  de  —  ^-  _v/(_  g  + 1!  )}  cc  qui  donnera  : 

Racines  de  la  première  équation. 

1.  j  =  a  +  *  v/—  1. 

2.  y  =(a  +  b   y/-i)    (_  1±JÙZ±  ). 


Racines  de  la  féconde, 
l  =1   a  —  b  \/ — 1. 


Racines  de  la  troifieme. 

Sont  les  mêmes  que  de  la  féconde. 
Racines  de  la  quatrième. 

Sont  les  mêmes  que  de  la  première. 

Donc ,  i°.  la  combinaifon  des  racines  de  la  troi- 
fieme  équation  avec  celles  de  la  quatrième,  donnera 
le  même  réfultat  que  celle  des  racines  des  deux  pre- 
mières. 

20.  Il  ne  faudra  combiner  enfemble  que  les  va- 
leurs de  y  &  de  \  ,  &c  dont  le  produit  fera  ==  ■ — q- 
c'eft- à-dire  aa-\-bb  ;  car  a-\-b  \/ — 1  étant  =  à 

)  cka  —  b  y/— 1   = 


V_ 


■+V( 


_îj 


—  £-  +  V{  ~  —  —-  ) ,  on  aura  a  a  +  b  b  = 

^ —  -fr  = |-  •  D'où  il  s'enfuit, 

30.  Qu'il  faudra  combiner  la  racine  marquée  (1) 
avec  la  racine  marquée  (4),  ce  qui  donnera j  =  za. 

40.  Qu'il  faudra  combiner  la  racine  marquée  (2) 
avec  la  racine  marquée  (6)  ,  ce  qui  donnera 

50.  Qu'il  faudra  combiner  la  racine  marquée  (3) 
avec  la  racine  marquée  (5),  ce  qui  donnera 

—a  —  bVï- 

Voilà  les  trois  racines  de  l'équation ,  &  il  eft  vifi- 
ble ,  par  les  règles  que  nous  avons  établies ,  que  tou- 
tes les  autres  valeurs  de  y  4.  £  donneraient  des  ex- 


CAS 

prefîîons  faillies  de  la  racine  x  ;  Se  que  toutes  les 
trois  racines  font  ici  réelles. 

On  peut  trouver  aifément  par  la  même  méthode 
les  trois  valeurs  de  x  dans  tout  autre  cas  que  le  cas 
irréductible.  Par  exemple ,  li  q  eft  pofitif ,  ou  fi  q  eft 
négatif  &  <  ou  =  T— ,  alors  il  faudra  fuppofer 


V 


-T  +  •(-£  +  -?-)  =  «  +  * 


& 


»/_  4.  _-j/(—  ±L  +  -)=za  —  b;  &  l'on  trou- 
vera en  ce  cas  une  racine  réelle  &  deux  imaginaires, 
ou  une  racine  réelle  &  deux  autres  réelles ,  égales 
entr'elles.  C'eft  ce  qu'il  eft  inutile  d'expliquer  plus 
en  détail  :  il  ne  faut  pour  s'en  convaincre  ,  que  faire 
un  calcul  femblable  à  celui  que  nous  avons  fait  pour 
trouver  les  trois  racines  dans  le  cas  irréductible.  (O) 

Cas  ,  en  terme  de  Palais ,  fe  dit  de  certaines  natu- 
res d'affaires ,  de  délits  ou  de  crimes.  Ainfi  les  cas 
royaux  font  ceux  dont  les  feuls  juges  royaux  connoif- 
fent  :  tels  font  en  matière  criminelle  la  fauffe  mon- 
noie ,  le  rapt ,  le  port  d'armes  ,  la  fédition,  l'infrac- 
tion de  fauve-garde,  Se  quelques  autres.  Pour  le  cri- 
me de  lefe-majefté  ,  qui  eft  auffi  un  des  cas  royaux  , 
la  connoiffance  en  appartient  exclufivement  au  par- 
lement ,  du  moins  au  premier  chef.  En  matière  civi- 
le ,  le  pofleiToire  des  bénéfices ,  les  caufes  du  domai- 
ne du  Roi ,  les  procès  concernant  les  églifes  de  fon- 
dation royale  ,  &  en  général  tous  les  délits  où  le  Roi 
a  quelqu'intérêt  en  fa  qualité  de  Roi ,  voye^  Royal; 
voye^  auffi  la  Conférence  des  nouvelles  ordonnances  au 
titre  premier  des  matières  criminelles ,  où  plufieurs  autres 
cas  royaux  font  rapportés. 

Il  y  a  auffi  des  cas  qu'on  appelle  prevôtaux ,  d'au- 
tres qu'on  appelle  cas  privilégiés.  Voye^  Prevotal 
&  Privilégié. 

Il  y  en  a  enfin  qu'on  appelle  eccléfiafliques ,  parce 
nie  les  feuls  juges  d'églife  en  peuvent  connoître. 


Cas  de  conscience,  (Morale.}  Qu'eft-ce  qu'un 
cas  de  confeience  ?  c'eft  une  queftion  relative  aux  de- 
voirs de  l'homme  &  du  chrétien  ,  dont  il  appartient 
au  théologien ,  appelle  cafuife ,  de  peler  la  nature  &C 
les  circonftances  ,  Se  de  décider  félon  la  lumière  de 
la  raifon ,  les  lois  de  la  fociété  ,  les  canons  de  l'E- 
glife ,  &  les  maximes  de  l'Evangile  ;  quatre  grandes 
autorités  qui  ne  peuvent  jamais  être  en  contradiction. 
Foyei  Casuiste. 

Nous  fommes  chrétiens  par  la  croyance  des  vé- 
rités révélées ,  &  par  la  pratique  des  maximes  évan- 
géliques.  Nous  faifons  à  Dieu  le  facrifîce  de  notre 
raifon  par  la  Foi ,  Se  nous  lui  faifons  le  facrifîce  de 
nos  penchans  par  la  mortification  :  ces  deux  bran- 
ches de  l'abnégation  de  foi-même  font  également  ef- 
fentielles  au  Salut  :  mais  l'infraftion  n'en  eft  peut- 
être  pas  également  funefte  à  la  fociété  ;  &  c'eft  une 
chofe  encore  à  favoir ,  fi  ceux  qui  attaquent  les  dog- 
mes d'une  religion ,  font  auffi  mauvais  citoyens  que 
ceux  qui  en  corrompent  la  Morale. 

Il  femble  au  premier  coup  d'œil  que  le  poifon  des 
Corrupteurs  de  la  morale,  foit  fait  pour  plus  de  mon- 
de que  celui  des  impies.  La  dépravation  des  mœurs 
eft  un  effet  direft  de  celle  des  principes  moraux  ;  au 
lieu  qu'elle  n'eft  qu'une  fuite  moins  prochaine  de 
l'irréligion  ;  mais  fuite  toutefois  prefqu'intaillible , 
ainfi  qu'un  de  nos  plus  grands  orateurs ,  le  P.  Bour- 
daloue  ,  l'a  bien  démontré.  L'incrédule  eft  d'ailleurs 
quelquefois  un  homme  ,  qui  las  de  chercher  inutile- 
ment dans  les  fources  communes  &  les  converiations 
ordinaires  ,  le  rayon  de  lumière  qui  devoit  rompre 
l'écaillé  de  fesyeux ,  s'eft  adreffé  au  public  ,  en  a  re- 
çu les  éclaircifïerncns  dont  ilavoit  befoin  ,  a  abjuré 
fon  erreur ,  &  a  évité  le  plus  grand  de  tous  les  mal- 


CAS 

heurs ,  la  mort  dans  I'impénitence  :  c'eft  un  homme 
qui  s 'eft  expofé  à  nuire  à  beaucoup  d'autres  ,  pour 
guérir  du  mal  dont  il  étoit  attaqué,  foye^  l'article 
Certitude.  Mais  celui  qui  défigûre'la  morale  tend 
à  rendre  les  autres  médians,  lans  l'efpérance  d'en 
devenir  lui-même  meilleur. 

Au  refte ,  quel  que  foit  le  parti  qu'on  prenne  dans 
cette  qucftion  ,  l'équité  veut  qu'on  diftingue  bien  la 
perfonnede  l'opinion,  &  Fauteur  de  l'ouvrage  :  car 
c'eft  bien  ici  qu'on  a  la  preuve  complète  que  les 
mœurs  &  les  écrits  font  deux  choies  différentes.  La 
foule  des  cafuiftes  que  Paical  a  convaincus  de  re- 
lâchement dans  les  principes  ,  en  offre  à  peine  un 
feul  qu'on  puiffe  accufér  de  relâchement  dans  la  con- 
duite :  tous  ne  femblcnt  avoir  été  indulgens  que  pour 
les  autres  :  c'eit  au  pié  du  crucifix ,  oii  Ion  dit  qu'il 
reftoit  profterné  des  jours  entiers ,  qu'un  des  plus  fa- 
meux d'entr'eux  rélblvoit  en  Latin  ces  combinaifons 
de  débauches  fi  fingulieres  ,  qu'il  n'eft  guère  poflibie 
d'en  parler  honnêtement  en  François.  Un  autre  palîe 
pour  L'avoir  difputé  aux  peres  dudefertpar  l'aultéri- 
té  de  fa  vie.  Mais  nous  ne  nous  étendrons  pas  davan- 
tage fur  les  mœurs  des  Cafuiftes  :  c'eft  bien  affez 
d'avoir  montré  qu'elles  n'a  voient  rien  de  commun 
avec  leurs  maximes. 

Cas  RESERVES  ,  dans  la  Difcipline  eccléjiajlique , 
font  certains  péchés  atroces  dont  les  .Supérieurs  ec- 
cléfiaftiques  fe  réfervent  l'abfolution  à  eux-mêmes , 
ou  à  leurs  vicaires  généraux.  Il  y  a  quelques  cas  rè- 
fervés  au  pape ,  fuivant  un  ancien  ufage  ou  conlente- 
ment  des  Églifes  :  autrefois  il  falloit  aller  à  Rome 
pour  en  être  abfous  ;  à  préfent  le  pape  en  donne  le 
pouvoir  par  des  facultés  particulières  ,  aux  eveques 
&  à  quelques  prêtres. 

Les  cas  réfervés  au  pape,  fuivant  le  rituel  de  Paris, 
font  i°.  l'incendie  des  églifes  &  celle  des  lieux  pro- 
fanes ,  fi  l'incendiaire  eft  dénoncé  publiquement  ; 
a°.  la  fimonie  réelle  dans  les  ordres  &c  les  bénéfices, 
&  la  confidence  publique  ;  3".  le  meurtre  ou  la  mu- 
tilation de  celui  qui  a  les  ordres  facrés  ;  40.  frapper 
un  évêqueou  un  autre  prélat  ;  5".  fournir  des  armes 
aux  infidèles  ;  6°.  fallifîer  les  bulles  ou  lettres  du  pa- 
pe ;  70.  envahir  ou  piller  les  terres  de  l'Egide  Ro- 
maine ;  8°.  violer  l'interdit  du  faint-fiége. 

Les  cas  réfervés à  l'évêquefont  1".  frapper  nota- 
blement un  religieux  ou  un  clerc  infacris;  20.  l'in- 
cendie volontaire  ;  30.  le  vol  dans  un  lieu  facré  avec 
effraôion  ;  40.  l'homicide  volontaire;  50.  le  duel  ; 
6°.  machiner  la  mort  de  fon  mari  ou  de  fa  femme  ; 
70.  procurer  l'avortement  ;  8°.  frapper  l'on  père  ou 
fa  mère  ;  90.  le  fortilege  ou  empoisonnement,  &  la 
divination  ;  io°.  la  profanation  de  l'euchariftie  ou 
des  faintes  huiles;  1 1°.  l'cfFuSion  violente  de  fang 
dans  Féglife  ;  ix°.  la  fornication  dans  l'églife  ;  13". 
abufer  d'une  religieuîé  ;  140.  le  crime  du  confeffeur 
avec  fa  pénitente  ;  1  50.  le  rapt  ;  160.  l'incefte  au 
deuxième  degré;  17e'.  la  Sodomie,  &  autres  pé- 
chés femblables;  jS°.  le  larcin  Sacrilège;  190.  le 
crime  de  faux  ,  faux  :  _,  fa  11  fié  monnoie  , 

falsification  de  lettres  ecclefiaftiques  ;  200.  fimonie 
&:  confidence  cachée;  210.  fuppofition  de  titre  ou  de 
perfonne  à  l'examen  pour  la  promotion  aux  ordres. 
Les  réfervations  font  di  .rentes  fuivant  l'ufagc 
des  diocefes,  év  elles  font  fort  utiles  pour  donner 
plus  d'horreur  des  grands  crimes ,  par  la  difficulté 
d'en  recevoir  l'abfolution.  Le  prêtre  pénitencier  eft 
établi  principalement  pour  abfoudrede  ces  cas:  mais 
à  l'article  de  la  mort  1!  n'y  a  ni  refervation  de  cas  , 
ni  diltincYion  de  confcïTeur;  tout  prêtre  peut  abfou- 
dre  celui  qui  le  trouve  en  cet  état  ,  pourvu  qu'il  ait 
donné  quelque  ligne  de  pénitence.  Fleury  ,  Injlit.  au 
Droit  eccléf.  tome  I.  part,  z-  cluip.  iv.  page  z88.  & 
Juiv. 

Il  y  a  aufîl  dans  les  couvens  des  cas  réfervés  par  les 
Tome  II. 


CAS 


739 


chapitres ,  dont  il  n'y  a  que  les  Supérieurs  qui  ayent 
droit  d'abfoudre.  (G) 

CASAL ,  (Géog.)  ville  forte  d'Italie  ,  capitale  du 
Montferrat ,  avec  une  citadelle.  Elle  eft  fur  le  Pô. 
Long.  z6.  4.  lat.  43.  y. 

Casal-maggiore  ,  petite  ville  forte  d'Italie  fi- 
tuée  fur  le  Pô,  au  duché  de  Milan.  Long.  zj.  do. 
lat.  4.5.  6. 

CASALE-NUOVO ,  (  Géog.)  petite  ville  d'Italie 
au  royaume  de  Naples  ,  dans  le  pays  d'Otrante. 

Casale-pusturlengo  ,  (  Géog.  )  petite  ville 
d'Italie  dans  le  duché  de  Milan  ,  au  territoire  de 
Lodi. 

CASALMACH  ,  (  Géog.  )  grande  rivière  d'Afie 
dans  la  Natolie ,  qui  fe  jette  dans  la  mère  Noire. 

CASAMANCE  ,  (  Géog.  )  rivière  d'Afrique  au 
royaume  de  Mandiga. 

CASAN ,  (Géog.)  ville  confidérable  d'Afie  ,  ca- 
pitale du  royaume  du  même  nom ,  dans  l'empire 
Ruffien ,  avec  un  château  fort.  Elle  eft  fur  le  Ca- 
fanka.  Sa  long,  efl  69.  lat.  33.  38. 

Le  royame  de  Cafan  eft  fertile  en  fruits ,  grains , 
&  légumes  ;  il  s'y  fait  grand  commerce  de  pellete- 
ries &  de  bois  pour  conftruire  les  vaiffeaux. 

CASANGAS  ,  (  Géog.  )  nation  d'Afrique  dans  la 
Nigritie  ,  auprès  de  la  rivière  de  Cafamance. 

CASAQUE,  f.  f.  (Hift.  mod.  )  efpece  de  furtout 
ou  d'habit  long  de  delfus  qui  fe  porte  fur  les  autres 
habits ,  qui  eft  fur-tout  en  ufage  en  Angleterre  par- 
mi les  ecclefiaftiques  ,  &  que  les  laïques  portoient 
aufîî  autrefois. 

Ce  mot  lignifie  habit  de  cavalier:  d'autres  le  font 
venir  par  corruption  d'un  habillement  des  Cofaqucs. 
Covarruvias  le  fait  venir  de  l'Hébreu  cafack  ,  qui  li- 
gnifie couvrir  ;  d'où  a  été  tiré  le  Latin  cafa,  cabane  , 
&C  cafula  ,  diminutif  du  premier.  Enfin  il  y  en  a  qui 
veulent  que  ce  mot,  ainfi  que  la  choie  qu'il  lignifie, 
vienne  de  caracalla ,  efpece  d'habit  de  deiîus  qui  pen- 
doit  julqu'aux  talons.   (G) 

CASASA,  ville  &  port  d'Afrique  en  Barbarie, 
dans  la  province  de  Garet. 

CASAVA,  (Commefcc.  )  monnoie  des  Indes  que 
l'on  écrit  &  que  l'or/  prononce  g.ifava.  Voye^  Ga- 
SAVA. 

CASAUBON,  (Geog.)  petite  ville  de  France  dans 
la  province  d'Armagnac  ,  fur  la  rivière  de  Douze. 

CASBA  ,  (  Géog.  )  ville  d'Afrique  au  royaume  de 
Tunis. 

CASBINoaCASVIN,  grande  ville  de  Perfe  dans 
l'Irac  ,  proche  de  la  montagne  d'Eluend.  Long.  6 y. 
35.  lat.  36.30. 

CASCADE,  f.  f.  (  Hydraul.  des  Jard.)  eft  une 
chute  d'eau  qui  tombe  d'un  lieu  élevé  dans  un  plus 
bas. 

On  en  diftingue  de  deux  fortes  ;  la  cafeade  natu- 
relle ,  &  Vartijicielle. 

La  naturelle ,  occafionnée  par  l'inégalité  du  ter- 
rein  ,  fe  nomme  cataracte  :  telle  eft  la  cafeade  de  Ti- 
voli ,  de  Terni ,  de  Schat  houle  ,  c-v. 

L'artificielle ,  due  à  la  main  des  hommes  ,  tombe 
en  nappes,  comme  la  rivière  de  Mark-  ;  en  roulettes, 
comme  on  en  voit  dans  les  bofquets  de  S.  C  loud  ;  en 
rampe  douce  ,  comme  celle  de  Sceaux  ;  en  buffets  , 
comme  à  Trianon  &  Verfailles  ;  ou  par  chutes  de 
perrons  ,  comme  la  grande  cajeadt  de  S.  Cloud. 

On  dit  encore  grande  &pt  -  quife  pla- 

cent dans  une  niche  de  charmille  ou  de   1 
dans  le  milieu  d'un  fer  à  cheval ,  foit  à  la  tête  d'une 
pièce  d'eau.  (A') 

Méthode  des  cqfcades,  {Algèbre,')  eft  le  nom  que- 
M.  Rolle ,  géomètre  de  l'Académie  des  Sac; 
donné  autrefois  à  une  méthode  qu'il  a\  oit  imaginée 
pour  réfoudre  les  équations.  ïi  la  .  n  1690 

dans  fon  traité  d'Algèbre.  Par  cette  méthode  on  ap- 

A  À  a  a  a  ij 


740 


CAS 


proche  toujours  de  la  valeur  de  l'inconnue,  par  des 
équations  fuccefïives  qui  vont  toujours  en  baillant 
ou  en  tombant  d'un  degré  ;  ck  de-là  eft  venu  le  nom 
de  cafcades.  Voyei  EQUATION. 

On  trouve  dans  YAnalyfe  démontrée  du  P.  Reyneau, 
iiv.  VI.  une  méthode  par  laquelle  on  approche  des 
racines  d'une  équation  ,  en  résolvant  des  équations 
qui  vont  toujours  en  baillant  d'un  degré  ;  Se  cette 
méthode  paroit  avoir  beaucoup  de  rapport  à  celle 
de  M.  Rolle.  En  voici  l'idée.  Soit ,  par  exemple  ,  une 
équation  du  troisième  degré  x  3  —  px2  +  q  x  -j-  r 
—  o  ,  dont  les  trois  racines  l'oient  réelles  ôc  politi- 
ves  a ,  /> ,  c,  a  étant  la  plus  petite ,  &  c  la  plus  gran- 
de ;  loit  multipliée  cette  équation  par  les  termes  d'u- 
ne progreffion arithmétique  3,1,  1,0;  elle  devien- 
dra l'équation  du  iécond  degré  3  x  2  —  %p  x  +  q  =  o, 
dont  les  deux  racines  l'ont  réelles ,  &  l'ont  telles  que 
la  plus  petite  eft  entre  a  &  b,  &  la  plus  grande  entre  b 
&  c  :  ainiî  cherchant  les  deux  racines  de  cette  équa- 
tion du  fécond  degré  ,  on  aura  les  limites  entre  les- 
quelles b  eft  renfermé;  &c  on  pourra  trouver  enfuite 
cette  racine  b  par  approximation  :  la  racine  b  étant 
trouvée  ,  on  connoitra  les  autres  a  ,  c. 

Four  démontrer  cette  méthode  ,  foit*  3  —  px  2  -f 
qx  +  rz=.y ,  l'équation  d'une  courbe  de  genre  para- 
bolique. Voy.  ce  mot.  L'équation  3  x2  —  ipx-\-  ç  =  o, 
fera  l'équation  des  points  qui  donneront  les  maxima 
dey.  Voye7^  Maximum.  Et  ces  points ,  comme  il  eft 
ailé  de  le  voir,  feront  lîtués  de  manière  qu'ils  feront 
l'un  d'un  côté  ,  l'autre  de  l'autre  côté  du  point  qui 
donnera  la  racine  moyenne  de  l'équation  xs—px* 
-f  q  x  +  r  =z  o  ,  c'eft  -  à  -  dire  du  fécond  point  où  la 
courbe  coupera  fon  axe.  Voye{  Racine; yoye{  auiîî 
dans  les  Mètn.  acad.  1J41.  deux  Mémoires  de  M. 
l'abbé  de  Gua  fur  le  nombre  des  racines  ,  où  il  fait 
ul'age  des  courbes  de  genre  parabolique. 

En  voilà  aifez  pour  faire  fentir  comment  on  par- 
vient à  trouver  au  moins  par  approximation  les  raci- 
nes d'une  équation ,  en  changeant  cette  équation  en 
une  autre  d'un  degré  inférieur.  On  trouve  dans  le 
livre  VI.  du  P.  Reyneau ,  tout  le  détail  de  cette  métho- 
de, qui  eft  extrêmement  pénible,  peu  commode  ,  ôc 
très-imparfaite  dans  la  pratique,  fur  -  tout  lorfqu'il 
y  a  des  racines  imaginaires.  Voye^  Limite.   (O) 

CASCAES,  (  Géog.)  petite  ville  du  royaume  de 
Portugal ,  à  l'embouchure  du  Tage ,  avec  une  bonne 
rade. 

CASCANES,  f.  f.  en  termes  de Fortification,  font 
des  trous  ou  cavités  en  forme  de  puits  que  l'on  fait 
dans  le  terre  -  plein  ,  près  du  rempart  ,  ôz  c!"où  l'on 
pouffe  une  galerie  foûterraine  ,  pour  découvrir  & 
éventer  ,  ou  couper  ia  mine  des  ennemis.  Ce  terme 
n'eft  plus  guère  d'ufage  à  préfent  ;  on  fe  lert  plutôt 
de  celui  de  puits  ou  d'écoutes.  Voye^vlTS  &  ECOU- 
TES. (Q) 

*  CASCARILLE  ou  CHACRÏL  ,  cafcarilla  ou  cha- 
karilla  ,  (  Hiji.  nat.  bot.  )  Nous  n'avons  rien  de  mieux 
fur  cette  production  naturelle ,  que  ce  que  M.  Boul- 
duc  en  a  donné  à  l'académie  des  Sciences ,  année 
1709. 

La  cafcarilh  ou  le  chacril ,  dit  M.  Boulduc ,  eu  une 
écerce  allez  ligneufe ,  épaiffe  depuis  une  ligne  juf- 
qu'à  une  ligne  &  demie ,  de  la  couleur  à  peu-près  du 
quinquina  ordinaire  ,  d'un  brun  pâle  ,  moins  com- 
pacte., &  plus  friable,  d'un  goût  amer,  un  peu  ftyp- 
îiqr.c  ,  piquant  la  langue  avec  allez  d'acrimonie ,  & 
laùTant  à  la  fin  une  impreffion  d'amertume  mêlée  de 
quelque  choie  d'aromatique.  Cette  écoice  eft  cou- 
verte d'une  pellicule  blanchâtre  ,  mince  ,  infipidè  , 
ridée  ,  &  frllonnée  légèrement  &  en  divers  fens. 
C'eft,  ajoute  M.  Boulduc  ,  l'écorce  d'une  plante  du 
Pérou,  qu'on  ne  connoit  point  encore. 

Sa  refî'emblance  avec  le  quinquina  dont  on  distin- 
gue fix  efpeces ,  l'a  fait  compter  pour  ia  Septième; 


CAS 

cependant  la  cafcarille  eft  plus  amere  que  le  quinqui- 
na :  elle  eft  aufîi  plus  acre  &  plus  brûlante  ;  mais  l'a- 
mertume du  quinquina  eft -plus  defagréable  &  plus 
ftyptique. 

La  cafcarille  brûlée  donne  encore  une  odeur  aro- 
matique agréable,  que  n'a  point  le  quinquina.  Allu- 
mée à  la  bougie ,  elle  jette  une  fumée  épaifie  ,  beau- 
coup de  fuliginolité  ,  6c  pourréfiduun  charbon  raré- 
fié ,  femblable  à  celui  des  réfines  brûlées  ;  ce  qui  dé- 
figne  plus  de  refîne  que  le  quinquina  n'en  contient 
en  pareil  volume.  Elle  donne  par  l'efprit-de-vin  plus 
d'extrait  réfineux  qu'aucun  végétal  connu.  Cet  ex- 
trait eft  amer,  piquant,  aromatique,  &  d'une  cou- 
leur de  pourpre.  Lorfque  le  quinquina  étoit  rare  en 
France  ,  on  lui  fubftituoit  quelquefois  avec  fuccès  la 
cafcarille  dans  les  fièvres  intermitentes.  M.  Boulduc 
dit  qu'elle  a  cet  avantage  fur  le  quinquina  ,  qu'elle 
agit  autant  en  plus  petite  doie  ,  &  n'a  pas  befoin  d'ê- 
tre continuée  li  long-tems. 

Apemis ,  médecin  &  profeffeur  à  Aftorf ,  en  a  em- 
ployé la  teinture  dans  les  fièvres  épidémiques  &  ca- 
tarrheufes ,  &  la  fubftance  dans  les  fièvres  ordinai- 
res. L'illuftre  Stahl  en  a  étendu  Pillage  aux  pleuré- 
fies ,  aux  péripneumonies  ,  &  aux  toux  connues  fous 
le  nom  de  quintes.  M.  Boulduc  en  a  éprouvé  la  vertu 
dans  les  coliques  venteufes  &  les  affections  hyftéri- 
ques  &  hypochondriaques  appellées  vapeurs. 

S'il  ne  s'agit  que  de  iubftililer  les  liqueurs ,  la  tein- 
ture fiiffit  ;  s'il  faut  de  plus  rétablir  le  reffort ,  il  faut 
la  fubftance.  La  fubftance  réuffit  auffi  pour  les  hé- 
morrhoïdes  internes  qui  ont  peine  à  fluer ,  pourvu 
que  le  malade  foit  un  peu  replet.  La  cafcarille  fît  très- 
bien  dans  les  dyffenterics  de  1719,  foit  qu'il  y  eût, 
foit  qu'il  n'y  eût  point  de  fièvre  ;  i'ipecacuanha  y 
perdit  fa  réputation  :  mais  il  n'y  a  rien  à  conclurre 
de  là  ;  car  d'une  année  à  une  autre ,  les  maladies  de 
même  nom  font  très-différentes. 

M.  Boulduc  attribue  à  la  cafcarille  la  propriété  de 
fortifier  l'eftomac  ,  que  I'ipecacuanha  débilite.  Ce 
remède  pourroit  bien  réunir  les  vertus  de  fes  deux 
compatriotes  ,  le  quinquina  &  I'ipecacuanha,  &les 
porter  chacune  plus  loin  que  l'un  &  l'autre. 

CASCHGAR  ,  (  le  royaume  de  )  autrement 
petite  Baucharie  ;  pays  d'Alie  dans  la  Tartarie ,  borné 
au  nord  par  le  pays  des  Calmouks,  dont  il  dépend  ; 
à  l'orient ,  par  le  Tibet  ;  au  fud ,  par  le  Mogol  ;  à 
i'oceident  ,  par  la  grande  Boucharie.  Il  a  environ 
160  lieues  de  long  fur  100  de  large.  Il  eft  fertile  Si 
peuplé.  On  y  trouve  du  mufe  ,  des  mines  d'or ,  d'ar- 
gent, 6c  des  pierres  précieufes.  Yarkan  ou  Yrken  en 
eft  la  capitale. 

Caschgar  ,  ville  du  royaume  du  même  nom. 

CASCIA  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie  en  Om- 
brie  ,  dans  l'état  de  TEglife  ,  vers  les  frontières  du 
royaume  de  Naples.  A  deux  milles  de  cette  ville  , 
il  y  en  a  une  autre  nommée  Civita  di  Cafcia ,  près  du 
Cor  no. 

CASE  ou  CASSE  d'' Imprimerie ,  eft  une  efpece  de 
table  en  deux  parties  ,  formant  enfemble  un  quarré 
de  deux  pies  neuf  à  dix  pouces  de  long  fur  deux  pies 
cinq  à  lix  pouces  de  large.  Chaque  partie  eft  entou- 
rée &  traverfée  dans  l'a  largeur  de  tringles  de  bois  de 
dix  à  douze  lignes  de  large ,  fur  un  pouce  &:  demi  de 
hauteur,  qui  lont  entaillées  à  certaines  diftances  pour 
recevoir  les  extrémités  de  petites  réglettes  de  bois 
environ  de  deux  lignes  d'épaiffeur ,  &  un  peu  moins 
hautes  que  les  tringles  ;  lesquelles  en  fe  traverfant  , 
forment  fur  le  fond  de  la  table  nombre  de  caffetins 
ou  compaftimens  ,  qui  fervent  à  placer  les  différen- 
tes lettres  dont  une  fonte  doit  être  affortie.  La  par- 
tie inférieure  appellée  bas  de  café  ,  eft  partagée  en 
cinquante -quatre  caffetins  de  différente  grandeur, 
deftinés  pour  les  voyelles  &:  confbnnes  minufcules  , 
les  ef'paces  ,  les  quadrats  ,  les  quadratins ,  &c.  La 


CAS 

partie  fupérieure ,  qu'on  appelle  haut  de  caffe ,  efl  di- 
vifée  en  98  caffetins  rous  égaux ,  49  de  chaque  côté  , 
deftinés  pour  les  capitales  ou  majufcules  ,  les  petites 
capitales  ,  les  lettres  accentuées  ,  quelques  lettres 
doubles ,  &c.  Quand  on  dreffe  une  caffe  pour  y  tra- 
vailler ,  on  la  pofe  fur  deux  tréteaux ,  beaucoup  plus 
élevés  fur  leurs  pies  de  derrière  que  fur  ceux  de  de- 
vant ;  ce  qui  fait  que  la  partie  la  plus  baffe ,  qui  con- 
tient les  lettres  les  plus  courantes,  efl;  la  plus  proche 
du  compofiteur  ;  &  la  partie  la  plus  éloignée  efl:  la 
plus  haute ,  &  efl  celle  qui  renferme  les  lettres  les 
moins  fréquentes  dans  le  difeours ,  comme  les  capi- 
tales ,  les  lettres  accentuées ,  &  lettres  doubles.  Voy. 
lafig.  !•  PL  III-  de  l'Imprimerie,  qui  représente  une 
café  Françoife ,  dans  laquelle  les  lettres  font  placées, 
comme  il  eft  d'ufage  à  Paris  de  les  difpofer.  Lafg.  2. 
de  la  même  Planche  repréfente  les  caifeaux  de  romai- 
nes ABDE,  &  d'italiques  B  CFE ,  qui  font  tou- 
jours placés  à  côté  l'un  de  l'autre  fur  la  table  inclinée 
D E F  d,  portée  par  les  quatre  piliers  K,K,  K,K, 
affemblés  les  uns  avec  les  autres  par  le  moyen  de 
pluiieurs  traverfes  ,  fur  lefquelles  pofe  la  planche 
G  H ,  qui  fert  au  compofiteur  à  mettre  la  galée  & 
les  pages  déjà  compolées  ,  ck  autres  choies  qui  peu- 
vent lembarraffer  fur  la  cajfe. 

La  cajfe  italique  ne  diffère  point  de  la  romaine  par 
la  difpolition  des  lettres. 

CASt  ou  CASSE  ,  en  termes  d'Orfèvre  ,  n'eft  autre 
choie  qu'une  plaque  de  fer  quarrée  de  fonte ,  de  dix 
à  douze  pouces  de  diamètre.  Elle  efl  concave  dans 
le  milieu ,  afin  que  l'or  ou  l'argent  venant  à  fe  fon- 
dre quand  on  les  fait  recuire  ,  puiffe  fe  rafTembler 
dans  cette  foffette.  En  ajoutant  le  ferre-feu  à  la  café, 
on  en  fait  un  fourneau  commode  pour  fondre  les  pe- 
tites parties  du  métal. 

L'unige  principal  de  la  café  efl  de  recuire  les  pie- 
ces  d'Orfèvrerie. 

Case  ,  au  Trictrac ,  fe  dit  de  deux  dames  pofées 
fur  la  même  iigne  ou  flèche ,  oii  l'on  joue.  Voy.  Tri  c- 
trac.  S'il  n'y  a  qu'une  dame  fur  la  flèche ,  elle  fait 
la  demi-cd/ij. 

On  appelle  café  du  diable ,  celle  de  la  féconde  flè- 
che au  grand-jan  :  on  ne  lui  donne  guère  ce  nom 
que  quand  c'eil  la  feule  qui  foit  à  faire  ;  parce  qu'il 
ne  refle  alors  dans  le  petit-jan  que  cinq  dames,  & 
que  tous  les  coups  que  Ton  joue  fans  remplir ,  avan- 
cent ces  dames,  les  font  même  pafTer,  &  mettent 
dans  le  cas  ou  de  ne  point  faire  Ion  plein ,  ou  de  ne 
pas  tenir  long-tems. 

C ASENTINO ,  (  Géog.  )  petit  pays  d'Italie  ,  au 
grand  duché  de  Tolcane  dans  le  Florentin ,  près  de 
la  fource  de  l'Ame. 

CASER,  v.  n.  au  Trictrac ,  c'efl  accoupler  deux 
dames ,  ou  les  placer  fur  la  même  flèche. 

*  C  A  SERIE  ,  f.  f.  (  Commerce.  )  M.  Savary  dit , 
dans  fort  Dictionnaire  du  commerce  ,  que  les  Arabes  de 
la  Terre-Sainte  nomment  ainii ,  ce  qu'on  appelle  ail- 
leurs des  chans  ou  caravanferas  ;  &  qu'il  y  a  à  Rama 
deux  cajiries  ,  ou  grands  enclos  de  murailles  ,  ail-de- 
dans deiquelles  on  trouve  des  magafins  pour  les  mar- 
chandées ,  &  des  écuries  pour  les  chameaux.  Voye?^ 
Chan  ;  voyei  Caravans:  rai. 

CASERTA  ,  (Géog.  )  petite  ville  d'Italie  avec 
titre  de  duché ,  dans  la  terre  de  Labour ,  au  pic  du 
mont  dilata.  Long.  Ji.  J>b'.  lot.  41.  5. 

*  CASH  ,  f.  m.  (Commerce.')  efpece  de  potitc  mon- 
noie  de  cuivre ,  ufitée  au  royaume  de  Tunquin  en 
Afie ,  &  la  feule  qui  fe  fafle  dans  ce  pays  ;  encore 
n'clt-il  point  décide  qu'on  ne  la  tire  point  de  la  Chi- 
ne. Sa  valeur  varie;  elle  eit  tantôt  haute  &  tantôt 
bafle  ,  fuivant  la  quantité  qui  s'en  trouve  dans  le 
commerce.  Mille  cashs  peuvent  revenir  à  cinq  livres 
de  notre  argent. 


CAS 


741 


CASHEL  ou  CASSEL  ,  (  Géog.  )  ville  d'Irlande 
au  comté  de  Tipperary.  Long.  ci.  32.  lat.  5z.  36. 

CASIA  ,  f.  f.  (  Hijl.  nat.  bot.  )  genre  de  plante  à 
fleur  fans  pétale ,  compofée  de  quelques  étamines , 
foûtenues  par  un  calice  découpé  pour  l'ordinaire  en 
trois  parties.  Cette  '  fleur  efl  flérile.  Les  fruits  font 
produits  par  des  efpeces  de  ce  genre,  qui  ne  portent 
point  de  fleurs  :  ce  font  des  baies  ,  le  plus  fouvent 
de  figure  fphérique  ,  qui  renferment  un  noyau ,  dans 
lequel  il  y  a  une  amande  de  même  forme.  Tourne- 
fort,  Injl.  rci  herb.  corol.  Voye^  PLANTE.    (  /  ) 

CAS1LIRMAR ,  (  Géog.  )  rivière  d'Afie  en  Nato- 
lie ,  qui  prend  fa  fource  dans  la  province  de  Chian- 
gare  ,  &  va  fe  perdre  dans  l'Euphrate. 

CASILLEUX  ,  adj.  Les  Vitriers  appellent  le  verre 
cafilkux ,  lorfqu'il  fe  caffe  en  pluiieurs  endroits ,  en 
y  appliquant  le  diamant  pour  le  couper.  Cela  arri- 
ve ,  difent-ils  ,  à  caufe  qu'il  n'a  pas  eu  affez  de  re: 
cuit  au  fourneau  ,  c'efl-à-dire  qu'on  l'a  retiré  trop 
tôt.  Celui  qui  efl  bien  recuit,  fe  coupe  facilement, 
&  efl  tendre  au  diamant. 

CASIMIR  ,  (  Géog.  )  petite  ville  en  Staroflie  dans 
la  petite  Pologne ,  au  palatinat  de  Lublin  ,  fur  la  Vif- 
tule.  Il  y  a  encore  une  ville  du  même  nom  dans  la 
grande  Pologne ,  au  palatinat  de  Pofnanie. 

CASIM AMBOUS  ,  (  Géog.  )  peuple  ou  tribu  d'A- 
frique dans  l'île  de  Madagafcar ,  dans  la  province  de 
Matatane. 

*  CAS IUS,  (  Myth.  )  Jupiter  fut  ainfi  appelle  des 
montagnes  de  ce  nom  ,  fur  lefquelles  il  étoit  honoré. 
Il  y  en  avoit  une  à  l'entrée  de  l'Egypte  ;  une  autre 
en  Syrie.  Ce  Jupiter  étoit  repréfente  fous  la  forme 
d'un  rocher  efearpé  ,  avec  un  aigle  a  côté. 

CASLEU  ,  f.  m.  (  Hift.  anc.  )  neuvième  mois  de 
l'année  fâinte  des  Hébreux,  &  le  troifieme  fuivant 
l'ordre  civil  tk  politique.  Il  répond  à  peu  près  à  notre 
mois  de  Novembre  ,  &  a  trente  jours  pleins.  V.  An. 

Le  feptieme  jour  de  cafeu ,  les  Juifs  font  un  grand 
jeûne  en  mémoire  de  ce  que  le  roi  Joachim  perça 
d'un  canif  le  livre  des  prophéties  de  Jérémie  ,  ck  les 
jetta  fur  du  charbon  allumé  dans  un  réchaud.  Le 
quinzième  du  même  mois,  ils  s'affligent  devant  le 
Seigneur ,  à  caufe  qu'à  pareil  jour  Antiochus  Epi- 
phancs  profana  le  temple  de  Jérufalem ,  &  y  plaça 
uneflatue  de  Jupiter  Olympien.  Le  vingt-cinquicme 
de  cafleu,  Judas  Machabée  purifia  le  temple  ,  &  en 
fit  de  nouveau  la  dédicace  ,  en  mémoire  de  laquelle 
les  Juifs  célebroient  tous  les  ans  une  fête  folemnelle- 
nommée  encénies.  Voye^  Encénies  &  Dédicace. 

On  dit  auffi  que  le  trentième  de  ce  mois  Nehé- 
mie  omit  un  facrificc  folemnel,  &  répandit  fur  l'hof- 
tie  de  l'eau  boûeuie  qui  avoit  été  trouvée  au  lieu  où 
l'on  avoit  auparavant  trouvé  le  feu  facré  ,  &  que 
Dieu  fit  defeendre  une  flamme  du  ciel  qui  alluma  le 
feu  fur  l'autel.  Dictionnaire  de  la  Bibl.  tome  I.  page 
3SS.(G) 

CASLONA  ,  petite  ville  d'Efpagne  dans  l'Anda- 
louûe  ,  p  rès  du  Cuadalquivir. 

*  CASMINAR,  ou  CASSUMMUNIAR ,  {HifL 
nat.  bot.  )  on  la  nomme  auffi  ryfagon.  C'efl  une  racine 
qui  croit  aux  Indes  orientales  ;  elle  eit  de  la  groifeur 
du  pouce  ,  raboteufe ,  coupée  en  travers  ;  elle  mon- 
tre des  nœuds  qui  forment  des  efpeces  de  cercles  ; 
fa  couleur  extérieure  eit  brune  v  en  dedans  elle  eit 
jaunâtre  ;  fon  goût  efl  amer  ,  fon  odeur  eit  aroma- 
tique &  fort  pénétrante.  Suivant  M.  Dale,  elle 
a  beaucoup  de  rapport  avec  la  racine  du  zédoar. 
On  lui  attribue  la  vertu  de  fortifier  les  nerfs  -,  on  en 
tire  une  teinture  avec  de  l'efprit  de  vin  ,  qu'on  dit 
être  un  excellent  anti-apople£fique  &  un  bon  remède 
contre  la  paralyfie  ,  le  tremblement  de  nerf-, ,  &  la 
paffion  hyitérique  :  on  prétend  qu'elle  p. ut  auffi  fer- 
vir  de  correctif  au  quinquina. 

CASOAR,  ou  CASUEL,f.  m.(ffijt.  nat.  0-v. '..) 


74i  CAS 

oiieau  des  Indes  ,  qui  eft  auffi  appelle  emeu  ou  tmè, 
par  les  naturels  du  pays.  Voyt{  Plan.  IX.fig.  J.  on 
n'avoit  point  vu  de  cafoar  en  Europe  avant  l'an 
1597,  &  aucun  auteur  n'en  avoit  Fait  mention. 
LesHollandois  au  retour  de  leur  premier  voyage  , 
en  rapportèrent  un  qui  leur  avoit  été  donné  comme 
une  choie  rare  ,  par  un  prince  de  l'île  de  Java.  Le 
gouverneur  de  Madagafcar  en  acheta  un  des  mar- 
chands qui  retournoient  des  Indes ,  &  il  l'envoya  à 
la  ménagerie  de  Versailles  en  1671.  cet  oiieau  y 
vécut  quatre  ans  ;  fa  defcription  eft  dans  les  Mém, 
de  CAcad.  royale  des  Sciences,  Tome  III.  part.  II. 

Il  avoit  cinq  pies  &c  demi  de  longueur  depuis  le 
bout  du  bec  juiqu'à  l'extrémité  des  ongles  ;  la  lon- 
gueur des  jambes  étoit  de  deux  pies  &  demi  depuis 
le  ventre  juiqu'au  bout  des  ongles.  La  tête  &  le  cou 
avoient  enfemble  un  pié  &  demi  ;  le  plus  grand  des 
doigts  compris  l'ongle ,  avoit  cinq  pouces  de  lon- 
gueur ,  &  l'ongle  feul  du  petit  doigt  trois  pouces  & 
demi.  L'aile  étoit  fi  petite  ,  que  les  plumes  du  dos 
la  cachoient  ;  toutes  les  plumes  reffembloient  fort 
à  du  poil  ,  parce  que  leurs  barbes  étoient  dures  , 
pointues  ,  &  clair-femées.  Cet  oifeau  n'avoit  pas 
comme  ceux  qui  volent,  des  plumes  de  deux  fortes , 
dont  les  unes  fervent  au  vol,  &  les  autres  ne  font 
que  pour  couvrir  le  corps;  il  n'en  avoit  que  de  celles- 
ci  ;  elles  étoient  doubles  pour  la  plupart  ;  elles  avoient 
deux  longues  tiges  qui  ibrtoient  d'un  même  tuyau 
fort  court  attaché  à  la  peau  ;  leur  longueur  étoit  iné- 
gale ;  quelques-unes  de  celles  du  croupion  avoient 
juiqu'à  quatorze  pouces  :  on  a  trouvé  de  ces  plumes 
doubles  dans  un  aigle  &  dans  un  perroquet.  Voye^ 
Aigle  ,  Perroquet.  Mais  celles  du  cafoar  avoient 
encore  d'autres  particularités  ;  les  barbes  qui  garnif- 
foient  la  tige ,  étoient  depuis  environ  la  moitié  juf- 
qu'à  l'extrémité  fort  longues ,  &  groffes  comme  du 
crin  de  cheval  ,  fans  jétter  aucunes  libres  ;  fa  tige 
eft  platte ,  noire ,  luifante ,  &  par  nœuds  en-deflbus  ; 
il  fort  de  chaque  nœud  une  barbe  :  enfin  les  barbes 
du  bout  des  grandes  plumes  étoient  parfaitement  noi- 
res ,  &  vers  la  racine  ,  elles  étoient  de  couleur  de 
gris  tanné  ,  plus  courtes,  plus  molles ,  &  jettant  de 
petites  fibres  comme  du  duvet  ;  il  n'y  avoit  que  la 
partie  compofée  de  barbes  dures  &  noires  qui  parût  ; 
l'autre  partie  compofée  de  duvet  en  étant  recou- 
verte ,  les  plumes  du  cou  &  de  la  tête  étoient  fi  cour- 
tes &c  fi  clair-femées,  que  la  peau  paroiffoit  à  décou- 
vert ,  excepté  vers  le  derrière  de  la  tête  ,  où  elles 
étoient  plus  longues  ;  le  croupion  étoit  extraordinai- 
rement  gros  ;  les  plumes  dont  il  étoit  garni  ne  dif- 
féroient  des  autres  qu'en  ce  qu'elles  étoient  plus  lon- 
gues. 

Les  ailes  dépouillées  de  leurs  plumes  n'avoient 
pas  trois  pouces  de  longueur:  il  y  avoit  au  bout  cinq 
piquans  de  différentes  longueur  &  grofleur,  courbés 
en  arc  fuivant  la  figure  du  corps.  Ils  étoient  creux 
depuis  leur  racine  jufqu'à  la  pointe ,  &  remplis  d'une 
moelle  à  peu-près  femblable  à  celle  qui  fe  trouve 
dans  les  plumes  naiffantes  des  autres  oifeaux.  Ces 
piquans  étoient  de  longueur  différente ,  félon  la  dif- 
pofition  &  la  proportion  des  doigts  de  la  main  ;  le 
plus  long  avoit  onze  pouces  de  longueur  ,  &  trois 
lignes  de  diamètre  vers  la  racine  ;  ils  étoient  tous 
d'un  noir  fort  luiiant  ;  il  n'y  a  aucune  apparence 
que  les  ailes  du  cafoar  lui  aident  à  marcher  ;  il  pour- 
voit plutôt  s'en  fervir  pour  frapper  comme  avec  des 
houffines. 

La  tête  paroiffoit  petite  ,  parce  qu'elle  n'étoit  pas 
garnie  de  plumes  ;  il  y  avoit  au-deffus  une  crête  hau- 
te de  trois  pouces  comme  celle  d'un  cafque  ;  cepen- 
dant cette  crête  ne  couvroit  pas  tout  le  deffus  de  la 
tête  ;  car  elle  ne  commençoit  qu'un  peu  au-delà  du 
milieu  du  fommet  ,  &  finiffoit  au  commencement 
iu  bec  :  le  devant  de  cette  crête  étoit  noirâtre ,  oc 


CAS 

le  derrière  &  les  côtés  de  couleur  de  cire  ;  partout 
elle  étoit  polie  &  luifante  ;  le  haut  étoit  mince , 
n'ayant  pas  plus  de  trois  lignes  ,  &  la  baie  avoit  un 
pouce  ;  fa  iubftance  étoit  fort  dure  ,  &  de  la  nature 
de  la  corne  ,  étant  compofée  de  pluficurs  lames  com- 
me la  corne  des  bœufs.  Clufius  &  Bontius  dirent  que 
cette  crête  tombe  dans  la  mue  :  cependant  c'eft  une 
partie  du  crâne  ,  &  elle  n'eft  point  tombée  pendant 
quatre  ans  que  Foifeau  a  été  à  Verfailles.  La  partie 
iupérieure  du  bec  étoit  fort  dure  par  fes  deux  bords 
&l  par  le  deffus  ,  les  entre-deux  de  chaque  côté  n'é- 
tant garnis  que  d'une  membrane  ,  dans  laquelle 
étoient  les  trous  des  narines  tout  auprès  de  l'extré- 
mité du  bec  ,  qui  étoit  refendue  en  trois  comme  un 
coq  Indien.  Le  bout  de  la  partie  inférieure  étoit  auffî 
partagé  en  trois  ,  &  légèrement  dentelé  ;  tout  le 
bec  étoit  d'un  gris  brun ,  à  l'exception  d'une  marque 
verte  qui  étoit  de  chaque  côté  de  la  partie  inférieure 
du  bec ,  environ  vers  le  milieu  de  l'œil.  Il  y  avoit 
une  paupière  interne  qui  fe  cachoit  vers  le  grand 
angle  :  la  paupière  inférieure  étoit  la  plus  grande  ; 
on  y  voyoit  quantité  de  poils  noirs.  Il  ie  trouvoit  au 
bas  de  la  paupière  Iupérieure  un  rang  de  petits  poils, 
&  au-deffus  un  autre  rang  de  poils  noirs  qui  s'éle- 
voient  en  forme  de  fourcil  ;  le  trou  de  l'oreille  étoit 
fort  grand ,  &  environné  feulement  de  petites  plu- 
mes noires  ;  les  deux  côtés  de  la  tête  autour  de  l'œil 
&  de  l'oreille ,  étoient  de  couleur  bleue  ,  excepté  le 
milieu  de  la  paupière  inférieure  qui  étoit  blanc. 

Le  cou  étoit  de  couleur  violette ,  tirant  fur  la  cou- 
leur d'ardoife  ;  il  y  avoit  auffi  du  rouge  par  derrière 
en  plufieurs  endroits,  principalement  vers  le  milieu; 
ces  endroits  rouges  étoient  plus  relevés  que  le  refte 
par  des  rides  dont  le  cou  étoit  entre-coupé  oblique- 
ment. Vers  le  milieu  du  cou  par-devant ,  il  y  avoit 
à  la  naiffance  des  grandes  plumes  deux  appendices 
formées  par  la  peau ,  rouges,  femblables  à  celles  qui 
pendent  à  la  partie  inférieure  du  bec  des  poules , 
longues  d'un  pouce  &  demi,  larges  de  neuf  lignes  , 
arrondies  par  le  bout ,  &  de  couleur  en  partie  rouge , 
&  en  partie  bleue. 

La  peau  qui  couvre  le  devant  du  flernum  étoit 
dure  ,  calleuie  ,  &  fans  plumes  ,  parce  que  Foifeau 
s'appuie  fur  cette  partie  lorfqu'il  fe  repoie. 

Les  cuiffes  &  les  jambes  étoient  couvertes  de  plu- 
mes ;  la  partie  qui  tient  lieu  de  tarfe  &  métatarfe  , 
étoit  extraordinairement  groffe  ,  forte  ,  droite  ,  &c 
couverte  d'écaillés  de  diverfes  figures  ;  i!  n'y  avoit 
que  trois  doigts;  ils  étoient  auffi  couverts  d'écaillés; 
celui  de  derrière  manquoit;  les  ongles  étoient  d'une 
fubftance  dure  &folide  ,  noire  en-dehors ,  &  blanche 
en-dedans.  Mém.  pour  fervir  à  Phifl.  des  animaux  }  fé- 
conde partie.  Foye{  Oiseau.  (/) 

CASPE,  {Géog.  )  ville  ou  bourg  d'Efpagne  au 
royaume  d'Arragon ,  au  confluant  de  FEbre  &  de  la 
Guadeloupe. 

CASPIA  ,  {Géog.)  petite  rivière  de  Lithuanie, 
qui  prend  fa  iource  dans  la  principauté  de  Smolens- 
ko,  &  va  fe  jetter  dans  la  Duna. 

CASPIENNE,  {la  mer)  Géog.  grande  mer  d'Afie, 
entre  la  Tartarie ,  le  royaume  de  Perfe ,  la  Géorgie , 
&  la  Mofcovie.  Elle  n'a  point  de  communication  vi- 
fible  avec  les  autres  mers  ;  on  lui  en  croit  une  cepen- 
dant avec  le  golfe  Periique.  La  navigation  y  eft  dan- 
gereufe  ;  fa  longueur  eft  du  nord  au  f  ud  fuivant  les 
obfervations  faites  par  ordre  du  Czar  Pierre  le  grand. 
Elle  eft  entre  les  37  &  47  degrés  de  latitude  ,  &  entre 
les  67  &  73  degrés  de  longitude.  Ses  eaux  iont  plusia- 
lées  vers  le  milieu  que  vers  les  côtes. 

Caspiens,  {monts)  chaîne  de  montagnes  qui  s'é- 
tendent du  nord  au  fud ,  entre  l'Arménie  &  la  mer 
Cafpienne. 

Caspiens  ,  (  Géog.  )  anciens  peuples  de  Scythie, 
voifins  de  FHircanie,  qui  ont  donné  leur  nom  à  la 


CAS 

mer'  Cajpienne.  Strabon  rapporte  que  ces  barbares 
avoient  coutume  de  renfermer  dans  un  lieu  étroit , 
&  d'y  laifler  mourir  de  faim  leurs  pères  &  mères , 
quand  ils  avoient  atteint  l'âge  de  foixante  ou  foi- 
te-dix  ans. 

CASQUE  ou  HEAUME ,  f.  m.  (Art  milit.)  arme 
défenfive  pour  couvrir  la  tête  &  le  cou. 

Le  mot  cafquc  vient  de  cajjïcum  ou  cajjlcus ,  dimi- 
nutif de  cajjîs. 

Le  cafque  avoit  une  vifiere  faite  de  petites  grilles  ; 
elle  fe  baiffoit  durant  le  combat,  &  fe  relevoit  pour 
prendre  l'air  en  rentrant  fous  le  front  du  cafquc.  Cette 
armure  étoit  pefante,  &  devoit  être  forte  pour  être 
à  l'épreuve  de  la  hache  d'armes  &  de  la  maflue.  Le 
cafque  étoit  affez  profond ,  &  s'étrécifToit  en  s'arron- 
diffant  par  en-haut ,  ayant  prefque  la  figure  d'un  cô- 
ne. Il  avoit  une  mcntoniere  dans  laquelle  entroit  la 
vifiere  quand  elle  étoit  baillée ,  &  au-deflus  comme 
un  collet  de  fer  qui  defcendoit  jufqu'au  défaut  des 
épaules.  Il  étoit  féparé  du  cafque ,  &  s'y  joignoit  par 
le  moyen  d'un  collier  de  métal. 

Le  Gendre  a  remarqué  qu'autrefois  en  France  les 
gendarmes  portoient  tous  le  cafque.  Le  roi  le  portoit 
doré  ;  les  ducs  &  les  comtes  argenté  ;  les  gentilshom- 
mes d'ancienne  race  le  portoient  d'un  acier  poli, 
&  les  autres  de  fer  Amplement. 

On  trouve  des  cafques  fur  les  anciennes  médailles  , 
&  l'on  y  reconnoît  leurs  différentes  façons  à  la  Gre- 
que  &  à  la  Romaine.  C'eft  le  plus  ancien  habillement 
de  tête  qui  paroiffe  fur  les  médailles  &  le  plus  uni- 
vcrfel:  c'eft  par-là  que  les  rois  &  les  dieux  mêmes  fe 
diftinguoient.  Celui  qui  couvre  la  tête  de  la  figure  de 
Rome ,  efl  garni  de  deux  ailes  comme  celui  de  Mer- 
cure :  celui  de  quelques  rois  eft  paré  des  cornes  de 
Jupiter  Ammon,  ou  iimplement  de  taureau  &  de  bé- 
lier ,  pour  marquer  une  force  extraordinaire.  V.  le  P. 
Jobert ,  feience  des  médailles. 

Le  cafque  eft  un  ornement  &  une  marque  de  no- 
bleffe  &  de  fiefs  nobles  ;  il  en  fait  voir  les  différens 
degrés  lclon  fa  nature  &  fa  fituation,  à  plus  ou  moins 
de  vues  fur  les  écus.  Les  rois  &  les  empereurs  le  por- 
tent tout  d'or ,  broché ,  brodé  &  damafquiné  ,  tarré  de 
front ,  la  vifiere  entièrement  ouverte ,  fans  aucune 
grille  ni  barreaux. 

Les  princes  ,  ducs  &  fouverains ,  le  portent  d'or , 
Se  tarré  de  front,  fans  vifiere,  mais  un  peu  moins 
ouvert ,  pour  marquer  une  moindre  dignité ,  &  quand 
il  y  a  des  barreaux,  ils  en  mettent  onze ,  &c.  (Q) 

*  Casque  ,  (Myth.)  on  dit  que  les  Cyclopes ,  en 
forgeant  le  foudre  de  Jupiter ,  firent  en  même  tems 
un  cafque  pour  Pluton  ;  que  ce  cafque  rendoit  invifible 
celui  qui  le  portoit,  &  que  Perlée  l'emprunta  pour 
combatre  Médufe. 

Casque  ,  en  terme  de  Blafon ,  fignific  la  même  cho- 
fc  que  heaulme.  Voye^  HEAULME,  6*  BLASON. 

CASSA,  terme  ufité  parmi  les  Provençaux ,  pour 
fignifier  la  caiffe  ou  coffre  fort ,  dans  lequel  les  mar- 
chands, négocians,  banquiers  &  gens  d'affaires,  ont 
coutume  d'enfermer  leur  argent  comptant,  pierre- 
ries ,  papiers  de  conféquence ,  &  autres  effets  les  plus 
précieux.  Voyt^  Caisse.  Dictionnaire  du  commerce , 
tom.  II.  pag.  izj.  (G) 

CASSAGNETES ,  (Géog.)  petite  ville  de  France, 
dans  le  Rouergue. 

*  C ASSAILLE ,  f.  f.  (Agriculture.*)  c'eft  ainiî  qu'on 
appelle  le  premier  labour  qu'on  donne  aux  terres , 
ou  après  la  moiffon  aux  environs  de  la  S.  Martin,  ou 
après  la  lemaille  vers  Pâques.  Dans  le  premier  cas 
on  fe  propofe  d'ouvrir  la  terre,  &  de  détruire  les 
mauvaifes  herbes.  On  dit  faire  la  caffaille.  Voye^  l'arti- 
cle Agriculture. 

CASSAN  ou  CACHAN,  (Géog.)  grande  &  riche 
ville  d'Aile  du  royaume  de  Perle,  dans  la  province 


CAS 


745 


d'Irac,  fameufe  par  les  étoffes  de  foie  qui  s'y  fabri- 
quent. 

C  ASS  ANO ,  (Géog.)  petite  ville  d'Italie ,  au  duché 
de  Milan,  avec  un  château  fort. 

Cassano  ou  Cossano  ,  (Géog.)  petite  ville  d'I- 
talie, au  royaume  de  Naples,  dans  la  Calabre  ciré- 
rieure ,  à  deux  lieues  du  golfe  de  Tarente.  Long, 
34.5.lat.3ç).55. 

CASSANT,  adj.  (Phyf)  fe  dit  d'un  corps  dont  la 
dureté  eft  accompagnée  de  fragilité,  efpece  de  dure- 
té ,  qu'on  fuppofe  produite  par  l'engrenement  mu- 
tuel &  facile  à  détruire,  des  parties  du  corps.  Voyez 
Dureté. 

Caffant  eft  oppofé  à  ductile ,  malléable.  Voye^Dvc- 
TILITÉ,   &C.  (O) 

CASSATION,  f.  f.  terme  de  Palais,  eft  le  juge- 
ment par  lequel  on  annulle  un  acte  ou  une  procé- 
dure. 

Ce  mot  vient  du  Latin  quafare,  qui  fignifie  fecoicer 
quelque  chofe  avec  force. 

On  peut  fe  pourvoir  au  confeil  d'état  &  privé,  en 
cajfation,  contre  un  jugement  d'une  cour  fou  veraine, 
fi  ce  jugement  fe  trouve  être  en  contrariété  avec  un 
autre  rendu  précédemment  dans  la  même  caufe  & 
contre  la  même  partie  ;  s'il  contient  des  difpofitions 
directement  contraires  à  celles  des  ordonnances  ou 
des  coutumes;  s'il  a  été  omis  quelqu'une  des  formali- 
tés preferites  par  les  ordonnances  à  peine  de  nullité. 

Celui  qui  veut  fe  pourvoir  en  caffation,  fait  ligni- 
fier fur  les  lieux  à  la  partie  ou  à  fon  procureur ,  ou 
au  procureur  général ,  fi  c'eft  en  matière  criminelle , 
ou  qui  concerne  les  droits  &  domaines  de  fa  Majefté, 
qu'il  entend  fe  pourvoir  au  confeil  en  cajfation,  & 
leur  donne  copie  de  fa  requête ,  &  des  pièces  fur  les- 
quelles il  entend  foncier  la  caffation. 

La  requête  en  cajfation  doit  être  fignifiée  dans  les 
fix  mois  du  jour  de  îa  fignification  de  l'arrêt  contre 
lequel  on  entend  fe  pourvoir. 

La  voie  de  la  caffation  ne  fufpend  point  l'exécution 
du  jugement  contre  lequel  on  fe  pourvoit. 

Le  demandeur  en  caffation  doit  conligner  une  aman- 
de de  450  livres,  qu'il  ne  retire  point  s'il  fuccombe 
à  fa  demande.  (H) 

CASSAVE,  ou  CASSA  VI  ,  ou  MANIHOT,  ou 
MAN1HOC,  eft  un  genre  de  plante  obfervée  par  le 
P.  Plumier  ;  lès  fleurs  font  monopétales ,  en  forme  de 
cloche  découpée,  &  le  plus  fouvent  ouverte.  Le 
piftil  devient  dans  la  fuite  un  fruit  arrondi,  qui  ren- 
ferme trois  capfules  oblongues,  jointes  enfemble, 
dans  chacune  defquelles  il  y  a  un  noyau  oblong. 
Tournefort,  Infl.  rei  herb.  ^oye^;  Plante.  (/) 

*  Celle  qui  eft  défignée  dansGafp.  Bauhin  lbus  le 
nom  de  manihot  lndorum  ,  feu  yucca  foliis  cannabinis  , 
dont  on  trouvera  une  defeription  affez  exacle  dans 
ceux  qui  ont  écrit  des  Antilles ,  comme  le  P.  du  Ter- 
tre ,  le  P.  Labat  &  autres,  fournit  plulieurs  produits 
dont  la  connoiffance  peut  piquer  la  curiolité.  Sa  ra- 
cine mangée  fans  aucune  préparation ,  eft  un  poifon 
mortel  :  mais  on  parvient  à  en  féparer  la  partie  nui- 
fiblc,  &à  conferver  la  portion  nourriffante,  dont  on 
fait  un  pain  d'un  ufage  commun  parmi  les  fauvages  ; 
&  que  les  Européens,  &  même  les  dames  les  plus 
délicates ,  préfèrent  par  goût  au  pain  de  froment. 

Pour  taire  cette  féparation ,  on  s'y  prend  de  la  ma- 
nière fuivante  :  lorfque  la  racine  eft  cueillie ,  on  la 
dépouille  de  fa  peau  ;  il  refte  une  fubftancc  blanche 
&  pleine  de  fuc,  qu'on  râpe:  pour  cet  effet,  on  a 
de  groffes  râpes  de  cuivre,  &  non  des  moulinets  à 
bras ,  comme  le  dit  le  P.  du  Tertre.  On  met  la  rapure 
dans  des  facs  faits  d'écorce  d'arbre  ;  ccn  lacs  font  por- 
tés fous  une  preffe  d'un  méchanifme  fort  fimplc  :  c'eft 
une  branche  d'arbre  attachée  au  tronc,  qui  fait  la 
fonction  de  levier ,  en  vertu  d'un  gros  poids  dont  on 
charge  fon  extrémité  fourchue.  V9yt\  les  pi.  Ihijh 


744 


CAS 


&leurexpl.A  tronc  d'arbre;  B  branche  fourchue  , 
avec  des  pierres  quipefent  fur  fon  extrémité  ;  C  facs 
de  jonc  qui  contiennent  la  rapure  ;  D  ais  mis  entre 
chaque  lac  ;  E  mafïïf  de  pierre.  Il  y  a  une  rigole  au 
malîif,  qui  conduit  le  lue  ou  le  lait  de  manihoc  dans 
la  coupe  de  calebalfe  F,  ou  petite  terrine.  Voilà  une 
forte  de  preflë ,  telle  que  la  méchanique  naturelle  pou- 
voit  la  fuggérer  ;  cependant  ce  n'eft  pas  celle  qui  eft 
en  ufage  parmi  les  fauvages.  Il  y  a  dans  la  leur  au- 
tant de  iimplicité  &  plus  d'efprit.  Ils  ont  une  efpece 
de  fac  long  de  fix  à  lépt  pies  &  delà  grofleur  de  la 
jambe;  il  eft  fait  d'une  forte  de  jonc  d'un  tifl'u  très- 
lâche,  de  manière  que  quand  il  eft  rempli  &c  bien 
ibulc,  il  prend  beaucoup  de  largeur,  &  perd  beau- 
coup de  la  longueur;  ce  fac  eft  terminé  par  un  cro- 
chet :  ils  plantent  deux  morceaux  de  bois  en  fourche  ; 
ils  parlent  un  bâton  dans  Tante  du  fac;  ils  placent  les 
deux  bouts  du  bâton  dans  les  fourches  des  deux  pies  ; 
&  ils  mettent  dans  le  crochet  un  vaiflëau  à  anfe  fort 
pefant,  qui  faifant  en  même  tems  la  fonction  de  poids, 
tire  le  fac  avec  force ,  en  fait  fortir  le  fuc  de  manihoc, 
&  le  reçoit.  Voye^  auffi  Plan,  d'hifi.  nat.A  B,àb,  les 
pies;  CD  le  bâton;  E  F  le  fac;  H  \q  vaiflëau  ou 
poids.  Ce  fuc  ou  lait  contient  toute  la  malignité;  les 
animaux  qui  en  boivent ,  enflent  &  meurent  en  vingt- 
quatre  heures.  Quand  la  matière  eft  vuide  de  fuc ,  & 
bien  defféchée ,  on  la  pafTe  par  un  crible  un  peu  gros  ; 
on  la  porte  enfuite  fur  des  poêles,  ou  plutôt  lur  des 
platines  de  fonte ,  fous  lefquelles  on  fait  du  feu  ;  c'eft 
ide-là  qu'on  forme  la  cajfave  ou  la  farine  de  manihoc. 
Il  n'y  a  de  différence  entre  ces  deux  chofes  que  par 
la  forme.  La  farine  eft  un  amas  de  grumeaux  de  ma- 
nihoc defleché  &  divifé  ;  &  la  cajfave  eft  faite  des 
mêmes  grumeaux  liés  &  joints  les  uns  aux  autres  par 
la  cuiflbn ,  ce  qui  forme  des  efpeces  de  galettes ,  lar- 
ges &  minces  à  peu  près  comme  du  croquet.  Les  fau- 
vages la  font  plus  épaifle  ;  mais  &  la  farine  &  la 
cajfave  tiennent  lieu  de  pain  l'un  &  l'autre.  Il  ne  s'a- 
git que  de  les  humecter  avec  un  peu  d'eau  pure ,  ou 
avec  un  peu  de  bouillon.  On  le  lert  d'eau  ou  de  bouil- 
lon félon  que  l'on  eft  plus  ou  moins  friand. 

Le  fuc  exprimé  de  la  racine  râpée  n'eft  pas  rejet- 
té  comme  inutile.  Quoique  ce  foit  un  poifon ,  on 
en  obtient  une  fubftance  blanche  &  nourriflante.  Ce 
lue  eft  blanc  comme  du  lait  d'amande ,  8c  en  a  à  peu- 
près  l'odeur.  On  le  reçoit  dans  des  vafes ,  comme 
nous  avons  dit  ci-deffus;  on  l'y  laifle  repoler,  &  il 
fe  lépare  en  deux  portions  ;  l'une  eft  une  recule  blan- 
che qui  le  précipite;  l'autre  eft  une  eau  qui  fumage, 
qui  n'eft  d'aucune  utilité ,  qu'on  décante  &  qu'on  re- 
jette. Quant  à  la  fécule ,  on  la  lave  avec  de  l'eau 
chaude  ;  on  la  laifle  enfuite  fe  précipiter  dans  cette 
eau  à  chaque  lavage;  on  la  retire,  &  on  la  met  lé- 
cher à  l'ombre.  Cette  fécule  a  l'apparence,  la  con- 
fiftance  &  les  propriétés  de  l'amydon.  Cet  amydon 
s'employe  au  même  ufage  que  le  nôtre  ;  on  l'appelle 
moujfachi.  On  en  fait  encore  des  gâteaux  qui  reflem- 
blent  beaucoup  à  nos  échaudés.  Nous  tenons  ces  dé- 
tails de  M.  le  Romain ,  qui  nous  les  a  donnés  d'après 
l'expérience ,  8c  dont  nous  avons  fait  mention  entre 
les  perfonnes  qui  nous  ont  aidés  de  leurs  lumières. 

CASSE  ,  l.  f.  cajjîa  ,  (  Hifl.  nat.  bot.  &  mat.  med.  ) 
genre  de  plante  dont  la  fleur  eft  le  plus  fouvent  com- 
pofée  de  cinq  feuilles  difpofées  en  rond  :  le  piftil  de- 
vient dans  la  fuite  une  filique  cylindrique  ou  appla- 
tie ,  divifée  en  plufleurs  loges  par  des  cloifons  tranf- 
verfales ,  enduite  d'une  forte  de  moelle  noirâtre 
pour  l'ordinaire  :  cette  filique  renferme  des  lemen- 
ces  arrondies  &  noires.  Tournefort ,  Injl.  ni  htrb. 
Foyei  Plante.  (/) 

*  La  cajjefolutive  eft  une  efpece  de  goutte  différente 
de  la  cajjejyrinx  aromatique  des  Grecs,  &c  de  la  cajfe 
ligneufe  des  modernes.  Les  Arabes  ont  connu  les  pre- 
miers les  propriétés  de  la  cajfe  folutiyt  ;  ç'cft  un  fruit 


CAS 

exotique ,  qu'on  reconnoîtra  à  la  defeription  qui  pré- 
cède. Il  y  en  a  de  deux  fortes  dans  les  boutiques; 
l'une  qui  vient  d'Egypte ,  &  qu'on  appelle  cajfe  orien- 
tale ;  &  l'autre  qui  vient  d'Amérique  ,  &  qu'on  ap- 
pelle cajfe  occidentale  :  celle-ci  n'eft  pas  la  meilleure  ; 
Ion  écorce  eft  plus  épaifle ,  plus  rude ,  &  plus  ridée, 
&  fa  moelle  acre  &  defagréable  au  goût  :  il  faut  lai 
préférer  l'orientale  ,  ÔC  prendre  les  goufles  de  celle- 
ci  ,  qui  font  pefantes  ,  nouvelles ,  6c  pleines  ,  dont 
les  graines  ne  réfonnent  pas  au-dedans  ,  &  qui  a  la 
moelle  grafle  ,  douce,  &c  d'un  noir  vif;  c'eft  la  feule 
partie  dont  on  faflê  ufage  :  on  la  tire  de  la  goufle  , 
on  la  paflè  par  un  tamis ,  &  on  l 'appelle  fleur  de  ca(jcy 
ou  cajje  mondée.  L'arbre  qui  la  produit  s'appelle  caf- 
Jiajijlula  alexandrina. 

Le  père  Plumier  dit  que  cet  arbre  reflemble  allez 
à  notre  noyer,  quant  à  l'ordre  de  fes  feuilles,  &  à 
l'arrangement  de  fes  branches  ;  qu'il  a  l'écorce  du 
tronc  plus  fine  ,  plus  polie ,  d'un  gris  cendré  en-de- 
hors ,  &  ,de  couleur  de  chair  en-dedans  ;  que  Ion  bois 
eft  dur  ,  noirâtre  intérieurement ,  &c  environné  d'un 
aubier  pâle  ;  que  les  feuilles  difpolées  deux  à  deux 
fur  des  côtes  menues  ,  vertes ,  longues  d'environ  un 
pié  6c  demi ,  &  plus  grolTes  à  leur  origine ,  ont  à 
peu-près  la  forme  ,  la  couleur ,  &  la  conliftance  de 
celles  du  noyer;  qu'il  y  a  fouvent  cinq  ou  fix  conju- 
gaifons  de  feuilles  fur  chaque  côte  ,  lans  que  cela 
empêche  qu'elles  foient  terminées  par  une  feule  feuil- 
le ;  que  ces  feuilles  font  plus  unies  en  deflus  ,  à  caufe 
de  la  petitefle  de  leurs  nervures  ;  qu'elles  ont  à  peu 
près  la  figure  d'un  fer  de  lance  de  quatre  à  cinq  pou- 
ces de  long  fur  deux  de  large  ;  qu'elles  ont  la  poin- 
te aiguë  ,  &  la  baie  arrondie  ;  que  proche  des  côtes 
il  fort  trois  ou  quatre  pédicules  un  peu  plus  longs  , 
chargés  de  fleurs  ;  que  chaque  fleur  a  fon  pédicule 
long  d'environ  deux  pouces  ,  fon  calice  concave  > 
&  formé  de  cinq  petites  feuilles  prefqu'ovales ,  d'un 
verd  jaunâtre  ,  &  de  la  grandeur  au  plus  de  la  moi- 
tié de  l'ongle  ;  qu'il  part  de  ce  calice  cinq  pétales 
placés  en  rond  ,  d'un  beau  jaune  ,  creufés  &  arron- 
dis en  cuilliere  ;  que  des  cinq  il  y  en  a  deux  un  peu 
plus  grands  que  les  autres;qu'aucun  n'excède  la  gran- 
deur d'un  pouce  ;  qu'ils  font  veinés  dans  toute  leur 
étendue  ;  qu'il  s'élève  aufîi  du  calice  dix  petites  éta- 
mines  ,  d'un  jaune  pâle,  inégales ,  trois  recourbées  , 
&  les  autres  droites  ;  qu'on  voit  au  milieu  d'elles  un 
piftil  long ,  cylindrique  ,  verdâtre  ,  &  recourbé  en 
crochet  ;  que  ce  piftil  dégénère  en  une  goufle  cy- 
lindrique ,  droite ,  longue  d'un  pié  8c  demi ,  &z  d'un 
peu  moins  d'un  pouce  d'épaiflëur  ;  d'ime  fubftance 
ligneufe  &  mince ,  couverte  d'une  pellicule  d'un  noir 
châtain,  ridée  tranfverfalement ,  excepté  du  côté 
du  ventre  &c  du  dos  ,  portant  fur  toute  la  longueur 
une  côte  taillante  ,  lifl'e  &C  unie ,  divifée  en  plulieurs 
petites  cellules  léparées  par  des  lames  minces ,  li- 
gneufes ,  orbiculaires ,  parallèles  ,  8c  couvertes  d'u- 
ne pulpe  moelleule,  douce,  blanchâtre,  jaune  enfui- 
te ,  puis  noire  ;  que  chaque  cellule  contient  une  grai- 
ne dure,  arrondie  ,  plate,  à  peu-près  en  cœur, d'u- 
ne couleur  voiflne  du  châtain ,  8c  attachée  par  un  fil 
délié  aux  parois  de  chaque  cellule  ;  que  l'arbre  fleu- 
rit en  Mai  &c  en  Avril  dans  les  îles  de  l'Amérique  , 
&  qu'il  eft  fans  feuilles  quand  il  eft  en  fleur. 

On  confit  des  bâtons  de  cette  cajfe ,  quand  ils  font 
encore  jeunes  &c  tendres  ;  on  les  appelle  cannïjicium  , 
cannefice.  On  en  mange  quand  on  veut  fe  lâcher  le 
ventre. 

La  moelle  mondée  s'aigrit  quand  on  la  garde  :  elle 
contient  beaucoup  de  phlegme  ,  de  fel  eflenfiel ,  & 
d'huile  :  elle  purge  doucement  les  humeurs  bilieulès, 
&  échauffe  peu  ;  mais  elle  eft  venteufe  ,  8c  donne 
des  vapeurs  à  ceux  qui  y  font  fujets.  Pour  lui  ôter 
cette  qualité,  on  l'atténue  ave  le  lel  végétal  ou  au- 
tre, 8c  on  la  fait  bouillir  légèrement  :  la  dofe  eft  de- 
puis 


CAS 


CAS 


pins  demi-once  jufqu'à  une  once  &  demie.  Le  quar- 
teron en  bâton  équivaut  à  l'once  en  moelle.  Geof- 
froy ,  Mat.  med. 

Préparations  de  cajfe  officinale.  L'extrait  de  cajfe  fe 
fait  en  paftant  la  moelle  à  travers  un  tamis  :  après 
l'avoir  difîous  dans  une  liqueur  convenable ,  on  l'a- 
romatife  avec  la  fleur  d'orange  ,  le  fiicre ,  l'anis  ,  le 
fenouil  ;  on  le  fait  évaporer  pour  lui  donner  la  cqn- 
filtance  de  bol ,  &  l'on  en  donne  dix  gros. 

La  préparation  appellée  diacajfla  cum  rnantut  , 
quoique  de  peu  d'uîage ,  a  Ion  utilité  en  plufieurs 
cas. 

Pour  la  faire ,  prenez  prunes  de  damas  deux  on- 
ces ;  fleurs  de  violette ,  une  poignée  &  demie  ;  eau 
de  fontaine  ,  une  livre  &c  demie  :  faites  bouillir  le 
tout  jufqu'à  diminution  de  moitié ,  &  diffolvez  dans 
la  colature ,  de  la  pulpe  de  cajfe ,  fix  onces  ;  du  fi- 
rop  violât ,  huit  onces  ;  de  la  pulpe  de  tamarin  ,  une 
once  ;  de  lucre  candi ,  une  once  &  demie  ;  de  la 
meilleure  manne ,  deux  onces  :  faites  du  tout  un  élec- 
tuaire. 

L'extrait  de  cajfe  avec  les  feuilles  de  féné  fe  pré- 
pare de  la  manière  fuivante. 

Prenez  du  diacajjia  cum  manna,  deux  livres  ;  feuil- 
les de  féné  pulvérifées ,  deux  onces  ;  femence  de 
carvi ,  une  once  ;  firop  violât ,  quantité  fuffifante  : 
faites  un  électuaire. 

La  pulpe  de  caffe  s'employe  aufîi  à  l'extérieur  dans 
les  cataplafmes  réfolutifs  &  emoliiens.  Quincy,  Phar- 
macop, 

La  caffe  du  Brefd  eft  une  gonfle  plus  courte  que 
celle  de  la  cajjc  d'Egypte,  un  peu  plus  applatie,  & 
très-dure.  L'arbre  qui  la  porte  s'appelle  cajfia  jiflula 
Brafdiana  :  il  eft  grand  &  beau  ;  Ion  tronc  cil  droit, 
lifTe ,  &  cendré  ;  il  étend  les  branches  au  loin  ;  il  eft 
couvert  de  feuilles  portées  fur  une  côte  de  neuf  pou- 
ces ,  6c  attachées  à  de  petites  queues  fort  courtes  : 
elles  font  d'un  verd  clair,  velues  ;  un  peu  inclinées, 
traverfées  longitudinalement  d'une  nervure  rougeâ- 
tre ,  &  tranfverfalement  de  plufieurs  autres  qui  s'é- 
tendent des  deux  côtés  ,  f  e  recourbant  vers  leurs  ex- 
trémités ,  &  fe  réunifiant  au  bord  de  la  feuille.  Les 
fleurs  naiffent  de  l'aiffelle  des  feuilles  ;  elles  font  dif- 
pofées  en  forme  d'épi  fur  des  pédicules  qui  ont  près 
d'un  palme  6c  demi  de  long  :  chaque  fleur  a  fon 
pédicule  propre ,  foible,velu,  long  d'un  pouce.  Les 
boutons  de  ces  fleurs  rcffemblent  à  la  câpre  ,  &  les 
fleurs  épanouies  font  plus  petites  que  celles  de  la  cajj'c 
ordinaire  :  elles  ont  cinq  pétales  de  couleur  de  chair; 
le  milieu  en  cil  occupé  par  dix  étamines  recourbées, 
garnies  de  longs  fommets  ;  les  trois  inférieures  en  font 
une  fois  plus  longues  que  les  fupéricures  :  il  le  trouve 
parmi  elles  un  ftyle  en  croiflant ,  long  6c  velu  ;  ce 
ltyle  dégénère  en  une  gonfle  verte  ,  puis  noire ,  en- 
fuite  brune ,  pendante  quand  elle  eft  mûre ,  longue 
d'environ  deux  pies,  épaifle  de  cinq  doigts,  un  peu 
courbée,  bordée  d'un  côté  &  clans  toute  la  longueur 
de  deux  côtes,  6c  de  l'autre,  d'une  feule  côte  qu'on 
prendroit  pour  une  corde  collée  fous  l'écorce.  L'é- 
corce  en  elt  rude  en-dehors ,  ligneufe  ,  6c  blanche 
en-dedans;  elle  elt  fi  ferme,  qu'on  ne  la  peut  caffer 
qu'avec  le  marteau  :  l'intérieur  en  eft  féparé  en  lo- 
çcs ,  chacune  de  deux  lignes  ou  environ  d'épaiffeur, 
6c  contenant  une  graine  de  la  grandeur  &  figure  d'u- 
ne amande,  d'un  blanc  jaunâtre,  luilante ,  lifTc , 
dure  ,  &  diviféc  d'un  côté  dans  toute  ia  longueur 
par  une  ligne  roufl'atre ,  dont  l'intérieur  elt  blanc  ,  & 
d'une  lubltancc  de  corne.  Outre  cela  chaque  cellule 
renferme  une  pulpe  gluante,  brune  ou  noirâtre  ,  pa- 
reille à  la  cajj'c  ordinaire,  maisamere  &  defagréable: 
cette  pulpe  eft  tres-purgative  ,  au  jugement  de  Lobel 
ix  île  Tournefort.  Geoff.  Mat.  mcd. 

La  cajfe  en  bois ,  ca[]ïa  lignca  ojjîc.  elt  une  écorce 
roulée  en  tuyau  ,  toui-ù-fait  rcllcmblante  par  l'cxté- 
Tomc  U% 


74* 


neur  à  la  canclle  ,  dont  elle  a  la  couleur,  l'odeur  & 
le  goût ,  &  dépouillée  comme  elle  de  fa  pellicule 
extérieure.  On  la  diftingue  de  la  canelle  par  la  foi- 
bleffede  fon  goût  aromatique,  &  paruneghuinolité 
qu'on  hù  trouve  en  la  mâchant  :  elle  elt  tantôt  jau- 
•ne  ,  tantôt  jaune  rougeâtre  :  la  meilleure  eft  celle  qui 
décelé  les  qualités  les  plus  voifines  de  la  canelle. 
L'arbre  qui  la  donne  s'appelle  cinnamomum ,  ou  ca- 
nella  Malabarica  &  Javcnfis  :  c'eft  la  même  efpece  de 
plante  que  celle  qui  donne  la  canelle  de  Ceylan.  On 
fait  peu  d'ufage  de  cette  cajjc.  Geoffroy  préfume 
qu'elle  a  été  connue  des  anciens.  Elle  palî'e  pour  aie* 
xipharmaque  6c  ftomachique.  On  la  préfère  à  la  ca- 
nelle quand  il  s'agit  de  refferrer.  On  la  confeille  dans 
l'althme ,  la  toux ,  les  diarrhées,  &  les  dyffenteries. 
On  l'employé  dans  la  thériaque,le  mithridat,  &c. 

La  cap  giroflée ,  cajfui  caryophillata  off.  elt  auifi  une 
écorce  comme  la  canelle,  dont  l'odeur  de  girofle 
devient  fi  vive  &  fi  forte  ,  que  la  langue  en  eft  affec- 
tée comme  d'un  caultique  léger;  durefte  ellereffem- 
ble  à  la  canelle  :  c'eft  l'arbre  appelle  caninga  qui  la, 
donne  :  il  elt  grand  &  haut  ;  fon  tronc  eft  gros  &. 
brun  ;  fes  feuilles ,  fembiables  par  la  forme  à  celles 
du  canellier,  font  plus  grandes:  il  eft  commun  dans 
l'de  de  Cuba ,  &  dans  les  contrées  méridionales  de 
la  Guyane.  On  attribue  à  l'écorce  les  propriétés  du 
girofle ,  auquel  on  la  fubftitue  dans  les  affaifonne- 
mens.  Geoffroy  prétend  que  les  anciens  Grecs  & 
Arabes  ne  l'ont  point  connue.  On  la  croit  ftomachi- 
que &  alexipharmaque ,  mais  dans  un  degré  fort  au- 
deffous  du  clou  de  girofle.  Geoff.  Mae.  mcd. 

*  Casse  ,  f.  m.  (  Métallurgie.  )  on  donne  ce  nom 
en  général  en  plufieurs  endroits  à  une  grande  poelle  : 
mais  il  défigne  particulièrement  à  Sainte-Marie  aux 
mines ,  &  en  différentes  autres  ufines  où  l'on  travadle 
les  mines  de  cuivre,  de  plomb, &  d'argent,  une  ca- 
vité préparée  au-dehors  des  fourneaux  d'afîinage  , 
dans  laquelle  le  métal  fe  rend  au  fortir  du  fourneau  , 
par  un  trou  pratiqué  à  fa  partie  inférieure.  Foyt^ 
Cuivre. 

Les  Orfèvres  &  les  Monnoyeurs  donnent  aufîi  le 
nom  de  cajjc  à  un  vaiiîeau  fait  de  cendres  de  leffive 
&  d'os  de  mouton  calcinés ,  dont  ils  le  fervent  dans 
l'affinage  de  For  6c  de  l'argent,  ou  lorlqu'il  s'agit 
d'affeoir  le  cuivre  en  bain. 

Casse  des  Kubaniers ,  efpece  de  peigne  qui  fe  fait 
de  la  manière  fuivante.  On  prend  un  morceau  de 
corne  long  de  quatre  jufqu'à  fix  pouces  ,  large  de 
cinq  à  lix  lignes ,  affez  épais  pour  être  coupé  en  deux  ; 
ce  morceau  de  corne  le  refend  dans  toute  fon  épail- 
leur,  mais  non  pas  dans  toute  la  largeur,  &  cela  à 
peu  près  comme  les  Tablettiers  retendent  leurs  pei- 
gnes ;  il  elt  enfuite  fcié  en  deux  dans  fon  épaiffeur, 
ce  qui  donne  deux  parties  dont  les  dentures  font  par- 
faitement égales  ;  l'une  forme  le  haut  de  la  catfc,  6c 
l'autre  le  bas  :  ces  deux  morceaux  font  enfuite  aflem- 
blés  à  queue  d'aronde  avec  deux  morceaux  de  bois 
de  pareille  épaiffeur ,  &  arrêtés  6c  fixés  enlemble  par 
les  angles  avec  de  la  petite  ficelle  :  ainli  voilà  un 
quatre  dont  toutes  les  dentures  lônt  remplies  cha- 
cune d'une  dent  d'acier  qui  trouve  fa  place  en  haut 
6c  en-bas  dans  chacun  des  interltices  de  cette  den- 
ture. Quand  toutes  les  dents  font  ainli  placées,  on 
couche  fur  le  devant  de  la  denture  Cv  à  plat  une  de 
ces  mêmes  dents  ,  que  l'on  lie  par  les  bouts  ;  par  ce 
moyen  toutes  les  dents  font  tenues  dans  leur  lîtua- 
tion  :  on  garnit  le  defliis  &  le  deffous  d'une  bande 
de  papier  ou  de  carton  ,  pour  empêcher  les  dents  de 
s'échapper  par  les  ouvertures  des  morceaux  de  cor- 
ne. La  cajfe  fert  ainli  de  peigne  dans  les  forts  ouvra- 
ges,  ou  ies  dents  de  canne  feraient  trop  foibles,  6c 
ne  rélilteroient  pas. 

*  Casses  ,  C  f.  (  Commerce.}  c'elt  ainli  qu'on  ap- 
pelle des  mouffelines  ou  des  toiles  de  coton  blanches 
1  BBbbb 


74<5 


CAS 


&  fines ,  qui  viennent  des  Indes  orientales  ,  mais  fur- 
tout  de  Bengale  :  c'elt  pour  cette  raiibn  qu'on  les  ap- 
pelle cafés  Bengale*.  Elles  ont  feize  aunes  de  long  , 
fur  huit  de  large. 

CASSEAU ,  f.  m.  on  entend  par  ce  terme  dans 
V Imprimerie ,  le  diminutif  d'une  caffe  :  c'eft  une  ef- 
pece  de  tiroir  dont  les  caffetins  ou  compartimens 


auquel 

ordinairement  de  quarante-neuf,  ou  de  fept  en  tout 
fens ,  parce  qu'il  eft  exactement  quarré.  Le  cafeau 
fert  à  mettre  les  lettres  de  deux  points ,  ou  les  vi- 
gnettes de  fonte  :  on  lui  donne  le  nom  du  corps  de 
caractère  qu'il  renferme.  Il  y  a  le  cafeau  de  deux 
points  de  Gros-romain ,  celui  de  deux  points  de  Saint- 
Auguftin ,  &  ainfi  des  autres  corps  de  caraûeres. 

*  CASSEAU,  f.  m.  {art  de  faire  la  dentelle)  ;  c'eft 
un  petit  morceau  de  corne  fort  mince  ,  teint  en  rou- 
ge ou  en  autre  couleur ,  d'un  quart  ou  d'une  demi- 
ligne  d'épais ,  de  cinq  à  fix  lignes  de  haut,  d'un  pou- 
ce ou  environ  de  large  ,  replié  de  manière  que  fes 
deux  extrémités  rapprochées  &  arrêtées  par  un  fil , 
forment  une  efpece  de  petit  étui  dans  lequel  on  met 
la  cafle  du  fufeau  à  faire  la  dentelle  quand  il  eft  char- 
gé de  fil ,  afin  d'empêcher  le  fil  de  s'éventer.  Lorfque 
le  fil  eft  éventé  ,  il  lé  caflé  facilement  ;  aufli  eft-iî  à 
propos  que  celles  qui  font  la  dentelle  travaillent  à 
l'ombre.  Vcye^  Dentelle. 

CASSE-ÂIGUILLE ,  f.  m.  ouvrier  occupé  dans 
les  falines.  Voyei  Aiguilleur  ,  voyei  Salines. 

CASSEL,  ville  de  France  dans  la  Flandre,  à  qua- 
tre lieues  de  S.  Orner.  Long.  zo.  _o.  _o.  lut.  3o.  4J. 
64. 

Cassel,  belle  &  forte  ville  d'Allemagne  ,  capi- 
tale du  Landgraviat  de  Heffe-Caffel.  Long.  zj.  10. 
Ut.  5i.  zo. 

*  CASSE-MOTTE  ,  f.  f.  (  Agricult.  )  infiniment 
dont  le  nom  indique  allez  l'ufage  ;  c'eft  une  mafïïie 
de  bois  dur  qu'on  employé  dans  les  terres  fortes  : 
elle  eft  greffe  comme  la  cuiffe.  On  la  cercle  de  fer , 
&  l'on  y  ajufte  un  manche  d'environ  quatre  pies  de 
long.  Voye{  cet  instrument ,  PL  d'Agriculture. 

CASSENA  ,  (  Géog.  )  royaume  d'Afrique ,  dans  la 
Nigritie  ,  tributaire  de  celui  de  Tombut. 

CASSENEUIL ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France 
dans  l'Açénois ,  fur  la  rivière  de  Lot. 

CASSE-NOISETTE,  f.  m.  {Hifi.nat.  Ornithol.) 
j>icus  cinereus, fiera,  oif  eau  qui  a  aufîi  été  nommé  torche- 
pot &  grimpereau  ;  il  eft  un  peu  plus  petit  que  le  p  inçon, 
à  peine  pefe-t-il  une  once.  Il  afix  pouces  de  longueur 
depuis  la  pointe  du  bec  jufqu'au  bout  des  pâtes  ;  le 
bec  a  fept  huitièmes  de  pouce ,  depuis  fa  pointe  juf- 
qu'à  l'angle  de  la  bouche.  Il  eft  triangulaire  ;  la  pie- 
ce  du  deffus  eft  noire ,  &  celle  du  bas  eft  blanchâtre 
à  fa  racine.  Sa  langue  eft  large  &  pas  plus  longue  que 
le  bec  ;  elle  eft  dure  à  fon  extrémité  &  déchiquetée. 
L'ouverture  des  narines  eft  ronde  &  recouverte  par 
des  poils  ou  foies  roides  ;  la  tête ,  le  cou  ,  &  le  dos 
font  cendrés.  Les  côtés  du  corps  fous  les  ailes  font 
rougeâtres  ;  la  gorge  &  la  poitrine  font  d'un  blanc 
rouffâtre  :  les  plumes  du  deffous  de  la  queue  font  rou- 
geâtres fur  les  côtés ,  &  blanches  dans  le  milieu.  Il  y 
a  une  longue  bande  noire  qui  s'étend  depuis  le  bec  , 
jufque  fur  le  cou  en  paffant  fur  les  yeux.  Chaque  ai- 
le a  dix-huit  grandes  plumes  :  la  première  eft  très-cour- 
te &  fort  petite;  les  intérieures  font  cendrées,  &  les 
extérieures  font  plus  brunes  :  le  tuyau  de  toutes  ces 
plumes  eft  noir.  Il  y  a  deux  taches  fur  la  face  infé- 
rieure des  ailes  ;  l'une  eft  noire  &  affez  grande  fur  la 
côte  de  l'aileron  ;  l'autre  blanche  &  plus  petite  au- 
deffous  de  la  noire  fur  la  racine  des  grandes  plumes 
de  l'aileron.  La  queue  eft  courte ,  elle  a  à  peine  deux 
pouces  de  longueur  >  &  elle  eft  compofée  de  douze 


CAS 

plumes,  dont  les  deux  du  milieu  font  de  couleur  cen* 
drée  comme  le  dos.  La  plume  qui  fuit  de  chaque  côté 
eft  de  couleur  cendrée  dans  le  bas ,  &  noire  dans  le 
refte ,  à  l'exception  de  la  pointe  qui  eft  cendrée ,  avec 
un  peu  de  noir  au  bout  du  tuyau  ;  la  troiiieme  plu- 
me n'a  prefque  point  de  couleur  cendrée  dans  le  bas  , 
mais  ii  y  a  une  plus  grande  tache  cendrée  à  la  poin- 
te.; au  refte  elle  refiemble  à  la  féconde.  La  quatriè- 
me efi  noire  fur  plus  des  trois  quarts  de  fa  longueur  , 
&  il  y  a  à  l'extrémité  fupérieure  une  marque  blanche 
fur  les  barbes  intérieures  ;  les  barbes  extérieures  qui 
font  à  la  môme  hauteur  font  cendrées  ;  la  pointe  de 
la  plume  eft  aufli  de  couleur  cendrée  ,  mais  un  peu 
plus  foncée  :  l'avant-derniere  plume  ne  diffère  de  la 
précédente  qu'en  ce  que  le  blanc  &c  le  cendré  font 
un  peu  plus  étendus ,  &  qu'en  ce  qu'il  y  a  un  peu  de 
blanc  fur  le  côté  extérieur  au-deiious  de  la  marque 
cendrée  ;  les  barbes  extérieures  du  milieu  de  la  der- 
nière plume  font  entièrement  blanches.  Cette  mar- 
que occupe  environ  un  tiers  de  la  longueur  de  la 
plume ,  &  le  trouve  immédiatement  au-deffous  de  la 
couleur  cendrée ,  qui  eft  au-defîus  de  la  plume  :  au 
refte  cette  plume  refiemble  aux  deux  précédentes  ; 
toute  la  différence  qu'on  y  peut  obierver ,  eft  que  la 
marque  cendrée  du  deffus  &  le  blanc  qui  eft  lur  le 
côté  extérieur  font  plus  étendus.  Les  pâtes  font  de 
couleur  de  chair  avec  une  légère  teinte  de  brun.  Les 
ongles  font  bruns  ,  longs ,  &  crochus  ;  cet  oifeau 
n'a  qu'un  doigt  de  derrière  qui  eft  égal  à  celui  du  mi- 
lieu ,  fon  ongle  eft  le  plus  long.  Les  doigts  extérieurs 
de  chaque  côté  tiennent  au  doigt  du  milieu  à  leur 
racine  ;  le  doigt  extérieur  eft  le  plus  petit  :  on  trouve 
dans  l'eftomac  de  cet  oifeau  des  icarabées.  Il  niche 
dans  des  trous  d'arbre  ;  6c  quand  l'ouverture  qui  lui 
fert  de  paflage  eft  trop  grande  ,  il  la  rétrécit  en  Ja 
bouchant  avec  de  la  terre  :  il  ne  le  nourrit  pas  feu- 
lement d'infectes,  il  mange  aulïï  des  noifettes  ;  il  en 
fait  provilion  pour  l'hyver.  La  façon  dont  il  les  caffe 
eft  affez  iinguliere  ;  il  met  une  noilette  dans  une  fen- 
te pour  l'affùrer  en  place  ,  &  enluite  il  frappe  deffus 
de  toute  fa  force  avec  fon  bec,  jufqu'à  ce  qu'il  ait 
percé  la  coque,  alors  il  lui  eft  facile  de  tirer  l'amande 
par  le  trou  qu'il  a  fait.  Willughby  ,  omit.  V.  Oiseau. 
CASSE-NoiX,f.  m.  {Hifi.nat.  Omit.)  cary  ocataSes, 
oifeau  qui  a  environ  un  pié  de  longueur  depuis  l'ex- 
trémité du  bec ,  jufqu'au  bout  des  pâtes  ou  des  aîles  ; 
car  les  unes  &  les  autres  font  également  longues  : 
l'envergure  eft  d'environ  un  pié  neuf  pouces.  Le  bec 
a  près  de  deux  pouces  de  longueur ,  depuis  la  pointe 
jusqu'aux  coins  de  la  bouche  ;  il  eft  noir  &  fort  :  la 
pièce  fupérieure  eft  un  peu  plus  avancée  que  l'infé- 
rieure ,  ck  elle  n'eft  pas  pointue.  La  langue  eft  cour- 
te ,  fourchue ,  &  très-profondément  découpée  ;  l'iris 
des  yeux  eft  de  couleur  de  noifette  :  l'ouverture  des 
narines  eft  ronde  &  recouverte  par  de  petites  foies 
blanchâtres.  Tout  le  corps  de  cet  oifeau  eft  de  cou- 
leur ronfle ,  mêlée  de  brun  &  parfémé  de  taches 
blanches  triangulaires  par  tout ,  excepté  fur  la  tête. 
Les  taches  de  la  poitrine  font  les  plus  grandes ,  &  le 
deffus  de  l'oifeau  eft  d'une  couleur  plus  rouffe  que 
le  refte  du  corps.  Il  y  a  du  blanc  entre  le  bec  &  les 
yeux  ;  ôc  les  plumes  qui  font  au-delà  de  l'anus  fous 
la  queue  font  aufli  très-blanches  :  les  grandes  plumes 
des  ailes  font  noirâtres.  La  queue  a  près  de  cinq  pou- 
ces de  longueur  ;  elle  eft  compofée  de  douze  plumes  : 
plus  de  la  moitié  des  plumes  extérieures  de  chaque 
côté  -eft  blanche  ;  celles  qui  fuivent  ont  moins  de 
blanc  ,  &c  l'étendue  de  cette  couleur  diminue  par 
degrés  dans  chaque  plume  ,  jufqu'à  celle  du  milieu 
011  il  n'y  a  prefque  point  de  blanc.  Les  pâtes  &  les 
ongles  font  noirs  ;  le  doigt  extérieur  tient  au  doigt  du 
milieu  par  fa  bafe.  Cet  oifeau  mange  des  noix  ;  c'eft 
pour  quoi  on  l'a  nommé  cafe-noix,  Willughby  f  omit, 
Voye^  Oiseau.  (/) 


CAS 

Casse-Noix.  Voye^  Gros-bec. 

*  CASSENOLLE  ,  f.  f.  (  Teint.  )  c'cft  ainfi  que 
ïes  Teinturiers  appellent  la  noix  de  galle,  dont  ils 
font  grand  ufage.  Voye^  Teinture. 

CASSER ,  (  en  terme  de  Palais  )  c'efl:  annuller ,  dé- 
clarer nul  un  acfo ,  une  convention ,  un  contrat. 

CASSER  des  troupes,  lignifie  les  licencier,  les  ré- 
former. 

CASSER  une  charge,  c'efl  la  fupprimer;  caffer  l'of- 
ficier qui  en  efl  pourvu  ,  c'ell  l'en  dépofféder.   (  H) 

CASSER  ,  (en  terme  de  Raffineur  de  fucre)  c'eft  l'ac- 
tion d'ouvrir  les  barrils  en  brilant  les  cerceaux  à  coups 
de  hache  ,  pour  en  tirer  plus  aifément  les  matières. 

CASSE  MUS  ,  (Muscle  de)  Anatom.  mulcle  du 
marteau  qui  porte  le  nom  de  l'Anatomifle  qui  le  dé- 
couvrit ;  voyt\  Oreille  :  cet  Anatomifte  rut  difoi- 
ple,  rival ,  &  fucceffeur  d'Aquapendente.  Il  a  écrit 
de  Organis  vocis  &  auditus  ;  une  nouvelle  Anatomie 
de  Organis  fenfuum.  La  bonne  édition  de  les  œuvres 
efl  de  Venile  ,  1609.  (  L  ) 

CASSEROLLE,  f.  f.  uflencile  de  cuifine  à  queue , 
en  forme  de  baffin  de  cuivre  rouge  étamé  ,  plus  ou 
moins  profond  à  proportion  de  Ion  diamètre. 

CASSERON  ,  voye{  CALMAR. 

CASSETTE  ,  f.  f.  eft  fynonyme  à  un  petit  coffre  ; 
les  cajfettes  font  deftinées  à  enfermer  des  choies  qui 
tiennent  peu  de  volume. 

Cassette,  eft  une  efpece  de  boîte  divifée  en 
quatre  cafés  ,  dans  lefquellcs  les  Tailleurs  mettent  le 
fil  ck  le  poil  de  chèvre  dévidés  fur  des  pelottes ,  afin 
de  les  avoir  tout  prêts  fous  leur  main ,  &  de  pouvoir 
s'en  fervir  dans  le  befoin. 

Cette  caffette  fert  aulfi  de  pié  à  leur  chandelier , 
quand  ils  travaillent  à  la  lumière.  Voyt{  PL  du  Tail- 
leur. 

CASSIE  ,  f.  f.  acacia ,  (  Hijl.  nat.  bot.  )  genre  de 
plante  à  fleur  monopétale ,  faite  en  forme  d'enton- 
noir, dans  laquelle  il  y  a  quantité  d'étamines  raflem- 
blées  en  touffe.  Le  piftil  fort  du  fond  de  la  fleur ,  ck 
devient  dans  la  fuite  une  filique  qui  efl  diviiée  en 
plufieurs  cellules  ,  &  qui  renferme  des  lemences  ar- 
rondies. Tournefort ,  Injl.  rei  herb.  Voye^  Plante. 

(7) 

C ASSIMERA ,  (  Géog.  )  pays  d'Alie  dans  les  états 
du  grand  -  mogol  ,  aux  frontières  de  la  grande  Tar- 
tarie. 

*  CASSIM-GHEURI ,  (  Hijl.  mod.  )  c'efl  le  nom 
que  les  Turcs  &  les  Grecs  Levantins  donnent  à  la 
fête  de  S.  Dcmetrius.  Ce  jour  efl  fort  redouté  par 
les  matelots  &  gens  de  mer  ,  &  ils  n'oient  jamais  fe 
hafarder  à  tenir  la  mer  ce  jour-là  ,  &.  font  toujours 
enlorte  d'être  dans  le  port  dix  jours  avant  que  cette 
fête  arrive. 

*  CASSIN  ,  f.  m.  partie  du  métier  à  étoffes  de  foie  ,  à 
gafe  ,  tkc.  c'efl  un  cadre  de  deux  pies  &:  demi  de 
long  fur  vingt  pouces  de  large ,  qui  efl  appuyé  ou 
porté  par  les  deux  eftalcs  du  métier  ,  &  qui  foutient 
un  autre  cadre  en  talud  ,  appelle  cage ,  garni  de  pe- 
tites lames  d'une  ligne  d'épaifleur  ,  entre  lefquellcs 
font  enfilées  fur  des  verges  de  fer  qui  leur  fervent 
d'axe  ,  les  rangées  de  poulies  fur  lefquellcs  les  cor- 
des de  rame  font  paflees.  Voye^  Estases  ,  Rame, 
&  Velours  ciselé.  Le  montant  du  caffm  efl  la 
partie  qui  foutient  la  cage.  VA  du  caffin  efl  la  pièce 
de  bois  qui  tient  les  brancards  &  montans  arrêtés. 

C  A  s  s  1 N  volant,  c'efl  ainii  qu'on  appelle  un 
CiiJJin  ordinaire  ,  garni  de  tous  l'es  cordages  ,  rame  , 
femple  ,  dont  on  fe  fert  pour  la  leclure  des  defleins, 
tandis  que  les  autres  métiers  travaillent.  Une  ai- 
guille de  plomb  du  poids  de  quatre  onces  ,  détend 
la  corde  de  rame ,  ck.  par  conféquent  celle  de  fem- 
ple. l'oyei  Rame  ,  Semple  ,  &  Velours. 

*  CASSINE  ou  THÉ  df.  la  mfr  du  Sud  ,  (  Hijl. 
nat.  bot.  )  On  lit  dans  Miller ,  que  les  Indiens  de  ces 

Tome  II. 


CAS 


747 


contrées  en  font  grand  cas  ,  &  que  c'eft  prefque  le 
feul  remède  dont  ils  faflent  ufage  à  la  Caroline.  Dans 
un  tems  fixe  de  l'année  ,  ils  accourent  de  fort  loin 
fur  les  bords  de  la  mer,  dont  le  caffine  n'eft  jamais 
éloigné.  Ils  prennent  fa  feuille  ,  la  mènent  clans  une 
chaudière  pleine  d'eau,  &  la  font  bouillir  fur  le  fou. 
Quand  Pinfufion  ou  la  décoftion  en  efl  fuffifamment 
faite,  ils  s'affeyent  autour  de  la  chaudière,  &  chacun 
en  avale  dans  une  grande  tafle  qui  fait  la  rende.  Ils 
continuent  l'ulage  de  cette  infuîion  pendant  deux 
ou  trois  jours.  Elle  a  la  propriété  de  les  faire  vomir 
fans  effort ,  fans  douleur  ,  ians  tranchées ,  ck  fans 
qu'ils  foient  obligés  de  febaifier. Quand  ils  fe  cro-  ent 
affez  purgés ,  ils  fe  chargent  tous  d'une  braflee  des 
mêmes  fouilles,  &  s'en  retournent  dans  leurs  habi- 
tations. 

M.  Frezier  dit  que  les  Efpagnols  ufeht  de  ce  re- 
mède contre  les  exhalaifons  des  mines  du  Pérou  , 
tk  qu'on  en  fait  grand  ufage  à  Lima  ,  011  on  l'apporte 
foche  &  prefque  réduite  en  poudre.  On  met  fa  fouille 
dans  une  tafle  de  calcbafle,  qu'on  appelle  mate;  on 
y  ajoute  du  fucre  ,  &  l'on  arrofe  le  tout  d'eau  chau- 
de ,  qu'on  boit  fans  donner  le  tems  à  l'inrufion  de  fe 
faire.  Pour  ne  pas  avaler  les  feuilles ,  on  fe  fort  d'un 
chalumeau  qui  a  une  boule  percée  de  trous  à  Ion  ex- 
trémité. Ce  chalumeau  fait  la  ronde.  On  remet  du 
fucre  &  de  l'eau  fur  la  feuille ,  quand  la  tafle  eft 
vuide.  Au  lieu  du  chalumeau  ,  qu'on  appelle  bom- 
billa ,  d'autres  enlèvent  les  feuilles  avec  une  petite 
écumoire  appellée  apartador.  Cette  liqueur  efl 
rée  au  thé  ;  elle  a  un  goût  plus  agréable.  L'uiage  en 
eft  fi  commun  ,  que  les  habitans  les  plus  pauvres  en 
prennent  le  matin. 

Le  commerce  s'en  fait  à  Santa-Fé  :  on  l'apporte 
par  la  rivière  de  la  Plata.  On  en  diflingue  deux  ef- 
peces  ;  l'une  appellée  yerba  de  palos  ,  ck  l'autre yer- 
ba  de  camini  :  celle-ci  qui  vient  du  Paraguai ,  fe  vend 
la  moitié  plus  cher  que  l'autre.  On  aflure  qu'on  en 
tire  tous  les  ans  plus  de  deux  cents  cinquante  mille 
pelant.  Voyelle  Dicl.  de  Médecine. 

CASSINOGOROD  ,  {Géog.  )  ville  de  l'empire 
Ruffien  dans  la  principauté  de  CaiTmo-»'.  Long.  6z. 
3.  Lu.  $j>.  zo. 

CASSINOIDE ,  f .  f .  (  Géom.  )  courbe  connue  des 
Géomètres  fous  le  nom  à'ellipfe  de  M.  Cajfini,  ou 
tllipft  Cajjinienne.  Voye^  ELLIPSE.   (  O  ) 

C  A  S  S  I O  P  É  E ,  f.  f.  (  Afironomie.  )  c'efl  une  des 
conflellations  de  l'hémifphere  feptentnonal  ;  elle  eft 
fituée  proche  Céphée.  foyc^  Constellation. 

Il  parut  en  1571,  une  nouvelle  étoile  dans  cette 
conflellation  ,  qui  furpaflbit  d'abord  Jupiter  en  éclat 
tk  en  grandeur:  mais  elle  diminua  peu-  à -peu,  & 
difparut  au  bout  de  dix-huit  mois.  Elle  exerça  tous 
les  Aflronomes  de  ce  tems.  Elle  fut  la  matière  des 
écrits  de  plufieurs  d'entre-cux.  Tycho-Brahé ,  Ke- 
pler, Maurolycus  ,  Licetus,  Beze,  le  Landgrave  de 
Helîe  ,  Rofa  ,  &c.  prétendirent  que  c'etoit  une  co- 
mète ;  d'autres  ajoùtoient  de  plus  que  c'etoit  la  biêmâ 
que  celle  qui  avoit  paru  a  la  naiflanec  de  .lelus-Chrifl, 
&  qu'elle  annonçoit  fon  fécond  avènement.  Tycho 
les  réfuta.  Voye{  Comète  &  Étoile. 

Caffîopée  a  1  3  étoiles  dans  le  catalogue  de  Ptolo- 
mée;  ib'  dans  celui  de  Tycho  ,  &  56  dans  Fl.un- 
fleed ,  ou  dans  le  catalogue  Britannique.  (  O  ) 

CASSIS  ou  CASSIER,  f.  m.  (  Hijl.  nat.  bot.  )  eft 
une  des  lîx  efpeces  de  grofelier  de  Boerhaave  ,  ou 
des  quatorze  que  compte  Miller. 

Le  nom  de  caffier,  ou  plutôt  île  f.#»,  qui  a  pré- 
fentement  paffé  en  ufaj  e  ,  lui  a  été  donne  par  les 
Poitevins.  Quelques-uns  l'appellent  trèi 
ment  poivrier.  La  dénomination  de  caffier  efl  équivo- 
que ;  celle  de  caffii  ne  méritoit  guère  de  taiie  for- 
tune' On  devroit  nommer  cet  arbriffeau  gmjelicr  noir. 

B  B  b  b  b  ij 


743 


CAS 


pe 


En  effet,  c'eft  le  rites  nigrum  ou  nigra  ,  rites  fruau 
mgro,  folio  olente  des  Botaniftes.  . 

Ses  feuilles  font  femblables  à  celles  de  la  vigne  ; 
elles  font  larges,  un  peu  velues  en -défions  d'une 
odeur  fétide ,  ainfi  que  fes  fleurs  qui  naiffent  du  me- 

:  tubercule  plufieurs  enfemble ,  ramaffées  en  grap- 

,  &  reffemblant  à  celles  du  grofelier  blanc  épi- 
neux. Ses  baies  font  oblongues  ,  noires ,  acides,  foit 
qu'elles  foient  mûres  ,  foit  qu'elles  foient  vertes , 
d'une  faveur  peu  agréable.  Cette  plante  vient  com- 
munément dans  le  Poitou  &  la  Touraine  :  elle  eft 
plus  rare  aux  environs  de  Paris ,  ÔC  on  la  trouve  feu- 
lement auprès  de  Montmorency. 

On  la  cultive  dans  quelques  jardins ,  mais  très-ra- 
rement, à  caufe  de  fon  peu  d'efficace  réelle  en  Mé- 
decine. Sa  principale  vertu  confifte  à  être  apéritive 
&  diurétique  :  c'eft  pourquoi  quelques  auteurs  pref- 
crivent  le  fuc  exprimé  de  fes  feuilles  fraîches  ,  leur 
infuiion  ou  décoction ,  dans  les  douleurs  de  reins  &C 
de  la  vefîie. 

On  prépare  dans  plufieurs  boutiques  d'Apothi- 
caires un  lîrop  ,  ou  une  conferve  des  feuilles  ;  & 
dans  quelques  maifons  une  gelée  du  fruit ,  qui  n'a  ni 
l'odeur,  ni  l'agrément  de  celle  des  grofeilles  rouges. 

Paul  Contant  a  vanté  fi  fortement,  fi  pofitivement 
les  vertus  du  caffis  pour  la  guérifon  de  l'hydropilie 
&  de  la  morfure  des  vipères ,  qu'il  a  trouvé  bien  des 
gens  qui  lui  ont  ajouté  foi.  Cet  Apothicaire  de  Poi- 
tiers eft  le  premier  qui  a  mis  cette  plante  en  réputa- 
tion dans  les  provinces  méridionales  de  France  ;  & 
par  une  bifarrerie  qui  dépend  peut-être  de  la  mau- 
vaife  odeur  de  fes  fleurs ,  de  fes  feuilles  ,  &c  du  mau- 
vais goût  de  fon  fruit ,  elle  a  trouvé  de  tems  en  tems 
des  panégyriftes  qui  ont  du  moins  refïïifcité  la  mé- 
moire de  fon  nom. 

On  vit  paroître  en  1711  à  Bourdeaux  ,  un  petit 
traité  intitulé  Propriétés  admirables  du  caffis  ,  dans 
lequel  il  eft  vanté  comme  une  panacée  univerfelle 
pour  toutes  fortes  de  maladies.  Peu  de  tems  après , 
M.  Chauvelin ,  qui  a  été  intendant  de  Touraine ,  en- 
fuite  de  Picardie  ,  confeiller  d'état ,  mais  qui  n'étoit 
pas  médecin  ,  s'engoiia  des  vertus  du  cafjïcr ,  &:  ré- 
pandit dans  le  public  pour  la  guérifon  de  la  rage  une 
compofition ,  qu'on  difoit  éprouvée ,  dont  les  feuilles 
de  cet  arbriffeau  étoient  la  baie. 

Enfin  il  y  a  environ  dix  ans  qu'on  renouvella  en 
Guienne  les  anciens  éloges  qu'on  avoit  ci  -  devant 
prodigués  au  caffis  :  mais  comme  nous  donnons  avec 
vivacité  dans  les  nouveautés  réelles  ou  prétendues  , 
nous  nous  en  dégoûtons  de  même.  Ces  éloges  tom- 
bèrent l'année  fuivante  ;  la  compofition  de  M.  Chau- 
velin contre  la  rage  ,  a  fait  place  à  d'autres  ;  &  tou- 
tes les  vertus  du  caffis  contre  la  morfure  des  vipères , 
l'hydropifie ,  la  pierre ,  &  le  rhûmatifme,  fe  font  éva- 
nouies dans  les  pays  où  on  les  avoit  refïïifcitées. 
Article  communiqué  par  M.  le  CHEV.  DE  JaUCOURT. 

Cassis  ,  (  Geog.  )  petite  ville  de  France  en  Pro- 
vence ,  avec  un  petit  port  de  mer. 

CASSOLETTE ,  f.  f.  {Architecture.}  efpece  de 
vafes  iiblés  de  peu  de  hauteur  ,  compofés  de  mem- 
bres d'architecture  ôc  de  fculpture  ,  du  fommet  & 
fouvent  des  côtés  defquels  s'exhalent  des  flammes 
ou  des  parfums  affeôés.  Ils  fervent  fouvent  d'amor- 
tiffement  à  l'extrémité  fupérieure  d'une  maifon  de 
plaifance  ,  comme  on  voit  au  château  de  Marli  ;  ou 
bien  ils  couronnent  les  retables  d'autels  :  on  les  em- 
ployé auffi  dans  la  décoration  des  catafalques  ,  des 


CAS 

arcs  de  triomphes ,  feux  d'artifices ,  &c.  (  P  ) 

Cassolette  ,  (  Parfumeur.  )  on  donne  ce  nom  à 
deux  inftrumens  deftinés  au  même  effet ,  mais  d'une 
forme  différente  :  l'un  eft  une  efpece  de  réchaud  fur 
lequel  on  fait  brûler  des  parfums  ;  l'autre  eft  une  pe- 
tite boîte  d'or  ou  d'argent  portative  ,  dans  laquelle 
on  les  renferme. 

On  appelle  aufîi  cajfokttc  la  compofition  odorifé- 
rante. Il  eft  inutile  de  donner  cette  compofition.  On 
formera  une  cafjolettc  de  l'amas  de  tout  ce  qui  rend 
une  odeur  agréable ,  obfervant  toutefois  qu'il  y  ait 
une  certaine  analogie  entre  les  odeurs  ;  car  il  peut 
arriver  ou  qu'elles  foient  rendues  plus  fuaves,  ou 
qu'elles  fe  corrompent  par  le  mélange. 

*  CASSONADE ,  f.  f.  (  Hifl  nat.  )  efpece  de  fucre 
que  les  Portugais  du  Brelîl  ont  les  premiers  apporté 
en  France  ;  &  comme  ils  le  livroient  dans  des  caiffes 
qu'ils  appellent  caffis ,  on  lui  a  donné  le  nom  de  caf- 

fonade.  Voye?  l'article  SUCRE. 

*  CASSORORARI ,  (Hift.  nat.  lchthyolog.)  petit 
poiffon  de  mer  de  la  grolfeur  de  Fanchois  ,  &:  beau- 
coup plus  recherché.  Il  fe  pêche  dans  les  mers  des 
Indes  occidentales.  On  dit  qu'il  a  deux  prunelles  à 
chaque  œil ,  à  l'aide  defquelles  on  ajoute  qu'il  voit 
en  même  tems  en-deffus  &  en-deffous. 

CASSOVIE  ou  CASCHAU,  (  Géog.  )  ville  fort* 
de  la  haute  Hongrie ,  capitale  du  comté  d'Abanwy- 
var.  Long.  38.  z8.  lat.  48.  38. 

CASSUBIE,  (la)  Géog.  continent  d'Allemagne 
dans  la  Poméranie  ultérieure ,  fur  la  mer  Baltique. 
Ses  villes  les  plus  confidérables  font  Colberg ,  Bel- 
gard,  &  Coilin. 

CASTAGNEDOLI ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie 
dans  les  états  de  la  république  de  Gènes. 

CASTAGNEDOLO  ,  (  Géog.  )  ville  d'Italie  dans 
le  Brefcian  ,  dépendante  de  la  république  de  Venife. 

*  CASTAGNETTES  ,  f.  m.  pi.  (  Mufiq.  &  Luth.) 
infiniment  de  pereuffion  en  ufage  chez  les  Maures , 
les  Efpagnols ,  &  les  Bohémiens.  Il  eft  compofé  de 
deux  petites  pièces  de  bois  , rondes,  féches,  conca- 
ves ,  &  de  la  grandeur  à  peine  d'un  écu  de  fix  livres. 
On  s'en  fert  pour  accompagner  des  airs  de  danfe  ; 
les  concavités  s'appliquent  l'une  contre  l'autre  quand 
on  en  joue.  C'cft  pour  cet  effet  que  les  deux  pièces 
font  attachées  enfemble  par  un  cordon  paffé  dans 
un  trou  percé  à  une  petite  éminence  laiffée  au  bord 
de  la  caflagnette  ,  &  qui  en  eft  comme  le  manche.  Le 
cordon  fe  tourne  ou  fur  le  pouce  ou  fur  le  doigt  du 
milieu  ;  s'il  eft  tourné  furie  pouce  ,  c'eft  le  doigt  du 
milieu  qui  fait  réfonner  les  concavités  l'une  fur  l'au- 
tre ;  s'il  eft  tourné  fur  le  doigt  du  milieu,  ce  font  les 
doigts  libres  de  part  &  d'autre  qui  font  la  même  fonc- 
tion. Les  caflagnettes  marquent  le  mouvement ,  & 
doivent  au  moins  battre  autant  de  fois  qu'il  y  a  de 
notes  dans  la  mefure.  Ceux  qui  en  jouent  habile- 
ment ,  peuvent  doubler ,  tripler.  Voye^  la  figure  de. 
cet  infrument  Planche  XI.  de  Luth.  fig.  zi. 

La  tablature  des  caflagnettes  fe  marque  par  des 
notes  de  Mufique  placées  au-deffus  &  au-deffous 
d'une  même  ligne. Celles  qui  font  au-deffus  font  pour 
la  main  gauche  ,  &  celles  qui  font  au-deffous,  font 
pour  la  main  droite.  La  ligne  de  la  tablature  doit 
être  tranchée  de  mefure  en  mefure  par  une  ligne  per- 
pendiculaire ,  afin  de  diftinguer  les  mefures.  II  doit 
y  avoir  auffi  au  commencement  de  la  ligne  une  clé 
&c  le  figne  de  la  mefure.  Exemple  : 


CAS 


CAS 


749 


Frapper  un  coup   Frapper  un  coup 
de  la  M.  G.  des  deux  M. 


k 


Rouler  de  !a  M-, 
D.  fans  frapper. 


Rouler  ces  deux 
M. 


u 


+JVV 


•ArtV 


f 


Frapper  des  deux  M.  cV 
rouler  enfuite  des  deux 

M. 


Frapper  un  coup  Fouler  de  la  M. 

de  la  M .  D.  G.    fans    frap- 

per. 

M.  fignifie  main  ;  D.  fignifie  droite  ;  G.  fignifie  gauche  : 
celle  de  l'air  qu'elles  doivent  accompagner. 

CASTAGNEUX,  f.  m.  mergus  minimus fluviatilis , 
{Hift.  nat.  Omit?)  oifeau  aquatique  qui  marche  très- 
difficilement  fur  la  terre  ,  parce  que  les  cuiffes  fem- 
blent  être  dans  le  ventre ,  &  que  les  jambes  font  diri- 
gées en  arrière.  Les  ailes  font  fort  petites  ;  il  n'a  ni 
queue ,  ni  croupion  ;  fes  plumes  font  femblables  à 
celles  d'un  oifon  nouvellement  éclos.  Cet  oifeau  cil 
de  la  grolîeur  d'une  petite  farcellc  ,  &  de  couleur  de 
châtaigne ,  d'où  il  paroît  que  lui  eft  venu  le  nom  de 
caflagneux.  Les  doigts  des  pies  ne  font  pas  joints  les 
Uns  aux  autres  par  une  membrane ,  cependant  ils  font 
larges  comme  ceux  de  la  poule  d'eau  ;  le  doigt  pof- 
térieur  eft  large  comme  les  autres.  Les  pâtes  font 
cochées  par  -  derrière  comme  une  double  feie.  Le 
ventre  eft  de  couleur  de  lait  ;  il  y  a  de  ces  oifeaux 
qui  l'ont  de  couleur  de  fouris.  Le  bec  eft  arrondi , 
petit,  rougeâtre ,  &  plus  court  que  celui  de  la  poule 
d'eau.  Cet  oifeau  a  beaucoup  de  peine  à  s'élever  hors 
de  l'eau  :  mais  lorfqu'il  eft  une  fois  en  l'air  ,  il  vole 
pendant  long-tems.  S'il  fe  trouve  dans  un  endroit  où 
il  n'y  ait  que  peu  d'eau  ,  il  ne  peut  pas  prendre  fon 
vol  ;  alors  on  peut  le  fatiguer  au  point  qu'il  le  laiffe 
prendre  à  la  main.  Il  eft  aulïi  très-facile  dans  ce  cas 
de  le  prendre  avec  des  gluaux.  Le  caflagneux  vit  dans 
l'eau  falée  &  dans  l'eau  douce  :  dans  la  mer  il  mange 
des  chevrettes,  des  melettes,  &c.  dans  les  rivières 
il  fe  nourrit  de  petites  écrevifles  &  de  petits  poifibns. 
Il  fait  fon  nid  contre  terre  dans  les  marais ,  &  il  le 
cache  derrière  quelque  motte  de  terre.  La  chair  de 
cet  oifeau  a  un  goût  de  fauvage  dans  toutes  les  iai- 
fons  ;  cependant  il  eft  fort  gras  en  hyver.  Bclon  , 
Hijl.  de  la  nat.  des  oif.  Voye{  OlSEAU.   (/) 

CASTAGNOLA  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie  du 
Montferrat,  dans  le  territoire  de  Cafal. 

*CASTALIE,(  Géog.  &  Myth.  )  fontaine  qui 
coule  au  pié  du  mont  Taurus  dans  la  Phocide.  Elle 
ctoit  confacrée  à  Apollon  &:  aux  mules;  &  c'étoit 
auparavant  une  nymphe  qu  Apollon  métamorphofa  ; 
fes  eaux  en  reçurent  en  même  tems  le  don  de  rendre 
poètes  ceux  qui  en  boiroient,ou  même  ceux  qui 
entendroient  leur  murmure.  La  Pythie  en  bûvoit 
avant  que  de  s'afTcoir  fur  le  trépié.  On  fait  dépendre 
toute  cette  fable  du  mot  Arabe  cajlala  ,  qui  fignifie 
bruit ,  murmure  a" eau.  On  pourroit  ailémenî  lui  trou- 
ver une  autre  origine  ,  &  croire  que  les  anciens  nous 
ont  figuré  par  cette  fable ,  que  tous  ceux  qui  portoient 
en  eux  quelque  étincelle  tic  l'efprit  de  la  Poéfie  ,  en 
reflentoient  particulièrement  la  préfence  ,  loin  du  tu- 
multe des  cités  ,  dans  l'ombre  èv  le  filence  des  torêts , 
au  bruit  de  la  chute  des  eaux ,  à  l'afpcct  des  charmes 
fecrets  de  la  nature.  Il  ne  faut  que  s'être  égaré  quel- 
quefois au  printems  dans  la  forêt  de  Saint-Germain  , 
pour  adopter  cette  idée. 

CASTAMENA ,  (  Géog.  )  ville  d'Afie  dans  la  Na- 
tolie  &  dans  la  province  de  Becfangil ,  lur  la  rivière 
de  Lime. 

C  ASTANET  ,  petite  ville  de  France  dans  le  haut 
Languedoc  ,  proche  du  canal. 

CASTANOWITZ  ,  (  Géog.  )  ville  fortifiée  de 
Hongrie  en  Croatie  ,  dans  une  île  formée  par  la  ri- 
vière d'Unna. 

CASTEL ,  (Géog.  )  ville  d'Allemagne  dans  le  haut 
Pulatinat. 


:  on  écrit  la  tablature  des  cajlagnettes  en  partition  fous 

CASTELAMARE  ,  ville  du  royaume  de  Naples , 
dans  la  principauté  citérieure  ,  avec  un  bon  port. 
Long.  Ja.  lat.  41.  40.  Il  y  a  encore  une  ville  de  ce 
nom  dans  la  vallée  de  Mazare  en  Sicile. 

CASTEL-ARAGONESE,  ville  forte  d'Italie,  dans 
l'île  de  Sardaigne  ,  avec  un  bon  port.  Long.  z6 .  3z. 
lat.  40.  56. 

CASTELAUN  ,  ou  CASTELHUN ,  ville  &  châ- 
teau d'Alface,  au  cercle  du  haut  Rhin  ,  dans  le  Hunf- 
ruck. 

Castel-Baldo  ,  (Géog.)  petite  place  d'Italie 
dans  le  Veronefe  ,fur  l'Adige.  Long.  zg.  lat.  45.  y. 

Castel-Bolognese,  petite  ville  d'Italie,  dans 
l'état  cccléfiaftique,  au  Bolognefe. 

Castel-Branco  ,  ville  de  Portugal,  dans  la  pro- 
vince de  Beyra ,  fur  la  rivière  de  Lyra. 

Castel-del-Ovo,  fort  d'Italie,  au  royaume  de 
Naples. 

Castel-de-Vide,  place  forte  de  Portugal ,  dans 
l'Alentéjo.  Long.  11.  10.  lat.  3g.  i5. 

Castel-Durante  ,  voyei  Urbanea. 

Castel-Foi!lit,  place  d'Efpagne  dans  la  Cata- 
logne ,   entre  Lampredon  Se  Ampurias. 

Castel-Gandolfe,  place  d'Italie  dans  l'état  cc- 
cléfiaftique, avec  un  château  fur  le  lac  du  même 
nom  ,  à  quatre  lieues  de  Rome. 

Castel-Geloux,  petite  ville  de  France  en  Gaf- 
cogne,  dans  le  Bazadois.  Long.  ly.  5o.  lat.  44.  z5. 

Castel-Mayran,  petite  ville  de  France  enGaf- 
cogne,  dans  la  Lomagne. 

Castel-Moron,  petite  ville  de  France  dans 
l'Agénois,  fur  la  rivière  de  Lot. 

Castel-Moroux,  petite  ville  de  France  dans 
le  haut  Languedoc. 

Castel-Novo  ,  ville  forte  de  Dalmatie,  fur  le 
golfe  de  Cataro,  avec  un  château.  Long.  36.  zo. 
lat.  jz-  z5. 

Castel-Novo  de  Carfagnagne,  petite  ville 
d'Italie  dans  leModénois,avecune  bonne  fortereffe. 

Castel-Rodrigo,  (Géogr.)  fortereffe  du 
royaume  de  Portugal  ,  dans  la  province  de  Beira. 

Castel  S.  Joanne  ,  petite  ville  d'Italie  ,  au  du- 
ché de  Plaifance. 

Castel-Sarrasin  ,  ville  de  France  dans  le  haut 
Languedoc,  au  diocefe  de  Montauban. 

CASTELHOLM  ,  (  Géog.  )  fortereffe  de  Suéde 
dans  l'ile  d'Aland  ,  vis-à-vis  de  Stockholm. 

I  \STELLANA  ,  (  GJog.)viîlë  d'Italie  dans  l'é- 
tat de  l'Eglife,  à  l'occident  du  Tibre,  dans  la  Sabine. 

(  ASThLI  ANE ,  (  Géog.  )  ville  de  France  en  Pro- 
vence, au  diocefe  de  Senez.  Lon.  2  4. 24- !■'■'■  -43-55. 

CASTELLANNETE,  petite  ville  d'Italie  au 
royaume  de  Naples ,  dans  la  terre  de  Lecce.  Long. 
34.  38.   lat.  jo.  50. 

CASTELLANS  ,  f.  m.  pi.  (#/?•  mod.)  c'eft  le 
nom  qu'en  donne  enPologne  a;.-,  (énateurs  qui  font 
revêtus  des  premières  dignités  après  les  Palatins  du 
royaume;  teurnombreeH  fixé  à  quatre-vingts-deux^ 

Ils  font  chargés  du  loin  des  Cafteilanies  ,  fubordon- 
nés  .  n\  Palatins,  &  les  chefs  6c  les  conducteurs  de 
la  noblefi'e  dans  chaque  Palatinat.  Le  premier  de 
tous  eft  le  cajlcllan  de  Craeovie  ;  celui-ci  a  le  droit 


750 


CAS 


de  précéder  tous  les  Palatins ,  &  tient  après  les  évo- 
ques le  premier  rang  parmi  les  fénateurs  laïques.  On 
divife  les  Cajlellans  en  grands  &  en  petits  ;  les  pre- 
miers font  au  nombre  de  trente-trois  ,  &  les  derniers, 
au  nombre  de  quarante-neuf,  de  la  petite  Pologne  , 
de  Mazovie ,  &  de  la  Prufte  Polonoile.  Les  grands 
Cajldlans  ont  comme  les  autres  lénateurs  du  royau- 
me, féance  dans  les  confeils  &  aux  diètes  qu'ils  ont 
le  droit  de  convoquer  ;  ils  administrent  la  juftice  dans 
leurs  diftrifts  ,  ont  l'intendance  fur  les  poids  &  me- 
sures ,  fixent  le  prix  des  grains  &  denrées ,  &  font 
les  juges  des  Juifs.  Mais  les  petits  Cajldlans  n'ont  ni 
féance ,  ni  voix  délibérative  dans  les  affaires  d'é- 
tat. (-) 

CASTELLANI ,  &  NICOLOTTI ,  (  Hift.  mod.  ) 
c'eft  le  nom  de  deux  faftions  toujours  oppofées ,  qui 
divifent  la  populace  à  Venife. 

CASTELLANZA  ,  (  Géog.  )  ville  d'Italie  au  du- 
ché de  Milan ,  fur  l'Olana. 

CASTELLAZZO  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie 
au  duché  de  Milan  ,  près  d'Alexandrie  ,  entre  les  ri- 
vières de  Bormida  &  d'Orta. 

CASTELLE  (le)  Géog.  petite  ville  de  la  Tur- 
quie en  Afie ,  en  Natolie ,  dans  la  province  de  Bolli, 
fur  la  côte  de  la  mer  Noire. 

CASTELLETTO  ,  (  Géog.  )  il  y  a  trois  villes  de 
ce  nom  en  Italie  au  duché  de  Montferrat ,  dans  le 
territoire  d'Aqui  :  la  première  ,  eft  près  de  Nice  ;  la 
féconde ,  fur  les  frontières  du  marquifat  de  Spigno  ; 
la  troifieme ,  fur  celles  du  pays  d'Albe. 

Castelletto  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie  au 
duché  de  Milan  ,  fur  le  lac  Majeur. 

C ASTELLON  D'AMPURIAS  ,ÇGéog.)  ville  d'Ef- 
pagne  dans  la  Catalogne ,  fur  la  cote  de  la  Méditer- 
ranée ,  à  deux  lieues  de  Rofes. 

C  ASTELLOT ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Lorraine , 
dans  le  comté  de  Montbéliard. 

CASTELLUCCIA  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie 
au  royaume  de  Naples  ,  dans  la  Calabre. 

C  ASTELN  AU -de-Barbarens ,  (  Géog.  )  petite  ville 
de  France  dans  l'Armagnac  ,  au  comté  d'Afbrac  , 
fur  le  Rat. 

Casteln AV-de-BraJJac  ,  petite  ville  dans  le  haut- 
Languedoc  ,  au  diocèfe  de  Caftres. 

Casteln AV-de-Bretenous ,  petite  ville  de  France 
dans  le  Querci ,  fur  la  Cere. 

CASTELN AV-d'£Jlreiefon  ,  ou  de  Trigefon,  petite 
ville  de  France  dans  le  haut-Languedoc  ,  au  diocèfe 
de  Touloufe. 

Castelnau-</<;- Magnoac,  petite  ville  de  France 
dans  l'Armagnac  ,  fur  le  Gers. 

CASTELNAV-de-Montartier ,  petite  ville  de  France 
en  Querci. 

Casteln  AV-de-Montmirail ,  petite  ville  de  Fran- 
ce dans  l'Albigeois. 

CASTELN AUDARY  ,  (  Géog.  )  ville  confidéra- 
ble  de  France  dans  le  haut-Languedoc  ,  capitale  du 
Lauraguais  ,  à  fix  lieues  de  CarcafTonne.  Long.  ig. 
38.  lat.  43.  i9.  4. 

CASTELTOVN  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  l'E- 
coffe  feptentrionale  ,  au  comté  de  Marr ,  fur  la  Dée. 
^  CASTEN-VOGTEY  ou  AVOCATIE,  (Jurifpr.  ) 
c'eft  le  nom  qu'on  donne  en  Allemagne  à  un  droit 
particulier  que  quelques  feigneurs  ou  fouverains  de 
l'Empire  peuvent  exercer  fur  les  monafteres  ou  cha- 
pitres finies  dans  leur  voifinage ,  en  vertu  de  celui 
de  protection  qu'ils  ont  fur  eux.  La  plupart  des  cou- 
vents ont  fouvent  tâché  de  fecoiier  ce  joug ,  qui  leur 
étoit  en  plufieurs  occafions  plus  onéreux  qu'utile  , 
&  beaucoup  y  ont  réuffi.  Ce  droit  eft  auffi  ancien 
en  Allemagne  que  les  monafteres  &  chapitres  ,  &  pa- 
roît  avoir  été  établi  par  les  fondateurs  eux-mêmes  , 
ou  par  les  empereurs.   (— ) 

Les  moines  dans  quelque  pays  que  ce  puilie  être , 


CAS 

étant  fujets  du  prince  &  de  l'état  ainfi  que  les  autres 
habitans  ,  il  n'eft  pas  douteux  que  fuivant  les  princi- 
pes du  droit  naturel,  le  prince  &  l'état  n'ayent  fur  eux 
un  pouvoir ,  dont  la  prudence  doit  régler  l'exercice. 

C  A  S  T  E  R  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Allemagne 
dans  l'archevêché  de  Cologne ,  fur  la  rivière  d'Erp. 

CASTIGLIONE,  {Géog.)  ville  forte  d'Italie  dans 
la  vallée  de  Carfagnana ,  appartenante  à  la  républi- 
que de  Lucques. 

Castiglione  ,  (  Géog.  )  ville  d'Italie  au  royau- 
me de  Naples ,  dans  la  Calabre  citérieure  ,  avec  ti- 
tre de  principauté. 

Castiglione,  (  Géog.  )  ville  d'Italie  au  grand 
duché  de  Tofcane ,  dans  le  Siennois  ,  fur  le  bord  de 
la  mer. 

Castiglione,  (Géog.')  ville  d'Italie  au  Piémont, 
dans  la  province  de  Chieti. 

Castiglione- del-Stivere,  petite  ville  forte 
d'Italie  dans  leMantoiian,  avec  un  château.  Long. 
Z8.  4.  lat.  45.  2j. 

CASTILLE  ,  (la  vieille)  Géog.  province  d'Ef- 
pagne ,  avec  titre  de  royaume ,  bornée  au  fud  par  la 
nouvelle  Caftille  ,  à  l'orient  paiTArragon  &  la  Na- 
varre ,  au  nord  par  la  Bifcaye  &  l'Afturie  ,  &  au 
couchant  par  le  royaume  de  Léon.  Burgos  en  eft  la 
capitale. 

CASTILLE  ,  (la  neuve)  Géog.  ou  royaume  de  Tolè- 
de ,  province  d'Efpagne  bornée  au  nord  par  la  Caf- 
tille vieille,  à  l'orient  par  les  royaumes  d'Arragon  & 
de  Valence,  au  midi  par  celui  de  Murcie  &  par  l'An- 
dalouiîe,  &  à  l'occident  par  le  royaume  de  Léon. 

Castille  d'or  ,  (  la  )  Géog.  grand  pays  de  l'A- 
mérique méridionale  ,  dans  la  terre  ferme,  qui  com- 
prend huit  gouvernemens.  Il  appartient  aux  Efpa- 
gnols. 

CASTILLON ,  (  Géog.  )  ville  de  France  dans  la 
Guienne,  au  Périgord  ,  fur  la  Dordogne.  Long.  ij. 
43.  lat.  44.  Sz. 

Castillon  ,  (  Géog.)  petite  ville  de  France  en 
Gafcogne  ,  dans  le  Couferans. 

CASTILLONES,  (Géog.)  petite  ville  de  France 
en  Guienne  ,  dans  l'Agenois. 

CASTINE  ,  f.  f.  (  Hift.  nat.  Métallurgie.  )  l'on 
nomme  ainli  dans  les  grolfes  forges  de  fer  une  pier- 
re blanchâtre  du  genre  des  calcaires.  On  en  met  dans 
les  fourneaux  où  l'on  fait  fondre  la  mine  de  fer, 
parce  qu'elle  a  la  propriété  d'ablorberles  acides  du 
foufre  dont  la  mine  de  fer  eft  quelquefois  entremê- 
lée ,  &  qui ,  comme  on  le  fait ,  eft  la  matière  la  plus 
ennemie  du  fer.   ( — ) 

CASTINHERA  ,  (Géog.)  petite  ville  du  royaume 
de  Portugal ,  fur  le  Tage. 

C  ASTIONE ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie  au  du- 
ché de  Milan  ,  fur  la  rivière  d'Olone. 

CASTLE,  (Géog.)  petite  ville  maritime  &  port 
d'Irlande ,  dans  la  Momonie. 

Castle-Rising,(G7o£.)  petite  ville  d'Angleterr* 
dans  le  duché  deNorfblck.  Long.  iy.  5i.lat.Sz.  4a. 

CASTOR  ,  f.  m.  fiber  ,  (  Hijl.  nat.  )  animal  qua- 
dmpede  amphibie  ,  qui  a  au  plus  trois  ou  quatre 
pies  de  longueur ,  fur  douze  ou  quinze  pouces  de 
largeur  au  milieu  de  la  poitrine  ,  &  qui  pefe  ordi- 
nairement depuis  quarante  à  foixante  livres.  Les  ani- 
maux de  cette  efpece  font  pour  l'ordinaire  fort  noirs: 
dans  le  nord  le  plus  reculé  de  l'Amérique  il  y  en  a 
auffi  de  blancs.  La  plupart  de  ceux  de  Canada  font 
bruns  :  cette  couleur  s'éclaircit  à  mefure  que  les  pays 
font  plus  tempérés  ;  car  les  cajlors  font  de  couleur 
fauve  ;  &  même  ils  approchent  de  la  couleur  de 
paille  ,  chez  les  Illinois  &  chez  lesChaoiianons.  Ce- 
lui dont  on  a  fait  la  defeription  dans  les  Mém.  de  lAca- 
dém.  roy.  des  Scien.  tom.  1  IL.  part.  I.  avoit  été  pris  ea 
Canada,  aux  environs  de  la  rivière  de  Saint-Lau- 
rent :  fa  longueur  étoit  d'environ  trois  pies  &C  demi , 


CAS 

depuis  le  bout  du  mufeau  jufqu'à  l'extrémité  de  la 
queue  ;  &  fa  plus  grande  longueur  de  près  d'un  pié  : 
il  peloit  plus  de  trente  livres.  11  avoit  du  poil  fur  tout 
le  corps  ,  à  l'exception  de  la  queue ,  ck  ce  poil  étoit 
de  deux  fortes  mêlées  enfemble  ;  l'une  avoit  environ 
un  pouce  ck  demi  de  longueur  ;  celui-là  étoit  gros 
comme  des  cheveux,  fort  luifant,  de  couleur  brune, 
tirant  un  peu  fur  le  minime  ;  il  donne  la  principale 
couleur  au  caflor  j  fa  fubftance  étoit  ferme  ,  &  fi  fo- 
lide ,  qu'on  n'y  appercevoit  aucune  cavité  avec  le 
microicope  :  cependant  M.  Sarralin,  médecin  du  Roi 
en  Canada  ,  dit  qu'on  y  remarque  clans  le  milieu  une 
ligne  qui  eft  beaucoup  moins  opaque  que  les  côtés  , 
ck  qui  fait  conje&urer  que  le  poil  eft  creux.  Mém. 
de  l'Ac.  des  Scienc.  ann.  iyo'4.  L'autre  forte  de  poil 
n'avoit  qu'environ  un  pouce  de  longueur  ;  il  étoit 
beaucoup  plus  abondant  que  le  premier;  il  paroiffoit 
auffi  plus  délié ,  &  ii  doux  ,  qu'il  reffembloit  à  de  la 
foie  ;  c'eft  un  duvet  très-fin  ce  très-ferré ,  qui  garan- 
tit le  cajlor  du  froid ,  &  qui  fert  à  faire  des  chapeaux 
&  des  étoffes  :  il  ne  relie  que  ce  duvet  dans  les  peaux 
qui  ont  fervi  de  vêtemens  ck  de  couvertures  de  lits 
aux  fauvages  :  il  eft  le  plus  recherché  ,  parce  qu'é- 
tant engraiffé  par  la  matière  de  la  tranfpiration  ,  il  fe 
foule  beaucoup  mieux.  Le  duvet  du  cajlor  eft  garanti 
de  la  boue  par  le  poil  le  plus  long  ,  lorfque  l'animal 
eft  en  vie  ck  qu'il  travaille. 

Il  y  avoit  cinq  pouces  &  demi  depuis  le  bout  du 
mufeau  jufqu'au  derrière  de  la  tête,  &  cinq  pouces 
de  largeur  à  l'endroit  des  os  qui  font  l'éminence  des 
joues  ;  de  forte  que  la  tête  étoit  prefque  quarrée  :  les 
oreilles  étoient  rondes  ck  fort  courtes  ,  revêtues  de 
poil  par  le  dehors ,  &  prefque  fans  poil  au-dedans. 
Les  yeux  du  cajlor  font  fort  petits  :  l'ouverture  des 
paupières  n'a  qu'environ  quatre  lignes  ;  la  cornée  eft 
ronde,  &  l'iris  d'un  bleu  foncé.  Les  dents  incifives  , 
qui  font  au  nombre  de  deux  en  chaque  mâchoire , 
étoient  tranchantes  dans  le  cajlor  dont  la  defeription 
a  été  faite ,  comme  celles  des  écureuils  ,  des  porcs- 
épics ,  des  rats ,  &c.  celles  d'en-bas  avoient  plus  d'un 
pouce  de  longueur  ;  celles  d'en-haut  n'a  voient  qu'en- 
viron dix  lignes  ;  elles  glifToient  au-dedans  des  autres 
lorfqu'on  fermoit  la  bouche  de  l'animal  ;  elles  étoient 
demi-rondes  par-devant ,  &  comme  taillées  en  bifeau 
de  dedans  en-dehors  ;  en-dedans  leur  couleur  étoit 
blanche  ,  ck  en-dehors  d'un  rouge  clair  tirant  fur  le 
jaune  ;  les  unes  &  les  autres  étoient  larges  d'environ 
trois  lignes  au  fortir  de  la  mâchoire  ,  &  de  plus  de 
deux  lignes  à  leur  extrémité  ;  il  y  avoit  feize  dents 
molaires  ,  huit  de  chaque  cûté ,  quatre  en  haut  ck 
quatre  en  bas  ;  elles  étoient  directement  oppofées 
les  unes  aux  autres. 

Ce  cajlor  avoit  cinq  doigts  à  chaque  pié  ;  ceux 
des  pies  de  derrière  étoient  joints  enfemble  par  des 
membranes  ,  comme  ceux  d'une  oie  ;  les  pies  de  de- 
vant avoient  les  doigts  léparés ,  ck  étoient  faits  com- 
me la  main  d'un  homme  ,  excepté  qu'ils  étoient  cou- 
verts de  poil ,  ck  que  les  ongles  étoient  longs  &  poin- 
tus ;  les  pies  de  devant  avoient  lix  pouces  &  demi 
de  longueur  depuis  le  coude  jufqu'à  l'extrémité  du 
plus  grand  doigt ,  ck  trois  pouces  depuis  le  commen- 
cement de  la  main  jufqu'à  cette  extrémité  du  plus 
grand  doigt;  les  pies  de  derrière  avoient  fix  pouces 
depuis  l'extrémité  du  talon  jufqu'au  bout  du  plus  long 
des  doigts ,  qui  étoit  le  fécond  ;  les  ongles  étoient 
tailles  de  biais,  &  creux  par-dedans  comme  des  plu- 
mes à  écrire;  il  y  avoit  à  la  partie  externe  de  cha- 
que pié  de  devant  &  de  derrière  ,  un  petit  os  qui  fai- 
foit  une  éminence,  &  qu'on  auroit  pu  prendre  pour 
un  lixieme  doigt  s'il  uvoit  été  fépare  du  pie. 

La  queue  avoit  environ  onze  pouces  de  longueur, 
deux  pouces  de  largeur  à  la  racine,  &  trois  pouces 
dans  le  milieu,  le  bout  étoit  terminé  en  ovale,  l'é- 
pauTeur  étoit  de  près  de  deux  pouces  vers  la  racine, 


CAS 


-75« 


d'un  pouce  dans  le  milieu ,  &  de  cinq  lignes  ck  demie 
à  l'extrémité,  fes  bords  étoient  ronds,  ck  beaucoup 
plus  minces  que  le  milieu  :  elle  étoit  couverte  d'une 
peau  garnie  d'écaillés  jointes  enfemble  par  une  pelli- 
cule, épaiffe  comme  un  parchemin,  longue  au  plus 
d'une  ligne  &  demie ,  d'un  gris  brun  un  peu  ardoilé  , 
&  pour  la  plupart  d'une  figure  hexagone  irréguliere. 
Il  fortoit  un ,  deux ,  ou  trois  petits  poils  d'environ 
deux  lignes  de  longueur ,  entre  les  écailles  du  deffous 
de  la  queue.  En  corroyant  la  peau  de  ce  cajlor,  les 
écailles  de  la  queue  tombèrent  ,  mais  leur  figure  y 
demeura  empreinte.  La  chair  de  la  queue  étoit  affez 
graffe  ,  ck  avoit  beaucoup  de  conformité  avec  celle 
des  gros  poiffons. 

Les  parties  de  la  génération  du  cajlor  no,  font  pas 
apparentes  au-dehors  lorfqu'il  n'y  a  point  d'ére&ion  ; 
on  ne  voit  dans  le  mâle  ck  dans  la  femelle  qu'une  ou- 
verture ,  qui  étoit  iituée,  dans  le  caflor  dont  nous  fui- 
vons  la  defeription,  entre  la  queue  &  les  os  pubis. 
Trois  pouces  &  demi  plus  bas  que  ces  os ,  pour  re- 
connoitre  le  fexe,  il  faut  pincer  plus  que  la  peau  qui 
eft  entre  l'os  pubis  &  cette  ouverture  ;  on  y  lent  cums 
le  mâle  la  verge  qui  eft  dure  ,  groife ,  &  longue  com- 
me le  doigt.  L'ouverture  avoit  une  figure  ov\de,  lon- 
gue d'environ  neuf  lignes ,  &  large  de  fept ,  elle  fe  di- 
latoit  ck  fe  refferroit  aifément,  non  pas  par  le  moyen 
d'un  fphin&er,  mais  fimplement  comme  une  fente 
qui  fe  ferme  en  s'allongeant.  Les  gros  excrémens  , 
l'urine  ,  &  même  la  verge ,  parlent  par  cette  ouver- 
ture ;  parce  que  la  verge  eft  renfermée  dans  un  con- 
duit qui  eft  couché  fur  le  redum  ,  ck  qui  aboutit  à 
l'ouverture  commune  ,  de  même  que  le  redum  :  le 
vagin  y  aboutit  auffi  dans  les  femelles. 

Il  y  avoit  aux  parties  latérales  du  dedans  de  l'ex- 
trémité du  rectum ,  deux  petites  cavités  ,  une  de  cha- 
que côté  ;  ck  on  fentoit  à-fravers  la  peau  du  dehors 
deux  éminences ,  qui  font  les  poches  ou  veffies  clans 
lefquelles  le  cajloreum  eft  renfermé.  Après  avoir  écor- 
ché  l'animal ,  on  découvrit  à  l'endroit  où  on  avoit 
remarqué  les  éminences ,  quatre  grandes  poches  li- 
mées au -deffous  des  os  pubis  Les  deux  premières 
étoient  placées  au  milieu ,  &  plus  élevées  que  les  deux 
autres  ;  elles  avoient  toutes  deux  priles  enfemble ,  la 
forme  que  l'on  donne  à  un  cœur.  Leur  plus  grande 
largeur  étoit  d'un  peu  plus  de  deux  pouces  ;  &  la  lon- 
gueur depuis  le  haut  de  chacune  de  ces  poches  juf- 
qu'à l'ouverture  commune  ck  extérieure  dans  laquel- 
le elles  communiquoient ,  étoit  auffi  d'environ  il^ux 
pouces.  Il  y  avoit  au-dedans  de  ces  poches  une  tuni- 
que qui  paroiffoit  plus  charnue  que  glanduleufe  ;  elle 
étoit  rougeâtre,  ck  avoit  au-dedans  plufieurs  replis 
femblables  à  ceux  de  la  caillette  d'un  mouton.  Ces 
replis  contenoient  une  matière  grisâtre  de  fort  mau- 
x  aile  odeur,  qui  étoit  adhérente  :  ces  mêmes  replis 
s'étendoient  dans  les  deux  poches  qui  avoient  com- 
munication l'une  avec  l'autre  vers  le  bas  par  une  ou- 
verture de  plus  d'un  pouce,  ck  qui  n'étoient  fepa- 
rées  que  par  le  tond.  Au  bas  de  ces  deux  premières 
poches  ,  il  y  en  avoit  deux  autres ,  l'une  à  droite  & 
l'autre  à  gauche.  Leur  figure  reffembloit  à  celle  d'u- 
ne poire  longue  &  un  peu  applatie  ;  leur  longueur 
étoit  de  deux  pouces  oc  demi ,  ck  la  largeur  de  dix 
lignes.  Ces  deux  poches  inférieures  étoient  étroite- 
ment jointes  avec  les  luperieures  vers  l'ouverture 
commune. 

11  y  a  lieu  de  croire  que  la  matière  du  caflorcum 
paffe  des  premières  poches  dans  les  fécondes  pour 
s'y  perfectionner:  auffi  ces  fécondes  poches  étoient- 
elles  d'une  ftructure  différente  de  celle  des  premiè- 
res ;  elles  étoient  compolées  de  glandes  qui  toi  moient 
à  l'extérieur  des  éminences  rondes  ,  dont  les  plus 
grandes  n'excedoient  pas  une  lentille  de  grandeur 
moyenne.  Ayant  ouvert  l'une  de  ces  lecondes  po- 
ghes parle  fond,  on  y  trouva  une  liqueur  d'une  odeur 


75* 


C  A  S 


<îefagréable ,  jaune  comme  du  miel ,  on&ueufe  com- 
me de  la  graiffe  fondue ,  &  combuftible  comme  de 
la  térébenthine  :  en  comprimant  la  poche  il  ne  le  fit 
aucun  reflux  de  cette  liqueur  dans  les  poches  fupé- 
fieures  ni  dans  l'ouverture  commune  des  excrémens. 
Après  avoir  vuidé  la  liqueur  de  cette  féconde  poche , 
on  apperçut  dans  la  partie  inférieure  une  troilieme 
poche  longue  d'environ  quatorze  lignes ,  &  large  de 
4ix  •  elle  étoit  tellement  attachée  à  la  membrane  de  la 
-féconde ,  qu'on  ne  put  pas  l'en  féparer  :  elle  aboutif- 
foit  en  pointe  à  la  partie  latérale  de  l'ouverture  com- 
mune ;  mais  on  ne  découvrit  aucune  iffue  dans  les 
cavités  que  l'on  avoit  obfervées  clans  cette  ouver- 
ture. Il  y  avoit  fur  la  furface  extérieure  de  ces  troi- 
sièmes poches,  des  éminencesfemblables  à  celles  des 
fécondes  pdches  ,  &  on  trouva  dans  leur  cavité  un 
-fuc  plus  jaune  &  plus  liquide  que  dans  les  autres  ;  il 
avoit  aufli  une  autre  odeur  &  une  couleur  plus  pâ- 
le ;  enfin  toutes  ces  poches  font  très-différentes  des 
tefticules.  Ainfi  il  eft  bien  prouvé  que  ce  ne  font  pas 
les  tefticules  qui  contiennent  le  cajloreum;  &  par  con- 
séquent on  ne  fera  plus  tenté  de  croire  que  le  cajlor 
arrache  fes  tefticules  lorfqu'il  eft  pourfuivi  par  des 
chafleurs ,  afin  de  s'en  délivrer  en  leur  donnant  le 
cajloreum  qui  fait  l'objet  de  leur  pourfuite.  Cette  fa- 
ble n'a  jamais  eu  aucun  fondement ,  puifque  les  tef- 
ticules font  cachés  dans  les  aines  ,  un  peu  plus  haut 
<que  les  poches  du  cajloreum ,  aux  parties  externes  &c 
4atérales  des  os  pubis. 

M.  Sarrafin  a  remarqué  trois  membranes  dans  la 
tifïure  des  premières  boudes  du  cajloreum ,  qu'il  ap- 
pelle bourfes  fupérieures.  La  première  de  ces  membra- 
nes eft  fimple  ,  mais  très-ferme.  La  féconde  eft  plus 
épaifle  ,  moelleufe ,  &  garnie  de  vaiffeaux.  La  troi- 
fieme  eft  particulière  au  cajlor  ;  elle  eft  feche  comme 
un  vieux  parchemin,  elle  en  a  l'épaiffeur,  &  fe  dé- 
chire de  même.  Cette  membrane  forme  des  replis 
dans  lefquels  la  féconde  membrane  s'infère  :  ces  re- 
plis font  en  fi  grand  nombre  ,  que  la  troifieme  mem- 
brane devient  trois  fois  plus  étendue  lorfqu'elle  eft 
développée  :  elle  eft  inégale  au-dedans ,  &c  garnie 
de  petits  filets ,  auxquels  il  adhère  une  matière  réfi- 
neufe  qui  eft  le  cajloreum ,  &  qui  s'épaiflit  peu-à-peu 
dans  les  bourfes  ,  &  y  acquiert  la  confiftance  d'une 
réfine  échauffée  entre  les  doigts.  Elle  conferve  fa 
molleffe  plus  d'un  mois  après  avoir  été  féparée  de 
l'animal  ;  elle  fent  mauvais  dans  ce  tems-là ,  &  elle 
eft  de  couleur  grisâtre  en-dehors  &  jaunâtre  en  de- 
dans ;  enfuite  elle  perd  fon  odeur,  fe  durcit ,  &  de- 
vient friable  comme  les  autres  réfines,  &  en  tout 
tems  elle  eft  combuftible.  Lorfqu'on  a  découvert  la 
membrane  qui  enveloppe  les  bourfes  inférieures,  on 
trouve  de  chaque  coté, quelquefois  deux,  quelquefois 
trois  bourfes  enfemble.  Chacun  de  ces  paquets  eft 
long  de  deux  pouces  &  demi  fur  environ  quatorze 
ou  quinze  lignes  de  diamètre  ;  les  bourfes  font  ar- 
rondies par  le  fond,  &  diminuent  infenfiblement  de 
groffeur  en  approchant  de  l'ouverture  commune  , 
que  M.  Sarrafin  nomme  cloaque.  La  plus  grande  de 
ces  bourfes  occupe  toute  la  longueur  du  paquet ,  & 
n'a  qu'environ  huit  ou  dix  lignes  de  diamètre;  la  fé- 
conde n'a  ordinairement  pas  la  moitié  du  volume 
de  la  première  ;  elle  n'eft  pas  toujours  plus  grande 
que  la  troifieme ,  qui  cependant  eft  le  plus  fouvent 
la  plus  petite  de  toutes.  Les  bourfes  ,  tant  fupérieu- 
res qu'inférieures  ,  n'ont  point  de  communication 
les  unes  avec  les  autres  ,  leurs  conduits  aboutiffent 
dans  le  cloaque. 

On  ne  fait  pas  encore ,  ajoute  M.  Sarrafin,  à  quoi 
fervent  pour  le  cajlor  les  liqueurs  contenues  dans  les 
bourfes.  Il  n'eft  pas  vrai ,  félon  cet  auteur ,  qu'ils 
en  prennent  pour  exciter  leur  appétit  lorfqu'il 
eft  languiffant ,  ni  que  les  chafleurs  l'employent , 
comme  on  l'a  dit ,  pour  attirer  les  cajlors  ;  mais  on 


CAS 

frotte  avec  la  liqueur  huileufe  les  pièges  que  l'oit 
drefle  aux  animaux  carnaflîers  qui  font  la  guerre  aux 
cajlors  ,  comme  les  martes ,  les  renards ,  les  ours ,  & 
fur-tout  les  carcajoux  ,  qui  briient  fouvent  pendant 
l'hyver  les  loges  des  cajlors  pour  les  y  furprendre. 
Voye{  Carcajou.  Les  femmes  des  fauvages  graif- 
fent  leurs  cheveux  avec  cette  même  huile  ,  quoi- 
qu'elle ait  une  mauvaife  odeur. 

Les  cajlors  ne  vivent  dans  les  pays  froids ,  &  pen- 
dant l'hyver,  que  de  bois  d'aune  &  de  platane  ,  d'or- 
me ,  de  frêne ,  &  de  différentes  efpeces  de  peuplier. 
Pendant  l'été  ils  mangent  de  toutes  fortes  d'herbes , 
de  fruits ,  de  racines  ,  fur-tout  de  celles  de  différen- 
tes efpeces  de  nymphaea.  On  ne  croit  pas  qu'ils  vin 
vent  plus  de  quinze  ou  vingt  ans. 

M.  Sarrafin  ne  s'en  eft  pas  tenu  à  la  defeription 
du  cajlor  ;  il  a  aufli  rapporté  plufieurs  faits  qui  con- 
cernent l'hiftoire  de  cet  animal. 

Les  cajlors  choififfent  pour  établir  leur  demeure 
un  lieu  qui  foit  abondant  en  vivres,  arrofé  par  une 
petite  rivière ,  &c  propre  à  faire  un  réfervoir  d'eau  : 
ils  commencent  par  conftruire  une  forte  de  chauf- 
fée, aflez  haute  pour  retenir  l'eau  à  la  hauteur  du 
premier  étage  des  cabanes  qu'ils  doivent  faire.  Ces 
chauffées  ont  dix  ou  douze  pies  d'épaifleur  dans  les 
fondemens  ,  &  deux  pies  feulement  dans  le  haut  ; 
elles  font  conftruites  avec  des  morceaux  de  bois  gros 
comme  le  bras  ou  comme  la  cuifle  ,  &  longs  de  2, 
4 ,  5  ou  6  pies ,  que  les  caflors  coupent  &  taillent 
très  -  facilement  avec  leurs  dents  inciflves  ;  ils  les 
plantent  tort  avant  dans  la  terre  &  fort  près  les  uns 
des  autres  ;  ils  entrelacent  d'autres  bois  plus  petits 
&  plus  fouples ,  &  ils  rempliffent  les  vuides  avec  de 
la  terre  glaife  qu'ils  amolliffent  &  qu'ils  gâchent  avec 
leurs  pies  ,  &  qu'ils  tranfportent  fur  leur  queue ,  qui 
leur  fert  aufli  comme  une  forte  de  truelle  pour  la 
mettre  en  place  &  pour  l'appliquer.  Ils  élèvent  la 
digue  à  mefure  que  la  rivière  grofllt  ,  &  par  ce 
moyen  le  tranfport  des  matériaux  eft  plus  facile  ; 
enfin  cet  ouvrage  eft  aflez  folide  pour  foûtenir  les 
perfonnes  qui  montent  deflus.  Les  cajlors  ont  grand 
foin  d'entretenir  ces  chauffées  en  bon  état,  &  pour 
cela  ils  appliquent  de  la  terre  glaife  dans  la  moindre 
ouverture  qu'ils  y  apperçoivenr. 

Après  avoir  fait  la  chauffée ,  ils  fondent  leurs  ca- 
banes fur  le  bord  de  l'eau ,  fur  quelque  petite  île , 
ou  fur  des  pilotis  ;  elles  font  rondes  ou  ovales  ,  & 
débordent  des  deux  tiers  hors  de  l'eau  :  les  murs  font 
perpendiculaires  ,  &  ont  ordinairement  deux  pies 
d'épaifleur.  La  cabane  eft  terminée  en  manière  de 
dôme  au-dehors,  &  en  anfe  de  panier  en-dedans: 
elle  eft  bâtie  à  plufieurs  étages ,  que  les  cajlors  ha- 
bitent fucceflivement  à  mefure  que  l'eau  s'élève  ou 
s'abaiffe  :  ils  ne  manquent  pas  d'y  faire  une  porte 
que  la  glace  ne  puiffe  pas  boucher  ;  ils  ont  aufli  une 
ouverture  féparée  de  leur  porte  &  de  l'endroit  où  ils 
fe  baignent  ;  c'eft  par  cette  ouverture  qu'ils  vont  à 
l'eau  rendre  leurs  excrémens.  Quelquefois  ils  éta- 
blifîènt  la  cabane  entière  fur  la  terre ,  &  creufent 
autour  des  foffés  de  cinq  ou  flx  pies  de  profondeur , 
qu'ils  conduifent  jufqu'à  l'eau  :  les  matériaux  font 
les  mêmes  pour  les  cabanes  que  pour  les  chauffées. 
Lorfque  la  conftruclion  eft  faite  ,  ils  perfectionnent 
leur  ouvrage  en  coupant  avec  leurs  dents ,  qui  valent 
des  feies,  tous  les  morceaux  de  bois  qui  excédent  les 
murailles  ,  &  ils  appliquent  avec  leur  queue  au-de- 
dans &  au-dehors  de  la  cabane  une  forte  de  torchis 
fait  avec  de  la  terre  glaife  &  des  herbes  feches.  Une 
cabane  dans  laquelle  il  y  a  huit  ou  dix  caflors  ,  a  huit 
ou  dix  pies  de  largeur  hors  d'œuvre  6c  dix  à  douze 
de  longueur,  fuppoié  qu'elle  foit  ovale  ;  dans  œuvre 
elle  a  quatre  ou  cinq  pies  de  largeur,  &c  cinq  ou 
flx  pies  de  longueur.  Lorfqu'il  y  a  quinze,  vingt,  ou 
même  trente  cajlors  qui  habitent  la  même  cabane , 

elle 


CAS 

elle  eft  grande  à  proportion ,  ou  il  y  en  a  plufieurs 
les  unes  contre  les  autres.  On  dit  qu'on  a  trouvé  jul- 
qu'à  quatre  cents  cafiors  dans  différenres  cabanes  qui 
commtiniquoient  les  unes  avec  les  autres.  Les  femel- 
les rentrent  dans  leurs  cabanes  pour  y  taire  leurs  pe- 
tits ,  lorfque  les  grandes  inondations  iont  parlées  : 
mais  les  mâles  ne  quittent  la  campagne  qu'au  mois 
de  Juin  ou  de  Juillet,  lorfque  les  eaux  l'ont  tout-à- 
fait  baffes  ;  alors  ils  réparent  leurs  cabanes ,  ou  ils  en 
font  de  nouvelles  ;  &C  ils  en  changent  lorlqu'ils  ont 
confommé  les  alimens  qui  étoient  à  portée  ,  lorfque 
leur  nombre  devient  trop  grand,  &£  lorlqu'ils  lont 
trop  inquiétés  par  les  chaffeurs. 

Il  y  a  des  caflors  qui  le  logent  dans  des  cavernes 
pratiquées  dans  un  terrein  élevé  fur  le  bord  de  l'eau: 
on  les  nomme  cajîors  terriers.  Ils  commencent  leur 
logement  par  une  ouverture,  qui  va  plus  ou  moins 
avant  dans  l'eau ,  félon  que  les  glaces  font  plus  ou 
moins  épaiffes  ,  Se  ils  la  continuent  de  cinq  ou  fix 
pies  de  longueur  ,  fur  une  largeur  fuffifante  pour 
qu'ils  puiffent  paffer  ;  cnitiite  ils  font  un  réfervoir 
d'eau  de  trois  ou  quatre  pies  en  tout  fens  pour  s'y 
baigner  ;  ils  coupent  un  autre  boyau  dans  la  terre , 
qui  s'élève  par  étages  ,  où  ils  fe  tiennent  à  fec  fuc- 
ceffivement  lorfque  l'eau  change  de  hauteur.  Il  y  a 
de  ces  boyaux  qui  ont  plus  de  mille  pies  de  lon- 
gueur. Les  cajîors  terriers  couvrent  les  endroits  oii  ils 
couchent,  avec  de  l'herbe,  &  en  hyver  ils  lont  des 
copeaux  qui  leur  fervent  de  matelas. 

Tous  les  ouvrages  font  achevés  au  mois  d'Août 
ou  de  Septembre,  fur-tout  dans  les  pays  froids;  alors 
les  cajîors  l'ont  des  provifions  pour  l'hyver  ;  ils  co"- 
pent  du  bois  par  morceaux ,  dont  les  uns  ont  deux 
ou  trois  pies  de  longueur  ,  &  d'autres  ont  juiqu'à 
huit  ou  dix  pies.  Ces  morceaux  font  traînés  par  un 
ou  plufieurs  cajîors,  lelon  leur  pefanteur  :  ils  raf- 
femblent  une  certaine  quantité  de  bois  qui  flotte  fur 
l'eau  ,  &c  enluite  ils  empilent  d'autres  morceaux  fur 
les  premiers,  jufqu'à  ce  qu'il  y  en  ait  affez  pour  luf- 
fire  aux  cajîors  qui  vivent  enlemble.  Par  exemple ,  la 
provision  de  huit  ou  dix  ,  cil  de  vingt-cinq  ou  trente 
pics  en  quarré ,  lur  huit  ou  dix  pies  de  profondeur. 
Ces  piles  lont  faites  de  façon  qu'ils  peuvent  en  tirer 
les  morceaux  de  bois  à  leur  choix ,  6i  ils  ne  mangent 
que  ceux  qui  trempent  dans  l'eau. 

On  fait  la  chaffe  des  cafiors  depuis  le  commence- 
ment de  Novembre  jufqu'âu  mois  de  Mars  &  d'A- 
vril ,  parce  que  c'eft  dans  ce  tems  qu'ils  font  bien 
fournis  de  poil.  On  les  tue  à  l'affût,  on  leur  tend  des 
pièges ,  &  on  les  prend  à  la  tranche. 

Les  pièges  font  lemblables  aux  quatre  de  chiffre 
avec  lclquels  on  prend  des  rats.  On  plante  fort  avant 
dans  la  terre  plufieurs  piquets  de  trois  ou  quatre  pies 
de  longueur,  entre  lefquels  il  y  a  une  traverfe  fort 
pelante ,  élevée  d'environ  un  pic  &  demi  :  on  met 
deffous  une  branche  de  peuplier  longue  de  cinq  ou 
fix  pies  ,  qui  conduit  à  une  autre  branche  fort  petite, 
placée  de  façon  que  dès  que  le  cajïor  la  coupe ,  la 
traverfe  tombe  èv  le  tue.  Ces  animaux  ne  manquent 
pas  de  donner  dans  ces  pièges ,  en  allant  de  tems  en 
tems  dans  les  bois  chercher  de  nouvelles  nourritu- 
res ,  quoiqu'ils  ayent  lait  leurs  provifions  ,  parce 
qu'ils  aiment  mieux  le  bois  trais  que  le  bois  flotté. 

Prendre  les  cajîors  à  la  tranche ,  c'eft  faire  des  ou- 
vertures à  la  glace  avec  des  inftrumens  tranchans, 
lorfqu'elle  n'a  qu'environ  un  pie  d'épaifleur  ;  ces 
animaux  viennent  à  ces  ouvertures  pour  refpirer, 
&  on  les  affomme  à  coups  de  hache.  Il  y  a  des  chaf- 
feurs qui  remplifTent  ces  trous  avec  la  bourre  île  L'épi 
de  typha,  pour  n'être  pas  vus  par  les  cajîors,  &  alors 
ils  les  prennent  par  un  pie  de  derrière.  S'il  y  a  quel- 
que ruiffeau  près  des  cabanes ,  on  en  coupe  la  glace 
en  travers;  on  y  tend  un  filet  bien  fort,  enfui  te  on 
détruit  la  cabane;  les  ca/lors  en  louent,  èc  le  réfu- 
Tome  II, 


CAS 


753 


gieit  dans  le  ruiffeau  où  ils  rencontrent  le  filet. 
-  On  donne  le  nom  de  bievre  au  cafîor  d'Europe.  Ort 
en  a  diflequé  un  à  Metz  qui  avoit  la  queue  beaucoup 
plus  petite,  à  proportion,  que  le  cajîor  de  Canada  , 
dont  on  vient  de  donner  la  defeription.  Ses  pies  de 
devant  n'étoient  pas  faits  comme  des  mains  :  mais  il 
avoit  les  doigts  joints  par  des  membranes  comme  la 
loutre.  Cependant  P>.ondelet  dit  expreflément  que  le 
bievre  a  les  pies  de  devant  lemblables  aux  pies  d'un 
finge.  Mim.  de  l'Acad.  roy.  des  Se.  tom.  lll.  part.  I. 
<S*  année  IJ04.  Rondelet  ,  Hijl.  des  poiffons.  fqye^ 
Quadrupède.  (/) 

Le  cajîor  fournit  plufieurs  remèdes  à  la  Médecine  ; 
la  peau  de  cet  animal  appliquée  fur  les  parties  affli- 
gées de  goutte,  les  déleni  contre  le  froid. 

On  fe  fert  avec  fuccès  de  l'axonge  du  cafîor  pour 
amollir  les  duretés  ;  elle  eft  très-efficace  dans  les  trem- 
blemens  ck.  les  maladies  des  nerfs,  la  paralyfie,  &c. 
on  en  oint  les  parties  affligées. 

Le  cajloreum  atténue  les  humeurs  vifqueufes,  for- 
tifie le  cerveau ,  excite  les  règles ,  tk  pouffe  par  la 
tranfpiration  ;  on  l'employé  dans  l'épilepfie,  la  para- 
lyfie, l'apoplexie,  &  la  furdité. 

On  brûle  du  cajîoreum ,  6i  on  en  fait  refpirer  l'o- 
deur tétide  aux  femmes  hyltériques  dans  le  tems  des 
acci_s.  La  teinture  du  cajîoreum  le  fait  comme  il  fuit. 

Prenez  une  demi-once  de  cajîoreum  &  une  demi- 
livre  d'efprit-de-vin  ;  mettez-les  en  digeftion  pendant 
quelques  jours;  décantez  enfuite  la  liqueur,  &  la 
gardez  pour  Pillage. 

On  ajoute  quelquefois  le  fel  de  tartre  à  la  dofe  de 
deux  gros,  dans  le  deffein  de  diviferle  tiffu  réfineux 
du  cajîoreum  ;  la  dofe  de  cette  teinture  eft  depuis  lix 
jufqu'à  douze  gouttes  dans  les  cas  où  on  employé  le 
cajloreum  en  fubfiance.  Le  cafîoreum  entre  dans  plu- 
fieurs comportions  de  la  Pharmacopée  de  Paris.  (A7) 
Il  fe  fait  un  grand  commerce  de  peaux  de  cajîor; 
les  marchands,  dit  M.  Savary ,  les  diltinguent  en  caj- 
tors  rieujs ,  cajîors  Jccs ,  6c  cajîors  gras.  Les  cajîors  neufs 
font  les  peaux  des  cajîors  qui  ont  été  tués  à  la  chaffe 
pendant  l'hyver  &  avant  la  mue.  Ce  font  les  meilleu- 
res &  les  plus  propres  à  faire  de  belles  fourrures. 

Les  cajîors  Jccs,  qu'on  nomme  auffi  cajîors  maigres  , 
font  les  peaux  de  cajîors,  provenant  de  la  chaffe  d'été, 
tems  auquel  l'animal  eft  en  mue,  &:  a  perdu  une  partie 
de  l'on  poil.  Les  cajîors J'ecs  peuvent  auffi  être  employés 
en  fourrures,  quoique  bien  inférieures  aux  premiè- 
res. Leur  plus  grand  ufage  eft  pour  les  chapeaux. 

Les  cajîors  gras  font  des  peaux  de  cajîor,  que  les 
fauvages  ont  portées  fur  leurs  corps ,  6c  qui  lont  imbi- 
bées de  leur  lueur:  le  cajîor  gras  vaut  mieux  que  le 
fec  ;  on  ne  s'en  lert  cependant  que  pour  la  fabrique 
des  chapeaux. 

Outre  les  chapeaux  &  les  fourrures  auxquels  on 
employé  le  poil  &  les  peaux  de  cajîor ,  on  a  tenté 
d'en  taire  des  draps.  Cette  entreprife  méritoit  bien 
d'être  tentée,  &  avoit  pour  but  de  rendre  le  poil  de 
cajîor  d'une  utilité  plus  étendue  ;  mais  les  draps  or- 
dinaires font  préférables  à  ceux  de  cafîor.  L'expé- 
rience a  fait  voir  que  les  étoffes  fabriquées  avec  le 
poil  de  cafior,  quoique  mêlé  avec  la  laine  de  Segovie, 
ne  gardoient  pas  bien  la  teinture,  &  qu'elles  deve- 
noient  lèches  &  dures  comme  du  feutre. 

Castor  lignifie  auffi  un  chapeau  fait  avec  du 
poil  de  cafîor  feul.  Un  chapeau  dcmi-cafîor  cil  celui 
dans  lequel  on  a  mêlé  une  partie  de  poilde  cajloravec 
une  partie  d'autre  poil.  Voyc{  Chapeau. 

Castor,  en  Afïronomic ,  eft  le  nom  de  la  moitié 
delà  conftellatioii  des  gémeaux.  Voyt^G\  meaux. 
Castor  6-Polli  X,<  •'  Métcw  .'  ,•..  ellun  météore 
igné,  qui  paroit  quelquefois  en  mer  s'attachera  un  des 
côtés  du  vaiffeau  ,  tous  la  forme  d'une,  de  deux,  ou 
même  de  trois  ou  quatre  boules  de  feu.  Lorfqu'on 
n'en  voit  qu'une,  on  l'appelle  plus  proprement  He- 

C  C  c  ce 


754 


CAS 


Une  ;  &  lorfqu'on  en  voit  deux,  on  les  nomme  Caflor 
&  Pollux.  Muffch.  Ejf.  de  Phyf.  Voye{  Feu  Saint- 
ElME,  &  F  article  qui  fuit. 

*  Castor  &  Pollux  ,  (MythJ)  fils  de  Jupiter  Se 
de  Léda;  ils  furent  élevés  à  Pallene,  où  Mercure  les 
porta  aufii-tôt  qu'ils  turent  nés.  Ils  s'illurtrerent  dans 
l'expédition  de  la  toifon  d'or  :  à  leur  retour  ils  net- 
toyèrent l'Archipel  descorfaires  qui  l'infeftoient.  Ce 
fervice,  l'apparition  de  deux  feux  qui  voltigèrent  au- 
tour de  leur  tête ,  &  le  calme  qui  luccéda ,  les  firent 
placer  après  leur  mort,  au  nombre  des  dieux  tuté- 
laires  des  nautoniers.  Ces  feux  continuèrent  d'être 
regardés  comme  des  lignes  de  la  prélence  de  Caf- 
tor &  Pollux.  Si  l'on  n'en  voyoit  qu'un ,  il  annonçoit 
la  tempête;  s'il  s'en  montroit  deux,  on  efpéroit  le 
beautems.  Nos  Marins  font  encore  aujourd'hui  dans 
la  même  opinion  ou  dans  le  même  préjugé  ;  &  ils  ap- 
pellent feux  S.  Elme  &  S.  Nicolas ,  ce  que  les  payens 
appelloientyJwx  de  Caflor  &  Pollux.  Les  deux  frères 
invités  aux  noces  de  leurs  parentes  Hilaire  &  Phcbé , 
les  enlevèrent.  Ce  rapt  coûta  la  vie  à  Caflor,  qui  pé- 
rit quelque  tems  après  de  la  main  d'un  des  époux. 
Pollux,  qui  aimoit  tendrement  l'on  frère ,  demanda  à 
Jupiter  la  réfure&ion  de  Caflor,  &c  le  partage  entr'eux 
de  l'immortalité  qu'il  devoit  à  fa  naiflance.  Jupiter 
l'exauça  ;  &  l'un  fut  habitant  des  enfers  ,  pendant  que 
l'autre  fut  citoyen  des  cieux.  Cette  fable  eft  fondée 
fur  ce  que  l'apothéofe  de  ces  héros  les  a  placés  dans  le 
figne  des  Gémeaux ,  dont  l'une  des  étoiles  defeend 
fous  l'horifon  quand  l'autre  y  paroît.  Pour  célébrer 
leurs  fêtes ,  les  Romains  envoyoient  tous  les  ans  vers 
leur  temple  ,  un  homme  couvert  d'un  bonnet  comme 
le  leur ,  monté  fur  un  cheval ,  &  en  conduifant  un 
autre  à  vuide.  La  Grèce  les  compta  parmi  fes  grands 
dieux  :  ils  eurent  des  autels  à  Sparte  &  dans  Athènes. 
Les  Romains  leur  élevèrent  un  temple  par  lequel  on 
juroit:  le  ferment  des  hommes  étoit  adepol ,  par  le 
temple  de  Pollux;  &  celui  des  femmes  œcaflor,  parle 
temple  de  Caflor.  Les  deux  dieux  parurent  plufieurs 
fois  au  milieu  des  combats  fur  des  chevaux  blancs. 
On  les  reprélentoit  fous  la  figure  de  jeunes  hommes, 
avec  un  bonnet  furmonté  d'une  étoile,  à  cheval,  ou 
en  ayant  près  d'eux.  Ils  font  connus  dans  les  Poètes 
fous  le  nom  de  Diofcures ,  ou  fils  de  Jupiter,  &  de  Tyn- 
darides,  parce  que  leur  mère  étoit  femme  de  Tyn- 
dare  roi  de  Sparte.  Ils  fe  distinguèrent  dans  les  jeux 
de  la  Grèce:  Caftor ,  par  l'art  de  dompter  &  de  con- 
duire des  chevaux ,  ce  qui  le  fit  appeller  dompteur  de 
chevaux;  Pollux ,  par  l'art  de  lutter ,  ce  qui  le  fit  re- 
garder comme  le  patron  des  athlètes.  V.  M.  l'ab.  de 
Clauftre. 

CASTOREA,  f.  f.  {Hifl.  nat.  bot.)  genre  déplan- 
te ,  dont  le  nom  a  été  dérivé  de  celui  de  Caftor  Du- 
rantes Médecin  de  Rome.  La  fleur  des  plantes  de  ce 
genre  eft  monopétale ,  &  faite  en  forme  de  mafque , 
dont  la  lèvre  fupérieure  eft  relevée,  &  l'inférieure 
divifée  en  trois  parties  :  la  partie  moyenne  eft  divi- 
fée  en  deux  pièces.  Le  calice  devient  un  fruit  char- 
nu, arrondi,  compofé  d'une  feule  capfule  qui  ren- 
ferme quatre  femences  anguleufes.  Plumier,  nova 
plant.  Amer,  gêner.  Voye^ PLANTE.  (/) 

CASTOREUM.  Voye^  Castor. 

CASTOS,  {Commerce?)  nom  qu'on  donne  dans  le 
Japon  aux  droits  d'entrée  &  de  fortie  que  l'on  paye 
pour  les  marchandifes  qu'on  y  porte  ou  qu'on  en  ti- 
re: ou  plutôt  ce  font  les  préiens  que  les  Européens 
avoient  coutume  de  faire  tous  les  ans  pour  y  être  re- 
çus, avant  que  les  Hollandois  fe  fuffent  emparés  de 
tout  le  commerce  de  ces  îles  ;  ce  qui  leur  tenoit  lieu 
de  droits ,  &  alloit  beaucoup  au-delà  de  ceux  qu'ils 
auroient  pu  payer.  Diction,  du  Commerce.  (G) 

CASTRAMETATION, f.  f.  c'eft  propreme  nt  l'art 
de  marquer  le  camp  &  d'en  déterminer  toutes  les  dif- 


CAS 

férentes  proportions.  Ce  mot  vient  du  latin  caflrum, 
camp,  &  de  metiri ,  mefurer.  foye^  Camp. 

La  Caflramétation  ,  eft  une  partie  fi  importante 
de  l'Art  militaire  ,  qu'il  doit  paroître  allez  étonnant 
qu'elle  ait  été  abfolument  négligée  dans  les  auteurs 
modernes  qui  ont  écrit  lur  la  guerre. 

Polybe  Se  Végece  font  entrés  dans  un  grand  dé- 
tail fur  celle  des  Romains;  &  leurs  écrits  ont  beau*- 
coup  fervi  à  l'établiffement  de  l'ordre  &  de  l'arran- 
gement de  nos  camps,  quoiqu'ils  différent  à  plufieurs 
égards  de  ceux  des  Romains. 

Du  tems  de  Polybe  les  camps  des  Romains  étoient 
toujours  quarrés  :  mais  du  tems  de  Végece ,  qui  a 
écrit  plufieurs  fiecles  après ,  ils  avoient  différentes 
figures  relatives  à  celles  des  terrains  que  les  armées" 
dévoient  occuper. 

Le  général  fe  campoit  dans  l'endroit  du  camp  le 
plus  avantageux ,  pour  découvrir  tout  ce  qui  s'y  paf- 
foit  &  pour  envoyer  fes  ordres.  Les  troupes  Romai- 
nes Si  celles  des  alliés  étoient  diftribuées  en  différen- 
tes parties  de  cavalerie  &  d'infanterie ,  de  manière 
qu'elles  avoient,  pour  ainfi-dire,  chacune  une  efpe- 
ce  de  quartier  féparé  ;  ces  camps  étoient  toujours  en- 
tourés d'un  retranchement  formé  d'un  foffé  &  d'un 
parapet  dont  la  terre  étoit  foùtenue  par  des  pieux 
ou  paliffades  que  les  foldats  portoient  avec  eux  pour 
cet  effet  clans  les  marches. 

Cette  police  des  Romains  étoit  oubliée  en  Euro- 
pe, lorfque  le  fameux  Maurice,  Prince  d'Orange, 
fongea  à  la  rétablir ,  ou  plutôt  à  l'imiter  vers  la  fin 
du  xvi.  &  le  commencement  du  xvne  fiecle.  On  ne 
peut  douter  que  les  troupes  n'ayent  toujours  eu  une 
forte  de  camp  pour  fe  mettre  à  l'abri  du  mauvais 
tems,  &  fe  repofer  des  fatigues  militaires:  mais  le 
lilence  des  Hiftoriens  fur  ce  lujet,  nous  laiffe  ignorer 
abfolument  l'ordre  qu'on  pouvoit  y  obferver. 

Le  Père  Daniel ,  qui  a  fait  de  lavantes  recherches 
fur  tout  ce  qui  concerne  notre  milice  ancienne  & 
moderne ,  croit  que  ce  fut  dans  les  guerres  d'Italie 
fous  Charles  VIII.  &  Louis  XII.  que  nos  généraux 
apprirent  à  fe  retrancher  en  campagne  de  manière 
à  rendre  le  camp  inaccelTible  à  l'ennemi. 

Le  plus  célèbre  &  le  plus  ancien  que  nous  con- 
noiffions  eft  celui  du  Maréchal  Anne  de  Montmoren- 
cy à  Avignon.  «  Il  le  fit  de  telle  forte ,  dit  l'auteur 
»  qu'on  vient  de  nommer,  que  l'empereur  Charles  V. 
»  étant  defeendu  en  Provence,  n'ofa  jamais  l'atta- 
»  quer,  nonobftant  la  grande  envie  qu'il  avoit  d'en 
»  venir  à  une  a&ion  décilive  ;  &  ce  fut  cette  con- 
»  duite  du  Maréchal  qui  fauva  le  royaume  ». 

Dans  les  guerres  civiles  qui  s'élevèrent  en  France 
après  la  mort  d'Henri  II.  on  n'obfervoit,  fuivant  la 
Noue  dans  les  Difcours  politiques  &  militaires  ,  aucu- 
ne règle  dans  le  campement  des  armées.  On  diftri- 
buoit  les  troupes  dans  les  villages  ou  les  petites  villes 
les  plus  voifines  du  lieu  où  l'armée  fe  trouvoit  ;  ou 
bien  on  campoit  en  pleine  campagne  avec  quelques 
tentes  qu'on  plaçoit  fans  arrangement  régulier.  On 
fe  fortifioit  avec  les  chariots  de  l'armée  dont  on  fai- 
foit  une  efpece  de  retranchement  :  mais  les  troupes 
n'étoient  pas  dans  cette  forte  de  camp  à  portée  de  fe 
mouvoir  avec  ordre  pour  s'oppofer  aux  attaques 
imprévues  de  l'ennemi  ;  elles  y  manquoient  d'ailleurs 
de  la  plupart  des  commodités  &  des  fubliftances  né- 
ceffaires  :  auffi  ne  campoient-elles  de  cette  façon  que 
rarement  Se  pour  très-peu  de  tems.  L'attention  des 
généraux  étoit  de  pouvoir  occuper  différens  villages 
allez  proches  les  uns  des  autres  ,  pour  fe  foùtenir  ré- 
ciproquement :  mais  comme  il  n'étoit  pas  ailé  d'en 
trouver  ainfi  lorfque  les  armées  étoient  nombreufes  , 
il  arrivoit  fouvent  que  l'ennemi  enlevoit  ou  déî-KÎ- 
foit  plufieurs  de  ces  quartiers  avant  qu'ils  puffent  être 
fecourus  des  autres  plus  éloignés. 

Les  Hollandois  s'étajit  fouftiaits  à  l'obéiflance  de 


CAS 

la  maiion  d'Autriche  vers  Tan  1 566  ,  ce  peuple  qui 
ne  pouvoit  par  lui-même  oppoler  des  armées  égales 
à  celles  que  l'Efpagne  étoit  en  état  d'employer  pour 
le  réduire  ,  chercha  à  Suppléer  au  nombre  des  Soldats 
par  l'excellence  de  la  discipline  militaire  :  les  princes 
d'Orange  s'y  appliquèrent  avec  le  plus  grand  fuc- 
cès  ;  Se  il  paroît  affez  confiant  qu'on  leur  doit  le  ré- 
tabliffemcnt  de  cette  discipline  en  Europe.  Les  camps 
furent  un  des  principaux  objets  de  Maurice  de  NaS- 
fau  ;  il  voulut  y  faire  renaître  l'ordre  Se  la  police  des 
Romains.  Son  camp ,  tel  que  le  décrit  Stevin  dans 
fa  Cajlramitation ,  ctoit  une  efpccc  de  quarré  ou  de 
quarré-long  diftribué  en  différentes  parties  appellées 
quartiers.  Celui  de  ce  prince  en  occupoit  à-peu-près  le 
milieu  ;  l'artillerie  Se  les  vivres  avoient  auifi  le  leur , 
de  même  que  les  différentes  troupes  ou  régimens 
dont  l'armée  étoit  compoiée.  L'étendue  ou  le  front 
de  ces  quartiers  fe  proportionnoit  au  nombre  des 
troupes  qui  dévoient  les  occuper  ;  pour  leur  profon- 
deur ,  elle  étoit  toujours  de  300  pies. 

Une  compagnie  de  100  foldats  occupoit  deux 
files  de  huttes  ou  petites  baraques.  Chaque  file 
avoit  200  pies  de  longueur  Se  huit  de  largeur  ;  elles 
étoient  féparées  par  une  rue  auifi  de  huit  pies.  Le 
capitaine  campoit  à  la  tête  de  fa  compagnie  ,  Se  les 
vivandiers  à  la  queue  ,  comme  ils  le  font  encore  au- 
jourd'hui. Le  colonel  avoit  pour  logement  un  efpace 
de  64  pies  de  front  ,  au  milieu  du  rang  des  tentes 
des  capitaines.  Derrière  cet  efpace  régnoit  une  rue 
de  pareille  largeur  ,  qui  féparoit  le  régiment  en  deux 
parties  égales.  La  partie  qui  en  reftoit  après  l'empla- 
cement des  tentes  du  colonel  &  de  Ion  équipage ,  fer- 
voit  à  camper  le  miniftre ,  le  chirurgien ,  &c, 

La  cavalerie  campoit  à-peu-près  dans  le  même  or- 
dre que  l'infanterie.  Une  compagnie  de  100  chevaux 
avoit  deux  files  de  huttes  de  200  pies  de  profondeur 
£>:  de  10  de  largeur,  lefquelles  étoient  féparées  par 
*m  efpace  de  50  pies.  Les  chevaux  formoient  deux 
files  dans  cet  efpace  ,  placées  chacune  parallèlement 
Se  à  la  diftance  de  cinq  pies  des  huttes.  Le  capitaine 
campoit  à  la  tête  de  fa  compagnie ,  Se  le  colonel  au 
milieu  de  fes  capitaines  ,  comme  dans  l'infanterie. 
mp  étoit  entouré  ,  ainfi  que  celui  des  Romains, 
<i'un  folie  &  d'un  parapet.  Cet  ouvrage  fc  diftribuoit 
à  toutes  les  troupes  de  l'armée  ,  &  chaque  régiment 
en  faifoitune  partie  proportionnée  au  nombre  d'hom- 
mes dont  il  étoit  compofé.  On  obfervoit  de  laifler 
un  efpace  vuide  de  200  pies  de  largeur  entre  le  re- 
tranchement du  camp  &:  fes  differens  quartiers,  afin 
d'y  placer  les  troupes  en  bataille  dans  le  beloin. 

Cette  dilpolition  ou  formation  de  camp  pafla  en- 
fuite  dans  la  plupart  des  autres  états  de  l'Europe; 
elle  a  fans  doute  été  obfervée  en  France  ,  car  on  la 
trouve  décrite  dans  plufieurs  auteurs  ,  notamment 
dans  le  livre  de  la  Doctrine  militaire  donné  en  1667 
par  le  fieur  de  la  Fontaine  ,  ingénieur  du  Roi ,  & 
dans  les  Travaux  de  Mars  par  Allain  Manetîbn  Malet. 
Il  paroît  cependant  par  plufieurs  mémoires  du  rè- 
gne de  Louis  XIII.  Se  de  la  minorité  de  Louis  XIV. 
que  nos  armées  ne  campoient  pas  toujours  enfem- 
ble  ,  comme  ces  auteurs  le  prelerivent ,  mais  en  di£ 
férens  quartiers  fépàrés  ,  qui  portoient  chacun  le  nom 
de  l'officier  qui  les  commandoit.  Il  y  a  un  grand  nom- 
bre d'exemples  de  ces  fortes  de  camps  dans  la  Vie  de 
M.  de  Turenne  ,  les  Mémoires  de  M.  de  Puyfegur  ,  Sec. 
Il  en  réfulte  que  li  les  règles  dont  on  vient  de  parler 
avoient  d'abord  été  obfervées ,  on  les  avoit  enfuite 
négligées.  Cette  conjecture  le  trouve  fortifiée  par  ce 
que  le  P.  Daniel  rapporte  dans  fon  Hifloire  de  la  mi- 
lice Françoi fe,  au  Sujet  de  l'arrangement  régulier  de 
nos  camps.  Il  y  dit ,  que  dans  un  mémoire  qui  lui  a 
été  fourni  fur  le  régiment  du  Roi,  «  on  trouve  que 
m  le  fieur  Martinet ,  qui  tut  lieutenant-colonel ,  puis 
»  colonel  du  régiment ,  commença  à  établir  ou  réta- 
Tome  II, 


CAS 


7 )  > 


»  blir  la  manière  régulière  de  camper  ».  Ce  qui  fenv 
ble  indiquer  aiTez  clairement  qu'on  avoit  précédem- 
ment oblervé  une  méthode  régulière  qui  n'étoit  plus 
d'ufage.  Quoi  qu'il  en  l'oit ,  cet  officier  faifoit  divife* 
le  camp  de  fon  régiment  par  des  rues  tirées  au  cor- 
deau. Il  le  fit  ainli  camper  aux  Pays-Bas  à  la  campa- 
gne de  1667,  &  mettre  en  faifeeaux  toutes  les  armes 
à  la  tête  des  bataillons.  Le  Roi  ayant  trouvé  cette 
méthode  fort  belle  ,  la  fit ,  dit -on  ,  pratiquer  aux 
autres  troupes.  Il  eft  vraiSTemblable  que  c'eft-là  l'o- 
rigine de  la  difpofition  actuelle  de  nos  camps ,  Si.  que 
comme  elle  ne  s'eft  apparemment  établie  qu'iruenfi» 
blement  dans  les  differens  corps  des  troupes  du  Roi  , 
l'auteur  des  Travaux  de  Mars  n'en  étoit  pas  encore 
inftruit  lors  de  la  féconde  édition  de  fon  livre  en. 
1684,  quoiqu'elle  fût  alors  généralement  fuivie  ; 
c'eft  ce  qui  eft  évident  par  le  Traité  de  l'Art  de  la 
Guerre  de  M.  de  Gaya  ,  capitaine  au  régiment  de 
Champagne,  imprime  pour  la  première  fois  en  1679.. 
On  y  trouve  à-peu-pres  les  mêmes  règles  qu'on  ob- 
ferve  encore  aujourd'hui  dans  le  campement  des  ar- 
mées :  mais  alors  les  foldats  Se  les  cavaliers  n'avoient 
point  de  tentes  ou  canonieres.  Cat  auteur  marque: 
précifément  qu'ils  fe  baraquoic-nt ,  Se  il  ne  parle  de 
tentes  que  pour  les  officiers  :  ainli  l'ufage  des  cano- 
nieres pour  les  foldats  &  les  cavaliers  eft  poftérieur  à 
1679.  Il  y  a  apparence  qu'il  ne  s'eft  entièrement  éta- 
bli que  dans  la  guerre  terminée  par  le  traité  de  Rji- 
wick  en  1697. 

Nos  camps  différent  particulièrement  de  ceux  de» 
princes  d'Orange ,  en  ce  que  les  troupes  y  font  cam- 
pées fur  deux  ou  trois  lignes  ,  l'infanterie  au  centre 
Se  la  cavalerie  fur  les  ailes ,  &  que  la  tête  ou  le  front 
du  camp  eft  entièrement  libre  ,  pour  que  l'armée 
puifle  s'y  mettre  en  bataille  en  fortant  du  camp.  Les 
officiers  font  placés  à  la  queue  de  leur  troupe  ;  l'ar- 
tillerie eft  affez  ordinairement  un  peu  en  avant  du 
centre  de  la  première  ligne  ,  Se  les  vivres ,  entre  la 
première  &  la  féconde  ligne  vers  le  milieu  de  l'ar- 
mée. Nos  officiers  généraux  ne  campent  plus  com- 
me le  failbient  ces  princes.  Ils  occupent  les  villages 
qui  le  trouvent  renfermés  dans  le  camp ,  ou  qui  en 
lont  fort  proches;  ce  qui  eft  regardé  comme  un  in- 
convénient par  bien  des  gens ,  en  ce  que  par  là  ils 
fe  trouvent  quelquefois  éloignés  des  corps  qu'ils  doi- 
vent commander  ,  Se  qu'ils  augmentent  le  nombre 
des  gardes  de  l'armée. 

Pour  le  camp ,  il  n'eft  défendu  ou  fortifié  que  par 
une  efpece  d'enceinte  formée  de  différentes  troupes 
de  cavalerie  &  d'infanterie,  qu'on  a  fubftituée  aux 
retranchemens  des  anciens,  quoique  leur  ufage  en 
cela ,  fuivant  les  plus  habiles  militaires  ,  fut  infini- 
ment Supérieur  au  nôtre  ,  non-feulement  pour  la  fu- 
reté du  camp  ,  mais  encore  pour  diminuer  la  fati- 
gue des  troupes  ,  dont  il  faut  toujours  avoir  une 
grande  partie  fous  les  armes  pour  être  à  l'abri  des 
entreprises  de  l'ennemi.  Pre/ace  des  ejfais  fur  la  Caf- 
trametaiion  ,  par  M,  le  Blond.  (  Q  ) 

CASTRATION,  1".  f.  terme  de  Chirurgie,  eft  l'ac- 
tion de  châtrer,  ou  l'opération  par  laquelle  on  am- 
pute &  retranche  les  tefticules  d'un  animal  mâle  , 
qui  devient  par  -  là  incapable  d'engendrer.  Voye% 
Testicules. 

I  a  caftration  fe  pratique  communément  en  Aùc , 
Spécialement  chez  les  Turcs,  qui  châtrent  tous  ceux 
de  leurs  efclaves  qu'ils  employent  à  la  garde  de  leurs 
femmes  ,  &  à  qui  ils  coupent  non-feulement  les  tef- 
ticules ,  mais  Souvent  même  la  verge.  La  caftration 
le  pratique  auffi  en  Italie  fur  les  muiieiens  dont  on 
veut  que  la  voix  Se  confine.  Cette  caftration  n'eu 
point  une  opération  de  Chirurgie  ,  puisqu'elle  n\i 
pas  le  rétabliflèment  de  la  faute  pour  objet.  Voya^ 
Eunuque  &  Castrati. 
La  caftration  eft  aulîi  une  opération  médicinale, 
C  C  c  c  c  ij 


7)6 


CAS 


néceffaire  en  certains  cas  ,  comme  dans  la  mortifi- 
cation ou  autres  maladies  des  teiticules  ,  &  fingu- 
lierement  dans  la  farcocele  &  la  varicocele.  On  l'a 
quelquefois  faite  auiîi  à  des  maniaques.  Foye^  Sar- 

COCELE  ,  &C. 

La  caftration  peut  auffi  le  pratiquer  fur  les  fem- 
mes. Athénée  dit  que  le  roi  Andramiris  fut  le  pre- 
mier qui  fit  châtrer  des  femmes.  Hefychius  &  Sui- 
das rapportent  que  Gyges  fit  la  même  choie.  Galien 
obferve  qu'on  ne  les  peut  châtrer  fans  les  mettre 
en  danger  de  la  vie.  Dalechamp  ,  fur  le  paffage  d'A- 
thenée  que  nous  venons  de  citer ,  dit  qu'il  ne  faut 
pas  entendre  là  châtrer  à  la  lettre ,  que  ce  n'étoit 
que  boucler. 

Pour  faire  l'opération  de  la  cajlration  dans  les  ma- 
ladies du  tclticulc,  qui  n'ont  pu  fe  guérir  par  les  dif- 
férens  fecours  qu'elles  indiquoient,  on  fait  coucher 
le  malade  fur  le  dos  ;  on  lui  fait  affujettir  les  jambes 
&  les  mains  par  des  aides.  Le  Chirurgien  pince  la 
peau  du  ferotum  fur  la  tumeur  à  l'endroit  de  l'an- 
neau ,  avec  les  pouces  &  les  doigts  indicateurs  de  les 
deux  mains  ;  un  aide  prend  le  pli  de  peau  que  tenoient 
les  doigts  de  la  main  droite  ;  l'opérateur  prend  alors 
un  biftouri  droit  avec  lequel  il  fend  ce  pli.  Il  conti- 
nue l'incilion  julqu'à  la  partie  inférieure  au  moyen 
d'une  fonde  cannelée  &  du  billouri.  Il  fépare  tout  le 
tiiïu  cellulaire  qui  entoure  le  tefticule ,  foit  en  le  cou- 
pant ,  foit  en  le  déchirant.  On  tend  le  mufcle  cre- 
maiter  fuivant  fa  longueur ,  pour  mettre  le  cordon 
fpermatique  ànud.  On  paffe  par-deffous  une  aiguille 
courbe ,  enfilée  de  quelques  brins  de  fil  ciré  ,  afin 
d'en  faire  la  ligature.  Voye^  Ligature.  Quelques 
praticiens  veulent  qu'on  ne  lie  que  l'artère.  Si  le  cor- 
don fpermatique  elt  gonflé  juiqu'au-deffus  de  l'an- 
neau ,  il  faut  débrider  cette  ouverture ,  &  ne  point 
faire  de  ligature.  On  coupe  le  cordon  ;  &  fi  l'artère 
donnoit  du  feng  ,  on  mettroit  fur  fon  embouchure  un 
peu  de  charpie  imbibée  d'eau  de  rabel. 

L'artère  de  la  cloilon  du  ferotum  donne  quelque- 
fois du  lang  :  dans  ce  cas  ,  on  peut  en  faire  la  ligatu- 
re, ou  appliquer  fur  l'embouchure  un  petit  bour- 
donnet  trempé  dans  l'elTence  de  rabel. 

Après  avoir  extirpé  le  teiticule ,  on  retranche  avec 
le  bittouri  les  lèvres  de  la  poche  que  forme  le  fero- 
tum. On  panfe  la  plaie  avec  de  la  charpie  feche , 
foùtenue  d'une  compreffe  en  fer  à  cheval ,  &  le  tout 
contenu  par  un  ùifpenibire.  Voye^  Suspensoire. 

Il  ne  faut  lever  l'appareil  qu'au  bout  de  trois  ou 
quatre  jours ,  lorfque  la  fuppuration  le  détache  :  on 
peut  feulement  dès  le  lendemain  humeder  la  char- 
pie avec  l'huile  d'hypericum. 

Les  panfemens  doivent  être  fimples  ,  &  ne  de- 
mandent pas  d'autres  attentions  que  la  cure  des  ul- 
cères. Voye^  Ulcère. 

Il  elt  à  propos  de  faire  faigner  le  malade ,  &  de  lui 
taire  fur  le  bas-ventre  des  embrocations  avec  les  hui- 
les émollientes  ,  pour  relâcher  le  tiffu  de  toutes  les 
parties  ,  &  prévenir  l'inflammation.  (  Y) 

CASTRAT l ,  f  m.  (  Hijl.  mod.  )  ce  nom  qui  ell: 
purement  Italien ,  lé  donne  à  ceux  qu'on  a  fait  eunu- 
ques dans  leur  enfance  pour  leur  procurer  une  voix 
plus  nette  &  plus  aiguë.  Les  Caftrati  chantent  dans 
les  concerts  la  même  partie  que  les  femmes ,  ou  def- 
fus.  Voyci  Dessus  ,  Chanteur.  A  l'égard  de  la 
caufe  phyfique  pour  laquelle  les  Caftrati  ont  la  voix 
grêle  &  aiguë  ;  il  ne  paroît  pas  plus  facile  de  la  trou- 
ver ,  que  d'expliquer  pourquoi  ils  n'ont  point  de  bar- 
be. Mais  le  fait  elt  certain  ,  &  cela  fuffit.  (  O  ) 

CASTRES  ,  (  Géog.  )  ville  de  France  en  Langue- 
doc. Long.  ig.  65.  lat.  43à.3j'.  10". 

CASTRO  ,  (  Géog.  )  petite  ville  maritime  d'Ita- 
lie au  royaume  de  Naples,  dans  la  terre  d'Otrante. 
Long.  J6'.  lat,  40.  18. 


CAS 

Castro  ,  (Géog.)  petite  ville  d'Italie  dans  îa 
Campagne  de  Rome  ,  fur  le  Garigliano ,  à  deux  mil- 
les de  Fondi ,  avec  titre  de  duché.  Long.  29.  i5.  lat, 

42-  33- 

Castro  d'Airo  ,  (  Géog.  )  ville  du  Portugal 
dans  la  province  de  Beira,  entre  les  rivières  de 
Duero  &c  de  Vouga. 

Castro-Buon  ,  (Géog.  )  ville  de  Portugal  dans 
la  province  de  Beira,  fur  la  rivière  de  Coa. 

Castro-Caltado  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie 
dans  le  grand  duché  de  Tolcane  ,  au  territoire  de 
Sienne. 

Castro-Franco  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie 
dans  la  marche  Trévilane ,  aux  Vénitiens. 

C astro-Geritz  ,  (  Géog.  )  ville  d'Eipagne  dans 
la  vieille  Caitille  ,  au  comte  de  Mendoza. 

Castro-Marino  ,  (  Géog.  )  ville  forte,  &  port 
de  mer  du  Portugal  dans  les  Algarves. 

Castro-Mento,  (Géog.)  ville  de  Portugal  dans 
la  province  de  Beira  ,  fur  la  rivière  de  Coa. 

Castro-Novo  ,  (  Géog.  )  ville  d'Italie  en  Sicile, 
dans  la  vallée  de  Mazare ,  à  la  fource  du  Platani. 
Long.  31.  30.  lat.  3J.  40. 

Castro-Reale  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  Sicile 
dans  le  val  de  Demona  ,  à  la  fource  du  Razzolino. 

Castro-del-Rey  ,  (  Géog.  )  ville  forte  d'Eipa- 
gne ,  dans  le  royaume  de  Galice. 

Castro-Verreyna  ,  (  Géog.  )  ville  de  l'Améri- 
que méridionale  au  Pérou  ,  fameufe  par  les  mines 
d'argent  qui  fe  trouvent  dans  fon  voitinage.  Long. 
30â.  lat.  mérid.  13. 

Castro-Villare  ,  (  Géog.)  petite  ville  d'Italie 
au  royaume  de  Naples ,  fur  les  frontières  de  la  Bafi- 
licate  ,  avec  titre  de  duché. 

Castro-de-Urdiales,  (Géog.)  petite  ville  d'Ef- 
pagne  dans  la  Bifcaye ,  avec  un  port  fur  l'Océan. 

CASTROMA ,  (  Géog.  )  rivière  de  l'empire  Ruf- 
lien  ,  qui  prend  la  fource  dans  la  contrée  de  Kneef- 
ma  ,  &  fe  perd  dans  le  Wolga. 

Castroma  ,  ou  Kastrom  ,  (  Géog.  )  ville  de 
l'empire  Ruflien  dans  le  duché  de  Sufiïal  ,  fur  les 
bords  du  "SVolga  ,  ck.  à  l'embouchure  de  la  rivière  de 
Caflroma. 

CASUALITÉ  ,  f.  f.  revenu  cafuel.  Voyc^  ci-def. 
fous  Casuel. 

CASUEL  ,  Voyc7^  CASOAR. 

CASUEL,  adj.  (Jurifprudence.)  fe  dit  de  ce  qui 
échet  fortuitement.  Ainli  un  revenu  cafuel  elt  celui 
qui  dépend  d  evenemens  incertains  qui  arrivent  ou 
n'arrivent  pas  ;  ou  qui  arrivent  tantôt  plus  fouvent , 
tantôt  plus  rarement.  Telle  ell  la  portion  des  reve- 
nus du  roi,  qui  conflit e  en  aubaines,  confiscations, 
paillette  ,  &c  Telle  eil  encore  celle  des  revenus  des 
iëigneurs  ,  qui  réfulte  des  mutations  des  fiefs  &  ter- 
res qui  relèvent  d'eux ,  comme  quints ,  requints ,  re- 
liefs ,  lods  &  ventes  ,  déshérences ,  amendes ,  &c. 
Voye^  chacun  de  ces  termes  à  leur  rang. 

On  appelle  cafuel  Amplement ,  en  fouf  entendant 
le  terme  de  revenu,  les  profits  d'une  cure  qui  ne  font 
point  fixes  ,  comme  font  le  baife-mains ,  les  baptê- 
mes ,  &  enterremens.  (  H) 

*  CASUISTE,  f.  m.  (Morale.)  Qu'eft-ce  qu'un 
Cafuifle? c'eft  un  Théologien  qui  s'eft  mis  en  état  par 
une  fongue  étude  des  devoirs  de  l'homme  &  du 
Chrétien,  de  lever  les  doutes  que  les  fidèles  peuvent 
avoir  fur  leur  conduite  paifée  ,  préfente  &c  future  ; 
d'apprécier  la  griéveté  devantT)\cu  Ht  devant  les  hom- 
mes ,  des  fautes  qu'ils  ont  commifes  ,  &  d'en  fixer  la 
jufte  réparation. 

D'où  l'on  voit  que  la  fonction  de  Cafulfle  elt  une 
des  plus  difficiles  par  l'étendue  des  lumières  qu'elle 
fuppofe ,  ôv  une  des  plus  importantes  &  des  plus 
dangereufes  par  la  nature  de  fon  objet.  Le  Cafuijlt 
tient ,  pour  ainll  dire ,  la  balance  entre  Dieu  &  la 


CAS 

créature  ;  il  s'annonce  pour  confervatcur  du  dépôt 
facré  de  la  morale  évangélique  ;  il  prend  en  main 
la  règle  éternelle  &  inflexible  des  actions  humaines  ; 
il  s'impofe  à  lui-même  l'obligation  de  l'appliquer 
fans  partialité  ;  &  quand  il  oublie  l'on  devoir,  il  le 
rend  plus  coupable  que  celui  qui  vend  aux  peuples 
leur  fubfiflance  temporelle  à  taux  poids  &  à  faillie 
mefure. 

Le  Cafuijîe  efl  donc  un  perfonnage  important  par 
fon  état  &c  par  l'on  caractère  ;  un  homme  d'autorité 
dans  Ifraël ,  dont  par  coniéquent  la  conduite  &  les 
écrits  ne  peuvent  être  trop  rj<raureufernent  exami- 
nés :  voilà  mes  principes.  Cependant  je  ne  fai  s'il 
faut  approuver  la  plaiianterie  éloquente  &  redou- 
table de  Pafcal ,  &  le  zèle  peut-être  indiferet  avec 
lequel  d'autres  auteurs,  d'ailleurs  très-habiles  &  très- 
retpeetables ,  pourfuivirent  vers  le  milieu  du  liecle 
dernier  ,  la  morale  relâchée  de  quelques  Cafuifles 
obfcurs.  Ils  ne  s'apperçurent  pas  fans  doute  que  les 
principes  de  ces  Cafuifles  recueillis  en  un  corps  ,  & 
expofés  en  langue  vulgaire  ,  ne  manqueraient  pas 
d'enhardir  les  pafTions ,  toujours  difpofées  à  s'ap- 
puyer de  l'autorité  la  plus  frêle.  Le  monde  ignorait 
qu'on  eût  ofé  enfeigner  qu'il  efl  quelquefois  permis  de 
mentir  ,  de  voler ,  de  calomnier ,  d'afjafflner  pour  une 
pomme  ,  &c.  Quelle  nécefiité  de  l'en  inftruire  ?  Le 
fcandale  que  la  délation  de  ces  maximes  occafion- 
na  dans  l'Eglife  ,  fut  un  mal  plus  grand,  que  celui 
qu'auroient  jamais  fait  des  volumes  poudreux  relé- 
gués dans  les  ténèbres  de  quelques  bibliothèques 
monaftiques. 

En  effet  ,  qui  connoifToit  Villalobos  ,  Connink  , 
Llamas  ,  Achozier  ,  Dealkofer  ,  Squilanti  ,  Bizo- 
teri ,  Tribarne ,  de  Graffalis ,  de  Pitigianis  ,  Strevef- 
dorf,  &  tant  d'autres ,  qu'on  prendrait  à  leurs  noms 
&  à  leurs  opinions  pour  des  Algériens  ?  Pour  qui 
leurs  principes  étoient-ils  dangereux  ?  pour  les  en- 
fans  qui  ne  lavent  pas  lire  ?  pour  les  laboureurs  ,  les 
marchands  ,  les  artilans  ,  &  les  femmes  qui  ignorent 
la  langue  dans  laquelle  la  plupart  ont  écrit  ?  pour  les 
gens  du  monde  qui  lifent  à  peine  les  ouvrages  de 
leur  état  ;  qui  ont  oublié  le  peu  de  Latin  qu'Us  ont 
rapporté  des  collèges ,  &  à  qui  une  diffîpation  con- 
tinuelle ne  laiffe  prefque  pas  le  tems  de  parcourir 
Un  roman  ?  pour  une  poignée  de  Théologiens  éclai- 
rés &  décidés  fur  ces  matières  ?  Je  voudrais  bien 
qu'un  bon  Cafuijîe  m'apprît  qui  cft  le  plus  coupable 
ou  de  celui  à  qui  il  échappe  une  propolition  abliir- 
de  qui  pafferoit  fans  conséquence ,  ou  de  celui  qui 
la  remarque  6c  qui  l'étcrnife. 

Mais,  après  avoir  protejlé  contre  tout  dejlr  d'une  liberté 
qui  s' exe  recroit  aux  dépens  de  la  tranquillité  de  l'état  & 
de  la  religion  ,  ne  puis-je  pas  demander  fi  l'oubli  que 
je  viens  de  propofer  par  rapport  aux  corrupteurs 
obfcurs  de  la  morale  Chrétienne,  n'eft  pas  applicable 
à  tout  autre  auteur  dangereux,  pourvu  qu'il  ait  cent 
en  langue Jkvante}  Il  me  femble  qu'il  faut  ou  embraf- 
fer  l'affirmative,  ou  abandonner  les  Cafuijlcs,  Car 
pourquoi  les  uns  piériteroient-ils  plus  d'attention  que 
les  autres?  Des  Cafuijlcs  relâches  Ici  oient-ils  moins 
pernicieux  &  plus  méprifables  que  des  inconvaincus? 

Mais  ,  dira-t-on  ,  ne  vaudroit-il  pas  mieux  qu'il  n'y 
eût  ni  incrédules  ni  mauvais  Cafuijlcs  ,  &  que  les  pro- 
ductions des  uns  &  des  autres  ne  parujfent  ni  en  Lingue 
favantt  ,  ni  en  langue  vulgaire?  Rien  n'eu  plus  viai , 
de  même  qu'il  ferait  à  fouhaiter  qu'il  n'y  eût  ni  ma- 
ladies ni  méchanceté  parmi  les  hommes-  Maisc'efi 
une  nécefiité  qu'il  y  ait  des  malades  &  des  m  ce  lia  ns, 
ce  il  y  a  des  maladies  &  des  crimes  que  les  remèdes 
ne  font  qu'aigrir. 

Et  qui  vous  a  dit ,  continucra-î-on  ,  qu'il  efl  aufji 
e  qu'il  y  ait  parmi  nous  des  Cafuifles  relu 
des  incrédules  ,  que  des  médians  &  des  malades 
vons-nous  pas  des  lois  qui  peuvent  nous  meure  à  (.ouvert 
de  l'incrédulité  &  du  relâchement  ? 


C  A  T 


Je  ne  prétens  point  donner  des  bornes  aux  0l!1f_ 
fances  eccléiiaftiques  &  civiles  :  perfonne  ne  refpmle 
plus  que  moi  l'autorité  des  lois  publiées  contre  les  au- 
teurs dangereux  ;  mais  je  n'ignore  pas  que  ces  lois 
exiftoient  long-tems  avant  les  Cafuifles  relâchés  & 
leur  Apologijle ,  &  qu'elles  ne  les  ont  pas  empêchés  dé 
penjer  &  d 'écrire. 

Je  fais  auffi  que  par  l'éclat  de  la  procédure ,  les 
lois  civiles  pourraient  arracher  des  productions  mi- 
lérables  à  l'obfcurité  profonde  où  elles  ne  deman- 
deraient qu'à  relier,  &  que  c'eft-là  précifément  ce 
qu'elles  auraient  de  commun  avec  les  lois  ecclelhlti- 
ques  dans  la  cenfure  de  Cafuifles  ignorés,  qu'une  déla- 
tion maligne  aurait  fait  connoître  mal-à-propos. 

Au  relie,  c'eli  moins  ici  une  opinion  que  je  pré- 
tens établir ,  qu'une  queftion  que  je  propofe.  C'ell 
aux  fages  magiftrats,  chargés  du  dépôt  des  lois,  8& 
aux  illuftres  prélais  qui  veillent  pour  le  maintien  de 
la  foi  6c  de  la  morale  évangélique,  à  décider  dans 
quels  cas  il  vaut  mieux  ignorer  que  punir;  &  quel* 
les  font ,  pour  me  fervir  de  Pexpreffion  d'un  auteur 
célèbre,  les  bornes  précités  de  la  nécefiité  d 
quelles  il  faut  tenir  les  abus  &  les  fcandales.  F.C.KS, 
Aius-Locvrius,  &  le  J.  de  Trévoux,  Nov.  Ijâl. 

CASZBEQUI ,  f.  m.  {Commerce.')  monnoie  de  cui- 
vre de  Perlé,  que  l'on  nomme  plus  communément 
kabeski^.  Voyt^  K.ABESKIZ. 

CAT  ou  CATH ,  (  Géog.  )  ville  d'Afie,  dans  la 
province  de  Khuarezm ,  fur  le  fleuve  Oxus  ou  Gihom 
Long.  g5.  lat.  41.  36. 

CATABAPTÏSTE,  f.  m.  (Kifl.  eedef  )  nom  dont 
on  s'eit  lervi  quelquefois  pour  déligner  en  et  ' 
tout  hérétique  qui  nie  la  nécefiité  du  baptême ,  fur- 
tout  pour  les  enfans. 

Ce  mot  efl  compofé  de  la  prépofition  greque  zala^ 
qui  en  composition  lignifie  quelquefois  contre  ,.  a  l'en- 
contre,  &  de  /ïa^Tw,  laver,  baigner.  Ainli  catabaptifle 
efl  la  même  choie  qu' oppofé  au  baptême,  f'oye^  Bap- 
tême. (G) 

CATABIBAZON,  en  Aflronomie ,  elt  le  nœud  des- 
cendant de  la  lune,  qu'on  appelle  auffi  queue  du  dra- 
gon. roye?QvEVL  ou  Dragon  &  A.nabibazov. 

(P) 

CATACAUSTIQUE ,  f.  f.  (Géom.)  cft  la  caufli- 
que  formée  par  des  rayons  réiléchis.  On  la  nomme 
ainli  pour  la  difringuer  de  la diacauRique.  V.  Cals- 
tique,  DiACAUSTIQUE,  RÉFLEXION,  CATOP- 
TRIQUE,  &c.  (0) 

CÀTACHRESE,  f.  f.  (Rhét.)  trope  ou  figure  de 
Rhétorique  par  laquelle  on  employé  un  mot  impro- 
pre à  la  place  d'un  mot  propre. 

Ce  terme  cil  formé  du  Grec  zaTarpa'.-^s; ,  f, 
qui  lui-même  eit  dérivé  de  xa-à,  contre ,  6c  de  ;  : 
fufe;  c'elt-à-dire,  j'ufe  du  mot  contre  fa  fignifeation 
propre  &  naturelle. 

JJn  employé  donc  la  catachrefc  lorfquc  faute  de 
trouver  un  mot  propre  pour  exprimer  une  penfée, 
l'on  abufe  d'un  mot  qui  en  approche,  comme  lorf- 
qu'on  dit ,  <.'  .  ur  un  bâton  ,  equitare  in  arun- 

dine  lor.g.i.  La  raifon  rejette  ces  expreiiîons  ( 
la  nécefiité  les  exeufe  ;  &  le  fens  qu'on  y  attache 
fauve  la   contradiction  qu'elles  préfentent.   i 
ap<  (G) 

CAT.U  LYSME  ,  f.  m.  ttaTaxXvej  ec  qui 

lignifie  un  déluge  ou  ino 

CATACOM15E  ou  CATACUMBÏ  ,  f.  f.  (7/ 
moJ.)  fignifie  des  lieux  ou  des  cavités  foûterraines 
pratiquées  pour  fervir  à  la  fepulture  des  morts. 

Quelques-uns  dérivent  ce  mot  de  l'endroit  où  on 
gardoit  les  vauTeaux,  &  que  les  Grecs  &  les  Latins 
modernes  ont  appelle  combt;  d'autres  difent  qu'on 
s'etl  fervi  autrefois  de  c.:u  pour  ad ,  de  forte  que  ca* 

Dadin  aflure  en  c 
quçnçe  qu'on  a  écrit  anciennement  catatumbasj  d'au- 


753 


C  A  T 


très  tirent  ce  mot  du  Grec  mt*  &c  de  muCgç,  creux  , 
cavité,  ou  autre  choie  lemblable, 

On  nommoit  auffi  les  catacombes,  crypta  &  cœme- 
teria. 

Le  mot  catacombc  ne  s'entendoit  autrefois  que  des 
tombeaux  de  S.  Pierre  &  de  S.  Paul;  &  M.  Châtelin, 
miniiîre  proteftant,  obferve  que  parmi  les  Catholi- 
ques Romains,  les  plus  habiles  n'ont  jamais  appliqué 
le  mot  catacombc  aux  cimetières  de  Rome  ;  mais  leu- 
lementà  une  chapelle  de  S. Sebaftien,  où  l'ancien 
calendrier  Romain  marque  qu'a  été  mis  le  corps  de 
S.  Pierre ,  fous  le  confulat  de  Tuicus  &  de  Baffus  en 

258- 

Le  mot  catacombc  eft  particulièrement  en  ufage  en 
Italie,  pour  marquer  un  vafte  amas  de  fepulchres 
ibùterrains  dans  les  environs  de  Rome,  &  principale- 
ment dans  ceux  qui  font  à  trois  milles  dexette.ville , 
dans  la  via  appia  ou  la  voie  appienne.  On  croit  que 
ce  font  les  fepulchres  des  martyrs  ;  on  va  en  conlé- 
quence  les  vifiter  par  dévotion ,  &  on  en  tire  les  re- 
liques qu'on  envoyé  maintenant  dans  tous  les  pays 
catholiques ,  après  que  le  pape  les  a  reconnus  fous  le 
nom  de  quelque  laint.  Foyar  Saint,  Martyr  & 
Relique. 

Plufieurs  auteurs  difent  que  c'étoit  des  grottes  où 
fe  cachoient  &  s'affernbloient  les  premiers  Chrétiens, 
&  où  ils  enterroient  leurs  martyrs  ;  ces  catacombes 
font  de  la  largeur  de  deux  à  trois  pies,  6c  de  la  hau- 
teur de  huit  à  dix  pour  l'ordinaire,  en  forme  d'allée 
ou  de  «alêne ,  communiquant  les  unes  aux  autres  , 
&  s'étendent  fouvent  jufqu'à  une  lieue  de  Rome  ;  il 
n'y  a  ni  maçonnerie  ni  voûte,  la  terre  fe  foûtenant 
d'elle-même.  Les  deux  côtés  de  ces  rues,  que  l'on 
peut  regarder  comme  les  murailles ,  fervoient  de 
haut-en-bas  pour  mettre  les  corps  des  morts  ;  on  les 
y  plaçoit  en  long ,  trois  ou  quatre  rangées  les  unes 
fur  les  autres ,  &  parallèlement  à  la  rue  ;  on  les  en- 
fermoit  avec  des  tuiles  fort  larges  &  fort  épaiffes , 
&  quelquefois  avec  des  morceaux  de  marbre ,  cimen- 
tés d'une  manière  qu'on  auroit  peine  à  imiter  de  nos 
jours.  Le  nom  du  mort  le  trouve  quelquefois,  mais 
rarement ,  fur  les  tuiles  :  on  y  voit  aufli  quelquefois 
une  branche  de  palmier  avec  cette  infeription  pein- 
te ou  gravée,  ou  ce  chiffre  X P ,  qu'on  interprète 
communément pro  Chrifio.  Fcryesr  Saint. 

Plufieurs  auteurs  Proteftans  penfent  que  les  cata- 
combes ne  font  autre  chofe  que  les  fepulchres  des 
payens,  &  les  mêmes  dont  Fefius  Pompeius  tait  men- 
tion fous  le  nom  de  puticuli ;  &  ils  foûtiennent  en  mê- 
me tems  que  quoique  les  anciens  Romains  fuffent 
dans  l'ufage  de  brûler  leurs  morts,  cependant  ils 
avoient  auilî  coutume ,  pour  éviter  la  dépenfe ,  de  jet- 
ter  les  corps  de  leurs  efclaves  dans  des  trous  en  terre, 
Se  de  les  y  laiffer  pourrir;  que  les  Romains  Chré- 
tiens voyant  enfuite  la  grande  vénération  qu'on  avoit 
pour  les  reliques,  Se  délirant  d'en  avoir  à  leur  4il- 
pofition,  ils  entrèrent  dans  les  catacombes ,  qu'ils  mi- 
rent à  côté  des  tombeaux  les  chiffres  ou  inicriptions 
qu'il  leur  plut ,  &  les  fermèrent  enfuite  pour  les  ou- 
vrir quand  ils  en  trouveroient  l'occafion  favorable  : 
ceux  qui  étoient  dans  le  fecret,  ajoutent-ils,  étant 
venus  à  mourir  ou  à  s'éloigner,  on  oublia  ce  ftrata- 
gème  jufqu'à  ce  que  le  hafard  fit  ouvrir  les  catacom- 
bes. Mais  cette  opinion  eft  encore  moins  probable 
que  la  première. 

M.  Moreau,  dans  les  Tranfaclions  Philofophiques , 
prend  un  milieu  entre  ces  deux  extrémités  ;  il  fup- 
pofe  que  les  catacombes  ont  été  originairement  les 
fepulchres  des  Romains,  &  qu'on  les  creufa  en  con- 
féquence  de  ces  deux  opinions,  que  les  ombres  haif- 
fent  la  lumière ,  &  qu'elles  fe  plaifent  à  voltiger  au- 
tour des  endroits  où  les  corps  font  placés. 

Il  eft  certain  que  la  première  manière  d'enterrer 
a  été  de  mettre  des  corps  dans  des  caves;  £c  il  pa- 


C  A  T 

roîf  que  cette  manière  a  paffé  des  Phéniciens  chez 
les  nations  où  ils  ont  envoyé  des  colonies  ;  &  que 
l'ufage  où  nous  lbmmes  ou  d'expofer  les  corps  morts 
à  l'air,  ou  de  les  enterrer  dans  des  églifes,  a  été  in- 
troduit d'abord  par  les  Chrétiens.  Lorfqu'un  ancien 
héros  mouroit,  ou  qu'il  étoit  tué  dans  quelqii'expé- 
dition  étrangère,  comme  le  corps  étoit  fujet  à  cor- 
ruption ,  &  par  conléquent  peu  propre  à  être  trans- 
porté en  entier,  on  avoit  trouvé  l'expédient  de  le 
brûler  pour  en  pouvoir  rapporter  les  cendres  dans 
fa  patrie ,  &  obliger  ainfi  ies  mânes  à  le  fuivre  ;  en- 
forte  que  le  pays  qui  avoit  donné  naiffance  aux 
morts  ,  ne  fût  pas  privé  de  l'avantage  de  leur  protec- 
tion. C'eft  ainfi  que  la  coutume  de  brûler  les  corps 
commença  à  s'introduire  ,  que  par  degrés  elle  de- 
vint commune  à  tous  ceux  qui  en  pouvoient  faire  la 
dépenie,  &  qu'elle  prit  enfin  la  place  des  anciens 
enterremens  ;  les  catacombes  celferent  donc  d'être  d'u- 
fage  pour  les  Romains  lorfque  ceux-ci  eurent  em- 
prunté des  Grecs  la  manière  de  brûler  les  corps  , 
&  on  ne  mit  plus  en  terre  que  les  feuls  efclaves.  Foye^ 
Enterrement. 

Ces  lieux  qui  fe  trouvoient  ainfi  tout  préparés, 
étoient  fort  propres  aux  aflémblées  des  premiers 
Chrétiens  :  mais  jamais  ceux-ci  n'auroient  pu  les 
bâtir. 

L'empire  étant  devenu  chrétien ,  on  les  abandonna 
encore  jufqu'à  ce  que  la  lefture  de  quelques  auteurs 
y  fit  faire  de  nouveau  attention.  Quant  au  fameux 
chiffre  XP,  on  obferve  qu'il  étoit  déjà  en  ufage  long- 
tems  avant  Jefus-Chrift. L'abbé  Bencini  dit  qu'il  étoit 
compofé  des  deux  lettres  Greques  X ,  p,  fous  lefquel- 
les  étoient  cachés  quelques  feus  myftiques  :  mais  per- 
fonne ,  dit  Chambers,  ne  les  explique. 

L'auteur  Anglois  n'a  rapporté  cette  opinion  que 
pour  infirmer  le  premier  lcntiment ,  qui  veut  que  les 
catacombes  n'ayent  fervi  qu'à  la  fépulture  des  pre- 
miers Chrétiens  :  il  difiimule  qu'outre  le  chiffre  ^^ 
qui  ne  cache  aucun  myftere  &  qui  n'eft  que  le  mo- 
nogramme de  Jefus-Chrift ,  on  a  trouvé  fur  les  pier- 
res &  tombeaux  des  catacombes  des  figures  d'un  bon 
pafteur  &  d'un  agneau  ;  ce  qui  ne  peut  convenir  qu'à 
des  Chrétiens.  On  conclurroit  mal  de  là  ,  que  tous 
ces  Chrétiens  étoient  faints  :  mais  pour  peu  qu'on 
fane  attention  aux  mœurs  dés  Chrétiens  de  la  primi- 
tive Egliie ,  on  en  conclurra  toujours  avec  une  certi- 
tude morale ,  que  leurs  offemens  &  reliques  étoient 
dignes  de  vénération.  Chambers  ne  tait  point  un 
crime  aux  payens  de  l'honneur  qu'ils  rendoient  aux 
cendres  de  leurs  héros  ;  &  il  tâche  de  rendre  fufpec- 
tes  les  reliques  des  martyrs ,  afin  d'attaquer  indirec- 
tement leur  culte.  Les  papes  ont  été  fi  peu  perfua- 
dés  que  tous  les  offemens  trouvés  dans  les  catacom- 
bes fuffent  des  reliques  des  faints  ,  qu'ils  ont  toujours 
été  d'une  extrême  réferve  à  en  accorder ,  6c  à  les 
faire  conftater.  (  G  ) 

C  AT  ACOUSTIQUE  ,  f.  f.  qu'on  appelle  aufïi 
Cataphonique ,  eft  la  f  cience  qui  a  pour  objet  les  fons 
refléchis  ;  ou  cette  partie  de  l'Acouftiquequi  coniide- 
re  les  propriétés  des  échos  ;  ou  en  général  des  fons 
qui  ne  viennent  pas  directement  du  corps  fonore  à 
l'oreille ,  mais  qui  ne  la  frappent  qu'après  qu'ils  y  ont 
été  renvoyés  par  quelque  autre  corps.  Ce  mot  Ca- 
tacoujlique  eft  analogue  au  mot  Catoptrique,  qui  figni- 
fie  la  feience  qui  a  pour  objet  les  rayons  de  lumière- 
réfléchis,  &  leurs  propriétés  :  ainfi  la  Catacoujiiquc  eft 
à  l'Acouftique  proprement  dite  ,  ce  que  la  Catoptri- 
que eft  à  l'Optique.  Foye^  Acoustique,  Echo, 
&  Son. 

*  CATACTHONIEN,  (Myth.  )  c'eft  ainfi  qu'on 
avoit  furnommé  à  Opunte  le  fouverain  pontife  des 
dieux  de  la  terre  &  des  enfers. 

CATADIOPTR[QUE,adj.(0^«,;.)  on  donne 
ce  nom  à  ce  qui  appartient  à  la  fois  à  la  Catopcrique&c 


C  A  T 

à  la  Diop.rique ,  c'eft-à-dire  à  ce  qtii  appartient  à  la 
théorie  de  la  lumière  refléchie  Se  de  la  lumière  rom- 
pue. Par  exemple  un  infiniment  ou  lunette  qui  re- 
fléchit &' rompt  en  même  tems  les  rayons,  elt  ap- 
pelle télefcope  catadioptrique.  Foyc^  TÉLESCOPE.  (0) 

CATADUPES  ,  xaTaifWsi:  les  anciens  donnoient 
ce  nom  aux  peuples  qui  habitoient  proche  des  cata- 
dupes  ou  catarades  du  Nil.  On  les  repréfente  tous 
comme  lourds ,  à  caule  du  fracas  que  font  continuel- 
lement les  eaux  du  fleuve  en  tombant,  ^jy-j;  Cata- 
racte. (G) 

CATAFALQUE  ,  f.  m.  (Jrckitecl.  )  de  l'Italien 
catafalco,  lignine  littéralement  échaffaud  ou  élévation 
faite  ordinairement  de  charpente  pour  recevoir  les 
décorations  d'Architedure  ,  Peinture ,  &  Sculpture , 
dreflées  à  l'occalion  des  pompes  funèbres.  (  P  ) 

CATAGMATIQUE,  adj.  terme  de  Médecine ,  mé- 
dicamens  propres  à  fonder  &  à  unir  des  os  ,  en  ac- 
célérant la  formation  du  calus.  V.  Calus,  Frac- 
ture, &  Os. 

Ce  mot  vient  du  Grec  meUÂ-yfjut ,  qui  fignifie  frac- 
ture. 

Les  principaux  catagmadques  font  le  bol  d'Armé- 
nie ,  la  gomme  adragant,  l'oftéocolle ,  les  noix  de 
cyprès , l'encens ,  l'aloès,  l'acacia,  &c.  J^by.  Con- 
solidation. (A7) 

*  CATAGOGIES  ,  f.  f.  pi.  (  Mythol.  )  fêtes  infti- 
tuées  en  l'honneur  de  Venus.  Ceux  d'Eryce  en  Sicile 
faifoient  une  fête  qu'ils  appelloient  Vanagogic  ,  ou  le 
départ  de  Venus  pour  la  Libye.  Ce  départ  étoit  fon- 
dé parmi  eux,  fur  ce  qu'alors  on  ceflbit  de  voir  des 
pigeons.  Ils  imaginoient  que  ces  oifeaux  confacrés  à 
la  déefle ,  lui  lervoient  d'eicorte.  Elien  qui  raconte 
toutes  ces  chofes  comme  un  homme  qui  les  auroit 
crues,  ajoute  qu'après  neuf  jours  d'abfcnce ,  il  pa- 
roiffoit  fur  la  mer  du  côté  de  l'Afrique  ,  une  colom- 
be purpurine,  &  beaucoup  plus  belle  que  les  au- 
tres :  c'étoit  l'avantcoureufe  de  Venus  qui  revenoit 
accompagnée  d'une  nuée  de  pigeons  ;  alors  ceux  d'E- 
ryce célébroient  les  catagogies ,  ou  fêtes  du  retour. 

CATALAJUD  ,  (Géog.)  petite  ville  d'Efpagne 
au  royaume  d'Arragon  ,  fur  la  rivière  de  Xalon  ,  à 
l'embouchure  de  celle  de  Xaloca. 

CATALECTIQUE,  adj.  terme  de  la  PoéJIe  Greque 
&  Latine ,  ufité  parmi  les  anciens  pour  défigner  les 
vers  imparfaits  ,  auxquels  il  manquoit  quelques  pies 
ou  quelques  fyllabes  ,  par  oppolition  aux  vers  aca- 
tale'àiques ,  auxquels  il  ne  manquoit  rien  de  ce  qui 
devoit  entrer  dans  leur  ftrudure.  Ce  mot  eft  origi- 
nairement Grec  ,  &  formé  de  xarà  ,  contra  ,  &  de 
Xtya  ,  dejino  ,  je  finis  ;  c'eft-à-dire  qui  n'ejl pas  termi- 
né ou  fini  dans  les  règles.  Voye?^  Acatalectique. 

(G) 

CATALEPSIE,  1.  f.  (  Médecine.  )  maladie  fopo- 

reufe  qui  lailit  tout-d'un-coup  le  malade  ,  le  fait  ref- 
ter  dans  la  fituation  où  il  étoit  au  moment  de  l'ac- 
cès ,  &  lui  fait  perdre  le  fentiment  &  le  mouvement, 
quoique  la  refpiration  fublifte  ainfi  que  le  battement 
des  artères  ,  qui  à  la  vérité  font  moins  torts  que  dans 
l'état  naturel.  Il  arrive  alors  une  ceffation  de  mou- 
vement du  fang  contenu  dans  les  artères  du  cerveau  , 
&  du  fluide  nerveux  ,  dont  la  fecrétion  le  fait  dans 
les  glandes  de  cette  partie,  fans  que  ce  mouvement 
foit  intercepté  dans  le  cervelet  :  c'eft  pourquoi 
les  fondions  qui  ne  dépendent  pas  de  la  volonté  , 
font  exécutées  ,  pendant  que  celles  qui  y  font  foù- 
miles  font  fufpendues.  On  trouve  par  la  diffedion 
des  cadavres  de  ceux  qui  font  morts  de  cette  mala- 
die, que  les  vaiûeaux  tant  artériels  que  veneux  du 
cerveau  ,  font  remplis  d'un  fang  épais  &  groffier 
qui  y  elt  engorgé.  En  conséquence  de  cet  engorge- 
ment ,  les  eîprits  animaux  ne  le  féparent  pas  pour 
palier  dans  les  filets  de  nerfs  qui  partent  du  cerveau , 


C  A  T 


759 


&  produire  le  mouvement  mufculaire  ;  ce  qui  eft  lt 
vrai ,  que  le  malade  refle  dans  la  fituation  où  on  l'a 
mis  ;  h  on  lui  levé  un  bras  fur  la  tête  ,  ce  bras  demeu- 
re immobile  à  cet  endroit  ;  li  l'on  élevé  une  paupiè- 
re, elle  ne  s'abaiilè  point  d'elle-même  ;  enfin  li  l'on 
lui  fait  fléchir  un  doigt  ou  plulîeurs ,  ils  reflent  fléchis 
jufqu'à  ce  que  l'on  prenne  foin  de  les  étendre.  On 
peut  voir  à  l'article  Assoupissem  ENTdeux  oblerva- 
tions  fur  cette  maladie ,  tirées  des  Mém.  de  l'acad. 

Cette  maladie  a  plufieurs  cauies ,  la  mélancholie 
portée  au  dernier  degré,  toutes  fortes  d'affedions  vi- 
ves de  l'ame  ,  furtout  lorlqu 'elles  font  fubites,  com- 
me la  perte  inopinée  d'une  perfonne  chère  ,  d'un 
procès,  &c.  Les  méditations  profondes  &  continuées 
long-tems  lur  un  même  lujet ,  un  travail  forcé  dans 
le  cabinet ,  &c.  font  aufli  quelquefois  caufe  de  cette 
maladie ,  fur-tout  lorlque  l'on  ne  prend  pas  de  nour- 
riture convenable  &  proportionnée  à  la  déperdi- 
tion de  fubltance.  Les  indications  que  l'on  a  à  rem- 
plir pour  parvenir  à  la  guérifon  de  cette  maladie  , 
font  de  tirer  le  malade  de  cette  affedion  foporeufe 
par  quelque  chofe  qui  puifle  l'affeder  vivement  , 
telle  que  le  fon  d'une  cloche ,  le  bruit  d'un  canon  , 
l'odeur  des  fels  volatils  &  pénétrans.  Si  ces  moyens 
ne  iurrilent  pas ,  il  faut  employer  les  véficatoires  , 
les  fearifications ,  St  autres  opérations  femblables, 
qui  puiflènt  exciter  quelque  douleur;  &  félon  Boer- 
haave ,  rien  de  mieux  que  de  procurer  au  moyen  des 
fternutatoires  une  hémorrhagie  abondante  par  les  na- 
rines, ou  parles  hémorrhoïdes  au  moyen  de  l'appli- 
cation des  languies,  jointe  à  un  régime  humedant, 
aux  vomitifs,  &c.  Voyc^  Assoupissement.  (A/) 

CATALOGNE ,  (  la  )  Géog.  province  d'Efpagne 
avec  titre  de  principauté.  Elle  eft  bornée  au  nord 
par  les  Pyrénées  ,  au  levant  &  au  midi  par  la  Médi- 
terranée, à  l'occident  par  le  royaume  d'Arragon  Se 
de  Valence.  Ce  pays  eft  abondant  en  vin,  grains, 
fruits ,  huile ,  &  lin.  Il  s'y  trouve  beaucoup  de  mi- 
nes ,  tk.  même  des  pierres  précieufes  ;  la  capitale  eft 
Barcelone. 

CATALOGUE  ,  f.  m.  (Littéral.  &  Librair.)  eft  unq 
énumération  ou  lifte  de  noms  d'hommes  ,  de  livres  , 
&  d'autres  chofes  difpofées  fuivant  un  certain  ordre. 
Ce  mot ,  lelon  du  Cange ,  étoit  employé  dans  la  baffe 
latinité  ,  pour  lignifier  collection  ,  du  Grec  Kaildxoyoç 
de  x.ttja.xi-)  a ,  recenfeo. 

Nous  n'entrerons  point  dans  le  détail  des  différen- 
tes colledions  auxquelles  on  a  coutume  de  donner  ce 
nom.  V.  Cabinet,  Etoile.  Nous  nous  contenterons 
de  parler  des  catalogues  de  livres,  parce  que  de  toutes 
les  colledions  c'eft  en  effet  la  plus  intéreflante. 

Ce  qui  exifte  ,  ce  qui  arrive ,  ce  qu'on  peut  dire, 
faire ,  ou  imaginer ,  tout  enfin  étant  matière  de  li- 
vres, la  vie  la  plus  longue,  &  l'étude  la  plus  afli- 
due  ,  ne  mettent  que  difficilement  en  état  d'en  ac- 
quérir la  connoiffance.  Un  homme  de  Lettres  doit 
cependant  s'en  taire  un  plan  méthodique  ,  afin  defa- 
voir  caradérifer  èV  réduire  à  des  clafïcs  convenables 
ce  nombre  prodigieux  d'écrits  qu'on  a  donnés  & 
qu'on  donne  tous  les  jours  au  public  :  autrement  il 
cil  expofé  à  errer  perpétuellement  dans  l'immenfité 
de  la  Littérature,  comme  dans  un  labyrinthe  plein 
de  routes  confufes. 

Ce  fyftème  ou  plan  méthodique  confifte  à  divifer 
Se  fous-dh  ifer  en  diverfes  dalles  tout  ce  qui  tait  l'ob- 
jet de  nos  connoiflances;  chacune  des  chiffes  primi- 
tives pouvant  être  confidérée  comme  un  tronc  qui 
porte  des  branches ,  des  rameaux ,  Se  des  feuilles.  La 
difficulté  à  lurmonter  pour  établir  entre  toutes  ces 
parties  l'ordre  qui  leur  convient,  eft  i°.  de  fixer  fo 
rang  que  les  dalles  primitives  doivent  tenir  entr'el- 
les  ;  2°.  de  rapporter  à  chacune  d'elles  la  quantité 
immenfe  de  branches, de  rameaux ,  Se  de  feuilles  qui 
lui  appartiennent. 


760 


C  A  T 


Ces  divifions  &  fous-divifions  une  fois  établies , 
forment  ce  qu'on  nomme  fyfëmt  bibliographique,  & 
s'appliquent  à  l'arrangement  des  livres ,  l'oit  dans  une 
bibliothèque,  foit  dans  un  catalogue.  Un  des  avanta- 
ges que  l'on  retire  de  ces  divilions  &  fous-divilions 
bien  établies,  elt  de  trouver  avec  facilité  les  livres 
que  l'on  cherche  dans  une  bibliothèque  &C  dans  un  ca- 
talogue ;  elles  procurent  auffi  à  l'homme  de  Lettres 
le  moyen  de  connoître  affez  promptement  ce  qu'on 
a  écrit  de  meilleur  fur  les  matières  qu'il  étudie,  ou 
qu'il  le  propole  d'étudier. 

De  favans  Bibliographes  &  des  Libraires  habiles 
ont  donné  différens  l'yltèmes  de  catalogues  :  mais  il 
feroit  inutile  &  trop  long  de  les  rapporter  ici  ;  nous 
nous  contenterons  d'indiquer  les  principaux  que  l'on 
pourra  conl'ulter.  On  a  obligation  à  Lambecius  du  ca- 
talogue des  manui'crits  de  la  bibliothèque  de  l'empe- 
reur; Mettaire  a  fait  celui  de  la  bibliothèque  Har- 
leienne;  Profper  Marchand  a  luivi  des  routes  qui  lui 
étoient  particulières ,  &  en  a  donné  les  râlions  dans 
la  préface  de  Ion  catalogue  de  Faultrier.  Celui  de  tous 
qui  s'elt  fait  jufqu'à  prélent  le  plus  de  réputation  dans 
ce  genre  de  littérature ,  &  qui  en  effet  a  mis  le  plus 
d'ordre ,  d'intelligence  ,  &  de  raifonnement  dans  les 
divilions ,  &  le  plus  d'inltrucf  ions  fur  les  livres  ra- 
res dans  l'es  notes ,  elf  M.  Martin  ,  Libraire  de  Paris  ; 
aulîi  Ion  fyitème  eif-il  le  plus  généralement  adopté. 
Quoiqu'on  le  trouve  dans  tous  les  catalogues  qu'il  a 
donnés  au  public,  nous  croyons  devoir  le  rapporter 
ici  en  faveur  de  ceux  qui  ne  font  point  à  portée  de 
fe  les  procurer. 

Si  le  catalogue  de  la  bibliothèque  du  Roi  étoit  ache- 
vé ,  nous  croirions  n'avoir  rien  de  plus  agréable  &c 
de  plus  inftruclif  à  donner  au  public  fur  cette  ma- 
tière ,  que  le  fyltème  que  l'on  y  a  adopté.  Les  divi- 
fions générales  font  les  mêmes  que  celles  de  M.  Mar- 
tin :  mais  on  y  a  porté  les  divifions  à  un  degré  de  dé- 
tails qui  ne  le  trouve  dans  aucun  autre  ouvrage  de 
cette  nature.  On  elt  redevable  de  ce  travail  immenfe, 
&  qui  le  continue ,  à  M.  l'abbé  Sallier  &  à  M.  Melot. 
Il  ne  falloit  pas  moins  que  le  lavoir  profond  &  le  zèle 
infatigable  de  ces  deux  illultres  académiciens ,  pour 
commencer  &  conduire  à  fa  tin,  à  la  fatisfaclion  des 
connoiffeurs  ,  une  entreprife  auffi  difficile  &  auffi 
pénible. 

M.  Martin  divife  toute  la  Littérature  en  cinq  claf- 
fes  primitives,  &  chacune  de  ces  dalles  comme  il  fuit: 
La  THEOLOGIE,  la  JURISPRUDENCE, 

les  SCIENCES  &  ARTS,  les  BELLES- 
LETTRES,  &  U HISTOIRE. 

LA  THÉOLOGIE  en 
Ecriture  Sainte,   Conciles ,  Pères 

d  e  l'E  g  lis  e  Grecs  &  Lati  n  s  ,  & 
Tue  ologiens. 

L'Écriture  Sainte  comprend  les  textes  &  ver- 
rons de  l'Écriture-fainte,  leurs  commentaires,  expli- 
cations, paraphrales ,  &c.  les  hiftoires  de  la  Bible, 
vies  de  J.C.  &  harmonies  évangeliques  extraites  de 
l'Écriture-iainte  ;  les  critiques  lacrées,  &  les  liturgies. 

Les  Conciles  font  ou  généraux  ou  particuliers. 

Les  Saints  Pères  le  distinguent  par  l'ordre  des 
fiecles  dans  lefquels  ils  ont  vécu. 

Les  Théologiens  fe  divifent  en  fcholaltiques , 
moraux,  catechétiques  ou  inftru&ifs  ;  parénétiques  ou 
prédicateurs  ;  myltiques  ,  polémiques ,  ou  qui  ont 
écrit  pour  la  défenfe  de  la  religion  chrétienne  &  ca- 
tholique, hétérodoxes. 

LA  JURISPRUDENCE  en 
Droit  Canonique  &  Droit  civil. 

Le  Droit  canonique  renferme  les  canoniftes 
anciens  &  modernes  ,  le  Droit  eccléfialtique  Fran- 
çois ,  le  Droit  eccléfialtique  étranger ,  le  Droit  ecclé- 
fialtique des  moines  6c  des  îé^uliers. 


C  A  T 

Le  Droit  civil  renferme  le  Droit  naturel ,  pu- 
blic ,  &  des  gens  ;  le  Droit  Romain ,  le  Droit  Fran- 
çois ,  le  Droit  étranger. 

LES  SCIENCES  &  ARTS  en 
Philo  sophie,  Médecine,  Mathématiques, 

&  Arts  tant  Libéraux  que  Mèc h aniqu es . 

La  Philosophie  comprend  les  philofophes  an- 
ciens &  modernes  avec  leurs  interprètes  &:  fecla- 
teurs  ,  les  traités  de  la  Philofophie  univeriélle  , 
Logique  &  Dialeclique  ,  Morale,  (Economie,  Poli- 
tique ,  Métaphylique ,  Phyfique ,  Hiftoire  naturelle. 

La  Médecine  comprend  les  Médecins  anciens 
&  modernes  ,  les  traités  particuliers  de  Médecine , 
l'Anatomie ,  la  Chirurgie,  la  Pharmacie  &  la  Chi- 
mie ,  la  Philofophie  ou  Médecine  Hermétique ,  Para- 
celfique  ou  Alchimie. 

Les  Mathématiques  fe  divifent  en  traités  gé- 
néraux de  Mathématiques,  Arithmétique  ,  &  Algè- 
bre ,  Géométrie ,  Aftronomie  ,  Gnomonique  ou  feien- 
ce  des  Cadrans  lolaires ,  Hydrographie  ou  feience 
de  la  Navigation, Optique,  Mulique,  Méchanique  , 
Alhologie  ,   &c. 

Les  Arts  fe  divifent  en  art  de  la  Mémoire  ;  art 
de  l'Ecriture  ;  l 'art  de  l'Imprimerie  ,  l'art  du  Deflein , 
de  la  Peinture,  de  la  Gravure  &  de  la  Sculpture; 
l' Architecture  ;  l'art  Militaire  ;  la  Pyrotechnie  ou  l'art 
du  Feu ,  de  la  fufion  des  Métaux ,  des  Feux  d'arti- 
fice ,  de  la  Verrerie  ;  les  divers  Arts  méchaniques  ; 
la  Gymnaltique  qui  comprend  l'art  de  manier  &  de 
traiter  les  chevaux  ;  l'Elcrime,  la  Danle,  les  exer- 
cices du  corps. 

LES  BELLES-LETTRES  en 

Grammaire,  Rhétorique  ,  Poétique^ 

Philologie,  Polygraphes. 

La  Grammaire  comprend  les  traités  généraux 
de  Grammaire  ,  Inftitutions ,  Grammaires  ,  &  Dic- 
tionnaires de  diverfes  langues. 

La  Rhétorique  renferme  les  traités  de  I'art 
Oratoire  ,  &  les  Orateurs  anciens  &  modernes. 

La  Poétique  comprend  les  traités  de  l'art  de 
verlïfîer ,  les  Poètes  anciens  &  modernes ,  la  My- 
thologie ,  les  poéiies  prolifiques  ou  facéties ,  plai- 
fanteries ,  contes  ,  nouvelles  ,  romans  ,  &c. 

La  Philologie  renferme  la  Critique,  qui  con- 
fiif e  en  critiques  anciens  &  modernes ,  fatyres ,  apo- 
logies ,  &  diifertations  critiques ,  allégoriques  ,  en- 
jouées, &c.  les  gnomiquesoulentences,  apophtheg- 
mes  ,  adages,  proverbes,  &c.  &  les  hiéroglyphiques 
ou  emblèmes  &  deviles. 

Les  Polygraphes  le  divifent  en  auteurs  anciens 
&  modernes ,  qui  ont  écrit  divers  traités  fur  différens 
fujets ,  dialogues  &  entretiens  fur  différens  fujets, 
épiltolaires  ou  lettres  écrites  fur  différens  fujets. 

L'étude  de  l'Hiftoire  demandant  la  connoiffance 
de  la  Géographie  &  de  la  Chronologie  ;  les  livres  qui 
traitent  de  ces  deux  feiences  font  à  la  tête  de  cette 
claife  ,  &  fe  divifent,  lavoir 

La  Géographie  en  Colmographie  ou  defeription 
de  l'Univers,  géographes  anciens  &  modernes,  ou 
defeription  du  globe  terreitre  ,  deferiptions  &  cartes 
particulières  ,  voyages  &c  navigations. 

La  Chronologie  en  Chronologie  technique ,  Chro- 
nologie hiftorique  ou  l'hiltoire  réduite  &  divilée  par 
tables  &  divilions  chronologiques ,  hiltoires  univer- 
felles.  &c 

L'HISTOIRE   en 
Histoire  Ecclésiastique, 

Hl  S  T  O  I  RE    PRO  FANE. 

L'Histoire  Ecclésiastique  fe  divife  en  Hif- 
toire eccléjiaji'njue  proprement  dite }  ou  Hiltoire  ecclé- 

fialfique 


C  A  T 

fiaftiqne  ancienne  &  nouvelle  ,  Judaïque  &  Chré- 
tienne. Il  y  a  des  hiftoires  eccléfiaitiques  univer- 
selles, &:  des  hiftoires  eccléfiaitiques  particulières; 
on  les  divife  en  hiftoire  catholique  ,  pontificale , 
hiftoire  monaftique,  hiftoire  fainte,  hiiloire  eccléfiaf- 
tique  des  héréfies  &  des  hérétiques. 

L'HiJloire  catholique  &  pontijicale  renferme  l'hif- 
toiredes  conciles,  générale  &  particulière ,  l'hiftoire 
&  les  vies  des  papes  &  des  cardinaux. 

L'HiJloire  monaftique  comprend  l'hiftoire  des  or- 
dres monalUques  &  religieux ,  avec  les  vies  des  inf- 
tituteurs ,  fondateurs,  iaints  &  perlonnages  illuiîres 
de  chaque  ordre  ,  6c  de  plus  l'hiftoire  des  monalte- 
res  ;  elle  renferme  auïfi.  l'hiftoire  des  ordres  militaires 
&  de  chevalerie. 

L'HiJloire  Sainte  comprend  les  martyrologes  & 
vies  des  faints  &  des  perlonnes  illuiîres  en  piété  , 
l'hiftoire  des  lieux  Iaints  ,des  églifes,  cimetières,  &c. 
des  reliques  des  faints ,  des  faintes  images ,  des  mira- 
cles, &c. 

L'HiJloire  eccléjîafliqui  des  héréjîes  &  des  hérétiques 
fe  divile  en  hiiloire  ancienne  des  héréfies  jufqu'au 
XII.  lïecle  ,  hiiloire  des  nouvelles  héréfies  depuis  le 
Xiu.  ficelé  jufqu'à  préfent,  hiftoire  des  inquiiitions 
contre  les  hérétiques  &  contre  d'autres. 

L'Histoire  profane  fe  divife  en  hiftoire  an- 
cienne ,  hiiloire  moderne  ,  hiiloire  généalogique  & 
héraldique  ,  antiquités  ,  hiiloire  des  lolennités  6c  des 
pompes  ;  hiiloire  littéraire,  académique,  &  biblio- 
graphique ;  vies  des  perlonnages  illuiîres,  6c  traits 
historiques. 

L'HiJloire  ancienne  ou  des  anciennes  monarchies  , 
comprend  les  hiftoires  des  Juifs ,  des  Chaldéens,  des 
Babyloniens,  des  Alîyriens,  &c.  hiiloire  de  la  mo- 
narchie des  Perles;  hiiloire  Greque,  Romaine,  By- 
zantine ou  de  l'empire  de  Conftantinople. 

L'HiJloire  moderne  ou  des  monarchies  qui  fubjîjlent 
aujourd'hui ,  fe  divile  en  deux  parties.  La  première 
renferme  les  monarchies  de  l'Europe  :  la  ieconde  les 
monarchies  hors  de  l'Europe. 

Dans  la  première  partie  font  comprifes  les  hiltoi- 
res  d'Italie  ,  de  France  ,  d'Allemagne,  des  Pays-Bas, 
de  Lorraine  ,  des  Suilfcs  6c  des  peuples  leurs  confé- 
dérés ,  d'Efpagne ,  de  la  Grande-Bretagne  ,  des  pays 
Septentrionaux. 

Dans  la  féconde  partie  font  comprifes  l'hiftoire 
Orientale  générale,  celle  des  Arabes,  des  Sarrafins 
&  des  Turcs;  l'hiftoire  Aliatique  ,  l'hilloire  d'Afri- 
que ,  l'hiftoire  de  l'Amérique  ou  des  Indes  occiden- 
tales. 

L'HiJloire  généalogique  &  héraldique  comprend  les 
traités  généraux  &  particuliers  de  la  feience  héroï- 
que ,  de  la  nobleile  ,  des  nobles ,  de  leurs  titres ,  pré- 
rogatives ,  &c.  &  des  choies  qui  leur  font  propres  ; 
les  traités  héraldiques  ou  qui  appartiennent  à  la  feien- 
ce du  BlaFon  ;  les  hiftoires  généalogiques  des  familles 
illuiîres. 

Les  antiquités  renferment  les  rits ,  ufages  &  coiV 
tûmes  des  anciens;  hiftoire  métallique  ou  médailles, 
monnoies  ,  &c.  divers  monumens  de  l'antiquité  ;  def- 
criptions  &  traités  finguliersdes  édifices  publics,  des 
amphithéâtres  ,  obéliiques ,  pyramides  ,  &c.  divers 
antiquités ,  pierres  gravées ,  cachets  ,  lampes,  &  au- 
tres choies  qui  nous  relient  des  anciens  ;  mélanges 
d'antiquités  contenant  des  collections  mêlées  ,  des 
diftertations,  des  delcriptions  de  cabinets  d'anti- 
quaires ,  &c, 

L'HiJloire  des.  Solennités  &  des  Pompes  comprend 
les  réjoiiillances  publiques,  entrées,  mariages  ,  &e, 
Hiiloire  cies  Pompes  funèbres. 

h' Hiftoire  littéraire,  académique  &  bibliographique  , 

comprend  l'hiftoire  des  lettres  &  des  langues  ,  des 

feiences  &  des  arts ,  ou  il  ell  traité  de  leur  origine 

èc  de  leur  progrès  ;  hiftyue  des  académies  ,  écoles , 

Tome  II, 


C  A  T 


J6t 


univerfités ,  collèges  &  fociétés  de  gens  de  lettres  ; 
bibliographie  ou  hiiloire  &  defeription  des  livres. 

Vies  des  pzrfonnages  illufires  divifées  en  vies  des 
îlluitres  perlonnages  anciens,  Grecs  &  Romains,  en 
général  6c  en  particulier  ;  vies  des  hommes  illuiîres 
&  modernes  enfemble ,  ou  des  derniers  tems  feule- 
ment ;  vies  des  hommes  illuiîres  dans  les  feiences  ôc 
dans  les  arts  ,  anciens  6c  modernes. 

Extraits  hifioriques  ,  font  les  diverfes  collections 
tirées  &  extraites  des  hiftoriens  anciens  &  moder- 
nes ;  les  monumens  ,  actes  &  écrits  hiftoriques,  pie- 
ces  du  tems  ,  &c.  traités  de  paix ,  de  confédération  , 
d'alliance  ,  de  trêve  ,  &c.  entre  les  princes  ;  enfem- 
ble les  pièces,  recueils  ,  diftertations  ,  ôc  autres  cho- 
ies concernant  les  négociations  de  ces  traités  ;  les 
dictionnaires  hiftoriques,  &c. 

Ceux  qui  voudront  mettre  en  pratique  le  préfent 
fyfteme,  pourront  confultcr  pour  les  détails  de  cha- 
que partie  quelques-uns  des  catalogues  de  M.  Mar- 
tin ,  comme  ceux  de  MM.  Bultcau ,  Dufay  ,  comte 
Hoym  ,  de  Rothelin  ,  &  Bellanger. 

Il  a  été  trouvé  dans  les  manuicrits  de  feu  M.  l'ab- 
bé Girard,  de  l'Académie  Françoife,  un  fyfteme  de 
Bibliographie  ,  où  il  règne  un  ordre  fort  différent  de 
ceux  que  l'on  a  connus  jufqu'à  préfent.  Comme  on 
ne  le  propofe  pas  de  le  publier  en  particulier,  nous 
avons  crû  devoir  le  placer  ici ,  pour  ne  pas  priver  le 
public  de  ces  nouvelles  lumières  fur  une  matière 
vraiment  intérefiante.  M.  l'abbé  Girard  y  rend* 
compte  en  Philofophe  des  raifons  qui  l'ont  déter- 
mine dans  le  choix  6cle  rang  de  l'es  divifions. 

D'abord  il  conlidere  l'homme  dans  la  naiiïanec 
du  monde ,  foible  &  inquiet  fur  fa  deftinée  ,  agité  par 
la  crainte  &  par  d'autres  fentimens  qui  lui  inipirent 
la  défiance  de  lui-même ,  &  le  portent  à  chercher  un 
protecteur  puiftant.  Conduit  par  degrés  à  la  connoif- 
fance  d'un  Dieu ,  il  met  tous  lés  foins  à  fe  le  rendre 
propice  par  le  culte  qu'il  croit  lui  être  le  plus  agréa- 
ble ;  c'eit  ce  qu'on  nomme  religion  chez  tous  les  peu- 
ples. Ce  qui  la  concerne  foit  dans  le  général ,  (bit 
dans  le  particulier  ,  foit  pour  la  maintenir  ,  foit  pour 
la  combattre,  fait  le  premier  chef  de  ce  plan  fous  le 
titre  de  THEOLOGIE. 

L'homme  ifolé  fentit  de  nouveaux  befoins  ,  8c 
chercha  dans  la  protection  de  fes  égaux  &  de  les 
voihns ,  un  appui  à  fa  portée  ;  cela  forma  la  fociété 
dont  les  commencemens  n'eurent  d'autres  motifs  que» 
les  lecours  mutuels  &  les  fervices réciproques;  mais 
dont  les  progrès  formèrent  des  patries,  des  états,  & 
des  empires  ;  produilirent  des  lois  &  des  coutumes  , 
<Sv.  Tout  ce  qui  regarde  la  fociété  ,  les  formes ,  fes 
intérêts,  fes  lois,  6c  les  ufages,  tait  le  fécond  chef 
de  ce  fyfteme  fous  le  titre  de  SOMOLOGIE. 

Quoique  le  culte  6c  la  police  remédient  aux  hor- 
reurs de  la  folttude  par  les  liaifons  qu'ils  établirent 
entre  les  hommes  ,  peu  fatisfaits  du  petit  volume  de 
leur  pérfonrte  ,  &  de  la  courte  durée  île  leur  éviden- 
ce ,  iis  travaillent  à  vivre  dans  l'idée  d'autrui ,  6C 
forment  fur  le  pian  de  cette  image  une  manière  d'ê- 
tre ,  à  laquelle  ds  donnent  le  nom  de  gloire  &C  de  re- 
nommée.  Ce  goût  rend  les  hommes  jaloux  de  leur 
honneur,  fenfibles  à  l'efHme  des  autres,  eVr  curieux 
de  ce  qui  les  regarde  ;  de  façon  qu'ils  s'occupent  des 
actions  &  des  éveneméns  ;  qu'ils  travaillent  à  s'en 
initaiire  &  a  les  publier.  De-là  l'origine  d'un  troi- 
Geme  objet  d'ciudition  fous  le  titre  ^HISTORIO- 
GRAPHIE. 

Le  fpeclacle  pompeux  de  l'uni  vers,  &  les  merveil- 
les de  la  nature  ,  frappent  allez  pour  attirer  des  re- 
gards curieux.  L'efprit  humain  a\  ide  de  connoiflan- 
ces  ,  animé  par  fes  premières  découvertes  ,  ai 
l'expérience,  de  l'analyte»  &  du  raifonnement,  fe 
livre  à  ces  recherches  prorondes  qui  font  ce  qu'on 
nomm$  proprement  Scien^ss ,  objet  auHngué  formant 

DDddd 


■JÔ2 


C  A  T 


dans  ce  fyftème  le  quatrième  chef  fous  le  nom  de 
PHILOSOPHIE. 

C'eft  fans  doute  par  l'acquifition  des  connoiffan- 
ces  &  par  l'amas  des  vérités,  que  l'efprit  s'enrichit  : 
mais  ici  comme  ailleurs ,  il  faut  faire  ufage  de  ce  que 
l'on  poffede  pour  en  tirer  fatisfaâion.  Cet  ufage  ne 
fe  trouve  que  dans  la  communication  avec  les  au- 
tres êtres  de  notre  efpece  ;  &  cette  communication 
ne  pouvant  fe  faire  par  une  voie  plus  naturelle  ni 
plus  commode  que  par  le  moyen  de  la  parole ,  il  en 
réfulte  dans  les  hommes  un  penchant  vif  à  vouloir 
briller  ,  flatter ,  6c  amufer  par  le  difeours.  L'on  ne 
doit  donc  pas  être  furpris  s'ils  fe  font  appliqués  à  cul- 
tiver le  langage  ,  &  fi  quelques-uns  préférant  les 
amuiémens  du  bel  efprit  au  travail  pénible  des  re- 
cherches favantes ,  fe  font  attachés  à  l'éloquence ,  à 
la  poëlie  ,  à  la  critique  ,  à  la  pureté  des  expreifions  ; 
enfin  à  tout  ce  qui  dépend  du  ïqu  de  l'imagination  , 
&  à  ce  qui  concerne  les  règles  &  les  grâces  de  la 
parole  ,  compris  fous  le  titre  de  PHILOLOGIE. 

Le  bonheur  étant  le  but  que  tout  être  ieniible  & 
intelligent  envifage  ,  il  eft  naturel  que  l'homme  ne 
néglige  rien  de  tout  ce  qu'il  croit  être  propre  à  le 
jendre  heureux.  C'eft  par  ce  defir  du  bien  être,  6c 
par  la  néceffité  de  pourvoir  à  lés  befoins  réels  ou 
imaginaires,  que  l'on  induftrie  a  été  excitée  ;  qu'en 
étudiant  ce  qui  plaît  aux  fens  comme  ce  qui  orne 
l'efprit ,  il  a  donné  naiffance  aux  Arts.  Ce  qui  les  re- 
garde fait  le  fixieme  &  dernier  chef  de  ce  fyftème 
ious  le  titre  de  TECHNOLOGIE. 

M.  l'abbé  Girard  divife  donc  toute  la  Littérature 
en  fix  genres  qui  font  : 

THEOLOGIE  ,  NOMOLOGIE  ,    HISTORIO- 
GRAPHIE ,  PHILOSOPHIE  ,  PHILOLO- 
GIE ,  TECHNOLOGIE. 

Cette  première  divifion,  toute  fimple  qu'elle  eft, 
répond  à  toute  l'étendue  de  la  Littérature,  n'y  ayant 
.aucun  ouvrage  que  l'on  ne  puiffe  rapporter  à  ces  fix 
chefs  :  mais  quoique  jufte  ,  elle  eft  encore  trop  gé- 
nérale pour  démêler  les  différences  de  tout  ce  qui  efl 
écrit ,  6c  y  établir  un  ordre  parfait.  M.  l'abbé  Gi- 
rard entre  donc  dans  un  plus  grand  détail ,  6c  divife 
chacun  de  ces  fix  genres  en  fix  clafTes  ,  6c  chaque 
clafie  en  deux  ordres. 

THÉOLOGIE. 
Textes,  Commentateurs  ,  Dogmatiques  , 
Prédicateurs,  Mystiques; Liturgiques. 

Ce  premier  genre  de  Littérature  ne  fe  borne  pas 
dans  le  fyftème  de  l'érudition  générale ,  comme  dans 
celui  de  l'érudition  fcholaftique  ,  à  ce  qui  regarde 
feulement  la  religion  Chrétienne.  D'une  bien  plus 
vafte  étendue,  il  embraffe  toutes  les  religions  de  l'u- 
niyers  préfentes  &  paffées,  qui  fe  rapportent  toutes 
à  fix  elpeces  générales  ;  favoir,  Chriftianifme ,  Ju- 
daïfme  ,  Mahométifme  ,  Paganifme  ,  Déifme  ,  & 
Athéifme. 

La  religion  Chrétienne  fe  divife  en  trois  commu- 
nions principales  ;  Romaine  ,  Greque  ,  6c  Protef- 
tante. 

La  Théologie  Juive  a  produit  difFérens  partis  :  le 
premier  de  tous  les  fchifmes  y  fut  une  fuite  des  fac- 
tions de  l'état  ;  la  deiunion  des  tribus  forma  de  l'an- 
cien Ifraëlite  le  Juif  6c  le  Samaritain.  Enfuite  paru- 
rent dans  le  fein  du  Judaïfme  les  Efféniens,  Phari- 
fiens,  6c  Saducéens,  dont  les  Caraïtes  ont  pris  la 
place.  Ces  derniers  font  parmi  les  Juifs  ce  que  les 
Réformés  font  parmi  les  Chrétiens. 

Dans  le  Mahométifme  il  y  a  deux  fecles  ;  celle 
d'Omar  ,  &  celle  d'Haly. 

Le  caractère  du  Paganifme  eft  la  pluralité  des 
dieux  :  tous  les  livres  écrits  fur  ces  fix  différentes 
elpeces  de  religions  font,  comme  nous  l'avons  dit, 


C  A  T 

l'objet  de  la  Théologie  confidérée  comme  portioa 
d'unfyfième  bibliographique.  Nous  allons  prélënte- 
ment  rendre  compte  des  fous-divifions  en  deux  ordres 
de  chacune  des  fix  clafTes. 

Les  Textes  ,  ce  font  les  écrits  qu'on  regarde  dans 
chaque  religion  comme  dépositaires  authentiques  de 
la  croyance  &  du  culte  qu'on  y  profefië  ;  ils  font  ou 
facrés  ou  eccléfiaftiques. 

Les  Textes  facrés  partent  des  Légiflateurs ,  &  font 
refpectés  comme  divins  :  tels  font  chez  les  Chrétiens 
les  livres  de  l'ancien  6c  du  nouveau  Teftament  ;  chez 
les  Juifs ,  la  Bible  ;  chez  les  Mahométans ,  l'Alcoran  ; 
chez  les  Chinois,  les  ouvrages  de  Confucius  ;  &  dans 
l'ancien  paganifme  ,  les  oracles  des  Sibylles ,  &c.  Les 
Textes  facrés,  en  langues  qui  ont  été  ou  qui  font 
d'ufage  dans  les  églifes,  fe  nomment  verjîons  :  ceux 
qui  font  en  langues  vulgaires ,  ôc  qu'on  lit  Ample- 
ment dans  le  particulier ,  font  nommés  traductions. 

Les  Textes  tccléfiajliques  font  les  décifions  ou  conf- 
titutions  faites  par  le  concours  des  principaux  chefs 
d'une  religion ,  reçues  6c  acceptées  comme  lois  éma- 
nées d'une  autorité  fainte,  6c  comme  règles  indil- 
penfables  de  foi  &  de  conduite.  Tel  eft  parmi  les  Juifs 
le  Thalmud ,  &  tels  font  parmi  nous  les  conciles  divi- 
fés  en  généraux ,  nationaux  &  provinciaux. 

Les  Commentateurs  font  ou  des  interpréta- 
tions ou  des  differtations  fur  les  Textes. 

Les  Dogmatiques  fedivifent  en  Docteurs  &  en 
Cafuiftes. 

Les  Docteurs  font  ceux  qui  enfeignent  méthodique- 
ment la  doclrine  divine.  Ceux  dont  les  opinions  ont 
acquis  de  l'authenticité,  font  appelles  Pères  de  F  Eglife, 
Grecs  6c  Latins ,  6c  font  regardés  comme  dépositai- 
res de  la  doftrine  divine  à  laquelle  on  donne  le  nom 
de  tradition.  Les  Docteurs  modernes  font  appelles 
fcholafliques. 

Les  Cafuifles  s'attachent  à  marquer  la  diftindtion 
précife  de  ce  qui  eft  permis  ou  défendu  par  la  loi  Ôc 
la  morale  du  fyftème  reçu  dans  la  fociété. 

Les  Prédicateurs  fe  divilënt  en  orthodoxes  Si- 
en fe&aires. 

Les  Mystiques  font  ou  contemplatifs  ou  afiétiques. 

Les  contemplatifs  ne  présentent  dans  leurs  écrits 
que  des  réflexions  fpéculatives  ou  épanchemens  de 
cœur  pour  nourrir  la  dévotion  ,  faire  aimer  6c  efti- 
mer  les  chofes  divines  préférablement  aux  tempo- 
relles. 

Les  afiétiques,  perfuadés  que  la  feule  contempla- 
tion ne  fuffit  pas  pour  attacher  l'homme  à  Dieu ,  s'oc- 
cupent à  écrire  des  maximes  6c  des  règles  de  condui- 
te ;  à  propolër  certaines  pratiques  de  prières  &  de 
mortification,  &c. 

Les  Liturgiques  traitent  de  ce  qui  concerne  le 
fervice  divin,  &  la  pratique  du  culte  extérieur,  d'où 
le  forment  les  rituels  6c  les  eucologies. 

Les  rituels  règlent  l'ordre  6c  le  cérémonial  de  l'of- 
fice, &  des  fondions  eccléfiaftiques,  conformément 
aux  ufages  de  chaque  églife. 

Les  eucologies  n'ont  pour  objet  que  la  prière,  foit 
publique ,  foit  particulière. 

NOMOLOGIE, 

Discipline ,  Droit  civil, Corporologie^ 

ethicologie  ,  thesmologie, 

Praxeonomie. 

Ce  genre  embraffe  tout  ce  qui  traite  de  l'avanta- 
ge que  les  hommes  trouvent  à  être  réunis  en  corps 
de  fociété ,  dont  la  confervation  eft  indifpenfable- 
ment  attachée  à  l'obfervation  des  lois.  Ce.s  fix  clafTes 
font  diftinguées  par  la  diverfité  des  liens  qui  atta- 
chent ou  affocient  les  hommes  les  uns  aux  autres. 
Ces  liens  font  ou  églife,  ou  patrie,  ou  congrégation, 
ou  mœurs ,  ou  ulages ,  ou  actions  communes. 

La  Discipliné  dans  ce  fyftèrne  généraj  de  Litté- 


C  A  T 

rature,  ne  fe  borne  pas  comme  dans  nos  écoles,  au 
fcul  gouvernement  de  Féglife  Catholique ,  elle  em- 
brafie  toutes  les  lois  &c  tous  les  reglemcns  faits  pour 
gouverner  les  fociétés  fondées  fur  les  liens  de  culte 
&  de  religion,  &  peut  fe  divifer  en  dilcipline  chré- 
tienne ,  &  en  difeipline  héteronome. 

La  difeipline  chrétienne  varie  félon  les  différentes 
communions  qui  partagent  l'Eglife  univerfelle  :  mais 
toutes  ces  diverfités  peuvent  être  réduites  fous  les 
communions  Romaine,  Greque  &  Protcflante. 

La  difeipline  héteronome  renferme  tout  ce  qui  con- 
cerne le  gouvernement  des  églifes  non  Chrétien- 
nes, telles  que  celles  des  Juifs,  des  Mufulmans ,  &c 
des  Gentils  idolâtres. 

Le  Droit  civil:  de  tout  tems  les  hommes  fe 
font  réunis  pour  fe  fortifier  contre  leurs  ennemis ,  & 
veiller  avec  plus  de  fureté  à  leur  mutuelle  conierva- 
tion,  ce  qui  a  formé  des  patries  d'où  le  Droit  civil  a 
pris  naiflance.  Il  fe  partage  allez  naturellement  en 
deux  efpeces,  Politique  &:  Jurifprudence. 

La  Politique  a  pour  objet  le  Droit  public  ;  c'eft-à- 
dire,  qu'elle  regarde  les  intérêts,  la  gloire,  la  puif- 
fance ,  la  forme  &L  l'adminifiration  des  états  ;  d'où 
les  actes  conventionnels  ,  les  manifefles,  les  mémoi- 
res de  négociations ,  &c. 

La  Jurisprudence  veille  aux  intérêts  des  particu- 
liers ,  décide  leurs  différends  ,  &c.  d'où  les  lois  ,  les 
jugemens  rendus,  lesJunfconfultes,  les  Praticiens, 
&c. 

Corporologie  :  au  milieu  des  fociétés  généra- 
les que  forme  l'églile  ou  la  patrie ,  il  s'en  élevé  de 
particulières  qui  peuvent  fe  divifer  en  cenobitiques 
&  affociations. 

La  cénobitique  comprend  les  règles  clauflrales  & 
les  autres  écrits  qui  concernent  le  gouvernement  des 
communautés  religieufes. 

Les  af ouations  renferment  toutes  les  fociétés  aux- 
quelles la  conformité  de  profeffion,  d'emploi  où 
d'occupations,  donne  naiflance  dans  le  corps  civil 
de  l'état.  Telles  font  les  académies ,  les  ordres  de  che- 
valerie, les  compagnies,  les  corps  &  métiers,  &c. 
leurs  flatuts,  leurs  reglemcns,  ck  le\irs  uiages  parti- 
culiers. 

L'Ethicologie  :  outre  les  fociétés  fondées  fur 
des  lois  authentiques ,  il  en  efl  une  libre  cv  naturelle 
que  l'humanité  infpire,  &  que  la  raifbn  approuve; 
c'efl  ce  qu'on  nomme  commerce  ordinaire  de  la  vie  Les 
mœurs  en  font  le  lien,  &  font  l'objet  de  l'éthicolo- 
gie.  Les  livres  qui  appartiennent  à  cette  claffe  font 
distingués  par  la  forme  que  les  auteurs  ont  donnée  à 
leurs  ouvrages;  ce  lont  ou  des  traites  ou  des  carac- 
tères. 

Les  Traités  de  morale  font  ou  des  difeours  fuivis  ou 
méthodiques,  adrefles  au  public  ou  à  quelques  per- 
fonnes  particulières,  par  forme  de  leçons. 

Les  Caractères  ne  font  précifément  que  mettre  les 
mœurs  en  tableau  par  des  deferiptions,  qui  fans  at- 
taquer les  perfonnes,  tracent  neantmoins  tous  les 
traits  perfbnnels. 

La  Thesmologie  comprend  les  livres  qui  trai- 
tent des  ufages  reçus  dans  les  fociétés  ;  ces  ujages  te 
diiîinguent  par  le  cérémonial  &  les  modes.    ^» 

La  Praxéonomie  traite  des  fociétés  particuliè- 
res &  momentanées,  de  leurs  règles,  de  leurs  for- 
mes, &c.  &  fe  divife  en  aetiologie  &  ludicrologie; 

Vaetiologie  embrafle  les  pratiques  familières  &  do- 
meftiques. 

La  ludicrologie  comprend  les  jeux  de  hafard,d'a- 
drefle  ou  de  conduite. 

HISTORIOGRAP  HIE, 

Notices ,  Histoires ,  Persoxologies,  Lit- 

terologie,  Fictions ,  Collections. 

Les  Notices  font  des  ouvrages  purement  émi- 
To me  II, 


C  A  T 


75}" 


mératifs,  ou  des  liftes  méthodiques,  tantôt  nlunici- 
pales,  tantôt  nominales. 

Les  notices  municipales  ont  pour  objet  les  offices  ' 
charges ,  emplois ,  fiéges  &  tribunaux  ;  elles  fer\  eût 
à  taire  connoître  la  puiflance,  ainfl  que  la  forme  dès 
états  &  des  corps  civils. 

Les  notices  nominales  expofent  les  noms  des  per- 
fonnes, foit  des  membres  qui  compofent  les  differen 
tes  fociétés ,  foit  des  têtes  qui  étendent  &  foûtien- 
nent  les  familles ,  foit  de  ceux  qui  forment  l'ordre 
&  la  durée  des  fucceflions*fur  les  thrones  &  dans  U  s 
places  diflinguées. 

Les  Histoires  narrent  les  évenemens  qui  tou- 
chent le  corps  général  de  quelque  f ociété ,  foit  que 
cette  fociété  forme  une  patrie,  ou  une  fimple  con- 
grégation ;  ce  qui  divife  cette  clafle  en  hifloires  na- 
tionales &  congrégationales. 

Les  hifloires  nationales  ont  pour  objet  toutes  les  fo- 
ciétés politiques  d'état  &  de  nation. 

Les  congrégationales  ont  les  autres  fociétés  particu- 
lières ,  telles  que  celles  de  religion. 

Les  Personologies  font,  ainfi  que  l'étymologie 
de  la  dénomination  le  fait/entendre,  unelortc  d'hiito- 
riographie  qui  a  pour  objet  les  perfonnes  en  particu- 
lier. Cette  forme,  comme  les  autres,  a  deux  ordres 
fous  les  noms  de  vies  t&  de  voyages.  Sous  le  nom  de 
vies  eft compris  tout  ce  qui  porte  le  titre  de  mémoires. 

La  Littérologie  a  pour  objet  les  faits  &  les 
évenemens  littéraires  ,  &  fe  divile  en  doctrinologie, 
bibliographie. 

La  doclrinologie  fait  l'hifloire  des  Sciences  &  des 
Arts  ;  c'efl-à-dirc ,  qu'on  y  prend  foin  de  faire  con- 
noître le  tems  &c  les  circonflanccs  de  leur  origine  , 
ainfi  que  le  cours  de  leurs  progrés. 

La  bibliographie  inflruit  des  écrits,  que  la  plume, 
conduite  par  le  talent  de  l'cfprit,  a  donnés  au  public  ; 
ce  qui  fe  fait  ou  par  des  extraits  &  des  analyfes ,  ou 
par  des  catalogues. 

Les  Fictions,  enfans  de  la  feule  imagination,      l 
&  faites  pour  amufer,  fe  mafqiient  d'un  faux  aird'hif- 
toire  par  une  narration  fuivie ,  &  le  divifént  en  ro- 
mans &  en  contes. 

Les  Collections  comprennent  tous  les  ouvra- 
ges hifloriographiques  faits  de  diverfes  pièces  d'af- 
femblage  fans  aucun  enchaînement  d'e\  enemens  & 
de  circonflanccs;  elles  peuvent  fe  réduire  à  deux  ob- 
jets diiiérens ,  les  antiquités  év  les  compilations. 

Les  antiquités  raffcmblent  ce  qui  regarde  les  monu  • 
mens  que  la  main  des  hommes  a  fabriqués ,  &  que  les 
tems  n'ont  pas  détruits,  tels  que  les  bâtimens,  les 
i'nfcriptions ,  les  médailles,  les  Chartres,  &  autres 
choies  pareilles. 

Les  compilations  ramaflent  les  différens  faits  indé- 
pendans  les  uns  des  autres,  tels  que  les  mémoriaux 
6v  les  dictionnaires  hiftoriques. 

PHILOSOPHI  1  . 

Mathématiques  ,  Cosmographie,  Physiu- 

graphie,  physiql  f  ,  medecine  , 

SpiRITOLOGIE. 

La  nature  préfente  une  multitude  d'êtres  contenus 
dans  un  cfpace  ,  d'où  naît  l'envie  de  calculer  les  uns, 
es;  de  mefurer  l'autre  ;  de  façon  que  le  nombre  &  la 
grandeur  de  viennent  une  occupation  d'efprit,  &  lonr 
vei  itablement  des  connoiflances  préliminaires  6e  no~ 
ceffaires  à  l'étude  de  la  nature. 

Un  regard  enfuite  plus  attentif  fait  qu'on  regarde 
le  monde  comme  un  \  aile  pays  ou  l'on  voudroit  voya- 
ger, &  dont  Ta  totalité  le  diflrihuc  en  deux  partie    , 
le  ciel  &;  la  terre.  C  e  lent  deux  objets  nouvea: 
traiter. 

A  l'idée  oenér.ile  des  régions  doit  naturellement 
fuccéder  celle  d'habitation  ;  on  y  rencontre  une  mul- 
titude d'êtres  fucceûryement  produits  &  renouvel 

D  D  d  d  d  ij 


764  C  A  T 

lés,  ou  par  voie  de  génération,  ou  par  voie  de  vé- 
gétation. Leur  defcription  t'ait  le  travail  des  Natu- 
ralises. 

Le  travail  conftant  &  infatigable  de  la  nature  la 
fait  envisager  dans  un  état  d'action,  dont  la  connoil- 
fance  devient  intéreffante  par  le  defir  de  dévoiler 
fes  myfteres;  de-là  l'étude  de  la  Phyfique. 

L'étude  de  la  nature  en  aftion  conduit  néceffaire- 
ment  à  celle  de  l'état  de  vie.  Une  curiofité  bien  pla- 
cée par  l'intérêt  qu'on  prend  &  qu'on  doit  prendre 
à  fa  confervation  ,  détermine  l'homme  ftudieux  à  ap- 
profondir la  machine  animale,  pour  l'avoir  en  quoi 
confifte  la  vie  ;  quels  en  font  les  refforts;  ce  qui  en 
fait  la  bonne  ceconomie  &  la  fanté  ,  &  pour  décou- 
vrir auifi  les  caufes  &  les  règles  de  fa  deftruction  ou 
de  fa  langueur;  d'où  la  Médecine. 

Après  avoir  confidéré  la  nature  foiu  fes  différen- 
tes faces ,  il  n'étoit  pas  naturel  d'oublier  le  plus  ad- 
mirable de  fes  afpects  ;  celui  où  s'appliquant  &  cher- 
chant à  connoitre,  elle  paroît  toute  fpirituelle.  L'ef- 
prit  humain  fe  repliant  iouvent  lur  lui-même  &  iur 
fes  opérations ,  s'étudie  &  travaille  fur  l'on  propre 
fonds ,  non-feulement  pour  fe  comprendre  ainfi  que 
tout  ce  qu'il  imagine  être  comme  lui  au-deffus  de  la 
fphere  corporelle ,  mais  encore  pour  fe  faire  une  mé- 
thode de  penl'er  &  de  raifonner ,  qui  ferve  à  le  con- 
duire au  vrai  &au  bon.  Voilà  les  raiions  fur  lefquel- 
les  font  fondées  les  divilîons  de  la  Philol'ophie  ,  dont 
nous  allons  rendre  compte  en  particulier. 

Les  Mathématiques  ayant  pour  objet  le  nom- 
bre &  la  grandeur,  fe  divifent  en  Arithmétique  & 
Géométrie  ;  fous  le  nom  à' Arithmétique  eft  compris 
l'Algèbre. 

La  Cosmographie  fe  divife  en  Aftronomie  & 
Géographie. 

La  Physiographie  s'attache  à  faire  connoître 
les  productions  de  la  nature ,  &C  fe  divife  en  Pi'yco- 
logie  &*Végétologie. 

La  Pfycologie  conlidere  les  êtres  produits  par  voie 
de  génération ,  &c  doués  de  vie;  c'eft-à-dire,  des  ani- 
maux de  toute  elpece. 

La  Végétologie  comprend  tout  ce  qui  eft  produit 
par  l'action  continuelle  de  la  nature,  tels  que  font  les 
plantes ,  les  fruits ,  les  métaux ,  les  minéraux ,  les  co- 
quillages, &c. 

La  Physique  eft  ou  fpéculative  ou  pratique. 

Lajpéculative  renferme  les  lyftèmes ,  &  la  pratique 
les  expériences. 

La  Médecine  a  pour  but  ce  qui  concerne  la  vie 
&  la  fanté  de  l'animal  :  fes  deux  branches  font  la 
Phyfiologie  &  Pathologie. 

La  Phyfiologie  confidere  la  conftitution ,  les  fonc- 
tions ,  &  toute  l'eeconomie  des  parties  qui  compo- 
fent  le  corps  animé. 

La  Pathologie  étudie  les  altérations  qui  peuvent 
troubler  cette  machine  vivante;  comment  on  peut 
prévenir  ces  accidens ,  &  y  remédier  :  ce  qu'on  nom- 
me  diète  &  thérapeutique  qui ,  ainfi  que  la  Chirurgie  & 
la  Pharmacopée  ,  appartiennent  à  ce  dernier  ordre. 

La  Spiritologie  fe  divife  en  Métaphyfique  ôc 
Logique. 

La  Métaphyfique  cherche  à  connoître  ce  que  c'eft 
que  l'efprit  6c  la  penfée,  les  propriétés  &  les  opéra- 
tions de  l'ame  railonnable.  Elle  pouffe  même  fes  re- 
cherches jufqu'à  la  divinité. 

La  Logique  s'applique  à  conduire  l'efprit  humain 
dans  les  routes  de  la  vérité  par  des  règles  sûres  &  lu- 
mineufes.  C'eft  à  elle  qu'appartient  tout  ce  qui  re- 
garde la  direction  du  railonnement ,  foit  dans  la  polî- 
tion  des  principes  ;  l'oit  dans  la  déduction  des  confé- 
quences. 


C  A  T 

PHILOLOGIE. 

Lexicologie,  É  lo  ç>u  en  c  e  ,  Poèmes} 
Théâtres  ,  Lettres,  Critiqle. 

Les  avantages  que  procurent  les  grâces  du  dis- 
cours ,  à  ceux  qui  les  poffedent ,  font  que  les  hom- 
mes fe  portent  avec  ardeur  à  ce  qui  peut  perfection- 
ner leur  langage,  &  leur  valoir  la  réputation  de  bel 
efprit.  De-là  une  foule  d'ouvrages  caraclérilés  par 
un  goût  particulier  pour  l'art  de  la  patoie ,  &  par 
les  tournures  6c  les  idées  fingulieres  d'une  imagina- 
tion ingénieufe.  Le  mot  de  Philologie  caractérile  par- 
faitement ce  genre  de  littérature,  qui  le  dïviie  com- 
me les  autres  en  fix  claffes. 

La  Lexicologie  embraffe  tout  ce  qui  concerne 
les  langues ,  foit  pour  en  donner  l'intelligence ,  en 
conferver  la  pureté ,  en  faire  connoître  le  génie.  Les 
auteurs  de  cette  claffe  font  ou  grammairiens  ou  vo- 
cabuliftes. 

Les  grammairiens  établiffent  des  règles  &  des  prin- 
cipes ,  difeutent  la  nature  des  mots  pour  en  connoî- 
tre les  divers  accidens ,  &c.  ils  traitent  aulli  de  l'or- 
thographe 6c  de  la  ponctuation. 

Les  vocabulijhs  font  des  obfei  vations  fur  la  pureté 
du  langage,  en  diftinguent  le  bon  uiage  du  mauvais. 
Ils  travaillent  enfin  à  bien  reprélenter  la  valeur  ou 
la  fignification  des  mots ,  6c  font  ce  qu'on  nomme 
dictionnaire. 

L'Éloquence  a  pour  objet  les  embelliffemens 
du  difeours  :  tantôt  elle  enleigne  les  règles  de  Ion 
art ,  tantôt  elle  les  met  en  œuvre  ;  ce  qui  diftingue 
fes  écrivains  en  rhéteurs  6c  en  orateurs. 

Les  rhéteurs  donnent  des  préceptes  fur  les  figures 
du  langage ,  la  conftruction  des  périodes  ,  &c. 

Les  orateurs  font  uniquement  appliqués  à  l'exécu- 
tion. Les  oraifons  funèbres ,  les  dilcours  académi- 
ques ,  les  éloges  des  hommes  illuftres  ,  &c,  compo- 
îent  cet  ordre. 

Les  Poèmes  ,  par  leur  grande  diverfité  ,  ne  font 
pas  d'une  divilion  auffi  facile  dans  l'arrangement 
d'une  bibliothèque ,  que  dans  un  traité  de  poëfie.  Il 
faut  donc  chercher  dans  le  génie  même  de  la  poëfie 
quelque  différence  affez  grande  pour  que  les  poètes 
qui  le  font  attachés  à  une  elpece  le  loient  rarement 
attachés  à  l'autre ,  6c  que  par  conséquent  on  puiffe 
fonder  là-delius  un  partage  convenable  au  lyfteme 
bibliographique.  Mr  l'abbé  Girard  trouve  dans  la 
verve  poétique  deux  âmes  qui  vont  peu  enfemble  : 
l'une  élevée  &  l'érieufe ,  qui  frappe  vivement  l'ima- 
gination par  la  force  des  images  ;  l'autre  voluptueu- 
fe ,  qui  flate  ou  amufe  par  l'agrément  ou  la  douceur 
de  la  mélodie  :  de  façon  qu'il  diftingue  les  poèmes 
en  épimétriques  6c  lyriques. 

Les  épimétriques  s'adreffent  à  l'efprit  ;  ils  narrent , 
peignent ,  railonnent  ou  font  parler  ;  tels  lont  les 
poèmes  épiques  ou  héroïques ,  les  odes ,  les  élégies  , 
les  latyres,  les  éclogues,  les  idylles ,  les  madrigaux  , 
les  épigrammes,  &c. 

Les  lyriques  font  faits  pour  les  organes  de  la  voix 
&  des  oreilles  ;  ce  lont  les  chanfons. 

Le  Théâtre.  M.  l'abbé  Girard  en  fait  une  claffe 
à  part  6c  diitihguée  des  poèmes  ,  parce  qu'il  n'y  re- 
garde la  verlification  que  comme  un  accefioire  qui 
ne  fert  point  à  caraftériier  cette  forte  d'ouvrages, 
étant  manifeftement  marqués  à  un  coin  très-diiîeient 
de  celui  de  la  cadence  &  de  la  mefùre  des  exprel- 
fions.  Ceux  qui  ont  confacré  leurs  talens  aux  pièces 
de  théâtre  fe  diftinguent  en  tragiques  &  en  comiques. 
Les  Lettres.  Il  n'eft  ici  queftion  que  des  lettres 
amufantes  :  celles  qui  traitent  de  dévotion  ou  de  po- 
litique appartiennent  à  d'autres  claffes.  Dans  celle- 
ci  on  les  divife  en  ingénieufes  &  galantes,  lelon  que 
l'efprit  &  le  cœur  y  ont  part. 

La  Critique  examine,  juge  &  met  au  creufet 


C  A  T 

tous  les  ouvrages.  Elle  fe  divife  en  poîygraphîque 
&C  monographique. 

La  poly graphique  s'attache  indifféremment  dans  un 
même  ouvrage  à  plufieurs  objets  &  de  toutes  fortes 
d'efpeces. 

La  monographique  n  attaque   qu'un  ouvraa^^B 
qu'un  auteur  en  particulier  ,  par  un  écrit  deltiné  à 
ce  feul  liijet  &  fait  exprès  pour  l'examiner  d'un  bout 
à  l'autre. 

TECHNOLOGIE, 
Civiques  ,  académiques  ,  Gymnastiques , 

Plastiques,  Nutritifs,  Mystériques. 

Il  eft  fi  naturel  à  l'homme  de  penfer  à  fes  befoins , 
qu'il  n'eft  pas  douteux  que  les  arts  n'ayent  été  d'a- 
bord l'unique  objet  de  lbn  travail.  Mais  quoiqu'il 
les  ait  mis  au  premier  rang  de  fes  occupations,  il  ne 
leur  a  pas  confacré  les  prémices  de  les  écrits ,  laif- 
fant  à  la  pratique  le  foin  de  les  conferver.  Quoique 
l'on  ait  écrit  un  peu  tard  fur  cette  matière ,  elle  a 
produit  un  fort  grand  nombre  d'ouvrages,  qui  peu- 
Vent  auffi  fe  partager  en  fix  claffes. 

Les  Arts  civiques  font  ceux  que  la  politique 
adopte  par  préférence  dans  la  conilitution  du  gou- 
vernement. Ils  font  fouvent  cultivés  par  les  citoyens 
du  premier  rang.  Les  uns  ont  pour  but  la  force  6c  la 
gloire  de  l'état  ;  les  autres  la  richefTe ,  6c  fe  divifent 
en  célèbres  6c  pécuniaires. 

Les  Arts  célèbres  méritent  ce  nom  ,  parce  qu'ils  of- 
frent de  la  réputation  à  ceux  qui  en  font  proteffion , 
&  rendent  célèbres  ceux  qui  s'y  diftinguent  :  tels  font 
l'Art  militaire  ,  la  Navigation. 

Les  Arts  pécuniaires  iont  moins  nobles  ,  mais  ils 
font  utiles,  tels  que  le  Commerce  &  la  Finance. 

Les  Arts  Académiques  font  caraâérilés  parle 
génie ,  dont  l'étude  a  deux  principaux  objets,  le  def- 
fein  6c  les  forces  mouvantes.  L'un  renferme  les  arts 
iconographiques  ;  les  autres  font  le  fondement  de 
ce  qu'on  nomme  méchanique. 

Les  Arts  iconographiques  représentent,  peignent  & 
conftruilent  :  ainfi  l'Ecriture ,  l'Imprimerie ,  la  Pein- 
ture, la  Gravure,  l 'Architecture,  &c.  compofent  cet 
ordre. 

La  Méchanique  enfeigne  à  distribuer  fagement  &  à 
appliquer  à  propos  les  forces  mouvantes  ,  d'où  naif- 
fent  la  pyretique,  l'hydraulique ,  la  pullative,  la  ita- 
lique 6c  Télatérique. 

Les  Arts  gymnastiques  ont  pour  objet  ce  que 
l'homme  eft  capable  d'exécuter  par  les  mouvemens 
réglés  &  compallés  de  fes  organes  &  de  fes  mem- 
bres. Ils  font  ou  fymphoniques  ou  dextériques. 

Les  fymphoniques  embraffent  le  Plain-Chant ,  la 
Mufiqwe  &  la  Déclamation. 

Les  dextériques  font  enfans  de  l'action  &  de  l'exer- 
cice. La  Danfe  ,  la  Lutte,  l'Art  de  monter  à  cheval , 
àe  taire  des  armes,  &  tout  ce  qui  dépend  de  l'adrefTe 
Cv  de  l'agilité  font  de  cet  ordre. 

Les  Arts  plastiques  travaillent  la  matière 
pour  en  faire  des  ouvrages  de  conliftance.  La  diffé- 
rente façon  de  la  manier  t'ait  ou  des  manufacturiers 
ou  des  manœuvriers. 

Les  manufacturiers  forment,  c'eft-à-dire  qu'ils  don- 
nent à  ce  qu'Us  employent  un  nouvel  être,  par  la 
fulion ,  la  compofition  ou  le  tillu. 

Les  manœuvriers  adaptent  lîmplement ,  c'eft-à-dire 
qu'ils  font  leurs  ouvrages  en  coupant,  taillant,  joi- 
gnant ,  &c.  les  matériau*  dont  ils  le  lervent. 

Les  Arts  nutritifs  fe  partagent  en  ruraux  & 
condimentaires. 

Les  Arts  ruraux  embraffent  le  labourage  ,  la  cul- 
turc  des  jardins,  des  vignes,  des  prairies  ;  la  pêche, 
la  chaffe ,  &  les  autres  occupations  de  la  campagne. 

Les  Arts  condimentaires  affailonnent  les  ahmens 
pour  les  rendre  agréables  &  en  varier  le  goût.  La 


C  A  T 


j«1 


Boulangerie  ,  la  Cuifine ,  l'Office  ,  &c,  font  de  ce 

nombre. 

Les  Arts  mystériques  marchent  fous  le  voile 
du  fymbole  6c  dans  l'obfcurité  de  la  divination ,  ce 
qui  les  diftingue  en  fymboliques  &  judiciaires. 

Lesjymbo/iques  comprennent  tout  ce  que  les  hom- 
mes ont  imaginé  pour  produire  leurs  idées  par  des 
figures  &  des  allulions  :  tels  font  le  blalon  ,  les  em- 
blèmes ,  les  devif es ,  les  hyeroglyphes  ,  les  énigmes  , 
les  logogryphes  ,  la  fteganographie ,  &c. 

Les  Arts  judiciaires ,  qu'on  pourroit  à  jufle  titre 
nommer  illujoires ,  font  tous  les  Arts  magiques ,  en- 
fans  de  l'oiliveté  ,  de  la  malice  ou  du  dei  \ 
de  l'imagination. 

Ceux  qui  feroient  curieux  de  connoître  un  plus 
grand  nombre  de  lyftemes  bibliographiques  ,  pour- 
roient  encore  conlulter  Garnerii  (yfkma  bibliothe- 
cœ  collegii  Parijîenfis  Societatis  Jefu ,  &  les  autres  dont 
nous  avons  parlé  au  commencement  de  cet  article. 
La  diverfité  des  opinions  fur  l'ordre  6c  les  divifions 
d'un  fyfteme  bibliographique  ,  fëmble  prouver  que 
c'ell  une  choie  affez  arbitraire  :  cependant  il  doit  y 
en  avoir  un  vraiment  conforme  à  la  railbn  ,  &  je 
penfe  que  c'eft  celui»  oii  les  matières  font  rangées 
dans  le  même  ordre  que  l'efprit  humain  en  a  acquis 
la  connoiffance  ;  il  elt  vrai  qu'il  faut  beaucoup  de 
philofophie  pour  failir  cet  ordre  &  le  fuivre.  Mais 
je  ne  craindrai  point  de  dire  que  le  fyfteme  figuré 
des  connoiffances  humaines  que  l'on  trouve  au  com- 
mencement du  premier  Volume  de  cet  Ouvrasse  ^ 
peut  fervir  d'introduction  &  de  modèle  à  ce  travail. 
Quiconque  voudra  prendre  la  peine  de  l'étudier  6c 
de  le  comparer  aux  autres  fyftemes,  après  les  avoir 
comparés  entr'eux  &  en  avoir  bien  obfervé  les  dif- 
férences ,  pourra  pouffer  les  divifions  plus  loin ,  & 
dreffer  un  plan  méthodique  ou  fyfteme  ,  qui  ne  lai£> 
fera  plus  rien  d'indéterminé ,  &  qui  fauvera  l'incon- 
vénient de  trouver  quelquefois  le  même  livre  dans 
plufieurs  claffes  différentes. 

Qu'on  me  permette  ,  à  l'occafion  du  mot  catalo- 
gue ,  d'annoncr  ici  un  ouvrage  imprimé  depuis  peu 
en  Allemagne,  fous  le  titre  de  Bibliothèque  cuneufe, 
hiflorique  &  critique  ,  ou  Catalogue  raijonné  des  livres 
difficiles  à  trouver ,  par  David  Clément.  Cet  ouvra- 
ge ,  dont  il  n'y  a  encore  que  deux  Volumes  in-jf .  6c 
qui  doit  en  avoir  un  plus  grand  nombre  ,  elt  rempli 
de  recherches  fort  favantes  &  fort  curieufes.  Les 
matières  y  font  rangées  félon  l'ordre  alphabétique 
des  noms  des  auteurs,  &  m'ont  paru  bien  propres  à 
fatisfaire  la  curiolité  des  amateurs  de  livres. 

Cet  article  a  été  fait  par  M.  David  Famé  ,  un  des 
Libraires  ajfociés  pourTJLncyclopédie  ,  fur  un  des  ma- 
nu] crits  légués  parfit  M.  'l'abbé  Girard  à  M.  le  Breton  , 
fon  imprimeur  &  fon  ami.  Ce  manuferit  ejl  intitulé  Bi- 
bliothèque générale  ou  Effai  de  Littérature  univer- 
felle.  On  voit  par  cet  ouvrage  que  M.  l'abbé  Girard ,  fi 
connu  par  fes  préceptes  de  la  Langue  Françoife  ,  &  fur- 
tout  par  fes  Synonymes  ,  joignait  à  la  connoifance  des 
lignes ,  une  connoijance  tus-etendue  des  chojes. 

CATALOTIQUES,  adj.  (Medec.)  c'ell ainfi qu'on 
appelle  des  remèdes  dont  l'effet  eft  d'applanir  éc  de 
diffiper  les  marques  groffieres  des  cicatrices  qui  pa- 
rodient fur  la  peau.  (A) 

C  A  T  A  N  A  N  C  E ,  f.  f.  (  Hifl.  nat.  bot.  )  genre  de 
plante,  dont  la  fleur  elt  un  bouquet  à  demi-rleurons, 
portés  chacun  fur  un  embryon,  &  foûtenus  parmi 
calice  compolé  de  plufieurs  feuilles  en  écailles.  Cha- 
que embryon  devient  dans  la  faite  une  lemence  gar- 
nie d'une  couronne  de  poils,  &  renfermée  dans  le 
calice.  Tournefort,  Injl.  m  bab.  Vayt^  Plante.  (/) 

CATANE  ou  CATAXEE,  (Geog.)  ville  de  S.ci- 
le  ,  fur  un  golfe  de  même  nom  ,  dans  une  vallée 
qui  s'appelle  ruUét  de  datant. 


j66 


C  A  T 


CATANZARO ,  (Gépg.)  ville  d'Italie ,  au  royau- 
me de  Naples,  dans  la  Calabre  ultérieure ,  dont  elle 
ell  capitale. 

CATAPACTAYME  ,{.f.  (  Hift.  mod.  )  fête  que 
les  peuples  du  Pérou  célebroient  avec  grande  iolem- 
nité  au  i--,ois  de  Décembre  qu'ils  appellent  bayme , 
&  qui  eft  le  commencement  de  leur  année.  Cette 
fête  eft  consacrée  aux  trois  liâmes  du  loleil ,  nom- 
mées apointi ,  churiunti,  &  intiaquacqui ,  c'eft-à-dire, 
au  loleil  père ,  au  loleil  fils ,  &  au  loleil  frère.  Lin- 
chollan ,  Hift.  des  Indes  occid.  (G) 

CATAPANS,  f.  m.  pi.  (Hift.)  nom  des  gou- 
verneurs que  les  empereurs  de  Conitantinople  en- 
voyoient  dans  la  Pouille  &  dans  la  Calabre  en  Italie. 
Quelques  favans  tirent  l'origine  de  ce  mot  de  mt-Hirâ.-* 
rv ,  dont  les  Byfantins  fe  fervoient  pour  marquer  un 
homme  d'autorité,  chargé  du  commandement  :  d'au- 
tres croyent  que  c'eit  un  abrégé  de  xarx  ^avTixpaTofct, 
après  l'empereur ,  ou  lieutenant  de  l'empereur,  comme 
nous  diions  viceroi.  M.  Ducange  a  donné  une  lifte 
exacte  de  ces  catapans ,  qu'il  dit  être  néceffaire  pour 
l'intelligence  de  l'hiftoire  Byfantine ,  &  en  fait  mon- 
ter le  nombre  à  foixante-un ,  depuis  Etienne  iurnom- 
mé  Maxence,  nommé  le  premier  catapan  fous  Bafile 
le  Macédonien  ,  qui  commença  à  régner  en  868 ,  juf- 
qu'à  Etienne  Patrian,  qui  occupa  le  dernier  cette 
dignité  en  1071  ,  tems  vers  lequel  les  Grecs  furent 
chafies  de  la  Calabre  ôc  de  la  Pouille  par  les  Nor- 
mands. 

Aujourd'hui  on  donne  encore  le  nom  de  catapan 
au  magiftrat  de  la  police  à  Naples.  (G) 

CATAPASME ,  f.  m.  (Med.  &  Pharm.)  «lœ^, 
médicament  fec  compolé  de  fubllances  pulvérifées , 
Se  dont  on  laupoudre  quelque  partie  du  corps. 

Ce  mot  vient  du  Grec  x.a.tà  ou  »*to,  &  t«9-«/c, 
faupoudrer. 

Il  y  a  des  catapafmes  de  différentes  fortes  :  les  uns 
odoriférans  qui  fervent  de  parfuns  :  tels  font  les  dif- 
férentes efpeces  de  poudre  dont  on  fe  fert  pour  les 
cheveux  ;  d'autres  font  fortifians:  on  en  applique  de 
cette  efpece  fur  l'ellomac ,  le  cœur  ou  la  tête  ;  d'au- 
tres, efearotiques ,  &  propres  pour  conlumer  les 
chairs  mortes.  (A7) 

,*  C ATAPELTE ,  f.  f.  (Hift.  anc.)  nom  d  un  infini- 
ment de  fupplice.  Le  favant  Père  Montfaucon  con- 
jecture que  c'étoit  une  efpece  de  chevalet ,  autrement 
appelle  equuleus  :  d'autres  difent  que  c'étoit  une  pref- 
fe  compofée  de  planches,  entre  lefquelles  on  met- 
toit  &  l'on  ferroit  le  patient  jufqu'à  la  mort.  Suidas 
qui  a  fait  mention  de  la  catapelte ,  n'éclaircit  rien  ni 
fur  fa  conllruclion  ni  fur  fon  u|age. 

*  C ATAPHRACTES ,  f.  m.  pi.  (Hift.  anc.)  on  ap- 
pelloit  ainfi  dans  les  armées  Romaines  des  cavaliers 
armés  de  toutes  pièces  ;  ils  étoient  couverts  de  fer 
eux  &  leurs  chevaux  ;  pour  les  chevaux  c'étoient  des 
lames  de  fer ,  attachées  &  rangées  comme  des  plu- 
mes fur  une  toile.  Tite-Live  fait  mention  des  cata- 
phracles ,  d'où  le  Père  Montfaucon  conclut  que  cette 
forte  de.  cavalerie  étoit  ancienne.  Il  ajoute  qu'alors 
elle  failoit  la  force  des  armées.  Il  y  avoit  du  tems  de 
l'empereur  Confiance  dans  l'armée  Romaine,  des 
cataphrahT.es.  Ammien  Marcellin  dit  que  les  Perles  les 
appelloient  clibanaïres.  Ils  portoient  des  cuiraffes  & 
des  ceintures  de  ter  ;  &  vous  les  euffiez  pris ,  ajoute 
le  même  auteur,  plutôt  pour  des  llatues  de  fer  faites 
de  la  main  de  Praxitèle ,  que  pour  des  hommes  vi- 
vans.  Les  lames  de  fer  qui  compofoient  les  vêtemens 
militaires  des  cataphracles ,  étoient  affemblés  avec 
tant  d'art ,  que  ce  vêtement  confervoit  toujours  la 
même  grâce  dans  tous  les  mouvemens ,  tk  ne  laiffoit 
aucune  partie  du  corps  expofée.  Il  y  avoit  dans  l'ar- 
mée d'Antiochus ,  marchant  contre  Scipion  l'Aiiati- 
que ,  trois  mille  cataphracles  à  la  droite  des  phalangi- 


C  A  T 

tes.  Les  Grecs  en  avoient  auffi  dans  leurs  troupes. 

*CataphRactes,  (Hft.  anc.)  Les  Grecs  &  les 
Romains  ont  donné  ce  nom  à  des  vaiffeaux  de  guer- 
re du  nombre  de  ceux  qu'on  appellent  vaijjeaux  longs. 
Ils  avoient  des  ponts  ;  les  vaiffeaux  fans  ponts  fe  nom- 
MUÙtnt  aphracles.  Les  cataphracles  font  auffi  appelles 
rafTes  auteurs  conftratœ  naves  ;  on  en  attribue  l'inven- 
tion auxThaliens.Thucydide,  parlant  de  la  guerre  de 
Troye ,  dit  qu'alors  les  Grecs  n'avoient  point  de  vaif- 
fea»  cataphracles  ;  mais  que  leurs  navires  étoient 
équipés  à  la  manière  des  pirates. 

CÂTAPHRYGES  ou  CATAPHRYGIENS ,  f.  m; 
pl.  (  Hift.  ecclcf.  )  hérétiques  qui  s'élevèrent  dans  le 
II.  fiecle  de  l'Eglife,  &  qu'on  nomma  de  la  forte, 
parce  que  leurs  chefs  étoient  de  Phrygie ,  province 
de  l'Afie  mineure. 

Leurs  erreurs  confiftoient  moins  dans  le  relâche- 
ment en  fait  de  dogmes,  que  dans  l'excès  oppolé  > 
c'eft-à-dire ,  dans  une  lévérité  outrée ,  &  une  mora- 
le extrêmement  aullere,  à  laquelle  répondoit  mal  la 
corruption  de  leurs  moeurs  :  ils  regardoient  Montan 
&  les  deux  prétendues  prophéteffes  Prifcilla  ScMaxi- 
milia,  comme  les  feuls  oracles  qu'il  failoit  confulter 
en  matière  de  religion  ,  fe  perfuadant  que  le  S.  Eiprit 
avoit  abandonné  l'Eglife,  ou  qu'il  ne  ladirigeoit  plus 
que  par  l'organe  de  ces  fanatiques.  Voye^  Monta- 
NISTES.  (G) 

C ATAPINA ,  (Géog.)  petite  ville  de  l'île  de  Can- 
die, fur  la  rivière  de  Cartero. 

CATAPLASME,  f.  m.  (Med.  &  Pharm.)  remède 
qu'on  applique  fur  quelques  parties  du  corps.  Le  ca- 
taplafme  doit  être  d'une  confillance  molle  comme  de 
la  bouillie  :  les  ingrédiens  du  catdplafme  font  les  pul- 
pes de  différentes  parties  des  plantes ,  les  grailles  & 
huiles  de  certains  animaux  ;  on  laupoudre  auffi  les  ca~ 
taplafmes  avec  les  gommes  pulvérilées ,  les  farines  de 
diverfes  efpeces  ;  on  y  fait  auffi  entrer  différentes  ef- 
peces d'onguens  ;  le  tout  fuivant  les  indications  que 
l'on  a  à  remplir  :  de-là  vient  la  divilîon  des  cataplas- 
mes enanodyns,  émolliens,  réiolutifs,  fuppuratifs, 
digeftifs ,  &c. 

Le  cataplajme  compofé  avec  la  mie  de  pain  bien 
écralée ,  &  bouillie  dans  le  lait  avec  le  fafran  pulvé- 
rilé  ,  elt  plus  en  ufage ,  quand  il  ell  queftion  d'appai- 
fer  les  douleurs  &  d'amollir;  lorfqu'il  ne  iuffit  pas, 
on  fubftitue  à  la  mie  de  pain  &  au  lait  la  pulpe  des 
herbes  émollientes.  Lorfque  l'on  a  intention  de  réfou- 
dre quelques  tumeurs,  &  qu'il  en  eft  tems  ;  on  ajoute 
à  cette  pulpe  la  farine  de  graine  de  lin ,  de  iénugrec  , 
&  la  poudre  de  fleurs  de  camomille. 

Quoique  les  cataplaftiies  foient  des  remèdes  exté- 
rieurs, leur  application  n'eflpas  fans  danger  ;  &  l'on 
a  fouvent  vu  des  tumeurs  devenues  skirrheufes,  &c 
dont  il  a  été  impoffible  de  procurer  la  réfolution , 
pour  avoir  été  traités  avec  impéritie  :  d'autres  font 
venues  à  fuppuration  fans  néceffité;  ce  que  l'on  auroit 
pu  éviter,  fionn'avoit  pas  mis  en  ufage  des  cataplaf- 
mes  peu  appropriés.  Ainfi  il  eft  toujours  bon  de  con- 
fulter un  Médecin  lorfqu'il  ell  queflion  d'appliquer 
un  cataplajme  de  quelque  efpece  qu'il  foit.  Voye-^ 
Topique.  (A7) 

Cataplasme,  (Maréchaleris.)  Voye^ Charge, 
Emmiélure,  Rémolade. 

CATAPHORE,  f.  f.  utfapopa,  terme  de  Médecine  , 
forte  de  léthargie  ou  affoupiflement  :  c'efl  la  même 
choie  que  le  coma.  Voye^  CoMA. 

Ce  mot  eft  compofé  de  la  prépofition  xdlù,  ou 
y.dreo ,  en-bas ,  &  de  <p;p«,  /« porte. 

CATAPUCE,  i.  f.  (Hift.nat.)  plante  médicinale, 
qu'on  appelle  communément  petite  iithymale:  Elle 
purge  par  haut  &  par  bas  avec  tant  de  violence  , 
qu'il  y  a  peu  de  Médecins  qui  ofent  haiarder  de  l'or-, 
donner,  Voyt{  Ti  T  H  y  m  ale  , 


C  A  T 

CATAPULTE,  f.  f.  (Hifi.  anc.  &  Art.  mllu.)  ma- 
chine dont  les  anciens  le  fervoient  pour  jetter  de 
groffes  pierres ,  &  quelquefois  des  dards  &  des  jave- 
lots de  douze  ou  quinze  pies  de  long  fur  les  ennemis. 

Ce  mot  eft  originairement  Grec  KttJearî^rtK ,  formé 

On  prétend  que  la  catapulte  eft  de  l'invention  des 
Syriens.  Quelques  auteurs 'la  représentent  femblable 
à  la  balifte  ;  d'autres  veulent  qu'elle  l'oit  différente. 
Voye^  Baliste  &  Onagre. 

Le  propre  de  la  balifte  étoit  de  lancer  des  traits 
d'une  groffeur  extraordinaire,  &  quelquefois  plu- 
sieurs enfemble ,  dans  une  gargoufié  ;  &  la  catapulte 
lançoit  des  pierres  &  des  traits  tout  ensemble ,  &  en 
très-grand  nombre.  Folard,  Attaque  des  places  des  an- 
ciens. Voici  la  deicription  d'une  catapulte,  fuivant  cet 
auteur. 

On  fait  un  chaftîs  ou  bafe  compofée  de  deux  gref- 
fes poutres ,  Planche  XII.  de  fart  millt.  2,3;  leur 
longueur  eft  de  quinze  diamètres  des  trous  des  cha- 
piteaux :  leur  largeur  de  deux  diamètres  &  quatre 
pouces,  &  leur  épaiffeur  tout  au  inoins  d'un  diamè- 
tre &  quatre  pouces,  le  plus  n'y  fait  rien.  On  prati- 
quera v  ers  les  deux  extrémités  de  chaque  poutre  de 
doubles  mortoiles  pour  recevoir  les  huit  tenons  des 
deux  traverfans  ,4,5,  chacun  de  quatre  diamètres 
de  longueur  fans  les  tenons,  oblervant  d'en  marquer 
exactement  le  centre  par  une  ligne  creufo  6  ;  le  tra- 
verfant  5  doit  être  courbe  ou  moins  épais  que  l'au- 
tre, où  l'on  pratiquera  au  milieu  une  entaille  arron- 
die pour  donner  une  plus  grande  courbure  à  l'arbre 
ou  bras  dont  nous  parlerons  bientôt. 

On  prendra  le  centre  des  deux  poutres  (1,  3)  au 
fixieme  diamètre  de  leur  longueur,  où  l'on  pratiquera 
au  milieu  de  chacune  à  l'on  épaiiîéur,  un  trou  8  par- 
faitement rond  de  feize  pouces  de  diamètre  oppofés 
julte,  Hc  vis-à-vis  l'un  de  l'autre.  Ils  s'élargiront  vers 
l'intérieur  du  chaffis ,  percés  en  forme  de  pavillon  de 
trompette;  c'eft-à-dire,  que  les  deux  trous  oppofés 
qui  ont  chacun  leize  pouces  de  diamètre  du  côté  des 
chapiteaux,  en  auront  dix-fept  &  demi  à  l'ouvertu- 
re intérieure.  Il  faut  en  adoucir  l'entrée  que  Vitruve 
appelle peritretos,  &  en  abattre  la  carne  tout  au  tour. 
Paffons  maintenant  à  la  deicription  des  chapiteaux, 
qui  font  comme  la  glande  pinéale  de  la  machine,  & 
qui  fervent  à  tortiller  &  bander  les  cordages  qui 
iont  le  principe  du  mouvement. 

Les  chapiteaux  (  9)  font  de  fonte  ou  de  fer,  com- 
pofés  chacun  d'une  roue  dentée  (  10  )  de  deux  pou- 
ces &  demi  d'épaiffeur.  Le  trou  doit  être  de  onze  pou- 
ces trois  lignes  de  diamètre  ,  parfaitement  rond  ,  & 
les  carnes  abattues.  Le  rebord  intérieur  (  1 1  )  eft  de 
quatre  pouces  de  hauteur  ;  ion  épaiffeur  d'un  pouce  : 
mais  comme  il  fe  trouve  plus  large  d'un  pouce  par 
cette  épaiffeur  que  le  trou  pratiqué  dans  l'extérieur 
des  deux  poutres ,  on  fera  une  entaille  arrondie  (  1 1) 
de  quatre  pouces  de  profondeur,  pour  l'introduire 
jufte  dans  l'entaille.  Comme  il  y  auroit  un  trop  grand 
frottement  lï  les  chapiteaux  appuyoient  de  plat  con- 
tre les  poutres ,  par  l'extrême  tenlion  des  cordages 
qui  les  ferrent  contre ,  on  peut  remédier  facilement 
à  cet  inconvénient  par  le  moyen  de  fix  roulettes  (  1 }  ) 
d'un  pouce  de  diamètre  iur  quatorze  lignes  de  lon- 
gueur,  pofées  circulairemcnt,  &  tournant  fur  leurs 
axes  contre  la  poutre  ,  comme  on  voit  en  A ,  &  la 
roulette  féparée  B. 

Ces  roulettes  ou  petits  cylindres  de  cuivre  fondu  , 
doivent  être  tournés  au  tour,  &  égaux  à  leur  diamè- 
tre ,  pour  que  les  chapiteaux  portent  par  tout  égale- 
ment. 

Sur  cet  affemblagc  de  cylindres ,  on  appliquera 
les  chapiteaux  (  9  )  de  telle  forte  ,  que  les  cylindres 
ne  débordent  pas  vers  les  dents  de  la  roue ,  qui  doi- 
vent recevoir  un  fort  pignon  (14) ,  par  le  moyen  du- 


C  A  T 


767 


quel  on  fait  tourner  la  roue  pour  le  bandage  ,  &  où 
l'on  applique  la  clé  (  1  5)  ,  où  l'on  pratiquera  un  cre^ 
chet  d'arrêt  (16)  ;  &  pour  plus  grande  sûreté  ,  on  en 
mettra-  un  autre  ,  pour  empêcher  que  rien  ne  iâche 
par  l'extrême  &  violent  effort  du  bandage  des  cordes 
entortillées.  On  ufe  de  ces  précautions  à  caufe  des 
■roulettes ,  qui  ôtant  tout  le  frottement  des  chapiteaux 
&  facilitant  le  bandage  ,  font  que  les  chapiteaux  font 
plus  faciles  à  lâcher  par  l'extraordinaire  tenlion  des 
cordes ,  qui  eft  à  peine  concevable  :  elle  doit  l'être 
encore  moins  dans  une  catapulte  qui  chaffe  un  corps 
de  quatre  cents  pelant  &  au-delà.  On  doit  alors  em- 
ployer les  roues  multipliées  ;  &  pour  plus  grande 
précaution  ,  l'on  mettra  un  fort  crochet  d'arrêt  à 
chaque  roue. 

On  fait  pour  les  petites  catapultes  depuis  dix  li- 
vres jufqa'à  vingt  ou  trente ,  un  cercle  de  fer  en, ma- 
nière de  rebord  ,  qui  s'élève  au-deflùs  du  bois  de  trois 
ou  quatre  lignes.  Ce  cercle  doit  être  appliqué  fur  le 
bois  &  retenu  par  le  moyen  de  huit  fortes  pointes  ; 
le  chapiteau  appuyant  deffus  comme  fur  pluiieurs 
points  ,  aura  beaucoup  moins  de  frottement  pour  le 
bandage,  que  s'il  portoit  tout  entier  fur  le  bois,  ob- 
fervant  d'abattre  les  carnes  du  rebord  qui  doit  aller 
en  arrondiffant.  Paffons  maintenant  à  la  pièce  capi- 
tale qui  foùtient  tout  l'effort  &  toute  la  puiffance  du 
bandage. 

Cette  pièce  eft  un  bouton  ou  un  travers  plat  (17) 
de  fer  battu  à  froid ,  qui  partage  en  deux  également 
le  trou  des  chapiteaux  à  leur  diamètre,  &  qui  s'en- 
châfîe  dans  une  entaille  quarrée  d'environ  un  pouce 
de  profondeur  dans  l'épaiffeur  des  chapiteaux.  Ce 
travers  doit  être  de  deux  pouces  quatre  lignes  dans 
fa  plus  grande  épaiffeur  d'en-haut  (  1 8)  ,  qui  doit  être 
arrondie  &  polie  autant  qu'il  fera  poliible ,  pour  que 
les  cordes  qui  paffent  &  repaffent  deffus ,  ne  foient 
pas  endommagées  &  coupées  par  les  inégalités  du 
ter.  La  hauteur  de  cette  pièce  doit  être  de  huit  pou- 
ces, allant  en  diminuant  depuis  le  milieu  jufqu'en 
bas  (  19) ,  qui  ne  doit  avoir  qu'un  pouce.  Cette  pièce 
doit  entrer  jufte  dans  les  trous  des  chapiteaux  :  cette 
hauteur  donne  plus  de  force  ,  &  empêche  qu'elle  ne 
plie  par  l'effort  du  bandage.  Pour  moi  je  crois,  dit 
M.  de  Folard,  qu'il  feroit  plus  iur  de  fondre  les  cha- 
piteaux avec  le  travers ,  ou  le  faire  de  même  métal  j 
je  voudrais  m'en  tenir  là. 

Après  avoir  appliqué  les  deux  chapiteaux  contre 
les  trous  des  deux  poutres  ,  tous  les  deux  dans  une 
égale  fituation ,  &  pofé  les  deux  pièces  traverfantes 
&  diamétrales  ,  fur  lefquelles  paffe  le  cordage  ;  on 
paffe  un  des  bouts  de  ce  cordage  à  -  travers  de  l'un 
des  trous  d'un  chapiteau  &  de  la  poutre  ;  on  amarre 
ce  bout  à  un  clou  planté  dans  l'intérieur  de  la  pou- 
tre ,  de  telle  forte  qu'il  ne  lâche  point  ;  on  prend  en- 
fuite  l'autre  bout  delà  corde  ,  qu'on  paffe  à-travers 
du  trou  de  la  poutre  6c  du  chapiteau  oppofé  ,  &  on 
file  ainfi  ce  cordage  paffant  &  repaffant  fur  les  deux 
travers  de  fer  qui  partagent  les  trous  des  chapiteaux, 
la  corde  formant  un  gros  échcveau(zo)  qui  doit  rem- 
plir entièrement  toute  la  capacité  des  deux  trous  : 
alors  on  lie  le  premier  bout  de  la  corde  avec  !c  der- 
nier. La  tenlion  doit  être  égale  ,  c'eft-à-dire  que  les 
différens  tours  de  la  corde  paffés  &  repaffés ,  doivent 
être  tendus  à  force  égale ,  &  li  près-à-près  l'un  de 
l'autre ,  qu'il  n'y  ait  aucun  intervalle  entre  chaque 
tour  de  corde.  Dès  que  le  premier  tour  ou  lit  de  cor- 
de aura  rempli  l'efpace  de  fer  diamétral ,  on  paffera 
un  autre  lit  par-deffus  le  premier ,  6c  ainli  les  uns  fur 
les  autres ,  &  toujours  également  tendus  jufqu'à  ce 
qu'il  ne  puiffe  plus  rien  entrer  dans  les  deux  trous, 
&  que  l'écheveau  les  rempliffe  totalement  ;  obler- 
vant de  frotter  de  tems  en  tems  le  cordage  avec  du 
favon.  On  peut  encore  paffer  &  repaffer  la  corde  par. 
les  deux  bouts,  en  prenant  le  centu'. 


768 


C  A  T 


C  A  T 


A  trois  ou  quatre  pouces  derrière  l'écheveau  des 
cordes  ,  s'eleve  un  fort  montant  (21)  ,  compolé  de 
deux  poteaux  équarris  de  bois  de  chêne  de  quatorze 
pouces  de  grofl'eur ,  &  des  trois  trayerfans  à-  tenons 
&  à  mortoifes.  Comme  ce  montant  le  trouve  à  deux 
ou  trois  pouces  derrière  le  gros  écheveau  de  corde  , 
il  eft  néceflaire  qu'il  foit  pol'é  obliquement  vers  l'é- 
cheveau  ,  de  telle  forte  que  le  bras  (22)  enfermé 
par  ion  bout  d'en-bas ,  au  milieu  &  au  centre  d'en- 
tre les  cordes  de  l'écheveau  ,  dont  une  moitié  l'em- 
brafTe  d'un  côté  &  de  l'autre  ;  il  eft  nécelTaire ,  dis- 
je  ,  qu'il  foit  baille  de  telle  forte  que  le  bras  appuie 
un  peu  obliquement  fur  le  couffinet  (23),  qui  doit 
être  mis  au  centre  du  traverfant  (24)-  La  hauteur 
du  montant  (  2 1  )  eft  de  fept  diamètres  &  demi  & 
trois  pouces ,  appuyé  derrière  par  trois  forts  liens 
ou  contre-fiches  (25  ),  aflémblées  par  le  bas  dans 
l'extrémité  des  deux  poutres  (2,3),  &  celle  du 
milieu  (  26  )  ,  au  traverfant  (  24  )  ,  avec  tenons  & 
mortoiles.  Les  poteaux  &  les  traverfans  doivent  être 
embralTés  par  de  doubles  équerres  larges  de  quatre 
pouces ,  &  épailTes  de  trois  lignes ,  aiïurées  par  des 
boutons  arrêtés  par  une  goupille  pour  les  tenir  fer- 
mes. 

On  obfervera  de  mettre  le  couffinet  (23)  au  cen- 
tre ,  comme  je  l'ai  dit ,  &  qu'il  foit  couvert  de  cuir 
de  bœuf  palïé  &  garni  de  bourre  ;  car  c'eft  contre 
ce  couffinet  que  le  bras  va  frapper  avec  une  très- 
grande  force. 

Lorfqu'on  vouloit  mettre  la  catapulte  en  batterie 
&  en  état  de  jcîter  des  pierres ,  on  mettoit  le  bout 
d'en-bas  de  l'arbre  ou  du  bras,  dans  l'entre  deux  & 
au  centre  de  l'écheveau  de  corde.  Ceci  eft  d'autant 
plus  important,  que  s'il  ne  le  rencontroit  pas  dans 
ce  jufte  milieu ,  la  tenfion  fe  trouveroit  inégale  ;  &C 
ce  qu'il  y  a  de  cordages  plus  d'un  côté  que  de  l'autre, 
fe  cafferoit  infailliblement  dans  la  tenfion  :  ce  qui  mé- 
rite d'être  obfcrvé.  Pour  n'être  pas  trompé  dans  une 
chofe  fi  importante  ,  on  peut  mettre  un  morceau  de 
bois  en  formant  l'écheveau  de  la  grolTeur  du  bout 
d'en-bas  du  bras.  Ce  morceau  de  bois  fervira  pour 
marquer  le  centre  des  cordes  ,  en  les  palTant  &  re- 
payant dans  les  trous  des  chapiteaux. 

Le  bras  ou  ftyle  ,  comme  Ammien  Marcellin  l'ap- 
pelle ,  doit  être  d'excellent  bois  de  frêne ,  &  le  plus 
iain  qu'il  fera  poiîible  de  trouver.  Sa  longueur  eft  de 
quinze  à  feize  diamètres  du  trou  des  chapiteaux.  Le 
bout  d'en-bas  engagé  dans  le  milieu  de  l'écheveau  , 
eft  de  dix  pouces  d'epaiffeur  ,  &c  large  de  quatorze  ; 
c'eft-à-dire  qu'il  doit  être  plus  étroit  dans  la  première 
dimenlion  que  dans  la  féconde ,  pour  lui  donner  plus 
de  force  ,  &  empêcher  qu'il  ne  plie  ;  car  fi  on  s'apper- 
cevoit  que  le  bras  pliât,  il  raudroit  lui  donner  plus 
de  largeur. 

On  doit  lailTer  ces  dimenfions  au  bout  d'en-bas 
que  les  cordes  embraiTent ,  en  rabattre  les  carnes  ; 
car  lans  cette  précaution  ^elles  couperoient  ou  écor- 
cheroient  les  cordes  qui  font  de  boyau.  Le  relie  du 
bras  doit  être  taillé  en  ellipfe  ,  moins  épais  d'un  pou- 
ce que  le  bout  enchâffé  dans  l'écheveau  ,  &  de  la 
même  largeur  jufqu'à  l'endroit  où  il  vient  frapper  le 
couffinet ,  qui  doit  être  plus  épais ,  mais  plat ,  de  peur 
que  la  violence  du  coup  ne  le  coupât  en  deux.  C'eft 
en  cet  endroit  que  le  bras  doit  être  un  peu  plus  cour- 
be. Pour  fortifier  davantage  le  bras  ou  l'arbre,  dont 
l'effort  eft  tout  ce  qu'on  peut  imaginer  de  plus  vio- 
lent ,  on  doit  le  garnir  tout  autour  dans  une  toile 
trempée  dans  de  la  colle  forte  ,  comme  les  arçons 
d'une  ieiie  ,  &  rouler  autour  une  corde  goudronnée 
de  deux  lignes  de  diamètre ,  fi  ferrement  6c  li  pres-à- 
près,  qu'il  n'y  ait  aucun  intervalle  entre  les  tours. 
On  doit  commencer  cette  liure  hors  du  gros  bout 
d'en-bas.  La  figure  fuftit  de  refte  pour  le  faire  com- 


prendre. Traité  de  l'Attaque  des  Places  des  anciens ,  par 
M.  le  chevalier  Folard. 

Les  effets  des  catapultes  étoient  confidérables.  On 
lançoit  avec  ces  machines  des  poids  de  plus  de  1 200 
livres.  Elles  étoient  encore  en  ufage  en  France  clans 
le  xii.  &  le  xni.  fiecle.  Le  P.  Daniel,  dans  YHif- 
toire  de  la  Milice  Françoife ,  cite  un  paffage  de  Froif- 
fart ,  qui  fait  voir  la  force  furprenante  de  ces  for- 
tes de  machines.  Il  nous  apprend  qu'au  fiége  de  Thyn- 
Lévêque  aux  Pays-Bas  ,  le  duc  Jean  de  Normandie  fit 
charrier  grand  foifon  d'engins  de  Cambray  &  de  Douay, 
&  entre  autres  fix  fort  grands,  qu'il  fit  lever  devant  la. 
forterejje  ,  lef quels  j ettoient  nuit  &  jour  groffes  pierres  & 
mangonneaux  ,  qui  abattoient  les  combles  &  hauts  des 
tours  ,  des  chambres  ,  &  des/aies  :  tellement  que  les  com- 
pagnons qui  gardoient  la  place ,  n'ofoient  demeurer  que 
dans  les  caves  &  les  felliers.  Ceux  de  Vofl  leur  jettoient 
encore  plus  par  leurs  engins  des  chevaux  morts  ,  &  autres 
charoignes  infectes  pour  les  empuantir  là-dedans ,  dont 
ils  étoient  en  grande  détrejfe  ;  &  de  ce  furent  plus  con- 
traints que  de  nulle  autre  chofè  ,  parce  que  mime  il  fai- 
foit  chaud  comme  en  plein  été ,  &c. 

C'étoit ,  dit  M.  de  Folard  que  nous  copions  ici , 
une  très  -  grande  incommodité  que  ces  chevaux  lan- 
cés dans  une  place  affiégée  ;  rien  n'étoit  plus  capa- 
ble d'y  mettre  la  pefte ,  ou  du  moins  d'occuper  une 
partie  de  la  garnifon  pour  les  enterrer  &  fe  délivrer 
de  l'infedlion  de  ces  cadavres. 

L'hiftoire  de  Ginghiican  &  de  Timur-Beg  nous 
fournit  une  infinité  d'exemples  de  la  force  &c  de  la 
puifTance  de  ces  fortes  de  machines.  Les  catapultes 
dont  ces  conquérons  le  fervoient  étoient  li  énormes, 
qu'elles  chaflbient  des  meules  de  moulin  &  des  maf- 
fes  affreufes  ;  qu'elles  renverfoient  tout  ce  qu'elles 
rencontraient  avec  un  fracas  épouvantable.  Ces  ma- 
chines paroiffent  avoir  fubfifté  jufqu'à  l'invention  de 
la  poudre.  L'ulage  du  canon  qui  les  détruifoit  facile- 
ment, les  fît  difparoitre  :  cependant  M.  le  chevalier 
de  Folard  croit  qu'elles  feroient  encore  aujourd'hui 
fupérieures  à  nos  mortiers. 

Les  effets  en  font  à-peu-près  les  mêmes  pour  jet- 
ter  des  corps  pefans  ,  capables  d'écrafer  par  leur 
poids  les  édifices  les  plus  folides  :  la  catapulte  a  mê- 
me quelque  avantage  en  cela  fur  le  mortier.  11  faut 
bien  moins  de  dépenfe  pour  le  tranfport  des  choies 
nécefîaires  à  la  conftruction  de  la  première  ,  que 
pour  le  tranfport  du  dernier. 

Ce  que  l'on  doit  le  plus  confidérer  dans  la  cata- 
pulte, dit  toujours  le  chevalier  Folard  ,  c'eft  la  cer- 
titude de  ion  effet  &  la  juileiîe  de  les  tirs  différens. 
«  On  eft  affiiré  de  jetter  les  pierres  où  l'on  veut  ;  car 
»  il  n'y  a  point  de  raifon  qui  puiffe  faire  qu'elle  chafîe 
»  plus  ou  moins  loin ,  ou  plus  ou  moins  jufte  en  un 
»  tems  qu'en  un  autre  furies  mêmes  degrés  d'éléva- 
»  tion  &  de  bandage.  Il  n'en  eft  pas  ainli  de  nos  mor- 
»  tiers  ,  à  caufe  des  différens  effets  ou  des  différentes 
»  qualités  de  la  poudre  ;  car  quoiqu'elle  foit  de  mê- 
»  me  nature  en  apparence  ,  elle  ne  l'eft  pas  en  effet. 
»  Un  barril  n'eft  jamais  femblable  à  un  autre  barril  ; 
»  la  poudre  n'eft  jamais  égale  en  qualité  ec  en  force , 
»  &c.  » 

Il  eft  vrai,  comme  l'obferve  M.  de  Folard,  que 
les  effets  de  la  poudre  font  fort  irréguliers  :  mais  le 
reiîort  des  cordes  de  la  catapulte  qui  en  fait  toute 
la  force  ,  feroit  à-peu-près  fujet  aux  mêmes  varia- 
tions à  caufe  des  différentes  impreffions  de  l'air  :  ainli 
il  n'v  a  cruere  d'apparence  que  le  coup  de  la  catapulte 
puiffe  être  beaucoup  plus  lùr  que  celui  du  mortier; 
mais  cette  machine  paroît  avoir  un  avantage  très- 
évident  lùr  le  pierrier. 

«  La  portée  la  plus  grande  des  mortiers -pierriers 
»  de  quinze  pouces  de  diamètre  à  leur  bouche ,  ne  va 
»  guère  au-delà  de  cent  cinquante  toifes.  Les  caillous 
»  çhafTés  par  une  catapulte  }  parcourront  un  plus 

»  grand 


C  A  T 

»  grand  efpace  ,  &  écarteront  beaucoup  moins.  Cet 
»  avantage  elt  beaucoup  plus  grand  qu'on  ne  penle  ; 
»  car  lorsqu'il  en  peut  tomber  une  plus  grande  quan- 
»  tité  dans  un  logement,  dans  une  batterie,  dans  les 
»  fapes ,  dans  un  ouvrage  ,  &  dans  un  chemin  cou- 
»  vert ,  quel  defordre  !  quelle  exécution  ces  fortes 
»  de  machines  ne  feront-elles  pas  ?  En  jettant  fi  jui- 
»  te ,  foit  des  pierres  ou  des  bombes ,  il  n'y  a  point 
»  de  batterie  qui  ne  puiffe  être  démontée ,  ni  de  lo- 
»  gement  qu'une  grêle  de  caillous  ne  faffe  abandon- 
»  ner  ».  Folard  ,  Traite  de  l'Attaque  des  Places  des 
anciens.   (  Q  ) 

CATAFALQUE,  fub.  m.  {Hijl.  mod.  &  Peint.) 
échaffaud  ou  élévation  :  c'eft  une  décoration  d'Ar- 
chitedure ,  de  Peinture ,  &  de  Sculpture ,  établie  fur 
ime  bâtifîe  de  charpente,  pour  l'appareil  &  la  repré- 
fentation  d'un  tombeau  que  l'on  élevé  pour  les  pom- 
pes funèbres  des  princes  &  des  rois.  Ce  mot  vient  de 
l'Italien  catafalco  ,  qui  fignifîe  proprement  un  échaf- 
faud ,  &  fe  trouve  abfolument  confacré  à  l'ufage  que 
nous  venons  de  rapporter.  (/?  ) 

'*  C ATAPP AS ,  (Hifl.  nat.  bot.)  c'en  le  nom  d'une 
elpece  d'amandier  qui  croît  communément  aux  In- 
des orientales ,  &  fur-tout  dans  l'île  de  Java.  Comme 
fes  feuilies  font  très-grandes ,  &  fourniflent  beaucoup 
d'ombrage ,  les  habitans  du  pays  ont  foin  d'en  plan- 
ter autour  de  leurs  jardins  ,  pour  les  mettre  à  cou- 
vert des  gros  vents  &  des  rayons  brûlans  du  foleil. 
Cet  arbre  donne  une  fleur  d'un  blanc  tirant  fur  le 
/aune  ;  l'on  fruit  elt  verd  au  commencement ,  &  con- 
tient un  noyau  oblong  ,  d'une  couleur  blanche ,  qui 
refTemble  à  une  grofïe  amande. 

*  C  AT  ARACT  AIRES,  f.  m.  plur.  {Hijl.  anc.)  il 
paroît  que  c'en:  ainfi  qu'on  appelloit  anciennement 
les  geôliers  ou  gardes-portes  des  priions ,  6c  les  gar- 
des des  prifonniers. 

CATARACTE  D'EAU,  {Phyfiq.)  chute  ou  pré- 
cipice dans  le  canal  ou  lit  d'une  rivière  ,  qui  a  pour 
caufe  des  rochers  ou  autre  chofe  qui  arrête  le  cou- 
rant ,  &  fait  tomber  l'eau  avec  bruit  &  une  grande 
impéttiofité. 

Ce  mot  vient  du  Grec  carappaWw,  cum  impetu  dc- 
-cido  ,  je  tombe  avec  impétuofité  ;  lequel  eft  compoié 
tle  wi»,  en  •■//-fuis ,  &  de  paW«,  dejicio,  je  jette  en-bas. 

M.  de  Maupertuis  ,  dans  la  relation  curieufe  & 
intérefl'ante  de  Ion  voyage  au  Nord,  parle  des  cata- 
ractes du  îleuve  de  Torneao  ,  &  de  la  manière  dont 
les  gens  du  pays  les  franchilîent  dans  des  nacelles 
fort  minces.  On  peut  voir  auflî  dans  le  tome  1.  de 
fhijtoire  ancienne  de  M.  Rollin  ,  la  description  abré- 
gée des  cataractes  du  Nil ,  &C  de  l'intrépidité  avec  la- 
quelle les  peuples  du  pays  s'y  expofent. 

Strabon  appelle  auflî  cataractes,  ce  qu'on  appelle 
aujourd'hui  cafeade  ;  &  ce  que  nous  appelions  pré- 
ferttement  cataracte ,  les  anciens  l'appelloient  catadu- 
pes.  Voye{  CASCADE  &  CATADUPES. 

Dans  prefquc  tous  les  fleuves  ,  dit  M.  de  Buffon  , 
la  pente  va  en  diminuant  jufqu'à  leur  embouchure 
d'une  manière  allez  infeniible  :  mais  il  y  en  a  dont 
la  pente  cfl  très-brufque  dans  certains  endroits ,  ce 
qui  forme  ce  qu'on  appelle  une  cataracte  ,  qui  n'elt 
autre  choie  qu'une  chute  d'eau  plus  vive  que  le  cou- 
rant ordinaire  du  fleuve.  Le  Rhin ,  par  exemple  ,  a 
deux  cataractes;  l'une  à  Bilefeld,  &  l'autre  auprès  de 
Schaffoulè.  Le  Nil  en  a  plulieurs,  &;  entr'autres  deux 
qui  font  très-violentes  &  qui  tombent  de  fort  haut 
entre  deux  montagnes  :  la  rivière  Vologda  ,  en  Mol- 
coviè,  a  auflî  deux  cataractes  auprès  de  Ladoga  :  le 
Zaïre,  fleuve  de  Congo,  commence  par  une  forte 
cataracte  qui  tombe  du  haut  d'une  montagne  :  mais  la 
plus  fameufe  cataraBt  eft  celle  de  la  rivière  Niagara  , 
en  Canada;  elle  tombe  de  cent  cinquante-lîx  pies  de 
hauteur  perpendiculaire  comme  un  torrent  prodi- 
gieux, &  elle  a  plus  d'un  quart  de  lieue  de  largeur  ; 

Tome  II. 


C  A  T 


7Ô9 


la  brume  ou  le  brouillard  que  l'eau  fait  en  tombant 
fe  voit  de  cinq  lieues  ,  &  s'élève  jufqu'aux  nues  ;  il 
s'y  forme  un  tres-bel  arc -en -ciel  lorfque  le  foleil 
donne  deffus.  Au-deflbus  de  cette  cataracte  il  y  a  des 
tournoyemens  d'eau  fi  terribles ,  qu'on  ne  peut  y  na- 
viger  jufqu'à  ûx  milles  de  diltance  ;  &  au-deflus  de  la 
cataracte  la  rivière  efl  beaucoup  plus  étroite  qu'elle 
ne  l'eft  dans  les  terres  fupérieures.  Voye^  Tranfact. 
philofoph.  abr.  vol.  FI.  part.  II.  pag.  11  Cf.  Voici  la 
deicription  qu'en  donne  le  Père  Charlevoix  :  «  Mon. 
»  premier  loin  fut  de  vifiter  la  plus  belle  cafeade  qui 
»  foit  peut-être  dans  la  nature:  mais  je  reconnus  d'a- 
»  bord  que  le  baron  de  la  Hontan  s'étoit  trompé  fur 
»  la  hauteur  &  fur  fa  figure,  de  manière  à  faire  juger 
»  qu'il  ne  l'avoit  point  vue. 

»  Il  eft  certain  que  fi  on  mefure  fa  hauteur  par  les 
»  trois  montagnes  qu'il  faut  franchir  d'abord,  il  n'y 
»  a  pas  beaucoup  à  rabattre  des  fix  cents  pies  que  lui 
»  donne  la  carte  de  M.  de  l'Ille  ,  qui  fans  doute  n'a 
»  avancé  ce  paradoxe  que  fur  la  foi  du  baron  de  la 
»  Hontan  &  du  P.  Hennepin  :  mais  après  que  je  fus 
»  arrivé  au  fommet  de  la  troifieme  montagne ,  j'ob- 
»  fervai  que  dans  l'efpace  de  trois  lieues  que  je  fis 
»  enftiite  jufqu'à  cette  chute  d'eau ,  quoiqu'il  faille 
»  quelquefois  monter,  il  faut  encore  plus  defeendre, 
»  &  c'eft  à  quoi  ces  voyageurs  paroifîent  n'avoir  pas 
»  fait  allez  d'attention.  Comme  on  ne  peut  appro- 
»  cher  la  cafeade  que  de  côté ,  ni  la  voir  que  de  pro- 
»  fil ,  il  n'elt  pas  ailé  d'en  mefurer  la  hauteur  avec 
»  les  inftrumens  :  on  a  voulu  le  faire  avec  une  lon- 
»  gue  corde  attachée  à  une  longue  perche,  &c  après 
»  avoir  fou  vent  réitéré  cette  manière,  on  n'a  trouvé 
»  que  cent  quinze  ou  cent  vingt  pies  de  profondeur  : 
>»  mais  il  n'elt  pas  pofîible  de  s'aflurer  fi  la  perche 
»  n'a  pas  été  arrêtée  par  quelque  rocher  qui  avan- 
»  çoit  ;  car  quoiqu'on  l'eût  toujours  retirée  mouillée 
»  aufîi-bien  qu'un  bout  de  la  corde  à  quoi  elle  étoit 
»  attachée  ,  cela  ne  prouve  rien ,  puifque  l'eau  qui 
»  fe  précipite  de  la  montagne  réjaillit  fort  haut  en 
»  écumant.  Pour  moi ,  après  l'avoir  confideree  de 
»  tous  les  endroits  d'où  on  peut  l'examiner  à  fon 
»  aile  ,  j'eftime  qu'on  ne  fauroit  lui  donner  moins 
»  de  cent  quarante  ou  cent  cinquante  pies. 

»  Quant  à  fa  figure  ,  elle  elt  en  fer  à  cheval ,  & 
»  elle  a  environ  quatre  cents  pas  de  circonférence  , 
»  mais  précifément  dans  fon  milieu  elle  elt  partagée 
»  en  deux  par  une  île  fort  étroite  &  d'un  demi-quart 
»  de  lieue  de  long,  qui  y  aboutit.  Il  eft  vrai  que  ces 
»  deux  parties  ne  tardent  pas  à  fe  rejoindre  ;  celle 
>►  qui  étoit  de  mon  côté ,  &C  qu'on  ne  voyoit  que 
»  de  profil,  a  plulieurs  pointes- qui  avancent:  mais 
»  celle  que  je  découvrois  en  face  me  parut  fort  unie. 
»  Le  baron  de  la  Hontan  y  ajoute  un  torrent  qui 
»  vient  de  l'ouelt  :  û  faut  que  dans  la  fonte  des  nei- 
»  ges  les  eaux  fauvages  viennent  fe  décharger  là  par 
h  quelque  ravine,  cvc.  ».  pag.  JJz.  &c.  tom.  III. 

Il  y  a  ,  continue  M.  de  Buffon,  une  cataracte  à  trois 
lieues  d'Albanie  ,  dans  la  nouvelleYorck,  qui  a  en- 
viron cinquante  pies  de  hauteur  ;  &  de  cette 
chute  d'eau  il  s'eleve  auflî  un  brouillard  dans  lequel 
on  apperçoit  un  léger  arc-en-ciel,  qui  change  de 
place  à  mefure  qu'on  s'en  éloigne  ou  qu'on  s'en  ap- 
proche. Voye{  Tranf.  phil.  abr.  vol.  VI.  pag.  119. 

En  général  dans  tous  les  pays  où  le  nombre  d'hom- 
mes n'elt  pas  aflez  confidérable  pour  former  des  io- 
ciétés  policées,  les  terrains  font  plus  irréguliers  & 
le  lit  des  fleuves  plus  étendu,  moins  égal ,  Cv  rem- 
pli de  cataractes.  Il  a  fallu  des  fiecles  pour  rendre  le 
Rhône  &  la  Loire  navigables  ;  c'eit  en  contenant  les 
eaux,  en  les  dirigeant  èv  en  nettoyant  le  tond  des 
licu\  es  qu'on  leur  donne  un  cours  allure.  Dans  tou- 
tes les  terres  où  il  >'  a  peu  d'habitans ,  la  nature  eft 
brute  &  quelquefois  difforme.  Hijl.  nat.  de  MM.  de 
Buffon  6c  Daubcnton ,  tom.  I. 

ÉEeee 


770 


C  A  T 


Il  eft  dit  clans  la  Genefe ,  à  l'occafion  du  déluge  , 
que  les  cataractes  du  ciel  furent  ouvertes.  Il  y-  a  appa- 
rence que  le  mot  de  cataractes  en  cet  endroit ,  ligni- 
fie un  grand  réfervoir  d'eau. 

M.  Newton  a  donné  le  nom  de  cataracte  à  la  courbe 
que  décrivent,  iéion  lui,  les  particules  d'un  fluide 
qui  s'échappe  d'un  vafe  par  un  trou  horiibntal.  Voy. 
Hydrodynamique.  (O) 

CATARACTE  ,  f.  f.  {HijI.  nat.  Ornith.~)  catarracla 
Aid.  oifeau  qui  approche  beaucoup  du  gannet ,  voy. 
Gannet.  Le  defîous  du  corps ,  les  ailes ,  &  le  dos, 
font  d'une  couleur  brune  roufsâtre  mêlée  de  blanc 
&  de  jaune  ;  toute  la  face  fupérieure  eft  de  couleur 
blanche  mêlée  de  brun  roufsâtre  :  il  a  la  bouche 
grande  &  large  ;  le  bec  cil  très-gros,  pointu  ,  cro- 
chu &  fort,  il  eft  épais  d'un  pouce  ,  &  de  couleur 
noire  :  le  cou  eft  un  peu  allongé  ;  les  ailes  s'éten- 
dent jufqu'à  l'extrémité  de  la  queue  ,  qui  eft  de  la 
longueur  d'un  palme  &  de  couleur  noirâtre  :  les 
cuiffes  font  couvertes  de  plumes  jufqu'à  la  jambe  : 
les  pâtes  ,  les  doigts  ,  &  la  membrane  qui  joint  les 
doigts  enfemble,  lontde  couleur  cendrée  :  les  ongles 
font  noirs ,  crochus  ,  &C  petits.  La  cataracte  diffère  du 
gannet  par  la  petitefle  du  corps  &  des  ongles  ;  ce- 
pendant Willughby  foupçonne  que  ces  deux  noms 
devroient  être  rapportés  au  même  oifeau ,  parce  qu'il 
croit  qu'Aldrovande  a  fait  fa  defeription  lur  une  re- 
préfentation  &  non  pas  fur  l'oifeau  naturel.  Aldro- 
vande  ,  Willughby ,  Omit.  Foye{  OlSEAU.  (/) 

*  Cataracte,  f.  f.  (Hifl-  anc)  c'eft  ainfi  que  les 
anciens  appelloient  ces  défenfes  que  nous  plaçons  à 
l'entrée  des  villes  de  guerre ,  &  que  nous  appelions 
herfe.  Voyei  HERSE. 

Cataracte  ,  ou  Suffusion  ,  (  Chirurgie.  )  fui- 
vant  l'opinion  des  anciens,  eft  une  membrane  ou 
pellicule  qui  nage  dans  l'humeur  aqueufe  de  l'œil , 
&  qui  fe  mettant  au-devant  de  la  prunelle ,  empêche 
la  lumière  d'y  entrer.  Voye{  Vue. 

Ils  croyent  que  la  cataracte  eft  formée  par  la  con- 
denfation  des  parties  les  plus  vifqueufes  de  l'humeur 
aqueufe  entre  la  tunique  uvée  &  le  cryftallin  ;  quoi- 
que quelques-uns  penfent  que  cette  pellicule  eft  dé- 
tachée du  cryftallin  même ,  qui  n'eft  qu'un  compofé 
de  plufieurs  petites  pellicules  appliquées  les  unes  fur 
les  autres.  Voye^  Crystallin. 

Il  y  a  deux  fortes  de  cataractes ,  la  vraie  &  la  faufle  : 
la  vraie  a  plufieurs  degrés  &  plufieurs  noms  diffé- 
rens  :  d'abord  le  malade  voit  des  efpeces  de  brouil- 
lards ,  d'atomes  ,  de  mouches ,  &c.  fur  les  objets  ex- 
pofés  à  fa  vue.  Jufques-là  la  cataracte  eft  appellée 
imaginaire,  parce  qu'il  n'y  a  encore  à  l'œil  aucun 
changement  feniible  dont  d'autres  perfonnes  que  le 
malade  piaffent  s'appercevoir.  A  mefure  que  \zfuf- 
fujion  augmente  ,  la  prunelle  commence  à  prendre 
une  couleur  de  verd  de  mer  ,  ou  quelquefois  celle 
d'un  air  rempli  de  brouillards  ;  &  alors  la  cataracte 
s'appelle  chute  d'eau.  Lorfque  le  mal  eft  arrivé  à  fon 
plus  haut  période  ,  &  que  la  matière  eft  fuffifamment 
coagulée  ,  le  malade  perd  tout-à-fait  la  vue  ;  la  pru- 
nelle cefte  d'être  tranfparente  ,  mais  devient  blanche 
ou  brune ,  ou  de  quclqu'autre  couleur  ;  &  c'eft  en 
cet  état  que  le  nom  de  cataracte  convient  proprement 
à  cette  maladie. 

Voilà  la  théorie  commune  fur  les  cataractes,  à  la- 
quelle quelques  Médecins  &  Chirurgiens  modernes , 
tels  que  Heifter  ,  Briffeau  ,  Maître-Jan,  &c.  en  op- 
pofent  &  en  fubftituent  une  nouvelle.  Ils  penfent  que 
la  membrane  ou  pellicule  qui  s'oppofe  au  paffage 
des  rayons  de  la  lumière ,  n'eft  autre  chofe  que  le 
cryftallin  même  qui  a  été  ainfi  condenfé ,  &  qui  a 
perdu  fa  tranfparence  ,  &  qu'alors  au  lieu  de  fervir 
d'inftrument  à  la  viiîon,  il  y  fert  d'obftacle ,  en  empê- 
chant les  rayons  de  pénétrer  jufqu'à  la  rétine.  Cette 
altération  dans  fa   tranfparence  eft  accompagnée 


C  A  T 

d'un  changement  de  c-oulcur  :  il  devient  quelquefois 
verdâtre  ;  &  c'eft  pour  cela  que  les  Grecs  ont  appel- 
lé  cette  indifpolition  de  l'œil  glaucome.  Ainfi  dans  le 
fentiment  de  ces  auteurs  ,  le  glaucome  &  la  cataracte 
font  la  même  chofe  ;  quoique  dans  l'autre  hypothefe 
ce  foient  deux  maladies  fort  différentes  ,  dont  l'une, 
à  lavoir  la  première ,  paffe  pour  incurable ,  &  non 
pas  l'autre.  Voye^  Glaucome. 

La  principale  preuve  qu'on  ait  apportée  en  faveur 
de  cette  féconde  hypothefe,  à  l'académie  royale  des 
Sciences  où  elle  a  été  propofée ,  eft  qu'après  qu'on 
a  abaiffé  la  cataracte ,  la  perfonne  ne  peut  plus  voir 
qu'à  l'aide  d'un  verre  lenticulaire.  Or  fi  on  n'avoit 
rien  tait  qu'enlever  une  pellicule  de  devant  le  cryf- 
tallin ,  il  feroit  après  l'opération  dans  le  même  état 
qu'avant  la  formation  de  la  cataracte ,  &  feroit  les 
mêmes  réfractions  ;  &  il  ne  feroit  pas  befoin  de  verre 
lenticulaire  :  au  lieu  qu'en  fuppofant  que  c'eft  le  cryf- 
tallin qui  a  été  enlevé  ,  on  conçoit  qu'il  faut  un  verre 
lenticulaire  pour  fuppléer  à  fa  fondion. 

A  cela  on  répond  ,  qu'il  y  a  eu  des  perfonnes  qui 
ont  vu  après  l'opération  fans  le  fecours  d'aucun  ver- 
re ;  &  il  eft  du  moins  très-conftant ,  qu'immédiate- 
ment après  l'opération  ,  bien  des  perfonnes  ont  vu 
très-diftinctement  ;  &  quoiqu'il  ait  fallu  bientôt  après 
un  verre  lenticulaire  ,  les  premiers  inftans  pendant 
lefquels  la  perfonne  a  pu  s'en  palier ,  fuffifent  pour 
prouver  que  ce  n'ètoit  point  le  cryftallin  qu'on  avoit 
rangé. 

M.  de  la  Hire,  en  preuve  de  l'ancien  fyftème , 
apporte  pour  railbn  de  la  néceflité  du  verre  lenticu- 
laire après  l'opération  ,  que  le  vice  qui  a  produit  la 
cataracte  eft  encore  fubliftant  dans  l'humeur  aqueufe  , 
qui  étant  trouble  &  épailfe ,  ne  laifle  paffer  que  peu 
de  rayons  ;  inconvénient  à  quoi  on  remédie  par  le 
verre  lenticulaire  qui  en  réunit  un  plus  grand  nom- 
bre fur  la  rétine.  Il  ajoute  quelques  expériences  fai- 
tes fur  des  yeux  de  bœufs ,  d'oii  il  réfulte  que  le 
cryftallin  ne  fauroit  être  rangé  entièrement  au  fond 
de  l'œil ,  mais  qu'il  en  refte  toujours  aflez  pour  em- 
pêcher le  paflage  d'une  grande  partie  des  rayons , 
tant  à  caufe  de  ion  volume ,  que  parce  qu'il  eftfoû- 
tenu  par  l'humeur  aqueufe  &  vitrée.  Il  obferve  de 
plus  que  dans  l'opération  delà  cataracte,  l'aiguille 
pourroit  égratigner  la  furface  antérieure  du  cryftal- 
lin ,  &  ouvrir  la  membrane  qui  lui  fert  d'enveloppe  ; 
d'où  s'enfuivroient  des  rides  qui  rendroient  les  ré- 
fractions irrégulieres  ,  &  changeroient  la  direction 
des  rayons  qui  fe  rencontreroient  tous  au  même 
point  ;  au  moyen  de  quoi  la  repréfentation  des  ob- 
jets fe  feroit  d'une  manière  imparfaite.  Il  prétend 
enfin  que  fi  c'étoit  le  cryftallin  qui  tut  dérangé  ,  la 
perfonne  ne  verroit  plus  du  tout ,  parce  que  les  ré- 
fractions néceflaires  pour  la  vifion ,  ne  pourroient 
plus  fe  faire  du  tout.  Voye^  Crystallin  &  Vi- 
sion. 

M.  Antoine  rapporte,  en  faveur  du  fentiment  oppo- 
fé ,  qu'en  difféquant  le  corps  d'une  perfonne  à  qui  on 
avoit  fait  l'opération  de  la  cataracte  aux  deux  yeux  , 
il  avoit  trouvé  les  deux  cryftallins  actuellement  cou- 
chés &  rangés  au  fond  ,  entre  l'humeur  vitrée  &  la 
tunique  uvée, où  l'aiguille  les  avoit  laifTés,  &  que  la 
perfonne  néanmoins  après  cette  opération ,  n'avoit 
pas  laiffé  de  voir  ;  d'où  il  infère  que  le  dérangement 
du  cryftallin  eft  pratiquable  ,  &  peut  ne  pas  détruire 
la  vifion.  En  effet ,  on  peut  fuppofer  que  l'humeur 
vitrée  &  aqueufe ,  après  qu'on  a  écarté  le  cryftallin, 
eft  venue  remplir  la  cavité  ,  qu'elle  a  pris  la  forme 
de  fon  moule  ,  &  a  produit  les  réfractions  que  l'hu- 
meur cryftalline  produifoit  elle-même  ;  car  il  eft 
confiant  par  l'expérience  que  l'une  &  l'autre  de  ces 
deux  humeurs  produit  les  mêmes  réfractions,  Voye^ 
Œil. 

Cependant  pour  faire  voir  qu'il  y  a  des  cataractes 


C  A  T 

diftinétes  des  glaucomes,  M.  Littre  a  montré  à  la 
fociété  royale  de  Londres,  l'œil  d'un  homme  qui 
n'avoit  point  vu  pendant  les  vingt-deux  dernières 
années  de  fa  vie,  où  il  yavoitune  cataracte  ou  pelli- 
cule très-diftinûe  qui  couvroit  l'ouverture  de  la  pru- 
nelle. 1roye{  Pupille  ,  Vision  ,  &c 

Feu  M.  de  la  Peyrohic ,  premier  Chirurgien  du 
Roi  ,  penfoit  qu'il  pouvoit  y  avoir  des  cataractes 
membraneufes  ;  il  croyoit  que  la  membrane  qui  cou- 
vre la  partie  antérieure  du  cryftallin,  &  qui  forme 
en  partie  la  capfule  de  ce  corps,  pouvoit  perdre  la 
tranf  parence ,  le  féparer  peu  à  peu  du  cryftallin  ,  & 
devenir  adhérente  au  cercle  de  l'iris  ;  dans  ce  cas  , 
on  pourroit  abattre  le  cryftallin,  fans  pour  cela  dé- 
truire la  cataracte. 

On  dit  q\i'on  ne  doit  faire  l'opération  que  lorfque 
la  cataracte  eft  bien  mûre  :  les  fignes  de  maturité  lont 
i°.  que  la  couleur  enfoit  égale  en  toutes  fes  parties*; 
caries  cataractes  marbrées  font  ordinairement  caféeu- 
fes;  elles  n'ont  pas  une  confiftance  égale  dans  tous 
leurs  points  ,  ce  qui  eft  indiqué  par  la  couleur  va- 
riée ;  ces  fortes  de  cataractes  ne  font  point  afl"e°z.  fer- 
mes pour  fôûtemr  l'aftion  de  l'aiguille  ,  &  le  parta- 
gent en  différentes  parties  ,  ce  qui  rend  fort  fouvent 
l'opération  infructueule  :  2°.  que  les  malades  n'ap- 
perçoivent  plus  qu'une  foible  lueur;  qu'ils  ne  faifent 
qu'appercevoir  les  ombres  des  corps  opaques  que 
l'on  parlé  devant  leurs  yeux  ,'&C  qu'ils  ioient  affeûés 
par  le  grand  jour. 

Lorlque  dans  cet  état  l'iris  ou  cercle  de  la  pru- 
nelle le  dilate  à  l'obfcurité ,  &  fe  refferre  au  grand 
jour  ;  on  peut  entreprendre  l'opération  après  avoir 
préparé  le  malade  parles  remèdes  généraux. 

Pour  faire  l'opération  ,  on  fait  mettre  le  malade 
fur  une  chaile  pofée  vis-à-vis  des  fenêtres ,  à  une 
diftance  convenable  &  un  peu  dé  biais,  afin  que  la 
lumière  ne  frappe  point  à  plomb  le  vifage  du  mala- 
de. On  choilit  pour  cela  un  jour  bien  ferein  :  mais 
il  faut  prendre  garde  qu'un  rayon  de  foleil  ne  puiffe 
vciif  frapper  les  yeux  du  malade.  Le  Chirurgien 
s'affied  fur  une  chaife  un  peu  plus  haute  ,  afin  d'o- 
pérer commodément  étant  plus  élevé  que  le  malade. 
S'il  n'y  a  qu'un  oeil  d'incommodé,  on  applique  fur 
le  fairi  une  comprefle  en  plufieurs  doubles  avec  une 
bande  pofée  obliquement  ;  un  aide  qui  eft  debout 
derrière  le  malade  ,  lui  appuie  fermement  la  tête 
fur  la  poitrine.  Voye^  Planche  XXIV.  fig.  4. 

L'opérateur  prend  alors  une  aiguille  convenable , 
yoyei  Aiguille  ,  tk.  prie  le  malade  de  tenir  l'on  œil 
ouvert ,  &  de  le  tourner  comme  s'il  vouloit  regarder 
le  bout  du  nez.  Il  lui  recommande  de  le  tenir  aufîi 
ferme  qu'il  pourra  dans  cette  fituation.  Il  pôle  enfuite 
le  doigt  index  de  fa  main  droite  ,  fi  c'eft  l'œil  droit 
fur  lequel  il  opère  ,  au-deiTous  du  fourcil ,  &  le  pouce 
fur  la  pommée. e  de  la  joue  ,  pour  tenir  les  paupières 
ouvertes  par  Pécartement  de  ces  deux  doigts.  Quel- 
ques praticiens  fe  fervent  d'un  inftrument  nommé 
fpeculum  oculi ,  pour  écarter  les  paupières  &  tenir  le 
globe  de  l'œil  à  découvert.  Voy.  Spéculum  oculi. 
Alors  le  Chirurgien  reçoit  de  la  main  gauche ,  fi  c'eft 
l'œil  droit  fur  lequel  il  opère  ,  &  de  la  main  droite , 
fi  c'eft  l'œil  gauche ,  l'aiguille  qu'un  aide  lui  préfen- 
te  :  il  la  tient  par  le  milieu  du  manche  avec  le  pouce, 
le  doigt  index  &  celui  du  milieu  ,  à-peu-pres  com- 
me on  tient  une  plume  pour  écrire.  Il  appuie  le  petit 
doigt  &;  l'annulaire  fur  la  tempe ,  pour  empêcher  fa 
main  de  vaciller,  &  pique  hardiment  le  globe  île  l'œil 
du  coté  du  petit  angle  ,  a  deux  lignes  du  cercle  exté- 
rieur de  l'iris  ,  &  fur  la  ligne  qu'on  imaginerait  être 
tirée  d'un  angle  à  l'autre,  f  <  :■  &  5.  Plan. 

XXIV.  Il  perce  la  conjonctive  ,  la  cornée  opaque  , 
&  Tuvée.  Quand  il  a  pénétre  l'uvée,  il  couche  un 
peu  le  manche  de  ion  aiguille  du  cote  de  la  tempe , 
cv  la  poulie  doucement  pour  en  porter  la  pointe  vers 
Tome  II, 


C  A  T 


771 


la  partie  fupérieure  de  la  cataracte  ;  &  en  l'appuyant 
un  peu  vers  le  bas  de  l'œil,  il  l'abbailTe ,  la  détache 
du  lieu  qu'elle  occupoit ,  &  il  la  met  enfin  au-dclTous 
de  la  pupille.  S'il  y  avoit  quelques  adhérences  autour 
du  chaton  ,  on  coupe  avec  le  tranchant  de  l'aiguille 
les  portions  de  la  membrane  capfulaire ,  qui  fontobf- 
tacle  à  la  précipitation  de  la  cataracte.  Lorfqu'elle  eft 
abaiiléc  ,  le  Chirurgien  la  tient  en  cet  état  pendant 
un  peu  de  tems ,  6c  relevé  enfuite  la  pointe  de  Ion 
aiguille  :  fi  la  cataracte  refte  abaiffée  ,  l'opération  eft 
faite  :  fi  elle  remonte  &  fait  le  pont-levis  ,  il  appuie 
defTus ,  &  I'abailTe  un  peu  plus  que  la  première  fois  , 
&  la  contient  ainfi  pendant  un  peu  plu*  de  tems,  Il 
relevé  encore  la  pointe  de  fon  aiguille  ;  &  fi  la  cata- 
racte remonte  encore,  quelques  praticiens  la  piquent 
&  tournent  leur  aiguille  en  rond  pour  la  rouler ,  tk. 
la  rangent  enfuite  au  côté  externe  de  l'intérieur  de 
la  cavité  de  l'œil ,  en  retirant  leur  aiguille  avec  la 
précaution  de  bander  le  manche. 

Lorfque  l'opération  eft  faite ,  on  ferme  les  paupiè- 
res ,  &  on  applique  fur  tout  l'œil  une  comprefle  en 
plufieurs  doubles ,  trempée  dans  un  collyre  fait  avec 
l'eau  de  rôle ,  l'eau  de  plantain,  tk.  un  blanc  d'œuf , 
battus  cnfemble  :  on  bande  l'œil  fain  de  même  que 
le  malade  ;  parce  que  les  mouvemens  des  yeux  étant 
réciproques ,  l'œil  malade  feroit  fatigué  par  l'aclion 
du  fain.  Le  bandage  fe  nomme  ail-double.  Voye^  ce 
mot. 

On  faigne  le  malade ,  s'il  furvient  inflammation  : 
il  eft  toujours  prudent  de  le  faire  pour  la  prévenir. 
Cette  opération  préfente  beaucoup  de  difficulté,  dont 
il  faut  s'inftruire  dans  les  livres  des  maîtres  de  l'art; 
&  en  les  fuivant  dans  la  pratique  ,  la  réuffite  peut 
dépendre  des  précautions  avec  leiquel'es  ons'expofe 
aux  impreffions  de  la  lumière.  Une  femme  de  foi- 
xante  ans,  aveugle  depuis  fix  ,  me  pria  de  voir  fes 
yeux  :  je  reconnus  deux  cataractes ,  dont  je  lui  fis  l'o- 
pération aux  deux  yeux  dfc  fuite  avec  lucces.  Il  n'y 
furvint  point  d'accidens  Je  lui  pei  misJe  dixième  jour 
d'avoir  les  yeux  ouverts  une  heure  le  matin  &  autant 
le  foir.  Je  ne  voulois  lui  accorder  l'i  i  yeux 

que  par  degrés.  La  fatistadtion  de  voir  lu:  fit  négliger 
mes  avis.  Le  dix-feptieme  jour  ,  après  avoir  >. 
minée  par  plufieurs  Chirurgiens  de  Paris  qui  avoient 
affilié  à  l'opération,  &  qui  en  jugèrent  fort  avanta- 
geufement ,  cette  femme  fatigua  beaucoup  la  ^  fie  ,  & 
devint  aveugle  l'après-dinéc  en  regardant  quelqu'un 
à  une  lumière  fort  vive.  L'iris  qui  le  contracloit  &  fe 
dilatoit  fort  bien  lorfque  L'œil  étoit  plus  ou  moins 
expofé  à  la  lumière,  eft  actuellement  immobile  et 
fort  dilatée  ,  comme  dans  la  goutte  -fereine.  Cette 
grande  dilatation  lailie  appercevoir  à  un  des  yeux 
une  portion  de  la  cataracte  ,  qui  déborde  la  partie 
inférieure  du  cercle  de  la  prunelle. 

Une  perfonne  à  qui  on  a  abattu  la  cataracte  ,  ref- 
femble  à  ces  hommes  qui  fortant  tout-à-coup  d'une 
caverne  obfcure ,  ne  peuvent  fupporter  l'éclat  du 
grand  jour  :  il  faut  que  des  gradations  infenfibles  de 
lumière  préparent  la  vue  à  en  recevoir  les  rayons  ; 
faute  de  ce  ménagement ,  on  rifquc  de  perdre  tout- 
à-fâit  l'organe.  (  J") 

CATARRHE  ,  1.  m.  (McJ.)  fluxion  ou  cliftilla- 
tion  qui ,  félon  Hippocrate  ,  fe  fait  de  la  tète  dans  la 
bouche,  &  delà  fur  la  trachée-artere  &  le  poumon. 
Le  liège  de  cette  maladie  eft  dans  les  finus  de  la  baie 
du  crâne,  &  les  glandes  de  la  membrane  phuitaire 
qui  tapuTe  ces  linus. Cette  humeur  étant  en  plus  gran- 
de quantité  qu'elle  ne  doit  être,  &  devenant  acre  , 
occalionne  les  fymptomes  fuivans:  une  chaleur  ck 
une  fécherefiè  insupportables  dans  le  gofier&le  nez, 
dans  la  bouche  &  la  gorge  ;  l'engorgement  de 
féaux  de  ces  parties,  d'où  naifient  la  roideur  dans 
les  mufcles  du  cou,  la  tenfion  des  tegumens,  l'en- 
çhifrenement  ,  l'écoulement  involontaire  d'une  hu- 

E  E  e  e  e  ij 


77i 


C  A  T 


meur  féreufe  &  acre  par  les  narines  ;  ce  qui  carac- 
térise ce  que  l'on  appelle  vulgairement  rhume  de 
cerveau. 

Lorfque  cette  humeur  ne  fe  fixe  pa^  fur  ces  par- 
tics,  &  qu'elle  occupe  les  glandes  du  poumon,  elle 
irrite  les  parties  nerveufes  des  bronches  ,  &  occa- 
sionne l'enrouement  &  la  toux  :  lorfque  ces  parties 
par  l'irritation  qu'elles  ont  effuyée  le  trouvent  en- 
gorgées ,  il  s'enfuit  oppreffion ,  râllement ,  &  au- 
tres accidens  funeftes  :  lorfque  l'humeur  bronchiale 
eft  retenue  long-tems  dans  ces  glandes  par  le  reffer- 
rement  qui  y  a  été  occafionné ,  on  doit  craindre  l'in- 
flammation du  poumon  &  la  fièvre.  Un  rhume  léger 
d'abord  peut  devenir  en  le  négligeant  très-dangereux 
pour  le  malade  ;  car  alors  les  vaifTeaux  capillaires 
du  poumon  cèdent  à  la  force  de  la  toux  ,  fe  rom- 
pent ,  d'où  fuit  le  crachement  de  fang  ;  accident  que 
Hippocrate  a  regardé  comme  décilit  pour  le  mala- 
de ,  puifqu'il  s'eft  expliqué  ainfi  à  ce  fujet  :  à  fan- 
gui nisfputo  ,  puris  fputum  j  à  puris  fputo  tabès  ;  à  tabe 
mors. 

Les  caufes  éloignées  du  catarrhe  font  tout  ce  qui 
peut  occafionner  la  Surabondance  de  l'humeur  des 
glandes  dont  j'ai  parlé  ci-demis  ;  comme  la  fuppref- 
lion  ou  la  diminution  de  la  tranfpiration  ;  en  iortant 
d'un  endroit  chaud  &  parlant  Subitement  dans  un 
lieu  froid  ;  en  s'expofant  à  un  vent  violent ,  foit  à 
pié ,  foit  à  cheval  ;  en  chantant  ou  en  criant  dans 
un  lieu  expofé  au  grand  air. 

Le  traitement  de  cette  maladie  confifte  dans  le 
rétablifTement  de  la  tranfpiration  ,  par  les  boitions 
abondantes  d'infufions  ou  de  décoctions  de  plantes 
légèrement  fudorifïques.  La  boiffon  abondante  d'eau 
tiède  Suffit  quelquefois  pour  parvenir  à  ce  but  :  on  y 
meie  cependant  quelques  cuillerées  de  firop  ,  com- 
me celui  de  capillaire  ,  de  guimauve  ,  év  autres  de 
cette  efpece. 

Lorfqu'il  y  a  fièvre  &  inflammation  confidérable  , 
la  Saignée  elt  très-bien  indiquée  ;  car  par  ce  moyen 
l'on  vient  à  bout  de  faire  ceifer  l'engorgement  actuel 
&  d'en  prévenir  un  plus  grand  ;  &  c'eft  très-mal-à- 
propos  que  la  plupart  des  gens  enrhumés ,  &  qui  font 
dans  le  cas  dont  il  eft  queftion  ici ,  craignent  la  fai- 
gnée ,  dans  l'idée  que  le  rhume  leur  tomberoit  fur  la 
poitrine  :  ils  penferoient  autrement  ,  s'ils  l'avoient 
d'où  «vient  la  toux  ;  &  que  c'eft  le  feul  moyen  de  la 
diminuer  &  d'en  prévenir  les  mauvais  effets.  Voye^ 

PÉRIPNEUMONIE   &  TOUX. 

Il  y  a  encore  une  efpece  de  catarrhe  que  l'on  ap- 
pellejiiffôq uant;  parce  que  tout-à-coup  la  maladie  fe 
jette  lur  le  larynx  &  Fépiglotte  ,  &  que  le  malade  eft 
en  danger  de  Suffoquer  ,  s'il  n'eft  promptement  fe- 
couru.  Ces  parties  ibnt  dans  un  il  grand  relTerre- 
ment ,  que  l'air  a  très-grande  peine  à  entrer  &  Sortir. 
Il  eft  donc  queftion  de  procurer  à  l'inftant  même ,  par 
les  iaignées  copieuies  &  réitérées ,  quelque  relâche- 
ment ;  de  détourner  par  les  lavemens  ,  les  vélicatoi- 
res ,  &  autres  remèdes  de  cette  efpece  ,  l'humeur  qui 
eft  la  caufe  de  ce  mal ,  auquel  le  malade  i'uccombe- 
roit  en  très-peu  de  tems.  (A7) 

CATAR.THIQUE,  adj.  (Médecine.)  médicament 
qui  a  la  vertu  d'évacuer  les  humeurs  par  les  Selles  :  il 
eft  tiré  du  mot  Grec  y.md^iç,purgation. 

Quoique  ce  terme  Semble  Signifier  généralement 
toute  forte  d'évacuations  ,  foit  naturelles  foit  artifi- 
cielles ,  par  quelque  voie  que  ce  foit,  comme  la  bou- 
che ,  l'anus  ,  la  matrice  ,  le  pafîage  des  urines  ou  les 
pores  de  la  peau  ;  cependant  on  a  donné  le  nom  de 
catarthiques  Seulement  à  ceux  qui  agiflant  fur  la  mem- 
brane interne  des  inteftins,  occaiionnent  par-bas  une 
évacuation  copieufe  d"humeurs  :  on  a  nommé  ces  re- 
mèdes purgatifs.   Voye{  PURGATIFS.  (À7) 

CATASTASE,  f.  f.  enPoéfe;  c'eft ,  Selon  quel- 
ques-uns ,  la  troisième  partie  du  poème  dramatique 


C  A  T 

chez  les  anciens  ,  dans  laquelle  les  intrigues  nouées 
dans  l'épitafe  Se  Soutiennent,  continuent,  augmen- 
tent julqu'à  ce  qu'elles  le  trouvent  préparées  pour  le 
dénouement,  qui  doit  arriver  dans  la  cataltrophe, 
ou  à  la  fin  de  la  pièce.  Pqy -eç  Epitase  6*  Catas- 
trophe. Quelques  auteurs  confondent  la  cataf  afe 
avec  l'épitafe  ,  ou  ne  les  distinguent  tout  au  plus 
qu'en  ce  que  l'une  elt  le  commencement ,  &  l'autre 
la  Suite  du  nœud  ou  de  l'intrigue. 

Ce  mot  eft  originairement  Grec  ,  zstsç-ïî-iç  ,  conf- 
titution;  parce  que  c'eft  cette  partie  qui  forme  com- 
me le  corps  de  l'action  théâtrale ,  que  la  protafe  ne 
fait  que  préparer,  &  la  cataltrophe  que  démêler. 
Foyei  Drame,  Tragédie.  (G) 

*  CATASTE ,  f.  f.  (  Hifl.  anc.  )  ce  terme  a ,  dans 
les  anciens  auteurs, différentes  acceptions:  il  Signifie 
ou  un  échafjaud  à  degrés  où  l'on  failbit  les  exécutions  ; 
eu  les  entraves  qu'on  mettoit  aux  efclaves  ,  de  peur 
qu'ils  ne  s'enfuiilent  quand  on  les  expolbit  en  ventes 
ou  un  infrument  de  torture  ,  dont  la  forme  eft  incon- 
nue. Il  y  avoit  une  Sorte  de  cataf  c  qu'on  appelloit  en- 
core- cyphon.  Foye{  CYPHONISME. 

CATASTROPHE  ,  f.  f.  en  Poéfie;  c'eft  le  change- 
ment ou  la  révolution  qui  arrive  à  la  lin  de  l'aclion 
d'un  poème  dramatique  ,  &  qui  la  termine,  l'oyez 
Drame  &  Tragédie. 

Selon  Scaliger ,  la  cataflrophe  étoit  la  quatrième  Se 
dernière  partie  des  tragédies  anciennes,  où  elle  luc- 
cédoit  à  la  cataltafe  :  mais  ceux  qui  retranchant  celle- 
ci,  ne  comptent  que  la  protafe ,  l'épitafe  ,  &  la  cataf- 
trophe  ,  appellent  cette  dernière  la  troijleme.  Voye^_ 
Catastase. 

La  cataflrophe  eft  ou  flmple  ou  compliquée  :  ce  qui 
fait  donner  auffi  à  l'a£tion  l'une  ou  l'autre  de  ces  dé- 
nominations. Voye-^  Fable. 

Dans  la  première ,  on  ne  fuppofe  ni  changement 
dans  l'état  des  principaux  perfonnages  ,  ni  recon- 
noiSTance ,  ni  dénouement  proprement  dit  ;  l'intrigue 
qui  y  règne  n'étant  qu'un  Simple  pafTage  du  trouble 
&  de  l'agitation  à  la  tranquillité.  Cette  elpece  de  ca~ 
tafrophe  convient  plus  au  poème  épique  qu'à  la  tra- 
gédie ,  quoiqu'on  en  trouve  quelques  exemples  dans 
les  anciens  tragiques  :  mais  les  modernes  ne  l'ont  pas 
crue  allez  frappante ,  &  l'ont  abandonnée.  Dans  la 
féconde,  le  principal  perfonnage  éprouve  un  chan- 
gement de  fortune ,  quelquefois  au  moyen  d'une  re- 
connoiSTance ,  &  quelquefois  Sans  que  le  poète  ait 
recours  à  cette  fituation. 

Ce  changement  s'appelle  autrement  péripétie  ;  & 
les  qualités  qu'il  doit  avoir ,  font  d'être  probable  &C 
néceffaire.  Pour  être  probable ,  il  faut  qu'il  rélulte  de 
tous  les  effets  précédens  ;  qu'il  nailîe  du  fonds  même 
du  fujet ,  ou  prenne  la  lource  dans  les  incidens  ,  & 
ne  paroille  pas  mené  ou  introduit  à  deffein ,  encore 
moins  Sbrcément.  La  reconnoillànce  fur  laquelle  une 
cataf  rophe  elt  fondée ,  doit  avoir  les  mêmes  qualités 
que  la  cataflrophe  ;  &  par  conféquent  pour  être  pro- 
bable ,  il  faut  qu'elle  nailîe  du  Sujet  même  ;  qu'elle 
ne  Soit  point  produite  par  des  marques  équivoques  , 
comme  bagues ,  bralielets ,  &c.  ou  par  une  Simple  ré- 
flexion ,  comme  on  en  voit  plusieurs  exemples  dans 
les  anciens  &  dans  les  modernes.  . 

La  cataf  rophe  ,  pour  être  néceffaire ,  ne  doit  ja- 
mais laiSSer  les  perfonnages  introduits  dans  les  mê- 
mes fentimens ,  mais  les  faire  palier  à  des  lentimens 
contraires  ;  comme  de  l'amour  à  la  haine ,  de  la  co- 
lère à  la  clémence ,  &c.  Quelquefois  toute  la  cataf- 
trophe  ou  révolution  conlilte  dans  une  reconnoillàn- 
ce :  tantôt  elle  en  eft  une  fuite  un  peu  éloignée,  &C 
tantôt  l'effet  le  plus  immédiat  &  le  plus  prochain  ; 
&  c'eft ,  dit-on  ,  là  la  plus  belle  elpece  de  cataflrophe  , 
telle  qu'eft  celle  d'CEdipe.  foye^  Péripétie  &  Re- 

CONNOISSANCE. 

Dryden  penle  qu'une  cataflrophe  qui  réfulteroit  du 


C  A  T 


C  A  T 


fnnple  changement  de  fentimens  Se  de  réfoiutiôris 
d'un  perfonnage  ,  pourroit  être  affez  bien  ma- 
niée pour  devenir  extrêmement  belle,  &  même  pré- 
férable à  toute  autre.  Le  dénouement  du  Cinna  de 
Corneille,  eft  à  -peu  -près  dans  ce  genre.  Augufte 
avoit  toutes  les  raifons  du  monde  de  le  vanger ,  il 
le  pouvoit  ;  il  pardonne ,  &  c'eft  ce  qu'on  admire  : 
mais  cette  facilité  de  dénouer  les  pièces,  favorable 
au  poète  ,  ne  plairoit  pas  toujours  au  fpectateur  ,  qui 
veut  être  remué  par  des  évenemens  furprenans  Se 
inattendus. 

Les  auteurs  qui  ont  traité  de  la  poétique  ont  mis 
en  queftion,  li  la  catajlrophe  doit  toujours  tourner  à 
l'avantage  de  la  vertu  ou  non  ;  c'eft-à-dire ,  s'il  eft 
toujours  néceffaire  qu'à  la  fin  de  la  pièce  la  vertu 
foit  récompeniée  ,  Se  le  vice  ou  le  crime  puni.  La 
raifon  Se  l'intérêt  des  bonnes  mœurs  femblent  de- 
mander qu'un  auteur  tâche  de  ne  préfenter  aux  fpec- 
tateurs  que  la  punition  du  vice  &  le  triomphe  de  la 
vertu  :  cependant  le  fentiment  contraire  a  tes  défen- 
feurs  ;  &  Ariftote  préfère  une  catajlrophe  qui  révolte 
à  une  catajlrophi  heureufe  ;  parce  que  l'une  ,  félon 
lui ,  eft  plus  propre  que  l'autre  à  exciter  la  terreur 
&  la  pitié  ,  qui  font  les  deux  fins  de  la  tragédie,  Voy. 
Passions  &  Tragédie. 

Le  P.  le  BofTu ,  dans  fon  Trahi  du  Poème  épique  , 
divife  la  catajlrophe  (  au  moins  dans  l'épopée  )  en  dé- 
nouement Se  fin  ,  Se  fait  réfulter  cette  dernière  partie 
de  la  première.  Il  la  fait  confifter  dans  le  paffage  du 
héios  d'un  état  de  trouble  &  d'agitation  ,  en  un  état 
de  tranquillité  :  cette  révolution  ,  félon  lui  ,  n'eft 
qu'un  point  fans  étendue  ou  durée  ,  en  quoi  elle  dif- 
fère du  dénouement  ,  qui  comprend  tout  ce  qui  le 
trouve  après  le  nœud  ou  l'intrigue  formée.  Il  ajoute 
que  dans  un  même  poëme  il  y  a  plusieurs  dénoue- 
mens ,  parce  qu'il  y  a  plufieurs  nœuds  qui  nailfent 
les  uns  des  autres.  Ce  qu'il  appelle^  eft  le  point  oit 
fe  termine  le  dernier  dénouement.  Voye^  Nœud  ,  In- 
trigue,  Fable.  {G  ) 

CATAY ,  CATH AY ,  ou  KATAY  ;  voyei  l'article 
Chine. 

*  CATÉ  ,  (  Hijl.  mod.  Comm.  )  cfpccc  de  gâteaux 
ou  de  tablettes  ,  que  les  Indiens  préparent  avec  le 
lue  qifils  favent  tirer  d'un  arbre  épineux  qu'ils  nom- 
ment hacchic ,  dont  le  bois  eft  dur,  compacf  &  pc- 
fant.  Il  porte  des  feuilles  qui  rcfl'emblent  à  celles  de 
la  bruyère.  Lorfqu'on  a  tiré  ce  lue  ,  on  le  mêle  avec 
une  graine  réduite  en  farine  ,  qu'on  appelle  nachani , 
qui  a  à-peu-près  le  même  goût  que  l'orge ,  Se  dont  on 
peut  au  m*  faire  de  fort  bon  pain  :  on  y  joint  encore 
d'un  bois  noir  réduit  en  une  poudre  très-fine.  On  fait 
de  ce  mélange  des  petits  gâteaux  ou  tablettes  que  l'on 
feche  au  loleil  ;  ils  font  amers  Se  aftringents  :  on  les 
regarde  comme  un  moyen  sûr  pour  affermir  les  gen- 
cives ;  on  l'employé  auffi  dans  la  diarrhée ,  Se  pour 
lécher  les  humeurs. 

C  A  T  E  A  D  E  R  E  S ,  f.  m.  (  Chimie.  )  c'eft  le  nom 
qu'on  donne ,  au  Potoiï,  à  ceux  qui  vont  à  la  décou- 
verte deb  minéraux  :  ce  font  des  gens  qui  parcou- 
rent les  terres  d'un  pays  pour  y  trouver  les  indices 
des  mines.  (  M  ) 

CATEAU-CAMBRESIS  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de 
France  dans  les  Pays-Bas  au  Cambrelis. 

CATECHESE,!',  t.  mot  tiré  du  GrecxtfnxnvK, 
qui  lignifie  injlruclion  de  vive  voix  :  c'eft  un  courte  Se 
méthodique  inftruction  des  myfteres  de  la  religion, 
laquelle  le  fait  de  bouche;  car  on  n'enfeignoit  pas 
anciennement  ces  myileres  par  écrit ,  de  peur  que  ces 
écrits  ne  vinffent  à  tomber  entre  les  mains  des  infi- 
dèles, qui  les  auroient  tournés  en  rifée,  faute  de  les 
bien  entendre.  C'eft  d'où  eft  venu  le  nom  de  i 
te,  pour  marquer  celui  qui  enleigne  ces  myfteres  ; 
Se  celui  de  catéjchifmt ,  pour  lignifier  aulii  cette  inf- 


773' 


truction.  L'origine  des  catechefes  vient  de  Jefus-Cbrift 
même ,  lorfqu'il  envoya  les  difciples  pour  enfeigner 
Se  baptifer  toutes  les  nations,  joignant  la  doctrine  au 
baptême ,  comme  en  effet  elle  l'a  toujours  précédé 
dans  la  primitive  Eglife  :  il  nous  a  auffi  donné  l'exem- 
ple de  cette  fainte  inftruaion,  lorfqu 'entre  fes  difci- 
ples il  examina  Se  inftruifit  Philippe  ;  entre  fes  audi- 
teurs, Marthe  &  la  Samaritaine;  entre  les  affligés, 
l'aveugle  né  ;  entre  les  étrangers,  le  Samaritain  ;  en- 
tre les  grands  du  monde ,  Nicodeme  (  pour  faire  con- 
noitre  le  progrès  qu'ils  avoient  fait  dans  la  foi,  Se  les 
y  inftruire  davantage).  Les  Apôtres  ont  fuivi  l'exem- 
ple de  leur  maître ,  comme  on  voit  en  divers  endroits 
du  livre  des  acles ,  S.  Pierre  ayant  été  envoyé  à  Cor- 
neille pour  ce  fujet,  ch.  x.  Se  Philippe  à  l'eunuque  de 
la  reine  de  Candace  ,  ch,  xvij.  L'Apôtre  des  Gentils  t 
i.  cor.  ch.  xiv.  parlant  d'inftruire  les  autres ,  fe  fert 
du  mot  de  catéchi/èr,  comme  le  porte  l'original.  Les 
Pères  ont  de  même  imité  les  Apôtres  ,  comme 
Saint  Cyrille  de  Jénilalem ,  dont  nous  avons  un  ou- 
vrage intitulé  catéchefe.  S.  Auguftin  a  écrit  un  traité 
de  la  manière  de  catéchifer  les  ignorans  ;  S.  Grégoire  de 
Nylîè  a  compofé  un  difeours  catechétique  ;  &  plufieurs 
autres  nous  ont  laiffé  de  femblables  inftructions.  Et 
afin  qu'on  ne  s'imagine  pas  que  quelque  tems  après 
la  mort  des  apôtres  &  de  leurs  difciples  ,  cette  loua- 
ble coutume  de  cathéchifer  ait  été  négligée  ou  inter- 
rompue, Eufebe ,  liv.  VI. ch.  iij.  témoigne  que  Deme- 
trius,  évêque  d'Alexandrie,  avoit  commis  Origenc 
pour  cette  fonction,  de  laquelle  Pantenus  Se  Clé- 
ment s'étoient  acquîtes  avant  lui.  Au  refte  la  charge 
de  catéchifte  étoit  une  des  plus  importantes  Se  des 
plus  honorables  dans  PEglife.  Jean  Gerfon,  chance- 
lier de  l'univerfité  de  Paris,  faifoit  gloire  parmi  les 
grandes  occupations,  d'inftruire  les  enfans,  Se  de  les 
catéchiler ,  répondant  à  ceux  qui  lui  confeilloient  de 
s'appliquer  à  des  emplois  plus  conlidérables ,  qu'il 
ne  croyoit  pas  qu'il  y  en  eût  de  plus  nécefiaire  Se. 
de  plus  glorieux  que  celui-là.  Gerfon  ,  I.  partie  de Jes 
œuvres. 

CATÉCHISTE,  y-ennyic-ii?, officier  eccléfiaftique, 
dont  la  fonction  étoit  d'enleigner  aux  catéchumènes 
le  fymbole  Se  les  premiers  élémens  de  la  religion. 
Voye{  Catéchèse  &  Catéchumem  . 

On  choiliflbit  quelquefois  les  catéchifles  parmi  les 
lecfeurs;  on  les  appelloit  quelquefois  ravro^o-}  a ,  nau- 
tologi ,  par  allulion  à  ceux  qui  dans  les  vaiffeaux  re- 
cevoient  des  paflagers  le  prix  du  tranfport ,  &  leur 
expliquoient  les  conditions  du  péage,  parce  que  les 
catéchifles  enfeignoient  aux  catéchumènes  les  condi- 
tions néceffaires  pour  entrer  dans  l'Eglife,  que  les 
Pères  &c  les  Écrivains  eccléliaftiques  comparent  fou- 
vent  à  une  barque  ou  à  un  navire.  Leur  fonction  étoit 
donc  de  préparer  les  catéchumènes  au  baptême  par  de 
fréquentes  inftructions  qu'ils  leur  tailoient,  non  pas 
publiquement ,  ni  dans  les  egliies,  du  moins  dans  les 
premiers  fiecles  à  cauie  des  peiïécutions,  mais  dans 
des  écoles  particulières,  qu'on  bâtit  enluite  à  côté 
des  églifes.  La  plus  célèbre  de  ces  écoles  a  été  celle 
d'Alexandrie,  &  l'on  y  trouve  une  fuite  de  ce 
tes  célèbres  dans  l'antiquité  eccléfiaftique;  favoir, 
Pantene  établi  par  l'apôtre  S.  Marc  ;  à  Pantcne  fuc- 
céda  Clément  d'Alexandrie  ;  à  Clément,  Origenc  ;  à 
Oricene  ,  Heraclas;  à  celui-ci  Denys:  quelques-uns 
aji  >utent  Athenodore ,  Malchion  ,  S.  Athanaie  &c  Di- 
d\  nie  :  d'autres  rapportent  qu'Anus,  avant  que  de 
tomber  dans  l'héréfie ,  étoit  chef  de  cette  école.  Il  y 
en  avoit  de  femblables  à  Rome,  à  Cefarée  ,  à  Antio- 
che,  &  dans  toutes  les  grandes  églifes.  Bingham, 
Orig.  eccl.  tom.  II.  liv.  III.  ch.  x/. 

On  donne  encore  aujourd'hui  le  nom  de  catéchifles 
aux  clercs  &  aux  prêtres  charges  dans  chaque  paroil- 
fe  par  le  cure  ,  de  faire  les  inftructions  publiques  aux 
enfans,  pour  leur  enfeigner  les  principaux  points  du 


774 


C  A  T 


dogme  &  de  la  morale  chrétienne ,  &  les  préparer 
à  la  première  communion. 

CATÉCHUMÈNE,  ««tm^^Voî,  f.  m.  (Hifl.  eccl.) 
afpirant  an  baptême ,  ou  qui  Te  difpole  à  recevoir  ce 
facrement. 

Dans  la  primitive  Eglife  on  donnoit  ce  nom  à  ceux 
des  Juifs  ou  des  Gentils  que  l'on  inftruilbit  pour  rece- 
voir le  baptême.  Car  xarnx^  en  Grec  lignifie  enfei- 
gncr  de  vive  voix,  &  xa.T»xoului>'°Çi  Ci^ul  qu°n  infruit  de 
■vive  voix.  D'autres  prétendent  que  ce  nom  vient  de 
Ka.TcLx.iu> ,  prêter  une  oreille  attentive  à  des  difeours ,  les 
catéchumènes  étant  cenfés  donner  une  attention  parti- 
culière aux  initruclions  que  leur  failbient  les  caté- 
chises. Voye^  Catéchiste. 

»  Celui  qui  étoit  jugé  capable  de  devenir  chré- 
»  tien,  dit  M.  Fleury,  étoit  t'ait  catéchumène  par  l'im- 
»  pofition  des  mains  de  l'évêque  ou  du  prêtre  ,  qui 
»  le  marquoit  au  front  du  figne  de  la  croix ,  en  priant 
»  Dieu  qu'il  profitât  des  inltru&ions  qu'il  recevroit , 
»  &  qu'il  fe  rendit  digne  de  parvenir  au  faint  baptê- 
»  me.  Il  alfiitoit  aux  lermons  publics  où  les  infidèles 
»  mêmes  étoient  admis.  Le  tems  du  catéchumenat 
»  étoit  ordinairement  de  deux  ans  :  mais  on  l'allon- 
»  geoit  où  on  l'abrégeoit  luivant  le  progrès  du  caté- 
»  chumene.  On  ne  regardoit  pas  feulement  s'ilappre- 
»  noit  la  doctrine ,  mais  s'il  corrigeoit  les  mœurs ,  & 
v  on  le  laiflbit  en  cet  état  jufqu'à  ce  qu'il  fût  entiere- 
»  ment  converti.  Mœurs  des  Chrét.  tit.  v. 

Les  catéchumènes  étoient  dillingués  des  fidèles  non- 
feulement  par  le  nom  ,  mais  encore  par  la  place  qu'ils 
occupoient  dans  l'églife  :  ils  étoient  avec  les  péni- 
tens  fous  le  portique  ,  ou  dans  la  galerie  antérieure 
de  la  bafilique.  On  ne  leur  permettoit  point  d'affilier 
à  la  célébration  des  laints  mylleres  ;  mais  immédia- 
tement après  l'évangile ,  le  diacre  leur  crioit  à  haute 
voix  :  ite  catechumeni ,  mijja  ejl  :  retirez-vous ,  catéchu- 
mènes ,  on  vous  ordonne  de  fortir.  Cette  partie  mê- 
me de  la  m  elfe  s'appelloit  la  mejje  des  catéchumènes.  Il 
paroît  par  un  canon  du  concile  d'Orange,  qu'on  ne 
leur  permettoit  pas  de  faire  la  prière  avec  les  fidèles, 
quoiqu'on  leur  donnât  du  pain  béni  qu'on  nommoit 
le  pain  des  catéchumènes ,  6c  qui  étoit  comme  un  lym- 
bole  de  la  communion  à  laquelle  ils  pourroient  être 
un  jour  admis. 

Il  y  ayoit  plufieurs  ordres  ou  degrés  de  catéchumè- 
nes :  mais  on  n'a  rien  de  bien  précis  fur  le  nombre  de 
ces  ordres ,  ni  fur  les  noms  par  lefquels  on  les  dilïin- 
guoit.  Les  auteurs  Grecs  qui  nous  ont  tranfmis  les  an- 
ciens canons,  n'en  font  ordinairement  que  deux  claf- 
fes ,  l'une  des  catéchumènes  imparfaits ,  &  l'autre  des 
catéchumènes  parfaits  ;  c'eft-à-dire ,  de  ceux  qui  ne  fai- 
foient  que  d'entrer  dans  le  rang  des  catéchumènes ,  & 
de  ceux  qui  étoient  en  état  d'être  admis  au  baptême, 
à  quoi  quelques-uns  ajoutent  que  les  premiers  étoient 
encore  regardés  comme  payens.  D'autres  défignent 
ces  deux  clafîes  de  catéchumènes  par  les  noms  à'écou- 
tans ,  audientes,  &  &  agenouillés ,  genufleclentes  ;  les 
premiers ,  dilent-ils ,  ne  reltoient  dans  l'églife  que 
pour  affilier  au  lermon  &  à  la  leclure  des  écritures  ; 
les  autres  affiltoient  aux  prières ,  &:  fléchiflbient  les 
genoux  avec  les  fidèles.  M.  de  l'Aubépine ,  évêque 
d'Orléans  ,  dans  Ion  IL  livre  d'obfervationsfur  les  an- 
ciens rits  de  ï  Eglife ,  en  ajoute  un  troifieme  ordre 
qu'il  appelle  orantes ,  prions ,  mais  qui  paroît  être  le 
même  que  celui  des  agenouillés  ;  d'autres  enfin  y 
ajoutent  les  competens ,  compétentes  ;  c'eft-à-dire,  ceux 
qui  demandoient  le  baptême.  Maldonat  fait  encore 
une  claïïe  à  part  de  ceux  qu'il  appelle  pénitens ,  pœni- 
tentes ,  parce  que ,  dit-il,  ils  étoient  fous  la  correction 
&  la  cenfure  de  l'Eglife.  Le  cardinal  Bona  ne  recon- 
noît  point  de  catéchumènes  de  cette  elpece  :  mais  il  en 
marque  quatre  autres  degrés,  les  écoutons ,  les  age- 
nouilles, les  competens,  &  les  élus ,  audientes ,  genu- 
jLUenteSy  compétentes t  &  elecli,  Bingham,  dans  l'es  an- 


C  A  T 

ùquités  eccléfiaftiques ,  diflingue  auflî  quatre  clalîes  de 
catéchumènes.  Sa  divilion  elt  différente  de  celle  du 
cardinal  Bona ,  en  ce  qu'il  ne  fait  des  competens  &c 
des  élus  qu'une  feule  &  même  claffe ,  &  qu'il  comp- 
te pour  les  premières  les  catéchumènes  qu'on  inltrui- 
foit  hors  de  l'églife  ,  tandis  qu'on  permettoit  aux  au- 
tres d'y  entrer;  difïinûion  qui  paroît  fans  fondement. 
M.  Fleury  n'en  diltingue  que  deux  ,  les  auditeurs  8c 
les  competens.  D'autres  les  réduilent  à  trois  degrés  : 
le  premier  étoit  celui  des  écoutans,  qui  n'étoient  re- 
çus qu'à  entendre  les  inltrutïions  fur  la  foi  &  fur  les 
mœurs  :  le  fécond  ,  celui  des  élus  qui  étoient  admis 
pour  recevoir  le  baptême  :  le  troifieme  comprenoit 
les  competens,  ou  ceux  qui,  parfaitement  infrruits  du 
lymbole  &  de  la  do&rine  chrétienne ,  étoient  en 
état  d'être  baptilés. 

Quoi  qu'il  en  lbit  de  ces  divers  fentimens,  on  rece- 
voit  les  catéchumènes  par  l'impofition  des  mains  &  par 
le  figne  de  la  croix.  On  y  joignoit  dans  plufieurs  égli- 
fes  les  exorciimes,  le  iouffle  fur  le  vifage;  la  falive 
appliquée  aux  oreilles  &  aux  narines ,  &  Fond iori 
fur  les  épaules  &  à  la  poitrine  :  on  leur  mettoit  du 
fel  dans  la  bouche  :  cérémonies  qui  fe  pratiquent  en- 
core aujourd'hui  dans  l'adminifh ation  du  baptême, 
&  qui  le  précédoient  autrefois  de  quelques  jours 
quand  on  ne  bapthoit  qu'aux  fêtes  les  plus  lolem- 
neiles.  On  donnoit  auffi  du  lait  &  du  miel  aux  caté- 
chumènes lprlqu'ils  étoient  prêts  d'être  baptif es,  com- 
me des  fymboles  de  leurs  renaifîance  en  Jefus-Chrift, 
&  de  leur  enfance  dans  la  foi  ;  ce  n'eft  qu'en  ce  fens 
général  que  S.  Augullin  donne  à  cette  cérémonie  le 
nom  de  lacrement.  Le  catéchumenat  a  été  pratiqué 
dans  l'Eglife  d'Orient  &  d'Occident  tant  qu'il  y  a  eu 
des  infidèles  qui  fefont  convertis  à  la  religion  ;  c'eft- 
à-dire,  en  Occident  juf qu'au  vin.  fiecle.  Depuis  ce 
tems  on  n'en  a  plus  obfervé  fi  exactement  les  céré- 
monies à  l'égard  des  adultes  qui  demandoient  le  bap- 
tême. Morin,<&  Pœnit.  L'Aubépine  ,  Ob/erv.  fur  les  an- 
ciens rits  de  l'Eglife.  Bingham,  Antiq.  ecc/ej.  Fleury, 
mœurs  des  Chrct.  &  Hifl.  ecclef.  (  G  ) 

CATECHUMENAT,  1.  m.  catechumenatus,  état  des 
catéchumènes  pendant  qu'ils  alpii oient  au  baptême; 
ce  qui  comprend  la  conduite  que  l'Eglife  tenoit  avec 
eux  depuis  leur  première  réception  jufqu'à  leur  bap- 
tême, &  celle  qu'ils  étoient  eux-mêmes  obligé?  de 
tenir  dans  les  divers  degrés  par  leiquels  on  lesfailoit 
pafièr.  Voyei  CatÉchlmene. 

La  durée  du  catéchumenat  n'a  jamais  eu  de  règles 
fixes  &  univerfelles  ;  on  voit  par  les  acles  des  apôtres, 
que  l'adminiftration  du  baptême  fuivoit  de  près  l'inf- 
truftion  :  mais  quand  le  nombre  des  fidèles  fe  fut  ac- 
cru ,  l'on  craignit  &  avec  railon  qu'un  peu  trop  d'em- 
preffement  ne  fit  entrer  dans  l'Eglife  des  fujets  vi- 
cieux ou  mal  affermis ,  qui  l'abandonneroient  au 
moindre  péril.  C'eft  pourquoi  le  concile  d'Elvire  fixa 
à  deux  ans  le  tems  d'épreuve  des  catéchumènes.  JufU- 
nien  en  ordonna  autant  pour  les  Juifs  qui  voudroient 
fe  convertir.  Cependant  le  concile  d'Agde  n'exige 
d'eux  que  huit  mois.  Les  conititufions  apolloiiques 
demandent  trois  années  de  préparation  avant  le  bap- 
tême :  quelques  auteurs  ont  cru  que  le  tems  du  carê- 
me fuffiloit.  Dans  des  circonftances  prefîantes  on 
abiéc,eoit  encore  ce  terme;  car  Socrate,  parlant  de 
la  converfion  des  Bourguignons,  dit  qu'un  évêque 
des  Gaules  fe  co/itenta  de  les  inftruire  pendant  fept 
jours.  Si  un  catéchumène  fe  trouvoit  fubitement  en 
danger  de  mort,  on  le  bapthoit  fur  le  champ.  Il  eft 
facile  defentir  que  quelque  féveres  que  fufTent  com- 
munément les  règles,  les'évêques  en  difpenfoient 
fuivant  leur  prudence,  les  circonltances,  le  zèle  ou 
le  beloin  urgent  des  catéchumènes.  Bingham,  Orig. 
ecclef.  tom.  IK  lib.  X.  chap.  j.  §.  5.  {G) 

CATÉGORIE,  f.  f.  (Log.)  ce  mot  fignifie  une 
claffe  d'êtres,  ou  de  manières  d'être.  Quoique  l'on 


C  A  T 

pût  fort  commodément  diltinguer  toutes  nos  idées , 
en  idées  de  fubitances,  idées  de  modes  ,  &  idées  de 
relations ,  Ariiîote  jugea  à  propos  de  former  dix  clal- 
fes,  dont  la  première  ex-prime  la  fubftance,  &  les  au- 
tres les  accidens  ;  favoir,  la  quantité  ,  la  qualité  ,  la 
relation ,  l'action ,  la  paffion ,  le  lieu ,  le  tems ,  la  fi- 
ruation  ,  &c  enfin  l'habillement.  Toute  cette  nomen- 
clature a  été  tirée  par  Arifîote  du  tour  &c  du  génie 
de  la  langue  Greque  ;  &  ce  philolbphe  a  facrifié  ici 
la  juiteffe  de  fon  génie  à  l'envie  de  rendre  fa  doctri- 
ne agréable  à  fes  compatriotes,  en  leur  indiquant  de 
quoi  fournir  à  leur  babil.  C'eft  à  cette  complaifance 
que  l'on  doit  le  livre  où  il  explique  fort  au  long  ces 
dix  claffes ,  &  les  diverfes  difî:inctions  dont  elles  font 
fufceptiblcs.  Cette  divifion  de  termes  plutôt  que 
d'idées  ,  a  trop  long-tcms  occupé  les  Philolophes  , 
<jui  l'ont  enrichie  de  leurs  éclairciilemens.  Porphyre 
iurtout  s'eft  fignalé  dans  cette  futile  carrière  par 
fon  traité  de  prœdicabilibus  Jîve  univerfalibus.  Il  y 
parle  aufîi  des  idées  des  genres  &  des  efpeces ,  fur 
lefquelles  on  ne  trouve  rien  aujourd'hui  dansArif- 
totc.  Diogene  Laerce  témoigne  pourtant  qu'il  avoit 
écrit  fur  cette  matière.  Le  P.  Rapin  fait  à  cette  occa- 
sion la  remarque  fuivante  ;  favoir ,  que  Gaffcndi  n'au- 
roit  peut-être  pas  jugé  la  Logique  d'Ariilote  im- 
parfaite, par  le  fupplément  de  Porphyre,  qu'il  a  cru 
néceffaire  pour  y  fervir  d'introduction,  s'il  eût  fait 
réflexion  que  ce  traité  qui  a  été  mis  à  la  tête  de  la 
Logique  d'Arifîote ,  eft  pris  de  fa  Métaphyfique  d'où 
Porphyre  l'a  tiré  ;  &  qu'il  y  a  apparence  que  ce  fup- 
plément eût  été  inutile ,  s'il  ne  le  fût  rien  perdu  des 
livres  de  la  Logique  d'Ariftote,  dont  Diogene  Laer- 
ce fait  mention. 

Il  n'y  a  pas  long-tems  qu'on  efî  revenu  de  ces  fot- 
tifes  :  encore  a-t-il  bien  fallu  combattre  pour  les  dé- 
truire. On  a  repréfenté  d'abord  qu'elles  n'étoient  pas 
à  leur  place  dans  la  Logique,  puifqu'il  s'y  agit  des 
relations  des  êtres  univerfels ,  qui  font  du  reflbrt  de 
l'Ontologie.  On  a  ajouté  que  les  dillinctions  expri- 
mées dans  les  catégories ,  étoient  frivoles ,  &c  qu'on  y 
difeernoit  la  différence  du  propre ,  tandis  qu'on  omet- 
toit  la  dillinction  entre  l'effence  6c  l'accident.  M.  le 
Clerc  a  fort  bien  remarqué  que  les  catégories  ne  nous 
apprennent  autre  chofe,  finon  quelles  étoient  les 
claffes  d'idées  dans  la  tête  d'Ariilote  ,  &  non  ce 
qu'elles  font  dans  la  nature  des  choies ,  &  qft'ainii 
cen'eit  pas  la  peine  de  donner  tant  de  tems  à  les  étu- 
dier. Si  pourtant  quelqu'un  defire  une  conviction 
pleine  &  entière  de  l'inutilité  des  catégories ,  il  peut 
encore  recourir  à  Y  Art  de  penfer ,  partie  première  , 
chap.  iij.  &  à  M.  Crouzaz  dans  la  deuxième  partie  de 
fa  Logique.  ( X) 

*  CaTEIA,  {Antiquité )  cfpccc  de  trait  ou  de  ja- 
velot fort  pelant  dont  les  anciens  Gaulois  ce  les  Ger- 
mains fe  fervoient  à  la  guerre  ;  fon  poids  le  rendoit 
difficile  à  lancer,  mais  le  faiibit  pénétrer  plus  pro- 
fondément. Il  étoit  garni  d'une  chaîne,  avec  laquelle 
on  le  retiroit  pour  le  darder  une  féconde  fois.  Il  y  en 
a  qui  le  regardent  comme  une  cfpccc  de  coin  miiiil. 

C  AT  ERG  I ,  ftibit.  m.  {Hijl.  mod.)  c'eft  le  nom 
qu'on  donne  aux  voituriers  clans  les  états  du  grand- 
feigneur.  Ils  ont  cela  de  fingulier ,  qu'au  lieu  qu'en 
France,  &c  prcfquc  par-tout  ailleurs ,  ce  font  les  mar- 
chands ou  voyageurs  qui  donnent  des  arrhes  à  ceux 
qui  doivent  conduire  eux ,  leurs  hardes  &  marchan- 
difes,  les  voituriers  Turcs  en  donnent  au  contraire 
aux  marchands  &  autres,  comme  pour  leur  repon- 
dre qu'ils  feront  leurs  voitures,  ou  qu'ils  ne  partiront 
point  fans  eux.  Dici.  de  Connu,  tom.  11.  p.  iji.  (C7) 

CATERLAGH ,  (GéogA  ville  d'Irlande  ,  capitale 
du  comté  de  même  nom,  dans  la  province  de  Leinl- 
ter ,  fin  le  Barrotr. 

CATEUX  ,  adj.  {terme  de  Droit  coùtumier ,  ujtté 
Jînguïierctnent  en  Picardie.  )  le  dit  de  certains  biens  , 


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qui ,  félon  l'état  où  ils  fe  trouvent,  font  meubles  ou 
immeubles.  Par  exemple  ,  on  y  appelle  les  blés  bien 
cateux  ,  parce  que  jiilqu'à  la  mi-Mai,  n'étant  point 
comptés  entre  les  fruits ,  on  les  met  au  rang  des  im- 
meubles ;  &  depuis  ce  tems-là  ils  font  réputés  meu- 
bles. (H) 

CATHARES,  f.  m.  pi.  {Hifl.  eccléf.)  nom  fameux 
qu'ont  ufurpé  plufieurs  feues  d'hérétiques  en  diffe- 
rens  tems  :  ce  mot  lignifie  purs  ;  ck  les  premiers  qui 
commencèrent  à  fe  l'appliquer  furent  les  Apotacli- 
ques  ou  Renonçans ,  branche  des  Encratites ,  dont  le 
chef  étoit  Tatien  ;  voye^  Encratites.  Quelques 
Montaniftes  fe  firent  enfuite  appeller  cathares ,  pour 
exprimer  par  un  terme  qui  fignifie  pureté ,  qu'ils  n'a- 
voient  point  de  part  au  crime  de  ces  malheureux  qui 
renioient  la  foi  dans  les  tourmens ,  mais  qu'au  con- 
traire ils  refufoient  de  les  recevoir  à  faire  pénitence. 
Ils  portoient  pour  cela  des  robes  blanches  ,  afin,  di- 
foient-ils ,  que  leur  vêtement  convint  à  la  pureté  de 
leurs  confcicnces  :  ils  nioient  aufîi  que  l'Eglifc  eût  le 
pouvoir  de  remettre  les  péchés.  Sur  quoi  S.  Auguf- 
tin  faifant  allulion  au  mot  Latin  mundus ,  qui  fignifie 
pur ,  dit  qu'ils  dévoient  plutôt  prendre  le  nom  de 
mondains  que  de  purs  ;  f  nomen  fuum  voluijjent  agnof- 
cere ,  mundanos  potius  quam  mundos  vocaffent.  Eulebe 
parle  aufîi  de  ces  hérétiques.  Novatien  donna  le  mê- 
me nom  de  cathares  à  fa  féete ,  &  fouvent  les  anciens 
ne  la  défignent  point  autrement.  Enfin  ,  on  a  donné 
par  ironie  le  nom  de  cathares  aux  Paretans,  Patariijs 
ou  Patrins,  aux  Albigeois,  ck  aux  Coteraux,  diverfes 
fectes  d'errans,  qui  s'élevèrent  dans  le  xn.  fiecle, 
&  qui  s'etoient  formées  de  celles  des  Henriciens ,  de 
Marfille,  de  Tendeme ,  &  de  diverfes  autres.  Le  troi- 
fieme  concile  de  Latran,  tenu  l'an  1 179 ,  fous  Ale- 
xandre III.  les  condamna.  Les  Puritains  d'Angleterre 
ont  renouvelle  ce  nom  magnifique,  par  celui  qu'ils 
ont  pris.  Eufebe  ,  lib.  VI.  cap.  xxxv.  Socrate,  /.  VI, 
c.  xx.  S.  Auguflin,  de  Agon.  chrifl,  c.  xxj .  S.Epiph. 
LXI.  c.j.  Baronius,  A.  C.  264.  n°  106. 10J.  Troi- 
fieme  concile  de  Latran  ,  au  c.  xxvij.  Sanderus,  hœr, 
14J.  Baronius,  A.  C.  nç).  Turrecremata  ,  lib.  IV, 
fomm.  part.  II.  c.  xxxv.  Reinaldi  &c  Sponde,  &c.  (Cr) 

CATHARINENBERG,  (Géog.)  petite  ville  du 
royaume  de  Bohême  ,  prés  les  frontières  de  la  Saxe. 

CATHARINENBERG  ,  (G^og.)  petite  ville  d'Alle- 
magne ,  en  Mifnie,  appartenante  à  l'électeur  de  Saxe. 

CATHARISTES  ou  PURIFICATEURS,  f.  m.  pi. 
{Hijl.  eccléf.)  Iccïe  de  Manichéens  ,  fur  laquelle. ces 
hérétiques  tachoient  de  rejetter  les  ordures  abomi- 
nables &  les  horribles  impiétés  qui  entroient  dans  la 
prétendue  confécration  de  leur  Euchanfrie.  S.  Au- 
gultin  ,  Hœr.  cap.  xlvj.  S.  Léon  ,  Epijl.  VIII, 

CATHARRE.  Voye^  Catarrhe. 

CATHARTIQUÈ.  Voyei  Catarthique. 

CATHEDRALE,  l'ub.  f.  (Hi/L  eccléf.)  On  entend 
par  ce  mot  Véglife  épifeopak  d'un  lieu.  Ce  nom  lui  a 
été  donné  du  mot  cathedra  ,  ou  fiége  épifcopal.  On 
tire  l'origine  de  ce  nom ,  de  ce  que  les  prêtres  ,  qui 
compofbient  l'ancien presbyterium  avec  leur  évêque  y 
étoient  aflis  dans  des  chaires  à  la  manière  des  Juifs 
dans  leurs  conlittoires,  &  que  l'evêque  préfidoit  dans 
un  liège  plus  c!o  é  ;  d'«ù  vient  qu'on  célèbre  encore 
préfentement  les  fêtes  de  la  chaire  de  faim  Pierre  k 
Rome  &  à  Antioche.  Il  ne  faut  pas  confondre  ces  an- 
ciennes cathédrales  avec  les  églifes  qu'on  nomme  au- 
jourd'hui cathédrales  ,  parce  que  ce  mot  à'églifit  ne  li- 
gnifioit  en  ce  tems-là  qu'une  affemblée  de  Chrétiens 
&  non  des  temples  ,  comme  ils  font  bâtis  aujour- 
d'hui ,  &  que  les  Chrétiens  n'ont  point  eu  la  liberté 
ir  ces  terni-    ■  l'empereur  <  Onftandn. 

Néanmoins  plufieurs  auteurs  1  Ifpagnols  qui  ont  écrit 
de  l'antiquité  de  leurs  églifes  cathédralei3  afiùrent 
qu'il  y  en  a  eu  d  es  le  rems  des  apôtres  : 

mais  tout  ce  qu'on  du  de  ces  anciennes  cathédrales 


776 


C  A  T 


eft  fabuleux.  Quant  au  nom  Séglifi  cathédrale ,  il 
n'eft  pas  fort  ancien.  On  appelloit  l'églife  principale, 
celle  où  Févêque  célébroit  ordinairement ,  la  grandi 
églife ,  Y  églife  épifcopale  ,  l'églife  de  la  ville.  Le  nom  de 
cathédrale  n'a  été  en  ufage  que  dans  l'éghie  Latine , 
&  depuis  le  x.  fiecle.  '  . 

CATHEDRATIQUE ,  adj.  {Hijl.  ecclef.)  droit 
eu'avoient  les  évêques  d'exiger  une  certaine  lomme 
d'argent  en  vilitant  les  paroïlTes  de  leur  diocelé  ,  & 
cela  à  cauié  de  leur  dignité  épifcopale ,  propter  cathe- 
dram  epifcopaltm.  Il  en  eft  fait  mention  d'abord  dans 
le  concile  de  Brague ,  puis  dans  le  vu.  concile  de 
Tolède.  Cette  fomme  étoit  de  deux  fous  d'or  ;  & 
les  évêques  de  France  la  percevoient  fous  le  règne 
de  Charlemagne ,  &  des  autres  rois  de  la  féconde 
race.  On  appelloit  encoie  ce  droit  fynodatique,  parce 
qu'on  le  payoit  au  fynode.  Depuis ,  fe  nom  de  auhé- 
dratique  a  été  étendu  aux  droits  affeûés  aux  archi- 
diacres &  aux  doyens  ruraux  dans  leurs  vifites.  Tho- 
maffin,  Dijdplin.  de  rêghf.  part.  III.  liv.  II.  ch.  xv. 
6-ch.xxxi/.  &  xxxiv.  (G) 

CATHERETIQUES ,  adj.  (Medec.  )  le  dit  de  re- 
mèdes qui  rongent  &  confument  les  chairs  fongueu- 
fes  ou  baveufes  des  plaies ,  des  ulcères ,  ou  autres 
femblables. 

Ce  mot  eft  tiré  du  Grec  KadwptTiJW ,  dérive  de 
x*S-«/pfi>,  qui  fignifie  purger ,  émonder  ;  ou  de  K<tw  & 
àipia ,  enlever ,  emporter. 

On  appelle  auffi  ces  mêmes  remèdes  farcophages, 
c'eft-à-dire  qui  mangent  les  chairs  :  tels  font  le  pré- 
cipité rouge ,  l'alun  bridé  ,  le  cuivre  brûlé  ,  le  vitriol 
bleu,  6c.  (A/) 

CATHERINE  (l'Ordre  de  Ste),  Hijl.  moder. 
c'eft  un  ordre  de  Ruffie ,  qui  ne  le  donne  qu'à  des 
dames  de  la  première  qualité  de  la  cour  ;  il  fut  fondé 
en  I7i4par  la  czarine  Catherine,  époufe  de  Pierre 
le  grand,  en  mémoire  du  bonheur  lignalé  qu'eut  ce 
prince  d'échapper  aux  Turcs  en  1 7 1 1  ,  iur  les  bords 
duPruth.Cette  princeffe,  pleine  de  tendrefle  pour  fon 
époux  ,  eut  le  courage  de  le  fuivre  dans  cette  expé- 
dition ,  où  toute  l'armée  Ruffienne  le  trouva  dans  un 
péril  imminent  ;  dans  une  conjoncture  fi  fâcheufe , 
la  czarine  prit  le  parti  d'envoyer  un  courier  au 
grand-vifir  qui  commandoit  l'armée  Ottomane ,  lui 
promettant  une  fomme  très-confidérable  s'il  vouloit 
entrer  en  négociation  avec  le  czar  ;  le  vilir  y  con- 
fentit  :  en  conféquence  il  envoya  des  députés  dans 
le  camp  des  Rulliens ,  leur  recommandant  iur-tout 
de  ne  pas  manquer  de  voir  la  czarine ,  parce  qu'il  ne 
pouvoit  fe  perfuader  qu'une  femme  eût  eu  allez  de 
courage  &  de  tendrefle  conjugale  ,  pour  s'expofer 
à  un  danger  auffi  grand.  Ce  fut  afin  de  conferver  le 
fouvenir  d'un  événement  fi  remarquable  ,  que  le 
czar  voulut  que  cette  princeffe  fondât  un  ordre  qui 
portât  fon  nom,  &  dont  elle  fut  grande-maîtreffe.  Les 
marques  de  cet  ordre  font  une  croix  rouge  ,  tenue 
par  une  figure  de  Sainte  Catherine;  on  la  porte  atta- 
chée à  un  cordon  ponceau ,  bordé  des  deux  côtés 
d'un  petit  liféré  d'argent ,  fur  lequel  on  voit  le  nom 
de  Ste  Catherine  &  la  dévife  PRO  FlDE  ET  Pa  TRIA. 
Dans  la  fondation  il  ne  doit  y  avoir  que  fept  da- 
mes aggrégées  à  cet  ordre  :  mais  la  czarine  en  aug- 
mente le  nombre  fuivant  fa  volonté.  (— ) 

CATHERINE  {chevaliers  de  Sainte  Catherine  du  mont 
Sinai  ) ,  Hijl.  moder.  ancien  ordre  militaire  ,  formé 
pour  affifter  &  protéger  les  pèlerins  qui  alloient  vi- 
fiter  par  dévotion  le  corps  de  Ste  Catherine ,  vierge 
d'Alexandrie ,  diftinguée  par  fon  lavoir ,  &  qu'on 
dit  avoir  fouffert  le  martyre  fous  Maximien. 

Le  corps  de  cette  vierge  ayant  été  trouvé  fur  le 
mont  Sinai,  il  s'y  fit  un  fort  grand  concours  de  pèle- 
rins ;  &  ce  pèlerinage  étant  devenu  dangereux  par  les 
courfes  des  Arabes,  on  établit  en  1063  un  ordre  de 
chevalerie ,  à  l'imitation  de  celui  du  S.  Sepulchre  & 


C  A  T 

fous  la  protection  de  Su  Catherine.  Les  chevaliers 
s'engageoient  par  ferment  à  garder  le  corps  de  cette 
lainte  ,  à  pourvoir  à  la  lùreté  des  chemins  en  faveur 
des  pèlerins,  à  fuivre  la  règle  de  S.  Bafile,  &  à  obéir 
à  leur  grand-maître.  Ils  portoient  un  habit  blanc ,  fur 
lequel  étoient  repréfentés  les  inftrumens  du  martyre 
de  leur  patrone,  c'eft-à-dire  une  demi-roue  armée 
de  pointes  tranchantes ,  &  traverfée  par  une  épée 
teinte  de  lang.  (G) 

CATHETE ,  f.  f.  (  Architecl.  )  c'eft  une  ligne  per- 
pendiculaire qu'on  fuppole  palier  au  milieu  d'un 
corps  cylindrique  ,  comme  une  colonne  ,  un  pilier  , 
&c.  mais  communément  cette  ligne  s'appelle  axe  , 
ou  cffîeu.  On  entend  auffi  par  cathete  ,  la  ligne  per- 
pendiculaire qui  palle  dans  l'œil  de  la  volute  ioni- 
que à  plomb  du  fut  inférieur  de  la  colonne  ,  &  du 
bas  du  tailloir  du  chapiteau  ;  cette  ligne  ainli  ap- 
pellée  fait  donner  à  l'œil  de  cette  volute  le  nom  de 
cathete.  Foye?^  CHAPITEAU,  IONIQUE. 

Cathete  ,  en  Géométrie  ,  le  prend  plus  généra- 
lement qu'en  Architecture  ;  &  c'eft  une  ligne  qui 
tombe  perpendiculairement  fur  une  autre  ligne ,  ou 
fur  une  lùrface.  Voye^  Perpendiculaire. 

Les  deux  petits  côtés  d'un  triangle  rectangle  font 
deux  cathetes.  Voye{  RECTANGLE. 

Ce  mot  eft  principalement  en  ufage  dans  la  Ca- 
toptrique  ,  ou  dans  la  partie  de  l'Optique  qui  conli- 
dere  les  propriétés  des  rayons  de  lumière  réfléchis. 
Ainfi , 

Cathete  à' incidence  ,  en  Catoptrique ,  eft  une 
ligne  droite  tirée  du  point  radieux  ,  ou  de  l'objet  , 
perpendiculairement  au  miroir.  Si  le  miroir  eft  fphé- 
rique  ,  la  cathete  d'incidence  eft  une  ligne  droite  tirée 
de  l'objet  au  centre  du  miroir  ;  car  cette  ligne  eft 
perpendiculaire  au  miroir.  Voye^  Incidence. 

Cathete  de  réflexion  ;  c'eft  une  ligne  droite  ti- 
rée de  l'œil ,  ou  de  tout  autre  point  d'un  rayon  ré- 
fléchi ,  perpendiculairement  au  miroir.  Cette  ligne 
palîe  par  le  centre  du  miroir ,  fi  le  miroir  eft  fphéri- 
que.  /^oyq  RÉFLEXION. 

Cathete  d obliquité  eft  une  ligne  droite  tirée  du 
point  d'incidence  perpendiculairement  au  miroir  ; 
dans  la  figure  $4  de  t 'Optique  ,  fi  on  fuppole  que  G  F 
foit  un  miroir  plan,  D  l'objet ,  E  l'œil  &  Cle  point 
d'incidence ,  c'eft-à-dire  le  point  où  le  rayon  D  C 
tomrJê  pour  fe  réfléchir  fuivant  CE,  la  ligne  D  G  fera 
la  cathete  d'incidence  ,  la  ligne  E  F  la.  cathete  de  réfle- 
xion ,  &  la  ligne  C  H  la  cathete  d'obliquité. 

Dans  les  miroirs  plans,  l'image  de  l'objet  eft  vue 
dans  le  concours  du  rayon  réfléchi  avec  la  cathete 
dincidence.  Plufieurs  auteurs  ,  entr 'autres  le  P.  Tac- 
quet ,  fondés  fur  cette  expérience  ,  en  ont  tait  une 
régie  générale  de  Catoptrique  &  de  Dioptrique  fur 
le  lieu  de  l'image  vue  dans  un  miroir  courbe  ,  ou 
par  un  verre  :  mais  ces  auteurs  font  dans  l'erreur. 
Voye-^  Apparent  ,  Miroir  ,  Dioptrique.  (O) 

CATHETER  ,  f.  m.  terme  de  Chirurgie  ,  eft  une 
fonde  creule  &  courbe  qui  eft  ordinairement  d'ar- 
gent ,  qu'on  introduit  par  l'urethre  dans  la  veffie  , 
pour  faciliter  l'écoulement  del'urine ,  quand  le  parta- 
ge eft  bouché  par  une  pierre ,  par  du  gravier ,  des 
caroncules  ou  autre  choie. 

Ce  mot  vient  de  xabni^i  ou  naMtfuu ,  mettre  dedans^ 
on  l'appelle  auffi  algèlie  ou  fonde  creufe.  V.  Algalie. 
Quelques  auteurs  font  dans  l'ufage  de  donner  plus 
particulièrement  le  nom  de  cathéter  à  une  fonde  can- 
nelée ,  qui  a  la  même  configuration  que  l'algalie  k 
long  bec.  Cette  fonde  doit  être  d'acier  ;  fon  corps 
eft  lolide  &  cannulé  comme  les  algaiies.  Elle  a  fur 
toute  la  convexité  de  fa  courbure  une  rainure  d'une 
bonne  ligne  de  large ,  qui  doit  être  fermée  à  Ion  ex- 
trémité le  plus  quarrément  qu'il  eft  polîible.  Cette 
fonde  fort  à  conduire  le  lithotome  dans  l'opération 
de  la  taille.  Foyer  Lithotomie. 

Ce 


C  A  T 

■Ce  cathéter  eft  repréfenté  Planche  VIII.  f«.  2.  & 
k*  fig-  8.  montre  la  cannelure  &  la  conftruction  or- 
dinaire de  la  tête  de  cet  infiniment.  La  manière  de 
s  en  fervir  eft  expliquée  au  mot  CATHETÉB 

CATHETERISME,  f.  m.  opération  de  Chi 
qui  confîfte  à  introduire  une  iondc  dans  la  veffie  , 
pour  s'informer  de  l'état  de  ce  vifeere  ,  tirer  l'urine 
ou  le  pus  qui  y  léjourne  ,  ou  pour  y  injecter  quelque 
liqueur. 

Les  fondes  avec  lefquelles  on  pénètre  dans  la  vef- 
fie fe  nomment  algalies.  Voye^  AlgàLIE. 

Quand  on  fonde  un  malade  pour  la  rétention  d'u- 
rine ,  il  faut  le  fonder  dans  fon  lit,  couché  fur  le 
dos  ,  la  poitrine  un  peu  élevée,  les  genoux  un  peu 
fléchis  &  écartés.  Si  on  le  fonde  pour  connoître  s'il 
a  la  pierre  ,  il  faut ,  autant  qu'il  cil  pofîible  ,  le  fon- 
der debout ,  afin  que  la  pierre  qui ,  dans  cette  atti- 
tude ,  tombe  prefque  toujours  fur  l'orifice  de  la  vef- 
fie ,  étant  entraînée  avec  l'urine,  foit  plus  facile- 
ment rencontrée  par  le  bout  de  l'algalie.  Souvent  on 
n'a  pas  reconnu  la  pierre  faute  .de  cette  précaution. 
Si  l'on  n'a  pu  fe  difpenfer  de  fonder  le  malade  dans 
fon  lit,  il  faut  quand  la  fonde  fera  dans  la  veffie  , 
le  faire  tourner  &  affeoir  fur  le  bord  du  lit,  fi  fon 
état  lui  permet  de  faire  ces  mouvemens. 

La  principale  condition  pour  bien  fonder  cft  d'a- 
voir une  parfaite  connoiffance  de  la  figure  &  de  la 
courbure  du  canal  de  Furethre  ;  il  faut  en  outre  de 
l'adrefie  &  de  l'habitude  pour  y  réuffir. 

Il  y  a  deux  manières  de  fonder  les  hommes  ;  l'une 
qxi'on  appelle  par-dej/'us  le  ventre  ;&  l'autre  ,parletour 
de  maître.  Pour  fonder  nar-deffus  le  ventre,  le  Chi- 
rurgien placé  au  côté  gauche  du  malade  ,  tenant  le 
manche  de  avec  la  main  droite,  introduit 

le  bec  de  cet  infiniment  dans  Furethre ,  la  verge 
étant  renverfée  iiir  le  ventre ,  &  tenue  par  la  main 
gauche  du  Chirurgien.  Dans  ce  cas,  il  ne  s'agit  que 
de  fuivre  doucement  la  route  du  canal  pour  entrer 
dans  la  v  cilié  en  relevant  le  manche  de  la  fonde  ,  8e 
baillant  la  verge  lôrfque  l'extrémité  antérieure  ,  ou 
bec  de  l'initrument ,  doit  palier  lbip  l'os  pubis  :  l'al- 
galie doit  être  graiflee  d'huile  afin  de  couler  plus  ai- 
fément  dans  Furethre. 

Pour  fonder  par  le  tour  de  maître,  le  dos  de  la 
fonde  regarde  le  ventre  ,  ck  fon  manche  eft  tourné 
du  côté  des  genoux  du  malade  ;  le  Chirurgien  doit 
être  placé  à  droite  ;  il  foutient  la  verge  av«c  trois 
doigts  de  la  main  gauche  à  l'endroit  de  la  couronne 
du  gland  ,  é\  itant  de  comprimer  Furethre  ,  qui  eft 
placé  fous  le  corps  caverneux.  11  prend  fa  fonde  bien 
graiffée,&  l'ayant  conduite  doucement jufqu'à  la  ra- 
cine de  la  verge  ,  il  lui  fait  taire  un  demi-tour  en 
la  penchant  conjointement  avec  la  verge  vers  l'aine 
droite  ,  &  en  conduiiant  le  manche  fur  le  ventre  ; 
il  le  baifle  enfuite  pour  que  le  bec  puifîe  palier  fous 
l'os  pubis  &  pénétrer  dans  la  vellie.  Dans  ces  diffé- 
rens  mouvemens,  l'algalie  doit  être  pouffée  dans  la 
verge  ,  ce  la  verge  doit  être  tirée  fur  l'algalie  ;  il 
faut  qu'il  y  ait  un  concert  entre  les  deux  mains  du 
Chirurgien  pour  réuffir  à  cette  opération. 

Si ,  la  fonde  étant  prête  crentrer  dans  la  veffie  ,  on 
fent  quelqu'obftacle  ,  il  ne  faut  rien  forcer  de  crain- 
te de  faire  de  1  >utes  ,  qui  rendent  enfuite 
l'introduction  de  la  fonde  fort  difficile  ,  ce  quelque- 
fois même  impoflible  :  mais  il  faut  retirer  la  fonde 
de  la  largeur  d'un  travers  de  doigt .  ce  la  repoiuTer 
enfuite  doucement  pour  tacher  de  trouver  la  vraie 
route. 

Si  la  difficulté  de  fonder  %  enoit  de  l'inflammation, 
une  ou  deux 

cette  opération  ;  je  n'ai  fouvent  réuffi  à  fonder  qu'a- 
prés  avoir  nie  de  ce  moyen.  Si  les  obftacles  font  in- 
i'urmontables  ,011  fait  la  ponction  à  la  veffie,   >  vyt\ 
Ponction. 
Tome  II, 


C   A  T 


777 


La  difficulté  d'introduire  la  fonde  dans  toute  la 
continuité  du  canal  de  Furethre  eft  un  figne  d'obfta- 
cle  dans  ce  conduit,  Voye^  CarnoSITÉ» 

Il  eft  plus  facile  de  fonder  les  femmes ,  que  les 
hommes  ,  parce  que  le  conduit  de  l'urine  eft  plus 
large  ,  fort  court  &  prefque  droit  ;  il  faut  écarter  les 
lèvres  ce  les  nymphes  ,  tk  introduire  la  fonde  à  fem- 
me dans  l'orifice  de  Furethre  ;  le  bout  qui  eft  légère- 
ment recourbé  étant  tourne  du  coté  du  pubis  ,  on 
la  pouffe  doucement  dans  la  veffie.  J'ai  eu  occafion 
pendant  mon  féjour  à  l'hôpital  de  la  Salpêtriere  , 
de  fonder  un  grand  nombre  de  femmes,  ou  j'ai  ob- 
fen  é  quelques  difficultés.  La  plus  commune  vient 
de  la  defeente  de  matrice  :  pour  peu  que  cet  organe 
foit  un  peu  plus  bas  qu'il  ne  doit  être  naturellement, 
la  veffie  entraînée  par  fon  adhérence  au  vagin,  for- 
me un  pli  qui  empêche  l'introduction  de  la  fonde  ; 
il  ne  faut  clans  ce  cas  qu'étendre  un  peu  les  parties 
en  introduifant  le  doigt  index  de  la  main  gauche 
dans  le  vagin  ;  la  fonde  entre  alors  avec  facilité. 
C'eft  une  petite  attention  fans  laquelle  néanmoins  on 
peut  fe  trouver  dans  l'impoflibilité  de  ne  foulagcr 
une  perfonne  qui  fouffre  cruellement  ,  qu'en  em- 
ployant des  moyens  douloureux  tels  que  la  ponc- 
tion. (  Y) 

•  CATHOLICITÉ  ,f.f.( Théologie. )  eft  un  des  ca- 
ractères de  la  vraie  Eglife ,  c'eft-à-dire  fon  univerfa- 
lité  à  tous  les  tems  ,  à  tous  les  lieux  ,  &  à  toutes  for- 
tes de  perfonnes. 

La  catholicité  de  FEglife  fe  tire  ,  félon  nos  Théo- 
logiens ,  de  quatre  chefs  principaux  :  i°.  de  l'uni- 
verfalité  des  lieux  dans  lefquels  FEglife  eft  répan- 
due :  20.  de  l'univerfalité  des  tems  dans  lefquels  elle 
a  fubfifié  ,  &  de  ceux  où  elle  fubfiftera  :  30.  de  l'u- 
niverfalité de  la  doctrine  qu'elle  aenleignée  fans  mé- 
lange 6c  fans  altération  :  40.  enfin  de  l'univerfalité 
des  perfonnes  de  tout  fexe  ,  de  tout  âge  ,  de  toute 
condition,  qui  font  entrées  dans  fonfein. 

On  a  prouvé  contre  les  Proteftans  ,  que  FEglife 
Romaine  avoit  toujours  eu  ces  quatre  marques.  (.  e- 
pendant  lorfqu'on  parle  de  fa  catholicité  ou  de  fon 
univerfalité  en  tous  lieux  &  à  toutes  fortes  de  per- 
fonnes ,  on  convient  que  ce  terme  ne  doit  pas  s'en- 
tendre d'une  univerfalité  phylique  èc  abfolue  ,  mais 
d'une  univerfalité  morale  ce  relative  ,  enforte  que  la 
fociété  des  Catholiques  Romains  a  toujours  contenu 
&  contient  encore  infiniment  plus  de  perfonnes  ,  & 
s'étend  en  beaucoup  plus  de  lieux  qu'aucune  de  s  lec- 
tes  cpii  fe  font  féparées  d'elle. 

Catholicité  fe  prend  auffi  quelquefois  pour  la 
doctrine  catholique  ce  Fattachemenl  d'une  perfonne 
à  cette  doctrine.  Un  véritable  fidèle  doit  toujours 
être  prêt  à  donner  des  preuves  non  fufpcctcs  de  la  ca- 
tholicité.  /<nr-  Orthodoxie.  (6') 

CATHOL1CON  (  Pharmacie.  )  epitbete  de  cer- 
tains  électuaires  anciens  qu'on  regardoit  comme  uni- 
verfels  ,  ou  comme  purgeant  toutes  les  humeurs. 

Voye{  ÉLECTUAIRE. 

On  trouve  dans  les  auteurs  différentes  deferip- 
tions  de  ces  électuaires  :  voici  celui  dont  on  donne 
la  defeription  dans  la  Pharmacopée  Je  Paris,  fous  le 
nom  de  catholicon  double  de  rhubarbe,  qu'on  .. 
ordinairement)  as.  Prenez  racine  de  pol 

par  petits  morceaux  ,  une  demi- 
livre  ;  racine  de  chicorée  ,  deux  onces  ;  feme 
fenouil,  une  once  CC  demie;  feuilles  d'aigremoine 
fcolopendre  ,  de  chacune  tri 
laites  bouillira  petit  feu  dans  huit  livres  d'eau 
ites  à  moitié  ,  paflez  en  prcllant  ,  & 
s  le  tout  en  confiftance  d'élecruaire 
rez-le  du  feu  &  y  ajoute/  enfuite  pulpe  de  calié  6c 
de  tamarins,  de  'chacune  quatre  onces.  Joignez  en- 
fuite  peu  à  peu  la  poudre  de  rhubarbe  à  la  quantité 
de  quatre  onces  :  de  feuilles  de  fené  mondé' ,  de  le- 
^  FFfff 


778 


C  A  T 


menées  de  violette  ,  de  chacune  deux  onces  ;  de  ra- 
cine de  régliffe  ratifiée,  une  once  ;  des  quatre  femen- 
ces  froides  ,  une  demi-once.  Faites  du  tout  un  élec- 
tuaire  félon  l'art. 

La  dofe  de  cet  élechiaîre  eft  d'une  demi-once  dans 
quelque  véhicule  approprié. 

On  s'en  fert  fur- tout  dans  les  diarrhées  ,  &  après 
les  dysenteries  ,  lorfque  l'inflammation  des  vifeeres 
eft  calmée. 

Nota.  Que  les  anciens  nommoient  ainfi  les  médi- 
camens  purgatifs  qu'ils  croyoient  capables  de  pur- 
ger toutes  les  humeurs  enfemble ,  parce  qu'ils  pen- 
ioient  que  les  uns  purgeoient  le  phlegme  ,  les  autres 
la  bile  ,  d'autres  enfin  l'humeur  mélancholique  ,  &c 
ce  qu'ils  jugeoient  par  la  couleur  des  felles  du  ma- 
lade :  mais  on  eft ,  avec  raifon ,  revenu  de  ces  fortes 
de  préjugés. 

Le  catholicon  qu'on  employé  pour  les  ely Itères,  dif- 
fère de  celui  dont  j'ai  donne  ci-deffus  la  elefeription, 
en  ce  qu'il  n'y  entre  point  de  rhubarbe ,  &  qu'au  lieu 
de  fucre  ,  on  le  fert  de  miel  commun.  (  N  ) 

CATHOLICON,  f.  m.  c'eft,  en  terme  de  Layetler , 
en  général  une  boîte  de  quinze  pouces  de  long  ,  dix 
de  large  ,  &  huit  à  neuf  de  haut. 

CATHOLIQUE  ,  adj.  (  Théolog.  )  univtrfel.  On 
attribue  à  l'Eglife  le  nom  de  Catholique ,  pour  mar- 
quer qu'elle  eft  répandue  par  toute  la  terre  ;  &  c'eft 
un  de  les  caractères  diftin&ifs  pour  la  difeerner  des 
fedes qui  fe  font  féparées  d'elle.  V.  Catholicité. 

Quelques  auteurs  ont  prétendu  que  Théodofe  le 
grand  avoit  le  premier  introduit  ce  terme  dans  FE- 
glife ,  ordonnant  par  un  édit  qu'on  attribuât  par 
prééminence  le  titre  de  Catholiques  aux  églifes  qui 
adhéroient  au  concile  de  Nicée.  Voflîus  penfe  que 
ce  mot  n'a  été  ajouté  au  fymbole  que  dans  le  troi- 
fieme  fiecle  :  mais  l'une  &  l'autre  prétention  eft  éga- 
lement infoûtenable  ;  car  dans  la  lettre  des  fidèles 
de  Smyrne  rapportée  par  Eufebe  ,  lib.  IV.  chap.  xv. 
il  eft  fait  mention  de  l'Eglife  catholique ,  &  des  priè- 
res que  fit  S.  Polycarpe  pour  toute  Féglife  catholique; 
&  M.  de  Valois  dans  les  notes  fur  le  VII.  livre  de 
Vhijloire  eccléjlafique  d' Eufebe  ,  remarque  que  le  nom 
de  Catholique  a  été  donné  à  l'Eglife  dès  les  tems  les 
plus  voilins  de  ceux  des  apôtres,  pour  la  diftinguer 
des  fociétés  hérétiques  qui  s'étoient  féparées  d'elle. 
Avant  même  S.  Polycarpe,  S.  Ignace  avoit  dit  dans 
fon  épître  à  ceux  de  Smyrne,  Ubi  fut  rit  J refus-CliriJlus , 
ibi  eji  ecclejîa  catholica.  Théodofe  a  pu  délîgner  avec 
raifon  les  églifes  attachées  à  la  foi  de  Nicée  par  le 
nom  de  Catholiques ,  fans  avoir  été  l'inventeur  de  ce 
titre  déjà  ufité  près  de  200  ans  avant  lui.  S.  Cyrille 
&  S.  Auguftin  oblèrvent  que  les  hérétiques  &  les 
fchifmatiques  mêmes  donnoient  ce  nom  à  la  véri- 
table églile  dont  ils  s'étoient  féparés  ,  &  les  ortho- 
doxes ne  la  diftinguoient  que  par  le  nom  de  catholi- 
que tout  feul ,  catholica. 

On  a  auffi  anciennement  donné  le  nom  de  Catho- 
liques à  des  magiftrats  ou  officiers ,  qui  avoient  foin 
de  faire  payer  &  de  recevoir  les  tributs  dans  les  pro- 
vinces de  l'empire  ,  comme  il  paroît  par  Eufebe  , 
Théodoret,  &  Phiftoire  Byzantine.  Les  patriarches 
ou  primats  d'orient  ont  encore  pris  le  titre  de  Catho- 
liques ;  on  diibit  le  Catholique  d'Arménie  ,  pour  délî- 
gner le  patriarche  d'Arménie  ;  titre  qui  revenoit  à  ce- 
lui à!  œcuménique  ,  qu'avoient  pris  les  patriarches  de 
Conftantinople.  Voye^  Œcuménique. 

Les  rois  d'Efpagne  ont  pris  le  titre  de  Roi  Catho- 
lique ou  Majejlé  Catholique.  Mariana  prétend  que  le 
roi  Reccarede  après  avoir  détruit  l'Arianifme  dans 
fon  royaume ,  reçut  ce  titre ,  &  qu'il  fe  trouve  dans 
le  concile  de  Tolède  de  l'an  589.  Vafcé  en  fixe  l'o- 
rigine à  Alphonfe  en  738 ,  &  les  Bollandiftes  préten- 
dent qu'Alexandre  VI.  en  le  donnant  à  Ferdinand 
Se  Ifabelle  ,  ne  fît  que  renouveller  une  prérogative 


C  A  T 

acquife  aux  anciens  rois  Vifigoths  qui  avoient  do- 
miné en  Efpagne.  L'opinion  commune  eft  que  les 
fouverains  de  cette  partie  de  l'Europe  n'ont  com- 
mencé à  le  porter  que  fur  la  fin  du  xv.  fiecle,  après 
que  Ferdinand  &  Ifabelle  en  eurent  entièrement 
chalîe  les  Maures.  Froiffart  rapporte  que  les  ecclé- 
fiaftiques  donnèrent  le  même  titre  à  Philippe  de  Va- 
lois ,  pour  avoir  défendu  les  droits  de  l'Eglife.  (C7) 

CATHURS  ,  f.  m.  (Marine.  )  ce  font  des  vaif- 
feaux  de  guerre  de  Bantam  ,  qui  font  courbés  &  ai- 
gus par  les  bouts,  &  qui  portent  une  voile  tiflue 
d'herbes  &  de  feuilles  d'arbres.  (Z) 

CATI ,  ou  CATTI ,  f.  m.  (  Commerce.  )  poids  de 
la  Chine  ,  particulièrement  en  ufage  du  côté  de 
Canton. 

Le  cad  fe  divife  en  feize  taels ,  chaque  tael  faifant 
une  once  deux  gros  de  France  ;  de  manière  que  le 
cati  revient  à  une  livre  quatre  onces  poids  de  marc. 
Il  faut  cent  catis  pour  faire  un  pic  ,  qui  eft  un  gros 
poids  de  la  Chine,  femblable  à  cent  vingt  livres  de 
Paris,  d'Amfterdam  ,  de  Strasbourg,  &  de  Befan- 
çon.  Voyei  PJC>  Diclionn.  du  Commerce  ,  tome  II. 
page  132. 

Cati ,  eft  auffi  le  feul  poids  du  Japon  :  on  s'en  fert 
pourtant  à  Batavia  &  dans  d'autres  endroits  des  In- 
des ,  où  il  pefe  plus  ou  moins,  félon  qu'il  contient 
plus  ou  moins  de  taels  ;  le  cati ,  par  exemple  de  Java, 
valant  jufqu'à  vingt  taels,  &  celui  de  Cambaye  juf- 
qu'à  vingt  lept.  Die.  du  commerce  ,  ibid.  Voy.  Tael. 

Cati,  eft  encore  un  petit  poids  dont  les  Lapidaires 
de  l'Orient  fe  fervent  pour  pefer  les  émeraudes  :  ce 
cati  ne  pefe  que  trois  grains.  Idem.  ibid.  (  G  ) 

*  CATICHE,  f.  f.  (flz/2.  nat)  c'eft  ainfi  qu'on 
appelle  les  cavernes  ou  trous  pratiqués,  fort  dans 
les  eaux  ,  foit  aux  bords  des  rivières  &  étangs  par 
des  animaux  amphibies  :  ainfi  on  dit  les  catiches  du 
loutre.  Voye^  Loutre.  Cet  animal  les  établit  fous 
les  crones  où  il  a  occafion  de  faire  un  grand  dégât 
de  poiffons.  Voye^  Crones. 

CATIF  ,  (  Gépg.  )  ville  d'Afie  dans  l'Arabie  heu- 
reufe  ,  près  du  golfe  Perfique. 

CATILINETTES  ,  f.  f.  (Jard.)  Uucanthemum  , 
fleurs  qu'on  appelle  auffi  marguerites  d'Efpagne  ; 
elles  jettent  une  tige  qui  fe  partage  en  plufieurs  bran- 
ches chargées  de  boutons  marquetés ,  qui  étant  ou- 
verts préfentent  de  petites  boules  rouges.  Ces  fleurs 
demandent  un  grand  foleil ,  une  bonne  terre ,  & 
beaucoup  d'eau.  (  K  ) 

CAT1MARON ,  voye^  Cantimaron. 

CATIN  ,  f.  m.  (  Chimie.  )  eft  une  efpece  de  baffin 
fitué  au  pié  du  fourneau  où  l'on  fond  les  mines. 

Il  y  a  le  grand  &  le  petit  catin  :  le  grand  eft  un 
peu  plus  élevé  que  le  petit.  Le  grand  catin  fert  à  re- 
cevoir d'abord  la  mine  fondue  qui  coule  du  four- 
neau ;  &  le  petit  catin  qui  communique  avec  le  grand 
par  une  rigole  ,  reçoit  le  métal  fondu  qui  coule  du 
grand  catin ,  dans  lequel  relient  les  feories. 

Ces  catins  font  garnis  en-dedans  d'une  efpece  de 
mortier  compofé  de  terre  à  four  &  de  charbon  en 
poudre  ,  délayés  enlemnle  avec  de  l'eau.  (-Af  ) 

CATIR,  v.  au.  Les  Tondeurs  fe  fervent  de  ce 
terme  pour  lignifier  une  forte  d'apprêt  qu'ils  donnent 
aux  étoffes  de  laine  fous  une  prefle ,  pour  les  rendre 
plus  fermes  &  leur  donner  un  plus  bel  œil. 

Il  y  a  deux  manières  de  catir  les  étoffes  ;  l'une  à 
froid  ,  &  l'autre  à  chaud. 

La  première  manière  de  catir  les  étoffes  qu'on 
appelle  à  froid ,  lé  fait  de  cette  forte.  Après  que 
l'étoffe  a  eu  toutes  lès  façons,  on  la  plie  quarrément 
par  plis  égaux,  en  obfervant  de  mettre  entre  chaque 
pli  une  feuille  de  vélin  ou  de  carton  bien  fin,  ou  bien 
liffe ,  &  par-deflùs  le  tout  un  plateau  ou  une  plan- 
che quarrée  ;  puis  on  la  place  fous  une  prefle  que 


C  A  T 

Pon  ferre  bien  fort  par  le  moyen  d'une  vis  que  l'on 
fait  defcendre  perpendiculairement  fur  le  milieu  du 
plateau  à  force  de  bras  &  de  leviers.  Lorfquc  l'étoffe 
ell  reliée  un  tems  fuffifant  fous  la  preffe,  6c  qu'on  en  a 
ôté  les  cartons  ou  vélins ,  l'on  y  fait  quelques  points 
d'aiguille  avec  de  la  menue  ficelle  ou  du  gros  fil 
pour  arrêter  le  manteau ,  c'ell-à-dire  ,  le  côté  du 
chef  qui  fert  comme  d'enveloppe  ou  de  couverture 
à  toute  la  pièce  pour  empêcher  qu'elle  ne  le  déplie. 

11  faut  remarquer  que  quelques-uns  ne  fe  fervent 
point  de  preffe  à  vis  pour  cacir  à  froid ,  fe  conten- 
tant feulement  de  mettre  l'étoffé  fur  une  table  folide 
après  l'avoir  pliée  &  cartonnée  ;  enfuite  ils  mettent 
deffus  le  tout  un  plateau  qu'ils  chargent  d'un  poids 
plus  ou  moins  fort. 

Pour  caùr  à  chaud  ;  quand  l'étoffe  a  reçu  toutes 
fes  façons ,  on  la  mouille ,  ce  qui  s'appelle  donner  une 
eau  en  Languedoc  &c  dans  quelques  autres  provin- 
ces ;  on  l'arrofc  avec  de  l'eau  un  peu  gommée  que 
l'on  lbuffle  deffus  avec  la  bouche  du  coté  de  l'en- 
droit ;  enfuite  on  la  plie  6c  on  la  cartonne  com- 
me pour  catir  à  froid  ;  6c  de  fix  en  fix  plis ,  &  au- 
delfus  du  tout,  on  met  une  plaque  de  fer  ou  d'ai- 
rain que  l'on  a  bien  fait  chauffer  dans  un  fourneau 
fait  exprès  :  après  cette  opération ,  on  met  l'étoffe 
fous  une  prelîe,  &  l'on  fait  defcendre  deffus  avec 
violence  par  le  moyen  d'une  longue  barre  de  bois 
une  vis  lemblable  à  celle  d'un  preffoir  à  vin.  On 
met  fous  cette  preffe  jufqu'à  cinq  ou  lix  pièces  d'é- 
toffe à  la  fois  toutes  cartonnées ,  èv  garnies  de  pla- 
ques de  fer  ou  d'airain  chaudes.  Lorfquc  ces  plaques 
lont  refroidies ,  on  retire  les  pièces  de  deffous  la  pref- 
fe polir  en  ôter  le  carton  ,  les  plaques  ,  &  les  poin- 
ter, ce  qui  le  fait  de  la  même  manière  qu'en  catijfant 
à  froid. 

Cette  dernière  manière  de  catir  les  étoffes  efttout-à- 
faitmauvaife  6c  pérnicieûfe,  n'ayant  été  inventée  par 
les  Manufacturiers  &  ouvriers  que  pour  couvrir  les 
défauts  de  leurs  étoffes,  6c  s'exempter  de  leur  don- 
ner ions  les  lainages  &c  les  teintures  qui  leur  feroient 
néceffaires  pour  les  rendre  parfaites  &  d'une  bonne 
qualité  :  aulfi  a-t-elle  toujours  été  détendue  par  les 
ordonnances  de  nos  rois. 

Celle  de  Louis  XII.  donnée  à  Rouen  le  20  Octobre 
1 508  ,  art.  6.  porte  que  les  draps  ne  feront  preffés  ni 
à  fer ,  ni  airain. 

Celle  de  Charles  IX.  donnée  aux  états  d'Orléans 
en  1  560,  art.  14J ,  défend  de  prclTer  à  fer  d'airain. 

Celle  de  Henry  IV.  donnée  à  Fontainebleau  le  8 
Juin  1601,  faitdéfenfe  de  fe  fervir  de  preffe  à  fer. 

Enfin  l'arrêt  du  Confeil  d'état  du  3  Décembre 
1697,  fur  ce  que  le  règlement  général  des  manufactu- 
ras du  mois  d'Août  1669  s  ne  rappelloit  pas  l'éxécu- 
tion  de  ces  anciens  reglemens ,  a  ordonne 
feroient  exécutés,  &  faitdéfenfe  aux  màni  u- 
riers,  tondeurs,  &(*  d'avoir  chez  eux  aucunes  pref- 
fés à  fer ,  airain ,  &  à  feu ,  6c  de  s'en  fervir  pour  pref- 
fer  aucune  étoffe  de  laine  ;  6c  aux  marchands  de 
commander  &  d'expofer  en  vente  aucunes  ! 
prefiees  à  chaud,  fous  les  peines  portées  par  ledit 
arrêt.  Voyc^  l'article  Draperie. 

L'opération  de  catir  cil  d'ufage  chez  les  Bonnetiers 
6c  chc/.  d'autres  ouvriers  en  laine. 

C  AT  1  R  ,  en  terme  Je  Doreur ,  c'eft  appliquer  l'or 
dans  les  filets  comme  ailleurs ,  au  moyen  du  catilloir 
qu'on  appuie  fur  du  coton  ou  du  linge  très-fin. 

CAT1SSOIR ,  1".  m.  (en  terme  de  Doreur.  )  c'cll  un 
petit  couteau  fans  tranche,  qui  fert  à  enfoncer  I  or 
dans  les  filets  avec  du  coton  ou  du  linge  très-fin, 
(  ■  CATIR  ,  &  lafig.  12.  PL  du  Doreur. 

<  àTISSOIRE,  f.  f.  fé  dit  d'une  petite  poêle  à 
mettre  du  feu,  qui  cil  à  l'ufage  des  Bonnetiers  ec 
autres  ouvriers  en  laine  ,  &  qui  n'a  rien  de  particu- 
lier que  fon  nom.  f'oy,  BONNETERIE  C>DRAPERIE. 
Tomî  H, 


C  A  T  I79 

*  CJTIL7S,  ou  CAUTUS,  (Mytkj&eu  qui  1  en- 
doit   les  hommes  fins  &  prudens  :  on  l'im 
chez  les  Romains  pour  en  obtenir  ces  qualités. 

CATON-BELLE,  (Géog.)  rivière  d'Afrique 
la  baffe  Ethiopie  ,  au  royaume  de  Bènguele  ,  qui 
prend  fa  foUree  près  du  royaume  d'Angola. 

CATOPTRIQUE ,  f.  f.  (  Ord-e  encychp.  Entende 
ment.RaiJon.  Philofopni eou  Science.  Science  de  la  Natu- 
re. Mathématiques.  Mathématiques  mixtes.  Optique.  Ca- 
toptrique.  )  la  Icience  de  la  vifion refléchie,  ou  la  par» 
tie  de  l'Optique  ,  qui  enfeigne  les  lois  que  fuit  la  hi- 
miere  réfléchie  par  les  miroirs.  Voy.  Miroir  &  Riz- 
flexion;  voyeiauffi  Vision,  Lumière,  &  Or -TI- 
QUE :  vous  trouverez  à  ces  articles  les  principes  ce 
les  lois  de  la  Catoptrique.  Ce  mot  vient  du  Grec  ,.a- 
foirrpov  ,fpeculum  ;  formé  de  y.cnd  &  otrrofieu  ,  video  , 
je  vois. 

La  Catoptrique  traite  non  feulement  de  la  réflexion 
des  rayons  de  lumière ,  &  des  lois  que  fuit  cette  ré- 
flexion ;  elle  traite  aulli  des  phénomènes  qui  en  ré- 
fultent  par  rapport  à  h  vifion  ,  &  cette  partie  ell 
extrêmement  curieulè.  Cependant  les  principes  n'en 
font  pas  encore  bien  développés ,  lurtout  par  rap- 
port à  ce  qui  concerne  le  lieu  de  l'image,  6c  fa  gran- 
deur apparente.  Sur  quoi  voyc^  l'article  Apparent. 

Les  principaux  auteurs  qui  ont  traité  de  la  Catop- 
trique ,  font  parmi  les  anciens,  Euclide  avant  J.C.  Al- 
hazen&  Vitelliondansle  xi.  &xn.fiecles;  &  parmi 
les  modernes,  le  P.Tacquetj  le  P.Fabri ,  dans  fon  livre 
intitulé  Synopfis  Optica  ;  Jacques  Gregory ,  dans  Ion 
Opticapromota,6z  lurtout  le  célèbre  Ifaac  Barrow  dans 
fes  Leçons  optiques  :  ce  dernier  ouvrage  ell  fans  con- 
tredit le  meilleur  ;  l'auteur  lemble  y  avoir  démontré 
les  lois  de  la  Catoptrique  par  des  principes  plus  exacls 
&  plus  lumineux  que  les  auteurs  qui  l'ont  précédé  ; 
cependant  il  ne  traite  que  des  propriétés  des  miroirs 
fphériques ,  loit  concaves ,  loit  convexes  ;  &  il  ne  dit 
rien  des  miroirs  plans.  Les  propriétés  de  ces  derniers 
miroirs  font  démontrées  fort  au  long  dans  le  /.  livré 
de  la  Catoptrique  du  P.  Tacquet ,  imprime  dans  le  re- 
cueil de  les  oeuvres ,  in-folio.  M.  Smith  dans  fon  Op- 
tique ,  a  aufïï  traité  avec  beaucoup  d'étendue  des  lois 
de  la  Catoptrique. 

Catoptrique  fe  prend  aufli  adjectivement  pour  ce 
qui  a  rapport  à  la  Catoptrique  ,  ou  ce  qui  s'exécute 
par  des  rayons  refléchis  :  ainh  , 

Cadran  CATOPTRIQUE,  c'eil  un  cadran  qui  re- 
préfente  les  heures  par  des  rayons  réfléchis.  Voyt^ 
Cadran. 

Télefeope  CATOPTRIQUE  ,  c'ell  un  téltffcope 
qui  reprélentc  les  objets  par  reflexion.  /  bj  1  -  Paruclt 
Télescope. 

Boite  ou  caijje  catoptrique,  ell  une  machi- 
ne qui  reprélente  les  petits  corps  comme  très- 
6c  ceux  qui  l'ont  proches  comme  très  -  grands ,  cv  ré- 
pandus dans  un  grand  efpace.  On  y  voit  auiîi  beau- 
coup de  phénomènes  amufans  ,  par  le  moyen  de 
divers  miroirs  qui  font  difpofés  fuivant  les  règles  de 
la  Catoptrique,  dans  une  cl'pece  de  e 

Il  yen  a  de  différentes  efpeces,  fuivant  les  diffé- 
rentes intentions  de  celui  qui  les  conflruit  ;  les  unes 
multil  lient  les  objets  ;  d'autres  les  rendent  diffor- 
'alitres  les  grofliffent,  &e.  Nous  allons  don- 
ner la  conftrucHon  de  deux  ,  ce  qui  fufnra  pour  taire 
imme  il  taudroit  s'y  prendre  pour  en  faire  une 
infinité  d'autres. 

Manière  de  faite  une  caiffe  catoptrique  qiù  reprèfent» 

tefimation.  ky&.  une  boîte  ou  caif* 

le  polygone  de  la  figure  du  prifme  multilatere-rf.BC 

D  }■:  F ,  (  Pi.  Opt.jig.  1$.  »°.  i<&z.)  &  divitez  fa 

cavité  par  les  plans  diagonaux  EB  ,  F  C.  DA ,  qui 
fe  coupent  les  uns  les  autres  dans  l'axe  ,  &  tonnent 
par-là  amant  de  petites  loges  triangulaires  que  le  po- 
lygone a  de  côtés»  Doublez  les  plan;  ..xavec 
/a                                                  FFfffij 


780 


C  A  T 


des  miroirs  plans ,  &  pratiquez  clans  les  plans  laté- 
raux des  trous  ronds ,  à-travers  lefquels  vous  puii- 
fiez  regarder  dans  les  cellules  de  la  caiffe  ;  remplif- 
fez  ces  trous  de  verres  plans  ;  placez  dans  les  cellu- 
les les  différens  objets  dont  vous  voulez  voir  les 
images  ;  &C  enfin  couvrez  le  deffus  de  la  caiffe  de 
quelque  membrane  fine  ou  tranfparente ,  ou  de  par- 
chemin qui  donne  paflàge  à  la  lumière  ,  &  la  ma- 
chine fera  achevée. 

Car  les  lois  de  la  reflexion  enfeignent  que  les  ima- 
ges placées  dans  les  angles  d'un  miroir  font  multi- 
pliées ,  &  doivent  paraître  les  unes  plus  éloignées 
que  les  autres;  d'où  il  s'enfuivra  que  les  objets  pla- 
cés dans  une  cellule ,  paroîtront  remplir  plus  d'ei'pa- 
ce  que  la  caiffe  entière  :  ainfi  regardant  par  un  des 
trous,  on  verra  les  objets  de  la  cellule  correfpon- 
dante  multipliés  &c  répandus  dans  un  efpace  beau- 
coup plus  grand  que  la  boîte  entière;  &  par  conlé- 
quenî  chaque  trou  donnera  un  nouveau  fpectacle. 
Voyz^  Anamorphose  &  Miroir. 

On  rendra  tranfparent  le  parchemin  dont  on  doit 
couvrir  la  machine,  en  le  lavant  plulieurs  fois  dans 
une  leffive  fort  claire,  puis  dans  de  belle  eau ,  &  en 
l'attachant  bien  ferré  ,  oc  l'expofant  à  l'air  pour  fé- 
cher.  Si  on  vouloit  jetter  quelque  couleur  fur  les  ob- 
jets ,  on  en  viendrait  à  bout  en  donnant  cette  cou- 
leur au  parchemin.  Zhan  confeille  le  verd  de  gris 
mêlé  dans  du  vinaigre ,  pour  le  verd  ;  la  décochon 
de  bois  de  Brefil ,  pour  le  rouge  :  il  ajoute  qu'il  faut 
vernir  le  parchemin ,  fi  on  veut  donner  de  l'éclat  aux 
objets.  Wolf.  élément  de  Catoptrique. 

Manière  de  faire  une  caiffe  captoptrique  ,  qui  repré- 
sente les  objets  qu'on  y  aura  placés  ,  fort  multipliés  ,  & 
répandus  dans  un  grand  efpace.  Faites  une  boîte  ou 
caiffe  polygone  comme  ci  -  deffus ,  mais  fans  divifer 
la  cavité  interne  en  plans,  Planches  d'Optiq.fig.  ig. 
n°.  2.  doublez  les  plans  latéraux  CB  HI,  BHLA, 
A  LMF ,  de  miroirs  plans  ,  &c.  &t  dans  les  trous  ou 
ouvertures ,  enlevez  l'étain  &  le  vif-argent  qui  cou- 
vre la  furface  intérieure  du  miroir ,  de  façon  que 
l'œil  puiffe  voir  au-travers  ;  mettez  enfuite  dans  la 
caiffe  un  objet ,  par  exemple  un  oifeau  en  cage ,  &c. 

L'œil  regardant  par  le  trou  h  i  ,  verra  l'objet  au 
fond  prùdigieufement  multiplié  ,  &  les  images  pla- 
cées à  une  diftance  inégale  les  unes  des  autres.  Si  on 
pratiquoit  donc  dans  le  palais  d'un  prince  une  gran- 
de chambre  polygone ,  qu'on  tapifsât  de  grandes  gla- 
ces qui  fuffent  ouvertes  en  quelques  endroits ,  où  on 
adapteroit  des  verres  plans  tranlparens  pour  lui  don- 
ner du  jour  ,  il  eft  évident  que  ces  glaces  y  ferpient 
voir  une  grande  variété  d'objets,  foye^  Miroir, 
Réflexion,  &c. 

Comme  les  miroirs  parallèles  font  ceux  de  tous 
qui  multiplient  davantage  les  objets ,  la  forme  qui 
convient  le  plus  à  ces  fortes  d'appartemens ,  eft  la 
forme  exagone  ;  parce  que  les  miroirs  y  feront  tous 
parallèles  deux  à  deux ,  &  en  affez  grand  nombre 
pour  donner  un  fpeclacle  agréable  fans  confufion  : 
mais  il  faut  avoir  foin  que  les  miroirs  foient  bien  pa- 
rallèles, &  de  plus  que  leur  furface  foit  bien  plane 
&  bien  unie  ;  autrement  le  nombre  réitéré  de  refle- 
xions pourrait  rendre  les  images  difformes.  On  voit 
encore  aujourd'hui  dans  plufieurs  châteaux  des  fal- 
les  ainfi  remplies  de  glaces  ,  qui  produifent  un  très- 
bel  effet  :  c'eft  fur-tout  la  nuit  aux  lumières  ,  que  ces 
fortes  de  fpeftacles  forment  le  plus  beau  coup  d'œil. 
Tous  ces  phénomènes  s'expliquent  par  les  propriétés 
des  miroirs  plans  combinés ,  que  l'on  peut  voir  à 
l'article  Miroir.  Wolf,  ibid.  (O) 

CATOPTROMANCIE,  f.  f.  divination  dans  la- 
quelle on  fe  fervoit  d'un  miroir  pour  y  lire  les  éve- 
nemens  à  venir. 

Ce  mot  eft  formé  de  wéwwipa» ,  fpeculum  t  miroir  , 
&  àe  /.lamîot.  7  divination. 


C  A  T 

Il  paraît  par  les  anciens,  qu'il  y  avolt  diverfes  for- 
tes de  catoptromancie.  Spartien  rapporte  de  Didius 
Julianus ,  qui  ayant  fuccédé  à  Pertinax  par  la  brigue 
des  Prétoriens,  de  qui  il  acheta  l'empire,  ne  régna 
que  deux  mois  &  cinq  jours  ;  que  dans  toutes  les  oc- 
casions importantes  il  confultoit  les  magiciens  ;  & 
qu'une  fois  entr'autres ,  après  des  enchantemens  & 
des  facrifices  magiques ,  il  ufa  de  la  divination  où 
l'on  fe  fert  d'un  miroir,  qu'on  préfente  ,  non  pas  de- 
vant les  yeux  ,  mais  derrière  la  tête  d'un  enfant  à 
qui  l'on  a  bandé  les  yeux  ;  &  l'on  raconte ,  ajoûte- 
t-il ,  que  l'enfant  vit  dans  le  miroir  que  Julien  def- 
cendoit  du  throne ,  &  que  Severe  y  montoit. 

Paufanias,  dans  fes  Ackaiqucs ,  parle  d'une  autre 
efpece  de  catoptromancie.  Il  y  avoit ,  dit-il ,  à  Patras 
devant  le  temple  de  Cerès ,  une  fontaine  féparée  dû 
temple  par  une  muraille  ;  &z  là  étoit  un  oracle  véri- 
dique ,  non  pour  tous  les  évenemens  ,  mais  feule- 
ment pour  les  maladies.  Ceux  qui  en  étoient  atta- 
qués &  en  péril  ,  faifoient  defeendre  dans  la  fon- 
taine un  miroir  fufpendu  à  un  fil ,  enforte  qu'il  ne 
touchât  que  par  fa  bafe  la  furface  de  l'eau.  Après 
avoir  prié  la  déeffe  &  brûlé  des  parfums  ,  ils  fe  re- 
gardoient  dans  ce  miroir  ;  &  lclon  qu'ils  fe  trouvoient 
le  vifage  havre  &  défiguré  ,  ou  de  l'embonpoint ,  ils 
en  concluoient  que  la  maladie  étoit  mortelle  ,  ou 
qu'ils  en  réchapperaient. 

On  fe  fervoit  encore  des  verres  &  des  miroirs 
pour  connoître  l'avenir,  mais  d'une  autre  manière, 
qu'on  nommoit  gafromancie.  f^oye?  Gastroman- 
CIE.   (G) 

CATOTÉRIQUES ,  adj.  (  Med.  )  c'eft  ainfi  qu'on 
appelle  les  remèdes  évacuans ,  défîmes  à  purger  les 
reins ,  le  foie ,  la  vefîie  :  tels  font  le  lirop  de  pomme 
compofé,  &  le  firop  de  rôle  pâle.Lemery,  Phannacop, 
(N) 

*  CATRACA,  (  Hifl.  nat.  Zoologie.  )  oifeau  de 
l'Amérique,  très-commun  fur-tout  dans  les  petites 
îles  defertes  du  golfe  de  Mexique.  Il  eft  de  la  grof- 
feur  d'une  poule  ,  mais  beaucoup  plus  élevé  fur  fes 
pattes  :  fon  cou  eft  long ,  fa  tête  petite ,  fon  bec  de 
moyenne  grandeur,  &  l'œil  vif;  le  plumage  du  cou 
eft  d'un  bleu  tirant  fur  l'ardoife  ;  celui  du  refte  du 
corps  eft  gris  mêlé  d'un  peu  de  plumes  noires.  Cet 
oifeau  fe  tient  fur  les  bords  de  la  mer  &  dans  des 
rochers  efearpés ,  d'où  en  l'entend  faire  fon  cri  de 
catraca ,  qui  lui  a  fait  donner  fon  nom.  Sa  chair  eft 
délicate  &  très-bonne  à  manger  à  différentes  fauces  : 
elle  a  beaucoup  de  rapport  avec  celle  dufaifan. 

CATRUMNA  ,  (  Géog.  )  ville  d'Afie  dans  l'île  de 
Ceyîan. 

CATTARO,  (  Géog.  )  ville  de  Dalmatie  fur  le 
golfe  de  même  nom ,  près  des  frontières  de  l'Albanie 
aux  Vénitiens. 

CATTEGAT ,  (la)  Géog.  golfe  de  la  mer  Balti- 
que ,  entre  les  côtes  orientales  du  Jutland  Se  la  côte 
de  Suéde.  On  l'anpeile  auffi  Schager-Rack. 

C  ATTEROLLES  ,  f.  f.  (  Chaffe.  )  c'eft  ainfi  qu'on 
appelle  les  lieux  foùterreins  où  les  lapines  font  leurs 
petits  ;  &  qu'on  dit  qu'elles  rebouchent  tous  les  jours 
jufqu 'à-leur  première  fortie. 

*  CATTU-SCHÎRAGAM ,  (  Hifl.  nat.  bot.  )  ar- 
briffeau  qui  croît  au  Malabar  ;  il  eft  de  la  hauteur  de 
l'homme.  On  le  trouve  dans  les  lieux  brûlés  du  fo- 
leil.  Sa  racine  eft  courte  ,  petite ,  &  amere  au  goût  ; 
fon  tronc  rond  &  d'un  pouce  de  diamètre  ;  fon  écor- 
ce  d'un  verd  d'eau  ;  fon  bois  rouge  ;  fa  feuille  lon- 
gue ,  étroite,  très -pointue  ,  &  amere  au  goût;  fa 
fleur  petite  ,  ferrée  en  bouquet  ,  d'une  couleur  de 
pourpre  pâle  fans  odeur  ;  &  fa  femence  contenue 
en  grande  quantité  dans  des  têtes  feuillues ,  eblon* 
gue,  cannelée,  &  pointue  par  fa  partie  inférieure 
qui  s'infère  dans  la  bafe  de  fa  tête,  garnie  au  fom- 
met  d'une  touffe  de  filarnens  blanchâtres,  jaunâtres 


C  A  V 

Se  longs ,  du  milieu  defquels  fort  une  petite  fleur  fur 
un  pédicule  verdâtre.  Cet  arbriffeau  porte  du  fruit 
une  fois  l'an.  On  lui  attribue  beaucoup  de  proprié- 
tés médicinales  :  on  dit  que  broyé  &c  bouilli  dans 
l'huile  ,  il  ell  bon  en  fomentations  pour  les  pullules  ; 
que  fon  fuc  exprimé  calme  les  fièvres  bilieufes  de 
ceux  à  qui  on  en  frotte  la  tête  ;  &  que  fa  graine 
pulvérifée  &  prife  dans  l'eau  chaude  ,  guérit  la  toux , 
chaffe  les  vents ,  tue  les  vers,  provoque  les  urines , 
appaife  la  colique  ;  &  que  les  fomentations  qu'on  en 
fait ,  foulagent  dans  les  rhûmatifmes  &c  la  goutte. 

CATURI ,  CATHURI ,  {Marine.  )  voye^  Almà- 
DIE. 

*  CATURS,  (  Hijl.  mod.  )  nom  que  les  habitans 
du  royaume  de  Bantam  en  Afie  donnent  à  leurs  vaif- 
feaux  de  guerre  ,  dont  la  proue  efl  recourbée  & 
pointue ,  &  les  voiles  font  faites  d'herbes  ik  de  feuil- 
lages entrelacés. 

CATZENELLEBOGEN  ,  (  Gêog.  )  comté  d'Al- 
lemagne dans  le  pays  de  Hcffe  ;  il  le  divife  en  haut 
£c  bas  ,  &c  efl  partagé  par  l'éleclorat  de  Mayence. 
Sa  capitale  porte  le  même  nom ,  &c  efl  lituée  fur  la 
Lohn. 

CAVA  ,  (  Géog.  )  ville  d'Italie  au  royaume  de 
Naples  dans  la  principauté  citérieure. 

C  AVACHI  ,  (Géog.)  province  du  Japon  clans 
File  de  Niphon  ,  entre  le  golfe  de  Méaco  &c  les  pro- 
vinces de  J  amato ,  Idumi ,  &  Vomi.  La  capitale  porte 
le  même  nom. 

*  C  AVADA ,  (  Commerce.  )  mefure  ulitée  en  Por- 
tugal. La  cuvada  contient  quatre  quartas  ou  livres , 
&  fait  la  douzième  partie  d'un  almuda.  Six  cavadas 
font  un  àfquier  ou  un  cantaro. 

CAVADO,  (le)  Géog.  rivière  de  Portugal  qui 
a  fa  lource  aux  frontières  de  Galice. 

CAVAILLON  ,  (  Ge'og.  )  petite  ville  de  France  au 
comtat  Venaiffin  fur  la  Durance  ,  à  quatre  lieues 
d'Avignon. 

CA-VA-LA-HAUT,  (Chaffe.)  manière  de  parler 
aux  chiens  quand  ils  c'nalfent. 

CAVALCADE  ,  f.  f.  (  Hift.  mod.  )  marche  pora- 
peufe  de  cavaliers,  d'équipages,  &c  qu'on  fait  ou 
pour  le  montrer  ,  ou  dans  une  cérémonie  ,  ou  pour 
orner  un  triomphe ,  dans  une  entrée  publique  ,  ou 
dans  d'autres  occalions  femblables.  foye^  Car.ou- 
sel  ,  Tournoi,  Quadrille,  &c  (G) 

CAVALCADOUR;  vov^Ecuyer. 

CAVALERISSE,  f.  f.  (Manège.)  ce  mot  eft  dé- 
rivé de  l'Italien  :  il  fut  employé  en  François  pour  li- 
gniiier  une  perfonne  favante  dans  fart  de  dreffer 
&  de  gouverner  les  chevaux  ;  il  fut  d'autant  plus 
exprefîif  ,  que  le  mot  écuyer  a  une  fignification  toute 
différente  en  France  :  mais  il  n'elt  plus  d'ufage.  (V) 

CAVALERIE,  f.  f.  (Art.  milit.)  corps  de'gens  de 
guerre  deilinés  à  combattre  à  cheval,  eauitatus. 

La  cavalerie  Françoife  cil  diltinguée  en  compagnies 
d'ordonnance,  comme  gardes  du  corps,  gendarmes, 
chevaux-legers,  &c.  ôc  enrégimens  qui  font  comman- 
des par  des  mcltres  de  camp.  Ce  font  ces  régimens 
qui  forment  ce  qu'on  appelle  la  cavalerie-legere. 

Les  compagnies  d'ordonnance  tiennent  lieu  de  ce 
qu'on  appelloit  autrefois  en  France  la  gendarmerie ,  qui 
étoit  compoléc  du  corps  de  la  noblcfle  armée  de  pied- 
en-cap,  6t  les  régimens  de  cavalerie  des  gens  de  che- 
val armes  à  l.i  légère,  dont  on  fe  fervoit  pour  pour- 
fuivrerennemi,  lorfqu'il  avoitété  rompu  par  le 
darmes,&  l'empêcher  de  fe  rallier.  Cette diflinenon 
ne  peut  aujourd'hui  avoir  lieu  ;  les  compagnies  d'or- 
donnance &  les  régimens  lont  armés,  &  combat- 
tent de  la  même  manière. 

La  cavalerie-legere  Françoife  n'étoit  guère  citimee; 
c'étoit  la  gendarmerie  qui  faiioit  toute  la  force  de 
l'armée,  tant  par  la  bonté  de  les  armes,  que  par  la 
force  de  les  chevaux,  qui  etoient  des  delhicrs,  dextra- 


C  A  V 


?8r 


m;  ceft-à-dire,  des  chevaux  de  bataille.  Une  an- 
•  demie  chronique  dit  que  cent  hommes  de  gendar- 
merie fuffiloient  pour  battre  mille  autres  cavaliers 
non  armés,  c'efl-à-dire ,  armés  à  la  légère;  parce 
que  les  armes  des  gendarmes  étoient  prelque  impé- 
nétrables, &  que  leurs  grands  &  forts  chevaux  cul- 
butaient dès  le  premier  choc  ceux  de  cette  cavalerie 
légère. 

La  cavalerie-ligcrc  de  France  a  été  compofée  de  dif- 
férentes efpeces  de  troupes  qu'on  n'y  trouve  plus  au- 
jourd'hui ,  comme  des  ejlradiots,  ou Jiradiots,  des  ar* 
goulets ,  des  carabins,  &c. 

^  Les  efîradiots  furent  une  milice  dont  les  François 
n'eurent  connoiffanec  que  durant  les  guerres  d'Italie 
fous  Charles  VIII.  comme  Comines  le  remarque» 
Leur  nom  efl  Grec,  Hcfiradiot  vient  de  ^a.~iii»; ,  qui 
ftgmRc/bldat.  Auffi  étoient-ils  Grecs  ou  des  environs 
de  la  Grèce.  On  les  appelloit  auffi  cavalerie  Albanoife  , 
la  plupart  étant  de  l'Albanie,  &  des  places  que  les 
Vénitiens  poffédoient  dans  la  Morée.  Ils  combat- 
toient  à  pié  &  a  cheval;  &  leur  principale  arme  offen- 
five  étoit  Var^egaye,  forte  de  long  bâton  ferré  par  les 
deux  bouts ,  ck.  qui  avoit  environ  dix  à  douze  pies  de 
long:  un  de  leurs  principaux  exercices  étoit  de  bien 
fe  lervir  de  cette  arme ,  &c  à  toutes  mains ,  en  don- 
nant tantôt  d'une  pointe ,  &  tantôt  d'une  autre. 

Pour  les  argoulets ,  voici  comment  en  parle  M.  de 
Montgommery  :  «  Les  argoulets,  dit-il,  étoient  armes 
»  de  même  que  les  elîradiots,  excepté  la  tête  où  ils 
»  mettoient  un  cabazet  qui  ne  les  empêchoit  point 
»  de  coucher  en  joue.  Leurs  armes  offenfives  étoient 
»  l'épée  au  côté,  la  malle  à  l'arçon  gauche,  &:  à 
»  droite  une  arquebufe  de  deux  pies  &  demi  de  long 
»  dans  un  fourreau  de  cuir  bouilli,  &c.  ».  On  reçar- 
doit  ces  troupes  comme  la  partie  la  moins  confidera- 
ble  de  la  cavalerie  légère. 

Les  carabins  ne  faifoient  point  un  corps  féparé 
dans  les  troupes  de  France  fous  le  règne  d'Henri  IV. 
un  certain  nombre  étoit  comme  incorporé  dans  une 
compagnie  de  chevau-légers,  ou  plutôt  y  étoit  joint 
fans  être  du  corps:  leurs  armes  dérenfives  étoient 
une  cuiraffe  échancrée  à  l'épaule  droite,  afin  de- 
mieux  coucher  en  joue;  un  gantelet  à  coude  pour 
la  main  de  la  bride  ;  un  cabazet  en  tête  :  &  pour 
armes  offenfives  ,  une  longue  efeopette  de  trois  pies 
&  demi  pour  le  moins,  &  un  pillolet. 

Leur  manière  de  combattre  étoit  de  former  un  pe- 
tit efeadron  plus  profond  que  large ,  à  la  gauche  de 
Pefcadron  de  la  compagnie  des  chevau-légers;  d'a- 
vancer au  lignai  du  capitaine  jufqu'à  deux  cens  pas 
d'un  efeadron  de  lances  de  l'ennemi ,  Cv  à  cent,  li  c'é' 
toit  un  efeadron  de  cuiraffiers  ;  de  faire  leur  déchar- 
ge rang  à  rang  l'un  après  l'autre,  6v  de  fe  retirer  à 
la  queue  de  leur  efeadron  :  ii  les  ennemis  avoient 
auffi  des  carabins,  ils  dévoient  les  attaquer,  non  pas 
en  gros,  mais  en  les  eicai mouchant ,  pour  les  empê- 
cher de  faire  feu  fur  les  chevau-légers  dans  le  tems 
que  ceux-ci  marc  noient  pour  charger.  Ils  étoient  inf- 
titués,  ajoute  l'auteur,  pour  entamer  le  combat, 
pou;-  les  retraites  ,  &  pour  les  efearmouches. 

Il  en  ell  fouvent  parle  dans  Vhijloire  du  règne  d'Htm 
ri  H  .  mais  il  y  en  avoit  avant  le  règne  de  ce  prince. 

II  en  ell  parle  dans  Y  Extraordinaire  des  guerres  dès 
le  tems  d'Henri II.  L'hifloricn  Dupleix  prétend  que 
ceux  qu'on  appelloit  carabins  de  ion  tems,  etoient 
ceux-là  même  auxquels  fous  le  règne  d'Henri  II.  on 
donnoif  le  nom  d'itrgoulets ,•  &  Daubigné  dit  que  ce 
ne  fut  que  fous  Henri  III.  que  le  nom  de  carabin  com- 
mença A  être  bien  en  ufage  pour  cette  efpece  de  mi- 
lice. M '[far,  dit-il,  commandait  dans  les  carabins  de 
Mets,  defquels  le  nom  a  été  depuis  plus  familier:  ce 
qu'il  y  a  de  certain ,  c'eft  que  le  fervice  des  argoulets 
ce  des  carabins  étoit  fort  lemblable. 

Cette  milice  fubfiftoit  du  tems  de  Louis  XIII.  conv 


782 


C  A  V 


C  A  V 


me  nous  l'apprenons  du  fieur  de  Belon  qui  écrivoit 
fous  le  règne  de  ce  prince.  Il  décrit  ainii  l'armure  des 
carabins.  «  Ils  auront  la  cuirafTe  ou  un  pot  de  falade 
»  fans  autres  armes  défenfives ,  &  pour  armes  offen- 
»  fives ,  une  grofle  arquebufe  à  rouet ,  de  trois  pies 
»  ou  un  peu  plus ,  ayant  gros  calibre ,  &  l'épée  au 
»  piftolet  court.  C  'eft,  ajoùte-t-il ,  comme  le  Roi  lui- 
»  même  les  a  inititués  ». 

Il  fe  trompe  s'il  entend  par-là  que  le  roi  Louis  XIII. 
eût  créé  cette  milice  ;  mais  il  veut  dire  apparemment 
que  ce  prince  avoit  ainfi  réglé  leur  armure. 

Il  continue:  «  ils  porteraient ,  fi  l'on  vouloit,  les 
»  cafaques  &  les  gamâches,  pour  mettre  mieux  pied 
»  à  terre  au  befoin  :  étant  ainii  armés  &  montés  ,  ils 
»  peuvent  combattre  à  pie  6c  à  cheval,  Se  fe  mêler 
»  avec  la  cavalerie  ». 

Les  carabins  qui,  fous  le  règne  d'Henri  IV.  ne  fai- 
foient  point  un  corps  féparé ,  mais  étoient  joints  aux 
compagnies  de  cavalerie  légère ,  fous  le  commande- 
ment des  capitaines  de  ces  compagnies ,  ne  formè- 
rent des  régimens  entiers  que  fous  Louis  XIII.  Il  s'en 
trouve  dans  l'état  de  l'armée  de  l'an  1643  »  juiqu'à 
douze  régimens  étrangers.  On  fit  fous  ce  règne  pour 
les  carabins,  ce  qu'on  fit  fous  celui  de  Louis  le  grand 
pour  les  carabiniers  :  on  les  iépara  de  la  cavalerie-lé- 
gère pour-  les  mettre  en  corps  :  de  même  que  de  tou- 
tes les  compagnies  de  carabiniers  qui  étoient  dans  les 
régimens  de  cavalerie  légère ,  on  forma  le  régiment 
des  carabiniers  commandé  aujourd'hui  par  M.  le 
Prince  de  Dombes.  Voye{.  Carabiniers. 

Les  plus  fameux  carabins  du  règne  de  Louis  XIII. 
forent  les  carabins  dArnaut,  qui  étoit  mettre  de 
camp  d'un  de  ces  régimens.  Ce  régiment  étoit  de  on- 
ze compagnies,  gens  déterminés,  comme  le  turent 
depuis  les  dragons  de  la  Ferté.  Alors  ,  félon  le  même 
état  de  1643  ,  la  garde  des  généraux  d'armées  étoit 
ordinairement  de  carabins.  Il  eit  marq'ué  que  le  ma- 
réchal de  la  Meilleraye  avoit  pour  fa  garde  trente 
carabins  ;  le  maréchal  de  Chatillon  autant;  le  duc 
d'Angoulême ,  qui  commandoit  en  Picardie ,  autant. 
M.  du  Hallier  lieutenant  général,  en  avoit  vingt;  le 
duc  d'Enguien  en  avoit  auffi. 

Il  y  avoit  une  charge  de  général  des  carabins;  elle 
fubfifta  même  depuis  la  fupprefiion  des  carabins ,  qui 
ne  fe  fit  que  plufieurs  années  après  la  paix  des  Pyré- 
nées ;  car  il  eft  fait  encore  mention  de  carabins  dans 
une  ordonnance  de  LouisXIV.  du  mois  de  Novembre 
de  l'an  1665. 

M.  le  comte  de  TefTé ,  depuis  maréchal  de  France, 
acheta  cette  charge  du  comte  de  Quincé  l'an  1684; 
la  fit  fupprimer  par  le  Roi ,  &  obtint  en  même  tems 
peur  lui  la  charge  de  meftre-de-camp  général  des 
dragons. 

La  charge  de  général  des  carabins  étoit  la  même 
que  celle  de  meftre-de-camp  général  des  carabins  , 
dont  il  eit  parlé  dans  l'ordonnance  de  Louis  XIII.  du 
26  de  Mars  1626.  Il  prenoit  fon  attache  du  colonel 
général  de  la  cavalerie,  &  étoit  de  fa  dépendance. 
C'eit  pourquoi  M.  de  BafTompierre,  dans  fa  critique 
de  f/iijloire  de  Dupleix ,  le  reprend  aigrement  à  fon 
ordinaire,  de  ce  qu'il  avoit  appelle  le  fieur  de  Gié 
colonel  général  des  carabins.  «  Cet  ignorant ,  dit-il,  ne 
»  fait  pas  que  les  carabins  font  du  corps  de  la  cava- 
»  lerie,  &  que  ce  n'étoit  que  leur  meftre-de-camp. 
»  Art.  tiré  de  VHifl.  de  la  mil.  Franc,  du  P.  Daniel» 

La  cavalerie  dans  une  armée  rangée  en  bataille ,  fe 
place  ordinairement  iur  les  ailes ,  &  l'infanterie  au 
centre  ;  elle  y  forme  toujours  difterens  corps  appelles 
efeadrons.  Voye^  ESCADRON. 

La  cavalerie  eit  abfoiument  utile  à  la  guerre  pour 
les  détachemens ,  les  efeortes ,  Se  pour  combatti  e  en 
plaine  :  mais  le  trop  grand  nombre  peut  être  nuiii- 
ble;  car  la  grande  confommation  de  fourrage  qu'il 
exige ,  peut  iôuvent  obliger  un  général  de  changer 


de  camp  ou  de  pefition,  lorfqu'il  eft  dans  un  porte 
avantageux  ,  pour  trouver  le  moyen  de  faire  fubfif- 
ter  fa  cavalerie.  M.  Folard  prétend  que  le  grand  nom- 
bre de  cavalerie  ne  vient  que  du  détaut  de  difeipline 
&  d'intelligence  militaire.  (Q) 

CAVALIER  ,  f.  m.  {dans  C  Art.  milit.)  eft  un  foldat 
qui  combat  à  cheval  ;  on  l'appelle  auffi  maître:  on  dit 
indifféremment  une  telle  compagnie  étoit  de  quarànu 
cavaliers  ou  de  quarante  maîtres. 

Ce  mot  vient  du  Latin  cahallus  :  on  trouve  cabal* 
larius  &  cavallarius  dans  la  baffe  Latinité. 

Un  bon  cavalier  eit  celui  qui  a  bien  foin  de  fon 
cheval  &  de  fon  équipage  ;  qui  fe  tient  propre  6c  qui 
obierve  exactement  les  ordres  qu'on  lui  preferit.  Il 
doit  avoir  toujours  dans  fes  befaces  du  crin  pour  rem- 
bourcr  fa  felle ,  qu'il  doit  vifiter  toutes  les  fois  qu'il 
deicend  de  cheval,  Se  voir  fi  rien  n'y  manque. 

Quand  il  eit  commandé,  il  ne  doit  jamais  quitter 
fa  troupe  fans  la  permiifion  de  fon  officier;  il-  doit 
auifi  toujours  avoir  de  quoi  tirer ,  6c  fes  armes  en 
bon  état. 

Quand  il  eft  dans  un  pofte ,  &  qu'on  lui  a  configné 
un  ordre,  il  ne  doit  point  faire  difficulté  de  tirer  fur 
ceux  qui  y  contreviennent ,  même  fur  un  général  , 
tout  comme  fur  un  autre  ;  &  il  doit  avertir  les  offi- 
ciers de  ce  qui  fe  pafTe  aux  environs  de  fon  pofte. 

Un  cavalier  qui  va  au  fourrage  ne  doit  jamais  ou- 
trer fon  cheval  à  force  de  courir:  il  doit  s'en  tenir  à 
celui  qu'il  peut  prendre  le  plus  aifément ,  Se  ne  pas 
s'imaginer  que  le  fourrage  le  plus  éloigné  feit  le  meil- 
leur. 

CAVALIER,  en  terme  de  Fortification  ,  eft  une  élé- 
vation de  terre  qu'on  pratique  fur  le  terre-plein  du 
rempart  pour  y  placer  des  batteries  qui  découvrent 
au  loin  dans  la  campagne,  6c  qui  incommodent  l'en- 
nemi dans  fes  approches. 

Ils  fe  conftruifent  le  plus  ordinairement  dans  le 
milieu  des  battions  pleins.  En  ce  cas  ils  ont  la  même 
figure  que  le  baftion.  On  obierve  que  le  côté  exté- 
rieur de  leur  rempart  foit  éloigné  de  trois  ou  quatre 
toiles  du  côté  intérieur  du  parapet  ou  faces  du  baf- 
tion, Se  de  quatre  ou  cinq  toiles  de  celui  de  fes  flancs. 
On  place  auiïi  des  cavaliers  fur  les  courtines  :  mais 
alors  ils  font  ronds  ou  quarrés.  il  y  a  plufieurs  villes 
comme  Landau  6c  Luxembourg  où  l'on  en  trouve 
en-dedans' la  place  dans  le  voiiinage  du  rempart; 
mais  ces  fortes  de  cavaliers  ne  peuvent  être  d'ufage 
que  dans  les  premiers  jours  de  fiéges. 

Lorfqu'une  place  fe  trouve  commandée ,  on  y  éle- 
vé auffi  quelquefois  des  cavaliers ,  comme  M.  de  Vau- 
ban  l'a  fait  à  Maubeuge ,  pour  féparer  des  comman- 
demens.  Les  cavaliers  tiennent  lieu  dans  ce  cas  de 
traverfes.  Voyt^  Traverse. 

Les  avantages  qu'on  tire  des  cavaliers  peuvent  fe 
réduire  à  quatre  principaux. 

i°.  A  garantir,  comme  on  vient  de  le  dire,  de  l'en- 
filade. 

20.  A  obliger  l'affiégearit  d'ouvrir  la  tranchée  à  une 
plus  grande  diltanec  de  la  place,  pour  ne  pas  fe  trou- 
ver ious  le  feu  du  cavalier. 

30  A  découvrir  le  dedans  ou  l'intérieur  des  tran-' 
chées ,  Se  à  les  enfiler  par  des  coups  plongés. 

40.  A  doubler  le  feu  des  baitions  fur  lefquels  les 
cavaliers  font  conitruits. 

Cavalier  de  tranchée,  eft  dans  t  attaque- 
des  places  une  élévation  de  gabions ,  de  faicines,  Se 
de  terre,  que  l'aifiégeant  pratique  à  la  moitié  ou 
aux  deux  tiers  du  glacis ,  vers  fes  angles  faillans  , 
pour  découvrir  Si  enfiler  le  chemin  couvert. 

Le  parapet  des  cavaliers  de  tranchée  eft  de  8  ou  9 
pies  plus  élevé  que  le  glacis.  On  y  pratique  trois 
banquettes  :  le  foldat  placé  fur  la  fupérieure ,  le  trou- 
ve fufnfamment  élevé  pour  plonger  dans  le  chemin 
couvert.  Lorfque  cet  ouvrage  a  toute  fa  perfeÉUon, 


C  A  V 

il  eft  bien  difficile  que  l'ennemi  puifTe  fe  montrer 
clans  le  chemin  couvert  ;  il  s'y  trouve  trop  expofé 
au  feu  des  cavaliers  ;  mais  ils  ne  peuvent  fe  conftrui- 
re  qu'autant  qu'ils  font  protégés  de  batteries  à  rico- 
chet qui  enfilent  exactement  le  chemin  couvert.  Le 
Blond,  Attaque  des  places.  Voyer^  leplan  &  le  profil  d'un 
Cavalier  de  tranchée ,  PI.  XVI.  de  V Art  milit.  fig.  J . 

(Q) 

Cavalier  ,  f.  m.  en  terme  de  manège  ,  fignifie 
un  homme  qui  eft  bien  à  cheval,  qui  le  manie  bien, 
qui  entend  les  chevaux.  On  dit  auffi  un  bel  homme  de 
cheval. 

Cavalier,  f.  m.  (  Commerce.}  monnoie  d'argent 
qui  fe  fabriquent  autrefois  en  Flandre  dans  la  forme 
des  bajoirs ,  (voyez  Bajoir)  du  titre  de  neuf  deniers 
onze  grains  ;  le  cavalier  vaut  argent  de  i  rance,  une 
livre  iépt  fous  deux  deniers. 

CAVALLE  (la)  (Géog.)  ville  de  Grèce  en  Ma- 
cédoine, au  bord  de  l'Archipel. 

Cavalle,  on  appelle  ainfi  la  femelle  du  che- 
val. Voyei  Jument  &  Cheval. 

CAVALLERIE  (la)  (Géog.)  petite  ville  de  Fran- 
ce en  Rouergue,  vers  les  frontières  des  Cévenes. 

CAVALLOS,  f.  m.  (Commerce.}  monnoie  de  bil- 
lon ,  frappée  en  Piémont  en  1 6 1 6 ,  à  un  denier  vingt- 
un  grain  de  fin.  Ce  nom  lui  vient  d'un  cheval  qu'elle 
avoit  pour  écuiTon  ;  une  croix  étoit  Ion  effigie  :  le 
cavallos  vaut  neuf  deniers  un  huitième. 

CAVAN  ou  CAVON-,  (Géog.)  contrée  d'Irlande, 
avec  titre  de  comté ,  clans  la  province  d'Ulfter ,  dont 
la  capitale  porte  le  même  nom. 

CAVAN  ,  (Commer.)  mefure  dont  on  fe  fert  dans 
quelques-unes  des  îles  Philippines ,  &  fur-tout  à  Ma- 
nille ,  pour  mefurer  les  grains  &  les  légumes ,  &  en- 
tr'autres  le  riz.  Le  cavan  de  riz  pefe  cinquante  livres 
poids  d'Efpagne.  Diclionn.de  Commerce,  tom.  II.  pag. 
134-  {G) 

CAUB,  (Géog.')  petite  ville  d'Allemagne,  fur  le 
Rhin,  vis-à-vis  de  Bacharach  ,  dans  le  duché  de  Sim- 
itiern. 

CAUCALIS  HERISSONNÉE,  fnb.  f.  (ffift.  nat. 
bot.)  genre  de  plante  à  fleurs  en  rofe,  difpofees  en  om- 
belles ,  &  composées  de  plufieurs  pétales  inégaux  £z 
foutenus  par  le  calice  ,  qui  devient  un  fruit  compofé 
de  deux  femences  oblongites ,  voûtées  par  le  dos , 
cannelées  profondément  dans  leur  longueur  en  feuil- 
lets dentelés  &c  hérhTés  de  piquans  :  ces  femences 
font  plates  du  cote  par  oii  elles  fe  touchent.  Tour- 
nefort ,  Infi.  rei  herb.  Foye^  Plante.  (/  ) 

*  CAUCASE,  f.  m.  (Myth.  &  Géog.)  chaîne  de 
montagnes  ,  qui  commence  au-defïus  de  la  Colchide 
èv  finit  à  la  mer  Cafpiennc.  C'cft  là  que  Promcthee 
enchaîné  eut  le  foie  déchiré  par  un  vautour  ou  par 
un  aigle.  Les  habitans  de  cette  contrée  prenant ,  fi 
l'on  en  croit  Philoftrate  ,  cette  fable  à  la  lettre  ,  fai- 
foient  la^uerre  aux  aigles,  dénichoient  leurs  petits, 
&  les  perçoient  avec  des  flèches  ardentes;  ou  l'in- 
terprétant ,  félon  Strabon ,  de  la  condition  malheu- 
reufe  des  humains,  ils  fe  mettoient  en  deuil  à  la  naif- 
fance  des  enfans,  6c  le  réjoiïilîoient  à  leurs  funérail 
les.  Il  n'y  a  point  de  Chrétien  vraiment  pénétre  dei 
vérités  de  fa  religion,  qui  ne  dût  imiter  l'habitant  du 
caucafe  ,  &  fe  féliciter  de  la  mort  de  les  enfans,  La 
mort  aflure  à  l'enfant  qui  vient  de  naître  une 
éternelle  ,  ce  le  fort  de  l'homme  qui  paroîl  .i\  oir  vé- 
cu le  plus  faintement eft  encore  incertain.  Que  notre 
i  eligion  eft  tout  à  la  fois  terrible  &  confolante  ! 

CAUCHEMAR  ,  f.  m.  (Med.)  nom  populaire  que 
l'on  a  donne  à  une  incommodi  les  mé- 

decins Grecs  .,  hialtes,  ce  par  les  Latins  incubus. 

Ceux  qui  ont  coutume  de  dormir  fur  ';. 
charger  leur  eftomac  d'alimens  lourds  &  difficiles  à 
digérer ,  font  fort  lujcrs  à  cette  incommodité. 


C  A  V 


783 


Pendant  le  fommeil  ils  croyent  avoir  la  poitrine 
chargée  d'un  poids  conlidérable  ,  &  ils  ont  fouvent 
l'imagination  frappée  d'un  fpe&re  ou  d'un  phantô- 
me  qui  leur  coupe  la  refpiration. 

Cette  incommodité  ne  vient  point ,  comme  on  fe 
l'étoit  imaginé  autrefois  ,  de  vapeurs  épaules  qui 
remplifîent  les  ventricules  du  cerveau  ,  mais  plutôt 
d'une  trop  grande  plénitude  de  l'eftomac ,  qui  s'op- 
pofe  au  mouvement  du  diaphragme  ,  &  par  confé- 
quent  à  la  dilatation  de  la  poitrine  ,  fans  laquelle  on 
ne  peut  refpirer  que  difficilement.  Cependant  d'au- 
tres prétendent  que  cette  incommodité  fi  pénible  eft 
occafionnée  par  une  convullîondesmufcles  de  la  ref- 
piration. 

Etmuller  obferve  que  les  Arabes  appellent  cette 
incommodité  une  épilepjïe  nocturne  ,  parce  ou'étant 
portée  à  un  certain  degré,  elle  dégénère  en  épilep- 
fie  ;  &  en  effet ,  le  cauchemar  eft  le  prodrome  de  l'é- 
pilepfie  dans  les  jeunes  gens,  comme  il  eft  l'avant- 
coureur  de  l'apoplexie  dans  ies  perfonnes  d'un  âge 
avancé.  (A') 

CAUCAUBARDITES,  fub.  m.  pi.  (Hift.  eccléf.) 
fecte  d'hérétiques  dans  le  vi.  liecle,  ainfi  nommés 
d'un  certain  lieu  où  ils  firent  leurs  premières  aiTem- 
blées  ;  ils  fuivoient  les  erreurs  de  Severe  d'Antioche 
&  des  Acéphales.  Nicephore,  liv.  XVII I.  chap.  xlix. 
Baronius  ,  A.  C.  535.  (G) 

CAUDA  LUCIDA,  (AJlron.)  la  queue  du  lion, 
eft  une  étoile  de  la  première  grandeur.  Sa  longitude 
efl  de  16 y  °,  53'  >  fa  latitude  de  iz° ,  16'  ,  fon  afctn- 
Jïon  droite  IJ3°,  Cj'.  Voye^  LlON.  (O  ) 

CAUDATAIRE  ,  f.  m.  (Hifi.  eccléf.)  eft  un  clerc 
ou  aumônier  qui  porte  le  bas  de  la  chappe  du  pape 
ou  d'un  cardinal.  (H) 

CAUDÉ  ,  adj.  en  terme  de  Blafon ,  fe  ditdesétoi- 
les  &  des  comètes  qui  ont  une  queue.  (V) 

CAUDEBEC ,  f.  m.  forte  de  chapeau  fait  de  laine 
d'agnelin,  de  poil,  ou  de  duvet  d'autruche,  ou  de  poil 
de  chameau.  On  les  nomme  ainfi  du  nom  de  la  ville 
de  Caudebec ,  en  Normandie ,  011  il  s'en  fabrique  une 
grande  quantité.  Voye-  Chapeau. 

Caudebec  ,  (Géog!)  ville  de  France ,  en  Norman- 
die, capitale  du  pays  de  Caux,  remarquable  par  les 
manufactures  de  chapeaux. 

CAUDES-COSTES,  (Géog.)  petite  ville  de 
France  ,  dans  l'Armagnac ,  à  une  lieue  de  la  Garonne. 

CAUDETE,  (Géog.)  petite  rivière  d'Efpagne, 
dans  la  nouvelle  Caftille  ,  qui  fe  jette  dans  le  Xucar. 

*  CAUDIC AIRES,  fub.  m.  pi.  (H:jl.  atte.)  c'eft 
ainfi  que  les  Romains  avoient  nommé  les  bateliers 
de  la  communauté  infatuée  pour  la  navigation  du 
Xibre.  Ce  mot  vient  de  codices ,  an'emblages  de  plu- 
fieurs planches  de  bois.  Parmi  les  caudicaires  il  y  en 
avoit  un  certain  nombre  d'emplovés  à  charger  les 
grains  au  port  d'Oftie  &  à  les  conduire  à  Rome.  V. 
l'article  Boulanger. 

CAUDIEZ,  (Géog.)  petite  ville  de  France,  en 
Languedoc,  au  pic  des  Pyrénées,  fur  les  frontières 
du  Rouffillon. 

t  AL  DROT  ou  COUDROT,  (Géog.)  petite  ^  ille 
de  France ,  en  Guienne,  dans  le  Bazadois,  à  l'endroit 
où  le  Drot  le  jette  dans  la  Garonne. 

CAVE,  fub.  f.  en  Architecture ,  elt  un  lieu  \ 
dans  l'étage  louterain,  qui  fert  à  mettre  du  vin  ,  un 
bois ,  &  autres  chofes  pour  la  pro\  ifii  n  d'une  mai- 
foi]  ,  d'un  hôtel,  &c  du  Latin  cm  ta,  Yitru\  e  a] 
■  ■;  tous  les  lieux  voûtés  Ions  terre. 

:  ,  dans  une  églife  ,  eft  un  lieu  foùtcrrain , 
i  &  deftiné  à  la  fépulture.  (P) 

C  yves.  On  a  cru  long-tems  que  ies  caves  &  les  au- 
tres lieux  foùtcn  ains  etoient  plus  froids  en  ete  qu'en 
.  ;>arcc  qu'en  effet  en  hyver  l'air  y  paraît  beau- 
cou  >  plus  chaud  que  l'air  extérieur ,  <N:  qu'en  ete  il 
y  paroit  plus  froid.   De  grands  phylicicns  avoient 


c 


A  V 

i   11  V 


même  trouvé  des  railons  allez  plaufiblcs  de  ce  phé- 
nomène ;  car  rien  n'e/t  plus  facile  que  de  rendre  rai- 
ion  de  tout  avec  des  explication  s  vagues.  Mais  de 
plus  grands  phylîciens  ont  trouvé  depuis  que  le  fait 
n'étoït  pas  vrai.  Le  moyen  de  s'en  alïùrer  eft  de  fuf- 
pendre  un  thermomètre  dans  une  cave  pendant  toute 
une  année  ,  on  trouvera  que  la  cave  eft  plus  chaude 
en  été  qu'en  hy  ver ,  mais  qu'il  n'y  a  pas  une  grande 
différence  entre  le  plus  grand  chaud  6c  le  plus  grand 
froid.  Il  s'enfuit  de-là  que,  quoique  les  caves  nous 
femblent  être  plus  froides  en  été ,  elles  ne  le  font 
pourtant  pas,  &  que  cette  apparence  eft  trompeufe. 
Voici  la  raifon  qu'en  donne  M.  Muffchenbroek.Enété 
notre  corps  fe  trouvant  expofé  au  grsnd  air  devient 
fort  chaud ,  le  lang  acquiert  une  chaleur  de  92  ou  94 
es  ;  la  chaleur  du  grand  air  eft  auffi  alors  de  70 
à  ùo  degrés ,  au  lieu  que  l'air  qui  fe  trouve  dans  ce 
tems-là  renfermé  dans  les  caves  n'a  qu'une  chaleur 
de  4$  à  50  degrés,  de  forte  qu'il  eft  beaucoup  plus 
froid  que  notre  corps  &  que  Pair  extérieur  :  ainfi , 
dès  qu'on  entre  dans  une  cave  lorfqu'on  a  fort  chaud , 
on  y  rencontre  un  air  beaucoup  plus  froid  que  l'air 
extérieur ,  ce  qui  fait  que  la  cave  nous  paroit  alors 
froide.  En  hyver  au  contraire  lorfqu'il  gelé ,  le  froid 
de  l'air  extérieur  eft  depuis  o  jufqu'à  32  degrés  ,  au 
lieu  que  la  chaleur  de  l'air  de  la  cave  fe  trouve  en- 
core de  45  degrés  ;  ainli  nous  trouvant  d'abord  ex- 
pofés  à  l'air  froid  extérieur ,  qui  fait  impreffion  fur 
•notre  corps  ce  qui  le  refroidit  en  effet ,  nous  n'en- 
trons pas  plutôt  dans  une  cave  ,  que  nous  y  fentons 
un  air  beaucoup  plus  chaud,  qui  ne  manque  pas  de 
réchauffer  auffi  notre  corps  ;  ce  qui  eft  cauie  que 
l'air  de  la  cave  nous  paroit  alors  chaud.  Cependant 
nous  ne  pouvons  pas  lavoir ,  ni  juger  par  la  feule 
impreffion  que  l'air  fait  fur  nous ,  s'il  eft  effective- 
ment alors  plus  chaud  qu'en  été  ;  ce  n'eft  qu'à  l'aide 
du  thermomètre ,  que  nous  pouvons  être  allures  li 
l'air  eft  plus  chaud  en  été  qu'en  hyver.  Muflch.  Eff. 
de  Phyfiqiu.  (  O  ) 

Cave  ,  adj.  (  Lune.  )  Chronol.  On  appelle  lune  cave 
un  mois  lunaire  de  29  jours.  V.  Mois  &  Lune.  (O) 

Cave  ,  en  Anatomie ,  eft  le  nom  de  deux  grofles 
veines  qui  fe  déchargent  dans  l'oreillette  droite  du 
cœur  ;  on  dit  ordinairement  la  veine-cave  en  général  : 
alors  on  confidere  la  réunion  de  ces  deux  veines 
comme  une  feule  veine.  Voye^  Cœur  &  Oreil- 
lette. 

La  veine-cave  fe  divife  en  afeendante  &  défendante  : 
'.wtc  eft  ceile  qui  vient  des  parties  inférieures. 
Elle  c'a  ainfi  appellée ,  parce  que  le  fang  qui  vient 
au  cœur  par  cette  veine ,  monte  :  la  défendante  eft 
celle  qui  vient  des  parties  fupérieures  :  elle  eft  ; 
appellée  ,  parce  que  le  lang  qu'elle  apporte  de  la  tête 
&  autres  parties  fupérieures ,  defeend.  Foye^  Sang 
&  Circulation. 

Il  y  a  des  auteurs  qui  donnent  le  nom  de  veine- 
cave  J'upérieure  à  la  dej et ridante ,  &  de  veine-cave  infé- 
rieure à  V afeendante. 

La  veine-cave  fupérieure  eft  formée  par  la  réunion 
des  deux  veines*  loûclavieres ,  environ  vis-à-vis  & 
derrière  le  cartilage  de  la  première  vraie  côte  du 
côté  droit.  Elle  fe  porte  enfuite  obliquement  vers  la 
gauche ,  &  entre  dans  le  péricarde  où  elle  eft  placée 
au  côté  droit  de  l'aorte ,  &  occupé  la  longueur  de 
deux  doigts  environ  ;  après  quoi ,  elle  entre  dans 
l'oreillette  droite.  A'oyêçSoûcLAviERE,  Péricar- 
de ,  &c 

La  veine-cave  inférieure  ,  eft  cette  groffe  veine  qui 
paroit  formée  de  la  réunion  des  deux  veines  ilia- 
ques ;  elle  monte  de  la  partie  fupérieure  de  l'os  fa- 
crum  fur  les  vertèbres  des  lombes  ;  elle  s'incline  un 
peu  à  droite ,  vient  palier  derrière  le  foie  par  fa 
grande  échancrure  ;  elle  peice  le  diaphragme,  entre 
dans  le  péricarde ,  &  après  un  trajet  d'environ  trois 


C  A  V 

à  quatre  lignes ,  elle  entre  dans  l'oreillette  droite  du 

cœur.  Foyei  ILIAQUE  ,  DIAPHRAGME  ,  OREIL- 
LETTE ,  &C. 

Elle  reçoit  dans  tout  ce  trajet  les  veines  facrées  ^ 
les  veines  lombaires  ,  les  veines  Ipermatiques  ,  les 
veines  rénales ,  les  veines  adipeufes  ,  les  veines  hé- 
patiques ,  les  veines  diaphragmatiques  inférieures , 
ou  veines  phréniques.  Voye^  Spermatique  ,  Adi- 
peux ,  HÉPATIQUE  ,  &C.  (L  ) 

Cave  ,  (parmi  les  Confifeurs}  eft  une  pièce  porta- 
tive, en  manière  de  caille  faite  de  1er  blanc  ,  avec 
quatre  ou  fi'x  pots  de  même  métal ,  tenant  chacun 
une  pinte ,  &  qui  s'emboîtent  toujours  dans  la  caille  ; 
il»  font  retenus  par  un  petit  rebord  qui  eft  au  fond. 
On  s'en  lert  pour  glacer  toutes  fortes  d'eaux  &  de 
crèmes.  Voye^  GLACE  ,  &  la  PI.  du  Confifeur.  La  fi- 
gure 4.  repréfente  le  corps  de  la  cave  qui  contient 
les  pots  ;  3  eft  le  couvercle  général  ;  2  eft  le 
couvercle  d'un  des  pots  qui  font  dans  la  cave.  On 
entoure  les  pots  de  glace  pêle-mêle  avec  du  fel  am- 
moniac ,  au  défaut  de  fel  ordinaire  ;  on  couvre  aulîi 
de  ce  mélange  les  couvercles  des  pots  &  le  couver- 
cle de  la  cave  :  ce  qui  produit  un  froid  fi  grand  ,  que 
les  liqueurs  contenues  dans  les  pots  font  glacées  en 
peu  de  tems. 

On  donne  le  même  nom  de  cave  ,  à  un  coffret  au- 
dedans  duquel  on  a  pratiqué  foit  en  marqueterie  , 
foit  en  carton  &  velours  ,  ou  autrement ,  des  loges 
oii  font  placés  des  flacons  pleins  de  différentes  eaux 
odoriférantes. 

Cave  ,  (  Géog.  )  une  des  îles  Orcades,  au  nord 
de  l'EcoiTe. 

*  CAFE  A  ,  f.  f.  (  Wift.  anc.  )  c'eft  ainfi  qu'on  ap- 
pelloit  les  loges  fouterraines  où  l'on  gardoit  les  bêtes 
de  l'amphithéâtre  ;  l'amphithéâtre  même  s'appella 
cavea  ;  &  l'on  défigna  auffi  par  le  même  terme  les 
plus  hauts  degrés  du  théâtre  que  le  peuple  occu- 
poit.  Foyei  Amphithéâtre  &  Théâtre. 

CAVEAU  ,  crypta,  f.  m.  {Hifl.  anc.  &  mod.  )  ef- 
pece  de  voûte  foùterraine ,  conftruite  principalement 
fous  une  églife  ,  &  deftinée  à  la  lépuîture  de  quel- 
ques familles  ou  perfonnes  particulières.  Foyei 
Tombe. 

Ce  mot  fe  dit  en  Latin  crypta  ,  qui  eft  formé  du 
Grec  KpvTna  ,  abfcondo  ,  je  cache;  d'où  eft  venu  le- 
mot  iipwTTTi) ,  crypta. 

S.  Ciampini ,  dans  la  defeription  qu'il  nous  a 
donnée  des  dehors  du  Vatican  ,  parle  des  caveaux  ou 
catacombes  de  S.  André,  de  S.Paul.  Voye^  Cata- 
combe. 

Vitruve  fe  fert  du  mot  crypta,  pour  exprimer  la 
partie  d'un  bâtiment  qui  répond  à  notre  cellier  : 
Juvenal  s'en  lert  pour  exprimer  une  cloaque. 

De-là  eft  venu  crypto-porticus  ,  qui  fignifie  un  lieu, 
foùterrain  voûté  ,  qui  fert  comme  d'une  efpece  de 
mine  ou  de  palîage  dans  les  vieux  murs.^Le  même 
mot  le  dit  encore  d'une  décoration  mife  à  l'entrée 
d'une  grotte.  Voye{  Grotte. 

Crypta  ,  eft  auffi  en  ufage  chez  quelques-uns  de 
nos  anciens  écrivains ,  pour  lignifier  une  chapelle,  ou 
un  oratoire  fous  terre.  (/*  ) 

CAVEÇON  ,  f.  m.  (  terme  de  Manège.  )  efpece  de 
bride  ou  de  muferolle  qu'on  met  fur  le  nez  du  che- 
val ,  qui  le  ferre ,  le  contraint ,  &  lert  à  le  dompter, 
le  dreffer ,  <k  le  gouverner.  Ce  mot  vient  de  l'Eipa- 
gnol  cabeca,  tête. 

Les  caveçons  qui  fervent  à  dreffer  les  jeunes  che- 
vaux ,  font  ordinairement  de  fer ,  &  faits  en  demi- 
cercle  de  deux  ou  trois  pièces  affemblées  par  des 
charnières.  Il  y  en  a  de  tors  &  de  plats,  d'autres 
creux  dans  le  milieu  &  dentelés  comme  des  Icies  , 
qu'on  appelle  mordans  ;  mais  ces  derniers  font  au- 
jourd'hui abfolument  bannis,  des  académies.  Les  ca- 

yeçom 


C  A  V 


C  A  V 


78? 


veçohs  de  corde  &  de  cuir,  fervent  à  faire  paffei 
les  chevaux  entre  deux  piliers. 

CAVELAN  ,  (  Géog.  )  royaume  d'Afie  dans  les 
Indes  ,  tributaire  de  celui  de  Pégu. 

CAVELIN  ,  f.  m.  (  Commerce.  )  on  nomme  ainfi 
à  Amfterdam  ce  que  nous  appelions  en  France  un 
lot  en  termes  de  commerce. 

Dans  les  ventes  au  baffin  qui  fe  font  à  Amlter- 
dam ,  c'eft-à-dire ,  dans  les  ventes  publiques  où  les 
marchandifes  fe  crient  en  prélènce  des  vendu-meel- 
ters  ou  commiffaires  députés  des  bourguemeftres  ; 
il  y  a  certaines  lbrtes  de  marchandifes  dont  le  ven- 
deur fait  les  cavdins  aulîi  grands  ou  auffi  petits  qu'il 
le  juge  à  propos ,  par  rapport  ou  à  leur  valeur  ou  à 
la  quantité  qu'il  en  veut  vendre  ;  &c  d'autres  dont 
les  cavelins  font  réglés  par  l'ordonnance  du  bourgue- 
meftre. 

De  la  première  forte  font  la  cochenille ,  les  foies, 
l'indigo  ,  le  poivre ,  le  caffé ,  le  lucre  de  Brefil  ,  les 
prunes  ,  &  plufieurs  autres  :  de  la  féconde  font  les 
Vins  ,  les  eaux-de-vie  ,  le  vinaigre.  Ces  cavdins  fe 
règlent  par  balles,  cailles,  ferons,  pièces,  demi- 
pièces  ;  &  ceux  des  liqueurs  ,  par  tonneaux ,  ban- 
ques ,  bottes ,  pipes ,  aams ,  avec  tant  de  plokpenin, 
c'cll-à-dire  de  denier  à  Dieu  ,  par  cavelin.  Voye^-en 
le  détail  dans  le  Diclionn.  du  commerce  ,  tome  II.  page 

CAVENTENIER  ,  f.  m.  (  terme  de  Corderie.  )  eft 
une  petite  corde  compofée  defix,  neuf,  douze  ,  ou 
dix-huit  fils  :  cette  forte  de  aulîiere  fe  fabrique  à  trois 
torons  ;  par  exemple  ,  fi  on  veut  faire  un  caventenier 
de  douze  fils  ,  on  en  forme  trois  torons  de  quatre  fils 
chacun  ;  on  leur  donne  au  moyen  du  roiiet  le  tors 
convenable  ,  &  enfuite  on  commet  enfemble  les 
trois  torons. 

C  AVER  ,  verb.  neut.  (  en  Efcrime.  )  eft  le  contrai- 
re (Toppofer.  Voye^  Opposition.  C'eft  par  confé- 
quent  s'expofer  à  recevoir  un  coup  d'épee  dans  le 
même  tems  qu'on  le  porte. 

On  appelle  improprement  quarte  fur  lesarmesyYzc- 
tion  de  caver  dehors  &  fur  les  armes  ;  car  pour  caver, 
il  faut  porter  une  eftocade  de  tierce ,  ayant  le  bras 
&  la  main  droite  placés  &  tournés  comme  pour  pa- 
rer en  quarte  ,  ou  porter  une  eftocade  de  quarte  , 
ayant  le  bras  &C  la  main  droite  placés  &  tournés 
comme  pour  parer  en  tierce. 

CAVERNE  ,  f.  f.  (  Hifl.  nat.  &  Phyfiq.  )  réduit 
obfcur  &  foùtcrrain  d'une  certaine  étendue. 

Les  cavernes  fe  trouvent  dans  les  montagnes  ,  & 
peu  ou  point  du  tout  dans  les  plaines  :  il  y  en  a  beau- 
coup dans  les  îles  de  l'Archipel ,  &  dans  plufieurs  au- 
tres îles  ;  &  cela  parce  que  les  îles  ne  font  en  géné- 
ral que  des  deiî'us  de  montagnes.  Les  cavernes  fe  for- 
ment,  comme  les  précipices,  par  l'afTaifl'ement  des 
rochers,  ou  comme  les  abyfmes,  par  l'action  du  feu  ; 
car  pour  faire  d'un  précipice  ou  d'un  abyfme  une 
caverne  ,  il  ne  faut  qu'imaginer  des  rochers  contre- 
butes  èvfaifant  voûte  par-deflùs;  ce  qui  doit  arriver 
très-fouvent  lori qu'ils  viennent  à  être  ébranlés  & 
déracinés.  Les  cavernes  peuvent  être  produites  par 
les  mêmes  caufes  qui  produiient  les  ouvertures  ,  les 
ébranlemcns  ,  &  les  affaiffemens  des  terres  ;  èc  ces 
caufes  font  les  explorions  des  volcans ,  l'action  des 
vapeurs  foùterraincs  ,  &  les  tremblemens  de  terre  ; 
car  ils  font  des  boulevcrfemcns  &  des  éboulemcns 
qui  doivent  néceffairement  former  des  cavernes  &  des 
ouvertures  de  toute  efpece.  )  ;.  eçV<  lcan  ,  &c. 

La  caverne  de  faine  Patrice  en  Irlande  n'eft  pas  auffi 
coniidérable  quelle  cil  fameufe;  il  en  eft  de  même 
de  la  grotte  du  chien  près  de  Naples  ,  &  de  celle  qui 
jette  du  feu  dans  la  montagne  de  Beni-gua/eval,  au 
royaume  de  Fez.  Dans  la  province  de  Darby  en  An- 
gleterre, il  y  a  une  grande  caverne,  tort  coniidérable, 
&  beaucoup  plus  grande  que  la  fameufe  cavt 
Tome  II. 


Bauman  auprès  de  la  forêt  Noire ,  dans  le  pays  dé 
Brunfwick.  On  a  appris  par  une  perfonne  auffi  ref- 
peclable  par  l'on  mérite  que  par  l'on  nom  (  Mylord 
comte  de  Morton  )  que  cette  grande  caverne,  appel- 
lée  DivïCs-hole  (  trou  du  diable  )  préfente  d'abord  une 
ouverture  fort  confidérable ,  comme  celle  d'une  très- 
grande  porte  d'églife  ;  que  par  cette  ouverture  il 
coule  un  gros  ruilleau  ;  qu'en  avançant ,  la  voûte  de 
la  caverne  le  rabaiffe  fi  fort ,  qu'en  un  certain  endroit 
on  eft  obligé ,  pour  continuer  fa  route ,  de  fe  mettre 
fur  l'eau  du  ruiffeau  dans  des  bacquets  fort  plats ,  où 
on  fe  couche  pour  paffer  fous  la  voûte  de  la  caver- 
ne ,  qui  eft  abaiffée  dans  cet  endroit  au  point ,  que 
l'eau  touche  prefqu'à  la  voûte:  mais,  après  avoir 
paffé  cet  endroit ,  la  voûte  fe  relevé ,  &  on  voyage 
encore  fur  la  rivière  jufqu'à  ce  que  la  voûte  fe  ra- 
baifié  de  nouveau  ,  &  touche  à  la  luperficie  de  l'eau  ; 
&  c'eft-là  le  fond  de  la  caverne  ,  &  la  fource  du  ruif- 
feau qui  en  fort.  Il  groffit  confidérablement  dans 
de  certains  tems ,  &  il  amené  &  amoncelle  beau- 
coup de  fable  dans  un  endroit  de  la  caverne  qui  for- 
me comme  un  cul-de-fac  ,  dont  la  direction  eft  diffé- 
rente de  celle  de  la  caverne  principale. 

Dans  la  Carniole ,  il  y  a  une  caverne  auprès  de 
Potpechio ,  qui  eft  fort  fpacieufe  ,  &  dans  laquelle  on 
trouve  un  grand  lac  foûterrain.  Près  d'Adeliperg  ,  il 
y  a  une  caverne  dans  laquelle  on  peut  faire  deux  milles 
d'Allemagne  de  chemin  ,  &  oîi  on  trouve  des  préci- 
pices très-profonds.  Voye^Acl.  erud.  Lipf.an.  1689. 
page  558.  Il  y  a  auffi  de  grandes  cavernes  6c  de  bel- 
les grottes  fous  les  montagnes  de  Mendipp ,  dans  la 
principauté  de  Galles  ;  on  trouve  des  mines  de  plomb 
auprès  de  ces  cavernes ,  &  des  chênes  enterrés  à  1  5 
braffes  de  profondeur.  Dans  la  province  de  Glocef- 
ter,  il  y  a  une  très-grande  caverne  qu'on  appelle  Pen- 
park-hole  ,  au  fond  de  laquelle  on  trouve  de  l'eau  à 
3 1  braffes  de  profondeur  ;  on  y  trouve  auffi  des  fi- 
lons de  mine  de  plomb. 

On  voit  bien  que  la  caverne  de  Devil's-ho!e  ,  & 
les  autres  dont  il  fort  de  groffes  fontaines  ou  des  ruif- 
feaux ,  ont  été  creufées  &  formées  par  les  eaux  qui 
ont  emporté  les  fables  &  les  matières  divifées ,  qu'on 
trouve  entre  les  rochers  &  les  pierreà  ;  &  on  auroit 
tort  de  rapporter  l'origine  de  ces  cavernes  aux  ébou- 
lemens  &  aux  tremblemens  de  terre. 

Une  des  plus  Ûngulieres  &:  des  plus  grandes  caver- 
nes que  l'on  connoille ,  eft  celle  d'Antiparos ,  dont  M . 
de  Tournefort  nous  a  donné  une  ample  defeription. 
On  trouve  d'abord  une  caverne  ruftique  d'environ  30 
pas  de  largeur,  partagée  par  quelques  piliers  natu- 
rels ;  entre  les  deux  piliers  qui  font  fur  la  droite ,  il 
y  a  un  terrein  en  pente  douce ,  &  enfuite  julqu'au 
tond  de  la  même  caverne  une  pente  plus  rude  d'envi- 
ron 20  pas  de  longueur  :  c'eft  le  partage  pour  aller  à 
la  grotte  ou  caverne  intérieure;  &  ce  paffage  n'eft 
qu'un  trou  fort  obfcur ,  par  lequel  on  ne  fauroit  en- 
trer qu'en  fe  baiffant ,  6c  au  fecours  des  flambeaux. 
On  defeend  d'abord  dans  un  précipice  horrible,  à 
L'aide  d'un  cable  que  l'on  prend  la  précaution  d'at- 
tacher tout  à  l'entrée  ;  on  fe  coule  dans  un  autre  bien 
plus  effroyable  ,  dont  les  bords  font  fort  gliiî'ans ,  & 
répondent  fur  la  gauche  à  des  abyfmes  profonds.  On 
place  fur  les  bords  de  ces  gouffres  une  échelle,  au 
moyen  de  laquelle  on  franchit,  en  tremblant,  un 
rocher  tout-  à  -  fait  coupé  à  plomb  ;  on  continue  à 
glifier  par  des  endroits  un  peu  moins  dangereux: 
mais  dans  le  tems  qu'on  fe  croit  en  pays  praticable  , 
le  pas  le  plus  affreux  vous  arrête  tout  court ,  6c  on 
s  )  cafleroit  la  tête,  fi  on  n'étoit  a\  ertj  ou  an 
les  guides.  Pour  le  franchir,  il  faut  le  couler  lui  le 
dos  le  longd'un  gros  rocher  .  cv  delcendre  une  échelle 
qu'il  faut  porter  exprès  ;  quand  On  eft  arrive  au  bas 
de  l'échelle ,  on  fe  rouie  quelque  tems  encore  fur  des 
rochers ,  6c  enfin  on  arrive  dans  la  grotte.  On  compttf 

GGggg 


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C  A  V 


trois  cents  brafles  de  profondeur  depuis  la  furface  de 
la  terre  ;  la  grotte  paroît  avoir  40  brafles  de  hauteur 
fur  50  de  large  ;  elle  eft  remplie  de  belles  &  grandes 
ftalaftites  de  différentes  formes  ,  tant  au-deflus  de  la 
voûte ,  que  fur  le  terrein  d'en  bas.  Voye?^  le  Voyait 
du  Levant ,  pag.  188.  &fuiv. 

Dans  la  partie  de  la  Grèce  appellée  Livadie  , 
(  Achaia  des  anciens  )  il  y  a  une  grande  caverne  dans 
une  montagne  qui  étoit  autrefois  fort  fameufe  par 
les  oracles  de  Trophonius ,  entre  le  lac  de  Livadie 
&  la  mer  voifine  ,  qui ,  dans  l'endroit  le  plus  près , 
en  eft  à  quatre  milles  :  il  y  a  40  paflages  foûterreins 
à  travers  le  rocher ,  fous  une  haute  montagne  par 
011  les  eaux  du  lac  s'écoulent.  Voye{  Géographie  de 
Gordon  ,  édit.  de  Londres  Ij33-P<igc  IJ9- 

Dans  tous  les  volcans ,  dans  tous  les  pays  qui  pro- 
duifent  du  foufre ,  dans  toutes  les  contrées  qui  font 
fujettes  aux  tremblemens  de  terre ,  il  y  a  des  caver- 
nes. Le  terrein  de  la  plupart  des  îles  de  l'Archipel  eft 
caverneux  prefque  par-tout  ;  celui  des  îles  de  l'Océan 
Indien,  principalement  celui  des  îles  Moluques,  ne 
paroît  être  foûtenu  que  fur  des  voûtes  &c  des  conca- 
vités ;  celui  des  îles  Açores ,  celui  des  îles  Canaries , 
celui  des  îles  du  cap  Verd,  &  en  général  le  terrein 
de  prefque  toutes  les  petites  îles ,  eft  à  l'intérieur 
creux  &  caverneux  en  plufieurs  endroits  ;  parce  que 
ces  îles  ne  font ,  comme  nous  l'avons  dit ,  que  des 
pointes  de  montagnes  où  il  s'eft  fait  des  éboulemens 
confidérables ,  foit  par  l'aclion  des  volcans ,  foit  par 
celle  des  eaux,  des  gelées,  &  des  autres  injures  de 
l'air.  Dans  les  Cordelières  au  Pérou,  où  il  y  a  plu- 
fieurs  volcans,  &  où  les  tremblemens  de  terre  font 
fréquens ,  il  y  a  aufli  un  grand  nombre  de  cavernes , 
de  même  que  dans  le  volcan  de  File  de  Banda,  dans 
le  mont  Ararat,  qui  eft  un  ancien  volcan,  &c. 

Le  fameux  labyrinthe  de  l'île  de  Candie  n'eft  pas 
l'ouvrage  de  la  nature  toute  feule.  M.  de  Tournefort 
allure  que  les  hommes  y  ont  beaucoup  travaillé,  & 
on  doit  croire  que  cette  caverne  n'eft  pas  la  leule  que 
les  hommes  ayent  augmentée  ;  ils  en  forment  tous 
les  jours  de  nouvelles ,  en  fouillant  les  mines  &  les 
carrières  ;  &  lorfqu'elles  font  abandonnées  pendant 
un  très-long  efpace  de  tems  ,  il  n'eft  pas  fort  ailé  de 
reconnoître  fi  ces  excavations  ont  été  produites  par 
la  nature,  ou  faites  de  la  main  des  hommes.  On  con- 
noît  des  carrières  qui  font  d'une  étendue  très-confi- 
dérable  :  celle  de  Maftricht ,  par  exemple ,  011  l'on 
dit  que  50000  perfonnes  peuvent  fe  réfugier,  &  qui 
eft  foûtenue  par  plus  de  1000  piliers ,  qui  ont  20  ou 
24  pies  de  hauteur  ;  l'épaifleur  de  terre  Se  de  rocher 
qui  eft  au-deffus ,  eft  de  plus  de  25  brafles  :  il  y  a  dans 
plufieurs  endroits  de  cette  carrière  de  l'eau  &  de  pe- 
tits étangs,  où  on  peut  abreuver  du  bétail,  &c.  V.  Tr. 
Phil.  abr.  vol.  II.  page  46  3.  Les  mines  de  fel  de  Po- 
logne forment  des  excavations  encore  plus  grandes 
que  celle-ci.  Il  y  a  ordinairement  de  vaftes  carrières 
auprès  de  toutes  les  grandes  villes  :  mais  nous  n'en 
parlerons  pas  ici  en  détail  ;  d'ailleurs  les  ouvrages 
des  hommes ,  quelque  grands  qu'ils  puiflent  être  , 
ne  tiendront  jamais  qu'une  bien  petite  place  dans 
l'hiftoire  de  la  Nature. 

Les  volcans  &  les  eaux  qui  produifent  des  caver- 
nes dans  l'intérieur ,  forment  aufli  à  l'extérieur  des 
fentes  ,  des  précipices  &  des  abyfmes.  A  Cajétan  en 
Italie  ,  il  y  a  une  montagne  qui  autrefois  a  été  fépa- 
rée  par  un  tremblement  de  terre ,  de  façon  qu'il  iem- 
ble  que  la  divifion  en  a  été  faite  par  la  main  des 
hommes.  Les  eaux  produifent  ,  auflî  -  bien  que  les 
feux  foûterreins ,  des  afïaiflemens  de  terre  confidéra- 
bles ,  des  éboulemens  ,  des  chûtes  de  rochers  ,  des 
renverfemens  de  montagnes  dont  nous  pouvons  don- 
ner plufieurs  exemples. 

»  Au  mois  de  Juin  17 14  ,  une  partie  de  la  monta- 
«  gne  de  Diableret ,  en  Valais ,  tomba  lûbitement 


C  A  V 

»  &  tout-à-la-fois  entre  deux  &  trois  heures  après 
»  midi ,  le  ciel  étant  fort  lerein  ;  elle  étoit  de  figure 
»  coniqife  ;  elle  renverfa  cinquante -cinq  cabanes 
»  de  payfans  ,  écrafa  quinze  perfonnes  ,  8c  plus  de 
»  cent  bœufs  &  vaches  ,  &  beaucoup  plus  de  menti 
»  bétail  ,  &  couvrit  de  fes  débris  une  bonne  lieue 
»  quarrée  ;  il  y  eut  une  profonde  obfcurité  caufée 
»  par  la  poufliere  ;  les  tas  de  pierres  amafites  en  bas 
»  font  hauts  de  plus  de  trente  perches  ,  qui  font  ap- 
»  paremment  des  perches  du  Rhin  ,  de  dix  pieds  ; 
»  ces  amas  ont  arrêté  des  eaux  qui  forment  de  nou- 
»  veaux  lacs  fort  profonds.  Il  n'y  a  dans  tout  cela 
»  aucun  veftige  de  matière  bitumineufe  ,  ni  de  fou- 
»  fre  ,  ni  de  chaiix  cuite ,  ni  par  conféquent  de  feu 
»  foûterrein  :  apparemment  la  baie  de  ce  grand  ro- 
»•  chers'étoit  pourrie  d'elle-même  &  réduite  en  pouf- 
»  fiere».  Hijl.  de  C Acad.  des  Scienc.pag  4.  ann.  Ijl5. 

On  a  vu  un  exemple  remarquable  de  ces  affaifle- 
mens  dans  la  province  de  Kent ,  auprès  de  Folkfto- 
ne  :  les  collines  des  enviions  ont  baille  de  diftance 
en  diftance  par  un  mouvement  infenfible  ôc  fans  au- 
cun tremblement  de  terre.  Ces  coilincs  font  à  l'inté- 
rieur de  rochers  de  pierre  &  de  craie  ;  par  cet  affaif- 
fement  elles  ont  jette  dans  la  mer  des  rochers  &  des 
terres  qui  en  étoient  voifines  :  on  peut  voir  la  rela- 
tion de  ce  fait  dans  les  Tranjaclions  philofophiqu.es  s 
abreg.  vol.  IV.  pag.  zSg . 

En  1 6 1 8  ,  la  ville  de  Pleurs ,  en  Valteline ,  fut  en- 
terrée fous  les  rochers  au  pié  defquels  elle  étoit  fi- 
tuée.  En  1678  ,  il  y  eut  une  grande  inondation  en 
Gaicogne  ,  caufée  par  l'affaifiement  de  quelques  mor- 
ceaux de  montagnes  dans  les  Pyrénées  ,  qui  firent 
fortir  les  eaux  qui  étoient  contenues  dans  les  caver- 
nes foûterraines  de  ces  montagnes.  En  1680,  il  en 
arriva  encore  une  plus  grande  en  Irlande  ,  qui  avoit 
aufli  pour  caufe  l'arfaiflement  d'une  montagne  dans 
des  cavernes  remplies  d'eau.  On  peut  concevoir  aifé- 
ment  la  caule  de  tous  ces  effets  ;  on  fait  qu'il  y  a 
des  eaux  foûterreines  en  une  infinité  d'endroits  ;  ces 
eaux  entraînent  peu  à  peu  les  fables  &  les  terres  à 
travers  lelquels  elles  paflent ,  6c  par  conféquent  elles 
peuvent  détruire  peu  à  peu  la  couche  de  terre  fur 
laquelle  porte  cette  montagne  ;  &  cette  couche  de 
terre  qui  lui  fert  de  bafe  venant  à  manquer  plutôt 
d'un  côté  que  de  l'autre  ,  il  faut  que  la  montagne  fe 
renverle  :  ou  fi  cette  bafe  manque  à  peu  près  égale- 
ment par-tout ,  la  montagne  s'affaifle  fans  fe  renver- 
fer.  Cet  article  appartient  tout  entier  à  M,  de  Buffon , 
Hijloire  naturelle  ,  tome  1.  page  544  ,  &C 

CAVERNEUX  (  corps  )  terme  d'Anatomie  ,  qui  li- 
gnifie la  même  choie  que  corps  nerveux  &  corps  fpon- 
gieux  ,  font  deux  corps  plus  ou  moins  longs  &  gros, 
dont  la  partie  la  plus  confidérable  de  la  verge  eft 
compofée.  Voye^  Planche  Anat.  Splanch.  fig.  8.  lett. 
aa  ,  bb  &  tt. 

Leur  fubftance  interne  eft  rare  &  fpongieufe  ;  & 
lorlquelie  vient  à  s'emplir  de  fang  &  d'elprits  ,  elle 
s'entle  &  fe  dilate  ,  &  c'eft  ce  qui  fait  la  tenfion  ou 
éreftion  de  la  verge.  Voye^  Érection. 

Ils  font  attachés  à  la  branche  des  os  pubis  ,  &  à 
celle  des  os  ilehion  ;  ils  vont  en  augmentant  de  grofi 
feur  jufqu'à  ce  qu'ils  rencontrent  le  corps  caverneux 
de  l'urethre ,  où  ils  fe  joignent  en  un ,  ec'font  retenus 
par  le  moyen  de  la  cloilon  compofée  de  leurs  tuni- 
ques externes  ,  &  recouverts  à  l'extrémité  par  le 
gland.  Voye^  Gland. 

Le  corps  caverneux  de  l'urethre  eft  un  troifieme 
corps  fpongieux  de  la  verge  ,  ainfi  appelle  parce 
qu'il  enferme  l'urethre,  c'eft-à-dire ,  le  canal  qui  fert 
au  paffage  de  l'urine. 

Sa  figure  ,  contraire  de  celle  des  deux  corps  ca- 
verneux ,  a  plus  de  groffeur  aux  extrémités  ,  &  moins 
au  milieu  ;  fa  partie  fupérieure  eft  au  périnée ,  & 
s'appelle  bulbe  à  caufe  de  fa  figure.  Sa  membrane  ex- 


C  A  V 

terne  eft  mince ,  &  divifée  en  longueur  par  une  cloi- 
fon.  Le  milieu  de  ce  corps  eit  à  peu  près  cylindri- 
que. Le  paffage  de  l'urine  n'eft  pas  fitué  précifément 
au  centre ,  mais  un  peu  incliné  vers  fa  partie  fupé- 
rieure  ,  près  du  corps  du  pénis  ;  fon  extrémité  inté- 
rieure forme  en  fe  dilatant  ce  qu'on  appelle  le  gland. 
Voyt^  Gland. 

Les  corps  caverneux  du  clitoris  font  deux  corps 
nerveux  ou  fpongieux  femblables  à  ceux  du  pénis  , 
qui  prennent  leur  origine  des  deux  côtés  de  la  par- 
tie inférieure  de  l'os  pubis,  &  s'uniffant  enfemble  , 
forment  le  corps  du  clitoris  comme  dans  l'homme  ils 
forment  celui  de  la  verge.  Voye^  Clitoris. 

Il  eit  vrai  que  le  clitoris  n'elt  pas  percé  au  milieu 
•  comme  le  pénis ,  mais  les  corps  caverneux  ont  une 
cloifon  ou  léparation  membraneufe  qui  règne  tout 
du  long  entre  deux,  &  qui  les  divife  depuis  le  gland 
jufqu'à  l'endroit  voifin  de  l'os  pubis  ,  oii  ils  fe  parta- 
gent en  deux  branches  qu'on  appelle  branches  du  cli- 
toris ,  crura  clitoridis. 

hcsjînus  caverneux  de  la  dure-mere  Ou  finus  laté- 
raux de  l'os  fphénoide  ,  font  des  réfervoirs  litués  aux 
parties  latérales  de  la  felle  fphénoidale  qui ,  outre  le 
fang  qu'ils  contiennent ,  renferment  encore  des  vaif- 
feaux  &  des  nerfs.  Voye^  Vaisseau  &  Nerf.  (  L  ) 

CAVERNIECK ,  (  Gêog.  )  petite  ville  de  la  Prune 
Polonoife ,  dans  la  province  de  Michelow ,  près  de  la 
rivière  de  Dribcntz. 

*  CAVESCO  ,  (  Commerce  )  mefure  dont  on  fe 
fert  en  Elpagne  ,  qui  répond  aux  environs  de  dix- 
fept  de  nos  livres. 

CAVESSE  DE  MAURE.  Voye^  Cap  de  Maure 

&  ROUHAN. 

C  A  VET,  f.  m.  (  Architecture*)  du  latin  cavus , 
creux  ;  c'eft  une  moulure  concave  faifant  l'effet  con- 
traire du  quart  de  rond  :  cette  moulure  a  meilleure 
grâce  dans  les  cimailes  intérieures  des  corniches  que 
dans  les  fupérieures,  malgré  l'exemple  du  théâtre  de 
Marcellusoù  on  l'a  employée  dans  l'ordre  dorique  : 
quelquefois  on  prend  pour  cette  moulure  ,  l'arc  qui 
etl  foûtenu  par  un  côté  du  triangle  équilatéral  inl- 
crit ,  quand  on  veut  qu'elle  foit  moins  reffentie  que 
le  quart  du  rond  ;  au  relie  le  goût  fait  varier  fa  pro- 
fondeur à  diferétion. 

*  CAVIAR ,  (  Antiquité.  )  L'on  nommoit  ainfi  une 
longe  de  cheval  que  Ton  offroit  tous  les  cinq  ans  pour 
le  collège  des  prêtres.  On  ne  nous  dit  point  à  quelle 
divinité.  On  faifoit  un  pareil  facrifice  tous  les  ans  au 
mois  d'Octobre  au  dieu  Mars;  la  victime  étoit  un 
cheval  que  l'on  nommoit  October  equus.  Le  rit  exi- 
geoit  que  la  queue  de  ce  cheval  fut  tranfportée  avec 
tant  de  vîteffe  du  champ  de  Mars  ,  oii  on  la  coupoit , 
jufqu'au  temple  du  dieu ,  qu'il  en  tombât  encore  des 
gouttes  de  fang  dans  le  reu ,  quand  on  y  arrivoit. 
Vo\  <.'£  Fefius  ,  Caviares  hofliœ. 

*  CAVIARI  SCKARI,  (Commerce)  c'efl  le  nom 
que  l'on  donne  en  Ruffie  à  des  œufs  d'elturgeon ,  que 
l'on  y  prépare  de  la  manière  iuivante  ;  on  ote  de  def- 
fus  la  pellicule  qui  les  enveloppe;  on  les  laupoudre 
de  tel,  &  on  les  huile  pendant  huit  jours  dans  cet 
état  ;  au  bout  de  ce  tems,on  y  mêle  du  poivre  6c  des 
oignons  coupés  en  petits  morceaux  :  on  laiiie  fer- 
menter ce  mélange.  Les  Italiens  en  tont  venir  une 
grande  quantité  ;  ils  le  regardent  comme  un  manger 
fort  délicat  :  mais  on  prétend  qu'il  eit  très-mal  fain 
6c  fiévreux. 

CAVILLONE,  poijfon.    Voye^  SURMULET. 
CAVIN,  f.  m.  (  Fortification  )  eit  un  lieu  creux  pro- 
pre à  couvrir  un  corps  de  troupes  ,  &  à  favorifer  les 

approches  d'une  place. 

Les  cavins  qui  le  trouvent  auprès  d'une  place  af- 
fiégée  font  d'un  grand  a\  antage  aux  affiégeans;  puil- 
cpie  par  leur  moyen  lis  peuvent  ouvrir  la  tranchée  , 


C  A  U 


787 


çonuruire  de* places  d'armes,  mettre  à  couvert  la 
cavalerie ,  fans  être  expolés  au  feu  des  affrétés.  (O) 

CAVIN  AS  ,  (  Les  )  (  Géog.  )  peuple  de  ï'Améri- 
que  méridionale ,  dans  la  province  de  Charcas. 

C  A  U  L  E  T  ,  (  Géog.  )  rivière  de  France  dans  le 
Languedoc,  qui  prend  fa  fource  au  dijcefe  de  Caf- 
tres. 

CAUMONT ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  en 
Guienne ,  dans  le  Bazadois ,  fur  la  Garonne. 

CAUNE  ,  (  la  )  (  Géog.  )  petite  ville  de  France , 
au  haut  Languedoc  ,  au  diocefe  de  Caftres ,  fur  les 
confins  du  Rouergue.  Il  y  a  dans  cette  province  une 
autre  ville  de  ce  nom  ,  au  diocefe  de  CarcaiTonne. 

CAVOLA.,  {Géog.  )  fortereffe  d'Italie  ,  dans  l'é- 
tat de  la  république  de  Venife  ,  fur  la  rivière  de 
Brente. 

*  CAURIS  ,  (  Hifl.  mod.  commerce)  efpece  de  pe- 
tites coquilles  ,  qui  tient  lieu  de  monnoie  dans  quel- 
ques endroits  des  Indes  orientales. 

CAURZIM ,  (  Géog.  )  ville  de  Bohème  ,  dans  le 
cercle  de  même  nom ,  entre  Prague  &  Czallaw. 

CAUS*E,  1.  f.  (  Métaphyf.')  En  voyant  tous  les 
jours  changer  les  chofes  ,  &  en  coniïdérant  qu'elles 
onteu  un  commencement,  nous  acquérons  1' 
ce  qu'on  nomme  caufe  ck  effet.  La  caufe  eft  tout  ce  par 
l'efficace  de  quoi  une  choie  eit;  &  effet,  tout  tc  qui 
eft  par  l'efficace  d'une  caufe.  Toute  caufe ,  par  cela 
même  quelle  produit  un  effet,  peut-être  appellée 
efficiente  :  mais  comme  il  y  a  différentes  manières  de 
produire  un  effet  ,  on  diftingue  diverfes  fortes  de 
caufes.  Il  y  a  des  caufes phyfiques ,  des  caufis  morales  , 
&  des  caufes  infirumen taies.  J'appelle  caufes phj 
toutes  celles  qui  prodiiifent  immédiatement  par  elles- 
mêmes  leur  effet.  Je  nomme  caufes  morales"  t  celles  qui 
ne  le  produifent  que  dépendamment  d:- 
J:que,de  laquelle  il  émane  immédiatement.  Les  cau- 
fes infrumentales  ont  cela  de  commun  avec  le 
morales,  qu'elles  ne  produifent  pas  par  elles-mêmes 
leur  effet ,  mais  feulement  par  l'intervention  d'une 
caufe phyfique ;  &  c'elt  pourquoi  on  donne  aux  unes 
6c  aux  autres  le  nom  de  caufes  occafrcnnelles  :  mais 
ce  qui  met  entr'elles  beaucoup  de  différence ,  c'eft 
que,  fi  les  premières  ne  iont  que  caufes  morales  dans 
les  effets  qu'elles  produifent  occajionnellement ,  du 
moins  elles  font  caufes  phyfiques  de  l'effet  par  lequel 
elles  deviennent  caufes  occafionmlles  d'un  autre  effet; 
au  lieu  que  les  caufes  purement  infrumentales  n'étant 
douées  d'aucune  force  ni  d'aucune  activité ,  demeu- 
rent toujours  renfermées  dans  la  iphere  de  caufes  pu- 
rement occasionnelles  :  telle  eft ,  par  exemple ,  la  ma- 
tière, qui  d'elle-même  eit  brute,  infenfible  &  in;<cti- 
ve.  Il  n'en  eit  pas  de  même  des  efprits  ,  dont  la  na- 
ture eft  d  être  actits,  &  par  conféquent  d'être  caufes 
phyfiques  :  il  mon  ame  n'eft  que  caufe  occafionnelle  des 
divers  mouvemens  qu'elle  tait  naître  dans  l'ame  de 
ceux  avec  qui  je  m'entretiens,  du  moins  elle  eit  cauft 
phyfque  de  les  déterminations  particulières. 

C'eft  ici  le  lieu  d'examiner  (  manière  l'ame 

agit  fur  le  corps  :  eft-elle  c..-;.  . 

que  caufe  occafionnelle  des  divers  mouvemens  qu'elle 
lui  imprime?  Ici  les  fentimens  des  philofophc 
partagés  ;  &  l'on  peut  dire  que  dar.s  e. 
les  derniers  efforts  de  !.i  philofophie  pourroient bien 
s'épuifer  inutilement  pour  la  réfoudre!  :  s 
de  l'Harmonie  préétabli   .  !  - 

auteur,  tranche  tout  d'un  coup  la  difficulté     . 
mage  que  ce  fyftème  détruife  la  liberté ,  ex.  qu'il  ren- 
de douteufe  lexiftence  du  monde  corporel.  • 
cet  article ,  ou  nou^  avons  démontré  l'un  &  l'autre.  Le 
fyftème  ancien  de  l'influence  réelle  de  l'ame  fur  le 
corps ,  détruit  par  notre  Défi 
branche  fon  fi  ï(  e  difciple  ,  ie  trou    - 
neurparlep  ni  que  lui  prête  ird'hûi 

les  philolophes  Ang!o;s.  Dieu,  '.^  .me,  a 

GGbSS  'J 


788 


C  A  U 


renfermé  l'efficace  qu'il  communique  à  l'ame  en  la 
créant ,  dans  les  bornes  du  corps  organilé  auquel  il 
l'unit  ;  l'on  pouvoir  eft  limité  à  cette  petite  portion 
de  matière  ,  ôv  même  elle  n'en  jouit  qu'avec  certai- 
nes reftrictions  qui  font  les  lois  de  l'union.  Ce  fyftè- 
me  moins  fubtil ,  moins  rafiné  que  celui  des  caufès  oc- 
cajîonnelles ,  plaît  d'autant  plus  à  la  plupart  des  ef- 
prits,  qu'il  s'accorde  affez  bien  avec  le  lentiment  na- 
turel, qui  admet  dans  l'ame  une  efficace  réelle  pour 
mouvoir  la  matière:  mais  ce  fyftème  qu'on  nous  don- 
ne ici  fous  le  nom  radouci  dejentiment  naturel,  ne  lé- 
roit-il  point  plutôt  l'effet  du  préjugé  ?  En  effet ,  ce 
pouvoir  d'un  efprit  fini  fur  la  matière  ,  cette  influen- 
ce qu'on  lui  fuppofe  fur  une  fubftance  fi  diffemblable 
à  la  lienne ,  &  qui  naturellement  eft  indépendante  de 
lui ,  eft  quelque  choie  de  bien  oblcur.  Les  elprits 
étant  des  fubftances  actives ,  &  ayant  inconteftable- 
ment  le  pouvoir  de  fe  mouvoir  ou  de  fe  modifier  eux- 
mêmes  ,  il  eft  fans  doute  plus  raifonnable  de  leur 
attribuer  une  pareille  influence  fur  la  matière ,  que 
d'attribuer  à  la  matière ,  être  paffif  &  incapable  d'a- 
gir fur  lui-même ,  un  vrai  pouvoir  d'agir  fur  l'efprit , 
&  de  le  modifier.  Mais  cela  même  que  je  viens  d'ob- 
ferver  eft  un  fâc*heux  inconvénient  peur  ce  fyftème; 
il  ne  peut  dès-lors  être  vrai  qu'à  moitié.  S'il  explique 
en  quelque  forte  comment  le  corps  obéit  aux  volon- 
tés de  l'ame  par  l'es  mouvemens  ,  il  n'explique  point 
comment  l'ame  obéit  fidèlement  à  Ion  toyr  aux  im- 
preffions  du  corps  :  il  rend  raifon  de  l'action  ;  il  n'en 
rend  aucune  de  la  fenfation.  Sur  ce  dernier  point  on 
eft  réduit  à  recourir  aux  caufis  occafîonnelks ,  &  à  l'o- 
pération immédiate  de  Dieu  fur  l'ame.  Qu'en  coûte- 
t-il  d'y  avoir  auffi  recours  pour  expliquer  l'efficace 
des  deiîrs  de  l'ame  ?  le  fyftème  entier  n'en  fera  que 
plus  fimple  &  mieux  afforti. 

Ce  fyftème,  dit -on,  n'eft  nullement  philofophi- 
que ,  parce  qu'il  remonte  droit  à  la  première  caufe  ; 
&c  que  fans  apporter  de  raifons  naturelles  des  phéno- 
mènes qui  nous  embarraffent  ,  il  donne  d'abord  la 
volonté  de  Dieu  pour  tout  dénouement.  Autant  nous 
en  apprendra  ,  dit-on ,  l'homme  le  plus  ignorant  , 
s'il  eft  confulté  ;  car  qui  ne  fait  que  la  volonté  divine 
eft  h  première  caufe  de  tout?  Mais  c'eft  une  caufe  unl- 
verfelU:  or  ce  n'eft  pas  de  cette  caufe  qu'il  s'agit.  On 
demande  d'un  philofophe  qu'il  affigne  la  caufe  particu- 
lière de  chaque  effet.  Jamais  objection  ne  fut  plus  mé- 
prifable. Voulez-vous,  difoit  lep.  Malebranche,qu'un 
philofophe  trouve  des  caufes  qui  ne  font  point  ?  Le 
vrai  ufage  de  la  Philofophie,  c'eft  de  nous  conduire 
à  Dieu  ,  &  de  nous  montrer  par  les  effets  mêmes  de 
la  nature ,  la  néceffité  d'une  première  caufe.  Quand  les 
effets  font  fubord.onnés  les  uns  aux  autres ,  &  fournis 
à  certaines  lois  ,  la  tâche  du  philofophe  eft  de  dé- 
couvrir ces  lois ,  &  de  remonter  par  degrés  au  pre- 
mier principe  ,  en  fuivant  la  chaîne  des  caufes fécon- 
des. Il  n'y  a  point  de  progrès  de  caufes  à  l'infini;  & 
c'eft  ce  qui  prouve  l'exiftence  d'un  Dieu ,  la  plus 
importante  ce  la  première  des  vérités.  La  différence 
du  payfan  au  philofophe ,  qui  tous  deux  font  égale- 
ment convaincus  que  la  volonté  de  Dieu  fait  tout , 
c'eft  que  le  philofophe  voit  pourquoi  elle  fait  tout , 
ce  que  le  payfan  ne  voit  pas  ;  c'eft  qu'il  fait  difeerner 
les  effets  dont  cette  volonté  eft  caufe  immédiate ,  d'a- 
vec les  effets  qu'elle  produit  par  l'interveation  des 
caufes  fécondes ,  &  des  lois  générales  auxquelles  ces 
caufes  fécondes  font  foûmifes. 

On  fait  une  féconde  objection  plus  confidérable 
que  la  première  :  c'eft ,  dit-on ,  réduire  l'action  de  la 
divinité  à  un  pur  jeu  tout-à-fait  indigne  d'elle ,  que 
d'établir  des  caufes  occaflonnelles .  Ces  caufes  feront  en 
même  tems  l'effet  &  la  règle  de  l'opération  divine  ; 
l'action  qui  les  produit  leur  fera  foûmife.  Tant  que 
cette  objection  roulera  fur  les  lois  qui  règlent  la  com- 
munication des  mouvemens  entre  les  différentes  par- 


C  A  U 

ties  de  la  matière ,  on  ne  peut  nier  qu'elle  n  e  folt  plan 
fible.  En  effet ,  fi  les  corps  n'ont  aucune  activité  par 
eux-mêmes ,  les  lois  du  mouvement ,  dans  le  fyftème 
du  P.  Malebranche,femblent  n'être  qu'une  jeu  :  mais 
de  cet  inconvénient  ne  fubfifte  plus  dès  qu'on  appli- 
que le  fyftème  à  l'union  du  corps  &  de  l'ame.  Quoi- 
que l'ame  n'ait  aucune  efficace  réelle  fur  les  corps  , 
il  fuffit  qu'elle  ait  le  pouvoir  de  fe  modifier ,  qu'elle 
foit  caufe  phyfque  de  fes  propres  volontés  ,  pour  ren- 
dre très-fage  l'étabiiffement  d'une  telle  ame  comme 
caufe  occafionnelle  de  certains  mouvemens  du  corps. 
Ici ,  comme  l'utilité  de  l'ame  eft  le  but,  la  volonté 
de  l'ame  eft  la  règle.  Cette  volonté  étant  une  caufe 
phyfique  de  fes  propres  actes  ,  eft  par-là  diltinéte  de 
la  volonté  de  Dieu  même,  &  peut  devenir  une  re-* 
gle  &  un  principe  dont  la  iageffe  divine  tait  dépen- 
dre les  changemens  de  la  matière.  Les  volontés  d'un 
efprit  créé  ,  dès-là  qu'elles  font  produites  par  cet  ef- 
prit ,  font  une  caufe  mitoyenne  entre  la  volonté  de 
Dieu  &  les  mouvemens  des  corps ,  qui  rend  raifon 
de  l'ordre  de  ces  mouvemens ,  &  qui  nous  difpenfe 
de  recourir ,  pour  les  expliquer ,  à  la  volonté  immé- 
diate de  Dieu  :  &  c'eft ,  ce  lemble,  le  feul  moyen  de 
diftinguer  les  volontés  générales  d'avec  les  particu- 
lières. Les  unes  &  les  autres  produilent  bien  immé- 
diatement l'effet  :  mais  dans  celles-ci  la  volonté  n'a 
de  rapport  qu'à  cet  effet  fingulier  qu'elle  veut  pro- 
duire ;  au  lieu  que  dans  celle-là  on  peut  dire  que  Dieu 
n'a  voulu  produire  cet  effet ,  que  parce  qu'il  a  voulu 
quelqu'autre  chofe  dont  cet  effet  eft  la  conféquen- 
ce.  C'eft  bien  une  volonté  efficace  de  Dieu  qui 
me  fait  marcher  :  mais  il  ne  veut  me  faire  marcher 
qu'en  conféquence  de  ce  qu'il  a  voulu  une  fois  pour 
toutes ,  que  les  mouvemens  de  mon  corps  fuiviffent 
les  defirs  de  mon  ame.  La  volonté  que  j'ai  de  mar- 
cher ,  eft  une  caufe  mitoyenne  entre  le  mouvement  de 
mon  corps  &  la  volonté  de  Dieu.  Je  marche  en  vertu 
d'une  loi  générale.  Mon  ame  eft  vraie  caufe  des  mou- 
vemens de  mon  corps,  parce  qu'elle  eft  caufe  de  fes 
propres  volontés  ,  auxquelles  il  a  più  au  Créateur 
d'attacher  ces  mouvemens.  Ainfi  les  actions  corpo- 
relles avec  toutes  leurs  luites  bonnes  ou  mauvaises , 
lui  font  juftement  imputées  ;  elle  en  eft  vraie  caufe 
félon  l'ufage  le  plus  commun  de  ce  terme.  Cauje  , 
dans  le  langage  ordinaire ,  lignifie  une  raifon  par  la- 
quelle un  effet  eft  diftingué  d'un  autre  effet ,  &C  non 
cette  efficace  générale  qui  influe  dans  tous  les  effets. 
Pour  rendre  les  hommes  refponfables  de  leurs  ac- 
tions ,  il  importe  fort  peu  qu'ils  les  produifent  ou  non 
par  une  efficace  naturelle  ,  par  un  pouvoir  phyfique 
que  le  Créateur  ait  donné  à  leur  ame  en  la  formant, 
de  mouvoir  le  corps  qui  lui  eft  uni  :  mais  il  importe 
beaucoup  qu'ils  foient  caufes  morales  ou  libres  ;  il  im- 
porte beaucoup  que  l'ame  ait  un  tel  empire  fur  fes 
propres  actes ,  qu'elle  puiffe  à  ion  gré  vouloir  ou  ne 
vouloir  pas  ces  mouvemens  corporels  qui  fuivent 
néceffairement  fa  volonté.  Oftez  toute  action  aux 
corps  ,  &  faites  mouvoir  l'univers  par  l'efficace  des 
volontés  divines,  toujours  appliquées  à  remuer  la 
matière ,  les  lois  du  mouvement  ne  feront  point  un 
jeu  ,  dès  que  vous  conferverez  aux  eiprits  une  véri- 
table efficace  ,  un  pouvoir  réel  de  fe  modifier  eux- 
mêmes  ,  &  dès  que  vous  reconnoîfrez  qu'un  certain 
arrangement  de  la  matière  à  laquelle  Dieu  les  unit  , 
devient  pour  eux ,  par  les  diverfes  feniations  qu'il  y 
excite  ,  une  occaiioh  de  déployer  leur  activité. 

Outre  les  caufes phyfîques ,  morales  ,  &  inflrumenta- 
lee,  on  en  diftingué  encore  de  plufieurs  iortes  ;  la- 
voir ,  la  caufe  matérielle ,  la  caufe  formelle  ,  la  caufe 
exemplaire ,  la  caufe  finale.  La  caufe  matérielle  eit  le  lu- 
jet  fur  lequel  l'agent  travaille,  ou  ce  dont  la  chofe 
eit  formée  ;  le  marbre ,  par  exemple  ,  eft  la  caufe  ma- 
térielle d'une  ftatue.  La  caufe  formelle,  c'eft  ce  qui  dé- 
termine une  chofe  à  être  ce  qu'elle  eit ,  ce  qui  la  dif- 


C  AU 

lingue  de  toute  autre  :  la  caufie  formelle  s'unifTant  à  la 
matérielle ,  produit  le  corps  ou  le  compofé.  La  caufi 
exemplaire  ,  c'eft  le  modèle  que  fe  propofe  l'agent , 
6c  cpii  le  dirige  dans  ion  action  :  ce  modèle  eft  ou 
intrinfeque ,  ou  extrinfeque  à  l'agent  ;  dans  le  pre- 
mier cas  ,  il  fe  confond  avec  les  idées  archétypes , 
voye^  Idée  ;  dans  le  fécond  cas  ,  il  fe  prend  pour 
toutes  les  riches  productions  de  la  nature  ,  &  pour 
tous  les  ouvrages  exquis  de  L'ART,  foy,  ces  deux  arti- 
cles. Pour  ce  qui  regarde  les  caufies  finales  ,  conful- 
tez  l'article  fuivant.  (AT) 

Causes  finales.  (Métaphyf.)  Le  principe  des 
caufies  finales  confifte  à  chercher  les  cauj'es  des  effets 
de  la  nature  par  la  fin  que  Ion  auteur  a  dû  fe  pro- 
pofer  en  produifant  ces  effets.  On  peut  dire  plus 
généralement ,  que  le  principe  des  cauj'es  finales  con- 
fifte à  trouver  les  lois  des  phénomènes  par  dès  prin- 
cipes métaphyhques. 

Ce  mot  a  été  fort  en  ufage  dans  la  Philofophie 
ancienne  ,  où  l'on  rendoit  raifon  de  plufieurs  phéno- 
mènes ,  tant  bien  que  mal  ,  par  des  principes  méta- 
phyfioues  aufîi  tant  bons  que  mauvais.  Par  exem- 
ple on  difoit  :  Peau  monte  dans  les  pompes  ,  parce  que 
la  madère  a  horreur  du  vuide  ;  voilà  le  principe  mé- 
taphyfique  abfurde  par  lequel  on  expliquoit  ce  phé- 
nomène. AuiTile  chancelier  Bacon  ,  ce  génie  lubli- 
me  ,  ne  paroît  pas  faire  grand  cas  de  l'ufage  des 
caufies  finales  dans  la  Phyfique.  Caufi.irum  finalium  , 
dit-il  ,  invefiigatio  fierilis  ejl  ,  &  tanquam  virgo  Deo 
confecrata  ,  nil  parie.  De  augm.  fcitnt.  lib.  III.  c.  v. 
Quand  ce  grand  génie  parloit  ainfi  ,  il  avoit  fans 
doute  en  vue  le  principe  des  confies  finales  ,  employé 
même  d'une  manière  plus  raisonnable  que  ne  l'em- 
ployoicnt  les  fcholalliques.  Car  l'horreur  du  vuide  , 
par  exemple  ,  cil;  un  principe  plus  que  ftérile  ,  puis- 
qu'il eit  abfurde.  Bacon  avoit  bien  fenti  que  nous 
voyons  la  nature  trop  en  petit  pour  pouvoir  nous 
mettre  à  la  place  de  ion  auteur;  que  nous  ne  voyons 
que  quelques  effets  qui  tiennent  à  d'autres,  &  dont 
nous  n'appercevons  pas  la  chaîne  ;  que  la  fin  du 
Créateur  doit  prefque  toujours  nous  échapper  ,  & 
que  c'eiî  s'expofer  à  bien  des  erreurs  que  de  vouloir 
la  démêler ,  &  fur-tout  expliquer  par  là  les  phénomè- 
nes. Defcartes  a  fuivi  la  même  route  que  Bacon  , 
&  fa  philofophie  a  proferit  les  caufies  finales  avec  la 
fcholaftique.  Cependant  un  grand  philofophe  mo- 
derne ,  M.  Leibnitz ,  a  eflayé  de  reflufeiter  les  caufies 
finales,  dans  un  écrit  imprimé  ,  Act.erud.  i68z  , 
fous  le  titre  de  Unicum  Optiez ,  Catoptrica  ,  &  Diop- 
tries principium.  Dans  cet  ouvrage  M.  Leibnitz  le 
déclare  hautement  pour  cette  manière  de  philofo- 
pher  ,  tk.  il  en  donne  un  eifai  en  déterminant  les 
lois  que  fuit  la  lumière. 

La  nature  ,  dit-il ,  agit  toujours  par  les  voies  les 
plus  iimples  6v  les  plus  courtes  ;  c'en  pour  cela  qu'un 
rayon  de  lumière  dans  uu  même  milieu  va  toujours 
en  ligne  droite  tant  qu'il  ne  rencontre  point  d'ob- 
ftaclc  :  s'il  rencontre  une  furface  folide ,  il  doit  fe  re- 
fléchir de  manière  que  les  angles  d'incidence  &  de 
reflexion  foient  égaux  ;  parce  que  le  rayon  obligé 
de  fe  refléchir  ,  va  dans  ce  cas  d'un  point  à  un  autre 
par  le  chemin  le  pin-,  court  qu'il  cil  poihble.  Cela 
tê  trouve  démontré  partout.  Voye^  Miroir  &  Ri- 
fraction.  Enfin  ii  le  globule  lumineux  rencontre 
une  furface  tranfparente ,  il  doit  fe  rompre  de  maniè- 
re que  les  finus  d'incidence  cv  de  réfraction  foient  en 
ration  directe  des  vîtefles  dans  les  deux  milieux; 
parce  que  dans  ce  cas  il  ira  d'un  point  à  un  autre, 
dans  le  teins  le  plus  court  qu'il  eil  poihble. 

M.  de  M.  Leibnitz ,  s'étoit  fervi  de 

ce  même  principe  pour  déterminer  les  lois  de  la  ré- 
fraction ;  &  il  ne  faudrait  peut-être  que  ce  que  nous 
venons  de  dire ,  pour  démontrer  combien  l'uTage  des 
caufies  finales  eit  dangereux. 


C  A  U 


789 


En  eftèt ,  il  eft  vrai  9.1e  dans  la  réflexion  fur  les 
miroirs  plans  &  convexes ,  le  chemin  du  rayon  eil 
le  plus  court  qu'il  eft  poffible  :  mais  il  n'en  eft  pas 
de  même  dans  les  miroirs  concaves  ;  &  il  eft  aifé  de 
démontrer  que  ibuvent  ce  chemin,  au  lieu  d'être  le 
plus  court  ,  eft  le  plus  long.  J'avoiie  que  le  père 
Taquet,  qui  a  adopté  dans  fa  Catoptrique  ce  princi- 
pe du  plus  court  chemin,  pour  expliquer  la  réfle- 
xion ,  n'eft  pas  embarraiTé  de  la  difficulté  des  miroirs 
concaves.  Lorfque  la  nature  ,  dit-il  ,  ne  peut  pas 
prendre  le  chemin  le  plus  court ,  elle  prend  le  plus 
long  ;  parce  que  le  chemin  le  plus  long  eft  unique  6c 
déterminé ,  comme  le  chemin  le  plus  court.  On  peut 
bien  appliquer  ici  ce  mot  de  Ciceron  :  Nihil  tam  ab- 
fiurdum  excogitari  potefi ,  quod  diclum  non  fit  ab  aliquo 
philofophorum. 

Voilà  donc  le  principe  des  caufies  finales  en  défaut 
fur  la  reflexion.  C'eft  bien  pis  fur  la  réfraction  ;  car 
en  premier  lieu ,  pourquoi  dans  le  cas  de  la  réflexion , 
la  nature  fuit-elle  tout  à  la  fois  le  plus  court  chemin 
6c  le  plus  court  tems  ;  au  lieu  que  dans  la  refraction  , 
elle  ne  prend  que  le  plus  court  tems  ,  &  laiffe  le  plus 
court  chemin  ?  On  dira  qu'il  a  fallu  choilir  ;  parce 
que  dans  le  cas  de  la  réfraction ,  le  plus  court  tems 
&c  le  plus  court  chemin  ne  peuvent  s'accorder  en- 
femble.  A  la  bonne  heure  :  mais  pourquoi  préférer 
le  tems  au  chemin?  En  fécond  lieu  ,  fuivant  MM.  Fer- 
mat  &  Leibnitz ,  les  fmus  font  en  raifon  directe  des 
vîtefTes  ,  au  lieu  qu'ils  doivent  être  en  raifon  inver- 
fe.  Voye^  Réfraction  &  Action.  ReconnoifTons 
donc  l'abus  des  caufies  finales  par  le  phénomène  mê- 
me que  leurs  partifans  fe  propofem  d'expliquer  à 
l'aide  de  ce  principe. 

Mais  s'il  eft  dangereux  de  fe  fervir  des  caufies  fina- 
les à  priori  pour  trouver  les  lois  des  phénomènes  ;  il 
peut  être  utile  ,  &  il  eft  au  moins  curieux  de  faire 
voir  comment  le  principe  S  accorde 

avec  les  lois  des  phénomènes  ,    pourvu  qu'on  ait 
commencé  par  déterminer  ces  lois  d'après  des  prin- 
cipes de  méchanique  clairs  ôc  incontestables*.  C'eft 
ce  que  M.  de  Maupertuis  s'eft  propole  de  faire  à  l'é- 
gard de  la  réfraction  en  pai  an  m  •  oire 
imprimé  parmi  ceux  dt  Facaa  'mie  des  Sciences ,  ZJ44. 
Nous  en  avons  parlé  au  mot  Action.  Il  tait  à  la  fin 
&  au  commencement  de  ce  m<    toi  e,des  réflexions 
très-judicieufes  &  très-pb                  tes  fur  les  caufies 
finales.  Il  a  depuis  étendu  ces  rciiexions  ,  &  porté 
plus  loin  leur  ufage  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  de 
Berlin,  IJ46 ,  &  dans  fa Cofmologie.  Il  montre  dans 
ces  ouvrages  l'abus  qu'on  a  fait  du  principe  des  cau- 
fies finales , pour  donner  des  prêt  ;.ftencc  de 
Dieu  par  les  effet-,  le-,  moins  importans  de  la  nature  ; 
au  lieu  de  chercher  en  ■  tind  des  preuves  de  cette 
vérité  fi inconteftable.                       Cosmologie. 
Ce  qui  appartient  à  1                    <             r, ditM.de 
Fontenelle ,  femble  ê                  pins  au-deffus  de  no- 
tre foible  portée,  que  ce  qui  appartient  à  l'a  pu, 
ce.  Elo«c  de  M.  Leibnit^.  Vbye^  aulfi  des  reflexions 
très-fages  de  M.  de  Mairan  OIT  le  principe  des  caufies 
finales^ dans  les  Mém.  acad.  1  7Zj-  (°) 

Cause  ,  en  .V.  «  tique  6-  cnP:\ù.j:ie,  fe  dit  de 
tout  ce  qui  produit  du  changement  dans  l'état  d'un 
corps ,  c'eft-à-dire ,  qui  le  met  en  mouvement  ou  qui 
l'arrête  ,  ou  qui  altère  Ion  mouvement. 

C'eft  une  loi  générale  de  la  nature .  que  tout  corps 
perfifte  dans  Ion  état  de  rep<  s  ou  de  m 
julqu'à  ce  qu'il  furvienne  qu« 

cet  état.    *%■;-  Pro.u  ctiij- ,   c-  L  o  1  s    de    la 
Nature. 

Nous  ne  connoiffons  que  C^.u\  fortes 
pablesde  produire  ou  d'altérer  le  mouvement  dans 
les  corps  ;  les  unes  viennent  - 

les  corps  exercent  les  uns  fur  les  autres  à  raifon  de 
leur  impénétrabUité  :  telles  font  Pimpulfion  èc  les  ac- 


790 


C  A  U 


tions  qui  s'en  dérivent ,  finmc  la  tracYion.  Voyt{ 
ces  Jeux  mots.  En  effet ,  loriqu'un  corps  en  pouffe  un 
autre ,  cela  vient  de  ce  que  l'un  &  l'autre  corps  font 
impénétrables  ;  il  en  eft  de  même  lorfqu'un  corps  en 
tire  un  autre  :  car  la  tra&ion  ,  comme  celle  d'un  che- 
val attaché  à  une  voiture  ,  n'eft  proprement  qu'une 
impullion.  Le  cheval  pouffe  la  courroie  attachée  à 
ion  poitrail  ;  &  cette  courroie  étant  attachée  au 
char ,  le  char  doit  fuivre. 

On  peut  donc  regarder  l'impénétrabilité  des  corps, 
comme  une  des  caufes  principales  des  effets  que  nous 
obfervons  dans  la  nature  ;  mais  ii  eft  d'autres  effets 
dont  nous  ne  voyons  pas  auffi  clairement  que  l'impé- 
nétrabilité foit  la  caufe  :  parce  que  nous  ne  pouvons 
démontrer  par  quelle  impullion  méchanique  ces  effets 
font  produits  ;  &  que  toutes  les  explications  qu'on 
en  a  données  par  l'impulfion ,  font  contraires  aux 
lois  de  la  méchanique  ,  ou  démenties  par  les  phé- 
nomènes. Tels  font  la  pefanteur  des  corps ,  la  force 
qui  retient  les  planètes  dans  leurs  orbites,  &c  Voy. 
Pesanteur,  Gravitation,  Attraction,  &c. 

C'eft  pourquoi ,  fi  on  ne  veut  pas  décider  abfolu- 
ment  que  ces  phénomènes  ayent  une  autre  caufe  que 
Fimpuîiion ,  il  faut  au  moins  fe  garder  de  croire  & 
de  foûtenir  qu'ils  ayent  l'impulfion  pour  caufe  ;  il  eft 
donc  néceffaire  de  reconnoître  une  claffe  d'effets,  & 
par  conféquent  de  caufes  dans  lefquelles  l'impulfion 
ou  n'agit  point ,  ou  ne  fe  manifefte  pas. 

Les  caufes  de  la  première  efpece ,  favoir  celles  qui 
viennent  de  l'impuliion  ,  ont  des  lois  très-connues  ;  ck. 
c'eft  fur  ces  lois  que  font  fondées  celles  de  \apcrcuj- 
fion ,  celles  de  la  dynamique  ,  &c.  Voye{  ces  mots. 

Il  n'en  eft  pas  de  même  des  caufes  de  la  féconde 
efpece.  Nous  ne  les  connoiffons  pas  ;  nous  ne  lavons 
donc  ce  qu'elles  font  que  par  leurs  effets  :  leur  effet 
feul  nous  eft  connu,  &  la  loi  de  cet  effet  ne  peut  être 
donnée  que  par  l'expérience  ,  puifqu'elle  ne  fauroit 
l'être  à  priori ,  la  caufe  étant  inconnue.  Nous  voyons 
l'effet,  nous  concluons  qu'il  a  une  caufe  :  mais  voilà 
jufqu'où  il  nous  eft  permis  d'aller.  C'eft  ainfi -qu'on 
a  découvert  par  l'expérience  la  loi  que  fuivent  les 
corps  pefans  dans  leur  chute ,  fans  connoître  la  cau- 
fe de  la  pefanteur. 

C'eft  un  principe  communément  reçu  en  Mécha- 
nique ,  &  très-ulité ,  que  les  effets feont proportionnels  à 
Iwrs  caufes.  Ce  principe  pourtant  n'eft  guère  plus 
utile  Se  plus  fécond  que  les  axiomes.  Voy.  Axiome. 
En  effet  je  voudrais  bien  lavoir  de  quel  avantage  il 
peut  être. 

i°.  S'il  s'agit  des  caufes  de  la  féconde  efpece ,  qui 
ne  font  connues  que  par  leurs  effets ,  il  ne  peut  ja- 
mais fervir  de  rien.  Car  fi  on  ne  connoît  pas  l'effet , 
on  ne  connoîtra  rien  du  tout  ;  &  fi  on  connoît  l'effet , 
on  n'a  plus  befoin  du  principe  ;  puifque  deux  effets 
différens  étant  donnés  ,  on  n'a  qu'à  les  comparer  im- 
médiatement fans  s'embarraffer  s'ils  font  proportion- 
nés ou  non  à  leurs  caufes. 

2  .  S'il  s'agit  des  caufes  de  la  première  efpece, 
c'eft-à-dire  des  caufes  qui  viennent  de  l'impulfion  , 
ces  caufes  ne  peuvent  jamais  être  autre  choie  qu'un 
corps  qui  eft  en  mouvement ,  &  qui  en  pouffe  un 
autre.  Or  ,  non  -  feulement  on  a  les  lois  de  l'impul- 
fion &  de  la  perculîion  indépendamment  de  ce  prin- 
cipe :  mais  il  ferait  même  poffible  ,  fi  on  s'en  fervoit , 
de  tomber  dans  l'erreur.  Je  l'ai  fait  voir ,  article  ng 
de  mon  traité  de  dynamique  ,  &  je  vais  ie  répéter  ici 
en  peu  de  mots. 

Soit  un  corps  M  qui  choque  avec  la  vîteffe  u  un 
autre  corps  en  repos  m  ;  il  eft  démontré  (  voye-  Per- 
cussion) que  la  vîteffe  ommune  aux  deux  corps 
après  le  choc  fera  M,~w  Voilà ,  fi  l'on  veut,  l'effet  ; 
la  caufe  eft  dans  la  malle  M,  animée  de  la  vîteffe  u. 
Mais  quelle  fonction  de  M  &  de  u  prendra-t-on  pour  \ 


C  A  U 

exprimer  cette  caufe  ?  fera-ce  Ma  ,  ou  Muu  ,  on 
M  z  u ,  ou  M  u  3  ,  etc.  &  ainfi  à  l'infini  ?  D'ailleurs , 
laquelle  de  ces  fondions  qu'on  prenne  pour  expri- 
mer la  caufe ,  la  vîteffe  produite  dans  le  corps  m  va- 
riera à  mefure  que  m  variera  ,  &  ne  fera  point  par 
conféquent  proportionnelle  à  la  caufe ,  puifque  M  &c 
u  reftant  conftans  ,  la  caufe  refte  la  même.  On  dira 
peut-être  que  je  ne  prends  ici  qu'une  partie  de  l'ef- 
fet ,  favoir  la  vîteffe  produite  dans  le  corps  m  ,  & 

que  l'effet  total  eft  j^-t~  +  u\m  '  c'e^  " >d  '  ^ire  *a 
fomme  des  deux  quantités  de  mouvement ,  laquelle 
eft  égale  &  proportionnelle  à  la  caufe  Mu.  A  la  bon- 
ne-heure. Mais  l'effet  total  dont  il  s'agit ,  eft  com- 
polède  deuxquantités  de  mouvement,  qu'il  faut  que 
je  connoiffe  léparément  ;  &  comment  les  connoî- 
trai-je.avec  ce  principe,  que  Y  effet  efe  proportionnel  à 
fa  caufe  ?  Il  faudrait  donc  divifer  la  caufe  en  deux  par- 
ties pour  chacun  de  deux  effets  partiels  :  comment  fe 
tirer  de  cet  embarras  ? 

Il  ferait  à  fouhaiter  que  les  Mëchaniciens  recon- 
nuffent  enfin  bien  diftinftement  que  nous  ne  con- 
noiffons rien  dans  le  mouvement  que  le  mouvement 
même ,  c'eft-à-dire  l'efpace  parcouru  &  le  tems  em- 
ployé à  le  parcourir  ,  &  que  les  caufes  mètaphyfiques 
nous  font  inconnues  ;  que  ce  que  nous  appelions  cau- 
fes ,  même  de  la  première  efpece,  n'eft  tel  qu'impro- 
prement ;  ce  font  des  effets  defquels  il  refaite  d'au- 
tres effets.  Un  corps  en  pouffe  un  autre ,  c'eft-à-dire 
ce  corps  eft  en  mouvement ,  il  en  rencontre  un  au- 
tre ,  il  doit  néceffairement  arriver  du  changement  à 
cette  occafion  dans  l'état  des  deux  corps ,  à  caufe  de 
leur  impénétrabilité  ;  l'on  détermine  les  lois  de  ce 
changement  par  des  principes  certains ,  &  l'on  re- 
garde en  conféquence  le  corps  choquant  comme  la 
caufe  du  mouvement  du  corps  choqué.  Mais  cette 
façon  de  parler  eft  impropre.  La  caufe  mètaphyfiquc  , 
la  vraie  caufe  nous  eft  inconnue,  foye^  Impulsion. 

D'ailleurs  quand  on  dit  que  les  effets  font  propor- 
tionnels à  leurs  caufes,  ou  on  n'a  point  d'idée  claire  de 
ce  qu'on  dit ,  ou  on  veut  dire  que  deux  caufes ,  par 
exemple,  font  entr 'elles  comme  leurs  effets.  Or,  fi 
ce  font  deux  caufes  métaphyfîques  dont  on  veut  par- 
ler,  comment  peut-on  avancer  une  telle  affertion  ? 
Les  effets  peuvent  fe  comparer  ,  parce  qu'on  peut 
trouver  qu'un  efpace  eft  double  ou  triple  ,  &c.  d'un 
autre  parcouru  dans  le  même  tems:  mais  peut -on 
dire  qu'une  caufe  mètaphyfiquc ,  c'eft-à-dire  qui  n'eft 
pas  elle-même  un  effet  matériel  ,  &  pour  ainfi  dire 
palpable  ,  foit  double  d'une  autre  caufe  mètaphyfiquc 
C'eft  comme  fi  on  difoit ,  qu'une  fenfation  eft  double 
d'une  autre  ;  que  le  blanc  eft  double  du  rouge ,  &c. 
Je  vois  deux  objets  dont  l'un  eft  double  de  l'autre  : 
peut-on  dire  que  mes  deux  fenfations  font  propor- 
tionnelles à  leurs  objets  ? 

Un  autre  inconvénient  du  principe  dont  il  s'agit , 
c'eft  le  grand  nombre  de  paralogilmes  dans  lequel 
il  peut  entraîner ,  lorfqu'on  fait  mal  démêler  les  cau- 
fes qui  fe  compliquent  quelquefois  plufieurs  enfem- 
ble  ,  pour  produire  un  effet  c;ui  paraît  unique.  Rien 
n'eft  fi  commun  que  cette  mauvaife  manière  de  rai- 
fonner.  Concluons  donc  que  le  principe  dont  nous 
parlons  eft  inutile  ,  &  même  dangereux.  Il  y  a  beau- 
coup d'apparence  que  fi  on  ne  s'étoit  jamais  avifé 
de  dire  que  les  effets  font  proportionnels  à  leurs  'cau- 
fes ,  on  n'eût  jamais  dilputé  fur  les  forces  vives.  V^oy. 
Force.  Car  tout  le  monde  convient  des  effets.  Que 
n'en  reftoit-on  là  ?  Mais  on  a  voulu  fubtililer ,  &  on 
a  tout  brouillé  au  lieu  d'éclaircir  tout.  (  O  ) 

Cause  pp.OCATARCTIQUE  ,  en  Médecine ,  figni- 
fîe  la  caufe  ou  l'occalion  originale  ,  primitive  ,  ou 
préexiftante  d'un  effet. 

Ce  mot  vient  du  Grec  ,  Trâona-Tetf ••''<■".'; ,  qui  eft  for- 
mé du  verbe  <Epozcncîf>xa>>  je  préexifee  ,  je  vais  .: 

Telle  eft ,  par  exemple  3  une  maladie  qui  s'unit  &: 


CAU 

coopère  avec  quelque  autre  maladie  dont  elle  eft 
•fuivie.  Ainfi  lorfque  la  colère  ou  la  chaleur  du  cli- 
mat dans  lequel  on  vit ,  donne  aux  humeurs  une  dif- 
pofition  qui  produit  la  fièvre  ,  cette  dilpohtion  elt  la 
caufe  immédiate  de  la  fièvre  ;  &  la  colère  ou  la  cha- 
leur en  elt  la  caufe procatarclique. 

Cause  CONTINENTE  ,  en  Médecine  ,  fe  dit  de 
celle  dont  la  maladie  dépend  fi  immédiatement  , 
•qu'elle  ne  fauroit  cefTer  tant  qu'elle  fublifte.  Voye^ 
Maladie. 

Une  caufe  continente  de  la  fupprcfïïon  d'urine,  clt 
le  calcul  qui  fe  trouve  dans  la  veffie.  Voy.  Calcul. 

Fièvre  continente  ou  continue,  efî  celle  dont  la  crife 
fe  fait  fans  intermifîîon  ou  rémifîion.  V.  Fièvre.  (AQ 

Cause  ,  en  terme  de  Pratique  ,  elt  la  conteftation 
qui  fait  l'objet  d'un  plaidoyer  ;  &  quelquefois  le 
plaidoyer  même.  On  dit  plutôt  procès  ,  quand  il  s'a- 
git d'une  affaire  qui  s'initruit  par  écritures. 

On  appelle  caufes  d'appel  ,  les  moyens  que  l'ap- 
.pellant  entend  alléguer  pour  foùtenir  la  légitimité  de 
l'on  appel.  (  H) 

CAUSES  MAJEURES,  dans  la  difeipline  ecclefiafli- 
yue,  font  toutes  les  questions  importantes  qui  con- 
cernent foit  le  dogme  ,  foit  la  difeipline  ,  &  particu- 
lièrement les  a£tions  intentées  contre  les  évêques , 
dans  des  cas  où  il  peut  y  avoir  lieu  à  la  dépofition. 

Suivant  l'ancien  droit ,  ces  caufes  étoient  jugées 
dans  le  concile  de  la  province  ,  du  jugement  duquel 
le  ieptieme  canon  du  concile  de  Sardique  ,  tenu  en 
347  ,  permet  d'appeller  au  pape ,  pour  examiner  de 
nouveau  l'affaire  :  mais  il  en  réierve  toujours  le  ju- 
gement aux  évêques  de  la  province  voifine. 

Suivant  le  droit  nouveau  ,  c'eit-à-dire  Y  introduction 
des  Décrétâtes,  comprifes  dans  le  recueil  d'If  dore ,  c'elt  - 
à-dire  depuis  le  IX.  ficelé  ,  le  concile  de  la  province 
peut  bien  initruirc  &  examiner  le  procès  :  mais  la 
déciiion  doit  être  réfervée  au  faint  fiége.  Toutes  les 
caufes  majeures  depuis  ce  tems  ont  été  cenfées  appar- 
tenir au  pape  feul  en  première  inftance  :  &  voici  ce 
que  les  canoniftes  lui  attribuent.  Déclarer  les  arti- 
cles de  foi  :  convoquer  le  concile  général  :  approu- 
ver les  conciles ,  &  les  écrits  des  autres  docteurs  :  di- 
vifer  &  unir  les  évêchés ,  ou  en  transférer  le  fiége  : 
exempter  les  évêques  ôc  les  abbés  de  la  juriidiction 
de  leurs  ordinaires  :  transférer  les  évêques  :  les  dé- 
pofer ,  les  rétablir:  juger  lbuverainement ,  enforte 
qu'il  n'y  ait  point  d'appel  de  les  jugemens. 

Voilà  ce  qu'on  entend  communément  par  caufes 
majeures.  La  pragmatique  -  fanction  a  reconnu  que 
les  caufes  majeures  ,  dont  rémunération  expreile  le 
trouve  dans  le  droit ,  doivent  être  portées  immédia- 
tement au  laint-fiége  ;  &  qu'il  y  a  des  perfonnes  dont 
la  clcpolition  appartient  au  pape  :  enl'orte  que  s'ils 
font  trouvés  mériter  cette  peine  ,  ils  doivent  lui  être 
renvoyés  avec  leur  procès  inltruit. 

Le  concile  de  Trente  ,  feff.  XXIV.  c.  v.  ordonne 
que  les  caufes  criminelles  contre  les  évêques  ,  li  elles 
iont  affez  graves  pour  mériter  dépofition  ou  priva- 
tion, ne  feront  examinées  &  terminées  que  par  le 
pape  ;  que  s'il  elt  néceffaire  de  les  commettre  hors 
de  la  cour  de  Rome  ,  ce  lera  aux  évêques  ou  au  mé- 
tropolitain que  le  pape  choilira  par  commillion  1  pé- 
dale fignéede  la  main  ;  qu'il  ne  leur  commettra  que 
la  feule  connoiffanec  du  tait ,  oc  qu'ils  feront  obligés 
ivoyer  l'uulruction  au  pape  ,  à  qui  le  jugement 
définitif  elt  réfervé.  Onlaiffe  au  concileprovinci.il 
les  moindres  caufes. 

Mais  l'églile  Gallicane  a  conferve  l  ancien  droit , 
fuiyant  lequel  les  évêques  ne  doivent  être  jw 
par  les  évêques  de  la  province  afiemblés  en  i 
en  y  appellunt  ceux  îles  provinces  voiiines  iulqu'au 
nombre  de  douze  ,  laut  l'appel  au  pape  fuivant  le 
concile  de  Sardique.  C'elt  ce  que  le  clergé  de  Fran- 
ce a  arrêté ,  tant  par  l'a  proteltation  faite  dans  le  tems 


CAU 


91 


contre  le  décret  du  concile  de  Trente ,  que  par  celle 
qu'il  fît  en  1650 ,  au  lu  jet  de  ce  qui  s'étoit  pâlie  d'ir- 
régulier  &  de  contraire  à  fes  droits  dans  l'inltruction 
du  procès  de  Pévêque  de  Léon  ,  en  1632.  Fleury, 
In  (lit.  au  Droit  ecclif  tom.  II.  Part.  III.  ch.  xviij.pag. 
l69.&fuiv.   (G) 

CAUSSADE  ,  (Gêog.)  petite  ville  de  France 
dans  le  bas  Quercy ,  près  de  l'Avcyrou. 

CAUSTIQUE ,  adj.  pris  fublt.  (  Chimie.  )  Ce  nom 
a  été  donné  à  certains  diffolvans,  dont  on  a  évalué 
l'action  par  leur  effet  fur  le  corps  animal,  qu'ils  af- 
fectent à  peu-pres  de  la  même  façon  que  le  feu  ,  ou 
les  corps  actuellement  ignés  ou  brûlans.  Cette  ac- 
tion elt  une  vraie  diffolution  (  Voye^  Menstrue); 
car  les  caujliques  proprement  dits,  l'ont  de  vrais  dif- 
folvans des  lubltances  animales.  Les  alkalis  fixes , 
lur-tout  animés  par  la  chaux  (Voye^  Pierre  à  cau- 
tère), les  alkalis  volatils,  la  chaux  vive,  atta- 
quent ces  fubltances  très-efficacement,  &  fe  combi- 
nent avec  elles.  Les  acides  minéraux  concentrés,  & 
les  fels  métalliques  furchargés  d'acide  (  comme  le 
fublimé  corrofif,  le  beurre  d'antimoine,  le  vitriol > 
les  cryftaux  de  lune ,  &c.s)  les  attaquent  &  les  décom- 
pol'ent.  Voye^  Lymphe. 

Quelques  lues  réfineux,  comme  ceux  de  quelques 
convolvulus ,  du  toxicodendron  ,  des  tithymales ,  & 
quelques  baumes  tres-viiqueux ,  comme  la  poix  de 
Bourgogne  ,  les  huiles  effentielles  vives,  ne  lont  pas 
des  caujliques  proprement  dits.  Ces  fubltances  n'agif- 
ient  iur  l'animal  vivant  que  par  irritation  ;  elles  peu- 
vent enflammer  les  parties  ,  les  mortifier  même  allez 
rapidement  :  mais  c'eft  comme  lenfîbles  que  ces  par- 
ties font  alors  affectées,  &  non  pas  comme  lolublcs. 

C'elt  appliquer  un  cautère  fur  une  jambe  de  bois, 
dit-on  communément  pour  exprimer  l'inutilité  d'un 
fecours  dont  on  ellaye.  Un  médecin  diroit  tout  auf- 
fi  volontiers  ,  &  plus  lavamment ,  fur  la  jambe  d'un 
cadavre,  puifque  la  bonne  doctrine  fur  l'action  des 
remèdes  elt  fondée  fur  le  jeu  des  parties ,  lur  leur 
mobilité  ,  leur  fenfibilité  ,  leur  vie  ;  les  remèdes  n'o- 
péreroient  rien  lur  le  cadavre  ,  dilent  la  plupart  des 
auteurs  de  matière  médicale.  Ces  auteurs  ont  rai- 
fon  pour  plufieurs  remèdes ,  pour  la  plupart  même  : 
mais  ils  fe  trompent  pour  les  vrais  caujliques.  On  fe- 
rait aurïï-bien  une  elearre  fur  un  cadavre  que  lur 
un  corps  vivant. 

L'opération  par  laquelle  on  prépare  ou  tane  les 
cuirs,  n'elt  autre  choie  que  l'application  d'un  caujti- 
que  léger  à  une  partie  morte  ,  dont  il  dili'out  &  t 
les  fucs  lymphatiques,  les  humeurs,  en  épargnant 
les  fibres  ou  parties  folides  ;  mais  qui  détruiri 
lolides  même  à  la  longue ,  ou  li  on  augmentoit  la 
dofe,  ou  l'intenlite  du  diliolvant. 

La  préparation  des  mumies  d'Egypte  ne  différait 
de  celle  de  nos  cuirs ,  que  par  le  diuolvant  que  les 
embaumeurs  Egyptiens  employoient.  Nos  Taneurs 
fe  fervent  de  la  chaux;  c'eroit  le  natron  qu 
en  ufage  chez  les  Egy^ 
moire  de  M.  Rouelle  fur  les  mumies  ,  là  a  . 
Nique  de  l'A.  .  ts  du  mois  .. 

IJÔO.  dans  le  Mercure  Je  Janvier  ijàl,  [  Cet  article 
elt  de  M.  l'end.  ] 

L'ulagc  des  caufliques  ,  en  Médecine  ,  elt  de  rr 
les  chairs  fongueufes  &  baveufes  ;  lis  pénétrent  mê- 
me dans  les  corps  dm  s  ,\  c  ,  fondent  les  hu- 
meurs, èv;  lont  d'un  ufage  pan  ■■"•  abfcès 
&  les  apoftumes,  pour  confumei  a  matière  qui  elt 
en  fuppuration,  &  \  donner  une  ne;  iv  l'en  eut  aulîi 
quelquefois  à  foire  une  ouverture  aux  parties,  dans- 
ou  l'incilion  lerou  difficile  à  pratiquer  ou  dan- 
gereule. 

Les  principaux  medicamens  de  cette  clafie  lont 
l'alun  bnile  ,  l'éponge  ,  les  cantharides  ce  autres  \  é- 
licatoires ,  l'orpiment ,  la  chaux-vive ,  le  vitriol ,  les 


7S^ 


C  A  U 


cendres  de  figuier ,  le  frêne ,  la  lie  de  vin ,  le  fel  de 
la  leflive  dont  on  fait  le  favon ,  le  mercure  fublimé , 
le  précipité  rouge,  &c  Vtye{  chacune  de  ces fubjlances 
à  leur  article  propre. 

Les  cryftaux  de  lune  &  la  pierre  infernale ,  com- 
pofés  d'argent  &  d'efprit  de  nitre  ,  deviennent  cauf- 
tiques  par  ce  mélange.  Voye^  Crystal,  Argent  , 

CAUSTIQUE  ,  f.  f.  dans  la  Géométrie  transcendante  , 
eft  le  nom  que  l'on  donne  à  la  courbe  que  touchent 
les  rayons  réfléchis  ou  réfractés  par  quelqu'autre 
courbe.  Voye^  Courbe.  Si  une  infinité  de  rayons 
de  lumière  infiniment  proches  tombent  fur  toute 
l'étendue  d'une  furface  courbe,  &  que  ces  rayons 
foient  fuppofés  réfléchis  ou  rompus  luivant  les  lois 
de  la  réflexion  &  de  la  réfraclion  ,  la  fuite  des  points 
de  concours  des  rayons  réfléchis  ou  rompus  îotini- 
ment  proches  ,  formera  un  polygone  d'une  infinité 
de  côtés  ou  une  courbe  qu'on  appelle  caujiique  ; 
cette  courbe  eft  touchée  par  les  rayons  réfléchis  ou 
rompus  ,  puiique  ces  rayons  ne  font  que  le  prolon- 
gement des  petits  côtés  de  la  caujiique. 

Chaque  courbe  a  les  deux  caujliques ,  ce  qui  fait 
divifer  les  caujliques  en  catacaujhques  &  diacaujhques; 
les  premières  font  formées  par  réflexion ,  6c  les 
autres  par  réfra&ion. 

On  attribue  ordinairement  l'invention  des  caujli- 
ques à  M.  Tfchirnhaufen  ;  il  les  propofa  à  l'académie 
des  Sciences  en  l'année  1682;  elles  ont  cette  pro- 
priété remarquable,  que  lorfque  les  courbes  qui  les 
produilént  font  géométriques  ,  elles  font  toujours 
re£hfiables. 

Ainfi  la  caujiique  formée  des  rayons  réfléchis  par 
un  quart  de  cercle ,  eft  égale  aux{  du  diamètre.  Cet- 
te rectification  des  caujliques  a  été  antérieure  au  cal- 
cul de  l'infini ,  qui  nous  a  fourni  celle  de  plufieurs 
autres  courbes,  f^oy.  Rectification.  L'académie 
nomma  un  comité  pour  examiner  ces  nouvelles  cour- 
bes; il  étoit  compote  de  MM.  Cafiini,  Mariotte,  6c  de 
la  Hire ,  qui  révoquèrent  en  doute  la  defeription  ou 
génération  que  M.  Tfchirnhaufen  avoit  donnée  de 
la  caujiique  par  réflexion  du  quart  de  cercle  :  l'auteur 
refufa  de  leur  découvrir  fa  méthode  ,  &  M.  de  la 
Hire  perfifta  à  ioûtenir  qu'on  pouvoit  en  foupçon- 
ner  la  génération  defaufleté.  Quoi  qu'il  en  foit,  M. 
Tichirnhaufen  la  propofoit  avec  tant  de  confiance , 
qu'il  l'envoya  aux  aftes  de  Leipiic  ,  mais  fans  dé- 
monftration.  M.  de  la  Hire  a  fait  voir  depuis  dans 
fon  traité  des  Epicycloides  ,  que  M.  Tfchirnhaufen 
s'étoit  effectivement  trompé  dans  la  defeription  de 
cette  caujiique.  On  trouve  dans  VAnalyJe  des  infini- 
ment petits  de  M.  le  marquis  de  VHopital ,  une  métho- 
de pour  déterminer  les  caujliques  de  réflexion  &  de 
rétraôion  d'une  courbe  quelconque ,  avec  les  pro- 
priétés générales  de  ces  fortes  de  courbes ,  que  le 
calcul  des  infiniment  petits  rend  très-aifées  à  décou- 
vrir &  à  entendre. 

Le  mot  caujique  vient  du  Grec  y^iw  ,  je  brûle  ; 
parce  que  les  rayons  étant  ramaffés  fur  la  caujiique 
en  plus  grande  quantité  qu'ailleurs  ,  peuvent  y  brû- 
ler,  fi  la  caujiique  eft  d'une  fort  petite  étendue.  Dans 
les  miroirs  paraboliques  ,  la  caijlique  des  rayons  pa- 
rallèles à  l'axe  eft  un  point ,  qu'on  nomme  le  joyer 
de  la  parabole. 

Dans  les  miroirs  fphériques  d'une  étendue  de  20 
330  degrés ,  la  caujiique  des  rayons  parallèles  à  l'axe 
eft  d'une  très-petite  étendue ,  ce  qui  rend  les  miroirs 
fphériques  &  paraboliques  capables  de  brûler.  Voyei 
Ardent, Parabole,  Foyer,  &c 

Si  plufieurs  rayons  partent  d'un  point,  &  tombent 
fur  une  furface  plane ,  les  rayons  refléchis  prolongés 
fe  réuniront  en  un  point  ;  &  pour  trouver  ce  point,  il 
n'y  a  qu'à  mener  du  point  d'où  les  rayons  partent 
une  perpendiculaire  à  la  furface  plane ,  prolonger 


C  A  U 

cette  perpendiculaire  jufqu'à  ce  que  la  partie  pro- 
longée lui  foit  égale  ,  6c  le  point  cherché  fera  à  l'ex- 
trémité de  cette  partie  prolongée.  Voye^  Miroir. 

Cette  propofition  peut  faire  naître  fur  les  cauflU 
ques  une  difficulté  capable  d'arrêter  les  commençans^ 
6c  qu'il  eft  bon  de  lever  ici.  On  fait  que  dans  la  Géo- 
métrie des  infiniment  petits  ,  une  p*>rtion  de  courbe 
infiniment  petite  eft  regardée  comme  une  ligne  droi- 
te, dont  la  tangente  eft  le  prolongement.  Suppofons 
donc  un  petit  côté  de  courbe  prolongé  en  tangente, 
&  imaginons  deux  rayons  infiniment  proches  ,  qui 
tombent  fur  ce  petit  côté  ;  il  lemble  ,  d'après  ce  que 
nous  venons  de  dire  ,  que  pour  trouver  le  point  de 
concours  des  rayons  réfléchis ,  il  fuffile  de  mener  dn 
point  d'où  les  rayons  partent,  une  perpendiculaire  à 
cette  tangente,  &  de  prolonger  cette  perpendiculaire 
d'une  quantité' égale.  Cependant  le  calcul  &  la  mé- 
thode de  M.  de  l'Hôpital  font  voir  que  l'extrémité 
de  cette  perpendiculaire  n'eft  pas  un  point  de  la  caufi 
tique.  Comment  donc  accorder  tout  cela  ?  le  voici. 
En  conlidérant  la  petite  portion  de  courbe  comme 
une  ligne  droite ,  il  faudroit  que  les  perpendiculaires 
à  la  courbe  ,  tirées  aux  deux  extrémités  du  petit 
côté  ,  fuffent  exactement  parallèles  ,  comme  elles  le 
feroient  ii  la  furface  totale  au  lieu  d'être  courbe  étoit 
droite  ;  or  cela  n'eft  pas  :  les  perpendiculaires  con-* 
courent  à  une  certaine  diftance ,  &  forment  par  leur 
concours  ce  qu'on  appelle  le  rayon  de  la  développée. 
Voye^  DÉVELOPPÉE.  Ainfi  il  faut  avoir  égard  à  la 
polition  de  ces  perpendiculaires  concourantes  pour 
déterminer  la  pofition  des  rayons  réfléchis ,  &  par 
coniéquent  leur  point  de  concours,  qui  eft  tout  au- 
tre que  fi  la  furface  étoit  droite.  En  confidérant  une 
courbe  comme  un  polygone  ,  les  perpendiculaires  à 
la  courbe  ne  doivent  pas  être  les  perpendiculaires 
aux  côtés  de  la  courbe  ;  ce  font  les  lignes  qui  divi- 
ient  en  deux  également  l'angle  infiniment  obtus  que 
forment  les  petits  côtés  ;  autrement  au  point  de  con- 
cours de  deux  petits  côtés  il  y  auroit  deux  perpendi- 
culaires ,  une  pour  chaque  côté.  Or  cela  ne  fe  peut, 
puifqu'à  chaque  point  d'une  courbe  il  n'y  a  qu'une 
perpendiculaire  polTible.  Les  rayons  incidens  &  ré- 
fléchis doivent  faire  avec  la  perpendiculaire  des  an- 
gles égaux.  D'après  cette  remarque  fur  les  perpen- 
diculaires ,  on  peut  déterminer  les  caujliques  en  re- 
gardant les  courbes  comme  polygones;  &  on  ne  trou- 
vera plus  aucune  abfurdité  ni  contradiction  apparen- 
te entre  les  principes  de  la  Géométrie  de  l'infini.  V. 
Différentiel,  Infini,  &c  (O  ) 

CAUTE,  (Géog.~)  rivière  confidérable  de  l'Amé- 
rique ,  dans  l'île  de  Cuba ,  où  il  fe  trouve  beaucoup 
de  crocodiles. 

CAUTELE  ,  f.  f.  dans  quelques  anciens  Jurijconjul- 
tes ,  eft  fynonyme  à  ruje  ou  fineffè  :  mais  il  eft  vieilli 
en  ce  fens  ;  on  ne  l'employé  plus  qu'en  Droit  cano- 
nique ,  où  il  eft  fynonyme  à  précaution  ;  c'eft  en  ce 
iens  qu'on  dit  une  abjoludon  à  cautele  ,  pour  lignifier 
une  abjolution  provijbire  qu'on  donne  à  un  prêtre  ap- 
pellant  d'une  fentence  qui  l'excommunie  ou  l'inter- 
dit ,  afin  qu'il  lui  foit  permis  d'efter  en  jugement  pour 
la  pourfùite  de  l'appel;  encore  conferve-t-on  lbuvent 
Pexpreffion  Latine  ad  cautelam ,  fans  la  franciler  :  & 
l'on  dit  une  abjolution  ad  cautelam.  (//) 

CAUTEN ,  (Géog.~)  cap  6c  rivière  de  l'Amérique 
méridionale. 

CAUTERE  ,  f.  m.  (  Chirurgie.  )  médicament  qui 
brûle  ,  mange  ou  corrode  quelque  partie  folide  du 
corps. 

Ce  mot  vient  du  grec  xavrnp ,  ou  zeurnpiw ,  qui  li- 
gnifie la  même  chofe  ,  &  eft  dérivé  du  verbe  y.mu  , 
brûler. 

Il  y  en  a  de  deux  fortes  ;  le  cautère  actuel ,  &  le 
cautère  potentiel. 

Le  cautère  actuel  eft  celui  qui  produit  {on  effet  en 

un 


C  A  U 

un  moment ,  comme  le  feu ,  ou  un  fer  rougi  au  feu  ; 
on  fe  fervoit  anciennement  de  cette  efpece  de  cautè- 
res dans  la  fiftule  lacrymale  ,  après  l'extirpation  du 
cancer  ,  l'amputation  d'une  jambe  ,  ou  d'un  bras  , 
&c.  pour  arrêter  l'hémorrhagie  ,  &  produire  une  fup- 
puration  louable.  On  en  applique  encore  quelque- 
fois fur  des  os  cariés ,  fur  des  abfcès  &  des  ulcères 
malins. 

Les  cautères  actuels  font  des  inftrumens  compofés 
d'une  tige  de  fer  dont  l'extrémité  poftérieure  eft  une 
mitte,  du  milieu  de  laquelle  s'élève  une  foie  tournée 
en  vis  ,  afin  qu'un  même  manche  de  bois  garni  d'un 
écrou  puifTe  lervir  à  monter  des  cautères  de  différen- 
te figure.  Il  y  en  a  qui  ,  par  leur  partie  antérieure , 
forment  un  bouton  fphérique;  d'autres  l'ont  olivaire , 
les  uns  fe  terminent  par  une  plaque  quarrée  ,  &c. 
Voyei  les  figures  5  ,  6 ,  J  ,  8 ,  Q  ,  10  &  Il ,  PL  XV IL 
On  peut  changer  les  cautères ,  &  leur  faire  donner  tel- 
le configuration  qu'on  voudra  ,  félon  le  befoin  qu'on 
en  aura ,  afin  de  les  rendre  conformes  aux  endroits 
ou  on  doit  les  appliquer.  Peye{  Cautérisation. 

M.  Homberg  dit  que  la  médecine  des  habitans  de 
Java  ,  &  de  la  plupart  des  autres  peuples  Orientaux, 
confifte  en  grande  partie  à  brûler  les  chairs  ,  ou  à  y 
appliquer  des  cautères  actuels  ;  &  qu'il  y  a  peu  de 
maladies  que  ces  différens  peuples  ne  guériiTent  par 
cette  méthode. 

Le  cautère  potentiel  eft  une  compofition  de  remè- 
des cauftiques ,  où  entrent  ordinairement  de  la  chaux- 
vive  ,  du  favon  &  de  la  fuie  de  cheminée.  Voye[ 
Caustique.  On  s'en  fert  pour  l'ouverture  des  ab- 
cès. Foye^  Abcès. 

Ambroife  Paré  enfeigne  la  compofition  d'un  cauf- 
tique  qu'ii  nomme  cautère  de  velours  ,  ainli  appelle 
parce  que  ce  remède  ne  caufe  point  de  douleur  ,  ou 
parce  qu'il  avoit  acheté  le  fecret  fort  cher  d'un  Chi- 
mifte.  L'auteur  dit  :  ...  «  à  iceux  je  donnerai  le  nom 
»  de  cautères  de  velours  à  raifon  qu'ils  ne  font  douleur, 
»  principalement  lorfqu'ils  feront  appliqués  fur  les  par- 
ties exemptes  d'inflammation  ôc  de  douleur,&  auiii 
»  parce  que  je  les  ai  recouvrés  par  du  velours».  Le 
cautère  eft  auffi  un  ulcère  qu'on  procure  exprès  dans 
quelque  partie  faine  du  corps  pour  fervir  d'égoùt  aux 
mauvaises  humeurs.  Foyc^  Fonticule  &  Séton^ 
Les  cauter'esi'c  font  communément  à  la  nuque,  entre 
la  première  &  la  féconde  vertèbre  du  cou  ;  à  la  par- 
tie fupérieure  du  bras,  dans  une  petite  cavité  qui  fe 
forme  entre  le  mufcle  deltoide  &  le  biceps  ;  &  à  la 
partie  interne  du  genou ,  un  peu  au-deffous  de  l'atta- 
che des  fléchilleurs  de  la  jambe. 

Pour  bien  appliquer  un  cautère,  on  commence  par 
faire  un  emplâtre  rond  de  la  grandeur  d'un  écu  ,  & 
troué  par  le  milieu  ;  il  doit  être  fort  emplallique  afin 
qu'il  s'attache  fortement  à  la  peau,  pour  empêcher 
que  l'efcarre  ne  faffe  plus  de  progrès  qu'on  ne  le  dé- 
lire. On  met  cet  emplâtre  fur  l'endroit  deftiné  au 
cautère  ;  on  applique  une  pierre  à  cautère  fur  la  peau 
qui  eft  découverte  au  centre  de  l'emplâtre  ;  on  la 
recouvre  d'une  autre  emplâtre  plus  grand  que  ce- 
lui qui  eft  percé  ;  on  applique  enfuite  une  COmpref- 
fe  tk.  un  bandage  circulaire  qu'on  ferre  un  peu  afin 
que  l'appareil  ne  change  pas  de  place. 

Il  faut  que  le  Chirurgien  connoiffe  l'activité  du 
cauftique  dont  il  fe  fert ,  pour  ne  le  laitier  qu'un  teins 
fuffifant  pour  faire  efearre  à  la  peau  ;  on  penfe  l'ef- 
carre ,  on  en  procure  la  chute  par  Pillage  des  remè- 
des luppuratifs ,  &  on  entretient  enfuite  la  luppura- 
tion  de  l'ulcère  ,  en  tenant  un  pois  dedans  ,  qu'on  a 
foin  de  renouvellcr  tous  les  jours. 

Les  cautères  font  d'une  grande  utilité  dans  nombre 

de  maladies.  Il  y  en  a  même  plulieurs  qu'on  ne  lau- 

roit  guérir  fans  cautère  lorfqu'elles  font  enracinées 

ou  obftinées  :  telles  font  l'ophthajniie  ,  les  anciens 

Tome  II, 


C  A  U 


9? 


maux  de  tète  ,  les  fluxions  fréquentes  ,  les  ulcères  in*- 
vétérés  ,  &c.  Voye{  SÉTON.(  Y) 

C  ALTERIS  ATION ,  f.  f.  terme  de  Chirurgie,  appli- 
cation d'un  fer  rougi  au  feu ,  fur  les  parties  du  corps. 
On  appelle  cautères  actuels  les  inftrumens  qui  y  fer- 
vent. Voye7v  Cautère. 

L'ufage  des  cautères  actuels  eft  de  confirmer  la  ca- 
rie des  os ,  d'empêcher  la  vermoulure  que  cette  ma- 
ladie peut  occafionntr  en  faifant  des  progrès.  L'ap- 
plication des  cautères ,  en  defféchant  l'humidité  ou 
la  fanie  qui  exude  des  os  cariés  ,  procure  l'exfolia- 
tion  }  &  fait  obtenir  une  guérifon  folide  de  l'ulcère, 
par  une  bonne  cicatrice,  foye^  Exfoliation. 

Pour  faire  l'application  des  cautères  actuels  ,  ort 
fait  rougir  leur  extrémité  antérieure  dans  un  feu  ar- 
dent. Pour  garantir  leslevres  delà  plaie  de  Pattiondu 
feu ,  quelques  auteurs  confeillent  de  les  cacher  avec 
deux  petites  plaques  de  fer  fort  mince  qu'on  fait  te- 
nir par  deux  ferviteurs.  Je  crois  qu'on  doit  préférer 
la  méthode  que  décrit  M.  Petit  dans  fon  Traité  des 
maladies  des  os  ,  à  f  article  de  la  carie.  Il  confeille  de 
garnir  les  chairs  voifines  de  la  carie  avec  des  linges 
mouillés  pour  les  garantir  du  feu.  Il  faut  que  ces  lin- 
ges foient  bien  exprimes,  parce  que  l'eau  qui  en  dé- 
couleroit ,  refroidirait  les  cautères ,  qui  doivent  être 
le  plus  rouges  qu'on  pourra,  afin  qu'ils  puifTent  brû- 
ler, quoiqu'on  les  applique  légèrement. 

Lorfqu'on  a  cautérifé  tout  ce  qu'on  fe  propofoit  , 
ce  qu'il  eft  expédient  de  faire  quelquefois  à  plulieurs 
reprifes  ;  on  panfe  la  carie  avec  la  charpie  féche.  Si 
le  malade  fentoit  beaucoup  de  chaleur  ,  on  imbibe- 
roit  la  charpie  d'efprit-de-vin  :  le  refte  de  l'ulcère  fe 
panfe  à  l'ordinaire. 

La  carie  profonde  demande  une  application  plus 
forte  des  cautères  ,  qu'une  carie  fuperficiellc  ;  parce 
que  pour  en  tirer  le  fruit  qu'on  en  attend  ,  il  faut  brû- 
ler jufqu'âux  parties  faines  ,  afin  de  deffécher  6c  ta- 
rir les  vaiffeaux  d'où  viennent  les  férofités  rongean- 
tes. Voye{  Carie. 

Les  anciens  cautérifoient  les  parties  molles  pour 
les  fortifier  ou  pour  procurer  un  égoût  aux  matières 
impures  de  la  maffe  du  fang  :  mais  l'horreur  que  fait 
cette  opération  l'a  fait  rejetter  depuis  long-tems.  y* 
Cautère  cvSéton.  (  I) 

CAUTION  ,  f.  f.  en  Droit ,  fureté  que  l'on  donne 
pour  l'exécution  de  quelque  engagement  :  en  ce  fens 
il  eft  fynonyme  à  cautionnement.  Voye?^  CAUTION- 
NEMENT. 

Caution  fignifie  aufîï  la  perfonne  même  qui  cau- 
tionne ;  &  en  ce  fécond  fens  ,  il  eft  fynonyme  à />/«'- 
ge  ,  qui  eft  moins  ulité.  Voye^  Pleige. 

Par  l'ancien  droit  Romain  ,  le  créancier  pouvoir 
s'adrefTer  directement  a  la  caution  ,  &  lui  faire  pa\  ér 
le  total  de  la  dette  ,  fans  être  obligé  à  faire  aucunes 
pourfuites  contre  le  débiteur  ;  &  s'il  y  avoit  plulieurs 
cautions  ,  elles  étoient  toutes  obligées  lolidairement. 
Mais  l'empereur  Adrien  leur  accorda  premièrement 
le  bénéfice  de  divilion  ,  &  dans  la  fuite  Juftinien  leur 
accorda  celui  d'ordre  ou  de  difcufîion.  Voye^  Divi- 
sion «S-  Discussion. 

La  caution  ne  peut  pas  être  obligée  à  plus  que  le 
principal  obligé  ou  débiteur  :  mais  elle  peut  être  obli- 
gée plus  étroitement  ;  ainli  l'obligation  de  la  fi 
fublifte  ,  quoique  celle  du  principal  obligé  mineur 
foit  éteinte  par  la  reftitution  en  entier.  De  même  la 
peut  hypothéquer  les  immeubles,  quoique  la 
débiteur  n'ait  pas  obligé  les  Gens. 

Les  cautions  entr'elles ,  n'ont  aucune  action  l'une 
contre  l'autre  ;  de  forte  que  s'il  y  avoit  plulieurs  cau- 
tions, &  que  l'une  en  conlequence  de  l  infolvabilité 
du  débiteur  paye  le  tout ,  1.:  caution  qui  a  été  obligée 
de  payer  n'a  aucun  recours  contre  les  autres ,  ii  elle 
n'a  pas  eu  la  précaution  d'obliger  le  créancier  à  lui 
céder  les  droits  ,  parce  que  les  cautions  n'cr.î  pa* 

HHhhh 


794 


C  A  X 


contracté  Tune  avec  l'autre  ,  mais  feulement  avec  le 
principal  débiteur. 

Caution  judiciaire.  Voye^  Judiciaire. 

CAUTION  juratoire.  Voye{  Juratoire.  (H) 

Caution  bourgeoife  ;  répondant  qui  a  fbn  domi- 
cile ,  qui  eft  établi ,  qui  a  des  biens  apparens  dans  un 
lieu  ,  dans  une  ville. 

Caution  banale ,  fe  dit  au  contraire  d'un  homme 
fans  bien,  qui ,  n'ayant  rien  à  perdre  ,  eft  toujours 
prêt  à  cautionner  telles  perfonnes  qui  lé  préfentent, 
&  pour  telles  fommes  qu'on  veut. 

11  y  a  une  efpece  de  caution  de  cette  forte  aux  eon- 
fuls  de  la  ville  de  Paris  ,  qui ,  pour  une  Tomme  très- 
modique  ,  s'oblige  pour  l'exécution  de  toutes  les  fen- 
tences  qui  portent  cette  clauié  li  ordinaire  ,  en  don- 
nant caution.  Dictionnaire  du  Commerce  ,  tom.  11.  pag. 

CAUTIONNEMENT  ,  aftion  de  celui  qui  cau- 
tionne. Il  lignifie  aulli  l'acte  qu'on  drefie  chez  le  no- 
taire ou  au  greffe. 

CAUTIONNER ,  fe  rendre  caution  ,  répondre 
pour  quelqu'un  ,  foit  par  a£le  public  ,  foit  fous  feing 
privé  ,  foit  par  un  fimple  engagement  verbal,  idem  , 
ibid.  (  G  ) 

COUWO  ou  COUVA  ,  (  Géog.  )  rivière  de  l'A- 
mérique. 

CAWROORA  ou  COURVO,  (  Géog.  )  rivière 
de  l'Amérique  ,  à  huit  lieues  de  Cayane. 

CAUX,(/«  pays  de)  contrée  de  Fiance,  fituée 
entre  la  Seine  £z  l'Océan  ,  la  Picardie  ,  le  pays  de 
Bray,  &  le  Vexin-Normand.  La  capitale  eft  Caude- 
bec ,  où  l'on  fabriquedes  chapeaux  de  ce  nom  (Voye7^ 
Chapeau)  :  ce  pays  produit  du  chanvre ,  du  lin ,  & 
efî  très-fertile. 

CAXA  ,  f.  m.  (Commerce?)  petite  monnoie  des  In- 
des ,  fabriquée  à  Chinceo ,  ville  de  Chine  ,  qui  n'a 
cours  que  depuis  1 590.  Cette  monnoie  eft  très-min- 
ce &  fort  cafuelle  ;  c'eft  un  mélange  de  plomb  Se 
d'écume  de  cuivre  ;  elle  a  un  trou  au  centre  pour 
pouvoir  être  enfilée  dans  un  cordon  appelle  feanta. 
Quand  on  eft  obligé  d'en  recevoir  ,  il  ne  les  faut 
compter  que  pour  un  feizieme  de  denier. 

CAXAMALCA  (  Géograp.  )  ville  &  petit  pays  de 

l'Amérique  méridionale,  au  Pérou  j  fertile  en  mines 

d'or  &  d'argent ,  &  qui  produit  beaucoup  de  laine. 

^  CAXEM  ou  C AYEM  ,  (  Géog.  )  ville  d'Afie  dans 

l'Arabie  heureufe  ,  avec  un  bon  port. 

CAYA  ,  (  Géog.  )  petite  rivière  d'Efpagne  ,  dans 
l'Eltramadure  ,  fur  les  frontières  du  Portugal  ,  qui 
fe  jette  dans  la  Guadiane  à  Badajoz. 

CAYAKA,  (  Géog.  )  petit  pays  d'Afrique  ,  dans 
la  Nigritie  ,  au  nord  de  la  rivière  de  Gambie. 

CAYAS ,  f.  m.  (Commerce,')  petite  monnoie  de  cui- 
vre qui  a  cours  dans  les  Indes  ;  elle  eft  empreinte 
d'une  efpece  de  griffon  ;  elle  vaut  les  cinq  lïxiemes 
d'un  denier  argent  de  France. 

CAYEMITÈS  ,  (  Géog.  )  petites  îles  de  l'Améri- 
que ,  à  l'occident  de  l'île  Efpagnole. 

*  CAYES  ,  (  Navigation.  )  ©n  appelle  ainfides  ro- 
ches fous  l'eau  ,  peu  éloignées  des  côtes ,  &  fouvent 
fur  des  hauts  fonds  de  fable  ;  lorfqu'il  fe  rencontre 
des  cayes  dans  les  rades  ou  dans  les  ports,  les  vaif- 
feaux  font  obligés  de  prendre  des  précautions  pour 
éviter  d'en  être  endommagés. 

*  CAYEU  ,  (  Hifi.  nat.  Zoolog.  )  petit  poiffon  qui 
fe  trouve  abondamment  dans  les  mers  de  l'Améri- 
que ;  quelques-uns  l'appellent  fardine  (  à  caufe  de  la 
rellemblance  qu'il  a  avec  ce  poiffon. 

CAYEUX  ,  f.  m.  (  Jardinage.  )  ce  font  de  petits 
oignons  qui  naiffent  autour  des  gros  ;  ils  fe  fortifient 
quand  ils  reftent  trois  ans  de  fuite  en  terre  ,  &  ils 
portent  dans  l'année  qu'on  les  replante  :  lorfque  l'on 
tire  les  oignons  tous  les  ans ,  les  cayeux  ne  font  point 


C  A  Y 

afiez  forts ,  &  ils  fe  mettent  dans  une  planche  en  pé» 
piniere  ,  dont  on  levé  de  tems  en  tems  des  oignons 
qui  font  en  état  de  fleurir.  Les  cayeux  dans  les  ané- 
mones changent  de  nom  ;  ils  s'appellent  pattes  :  dans 
les  renoncules,  ce  font  des  griffes.  Les  cayeux  con- 
fervent  feuls  les  plus  belles  efpeces  de  fleurs ,  fans 
dégénérer.  (K) 

CAYLAR  ,  (  le  )  Géog.  petite  ville  de  France  , 
dans  la  province  de  Languedoc. 

C  AYLUS ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  dans  le 
bas  Quercy  ,  fur  les  frontières  du  Rouergue. 

CAYMAN  ,  (  Géog.  )  il  y  a  trois  îles  de  ce  nom 
dans  l'Amérique  feptentrionale  ,  au  midi  de  l'île  de 
Cuba  ,  &  à  l'occident  feptentrional  delà  Jamaïque  ; 
elles  font  inhabitées. 

*  CAYMÏTTE  ,  {Hifi.  nat.  bot.)  fruit  de  l'Amé- 
rique ,  qui  a  à  peu  près  la  forme  &  la  groffeur  d'une 
pomme  de  rambour  ;  il  renferme  une  lubftance  blan- 
che, molle,  &  un  peu  vifqueufe  ,  d'un  goût  fucré , 
mais  fade  :  l'arbre  qui  le  produit  eft  grand ,  bien 
garni  de  feuilles  qui  reffemblent  allez  à  celles  de  l'o- 
ranger ,  hormis  qu'elles  font  moins  grandes  ;  leur 
forme  eft  ovale  ;  elles  font  liffes  &  polies ,  d'un  beau 
vert  par-dedans  &  le  dehors  fatiné ,  ôc  d'une  couleur 
d'un  brun  rougeâtre  comme  la  canelle. 

CAYNO  ,  ou  C ANO  ,  (  Géog.  )  petite  île  de  l'A- 
mérique méridionale  dans  la  mer  du  Sud  ,  à  l'extré- 
mité de  la  province  de  Cofta-rica. 

C AYONNE ,  (  Géog.  )  rivière  de  l'Amérique  dans 
l'île  de  S.  Chriftophle. 

CAYOR,  ou  CAHIOR,  (Géog.  )  petit  royaume 
d'Afrique  en  Nigritie ,  entre  le  Sénégal  &  le  Cap- 
verd. 

CAYPUMO ,  (  Géog.  )  rivière  de  l'Afie  dans  l'In- 
de ,  au-delà  du  Gange. 

CAYR.AC  ,  (Géog.)  petite  ville  de  France  en 
Guyenne  dans  le  Quercy  ,  fur  la  rivière  du  Lot. 

CAZ  ,  f.  m.  (  Commerce.  )  monnoie  des  Indes  ;  c'eft 
ainfi  qu'en  langue  Malaye  on  appelle  le  caxa.  Voye^ 
Caxa. 

CAZALLA  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Efpagne  en 
Andaloufie  ,  dans  la  Sierra-Morena. 

CAZAN,  ou  comme  d'autres  l'écrivent,  HAZAN, 
f.  m.  (Hifi.  mod.  )  officier  des  fynagogues  Juives  , 
établi  pour  entonner  les  prières  que  chantent  ceux 
qui  s'y  affemblent ,  à  peu  près  comme  les  chantres 
ou  choriftes  dans  l'Eglife  Romaine.  Le  caran  eft 
placé  fur  un  fiége  plus  élevé  que  les  autres  ,  &  qui 
fèrt  auffi  de  chaire  au  rabbin  quand  il  prêche.  Ce 
nom  fe  trouve  dans  S.  Epiphane  pour  fignifier  un 
officier  de  la  fynagogue  :  mais  ce  père  n'explique 
point  quelle  étoit  alors  fa  fonction.  Les  Juifs  moder- 
nes l'ont  établi  pour  avoir  inlpe&ion  fur  tout  ce  qui 
fe  paffe  dans  leurs  lieux  d'affemblée  ,  &  furtout 
pour  veiller  à  la  décence  dans  la  lecture  de  la  loi  & 
la  récitation  des  offices  ;  mais  malgré  les  précautions 
qu'il  prend  ,  il  y  règne  toujours  beaucoup  de  préci- 
pitation &  de  cacophonie.  (G) 

CAZBAT  ,  (  Géog.  )  ville  ancienne  d'Afrique  au 
royaume  de  Tunis. 

C  AZELLES,  f.  f.  (Fileur  d'or.)  font  des  efpeces  de 
bobines  fur  lefquelles  l'ouvrage  le  dévide  après  avoir 
été  filé.  Elles  ont  des  crans  à  un  bout  qui  vont  tou- 
jours en  diminuant  comme  ceux  de  la  fufée  ,  pour 
augmenter  le  mouvement  quand  les  cailles  font  vui- 
des  ,  &  pour  le  diminuer  quand  elles  font  prcfque 
pleines.  Foye{  Fileur  d'or. 

C  AZEM  ATE  ,  f.  f.  (  en  terme  de  Fortification.  )  eft 
une  efpece  de  voûte  de  maçonnerie  pratiquée  dans 
la  partie  du  flanc  du  baftion  proche  la  courtine ,  & 
qui  fait  une  petite  retraite  ,  ou  un  enfoncement  vers 
la  capitale  du  baftion.  On  y  place  le  canon  qui  fert 
à  défendre  la  face  du  baftion  oppofé ,  &  à  balayer  le 
fonddufofle.  Voye^  Bastion. 


C  A  Z 


C  E 


795 


Ce  nom  vient  d'une  voûte  qui  fervoit  autrefois  à 
féparer  les  plate- formes  des  batteries  hautes  &  baffes 
que  les  Italiens  appellent  cafa  armata  ,  &  les  Efpa- 
gnols  cafamata  :  mais  d'autres  dérivent  ce  mot  de 
cafa  à  matù ,  mai  (on  à  fous  :  Covarruvias  de  cafa  èc 
mata ,  maifon  baffe. 

La  casemate  eft  quelquefois  compofée  de  trois  pla- 
te-formes l'une  au-deffus  de  l'autre,  le  terre-plain 
du  baftion  étant  la  partie  la  plus  élevée  :  mais  l'on 
fe  contente  quelquefois  de  placer  la  dernière  au-de- 
dans  du  baftion. 

On  donne  auffi  à  la  ca7emate  le  nom  de  place  baffe 
ou  de  flanc  bas,  parce  qu'elle  cft  placée  au  pié  du 
rempart  près  du  foffé;  quelquefois  celui  de  flanc  re- 
tiré ,  parce  qu'elle  eft  la  partie  du  flanc  qui  efl;  la 
plus  proche  de  la  courtine  ,  &  qui  forme  le  centre 
du  bafHon  :  on  la  couvrait  autrefois  d'un  épaule- 
ment  ou  d'un  corps  de  maçonnerie  rond  ou  quarré 
qui  mettoit  à  couvert  les  batteries  ,  ce  qui  Ta  tait  ap- 
pellera/se couvert. 

On  met  aujourd'hui  rarement  les  casemates  en  ufa- 
gc  ,  parce  que  les  batteries  de  l'ennemi  peuvent  en- 
levelir  les  pièces  de  canon  qu'elles  contiennent,  fous 
les  ruines  de  leurs  voûtes  ,  outre  que  la  fumée  dont 
elles  fe  rempliffent  les  rend  infupportables  à  ceux 
qui  fervent  à  l'Artillerie.  C'eft  ce  qui  fait  que  les  In- 
génieurs modernes  les  font  à  découvert ,  &  fe  con- 
tentent de  les  munir  d'un  parapet. 

Les  places  baffes  &  hautes  doivent  avoir  au  moins 
huit  toifes  d'enfoncement  ;  fa  voir  trois  pour  le  para- 
pet ,  &  cinq  pour  le  terrein  ;  deforte  que  s'il  y  a  deux 
places  l'une  devant  l'autre ,  elles  doivent  avoir  leize 
toifes  d'enfoncement. 

Les  places  baffes  ont  les  defavantages  fuivans. 

i°.  Qu'il  eft  très-difficile  de  fe  fervir  en  même 
tems  des  unes  &  des  autres ,  à  cauie  des  éclats  6c 
des  débris  qui  tombent  continuellement. 

2°.  Qu'elles  deviennent  prefque  inutiles  quand  la 
demi-lune  eu  prife ,  par  le  commandement  qu'elle  a 
fur  elles. 

3°.  Que  la  quantité  des  débris  qui  tombent  des 
places  hautes ,  prépare  une  montée  fort  douce  à  l'en- 
nemi pour  monter  à  l'affaut. 

Lorfqu'on  a  des  places  baffes ,  il  cft  important  que 
le  flanc  foit  couvert  par  un  orillon  qui  les  mette  à 
l'abri  du  commandement  de  la  demi-lune.  Les  meil- 
leurs flancs  bas  font  ceux  qui  forment  une  efpece  de 
fauffe  craie  au  flanc,  à  la  diftance  de  dix  ou  douze 
toifes  ;  ou  fi  l'on  veut  les  tenailles  du  foffé  de  M. 
de  Vauban  qui  en  tiennent  lieu.  V'oyc^  Tenaille  , 

C  AZERES  ,  (Géog.}  petite  ville  de  France  en  Gaf- 
cogne  ,  fur  la  Garonne.  Il  y  a  une  autre  ville  de  mê- 
me nom  en  Gafcogne,  fur  l'Adour. 

CAZERN,  (Géog.)  ville  &  fortereffe  de  Pologne, 
dans  la  baffe  Podolie ,  fur  le  Nieller. 

CAZERNES,f.  f.  ( Art.  milit. )  font  de  grands 
corps  de  logis  confiants  entre  le  rempart  &  les  mai- 
fons  d'une  ville  fortifiée,  ou  même  furie  rempart, 
pour  loger  les  foldats ,  à  la  décharge  «Se  au  foulage- 
ment  des  habitans.  l 'oyc^  Garnison". 

Il  y  a  pour  l'ordinaire  deux  lits  dans  chaque  cham- 
bre ,  &£  trois  foldats  couchent  dans  le  même  lit.  (Q) 

C AZEROM  ou  CAZERON ,  (Gcog.)  ville  d'Afie , 
au  royaume  de  Pcrfe ,  capitale  de  la  province  deSa- 
pour,qui  fait  partie  de  la  l'erfc  proprement  duc,  en- 
tre les  rivières  de  Bofchavir  6c  de  Bendemir. 

*  CAZIMI ,  (sl/lronom.)  ce  mot  Arabe  cil  employé 
par  les  Aftronomes  de  ce  pays  pour  marquer  le  dif- 
que  du  foleil;  lorfqu'ils  dilent  qu'une  telle  planète  ejt 
en  cu^irni  ;  c'eft  comme  s'ils  voûtaient  dire  qu'elle  ne 
paroît  point  éloignée  de  leize  minutes  du  centre  du 
foleil ,  le  demi-diametre  de  cet  allie  étant  de  }i\ 
Tome  II. 


C AZM A ,  (  Gèog.  )  bon  port  de  l'Amérique  méri- 
dionale, au  Pérou. 

CAZZICHI,  (Géographe)  petite  rivière  de  l'île  de 
Candie,  qui  le  jette  dans  la  mer  près  de  Spinalonga, 

C  E 

Ce ,  ces  ;  cet ,  cette  ;  ceci ,  cela  ;  czltù ,  celle  ;  ceux  } 
celles  ;  celui-ci,  celui-là;  c: lles-ci,  celles-là. 

Ces  mots  répondent  à  la  fmtation  momentanée  où 
fe  trouve  Fefprit,  lorfqtie  la  main  montre  un  objet 
que  la  parole  va  nommer;  ces  mots  ne  font  donc 
qu'indiquer  la  perfonne  ou  la  chofe  dont  il  s'agit , 
lans  que  par  eux-mêmes  ils  en  excitent  l'idée.  Ainfi 
la  propre  valeur  de  ces  mots  ne  confilte  que  dans  la 
delignation  ou  indication,  &  n'emporte  point  avec 
elle  l'idée  précife  de  la  perfonne  ou  de  la  chofe  indi- 
quée. C'ell  ainfi  qu'il  arrive  fouvent  que  l'on  fait 
que  quelqu'un  a  fait  une  telle  action  ,  fans  qu'on  fâ- 
che qui  ele  ce  quelqu'un  là.  Ainfi  les  mots  dont  nous 
parlons  n'excitent  que  l'idée  de  l'exiftence  de  quel- 
que fubllance  ou  mode ,  foit  réel,  foit  idéal:  mais 
ils  ne  donnent  par  eux-mêmes  aucune  notion  déci-\ 
dée  &  précife  de  cette  fubflance  ou  de  ce  mode. 

Ils  ne  doivent  donc  point  être  regardés  comme  des 
vice-gerens ,  dont  le  devoir  confifle  à  figurer  à  la  place 
d  un  autre  ,  &  à  remplir  les  fonctions  de  fubflitut. 

Ainli  au  lieu  de  les  appeller  pronoms ,  j'aimerois 
mieux  les  nommer  termes  métaphyflques ,  c'eft-à-dire  , 
mots  qui  par  eux-mêmes  n'excitent  que  de  fimples 
concepts  ou  vues  de  l'efprit,  fans  indiquer  aucun  in- 
dividu réel  ou  être  phyfique.  Or  on  ne  doit  donner  à 
chaque  mot  que  la  valeur  précife  qu'il  a  ;  &  c'eft  à 
pouvoir  faire  &  à  fentir  ces  précisons  métaphyliques, 
que  confifle  une  certaine  jufteffe  d'efprit  où  peu  de 
perfonnes  peuvent  atteindre. 

Ce,  ceci,  cela,  font  donc  des  termes  métaphyfi- 
ques ,  qui  ne  font  qu'indiquer  l 'évidence  d'un  objet 
que  les  circonllances  ou  d'autres  mots  déterminent 
enfuite  fingulierement  &  individuellement. 

Ce,  cet,  cette ,  font  des  adjectifs  métaphyfiques  qui 
indiquent  l'exiftence,  &  montrent  l'objet:  ce  livre, 
cet  homme,  cette  femme ,  voilà  des  objets  préfens  ou 
prclentés.  «  Ce ,  adjectif ,  ne  fe  met  que  devant  les 
»  noms  mafeulins  qui  commencent  par  une  conlon- 
»  ne,  au  lieu  que  devant  les  noms  mafeulins  qui  com- 
»  mencent  par  une  voyelle,  on  met  cet ,  mais  devant 
»  les  noms  féminins ,  on  met  cette  ►> ,  foit  que  le  nom 
commence  ou  par  une  voyelle  ou  par  une  confon- 
ne.  Grammaire  de  Buffier,  pag.  l8£). 

Ce,  défigne  un  objet  dont  on  vient  de  parler,  ou 
un  objet  dont  on  va  parler. 

Quelquefois  pour  plus  d'énergie  on  ajoute  les  par- 
ticules ci  ou  là  aux  fubftantifs  précèdes  de  l'adjectif 
ce  ou  cet;  cet  état-ci ,  ce  royaume-là;  alors  ci  tait  con- 
noître  que  L'objet  eft  proche,  Cv  Ai  plus  éloigné  ou 
moins  proche. 

Ci  eft  fouvent  fubilantif,  c'eft  le  hoc  des  Latins; 
alors,  quoi  qu'en  difent  nos  Grammairiens,  ce  cil  du 
genre  neutre;  car  on  ne  peut  pas  dire  qu'il  foit  maf- 
culin,  ni  qu'il  foit  féminin,  j'entais  ce que  vous  dues, 
<d.  Ce  fut  après  unfolemntl  &  magnifia  ue  faeri- 
fice,  que,  ècc.  Flechier,  or.  fin.  C.  ,  c'ei  dire,  la 
ckoft  que  je  vais  dire  arriva  après,  &c. 

Dans  les  interrogations,  ce  fubfhntif  eft  mis  après 
te  eft.  Qui  e/i-ce  qui  vous  fa  du,  dont  la  conf- 
truction  eft  ce,  c'elt-à-dire,  celui  eu  celle  qui  vous  fa 
dit  eji  quelle  perfonne  ? 

Ct  lubftantif  fe  joint  à  tout  genre  &:  à  tout  nombre. 
Ce  font  des  Philofophes  ,  (Sec.  ce  font  les  paffwns  ;  cefl 
V amour  ;c  efl  la  i: 

La  particule  ci  Cs:  la  particule  là  ajoutées  au  fubf- 

tantif  ce,  ont  form 9t.  cela. Ces  mots  indiquent 

ou  un  objet  ample ,  comme  quand  on  dit  cela  cft  bonf 

H  H  h  h  h  ij 


79<> 


C  E  A 


ceci  eft  mauvais:  ou  bien  ils  fe  rapportent  à  un  fens  to- 
tal ,  à  une  action  entière  ;  comme  quand  on  dit  ceci 
va  vous  furprendre  ,  cela  mérite  attention  ,  cela  cfl  fâ- 
cheux. 

Au  refte  ceci  indique  quelque  chofe  de  plus  immé- 
diatement préient  que  cela.  Ecoute^ceci ,  ave^-vousvû 
cela?  Vous  étes-vous  apperçu  de  cela?  Vene^  voir  ceci. 

Ceci ,  cela,  font  auflî  des  fubftantifs  neutres  ;  ces 
mots  ne  donnent  que  l'idée  métaphyftque  d'une  lubf- 
tance  qui  eft  enfuite  déterminée  par  les  circonstan- 
ces ou  idées  acceflbires;  l'eiprit  ne  s'arrête  pas  à  la 
lignification  précife  qui  répond  au  mot  ceci  ou  au  mot 
cela ,  parce  que  cette  fignifîcation  eft  trop  générale  ; 
mais  elle  donne  occafion  à  l'eiprit  de  confidérer  en- 
fuite  d'une  manière  plus  diftin&e  &  plus  décidée  l'ob- 
jet indiqué. 

Ceci  veut  dire  chofe  préfente  ou  qui  demeure;  cela 
fignifie  chofe  préfentée  &  déjà  connue.  Vos  ijîhœc  in- 
tro  auferte.  Emporte^  cela  au  logis,  dit  Mde  Dacier, 
Ter.  And.  acl.  I.  fc.j.  vers  i.  Ainfi  il  faut  bien  distin- 
guer en  ces  occafions  la  propre  fignifîcation  du  mot, 
&  les  idées  acceflbires  qui  s'y  joignent  &  qui  le  dé- 
terminent d'une  manière  individuelle. 

Il  en  eft  de  même  de  il  m'a  dit  ;  la  valeur  de  il  eft 
feulement  de  marquer  une  perfonne  qui  a  dit ,  voilà 
l'idée  préfentée  :  mais  les  circonftances  ou  idées  ac- 
ceflbires me  font  connoître  que  cette  perfonne  ou  ce 
//  eft  Pierre;  voilà  l'idée  ajoutée  à  il,  idée  qui  n'eft 
pas  précifément  fignifiée  par  il. 

Celui  &  celle  font  des  fubftantifs  qui  ont  befoin  d'ê- 
tre déterminés  par  qui  ou  par  de  ;  ils  font  fubftantifs 
puifqu'ils  fubfiftent  dans  laphraie  fans  le  fecours  d'un, 
îiibftantif,  &  qu'ils  indiquent  ou  une  perfonne  ou 
une  chofe.  Celui  qui  me  fuit ,  &c.  c'eft-à-dire ,  Xhom- 
me ,  la  perfonne  ;  le  difciple  qui,  &c.  D.  Quel  eft  le 
meilleur  acier  dont  on  fe  ferve  communément  en 
France  ?  R.  C'eft  celui  d'Allemagne ,  c'eft-à-dire,  c'eft 
l'acier  d'Allemagne  :  ainfl  ces  mots  indiquent  ou  un 
objet  dont  on  a  déjà  parlé,  ou  un  objet  dont  on  va 
parler. 

On  ajoute  quelquefois  les  particules  ci  ou  là  à  ce- 
lui &  à  celle,  &  au  pluriel  à  ceux  &  à  celles;  ces  par- 
ticules produifent  à  l'égard  de  ces  mots-là  le  même 
effet  que  nous  venons  d'obferver  à  l'égard  de  cet. 

Ceux  eft  le  pluriel  de  celui,  &  en  ajoutant  un  s  à 
celle,  on  en  a  le  pluriel.  Voye*  Pronom.  {I") 

CE,  (  Géog.~)  ville  de  la  Chine  dans  la  province 
de  Xanfl ,  où  elle  eft  la  troifieme  entre  les  grandes 
cités. 

C  E  A ,  (  Géog.  )  rivière  d'Efpagne ,  au  royaume 
de  Léon ,  qui  prend  fa  fource  près  des  Afturies ,  &c  fe 
jette  dans  le  Carrion. 

CEAUX,  Géog.  )  rivière  de  France  dans  le  Gati- 
ricis,  qui  fe  jette  dans  leLoing. 

*  CEBI-PIRA ,  (  Hift.  nat.  bot.  )  arbre  du  Brefll 
dont  l'écorce  amere  &  aftringente  entre  dans  les 
bains,  &  les  fomentations  ordonnées  dans  les  mala- 
dies caufées  par  le  froid ,  les  tumeurs  du  ventre  & 
des  pies ,  &  les  douleurs  de  reins,  que  les  Portugais 
appellent  curi-  mémos.  Au  refte  on  ne  nous  donne 
point  d'autre  description  de  cet  arbre,  que  la  phrafe 
botanique  fuivante  :  arbor  Brafilienfis ,  floribus  fpecio- 
fis  ,fpïcatis  ,  pericarpio  ficco ,  fur  laquelle  on  ne  con- 
noîtra  fùrement  pas  le  cebipira. 

CEBU  ou  ZEBU ,  (  Géog.  )  île  d'Afle ,  l'une  des 
Philippines ,  dans  la  mer  des  Indes. 

CECERIGO  ou  CERIGOTTO ,  (  Géog.  )  petite 

île  de  l'Archipel ,  entre  celles  de  Cerigo  &  de  Candie. 

CECHIN  ,  f.  m.  (  Commerce.  )  c'eft  ainfl  que  dans 

le  Levant  on  appelle  le  fequin  d'or ,  qui  a  cours  à 

Venife.  Voye{  Sequin. 

CEC I M  B  R A  ou  CERIMBRA ,  (  Géog.  )  petite 
ville  de  Portugal ,  dans  l'Eftramadure ,  fur  le  bord 
de  l'Océan, 


CED 

CECIN A  ,  (  Géog.  )  rivière  d'Italie ,  dans  la  Tof" 
cane  ,  entre  Livourne  &  Piombino.  Elle  a  fa  fource 
dans  le  Siennois ,  &  fe  jette  dans  la  Méditerranée. 

*  CECRYPHALE,  f.  f.  (  Hift.  anc.  )  forte  de  vête»; 
ment  à  l'ufage  des  femmes  Greques ,  dont  nous  n'a- 
vons aucune  connoiflance. 

CED  ANT,  adj.  pris  fubft.  dans  le  Commerce ,  celui 
qui  cède ,  qui  tranfporte  quelque  fom'me ,  quelque 
droit ,  quelque  effet  à  un  autre. 

Un  cédant  peut  quelquefois ,  &c  fuivant  fes  con- 
ventions ,  céder  fans  garantie  ;  cependant  il  eft  tou- 
jours garant  de  fes  faits ,  c'eft-à-dire  que  la  chofe  cé- 
dée exifte,  qu'elle  lui  appartienne  ,  ou  du  moins  qu'il 
ait  été  en  droit  d'en  dilpofer. 

Appeller  un  cédant  en  garantie  ,  c'eft  l'aflîgnef 
pardevant  les  juges  pour  fe  voir  condamner  à  ga- 
rantir ce  qu'il  a  cédé  ,  conformément  aux  claufes  de 
fon  acïe  de  ceflïon.  Diclionn.  de  Comm.  (G) 

CED  ATAIRE ,  f.  f.  terme  de  Droit  fynonyme  à  cé- 
dant. Voyei  CÉDANT.  (  H) 

CEDER,  verbe  act.  (  Commerce.  )  tranfporter 
une  chofe  à  une  autre  perfonne ,  lui  en  donner  la 
propriété  ,  l'en  rendre  le  maître.  Ainfl  un  marchand 
cède  fa  boutique,  fon  magafin,  fon  fonds.  Un  ac- 
tionnaire cède ,  ou  quelques  -  unes  des  aûions ,  ou 
toutes  les  a  Étions  qu'il  a  dans  une  compagnie.  JDicf, 
du  Commerce.  (  G  ) 

CEDILLE ,  f.  f.  terme  de  Grammaire  ;  la  cédille  eft 
une  eipece  de  petit  c ,  que  l'on  met  fous  le  C,  lorf- 
que  par  la  raiion  de  l'étymologie  on  conferve  le  c 
devant  un  a,iino,  ou  un  u,  &  que  cependant  le 
c  ne  doit  point  prendre  alors  la  prononciation  dure  , 
qu'il  a  coutume  d'avoir  devant  ces  trois  lettres  a  , 
o,  u  ;  ainfl  de  glace  ,  glacer  ,  on  écrit  glaçant ,  glaçon  ; 
de  menace,  menaçant  ;  de  France,  François  ;  de  rece* 
voir,  reçu,  &c.  En  ces  occafions,  la  cédille  marque 
que  le  c  doit  avoir  la  même  prononciation  douce 
qu'il  a  dans  le  mot  primitif.  Par  cette  pratique  le  dé- 
rivé ne  perd  point  la  lettre  cara&ériftique ,  &  con- 
ferve ainfl  la  marque  de  fon  origine. 

Au  refte  ,  ce  terme  cédille  vient  de  l'Efpagnol  ce- 
dilla ,  qui  lignifie  petit  c  ;  car  les  Efpagnols  ont  aufll, 
comme  nous ,  le  c  fans  cédille ,  qui  alors  a  un  fon  dur 
devant  les  trois  lettres  a  ,  o ,  u  ;  &  quand  ils  veulent 
donner  le  fon  doux  au  c  qui  précède  l'une  de  ces 
trois  lettres  ,  ils  y  fouferivent  la  cédille ,  c'eft  ce  qu'ils 
appellent  c  cor.  cedilla,  c'eft-à-dire  c  avec  cédille, 

Au  refte ,  ce  caractère  pourrait  bien  venir  du  fîg- 
ma  des  Grecs  figuré  ainfl  Ç ',  comme  nous  l'avons 
remarqué  à  la  lettre  c  ;  car  le  c  avec  cédille  fe  pronon- 
ce comme  Y  s  au  commencement  des  mots  f  âge  ,fe~ 
cond  ,fi ,  fobre  ,fucre.  (  F  ) 

*  Le  c  avec  cédille  s'appelle ,  foit  en  Fonderie  de 
caraéleres  ,  foit  en  Imprimerie  ,  c  à  queue. 

CEDMONEEN ,  adj.  (  Géog.  )  eft  fynonyme  dans 
l'écriture  à  oriental.  C'eft  ainfl  qu'elle  appelle  les  haf 
bitans  de  l'Arabie  deferte ,  que  la  Terre-fainte  avoit 
à  l'orient. 

CEDOGNA ,  (  Géog.  )  ville  d'Italie  au  royaume 
de  Naples ,  dans  la  principauté  ultérieure  au  pié  de 
l'Apennin.  Long  JJ.  8.  lat.  41.  5. 

*  CEDRA,  f.  m.  {Hift.  nat.  &  Diftill.)  efpece  de  ci- 
tronnier. Voye^  Citronnier.  On  donne  le  même 
nom  aux  fruits  de  cet  arbre.  On  fait  de  ces  fruits  une 
confiture  liquide  &  une  confiture  feche  ;  ils  font  en- 
tiers dans  la  liquide,  &  par  quartiers  dans  la  feche; 
On  en  tire  une  liqueur  très-eftimée  :  pour  cet  effet, 
on  les  cueille  avant  leur  entière  maturité  ;  on  en  en- 
levé des  zeftes  ;  on  prefle  ces  zeftes ,  &  l'on  en  reçoit 
l'écoulement  fur  un  morceau  de  verre  ,  d'où  il  def- 
cend  dans  un  vaifleau.  On  a  de  l'eau-de-vie  cam- 
frée  ;  on  la  coupe  avec  le  jus  des  zeftes  de  cedra ,  & 
on  diftille  le  tout.  L'eau  de  cedra  entre ,  à  ce  qu'on 
dit,  dans  la  compofltion  de  celle  des  barbades, 


C  E  D 

CEDRE ,  cedrus ,  f.  m.  (  Hift.  nat.  bot.  )  genre  de 
plante  qui  porte  des  chatons  compofés  de  plulieurs 
petites  feuilles  qui  ont  des  fommets.  Ces  chatons 
ibnt  ftériles.  Les  fruits  ou  les  haies  renferment  des 
noyaux  anguleux ,  dans  chacun  defquels  il  y  a  une 
femence  ohlongue.  Ajoutez  aux  caractères  de  ce  gen- 
re ,  que  les  feuilles  de  ces  efpeces  font  femblables  à 
celles  du  cyprès.  Tournefort,  lnjl.  rei  hcrb.  Voye^ 
Plante.  (/) 

*  Le  Ctdn  eft  un  arbre  très -fameux.  On  en 
compte  plufieurs  efpeces.  Les  fentimens  des  Botanif- 
tes  font  aflez  partagés  à  l'on  fujet  ,  cependant  tous 
s'accordent  à  donner  le  premier  rang  au  cèdre  du  Li- 
ban ,  que  l'on  nomme  aufii  grand  cèdre  ;  les  relations 
tics  voyageurs  portent  qu'il  ne  s'en  tro.ive  plus  gue- 
res  fur  le  Liban  ;  elles  varient  fur  leur  grandeur  :  les 
unsdifent  que  les  cèdres  du  Liban  font  les  plus  grands 
arbres  que  l'on  connoiflé ,  6c  prétendent  qu'il  y  en 
a  qui  s'élèvent  jufqu'à  1 20  ou  130  pies  de  hauteur, 
&  que  leur  groflèur  y  cil  proportionnée  ;  d'autres  fe 
contentent  de  dire  que  les  cèdres  du  Liban  font  de  la 
taille  des  plus  grands  chênes  :  les  uns  dilent  que  les 
feuilles  reflemblent  à  celles  du  pin ,  hormis  qu'el- 
les font  moins  piquantes  que  celles  de  cet  arbre  ; 
d'autres  prétendent  qu'elles  font  femblables  à  celles 
du  romarin.  Son  écorce  eft  polie  &c  liife.  Les  bran- 
ches les  plus  proches  de  la  terre  s'étendent  confide- 
rablement ,  &  elles  diminuent  à  mefure  qu'elles  ap- 
prochent du  fommet  ,  ce  qui  donne  à  cet  arbre 
une  figure  pyramidale  ;  les  touilles  demeurent  tou- 
jours vertes  ;  elles  font  petites  &  étroites.  Son  bois 
eft  tougeâtre  &  très-odoriférant,  6c  plus  dur  que  celui 
de  toutes  les  autres  efpeces  de  cedres;\\  produit  des 
pommes  femblables  aux  pommes  de  pin  ,  qui  con- 
tiennent de  la  femence.  On  dit  que  dans  les  grandes 
chaleurs  il  en  coule  ,  fans  incifion  ,  une  gomme  ou 
ixline  blanche  que  l'on  nomme  cedria.  Voye^  cet  article. 

Au  refte  ,  le  cèdre  du  Liban  doit  être  rangé  dans  la 
clafie  du  melcze  ,  voye^  Meleze.  Son  bois  pafle  pour 
incorruptible  ,  &  Ton  prétend  que  les  vers  ne  s'y 
mettent  jamais  ;  c'elï  un  fait  qui  cil  cependant  dé- 
menti par  quelques  voyageurs.  On  fait  que  le  temple 
■mon  étoit  bâti  de  bois  de  cèdre,  qui  lui  fut 
fourni  par  le  roi  Hiram. 

Il  croit  dans  toutes  les  parties  de  l'Amérique  une 
grande  quantité  de  cèdres  qui  s'élèvent  aufli  a  une 
hauteur  prodigieufè  :  mais  on  prétend  que  le  bois 
n'en  eft  point  li  dur  ni  fi  ferré  que  celui  des  cèdres  du 
Liban.  M.  Laurence  ,  lavant  Anglois  ,  qui  a  donné 
un  traité  fur  la  culture  des  arbres ,  le  plaint  de  la  né- 
gligence des  Européens  ,  de  ne  point  rendre  plus 
communs  parmi  eux  des  arbres  que  la  nature  iem- 
ble  avoir  voulu  rendre  prcfqu'immortels  ,  d'au- 
tant plus  qu'il  n'y  a  point  d'arbre,  félon  lui,  qui 
croiffe  avec  plus  de  facilité  que  le  cèdre  :  en  effet ,  on 
le  trouve  fur  les  plus  hautes  montagnes  du  nouveau 
monde  ,  aufli-bien  que  dans  des  endroits  bas  &  maré- 
cageux ;  on  le  rencontre  dans  les  provinces  les  plus 
froides  ,  auffi-bien  que  dans  celles  oii  la  chaleur  eft 
la  plus  forte. 

Il  cite  ,  outre  cela  ,  l'exemple  d'un  curieux  qui 
îivoit  planté  une  allée  de  cèdres  près  de  fa  mai  Ion  de 
campagne  en  Angleterre  ,  qui  en  peu  d'années  étoient 
parvenus  à  une  groflèur  très-conlîdérablc.  On  dit 
qu'il  fe  trouve  aulli  beaucoup  de  cèdres  en  Sibérie. 
L'on  fait  plulieurs  ouvrages  de  tabletterie  év  de  mar- 
quetferie  avec  le  bois  de  cèdre  ;  dans  les  pays  où  il 
eft  commun  l'on  en  fait  de  la  charpente.  Les  Efpa- 
gnols,  dans  le  tems  de  la  découverte  de  l'Amérique, 
s'en  font  fervis  avec  fuccès  pour  la  conftruction  de 
leurs  vaifléaux.  On  fait  en  Angleterre  des  efpeces 
de  petits  barrils  dont  les  douves  (ont  moitié  de  bois 
de  cèdre ,  Se  moitié  de  bois  blanc  fort  artiftement  tra- 
vaillés ;  on  y  laifté  féjourner  pendant  quelque  tems 


CED  79? 

du  punch  ,  ou  d'autres  liqueurs  fortes ,  elles  acquiè- 
rent par-là  une  odeur  très-agréable  ,  &  qui  en  rele- 
vé le  goût.  Il  y  a  encore  une  clpece  de  cedre,que  l'on 
nomme  cèdre  de  Phénicie  ou  de  Lycie  ,  qui  reffemble 
beaucoup  au  genévrier ,  &  porte  des  grains  ou  baies 
rouges.  Voyer^  Oxycedre. 

*  CEDRIA  ,  f.  f.  (  Hift.  nat.  bot.  )  c'eft  ainfi  qu'on 
appelle  tantôt  la  poix  ,  tantôt  la  reline  du  grand  cè- 
dre. Il  y  en  a  qui  diftinguent  le  cedrium  de  la  cedria  : 
félon  eux ,  la  cedria  eft  la  larme  crue  de  l'arbre ,  &  le 
cedrium  en  eft  une  huile  de  confiftance  plus  fluide  ; 
cependant  on  fe  fert  indiftindtement  des  deux  termes 
cedrium  &  cedria  pour  déiigncr  la  réfine  ou  l'huile. 
On  nomme  aufli  la  réfine  cedrœleum  &  Y  huile  de  cade; 
On  dit  que  la  meilleure  eft  épaiiîe ,  blanche  ,  tranf- 
parente ,  d'une  odeiir  forte  :  on  lui  attribue  la  pro- 
priété de  corrompre  les  corps  vivans  ,  &  de  confer- 
ver  les  corps  morts.  Quoi  qu'il  en  foit,  il  eft  conftant 
quec'étoit  un  des  principaux  ingrédiens  des  embaii- 
memens  Egyptiens  ;  c'eft  ,  félon  Diolconde  ,  un  re- 
mède fouverain  pour  les  maux  d'yeux ,  de  dents,  & 
la  morfure  des  ferpens  &  animaux  venimeux. 

CEDRIN  ,  oifeau.  Voye^  Slrin. 

CEDRO  ,  (  Geog.  )  rivière  de  l'île  de  Sardaigne  ^ 
qui  le  jette  dans  la  mer  ,  près  d'un  petit  golfe  de  mê- 
me nom. 

CEDULE  ,  f .  f .  (  Jurifprud.  )  fignifie  en  général 
toute  lorte  d'actes  ou  d'obligations  taites  fous  figna- 
ture  privée  ,  &  même  les  brevets  d'actes  paffés  par- 
devant  notaires  ,  qu'on  garde  pardevers  foi. 

CEDULE  évocatoire.  Poye^  ÉVOCATOIRE.  (#) 

Cedule  ,  1. 1.  (  Commerce.  )  parmi  les  marchands,' 
banquiers  ,  nég'ocians  ,  fignifie  fouvent  le  morceau 
de  papier  (m  lequel  ils  écrivent  leurs  promefles  ,  let- 
tres de  change,  billets  payables  au  porteur,  referip- 
tions  &  autres  engagemens  femblables  qu'ils  pren- 
nent entr'eux  par  actes  fous  feing  privé ,  pour  le  fait 
de  leur  négoce ,  &  particulièrement  pour  le  paye- 
ment de  l'argent.-  Ils  appellent  aufii  porte-cedule  ,  le 
porte-feuille  dans  lequel  ils  renferment  ces  fortes  de 
papiers.  Diction,  de  Commerce. 

Cedules  détachées ,  eft  le  nom  qu'on  donne  en 
Hollande  ,  dans  le  bureau  du. convoi  &  licenten  ,  aux 
expéditions  qu'on  délivre  aux  marchands  pour  jufti- 
fier  du  contenu  aux  déclarations  qu'ils  ont  faites  de 
leurs  marchandées,  ou  du  payement  des  droits.  C'eft 
fur  ces  cedules  ,  que  les  commis  aux  recherches  doi- 
vent faire  leurs  vilites.  ldémi  ibid. 

CEER  ,  f.  m.  (  Commerce.  )  poids  tout  enfemble. 
&  mefure  dont  on  fe  fert  fur  la  côte  de  Coromandel. 
Cinq  céers  font  le  bifi  ,  huit  bilis  un  man  ,  &c  deux 
mans  un  candi. 

Comme  le  candi  eft  inégal ,  &  qu'en  quelques  en- 
droits il  n'eft  que  de  trois  cents  vingt  livres  de  Hol- 
lande ,  &  en  d'autres  de  cinq  cents  ,  le  céa  eft  à  pro- 
portion plus  ou  moins  pelant,  fuivant  les  lieux.  Le. 
céer  contient  vingt-quatre  tols.  Voytt  Tol.  Diction, 
du  Commerce.  (  6 :  ) 

CEFALON1E  ou  CEPHALONIE  ,  (  Gêog.  )  île 
confidérablc  de  la  Grèce,  au  fud  de  l'Albanie,  fort 
abondante  ;  la  capitale  porte  le  même  nom.  Longitude 
38.  20.  lat.  38.  30. 

CEFALU  ou  CEFALEDI ,  (  Gêog.  )  ville  de  Sici- 
le ,  dans  la  vallée  de  Demonc.  Long.  3t.  J3.  lat, 
38.  à. 

C  E  G  A  ,  (  Gêog.  )  petite  rivière  d'Efpagne  ,  au 
royaume  de  Léon  \  qui  fe  jette  dans  le  Duero. 

CEGISUS  ,  f.  m.  (  Afir.  )  cil  une  étoile  fixe  de 
la  troilieme  grandeur  ,  dans  l'épaule  gauche  du  Bou- 
vier ;  l'a  latitude  eft  de  49d  >  33'  >  fa  déclinailbn  de 
39ll,27/.  (O) 

CEIBA  ,  f.  m.  (  H'ft-  njt-  l'or-  )  genre  de  plante 
dont  la  fle'ur  eft  en  rôle  ,  quelquefois  compolce  de 
phtiieurs  pétales  dil'polés  en  rond ,  quelquefois  mo^ 


79s 


C  E  I 


rropétaîe  câmpanlforme.  Il  s'élève  du  calice  un  pil- 
til  qui.  devient  dans  la  fuite  un  fruit  en  forme  de 
flacon  ,  qui  s'ouvre  d'un  bout  à  l'autre  en  cinq  par- 
ties ,  &  qui  eft  rempli  de  femences  rondes  revêtues 
d'un  duvet  fort  doux  ,  &  adhérentes  à  un  placenta 
de  figure  pyramidale  à  cinq  côtés.  Plumier ,  nova 
riant.  Amer,  gêner.  Voyt^  PLANTE.  (  /) 

CEILAN  ,  ZEYLAN  ou  CEYLON  ,  (  Géog.  )  île 
très-confidérable  d'Afie  ,  dans  la  mer  des  Indes  ;  les 
Hollandois  en  poffedent  prefque  toutes  les  côtes  ,  &C 
le  roi  de  Candi  eft  maître  de  l'intérieur  du  pays  , 
qui  contient  fept  royaumes  ;  les  infulaires  fe  nom- 
ment Chingulais  ;  ils  font  idolâtres.  Leurs  mariages 
fe  font  d'une  manière  allez  extraordinaire  ;  c'eft  la 
fille  qui  choifit  un  mari ,  &c  qui  fait  enfuite  part  de 
fon  choix  à  fes  parens  ,  qui,  lorfqu'ils  l'approuvent, 
préparent  un  grand  repas.  Le  fiancé  va  avec  les  amis 
chez  fa  fiancée  ;  ils  fe  lient  les  pouces  enfemble  ,  & 
vont  enfuite  fe  coucher  ;  ou  l'homme  tient  un  bout 
du  linge  de  la  femme ,  &  le  met  autour  de  lés  reins  , 
la  femme  tient  l'autre  bout ,  on  leur  verlé  de  l'eau 
fur  la  tête  &  fur  le  corps  ;  cela  fait ,  ils  vivent  en- 
femble aufli  long-tems  qu'ils  s'accordent.  La  premiè- 
re nuit  des  noces  eft  au  mari ,  la  féconde  eft  pour 
fon  frère  ,  &  s'il  a  un  troifieme  ou  quatrième  frère  , 
jufqu'au  leptieme,  chacun  a  fa  nuit  ;  de  cette  ma- 
nière une  femme  fuftit  pour  une  famille  entière.  Les 
Chingulais  ont  un  foin  extrême  de  ne  jamais  le  mé- 
fallier  ,  &  ils  pouflént  le  fcrupule  fi  loin  fur  leur  no- 
bleflé ,  qu'ils  ne  prendroient  point  la  moindre  choie  , 
pas  même  un  verre  d'eau  ,  chez  un  homme  d'un 
rang  inférieur  au  leur  ;  un  homme  du  commun  n'a 
pasla  permilhon  même  de  frapper  à  la  porte  de  Ion 
fupérieur.  Les  femmes  qui  font  convaincues  d'avoir 
eu  commerce  avec  quelqu'un  au-deffous  d'elles ,  font 
punies  de  mort.  L'île  de  Ceilan  eft  fort  abondante  en 
canelle,  gingembre  ,  ivoire ,  pierres  précieules,  cam- 
phre ,  6-c.  c'eft  la  Taprobane  des  anciens. 

CEINTES,  PRECE1NTES,  PERCEINTES  , 
CARREAUX  ,  LISSES  ,  (  Marine.  )  ce  font  de  lon- 
gues pièces  de  bois  qu'on  met  bout  à  bout  l'une  de 
l'autre ,  en  manière  de  ceinture  ,  dans  le  corps  du 
bordage  d'un  vaifîeau ,  pour  faire  la  liaifon  des  mem- 
bres &  pièces  de  charpente  dont  le  corps  du  bâti- 
ment eft  formé.  Les  ceintes  font  pofées  les  unes  pa- 
rallèles aux  autres.  Les  matelots  y  trouvent  une  com- 
modité ,  lorfqu'ils  veulent  monter  dans  le  vaifleau  , 
ou  le  nettoyer.  foye£t  Hanche  1.  la  lettre  o  ,  dont  on 
marque  les  ceintes  telles  quelles  paroiffent  fur  le  corps  du 
vaijjeau. 

Il  y  a  des  Charpentiers  qui  mettent  quelques  dis- 
tinction entre  ces  différens  cordons  ou  ceintes  ;  car  ils 
appellent  préceintes  les  trois  plus  baffes  ceintes  ,  & 
nomment  carreaux  ou  lijfes ,  celles  qui  font  au-deffus, 
&  la  liffe  de  vibord  eft  la  plus  élevée. 

Les  ceintes  font  ordinairement  de  trois  ou  quatre 
pièces  affemblées  en  écarts.  Vqyc^  Plane.  Vl.fig.  J8. 
la  forme  de  cette  pièce  de  bois.  Le  plus  fouvent  il  y  a 
deux  préceintes  au-deffous  des  fabords ,  &  deux  au- 
deffus.  Quelquefois  il  y  en  a  deux  au-deffous  ,  ians 
qu'il  y.  en  ait  au-deffus. 

Les  ceintes  font  le  même  effet  en  dehors  du  vaif- 
feau  ,  que  les  ferre-gouttieres  font  en  dedans  ;  les 
unes  &  les  autres  fervent  à  lier  &  affermir  le  bâti- 
ment ;  les  vaiffeaux  qui  ont  beaucoup  d'acaftillage , 
ont  plus  de  ceintes  que  les  autres  :  en  général  le  nom- 
bre des  ceintes  lé  règle  fur  la  grandeur  du  bâtiment. 
Voye\  dans  la  figure  qui  repréfente  la  coupe  a"  un  vaijfeau, 
la  difpofition  des  ceintes  ,  Planche  V.  fig.  première  , 
première  préceinte  cottée  163  ;  féconde  préceinte,  n°. 
1 64  ;  troifieme  préceinte  ,n°.i  65  ;  quatrième  préceinte, 
n°.  166. 

La  plus  baffe  préceinte  doit  avoir  d'épaiffeur  la 
moitié  de  l'étrave,  6c  de  largeur,  l'épaiffeur  entie- 


C  E  I 

fe  de  l'étrave.  Les  ceintes  qui  font  pofées  plus  hauî 
diminuent  un  peu  par  proportion  :  mais  lorfque  les 
vaiffeaux  ont  1 70  pies  de  long  de  l'étrave  à  l'étam- 
bord,  &  au-deffus  de  170  pies  ,  on  tient  les  préceintes 
de  deux  pouces  plus  minces  que  la  moitié  de  l'étrave. 

D'autres  Charpentiers  proportionnent  les  ceintes 
fuivant  la  longueur  du  vaifleau,  en  leur  donnant  dou- 
ze pouces  de  large  quand  le  vaifleau  a  cent  pies  de 
long.  Par  chaque  dix  pies  que  le  bâtiment  a  au-def- 
fous de  cent  pies ,  ils  ôtent  aux  ceintes  un  pouce  & 
demi  de  largeur  ;  &  par  chaque  dix  pies  que  le  bâ- 
timent a  au-deffus  de  cent  pies,  ils  ajoutent  aux  cein- 
tes un  demi-pouce  de  largeur. 

Pour  leur  épaiffeur ,  ils  la  font  de  la  moitié  de  la 
largeur ,  ou  un  peu  moins. 

Ces  dimenfions  ne  font  point  invariables  ;  chaque 
conftrutteur  peut  les  changer  ,  fuivant  fes  lumières 
ou  fes  principes  :  mais  celles  que  nous  venons  de 
rapporter  font  en  général  affez  fuivies. 

Prefque  tous  les  grands  vaifléaux  ont  deux  cou- 
ples ,  ou  quatre  pnceintes  au-deffous  des  fabords  , 
fous  ia  belle  ,  c'eft- à-dire  à  l'endroit  où  le  vaifleau 
eft  le  plus  bas.  La  plus  baffe  préceinte  le  doit  trouver 
autant  au-deflous  du  gros  du  vaifleau  ,  qu'elle  a  de 
largeur  (  félon  le  fentiment  de  quelques-uns  )  &  la 
féconde  doit  être  placée  au-deffus  de  cette  première 
à  la  diftance  d'une  ceinte  &  demie.  Les  fermures  qui 
font  entre  ces  préceintes  ,  &  dans  lelquelles  les  da- 
lots  font  preique  toujours  percés  ,  doivent  avoir  la 
même  épaifleur  que  le  franc  bordage  qui  eft  au-def- 
fous. Que  li  le  vaifleau  a  trois  balles  préceintes  ,  com- 
me cela  fe  pratique  quelquefois  ,  la  troifieme  doit 
delcendre  aufli  bas  fous  la  féconde  ,  que  la  premiè- 
re eft  élevée  au-deffus ,  &  la  première  peut  bien  être 
un  peu  moins  épaiffe  que  la  féconde.  Quand  on  laiffe 
trop  de  diftance  entre  les  préceintes  ,  ôc  que  les  cou- 
ples font  fort  larges ,  cela  fait  un  effet  defagréable. 

(Z) 

CEINTRE  ou  CINTRE,  f.  m.  {Architecl.  &  coupe 

des  pierres.  )  du  mot  cinclus ,  a  deux  lignifications  , 
Fune  pour  la  charpente  ,  l'autre  pour  le  contour  de 
la  voûte  qui  a  été  formée  fur  la  charpente.  Dans  la 
Charpenteric  il  fignifie  un  affemblage  de  pièces  de 
bois  qui  foûtiennent  les  ais  &  dolles  fur  lefquels 
on  conftruit  une  voûte  avec  des  briques  ou  du 
moilon  ou  des  pierres  de  taille ,  jufqu'à  ce  qu'étant 
fermée  elle  puiffe  fe  foûtenir  fans  ce  fecours.  Dans 
la  coupe  des  pierres ,  il  lignifie  le  contour  arrondi  de 
la  furface  intérieure  d'une  voûte.  Les  cintres  con- 
fldérés  par  rapport  à  leurs  figures  font  de  trois  for- 
tes :  plein-cintre  ,  c'eft  un  demi-cercle  entier;  anfe. 
de  panier  ou  fur-baiffé  ,  voyei  SUR-BAISSÉ  ;  &  fur- 
haufé,  voyei  SUR-HAUSSÉ.  (D  ) 

Ceintre,  outil  de  Charron ,  c'eft  une  règle  ou 
une  barre  de  bois  plate ,  qui  lert  aux  Charrons  pour 
mettre  les  roues  à  la  hauteur  qu'elles  leur  font  com- 
mandées. Cet  outil  n'ayant  rien  de  particulier,  il 
n'eft  pas  néceffaire  d'en  faire  la  defeription. 

CEINTRÉ  ,  adj.  en  termes  de  Blafon  ,  fe  dit  du 
globe  ou  monde  impérial ,  entouré  d'un  cercle  ÔC 
d'un  demi-cercle  en  forme  de  cintre. 

Regard  en  Savoie ,  d'azur  au  globe  d'or  cintré  8c 
croilé  de  gueules.  (A") 

*  CEINTURE ,  f.  f.  (JTift.  anc.  &  mod.)  lifiere  de 
foie,  de  laine ,  de  cuir  ou  d'autres  matières,  que  l'on, 
attache  autour  des  reins.  L'ufage  en  eft  ancien.  Chez 
les  Juifs ,  Dieu  ordonna  au  grand-prêtre  d'en  porter 
une.  Les  Juifs  étoient  ceints  lorfqu'ils  célébraient  la 
pâqùe  ,  fuivant  l'ordre  qu'ils  en  avoient  reçu.  Dès 
ce  tems  la  ceinture  fervoit  aufli  de  bourfe.  L'ampli- 
tude des  habits  Grecs  &  Romains  en  rendit  l'ufage 
néceffaire  chez  ces  peuples.  Ceux  qui  difputoient 
dans  les  jeux  olympiques_/ê  ceignoient  :  mais  vers  la 
trente-quatrième  olympiade  la  ceinture  leur  fut  inter- 


C  E  I 

dite,  Se  ils  fe  dépouillèrent  pour  courir.  La  défenfe 
de  porter  la  ceinture ,  fut  quelquefois  chez  les  anciens 
une  tache  d'ignominie  Se  la  punition  de  quelque  fau- 
te ;  d'où  il  s'enfuit  que  cette  partie  du  vêtement  mar- 
quoit  quelque  dignité  parmi  eux.  La  ceinture  n'étoit 
pas  moins  à  l'ulage  des  femmes  que  des  hommes  ; 
elles  s'en  fervoient  foit  pour  relever  leurs  robes ,  foit 
pour  en  fixer  les  plis.  Il  y  avoit  de  la  grâce  à  loùte- 
nir  à  la  hauteur  de  la  main  le  lais  du  côté  droit ,  ce 
qui  laiffoit  le  bas  de  la  jambe  découvert  ;  Se  une  né- 
gligence outrée  à  n'avoir  point  de  ceinture  &  à  laitier 
tomber  fa  tunique  ;  de-là  les  exprefîions  Latines  dif- 
cincli ,  alth  cincli ,  pour  défigner  un  homme  indolent 
ou  alerte.  Mécène  ayant  témoigné  peu  d'inquiétude 
fur  les  derniers  devoirs  de  la  vie ,  perfuadé  que  la 
nature  prend  loin  elle-même  de  notre  fépulture  ,  Se- 
neque  dit  de  lui ,  alte  cinclum  dixijfe  putes  ,  vous  croi- 
riez que  celui  qui  a  dit  ce  mot  portoit  fa  ceinture  tien  haut. 
Gardez-vous  ,  dit  Sylla  en  parlant  de  Céfar ,  d'un 
homme  dont  la  ceinture  eft  trop  lâche.  Il  y  avoit  chez 
les  Celtes  une  ceinture  qui  fervoit,  pour  ainfi  dire, 
de  mefure  publique  de  la  taille  parmi  les  hommes. 
Comme  l'état  veilloit  à  ce  qu'ils  fullent  alertes ,  il 
puniffoit  ceux  qui  ne  pouvoient  la  porter.  L'ufage 
des  ceintures  a  été  fort  commun  dans  nos  contrées  : 
mais  les  hommes  ayant  cédé  de  s'habiller  en  long,  & 
pris  le  julte-au-corps  Se  le  manteau  court ,  l'ulage 
s'en  elt  reltraint  peu-à-peu  aux  premiers  magiltrats, 
aux  gens  d'églile,  aux  religieux,  Se  aux  femmes.  En- 
core les  femmes  n'en  portent-elles  prefque  plus,  au- 
jourd'hui, que  les  paniers  Se  les  robes  lâches  font  de- 
venues communes ,  malgré  les  eccléfialtiques ,  qui  fe 
récrièrent  beaucoup  contre  cette  mode  ,  qui  laiflant 
aux  femmes  ,  à  ce  qu'ils  croyoient  ,  la  liberté  de 
cacher  les  fuites  de  leurs  fautes,  prognolUquoit  unac- 
croilTement  de  diflolution.  Nous  avons  jadis  attaché , 
ainfi  que  les  anciens  ,  une  marque  d'infamie  à  la  pri- 
vation de  la  ceinture.  Les  banqueroutiers  &  autres 
débiteurs  infolvables  étoient  contraints  de  la  quitter. 
La  raifon  de  cet  ufage  elt  que  nos  ancêtres  attachant 
à  leur  ceinture  une  bourfe,  des  clefs,  &c.  la  ceinture 
étok  un  fymbole  d'état  ou  de  condition ,  dont  la 
privation  de  cette  partie  du  vêtement  indiquoit 
qu'on  étoit  déchu.  L'hilîoire  rapporte  que  la  veuve 
de  Philippe  premier  duc  de  Bourgogne ,  renonça 
au  droit  qu'elle  avoit  à  fa  fucceifion ,  en  quittant  fa 
<einture  fur  le  tombeau  du  duc.  foy.  Investiture. 
La  diftinction  des  étoffes  &  des  habits  fubiifta  en 
France  jufqu'au  commencement  du  XV.  fiecle.  On  a 
un  arrêt  du  parlement  de  1420,  qui  détend  aux  fem- 
mes proltituées  la  robe  à  collet  renverfé,  la  queue, 
les  boutonnières,  &  la  ceinture  dorée  :  mais  les  fem- 
mes galantes  ne  le  fournirent  pas  long-tems  à  cette 
défenfe  ;  l'uniformité  de  leur  habillement  les  confon- 
dit bientôt  avec  les  femmes  lages;  Se  la  privation  ou 
l'ulage  de  la  ceinture  n'étant  plus  une  marque  de  dit 
tinttion  ,  on  fit  le  proverbe  ,  tonne  renommée  vaut 
mieux  que  ceinture  dorée. 

L'ulage  des  ceintures  parmi  nous  n'étant  point  paf- 
fé ,  mais  feulement  reitreint ,  comme  nous  l'avons 
dit ,  nous  avons  une  communauté  de  Ceinturicrs. 
Les  Ceinturicrs  s'appelloient  autrefois  Courroyers. 
Voye^  Ceinturiers. 

Ceinture  de  virginité  des  anciens:  c'étoit  la 
coutume  chez,  les  Grecs  Se  les  Romains ,  que  le  mari 
dénouoit  la  ceinture  de  la  femme  le  premier  loir  de 
l'es  noces. 

Homère,  Uv.  XI.  de  [on  Odyjfée ,  appelle  cette 
ceinture  swtaSWm!  Çmw ,  ceinture  virginale. 

Felhis  rapporte  qu'elle  étoit  de  laine  de  brebis  , 
Se  que  le  mari  la  délioit  lorfqu'il  étoit  dans  le  lit 
avec  fa  femme.  Il  ajoute  qu'elle  étoit  nonce  d'un 
nœud  fingulier,  qu'on  appelloit  le  noeud  d'Hercule , 


CEI  799 

Se  que  le  mari  le  défaifoit  comme  un  préfage  qui  lui 
promettoit  autant  d'enfans  qu'Hercule  en  avoit  laiffé 
en  mourant. 

Les  poètes  donnent  à  Venus  une  efpece  de  cein- 
ture  appelléc  ce/lus ,  à  laquelle  ils  attribuent  le  pou- 
voir d'infpirer  de  l'amour.  Voye{  Ceste.  ((S) 

*  Ceinture  de  virginité  des  modernes;  elle  n'a 
rien  de  commun  avec  celle  des  anciens.  Chez  les  an- 
ciens l'époux  ôtoit  à  fa  femme  la  ceinture  virginale  la 
première  nuit  de  lés  noces  ;  &  chez  les  modernes 
c'elt  un  prêtent  qu'un  mari  jaloux  lui  fait  quelque- 
fois dès  le  lendemain.  Cette  ceinture  elt  compofée 
de  deux  lames  de  fer  tres-fléxibles ,  affemblées  en 
croix  :  ces  lames  font  couvertes  de  velours.  L'une 
de  ces  lames  fait  le  tour  du  corps  au-detïïis  des  reins  ; 
l'autre  patîe  entre  les  cuifles  ,  &  fon  extrémité  vient 
rencontrer  les  deux  extrémités  de  la  première  lame  ; 
elles  font  toutes  trois  tenues  réunies  par  un  cadenat, 
dont  le  mari  feul  a  le  fecret.  F.  Cadenat.  La  lame 
qui  palTe  entre  les  cuiffes  elt  percée  de  manière  à 
allïïrcr  un  mari  de  la  lâgeffe  de  fa  femme ,  fans  gê- 
ner les  autres  fondions  naturelles.  On  dit  que  cet 
infiniment  fi  infâme,  fi  injurieux  au  fexe ,  a  pris 
naiffance  en  Italie  ;  c'elt  peut-être  une  calomnie  : 
ce  qu'il  y  a  de  certain  ,  c'elt  que  l'Italie  n'eft  pas  le 
feul  pays  où  l'on  en  ait  fait  ufage. 

Chrétien  de  la  ceinture.  Molaraekkel ,  dixième  ca- 
life de  la  famille  des  Abalfides  ,  ordonna  l'an  235 
de  l'hégyre  ,  de  Jefus-Chrift  856  ,  aux  Juifs  &  aux 
Chrétiens  de  porter  une  grande  ceinture  de  cuir  pour 
marquer  leur  profefïïon ,  ce  qu'ils  pratiquent  encore 
aujourd'hui  dans  tout  l'orient.  Depuis  ce  tems-là  les 
Chrétiens  d'Afic ,  &  fur-tout  ceux  de  Syrie  &  de  la 
Métbpotamic  ,  qui  font  prefque  tous  Nettoriens  ou 
Jacobites  ,  font  appelles  Chrétiens  de  la  ceinture.  {G) 

Ceinture  de  la  reine,  {Hifi.  mod.  )  ancien 
impôt  ou  taxe  qu'on  levé  à  Paris  de  trois  ans  en  trois 
ans,  fur  le  pic  de  trois  deniers  pour  chaque  muid  de 
vin ,  Se  de  lix  pour  chaque  queue  ,  pour  l'entretien 
de  la  maifon  de  la  reine.  On  l'a  depuis  augmenté  Se 
mis  lur  quelques  autres  denrées  ou  provifions ,  com- 
me le  charbon,  &c.  On  l'appelloit  aufTî  la  taille  du 
pain  &  du  vin ,  comme  il  paroît  par  des  regittres  de  la 
chambre  des  comptes.  Vigenere  fuppofe  que  le  nom 
de  ceinture  a  été  donné  à  cet  impôt,  parce  qu'autre- 
fois la  ceinture  fervoit  de  bourfe.  Mais  il  ajoute  qu'on 
levoit  il  y  a  deux, mille  ans,  enPerfe,  une  pareille 
taxe  Se  fous  le  même  nom ,  &  cite  pour  le  prouver 
l'Alcibiade  de  Platon  ,  Cicéron  ,  Se  Athénée. 

Il  y  a  en  Angleterre  ,  pour  la  même  deltination  , 
un  impôt  à-peu  près  (emblable,  qu'on  appelle  aurum 
reginœ  ,  or  de  la  reine ,  (qucen-gold  )  ;  c'étoit  origi- 
nairement un  l'on  qui  le  raifoit  librement  &  fans  être 
exigible.  On  en  a  tait  depuis  une  dette,  au  payement 
de  laquelle  les  particuliers  font  contraints.  (//) 

CFINTURE  DE  vif  ARGENT,  terme  de  Médecine  ; 
c'elt  une  efpece  de  ceinture  couverte  Se  remplie  de 
mercure.  Voye^  Mercure. 

Elle  elt  de  cuir,  de  linge  ,  de  drap  ,  de  coton ,  ou 
d'autre  étoffe,  qui  enveloppe  du  mercure  préparé 
ou  éteint  avec  la  lalive  d'une  perlonne  à  jeun,  de  la 
graille  ou  autre  matière,  qui  en  amortit  la  trop  gran- 
de \  ivacité.  On  l'attache  en  forme  de  topique  autour 
des  reins ,  quelquefois  avec  tuccès  ,  quelquefois  aulïï 
au  préjudice  du  malade  ;  car  elle  elt  fouvent  dange- 
reufe  aux  pcrlonnes  qui  font  d'un  tempérament  toi- 
ble  ou  fujettes  aux  convulfions  :  on  s'en  fert  pour 
guérir  la  gale,  pour  tuer  la  vermine,  &c,  (A  ) 

CEINTURE  du  four  ,  en  terme  de  Boulanger,  &  d'au- 
tres ouvriers;  c'elt  le  tour  intérieur  du  four ,  ou  la  par- 
tie du  mur  qui  le  forme  ,  Se  fur  laquelle  la  voûte  elt. 
appuyée. 

Cfintuue  ou  Peignon  ;  vo>  ^Peignon  &  Cor- 

DERIE, 


8oo 


C  E  I 


CEINTURIER  ,  f.  m,  {Art  méchaniqut.  )  on  ap- 
pelle ainfi  celui  qui  fait  ou  qui  vend  des  ceintures. 

La  communauté  des  marchands  Ceinturiers  de  la 
ville  de  Paris  eft  d'un  très -ancien  établiffement ,  & 
étoit  autrefois  une  des  plus  confidérables  de  cette 
capitale. 

Le  nom  de  Ceinturiers  epe  les  maîtres  prennent  au- 
jourd'hui ,  eft  afTez  moderne.  Avant  le  milieu  du  xv. 
fiecle  ,  ils  fe  nommoient  maîtres  Courroyers ,  du  mot 
courroie;  parce  qu'on  faifoit  alors  les  ceintures  avec 
du  cuir ,  à  la  relérve  de  ceux  de  mouton  ôc  de  ba- 
zane  ,  qu'il  étoit  défendu  d'y  employer. 

Cette  communauté  s'eft  foûtenue  tant  que  les  rob- 
bes  &  les  habillemens  longs  ont  été  en  ufage  en  Fran- 
ce :  mais  la  mode  des  habits  courts  que  les  hommes 
prirent  après  le  règne  de  Henri  III.  ne  la  fît  pas  pour- 
tant tout-à-fait  tomber.  Cet  étalage  afTez  bilarre  de 
demi-ceints  chargés  de  tant  de  bourfes ,  demis ,  &c 
d'autres  bagatelles ,  dont  les  femmes ,  fur-tout  parmi 
la  bourgeoifîe ,  fe  font  parées  jufque  allez  avant  dans 
le  xvi.  fiecle,  fuffit  afTez  long-tems  pour  occuper 
près  de  deux  cents  maîtres  de  cette  communauté. 

Toutes  ces  modes  étant  à  la  fin  paffées ,  les  bau- 
driers &  les  ceinturons  de  toutes  fortes,  foit  de  ve- 
lours ou  d'autres  étoffes ,  foit  de  diverfes  efpeces  de 
cuirs  piqués  d'or  ,  d'argent ,  &c  de  foie  ,  les  ceintures 
&  gibecières  pour  les  grenadiers,  les  porte-carabines 
pour  la  cavalerie ,  les  fournimens  &  les  pendans  à 
bayonnette  pour  l'infanterie ,  enfin  les  ceintures  d'é- 
toffe ou  de  cuir  brodées  ,  font  reliés  le  partage  des 
maîtres  de  cette  communauté. 

Chaque  maître  ne  peut  avoir  qu'une  boutique  & 
qu'un  apprenti ,  obligé  au  moins  pour  quatre  ans. 

Les  enfans  de  maîtres  font  apprentifîage  chez  leur 
père ,  &  ne  tiennent  point  lieu  d'apprentis. 

Aucun  n'eft  reçu  à  la  maîtrife  qu'il  n'ait  fait  chef- 
d'œuvre  ,  qui  anciennement  étoit  une  ceinture  de 
velours  à  deux  pendans ,  à  huit  boucles  par  le  bas 
des  pendans  ;  la  ferrure  de  fer  à  crochet ,  limée  &  per- 
cée à  jour  ,  à  feuillages  encloiiés  ,  &  reparée  deffus 
&  deffous ,  les  clous  avec  leur  contre-rivet ,  le  tout 
bien  poli.  Mais  depuis  que  ces  ceintures  ne  font  plus 
d'ufage ,  le  chef-d'œuvre  eft  de  quelqu'un  des  ouvra- 
ges que  font  les  Ceinturiers  modernes.  Voye^  le  Dicl. 
du  Commerce. 

CEINTURON ,  f.  m.  (  Art  milit.  )  ceinture  de  bu- 
fle  avec  une  boucle ,  des  barres ,  &  des  pendans.  Le 
foldat  fe  l'attache  fur  les  reins ,  &  l'épée  eft  fufpen- 
due  aux  barres  &  aux  pendans.  La  partie  des  pen- 
dans dans  laquelle  elle  pafTe,  s'appelle  le  baudrier.  On 
a  pratiqué  au  baudrier  une  efpece  de  boutonnière  , 
<!ans  laquelle  entre  le  crochet  du  fourreau  de  l'épée. 
Il  y  a  des  ceinturons  de  foie  ;  il  y  en  a  de  maroquin , 
de  veau ,  &c.  pour  les  officiers  &  autres  perfonnes 
qui  portent  l'épée.  Les  Ceinturiers  font  les  ceinturons 
de  bufle  ,  de  maroquin ,  &  de  veau  :  mais  ils  font 
faire  ceux  de  foie ,  qui  ne  peuvent  être  vendus  que 
par  eux.  Voye^  Ceinturier. 

*  CELADON  ,  adj.  qu'on  prend  quelquefois  fub- 
tantivement ,  (  Teinture.  )  couleur  verte  tirant  fur  le 
blanc.  Il  eft  ordonne  par  les  reglemensde  la  Teinture 
"&  les  ftatuts  des  Teinturiers ,  que  les  foies  teintes  en 
céladon  feront  alunées  ,  voye{  Aluner  ;  puis  gau- 
-dées ,  voyt{  Gauder  ;  enf'uite  paffées  fur  la  cuve 
d'inde  :  que  les  laines  de  cette  couleur  feront  gau- 
dées  &  pafîees  en  cuve ,  fans  être  brunies  avec  le 
bois  d'inde,  voye{  BRUNIR  ;  &  que  les  fils  céladons 
feront  d'abord  teints  bleus  ;  puis  rabattus  avec  le 
bois  de  campeche  &  le  verdet ,  &  achevés  avec  la 
gaude.  Voye^  Varticle  TEINTURE. 

CELAM A ,  (  Géog.  )  ville  d'Afie  aux  Indes ,  dans 
l'île  de  Banda,  l'une  des  Molucques. 

CELANO  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie  au  royau- 


C  E  L 

me  deNaples,  dans  l'Abruzze  ultérieure.  Long,  jt 
30-  lat.  42. 

CELEBES  ,  (isle  des)  grande  île  d'Afie  dans  la 
mer  des  Indes ,  fous  l'équateur  au  midi  des  Philippi- 
nes ,  &  à  l'orient  de  celle  de  Bornéo  :  on  la  nomme 
Macafjar.  La  capitale  fe  nomme  Celebes.  On  prétend 
que  le  hafard  feul  a  décidé  de  la  religion  que  pro- 
feffent  les  Celebes  ;  ennuyés  d'être  idolâtres  ,  ils  en- 
voyèrent des  députés  aux  Chrétiens  qui  demeuroient 
dans  leur  voifinage  ,  &  ils  en  envoyèrent  en  même 
tems  d'autres  au  roi  d'Achem  qui  étoit  Mahométan  , 
dans  la  réfolution  de  prendre  la  religion  de  ceux  qui 
leur  envoyeroient  les  premiersdes  apôtres.  Les  Chré- 
tiens furent  prévenus  par  les  Mahométans  ,  dont  en 
conféquence  ils  embrafferent  la  feefe. 

*  CELEBRE ,  ILLUSTRE ,  FAMEUX ,  RENOM- 
MÉ ,  fynonymes ,  (  Gramm.  )  termes  relatifs  à  l'o- 
pinion que  les  hommes  ont  conçue  de  nous  ,  fur  ce 
qu'ils  ert  ont  entendu  raconter  d'extraordinaire.  Fa- 
meux ne  déligne  que  l'étendue  de  la  réputation  ,  foit 
que  cette  réputation  foit  fondée  fur  de  bonnes  ou  de 
mauvaifes  actions  ;  &  fe  prend  en  bonne  &  en  mau- 
vaifè  part  :  on  dit  un  fameux  capitaine ,  &  un  fameux 
voleur.  Illuflre  marque  une  réputation  fondée  fur  urt 
mérite  accompagné  de  dignité  &  d'éclat  ;  on  dit  les 
hommes  illuflres  de  la  France  ;  &  l'on  comprend  fous 
cette  dénomination  &  les  grands  capitaines ,  &  les 
magiftrats  diftingués ,  &  les  auteurs  qui  joignent  des 
dignités  au  mérite  littéraire.  Célèbre  offre  l'idée  d'u- 
ne réputation  acquife  par  des  talens  littéraires ,  réels 
ou  fuppofés  ,  &  n'emporte  point  celle  de  dignité. 
Renommé  feroit  tout- à -fait  fynonyme  à  fameux  , 
s'il  fe  prenoit  en  bonne  &  en  mauvaife  part  :  mais 
il  ne  le  prend  qu'en  bonne ,  &  n'eft  relatif  qu'à  l'é- 
tendue de  la  réputation.  Peut-être  marque- 1-  il  une 
réputation  un  peu  moins  étendue  que  fameux.  Fa* 
meux,  célèbre,  renommé,  fe  difent  des  perfonnes  &  des 
choies.  Illuflre  ne  fe  dit  que  des  perfonnes.  Eroftrate 
&  Alexandre  fe  font  rendus  fameux ,  l'un  par  l'incen- 
die du  temple  d'Ephele  ,  l'autre  parle  ravage  de  l'A- 
fie.  La  bataille  de  Canne  illuflra  les  Carthaginois. 
Horace  eft  célèbre  entre  les  auteurs  Latins.  La  pour- 
pre de  Sidon  étoit  auffi  renommée  chez  les  anciens  , 
que  la  teinture  des  Gobelins  parmi  nous.  Voye{  les 
Synonymes  de  M.  l'abbé  Girard. 

CELEF ,  (  Gcog.  )  rivière  d'Afrique  au  royaume 
d'Alger ,  qui  tombe  dans  la  mer  à  trois  lieues  d'Alger. 

*  CELENO ,  (  Mytholog.  )  c'eft  le  nom  d'une  des 
Pleyades  ;  voye{  Pleyades  :  c'eft  auffi  celui  de  la 
principale  des  harpies.  Elle  prédit  aux  Troyens  dans 
les  îles  Strophades,  qu'en  punition  du  mauvais  trai- 
tement qu'elle  en  avoit  reçu ,  ils  ne  s'établiroient  en 
Italie  qu'après  que  la  faim  les  auroit  contraints  à 
manger  leurs  tables.  Qu'on  me  permette  d'obferver 
en  partant ,  que  quelqu'intéreflant  que  pût  être  pour 
les  Romains  l'épiiode  des  harpies  ,  il  eft  allez  ridi- 
cule ,  &  que  la  prédief  ion  des  tables  mangées  eft  une 
puérilité  fans  efprit ,  fans  agrément ,  &  fort  au-def- 
fous  même  du  cheval  de  Troie.  Quelle  différence 
entre  cette  partie  de  la  machine  de  l'Enéide ,  &  l'a- 
mour fubftitué  au  petit  Afcagne  ,  entre  les  bras  de 
Didon  ! 

CELERES ,  f.  m.  pi.  (Hifl.  anc.)  c'étoit  chez  les 
Romains  une  troupe  choifie  ,  ou  régiment  deftiné  à 
la  garde  du  roi.  Romulus  inftitua  ce  corps,  compoié 
de  trois  cents  jeunes  gens  tirés  des  plus  illuflres  fa- 
milles de  Rome ,  Se  approuvés  par  les  fuffrages  des 
curies  de  Rome  ,  dont  chacune  en  fourniffoit  dix. 
Leur  nom  vient  de  celer,  prompt,  aftif;  parce  que 
cette  troupe  exécutoit  avec  promptitude  les  ordres 
du  prince  :  d'autres  prétendent  qu'ils  le  tiennent  de 
leur  premier  tribun  nommé  Celer,  qui  fut  d'un  grand 
fecours  à  Romulus  dans  le  combat  contre  Ion  frère 
Remus,  tué,  dit-on,  par  ce  même  Celer.  On  con- 

f<~  .-i 


C  E  L 

fond  encore  les  celeres  avec  les  foldats  nommés  trop 
fuli  ,  parce  qu'ils  emportèrent  d'emblée  la  ville  de 
Troffulum  en  Etruric. 

Outre  l'honneur  de  gardera  Rome  la  pcrfonne  du 
roi  quand  on  étoit  en  campagne  ,  les  celtres  faifoient 
J.'avant-garde  de  l'armée  ,  chargeoient  les  premiers, 
&  formoient  l'arriere-garde  dans  les  retraites.  Ils  ref- 
fembloient  à  nos  dragons  ,  puiiqu'ils  combattoient 
quelquefois  à  pié,  quoiqu'ils  fuflent  d'ailleurs  mon- 
tés &c  compris  dans  la  cavalerie.  Ils  étoient  divifés 
en  trois  efcadrons  de  cent  maîtres  chacun ,  fous  un 
capitaine  ou  centurion  ;  &  leur  commandant  en  chef 
fe  nommoit  tribunus  ou prcefcclus  celerum.  On  le  regar- 
doit  comme  la  féconde  pcrfonne  de  l'état. 

Plutarque  aflïïre  que  Numa  fupprima  ce  corps  : 
mais  il  fut  rétabli  fous  les  rois  l'es  fuccefleurs;  puit- 
qu'il  eft  certain  que  le  fameux  Brutus  qui  chafia  de 
Rome  Tarquin  le  fuperbe  ,  avoit  été  tribun  des  ce- 
leres.  (G) 

CÉLERI ,  f.  m.  apium  dulce  ,  (Jard.  )  eft  une  cf- 
pece  d'achc  ,  dont  les  feuilles  font  déchiquetées  , 
dentelées  ,  &  d'un  vcrd  luifant ,  mais  dont  les  tiges 
font  d'un  goût  moins  fort,  &  plus  agréable  que  Ta- 
che des  marais.  Ces  tiges  fe  blanchiflent ,  &  devien- 
nent tendres  en  les  buttant  de  terre  &  de  fumier  jus- 
qu'au haut  des  feuilles  ,  dont  on  coupe  l'extrémité. 
Le  céleri  fe  mange  en  falade  ,  &  fert  à  plufieurs  ra- 
goûts. Cette  plante  ie  multiplie  de  graine  qui  eft  fort 
menue ,  &  que  l'on  feme  fur  couche  au  mois  d'Avril. 
On  la  replante  enfuitc  en  pleine  terre  au  mois  de  Juin 
fur  une  planche  terrotée  de  quatre  pies  de  large  ,  &c 
à  trois  pouces  l'une  de  l'autre  fur  cinq  rayons ,  ayant 
foin  de  l'arrofer  fouvent,  èc  toujours  de  la  butter. 
Foyei  Ache.  (K) 

CELERIN,  f.  m.  membradas,  (Hi(i.  nat.  Ichth.  ) 
poilfon  de  mer  du  genre  des  aphyes.  Il  a  le  corps 
blanc  &  la  tête  de  couleur  d'or ,  &  il  reflemble  aux 
fardines. 

Cilcrïn  erica ,  poiffon  qui  fe  trouve  fouvent  dans 
les  lacs  de  Savoie.  On  lui  a  donné  le  nom  de  célcrin  , 
parce  qu'il  reffemble  beaucoup  aux  célerins  de  mer. 
Il  eft  auflî  fort  reflemblant  à  la  fardine  :  c'eft  pour- 
quoi on  l'appelle  en  Italie  fardanella.  Ses  écailles  font 
fort  menues  &  luifantes  comme  de  l'argent:  elles 
tombent  aifément.  La  bouche  eft  grande  ;  les  ouver- 
tures des  ouies  font  découpées.  Ce  poiffon  eft  fort 
gras.  On  en  prend  une  grande  quantité  au  printems. 
On  fale  les  petits ,  parce  qu'ils  fe  gardent  mieux  que 
les  grands.  Rondelet,  foye^  PoiSSON.  ( /) 

CELERITE  ,  f.  f.  (  Mèchunique.  )  eft  proprement 
la  vîtefle  d'un  corps  en  mouvement,  ou  cette  affec- 
tion du  corps  en  mouvement ,  par  laquelle  il  eft  mis 
en  état  de  parcourir  un  certain  efpace  dans  un  cer- 
tain tems.  y  'oye^  Vitesse  ,  Espace  ;  voyej  auffïMov- 

VEMENT. 

Ce  mot  s'employe  prcfque  toujours  dans  un  fens 
figuré.  On  fe  fert  rarement  du  mot  de  célérité  pour 
exprimer  la  vîtefle  d'un  corps  en  mouvement  :  mais 
on  s'en  fert  fouvent  dans  l'ufage  ordinaire  ;  lorfqu'on 
dit,  par  exemple  ,  qu'une  telle  affaire  demande  ex- 
pédition &  célérité ,  &c.  Ce  mot  vient  du  latin  célé- 
rités ,  qui  lignifie  la  même  chofe.   (  O  ) 

*  CELESTE  ,  f.  f.  (Myt/i.)  déeffe  adorée  à  Car- 
thage &:  dans  toutes  les  contrées  feptentrionales  de 
l'Afrique.  Elle  étoit  représentée  affile  fur  un  lion  ,  & 
furnommée  la  reine  du  ciel.  Eliogabale  qui  avoit  pris 
le  titre  de  prêtre  du  foleil ,  enleva  l'idole  de  Célefh  de 
Carthage  ,  avec  toutes  les  richefles  de  fon  temple  ; 
la  maria  avec  fon  dieu,  &  contraignit  les  fujets  de 
l'empire  à  célébrer  les  noces ,  6c  à  lui  faire  des  pré- 
ions.  Conftantin  détruilit  le  temple  que  CiUJii  ■  , 
a  Carthage. 

CELESTINS,  f.  m.  pi.  {Hift.  eccléf.)  ordre  reli- 
gieux ,  ainfi  nommes  du  pape  Céleftin  V.  qui  avant 
Terne  II, 


C  E  L 


80 1 


que  d'être  élevé  fur  la  chaire  de  faint  Pierre  -,  &  ne 
portant  encore  que  le  nom  de  Pierre  de  Moron  ,  éta- 
blit une  congrégation  de  religieux  réformés  de  l'or- 
dre de  Saint-Bernard.  Il  commença  en  1 144  ;  fut  ap- 
prouvé par  Urbain  IV.  en  1 264 ,  &  confirmé  dix  ans 
après  par  Grégoire  X.  au  II.  concile  général  de  Lyon. 
D'Italie  il  parla  en  France  l'an  1 300  ,  fous  le  règne 
de  Philippe-le-Bel  ;  &  en  1 3  18  ,  félon  du  Breuil  dans 
fes  antiquités  de  Paris,  fut  fondée  la  maifon  qu'ont 
en  cette  capitale  les  Célejlins.  Elle  eft  en  France  le 
chef  de  l'ordre ,  qui  conlïfte  en  vingt-trois  monafte- 
res  ;  ils  font  gouvernés  par  un  provincial,  qui  a  pou- 
voir de  général  en  France ,  &  qui  eft  élu  tous  les 
trois  ans.  (  G -  ) 

*  CÉLEUSME  ,  f.  m.  (  Hift.  anc.  )  c'eft  le  nom 
du  cri  par  lequel  on  exhortoit  chez  les  Grecs  les  ra- 
meurs à  redoubler  leurs  efforts.  Ce  cri  étoit ,  félon 
Ariftophane  ,  rhippapé  ou  00p.  Voye^  Cri.  Le  ce- 
leufme  étoit  auffi  à  l'ufage  des  gens  de  mer ,  chez  les 
Romains.  Les  commandans  avec  leurs  celeufmes ,  dit 
Arrien,  ordonnoient  aux  rameurs  de  commencer  ou 
de  ceffer  ;  &  les  rameurs  répondant  par  un  cri ,  plon- 
geoient  tous  à  la  fois  leurs  rames  dans  le  fleuve. 

*  CELEUSTE  ,  f.  f.  (  Hift.  anc.  )  nom  d'une  des 
danfes  boufonnes  des  Grecs.  On  n'en  fait  rien  de 
plus. 

*  CÉLIBAT ,  f.  m.  (  Hift.  anc.  &  mod.  &  Morale.} 
eft  l' état  d'une  perfonne  qui  vit  fans  s'engager  dans  le 
mariage.  Cet  état  peut  être  confidéré  en  lui-même 
fous  trois  afpecls  différens  :  i°.  eu  égard  à  l'efpcce 
humaine  ;  z°.  à  la  fociété  ;  30.  à  la  fociété  chrétien- 
ne. Mais  avant  que  de  confidérer  le  célibat  en  lui- 
même  ,  nous  allons  expofer  en  peu  de  mots  fa  fortu- 
ne ,  &  les  révolutions  parmi  les  hommes.  M.  Morin, 
de  l'académie  des  Belles-lettres ,  en  réduit  l'hiftoire 
aux  propolîtions  fuivantes.  Le  célibat  eft  auflî  ancien 
que  le  monde  ;  il  eft  auflî  étendu  que  le  monde  :  il 
durera  autant  &  infiniment  plus  que  le  monde. 

Hiftoire  abrégée  du  célibat.  Le  célibat  eft  auflî  an- 
cien que  le  monde ,  s'il  eft  vrai ,  ainfi  que  le  préten- 
dent quelques  auteurs  de  l'ancienne  &  de  la  nou- 
velle loi ,  que  nos  premiers  parens  ne  perdirent  leur 
innocence  qu'en  ceffant  de  garder  le  célibat  ;  Se 
qu'ils  n'auroient  jamais  été  chafles  du  paradis ,  s'ils 
n'enflent  mangé  le  fruit  défendu  ;  action  qui  dans  le 
ftyle  modefte  6c  figuré  de  l'Ecriture,  ne  deligne  autre 
chofe,  félon  eux,  que  l'infraftion  du  célibat.  Ils  ti- 
rent les  preuves  de  cette  interprétation  grammatica- 
le, du  lentiment  de  nudité  qui  luivit  immédiatement 
le  péché  d'Eve  &  d'Adam;  de  l'idée  d'irrégularité 
attachée  prelque  par  toute  la  terre  à  Fade  charnel  ; 
de  la  honte  qui  l'accompagne  ;  du  remors  qu'il  caule  ; 
du  péché  originel  qui  fe  communique  par  cette  \  oie  : 
enfin  de  l'état  où  nous  retournerons  au  lortir  de  cette 
vie  ,  où  il  ne  fera  queftion  ni  de  maris  ni  de  femmes  , 
&  qui  fera  un  célibat  éternel. 

Il  ne  m'appartient  pas ,  dit  M.  Morin  ,  de  donner  à 
cette  opinion  les  qualifications  qui  lui  conviennent  ; 
elle  eft  finguliere  :  elle  paraît  oppofée  à  la  lettre  de 
l'Ecriture  ;  c'en  eft  aile/  pour  la  rejetter.  L'Ecriture 
nous  apprend  qu'Adam  cv  Eve  vécurent  dans  le  pa- 
radis, comme  trere  cv  fœur  ;  comme  les  anges  vivent 
dans  le  ciel  ;  comme  nous  y  vivrons  un  jour:  cela 
lùflît  ;  &  voilà  le  premier  &  le  parfait  célibat.  Savoir 
combien  il  dura  ,  c'eft  une  queftion  purement  cu- 
rieufe.  Les  uns  difent  quelques  heures  ;  d'autres  quel- 
ques jours  :  il  y  en  a  qui ,  tondes  fur  des  raifons  myf- 
tiques  ,  fur  je  ne  fai  quelles  traditions  de  Tégfife 
Greque,  fur  l'époque  de  la  nailî'ancc  de  Caïn,  poul- 
fent  cet  intervalle  (ufqu'à  trente  ans.  _ 

Ace  prenv  ■  les  doâeurs  Juifs  en  fbntfuc- 

céderun  autre  qui  dura  bien  davantage;  car  ils  pré- 
tendent qu'Adam  &  Eve  ,  confus  de  îeur  crime  ,  en 
firent  pénitence  pendant  cent  ans,  fans  avoir  aucun 

II  iii 


802 


C  E  L 


commerce  enfemble  ;  conjecture  qu'ils  établilTent  fur 
la  naiffance  de  Seth ,  leur  troifieme  fils ,  que  Moyfe 
ne  leur  donne  qu'à  l'âge  de  cent  trente  ans.  Mais  à 
parler  jufte,  il  n'y  a  qu'Abel  à  qui  Ton  puiffe  attri- 
buer Thonneur  d'avoir  gardé  le  célibat  pendant  toute 
la  vie.  Savoir  fi  ion  exemple  fut  imité  dans  les  géné- 
rations fuivantes  ;  fi  les  fils  de  Dieu  qui  le  lailierent 
corrompre  par  les  filles  des  hommes ,  n 'étoient  point 
une  efpece  de  religieux ,  qui  tombèrent  dans  le  de- 
fordre ,  c'eft  ce  que  l'on  ne  lauroit  dire  ;  la  choie  n'eft 
pas  impofîible.  S'il  efl  vrai  qu'il  y  eût  alors  des^  fem- 
mes qui  affectoient  la  ftérilité ,  comme  il  paroît  par 
un  fragment  du  prétendu  livre  d'Enoch ,  il  pouvoit 
bien  y  avoir  eu  aufTi  des  hommes  qui  en  fiffent  pro- 
feffion  :  mais  les  apparences  n'y  font  pas  favorables. 
Il  étoit  queftion  alors  de  peupler  le  inonde  ;  la  loi  de 
Dieu  &  celle  de  la  nature  impofoient  à  toutes  for- 
tes de  perfonnes  une  efpece  de  nécefhté  de  travailler 
à  l'augmentation  du  genre  humain  ;  &  il  eft  à  préfu- 
mer que  ceux  qui  vivoient  dans  ce  tems-là ,  le  fai- 
foient  une  affaire  principale  d'obéir  à  ce  précepte. 
Tout  ce  que  l'hiftoire  nous  apprend,  dit  M.  Morin, 
des  Patriarches  de  ces  tems-là,  c'efc  qu'ils  prenoient 
&  donnoient  des  femmes  ;  c'eft  qu'ils  mirent  au 
monde  des  fils  &  des  filles,  &  puis  moururent ,  com- 
me s'ils  n'avoient  eu  rien  de  plus  important  à  faire. 

Ce  fut  à  peu  prés  la  même  choie  dans  les  premiers 
fiecles  qui  fuivirent  le  déluge.  Il  y  avoit  beaucoup  à 
défricher ,  &  peu  d'ouvriers  ;  c'étoit  à  qui  engen- 
drerait le  plus.  Alors  l'honneur  ,  la  nobleffe ,  la 
puifîance  des  hommes  coniiftoient  dans  le  nombre 
des  enfans  ;'  on  étoit  fur  par-là  de  s'attirer  une  grande 
conlîdération ,  de  fe  faire  refpecter  de  les  voilins, 
&  d'avoir  une  place  dans  l'hiftoire.  Celle  des  Juifs 
n'a  pas  oublié  le  nom  de  Jàïr,  qui  avoit  trente  fils 
dans  le  fervice  ;  ni  celle  des  Grecs ,  les  noms  de  Da- 
naiis  &  d'Egyptus ,  dont  l'un  avoit  cinquante  fils ,  & 
l'autre  cinquante  filles.  La  ftérilité  pallbit  alors  pour 
une  efpece  d'infamie  dans  les  deux  lexes ,  &  pour  une 
marque  non  équivoque  de  la  malédiction  de  Dieu; 
au  contraire  ,  on  regardoit  comme  un  témoignage 
authentique  de  fa  bénédiction  ,  d'avoir  autour  de  la 
table  un  grand  nombre  d'enfans.  Le  célibat  étoit  une 
efpece  de  péché  contre  nature  :  aujourd'hui,  ce  n'eft 
plus  la  même  chofe. 

Moyfé  ne  laiffa  guère  aux  hommes  la  liberté  de  fe 
marier  ou  non.  Lycurgue  nota  d'intamie  les  célibatai- 
res. Il  y  avoit  même  une  folemnité  particulière  à  La- 
cédémone  ,  où  les  femmes  les  produiioient  tous  nuds 
aux  pies  des  autels ,  Se  leur  iaifoient  taire  à  la  natu- 
re une  amende  honorable,  qu'elles  accompagnoient 
d'une  correction  très-fevere.  Ces  républicains  pouf- 
fèrent encore  les  précautions  plus  loin ,  en  publiant 
des  reglemens  contre  ceux  qui  le  marioient  trop  tard, 
àfiyajxia  ,  &  contre  les  maris  qui  n'en  ufoient  pas 
bien  avec  leurs  femmes,  matayttfiûà.. 

Dans  la  fuite  des  tems  ,  les  hommes  étant  moins 
rares ,  on  mitigea  ces  loix  pénales.  Platon  tolère  dans 
fa  république  le  célibat  jufqu'a  trente-cinq  ans  :  mais 
paffé  cet  âge ,  il  interdit  feulement  les  célibataires  des 
emplois  ,  &  leur  marque  le  dernier  rang  dans  les  cé- 
rémonies publiques.  Les  lois  Romaines  qui  lucce- 
derent  aux  greques,  furent  auffi  moins  rigoureufës 
contre  le  célibat  :  cependant  les  cenfeurs  étoient  char- 
gés d'empêcher  ce  genre  de  vie  folitaire ,  préjudicia- 
ble à  l'état ,  cœlibes  ejfe  prohibante).  Pour  le  rendre 
odieux ,  ils  ne  recevoienî  ies  célibataires  ni  à  tefter , 
ni  à  rendre,  témoignage  ;  &  voici  la  première  quef- 
tion que  l'on  faifoit  à  ceux  qui  le  préléntoient  pour 
prêter  ferment  :  ex  ariuni  tui-Jaitenùà  ,  m  equum  ha- 
bes ,  tu uxorem  habes ?  à  votre  ame  &  conlcience ,  avez- 
vous  un  cheval ,  avez-vous  une  femme  ?  mais  les 
Romains  ne  le  contentoient  pas  de  les  affliger  dans 
ce  monde,  leurs  Théologiens,  les  menaçoient  aiifîi  de 


C  E  L 

peines  extraordinaires  dans  les  enfers.  Extrema  om- 
nium calamitas  &  impieias  accidit  illi  qui  abj'que  filiis  à 
vita  dijeedit ,  &  dczmonibus  maximas  dat  pœnas  pojl  obi- 
tum.  L'eft  la  plus  grande  des  impiétés,  &  le  dernier 
des  malheurs ,  de  lortir  du  monde  fans  y  biffer  des 
enfans  ;  les  démons  font  fouifrir  à  ces  gcns-là  de- 
cruelles  peines  après  leur  mort. 

Maigre  toutes  ces  précautions  temporelles  &  fpi- 
rituelles ,  le  célibat  ne  laiffoit  pas  de  taire  Ion  che- 
min ;  les  lois  mêmes  en  font  une  preuve.  On  ne  s'a- 
vife  pas  d'en  faire  contre  des  delordres  qui  ne  fub- 
fiftent  qu'en  idée  ;  favoir  par  où  &  comment  celui-ci 
commença  ,  l'hiftoire  n'en  dit  rien  :  il  eft  à  préfumer 
que  de  fimples  railons  morales ,  &  des  goûts  parti- 
culiers ,  l'emportèrent  fur  tant  de  lois  pénales ,  bur- 
fales  ,  infamantes ,  &  fur  les  inquiétudes  de  la  conl- 
cience. Il  fallut  fans  doute  dans  les  commencemens 
des  motifs  plus  preffans ,  de  bonnes  railons  phyfi.- 
ques  ;  telles  étoient  celles  de  ces  tempéramens  heu- 
reux &  fages ,  que  la  nature  difpenle  de  réduire  en 
pratique  la  grande  règle  de  la  multiplication  :  il  y  en 
a  eu  dans  tous  les  tems.  Nos  auteurs  leur  donnent 
des  titres  flétriffans  :  les  Orientaux  au  contraire  les 
appellent  eunuques  du  foleil ,  eunuques  du  ciel ,  faits  par 
la  main  de  Dieu  ,  qualités  honorables ,  qui  doivent 
non-feulement  les  confoler  du  malheur  de  leur  état , 
mais  encore  les  autorifer  devant  Dieu  &  devant  les 
hommes  à  s'en  glorifier  ,  comme  d'une  grâce  fpécia- 
le ,  qui  les  décharge  d'une  bonne  partie  des  follicitu- 
des  de  la  vie,  ck  les  tranfporte  tout  d'un  coup  au 
milieu  du  chemin  de  la  vertu. 

Mais  lans  examiner  férieulément  fi  c'eft  un  avan- 
tage ou  un  defavantage  ,  il  eft  fort  apparent  que  ces 
béats  ont  été  les  premiers  à  prendre  le  parti  du  céli- 
bat :  ce  genre  de  vie  leur  doit  fans  doute  ion  origine, 
&  peut-être  fa  dénomination  ;  car  les  Grecs  ap- 
pelloient  les  invalides  dont  il  s'agit  xdAo/3m  ,  qui  n'eft 
pas  éloigné  de  cœlibes.  En  effet  le  célibat  étoit  le  feul 
parti  que  les  hoAo.Sc/  euffent  à  prendre  pour  obéir  aux 
ordres  de  la  nature,  pour  leur  repos,  pour  leur  hon- 
neur ,  &  dans  les  règles  de  la  bonne  foi  :  s'ils  ne  s'y 
céterminoient  pas  d'eux-mêmes  ,  les  lois  leur  en  in- 
poibient  la  néceliité  :  celle  de  Moyfe  y  étoit  exprcl- 
le.  Les  lois  des  autres  nations  ne  leur  étoient  guère 
plus  favorables  :  iî  elles  leur  permettoient  d'avoir 
des  femmes,  il  étoit  aulîi  permis  aux  femmes  de  les 
abandonner. 

Les  hommes  de  cet  état  équivoque  &  rare  dans 
les  commencemens  ,  également  mépriles  des  deux 
lexes ,  le  trouvèrent  expofés  à  plulieurs  mortifica- 
tions ,  qui  les  réduiûrent  à  une  vie  obicure  &  reti- 
rée :  mais  la  nécefhté  leur  fuggéra  bientôt  différens 
moyens  d'en  fortir,  &  de  le  rendre  recommandables: 
dégagés  des  mouvemens  inquiets  de  l'amour  étran- 
ger &  de  l'amour-propre ,  ils  s'affujettirent  aux  vo- 
lontés des  autres  avec  un  dévouement  fingulier  ;  & 
ils  lurent  trouvés  fi  commodes  ,  que  tout  le  monde 
en  voulut  avoir  :  ceux  qui  n'en  avoient  point ,  en  fi- 
rent par  une  opération  hardie  &  des  pius  inhumai- 
nes: les  pères,  les  maîtres,  lesfouverains,  s'arrogè- 
rent le  droit  de  réduire  leurs  enfans,  leurs  cklaves, 
leurs  fujets  ,  dans  cet  état  ambigu  ;  &  le  monde  en- 
tier qui  ne  connoiffoit  dans  le  commencement  que 
deux  lexes ,  fut  étonné  de  le  trouver  inieniîblement 
partagé  en  trois  portions  à  peu  près  égales. 

A  ces  célibats  peu  volontaires  û  en  luccéda  de  li- 
bres, qui  augmentèrent  coniidérablement  le  nombre 
des  premiers.  Les  gens  de  lettres  &  les  philosophes 
par  goût ,  les  athlètes ,  les  gladiateurs ,  les  muiieiens, 
pur  raiion  d'état,  une  infinité  d'autres  par  libertina- 
ge ,  quelques-uns  par  vertu  ,  prirent  un  parti  que 
Diogene  trouvoit  ii  doux,  qu'il  s'étonnoit  que  l'a  ref- 
-  fource  ne  devînt  pas  plus  à  la  mode.  Quelques  pro- 
feflions  y  étoient  obligées  ,  telles  que  celle  de  tein- 


C  E  L 

dre  Crt  écarlate  ,  baphiariï.  L'ambition  &  la  politique 
groffirent  encore  le  corps  des  célibataires  :  ces  hom- 
mes bifarres  furent  ménagés  par  les  grands  mêmes , 
avides  d'avoir  place  dans  leur  teltament  ;  &  par  la 
raifon  contraire ,  les  pères  de  famille  dont  on  n'eipé- 
roitrien  ,  furent  oubliés,  négligés,  méprifés. 

Nous  avons  vu  jufqu'à  préfent  le  célibat  interdit , 
eniuite  toléré ,  puis  approuvé,  enfin  préconiié  :  il  ne 
tarda  pas  à  devenir  une  condition  eflentielle  dans  la 
plupart  de  ceux  qui  s'attacherait  au  fervice  des  au- 
tels. Melchifedech  fut  un  homme  fans  famille  &  fans 
généalogie.  Ceux  qui  fe  deitinerent  au  fervice  du 
temple  &  au  culte  de  la  loi ,  furent  difpenfés  du  ma- 
riage. Les  filles  curent  la  même  liberté.  On  allure 
que  Moyfe  congédia  fa  femme  quand  il  eut  reçu  la 
loi  des  mains  de  Dieu.  Il  ordonna  aux  facrificateurs 
dont  le  tour  d'officier  à  l'autel  approcheroit,  de  le 
iéqueftrer  de  leurs  femmes  pendant  quelques  jours. 
Après  hii  les  prophètes  Elie  ,  Elifée  ,  Daniel  &  les 
trois  compagnons,  vécurent  dans  la  continence.  Les 
Nazaréens ,  6c  la  plus  faine  partie  des  Elïeniens ,  nous 
font  repréfentés  par  Jofephe  comme  une  nation  mer- 
vcilleufc  ,  qui  avoit  trouvé  le  fecret  que  Metellus 
Numidicus  ambitionnoit ,  de  fe  perpétuer  fans  ma- 
riage, fans  accouchement,  &  fans  aucun  commerce 
avec  les  femmes. 

Chez  les  Egyptiens  les  prêtres  d'Ifis  ,  &c  la  plu- 
part de  ceux  qui  s'attachoient  au  fervice  de  leurs  di- 
vinités ,  faifoient  profeflîon  de  chalteté  ;  &  pour  plus 
de  fureté  ils  y  étoient  préparés  dès  leur  enfance  par 
des  chirurgiens.  Les  Gymnofophiltes,  les  Brachma- 
nes ,  les  Hiérophantes  des  Athéniens ,  une  bonne 
partie  desdilciples  de  Pythagore,  ceux  deDiogene, 
les  vrais  Cyniques ,  ôc  en  général  tous  ceux  6c  tou- 
tes celles  qui  le  dévoùoient  au  fervice  des  déeiTes ,  en 
ufoient  de  la  même  manière.  Il  y  avoit  dans  laThra- 
ce  une  fociété  conlîdérable  de  religieux  célibataires  , 
appelles  ji-nç-eù  ou  créateurs,  de  la  faculté  de  le  pro- 
duire fans  le  fecours  des  femmes.  L'obligation  du 
célibat  étoit  impolée  chez  les  Pcrfes  aux  filles  desti- 
nées au  fervice  du  foleil.  Les  Athéniens  ont  eu  une 
mailon  de  vierges.  Tout  le  monde  connoit  les  vefta- 
les  Romaines.  Chez  nos  anciens  Gaulois  ,  neuf  vier- 
ges quipaffoient  pour  avoir  reçu  du  ciel  des  lumières 
&  des  grâces  extraordinaires,  gardoient  vn  oracle  fa- 
meux dans  une  petite  île  nommée  S  crié, iur  les  côtes  de 
l'Armorique.  Il  y  a  des  auteurs  qui  prétendent  même 
que  l'île  entière  n'étoit  habitée  que  par  des  filles , 
dont  quelques-unes  faifoient  de  tems  en  tems  des 
voyages  fur  les  cotes  voifines ,  d'où  elles  rappor- 
toient  de  petits  embryons  pour  conlerver  l'eipece. 
Toutes  n'y  alloient  pas  :  il  elt  à  préfumer  ,  dit  M. 
Morin  ,  que  le  lort  en  décidoit ,  &  que  celles  qui 
avoient  le  malheur  de  tirer  un  billet  noir ,  étoient 
forcées  de  defeendre  dans  la  barque  fatale  qui  les  ex- 
poloit  fur  le  continent,  Ces  filles  confacrées  étoient 
en  grande  vénération  :  leur  mailon  avoit  des  privi- 
lèges linguliers,  entre  lefqucls  on  peut  compter  ce- 
lui de  ne  pouvoir  être  châtiées  pour  un  crime ,  fans 
avoir  avant  toute  choie  perdu  la  qualité  de  fille. 

Le  célibat  a  eu  les  martyrs  chez  les  payens ,  & 
leurs  hiltoires  6k  leurs  fables  (ont  pleines  de  tilles  qui 
ont  généreufement  préféré  la  mort  à  la  perte  de 
l'honneur.  L'aventure  d'Hippolite  elt  connue  ,  ainfi 
que  la  rélurrcction  par  Diane,  patzone  des  c< 
res.  Tous  ces  laits ,  &  une  infinité  d'autres  ,  étoient 
foûtenus  par  les  principes  de  la  croyance.  Les  Grecs 
regardoicntla  chalteté  commeune  grâce  liunaturel- 
le;  les  facrifices  n'étoient  point cenlés  complets,  fans 
l'intervention  d'une  vierge;  ils  pouvoient  bien  être 
commencés,  libarc  :  mais  ils  ne  pouvoient  être  con- 
fommés  lans  elles ,  lit  are,  Ils  avoient  fur  la  virginité 
des  propos  magnifiques ,  des  idées  fublimes  ,  des  fpé- 
culations  d'une  grande  beautc  ;  mais  en  approfôo- 
Tomc  II, 


C  E  L 


S03 


diffant  la  conduire  fecrete  de  tous  ces  Lèt'tbiùalhs,  Se 
de  tous  ces  virtuofes  du  paganifme  ,  on  n'y  décou- 
vre ,  dit  M.  Morin  ,  que  delordres  ,  que  forfanterie, 
&  qu'hypocrifie.  A  commencer  par  leurs  déeffes , 
Velta  la  plus  ancienne  étoit  reprél'entee  avec  un  en- 
fant ;  où  l'avoit-elle  pris  ?  Minerve  avoit  pai  devers 
elle  Erichtonius,  une  aventure  a>  ec  X  uleain  ,  6c  des 
temples  en  qualité  de  mère.  Diane  avoit  fbn  cheva- 
lier Virbius,  &c  l'on  Endimion  :  le  plaiiir  qu'elle  pre- 
noit  à  contempler  celui-ci  endormi ,  en  dit  beaucoup, 
&  trop  pour  une  vierge.  Myrtilus  accule  les  mules 
de  complaifances  fortes  pour  un  certain  Mégalion  , 
&  leur  donne  à  toutes  des  entans  qu'il  nomme  ncm 
par  nom.  C'elt  peut-être  pour  cette  raifon  que  l'abbé 
Cartaud  les  appelle  ,  les  filles  de  C  opéra  de  Jupiter. 
Les  dieux  vierges  ne  valoient  guère  mieux  que  les 
déciles  ,  témoins  Apollon  &  Mercure. 

Les  prêtres ,  lans  en  excepter  ceux  de  Cybele  ," 
ne  pafîoient  pas  dans  le  monde  pour  des  gens  d'une 
conduite  bien  régulière  :  on  n'enterroit  pas  vives  tou- 
tes les  verbales  qui  péchoient.  Pour  l'honneur  de  leurs 
philolbphes,  M.  Morin  s'en  tait,  &  finit  ainfi  l'hiltoire 
du  célibat,  tel  qu'il  étoit  au  berceau,dans  l'enfance,  en- 
tre les  bras  de  la  nature;  état  bien  didérent  du  haut  de- 
gré de  perfection  oii  nous  le  voyons  aujourd'hui  : 
changement  qui  n'eft  pas  étonnant  ;  celui-ci  ell  l'ou- 
vrage de  la  grâce  &  du  Saint-Efprit  ;  celui-là  n'etoit 
que  l'avorton  imparfait  d'une  nature  déréglée,  dépra- 
vée, débauchée,  trille  rebut  du  mariage  cV  de  la  \  b> 
ginité.  Voye^  les  Mémoires  de  C  Académie  d.s  In/ cap- 
tions y  tome  IF.  page  308.  Hijl.  critiq.  du  cdib.it.  Tout 
ce  qui  précède  n'eft  abfolument  que  l'analyle  dé  ce 
mémoire  :  nous  en  avons  retranche  quelques  en- 
droits longs  ;  mais  à  peine  nous  fommes-nous  accor- 
dé la  liberté  de  changer  une  feule  exprciîion  dans  ce 
que  nousenavons  employé:  il  en  fera  de  même  dans 
la  fuite  de  cet  article  :  nous  ne  prenons  rien  lur 
nous  ;  nous  nous  contentons  feulement  de  rapporter 
fidèlement ,  non-feulement  les  opinions ,  mais  les 
difeours  même  des  auteurs,  &  de  ne  piuler  ici  que 
dans  des  fources  approuvées  de  tous  les  honnê- 
tes gens.  Après  avoir  montré  ce  que  l'hiltoire  m  nu 
apprend  du  célibat,  nous  allons  maintenant  envifa- 
ger  cet  état  avec  les  yeux  de  la  Philofophie  ,  8e 
expofer  ce  que  dirFereru>  écrivains  ont  pcnle  fur  ce 
fujet. 

Du  célibat  confidéré  en  lui-même.  i°.  Eu  égard  à  fef- 
pece  humaine.  Si  un  hiltorien  ou  quelque  voyageur 
nous  faifoit  la  defeription  d'un  être  perdant ,  parfai- 
tement ilole  ,  lans  Supérieur,  fans  égal,  fans  inté- 
rieur, à  l'abri  de  tout  ce  qui  pourroit  émouvoir  les 
pallions ,  leul  en  un  mot  de  Ion  efpece  ;  nous  di- 
rions fans  héfiter  que  cet  être  finguiier  doit  être  plongé 
dans  la  mtlancholie  :  car  quelle  confolation  pourroit-il 
rencontrer  dans  un  monde  qui  ne  ferait  pour  lui  qu'une 
vajle  Jblitudc  ?  Si  l'on  ajoùtoit  que  malgré  les  appa- 
rences il  jouit  de  la  vie,  lent  le  bonheur d'e\iiter,  & 
trouve  en  lui-même  quelque  félicité;  alors  nous  pour- 
rions convenir  que  ce  n'e/i  pas  tout-à-fau  un  nu 
&  que  relativement  a  lui-même  fa  con/litutiou   n\ 
entièrement  abfurde  :  mais  nous  n'irions  jamais 
dire  qu'il  cjl  bon.  C  epeinlant  û  l'on  inûfioit  ,  Si  qu'on 
11  qu'il  elt  partait  dans  Ion  genre,  &   confë" 
quemment  que  nous  lui  refluons  à  tort  l'épithete  de 
bon  ;  car  qu'importe  qu'il  ait  quelque  choie  ou  qu'il 
n'ait  rien  à  démêler  avec  d'autres?  il  fàudroit  bien 
franchir  le  mot,  6c  reconnoître  que  cet  1 
s'il  tjl pojfiblt  toutefois  qu'il  1 
1.:  .'  1  ..  1  oir  aucun  rapport ,  uul  .-.    - 
dans  lequel  il  ejl  p 

Mais  fi  l'on  venoit  à  découvrir  à  la  longue  quel-* 
que  fyltèmc  dans  la  nature  dont  l'ei,  .  1  tomate 

en  quelVion  put  être  confidéré  comme  failant  par- 
tie ;  li  l'on  entrevoyoit  dans  la  uruchu  e  des  lient  qui 

J  1  1 1 1  ij 


8o4 


CEL 


C  E  L 


Tattachaflcnt  à  des  êtres  femblables  à  lui  ;  n  fa  con- 
formation indiquent  une  chaîne  de  créatures ^  utiles , 
qui  ne  put  s'accroître  &  s'étemifer  que  par  l'emploi 
des  facultés  qu'il  auroit  reçues  de  la  nature  ;  il  per- 
drait incontinent  le  titre  de  bon  dont  nous  l'avons 
décoré  :  car  comment  ce  titre  convienclroit  il  à  un 
individu ,  qui  par  ion  inaûion  6c  fa  folitude  tendroit 
aufïï  directement  à  la  ruine  de  fon  efpece  ?  La  con- 
fervation  de  l'efpece  n'eft-elle  pas  un  des  devoirs  ef- 
fentiels  de  l'individu  ?  &  tout  individu  qui  raifonne 
&  qui  eft  bien  conformé  ,  ne  fe  rend-t-il  pas  coupa- 
ble en  manquant  à  ce  devoir ,  à  moins  qu'il  n'en  ait 


ijoute  ,  a  moins  qui 
qiL  'autorité  fupérieure  à  celle  de  la  nature  ,  afin  qu'il  foit 
bien  clair  qu'il  ne  s'agit  nullement  ici  du  célibat  con- 
facré  par  la  religion  ;  mais  de  celui  que  l'imprudence, 
la  mifanthropie  ,  la  légèreté,  le  libertinage,  forment 
tous  les  jours  ;  de  celui  où  les  deux  fexes  le  corrom- 
pant par  les  fentimens  naturels  mêmes ,  ou  étouffant 
en  eux  ces  fentimens  fans  aucune  nécefïïté,tuient  une 
union  qui  doit  les  rendre  meilleurs  ,  pour  vivre  ,  foit 
dans  un  éloignement  ftérile ,  foit  dans  des  unions  qui 
les  rendent  toujours  pires.  Nous  n'ignorons  pas  que 
celui  quia  donné  à  l'homme  tous  fes  membres ,  peut 
le  difpenfer  de  l'ufage  de  quelques-uns ,  ou  même  lui 
défendre  cet  ufage ,  &  témoigner  que  ce  facrifîce  lui 
eft  agréable.  Nous  ne  nions  point  qu'il  n'y  ait  une 
certaine  pureté  corporelle  ,  dont  la  nature  abandon- 
née à  elle-même  ne  fe  feroit  jamais  avifée ,  mais 
que  Dieu  a  jugée  néceffaire  pour  approcher  plus  di- 
gnement des  lieux  faints  qu'il  habite  ,  &  vaquer  d'u- 
ne manière  plus  fpirituelle  au  miniilere  de  fes  autels. 
Si  nous  ne  trouvons  point  en  nous  le  germe  de  cette 
pureté ,  c'eft  qu'elle  eft ,  pour  ainfi  dire ,  une  vertu 
révélée  &  de  foi. 

Du  célibat  confidéré  z°.  eu  égard  à  lafociété.  Le  cé- 
libat que  la  religion  n'a  point  fanftifîé,  ne  peut  pas 
être  contraire  à  la  propagation  de  l'efpece  humaine , 
ainli  que  nous  venons  de  le  démontrer ,  fans  être  nui- 
fible  à  la  fociété.  Il  nuit  à  la  fociété  en  l'appauvrif- 
fant  &  en  la  corrompant.  En  rappauvrijfant  ^  s'il  eft 
vrai ,  comme  on  n'en  peut  guère  douter ,  que  la  plus 
grande  richeffe  d'un  état  conlîfte  dans  le  nombre  des 
lujets  ;  qu'il  faut  compter  la  multitude  des  mains  en- 
tre les  objets  de  première  néceiïïté  dans  le  commer- 
ce ;  &  que  de  nouveaux  citoyens  ne  pouvant  deve- 
nir tous  foldats ,  par  la  balance  de  paix  de  l'Europe , 
&  ne  pouvant  par  la  bonne  police ,  croupir  dans  l'oi- 
iiveté,  travailleroient  les  terres,  peupleroient  les 
manufactures,  ou  deviendroient  navigateurs.  En  la 
corrompant ,  parce  que  c'eft  une  règle  tirée  de  la  na- 
ture ,  ainfi  que  Villufïre  auteur  de  fejprit  des  lois  l'a 
bien  remarqué ,  que  plus  on  diminue  le  nombre  des 
mariages  qui  pourroient  fe  faire  ,  plus  on  nuit  à  ceux 
qui  font  faits  ;  &  que  moins  il  y  a  de  gens  mariés  , 
moins  il  y  a  de  fidélité  dans  les  mariages ,  comme 
lorfqu'il  y  a  plus  de  voleurs,  il  y  a  plus  de  vols.  Les 
anciens  connoifibient  fi  bien  ces  avantages  ,  &  met- 
toient  un  fi  haut  prix  à  la  faculté  naturelle  de  fe  ma- 
rier ôc  d'avoir  des  enfans,  que  leurs  lois  avoient  pour- 
vu à  ce  qu'elle  ne  fût  point  ôtée.  Ils  regardoient  cette 
privation  comme  un  moyen  certain  de  diminuer  les 
reffources  d'un  peuple,  &d'y  accroître  la  débauche. 
Aufïï  quand  on  recevoit  un  legs  à  condition  de  gar- 
der le  célibat ,  lorfqu'un  patron  faifoit  jurer  fon  af- 
franchi qu'il  ne  fe  marieroit  point,  &  qu'il  n'auroit 
point  d'enfant ,  la  loi  Pappienne  annulloit  chez  les 
Romains  &  la  condition  &  le  ferment.  Ils  avoient 
conçu  que  là  où  le  célibat  auroit  la  prééminence  ,  il 
ne  pouvoit  guère  y  avoir  d'honneur  pour  l'état  du 
mariage  ;  &  conféquemment  parmi  leurs  lois ,  on 
n'en  rencontre  aucune  qui  contienne  une  abrogation 


exprefTe  des  privilèges  &  des  honneurs  qu'ils  avoient 
accordés  aux  mariages  &l  au  nombre  des  enfans. 

Du  célibat  conjîdéré  J°.  eu  égard  à  lafociété  chrétien' 
ne.  Le  culte  des  dieux  demandant  une  attention  con- 
tinuelle &  une  pureté  de  corps  &  d'ame  fingulierc , 
la  plupart  des  peuples  ont  été  portés  à  faire  du  cler- 
gé un  corps  féparé  ;  ainli  chez  les  Egyptiens ,  les 
Juifs  &  les  Perles ,  il  y  eut  des  familles  confacrées 
au  fervice  de  la  divinité  &  des  temples.  Mais  on  ne 
penfa  pas  feulement  à  éloigner  les  ecciéliaftiques  des 
affaires  &  du  commerce  des  mondains  ;  il  y  eut  des 
religions  où  l'on  prit  encore  le  parti  de  leur  ôter  l'em- 
barras d'une  famille.  On  prétend  que  tel  a  été  parti- 
culièrement l'efprit  duChriftianifine,  même  dans  fon 
origine.  Nous  allons  donner  une  expofition  abrégée 
de  fa  difeipline ,  afin  que  le  lecteur  en  puiffe  juger 
par  lui-même. 

Il  faut  avouer  que  la  loi  du  célibat  pour  les  évêques, 
les  prêtres,  &  les  diacres  ,  elt  aufïï  ancienne  que  l'E- 
gliie. Cependant  il  n'y  a  point  de  ioi  divine  écrite  qui 
défende  d'ordonner  prêtres  des  perfonnes  mariées,  ni 
aux  prêtres  de  fe  marier.  Jefus-Chrift  n'en  a  fait  aucun 
précepte  ;  ce  que  S.  Paul  dit  dans  fes  épîtres  à  Timo- 
thée  &  à  Tite  fur  la  continence  des  évêques  &c  des 
diacres ,  tend  feulement  à  défendre  à  l'évêque  d'a- 
voir plufieurs  femmes  en  même  tems  ou  fuccefïïve- 
ruent  ;  oportet  epifeopum  ejfe  uni  us  uxoris  virum.  La  pra- 
tique même  des  premiers  ficelés  de  l'Egliie  y  eft  for- 
melle: on  ne  faifoit  nulle  difficulté  d'ordonner  prê- 
tres &  évêques  des  hommes  mariés  ;  il  étoit  feule- 
ment défendu  de  fe  marier  après  la  promotion  aux 
ordres ,  ou  de  pafîer  à  d'autres  noces ,  après  la  mort 
d'une  première  femme.  Il  y  avoit  une  exception  par- 
ticulière pour  les  veuves.  On  ne  peut  nier  que  l'ef- 
prit &  le  vœu  de  l'Egliie  n'ayent  été  que  fes  princi- 
paux miniftres  vécuflent  dans  une  grande  continen- 
ce ,  &  qu'elle  a  toujours  travaillé  à  en  établir  la  loi  ; 
cependant  l'ufage  d'ordonner  prêtres  des  perfonnes 
mariées  a  f iibiifté  &  fubfifte  encore  dans  FEglife  Gre* 
que,  &  n'a  jamais  été  pofitivement  improuvé  par 
l'Egliie  Latine. 

Quelques-uns  croyent  que  le  troifieme  canon  du 
premier  concile  de  Nicée,  impolè  aux  clercs  ma- 
jeurs ,  c'eft-à-dire ,  aux  évêques ,  aux  prêtres ,  &  aux 
diacres ,  l'obligation  du  célibat.  Mais  le  P.  Alexandre 
prouve  dans  une  difiertation  particulière ,  que  le  con- 
cile n'a  point  prétendu  interdire  aux  clercs  le  com- 
merce avec  les  femmes  qu'ils  avoient  époufées  avant 
leur  ordination  ;  qu'il  ne  s'agit  dans  le  canon  objeclé 
que  des  femmes  nommées fubimroduclx  &  agapetœ,  & 
non  des  femmes  légitimes  ;  &  que  ce  n'eft  pas  feule- 
ment aux  clercs  majeurs,  mais  aufïï  aux  clercs  infé- 
rieurs que  le  concile  interdit  la  cohabitation  avec  les 
agapetes  :  d'où  ce  lavantThuologien  conclut  que  c'eft 
le  concubinage  qu'il  leur  défend ,  &  non  l'ufage  du 
mariage  légitimement  contracté  avant  l'ordination.  II 
tire  même  avantage  del'hiftoire  de  Paphenuceiî  con- 
nue, &  que  d'autres  auteurs  ne  paroiffent  avoir  re- 
jettée  comme  une  fable ,  que  parce  qu'elle  n'eft  au- 
cunement favorable  au  célibat  du  clergé. 

Le  concile  de  Nicée  n'a  donc ,  félon  toute  appa- 
rence ,  parlé  que  des  mariages  contractés  depuis  l'or< 
dination ,  &  du  concubinage  :  mais  le  neuvième  ca- 
non du  concile  d'Ancyre  permet  expreflément  à  ceux 
qu'on  ordonnerait  diacres ,  &  qui  ne  feraient  pas  ma- 
riés, de  contracter  mariage  dans  la  fuite,  pourvu 
qu'ils  enflent  proîefté  clans  le  tems  de  l'ordination, 
contre  l'obligation  du  célibat.  Il  eft  vrai  que  cette  in- 
dulgence ne  fut  étendue  ni  aux  évêques  ni  aux  prê- 
tres, 8c  que  le  concile  de  Neoccefarée  tenu  peu  de 
tems  après  celui  d'Ancyre,  prononce  formellement: 
presbyterum  yJï  uxorem  acceptrit ,  ab  ordine  deponendum  , 
quoique  le  mariage  ne  fut  pas  nul,  félon  la  remar- 
que du  P.  Thomafîin.  Le  concile  W  Trullo  tenu  l'ao 


C  E  L 

o&ï.j  confirma  dans  fon  xiii.  canon  Pufage  do  l'Eglife 
Greqae  ,  &  l'Egliie  Latine  n'exigea  point  au  concile 
de  Florence  qu'elle  y  renonçât.  Cependant  il  ne  faut 
pas  celer  que  plufieurs  des  prêtres  Grecs  font  moi- 
nes, &  gardent  le  célibat;  &  que  l'on  oblige  ordinai- 
rement les  patriarches  &  les  évêques  de  faire  pro- 
fefïïon  delà  viemonaftique,  avant  que  d'être  ordon- 
nés. Il  eft  encore  à  propos  de  dire  qu'en  Occident  le 
célibat  fut  prefcrit  aux  clercs  par  les  décrets  des  pa- 
pes Sirice  &  Innocent;  que  celui  du  premier  eft  de 
l'an  385  ;  que  S.Léon  étendit  cette  loi  aux  foûdia- 
cres;  que  S.  Grégoire  l'avoit  impolée  aux  diacres  de 
Sicile;  &  qu'elle  fut  confirmée  par  les  conciles  d'El- 
vire  fur  la  fin  du  111e  fiecle,  canon  xxxiii.  de  To- 
lède, en  l'an  400;  de  Carthage,  en  419,  canon  111. 
&  iv.  d'Orange,  en  441 ,  canon  xxn.  &  xxm.  d'Ar- 
les, en  452;  de  Tours,  en  461  ;  d'Agde,  en  506; 
d'Orléans,  en  538;  parles  capitulaires  de  nos  rois, 
&  divers  conciles  tenus  en  Occident  ;  mais  principa- 
lement par  le  concile  de  Trente  ;  quoique  fur  les  re- 
préfentations  de  l'Empereur,  du  duc  de  Bavière ,  des 
Allemands,  &c  même  du  roi  de  France ,  on  n'ait  pas 
laide  d'y  propoler  le  mariage  des  prêtres,  &  de  le 
foiliciter  auprès  du  pape,  après  la  tenue  du  concile. 
Leur  célibat  avoit  eu  long-tems  auparavant  des  ad- 
versaires :  Vigilance  &  Jovien  s'étoient  élevés  con- 
tre fous  S.  Jérôme  :  Wiclef,  les  Pluffites  ,  les  Bohé- 
miens, Luther,  Calvin,  &c  les  Anglicans,  en  ont 
fecoùé  le  joug  ;  &  dans  le  tems  de  nos  guerres  de  re- 
ligion ,  le  cardinal  de  Chatillon,  Spifame ,  évéque  de 
Nevers,  &  quelques  eccléfiaitiques  du lecond ordre, 
oferent  le  marier  publiquement;  mais  ces  exemples 
n'eurent  point  de  iuite. 

Lorfque  l'obligation  du  célibat  fut  générale  dans 
l'Eglife  catholique ,  ceux  d'entre  les  ecclélîaftiques 
qui  la  violèrent  ,  furent  d'abord  interdits  pour  la 
vie  des  fondrions  de  leur  ordre  ,  &  mis  au  rang  des 
laïques.  Juftinicn ,  leg.  46.  cod.  de  epifeop.  &  cler.  vou- 
lut enfuite  que  leurs  enfans  fufTent  illégitimes,  &  in- 
capables de  fuccéder  &  de  recevoir  des  legs  :  enfin  il 
fut  ordonné  que  ces  mariages  feroient  caftes ,  &  les 

Farties  miles  en  pénitence  ;  d'où  l'on  voit  comment 
infraction  eft  devenue  plus  grave,  àmefure  que  la 
loi  s'eft  invétérée.  Dans  le  commencement  s'il  arri- 
voit  qu'unprêtre  le  mariât ,  il  étoit  dépofé  ,  &  le  ma- 
riage fubfiftoit  ;  à  la  longue ,  les  ordres  furent  confi- 
dérés  comme  un  empêchement  dirimant  au  mariage  : 
aujourd'hui  un  clerc  fimple  tonfuré  qui  fe  marie ,  ne 
jouit  plus  des  privilèges  des  eccléfiaitiques,  pour  la 
juril'diciion  &  l'exemption  des  charges  publiques.  Il 
eft  cenfé  avoir  renoncé  par  le  mariage  à  la  cléricature 
&  à  les  droits.  Fleury  ,  Injl.  au  Droit  eccléf.  ton.  1, 
sine.  &  nouv.  difcipline  de  l'Eglife  du  P.  Thomafîin. 

Il  s'enfuit  de  cet  hiftorique,  dit  feu  M.  l'abbé  de 
S.  Pierre,  pour  parler  non  en  controverlifte.  mais 
en  fimple  politique  chrétien,  &  en  fimple  citoyen 
d'une  lociete  chrétienne,  que  le  célibat  des  prêtres 
n'eft  qifun  point  de  dilcipline;  qu'il  n'eft  point  ef- 
fentiel  à  la  religion  chrétienne;  qu'il  n'a  jamais  été 
regardé  comme  un  des  fondemens  du  fchilme  que 
nous  avons  avec  les  Grecs  6e  les  Proteftans  ;  qu'il  ;i 
été  libre  dans  l'Eglife  Latine:  que  l'Eglife  ayant  le 
pouvoir  de  changer  tous  les  points  de  dilcipline  d'inl- 
titution  humaine;  ft  les  états  de  l'Egliie  catholique 
recevoientde  grands  avantages  de  rentrer  dans  cet- 
te ancienne  liberté,  fans  en  recevoir  aucun  dom- 
mage effeûif,  il  feroit  à  fouhaiter  que  cela  rut;  & 
que  la  queftion  de  ces  avantages  eft  moins  théolo- 
gique que  politique,  &  regarde  plus  les  fouverains 
que  l'Egliie  ,  qui  n'aura  plus  qu'à  prononcer. 

Mais  y  a-t-il  des  avantages  à  reftituer  les  ecclé- 
fiaitiques dans  l'ancienne  liberté  du  mariage?  C'cftun 
fait  dont  le  Czar  fut  tellement  frappé,  lorlqu'il  par- 
courut la  France  incognito,  qu'il  ne  concevoir  pas 


C  E  L 


80 


que  clans  un  état  où  il  rencontrait  de  fi  bonnes  lois 
&  de  li  fages  établiflemens ,  on  y  eût  laiftè  lùbfifter 
depuis  tant  de  fiecles  une  pratique ,  qui  d'un  côté 
n'importoit  en  rien  à  la  religion ,  &  qui  de  l'autre 
préjudicioit  fi  fort  à  la  fociété  chrétienne.  Nous  ne 
déciderons  point  fi  l'étonnement  du  Czar  étoit  bien 
fondé  ;  mais  il  n'eft  pas  inutile  d'analyfer  le  mémoire 
de  M.  l'abbé  de  S.  Pierre  >  &  c'eft  ce  que  nous  allons 
faire. 

Avantages  du  mariage  des  prêtres.    i°.  Si  quarante 
mille  curés  avoient  en  France  quatre-vingt  mille 
enfans  ,  ces  enfans  étant  fans  contredit  mieux  éle- 
vés ,  l'état  y   gagnerait  des  fujets  &   d'honnêtes 
gens ,  &  l'églife  des  fidèles.  z°.  Les  eccléfiaftiques 
étant  par  leur  état  meilleurs  maris  que  les  autres 
hommes ,  il  y  aurait  quarante  mille  femmes  plus 
heureufes  &  plus   vertueufes.   30.  Il  n'y  a  guère 
d'hommes  pour  qui  le  célibat  ne  foit  difficile  à  obier- 
ver  ;  d'où  il  peut  arriver  que  l'églife  fouffre  un  grand 
fcandale  par  un  prêtre  qui  manque  à  la  continence  , 
tandis  qu'il  ne  revient  aucune  utilité  aux  autresChré- 
tiens  de  celui  qui  vit  continent.  40.  Un  prêtre  ne 
mériterait  guère  moins  devant  Dieu  en  fupportant 
les  défauts  de  fa  femme  &  de  fes  enfans  ,  qu  en  réfif- 
tant  aux  tentations  de  la  chair.  50.  Les  embarras  du 
mariage  font  utiles  à  celui  qui  les  fupporte  ;  &  les 
difficultés  du  célibat  ne  le  lont  à  perionne.  6°.  Le 
curé  père  de  famille  vertueux  ,  feroit  utile  à  plus 
de  monde  que  celui  qui  pratique  le  célibat.  y°.  Quel- 
ques ecclélîaftiques  pour  qui  l'obfervation  du  célibat 
eft  très-pénible ,  ne  croiroient  pas  avoir  fatisfait  à 
tout ,  quand  ils  n'ont  rien  à  fe  reprocher  de  ce  côté. 
8°.  Cent  mille  prêtres  mariés  formeraient  cent  mil- 
le familles  ;  ce  qui  donnerait  plus  de  dix  mille  habi- 
tans  de  plus  par  an  ;  quand  on  n'en  compteroit  que 
cinq  mille  ,  ce  calcul  produirait  encore  un  million 
de  François  en  deux  censans.D'ouii's'eniiiit  quelans 
le  célibat  des  prêtres,on  aurait  aujourd'hui  quatre  mil- 
lions de  Catholiques  de  plus ,  à  prendre  feulement 
depuis  François   I.  ce  qui  formerait   une    fomme 
conlidérablc  d'argent;  s'il  eft  vrai,  ainfi  qu'un  An- 
glois  l'a  fupputé  ,  qu'un  homme  vaut  à  l'état  plus  de 
neuf  livres  fterling.  90.  Les  maifons  nobles  trouve- 
raient dans  les  familles  des  évêques  ,  des  rejettons 
qui  prolongeraient  leur  durée  ,  6v.  Voye%  les  ouvra- 
ges poli  tiq.  de  AI.  l'abbé  de  S.  Pierre,  toir.e  II.  p.  1 46 . 
Moyens  de  rendre  aux  eccléjïafliques  la  liberté  du  ma- 
riage. Il  faudrait  i^.  former  une  compagnie  qui  mé- 
ditât fur  les  obftacles  &  qui  travaillât  à  les  lever.  z°. 
Négotier  avec  les  princes  de  la  communion  Romai- 
ne ,  ce  former  avec  eux  une  confédération.  3".  Né- 
gotier avec  la  cour  de  Rome  ;  car  M.  l'abbé  de  S. 
Pierre  prétend  qu'il  vaut  mieux  ufer  de  l'interven- 
tion du  pape  ,  que  de  l'autorité  d'un  concile  natio- 
nal; quoique,  félon  lui,  le  concile  national  abrégeai 
fans  doute  les  procédures ,  ce  que  lelon  bien  des 
Théologiens ,  ce  tribunal  lut  fuffiiant  pour  une  affai- 
re de  cette  nature.  Voici  maintenant  les  objections 
que  M.  l'abbé  de  S.  Pierre  le  propofe  lui-même  con- 
tre fon  projet ,  a\  ec  les  réponfes qu'il  \ 

Première  ob/eélion.  Les  évêques  d'Italie  pourraient 
donc  être  maries ,  comme  S.  Ambroifc  ;  6c  les  cardi- 
naux 6v  le  pape,  comme  S.  Pierre. 

Ki  pons]  .  Aflùrément:  M.  l'abbé  de  S.  Pierrene 
voit  ni  mal  à  fun  re  ces  exemples ,  ni  inconvénient 
à  ce  que  le  pape  &  les  cardinaux  a\  ent  d'honnête* 
femmes,  des  enfans  vertueux ,  èv  une  famille  bien 
réglée. 

Second*  objetbon.  I  e  peuple  a  une  vénération  d'ha- 
bitude pour  ceux  qui  gardent  le  célibat,  M  qu  il  eft 
à  propos  qu'il  conferve.  , 

RÉPONSE.  Ceux  d'entre  les  pafteurs  Hollandois 
&  Anglois  qui  font  vertueux,  n'en  font  pas  moins 
refpectes  du  peuple  ,  pour  être  nu 


•So6 


CEL 


Troijîeme  objection.  Les  prêtres  ont  dans  le  célibat 
plus  de  teras  à  donner  aux  fondions  de  leur  état  , 
qu'ils  n'en  auroient  fous  le  mariage. 

Réponse.  Les  minières  Proteitans  trouvent  fort 
bien  le  tems  d'avoir  des  enfans,  de  les  élever,  de 
gouverner  leur  famille ,  &  de  veiller  fur  leur  paroif- 
fe.  Ce  ferait  offenfer  nos  eccléfiaitiques,  que  de  n'en 
pas  préfumer  autant  d'eux. 

Quatrième  objection.  De  jeunes  curés  de  trente  ans 
auront  cinq  à  iix  enfans  ;  quelquefois  peu  d'acquit 
pour  leur  état ,  peu  de  fortune  ,  &c  par  conféquent 
beaucoup  d'embarras. 

Réponse.  Celui  qui  fe  préfente  aux  ordres  ,  eft 
reconnu  pour  homme  lage  &  habile  ;  il  elt  obligé  d'a- 
voir un  patrimoine  ;  il  aura  Ion  beneiice  ;  la  dot  de  fa 
femme  peut  être  honnête. Il  elt  d'expérience  que  ceux 
d'entre  les  curés  qui  retirent  des  parens  pauvres , 
n'en  font  pas  pour  cela  plus  à  charge  à  FEglife  ou 
■à  leur  paroitTe.  D'ailleurs  quelle  nécefïité  qu'une 
partie  des  eccléfiaitiques  vive  dans  l'opulence ,  tan- 
dis que  l'autre  languit  dans  la  milere  ?  Ne  feroit-il 
pas  poffible  d'imaginer  une  meilleure  diitribution 
des  revenus  eccléfiaitiques  ? 

Cinquième  objection.  Le  concile  de  Trente  regarde 
le  célibat  comme  un  état  plus  parfait  que  le  mariage. 

Réponse.  ïl  y  a  des  équivoques  à  éviter  dans  les 
mots  d'état ,  de  parfait ,  ^obligation  :  pourquoi  vou- 
loir qu'un  prêtre  foit  plus  parfait  que  S.  Pierre  ?  l'ob- 
jection prouve  trop  ,  &  par  conféquent  ne  prouve 
rien.  Ma  thelé  ,  dit  M.  l'abbé  de  S.  Pierre,  elt  pure- 
ment politique  ,  &  conlilte  en  trois  propofitions  : 
i°.  Le  célibat  elt  de  pure  difeipline  eccléiialtique 
que  l'Eglife  peut  changer  ;  z°.  il  feroit  avantageux 
aux  états  Catholiques  Romains  que  cette  difeipline 
fût  changée;  30.  en  attendant  un  concile  national 
ou  général ,  il  elt  convenable  que  la  cour  de  Rome 
reçoive  pour  l'expédition  de  la  difpenfe  du  célibat , 
une  fomme  marquée  payable  par  ceux  qui  la  de- 
manderont. 

Tel  elt  le  fyltème  de  M.  l'abbé  de  S.  Pierre  que 
nous  expofons  ,  parce  que  le  plan  de  notre  ouvrage 
l'exige ,  &  dont  nous  abandonnons  le  jugement  à 
ceux  à  qui  il  appartient  de  juger  de  ces  objets  im- 
portans.  Mais  nous  ne  pouvons  nous  difpenfer  de  re- 
marquer en  parlant  que  ce  philolophe  citoyen  ne  s'elt 
propofé  que  dans  une  édition  de  Hollande  faite  fur 
une  mauvaife  copie  ,  une  objection  qui  fe  préfente 
très-naturellement  ,  &  qui  n'elt  pas  une  des  moins 
importantes  :  c'elt  l'inconvénient  des  bénéfices  ren- 
dus héréditaires  ;  inconvénient  qui  ne  fe  fait  déjà 
que  trop  fentir ,  &  qui  deviendrait  bien  plus  géné- 
ral. Quoi  donc  faudra-t-il  anéantir  toute  rélignation 
&  coadjutorerie  ,  &  renvoyer  aux  fupérieurs  la  col- 
lation de  tous  les  bénéfices  ?  Cela  ne  feroit  peut-être 
pas  plus  mal ,  &  un  évêque  qui  connoît  fon  diocefe 
&  les  bons  fujets  ,  elt  bien  autant  en  état  de  nom- 
mer à  une  place  vacante  ,  qu'un  eccléiialtique  mori- 
bond ,  oblédé  par  une  foule  de  parens  ou  d'amis  in- 
térefTés  :  combien  de  fimonies  &  de  procès  feanda- 
leux  prévenus  ! 

Il  nous  réitérait  pour  compléter  cet  article  ,  à  par- 
ler du  célibat  monajiique  :  mais  nous  nous  contente- 
rons d'obferver  avec  le  célèbre  M.  Melon ,  1°.  qu'il 
y  aurait  un  avantage  infini  pour  la  fociété  &  pour 
les  particuliers ,  que  le  prince  usât  ltriftement  du 
pouvoir  qu'il  a  de  faire  obfcrver  la  loi  qui  défen- 
drait l'état  monaltique  avant  l'âge  de  vingt-cinq 
ans  ;  ou ,  pour  me  fervir  de  l'idée  &  de  l'expreifion 
de  M.  Melon  ,  qui  ne  permettrait  pas  d'aliéner  fa 
liberté  avant  l'âge  où  l'on  peut  aliéner  l'on  bien. 
Voyt{  le  rejle  aux  articles  MARIAGE  ,  Moine  ,  Vir-. 
GinitÉ  ,  Vœux  ,  &c.  2^.  Nous  ajouterons  avec 
un  auteur  moderne  ,  qu'on  ne  peut  ni  trop  lire  ,  ni 
jrop  louer,  que  le  célibat  pourrait  devenir  nuilible  à 


CEL 

proportion  que  le  corps  des  célibataires  feroit  trop 
étendu,  &  que  par  conféquent  celui  des  laïques  ne  le 
ferait  pas  allez.  3y.  Que  les  lois  humaines  faites  pour 
parler  à  l'eiprit ,  doivent  donner  des  préceptes  & 
point  de  conieils  ;  &c  que  la  religion  faite  pour  parler 
au  cœur  ,  doit  donner  beaucoup  de  conieils,  &  peu 
de  préceptes  :  que  quand  ,  par  exemple  ,  elle  donne 
des  règles ,  non  pour  le  bien ,  mais  pour  le  meilleur  ; 
non  pour  ce  qui  elt  bon ,  mais  pour  ce  qui  elt  par- 
fait ;  il  elt  convenable  que  ce  loient  des  conieils ,  & 
non  pas  des  lois;  car  la  perfection  ne  regarde  pas 
l'univerfalité  des  hommes  ni  des  choies  :  que  de  plus, 
fi  ce  font  des  lois  ,  il  en  faudra  une  infinité  d'autres 
pour  faire  obferver  les  premières  :  que  l'expérience 
a  confirmé  ces  principes  ;  que  quand  le  célibat  qui 
n'étoit  qu'un  conléil  dans  le  Chriitianiime ,  y  devint 
une  loiexprefîe  pour  un  certain  ordre  de  citovens,  il 
en  fallut  chaque  jour  de  nouvelles  pour  réduire  les 
hommes  à  l'obfervation  de  celles-ci  ;  &  conféquem- 
ment,  que  le  législateur  fe  fatigua  &  fatigua  la  lbcié- 
té  ,  pour  faire  exécuter  aux  hommes  par  précepte  , 
ce  que  ceux  qui  aiment  la  perfection  auroient  exé- 
cuté d'eux-mêmes  comme  conleil.  40.  Que  parla 
nature  de  l'entendement  humain  ,  nous  aimons  en 
fait  de  religion  tout  ce  qui  fuppofe  un  effort ,  comme 
en  matière  de  morale  nous  aimons  fpéculativement 
tout  ce  qui  porte  le  caractère  de  févérité  ;  &  qu'ainli 
le  célibat  a  dû  être  ,  comme  il  elt  arrivé  ,  plus  agréa- 
ble aux  peuples  à  qui  il  fembloit  convenir  le  moins, 
&  pour  qui  il  pouvoit  avoir  de  plus  fâcheufes  fuites; 
être  retenu  dans  les  contrées  méridionales  de  l'Eu- 
rope ,  où  par  la  nature  du  climat ,  il  étoit  plus  diffi- 
cile à  obferver  ;  être  proferit  dans  les  pays  du  Nord, 
où  les  palfions  font  moins  vives  ;  être  admis  où  il  y 
a  peu  d'habitans  ,  &  être  rejette  dans  les  endroits 
où  il  y  en  a  beaucoup. 

Ces  obfervations  font  fi  belles  &  fi  vraies ,  qu'elles 
ne  peuvent  fe  répéter  en  trop  d'endroits.  Je  les  ai 
tirées  de  l'excellent  ouvrage  de  M.  le  préfident  de 
M  . . .  ;  ce  qui  précède  elt  ou  de  M.  Fleury ,  ou  du 
père  Alexandre  ,  ou  du  père  Thomalfin  ;  ajoutez  à 
cela  ce  que  les  Mémoires  de  V académie  des  InJ'criptions 
&  les  ouvrages  politiques  de  M.  l'abbé  de  S.  Pierre  & 
de  M.  Melon  m'ont  fourni ,  &  à  peine  me  reltera-t-il 
de  cet  article  que  quelques  phrafes ,  encore  font-elles 
tirées  d'un  ouvrage  dont  on  peut  voir  l'éloge  dans  le 
Journal  de  Trévoux ,  an.  iy^.6.  Fév.  Malgré  ces  auto- 
rités, je  ne  ferais  pas  étonné  qu'il  trouvât  des  criti- 
ques Ôc  des  contradicteurs  :  mais  il  pourrait  arriver 
aulfi  que ,  de  même  qu'au  concile  de  Trente  ,  ce  fu- 
rent, à  ce  qu'on  dit,  les  jeunes  eccléfiaitiques  qui 
rejetterent  le  plus  opiniâtrement  la  propolition  du 
mariage  des  prêtres,  ce  loient  ceux  d'entre  les  céliba- 
taires qui  ont  le  plus  befoin  de  femmes,  &  qui  ont  la 
moins  lu  les  auteurs  que  je  viens  de  citer ,  qui  en  blâ- 
meront le  plus  hautement  les  principes. 

CELICOLES,  f.  m.  pi.  c'elt-à-dire ,  adorateurs  du 
ciel  ;  {Hijt.  eccléj'.}  certains  hérétiques  que  l'empereur 
Honorius  ,  par  des  referits  particuliers  ,  condamna 
vers  l'an  408  avec  les  payens  &  les  hérétiques.  Com- 
me ils  font  mis  dans  le  code  Théodolien  fous  le  titre 
des  Juifs,  on  croit  qu'ils  étoient  des  apoltats  ,  lelquels 
de  la  religion  Chrétienne  étoient  pâlies  dans  le  Ju- 
dailme ,  lans  en  prendre  le  nom  ,  qu'ils  favoient  être 
odieux  à  tout  le  monde.  Ils  n'étoient  pas  pourtant 
fournis  au  pontife  des  Juifs  :  mais  ils  avoient  des  lu- 
périeurs  qu'ils  nommoient  majeurs  ;  &  lans  doute  ils 
dévoient  avoir  aufîi  des  erreurs  particulières.  Les 
Juifs  avoient  aulîi  été  appelles  célicoles ,  parce  que 
quelques-uns  d'entr'eux  étant  tombés  dans  l'idolâ- 
trie du  tems  des  prophètes ,  ils  adoraient  les  allies 
du  ciel  &  les  anges.  C'elt  pour  cela  que  S.  Jérôme 
donne  dans  ce  fentiment ,  étant  confulté  par  Algafie 
fur  le  paflage  de  S,  Paul  aux.  Çolçfuens,  c,  ij.  v.  18. 


CEL 

Que  perfonnc  ne  vous  féduife  ,  en  affectant  de  paroitre 
humble ,  par  un  culte  fuperjlitieux  des  anges.  Ii  répond 
que  l'apôtre  veut  parler  de  cette  erreur  des  Juifs, 
&  prouve  qu'elle  étoit  ancienne  parmi  eux ,  &  que 
les  prophètes  l'avoient  condamnée.  Clément  Ale- 
xandrin reproche  les  mômes  erreurs  aux  Juifs;  6c 
S.  Epiphane  dit  que  les  Phariiiens  croyoient  que  les 
cieux  étoient  animés ,  &  les  confidéroient  comme 
le  corps  des  anges.  /.  XII.  cod.  T/icod.  v.  iG.  c.  Jujl. 
dejujl.  &  cœlic.  Baronius ,  A.  C.  408.  Deuteronom. 
c.  xvj.  v.  3.  IV.  Liv.  des  Rois ,  c.  xvij.  v.  16 .  c.  xxj. 
v.  3.  & ~>.  &c.  S.  Jérôme  ,  ep.  i5i.  qu.  10.  Clément 
Alexandrin  ,  lib.  VI.  des  Tapijf.  S.  Epiphane  ,  lib,  I. 
paneg.  c.  xvj.  (G  ) 

C  ELL,  (  Géog.  )  petite  rivière  d'Allemagne ,  en 
Souabe ,  qui  fe  jette  dans  le  Danube. 

Cell  ,  (Géog.)  petite  ville  d'Allemagne ,  dans  l'é- 
leftorat  de  Trêves  ,  fur  la  Mofele. 

CELLAMARE,  (Géog.)  petit  pays  d'Italie,  au 
royaume  de  Naples. 

CELLERAGE,  f.  m.  (Jurijprud.)xlroit  feigneurial 
qui  fe  levé  fur  le  vin  lorlqu'il  eft  dans  le  cellier.  En 
quelques  endroits  on  l'appelle  chantelage ,  à  calife 
des  chantiers  fur  lefquels  on  place  les  tonneaux  & 
pièces  de  vin  dans  les  caves  6c  celliers.  Diciionn.  de 
Commerce.  (G) 

CELLERFELD ,  (Géog.)  ville  d'Allemagne,  dans 
le  Hartz,  fur  la  rivière  d'Inncr,  près  de  Goflar,  re- 
marquable par  les  fonderies  ck  (es  mines. 

CELLERIER  ,  f.  m.  (terme  d'office  dans  les  ordres 
monafliques.  )  c'elt  un  religieux  qui  prend  foin  du 
temporel  de  l'abbaye ,  &  qui  a  fous  lui  d'autres  of- 
ficiers qui  partagent  les  fonctions.  Voyer^  DiSH. 

CELLES  ou  SELLES  en  Berry  ,  (Géog.)  ville  & 
abbaye  de  France ,  aux  confins  du  Blaifois ,  fur  le 
Cher.  Long.  79.  i5.  lat.  47.  /3. 

CELLIER  ,  fub.  m.  (en  Architecture.)  c'elt  un  lieu 
voûté  dans  l'étage  foûterrain,  compofe  de  plufieurs 
caves ,  qui  étant  deftinées  à  ferrer  le  vin  ,  fe  nomme 
cellier ,  du  Latin  cella  vinaria. 

On  entend  par  cellier  plus  communément  un  lieu 
moitié  fous  terre  &  moitié  hors  terre,  qui  n'elt  point 
voûté  ,  mais  qui  cft  formé  par  un  plancher  avec  foli- 
ves  apparentes,  &  fort  indiftinâement  à  divers  ufa- 
ges  ;  en  Latin  cellarium.  (P) 

*  CELLITES,  f.  m.  pi.  (Hijl.  cccléft  nom  que  l'on 
donne  aux  religieux  d'un  ordre  dont  il  y  a  des  mai- 
fons,  fur-tout  en  Allemagne  &  dans  les  Pays-Bas. 
Leur  fondateur  étoit  un  Romain  nommé  Meccio  , 
c'elt  pourquoi  les  Italiens  les  appellent  Mecciens.  Us 
fuivent  la  règle  de  S.  Auguftin ,  &  Igur  inftiiut  fut 
approuvé  par  le  pape  Pie  IL  qui  leur  accorda  une 
bulle.  Ils  s'occupent  à  foigner  les  infirmes,  fur-tout 
ceux  qui  (ont  attaqués  de  maladies  contagieufes  , 
comme  la  pefte,  &c.  à  ente;  1er  les  morts,  6c  à  fer- 
i  fous  :  ils  ont  beaucoup  de  rapport  à  nos  Frères 

de  la  Charité. 

CELLULAIRE,  adj.  (  en  Anatomle.  )  fe  dit  d'un 
tiffu  compofé  de  plulieurs  loges  ;>ius  ou  moins  dis- 
tinctes, qui  paroît  féparer  toutes  les  parties  du  corps 
humain  jufque  dans  leurs  plus  petits  élémens.  Voyer^ 
Élément. 

Le  tiffu  cellulaire  eft  comnpfé  de  fibres  &  de  lames 
toutes  lblides ,  fans  cavité  ,  &  qui  ne  font  point  vaf- 
culeufcs  ,  quoiqu'il  foit  colore  par  les  vailleaux  qui 
s'y  diftfibuent.  Voici  quelles  font  ies  variétés  prin- 
cipales :  dans  un  endroit  il  eft  lâche  ,  conij 
lames  longues  &  diftinôés  les  unes  des  autres  ;  dans 
un  autre  il  eft  minée  &  compofé  de  libres  courtes-; 
il  efi  très-court  entre  la  (clérotique  &  la  choroïde  ; 
entre  la  membrane  arachnoïde  du  .  la  pie- 

mere  ,  il  eit  délicat,  mais  cependant  plus  ienfible 
entre  chacune  des  deux  membrane  .les  in- 

rcltins ,  de  Peftomae  ,  de  la  veine,  des  uretères,  fous 


CEL 


807 


la  peau  de  la  verge ,  du  front ,  dans  le  poumon  ou 
on  l'appelle  véficïtfe.  Celui  qui  fous  le  nom  de  gaine 
fuit  la  diilributicn  des  vaiïTeaux  dans  les  vifeeres  , 
6c  fur-tout  dans  le  l'oie  &  dans  les  poumons ,  eft  en- 
core compofe  de  fibres  plus  longues;  fon  ufage prin- 
cipal eft  de  réunir  les  membranes  6c  les  libres  voi- 
fines  ,  en  leur  biffant  toutefois  la  liberté  de  fe  mou- 
voir fuivant  leur  ceiiination.   Ce  tiffu  cellulaire  ne 
contient  prefque  jamais  de  graiffe  :  mais  ii  eft  arrofé 
par  une  vapeur  aqueufe  ,  gélatmeufe  ,  &  graiffeufe  , 
qui  s'exhale  des  artères,  6c  qui  elt  reptile  par  les 
veines.  On  s'affûre  de  ce  fait  par  une  injection  faite 
avec  l'eau,  la  colle  de  poiffon,  l'huile, 'dans  toutes 
les  parties  du  corps.  Cette  vapeur  étant  détruite,  les 
fibrilles  le  réunifient,  &  les  membranes  voilines  s'ir- 
ritent avec  perte  de  mouvement,  Le  tiffu  cellulaire 
qui  lépare  les  fibres  mufeulaires  &  les  diftingue  juf- 
que dans  leurs  derniers  élémens,  eft  lâche  &  paroît 
plutôt  compofé  de  petites  laines  que  de  fibres,  le 
tiffu  cellulaire  qui  accompagne  librement  les  vau- 
feaux  ce  les  enchaîne,  oc  celui  qui  fe  trouve  dans  les 
cavités  des  os  ,  6c  qui  eft  compofé  pareillement  de 
lames  ofleufes  6c  membraneules ,  font  un  peu  plus  lâ- 
ches :  &  enfin  le  tifiû  cellulaire  placé  fur  la  fuperficie 
du  corps  entre  les  mufcles  ci:  la  peau  ,  Ut  le  plus  lâ- 
che de  tous.  Les  petites  aires  vuides  de  ce  tifiû  font 
d'abord  prefque  toutes  remplies  dans  le  fœtus  d'une 
humeur  gélatineufe  ,  &  à  inclure  que  le  corps  croît , 
elles  fe  remplifî'ent  ù'unc  graille  grumeleufe ,  qui  en- 
fin fe  réunit  en  mafte  Uqui  le  ,  inlipide,  inflamma- 
ble ,  qui  expoiée  à  l'air  froid  prend  quelque  confifi- 
tance,  6c  le  coagule.  Lile  le  neuve  lui-:   .  : 
virons  des  reins  des  animaux  qui  vivent  dï 
taux  ;  61  elle  eft  en  moindre  quantité  da 
parties,  6c  dans  les  animaux  qui  vivent 
pendant  la  vie  defquels  ce  liquide  approche  plus  de 
la  nature  du  fluide. 

Les  vaiïTeaux  fanguins  rampent  c 
tout  dans  le  tiffu  celli  es  ar- 

térioles  y  dépofent  Ce 
par  les  veines  ;  le  cher 
adipeufes  elt  fi  proe    \ 
qu'il  y  ait  de  phlS 

lent  être  introduits  ie  mercure,  l'air ,  l'eau ,  l'hu- 
meur gélatineufe  év  l'huile,  qui  dans  l'animal  vivant 
elt  toujours  dans  l'inaction.   v.  .  fe  n'elt  pas 

féparée  par  quelque  long  conduit  particulier  :  mais 
elle  découle  de  toute  part  dans  toute  l'étendue  de 
l'artère ,  de  forte  qu'il  ne  le  trouve  aucune  partie 
du  tifiû  cellulaire  qui  l'environne,  qui  ne  foit  humec- 
tée. Lorlqu'on  remplir  l'artère  d'eau  ,  il  s'en  fait 
promptement  un  amas  ,  comme  on  peut  l'oblerver 
dans  l'etnbompoint  que  l'on  reprend  en  peu  de  tems 
après  les  maladies  aiguës  :  mais  nous  l'avons  qu'elle 
elt  repompee  par  ies  veines  au  moyen  du  m 
ment  mufculaire  ,  qui  eft  li  propre  .:  diminuer  la 
graille,  fur-tout  dans  les  amr 
le  trouve  en  trop  grande  quant 

par  les  fièvres  qui  connurent  la  gi  .  la  gué- 

rifon  de  l'hydropiue,  telle  l'eau  eft  répandue 

dans  le  tiflû  cellulaire  6: 
comme  ii  elle  eu  &  enfin  par 

ment  qui  le  tait  a  travers 
qu'on  l'a  remplie  d'i  m  d'huile  01 

nerfs  le  dilhibuent-ii    d. u  peufes  ?  Il 

eft  certain  qu'ils  y  p  11  par- 

tout en  des  filamens  fi  petits,  qu'il  u'eft  pas  polhbie 
nivre  plus  loin  par  la  Mais  pour- 

quoi, demande-t-on  ,  la  graine  eft-elle  mler. 

Les  intervalles  (  es  lames  du  tiffu  -  ■  t  ou- 

verts de  tous  côtés  ,  &  les  cellules  communiquent 
toutes  les  une  -    ■ 

ties  du  corps  :  c'eft  ce  que  nous  (ont  vo 
chers  qui ,  en  inllnuant  de  l'air  pai  .mire 


8o8 


C  E  L 


faite  à  la  peau ,  la  bourfoufflent  dans  toute  l'étendue 
du  corps  ;  l'emphyfème  par  lequel  l'air  s'introduit  par 
les  crevaffes  de  la  peau ,  &  après  s'y  être  arrêté  , 
occafionne  un  bourfoufflement  général  dans  toute 
la  circonférence  du  corps ,  &  enfin  les  maladies  dans 
lefquelles  tout  ce  tifiu  cellulaire  eft  rempli  d'eau  ;  le 
hafard  ,  qui  nous  a  fait  voir  que  l'air  s'eft  introduit 
dans  l'humeur  vitiée ,  même  à  la  fuite  d'un  emphyfè- 
me.La  maladie  dans  laquelle  l'humeur  gélatineufe  de 
l'hydropifie  s'eft  répandue  dans  les  corps  caverneux 
de  la  verge ,  démontre  qu'aucune  partie  de  ce  tifiu 
n'en  eft  exceptée.  On  reconnoîtra  l'importance  de  ce 
tifiu  ,  fi  l'on  fait  attention  que  c'eft  de  lui  que  dépend 
la  fermeté  &  la  folidité  naturelle  de  toutes  les  artè- 
res ,  des  nerfs  ,  des  fibres  mufculaires  ,  &  par  consé- 
quent celles  des  chairs  &  des  vifeeres  qui  en  font 
compofés  ;  &  de  plus  la  configuration  des  parties 
&  les  plis ,  les  cellules  ,  les  courbures  ,  viennent  du 
feul  tifiu  cellulaire  ,  plus  lâche  dans  certaines  parties, 
&  plus  ferré  dans  d'autres  ;  il  compofe  tous  les  vif- 
eeres ,  tous  les  mufcles  ,  les  glandes  ,  les  ligamens 
oc  les  capfules  de  concert  avec  les  vaifleaux ,  les 
nerfs  ,  les  fibres  mufculaires  &  tendineufes  ,  dans  la 
compofition  defquelles  ils  entre  néanmoins  en  gran- 
de partie  ,  puifqu'il  eft  certain  que  c'eft  à  lui  feul  , 
c'elt-à-dire  ,  à  là  différente  longueur ,  à  fon  plus  ou 
moins  de  tenfion  ,  à  fa  plus  ou  moins  grande  quan- 
tité &  à  fa  proportion  ,  qu'on  doit  rapporter  la  di- 
verfité  des  glandes  &  des  vifeeres  :  enfin  la  plus  gran- 
de partie  du  corps  en  émane  ;  car  le  corps  n'eft  pas 
entièrement  compofé  de  filamens  cellulaires.  La  graif- 
fe  a  différens  ufages  ;  elle  facilite  le  mouvement  des 
mufcles  ,  en  diminue  le  frottement ,  les  empêche  de 
devenir  roides  ;  elle  remplit  l'efpace  qui  fe  trouve 
entre  les  mufcles ,  &  les  parties  voifines  des  vifeeres, 
de  forte  qu'elle  cède  lorfqu'ils  font  en  mouvement , 
èv  qu'elle  foûtient  les  parties  qui  font  dans  l'inaftion  ; 
elle  accompagne  les  vaiffeaux  &  les  garantit  ;  elle 
étend  également  la  peau  ,  lui  fert  de  couffin ,  &  pare 
fa  beauté  ;  peut-être  même  fe  mêle-t-elle  avec  les  au- 
tres liqueurs  pour  "tempérer  leur  acrimonie  ;  elle  eft 
la  principale  matière  de  la  bile  ;  elle  fuinte  des  os 
au-travers  les  couches  cartilagineufes  ,  &c  le  mêle 
avec  la  finovie  ;  elle  s'exhale  du  méfentere  ,  du  me- 
focolon  ,  de  l'épiploon  ,  autour  des  reins  ;  elle  en- 
duit pendant  la  vie  la  fuperficie  des  vilceres  d'une 
vapeur  molle  ;  &  enfin  ,  le  plaçant  entre  les  parties , 
elle  s'oppoiè  à  leur  concrétion.  Haller ,  Phyfwl.  Voye^ 
Graisse.  (  L  ) 

CELLULE  ,(.£.(  Hijî.  éccléf.  )  petite  maifon  , 
chambre  ou  appartement  qu'habitent  les  moines  & 
les  religieux  :  ce  mot  ne  fe  dit  proprement  que  des 
chambres  des  monafteres. 

Quelques  auteurs  le  dérivent  du  mot  Hébreu  H12 , 
prifon  ,  ou  lieu  deftiné  a  renfermer  quelque  chofe. 
On  dit  qu'un  dortoir  eft  divifé  en  vingt  ,  trente  , 
quarante  cellules.  Foye^  Dortoir. 

Les  chartreux  ont  pour  cellule  chacun  une  maifon 
féparée  ,  compofée  de  plufieurs  pièces  ,  &  accompa- 
gné d'un  jardin.  Voye^  Chartreux. 

La  ialle  où  fe  tient  le  conclave  eft  divifée  par  des 
cloifons  en  plufieurs  cellules  occupées  par  les  cardi- 
naux. Voye?^  Conclave.  (  G  ) 

CELLULES  adipeujes ,  terme  d? Anatomie  ,  font  les 
petites  loges  ou  capfules  qui  contiennent  la  graifie 
dans  un  corps  qui  a  de  l'cmbompoint.  Voye^  Grais- 
se &  Adipeux. 

Elles  s'oblèrvent  dans  toutes  les  parties  du  corps , 
dans  ceux  qui  font  amaigris  ;  ces  cellules ,  n'étant 
point  remplies  de  graifie  ,  reffemblent  à  une  mem- 
brane flafquc  &  tranfparente.  V.  Graisse  &  Cel- 
lulaire. (  L  ) 

*  CELOCES  ,  f.  m.  (  HiJl.  anc.  )  vaifleaux  fans 
pont ,  ou  plutôt  petites  barques  qui  n'ont  point  à  la 


C  E  L 

proue  ces  éperons  appelles  rojlra  ,  dont  on  frappait 
dans  le  combat  les  vaiffeaux  ennemis  pour  les  per- 
cer ,  &  les  couler  à  fond.  Elles  alloient  à  deux  rames 
ou  plus.  On  apperçut ,  dit  Tite-Live ,  xxxvij.  zj.  que 
c'étoient  des  bâtimens  propres  à  la  piraterie  ,  des 
celoces  &  des  lembes,  voyq;  Lembe  ,  qui  voyant  de 
loin  la  flotte ,  prirent  la  fuite.  Ils  la  furpafierent  en 
vîteffe  ,  parce  qu'ils  étoient  légers  ,  &  faits  exprès 
pour  la  courie.  Le  celoce  paffe  pour  être  de  l'inven- 
tion des  Rhodiens. 

CELORICO  ou  SELERICO ,  (  Gêog.  )  petite  vil- 
le du  royaume  de  Portugal  ,  dans  la  province  de 
Beira  ,  fur  le  Mondego. 

CELTES  (Philofophie  des).  Sous  ce  nom  il  faut 
comprendre  non-feulement  les  philofophes  Gaulois, 
mais  encore  tous  ceux  qui  ont  anciennement  fleuri 
en  Europe  ,  foit  dans  les  iles  Britanniques  ,  foit  par- 
mi les  Germains  &  les  Ibères  ,  foit  dans  l'Italie.  Bur- 
net ,  dans  fes  Origines  philofophiaues  ,  dit  qu'il  eft  fort 
vraiflemblable  que  les  Germains  &  les  Bretons  in- 
fulaires ,  ont  eu  des  druides ,  moins  favans  peut-être, 
&  moins  reipeefés  que  ceux  des  Gaulois  ,  mais  au. 
fond  imbus  de  la  même  doftrine  ,  &  fe  fervant  de 
la  même  méthode  pour  la  faire  connoître. 

L'hiftoire  de  la  philofophie  des  Celtes  ne  nous  of- 
fre rien  de  certain  ;  &  cette  obfcurité  qui  la  couvre, 
n'a  rien  de  furprenant  ;  tant  les  teins  où  elle  fe  ca- 
che font  éloignés  de  notre  âge ,  &  de  celui  même 
des  anciens  Romains.  Nous  ne  trouvons  rien  ,  foit 
dans  nos  mœurs  &  nos  ufages  ,  foit  dans  le  témoi- 
gnage des  auteurs  Latins  ,  qui  puiffe  fixer  nos  dou- 
tes fur  ce  qui  regarde  ces  peuples.  Ce  qui  pourroit 
nous  procurer  des  connoiflances  certaines  ,  &  nous 
infiruire  de  leur  religion  ,  ce  feroit  les  écrits ,  ou  au- 
tres monumens  domeftiques  qu'ils  nous  auroient 
laiflés  :  mais  tout  cela  nous  manque ,  foit  que  le  tems 
les  ait  détruits  entièrement  ,  loit  qu'ils  ayent  voulu 
les  dérober  à  ceux  qui  n'étoient  pas  initiés  dans  leurs 
myfteres ,  foit  enfin  ,  ce  qui  eft  le  plus  vraiffembla- 
ble  ,  qu'ils  n'écrivifTcnt  point  leurs  dogmes  ,  &  qu'ils 
fuffent  dans  Fufage  de  les  tranfmettre  par  le  canal 
de  la  tradition  orale  &  vivante.  Les  fables  qui  défi- 
gurent leur  hiftoire  ,  &  qui  ont  été  compilées  par  So- 
ïin ,  Pline ,  Pomponius  Mêla ,  Aulu-gelle ,  Hérodote , 
&  Strabon  ,  montrent  affez  quel  fond  nous  devons 
faire  fur  les  écrivains  ,  tant  Grecs  que  Latins  ,  qui 
fe  font  mêlés  de  l'écrire.  Céfar  lui-même,  vainqueur 
des  Gaules  ,  tout  curieux  obfervateur  qu'il  étoit  des 
mœurs  &  des  ufages  des  nations  qu'il  avoit  vaincues, 
ne  nous  dit  que  très-peu  de  chofe  des  Celtes  ;  &  en- 
core le  peu  qu'il  en  dit  eft-il  noyé  dans  un  amas  de 
fables.  D'ailleurs  ,  ce  qui  a  contribué  beaucoup  à 
répandre  de  l'obfcurité  fur  cette  hiftoire ,  c'eft  le  mé- 
lange de  tous  ces  peuples ,  auxquels  on  donnoit  le 
nom  de  Celtes  ,  avec  les  différentes  nations  qu'ils 
étoient  à  portée  de  connoître  ;  par-là  s'introduifit  né- 
ceffairement  dans  leurs  mœurs,  &  dans  leurs  dogmes, 
une  variété  étonnante.  Par  exemple  ,  du  tems  de 
Céfar  &  de  Tacite ,  les  Gaulois  différaient  beau- 
coup des  Germains  ,  quoiqu'ils  euffent  une  même 
origine.  Les  Germains  étoient  extrêmement  grofîiers 
en  comparaifon  des  Gaulois ,  qui ,  au  rapport  de  Juf- 
tin ,  avoient  adouci  leurs  mœurs  par  le  commerce 
des  Grecs  ,  qui  étoient  Venus  s'établir  à  Marfeille  , 
&  avoient  puifé  chez  eux  quelque  teinture  de  cette 
politeffe  qui  leur  étoit  comme  naturelle.  Les  Grecs 
&  les  Latins  n'ont  bien  connu  que  les  derniers  tems 
de  l'hiftoire  des  Celtes  ;  &  l'on  peut  dire  que  les  pre- 
miers ont  été  pour  eux  couverts  de  nuages. 

Quand  nous  parlons  des  Celtes ,  il  ne  faut  pas  fe 
repréfenter  des  peuples  polis  à  la  manière  des  Grecs, 
&  des  Romains ,  &  cultivant  avec  le  même  foin  les 
Arts  &c  les  Sciences.  Cette  nation  étoit  plus  guerriè- 
re que  lavante  ,  oc  plus  exercée  à  chafler  dans  fes 

vaftes 


CEL 

Vafres  forêts  ,  qu'à  diffcrter  avec  fubtilité  fur  des 
queftions  métaphysiques.  Ce  qui  caracïérife  princi- 
palement cette  nation  ,  c'eft  qu'elle  avoit  une  ex- 
cellente morale  ,  &  que  par-là  du  moins ,  elle  étoit 
préférable  aux  Grecs  &  aux  Latins ,  dont  le  talent 
dangereux  étoit  d'obfcurcir  les  choies  les  plus  clai- 
res à  force  de  fubtilités.  Son  mépris  pour  les  Scien- 
ces n'étoit  pourtant  pas  û  exclufif,  qu'elle  n'eût  aufîi 
des  favans  &  des  fages ,  qui  étoient  jaloux  de  répan- 
dre au  loin  leur  Philofophie ,  quoique  fous  une  for- 
me différente  de  celle  des  Grecs  &  des  Romains. 
Ces  favans  &  ces  fages  s'appelloient  druides ,  nom 
fameux  dans  l'antiquité  ,  mais  très-obfcur  quant  à 
fon  origine.  L'opinion  la  plus  probable  dérive  ce 
nom  du  mot  chêne  ;  parce  que  ,  félon  la  tradition 
confiante  ,  les  druides  tenoient  leurs  affemblées  dans 
un  lieu  planté  de  chênes  ,  &  qu'ils  avoient  beaucoup 
de  vénération  pour  cette  cfpece  d'arbre  qu'ils  regar- 
doient  comme  facre.  La  conformité  de  leur  doctrine 
avec  celle  des  Mages  6c  des  Perfes ,  des  Chaldéens 
de  Babylone ,  des  Gymnofophiftes  des  Indes  ,  prou- 
ve qu'ils  ont  été  en  relation  avec  ces  Philofophes. 

On  ne  peut  mieux  connoître  quelles  étoient  les 
fondions ,  l'autorité  ,  &  la  manière  d'enfeigner  des 
druides ,  que  par  ce  qu'on  en  lit  dans  les  commen- 
taires de  Jules  Céfar.  «  Les  druides  ,  nous  dit  ce  gé- 
»  néral  inltruit ,  préfident  aux  chofes  divines,  règlent 
»  les  facrifïces  tant  publics  que  particuliers,  inter- 
»  prêtent  les  augures  &  les  arufpices.  Le  concours 
»  des  jeunes  gens  qui  fe  rendent  auprès  d'eux  pour 
»  s'inftruire  ,  eft  prodigieux  ;  rien  n'égale  le  refpeér. 
»  qu'ils  ont  pour  leurs  maîtres.  Ils  fe  rendent  arbi- 
»  très  dans  prefque  toutes  les  affaires ,  foit  publiques , 
»  foit  privées  ;  &  fi  quelque  meurtre  a  été  commis  , 
»  s'il  s'élève  quelque  difpute  fur  un  héritage  ,  fur  les 
»  bornes  des  terres ,  ce  font  eux  qui  règlent  tout  ;  ils 
»  décernent  les  peines  6c  les  récompenfes.  Ils  inter- 
»  dii'ent  les  facrifïces  ,  tant  aux  particuliers  qu'aux 
»  perfonnes  publiques,  lorfqu'ils  ont  la  témérité  de 
»  s'élever  contre  leurs  décrets  :  cette  interdiction 
»  palfe  chez  ces  peuples  pour  une  peine  très-grave  ; 
»  ceux  fur  qui  elle  tombe  font  misau  nombre  des  im- 
»  pies  6c  des  fcélérats.Tout  le  monde  les  fuit  6c  évite 
»  leur  rencontre  avec  autant  de  foin  que  s'ils  étoient 
»  des  pelriférés.  Tout  accès  aux  honneurs  leur  eft 
»  fermé  ,  &  ils  font  dépouillés  de  tous  les  droits  de 
»  citoyens.  Tous  les  druides  reconnoiffent  un  chef, 
»  qui  exerce  fur  eux  une  grande  autorité.  Si  après  l'a 
»  mort  il  fe  trouve  quelqu'un  parmi  eux  qui  ait  un 
»  mérite  éminent ,  il  lui  fucccdc  :  mais  s'il  y  a  plu- 
»  fieurs  contendans ,  c'clt  le  fuffrage  des  Druides  qui 
»  décide  de  l'élection  ;  il  arrive  même  que  les  brigues 
»  font  quelquefois  fi  violentes  6c  li  impétueules  , 
»  qu'on  a  recours  à  la  voie  des  armes.  Dans  un  cer- 
»  tain  tems  de  l'année,  ils  s'affemblcnt  près  des  con- 
»  tins  du  pays  Chartrain  litué  au  milieu  de  la  Gaule , 
»  dans  un  lieu  confacré  ,  où  fe  rendent  de  toutes 
»  parts  ceux  qui  font  en  litige  ;  &  là  leurs  dédiions 
>»  font  écoutées  avec  relpect.  Les  druides  font 
»  exempts  d'aller  à  la  guerre;  de  payer  aucun  tri- 
»  but  :  en  un  mot  ils  joùiffent  de  tous  les  droits  du 
>►  peuple  fans  partager  avec  lui  les  charges  de  l'état. 
»  Ce  lont  ces  privilèges  qui  engagent  un  grand  nom- 
»  bre  de  perfonnes  à  le  mettre  fous  leur  difeipline , 
»  &  les  parens  à  y  foùmettre  leurs  enfans.On  dit  qu'on 
»  charge  leur  mémoire  d'un  grand  nombre  de  vers 
»  qu'ils  font  obligés  d'apprendre  avant  d'être  incor- 
v  pores  au  corps  des  druides:  c'clt  ce  qui  fait  que 
»>  quelques-uns ,  avant  que  d'être  inities ,  demeurent 
>>  \  ingt  ans  fous  la  difeipline.  Quoiqu'ils  l'oient  dans 
»  Pillage  tle  le  lervir  de  l'écriture  qu'ils  ont  apprife 
»  des  Grecs,  tant  dans  les  affaires  civiles  que  politi- 
»  ques  ,  ils  croiraient  faire  un  grand  crime  s'il  l'em- 
p  ployoient  dans  les  choies  de  religion  ».  On  YOJt 
Tome  II. 


CEL 


809 


par  ce  long  morceau  que  je  viens  de  tranferire  ,  que 
les  druides  avoient  une  grande  influence  dans  tou- 
tes les  délibérations  de  l'état;  qu'ils  avoient  trouvé 
le  moyen  d'attirer  à  eux  la  plus  grande  partie  du 
gouvernement,  laiffant  au  prince  qui  vivoit  fous  leur 
tutele  ,  le  feul  droit  de  commander  à  la  guerre.  La 
tyrannie  de  ces  prêtres  ne  pouvoit  être  que  lunette 
à  la  puiffance  royale  :  car  je  fuppofe  qu'un  roi  s'é- 
chappant  de  leur  tutele,  eût  eu  allez  de  force  dans 
l'efprit  pour  gouverner  par  lui-même  fans  daigner 
les  confulter ,  il  efî  évident  qu'ils  pouvoient  lui  in- 
terdire les  facrifïces,  lancer  contre  lui  Panathème  de 
la  religion ,  foûlever  l'efprit  de  leurs  difciples  aveu- 
glément dociles  à  leurs  leçons ,  &  les  menacer  du 
courroux  de  leurs  dieux ,  s'ils  ne  refpeftoient  pas 
l'excommunication  dont  ils  l'avoient  frappé.  Dans 
les  druides  je  ne  vois  pas  des  philofophes,  mais  des 
impolteurs  ,  qui  uniquement  occupés  de  leur  inté- 
rêt ,  de  leur  gloire ,  6c  de  leur  réputation  ,  travail- 
loient  à  affervir  leur  imbécillc  nation  fous  le  joug 
d'une  honteufe  ignorance.  Si  l'on  en  croit  les  anciens 
écrivains ,  ces  prétendus  philoibphes  étoient  vêtus 
magnifiquement ,  &  portoient  des  colliers  d'or.  Le 
luxe  dans  lequel  ils  vivoient  faifoient  tout  leur  mé- 
rite ,  6c  leur  avoit  acquis  parmi  les  Gaulois  une  gran- 
de autorité. 

Les  druides  étoient  partagés  en  plufieurs  claffes  : 
il  y  avoit  parmi  eux ,  félon  Ammien  Marcellin  ,  les 
Bardes,  les  Eubages ,  6c  ceux  qui  retenoient  propre- 
ment le  nom  de  druides.  Les  Bardes  s'occupoient  à 
mettre  en  vers  les  grandes  actions  de  leurs  héros , 
&  les  chantoient  fur  des  inlb/umens  de  mufique. 
Les  Eubages  abyfmés  dans  la  contemplation  de  la 
nature  ,  s'occupoient  à  en  découvrir  les  fecrets. 
Mais  ceux  qu'on  appelloit  druides  par  excellence  , 
joignoient  à  l'étude  de  la  nature  la  feience  de  la 
morale  ,  &  l'art  de  gouverner  les  hommes.  Ils 
avoient  une  double  doctrine  ;  l'une  pour  le  peu- 
ple, 6c  qui  étoit  par  conféquent  publique  ;  l'autre 
pour  ceux  qu'ils  initruifoient  en  particulier,  &  qui 
étoit  lecrette.  Dans  la  première,  ils  expoloient  au 
peuple  ce  qui  concernoit  les  facrifices ,  le  culte  de 
la  religion ,  les  augures  ,  &  toutes  les  efpeces  de  di- 
vinations: ils  avoient  foin  de  ne  publier  de  leur  doc- 
trine que  ce  qui  pouvoit  exciter  à  la  vertu,  &  for- 
tifier contre  la  crainte  de  la  mort.  Pour  la  doctrine 
qu'ils  enfeignoient  à  ceux  qu'ils  initio.ent  dans  leurs 
myfteres,  il  n'elt  pas  poffible  de  la  deviner:  c'eût 
été  la  profaner  que  de  la  rendre  intelligible  à  ceux 
qui  n'avoient  pas  l'honneur  d'être  adeptes  ;  &  pour 
infpirer  à  leurs  difciples  je  ne  l'ai  quelle  horre;:r  fa- 
cree  pour  leurs  dogmes ,  ce  n'étoit  pas  dans  les  villes 
ni  en  pleine  campagne  qu'ils  tenoient  leurs  affem- 
blées lavantes  ,  mais  dans  le  lilence  de  la  folitude  , 
6c  dans  l'endroit  le  plus  caché  de  leurs  fombres  fo- 
rêts :  aufîi  leurs  dogmes  etoient-ils  des  myfteres  im- 
pénétrables pour  tous  ceux  qui  n'y  étoient  pas  ad- 
mis. C'eft  ce  que  Lucain  a  exprimé  d'une  manière 
li  énergique  par  ces  vers  : 

Solis  nojje  dcos  ,  &  cceli  numina  vobii  , 
Aut  Jolis  nefeire  datum  :  nemora  a/ta  remotis 
Incolitis  lucis. 
Après  cela  elt-il  furprenant  que  les  Grecs  &  les 
Romains  ayent  avoue  leur  ignorance  profonde  lur  les 
dogmes  caches  des  druides  ?  Le  feul  de  ces  dogmes 
qui  ait  tranfpiré,  &  qui  ait  percé  les  (ombres  voi- 
les fous  lefquelsils  enveloppoientleur  doctrine  ,  c'clt 
celui  de  l'immortalité  de  l'ame.  On  favoit  bien  en 
gênerai  que  leurs  infbucHons  leetettes  rouloient  fur 
l'origine  6c  la  grandeur  du  monde  ,  fur  la  nature  des 
choies  ,  fur  l'immortalité  c<  la  puiffance  des  dieux  : 
mais  ce  qu'ils  penfoient  lur  tous  ces  points ,  etoit  ab- 
folument  ignore.  En  divulgant  le  dogme  de  l'immor- 
talité des  èïpriti,  leur  intention  étoit,  félon  Po.u- 

krvhkk 


8io 


C  E  L 


ponhis  Mêla  ,  d'animer  le  courage  de  leurs  compa- 
triotes ,  &  de  leur  infpirer  le  mépris  de  la  mort , 
quand  il  s'agiroit  de  remplir  leur  devoir. 

Les  Celtes  étoient  plongés  dans  l'idolâtrie  ainfi  que 
les  autres  peuples  de'  la  terre.  Les  druides  leurs  prê- 
tres ,  dont  les  idées  fur  la  divinité  étoient  fans  doute 
plus  épurées  que  celles  du  peuple,  les  nourriffoient 
dans  cette  folle  fuperftition.  C'eft  un  reproche  qu'on 
peut  faire  à  tous  les  légiflateurs.  Au  lieu  de  détrom- 
per le  peuple  fur  cette  multitude  de  dieux  qui  s'ac- 
corde fi  mal  avec  la  faine  raifon,  ils  s'appliquoient 
au  contraire  à  fortifier  cette  erreur  dans  les  efprits 
grofîïers ,  prévenus  de  cette  faufle  maxime,  qu'on  ne 
peut  introduire  de  changement  dans  la  religion  d\in 
pays  ,  quand  même  ce  feroit  pour  la  réformer,  qu'on 
n'y  excite  des  féditions  capables  d'ébranler  l'état 
jufque  dans  fes  plus  fermes  fondemens.  Les  dieux 
qu'adoroient  les  Ce/tes  étoient  l  heutates  ,  Hefus  , 
&  Taranès.  Si  l'on  en  croit  les  Romains ,  c'étoit  Mer- 
cure qu'ils  adoroient  fous  le  nom  de  Theutates ,  Mars 
fous  celui  &  Hefus  ,  &  Jupiter  fous  celui  de  Taranès. 
Ce  fentiment  eft  combattu  par  de  favans  modernes  ; 
les  uns  voulant  que  Theutates  ait  été  la  première  di- 
vinité des  Celtes  ;  les  autres  attribuant  cet  honneur 
à  Hefus,  dans  lequel  cas  Theutates  ne  feroit  plus  le 
Mercure  des  Romains  ,   ni  Hefus  leur  dieu  Mars , 
puifque  ni  l'un  ni  l'autre  n'a  été  chez  les  Romains 
la  principale  divinité.  Quoi  qu'il  en  foit  de  cette  di- 
verlité  d'opinions  ,  qui  par  elles-mêmes  n'intéreffent 
guère ,  nous  fournies  alïûrés  par  le  témoignage  de 
toute  l'antiquité ,  que  la  barbare  coutume  de  tein- 
dre de  fang  humain  les  autels  de  ces  trois  dieux  , 
s'étoit  introduite  de  tout  tems  chez  les  Celtes  ,  & 
que  les  druides  étoient  les  prêtres  qui  égorgeoient 
en  l'honneur  de  ces  dieux  infâmes  des  vi&imes  hu- 
maines. Voici  comme  Lucain  parle  de  ces  facrifkes. 
Quibus  immitis  placatur  fanguine  diro 
Theutates ,  liorrenfque  feris  altaribus  Hefus  , 
Et  Tarants  Scythicce  non  mitior  ara  Dianœ. 
S'il  eft  permis  de  fe  livrer  à  des  conjectures  où  la 
certitude  manque  ,  nous  croyons  pouvoir  avancer 
que  l'opinion  de  cette  ame  univerfelle  qui  fe  répand 
dans  toutes  les  parties  du  monde  &  qui  en  eft  la  di- 
vinité (opinion  qui  a  infetté  prefque  tout  l'univers)  , 
avoit  pénétré  jufque  chez  les  Gaulois.  En  effet ,  le 
culte  qu'ils  rendoient  aux  aftres  ,  aux  arbres  ,  aux 
pierres  ,  aux  fontaines  ,  en  un  mot  à  toutes  les  par- 
ties de  cet  univers  ;  l'opinion  ridicule  où  ils  étoient 
que  les  pierres  même  rendoient  des  oracles  ;  le  mé- 
pris &  l'horjeur  qu'ils  avoient  pour  les  images  &  les 
ftatues  des  dieux  :  toutes  ces  choies  réunies  prou- 
vent évidemment  qu'ils  regardoient  le  monde  com- 
me étant  animé  par  la  divinité  dans  toutes  fes  par- 
ties. C'eft  donc  bien  inutilement  que  quelques  mo- 
dernes ont  voulu  nous  perfuader ,  après  fe  l'être  per- 
fuadé  à  eux- mêmes, que  les  premiers  Gaulois  avoient 
une  idée  faine  de  la  divinité  ;  idée  qui  ne  s'étoit  al- 
térée ôc  corrompue  que  par  leur  commerce  avec  les 
autres  nations.  Après  cela  je  ne  vois  pas  lurquoi 
tombe  le  reproche  injurieux  qu'on  fait  aux  anciens 
Celtes  d'avoir  été  des  Athées  :  ils  ont  été  bien  plu- 
tôt fuperftitieux  qu'Athées.  Si  les  Romains  les  ont 
regardés  comme  les  ennemis  des  dieux  ,  ce  n'eft  que 
parce  qu'ils  retuloient  d'adorer  la  divinité  dans  des 
ftatues  fabriquées  de  la  main  des  hommes.  Ils  n'a- 
voient  point  des  temples  comme  les  R.omains,  parce 
qu'ils  ne  croyoient  pas  qu'on  put  y  renfermer  la  di- 
vinité. Tout  l'univers  étoit  pour  eux  un  temple ,  ou 
plutôt  la  divinité  le  peignoit  à  eux  dans  tous  les  êtres 
qui  le  compofent.  Ce  n'eft  pas  qu'ils  n'euffent  des 
lieux  affectés ,  comme  les  bois  les  plus  fombres  &  les 
plus  reculés  ,  pour  y  adorer  d'une  manière  particu- 
lière la  divinité.  Ces  lieux  étoient  propres  à  frapper 
d'une  fainte  horreur  les  peuples,  qui  fe  reprélentoient 


C  E  L 

quelque  chofe  de  terrible ,  appellant  Dieu  ce  qu'ils 
ne  voyoient  point,  ce  qu'ils  ne  pouvoient  voir. 

Tant  aux  joibLs  mortels  ,  il  eft  bon  d'ignorer 

Les  dieux  qu'il  leur  faut  craindre  ,  &  qu'il  faut  adorer. 

Brebceuf. 
Ou  comme  le  dit  plus  énergiquement  l'original  : 

Tantùm  terroribus  addit , 
Quos  timeant ,  non  nofje  dcos. 

Les  Gaules  ayant  été  fubjuguées  par  les  Romains 
qui  vouloient  tout  envahir ,  &  qui  opprimoient  au 
lieu  de  vaincre  ,  ce  fait  une  néeelîîté  pour  les  peuples 
qui  les  habitoient ,  de  fe  foùmettre  à  la  religion  de 
leurs  vainqueurs.  Ce  n'eft  que  depuis  ce  tems  qu'on 
vit  chez  eux  des  temples  tk.  des  autels  confacrés  aux 
dieux  à  l'imitation  des  Romains.  Les  druides  perdi- 
rent infenliblement  leur  crédit  :  ils  furent  enfin  tous 
abattus  fous  les  règnes  de  Tibère  &  de  Claude.  Il  y 
eut  même  un  décret  du  lénat  oui  ordonnoit  leur  en- 
tière abolition ,  foit  parce  qu'ils  vouloient  perpétuer 
parmi  les  peuples  qui  leur  étoient  fournis  l'ufage 
cruel  des  viûimes  humaines ,  foit  parce  qu'ils  ne  cef- 
foient  de  les  exciter  à  confpirer  contre  les  tyrans  de 
Rome  ,  à  rentrer  dans  leurs  privilèges  injuftement 
perdus,. &  à  fe  choiiir  des  rois  de  leur  nation. 

Les  druides  fe  rendirent  fur -tout  recommenda- 
bles  par  la  divination  ,  foit  chez  les  Gaulois ,  foit 
chez  les  Germains.  Mais  ce  qu'il  y  a  ici  de  remar- 
quable ,  c'eft  que  la  divination  éîoit  principalement 
affectée  aux  femmes  :  de  là  le  r-efpecl  extrême  qu'on 
avoit  pour  elles  ;  refpeû  qui  quelquefois  alloit  juf- 
qu'à  l'adoration  ;  témoin  l'exemple  de  Velleda  & 
Ôl  Aurinia  qui  furent  miles  au  nombre  des  déeffes  , 
félon  le  rapport  de  Tacite. 

C'eft  allez  l'ufage  des  anciens  de  ne  parler  de  l'o- 
rigine des  choies  qu'en  les  perfonifiant.  Voilà  pour- 
quoi leur  cofmogonie  n'eft  autre  chofe  qu'une  théo- 
gonie. C'eft  aulii  ce  que  nous  voyons  chez  les  an- 
ciens Celtes.  A-travers  les  fables ,  dont  ils  ont  défigu- 
ré la  tradition  qui  leur  étoit  venue  de  la  plus  haute 
antiquité  ,  il  eft  ailé  de  reconnoître  quelques  traces 
de  la  création  ôi  du  déluge  de  Moyie.  Ils  reconnoif- 
loient  un  être  qui  exiltoit  avant  que  rien  de  ce  qui 
exifte  aujourd'hui  eut  été  créé.  Qu'il  me  foit  permis 
de  palier  fous  lilence  toutes  les  fables  qui  s'étoient 
melces  à  leur  cofmogonie  :  elles  ne  font  par  elles- 
mêmes  ni  allez  curieufes ,  ni  allez  inftructives  pour 
mériter  de  trouver  ici  leur  place.  II  ne  paroît  pas  que 
la  métempfycofe  ait  été  une  opinion  univerfellement 
reçue  chez  les  druides.  Si  les  uns  failoient  rouler 
perpétuellement  les  âmes  d'un  corps  dans  un  autre  , 
il  y  en  avoit  d'autres  qui  leur  afîignoient  une  de- 
meure fixe  parmi  les  mânes  ;  foit  dans  le  tartare ,  où 
elles  étoient  précipitées  lorfqu'elies  s'étoient  fouil- 
lées par  des  parjures,  des  affaffinats  ,  &  des  adultè- 
res; foit  dans  un  féjour  bienheureux  ,  lorfqu'elies 
étoient  exemptes  de  ces  crimes.  Ils  n'avoient  point 
imaginé  d'autre  iupplice£>our  ceux  qui  étoient  dans 
le  tartare,  que  celui  d'être  plongés  dans  un  fleuve 
dont  les  eaux  étoient  empoifonnées  ,  &  de  renaître 
fans  ceffe  pour  être  éternellement  en  proie  aux  cruel- 
les morfures  d'un  lerpent.  Ils  diftinguoient  deux  fé- 
jours  de  félicité.  Ceux  qui  n'avoient  que  bien  vécu  , 
c'eft-à-dire  ceux  qui  n'avoient  été  que  juftes  &  tem- 
pérans  pendant  cette  vie  ,  habitoient  un  palais  plus 
brillant  que  le  foleil  ,  où  ils  nageoient  dans  un  tor- 
rent de  voluptés  :  mais  ceux  qui  étoient  morts  gé- 
néreufement  les  armes  à  la  main  pour  défendre  leur 
patrie  ,  ceux-là  avoient  une  place  dans  le  valkalla 
avec  Odin  ,  auquel  ils  donnoient  le  nom  à' Hefus,  & 
qui  étoit  pour  eux  ce  que  le  dieu  Mars  étoit  pour  les 
Latins.  On  diroit  que  Mahomet  a  imaginé  fon  para- 
dis d'après  leval/ialla  des  Celtes  feptentrionaux ,  tant 
il  a  de  reffemblance  avec  lui.  Solin  ,  Mêla,  &  d'au- 
tres auteurs  rapportent  que  les  nations  hyperbeu-ées 


C  E  L 

fe  précipitoient  du  haut  d'un  rocher  pour  éviter  une 
honteule  captivité  ,  &  pour  ne  pas  languir  dans  les 
infirmités  de  la  vieilleffe.  Ceux  qui  Te  donnoient  ainfi 
librement  la  mort ,  avoient  une  place  diftinguée  dans 
le  valhalla.  De-là  cette  audace  que  les  Celles  por- 
toient  dans  les  combats,  cette  ardeur  qui  les  préci- 
pitoit  dans  les  bataillons  les  plus  épais ,  cette  fer- 
meté avec  laquelle  ils  bravoient  les  plus  grands  dan- 
gers ,  ce  mépris  qu'ils  avoient  pour  la  mort.  Nous  fi- 
nirons cet  article ,  en  remarquant  que  les  Celtes  ne 
s'étoient  endurcis  &  accoutumés  à  mener  dans  leurs 
forêts  une  vie  fi  dure  &  fi  ennemie  de  tous  les  plai- 
iirs  ,  que  parce  qu'ils  étoient  intimement  perfuadés 
du  dogme  de  l'immortalité  des  efprits.  De-là  naif- 
foit  en  eux  ce  courage  ,  que  les  Romains  ont  fi  fou- 
vent  admiré  dans  ces  peuples  ;  ce  mépris  de  la  mort 
qui  les  rendoit  fi  redoutables  à  leurs  ennemis  ;  cette 
paillon  qu'ils  avoient  pour  la  guerre  ,  &  qu'ils  infpi- 
roient  à  leurs  enf'ans  ;  cette  chafieté ,  cette  fidélité 
dans  les  mariages  fi  recommandée  parmi  eux  ;  cet 
éloignement  qu'ils  avoient  pour  le  faite  des  habits  &c 
le  luxe  de  la  table  :  tant  l'efpoir  d'une  récompenfe 
dans  une  autre  vie  a  de  pouvoir  fur  l'efprit  des  hom- 
mes !  Il  eft  fâcheux  qu'une  nation  auffi  refpeetable  par 
fes  mœurs  &  par  les  fentimensque  l'étoit  celle  des 
Celtes  ,  ait  eu  des  druides  pour  miniftres  de  fa  reli- 
gion. (  X) 

*  CELTIBERIENS  ,  f.  m.  pi.  (  Géog,  &  Hifi.  ) 
peuples  de  l'ancienne  Gaule  qui  s'établirent  en  El- 
pagne  le  long  de  l'iber  :  leur  nom  eft  compofé  de  Cel- 
te, celui  de  leur  origine  ,  &  libériens  ,  celui  des  peu- 
ples avec  lefquels  ils  s'allièrent.  Ils  fe  répandirent 
dans  F  Aragon  &  la  Caftille.  Florus  les  appelle  la 
force  de  VEj'pagne. 

CELTIQUE  ,  (  Géog.  )  c'eft  ainfi  qu'on  appella 
la  colonie  des  Celtes  ou  des  Celtiberes  ,  qui  s'établi- 
rent en  Efpagne  depuis  le  Douron  jufqu'au  promon- 
toire Celtique  ,  qu'on  préfume  être  le  cap  Finilterre. 
Voyei  Celtes  6-  Celtiberes.  On  donna  auffi  le 
nom  de  Celtique  à  la  partie  de  la  Gaule  qu'occupoient 
les  Celtes. 

CEMENT ,  f.  m.  (  Chimie.  )  c'eft  une  composition 
ou  un  mélange  de  différentes  matières  falines ,  ter- 
reufes  ,  ou  phlogiftiques ,  en  forme  de  poudre  ou  de 
pâte  ,  avec  lefquelles  on  ftratifie  ,  ou  dont  on  entou- 
re certains  métaux  dans  la  cémentation.  f^oye^  Cé- 
mentation. Cet  article  eft  de  M.  Venel. 

Cément  ROYAL ,  (  Chimie.  )  c'eft  le  cément  defti- 
né  à  la  purification  de  l'or  :  il  tire  l'on  nom  de  la  qua- 
lité de  roi  des  métaux  ,  par  laquelle  les  Chimiftes  dé- 
fignent  fouvent  l'or.  Le  cément  royal  le  plus  limple , 
6c  qui  eft  décrit  dans  de  très-anciens  ouvrages,  étoit 
compofé  de  deux  parties  de  fel  commun ,  6c  d'une 
partie  de  poudre  de  brique ,  farina  laterum ,  empâ- 
tées avec  de  l'urine. 

On  trouve  beaucoup  d'autres  recettes  de  ciment , 
qui  portent  auffi  le  titre  de  royal  ;  c'eft  toujours  du 
nitre  ou  du  fel  commun  ,  avec  du  vitriol  calciné  ,  de 
la  brique  pulvéfifée,  des  bols,  quelquefois  de  la 
pierre  haematite  ,  oc  du  verd-de-gris.  On  a  trouvé 
un  ufage  à  ces  deux  dernières  matières  :  on  prétend 
qu'elles  exaltent  la  couleur  de  l'or.  Article deM.  Ve- 
nel. 

CEMENTATION  ,(.f.(  Chimie.  )  la  cémentation 
prite  dans  le  fens  le  plus  étendu  ,  eft  l'opération  chi- 
mique par  laquelle  on  applique  à  des  métaux  enfer- 
mes dans  un  creufet,  dans  une  boîte  de  ter,  ou  mê- 
me dans  une  cornue  ,  &  ftraniies  avec  des  fels  fixes, 
avec  différentes  matières  terreftres ,  &  quelquefois 
phlogiftiques ,  un  feu  tel ,  que  ces  métaux  rougifiént 
plus  ou  moins,  mais  fans  entrer  aucunement  en  tu- 
iion. 

On  voit  d'abord  par  cette  définition  ,  que  les  mé- 
taux qui  coulent  ayajit  derougir,  i'etuinCk le  plomb, 
Tome  H, 


C  E  M 


811 


ne  fauroient  être  comptes  parmi  les  fujefs  de  cette 
opération. 

La  cémentation  eft  un  des  moyens  employés  ,  fur- 
tout  par  les  ouvriers  qui  travaillent  l'or  &  l'argent , 
pour  vérifier  la  pureté  de  ces  métaux ,  ou  pour  l'ob- 
tenir ;  6c  c'cft-là  même  le  principal  ufage  de  cette 
opération.  Mais  des  obfervatiqps  répétées  ont  appris 
qu'elle  étoit  infuffifante  pour  l'un  &  pour  l'autre  ob- 
jet; c'eft-à-dire  que  les  cemens  ordinaires  n'enle- 
yoient  pas  exactement  à  l'or  &  l'argent  les  métaux 
étrangers  qui  conftituoient  leur  impureté  ,  &  qu'ils 
enlevoient  une  partie  du  fin.  Kunckel  aobfervé  que 
le  fel  commun  employé  aux  cémentations  répétées  de 
l'argent ,  fe  chargeoit  d'une  quantité  allez  conlidé- 
rable  de  ce  métal ,  qu'on  en  retiroit  facilement  par 
la  fufion. 

Geber  compte  la  cémentation  parmi  les  épreuves 
que  devoit  foùtenir  fon  magifere ,  pour  être  réputé 
parfait. 

L'ufage  des  cémentations  eft  trés-familier  aux  Al- 
chimiftes ,  foit  comme  opération  fimplement  prépa- 
ratoire ,  ou  entrant  dans  la  fuite  de  celles  qui  com- 
pofent  un  procédé  ;  foit  comme  produisant  immé- 
diatement une  amélioration  ,  nobilitado.  C'eft  l'ar- 
gent pur  ou  les  chaux  d'argent ,  c'eft-à-dire,  l'argent 
ouvert  ou  divilé  par  des  menftrues,  fur  lequel  ils 
ont  principalement  opéré.  ^oy^PARTicuLitR. 

Bêcher  décrit  plusieurs  de  ces  particuliers  ou  pro- 
cédés ,  dans  fa  Concordance  chimique  ;  &  il  n'eft  prêt 
qu'aucun  des  fix  mille  auteurs  d'Alchimie  qui  n'en 
célèbre  quelqu'un. 

La  trempe  en  paquet ,  ou  cette  opération  par  la- 
quelle les  Arquebufiers  ,  les  Taillandiers ,  &  quel- 
ques autres  ouvriers  durcilTent  ou  convertiflent  plus 
ou  moins  profondément  les  lames  en  acier  ou  cou- 
ches extérieures  de  certains  ouvrages  ,  comme  de 
prcfque  toutes  les  pièces  des  platines  des  armes  à 
feu,  les  lames  d'épée,  les  bonnes  cuiraffes  ,  les  ha- 
ches, les  limes ,  les  boucles  appellées  cY acier,  &c. 
cette  opération,  dis-je  ,  eft  une  efpece  de  cémenta- 
tion, l'oye^  F£R« 

Les  matières  des  cémens  pour  l'or  &  pour  l'ar- 
gent, font  premièrement  le  nitre  ,  la  plupart  de 
neutres  marins ,  le  fel  commun  ,  le  fel  gemme ,  le 
fel  ammoniac  ,  le  fublimé  corrolif,  &  même  une 
fubftance  faline  qui  contient  l'acide  \  égétal ,  le  i  .- 
det  ;  fecondement  les  vitriols  calcinés,  les  bols,  la 
farine  ou  poudre  de  brique,  &c. 

On  prend  une  ou  plufieurs  matières  de  la  première 
claffe,  &  quelques-unes  de  celles  de  la  féconde,  dans 
des  proportions  convenables  :  par  exemple,  prenez 
du  (cl  marin  décrépite  ,  une  once  ;  de  la  poudre  de 
brique ,  demi-once  ;  du  vitriol  calcine  au  rouge  ,  une 
once  :  ou  de  nitre  ,  de  fel  ammoniac ,  de  verdet ,  de 
bol  d'Arménie  ,  de  poudre  ou  farine  de  brique,  de 
chacun  parties  égales  :  féchez  ce  pulvérifez  l 
vos  matières  ,  &  mêlez-les  exactement.  Quelques 
auteurs,  principalement  les  anciens  ,  les  empâtent 
avec  l'urine. 

On  cémente  auffi  l'argent  avec  le  fel  commun  feul. 
Ver)  c-  Argent. 

Le  modus  ou  manuel  de  l'opération  ,  eft  celui-ci  : 
prenez  un  creufet  de  grandeur  convenable  ;  mettez 
au  fond  ,  de  votre  cernent  environ  la  hauteur  d'un 
pouce  ;  placez  delius  une  couche  de  \  Otre  nierai  ré- 
duit en  petites  plaques  très-minces;  courre 
plaques  d'une  féconde  couche  de  ccinent,  à  peu  pies 
de  la  même  hauteur  que  la  première,  cv  rempliffez 
altern;:ti\  ement  votre  creufet  de  cément  &  de  lames 
1  ;  finùTez  par  une  couche  de  cément .  firî  la- 
quelle VOUS  pouvez  en  mettre  une  autre  de  chaux 
poudre,  félon  l'ufage  de  quelques  Chimiftes  j 
fermez  votre  creufet  avec  un  couvercle  cxaâentcnt 
luté ,  nuis  percé  d'un  petit  trou  à  pafler  une  aiguille  ; 
Kkkk. 


Sl2 


C  E  M 


C  E  M 


placez-le  dans  un  fourneau  à  grille  ordinaire  ;  don- 
nez le  feu  peu-à-peu,  afin  que  vos  matières  s'échauf- 
fent lentement  ;  pouffez-le  enfiike  jufqu'à  les  rougir 
médiocrement  ;  lbûtenez  ce  dernier  degré  de  feu  pen- 
dant environ  trois  heures  ,  &C  votre  opération  eft  fi- 
nie. Les  anciens  Chimiftes ,  les  Phiioiophes  que  les 
longs  travaux  n'eifrayoient  pas ,  foûtenoient  le  der- 
nier degré  de  feu  pendant  vingt-quatre  heures  ,  & 
même  pendant  trois  jours  entiers.  Il  deyoit  leur  en 
coûter  beaucoup ,  fans  doute ,  pour  tenir  pendant  fi 
long-tems  leur  métal  dans  un  degré  d'ignition  fi  voi- 
fin  de  la  fufion  ,  fans  le  laiffer  tomber  dans  ce  der- 
nier état  :  circonftance  effentielle  ,  &  toujours  re- 
commandée par  les  plus  anciens  maîtres  de  l'art,  par 
Geber  lui-même.  Les  cémentations  alchimiques  font 
continuées  pendant  des  mois  entiers  :  mais  elles  le 
font  à  un  degré  de  feu  un  peu  moindre. 

La  théorie  de  la  cémentation  de  l'or  Se  de  l'argent 
dans  les  vues  ordinaires  de  purification ,  paroît  affez 
fimple  :  tous  les  céments  employés  à  cet  ufage  con- 
tiennent des  fiels  neutres ,  &  des  précipitans  de  leur 
acide,  c'eft- à-dire,  des  intermèdes  qui  en  procurent  le 
dégagement  :  ainfi  le  mélange  du  nitre  ou  du  lel  com- 
mun avec  le  vitriol ,  doit  laiffer  échaper  les  acides 
des  premiers  fels.  Les  terres  bolaires  ou  argilleufes 
dégagent  auffi  les  mêmes  acides  ,  félon  un  fait  an- 
ciennement connu ,  mais  peu  ou  point  expliqué.  La 
poudre  de  brique  peut  être  inutile  au  dégagement 
des  acides  nitreux  &  marins  ;  elle  peut  fort  bien  aufii 
avoir  retenu  ,  malgré  l'altération  que  la  terre  ar- 
gilleufe  dont  elle  eft  formée  a  effuyée  dans  le 
feu  ,  elle  peut  avoir  retenu ,  dis-je ,  la  propriété  de 
les  dégager,  dont  joiiit  l'argille  crue.  Ce  fait  n'a  pas 
été  examiné ,  que  je  fâche.  Ainfi  félon  qu'on  employé 
l'un  ou  l'autre  de  ces  premiers  fels  ,  ou  les  deux  en- 
femble,  avec  une  ou  plulieurs  des  dernières  matiè- 
res ,  on  a  un  efprit  de  nitre ,  un  efprit  de  fel ,  ou  une 
eau  régale ,  qui  félon  le  degré  de  rapport  de  chacun 
de  ces  menftrues  avec  l'or ,  avec  l'argent ,  &  avec 
les  différens  métaux  qui  leur  font  mêlés  ,  peuvent  at- 
taquer quelques-uns  de  ces  métaux  ,  &  épargner  les 
autres.  Ainfi  de  l'acide  nitreux  dégagé  dans  une  cé- 
mentation d'or,  eft  cenfé  attaquer  l'argent  &  le  cui- 
vre qu'il  peut  contenir ,  &  ne  pas  toucher  à  l'or  mê- 
me :  l'efprit  de  fel  produirait  apparemment  le  même 
effet.  L'eau  régale  dégagée  dans  une  cémentation  d'ar- 
gent ,  doit. agir  fur  les  métaux  imparfaits  ,  fans  enta- 
mer le  métal  parfait ,  comme  l'acide  nitreux  ou  le 
marin  dans  le  cas  précédent. 

Mais  nous  n'avons  pas  affez  d'obfervations  pour 
évaluer  exactement  l'aclion  des  menftrues  dans  la 
cémentation  :  la  circonftance  d'être  divifés  ,  de  n'être 
point  en  aggrégation  ou  en  maffe  ,  &  celle  d'être 
appliqués  à  des  métaux  actuellement  ignés  ,  &  avec 
le  degré  de  feu  que  fuppofe  cet  état ,  porte  fans 
doute  des  différences  eflèntielles  dans  leur  aclion. 
Des  analogies  exactement  déduites  de  plufieurs  faits 
connus ,  juftifient  au  moins  le  doute  ,  la  vue  de  re- 
cherche. D'ailleurs  nous  ne  connoiffons  pasaftezles 
fels  neutres  comme  menftrues;  &  peut-être  penfons- 
nous  trop  généralement  qu'ils  ne  peuvent  agir  que 
par  un  de  leurs  principes ,  foit  dégagé  ,  foit  furabon- 
dant. 

Il  eft  au  moins  fur  que  cette  cémentation  eft  une  ef- 
pece'de  diffolution.  Voye^  Menstrue. 

Les  Alchimiftes  peuvent  bien  ne  pas  retirer  de 
leurs  longues  cémentations  tout  l'avantage  que  leurs 
oracles  leur  annoncent;  au  moins  doit-on  leur  accor- 
der que  cette  opération  eft  dans  les  bons  principes 
de  fart ,  &l  qu'elle  a  tout  le  mérite  de  la  digeftion  tant 
célébrée  ,  &  avec  tant  de  raifon ,  par  les  plus  grands 
maîtres.  Voye^ Digestion. 

La  cémentation  du  fer ,  ou  la  trempe  en  paquet , 
diffère  beaucoup  par  l'on  effet  de  la  cémentation  puri- 


fie ative  de  l'or  &c  de  l'argent  dont  nous  venons  dé 
parler  ;  elle  reffemble  beaucoup  plus  à  la  cémentation 
amélioraîive  ,  tranimutative  ?  ou  augmentative ,  en 
un  mot  alchimique  ,  fi  cette  dernière  produilbit  l'ef- 
fet attendu  ,  qui  eft  de  porter  dans  fon  fujet  la  terre 
mercurielle ,  ou  même  le  feufre  folaire  ou  lunaire. 
On  regarde  l'effet  de  la  cémentation  fur  le  fer  comme 
une  cipece  de  réduction ,  ou  plutôt  de  furréduéhon  , 
s'il  eft  permis  de  s'exprimer  ainfi  ;  c'eft-à-dire  ,  d'in- 
troduclion  furabondante  de  phlogiftique.  ^jc'-Fer. 
Cet  article  ejl  de  M.  Venel. 

CEMEInTATOIRE  ,  (  eau)  (Hijl.  nat.  &  Miné- 
ralogie )  aqua  ccementatoria ;  en  Allemand,  cernent  waf- 
fer.  L'on  nomme  ainfi  des  fources  d'eau  très-chargées 
de  vitriol  de  Venus ,  que  l'on  trouve  au  fond  de  plu- 
fieurs mines  de  cuivre  ;  on  en  voit  fur-tout  en  Hon- 
grie ,  près  de  la  ville  de  Neufol ,  au  pié  des  monts 
Krapacks.  On  leur  attribue  vulgairement  la  proprié- 
té de  convertir  le  fer  en  cuivre ,  quoique  pour  peu 
que  l'on  ait-de  connoifïance  de  la  Chimie ,  il  foit  fa- 
cile de  voir  cpi'il  ne  fe  fait  point  de  tranfmutation , 
mais  feulement  une  fimple  précipitation  caufiée  par 
le  fer  que  l'on  trempe  dans  cette  eau.  Voici  com- 
ment on  s'y  prend  pour  faire  cette  prétendue  tranf- 
mutation. 

Veau  cémentatoire  eft  très-claire  &  très-limpide 
dans  fa  fource  ;  l'on  fait  des  réfervoirs  pour  la  rece- 
voir, afin  qu'elle  puifîe  s'y  rafiémbler  :  l'on  fait  en- 
trer l'eau  de  ces  réfervoirs  dans  des  auges  ou  canaux 
de  bois  ,  qui  ont  environ  un  pié  de  large  &  autant 
de  profondeur.  Quant  à  leur  longueur  elle  n'eft  point 
déterminée  ;  on  la  pouffe  aufii  loin  que  l'on  peut, 
quelquefois  même  jufqu'à  100  ou  1 50  pies  ;  on  appel- 
le ces  auges  ou  canaux  cementers ,  liiivant  M.  Schlut- 
ter  ,  on  les  remplit  de  vieille  ferraille  autant  qu'il 
yen  peut  tenir;  l'on  fait  enfuite  entrer  l'eau  cémen- 
tatoire dans  ces  auges  :  elle  couvre  le  fer,  le  diffout, 
&  le  détruit ,  &c  met  en  fa  place  le  cuivre  dont  elle 
eft  chargée  ;  il  prend  la  figure  &  la  forme  que  la  fer- 
raille avoit  auparavant ,  de  forte  qu'en  trois  mois  de 
tems  ,  plus  ou  moins ,  fuivant  la  force  de  l'eau  vitrio- 
lique ,  tout  le  fer  fe  trouve  coniommé  &  détruit ,  & 
le  cuivre  eft  entièrement  précipité.  La  raifon  pour 
laquelle  le  cuivre  précipité  prend  la  même  figure 
qu'avoit  le' ter,  c'eft  que  l'acide  vitrio'ique  ayant 
plus  d'affinité  avec  le  fer ,  lâche  le  cuivre  qu'il  te- 
noit  en  diflolution  pour  s'y  attacher;  il  arrive  de-là 
qu'il  le  précipite  préciiément  autant  de  cuivre ,  qu'il 
f  e  diffout  de  1er  ;  de  façon  que  l'un  prend  la  place  de 
l'autre ,  &  qu'il  le  met  toujours  une  particule  de  cui- 
vre à  la  place  de  celle  de  fer ,  qui  a  été  mile  en  dif- 
folution. Voyc^  Vallerius,  Hydrologie , p ,  Gz.  §.  2j. 

Voilà  la  manière  dont  on  s'y  prend  pour  obtenir  à 
peu  de  frais  &  fans  grande  peine  ,  une  quantité  quel- 
quefois très-confiderable  de  cuivre  très-bon  ,  &  que 
l'on  dit  même  plus  duchle  &  plus  malléable  que  ce- 
lui ,  qui  par  des  fontes  réitérées  a  été  tiré  de  fa  mine. 
Ce  cuivre  eft  mou  &  femblable  à  du  limon  tant  qu'il 
eft  fous  l'eau  ;  mais  il  prend  de  la  confiftance ,  &  fe 
durcit  aufii-tot  qu'il  vient  à  l'air. 

Les  deux  plus  fameulès  fources  d'eau  de  cémenta- 
tion de  la  Hongrie,  font  celles  de  Smolnitr  &  des  He- 
regrund ;  l'on  affùre  que  la  première  peut  fournir  tous 
les  ans,  jufqu'à  600  quintaux  de  cuivre  précipité  de 
la  manière  qui  vient  d'être  décrite  ;  ce  qui  vient  de 
la  grande  abondance  de  cette  fource  ,  &  de  la  pro- 
dis;ieufe  quantité  de  vitriol  de  Venus  dont  elle  eft 
chargée  :  outre  cela  le  fer  que  l'on  y  met  tremper, 
fe  trouve  entièrement  diffous  en  trois  femaines  de 
tems ,  Si  le  cuivre  a  pris  fa  place  ;  au  lieu  que  dans 
d'autres  fources ,  il  faut  trois  mois ,  &  même  quelque- 
fois un  an,  pour  que  cette  opération  fe  faffe. 

L'on  trouve  en  Hongrie  plufieurs  autres  fources 
qui  ont  les  mêmes  propriétés  ;  il  y  en  a  de  pareilles 


C  E  N 

en  Allemagne ,  près  de  Goflar ,  en  Suéde ,  &c.  L'on 
attribue  la  même  qualité  à  une  fouree  que  l'on  voit 
à  ChiefTy ,  dans  le  Lyonnois.  Voye^  E.  Schweden- 
borg,  tom.  III.  pag.  .49.  &fuiv.  Henckel  nous  expli- 
que ,  dans  Ta  Pyritologie  ,  p.ig.  J64 ,  la  caufe  de  ces 
phénomènes,  favoir,  que  les  eaux  qui  compofent 
ces  fources  ,  venant  à  parler  iur  des  pyrites  cuivreu- 
fes  ,  qui  ont  été  décompofées  dans  les  entrailles  de 
la  terre ,  en  détachent  les  parties  vitrioliques  qui  s'y 
font  tonnées,  &  les  entraînent  avec  elles. 

C'étoit  une  tranfmutation  femblable  à  celle  qui 
vient  d'être  décrite  ,  que  produifirent,  il  y  a  quelques 
années ,  des  perfonnes  qui  avoient  trouvé  le  fecret 
d'obtenir  un  privilège  exclufif,  pour  convertir  le  ter 
en  cuivre  dans  toute  l'étendue  du  royaume  ;  l'on  fut 
rrès-flatté  de  l'idée  de  pouvoir  le  parler  du  cuivre  de 
l'étranger ,  &  de  pouvoir  en  produire  autant  que 
l'on  voudrait.  Tout  le  fecret  confifïoit  dans  une  eau 
vitriolique  ,  où  en  faifant  tremper  du  fer ,  il  fe  fa  if  bit 
une  précipitation  du  cuivre  tout-à-fait  femblable  à 
celle  que  nous  venons  d'expliquer  dans  cet  article  : 
mais  comme  ces  convertiiTeurs  de  métaux  n'aveient 
point  à  leur  difpofition,  une  fouree  d'eau  vitriolique 
auffi  abondante  que  celle  de  Smolnitz,  qui  pût  four- 
nir long-tcms  à  faire  leur  prétendue  tranfmutation, 
la  fraude  fe  découvrit,  &  le  public  fut  en  peu  de  tems 
delà  bu  le.   (— ) 

CÉNACLE,  f.  m.  {Architecture  )  du  latin  cana- 
culum  ,  lieu  oii  l'on  mange  ;  c'étoit  chez  les  anciens 
une  falle  à  manger  :  elle  étoit  appellée  triclinium , 
c'efî-à-dire ,  lieu  à  trois  lits  ;  parce  que  ,  comme  les 
anciens  avoient  coutume  de  manger  couchés ,  il  y 
avoit  au  milieu  de  cette  falle  une  table  quarrée  lon- 
gue ,  avec  trois  lits  en  manière  de  larges  formes ,  au 
devant  de  trois  côtés  ;  le  quatrième  côté  reliant  vui- 
de ,  à  caufe  du  jour  &  du  fervice.  Ce  lieu  chez,  les 
grands,  étoit  dans  le  logement  des  étrangers,  pour 
leur  donner  à  manger  gratuitement.  Il  le  voit  à  Ro- 
me ,  près  de  Saint-Jean  de  Latran,  les  relies  d'un  tri- 
clinium ou  cénacle ,  orné  de  quelques  mofaïques  ,  que 
l'empereur  Conflantin  avoit  fait  bâtir  pour  y  nourrir 
des  pauvres.  (  P  ) 

Cénacle  ,  (  fhéolog.)  Notre  Sauveur  ,  la  veille 
de  fa  paflîon  ,  dit  à  l'es  difciples  de  lui  aller  préparer  à 
Couper  dans  Jérufalem ,  &  qu'ils  y  trouveroient  un 
grand  cénacle  tout  difpofé  ,  caenaculum  grande  ftratum, 
une  falle  à  manger,  avec  les  lits  de  table  à  l'ordinai- 
re. On  a  montré  à  Jérufalem,  dans  les  ficelés  polté- 
rieurs  ,  une  falle  ,  qui  fut  enfuite  convertie  en  églife 
par  l'impératrice  Hélène  ,  où  l'on  pretendoit  que 
notre  Sauveur  avoit  fait  Ion  dernier  fouper ,  &  avoit 
inftitué  l'Euchariftie  ;  mais  on  a  raifon  de  douter  que 
cette  falle  fe  foit  garantie  de  la  ruine  de  Jérufalem 
par  les  Romains.  Calma ,  Diction,  de  la  Bibl.  (G) 

*  CENCHRUS ,  (  Hift.  nat.  Zoolog.  )  elpece  de 
ferpent  dont  il  fe  trouve  une  grande  quantité  dans 
les  îles  de  Samos  Ik  de  Lemnos  ;  il  a  ordinaire 
trois  pies  de  long ,  eit  d'une  couleur  jaune  tirant  fur 
le  verd,  &  moucheté  de  taches  de  différentes  cou- 
leurs. Ce  ferpent  eft  très-dangereux  ;  il  s'attael 
bétail,  à  qui  il  ou\  jour  en  fucer  le 

fang  :  fa  morfure  cil  morcelle.  On  peut  le  préparer 
de  même  que  l'on  fait  les  vipères  ;  cet  animal  con- 
fient beaucoup  de  ici  \  olatil  ,  &  fa  chair  excite  la 
tranfpiration. 

CENDRE  aufing.  ou  CENDRES  au  plur.  f.  f. 
(  Chimie.)  Ce  corps  terreux ,  fec  ,  &  pulvérulent ,  que 
tout  le  monde  connoît  fous  le  nom  de  cendre ,  eft  le 
rendu,  ou  la  partie  fixe  des  matières  détruites  par  la 
combujiion  à  l'air  libre  ,  ou  par  M  inflammation.  > 
Calcination. 

Les  cendres  font  donc  toujours  •  •  d'une 

fubltancc  à  la  ton  laquelle  concouroit  le 

phlogillique  >  ou  le  feu ,  6c  ordinairement  d'un  corps 


C  E  N 


8i? 


ôrgahhe  ,  ou  de  ceux  que  no:-s  connohTons ,  dans  la 
doctrine  deStahl ,  fous  le  nom  de  c  .  c'eft- 

à-dire  drun  végétal,  ou  d'un  anima!.  Voye^  1 

On  a  rangé  aufE  lbus  le  nom  générique  de  cendre , 
les  fubflances  métalliques  privées  de  phlogiftique  ; 
c'efi  ainfi  qu'on  ad  .  ésain  ,  cendre  de  plomb  , 

<kc.  Hz  qu'on  trouve,  fur-tout  dans  les  anciens  au- 
teurs ,  diverfes  calcinations  de  fubflances  métalliques 
es  par  le  nom  d'incinération  ou  cinération  :  mais 
les  chaux  métalliques  différent  affez  eûentiellement 
des  cendres  végétales  &  animales  ,  pour  qu'il  foit 
plus  exact  de  ne  pas  confondre  les  unes  &  les  autres 
tous  la  même  dénomma  1    Chaux  métal- 

lique. 

Un  végétal  ou  un  animal  n'efl,  peurun  Chimffte, 
qu'une  elpece  d'édifice  terreux  cimenté  par  un  maf- 
tic  ou  gluten  inflammable  ,  &  dilrribue  en  difféi 
loges ,  ou  vaiffeaux  de  diverfes  capacités  ,  qui 
tiennent  des  compojés  de  pluficurs  efpeces ,  tous  in- 
flammables ;  car  nous  ne  confidérons  ni  dans  les  vé- 
gétaux ,  ni  dans  les  animaux,  relativement  à  leur 
analyfe  ou  décompofition  réeilc ,  nous  ne  confidé- 
rons point,  dis-je  ,  le  véhicule  aqueux  ,  qui  étend  & 
diflribue  (dans  le  vivant  )  la  matière  de  la  nutrition 
&  des  fecretions.  Voye\  Végétale.  (Analyse.  ) 

C'etf  aux  ruines  de  cet  édifice ,  de  la  baie  terreu- 
fe ,  du  foûtien  (hypoflafis  )  de  nos  tijjus,  qu'eu:  due  la 
portion  la  plus  conlidérable  de  la  matière  propre  , 
de  la  terre  de  leurs  cendres.  L'autre  portion  (infini- 
ment moindre)  de  cette  terre,  cil  fournie  par  les  com- 
pofés  terreux  détruits  par  l'inflammation,  &  même 
par  quelques  mixtes  qui  n'ont  pu  échapper  à  fon  ac- 
tion. Voye{ Végétale.  (Analyse.  ) 

Outre  la  terre  dont  nous  venons  de  parler,  les  cen- 
dres végétales  contiennent  prcfque  toutes  (on  a  dit 
toutes ,  mais  on  peut  raifonnablement  douter  que  ce 
produit  de  l'analyfe  des  végétaux  foit  abfolument  gé- 
néral ,  je  dis  des  végétaux  même  non  épûifés  par  des 
extractions)  du  iel  fixe,  alkali  fixe  ou  lixiviel,  ck  or- 
dinairement des  tels  neutres.  Le  tarlre  vitriolé  &  le 
fel  marin  font  les  lèuls  que  l'en  ait  obfervés  jufqu'à 
nt. 
Les  fels  fixes  des  <  nt  point  en- 

core, malgré  l'autorité  de  pluficurs  ChimiiU 
pectables,  des  êtres  dont  l'exigence  fort  gén( 
ment  admife  en  Chimie.  Ces  fels ,  s'ils  exiftoient ,  fe- 
roient  fans  doute  fort  analogues  à  ceux  qu'on  a  tant 
cherchés  dans la  chaux  ;  1 

devrais  fels  d  fur  lefquels  il  s'en  faut  bien 

qu'on  ait  jufqu'à  prêtent  des  notions  al'.     1 

Les  cendres,  tant  les  végétales  que  les  anin 
contiennent  affez  généralement  du  fer.  M.  (  i 

a  propolé  dans  le:  c  Se.  en 

IJ05.  le  problème  fuivant  :  trouver  des  cendres  qui  nt 
1    parcelles  de  ft    ;   ce  n'elt   que  des 
cendres  ^ont  il  parle.  Ce  problème  n'a  pas 

encore  été  réfolu,  que  ulieurs  Chimilles 

e  .,  entr'autres  M.  Henckel.  &  M.  Lemery  le 
fils,  ont  cor  .    ■  ment  qui  en 

fuppofe  dans  tous  les  végétaux.  Le  bleu 
qu  on  peut  retirei  es  ,  que 

les  foudes  fur-tout  fbumifTent  ordinairement  t 
grande  abondance,  eit  un  f  .      .  . 
ce  métal ,  du  fer  • 
La  cendre  ne  diffère  du  charbon  que  par  le  phlo- 
giitiqu  tes  partie  ■        lieu  du 

. 

irbon,  enl  '■  qui  ne 

féaux  termes,  comme  ne  donnera 

La  et  qui  relie  de  la  dcllruc' 

Vf 


8i4 


C  E 


C  E  N 


dérable  de  leur  tout.  Cent  livres  de  différens  bois 
neufs,  très-fecs,  brûlés  avec  le  loin  néceffaire,  pour 
ne  perdre  que  la  terre  qui  eft  inévitablement  entraî- 
née dans  la  fumée ,  n'ont  laiffé  que  trois  livres  dix- 
onces  de  cendres  calcinées ,  à  peu-près  un  trentième 
de  leur  poids.  Ce  produit  doit  varier  coniîdérable- 
ment  félon  que  le  corps  qui  le  fournit  eft  plus  ou 
moins  terreux,  plus  ou  moins  denfe,  plus  ou  moins 
épuifé  de  fes  lues ,  &c.  C'eft  ainfi  que  les  écorces  en 
général,  &  fur-tout  les  écorces  des  vieux  troncs ,  doi- 
vent en  fournir  beaucoup  plus  qu'une  plante  aqucu- 
fe,  ou  un  fruit  pulpeux;  les  plantes  abondantes  en 
extrait  amer,  beaucoup  plus  que  les  plantes  réfineu- 
fes:  un  os  beauco'up  plus  qu'un  vifcere,  &c  II  eft 
tel*  plante  aqueule  dont  on  peut  féparcr  parla  fim- 
ple  defîîccation ,  jufqu'à  rês  de  fon  poids,  qui  par 
conféquent  dans  cet  état  de  fechereffe ,  étant  luppo- 
fée ,  toutes  chofes  d'ailleurs  égales ,  d'une  denfité  pa- 
reille à  celle  du  bois  dont  nous  avons  parlé  ,  ne  don- 
nerait que  le  rjôâ  de  fon  poids  de  cendre.  Ceux  qui 
feront  curieux  de  connoître  avec  détail  le  rapport 
du  produit  dont  il  s'agit,  au  corps  dont  il  faiioit  par- 
tie ,  peuvent  confulter  les  analylës  des  premiers  Chi- 
miftes  de  l'académie  royale  des  fciences ,  &  celles  de 
la  matière  médicale  de  M.  Geoffroy. 

La  cendre  ou  la  terre  végétale  &  la  terre  animale 
confervent  chacune  inaltérablement  un  caractère , 
&  comme  le  fceau  de  leur  règne  refpeftif.  La  terre  vé- 
gétale ,  félon  l'obfervation  de  Bêcher ,  porte  toujours 
dans  le  verre  à  la  compofition  duquel  on  l'employé , 
une  couleur  verte,  ou  tirant  foiblement  fur  le  bleu. 
»  Viridis  vcl  fubcœruleus ,  indehbilem  fui  regni  aflerif- 
»  cum  fervans  ,  nempe  vegetabilem  viriditatem  expri- 
.*>  mens  ».  Et  la  terre  animale  une  couleur  de  blanc 
de  lait.  C'eft  à  la  fuite  de  cette  obfervation  que  le 
même  Bêcher  forme  très-férieufement  ce  louhait  fin- 
«ulier  :  «  O  utinam  ita  confuctum  foret,  &  amicos  habe- 
»  rem  qui  ultimam  ijlam  opcllam ,  Jiccis ,  &  multis  labo- 
»  ribus  exhaujlis  oflibus  rneis ,  aliquando  prczjlarent ,  qui 
»  inquam  eam  in  diaphanam  illam ,  nullis  fœculis  cor- 
»  ruptibilem  fubfantiam  rédigèrent ,  fuavifflmum  fui  ge- 
»  neris  colorent,  non  quidem  vegetubilium  \irorem,tre- 
»  muli  tamen  narcifjuli  ideam  lacleam  prafcntantem , 
»  quod  paucis  quidem  horis  Jieri  pofet .  .  .  Piût  à  Dieu 
»  que  ce  fût  un  u'age  reçu ,  &  que  j'euffe  des  amis 
»  qui  me  rendiffent  ce  dernier  devoir ,  qui ,  dis-je  , 
•»  convertiffent  un  jour  mes  os  fecs,  &  épuilés  par 
»  de  longs  travaux ,  en  cette  fubftance  diaphane , 
»  que  la  plus  longue  fuite  de  fiecles  ne  fauroit  alté- 
»  rer ,  &  qui  conlerve  fa  couleur  générique ,  non  la 
»  verdure  des  végétaux,  mais  cependant  la  couleur 
»  de  lait  du  tremblant  narciffe  ;  ce  qui  pourroit  être 
»  exécuté  en  peu  d'heures ,  &c  ». 

M.  Pott  oblerve  dans  la  Lithogeognofle ,  des  différen- 
ces réelles  &£  caraclériftiques  dans  les  terres  calcai- 
res &  alkalines  tirées  des  trois  règnes,  &  même  parmi 
les  différentes  terres  du  même  règne ,  comme  entre 
la  craie  &  la  marne ,  entre  l'ivoire ,  la  corne  de 
cerf,  les  écailles  d'huîtres,  &c.  foit  pour  le  degré  de 
fufibilité ,  foit  pour  le  plus  ou  le  moins  de  facilité  à 
être  portées  à  la  tranfparence.  Apparemment  qu'on 
trouveroit  auffi  des  différences  effentielles  entre  les 
cendres  leflivées  de  divers  végétaux. 

Ces  obfervations  prouvent  fuffifamment  que  les 
terres  des  cendres  végétales  ou  animales,  ne  font  pas 
des  corps  fimples,  ou  qu'on  n'eft  pas  encore  parvenu 
à  les  réduire  à  la  fimplicité  élémentaire ,  pas  même 
à  la  fimplicité  générique  des  terres  alkalines  ou  cal- 
caires ,  dans  la  claffe  defquelles  on  les  range  ;  claffe 
dont,  pour  le  dire  en  paffant,  le  caractère  propre 
n'exifte  feul  dans  aucun  fujet  connu ,  ou  qui  eft  tou- 
jours modifié  dans  chacun  de  ces  fujets  par  des  qua- 
lités particulières  (qualités  qui ,  dans  la  doûrine  Chi- 
mique ,  font  toujours  des  fubftaaçes  ou  des  êtres  phy- 


siques (  Voye?^  Chimie  )  fi  intimement  inhérentes  \ 
qu'on  n'a  jamais  pu  jufqu'à  préfent  Amplifier  les  dif- 
férentes terres  calcaires ,  au  point  de  les  rendre  exac* 
tement  femblables,  comme  on  peut  amener  à  cette 
reffemblance  parfaite  les  eaux  tirées  de*'différentes 
plantes  ,  ou  même  celles  qu'on  tire  des  différens  rè- 
gnes ,  les  phlogiftiques  des  trois  règnes ,  &c.  Vcye^ 
Terke. 

La  fameufe  opinion  de  la  réfurrection  des  plantes 
&  des  animaux  de  leurs  cendres ,  qui  a  tant  exercé 
les  favans  fur  la  fin  du  dernier  fiecle,  &  au  commen- 
cement de  celui-ci ,  ne  trouveroit  à  préfent  fans  dou^ 
te  des  partifans  que  très-difficilement.  Voye-^  Palin- 

GENESIE. 

La  terre  des  cendres  entre  très-bien  en  fufion ,  & 
fe  vitrifie  avec  différens  mélanges,  mais  fur-tout  avec 
les  terres  vitrifiables  &  les  alkalis  fixes.  C'eft  par 
cette  propriété  que  les  cendres  végétales  non  lefïï- 
vées ,  comme  les  cendres  de  fougère ,  les  cendres  de 
Molcovie  ,  celles  du  varec  ,  la  loude ,  &c.  font  pro- 
pres aux  travaux  de  la  Verrerie.  Voye^  Verre. 

Les  cendres  leflivées  fourniffent  aux  Chimiftesdes 
intermèdes  &  des  inftrumens ,  tels  que  le  bain  de 
cendre,  &  la  matière  la  plus  ufitée  des  coupelles. 
Foye{  Intermède  &  Coupelle. 

Le  fel  lixiviel  ou  a'kali  fixe  retiré  des  cendres  des 
végétaux,  eft  d'un  ufage  très-étendu  dans  la  Chimie 
phyfique ,  &  dans  différens  arts  chimiques.  Vcye^  Sel 

LIXIVIEL. 

C'eft  à  ce  dernier  fel  que  les  cendres  doivent  leuf 
propriété  de  blanchir  le  linge,  dô  dégraiffer  les  étof- 
fes, les  laines,  &c.  Voye^  Blanchissage,  Sel  li- 
xiviel, &  Menstrue.  C'eft  parce  que  la  plus  gran- 
de partie ,  ou  au  moins  la  partie  la  plus  faline  de  la 
matière  qui  fournit  ce  fel  dans  Vif  ion,  a  été  enle- 
vée par  l'eau ,  au  bois  flotté ,  que  les  cendres  de  ce 
bois  font  prefque  inutiles  aux  blanchiffeuiës.  Voye^ 
Extrait. 

Les  cendres  non  leflivées  font  employées  aufti  dans 
la  fabrication  du  nitre,  mais  apparemment  ne  lui  four- 
niffent rien  le  plus  fouvent,  contre  l'opinion  com- 
mune. Voye^  NlTRE.  Cet  article  efl  de  M.  Venel. 

*  Cendres  ,  (Agriculture.)  les  cendres  font  un  fort 
bon  amendement,  de  quelque  matière  &  de  quelque 
endroit  qu'elles  viennent,  foit  du  foyer,  foit  de  lef- 
five ,  du  four  à  pain ,  à  charbon ,  à  tuile  ,  à  chaux  , 
&  d'étain  ;  elles  conviennent  allez  à  toutes  fortes  de 
terre.  On  les  mêle  avec  le  fumier,  pour  qu'il  s'en  per- 
de moins.  Quand  un  champ  eft  maigre,  il  eft  affez 
ordinaire  d'y  mettre  le  feu ,  &  de  l'engraiffer  des  cen- 
dres mêmes  des  mauvaiies  herbes  qu'il  produit,  fi 
elles  font  abondantes  :  on  le  laboure  auffi-tôt.  On  en 
ufe  de  même  quand  on  a  des  prés  ftériles  &  ufés;  ou 
bien  on  en  enlevé  la  furface  qu'on  tranfporte  par 
pièces  de  gafons  dans  d'autres  terres,  oii  on  les  brû- 
le. Voyei  Engrais  des  terres  &  Agriculture. 

CENDRE,  pluie  de  cendres,  (  Phyfique.')  Dans  les 
Tranfaclions  philofophiques  il  eft  fait  mention  d'une 
ondée  ou  pluie  de  cendres  dans  l'Archipel,  qui  dura 
plulîeurs  heures ,  &  qui  s'étendit  à  plus  de  cent  lieues. 
Foyei  Pluie.  Ce  phénomène  n'a  rien  de  furprenant, 
puilqu'il  eft  tres-pofîible  que  lorfqu'il  y  a  quelque 
part  un  grand  incendie,  ou  un  volcan,  le  vent  pouf- 
fe les  cendres ,  ou  peut-être  la  poufïiere  de  cet  endroit 
dans  un  autre ,  même  affez  éloigné.  (O) 

*  Cendre  de  cuivre,  (Métallurgie.)  c'eft  une  efpe- 
ce  de  vapeurs  de  grains  menus  que  le  cuivre  jette  en 
l'air  dans  l'opération  du  rafinage.  On  peut  recevoir 
cette  vapeur  en  retombant ,  en  paffant  une  pelle  de 
fer ,  à  un  pié  ou  environ  au-deffus  de  la  furface  du 
cuivre  qui  eft  alors  dans  un  état  de  fluidité  très-fub- 
tile.   Voye{  l'article  Cuivre. 

Cendres  gravelées  ,  (Chimie.)  elles  fe  font 
avec  de  la  lie  de  vin  ;  voici  fuivanj.  M.  Lenicry  la 


C  E  N 

façon  dont  on  s'y  prend.  Les  Vinaigriers  féparëht 
par  expreffran  la  partie  la  plus  liquide  de  la  lie  de 
vin  ,  dont  ils  le  lervent  pour  faire  le  vinaigre  ;  du 
marc  qui  leur  refle,  ils  forment  des  pains  ou  gâteaux 
qu'ils  font  lécher  ;  cette  lie  ainlî  léchée  le  nomme 
ou  gravelée  :  ils  la  brûlent  ou  calcinent  à  feu 
découvert  dans  des  creux  qu'ils  font  en  terre,  &c 
pour  lors  on  lui  donne  le  nom  de  cendres  gravclêcs. 
Pour  qu'elles  foient  bonnes  ,  elles  doivent  être  d'un 
blanc  verdâtre  ,  en  morceaux ,  avoir  été  nouvelle- 
ment faites  ,  &  être  d'un  goût  fort  acre  &c  fort  cauf- 
tique.  L'on  s'en  fert  dans  les  teintures  pour  prépa- 
rer les  laines  ou  les  étoffes  à  recevoir  la  couleur  qu'on 
veut  leur  donner.  Voye^  Teinture.  On  les  em- 
ployé aufli  à  caufe  de  leur  cauflicité  dans  la  compo- 
sition de  la  pierre  à  cautère ,  qui  le  fait  avec  une  par- 
tie de  chaux  vive  ,  6c  deux  parties  de  cendres  grave- 
lées.  foye{  Cautère. 

Suivant  M.  Lemery ,  la  cendre  grave/Je  contient  un 
fel  alkali  qui  relfemblc  fort  au  tartre  calciné  :  mais 
il  eft  chargé  de  plus  de  parties  terreflres  que  le  tar- 
tre ,  6c  ne  contient  point  autant  de  fel  volatil  que 
Lui  ;  ce  qui  ne  paroît  point  s'accorder  avec  ce  que 
le  même  auteur  dit  dans  un  autre  endroit,  que  le  fel 
qui  je  tin  des  cendres  gravelées ,  efl  beaucoup  plus  péné- 
trant que  r autre  tartre  ,  &  par  conféquent  plus  propre  à 
faire  des  caujliques. 

La  plupart  des  auteurs  s'accordent  à  dire  que  les 
cendres  gravelées  s'appellent  en  Latin  cineresclavellati  ; 
fur  quoi  l'on  a  cru  devoir  avertir  que  le  célèbre 
Stahî ,  &  généralement  tous  les  Chimiffes  Allemands, 
par  cineres  clavellati ,  ont  voulu  défigner  la  potaiTe  , 
qui  n'efl  point  de  la  lie  de  vin  brûlée  comme  les  cen- 
dres gravelées  que  Ton  vient  de  décrire  dans  cet  arti- 
cle. Il  efl  vrai  que  la  potaiTe  &  la  cendre  gravelée  ont 
beaucoup  de  propriétés  qui  leur  font  communes  ; 
l'une  6c  l'autre  contiennent  du  fel  alkali ,  &  peuvent 
s'employer  à  peu  de  chofe  près  aux  mêmes  ufages  ; 
mari  ces  raifons  ne  paroiflênt  point  furrifantes  pour 
autorilér  à  confondre  ces  deux  lubflances. 

Si  l'on  a  raifon  de  dhtinguer  la  cendre  gravelée ,  qui 
efl:  produite  par  l'uftion  de  la  lie  de  vin  ,  d'avec  le 
vrai  tartre  calciné  ;  doit-on  mettre  moins  de  diffé- 
rence entre  cette  même  lie  de  vin  brûlée  ,  6c  des 
cendres  d'arbres  telle  qu'efl  la  potafle  ?  Voye^  Po- 
TASSE.  Le  Mifcdlanea  chimica  Leydenfia  appelle  ci- 
neres clavellati,  les  cendres  de  farmens  de  vigne  brû- 
lés en  plein  air.  Autrefois  l'on  donnoit  airfli  ce  nom 
aux  cendres  de  barrils  ou  tonneaux  que  l'on  brûloit  : 
mais  comme  il  étoit  difficile  d'en  retirer  de  cette  ma- 
nière autant  que  l'on  en  a  voit  beloin  ,  on  a  préféré 
de  fe  fervir  de  la  potafle  que  l'on  pou  voit  avoir  en 
plus  grande  abondance.  (  — ) 

<■  :  ndre  Bleue.  Voyat  Bleu. 

Cendres  VERTES,  (Hift-  nat,  &  Minéralogie.} 
le  nom  de  cendres  a  été  donne  fort  improprement  à 
cette  fubfiance  ,  qui  efl  une  vraie  mine  de  cuivre, 
d'une  confiftance  terreufe  ,  dont  la  couleur  efl  d'un 
verd  tantôt  clair,  tantôt  fonce  ;  on  l'appelle  en  La- 
tin aru^o  nutivaterrea.  \cle  VERD  DE  MON- 
TAGN1  .  (  —  ) 

CENDRES  de  roquette  ,   (Chimie  &  Art  de  la  Ver- 
)  on  les  nomme  auffi  poudre  d:  roquetf; ,  cen- 
Sirie  ou  du   Le\  Feri  dit  dans  fon  Art  de 

.-■  ,  que  la  roquette  efl  la  cendre  d'une  plante 
qui  croît  abondamment  en  Egypte  &  en  Syrie  ,  fur- 
tout  près  des  bords  de  la  mer.  Cette  plante  n'eftau- 
fe  que  le  kali;  on  la  coupe  vers  le  milieu  de 
l'été  lorfqu'elle  efl  dans  ,'i  plus  grande  force  ;  on  la 
.  lier  au  foleil  ;  i  bes  que  l'on 

entafle  les  unes  fur  les  autres,  &  que  l'on  brûle  en- 
fuite  pour  en  avoir  le  i  dres  :  ce  font  ces  cendres 
que  l'on  nous  envoyé  du  Levant,  ce  furtoutde  s. 
Jean  d'Acre  ce  de  Tripoli  ;  les  Verriers  èv  les  Savon- 


C  E  N 


8i 


5 

niers  s'en  fervent  ;  elles  font  chargées  d'un  fel  très- 
acre  &  très-fixe  que  l'on  en  retire  par  la  méthode 
ordinaire  des  lefhves  &  des  cryftallifations ,  ou  en- 
en  faifant  évaporer  la  leflive  à  iïccité.  On  faifoit  au- 
trefois un  très-grand  cas  du  fel  rire  de  ces  cendres  ; 
foit  qu'on  lui  attribuât  plus  de  force  qu'à  d'autre ,  à 
caufe  du  climat  chaud  qui  le  produit,  foit  que  l'é- 
loignement  du  pays  d'où  l'on  tiroit  cette  marchan- 
dée contribuât  à  en  rehauflèr  le  prix  :  mais  Kunc- 
fcel  nous  avertit  dans  fes  notes  fur  l'Art  de  la  Verre- 
rie de  Neri ,  que  la  fonde ,  la  potafle  ,  ou  toutes  fortes 
de  cendres  fourniflent  un  fel  auffi  bon  pour  les  ufa- 
ges de  l'art  de  la  Verrerie ,  que  celui  que  l'on  peut 
tirer  de  la  roquette,  pourvu  que  ce  fel  air  été  con- 
venablement purifié  par  de  .  ,  folutions , 
évaporations  ,  &  calcinations.  (  —  ) 

*  Cendres,  (Hifl.  anc.)  refle  des  corps  morts 
brûlés ,  félon  l'ufàge  des  anciens ,  Grecs  &  Romains  : 
on  comprend  aifement  qu'ils  pouvoient  reconnoî- 
tre  les  oflemens  ;  mais  comment  leparoient-ils  les 
cendres  du  corps  d'avec  celles  du  bûcher?  Ils  avoient, 
dit  le  lavant  père  Montfaucon  ,  plufieurs  manières 
d'empêcher  qu'elles  ne  le  confondiffent  ;  l'une  def- 
quelles  étoit  d'envelopper  le  cadavre  dans  la  toile 
d'amiante  ou  lin  incombuflible  ,  que  les  Grecs  ap- 
pellent asbeflos.  On  découvrit  à  Rome  en  1701  dans 
une  vigne,  à  un  mille  de  la  porte  majeure,  une  gran- 
de urne  de  marbre  ,  dans  laquelle  étoit  une  toile  d'a- 
miante :  cette  toile  avoit  neuf  palmes  romains  de 
longueur  ,  ce  fept  palmes  de  largeur  ;  c'efl  environ 
cinq  pies  de  large,  fur  plus  de  f;x  &  demi  de  long. 
Elle  étoit  tiflue  comme  nos  toiles  ;  fes  fils  étoient 
gros  comme  ceux  de  la  toiie  de  chanvre 
ulée  6c  falle  comme  une  vieille  nappe  de  d  ; 

mais  plus  douce  à  manier  &  plus  pliable  qu'une  étoffe 
de  ioie.  On  trouva  dans  cette  toile,  des  oflemens , 
avec  un  crâne  à  demi-brûlé.  On  avoit  mis  fans  doute 
dans  cette  toile  le  corps  du  défunt,  aiin  que  les  cen- 
dres ne  s'écartalient  point ,  6c  ne  le  mêlaffent  pas 
avec  celles  du  bûcher,  d'où  on  les  retira  pour  les 
tranfportcr  dans  la  grande  tombe.  On  je:. 
dans  le  feu,  oit  elle  relia  long-tëms  fans 
ni  endommagée.  Le  père  Montfaucon  qui 
promettre  plufieurs  manières  e   les  cendres  du 

mort  de  celles  du  bûcher ,  n 
celle-ci.  On  rapportait  lésa  ù  mou* 

roient  au  loin  ,  dans  Ici:. 

d'enfermer  I.  mes  dans 

une  même  urne.  Vo  iLLES, 

Urne  ,  Tome 

CENDRÉ  ,  adj.  terme  qui 
reffemblent  à  de  -  cen   res,  fur  : 

couleur  &  à  la  confiflance  ;  :  :  corti- 

cale du  cerveau , 
/  \>\  .■-  (  .    itii     ;    i 
mie  fe  dit  de 
terie,  dans  les  en  :enterie  & 

CENDRÉE  ,  f.  f.  (Cl  .  )  c'efl  ainli 

que  Ton  nomme  la  cendre  que  IV  '. 

formation  des  «  n  en  diflir 

- 

les  effais  en  grand  ,  lorfqu'i 
une  grande  quantité  de  métal 

.   m  le  fert  de  ce 
prend  pas  la  peine  de  leffiver  ou 
tant  de  foin  que  pour  la  peti  : 

un  peu  de  briques  réduites  s  ■ 

enfuite  la  forme  dans  des  moules  de  terre, 
\u\  anneau  de  ter,   ou 
fourneau  à  raffine 

La  /-.  demande  beaucoup  plus  i 

paration  ,  l'on  prend  pour  cela  des 


8i6 


C  E  N 


fent  réfifter  au  feu  le  plus  violent  fans  fe  vitrifier  & 
fans  entrer  en  fufion  avec  les  matières  que  le  verre 
de  plomb  met  dans  cet  état  ;  l'on  n'a  rien  trouvé  qui 
répondit  mieux  à  ce  deffein ,  que  les  os  des  animaux 
calcinés  ;  les  meilleurs  font  ceux  de  veau  ,  de  mou- 
ton ,  de  bœuf,  &c  aufli-bien  que  les  arrêtes  des 
poiffons.  Avant  de  les  calciner  ,  il  eft  à  propos  de  les 
faire  bien  bouillir,  afin  d'en  féparer  toute  partie 
gratte  &  onftueufe  ;  on  les  calcine  enfuite  à  un  feu 
découvert  très-violent ,  ÔC  l'on  fait  durer  la  calcina- 
tion  pendant  plulieurs  heures  ,  en  prenant  garde 
qu'il  n'entre  ni  cendres  ni  charbons  dans  le  creufet 
où  font  les  os  que  l'on  veut  calciner.  La  marque  que 
l'opération  eft  bien  faite ,  c'eft  lorique  en  caflant  les 
os  ,  l'on  n'y  remarque  rien  de  noir.  Quand  ils  font  à 
ce  point ,  on  les  pde  dans  un  mortier ,  &  l'on  verfe 
par-deffus  de  l'eau  chaude  ;  on  a  foin  de  bien  remuer 
le  tout,  afin  que  l'eau  emporte  toutes  les  parties  iali- 
nes  qui  pourroient  s'y  trouver  ;  l'on  réitère  plufieurs 
fois  ces  édulcorations  ;  l'on  fait  enfuite  lécher  la 
poudre  qui  refte  ;  on  la  réduit  en  une  poudre  très- 
fine  ;  on  la  palfe  par  un  tamis  ferré  ;  on  la  rebroye 
de  nouveau  fur  un  porphyre ,  jufqu'à  ce  qu'elle  de- 
vienne impalpable.  M.  Cramer  préfère  aux  os  & 
aux  arrêtes  calcinés  une  elpece  de  lpath  particulier 
qui ,  lorfqu'on  l'a  calciné  dans  un  creulet  fermé , 
devient  mou  &  friable ,  Se  ne  demande  point  de  pré- 
paration ultérieure;  mais  toute  forte  de  ipath  n'eft 
point  propre  à  cet  ufage.  Celui  dont  M.  Cramer 
parle,  eft  fans  doute  l'ei'pece  de  fpath  que  M.  Pott 
appelle  alkalin  ,  pour  le  diftinguer  du  ipaihfujîble. 

Lorfqu'on  a  befoin  de  beaucoup  de  coupelles , 
l'on  a  recours  aux  cendres  des  végétaux  pour  taire 
la  cendrée  :  mais  de  peur  que  le  fel  dont  ces  cendres 
font  chargées  ne  faite  vitrifier  les  coupelles ,  l'on  a 
foin  de  les  préparer  de  la  manière  fuivante.  On  prend 
une  cendre  de  bois,  blanche,  légère,  &  tendre  ;  on 
la  paffe  par  un  tamis,  en  verfant  de  l'eau  par-deffus 
pour  en  féparer  la  pouiîiere  de  charbon  qui  pourroit 
y  être  mêlée  ;  fur  la  cendre  qui  a  pailé ,  Ton  verfe  de 
l'eau  chaude  ,  on  remue  la  cendre  avec  un  bâton  ; 
on  lui  donne  un  peu  de  tems  pour  retomber  au  fond , 
&  l'on  décante  cette  première  eau ,  qui  eft  toujours 
trouble  ;  on  reverfe  de  nouvelle  eau  chaude  fur  la 
cendre ,  que  l'on  décante  encore  après  avoir  remué 
&  laiffé  retomber  la  cendre  ;  on  continue  la  même 
chofe  jufqu'à  ce  que  l'eau  ne  contracte  plus  ni  cou- 
leur ni  goût.  Quand  les  chofes  en  lont  à  ce  point , 
l'on  verfe  de  nouvelle  eau  fur  les  cendres ,  on  la  re- 
mue, &  l'on  décante  l'eau  toute  trouble,  en  don- 
nant cependant  le  tems  au  fable  &  aux  parties  ter- 
reftres  qui  y  font  mêlées  de  retomber  au  fond  :  l'on 
fait  la  même  choie  tant  qu'il  refte  des  cendres  dans 
le  vaiffeau  où  s'eft  faite  l'édulcoration.  Quand  toute 
la  cendre  fera  parlée  ,  on  la  laiflera  repofer  &  tom- 
ber au  fond  du  nouveau  vaiiTeau  où  on  l'aura  mile  ; 
l'on  en  décante  l'eau ,  &  la  cendre  qui  reliera  lera 
dégagée  de  tout  fel  &  de  toute  partie  graflé ,  &  in- 
variable au  feu.  Pour  la  rendre  encore  meilleure  , 
l'on  en  formera  des  boules  que  l'on  fera  calciner  au 
fourneau  ;  on  la  lave  enfuite  de  nouveau ,  &  pour 
lors  elle  devient  d'une  blancheur  égale  à  celle  des 
os  calcinés.  L'on  mêle  cette  cendre,  ainii  préparée, 
avec  les  os  calcinés ,  pour  en  faire  les  coupelles.  V, 
l'article  COUPELLE.   {—) 

CENDRÉE,  en  terme  de  Fondeur  de  petit  plomb  ,  eft 
la  plus  petite  efpece  de  plomb  qui  ié  faffe ,  c'eft  pour 
cela  qu'on  n'en  fait  qu'à  l'eau.  Voye^  à  l'art.  Plomb  , 
fonte  de  petit  plomb. 

CENDRIER,  f.  m.  {Chimie  &  Métallurgie.)  l'on 
nomme  ainfi  l'endroit  d'un  fourneau  ,  qui  eft  immé- 
diatement fous  le  foyer,  dont  il  n'eft  iéparé  que  par 
une  grille.  Il  eft  deftiné  à  recevoir  les  cendres  qui  en 
tombent  ;  il  a  une  ouverture  qui  communique  à  l'in- 


C  E  N 

teneur,  faite  non-feulement  pour  retirer  les  cendre?, 
mais  encore  pour  que  l'air  extérieur  paille  y  entrer 
&  faire  aller  le  feu  lorique  cela  eft  néceffaire  ;  cette 
ouverture  eft  garnie  d'une  porte ,  qui  fe  ferme  lorf- 
que  l'air  ne  doit  point  y  être  admis.  La  grandeur  & 
les  diiférentes  dimenlions  du  cendrier  varient  à  pro- 
portion de  la  grandeur  du  fourneau,  ou  plutôt  à  pro- 
portion de  la  quantité  de  cendres  que  donne  la  ma- 
tière dont  le  feu  eft  compofé.  (— ) 

*  CENDRURES ,  f.  f.  pi.  mauvaife  qualité  de  l'a- 
cier, voye-r  l'article  Acier;  elle  confifte  dans  de  pe- 
tites veines  ,  qui  ,  quand  elles  fe  trouvent  au  tran- 
chant d'un  inftrument ,  ne  lui  permettent  pas  d'être 
fin ,  mais  le  mettent  en  groffe  feie.  Voye^  Veine. 

CÈNE,  f.  f.  {Hijl.  eccléf.)  cérémonie  ufitée  dans 
l'églife  pour  renouveller  &  perpétuer  le  fouvenir  de 
celle  où  Jefus-Chrift  inftitua  le  facrement  adorable 
de  l'Euchariftie.  C'eft  une  grande  queftion  parmi  les 
théologiens,  de  favoir  fi  dans  cette  dernière  ce'neje- 
fus-Chrift  célébra  la  pâque  ;  fur  cela  les  fentimens 
font  partagés:  nous  renvoyons  à  l'artide Pâques  la 
décifion  de  cette  célèbre  difpute  ;  nous  y  difeuterons 
les  divers  fentimens  des  théologiens  ;  tk  nous  prou- 
verons, conformément  à  l'Ecriture,  que  Jefus-Chrift 
a ,  fuivant  la  loi  de  Moyiè ,  célébré  la  pâque  la  der- 
nière année  de  fa  vie.  Voye^  Pasque. 

CENEDA,  {Géog.)  ville  d'Italie  ,  dans  l'état  de 
la  république  de  Veniiè  ,  dans  la  Marche  Trévifane. 
Long.  2<).  60.  lat.  4.6. 

CENEUS ,  {Myth.)  furnom  de  Jupiter  ;  il  fut  ainfi 
appelle  du  temple  qu'Hercule  lui  éleva  dans  l'Eubée, 
fur  le  promontoire  de  Cenie ,  après  avoir  ravagé 
l'Œxhalie. 

CENIS  (le  mont)  ,  Géog.  montagne  la  plus 
haute  des  Alpes ,  fur  la  route  de  France  en  Italie. 

Cents,  {Géog.)  rivière  de  l'Amérique  lèptentrio- 
nale ,  dans  la  Loùiiîane  ,  qui  fe  jette  dans  le  golfe  de 
Mexique. 

Cents  {les)  ,  peuple  fauvage  de  l'Amérique  fep- 
tentrionale  ,  dans  la  Loùiiîane  ,  vers  la  iburce  de  la 
rivière  de  Cenis. 

CENOBITE  ,  f.  m.  {Hijl.  eccléf.)  religieux  qui  vit 
dans  un  couvent  ou  en  communauté  ious  une  cer- 
taine règle  ,  différent  en  cela  de  l'hermite  ou  ana- 
chorète, qui  vit  dans  la  folitude.  Voyr^  Hermite 
&  Anachorète. 

Ce  mot  vient  du  Grec  nonoç  ,  communis  ,  8c@oiç, 
vita ,  vie. 

Caflien  prétend  que  le  couvent  eft  différent  du 
monaftere ,  en  ce  que  ce  dernier  eft  l'habitation  d'un 
feul  religieux  ;  au  lieu  que  couvent  ne  ié  peut  dire 
que  de  plufieurs  religieux  qui  habitent  enièmble  & 
qui  vivent  en  communauté  :  mais  on  confond  affez 
ces  deux  mots.  Voyei  Couvent  &  Monastère. 

L'abbé  Piammon  parle  de  trois  différentes  fortes 
de  moines  qui  fe  trouvoient  en  Egypte  :  les  Céno- 
bites,  qui  vivoient  en  communauté  ;  les  Anachorètes , 
qui  vivoient  dans  la  folitude  ;  &  les  Sarabaites ,  qui 
n'étoient  que  de  faux  moines  &  des  coureurs.  Voye^ 
Anachorète. 

Il  rapporte  au  tems  des  apôtres  l'inftitution  des 
Cénobites ,  comme  un  refte  ou  une  imitation  de  la  vie 
commune  des  premiers  fidèles  de  Jéruialem  :  S.  Pa- 
come  paffe  cependant  pour  l'inftituteur  de  la  vie 
cénobitique ,  parce  que  c'eft  le  premier  qui  forma  des 
communautés  réglées,  Foye^  Règle  &  Moine. 

Dans  le  code  Théodoiien,  Lib.  XI.  tit.  xxx.  de. 
Appellat.  leg.  5j '.  les  Cénobites  font  appelles  fynoditœ? 
terme  qui  lignifie  proprement  des  hommes  vivans  en 
communauté  ,  &  non  les  domeftiques  des  moines  , 
comme  l'ont  imaginé  fauffement  quelques  gloffa- 
teurs.  Bingham  ,  orig.  eccléf.  tom.  III.  lib.  Fil.  c.  ij. 
§■3-  (G) 

CENOMANS ,  f.  m.  pi.  {Géog.  &  Hift.  une.)  peu- 
ples 


C  E  N 

pics  de  la  Gaule  Septicjue ,  qui  habitoient  le  Maine , 
&  dont  il  paffa  en  Italie  une  colonie  qui  conferva 
le  même  nom. 

CENOTAPHE  ,  f.  m.  tombeau  vuide  ou  monu- 
ment qui  ne  contient  point  de  corps  ni  d'ofiemens  , 
&  dreffé  feulement  pour  honorer  la  mémoire  de  quel- 
que mort.  Foye{  Tombeau  &  Monument. 

Ce  mot  ell  formé  du  Grec  nwot ,  vuide ,  &c  to.çoç  , 
■tombeau.  (G  ) 

CENS  ,  cenfus,  f.  m.  (Hifl.  anc.  &  mod.')  parmi  les 
Romains  c'étoit  une  déclaration  authentique  que  les 
citoyens  faifoient  de  leurs  noms ,  biens ,  réfidence  , 
&c  pardevant  des  magistrats  prépofés  pour  les  en- 
regiftrer,  &  qu'on  nommoit  à  Rome  cenfeurs,  &  cen- 
seurs dans  les  provinces  &C  les  colonies. 

Cette  déclaration  étoit  accompagnée  d'une  énu- 
mération  par  écrit  de  tous  les  biens  ,  terres,  hérita- 
ges qu'on  poffédoit ,  de  leur  étendue ,  iituation ,  quan- 
tité, qualité,  des  femmes,  enfans,  métayers,  domef- 
îiques  ,  beftiaux  ,  efclavcs  ,  &c.  qui  s'y  trouvoient. 
Par  un  dénombrement  fi  exa£t ,  l'état  pouvoit  con- 
noître  aifément  fes  forces  &  fes  reffources. 

Ce  fut  dans  cette  vue  que  le  roi  Servius  inftitua  le 
cens ,  qui  fe  perpétua  lous  le  gouvernement  républi- 
cain. On  le  renouvelloit  tous  les  cinq  ans  ,  &  il  em- 
braffoit  tous  les  ordres  de  l'état  fous  des  noms  dirïé- 
rens.  Celui  du  iénat  lous  le  titre  de  leaio  ou  recollec- 
tio  ;  celui  des  chevaliers  qu'on«appelloit  recenfo  &  re- 
cognicio  ,•  à  celui  du  peuple  demeura  le  nom  de  cen- 
fus ou  de  lujlrum  ,  parce  qu'on  terminoit  ce  dénom- 
brement par  un.  iacrifice  nommé  lujlrum ,  d'où  la 
révolution  de  cinq  ans  fut  aurîi  appellée  lu/Ire. 

De-là  le  mot  de  cenfus  a  été  auffi  en  ufage  pour 
marquer  une  perfonne  qui  avoit  fait  fa  déclaration 
aux  cenfeurs ,  par  oppofition  à  incenfus ,  c'eft  à-dire 
un  citoyen  qui  n'a  fait  enregistrer  ni  fon  nom  ni  fes 
biens.  Dans  la  loi  Voconia ,  cenfus  fignifîe  un  homme 
dont  les  biens  font  portés  fur  le  registre  des  cenfeurs 
jufqu'à  la  valeur  de  cent  mille  i'eiterces.  (G7) 

Quoique  dans  la  démocratie,  dit  l'illuflre  auteur 
de  YEj'prit  des  Lois,  l'égalité  foit  l'ame  de  l'état ,  ce- 
pendant comme  il  eSt  prefqu'impoSîible  de  l'établir  , 
il  fuffit  qu'on  établifTe  un  cens  qui  réduiie  ou  fixe  les 
différences  à  un  certain  point  ;  après  quoi  c'eft  à  des 
lois  particulières  à  tempérer  cette  inégalité,  en  char- 
geant les  riches  &  Soulageant  les  pauvres. 

Le  même  auteur  prouve ,  tiv.  XXX.  ch.  xv.  qu'il 
n'y  a  jamais  eu  de  cens  général  dans  l'ancienne  mo- 
narchie Françoife,  &  que  ce  qu'on  appelloit  cens , 
étoit  un  droit  particulier  levé  fur  les  ferfs  par  les 
maîtres.  (O  ) 

Cens  ,  f.  m.  (Jurifp.  )  eft  une  rente  foncière  due 
en  argent  ou  en  grain  ,  ou  en  autre  choie ,  par  un  hé- 
ritage tenu  en  roture  au  feigneur  du  lie!  dont  il  re- 
levé. C'eft  un  hommage  &  une  reconnoilî'ance  de  la 
propriété  directe  du  feigneur.  Le  cens  elt  impreferip- 
lible  &  non  rachetable  ;  feulement  on  en  peut  pref- 
crire  la  quotité  ou  les  arrérages  par  30  ou  40  ans. 

Le  cens  ,  dans  les  premiers  tems ,  égaloit  prefque 
la  valeur  des  fruits  de  l'héritage  donné  à  cens,  com- 
me font  aujourd'hui  nos  rentes  foncières  ;  de  forte 
que  les  ceniitaires  n'étoient  guère  que  les  fermiers 
perpétuels  des  feigneurs ,  dont  les  revenus  les  plus 
confidérables  conliltoient  dans  leurs  cenuves.  <■  c  oui 
en  tait  à  prêtent  la  modicité  ,  c'clt  l'altération  des 
monnoics ,  qui  lors  de  l'étabuflement  des  cenûves 
étoient  d'une  valeur  toute  autre. 

Le  cens  cilla  première  redevance  qui  ell  impofée 
par  le  feigneur  direct,  dans  la  conccllion  qu'il  lait  de 
ion  héritage.  Toutes  les  autres  charges  impofées  de- 
puis n'ont  pas  le  privilège  du  cens. 

Le  cens  reçoit  diverles  dénominations  ,  comme  de 
champart,  terrage,  agrier,  avenage ,  carpot ,  com- 
plant,  èv  autres;  droits  qui  tous  ,  quelque  nom  qu'ils 
Tome  II. 


C  E  N 


817 


portent,  entraînent  avec  eux  celui  de  Iods  &  ventes, 
s'ils  ont  été  impofés  lors  de  la  première  concefîîon , 
&  qu'il  n'y  ait  point  d'autre  charge  impofée  fpéciale- 
ment  à  titre  de  cens. 

La  plupart  des  coutumes  prononcent  une  amende 
faute  de  payement  du  cens ,  au  jour  &  lieu  qu'il  efl 
dû ,  fans  préjudice  de  la  faiiîe  que  le  feigneur  peut 
faire  des  fruits  pendans  fur  l'héritage  redevable  du 
cens  ,  qu'on  appelle  arrêt  ou  brandon.  Voye{  Arrêt 
&  Brandon. 

Les  héritages  fîtués  dans  la  ville  &  banlieue  de 
Paris  font  exempts  de  cette  amende  :  mais  le  fei- 
gneur, faute  de  payement  du  cens,  peut  procéder 
iiir  les  meubles ,  étant  en  iceux  par  voie  de  faifie^. 
gageric,  pour  trois  années  ou  moins;  car  s'il  a  laifl'é 
amaffer  plus  de  trois  années  ,  il  n'a  que  la  voie  or- 
dinaire de  l'action.  Voye^  Gagerie.  (#  ) 

CENSAL  ,  f.  m.  {Commerce.*)  terme  en  ufage  fur 
les  côtes  de  Provence  &  dans  les  échelles  du  Levant. 
Il  fignifîe  la  même  choie  que  courtier.  V.  Courtier. 
Les  marchands  &  négocians  payent  ordinairement 
un  demi  pour  cent  au  cenfal  pour  fon  droit  de  cenfe- 
rie  ou  de  courtage.  Voyc{  Courtage. 

La  plupart  des  cenfals  du  Levant ,  mais  particuliè- 
rement ceux  qui  font  la  cenferie  ou  courtage  au  grand 
Caire ,  font  Arabes  de  nation.  Dans  les  négociations 
qui  fe  font  entre  les  marchands  Européens  &  ceux 
du  pays ,  ou  pour  l'achat  ou  la  vente  des  marchan- 
difes  ,  tout  fe  palTe  en  mines  &  en  grimaces  ;  &  c'eft 
fur-tout  une  comédie  quand  le  cenfal  veut  obliger  le 
marchand  Européen  de  payer  la  marchandée  de  fon 
compatriote  à  fon  premier  mot,  ou  du  moins  de  n'en 
guère  rabattre. 

Lorfque  l'Européen  a  fait  fon  offre ,  toujours  au- 
deffous  de  ce  que  le  vendeur  en  demande  ,  le  cenfal 
Arabe  fait  Semblant  defe  mettre  en  colère,  hurle  & 
crie  comme  un  furieux ,  s'avance  comme  pour  étran- 
gler le  marchand  étranger ,  fans  pourtant  lui  toucher. 
Si  cette  première  kene  ne  réunît  pas ,  il  s'en  prend 
à  lui-même  ,  déchire  fes  habits ,  fe  frappe  la  poitrine 
à  grands  coups  de  poing ,  fe  roule  à  terre ,  &  crie 
comme  un  delelperé  ,  qu'on  infulte  un  marchand 
d'honneur  ,  que  la  marchandife  n'a  point  été  volée 
pour  en  mefotfrir  lî  extraordinairement.  Enfin  le  né- 
gociant d'Europe  accoutumé  à  cette  burlefquc  négo- 
ciation ,  reliant  tranquile  &  n'offrant  rien  de  plus ,  le 
cenfal  reprend  aufîi  fa  tranquillité,  lui  tend  la  main , 
&  l'embraftc  étroitement  en  ligne  de  marché  conclu, 
&  finit  la  pièce  par  ces  mots  halla  quebar,  halla  quebir, 
Dieu  ell  grand  &  très-grand ,  qu'il  prononce  avec  au- 
tant de  fens-froid  qu'il  a  marqué  auparavant  de  vé- 
hémence &  d'agitation.  Diclionn.  du  Cornm.  (£) 

CENSE  ,  f.  f.  (Juri/prud.  )  cil  une  petite  métairie 
qu'on  donne  à  ferme, &  quelquefois  à  rente  ;  ce  qui 
s'appelle  àcenfer  une  métairie.  (  H) 

CENSERIE,  f.  f.  (  Commerce.  )  fe  dit  de  tout  ce 
qui  fignifîe  courtage  ,  &  quelquefois  de  la  profefïîon 
même  du  cenfal  ,  &  du  droit  qui  lui  ell  du.  Poyeç 
Censal  6-  Courtage.  (G7) 

CENSEUR,  f.  m.  (  Hift.  anc.  )  l'un  des  premiers 
magiflrats  de  l'ancienne  Rome  ,  qui  étoit  charge  de 
faire  le  dénombrement  du  peuple  ,  6v  la  répartitioa 
des  taxes  pour«lgque  citoyen.  Ses  fonctions  avoient 
encore  pour  ofjlfc  la  police  ,  &  la  réformation  des 
mœurs  dans  tous  les  ordres  de  la  république. 

Le  nom  de  cenfeuryient  de  cenfere,  eftimer  ,  éva- 
luer ,  parce  que  cet  officier  évaluoit  les  biens  de  cha- 
cun ,  enregiftroit  leurs  noms ,  &  diftribuoit  le  peu- 
ple par  centuries.  Selon  quelques  auteurs,  ce  terme 
ell  dérivé  de  l'infpecHon  que  les  cenfeurs  avoient  fui 
les  mœurs  &  fur  la  police. 

Il  y  avoit  à  Rome  deux  cenfeurs.  Les  premiers  fu- 
rent créés  en  3  1 1  ,  c'étoient  Papirius  &  Sempronius. 
Le  fénat  oui  voyoit  que  les  ionJuls  étoient  alTez  oc- 
1  LL111 


8i8 


C  E  N 


cupés  du  militaire ,  &  des  affaires  du  dehors ,  imagi- 
na cette  nouvelle  dignité  pour  veiller  à  celles  du  de- 
dans ,  &  tira  de  fon  corps  ceux  qui  en  furent  revê- 
tus :  mais  depuis  que  les  plébéiens  eurent  été  admis 
au  confulat ,  ils  afpirerent  auffi  à  la  cenfure ,  &  par- 
vinrent au  moins  à  faire  remplir  une  des  deux  pla- 
ces de  ccnfeur  par  un  fujet  tiré  du  corps  du  peuple. 
Il  y  eut  fur  cela  une  loi  de  portée  en  414 ,  &  elle  fut 
en  vigueur  jufqu'en  622 ,  qu'on  nomma  deux  cenfeurs 
plébéiens  ;  ils  partagèrent  toujours  cette  charge  avec 
les  patriciens ,  jufqu'au  tems  des  empereurs  ,  qui  la 
réunirent  en  leur  perfonne. 

L'autorité  des  cenfeurs  étoit  fort  étendue ,  puifqu'ils 
avoient  droit  de  reprendre  les  citoyens  les  plus  éle- 
vés en  dignité  ;  auffi  cette  charge  ne  s'obtenoit-elle 
qu'après  qu'on  avoit  paffé  par  toutes  les  autres.  On 
trouva  étrange  que  Crafrus  en  eût  été  pourvu  avant 
que  d'avoir  été  ni  coniul  ni  préteur.  L'exercice  de 
la  cenfure  duroit  d'abord  cinq  ans  :  mais  cet  ulage  ne 
dura  que  neuf  ans  ;  le  dictateur  Marnerais  ayant  por- 
té ,  l'an  de  Rome  420  ,  une  loi  qui  réduifit  le  tems  de 
la  cenfure  à  dix-huit  mois  i  ce  qui  fut  dans  la  fuite 
obfervé  à  la  rigueur. 

Outre  les  fonctions  des  cenfeurs ,  dont  on  a  déjà 
parlé ,  ils  étoient  fpécialement  chargés  de  la  fur-in- 
tendance des  tributs  ,  de  la  défenfe  des  temples  ,  du 
foin  des  édifices  publics  ,  de  réprimer  le  libertinage, 
&  de  veiller  à  la  bonne  éducation  de  la  jeuneffe.  Si 
quelque  fénateur  déshonorait  par  fes  débauches  l'é- 
clat de  cet  illuftre  corps  ,  ils  avoient  droit  de  l'en 
chaffer  ;  &  l'hiitoire  fournit  des  exemples  de  cette 
févérité.  Ils  ôtoient  aux  chevaliers  leur  cheval ,  & 
la  penfion  que  leur  faiibit  l'état ,  s'ils  ié  comportaient 
d'une  manière  indigne  de  leur  rang  ;  &  quant  au  me- 
nu peuple  ,  ils  en  faifoient  defcendre  les  membres 
d'une  tribu  diftinguée  dans  une  plus  baffe  ,  les  pri- 
voient  du  droit  de  fuffrage  ,  ou  les  condamnoient  à 
des  taxes  &  des  amendes. 

Cette  autorité  n'étoit  pourtant  pas  fans  bornes,puif- 
que  les  cenfeurs  eux-mêmes  étoient  obligés  de  rendre 
compte  de  leur  conduite  aux  tribuns  du  peuple  ,  & 
aux  grands  édiles.  Un  tribun  fit  mettre  en  prifon  les 
deux  cenfeufs  M.  Furius  Philus,  &  M.  Attilius  Regu- 
lus.  Enfin  ,  ils  ne  pouvoient  pas  dégrader  un  citoyen 
fans  avoir  préalablement  expofé  leurs  motifs ,  &  c'é- 
toit  au  fénat  &  au  peuple  à  décider  de  leur  vali- 
dité. (G) 

A  Lacédémone ,  dit  l 'illuftre  auteur  de  FEfprît  des 
Lois  ,  tous  les  vieillards  étoient  cenfeurs.  Le  même 
auteur  obferve  que  ces  magiftrats  font  plus  néceffai- 
res  dans  les  républiques ,  que  dans  les  monarchies 
&  dans  les  états  defpotiques.  La  raifon  en  eft  facile 
à  appercevoir. 

La  corruption  des  mœurs  détruifûla  cenfure  chez 
les  Romains  ;  cependant  Céfar  &  Augufle  voyant 
que  les  citoyens  ne  fe  marioient  pas  ,  rétablirent  les 
cenfeurs  qui  avoient  l'œil  fur  les  mariages.  (0  ) 

Censeurs  de  livres ,  (  Littérature.  )  nom  que  l'on 
donne  aux  gens  de  lettres  chargés  du  foin  d'exami- 
ner les  livres  qui  s'impriment.  Ce  nom  eft  emprunté 
des  cenfeurs  de  l'ancienne  Rome  ,  dont  une  des  fonc- 
tions étoit  de  réformer  la  police  &  les  mœurs. 

Ces  cenfeurs  ont  été  établis  clans  les  différens  états 
pour  examiner  les  ouvrages  littéraires  ;  &  porter  leur 
jugement  fur  les  livres  qu'on  fe  propofe  d'imprimer , 
afin  que  rien  ne  foit  rendu  public ,  qui  puiflé  féduire 
les  elprits  par  une  fauffe  doftrine  ,  ou  corrompre  les 
mœurs  par  des  maximes  dangereufes.  Le  droit  de  ju- 
ger des  livres  concernant  la  religion  ,  &  la  police 
eccléfiaftique  ,  a  toujours  été.  attaché  en  France  à 
l'autorité  épifcopale  :  mais  depuis  l'établilTement  de 
la  faculté  de  Théologie ,  il  femble  que  les  évêques 
ayent  bien  voulu  fe  décharger  de  ce  foin  fur  les  doc- 
teurs ,  fans  néanmoins  rien  diminuer  de  leur  autorité 


C  E  N 

fur  ce  point.  Ce  droit  de  juger  des  livres  concernant 
la  foi ,  &  l'Ecriture  fainte  ,  a  été  pluiieurs  fois  con- 
firmé à  la  faculté  de  Théologie  ,  par  arrêt  du  parle- 
ment de  Paris  ,  &  fingulierement  à  Poccaiion  deshé- 
réfies  de  Luther  &  de  Calvin  ,  qui  produifirent  une 
quantité  prodigieufe  de  livres  contraires  à  la  religion 
Catholique.  Ce  jugement  devoit  être  porté,  non  par 
quelques  docteurs  en  particulier ,  mais  par  la  faculté 
affemblé.e.  L'ufage  étoit  de  préfenter  à  la  faculté  ce 
qu'on  vouloit  rendre  public  ;  elle  nommoit  deux  doc- 
teurs pour  l'examiner  ;  &  fur  le  rapport  qu'ils  en  fai- 
foient dans  une  afiémblée  ,  la  faculté  ,  après  un  mûr 
examen  des  raiions  pour  ou  contre  ,  donnoit  fon  ap- 
probation à  l'ouvrage  ,  ou  le  rejettoit.  Les  prélats 
même  n'étoient  point  diipenfés  de  foùmettre  leurs 
ouvrages  à  l'examen  de  la  faculté  de  Théologie ,  qui, 
en  1^34,  réfuta  ion  approbation  au  commentaire  du 
cardinal  Sadoiet ,  évèque  de  Carpentras  ,  furi'épitre 
de  faint  Paul  aux  Romains,  &  qui,  en  1542  ,  cen- 
fura  le  bréviaire  du  cardinal  Sanguin ,  évéque  d'Or- 
léans. Le  parlement  de  Paris  ,  toujours  attentii  à  la 
confervation  de  la  religion  Catholique  dans  toute  fa 
pureté  ,  autorifa  ,  par  arrêt  de  la  même  année  1  542, 
la  faculté  de  Théologie  à  examiner  les  livres  qui  ve- 
ndent des  pays  étrangers  ;  cet  arrêt  fut  occalionné 
par  le  livre  de  X  lnfitution  chrétynne  ,  que  Calvin 
avoit  fait  imprimer  à  Baie. 

Les  livres  s'étant  confidérablement  multipliés  au 
commencement  de  l'année  1600  ,  le  nombre  des  doc- 
teurs chargé  de  les  examiner  fut  augmenté  ;  il  en  ré- 
fulta  différens  abus  ,  ces  docteurs  fe  difpenferent  du 
rapport  qu'ils  étoient  obligés  de  faire  à  la  faculté  af- 
femblée  ,  &  approuvèrent  des  livres  qu'elle  trouva 
repréhenfibles.  Pour  remédier  à  cette  elpece  de  de- 
fordre  ,  la  faculté  publia  un  décret  par  lequel  elle 
défendit  à  tous  doûeurs  de  donner  inconfidérément 
leur  approbation  ,  fous  peine  de  perdre  pendant  iix 
mois  l'honoraire  &  les  privilèges  attachés  au  doc- 
torat ,  &  pendant  quatre  ans  le  droit  d'approuver  les 
livres  :  elle  fit  encore  plufieurs  autres  reglemens  , 
mais  qui  ne  firent  qu'aigrir  les  efprits.  Enfin  en  1623 
l'harmonie  ceffa  tout-à-fait  dans  la  faculté  à  l'occa- 
fion  d'une  queftion  de  Théologie  ,  qui  partagea  tous 
les  docteurs  ;  il  s'agiffoit  de  décider  fi  l'autorité  du 
pape  eft  fupérieure  ou  inférieure  à  celle  des  conci- 
les. Chacun  prit  parti  dans  cette  affaire ,  chacun  écri- 
vit pour  foûtenir  fon  opinion  ;  le  docteur  Duval  , 
chef  de  l'un  des  deux  partis  ,  craignant  de  fe  voir 
accabler  par  les  écrits  multipliés  de  fes  adverfaires  , 
obtint  du  roi  des  lettres  patentes  ,  en  1624,  qui  lui 
attribuèrent ,  &  à  trois  de  fes  confrères  ,  à  l'exclu- 
fion  de  tous  autres ,  le  droit  d'approuver  les  livres  , 
avec  une  penfion  de  2000  livres  à  partager  entr'eux. 
Ces  lettres  de  création  chagrinèrent  la  faculté  ,  qui 
fe  voyoit  dépouiller  d'un  droit  qu'elle  croyoit  devoir 
lui  appartenir  toujours.  La  penfion  d'ailleurs  accor- 
dée aux  quatre  nouveaux  cenfeurs  ,  lui  parut  desho- 
norante pour  des  gens  confacrés  par  état  au  main- 
tien de  la  faine  doctrine.  Elle  fit  remontrances  fur 
remontrances  ,  &  ne  ceffa  de  demander  avec  inltan- 
ce  la  révocation  de  ces  lettres  :  mais  elle  ne  put  l'ob- 
tenir ;  le  roi  au  contraire  les  confirma  par  de  nou- 
velles, dans  lefquelles  il  étoit  dit  que  par  la  fuite  ces 
quatre  cenfeurs  créés  par  lettres  patentes ,  feroient 
pris  dans  la  maifon  de  Sorbone  ,  &  élus  à  la  plura- 
lité des  voix  dans  une  afiémblée  à  laquelle  feroient 
appelles  deux  docteurs  de  la  maifon  de  Navarre.  Cet- 
te efpece  d'adouciffement  ne  fatisfit  pas  encore  la  fa- 
culté ;  elle  continua  ,  mais  inutilement ,  les  follicita- 
tions.  La  difeorde  régna  plus  que  jamais  parmi  les 
docteurs  ,  &  pendant  plus  de  trois  ans ,  les  nouveaux 
ci  ■■  eurs  eifuyerent  tant  de  defagrémens  de  la  part  de 
,  que  Duval ,  en  1626  ,  prit  enfin  le 
parti  de  fe  démettre  en  pleine  affemblée  de  fes  fonc- 


C  E  N 

tions  de  cenfeur.  On  ne  fait  pas  bien  positivement  fi 
après  cette  démiffion  de  Duval ,  les  lettres  patentes 
gui  avoient  été  données  fingulierement  en  fa  faveur, 
furent  fupprimées  ou  non  :  mais  il  paroît  par  diffé- 
rens  décrets  des  années  i6z8  ,  163  i  &  1641 ,  que  !a 
faculté  recommença  ,  comme  par  le  pafic ,  à  charger 
des  docleurs  de  l'examen  des  livres  ,  &c  qu'elle  prit 
les  précautions  les  plus  fages  pour  empêcher  les  ap- 
probations inconlidérées.  Son  honneur  &  fes  inté- 
rêts le  demandoient  :  cependant  tous  fes  foins  furent 
inutiles  ;  il  s'éleva  dans  l'Eglife  des  difputes  fur  la 
grâce  ,  qui  donnèrent  naiffance  à  une  prodigieufe 
quantité  d'écrits  de  part  &  d'autre  :  chacune  des 
deux  partis  fit  approuver  fes  livres  par  les  doc- 
teurs qui  lui  éfoient  favorables  ,  &  ces  docteurs 
donnèrent  leurs  approbations  fans  avoir  été  commis 
par  la  faculté.  Ces  irrégularités  durèrent  jufqu'en 
1653.  Pour  y  mettre  fin,  M.  le  chancelier  Seguier  fe 
détermina  à  ôter  encore  une  fois  à  la  faculté  le  droit 
d'approuver  les  livres  ;  il  créa  quatre  nouveaux  cen- 
feurs  ,  mais  fans  lettres  patentes  ,  &  fans  autre  titre 
que  la  feule  volonté  du  roi ,  avec  chacun  600  livres 
de  penlîon.  Depuis  ce  teins ,  le  nombre  des  cenfeurs 
a  été  confidérablement  augmenté  ;  il  v  en  a  pour  les 
différentes  matières  que  l'on  peut  traiter  :  le  droit  de 
les  nommer  appartient  à  M.  le  chancelier ,  à  qui  ils 
rendent  compte  des  livres  dont  il  leur  confie  l'exa- 
men ,  Se  fur  leur  approbation  efi  accordé  le  privilè- 
ge de  les  imprimer.  Il  arrive  quelquefois  que  le  grand 
nombre  de  livres  qu'ils  font  chargés  d'examiner ,  ou 
d'autres  raifons ,  les  mettent  dans  la  defagréable  né- 
ceffité  de  réduire  les  auteurs  ou  les  libraires  qui  at- 
tendent leur  jugement,  à  l'état  de  ces  pauvres  âmes 
errantes  fur  les  bords  du  Styx  ,  qui  prioient  long- 
tems  Caron  de  les  paffer. 

Stabant  orantes  primi  tranfmittcre  curfum  , 
Tendebantque  manus  ripœ  ulterioris  amorc. 
Navita  fed  triflis  mine  hos  mine  accipit  ïllos : 
Afl  alïos  longe  fummotos  areet  arena. 

CENSIER  ,  f.  m.  (  Jurifprud.  )  fe  dit  d'un  feigneur 
qui  a  droit  de  cens  fur  les  héritages  tenus  en  roture 
dans  retendue  de  fa  feigneurie.  Voye^  Cens,  Cen- 
sitaire ,  Censive. 

Censier  ,  eft  auffi  quelquefois  fynonyme  à  eenfi- 
taire; ainfi  on  dit  en  ce  fens,  il  eflle  cenfier  d'un  tel 
feigneur.  (  //) 

CENSITAIRE,  f.  m.  (  Jurifprud.  )  eft  un  vaffal  qui 
poffede  en  roture  un  ou  plufieurs  héritages  dans  l'é- 
tendue de  la  cenfive  d'un  feigneur,  à  la  charge  du 
cens.  Voye^  Cens. 

Dans  les  commencemens  de  l'établifTemcnt  des  cen- 
fives ,  il  n'étoit  pas  permis  au  eenfitaire  de  vendre  l'hé- 
ritage qui  lui  a  voit  été  baillé  à  cens,  fans  avoir  le  con- 
fentement  du  feigneur  ;  &  pour  avoir  l'on  contente- 
ment ,  on  lui  payoit  une  certaine  ibmme  :  ce  qui  a 
depuis  paffé  en  droit  commun.  Il  efi  aujourd'hui  per- 
mis au  eenfitaire  de  vendre  l'héritage  chargé  de  cens , 
en  payant  au  feigneur  un  droit  qui  eft  réglé  par  les 
coutumes ,  &  qu'on  appelle  communément  lods  & 
rentes.  foye^Lovs  &  Ventes.  (//) 

CENSITE  ,  f.  f.  (Jurïfprud.  )  terme  de  droit  coû- 
tumier  peu  uiité  ,  fynonyme  à  eenfitaire.  Colombet  a 
donné  un  traité  des  perfonnes  de  main-morte ,  eenfi- 
tes  &  taillables ,  qu'il  a  intitulé,  Colonia  CchieaLu- 
crofa.  (H) 

CENSIVE,  f.  f.  (Jurïfprud.  )  eft  retendue  du  fief 
d'un  feigneur  cenner ,  c'eft-à-dire  ,  à  qui  il  eft  dû  un 
cens  ou  redevance  foncière  par  les  propriétaires  qui 
poffedent  des  terres  dans  l'étendue  de  ton  fief.  C'eft 
auffi  le  droit  même  de  percevoir  le  cens. 

L'origine  des  etnfivts  eft  auffi  ancienne  que  celle 
des  fiefs.  Les  feigneurs  qui  avoient  une  trop  grande 
étendue  de  domaine ,  en  donnoient  une  partie  en  i\ci , 
Tome  if. 


C  E  N 


8i<> 


à  la  charge  du  fervice  militaire  ;  &  une  autre  par- 
tie à  cens ,  avec  amende  faute  de  payer  le  cens  au 
jour  de  l'échéance.  Voye^  Cens.   (  H) 

CENSURE  ,Cf.(  Droit  canoniq.  )  fe  prend  ordi- 
nairement pour  un  jugement ,  par  lequel  on  condam- 
ne quelque  livre  ,  quelque  perfonne  ;  &  plus  particu- 
lièrement pour  une  réprimande  faire  par  un  fupé- 
rieur  ,  ou  une  perfonne  en  autorité.  (H) 

Censures  ecclésiastiques,  lont  des  mena- 
ces publiques  que  l'Eglife  fait ,  d'infliger  les  peines 
qu'on  a  encourues ,  pour  avoir  defobéi  à  fes  ordres, 
ou  plutôt  encore  ces  peines  ou  ces  punitions  elles- 
mêmes.  Le  Droit  canonique  en  reconnoît  de  trois 
fortes,  qui  lbnt  l'excommunication,  la  fufpenlé,  & 
l  interdit.  Voye^  chacun  de  ces  mots  à  leur  ran<*. 

Jufqu'au  tems  de  la  prétendue  réforme ,  les  rois 
d'Angleterre  ont  été  fournis  aux  cenfures  de  l'églife 
de  Rome  :  mais  les  François  s'en  font  toujours  main- 
tenus exempts.  En  effet  il  n'y  a  point  d'exemple  d'ex- 
communication d'aucun  roi  de  la  première  race  ,  juf- 
qu'à  celle  de  Lothaire  ,  par  le  pape  Nicolas  I.  pour 
avoir  répudié  fa  femme  Tetberge  ;  c'eft  la  première 
brèche  qui  fut  faite  aux  libertés  de  l'églife  Gallicane  : 
cependant  le  pape  n'ofa  hafarder  fon  excommunica- 
tion de  fa  propre  autorité  ;  il  la  fit  confirmer  par  l'af- 
femblée  des  évêques  de  France. 

Les  autres  papes  ont  pris  dans  la  fuite  les  mêmes 
précautions  :  mais  depuis  ce  tems-là  ,  les  rois  ont 
mieux  foûtenu  leur  privilège  :  car  l'anti-pape  Benoît 
XIII.  ayant  prononcé  des  cenfures  contre  le  roi  Char- 
les VI.  &  mis  le  royaume  en  interdit  ;  le  parlement 
de  Paris,  par  Arrêt  de  1408  ,  ordonna  que  la  bulle 
fût  lacérée.  Jules  IL  ayant  auffi  lancé  l'excommu- 
nication contre  Louis  XII.  l'aiTemblée  générale  te- 
nue à  Tours  ,  cenfura  les  cenfures  du  pape.  Voye? 
Excommunication. 

Les  Canoniftes  diftinguent  deux  fortes  de  cenfures  : 
l'une  de  droit ,  à  jure  ;  l'autre  de  fait  ou  par  fentence  , 
qu'ils  appellent  ab  homine. 

Les  premières  font  générales  &  perpétuelles  :  il 
n'en  eft  pas  de  même  des  fécondes  ;  mais  auffi  elles 
font  toujours  réfervées. 

On  divife  les  cenfures  par  rapport  à  l'effet  qu'elles 
produifent ,  en  celles  qu'on  appelle  latte  fentennee ,  & 
celles  qu'on  nomme  ferendœ fententiœ  ;  c'eft-à-dire  en 
cenfures  encourues  par  le  feul  fait ,  ipfo  facto  ,  par  vertu 
du  jugement  qui  les  a  prononcées,  fans  qu'il  (bit  be- 
foin  d'un  nouveau  ;  &  en  cenfures  comminatoires  ,  qui 
ne  s'encourent  pas  fans  une  nouvelle  fentence  du 
juge. 

U  n'y  a  que  les  fupérieurs  cccléliaftiqucs  qui  joiiif- 
fent  de  la  jurifdi&ion  extérieure  ,  qui  puiffent  porter 
des  cenfures  ;  ainfi  les  curés  n'ont  pas  ce  droit.  (  H} 

Censure  délivres  oudepropofitions,c,cù.une  note  ou 
une  qualification,  qu'on  donne  à  tout  ce  qui  bleffe  la 
vérité  ,  foit  dans  un  livre,  (bit  dans  une  proposition. 
La  venté  ,  fi  on  peut  parler  ainiî,  eft  une  fleur  ten- 
dre ;  on  n'y  peut  toucher  qu'on  ne  l'altère ,  &  qu'on 
n'en  ternifl'e  l'éclat.  La  note  dont  on  marque  un  livre 
ou  une  propolition ,  eft  d'autant  plus  fletriffante ,  que 
l'un  ou  l'autre  s'éloigne  plus  de  la  vérité  ;  car  il  y  a 
différentes  nuances  dans  l'erreur.  La  note  de  Vkérejîe 
eft  la  plus  infamante  de  toutes  ;  parce  que  Vhérefie  eit 
de  toutes  les  erreurs  celle  qui  s'éloigne  le  plus  de  la 
vérité.  En  effet ,  elle  contredit  formellement  l'cxpref- 
fe  parole  de  Dieu,  &  fe  révolte  contre  l'autorité  de 
L'Eglife  qui  l'interprète;  la  fletriffure  de  V erreur  eft: 
moinsforte  que  celle  quilance  l'anathème  contre  Yhè- 
.  (  nmie  la  vérité  que  ['erreur  attaque  eft  en  par- 
tie fondée  fur  l'Ecriture ,  &  en  partie  lur  la  raifon, 
fon  crime  eft  moindre,  parce  qu'elle  fe  révolte  moins 
directement  contre  l'autorité  de  Dieu.  On  note  com- 
me  f  entant  Fkéréju,  tout  livre  ou  toute  propolition, 
qui  préfente  d'abord  à  l'efprit  un  fens  hérétique,  quoi- 

LL111  ij 


Siô  CEN 

que  l'un  ou  l'autre  ait  un  fens  plus  caché  qui  renferme 
la  vérité.  Il  y  a  beaucoup  d'analogie  entre  ce  qui 
Jent  Vhéréfie ,  &  ce  qui  eft  captieux  ;  elle  eft  la  même 
que  celle  qui  le  trouve  entre  Vhéréfie  &  Yerreur.  Ainft 
toute  propofition  chargée  de  termes  compliqués, 
obfcurs  &  embarrafles ,  eft  ou  captieu/e  ou  /entant 
Vhéréfie;  captieu/e ,  û  c'eft  feulement  une  erreur 
qu'elle  infinue  ;  /entant  Vhéréjîe,  fi  c'eft  une  héréfie 
qu'elle  préfente  d'une  manière  indirefte.  Il  n'eft 
pas  aifé  ci'affigner  les  limites  qui  féparent  une  propo- 
fition mal/onnante  dans  la/oi  d'avec  celle  qui/ent  V hé- 
réfie ;  peut-être  que  toute  la  malignité  de  l'une  con- 
fifte  dans  les  termes  durs  qui  énoncent  une  vérité  , 
&  qui  la  rendent  odieufe  à  ceux  qui  Fécoutent  :  tan- 
dis que  la  malignité  de  l'autre  en  veut  à  la  vérité , 
quoique  fous  des  termes  plus  doux  &  plus  mitigés. 
Ainli  la  note  d'une  propofition  mal/onnante  dans  la/oi, 
n'eft  pas  fi  forte  que  la  note  d'une  propofition/è/zw/« 
Vhéréfie.  On  qualifie  d'opinion  dangereu/e  celle  qui 
embarraffe  fi  fort  le  dogme  catholique  dans  les  in- 
certitudes des  fyftèmes  théologiques ,  que  cette  opi- 
nion entraîneroit  la  ruine  du  dogme  avec  celle  des 
fyftèmes.  Rien  n'eft  fans  doute  plus  dangereux, 
pour  la  foi,  que  de  la  faire  dépendre  d'une  opinion 
humaine ,  fujette  par  fa  nature  à  l'examen  critique 
de  tout  homme  qui  voudra  l'attaquer.  La  note  de 
témérité  tombe  fur  une  propofition  qui  leroit  balan- 
cée par  une  grande  autorité  ;  ce  n'eft  pas  tant  le 
nombre  des  fcholaftiques  que  leurs  raifons ,  qui  doi- 
vent faire  autorité  fur  Fefprit  d'un  Théologien.  Il  y 
a  eu  un  tems  où  toutes  les  écoles ,  &  même  toutes  les 
univerfités  de  Théologie,foûtenoient  avec  chaleur  le 
probabili/me  ;  cette  nuée  de  Théologiens  ,  qui  for- 
nioient  pour  lui  un  puiffant  parti ,  lui  donnoit-elle  plus 
de  poids  6c  d'autorité  ?  non  fans  doute.  Il  y  a  eu  auffi 
un  tems  où  c'eût  été  un  crime  en  Théologie  ,  de  foû- 
tenir  Vintention  extérieure  ;  c'eft  aujourd'hui  une  opi- 
nion foùtenue  publiquement  fur  les  bancs  :  tel  eft  le 
fort  des  opinions  théologiques.  Ce  que  de  graves 
docteurs  ont  proferit  comme  téméraire  dans  leur  jeu- 
nefle  ,  ils  le  voyent  quelquefois  foùtenir  fur  leurs 
vieux  ans  ,  comme  une  opinion  tres-vrai/femblable  : 
témoin  la  fameufe  queftion  des  ordinations  Anglica- 
nes ,  fur  laquelle  on  a  fait  autrefois  tant  de  bruit. 
L'exemple  du  concile  de  Trente ,  qui  a  laiffé  tant  de 
queftions  indécifes  ,  ne  voulant  point  interpoler  fon 
autorité  où  il  voyoit  différentes  opinions  ,  nous 
apprend  combien  on  doit  être  circonfpeft ,  quand  il 
eft  queftion  de  flétrir  un  livre  ou  quelques  propofi- 
tions  extraites.  Ce  qui  a  été  une  fois  cenfuré  par  l'E- 
glife ,  foit  difperfée ,  foit  affemblée  dans  un  concile  , 
l'eft  irrévocablement;  aufti  la  cen/ure  ne  tombe  pas 
fur  toute  expreffion  ou  toute  propofition,  qui  fe 
reproduit  dans  l'Eglife ,  après  y  avoir  été  dépen- 
due quelque  tems ,  à  caufe  de  l'abus  qui  pouvoit  en 
naître.  Tels  font ,  par  exemple ,  le  terme  à'omoufios  ; 
&  cette  propofition  ,  unus  e  trinitate  pajjus  ejl.  Il  y  a 
donc  cette  différence  entre  les  propoiitions  que  l'E- 
glile  cen/ure ,  &  celles  qu'elle  dé/end  feulement  ;  que 
les  premières  contenant  en  elles-mêmes  quelque  faut 
fêté  ,  Méfieront  toujours  par  quelque  endroit  la  vé- 
rité ,  qui  eft  la  même  dans  tous  les  tems  ;  au  lieu  que 
les  fécondes  n'étant  mauvailès  que  par  l'abus  qu'en 
fait  l'erreur  ,  reprendront  leur  premier  fens  avoué 
par  la  vérité ,  quand  l'erreur  qui  lui  en  donnoit  un 
forcé  &  mauvais  ,  le  précipitera  dans  l'oubli.  Foye^ 
Note  &  Qualification.  (5f) 

CENT  ,  (  Commerce.  )  nous  exprimons  communé- 
ment les  quantités ,  la  proportion  des  chofes  ,  &  les 
profits  qui  fe  font  dans  le  commerce  ,  par  cent  ;  ils 
exigent  deux  &  demi  par  ou  pour  cent ,  pour  remet- 
tre de  l'argent  en  telle  ville  :  l'intérêt  légitime  de 
l'argent  eft  cinq  pour  cent.  Voyei  CHANGE,  Remise, 
Intérêt. 


C  E  N 

Cent  eft  auflî  en  ufage  en  fait  de  mefure ,  pour  li- 
gnifier certaine  quantité  ou  nombre. 

Les  planches  de  fapin  font  à  fix  vingt  le  cent  ou  le 
grand  cent ,  qui  eft  de  112  livres. 

Les  lattes  &  les  pieux  de  cinq  pies  font  à  cinq  fois 
vingt  ,  &  ceux  de  trois  à  fix  fois  vingt  le  cent ,  le 
poids  de  cent  ou  le  grand  cent.  Voye\  Quintal. 

Cent  fignifie  auffi  la  perte  ou  le  profit  qui  fe  ren- 
contre fur  la  vente  de  quelque  marchandife  :  ainlt 
quand  on  dit  qu'il  ya  eu  dix  pour  cent  de  gain ,  ou  dix 
pour  cent  de  perte  fur  une  marchandife  ,  c'eft-à-dire, 
que  l'on  y  a  profité  ou  perdu  dix  francs  chaque  fois. 

Cent  fe  dit  encore  par  rapport  aux  traites  &:  remi- 
fes  d'argent  que  l'on  fait  d'une  place  fur  une  autre 
place  :  ainfi  l'on  dit ,  il  en  coûtera  deux  &C  demi  pour 
cent  pour  remettre  en  une  telle  ville. 

Le  tant  pour  cent  qu'il  en  coûte  pour  les  traites  & 
remifes  d'argent ,  eft  ce  que  l'on  appelle  le  prix  du 
change.  Voyc^  CHANGE. 

Dans  les  écritures -de  marchands  le  tant  pour  cent 
fe  met  ainfi  en  abrégé  (  2.  p.  ~  )  c'eft-à-dire ,  deux 
pour  cent.  Dicl.  du  Comm.  (G) 

*  CENTAURES  ,  f.  m.  pi.  (My th.) monûres  de 
la  fable  moitié  hommes  &  moitié  chevaux  :  elle  les  a 
fait  naître  d'Ixion  &  d'une  nuée.  Ceux  qui  préten- 
dent trouver  un  fens  à  toutes  les  vifions  de  la  crédule 
antiquité ,  difent  que  les  centaures  étoient  des  peuples 
qui  habitoient  la  contrée  de  la  Theffalie  voifine  du 
montPélion,qu'ils  domptèrent  les  premiers  chevaux; 
&  que  comme  avant  eux  l'on  n'avoit  point  encore 
vu  d'homme  à  cheval ,  on  prit  l'homme  &  le  cheval 
fur  lequel  il  étoit  monté,pour  un  feul  &  même  animal. 
Quoi  qu'il  en  foit  de  cette  explication,  il  eft  certain  que 
le  centaure  Chiron,  précepteur  d'Achille,n 'étoit  qu'un 
excellent  écuyer.  Ceux  des  centaures  qui  affilièrent 
aux  noces  de  Pirithoùs  &  de  Déidamie  s'y  querellè- 
rent avec  les  Lapithes ,  qu'Hercule  vengea  en  chaf- 
fant  les  centaures  de  la  Theffalie.  Y  a-t-il  eu  vraiment 
des  centaures ,  ou  ces  monftres  lont-ils  fabuleux  ? 
c'eft  ce  qu'il  n'eft  point  facile  de  décider.  Plutarque 
dit  qu'on  en  préfenta  un  qui  venoit  de  naître  d'une 
cavale ,  aux  fept  fages  ;  Pline ,  qu'il  en  a  vu  un  qu'on 
avoit  apporté  d'Egypte  à  Rome ,  embaumé  à  la  ma- 
nière du  pays  ;  S.  Jérôme ,  que  S.  Antoine  rencontra 
un  hippocentaure  dans  le  delert ,  &c.  Si  l'on  veut  dé- 
cider la  queftion  par  l'hiftoire  naturelle ,  on  trouve- 
ra dans  un  grand  nombre  d'animaux  qui  proviennent 
du  mélange  de  deux  efpeces,  des  raiions  fuffifantes 
pour  admettre  la  poflibilité  des  centaures  ,  des/au- 
nes ,  &c.  Quant  à  la  manière  fabuleufe  dont  ils  na- 
quirent d'Ixion  &  de  la  nuée ,  on  la  raconte  de  plu- 
fieurs  manières  différentes  :  les  uns  prétendent  qu'I- 
xion  devenu  amoureux  de  Junon  à  la  table  de  Jupi- 
ter ,  ofa  déclarer  fa  paffion  à  la  déeffe  ;  &  que  Jupi- 
ter loin  de  s'offenfer  de  cette  témérité ,  offrit  aux  em- 
braffemens  d'Ixion  une  nuée  formée  à  la  reffemblan- 
ce  de  Junon ,  de  laquelle  naquit  un  centaure  :  d'autres 
difent  qu'Ixion  ayant  engagé  par  l'efpoir  de  la  récom- 
penfe  ,  de  jeunes  Theffaliens  d'un  village  voilu»  'e  la 
montagne  appellée  Nephele  ou  Nuée,  à  combattre 
des  taureaux  qui  ravageoient  la  campagne  autour 
du  mont  Pélion ,  le  nom  de  la  montagne,  &le  fuccès 
des  jeunes  gens  contre  les  taureaux ,  donnèrent  lieu 
à  la  fable  d'Ixion  &  des  centaures:  enfin  Tzetzes  al- 
lure que  le  Jupiter  dont  Ixion  aima  la  femme ,  étoit 
un  roi  de  Theffalie  qui  eut  la  condefeendance  pour 
la  paffion  d'Ixion,  non  de  lui  céder  fa  femme  ,  mais 
de  lui  fubftituer  une  de  fes  filles  d'honneur  appellée 
Nephelé ,  de  laquelle  naquit  un  fils  appelé  Imbrus  ,  & 
furnommé  dans  la  fuite  centaure ,  de  jttvrm ,  piquant , 
&  de  cvpà,  queue.  D'autres  donnent  pour  étymologie 
y.tvltîv  toÙç  Tdupovç,  pungere  tauros ,  parce  que ,  dit-on, 
les  centaures  étoient  des  gardes  du  roi  de  Theffalie, 
qui  ramenèrent  à  l'étable  des  taureaux  qui  s'étoient 
enfuis  &  effarouchés. 


'C  E  N 

CENTAURE,  centaurus,  cnAflronomic  ,  conftella- 
tion  de  l'hémilphere  méridional ,  repréfentée  par 
une  figure  moitié  homme  6c  moitié  cheval ,  &  qui 
d'ordinaire  le  joint  au  Loup.  t^oyerLovp.  (0) 

Les  étoiles  de  cette  conftellation  l'ont  au  nombre 
de  dix-neuf  dans  le  catalogue  de  Ptolemée  ;  au  nom- 
bre de  quatre  ,  dans  celui  de  Tycho,  &c  au  nombre 
de  treize  dans  le  catalogue  Anglois. 

CENTAURÉE ,  (Grandi)  f.  f.  Hifl.  nat.  bot.  cen- 
taurium  majus  ,  genre  de  plante  dont  la  fleur  eft  un 
bouquet  à  plufieurs  fleurons  découpés ,  portés  cha- 
cun par  un  embryon,  6c  feùtenus  par  un  calice  écail* 
leux  &  fans  épine  :  les  embryons  deviennent  dans  la 
fuite  des  femences  garnies  d'aigrettes.  Ajoutez  aux 
caractères  de  ce  genre  la  grandeur  des  fleurs  qui  le 
rend  différent  de  la  jacée.  Tournefort ,  Injl.  ni  herb. 
Foyei  Plante.  (  /  ) 

Le  centaurium  ma  jus  folio  helenii  incano  ,  Tourn. 
Injl.  443-  a  la  racine  defficcative ,  aflringente,  apé- 
ritive  ,  tortiflante  :  on  en  fait  ufage  dans  la  cure  des 
plaies.  Elle  doit  fon  nom,  félon  Pline,  au  centaure 
Chiron ,  qui  fe  guérit  par  fon  ufage  d'une  bleffure 
qu'il  avoit  reçue  d'une  des  flèches  d'Hercule.  On  en 
fait  peu  d'ufage.  (  N  ) 

Centaurée  ,  [petite  )  f.  f.  Hifl.  nat  bot.  centau- 
rium minus  ,  genre  de  plante  à  fleur  monopétale  faite 
.en  forme  d'entonnoir ,  &  découpée  :  il  fort  du  calice 
un  piftil  qui  perce  le  fond  de  la  fleur  ,  6c  qui  devient 
dans  la  fuite  un  fruit  prefque  cylindrique  ou  oval , 
qui  s'ouvre  en  deux  parties,  qui  cil  partagé  en  deux 
loges,  &c  qui  renferme  des  lemcnces  ordinairement 
aflez  menues.  Tournefort,  lnfl.  reiherb.  Voye^ Plan- 
te.  (/) 

La  petite  centaurée  eft  très-amere  au  goût;  elle  eft 
apéritive,  détérfîve  ;  elle  levé  les  obftructions  du  foie 
&  de  la  rate ,  provoque  les  règles  &  les  urines ,  fou- 
lage dans  la  jaunilfe  &  clans  les  fièvres  intermitten- 
tes ,  fortifie  l'eftomac  ,  6c  tue  les  vers.  On  s'en  fert 
à  l'extérieur  en  fomentation  dans  les  enflures. 

L'extrait  que  l'on  en  tire  eft  la  feule  préparation 
officinale  qu'elle  fournilTe. 

La  vertu  fébrifuge  de  cette  plante  vient  d'un  fel 
amer,  analogue  à  celui  de  la  terre  ;  il  eft  mêlé  avec 
du  foutre  6c  de  la  terre ,  de  façon  que  le  fel  ammo- 
niac y  eft  plus  dégagé  que  les  autres  principes  :  ain- 
fi  la  petite  centaurée  a  beaucoup  de  rapport  avec  l'a- 
loès,  le  quinquina,  &  l'ipccacuanha. 

Dans  les  fièvres  on  peut  ordonner  fon  infufion  dans 
du  vin  blanc  :  mais  comme  elle  eft  fort  amere ,  il  eft 
plus  à  propos  de  joindre  l'extrait  de  petite  centaurée 
avec  autant  de  quinquina  en  poudre.  L 'ufage  de  l'in- 
fufion  de  fleurs  de  petite  ccnu:uicc  prife  en  guil'e  de 


C  E  N 


821 


thé  le  matin  à  jeun  ,  foulage  la  migraine.  (A7) 
^  CENTENIERS  ,  f.  m.  pi.  (Hifl.  moi.  )  officiers  de 
l'ancienne  monarchie  Françoile  fubordonnés  aux 
comtes ,  &  chargés  de  mener  à  la  guerre  les  hommes 
libres  du  bourg ,  ou  leurs  centaines.  Voye{  Efp.  des 
Lois ,  liv.  XXX.  chap.  xvij .  (O) 
^  CENTIEME -DENIER,  eft  un  droit  que  le  Roi 
s'eft  attribué  parl'édit  du  mois  de  Décembre  1703  , 
fur  tous  acquéreurs  d'immeubles  à  quelque  titre  que 
ce  foit  :  c'eft  la  centième  partie  du  prix  de  l'acquili- 
tion.   (H) 

*  CENTOBRIGUES,  f.  m.  pi.  (Géog.)  ancienne 
ville  des  Celtibériens  en  Efpagne.  Les  machines  de 
Métellus  qui  l'affiégeoient  ayant  renverlé  un  pan  de 
muraille ,  les  habitans  expoferent  fur  la  brèche  les 
enfans  de  Réthogene  qui  s'étoit  rendu  dans  fon  camp  : 
Métellus  aima  mieux  lever  le  fiége  ,  que  de  faire  pé- 
rir la  famille  du  brave  Celtibénen  ,  qui  exhortoit  à 
continuer  l'attaque.  Cette  action  toucha  tellement 
les  affiégés  ,  qu'ils  ouvrirent  leurs  portes  aux  Ro- 
mains. 

CENTON  ,  f.  m.  en  Poejîe ,  pièce  de  vers  com- 
pofée  en  entier  de  vers  ou  de  paflages  pris  de  côtés 
&  d'autres  ,  foit  dans  le  même  auteur ,  foit  dans  dif- 
férens  écrivains,  &  difpofés  feulement  dans  une 
nouvelle  forme  ou  un  nouvel  ordre  qui  compofe  un 
ouvrage ,  6c  donne  à  ces  lambeaux  un  fens  tout  dif- 
férent de  celui  qu'ils  ont  dans  l'original. 

Ce  mot  eft  Latin ,  cento  ,  &  lignifie  à  la  lettre  un 
manteau  fait  de  pièces  rapportées  :  il  vient  du  Grec 
Ktirpoi',  qui  veut  dire  la  même  chofe.  Les  foldats  Ro- 
mains dans  les  fiéges  le  fervoient  de  cernons  ,  ou  de 
vieilles  étoffes  rapetaffées ,  pour  fe  garantir  des  traits 
de  l'ennemi  ;  &  l'on  couvrait  auffi  au  même  deflein 
les  machines  de  guerre ,  les  galeries ,  &  autres  chofes 
néceffaires  aux  approches ,  de  peaux  de  bêtes  fraî- 
chement écorchées ,  que  les  auteurs  appellent  cen- 
tons.  Voye^  Centonaires. 

Aufone  a  donné  des  règles  de  la  compofition  des 
cernons  ;  &  lui-même  en  a  fait  un  très-obfcene  tiré 
des  vers  de  Virgile  :  il  faut  prendre  ,  dit-il ,  des  mor- 
ceaux détaches  du  même  poète,  ou  de  plufieurs  :  on 
peut  prendre  les  vers  entiers,  ou  les  partager  en 
deux  ,  èv  lier  une  moitié  empruntée  d'un  poète  à  la 
moitié  qu'un  autre  aura  fournie  :  mais  il  n'eft  pas 
permis  d'inférer  deux  vers  de  fuite ,  ni  d'en  prendre 
moins  que  la  moitié  d'un. 

Proba  Falconia  a  écrit  la  vie  de  Jefus-Chrift  en 
cernons  tirés  de  Virgile ,  auffi  bien  qu'Alexandre  Rof- 
fo ,  &  Etienne  de  Pleurre  chanoine  régulier  de  Saint- 
Victor  de  Paris.  Voici  un  exemple  de  ces  centonsdans 
l'adoration  des  Mages.  V.  Chamb.  &  le  Dicl,  ic  Trh  . 


VI. 

iEncïd. 

V. 

M5« 

II. 

iEneïd. 

v. 

694. 

V. 

jEneïd. 

V. 

5z6. 

VIII 

JEneid. 

V. 

330. 

I. 

Georg. 

V. 

416. 

VII. 

yEneïd. 

V. 

98. 

n. 

jEneid. 

V. 

3  33- 

m. 

iEncïd. 

V. 

464. 

IX. 

iEneïd. 

v. 

659. 

1. 

Georg. 

V. 

410. 

VI. 

JEneid. 

V. 

16. 

A  D  O  R  A  T  I  O     M  A  G  O  R  U  M.     Mattk.  2. 

Ecce  autan  primi  fub  luminafolis  ,  &  ortus  , 
Stella  fiiccm  iucens  ,  multd  cum  lucc  cucurrit. 
Signavitque  viam  *  cœh  in  rtgiont  ferena  : 
Tum  reges  *  (  credo  qu  u  fît  iivinitus  il  lis 
Ingenium  &  rerum  fato  prudentia  major) 
Ex  terni  veniunt  *  quœ  cuiqut  efl  copia  ,  laù  , 
Munera  portantes  *  molles  fua  thura  Sabiii 
Dona  iehinc  auro  gravîa  *  myrrhaqut  madentes  , 
Agnovt/e  Deum  regem  *  regumque  parement, 

itt  vias  *  ;  perfeclifque  ordinc  votis, 
Infuetum  per  ittr  *  J'patia  influa  qui/que  receflflt. 


Mil 

jEneid. 

V. 

51S. 

I. 

Georg. 

V. 

415. 

V. 

JEneid. 

V. 

100. 

I. 

Georg. 

V. 

57- 

XII. 

JEneid. 

V. 

100. 

VI. 

y£ncid. 

V. 

548. 

X. 

vEneïd. 

V. 

54»- 

XII 

JEneid. 

V. 

116. 

CENTONAIRES ,  f.  m.  pi.  (  Hift.  une.  )  officiers 
dans  les  armées  Romaines, qui  avoient  foin  de  four- 
nir les  étoffes  que  l'on  appelloit  centones  ,  ce  qui  fer- 
voient à  couvrir  les  tours  cv  les  autres  machines  de 
guerre  dans  les  fiéges,  pour  les  défendre  des  traits 
ou  du  feu  des  ennemis.  Vegece,  tiy,  W.  parlant  d'u- 


ne galerie  couverte  qui  fervoit  à  faire  les  approches ," 
dit  que  par  dehors,  clepeurqu'on  n'v  mit  le  feu  .elle 
étoit  revêtue  de  cuirs  traichement  ecorchés,  &:  de 
tentons  ,  centonibus  ■  c'eft-  à-dire  de  quelques  vieilles 
étoffes ,  qui  étant  mouillées  pouvoient  ou  réftfter  an 
feu  ,  ou  amortir  les  armes  ue  trait.  Cefar,  c  .   .    . 


822 


C  E  N 


Commentaires  &  dans  le  livre  de  la  Guerre  civile  ,  ch. 
xliv.  rapporte  que  les  foldats  le  fervoient  auffi  de 
cernons  pour  le  garantir  des  traits  de  l'ennemi ,  com- 
me on  Fait  encore  aujourd'hui  de  gabions  &C  de  facs 
à  laine.  Les  centonalres  étoient  Couvent  joints  aux  den- 
drophores  ou  charpentiers  ,  &  autres  ouvriers  lui- 
vans  les  armées  ,  comme  il  paroît  par  d'anciennes 
inf'criptions.  Rofin ,  Antiquités  Romaines.   (  G  ) 

CENTRAL ,  adj.  (  Méckanlque.  )  fe  dit  de  ce  qui 
a  rapport  à  un  centre.  Voye^  Centre. 

C'eft  ainfi  que  nous  dilbns  êclipft  centrale  ,feu  cen- 
tral, force  centrale  ,  règle  centrale,  &C.  Voye^  les  arti- 
cles Feu,  Éclipse,  &c 

Forces  centrales,  font  les  forces  ou  puiflances  par 
leiquelles  un  corps  mû  tend  vers  un  centre  de  mou- 
vement ,  ou  s'en  éloigne. 

C'eft  une  loi  générale  de  la  nature ,  que  tout  corps 
tend  à  fe  mouvoir  en  ligne  droite  ;  par  conféquent 
un  corps  qui  fe  meut  fur  une  ligne  courbe  ,  tend  à 
chaque  inftant  à  s'échapper  par  la  tangente  de  cette 
courbe  :  ainfi  pour  l'empêcher  de  s'échapper  fuivant 
cette  tangente  ,  il  faut  néceffairement  une  force  qui 
l'en  détourne  &  qui  le  retienne  fur  la  courbe.  Or 
c'eit  cette  force  qu'on  appelle/o/ce  centrale.  Par  exem- 
ple un  corps  A  (fîg.  24.  Médian.)  qui  fe  meut  fur  le 
cercle  BEA ,  tend  à  fe  mouvoir  au  point  A  fuivant  la 
tangente  A  G,  &  il  fe  mouvroit  effectivement  fuivant 
cette  tangente ,  s'il  n'avoit  pas  une  force  centrale  qui 
le  pouffe  vers  le  point  C,  &  qui  lui  feroit  parcourir 
la  ligne  A  M  dans  le  même  tems  qu'il  parcourrait 
A  D  ;  de  forte  qu'il  décrit  la  petite  portion  de  cour- 
be A  E. 

Remarquez  qu'il  n'eft  pas  néceffaire  que  la  force 
centrale  foit  toujours  dirigée  vers  un  même  point  : 
elle  peut  changer  de  direction  à  chaque  inftant  ;  il 
fuffit  que  fa  direction  foit  différente  de  celle  de  la 
tangente ,  pour  qu'elle  oblige  le  corps  à  décrire  une 
courbe.  Voye{  Centre  de  mouvement  ;  voy.  auffi 
Force. 

Les  forces  centrales  fe  divifent  en  deux  efpeces ,  eu 
égard  aux  différentes  manières  dont  elles  font  diri- 
gées par  rapport  au  centre ,  lavoir  en  centripètes  & 
en  centrifuges,  foye^  ces  mots. 

Lois  des  forces  centrales.  Le  célèbre  M.  Huyghens 
eft  le  premier  qui  ait  découvert  ces  lois.  Mais  outre 
qu'il  les  a  données  fans  démonftration ,  il  ne  s'eft  ap- 
pliqué qu'à  déterminer  les  lois  des  forces  centrales  dans 
le  cas  où  le  corps  décrit  un  cercle.  Plulieurs  auteurs 
ont  démontré  depuis  les  lois  données  par  IVL  Huyg- 
hens ,  &  le  célèbre  M.  Newton  a  étendu  la  théorie 
des  forces  centrales  à  toutes  les  courbes  polîibles. 

Parmi  les  auteurs  qui  ont  démontré  les  propor- 
tions de  M.  Huyghens ,  perfonne  ne  l'a  tait  plus  clai- 
rement &  d'une  manière  plus  l'impie ,  que  le  marquis 
de  l'Hôpital  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  de  ijoi. 
i°.  Il  commence  par  enfeigner  la  manière  de  com- 
parer la  force  centrale  avec  la  pefanteur  ;  &  il  donne 
îà-deffus  la  règle  générale  fuivante  ,  qui  renferme 
toute  la  théorie  des  forces  centrales. 

Suppofons  qu'un  corps  d'un  poids  déterminé  fe 
meuve  uniformément  autour  d'un  centre  avec  une 
certaine  vîteffe ,  il  faudra  trouver  de  quelle  hauteur 
il  devrait  être  tombé  pour  acquérir  cette  vîteffe  ; 
après  quoi  on  fera  cette  proportion  :  comme  le  rayon 
du  cercle  que  le  corps  décrit  elt  au  double  de  cette 
hauteur ,  ainfi  fon  poids  elt  à  fa  force  centrifuge. 
Il  eft  vifible  que  par  cette  propofition  on  peut  tou- 
jours trouver  le  rapport  de  la  force  centrale  d'un  corps 
à  fon  poids  ;  &  que  par  conléquent  on  pourra  faci- 
lement comparer  les  forces  centrales  entre  elles.  Mais 
ii  on  veut  fe  contenter  de  comparer  les  forces  centra- 
les entre  elles  fans  les  comparer  avec  la  pefanteur  , 
on  peut  fe  fervir  de  ce  théorème ,  que  les  forces  cen- 
*alts  d  e  deux  corps  font  entre  elles  comme  les  pro- 


C  E  N 

duits  de  leurs  maffes ,  multipliés  par  les  quarrés  dfi 
leurs  vîteffes ,  &  divifés  par  les  rayons  ou  par  les 
diamètres  des  cercles  qu'ils  décrivent.  On  peut  dé- 
montrer cette  propofition  fans  calcul ,  d'après  M. 
Newton  ,  de  la  manière  fuivante.  Imaginons  les  cer- 
cles que  ces  corps  décrivent  comme  des  polygones 
réguliers  femblables  ,  d'une  infinité  de  côtés  ;  il  elt 
certain  que  les  forces  avec  lefquelles  chacun  des 
corps  frappe  un  des  angles  de  ces  polygones  ,  font 
comme  les  produits  de  leurs  maffes  par  leurs  vîtef- 
fes. Or  dans  un  même  tems  ils  rencontrent  d'autant 
plus  d'angles  qu'ils  vont  plus  vite ,  &  que  le  cercle 
elt  d'un  rayon  plus  petit  :  donc  le  nombre  des  coups 
dans  un  même  tems,  eft  comme  la  vîteffe  divilée 
par  le  rayon  ;  donc  le  produit  du  nombre  des  coups 
par  un  feul  coup,  c'eft-à-dire  la  force  centrale,  fera 
comme  le  produit  de  la  maffe  multiplié  par  lequarré 
de  la  vîteffe  ,  &  divilé  par  le  rayon. 

Donc  fi  deux  corps  M,  m,  décrivent  les  circonfé- 
rences de  cercles  C,  c  avec  des  vîteffes  V,  u  pendant 
les  tems  T ,  t,  &  que  les  forces  centrales  de  ces  corps 
foient  F,f,  &  les  rayons  des  cercles  qu'ils  décrivent 
R  ,  r ,  on  aura, .F:/  :  :  — ^- —  :  -7-»  déplus,  on 
a ,  V:  u  :  :  -~-  :  -  '•  '■  -^ •'  -  •  donc  on  aura  encore  F; 

/M  R  a   m  r 
'■'■  Tt:  77* 

20.  Il  eft  aifé  de  conclurre  de  là ,  que  fi  deux  corp$ 
de  poids  égal  décrivent  des  circonférences  de  cer- 
cles inégaux  dans  des  tems  égaux ,  leurs  forces  centra- 
les feront  comme  les  diamètres  A  B  &  H  L  (  Plane, 
de  Médian. fig.  24.)  ;  car  fi  m  =M  &  t=z  T,  on  aura 
F  :f;  ;  R:  r  ;  &C  par  conléquent  fi  les  forces  centrales 
de  deux  corps  qui  décrivent  des  circonférences  de 
deux  cercles  inégaux ,  font  comme  leurs  diamètres  , 
ces  corps  feront  leurs  révolutions  dans  des  tems 
égaux. 

30.  La.  force  centrale  d'un  corps  qui  fe  meut  dans 
une  circonférence  de  cercle  ,  eft  comme  le  quarré 
de  l'arc  infiniment  petit  A  E ,  divifé  par  le  diamètre 
A  B  ;  car  cet  arc  infiniment  petit  décrit  dans  un  inf- 
tant ,  peut  repréfenter  la  vîteffe ,  puifqu'il  lui  eft  pro- 
portionnel. Ainli  puifqu'un  corps  décrit  dans  des  tems 
égaux ,  par  un  mouvement  uniforme,  des  arcs  égaux 
A  E ,  la  force  centrale  par  laquelle  le  corps  eft  pouffé 
dans  la  circonférence  du  cercle  ,  doit  être  constam- 
ment la  même. 

40.  Si  deux  corps  décrivent  par  un  mouvement 
uniforme  différentes  circonférences  ,  leurs  forces  cen- 
trales feront  en  raifon  compofée  de  la  doublée  de  leur 
vîteffe ,  &  de  la  réciproque  de  leur  diamètre  ;  d'où 
il  s'enfuit  que  fi  les  vîteffes  font  égales ,  les  forces  cen- 
trales feront  réciproquement  comme  les  diamètres  ; 
&  fi  les  diamètres  A  B  &  H  L  font  égaux  ,  c'eft-à- 
dire  li  les  mobiles  le  meuvent  dans  la  même  circon- 
férence ,  mais  avec  des  vîtelîes  inégales ,  les  forces 
centrales  feront  en  raifon  doublée  des  vîteffes. 

Si  les  forces  centrales  de  deux  corps  qui  fe  meuvent 
dans  des  circonférences  différentes ,  font  égales ,  les 
diamètres  A  B  6c  H  L  leront  en  raifon  doublée  des 
vîteffes. 

50.  Si  deux  corps  qui  fe  meuvent  dans  des  circon- 
férences inégales  lont  animés  par  des  forces  centrales 
égales  ,  le  tems  employé  à  parcourir  la  plus  grande 
circonférence  fera  au  tems  employé  à  parcourir  la 
plus  petite ,  en  raifon  foûdoublee  du  plus  grand  dia- 
mètre^/ B,  au  moindre  HL:  c'eft  pourquoi  on  aura 
T1  :  t1  :  :  D  :  d  ;  c'eft-à-dire  que  les  diamètres  des 
cercles  dans  les  circonférences  deiquels  ces  corps 
font  emportés  par  une  même  foret  centrale ,  font  en 
raifon  doublée  des  tems. 

Il  s'enfuit  auffi  de  là,  que  le  tems  que  des  corps 
pouffes  par  des  forces  centrales  égales  employent  à 
parcourir  des  circonférences  inégales,  lont  propor- 
tionnels à  leurs  vîteffes, 


C  E  N 

Les  forces  centrales  font  en  raifon  compofée  de  la 
directe  des  diamètres  &  de  la  réciproque  des  quarrés 
des  tems  employés  à  parcourir  les  circonférences 
entières. 

6°.  Si  les  iems  dans  lefquels  les  corps  parcourent 
les  circonférences  entières  ou  des  arcs  fémblables , 
font  comme  les  diamètres  des  cercles  ,  les  forces  cen- 
trales feront  alors  réciproquement  comme  ces  mêmes 
diamètres. 

7°.  Si  un  corps  fe  meut  uniformément  dans  la  cir- 
conférence d'un  cercle  avec  la  vîteffe  qu'il  acquiert 
en  tombant  de  la  hauteur  A  F,  nous  avons  dit  que 
la  force  centrale  fera  à  la  gravité  comme  le  double 
de  la  hauteur  A  F  eft  au  rayon  C  A  ;  &  par  con- 
fcquent  li  on  nomme  G  la  gravité  du  corps ,  la  for- 
ce centrifuge  fera  — ç  ~-,  Par  là  on  connoltra  quel- 
le doit  être  la  force  centrifuge  &  la  vîteffe  d'un  corps 
attaché  à  un  fil ,  pour  qu'il  ne  rompe  point  ce  fil  en 
circulant  horilontalement:  car  fuppofons  qu'un  poids 
de  trois  livres ,  par  exemple,  rompe  le  fil ,  &  que  le 
poids  du  corps  loit  de  deux  livres  ,  on  aura  G  égal  à 
deux  livres ,  &  c  *  '  devra  être  plus  petit  que 
trois  livres ,  d'où  l'on  tire  A  F  <  -2 — -  :  ainfi  la  vî- 
tefië  que  le  corps  doit  avoir  pour  ne  point  rompre 
le  fil  ,  doit  être  plus  petite  que  celle  qu'il  acquer- 
roit  en  tombant  d'une  hauteur  égale  aux  \  du  rayon. 
Si  le  corps  circuloit  verticalement ,  il  faudroit  que 
— ç-fl—  +  G  fut  <  trois  livres. 

8°.  Si  un  corps  grave  fe  meut  uniformément  dans 
îa  circonférence  d'un  cercle  ,  &  avec  la  vîteffe  qu'il 
peut  acquérir  en  tombant  d'une  hauteur  égale  à  la 
moitié  du  rayon  ,  la  force  centrale  lera  alors  égale  à  la 
gravité  ;  réciproquement  fi  la  force  centrale  eft  égale  à 
la  gravité ,  le  corps  fe  mouvra  dans  la  circonférence 
du  cercle  avec  la  même  vîteffe  qu'il  auroit  acquiié 
en  tombant  d'une  hauteur  égale  à  la  moitié  du  rayon. 

9°.  Si  la  force  centrale  eft  égale  à  la  gravité  ,  le  tems 
qu'elle  employera  à  faire  parcourir  Ja  circonférence 
entière,  fera  au  tems  dans  lequel  un  corps  grave  tom- 
berait de  la  moitié  du  rayon  ,  comme  la  circonfé- 
rence eft  au  rayon. 

io°.Si  deux  corps  fe  meuvent  dans  des  circonféren- 
ces inégales  &  avec  des  vîteffes  inégales, de  forte  que 
les  vîteffes  foient  cntr'elles  en  raifon  réciproque  de 
la  foûdoublée  des  diamètres ,  les  forces  centrales  fe- 
ront en  raifon  réciproque  de  la  doublée  des  diftances 
au  centre  des  forces. 

1 1°.  Si  deux  corps  fe  meuvent  dans  des  circon- 
férences inégales  avec  des  vîteffes  qui  foient  entre 
elles  réciproquement  comme  les  diamètres,  les  forces 
centrales  leront  en  raifon  inverfe  des  cubes  de  leur 
diftanec  au  centre  des  forces. 

12°.  Si  les  vîteffes  de  deux  corps  qui  fe  meuvent 
dans  des  circonférences  inégales  ,  font  en  raifon  in- 
verfe de  la  foûdoublée  des  diamètres ,  les  tems  qu'ils 
emploieront  à  faire  leur  révolution  entière  ou  à  par- 
courir des  arcs  fémblables  ,  feront  en  raifon  inverfe 
de  la  triplée  des  diftances  du  centre  des  forces  :  c'eft 
pourquoi  fi  les  forces  centrales  font  en  raifon  inverfe 
de  la  doublée  des  diftances  du  centre  ,  les  tems  que 
les  corps  employeront  à  faire  leur  révolution  entière 
ou  a  parcourir  des  arcs  fémblables  ,  feront  en  raifon 
inverfe  de  la  triplée  des  diftances. 

i  30.  Ces  différentes  lois  font  ailées  à  déduire  de  la 
formule  que  nous  avons  donnée  dans  l'art,  i.  pour  la 
COmparaifon  des  forces  centrales  entre  elles.  Or  pour 
comparer  les  forces  centrales  fur  des  courbes  autres 
que  des  cercles,  il  faut  prendre  au  lieu  des  rayons 
des  cercles ,  les  rayons  dï  loppée de  ces  cour- 

bes qui  changent  à  chaque  point  ,  cv  qu'on  trouve 
par  des  méthodes  géométriques  :  d'où  l'on  voit  que 
quand  un  corps  décrit  une  courbe  autre  qu'un  cer- 


C  E  N 


823 


cle  ,  la  valeur  de  la.  force  centrale  change  à  chaque  inf- 
tant  ;  au  lieu  qu'elle  eft  toujours  la  même  ,  quand  le 
corps  décrit  un  cercle.  Il  faudra  de  plus  divifer  la 
quantité  trouvée  par  le  rapport  du  finus  total  au  co- 
finus  de  l'angle  que  la  direction  de  la  force  centrale 
fait  avec  la  tangente. 

140.  Si  un  corps  tend  à  fe  mouvoir  fuivant  AD 
(Fig.  23.),  &  qu'il  foit  en  même  tems  follicité  par 
une  force  centripète  vers  un  point  fixe  C,  placé  dans 
le  même  plan  ,  il  décrira  alors  une  courbe  dont  la 
concavité  fera  tournée  vers  C,  6c  donc  les  différen- 
tes aires  comprifes  entre  deux  rayons  quelconques 
A  C  &c  C  B ,  feront  proportionnels  aux  tems  em- 
ployés à  parcourir  ces  aires ,  c'eft-à-dire  à  parvenir 
de  l'extrémité  d'un  de  ces  rayons  à  l'extrémité  de 
l'autre.  Car  fans  la  force  centrale  qui  pouffe  fuivant 
BF,  le  corps  parcourroit  dans  des  tems  égaux  BD 
=  AB  :  mais  à  caufè  de  la  force  centrale,  il  décrira 
la  diagonale  BE  du  parallélogramme  FBDL  dans  le 
même  tems  qu'il  a  décrit  AB.  Or  le  triangle  CE  A 
=:  CBD,  à  caufe  de  BD=  AB  ;  &  à  caule  des  pa- 
rallèles DE ,  FB,  on  a  CBE  =  CBD.  Donc  CBE 
=.CAB.  Donc,  &c.  « 

1  50.  Quelque  différentes  que  foient  des  forces  cen- 
trales dans  des  cercles,  on  pourra  toujours  les  com- 
parer enfemble  :  car  elles  feront  toujours  en  raifon 
compofée  de  celle  des  quantités  de  matière  que  con- 
tiennent les  mobiles ,  de  celles  de  leur  diftance  au 
centre  ,  &  enfin  de  l'inverfe  de  la  doublée  des  tems 
périodiques.  Si  l'on  multiplie  donc  la  quantité  de  ma- 
tière de  chaque  mobile  par  fa  diftance  du  centre,  & 
qu'on  divile,  le  produit  par  le  quarré  du  tems  pério- 
dique ,  les  quotiens  qui  réfulteront  de  ces  opérations 
feront  entre  eux  dans  la  raifon  des  forces  centrales  : 
c'eft  une  fuite  de  l'article  1. 

160.  Si  les  quantités  de  matières  font  égales,  il 
faudra  divifer  les  diftances  par  les  quarrés  des  tems 
périodiques  ,  pour  déterminer  le  rapport  des  forces 
centrales. 

1 70.  Lorfque  la  force  par  laquelle  un  corps  eft  fol- 
licité vers  un  point ,  n'eft  pas  par-tout  la  même  ,  mais 
qu'elle  augmente  ou  diminue  à  proportion  de  la  dii- 
tance  du  centre  ;  cette  nouvelle  condition  tait  décri- 
re alors  au  mobile  différentes  courbes  plus  ou  moins 
compolées.  Si  la  force  décroît  en  raifon  inverfe  des 
quarrés  des  diftances  à  ce  point,  le  mobile  décrira 
alors  une  elliple ,  qui  eft  une  courbe  ovale  ,  dans  la- 
quelle fe  trouvent  deux  points  qu'on  nomme  foyers  t 
dont  l'un  eft  alors  occupé  par  le  point  T,  vers  le- 
quel fe  dirige  la  force  dont  nous  parlons  ;  de  façon 
qu'à  chaque  révolution  le  corps  s'approche  une  fois 
de  ce  point,  &  s'en  éloigne  une  tois.  Le  cercle  ap- 
partient autîi  à  cette  efpece  de  courbe  ;  de  forte  que 
dans  ce  cas  le  mobile  peut  auffi  décrire  un  cercle.  Le 
mobile  peut  auffi ,  en  lui  fuppofant  une  plus  grande 
vîteffe,  décrire  les  deux  autres  fections  coniques,  la 
parabole ,  &  l'hyperbole  ;  lelquelles  ne  retournent 
point  fur  elles-mêmes.  Si  la  force  croit  en  même  tems 
que  la  diftance,  &  en  raifon  de  la  diftance  même,  le 
corps  décrira  encore  une  elliple  :  mais  le  point  vers 
lequel  fe  dirigera  la  force,  fera  alors  le  centre  de 
Pellipfe  ,  &  le  mobile  à  chaque  révolution  s'appro- 
chera deux  fois  &  s'éloignera  deux  fois  de  ce  point. 
Il  peut  arriver  encore  en  ce  cas,  que  le  corps  le 
meuve  dans  un  cercle.  'i;iï;  Orbite ,  Planète, 
Trajectoire  &  Projectile.  Voye^auffi les  Prin- 
cipes mathém.  de  M.  Newton  ,  liv.  I.  £>  les  Elcmcns  de 
Mickan.  de  Volf. 

Les  courbes  peuvent  être  confidérées ,  ou  comme 
courbes  rigoureufes,  ou  comme  polygones  infinis  ; 
or  l'expreffion  de  la  force  centrale  efl  différente  dans 
les  deux  cas  :  ce  paradoxe  fingulier  fera  expliqué  à 
l'article  Courbe. 

Régit  centrale ,  c'eft  une  règle  ou  une  méthode  qui 


8a4 


C  E  N 


a  été  découverte  par  Thomas  Baker ,  géomètre  An- 
glois  ;  au  moyen  de  laquelle  on  trouve  le  centre  & 
le  rayon  du  cercle  qui  peut  couper  une  parabole  don- 
née dans  des  points ,  dont  les  abfciftes  repréfentent 
les  racines  réelles  d'une  équation  du  troifieme  ou 
du  quatrième  degré  qu'on  le  propofe  de  conftruire. 
Voye{  Construction. 

La  règle  centrale  eft  fur-tout  fondée  fur  cette  pro- 
priété de  la  parabole  ;  que  fi  on  tire  dans  cette 
courbe  une  perpendiculaire  à  un  diamètre  quelcon- 
que ,  le  reftangle  formé  des  fegmens  de  cette  ligne  , 
cil  égal  au  redangle  fait  de  la  portion  correipon- 
dante  du  diamètre,  &  du  paramètre  de  l'axe. 

La  règle  centrale  eft  préférable  ,  félon  Baker,  aux 
méthodes  de  Defcartespour  conftruire  les  équations, 
en  ce  que  dans  cette  dernière  on  a  befoin  de  prépa- 
rer l'équation  ,  en  lui  ôtant  le  fécond  terme  ;  au  lieu 
que  dans  celle  de  Baker  on  n'a  point  cet  embarras , 
puifqu'elle  donne  le  moyen  de  conftruire,  par  l'in- 
terfection  d'un  cercle  &  d'une  parabole ,  toute  équa- 
tion qui  ne  pané  pas  le  quatrième  degré,  fans  en  faire 
évanouir  ni  changer  aucun  terme.  Voy.  Tranfaclions 
Philofopkiq.  n°.  i5j.  Mais  il  eft  très-facile  ,  en  fui- 
vant  l'efprit  de  la  méthode  de  Defcartes ,  de  conf- 
truire  par  le  moyen  du  cercle  &  de  la  parabole  , 
toutes  les  équations  du  troifieme  &  du  quatrième 
degré,  fans  en  faire  évanouir  le  fécond  terme.  Voye^ 
lafolution  de  ce  problème  dans  l'article  j86.  des  Sec- 
tions coniques  de  M.  de  l'Hôpital.  (0) 

CENTRE,  f.  m.  (Géométrie.')  dans  un  fens  général 
marque  un  point  également  éloigné  des  extrémités 
d'une  ligne,  d'une  figure,  d'un  corps,  ou  le  milieu 
d'une  ligne ,  ou  un  plan  par  lequel  un  corps  eft  divi- 
fé  en  deux  parties  égales. 

Ce  mot  eft  Grec,  jtw-jpw,  q1"  ngnifie  originairement 
un  point ,  qui  eft  formé  du  verbe  %vniïv ,  pungere ,  pi- 
quer. 

Centre  d'un  cercle,  c'eft  le  point  du  milieu  du 
cercle,  fitué  de  façon  que  toutes  les  lignes  tirées  de- 
là à  la  circonférence,  font  égales.  Voye^  Cercle. 
Euclide  démontre  que  l'angle  au  centre  eft  double  de 
celui  de  la  circonférence ,  c'eft-à-dire ,  que  l'angle 
qui  eft  fait  de  deux  lignes  qui  font  tirées  des  deux  ex- 
trémités d'un  arc  de  cercle  au  centre,  eft  double  de 
l'angle  que  font  deux  lignes  tirées  des  extrémités  d'un 
même  arc ,  &  qui  aboutiflent  à  la  circonférence. 
Voye^  Circonférence  &  Angle.  (£) 

Centre  d'une  feciion  conique ,  c'eft  le  point  où  con- 
courent tous  les  diamètres.  Voye^  Diamètre,  voyei 
auffi  Sections  coniques.  Ce  point  eft  dans  l'ellip- 
pfe  en-dedans  de  la  figure,  &  dans  l'hyperbole  au- 
dehors.  Voye^  Ellipse  &  Hyperbole. 

Centre  d'une  courbe  d'un  genre  plus  élevé ,  c'eft  le 
point  où  deux  diamètres  concourent.  V.  Diamètre. 

Lorfque  tous  les  diamètres  concourent  en  un  mê- 
me point,  M.  Newton  appelle  ce  point  centre  général. 
Foye{  Courbe.  M.  l'Abbé  de  Gua,  dans^-s  Vfages  de 
Vanalyfe  de  Defcartes,  a  donné  une  méthode  pour 
trouver  les  centres  généraux  des  courbes ,  &  des  re- 
marques importantes  fur  la  définition  des  centres  gé- 
néraux donnée  par  M.  Newton. 

M.  l'Abbé  de  Gua  appelle  centre  général  d'une  cour- 
■be  un  point  de  fon  plan,  tel  que  toutes  les  droites  qui 
y  paflent  ayent  de  part  &  d'autre  de  ce  point  des 
portions  égales  terminées  à  la  courbe  ;  &  il  obferve, 
i°.  que  cette  définition  convient  affez  à  l'acception 
ordinaire  du  mot  centre.  x°.  Que  la  définition  de  M. 
Newton  eft  comprife  dans  la  lienne.  30.  Que  ce  n'eft 
qu'en  fe  fervant  de  fa  définition ,  qu'on  peut  parve- 
nir aux  conditions  que  M.  Newton  a  alignées  pour 
les  courbes,  qui  ont,  félon  ce  grand  Géomètre,  un 
centre  général  ;  d'où  il  paroît  s'enfuivre  que  M.  New- 
ton a  eu  en  vue  plutôt  la  définition  de  M.  l'abbé 
de  Gua ,  que  la  fienne  propie ,  lorfqu'il  a  déterminé 


C  E  N 

ces  centres.  Voye^  V ouvrage  cité  de  M.  l'abbé  de  Gua  , 
pag.  iy.  &  fuivantes. 

M.  Cramer,  dans  fon  Introduction  à  l'analyfe  des 
lignes  courbes ,  donne  une  méthode  très-exacle  pour 
déterminer  les  centres  généraux.  Dans  l'extrait  que 
le  Journal  des  S av ans  de  ij  40.  a  donné  de  l'ouvrage 
de  M.  l'abbé  de  Gua,  on  trouve  à  la  fin  une  remarque 
aflez  importante  fur  la  méthode  de  cet  habile  Géo- 
mètre pour  trouver  les  centres  généraux. 

Centre  d'un  cadran ,  c'eft  le  point  dans  lequel  le 
gnomon  ou  ftyle  qui  eft  placé  parallèlement  à  Taxe 
de  la  terre ,  coupe  le  plan  du  cadran ,  &  d'où  toutes 
les  lignes  horaires  font  tirées  :  fi  le  plan  du  cadran 
étoit  parallèle  à  l'axe  de  la  terre ,  il  n'auroit  point  du 
tout  de  centre,  mais  toutes  les  lignes  des  heures  de- 
viendroient  parallèles  au  ftyle,  &  les  unes  aux  autres. 
Voye{  Cadran. 

CENTRE  de  gravitation  ou  d'attraction ,  {enPhyJîq.') 
c'eft  le  point  vers  lequel  une  planète  ou  une  comète 
eft  continuellement  pouffée  ou  attirée  dans  fa  révo- 
lution par  la  force  de  la  gravité.  Voye^  Gravita- 
tion &  Attraction. 

Centre  de  gravité ,  (en  Méchaniquc.')  c'eft  un  point 
fitué  dans  l'intérieur  du  corps ,  de  manière  que  tout 
plan  qui  y  parle,  partage  le  corps  en  deux  legmens 
quife  font  équilibre  ,  c'eft-à-dire,  dont  l'un  ne  peut 
pas  faire  mouvoir  l'autre. 

D'où  il  s'enfuit  que  fi  on  empêche  la  defeente  du 
centre  de  gravité ,  c'eft-à-dire ,  fi  on  fufpend  un  corps 
par  fon  centre  de  gravité ,  il  reftera  en  repos.  Voye^ 
Mouvement  &  Repos. 

La  gravité  totale  d'un  corps  peut  être  conçue  réu- 
nie à  Ion  centre  de  gravité  ;  c'eft  pourquoi  on  fubfti- 
tue  ordinairement  dans  les  démonftrations  le  centre 
de  gravité  au  corps. 

Les  droites  qui  parlent  par  le  centre  de  gravité  s'ap- 
pellent diamètres  de  gravité;  ainii  l'interfection  de  deux 
diamètres  de  gravité  détermine  le  centre.  Voye^ Dia- 
mètre. 

Tout  plan  qui  parle  parle  centre  de  gravité,  ou  ce 
qui  eft  la  même  chofe  ,  dans  lequel  ce  centre  fe  trou- 
ve ,  s'appelle  plan  de  gravité;  &  ainfi  l'interfe&ion 
commune  de  deux  plans  de  gravité ,  eft  un  diamètre 
de  gravité. 

Dans  les  corps  homogènes  qui  peuvent  fe  divifer 
en  parties  égales  &  femblables ,  le  centre  de  gravité 
eft  la  même  chofe  que  le  centre  défigure,  ou  le  point 
de  milieu  du  corps  ;  c'eft  pourquoi  fi  on  coupe  une 
droite  en  deux  parties  égales ,  le  point  de  feûion  fe- 
ra le  centre  de  gravité. 

•  Centre  commun  de  gravité  de  deux  corps,  c'eft  un 
point  fitué  dans  la  ligne  droite  qui  joint  les  centres  de 
gravité  de  ces  deux  corps ,  de  manière  que  s'il  étoit 
foûtenu,  le  fyftème  des  deux  corps  refteroiten  repos, 
&  la  gravité  de  l'un  de  ces  deux  corps  ne  pourroit 
prévaloir  fur  celle  de  l'autre  ;  ainfi  le  point  de  fuf- 
peniion  clans  la  balance  ordinaire  ou  dans  la  romai- 
ne, c'eft-à-dire,  le  point  fur  lequel  les  deux  poids 
font  équilibre,  eft  le  centre  commun  de  gravité  des 
deux  poids.  Voye^  Romaine. 

Lois  du  centre  de  gravité  :  i°.  Si  on  joint  (  PI.  mé- 
dia ni  q.  fig.  ij.  u° .  J.  )  les  centres  de  gravité  de  deux- 
corps  A  &  C  ,  par  une  droite  A  B  ,  les  dijiances  B  C  & 
C  A  du  centre  commun  de  gravité  C  aux  centres  particu- 
liers de  gravité  B  &  A  ,  feront  entr  'elles  en  raifon  récipro- 
que des  poids.  Voyei  BALANCE  &  Levier. 

Et  par  conléquent  fi  les  poids  A  &  B  font  égaux, 
le  centre  commun  de  gravité  C  fera  dans  le  milieu  de 
la  droite  A  B.  De  plus  puilque  ^eft  à  B  comme  B  C 
eft  à  A  C,  il  s'enfuit  que  A x  A  C—  BxB  C,ce  qui 
fait  voir  que  les  forces  des  corps  en  équilibre ,  doi- 
vent être  eftimées  par  le  produit  de  la  malle  &  de  la 
diftance  du  centre  de  gravité ,  ce  qu'on  appelle  ordi- 
nairement moment  des  corps.  Voye^  MOMENT. 

De 


C  E  N 

De  plus,  puîfque  A  :  B  :  \  B  C  :  A  C ,  on  en  peut 
conclurreque^H-i?:  A\  \B  C-\-A  C:  B  C;  ce  qui  fait 
voir  que  pour  trouver  le  centre  commun  de  gravité  C 
de  deux  corps,  il  n'y  aura  qu'à  prendre  le  produit  de 
l'un  de  ces  poids  par  la  &\i\àncc-  AB  des  centres  parti- 
culiers de  gravité  AB,  Se  le  diviier  par  la  fomme  des 
poids  A  Se  B.  Supposons,  par  exemple,  A=iz,  B 
~4,  A  Bz=.  24,  on  aura  donc  B  C  =  —  -j^1-  =  18  : 
"fi  le  poids  A  eft  donné ,  ainfi  que  la  diftance  A  B  des 
centres  particuliers  de  gravité,  &  le  centre  commun  de 
gravité  C,  on  aura  le  poids  de  B  =  —  *-c —  ,  c'eft-à- 
dire ,  qu'on  le  trouvera ,  en  divilant  le  moment  du 
poids  donné  par  la  diltance  du  poids  qu'on  cherche , 
au  centre  commun  de  gravité:  iuppolànt^=  11,  B 
C=z  1 8  ,  A  C-  6 ,  &  on  aura  B-  ^g-=  ^7  =  4. 

%° .  Pour  déterminer  le  centre  commun,  de  gravité  de 
plujîeurs  corps  donnés  a  ,  b ,  c ,  d ,  (Jig.  ij.  n°.  J.)  trou- 
vez dans  la  ligne  A  B  le  centre  commun  de  gravité  des 
deux  premiers  corps  a  Se  b  que  je  fuppoferai  en  P  ; 
concevez  enfuite  un  poids  a-\-b  appliqué  en  ?,& 
trouvez  dans  la  ligne  P  E ,  le  centre  commun  de  gra- 
vité des  deux  poids  a-\-b,  Se  c  que  je  fuppoferai  en 
G  ;  enfin  fuppofez  un  poids  a  -f  b  +  c  appliqué  en  G , 
égal  aux  deux  poids  a-\-bSe  c,  Se  trouvez  le  centre 
commun  de  gravité  de  ce  poids  a  -\-  b~\-  c  Se  de  d,  le- 
quel je  fuppolerai  en  H,  Se  ce  point  H  fera  le  cen- 
tre commun  àc.  gravité  de  tout  le  fyftème  des  corps 
a-\-b-\-c-{-d;  Se  on  peut  trouver  de  la  même  ma- 
nière le  centre  de  gravité  d'un  plus  grand  nombre  de 
corps  tel  qu'on  voudra. 

3  °.  Deux  poids  D  &E  (Jig.  14.}  étant  fufpendus  par 
une  ligne  CO  qui  ne  paffe  point  par  leur  cintre  commun  de 
gravité,  trouver  lequel  des  deux  corps  doit  emporter  Vautre. 

11  faudra  pour  cela  multiplier  chaque  poids  par  fa 
diftance  du  centre  de  fufpenfion,  celui  du  côté  du- 
quel fe  trouvera  le  plus  grand  produit ,  fera  le  pré- 
pondérant ;  Se  la  différence  entre  les  deux  fera  la 
quantité  dont  il  l'emportera  fur  l'autre. 

Les  momens  des  poids  D  Se  E ,  fufpendus  par  une 
ligne  qui  ne  parte  point  par  le  centre  de  gravité , 
étant  en  raifon  compofée  des  poids  D  Se  E  ,  &  des 
diftances  du  point  de  fufpenfion  ,  il  s'enfuit  encore 
que  le  moment  d'un  poids  fufpcndu  précilément  au 
point  C,  n'aura  aucun  effet  par  rapport  aux  autres 
poids  D  &  E. 

40.  Soient  plujîeurs  corps  a,  b,  C,  d,  (Jig.  zi.)  fuf- 
pendus en  C  par  une  droite  C  O  qui  ne  pajje  point  par 
leur  centre  de  gravité ,  on  propofe  de  déterminer  de  quel 
côté  fera  la  prépondérance ,  &  quelle  en  fera  la  quantité. 

On  multipliera  pour  cela  les  poids  c  Si.  d  par  leur 
diftance  CE  Se  C  B  du  point  de  fufpenfion ,  &  la 
Comme  fera  le  moment  de  leur  poids  ou  leur  mo- 
ment vers  la  droite  :  on  multipliera  enfuite  leur  poids 
a  Se  b  par  leurs  diftances  A  C  &  CD  ,  Se  la  fomme 
fera  le  moment  vers  la  gauche  ;  on  fouftraira  l'un 
de  ces  momens  de  l'autre,  8c  le  refte  donnera  la  pré- 
pondérance cherchée. 

<j°.  Un  nombre  quelconque  de  poids  a  ,  b  ,  c ,  d ,  étant 
fufpendus  en  C  par  une  ligne  CO  qui  ne  paffe  point  par 
leur  centre  commun  de  gra\  ne ,  &  la  prépondérance  étant 
vers  la  droite,  déterminer  un  pointY ,  où  la  fomme  de  tous 
les  poids  étant  fufpendue  ,  la  prépondérance  continuerait 
à  cire  la  mime  que  dans  la  première  filiation. 

Trouvez  le  moment  des  poids  c  &  d ,  c'eft-à-dire 
cxCE  Sedx  CB  ;  &  puifque  le  moment  des  poids 
fufpendus  en  F  doit  être  précifément  le  même  ,  le 
moment  trouvé  des  poids  c  &  d  fera  donc  le  produit 
de  C\F par  la  fomme  des  poids;  Se  ainfi  ce  moment 
étant  divîfé  par  la  fomme  des  poids,  le  quotient  don- 
nera la  diftance  CF,  à  laquelle  la  fomme  des  poids 
doit  être  fufpenduc,  pour  que  la  prépondérance  con- 
tinue a  être  la  même  qu'auparavant. 
Tome  II, 


C  E  N 


825 


6°.  Trouver  le  centre  de  gravité d'un paralléloaramme 
&  d'un  parallélépipède. 

Tirez  la  diagonale  A  D  Se  E  G  (Jig.  16. ~),  ainfi 
que  C  B  Se  H  F  ;  Se  puifque  chacune  des  diagonales 
AD  Se  CB  divifent  le  parallélogramme  ACDB  en 
deux  parties  égales  Se  femblables ,  chacune  d'elles 
paffe  donc  par  le  centre  de  gravité  :  donc  le  point 
d'interfe&ion  /  eft  le  centre  de  gravité  du  parallélo- 
gramme. 

De  même  puifque  les  plans  CBFH  Se  A  D  G  E 
divifent  le  parallélépipède  en  deux  parties  égales  Se 
femblables  ,  ils  paflent  l'un  &  l'autre  par  fon  centre 
de  gravité  ;  &  ainfi  leur  interfedtion  /  K  eft  le  dia- 
mètre de  gravité ,  Si.  le  milieu  en  eft  le  centre. 

On  pourra  trouver  de  la  même  manière  le  centre 
de  gravité  dans  les  prifmes  Se  les  cylindres ,  en  pre- 
nant le  milieu  de  la  droite  qui  joint  leurs  bafes  op- 
pofées. 

Dans  les  polygones  réguliers ,  le  centre  de  gravité 
eft  le  même  que  celui  du  cercle  circonferit  ou  inferit 
à  ces  polygones. 

70.  Trouver  le  centre  de  gravité  d'un  cône  &  d'uni 
pyramide.  Le  centre  de  gravité  d'un  cône  eft  dans 
Ion  axe  AC  (Jig.  ij.f,  fi  l'on  fait  donc  AC—at 
CD  —  r,  p  la  circonférence  dont  le  rayon  eft  r, 
A  P  =  x,  Pp=dx,  le  poids  de  l'élément  du  cône 

fera  idL—JL  Se  fon  moment  fera  ^-~.~  ;  &  par 
conféquent  l'intégrale  des  momens  — ^-  }  laquelle 
divifée  par  l'intégrale  des  poids  r^*-  ,  donne  la  dif- 
tance du  centre  de  gravité  de  la  portion  A  MU  au 
fommet  A,  =  ~dLrJ-—lx=Ll  j[p;  ^'q^  [[  s'en^ 

fuit  que  le  centre  de  gravité  du  conc  entier  eft  éloi- 
gné du  fommet  des  \  de  A  C  ;  Se  on  trouve  de  la  mê- 
me manière  la  diftance  du  centre  de  gravité  de  la  py- 
ramide au  fommet  de  cette  pyramide  —  -AC. 

8° .  Déterminer  le  centre  de  gravité  d'un  triangle  BAC 
(figure  18.).  Tirez  la  droite  AD  au  point  milieu  D 
de  BC  ;  &  puifque  le  triangle  B  AD  eft  égal  au 
triangle  BAC,  on  pourra  donc  divifer  chacun  de 
ces  triangles  en  un  même  nombre  de  petits  poids, 
appliqués  de  la  même  manière  à  l'axe  commun  AD> 
de  façon  que  le  centre  de  gravité  du  triangle  BAC 
fera  fitué  dans  AD.  Pour  déterminer  le  point  pré- 
cis, {ohAD  =  a,  BC  =  b;AP=x,  MN=y,  &  on 

aura  Ap:MN  ::  A  B:  BC,  •  ,  h» 

..  ..  l      ce  qui  donnera  j-= —  j 

d'où  il  s'enfuit  que  le  moment  yxdx  — — j—  & 
f  y  x  d  x  —  — —  ,  intégrale  qui  étant  divifée  par 
l'aire  AMN  du  triangle,  c'eft-à-dire ,  par  —*-j-  donne 
la  diftance  du  centre  de  gravité  au  fommet  =  ,  ** .  * . ■ , 
=  jx  ;  Si  ainfi  fubftituant  a  pour  r,  la  diftance  du 
centre  total  de  gravité  au  fommet  fera  =)a. 

90.  Trouver  le  centre  dt  la  portion  de  pa- 

rabole S  AH  (Jig.  io.)  :  fa  diftance  du  fommet  A  fe 
trouve  être  ,;  A  E  par  les  méthodes  précédentes. 

1 0°,  Le  centre  de  gravité  d'un  are  Je  cercle  ,  eft  éloi- 
gné du  centre  de  cet  arc  ,  d'une  droite  qui  eft  troi- 
sième proportionelle  à  cet  arc ,  .1 
rayon.  La  diftance  du  centre  de  gra\  ité  d'un  feâeur 
de  ce  cercle,  efl  À  la  diftance  du 
centre  de  gra\  ité  de  l'arc  au  même  centre,  comme  1 
efi  à  3. 
Pour  trouver  les  centres  de  gra\  ité  des  fegmens  des 
es,  des  paraboloïdes,  des  fphéroïdes 
nés  tronques,  &c.  comme  ce  font  des  cas  plus  diffi- 
ciles, e<  qui  en  méme-tems  ne  fe  préfentent  que  plus 
rarement,  nous  renvoyons  là-deftus  au  traité  .AAVolf, 
d'où  Chambtn  a  tiré  une  partie  de  cet  article. 

M  M  m  m  m 


8i6 


C  E  N 


1 1°.  Déterminer  méchaniquement  le  centre  de  gravité 
d'un  corps  ;  placez  le  corps  donné  H I  {fig.  20.)  lur 
une  corde  tendue  ou  fur  le  bord  d'un  palme  trian- 
gulaire F  G,  ce  avancez-le  plus  ou  moins  ,  jufqu'à 
ce  que  les  parties  des  deux  côtés  foient  en  équilibre  : 
le  plan  vertical  paffant  par  K  L ,  paffera  par  le 
antre  de  gravité  :  changez  la  lituation  du  corps  &c 
avancez-le  encore  plus  ou  moins  lur  la  corde  ou  lur 
le  bord  du  prifme ,  jufqu'à  ce  qu'il  relie  en  équilibre 
fur  quelque  ligne  M  N  ;  &c  l'interfeclion  des  deux 
lignes  M  N  Se  KL  déterminera  lur  la  baie  du  corps 
le  point  O  correfpondant  au  centre  de  gravité. 

On  peut  faire  la  même  chofe  en  plaçant  le  corps 
fur  une  .table  horifontale  ,  &  le  laifant  déborder 
hors  de  fa  table  le  plus  qu'il  fera  polîible  fans  qu'il 
tombe ,  &  cela  dans  deux  polirions  différentes  en 
longueur  &  en  largeur  :  la  commune  interfecuon  des 
lignes ,  qui  dans  les  deux  fituations  correfpondront 
au  bord  de  la  table  ,  déterminera  le  centre  de  gra- 
vité :  on  peut  auffi  en  venir  à  bout ,  en  plaçant  le 
corps  fur  la  pointe  d'un  ftyle,  jufqh'à  ce  qu'il  relie 
en  équilibre.  On  a  trouvé  dans  le  corps  humain  que 
le  centre  de  gravité  eit  fitué  entre  les  felTes  &c  le 
pubis ,  de  façon  que  la  gravité  du  corps  eft  ramaffée 
en  entier  dans  l'endroit  où  la  nature  a  placé  les  par- 
ties de  la  génération  ;  d'où  M.  Wolf  prend  occalion 
d'admirerla  fagefle  du  Créateur,  qui  a  placé  le  mem- 
bre viril  dans  l'endroit  qui  eil  le  plus  propre  de  tous 
à  la  copulation  ;  réflexion  auiii  fauffe  qu'indécente  , 
puifque  certe  loi  n'a  point  lieu  dans  la  plupart  des 
animaux. 

1 1°.  Toute  figure  fuperficielle  ou  folide,  produite 
par  le  mouvement  d'une  ligne  ou  d'une  furlàce ,  eft 
égale  au  produit  de  la  quantité  qui  l'engendre  ,  par 
la  ligne  que  décrit  fon  centre  de  gravité.  Foye[  l'art. 
Centrobarique. 

Ce  théorème  eft  regardé  comme  une  des  plus  bel- 
les découvertes  qu'on  ait  faites  dans  les  derniers 
tems ,  &C  il  eft  le  fondement  de  la  méthode  centrobari- 
que ;  Pappus  en  a  eu  ,  à  la  vérité  ,  la  première  idée  : 
mais  c'eft  le  P.  G'uldin ,  Jéfuite ,  qui  l'a  portée  à  fa 
perfection.  Leibnitz  a  prouvé  que  cette  propofition  a 
encore  lieu  ,  fi  l'axe  ou  le  centre  changeoient  conti- 
nuellement durant  le  mouvement.  On  en  tire  trop 
de  corollaires  ,  pour  qu'il  foit  polîible  de  les  rappor- 
ter tous  ici  en  détail.  Foye^dans  les  Mémoires  de  l'A- 
cadémie de  1J14,  un  écrit  de  M.  Varignon/àr  cefujet. 

Lorfque  plufieurs  corps  fe  meuvent  uniformément 
en  ligne  droite,  foit  dans  un  même  plan,  foit  dans  des 
plans  difïérens,  leur  centre  de  gravité  commun  le 
meut  toujours  uniformément  en  ligne  droite,  ou  de- 
meure en  repos  ;  &  cet  état  de  mouvement  ou  de  re- 
pos du  centre  de  gravité,  n'eft  point  changé  par  l'ac- 
tion mutuelle  que  ces  corps  exercent  les  uns  fur  les 
autres.  On  peut  voir  la  démonftration  de  cette  pro- 
pofition dans  le  traité  de  Dynamique,  à  Paris  IJ  43  , 
part.  II.  ch.  ij.  L'auteur  de  cet  ouvrage  paroît  être  le 
premier  qui  ait  donné  cette  démonftration  d'une  ma- 
nière générale  &  rigoureufe.  Jufqu'alors  on  ne  con- 
noiffoit  cette  vérité  que  par  une  efpece  d'induftion  ; 
c'eft  principalement  dans  le  cas  où  les  corps  agiffent 
les  uns  fur  les  autres ,  &  décrivent  des  courbes ,  que 
la  propofition  eft  difficile  à  démontrer  :  car  quand  ils 
fe  meuvent  uniformément  en  ligne  droite  dans  un 
même  plan,  ce  cas  a  été  démontré  par  M.  Newton, 
dans  le  premier  livre  de  fes  principes  ;  &  quand  ils 
fe  meuvent  uniformément  en  ligne  droite  dans  des 
plans  différais ,  ce  cas  a  été  démontré  par  les  pères 
le  Seur  &c  Jacquier  dans  leur  Commentaire  fur  les 
principes  de  Newton.  Au  relie  la  démonftration  don- 
née dans  le  traité,  de  Dynamique  déjà  cité  ,  eft  géné- 
rale pour  tous  ces  cas  ,  ou  peut  très -facilement  y 
être  appliquée. 

Centre  de  mouvement;  c'eft  un  point  autour  du- 


C  E  N 

quel  tournent  un  ou  plufieurs  corps  pefans ,  qui  ont 
un  même  centre  de  gravité.  Par  exemple ,  li  les  poids 
p  &  q  {  Table  de  Médian,  fig.  21.),  tournent  autour 
du  point  A'',  de  façon  que  quand/-  defeend ,  q  monte, 
Niera  dit  alors  le  centre  du  mouvement.  Foye^  Mou- 
vement. 

Centre  d'ofcillation;  c'eft  un  point  dans  la  ligne 
de  fufpenlion  d'un  pendule  compofé,  tel  que  li  toute 
la  gravité  du  pendule  s'y  trouvoit  ramaflèe  ,  les  of- 
cilîations  s'y  feroient  dans  le  même  tems  qu'aupa- 
ravant. Voye{  Oscillation. 

Sa  diftance  du  point  de  fufpenfion  eft  donc  égale 
à  la  longueur  d'un  pendule  limple ,  dont  les  ofcilla- 
tions  feroient  ifochrones  à  celles  du  pendule  com- 
pofé. Foye^  Pendule  6-  Isochrone. 

Lois  du  centre  d'ofcillation.  Si  plufieurs  poids  B,  F, 
H,  D  {Planche  de  Médian,  fig.  22.),  dont  la  gravité 
eft  fuppofée  ramaffée  aux  points  D ,F,H,  B ,  con- 
fervent  conftamment  la  même  diftance  entr'eux  &c 
la  même  diftance  du  point  de  fufpenfion  A,  &  que  le 
pendule  ainfi  compofé  faffe  fes  olcillations  autour  du 
point  A ,  la  diftance  O  A  du  centre  d'ofcillation  O  au 
point  de  fufpenfion ,  fe  trouvera  en  multipliant  les 
différens  poids  par  les  quarrés  des  diftances  ,  &c  di- 
vifant  la  fomme  par  la  fomme  des  momens  des  poids. 

Pour  déterminer  le  centre  d'ofcillation  dans  une 
droite  AB  {fig.  23.)  ,  foit  AB  =  a,  AD  =  x,  la 
particule  infiniment  petite  DP  fera  égale  dx,  &  le 
moment  de  Ion  poids  xdx,  par  conléquent  la  dif- 
tance du  centre  d'ofcillation  dans  la  partie  A  D  au 

point  de  fufpenlion  A ,  fera  =  f.  ^-v— =  \—  =  jx  • 

qu'on  fubftitue  maintenant  a  au  lieu  de  x ,  &  la  dif- 
tance du  centre  d'ofcillation  dans  la  droite  totale  AB 
fera  =  y  a  ;  c'ell  ainfi  qu'on  trouve  le  centre  d'ofcilla- 
tion d'un  fil  de  métal  qui  ofcilie  fur  l'une  de  fes  ex- 
trémités. 

Pour  le  centre  d'ofcillation  dans  un  triangle  équila- 
téral  C  AB  {fig.  z#.  )  qui  ofcilie  autour  d'un  axe 
parallèle  à  fa  bafe  CB ,  ia  diftance  du  fommet  A  fè 
trouve  égale  au  \  AD,  hauteur  du  triangle. 

Pour  celui  d'un  triangle  équilatéral  CA  B  ,  ofcil- 
lant  autour  de  fa  bafe  C  B  ,  fa  diftance  du  fommet  A 
fe  trouve  =  \  A  D ,  hauteur  du  triangle. 

Dans  les  Mém.  de  CAcad.  IJ35.  M.  de  Mairan  re- 
marque que  plufieurs  auteurs  fe  font  mépris  dans  les 
formules  des  centres  d'ofcillation,  entr'autres  M.  Car- 
ré ,  dans  fon  lïvrejur  le  calcul  intégral.  Foye^  Oscil- 
lation. 

Centre  de  pereuffion  dans  un  mobile,  eft  le  point 
dans  lequel  la  perculîion  eft  la  plus  grande  ,  ou  bien 
dans  lequel  toute  la  force  de  pereuffion  du  corps  eft 
fuppofée  ramalîee.  Foye^  Percussion.  En  voici  les 
principales  lois. 

Lois  du  centre  de  pereuffion.  i°.  Lorfque  le  corps 
frappant  tourne  autour  d'un  point  fixe  ,  le  centre  de 
pereuffion  eft  alors  le  même  que  celui  d'ofcillation,  & 
il  fe  détermine  de  la  même  manière ,  en  conlidérant 
les  efforts  des  parties  comme  autant  de  poids  appli- 
qués à  une  droite  inflexible,  deftituée  de  gravité, 
c'eft-à-dire ,  en  prenant  la  fomme  des  produits  des 
momens  des  parties  ,  par  leur  diftance  du  point  de 
fufpenfion  ,  &  divifant  cette  fomme  par  celle  des 
momens ,  de  forte  que  tout  ce  que  nous  avons  dé- 
montré fur  les  centres  d'ofcillation ,  a  lieu  auffi  pour 
les  centres  de  pereuffion,  lorfque  le  corps  frappant 
tourne  autour  d'un  point  fixe.  20.  Lorfque  toutes  les 
parties  du  corps  frappant  le  meuvent  parallèlement, 
&  avec  une  égale  vîteffe  ,  le  centre  de  pereuffion  eit 
alors  le  même  que  celui  de  gravité. 

Centre  de  converfiîon ,  en  Méchanique ,  eft  le  centre 
ou  point  autour  duquel  un  corps  tourne  ou  tend  à 
tourner  lorfqu'il  eft  pouffé  inégalement  dans  fes  dif- 
ïérens points ,  ou  par  une  puiflance  dont  la  dire&ion 


C  E  N 

ne  paiTe  pas  par  le  centre  de  gravité  de  ce  corps.  Si 
par  exemple  on  frappe  un  bâton  par  Tes  deux  extré- 
mités avec  des  forces  égales  ,  &  en  fens  contraire , 
ce  bâton  tournera  fur  fon  centre  ou  point  de  milieu , 
qui  fera  alors  le  centre  de  converfion.  Voye^  Centre 
SPONTANÉE  de  rotation  ,  qui  fuit. 

Centre  spontanée  de  rotation,  eft  le  nom  que 
M.  Jean  Bernoulli  donne  au  point  autour  duquel 
tourne  un  corps  qui  a  été  en  liberté  ,  &c  qui  a  été 
frappé  fuivant  une  direction  qui  ne  parle  pas  par 
fon  centre  de  gravité.  Ce  terme  eft  employé  par 
M.  Bernoulli  dans  le  tome  IF.  du  recueil  de  fes  œu- 
vres,  imprimé  en  1743  àLaufanne. 

Pour  faire  entendre  bien  clairement  ce  que  c'eft 
que  le  centrtfpontanée  de  rotation ,  imaginons  un  corps 
G  A  D  F ,  \fig.  43.  Méchan.  )  dont  le  centre  de  gra- 
vité foit  C ,  &  qui  foit  pouffé  par  une  force  quel- 
conque fuivant  une  direction  A  B  qui  ne  paffe  pas 
par  ion  centre  de  gravité.  On  démontre  dans  la  Dy- 
namique que  le  centre  de  gravité  C  doit  en  vertu  de 
cette  impulfion  fe  mouvoir  fuivant  C  O  ,  parallèle  à 
A  B  ,  avec  la  même  vîteffe  que  û  la  direction  A  B 
de  la  force  impulfive  eût  paffe  par  le  centre  de  gravi- 
té C  ;  ôc  on  démontre  de  plus ,  qu'en  même  tems  que 
le  centre  de  gravité  C  avance  en  ligne  droite  fuivant 
C  O  ,  tous  les  autres  points  du  corps  G  A  D  F  doi- 
vent tourner  autour  du  centre  C ,  avec  la  même  vî- 
teffe Si  dans  le  même  fens  qu'ils  tourneroient  autour 
de  ce  centre ,  fi  ce  centre  étoit  fixement  attaché  ,  &C 
que  la  puiffance  ou  force  impulfive  confervât  la  mê- 
me valeur  &  la  même  direction  A  B.  La  démonftra- 
tion  de  ces  propoiîtions  feroit  trop  longue  &  trop 
difficile  ,  pour  être  inférée  dans  un  ouvrage  tel  que 
celui-ci  :  ceux  qui  en  feront  curieux  pourront  la  trou- 
ver dans  le  Traité  de  Dynamique ,  imprimé  à  Paris  en 
1743  ,  art.  1  38.  &  dans  les  Recherches  fur  la  préceffwn 
des  équinoxes  du  même  auteur ,  Paris  1749.  Cela  pofé, 
il  eft  certain  que  tandis  que  le  centre  C  avancera  iui- 
vant  C  O  ,  les  différens  points  H ,  I,  &c.  du  corps 
G  AD  F,  décriront  autour  du  centre  C  des  arcs  de 
cercle  H  h ,  li ,  d'autant  plus  grands  ,  que  ces  points 
H,  I ,  &c.  feront  plus  loin  du  centre  ;  enforte  que  le 
mouvement  de  chaque  point  du  corps  fera  compofé 
de  fon  mouvement  circulaire  autour  de  C,  &  d'un 
mouvement  égal  &  parallèle  à  celui  du  centre  C  fui- 
vant C  O  ;  car  le  centre  C'en  fe  mouvant  fuivant  CO, 
emporte  dans  cette  dirc&ion  tous  les  autres  points  , 
&  les  force ,  pour  ainli  dire ,  de  le  fuivre  :  donc  le 
point  /,  par  exemple ,  tend  à  le  mouvoir  fuivant  IM 
avec  une  vîteffe  égale  &  parallèle  à  celle  du  centre 
C  fuivant  C O  ;  &  ce  même  point  /  tend  en  même 
tems  à  décrire  l'arc  circulaire  li  avec  une  certaine 
vîteffe  plus  ou  moins  grande ,  félon  que  ce  point  / 
eft  plus  ou  moins  près  du  centre  C  :  d'où  il  s'enfuit 
qu'il  y  a  un  point  1  dont  la  vîteffe  pour  tourner  dans 
le  fens  1  i ,  eft  égale  &  contraire  à  celle  de  ce  même 
point  pour  aller  fuivant  IM.  Ce  point  réitéra  donc 
en  repos  ,  &  par  conféquent  il  fera  le  centre  de  rota- 
tion du  corps  G  A  D  F.  M.  Bernoulli  l'appelle_//w2- 
tanée,  comme  qui  diroit  centre  volontaire  de  rotation, 
pour  le  diftinguer  du  centre  de  rotationforcé.Le  point 
de  fufpenfion  d'un  pendule ,  par  exemple ,  eff  un  cen- 
tre  de  rotation  forci,  parce  que  toutes  les  parties  du 
pendule  font  forcées  de  tourner  autour  de  ce  point, 
autour  duquel  elles  ne  tourneroient  pas  ,  fi  ce  point 
n'étoit  pas  fixe  &  immobile.  Au  contraire  le  centre  de 
rotation  /eft  un  Centrtfpontanée  ,  parce  que  le  corps 
tourne  autour  de  ce  point  quoiqu'il  n'y  ioit  point  at- 
taché. Au  relie  il  eft  bon  de  remarquer  que  le  centre 
fpontanit  de  rotation  change  à  chaque  inffant  :  car  ce 
point  eft  toujours  celui  qui  fe  trouve  ,  i°.  fur  la  ligne 
GD  perpendiculaire  à  A  B  ;  z°.  à  la  diffance  Cl  du 
centre  C  ;  c'eft  pourquoi  le  centre  Jpontanée  de  rotation 
fe  trouve  fuccelîîvement  fur  tous  les  points  de  la  cir- 
Totm  II. 


C  E  N 


827 


•conférence  d'un  cercle  décrit  du  centre  C,  &du  rayon 
CI. 

II  n'y  a  qu'un  cas  où  le  centre  fpontanée  de  rotation 
ne  change  point  :  c'eft  celui  où  ce  centre  eft  le  même 
qtie  le  centre  de  gravité  du  corps  :  par  exemple,  une 
ligne  inflexible  chargée  de  deux  poids  inégaux ,  à 
qui  on  imprime  en  fens  contraire  des  vîteffes  en  rai- 
ion  inverle  de  leurs  ma  (Tes ,  doit  tourner  autour  de 
fon  centre  de  gravité ,  qui  demeurera  toujours  fans 
mouvement. 

On  peut  remarquer  aufli  qu'il  y  a  des  cas  oii  le 
centre  I  de  rotation  doit  fe  trouver  hors  du  corps  G  A 
D  F  ;  cela  arrivera  lorfque  le  point  /,  dont  la  vîteffe 
fuivant  /  i  doit  être  égale  à  la  vîteffe  fuivant  /  Af  , 
fe  trouvera  à  une  diffance  du  point  C  plus  grande 
que  C  G  ;  en  ce  cas  le  corps  G  AD  F  tournera  autour 
d'un  point  placé  hors  de  lui. 

Centre  des  corps  pefms ,  eft  dans  notre  globe  le 
même  que  le  centre  de  la  terre  ,  vers  lequel  tous  les 
corps  graves  ont  une  efpece  de  tendance.  Il  eft  ce- 
pendant bon  de  remarquer  que  les  corps  graves  ne 
tendroient  véritablement  vers  un  centre ,  que  dans  le 
cas  où  la  terre  feroit  parfaitement  fphérique  :  mais 
comme  elle  eft  un  fphéroïde  applati  vers  les  pôles, 
ainli  que  la  théorie  &c  les  oblervations  le  démon- 
trent ,  les  corps  pefans  ne  iauroient  tendre  vers  un 
même  point  à  la  rigueur  ;  il  n'y  a  donc  point  à  la 
rigueur  de  centre  des  corps  pefans  :  cependant  comme 
la  terre  diffère  peu  de  la  figure  fphérique  ,  il  s'en  faut 
peu  que  les  corps  pefans  ne  tendent  tous  vers  un  mê- 
me point  ;  &  on  prend  dans  le  difeours  ordinaire  le 
centre  de  la  terre ,  pour  le  centre  commun  de  tendance 
des  graves.  Voye^  Antipodes  6* Terre. 

CENTRE  d'équilibre,  dans  un  fyftème  de  corps,  eft 
le  point  autour  duquel  ces  corps  feroient  en  équili- 
bre ;  ou,  ce  qui  eft  la  même  choie,  un  point  tel  que  li 
le  fyftème  étoit  fufpendu  ou  foûtenu  par  ce  feul  point, 
il  refteroit  en  équilibre.  Le  point  d'appui  d'un  levier 
eft  fon  centre  d'équilibre.  Voye\_  Appui  &  Levier. 

A  cette  occafion  nous  croyons  devoir  annoncer 
ici  un  principe  d'équilibre  trouvé  par  M.  le  marquis 
de  Courtivron  ,  de  l'Académie  des  Sciences ,  &  dont 
la  démonftration  a  été  lue  à  l'Académie  le  1 3  Juin 
1750.  Voici  ce  principe.  De  toutes  les  iîtuations  que 
prend  fucceffivement  un  fyftème  de  corps  animés 
par  des  forces  quelconques  ,  &  liés  les  uns  aux  au- 
tres par  des  fils ,  des  leviers  ,  ou  par  tel  autre  moyen 
qu'on  voudra  i'uppofer  ;  la  iituation  où  le  fyftème  a 
la  plus  grande  fournie  de  produits  des  maffes  par  le 
quarré  des  vîteffes  ,  eft  la  même  que  celle  où  il  au- 
roit  fallu  d'abord  le  placer  pour  qu'il  reliât  en  équi- 
libre. En  effet,  une  quantité  variable  devient  la  plus 
grande  ,  lorfque  fon  accroiffement ,  &  par  confé- 
quent la  caufe  de  fon  accroiflement  =  o  :  or  un  fyf- 
tème de  corps  dont  la  force  augmente  continuelle- 
ment, parce  que  le  réfultat  des  preffions  agiffantes 
fait  accélération  ,  aura  atteint  fon  maximum  de  forces 
lorfque  la  fomme  des  preffions  fera  nulle  ;  &  c'eft 
ce  qui  arrive  lorfqu'il  a  pris  la  fituation  que  deman- 
de l'équilibre. 

L'auteur  ne  s'eft  pas  borné  à  cette  démonftration,' 
qui  quoique  vraie  îx  exacte ,  eft  un  peu  metaphyfi- 
que ,  &  pourroit  être  chicanée  par  les  adverfaires  des 
forces  vives.  V.  Force.  Il  en  donne  une  autre  plus 
géométrique,  &  abfolument  rigoureufe  :  mais  il  faut 
renvoyer  ce  détail  important  à  fon  mémoire  même, 
qui  nous  paroît  digne  de  l'attention  des  Géomètres. 

CENTRE  de  Céq'uant,  dans  fAftronomie  ancienne,  eft 
un  point  dans  la  ligne  de  l'aphélie  ,  qui  cil  auffi  loin 
du  centre  de  L'excentrique  vers  L'aphélie ,  que  je  foleil 
l'eft  du  centre  de  l'excentrique  vers  le  périhélie.  Ce 
terme  cil  prefque  oublié  depuis  que  les  excentriques, 
les  équans,  &  tous  ces  fatras  de  cercles  différens  , 
font  bannis  de  l'Ailronomie. 

M  M  m  m  m  ij 


Si8 


C  E 


Centre  phonique,  dans  t  Acoufiqut ,  c'eft  le  lieu 
où  celui  qui  parle  doit  fe  placer  clans  les  échos  arti- 
culés qui  répètent  plufieurs  fyllabes.  Voyei  Echo. 

Centre  phonocamptique ,  c'eft  le  lieu  ou  l'objet 
qui  renvoyé  la  voix  dans  un  écho.  Voye\  Echo.  (O) 

Centre  d'un  Bastion  eft  le  point  où  les  cour- 
tines ie  rencontreroient  fi  elles  étoient  prolongées 
dans  le  baftion  ;  ou,  ce  qui  eft  la  même  choie,  le  iôm- 
met  de  l'angle  du  centre  du  baflion.  Voye{  Angle  DU 
CENTRE  DU  BASTION.  (  Q  ) 

Centre  d'Un  Bataillon  ,  c'eft  le  milieu  du 
bataillon  quarré.  C'eft  aufii  quelquefois  un  grand 
efpace  vuide  qu'on  laifle  dans  le  bataillon.  Voye^ 
Bataillon  à  centre  vuide.  (  Q  ) 

Centre  OVALE  ,  (  en  Anaiomic.  )  nom  d'une  con- 
vexité médullaire  beaucoup  plus  petite  que  la  con- 
vexité générale  ou  commune  de  tout  le  cerveau , 
mais  conforme  à  cette  grande  convexité.  On  la  trou- 
ve en  emportant  adroitement  par  plulieurs  coupes 
félon  la  convexité  du  cerveau  ,  toute  la  fubftance 
corticale  avec  les  lames  médullaires  dont  elle  eft  en- 
tremêlée. (  L  ) 

Centre  tendineux  ,  (  Ânat.  )  eft  la  partie 
dans  laquelle  les  queues  des  mulcles  du  diaphragme 
fe  rencontrent  :  ce  centre  eft  troué  vers  (a  droite  pour 
donner  partage  à  la  veine  cave  ;  &  vers  fa  gauche  en 
arrière ,  la  partie  charnue  donne  partage  à  l'cefo- 
phage,  au  tronc  descendant  de  l'aorte,  au  canal  the- 
rachique ,  &  à  la  veine  azygos  entre  ces  deux  piliers. 
Voyei  Diaphragme.  (£) 

*  CENTRER  un  verre  ,  (  Lumtier.  )  c'eft  faire  en- 
forte  que  la  plus  grande  épaiffeur  de  ce  verre  fe 
trouve  au  -centre  de  la  figure  ,  quand  le  verre  fera 
travaillé. 

Pour  cet  effet ,  on  commencera  à  former  le  verre 
fuivant  la  figure  qu'on  veut  lui  donner  ;  diminuant 
peu  à  peu  une  partie  ,  fuivant  qu'on  juge  qu'elle  eft 
plusépaiffe  qu'une  autre.  Lorlqu'un  côté  du  verre 
fera  entièrement  achevé  &  poli ,  on  le  démaftiquera 
&  on  l'examinera  pour  connoître  l'endroit  le  plus 
épais ,  fi  le  verre  ne  l'eft  pas  également  par-tout.  On 
connoitra  cet  endroit ,  en  y  traçant  d'abord  un  dia- 
mètre ,  dans  lequel  une  ligne  claire  ou  noire  ne  pa- 
roifle  point  multipliée  ;  ce  qui  fe  peut  toujours  trou- 
ver. Si  dans  tous  les  diamètres ,  cette  ligne  ne  paroît 
point  doublée  ,  on  eft  afiuré  que  le  verre  eft  bien 
centré ,  &  qu'on  le  peut  travailler  également  de  l'au- 
tre côté,  pour  lui  donner  fon  entière  perfeftion. 

Cette  méthode  de  M.  de  la  Hire  eft  fondée  fur  un 
phénomène  aflez  fréquemment  obfervé;  c'eft  que  des 
glaces  multiplient  les  objets  d'autant  plus  que  leurs 
furfaces  antérieures  &  poftérieures  font  moins  pa- 
rallèles ;  &  d'autant  moins  que  les  épaiffeurs  corref- 
pondantes  en  font  plus  égales  en  tout  fens  ;  ce  qui 
donne  une  manière  sûre  de  reconnoître  la  moindre 
inégalité  clans  l'épaiffeur  ,  &  de  déterminer  en  quel 
fens  &  de  quel  côté  elle  y  eft.  Pour  cet  effet ,  il  ne 
s'agit  que  d'expolér  au  verre  un  objet  linéaire ,  fi  on 
peut  s'exprimer  ainrt  ;  c'eft-à-dire  long  &  menu  :  cet 
objet  linéaire  fera  repréfenté  dans  le  verre  taillé  ,  & 
fa  repréfentation  en  pourra  être  le  diamètre  ;  fi  ce 
diamètre  ne  paroît  point  multiplié  fur  le  verre  ;  &  fi 
en  tournant  le  verre  ,  tous  les  autres  diamètres  ne  fe 
multiplient  point ,  le  verre  fera  bien  centré. 
-  M.  Cartini  dans  les  Mémoires  de  V Académie  des 
Sciences  de  IJIO  ,  fait  voir  la  néceflité  de  bien  cen- 
trer les  verres  des  lunettes  ;  l'inconvénient  qui  ré- 
fulteroit  d'un  verre  de  lunette  mal  centré,  eft  facile 
à  démontrer.  Quand  l'objectil  &  l'oculaiie  d'un  té- 
iefeope  font  bien  centrés  ,  c'eft-à-dire  quand  l'axe  de 
ces  deux  verres  &  leurs  foyers  font  dans  la  même 
ligne  ,  l'œil  placé  dans  l'axe  de  la  lunette  ,  verra  les 
objets  dans  cet  axe  :  il  en  fera  tout  autrement  fi  l'un 
des  deux  verres  eft  mal  centré;  car  alors  l'image  ne 


C  E  N 

fera  plus  vue  dans  l'axe  ;  deforte  que  la  diftanec  ap- 
parente entre  deux  aftres  obfervée  avec  deux  lu- 
nettes, dont  l'une  a  fon  objeft if  bien  centré ,  &  l'au- 
tre a  ion  objectif  mal  cenré,  ne  fera  pas  leur  diftanec 
véritable. 

CENTRIFUGE  ,  adj.  (  Méch.  )  :  force  centrifuge , 
c'eft  celle  par  laquelle  un  corps  qui  tourne  autour 
d'un  centre ,  fait  effort  pour  s'éloigner  de  ce  centre. 

C'eft  une  des  lois  conftantes  de  la  nature,que  tout 
mouvement  eft  par  lui-même  rectiligne,  (voye^  Mou- 
vement) &  qu'un  mobile  ne  s'éloignera  jamais  de 
la  direction  re&iligne  de  fon  premier  mouvement  , 
tant  qu'il  n'y  fera  pas  obligé  par  quelque  nouvelle 
force  imprimée  dans  une  direction  différente  :  après 
cette  nouvelle  impulfion ,  le  mouvement  devient 
compofé  ;  mais  il  continue  toujours  en  ligne  droite, 
quoique  la  direction  de  la  ligne  ait  changé.  Voye^ 
Composition. 

Pour  qu'un  corps  fe  meuve  dans  une  courbe ,  il 
faut  qu'il  reçoive  à  chaque  moment  une  nouvelle 
impuliion  ,  &  dans  une  direction  différente  de  la 
fienne,  parce  qu'une  courbe  ne  peut  ie  réduire  à  des 
lignes  droites ,  à  moins  qu'elles  ne  foient  infiniment 
petites;  par  conféquentfiun  corps  attiré  continuelle- 
ment vers  un  centre  ,  eft  lancé  outre  cela  dans  une 
direction  qui  ne  paflé  point  par  ce  centre  ,  il  décrira 
alors  une  courbe  ,  dans  chaque  point  A  de  laquelle 
(  PL  de  Méch.  fi g.  24.  )  il  tâchera  de  s'éloigner  de  la 
courbe,  &  de  continuer  fon  mouvement  dans  la 
tangente  AD;  ce  qu'il  feroit  en  effet  fi  rien  ne  l'en 
empêchoit  :  enforte  que  dans  le  même  tems  qu'il  dé- 
crit l'arc  AE ,  il  s'éloigneroit  par  fa  force  centrifuge 
de  la  longueur  de  la  ligne  D  E  perpendiculaire  à  A 
D  ;  ainfi  en  fuppofant  l'arc  AE  infiniment  petit,  la 
force  centrifuge  eft  proportionnelle  à  la  ligne  DE  per- 
pendiculaire à  la  ligne  AD. 

Un  corps  obligé  à  décrire  un  cercle  ,  le  décrit  le 
plus  grand  qu'il  peut;  un  plus  grand  cercle  étant  en 
quelque  forte  moins  circulaire  ,  moins  courbe  ,  ou 
moins  différent  de  la  droite  qu'un  plus  petit.  Voye^ 
Courbure.  Un  corps  fouffre  donc  plus  d'altération 
dans  fon  mouvement ,  &  exerce  plus  vivement  fa 
force  centrifuge  lorfqu'il  décrit  un  petit  cercle,  que 
lorfqu'il  en  décrit  un  grand ,  c'eft-à-dire  que  la  force 
centrifuge  eft  toujours  proportionnelle ,  toutes  cho- 
ies d'ailleurs  égales,  à  la  courbure  du  cercle  dans  la- 
quelle le  corps  eft  emporté. 

Il  en  eft  des  autres  courbes  comme  des  cercles  ; 
car  une  courbe  quelle  qu'elle  puirte  être ,  peut  être 
regardée  comme  formée  d'une  infinité  d'arcs  de  cer- 
cle infiniment  petits,  décrits  de  différens  rayons, de 
façon  que  les  endroits  où  la  courbe  eft  le  plus  courbe, 
font  ceux  oii  la  force  centrifuge  eft  plus  grande  ,  tout 
le  refte  d'ailleurs  égal  ;  &  ainfi  dans  une  même  cour- 
be la  force  centrifuge  du  corps  qui  la  décrit ,  varie  fui- 
vant les  différens  points  où  il  fe  trouve. 

On  peut  voiries  lois  &  la  théorie  des  forces  centri- 
fiiges  expofées  plus  en  détail  dans  l'article  des  For- 
ces  CENTRALES  ,  ail  mot  CENTRAL 

CENTRIPETE,  adj.  {Méch.);  force  centripète,  c'efî 
celle  par  laquelle  un  mobile  poufîé  dans  une  droite 
A  G,  (fig.  24.)  eft  continuellement  détourné  de  ion 
mouvement  rect iligne ,  &  follicité  à  fe  mouvoir  dans 
une  courbe. 

Ainfi  en  fuppofant  l'arc  A  E  infiniment  petit,  la 
force  centripète  eft  proportionnelle  à  la  droite  DE, 
perpendiculaire  à  A  D  ;  d'où  il  s'enfuit  que  la  foret 
centripète  ou  centrale  &  la  force  centrifuge  font 
égales,  foye^  Carticle  CENTRAL. 

CENTROBARIQUE  ,  méthode  centrobarique  ,  (en 
Mcchanique.)  c'eft  une  méthode  pour  méfurer  ou  dé- 
terminer la  quantité  d'une  furface  ou  d'un  folide  , 
en  les  confidérant  comme  formés  par  le  mouvement 
d'une  ligne  ou  d'une  furface ,  Se  multipliant  la  ligne 


C  E  N 

*>u  la  furface  génératrice  par  le  chemin  parcouru  par 
ion  centre  de  gravité.  Cette  méthode  eft  renfermée 
dans  le  théorème  fuivant ,  &  fes  corollaires. 

Toute  furface  plane  ou  courbe ,  ou  tout  folide  produit 
par  le  mouvement  ou  d'une  ligne  ou  d  une  furface  ,  efl 
égal  au  produit  de  cette  ligne  ou  furface,  par  le  chemin  du 
centre  de  gravité ,  c'eft-à-dire  par  la  ligne  que  ce  centre 
de  gravité  décrit.  Voye{  CENTRE  DE  GRAVITÉ.  Voici 
la  démonstration  générale  que  certains  auteurs  ont 
crû  pouvoir  donner  de  ce  théorème. 

Supposons  le  poids  de  la  ligne  ou  furface  généra- 
trice ramafle  dans  fon  centre  de  gravité  ;  le  poids 
total  produit  par  fon  mouvement ,  fera  égal  au  pro- 
duit du  poids  mû  par  le  chemin  du  centre  de  gravi- 
té :  mais  lorfque  les  lignes  &  les  figures  font  regar- 
dées comme  des  corps  pefans  homogènes ,  leurs  poids 
font  alors  entre  eux  comme  leur  volume  ;  &  par  con- 
séquent le  poids  mû  devient  alors  la  ligne  ou  figure 
génératrice  ,  &  le  poids  produit  eft  la  grandeur  en- 
gendrée :  la  figure  engendrée  eft  donc  égale  au  pro- 
duit de  la  ligne  ou  de  la  figure  qui  l'engendre  par  le 
chemin  de  fon  centre  de  gravité.  Il  ne  faut  pas  être 
bien  difficile  à  fatisfaire  en  démonftration  ,  pour  fe 
payer  d'une  preuve  fi  infuffifanre  &  fi  vague ,  qu'on 
trouve  néanmoins  dans  M.  "Wblf,  d'où  Chambers  a 
tiré  une  partie  de  cet  article. 

Pour  mettre  nos  lecteurs  à  portée  d'en  trouver 
une  meilleure  preuve  ,  confidérons  un  levier  char- 
gé de  deux  poids,  &  imaginons  un  point  fixe  dans 
ce  levier  prolongé  ou  non  :  on  fait  (  Foye%  Centre 
&  Levier  )  que  la  fomme  des  produits  faits  de  cha- 
que poids  par  fa  difiance  à  ce  point ,  eft  égale  au  pro- 
duit de  la  fomme  des  poids  par  la  diltance  de  leur 
centre  de  gravité  à  ce  point  ;  donc  fi  on  fait  tourner 
le  levier  autour  de  ce  point  fixe  ,  il  s'enfuit  que  les 
circonférences  étant  proportionnelles  aux  rayons  , 
la  fomme  des  produits  de  chaque  poids  par  le  che- 
min ou  circonférence  qu'il  décrit  ,  eft  égale  au  pro- 
duit de  la  fomme  des  poids  par  la  circonférence  dé- 
crite par  le  centre  de  gravité.  Cette  démonftration 
faite  par  deux  poids ,  s  applique  également  6c  faci- 
lement à  tel  nombre  qu'on  voudra. 
-  Corollaire  I.  Puifqu'un  parallélogramme  A  B  C  D 
(  PL  de  Méth.fig.  z6.)  peut  être  regardé  comme 
produit  par  le  mouvement  de  la  droite  A  B  toujours 
parallèlement  à  elle-même  le  long  d'une  autre  droite 
AC ,  6c  dans  la  direction  de  celle-ci ,  &  que  dans  ce 
mouvement  le  chemin  du  centre  de  gravité  eft  égal 
à  la  droite  E  F,  perpendiculaire  à  C  D ,  c'eft-à-dire 
à  la  hauteur  du  parallélogramme;  fon  aire  eft  donc 
ésralc  au  produit  de  la  bafe  CD,  ou  de  la  ligne  qui 
décrit  le  parallélogramme  par  la  hauteur  EF.  Voye^ 
Parallélogramme. 

Ce  corollaire  pourrait  faire  naître  quelque  foup- 
eonfur  la  vérité  &  la  généralité  de  la  règle  précéden- 
te :  car  on  pourrait  dire  que  la  ligne  CD  fe  mouvant 
le  long  de  A  C ,  le  centre  de  gravité  de  cette  ligne  , 
qui  eft  fon  point  de  milieu  ,  décrit  une  ligne  égale  6c 
parallèle  à  ^C;&qu'ainfi  l'aire  du  parallélogramme 
A  CD  B  eft  le  produit  de  C  D  par  A  C:  ce  qui  feroit 
faux.  Mais  on  peut  répondre  que  --/  c  n'clt  point  pro- 
prement la  directrice  de  CD,  quoique  C 2) fe  meuve 
le  long  de  AC;  que  cette  directrice  elt  proprement 
la  ligne  E  F ,  qui  melure  la  diftance  de  A  B  à  CD  ; 
&  que  le  chemin  du  centre  de  gra\  ité  par  lequel  il 
faut  multiplier  la  ligne  décrivante  CD,  n'efl  point 
le  chemin  abfolu  de  ce  centre  ,  mais  l'on  chemin  elti- 
mé  dans  le  ions  de  la  directrice  ,  ou  le  chemin  qu'il 
fait  dans  \n\  fens  perpendiculaire  à  la  ligne  décri- 
vante. Cette' remarque  ett  n.eeeli'aire  pour  prévenir 
les  paralogilmes  dans  lefquels  on  pourrait  tomber  , 
en  appliquant  fans  précaution  la  règle  précédente  à 
la  melure  des  furfaces  &  des  folides. 
.    Coroll,  IL  On  prouvera  de  la  même  manière  que 


C  E  N 


819 


la  folidité  de  tout  corps  décrit  par  un  plan  qui  def- 
cend  toujours  parallèlement  à  lui-même  le  long  de 
la  droite  A  C,  6c  fuivant  la  direction  de  cette  droite  , 
doit  (e  trouver  en  multipliant  le  plan  décrivant  par 
fa  hauteur.  Voyt{  Prisme  &  Cylindre. 

Coroll.  III.  Puifque  le  cercle  fe  décrit  par  la  ré,- 
volution  du  rayon  CL  (fg.  zj.)  autour  du  centre 
C,  &  que  le  centre  de  gravité  du  rayon  CL  eft  dans 
fon  milieu  F,  le  chemin  du  centre  de  gravité  eft  donc 
ici  une  circonférence  d'un  cercle  X  décrit  par  un 
rayon  foûdouble  ;  &  par  conféquent  l'aire  du  cercle 
eft  égale  au  produit  du  rayon  CL,  par  la  circonfé- 
rence que  décrirait  un  rayon  foûdouble  de  C F  ;  ce 
qu'on  fait  d'ailleurs.  Voye^  Cercle. 

Corol.  IF.  Si  un  redangle  A  B  C  D  (PI.  de  Méck. 
fg.  z8.  )  tourne  autour  de  fon  axe  A  D ,  le  rectan- 
gle décrira  par  ce  mouvement  un  cylindre, &  le  côté 
B  Cla  furface  de  ce  cylindre  :  mais  le  centre  de  gra- 
vité de  la  droite  B  C ,  eft  dans  fon  milieu/';  6c  le 
centre  de  gravité  du  plan  qui  engendre  le  cylindre  , 
elt  dans  le  milieu  G  de  la  droite  £  F.  Ainii  le  chemin 
de  ce  dernier  centre  de  gravité  eft  la  circonférence 
d'un  cercle  décrit  du  rayon  E  G  ;  6c  celui  du  pre- 
mier,  la  circonférence  d'un  cercle  décrit  du  rayon 
E  F:  donc  la  furface  du  cylindre  eft  le  produit  de  la 
hauteur  B  C ,  par  la  circoniurence  d'un  cercle  décrit 
du  rayon  E  F;  &  la  folidité  du  cylindre  eft  le  pro- 
duit du  rectangle  A  B  CD,  qui  fert  à  fa  génération , 
par  la  circonférence  d'un  cercle  décrit  du  rayon  EG 
foûdouble  de  E  F  ,  demi-diametre  du  cylindre. 
Suppofons ,  par  exemple  ,  la  hauteur  du  plan  qui  en- 
gendre le  cylindre  ,  &  par  conféquent  celle  du  cylin- 
dre B  C=a,  le  diamètre  de  la  bafe  D  C—  r,  on 
aura  donc  E  G  =z  ^  r;  &  fuppofant  que  le  demi 
diamètre  foit  à  la  circonférence  comme  1  eft  à  m ,  la 
circonférence  décrite  par  le  rayon  {  r  fera  ■=.-  m  r~ 
d'où  il  s'enfuit  que  multipliant  \  m  r  par  l'aire  du  rec- 
tangle A  C=a  r ,  on  aura  la  folidité  du  cylindre  = 
\  m  ar-  ;  mais  \m  a  r*  =  \rXmrXa:  or  \mr  r=z 
l'aire  du  cercle  décrite  par  le  rayon  E  G.  Il  ett  donc 
évident  que  le  cylindre  eft  égal  au  produit  de  fa  bafe 
par  fa  hauteur,  ce  qu'on  fait  d'ailleurs. 

De  même,  puifque  le  centre  de  gravité  de  la  droi- 
te A  B  (  PI.  de  Mcch.fig.  ij.)  eft  dans  fon  milieu 
M,  6c  qu'on  décrit  la  furface  du  cône  en  faifant  mou- 
voir le  triangle  ABC  autour  d'un  de  fes  côtes  A  B 
pris  pour  axe  ,  on  en  peut  conclurre  que  li  P  M  = 
~  BC,  la  furface  du  cône  fera  égale  au  produit  de  fon 
côté  A  B  par  la  circonférence  du  cercle  décrit  du 
rayon  P  M,  c'eft-à-dire  d'un  rayon  foûdouble  du 
demi-diametre  de  la  baie  B  C. 

Suppofons  ,  par  exemple ,  B  C=  r,  A  B  =  a ,  le 
rayon  étant  à  la  circonférence  ,  comme  1  eft  à  m  ; 
on  aura  donc  P  M=\r,6c  la  circonférence  dé- 
crite de  ce  rayon  =z\  m  r;  &  ainlî  multipliant  {  m  r 
par  le  cote  A  B  du  cône  ,  le  produit  qui  lera  \  a  m  r 
devra  repréfenter  la  furface  du  cône  :  mais  \  a  m  r 
eft  auffi  le  produit  de  {  a  par  m  r  ;  donc  la  furface  du 
cône  eft  le  produit  de  la  circonférence  de  Li  bafe  par 
la  moitié  de  fon  cote  ,  c^  qu'on  lait  d'ailleurs. 

.'.  /  .  Si  le  triangle  ACB  (  PI.  de  Méchan. 
i'.g.  zç.  )  tourne  autour  d'un  axe  ,  il  décrit  un  cône  : 
m. lis  li  on  coupe  C  B  en  deux  également  au  point  D% 
qu'on  tire  la  droite  AD,  &  que  A  O  —  \ A  D ,  il  eft 
démontré  que  le  centre  de  gravité  fera  alors  litue 
en  O  ;  donc  la  folidité  du  cône  efl  égale  au  pro- 
duit du  triangle  C  A  B  par  la  circonférence  du  cercle 
décrit   du   ràvon  P  O.   Or  A  D  eft  à  A  0  ,  comme 

B  n  efl  à  O  P  ■.  d'ailleurs  ./  O  =  -.  A  O,  &  D  B  = 
{  CB,  donc  O  P  =  \  D  B  =  £  C  B.  Suppofons ,  par 
exemple  ,  C  B  =  r  ,  A  B  =  a  ,  &  la  raifon  du  rayon 
à  la  circonférence  celle  de  1  à  m ,  on  aura  donc  O  P 

=  {  r,  la  circonférence  décrite  de  ce  rayon  =  [»f, 
le  triangle  A  c '  B  ~  \  j  r,  6c  par  conféquent  la  foli- 


830 


C  E  N 


C  E  N 


dite  du  cône  =  |  r  X  «  X  y  ro=£*  rarS  mais  j  a  m  r* 
s=  -  r  x  m  r  X  -Ça ,  ou  le  produit  de  la  baie  du  cône 
par  le  tiers  de  fa  hauteur,  ce  qu'on  lait  d'ailleurs 
Ce  théorème  fi  général  &  ii  beau  fur  le  centre  de 
gravité ,  peut  être  mis  au  nombre  des  plus  curieulés 
découvertes  qu'on  ait  faites  en  Géométrie.  Il  avoit 
été  apperçû  il  y  a  long-tems  par  Pappus  :  mais  le  P. 
Guldin  ,  Jéfuite ,  eft  le  premier  qui  l'ait  mis  dans  tout 
fon  jour,  &  qui  en  ait  montré  Fufage  dans  un  grand 
nombre  d'exemples. 

Plufieurs  autres  Géomètres  s'en  font  fervis  aufii 
après  Pappus  &  Guldin ,  pour  mefurer  les  folides  & 
les  furfaces  produites  par  une  rotation  autour  d'un 
axe  fixe  ,  fur-tout  avant  qu'on  eût  les  fecours  que  le 
calcul  intégral  a  fournis  pour  cela  ;  &  on  peut  l'em- 
ployer encore  à  préfent  dans  certains  cas  où  le  cal- 
cul intégral  feroit  plus  difficile. 

M.  Leibnitz  a  obfervé  que  cette  méthode  feroit 
encore  bonne,  quand  même  l'axe  ou  le  centre  chan- 
geroit  continuellement  durant  le  mouvemeht. 

M.Varignon  a  donné  dans  le  volume  de  r  Académie 
de  IJ14-  un  mémoire  qui  a  pour  titre ,  Réflexions  fur 
Vufage  que  la  Méchanique  peut  ûvoir  en  Géométrie.  Il  y 
démontre  la  propriété  du  centre  de  gravité  ,  dont 
nous  avons  parlé  dans  cet  article ,  &  plufieurs  autres 
propriétés  encore  plus  générales  &  aulîi  curieulés. 
On  peut  fe  fervir  utilement  de  ces  propriétés  pour 
réfoudre  avec  plus  de  facilité  certains  problèmes  de 
Méchanique.  Par  ex.  fi  on  demande  quelle  figure 
doit  avoir  une  courbe  G  A  H \fig.  zà.  Géom.  n°.  2.) 
pour  qu'en  tournant  autour  de  l'axe  G  H  elle  pro- 
duife  une  furface  courbe  plus  grande  que  celle  que 
produiroit  en  tournant  autour  de  G  H  toute  autre 
ligne  courbe  qui  pafferoit  par  les  mêmes  points  G,  H, 
&  qui  feroit  de  la  même  longueur  que  la  courbe 
qu'on  cherche  ;  on  trouveroit  lans  aucun  calcul,  en 
fe  fervant  du  théorème  précédent ,  que  la  courbe 
G  A  //qu'on  demande-  doit  être  celle  que  prendroit 
une  chaîne  chargée  d'une  infinité  de  petits  poids ,  & 
qu'on  attacheroit  aux  points  G  &cH:  car  une  chaîne 
qui  eft  ainfi  attachée  ,  doit  fe  difpofer  de  manière  que 
le  centre  de  gravité  des  poids  qui  la  compolent ,  c'eft- 
à-dire  le  centre  de  gravité  de  la  courbe  même  ,  def- 
cende  le  plus  bas  qu'il  eft  poffible  ;  d'où  il  s'enfuit 
que  la  courbe  formée  par  cette  chaîne  aura  fen  cen- 
tre de  gravité  plus  éloigné  de  l'horifontale  G  H  que 
toute  autre  ligne  courbe  de  la  même  longueur ,  & 
parlant  par  les  mêmes  points  :  par  conféquent  le  cer- 
cle décrit  par  le  centre  de  gravité  de  la  courbe  for- 
mée par  la  chaîne  ,  lorfque  cette  courbe  tourne  au- 
tour de  G  H ,  eft  plus  grand  que  le  cercle  décrit  par  le 
centre  de  gravité  de  toute  autre  courbe  de  même  lon- 
gueur ,&  parlant  par  les  mêmes points  G,  H;  donc  la 
furface  du  folide  produit  par  la  première  courbe ,  eft 
plus  grande  que  toute  autre.  On  voit  donc  que  le 
problème  fe  réduit  à  trouver  la  courbe  formée  par 
la  chaîne  ;  courbe  connue  par  les  Géomètres  fous 
le  nom  de  chaînette  ,  &  dont  ils  ont  donné  la  conf- 
truftion  il  y  a  long-tems.  Voye^  Chaînette. 

Le  mot  centrobaiique  eft  formé  des  mots  Ktvrpov, 
ccnzrum  ,  centre ,  &  Pa.pk ,  poids ,  pefanteur.  (O) 
.       CENTRINE  ,  poijfon;  voye^  PORC. 

*  CENT-SUISSES,  f.  m.  pi.  {Hifl.  mod.)  partie  de 
la  garde  du  Roi  commandée  par  un  capitaine  qui  a 
fous  lui  deux  lieutenans ,  l'un  François,  &  l'autre 
Suiffe.  Dans  les  jours  de  cérémonie  leur  capitaine 
marche  devant  le  Roi ,  &  le  capitaine  des  gardes  du 
corps  derrière.  Au  facre  le  capitaine  &  les  lieutenans 
font  vêtus  de  fatin  blanc  ,  avec  de  la  toile  d'argent 
dans  les  entaillures ,  &  les  fuiffes  ont  des  cafaques 
de  velours.  Cette  milice  a  des  juges  de  fa  nation , 
&  jouit  des  mêmes  privilèges  que  les  fujets  nés  du 
royaume  :  elle  eft  exempte  de  toute  impofition;  èc 
ce  privilège  s'étend  aux  enfans  &i  aux  veuves.  Voici 


l'ordre  de  fa  marche.  1.  Le  capitaine;  2.  les  deux 
lieutenans;  3.  le  premier  lergent;  4.  quatre  trabans 
pour  ladéfenfe  particulière  du  capitaine;  5.  les  ca- 
poraux ;  6.  les  anfpeffades  ;  7.  les  tambours  ;  8.  les 
moufquetaires;  9.  deux  trabans  pour  la  défenfe  de 
l'enfeigne  ;  10.  deux  tambours  ;  1 1 .  l'enfeigne  ;  1 2. 
les  piquiers  ;  13.  les  moufquetaires  de  la  féconde 
marche  ;  1 4.  les  ious-lieutenans  à  la  queue  de  la  com- 
pagnie; 15.  les  autres  fergens  fur  les  ailes.  Ils  font 
appelles  cent-fuijjes  ,  parce  qu'ils  forment  une  com- 
pagnie de  cent  hommes.  Le  P.  Daniel  prétend  que 
cette  compagnie  eft  une  garde  militaire  du  Roi.  En 
effet ,  les  cent-juiffes  vont  à  la  tranchée  dans  les  liè- 
ges que  le  Roi  fait  en  perfonne  :  alors  au  lieu  de  la 
hallebarde ,  leur  arme  ordinaire  ,  ils  prennent  le  fu- 
fil.  Les  Suijjes  commencèrent  en  148 1  à  être  à  la  fol- 
de  du  Roi ,  à  la  place  des  francs-archers  établis  par 
Charles  VII.  Louis  XI.  les  retint  à  la  recommanda- 
tion de  ion  père  ,  &  en  prit  une  compagnie  pour  la 
garde  ordinaire  de  fa  perfonne.  Cette  compagnie  fut 
confirmée  dans  cette  fonction  par  Charles  VIII.  en 
1496  :  le  capitaine  qui  la  commande  a  le  titre  de  ca- 
pitaine-lieutenant. Poyei  l'Etat  de  la  France  ,  l'Hijhirc 
de  la  Milice  Françoije  par  le  P.  Daniel ,  &C  YAbrégî 
chronologiaue  de  M.  le  prélident  Hénaut. 

CENTÛMVIRAT  ,  f.  m.  (  Hifl.  anc.)  tribunal  ou 
cour  chez  les  Romains ,  ainii  nommée  du  nombre 
des  cent  magiftrats  qui  la  compofoient ,  &  qui  déci- 
doient  les  différends  des  particuliers.  On  les  nom- 
moit  antumvirs  ,  &  leur  dignité  centumvirat.  (G) 

*  CENTURIATEURS  de  Maldebourg.  V.  Cen- 
TURIE. 

^  CENTURIE  ,{.f.(  Hifl.  anc.  )  ce  mot  fignifîe  en 
général  une  diftribution  des  parties  d'un  tout  par  cen- 
taine. Foyei  Cent. 

Dans  les  tems  que  le  peuple  Romain  s'aflembloit 
pour  créer  des  magiftrats  ,  ou  pour  établir  des  lois  t 
ou  pour  délibérer  des  affaires  publiques,  il  étoit  di- 
viié  par  centuries  ;  &  afin  que  l'on  pût  recueillir  plus 
facilement  les  fuffrages ,  on  opinoit  par  centuries  :  ces 
aiïemblées  fe  faifoient  dans  le  champ  de  Mars  ,  Se 
elles  s'appelloient  comitia  centuriala. 

Les  cohortes  de  Rome  étoient  divifées  par  décu- 
ries ,  commandées  par  des  décurions  ,  &  par  centu- 
ries, commandées  par  des  centurions  :  chaque  cohor- 
te étoit  compoiée  de  iix  centuries  ;  &  une  légion ,  de 
foixante  centuries.  Voye^  Cohorte  ,  DÉCURION  , 
&  Centurion.  {G) 

Centurie  oujiecle  ,  en  Chronologie ,  c'eft  l'efpace 
de  cent  ans.  L'Hiftoire  eccléfiaftique  compte  princi- 
palement par  iîecles,  à  commencer  de  l'incarnation 
de  notre  Seigneur.  Voye^  Siècle. 

On  dit  dans  ce  fens  la  première  centurie  ou  premier 
flecle.  Mais  ce  mot,  beaucoup  plus  ufité  en  Anglois 
qu'en  François ,  ne  s'employe  gueres  que  dans  le  cas 
iuivant. 

Centuries  de  Magdebourg ,  (  Hifl.  eccléf.  )  c'efî 
un  corps  d'hiftoire  eccléfiaftique  que  quatre  miniftres 
de  Magdebourg  commencèrent  en  l'année  1 560.  Ces 
quatre  miniftres  font  Matthias  Flaccius  ,  furnommé 
Illyricus  ,  Jean  Wigand ,  Matthieu  Lejudin  ,  Bafile 
Fabert ,  &  auxquels  quelques-uns  ajoutent  Nicolas 
Gallus ,  &  d'autres  André  Corvin.  Illyricus  étoit  ce- 
lui qui  conduifoit  l'ouvrage  ,  &  les  autres  travail- 
loient  fous  lui.  Il  a  été  continué  jufqu'au  xin.  fiecle. 
Chaque  centurie  contient  toutes  les  chofes  remar- 
quables dans  un  fiecle  ,  &  eft  partagée  en  feize  cha- 
pitres. Le  premier  eft  un  fommaire  de  ce  qui  va  être 
dit  ;  le  fécond  eft  du  lieu  &  de  l'étendue  de  l'Eglife  ; 
le  troifieme  ,  de  la  perfécution  &  de  la  paix  de  l'E- 
glife ;  le  quatrième  ,  de  la  do£trine  ;  le  cinquième  , 
des  hérélies  ;  le  lixieme ,  des  cérémonies  &  des  rits  ; 
le  feptieme ,  de  la  police  &  du  gouvernement  ;  le 
huitième,  du  fchifmej  le  neuvième ,  des  fynodçs  9 


C  E  P 

le  dixième  ,  des  vies  des  évoques  des  grands  fiéges  ; 
le  onzième  ,  des  hérétiques  ;  le  douzième ,  des  mar- 
tyrs ;  le  treizième,  des  miracles  ;  le  quatorzième,  de 
ce  qui  regarde  les  Juifs;  le  quinzième,  des  religions 
féparées  de  l'Eglife  ;  le  feizieme  ,  des  rnonumens  & 
changemens  politiques  des  états.  Cet  ouvrage  eft 
une  compilation  qui  a  demandé  beaucoup  de  tra- 
vail ,  mais  qui  ne  peut  point  paflér  pour  une  hiftoire 
bien  écrite ,  exafte  ,  &  parfaite.  Le  but  que  les  cen- 
turiateurs  femblent  s'être  propofé  ,  étoit  d'attaquer 
Féglife  Romaine,  &  d'établir  la  réforme  ;  &  le  car- 
dinal Baronius  entreprit  fes  annales  eccléfiaftiques , 
pour  les  oppofer  aux  centuries. 

CENTURION ,  f.  m.  (  Hift.  anc.  )  parmi  les  Ro- 
mains ,  officier  d'infanterie  qui  commandoit  une  cen- 
turie ou  cent  hommes.  Voyc-^  Centurie. 

Le  premier  centurion  de  la  première  cohorte  de 
chaque  légion  s'appeiloit  primtpilus  ,  primopilus ,  ou 
primi-pili-centurio  ,  &  quelquefois  primas  centurio.  Il 
n'étoit  fous  le  commandement  d'aucun  tribun  ,  à  la 
différence  des  autres  ,  &  il  commandoit  quatre  cen- 
turies. Il  gardoit  l'étcndart  6c  l'aigle  de  la  légion. 
C'eft  de-là  qu'on  l'appelloit primi-pilus \ 

CEP ,  f.  m.  (Agricult.  )  le  dit  d'un  pic  de  vigne. 
Voyci  Vigne. 

Cep  ou  Ceb  ,  (  Hijl.  nat.  Zoolog.)  on  appelle  de 
ce  nom  les  finges  qui  ont  des  queues  ,  6c  qui  font  de 
plufieurs  couleurs,  foye*  Singe.   (  /  ) 

CEPE  AU ,  f.  m.  (  Monnayage.  )  c'étoit  le  billot 
dans  lequel  étoit  arrêtée  la  pelle  ou  matrice  d'écuf- 
fon  ,  lorfqu'on  frappoit  les  monnoies  au  marteau. 

Voyc l  MONNOYAGE. 

*  CÉPÉES  ,  f.  f.  pi.  (  Commerce  &  exploitation  des 
bois.  )  ce  terme  défigne  quelquefois  une  certaine 
étendue  de  buiffons  ,  mais  plus  fouvent  ce  qui  re- 
pouffe des  louches  d'un  bois  tailiis  :  l'ordonnance 
défend  de  les  abattre  ,  foit  à  la  ferpe  foit  à  la  feie  , 
mais  feulement  à  la  coignée.  Cépées  fc  dit  aufïï  des 
fouches  mêmes.  La  coupe  des  têtes  &  des  cepces  des 
failles ,  marfaux  ,  frênes  ,  aulnes  ,  appartient  au  fer- 
mier actuel ,  lorfque  c'étoient  des  fruits  réglés  dont 
le  fermier  précédent  joiiiffoit,  à  moins  que  le  pro- 
priétaire ne  le  la  foit  refervée. 

*  CENTUSSIS  ,  (  Antiquité.  )  c'étoit  d'abord  au- 
tant que  centam  njjès  :  mais  as  Se  iibra  étant  lynony- 
mes ,  le  centuffis  valoit  cent  livres  de  cuivre,  éva- 
luées en  argent  à  dix  deniers.  Dans  la  fuite  le  cen- 
tuffis  ne  fut  plus  compté  que  pour  cent  fextans ,  puis 
pour  cent  onces ,  &  enfin  pour  cent  demi-onces,  f^oy. 
Monnoies  anciennes. 

♦CEPENDANT,  POURTANT,  NÉANMOINS, 
TOUTEFOIS,  fynonymes,  (Gramm.)  M.  l'abbé  Gi- 
rard dit  que  pourtant  a  plus  d'énergie  ,  affirme  avec 
plus  de  fermeté  ;  que  cependant  cil  moins  abfolu  ,  & 
affirme  feulement  contre  les  apparences  ;  que  néan- 
moins indique  deux  choies  oppolées ,  dont  Ton  affir- 
me l'une  fans  nier  l'autre  ;  c*à^e  toutefois  marque 
une  exception  à  une  règle  aflR  générale  :  ce  qu'il 
confirme  par  les  exemples  fuivans ,  ou  d'autres  lein- 
blables.  Que  tous  les  critiques  s'élèvent  contre  un 
ouvrage  ,  qu'ils  le  pourfuivent  avec  toute  l'injultice 
&  la  mauvaife  volonté  pollible,  ils  n'empêcheront 
pourtant  pas  le  public  d'être  équitable ,  &  de 
ter  s'il  eft  bon.  Quelques  écrivains  ont  répandu  dans 
leurs  ouvrages  les  maximes  les  plus  • 
morale  chrétienne  ;  d'autres  ont  publié  les  f] 
les  plus  contraires  à  lés  dogmes  ;  cependant  ' 
6c  les  autres  ont  été  bons  pa  i 
toyens  même  ,  li  oi\  leur  pardonne  la  f..    .  I 

commife  en  qualité  d'auteu  S.  doue  a  de  la 

féchereffe  ;  néanmoins  il  fut  célèbre  parmi  les  • 
teurs  de  fontems  ?  On  dit  que  certains  journaliftes  ne 
louent  que  ce  qu'ils  foui  .  ■  ils  ont  loué  l'Hil- 

toire  naturelle  ,  6c  d'autres  cxccllcas  ouvrages  qu'ils 
n'out  pas  faits. 


CEP 


831 


CEPHALALGIE,  f.  {.(Médecine.)  douleur  de  tête 
violente.  Ce  mot  vient  du  Grec  xtp*> Si ,  tête ,  ôc 
d  «à~g£  ,  douleur. 

Cette  efpece  de  douleur  a  des  caufes  différentes 
dans  différens  fujets  :  les  différions  de  perfonnes  mor- 
tes à  la  fuite  de  cette  maladie,  nous  en  indiquent  deux 
principales  ;  favoir ,  i°.  l'engorgement  des  vaiffeaux 
des  membranes  qui  fervent  développes  au  cerveau, 
que  l'on  nomme  la  dure  &  la  pie-mere  ;  20.  le  dépôt 
d'une  lymphe  acre  épanchée  fur  la  fubftancc  même 
du  cerveau  ,  ou  fur  les  parties  nérveufes  de  la  tête  , 
qui  y  occafionnent  une  irritation  &  une  douleur  vio- 
lente. Lorfque  cette  douleur  eft  permanente  &  fans 
interruption  ,  elle  prend  un  autre  nom ,  6c  on  l'ap- 
pelle céphalée  :  alors  lesfymptomes  font  bien  plus  vio- 
lens;  ce  n'eft  plus,  comme  dans  la  céphalalgie,  un 
mal  léger  ,  &  qui  n'occupe  qu'une  partie  de  la  tête  ; 
il  devient  durable  ,  6c  difficile  à  guérir  ;  le  malade  a 
peine  à  fupporter  le  moindre  bruit  ;  la  lumière  lui 
devient  infupportable  ;  toutes  les  membranes  &  les 
parties  nérveufes  font  dans  une  tcnlion  fi  violente  , 
que  la  douleur  occupe  toute  la  tête. 

On  peut  encore  divifer  la  céphalalgie  en  migraine, 
que  les  Latins  ont  appellee  hemicrania  ,  parce  qu'il 
n'y  a  qu'un  côté  de  la  tête  d'affecté;  &  en  clou,  cla- 
ms ,  état  dans  lequel  le  mal  n'excède  pas  la  largeur 
de  la  tête  d'un  clou ,  &  où  il  femble  à  la  perfonne 
malade  que  ce  foit  un  clou  qu'on  lui  ait  planté  dans 
quelque  partie  ,  mais  fur-tout  au  lbmntet  de  la  tête  : 
cet  accident  arrive  particulièrement  aux  femmes 
hyliériques.   Foye^  Passion  hystérique. 

Les  caufes  éloignées  de  la  céphalalgie  font ,  com- 
me on  le  peut  voir  par  les  fymptomes  qui  l'accom- 
pagnent, la  trop  grande  abondance  du  fang  ,  qui  ne 
pouvant  par  cène  raifon  circuler  avec  facilité  dans 
les  vaiffeaux,  s'arrête  dans  les  capillaires  du  cer- 
veau ,  diftend  8c  occafionne  une  fenfation  doulou- 
reufe  dans  toute  l'étendue  de  la  tête  ,  ou  dans  cer- 
taines parties  feulement. 

Le  fang  qui  abondera  en  férofité  acre,  occafion- 
nera  auffi  par  l'irritation  des  parties  nérveufes  la  cé- 
phalalgie :  enfin  tout  ce  qui  peut  altérer  la  lymphe, 
comme  la  vérole,  le  feorbut  ,  &c  autres  maladies  de 
cette  efpece  ,  font  autant  de  caufes  de  cet  accident , 
qu'on  vient  à  bout  de  détruire  en  corrigeant  la  cau- 
fe  :  elle  cédera  donc  aux  remèdes  mei  curiels ,  lors- 
qu'elle fera  produite  par  la  vérole,  cV_  aux  antilcor- 
butiques ,  lorfque  le  feorbut  y  aura  donne  lieu. 

L'excès  dans  le  commerce  des  femmes  ,  dans  l'é- 
tude &:  le  travail,  dans  les  c\  aérations  ,  foit  par  les 
faignées,  les  vomiffemens,  les  purgations,  font  au- 
tant de  caules  de  la  céphalalgie  ,  qui  eft  auffi  produi- 
te affez  louvent  par  un  amas  de  crudités  dans  l'efto- 
mac  ,  d'on  provient  un  chyle  de  mauvaife  qualité  ; 
par  des  fueurs  trop  abondantes;  enfin  par  une  trop 
grande  tranfpiration  ,  ou  par  la  tranfpiration  même 
fupprimée  tout-à-coup. 

Le  pronoftic  que  l'on  peut  tirer  de  la  et />  .il algie  , 
c'eft  qu'elle  n'efl  jamais  fans  danger  :  li  les  membra- 
nes du  e  tte  maladie  ,  il  y  a 
lieu  de  craindre  la  firénéfie  ;  lorsqu'elle  eft  oc( 
ne  e  par  un  embarras  dans  les  parties  internes ,  qu'elle 
eft  accompa  ttiée  de  tintemen 

de  pe.  '  : .  &  d\\^c  pulfation  \  iolente  dans 

les  vaiffeaux :  de  la  tête,  elle  d  eilementen 

manie ,  fur-tout  dans  les  <  idriaques:  lorfque 

la  céphalaigit  efl  fume  de  foibleffe  dans  les  articu- 
lations ,  d'étourdiffemens  ,  d'<  dans  la  lan- 

.  dans  ta  prononciation,  on 
comme  Pavant-coureur  de  l'a]  e&    el 

enfin  lorfque  les  jeunes  gens  font  fujets  à  la  cU 
pe,  ils  font  mena. 

Il  efl  ailé  de  voir  par  la  différence  des  caufes  delà 
céphalalgie ,  qu'elle  doit  erre  traitée  de  chverfes  ma- 


832 


CEP 


nieres  ;  les  faignées  doivent  être  employées  dans  cer- 
tains cas;  dans  d'autres  les  délayans,  les  fudorifî- 
ques  légers,  enfin  les  cinétiques  ;  le  tout  dirigé  par 
les  conleils  d'un  médecin ,  qui  connoiffant  la  caufe, 
V  approprie  le  traitement ,  fur  lequel  il  n'eft  point 
poffible  de  donner  de  règles  générales. 

Une  obfervation  faite  par  Covper  fur  une  cépha- 
lalgie, prouvera  la  vérité  de  ce  que  j'avance.  Ce  la- 
vant médecin  guérit  un  malade  attaqué  de  céphalal- 
gie, en  perçant  par  l'alvéole  d'une  dent  molaire  le 
iinus  maxillaire  ;  cette  opération  procura  l'évacua- 
tion d'une  quantité  de  pus  qui  occafionnoit  ce  mal. 

Drak  rapporte  deux  faits  femblables.  Sans  être 
médecin ,  on  ne  peut  pas  parvenir  à  la  connoifîance 
de  caufes  aulfi  fmgulieres.  (  N) 

CÉPHALIQUE  ,  adj.  (en  Anatomie.)  fe  dit  d'une 
veine  fituée  à  la  partie  externe  du  bras.  Voye^  Bras. 

La  veine  ciphaliqut  eft  une  branche  de  l'axillaire  ; 
elle  s'unit  peu  après  fa  naiflance  avec  la  petite  cépha- 
lique  qui  defeend  de  la  veine  foûclaviere  ou  de  la  ju- 
gulaire externe  ;  elle  paffe  entre  les  tendons  du  mui- 
cle  deltoïde  &  grand  pectoral,  &  defeend  tout  le 
long  du  bord  externe  de  la  portion  externe  du  biceps. 
Foyei Jugulaire,  Deltoïde,  &c.  (L) 

CÉPHALIQUE,  adj.  (Médecine.')  remède  propre 
pour  les  iraladies  de  la  tête.  Ce  mot  eft  tiré  du  Grec 
x.i$<&\h  ,  tête. 

On  donne  ordinairement  ce  nom  aux  remèdes  qui 
font  propres  à  calmer  la  trop  grande  vivacité  du  lang, 
l'irritation  &  la  tenfion  des  fibres ,  d'où  proviennent 
l'irrégularité  dans  la  diftribution  des  eiprits ,  le  déli- 
re ,  les  fpafmes ,  les  convulfions ,  la  fréneiie ,  Se  au- 
tres accidens  de  cette  efpece. 

On  met  au  rang  des  céphaliques  tous  les  remèdes 
qui  tempèrent  l'agitation  des  eiprits  par  leurs  exha- 
laifons  agréables  ;  tels  font  les  fleurs  de  primevère  , 
de  tilleul ,  de  fureau ,  de  violettes ,  de  lis  des  vallées  ; 
enfin  les  fubftances  balfamiques  dont  on  a  donné  l'u- 
fage  en  infufion ,  en  décoction ,  ou  en  poudre. 

Lorfque  l'on  fait  prendre  les  céphaliques  en  fternu- 
tatoires,  on  a  defTein  d'irriter  légèrement  une  bran- 
che de  la  cinquième  paire  des  nerfs ,  qui  unie  avec 
une  pareille  branche  de  la  fixieme ,  fe  répandent  dans 
toutes  les  cavités  de  la  face ,  &  font  humectées  par 
la  membrane  pituitaire  ;  cette  efpece  de  convullion 
excite  l'évacuation  de  la  mucolité  qui  s'y  fepare ,  & 
foulage  par  ce  moyen  dans  les  cas  où  fon  trop  grand 
épaifîiffement  ou  fa  trop  grande  quantité  eft  nuiiï- 
ble.  f^oyei  Sternutatoire.  (A7) 

CÉPHALOPHARINGIEN,  terme  a"  Anatomie,  eft 
le  nom  de  deux  mufcles  de  l'orifice  de  l'œfophage , 
qu'on  appelle  pharynx.  Voyc^  Muscle. 

Ils  viennent  de  la  face  inférieure  de  l'apophyfe  ba- 
filaire  de  l'occipital  vers  fa  partie  moyenne ,  &  s'é- 
panoùiffent  fur  la  partie  fupérieure  &  poftérieure  du 
pharynx,  qu'ils  tirent  en-haut  ÔC  en  arrière,  f^oye^ 
Pharynx.  (L) 

CÉPHÉE ,  f.  m.  (en  Agronomie.)  c'eft  une  des  conf- 
tellations  de  l'hémifphere  feptentrional  :  elle  a  treize 
étoiles  dans  le  catalogue  de  Ptolomée  ;  onze  dans  ce- 
lai de  Ticho  ;  quarante  dans  Hevelius  ;  &  dans  le  ca- 
talogue Britannique  cinquante -cinq.  (O) 

*  CEPHISE ,  f.  m.  (Géog.  &  Mythol.)  fleuve  de  la 
Phocide ,  qui  prend  fa  fource  dans  la  Doride ,  pafle 
dans  le  voifinage  du  Parnaffe,  traverfe  la  Béotie  & 
le  lac  de  Copaïs  appelle  aujourd'hui  Lago  dijlivo ,  & 
fe  jette  dans  l'Euripe ,  ou  le  détroit  de  Ncgrepont. 
Ce  fleuve  eft  aujourd'hui  connu  fous  le  nom  de  Cef- 
fijfo.  L'oracle  de  Themis  que  Deucalion  &  Pyrrha 
confulterent ,  avoit  fon  temple  fur  fes  bords. 

*  CEPITES,  (Hifl.  nat.)  efpece  d'agate ,  qui  félon 
toute  apparence,  a  été  ainfi  nommée  à  caufe  du  grand 
nombre  de  raies  que  l'on  y  remarque ,  qui  la  font 
reflembler  à  un  oignon  (  en  latin  cèpe  )  que  l'on 


C  E  R 

auroit  coupé  en  deux.   Voye7^  C  article  A  GATE. 

CERAM  on  CEIRAM,  (  Géog.  )  ile  confidérable 
d'Alie,  dans  la  mer  des  Indes,  l'une  desMoluques, 
dont  la  plus  grande  partie  eft  aux  Hollandois  ;  le  refte 
dépend  du  roi  deTernate. 

*  CERAMES,  f.  m.  pi.  (Hijl.  anc.)  vafes  de  terre 
cuite  dont  on  fe  fervoit  dans  les  repas.  Jufqu'au  tems 
des  Macédoniens ,  dit  Athénée  ,  on  fe  fervoit  de  va- 
fes de  terre  cuite  ;  le  luxe  s'étant  fort  accru  parmi  les 
Romains ,  Cleopatre,  la  dernière  des  reines  d'Egypte, 
voulut  les  imiter  :  mais  pour  ne  pas  changer  l'ancien 
nom ,  elle  appella  cérames  ou  vafes  de  terre  cuite ,  les 
coupes  d'or  &  d'argent  qu'elle  faifoit  diftribuer  aux 
convives  lorfqu'ilsfe  retiroient.  Ces  préfens  qu'on  fai- 
foit aux  convives  s'appelloient  aufli  apophoretes,  voy. 
Apophoretes.  C'étoit  un  ufage  établi  dont  on  trou- 
ve plulieurs  exemples  ;  celui  de  donner  des  coupes 
d'orfic  d'argent  étoit  d'une  dépenfe  excefïive ,  qu'ap- 
paremment on  ne  répétoit  pas  fouvent ,  &  n'étoit  pas 
afiïïrément  du  tems  où  l'or  étoit  fi  rare ,  que  Philippe 
de  Macédoine,  père  d'Alexandre,  cachoit  toutes  les 
nuits  lbus  fon  chevet ,  une  petite  phiole  d'or  qu'il 
avoit ,  de  peur  qu'on  ne  la  lui  volât. 

*  CERAMICIES ,  f.  f.  pi.  (  Hifl.  anc.)  fêtes  Athé- 
niennes ,  dont  on  ne  fait  autre  chofe  ,  finon  qu'elles 
étoient  ainfi  nommées  du  céramique  ou  de  l'endroit  où 
elles  fe  célébraient. /'oyrç  Céramique  &  Fêtes. 

*  CÉRAMIQUE,  f.  m.  (Hifl.  anc.)  Il  y  avoit  dans 
Athènes  deux  lieux  célèbres  qui  portoient  ce  nom , 
qui  fignifie  en  Grec  tuileries.  L'un  s'appelloit  le  céra- 
mique du  dedans  ;  c'étoit  une  partie  de  la  ville ,  ornée 
de  portiques,  &  une  des  principales  promenades. 
L'autre  ,  le  céramique  du  dehors  ;  c'étoit  un  faubourg 
où  l'on  faifoit  des  tuiles ,  &  oii  Platon  avoit  fon  aca- 
démie. Meurfms  prétend  que  ce  dernier  étoit  aufîi  le 
lieu  de  la  fépulture  de  ceux  qui  étoient  morts  pour 
la  patrie;  qu'on  y  faifoit  des  oraifons  funèbres  à  leurs 
louanges ,  &  qu'on  leur  y  élevoit  des  ftatues  ;  au  lieu 
que  le  premier  étoit  un  quartier  de  la  ville  bâti  de 
briques  ou  de  tuiles  ;  ce  qui  le  fît  appeller  céramique , 
habité  par  les  courtifaues. 

CERASTE,  cerafles ,  fiib.  m.  (Hifl.  nat.  Zoolog.) 
ferpent  ainfi  nommé ,  parce  qu'il  a  fur  la  tête  deux 
éminences  en  forme  de  cornes  pareilles  à  celles  du 
limaçon ,  quoique  plus  dures  ;  ils  ont  aufîî  deux  tu- 
bercules qui  font  femblables  à  des  grains  d'orge,  6c 
que  l'on  prendrait  pour  des  cornes  plus  petites  que 
les  deux  autres  :  ce  ferpent  a  les  dents  comme  la  vi- 
père ,  il  eft  vivipare  ;  il  fe  pafle  de  boire  plus  long- 
tems  que  tout  autre  ferpent.  On  le  trouve  en  Libye 
&  en  Arabie,  près  de  la  ville  de  Suez.  Bellon,  Obf. 
liv.  II.  ch.  Ijv.  Voye{  SERPENT.  (1) 

La  morfure  de  ce  ferpent  caufe  une  tumeur  fem- 
blable  à  la  tête  d'un  clou  ;  il  en  fort  une  fanie  rou- 
geâtre  de  la  couleur  du  vin ,  ou  noirâtre ,  fur-tout 
par  les  bords  ;  ainfi  qu'il  arrive  dans  les  bleftures  qui 
ont  pour  caufe  des  ç^psou  contulions. 

Eile  cil  iiiivie  d'aCfcidens  pareils,  &  demande  des 
remèdes  femblables  à  ceux  dont  on  ufe  contre  la  mor- 
fure de  la  vipère  ;  le  malade  n'en  meurt  qu'au  bout 
de  neuf  jours ,  mais  il  eft  plus  cruellement  tcurmenté 
que  s'il  avoit  été  mordu  par  une  vipère. 

Lemery  qui  a  tiré  d'Aétius  ce  qu'il  dit  du  cerafles, 
ajoute  qu'il  peut  fournir  les  mêmes  préparations  mé- 
dicinales que.  la  vipère  ;  qu'il  contient  beaucoup  de 
fel  volatil  &  d'huile  ;  qu'il  eft  fudorifique  ;  qu'il  ré- 
iïfte  au  poifon  ;  qu'il  purifie  le  fang ,  &  qu'il  eft  bon 
dans  la  petite  vérole  ,  la  pefte ,  &  la  gratelle.  (iV) 

*CER  ASTIS,  (Géog.  anc.)  nom  que  portoit  an- 
ciennement file  de  Chypre  ;  il  lui  vint  du  grand  nom- 
bre de  fes  montagnes ,  dont  les  pointes  reffemblent 
à  des  cornes ,  ou,  ainlî  que  les  Mythologiftes  le  pré- 
tendent ,  de  peuples  cruels  appelles  cerafles  ou  porte- 
cornes  ,  que  Venus  changea  en  taureaux. 

*CERASUS. 


CER 

*CERASUS,  (  Giog.  anc.  &  mod.}  aujourd'hui 
ChiriJJbnda  ou  Emid ,  ou  Omidi,  ancienne  ville  de 
Cappadoce,  d'où  l'on  prétend  que  Lucullus  apporta 
lesterifes  en  Italie;  foit  que  le  ceriiier  ait  donné  le 
nom  à  la  ville  >  ou  l'en  ait  reçu. 

CER  AT,  f.  m.  {Pharmacie.}  onguent  dont  la  cire 
fait  la  baie.  Les  modernes  préparent  leur  cirât  avec 
des  fubftances  grafles  6c  huileufes ,  des  gommes ,  des 
réfines,  des  baumes,  &  des  poudres,  unis  ensem- 
ble par  une  quantité  fuftifante  de  cire,  à  laquelle  ils 
ajoutent  quelquefois  des  mucilages  &  différentes  for- 
tes de  lues;  en  forte  que  la  compofition  foit  plus 
épaifle  qu'un  onguent,  ck  plus  molle  qu'une  emplâtre. 
La  règle  preferite  par  les  auteurs ,  cil  de  prendre 
huit  parties  d'huile  ,  de  graille  ou  de  fuc  ,  quatre  de 
cire  ,  &  deux  de  poudre  ;  d'autres  prennent  trois  on- 
ces d'huile ,  une  demi-once  de  cire ,  tk  trois  dragmes 
de  poudre. 

Mais  comme  les  fubftances  huileufes  tk  onchieu- 
fes  font  plus  fluides  dans  les  tems  chauds  que  dans 
lestems  froids,  c'eft  une  circonftance  à  laquelle  il  faut 
avoir  égard. 

C  É  R  a  t  blanc  :  prenez  huile  d'amandes  douces  , 
cinq  onces;  cire  blanche,  deux  onces  ;  blanc  de  ba- 
leine le  plus  fin ,  une  once  ;  cérufe  lavée  dans  l'eau- 
rofe ,  une  once  &  demie  ;  camphre  ,  une  demi  -on- 
ce :  faites  fondre  fur  le  feu  les  ingrédiens  fufibles  ; 
remuez-les  tandis  que  vous  y  répandrez  les  poudres , 
jufqu'à  ce  que  le  mélange  loit  froid. 

Quelquefois  on  préparc  un  cirât  avec  huit  parties 
d'un  onguent  fur  deux  ou  trois  parties  de  cire  ;  d'au- 
tres fois,  c'eft.  en  amolliffant  la  matière  d'une  emplâ- 
tre par  une  addition  d'une  quantité  fuffifante  d'huile. 
On  étend  le  cirai  fur  un  linge ,tk  on  l'applique  fur 
la  partie  affligée. 

On  fe  propofe  de  produire  avec  les  cérats  un  grand 
nombre  d'effets  différens,  comme  de  rélâcher,  amol- 
lir, digérer,  cicatrifer,  attirer,  &c. 

Ainfi  on  peut  faire  des  chats  defïïccatifs ,  deter- 
fifs ,  fondans  ;  on  les  applique  fur  les  différentes  par- 
ties du  corps,  &  clans  différentes  occalions.  On  em- 
ployé les  remèdes  en  confiflance  de  cirât,  pour  ne 
pas  offenfer  les  parties,  tk  occuper  moins  de  place. 
Cirai  jaune  dtjjïccaùf:  prenez  réfine  jaune,  une  de- 
mi-livre; fuif  de  mouton,  quatre  once  s  ;  huile  d'o- 
live ,  cinq  onces;  térébenthine  de  Yeniie,  trois  on- 
ces; turbith  minéral,  quatre  gros  :  faites-en  un  cirât 
félon  les  règles  ci-de(îus. 

Cirai  de  Galien  :  prenez  cire  blanche  ,  deux  onces  ; 
huile  rofat,  cinq  onces:  mclez-les  lelon  l'art,  ce  rai- 
tes-en  un  cirât.  {N) 

CERATIAS  ,  f.  m.  {A/lrortom.)  feipn  certains  au- 
teurs ,  eft  une  comète  cornue,  qui  paroit  foiuent 
barbue,  &  quelquefois  avec  une  queue.  Ils  préten- 
dent  que  quelques-unes  de  ces  comètes  reiiemblcnt  à 
la  figure  de  la  nouvelle  lune  :  celles  qui  ont  des 
queues,  les  ont  crochues  &  recoin  becs  ou  vers  le 
haut  OU  irevS  le  bas;  d'autres  ont  des  queues  d'une 
cl,  île  largeur  qu  épaifleur  ,  èvc.  Hauts, 
i  CERÀTION  ,  C  f-  (  Chimie.  )  ce  mot  lignifie  deux 
choies  différentes.:  il  a  une  iignificaiion  figurée  ,  & 
il  en  a  une  naturelle  ;  il  a  aulfi  deux  etymologies 
différentes. 

Dans  le  fens  figuré ,  ciration  ,  en  Grec  y.:\'r:\u;  ,  de 
KMfioc ,  ccra  ,  cire,  fignifie  l'action  par  laquelle  on  rend 
UO  corps  naturellement  difficile  à  fondre ,  comme 
eft  l'argent ,  fufible  comme  qe  la  cire ,  tel  qu'ail  1  ar- 
gent penétljé  de  l'acide  du  fel  commun,  &  qui  dans 
cet  état  eil  nommé  lime  cornée.  Ce  changement  des 
corps  (  [U  ils  etoient.i  fondre,  devien- 

nent fufibles  comme  de  la  cire  ,  eft  telon  les  Alçbi- 
miftes  >  ■     1er  ,  une  propriété  eifentielle  de  la 

pierre  •■'  ilpfpphalé. 

(.'..'..''•  •  ,  Naît  auliïdire  l'action  d"cn\  Jopper  ..-u 
Tome  II, 


CER 


83  3 


•    de  pénétrer  de  cire  un  corps,  comme  la  toile  :  c*èil 
incération ,  inctratio  ,  uitimeç. 

Ceration  dans  une  lignification  naturelle,  veut  dire 
manipulation,  l ,:-,-':  1;  ,incheratio  ,  inchération  eu 
inkeration,  £«psf/{,  ckerdtio ,  chération  ou  kération, 
&  improprement  ciratlon,  àéxùf,  mania,  main.  (M) 

CE  RAT  IU M  ,  antiquité:   c'étoit   une  y. 
monnoie  de  cours  parmi  les  Grecs  ;  elle  valoit  le 
tiers  d'une  ololé;  on  prétend  qu'elle  répondoit  au 
filiqua  des  Latins.  Voye^  Ojjole  &Siliqva. 

CERATOÏDES,  f.  f.(-%2.  nat.  b  t.)  genre  dé- 
plante à  fleur  fans  pétales  &  ftèrile  ;  les  fruits  naif- 
fent  fur  la  même  plante  féparérhent  dés  fleurs;  ils 
font  applatis ,  divifés  en  cleu  .  ,  &  termines 

par  des  prolongemens  en  forme  de  cornes ,  &  ils 
renferment  des  femences.  Toufnefort ,  Injt.  r. 
corol.  Foyei  Plante.  (/) 

CERATOGLOSSE  ,  adj.  m.  pris  fubft.  {en  Ana- 
tomie.  )  nom  d'une  paire  de  mufclesde  la  [an  ;ue  ,  qui 
viennent  de  la  partie  fûpéfiëure  de  la  grande  corne 
de  l'os  h)-oide,  &  fe  terminent  à  la  partie  poftérieure 
&  latérale  de  la  langue.  (/.) 

CERATO-SPERMUM,  {Hifl.  nat.  bot.  )  genre 
de  plante  qui  diffère  de  l'agaric,  en  ce  que  fes  femen- 
ces font  en  forme  de  croifiant.  Michcli ,  Nov.  pi.  gen. 
Voyei  Plante.  (/) 

*  CERAUNE,  f.  m.  {Hifl.  anc.  )  furnom  qu'on  a 
donné  à  quelques  princes  qui  fe  font  diftingués  par 
leur  valeur  :  ainfi  l'on  a  dit  Ptolomie  Ceraum  ,  Seleu- 
cus  Ceraune  ,  &c.  comme  nous  difons  foudre  de  guerre. 

*  CERAUNIENS,  (Monts.)  Les  Grecs  ont 
donné  ce  nom  à  plufieurs  chaînes  de  montagnes  ;  les 
unes  étoient  fituéeslur  les  confins  de  l'Epire  ,  où  la 
mer  Ionienne  commence  à  s'appcller  mer  Adriatique  ; 
d'autres  faifoient  partie  du  Caucafe  :  il  y  avoîl 

des  monts  Ceraumens  en  Afrique.  On  pourroit  même 
dire  en  général  qu'on  a  donné  ce  nom  à  la  plupart 
des  montagnes  que  leur  hauteur  expofôit  A  lafoudfe. 

*  CER  AiJNQ  f  OPION ,  f.  m.  (  Hifl.  anc.  )  par- 
tie du  théâtre  des  anciens  :  c'étoit  une  mach;- 

vée  &  veriatile  de  la  forme  d'une  guérite ,  d'où  Jupi- 
ter lançoitla  foudre  ,  dans  les  pièces  où  . 
étoit  néceffaire.  Pqye{  Tjîi'aTRE.  ' 

*  CERBERE  ,  f.  m.  ( fttylHofegte: ) nom qi 
Poètes  ont  dorme  à  un  chien 

gueules,  qu'ils  ont  fait  naitre  .  'ichid- 

na,  &  qu'ils  ont  placé  à  la  pi  ils  ra- 

content qu'il  carène   les  âmes  e^u  1    j 
qu'il  empêche  d'en  fortir  celles  qui  v  i 
dues ,  &:  qu'il  en  éloigne  les  \  i\  ans  ;  il 
qu'Hercule  l'enchaîna  ce  s'en  lit  fn:\  re.  ( 
piquent  de  trouver  du  fens  à  toutes  les  fabfes,  1 
que  cer!\re  eft  un  fymbole   de  la  terre  c;'.;;  abforbe 
tout ,  ou  du  tems  à  qui  rien  ne  rci.it 
les  l'ont ,  le  prelént ,  le  patte,  èc  l'avertir.  D  . 
font  de  cerBere  un  ferpeht  habitant  du  T.       .  . 
rpontoire  de  la  Lacome.qu'il  ravageoit;  ce  comme  il 
yavoîtj  me  endroit  une  ça    1  'l'en- 

trée pafloit  pour  une  des  portes  de  l'enfer  ;  il- 
terent  que  ce  monftré  croit  le  v  .    Phitori.  La 

vicloiie  qu'Hercule  remporta  fur  lui  ,   eft  fuivant 

•riede  l'empire  que  ce'  ' 
fur  ("es  pajfipns ,  Om^riale  &  Déjaniré  I 
ARE  (le)  Giog.  petiij 
'.teiT.uK  e,furla  çi 
. 
!  J.  m.(  Fam 
appelle   les  pennes  du  boi  aX  de 

les  faucons,!  .iont 

qu,i  n  .  &  les  ëpérvîers 

. 
,in  de  l'autre,  maisne 
s!applati«  au  1 


834 


CER 


lui  fait  prendre  à  la  main  la  forme  extérieure  du  bou- 
ton fur  lequel  il  fe  jette.  Voyt{  Jetter.  Il  y  a  des 
cerceaux  unis,  dedécoupés,  Se  de  gravés.  V.  Battre  , 
Découper,  &  Graver.  Les  cerceaux  ne  font  d'ufage 
parmi  les  Boutonniersque  dans  les  boutons  façonnés. 

Cerceau,  {en  terme  de  Cirier.  )  c'eft  un  cercle 
garni  de  petits  crochets  ou  de  cordons  de  difïance 
en  diftance  ,  auxquels  on  fufpend  la  bougie ,  &c.  foit 
en  l'accrochant ,  foit  en  la  colant  aux  cordes  ;  ce  qui 
ne  fe  fait  que  pour  les  bougies  de  table  qui  ne  font 
pas  encore  couvertes.  Voye{  Couvrir.  Voye^  auffi 
la  Planche  du  Cirier ,  figure  z. 

Cerceau  ,  c'eft  un  lien  de  bois  qui  fe  plie  faci- 
lement ,  &  dont  les  Tonneliers  le  fervent  pour  relier 
les  tonneaux,  cuves  ,  cuviers  ,  baignoires,  &c.  Les 
meilleurs  cerceaux  font  ceux  de  châtaignier ,  parce 
qu'ils  pourriffent  moins  vite  :  on  en  fait  auffi  d'au- 
tres bois ,  comme  de  coudre ,  de  frêne  ,  de  bouleau , 
dont  on  fend  les  branches  par  le  milieu.  On  les  ap- 
porte en  moles  ou  bottes  compoiées  de  plus  ou  moins 
de  cerceaux ,  fuivant  leur  efpece.  Voye^  Mole. 

Lorfque  les  cerceaux  font  reliés  ,  on  leur  donne  dif- 
férens  noms  ,  fuivant  l'endroit  de  la  futaille  auquel 
on  les  place.  Le  premier  du  côté  du  bord  le  nomme 
le  talus;  le  fécond  eft  double  &  s'appelle  hfommier; 
le  troifieme  &  le  quatrième  font  connus  fous  les  noms 
de  colla  &  fous-collet,  ou  de  premier  &  fécond  collet. 
Après  ces  quatre  cerceaux ,  il  y  en  a  d'autres  qui  n'ont 
pas  de  nom  particulier,  à  l'exception  du  dernier, 
c'efl-à-dire  de  celui  qui  eft  le  plus  proche  du  bondon , 
qu'on  appelle  le  premier  en  bouge. 

CERCELLE ,  oifeau  ,  voye^  Sarcelle. 

CERCIF1  ou  SALSIFI ,  f.  m.  {Jardinage.  )fcor^o- 
nera  :  cette  plante  a  des  feuilles  comme  le  poireau  ; 
la  fleur  de  couleur  purpurine  ,  &  la  racine ,  font  très- 
eftiméespourla  cuiline  ;  elles  rendent  unfuc  laiteux. 

Elle  eft  une  efpece  du  tragopogon ,  en  François 
barbe-de-bouc. 

Les falfifis  communs  fe  cultivent  comme  ceux  d'Ef- 
pagne  ,  à  l'exception  qu'on  ne  les  feme  qu'au  prin- 
tems,  Se  qu'ils  fe  cueillent  au  carême.  (Â) 

*  CERCIO  ,  {Hiji.  nat.)  efpece  d'oifeau  des  In- 
des de  la  grandeur  d'un  étourneau ,  dont  le  plumage 
eft  de  différentes  couleurs  fort  vives  ;  il  remue  con- 
tinuellement la  queue  ;  l'on  dit  qu'il  apprend  à  parler 
avec  plus  de  facilité  qu'un  perroquet  :  il  n'eft  point 
bon  à  manger. 

CERCLE  ,  fub.  m.  (  en  Géométrie.  )  figure  plane , 
renfermée  par  une  feule  ligne  qui  retourne  fur  elle- 
même,  &  au  milieu  de  laquelle  eft  un  point  fitué 
de  manière  que  les  lignes  qu'on  en  peut  tirer  à  la  cir- 
conférence font  toutes  égales,  ^oye^  Centre. 

A  proprement  parler,  le  cercle  eft  l'efpace  renfer- 
mé par  la  circonférence,  quoique  dans  l'ulage  vul- 
gaire on  entende  par  ce  mot  la  circonférence  feule. 
Foyc{  Circonférence. 

Tout  cercle  eft  fuppofé  divtfé  en  360  degrés ,  que 
l'on  marque  ainfi  3600  ;  chaque  degré  fe  divife  en 
60  minutes  ainfi  marquées  ' ,  chaque  minute  en  60 
fécondes  marquées  par  "  ,  chaque  féconde  en  foi- 
xante  tierces  ainfi  marquées  '".  On  a  divifé  le  cer- 
cle en  360  parties,  à  caufe  du  grand  nombre  de  di- 
vifeurs  dont  le  nombre  360  eft  lufceptible.  Vqy.  De- 
gré ,  Minute  ,  &c.  Diviseur. 

On  trouve  l'aire  d'un  cercle  en  multipliant  la  cir- 
conférence par  le  quart  du  diamètre ,  ou  la  moitié 
de  la  circonférence  par  la  moitié  du  diamètre.  On 
peut  avoir  l'aire ,  à  peu  près  ,  en  trouvant  une  qua- 
trième proportionnelle  à  1000  ,  à  785 ,  &  au  quarré 
du  diamètre.  Voye{  Aire. 

Les  cercles  &  les  figures  femblables  qu'on  peut  y 
inferire,  font  toujours  entr'eîles  comme  les  quarrés 
des  diamètres  ;  ou ,  comme  les  Géomètres  s'expri- 
ment, les  cercles  font  entr'eux  en  raifon  doublée  des 


CER 

diamètres  ,  &  par  conféquent  auffi  des  rayons. 

Le  cercle  eft  égal  à  un  triangle ,  donc  la  bafe  eft 
la  circonférence,  Se  la  hauteur  le  rayon.  Les  cercles 
font  donc  en  raifon  compolée  de  celle  des  circon- 
férences* &  de  celle  des  rayons. 

Trouver  la  proportion  du  diamètre  du  cercle  à  fa  cir- 
conférence. Trouvez  en  coupant  continuellement  les 
arcs  en  deux,  les  côtés  des  polygones  inferits  ,  juf- 
qu'à  ce  que  vous  arriviez  à  un  côté  qui  foûtende 
un  arc  fi  petit  que  vous  voudrez  le  choifîr.  Ce  côté 
étant  trouvé  ,  cherchez  le  côté  du  polygone  cir- 
conferit  femblable  ;  multipliez  enfuite  chacun  de  ces 
polygones  par  le  nombre  de  fes  côtés,  ce  qui  vous 
donnera  le  périmètre  de  chacun  d'eux  :  la  raifon 
du  diamètre  à  la  circonférence  du  cercle  fera  plus 
grande  que  celle  du  diamètre  à  la  circonférence  du 
polygone  circonferit ,  mais  moindre  que  celle  du  dia- 
mètre au  polygone  inferit. 

La  différence  des  deux  étant  connue  ,  on  aura  ai- 
fément  en  nombres  très-approchés  ,  mais  cependant 
non  exatts,  la  raifon  du  diamètre  à  la  circonférence. 

Ainfi ,  Volfius  la  trouve  la  même  que  celle  de 
100 000 000 000 000  00  à  3.  141  591653  589  7932. 
Archimede  a  donné  pour  raifon  approchée  celle  de 
7  à  22  ;  Ludolphe  de  Ceulen  a  porté  cette  recher- 
che à  une  plus  grande  exactitude  ,  &  il  trouve  qu'en 
prenant  l'unité  pour  diamètre ,  la  circonférence  doit 
être  plus  grande  que  3  .  141  592653  589  793  238 
462  643  383  879  50,  mais  moindre  que  ne  devien- 
droit  ce  même  nombre  fi  l'on  changeoit  feulement 
le  zéro  qui  le  termine  en  l'unité. 

Metius  nous  a  donné  la  proportion  la  meilleure  de 
toutes  celles  qui  ont  paru  jufqu'à  prélent  exprimées 
en  petits  nombres.  Il  fuppofe  le  diamètre  de  1 1 3  par- 
ties ,  Se  la  circonférence  doit  être  à  moins  d'une  uni» 
té  près  355,  fuivant  ion  calcul. 

Circonfcrire  un  cercle  à  un  polygone  régulier  donné. 
Coupez  deux  des  angles  du  polygone  E  &  D  (  PI. 
de  Géom.  fig.  2#.)  en  deux  également  :  du  point  de 
concours  F  des  lignes  E  F ,  D  F,  pris  pour  centre  , 
&  du  rayon  £  F,  décrivez  un  cercle;  ce  fera  celui  que 
vous  cherchez. 

Inferire  un  polygone  régulier  donné  dans  un  cercle  : 
Divilèz  d'abord  360  par  le  nombre  des  côtés  ,  pour 
parvenir  par -là  à  connoitre  la  quantité  de  l'angle 
E  F  D  ;  cela  étant  fait ,  appliquez  la  corde  E  D  de 
cet  angle  à  la  circonférence  autant  de  fois  que  vous 
le  pourrez  ,  &  vous  aurez  par-là  inferit  le  polygone 
dans  le  cercle. 

Par  trois  points  donnés  A,  B,  C,  qui  ne  font  point 
en  ligne  droite  (Jig.  J7.)  décrire  un  cercle. 

Des  points  A  Se  C,  Se  d'un  même  intervalle  pris 
à  volonté ,  décrivez  deux  arcs  de  cercle  qui  fe  cou- 
pent en  D  Se  E  ;  Se  pareillement  des  points  C  &cB, 
décrivez-en  deux  autres  qui  fe  coupent  en  G  &  H  ; 
tirez  enfuite  les  droites  D  E ,  G  H  :  le  point  de  leur 
interiedlion  /  fera  le  centre  du  cercle  :  par-là  on  peut 
venir  à  bout,  en  prenant' trois  points  dans  la  circon- 
férence d'un  cercle  ou  d'un  arc  donné  ,  de  trouver  le 
centre  de  ce  cercle  ou  de  cet  arc ,  Se  de  continuer  l'arc 
fi  ce  n'eft  pas  un  cercle  entier,  foye^  CENTRE. 

Donc  fi  trois  points  d'une  circonférence  convien- 
nent ou  co-incident  avec  trois  points  d'une  autre-cir- 
conférence, les  deux  circonférences  co-incideront  en 
entier  ,  Se  les  cercles  ièront  égaux. 

Donc  auffi  tout  triangle  peut  être  inferit  dans  un 
cercle.  Foye^  Tr  I  AN  G  LE . 

On  démontre  en  Optique  qu'un  cercle,  s'il  eft  fort 
éloigné  de  l'œil  ,  ne  peut  jamais  paroître  véritable- 
ment cercle ,  à  moins  que  le  rayon  viluel.  ne  lui  loit 
perpendiculaire  Se  ne  pafTe  par  Ion  centre.  Dans  tous 
les  autres  cas  le  cercle  paroît  oblong  ;  &  pour  qu'il  pa- 
roiffe  au  contraire  véritablement  circulaire  ,  il  faut 
qu'il  foit  en  effet  oblong.  Voye{  Perspective. 


CER 


CER 


S35 


Les  cercles  parallèle^  ou  concentriques  font  ceux  qui 
font  également  éloignés  les  uns  des  autres  clans  tou- 
tes leurs  parties  ,  ou  qui  font  décrits  d'un  même  cen- 
tre ;  &  par  oppofition  ,  ceux  qui  font  décrits  de  cen- 
tres différens  font  dits  excentriques  l'un  par  rapport  à 
l'autre.  V.  Concentrique,  Excentrique,  &c 

La  quadrature  du  cercle  ou  la  manière  de  faire  un 
quarré  dont  la  furface  foit  parfaitement  &  géométri- 
quement égale  à  celle  d'un  cercle ,  eft  un  problème 
qui  a  occupé  les  mathématiciens  de  tous  les  fiecles. 
Voye^  Quadrature. 

Plufieurs  foûtiennent  qu'elle  eft  impofïible  ;  elle 
eft  du-moins  d'une  difficulté  qui  l'a  fait  palier  pour 
telle  jufqu'à  préfent.  Archimede  cil  celui  des  anciens 
Géomètres  qui  a  approché  le  plus  près  de  la  quadra- 
ture du  cercle. 

C .rchs  des  degrésfupérieurs;  ce  font  des  courbes  dans 
lefquelles  A  Pm :  P  Nm  :  :  PN :  P  B ,  ou  APm  :  PNm 
:  :  PN"  :  PB*. (PL  d'Analyfe  ,fig.Q.) 

Au  relie ,  ce  n'eft  que  fort  improprement  que  ces 
courbes  ont  été  appellées  cercles  ;  car  on  eft  convenu 
d'appeller  cercle,  la  feule  figure  dont  l'équation  eft 
A  P  xP  B  =  P  N1  :  mais  on  peut  imaginer  des  cer- 
cles de  plufieurs  degrés  comme  des  paraboles  de  plu- 
fieurs degrés  ,  quoique  le  nom  de  parabole  ne  con- 
vienne rigoureufement  qu'à  la  parabole  d'Apollo- 
nius. Voye^  Parabole. 

Coroll.  I.  Suppofons  A  P  =  x,  PN  =y  ,  A  B  =  af 
&  nous  aurons  BP—a—x,  &par  conféqnent xm 
:  ym  :  ly  :  a  —  x,  ce  qui  nous  donne  une  équation 
qui  détermine  les  cercles  des  degrés  fupérieurs  à  l'in- 
fini ;  lavoir  ,  y  m+  T  =  a  xm  —  xm  +  ',  &  on  pour- 
roit  avoir  d'une  manière  à  peu  près  lemblable  cette 

f  .  m  J—  ji  *  -\   n      m 

autre  équation  y  T   =  (a  —  x)    x  . 

Coroll.  II.  Si  wz=  1,  nous  aurons _y 2  =  a. v—  xx, 
&  par  conféquent  il  n'y  aura  plus  que  le  cercle  ordi- 
naire ou  celui  du  premier  degré  qui  foit  alors  com- 
pris fous  l'équation. 

Si  m  =  2 ,  on  aura  j3  =  a  X*  —  xi  ,  équation  qui 
appartient  au  cercle  du  fécond  degré  ou  du  fécond 
ordre. 

Cercles  de  la  fphere  ;  ce  font  ceux  qui  coupent  la 
fphere  du  monde,  &  qui  ont  leur  circonférence  dans 
fa  furface.  Voyc{  Sphère. 

On  peut  diftinguer  les  cercles  en  mobiles  tk  immo- 
biles. Les  premiers  font  ceux  qui  tournent ,  ou  font 
cenfés  tourner  par  le  mouvement  diurne  ,  de  ma- 
nière que  leur  plan  change  de  fituation  à  chaque 
inftant,  tels  font  les  méridiens ,  &c  Voyei  Méri- 
dien ,  &c. 

Les  autres  ne  tournent  pas,  ou  tournent  en  reliant 
toujours  dans  le  même  plan  ;  tels  font  l'écliptique, 
l'équateur  &  fes  parallèles,  &c  fqy^EcLiPTiQiT. 
De  quelque  manière  qu'on  coupe  une  fphere  ,  la 
feftion  eft  toujours  un  cercle  dont  le  centre  eft  dans 
le  diamètre  de  la  fphere ,  qui  eft  perpendiculaire  au 
plan  de  fe&ion. 

Donc  i°.  le  .diamètre  d'un  cercle  qm  pane  par  le 
centre  de  la  fphere  eft  égal  à  celui  du  cercle  par  la 
révolution  duquel  on  peut  concevoir  que  la  fphere 
a  été  formée  :  z°.  le  diamètre  d'un  cercle  qui  ne  pafle 
pas  par  le  centre  de  la  fphere  ,  eft  feulement  égal  à 
une  des  cordes  du  cercle  générateur  ;  &  comme  le  dia- 
mètre eft  d'ailleurs  la  plus  grande  île  toutes  le  s  cor- 
des ,  ces  confidérations  fourniflent  une  aune  dis  ifion 
des  cercles  de  la  fphere  en  grands  &  petits. 

Grand  cercle  de  la  fphere  ;  ç'eft  celui  qui  divile  la 
fphere  en  deux  parties  égales  ou  en  deux  hémifphe* 
rcs,&:  dont  le  centre  eo-incide  avecce  lui  de  la  fphere. 
Il  s'enfuit  de  là  que  tous  les  grands  cercles  font  égaux  , 
oc  qu'ils  fe  coupent  tous  en  portions  égales,  ou  en 
demi-cercles. 

Les  grands  cercles  de  la  fphere  font  l'horifon  ,  l  C- 
Tome  II. 


quateur ,  le  méridien  ,  l'écliptique  ,  les  deux  colures , 
&  les  azimuts.  Voye7^  chacun  en fon  lieu ,  HoRlSON  j 
MÉRIDIEN,  ECLIPTIQUE,  &C. 

Petits  cercles  de  la  fphere  ;  ce  font  ceux  qui  ne  divi- 
fant  pas  la  fphere  également ,  n'ont  leur  centre  que 
dans  l'axe,  &  non  pas  dans  le  centre  même  de  la 
fphere  :  on  les  défigne  d'ordinaire  par  l'analogie 
qu'ils  ont  avec  les  grands  cercles  auxquels  ils  font 
parallèles  ;  ainfi  l'on  dit  les  parallèles  à  Céquateur. 
f^oyei  Parallèle. 

Les  cercles  de  hauteur ,  qu'on  nomme  autrement  al- 
mucantaraths ,  font  des  cercles  parallèles  à  l'/iorifon,  qui 
ont  le  zénith  pour  pôle  commun  ,  &  qui  diminuent 
à  mefure  qu'ils  approchent  du  zénith.  Voye\  Al.ml- 
CANTARATH. 

On  les  appelle  de  la  forte  par  rapport  à  lcurula- 
gc ,  ou  parce  qu'ils  fervent  à  marquer  la  hauteur  d'un 
aftre  fur  l'horifon.  Voye^  Hauteur. 

Cercles  de  déclinaifon  ;  ce  font  de  grands  cercles  qui 
fe  coupent  dans  les  pôles  du  monde.  Voye^  Décli- 
naison. 

Les  cercles  diurnes  font  des  cercles  immobiles,  qu'on 
fuppofe  que  les  différentes  étoiles  &  les  autres  points 
des  cieux  décrivent  dans  leur  mouvement  diurne  au- 
tour de  la  terre  ,  ou  plutôt  qu'ils  paroiffent  décrire 
dans  la  rotation  de  la  terre  autour  de  fon  axe.  Voye{ 
Diurne. 

Les  cercles  diurnes  font  tous  inégaux ,  l'équateur  eft 
le  plus  grand.  Voye^  Equateur. 

Cercles  d'excurjion  ;  ce  font  des  cercles  parallèles  à 
Pe'clip tique,  &  qui  ne  s'étendent  qu'à  une  diftance 
fufniàntc  pour  renfermer  toutes  les  excurlions  des 
planètes  vers  les  pôles  de  l'écliptique  ;  exclurions 
qu'on  rixe  ordinairement  à  dix  degrés  au  plus.  Voyeç. 
Sphère,  Sphérique. 

On  peut  ajouter  ici  que  tous  les  cercles  de  la  fphe- 
re dont  nous  venons  de  faire  mention  ,  fe  tranfpor- 
tent  des  cieux  à  la  terre  ,  &  trouvent  par  là  leur 
place  dans  la  Géographie  ,  auffi  bien  que  dans  l'Af- 
tronomie  :  on  conçoit  pour  cela  que  tous  les  points 
de  chaque  cercle  s'abaiffent  perpendiculairement  fur 
la  furface  du  globe  terreftre  ,  &  qu'ils  y  tracent  des 
cercles  qui  confervent  entre  eux  la  même  polition  &C 
la  même  proportion  que  les  premiers.  Ainli  l'équa- 
teur terreftre  eft  un  cercle  tracé  fur  la  lurtace  de  la 
terre ,  &  qui  répond  précifément  à  la  ligne  équinoc- 
tiale ,  que  le  folcil  paroit  tracer  dans  les  cieux  ;  & 
ainfi  du  relie.  Voye^  Equateur  ,  &c. 

Les  cercles  horaires ,  dans  la  Gnonomique  ,  font  des 
lignes  qui  marquent  les  heures  fur  des  cadrans,  & 
qu'on  nomme  de  la  forte ,  quoique  ce  ne  foient  point 
des  cercles ,  mais  des  droites  qui  font  la  projection  des 
méridiens.  Voye\  Cadran  &  Horaire. 

Les  cercles  de  latitude  ,  ou  les  cercles  fecondaircs  de 
l'écliptique,  l'ont  de  grands  cercles  perpendiculaires 
ail  plan  de  l'écliptique,  &  qui  partent  par  les  pôles, 
ainfi  que  par  l'étoile  ou  planète  dont  ils  marquent 
la  latitude. 

On  les  nomme  de  la  forte  ,  parce  qu'ils  fervent  à 
melurer  la  latitude  des  étoiles ,  laquelle  n'eft  autre 
choie  que  l'arc  de  ces  cercles  intercepte  entre  l'étoile 
ex  L'écliptique.  Voye\  Latitude. 

Les  cercles  de  longitude  font  plufieurs  petits  cercles 
parallèles  à  l'écliptique.,  lelquels  diminuent  à  propor- 
tion qu'ils  s'en  éloignent. 

(  'cil  fur  les  degrés  des  cercles  de  longitude  que  le 
compte  la  longitude  des  étoiles.  Payez  Longitude. 

le  d'apparition  perpétuelle  ;  c'eftun  péril 
parallèle  à  l'équateur ,  décrit  du  point  le  plus  fep- 
tentrional  de  l'horifon,  &  que  le  mouvement  diurne 
emporte  avec  lui. 

Toutes  les  étoiles  renfermées  dans  ce  cercUt  ne 
fe  couchent  jamais ,  mais  font  toujours  préfentes  lur 

l'horifon, 

N  N  n  n  n  11 


83<s 


C  E  R 


Cercle  d'occultation  perpétuelle  ;  c'eft  un  autre  cercle 
à  pareille  diftance  de  l'équateur ,  décrit  du  point  le 
plus  méridional  de  Phorifon  ,  &  qui  ne  contient  que 
des  étoiles  qui  ne  font  jamais  vilibles  fur  notre  hémif- 
phere.  Voye{  Occultation. 

Les  étoiles  fituées  entre  ces  deux  cercles ,  fe  lèvent 
&  fe  couchent  alternativement  à  certains  momens 
de  la  révolution  diurne.  Voye^  Étoile  ,  Lever  , 
Coucher,  &c 

Cercles  polaires  ;  ce  font  des  cercles  immobiles  pa- 
rallèles à  l'équateur  ,  &  fitués  à  une  diftance  des 
pôles ,  égale  à  la  plus  grande  déclinaifon  de  l'éclip- 
tique.  Voye^  Polaire. 

Celui  qui  eft  proche  du  pôle  boréal  s'appelle  arc- 
tique ,  &  celui  qui  eft  près  du  pôle  méridional  s'ap- 
pelle antarctique.  Foye^  Arctique  &  ANTARCTI- 
QUE. 

Cercles  de  pojition  y  ce  font  des  cercles  qui  partent 
par  les  interfections  communes  de  Phorifon  &  du 
méridien  ,  &  par  un  certain  degré  de  l'écliptique  , 
ou  par  le  centre  de  quelque  étoile ,  ou  par  un  autre 
point  quelconque  des  cieux.  Les  aftrologues  s'en  for- 
vent  pour  découvrir  la  fituation  ou  la  pofition  des 
étoiles ,  &c  Foye^  Position. 

On  en  trace  ordinairement  fix ,  qui  partagent  l'é- 
quateur en  douze  parties  égales.  Les  Aftrologues 
nomment  ces  parties  de  l'équateur  maifons  célejles  ; 
ce  qui  a  fait  appeîler  aufTi  ces  cercles ,  cercles  des  mai- 
fons célejles.  Ils  ont  été  proferits  avec  Paftrologie.(O) 

Cercles  d'afcenflon  droite  ,  &  cercles  d'afcenflon  obli- 
que :  les  premiers  paflènt  par  les  pôles  du  monde ,  & 
coupant  l'équateur  à  angles  droits  ,  déterminent  l'afi- 
ceniion  droite  des  aflres.  On  les  nomme  cercles  d'af- 
cenfion  droite ,  parce  que  parlant  par  les  pôles  du  mon- 
de ,  ils  fervent  d'horiton  à  la  fphere  droite ,  à  laquelle 
les  afcenfions  droites  des  affres  fe  rapportent.  Le 
premier  de  ces  cercles  eft  le  colure  des  équinoxes ,  où 
un  aftre  fe  trouvant ,  n'a  point  d'afceniîon  droite. 
Foye{  Ascension  droite. 

Le  cercle  d'Afcenfion  oblique  eft  unique ,  c'eft-à-dire 
qu'on  n'en  peut  concevoir  plus  d'un  pour  chaque 
élévation  de  pôle  ,  puifqu'il  n'eft  autre  chofo  que 
Phorifon  de  la  fphere  oblique  ;  lequel  ne  paflant  pas 
les  pôles  du  monde  ,  &  étant  déterminé  par  rapport 
à  une  élévation  particulière  de  pôle ,  ne  peut  être 
que  foui  ;'au  lieu  qu'on  peut  s'imaginer  une  infinité 
de  cercles  d'afceniîon  droite,  à  caufe  qu'ils  paffont 
tous  par  les  mêmes  pôles  qui  font  ceux  du  monde  , 
&  qu'ainfi  on  peut  les  prendre  pour  des  méridiens. 
En  effet ,  les  afcenfions  &  defcenlions  des  aflres  ou 
des  degrés  de  l'écliptique  qui  fe  font  dans  ce  cercle , 
font  nommées  obliques ,  à  caufe  qu'elles  font  faites 
dans  la  fphere  oblique  ;  de  même  que  les  afcenfions 
droites  font  ainfi  appellées  ,  parce  qu'elles  fe  font 
en  la  fphere  droite  ;  c'eft  pourquoi  Phorifon  dans  la 
fphere  oblique  peut  être  nommé  cercle  d'afcenflon 
oblique.  Foye^  ASCENSION  OBLIQUE. 

Nous  devons  à  M.  Formey  cet  article  fur  les  cer- 
cles d'afcenflon  droite. 

Cercle  d'arpenteur  ,  infiniment  dont  on  fe  fort 
dans  l'arpentage  pour  prendre  des  angles.  Foye^  An- 
gle &  Arpentage. 

Ce  cercle  eft  un  infiniment  très-fimple ,  &  cepen- 
dant fort  expéditif  dans  la  pratique.  Il  confifie  en 
un  cercle  de  cuivre  &  un  index ,  le  tout  d'une  même 
pièce.  Foye^  fa  figure  à  la  PI.  d'Arpentage  ,fig.  icf. 

Ce  cercle  eft  garni  d'une  bouffole,  divifo  en  360 
degrés  ,  dont  la  méridienne  répond  au  milieu  de  la 
largeur  de  l'index.  Sur  le  limbe  ou  la  circonférence 
du  cercle  eft  foudé  un  anneau  de  cuivre  ,  lequel  avec 
un  autre  qui  eft  garni  d'un  verre  ,  fait  une  efpece 
c!c  boîte  pour  mettre  l'aiguille  aimantée.  Cette  ai- 
guille eft  fufpendue  fur  un  pivot  au  centre  du  cercle. 
Chaque  extrémité  de  l'index  porte  une  pinnule.  Foy, 
Pinnule  &  Boussole. 


C  E  R 

Le  tout  eft  monté  fur  un  pi*  avec  un  genou  ,  afin 
de  le  mouvoir  ou  de  le  tourner  avec  facilité.  Foye^ 
Genou. 

Prendre  un  angle  avec  cet  infiniment.  Suppofons 
qu'on  demande  l'angle  EK  G  (Planche  d'Arpentage , 
fig.  20.  )  placez  l'initrument  quelque  part  en  K,  la 
fleur-de-lis  de  la  bouflble  tournée  vers  vous  ;  dirigez 
enfuite  les  pinnules  jufqu'à  ce  que  vous  apperceviez 
le  point  E  à-travers  ,  tk  obfervez  à  quel  degré  ré- 
pond l'extrémité  méridionale  de  l'aiguille  :  fuppo- 
fons  que  ce  foit  196  degrés  ,  vous  tournerez  alors 
Pinftrument  ,  la  fleur- de -lis  reftant  toujours  vers 
vous  ,  &  vous  dirigerez  les  pinnules  vers  G  ,  mar- 
quant encore  le  degré  auquel  répondra  l'extrémit* 
auftrale  de  l'aiguille  que  nous  fuppofons  être  182. 

Après  cela  fouftrayez  le  plus  petit  nombre  182 
du  plus  grand  296,  le  refte  1 14  fera  le  nombre  de 
degrés  de  l'angle  E  KG. 

Si  ce  refte  fe  trouvoit  plus  grand  que  1 80  degrés  , 
il  faudrait  le  fouftraire  de  nouveau  de  360,  &  le  der- 
nier refte  qui  proviendrait  de  cette  féconde  opéra- 
tion ,  ferait  la  quantité  de  l'angle  cherché. 

Manière  de  lever  avec  cet  infiniment  le  plan  d'un 
champ  ,  d'un  bois  ,  d'un  pure  ,  &c.  Soit  ABCDEFGK 
(fig.  21.)  un  enclos  dont  on  veut  lever  le  plan. 

i°.  Placez  Pinftrument  en  A;  &  la  fleur -de -lis 
étant  tournée  vers  vous  ,  dirigez  les  pinnules  vers  B  : 
fuppofons  que  l'extrémité  auftrale  de  l'aiguille  tombe 
alors  fur  191  degrés ,  &  que  le  fofle ,  la  muraille  ou 
la  haie  mefurée  à  la  chaîne ,  contienne  dix  chaînes 
75  chaînons  ;  ce  que  vous  écrirez  ,  afin  de  vous  en 
reflbuvenir.  foye^  Chaîne. 

20.  Placez  Pinftrument  en  B ,  &  dirigez  comme 
ci-defliis  les  pinnules  vers  C,  fuppolànt  que  l'extré- 
mité auftrale  de  l'aiguille  tombe,  par  exemple,  à 
279  degrés  ,  &  que  la  ligne  B  C  contienne  fix  chaî- 
nes 8  3  chaînons ,  vous  les  marquerez  comme  ci-def- 
fus  :  tranfportez  enfuite  Pinftrument  en  C;  tournez  les 
pinnules  vers  D ,  &  mefurez  C  D. 

Procédez  de  la  même  manière  aux  points  D  ,E  ,' 
F,  G  ,  H,  &  enfin  au  point  K  ,  marquant  toujours 
les  degrés  de  chaque  ftation  ou  angle  ,  &  les  lon- 
gueurs de  chacun  des  côtés. 

Ayant  ainfi  fait  le  tour  du  champ ,  vous  aurez  la 
table  fuivante. 

A  191     •         00  10  75 

B  279  00  6  85 

C,  &c.     216  30  7  82 

Stations.    Degrés.     Minutes.      Chaînes.   Chaînons^ 
Au  moyen  de  cette  table ,  vous  lèverez  ou  trace- 
rez le  plan  du  fcrrein  propofé ,  fuivant  la  méthode 
enfoignée  aux  mots  Lever  un  Plan  ,  Rappor- 
teur ,  &c 

Comme  dans  ces  fortes  d'opérations  il  eft  pref- 
que  toujours  plus  important  d'être  exa£t  qu'expédi- 
tif ,  il  eft  à  propos ,  pour  vérifier  fon  travail ,  de  voir 
fi  Pinftrument  tranfporté ,  par  exemple  en  B ,  la  pin- 
nule dirigée  vers  A ,  donnera  le  même  angle  qu'é- 
tant en  A ,  la  pinnule  dirigée  vers  B  ;  &  ainfi  des 
autres  ftations.  F.  Graphometre  &  Planchet- 
te .  (  E  ) 

Cercle  ou  Anneau  magique,  eft  un  phéno- 
mène qu'on  voit  allez  fouvent  dans  les  campagfles  , 
&c.  qui  eft  une  efpece  de  rond  que  le  peuple  luppo- 
foit  autrefois  avoir  été  tracé  par  les  fées  dans  leurs 
danfes. 

Il  y  en  a  de  deux  fortes  ;  les  uns  ont  fept  ou  huit 
toiles  de  diamètre  ,  &  contiennent  un  galon  pelé  à 
la  ronde  de  la  largeur  d'un  pie  ,  avec  un  gafon  verd 
au  milieu  ;  les  autres  font  de  dijférentes  grandeurs  , 
&  font  entourés  d'une  circonférence  de  gafon  beau- 
coup plus  frais  &  plus  verd  que  celui  qui  eft  dans  fe 
milieu. 

M,  Jeflbp  èc  M.  Walker ,  dans  les  Tranfaclions 


C  E  R 

Philofophlques  ,  attribuent  ce  phénomène  au  tonner- 
re :  ils  en  donnent  pour  railon  ,  que  c'ell  le  plus  lou- 
vent  après  des  orages  qu'on  apperçoit  ces  cercles. 

D'autres  auteurs  ont  prétendu  que  ces  cercles  ma- 
giques étoient  formés  par  les  fourmis  ;  parce  qu'on 
trouve  quelquefois  ces  infedles  qui  y  travaillent  en 
troupes  :  mais  quelle  qu'en  foit  la  caufe ,  il  eft  cer- 
tain qu'elle  efl  naturelle  &  non  magique ,  comme  le 
peuple  fe  l'imagine.  Chambers. 

Cercle  ,  (  Chimie').  Les  artiftes  en  Chimie  fe  fer- 
vent d'un  cercle  de  fer  pour  cofipcr  les  cous  de  cer- 
tains vaiffeaux  de  verre  ;  ce  qu'on  fait  de  cette  forte. 

Cet  infiniment  étant  échauffé,  on  l'applique  à  la 
partie  du  vaiffeau  de  verre  qu'on  veut  couper  ,  6c 
on  l'y  tient  jufqu'à  ce  que  le  verre  foit  échauffé  : 
on  jette  enfuite  deffus  quelques  gouttes  d'eau  froi- 
de, où  on  fouffle  deffus  $l  froid  ;  &  cette  partie  du 
vaiffeau  s'en  fépare  :  c'eft  ainfi  qu'en  coupe  les  cous 
des  cornues  ,  des  cucurbites. 

Les  Chimiftcs  employent  encore  une  autre  ma- 
nière de  couper  le  verre  :  elle  confilte  à  lier  une 
corde  imbibée  d'huile  de  térébenthine,  ou  une  mè- 
che de  foutre ,  autour  de  l'endroit  oii  on  veut  faire 
la  fraûure  ;  enfuite  on  met  le  feu  à  la  corde  ;  &  lorf- 
qu'après  cela  on  jette  un  peu  d'eau  froide  fur  le  mê- 
me endroit ,  le  verre  fe  fêle  précifément  à  l'endroit 
où  la  corde  avoit  été  liée  6c  bridée. 

On  peut  auffi  avec  une  pierre  à  fefil  tracer  un  an- 
neau fur  la  partie  dtr  verre  qu'on  veut  couper  ;  en- 
fuite  approcher  doucement  de  la  lumière  d'une  chan- 
delle la  partie  tracée  ,  &  lorfqu'elle  eft  chaude ,  y 
porter  avec  le  bout  du  doigt  un  peu  d'eau  froide,  qui 
fera  cafTer  le  verre  dans  la  partie  du  vaiffeau ,  qu'on 
a  tracée  avec  la  pierre  à  fufil.  Il  faut  pour  bien  opé- 
rer, mettre  la  lumière  entre  le  vaiffeau  &  foi,  & 
avoir  à  un  de  fes  côtés  de  l'eau  froide  dans  un  vaif- 
feau. (A/) 

C  rr.ES  GOUDRONNÉS  ;  ce  font  dans  Y  artillerie, 
de  vieilles  mèches  ou  de  vieux  cordages  poiffés  6c 
trempés  dans  le  gaudron  ou  goudron ,  comme  difent 
quelques-uns ,  qui  font  plies  &  tournés  en  cercles.  On 
les  met  dans  des  réchaux  pour  éclairer  dans  une  ville 
affiégée.  (Q) 

C  ER  c  C  ES  de  hune ,  (Marine.)  ce  font  de  grands 
cercles  de  bois  qui  font  le  tour  des  hunes  par  en-haur  ; 
autour  des  hunes  on  voit  des  cercles  qui  fervent  à  af- 
lûrer  les  matelots  pendant  qu'ils  font  leurs  manœu- 
vres fur  les  hunes ,  où  ils  en  ont  beaucoup  affaire  ;  6c 
fans  ces  cercles  ils  pourraient  facilement  tomber.  On 
tient  les  cercles  plu*  bas  vers  l'avant  qu'aux  autres  en- 
droits ,  afin  qu'Us  ne  vaguent  pas  les  cordages ,  &  n'u- 
fent  pas  les  voiles  ;  &  pour  empêcher  cela  ,  on  met 
encore  des  fangles,  ou  tiffus  de  bitord  tout  autour. 
Dans  la  Planche I.  qui  repréfente  un  vaiffeau,  les 
hunes  cotées  14.  font  repréfentées  de  façon  qu'on 
peut  y  diitinguer  afle?  aiiement  les  cercles  de  hune. 
/^oy^HuNE. 

CERCLES  de  boute-hors ,  (Marine.)  ce  font  des  cer- 
cles doubles  de  1er,  qu'on  met  à  l'endroit  des  ver- 
gues où  l'on  paffe  les  boute-hors,  qui  fervent  à  met- 
tre les  voiles  d'étui. 

Cercles  ^c7.î,7;/"-j.'<.  ,  (Marine.) c'eft 

un  cercle  de  fer  autour  du  él  ambraie ,  par  où 

le  cabeftan  paffe  6c  tourne.  (Z) 

CERCLE  à  la  corne,  (Maicch.ilerie.)  c'clt  ou  une 
avulure,  yoyeir  Avaluri  ,  ou  bien  des  bourrelets  de 
cornes  qui  entourent  le  fabot ,  &  qui  marquent  que  le 
cheval  a  Le  pie  trop  feç ,  ec  que  la  corne  le  dellé- 
chant,  fe  retire,  &  ferre  le  petit  pic.  Cercle  ou  rond 
fignirient  la  même  choie  que  volte.  V.  \  01  te.  (/") 

Cercies  ,  efpece  de  cerceaux  dont  le  fervent  les 
Tonnelliers.  Ils  ne  différent  des  cerceaux  ordinaires 
que  par  leur  grandeur.  C'efl  avec  les  cercles  qu'on 
relie  les  cijves,  cuviers,  6c  les  bai-noires.  Les  cer- 


C  E  R 


837 


ceaux  ordinaires  ne  fervent  que  pour  les.  muids ,  fu- 
tailles, barrils,  &c.  Les  cercles  fe  vendent  à  la  mole 
comme  les  cerceaux  ;  mais  la  mole  en  contient  moins. 
Voyc^  Mole. 

Cercles,  (Hijl.  mod.)  dans  l'empire  d'Allema- 
gne; ce  font  des  efpeces  de  généralités  ou  diftridts  , 
qui  comprennent  chacune  les  princes,  les  abbés,  les 
comtes ,  6c  les  villes,  qui  peuvent  par  leur  voifinage 
s'affembler  commodément  pour  les  affaires  com- 
munes de  leurs  diltricts  ou  provinces. 

Ce  fut  Maximilicn  I.  qui  en  1500  établit  cette  di- 
vifion  générale  des  états  de  l'Empire  en  fix  parties  , 
fous  le  nom  de  cercles:  fa  voir,  en  ceux  de  Franconie, 
de  Bavière ,  de  Suabe ,  du  Rhin ,  de  Weflphalie  ,  & 
de  baffe-Saxe  ;  il  y  ajouta  en  1 5 1  z  ceux  d'Autriche , 
de  Bourgogne,  du  bas -Rhin,  &  celui  de  la  haute- 
Saxe  ;  difpofitions  que  Charles  V.  confirma  à  la  dicte 
de  Nuremberg  tenue  en  1  ^zz.  La  Bourgogne  n'avoit 
pourtant  pas  fait  jufques-là  partie  de  l'Empire  :  mais 
les  empereurs  de  la  mailoTi  d'Autriche ,  qui  étoient 
alors  en  poffeffion  des  états  de  celle  de  Bourgogne , 
furent  bien-ailes  de  l'y  annexer ,  afin  d'intérefîcr  tout 
l'Empire  à  leur  défenfe  &  confervation.  Charles  V. 
fit  même  pour  ce  fujet  une  bulle  en  1 5  48  :  mais  Con- 
ringius  remarque  que  la  branche  d'Autriche  établie 
en  Èlpagne,  n'ayant  jamais  accepte  cette  bulle,  le 
cercle  de  Bourgogne  n'a  jamais  été  non  plus  vérita- 
blement de  l'Empire ,  6c  qu'il  ne  foui  niffoit  ni  ne 
payoit  aucun  contingent.  On  ne  lai£e  pas  que  de  le 
compter  parmi  les  cercles,  dont  voici  les  noms  tels 
qu'ils  font  écrits  dans  la  matricule  de  r  Empire  ,  quoi- 
que le  rang  qu'ils  y  tiennent  n'ait  jamais  été  bien  ré- 
glé, &  que  la  plupart  d'entr'eux,  fur-tout  celui  du 
bas-Rhin  qui  comprend  quatre  électeurs ,  ne  convien- 
nent pas  de  l'ordre  que  leur  affigne  cette  matricule  : 
Autriche,  Bourgogne,  Bavière,  bas-Rhin,  haute-Saxe , 
Franconie,  Suabe,  haut-Rhin,  Weflphalie ,  ba^j- 

Dès  la  première  inftitution  des  cercles,  pour  y  main- 
tenir une  police  uniforme,  on  établit  dans  chacun  , 
des  dire&eurs  ou  chers  choilis  entre  les  plus  puiffans 
princes,  foit  ecclcliaitiques,  foit  féculiers  ,  membres 
de  ce  cercle,  auxquels  on  attribua  le  droit  de  convo- 
quer, quand  la  néceffité  le  requerroit,  l'affemblée 
des  états  de  leur  cercle  ou  province  ;  on  établit  auffi  un 
colonel ,  des  capitaines ,  6c  des  affeffeurs ,  afin  que  de 
concert  avec  eux ,  les  direct eurs  puffent  régler  les  af- 
faires du  cercle;  ordonnefdes  importions  ,  6c  les  re- 
partir; veillera  la  tranquilke  commune  Cv  particu- 
lière; mettre  à  exécution  les  confftutionsdes  diètes, 
les  décrets  de  l'Empereur,  6c  ceux  du  coni'eil  aulique 
&  de  la  chambre  impériale;  avoir  infpection  fur  les 
tribunaux,  les  monnoies,  les  péages ,  ce  d'autres  par- 
ties du  gouvernement. Outre  ces  reglemens  généraux, 
6c  qui  regardoient  le  bien  de  tout  l'Empire,  on  en 
fit  de  particuliers  pour  chaque  cercle,  6c  principale- 
ment pour  la  manière  dont  les  colonels  6c  les  affel- 
i'eiirs ,  de  la  participation  6c  de  l'aveu  des  directeurs, 
auraient  a  en  uler  dans  chaque  cercle ,  6c  menu 
gard  les  uns  des  autres  pour  leur  commune  conler- 
vation. 

Les  cercles  font  cnfemblc  des  affociations  pour  leur 
fureté  ,  6c  les  princes  étrangers  envoyent  à  leurs  af- 
femblees  des  mun'i  réfident  ou 

d'envoyé.  En  qualité  de  membre  de  l'Empù 
payent  deux  fortes  de  taxe  :  l'une  ordinaire,  que  cha- 
que cercle  fournit  en  deux  termes  égaux  mus  [< 
pour  l'entretien  de  la  chambre  impériale;  &  l'autre 
extraordinaire,  qui  le  paye  par  mois,  &  qu'on  nom- 
me mois  Romains.  Voy.  Mois  &  Ci  I .  (6) 

CERCLÉ  ,  adj.  en  terri  »  fe  dit  des  ton- 

neaux relies  de  cercles. 

Barillon  en  Anjou,  de  gueulles  à  trois  barillets  cou- 
chés d'<  ■  (O 

CERCLER ,  v.  ad.  c'clt  mettre  les  cercles  ou  cer- 


838  C  £  R 

ceaux  à  un  tonneau,  une  cuve.  Voyei  Cercler- 
Cerceau. 

*  CERCOPES ,  f.  m.  pi.  (  Mythologie.  )  peuple  de 
de  l'île  Pithecufe ,  qu'Ovide  dit  avoir  été  transformes 
en  linges  par  Jupiter,  pour  les  punir  de  leurs  dé- 
bauches. 

*  CERCOPITHIQUE ,  (Myth.  )  efpece  de  linge 
auquel  les  Egyptiens  rendoient  les  honneurs  divins  : 
on  le  repréléntoit  avec  un  croiflant  fur  fa  tête,  &  un 
gobelet  à  la  main. 

*  CERCURE ,  f.  m.  (Hift.  anc.)  petit  vaiffeau  de 
pirate  ,  inventé  par  les  Cypriots  :  on  croit  que  c'étoit 
la  même  chofe  que  ce  qu'on  appelloit  Yhcmioli.  Voy. 
Hemioli.  . 

CERDAGNE  (la)  ,  Géog.  petite  province  d  El- 
pagne ,  dans  la  Catalogne ,  féparée  du  Rouflillon  par 
les  Pyrénées  ;  une  partie  appartient  à  la  France. 

*  CERDEMPORUS ,  {Myth.)  l'urnom  de  Mercu- 
re ;  il  fut  ainli  appelle  de  't^opos ,  commerçant ,  parce 
qu'il  étoit  le  dieu  des  commerçans. 

CERDONIENS ,  fub.  m.  pi.  (Hift.  ecclèf.)  héréti- 
ques qui  parurent  dans  le  fécond  fiecle ,  &  qui  foû- 
tenoient  les  erreurs  de  Cerdon  leur  maître,  qui  les 
avoit  empruntées  de  Simon  le  magicien. 

Ce  Cerdon ,  natif  de  Syrie ,  vint  à  Rome  fous  le 
pape  Hygin ,  &  y  féjourna  long-terns,  enléignant  fes 
erreurs  tantôt  en  cachette,  tantôt  ouvertement.  Il 
feignit  même  de  fe  réunir  à  l'Eglife ,  &  de  faire  pé- 
nitence :  mais  il%n  fut  enfin  abfolument  chaffé.  Il  ad- 
mettoit  deux  principes ,  l'un  bon ,  &  l'autre  mau- 
vais :  ce  dernier ,  félon  lui ,  avoit  créé  le  monde ,  & 
étoit  l'auteur  de  l'ancienne  loi  :  l'autre  qu'il  appelloit 
le  principe  inconnu,  étoit  le  père  de  Jefus-Chrift.  Cer- 
don ajoùtoit  que  Jefus-Chrift  n'étoit  point  né  d'une 
vierge,  &  qu'il  n'avoit  point  fouffert  réellement.  Il 
admettoit  la  réfurreftion  de  l'ame ,  &  non  celle  de 
la  chair  ;  rejettoit  tous  les  livres  de  l'ancien  Tefta- 
ment ,  &  de  ceux  du  nouveau  ;  il  ne  recevoit  qu'une 
partie  de  l'évangile  de  S.  Luc.  Tel  étoit  le  patriarche 
des  Cerdoniens,  dont  les  dogmes  furent  adoptés  par 
fon  difciple  Marcion.  ^ov^Marcionites.  (G) 

CEREALIA ,  (  Hijl.  anc.  )  fêtes  de  Cerès,  infti- 
tuées  par  Triptoleme,  fils  de  Celéus,  roi  d'Eleufine, 
dans  l'Attique ,  en  reconnoiffance  de  ce  que  Cerès  , 
qu'on  croyoit  avoir  été  fa  nourrice ,  lui  avoit  appris 
l'art  de  cultiver  le  blé  &  d'en  faire  du  pain. 

On  célebroit  à  Athènes  cleux  fêtes  de  cette  déefle  ; 
l'une  nommée  Eleujînes  ,  &  l'autre  Thefmophories. 
Voye{  Eleusines  &  Thesmophories. 

Toutes  deux ,  &  en  général  toutes  les  folennités 
de  Cerès  avoient  cela  de  commun ,  qu'on  les  céle- 
broit avec  beaucoup  de  religion  &  de  tempérance  , 
jtifques-là  qu'on  s'abflenoit  du  vin  &  de  tout  com- 
merce avec  les  femmes  pendant  ce  tems-là ,  pour  ho- 
norer une  divinité  qui  s'étoit  diftinguée  par  la  chaf- 
teté  tk.  fa  fobriété.  Quelques  critiques  ont  même  pré- 
tendu qu'en  mémoire  de  ces  deux  vertus,  on  n'of- 
froit  point  de  vin  à  la  déefle  dans  fes  facrifices,  & 
que  les  libations  s'y  failoient  feulement  avec  du  mul- 
J'um,  forte  de  mixtion  de  vin  &  de  miel  bouillis  en- 
lemble  ;  &  que  c'efl:  ce  que  Virgile  appelle  miti  bac- 
cho,  du  vin  adouci:  cependant  Caton  aflïïre  expref- 
fément  qu'on  s'y  fervoit  de  vin  :  d'autres  croyent 
que  Cerès  feule  n'étoit  pas  honorée  dans  ces  fêtes , 
qu'on  y  révéroit  encore  Bacchus  &  Hercule,  en 
leur  facrifiant  des  porcs  ou  des  tmies  avec  du  mul- 
fum  ,  à  caufe  que  ces  animaux  caufent  beaucoup  de 
dégât  aux  biens  de  la  terre,  dont  Cerès  &  Bacchus 
étoient  regardés  comme  les  divinités  tutéiaires. 

Ces  fêtes  paflerent  des  Grecs  aux  Romains ,  qui 
les  célebroient  pendant  huit  jours,  à  compter  depuis 
le  cinquième  des  ides  d'Avril.  Les  dames  feules  vê- 
tues de  blanc ,  y  faifoient  l'office  de  prêtreffes  ;  &  les 
hommes  habillés  de  la  même  couleur,  celui  de  lim- 


C  ïl  R 

pies  fpectateurs.  Toute  perfonne  en  deuil  ou  qui 
avoit  affilié  à  des  funérailles  ,  étoit  exclue  de  cette 
folennité  :  &  après  la  bataille  de  Cannes,  comme  tou- 
te la  ville  étoit  dans  un  deuil  univerfel ,  on  fut  obligé 
de  remettre  à  une  autre  année  les  fêtes  de  Cerès  :  en- 
tre les  autres  cérémonies ,  celle-ci  étoit  remarquable , 
on  ne  mangeoit  que  le  foir  après  foleil  couché ,  par- 
ce que  Cerès  en  avoit  fait  de  même  en  cherchant  fa 
fille  Proferpinc  enlevée  par  Pluton.  On  y  couroit  en- 
core çà  &  là  avec  des  flambeaux,  pour  repréfenter 
les  courfes  inquiètes"  de  cette  mère  alarmée.  On  y 
portoit  en  pompe ,  félon  Macrobe ,  un  œuf,  ovum  in 
cerealis  pompez  apparatu  numerabatur  primum  ;  &  cet 
œuf,  dit-on  repréfentoit  le  monde  ou  la  terre  ,  que 
Cerès  avoit  enrichie  par  le  blé.  Au  facrifîce  fuccé- 
doient  des  feftins ,  fuivis  de  combats  de  gladiateurs , 
&  de  courfes  de  chariots  dans  le  cirque.  Les  prêtres 
de  Cerès  chez  les  Grecs  étoient  nommés  Eumolpides, 
d'Eumolpe  fils  de  Triptoleme  ;  on  les  appelloit  en- 
core taciti  myjîœ  ,  parce  qu'il  ne  leur  étoit  pas  permis 
de  divulguer  les  myfteres  de  la  déefle.  (G) 

*  CEREIBA ,  (Hijl.  nat.  bot.)  petit  arbre  du  Bré- 
fil ,  femblable  au  faille  :  on  dit  que  quand  le  foleil 
donne  fur  fes  feuilles ,  il  s'y  amafle  un  fel  qui  le  dil- 
fout  en  rofée  pendant  la  nuit,  ou  lorfqu'il  y  a  du 
brouillard.  Si  cette  propriété  eft  particulière  au  cereU 
ba,  &  qu'elle  foit  bien  réelle,  voilà  un  arbrifleau  fuf* 
fifamment  défigné.  On  n'attribue  au  cereiba  aucune 
propriété  médicinale. 

CEREMONIAL,  f.  m.  (Police.)  c'efl  l'afTembla- 
ge  des  règles  introduites  dans  l'ufage  de  la  vie,  & 
auxquelles  l'on  eft  obligé  de  fe  conformer  pour  l'ex- 
térieur ,  le  maintien ,  les  difeours  ,  les  habillemens , 
&c 

On  peut  prendre  ce  mot  dans  un  fens  plus  étroit ,' 
&  entendre  par-là  les  ulages  introduits  ,  ou  par  des 
ordres  des  fupérieurs  ,  ou  tellement  établis  par  une 
longue  coutume  ,  que  l'on  eft  obligé  de  les  regarder 
comme  des  lois ,  &  les  refpect er  :  dans  ce  fens  l'on 
trouve  que  chez  toutes  les  nations  du  monde  on  a 
pratiqué  de  certaines  cérémonies ,  tant  pour  le  culte 
de  la  divinité  que  pour  les  affaires  civiles  ,  dans  les 
mariages,  enterremens  ,  &c.  Voye^  Cérémonie. 

L'on  entend  en  troilîeme  lieu  par  cérémonial ,  la 
manière  dont  les  fouverains  ou  leurs  ambaffadeurs 
ont  coutume  d'en  ufer  les  uns  envers  les  autres  ;  ce 
qui  n'eft  qu'une  convention  ou  règlement  établi  en- 
tre les  princes,  ex  paclo  ,  confuetudine  & pojfeffione , 
fuivant  lequel  ces  princes  ,  ou  leurs  repréientans , 
doivent  fe  conduire  les  uns  envers  les  autres  lorf- 
qu'ils  fe  trouvent  enfemble ,  afin  que  l'on  ne  donne 
à  chacun  ni  trop  ni  trop  peu. 

Il  y  a  des  gens  qui  prennent  le  cérémonial  dans  un 
fens  encore  plus  étendu ,  &  comptent  trois  occafions 
où  le  t-tiV<;'/7zo«itf/eftnéceflaire;i0.lorfque  les  fouverains 
s'aflèmblent  en  perfonne  ;  2°.  lorfqu'ils  s'écrivent; 
3°.  lorfqu'ils  s'envoyent  des  ambaffadeurs  les  uns 
aux  autres.  Cette  efpece  de  cérémonial  vient  de  l'am- 
bition ,  &  de  la  fupériorité  que  l'un  a  cru  avoir  fur  un 
autre  ;  on  lui  a  donné  le  nom  de  prérogative  ou  de  pré- 
Jéance  :  c'eft  une  fotirce  inépuifable  de  difputes  entre 
les  fouverains ,  qui  ne  font  point  dans  la  difpolition 
de  céder  les  uns  aux  autres  ;  &  quoique  fouvent  on 
ait  travaillé  à  affigner  à  chacun  un  rang  dont  il  put 
être  content,  l'on  n'a  jamais  pu  y  parvenir ,  fur-tout 
en  Allemagne. 

Les  moyens  d'accommodement  qui  ont  été  pro- 
polés  ,  font  l'arbitrage  &  le  compromis  :  mais  ils  ont 
été  fouvent  inutiles  :  la  pofleffion  ôc  la  force  ont  tou- 
jours prévalu.  (— ) 

*  CEREMONIES ,  f.  f.  pi.  (Hift.  civ.  &  eccléf.)  les 
cérémonies  font  en  général  des  démonflrations  exté- 
rieures &  Symboliques ,  qui  font  partie  des  ulages  de 
la  police  ôf  du  culte  d'une  fociété.  Voye^  Police  & 


C  E  R 

ÇvLTe.  Laiffant  à  d'autres  le  foin  de  chercher  la  vé- 
ritable étymologie  du  mot  ceremonia,  &  de  décider 
s  il  vient  de  Cereris  mania ,  ou  de  Cœre  munia  ,  ou  du 
verbe  Grec  X'-r"'-,  nous  obferverons  d'abord  qu'il  y 
a  ,  félon  notre  définition  ,  trois  fortes  de  cérémonies  ; 
des  cérémonies  politiques ,  telles  que  le  couronnement 
d'un  prince  ,  l'introduction  d'un  ambaffadeur ,  &c. 
des  cérémonies  religieufes ,  telles  que  l'ordination  d'un 
prêtre ,  le  facre  d'un  évêque ,  le  baptême  ou  la  béné- 
didion  d'une  cloche,  &c.  des  cérémonies  politico-reli- 
gieujes  ,  c'ett-à-dire ,  où  les  mages  du  peuple  fe  trou- 
vent mêlés  avec  la  discipline  de  l'Eglife  ,  telles  que 
la  cérémonie  du  mariage  prile  dans  toute  ion  étendue. 
11  y  a  deux  chofes  principales  à  examiner  fur  les 
cérémonies  ;  leur  origine  ,foit  dans  la  fociété,  foit  dans 
l.i  religion ,  6c  leur  néceffité  dans  la  religion  :  quant 
au  premier  point,  il  paroit  que  chaque  cérémonie  dans 
la  fociété  a  l'on  origine  particulière,  relative  à  quel- 
que fait  primitif  6c  aux  circonliances  de  ce  fait,  6c 
qu  il  en  eïl  de  même  de  l'origine  de  chaque  cérémo- 
nie dans  la  religion  ;  avec  cette  différence  qu'on  peut 
rechercher  ce  qui  a  donné  lieu  à  celles-ci ,  qui  for- 
ment tantôt  unfyftème  fage  6c  raifonné,  ou  qui  ne 
font  d'autres  fois  qu'un  affemblage  d'extravagances , 
d'abfurdités  &  de  petiteffes,  fans  motif,  lansliaifon, 
fans  autorité. 

Il  elt  donc  à  propos  dans  cette  recherche  de  dif- 
tribuer  les  cérémonies  religieufes  en  deux  claffes;  en 
cérémonies  pieufés  &  faillies  ,  &  en  cérémonies  fuperfli- 
tieujcs  &   abominables. 

Il  n'y  a  eu  de  cérémonies  religieufes  pieufes  &  fain- 
tes  fur  la  furface  de  la  terre,  1°.  que  le  petit  nombre  de 
celles  qui  accompagnèrent  le  culte  naturel  que  les 
premiers  hommes  rendirent  à  Dieu  en  pleine  cam- 
pagne ,  dans  la  fimplicité  de  leur  cœur  &  l'innocen- 
ce de  leurs  mœurs ,  n'ayant  d'autre  temple  que  l'u- 
nivers ,  d'autre  autel  qu'une  touffe  de  galon ,  d'au- 
tre offrande  qu'une  gerbe ,  d'autre  victime  qu'un 
agneau,  &  d'autres  facrifîcateurs  qu'eux-mêmes,  6c 
qui  ont  duré  depuis  Adam  jufqu'à  Moyfe;  x°.  les  cé- 
rémonies qu'il  plût  à  Dieu  de  prelcrire  au  peuple  Juif, 
par  fa  propre  bouche  ou  par  celle  de  les  pontifes  & 
■de  les  prophètes  ,  qui  commencèrent  à  Moyfe  ,  & 
que  Jefus-Chritt  a  abolies;  3°.  les  cérémonies  de  la  re- 
ligion Chrétienne,  que  fon  divin  inltituteur  a  indi- 
quées ,  que  les  apôtres  6c  leurs  fucceffeurs  ont  infir- 
mées, qui  font  toujours  fanctifiées  par  l'ciprit  des  mi- 
niltres  qui  les  exécutent,  &  des  tidi.ies  qui  y  affû- 
tent, &  qui  dureront  jufqu'à  la  tin  '.les  ficelés. 

L'origine  de  ces  cérémonies  elt  fondée  fur  l'Hiffoi- 
re,  &  nouseft  tranlmile  par  des  livres  lur  l'authenti- 
cité delquels  il  n'y  a  point  de  doute.  Elles  furent 
chez  les  premiers  hommes  des  mouvemens  de  la  na- 
ture inlpirée  ;  chez  les  Juifs  ,  une  portion  des  lois 
d'un  gou  vernement  théocratique  ;  chez  les  Chrétiens, 
des  !\  mboles  cle  toi,  d'elpérance,  &  de  charité  ;  &il 
ne  peut  y  avoir  lur  elles  deux  ientimens.Loin  donc  de 
nous  les  idées  de  Marsham  6c  de  Spencer  ;  c'elt  pref- 
qu'un  blafphème  que  de  déduire  la  cérémonies  du  Lé- 
vitique  ,  des  rites  Egvpticns. 

Mais  il  nen  elt  pas  de  même  des  cérémonies  fuperfli- 
tieufes  :  il  femble  qu'à  l'exception  de  ce  que  les  fain- 
1  I  eritures  nous  en  apprennent,  le  relie  foit  ei> 
fièrement  abandonné  aux  difputes  de  la  Philolophie  ; 
6c  voici  en  peu  de  mots  ce  qu'elle  nous  luggere  de 
plus  railonnable.  Elle  réduit  les  cauies  de  l'idolâtrie 
à  la  flatterie,  à  l'admiration,  à  la  tcmlrclle  ,  à  la 
crainte,  a  l'efpérance ,  mal  entendues;  voya^  IDO- 
LATRIE-: coniéquemment  il  paroit  que  toute--  les  cé- 
rémonies fupcrjliricufes  ne  (ont  que  (les  exprelîions  de 
ces  différens  lentimens,  variées  lelon  l'intérêt,  le 
caprice,  &  la  méchanceté  des  prêtres  idolâtres.  Fai- 
tes une  combinaifon  des  pallions  qui  ont  donné  naif- 
fance  aux  idoles ,  avec  celles  de  leurs  minuties,  & 


C  E  R 


839 


tous  les  monttres  d'abomination  &  de  cruauté  qui 
noirciffent  les  volumes  de  nos  hiltoriens  &  de  nos 
voyageurs  ;  vous  les  en  verrez  fortir ,  fans  avoir  re- 
cours aux  conjectures  d'Huet,  de  Bochart,  de  Yol- 
fius  ,  &  de  Dicklnfon,  où  l'on  remarque  quelquefois 
plus  de  zèle  que  de  vraisemblance. 

Quant  à  la  queftion  de  la  néceffité  des  cérémonies 
pour  un  culte  ,  fa  folution  dépend  dune  autre  ; 
lavoir,  fi  la  religion  elt  faite  pour  le  feul  philo- 
fophe, ou  pour  le  philofophe  &  le  peuple  :  dans  le 
premier  cas  ,  on  pourroit  peut-être  foûtenir  que  les 
cérémonies  font  fuperflues,  puifqu'elles  n'ont  d'autre 
but  que  de  nous  rappeller  les  objets  de  notre  foi  & 
de  nos  devoirs ,  dont  le  philofophe  fe  fouvient  bien 
fans  le  fecours  des  fignes  fcnlibles  :  mais  la  reli- 
gion eft  faite  indistinctement  pour  tous  les  hommes, 
comme  il  en  faut  convenir  ;  donc ,  comme  les  prodi- 
ges de  la  nature  ramènent  fans  ceffe  le  philofophe  à 
l'exiltence  d'un  Dieu  créateur;  dans  la  religion  Chré- 
tienne ,  par  exemple ,  les  cérémonies  ramèneront  fans 
ceffe  le  chrétien  à  la  loi  d'un  Dieu  crucifié.  Les  re- 
prélentations  fenlibles,  de  quelque  nature  qu'elles 
foient ,  ont  une  force  prodigieule  fur  l'imagination 
du  commun  des  hommes  :  jamais  l'éloquence  d'An- 
toine n'eût  fait  ce  que  fit  la  robe  de  Céfar.  QuoJ  lit- 
teratis  efl  feriptura  ,  hoc  idiotis prœflat piclura  ,  dit  laint 
Grégoire  le  grand ,  in.  IX.  épie.  ix. 

CERENZA  ,  (  Géog.  )  ville  d'Italie  au  royaume 
de  Naples,dans  la  Calabre  citérieure.  Long.  34. 
ào.  lat.  39-23- 

*  CERÈS,  (Mytk.)  fille  de  Saturne  &  de  Cybele, 
&:  déeffe  de  l'agriculture.  Lorlque  Piuton  eut  enle- 
vé fa  fille  Proferpine  ,  elle  le  mit  à  la  chercher  nuit 
6c  jour  :  cependant  la  difette  de  grains  deioloit  la 
terre  privée  de  les  dons.  Les  dieux  etoient  très -in- 
quiets de  fon  abfence  ,  lorlque  Pan  la  découvrit*  Les 
Parques  député-espar  Jupiter  l'attendrirent,  &  la  ra- 
menèrent en  Sicile  ,  où  elle  rendit  à  la  terre  la  ferti- 
lité. On  la  représente  avec  beaucoup  de  gorge  ,  la 
tête  couronnée  d'epis ,  &  des  pavots  dans  la  main , 
ou  entre  deux  petits  enfans  tenant  chacun  une  cor- 
ne d'abondance.  On  lui  donne  un  char  attelé  de 
ferpens  ailés  ,  avec  une  torche  allumée.  Le  myrte 
6c  la  narciffe  étoient  les  feules  fleurs  dont  on  le  cou- 
ronnât dans  les  fêtes.  On  lui  attribue  une  aventure 
dont  la  fin  efl  affez  fcandaleule.  On  dit  que  pour 
éviter  les  pourfuites  amoureufes  de  Neptune  fon  frè- 
re ,  elle  fe  métamorphola  en  jument  ;  ce  qui  d 'empê- 
cha pas  le  dieu  de  le  latisfaire  lous  la  forme  d'un 
cheval  ;  il  en  eut  Arion  &  un  cheval.  Le:.  Phigaliens 
adorèrent  une  Ceres  à  tête  &  crinière  de  jument ,  d'où 
fortoient  des  dragons  &  d'autres  monltres.  Cette  lia- 
nte ayant  ete  incendiée  par  accident,  les  Phigaliens 
oublièrent  le  culte  de  la  déeffe,  qui  s'en  \ 
par  une  grande  lechereffe  qui  les  au:  oit  conduits  jut- 
qu'à  manger  leurs  propres  entans,  s'ils  ne  l'ayoient 
arrêtée  en  rétabliffant  le  culte  de  Cens  la  noire,  car 
c'elt  ainli  que  leur  Çeris  s'appelloit.  Quoi  qu'il  en  foit 
de  toutes  ces  extravagances  ,  Jes  Mythologrftes  pré- 
tendent que  Ceris  tut  une  reine  de  Sicile  qui  mérita 
îles  autels,  par  l'invention  de  l'agriculture  qu'elle 
communiqua  à  tes  peuples.  Voyt{  U  DÏ3    de 

CERET  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  dans  le 
Rouffillon,  fur  la  rivière  de  Tec.  Long.  20. 
42-  13- 

L  ERF,  cenulùs  ,  (Mft.  anc.  c-  mod.)  elpcce  de 
jeu  ulite  parmi  les  payens,  èv  dont  l'ulage  s  étoit  au- 
trefois introduit  parmi  les»,  lire:;, 
fe  traveltir  au  BOUVel  an  fous  la  fon  -  rs  ani- 

maux. Les  eedéfiaftiques  '■■-     - 
l'on  contre  un  abus  li  indigne 

ne  fut  point  fans  peine  qu'us  pan  inrent  a  i<.  ...     cir 
ner.  /  Ducànga 

*  Cerf,  f.  m.  (  Hift.  rut.  e  tniraal 


84o  C  E  R 

quadrupède ,  ruminant ,  qui  a  le  pie  fourchu  ,  les 
cornes  branchues,  non  creufes,  &  tombant  chaque 
année  :  voilà  les  cara&eres  généraux  fi»  leiquels  on  a 
établi  le  genre  d'animaux  qui  portent  le  nom  de  cerf, 
cervinum  genus  :  ce  genre  comprend  le  cerf,  le  dain, 
l'élan,  le  renne,  le  chevreuil,  la  giraffe  ,  &c.  Voye{ 
ces  derniers  à  leurs  articles. 

Le  cerf  proprement  dit  eil  de  la  grandeur  d'un 
petit  cheval  ;  l'on  poil  eft  de  couleur  fauve  rougeâ- 
rre ;  fes  cornes  font  longues,  &  d'une  coniiftance 
très-dure  ;  le  devant  de  la  tête  eft  plat  ;  les  yeux  font 
grands  ;  les  jambes  longues  &  menues  ,  &  la  queue 
courte. 

On  prétend  que  les  cerfs  vivent  très-long-tems  : 
on  a  dit  que  la  durée  de  leur  vie  s'étendoit  à  plu- 
fieurs  fiecles  :  on  a  même  avancé  jadis  qu'ils  vivoicnt 
quatre  fois  aufïï  long-tems  que  les  corneilles  ,  à  qui 
l'on  donnoit  neuf  fois  la  durée  de  la  vie  de  l'homme. 
On  peut  juger  de  cette  fable  par  le  réfultat ,  qui  affi- 
gneroit  aux  cerfs  trois  mille  fix  cens  ans  de  vie. 

Pline  a  affûré  qu'on  en  avoit  pris  un  plus  de  cent 
ans  après  la  mort  d'Alexandre ,  avec  un  collier  d'or 
chargé  d'une  infeription ,  qui  marquoit  que  ce  col- 
lier lui  avoit  été  donné  par  ce  prince.  On  en  raconte 
autant  de  Céfar.  On  dit  aufii  que  l'on  trouva  la  bi- 
che d'Augufte  plus  de  deux  fiecles  après  fa  mort.  On 
fait  l'hiftoire  du  cerf  chaffe  par  Charles  VI. 

On  connoît  la  vieillerie,  mais  non  l'âge  des  cerfs  , 
aux  pies  &  à  la  tête ,  ainfi  qu'aux  allures.  Ils  ont  à 
fept  ans  leur  entière  hauteur  de  corps  èc  de  tête. 
On  raconte  de  leurs  courfes  ,  de  leurs  repofées  ,  de 
leur  pâture  ,  reffûi  ,  diète  ,  jeûnes  ,  purgations , 
circonfpeûion ,  manière  de  vivre ,  fur  tout  lorfqu'ils 
ont  atteint  l'âge  de  raifon  ,  une  infinité  de  choies 
merveilleufes ,  qu'on  trouvera  dans  Fouilloux ,  Sal- 
novt ,  &c.  qui  ont  écrit  de  la  chaffe  du  cerf  en  enthou- 
fiaftes ,  &c. 

Age  &  difinction  des  cerfs.  Depuis  qu'un  cerf  eh1  né 
jufqu'à  un  an  paffé  ,  il  ne  porte  point  de  bois ,  & 
s'appelle  faon.  En  entrant  dans  la  féconde  année,  il 
pouffe  deux  petites  perches  qui  excédent  un  peu  les 
oreilles; on  appelle  ces  perches  dagues,  &  ces  jeunes 
erfs ,  daguus.  La  troifieme  année  les  perches  qu'ils 
pouffent  fe  femerrf  de  petits  andouiilers ,  au  nombre 
de  deux  à  chaque  perche.  Les  quatrième  &  cinquiè- 
me année  ,  la  tête  prend  8  ,  10 ,  12  pouces  de  long. 
La  iixieme ,  dans  laquelle  le  Cirr/s'appclle  cerf  dix  cors 
jeunement ,  la  tête  prend  12  à  14  pouces.  La  feptie- 
me,  dans  laquelle  il  s'appelle  csifde  dix  cors ,  elle 
prend  16,  18,  20,  &  24  pouces.  La  huitième  an- 
née ,  il  prend  le  nom  de  grand  c;f;  Se  la  neuvième  , 
celui  de  grand  vieux  cerf. 

Du  rue  des  cerfs.  Les  v'uux  cerfs  ,  les  cerfs  de  dix- 
cors  ,  &  ceux  de  dix  cors  jeunement ,  entrent  en  cha- 
leur au  commencement  du  mois  de  Septembre , 
quelquefois  plutôt  ou  plûtard  de  fept  à  huit  jours  :  il 
leur  prend  alors  une  mélancholie  qui  dérange  confi- 
dérablement  la  faoeffe  de  leur  conduite.  Ils  ont  la 
'tète  baffe  ;  ils  marcheat  jour  èv  nuit ,  ce  qui  s'appelle 
rnufer  ;  ils  deviennent  furieux  ;  ils  attaquent  l'hom- 
me,  &c  cet  état  dure  cinq  ou  fix  jours,  au  bout 
defquels  ils  entrent  dans  la  forte  chaleur  du  rut, 
beuglent ,  ce  qui  s'appelle  raire  ,  ou  réer,  cherchent 
les  biches ,  les  poursuivent ,  èk:  les  tourmentent, 
,  le  rut  de  ces  cerfs,  commence  celui  des  jeu- 
nes, qui  s'emparent  des  biches  en  i'abfence  des  vieux, 
&  fe  contentent  de  leurs  refies. 

Le  fort  du  rut  eft  depuis  quatre  heures  du  foir  juf- 
qu'à neuf  heures  du  matin  :  Ils  ont  alors  e.nîr'eux 
des  combats  oii  il  y  en  a  de  blefies  ,  &  même  de 
tués  :  leurs  cornes  s'entrelacent  ;  ils  relient  pris  tête 
contre  tête ,  &  font  dévorés  des  loups.  Ceux  qui 
voudront  lire  des  merveilles  de  leurs  combats  amou- 
reux ,  pourront  confulter  les  auteurs  que  nous  avons 
cités  plus  haut. 


C  E  R 

Le  rut  des  grands  cerfs  dure  trois  fcmaines,'dans 
lefquelles  ils  ont  quinze  à  feize  jours  de  forte  chaleur  ;- 
le  rut  des  jeunes  cerfs  dure  douze  à  quinze  jours  :  ainfi 
le  tems  du  rut  en  général  eft  d'environ  cinqfemaines. 
Alors  la  chaffe  en  eft  dangereufe  ,  &  pour  les  chaf- 
feurs  &  pour  les  chiens  :  le  «//"répand  ,  dit-on ,  dans 
le  rut  une  odeur  fi  forte  &  fi  puante ,  que  les  chiens 
refufent  quelquefois  de  le  chaffer. 

Le  rut  de  la  biche  eft  plus  tardif  que  celui  des 
cerfs  ;  un  cerf  en  faillit  jufqu'à  quinze  ou  feize. 

La  biche  eft  plus  petite  que  le  cerf;  elle  n'a  point 
de  cornes  ;  fes  mamelles  font  au  nombre  de  quatre, 
comme  celles  de  la  vache  ;  elle  porte  pendant  huit 
mois  &:  n'a  qu'un  faon ,  qu'elle  garde  jufqu'au  tems 
du  rut. 

Charles  I.  roi  d'Angleterre  ,  dont  Harvey  étoit 
Médecin,  lui  abandonna  toutes  les  biches  de  fes 
parcs  :  ce  fut  au-dedans  de  ces  animaux  qu'il  cher- 
cha à  découvrir  le  myftere  de  la  génération.  Harvey, 
dit  M.  de  Maupertuis  ,  dans  fa  Venus  phyfique  ropuf- 
cule  011  l'eiprit  &c  les  connoiffances  fe  font  re- 
marquer également ,  immolant  tous  les  jours  quel- 
que biche  dans  le  tems  011  elles  reçoivent  le  mâle  , 
Se  difiequant  leurs  matrices ,  n'y  trouva  jamais  de 
liqueur  îéminale  du  mâle  ,  jamais  d'eeuf  dans  les 
trompes ,  jamais  d'altération  à  l'ovaire  prétendu  , 
qu'il  appelle  comme  d'autres  Anatomiftes,  le  tefdcuh 
de  la  femelle.  Les  premiers  changemens  qu'il  apper- 
çût  dans  les  organes  de  la  génération  furent  à  la  ma- 
trice; il  trouva  cette  paiîie  enflée  &  plus  molle  qu'à 
l'ordinaire.  Dans  les  quadrupèdes  elle  paraît  dou- 
ble ,  quoiqu'elle  n'ait  qu'une  feule  cavité  ;  ion  fond 
forme  comme  deux  réduits  qu'on  appelle  cornes , 
dans  lefquelles  fe  trouve  le  fœtus.  Ce  furent  ces 
endroits  qui  lui  parurent  les  plus  altérés  ;  Harvey  y 
obferva  plufieurs  excroiffances  fpongieuies  ,  qu'il 
compare  au  bout  des  tétons  des  femmes.  Il  en  cou- 
pa quelques-unes  qu'il  trouva  parfemées  de  petits 
points  blancs  enduits  d'une  matière  viiqueuie  ;  le 
tond  de  la  matrice  qui  formoit  leurs  parois, jétoit  gon- 
flé &  tuméfié  comme  les  lèvres  des  enfajis  ,  lorf- 
qu'elles  ont  été  piquées  par  des  abeilles  ,  oc  telle- 
ment moliaiîe,  qu'il  parodioit  d'une  confiftance  fem- 
blabîe  à  celle  du  cerveau. 

Pendant.les  mois  de  Septembre  &  d'Oftobre,  tems 
auquel  les  biches  reçoivent  le  cerf  tous  les  jours  ,  & 
par  des  expériences  de  plufieurs  années  ,  Harvey  ne 
parvint  jamais  à  découvrir  dans  toutes  les  matrices 
des  biches ,  une  feule  goutte  de  liqueur  iérr.inale. 

Au  mois  de  Novembre ,  la  tumeur  de  la  matrice 
étoit  diminuée ,  &  les  caroncules  fongueufes  deve- 
nues fiafques  :  mais  ce  qui  fut  un  nouveau  fpectacle 
pour  l'obiervateur ,  des  filets  déliés,  étendus  d'une 
corne  à  l'autre  de  la  matrice  ,  formoient  une  efpece 
de  réfeau  femblabie  aux  toiles  d'araignée,  &  s'infi- 
nuant  entre  les  rides  de  la  membrane  intérieure  de 
la  matrice  ,  ils  s'entrelaçoient  autour  des  caroncules, 
à  peu  près  comme  on  voit  la  pie-mere  fuivre  ôcem- 
brali'er  les  conteurs  du  cerveau. 

Ce  réfeau  forma  bientôt  une  poche  dont  les  de- 
-hors  étoiènt  enduits  d'une  matière  fétide  ,  le  dedans 
lùie  &  poli  contenant  une  liqueur  fembiable  au  blanc 
d'eeuf,  dans  laquelle  nageoit  une.  autre  enveloppe 
fphérique,  remplie  d'une  liqueur  plu:,  claire  &  çryf- 
talline  ;  ce  fut  dans  cette  liqueur  qu'il  uppercut  un 
nouveau  prodige.  Cène  tu:  pointun  animal  tout  or- 
ganifé ,  comme  on  le  devoit  attendre  ;  ce  fut  k  p:m- 
cipe  d'un  animal,  un  point  viivc/y/'Kc..:  jul':;<s. 
On  le  vit  dans  la  liqueur  cryliai,  .'c  bat- 

tre, tirant  ion  accroiffement  dune  veine  qui  fe  perd 
dans  la  liqueur  où  il  nage. 

Les  parties  du  corps  viennent  bienu't  s'v  joindre» 
mais  en  différent  ordre  &  en  différent  tems  ;  i_  ; 
d'abord  qu'un  .mucilage  di-.  i/é,  Qfl  d^jj  ^   -  3JEtfes  mafr 


CER 

fes,  dont  l'une  forme  la  tête,  l'autre  le  tronc.  Vers 
la  fin  de  Novembre  le  fœtus  eft  forme  ;  &  tout  cet 
admirable  ouvrage,  lorfqu'il  paroît  une  fois  com- 
mencé ,  s'achève  promptement  :  huit  jours  après  la 
première  apparence  du  point  vivant ,  l'animal  eft  tel- 
lement avancé  ,  qu'on  peut  diftinguer  fonfexe.  Mais 
cet  ouvrage  ne  le  fait  que  par  parties  ;  celles  du  de- 
dans font  formées  avant  celles  du  dehors  ;  les  vifcc- 
res  &  les  inteftins,  avant  que  d'être  couverts  du  tho- 
rax &  de  l'abdomen  ;  &  ces  dernières  parties  defti- 
nées  à  mettre  les  autres  à  couvert  ,  ne  paroiffent 
ajoutées  que  comme  un  toît  à  l'édifice.  Voy.  la  Venus 
Phyflque  de  M.  de  Maupertuis. 

Nous  avons  rapporté  ici  toutes  ces  particularités 
fur  la  formation  du  faon  ;  parce  que  la  génération 
pourroit  bien  s'exécuter  autrement  dans  un  autre 
animal ,  quoique  Harvey  ait  voulu  généralifer  fes 
expériences  fur  les  biches  ,  &  les  étendre  à  tous  les 
autres  quadrupèdes. 

Retraite.  Après  le  rut ,  le  cerf  maigre  ,  décharné  , 
&c.  fe  retire  au  fond  des  forêts  où  il  vit  de  gland  , 
de  feuilles,  de  ronces ,  de  la  pointe  des  bruyères,  de 
creffbn ,  &c. 

Attroupement.  Au  mois  de  Décembre  les  cerfs  s'at- 
troupent ;  les  vieux  cerfs ,  ceux  de  dix  cors,  quelques- 
uns  de  dix  cors  jeunement, (e  mettent  enfemble.  Ceux 
qui  font  un  peu  au-deffous  de  cet  âge ,  forment  une 
autre  troupe  ;  les  daguets  &C  ceux  du  fécond  bois  ,  ref- 
tent  avec  les  biches.  Il  n'eft  pas  donné  à  tout  le 
monde  d'appercevoir  l'exactitude  de  ces  diftribu- 
tions  :  mais  quoiqu'il  en  foit,  il  ertconftant  que  plus 
l'hyver  eft  rude  ,  plus  les  troupes  font  grandes.  Ces 
animaux  fe  placent  fort  près  les  uns  des  autres  à  la 
repolée  afin  de  s'échauifer. 

Changement  de  pays  &  de  viandis.  Les  cerfs  chan- 
gent pluiîeurs  fois  l'an  de  pays  &  de  viandis  ; 
ils  gardent  le  fond  des  bois  en  hyver  ,  &  y  vivent , 
comme  on  a  dit  plus  haut  ;  au  printems  ils  vont  aux 
buifibns  ,  bois  coupé  d'un  an  ,  feigle ,  blé  ,  pois ,  fè- 
ves ,  &c.  Ils  gardent  les  buifibns  tout  l'été  ,  &  vian- 
dent  aux  mêmes  endroits  :  en  automne ,  ils  fe  rap- 
prochent des  grands  bois ,  &  vivent  du  regain  ,  des 
chaumes  ,  des  avoines  ,  des  prés. 

Séparation  ,  mue ,  &  chute  des  têtes.  Vers  la  mi-Fc- 
vrier ,  ou  au  commencement  de  Mars  ,  les  cerfs  fe  fé- 
parent  ;  ils  ne  reftent  que  deux  ou  trois  enlemble 
pour  aller  aux  buifibns  mettre  bas  leur  tête.  Il  ne 
s'agit  ici  que  des  cerfs  de  dix  cors,  de  dix  cors  jeun  ement, 
&  vieux  cerfs  ;  les  autres  fe  contentent  de  s'éloigner 
feulement  du  milieu  de  la  forêt. 

Au  printems  ils  muent  ;  &c  il  s'engendre  fur  eux 
entre  cuir  &  chair  des  puftules  ou  ulcères ,  dans  lef- 
quels  il  fe  forme  des  vers  qui  leur  fortent  par  le  go- 
fier ,  la  gueule ,  les  narines  ;  quelquefois  ils  en  meu- 
rent :  on  dit  que  leur  fang  fe  purifie  par  cette  voie. 

C'eft  encore  à  des  vers  qu'on  attribue  la  chute  de 
leur  tête  ;  on  dit  que  cette  vermine  fe  gliffant  le  long 
du  cou  entre  cuir  &  chair ,  fe  place  entre  le  maf- 
facre  &  la  tête,  cernent  tout  cet  endroit,  chagrinent 
le  cerf ,  oc  lui  font  agiter  les  cornes  lî  violemment  , 
qu'elles  fe  détachent  :  les  deux  cornes  ne  tombent 
point  toujours  en  même  tems  ;  ce  qui  fait  qu'on  n'en 
trouve  allez  fouvent  qu'une  dans  un  même  endroit. 
Il  y  en  a  qui  prétendent  que  lorfqu'un  cerf  a  perdu 
fon  bois,  il  s'enfonce  dans  la  forêt,  s'y  cache,  & 
n'ofe  paroître.  Quoiqu'il  en  foit,  pende  tems  après 
cette  chute  ,  il  fe  forme  fur  le  mxjfiicre,  ou  L'endroit 
que  les  cornes  ou  la  tête  couvraient ,  une  peau  dé- 
liée garnie  de  poils  gris  de  fouris,  fous  laquelle  les 
meules  craifient  &  fe  gonflent.  On  entend  par  meules, 
la  tige  des  cornes.  L'accroifiément  Se  le  gonflement 
des  meules  fe  font  en  cinq  ou  lix  jours.  Les  vieux 
cerfs  ,  cerfs  de  dix  cors  ,  ce  cerfs  de  dix  cors  jeunement , 
mettent  bas  les  premiers ,  &c  pielque  tous  en  même 
Tome  II, 


CER 


841 


tems.  Quand  la  peau  a  couvert  les  meules ,  la  tête 
poulie  ;  &  quinze  jours  après  elle  a  un  demi-pié  ,  & 
les  premiers  andouillers  ont  quatre  doigts  :  au  bout 
de  quinze  autres  jours,  elle  croît  d'un  autre  demi- 
pié  &  davantage ,  &  les  féconds  andouillers  ont  trois 
doigts  ;  les  premiers  font  augmentés  d'autant  ;  l'ac- 
croifiement continue  :  à  la  mi-Mai,  les  cerfs  de  dix 
cors  ,  &  de  dix  cors  jeunement ,  ont  pouffe  leur  tête  à 
demi ,  &  toutes  entières  à  la  fin  du  mois  de  Juillet. 
Les  jeunes  au  huitième  &  dixième  d'Août  feulement, 
quoiqu'ils  ne  mettent  bas  que  trois  femaines  après  les 
cerfs  de  dix  cors  :  quand  les  cerfs  ont  pouffé  leur  tête, 
&  qu'elle  eft  dure ,  ils  en  ôtent  la  peau  velue  qui  la 
couvre  en  fe  trottant  au  bois  ;  on  nomme  cette  peau 
moufj'c ,  &  frayoir  la  trace  qu'ils  font  au  bois  :  elle 
fert  aux  chafièurs  à  reconnoître  non-feulement  la 
préfence  du  cerf,  mais  encore  fon  âge.  On  dit  que  le 
cerf  mange  avidement  toutes  ces  particules  de  peau, 
dont  il  débarrafle  fa  tête  nouvelle. 

Connoiffance  de  la  tète.  Les  meules  font  adhérentes 
au  majfacre  :  cette  fraife  en  forme  de  petit  rocher  , 
qui  eft  plus  haut  &  qui  les  entoure  ,  s'appelle  pier- 
rure  :  ce  qui  s'élève  du  rocher ,  perche  ou  mairin  ■  ce 
qui  part  des  perches ,  andouillers.  Les  andouillers  les 
plus  près  des  meules  fe  nomment  maures  andouillers  , 
les  luivans  s'appellenty£<rcW5,  troifiemes ,  &  quatriè- 
mes andouillers  &  fur-andouillers.  Les  fur-andouillers 
partent  de  Yempaumùre.  On  entend  par  une  empau- 
mûre ,  une  largeur  placée  à  l'extrémité  de  la  tête  aux 
cerfs  de  dix  cors ,  car  les  jeunes  n'en  ont  point.  Cette 
largeur  a  la  forme  de  la  paume  de  la  main ,  &  les  fur- 
andouillers  en  partent  comme  des  doigts  ;  le  grain  du 
bois  s'appelle  perlure ,  &c  les  deux  maîtreffes  rainu- 
res ,  dont  le  fond  eft  liffe ,  &  qu'on  voit  pratiquées 
entre  la  perlure ,  s'appellent  gouttières. 

Connoiffance  de  l'âge  du  cerf  par  le  pie  &  l'allure.  Il 
eft  ailé  de  confondre  les  grofies  biches  brehaines  & 
les  biches  pleines  avec  les  cerfs ,  fur-tout  jeunes  ;  ce- 
pendant les  pinces  de  la  biche  font  plus  oblongues  & 
moins  rondes.  Plus  un  cerf  eft  jeune  ,  plus  il  a  l'ongle 
petit  &  coupant.  Quant  aux  allures ,  le  jeune  cerf 'met 
ion  pié  de  derrière  dans  celui  de  devant ,  n'en  rom- 
pant que  la  moitié  ;  celui  de  dix  cors  jeunement ,  met 
le  pié  de  derrière  fur  le  bord  du  talon  du  pié  de  de- 
vant; celui  de  dix  cors,  à  un  doigt  près  de  celui  de 
devant  ;  &ile  vieux  cerf,  à  quatre  doigts.  Il  n'y  a  point 
de  règles  pour  les  biches.  Cet  article  eft  beaucoup 
plus  étendu  dans  les  traités  de  Chafje.  Voye^  Salnove, 
Fouillou,  &  les  dons  de  Latone. 

Des  fientes  ou  fumées.  Les  fumées  peuvent  auffi  fer- 
vir  à  diftinguer  le  «//'d'avec  la  biche ,  &  le  jeune 
cerf du  vieux  cerf;  elles  changent  félon  les  faifons  : 
en  hyver  elles  font  dures ,  lèches ,  &  en  crottes  des 
chèvre;  en  Mai  elles  deviennent  molles,  en  bouzes  , 
plattes ,  rondes  &  liées  :  en  Juin ,  rondes ,  en  maffes  , 
mais  commençant  à  fe  détacher  :  fur  la  fin  de  Juin  ou 
au  commencement  de  Juillet,  en  torches,  ou  demi 
formées  &  féparées  :  fur  la  fin  de  Juillet,  longues,  du- 
res ,  aiguillonées  ou  martelées.  Quand  les  cerfs  les 
ont  en  boules ,  les  biches  brehaines  les  ont  maffives, 
aiguillonées,  martelées,  ridées,  ce  qui  leur  dure 
tout  l'ete. 

Des  portées.  On  entend  par  portées ,  l'effet  que  le 
«reproduit  contre  les  branches  des  arbres,  par  le 
frottement  de  l'on  corps  &  le  choc  de  fon  bois.  Les 
cerfs  de  dix  cors  commencent  à  faire  des  portées  à  la 
mi-Mai,  &  les  jeunes  cerfs  en  Juin,  leur  tête  étant 
alors  à  demi  pouffée  &  allez  haute.  11  faut  que  Jes 
portées  foient  à  la  hauteur  de  6  pies,  pour  être  d'un 
cerf  de  dix  cors.  La  largeur  y  fait  peu  de  choie. 

De  la  chaffe  du  cerf.  Cette  partie  de  notre  article 
feroit  immenle,  fi  nous  voulions  l'épuifer.  Nous  al- 
lons feulement  en  parcourir  fuccinctemcnt  les  points 
principaux  :  tels  font  1j  qutu9  le  rendez-vous }  Le. 

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choix  du  cerf,  la  meute ,  les  relais  ,  le  laiffê-courre  ,  le 
lancer,  la  chaffe  proprement  dite ,  les  ru/es,  le  forcer,  la 
mort ,  la  curée ,  &  la  retraite. 

Des  quêtes.  Après  ce  que  nous  avons  dit  des  chan- 
gemens  de  pays  &  de  viandis  ,  on  fait  en  quel  lieu 
les  quêtes  doivent  être  faites  ,  félon  les  différentes 
faiions.  Lorfque  l'on  fe  propofe  de  courre  un  cerf, 
on  va  au  bois  les  uns  à  cheval  fans  limiers ,  les  au- 
tres à  pié  avec  les  limiers.  On  fépare  les  cantons  , 
on  diftribue  les  quêtes  ou  les  lieux  dans  lefquels  cha- 
cun doit  s'affûrer  s'il  y  a  un  cerf  ou  s'il  n'y  en  a  point , 
ce  qui  fe  fait  à  l'aide  d'un  limier  qu'on  conduit  au 
trait.  Lorfque  le  limier  rencontre  ,  on  l'arrête  par  le 
trait ,  on  examine  fi  c'eft  un  cerf,  fans  l'effrayer  ni 
le  lancer  ,  ce  qui  le  feroit  paffer  d'une  quête  dans 
une  autre.  Quand  on  s'eft  bien  affûré  de  fa  préfen- 
ce,  on  fait  des  brifées.  On  en  diftingue  de  deux  for- 
tes ;  les  hautes  &  les  baffes.  Faire  des  brifées  hautes , 
c'eft  rompre  des  branches  6c  les  laiffer  pendantes  : 
faire  des  brifées  baffes ,  c'eft  les  répandre  fur  fa  rou- 
te ,  la  pointe  tournée  vers  l'endroit  d'où  le  cerf  vient, 
&  le  gros  bout  tourné  où  le  cerf  va.  Alors  le  cerf  eu. 
ce  qu'on  appelle  détourné ,  &  les  brifées  baffes  fer- 
vent à  conduire  le  chaffeur  à  la  répofée  du  cerf  le  jour 
deftiné  pour  le  courre. 

Du  rendez-vous.  C'eft  ainfi  qu'on  appelle  un  lieu 
indiqué  dans  la  forêt ,  où  tous  les  chaffeurs  fe  raffem- 
blent  &  d'où  ils  fe  féparent  pour  la  chaffe.  Il  faut  le 
choiiir  le  plus  commode  qu'il  eft  poffible. 

Du  choix  du  cerf.  Lorfqu'il  fe  trouve  du  cerf  dans 
plufieurs  quêtes ,  il  faut  préférer  celle  qui  n'a  qu'une 
refuite  à  celle  qui  en  a  deux  (on  entend  par  refuite , 
le  lieu  par  lequel  le  cerf  a  coutume  de  fortir);  celle 
où  il  n'y  a  qu'un  feul  cerf,  à  celle  où  il  y  en  a  plu- 
fieurs ;  attaquer  au  buiffon  plutôt  qu'au  grand  bois , 
&  préférer  le  cerf  de  dix  cors  au  jeune  cerf. 

Il  y  en  a  qui  diftinguent  trois  efpeces  de  cerfs ,  les 
bruns ,  les  fauves  ,  ôc  les  rougeâtres.  Les  bruns  paf- 
fent  pour  les  plus  forts  &  les  plus  vîtes  ;  les  fauves 
pour  avoir  la  tête  haute  &  le  bois  foible  ;  les  rou- 
geâtres pour  jeunes  &  vigoureux.  On  eftime  fur-tout 
ceux  qui  ont  fur  le  dos  une  raie  d'un  brun  noir.  La 
règle  eft  de  n'attaquer  que  les  cerfs  de  dix  cors. 

De  la  meute.  Une  meute  eft  au  moins  de  cent 
chiens  ;  alors  on  la  divife  en  cinq  parties.  Les  vingt 
qui  donneront  les  premiers  ,  s'appellent  chiens  de 
meute;  les  vingt  du  premier  relais ,  vieille  meute  ;  les 
vingt  du  fécond  relais,  féconde  vieille  meute  ;  le  der- 
nier relais ,  relais  dejix  chiens  ;  le  nombre  en  eft  ce- 
pendant beaucoup  plus  grand ,  &  il  eft  à  propos  de 
réferver  les  meilleurs.  On  a  encore  quelquefois  un 
relais  volant.  Ce  relais  fe  tranfporte  6c  fuit  la  chalie , 
au  lieu  que  les  autres  l'attendent. 

Des  relais.  C'eft  un  proverbe  parmi  les  chaffeurs, 
qu'un  cerf  bien  donné  aux  chiens  eft  à  demi-pris.  Il 
eft  donc  à  propos  que  ceux  qui  ont  la  conduite  des 
relais  connoiffent  les  lieux  6c  foient  entendus  dans 
la  chaffe  ,  foit  pour  les  placer  convenablement,  loit 
pour  les  donner  à  tems.  Il  faut  auffi  des  relais  de  che- 
vaux ;  il  faut  placer  les  meilleurs  coureurs  au  pre- 
mier relais. 

Du  laiffê-courre.  On  donne  ce  nom  au  moment  6c 
au  lieu  où  on  lâche  les  chiens ,  quand  on  eft  arrivé  à 
l'endroit  où  le  cerf  a  été  détourné.  Lorfque  les  relais 
font  placés  ,  on  fuit  les  brifées  &  l'on  s'avance  juf- 
qu'aux  environs  de  cet  endroit  ;  enfuite  on  lâche 
quelques-uns  des  meilleurs  chiens.  Ceux  qui  doivent 
faire  chaffer  les  chiens  fe  nomment  piqueurs  ;  il  eft 
effentiel  de  les  avoir  excellens.  Leur  talent  principal 
eft  de  favoir  animer  les  chiens  du  cor  &  de  la  voix  , 
&  avertir  exactement  les  chaffeurs  des  mouvemens 
du  cerf. 

Du  lancer.  On  lançoit  jadis  avec  les  limiers  ,  au- 
jourd'hui on  découple  dans  l'enceinte  ;  &  le  lancer 


eft  proprement  le  premier  bond  du  cerf  'hors  de  fa  re- 
polée.  Le  piqueur  l'annonce  en  criant  gare  ;  il  crie 
vaucelet^  s'il  voit  la  répolée ,  6c  tayau  s'il  voit  l'ani- 
mal. 

De  la  chaffe  proprement  dite  :  elle  commence  à  ce 
moment ,  &  confifte  à  fuivre  le  même  cerf  ians  relâ- 
che ,  malgré  les  rufes  ,  &  à  le  forcer. 

Des  rufes  :  on  en  raconte  une  infinité  ;  tantôt  le 
cerfchailé  en  fubftitue  un  autre  à  fa  place ,  tantôt  i! 
fe  jette  dans  la  harde  ou  troupe  des  biches ,  fe  mêle 
â  des  beftiaux  ,  revient  fur  les  pas ,  tâche  à  dérouter 
les  chiens  par  des  bonds  ,  fuit  un  courant,  &c.  mais 
il  y  a  des  chiens  auxquels  il  ne  donne  jamais  le  chan- 
ge. Le  piqueur  doit  les  connoître  ,  6c  s'en  tenir  à  ce 
qu'ils  indiquent. 

On  a  remarqué  qu'un  cerf  bleffé  aux  parties  géni- 
tales ou  châtré  dans  la  jeuneffe  ,  ne  porte  point  de 
bois ,  refte  comme  une  biche ,  &  devient  feulement 
plus  fort  de  corps  ;  que  fi  l'accident  lui  eft  arrivé 
après  avoir  déjà  porté  Ion  bois ,  il  continue  de  poul- 
fer  mais  avec  peine,  &  ne  parvient  jamais  à  fa  per- 
fection ;  6c  que  fi  Ion  bois  étoit  à  fa  perfection  il  ne 
le  perd  plus. 

Mort  du  cerf.  Lorfque  le  cerf  eft  forcé ,  le  piqueur 
crie  halali ,  lui  coupe  le  jarret  &  fonne  la  mort.  Ce- 
pendant un  autre  lui  enlevé  le  pié  droit  de  devant , 
&  va  le  préfenter  au  grand  veneur.  On  met  le  refte 
fur  un  chariot ,  oc  on  le  porte  au  lieu  deftiné  pour  la 
curée. 

De  la  curée.  Les  valets  de  chien  mettent  le  cerfiwr 
le  dos  &  le  dépècent.  Ils  commencent  par  couper  les 
daintiers  ,  puis  ils  ouvrent  la  nappe  ou  peau  ,  la  fen- 
dant fous  la  gorge  julqu'où  étoient  les  daintiers.  Ils 
prennent  le  pié  droit ,  dont  ils  coupent  la  peau  à  l'en- 
tour  de  la  jambe  ,  &  l'ouvrent  julqu'au  milieu  de  la 
poitrine  ;  ils  en  font  autant  aux  autres  pies  ,  &  ils 
achèvent  la  dépouille.  Cela  fait,  ils  ouvrent  le  ven- 
tre, &  l'on  diftribue  l'animal  par  morceaux.  On  en- 
lèvera la  panlè,  qui  fera  vuidée  &  lavée;  le  membre 
génital  ;  l'os  ou  cartilage  du  cœur  ;  une  partie  du 
cœur ,  du  foie ,  6c  de  la  ratte  ,  que  les  valets  de  li- 
miers diftribueront  à  leurs  chiens  ;  les  épaules  ,  les 
petits  filets  ,,  le  cimier,  les  grands  filets  ,  les  feuillets, 
6c  les  nombres.  On  a  conlervé  le  fang  ;  on  a  deux  ou 
trois  féaux  de  lait  ;  on  coupe  la  panie  6c  les  boyaux- 
nettoyés  avec  le  refte  de  la  ratte  &  du  foie  ;  on  mêle 
le  tout  avec  le  fang  ,  le  lait,  &  du  pain  :  en  hyver 
qu'on  a  peu  de  lait ,  on  y  fubftitue  du  fain-doux.  On 
verie  la  moiiée  fur  la  nappe  ,  on  la  remue  ,  alors  la 
curée  eft  prête.  Refte  le  coffre  du  cerf  &  les  petits 
boyaux  qu'on  appelle  le  forhu.  On  met  le  coffre  fur 
une  place  herbue  à  quelque  diftance  de  la  moùée  , 
6c  le  forhu  fur  une  fourche  de  bois  émouffée.  Enfin 
on  abandonne  les  chiens  à  la  moùée  ,  &i  enfuite  au 
coffre ,  puis  au  forhu  ,  non  fans  avoir  fonné  toutes 
ces  manœuvres.  On  fonne  en  dernier  lieu  la  retraite. 
Nos  ayeux  exécutoient  toutes  les  parties ,  tant  de  la 
chaffe  que  de  la  curée  ,  avec  autant  6c  plus  de  céré- 
monies qu'on  n'en  fait  dans  aucune  occafion  impor- 
tante. Ils  chaffoient  un  cerf  "à  peu  près  comme  ils  at- 
taquoienr  une  femme  ,  &  il  étoit  prefqu'auffi  humi- 
liant pour  eux  d'échouer  dans  l'une  de  ces  entrepri- 
fes  que  dans  l'autre.  Le  goût  de  la  chaffe  du  cerf  s'eft 
augmenté  parmi  nous  ;  quant  au  cérémonial  qui  l'ac- 
compagnoit ,  il  a  prefqu'entierement  difparu  ,  6c  la 
chaffe  ne  s'en  fait  pas  plus  mal. 

La  partie  la  meilleure  à  manger  du  cerf,  eft  le  cou 
avec  les  trois  côtes  qui  en  font  les  plus  proches;  le  ref- 
te eft  dur  6c  indigefte.  Les  petits  cerfs ,  laclantes ,  font 
les  meilleurs  ;  puis  ceux  d'un  an ,  adolefcentes  ;  enfuite 
ceux  de  deux  ans,  juvenes}  paffé  ce  tems  ils  font  durs 
6c  mal-fains.  On  dit  auffi  que  leur  chair  eft  un  mau- 
vais aliment  pendant  l'été ,  parce  qu'ils  fe  nourriffent 
de  ierpens  6w  de  reptiles,  ce  que  peu  de  gens  cioyent. 


C  E  R 

Propriétés  médicinales.  Le  «//contient  dans  toutes 
fes  parties  beaucoup  de  fel  volatil  &  d'huile  :  les  meu- 
les &  cornes  nouvelles  prifes  en  gelée  facilitent  l'ac- 
couchement :  fes  grandes  cornes  Te  râpent  ;  cette  ra- 
pure  entre  dans  les  tifannes ,  les  gelées ,  les  bouillons 
&c  plufîeurs  poudres  &  éleduaircs  ;  elle  eft  bonne 
pour  arrêter  le  cours  de  ventre  &  le  flux  hémorrhoi- 
dal  ;  elle  fortifie  &  reftaure  :  on  la  diftille  &  on  en  tire 
un  fel  &c  une  huile  volatile.  On  la  prépare  philofo- 
phiquement. 

L'os  ou  cartilage  du  cœur  a  pafTé  pour  un  cordial 
aléxitere  &  bon  dans  les  crachemcns  de  fang.  On  em- 
ployé la  moelle  de  cerf  en  Uniment  dans  les  rhuma- 
tifmes,  la  goutte  fciatique,  &  les  fradures.  Sa  graif- 
fe  eft  émolliente,  nervale ,  &  réfolutive  :  fon  fang  eft 
litdorifique  :  on  le  donne  defféché  &C  en  poudre  à  la 
dole  d'un  demi-icrupule.  Le  pnape  excite,  dit-on, 
la  femence  St.  foulage  dans  la  dilTenterie  ;  on  l'ordon- 
ne dans  l'un  &  l'autre  cas  depuis  un  demi-fcrupule 
jufqu'à  une  drachme.  La  veflîe  appliquée  guérit  la 
teigne.  Au  refte  ,  fi  ces  remèdes  ont  quelque  effica- 
cité ,  elle  dépend  uniquement  du  fel  volatil  &c  de 
fhuile. 

L'huile  volatile  de  corne  de  cerf  eft.  fétide  :  on  la 
re&ifie  par  plufîeurs  cohobations  ;  &  lorfqu'elle  eft 
claire  &  lans  mauvaife  odeur ,  on  l'employé  dans  les 
affections  nerveufes  ,  les  foulures ,  les  paralylies ,  en 
Uniment  fur  l'épine  &  l'origine  des  nerfs.  On  fait  en- 
trer le  fel  volatil  dans  les  potions  cordiales ,  fiidori- 
fiques ,  &  anti-épileptiques ,  à  la  dofe  d'un  fcrupule.  Il 
palTe  pour  antifpafmodique  ,  &  on  l'applique  fous  le 
nez  dans  la  catalepfie ,  le  carus ,  &  autres  maladies , 
tant  foporeufes  que  convullîves. 

Ettmuller  &c  Ludovic  vantent  l'efprit  volatil  de 
corne  de  cerf  comme  un  grand  alexipharmaque ,  Se  le 
recommandent  dans  les  affe&ions  malignes. 

Ufages  de  quelques  parties  du  cerf  dans  les  Arts.  On 
travaille  fa  peau;  &  au  fortir  des  mains  du  Chamoi- 
feur  &  du  Mégilfier  ,  après  qu'elle  a  été  paflee  en 
huile  ,  on  en  fait  des  gants,  des  ceinturons ,  &c.  Les 
Fourreurs  en  font  aufti  des  manchons.  Les  Selliers  le 
fervent  de  la  bourre  ou  du  poil  que  les  Mégiffiers  & 
Chamoifeurs  ont  fait  tomber  de  la.  peau  ,  pour  en 
rembourrer  en  partie  des  felles  &  des  bâts.  Les  Cou- 
teliers refendent  la  corne  à  la  feie ,  &C  en  tirent  des 
manches  de  couteau.  On  fait  beaucoup  plus  de  cas 
du  bois  de  «//enlevé  de  delïus  la  tête  de  cet  animal 
tué  ,  que  de  celui  qu'il  met  bas  quand  il  eft  vivant , 
&  qu'on  ramalTo  fur  la  terre. 

On  trouve  dans  les  forêts  de  Bohème  des  cerfs  qui 
ont  au  cou  de  longues  touffes  ou  floccons  noirs  :  ils 
palïcnt  pour  plus  vigoureux  que  les  autres. 

On  dit  qu'il  ne  fe  trouve  point  de  fiel  à  fon  foie  ; 
Se  l'on  préfume  à  la  couleur  &  à  l'amertume  de  la 
queue  ,  que  c'eft-là  qu'il  le  porte. 

Il  y  a  un  li  grand  nombre  de  cerfs  au  royaume  de 
Siam,  qu'on  en  tue  plus  de  cent  cinquante  mille  par 
an,  dont  on  envoyé  les  peaux  au  Japon. 

Il  y  a  aux  Indes  occidentales  des  troupeaux  de 
cerfs  privés  ,  que  des  bergers  mènent  paître  dans  les 
champs  comme  des  moutons.  Les  habitans  de  ces 
contrées  font  des  fromages  de  lait  de  biche. 

Il  y  a  plufîeurs  efpeces  de  cerf.  Celle  qui  mérite  le 
plus  d'être  remarquée  à  caule  île  la  petitelic  ,  eft  dé- 
signée clic/  les  Naturaliiles  par  ces  mots  ,  zervusper- 
pufîllus,ju\cncus,  Guincenfis  ,  &  le  trouve  en  Guinée 
ainfi  que  la  phrafe  l'indique.  /  "<n  '*{  Seba ,  tom.  I.pagt 
JO.  &  nos  Planches  d'Iii/ioirc  Naturelle  ,  Plane.  III. 
fg.  J.  f-'oye^  aufft  fa  corne  en  A ,  même  Planch.  Il  n'a 
pas  plus  d'un  demi-pié  de  hauteur  ,  prile  depuis  l'ex- 
trémité de  ion  pié  de  devant  jufqu'au - deffus  de  fa 
tète.  Cette  hauteur  prile  du  pié  de  derrière  julqu'au- 
deflus  de  la  croupe  ,  n'a  guère  plus  de  quatre  pouces; 
ÔC  il  n'en  a  pas  cinq  de  la  queue  au  poitrail.  11  a  la 
Tome  II. 


C  E  R 


843 


tête  fort  grofle  &  les  oreilles  fort  larges  ,  relative- 
ment au  refte  de  fon  corps  ;  fes  jambes  font  très-me- 
nues. Sa  corne  a  plus  de  deux  pouces  de  long  fur  un 
demi-pouce  de  large  à  la  bafe  :  elle  va  toujours  en 
diminuant  &  fe  recourbant  un  peu.  Elle  paraît  creu- 
fe,  &C  porter  cinq  à  fix  rainures  circulaires  placées 
les  unes  au-deffiis  des  autres  ,  qu'une  longue  gout- 
tière qui  part  prefque  du  bout  de  la  corne  vient  tra- 
verfer.  Il  a  l'œil  grand ,  &  à  en  juger  par  la  figure  de 
Seba ,  le  poil  un  peu  hérifle.  Il  a  deux  mouftaches  , 
&  quelques  poils  de  barbe  fous  la  mâchoire  inférieu- 
re. Voilà  tout  ce  que  fa  figure  indique ,  &  l'hiftoire 
ne  nous  en  apprend  pas  davantage.  On  voit  dans 
Seba  ,  la  patte  d'un  cerf,  plus  petit  encore  que  celui 
que  nous  venons  de  décrire. 

CERF  de  Canada,  {Hifl.  nat.  Zoolog.}  celui  qui 
a  été  décrit  dans  les  Mém.  de  CAcad.  royale  des  Se. 
étoit  fort  grand  :  il  avoit  quatre  pies  depuis  le  haut 
du  dos  julqu'à  terre.  La  longueur  de  fon  bois  étoit 
de  trois  pies  :  les  premières  branches  que  l'on  appelle 
andouillers  avoient  un  pié  ;  les  fécondes  branches  dix 
pouces,  Si  les  autres  à  proportion.  Ces  branches 
étoient  au  nombre  de  fix  à  chaque  bois ,  c'eft-à-dire 
à  chaque  corne.  Les  cornes  étoient  recouvertes  d'u- 
ne peau  fort  dure  &  garnie  d'un  poil  épais  &  court 
de  couleur  fauve  un  peu  obfcure  ,  comme  le  poil  du 
corps.  Celui  des  cornes  étoit  détourné  en  forme  d'e- 
pi  en  plufîeurs  endroits ,  &c  la  peau  avoit  une  grande 
quantité  de  veines  &  d'artères  remplies  de  beau- 
coup de  fang  ;  &  la  corne  étoit  creufée  en  filions  , 
dans  lefquels  ces  vaifleaux  rampoient.  On  n'obferva. 
dans  ce  cerf  de  Canada  rien  de  différent  de  nos  cerfs 
ordinaires. 

On  a  joint  à  cette  defeription  celle  de  deux  bi- 
ches de  Sardaigne.  Leur  hauteur  étoit  de  deux  pies 
huit  pouces  depuis  le  haut  du  dos  jufqu'à  terre.  Le 
cou  avoit  un  pié  de  longueur;  la  jambe  de  derrière 
depuis  le  genou  julqu'à  l'extrémité  du  pié  ,  deux  pies 
de  longueur,  &  un  pié  jufqu'au  talon.  Le  poil  étoit  de 
quatre  couleurs  ,  fauve  ,  blanc  ,  noir ,  &  gris  :  blanc 
fous  le  ventre  6c  au-dedans  des  cuiffes  &  des  jam- 
bes ;  fauve-brun  lur  le  dos;  fauve  -  ifabelle  lur  les 
flancs  ;  l'un  Si  l'autre  fauve  au  tronc  du  corps ,  étoit 
marqué  de  taches  blanches  de  différentes  figures.  Il 
y  avoit  le  long  du  dos  deux  rangs  de  ces  taches  en 
ligne  droite  ;  les  autres  étoient  parlemées  fans  ordre. 
On  voyoit  de  chaque  coté  une  ligne  blanche  fur  les 
flancs.  Le  cou  &  la  tète  étoient  gris.  La  queue  etoit 
blanche  par-defl'ous  &  noire  par-dellus,  le  poil  avant 
fix  pouces  de  longueur.  Tome  III.  Part.  II.  t'oye^ 
Quadrupède.  ^ 

Cerf-volant,  lucanus ,  (Hifl.  nat.~)  infecle  du 
genre  des  fearabées.  On  lui  a  donné  le  nom  de  cerfvo- 
lant ,  parce  qu'il  a  deux  grades  cornes  longues ,  bran- 
chues ,  &  faites  en  quelque  façon  comme  celles  du 
cerf  On  l'appelle  aulii  taureau  volant ,  parce  qu'il  eft 
très-gros  en  comparaison  des  autres  infeéres  de  fon 
genre.  11  eft  noir  ,  ou  d'un  noirrougeàtre  ,  principa- 
lement fur  les  faunes  ailes  6c  fur  la  poitrine.  Ses  deux 
cornes  font  quelquefois  auffi  longues  que  le  petit 
.  elles  font  égales,  femblables  l'une  à  l'autre, 
èv  mobiles  ;  leur  extrémité  eft  divilee  en  deux  bran- 
.  elles  ont  un  rameau  cv  des  dentelures  fur  leur 
cote  intérieur.  Les  yeux  font  durs  ,  preeminens  , 
blanchâtres ,  &  places  à  côté  des  cornes  :  il  y  a  en- 
tre-elles  deux  autres  petites  cornes  ou  antennes  fai- 
tes en  tonne  de  mall'ue  ,  ce  placées  au  milieu  du 
front ,  Si  deux  autres  plus  longues  entre  les  grandes 
cornes  Se  les  veux.  Il  a  fix  pattes,  dont  les  deux 
premières  font  les  plus  longues  Se  les  plus  grades. 
La  tête  eft  plus  large  que  la  poitrine.  Ces  mledes 
ferrent  affez  fortement  ce  qu'ils  ont  laili  avec  leurs 
groflès  cornes.  Ils  vivent  encore  long-tems  après 
qu'on  a  fêpaxé  la  tète  du  refte  du  corps.  Il  y  a  d'au- 

O  O  o  o  o  ij 


qu 


844 


C  E  R 


très  cerfs-volans  femblables  aux  précédens ,  quoique 
plus  petits.  Leonicerus  a  crû  que  les  plus  grands 
ëtoient  les  mâles  ;  &  Mouffet  affûre  au  contraire 
que  ce  font  les  femelles.  Thcat.  infect.  Aldrovande, 
de  Infeclis.  Voye{  SCARABÉE  ,  INSECTE.  (  1  ) 

Cerf-volant  ,  c'eft  un  nom  que  les  Tanneurs 
&  autres  artifans  qui  travaillent  aux  gros  cuirs  don- 
nent aux  cuirs  tannés  à  fort-fait ,  &  dont  ils  ont  ôté 
le  ventre.  Voye{  Cuir. 

Cerf  ,  mal  de  cerf,  en  termes  de  Maréchal ,  eft  un 
rhùmatifme  qui  tombe  fur  les  mâchoires  &  les  par- 
ties du  train  du  devant  d'un  cheval  :  ce  mal  l'empê- 
che de  manger  ,  &  fe  jette  quelquefois  fur  les  parties 
du  train  de  derrière.  Jambes  de  cerf  V.  Jambe.  (V) 
CERFEUIL  ,  f.  m.  chcerophyllum ,  {Hijï.  nat.  bot.) 
genre  de  plante  à  fleurs  en  rofe ,  difpofées  en  om- 
belle &  compofées  de  plusieurs  pétales  inégaux ,  foû- 
tenues  par  le  calice  qui  devient  un  fruit  compofé  de 
deux  femences  reffemblantes  à  des  becs  d'oifeaux , 
renflées  d'un  côté  &  plates  de  l'autre  :  ces  femences 
font  liffes  dans  quelques  efpeces ,  &  rudes  dans  d'au- 
tres ;  mais  elles  ne  font  jamais  cannelées.  Tourne- 
fort  ,  Inji.  rei  herb.  Voye?^  PLANTE.   (/) 

Le  chœrophyllum  fativum,  C.  B.  Pitt.  liz.  eft  bon 
pour  réfoudre  le  fang  coagulé  :  on  l'employé  avec 
fuccès  dans  les  bouillons  pour  aider  l'expectoration 
dans  l'afthme  ;  il  eft  vulnéraire  ,  réfolutif ,  diuréti- 
que ,  emmenagogue,  apéritif,  atténuant;  il  entre 
dans  les  bouillons  &  apofemes  altérans. 

Le  cerfeuil  mufqué  ou  myrrhis  perennis  femine  flria- 
to ,  alba ,  major,  odorata ,  Boer.  Ind.  bot.  69.  reffem- 
ble  à  la  fougère ,  d'où  lui  eft  venu  le  nom  de  fougère 
mujquée ,  eft  plus  connu  dans  les  cuifines  que  dans 
les  boutiques  ;  approche  beaucoup  de  la  nature  du 
cerfeuil  ;  eft  compofé  de  parties  ténues  &  chaudes, 
&  bon  pour  les  perfonnes  qui  ont  l'eftomac  froid  & 
rempli  de  vents ,  pour  lever  les  obftructions  du  foie 
&  de  la  rate  ,  &  pour  exciter  l'urine.  Miller ,  Bot. 
off.  (N) 

CERIGO ,  (  Géog.  )  île  de  l'Archipel  au  midi  de 
la  Morée  ,  &  au  nord  occidental  de  celle  de  Candie  ; 
c'eft  la  même  que  celle  qui  a  été  tant  chantée  par 
les  poètes  fous  le  nom  de  Cythere. 
CERIN  ,  oifeau.  Foye^  SERIN. 
CERINES ,  (Géog.)  ville  de  l'île  de  Chypre  avec 
un  bon  port.  Long.  5i.  10.  lat.  36.  22. 

CERINTHIENS  ,  f.  m.  pi.  (77//?.  eccléf. )  anciens 
hérétiques  qui  nioient  la  divinité  de  Jefus-Chnft,  &c 
qui  tirèrent  leur  nom  de  Cerinthe  leur  chef,  fameux 
héréfiarque  du  premier  fiecle ,  &  contemporain  de 
l'apôtre  S.  Jean. 

Cerinthe  étoit  extrêmement  zélé  pour  la  circon- 
cifion  &  autres  obfervances  légales  ;  &  S.  Epiphane 
affûre  qu'il  fut  chef  du  parti  qui  s'éleva  à  Jerufalem 
contre  S.  Pierre  ,  parce  qu'il  avoit  communiqué  avec 
les  Gentils.  Son  héréfie  approchoit  fort  de  celle  des 
Ebionites.  Voye{ EbiONITES. 

Il  avançoit  entre  autres  chofes,  que  ce  n'étoit  pas 
Dieu  qui  avoit  fait  le  monde  ,  mais  une  certaine 
vertu  féparée  &  très-éloignée  de  la  vertu  fouverai- 
ne ,  &  qu'elle  l'avoit  fait  à  fon  infû.  Que  le  Dieu 
des  Hébreux  n'étoit  pas  le  Seigneur,  mais  un  ange. 
Que  Jefus  étoit  né  de  Jofeph  &  de  Marie  comme  les 
autres  hommes  :  mais  que  comme  il  les  furpaffoit 
tous  en  vertu  &  en  fageffe ,  le  Chrift  (  c'eft- à-dire 
une  vertu  particulière  )  envoyé  par  le  Dieu  fouve- 
rain  étoit  defeendu  en  lui  après  fon  baptême ,  en  fi- 
gure de  colombe  ;  qu'il  lui  avoit  manifefté  le  Père  in- 
connu jufque-là  ,  &  fait  opérer  des  miracles.  A  la  fin , 
félon  lui ,  le  Chrift  s'étoit  envolé ,  &  s'étoit  retiré 
de  Jefus -Chrift  dans  le  tems  de  fa  paftion  ;  enforte 
qu'il  n'y  avoit  que  Jefus  qui  avoit  fouffert  &  qui  étoit 
reffufeité  :  mais  le  Chrift  étant  fpirituel ,  étoit  de- 
meuré immortel  &c  impafîible.  Cerinthe  publioit  une 


C  E  R 

prétendue  révélation  contenant  des  images  monf- 
trueufes ,  qu'il  difoit  lui  avoir  été  montrées  par  des 
anges  ;  &  affûroit  qu'après  la  réfurreclion  générale , 
il  y  auroit  un  règne  de  Jefus-Chrift  fur  la  terre  pen- 
dant mille  ans?  &  qu'alors  dans  Jerufalem  les  hom- 
mes joiiiroient  pendant  ce  tems  de  tous  les  plaifirs 
de  la  chair.  On  croit  que  Cerinthe  bornoit  la  béati- 
tude à  ce  règne  terreftre.  Ses  difciples  foûtenoient 
toutes  ces  virions  ;  quelques-uns  d'entre  eux  nioient 
la  réfurreclion  ,  &  plufieurs  avançoient  que  Jefus- 
Chrift  n'étoit  pas  encore  reffuicité.  Ils  rejettoient 
tout  le  nouveau  Tcftament ,  à  l'exception  de  l'évan- 
gile de  S.  Matthi'èu ,  où  l'hiftoire  de  la  circoncifion 
de  Jefus-Chrift  leur  paroiffoit  une  preuve  démonf- 
trative  de  la  néceffité  de  cette  cérémonie  dans  le 
Chriftianifme.  Quelques  anciens  ont  attribué  à  Ce- 
rinthe l'Apocalypfe  de  S.  Jean ,  &  fous  ce  prétexte 
l'ont  rejettée  comme  un  livre  apocryphe  ,  trompés 
par  la  reffemblance  du  titre  que  Cerinthe  avoit  don- 
né à  un  de  fes  ouvrages.  Voy.  Apocalypse  &  Apo- 
cryphe. (  G  ) 

CERISAYE,  f.  f.  {Jardinage.  )  eft  un  lieu  planté 
en  cerifiers.  Voye^  Cerisier. 

CERISE ,  f.  f.  fruit  du  cerifier.  Voye^  Cerisier. 
Ce  fruit  eft  tres-bon.  On  le  mange  crud  quand  il  eft 
mûr;  ou  on  le  cueille  un  peu  avant  la  maturité  ,  6c 
on  le  met  en  compote.  Pour  faire  la  compote  ,  on  en 
coupe  la  queue  par  la  moitié  ;  on  fait  bouillir  du  fu- 
cre  dans  une  poelle  ;  on  prend  une  demi-livre  de  fit- 
cre ,  pour  une  livre  de  fruit.  Quand  le  fucre  bout , 
on  y  jette  les  cerifes  ;  on  remue  ;  on  écume  ;  on  pouffe 
l'ébullition  jufqu'à  ce  que  le  fucre  foit  en  firop  :  après 
quoi  on  laiife  refroidir  ,  &  la  compote  eft  prête. 

La  confiture  de  cerife  n'a  rien  de  particulier.  Voye^ 
celle  ^'Abricot.  On  tire  à  l'alembic  une  eau-de- 
vie  de  cerife  qui  eft  très- violente. 

CERISIER  ,  f.  m.  cerafus ,  (  Hift.  nat.  bot.  )  genre 
d'arbre  à  fleur  en  rofe  compofée  de  plufieurs  pétales 
difpofés  en  rond.  Le  piftil  fort  du  calice  ,  6V  devient 
dans  la  fuite  un  fruit  charnu  prefque  rond  ,  ou  en 
cœur,  qui  renferme  un  noyau  de  la  même  forme  , 
dans  lequel  il  y  a  une  femence.  Ajoutez  au  caractère 
de  ce  genre  le  port  de  fes  efpeces.  Tournefort,  Infl. 
rei  herb.  Voye{  PLANTE.   (7) 

Le  cerifier  fe  diftingue  en  bigareautier  &  en  merifier. 
Le  bigareautier  a  les  mêmes  feuilles  &  le  même 
bois  que  le  cerifier:  fon  fruit  eft  quarré  ,  plus  ferme , 
plus  croquant  ,  &  d'un  goût  plus  agréable  ,  mais 
moins  fondant  que  la  cerife  :  il  eft  prefque  blanc  , 
mêlé  d'un  peu  de  rouge. 

Le  guinier  a  aufli  le  même  bois  &  la  même  feuille 
que  le  cerifier  :  c'eft  un  fruit  précoce  qui  vient  avant 
les  autres  efpeces.  La  guine  eft  rouge  ,  blanche  , 
cendrée  ,  moins  ronde  que  la  cerife ,  la  chair  moins 
ferme  &  plus  fade. 

Le  merifier  eft  un  arbre  fauvage.  Voy.  Merisier. 
Le  griottier  a  de  plus  beau  fruit  que  les  autres. 
Foyei  Griottier. 

On  appelle  tous  ces  fruits  des  fruits  rouges. 
Les  belles  cerifes  à  courte  queue  font  bonnes  à 
confire  ,  &  elles  croiffent  dans  la  vallée  de  Montmo- 
rency, où  on  les  appelle  cerifes  coulardes. 

Il  y  a  encore  une  cerife  appellée  royale  ou  d'^/z- 
gleterre ,  qui  revient  à  celle  de  Montmorency  ou  à 
la  griotte. 

Les  cerifiers  fe  multiplient  par  leurs  noyaux  germes 
&  par  des  rejettons  à  leur  pié  :  mais  on  les  greffe  or- 
dinairement fur  le  merifier  rouge ,  qui  eft  le  plus  abon- 
dant en  fève.  Quand  ces  rejettons  font  grands  ,  on 
greffe  deffus  de  grojfcs  griottes,  qui  réuffiffent  mieux 
que  fur  le  merifier.   (7£) 

Il  y  a  deux  efpeces  de  cerifiers  dont  le  fruit  eft  d'ufa- 
ge  en  Médecine  :  le  cerafus  fativa  ,fruàu  rotundo  ,  ru- 
broj  &  acido,  Tourn,  Infl,  Sa  gomme  paffe  pour  lithon- 


CER 

'trîptique ,  &  fes  cerifes  pour  plus  rafraîchilTantes 
que  les  noires;  elles  calment  la  foif;  elles  fontbien- 
faiiantes  àl'eftomac,  &aiguifent  l'appétit.  La  gom- 
me du  cerifier  paffe  pour  lithontriptique. 

Leur  fuc  eft  très-réfolutif  ;  lorlqu'on  les  a  fait  bouil- 
lir,  &  qu'on  en  fait  un  ufage  fréquent ,  elles  peuvent 
guérir  plufieurs  maladies  chroniques ,  &  emporter 
par  la  diarrhée  la  matière  qui  faifoit  obftruction. 

Le  cerafus  nigra ,  Offic.  Germ.  1323.  Ses  ceri- 
fes font  cordiales,  céphaliques  &  ialutaires  dans 
toutes  les  maladies  de  la  tête  &  des  nerfs ,  comme 
les  épilepfies,  les  convulfions,  les  paralyfies,  Vau- 
tres maladies  femblables. 

L'eau  diftillée  eft.  d'un  grand  ufage  dans  les  affec- 
tions fpafmodiques.  (A7) 

CERISIN ,  oifeau  ;  voyc{  Serin. 
_  *  CERITES ,  f.  m.  pi.  (H,ft.)  peuple  d'Italie ,  ha- 
bitans  de  Ceré,  à  qui  les  Romains  accordèrent  le 
droit  de  bourgeoifie,  en  reconnoiflance  de  l'afyle 
qu'ils  avoient  accordé  aux  Veftales  à  l'arrivée  des 
Gaulois.  Comme  ils  n 'avoient  point  le  droit  de  fuf- 
frage  dans  les  affemblées,  on  difoit  d'un  citoyen 
Romain  privé  de  ce  fuffrage ,  qu'il  étoit  in  cer'uum  ta- 
bulas relatus. 

CERNAYf/z  Dormois,  (Géograph.j  petite  ville  de 
France  en  Champagne,  à  huit  lieues  de  Rheims. 

CERNIN ,  (Saint)  Géog.  petite  ville  de  France , 
dans  le  Rouergue. 

CERNINUM,  f.  (Hift.  anc.)  habit  de  femme  dont 
il  eft  fait  mention  dans  Plaute  ;  mais  dont  on  ne  con- 
noît  que  le  nom. 

CERNOPHOROS,  f.  f.  (  Hift.  anc.  )  nom  d'une 
des  danfes  furieules  des  Grecs. 

CERNU ,  (Géog.)  petite  ville  d'Afrique,  au  royau- 
me de  Maroc,  clans  la  province  de  Duqueia. 

CERNY ,  (  Gcog.  )  petite  ville  de  l'île  de  France , 
dans  la  généralité  de  Paris. 

CERO,f.  m.  (Hift.  nat.  Ichth.)  poifîbn  de  mer  du 
genre  des  tourds  ;  on  le  nomme  cero  en  Provence  & 
principalement  à  Amibe.  Il  a  en  Languedoc  jufqu'à 
une  coudée  de  longueur,  &c  il  eft  marqué  de  diver- 
ses couleurs  :  le  dos  eft  de  couleur  d'or  &  moucheté 
de  verd;  le  ventre  eft  blanc,  &C  parfemé  de  traits 
courbes  de  couleur rouffe  ;  les  lèvres  font  vertes;  les 
couvercles  des  ouies  de  couleur  de  pourpre  ;  enfin 
la  queue  &  les  nageoires  font  bleues  pour  la  plus 
grande  partie.  Rondelet.  Voyc{  Poisson.  (/) 

CEROUExNE  ou  CIROUENE,  (Chirurgie.  )  nom 
que  le  vulgaire  donne  à  des  emplâtres  réfolutives  & 
fortifiantes,  qu'on  applique  fur  la  peau ,  à  la  fuite  des 
chûtes  pour  les  douleurs  &  contulions  qu'elles  cau- 
fent.  On  fait  communément  ces  emplâtres  avec  de 
la  térébenthine  &  du  bol  d'Arménie.  (  T) 

CER  O  MA ,  (HiJIoirc  ancienne.)  lieu  des  anciens 
thermes  ou  bains  dans  lequel  les  athlètes  fe  faifoient 
oindre:  Plirje,  liv,  XXjLV.  ch.  ij .  s'eft  fervi  de  ce 
terme  en  ce  fens  :  iidem  palceftras  athlctarum  imagini- 
bus  &  ccromatafua  exornant  :  mais  on  prend  plus  com- 
munément ce  nom  pour  un  onguent  dont  les  athlè- 
tes fe  faifoient  frotter,  &  que  nous  appelions  cérat. 
On  le  compofoit  d'une  certaine  quantité  d'huile  & 
de  cire  mêlées  &  fondues  enlcmble.  Il  fervoit  non- 
feulement  à  rendre  les  membres  des  lutteurs  gluTans  , 
cV  moins  fujets  à  donner  prife  à  leurs  adverfaires; 
mais  encore  à  leur  procurer  plus  de  fouplcile  &  d'a- 
gilité dans  leurs  mouvemens.  (G) 

CEROMANTIE ,  f.  f.  divination  qui  fe  faifoit  par 
le  moyen  de  la  cire,  &  qui  étoit  en  ufage  chez,  les 
Turcs,  au  rapport  de  Delrio:  elle  confiftoit  à  faire 
fondre  de  la  cire ,  6c  à  la  verfer  goutte  à  goutte  dans 
un  vafe plein  d'eau;  Cv  félon  la  figure  que  tormoient 
les  gouttes ,  on  en  tiroit  des  prélages  heureux  ou  mal- 
heureux. 

Le  même  auteur  comprend  fous  le  titre  de  cero- 


CER 


845 


mande,  une  fuperftition  ufitée  de  fon  tems  en  Alface. 
»  Lorfque  quelqu'un  eft  malade,  dit-il,  &  que  les 
»  bonnes  femmes  veulent  découvrir  quel  faint  lui  a 
»  envoyé  fa  maladie,  elles  prennent  autant  de  cier- 
»  ges  du  même  poids  qu'elles  foupçonnent  de  f  aints, 
»  en  allument  un  en  l'honneur  de  chaque  faint,  & 
»  celui  dont  le  cierge  eft  le  premier  confumé ,  pafTe 
»  dans  leur  cfprit  pour  l'auteur  du  mal.  Delrio,  lib, 
»  IK  pag.  553  ».  Ce  mot  eft  formé  du  Grec  infoe» 
cire,  &  de //.aiTÈ/a ,  divination.  (G) 

CERON,  f.  m.  (Commerce.)  que  l'on  nomme  plus 
communémentyK/wz,  forte  de  ballot  de  marchandi- 
fe,  couvert  de  peau  de  bœuf  fraîche,  dont  le  poil  eft 
en-dedans.  Voye^  Suron.  Diction,  de  Corn.  (G) 

*  CERQUEMANNEUR,  f.  m.(JurifFrud.  )  c'eft 
ainfi  qu'on  appelle  dans  la  Flandre  &:  dans  la  Picar- 
die ,  des  experts  &  maîtres  jurés  qu'on  appelle ,  foit 
pour  planter,  foit  pour  raffeoir  les  bornes.  Ils  ont 
uneefpece  de  jurifdiétion  fommaire  pour  ces  fortes 
de  différends  qui  font  très  fréquens ,  &  qui  feraient 
ruineux  en  juftice  réglée. 

CERRITO,  (Géog.)  petite  ville  d'Italie ,  au  royau- 
me de  Naples,  dans  la  province  de  Labour. 

CERS,  (Géog.)  petite  île  de  l'Océan ,  fur  les  cô- 
tes de  France,  à  l'orient  de  celles  de  Grenezey. 

CERTIFICAT  ,  f.  m.  témoignage  qu'on  donne  par 
écrit  pour  certifier  la  vérité  d'une  chofe. 

Certificat  de  franchife;  c'eft  un  afte  qui  décla- 
re certaines  marchandifes  franches  &  exemptes  des 
droits  de  fortie  du  royaume ,  pour  avoir  été  achetées 
&  enlevées  pendant  le  tems  de  la  franchife  des  foi- 
res. A'oy^AcQUiT  de  Franchise.  Diclion.  du  Com- 
merce, tom.  II. pag.  i5o.  (G) 

CERTIFICATEUR,  f.  m.  terme  de  Pratique,  eft 
celui  qui  répond  en  juftice  de  la  folvabilité  d'une  cau- 
tion judiciaire,  &  eft  même  tenu  fubfidiairement  de 
la  fomme  pour  raifon  de  quoi  la  caution  a  été  exi- 
gée ,  au  cas  que  par  l'événement  la  caution  fe  trou- 
ve infolvable.  Or  pour  conftater  fon  infolvabilité  ,  il 
faut  la  difeuter  avant  d'attaquer  le  certificateur  Voy* 
Caution. 

CERTIFICATION,  f.  f.  terme  de  Palais,  eft  l'at- 
teftation  que  donne  le  juge  du  lieu,  que  des  criées 
ont  été  faites  avec  les  folennités  S:  les  formalités  re- 
quit es  par  les  ordonnances. 

Il  lignifie  aufîi  Yatteftation  que  quelqu'un  donne  en 
juftice,  qu'une  caution  eft  folvable  ;  &:  par  cette  at- 
teftation  ,  le  certificateur  devient  lui-même  caution 
de  la  caution,  f^oye^  ci-devant  Certificateur.  (H) 
CERTIFIER  ,  v.  act.  lignifie  répondre  d'une  caution 
après  avoir  atteflé  fa  folvabilité.  (G  ) 

♦  CERTITUDE  ,  f.  f.  (  Logique ,  Mêtaphyftque  , 
if-  Morale.  )  c'eft.  proprement  une  qualité  du  jugement 
qui  emporte  l'adhéfion  forte  &  invincible  de  notre  efprit  A 
la  propofttion  que  nous  affirmons. 

On  peut  prendre  le  mot  de  certitude  en  diftlrcnsfcns  : 
ce  mot  s'applique  quelquefois  à  la  vérité  ou  a  la  propofî' 
tion  même  à  laquelle  V efprit  adhère  ;  comme  quand  on 
dit  la  certitude  de  telle  propolition  ,  &c.  Quelquefois 
il  fe  prend ,  comme  dans  la  définition  que  nous  en 

.  ,  pour  l'adhéfion  même  de  F  efprit  à  la  propofttion 
qu'il  regarde  comme  certaine. 

On  peur  encore  diftinguer ,  comme  M.  ..'"./•  embert  l'a 
fait  dans  le  Difeours  préliminaire,  Vè\  ■■'  certi- 

tude ,  endifani  que  l'évidence  appartient  proprement  aux 
idées  dont  V efprit  apperçoit  la  liaifon  tout  d'un  coup  ,  & 
la  certitude  à  cet les  dont  il  n' apperçoit  la  liaifon  que  par 
le  fecours  d'un  certain  nombre  d'idées  interne 
Ainft  ,  par  exemple  ,  le  tout  eft  plus  grand  que  fa  par- 
tie ,  eft  une  propofttion  évidente  par  elle-même  ,  parce  que 
f  efprit  apperçoit  tout  d'un  coup  &  fans  aucune  idée  in- 
termédiaire la  liai/on  qui  eft  entre  les  idées  de  tout  &  de 
plus  grand  ,  départit  &  a'e  plus  petit  y  mais  cette  propoft- 
tion ,  le  quarre  de  l'hypoténufe  d'un  triangle  rectan- 


846 


C  E  R 


gle  eft  égal  à  la  fomme  des  quarrés  des  deux  côtés  , 
ejl  une  propojition  certaine  &  non  évidente  par  elle-même, 
parce  qu'il  faut  plufieurs  propofitions  intermédiaires  & 
confécutives  pour  en  appercevoir  la  vérité.  Dans  ce  cas , 
on  peut  dire  que  la  certitude  réfulte  d'un  nombre  plus  ou 
"moins  grand  de  propofitions  évidentes  qui  fi  f lavent  im- 
médiatement ,  mais  que  l'ejprit  ne  peut  embrafer  toutes  à 
7a  fois  ,  &  qu'il  tft  obligé  d'envifager  &  de  détailler  J'uc- 
ceffvement. 

D'où  il  s  enfuit  i°.  que  le  nombre  des  propofitions 
pourroit  être  fi  grand  ,  même  en  une  dîmonfl ration  géo- 
métrique ,  qu  elles  en  jeroient  un  labyrinthe  ,  dans  lequel 
le  meilleur  cjprit  venant  à  s'égarer ,  ne  feroit point  con- 
duit à  la  certitude.  Si  les  propriétés  de  la  fpirale  n'a- 
vaient pu  fe  démontrer  autrement  que  par  la  voie  tor- 
tueufe  qu  Archimede  a  fuivie  ,  un  des  meilleurs  Géomè- 
tres du  fiecle  paffê  n'eût  jamais  été  certain  de  la  décou- 
verte de  ces  propriétés.  J'ai  là  plufieurs  fois ,  difoit-il ,  cet 
endroit  d 'Archimede ,  &  je  n'ai  pas  mémoire  d'en  avoir 
j amais  fend  toute  la  force  :  Et  memini  me  nunquam 
vim  illius  percepifle  totam. 

2°.  Delà  il  s' enfuit  encore  que  la  certitude  en  Mathé- 
matique ,  naît  toujours  de  t  évidence  ,  puifquelle  vient  de 
la  liaifon  apperçùe  Juccejfivement  entre  plufieurs  idées 
confécutives  &  voijines. 

Chambers  dit  que  l'évidence  ef  proprement  dans  la  liai- 
fon que  l'efprit  apperçoit  entre  les  idées ,  &  la  certitude 
dans  le  jugement  qu  il  porte  fur  ces  idées  :  mais  il  me 
femble  que  c'efl-là  Je  jouer  un  peu  des  mots  ;  car  voir  la 
liaifon  de  deux  idées  ,  &  juger  ,  c'ejl  la  même  chofe. 

On  pourroit  encore,  comme  on  l'a  fait  dans  le  Difcours 
préliminaire ,  difinguer  l'évidence  de  la  certitude  ,  en 
aifant  que  l'évidence  appartient  aux  vérités  purement  fpé- 
culatives  de  Métaphyfque  &  de  Mathématique  ;  &  la 
certitude  aux  objets  Phyfiques ,  &  aux  faits  que  fon 
obferve  dans  la  nature  ,  &  dont  la  connoiffance  nous 
vient  par  les  Cens.  Dans  cefens  ,  il  feroit  évident  que  le 
quarrê  de  l'hypotênuj'e  ef  égal  aux  quarrés  des  deux 
■côtés  dans  un  triangle  rectangle  ;  &  il  feroit  certain  que 
F  aimant  attire  le  fer. 

On  difingue  dans  l'Ecole  deux  fortes  de  certitude  ; 
l'une  dejpéculation,  laquelle  naît  de  l'évidence  de  la  cho- 
fe; t  autre  d'adhéfion,  qui  nait  de  l'importance  de  la  chofe. 
Les  Scholafliques  appliquent  cette  dernière  aux  matières 
de  foi.  Cette  diflinclion  paroît  affe^  frivole  :  car  l'adhc- 
jion  ne  nait  point  de  l'importance  de  la  chofe  ,  mais  de 
l'évidence;  d'ailleurs  la  certitude  dejpéculation  &  l'ad- 
héfion  font  proprement  un  J'eul  &  même  acte  de  l'ejprit. 

On  difingue  encore  ,  mais  avec  plus  de  raifon  ,  les 
trois  efpeces  fuivantes  de  certitude ,  par  rapport  aux 
trois  degrés  d'évidence  qui  la  font  naître. 

La  certitude  métaphyfque  ef  celle  qui  vient  de  l'é- 
vidence métaphyfque .  Telle  ef  celle  qu'un  Géomètre  a  de 
cette  propofition ,  que  les  trois  angles  d'un  triangle  font 
égaux  à  deux  angles  droits ,  parce  qu'il  ef  métaphyfi- 
quement ,  c'ef -à-dire ,  abfolument  auffi  impoffible  que  cela 
nefoit  pas  ,  quill'efl  qu'un  triangle  foit  quarré. 

La  certitude  phyfique  ef  celle  qui  vient  de  l'évidence 
phyfique:  telle  ejl  celle  qu'a  une  perjonne ,  qu'il  y  a 
du  feu  fur  fa  main  ,  quand  elle  le  voit  ,  &  qu'ellefefent 
brûler  ;  parce  qu'il  ejl  phyfiquement  impoffible  que  cela 
ne  foit  pas ,  quoiqu abfolument  &  rigoureusement  par- 
lant ,  cela  pût  ne  pas  être. 

La  certitude  morale  ,  ef  celle  qui  ef  fondée  fur  l'évi- 
dence morale  :  telle  ef  celle  qu'une  perfonne  a  du  gain 
ou  de  ta  perte  de  fon  procès  ,  quand  Jbn  Procureur  ou  J'es 
amis  le  lui  mandent  ,  ou  qu'on  lui  envoyé  copie  du  ju- 
gement ;  parce  qu'il  ejl  moralement  impoffible  que  tant 
de perfonnes  fe  rêuniffent  pour  en  tromper  une  autre  à  qui 
elles  prennent  intérêt ,  quoique  cela  ne  foit  pas  ri<*oureu- 
fement  &  abfolument  impoffible. 

On  trouve  dans  les  Tranfactions  Philoibphiques , 
un  calcul  algébrique  des  degrés  de  la  certitude  morale  , 
qui  provient  des  témoignages  des  hommes  dans  tous  les 
caspojfibUs, 


C  E  R 

L' auteur  prétend  ,  que  fi  un  récit  pûffe  avant  que  de 
parvenir  jufqu'à  nous  par  dou^e  perfonnes  fuccejfives  , 
dont  chacune  lui  donne  \  de  certitude  ,  il  n'aura  plus 
que  \  de  certitude  après  ces  dou^t  récits  ;  de  façon  qu'il 
y  aura  autant  à  parier  pour  la  vérité  que  pour  la  fauffeti 
de  la  chofe  en  quefion  ;  que  fi  la  proportion  de  la  certi- 
tude ef  de  \~-°  ,  elle  ne  tombera  alors  à  -^  quaufoixante- 
dixieme  rapport  ;  &  que  fi  elle  n'ef  que  ~~  ,  elle  ne  tom- 
bera alors  à  \  quaufix  cents  quatre  -  vingts  -  quinzième 
rapport. 

En  général,  foit  r  la  fraction  qui  exprime  la  certitude 
que  chacun  donne  au  récit ,  ce  récit  paffant  par  deux  té* 
moins  ,  n'aura  plus  ,  félon  l'auteur  dont  nous  parlons  ± 
que  g-g  de  certitude;  &  paffant  par  n  témoins ,  la  cer- 
titude fera  l Cela  ef  aifé  à  prouver  par  les  règles  des 

combinaifons .  Suppofons  ,  comme  ci-defjus  ,  la  certifia 
de  =  •£  &  deux  témoins  fuccefjifs  ;  il  y  a  donc  ,  pour 
ainfii  dire  ,  un  cas  où  le  premier  trompera  ,  cinq  où  il  dira 
vrai  ;  un  cas  où  le  fécond  trompera  ,  &  cinq  où  il  dira 
vrai.  Il  y  a  donc  trente-fix  cas  en  tout ,  &  vingt-cinq  cas 
où  ils  diront  vrai  tous  deux  :  donc  la  certitude  ejl  |-t 
=  (£)  ,    &  ainji  des  autres.   Voye^  COMBINAISON 

&  Dés. 

Quant  aux  témoignages  qui  concourent  ,fi  deux  per- 
fonnes  rapportent  un  fait ,  &  qu'ils  lui  donnent  chacun 
en  particulier  |  de  certitude,  le  fait  aura  alors  par  et 
double  témoignage  j|  de  certitude  ,  c  ef -à-dire ,  fa  pro- 
babilitéjira  à  fa  non-probabilité  dans  le  rapport  de  trente- 
cinq  à  un.  Si  trois  témoignages  fe  réunijfent ,  la  certi-* 
tude  fera  de  ■—.  Le  concours  du  témoignage  de  dix  per- 
fonnes qui  donnent  chacune  \  de  certitude ,  produira 
~y\  de  certitude  par  la  même  raifon.  Cela  ef  évident  : 
car  il  y  a  trente-fix  cas  en  tout ,  &  il  n'y  a  qu'un  cas  où 
elles  trompent  toutes  les  deux.  Les  cas  où  l'une  des  deux 
tromperoit ,  doivent  être  comptés  pour  ceux  qui  donnent 
la  certitude  :  car  il  n'en  ef  pas  ici  comme  du  cas  précé- 
dent ,  où  les  deux  témoins  Jbnt  fuccefffs ,  &  où  l'un  re- 
çoit la  tradition  de  l'autre.  Ici  les  deux  témoins  Jbnt jup- 
pof es  voir  le  fait  &  le  connoitre  indépendamment  l'un  de 
l'autre  :  ilfujfit  donc  que  l'un  des  deux  ne  trompe  pas  j 
au  lieu  que  dans  le  premier  cas  ,  la  tromperie  du  premiet 
rend  le  fécond  trompeur ,  même  quand  il  croit  ne  tromper 
pas  ,  &  qu'il  a  intenfon  de  dire  la  vérité. 

L'auteur  calcule  enfuite  la  certitude  de  la  tradition 
orale ,  écrite  &  tranfmife  fuccejfvement ,  &  confirmée  pat 
plufieurs  rapports  fuccefjifs.  f".  l'art.  PROBABILITÉ, 
&  fur-tout  la  fuite  de  celui-ci ,  où  la  valeur  de  ces  calculs 
&  des  raifonnemens  abfurdes  fur  lejquels  ils  font  fondés, 
ejl  appréciée  ce  quelle  vaut.  C'ef  une  dijfertation  de  M. 
l'abbé  de  P rades ,  dejlinée  à  fervir  de  difcours  prélimi- 
naire à  un  ouvrage  important fur' la  vérité  de  la  religion. 
ATous  Peuf/ions  peut-être  analyjée ,  fi  nous  n'avions  craint 
d'en  altérer  la  force.  L'objet  d'ailleurs  en  ejl  fi  grand  ; 
les  idées  fi  neuves  &  fi  belles  ;  le  ton  fi  noble  ;  les  preu- 
ves fi  bien  expofèes  ,  que  nous  avons  mieux  aimé  la  rap- 
porter toute  entière.  Nous  efpérons  que  ceux  à  qui  l'inté- 
rêt de  la  religion  efl  à  cœur  nous  enfauront  gré ,  &  quelle 
jera  très-utile  aux  autres.  Au  refle ,  nous  pouvons  affûrer 
que  fi  la  fonction  d'éditeur  de  V  Encyclopédie  nous  a  ja- 
mais été  agréable  ,  c  efl  particulièrement  dans  ce  moment. 
Mais  il  ef  tems  de  laiffer  parler  l'auteur  Lui-même: 
jbn  ouvrage  le  louera  mieux  que  tout  ce  que  nous  pour- 
rions ajouter. 

LePyrrhonifme  a  eu  fes  révolutions ,  ainfi  que  tou- 
tes les  erreurs  :  d'abord  plus  hardi  &  plus  témérai- 
re ,  il  prétendit  tout  renverfer  ;  il  pouffoit  l'incré- 
dulité jufqu'à  fe  remfer  aux  vérités  que  l'éviden- 
ce lui  préfentoit.  La  religion  de  ces  premiers  tems 
étoit  trop  abfurde  pour  occuper  l'efprit  des  philofo- 
phes  :  on  ne  s'obltine  point  à  détruire  ce  qui  ne  pa- 


C  E  R 

roîtpas  fondé  ;&  la  foibleffe  de  l'ennemi  a  fouvent 
arrêté  la  vivacité  des  pourfuites.  Les  faits  que  la  re- 
ligion despayens  propolbit  à  croire ,  pouvoicnt  bien 
iatisfaire  l'avide  crédulité  du  peuple  :  mais  ils  n'é- 
toient  point  clignes  de  l'examen  férieux  des  Philolo- 
phes.  La  religion  Chrétienne  parut  .-par  les  lumières 
qu'elle  répandit ,  elle  fît  bientôt  évanouir  tous  ces 
phantômes  que  la  luperftition  avoit  jufque-là  réali- 
ïés  :  ce  fut  fans  doute  un  fpedfacle  bien  furprenant 
pour  le  monde  entier  ,  que  la  multitude  des  dieux 
qui  en  étoient  la  terreur  ou  l'cfpérance,  devenus 
tout-à-coup  fon  joiiet  6c  Ion  mépris.  La  face  de  Puni- 
hivers  changée  dans  un  fi  court  efpace  de  tems  ,  at- 
tira l'attention  des  Philofophes  :  tous  portèrent  leurs 
regards  fur  cette  religion  nouvelle ,  qui  n'exigeoit 
pas  moins  leur  loûmilfion  que  celle  du  peuple. 

Us  ne  furent  pas  long-tems  à  s'appercevoir  qu'elle 
étoit  principalement  appuyée  fur  des  faits ,  extra- 
ordinaires à  la  vérité,  mais  qui  méritoient  bien  d'être 
difcutés  par  les  preuves  dont  ils  étoient  foûtenus.  La 
difpute  changea  donc  ;  les  Sceptiques  reconnurent  les 
droits  des  vérités  métaphyfiques  &  géométriques  fur 
notre  efprit ,  &  les  Philof  bphes  incrédules  tournèrent 
leurs  armes  contre  les  faits.  Cette  matière  depuis  fi 
long-tems  agitée  ,  auroit  été  plus  éclaircie ,  fi  avant 
que  de  plaider  de  part  &  d'autre  ,  l'on  fût  convenu 
d'un  tribunal  où  l'on  pût  être  jugé.  Pour  ne  pas  tomber 
dans  cet  inconvénient,  nous  dilons  aux  Sceptiques  : 
vous  reconnoiffez  certains  faits  pour  vrais;  l'exiftence 
de  la  ville  de  Rome  dont  vous  ne  fauriez  douter,  fùffi- 
roit  pour  vous  convaincre ,  fi  votre  bonne  foi  ne  nous 
affûroit  cet  aveu  :  il  y  a  donc  des  marques  qui  vous  font 
connoître  la  vérité  d'un  fait  ;  &  s'il  n'y  en  avoit  point , 
que  feroit  la  fociété  ?  tout  y  roule ,  pour  ainfi  dire , 
fur  des  faits  :  parcourez  toutes  les  fciences ,  &  vous 
verrez  du  premier  coup  d 'ce il,  qu'elles  exigent  qu'on 
puiffe  s'affûrer  de  certains  faits  :  vous  ne  feriez  jamais 
guidé  par  la  prudence  dans  l'exécution  de  vos  def- 
leins;  car  qu'eft-ce  que  la  prudence,  linon  cette  pré- 
voyance qui  éclairant  l'homme  fur  tout  ce  qui  s'eft 
pafie  &  fe  pafie  actuellement ,  lui  fuggere  les  moyens 
les  plus  propres  pour  le  fuccès  de  Ion  entreprife ,  & 
lui  l'ait  éviter  les  écueils  où  il  pourroit  échouer  ?  La 
prudence  ,  s'il  cft  permis  de  parler  ainfi ,  n'efi  qu'une 
conféquence  dont  le  préient  &  le  pafie  font  les  pré- 
mifles  :  elle  efi  donc  appuyée  fur  des  faits.  Je  ne  dois 
point  inlifter  davantage  fur  une  vérité  que  tout  le 
monde  avoue  ;  je  m'attache  uniquement  à  fixer  aux 
incrédules  ces  marques  qui  caradtérilentun  fait  vrai  ; 
je  dois  leur  taire  voir  qu'il  y  en  a  non-feulement  pour 
ceux  qui  arrivent  de  nos  jours  ,  6c  ,  pour  ainfi  dire, 
fous  nos  yeux  ;  mais  encore  pour  ceux  qui  fe  pafient 
dans  des  pays  très-éloignés ,  ou  qui  par  leur  antiquité 
traverfent  l'efpace  immenfe  des  fiecles  :  voilà  le 
tribunal  que  nous  cherchons  ,  &  qui  doit  décider  fur 
tous  les  faits  que  nous  préfenterons. 

Les  faits  fe  pafient  à  la  vue  d'une  ou  Je  pluficurs 
perfonnes  :  ce  qui  efi  à  l'extérieur,  6c  qui  frappe  les 
i'ens  ,  appartient  au  fait  ;  les  conléquences  qu'on  en 
peut  tirer  font  du  relfort  du  philofophe  qui  le  fuppofe 
certain.  Les  yeux  font  pour  les  témoins  oculaires 
des  juges  irréprochables ,  dont  on  ne  manque  jamais 
de  fuivre  la  décifion  :  mais  fi  les  faits  fc  patienta 
mille  lieues  de  nous ,  ou  fi  ce  font  des  évenemens 
arrivés  il  y  a  pluficurs  fiecles ,  de  quels  moyens  nous 
fervirons-nous  pour  y  atteindre  ?  D'un  côté,  parce 
qu'ils  ne  tiennent  à  aucune  vérité  néceffaire,  ils  fe  dé- 
robent à  notre  efprit  ;  6c  de  l'autre  ,  foit  qu'ils  n'c\i(- 
tent  plus  ,  ou  qu'ils  arrivent  dans  îles  contrées  fort 
éloignées  de  nous ,  ils  échapent  à  nos  lens. 

Quatre  choies  fe  préfentent  à  nous  ;  la  dépofition 
des  témoins  oculaires  ou  contemporains,  la  tradition 
orale  ,  Phifioire,  &  les  monumens  :  les  témoins  ocu- 
laires ou  contemporains  parlent  dans  rhiltoùe  j   la 


C  E  R 


847 


tradition  orale  doit  nous  faire  remonter  jufqu'à  eux; 
6c  les  monumens  enchaînent,  s'il  efi  permis  de  par- 
ler ainfi ,  leur  témoignage.  Ce  font  les  fondemens 
inébranlables  de  la  certitude  morale  :  par-là  nous  pou- 
vons rapprocher  les  objets  les  plus  éloignés,  peindre'* 
&  donner  une  efpece  de  corps  à  ce  qui  n'efi  plus 
vifible  ,  réalifer  enfin  ce  qui  n'exifte  plus. 

On  doit  idiftinguer  foigneufement  dans  la  recher- 
che de  la  vérité  fur  les  faits,  la  probabilité  d'avec 
le  fouverain  degré  de  la  certitude ,  &  ne  pas  s'ima- 
giner en  ignorant  que  celui  qui  renferme  la  proba- 
bilité dans  fa  fphere  ,  conduife  au  Pyrrhonifme  ,  ou 
même  donne  la  plus  légère  atteinte  à  la  certitude.  J'ai 
toujours  crû ,  après  une   mûre  réflexion ,  que  ces 
deux  chofes  étoient  tellement  féparées  ,  que  l'une 
nemenoitpointàl'autre.Sicertainsauteiirsn'avoient 
travaillé  lur  cette  matière  qu'après  y  avoir  bien  ré- 
fléchi ,  ils  n'auroient  pas  dégradé  par  leurs  calculs 
la  certitude  morale.  Le  témoignage  des  hommes  efi  la 
feule  fource  d'où  naifient  les  preuves  pour  les  faits 
éloignés;  les  différens  rapports  d'après  lelquels  vous 
le  conlidére/.,  vous  donnent  ou  la  probabilité  ou  Incer- 
titude. Si  vous  examinez  le  témoin  en  particulier  pour 
vous  allûrer  de  fa  probité,  le  fait  ne  vous  deviendra 
que  probable  ;  &  fi  vous  le  combinez  avec  pluficurs 
autres ,  avec  lefquels  vous  le  trouviez  d'accord  ,  vous 
parviendrez  bien-tôt  à  la  certitude.  Vous  me  propo- 
fez  à  croire  un  fait  éclatant  &  intérefl'ant  ;  vous  avez 
pluficurs  témoins  qui  dépofent  en  fa  faveur  :  vous 
me  parlez  de  leur  probité  &  de  leur  fincérité  ;  vous 
cherchez  à  defeendre  dans  leurs  cœurs  ,  pour  y  voir 
à  découvert  les  mouvemens  qui  les  agitent  ;  j'ap- 
prouve cet  examen  :  mais  fi  j'aflùrois  avec  vous  quel- 
que chofe  fur  ce  feul  fondement,  je  craindrois  que  ce 
ne  fût  plutôt  une  conjecture  de  mon  efprit ,  qu'une 
découverte  réelle.  Je  ne  crois  point  qu'on  doive  ap- 
puyer une  démonfiration  fur  la  feule  connoiffanec  du 
cœur  de  tel  &  tel  homme  en  particulier  :  j'ofe  dire  qu'il 
eft  impoflible  de  prouver  d'une  démonfiration  morale 
qui  puiffe  équivaloir  à  la  certitude métaphyûquc ,  que 
Caton  eût  la  probité  que  fon  fiecle  &  la  pofterité  lut 
accordent  :  fa  réputation  eft  un  fait  qu'on  peut  dé- 
montrer; mais  fur  fa  probité,  il  faut  malgré  nous  nous 
livrer  à  nos  conjectures,  parce  que  n'étant  que  dans 
l'intérieur  de  fon  cœur,  elle  fuit  nos  fens,  &  nos 
regards  ne  lauroient  y  atteindre.  Tant  qu'un  homme 
fera  enveloppé  dans  la  fphere  de  l'humanité ,  quelque 
véridique  qu'il  ait  été  dans  tout  le  cours  de  fa  vie ,  il 
ne  fera  que  probable  qu'il  ne  m'en  impofe  point  fur 
le  fait  qu'il  rapporte.  Le  tableau  de  Caton  ne  vous 
préfente  donc  rien  qui  puifl'e  vous   fixer  avec  une 
entière  certitude.  Mais  jettes  les  yeux,  s'il  m'eff  permis 
de  parler  ainfi,  fur  celui  qui  repréfente  l'humanité  en 
grand  ,  voyez-y  les  différentes  paflîons  dont  les  hom- 
mes font  agites,  examinez  ce  contrafle  frappant: 
chaque  paliion  a  fon  but,  &  prélente  des  vues  qui 
lui  font  propres  :  vous  ignorez  quelle  eft  la  pafiîon 
qui  domine  celui  qui  vous  parle  ;  &  c'eft  ce  qui  rend 
votre  foi  chancelante  :  mais  fur  un  grand  nombre 
d'hommes  vous  ne  (auriez  douter  de  la  diverfite  des 
partions  qui  les  animent  ;  leurs  foibles  mêmes  &  leurs 
vices    fervent  à  rendre  inébranlable  le  fondement 
OÙ  vous  devez  affeoir  votre  jugement.  Je  fais  que  les 
apologifies  de  la  Religion  chrétienne  ont  principa- 
lement infifté  fur  les  caractères  de  fincérité  &  de 
probité  des  apôtres;  &  je  fuis  bien  éloigné  de  taire 
ici  le  procès  à  ceux  qui  le  contentent  de  cette  preu- 
ve ;  mais  comme  les  Sceptiques  de  nos  jours  lont 
très-difficiles  fur  ce  qui  cohfHtue  la  certitude  des 
faits,  j'ai  cm  que  je  ne  liiquois  rien  d'être  encore 
plus  difficile  qu'eux  fur  ce  point ,  perfuadé  que  les 
ta  us  évangéliques  font  portés  à  un  degré  de  cem* 
tude  qui  brave  les  efforts  du  Pyrrhonifme  le  plus 
outré, 


848 


C  E  R 


Si  je  pouvois  m'alîurer  qu'un  témoin  a  bien  vît,  & 
qu'il  a  voulu  médire  vrai,  fon  témoignage  pour  moi 
deviendrait  infaillible  :  ce  n'eu:  qu'à  proportion  des 
degrés  de  cette  double  afîïïrance  que  croît  ma  per- 
fuafion  ;  elle  ne  s'élèvera  jamais  jufqu'à  une  pleine 
démonftration  ,  tant  que  le  témoignage  fera  unique , 
&que  je  confidérerai  le  témoin  en  particulier  ;  par- 
ce que  quelque  connoiflance  que  j'aye  du  cœur  hu- 
main ,  je  ne  le  connoîtrai  jamais  allez  parfaitement 
pour  en  deviner  les  divers  caprices ,  ôi  tous  les  ref- 
forts  myftérieux  qui  le  font  mouvoir.  Mais  ce  que  je 
chercherois  envain  dans  un  témoignage  ,  je  le  trouve 
dans  le  concours  de  plufieurs  témoignages,  parce 
que  l'humanité  s'y  peint  ;  je  puis ,  en  conféquence 
des  lois  que  fuivent  les  efprits ,  afTùrer  que  la  feule 
vérité  a  pu  réunir  tant  de  perfonnes ,  dont  les  inté- 
rêts font  fi  divers ,  &  les  parlions  fi  oppofées.  L'er- 
reur a  différentes  formes ,  félon  le  tour  d'efprit  des 
hommes  ,  félon  les  préjugés  de  religion  &  d'éduca- 
tion dans  lefquels  ils  font  nourris  :  fi  donc  je  les  vois, 
malgré  cette  prodigieufe  variété  de  préjugés  qui  dif- 
férencient fi  fort  les  nations ,  fe  réunir  dans  la  dépo- 
fition  d'un  même  fait,  je  ne  dois  nullement  clouter  de 
fa  réalité.  Plus  vous  me  prouverez  que  les  parlions 
qui  gouvernent  les  hommes  font  bifarres  ,  capricieu- 
ies  ,  &  déraifonnables ,  plus  vous  ferez  éloquent  à 
m'exagérer  la  multiplicité  d'erreurs  que  font  naître 
tant  de  préjugés  difterens  ;  &C  plus  vous  me  confir- 
merez, à  votre  grand  étonnement ,  dans  la  perfua- 
fion  où  je  fuis ,  qu'il  n'y  a  que  la  vérité  qui  puifle 
faire  parler  de  la  même  manière  tant  d'hommes  d'un 
cara&ereoppolé.  Nous  ne  faurions  donner  l'être  à  la 
vérité  ;  elle  exifte  indépendamment  de  l'homme  : 
elle  n'eft  donc  fujette  ni  de  nos  pallions  ni  de  nos 
préjugés  :  l'erreur  au-contraire  qui  n'a  d'autre  réa- 
lité que  celle  que  nous  lui  donnons ,  fe  trouve  par  fa 
dépendance  obligée  de  prendre  la  forme  que  nous 
voulons  lui  donner  :  elle  doit  donc  être  toujours  par 
fa  nature  marquée  au  coin  de  celui  qui  l'a  inventée  ; 
aufli  eft-il  facile  de  connoître  la  trempe  de  l'elprit 
d'un  homme  aux  erreurs  qu'il  débite.  Si  les  livres  de 
morale  ,  au  lieu  de  contenir  les  idées  de  leur  auteur, 
n'étoient,  comme  ils  doivent  être  ,  qu'un  recueil 
d'expériences  fur  l'efprit  de  l'homme  ,  je  vous  y 
renvoyerois  pour  vous  convaincre  du  principe  que 
j'avance.  Choififiéz  un  fait  éclatant  &  qui  intérefle  , 
&  vous  verrez  s'il  eft  poffible  que  le  concours  des  té- 
moins qui  l'attellent  puiiTe  vous  tromper.  Rappellez- 
vous  la  glorieufe  journée  de  Fontenoi  ;  pûtes-vous 
douter  de  la  viftoire  fignalée  remportée  par  les 
François  ,  après  la  dépofition  d'un  certain  nombre  de 
témoins  ?  vous  ne  vous  occupâtes  dans  cet  inllant  ni 
de  la  probité  ni  de  la  fincérité  des  témoins  ;  le  con- 
cours vous  entraîna,  &  votre  foi  ne  pût  s'y  refufer.Un 
fait  éclatant  &  intérelTant  entraîne  des  fuites  après 
lui  :  ces  fuites  fervent  merveilleufement  à  confirmer 
la  dépofition  des  témoins  ;  elles  font  aux  contempo- 
rains ce  que  les  monumens  font  à  la  pollérité:  com- 
me des  tableaux  répandus  dans  tout  le  pays  que  vous 
habitez  ,  elles  repréfentent  fans  celle  à  vos  yeux  le 
fait  qui  vous  intérefle  :  faites-les  entrer  dans  la  com- 
binaifon  que  vous  ferez  des  témoins  enfemble  ,  & 
du  fait  avec  les  témoins  ;  il  en  réfultera  une  preuve 
d'autant  plus  forte  ,  que  toute  entrée  fera  fermée  à 
l'erreur  ;  car  ces  faits  ne  fauroient  fe  prêter  aux  paf- 
fions  &  aux  intérêts  des  témoins. 

Vous  demandez  ,  me  dira-t-on  ,  pour  être  allure 
d'un  fait  invariablement ,  que  les  témoins  qui  vous 
le  rapportent  ayent  des  pallions  oppofées  &  des  in- 
térêts divers  :  mais  fi  ces  caradleres  de  vérité  ,  que  je 
ne  defavoue  point ,  étoient  uniques ,  on  pourroit  dou- 
ter de  certains  faits  qui  tiennent  non-feulement  à  la 
religion,  mais  qui  même  en  font  la  baie.  Les  apôtres 
n'avoient  ni  des  pallions  oppofées  ni  des  intérêts  di- 


C  E  R 

vers  ;  votre  combinaifon,  continuera-t-on ,  devenant 
par-là  impolfible  ,  nous  ne  pourrons  point  nous  aflïï- 
rer  des  faits  qu'ils  attellent. 

Cette  difficulté  feroit  fans  doute  mieux  placée  ail- 
leurs ,  où  je  dilcuterai  les  faits  de  l'évangile  :  mais  il 
faut  arrêter  des  foupçons  injulles  ou  ignorans.  De 
tous  les  faits  que  nous  croyons,  je  n'en  connois  au- 
cun qui  foit  plus  lufceptible  de  la  combinaifon  dont 
je  parle  ,  que  les  faits  de  l'évangile.  Cette  combinai- 
fon eft  même  ici  plus  frappante,  &  je  crois  qu'elle 
acquiert  un  degré  de  force ,  parce  qu'on  peut  com- 
biner les  témoins  entr'eux  &  encore  avec  les  faits. 
Que  veut-on  dire  lorfqu'on  avance  que  les  apôtres 
n'avoient  ni  des  pallions  oppofées  ni  des  intérêts  di- 
vers^ que  toute  combinaifon  par  rapporta  eux  eft 
impolfible  ?  A  Dieu  ne  plaife  que  je  veuille  prêter  ici 
des  pallions  à  ces  premiers  fondateurs  d'une  religion 
certainement  divine;  je  fai  qu'ils  n'avoient  d'autre  in- 
térêt que  celui  de  la  vérité  :  mais  je  ne  le  fai  que  par- 
ce que  je  fuis  convaincu  de  la  vérité  de  la  religion 
Chrétienne  ;  &  un  homme  qui  fait  les  premiers  pas 
vers  cette  religion  peut,  fans  que  le  Chrétien  qui  tra- 
vaille à  fa  converfion  doive  le  trouver  mauvais ,  rat- 
ionner fur  les  apôtres  comme  fur  le  relie  des  hom- 
mes. Pourquoi  les  apôtres  n'étoient-ils  conduits  ni 
par  la  paillon  ni  par  l'intérêt?  c'eft  parce  qu'ds  dé- 
fendoient  une  vérité,  qui  écartoit  loin  d'elle  &  la  paf- 
fion  &  l'intérêt.Un  Chrétien  inllruit  dira  donc  à  celui 
qu'il  veut  convaincre  de  la  religion  qu'il  profefle  :  Il 
les  faits  que  les  apôtres  rapportent  n'étoient  point 
vrais ,  quelqu'intérêt  particulier  ou  quelque  pafllon 
favorite  les  auroient  portés  à  défendre  fi  opiniâtre- 
ment l'impollure  ,  parce  que  le  menfonge  ne  peut  de- 
voir l'on  origine  qu'à  la  paflion  &  à  l'intérêt  :  mais , 
continuera  ce  Chrétien  ,  perfonne  n'ignore  que  fur 
un  certain  nombre  d'hommes  il  doit  s'y  trouver  des 
pallions  oppofées  &  des  intérêts  divers  ;  ils  ne  s'ac- 
corderoient  donc  point  s'ils  avoient  été  guidés  par 
la  paillon  &  par  l'intérêt  :  on  eft  donc  forcé  d'avouer 
que  la  feule  vérité  forme  cet  accord.  Son  raifonne- 
ment  recevra  une  nouvelle  force,  lorfqu'après  avoir 
comparé  les  perfonnes  entr'elles,  il  les  rapprochera 
des  faits.  Il  s'appercevra  d'abord  qu'ils  lônt  d'une 
nature  à  ne  favoriler  aucune  pafllon ,  &  qu'il  ne 
fauroit  y  avoir  d'autre  intérêt  que  celui  de  la  vé- 
rité qui  eût  pu  les  engager  à  les  atteller.  Je  ne  dois 
pas  étendre  d'avantage  ce  raifonnement  ;  il  fuffit 
qu'on  voie  que  les  faits  de  la  religion  Chrétienne 
font  fulceptibles  des  caraderes  de  vérité  que  nous 
allignons. 

Quelqu'un  me  dira  peut-être  encore:  pourquoi 
vous  obllinez-vous  à  féparer  la  probabilité  de  la  cer~ 
titude  ?  pourquoi  ne  convenez-vous  point  avec  tous 
ceux  qui  ont  écrit  fur  l'évidence  morale,  qu'elle  n'eft 
qu'un  amas  de  probabilités  ? 

Ceux  qui  me  font  cette  difficulté  ,  n'ont  jamais 
examiné  de  bien  près  cette  matière.  La  certitude  eft 
par  elle-même  indivifible  :  on  ne  fauroit  la  divifer 
lans  la  détruire.  On  l'apperçoit  dans  un  certain  point 
fixe  de  combinaifon,  &  c'eft  celui  oii  vous  avez  aflez 
de  témoins  pour  pouvoir  aflurer  qu'il  y  a  des  paf- 
fions  oppofées  ou  des  intérêts  divers,  ou  fi  l'on  veut 
encore  ,  lorfque  les  faits  ne  peuvent  s'accorder  ni 
avec  les  pallions  ni  avec  les  intérêts  de  ceux  qui  les 
rapportent  ;  en  un  mot,  lorfque  du  côté  des  témoins 
ou  du  côté  du  fait  on  voit  évidemment  qu'il  ne  fau- 
roit y  avoir  d'unité  de  motif.  Si  vous  ôtez  quelque 
circonllance  néceflaire  à  cette  combinaifon ,  la  cer- 
titude du  fait  difparoîtra  pour  vous.  Vous  ferez  obli- 
gés de  vous  rejetter  fur  l'examen  des  témoins  qui 
relient ,  parce  que  n'en  ayant  pas  aflez  pour  qu'ils 
puiflent  repréfenter  le  caraclere  de  l'humanité,  vous 
êtes  obligés  d'examiner  chacun  en  particulier. Or  voi- 
là la  différence  eflèntielle  entre  la  probabilité  &  la 

certitude  z 


C  E  R 

certitude  ;  celle-ci  prend  fa  fource  dans  les  lois  géné- 
rales que  tous  les  hommes  fuivent ,  &  l'autre  dans 
l'étude  du  cœur  de  celui  qui  vous  parle  ;  Tune  eft 
fufceptible  d'accroiflement,  &  l'autre  ne  l'eft  point. 
Vous  ne  feriez  pas  plus  certain  de  l'exiftence  de  Ro- 
me, quand  même  vous  l'auriez  fous  vos  yeux  ;  votre 
certitude  changerait  de  nature,  puisqu'elle  feroit  phy- 
fiquc  :  mais  votre  croyance  n'en  deviendroit  pas  plus 
inébranlable.  Vous  me  préfentez  plufieurs  témoins , 
&  vous  me  faites  part  de  l'examen  réfléchi  que  vous 
avez  fait  de  chacun  en  particulier;  la  probabilité  fera 
plus  ou  moins  grande  félon  le  degré  d'habileté  que  je 
vous  connois  à  pénétrer  les  hommes.  Il  eft  évident 
que  ces  examens  particuliers  tiennent  toujours  de  la 
conje&ure;  c'efl:  une  tache  dont  on  ne  peut  les  laver. 
Multipliez  tant  que  vous  voudrez  ces  examens  ;  fi  vo- 
tre tête  retrécie  ne  faifltpas  la  loi  que  fuivent  les  ef- 
prits,  vous  augmenterez,  il  efl:  vrai ,  le  nombre  de  vos 
probabilités  :  mais  vous  n'acquerrez  jamais  la  certi- 
tude* Je  fens  bien  ce  qui  fait  dire  que  la  certitude  n'eft 
qu'un  amas  de  probabilités  ;  c'eit  parce  qu'on  peut 
paffer  des  probabilités  à  la  certitude  ;  non  quelle  en 
foit ,  pour  ainli  dire ,  compofée ,  mais  parce  qu'un 
grand  nombre  de  probabilités  demandant  plufieurs 
témoins ,  vous  met  à  portée ,  en  huilant  les  idées 
particulières  ,  de  porter  vos  vues  fur  l'homme  tout 
entier.  Bien  loin  que  la  certitude  réfulte  de  ces  proba- 
bilités ,  vous  êtes  obligé ,  comme  vous  voyez  ,  de 
changer  d'objet  pour  y  atteindre.  En  un  mot  ,  les 
probabilités  ne  fervent  à  la  certitude ,  que  parce  que 
par  les  idées  particulières  vous  parlez  aux  idées  gé- 
nérales. Après  ces  réflexions  il  ne  lera  pas  difficile  de 
fentir  la  vanité  des  calculs  d'un  Géomètre  Anglois  , 
qui  a  prétendu  fupputer  les  différens  degrés  de  certi- 
tude que  peuvent  procurer  plufieurs  témoins  :  il  fuf- 
fira  de  mettre  cette  difficulté  fous  les  yeux  pour  la 
faire  évanouir*. 

Selon  cet  auteur,  les  divers  degrés  de  probabilité 
nécefl'aires  pour  rendre  un  fait  certain  ,  font  comme 
un  chemin  dont  la  certitude  feroit  le  terme.  Le  pre- 
mier témoin  ,  dont  l'autorité  eft  allez  grande  pour 
m'a flurer  le  fait  à  demi,  enforte  qu'il  y  ait  égal  pari  à 
faire  pour  &  contre  la  vérité  de  ce  qu'il  m'annonce, 
me  fait  parcourir  la  moitié  du  chemin.  Un  témoin 
aufli  croyable  que  le  premier,  qui  m'a  fait  parcourir 
la  moitié  de  tout  le  chemin ,  par  cela  même  que  fon 
témoignage  efl:  du  même  poids,  ne  me  fera  parcourir 
que  la  moitié  de  cette  moitié  ,  enforte  que  ces  deux 
témoins  me  feront  parcourir  les  trois  quarts  du  che- 
min. Un  troilieme  qui  furviendra  ne  me  fera  avancer 
que  de  la  moitié  fur  l'efpace  reliant,  que  les  deux  au- 
tres m'ont  laifle  à  parcourir;  fon  témoignage  n'ex- 
cédant point  celui  des  deux  premiers ,  pris  ferme- 
ment, il  ne  doit  comme  eux  me  faire  parcourir  que 
la  moitié  du  chemin  quelle  qu'en  foit  l'éten 
voici  la  raifon  fans  doute  ,  c'elt  que  chaque  témoin 
peut  feulement  détruire  dans  mon  eipritia  moitié  des 
raifons  qui  s'oppofent  à  l'entière  certitude  du  foit. 

Le  Géomètre  Anglois,  comme  on  voit ,  examine 
chaque  témoin  en  particulier,  puifqu'il  évalue  le  té- 
moignage de  chacun  pris  féparément  ;  il  ne  fuit  donc 
pas  le  chemin  que  j'ai  tracé  pour  arriver  à  la  certitu- 
de. Le  premier  témoin  me  fera  parcourir  tout  le  che- 
min ,  fi  je  puis  m'aflïucr  qu'il  ne  s'efl  point  trompé  , 
&  qu'il  n'a  pas  voulu  m'en  impofer  fur  le  fait  qu'il 
me  rapporte.  Je  ne  faurois  ,  je  l'avoiïe,  avoir  cette 
auurance:  mais  examinez-en  la  raifon,  &  vous  vous 
convaincrez  que  ce  n'eft  que  parce  que  voir.  : 
vez  pas  connoitre  les  pallions  qui  l'agitent,  ou  l'inté- 
rêt qui  le  fait  agir.  Toutes  vos  vues  doivent  donc  fe 
tourner  du  côte  de  cet  inconvénient.  Vous  panez  à 
l'examen  du  fécond  témoin ,  ne  d_ 
appercevoir  que  devant  raifonner  fur  ce  fécond  té- 
moin comme  vous  avez  fait  fur  le  premier,  la  même 
Tome  II, 


C  E  R 


849 


difficulté  refte  toujours?  Aurez- vous  recours  à  l'exa- 
men d'un  troifiemc ,  ce  ne  feront  jamais  que  d;. 
particulières  :  ce  qui  s'oppofe  à  votre  ce, 
le  cœur  des  témoins  que  vous  ne  connoiffez  pas  : 
cherchez  donc  un  moyen  de  le  faire  paraître ,  pour 
ainli  dire  à  ves  yeux  ;  or  c'efl:  ce  que  procure  un 
grand  nombre  de  témoins.  Vous  n'en  connoiffez  au- 
cun en  particulier  ;  vous  pouvez  pourtant  aiïùrer 
qu'aucun  complot  ne  les  a  réunis  pour  vous  trom- 
per. L'inégalité  des  conditions ,  la  diflance  des  lieux, 
la  nature  du  fait,  le  nombre  des  témou*,  vous  font 
connoitre  ,  fans  que  vous  puiffiez  en  douter ,  qu'il  y 
a  parmi  eux  des  paflions  oppofées  &  des  intérêts  di- 
vers. Ce  n'eft  que  lorfque  vous  êtes  parvenu  à  ce 
point ,  que  la  certitude  fe  préfente  à  vous  ;  ce  qui  eft , 
comme  on  voit ,  totalement  fouftrait  au  calcul. 

Prétendez -vous,  m'a -t- on  dit,  vous  fervir  de 
ces  marques  de  vérité  pour  les  miracles  comme  pour 
les  faits  naturels  ?  Cette  queflion  m'a  toujours  fur- 
pris.  Je  répons  à  mon  tour:  eft- ce  qu'un  miracle 
n'eft  pas  un  fait  ?  Si  c'eft  un  fait ,  pourquoi  ne  puis-je 
pas  me  tenir  des  mêmes  marques  de  vérité  pour  les 
uns  comme  pour  les  autres  ?  Seroit-ce  parce  que  le 
Je  n'eu  pas  compris  dans  l'enchaînement  du 
cours  ordinaire  des  choies  ?  Il  faudrait  que  ce  en  quoi 
les  miracles  différent  des  faits  naturels",  ne  leur  per- 
mit pas  d'être  fufceptiblcs  des  mêmes  marques  de  vé- 
rité ,  ou  que  du  moins  elles  ne  pûffcnt  pas  faire  la 
même  impreiïïon.  En  quoi  different-ils  donc  ?  Les  uns 
font  produits  par  des  agens  naturels ,  tant  libres  que 
nécellàircs  ;  les  autres  par  une  force  qui  n'eft  point» 
renfermée  dans  l'ordre  de  la  nature.  Je  vois  donc 
Dieu  qui  produit  l'un,  &  la  créature  qui  produit  l'au- 
tre (  je  ne  traite  point  ici  la  queftion 'des  miracles  )  ; 
qui  ne  voit  que  cette  différence  dans  les  caufes  ne 
iuirît  pas  pour  que  les  mêmes  caraûeres  de  vérité  ne 
puiffent  leur  convenir  également  ?  La  règle  invaria- 
ble que  j'ai  affignée  pour  s'aflïirer  d'un  fait,  ne  re- 
garde ni  leur  nature  ,  c'eft-à-dire  s'ils  font  naturels 
ou  furnaturels ,  ni  les  caufes  qui  les  produifenî.  Quel- 
que différence  que  vous  trouviez  donc  de  ce  c< 
elle  ne  iauroit  s'étendre  jufqu'à  la  règle  qui  n'y  tou- 
che point.  Une  fimple  fuppolition  fera  ientir  com- 
bien ce  que  je  dis  cil  vrai  :  qu'on  fe  repréfente  un 
monde  où  tous  les  évenemens  miraculeux  qu'on  voit 
dans  celui-ci ,  ne  foient  que  des  fuites  de  l'ordre  éta- 
bli dans  celui-là.  Fixons  nos  regards  fur  le  cours  du 
foleil  pour  nous  fervir  d'exemple  :  (iippofons  que 
dans  ce  monde  imaginaire  le  foleil  fufpendant  fa 
courfc  au  commencement  des  quatre  différentes  fai- 
fons  de  L'année,  le  premier  jour  en  foit  quatre  fois 
plus  long  qu'à  l'ordinaire.  Continuez  à  faire  jouer 
votre  imagination,  &  tranfportcz-y  les  hommes  tels 
qu'ils  font ,  ils  lieront  témoins  de  ce  fpeclacle  bien 
nouveau  pour  eux.  Peut-on  nier  que  ians  changer 
leurs  organes  ils  fuflent  en  état  de  s'aihirer  de  la  lon- 
gueur de  ce  jour  ?  Il  ne  s'agit  encore ,  comme  on  voit, 
que  des  témoins  oculaires  ,  c'efl- à-dire  fi  un  homme 
peut  voir  aufli  facilement  un  miracle  qu'un  fait  na- 
turel; il  tombe  également  tous  les  fens  :  la  difficulté 
eft  donc  levée  quant  aux  témoins  oculaires.  Or  ces 
témoins  qui  nous  rapportentun  fait  miraculé:, 
ils  plus  de  facilité  pour  nous  en  impofer  que  fur  tout 
autre  fait?  &  les  marques  de  vérité  que  nous  avons 
ennent-elles  point  avec  toute  leur 
:  Je  pourrai  combiner  également  les  témoins 
enfemble  ;  je  pourrai  connoitre  ri  quelque  paillon  ou 
quelque  intérêt  commun  les  fait  agir;  il  ne  faudra, 
en  un  mot,  qu'examiner  l'homme,  &  conf'ulter  les  lois 
générales  qu'il  mit  :  tout  cil  égal  de  part  &  d'autre. 
Vous  allez  trop  loin ,  me  dira-t-on ,  tout  n'cll  point 
égal  ;  je  fai  que  les  caractères  de  vérité  que  vous  avez 
s  ne  font  point  inutiles  pour  les  faits  miracu- 
leux :  mais  ils  ne  fauroient  faire  la  même  impreflion 

P  P  p  p  p 


85o  CER 

fur  notre  efprit.  On  vient  m'apprendre  qu'un  hom- 
me célèbre  vient  d'opérer  un  prodige  ;  ce  récit  le 
trouve  revêtu  de  toutes  les  marques  de  vente  les  plus 
frappantes,  telles^  en  un  mot,  que  je  n'héliterois  pas 
un  inftant  à  y  ajouter  foi  li  c'étoit  lin  fan  naturel  ; 
elles  ne  peuvent  pourtant  fervir  qu'à  me  faire  dou- 
ter de  la  réalité  du  prodige.  Prétendre,  continuera- 
t-on ,  que  par-là  je  dépouille  ces  marques  de  vérité 
de  toute  la  force  qu'elles  doivent  avoir  fur  notre  ef- 
prit, ce  feroit  dire  que  de  deux  poids  égaux  mis  dans 
ileux  balances  différentes,  l'un  ne  peferoit  pas  autant 
que  l'autre,  parce  qu'il  n'emporteroit  pas  également 
le  côté  qui  lui  eft  oppofé  ,  fans  examiner  fi  tous  les 
deux  n'ont  que  les  mômes  obftacles  à  vaincre.  Ce  qui 
vous  paroît  être  un  paradoxe  va  fe  développer  clai- 
rement à  vos  yeux.  Les  marques  de  vérité  ont  la  mê- 
me force  pour  les  deux  faits  :  mais  dans  l'un  il  y  a  un 
©bftacle  à  iùrmonter,&  dans  l'autre  il  n'y  en  a  point  ; 
dans  le  fait  furnaturel  je  vois  l'impoffibilité  phyfique 
qui  s'oppofe  à  l'impreffion  que  feroient  fur  moi  ces 
marques  de  vérité  ;  elle  agit  li  fortement  fur  mon  el- 
prit  qu'elle  le  laiffe  en  fulpens  ;  il  fe  trouve  comme 
entre  deux  forces  qui  fe  combattent  :  il  ne  peut  le 
nier ,  les  marques  de  vérité  dont  il  eft  revêtu  ne  le 
lui  permettent  pas  ;  il  ne  peut  y  ajouter  foi ,  l'impol- 
-iibilité  phyfique  qu'il  voit  l'arrête.  Ainli,  en  accor- 
dant aux  caraûeres  de  vérité  que  vous  avez  affignés, 
toute  la  force  que  vous  leur  donnez  ,  ils  ne  fuffilcnt 
pas  pour  me  déterminer  à  croire  un  miracle. 

Ce  raifonnement  frappera  fans  doute  tout  hom- 
.me  qui  le  lira  rapidement  fans  l'approfondir  :  mais  le 
'plus  léger  examen  fuffit  pour  en  faire  appercevoir 
tout  le  faux  ;  femblable  à  ces  phantômes  qui  paroif- 
■fent  durant  la  nuit  ,  &  fe  diffipent  à  notre  appro- 
che. Defcendez  jufques  dans  les  abyfmes  du  néant, 
vous  y  verrez  les  faits  naturels  &  furnaturels  con- 
fondus enfemble  ,  ne  tenir  pas  plus  à  l'être  les  uns 
que  les  autres.  Leur  degré  de  poffibilité  ,  pour  fortir 
de  ce  gouffre  &  paroître  au  jour  ,  eft  précifément  le 
même  ;  car  il  eft.  plus  facile  à  Dieu  de  rendre  la  vie 
à  un  mort ,  que  de  la  conferver  à  un  vivant.  Pro- 
fitons maintenant  de  tout  ce  qu'on  nous  accorde. 
Les  marques  de  vérité  que  nous  avons  affignées  font , 
dit-on ,  bonnes  ,  &  ne  permettent  pas  de  douter  d'un 
fait  naturel  qui  s'en  trouve  revêtu.  Ces  caractères  de 
vérité  peuvent  même  convenir  aux  faits  furnaturels  ; 
deibrte  que  s'il  n'y  avoit  aucun  obftacle  à  furmon- 
<er ,  point  de  raifons  à  combattre ,  nous  ferions  auffi 
affûrés  d'un  fait  miraculeux  que  d'un  fait  naturel.  Il 
ne  s'agit  donc  plus  que  de  favoir ,  s'il  y  a  des  raifons 
dans  un  fait  furnaturel  qui  s'oppolent  à  l'impreffion 
que  ces  marques  devroient  faire.  Or  j'oie  avancer 
qu'il  en  eft  précifément  de  même  d'un  fait  furnatu- 
rel que  d'un  fait  naturel  ;  c'eft  à  tort  qu'on  s'imagi- 
ne toujours  voir  l'impoffibilité  phyfique  d'un  fait  mi- 
raculeux combattre  toutes  les  raifons  qui  concou- 
rent à  nous  en  démontrer  la  réalité.  Car  qu'eft-ce 
que  l'impoffibilité  phyfique  ?  C'eft  l'impuiffance  des 
caufes  naturelles  à  produire  un  tel  effet  ;  cette  im- 
poffibilité  ne  vient  point  du  côté  du  fait  même,  qui 
n'eft  pas  plus  impoffible  que  le  fait  naturel  le  plus 
•  fimple.  Lorlqu'on  vient  vous  apprendre  un  fait  mi- 
raculeux ,  on  ne  prétend  pas  vous  dire  qu'il  a  été 
produit  par  les  feules  forces  des  caufes  naturelles; 
î  'avoue  qu'alors  les  raifons  qui  prouveroient  ce  fait , 
feroient  non-feulement  combattues  ,  mais  même  dé- 
truites; non  par  l'impoffibilité  phyfique  ,  mais  par 
une  impoffibilité  abfolue  :  car  il  eft  ablolument  im- 
poffible qu'une  caufe  naturelle  avec  les  feules  for- 
ces produife  un  fait  furnaturel.  Vous  devez  donc, 
lorlqu'on  vous  apprend  un  fait  miraculeux  ,  joindre 
la  caufe  qui  peut  le  produire  avec  le  tait  même  ;  & 
alors  l'impoffibilité  phyfique  ne  pourra  nullement 
»"oppofer  aux  raifons  que  vous  aurez  de  croire  ce 


CER 

fait.  Si  plufieurs  perfonnes  vous  difent  qu'elles  vien- 
nent de  voir  une  pendule  remarquable  par  l'exacti- 
tude  avec  laquelle  elle  marque  julques  aux  tierces  ; 
douterez-vous  du  fait ,  parce  que  tous  les  ferruriers 
que  vous  connoiffez  ne  lauroient  l'avoir  faite  ,  &C 
qu'ils  font  dans  une  efpece  d'impoffibilité  phyfique 
d'exécuter  un  tel  ouvrage .;  Cette  queftion  vous  iur- 
prend  fans  doute ,  &  avec  raifon  :  pourquoi  donc , 
quand  on  vous  apprend  un  fait  miraculeux  <,  voulez- 
vous  en  douter ,  parce  qu'une  caufe  naturelle  n'a  pu 
le  produire  ?  L'impoffibilité  phyfique ,  où  fe  trouve  la 
créature  pour  un  fait  furnaturel ,  doit-elle  faire  plus 
d'impreffion  que  l'impoffibilité  phyfique  où  fe  trou- 
ve ce  ferrurier  d'exécuter  cette  admirable  pendule? 
Je  ne  vois  d'autres  raifons  que  celles  qui  naiffent  d'u- 
ne impoffibilité  métaphylique ,  qui  puiffent  s'oppo- 
fer  à  la  preuve  d'un  fait;  ce  railonnement  fera  tou- 
jours invincible.  Le  fait  que  je  vous  propofe  à  croire 
ne  préfente  rien  à  Pefprit  d'abfurde  &  de  contradic- 
toire :  ceffez  donc  de  parler  avec  moi  de  fa  poffibi- 
lité  ou  de  fou  impoffibilité  ,  &  venons  à  la  preuve 
du  fait. 

L'expérience  ,  dira  quelqu'un,  dément  \rotre  ré- 
ponfe  ;  il  n'eft  perfonne  qui  ne  croye  plus  facilement 
un  fait  naturel  qu'un  miracle.  Il  y  a  donc  quelque 
choie  de  plus  dans  le  miracle  que  dans  le  fait  natu- 
rel ;  cette  difficulté  à  croire  un  fait  miraculeux  prouve 
très-bien ,  que  la  règle  des  faits  ne  fauroit  faire  la  mê- 
me impreiïion  pour  le  miracle  que  pour  un  fait  na- 
nurel . 

Si  l'on  vouloit  ne  pas  confondre  la  probabilité 
avec  la  certitude ,  cette  difficulté  n'auroit  pas  lieu. 
J'avoue  que  ceux  qui  peu  fcrupuleux  fur  ce  qu'on 
leur  dit  n'approfondiffent  rien  ,  éprouvent  une  cer- 
taine réiiftance  de  leur  efprit  à  croire  un  fait  mira- 
culeux ,  ils  fe  contentent  de  la  plus  légère  probabi- 
lité pour  un  fait  naturel  ;  &  comme  un  miracle  eft 
toujours  un  fait  intéreffant ,  leur  efprit  en  demande 
davantage.  Le  miracle  eft  d'ailleurs  un  lait  beau- 
coup plus  rare  que  les  faits  naturels  :  le  plus  grand 
nombre  de  probabilités  doit  donc  y  fuppléer  ;  en 
un  mot ,  on  n'eft  plus  difficile  à  croire  un  fait  mi- 
raculeux qu'un  fait  naturel ,  que  lorlqu'on  ie  tient 
précifément  dans  la  fphere  des  probabilités.  Il  a 
moins  de  vraisemblance ,  je  l'avoue  ;  il  faut  donc 
plus  de  probabilités  ,  c'eft-à-dire ,  que  li  quelqu'un  or- 
dinairement peut  ajouter  foi  à  un  fait  naturel  ,  qui 
demande  fix  degrés  de  probabilité  ;  il  lui  en  faudra 
peut-être  dix  pour  croire  un  fait  miraculeux.  Je  ne 
prétens  point  déterminer  ici  exactement  la  propor- 
tion :  mais  li  quittant  les  probabilités  ,  vous  paffez 
dans  le  chemin  qui  mené  à  la  certitude,  tout  fera  égal. 
Je  ne  vois  qu'une  différence  entre  les  faits  naturels  &C 
les  miracles  :  pour  ceux-ci  on  pouffe  les  chofes  à  la 
rigueur ,  &  on  demande  qu'ils  puiffent  foùtenir  l'exa- 
men le  plus  féverc  ;  pour  ceux-là  ,  au  contraire  ,  on 
ne  va  pas  à  beaucoup  près  li  loin.  Cela  eft  fondé  en 
raifon ,  parce  que ,  comme  je  l'ai  déjà  remarqué  ,  un 
miracle  eft  toujours  un  fait  très-intéreffant  :  mais  cela 
n'empêche  nullement  que  la  règle  des  faits  ne  puiffe 
fervir  pour  les  miracles,  auffi -bien  que  pour  les 
faits  naturels  ;  &  fi  on  veut  examiner  la  difficulté 
préfente  de  bien  près ,  on  verra  qu'elle  n'eft  fondée 
que  fur  ce  qu'on  fe  lèrt  de  la  règle  des  faits  pour  exa- 
miner un  miracle  ,  &  qu'on  ne  s'en  fert  pas  ordinai- 
rement pour  un  fait  naturel.  S'il  étoit  arrivé  un  mira- 
cle dans  les  champs  de  Fontenoi ,  le  jour  que  ie  don- 
na la  bataille  de  ce  nom  ;  fi  les  deux  armées  avoient 
pu  l'appercevoir  ailément  ;  ii  en  coniéquence  les  mê- 
mes bouches  qui  publièrent  la  nouvelle  de  la  bataille 
l'avoient  publié  ;  s'il  avoit  été  accompagné  des  mê- 
mes circonftances  que  cette  bataille ,  &  qu'il  eût  eu 
des  fuites ,  quel  feroit  celui  qui  ajoûteroit  foi  à  la 
nouvelle  de  la  bataille ,  &  qui  douteroit  du  miracle  ? 


C  E  R 

ici  les  deux  faits  marchent  de  niveau ,  parce  qu'ils 
font  arrivés  tous  les  deux  à  la  certitude. 

Ce  que  j'ai  dit  jufques  ici  Suffit  fans  cloute  pour 
repouffer  aifément  tous  les  traits  que  lance  l'auteur 
des  Penfées  Plulofophiqu.es ,  contre  la  certitude  des 
faits  furnaturels  :  mais  le  tour  qu'il  donne  à  fes  pen- 
fées les  préfente  de  manière  ,  que  je  crois  nécef- 
faire  de  nous  y  arrêter.  Ecoutons-le  donc  parler 
lui-même  ,  &  voyons  comme  il  prouve  qu'on  ne 
doit  point  ajouter  la  même  foi  à  un  fait  furnaturel 
qu'à  un  fait  naturel  :  «  Je  croirais  fans  peine ,  dit-il, 
»  un  feul  honnête  homme  qui  m'annonceroit  que 
»  Sa  MajeSté  vient  de  remporter  une  viftoire  com- 
»  plette  fur  les  alliés  :  mais  tout  Paris  m'aflureroit 
»  qu'un  mort  vient  de  reffufeiter  à  Pafly ,  que  je  n'en 
»  croirois  rien.  Qu'un  historien  nous  en  impoSe  ou 
»  que  tout  un  peuple  le  trompe ,  ce  ne  font  pas  des 
»  prodiges  ».  Détaillons  ce  fait.  Donnons-lui  toutes 
ks  circonstances  dont  un  fait  de  cette  nature  peut 
être  fufceptible  ;  parce  que  ,  quelques  circonstances 
que  nous  Suppofions,  le  fait  demeurera  toujours  dans 
l'ordre  des  faits  furnaturels  ,  &  par  conséquent  le  rai- 
sonnement doit  toujours  valoir  ,  ou  ne  pas  être  bon 
en  lui-même.  C'étoit  une  perfonne  publique  ,  dont 
la  vie  intéreiïbit  une  infinité  de  particuliers ,  &  à  la- 
quelle étoit  en  quelque  façon  attaché  le  fort  du  royau- 
me. Sa  maladie  avoit  jette  la  consternation  dans  tous 
les  eSprits  ,  &  fa  mort  avoit  achevé  de  les  abattre  ;  la 
pompe  funèbre  fut  accompagnée  des  cris  lamenta- 
bles de  tout  un  peuple ,  qui  retrouvoit  en  lui  un  père. 
Il  fut  mis  en  terre ,  à  la  face  du  Peuple ,  en  prélence 
de  tous  ceux  qui  le  pleuroient  ;  il  avoit  le  vifage  dé- 
couvert Se  déjà  défiguré  par  les  horreurs  de  la  mort. 
Le  roi  nomme  à  tous  les  emplois,  &c  les  donne  à  un 
homme ,  qui  de  tout  tems  a  été  l'ennemi  implacable 
de  la  famille  de  l'illuStre  mort  ;  quelques  jours  s'écou- 
lent ,  &  toutes  les  affaires  prennent  le  train  que  cette 
mort  devoit  naturellement  occafionner  :  voilà  la  pre- 
mière époque  du  fait.  Tout  Paris  va  l'apprendre  à 
1  auteur  des  Penfées  Phiiofophiques ,  &  il  n'en  doute 
point  ;  c'eSt  un  fait  naturel.  Quelques  jours  après,  un 
homme  qui  fe  dit  envoyé  de  Dieu  ,  Se  préfente,  an- 
nonce quelque  vérité  ;  &  pour  prouver  la  divinité  de 
fa  légation  ,  il  aSTemble  un  peuple  nombreux  au  tom- 
beau de  cet  homme  ,  dont  ils  pleurent  la  mort  fi 
amèrement.  A  Sa  voix  ,  le  tombeau  s'ouvre ,  la  puan- 
teur horrible  qui  s'exhale  du  cadavre ,  intecle  les 
airs.  Le  cadavre  hideux  ,  ce  même  cadavre ,  dont  la 
vue  les  fait  pâlir  tous  ,  ranime  Ses  cendres  froides ,  à 
la  vue  de  tout  Paris /qui  Surpris  du  prodige  recon- 
noît  l'envoyé  de  Dieu.  Une  foule  de  témoins  oculai- 
res ,  qui  ont  manié  le  mort  reSfufcité ,  qui  lui  ont  par- 
lé pluSieurs  fois,  attellent  ce  fait  à  notre  Sceptique  , 
&  luidilentque  l'homme  dont  on  lui  avoit  appris  la 
mort  peu  de  jours  avant,  cil  plein  de  vie.  Que  re- 
pond  à  cela  notre  Sceptique ,  qui  eft  déjà  afîûré  de 
la  mort  ?  Je  ne  puis  ajouter  foi  à  cette  rélurrcOion  ; 
parce  qu'il  eft  plus  poffiblc  que  tout  Paris  le  Soit 
trompé  ,  ou  qu'il  ait  voulu  me  tromper ,  qu'il  n'eft 
poifible  que  cet  homme  Soit  reffufeité. 

Il  y  a  deux  choies  à  remarquer  dans  la  réponfc  de 
notre  Sceptique  :  i°.  la  poSfibilité  que  tout  Paris  le 
foit  trompé:  i°.  qu'il  ait  voulu  tromper.  Quant  au 
premier  membre  de  la  réponfc,  il  efl  évident  que  la 
réfurrection  de  ce  mort  n'eitpas  plus impoflible  ,  qu'il 
l'cSt  que  tout  Paris  Se  Soit  trompé;  car  L'une  &:  l'au- 
tre impossibilités  Sont  renfermées  dans  l'ordre  phyli- 
que.  En  effet,  il  n'eft  pas  moins  contre  les  lois  de  la 
nature  ,  que  tout  Paris  croye  voir  un  homme  qu'il  ne 
voit  point;  qu'il  croye  l'entendre  parler,  cv  ne  l'en- 
tende point  ;  qu'il  croye  le  toucher,  6c  ne  le  toache 
point,  qu'il  l'efl  qu'un  mort  refïuleite.  Oleroit-on 
nous  dire  que  clans  la  nature  il  n'y  a  pas  des  lois  pour 
les  Sens  >  êc  s'il  y  en  a,  comme  on  n'en  peut  douter, 
Tome  II, 


C  E  R 


8ji 


n'en  eft-ce  point  une  pour  la  vue ,  de  voir  Un  objet 
qui  eSt  à  portée  d'être  vu?  Je  fai  que  la  vue,  comme 
le  remarque  très-bien  l'auteur  que  nous  combattons, 
eSt  un  lens  Superficiel  ;  auffi  ne  l'employons-nous  que 
pour  la  iuperficie  des  corps,  qui  feule  fuffit  pour  les 
faire  distinguer.  Mais  fi  à  la  vue  &  à  fouie  nous  joi- 
gnons le  toucher,  ce  Sens  philoSophe  &  profond, 
comme  le  remarque  encore  le  même  auteur,  pou- 
vons nous  craindre  de  nous  tromper  ?  Ne  faudrait-il 
pas  pour  cela  renverlèr  les  lois  de  la  nature  relati- 
ves à  ces  fens  ?  Tout  Paris  a  pu  s'aSTîtrer  de  la  mort 
de  cet  homme ,  le  Sceptique  l'avoue  :  il  peut  donc  de 
même  s'aSTùrer  de  fa  vie ,  &  par  conséquent  de  fa  ré- 
furreefion.  Je  puis  donc  conclurre  contre  l'auteur  des 
Penfées  Philofophiques ,  que  la  réSurreôion  de  ce  mort 
n'elt  pas  plus  impoSTible,  que  l'erreur  de  tout  Paris 
fur  cette  réfurrection.  ESt-ce  un  moindre  miracle  d'a- 
nimer un  phantome ,  de  lui  donner  une  reSTemblance 
qui  puiffe  tromper  tout  un  peuple,  que  de  rendre  la 
vie  à  un  mort  ?  Le  Sceptique  doit  donc  être  certain 
que  tout  Paris  n'a  pu  Se  tromper.  Son  doute ,  s'il  lui 
en  reSte  encore ,  ne  peut  donc  être  fondé  que  Sur  ce 
que  tout  Paris  aura  pu  vouloir  le  tromper.  Or  il  ne 
lera  pas  plus  heureux  dans  cette  Seconde  SuppoSition. 
En  effet ,  qu'il  me  Soit  permis  de  lui  dire  :  «  n'avez- 
»  vous  point  ajouté  foi  à  la  mort  de  cet  homme  fur 
»  le  témoignage  de  tout  Paris ,  qui  vous  l'a  apprife  * 
»  il  étoit  pourtant  poSTible  que  tout  Paris  voulût  vous 
»  tromper  (du  moins  dans  votre  Sentiment)  ;  cette 
»  poSfibilité  n'a  pas  été  capable  de  vous  ébranler». 
Je  le  vois,  c'eSt  moins  le  canal  de  la  tradition,  par 
où  un  fait  paSSe  jufqu'à  nous ,  qui  rend  les  déiStes  Si 
défians  tk  fi  Soupçonneux,  que  le  merveilleux  qui  y 
eSt  empreint.  Mais  du  moment  que  ce  merveilleux  eir. 
poSfible,  leur  doute  ne  doit  point  s'y  arrêter,  mais  feu- 
lement aux  apparences  &  aux  phénomènes  qui ,  s'in- 
corporant  avec  lui,  en  atteftent  la  réalité.  Car  voici 
comme  je  railonne  contr'eux  en  la  perlbnne  de  no- 
tre Sceptique:  «  il  eSt  aulîi  impoffible  que  tout  Paris 
»  ait  voulu  le  tromper  Sur  un  fait  miraculeux,  que 
»  lur  un  tait  naturel  ».  Donc  une  poSfibilité  ne  doit 
pas  faire  plus  d'impreSSion  fur  lui  que  l'autre.  Il  eft 
donc  auSfi  mal  fondé  à  vouloir  douter  de  la  réSurrec- 
tion que  tout  Paris  lui  confirme,  Sous  prétexte  que 
tout  Paris  aurait  pu  vouloir  le  tromper,  qu'il  le  Se- 
rait à  douter  de  la  mort  d'un  homme  ,  Sur  le  témoi- 
gnage unanime  de  cette  grande  ville.  Il  nous  dira 
peut-être  :  le  dernier  fait  n'elt  point  impoSSible  phy- 
siquement ;  qu'un  homme  foit  mort ,  il  n'y  a  rien  là 
qui  m'étonne  :  mais  qu'un  homme  ait  été  reffufeité  , 
voilà  ce  qui  révolte  &  ce  qui  effarouche  ma  raifon  ; 
en  un  mot  voilà  pourquoi  la  poifibilité  que  tout  Pa- 
ris ait  voulu  me  tromper  lur  la  reuirrection  de  cet 
homme ,  me  tait  une  miprelîion  dont  je  ne  Saurais  me 
défendre  :  au  heu  que  la  poSfibilité  que  tout  Paris  ait 
voulu  m'en  impofer  lur  la  mort,  ne  me  frappe  nul- 
lement. Je  ne  lui  répéterai  point  ce  que  je  lui  ai  déjà 
dit,  que  ces  deux  faits  étant  également  polfibles,  il 
ne  doit  s'arrêter  qu'aux  marques  extérieures  qui  l'ac- 
compagnent ,  &  qui  nous  guident  dans  la  connoiSTan- 
ce  des  evenemens  :  en  lbrte  que  li  un  tait  Surnature! 
a  plus  de  ces  marques  extérieures  qu'un  fait  naturel , 
il  me  deviendra  des-lors  plus  probable.  Mais  exami- 
nons le  merveilleux  qui  effarouche  fa  raiion,  &  rai 
lbns-le  difparoître  à  les  yeux.  Ce  n'elt  en  effet  qu'un 
fait  naturel  que  tout  Paris  lui  propofè  à  croire:  Sa- 
voir, que  cet  homme  elt  plein  de  vie.  Il  efl  vrai  qu'é- 
tant déjà  afluré  de  fa  mort  ,  ù  vie  préfente  fuppofe 
une  relurreétion.  Mais  s'il  ne  peut  douter  de  la  vie 
de  cet  homme  fur  le  témoignage  de  tout  Pans,  puis- 
que e'elt  un  fait  naturel,  il  ne  Saurait  donc  douter 
de  Sa  refurrecV.on ,  l'un  efl  lié  néceffairement  avec 
l'autre.  Le  miracle  fe  trouve  enferme  entre  deux  faits 
naturels ,  lavoir ,  la  mort  de  cet  homme  ce  fa  vie  pre- 

P  P  p  p  p  ij 


85i 


CER 


fente.  Les  témoins  ne  font  afïïïrés  du  miracle  de  la 
réfurreûion ,  que  parce  qu'ils  font  aflïïrés  du  fait  na- 
turel. Ainfi  je  puis  dire  que  le  miracle  n'eit  qu'une 
conclufion  des  deux  faits  naturels.  On  peut  s'aflïïrer 
des  faits  naturels ,  le  fceptique  l'avoue  :  le  miracle 
eit  une  fimple  conféquence  des  deux  faits  dont  on 
elt  fur  :  ainTi  le  miracle  que  le  fceptique  me  con- 
teite  fe  trouve ,  pour  ainfi  dire ,  compofé  de  trois  cho- 
ies ,  qu'il  ne  prétend  point  me  difputer ,  fa  voir,  la  cer- 
titude de  deux  faits  naturels ,  la  mort  de  cet  homme , 
&  fa  vie  préfente ,  &  d'une  conclufion  métaphyli- 
que ,  que  le  fceptique  ne  me  conteite  point.  Elle' con- 
fine à  dire  :  cet  homme  qui  vit  maintenant  étoit  mort 
il  y  a  trois  jours  ;  il  a  donc  été  rendu  de  la  mort  à  la 
vie.  Pourquoi  le  fceptique  veut-il  plutôt  s'en  rap- 
porter à  fon  jugement  qu'à  tous  fes  fens  ?  Ne  voyons- 
nous  pas  tous  les  jours  que  fur  dix  hommes ,  il  n'y  en 
a  pas  un  qui  envifage  une  opinion  de  la  même  fa- 
çon? Cela  vient,  medira-t-on,  de  labifarrerie  de  ces 
hommes,  &  du  différent  tour  de  leurefprit:  je  l'a- 
voue :  mais  qu'on  me  fafTe  voir  une  telle  bifarrerie 
dans  les  fens.  Si  ces  dix  hommes  font  à  portée  de  voir 
un  même  objet,  ils  le  verront  tous  de  la  même  fa- 
çon, &  on  peut  affùrer  qu'aucune  difpute  ne  s'élè- 
vera entr'eux  fur  la  réalité  de  cet  objet.  Qu'on  me 
montre  quelqu'un  qui  puiffe  difputer  fur  la  pofiibiiité 
d'une  choie  quand  il  la  voit.  Je  le  veux,  qu'il  s'en  rap- 
porte plutôt  à  Ion  jugement  qu'à  les  lens  :  que  lui  dit 
ion  jugement  fur  la  réfurrection  de  ce  mort?  Que  cela 
eit  poifible  :  fon  jugement  ne  va  pas  plus  loin  ;  il  ne 
contredit  nullement  le  rapport  de  fes  fens ,  pourquoi 
veut-il  donc  les  oppofer  enlemble  ? 

Un  autre  raifonnement  propre  à  faire  fentir  le  foi- 
ble  de  celui  de  l'auteur  des  Penfées  phllofophiques , 
c'eit  qu'il  compare  la  pofiibiiité  que  tout  Paris  ait 
voulu  le  tromper ,  à  l'impolïïbilité  de  la  réfurrection. 
Entre  le  fait  &  lui  il  y  a  un  vuide  à  remplir ,  parce 
qu'il  n'eit  pas  témoin  oculaire  :  ce  vuide,  ce  milieu 
eit  rempli  par  les  témoins  oculaires.  Il  doit  donc  com- 
parer d'abord  la  pofiibiiité  que  tout  Paris  fe  foit  trom- 
pé avec  la  pofiibiiité  de  la  réfurrection.  Il  verra  que 
ces  deux  pofiibilités  font  du  même  ordre,  comme  je 
l'ai  déjà  dit.  Il  n'a  point  enfuite  à  raifonner  fur  la  ré- 
furrection ,  mais  feulement  à  examiner  le  milieu  par 
oîi  elle  parvient  jufqu'àlui.  Or  l'examen  ne  peut  être 
autre  que  l'application  des  règles  que  j'ai  données  , 
moyennant  lefquelles  on  peut  s'afiïirer  que  ceux  qui 
vous  rapportent  un  fait ,  ne  vous  en  impotent  point  ; 
car  il  ne  s'agit  ici  que  de  vérifier  le  témoignage  de 
tout  Paris.  On  pourra  donc  fe  dire  comme  pour  les  faits 
naturels  :  les  témoins  n'ont  ni  les  mêmes  pafiions ,  ni 
les  mêmes  intérêts  ;  ils  ne  fe  connoifient  pas  ;  il  y  en  a 
même  beaucoup  qui  ne  le  font  jamais  vus  :  donc  il  ne 
iauroit  y  avoir  entr'eux  aucune  collufion.  D'ailleurs 
concevra-t-on  ailément  comment  Paris  le  détermi- 
neroit,  fuppofé  le  complot  pofiible ,  à  en  impofer  à 
un  homme  fui  un  tel  fait  ;  &  feroit-il  pofiible  qu'il 
ne  tranlpirât  rien  d'un  tel  complot  ?  Tous  les  raiibn- 
nemens  que  nous  avons  faits  fur  les  faits  naturels  re- 
viennent comme  d'eux-mêmes  fe  préienter  ici,  pour 
nous  faire  fentir  qu'une  telle  impofture  eit  impofii- 
ble.  J'avoue  au  iceptique  que  nous  combattons ,  que  la 
pofiibiiité  que  tout  Paris  veuille  le  tromper,  eit  d'un 
ordre  différent  de  la  pofiibiiité  de  la  réfurrection. 
Mais  je  lui  foûtiens  que  le  complot  d'une  aufîi  gran- 
de ville  que  Paris ,  formé  fans  raifon ,  fans  inté- 
rêt ,  fans  motif,  entre  des  gens  qui  ne  fe  connoifient 
pas ,  faits  même  par  leur  naiffance  pour  ne  pas  fe 
connoître ,  ne  foit  plus  difficile  à  croire  que  la  réfur- 
reclion d'un  mort.  La  réfurreclion  eit  contre  les  lois 
du  monde  phylique  ;  ce  complot  eit  contre  les  lois 
du  monde  moral.  Il  faut  un  prodige  pour  l'un  comme 
pour  l'autre,  avec  cette  différence  que  l'un  feroit 
beaucoup  plus  grand  que  l'autre.  Que  dis-je?  l'un, 


CER 

parce  qu'il  n'eit  établi  que  fur  des  lois  arbitraires, 
6c  dès-là  foûmiiès  à  un  pouvoir  fouverain  ,  ne  répu- 
gne pas  à  la  fagefle  de  Dieu  ;  l'autre ,  parce  qu'il  eit 
fondé  fur  des  lois  moins  arbitraires ,  je  veux  dire  cel- 
les par  lefquelles  il  gouverne  le  monde  moral ,  ne  iau- 
roit s'allier  avec  les  vues  de  cette  fagefle  fuprème  ; 
&  par  conféquent  il  elt  impofiible.  Que  Dieu  refluf- 
cite  un  mort  pour  manifefter  fa  bonté ,  ou  pour  icel- 
ler  quelque  grande  vérité  ;  là  je  reconnois  une  puif- 
fance  infinie ,  dirigée  par  une  fagefle  comme  elle  in- 
finie :  mais  que  Dieu  bouleverié  l'ordre  de  la  focié- 
té  ;  qu'il  fufpende  l'action  des  caufes  morales  ;  qu'il 
force  les  hommes ,  par  une  impreflion  miraculeufe  , 
à  violer  toutes  les  règles  de  leur  conduite  ordinaire  , 
&  cela  pour  en  impofer  à  un  fimple  particulier ,  j'y 
reconnois  à  la  vérité  fa  puiffance  infinie  ,  mais  je 
n'y  vois  point  de  fagefle  qui  la  guide  dans  fes  opé- 
rations :  donc  il  eit  plus  pofiible  qu'un  mort  refluf- 
cite,  qu'il  n'eit  polîible  que  tout  Paris  m'en  impofe 
fur  ce  prodige. 

Nous  connoiflbns  à  préfent  la  règle  de  vérité  qui 
peut  fervir  aux  contemporains  ,  pour  s'aflïirer  des 
faits  qu'ils  fe  communiquent  entre  eux  de  quelque 
nature  qu'ils  foient  ,  ou  naturels  ,  ou  furnaturels. 
Cela  ne  lufnt  pas  :  il  faut  encore  que  tout  abyfmés 
qu'ils  font  dans  la  profondeur  des  âges ,  ils  foient 
préiens  aux  yeux  de  la  poitérité  même  la  plus  recu- 
lée. C'eit  ce  que  nous  allons  maintenant  examiner. 

Ce  que  nous  avons  dit  jufqu'ici ,  tend  à  prouver 
qu'un  fait  a  toute  la  certitude  dont  il  eit  fufceptible  , 
lorfqu'il  le  trouve  atteité  par  un  grand  nombre  de 
témoins  ,  &  en  même  tems  lié  avec  un  certain  con- 
cours d'apparences  6c  de  phénomènes  qui  le  fuppo- 
fent  comme  la  feule  cauie  qui  les  explique.  Mais  fi 
ce  fait  elt  ancien ,  6c  qu'il  fe  perde  pour  ainii  dire  , 
dans  l'éloignement  des  fiecles  ,  qui  nous  aflïirera 
qu'il  foit  revêtu  des  deux  caractères  ci-deflus  énon- 
cés ,  lefquels  par  leur  union  portent  un  fait  au  plus 
haut  degré  de  certitude  ?  Comment  faurons-nous  qu'il 
fut  autrefois  atteité  par  une  foule  de  témoins  oculai- 
res ,  &  que  ces  monumens  qui  fubiiitent  encore  au- 
jourd'hui ,  ainii  que  ces  autres  traces  répandues  dans 
la  fuite  des  fiecles  ,  s'incorporent  avec  lui  plutôt 
qu'avec  tout  autre  ?  L'hiitoire  &  la  tradition  nous 
tiennent  lieu  de  ces  témoins  oculaires  qu'on  paroît 
regretter.  Ce  font  ces  deux  canaux  qui  nous  trans- 
mettent une  connoiffance  certaine  des  faits  les  plus 
reculés  ;  c'eit  par  eux  que  les  témoins  oculaires  font 
comme  reproduits  à  nos  yeux  ,  &  npus  rendent  en 
quelque  forte  contemporains  de  ces  faits.  Ces  mar- 
bres ,  ces  médailles  ,  ces  colonnes ,  ces  pyramides  , 
ces  arcs  de  triomphe  ,  font  comme  animés  par  l'hif- 
toire  6c  la  tradition ,  &  nous  confirment  comme  à 
l'envi  ce  que  celles-là  nous  ont  déjà  appris.  Com- 
ment ,  nous  dit  le  fceptique ,  l'hiitoire  &  la  tradi- 
tion ,  peuvent-elles  nous  transmettre  un  fait  dans  tou- 
te fa  pureté  ?  Ne  font-elles  point  comme  ces  fleuves 
qui  grofliflent  &  perdent  jufqu'à  leur  nom  à  mefure 
qu'ils  s'éloignent  de  leur  fource?  Nous  allons  fatis- 
faire  à  ce  qu'on  nous  demande  ici  :  nous  commence- 
rons d'abord  par  la  tradition  orale  ;  de-là  nous  paffe- 
rons  à  la  tradition  écrite  ou  à  l'hiitoire,  &  nous  fini- 
rons par  la  tradition  des  monumens.  Il  n'eit  pas  pof- 
fible  qu'un  fait  qui  fe  trouve  comme  lié  &  enchaîné 
par  ces  trois  fortes  de  traditions ,  puiflé  jamais  fe  per- 
dre ,  &  même  fouffrir  quelque  altération  dans  l'im- 
menfité  des  fiecles. 

La  tradition  orale  confifte  dans  une  chaîne  de  té- 
moignages rendus  par  des  perlonnes  qui  fe  font  iuc- 
cédées  les  unes  aux  autres  dans  toute  la  durée  des 
fiecles  ,  à  commencer  au  tems  où  un  tait  s'eit  pafle. 
Cette  tradition  n'eit  iùre  &  fidèle  que  loriqu'on  peut 
remonter  facilement  à  fa  fource  ,  &  qu'à-travers  une 
fuite  non  interrompue  de  témoins  irréprochables ,  on 


C  E  R 

arrive  aux  premiers  témoins  qui  font  contemporains 
clés  faits:  car  fi  l'on  ne  peut  s'affûrer  que  cette  tradi- 
tion ,  dont  nous  tenons  un  bout ,  remonte  effective- 
ment jufqu'à  l'époque  affignée  à  de  certains  faits  ,  &c 
qu'il  n'y  a  point  eu  ,  fort  en  deçà  de  cette  époque  , 
quelque  impoffeur  qui  fe  foit  plù  à  les  inventer  pour 
abufer  la  poftérité  ;  la  chaîne  des  témoignages  ,  quel- 
que bien  liée  qu'elle  foit ,  ne  tenant  à  rien ,  ne  nous 
conduira  qu'au  menfonge.  Or  comment  parvenir  à 
cette  affûrance  ?  Voilà  ce  que  les  Pyrrhoniens  ne  peu- 
vent concevoir ,  &  furquoi  ils  ne  croyent  pas  qu'il 
foit  poffible  d'établir  des  règles ,  à  l'aide  defquclles 
on  puiffe  difcerner  les  vraies  traditions  d'avec  les 
fauffes.  Je  ne  veux  que  leur  oppofer  la  fuivante. 

On  m'avouera  d'abord  que  la  dépofition  d'un  grand 
nombre  de  témoins  oculaires  ,  ne  peut  avoir  que  la 
vérité  pour  centre  :  nous  en  avons  déjà  expolé  les 
raifons.  Or  je  dis  que  la  tradition,  dont  je  touche  ac- 
tuellement un  des  bouts  ,  peut  me  conduire  infailli- 
blement à  ce  cercle  de  témoignages  rendus  par  une 
foule  de  témoins  oculaires.  Voici  comment  :  plufieurs 
de  ceux  qui  ont  vécu  du  tcms  que  ce  fait  eff  arrivé  , 
&  qui  l'ayant  appris  de  la  bouche  des  témoins  ocu- 
laires ,  ne  peuvent  en  douter  ,  parlent  dans  l'âge  fui- 
vant  ,  &  portent  avec  eux  cette  certitude.  Ils  ra- 
content ce  fait  à  ceux  de  ce  fécond  âge ,  qui  peu- 
vent faire  le  même  raifonnement  que  firent  ces  con- 
temporains ,  lorfqu'ils  examinèrent  s'ils  dévoient 
ajouter  foi  aux  témoins  oculaires  ,  qui  le  leur  rappor- 
toient.  Tous  ces  témoins  ,  peuvent-ils  fe  dire ,  étant 
contemporains  d'un  tel  fait ,  n'ont  pu  être  trompés 
fur  ce  fait.  Mais  peut-être  ont-ils  voulu  nous  trom- 
per :  c'eff  ce  qu'il  faut  maintenant  examiner ,  dira 
quelqu'un  des  hommes  du  fécond  âge ,  ainfi  nommé 
relativement  au  fait  en  queflion.  J'obierve  d'abord , 
doit  dire  notre  contemplatif,  que  le  complot  de  ces 
contemporains  peur  nous  en  impofer  ,  auroit  trou- 
vé mille  obffacles  dans  la  diveriité  de  parlions ,  de 
préjugés  ,  &c  d'intérêts  qui  partagent  l'efprit  des 
peuples  &  les  particuliers  d'une  même  nation.  Les 
hommes  du  fécond  âge  s'alïûreront  en  un  mot  que 
les  contemporains  ne  leur  en  impofent  point ,  com- 
me ceux-ci  s'étoient  allures  de  la  fidélité  des  témoins 
oculaires  :  car  par-tout  où  l'on  luppofe  une  grande 
multitude  d'hommes  ,  on  trouvera  une  diverfité  pro- 
digieule  de  génies  &c  de  caractères ,  de  pallions  & 
d'intérêts  ;  &  par  conléquent  on  pourra  s'affûrer  ai- 
fément  que  tout  complot  parmi  eux  eff  impoiîîble. 
Et  fi  les  hommes  font  féparés  les  uns  des  autres  par 
l'interpolition  des  mers  &  des  montagnes ,  pourront- 
ils  fe  rencontrer  à  imaginer  un  même  fait ,  &c  à  le 
faire  fervir  de  fondement  à  la  fable  dont  ils  veulent 
amufer  la  poftérité  ?  Les  hommes  d'autrefois  étoient 
ce  que  nous  fommes  aujourd'hui.  En  jugeant  d'eux 
par  nous-mêmes  ,  nous  imitons  la  nature,  qui  agit 
d'une  manière  uniforme  dans  la  production  des  hom- 
mes de  tous  les  tems.  Je  fai  qu'on  dilhngue  un  iîecle 
de  l'autre  à  une  certaine  tournure  (l'efprit ,  &  à  des 
mœurs  même  différentes  ;  enforte  que  li  on  pouvoit 
faire  reparoître  un  homme  de  chaque  iiecle  ,  ceux 
qui  feraient  au  fait  de  l'hiltoire  ,  en  les  voyant,  les 
rangeroient  dans  une  ligne ,  chacun  tenant  la  place 
de  l'on  Iiecle  fans  fe  tromper,  \i.us  une  chofe  en  quoi 
tous  les  fiecles  font  uniformes ,  c'elt  la  diverfité  qui 
règne  entre  les  hommes  du  même  tems  :  ce  qui  furfit 
pour  ce  que  nous  demandons,  &  pour  affiner  ceux 
du  fécond  âge ,  que  les  contemporains  n'ont  pu  con- 
venir entre  eux  pour  leur  en  impofer.  Or  ceux  du 
troilieme  âge  pourront  faire  ,  par  rapport  à  ceux  du 
fécond  âge  qui  leur  rapporteront  ce  fait  ,  le  même 
raifonnement  que  ceux-ci  ont  fait  par  rapport  aux 
contemporains  qui  le  leur  ont  appris  :  ainfi  on  tra- 
verlera  facilement  tous  les  fiecles. 

Pour  faire  fentir  de  plus  en  plus  combien  eff  pur 


C  E  R 


353 


le  canal  d'une  tradition  qui  nous  tranfmet  un  fait  pu- 
blic &  éclatant  (  car  je  déclare  que  c'eff  de  celui-là 
feul  dont  j'entends  parler ,  convenant  d'ailleurs  que 
fur  un  t'ait  fecret  &  nullement  intereffant ,  une  tra- 
dition ancienne  &  étendue  peut  être  fauffe  ) ,  je  n'ai 
que  ce  feul  raifonnement  à  faire  :  c'eff  que  je  défie 
qu'on  m'affigne  dans  cette  longue  fuite  d'âges  un 
tems  où  ce  fait  auroit  pu  être  fuppoié  ,  &  avoir  par 
conléquent  une  fauffe  origine.  Car  011  la  trouver 
cette  iource  erronée  d'une  tradition  revêuie  de  pa- 
reils caractères  ?  fera-ce  parmi  les  contemporains  ? 
il  n'y  a  nulle  apparence.  En  effet ,  quand  auroient- 
ils  pu  tramer  le  complot  d'en  impofer  aux  âges  fui- 
vans  fur  ce  fait  ?  Qu'on  y  prenne  garde  :  on  paffe  d'u- 
ne manière  infentible  d'un  Iiecle  à  l'autre.  Les  âges 
fe  fuccedent  fans  qu'on  puiffe  s'en  appercevoir.  Les 
contemporains  dont  il  eft  ici  queltion ,  fe  trouvent 
dans  l'âge  qui  fuit  celui  où  ils  ont  appris  ce  fait ,  qu'ils 
penfent  toujours  être  au  milieu  des  témoins  oculai- 
res qui  le  leur  avoient  raconté.  On  ne  paffe  pas  d'un 
âge  à  l'autre  ,  comme  on  feroit  d'une  place  publi- 
que dans  un  palais.  On  peut ,  par  exemple  ,  tramer 
dans  un  palais  le  complot  d'en  impofer  fur  un  pré- 
tendu fait,  à  tout  un  peuple  raffemblé  dans  une  place 
publique  ;  parce  qu'entre  le  palais  &  la  place  publi- 
que il  y  a  comme  un  mur  de  féparation ,  qui  rompt 
toute  communication  entre  les  uns  &  les  autres. 
Mais  on  ne  trouve  rien  dans  le  paffage  d'un  âge  à 
l'autre ,  qui  coupe  tous  les  canaux  par  où  ils  pour- 
roient  communiquer  enfemble.  Si  donc  dans  le  pre- 
mier âge  il  fe  fait  quelque  fraude  ,  il  faut  néceffaire- 
ment  que  le  fécond  âge  en  toit  inffruit.  La  raifon  de 
cela  ,  c'elt  qu'un  grand  nombre  de  ceux  qui  com- 
polentle  premier  âge  entrent  dans  la  compofition  du 
fécond  âge  ,  &  de  plufieurs  autres  fuivans  ,  Se  que 
prefque  tous  ceux  du  fécond  âge  ont  vu  ceux  du 
premier  ;  par  conléquent  plufieurs  de  ceux  qui  fe- 
roient  complices  de  la  fraude  forment  le  fécond  âge. 
Or  il  n'en  pas  vraiffemblable  que  ces  hommes  qu'on 
fuppofe  être  en  grand  nombre  ,  &  en  même  tems 
être  gouvernés  par  des  pallions  différentes  ,  s'accor- 
dent tous  à  débiter  le  même  menfonge  ,  &c  à  taire  la 
fraude  à  tous  ceux  qui  font  feulement  du  fécond  âge. 
Si  quelques-uns  du  premier  âge ,  mais  contemporains 
de  ceux  du  fécond  ,  fe  plaifent  à  entretenir  chez  eux 
l'illufion  ,  croit-on  que  tous  les  autres  qui  auront  vécu 
dans  le  premier  âge  ,  &  qui  vivent  actuellement  dans 
le  fécond  ,  ne  réclameront  pas  contre  la  fraude  ?  II 
faudroit  pour  cela  luppoler  qu'un  même  intérêt  les 
réunît  tous  pour  le  même  menfonge.  Or  il  eit  cer- 
tain qu'un  grand  nombre  d'hommes  ne  fauroient 
avoir  le  même  intérêt  a  déguiicr  la  vérité:  donc  il 
n'eit  pas  poffible  que  la  fraude  du  premier  âge  paffe 
d'une  voix  unanime  dans  le  fécond  ,  lans  éprouver 
aucune  contradiction.  Or  fi  le  fécond  âge  clt  inffruit 
de  la  fraude,  il  en  inlbuira  le  troilieme,  &  ai: 
fuite  ,  dans  toute  l'étendue  des  fiecles.  Des-là  qu'au- 
cune barrière  ne  répare  les  âges  les  uns  des  autres  , 
il  faut  neceffairement  qu'ils  le  la  tranfmettent  tour 
à  tour.  Nul  âge  ne  fera  donc  la  dupe  des  autres,  6.' 
par  conléquent  nulle  fauûe  tradition  ne  pourra  s'e- 
tablir  fur  un  fait  public  èv  éclatant. 

Il  n'y  a  pas  de  point  fixe  dans'le  tems  qui  ne  ren- 
tenue  pour  le  moins  loixante  ou  quatre-vingt  géné- 
rations A  la  fois,  à  commencer  depuis  la  première 
enfance  jufqu'à  la  vieiileffe  la  plus  avancée.  Or  ce 
mélange  perpétue)  de  tant  de  générations  enchaînées 
les  unes  dans  le'S  autres,  rend  la  fraude  împoffiblcfur 
un  fait  public  Se  intercff.mt.  Voulez-vous  pour  vous 
en  convaincre  (uppofer  que  tous  les  hommes  âj 
quarante  ans ,  6e  qui  répondent  à  un  point  détermi- 
ne du  tcms ,  eonfpirent  contre  la  polterite  pour  la  lé- 
duire  fur  un  fait  ?  Je  veux  bien  vous  accorder  ce  com- 
plot poffible  ,  quoique  tout  m'autorife  à  le  rejetter, 


854 


C  E  R 


CER 


Penfez-vous  qu'en  ce  cas  tous  les  hommes  qui  compo- 
sent les  générations  depuis  quarante  ans  julqu'à  qua- 
tre-vingts ,  &  qui  répondent  au  même  point  du  terns , 
ne  reclameront  pas  ,  qu'ils  ne  feront  pas  connoitre 
î'impofture  ?  Choififfez  fi  vous  voulez  la  dernière 
génération  ,  &  fuppolèz  que  tous  les  hommes  âgés 
de  quatre-vingts  ans  forment  le  complot  d'en  impo- 
fer  fur  un  fait  à  la  poftérité.  Dans  cette  fuppofition 
même  ,  qui  eft  certainement  la  plus  avantageufe 
qu'on  puifTe  faire ,  I'impofture  ne  fauroit  li  bien  le 
cacher  qu'elle  ne  foit  dévoilée  ;  car  les  hommes  qui 
compofent  les  générations  qui  les  fuivent  immédia- 
tement, pourroient  leur  dire  :  Nous  avons  vécu  long- 
tems  avec  vos  contemporains  ;  &  voilà  pourtant  la 
première  fois  que  nous  entendons  parler  de  ce  fait  : 
il  eft  trop  intéreffant ,  &  il  doit  avoir  fait  trop  de 
bruit  pour  que  nous  n'en  ayons  pas  été  inftruits  plu- 
tôt. Et  s'ils  ajoùtoient  à  cela  qu'on  n'apperçoit  au- 
cunes des  fuites  qu'auroit  dû  entraîner  ce  tait,  & 
plufieurs  autres  chofes  que  nous  développerons  dans 
la  fuite,  feroit-il  poffible  que  le  menlonge  ne  fut 
point  découvert  ?  &c  ces  vieillards  pourraient-ils  ef- 
pérer  de  perfuader  les  autres  hommes  de  ce  menlon- 
ge qu'ils  auraient  inventé?  Or  tous  les  âges  le  ref- 
femblent  du  côté  du  nombre  des  générations  ;  on  ne 
peut  donc  en  luppofer  aucun  où  la  fraude  puiffe  pren- 
dre. Mais  fi  la  fraude  ne  peut  s'établir  dans  aucun 
des  âges  qui  compofent  la  tradition  ,  il  s'enfuit  que 
tout  fait  que  nous  amènera  la  tradition  ,  pourvu  qu'il 
foit  public  &  intéreffant  ,  nous  fera  tranfmis  dans 
toute  fa  pureté. 

Me  voilà  donc  certain  que  les  contemporains  d'un 
fait  n'ont  pas  pu  davantage  en  impofer  fur  la  réalite 
aux  âges  fuivans ,  qu'ils  ont  pu  être  dupés  eux-mê- 
mes fur  cela  par  les  témoins  oculaires.  En  effet , 
(  qu'on  me  permette  d'infifter  là-deffus  )  je  regarde 
la  tradition  comme  une  chaîne,  donttous  les  anneaux 
font  d'égale  force  ;  &  au  moyen  de  laquelle ,  lorlque 
j'en  faiiis  le  dernier  chaînon ,  je  tiens  à  un  point  hxe 
qui  eft  la  vérité  ,  de  toute  la  torce  dont  le  premier 
chaînon  tient  lui-même  à  ce  point  fixe.  Voici  fur 
cela  quelle  eft  ma  preuve  :  la  dépolîtion  des  témoins 
oculaires  eft  le  premier  chaînon;  celui  des  contem- 
porains eft  le  fécond  ;  ceux  qui  viennent  immédia- 
tement après ,  forment  le  troifieme  par  leur  témoi- 
gnage ,  &  ainfi  de  fuite  ,  en  defcendant  jufqu'au  der- 
nier ,  que  je  faifis.  Si  le  témoignage  des  contempo- 
rains eft  d'une  force  égale  à  celui  des  témoins  ocu- 
laires ,  il  en  fera  de  même  de  tous  ceux  qui  fe  fui- 
vront,  &  qui  par  leur  étroit  entrelacement ,  forme- 
ront cette  chaîne  continue  de  tradition.  S'il  y  avoit 
quelque  décroiffement  dans  cette  gradation  de  té- 
moiçmaçes  qui  naiffent  les  uns  des  autres  ,  cette  rai- 
fon  aurait  auffi  lieu  par  rapport  au  témoignage  des 
contemporains ,  confideré  refpedivement  à  celui  des 
témoins  oculaires  ;  puilque  l'un  des  deux  eft  fondé 
fur  l'autre.  Or  que  le  témoignage  des  contemporains 
ait  par  rapport  à  moi  autant  de  force  que  celui  des 
tcmoins  ocidaires ,  c'eft  une  chofe  dont  je  ne  puis 
douter.  Je  ferais  auffi  certain  que  Henri  IV.  a  fait  la 
conquête  de  la  France ,  quand  même  je  ne  le  faurois 
que  des  contemporains  de  ceux  qui  ont  pu  voir  ce 
grand  &c  bon  roi ,  que  je  le  fuis  que  fon  throne  a  été 
occupé  par  Louis  le  Grand  ,  quoique  ce  fait  me  foit 
attefté  par  des  témoins  oculaires.  En  voulez-vous 
favoir  la  raifon  ?  c'eft  qu'il  n'eft  pas  moins  impoffi- 
ble  ,  que  des  hommes  fe  réunifient  tous  ,  malgré  la 
diftance  des  lieux ,  la  différence  des  efprits ,  la  variété 
des  pallions ,  le  choc  des  intérêts ,  la  diveriité  des  re- 
ligions ,  à  foûtenir  une  même  tauffeté  ,  qu'il  l'eft  que 
plufieurs  perfonnes  s'imaginent  voir  un  fait,  que 
pourtant  elles  ne  voyent  pas.  Les  hommes  peuvent 
bien  mentir ,  comme  je  l'ai  déjà  dit  ;  mais  je  les  défie 
tic  le  faire  tous  de  la  même  manière.  Ce  ferait  exi- 


ger que  plufieurs  perfonnes ,  qui  écriraient  fur  les 
mêmes  Injets  ,  penfaffent  &  s'exprimaffent  de  la 
même  façon.  Que  mille  auteurs  traitent  la  même  ma- 
tière ,  ils  le  feront  tous  différemment ,  chacun  félon 
le  tour  d'efprit  qui  lui  eft  propre.  On  les  diftinguera 
toujours  à  l'air,  au  tour,  au  coloris  de  leurs  pen- 
fées.  Comme  tous  les  hommes  ont  un  même  fonds 
d'idées  ,  ils  pourront  rencontrer  fur  leur  route  les 
mêmes  vérités:  mais  chacun  d'eux  les  voyant  d'une 
manière  qui  lui  eft  propre ,  vous  les  repréfentera  fous 
un  jour  différent.  Si  la  variété  des  efprits  lufht  pour 
mettre  tant  de  différence  dans  les  écrits  qui  roulent 
fur  les  mêmes  matières  ;  croyons  que  la  diveriité  des 
parlions  n'en  mettra  pas  moins  dans  les  erreurs  fur 
les  faits.  Il  paroît  par  ce  que  j'ai  dit  jufqu'ici ,  qu'on 
doit  raifonner  fur  là  tradition  comme  fur  les  témoins 
oculaires.  Un  fait  tranfmis  par  une  feule  ligne  tra- 
ditionelle ,  ne  mérite  pas  plus  notre  foi ,  que  la  dé- 
polîtion d'un  feul  témoin  oculaire  ;  car  une  ligne  tra- 
ditionelle  ne  reprélente  qu'un  témoin  oculaire  ;  elle 
ne  peut  donc  équivaloir  qu'à  un  feul  témoin.  Par  où 
en  effet  pourriez-vous  vous  affùrer  de  la  vérité  d'un 
tait  qui  ne  vous  ferait  tranfmis  que  par  une  feule  li- 
gne traditionelle  ?  Ce  ne  ferait  qu'en  examinant  la 
probité  &  la  lincérité  des  hommes  qui  compoferoient 
cette  ligne  ;  dilcuffion ,  comme  je  l'ai  déjà  dit ,  très- 
difficile  ,  qui  expolé  à  mille  erreurs ,  &  qui  ne  pro- 
duira jamais  qu'une  fimple  probabilité.  Mais  fi  un 
tait ,  comme  une  fource  abondante ,  forme  différens 
canaux  ,  je  puis  facilement  m'affûrer  de  fa  réalité. 
Ici ,  je  me  1ers  de  la  règle  que  fuivent  les  efprits, 
comme  je  m'en  luislervi  pour  les  témoins  oculaires. 
Je  combine  les  différens  témoignages  de  chaque  per- 
lonne  qui  reprélente  là  ligne  ;  leurs  mœurs  différen- 
tes ,  leurs  paffions  oppolees,  leurs  intérêts  divers, 
me  démontrent  qu'il  n'y  a  point  eu  de  collufion  en- 
tre elles  pour  m'en  impofer.  Cet  examen  me  fuffit  , 
parce  que  par-là  je  fuis  affùré  qu'elles  tiennent  le 
tait  qu'elles  me  rapportent  de  celui  qui  les  précède 
immédiatement  dans  leur  ligne.  Si  je  remonte  donc 
julques  au  tait  fur  le  même  nombre  de  lignes  tradi- 
tionelles  ,  je  ne  laurois  douter  de  la  réalité  du  fait, 
auquel  toutes  ces  lignes  m'ont  conduit  ;  parce  que  je 
ferai  toujours  le  même  raifonnement  fur  tous  les 
hommes  qui  reprélentent  leur  ligne  dans  quelque 
point  du  tems  que  je  la  prenne. 

Il  y  a  dans  le  monde  ,  me  dira  quelqu'un  ,  un  fi 
grand  nombre  de  fauffes  traditions  ,  que  je  ne  fau- 
rois me  rendre  à  vos  preuves.  Je  fuis  comme  invefti 
par  une  infinité  d'erreurs,  qui  empêchent  qu'elles  ne 
puinent  venir  julqu'à  moi  ;  &  ne  croyez  pas  ,  conti- 
nuera  toujours  ce  Pyrrhonien,  que  je  prétende  parler 
de  ces  fables  ,  dont  la  plupart  des  nobles  flattent 
leur  orgueil  ;  je  fais  qu'étant  renfermées  dans  une 
feule  famille  ,  vous  les  rejettez  avec  moi.  Mais  je 
veux  vous  parler  de  ces  faits  qui  nous  font  tranfmis 
par  un  grand  nombre  de  lignes  traditionelles ,  & 
dont  vous  reconnoifîez  pourtant  la  fauffeté.  Telles 
font  par  exemple ,  les  fabuleufes  dynafties  des  Egyp- 
tiens ,  les  hiftoires  des  dieux  &  demi  -  dieux  des 
Grecs  ;  le  conte  de  la  louve  qui  nourrit  Remus  & 
Romulus  :  tel  eft  le  fameux  fait  de  la  papeffe  Jeanne, 
qu'on  a  cru  prelque  univerlellement  pendant  très- 
long-tems ,  quoiqu'il  fût  très-récent  ;  fi  on  avoit  pu 
lui  donner  deux  mille  ans  d'antiquité  ,  qui  eft-ce  qui 
aurait  oie  feulement  l'examiner  ?  Telle  eft  encore 
l'hiftoire  de  la  lainte  ampoule,  qu'un  pîgeon  apporta 
du  ciel  pour  lervir  aufacre  de  nos  rois  ;  ce  fait  n'eft- 
il  pas  univerfellement  répandu  en  France,  ainli  que 
tant  d'autres  que  je  pourrais  citer  ?  Tous  ces  faits 
fuffifent  pour  faire  voir  que  l'erreur  peut  nous  venir 
par  plufieurs  lignes  traditionelles.  On  ne  lauroit 
donc  en  faire  un  caractère  de  vérité  pour  les  faits 
qui  nous  font  ainli  tranfmis. 


C  E  R 

Je  ne  vois  pas  que  cette  difficulté  rende  inutile  ce 
que  j'ai  dit  :  elle  n'attaque  nullement  mes  preuves  , 
parce  qu'elle  ne  les  prend  qu'en  partie.  Car  j'avoue 
qu'un  tait  quoique  taux  ,  peut  m'être  attelle  par  un 
grand  nombre  de  perfonnes  qui  représenteront  dif- 
férentes lignes  traditionelles.  Mais  voici  la  différen- 
ce que  je  mets  entre  l'erreur  &  la  vérité  :  celle-ci , 
dans  quelque  point  du  tems  que  vous  la  preniez,  fe 
Soutient  ;  elle  eft  toujours  détendue  par  un  grand 
nombre  de  lignes  traditionclies  qui  la  mettent  à  l'a- 
bri du  Pyrrhonifma,  &  qui  vous  conduiient  dans  des 
lentiers  clairs  jufques  au  tait  même.  Les  lignes,  au 
contraire  ,  qui  nous  tranfmettent  une  erreur ,  font 
toujours  couvertes  d'un  certain  voile  qui  les  fait  ai- 
fément  reconnoître.  Plus  vous  les  fuivez  en  remon- 
tant ,  &  plus  leur  nombre  diminue  ;  6c ,  ce  qui  eft  le 
caractère  de  l'erreur,  vous  en  atteignez  le  bout  fans 
que  vous  foyez  arrivé  au  fait  qu'elles  vous  tranf- 
mettent. Quel  fait  que  les  dynafties  des  Egyptiens  ! 
Elles  remontoient  à  plusieurs  milliers  d'années  :  mais 
il  s'en  faut  bien  que  les  lignes  traditionelles  les  con- 
duifilfent  jufque-  là.  Si  on  y  prenoit  garde ,  on  ver- 
rqit  que  ce  n'efl  point  un  fait  qu'on  nous  objecte  ici , 
mais  une  opinion,  à  laquelle  l'orgueil  des  Egyptiens 
avoit  donné  naiflance.  Il  ne  faut  point  confondre  ce 
que  nous  appelions  fait ,  &  dont  nous  parlons  ici , 
avec  ce  que  les  différentes  nations  croyent  fur  leur 
origine.  Il  ne  faut  qu'un  l'avant ,  quelquefois  un  vi- 
fionnaire ,  qui  prétende  après  bien  des  recherches 
avoir  découvert  les  vrais  fondateurs  d'une  monar- 
chie ou  d'une  république  ,  pour  que  tout  un  pays  y 
ajoute  foi  ;  furtout  fi  cette  origine  flatte  quelqu'une 
des  pallions  des  peuples  que  cela  intéreiîe  :   niais 
alors  c'eft  la  découverte  d'un  lavant  ou  la  rêverie 
d'un  vifionnaire ,  &c  non  un  fait.  Cela  fera  toujours 
problématique,  à  moins  que  ce  favant  ne  trouve  le 
moyen  de  rejoindre  tous  les  différens  fils  de  la  tra- 
dition ,  par  la  découverte  de  certaines  hiftoires  ou 
de  quelques  inferiptions  qui  feront  parler  une  infi- 
nité de  monuinens,  qui  avant  cela  ne  nous  diloient 
rien.  Aucun  des  faits  qu'on  cite ,  n'a  les  deux  condi- 
tions que  je  demande  ;  lavoir  un  grand  nombre  de 
lignes  traditionelles  qui  nous  les  tranfmettent  ;  enfor- 
te  qu'en  remontant  au  moins  parla  plus  grande  par- 
tie de  ces  lignes,  nous  puiifions  arriver  au  tait.  Quels 
font  les  témoins  oculaires  qui  ont  dépolé  pour  le  fait 
de  Remus  &  de  Romulus  ?  y  en  a-t-il  un  grand 
nombre,  &  ce  fait  nous  a-t-il  été  tranlmis  fur  des  li- 
gnes fermes  ,  qu'on  me  permette  ce  terme  ?  On  voit 
que  tous  ceux  qui  en  ont  parlé  ,  l'ont  fait  d'une  ma- 
nière douteufe.    Qu'on  voye    fi    les   Romains   ne 
croyoient  pas  différemment  les  actions  mémorables 
desScipions?  C'étoitdonc  plutôt  une  opinion  ehez 
eux  qu'un  fait.  On  a  tant  écrit  lur  la  papeffe  Jeanne, 
qu'il  (eroit  plus  que  iuperflu  de  m'y  arrêter.  11  me 
fiiffit  d'oblerver  que  cette  table  doit  plutôt  1  m  ori- 
gine à  Pefprit  de  parti ,  qu'à  des  lignes  rraditu 
ck  qui  cil-ce  qui  a  cru  l'hiftoire  de  la  fainte  ampoule? 
Je  puis  dire  au  moins  que  li  ce  lait  a   été  tranlmis 
comme  vrai,  il  a  été  tranlmis  en  même  tems  comme 
faux  ;  deforte  qu'il  n'y  a  qu'une  ignorance  groffiere , 
qui  puilTc  faire  donner  dans  une  pareille  luperlli- 
tion. 

Mais  je  voudrais  bien  favoir  fur  quelle  preuve  le 
Sceptique  que  je  combats  regarde  les  dynalhes  lies 
Egyptiens,  comme  fabuleules,  &  tous  les  autres 
faits  qu'il  a  cités  ;  car  il  faut  qu'il  puifle  le  tranf- 
porterdans  les  tems  oii  ces  différentes  erreurs  occu- 
poient  l'efprit  des  peuples  ;  il  faut  qu'il  le  rende , 
pourainli  dire,  leur  contemporain*,  afin  que  partant 
de  ce  point  avec  eux  ,  il  puifle  voir  qu'ils  lui\  ent  un 
chemin  qui  les  conduit  infailliblement  à  l'erreur  ,  & 
que  toutes  leurs  traditions  font  faulTes  :  or  je  le  défie 
d'y  parvenir  fans  le  lècours  de  la  tradition  ;  je  le  dé- 


C  E  R 


35î 


fie  encore  bien  plus  de  faire  cet  examen ,  &  de  por- 
ter ce  jugement,  s'il  n'a  aucune  règle  qui  puiffe  lui 
faire  difeerner  les  vraies  traditions  d'avec  les  fauf- 
fes.  Qu'il  nous  dife  donc  la  raifon  qui  lui  fait  pren- 
dre tous  ces  faits  pour  apocryphes  ;  &i  il  fe  trouvera 
que  contre  ion  intention  il  établira  ce  qu'il  prétend 
attaquer.  Me  direz-vous  que  tout  ce  que  j'ai  dit  peut 
être  bon,  lorfqu'il  s'agira  de  faits  naturels  ,  mais  que 
cela  ne  Iauroit  démontrer  la  vérité  des  faits  miracu- 
leux ;  qu'un  grand  nombre  de  ces  faits ,  qt*bique 
faux,  paffent  à  la  poitérité  fur  je  ne  fai  combien  de 
lignes  traditionelles  ?  Fortifiez  li  vous  voulez 'votre 
difficulté  par  toutes  les  folies  qu'on  lit  dans  l'Alco- 
ran ,  &  que  le  crédule  Mahométan  reipecte  ;  déco- 
rez-la de  l'enlèvement  de  Romulus  qu'on  a  tant  fait 
valoir  ;  diltillez  votre  fiel  fin  toutes  ces  fables  pieu- 
fes,  qu'on  croit  moins  qu'on  ne  ks  tolère  par  pur 
ménagement  :  que  conclu  irez- vous  delà  ?  qu'on  ne 
fauroit  avoir  des  règles  qui  puiffent  faire  difeerner 
les  vraies  traditions  d'avec  les  faillies  fur  les  mira- 
cles ?   • 

Je  vous  répons  que  les  règles  font  les  mêmes  pour 
les  faits  naturels  &  miraculeux:  vous  m'oppofez  des 
faits ,  &  aucun  de  ceux  que  vous  citez  n'a  les  condi- 
tions que  j'exige.  Ce  n'elf.  point  ici  le  lieu  d'examiner 
les  miracles  de  Mahomet,  ni  d'en  faire  le  parallèle 
avec  ceux  qui  démontrent  la  religion  Chrétienne. 
Tout  le  monde  fait  que  cet  impoli eur  a  toujours  opé- 
ré fes  miracles  en  fecret  :  s'il  a  eu  des  vilions ,  per- 
fonne  n'en  a  été  témoin  :  li  les  arbres  par  relpcct  de- 
venus feniiblcs  s'inclinent  en  fa  préience ,  s'il  fait 
defeendre  la  lune  en  terre,  &  la  renvoyé  dans  fon  or- 
bite ;  fcul  préfent  à  ces  prodiges  ,  il  n'a  point  éprou- 
vé de  contradicteurs  :  tous  les  témoignages  île  ce 
fait  fe  réduifent  donc  à  celui  de  l'auteur  même  de  la 
fà^-berie  ;  c'ell-là  que  vont  aboutir  toutes  ces  lignes 
mHitionclies  dont  on  nous  parle  :  je  ne  vois  point 
là  de  foi  raifonnée  ,  mais  la  plus  luperltitieufe  cré- 
dulité.  Peut-on  nous  oppofer  des  faits  fi  mal  prou- 
vés ,  &  dont  Fimpoilure  (e  découvre  par  les  règles 
que  nous  avons  nous-mêmes  établies.'  Je  ne  penfe 
pas  qu'on  nous  oppofe  férieulement  l'enlèvement 
de  Romulus  au  ciel,  ce  ion  appantion  à  Proculus: 
cette  apparition  n'efl  appuyée  que  fur  la  dépofition 
d'un  le-ul  témoin,  t,e  it  le  fcul  pci.;.!c  fut 

la  dupe  ;  les  fénateurs  rirent  à  et  égard  ce  que  leur 
politique  demandoit:  en  un  mot  je  défie  qu'on  me 
cite  un  fait  qui  dans  fon  origine  le  trouve  revêtu  des 
caractères  que  j'ai  aiîignés ,  qui  ioit  tranlmis  à  la 
poilérité  fur  plulieurs  lignes  collatérales  qui  com- 
menceront au  li.it  même,  &:  qu'il  le  trouve  pourtant 
faux. 

Vous  avez  raifon, dit  M.  Craig;  il  eft  impoifible 
qu'on  ne  connoiffe  la  vérité  d^  .  .  .ts ,  des 

qu'on  elt  voifin  des  tems  où  ils  font  arrivés  :  les  ca- 
ractères dont  ils  font  empreints  font  li  frappans  &  li 
clairs,  qu'on  ne  Iauroit  s'y  méprendre.  Mais  la  durée 
des  tems  obfcurcit&  efface,  pour  ainfi  dire,  cese  i- 
ractercs  :  les  laits  les  mieux  confiâtes  dans  certains 
tems,  fe  trouvent  dans  la  fuite  réduits  au  niveau  de 
L'impofture  &  du  menfonge  ;  &  cela  parce  que  la 
force  îles  témoignages  va  toujours  ruant; 

baut  degré  de  certitude  eft  produit 
par  la  \  ne  même  des  faits  ;  le  fécond ,  par  le  rap 
de  ceux  qui  les  ont  vus  ;  le  troifieme  ,  par  la  l'impie 
déppfition  île  ceux  qui  les  ont  feulement  i 
ter  aux  témoins  des  témoins  ;  -    ■  -  fuite  à  l'in- 

fini. 

Les  faits  de  Céfar&  d'Ale\  ;nt  pour  dé- 

montrer la  vanité  des  calculs  d  e  A-iJois  : 

car  nous  fommes  auiii  conva  ellement  de 

l'exiftence  de  ces  deux  grands capù  "  :i  !'e- 

toit  il  y  a  quatre  cents  ans  ;  ce  la  raifon  en  cù  bien 
(impie  ;  c'eft  que  nous  avons  les  mêmes  preir  . 


856 


CER 


ces  faits  qu'on  avoit  en  ce  tems-là.  La  fuccefïïon  qui 
fe  fait  dans  les  différentes  générations  de  tous  les  fie- 
cles  ,  relfemble  à  celle  du  corps  humain ,  qui  poiïe- 
de  toujours  la  même  effence  ,  la  même  forme ,  quoi- 
que la  matière  qui  le  compofe  à*  chaque  inftant  fe 
diffipe  en  partie  ,  &  à  chaque  inftant  foit  renouvcl- 
lée  par  celle  qui  prend  fa  place.  Un  homme  eft  tou- 
jours un  tel  homme  ,  quelque  renouvellement  im- 
perceptible qui  fe  foit  fait  dans  la  fubftance  de  fon 
corps ,  parce  qu'il  n'éprouve  point  tout  à  la  fois  de 
changement  total  :  de  même  les  différentes  généra- 
tions qui  fe  fuccedent  doivent  être  regardées  comme 
étant  les  mêmes ,  parce  que  le  paffage  des  unes  aux 
autres  eft  imperceptible.  C'eft  toujours  la  même  fo- 
ciété  d'hommes  qui  conferve  la  mémoire  de  cer- 
tains faits  ;  comme  un  homme  eft  auffi  certain  dans 
fa  vieillefle  de  ce  qu'il  a  vu  d'éclatant  dans  fa  jc-u- 
neffe  ,  qu'il  l'étoit  deux  ou  trois  ans  après  cette  ac- 
tion. Ainfi  il  n'y  a  pas  plus  de  différence  entre  les 
hommes  qui  forment  la  fociété  de  tel  &  tel  tems  , 
qu'il  y  a  entre  une  perfonne  âgée  de  vingt  ans ,  & 
cette  même  perfonne  âgée  de  foixante  :  par  confé- 
quent  le  témoignage  des  différentes  générations  eft 
auffi  digne  de  foi ,  &  ne  perd  pas  plus  de  fa  force  , 
que  celui  d'un  homme  qui  à  vingt  ans  raconteroitun 
fait  qu'il  vient  de  voir  ,  &  à  foixante  ,  le  même  fait 
qu'il  auroit  vu  quarante  ans  auparavant.  Si  l'auteur 
Angl'ois  avoit  voulu  dire  feulement  que  l'impreffion 
que  fait  un  événement  fur  les  efprits  ,  eft  d'autant 
plus  vive  &c  plus  profonde  ,  que  le  fait  eft  plus  ré- 
cent ,  il  n'auroit  rien  dit  que  de  très-vrai.  Qui  ne 
fait -qu'on  eft  bien  moins  touché  de  ce  qui  fe  pafle 
en  récit ,  que  de  ce  qui  eft  expofé  fur  la  feene  aux 
yeux  des  fpe&ateurs  ?  L'homme  que  fon  imagina- 
tion fervira  le  mieux  à  aider  les  aûeurs ,  à  le  trom- 
per fur  la  réalité  de  l'a£tion  qu'on  lui  repféfente  ^ÊÊ 
ra  le  plus  touché  &c  le  plus  vivement  ému.  La  îaF 
glante  journée  de  la  faint  Barthélémy,  ainfi  que  l'af- 
iaffinat  d'un  de  nos  meilleurs  rois,  ne  fait  pas  à  beau- 
coup près  fur  nous  la  même  impreffion ,  que  ces  deux 
évenemens  en  firent  autrefois  fur  nos  ancêtres.  Tout 
ce  qui  n'eft  que  de  fentiment  pafle  avec  l'objet  qui 
l'excite  ;  &  s'il"  lui  furvit,  c'eft  toujours  en  s'affoi- 
bliiiant ,  jufqu'à  ce  qu'il  vienne  à  s'épuifer  tout  en- 
tier :  mais  pour  la  conviction  qui  naît  de  la  force  des 
preuves ,  elle  fub  lifte  univerfellement.  Un  fait  bien 
prouvé  paiTe  à  travers  Pefpace  immenfe  des  fiecles , 
fans  que  la  conviction  perde  l'empire  qu'elle  a  fur 
notre  efprit ,  quelque  décroiffement  qu'il  éprouve 
dans  l'impreffion  qu'il  fait  fur  le  cœur.  Nous  fommes 
en  effet  auffi  certains  du  meurtre  de  Henry  le  grand, 
que  l'étoient  ceux  qui  vivoient  dans  ce  tems-là  :  mais 
nous  n'en  fommes  pas  fi  touchés. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  en  faveur  de  la  tra- 
dition ,  ne  doit  point  nous  empêcher  d'avouer  que 
nous  faurions  fort  peu  de  faits,  fi  nous  n'étions  inf- 
truits  que  par  elle  ;  parce  que  cette  efpece  de  tradi- 
tion ne  peut  être  fidèle  dépofitaire  ,  que  lorfqu'un 
événement  eft  afTez  important  pour  faire  dans  l'efprit 
de  profondes  impreffions ,  &  qu'il  eft  affez  fimple 
pour  s'y  conferver  aifément  :  ce  n'eft  pas  que  fur  un 
fait  chargé  de  circonftances  ,  &  d'ailleurs  peu  inté- 
reffant ,  elle  puiile  nous  induire  en  erreur  ;  car  alors 
le  peu  d'accord  qu'on  trouveroit  dans  les  témoigna- 
ges nous  en  mettroit  à  couvert  :  feule  elle  peut  nous 
apprendre  des  faits  iimples  &  éclatans  ;  &  fi  elle 
nous  tranfmet  un  fait  avec  la  tradition  écrite  ,  elle 
fert  à  la  confirmer  :  celle-ci  fixe  la  mémoire  des  hom- 
mes ,  &  conferve  jufqu'au  plus  petit  détail ,  qui  fans 
clic  nous  échaperoit.  C'eft  le  fécond  monument  pro- 
pre à  tranfmettre  les  faits  ,  &  que  nous  allons  main- 
tenant développer. 

On  diroit  que  la  nature  ,  en  apprenant  aux  hom- 
mes l'art  de  conferver  leurs  penfées  par  le  moyen 


CER 

de  diverfes  figures ,  a  pris  plaifir  à  faire  palier  dans 
tous  les  fiecles  des  témoins  oculaires  des  faits  qui 
font  les  plus  cachés  dans  la  profondeur  des  âges, 
afin  qu'on  n'en  puiffe  douter.  Que  diroient  les  Scep- 
tiques, fi  par  une  efpece  d'enchantement,  des  témoins 
oculaires  étoient  comme  détachés  de  leurs  fiecles  , 
pour  parcourir  ceux  où  ils  ne  vécurent  pas ,  afin  de 
fccllerde  vive  voix  la  vérité  de  certains  faits?  Quel 
refoect-  n'auroient-ils  point  ^our  le  témoignage  de 
ces  vénérables  vieillards!pourroient-ils  douter  de  ce 
qu'ils  leur  diroient  ?  Telle  eft  l'innocente  magie  que 
l'hiftoire  fe  propofe  parmi  nous  :  par  elle  les  témoins 
eux-mêmes  femblent  franchir  l'efpace  immenfe  qui 
les  fépare  de  nous  ;  ils  traverfent  les  fiecles ,  &  at- 
teftent  dans  tous  les  tems  la  vérité  de  ce  qu'ils  ont 
écrit.  Il  y  a  plus  ;  j'aime  mieux  lire  un  fait  dans  plu- 
fieurs  hiftoriens  qui  s'accordent ,  que  de  l'appren- 
dre de  la  bouche  même  de  ces  vénérables  vieillards 
dont  j'ai  parlé  :  je  pourrois  faire  mille  conjectures  fur 
leurs   pallions  ,  fur  leur  pente  naturelle  à  dire  des 
chofes  extraordinaires.  Ce  petit  nombre  de  vieillards, 
qui  feroient  doiiés  du  privilège  des  premiers  patriar- 
ches pour  vivre  fi  long-tems  ,  fe  trouvant  néceffai- 
rement  unis  de  la  plus  étroite  amitié ,  &  ne  craignant 
point  d'un  autre  côté  d'être  démentis  par  des  té- 
moins oculaires  ou  contemporains ,  pourroient  s'en- 
tendre facilement  pour  fe  joiier  du  genre  humain  ; 
ils  pourroient  fe  plaire  à  raconter  grand  nombre  de 
prodiges  faux ,  dont  ils  fe  diroient  les  témoins ,  s'i- 
maginant  partager  avec  les  fauffes  merveilles  qu'ils 
débiteroient ,  l'admiration  qu'elles  font  naître  dans 
l'ame  du  vulgaire  crédule.  Ils  ne  pourroient  trouver 
de  contradiction  que  dans  la  tradition  qui  auroit  palTé 
de  bouche  en  bouche.  Mais  quels  font  les  hommes 
qui  n'ayant  appris  ces  faits  que  par  le  canal  de  la  tra- 
dition ,  oferoient  difputer  contre  une  troupe  de  té- 
moins oculaires  ,  dont  les  rides  d'ailleurs  vénéra- 
bles feroient  une  fi  grande  impreffion  fur  les  ef- 
prits ?  On  lent  bien  que  peu -à -peu  ces  vieillards 
pourroient  faire  changer  les  traditions  :  mais  ont-ils 
une  fois  parlé  dans  des  écrits,  ils  ne  font  plus  libres 
de  parler  autrement  :  les  faits  qu'ils  ont ,  pour  ainfï 
dire ,  enchaînés  dans  les  différentes  figures  qu'ils  ont 
tracées  ,  palTent  à  la  poftérité  la  plus  recuke.  Et  ce 
qui  les  jultifie,  ces  faits  ,  &  met  en  même  tems  l'hif- 
toire au-deiius  du  témoignage  qu'ils  rendroient  ac- 
tuellement de  bouche  ,  c'eft  que  dans  le  tems  qu'ils 
les  écrivirent  ils  étoient  entourés  de  témoins  oculai- 
res &  contemporains, qui  auroient  pu  les  démentir  fa- 
cilement s'ils  avoient  altéré  la  vérité.Nous  joiufîbns, 
eu  égard  aux  hiftoriens ,  des  mêmes  privilèges  dont 
joiiiifoient  les  témoins  oculaires  des  faits  qu'ils  racon- 
tent: or  il  eft  certain  qu'un  hiftorien  ne  fauroit  en  im- 
pofer  aux  témoins  oculaires  &  contemporains.  Si  quel- 
qu'un fail'oitparoitre  aujourd'hui  une  hiftoire  remplie 
de  faits  éclatans  &  intéreffans  arrivés  de  nos  jours ,  & 
dont  perfonne  n'eût  entendu  parler  avant  cette  hif- 
toire ;  penfez-vous  qu'elle  paifât  à  la  poftérité  fans 
contradiction  ?  le  mépris  dans  lequel  elle  tomberoit 
fuffiroit  feul  pour  preferver  la  poftérité  des  impoftu- 
res  qu'elle  contiendroit. 

L'hiftoire  a  de  grands  avantages,  même  fur  les 
témoins  oculaires  :  qu'un  feul  témoin  vous  apprenne 
un  fait  ;  quelque  connoifTance  que  vous  ayez  de  ce 
témoin  ,  comme  elle  ne  fera  jamais  parfaite  ,  ce  fait 
ne  deviendra  pour  vous  que  plus  ou  moins  probable; 
vous  n'en  ferez  affûré  que  lorfque  plufieurs  témoins 
dépoferont  en  fa  faveur,  &  que  vous  pourrez ,  com- 
me je  l'ai  dit ,  combiner  leurs  paffions  &  leurs  inté- 
rêts enfemble.  L'hiftoire  vous  fait  marcher  d'un  pas 
plus  affùré  :  lorfqu'elle  vous  rapporte  un  fait  éclatant 
&  intéreflant ,  ce  n'eft  pas  l'hiftorien  feul  qui  vous 
l'attefte ,  mais  une  infinité  de  témoins  qui  fe  joignent 
à  lui,  En  effet,  l'hiftoire  parle  à  tout  fon  iîeçle  :  ce  n'eft 

pas 


C  E  R 

pas  pour  apprendre  les  faits  intéreflans  que  les  con- 
temporains la  lifent ,  puifque  plufieurs  d'entr'eux  font 
les  auteurs  de  ces  faits  ;  c'efl.  pour  admirer  la  liaifon 
des  faits ,  la  profondeur  des  réflexions  ,  le  coloris 
des  portraits ,  &  fur-tout  fon  exactitude.  Les  hiftoires 
de  Mainbourg  font  moins  tombées  dans  le  mépris 
par  la  longueur  de  leurs  périodes  ,  que  par  leur  peu 
de  fidélité.  Un  hiflorien  ne  fauroit  donc  en  impofer 
à  la  poftérité,  que  fon  fiecle  ne  s'entende,  pour 
ainfi  dire,  avec  lui.  Or  quelle  apparence  ?  ce  com- 
plot n'eft-il  pas  aufli  chimérique  que  celui  de  plu- 
sieurs témoins  oculaires?  c'efl  préciiément  la  même 
chofe.  Je  trouve  donc  les  mêmes  combinaifons  à 
faire  avec  un  feul  hiflorien  qui  me  rapporte  un  fait 
intéreflant,  que  fi  plufieurs  témoins  oculaires  me  l'at- 
tefloient.  Si  plufieurs  perionnes  pendant  la  dernière 
guerre  étoient  arrivées  dans  une  ville  neutre ,  à  Liè- 
ge ,  par  exemple  ,  &  qu'elles  enflent  vu  une  foule 
d'officiers  François  ,  Anglois,  Allemands ,  &  Hollan- 
dois  ,  tous  pêle-mêle  confondus  enfemble  ;  fi  à  leur 
approche  elles  avoient  demandé  chacune  à  leur  voi- 
rai de  quoi  on  parloit,  &  qu'un  officier  François  leur 
eût  répondu  ,  on  parle  de  la  vicloire  que  nous  rempor- 
tâmes hier  fur  les  ennemis  ,  où  les  anglois  fur-tout  fu- 
rent entièrement  défaits  ;  ce  fait  fera  iàns  doute  pro- 
bable pour  ces  étrangers  qui  arrivent  :  mais  ils  n'en 
feront  abfolument  allures  que  lorfque  plufieurs  offi- 
ciers le  feront  joints  enfemble  pour  le  leur  confirmer. 
Si  au  contraire  à  leur  arrivée  un  officier  François  éle- 
vant la  voix  de  façon  àfe  faire  entendre  de  fort  loin, 
leur  apprend  cette  nouvelle  avec  de  grandes  démonf- 
trations  de  joie  ,  ce  fait  deviendra  pour  eux  certain; 
ils  ne  fauroient  en  douter,  parce  que  les  Anglois ,  les 
Allemands,  &c  les  Hollandois  qui  font  prélens,  dé- 
pofent  en  faveur  de  ce  fait ,  dès  qu'ils  ne  reclament 
pas.  C'efl:  ce  que  fait  un  hiflorien  lorfqu'il  écrit  ;  il 
élevé  la  voix ,  &  fe  tait  entendre  de  tout  fon  fiecle , 
qui  dépofe  en  faveur  de  ce  qu'il  raconte  d'intéreflant 
s'il  ne  reclame  pas  :  ce  n'eft  pas  un  feul  homme  qui 
parle  à  l'oreille  d'un  autre  ,  &  qui  peut  le  tromper  ; 
c'efl  un  homme  qui  parle  au  monde  entier ,  &c  qui  ne 
fauroit  par  conléquent  tromper.  Le  filence  de  tous 
les  hommes  dans  cette  circonflance  les  fait  parler 
comme  cet  hiflorien  :  il  n'efl  pasnéceflaireque  ceux 
qui  font  intérefles  à  ne  pas  croire  un  fait ,  &c  même 
à  ce  qu'on  ne  le  croye  pas,  avouent  qu'on  doit  y 
ajouter  foi ,  &  dépoient  formellement  en  fa  faveur  ; 
il  fuffit  qu'ils  ne  dilent  rien ,  Ôt  ne  laiflent  rien  qui 
puiflé  prouver  la  fauiieté  de  ce  tait  :  car  fi  je  ne  vois 
que  des  raifonnemens  contre  un  lait ,  quand  on  au- 
roit  pu  dire  ou  laifier  des  preuves  invincibles  de  l'im- 
poAure,  je  dois  invariablement  m'en  tenir  à  l'hiflo- 
rien  qui  me  l'attelle.  Et  croit-on,  pour  en  revenir  à 
l'exemple  que  j'ai  déjà  cité,  que  ces  étrangers  fefuf- 
fent  contentés  des  dikours  vagues  des  Anglois  fur  la 
fupériorité  de  leur  nation  au-deflus  des  François , 
pour  ne  pas  ajouter  foi  à  la  nouvelle  que  leur  difoit 
d'une  voix  élevée  &  ferme  l'officier  François ,  qui 
paroiflbit  bien  ne  pas  craindre  des  contradicteurs  ? 
non  fans  doute  ;  ils  auroient  trouvé  les  difeours  dé- 
placés ,  &  leur  auroient  demandé  li  ce  que  difoit  ce 
François  étoitvrai  ou  faux-,  qu'il  ne  falloit  que  cela 
à  prêtent. 

Puifqu'un  feul  hiflorien  efl  d'un  C\  grand  poids  fur 
des  faits  intereflans,  que  doit-on  penler  lorfque  plu- 
fieurs hifloriens  nous  rapportent  les  mêmes  faits  ? 
pourra-t-on  croire  que  plufieurs  perionnes  fe  (oient 
données  le  mot  pour  attefter  un  même  menfonge  & 
fe  faire  mépriler  de  leurs  contemporains  ?  Ici  on 
pourra  combiner  &  les  hifloriens  enfemble  ,  &  ces 
mêmes  hifloriens  avec  les  eontemporains  qui  n'ont 
pas  réclamé. 

Un  livre  ,  dites  -  vous ,  ne  fauroit  avoir  aucune 
autorité ,  à  moins  que  Ton  ne  foit  lùr  qu'il  cil  authen- 
Tomc  II. 


C  E  R 


857 


tique  :  or  qui  nous  aflurera  que  ces  hifloires  qu'on 
nous  met  en  main  ne  font  point  fuppofées ,  6c  qu'el- 
les appartiennent  véritablement  aux  auteurs  à  qui 
on  les  attribue  ?  Ne  fait  on  pas  que  l'impoflure  s'efl 
occupée  dans  tous  les  tems  à  forger  des  monumens , 
à  fabriquer  des  écrits  fous  d'anciens  noms ,  pour  co- 
lorer par  cet  artifice  ,  d'une  apparence  d'antiquité , 
aux  yeux  d'un  peuple  idiot  &  imbécille ,  les  tradi- 
tions les  plus  faufles  &  les  plus  modernes  ? 

Tous  ces  reproches  que  l'on  fait  contre  la  fuppo- 
fition  des  livres  font  vrais  ,  on  en  a  fans  doute  fup- 
polè  beaucoup.  La  critique  févere  &c  éclairée  des 
derniers  tems  a  découvert  l'impoflure  ;  &  à-travers 
ces  rides  antiques  dont  on  arrècfoit  de  les  défigurer  , 
elle  a  apperçû  cet  air  de  jeunefle  qui  les  a  trahis. 
Mais  malgré  la  févérité  qu'elle  a  exercée  a-t-elle  tou- 
ché aux  commentaires  de  Céfar,  aux  poéiies  de  Vir- 
gile &  d'Horace  ?  comment  a-t-on  reçu  le  fentiment 
du  P.  Hardouin  ,  lorfqu'il  a  voulu  enlever  à  ces  deux 
grands  hommes  ces  chefs-d'œuvre  qui  immortali- 
lent  le  fiecle  d'Augulle?  qui  n'a  point  lenti  que  le 
filence  du  cloître  n'étoit  pas  propre  à  ces  tours  fins 
&  délicats  qui  décèlent  l'homme  du  grand  monde  ? 
La  critique ,  en  faifant  dilparoître  plufieurs  ouvra- 
ges apocryphes  &  en  les  précipitant  dans  l'oubli ,  a 
confirmé  dans  leur  antique  pofleflion  ceux  qui  font 
légitimes ,  6c  a  répandu  fur  eux  un  nouveau  jour.  Si 
d'une  main  elle  a  renverlé  ,  on  peut  dire  que  de  l'au- 
tre elle  a  bâti.  A  la  lueur  de  fon  flambeau  ,  nous  pou- 
vons pénétrer  jufque  dans  les  fombres  profondeurs 
de  l'antiquité  ,  &  difeerner  par  les  propres  règles  les 
ouvrages  fuppofés  d'avec  les  ouvrages  authentiques. 
Quelles  règles  nous  donne-t-elle  pour  cela  ? 

i°.  Si  un  ouvrage  n'a  point  été  cité  par  les  contem- 
porains de  celui  dont  il  porte  le  nom,qu'on  n'y  aj  per- 
çoive pas  même  fon  caraftere  ,  &  qu'on  ait  eu  quel- 
que intérêt,  foit  réel ,  foit  apparent  à  la  fuppi 
il  doit  alors  nous  paroître  fulpect  :  ainli  un  Ârl 
un  Mercure  Tnfmégifle  ,  6c  quelques  autres  1 
de  cette  trempe  ,  cités  par  Jofèphe,]       :      .'ie,& 
par  George  Syncelle ,  ne  po-tert  point  le  cara 
de  payens  ,  6c  des  -  là  ils  po; ,  >-t  leur 

propre  condamnation.  On  a  eu  le  même  intérêt  à 
les  fuppofer,  qu'à  fuppofer  Année  6c  ics  Sib)  lies  ; 
lefquelles,  pour  me  iervir  des  termes  d'un  homme 
d'elprit ,  ont  parlé  ii  clairement  de  nos  myfletes ,  que 
les  prophètes  des  Hébreux  ,  en  comparailon  d'elles  , 
n'y  entendoient  rien.  1'.  Un  ouvrage  porte  avec  lui 
des  marques  de  là  luppolition  ,  lorfqu'on  n'y  voit  pas 
empreint  le  caractère  du  liecle  où  il  pafle  pour  avoir 
été  écrit.  Quelque  difierence  qu'il  y  ait  dans  tous  les 
elprits  qui  compolent  un  même  liecle ,  on  peut  pour- 
tant dire  qu'ils  ont  quelque  chofe  de  plus  propre  que 
les  elprits  des  autres  liecles,  dans  l'air,  dans  le  tour, 
dans  le  coloris  de  la  penféc  ,  dans  certaines  compa- 
raifons  dont  on  le  fert  plus  fréquemment,  Se  dans 
mille  autres  petites  choie-,  qu'on  : .  marque  alternent 
lorfqu'on  examine  de  près  les  ouvrages.  3  .  I  ne  au- 
tre marque  île  fuppoûtion  ,  e'eit  qi  nd  un  livre  lait 
allulion  à  des  ufages  qui  n'étoient  pas  encore  connus 
au  tems  où  l'on  dit  qu'il  a  ete  écrit  ;  ou  qu'on  v  re- 
marque quelques  traits  de  fyftèraes  poftérieurement 
inventés ,  quoique  caches  & ,  pour  ainfi  dire  .  - 
lès  fous  un  flyle  plus  ancien.  Ainfi  les  ouvr; 
Mercure  Trifmégifle  (  je  ne  parle  pas  de  ceux  qui 
turent  fuppofés  par  les  Chrétiens  :  j'en  ai  tait  men- 
tion plus  haut  ;  mais  de  ceux  qui  le  furent  par  les 
payens  eux-mêmes,  pour  fe  dérendre  contre  les  at- 
taques de  ces  premiers  )  .  par  cela  même  qu'ils  tort 
teints  de  la  doctrine  îubnle  èc  raffinée  des  Grecs,  ne 
font  point  authentiques. 

S'il  efl  des  marques  auxquelles  une  critique  judi- 
cieulè  reconnoit  la  luppolition  de  certain.  1 
ties   il  en  efl  d'autres  aufli  qui  lui  fen  ent ,  pour  ainfi 

QOqqq 


858 


C  E  R 


dire ,  de  bouffole ,  &  qui  la  guident  dans  le  difcerne- 
ment  de  ceux  qui  font  authentiques.  En  effet ,  com- 
ment pouvoir  foupçonner  qu'un  livre  a  été  fuppofé , 
lorique  nous  le  voyons  cité  par  d'anciens  écrivains, 
&  fondé  fur  une  chaîne  non-interrompue  de  témoins 
conformes  les  uns  aux  autres  ,  fur-tout  h  cette  chaîne 
commence  au  tems  où  l 'on  dit  que  ce  livre  a  été  écrit 
&  ne  finit  qu'à  nous  ?  D'ailleurs  ,  n'y  eût-il  point 
d'ouvrages  qui  en  citaffent  un  autre  comme  appar- 
tenant à  tel  auteur,  pour  en  reconnoître  l'authenti- 
cité, il  me  fuffiroit  qu'il  m'eût  été  apporté  comme 
étant  d'un  tel  auteur ,  par  une  tradition  orale  ,  foù- 
tenue  ,  fans  interruption  depuis  fon  époque  jufqu'à 
moi ,  fur  pluheurs  lignes  collatérales.  Il  y  a  outre 
cela  des  ouvrages  qui  tiennent  à  tant  de  choies ,  qu'il 
feroit  fou  de  douter  de  leur  authenticité.  Mais  ,  fé- 
lon moi ,  la  plus  grande  marque  de  l'authenticité  d'un 
livre,  c'eff  lorique  depuis  long -tems  on  travaille  à 
faper  fon  antiquité  pour  l'enlever  à  l'auteur  à  qui 
on  l'attribue ,  &  qu'on  n'a  pu  trouver  pour  cela  que 
des  raifons  fi  frivoles ,  que  ceux  même  qui  font  fes 
ennemis  déclarés  ,  à  peine  daignent  s'y  arrêter.  Il 
y  a  des  ouvrages  qui  intéreffent  plniîeurs  royaumes , 
des  nations  entières,  le  monde  même  ,  qui  par  cela 
même  ne  fauroient  être  fuppofés.  Les  uns  contien- 
nent les  annales  de  la  nation  &  fes  titres  ;  les  autres, 
fes  lois  &  fes  coutumes  ;  enfin  il  y  en  a  qui  contien- 
nent leur  religion.  Plus  on  accule  les  hommes  en 
général  d'être  fuperftitieux  &c  peureux ,  pour  me  fer- 


porté  au  tems  de  Mahomet ,  s'il  avoit  été  écrit  long- 
tems  après  fa  mort.  C'eit  que  tout  un  peuple  ne  fau- 
roit  ignorer  l'époque  d'un  livre  qui  règle  la  croyan- 
ce ,  &  fixe  toutes  fes  efpérances.  Allons  plus  loin  : 
en  quel  tems  voudroit-on  qu'on  put  fuppofer  une 
hiftoire  qui  contiendrait  des  faits  très -intéreffans  , 
mais  apocryphes  ?  ce  n'eft  point  lans  doute  du  vivant 
de  l'auteur  à  qui  on  l'attribue  ,  &  qui  démafqueroit 
le  fourbe  ;  &c  ii  l'on  veut  qu'une  telle  impollure  puiffe 
ne  lui  être  pas  connue ,  ce  qui  comme  on  voit  eft' 
prefque  impoiîible  ,  tout  le  monde  ne  s'infcriroit  -  il 
pas  en  faux  contre  les  faits  que  cette  hiffoire  con- 
tiendroit ?  Nous  avons  démontré  plus  haut  ,  qu'un 
hiftorien  ne  fauroit  en  impofer  à  fon  fiecle.  Ainii  un 
impolteur ,  fous  quelque  nom  qu'il  mette  fon  hiffoi- 
re, ne  fauroit  induire  en  erreur  les  témoins  oculai- 
res ou  contemporains  ;  fa  fourberie  paiferoit  à  la  pof- 
térité.  Il  faut  donc  qu'on  dife  que  long -tems  après  la 
mort  de  fauteur  prétendu ,  on  lui  a  fuppofé  cette  hif- 
toire.  Il  fera  néceffaire  pour  cela  qu'on  dife  auffi , 
que  cette  hiffoire  a  été  long-tems  inconnue  ,  auquel 
cas  elle  devient  fufpecte  fi  elle  contient  des  faits  inté- 
reffans ,  &c  qu'elle  foit  l'unique  qui  les  rapporte  :  car 
ii  les  mêmes  faits  qu'elle  rapporte  font  contenus  dans 
d'autres  hiftoires ,  la  fuppofition  eft  dès-lors  inutile. 
Je  n'imagine  pas  qu'on  prétende  qu'il  foit  r'  ffible  de 
periuader  à  tous  les  hommes  qu'ils  ont  v*.  ce  livre-là 
de  tout  tems  ,  Si  qu'il  ne  paroît  pas  nouvellement. 
Ne  fait-on  point  avec  quelle  exactitude  on  examine 
un  manufcrit  nouvellement  découvert,  quoique  ce 
manufcrit  ne  foit  fouvent  qn'une  copie  de  plufieurs 
autres  qu'on  a  déjà?  Que  feroit-on  s'il  étoit  unique 
dans  fon  genre  ?  Il  n'elt  donc  pas  pofîible  de  fixer  un 
tems  où  certains  livres  trop  intéreffans  par  leur  na- 
ture ayent  pu  être  fuppofés. 

Ce  n'eft  pas  tout ,  me  direz-vous  :  il  ne  fuffit  pas 
qu'on  puiffe  s'affùrer  de  l'authenticité  d'un  livre  ,  il 
faut  encore  qu'on  foit  certain  qu'il  eft  parvenu  à 
nous  fans  altération.  Or  qui  me  garantira  que  l'hif- 
toire  dont  vous  vous  fervez  pour  prouver  tel  fait , 
foit  venue  jufqu'à  moi  dans  toute  fa  pureté  ?  la  diver- 
iité  des  manuicrits  ne  femble-t-elle  pas  nous  indiquer 


C  E  R 

les  changemens  qui  lui  font  arrivés  ?  après  cela  quel 
fonds  voulez  -  vous  que  je  fafle  fur  les  faits  que  cette 
hiftoire  me  rapporte  ? 

Il  n'y  a  que  la  longueur  des  tems  &  la  multipli- 
cité des  copies  qui  puiffent  occafionncr  de  l'altéra- 
tion dans  les  manuicrits.  Je  ne  croi  pas  qu'on  me  con- 
tefte  cela.  Or  ce  qui  procure  le  mal ,  nous  donne  en 
même  tems  le  remède  :  car  s'il  y  a  une  infinité  de 
manuicrits ,  il  eff  évident  qu'en  tout  ce  qu'ils  s'ac- 
cordent ,  c'eff  le  texte  original.  Vous  ne  pourrez 
donc  refufer  d'ajouter  foi  à  ce  que  tous  ces  manui- 
crits rapporteront  d'un  concert  unanime.  Sur  les  va- 
riantes vous  êtes  libre ,  &  perfonne  ne  vous  dira  ja- 
mais que  vous  êtes  obligé  de  vous  conformer  à  tel 
manufcrit  plutôt  qu'à  tel  autre,  <l<:s  qu'ils  ont  tous 
les  deux  la  même  autorité.  Prétendrez  -  vous  qu'un 
fourbe  peut  altérer  tous  les  manuferics  ?  Il  faudroit 
pour  cela  pouvoir  marquer  l'époque  de  cette  altéra- 
tion :  mais  peut-être  que  perionne  ne  Ce  fera  apper- 
çû  de  la  fraude  ?  Quelle  apparence  ,  fur-tout  ii  ce  li- 
vre eff  extrêmement  répandu  ,  s'U  intéreffe  des  na- 
tions entières ,  fi  ce  livre  fe  trouve  la  règle  de  leur 
conduite  ,  ou  fi  par  le  goût  exquis  qui  y  règne  ,  il 
fait  les  délices  des  honnêtes  gens  ?  Seroit-il  poiîîblo 
à  un  homme  ,  quelque  puiffance  qu'on  lui  fuppofé  , 
de  défigurer  les  vers  de  Virgile  ,  ou  de  changer  les 
faits  intéreffans  de  l'hiftoire  Romaine  que  nous  liions 
dans  Tite-Live  &c  dans  les  autres  hiftoriens  ?  Fût-on 
affez  adroit  pour  altérer  en  fecret  toutes  les  éditions 
&C  tous  les  manuicrits ,  ce  qui  eft  impoiîible  ;  on  dé- 
couvrirait toujours  l'impofture ,  parce  qu'il  faudroit 
de  plus  altérer  toutes  les  mémoires  :  ici  la  tradition 
orale  défendrait  la  véritable  hiffoire.  On  ne  fauroit 
tout  d'un  coup  faire  changer  les  hommes  de  croyan- 
ce fur  certains  faits.  Il  faudroit  encore  de  plus  ren- 
verier  tous  les  monumens  ,  comme  on  verra  bientôt  : 
les  monumens  affinent  la  vérité  de  l'hiffoire  ,  ainfi 
que  la  tradition  orale.  Arrêtez  vos  yeux  fur  l'Alco- 
ran ,  &  cherchez  un  tems  où  ce  livre  aurait  pu  être 
altéré  depuis  Mahomet  jufqu'à  nous.  Ne  croyez- vous 
pas  que  nous  l'avons  tel ,  au  moins  quant  à  la  fubi- 
tance ,  qu'il  a  été  donné  par  cet  impolteur  ?  Si  ce 
livre  avoit  été  totalement  bouleverfé  ,  &  que  l'al- 
tération en  eût  fait  un  tout  différent  de  celui  que 
Mahomet  a  écrit,  nous  devrions  voir  auffi  une  autre 
religion  chez  les  Turcs ,  d'autres  ufages  ,  6c  même 
d'autres  mœurs  ;  car  tout  le  monde  fait  combien  la 
religion  influe  fur  les  mœurs.  On  eft  furpris  quand 
on  développe  ces  chofes  -  là ,  comment  quelqu'un 
peut  les  avancer.  Mais  comment  ofe-t-on  nous  faire 
tant  valoir  ces  prétendues  altérations  ?  Je  défie  qu'on 
nous  faffe  voir  un  livre  connu  &  intéreffant  qui  foit 
altéré  de  façon  que  les  différentes  copies  fe  contredi- 
fent  dans  les  faits  qu'elles  rapportent,  fur- tout  s'ils 
font  effentiels.  Tous  les  manuicrits  &  toutes  les  édi- 
tions de  Virgile  ,  d'Horace ,  ou  de  Ciceron ,  fe  ref- 
femblcnt  à  quelque  légère  différence  près.  On  peut 
dire  de  même  de  tous  les  livres.  On  verra  dans  le 
premier  livre  de  cet  ouvrage,  en  quoi  confifte  l'al- 
tération qu'on  reproche  au  Pentateuque  ,  &  dont  on 
a  prétendu  pouvoir  par  là  renverfer  l'autorité.  Tout 
fe  réduit  à  des  changemens  de  certains  mots  qui  ne 
detruifent  point  le  fait ,  &  à  des  explications  diffé- 
rentes des  mêmes  mots  :  tant  il  eft  vrai  que  l'altéra- 
tion effentielle  eft  difficile  dans  un  livre  intéreffant  ; 
car  de  l'aveu  de  tout  le  monde ,  le  Pentateuque  eft 
un  des  livres  les  plus  anciens  que  nous  connoiflions. 
Les  règles  que  la  critique  nous  fournit  pour  con- 
noitre  la  fuppofition  &  l'altération  des  livres  ,  ne 
fu'Kfent  point ,  dira  quelqu'un  ;  elle  doit  encore  nous 
en  fournir  pour  nous  prémunir  contre  le  menibnge  ii 
ordinaire  aux  hiftoriens.L'hiftoire ,  en  effet ,  que  nous, 
regardons  comme  le  regiftre  des  évenemens  des  ne- 
clespaffés ,  n'eft  le  plus  fouvent  rien  moins  que  cela* 


CER 

Au  lieu  de  faits  véritables ,  elle  repaît  de  fables  notre 
folle  curiofité.  Celle  des  premiers  fiecles  cft  couverte 
de  nuages  ;  ce  font  pour  nous  des  terres  inconnues 
où  nous  ne  pouvons  marcher  qu'en  tremblant.  On 
fe  tromperait,  fi  l'on  croyoit  que  les  hiftoires  qui 
fe  rapprochent  de  nous  ,  l'ont  pour  cela  plus  certai- 
nes. Les  préjugés  ,  Pefprit  de  pal  ti ,  la  vanité  natio- 
nale ,  la  différence  des  religions ,  l'amour  du  merveil- 
leux ;  voilà  autant  de  fources  ouvertes  ,  d'où  la  fable 
fe  répand  dans  les  annales  de  tous  les  peuples.  Les 
hiftoriens ,  à  force  de  vouloir  embellir  leur  hiftoire 
&  y  jetter  de  l'agrément,  changent  très-fouvent  les 
faits;  en  y  ajoutant  certaines  circonftances ,  ils  les 
défigurent  de  façon  à  ne  pouvoir  pas  les  reconnoî- 
tre.  Je  ne  m'étonne  plus  que  plufieurs,  fur  la  foi  de 
Cicéron  &  de  Quintilien  ,  nous  difent  que  l'hiltoire 
eft  une  pocjie  libre  de  la  vcijîfication.  La  différence  de 
religion  S:  les  divers  fentimens  ,  qui  dans  les  derniers 
fiecles  ont  divifé  l'Europe  ,  ont  jette  dans  l'hiltoire 
moderne  autant  de  confufion ,  que  l'antiquité  en  a 
apportée  dans  l'ancienne.  Les  mêmes  faits ,  les  mê- 
mes évenemens  deviennent  tous  différens ,  fuivant 
les  plumes  qui  les  ont  écrits.  Le  même  homme  ne 
fe  reffemblc  point  dans  les  différentes  vies  qu'on  a 
écrites  de  lui.  Il  fuffit  qu'un  fait  foit  avancé  par  un 
Catholique  ,  pour  qu'il  foit  auffitôt  démenti  par  un 
Luthérien  ou  par  un  Calvinifte.  Ce  n'eft  pas  fans  rai- 
fon  que  Bayle  dit  de  lui ,  qu'il  ne  lifoit  jamais  les 
hiftoriens  dans  la  vue  de  s'inftruire  des  choies  qui 
fe  font  paffées ,  mais  feulement  pour  favoir  ce  que 
l'on  difoit  dans  chaque  nation  6c  dans  chaque  parti. 
Je  ne  crois  pas  après  cela  qu'on  puiffe  exiger  la  foi 
de  perfonne  fur  de  tels  garants. 

On  aurait  dû  encore  groffir  la  difficulté  de  toutes 
les  faillies  anecdotes  &  de  toutes  ces  hiltoriettes  du 
tems  qui  courent ,  &  conclure  de-là  que  tous  les  faits 
qu'on  lit  dans  FHiftoire  Romaine  font  pour  le  moins 
douteux. 

Je  ne  comprends  pas  comment  on  peut  s'imaginer 
renvei  1er  la  foi  hiftorique  avec  de  pareils  raiionne- 
mens.  Les  paflîons  qu'on  nous  oppofe  font  précifé- 
ment  le  plus  puiffant  motif  que  nous  ayons  pour 
ajouter  foi  à  certains  faits.  Les  Profeftans  font  extrê- 
mement envenimés  contre  Louis  XIV  :  y  en  a-t-il 
un  qui ,  malgré  cela ,  ait  ofé  dcfavoùer  le  célèbre 
paffage  du  Rhin  ?  Ne  font-ils  point  d'accord  avec  les 
Catholiques  fur  les  victoires  de  ce  grand  roi  ?  Ni  les 
préjugés  ,  ni  Pefprit  de  parti ,  ni  la  vanité  nationale, 
n'opèrent  rien  fur  des  faits  éclatans  &:  intéreffans. 
Les  Anglois  pourront  bien  dire  qu'ils  n'ont  pas  été 
fecourus  à  la  journée  de  Fontenoi  ;  la  vanité  natio- 
nale pourra  leur  faire  diminuer  le  prix  de  la  victoire, 
&  la  compenfer  ,  pour  ainfi  dire ,  par  le  nombre  : 
mais  ils  ne  defavoùeront  jamais  que  les  François 
l'oient  refiés  victorieux.  Il  faut  donc  bien  diflinguer 
les  faits  que  PHiftoire  rapporte  d'avec  les  réflexions 
de  l'hiftorien  :  celles-ci  varient  félon  lès  pallions  6c 
fes  intérêts  ;  ceux-là  demeurent  invariablement  les 
mêmes.  Jamais  perfonne  n'a  été  peint  li  différem- 
ment que  l'amiral  de  Coli^ni  &  le  duc  de  Guife  :  les 
Proteftans  ont  chargé  le  portrait  de  celui-ci  de  mille 
traits  qui  ne  lui  convenoient  pas  ;  6c  les  Catholiques, 
de  leur  côté,  ont  reflue  à  celui-là  des  coups  de  pin- 
ceau qu'il  méritoit.  Les  deux  partis  fe  font  pourtant 
fervis  des  mêmes  faits  pour  les  peindre  ;  car  quoi- 
que les  Calviniftes  difent  que  l'amiral  de  Coligni 
rand  homme  de  guerre  que  le  duc  de 
Guife,  ils  avouent  pourtant  que  Saint  Quentin,  que 
l'amiral  défendoit,  fut  pris  d'allant, &  qu'il  y  tut  lui- 
même  fait  priibnnier;  6c  qu'au  contraire  le  duc  de 
Guife  fauva  Met/,  contre  les  efforts  d'une  armée 
liombreufe  qui  Paffiégeoit ,  animée  de  plus  par  (a  pré- 
fence  de  Ch.iiles-Quint  :  mais,  félon  eux  ,  l'amiral 
fit  plus  de  coups  de  maître,  plus  d'avions  de  çceur, 
Tome  II, 


CER 


859 


d'efprit,&  de  vigilance,pour  défendre  SaintQuentin, 
que  le  duc  de  Guife  pour  défendre  Metz.  On  voit 
donc  que  les  deux  partis  ne  fe  féparent  quelorfqu'il 
s'agit  de  raifonner  fur  les  faits ,  &:  non  fur  les  faits 
mêmes.  Ceux  qui  nous  font  cette  difficulté  ,  n'ont 
qu'à  jetter  les  yeux  fur  une  réflexion  de  l'illuftre 
Monlieur  de  Fontenelle,  qui ,  en  parlant  des  motifs 
que  les  hiftoriens  prêtent  à  leurs  héros  ,  nous  dit  : 
«  Nous  favons  fort  bien  que  les  hiftoriens  les  ont  de- 
»  vinés  ,  comme  ils  ont  pu  ,  &  qu'il  eft  prefque  im- 
»  poffible  qu'ils  ayent  deviné  tout-à-fait  jufte.  Ce- 
»  pendant  nous  ne  trouvons  point  mauvais  que  les 
»  hiftoriens  ayent  recherché  cet  embeiliffement,  qui 
»  ne  fort  point  de  la  vraiffemblance  ;  &  c'eft,  à  caufe 
»  de  cette  vraiffemblance ,  que  ce  mélange  de  faux 
»  que  nous  reconnoiffons ,  qui  peut  être  dans  nos  hif- 
»  toires ,  ne  nous  les  fait  pas  regarder  comme  des 
»  fables  ».  Tacite  prête  des  vues  politiques  &  pro- 
fondes à  fes  perfonnages  ,  où  Tite-Live  ne  verrait 
rien  que  de  fimple  &  de  naturel.  Croyez  les  faits 
qu'il  rapporte  ,  &  examinez  fa  politique  ;  il  eft  tou- 
jours ailé  de  diltinguer  ce  qui  eft  de  l'hiftorien  d'a- 
vec ce  qui  lui  eft  étranger.  Si  quelque  paffion  le  fait 
agir ,  elle  fe  montre ,  cV  auffi-tôt  que  vous  la  voyez  , 
elle  n'eft  plus  à  craindre.  Vous  pouvez  donc  ajouter 
foi  aux  laits  que  vous  liiez  dans  une  hiftoire ,  fur-tout 
fi  ce  même  fait  eft  rapporté  par  d'autres  hiftoriens  , 
quoique  fur  d'autres  choies  ,  ils  ne  s'accordent  point. 
Cette  pente  qu'ils  ont  à  fe  contredire  les  uns  les  au- 
tres ,  vous  affùre  de  la  vérité  des  faits  fur  lelquels  ils 
s'accordent. 

Les  hiftoriens  ,  me  direz-vous  ,  mêlent  quelque- 
fois fi  adroitement  les  faits  avec  leurs  propres  refle- 
xions auxquelles  ils  donnent  l'air  de  faits ,  qu'il  cft 
très-difficile  de  les  diftinguer.  Il  ne  fauroit  jamais 
être  difficile  de  diftinguer  un  fait  éclatanj  6c  interef- 
fant  des  propres  réflexions  de  l'hiftorien  ;  6c  d'abord 
ce  qui  cft  précifement  rapporté  de  même  par  plu- 
fieurs hiftoriens  ,  eft  évidemment  un  fait  ;  parce  que 
plufieurs  hiftoriens  ne  fauroient  faire  précifement  ta 
même  réflexion.  Il  faut  donc  que  ce  en  quoi  ils  fe  ren- 
contrent ne  dépende  pas  d'eux,  6c  leur  foit  totale- 
ment étranger  :  il  cft  donc  facile  de  diftinguer  les 
faits  d'avec  les  réflexions  de  l'hiftorien  ,  dès  que  plu- 
fieurs hiftoriens  rapportent  le  même  fait.  Si  vous  li- 
fez  ce  fait  dans  une  feule  hiftoire,  confultez  la  tradi- 
tion orale  ;  ce  qui  vous  viendra  par  elle  ne  fauroit 
être  à  l'hiftorien  ;  car  il  n'auroit  pas  pu  confier  à  la 
tradition  qui  le  précède,  ce  qu'il  n'a  penlé  que  long- 
tems  après.  Voulez-vous  vous  affûrer  encore  davan- 
tage ?  Confultez  les  monumens  ,  troifieme  cfpece  de 
tradition  propre  à  faire  paffer  les  faits  à  la  poftérité. 
Un  fait  éclatant  &  qui  intereffe  ,  entraîne  toujours 
des  fuites  après  lui  ;  fou  changer  la  ! 

toutes  les  affaires  d'un  très-grand  pays  :  les  peuples 
jaloux  de  tranfmettre  ces  laits  à  la  pofterite  ,  em- 
ployent  le  marbre  6c  l'airain  pour  en  perpétuer  la 
mémoire.  On  peut  dire  d'Athènes  6c  de  Rome  , 
qu'on  y  marche  encore  aujourd'hui  fur  (.les  monu- 
mens qui  confirment  leur  hiltoire  :  cette  efpecc  de 
tradition,  après  la  tradition  orale,  cft  la  plus  ancien- 
ne ;  les  peuples  de  tous  les  tems  ont  été  très-attentifs 
à  conlcrvcr  la  mémoire  de  certains  faits.  Dans  CCS 
premiers  tems  voifins  du  cahos ,  un  monceau  de  pier- 
res brutes  avertiffoit  qu'en  cet  endroit  d  s'étok  parte 
quelque  choie  d'intereffant.  Après  la  découverte  des 
Ans  ,  on  vit  élever  des  colonnes  &  des  pyramides 
pour  immortalifer  e  •  dans  la  fuite  le» 

ent  pus  particulièrement: 
l'invention  des  letl  '  '  mémoire  ,  6c  l'aida 

à  porter  le  poids  de  tant  de  Faits  qui  l'auraient  enfin 
accablée.  On  ne  cefl  t  point 

monumens  .  c  <  Fen  ■'  lc  Pll,s  écrit, font 

ceux  où  l'on  a  fait  les  plus  beaux  monumens  de  toute 
Q  Q  q  q  q  ij 


S<5o 


C  E 


R 


efpece.  Un  événement  intéreffant  qui  fait  prendre  la 
plume  à  l'hiftorien ,  met  le  cifeau  à  la  main  du  Sculp- 
teur ,  le  pinceau  à  la  main  du  Peintre  ;  en  un  mot , 
échauffe  le  génie  de  prefque  tous  les  Artiftes.  Si  l'on 
doit  interroger  l'hiftoire  pour  favoir  ce  que  les  mo- 
numens  représentent ,  on  doit  auffi  confulter  les  mo- 
numens  pour  lavoir  s'ils  confirment  l'hiltoire.  Si  quel- 
qu'un voyoit  les  tableaux  du  célèbre  Rubens  ,  qui 
font  l'ornement  de  la  galerie  du  palais  du  Luxem- 
bourg ;  il  n'y  apprendroit ,  je  l'avoue  ,  aucun  fait  dù- 
tinft  ;  ces  tableaux  l'avertiroient  feulement  d'admirer 
les  chefs-d'œuvre  d'un  des  plus  grands  Peintres;  mais 
ii  après  avoir  lu  l'hiltoire  de  Marie  de  Médicis  ,  il  le 
tranfportoit  dans  cette  galerie,  ce  ne  feraient  plus 
de  fimples  tableaux  pour  lui  :  ici  il  verroit  la  céré- 
.  monie  du  mariage  de  Henri  le  Grand  avec  cette  prin- 
ceffe  :  là  cette  reine  pleurer  avec  la  France  la  mort 
de  ce  grand  roi.  Les  monumens  muets  attendent  que 
l'hiftoire  ait  parlé  pour  nous  apprendre  quelque  cho- 
ie ;  l'hiltoire  détermine  le  héros  des  exploits  qu'on 
raconte ,  &  les  monumens  les  confirment.  Quelque- 
fois tout  ce  qu'on  voit  fous  fes  yeux  lert  à  atteftcr 
une  hiftoire  qu'on  a  entre  les  mains  :  paffez  en  orient, 
&  prenez  la  vie  de  Mahomet  ;  ce  que  vous  verrez  &£ 
ce  que  vous  lirez,  vous  inltruiront  également  de  la 
révolution  étonnante  qu'a  fouffert  cette  partie  du 
monde  ;  les  églifes  changées  en  mofquées  vous  ap- 
prendront la  nouveauté  de  la  religion  Mahométane  ; 
vous  y  diltinguerez  les  relies  de  l'ancien  peuple  de 
ceux  qui  les  ont  alfervis  ;  aux  beaux  morceaux  que 
vous  y  trouverez  ,  vous  reconnoîtrez  aifément  que 
ce  pays  n'a  pas  toujours  été  dans  la  barbarie  oii  il  eft 
plongé  :  chaque  turban,  pour  ainfi  dire,  fervira  à 
vous  confirmer  l'hiftoire  de  cet  impofteur. 

Nous  direz-vous  que  les  erreurs  les  plus  grolfieres 
ont  leurs  monumens ,  ainii  que  les  faits  les  plus  avé- 
rés ,  &  quele  monde  entier  étoit  autrefois  rempli  de 
temples  ,  de  ftatues  érigées  en  mémoire  de  quelque 
action  éclatante  des  dieux  que  la  fuperftition  adoroit  ? 
Nous  oppoferez-vous  •  encore  certains  faits  de  l'hif- 
toire Romaine,  comme  ceux  d'Attius  Navius,  &de 
Curtius  ?  Voici  comme  Tite-Live  raconte  ces  deux 
faits.  Attius  Navius  étant  augure  ,Tarquinius  Prilcus 
voulut  faire  une  augmentation  à  la  cavalerie  Romai- 
ne ;  il  n'avoit  point  confulté  le  vol  des  oifeaux,  per- 
fuadé  que  la  foibleffe  de  fa  cavalerie  qui  venoit  de 
paraître  au  dernier  combat  contre  les  Sabins ,  l'inf- 
truifoit  beaucoup  mieux  fur  la  néceiiité  de  l'on  aug- 
mentation que  tous  les  augures  du  monde.  Attius 
Navius ,  augure  zélé  ,  l'arrêta  &c  lui  dit ,  qu'il  n'étoit 
peint  permis  de  faire  aucune  innovation  dans  l'état, 
qu'elle  n'eût  été  délignée  par  les  oifeaux.  Tarquin, 
outré  de  dépit ,  parce  que  ,  comme  on  dit ,  il  n'ajoû- 
toit  pas  beaucoup  de  foi  à  ces  fortes  de  chofes  :  eh 
bien,  dit-il  à  l'augure  ,  vous  qui  connoiffez  l'avenir , 
ce  que  je  penfe  eft-il  poffible  ?  Celui-ci  après  avoir 
interrogé  l'on  art ,  lui  répondit  que  ce  qu'd  penfoit 
étoit  poiftble.  Or,  dit  Tarquin  ,  coupez  cette  pierre 
avec  votre  rafoir  ;  car  c'étoit-là  ce  que  je  penfois. 
L'augure  exécuta  fur  le  champ  ce  que  Tarquin  déli- 
rait de  lui  :  en  mémoire  de  cette  action  ,  on  érigea 
fur  le  heu  même  oii  elle  s'étoit  paffée  ,  à  Attius  Na- 
vius une  ftatue  ,  dont  la  tête  étoit  couverte  d'un  voi- 
le ,  &  qui  avoit  à  fes  pies  le  rafoir  &  la  pierre ,  afin 
que  ce  monument  fît  paffer  le  fait  à  la  poftérité.  Le 
fait  de  Curtius  étoit  aufii  très-célebre  :  un  tremble- 
ment de  terre ,  ou  je  ne  fais  quelle  autre  caufe  ,  fit 
entr'ouvrir  le  milieu  de  la  place  publique ,  &  y  forma 
un  gouffre  d'une  profondeur  immenle.  On  confulta 
les  dieux  fur  cet  événement  extraordinaire  ,  &  ils 
répondirent,  qu'inutilement  on  entreprendroit  de  le 
combler  ;  qu'il  falloit  y  jetter  ce  que  l'on  avoit  de 
plus  précieux  dans  Rome ,  &  qu'à  ce  prix  ce  gouffre 
fe  refermerait  de  lui-même.  Curtius,  jeune  guerrier. 


C  E  R 

plein  d'audace  &  de  fermeté ,  crut  devoir  cefacrificc 
à  fa  patrie ,  &C  s'y  précipita  ;  le  gouffre  fe  referma  à 
Finftant,  Se  cet  endroit  a  retenu  depuis  le  nom  du 
lac  Curtius  ,  monument  bien  propre  à  le  faire  paffer 
à  la  poftérité.  Voilà  les  faits  qu'on  nous  oppofe  pour 
détruire  ce  que  nous  avons  dit  fur  les  monumens. 

Un  monument ,  je  l'avoue,  n'eft  pas  un  bon  ga- 
rant pour  la  vérité  d'un  fait ,  à  moins  qu'il  n'ait  été 
érigé  dans  le  tems  même  où  le  fait  eft  arrivé ,  pour 
en  perpétuer  le  fouvenir  :  fi  ce  n'eft  que  long  tems 
après ,  il  perd  toute  ion  autorité  par  rapport  à  la  vé- 
rité du  fait  :  tout  ce  qu'il  prouve ,  c'eft  que  du  tems 
où  il  fut  érigé  la  créance  de  ce  fait  étoit  publique  : 
mais  comme  un  fait,  quelque  notoriété  qu'il  ait, 
peut  avoir  pour  origine  une  tradition  erronée  ,  il 
s'enfuit  que  le  monument  qu'on  élèvera  long  tems 
après  ne  peut  le  rendre  plus  croyable  qu'il  l'eft  alors. 
Or  tels  font  les  monumens  qui  rempliffoient  le  mon- 
de entier,  lorfque  les  ténèbres  du  paganifme  cou- 
vroient  toute  la  face  de  la  terre.  Ni  l'hiftoire  ,  ni  la 
tradition ,  ni  ces  monumens  ne  remontoient  jufqu'à 
l'origine  des  faits  qu'ils  repréfentoient  ;  ils  n'étoient 
donc  pas  propres  à  prouver  la  vérité  du  fait  en  lui- 
même  ;  car  le  monument  ne  commence  à  fervir  de 
preuve  que  du  jour  qu'il  eft  érigé  :  l'eft -il  dans  le 
tems  même  du  fait,  il  prouve  alors  fa  réalité ,  parce 
qu'en  quelque  tems  qu'il  foit  élevé  ,  on  ne  iauroit 
douter  qu'alors  le  fait  ne  paffât  pour  confiant":  or  un 
fait  qui  paffe  pour  vrai  dans  le  tems  même  qu'on  dit 
qu'il  eft  arrivé ,  porte  par-là  un  caradere  de  vérité  au- 
quel on  ne  fauroit  fe  méprendre,  puifqu'il  ne  fauroît 
être  faux ,  que  les  contemporains  de  ce  fait  n'ayent 
été  trompés  ,  ce  qui  eft  impoffible  fur  un  fait  pu- 
blic &  intéreffant.  Tous  les  monumens  qu'on  cite  de 
l'ancienne  Grèce  &  des  autres  pays  ne  peuvent  donc 
fervir  qu'à  prouver  que  dans  le  tems  qu'on  les  érigea 
on  croyoit  ces  faits ,  ce  qui  eft  très-vrai  ;  &  c'eft  ce 
qui  démontre  ce  que  nous  difons  ,  que  la  tradition 
des  monumens  eft  infaillible  lorfque  vous  ne  lui  de- 
mandez que  ce  qu'elle  doit  rapporter ,  lavoir  la  vé- 
rité du  fait ,  loriqu'ils  remontent  jufqu'au  fait  même , 
&  la  croyance  publique  fur  un  fait ,  lorfqu'ils  n'ont 
été  c;  igés  que  long-tems  après  ce  fait.  On  trouve ,  il 
eft  vrai ,  les  faits  d'Attius  Navius  &  de  Curtius  dans 
Tite-Live  ;  mais  il  ne  faut  que  lire  cet  hiftorien ,  pour 
être  convaincu  qu'ils  ne  nous  font  point  contraires. 
Tite-Live  n'a  jamais  vu  la  ftatue  d'Attius  Navius  ,  il 
n'en  parle  que  fur  un  bruit  populaire  ;  ce  n'eft  donc 
pas  un  monument  qu'on  puiffe  nous  oppofer,  il  fau- 
drait qu'il  eiit  fubfifté  du  tems  de  Tite-Live  :  &  d'ail- 
leurs qu'on  compare  ce  fait  avec  celui  de  la  mort  de 
Lucrèce ,  &  les  autres  faits  inconteftables  de  l'hif- 
toire Romaine  ;  on  verra  que  dans  ceux-ci  la  plume 
de  l'hiftorien  eft  ferme  &  affûrée ,  au  lieu  que  dans 
celui-là  elle  chancelle ,  &  le  doute  eft  comme  peint 
dans  la  narration  [  Id  quia  inaugurât)  Romulus  fece- 
rat,  neg avit  Attius  Navius,  inclitus  ed  tempejlatc  augurt 
neque  mutari  neque  novum  conflitui ,  niji  aves  addixif- 
fent  ,  pojfe.  Ex  eo  ira  régi  motâ  eludereque  arum  (  ut 
firunt~)  agindum  ,  inquit ,  divins  tu,  inaugura,  fort 
ne  pofjlt  quod  nunc  ego  meftte  concipio  ?  cum  ille  in  au- 
gurio  rem  expertus  proficlo  futur am  dixiffet  ;  atqui  hxc 
animo  agitavi ,  te  novaculà  cotem  difcifjurum  :  cape  hœc 
&  perage  quod  aves  tuœfieri  pojfe  portendunt.  Tum  il- 
lum  haud  cuncianter  difcidijfe  cotem  ferunt.  Statua  Attii 
pofita  capite  velato  ,  quo  in  loco  res  acîa  ejl ,  in  comitto, 
in  gradibus  ipfîs  ad  lœvam  curiœ  fuit  ;  cotem  quoque  eo- 
dem  loco  fitam  fuiffe  memorant ,  ut  effet  ad  pofleros  mi- 
raculi  ejus  monumentum.  Titus  Liv.  lib.  I.  Tarq.  Prii. 
reg.] .  Il  y  a  plus ,  je  crois  que  cette  ftatue  n'a  jamais 
exifté  ;  car  enfin  y  a-t-il  apparence  que  les  prêtres 
&  les  augures  ,  qui  étoiénf  fi  puiffans  à  Rome ,  euf- 
fent  fouffert  la  ruine  d'un  monument  qui  leur  étoit 
fi  favorable  ?  6v  fi  dans  les  orages  qui  faillirent  à  en- 


C  E  R 

gloiitir  Rome  ce  monument  avoit  été  détruit ,  n'au- 
roient-iis  pas  eu  grand  loin  de  le  remettre  iur  pic 
dans  un  tems  plus  calme  &  plus  ferein  ?  le  peuple 
lui-même,  fiiperftitieux  comme  il  étoit,  l'auroit  de- 
mandé. Cicéronqui  rapporte  le  même  fait,  ne  parle 
point  de  la  ftatue  ,  ni  du  rafoir ,  ni  de  la  pierre  qu'on 
voyoit  à  l'es  pies  ;  il  dit  au  contraire  que  la  pierre 
&  le  rafoir  furent  enfouis  dans  la  place  où  le  peu- 
ple Romain  s'aflembloit.  Il  y  a  plus ,  ce  fait  eft  d'une 
autre  nature  dans  Cicéron  que  dansTiteLive:  dans 
celui-ci  Attius  Navius  déplaît  à  Tarquin ,  qui  cher- 
che à  le  rendre  ridicule  aux  yeux  du  peuple,  par  une 
queftion  captieufe  qu'il  lui  fait:  mais  l'augure,  en 
exécutant  ce  que  Tarquin  demande  de  lui ,  fait  fer- 
vir  la  fubtilité  même  de  ce  roi  philofophe  à  lui  faire 
refpecler  le  vol  des  oileaux  qu'il  paroilfoit  méprifer. 
T  Ex  quo  faclum  efi  ,  ut  tum  (  Attium  Navium  )  ad  Je 
rex  Pri feus  accerfiret.  Cujus  cum  tentant  Jcientiam  au- 
gurants ,  dixit  eife  cogitare  quiddam  :  id pofjet  ne  fieri 
confuluit.  Ille  ,  inaugurio  aclo  ,  pojfe  rejpondit  :  Tarqui- 
nius  autem  dixit  Je  cogitajfc  cotem  novaculà  pojfe  prœ- 
cidi.  Tum  Attium  juffijje  experiri ,  ita  cotem  in  comitium 
allatam  ,  inspectante  &  rege  &  populo  ,  novaculà  ejfe  dij- 
cijjam.  In  eo  evenit  ut  &  Tarquinius  augure  Attio  Na- 
vio  uteretur ,  &  populus  dej'uis  rébus  ad  eum  referret.  Co- 
tem autem  illam  &  novaculam  defoffam  in  comitio  ,  fu- 
praque  impofuum  puteal  accepimus.  Cicer.  de  Divinit. 
lib.  1.]  Dans  celui-là  Attius  Navius  elt  une  créature 
de  Tarquin ,  &  l'inft  ruinent  dont  il  lé  fert  pour  tirer 
parti  de  la  luperftition  des  Romains.  Bien  loin  de  lui 
déplaire  en  s'ingérant  dans  les  affaires  d'état ,  c'étoit 
ce  roi  lui-même  qui  l'avoit  appelle  auprès  de  fa  per- 
fonne  fans  doute  pour  l'y  faire,  entrer.  Dans  Cicé- 
ron ,  la  queftion  que  Tarquin  fait  à  l'augure  n'eft: 
point  captieufe  ,  elle  paroît  au  contraire  préparée 
pour  nourrir  &  fomenter  la  luperftition  du  peuple. 
Il  la  propofe  chez  lui  à  Attius  Navius ,  &  non  dans 
la  place  publique  en  prélence  du  peuple  ,  fans  que 
l'augure  s'y  attendît.  Ce  n'eft  point  la  première  pier- 
re qui  tombe  fous  la  main  dont  on  fe  fert  pour  latis- 
faire  à  la  demande  du  roi ,  l'augure  a  foin  de  l'appor- 
ter avec  lui  :  on  voit  en  un  mot  dans  Cicéron ,  Attius 
Navius  d'intelligence  avec  Tarquin  pour  jouer  le 
peuple  ;  l'augure  &  le  roi  paroiffent  penfer  de  même 
iur  le  vol  des  oifeaux.  Dans  Tite  Live  au  contraire, 
Attius  Navius  elt  un  payen  dévot  qui  s'oppoiè  avec 
zèle  à  l'incrédulité  d'un  roi ,  dont  la  philofophie  au- 
roit  pu  porter  coup  aux  fuperllitions  du  paganifme. 
Quel  fond  peut-on  faire  fur  un  fait  fur  lequel  on  va- 
rie tant ,  &  quels  monumens  nous  oppofe-t-on?  ceux 
dont  les  auteurs  qui  en  parlent  ne  conviennent  pas. 
Si  on  écoute  l'un  ,  c'eft  une  ftatue  ;  fi  on  écoute  l'au- 
tre ,  c'eft  une  couverture.  Selon  Tite  Live  le  rafoir 
ik.  la  pierre  fe  virent  long-tems,  &  félon  Cicéron  on 
les  enfouit  dans  la  place  [  Cura  non  deejfet ,  fi  qua  ad 
verum  via  inquirentem  ferret ,  mine  famd  rei uni  Jlandum 
cil ,  ubi  certain  derogat  vetujlasjidem  ;  &  licus  nomen  ab 
hue  recentiore  infignituis  fabula  cjl.  Tit.  Liv.  lib.  VII. 
q.  ferv.  L.].  Le  fait  de  Curtius  ne  favorife  pas  davan- 
tage les  Sceptiques  ;  Tite  Live  lui-même  qui  le  rap- 
porte, nous  fournit  la  réponfe.  Selon  cet  hiltorien, 
il  feroit  difficile  de  s'aflurer  de  la  vérité  de  ce  fait  G 
on  vouloit  la  rechercher  ;  il  lent  qu'il  n'a  point  affez 
dit,  car  bien-tôt  après  il  le  traite  de  fable.  C'elldonc 
avec  la  plus  grande  injuftice  qu'on  nous  l'oppofe, 
puifque  du  tems  de  Tite  Live  ,  par  qui  on  le  fait,  il 
n'y  en  avoit  aucune- preuve  ;  je  dis  plus ,  puifque  du 
de  cet  hiltorien  il  pailbit  pour  fabuleux. 
Que  le  Pyrrhonien  ouvre  donc  enfin  les  yeux  à  la 
lumière ,  év  qu'il  reconnoiiié  avec  nous  une  règle  de 
vérité  pour  les  laits.  Peut-il  en  nier  l'exiftence  ,  lui 
qui  cil  forcé  de  reconnoitre  pour  vrais  certains  faits, 
quoique  la  vanité  ,  Ion  intérêt ,  toutes  lès  pallions  en 
un  mot  paroilient  çonipirer  cnfemble  pour  lui  en  de- 


C  E  R 


85i 


guifer  la  vérité  ?  je  ne  demande  pour  jugé  entre  lui 
6c  moi ,  que  fon  fentiment  intime.  S'il  effaye  de  dou- 
ter de  la  vérité  de  certains  faits ,  n'éprouve-t-il  pas 
de  la  part  de  fa  raifon  la  même  réfift ance  que  s'il  ten- 
toit  de  douter  des  propofitions  les  plus  évidentes:  & 
s'il  jette  les  yeux  fur  la  foeiété ,  il  achèvera  de  fe  con- 
vaincre ,  puifque  fans  une  règle  de  vérité  pour  les 
faits  elle  ne  fauroit  fubfifter. 

Eft-il  affùré  de  la  réalité  de  la  règle ,  il  ne  fera  pas 
long-tems  à  s'appercevoir  en  quoi  elle  confifte.  Ses 
yeux  toujours  ouverts  fur  quelqu'objet ,  &  fon  juge- 
ment toujours  conforme  à  ce  que  fes  yeux  lui  rap- 
portent ,  lui  feront  connoître  que  les  fens  font  pour 
les  témoins  oculaires  la  règle  infaillible  qu'ils  doi- 
vent fuivre  fur  les  faits.  Ce  jour  mémorable  fe  pré- 
fentera  d'abord  à  fon  cfprit ,  où  le  monarque  Fran- 
çois ,  dans  les  champs  de  Fontcnoi ,  étonna  par  fon 
intrépidité  &  fes  fujets  &  fes  ennemis.  Témoin  oculai- 
re de  cette  bonté  paternelle  qui  fit  chérir  Louis  aux 
loldats  Anglois  même,  encore  tout  fumans  du  fang 
qu'ils  avoient  verfé  pour  fa  gloire ,  fes  entrailles  s'é- 
mûrent  &  fon  amour  redoubla  pour  un  roi ,  qui ,  non 
content  de  veiller  au  falut  de  l'état,  veut  bien  def- 
cendre  julqu'à  veiller  fur  celui  de  chaque  particulier. 
Ce  qu'il  lent  depuis  pour  fon  roi,  lui  rappelle  à  cha- 
que inftant  que  ces  fentimens  font  entrés  dans  fon 
cœur  fur  le  rapport  de  fes  fens. 

Toutes  les  bouches  s'ouvrent  pour  annoncer  aux 
contemporains  des  faits  fi  éclatans.  Tous  ces  diffé- 
rens  peuples ,  qui  malgré  leurs  intérêts  divers ,  leurs 
pallions  oppofées,  mêlèrent  leur  voix  au  concert  de 
louanges  que  les  vainqueurs  donnoient  à  la  valeur, 
à  la  fageffe,  &  à  la  modération  de  notre  monarque, 
ne  permirent  pas  aux  contemporains  de  douter  des 
faits  qu'on  leur  apprenoit.  C'eft  moins  le  nombre  des 
témoins  qui  nous  affûre  ces  faits ,  que  la  combinaifon 
de  leurs  cara&eres  tk.  de  leurs  intérêts ,  tant  entr'eux 
qu'avec  les  faits  mêmes.  Le  témoignage  de  liv  An- 
glois ,  fur  les  viefoires  de  Melle  &  de  Lauffeld  ,  me 
fera  plus  d'impreffion  que  celui  de  douze  François. 
Des  faits  ainfi  confiâtes  dans  leur  origine ,  ne  peu- 
vent manquer  d'aller  à  la  poftérité  :  ce  point  d'appui 
elt  trop  ferme ,  pour  qu'on  doive  craindre  que  la 
chaîne  de  la  tradition  en  foit  jamais  détachée.  Les 
âges  ont  beau  fe  fuccéder ,  la  foeiété  relie  toujours 
la  même ,  parce  qu'on  ne  fauroit  fixer  un  tems  où 
tous  les  hommes  puiffent  changer.  Dans  la  fuite  des 
fieclcs ,  quelque  diftance  qu'on  lùppofe  ,  il  fera  tou- 
jours ailé  de  remonter  à  cette  époque ,  où  le  nom 
flateur  de  Bien-aimè  fut  donné  à  ce  roi ,  qui  porte  la 
couronne ,  non  pour  enorgueillir  fa  tête  ,  mais  pour 
mettre  à  l'abri  celle  de  les  fujets.  La  tradition  orale 
conferve  ces  grands  traits  de  la  vie  d'un  homme  , 
trop  frappans  pour  être  jamais  oubliés  :  mais  elle 
laine  échapper  à  travers  l'efpace  immenlè  des  lîe- 
cles  mille  petits  détails  &  mille  circonitances ,  tou- 
jours intéreffantes  lorlqu'elles  tiennent  à  des  faits 
éclatans.  Les  vicloires  de  Melle,  de  Raucoux  &  de 
Lauffeld  pafferont  de  bouche  en  bouche  à  la  pofté- 
rité :  mais  fi  l'hiftoire  ne  le  joignoit  a  cette  tradition, 
combien  de  circonftances ,  glorieules  au  grand  gé- 
néral que  le  Roi  charge?,  du  deftin  de  la  France,  fe 
précipiteroient  dans  l'oubli  !  On  le  fouviendra  tou- 
jours que  Bruxelles  fut  emporté  au  plus  fort  de  l'hy- 
ver  ;  que  Berg-op-zoom,ce  fatal  écucilde  la  gloire 
des  Requefens,  des  Pannes  &  des  Spinolas,  ces  hé- 
ros de  leur  liecle ,  fut  pris  d'allant;  que  le  liège  do 
Maftreieh  termina  la  guerre  :  mais  on  ignorerait  fans 
le  lecours  de  l'hiftoire  ,  quels  nouveaux  fecrets  de 
fart  de  la  guerre  fuient  déployés  devant  Bruxelles  & 
Berg-op-zoom ,& quelle  intelligence  lublime  difper- 
l'a  lès  ennemis  rangés  autour  des  murailles  de  Maf- 
treieh ,  pour  ouvrir  à  travers  leur  armée  un  pallage 
à  la  notre ,  afin  d'en  faire  le  liège  en  fa  prélence. 


862 


CER 


La  poftérité  aura  fans  doute  peine  à  croire  tous 
ces  hauts  faits  ;  &  les  monumens  qu'elle  verra ,  fe- 
ront bien  ncceffaires  pour  la  raffiner.  Tous  les  traits 
que  l'hiftoire  lui  préfentera  fe  trouveront  comme 
animés  dans  le  marbre ,  dans  l'airain  &  dans  le  bron- 
ze. L'école  militaire  lui  fera  connoître  comment  dans 
une  grande  ame  les  vues  les  plus  étendues  &c  la  plus 
profonde  politique  fe  lient  naturellement  avec  un 
amour  fimple  &  vraiment  paternel.  Les  titres  de  no- 
blette  ,  accordés  aux  officiers  qui  n'en  avoient  enco- 
re que  les  fentimens,  feront  à  jamais  un  monument 
authentique  de  fon  eftime  pour  la  valeur  militaire. 
Ce  feront  comme  les  preuves  que  les  hiftoriens  traî- 
neront après  eux ,  pour  dépofer  en  faveur  de  leur  fin- 
cérité,  dans  les  grands  traits  dont  ils  orneront  le  ta- 
bleau de  ieur  roi.  Les  témoins  oculaires  font  afiùres 
par  leurs  fens  de  ces  faits  qui  caradérifent  ce  grand 
monarque  ;  les  contemporains  ne  peuvent  en  douter, 
à  caufe  de  la  dépofition  unanime  de  plulieurs  témoins 
oculaires,  entre  lefqnels  toute  collufion  eft  impofïï- 
ble,  tant  par  leurs  intérêts  divers ,  que  par  leurs  pal- 
lions oppofées  ;  &  la  poftérité  qui  verra  venir  à  elle 
tous  ces  faits  par  la  tradition  orale ,  par  l'hiftoire  & 
par  les  monumens ,  connoitra  aifément  que  la  leule 
vérité  peut  réunir  ces  trois  caractères. 

*  Cejlainjîqu,il  convient  de  défendre  la  religion.  Voilà 
ce  qu'on  peut  ap piller  prendre  fon  ennemi  corps  à  corps,  & 
l'attaquer  par  les  endroits  les  plus  inacccffibles.  Ici  tout  ejl 
rempli  de  fins  &  d'énergie  ,  &  il  n'y  a  pas  la  moindre 
teinture  de  fiel.  On  n'a  pas  craint  de  laiffir  à  fon  anta- 
gonifie  ce  qu'il  pouvait  avoir  d'adreffe  &  cTejprit ,  parce 
qu'on  étoitjùr  d'en  avoir  plus  qui  lui.  On  L'a  fait  pa- 
roitre  fur  le  champ  de  bataille  avec  tout  Part  dont  ilétoit 
capable ,  &  on  ne  l'a  point  furpris  lâchement ,  parce  qu'il 
it  qu'il  je  confejjat  lui-même  vaincu  ,  &  qu'on  pou- 
voitj'e  promettre  cet  avantage.  Qu'on  compare  cette  dif- 
Jèrtation  avec  ce  qu'on  a  publié  juj'qu  à  préfent  de  plus 
fon  fur  la  même  matière ,  &  l'on  conviendra  que  fi  quel- 
qu'un avoit  donné  lieu  à  un  fi  bel  écrit,  par  les  ob- 
jections qu'on  y  réfout ,  il  auroit  rendu  un  fin  ice  impor- 
tant à  la  religion,  quoiqu'il  y  eût  eu  peut-être  de  la  té- 
mérité à  les  propofer ,  Jurtout  en  langue  vulgaire.  Je  dis 
peut-être ,  parce  que  C évidence  eft  jure  d'obtenir  tôt  ou 
tard  un  pardi  triomphe  fur  les  prefùges  du  fophifme.  Le 
menfonge  a  beau  fouffLer  jur  le  flambeau  de  la  vérité , 
loin  de  l'éteindre,  tous  Jes  efforts  ne  j'ont  qu'en  redoubler 
l'éclat.  Si  l'auteur  des  Penjées  philofophiques  aimoit  un 
peu  fon  ouvrage  ,  il  feroit  bien  content  de  trois  ou  quatre 
auteurs  que  nous  ne  nommerons  point  ici  par  égard  pour 
leur  çcle  &  par  refpecl  pour  leur  caufe  :  mais  en  revan- 
che, qu'il  feroit  mécontent  de  M.  L'Abbé  de  Prades,  s'il 
n' aimoit  infiniment  la  vérité!  Nous  invitons  ce  dernier 
àjuivrefa  carrière  avec  courage ,  &  à  employer  fies  grands 
talens  à  la  définfe  du  feul  culte  fur  la  terre  qui  mérite  un 
dèfehfeur  tel  que  lui.  Nous  difons  aux  autres  &  à  ceux  qui 
firoient  tentés  de  les  imiter  :  fâchez  qu'il  n'y  a  point  d 'ob- 
jections qui  puiffent  faire  à  la  religion  autant  de  mal 
que  les  mauvaifes  réponfes  :  fâchez  que  telle  eft  la 
méchanceté  des  hommes  ,  que  fi  vous  n'avez  rien 
dit  qui  vaille,  on  avilira  votre  caufe,  en  vous  fai- 
fant  l'honneur  de  croire  qu'il  n'y  avoit  rien  de  mieux 
à  dire. 

CERVAISON ,  fub.  f.  (Vénerie.)  on  appelle  de  ce 
nom  le  tems  où  le  cerf  eft  en  embonpoint. 

C  ER  VAR  A,  (  Géog.  )  petite  ville  du  Portugal , 
dans  la  province  de  Tra-los-montes ,  près  du  Minho. 

CERVARO,  {Géog.)  rivière  d'Italie,  au  royau- 
me de  Naples,  dans  la  Capitanate. 

CERVEAU,  f.  m.  (Anatom.)  ou  ce  qu'on  appelle 
vulgairement  la  cervelle,  eft  le  nom  qu'on  a  donné 
en  général  à  toute  la  maffe  molle ,  en  partie  grifâ- 
tre ,  en  partie  blanchâtre ,  qui  eft  renfermée  dans  le 
crâne,  laquelle  eft  la  fource  de  nos  fens,  ôc  où  l'on 


C  ER 

prétend  que  l'ame  réfide  d'une  manière  particulière. 
Foye^  Crâne  &  Ame. 

Quand  on  a  ouvert  le  crâne,  on  trouve  une  maffe 
qui  en  occupe  toute  la  cavité,  &  qui  eft  enveloppée 
de  différentes  membranes:  la  première  qui  fe  pré- 
fente  c'eft  la  dure-mere  ,  qui  revêt  les  os  en-dedans, 
&  leur  fert  de  périofte  :  elle  divife  le  cerveau  en  dif- 
férentes parties  au  moyen  de  fes  différens  replis , 
dont  les  principaux  font  la  faux  &  la  tente ,  &c.  Sous 
cette  membrane  il  s'en  trouve  une  autre  qui  s'enfon- 
ce dans  les  an  'Ta&uofités  du  cerveau  ,  &  qu'on  appel- 
le pie-mere.  C'eft  dans  les  duplicatures  qu'elle  forme, 
en  s'enfonçant  dans  les  anrractuofités ,  que  font  ren- 
fermés les  vaifTeaux  du  cerveau.  Vayt[  Membrane, 
Dure-mere  ,  &c.  voye{  aufji  nos  PI.  d'Anatomie. 

Ces  membranes  levées ,  on  voit  la  lubftance  du 
cerveau ,  qui  forme  une  infinité  de  plis  profonds  , 
dont  les  circonvolutions  imitent  à  peu-près  celles  des 
inteftins  :  fi  on  coupe  allez  profondément  quelques- 
uns  de  ces  plis,  on  obferve  qu'ils  font  compofés  d'u- 
ne fubllance  de  deux  couleurs  différentes ,  dont  la 
partie  externe  eft  de  couleur  de  cendre,  &  a  été  en 
conféquence  appellée  Jubjiance  cendrée  ou  fabftance 
corticale ;  elle  eft  glanduleufe  fuivant  quelques  au- 
teurs ;  mais  l'analyfe  de  ces  parties  eft  li  difficile , 
qu'on  ne  peut  rien  avancer  là-deffus  que  de  conjec- 
tural. La  partie  interne  des  différens  replis  eft  blaiv 
châtre,  &  fe  nomme  Jubjiance  médullaire.  Voyc?^  V ar- 
ticle Cendrée. 

On  divife  le  cerveau  en  trois  parties  principales  , 
favoir,  le  cerveau  ftriclement  pris  ,  le  cervelet,  &  la 
moelle  allongée.  Foye{  Cervelet  &  Moelle, 
voye^  auffi  nos  Plamlies. 

Le  mot  cerveau  pris  dans  un  fens  plus  particulier, 
fignifie  donc  cette  partie  fuperficiellement  grifâtre, 
qui  occupe  toute  la  portion  fupérieure  de  la  cavité 
du  crâne  ,  &  dont  la  figure  eft  une  convexité  ovalai- 
re  affez  approchante  de  la  moitié  d'un  œuf  qu'on  au- 
roit coupé  en  deux  parties  égales  par  le  même  dia- 
mètre, fans  les  éloigner  l'une  de  l'autre;  la  groffe 
extrémité  de  la  convexité  ovalaire  eft  fituée  pofté- 
rieurement;  la  petite  antérieurement. 

La  fiffure  dans  laquelle  rampent  les  artères,  lon- 
gue ,  plus  profonde  que  les  autres  filions  du  cerveau, 
&  qui  s'appelle  fifure  de  Sylvius,  lepare  le  cerveau  en 
lobes  antérieurs  8t  pollérieurs  ;  mais  comme  le  cer- 
veau conlidéré  dans  fa  partie  inférieure,  paroît  de 
chaque  côté  diftingué  en  trois  parties ,  on  leur  a  don- 
né à  chacune  le  nom  de  lobe.  Voye^  Lobe. 

En  éloignant  un  peu  ces  deux  portions  du  cen  eau 
l'une  de  l'autre,  on  obferve  la  fùrface  d'un  corps 
blanc  nommé  corps  calleux.  Voye^  Corps  Cal- 
leux. 

Si  on  enlevé  adroitement  de  chaque  portion  tous 
les  filions  mélangés  de  la  lubftance  tant  cendrée  que 
médullaire ,  jufqu'à  ce  qu'on  n'obferve  plus  que  la 
médullaire ,  on  formera  fur  les  parties  latérales  du 
corps  calleux  deux  convexités  médullaires  de  figure 
ovalaire  ,  qu'on  nomme  centre  ovale:  en  coupant  ces 
convexités  tout  le  long  du  corps  calleux,  &  à  quatre 
ou  cinq  lignes  de  diftance  de  ce  même  corps ,  on  dé- 
couvre deux  cavités ,  une  de  chaque  côté ,  nommées 
ventricules  antérieurs,  féparées  l'une  de  l'autre  par 
une  membrane  médullaire  qui  règne  tout  le  long  de 
la  partie  moyenne  de  la  face  inférieure  du  corps  cal- 
leux ,  &  à  laquelle  on  a  donné  le  nom  defeptum  luci- 
dum.  Voyei  CENTRE,  VENTRICULE,  &C. 

Les  deux  lames  médullaires  dont  lejéptum  lucidum 
eft  formé ,  finiffent  antérieurement  par  deux  produc- 
tions qui  font  fort  près  l'une  de  l'autre ,  &  en  arrière 
par  deux  autres  plus  fenfibles  qui  s'écartent  vers  les 
côtés ,  en  formant  de  petites  bandelettes  fur  un  corps 
qui  a  la  figure  d'un  ver  à  foie  en  nymphe ,  &  qui 
luit  la  corne  inférieure  des  ventricules  ;  on  ies  nom- 


CER 


C  E  R 


me  cornes  d'ammon,  Se  la  partie  du  ventricule  dans 
laquelle  ils  fe  rencontrent  ,finus  bonbycinus  ,  ou/i/ius 
du  vers  àjbie.  Voyc^  CORNE  &  SlNUS. 

Toute  l'étendue  du  bord  inférieur  àwfeptum  luci- 
dum,  porte  le  nom  de  voûte  à  trois  piliers,  Voy  Voû- 
TE. 

La  furface  inférieure  du  plancher  triangulaire  for- 
mé par  la  voûte  à  trois  piliers  ,  eft  toute  remplie  de 
lignes  médullaires ,  tranfverfes  &  raillantes.  Les  an- 
cien: ont  donné  le  nom  de  pfalloides  &  de  lyre  à  cet 
efpace ,  à  caufe  de  ces  fibres.  Le  plexus  choroïde  eft 
fous  la  lyre  ,  &  fuit  les  cornes  d'ammon. 

Cette  voûte  étant  levée  avec  le  plexus  choroïde , 
on  trouve  quatre  éminences  dans  les  ventricules  la- 
téraux ;  antérieurement  on  en  voit  deux  en  forme  de 
cône  ou  de  larme  de  Hollande,  on  les  nomme  les 
corps  cannelés  ;  les  deux  autres  éminences  font  les 
couches  des  nerfs  optiques  ;  ces  couches  fe  touchent , 
mais  de  façon  qu'elles  biffent  un  trou  antérieurement 
&  poftérieurement  ;  l'antérieur  a  été  appelle  vulva , 
&  le  poftéi  ieur ,  Yanus  :  en  écartant  les  couches  des 
nerfs  optiques,  l'un  &  l'autre  de  ces  deux  trous  dif- 
paroiffent ,  &  on  apperçoit  dans  le  fond  le  troilîeme 
ventricule,  Voye^ Corps  cannelés,  Vulva,  &c. 

Derrière  le  troifieme  ventricule  fe  trouve  un  petit 
corps  glanduleux  ,  nommé  glande  pincale  ;  &  au-def- 
fous  de  cette  glande  les  tubercules  quadri-jumeaux, 
dont  les  fupérieurs  ont  été  appelles  nates ,  &  les  in- 
férieurs te/les.  Voy.  Glande  pinéale,  Nates  ,  &c 

Dans  le  troifieme  ventricule  eft  l'ouverture  de  Yin- 
jundibulum ,  ou  de  l'entonnoir  qui  va  à  la  glande  pi- 
tuitaire  ;  pofhérieurement  l'aquéduc  de  Sylvius,qui 
aboutit  au  quatrième  ventricule  ,  dans  la  partie  in- 
férieure duquel  eft  une  feiflure  parallèle  à  l'axe  :  fous 
les  nates  &  tejîes  eft  la  grande  valvule  du  cerveau,  qui 
eft  de  fubftance  médullaire.  V.  Infundibulum  , 
Aqueduc  ,  &c 

Quatre  gros  troncs  d'artères  ,  les  deux  carotides 
internes  &c  les  deux  vertébrales  ,  fe  diftribuent  au 
cerveau  ,  &  font  voir  dans  leur  diftribution ,  dans 
leur  direction,  &  par  leurs  fréquentes  communica- 
tions ,  combien  la  nature  a  pris  de  menues  pour  que 
rien  ne  s'oppofât  à  la  réparation  d'un  fluide,  que 
les  fondions  nobles  auxquelles  il  eft  deftiné  font  re- 
garder comme  le  plus  fubtil  ;  c'eft  le  fuc  nerveux. 
Voyez  Carotide,  Vertébrale,  &  Nerveux. 

Voyez^  aujji  nos  Planches  d"1  Anatomie. 

Le  fang  eft  rapporté  du  cerveau  par  des  veines  qui 
prennent  naifTance  de  plufieurs  petites  artérioles  rou- 
ges du  cerveau ,  &  fe  réunifiant  en  de  plus  gros  ra- 
meaux enveloppés  par  la  pie-mere  ,  viennent  s'ou- 
vrir de  différentes  façons  dans  les  finus  de  la  dure- 
mere  ,  pour  paffer  dans  les  jugulaires ,  &  dans  beau- 
coup d'autres  petites  veines  qui  s'y  rendent  de  même. 

Tous  les  Anatomiftes  en  général  conviennent  que 
l'homme  a  plus  de  cerveau  ,  proportion  gardée  ,  que 
tous  les  autres  animaux ,  que  le  bœuf,  le  cheval , 
&c. 

L'imagination  voulant  fuppléer  à  ce  qu'on  ne  pou- 
voit  appercevoir  ,  a  enfanté  divers  fyftemes  fur  la 
ftructure  du  cerveau ,  fur-tout  celui  de  Malpighi  & 
celui  de  Ruifch. 

Malpighi  croyoit  que  la  fubftance  corticale  étoit 
compoféc  Je  glandes  ,  que  la  petiteffe  &  la  na- 
ture muqueufe  &  tranfparentc  du  cerveau  ont  dé- 
robées aux  microfeopes  mêmes  de  Marthall ,  qu'il 
préféroit  à  tous  ceux  de  Leirwenhocck  ;  &  c'eft  par 
leur  fecours  qu'il  voyoit  cette  fubftance  élevée  en 
petites  éminences.  Quand  ou  fait  cuire  un  cerveau, 
fa  fubftance  s'élève  en  molécules  femblables  à  des 
glandes  :  on  découvre ,  par  le  moyen  de  l'encre  qu'on 
jette  fur  la  fubftance  corticale ,  de  petites  élévations 
iéparéespar  de  petites  fentes.  Le  cerveau  pétrifié  pré- 
fente une  furface  couverte  de  petits  globules  ;  il  fort 


863 


par  les  ouvertures  qu'on  fait  au  crâne  une  matière 
fongucule ,  qui  a  quelque  chofe  de  la  glande  :  les  par- 
ties externes  du  cerveau  fe  changeât  par  une  hvdro- 
pilie  en  de  petites  lpheres  ;  toutes  ces  raifons  ne  prou- 
veroient-eilespas  que  la  fubftance  du  cerveau  efteian- 
duleufe  ?  b 

Ruifch  n'a  cependant  pas  été  convaincu  par  ces 
preuves  que  la  fubftance  corticale  foit  glanduleufe  ; 
il  a  cru  au  contraire  que  tout  le  cervetù  n'eft  qu'une 
continuation  des  artères  qui  fe  replient  diverfement, 
&  qui  vont  enfuite  former  les  nerfs  par  leurs  extré- 
mités. 

Ces  deux  auteurs  différent  donc  en  ceci  :  Malpighi 
admet  entre  l'extrémité  des  vaiffeaux  qui  forment 
la  fubftance  corticale  ,  &  l'extrémité  de  ceux  qui 
forment  la  médullaire,  des  follicules  glanduleux  : 
Ruifch  au  contraire  prétend  que  les  extrémités  des 
vaiffeaux  de  la  fubftance  corticale  font  continues 
aux  extrémités  des  vaiffeaux  de  la  médullaire  :  mais 
ni  l'un  ni  l'autre  fyfleme  n'eft  appuyé  d'affez  fortes 
raifons  pour  nous  faire  décider  en  faveur  de  l'un  plu- 
tôt que  de  l'autre  :  nous  renvoyons  à  l'article  Dv- 
RE-mere,  la  fameufequeftionïur  ion  mouvement 
&  fur  celui  du  cerveau;  &  à  l'article  Esprit  ,  celle 
des  efprits  animaux. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  les  Philofophes  regardent  le 
cerveau  comme  l'organe  de  nos  penfées.  M.  Aftruc 
va  plus  loin  :  il  prétend  rendre  raifon  des  phénomè- 
nes du  raifonnement  &  du  jugement,  par  l'analogie 
qu'il  fuppofe  entre  les  libres  du  cerveau  &c  celles  des 
inftrumens  de  mufique.  Selon  lui,  c'eft  un  axiome 
que  chaque  idée  iïmple  eft  produite  par  l'ébranle- 
ment d'une  fibre  déterminée  ;  &  que  chaque  idée 
compofée  eft  produite  par  des  vibrations  iiochrones 
de  plufieurs  fibres  ;  que  le  plus  grand  ou  le  moindre 
degré  d'évidence  fait  le  plus  grand  ou  le  moindre 
degré  de  force  de  l'ébranlement  des  fibres. 

Mais  toutes  ces  chofes  font  fi  peu  démontrées  , 
qu'il  paroît  inutile  de  s'y  arrêter  :  il  n'en  eft  cepen- 
dant pas  moins  vrai  que  ce  qu'on  peut  entrevoir  dans 
les  nerfs  &  dans  la  ftruénire  du  cerveau ,  nous  pré- 
fente par-tout  une  induftriemerveiiieuie.  Je  ne  crain- 
drai donc  point  de  déplaire  à  mon  lecteur,  en  ajou- 
tant ici  l'explication  des  différens  phénomènes  qui 
font  liés  au  détail  que  nous  allons  donner  fur  les  vues 
de  la  nature. 

i°.  Le  cerveau  &  le  cervelet  font  les  refervoirs  où 
fe  filtre  la  matière  qui  porte  le  mouvement  par  <ous 
nos  membres  ;  &  voici  des  expériences  qui  prou- 
vent que  le  fentiment  &  le  mouvement  ont  leur  prin- 
cipe dans  la  fubftance  médullaire. 

i°.  La  moelle  du  cerveau  comprimée  par  quelque 
caufe  que  ce  puiffe  être  ,  par  le  fang ,  par  la  leroiité, 
par  des  hydatides ,  par  l'applatiffement  méchanique 
des  os  du  crâne ,  par  la  concuffion ,  par  la  commo- 
tion, &c.  on  tombe  en  apoplexie;  1".  la  moelle  du 
cerveau  piquée,  déchirée  ,  donne  des  convuliïons  hor- 
ribles ;  30.  Ja  moelle  du  cerveau  &i  celle  de  l'épine 
produifent  la  paralyfie  des  parties  qui  leur  font  infé- 
rieures ,  foit  que  ces  fubftances  foicr.t  bieffées,  cou- 
pées ou  comprimées  ;  par  conféquent  il  étoit  de 
ncceffité  ablolue  qu'il  n'arrivât  point  de  compref- 
lïon  dans  ces  endroits  ;  c'eft  pour  cela  que  le  an 
eft  divifé  en  deux  parties  ,  qui  font  foûfenues  par 
la  faux  ,  quand  nous  fournies  couches ,  &  quand  la 
tête  reçoit  quelque  mouvement  iatéral  ;  de  même 
les  lobes  pofterieurs  font  foûtenus  par  la  fente  ,  afin 
qu'ils  ne  tombent  point  fur  le  cervelet.  Les  1  entricu- 
les  fervent  encore  à  empêcher  les  comprenons  ;  le 
cerveau  preffé  d'un  coté,  peut  céder  du  cote  de  ces 
cavités  qui  font  toujours  arrofées  d'un  :  liqueur  qui 
fe  filtre  dans  le  plexus  coroïde  :  la  nature,  dans  cette 
vue  ,  a  formé  une  boîte  ronde  pour  enfermer  le  cer- 
veau ;  cette  figure  fait  que  le  crâne  ne  peut  s'enfon- 


864 


C  E  R 


C  E  R 


ccr  que  difficilement.  Quant  à  la  moelle  de  l'épine , 
elle  a  un  rempart  dans  le  canal  des  vertèbres. 

20.  Les  veines  n'accompagnent  point  les  artères, 
de  peur  qu'elles  ne  foient  comprimées  par  ces  artè- 
res lorfqu'elles  fe  gonflent  dans  les  grands  mouve- 
mens.  Les  réfervoirs  veineux  font  d'une  ftru&urefin- 
guliere  ,  &  leur  feâion  préfente  en  général  une  fi- 
gure curviligne  :  ils  font  formés  &  creufés  entre  les 
deux  lames  de  la  dure-mere  ,  qui  leur  donne  une  for- 
te gaine  ;  ils  font  outre  cela  renforcés  par  différens 
moyens  :  c'eft  ainfî  qu'il  y  a  dans  leur  cavité  des  fi- 
bres tranfverfales  qui  font  l'office  de  poutres  ,  joi- 
gnent les  parties  oppofées,  &C  renflent  à  leur  diften- 
fion.  Voyez  combien  de  précautions  la  nature  a  pri- 
fes  pour  que  les  veines  du  cerveau  ne  fe  rompifTent 
point  toutes  les  fois  que  le  fang  s'arrête  ,  comme  en 
retenant  fon  haleine ,  en  faifant  de  grands  efforts ,  en 
touffant ,  en  éternuant ,  en  riant ,  &c.  Les  artères  & 
les  veines  du  cerveau  ont  des  directions  différentes , 
&  communiquent  toutes  les  unes  avec  les  autres ,  les 
artères  avec  les  artères,  les  veines  avec  les  veines , 
un  nombre  infini  de  fois  ;  parce  que  dans  le  premier 
cas  il  eût  été  dangereux  qu'elles  ne  fe  formaffent  un 
obftacle  mutuel  en  paffant  par  le  même  trou  ;  Se 
dans  le  fécond ,  que  le  fang  ne  pût  trouver  d'iflue  , 
fa  route  direcle  étant  embarraffée. 

3°.  Les  nerfs  qui  fortent  du  côté  gauche  ,  vont  ou 
paroiffent  aller  du  côté  droit ,  &  ceux  qui  fortent  du 
côté  droit ,  fe  distribuent  ou  paroiffent  fe  diftribuer 
au  côté  gauche  ;  &  ce  n'eft  que  par  ce  moyen  qu'on 
peut  expliquer  pourquoi  le  cerveau  étant  vivement 
affe&é  d'un  côté  ,  les  parties  de  l'autre  côté  corref- 
pondantes  à  celles  auxquelles  les  nerfs  de  cette  per- 
tie  affeftée  du  cerveau  fe  diftribuent ,  fe  trouvent  pa- 
ralytiques. 

4°.  Si  l'on  comprime  le  cerveau  ,  ou  qu'on  le  cou- 
pe jufqu'à  fa  fubftance  médullaire ,  l'adion  volon- 
taire des  mufcles  eft  interrompue  ,  la  mémoire  &  le 
fentiment  s'éteignent ,  mais  la  refpiration  &  le  mou- 
vement du  cœur  fubfiftent.  Quant  au  cervelet ,  fi 
l'on  fait  la  même  chofe  ,  la  refpiration  &  le  mouve- 
ment du  cœur  ceffent  :  de-là  il  s'enfuit  que  les  nerfs 
deftinés  au  mouvement  volontaire  partent  du  cer- 
veau, &  que  les  nerfs  d'où  dépendent  les  mouvemens 
fpontanés  fortent  du  cervelet  :  il  eft  donc  en  fureté 
de  toutes  parts ,  de  même  que  les  artères  vertébrales 
qui  lui  fourniffent  du  fang,  parce  qu'elles  montent 
par  les  trous  des  apophyfes  tranfverfes  du  cou. 

5°.  Les  maladies  de  la  tête  dépendent  toutes  de  la 
compreffion  &  de  l'irritation  :  la  douleur  de  la  tête 
eft  caufée  par  le  fang  qui  ne  peut  paffer  librement , 
&  qui  par-là  caufe  un  grand  battement  dans  les  ar- 
tères ;  auffi  trouve-t-on  dans  les  différions  des  ca- 
davres de  ceux  qui  ont  été  fujets  à  ces  maux ,  les 
vaiffeaux  extrêmement  diftendus  ,  &  remplis  d'un 
fang  noirâtre  :  fi  le  gonflement  s'augmente  jufqu'à 
caufer  une  grande  compreffion  ,  l'apoplexie  furvien- 
dra  ;  car  alors  le  fuc  nerveux  ne  pourra  plus  être 
pouffé  dans  les  nerfs  qui  fervent  au  mouvement  vo- 
lontaire ;  tandis  que  cette  preffion  ne  s'étendra  plus 
jufqu'au  cervelet ,  la  refpiration  &  le  mouvement 
du  cœur  fubfifteront.  Pour  l'épilepfie  ,  elle  ne  diffère 
dans  fa  caufe  de  l'apoplexie ,  qu'en  ce  que  la  preffion 
nefefait  pasde  mêmeffuppofons  qu'une  artère  forme 
unanévrifme,  cette  artère  gonflée  battra  extraordi- 
nairement ,  &  par  fes  battemens  fera  couler  avec 
force  le  fuc  dans  les  nerfs  ;  il  furviendra  donc  des 
convulfions  extraordinaires.  La  même  chofe  peut 
arriver  par  des  varices  ;  car  ces  varices  comprime- 
ront les  artères  voifines  ,  qui  par-là  fe  gonfleront , 
&  battront  fortement.  On  voit  de-là  que  l'apople- 
xie pourra  fuccéder  à  l'épilepfie.  La  paralyfie  fuit 
fouvent  les  maladies  dont  nous  venons  de  parler  : 
mais  elle  peut  avoir  encore  d'autres  caufes ,  comme 
on  le  peut  voir  à  l'article  Paralysie. 


6°.  Dans  ceux  qui  font  morts  de  ces  maladies  ; 
on  trouve  beaucoup  de  férofité  extravaf  ée  dans  le  cer- 
veau. 

7°.  On  voit  que  les  nerfs  qui  font  les  canaux  du 
cerveau  ,  fe  diftnbucnt  dans  les  mufcles  pour  y  por- 
ter le  mouvement  ;  mais  il  y  a  plus  de  branches  à 
proportion  dans  les  plexus  qui  luivent  les  artères  , 
parce  qu'ils  ont  befoin  d'un  grand  mouvement  pour 
pouffer  le  fang. 

8°.  Enfin ,  les  nerfs  font  les  feuls  corps  fenfibles  : 
mais  d'où  vient  que  le  cerveau  dont  ils  fortent  ne  l'elt 
point ,  ou  ne  l'en  que  très-peu  ?  Comme  cela  dépend 
des  lois  de  l'union  de  l'ame  avec  le  corps  ,  on  n'en 
peut  donner  aucune  raifon.  Voye^  Nerf,  Anatomie 
d'HeiJL  avec  des  Ejf.  de  Phyf.  &c. 

Quant  au  fiége  de  l'ame  ,  les  auteurs  fe  font  ac- 
cordés à  la  placer  dans  une  feule  partie  du  cerveau  , 
de  peur  qu'un  fiege  à  chaque  lobe  ne  fuppolât  une 
double  feniation  :  ainfi  les  uns  ont  mis  l'ame  ,  c'eft- 
à-dire,  le  premier  principe  de  nos  fenfations  &  de 
nos  penfées ,  dans  la  cloifon  tranfparente  ;  Deicar- 
tes  &  fes  fe&ateurs  ont  voulu  qu'elle  habitât  la  glan- 
de pinéale  ;  Lancifi  l'a  placée  dans  le  corps  calleux  ; 
Vieuffens  a  adopté  cette  opinion  ;  Poffidonius  parmi 
les  anciens,  "Willis  chez  les  modernes  ,  ont  diflribué 
les  diverfes  facultés  de  l'ame  en  différentes  parties 
du  cerveau  propres  à  chacune  :  mais  rien  jufqu'icin'a 
pu  nous  découvrir  où  font  ces  prétendus  départe- 
mens.  Le  cerveau  qui  peut  être  confidérablement  blef- 
fé,  fans  beaucoup  perdre  de  l'ufage  des  fens  ,  mon- 
tre bien  quelle  eft  l'étendue  du  jenj'orium  commune. 

Certaines  obfervations  femblent  laiffer  en  doute 
û  le  cerveau  eft  une  partie  abfolumentnéceffaire  à  la 
vie.  Il  y  a  plulieurs  exemples  anatomiques  d'animaux 
qui  ont  furvécu  à  la  perte  de  cette  partie.  Nous 
avons  l'hiftoire  d'un  enfant  qui  naquit  à  terme  dans 
la  ville  de  Paris  ,  qui  n'avoit  ni  cerveau  ni  tête  ,  &  au 
lieu  de  ces  deux  parties  il  avoit  une  maffe  de  chair 
de  couleur  femblable  au  foie.  M.  Denys  rapporte  un 
autre  exemple  d'un  enfant  qui  naquit  en  i  573  ,  qui 
étoit  affez  bien  formé ,  à  l'exception  de  la  tête  qui 
n'avoit  ni  cervelle,  ni  cervelet,  ni  moelle  allongée, 
ni  aucune  cavité  propre  à  les  contenir  :  le  crâne  ,  fi 
on  peut  l'appeller  ainfi,  étoit  folide,  &  n'avoit  au- 
cune liaifon  avec  les  vertèbres  ;  de  forte  que  la  moelle 
de  l'épine  n'avoit  aucune  communication  avec  la  tê- 
te. M.  Leduc  donne  un  troifieme  exemple  en  1695  , 
d'un  fu jet  qui  fut  trouvé  fans  cerveau ,  fans  cervelet, 
fans  moelle  allongée,  &  même  fans  moelle  de  l'épine  ; 
la  cavité  qui  auroit  dû  les  contenir  étant  extrême- 
ment petite ,  &  remplie  d'une  fubftance  livide ,  blan- 
châtre ,  &  femblable  à  du  fang  coagulé  :  il  ajoute 
que  c'eft  le  troifieme  fùjet  qu'il  avoit  trouvé  de  cette 
façon.  M.  Duverney  croit  que  cette  fubftance  étoit 
une  moelle  de  l'épine ,  quoiqu'elle  n'en  eût  point  la 
confiftance  :  en  un  mot  il  la  regarde  comme  un  cer- 
veau même,  femblable  à  celui  qui  eft  dans  le  crâne  , 
plus  nécefiaire  à  la  vie ,  &  plus  fenfible  que  le  cer- 
veau &  le  cervelet  ;  puifqu'une  blefTure  ou  une  com- 
preffion dans  la  moelle  épiniere  eft  toujours  mortel- 
le ,  &  qu'il  n'en  eft  pas  de  même  du  cerveau,  comme 
il  paroît  par  les  obfervations  rapportées  par  MM. 
Duverney  &  Chirac  ;  le  premier  defquels  ôta  le  cer- 
veau &  le  cervelet  d'un  pigeon ,  qui  malgré  cela  vé- 
cut ,'  chercha  fa  nourriture ,  &  s'acquitta  de  toutes 
fes  fondions.  M.  Chirac  a  ôté  la  cervelle  de  la  tête 
d'un  chien ,  qui  vécut ,  mais  qui  mourut  dès  qu'on 
lui  eut  ôté  le  cervelet  :  cependant  il  remarque  qu'en 
foufflant  dans  les  poumons  de  l'animal ,  il  le  fit  vi- 
vre pendant  une  heure  après  la  perte  de  cette  der- 
nière partie.  Le  même  obferve  qu'après  avoir  fé- 
paré  la  moelle  allongée  de  la  moelle  épiniere  d'un 
autre  chien  ,  &  après  lui  avoir  ôté  la  cervelle  & 
le  cervelet,  l'animal  vécut  en  lui  foufflant  dans  les 

poumons. 


C  E  R 

poumons.  On  peut  ajouter  à  cela  divers  exemples 
rapportés  par  M.  Boyle  ,  non-feulement  d'animaux 
qui  ont  vécu  après  la  féparation  de  leurs  têtes  d'a- 
vec leurs  corps ,  mais  même  de  la  copulation  &c  de 
l'imprégnation  de  plufieurs  infectes  après  ces  diffé- 
rentes circonftances  :  d'où  il  s'enfuivroit  que  la  moel- 
le épiniere  feroit  fuffifante  pour  la  fenfation ,  le  mou- 
vement ,  &  la  fecrétion  des  efprits  animaux ,  &c. 

Le  cerveau  a  différentes  proportions  dans  divers 
animaux.  Il  n'eft  pas  grand  dans  les  oifeaux  à  pro- 
portion du  corps  :  cette  proportion  eft  beaucoup  plus 
petite  dans  le  bœuf  &  dans  le  cheval.  Le  finge  ,  ani- 
mal rufé  tk.  adroit,  a  un  grand  cerveau.  Les  animaux 
ruminans  en  ont  moins  que  l'homme  ,  mais  plus  que 
les  autres  brutes  ;  comme  on  le  voit  en  comparant 
les  cerveaux  de  la  chèvre  ,  de  l'élan  ,  avec  ceux  du 
lion  &  du  linx.  Il  eft  petit  dans  les  animaux  qui  fe 
battent  ;  car  ils  ont  des  mufcles  temporaux  fort  épais 
qui  étrécifient  leur  crâne ,  en  comprimant  fous  la 
forme  d'un  plan  incliné  &  cave  ,  les  côtés  que  nous 
avons  ronds  &  faillans  en-dehors.  On  a  donc  raifon 
de  dire  qu'un  petit  cerveau  eft  la  marque  non  de  l'im- 
bécillité, mais  de  la  férocité.  Ce  vifeere  eff  beaucoup 
plus  petit  dans  les  poiiTons  que  dans  les  quadrupèdes  ; 
le  requin  qui  pefe  trois  cents  livres  ,  n'a  pas  trois 
onces  de  cervelle  :  elle  eft  copieufe  dans  les  efpe- 
ces  qui  paroiffént  plus  rufées,  telle  que  le  veau  ma- 
rin. C'eft  ii  peu  de  choie  dans  les  inleftes  ,  qu'on  ne 
peut  favoir  ce  qui  fait  le  cerveau  :  on  ne  voit  que  la 
moelle  de  l'épine  feule ,  qui  paroit  dégénérer  uni- 
quement dans  les  nerfs  optiques  :  dans  l'éphémère, 
l'efcarbot ,  l'abeille ,  le  cerveau  n'eft  au  plus  qu'une 
petite  particule  pas  plus  grofTe  qu'un  ganglion  de  la 
moelle  épiniere ,  comme  dans  la  chenille ,  dans  l'her- 
mite  ,  dans  les  vers  à  foie.  L'homme  le  plus  prudent 
des  animaux  a  le  plus  grand  cerveau  ;  enfuite  les  ani- 
maux que  l'homme  peut  inftruire  ;  Se  enfin  ceux  qui 
ont  très-peu  d'idées  &  des  aclions  de  la  plus  grande 
iimplicité  ,  ont  le  plus  petit  cerveau.  Mais  eft-on  ro- 
bufte ,  eu  égard  à  la  quantité  du  cervelet  ?  cela  eft 
vraiffemblable  :  l'expérience  nous  manque  cepen- 
dant ici  ;  ce  qu'il  y  a  de  certain  ,  c'eft  que  l'homme 
fait  pour  avoir  tant  d'idées ,  n'eût  pu  les  contenir 
dans  un  plus  petit  cerveau.  (  Z) 

Cerveau  ,  terme  de  Fondeur  de  cloches:  Le  cerveau 
d'une  cloche  eft  la  partie  fupérieure  à  laquelle  tien- 
nent les  anfes  en-dehors  ,  &  l'anneau  du  battant  en- 
dedans.  Cette  partie  de  la  cloche  a  la  forme  à-peu- 
près  femblable  à  celle  de  la  partie  de  la  tête  des  ani- 
maux qui  renferme  la  cervelle.  C'eft  la  raifon  pour 
laquelle  on  lui  a  donné  le  nom  de  cerveau. 

La  largeur  du  cerveau  dépend  de  la  longueur  du 
diamètre  de  la  cloche.  La  règle  eft  de  lui  donner 
fept  bords  &  demi  de  diamètre  ,  c'eft-à-dire  la  moi- 
tié du  diamètre  de  l'ouverture  inférieure  de  la  clo- 
che. A  l'égard  de  fon  épaifleur  ,  elle  eft  ordinaire- 
ment d'un  corps  ou  d'un  tiers  de  l'épaiflèur  du  bo'd. 
Mais  afin  que  les  anfes  foient  plus  folides  ,  on  forti- 
fie le  cerveau  par  une  augmentation  de  matière ,  qui 
a  auffi  un  corps  d'épaifièur,  &  qu'on  appelle  Monde 
ou  la  calotte.  Voye^  la  figure  i.  de  la  Fonderie  des  clo- 
ches ,  &  l'article  FONTE  DES  CLOCHES. 

CERVELAT ,  f.  m.  (  Chaircuiterie.  )  Le  cervelat  or- 
dinaire fe  fait  avec  du  porc  maigre  ,  du  veau  ,  du 
lard  ,  force  épices ,  hachés  enfemble  &  entaflés  dans 
un  boyau  de  porc  ,  qu'on  divife  enfuite  avec  des  ti- 
en plufieurs  portions,  félon  la  longueur  qu'on 
Veut  donner  à  chaque  cervelat.  Le  boyau  eft  étranglé 
en  deux  endroits  par  la  ficelle  ou  le  fil  ;  &  cet  inter- 
valle eft  un  cervelat.  On  fait  cuire  ce  boyau  rempli 
avant  que  de  le  manger ,  ou  même  de  le  vendre.  Les 
cervelats  de  Milan  font  fort  vantés  :  Oll  les  tait,  à  ce 
qu'on  dit ,  avec  le  porc  maigre ,  le  lard  ,  le  Ici ,  6c  le 
poivre.  On  met  lur  lix  livres  de  porc  une  livre  de 
Tome  il 


C   E  R 


865 


lard  quatre  onces  de  fel,  une  once  de  poivre.  On 
hache  bien  le  tout  enfemble  ;  on  arrofe  le  mêlante 
avec  une  pinte  de  vin  blanc ,  &  une  livre  de  fan» 
de  porc  ;  on  ajoute  une  demi-once  de  canelle  &  de 
girofle  piiés  enfemble  ;  on  tire  de  la  tête  du  porc 
de  gros  lardons ,  qu'on  faupoudre  bien  d'épices.  On 
répand  ces  lardons  dans  le  mélange  précédent  qu'on 
entafie  dans  le  boyau  du  pose  ;  on  lie  le  boyau  par 
les  deux  bouts  quand  il  eft  bien  plein  ,  &  on  le  fait 
cuire:  quand  il  eft  cuit,  on  le  laine  lécher  à  la  fu- 
mée jufqû'à  ce  qu'il  foit  e-arèmement  ferme  &  dur. 
CER\  ELET,  f.  m.  terme  d'Anatomie,  eft  la  partie 
poitérieure  du  cerveau.  Voyï{  nos  Plane.  d'Arut.  & 
leur  explic.  Foye^  auft  l'article  Cerveau. 

Le  cervelet  eft  en  quelque  façon  une  forte  de  petit 
cerveau  lui-même ,  comme  l'exprime  fon  nom ,  qui 
eft  un  diminutif  du  mot  cerveau. 

Il  eft  logé  dans  la  partie  poftérieure  &  inférieure 
du  crâne  ,  au-deffbus  de  la  partie  poftérieure  du  cer- 
veau. Il  y  communique  par  en  bas  :  mais  par  en  haut 
il  en  eft  féparé  par  le  replis  de  la  dure-mere.  Sa  fi- 
gure reffémble  à  une  boule  applatie,  plus  large  que 
longue. 

Sa  fubftance  eft  plus  dure ,  plus  feche ,  &  plus  foli- 
de^que  celle  du  cerveau  :  mais  elle  eft  cependant  de 
même  nature ,  étant  compofée  de  même ,  d'une  fubf- 
tance corticale  &  glanduleufe  ,  &  d'une  médullaire  ; 
les  branches  de  cette  dernière  fubftance  iont  difpo- 
fées  à-peu-près  comme  celles  d'un  arbre ,  fe  rencon- 
trant au  milieu ,  &  formant  uneefpece  de  tige  qui  rè- 
gne tout  du  long.  La  couleur  du  cervelet  eft  jaunâtre  j 
au  lieu  que  celle  du  cerveau  eft  plus  blanche. 

Sa  furface  eft  inégale  &  fillonnee  ,  mais  moins 
que  celle  du  cerveau  :  il  femble  plutôt  qu'elle  foit 
divifée  par  lames  ou  par  écailles.  Les  cercles  du  mi- 
lieu font  plus  larges  &  plus  profonds;  &  dans  les  en- 
tre-deux des  lames ,  entrent  les  replis  de  la  pie-mere. 
Le  devant  &  le  derrière  du  cervelet  font  terminés  par 
des  apophyfes  qu'on  appelle  vermiformes ,  parce  qu  VI 
les  ont  la  figure  d'un  ver.  II  fe  joint  à  la  moelle  allon- 
gée par  deux  procès  ,  que  Villis  appelle  pedunculei 
ou  cuififesdu  cervelet. Voy.  PEDUNCLLES  &  CUISSES. 
Outre  ces  deux  peduncules ,  il  y  a  deux  ou  trois 
autres  avances  médullaires,  qui  parlant  en  travers 
de  la  moelle  allongée  ,  forment  une  arche  ou  arca- 
de, qu'on  a  appcllée  du  nom  de  celui  qui  i'a  décou- 
verte, pont  de  Parole.  Voye\  Pont  de  VAROLE. 

Les  vaifiéaux  fanguins  du  cerveau  font  les  mê- 
mes que  ceux  du  cervelet  ;  Se  fon  ufage  eft  le  même 
auffi  ,  favoir  de  féparer  le  fiic  nerveux  du  fang  ,  6V 
de  le  porter  dans  les  différentes  parties  du  corps. 

Willis  met  cependant  de  la  différence  entre  les 
fondions  du  cerveau  &  celles  du  cervelet  ;  vou- 
lant que  le  premier  foit  le  principe  des  mouvemens 
&  des  actions  volontaires  ;  &  l'autre,  le  principe 
des  adions  involontaires,  telles  que  font  la  refpira- 
tion  ,  le  mouvement  du  cœur ,  &c.  Foye^  Mouve- 
ment. 

Il  paffe  pour  confiant  que  la  moindre  lelion  à  la 
fubftance  corticale  ou  à  la  moelle  du  cervelet,  eft  mor- 
telle ;  ce  qui  n'eft  pas  de  même  au  cerveau  ,  dont  on 
a  quelquefois  retranché  une  partie  fans  qu'il  en  foit 
arrivé  d'accident.  Il  eft  pourtant  vrai  qu'il  y  a  des 
exemples  de  gens  qui  ont  vécu  non -feulement  tans 
cerveau  ,  mais  même  tans  cervelet.  Voyt~  Cerveau. 

w 

CERYERA,  (  Géog.  )  canton  &  petite  ville  d'Ef- 
pagne  dans  la  Catalogne,  fur  une  rivière  de  même 
nom  qui  te  jette  dans  la  Segra  au-delîus  de  Lerida, 
Long.  18.  44.  lut.  41.  zS- 

CERVI ,  (  Géog.  )  de  de  l'Archipel  au  midi  de  la 
Moree ,  près  de  file  île  CerigO. 

CERVIA  ,  (  Géog,  )  ville  d'Italie  dans  la  Roma- 

R  R  r  r  r 


S6S 


C  E  R 


C  E  R 


gne  ,  fur  le  golfe  de  Venife  ,  entre  les  rivières  de 
Savio  &  de  Pifatello.  Long.  jo.  lat.  44.  16. 

CERVICAL ,  adj.  en  Anatomie ,  fe  dit  de  quelques 
parties  relatives  à  la  partie  poftérieure  du  cou ,  qu'on 
appelle  en  Latin  cervix.  Voye-^CERVix. 
Ligament  cervical.  Voye^  LIGAMENT. 
Les  artères  cervicales  l'ont  des  rameaux  de  la  foû- 
claviere  qui  rampent  en  -  devant  &  en  -  arrière  du 
COU.  Foyer^  SoÛCLAVIERE. 

Cervicaux  defeendans ,  de  Diemerbroek  ,  font 
une  paire  de  mufcles  antagoniftes  aux  facrolombai- 
res  ,  qui  prennent  leur  origine  de  la  troiiieme  ,  qua- 
trième ,  cinquième ,  &  lixieme  vertèbre  du  cou. 

La  plupart  des  auteurs ,  mais  mal-à-propos  ,  les 
regardent  comme  une  production  &  une  partie  du 
facrolumbus.  ^ov^Sacrolumbaire  ;  c 'eft  le  petit 
traniverlaire  du  cou,  ainli  nommé  par  M.  "Wini- 
low. 

Les  nerfs  cervicaux  font  au  nombre  de  fept  paires. 
La  première  parle  entre  la  première  &  la  féconde 
vertèbre  du  cou  :  elle  communique  avec  le  nerf  fous- 
occipital  ,  avec  le  nerf  intercoftal ,  avec  la  féconde 
paire  cervicale ,  &  le  diftribue  aux  mulcles  porté- 
rieurs  de  la  tête  :  elle  jette  antérieurement  un  filet , 
qui  après  avoir  communiqué  avec  le  nerf  intercof- 
tal ,  avec  la  féconde  paire  cervicale ,  avec  le  nerf  lin- 
gual ,  va  fe  diftribuer  aux  mufcles  fterno-hyoïdien  , 
thyro-hyoidien ,  6-c. 

La  féconde  paire  cervicale  pafTe  entre  la  féconde 
&  la  troifieme  vertèbre  du  cou  :  elle  communique 
en-devant  avec  le  premier  ganglion  cervical  du  nerf 
intercoftal  ;  en  haut  avec  la  première  paire  cervicale, 
en  bas  avec  la  troifieme  :  elle  jette  différens  rameaux 
dont  les  uns  communiquent  avec  le  grand  hypoglof- 
fe ,  d'autres  avec  la  portion  dure  du  nerf  auditif.  Un 
de  fes  rameaux  s'uniflant  avec  un  autre  de  la  troi- 
fieme paire  cervicale ,  concourt  à  la  formation  du 
nei f  diaphragmatique.  Voye^  Diaphragmatique. 
La  troifieme  paire  cervicale  paffe  contre  la  troiiie- 
me &  la  quatrième  vertèbre  du  cou  ,  &c  communi- 
que en  haut  avec  la  féconde  paire  ,  en  bas  avec  la 
quatrième  ,  en-devant  avec  le  nerf  intercoftal ,  le 
grand  hypoglofie ,  &  la  paire  vague.  Elle  communi- 
que encore  avec  le  nerf  accefibire  :  après  cela  elle 
jette  plufieurs  branches.  Parmi  les  branches  anté- 
rieures ,  il  y  en  a  une  qui  en  s'uniffant  avec  un  ra- 
meau de  la  féconde  paire  verticale ,  forme  une  partie 
du  nerf  diaphragmatique. 

Tous  les  nerfs  cervicaux  envoyent  une  infinité  de 
branches  aux  mufcles  &  aux  autres  parties  de  la 
tête  ,  du  cou  ,  &  des  épaules. 

Les  quatre  dernières  paires  cervicales  partent  entre 
les  portions  du  mulcle  fcalene  ,  &  font  en  général 
plus  groffes  que  les  trois  premières,  &  forment  avec 
une  partie  de  la  troifieme  paire  cervicale ,  &  la  pre- 
mière paire  dorfale  ,  les  nerfs  bronchiaux.  Voye^ 
Eronchial.  (Z) 

CERVIER ,  voyei  Loup  cervier. 
CERVIX,  terme  dy  Anatomie  ,  eft  un  mot  latin  qui 
lignifie  la  partie  pofiérieure  du  cou,  auquel  nous  n'avons 
aucun  mot  en  François  qui  réponde  parfaitement. 
Il  eft  oppofé  à  la  partie  antérieure  qu'on  appelle  la 
gorge  ou  le  gofier.  Voye^  Cou. 

Le  cervix  ou  cou  de  la  matrice  eft  ce  canal  ou  paf- 
fage  oblong ,  fitué  entre  les  orifices  interne  &c  exter- 
ne de  la  matrice,  qui  reçoit  &  emboîte  la  verge  com- 
me une  gaine  ou  un  fourreau ,  ce  qui  fait  qu'on  lui 
a  donné  le  nom  de  vagin.  Voy .  Matrice  &  Vagin. 
Le  cervix  ou  cou  de  la  matrice  dans  les  filles  eft 
fort  étroit ,  fi  ce  n'eft  dans  le  tems  de  leurs  règles  ; 
car  dans  les  tems  ordinaires  à  peine  eft-il  affêz  lar^e 
pour  qu'on  y  puiffe  introduire  une  plume  d'oie.  Son 
extrémité  intérieure  s'appelle  orifice  interne  :  &  il  eft 
comme  fcellé  par  une  forte  de  matière  glutineulè  qui 


fort  des  glandes  circonvoifines.  Voy.  MATRICE.  (Z.) 

CERUMEN,  en  Anatomie  ;  voye^  ClRE  DES 
OREILLES. 

CERUMINEUSE ,  adjeft.  (  en  Anatomie.  )  fe  dit 
des  glandes  jaunes  prefque  rondes  ou  ovales ,  fuivant 
Duverney  &  Vieufféns  ,  qui  percent  de  petits  trous 
la  peau  du  conduit  auditif  dans  la  partie  de  ce  con- 
duit collée  aux  tempes ,  tk.  dans  les  fiftures  ,  &  de- 
puis la  partie  qui  eft  couverte  d'un  cartilage  ,  juf- 
qu'àla  moitié  du  canal,  félon  Morgagni, fur  la  con- 
vexité fupérieure  de  la  membrane  où  rampe  un  ré- 
feau  réticulaire,  celluleux,  fort,  fait  d'aréoles  qui 
les  renferment.  C'ert  par  ces  orifices  que  fort  cette 
efpece  de  cire  jaune  ,  huileufe,  amere ,  &  qui  prend 
feu  lorfqu'eile  elt  pure  &  fort  épaifTe.  Faute  de  ce 
fuc,  dont  l'abondance  peut  cependant  nuire,  on  de- 
vient lourd,  ce  qui  arrive  fouventpour  cette  raifon 
dans  la  vieilleffe ,  comme  le  racontent  Valfalva  , 
Morgagni  &  Duverney  ;  &  à  dire  vrai ,  les  Chirur- 
giens empiriques  qui  ignorent  combien  les  caufes  de 
la  vraie  furdité  font  profondement  cachées  dans  cet 
organe,  ne  guériffent  que  celle-là.  Haller,  Comment. 
Boerhaav.    (Z) 

CERVOISE,  f.  f.  vieux  mot  qui  fignifîe  la  bierre. 
Voyer^  BlERRE. 

CERVOISIERS,  f.  m.  pi.  marchands  de  bierre  ou 
Braffeurs.  Voye^  Brasseurs. 

*  CE  RUS ,  f.  m.  (A/y^o/.)  dieu  du  tems  favora- 
ble chez  les  Grecs,  ou  de  l'occarton  chez  les  Ro- 
mains. Calliftrate  l'avoit  reprélenté  fous  la  figure 
d'un  jeune  homme,  beau,  ayant  les  cheveux  épars 
&  flottans  au  gré  du  vent ,  &  tenant  un  rafoir  à  la 
main.  Phèdre  l'a  décrit  dans  les  fables ,  avec  des  ai- 
les ,  des  cheveux  par  devant,  &  chauve  par  derriè- 
re. L'allégorie  de  la  figure  de  Calliftrate ,  eft  que  l'oc- 
cafion  s'échappe  avec  tant  de  rapidité ,  qu'elle  pour- 
roit  marcher  fur  le  tranchant  d'un  rafoir;  &  celle  de 
la  fable  de  Phèdre ,  que  l'on  ne  retrouve  plus  l'occa- 
fion  quand  elle  eft  une  fois  échappée.  L'idée  d'un 
Poète  qui  a  appelle  Xoccafwn  le  plus  jeune  des  enfans 
de  Saturne ,  eft  belle.  Les  Eléens  avoient  confacré  un 
autel  à  Ccrus. 

CERUSE,  voyei  /' article  BLANC  DE  PLOMB. 

*  CERYCES,  f.  m.  pi.  {Hifl.  anc.~)  gens  occupés 
chez  les  Athéniens,  à  fervir  dans  les  facrifices.  C'é- 
toient  des  efpeces  de  crieurs  publics  qui  annonçoient 
au  peuple  les  choies  civiles  &  facrées  ;  on  en  faifoit 
deux  ,  l'un  pour  l'aréopage ,  l'autre  pour  l'archonte  ; 
leur  fonction  étoit  encore  d'affbmmer  les  taureaux  , 
&  de  préparer  les  victimes.  Ils  étoient  appelles  a- 
ryces,  d'un  certain  Ceryx  fils  de  Mercure  &  de  Pan- 
drofe ,  &  le  premier  de  la  famille  Athénienne  de  la- 
quelle ces  dertervans  dévoient  être  tirés. 

CESANO,  (le)  Géog.  rivière  d'Italie ,  dans  l'état 
de  l'Eglife,  au  duché  d'Urbin,  qui  fe  jette  dans  le 
golfe  de  Venife. 

CÉSAR ,  f.  m.  {Jîifl.anc^)  a  été  long-tems  employé 
chez  les  Romains,  pour  fignifier  l'héritier  préfomp'1 
tif  ou  défigné  à  l'empire ,  comme  l'eft  aujourd'hui 
le  titre  de  roi  des  Romains  dans  l'empire  d'Allemagne. 
Foyei  Héritier. 

Ainii  Confiance  Chlore  &  Galère  furent  pro- 
clamés cèfars  par  Dioclétien  &  Maximien;  Licinus* 
par  Galerius  ;  Conftantin  le  grand,  parConftantius  ; 
Conftantin  le  jeune,  Conitantius  &  Conftans,  par 
Conftantin  leur  père;  Junius  Gallus  tk.  Julien,  par 
Conftantius. 

Les  cèfars  étoient  des  efpeces  d'adjoints  ou  artbciés 
à  l'empire ,  participes  imperii  :  ils  portoient  le  manteau 
impérial,  la  pourpre  &  le  diadème,  &  marchoient 
avec  toutes  les  autres  marques  de  la  dignité  fouve- 
raine.  Ils  étoient  créés  cèfars  comme  les  empereurs, 
par  l'endoffement  de  la  robe  de  pourpre. 

La  dignité  de  cèfariuX  toujours  la  féconde  de  l'em-. 


CES 

pire,  jufqu'au  tenis  d'Alexis  Comnené,  qui  en  in- 
vertit Nicéphore  de  Melife  en  conféquence  de  la 
convention  faite  entre  eux  ;  &  comme  il  falloir  néces- 
sairement qu'il  conférât  Une  dignité  fiîpérieure  à  Ion 
frère  Ifaac  ,  il  le  créafebajlocrator,  lui  donnant  en  cet- 
te qualité  la  prefféance  fur  Nicéphore ,  &  ordonna 
que  dans  toutes  les  acclamations  Ilaac  feroit  nom- 
mé le  fécond ,  &  Nicéphore  le  troifieme. 

L'origine  de  ce  titre  fut  le  furnom  du  premier  em- 
pereur, C.  Julius  Céfar,  que  le  fénat  ordonna  par  un 
décret  exprès  que  tous  les  empereurs  porteraient 
dans  la  fuite  :  mais  fous  fes  fucceffeurs  le  nom  d'Au- 
gure étant  devenu  propre  aux  empereurs ,  celui  de 
céfar  fut  communiqué  à  la  féconde  perfonne  de  l'em- 
pire ,  fans  que  l'empereur  ceffât  pour  cela  de  le  por- 
ter. On  voit  par-là  quelle  eft  la  différence  entre  céfar 
purement  &  amplement,  &  céfar  avec  l'addition 
d'empereur  angufle. 

Les  auteurs  font  partagés  fur  l'origine  du  mot  cé- 
far, furnom  de  la  maifon  Julia.  Quelques-uns  d'après 
Servius  le  font  venir  de  cœfaries,  cheveux,  chevelu- 
re ,  prétendant  que  celui  qui  le  porta  le  premier  étoit 
remarquable  par  la  beauté  de  la  chevelure  ;  &  que 
ce  fut  pour  cela  qu'on  lui  donna  ce  furnom.  L'opi- 
nion la  plus  commune  eft  que  le  mot  céjar  vient  à  cœ- 
fo  matris  utero  ;  de  ce  qu'on  ouvrit  le  flanc  de  fa  mère 
pour  lui  procurer  la  naiffance.  V.  Césarienne. 

D'autres  font  venir  ce  nom  de  ce  que  celui  qui  le 
porta  le  premier  avoit  tué  à  la  guerre  un  éléphant, 
animal  qui  fe  nomme  céfar  dans  la  Mauritanie.  Birc- 
herodius  confirme  cette  opinion  par  l'autorité  d'une 
ancienne  médaille  fur  laquelle  eft  reprélcnté  un  élé- 
phant avec  le  mot  céfar. 

Depuis  Philippe  le  fils ,  les  céfars  ajoûtoient  à  leur 
titre  de  céfar ,  celui  de  mbiliffime  ,  comme  il  paraît 
par  plufieurs  médailles  anciennes;  &les  femmes  des 
céfars  partageoient  avec  eux  ce  dernier  titre ,  com- 
me celles  des  empereurs  portoient  le  nom  d'auguf- 
tes.  (G) 

CÉSARÉE ,  f.  f.  (Géog.  anc.  &  mod.)  ville  de  Pa- 
leftine,  d'une  fituation  très-avantagèufe  le  long  de 
la  mer ,  auparavant  appellée  la  tour  de  Straton  ;  dans 
la  fuite  Flavie  Augujh  Céfarée.  Long.  66.  l5.  lat.  J2. 
20. 

C  É  S  A  R  É  È ,  ville  de  Cappadoce ,  anciennement 
Maiaca,  &  antérieurement  Edeffe  la  Parthienne;  fé- 
lon quelques-uns  Apamia  ;  félon  d'autres  ou  YErfe- 
ron,  ou  le  Jifaria,  ou  le  Caifaire  d'aujourd'hui. 

Césarée  de  Philippe,  auparavant Paneas ,  au  pié 
du  mont  Liban,  vers  les  fources  du  Jourdain,  &  les 
confins  de  la  Cœlefyric,  aujourd'hui  Behnc ,  ou 
Bolbec. 

CÉSARÉE  fur  la  mer,  ancienne  capitale  de  Mauri- 
tanie ;  il  en  refte  des  ruines  fort  étendues  :  on  croit 
que  c'eft  la  Jol  de  Pline ,  de  Ptolomée  ,  év  de  Pompo- 
nius  Mêla. 

CÉSARIENNE  (Opération)  ou  SECTION,  eft 
une  opération  de  Chirurgie ,  qui  connfte  à  tirer  le  fœ- 
tus de  la  matrice  par  une  ouverture  faite  à  Y  abdomen 
de  la  mère,  morte  ou  vivante.  Voyc^  Accouche- 
ment. Les  Grecs  appellent  cette  opération  ûçiprnpw 

T0Kia.OUvc-if.CT0/ULi*.  ^oye-  NAISSANCE,  UTERUS  ,  &C. 

II  eft  conftaté  par  l'expérience  que  les  plaies  des 
mulclcs  de  l'épigaltre  du  péritoine,  tk  celles  de  la 
matrice,  ne  font  pas  mortelles  ;  enforte  qu'il  y  a  des 
cas  où  l'on  peut  hafarder  d'ouvrir  Vabdomen  de  la  mè- 
re, pour  donner  paffage  à  L'enfant.  Ceux  qui  naiflént 
de  cette  manière  l'ont  appelles  cafarts  ou  cœfones ,  à 
tœfo  matris  utero,  tels  qu'ont  été  C  .  Julius  (  éfar  ,  Sci- 
pion  l'Africain ,  Manlius,  &  Edouard  VI.  roi  d'An- 
gleterre, f'oye-  CÉSAR. 

Cette  opération  fe  pratique  dans  deux  circonflan- 
ces  différentes  :  i°.  lorsqu'une  femme  meurt  par  quel- 
qu'accident  dans  le  cours  de  fa  groiïeffc  ;  il  n'y  a  point 
Jonu  II, 


CES 


867 


alors  d'inconvénient  à  la  mettre  en  ufage,  puifque 
c'eft  la  feule  voie  de  fauver  l'enfant.  Il  n'y  a  point  de 
conteftation  fur  ce  point  ;  tous  les  auteurs  en  en  con- 
venant, affùrent  qu'il  ne  faut  pas  perdre  de  tems, 
&  que  l'on  ne  peut  trop  fe  hâter  de  faire  l'opération 
céfarienne. 

x°.  Lorfque  la  femme  eft  vivante,  on  ne  doit  dans 
ce  cas  fe  déterminer  à  lui  faire  cette  opération  ,  que 
lorfqu'on  eft  fur  de  l'impoffibilité  ablblue  de  l'accou- 
chement par  les  voies  ordinaires  avec  les  fecours 
auxiliaires  qu'on  peut  employer  dans  différens  cas. 
Foye{  Accouchement. 

Les  caufes  de  cette  impoffibilité  viennent  de  là 
mauvaife  conformation  des  os  du  baffin  de  la  mère  , 
qui  rend  le  paffage  trop  étroit  ;  les  tumeurs  skirrheu- 
les  du  vagin ,  &  les  exoftofes  des  ifchions  peuvent 
produire  le  même  effet.  Quelques  auteurs  y  joignent 
la  groffeur  extraordinaire  du  fœtus  &  fa  conforma- 
tion monftrueufe.  Quand  l'impoffibilité  de  l'accou- 
chement vient  du  défaut  naturel  ou  contre  nature 
des  organes  de  la  mere ,  il  faut  nécessairement ,  pour 
lui  fauver  la  vie  &  à  fon  enfant ,  faire  une  incilion  à 
la  matrice  pour  tirer  celui-ci.  Les  mauvaifes  raifons 
de  quelques  auteurs  contre  une  opération  fi  utile , 
tombent  par  les  faits  qui  en  affùrent  la  poffibilité. 
On  trouve  dans  le  premier  volume  des  Mémoires  de 
l'académie  royale  de  Chirurgie ,  des  recherches  de  M. 
Simon  lur  l'origine  de  X opération  céfaiiennt ,  il  rap- 
porte les  différentes  difputes  qu'elle  a  occafionnées  , 
&  les  autorités  &  les  faits  qui  font  juger  du  fuccès 
qu'on  peut  en  attendre.  Il  n'oublie  pas  de  faire  ufage 
d'une  obfervation  de  M.  Soumain  qui  a  fait  cette  opé<- 
rationen  1740,  en  préfence  des  plus  habiles  accou- 
cheurs de  Paris,  à  une  femme  âgée  de  trente-fept 
ans,  qui  n'a  que  trois  pies  &  un  pouce  de  hauteur. 
L'étroiteffe  du  baffin  &c  fa  conformation  irréguliere 
ont  déterminé  tous  les  confultans  à  propofer  i 
tion  qui  a  eu  tout  le  fuccès  poilible. 

L'opération  céfarienne  eft  néceffaire  dans  un  cas  par- 
ticulier dont  on  a  quelques  exemples  ;  c'eft  la  chute 
de  l'enfant  dans  le  ventre  par  la  rupture  de  la  matri- 
ce. Un  Chirurgien  certain  de  la  groffeffe  d'une  fem- 
me, fe  décidera  fort  aifément  iur  ce  cas  lorfqu'il  fe 
fera  allure  que  l'enfant  n'eft  plus  dans  la  matrice. 
Saviàrd  ,  Chirurgien  en  chef  de  l'Hôtel-Dieu  de 
Paris,  donne  un  exemple  de  cet  accident  ;  1 

taon  vingt-cinquième.  On  en  trouve  de  pareilles 
dans  les  Mémoires  de  L'académie  royale  des  Sciences. 

Les  fuccès  démontrés  de  Y  opération  cefuienne,  ont 
fait  croire  qu'il  falloir  la  mettre  en  ufage  dans  toutes 
les  circonstances  où  l'enfant  ne  pouvoit  fortir  ;  ce- 
pendant fi  la  difficulté  vient  de  ion  volume  extraor- 
dinaire ou  de  la  conformation  monltrueule  bien  re- 
connue ,  il  femble  qu'il  feroit  plus  à  propos ,  lorfqu'on 
eft  allure  de  la  mort,  de  faire  ufage  des  crochet- ,  qui 
bien  dirigés,  mettent  moins  e  la  vie  de  la 

mere, que  Vopèrab  ..  (   eu  la  pratique  la 

plus  iuivie.  foyer  Crochet. 

Pour  faire  Y  opération  céfariauu,  il  faut  coucher  la 
femme  fur  le  dos ,  la  tête  ce  la  poitrine  plus  ( 
que  le  relie  du  corps  ;  elle  fera  lur  le  bord  de  Ion  lit. 
On  préférera  d'opérer  fur  le  cote  qui  paraîtra  le  plus 
éminent;  il  faut  taire  l'incifion  longitudinalement le 
long  du  bord  extérieur  du  mufcle  droit,  ou  ce  qui  eft 
plus  facile  à  fixer,  entre  l'ombilic  ce  l'épine  anté- 
rieure 6c  fupérieure  de  l'os  des  îles,  l'ir.ciiion 1  doit 
environ  fix  à  fepi  pi  ucej  de  longueur  fuiyant 
les  fujets.On  recommande  un  biftou  préfère 

un  biftouricourbetranchantfurfacon#xité:  m 
avons  fait  remarquer lesavantages au  m<  ••. 

I  'iiu'ilion  intérefle  la  peau,  la  graifie,  les  mufcles 
obliques  &.-  tranfverfes  du  bas-ventre,  &  le  péritoi- 
ne. H  faut  incifer  avec  précaution  lorfqu'on  coupe  le 
péritoine,  de  crainte  de  Méfier  les  inteftins,que  les 
1  R  R  r  r  r  ij 


fo8 


CES 


C  E 


S 


cris  de  la  fouffrante  pouffent  vers  la  plaie  :  fi  les  in- 
térims fe  présentent ,  on  a  loin  de  les  faire  contenir 
par  un  aide  avec  une  compreffe  trempée  dans  du 
vin  chaud.  L'opérateur  inciié  alors  la  matrice  anté- 
rieurement au  milieu  de  l'a  partie  latérale.  Dès  qu'il 
a  pénétré  dans  fa  cavité,  il  aggrandit  fuffifamment 
la  plaie  avec  un  billouri ,  ou  des  cifeaux  conduits 
.par  le  doigt,  ou  une  fcnie  cannelée;  il  ouvre  en- 
fuite  les  membranes ,  dont  il  tire  l'enfant ,  &  déta- 
che l'arriere-faix.  Il  faut  ouvrir  la  matrice  avec  beau- 
coup de  précaution  s'il  y  a  long-tems  que  les  eaux 
foient  écoulées ,  parce  que  dans  ce  cas  la  matrice  & 
les  membranes  font  exactement  collées  fur  le  fœtus , 
qu'on  rifqueroit  de  bleffer  fi  l'on  prcnoit  peu  de  me- 
ïure. 

Lorfqu'on  a  fait  l'extraction  de  l'enfant  &  du  pla- 
centa ,  on  lé  fert  d'une  éponge  fine  trempée  dans  du 
vin  tiède  &c  fuffifamment  exprimée ,  pour  pouvoir 
enlever  le  fang  &  les  humeurs  épanchées.  On  aban- 
donne la  matrice,  qui  par  fa  contraction  diminue 
considérablement  de  volume. 

L'appareil  conlîife  en  comprennes  &  en  un  banda- 
ge unifiant  ;  les  auteurs  confeillent  la  gaftrcraphie 
ou  future  du  ventre  :  mais  ce  moyen  cft  très-doulou- 
reux ;  le  bandage  peut  fuffire  pour  la  réunion  des  lè- 
vres de  la  plaie  ;  l'affaillèment  du  ventre  contribue 
à  la  facilité  de  cette  approximation.  On  fait  iur  le 
ventre  des  fomentations  émollientes&  anodynes,  & 
on  employé  tous  les  moyens  capables  de  prévenir 
l'inflammation. 

L'opération ,  comme  nous  venons  de  le  rapporter, 
eft  dans  un  lieu  d'élection  ;  elle  le  peut  faire  dans  un 
lieu  de  nécelïïté  :  nous  avons  des  exemples  de  fœtus 
conçus  hors  de  la  matrice  ,  ou  qui  en  font  fortis  ,  Se 
qui  ont  produit  des  abfcès  qu'on  a  ouverts  dans  le 
lieu  où  ils  fe  font  manifeités  ,  &  dont  on  a  tiré  heu- 
reufement  &  fans  mauvaife  fuite  les  débris  d'un  en- 
fant. Voye{  Bartholïn  de  ïnjoiitis  partus  vitiis.   (.T) 

CESENE  ,  (  Géog.  )  ville  d'Italie  de  l'état  de  L'E- 
glife ,  dans  la  Romagne  ,  fur  le  Savio.  Long.  Z9.46. 
lat.  44.  8. 

CESSARES  ,  (  Géog.  )  peuple  de  l'Amérique  mé- 
ridionale ,  dans  la  terre  Magellanique ,  à  l'orient  de 
la  Cordillera  de  los  Andes. 

CESSE ,  (  Géog.  )  rivière  du  duché  de  Luxem- 
bourg, qui  fe  précipite  dans  un  abîme  près  de  Ham, 
&  après  avoir  coulé  une  lieue  fous  la  terre,  reparoit 
de  nouveau  ;  ce  qui  mérite  bien  d'être  vérifié. 

Cesse  ,  (  Géog.  )  petite  rivière  de  France  dans  le 
Languedoc  ,  qui  fe  perd  dans  l'Aude. 

CESSENON ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France  dans 
le  bas  Languedoc. 

*  CESSER ,  DISCONTINUER  , FINIR ,(Gram. 
Synon.  )  termes  relatifs  à  la  durée  fucceffive  d'une 
action.  On  finit  en  achevant;  on  cejje  en  abandon- 
nant ;  en  ai/continue  en  interrompant.  Pour  finir  l'on 
difeours  à  propos ,  il  faut  prévenir  le  moment  où  l'on 
ennuyeroit  :  on  doit  ccjfier  fa  pourfuite,  quand  on  s'ap- 
perçoit  qu'elle  elt  inutile  ;  il  faut  dijeontinuer  le  tra- 
vail ,  quand  on  eft  fatigué.  Voyc\  les  Syn.  Franc, 

CESSIBLE,  adj.  (  terme  de  D roit.~)  fe  dit  de  tout 
ce  qui  peut  être  cédé  ou  tranfporté  d'une  perfonne 
à  une  autre  :  ainiî  l'on  dit  que  le  droit  de  retraire  féo- 
dalement  eft  ceffïUe ,  &c. 

CESSION  ,  f.  f.  (en  Droit.  )  le  dit  en  général  de 
tout  acte  par  lequel  quelqu'un  ,  propriétaire  d'un 
effet  ou  d'un  droit ,  le  tranfporté  à  un  autre.  Dans 
l'ufage  ordinaire  il  lignifie  la  même  chofe  que  tranf- 
port.  J-'oye*  Transport. 

Pour  les  autres  manières  de  tranfporter  à  quel- 
qu'un la  propriété  d'un  bien ,  d'un  effet ,  ou  d'un 
droit,  voyei  Vente  ,  Echange  ,  Donation, 
Legs  ,  Subrogation  ,  &c 

Cession  ,  dans  un  iens  plus  particulier ,  eft  un 


abandonnement  qu'on  fait  de  tous  fes  biens  en  juftr* 
ce  à  fes  créanciers  pour  éviter  la  contrainte  par 
corps. 

Le  débiteur  ne  peut  être  admis  au  bénéfice  de 
ceffion  ,  qu'en  vertu  de  lettres  du  Prince ,  entérinées 
en  jultice  contradictoirement  avec  les  créanciers  ;  & 
pour  l'obtenir,  il  faut  qu'il  ne  lui  relie  aucune  ref- 
lource  pour  payer ,  &  qu'on  ne  puifle  pas  lui  repro- 
cher de  friponnerie  ou  de  fraude. 

La  cejjïon  emporte  note  d'infamie  ,  "&  obligeoit  à 
porter  un  bonnet  verd  en  tout  tems  ;  faute  de  quoi,  le 
débiteur  pris  fans  l'on  bonnet ,  pouvoit  être  conftitué 
prifonnier.  Ce  bonnet  étoit  un  emblème  qui  fignifioit 
que  celui  qui  avoit  fait  cejffion  de  biens  étoit  devenu 
pauvre  par  fa  folie  :  cet  ufage  ne  s'obferve  plus. 
Voye-^  Bonnet. 

Il  faut  feulement  afin  que  la  ceffîon  foit  notoire  ,  lt 
c'ell  un  marchand  qui  eft  ceffionnaire  ,  qu'elle  foit 
publiée  à  la  jurifdiction  confulaire  ,  ou  à  l'hôtel-de- 
ville  s'il  n'y  a  pas  de  juges-confuls  dans  le  heu  de  fon 
domicile  ,  &c  inférée  dans  un  tableau  public.  Quel- 
ques coutumes  même  veulent  qu'elle  foit  publiée 
dans  la  paroiffe  du  ceffionnaire. 

A  Lucque ,  c'eftun  bonnet  jaune  qu'on  porte  après 
avoir  fait  ceffîon,  au  lieu  d'un  verd. 

Les  Jurifconlùltes  Italiens  nous  ont  confervé  une 
manière  de  faire  ceffîon  ,  inftituée  par  Céfar ,  qui  con- 
filloit  à  fe  frapper  trois  fois  le  derrière  à  cul  nud  en 
prélénee  du  juge  fur  une  pierre  qu'on  appelloit  la- 
pis vituperii  ;  parce  qu'après  cette  cérémonie  ,  le  cef- 
fionnaire étoit  inteltable  &  incapable  de  rendre  té* 
moignage. 

Autrefois  on  faifoit  quitter  en  juftice  la  ceinture 
&  les  clés  à  ceux  qui  faifoient  ceffîon  ;  les  anciens 
ayant  coutume  de  porter  à  leur  ceinture  les  princi- 
paux inftrumens  avec  lefquels  ils  gagnoient  leur  vie  : 
comme  un  homme  de  plume  ,  fon  écritoire  ;  un  mar- 
chand ,  fon  efcarcelle  ,  &c.  Voyt^  Banquerou- 
tier &  Ceinture. 

Voici  encore  une  manière  dont  fe  faifoit  la  ceffîon 
chez  les  Romains  &  les  anciens  Gaulois  :  celui  qui 
faifoit  cejjïon  ,  ramalïbit  dans  l'a  main  gauche  de  la 
pouffiere  des  quatre  coins  de  la  maifon  ;  après  quoi , 
fe  plantant  fur  le  feuil  de  la  porte ,  dont  il  tenoit  le 
poteau  de  la  main  droite ,  il  jettoit  la  pouffiere  qu'il 
avoit  ramaffée  par-deiTus  les  épaules  ;  puis  fe  dé- 
pouillant nud  en  chemife ,  &  ayant  quitté  fa  ceintu* 
re  &  fes  houfeaux  ,  il  fautoit  avec  un  bâton  par- 
deffus  une  haie  ;  donnant  à  entendre  par-là  à  tous  les 
affiltans  ,  qu'il  n'avoit  plus  rien  au  monde ,  &  que 
quand  il  fautoit ,  tout  lbn  bien  étoit  en  l'air.  Voilà 
comment  fe  faifoit  la  ceffîon  en  matière  criminelle  : 
mais  en  matière  civile ,  celui  qui  faifoit  cejjïon ,  met- 
toit  feulement  une  houffine  d'aune ,  ou  bien  un  fétu, 
ou  une  paille  rompue  fur  le  feuil  de  la  porte ,  pour 
marque  qu'il  abandonnoitfes  biens.  Cette  cejjïon  s'ap- 
pelloit  chrenecruda  per  durpillum  &  jejlucam  ,  ceffion 
par  le  feuil  &  par  le  fétu.  Voye^  Investiture. 

Il  y  a  plufieurs  dettes  pour  leiquelles  on  ne  peut 
pas  être  reçu  à  faire  cejjïon  de  biens  ;  telles  font  celles 
qui  ont  pour  caufe  un  dépôt  de  deniers ,  foit  publics 
ou  particuliers,  &  généralement  toutes  celles  qui 
font  accompagnées  de  dol  &  de  perfidie  de  la  part  du 
débiteur.  On  exclut  auffi  du  bénéfice  de  ceffion  celui 
qui  eft  condamné  en  une  amende ,  ou  des  dommages 
&  intérêts  pour  crime  de  délit  ;  les  marchands  qui 
achettent  en  gros  pour  vendre  en  détail  ;  les  étran- 
gers, les  maîtres  pour  les  ialaires  de  leurs  lerviteurs, 
les  proxénètes ,  les  ftellionataires ,  les  débiteurs  de 
fermages  ou  de  deniers  royaux  ,  6c  pluiieurs  autres  ; 
enforte  que  le  bénéfice  de  ceffîon  eft  devenu  prefque 
inutile  depuis  l'ordonnance  qui  a  déchargé  des  con- 
traintes par  corps. 

La  ceffîon  de  biens  ne  libère  pas  le  débiteur  j  de« 


C  E'S 

forte  que  s'il  acquiert  de  nouveaux  biens ,  fes  créan- 
ciers les  peuvent  faire  failir  pour  être  payés  ;  feule- 
ment ils  font  obligés  de  lui  laifîer  de  quoi  vivre.  (AT) 
CESSION  ,  (en  Droit  canon.  )  eft  la  vacance  d'un 
bénéfice  provenant  d'une  forte  de  réfignation  tacite, 
6c  qui  fe  préfume  lorfque  le  bénéficier  fait  quelque 
action  ou  entreprend  quelque  charge  incompatible 
avec  le  bénéfice  dont  il  étoit  pourvu  ,  &  cela  fans 
difpenfe. 

La  vacance  d'un  bénéfice  par  l'élévation  du  béné- 
ficier à  I'épifcopat ,  au  lieu  de  s'appeller  ceffion ,  s'ap- 
pelle création  :  ainfi  dans  ce  cas ,  on  dit  que  tel  béné- 
fice eft  vacant  par  création.  Voyc^  Création.  (//) 

Cession  ,  terme,  de  Librairie  :  Quand  un  Libraire 
ou  tout  autre  particulier  a  obtenu  le  privilège  du  Roi 
pour  l'impreffion  d'un  ouvrage,  il  peut  tranfporter 
fes  droits  en  tout  ou  en  partie  fur  ce  privilège  ,  & 
ce  tranfport  s'appelle  ceffion.  Une  cdjîon  pour  avoir 
la  même  authenticité  qu'un  privilège  ,  doit  fuivre 
les  mêmes  lois ,  6c  être  enregiilree  à  la  chambre 
royale  &  fyndicale  des  Libraires. 

Le  droit  que  l'on  acquiert  par  une  telle  cejjion  eft 
abfoiument  le  même  que  celui  donné  par  le  privilè- 
ge ,  &  peut  lui-même  être  transporté  &  foùdivifé  à 
l'infini. 

II  eft  de  loi  ou  d'ufage  que  les  cefions  foient  impri- 
mées dans  les  livres  à  la  fuite  du  privilège. 

CESSIOxMNAIRE  ,  f.  m.  (  Commerce.  )  celui  qui 
accepte  &  à  qui  on  fait  une  ceffion  ou  tranfport  de 
quelque  chofe.  Foye^  Cession  &  Transport. 

Cifflonnaire  fe  dit  encore  d'un  marchand  ou  autre 
perfonne  qui  a  fait  ceffion  ou  un  abandonnement  de 
tous  fes  biens  ,  foit  volontairement ,  ioit  en  juftice. 
Voyc^  Cession. 

Les  biens  acquis  par  un  ceffionnaire  judiciaire  de- 
puis fa  ceffion ,  foit  par  fucceffion ,  donation ,  ou  au- 
trement ,  font  toujours  affectés  &  obligés  à  fes  créan- 
ciers jufqu'à  concurrence  de  ce  qui  peut  leur  être  dû 
de  relie ,  fans  toutefois  qu'ils  puilîènt  exercer  aucune 
contrainte  par  corps  contre  lui. 

Lorfqu'un  ceffionnaire  a  entièrement  payé  fes  det- 
tes, il  peut  être  réhabilité  par  des  lettres  du  prince. 
Mais  jufque-là  il  eft  inhabile  à  poiléder  ou  exercer 
aucune  charge  publique.  Dictionnaire  de  Commerce , 
tom.  II.  pa«.  zj3.  (G) 

CESTE  ,  f.  m.  (  Hijt.  anc.  )  étoit  un  gros  gantelet 
de  cuir ,  garni  de  plomb ,  dont  les  anciens  athlètes 
fe  fervo'ient  dans  leurs  exercices,  foyer  Athlètes  , 
&  nos  Planches  a" Antiquités  ,  avec  leur  explication.  On 
l'appelloit  ainli  à  cœdendo ,  je  bats  ,  je  frappe. 

Calepin  a  cru  que  c'étoit  une  maflite ,  de  laquelle 
pendoient  des  balles  de  plomb  attachées  par  des  mor- 
ceaux' de  cuir.  Il  le  trompe  ,  car  c'étoit  feuleméntuné 
longe  de  cuir  garnie  de  clous ,  de  plomb,  ou  de  fer  , 
dont  on  entouroit  la  main ,  en  forme  de  liens  croifés , 
&  même  le  poignet  &  une  partie  du  bras  ,  pour  em- 
pêcher qu'ils  ne  fuffent  rompus  ou  démis  ,  ou  plutôt 
afin  de  porter  des  coups  plus  vioîens.  Scaliger  fon- 
dé fur  l'autorité  de  Scrvius ,  a  prétendu  que  le  cefte 
couvroit  une  partie  des  épaules  :  mais  dans  tous  les 
anciens  monumens ,  les  difFérens  contours  des  cour- 
Toics  dont  la  main  des  lutteurs  eft  armée  ,  ne  pa- 
roiflent  pas  monter  plus  liant  que  le  co 

Les  Grecs  défignoient  cette  forte  d'armes  par  qua- 
tre noms  difFérens  ;  favoir  i/xa.mç  ,  pv 
x«.i ,  &  <rS'j,7fxi.  Le  plus  ordinaire  étoit  celui 
f  -  .  qui  ligmiie  à  la  lettre  des  courroies  ;  ils 
faits  de  cuir  de  bœuf  non  corroyé  ,  defieché ,  &  par 
conlèquent  très-dur.  On  a  voit  donné  ai 
tic  fjivp/My.ti,  non  que  les  armes  euffent  aucune  ref 
femblance  avec  la  figure  des  fourmis  (  jui-tuwic  ) , 
mais  parce  qu'on   fentoit  dans  les  parties  qui  en 
étaient  frappées  des  picotemens  tout  pareils  à  ceux 


CES  869 

que  caufent  ces  infeftes.  La  troifieme  cfpece  ,  ou  les 
mtiltques ,  étoit  la  plus  ancienne  chez  les  Grecs  :  c'é- 
toit un  fimple  lacis  de  courroies  très- déliées  ,  qui 
enveloppant  uniquement  la  main  dans  le  creux  de 
laquelle  on  les  attachoit ,  laiffoient  le  poignet  &  les 
doigts  à  découvert.  On  conjecture  que  la  quatrième 
efpcce  étoit  moins  un  gantelet,  qu'une  pelote  que  les 
athlètes  ferroient  dans  leurs  mains  ,  &  qtii  n'étoit 
en  ufage  que  dans  les  gymnafes  ,  pour  tenir  lieu  du 
ce/le  qu'on  employoït  dans  les  combats ,  à-peu-près 
comme  dans  nos  falles  d'armes  on  fe  fert  de  fleurets 
au  heu  d'épées.  Mém.  de  V Ac.  des  B.  L.  t.  III.  (G) 

*  Ceste  ,  (Mytli.  )  ceinture  myftérieufe  dont  l'i- 
magination d'Homère  a  faitpréfentà  Venus.  Ses  deux 
eflets  les  plus  merveilleux  étoient  de  rendre  aimable 
la  perfonne  qui  la  portoit  aux  yeux  de  ceux  mêmes 
qui  n'aimoient  plus.  L'hymen ,  le  plus  grand  ennemi 
de  la  tendrefle  ,  n'étoit  pas  à  l'abri  de  Yon  preftige  ; 
ainfi  que  Jupiter  s'en  apperçut  bien  fur  le  mont  Ida. 
Mercure  fut  acculé  de  l'avoir  volée.  Le  mot  cefh 
vient  du  Grec  ntç-iç,  ceinture,  ou  autre  ouvrage  fait  à 
l'aiguille  ;  &  de  cep  on  fait  incefle ,  qui  fignifie  au  {im- 
pieceinture  déliée  ;  &  au  figuré,  concubinage  ou  forni- 
cation en  général.  On  a  reftreint  depuis  ce  terme  à  la 
fornication  entre  perfonnes  alliées  par  le  fan».  Fuyez 
Inceste.  °      j  l 

*  C'EST  POURQUOI  ,  AINSI  ,  (Gramm.  Syn.  ) 
termes  relatifs  à  la  liaifon  d'un  jugement  de  l'efprit 
avec  un  autre  jugement.  C  eft  pourquoi,  dit  M.  l'abbé 
Girard  ,  dans  fes  Synonymes  François ,  renferme  dans 
fa  lignification  particulière  un  rapport  de  caufe  6c 
d  effet  ;  &  ainfi  ne  renferme  qu'un  rapport  de  pré- 
milles  &  de  conféquence.Les  femmes  font  changean- 
tes ;c' eft  pourquoi  les  hommes  deviennent  incon 
nous  leur  donnons  la  liberté  ,  ainfi  nous  pan 

les  eftimer  plus  que  les  Orientaux  qui  les  enferment. 
C  eft  pourquoi  fe  rendrait  par  cela  ej  >our  la- 

quelle j  6c  ainfi,  par  cela  étant.  La  dernière  dec 
prenions  n'indique  qu'une  condition.  L'exemple  fui- 
vant  où  elles  pourroient  être  employées  toutes  deux, 
en  fera  bien  fentir  la  différence.  Je  puis  dire 
avons  quelqu  affaire  à  la  campagne ,  ainli  nous  p. 
demain  s' il  fait  beau;  ou  c'eft  pourquoi  / 
demain  s'il  fait  beau.  Dans  cet  exemple  ,  ainfi  ic  rap- 
porte à  s'il  fait  beau,  qui  n'eft  que  la  condition  du 
voyage  ;  6c  c'eft  pourquoi  ,  fe  rapporte  .-. 
quelqu  affaire ,  qui  eft  la  caufe  du  voyage. 

*  CESTROSPHENDOXUS ,  (  ffift.  a 

de  trait  fort  femblable  a  une  flèche,  compote  d'un 
fer  pointu,  mis  au  bout  d'un  manche  de  bois  d'une 
demi-coudée  de  longueur.  Les  premiers  furent  in- 
ventés par  les  Macédoniens,  qui  s'en  fervirei 
fuccès  dans  la  guerre  de  Perlée  contre  les  Romains , 
6c  les  incommodèrent  considérablement. 

CESURE,  f.  f.  (  Gram.  )  ce  mor  vient  du  Latin 
çœfura,  qui  dans  le  lens  propre  lignifie  incifwn  ,  cou- 
rt ,  couper .  tailler  ;  au  lupin 
..Ce  mot  n\  ,  parmi 

nous  que  par  allufion  &  par  ligure,  quand  on  parle 
de  la  méchanique  du  \  c 

La  cefurt  eft  un  repos  que  l'on  prend  dans  : 
nonciation  d'un  vers  après  un  .     tàin  nombre  de 
fyllabes.  Ce  repo  .    - 

une  cadence  agréable  à  l'oreille  :  ce  font  ces  deux 
motifs  qui  ont  introduit  la  c 
cilité  pour  la  prononciation  . 
pour  l'oreille. 

La  cifure  fépare  le  vers  en  deux  parties  ,  dont  cha- 
cune eft  appellée  hàmJBche ,  c'eft- à-dilt 
moitié  de  vers  :  ce  mot  cil  Grec.  •  •    WISTI- 

:  Alexandrin. 

En  Latin  on  donne  auffi  le  nom 
labe  après  laquelle  eft  le  repos,  6c  cette  û  ilabe  eâ 


870 


CES 


CET 


la  première  du  pié  fuivant  : 

Arma  varumque  cano . .  Troji  qui  primus  ab  oris. 
La  fyllabe  no  eft  la  céfure  t  &  commence  le  troifieme 
pié. 

En  François  la  céfure  ou  repos  eft  mal  placée  en- 
tre certains  mots  qui  doivent  être  dits  tout  de  fui- 
te ,  &  qui  font  enfemble  un  fens  inféparable  ,  ielon 
la  manière  ordinaire  de  parler  &  de  lire  ;  tels  font  la 
prépofition  &  fon  complément-:  ainfi  le  vers  luivant 
eft  défectueux. 

Adieu ,  je  m  en  vais  à  .  .  .  Paris  pour  mes  affaires. 

Il  en  eft  de  même  du  verbe  eft  qui  joint  l'attri- 
but &  le  fujet ,  comme  dans  ce  vers. 

On  fait  que  la  chair  eft . .  .fragile  quelquefois. 

Par  la  même  raifon  ,  on  ne  doit  jamais  difpofer 
le  fubftantif  &  l'adjectif  de  façon  que  l'un  finiffe  le 
premier  hémiftiche  ,  8c  que  l'autre  commence  le  le- 
cond ,  comme  dans  ce  vers. 

Iris  dont  la  beauté . . .  charmante  nous  attire. 

Cependant  fi  le  fubftantif  faifoit  le  repos  du  pre- 
mier hémiftiche  ,  &  qu'il  rut  fuivi  de  deux  adjedtits 
■qui  achevaffént  le  fens  ,  le  vers  feroit  bon  ,  comme  : 

Il  eft  une  ignorance  .  .  .  &  fainte  &falutaire.    Sacy. 

Ce  qui  fait  voir  qu'en  toutes  ces  occafions  la  gran- 
de règle  ,  c'elt  de  confulter  l'oreille  ,  Se  de  s'en  rap- 
porter à  fon  jugement. 

Dans  les  grands  vers ,  c'eft-à-dire  dans  ceux  de 
douze  fyllabes ,  la  céfure  doit  être  après  la  fixieme 
fyllabe. 

Jeune  &  vaillant  héros .  . .  dont  la  haute  fageffe. 
1       13456  7     8    9  10  11  12 

Obfervez  que  cette  fixieme  fyllabe  doit  être  une 
fyllabe  pleine  ;  qu'ainfi  le  repos  ne  peut  le  faire  fur 
une  fyllabe  qui  finiroit  par  un  e  muet  :  il  faut  alors 
que  cet  e  muet  fe  trouve  à  la  feptieme  fyllabe  ,  & 
s'élide  avec  le  mot  qui  le  fuit. 

Et  qui  feul  fans  miniflre  . . .  à  l'exemple  des  dieux 

123456  7 

Soutiens  tout  par  toi-même. . .  &  vois  tout  par  tes  jeux, 

113456  7 

Dans  les  vers  de  dix  fyllabes  ,  la  cêfure  doit  être 
après  la  quatrième  fyllabe. 

Ce  monde-ci  .  .  .  n'eft  qu'une  œuvre  comique 

1  ,  2    3   4 
Où  chacun  fait ,  . .  fes  rôles  différens.    Roufleau. 

1      2    3      4 

Il  n'y  a  point  de  céfure  preferite  pour  les  vers  de 
huit  fyllabes  ,  ni  pour  ceux  de  fept  ;  cependant  on 
peut  obferver  que  ces  fortes  de  vers  font  bien  plus 
harmonieux  quand  il  y  a  une  céfure  après  la  troifie- 
me ou  la  quatrième  fyllabe  dans  les  vers  de  huit  fyl- 
labes ,  &  après  la  troifieme  dans  ceux  de  fept. 

Au  finir .  .  .  de  ta  main  puiftante , 
Grand  Dieu  que  l'homme  étoit  heureux  ! 
La  vérité  toujours  préfente 
1     }  34 
Le  livroit  a  fes  premiers  vœux. 

1  2    3 

Voici  des  exemples  de  vers  de  fept  fyllabes. 
Qu'on  doit  plaindre  une  bergère 

}     •  2,    ,  3 

Si  facile  à  s'allarmer  : 

1  2  3 

Pourquoi  du  plaiflr  d'aimer 

Faut-il  fe  faire  une  affaire  ? 


Quels  bergers .  . .  en  font  autant 
Dans  l'ingrat.  .  .fiecle  oit  nousfbmm.es  ? 
Achante  qu'elle  aime  tant 
Eft  peut-être  un  inconftant 
Comme  tous  les  autres  hommes.    Deshoulieres. 
C'eft  ce  que  l'on  pourra  encore  obferver  dans  U 
première  fable  de  M.  de  la  Fontaine. 
La  cigale  . . .  ayant  chanté 

Tout  fêté , 
Se  trouva  .  .  .  fort  dépourvue. 


Pas  un  feul . . .  petit  morceau 

De  mouche  ou  . . .  de  vermiffeau. 

Elle  alla  .  .  .  crier  famine 

Che^  la  fourmi  fa  voiflne  , 

La  priant .  .  .  de  lui  prêter 

Quelque  grain  .  .  .pourfubfïfter,  &C. 
Au  refte  je  ne  parle  ici  que  des  vers  de  douze ,  de 
dix ,  de  huit ,  &  de  fept  fyllabes  ;  les  autres  font 
moins  harmonieux ,  &  n'entrent  guère  que  dans  le 
chant  ou  dans  des  pièces  de  caprice.  (  F) 

CETACÉE ,  adj.  (  Hift.  nat.  Ichth.  )  on  donne  ce 
nom  aux  poiffons  qui  refpirent  par  le  moyen  du  pou- 
mon ,  qui  s'accouplent ,  qui  conçoivent ,  qui  mettent 
bas  leurs  petits ,  &  qui  les  alaitent  comme  les  ani- 
maux quadrupèdes.  Tels  font  le  dauphin  ,  le  veau- 
marin  ,  la  baleine,  &c.  Willughby,  Hift.pifc.  Voye^ 
Poisson. 

CETERAC,f.  m.  afplenium  ,  (Hift.  nat.  bot.  ) 
genre  de  plante  dont  le  cara&ere  eft  déterminé  par 
la  figure  des  feuilles  qui  font  découpées  en  ondes. 
Tournefort  ,  Inft.  rei  herb.  Voyc{  PLANTE.   (/) 

*  Le  ceterac  adoucit  les  humeurs  acres  par  ion  mu- 
cilage ;  tonifie  les  parties  par  fon  aftri&ion ,  &  réta- 
blit le  ton  des  vifeeres  rélâchés  ;  c'eft  pourquoi  il  paf- 
fe  pour  pectoral  &  apéritif.  11  eft  bon  dans  la  toux , 
l'allhme,  la  jaunifle,  le  gonflement  de  rate,  la  fup- 
preflion  des  urines  ;  macéré  dans  le  vin ,  ou  bouilli 
toit  dans  de  l'eau ,  foit  dans  du  bouillon.  Mathiol  dit 
que  la  pouffiere  dorée  lur  le  revers  de  fes  feuilles, 
prife  avec  le  fuccin  blanc  réduit  en  farine,  dans  le 
lue  de  pourpier  ou  de  plantain  ,  foulage  dans  la  go- 
norrhée.  On  fait  fréquemment  ufage  de  cette  plante 
avec  les  autres  capillaires,  dans  les  décodions  &  les 
bouillons. 

CETINA,  (  Géograph.  )  rivière  de  Dalmatie ,  qui 
prend  fa  fource  dans  laËofnie,  &  le  jette  dans  le 
golfe  de  Venife. 

CETONA,  (Géog.)  ville  d'Italie,  dans  le' territoi- 
re de  Sienne. 

*  CETRA,  (Hift.  anc.)  c'éto'it  le  nom  qu'on  donnoit 
à  une  efpece  de  petits  boucliers  ronds  de  cuir,  dont 
les  Efpagnols,  &  les  anciens  Africains,  le  fervoient 
à  la  guerre.  On  employoit  pour  les  faire  la  peau  de 
l'animal  appelle  orix,  ou  luivant  d'autres  celle  de 
l'éléphant  ;  ces  boucliers  étoient  fort  légers  ;  ils 
étoient  d'ufage  tant  dans  la  cavalerie  que  dans  l'in- 
fanterie. 

CETRARO,  (Géog.  )  petite  rivière  d'Italie,  au 
royaume  de  Napl'es,  dans  la  Calabre  citérieure. 

CEU,  (Géog.)  ville  de  la  Chine,  dans  la  provin- 
ce de  Chanton  ou  Xantung. 

CEVA,  (Géog.)  ville  forte  d'Italie,  dans  le  Pié- 
mont, au  comté  d'Alti,  fur  le  Tanaro.  Long.  zà. 
40.  lat.  44.  zo. 

*  CEVADILLA,  (Hift.  nat.)  les  Efpagnols  don- 
nent ce  nom  à  une  efpece  de  graine  qui  croît  en 
Amérique ,  dans  la  nouvelle  Elpagne  ;  elle  reffemble 
beaucoup  à  de  l'orge ,  hormis  qu'elle  n'elt  que  de  la 
grandeur  de  la  graine  de  lin.  La  cevadilla  vient  fur  un 
épi  qui  eit  tout  femblable  à  celui  de  l'orge  ;  on  la  re- 
garde comme  très-échauffante  &  cauftique ,  aulîi  ne 
la  prend-t-on  point  intérieurement;  on  l'applique 
extérieurement  fur  les  plaies  &  ulcères  gangreneux,' 


C  E  U 

afin  de  ronger  &  brûler  les  chairs  mortes.  On  dît  qu'el- 
le produit  cet  effet  auffi  bien  que  feroit  du  fublimé. 
CEURAWATH,f.  m.  (Hifi.  mod.)  nom  d'une 
feue  de  Benjans  ,  dans  les  Indes ,  fi  infatués  de  l'opi- 
nion de  la  métempfycofe ,  qu'ils  refpe&ent  les  moin- 
dres infe&es.  Leurs  bramines  ou  prêtres  ont  toujours 
la  bouche  couverte  d'un  voile,  de  peur  d'avaler  quel- 
que mouche  ;  &c  ils  ont  également  loin  en  allumant 
de  la  chandelle  ou  du  feu  dans  leurs  maifons,  que 
nul  papillon  ou  moucheron  ne  vienne  s'y  brûler , 
&  de  faire  bouillir  l'eau  avant  que  de  la  boire ,  de 
peur  quelle  ne  contienne  quelques  infe&es.  Du 
refte  il  n'admettent  ni  peines  ni  recompenfes  après 
cette  vie,  dont  les  évenemens,  félon  eux,  ne  dé- 
pendent point  de  Dieu.  Ils  brûlent  les  corps  des  vieil- 
lards ,  &  enterrent  ceux  des  enfans  décédés  au-def- 
fous  de  trois  ans.  Leurs  veuves  ne  font  point  obli- 
gées de  fe  brûler  avec  leurs  maris ,  fuivant  l'ufage  du 
pays,  pourvu  qu'elles  gardent  une  viduité  perpé- 
tuelle. Tous  ceux  qui  font  profeffion  des  fentimens  de 
cette  fette ,  peuvent  être  admis  à  la  prêtrife ,  même 
les  femmes ,  pourvu  qu'elles  ayent  atteint  l'âge  de 
vingt  ans;  car  pour  les  hommes  on  les  y  reçoit  dès 
celui  de  neuf.  Ceux  qui  font  ainfi  engagés  dans  le  fa- 
cerdoce ,  doivent  faire  vœu  de  chafteté ,  porter  un 


C  E  Z 


871 


haht  particulier  ,&  pratiquer  des  auftérités  incroya- 
bles. Tous  les  autres  docteurs  Indiens  ont  beaucoup 
de  mépris  &  d'avcrfion  pour  cette  feue ,  qui  ne  de- 
meure pas  apparemment  en  refte  avec  eux ,  &  dé- 
fendent à  leurs  auditeurs  d'avoir  communication  avec 
les  Ceurawath,  qui  ne  donnent  pas  fans  doute  à  ceux 
qui  les  écoutent,  bonne  opinion  du  commerce  de 
leurs  adverfaires.  Les  mêmes  pallions  produilent  par- 
tout les  mêmes  effets.  (G) 

CEUTA,  (Géog)  ville  forte  d'Afrique,  fur  la  côte 
de  Barbarie,  au  royaume  de  Fez,  dans  la  province 
de  Hasbate,  appartenante  aux  Efpagnols  ;  elle  a  foû- 
tenu  un  fiége  déplus  de  cinquante  ans  contre  les  Mau- 
res. Long.  iy.  10.  lat.  33.36. 

CEZAR,  {Géog.)  rivière  de  l'Amérique  méridio- 
nale, dans  le  gouvernement  de  Sainte  Marthe,  qui 
fe  perd  clans  celle  de  Sainte  Madeleine  :  on  la  nom- 
me auffi  Pompa  tas. 

CEZE ,  (la)  (Géog.')  petite  rivière  de  France  en 
Languedoc ,  qui  roule  des  paillettes  d'or  avec  lbn 
fable. 

CEZIMBRA,  (Géog.)  ville  &  port  de  Portugal , 
dans  la  province  d'Eftramadure ,  à  l'embouchure  de 
la  rivière  de  Zedaon, 


&  1  n   dv    Tome   Second. 


£3*  ^n  Couvera  à  la  fin  du  dernier  Volume  le  Privilège  du  Roi ,  &  les  Approbations  de  la  Théologie  ,  de  la  Philofopliie 
de  la  Jurifprudence  ,  de  la  Médecine,  &  des  autres  parties  de  cet  Ouvrage. 


De  l'Imprimerie  de  Le  Breton,   Imprimeur  ordinaire  DU  ROY. 


NOMS    DES     AUTEURS, 

Avec  la  marque  de  leurs  articles. 


NOUS  avons  déjà  dit ,  &  nous  !e  répétons  encore  ici , 
que  chaque  Auteur  eft  garant  de  l'article  qui  porte  ion 
nom  ,  ou  fa  marque. 

Les  articles  dont  l'Auteur  n'eft  ni  nommé  ni  déligné ,  font 
de  M.  Diderot  ,  ou  de  plutîeurs  Auteurs  qui  en  ont  fourni 
les  matériaux ,  ou  de  différentes  perlonnes  qui  n'ont  pas  vou- 
lu être  connues ,  ou  qui  font  nommées  dans  le  Dilcours  Pré- 
liminaire. 
Voici  maintenant  les  autres  marques. 

*    au  commencement  de  l'article,  M.  D  i  D  E  R  ot. 

,    N  ,  ,    r     ,    „     .  ,        Ç  la  Perfonne  dont  il  eft  parlé 
(-)  a  la  fin  de  1  article ,  \     dans  r Avertiffement. 

(B)  M.   DE    Cahusac, 
(O  M.  l'Abbé  Pestré. 

(D)  M.  Gou  ssier. 

(E)  M.  l'Abbé  DE   LA  CHAPEIIKi 

(jFJ  M.  du  M  a  r  s  a  i  s. 
(G)  M.  l'Abbé  Mail  et. 


H)  M.  Toussaint. 
/ )  M.  Daubentos. 

K)    M.    D'A  RGEN  V  IL  LE, 
L)    M.   T  A  R  I  N. 

M)  M.    M  A  L  O  U  I  N. 

N)  M.  DE  VandenessE. 
O)  M.  d'Alembert. 

P)    M.    BlONDEl. 

Q)  M.  le  Blond. 

R)    M.    L  A  N  D  O  I  S. 

5  )  M.  ROUSSEAU,^  Genève. 
T)  M.  le  Roy. 
V)  M.  É  i  d  o  u  s. 
X)  M.  l'Abbé  Yv  on. 
Y)  M.  L  d  u  I  s. 

Z)   M.   B  E  L  L  I  N. 


ERRATA  pour  le  fécond  Volume. 


A  L'article  BAGUETTE  DIVINATOIRE  ,  ligne  anlcpenul- 
**■  tieme ,  au  lieu  de  Rhabdomancie  ,  lifii  Abaris. 

A  [article  BALLET  ,  ligne  f.  à  compter  d'en-bas  y  au  lieu  de 
en  Grèce  ,  life^  à  Rome. 

A  (article  BARRIERE  ,  ligne  tt.  au  lieu  de  BARRIERE  , 
Traité  de  la  Politique ,  lifeir  Barrière  (  Traité  de  la  )  en 

Politique. 

L'article  Bec-DE-CoRBIN  ejl  défectueux,  en  ce  que  les  gen- 
tilshommes de  ce  nom  ne  fubfiftent  plus. 

A  l'article  BOURRE  (  rouge  de  )  ligne  ;.  au  lieu  de  acide  , 
iifii  alkali. 

A  l'article  BOUSSOLE  ,  à  la  fin ,  ajoûteç ,  qui  les  a  tirés 
du  fpe&acle  de  la  nature ,  tom.  4. 

A  l'article  BRACIIYGRAPHIE  ,  ligne  dernière  ,  au  lieu  de 
Mabillon ,  life\  Manillon. 

A  l'article  BROC  ,  ligne  2.  au  lieu  de  Mazoire  ,  life[  Ma- 
zovie. 

A  l'article  C  A  D  R  A  N  ,  pag.  s  1 8 .  col.  I .  ligne  dernière ,  ail  lieu 
de  BlON  ,  ///è^Bion,  dtfcription  des  infirumens  de  Mathématique. 

A  l'article  C ,  au  lieu  de  Canilii ,  lijèr  Caninii  ;  il  faut  de  mê- 
me mettre  Caninii  pour  Caniùi  dans  un  endroit  de  l'article  Cas. 

A  l'article  CABALE  ,  vers  la  fin  ,  immédiatement  avant  la  let- 
tre (  C  )  ajoûtei  ;  cet  article  eft  extrait  de  l'hiftoire  des  Juifs 
de  Bafnage. 

A  l'article  CAMERLINGUE  ,  ligne  antépénultième  ,  au  lieu 
de  Alexandre  t  H/é{  Annibal  ;  ce  Cardinal  vient  de  mourir. 

M.  Daubenton  nous  a  fait  tenir  Y  Errata  fuivant  des  articles 
d'Hiftoire  naturelle ,  qu'il  n'a  pu  pouffer  que  jufqu'à  la  page 


612  j  parce  que  l'on  n'a  pu  lui  envoyer  le  refte  des  feuilles  ; 
on  en  donnera  la  fuite  dans  le  troiliéme  Volume. 

Pa<>e      23   col.  1  Ug.    63   côtes ,  fi/êj  côtés. 

6  $   au  commencement  de  la  ligne  ,  ajoute^. 
la  queue. 

73  2  69  Borbata  ,  Ufat  Barbota. 

73  gluant ,  life[  eft  gluant. 

74  1  7  au  lote  ,  lijesr  à  la  lote. 
181           2           16  les  corps  ,  lifei  leur  corps. 

16  M.  Barre  ,  life{  M.  Barrere. 
r  186  1  «  la  chair ,  lifii  la  couleur  de  chair. 

187  2  46  Becharn ,  fi/êç  Becharu. 

196  z  48  courvrent ,  lifiç  courrent. 

207  1     55   56  palette  ,  life  patelle. 

294  2  23  au-deflus  ,  life^  au-deflbus. 

367  z  61  a  ,  lifez  y  a. 

369  1  39  de  même , /i/ëf  de  même  que. 

387  2  J2  le  deffbus  du  bec  ,  &  ,  lijei  &  le 

deflbus  du  bec. 
4  ?  t  2  26  côtes ,  li/eç  côtés. 

473  1  43  dans  ,  lijeç  que  dans. 

471  ï  1 5   &  que  les  ,  fi/êç  les. 

503  1  29  lix  pouces ,  life^  (ix  pies. 

586  2  2  il  a,  lije\  il  y  a. 

622  2  10  des,/i/f{de. 

Pag.  850  , première  col.  ligne  40  ,  0  eft  plus  facile  ,  &C  li/ei 
il  eft  auffi. 


Faute  cTimpreJfion  confidérable  ,  omlfe  dans  /'Errata  du  premier  Volume, 
Page  36S.  col.  2.  ligne  41.  ne  peuvent ,  Uft\  ne  veulent. 


CE  Volume  a  un  peu  moins  de  feuilles  qu'on  n'en  a  promis ,  pour  que  la  lettre  CH  ne  foit  point  coupée; 
Quelqu'un  des  Volumes  fuivans  en  aura  davantage. 

Il  eft  facile  de  féparer  dans  ce  Volume  la  lettre  B  de  la  lettre  C  ;  on  en  ufera  de  même  dans  tous  le? 
autres. 

Les  Libraires  ont  fait  faire  des  doubles  de  chaque  Dcffein ,  pour  ne  point  retarder  la  Gravure, 


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